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Full text of "Dictionnaire de théologie dogmatique, liturgique, canonique et disciplinaire"

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ENCYCLOPÉDIE 

ÏHÈOLOGIQUE, 

OD 

SÉRIE  DE  DICTIONNAIRES  SDK  ÏODTES  LES  PARTIES  DE  LA  SCIENCE  RELIGIEDSE  , 

OFFRANT     EN     FKANÇAI8 

LA   PLUS   CLAIRE,    LA   PLUS   lAClLE,  LA  PLUS  COMMODE,  LA    PLIS   VAIUÉE 
ET  LA  l'LUS  COMl'LÈTE  DES  THÉOLOGIES. 

CES   DICTlONNAlKliS  SONT  : 

d'ecbiture  sainte,  db  philologie  sacrée,  de  liturgie,  de  droit  canon,  d'hérésies  et 

DE    SCHISMES,    DES    LIVRES    JANSÉNISTES,    MIS    A    l'iNDEX    ET    CONDAMNÉS,    DES    PROPOSITIONS 

condamnées,    de    conciles,    de    cérémonies     et     DE    RITES,     DE    CAS    DE    CONSCIENCE, 

d'oRORES  RELIGIEUX  (UOMMES  ET  FEMMEs),  DES  DIVERSES  RELIGIONS,  DK  GÉOGRAPHIE 

«AGRÉE     ET     ECCLÉSIASTIQUE,     DE     THÉOLOGIE     DOGMATIQUE    KT    UORAIE,    DE 

JURISPIU'DENCE    RELIGIEUSE,    DES   PASSIONS,     DES    VERTUS    ET     DES    VICES, 

d'hagiographie,  d'astronomie,  de  piivsiyiE  i.t  de  météorologie, 

DES  PÉLE1U>A(;ES   RKLIGIEIJX  ,    d'iCONOGI',  Al'H  lE    RELIGIEUSE,     DE 

CUI.MIE    1:T  DE  MINÉIIALOGIE,   DE  DIPLOM  ATIQUE ,  DE    SCIENCEf 

OCCOLTKS,    de    géologie,    de    CHRONOLOGIE,   DE 

UIOGRAPIllE,    ETC.,    ETC. 

PL'BLIÉE 

PAU   31.  L'ABBÊ  MIGNE  , 

ÊDilTBn»    DE     LA    BIBLIOTHÈQUE    UNIVERSELLE     DU     CLERGÉ, 

ou 
DES   C00R9    COUPC.ETS   SLR    ClIAQliE    DKAXCIIE    DE    LA   SCIENCE   ECCLÉSIASTIQUE. 

PRIX   :   0  FL.    LIi   V(U..    l'dUK    LE  SOUSCIUI'TEUR  A  LA    COLLECTION    ENTIÈRE,   7  FR.,   8    FR.,   ET    MÊME   10    FR.    POUR    lE 
SOUSCJUI'TEUR  A   TEL  OU  TEL  UICTIONSAIRE  l'ARÏICULIER. 


TOME  TRENTE-CINQUIEIdE. 


DEUXIEME    PARTiE. 


DICTIONNAIRE  DE  THÉOLOGIE  DOGMATIQUE 

TOME    QUATRIÈME. 
4  VOL.  PRIX    :    26  FRANCS. 


S'IMPRIME    ET    SE   VEIVD    CHEZ    L'ÊDITEDR, 

AUX  ATfiUERS  CATHOLIOUES  DU  PETIT-MONTROUGE, 

;.  BÀ.RRiËRB   d'enfer    VE    PARIS.     . 
1851 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

Universityof  Ottawa 


http://www.arcliive.org/details/p2dictionnairede35berg 


DICTIONNAIRE 


DE 


THEOLOGIE 

DOGMATIQUE, 

UTURGIQUE,    CANONIQUE    ET    DISCIPLINAIRE, 
NOUVELLE  ÉDITION 

MISE   EN    RAPPORT    AVEC    LES   PROGRÈS   DES    SCIENCES    ACTUELLES; 

RENFERMANT    TOUT    CE    QUI    SE    TROUVE    DANS   LES    ÉDITIONS   PRÉCÉDENTES, 

TANT   ANCIENNES   QVZ    MODERNES,    NOTAMMENT    CELLES    DE    d'aLEMBERT    ET    DE    LIÈGE     SANS   CONTRED 

LES    PLUS    COMPLÈTES, 

MAH  DE   PLUS    ENRICHIE    d'aNNOTATIONS    CONSIDÉRARLES    ET    d'uN    GRAND    NOMBRE    d'aRTICLES   NOUVEADX    SUR   LU 

DOCTRINES    OU    LES    ERREURS    QUI    SE    SONT    PRODUITES    DEPUIS    QUATRE-VINGTS    ANS; 

ANNOTATIONS   kt   ARTICLES 

(jUl  RENDENT  LA  PRÉSENTE  ÉDITION  d'UN  TIERS  PLUS  ÉTENDUE  QUE  TOUTES  CELLES  DU  CÉLÈBHB, 
APOLOCKTE,  CONNUES  JUSQU'A  CE  JOUR,  SANS  AUCUNE  EXCEPTION; 

PAR  M.  PIERROT. 

AHCIEN   PROFESSEUR  DE  PHILOSOPHIE  ET  DE  THiOlOCIE  AU   GKAND  SÉMINAIRE  DB  VERBDn, 

AOTEOR  DU  Dictionnaire  de  TUéologie  morale; 
PUBLIÉ 

PAR   M.    L'ABBÉ    MIGNE, 

ÉDITBDR    DB  I.&  BIBLIOTHÈQUE  U  NIVE  R  BE  LLB  DO  CLBBaÉ, 

OU 
DES  OOVRB  COMPLETS  SUR  CHAQUE  BRANCHE  DE  LA  SCIENCE  ECCLÉSIASTIQDB. 

k    VOLUMES.    PRIX  :  26  FRANCS. 


TOME  QUATRIEME. 


CHEZ  L'EDITEUR, 

4UX  ATELIERS  CATHOLIQUES  DU  PETIT -MONTROUGE, 

BARRIÈRE     d'enfer    DE    PARIS. 

1851  '- 


Imprimerie  d«  HIGNE,  au  r«tit-MeiiUou£e 


DICTIONNAIRE 


DE 


THlOLOGIi  D0G1II1TI«IIË. 


Q 


QUAKER  ,  lorme  anglais  qui  signifie  trnn- 
blenr  :  c'est  le  nom  que  l'on  donne  en  Aii- 
glelerre  à  une  secte  de  visionnaires  enlliou- 
siiistcs ,  à  cause  du  tremblement  et  des 
contorsions  (|u'lls  font  dans  leurs  assem- 
blées ,  lorsqu'ils  se  croient  inspirés  par  le 
Saint-Esprit. 

En  1()'j7  ,  sous  le  règne  de  Charles  I",  au 
milieu  des  troubles  et  des  guerres  civiles 
qui  agitaient  ce  royaume  ,  Georges  Fos , 
lioinrne  sans  élude,  cordonnier  de  profession, 
d'un  caraclère  sombre  et  mélancolique  ,  se 
mit  à  prêcher  contre  le  clergé  anglican , 
contre  la  guerre  ,  contre  les  impôts  ,  contre 
le  luxe,  contre  rusa;;e  de  faire  des  serments, 
etc.  Il  trouva  aisément  des  partisans  dans 
un  temps  auquel  les  Anglais ,  n'ayant  rien 
de  fixe  sur  la  religion  ,  étaient  livres  à  une 
espèce  de  délire  et  de  fanatisme  universel. 
En  prenant  dans  le  sens  le  plus  rigoureux 
tous  les  préceptes  et  les  conseils  de  morale 
do  l'Evangile,  Fox  posa  pour  première  maxi- 
me que  tous  les  hommes  sont  égaux  par 
leur  nature;  il  en  conclut  r|u'il  fiut  tutoyer 
tout  le  monde,  les  rois  aussi  bien  que  les 
charbonniers  ;  (ju'il  faut  suppiiriier  toutes 
les  marques  extérieures  de  res(iecl  ,  comme 
d'ôter  son  chapeau,  de  l'aire  des  révéronce^, 
etc.  2"  Il  enseigna  que  Dieu  donne  à  tous  les 
hommes  une  lumière  intérieure,  sul'Qsanle 
pour  les  conduire  au  salut  éternd;  que  par 
conséquent  il  n'est  besoin  ni  de  prêtres  ,  ni 
(le  pasteurs,  ni  de  ministres  di'  religion  ;  que 
tout  particulier,  hoaiine  ou  lémiiie  ,  est  ea 
éi.ii  l't  en  droit  d'enseigner  et  de  prêcher, 
dès  qu'il  est  inspiré  de  Dieu.  3^  (Jue  pDur 
pai  venir  an  salut  éternel  il  suffit  d'éviter  le 
pcclié  et  de  faire  de  bonnes  œuvres  ;  qu'il 
n'esi  besoin  ni  de  sacrements  ,  ni  de  céré- 
monies ,  ni  de  culte  extérieur.  !»■"  Que  la 
piiicipale  vertu  du  cliréiien  est  la  lem^ié- 
laoce  et  la  modestie  i  (ju'il  faut  donc  relran- 
c!ier  toute  supcrliuiié  dans  l'extérieur,  les 
boutons  sur  les  halills  ,  les  lubans  et  les 
denlelli'S  pour  les  feurnes  ,  etc.  j°  (Ju'il  n'est 
pas  permis  de  fa'r  e  aucun  serment,  de  plaider 
en  justice,  de  faire  la  guerre,  de  porter  les 
armes ,  etc. 

Une  doctrine  qui  affranchissait  les  hom- 
mes de  tout  devoir  extérieur  de  religion, 
qui  autorisait  les  ignorants  et  les  femmes  à 
Dici'.  DD  TiiÉoL.  DaGUATitjut:.  IV . 


prendre  la  place  des  docteurs  ,  n  •  pouvait 
maiiqucr  de  trouver  des  partisans  ;  Fox 
quoique  ignorant  et  visionnaire,  eut  des 
prosélytes.  Quelques  traits  di-  modi'ratioii  , 
qu'il  sut  affecter  lorsqu'il  fut  puni  de  ses  ex- 
travagances ,  achevèrent  de  lui  gagner  la 
populaee. 

Un  des  premiers  apôtres  du  quakérisme 
fut  Guillaume  Penn,  fils  uni(juedii  vice-arni- 
ral  d'Angleterre  ,  jeune  homme  qui  joignait 
à  une  ligure  agréable  beaucoup  d'esprit  et 
d'éloquence  naturelle;  il  se  joignit  à  Georges 
Fox  ,  et  préclia  comme  lui  ;  ils  firent  eiiseln- 
ble  une  mission  en  Hollande  et  en  Allemagne; 
mais  ils  ne  purent  former  en  Hollande"què 
quelques  disciples  qui  ont  été  connus  sous 
le  nom  de  propluHes  ou  prophrtanis ;  ils  eu- 
rent encore  moins  de  succès  en  Allemagne, 
Après  la  mort  de  son  père  ,  Guillaume  l'enu, 
héritier  de  tous  ses  biens,  obtint  pour  indem- 
nité de  ce  qui  hii  était  dû  par  le  gouverne- 
ment d'Angleterre  ,  la  propriété  d'une  pro- 
vint! entière  en  Amérique,  qui  de  .son  nom 
a  été  nommée  Peiisylvanie.  il  y  romluisit 
une  colonie  de  ses  disciples ,  il  y  fonda  la 
ville  de  Philadelphie,  et  lui  donna  des  lois. 

Quelque  aversion  que  les  quakers  eussent 
pour  la  guerre  ,  ils  ont  été  cependant  obliges 
plus  d'une  fois  de  prendre  les  armes  contre 
les  sauvages  qui  dévastaient  leurs  posses- 
sions, et  de  les  poursuivre  comme  des  bêles 
féroces.  On  ne  les  accuse  point  d'avoir  refusé 
de  porter  les  armes  dans  la  dernière  guérie 
pour  la  liberté  de  l'Amérique,  preuve  que 
ceux  d'aujourd'hui  ne  portent  plus  le  fana- 
tisme aussi  loin  (jue  leurs  prédéci  sseurs  ,  el 
qu'iK  ont  été  forcés  de  se  prêier  aux  cir- 
constances. On  convii^nt  en  Angleterre 
qu'en  général  les  quakers  font  prijfcîssio» 
d'une  exacte  probité  ,  et  qu'ils  ont  les  mœurs 
plu-  pures  que  li'  commun  des  Anglais.  Leur 
nombre  diminue  cependant  tous  les  jours  ; 
parce  qu'en  qualité  de  non-cunformistes  ils 
sont  e\clns  des  cliarg'S  et  des  dig.ilés,  cl 
parce  que  le  fanatisme  s'éteint  peu  à  peu  , 
lorsqu'il  n'est  pas  entretenu  par  la  contra- 
diction. Les  quakers  ,  moins  ignorants  que 
leurs  prédécesseurs  ,  et  moins  entêlés  ,  com- 
prennent à  la  lin  que  la  vertu  se  rend  ridi- 
cule par  le  mépris  des  bienséanres. 

i/eloge  de  celle    secte  que    l'on    a    placé 
1 


11  QUA 

dans  l'ancienne  Encyclopédie ,  a  été  copié 
des  Lettres  philosophiques  sur  les  Anglais , 
donl  l'auteur  est  très-connu.  On  sait  que 
dans  ses  ouvrages  il  ne  s'est  jamais  piqiié 
de  sincérité,  qu'il  s'est  proposé  tilntôt  d'a- 
muser ses  lecteurs  que  de  les  instruire. 
L'auleur  de  l'Histoire  des  établissements  des 
Européens  dans  les  Indes  n'a  fait  que  répé- 
Icr  et  aniplificr  les  mêmes  fables.  Moshciin, 
mieux  iiiloriné  et  pllis  en  état  que  ces  écri- 
v,iiiis  frivoles  de  juner  du  qunkérisme ,  on  a 
(ail  riiistoire.  Histoire  ecctés.,  xvir  Siècle, 
^oct.  '2,  II'  part.,  c.  3.  Son  iraducleur  anglais 
y  a  joint  plusieurs  noies  imporlantes.  Pour 
appuyer  ce  qu'ils  disent ,  ces  deux  écrivains 
citent  les  livres  mêmes  des  quakers  et  ceux 
des  témoins  oculaires  ;  ils  sont  certainement 
plus  croyables  que  nos  philosophes  aventu- 
riers. Or  ,  ils  font  voir  : 

1°  Que,  malgré  les  éloges  pompeux  de 
Georges  Fox  et  de  Guillaume  Penn,  faits  par 
leurs  partisans, ces  deux  hommes  n'étaienlrién 
moins  que  des  modèles  de  sagesse  et  de  vertu. 
Le  premierélail  un  fanatiquesédllieux,  qui  né 
respectait  rien,  n'était  soumis  à  aucune 
loi  ,  qui  troublait  l'ordre  et  la  (ranquil- 
lilé  publique  ;  il  était  donc  punissable. 
Cil  a  voulu  persuader  qu'il  avait  soulTert  les 
châtiments  avec  une  patience  héroïque  ; 
c'est  une  fausseté  :  il  esi  constant  que  souvent 
il  a  chargé  d'oiitrages  et  d'injures  les  magis- 
trats qui  voulaient  le  réprimer.  Des  témoins 
qui  ont  cimnu  personnellement  Guillaume 
Penn  disent  qu'il  élait  vain  ,  hâbleur  ,  infa- 
tué du  pouvoir  de  son  éloquence  ,  très  niai 
instruit  en  fait  de  religion.  Nous  ajoutons 
qu'il  n'est  pas  sûr  qu'il  sdil  runi(]ue  auteur 
dis  lois  de  la  Pensylvanie  ,  puisqu'il  avait 
avec  lui  des  hommes  instruits  et  capables  de 
l'éclairer. 

2"  Que  ces  fjunktrs ,  i,ue  l'on  peint  comme 
des  hommes  si  doux  et  si  paciliques  ,  à  qui 
l'on  donne  la  gloire  d'aVoir  posé  pour  pre- 
mier principe  de  religion  la  toléianie  urti- 
verselle  ,  ont  été  cependant,  dès  leur  origine, 
les  fanatiques  les  plus  intolérants  et  les  plus 
mutins  qu'il  y  eut  jamais.  «  Ils  parcouraient, 
dit  Mosheim ,  comme  des  furieux  et  des 
bacchantes,  les  villes  et  les  villages,  décla- 
mant contre  l'épiscopat ,  contre  le  presbyté- 
rianisme ,  contre  toutes  les  religions  établies, 
ils  tournaient  en  dérision  le  culte  public  ,  ils 
insultaient  les  prêtres  dans  le  temps  qu'ils 
olGciaient  ;  ils  hiulaient  aux  pieds  les  lois  et 
les  magistrats  ,  sous  prétexte  qu'ils  étaient 
inspirés  :  ils  excitèrent  ainsi  des  troubles 
affreui  dans  l'i.glise  et  dans  l'Etat.  On  ne 
doit  donc  pas  cire  surpris  que  le  bras  sécu- 
IleT  ait  enfin  sévi  contre  ces  fanatiques  lur- 
buténts  ,  et  que  plusieurs  aient  éié  sévère- 
ment punis.  Cromwel,  qui  lnlérail  tomes  les 
sectes  ,  aurait  exierminé  celle-ci ,  s'il  avait 
cru  [iouvoir  en  venir  à   bout.  » 

Le  traducteur  anglais  confirme  ce  récit 
par  des  faits  incoiUest.ibli-s  ;  il  cite  des  traits 
irimpttdence  et  de  fureur  des  femmes  quake- 
resses qui  excitent  l'indignation  Aujourd'hui 
cos  sectaires  et  leurs  panégyristes  passent 
ces  faits  sons  silence ,  ou  cherchent  à   les 


QUA  la 

pallier  ;  mais  ils  ne  parviendront  pas  à  en 
effacer  le  souvenir. 

Le  citoyen  de  Virginie  qui  vient  de  publier 
ses  Recherches  sur  les  Klats-Unis  de  l'Amé- 
rique ,  vienl  à  l'appui  de  Mosheim  et  de  son 
traducteur,  il  prouve  ,  par  des  mémoires 
authentiques  ,  que  (Guillaume  Penn  ne  s'oc- 
cupa jamais  que  de  ses  intérêts  personnels  ; 
qu'il  s'exempta  des  tases  i  lui  et  toute  sa 
postérité  ,  qu'il  employa  Ibùles  les  ressourees 
de  soli  esprit  à  tromper  ses  frères  avant  el 
après  l'émigration  ;  qii'il  leur  détendit  d'a- 
cheter des  terres  des  Indiens  ,  afin  d'en  faire 
le  monopole  ;  que,  pendant  son  séjour  en 
Angleterre  ,  il  entretint  la  discorde  dans  la 
Pensylvanie  par  les  instructions  qu'il  en- 
voyait à  ses  lieutenants  ;  que  ,  rempli  d'idées 
folles  et  capricieuses  qui  le  mettaient  dans 
un  besoin  continuel  d'argent ,  et  abîmé  de 
dettes,  il  allait  vendre  à  Georges  1"  la  pro- 
priété de  rétablissement ,  lorsqu'il  mourut  à 
Londres  d'utie  attaque  d'ap()plexie  ;  qu'enfin 
il  se  rendit  Coupable  loale  sa  vie  d'une  mul- 
titude d'mjustices  et  d'extorsions.  Il  fait  des 
quakers  eii  général  un  portrait  qui  n'est  pas 
fiatteur.  Selon  lui,  leur  mérite  principal 
consiste  dans  l'économie  et  dans  l'application 
aux  affaires  ,  et  ,  en  fait  d'hypocrisie  ,  per- 
sonne ne  les  égale.  Mais  quant  au  commerce, 
la  délicatess(^  et  réi)uité  ne  sont  pas  leure 
vertuii  favorites.  A  la  vérité,  dit-il,  on  trouve 
quelquefois  parmi  eux  des  hommes  de  la 
pr  bité  la  plus  scrupuleuse  ,  qui  méprisent 
l'astuce  et  l'hypDcrisie:  mais  ils  sont  plus 
rares  que  parmi  les  autres  sectes.  Il  e4  fa- 
cile d'êlre  la  dupe  de  leur  extérieur.  Plu- 
sieurs fois  il  e^t  arrivé  que  leur  manière 
réservée  de  contracter,  fondée  sur  leur  reli- 
gion ,  les  a  dispensés  de  tenir   leur   parole. 

3"  Dans  cette  secte,  comme  dans  toutes  les 
autres,  il  y  a  eu  des  disputes  et  des  divisions 
touchant  la  doc irine.  Ceux  de  la  P.iisylva- 
nie,  absorument  maîtres  chez  eux,  ont 
poussé  la  licence  des  opinions  plus  loin  que 
ceux  d'Angleterre,  parce  que  ceux-ci  ont 
toujours  été  contenus  par  la  religion  domi- 
nante et  par  la  crainte  d(!  gouverheraenl. 
Or,  parmi  ces  opinions,  il  y  en  a  de  très- 
impies,  et  la  religion  de  plusieurs  de  ces 
sectaires  a  dégénéré  en  pur  déisme.  MoS" 
hoim,  qui  a  soigneusement  examiné  leur 
système,  l'expose  ainsi  :  La  doctrine  fonda- 
uienlale  des  qwikers,  dit-il,  est  qu'il  y  a 
dans  l'âme  de  lous  les  hommes  une  poriion 
de  la  raison  et  de  la  SageSse  divine;  (|n'il 
suffit  de  la  consulter  ci  de  la  suivre  pour  p.ir- 
venir  au  salut  éternel.  Ils  nommrnt  celle  pré- 
tendue sagisse  céleste,  la  parole  inleine,  le 
Christ  intérieur,  l'opéranon  du  Saint-lispril. 

De  là  il  resuite,  1°  (jue  toute  la  religion 
consiste  à  écouler  et  à  suivre  les  leçons  de 
celle  parole  intérieure,  qui,  dans  le  fond, 
n'est  autre  chose  que  le  fanatisme  de  chaque 
particulier.  2°  Que  l'Ecriture  sainte,  qui 
n'est  que  la  parole  cxieiieure,  ne  nous 
indique  point  la  véritable  voie  du  salut; 
qu'elle  ne  nous  est  utile  qu'autant  qu'elle 
nous  excite  à  écouter  la  voix  intérieure,  à 
prêter    l'oreille   aux    leçons  immédiates  de 


15  QUA 

Jésus-Christ  lorsqu'il  parie  au  dedans  de 
nous,  3*  Que  ceux  inêines  qui  n(?  connais- 
scul  pas  rKviiiigiie,  lois  que  los  juifs,  les 
mnhoiliélans,  les  IndiLMis,  li-s  sauvages,  ne 
sont  p;ls  pour  cela  hors  de  la  voie  du 
Siilul,  p;irce  qu'il  leur  suflii  d'écouter  le 
Miiilrc  ou  le  Christ  iiilérieur  (|ui  parle  a 
leur  âme.  i*  Que  le  royaume  de  Jésiis-(]hrist 
s'él'<nd  à  tous  les  hommes,  puisque  tous 
seul  à  portée  de  recevoir  inlerieuremenl  ses 
leçons  cl  de  coiuiaîire  sa  volonté;  qu'il  n'est 
donc  pas  besoin  d'éire  exlérieureinetit  chré- 
tien pour  être  sauvé.  5"  Qu'il  faut  délourner 
notre  attention  d<"  tous  les  objets  exiérieuis 
qui  peuvent  affecter  nos  sens,  afin  de  nous 
.ippliquer  uniiuement  à  écouler  la  parole 
iiiléncure  ;  qu'il  faut  donc  diminuer  l'empire 
iiui'  le  Corps  a  sur  l'âme,  afin  île  nous  unir 
pins  élroiiement  à  Dieu.  G'  Il  s'ensnil  que, 
quand  nos  âmes  seront  une  fois  délivrées 
d.'  la  prison  de  nos  corps,  il  n'est  pas  croya- 
ble que  Dieu  veui  le  les  y  renferniiT  une 
seconde  lois;  qu'ainsi  l'on  doit  entendre 
dans  un  sens  litiuré  tout  re  (lue  l'iùriture 
dit  de  la  résurrection  future;  ()ue  si  Dieu 
nous  rend  jamais  un  corps,  re  ne  sera  plus 
un  corps  de  chair,  mais  un  corps  céleste  et 
spirituel.  ConséqUeniitient,  7'  les  quakers  ne 
Se  croient  point  absolument  obligés  à  pien- 
dre  dans  uu  sens  ri'el  et  historique  tout  ce 
t|ui  est  dit  d.ins  l'Iîvangile  touciiaut  la  nais- 
sance, les  actions,  les  souffrances,  la  résur- 
rection du  Christ,  ou  l'incarnation  du  Fils 
de  Dieu;  la  piup.irt,  surtout  en  Amérique, 
ente  dent  loul  cela  dans  un  sens  my>li(|ue 
et  figuré  ;  .suivant  lUx,  c'est  senleinenl  une 
image  de  ce  que  le  Christ  inlëricUi-  fait  pour 
nous  sauver  ;  il  naît,  il  vit,  il  agit,  il  soulîre, 
il  meurt,  ressuscite  spirituellement  en  nous, 
elc.  Kn  Europe  même,  plusieurs,  quoique 
avec  plus  de  réserve,  tiennent  encore  le 
même  langage,  qui  est  celui  des  anciens 
gno^liques.  8°  Il  s'ensuit  qu'il  n'est  besoin 
d'aucun  culte  extérieur  de  religion,  qu'il 
suftif  de  r''ndre  au  Christ  inlc;iur  un  culte 
purement  spirituel.  Les  cérémonies  qui  af- 
l'ect.  ni  nos  sens,  telles  que  le  baptême, 
l'cucliari^iie,  le  chant  des  psaumes,  les  létes, 
etc.,  ne  servent  qu'à  détourner  notre  atten- 
lion  et  à  nous  empêcher  d'écouter  les  leçons 
iiilniics  de  la  sagesse  divine.  Puisqu'elle 
parle  à  toutes  les  âiucs,  on  ne  doit  empê- 
cher, ni  les  hommes  ni  les  femmes  de  prê- 
cher dans  les  assemblées  publiques,  lorsque 
ri'^prit  de  Dieu  les  in^pire.  9'  La  morale 
séïère  des  qniikcrs  découh"  encore  du  inême 
principe.  Puisqu'il  esl  nécess.iiro  d'affaiblir 
l'empire  du  corps  sur  l'âme,  il  faut  se  pri- 
ver de  tout  ce  qui  ne  sert  (lu'à  llailer  les 
ïjoùts  sensuels,  se  réduire  au  [lur  nécessai- 
re, modérer  le  goût  pour  L  s  plaisirs  par  la 
raison  et  par  la  mcJîlalioii,  nu  donner  dans 
ïucuiie  es()ècede  lUX|'e  ni  d'excès.  De  là  vient 
parmi  ces  sectaires  là  gravité  de  leur  exté- 
rieur, la  simplicité  rustii|ue  de  b  urs  habits, 
le  ton  alTeclé  de  leur  voix,  la  rudesse  de 
leur  conversation,  la  frugalité  de  leur  table, 
l'ersuadés  que  la  plupart  des  usages  de  la 
\ie  civile  sont  uue  espèce  de  luxe,  que  les 


0U.\ 


\\ 


démonstrations  de  politesse  sont  aes  sigtn  s 
imposteurs,  les  quakers  ne  témoignent  dti 
respect  à  personne,  ni  par  les  formules  de 
civilité  ni  |iar  les  gestes  du  corps;  ils  ne 
donnent  à  personne  aucun  titre  d'Iponneiir, 
ils  tutoient  tout  le  mon  le  sans  exception. 
Jls  refusent  de  porter  les  armes,  de  faire 
serment  en  Justice,  de  comparaître  à  aueuii 
tribunal;  ils  aimeui  mieux  renoncei-  à  la 
défense  d'eux-mêmes,  de  leur  réputation,  de 
leurs  biens,  que  d'accuser  ou  d'attaquer 
personne. 

Mais  en  Angleterre,  les  quakers  enrichis 
par  le  commerce,  et  qui  veulent  jouir  de 
leur  fortune,  se  réconcilient  ai  émeut  avec 
les  mœuis  de  la  société  et  avec  les  plaisirs 
mondains.  Ils  ont  inoil  lié,  dii-on,  et  réformé 
une  partie  des  o|;inious  Iheologiqies  de 
leurs  ancéires,  et  ils  ont  lâché  de  les  rendre 
plus  raisonnables.  Mosheuu  nous  avertit 
enfin  ((ue  pour  juger  de  cette  théologie,  il 
ne  faut  pas  s'en  fier  à  l'exposé  qu'en  a  fait 
Robert  Barclay,  dans  son  Caléclusme  el  A^tiis 
l'Apologie  du  qniikérisme  qu'il  publia  eu 
16'7G.  Cet  auteur  a  passé  sous  silence  une 
bonne  partie  des  erreurs  de  la  seele,  il  en  a 
pallié  et  déguise  d'autres,  ila  employé  toutes 
les  ruses  par  lesquelles  uu  habile  avocat 
peut  défendre  une  mauvaise  cause. 

Celte  histoire  des  quakers  nous  paraît 
donuiT  lieu  à  des  réilexions  importantes.  1" 
La  morale  austère  de  laquelle  ces  sectaires 
font  profession  ne  doit  en  imposera  personne. 
il  en  a  éié  à  peu  près  de  m/'m(!  de  toutes  les 
sectes  naissantes,  encore  laibles,  qui  avaient 
un  vil  inlerêt  à  racheter  l'absurilite  de  h  urs 
do;;mes  par  la  rigueur  de  leur  morale  ei 
par  la  régularilê  de  leur  eonJuite  ;  sans  ci  tie 
ressource  politique  ,  elles  n'auraient  pas 
subsisté  lon;,'tenips.  L'  ur  tolérance  a  eu  la 
même  origine;  ils  n'y  sont  venus  nu'aprôs 
avoir  mis  tout  en  usage  pour  détruire  toutes 
les  autres  sectes;  par  conséquent  ils  change- 
raient une  seconde  fois  de  principes  et  de 
conduite  si  leur  intéiét  venait  à  changer.  2' 
La  naissance  du  l'yKaAe'n'swi;  ne  fera  jain  ;is 
honneur  aux  protestants,  puisqu'il  est  venu 
du  fanatisme  dont  la  prctemlue  réforme  avail 
enivré  tous  les  esprits.  Les  apologistes  du 
celle  secte  ont  fondé  leurs  opinions  sur  une 
es;;lication  arbitraire  de  l'Écriture  sainte, 
tout  comme  les  prolestants;  il  n'est  pas  une 
seule  de  leurs  erreurs  qui  ne  puisse  élre 
étayée  sur  quelques  passages  des  livres 
saillis  :  en  se  tenanl  à  celte  seule  méthode, 
les  protestants  ne  peuvent  pas  miens  venir 
à  bout  de  réfuter  les  quakers,  que  de  confon- 
dre les  sociniens.  Où  esl  la  différence  entre 
la  partile  intérieure  des  quakers  et  l'esprit 
particulier  des  protestants?  Les  seconds, 
aussi  bien  que  les  premiers,  ont  beaucoup 
mieux  réussi  à  faire  des  prosélytes  par  la 
violence  de  leurs  déclamations  que  par  la 
Solidité  de  leurs  explications  de  riicriture 
sainte.  3°  Il  esl  évideni  que  les  incrédules  de 
nos  jours  n'ont  pris  la  défense  de  celte  secte 
ridicule,  que  parce  qu'ils  ont  voulu  la  donner 
pour  une  société  de  déistes.  Leur  auibiliou 
était  d,"  prumer,  par  cet  exemple,  que   le 


IS 


QIÎA 


déhme  est  très-compatible  avec  une  escci- 
lenle  morale  ;  ils  voulaient  d'ailleurs  rendre 
le  (hrisiiiinisme  méprisable,  en  f.iisant  voir 
(lue  ce  qu'il  y  <"  d'excessif  dans  la  morale  des 
quakers  n'est  auire  chose  que  la  lettre  même 
(Je  l'Evangile  ;  mais  la  leilre  et  le  sens  ne 
sont  pas  la  même  chose.  4°  Le  parallèle  que 
l'auteur  des  Questions  sur  l'Encyclopédie  a. 
voulu  faire  entre  les  quakers  ou  prétendus 
primiiifs,  et  les  premiers  chrétiens,  est  ab- 
surde et  ne  porte  que  sur  des  faussetés.  Il 
dil  que  Jésus-Christ  ne  baptisa  personne,  et 
que  les  associés  de  Penn  ne  voulurent  pas 
être  baptisés.  Mais  Jésus-Christ  a  ordonné  à 
ses  disciples  de  baptiser  toutes  les  nations; 
s'il  n'a  pas  baptisé  ses  apôtres,  il  a  violé 
sa  propre  ordonnance  :  il  a  dit  que  quicon- 
que ne  sera  pas  bnplisé  par  l'eau  et  parle 
Saint-lssprit  n'entrera  point  dans  le  royaume 
lies  cieux.  Il  dit  que  les  premiers  fidèles 
étaient  cgaux,  comme  les  quakers  ont  voulu 
l'être.  Cela  est  faux  ;  les  apôtres  avaient  au- 
torité sur  les  simples  fidèles,  ils  ont  établi 
lies  pasteurs  auxquels  ils  ont  transmis  celle 
autorité,  et  ils  ont  ordonné  aux  laïques  de 
leur  être  soumis.  Ils  ont  ordonné  aussi 
d'être  soumis  et  d'obéir  aux  princes,  aux 
magistriits,  aux  hommes  constitués  en  di- 
gnité; les  quakers  leur  ont  refusé  toute  dé- 
monstration de  respect,  et  leur  ont  souvent 
insulté  sur  leur  tribunal. 

Les  premiers  disciples,  continue  l'auteur, 
reçurent  l'Esprit  et  parliiient  dans  l'assem- 
blée; ils  n'avaient  ni  temples,  ni  autels,  ni 
ornements,  ni  encens,  ni  cierges,  ni  céré- 
monies :  Venu  et  les  siens  ont  fait  de  même. 
Mais  l'inspiration  des  premiers  chrétiens 
était  prouvée  par  les  dons  miraculeux  et 
sensibles  dont  elle  était  accompagnée  :  com- 
ment les  prétendus  primitifs  ont- ils  prouvé 
la  leur?  Saint  Paul  eut  soin  de  régler  l'usage 
de  ces  dons  dans  les  assemblées  chrétien- 
nes ;  il  défendit  aux  femmes  d'y  enseigner 
et  d'y  parler,  il  est  prouvé  par  l'Apocaiypse 
que  du  temps  des  apôtres  les  chréuens 
avaient  des  autels,  des  ornements,  de  l'en- 
cens, des  cierges  et  des  cérémonies.  V oij.  L.- 
TLRGIE.  Nous  prouvons  encore,  contre  les 
protestants  et  contre  les  incrédules,  que  dès 
l'origine  de  l'Eglise  chrétienne  on  u  reconnu 
sept  sacremenis. 

C'est  peu  de  nous  dire  que  les  quakers  ont 
toujours  eu  une  bourse  commune  pour  les 
pauvres,  et  qu'en  cela  ils  ont  imité  les  dis- 
ciples du  Sauveur;  il  y  a  un  autre  article 
non  moins  essentiel  que  les  premiers  ont 
très-mal  observé,  savoir  la  soumission  à 
l'ordre  public.  Jamais  les  premiers  chré- 
tiens n'ont  msulté  en  lace  les  magistrats;  ils 
ne  sont  point  ailes  troubler  les  ceréuioiiies 
des  païens;  ils  n'ont  point  déclamé  contre 
les  prêtres  ni  foulé  aux  pieds  les  idoles  :  Fox 
l'I  ses  sectateurs  oui  commis  tous  ces  désor- 
dres à  l'égard  de  la  religion  anglicane. 
Quelle  ressemblance  y  a-t-il  donc  entre  les 
uns  et  les  autres?  Mais  un  auteur  qui  a  si 
peu  respecté  la  vérité  en  peignant  les  quu- 
kern  ,  ct*M   uieapalile    d'y   avoir    plus   d'é- 


QUA  iO 

garu   en  parlant  des  premiers  chrétiens  (1). 

*  Ol'ALlFICATIONS  DE  PROPOSITIONS  CON- 
DAMNEliS.  Chargée  de  diriger  le  Iroupeaii  de  Jésiis- 
Clirisl  d.iiis  de  bons  pàuir:iges,  l'Eglise  a  dû  lui  faire 
connaître  ceux  qui  sont  ilangereux  ;  el,  comme  c'est 
principalemenl  d:iiis  les  écrits  que  les  peuples  vunl 
puiser  les  eneurs,  elle  a  été  revèliie  du  pouviiir  de 
cnnilamner  les  livres  dangereux,  coinine  il  a  été  dé- 
inunlrc  au  mol  Censure  des  livres.  Le  danger  d'un 
livre  n'esi  pas  toujours  de  même  nature;  il  esl  né- 
ces^aile  de  faire  coiinailre  l'espèce  de  venin  qu'il 
renlenne;  l'Eglise  le  fait  en  qiialiiiant  les  propo-ii 
tioiis  qu'il  coniieiit.  Il  y  a  des  notes  en  usage  pnir 
cela,  (|ii'un  ihéolngien  ne  peut.igiiorer.  Bergier  les 
a  ImiI  connailre  en  piulie  dans  son  an.  Censure  ile$ 
livres.  Son  exposé  ne  nous  paraissant  pas  assez  eoin- 
plel,  nous  einpriinloiis  à  Mgr  Gousset  une  exposiilun 
qui  nous  parait  salislaire  entièrement. 

(  Paimi  les  propositions  (pii  méritent  d'élie  con- 
damnées, les  unes  [)euveni  éire  censurées  comnie 
liéréiiques,  voisines  de  l'Iiéiésie,  sentant  i'Iiéiésie, 
suspectes  d'hérésie  ;  les  autres,  comme  erronées, 
voisines  de  l'erreur,  semant  l'erreur,  suspectes  d'er- 
reurs; celles-ci,  comme  fausses,  blaspliémaloires, 
impies,  dangereuses,  pernicieuses,  sc:ind.tleuses  ; 
celles  là, coinnie  caplienses,  malsunnanles,  otfensives 
des  oreilles  pieuse^;  d'aunes,  comme  téméraires, 
scliismaiii|ues,  séditieuses.  Voilà  les  principales  cen- 
sures ou  quiililicaiions  que  l'Eglise  imprime  aux 
dillërenies  pioposilions  qu'elle  condamne,  suivant 
(pi'elles  s'éloignent  plus  ou  moins  de  l'enseignement 
et  du  l.ingage  cailioliipie. 

<  On  cuudamne  comme  hérétique  toute  proposi- 
tiiiii  qui  est  directement,  immédialenieni  contraire  à 
la  foi  ;  c'est-à-dire  à  une  vérité  que  l'Eglise  enseigne 
011  propose  comme  lévélée  de  Uieu.  Il  esl  de  fui, 
par  exemple,  qu'il  y  a  ln>is  personnes  en  Dieu,  le 
Père,  le  Kils  et  le  .Saint -Espill.  Il  esl  de  foi  ipi'il  y 
a  deux  natures  en  Jésus-Clirisl,  la  nature  divine  et 
la  nalurc  lium.iine  ;  et  que  Jésus-Cliiisl  n'a  cepeii- 
daiil  qu'une  seule  personne,  la  personne  divine.  Il 
e^l  de  loi  que  le  Sauveur  du  inonde  est  mort  pour 
(l'aiiires  (|ue  les  élus.  Il  est  de  loi  que  l'Eglise  est 
infaillitile  dans  son  eiiseignemenl  el  ses  décisions 
dogmatiques.  Il  est  de  toi  que  le  pape  est  le  chef  de 
rEi;lise  universelle,  qu'il  a  une  prijiiauté  non-seiile- 
oient  d'Iionneur,  mais  de  ji'ridiction  dans  luiile  l'E- 
glise. Ainsi,  toutes  les  propositions  coiilradicluires 
à  ces  ditl'ereiits  articles  el  aulies  points  délinis  par 
l'Eglise  sont  liéréli'|ues.  Une  propiisilion  est  voisine 
de  l'Iiérésie  quand  elle  esl  regardée  comnie  héréti- 
que par  le  plus  grand  nombre  des  docteurs  callioli- 
ipies;  les  autres,  qui  passent  pour  cire  également 
orlliodoxfts,  ne  pensant  pas  que  celte  propusiuon, 
quoique  erronée,  meiile  ta  i|ualilication  d'licrélii|ue. 
On  peui  encore  dire  qu'une  proposition  esl  voisiiiu 
de  l'hérésie,  qu'elle  louelie  à  l'Iiéré^ie,  liœresi  pro- 
xiiiia,  lorsque  les  ciinséquences  ipii  en  Uéiuiilent 
naturellenienl  conduisenl  à  l'Iicrésie.  Une  piupusi- 
lion  qui  seul  el  favorise  l'Iiérésie  esl  celle  qui,  sans 
eue  iore'.ellement  hérétique,  donne  lieu  de  juger, 
eu  égard  aux  ciiconslaiices,  que  celui  qui  en  esl  l'au- 
teur ne  reconnail  point  tel  ou  tel  article  de  loi,  el 
qu'il  pense  comme  les  liéréiiques.  Elle  e^t  suspecte 
d  hérésie  si,  sans  êire  héréiiiue  dans  les  termes 
dont  elle  est  conçue,  elle  donne  lieu,  par  certaines 
réiicenees,  de  soupçonner  d'tiérésie  celui  qui  l'a 
avancée.  Ainsi,  du  lemps  des  ariens,  ceux  qui,  tout 
en  proléssaiil  la  diviuiié  du  Fils  de  Dieu,  refusaient 
de  l'appeler  cuiisuLisiantiel  au  Père,  étaient  suspects 
d'ariani-iiiie. 

(Il  Nous  avons  en  France  une  sociéié  de  quakers 
({111  lialiile  les  environs  de  Nimes.  Ils  ^onl  moins  ri- 
goureux <|ue  les  Quakers  anglais.  Celle  secte  ne  pré- 
sente (r.iill.iirs  rien  de  particulier. 


17 


OU  A 


QU\ 


4i 


f  Une  proposition  erronée  est  celle  qui  esi  dircr- 
leinenl  contraire  à  une  CMUcInsion  ihoologique  iiii- 
niciliaienienl  déduite  par  le  laisoniienieiil  de  deux 
propositions  dont  l'nne  an  moins  est  révélée  ;  lors- 
que d'aillenrs  rKglise  s'abstient  de  nous  dotuier 
celte  concinsion  comme  tni  article  de  foi,  encore  ([ne 
celle-ci  soit  fondée  sur  la  pratique  générale  des  (i- 
(fèles,  ou  sur  l'ensei^netiieni  de  tons  les  docteurs 
orlliiido\es.  On  peut  voir  dans  la  bulle  Aiicioiem  fi- 
ilci  du  pape  Pie  VI  plusieurs  propositions  du  synode 
de  Pisloie  qui  ont  été  condamnées  comn)e  erronéi^s. 
I."s  propositions  qui  touchent  il  l'erreur  enori  \iro- 
xiniœ,  qui  sentent  l'erreur,  qui  favorisent  l'erreur, 
qii  sont  suspectes  d'erreur,  sont  ainsi  appelées, 
parce  qu'elle^  otit  plus  ou  moins  d'aflinité  avec  l'er- 
rcnr,  ou  (|u'ellcs  sont  telles  que,  eu  é;iard  aux  cir- 
conslances,  on  a  plus  un  moins  de  rai;on  de  juger 
on  de  soupçonner  celui  qui  en  est  l'auteur  imbu  de 
telle  ou  telle  erreur. 

«  On  entend  par  une  proposition  fausse  celle  qui 
nie  un  fait  qu'on  ne  peut  révoquer  en  dout.^  ;  telle 
serait,  par  exemple,  la  proposili(ui  qui  nierait  que 
notre  sainl-père  le  pape  Pie  IX  lût  le  successeur  de 
saint  Pierre.  Elle  sentirait  d'aillenrs  l'iiérésie  ou  se- 
rait suspecte  d'Iiérésie,  parce  (pi'elle  tendrait  à  faire 
croire  i|n'nn  pape  légitime  ne  serait  puiui  le  vicaire 
de  Jésns-Clirisl.  Elle  serait  de  plus  schismaiiqne, 
ou  au  nmins  suspecte  de  schisme,  car  elle  nous  re- 
présenterait le  sainl-père  comme  n'étant  pas  légiti- 
mement élu.  Nous  voyons  dans  la  huile  d'Innocent  X, 
de  l'an  1033,  que  l'Kglise  a  condamné  comme  faus- 
ses la  qualrièine  et  la  cini|uièiue  propusiiicm  de 
Jansénius  :  la  <iuairiènie,  en  tant  qu'elle  énonçait 
que  les  scmi-pélagiens  admettaient  la  nécessité  de  la 
giice  intérieure  et  prévenante  pour  cliai|ue  acte  eu 
particulier,  même  puiir  le  commencement  de  la  foi  ; 
la  cinipiième,  en  ce  qu'elle  alliniiail  que  c'est  être 
semi-péla;^ien  de  dire  que  Jésus-Christ  est  murt  ali- 
soluinent  pour  tous  les  hommes.  Ainsi  l'on  conçjiit 
facilement  la  différence  qu'il  y  a  entre  une  proposi- 
tion lausse  et  une  proposition  erronée.  La  première 
est  contraire  il  un  lait  ;  la  secuiule,  à  une  vérité  dug- 
inaii.|ue.  Cependdui  il  n'est  pas  rare  de  rencontrer 
certaines  propositions  erronées  condamnées  Cnmnie 
fausses. 

«  On  dit  qu'une  proposition  est  blasphématoire 
lorsqu'elle  renferme  quchpie  parole  injurieuse  a  Dieu, 
l'onr  qu'il  y  ait  blasphème,  il  n'est  pas  néeCiSaire 
que  celle  parole  soit  iliieciemenl  contre  Dieu  ;  il 
sullit  qu'elle  soit  contre  les  saints,  ou  contre  les 
choses  saciées,  ou  contre  les  créatures  considérées 
comme  reuvies  de  Dieu.  On  qualilie  comme  itnp:u 
toute  proposition  qui  tend  à  iliininuer  le  culte  que 
l'un  doit  à  Dieu,  ou  à  affaiblir  en  nous  le  sentiment 
de  la  piété  chrélieune,  de  la  cniifiame  en  la  bonté 
de  Dieu.  Ainsi  ,  le  pape  Inuoi  enl  X  a  comlaniiié 
comme  Impies  les  deux  propiisiliuns  de  Jansénius, 
portant,  la  première,  que  quelques  coinmamlenients 
de  Dieu  siml  Impossibles  aux  justes,  faute  de  la 
grâce  nécessaire  pour  les  accomplir;  la  seconde, 
prise  en  ce  sens  que  Jésus-Chrisl  n'est  mort  que 
pour  le  salut  des  prédestinés,  (ies  deux  propusiiiuns, 
i.e  pouianl  que  jeter  les  lidèles  dans  le  décourage- 
ment, soûl  par  là  même  évidemment  contraires  à 
la  piété. 

«  Une  proposition  dangereuse  est  celle  doni  les 
bérèiiques  peuvent  abuser  pour  soutenir  leurs  er- 
reuis;  mais  ce  qui  est  dangereux  d^ns  un  temps 
peut  ne  l'être  pasdms  un  autre;  ainsi,  par  exemple, 
le  mot  contubstanliel  fut  rejeté  par  un  concile  d'An- 
tioclie,  parce  que  les  pani>aiis  de  Sabellius  en  ahu- 
saienl  pour  confondre  les  trois  personnes  divines,  et 
les  réiluire  à  une  seule  ;  mais  lorsque  ce  danger 
n'exista  plus,  le  concile  de  Nicée  consac  ra  ce  mèiiie 
lui  me  pour  exprimer  la  divinité  du  Veibe,  eu  le 
faisant  tomber  non  sur  les  personnes  qui  sont  réel- 
lement distinctes,  mais  sur  la  substance  qui  est  nu- 


mériquement une  et  même  substance  dans  le  Père, 

le  Fils  cl  le  Saint-Ksprii. 

«  On  ipialilie  encore  de  dangereuse  ou  de  perni- 
cieuse toii'e  proposition  qui  tend  à  ditninuer  dans 
les  lidèles  le  sentiment  de  la  foi,  l'horreur  du  péelp-, 
le  respect  pniir  les  choses  saintes,  la  soumission  po  lî- 
l'Eglise.  Ainsi,  par  exemple,  on  doit  regarder  coiihur 
dangereuse  la  pmposilion  pir  laquelle  on  afljnne 
que  l'Kglisfi  a  tort  de  ne  pas  |)erineitre  à  tons  les 
fidèles  indistincement  d  •  lire  riierilure  sainte  eu 
langue  vulgaire,  ou  de  dél'endie  l'iisige  du  uras  eu 
certains  jours,  on  d'obliger  le-i  lidèles  ,i  se  confesser 
et  à  communier  au  moins  une  lois  l'ui.  Tonte  pro- 
position dangereuse  ou  pernicieuse  est  nécessaire- 
ment scandaleuse,  puisqu'une  propo-iiion  scandi- 
leuse  est  ainsi  appelée,  parce  qu'elle  est  de  iialire  à 
porter  les  lidèles  au  péché,  ou  à  le>  détourner  de 
l'accomplissemenl  de  leurs  devoirs,  de  la  pratiipie 
de  la  piété  ou  de  la  verln. 

i  On  note  comme  captieuse  loiite  proposition  oô, 
sous  des  termes  ipie  l'on  peut  prendre  en  bonne 
part,  on  cache  le  venin  de  l'erreur.  Les  ollvrage^  des 
Jansénistes,  tant  sur  le  dogme  que  sur  la  morale, 
soni  pleins  d'expressions  équivoques,  de  propositions 
cuplienses.  Aussi  la  lecture  en  est-elle  daiiuereuse, 
même  pnur  les  eeclésiastiqnes  qui  n'ont  pas  une 
connaissance  exacie  des  décrets  du  saini-siége  sur 
li^s  matières  de  la  grince,  et  des  écrits  de  salut  Au- 
gustin, dont  les  partisans  de  Jansénius  el  de  Qnes- 
nel  OUI  tiint  abusé.  Une  proposition  mal  souiiaule  a 
beaucoup  d'affinité  avec  une  proposition  captieuse  : 
on  l'appelle  ain-i,  parce  qu'elle  est  conçue  en  ternies 
à  douille  sens,  de  manière  .i  ce  que  le  sens  hérétique 
ou  err.iné  frappe  plus  que  le  sens  orthodoxe  dont 
elle  est  susceptible.  (Nous  la  disiiiigiiDus  de  la  pro- 
position offensive  des  oreilles  pieuses,  qui,  sans 
êire  impie  ou  contraire  à  la  piété,  renferme  dans 
sou  énoncé  qnehpie  cli  ise  d'inconvenani,  qui  blesse 
les  oreilles  des  âmes  penses.  Telles  seraient,  par 
exemple,  les  propositions  suivantes  :  Saint  Pierre, 
qui  avez  renié  Jésus-Christ,  prie/,  pour  nous;  saini 
Paul,  qui  avez  persécuté  l'Eglise,  priez  p  >iir  nous; 
saint  Augustin,  qui  avez  vécu  plusieurs  années  dan! 
le  libertinage,  priez  pour  nous.  Ou  censure  comme 
téméraire  loule  proposition  qui,  hérétiqui?  ou  nonr 
est  dénuée  de  fomlenient.  Ainsi  on  quililie  de  téiué» 
raire  une  opinion  qui,  s'écartaiit  loiilà  la  lois  et  de- 
là doctrine  généralement  adoptée  par  les  l'èies  e{: 
les  tlièologiens,  ei  de  la  croyance  nu  de  la  pratique 
commune  de  l'Eglise,  n'a  pour  elle  aucune  autorité 
grave,  ni  aucune  raison  capable  de  faire  impressiore 
OH  de  coiitre-balaiicer  les  autorités  et  les  raisons 
qui  sont  en  fiveur  du  senlimeni  contraire.  Celte  qiia- 
lilicalion  s'encimrralt  par  un  écrivain  qui  atiaquo- 
raii  l'imuiacnlée  conception  de  la  sainie  Vierge. 

c  Une  proposition  schismaiiqne  est  celle  ipii  tend 
à  déiourner  les  lidèles  de  l'obéissance  ou  de  la  sou- 
mission que  l'on  doit  au  pape,  à  l'évèque  el  autre» 
supérieurs  ecclésiastiques  ;  mats  il  ne  famliait  pas 
meure  au  nombre  des  schismaliques  celui  qui  dirait 
que  l'on  doit  obéir  a  l'évèque  de  prélërence  au  curé, 
ei  au  pape  de  piélér<  nce  il  l'evéqne  ;  c.ir  si  les  fidè- 
les doivent  être  soumis  à  leur  ciné,  le  curé  doit  être 
soumis  à  l'évcqne,  coinine  l'èvêque  doit  l'être  au 
pape.  Une  proposition  peut  être  (avorahleau  schisme, 
sans  être  schismallque;  alors  on  la  censure  coiuiiiu 
favorisant  le  schisme. 

«  On  donne'le  nom  de  séditieuse  à  une  propo>ilion 
qui  porte  à  la  révolte,  sidt  conire  l'autorité  ecclé- 
siastique, soit  contre  l'autorité  civile. 

t  Outre  ces  ipialilic.ilions,  nous  en  trouvons  plu- 
sieurs autres  dans  la  bulle  Àucturein  /idei,  par  les- 
quelles certaines  propositinns  ont  élé  loi, damnées 
comme  injurieuses  aux  papes,  au  saini-Mége,  il  l'E- 
glise et  à  >e5  ministies,  i»  la  piété  des  fi  léles;  déro- 
geantes aux  cuiistitntions  apostoliques;  contraires  à 
la  pratique,  aux  luis,  à   l'aulurité,  à  la  pulSMuc«  d« 


■19 


QUA 


QUI 


20 


l'Egliso;  pcrtiïrbnlrices  du  repos  des  âmes,  subver- 
sives lie  l'orilre  hiér.irrliiriue.  Ces  firlïérenies  nnies 
(les  ceiisiiri'S  n'ont  pas  besc'iii  d'explication,  il  sullit 
de  Ii's  énoncer  pour  en  faire  counaître  le  sens.  > 

QUAIîANTF-HEURES.  Les  prières  dequa- 
ranie-linnes  •■oui  une  dévoiion  commune 
d;ins  iliglise  romaine;  elle  consiste  à  ex- 
poser le  sjiinl-sarremenl  à  l'ailoration  des 
fidèles  I  eiid.inl  (rois  jours  de  suite,  et  i)eii- 
daiit  treize  à  quatorze  heures  par  jour.  Ces 
piii'Tes  sunl  ordinairement  accompagnées  de 
sermons,  de  saluts,  etc.  On  les  fait  [leudant 
le  jubilé,  dans  les  calamités  publiques,  le 
di:!iaiiche  de  la  Quiuquagésimc  et  les  deux 
jours  suivïiiits.  l'Ic. 

gUARTO  lifiCIMANS.  Toi/.  PAoriES. 

QUASIMODO.  Le  dimaïuhr  de  l'octnvc  de 
Pâqiies  est  ainsi  nommé,  parce  que  l'in- 
t  oïl  (le  la  messe  de  ce  j^ur  commence 
piir  ces  mois  :  Quasi  iixido  (jeniti  itijanles. 
li  est  aussi  appelé  dominica  in  alliis.  p.irce 
que  ceux  qui  avaient  reçu  le  baptême  à 
Pâques,  jiHaicnt  li^  jour  de  l'octave  déposer 
ju  cérémonii'  dans  la  sacristie  de  l'église  les 
rnhes  blanches  rlont  ils  avaient  été  re\êlus 
dans  leur  hapiéme.  Les  Grecs  l'ont  encore 
non  mé  dominica  nov.i.  à  cause  de  la  vie 
nouvelle  que  li's  baplisés  devaient  coai- 
nvencer  à  mener  dès  ce  moment. 

On  sait  que,  dans  les  premiers  siècles, 
Ions  les  jours  de  la  quinzaine  de  Pâiues 
ét.ii  nt  rensés  jours  de  fêtes;  ainsi  l'avaienl 
rét;lé  les  pasteurs  de  l'Efjlise  dans  plusieurs 
conciles,  et  les  empereurs  avaient  confirmé 
cette  discipline.  Nous  voyot'S  par  les  ser- 
mons de  saint  Jean  Chrysoslome  et  de  sainl 
Augusiin,  que  tous  ces  jours  étaient  em- 
ployés par  les  fidèles  à  ré'ébrer  l'olfice  di- 
vin, à  écouler  la  parole  de  Dieu,  à  recevoir 
la  sainte  eucharisiic,  à  faire  de  bonnes  œu- 
vres. Biniiham,  Orn].  eccléa.,  1.  xx,  c.  5, 
§12,  lom.  IX.  p.  118. 

QUATUE-TEMPS  ,  jeûne  qui  s'observe 
dans  l'Eglise  au  couiniencemeal  de  chacune 
des  quatre  saisons  de  l'année;  il  a  lieu  pour 
trois  jours  d'une  semaine,  savoir,  le  mer- 
credi, le  vendreili  el  le  samedi. 

Il  est  certain  que  ce  jeûne  était  déjà  établi 
du  temps  de  saint  Léon,  puisque,  dans  ses 
seiinons,  il  distingue  nettement  les  jeûnes 
il<'s  quatre  faisons  de  l'année,  el  qui  s'oh- 
iervaient  pend,  nt  trois  jours;  savoir,  relui 
du  prinleiiips  au  commencemeni  du  carême, 
celui  de  l'été  à  la  Peiiteeôte,  celui  d'auiomne 
au  .septième  mois  ou  en  se|)tembre,  et  celui 
(i'Iiivcr  au  dixième  ou  en  déceiuhre.  Mais  ce 
saint  pape  ne  parle  pa--  de  ces  jeûnes  cornue 
d'uu  usage  nouveau;  au  con(raire,  il  les  re- 
garde (oiiime  une  Irailition  apostolique.  Il 
étall  persuadé  que  c'eiait  une  imilalion  des 
jeûnes  de  la  synagogue,  mais  il  n'y  a  point 
de  preuve  que  les  Juifs  aient  fait  trois  jours 
de  jeûne  au  commencement  de  chaque  sai- 
son; aussi  saint  Thomas  n'est  point  de  cet 
avis  :  ou  pourrait  peui-êire  conjoclurcr  avec 
plus  de  raison  que  les  ijUalTe-lfoips  oui  élé 
inslilués  par  opposition  aux  folies  et  aux 
desoidre»  des  barthanales,  que  les  praïens 
leuouyelaient  aualre  lois  l'anuée. 


Quoi  qu'il  en  soi(,  on  ne  pçot  pas  douter 
que  ce  jeûne  n'ail  eu  pour  objet  de  consa  - 
crer  <à  Dieu  par  la  pénitence  et' la  mortific<J- 
tion  les  qu:itrc  saisons  de  l'année,  comme  \* 
dit  saint  Léon,  el  pour  obtenir  de  Uieu  sn 
bénédiction  sur  les  fruits  de  la  terre.  Il  s'y 
est  joint  un  nouveau  motif,  lorsi^u'il  a  été 
d'usage  de  faire  dans  ce  temps-là  l'ordina- 
tion des  minisires  de  l'Eglise,  et  c'est  un  rè- 
glement qui  date  au  moins  du  cinquième 
siècle,  puisqu'il  en  est  parlé  dans  la  ueu- 
vième  lettre  du  pape  Gélase.  Ou  a  jugé  qu'il 
convenait  que  tous  les  fidèles  d«mandissent, 
par  la  prière  et  par  le  jeûne,  les  lumières 
du  Sailli-Esprit  pour  cetie  importante  action, 
afin  d'imiter  ainsi  la  conduite  des  apôlrcs. 
Act.,  c.  XIII,  V.  3. 

On  ne  doit  pas  élre  étonné  de  ce  que  les 
quaire-lemps  n'ont  pas  élé  observés  dans 
l'Eglise  grecque,  puisque  les  Grecs  jeûnaient 
lous  les  mercredis  el  hs  vendredis  de  l'an- 
née, et  fêlaient  le  samedi.  I>ans  l'Occident 
même  ce  jeûne  n'a  pas  élé  pratiqué  univer- 
sellement dans  toutes  les  Eglises  ;  il  ne  l'é- 
tait pas  encore  dans  celles  d'Espagne  du 
temps  do  saint  Isidore  de  Séville,  au  vi'  siè- 
cle, et  l'on  ne  peut  pas  prouver  qu'il  l'ait  été 
en  France  avant  le  règne  de  Cliarlemagne. 
Mais  ce  prince  en  ordonna  l'observation  par 
Un  capiliilaire  de  l'an  709,  el  le  fil  eonfir  uer 
par  un  ecmcile  de  Mayence  l'an  81.3.  Enfin, 
dans  le  xr  siècle,  le  pape  Grégoire  VU  fixa 
dislinctement  les  quatre  semaines  dans  les- 
quelles les  (/ualre-leinps  devaient  être  ob- 
servés, el  peu  à  peu  celle  discipline  s'éta- 
blit uiiifuimémeni,  telle  qu'elle  est  encore 
aujourd'hui.  Thomassiu,  Traité  des  Jeûnes, 
1°  part.,  c.  21  ;  î:'  part.,  c.  18. 

OUESNELMS.ME.  Vuy.  Un  gemtus. 

QUIÉTISME,  doctrine  de  quelques  théo- 
logiens mystiques,  dont  le  principe  fonda- 
Micntal  est  qu'il  faut  s'anéantir  soi-même 
pour  s'unir  à  Dieu  ;  que  la  perfection  de 
l'amour  pour  Dieu  consiste  à  se  tenir  dans 
un  étal  (le  coniemplation  passive,  sans  faire 
aucune  réilexion  ni  aucun  usage  des  facu  tés 
de  noire  âme,  et  à  regarder  comme  indilTé- 
rcnl  tout  ce  qui  peut  nous  arriver  dans  cet 
étal.  Ils  nomment  quiétude  ce  repos  absolu  ; 
de  là  11  ur  est  venu  le  nom  An  quiétistes. 

On  peut  trouver  le  berceau  du  quiclisine 
dans  l'origénismc  spi"'iluel  qui  se  répamlil 
au  IV'  siècle,  el  donl  les  sectaleurs,  selon  le 
témoignage  de  sainl  Epiphane,  étaient  irré- 
préhensibles du  côié  des  mœurs.  E>agre, 
diacre  de  Consiaiitino[)le,  confiné  dans  un 
désert  el  livré  à  la  coniemplation,  publia, 
au  rapport  do  sainl  Jércime,  un  livre  de 
maftimes  dans  lequel  il  prétendait  oliT  à 
l'homme  tout  sentiment  des  passions  ;  cela 
ressemble  beaucoup  à  la  prétention  des 
quiélistes.  Dans  le  xr  el  le  xiv*  siècle,  les  hc- 
sychnstes,  autre  vspcce  de  quiétisles  vhi-z  les 
Grecs,  reiiou\elèr<'nl  la  même  illusion  el 
donnèrent  dans  les  visioas  les  plus  foll.s  ; 
on  ne  les  accuse  po'ut  d'y  avoir  mêlé  du  li- 
bcriinage.  )  oy.  HÉsvciiAsiTEs.  Sur  la  fin  du 
xiu'  el  au  cQininenceuient  du  xiV,  les  beg- 
gards  euseignèreiil  qut  les  prétendus  par- 


2J 


OUI 


fiiils  n'aTaienI  plus  besoin  de  prier,  de  faire 
de  boniKis  œuvres,  d'accomplir  aucune  loi, 
cl  qu'ils  |iouvaii'T>l,  sans  offenser  Dieu  nc- 
coider  ;i  ieuiscorps  lout  ce  qu'il  (leni<ind;iil. 
Voi).  Beggaiius.  \oil;i  donr,  deux  espèces  de 
(juictisme,  l'un  spirituel  cl  l'aulre  Irès-gros- 
sier.  Le  premier  fui  renouvelé,  il  y  a  un 
siècle,  par  Michel  Molinos,  prêtre  e^p;i;;nol, 
né  d;ins  le  diiicèse  de  Saragosse  en  1G27,  el 
qui  s'acqiiil  à  Home  beaucoup  de  considéra- 
tion par  la  pun-ié  de  ses  mœurs,  par  sa  pié- 
(é,  piir  son  talecil  de  diriger  les  consciiMices. 
L'an  li;7;i,  il  publi  i  un  livre  intitulé  le  C((i(i.' 
f'iiirituel,  qui  eul  d'abord  l'aiiprobalion  de 
[diisienrs  pcrsnnnagesi  distingués,  el  qui  a 
été  traduit  en  plusieurs  langues.  La  doctrine 
que  Miiliiius  y  établissait  peut  se  réduire  à 
trois  chefs  :  1"  la  cunlemplaliun  parfaite  est 
un  étal  dans  leijuel  l'âme  ne  raisonne  point; 
elle  ne  réfléchit  ni  sur  Uieii  ni  sur  elle-niénie, 
mais  elle  recuit  passivenionl  l'inipressiun  de 
Il  lumière  céleste,  sans  exercer  aucun  acte, 
el  ilans  une  inaçHon  entière;  2"  dans  cet  étal 
l'àme  ne  désire  rien,  pas  même  son  propre 
salut;  elle  ne  craint  rien,  pas  mémo  l'enter; 
â"  alors  ru>ai^e  des  sacrements  et  la  pratique 
des  bonnes  œuvr:  s  dcvieunenl  indilTérents  ; 
les  represénl.ilions  el  les  impression^  les 
plus  criminelles  qui  arrivent  dans  la  partie 
sensilive  de  l'àme  ne  sont  poinl   des  péchés. 

Il  est  aisé  de  voir  combien  celle  doclrine 
est  absurde  el  pernicieuse.  Puisque  Dieu 
nous  ordonne  tie  faire  des  acles  de  foi,  d'es- 
pérance, d'adoration,  d'humilité,  de  recon- 
naissance, etc.,  c'est  une  absurdité  et  une 
iinjiiélé  de  faire  consister  la  perfcciion  de  la 
GOnlemplaliou  dans  l'abslinence  de  ces  acles. 
Dieu  nous  a  créés  pour  être  actifs  el  non 
passifs,  pour  pratiquer  le  bien  el  non  pour 
le  contempler;  un  éiat  purement  passif  est 
un  étal  d'imbécillité  ou  de  syncope;  (-'esl 
une  maladie  et  non  une  pcrf('clion.  Dieu 
peut-il  nous  dispenser  de  désirer  notre  salut 
el  de  craindre  l'enfer?  Il  a  promis  le  ciel  à 
ceux  qui  font  de  saintes  actions,  et  non  à 
ceux  qui  ont  des  rêves  sublimes.  Il  nous  or- 
donne à  tous  de  lui  demander  l'avènement 
de  son  royaume  et  d'être  délivrés  du  mal,  il 
n'est  donc  jamais  permis  de  renoncer  à  ces 
deux  sentiments,  sous  prétexte  de  soumis- 
sion à  la  volonté  de  Dieu.  Puisque  les  sacre- 
ments sont  le  canal  des  grâces  el  un  don  de 
la  bonté  de  Jésus-Christ,  c'est  manquer  de 
reconnaissance  envers  ce  divin  Sauveur  de 
les  regarder  (^oinnie  indiffcrenis.  il  dit  :  Si 
vous  ne  mangez  la  chair  du  Fils  de  {'homme 
el  ne  buvez  son  sanç/,  vous  n'aurez  puint  la 
vie  en  vous.  De  quel  droit  un  prétendu  con- 
templatif peut  il  regarder  la  participation  à 
l'eucharistie  comme  indilTérenle  ? 

Lorsque  Mulinus  ajoute  que,  dans  l'état 
de  contemplation  et  de  quiéiude,  les  repré- 
sentations, les  impressions,  les  tnuuvements 
des  passions  les  plus  criminelles  qui  arri- 
vent dant  la  partie  sensiiivede  l'âme  ne  sont 
pas  des  péchés,  il  ouvre  la  porte  aux  plus 
affreux  dérèglements,  el  il  n'a  eu  que  trop 
de  disciples  qui  ont  suivi  les  conséquences 
de  celte  doctrine  perverse.  Une  âme  qui  se 


QUI  22 

laisse  dominer  par  les  affections  de  la  partie 
sensilive  esl  cerlainemenl  coupable  ;  il  lui 
esl  toujours  libre  d'y  résisier,  et  sainl  Paul 
l'ordonne  expressément.  Aussi, après  un  sé- 
rieux examen,  la  doctrine  de  Muliiios  fut 
condamnée  par  le  pape  Innoc.  ni  XI  on  1087: 
ses  livres,  iiilit"lés  la  Conduite  spirituelle 
ou  le  Guide  spirituel,  et  VOrui^on  de  t/uié- 
tude.  furent  hrùlés  publiiiuement  ;  Molmos 
fut  obligé  d'abjurer  ses  erreurs  en  présence 
d'une  assemblée  de  car<linanx.  ensuite  con- 
(lamné  à  une  prison  perpéluclli!,  où  il  mon- 
rut  en  1G8!(.  Mais,  en  censurant  sa  doctrine, 
le  pape  rendit  témoignage  de  l'innocence  de 
$es  mœurs  el  de  sa  conduite. 

L'événement  a  prouvé  que  l'on  n'a  pas  eu 
tori  de  craindre  les  consé(iucnces  du  moli- 
nosisme,  puisque  plusieurs  de  ses  partisans 
en  ont  abusé  |iour  se  livrer  au  libertioage, 
et  ont  été  punis  par  l'inquisition.  Mais  il  ne 
faut  pas  confondre  ce  i/uiétisme  gr'issier  el 
libertin  avec  celui  des  faux  mystiques  ou 
faux  s|)iriluels,  qui  ont  ado|ité  les  erreurs 
de  Molinos  Sdiis  en  suivre  les  periiicipuses 
conséquences.  Il  s'est  trouvé  en  France  des 
(luiélisies  de  celte  seconde  espèce  ;  et  parmi 
ceux-ci  une  femme  nonuiiée  Bouvii're  de  lu 
Motie,  née  à  Montargis  en  lliiS,  veuve  du 
sieur  fiuyon,  fils  d'un  entrepreneur  du  ca- 
n.il  de  Ùriare,  s'est  renlue  célèbre.  Elle 
avait  pour  directeur  un  l'ère  Lncotnlte,  bar- 
nahile,  du  pays  de  Genève.  lUle  se  retira 
d'abord  avec  lui  dans  le  diocèse  d'Annecy, 
et  elle  s'y  acquit  beaucoup  de  réputation 
par  sa  piété  et  par  ses  auipônps.  Mais, 
c(i:iime  elle  voulut  faire  des  c(inférences  et 
répandre  les  sentiments  qu'elle  av^il  puisés 
dans  les  livres  de  Molinos  ou  de  quelqu'un 
de  ses  disciples,  elle  fui  chassée  de  ce  dio- 
cèse par  l'évêque,  avec  son  directeur.  Ils 
eurent  le  même  sort  à  Grenoble,  nyi  madame 
Guyon  répandit  deux  petits  livres  de  sa  fa- 
çon, l'un  intitulé /e  Mayta  court,  l'autre  te^ 
Torr'nls.  Ils  vinrent  à  Paris  en  1G87,  ils  y 
firent  du  bruit  cl  y  trouvèrent  des  partisans. 
M.  de  llarlay,  pour  lors  a^•chevêque,  obtint 
un  ordre  du  roi  pour  faire  enfermer  le  Père 
Licouibe  et  mettre  madame  Guyon  dans  un 
couvent.  Celle-ci,  ayant  été  élargie  par  la 
protection  de  madame  de  MajnlenoQ,  s'intro- 
duisit à  Saint-Cyr;  elle  y  suivit  les  confé- 
rences de  piété  que  faisait  dans  cplte  mais 
son  le  célèbre  abbé  de  Fénelon,  précepteur 
des  enfants  de  France,  el  elle  lui  inspira  de 
l'estime  el  de  l'amitié  par  sa  dévotion.  Dans 
la  crainte  de  se  tromper  sur  les  principe^  de 
celle  femme,  il  lui  conseilla  de  $e  mettre 
sous  la  conduite  de  M.  Posstiet  et  de  lui 
donner  ses  écrits  à  examiner;  elle  ol)éit. 
IJossnet  jugea  ses  écrits  répréheusibles  :  Fé- 
nelon ne  pensait  pas  àe  n>éme.  Celui-ci, 
nommé  à  l'arcbevêclic  de  Cambrai  en  1693, 
eul  à  Issy,  près  de  Paris,  plusieurs  confé- 
rences à  ce  sujet  avec  Uossuct,  le  cardinal 
Ile  Noailles  et  l'abbé  'fronson,  supérieur  du 
séminaire  de  Saini-Sulpiee.  Après  de  fré- 
quentes disputes,  Fénelon  publia,  en  1GU7, 
son  livrs  des  ^axiw^  '^^^  iaint^  lyu.çhant  la 
vie  spirituelle  ou'^coatcmplalive,  dans  lequel 


5-;  QUI 

i!  crut  roclifier  lout  ce  que  l'on  reprochait 
à  madame  (Inyon,  et  liislinjjuor  n  tlement  la 
<1ortrinn  orlliorioxe  des  iiiysliqnes  d'avec,  les 
erreurs.  Ce  livre  augmenta  le  bruit  au  lieu 
de  le  calmer. 

Enfin  les  deux  prélats  soumirent  lours 
ô'iils  à  IVxnmen  et  à  la  décision  du  pape 
Innocent  XII,  et  Louis  XIV^  écrivit  lui-même 
à  ce  piintile  pour  le  presser  de  prononcer. 
La  congrégation  du  saint  office  nomtna  sept 
consulteurs  ou  Ihénlogions  pour  examiner 
ces  d.ivers  ouvrages.  Après  Irenlp-sepl  coii- 
lérencps,  le  pape  censura,  le  12  mars  1(599, 
vingt-trois  propositions  tirées  du  livre  des 
li/aj-imes  des  sainte,  comme  respectivement 
téméraires,  pernicieuses  dans  la  pratique, 
el  erronées,  aucune  no  fut  qualifiée  comme 
licréti(iue.  L'archevêque  de  Cambrai  tira  de 
sa  condamnation  même  un  triomphe  plus 
beau  que  celui  de  son  adversaire  ;  il  se  sou- 
mil  à  la  censure  sans  restriction  et  sans  ré- 
serve. Il  monta  en  chaire,  à  Cambrai,  pour 
condamner  son  propre  livre  ;  il  empêcha  ses 
amis  de  le  défendre,  el  il  publia  une  instruc- 
tion pastorale  pour  attester  ses  sentiments 
à  tous  ses  diocésains.  Il  assembla  les  évê- 
ques  de  sa  province,  el  il  souscrivit  avec 
eux  à  l'acceplation  pure  et  simple  du  bref 
d'Innuccnt  XII  et  à  la  condamnation  des 
propositions.  Il  fit  iaire  pour  la  cathédrale 
un  soleil  niagnirique  pour  les  expositions  et 
les  processions  du  s.iinl  sacrement  ;  des 
rayons  de  ce  soleil  parlciit  des  foudres  qui 
frappent  des  livres  posAs  sur  le  pied,  l'un 
desquels  est  intitulé  Maximes  des  saints. 
Ainsi  finit  la  dispute.  .Madame  Guyon,  qui 
avait  été  enfermée  à  la  l^islille,  en  sortit 
cette  même  année  16'J'J;  elle  se  relira  à 
Blois,  où  elle  mourut,  en  1717,  dans  les  sen- 
timents d'une  tendre  ilévolinn. 

Pendant  (jue  toutes  les  personnes  sensées 
ont  admiré  la  grandeur  d'âme  de  Fénelon  , 
qui  préférait  le  mérite  de  l'obcissance  el  la 
paix  de  l'Eglise  aux  firmées  de  la  vaine 
gloire  el  aux  délicatesses  de  l'amour-propre, 
des  esprits  mal  faits  ont  tâché  de  persuader 
que  ce  jirand  homme  avait  agi  par  pure  po- 
litique cl  par  la  crainte  de  s'attirer  des  ,if- 
faires  ;  que  sa  soumission  n'avait  pas  été 
sincère.  Mosheiiii  a  osé  dire  :  «  On  con- 
vient généralement  que  Fénelon  persista 
jusqu'à  la  mort  dans  les  sentiments  qu'il 
avait  abjurés  el  condamnés  publiquement 
par  respect  pour  l'ordre  du  pape.  »  Ui^C. 
ecriésiast.,  xvii'  siècle,  sect.  2,  i"  part.,  c.  1 , 
§51. 

N'en  soyons  pas  surpris,  un  hérétique  in- 
fatué de  ses  propres  lumières,  cl  opiniâlré- 
Ireiiieiit  révolté  contre  l'autorité  de  l'Eglise, 
ne  se  persuadera  jamais  qu'un  esprit  dioil 
peut  reconnaître  sincèrement  qu'il  s'esl 
trompé  ,  que  s'rl  n'a  pas  mal  pensé,  il  s'esl 
du  moins  mal  exprimé.  IMais  dans  toute  la 
vie  (le  l'arclievêque  de  Cambrai  trouve-t-on 
quelques  signes  d'un  caractère  hypocrite  et 
dissimulé?  Connait-on  quel(]u'un  qui  ait 
montré  plus  de  candeur?  Pendant  les  seize 
années  qui  se  sont  écoulées  depuis  la  con- 
damnation de  h'énelon  jusqu'à  su  mort,  a-l- 


QIU 


24 


il  donné  quelques  marques  d'allachetnent 
aux  opinions  que  le  pape  avait  censurées 
d;ins  son  livre?  Personne  n'a  soutenu  avec 
plus  de  force  l'autorité  de  l'Eglise  et  la  né- 
cessité d'y  être  soumis  ;  il  n'a  donc  fait  que 
confirmer  ses  principes  par  sa  propre  con- 
duite. D'ailleurs  la  i)uestion  agitée  entre  Fé- 
nelon el  Bossuel  était  assez  délicate  el  assez 
subtile,  pour  que  tous  deux  pussent  s'y  trom- 
per. Il  s'agissait  de  savoir  s'il  peut  y  avoir 
un  amour  de  Dieu  pur,  désintéressé,  dégagé 
de  loul  retour  sur  soi-même  :  or,  il  paraît 
certain  que,  du  moins  pendant  quelques  mo- 
ments, une  âme  qui  médite  sur  les  perfec- 
tions de  Dieu  peut  les  aimer  sans  faire  al- 
tention  à  sa  qualité  de  bienfaiteur  el  de  ré- 
munérateur; qu'elle  peut  aimer  la  bonté  de 
Dieu  envers  toutes  les  créatures  sans  penser 
actuellement  qu'elle-même  est  l'objet  de  cetie 
bonté  souveraine.  Si  Bossuet  a  nié  que  cet 
acte  soit  possible,  comme  on  l'en  accuse,  il 
avait  tort.  Miiis  ce  n'est  là  qu'une  abstrac- 
tion passagère  ;  soutenir  que  ce  peut  être 
l'étal  habituel  d'un  âme,  et  que  c'est  un  état 
de  perfection  ;  qu'elle  peut,  sans  être  cou- 
pable, pousser  le  désintéressement  jusqu'à 
ne  plus  désirer  son  salut,  et  ne  plus  crain- 
dre 1..  damnation,  voilà  l'excès  condamné 
dans  les  quiétisles,  excès  duquel  s'ensuivent 
les  autres  erreurs  que  nous  avons  notées  ci- 
devant.  Voy.  Amour  de  Dieu. 

QUINISEXTE  (concile).  On  a  ainsi  appelé 
le  concile  tenu  à  Constantinople  l'an  692, 
douze  ans  après  le  sixième  général  ;  il  est 
aussi  nommé  souvent  le  concile  in  Trutlo , 
parce  qu'il  fui  tenu  dans  une  salle  du  palais 
des  empereurs  nommée  Trullum,  ou  le  Dôme. 
11  est  regardé  comme  le  supplément  des  deux 
conciles  qui  l'avaient  précédé  ;  comme  l'on 
n'y  avait  point  fait  de  canons  touchant  les 
mœurs  ni  la  discipline,  les  Orientaux  y  sup- 
pléèrenl  dans  celui-ci  ;  ainsi  les  cent  deux 
canons  attribués  au  cinquième  et  au  sixième 
concile  général  sont  l'ouvrage  du  concile 
quinisexte. 

Mosheim  en  a  pris  occasion  de  déclamer 
contre  les  papes,  qui  ne  cessèrent,  dit-il, 
d'inventer  de  nouveaux  rites  superstitieux 
et  de  nouvelles  pratiques,  comme  si  leur 
principal  devoir  avait  été  d'amuser  la  mul- 
titude par  des  cérémonies  dévoles  ;  cl  qui 
eurent  l'ambition  d'introduire  le  Rituel  ro- 
main dans  toutes  les  Eglises  de  l'Occident. 
11  met  au  nombre  de  ces  nouveautés  la  fêle 
de  l'Invention  de  la  sainte  croix  el  celle  de 
l'Ascension,  îa  loi  infâme  de  Bonitace  V,  qui 
donuiiit  à  tous  les  scélérats  le  droit  d'asile 
el  d'impunité  dans  les  églises,  les  jirofu- 
sions  d'Honorius  I"  pour  embellir  les  lieux 
saints,  les  ornements  sacerdotaux  pour  cé- 
lébrer l'eucharistie,  flist.  ecclés.,  xvii'  si'è- 
cle,  II"  part.,  c.  4,  §  2.  Mais  Mosheim  n'a 
pu  ignorer  que  la  plupart  des  rrles  qu'il  taxe 
de  nouveautés  el  d'invenilons  des  papes  sont 
suivis  par  les  Grecs  aussi  bien  que  par  les 
Latins  ;  sonl-cc  les  papes  qui  les  ont  portés 
en  Orient  ?  Aux  mois  Cérémonie,  Litijrg'E  , 
Habiis  saceruotaux,  etc.,  nous  avons  prouvé 
qu-;  ces  rites  prétendus  superstitieux  datent 


25 


KAB 


du  temps  des  apôtres.  Il  a  du  savoir  que  le 
73'  cnnoii  du  concile  quinisextc  ordonne  le 
culte  de  la  croix  ;  que  près  de  quatre  cents 
ans  auparavant  l'on  célebr.iit  déjà,  dans  l'E- 
glise de  .Jérusalem  ,  l'Invention  de  la  sainte 
croix  sous  le  titre  d'Exaltation.  Voy.  Croix. 
Au  mot  Asile  nous  avons  fait  voir  que  la 
loi  de  Roniface  V  était  nécessaire  dans  ce 
temps-là,  et  qu'elle  n'a  rien  li'infâme.  Il  en 
est  do  même  de  l'empressement  (ju'ont  eu 
les  papes  de  faire  recevoir  partout  le  Hituel 
romain  ;  leur  motif  a  été  que  l'uniformitc 
dans  le  culte  et  dans  la  discipline  est  une 
snuvca;arde  pour  maintenir  l'unité  de  la  foi. 
Celle  ambition  prétendue  avait  aussi  saisi  les 
l'ères  du  concile  quinisexte ,  puisque,  par 
leurs  canons  b5"  et  8!V' ,  ils  exigeaient  que 
l'Kfïlise  romaine  changeât  son  usage  de  jeû- 
ner les  samedis  do  carême  ,  parce  que  les 
Grecs  ne  jeûnaient  point  ces  jours-là. 

Au  mot  Ascension  nous  avons  prouvé  que 


RAC  36 

cette  fête  est  des  temps  apostoliques  ;  elle 
est  célébrée  par  les  Oripntaus  aussi  bien 
que  par  les  Latins  ;  il  faut  que  Moshoim  ait 
été  étrangement  distrait  lorsqu'il  en  a  rap- 
porté l'institution  au  vu'  siècle. 

OUINtJUAGKSIME;  c'est  le  dimanche 
avant  le  mercredi  des  cendres,  et  avant  h' 
commencement  du  carême.  Gomme  le  di- 
manche suivant  est  le  premier  de  la  qua- 
rantaine, Ç««(/;fi(;ps!)Hfle,  l'on  a  nommé  celui 
dont  nous  parlons  le  dimanche  de  la  cin- 
quaiilaine,  Qmnquarii'S'mœ,  et  ainsi,  en  ré- 
trogradant toujours,  on  a  dit  la  Sexngénme 
ei  la  Septuagésime,  quoiqtie  le  nombre  des 
jours  ne  s'y  trouve  pas  exactement.  On  ap- 
pelait aussi  autrefois  Quinquagésime  le  di- 
manche de  la  Pentecôte,  parce  que  c'est  I'! 
cinquantième  jour  après  Pâques  ;  mais  pour 
le  distinguer  du  précédent,  on  le  nommait 
QuinqwK/s'sime  pascale.  ■ 

(JUINTILIENS.  Voij.  Montanistbs. 


R 


RABAN-MAUR,  moine  de  l'abbaye  de 
Fulde,  et  ensuite  'irchevéque  de  Mayeiice, 
mourut  l'an  856.  Il  a  laissé  un  graml  nom- 
bre d'ouvrages  qui  ont  éié  recueillis  et  im- 
primés à  Cologne  en  G  vol.  in-fol.  Les  prin- 
cipaux sont  des  commentaires  sur  i Ecriture 
sainte,  des  homélies  ou  sermons,  un  martyro- 
loge et  des  écrits  contre  Gotescalc  :  mais  ils 
se  sentent  de  la  rudesse  du  ix"  siècle. 

UABRIN.  Rab,  en  hébreu  ,  est  un  doc- 
teur; rabbi  et  »(i6ioni  signifient  mon  maître. 
Les  disciples  de  Jésus-t^hrisl  lui  donnaiciit 
ce  nom.  Comme  les  docteurs  juifs  liraient 
beaucoup  de  vanilé  de  ce  tilre,  le  Sauveur 
défend  à  ses  disciples  de  se  l'attribuer.  i\,; 
prenez  point,  leur  dit-il  ,  le  nom  de  maître', 
tous  n'en  avez  qu'un  seul  qui  est  le  Clii  i.it 
(Maiik.  xxiii,  lOJ. 

On  désigne  encore  aujourd'hui  sous  le 
nom  de  rabbins  les  docteurs  juifs,  soil  an- 
ciens ,  soit  modernes.  Les  divers  degrés  de 
respect  que  les  juifs  ont  pour  eux  les  ont 
parlages  en  deux  secles,  l'une  de  rabbanistes, 
(|ui  suivent  en  aveugles  les  Irailitions  i(uu 
leurs  docleurs  ont  rassemblées  dans  le  Tal- 
mud  et  dans  leurs  commentaires  sur  l'I'.cri- 
ture  sainte,  l'autre  de  cannles,  qui  s'en  lieii- 
nent  au  lexte  seul  des  livres  sacrés.  Ceux-ci 
passent  pour  les  plus  sensés,  fuais  ils  sont 
en  petit  nombre.  Voy.  Caraïtes. 

A  la  réserve  des  paraphrases  chaldaïrjucs, 
dont  quebiues  parties  passent  pour  avoir  ete 
faites  avant  la  venue  de  Jésus-Christ  ou  im- 
médiatement aiTès,  les  juif,  n'ont  aucun  livre 
de  leurs  docteurs  qui  oe  soit  postérieur  de 
plusieurs  siècles  à  cette  époque.  Quand  ce 
divin  Maître  ne  nous  aurait  pas  piéveniis 
sur  leur  attachement  opiniàire  a  leurs  tra- 
ditions ,  quand  il  n'aurait  pas  prédit  l'aveu- 
glemenl  auquel  ils  allaient  élre  livrés  {Joan. 
i\,  ■i9),  on  reconiialirait  encore  ce  caractère 
dans  leurs  ouvrages.  Les  labiés,  les  puéri- 
lités ,   les  erreurs  grossières   duiil  ils  sunt 


remplis,  dégoûtent  et  révolient  les  lecteurs 
les  pluf  courageux.  Mais  comme  les  juifs  y 
crjient  aussi  fermement  qu'à  l'Ecriiure 
sainie,  on  tire  de  ces  livres  même  des  ar- 
guments personnels  ,  et  des  preuves  contre 
eux  auxquelles  ils  n'ont  rien  à  répliquer. 
Quand  on  leur  fait  voir  que  leurs  docleurs 
les  plus  anciens  ont  entendu  les  prophéties 
dans  le  même  sens  que  nous ,  que  peuvent- 
ils  nous  opposer?  C'est  ce  qu'ont  fait  plusieurs 
auteurs  chréiiens  ,  en  parliculier  Raimond 
Martin,  dominicain  ,  dans  un  ouvrage  inti- 
tulé/'ur/i'o  fidei ,  et  Galalin  ,  qui  l'a  copié, 
dans  celui  qui  a  pour  titre  :  de  .4rc(/nis  calho- 
licœ  veritatis. 

KACA,  ipiit  syriaque  usité  dans  la  Judée  du 
temps  de  Jésus-Christ;  c'était  une  injure, 
une  expression  du  plus  grand  mépris.  Nous 
lisons  dans  saint  Matthieu,  chap.  v,  v.  2'2  : 
«  Celui  (|ui  dira  à  son  frère  raca,  sera  punis- 
sable  par  le  conseil  ou  en  justice.  »  L'inter- 
prète grec  de  saiut  Matthieu,  et  la  plupart 
des  traducteurs  ont  lonservé  le  tenue  sy- 
riaque ;  le  Père  Houbours  l'a  traduit  par 
homme  de  peu  de  sens,  mais  il  signifiait  plu- 
tol  en  style  populaire  un  vaurien. 

♦  RACKS  HUMAINES.  C'est  une  vérité  inronics- 
table  dans  l'Ecriliire,  i|iie  loiis  les  homiiies  descen- 
diîiil  d'un  iiiéine  père.  Cepeiidnnl  le  luit  seinbl«  con- 
tredire celle  :iSserlion.  Il  y  a  encore  plnsienr»  sa- 
vants qui  adniftileni  la  pliiralilé  des  race»  liuniaiiies 
priinilives.  «  Vnlujre,  ilil  Mgr  Wiseniaii,  est  un  des 
premiers  à  reinari|iier  qu'un  aveuijte  seut  peut  douter 
Il  tes  blancs,  les  nègres,  les  albinos,  les  Holientitls,  les 
Lapons,  les  (Chinois  et  les  Américains,  sont  des  races  enliè- 
rement  distinctes  (a).  Desinoiiliiis,  dans  un  essai  qui, 
pour  riionneur  de  rAcadémie  des  Sciences,  Int  re- 
jeté par  ce  cnrps  s.ivaiit ,  ;dlirnie  l'exislence  de  inize 
riiiillles  indépendantes  dans  la  race  liunuiine  (/>). 
lioiy  (le  Sailli-Vincent  va  eiicure  plus  loin,  et  ang- 
II  ente  le  iinnibre  des  faiiiilies  jusqu'à  quinze,  rjui  se 
subdivisent  encore  coiisidérablemeiit.   Ainsi    la    fa- 

(fl)  Histoire  de  Russie  snus  Pierre  le  Grand,  chap.  t  ". 
{b)  Hiitoire  naturelle  des  races  humaiitts. 


•27 


RAC 


RAC 


28 


mill«  adamique  ,  ou  les  desceiidanls  d'Aii;mi ,  cons- 
tiiiie  seulenienl  ia  seconde  division  de  l'espèce  ara- 
liiqup,  (le  r/iomo  arabictis  ,  tandis  que  ,  nous  au- 
iris  Ain'lai-;  ,  nqus  ap|)arlenons  à  la  variéié  leulo- 
iii(|ne  de  la  race  gerniaiiiqiie  ,  qui  n'est  encore  que 
la  quatrième  fr'icti  i|i  de  la  f/fiiis  bracc.da  ,  ou  famille 
porinnt  culo'tes,  daiis  l'espèce  japliéiique  ,  le  homo 
jap/ieticus ,  qui  se  divise  en  deux  classes  .  celle  que 
je  viens  de  citer,  et  une  autre  plus  élégamment 
noniiiiée  la  fieiis  togata,  ou  famille  portant  man- 
teau ia). 

Virey  appartient  à  la  même  écol^,  quoique  ses 
ouvrages  soient  encore  plus  révnltai^s  par  la  légè- 
reté et  la  Irivoliti"  avec  laquelle  il  traite  les  points 
les  plus  di  licais  de  la  morale  et  de  la  religion.  Non 
coulent  d'altribner  aux  Nègnîs  ime  origine  d  fférente 
de  celle  des  Européens,  il  vi  presque  jusqu'à  soup- 
i;onner  une  certaine  IValernilé  entre  les  lluiienlois 
et  les  tialiouins.  Mais  sur  çc  sujet  il  a  piienre  été 
surpassé  pan  Lam.>rrk.  Cet  écrivaiti  prétend  indi- 
quer les  lias  par  le>qnels  la  natiife  procè(ie  ou  n 
procédé  dati^  |es  (enipN  HnÇ'ros  ,  en  faisaril  sortir 
gradiiellenietil  une  classe  iiétres  d'itiie  autre  classe 
antéiieure  ;  de  f.içon  que  ,  d'après  lui,  la  nature  au- 
rait suivi  une  cliaine  graduée  de  trinslorinationg 
sttccessives,  (|iii  al)outit  enfin  à  l'espèce  liutnaine  paf 
des  mélimorplioses  inverses  ,  il  est  vrai,  mais  noii 
moins  merveilleuses  que  celles  (lue  nous  lisons  dans 
l'ancieniie  fable,  i  l'onr  donner  une  sojiiliop  du  pro- 
blème, Itou-»  avtms  besoin  ,  1'  de  (aire  connaître  les 
didéienies  espèces  de  faces;  d"  n'établir  (lu'ellt;^ 
peuvent  teintes  procéder  d'un  même  lioinme.  Mgr 
W'seniiiq  est  copié  plus  ou  moiiis  (idélemeni  par  les 
lliéoliigiei.s  (in'i  Iraitéjil  de  celte  matière.  Nous  le  i  i- 
terons  textuellement  ,  alin  de  donner  une  idée  (dos 
cotnpiète  des  questions  que  nous  essayons  de  ré- 
soudre. 

I.  Des  différentes  espèces  de  races  humaines.  Aiis- 
tole,  Hyppocraie,  Héiodote  avaietil  fait  plitsieur^ 
^^'malqups  sur  b  s  dilférentes  espèi  es  de  races  hii- 
iliaiues.  (.e  seiîjil  npii5  éloigner  de  notre  stijei  que  de 
nous  anêter  à  les  examiner.  Jnsqu'.à  l'es  derniers 
temps  I  la  classilicaiion  natnr'  Ile  de  l'espèce  Im- 
maine,  dit  M-;r  Wisemati,  liasée  sur  la  couleur  prédo- 
ininante  daiis  dilTérentes  parties  dti  inonde,  Fut  suivie 
sans  beaucoup  d'exanieii  ,  eu  sorte  que  l'espèce  Int- 
niaiue  paraissait  divisée  comme  la  terre  qu'elle  lia- 
bilait  ,  en  iiois  classes  ou  ïones  :  les  bonimes  très- 
biaacs  occupant  les  çégions  les  plits  froides,  loij  tiuirs 
posséilaiii  la  zonç  torride  ,  et  les  liilunds  habitant  la 
région  tempérée.  Telle  est,  par  exempU;,  la  divlsioii 
adoidée  par  l'IiisKuien  aiabe  Abolidiaraj  (b).  Dans 
le  deitiier  siècle,  cet  oidre  si  simple  fui  modilio  et 
ptit  la  forme  d'un  sys'ème  compliqué  ,  en  consé- 
qu.iae  de  la  découverte  de  plusienis  iiuatices  inter- 
luédi.iires  dans  la  couleur  des  nations,  ({u'iui  ne  pou- 
vait p;;s  iactlemenl  iiitriidiiire  dans  cette  divisioti 
ternaire.  Leibnitz,  Linnée  ,  linlTm,  Kant,  llunter, 
Zimmermaim,  Meiners,  Klbgel  et  d'autres  ont  pro- 
posé (birérente^  ciassiiicaiions  qui  ,  étant  basées  sur 
ce  même  piincipe  aiijotiid'lini  universellemel  rejeté, 
n'ont  ipie  peu  d'iiiiérét  et  ne  seraient  pas  faciles  à 
reti-nir. 

Le  premier  qui  proposa  une  nouvelle  base  pour 
celte  imporlante  élude  lut  le  gouvertieur  Pnwnall; 
quoiqu'il  adoptai  la  couleur  connue  le  londement  de 
sa  classili  ation  ,  il  remarqua  pourtant  qu'il  fallait 
prendre  en  cousiiléraiion  la  (orme  du  crà  le  dans  les 
diverses  familles   liuinaines   [c).  Mais  (jaiaper  a  le 

fql  Dicliiimaire  classique  d'histoire  naturelle,  lom.  MU, 
Pans,  1U2S5,  pp.  2s7  et  S!')3.— «  l.'limnuie  japli^tiqne  ii'i-st 
lui-mr-ine  qu'une  iiivibinn  de  la  leiolérii|ue  on  race  aux 
elieveux  ronx,  «t  l'unité  d'oriL-ine  des  oiiiiize  races  est 
niée.  Il  I'.  3-,l. 

(t)  Hts/ona  (lijnastiarum,  Oxf.  1663,  p  5. 

(c)  iVem  colleeiion  (de  voilages).  Load.,  1767,  vo'*.  If,  p. 


mérite  d'avoir  le  premier  imaginé  une  règle  pour 
comparer  les  têtes  des  diUérentes  natians  de  manière 
à  "bleuir  des  résultats  nrécis  el  caractéristiques. 
Camper  a  été  favorisé  d'avantages  particuliers  poui 
cette  entreprise  ;  car  il  rénpiss ait  deux  sciences  ra 
renient  cultivées  par  le  iTièuie  individu,  une  connais- 
sance parfaite  et  pratique  de  l'art ,  et  des  études 
étendues  en  physiologie  ei  en  anat'imie  cot/i^iarée. 
Il  voyait  avec  quelle  imperfection  b-s  meilleurs  ar- 
tistes (ju'il  copiait  avaient  saisi  les  tpaits  et  la  forme 
dq  nègre  ,  cela  l'enga  ea  à  exaniiner  quelles  étaient 
les  particularités  essentielles  de  sa  coiifi;{inaliou  (a). 
Il  étendit  ensuite  ses  recherches  aux  lêtes  des  au- 
tres nations  ,  et  il  déeonvrit  on  cnit  déc(nivr  r  un 
canon  nu  une  règle  par  laquelle  ces  têtes  pouvaient 
être  mesurées  avec  des  résultats  réguliers  et  cer- 
tains. Cette  règle  consiste  dans  ce  qu'il  appelle  la 
ligne  faciale,  et  s'applique  comme  il  suit  :  le  crâne 
est  vu  de  prolil ,  et  l'on  tire  d'abord  une  ligne  ,  de- 
puis le  trou  de  l'oreille  (  mealus  audiloriiis  )  jusqu'à 
la  base  des  narines  ;  puis  une  seconde  ,  dit  point  le 
plus  proéminent  du  front ,  a  l'extrémiié  de  la  nià- 
clioire  supérieure  ,  au  point  oit  les  dents  prennent 
racine  (la  saillie  alvéolaire  de  l'os  maxillaire  supé- 
rieur). Il  est  évident  (|u'un  angle  se  formera  par 
l'intersection  de  ces  deux  lignes,  et  la  mesure  de  cet 
angle,  ou  ,  en  d'autres  termes  ,  l'inclinaison  de  la 
ligne  tirée  du  sourcil  à  la  mâchoire  donne  ce  qu'on 
appelle  la  ligne  faciale,  et  forme,  dans  le  système  de 
Camper,  le  caractère  spécifique  de  cliaque  famille 
humaine  (b).  Par  l'inspection  des  planches,  vous 
concevriez  facilement  l'application  de  cette  règle. 
Vous  y  verriez  que  l'angle  f  icial ,  dans  le  singe  qui 
approche  le  plus  de  la  forme  liuinaine,  est  d'environ 
."îS",  que,  dans  le  nègre  et  le  Kalmoutk,  il  est  de  70° 
(lig.  2),  et  dans  l'iMiropéen  de  80°.  Les  anciens,  qui 
sans  doute  s'aperçurent  que  l'ouverture  de  l'angle 
était  en  proportion  avec  l'avancement  dans  l'éclielle 
intellectuelle,  dépassèrent  la  ligne  naturelle,  et  allè- 
renl  même,  dans  leurs  œuvres  les  plus  sublimes, 
jusqu'à  doinier  au  l'nmt  ime  saillie  proéminente  en 
surplomb  ,  qui  donne  à  l'angle  facial  95  on  même 
lUO"  (c).  Bliiihenbacli  a  nié  ce  l'ait  1res- positivement, 
en  disant  que  toutes  les  repiésentations  de  l'art  ati- 
ciiii  ,  qui  offrent  un  angle  aussi  ouvert,  sont  des  co- 
pies incorrectes  (d).  Mais  je  pense  que  quiconque 
examinera  les  têtes  Je  Jupiter  dans  le  muséitiu  du 
Vatican,  particulièrement  le  buste  de  la  grande  salle 
circulaire  ,  ou  les  lêtes  plus  mutilées  des  marbres 
d'Elgin,  sera  convaincu  que  Camper  est  exact  sur  ce 
point. 

Blumenbach  a  fait  des  objections  plus  sérieuses 
contre  ce  système  de  inesure  :  il  observe  que  Camper 
lui-même  admet  beaucoup  de  vague  en  fixant  l'ori- 
gine de  ses  ligues  ;  mais  il  objecte  surtout  qpe  celle 
manière  de  mesurer  est  compléiemenl  inapplicable  à 
ces  races  ou  f'anitlles  dmit  le  trait  le  plus  caracté- 
ristique consiste  dans  la  largeur  du  crâne ,  bien 
|iliitôi  (|ue  dans  la  projection  de  sa  partie  supé- 
rieure (e). 

C'eii  à  ce  physiologiste  si  pénétrant  et  si  labo- 
rieux que  nous  devons  le  système  de  classilicatimi 
suivi  presque  universellement  aujourd'hui  ,  el  les 
principes  qui  les  dirigent  ;  son  muséutn  cunlieut  la 
Collection  la  plus  complète  qui  existe  de  crânes  ap- 
parluiiant  aux  membres  de  presqpe  tous  les  peuples 

(a)  Dissertation  physique  de  M.  Pierre  Camper  sur  les 
dilléreucps  réelles  que  présentent  les  traiis  du  visage 
chez  les  huinines  de  dillëreuls  pays,  eic.  Utrechl,  1791, 
p.  â. 

(b)  Ibid.,  p.  55. 

(c)  voyez  la  2»  planche  de  Camper,  pp.  ii  et  KS.  C'est 
dans  l'art  grec  que  l'on  trouve  le  plus  jjr^Bd  de  ces  deux 
angles. 

(d)  Spccinien  liisioria!  nafuralis  anliquse  artis  uperilius 
illusirata;.  Gnlimg.,  I80.S,  p   13. 

fe)  De  qeneris  humaiii  varieiale  nnliva.  Golt.,  179S,  p. 
200 


99 


RAC 


RAC 


5C 


du  globe.  Non  content  des  résultats  que  lui  a  four- 
nis leur  i'IiiiIp,  il  a  recueilli  dans  clia(|ue  hranclie  de 
riiisloire  naturelle  el  dans  rliamie  p:irlie  de  l»  lilié- 
laliire  ,  tout  ce  qui  peut  jeter  quftl(|iio  liMiière  sur 
l'Iiisloire  de  la  race  linuiaine  ,  rt  rendre  compte  de 
ses  variétés.  Ses  ouvraçjcs  sont  par  le  l'ail  un  niaiia- 
sin  oii  tiius  ddivent  puiser  ,  el  les  plus  voluniiiniix 
ouvrages  qui  ont  paru  depuis,  sur  cette  science,  ii'onl 
giièie  l'ait  el  ne  pouvaient  faire  plus  ipie  de  C(Ui(ir- 
incr  par  des  preuves  nouvelles  ce  qu'il  avait  déjà 
prouvé. 

La  cbssilicalion  de  Blnnienbach  est  déterminée 
cil  premier  lien  par  la  forme  du  cr.ine  ,  el  seconde- 
ment par  la  couleur  des  cheveux  ,  de  la  peau  ei  de 
l'iris. 

Il  peut  vous  sembler  d'abord  qu'il  est  nécessaire  de 
ciMinaiire  l'anatomie  ou  la  construction  dn  crâne  pour 
liien  conipremlre  son  système  ;  il  n'en  est  poui  tant  pas 
ainsi  ;  car  lui  petit  noudire  d'observations,  avec  une 
planclie  devant  vous,  vous  donnera  tonte  la  science 
dinil  vous  ave/,  besoin  pour  cela.  Vous  n'avi'z  qn'à 
renianpier  les  particularités  suivantes.  La  léie  ou  le 
(T.àne ,  qnanil  on  rcjjanle  d'en  liant  ,  présente  une 
foru:<'  plus  ou  ni<iins  ovale  ,  duncenient  arrondie  en 
arrièn- ,  mais  rnj;ueuse  el  moins  régulière  en  avant, 
à  cause  des  <is  de  la  face.  Si  nous  les  examinons, 
nous  verrons  qu'ils  se  projettent  à  dilfcrenls  degrés 
et  peuvent  être  divisés  en  trois  portions  :  première- 
ment,  le  from  qui  peut  être  plus  on  moins  dé()rinié  ; 
8ec(Miilemenl,  les  os  du  ne/.  ,  et  an-dessous  ceux  des 
niAcboires  avec  leurs  dents.  Il  faut  n  manpier  aussi 
la  manicie  dont  l'os  molaire  on  de  li  pommelle 
s'adapte  avec  le  temporal  ou  l'os  des  oreille-;,  par  le 
nmyeii  d'une  arcade  appel,  e  zygomaliqne,  formée  de 
inariièie  à  ce  que  de  forts  muscles  |Uis^enl  passer 
par-dessous  ei  se  (ixer  à  la  mai  hoiie  inlérieure. 

Or,  la  règle  de  Iîluineid)acli  consiste  pfécisémeut 
i  voir  le  ci  âne  comme  je  l'ai  décrit,  et  à  remarquer 
Ses  particularités  sur  lesquelles  j'ai  insisté,  il  Iç 
place  dans  sa  position  n:it  irelle  sur  une  table,  puig 
il  regarde  d'en  baul  el  d'aplomb.  Les  formes  relati- 
ves cl  les  proportions  des  parties  ainsi  visibles  lui 
donnent  ce  qu'il  apielle  la  règle  verticale  ou  norina 
verlicnlis.  lin  suivant  cette  règle,  il  divise  la  race 
buui.iine  tout  entièrt^  en  trois  lamilles  primipales, 
a\ee  deux  antres  familles  intermédiaires.  Des  trois 
grandes  divisions  il  appelle  la  première  C'aMcusieimi;, 
on  centrale  ;  la  seconde  Elliiopit'iitie,  et  la  tioi.siéme 
iloiiijole  ;  ces  deux  dcrniéies  snul  les  deux  variétés 
exlièmes.  En  exaniinant  les  plancbes  faiiev d'après 
ses  tmvrages,  vous  icconnaitrez  à  rinslanl  leurs  dif- 
férences caractéristiques.  Dans  la  famille  cauca- 
sienne, ou,  comme  d'antres  l'ont  appi-lce,  la  variété 
ciirnssiciiiic,  la  forme  générale  du  ci  âne  est  plus  sy- 
métriipii',  et  les  arcad<-s  zygoinatiques  rentrent  itans 
la  liiîne  générale  du  cniitonr,  ei  les  us  des  jopes  el 
des  ii-àidiiiires  sont  enliéienieni  cacliés  par  U  plus 
grande  proéminence  du  front.  Les  deux  autres  fa- 
milles s'écarleni  de  ce  tyjie  dans  des  directions  op- 
posées :  le  cr.ioe  du  négie  est  plus  long  et  plus 
étri.it  ;  celui  du  Mongol  est  d'une  excessive  largeur. 
Dans  le  crâne  du  nègre,  vous  reniariiuerez  la  com- 
(irissioti  latérale  Irès-prouiiKée  de  la  partie  anté- 
I  ienre  <lu  crâne,  compression  telle  que  les  arcides 
zy^jomaliques,  quoique  irès-aplalies  elles-niêmes, 
bini  cependant  une  forlo  saillie  au  delà  ;  et  vous 
observerez  (lue  la  p;irtie  inférieure  du  visage  se  pro- 
jette teiieuieni  au  delà  de  la  partie  supérieure,  que 
noii-s'uleinenl  les  os  des  jcnies,  mais  la  lotaliié  des 
mâchoires  et  même  les  dents,  sont  visibles  d'eu 
b.iut.  La  surface  générale  du  crâne  est  aussi  remar- 
qnahlemcnt  allongée  et  comprimée. 

Le  Ci  âne  mongnl  se  distingue  par  la  largeur  ex- 
traordinaire de  la  face,  dans  laquelle  l'arcade  zy- 
goitniii|iie  est  coiiiplélemeul  détachée  de  l.i  cil cou- 

léieue   générale;    i pas   tant,   comme   dans   le 

irènre,  à  pausa  de  la  dépression  du  front,  que  par 


l'énorine  proéminence  latérale  de  l'ns  dej  joues, 
qui  éiant  en  méine  temps  aplaties,  doiineru  une  ex- 
pression particubère  à  la  face  mongide.  Le  front 
est  aussi  trçs-dépiimé  et  la  màclioire  ijuiiérieure 
proiiibéranle,  de  manière  à  être  visible  quand  yii  Ja 
regarde  vertic;\lement. 

Entre  la  variété  caucasienne  (-1  chacune  des  deux 
autres,  il  y  a  une  classe  intermédiaire  pt|s.sédaui  à 
un  certain  degré  les  caractères  disiinclirs  des  d.-ux 
classes  exlrci|ies,  el  formant  une  lrau.>ilion  entre 
elles  et  buir  centre.  La  variété  iiilermédiaire  entre 
les  famdles  caucasienne  et  nègre  est  la  race  ma- 
laise, et  le  chainon  entre  les  races  cai,icaaieuiie  et 
mongole,  c'est  la  variété  américaine. 

Outre  ces  grands  et  primitifs  caractères,  il  y  pu  a 
d'autres  d'une  nature  secondaire,  mais  non  moins 
faciles  à  distinguer  :  ils  consisieni  daus  Iç  teint,  la 
chevelure  et  les  yeux  des  dilTéi.euiçs  races.  Les 
tr(ds  fiuiilles  principales  sont  disiingiiée^  par  anlant 
de  Couleurs  différentes.  La  famille  eaucas.ieune  a  le 
leint  blanc;  la  nègre,  noir;  et  la  mongole,  oliv^;  au 
ji<iine  :  les  races  uiterniédiaires  oui  aussi  des  nuan- 
ces intermédiaires;  les  Américains  sont  cnivips  el 
les  Malais  basanés.  La  couleur  des  cheveux  et  de 
l'iris  .siiii  celle  de  la  peau  d'une  manière  assez  évi- 
dente. Même  dans  la  race  blonde  ou  caucasientu:  à 
laquelle  uniis  appartenons,  les  personnes  d'un  teint 
tié— blond  ou  trés-auimé  ont  toujoufs  les  cheveux 
roux  ou  de  1  onlcur  claire,  ej  le^  yeux  bleus  oi^  d'ime 
nuaiice  légère  ;  «m  a  appelé  cette  clause  la  variété 
ocanllwjue  (zm'io\j;)  de  la  race  blan(;he.  Dans  les  per- 
sonnes dont  la  peau  est  hriiiie,  les  cheveux  sont  in- 
variablement noirs  el  les  yeux  plus  foncés.  tJelia 
classe  de  personnes  est  appelée  la  variété  mélnnique. 
Celle  ciniformité  de  couleur  dans  les  différentes  par- 
ties éla  l  bien  connue  des  ancijus,  qui  l'observaient 
exaeiemeiu  dans  leifs  descripiiuus  des  persunues. 
Ainsi  Ausone,  dans  son  idylle  sur  Dissula,  qui  ap- 
parieiiaii  à  la  iiremlcre  classe,  dit  eu  parlant  d'elle  : 

Germ;ma  nianeret 
lit  faciès,  ocubis  caerula,  tlava  coniis; 

el  dans  uii  auire  passage  II  lui  doime  le  teint  cor- 
respoiid.iiit  : 

Puniqeas  cnnfunile  rosas,  et  lilia  misce, 
Qui(|iie  eril  ex  illis  color  aeris,  ipse  sit  orls  (a). 

Horace  décrit  de  inéuie  un  jeune  homme  de  la  se- 
conde variété  : 

Et  Lycum  nigris  ocuHs,  nigroque 
Criiie  deewru|n  {b). 

D'après  ces  remarques,  vous  comprendrez  facile- 
menl  que  dans  les  deux  races  nègre  et  mongole,  chez 
lesquelles  la  peau  est  foncée  ,  les  cheveux  doivent 
être  noirs  et  les  yeux  foncés.  La  chevelure  aussi, 
outre  sa  couleur,  a  un  caractère  particulier  dans 
chaque  race  :  dans  la  race  blanche  elle  est  flexible, 
flouante,  modérément  épaisse  el  douce  au  loucher; 
chez  le  nègre  elle  est  très-épaisse,  forte,  courte  et 
crépue  ;  chez  le  Mongol  elle  est  raide,  drniie  et 
rare.  Dans  chacniie  de  ces  races  il  s'élève  acciden- 
tellemeiil  une  variéié  qui  doit  être  mentionnée  et 
qui  parait  tenir,  au  moins  dans  l'espéec  limnaine, 
à  un  état  morbide.  Je  veux  parler  des  Albinos,  ou 
des  personnes  chez  lesquelles  la  peau  e-l  d'une 
blancbenr  élilouissanie ,  les  cheveux  irès  lins  et 
presque  sans  couleur,  el  les  yeux  nniges.  Les  yeux 
ont  aussi  une  extrême  seusibilité,  el  ne  leiivenl 
suppnrier  que  très-peu  de  lumière,  ce  qui  a  fiit 
suppi>ser  au  vulgaire  que  les  Albinos  vtutnl  dans 
les  ténèbres;  leur  sauté  et  leur  iniellii;riiee  suit 
aussi  trés-faibles  en  général.  On  en  troine  dans  t  ms 
les  p;iys.  Dans  un  village  peu  éloigne  de  cette  ville 

(«)  f  di;((.  vil,  9,  el  Fragm.  aniiex. 
[b)  uJ.  lib.  I,  Ï7. 


st 


RAC 


RAC 


5Î 


(de  Rome)  il  y  a  une  lamilie  irès-respectable  dont 
plusieurs  enfanis  app;\rticniieiU  à  celle  classe.  Ab- 
dollutiphe,  niéileciii  aralie  plein  de  siig.icilé,  parle 
d'un  Alliiiins  qu'il  a  vri  chez  les  Copies  cumiiie  d'iine 
Ciiriosiié  naturelle  (a).  M.  Ilrawrurd  jeile  du  discré- 
dit sipf  la  dpscri[iliiiii  que  Simueral  avail  liiie  des 
Pnpi'Us  de  la  Nouvelle-Guinée,  parce  qu'il  avait  dil 
que  leurs  clicvenx  sonl  d'un  unir  brilhml  on  d'un 
roiiç;e  ardent  (6)  ;  ceiiendaiii  Sonnerai  p.iraii  avoir 
eu  en  vue  quelques  Allilnos,  demi  les  chevonv, 
parmi  les  nègres,  prennent  une  couleur  rnngeàtre. 
Même  en  Afriii'ie,  parmi  les  raies  les  plus  fniicées, 
celte  variété  est  loin  d'éiie  rare,  et  Cornie  naliirel- 
lemenl  un  contraste  lieaiciiup  plus  fra|)paui  par  sa 
Idaucheur  de  neige  avec  le  mur  d'ébène  de  ses  voi- 
sins (cl. 

Je  passe  par-dessus  plusieurs  autres  marques  dis- 
tinciives  de  ces  races  humaine-,  pirce  qu'elles  sont 
moins  imporiaules  :  lelles  sont  la  direclion  des 
dents,  la  siature  ei  la  (orme  du  corps.  Je  vais  main- 
tenant tracer  les  liinlies  fiéngrapliiques  de  chaque 
grande  lamilie. 

La  caucasienne  comprend  toutes  les  nations  de 
l'Europe  (  excepté  les  Lapims,  les  Fiidandais  et  les 
Hongrois);  les  babilanls  de  l'Asie  occideiiiale,  en  v 
comprenant  l'Arabie,  la  l'erse,  et  en  reuionianl 
aussi  liaut  que  l'Oliy,  la  mer  Caspienne  et  le  Gange  ; 
enliu,  les  peuples  du  nord  de  l'Afrique. 

La  race  nègre  comprend  uuil  le  reste  des  habi- 
tants de  celle  partie  du  niunilu  que  je  viens  de  nom- 
mer. 

La  race  mongole  embrasse  toutes  les  nations  de 
l'Asie  min  comprises  dans  les  variétés  cauiasieniie 
ou  malaise,  ainsi  qne  les  tribus  européennes  ex- 
clues de  la  première,  elles  Lsquiuiaux  de  l'Amé- 
rique sepienirionale. 

La  race  malaise  comprend  les  naturels  de  la  pé- 
ninsule (le  MiiLaci,  de  l'Australie  et  de  la  Polynésie, 
désignés  en  éilmugraphie  par  le  nom  de  Irilius  des 
Papous. 

Liilin,  la  famille  américaine  renferme  tous  les 
aborigènes  du  nouveau  monde,  excepté  les  Esqui- 
luanx. 

il.  Les  différentes  espèces  de  race  humaine  peuvent- 
elles  descendre  dune  seule?  Voici,  dil  Mgr  VViseman,  le 
grand  problème  à  rés.mdre  :  Comment  les  variétés 
que  nous  venons  de  décrire  onl-elles  surgi  dans  l'es- 
pèce huiu;iine?  tsi-ce  par  un  cbangemeiit  soudain  qui 
a  modilié  quelque  p(ulion  d'un,^  grande  famille,  de 
manière  à  en  former  une  autre?  ou  bien  devons- 
noub  supposer  nue  dégradation  graduelle,  comme 
disent  les  naturalistes,  de^>rad;iliùn  eu  vertu  de  la- 
quelle quelques  nations  ou  familles  ont  passé  gra- 
duellemeut,  p.r  des  nuances  successives,  d'un  ex- 
trême à  1  autre  ?  Lt  dans  l'un  et  l'autre  cas,  quelle 
doit  étie  la  souche  originaire?  Il  laul  avouer  que 
l'étal  pré-ent  de  la  scien.e  ne  nous  autorise  pas  à 
décidei  eupresséiuenlen  laveur  de  l'une  ou  de  l'antre 
liypolhé>e,  m  a  en  «lise  uier  les  dernières  conséquen- 
ces. Mais  indépendamment  di;  cela  ,  nous  en  savcuis 
as.-ez  pour  ne  pouvoir  plus  donier  laisounablement 

de  la  en mue  origine  de  toutes  les  races. 

En  ellel,  après  avoir  promené  nos  regards  sur 
tou.  ce  i|iii  a  lié  fait  p.ir  celte  science  encore  dans 
reufance,  nous  pouvons  dire,  je  crois,  que  les  points 
suivants,  qui  embiasseul  tous  les  éléineuts  du  pro- 
blème ,  ont  é  é  résolus  d'une  maméie  saiislaisauie. 
l'iomiéreiiient ,    il   peut  s'élever  dans  une   race  des 

(a)  Parmi  les  merveilles  de  la  nature  de  ce  temps  on 
don  eonquer  un  euf.nn  iio  avec  une  dieelure  blaiicbe  ùui 
lo'ii  il^  ressend)lera  .'elle  des  viei  lard.s,  approchali  plmôî 
dHa  couleur  rouge.  A».  Mirahil.MgypU.  Uxon.,  1800,  p. 

{b)  un  sui).,  p.  27. 
sifi  \^'',  "'"î  '',!;*"'t"iV''  détaillée  d'un  nègre  blanc  du 
AuïsL,  178y"  ''^0"''''''P'""'  <<«  '«  «ignue,  par  M.  P.  D.  P. 


variéiés  accidentelles  ou  sporndiques,  comme  on  dit. 
tendant  h  y  produire  les  caractères  d'une  autre  race; 
secondement,  ces  variétés  peuvent  se  perpétuer; 
iroisiènieinenl,  li;  climai,  la  nourriture,  la  civilisa- 
lion,  etc.  ,  peuvent  i:itlner  puissanmient  sur  la  pro- 
duction de  semblables  variétés,  ou  du  moins  les 
rendre  lixes,  caractéristiques  et  perpéinelles.  Je  dis 
que  ces  iioints ,  s'ils  sonl  prouvés,  embrassent  tous 
les  éléments  du  problème  ,  qui  est  celui-ci  :  Des  va  - 
nélés  lelles  que  nous  eu  voyons  maintenant  dins  la 
race  humaine  peuvent-elles  è're  sorties  d'une  sou- 
che unique  ?  Lu  effet,  si  nous  déinoniroiis  ces  trois 
points  nous  renverserons  la  base  sur  laquelle  s'ap- 
puient les  adversaires  de  la  révéfilion  pour  nier  l'u- 
nité d'origine  qu'elle  enseigne.  Ri  d'ailleurs  ,  tout 
vrai  philosophe  préférera  ,  si  elle  est  iuatt  niuable  , 
1  hypothèse  la  plus  simple  à  la  plus  complexe.  Ko 
iraiiaut  ces  dilVérents  points,  il  sera  presque  impos- 
sible de  les  tenir  cnmpléiemeot  isolés  ,  surtout  les 
deux  premiers;  mais  il  n'y  aura,  j'espère,  aucun  in- 
convénient à  les  réunir  ensemble. 

Avanl  d'.iborder  direciemeul  celle  recherche, 
disons  que  les  écrivains  qui  ont  traité  de  celle 
scieme,  ont  en  général  préparé  le  terrain  ,  en  exa- 
niiiiaol  les  lois  iiue  la  nature  a  suivies  dans  les  rangs 
inférieurs  de  la  création.  Pour  coinmencer ,  p.ir 
exemple  ,  par  les  plantes  ,  toutes  les  observations 
nous  couduisenl  de  plus  en  plus  à  cette  ooMclusion  : 
que  chaque  espèce  prend  son  origine  de  quelque 
centre  commun,  dmi  elle  a  éié  giadiielleuieul  pro- 
pagée. Les  oi)servalions  faites  par  lluiuboldt  et  Bori- 
plJiid  dans  rAniérique  méridionale,  par  Pursh  aux 
LlalsUnis  ,  et  par  lirowii  à  la  Muuvelle-Hollande  , 
ont  fourni  à  Ile  Candolle  de^  matériaux  sullisams 
pour  tenier  avec  succès  une  .lislribulion  géogra- 
phique des  plantes  ,  en  inoniraut  le  ceulre  d'où 
chacune  est  probablement  paaie.  Il  a  énuméré  nue 
vingiaiiie  de  iirovinces  botaui(|ues ,  comme  il  dil, 
habitées  par  des  pjan:es  indigènes  ou  aborigènes  11' 
n'est  donc  pas  éionnanl  que,  quand  l'Améiique  a  éié 
découverte,  on  n'y  ait  pas  trouvé  une  seule  planie 
comme  dans  l'ancien  monde  ,  exeepié  celles  dont 
les  semences  avaient  pu  êlre  transportées  à  travers 
les  eaux  de  l'Océan.  Aux  Kials-Unis,  sur  2,891  es- 
pèces de  piaules,  385  seulement  se  relionvenl  dans 
le  nord  de  l'Europe,  et  sur  .i.lOO  espèces  décou- 
veriesala  Nouvelle-Hollande,  1(JG  seulemeul  sont 
comiiiiines  à  nos  (outrées;  et  de  celles-ci,  plusieurs 
ont  été  plantées  par  bs  cidons  (a).  Ceci  fuit  voir 
d'un  coup  (l'œil  combien  la  nature  leu;l  à  la  simplicité 
et  à  l'uniié  dans  l'origine  des  (  hoses;  tandis  que  les 
variétés  qui  surgissent  dans  le  inonde  végétal  , 
sous  l'influence  des  circonsLsmces  extérieures  ,  dé- 
inontreni  l'existence  d'une  influence  modinante 
dont  l'action  est  continuelle.  Mais  l'analogie  enlre 
les  animaux  et  l'homme  est  plus  étroite  et  plus  ap- 
plicable. L'orgaoisaiion  physique  de  ces  deux  clas- 
ses d'éires  animés  est  tellement  semblable  les 
lois  par  lesquelles  leurs  individus  et  leurs  races  .se 
conservent  sont  tellement  idenli(|Ues,  leurs  sujétions 
aux  mlliiem  es  morbides,  à  I  action  des  causes  natu- 
relles, et,  sous  les  dilTérenis  noms  de  domeaicité  et 
de  civilisation,  à  l'influence  des  combinaisons  ar- 
liluielles,  soni  tellement  analogues,  que  nous  avons 
presque  le  droit  de  conclure  des  modilications  ac- 
tuelles de  l'une ,  aux  modiûcations  possibles  de 
l'autre. 

Or  il  est  certain  ,  il  est  évidenl  que  les  animaux 
reconnus  pour  être  d'une  seule  espèce  se  divisent 
dans  des  circonstance-  parliculièies  i.ii  variétés  aussi 
disliMcies  (|ue  celles  de  I',  spèce  humaine,  lar  exem- 
ple, (piant  a  la  forme  du  ciâne.  ceux  du  matin  et  de 

(n)  Voir  l'excellent  cli.apjtre  de  lyell  sur  ce  sujet,  vol. 
11,  I  .  1.0,  et  l'ri.  hard,  \ol.  |,  e.  2,  secl.  2  ,  p.  2.-).  l'oùr  les 
poiiUs  de  res.eniblauce  dans  l'organisation  des  plantes  et 
des  ammaux ,  voir  l.i  dissertatiou  de  f.aïuper  sur  ce  sujet . 
Oi  alto  de  Analoyiu  mier  ammalia  et  Uirpes.  Gotting    176i 


ii 


flAC 


l:i  levrelle  ilalic.niie  ilifTcri-nt  hoaiicrtiip  plus  entre 
eii\  que  ceux  de  l'I.iirupécii  et  du  nègre  :  et  ceiien- 
danl  toiil  critéiiiiiii  de  res|ié((;  devra  <(>iiipreiidie  les 
deux  extrêmes  entre  lesipifls  une  cliaine  de  i;raila- 
lioiis  iiileniiédiaires  peul  être  clairement  étililie  Le 
crâne  du  siiiRlier ,  selon  l'observation  de  Klninen- 
Icii  II,  ne  dillére  pas  moins  de  celui  du  cochon  do- 
iiiestii|ne,  son  descenilaul  indniiilalile,  (pie  ceux 
de  deux  races  linniaiiifs  ne  diffèrent  l'nu  de  l'au- 
tre (a).  Dans  cliaciue  espèce  d'aniiiiaiix  doiiieslii|ues, 
on  trouvera  des  variétés  aussi  Irappantes. 

Les  clian^enieiits  dans  la  couleur  et  ilaiis  la  forme 
des  pi  ils  ne  sont  ni  iiiuins  onlmalrcs  ni  moins  le- 
inanpialdes.  Selon  ISeï  kuian,  dans  la  Guinée  ,  toutes 
les  vidailles  et  tous  les  chiens  sont  aussi  nnirs  que 
les  habiiaiHs  (b).  Le  bœuf  de  la  campagne  de  Koine 
est  invariablement  gris,  tandis  que  dans  quelques 
autres  parties  de  l'Italie,  il  est  };énéraleiiieiit  roux  :  les 
cochons  et  les  in-utnns  sont  pre  que  ions  noirs  ici, 
tanilis  qu'eu  Angleterre  le  blanc  est  leur  couleur 
prédoininuiie.  En  Cor.-e,  les  chevaux,  les  chiens  el 
les  autres  animaux  deviennent  agrealilcmeul  taclie- 
ié:.;  el  le  chien  de  irait  ,  comme  on  l'a|i()elle  ,  ap- 
partient à  ce  pays.  l'Iusieurs  écrivains  ont  alinbué 
à  certaines  rivières  la  propriéié  de  iloiiner  une  cou- 
leor  au  bétail  qui  vil  sur  leurs  bords.  Ainsi  Vitruve 
observe  que  les  rivières  de  Uéoiie  el  le  Xaiulie,  près 
de  Troie,  donnaient  une  couleur  jaune  aux  trou- 
peaux, d'oj  le  Xanilie  a  pris  son  iinin  (c).  .M.  Sie- 
warl  Uoss  ,  dans  ses  Lettres  sur  le  nord  de  l'Ilutie, 
du  que  l'on  attribue  encore  aii|(iuid'hni  au  l'o  une 
seniblahle  proprieié  (d).  Ll  plusii-uis  de  vmis  se 
rappelleront  probablement  ici  les  blancs  troupeaux 
du  beau  Cluumnus  décrits  par  le  poeie  : 

Hinc  allii,  Clltiiiiuie,  i;reges,  et  ni»xinia  laurus 
Victiina,  sxpe  luu  peilusi  nuuinie  sacru 
Koiiiaiiua  aii  teuipli  deum  diixere  tiiuiiiphos  (c) 

La  forme  du  poil  subit  des  ihaiigements  analo- 
gues. Touies  les  lenlalives  pour  obleiiir  de  la  laiue 
dans  les  Indes  otcideiilale  ont  crlinué,  je  crois, 
pirce  que  les  troupeaux  que  l'un  y  iraiispnrle  per- 
dent eiilièrcinent  leur  laine  et  se  couvrent  de 
poils  (/  ).  Il  en  arrive  de  ii.èine  dans  d'aiiiies  cli- 
nial>  cuauds.  En  Guinée  les  iiiguious  ,  dit  bmilli  , 
ont  si  peu  de  resseniblunee  avec  eeux  d'Europe,  qu'un 
étrar.yer ,  à  nwins  i.e  la  entendre  bêler,  pourrait  à 
peine  dire  a  quelle  espèce  ils  iippartieniienl  ;  car  ils 
sont  couverts  setileiiicnt  d'un  poil  brun-clair  nu  noir 
comme  des  cliiens.  Aussi  un  écrivain  d'iinaginalioa 
observaiiil  que,  là  te  nionite  semble  renversé,  car  les 
moutons  oui  du  poil  el  les  liommes  ont  de  lu  lame  (y). 
lin  semblable  phenoiiiéne  a  lieu  autour  d'.vngoia, 
où  presque  tous  les  aunnaux,  moutons,   chèvres,  la- 

(n)  Op.  cit.  p.  80. 

(b)  yo:iuqe  w  uiid  (rom  Bornéo,  Lmidon  ,  1718,  p.  U. 

(c)  Swu  eniin  Beolia'  fhimnii  Ccpluisus  et  Mêlas,  Leuca- 

Hl'it'  EnUiiis,  iiotœ  Xantnus.  eii- l'umpecurasuis  U'inpo- 

tilius  uiiiii  piiraiilar  ad  (Onieplionem  poilus,  per  id  leinius 
adhjwuui  LU  ipiu.idie  poiuin,  ex  euque  .  quidneis  suit  idbn, 
prue-ennl  (Uns  loeis  Uucophwii,  alm  putta,  nliis  eoruiiiio 
coiiire.  l(jUiir  ijUdUKiiii  in  irojauis  ptoxunc  jlunien  arinentu 
ni/ 1,  et  pecora  leucopluva  nuscuiiiur  ;  n/tv  id  ftumen  Hien- 
ses  Xantltwn  appe.lucsse  (liciiiUui .  .•iiclutea.  I.  viii.c.  111, 
p.  Ui-i,  edit.  De  Laci  âuisl.,  I(ii9.  Aux  iiutes  sur  ce  pas- 
iajje  i-!>i  aioutée  eu  coulniuaiiuii  l'auionléde  Pline,  Tliéu- 
plnasle,  Slrabou  i-l  aulnes;  cpieiiiues-uucs  sout  évidnii- 
II. eut  lies  laOïes.  Arisioie,  ue  llistona  animal. ,1.  m,  Uonne 
la  iiéine  eifimoloijie  de  la  rivi  re  .^uiitlie. 

(d)  Lellresduinrd  de  l'Ilulie.Luud.,  ISl'J,  vol.  \,  p.  iô. 
Lilee  ues  inUigèues  est  que  «  u  iii-seulement  les  liélea  ilu 
p^iys  SDUl  b  aiichfS  (ou  pour  iiailei-  plus  e^acteniL-ui,  cou- 
lejT  de  Cl-  me),  ni.us  que  uiemc  I.  s  bieul's  éiraugers  ré- 
vèlent la  Hièiiie  livrée  eu  buvant  les  eaux  du  l'o.  » 

{e)  Virgil.  Giurgiques,  il,  116. 

(/')  l'rieUani,  ib!  p.  iio. 

(g)  Smith.  New  votjaye  lo  Guinea.  Loiid  ,  174.'},  p.  147 
Neiv  yenerat  coilectim  of  voi/anes  and  travels  vol  11 
Loud.,  17iû,  p.7n.  '  ' 


RAC  g; 

pins  el  chais  sont  coiiverls  d'un  Ion?  pcil  soyeux 
fort  célèbre  dans  les  nianulacluies  de  l'Onenl.  D'au- 
tres animaux  sont  sujeis  à  ces  cbaiigemenis,  car  l'é- 
vèque  lléher  nous  apprend  que  les  cliitiis  et  les  che- 
vaux conduits  de  l'Inde  dans  les  maniaques,  sont 
bientôt  couverts  de  laine  comme  ta  cliéure  à  duvet  de 
cliàle  de  ces  climats  {a}. 

Si  nous  examinons  la  forme  générale  et  la  slruc- 
Inie  des  animaux,  nous  verrons  ces  deux  choses  sn- 
jelies  aux  plus  grandes  variations.  Aucun  animal  ne 
iiioiitre  cela  plus  <:laireiiieiil  que  le  bœuf,  parce  (pie 
sur  aucun  autre  l'an  et  la  domesticité  n'ont  été  es- 
sayes eii  laiil  de  lieux  divers,  yiiel  coiiirasl':  n'y  a- 
l  II  pas  enire  cet  animal  lourd,  massif,  à  loUi^ues 
cornes,  qui  traverse  les  rues  de  Kome,  el  ce  bœuf  à 
peine  tète  et  aux  membres  agiles  que  les  fermiers 
anglais  prisent  si  fort!  Selon  bosnian,  <  les  chiens 
européens  dégénèrent  à  la  Ciiie-d'Or  en  peu  de 
temps  d'une  manière  étrange  ;  leurs  oreilles  devien- 
nent longues  et  droites  eonime  celles  du  reiiarj, 
vers  la  couleur  duquel  ils  inclinent  pareillement;  eu 
sorte  qu'en  trois  ou  ipiatre  ans,  ils  devieiinenl  liés- 
laids,  et  au  bout  daulant  de  générations,  leur 
aboiement  se  ebange  en  une  sorte  de  hurleme.ii  on 
de  glapissenieiit.  »  Uarbol  du  de  même  ipie  i  les 
chie.is  du  pays  sont  Irès-laids  el  ressemblent  beau- 
coup à  nos  renards.  Ils  ont  les  oieil  es  b.nguei  ei 
droites,  la  queue  longue,  gièle  el  poniue  par  le  boul, 
sans  aucun  poil  ;  leur  peau  est  seulement  nue  el 
lisse,  taeiieiée  ou  unie;  iU  n'aboient  jamais,  seiile- 
inenl  ils  hurlent.  Les  noirs  les  appellenl  cabre  ile 
matlo,  ce  qni  en  portugais  signide  une  chêne  sau- 
vage, el  cela  parce  qu'ils  les  inangeiil  el  esliinenl 
plus  leur  chair  que  celle  du  iiioulon  (ft).  i  Ainsi  il 
parait  que  le  climat  ou  d'autres  etrconsiaiices  loea- 
ies  ont,  dans  ce  ca>,  le  pouvoir  de  lediiire  en  peu  de 
géneiaiioiis  une  espèce  d'animaux  amenée  d'un  aulre 
p.ys,  à  la  niêine  c  >iidilion  que  la  race  native;  au 
point  qu'on  pourrait  a  peine  reconiiaiirc  leur  souche 
piiniitive,  dont  ils  oui  pre-qiie  perdu  les  ciracicies. 
Le  chameau  pré-enie  également  un  exe  ii|ile  de  inu- 
dilicaiioiis  exlraordtiiaires.  «  Oaiis  i|ueli|ues  cara- 
vanes que  nous  avon^  re.icoiitrées,  dit  un  vovagenr 
niodeiiie,  il  y  avait  des  chameaux  d'une  espèce 
beaucoup  plus  grande  que  tous  ceux  que  j'.ivais  vos 
aupaiavaoi;  ils  ddléraienl  aiitaiu  du  ehaoïeau  d'A- 
rabie dans  leurs  formes  et  leurs  proportions  qu'un 
matin  dillere  u'uiie  levreiie.  Ces  eliameaux  avaient 
la  leie  grosse;  de  leurs  cous  épai^  pendait  nu  poil 
brun-fonee,  long  el  rude  ;  leurs  jambes  étaient  cour- 
tes et  les  joiniures  épdsses,  le  corps  el  les  banclies 
él  lient  al  lonuis  et  charnus;  iieannioiiis  ils  élaieut 
d'un  pied  plus  hauts  que  les  chameaux  ordinaires 
des  déserts  d'Arabie  (c).  >  Lt  m  parlant  de  let  ani- 
mal, je  ferai  observer  que  son  caracleie  le  plus  «ail- 
lant, la  bosse  de  son  dos,  qui  est  double  dans  la  va- 
riété bacinenne,  est  considéré  par  i|uelques  naiura- 
listcs  eoinine  une  déviaiiitn  accidentelle  du  lype  ori 
giiial,  provenant  u'une  inalièie  sébacée  on  grasse, 
déposée  dans  le  lissu  cellulaiie  du  dos,  par  l'aeiion 
continue  de  la  chaleur,  exaclement  comme  la  bosse 
du  ^eliu  nu  bœuf  indien  ;  ou  la  ijueue  des  inoutuns 
de  Ikirbarie  et  de  Syrie;  on  la  lormalion  analogue 
observée  sur  les  reins  des  llotientols  Bosjn.aiis  (d). 
Ln  vous  citant  ces  exemples,  j'ai  moins  clierthe  a 
repioduire  les  laas  leciieillis  par  les  autres  qu'à  ajou- 
ter a  leurs  lecherclies  quelques  nouvelles  preuves. 
Mais  cela  suflit  pour  déiiiniitrei  que  des  variéies  spu- 
radiques  ou  accidrniclles  peuvent  non-seulemenl  se 
re|iruduirc,  mais,  ce  qui  va  mieux  à  autre  sujet,  peu- 
la)  Narrative  of  a  Jouriiey  titrouqh  itu  Upper  province» 
oflndia,!'  êdil.  Loud  ,  1>2S,  vol. 11,  p  ily. 
(ft)  NeiL'  collection  al  uuijayis,  eic,  p  71-2. 
(e)  Veqiiqes  en  A^^sqriel  .ûéaie  et  Pcrje,  par  J.S.  Buc- 
kiii^liain,  i«  écJil.  Loii.l.,  l«âU,  vol.  1,  p.  211. 

{d)  Levaillaiit,  Deuxième  wijaqe,  loui.  il,  p.  307.  Virev, 
loin.  I,  p.  ^18. 


5c  RAC 

veut  même  se  propager  parmi  ^es  animaux.  11  ne 
seiaii  pa-  dillicile  d<-  niiiliiiiller  les  exemples  de  ce 
ileruier  fait;  car  la  grande  disséniinalion  des  aiiimaiix 
all)ifios,  comme  les  lapins  blancs,  ou  les  chevaux 
ronleur  de  ciême,  qui  proliablèniem  sont  venus  d'a- 
linrd  de  niahidie,  prouve  avec  quelles  laciliié  ces  va- 
riétés actideniellrs  peuveni  se  reproduire.  M.ais  le 
docteur  Pnrliaril  donne  un  autre  exemple  tout  à  fait 
rctiianiuable;  c'est  celui  d'une  race  de  moutons 
élevée  depuis  peu  d'années  en  Angleterre',  et  conjiue 
sons  le  nom  de  Ancan,  oii  race  de  louue.  Elle  naquit 
d'iinè  variélé  accidentelle  ou,  pour  mieux  dire, 
il'uue  ditfiirmiié  dans  un  animal  qui  communiqua 
si  complètement  ses  singidariiés  à  sa  progéniluii', 
que  la  race  est  complètement  éiablie  e!  promet  d'être 
nerpéuielle;  on  Teslime  beaucoup  à  cause  du  peu  de 
Idiiunt'ur  de  *es  jambes,  qui  ne  lui  permet  p;is  de 
lifiiicliiraisénienl  les  barrières  des  cliamps  (a).  Il  est 
bien  reconnu  au^si  que  la  race  ipii  a  fourni  l'énorme 
bœuf  de  Durham  a  été  produite  arliliciellemenl  en 
cniisani  les  individus  qui  semblaient  réunir  le  plus 
di'  pniiils  de  perfe(  tion  de  tonle  es  èce;  la  base  élail 
le  Kiliië  on  pente  race  liçs  llighlands,  et  lout  le  bé- 
(:iil  <iui  arrive  à  des  dimensions  exir:iordinaires  est 
allié  à  celle  race.  Les  raisftnnements  sanctioimés  par 
ci'S  laits  ont  une  large  hase  d'analogie  applicable  à 
l'espèce  humaine,  et  il  n'est  pas  aisé  de  voir  pour- 
quoi des  variétés  aussi  grandes  n'auraient  pas  pu  se 
produire  et  se  iransniellie  par  descendance  parmi 
les  hommes  comme  parmi  les  animaux  inférieurs.  Il 
parait  cerlaiil,  eu  effet,  que  des  diversités  affectanl 
égaleinéntla  forme  du  crâne,  la  conlenr  cl  la  texture 
(les  puils,  et  la  forme  géncrab',  du  corps  proviennent 
parmi  les  animaux  d'une  souche  unique  ;  de  pins,  il 
semble  démoniré  que  des  différences  de  retie  n.iiure 
peuveni  originairement  surgir  de  (pielque  variété 
aitidéntelle  qui,  sous  des  circonstances  particulières, 
devient  fixe,  caractéristique  et  tiansmissthle  par  diS; 
ccndaiite.  Ne  pouvons-nous  pas  alors  considérer 
cunnie  très-probable,  qu 'idans  l'espère  humaine,  les 
mêmes  ca\ises  peuvent  opérer  d'une  manière  analo};ne 
et  produire  des  effets  non  moins  durables?  Et  les  va- 
riations de  ce  genre  qui  palais^ent  dans  notre  esj;ècc 
n'élaiit  pas  plus  éloignées  l'une  de  l'aulie  que  celles 
qui  uni  été  remarquées  parmi  les  baltes,  il  n'est  pas 
l)e^(lin  pour  les  expliquer  de  recourir  à  une  cause 
plus  vioienle  et  iilus  exlraordinaire.  Mais  aboidons 
de  plus  près  la  difficulté,  et  serrons-la  plus  étroi- 
leiiiënt. 

Il  liii;  parait  clair  que,  dans  chaque  famille  ou  race 
de  rcs(iêi  e  hiimane,  ds'esi  produit  atcideiilellcmeiil 
des  variéii-s  icnilant  à  y  établir  les  cariicléres  d'une 
antre  racé,  l'ar  exemple, les  cheveux  ronges  paraissent 
apparifiiir  prescpie  ex<  Insivement  à  ia  famille  can- 
casieniie  ;  ecpendiinl  il  existé  dans  presque  toutes  les 
yarielés  connues  des  individus  avec  cette  particula- 
rité, (^hailevoix  ï'a  obsei'vée  parmi  les  Esquimaux, 
Snnneial  parmi  les  Papous,  Wallis  parmi  les  iahi- 
lii'n^,  et  Lopés  parmi  les  nègres  (b).  (>ela  n'est  pas 
Jiliis  siirprenint  que  de  trouver  parmi  nous  des  iiidi- 
viilns  avec  lés  cheveux  Irisés,  et  je  crois  que  ceux 
<|iii  y  linl  tà\l  adeiitioii  auront  souvent  nbseivé  lians 
ces  pi:is(iiinés  une  lend.incé  vers  (juel(ine  autre  Irait 
ciiaitéiisiiq  le  dé  la  lamillc  éiliiopieniie,  coinme  un 
liiiit  bincé  el  des  lèvres  Cjiaisse-.  Dans  les  spécimens 
(!i-  ciàne  publiés  par  lilumridiach  et  provenanl  de 
s  'Il  nin^éiini,  il  y  a  celui  d'un  Lithuanien  (|ui,  vu  de 
prcdîl,  |ninirail  être  pi  is'  pour  un  ciàiie  de  nègre;  (c). 
Mais  i'exeinjile  le  plus  curieux  que  j'aie  rencontré  de 
(Ctte  tcniiaiiie  s|ior.idii|ue  à  piojuiie  dans  une  r.iie 
bnuraine  les  cuiaclèns  d'une  auii^'  lace,  se  l;<)ive 
d.iiiS  un  voyagi'nr  récent,  (jui,  a  pres(|iii;  le  premier 
explt/i-é  lé  }{aUr:ti'i,  ou  (fièilîct  aii  delà  du  Jourdain. 

(«)  Toi.  H,  p.  SStf. 

(6)  Bluuienbaclr,  p.  169'. 

[e)  Bedâdis  crmiorum,  p  âfccn.  xxii,  p.  6. 


RAC 


58 


«  La  famii.e  qui  réside  ici  (à  Abu-el-Beady\  dit-il, 
ayant  charge  du  sanctuaire,  esl  remarq.iabli!  en  ceci  : 
à  l'exception  du  père,  tous  ont  les  tr.nls  nègres,  inir- 
couleur  noir-foncé  ei  des  cheveux  crépus.  J'ai  pensé 
que  cela  résultait  sans  donie  de  ce  que  leur  inère 
était  négresse,  car  on  inmve  quelquelois  (larrni  les 
Arabes  des  femmes  de  cette  couleur,  soit  c<nnn'.e 
épouses  légilimes,  soit  comme  concnhines;  mais  en 
jnéme  temps  je  ne  pouvais  douer,  d'après  mon  oli- 
servalion  personnelle,  que  le  chef  actuel  de  la  la- 
hiiU"  ne  ftU  un  Ar.ibe  de  pure  race,  de  sang  non  mé- 
langé. On  m'assura  aussi  que  les  hommes  et  les 
femmes  de  la  génération  présenle  el  des  géiieralii>ns 
antérieures  élaient  loiis  Ardies  purs,  par  nianagc  1 1 
par  desceiidauce,  et  que  dans  l'histoire  de  la  lamilli-, 
on  n'avait  jiiiiais  connu  de  négresse,  ni  connue 
épouse,  ni  comme  esclave.  C'esi  une  parlicnla!  i..é 
irès-prononcée  des  Arabes  qui  habitent  la  val'èe  du 
Jourdain,  d'avoir  les  irails  plus  apl.itis,  la  peau  ilus 
iioire  el  les  cheVeux  plus  rudes  qu'aucune  auire 
tribu;  parliculaiiié  qu'il  faut,  je  pense,  allribiier  à 
là  chaleur  coniinuelle  el  intense  de  celle  région, 
pinlot  qu'à  aucune  autre  cause  (a),  i  Si  tmis  ces  lails 
el  toutes  ces  lirconslahces  sont  regardes  comme  siif- 
tisammenl  établis,  nous  avons  certainement  iti  un 
exemple  bien  frappant  d'individus  d'une  famille  qui 
approche  des  caraitéres  distiiiclifs  d'une  autre  la- 
mille,  et  de  la  liansmission  de  ces  c.iraclères  par 
di^scendance. 

Il  y  a  même  des  exemples  de  variétés  beaucoup 
plus  traiichees  il  beauccuip  plus  étranges  rpic  celles 
qui  consliluenl  les  caraclèies  spéciliques  d'aii.  une 
race,  et,  qui  plus  est,  ces  variétés  oui  passé  du  père 
au  fils;  assuiëmeiit  elles  aiiraieiil  rendu  noue  pro- 
blème beaucoup  plus  difficile  à  restnidre  ipi'il  n'est 
à  présent,  si  eibs  avaient  surgi  dans  quelque  paitie 
éloignée  du  slobe  el  s'étaient  étenilues  sur  une  popu- 
lation considérable.  La  plus  remarquable  e<it  s;ins 
doule  celle  dont  on  a  suivi  la  irace  pendani  trms  gé- 
néi  allons,  dans  la  famille  de  Lambert,  connue  généra- 
Feiiient  sous  le  nom  de  Cliomme  purc-épic.  L'auteur 
de  celle  r.ice  exlraordinaire  lut  d'abord,  étant  jeune 
i;aiçiin,  montré  par  son  père  en  I7âi,  et  venait  du 
voisinage  u'ùnstmi-llall  rlans  le  buiîolk,  M.  Ma;  liiii, 
celle  même  a;inée,  le  décrivit  dans  les  Truiisactioiis 
pliilosopUiques,  comme  ayant  le  corps  (  ouvert  de 
verrues  de  la  grosseur  d'une  ficelle  el  d'un  demi- 
ponce  de  long  ;  luiilelois  il  ne  le  niiiume  pas  {b).  Kn 
1755,  on  le  lii  voir  de  nouve.iu  sous  le  même  nom,  el 
il  lut  décrit  p;ir  M.  tiak.r,  dans  une  notice  présentée 
Ciunme  supplcment  de  li(  preiniéie  :  mais  ce  qui  est 
plus  important,  c'est  qu'ayant  alois  quarante  ans,  il 
aVail  eu  six  enfants  qui  ions,  à  la  même  époque,  neuf 
Semaines  api  es  la  nai  sauce,  avaient  présenle  la 
même  singularité;  et  le  seul  qui  sinvécul,  garç  ui  de 
h;nt  ans,  se  laisait  voir  avec  s(m  père.  M.  baker 
donne  une  planelie  représentant  la  m.iiu  du  fils, 
C(mime  M.  M  chin  av^iii  lait  pour  celle  du  père  (cj. 
En  18li-i,  les  enlanls  de  ce  garçon  élauni  montrés  en 
Allemagne  par  un  M.  Jnan..y.  le.juel  préleiidait 
qu'ils  appartenaient  à  une  r.ice  iruiivée  uans  la  Nou- 
velle-Hollande ou  dans  quelque  autre  pays  très- 
éloign'é.  Le  docteur  Tilésuis,  cependant,  b^s  examina 
irès-scrupulcusemeni,  et  publia  la  di:scriplion  la  plus 
exacle  que  nous  ayons  de  celle  singulière  lami.le, 
avec  les  figures  en  pied  des  deux  Iréres,  Jnhn,  qui 
avait  "21  ans,  et  Hi.  hard  qui  en  avaii  iô  (Uj  Leur 
père,  jeune  garç:Mi  de  la  notice  de  M.  Uaker,  vivait 
encore  et  étaii  garde-cbassé  de  lorJ  llunimgfiehl,  à 

(«y  iîucki'ngham,  Travels  among  llte  Aiab.  Tribes.  Lon- 
duii,  ISib',  (1.  14. 

(6)  John  Machin ,  FliHoiophical  Trans.  vol.  XXXVir, 
[1.  -iv)i). 

((•)  IbiU.,  vol.  NLix,  p.  21. 

{d)  Aitifithi  tuli,  Besclireibiiiifi  imd  AbbildWig  dcr  ueiden 
w  (icnaimlen  ^lacluUiiivem-Menschen  ans  der  behamiten 
einiUiclien  Faut  lie.  Lambert.  Allenburif.  I80i,  fol. 


37 


RAU 


HAC 


S8 


JIos  .'ninsham-Ilall  dans  le  Siiffolk.  Qtiaïul  on  leur 
fit  V  ir  le  (Irssiii  (iiii  représi'iilaU  sa  iriiiin,  dans  Us 
Tra- sttclions  philosophiques,  ils  la  rpcoiiiiurciil  ii 
l'inslanl  tuns  Ic'S  deux,  à  cause  (l'un  hoiil.in  d'une 
forint!  particulière  i|iii  fermait  le  pmgnel  de  la  clie- 
misi;  (u).  i.a  descripi'Oii  de  Tilé^iiis,  de  la  page  30 
jnsr.ii'à  la  lin  de  ce  livre,  est  Irè^-délnillé.;  cl  corres- 
p(niil  exacienienl  avec  celle  qn'on  avait  donnée  de 
leurs  pèies.  ti'nt  le  corps,  excepte  la  patiine  deS 
ma  IIS  la  planti'  des  pieds  et  le  visage,  était  couvert 
il'niic  ((iiantité  d'i'-ÀcrdissaiicfS  cornées  d'un  rouge 
linin  dures.  élasti(pies,  d'einiron  ml  deini-ponee  de 
ions  •"'  lirnissant  l'un  contre  l'autre  (jiiand  on  les 
frinssait  avec  la  main.  Jc^  th-  sais  à  ipioi  je  pourrais 
mieux  cniiiparer  l'appaience  de  ce  bizarre  tégiinienl, 
Ici  que  nous  le  voyous  dans  les  planches  de  'filcsius, 
(|u'à  une  multitude  de  prismes  ha^alliijues,  les  nus 
plus  louiîS,  les  autres  plus  ciuris,  comine  ils  soiit  géiié- 
raleuieni groupé-,  dans  la  nature.  Tous  les  aiis,  ces  ex- 
croissances ciirné-sloinhident,  et  leur  chute  était  tou- 
jours ;iccompagnée  d'un  certain  malaise;  elles  cédaient 
auSïi  à  l'action  (|u  mercure  qui  fut  essayé  dans  ce 
but;  liiais  dans  l'un  et  l'autre  cas,  tout  levenait  gra- 
dut'lleuienl  en  tiès-peu  de  temps  (h).  Les  couséi|uen- 
ces  que  M  Baker  lire  de  ce  pliénouiéne  exiraordinairé 
sont  Iles-justes  et  ont  encore  un  plus  grand  poids 
niainu'iiaiil  <iu"il  s'est  reiirodtiit  dans  une  autre  géné- 
ration et  dans  deux  cas  di-lincts.  i  II  iiarail  donc  iii- 
diibitiible,  dit-il,  que  cet  liomuie  punirait  propager 
une  race  particulière,  ayant  la  peau  hérissée  u'iiii 
tégument  semblable.  Si  cela  arrivait,  et  qu'on  oubliât 
l'origine  ai  cidentelle  de  celte  variél  ',  on  pourrait 
fuit  bien  la  prendre  pour  nue  espèce  dilîéreiitc  de  la 
noiie.  Celte  eonsidératinn  nous  conduirait  presque  à 
imaginer  que  si  l'iiuuiaiiité  est  suriiu  d'une  seule  et 
uièiue  souche,  la  peau  noire  des  nègres  et  plll^lours 
antres  différences  de  mê  .e  nature,  peuvent  bien  être 
dues  oiigiii;iiremenl  à  i|iiel'iue  cause  accideiilelle  (cj.i 
Une  autre  varréle  pbis  commune  c:t  qui  pievaul 
dans  des  familles  entières,  consiste  en  doigts  surnu- 
méraires. Dans  l'ancienne  Rome,  elle  fut  désignée  par 
un  nom  particulier,  et  les  ieUigiii  sont  mentinniiés 
par  l'Iiiie  et  d'autres  auteurs  graves.  Sir  A.  Carlisle 
a  tracé  avec  soin  l'Iiistoiie  d'une  semblable  laimllc 
pendaiil  quatre  générations.  Son  iioiii  etaii  Lo  biirn, 
et  cette  singularité  lut  introduite  dans  la  fainille  par 
la  bisaï''iile  du  plus  jeune  enfant  i|ue  l'on  examina  : 
cela  n'était  pas  régujir  et  se  remarquait  seiileiiK-nt 
chez  quelques  enla  .ts  dans  cliaque  ^énéiaiion.  Mau-^ 
perinis  eu  a  cité  d'uitres  exemples  en  Allemagne  ;  et 
un  célèbre  chirurgien  à  lierltu,  Jacob  Knbe,  appar- 
tenait a  nue  faniilb-  qui  avait  ci  lie  pai  ticularite  par 
le  coté  maternel  (d).  iNuus  avons  d(Mie  prouvé  déjàj 
tant  par  l'analogie  que  par  des  exemples  divers  : 
1°  qu'il  y  a  une  tendance  i  erpéluelle,  je  pourrais 
dire  nu  effort  dans  la  nature,  pour  produire  dans 
notre és|ièce  des  variété^  Souvent  d'un  caractère  tiés- 
extraoîdinaire,  quebpiefois  approchant  d'une  manière 
prrinoiicée  des  caraeières  S|  éciliques  d'une  race  dif- 
li'ieute  de  celle  ilans  la.|Uelle  naissent  ces  variétés; 
2*  que  ces  particularités  peuvent  se  communiquer  du 
père  au  lils  dans  des  généra  loiis  successives.  Nous 
avmis  donc  obtenu  ainsi  nu  puissant  motif  de  présu- 
mer que  b-s  diiïéreuies  Ijinilles  ou  races  humaines 
peuvent  devoir  leur  origine  à  (|uelque  occurrence 
semblable  h  l'apparition  accidentelle  d'une  variété 
(pli,  soùs  rinnui'iice  de  circonstances  favoiables,  par 
exemple,  l'isolement  de  l.i  ramille  d.ms  laquelle  elb-  a 
comii-eiicé.  et  les  inti-Tmanaijes  qui  oui  été  la  consé- 
(puiice  de  cet  isniement,  est  oevenue  lixe  et  indélé- 
bile dans  les  génér.itioas  suivantes. 


(a)  Pa?.  t. 

(6)  Philos.  Tramact.,  vol.  XLIX.  p.  22. 
(c)  /M. 

(â)  l'hilosophical  Transactions,  vol.  lîV,  1814,  part   i 
p.  a4.  Frichard,  vol.  11,  p.  357. 


Mais  vous  nie  demanderez  si  nous  avons  qiicli|'je 
exemple  de  iialions  entièies  ainsi  rhangées,  nu,  en 
d'attirés  termes,  si  lions  avons  des  esenipies  que  ces 
pliciioinciiés  se  développent  sur  une  Kraiide  échelle  î 
Uépondre  îi  celle  qiiestiuii  se>aii,  vous  ravimerez, 
cii  Unir  d'un  Seul  c  lUp  avi-c  tomes  les  difiicuJi  s  ilti 
sujet,  et  je  ne  saiiî  nfl  je  pourrai.  inleu<(  mt-  irom- 
pre  nos  recheréhes  sur  cette  tnatiéie  iju'au  poiiii  où 
nous  sommes  arrivés. 

En  traitant  de  cette  science,  nous  soiiiities  m.il- 
henreusement  privés  de  l'itSige  d'uu  euseinlile  d'ar- 
guments  qui  mit  une  grande  influence  sur  se>  i'ésiil- 
tals;  je  veux  parler  de  ces  ressemblanc  s  morales 
entre  ks  houimes  de  toutes  les  races,  qui  pourraient 
dildeilement  se  rencontrer  chez  des  rr  attires  d'iu'I- 
giiie  indépendante.  J'.d  entièrement  omis,  c'oiulrt(J 
peu  néciîssalres ,  les  discussions  habituelles  dtes 
zoo'ogistes  et  des  physiologistes  Sur  ce  qui  est  silf-^ 
lisaiii  ou  tiécessiire  pour  constituer  bs  diSiiu'ciinnS 
des  races  ;  car  je  pense  que,  laissant  de  côté  la  jJ»'  iW 
technique  d'une  pareille  reclierche,  cimiiiiL"  Indtlffi 
pour  iiiitre  b  it,  nous  sdmmeà  sullis  imiiietit  l'iliillé-i  h 
considérer,  comme  d'espèces  différentes,  leS  aill- 
maiix  dans  lesquels  nous  décmtvroiis  des  haltitnjfes 
et  des  Caractère. ,  si  je  puis  aiiiSi  parler,  d'tbie  lii- 
ture  conuiléleinent  dill'éretlte.  Le  loup  et  r.igliéati 
ne  sont  pas  mieiiv  disiingués  l'un  île  l'autre  p.ir 
leur  enveloppe  extérieure  et  par  leur  pliysionomia 
différente,  que  par  le  contraste  entre  leurs  disposi- 
tions. Et  si  cela  vous  paraissait  une  (otnpiraison 
d'extrê.ues  opposés,  je  dir.iis  i|Ue  la  sauvage  léroi  lié 
du  lou|.,  et  les  rue»  et  les  stratagèmes  du  renard, 
l'agression  par  bandes  luiuuliueiises  de  l'un,  et  les 
lar.  ins  solitaires  de  l'atltre,  servent  plus  clairement 
à  les  classer  dans  notre  espiit  que  la  iliffereiiee  de 
leurs  formes.  Jlaiiilenaut ,  si  tiiuis  considérons 
rhonniie  dans  les  états  les  plus  disseinblab  es  de  la 
vie  S'icule,  ijin-l  pie  abruti  ou  qiiebpje  cultivé  qu'il 
soit,  nous  liouveioiis  c:erlaiufm(':ii  des  rapports  de 
seiiiiiiieiits,  une  similitude  d'affections  et  une  faci- 
lité de  rappidciienieul  et  d'union,  qui  déiuoinr  ut 
clairement  que  la  ficulté  correspondante  à  l'instinct 
des  animaux,  est  ideniiqiie  dans  la  race  eiiiéie.  Les 
Moli.iWks  et  les  Osages,  leS  liabiiants  des  îles  Saiid- 
wieli  ou  des  îles  IMIew,  par  nu  coiiimeice  liès- 
courl  avec  le-  Européens,  ont  ajqiris,  surtout  ipiaiid 
ils  soi'il  venus  dans  iios  cou  rées,  à  se  confirmer  à 
tous  les  usage,  de  la  Vie,  comme  nous  les  euie.idoos, 
et  ont  formé  des  iinious,  cou  raclé  de.  aminés  inti- 
mes et  pridoiules  ave.;  lé.  hommes  d'une  autre  race. 
La  dillérence  d'organisatinu  dins  les  animaux  est 
toujours  liée  avec  une  driîérence  de  caractère  ;  le 
sillon  (|u'uu  inuscle  qnelconqut;  impiiiiie  sur  les  os 
du  lion,  lévéle  ses  liabiiuues  el  sa  iialure  ;  le  plus 
pi'til  os  de  l'aniilope  montre  des  lapp  iris  avec  la 
disposition  timide  de  cet  aniiiiil  et  sa  prom,.litiiile 
à  fuir.  Mais  dans  riioinme,  Soii  qu'il  :iit  pendanl 
plusieurs  génér.uimis  coulé  se.  jouis  à  moitié  en- 
dormi sur  nu  divan  comiiii;  l'induleut  Asiali  |ne  ,  rm 
qu'il  ait,  connue  le  chasseur  ainénciio,  d.m.  ses 
courses  infatigables,  poursuivi  sans  lelaclie  le  dai  u 
sauvage  dans  ses  forêts  vierges,  il  n'y  a  rien  dans 
son  organisatiun  qui  luo  itie  (ue  par  l'b.ibilude  ou 
rédiicatioii  il  n'ait  pas  pu  échanger  une  oci  u,ialioii 
contre  l'autre;  rien  ne  prouve  ipie  la  iiaïuie  l'.ul 
destiné  à  l'un  ou  à  l'autre  de  ces  élats. 

Au  contraire,  la  similitude  des  ailribiits  moraux, 
la  laculié  permanente  des  atL-ctions  (loiuesliques,  la 
dispositi.iii  a  fonder  et  à  m.iinienir  des  intérêt,  iiiii- 
tiiels,  le  sentiment  générjl  sur  ce  qui  toiiclie  à  la 
propriété  et  sur  les  inanières  de  la  proléger,  l'ac- 
cord sur  les  points  liMidimentaut  du  code  moral 
iionobstairt  les  déviation,  accidentelles,  et,  plus  que 
toui  le  reste,  le  don  sacré  de  la  parole  qui  as.ur< 
la  perpcioiié  de  tous  les  autres  signes  caractéristi- 
ques de  l'humanilé,  pruuyeiil  que  les  liotnuies,  sut 
quelque  partie  du  globe  qu'ils  soient  ëiablis,  queiqus 


50  HAC 

léqrailés  qu'ils  puissent  paraiire  maintenant,  ciaienl 
cena:neiueiil  destinés  poiii-  le  même  état,  et  p:ir  coii- 
sétiiienl  ont  du  y  èire  placés  originairement.  Et 
ci-ile  considération  doit  assurément  être  d'uri  urand 
poids  pour  établir  l'identité  d'origine  de  tous  les 
lioninies.  comme  luie  considération  parallèle  l'a  fait 
pour  les  antres  animaux.  Ce  r.iisonnemenl  se  trouve 
en  o|)po-,iliiin  avei;  la  théorie  vulgaire  de  la  plupart 
lies  pliilosoplies,  savoir  que  la  marche  naturelle  de 
l'iiuinanité  est  de  la  barharie  à  la  civilisulion,  et 
que  le  sauvage  iloii  être  (ousidéré  comme  le  lyjie 
original  de  la  naiure  humaine,  dont  nous  nous  som- 
mes éloignes  par  «les  ellurls  graduels.  Mais  mou  rai- 
soiinemeiil  i;arde  sa  lorce,  et,  pour  repuiisser  l'idée 
que  l'étal  sauvage  serait  antre  chose  (|u'iine  dégra- 
dation, un  éhiignemeiil  de  la  destinée  orit;inaire  de 
i'hcmnie,  une  déchéance  de  sa  position  pii  nllive,  il 
suflit  de  celte  réflexion  hien  simple  :  (jue  la  uiitiire 
ou  plutôt  son  auli-ur  place  ses  créatures  dans  l'a;.! 
pour  lequel  il  les  a  destinji-s  ;  qie  si  l'homme  a  été 
formé  avec  nu  corps  et  doué  d'un  esprit  pour  une 
vie  sociale  et  doinestique,  il  ne  (leul  pas  plus  avoir 
éié  jeté  origan  orement  dans  un  désert  ou  dans  une 
forél,  voue  à  un  élal  sauvage  et  à  une  ignuraiice  ab- 
solue ,  que  le  coquillage  marin  ne  peut  avoir  il',.bord 
éié  piodnil  sur  le  sinnmei  des  montagnes,  on  l'élé- 
phant créé  parmi  les  glaçons  du  pôle.  Tel  est  le 
point  de  vue  a.loplé  par  le  savant  F.  Schlégel,  dans 
un  ouvrage  piécieux  qu'un  d.;  mes  amis  a  euliii  tra- 
duit dans  mure  langue,  à  ma  grande  salisraction,  et 
l'cspèie  qu'il  recevra  asseï  d'enconragements  pour 
.-e  décider  à  cmuiléter  sa  lâche  en  traduisant  les 
d'irnieis  ouvrages  de  ce  philosophe. 

f  Lorsque  l'homme,  dit-il,  fut  une  fois  déchu  de 
Sa  venu  première,  il  ne  l'ut  plus  possible  d'assigner 
une  limite  à  sa  dégiadaiion  et  de  délermiiier  iui- 
«|u'où  il  pourrait  successivement  descendre,  en  sap- 
procliant  par  degrés  dn  niveau  de  la  brute  ;  car 
comme  il  était  essentiellement  lihiepar  son  origine, 
il  était  capable  de  cliaiigemeiU  et  avait  même  dins 
Ses  facultés  organiques  une  Irès-graiide  llexihilité. 
Nous  devons  adopter  ce  principe  comme  le  seul  lit 
qui  puisse  nous  guiiler  d.ms  nos  recherches,  à  par- 
tir du  nègre  qui,  par  sa  force  et  son  agilité  comme 
par  son  caractère  docile  et  en  géiiéial  excellent,  est 
hien  au-dessus  îles  plus  bas  degrés  de  l'échelle  hn- 
inaiiitaire,  jusqu'au  monstrueux  Faiagon.an  Pesh- 
•werais  pres(|ue  imbécile  et  à  l'horrible  cannibale  de 
la  Mouvelle/iélande,  dont  le  porirail  seul  excite 
riinrreur  de  celui  qui  le  regarde.  Ainsi,  loin  de  cher- 
cher avec  Kousse.in  el  ses  disciple-i  li  véritable  ori- 
gine de  l'humanité  et  les  vraies  bases  du  contact  so- 
cial dans  la  condition  des  peuplades  sauvages  même 
les  plus  avancées,  nous  n'y  verrons  au  contraire 
(in'un  étal  de  dégénérescence  el  de  dégradation  (a.)» 

Ceci  est  assurément  plus  consolant  pour  l'Iiuma- 
niié  ipie  les  théori.'S  dégradantes  de  Virey  ou  de 
Lainiiik,  et  poiirlant  il  s'y  oiéle  encore  quelque  lé- 
gère amertume  d'hiimilialiun.  Car  s'il  élut  rcvoltanl 
je  penser  que  notre  belle  nature  n'est  rien  de  (iliis 
que  le  perreciioimemenl  de  la  malice  du  suisse,  ce 
n'esi  pas  non  plus  sans  quelque  honte  et  qneliine 
douleur  que  nous  voyons  celte  nature,  qiii-l(|ue  part 
«|ii;^  ce  soit,  tombée  ei  dégradée  de  sa  beaulé  origi- 
nelle, et  Ci'ia  au  point  ipie  des  hommes  aient  pu  sou- 
tenir avec  (juelqiie  api>areiice  celte  odieuse  afiiiiité. 
'l'onteois  ceci  peut  nous  servir  à  modérer  l'orgueil 
que  nous  inspire  trop  souvent  l.i  supériorité  de  notre 
clvili^alion.  Happelons-noiis  le  bien,  si  nous  el  le 
plus  abruti  des  sauv;iges ,  nous  suinmes  hères  et 
niemhres  d'une  seule  lamille,  nous  sommes  comme 
euz  d'une  humble  origine;  ils  sont  aussi  bien  i|iie 
nous  appelés  à  la  plus  sublmte  destinée,  et,  selon  les 


{a)  PhUusopMe  de  t'hisloire. 


RAI 


40 


p^irole»  du  divin  poète,   nous  soiniues  tous  é^jale- 
lueni 

'Vermi 

Nati  a  .ormarV  angelica  farfalla, 
Clie  vola  alla  giusiizia  sensa  schermi  (a). 
El  dans  l'être  compleie  de  l'Iiomnie,  il  d  ut,  ce  sem- 
ble, y  avoir  naturellement,  nécessairement,  quelque 
mélange  de  cette  sorte,  quelque  combinaison  pareille 
d'existence,  pour  manifesler  la  double  alliance  de 
l'homme  avec  un  ininiile  supérieur  el  un  monde  in- 
férieur. 11  faut  mie  viiriélé  de  condition  telle  qu'elle 
puisse  prouver  l'existence  de  deux  forces  en  lutte, 
d'une  force  qui  le  l'ait  tendre  en  haut  par  l'expansion 
de  ses  ficnliés,  et  d'une  autre  force  qui  pèse  sur  lui 
el  l'attire  en  bas,  vers  les  jouissances  de  la  vie  pu- 
rement animale.  Car  ainsi,  pour  conclure  avec  les 
éloi|uenles  paroles  d'un  vrai  philosophe  chrétien, 
€  l'homme  se  pose  comme  une  individualité  vi- 
vante composée  de  matière  et  d'esprit,  d'un  être  ex- 
térieur et  d'un  être  intérieur,  de  nécessité  et  de  li- 
berté ;  pour  liii-mê  iie  un  mystère,  pour  le  momie 
des  esprits  un  objet  de  protonde  pensée;  la  preuve 
la  plus  parfaite  de  la  tonte-puissance,  de  la  sagesse 
et  de  l'amour  de  Dieu.  Voilé  de  tous  cotés  par  sa 
nature  lorporelle,  il  voil  Dieu  cnmme  à  distance,  cl 
est  aussi  certain  de  son  existence  i|ue  les  esprits  lé- 
lestes;  le  (ils  de  la  Uévélalion  et  le  héros  de  la  foi; 
faible,  et  cependant  fort  ;  pauvre,  et  pourtant  posses- 
seur du  plus  haut  ciiipiie  île  l'amour  divin  !  (h]  • 
RACHAT  des  premiers-nés.  Voy.  Aîné 
Bachat  du  genre  humain.  V.  Rédemption. 
Rachat  de  l'autel  (1) ,  c'est  un  droit  que 
les  évêques  selfuisaient  payer  par  les  moines 
ou  les  laïques  qui  s'étaient  emparés  des  dî- 
mes, à  lous  les  ciiançemenls  de  vicaires  éta- 
blis pour  la  desserte  des  églises. 

Lorsque,  vers  le  xiP  siècle,  on  contraignit 
les  riîligieux  de  rentrer  dans  leurs  cloîtres 
el  d'abandonner  Us  paroisses  aux  préires 
séculiers,  on  disliiiguait  l'église  d'avec  Vau- 
tel.  Par  église  ,  on  entendait  les  dîmes,  les 
terres  et  les  revenus  ;  par  autel  ,  le  litre  de 
l'église  exercé  par  un  vicaire,  ou  bien  le  ser- 
vice iiiêuie  de  ce  vicaire. 

Les  évéques  ,  ne  pouvant  pas  s'emparer 
des  dîmes  et  autres  biens,  obligeaient  les 
moines  de  leur  racheter  Yaulel  tontes  les 
lois  qu'il  l'allait  nommer  un  nouveau  titu- 
laire, sous  le  prétexe  que  le  droit  de  pour- 
voir à  Vaulel  leur  ap)iartenait  :  ce  droit  se 
nommait  Rachat  de  l'autel ,  Altarium  re- 
demptio.  Celait  un  abus  que  condamna  le 
concile  deCiermoni.  Il  considéra  cette  vente 
des  autels  connue  une  simonie  de  la  part  des 
évéques,  et  il  ordonna,  en  conséquence,  que 
ceux  qui  jouissaient  de  ces  autels  depuis 
Ircnle  ans,  ne  pourraient  plus  être  inquiétés 
à  l'avenir,  et  que  l'évêque  n'exigerait  pas 
d'eux  le  droit  île  rachat.  Cette  décision  fut 
confiriiiée  par  un  décret  du  pape  Paschal  :  cl, 
à  ce  niojen,  les  monasières  et  les  chapitres 
entretenu  plusieurs  autels  qui  peut-élrene 
leur  appartcnaienl  pas  ;  et  ils  ont  été  exempts 
de  payer  les  droits  queles  évéques  exigeaient 
après  la  mort  des  vicaires,  pour  accorder  li 
libcrlé  d'en  iiietlre  d'autres  à  leurplace.  (Lx- 
tr.iil  «lu  Dictionnaire  de  Jurisprudence.) 
l{AlLLERlE(dèrisioii).  Saint  Paul,  £/)/(«., 

(n)  Purfiat.  x. 

(/))  l'absi,  Der  Meiisch  und  seine  Gescliiclile ,  Wien , 
IbSO,  p.  30. 

(1)  Iteprodiiit  d'après  l'édition  de  Liège. 


41 


RA'I 


RAI 


42 


c.  V,  V.  1,  1.1  défpnd  anx  rhrélions.  «  Ouel'on 
iroMlcmlr  parmi  vous,  dil-il,  ni  p.iroles  obs- 
rtiies,  ni  iliscouvs  insi'iiscs,  ni  railleries  (\m 
no  conviemieiil  point,  mais  pluUU  des  dis- 
cours obiigi';iiils  et  •jriicienx.  »  N'ons  n'ai- 
mons point  voirlpsautr- s  riicà  nos  dépens; 
nous  ne  devons  donc  jeter  sur  personne  un 
ri(îi<'ule  que  nous  n(>  voulons  pas  souiïrir 
nons-mém.'S.  Siinl  Anibroise  inlordil  celte 
licence  surtout  aux  occicsiastiiiiies ,  0//j(;., 
I..I,  C.  23.  «  (Quoique  les  railleries  honnêies  , 
ilii-il,  plaisent  souvent  et  soient  agréables  , 
elles  sont  cependant  contraires  aux  devoirs 
lies  ecclésiastiques  ;  comnienl  pouvons-nous 
nous  permettre  ce  que  nous  ne  voyons  point 
dans  1  Ecriture  sainte  ?  Celte  pensée  de  saint 
Ainbroise  n'a  pas  trouvé  R.ràce  (levant  le 
critique  de  la  morale  des  Pères;  elle  lui  a 
paru  ridicule,  «  comme  si  rien  n'était  permis, 
dit-il,  que  ce  qui  cnI  formellement  autorisé 
p  ir  ri-'criture  sainte,  ou  comme  si  le  silence 
de  1  Ecriture  était  équivalent  à  une  défense 
formelle.  »  TmiU  de  la  Morale  des  Pères , 
c.  XI ri,  §  10  et  siiiv. 

Oliseï  vons  d'abord  qu'un  protestanl  qui 
soutient  (jue  l'Ecriture  suinte  est  la  seule 
règl'' de  croyance  et  de  conduite,  a  niaii- 
v.iise  grâce  de  blâmer  un  passage  qui  sem- 
ble le  l'rivoriser.  En  second  lieu,  il  y  a  du 
I  ilicule  à  prendre  dans  les  écrits  dis  Pérès 
tous  les  mots  à  la  rigueur,  comme  si  c'étaient 
des  paro'es  sacrainenlelles.  Saint  Ambroise 
prétend  qu'un  ecclésiastique  cherche  princi- 
palement dans  l'Ecriture  sainte  les  leçons  el 
les  exemptes  aux(|uels  il  doit  conformer  sa 
conduite;  nous  soutenons  qu'il  n'a  pas  tort, 
el  nous  ne  voyons  dans  l'Ecriture  l'exemple 
d'aucun  personnage  consacré  à  Divu  qui  se 
soit  permis  iies  railleries  patr  se  rendre 
agréable. 

C'est  Barbeyr  ic  lui-même  qui  est  répré- 
hensible  ,  lorsqu'il  ajoute  que  la  raillerie 
n'est  condamnée  nulle  part  dans  l'Ecriture 
sainte  comme  mauvaise  de  sa  nature;  le 
passage  de  saint  Paul  que  nous  venons  de 
citer  nous  parnit  une  condamnaiioii  assez 
formelle.  Il  allègue  des  exemples  d'ironie  el 
de  raillerie  employés  par  les  proidiètes  et 
lesapolres;  il  aurait  pu  en  citer  même  un 
(le  Ji  sus-Christ  ;  il  ob-orve  que  les  Pères  s'en 
sont  servis  plusieurs  fois  conire  les  païens  : 
l'un  (l'entre  eux  a  fait  un  ouvrage  in  itii- 
lii  :  Ir' isiu  Philosophoritm  genliliam.  Ni)us 
aV()uons' tous  ces  faits  ,  mais  comnieiU  et  à 
quel  dessein  ces  vénérables  peisonnes  ont- 
elles  employé  les  railleries?  Pour  cor.  iger  les 
liomiiies  de  leurs  défauts  et  de  leurs  'rreiirs, 
diins  des  occasions  où  ils  espéraient  que 
cette  arme  serait  plus  eificacc  que  les  rai- 
soniiemeiils  pour  les  loucher  cl  les  coma  n- 
cre.  Ce  niotil',  sans  doute  ,  peut  rendre  ia 
raillerie  jiennise  ;  mais  lorsque  saint  Paul  et 
saint  Ambroise  la  dél'cnilcnt ,  ils  parlent  de 
celle  ijui  n'a  d'autre  but  (pie  de  montrer  de 
l'esprit  ,  d'amuser  les  aiulileurs,  el  li'huini- 
lier  ceux  (|ui  en  soiii  l'objel.  Si  Ba\le  avait 
considcré  cette  ditïérence ,  il  n'aurait  pis 
censuré  avec  la  ni  d'à  ffecta  lion  les  Pères  de  l'E- 
glise qui  ont  tourné  en  ridicule  le  paganisme. 

DlCT.   DE  TllÉOL.   DOGMATKJUE.   IV. 


Il  est  des  railleries  d'une  espèce  tout  op- 
posée ,  C(!  sont  les  railleries  cimlre  la  reli- 
gion; elles  n'ont  pour  but  que  de  rendre  les 
hommes  irréligieux  cl  impies.  Les  païens 
mêmes  ont  condamné  cette  licence  ;  «  Dans 
des  matières  si  graves,  dit  Cicéron,  ce  n'est 
pas  lo  lieu  de  railler.  »  De  Divin.  I.  ii.  C'est 
principalement  par  des  sarcasmes  que  les 
philosophes  païen-;  ont  attaqué  le  chrislia- 
nisme,  parce  qu'ils  manquaient  de  r.iisonne- 
menls  solides  pour  le  combaltre;  les  incré- 
dules modernes  les  ont  surpassés  dans  ce 
genre  de  guerre  ,  par  la  même  raison. 

Le  sage  Leibnitz  condamne  haiileinent  ce 
procédé;  il  réfute  directement  l'anglais  Shaf- 
lesbury  qui  voulait  que  le  ridicule  servît  de 
pierre  de  louche  pour  éprouver  ce  qiii  est 
vrai  ou  faux.  Leibnilz  observe  qui"  Ici  igno- 
rants saisissent  mieux  une  pla  saiilerie 
qu'une  bonne  raison  ;  et  qu'en  général  les 
hommes  aiment  mieux  rire  (jue  raisouner. 
Esprit  de  Leibnitz,  t.  I,  p.  I'i7. 

C 'lui  de  tous  les  incrédules  modernes  qui 
a  lancé  le  plus  de  sarcasmes  contre  la  reli- 
gion ,  el  qui  n'a  pas  dédaigné  les  raillerie» 
les  plus  basses  ,  s'est  condamné  lui-môme. 
«  La  plaisanterie,  dil-il,  n'est  jamais  bonne 
dans  le  g'iiresérieux,  parce  qu'elle  ne  porte 
jam.'ùs  que  sur  un  côté  des  objes  qui  n'est 
pas  celui  que  l'on  considère,  elle  roule  pres- 
que toujours  sur  des  rapports  faux  et  sur 
des  éiiuivoques.  De  là  vient  que  les  plai- 
sants de  profession  ont  presque  tous  l'esprit 
faux  autant  que  superiicicl.  »-ll  ne  pouvait 
pas  mieux  peindre  le  sien.  Mélanges  de  Ut- 
tér.  et  de  pliilos.,  c.  53. 

KAISO.'S  ^faculté  de  raisonner).  Si  nous 
étions  obligés  d'apprendre  des  pliilosoplies 
quel  est  li^  degré  de  force  ou  de  faiblesse  de 
la  raisor^  humaine  eu  lait  de  religion,  nous 
serions  fort  embarrasses.  D'un  côté,  les  déis- 
tes ont  élevé  ju-qu'aux  nues  la  pénétration 
el  l'infciillibililé  de  cette  facullé,a(in  de  prou- 
ver qu'il  n'est  pas  besoin  de  révélation  pour 
conuiiilrc  Dieu  ,  et  pour  juger  quelle  est  la 
vraie  manière  de  l'adorer.  L>e  l'autre,  les 
athées  modernes  ont  répété  tous  les  repro- 
ches que  les  épicuriens  ont  faits  autrefois  à 
la  raison  ;  ils  l'ont  rabaissée  au-dessous  de 
l'instinct  des  brutes.  Itayle  a  lantijt  exalté 
les  forces  et  les  droits  ue  la  raison,  lautiU  il 
les  a  réduits  à  ri.n,  sons  prétexte  de  soii- 
mellre  la  raison  à  la  foi.  Ces  dis^ertateurs 
auraient  [icul-élre  évité  ce  chaos  , de  conlra- 
diclions,  s'ils  avaient  commencé  p.ir  consi- 
dérer les  divers  étals  dans  lesquels  la  ruisun 
humaine  peut  se  trouver. 

En  etïet,  il  s'en  faut  de  beaucoup  que  tous 
les  hommes  soient  doués  du  même  d'jré  île 
raisoii  et  d'intelligence.  Cette  faculté  serait 
presque  nulle  dans  un  homme  qui  n'aurait 
reçu  aucune  éducation,  qui  dès  sa  naissance 
aurait  clé  abandonné  dans  U'.s  forêts,  p^rriii 
les  animaux.  Toutes  nos  connaissances  spé- 
cul  iiives  viennent  des  leçons  (jue  nous  avons 
reçues  de  nos  semblables  ;  c'e.st  |iar  la  so- 
ciélc  que  nous  devenons  toul  ce  que  nous 
pouvons  être.  11  n'y  a  donc  aucu.ie  couipa- 
laison  à  fa;re  entre  la   raisin  d'un  pliiloso- 

2 


.',3  liAl 

olic,  cullivée  et  poifectionnéc  par  de  longues 
éludes,  el  celle  d'un  .'auvage  à  peu  près  stu- 
pide  el  presque  réduit  au  seul  instinct;  en- 
tre l'intelligence  d'un  homme  élevé  dans  le 
sain  de  la  vraie  religion,  el  celle  d'un  infi- 
dèle imbu  (lès  l'enfance  des  plus  giussii-res 
cireurs;  entre  la  manière  de  penser  d'un 
persoiuiage  naturellement  vicieux  ,  et  celle 
d'une  âme  née  pour  la  vertu.  Argumenter 
sur  la  force  ou  sur  la  faiblesse  de  la  raison 
en  général ,  en  faisant  abstraction  des  cau- 
ses qui  peuvent  l'augmenter  ou  la  diminuer, 
c'est  faire  une  spéculation  en  l'air  ,  c'est 
broncher  dès  le  premier  pas.  A  proprement 
parler,  la  raison  n'est  rien  autre  chose  q:\e 
la  l'ai  ullé  d'être  instruit  et  de  sentir  la  vè- 
ri!é  lorsqu'elle  UOU-.  est  propo>ée  (  );  mais 
ce  n'est  pas  le  pouvoir  de  découvrir  toulo 
vérité  par  nous-mêmes  et  par  nos  propres 
rélleKious  sans  aucun  secours  étranger. 
Mallii-uriusiMiienl  nous  pouvons  être  aussi 
aispmenl  égaies  par  de  fausses  leçons  qu'é- 
clairés par  des  iostiuclions  vraies.  Nous  ne 
voyons  aucun  homme  élevé  dans  de  faux 
principes  qui  ne  prenne  ses  erreurs  pour  des 
vciiiés  éviileiites  (2)  ,  chez  les  nations  igno- 
rantes el  barbares,  les  usages  les  plus  ab- 
surdes passent  pour  des  lois  naturelles  et 
dictées  par  le  sens  commun. 

Quand,  pour  connaîtri!  Dieu  et  son  vrai 
culte,  la  révélation  divine  n'aurait  pas  été 
nécesaire  à  un  esprit  sublime  tel  que  relui 
(le  Platon,  de  Socrate  ou  de  Cieéron,  il  ne 
s'ensuivrait  pus  encore  (ju'ello  a  élé  super- 
llue  pour  éclairer  le  canimun  des  ignorants 
av  uglés  en  naissant  par  les  fausses  lc(;<)ns 
d'une  éducation  païenne.  Tel  est  cependant 
le  sopbisiiie  ordinaire  des  déistes,  i\i  disent  : 
La  [ilupart  des  anciens  pliilos<)p!ies,  après 
avoir  rassemblé  les  c  'unaissauces  acquises 
pendant  ciu(|  cents  ans,  après  atoir  voyagé 
et  cunsullé  les  sages  de   toutes  les    nations, 

;i)  Le  premier  sophisme  des  déisies  est  d'envisa- 
ger lu  raison  hunudne  telle  qu'ils  In  pusscdiMil;  de 
(laiiir  du  point  de  connaissances  aiujiiel  ils  ,=oiil,  par- 
venus, pour  eslniier  ce  (pie  peut  faoe  li  raison  ou 
la  la(  ulé  de  lalsamier  dans  tons  Ns  Iidiiiuk^s.  Mais 
la  raisiin  (l'un  pliilo-o|ilie  ii(i  dans  le  sein  dn  Clii-is- 
llalll^nle,  d'une  iiailiin  civilisée,  éc^aiiée  p.ir  la  rové- 
lalioii,  (-iillivce  par  niiaraiile  ans  n'éliiae;  el  la  rai- 
son'd'un  iKiioraiil  né  cliez  te>  Tarlares,  dans  les  lei- 
le.  An.sliales  ou  da^s  les  loiêlS  de  l'AiiKiiiijUc,  onl- 
ulk'S  la  inêiiie  lacuhé  ,  om-elli;s  la  inèine  I  ree  ,  la 
niéme  étendue,  la  nêine  siigaeiié?  Qn  .nd  il  sérail 
vrai  que  le  (ueinier  piiiil  se  taire  un  sys  énie  de  re- 
ligion vrai,  sensé,  r,.i-onnable,  s'eiisuii-il  ipie  le 
second  puisse  en  faire  autant  Y  yuan  i  on  pourrait 
(lire  (pie  la  lévélalion  n'est  (las  nécessaire  au  pre- 
mier, s'eiisuivraii-i!  ipi'elle  n'csi  pas  (dos  nécessaire 
il  l'antie.  C'est  déjii  une  ab-urdiié  d'al'linner  que  le 
(iliilosoplie  (louvail  s'en  (laiser;  il  esl  redevable  il  la 
léïélauon  iiiènie  du  degié  de  connaissance  dont  i! 
est  doué.  (Ttuiié  de  lavriiie  lieligiuii,  i    III,  p.  145.) 

(1)  L'éailion  de  Mgr  Goussel  rappe  u;  eu  note 
l'ini|>niNsanci;  de  la  raison  panr  parvi  ini  à  la  cou- 
iialssaiice  de  la  veille,  l^e'le  a.-serliiiu,  ciuidann.ee 
par  Mgr  tiousset  liii-niéiiie,  est  l.eaii<uiii>  trop  ab- 
solue, yuoiipie  idlaiblie,  notre  rais(Mi  |ienl  emore, 
à  l'aide  de  ses  seules  Ini-ccs,  |iarveiiii  a  la  connais- 
sance de  certaines  vérités  de   l'oidre  nalurel.    Voy. 

tl.l\TITliDE. 


RAI 


44 


sont  parvenus  à  se  former  un  plan  de  reli- 
gion pure  et  irrépréhensible;  donc  il  n'a  ja- 
mais été  bi'soin  de  révélation  pour  aucun 
peuple.  Quand  le  fait  qu'ils  avancent  serait 
aussi  vrai  qu'il  est  faux,  la  conséquence  se- 
rait encore  très -mal  dodiiile.  Le  gros  des 
nations  n'est  pas  en  état  de  faire  les  mêmes 
éludes  que  les  savants  de  la  Grèce  et  di- 
Rome  ;  que  lui  importent  les  luniières  di  s 
philosophes,  si  elles  ne  pénètrent  pas  jus- 
qu'à lui,  s'il  ne  comprend  rien  à  leur  iloc- 
trine,  ou  si  ces  maitres  orgueilleux  la  gar- 
dent pour  eus  seuls  ? 

Mais  les  anciens  philosophes  étaient  plus 
modestes  el  de  meilleure  loi  que  les  moder- 
nes ;  iis  reconnaissaient  la  nécessité  d'une 
réiélation  surnaturelle  pour  connaître  la- 
Divinitéel  pour  savoir  (|uel  culte  il  faut  lui 
rendre;  nous  pouri  ions  rassembler  aisément 
un  grand  nombre  de  témoignages  qu'ils  ont 
rendus  à  celte  vérité.  Si  ce  seiiliinent  n'avait 
pas  (lé  celui  de  tous  les  peuples,  ils  n'au- 
raient pas  ajouté  foi  si  aisément  à  ceux  qui 
se  sont  donnés  pour  inspirés.  Il  est  d'ailleurs 
démontre  parle  l'ail  que,  faute  de  ce  secours 
surnaturel,  les  philosophes  se  sont  égarés 
en  fait  de  religion  aussi  grossièrement  que 
le  vulgaire,  el  ()u'ils  ont  consacré  par  leur 
suffrage  toutes  les  erreurs  et  toutes  les  su- 
perstitions qu'ils  ont  trouvées  établies. 

Nous  avons  beau  consulter  l'h.stoire  cl 
parcourir  l'univers  d'un  b  'Ut  à  l'aulre, 
pour  découvrir  ce  que  la  raison  a  enfanté 
de  mieux  en  fait  de  religion,  nous  ne  trou- 
vons partout  qu'un  polythéisme  insensé  el 
une  idolâtrie  grossière.  Ku  raisonnant  très- 
mal,  tous  les  peuples  ont  jugé  qu'il  fallait 
adorer  les  astres,  les  éléineuts,  toutes  les 
parties  de  la  nature,  les  âmes  des  morts, 
même  les  animaux.  Voy.  Iuolatiue.  Les 
philosophes,  raisonneurs  par  excellence, 
ont  décidé  qu'il  fallait  s'en  tenir  à  cette  reli- 
gion, dés  qu'elle  était  établie  par  les  lois,  el 
(|u'il  y  aurait  de  la  folie  à  vouloir  la  chan- 
ger. Tous  ceux  qui  ont  1  u  connaissance  de 
la  religion  des  Juifs  l'ont  condamnée,  parce 
que  les  Jiufs  ne  voulaient  adorer  qu'un  seul 
Dieu.  Kn  r.iisonnant  toujours  de  même,  ils 
ont  reprouvé  le  christianisme  lorsqu'il  a  été 
prêche,  et  ils  ont  fait  des  livres  entii-rs  pour 
pioiiver  que  celte  religion  nouvelle  n'était 
pas  raisonnable.  Tels  ont  élé  les  grands  ex- 
ploits de  la  raison  humaine  dans  les  sièile> 
et  chez  les  peuples  où  elle  paraissait  avoir 
acquis  le  plus  (ie  force  et  de  lumière. 

Aussi,  lors(|ue  les  deisles  viennent  nous 
vanter  la  sulfisance  de  la  raisun,  nous  avons 
beau  leur  deuiamler  sur  quelle  expérience 
ils  en  jugent,  iis  ne  nous  répondent  rien. 
Pour  savoir  ce  que  nous  devons  en  penser, 
nous  avons  un  meilleur  garant  que  leurs 
spéculations,  c'est  la  conduite  (]u'a  suivie  la 
di»ine  Providence  depuis  la  (  léation.  Uieu 
n'a  pas  atiendu  que  l'homme  raisoiuiât, 
avanl  de  lui  enseigner  une  religion  ;  ii  l'a 
reK'Iee  à  notre  pi  emier  père,  pour  lui  et  pour 
ses  descendanis.  Dans  l'uiiivers  entier  nous 
ne  trouvons  qu'une  seule  religion  vraie,  sa- 
voir :  celle  que  Di'.u  a  révélée  aux  patriar- 


tS  RAI  II  AI  46 

chos  par  Adam,  nux  Juifs  par  Moïse,  à  tous  répondrions-nous?  Nous  lui    riirions  :  Cela 

It's    peuiiics    par   Jcsus-lihrisl.    J  :si|u'à  ce  esl  coiUr;iii<>  sans  lioule  à    la  faible  mesure 

jour,  après  six  mille  ans  croiil'S,  toutes   les  de  vos  coiinai>s.inces  ;  mats  celU;  niesurc  cl 

naiions  (jui  n'oiil  pas  été   éclairées    par   ce  la  raison  ne   sont  p.is    la    iiiéine   chose.  Or, 

flamheau    sont    encure    ploi\p;éos    dans    les  quand  U  eu  nous  révèle  sa  nature,  ses  aliri- 

niènies  ténèbres  (1  ne   Irs  peuples  anciens.  Il  buts,  S(  s   desseins,   ce  qu'il   a    fait,  ce   qu'il 

nou's  parait    qu'une  cxprrienie  de  six  mille  voul  faire,  ne  sommes-nous  pas  à  Cet  égard 

ans  est  assez  lonuMie    p<!ui-  nous   diMiionlrer  des  aveugles-ni's  ? 

ce  dont  II  ;y/(so;i  humaine  esl  capable,  lors-  Les  déistes    font    contre    les   miracles    le 

que  les  déisirs  nous  |)rése!iieiit  la  prétendue  même  sophisme   cjuc   contre  les    mystères; 

religion  natuiolle   ()u'ils  ont  fori^ée   comme  ceux-ci,  disent-ils,  sont  contraires  à  la  rai- 

l'ouvrMpi'  de  la  >viis#h  seule,  ils  nous  en  iin-  Aoa.et  les  miracles  sont  contraires  à  l'expé- 

poscnl  grossièrement  ;  raiiraieiit-iis  inveU-  rience.  Par  l'expérince,  ils  enlendent  sans 

tée,  s'ils  n'avaient  clé  élevés  dans  le  sein  du  doute  le  léiiioigiiaije   ciinslant    el  uniloriiie 

christianisme?  pas  plus  que  les  philosuplics  de   nos  sens.  Si  nos    sens    nous   altevl;iieiil 

de  Uome,  di'  la   (jrôce,   de  la    Chine    el   des  tout  ce  (jui  a  été,  toul  ce  qui  est,  toui  ceijui 

Indes  ;  car  ils  voudront  bien  nous  dispenser  peut   être,    un    miracle    ser.iil  évidriiniicnl 

de  croire  qu'ils  ont  plus  d'espril  el  de  saga-  contraire  à  l'expérience;  mais    leur  leuioi- 

cilé  que  n'en  avaient  lous  ces   raisonneurs.  gnage  s'étend-il  jusque-là  ?  Vous  diles  à  un 

Leur  prétendue  religion    naturelle  est  donc  igiioràiit  qu'un  limaçon  auquel  on   a  coupé 

dans  le  l'oiid  très-surnaluielle,  puisque  (lui-  la  tête  en   reprend  une  nouvelle  :  C'est  une 

conque  n'a  eu  aucune   connaissance  de   la  fable,    répoud-il    d'abord;   une    expérience 

révélation  n'a  jamais  pensé  au  système  des  aussi  ancienne  que  If  momie  piouve  iiu'uii 

déistes.  animal  à  qui  l'on  a  coupé   la  tète  meurt,  et 

Autre  chose  est  de  dire  que  l;i  raison  hu-  ne  peut  pas  tii  refaire  une  autre.  Vous  affir- 
maine,  une  fols  éil.iirée  p;ir  la  revèlalioii,  ml>z  à  un  habitHUt  di-  la  Guinée,  que  par  le 
est  cap.ible  de  sentir  el  de  prouver  la  vérité  froid  l'eiiii  peut  d  venir  aussi  solide  el  aussi 
(li'S  dogmes  primilil's  professés  par  les  pa-  dure  qu'un»;  pierre  :  Je  n'en  crois  rien,  vous 
triarcbes,  et  autre  chose  de  soutenir  que  la  dit-il  ;  je  sais,  par  une  expérience  eonslanie, 
raison  loulo  seule,  sans  aucun  secours  elran-  que  l'eau  csl  toujours  liquide,  etc.  .Uais  que 
ger,  peut  les  découvrir.  Les  déistes  coiifon-  prouve  l'expérience  prétendue  de  ces  gens- 
dent  ces  deux  choses  et  fondent  lous  leurs  là?  qu'ils  n'ont  jamais  vu  ce  ((u'oii  leurcer- 
sojiliisnics  sur  celle  éijuivoque  ;  e>l-ce  inat-  tilie  ;  il  eu  esl  de  même  de  celui  qui  n'a  ja- 
teniion  de  leur  part  ou  mauvaise  foi  ?  Un  ni.iis  vu  di;  miracles.  Or,  appeler  ej/jeV/c/tte 
homme  avec  un  certain  degré  d'intelligence  le  défaut  même  d'expérience,  c'est  abuser 
esl  capable  de  comprendre  le  système  de  des  termes  aussi  grossièremenl  nued'apjjelcr 
Newton,  d'en  s^iisir  les  preuves,  d'eu  suivre  rai:ton  le  défaut  île  connaissance  el  de  Iu- 
les conséqueiices,  lorsque  le  toul  esl  mis  niière.  En  confoiidinl  ainsi  toutes  les  no- 
sous  ses  yeux;  s'cnsuit-il  de  là  qu'il  était  lions,  les  incrédules  argumenlenl  à  perle  de 
en  étal  de  l'inventer,  quand  môme  on  ne  lui  vue,  déi  l.iment  contre  la  religion  el  conîre 
en  aurait  jamais  parlé?  ceux    qui  la  professent.   Ils   disent  que  par 

On  dispute  vivetnenl   pour  savoir  si    les  la  croyance  des  myslèri-s  on  détruit  la  r«(- 

mysières  ou  dogmes  incompréhensibles  que  son,  et  que  l'on  eu  interdit  l'usage  ;  que  les 

la  révélation  nous  enseigne  sonl  conti aires  tliéologiius   la  décrient;  qu'ils  veulent  en- 

à  la  raison,  ou  si  l'on  doit  seulement   dire  lèvera  l'homme  le  plus  beau  de  ses  privilé- 

qu'ils  sonl   suitérieurs   aux   lumières   de  li  ges,  qui  est  de  se  conduire   par  ses  propres 

raison.   M    nous    paraît  qu'il  y  a  encore   ici  lumières  ;  qu'ils  iusulienlà  la  sagesse  divine 

une  équivoque.  Si  la  rais  m  était  la  ciipaeilé  en  supposant   qu'elle   a   donné   à    l'homme 

de  toul  connaîti  e,  les  mysiéres  seraient  con-  dans  sa  raison  un  guide  faux  et  trompeur; 

Iraires  à   la  raison,  puisqu'elle    n'y  conçoit  que  sous  prétexte  de  captiver  l'Iiomuie  sous 

rien.  Mais  si  noire  raison  n'est  dans  le  fond  le  joug  de  la  parole  divine,  ils  ne  cherchent 

que  la  connaissance  d'un  Irès-petil  nombre  qu'à  le  soumelire  à  leurs  propres  idées,  etc. 

d'objets,  si  nous  sommes  forcés  d'ailleurs  de  Clameurs  insensées.  C'est  comme  s'ils    di- 

croire  une  innniié  de  l'aiis  aussi  incouipié-  saienl  qu'en    alfirmanl  aux   ignorants    des 

hensibies  pour  nous  que  les  mystères  de  la  faits  qu'ils  n'onl  pas  vus,   iju'ils  ne   verront 

religion,  en  quel  sens  ceux-ci  soni-ils  cou-  peut-être  jamais,   nous  délruisufis    l'expe- 

traires  à   la  rui4o?»  ?  (}uand   on   parle  à    un  rience,    nous    leur    interdisons    l'usage    de 

aveugle -né    des    couleurs,    d'un    tableau,  leurs  yeux  et  le   témoignage  de   leurs  sens; 

d'un    inirnir  ,    d'une     perspective  ,    il    n'y  que  nous  insultons  à    la   sagesse  divine  en 

comprend    pas    plus    qu'au    mystère  de  la  supposant  q^i'elle  a  donné  à  l'homme  dans 

sainte  Iriniié  ;  cependant  s'il  ne  croyiil  pas  ses  sensations  un  guide    faux  el  trompeur, 
au  témoignage  de  ceux  q\i\  oui  des  yeux,  il  Lors|ue  Uieu  nous  enseigne  par  ré>éla- 

serait  insensé.   Si  cet   aveugle    s'iivisait   de  lion  des  vérités  que   nous  n'aurions  jamais 

soutenir    (|u'il    est    contraire    à    la    raison  aperçues  auirement,  el  que  nous  ne  couce- 

qu'uiie  superficie  plate  produise  une  sensa-  vous  p;is.  loin  de  détruire  nos  connaissances, 

lion  de  proloudeur,  (|ue  l'œil  aperçoive  aussi  il  en  étend   la  sphèr  ■,  comme  c  dui    qui  ap- 

proiupieinenl  une   étoile  que  le  laite  d  une  prend  aux  a\eug)es-nés  les  phéuoniènes   de 

maison,  que  li  tch;  d'uu  homme  suit  repré-  la  lumière  et  des  couleurs.  Il  ne  nous  interdit 

beiUecdaus  lu  boîte  d'une  montre,  olc,  que  pas  l'usage  de  noire  raison,  mais  il  nous  ea 


41 


RM 


RAI 


i8 


inon'.rc  les  bornes  et  l'usage  légilime  que 
nous  en  (lovons  faire.  C'est  d'examiner  avec 
soin  s'il  est  vrai  que  Dieu  a  parlé;  dès  que 
ce  (ail  est  soliilement  prouvé,  !a  raison  elle- 
rnéine  nous  dit  qu'il  faut  rroire,  qu'il  faut 
iiniler  l.i  docilité  de  l'aveugle-né  et  des  igno- 
ra iils,  à  l'cuard  d'un  homme  qui  leur  ap- 
prend des  choses  qu'ils  ne  voient,  ne  sen- 
tent ni  ne  comprennent. 

D.'s  que  l'on  veut  appliquer  les  arguments 
des  incrédules  à  tout  autre  olijet  qu'à  la  re- 
ligion, ils  sont  d'une  alsurdilé  rèvoltanie: 
vouloir  démontrer  les  forces  et  les  droits  sa- 
crés de  la  raison  en  déraisonnant,  ce  n'est 
pas  le  mo\rn  de  persuader  les  esprits  sensés  ; 
mais  ils  trouvent  malheureusement  des  es- 
prits suiierficiels  et  peu  attentifs  qui  se  lais- 
sent étourdir  parleurs  sophismes. 

1°  La  raison,  disent  les  déistes,  est  le  seul 
quide  iiue  Dieu  a  donné  à  l'humme  pour  se 
iiMuluiro,  pour  diriger  ses  actions,  pour  con- 
naître Dieu  lui-même  ;  il  se  contredirait  s'il 
nou«  ord'innail  d'v  renoncer.. 

néponse.  La  fausseté  de  cette  maxime  est 
déjà  demiintrée  ;  il  est  fau<  que  la  raison 
soit  notre  seul  guide.  Pour  la  plupart  de  nos 
actiiins  nauirelles,  Dieu  nous  a  donné  pour 
gu  (.  '  l'insiincl  et  le  sentiment,  parce  que  la 
raisort  ne  nous  servirait  de  rien  à  cet  ég-ird. 
Est-ce  la  raison  qui  nous  apprend  qu'un  tel 
fruit,  qu'un  tel  aliment,  nous  est  salutaire 
ou  pernicieux,  que  l'eau  peut  éiauclier  la 
soif,  que  des  habits  peuvent  nous  défendre 
des  injures  de  l'air?  Cent  fois  les  philoso- 
phes ont  avoué  que  si  l'homme  n'avait  point 
d'autres  guides  ((ne  la  raison,  le  genre  hu- 
main périrait  bientôt.  Dans  les  quesiions  de 
l'ail  (t  d'expérience,  le  raisonnement  ne  sert 
à  rien  ;  nous  sommes  for(  es  de  prendre  pour 
guide  le  tem()iL;nage,  ou  de  nus  propres  sens 
ou  de  ceux  d'aulrui,  de  nous  fier  à  la  certi- 
tude morale  ;  et  celui  qui,  dans  ces  circons- 
tances, ne  voudrait  consulter  que  saraison, 
serait  un  insensé- 

A  l'égard  de  la  religion,  Dieu,  dès  le  com- 
mrncement  du  monde,  s'est  l'ait  connaître  à 
l'homme  par  les  sens,  eu  l'insiruisaui  de 
vive  voix,  et  par  conséquent  par  la  révéla- 
lion.  Quel  secours  l'homme  pouvail-il  tirer 
alors  d(^  sa  raison?  Il  n'aurait  pas  seule- 
ment eu  un  langage  formé,  si  Dieu  ne  le  lui 
avaii  donné  en  même  temps  que  la  faculté 
di'  [)arler.  Or.  celle  religion  jinmitive  revé- 
Ici'  à  notre  premier  père  a  du  servir  pour 
lui  et  pour  ses  descendants  ;  et  tous  ceux 
qui  s'en  sont  écartes,  ou  par  malheur  ou 
volontairement,  et  n'ont  plus  eu  d'autre 
guide  que  la  raison,  sont  tombés  dans  le  po- 
lythéisme et  dans  lidolâtrie.  Il  est  donc  ah- 
.sulument  faux  ((ue  la  ruison  soit  le  seul  f/itide 
que  Dieu  nous  a  donné  pour  le  connaître, 
pour  nous  convaincre  de  son  existence,  et 
pour  savoir  quel  cullc  nous  devons  lui  ren- 
dre (1). 

(I)  Quelques  philosophes,  et  parmi  eux  M.  l'abbé 
Rantnin,  ont  eiisci^iié  iiu'on  ue  pciil  prouver  l'exl- 
blence  de   Dieu    pur  la    nison.    Nous    empniiilons 


Seconde  objection.  Du  moins,  disent  tes 
incrédules,  c'est  par  la  raison  seule  que  nous 
pouvons  savoir  si   une   religion    prétendue 

aux  eonférences  de  Riyeiix  une  réponse  péremptoire 
à  et'lle  dangereuse  erreur  : 

«  Vers  la  lin  du  dernier  siècle ,  Emiiiaiiiiel 
Kaiil  entreprit  de  remonter  jusqu'à  la  source  de  tnii- 
les  les  coiiuassances  humaines,  elde  r(;fiirmer  l'en- 
seignetiienl  pliilosopliique  des  é'oles.  Ne  voyant  dans 
If  s  corps  que  de  simples  phénomènes,  n'admeuant 
d'aulre  principe  de  cerliluile  que  l'expérience,  il 
prélendil  qu'il  n'y  a  aupune  relation  nécessaire  entre 
nus  idées  et  la  réalité  des  choses  extérieures  i{ui  en 
sont  l'objet.  l)e  là  il  conclut  que  l'existeiice  de  Dieu 
n'appartient  point  à  la  science,  el  que  la  raison  ne 
peut  nous  fournir  aucune  preuve  démonslraiive  de 
ceue  vérité  fnniianienlale.  i  Je  suis,  dit-il,  pleineincnl. 
coiivaineii  que  la  raison  est  impuissante  à  élahlir 
des  assenions  allinnalives,  et  qu'elle  est  plus  inra- 
pable  encore  d'alfirmer  quelque  chose  de  négatif 
sur  celle  question,  i  Critique  delà  raison  pure,  l.  H, 
p.  360.  OiUle  étrange  doctiine  eut  bienlôl  un  grand 
nombre  d'adiniraleurs  aveusîles  et  de  partisans  en- 
thoLsiasles.  ii^n  Allemagne,  Ficlile,  Schelling,  Ib'gel, 
en  ont  fall  la  base  de  leurs  sys  èmes  absurdes  et 
impies,  dermes  n  essayé  de  la  lepro  liiiie  sons  une 
tonne  nouvelle;  il  a  épuisé  toutes  les  siihlililcs  de 
la  niélaphysiqiie  pour  apprendre  aux  hoiinues  que 
leurs  éludes  pliilosophiq  les  et  religieuses  doivent 
nécessairemenl  ccnnmencer  par  le  doute  pnsiiil, 
universel  et  absolu;  que  la  conscience  immédiate 
est  le  piincipe  primilif  de  tome  cerlilude  ,  qniiic|ne 
cependant  nous  ne  puissions  admettre  sûrement 
comme  réelle  l'exisience  de  noire  conscience  immé- 
diate, ni  la  connaissance  de  la  pensée  nécessaire 
que  nous  en  avons.    Inlroduclion  pliilosopliique,    p. 

I  En  France,  des  écrivains  catholiques  ont  voulu 
aussi  se frayt-r des  roules  nouvelles;  s'ils  ont  repous- 
sé l'idéalisme  des  phdosophes  aileinands,  il  n'iim 
pas  ciaint  de  soutenir  que  la  raison  seule  ne  sau- 
rait conduire  riiomiue  à  la  connaissance  certaine 
(l'aucune  vérité.  L'auteur  malheuri:iisement  trop  cé- 
lèbre de  l'Essnt  sur  l'indifférence  en  nwlière  de  reli- 
gion n'avait  pas  encore  rompu  le  lien  sacré  de  l'u- 
nité, quand  il  employa  toutes  les  ressources  de  son 
talent  à  la  déteuse  de  ce  dangereux  principe.  S'il 
faut  l'en  croire,  «  l'Iiomine  ne  peut,  par  ses  seules 
forces,  s'assurer  pleinement  d'aucune  vérité. . . .  Es- 
sai, I.  II,  p.  2.  Le  consentement  commun  est  pour 
nous  le  sceau  di;  la  vérité,  el  il  n'y  en  a  point  d'au- 
tre   lt)id.,  p.  20. 

«  Les  preuves  qu'emploient  les  apologistes  de  la 
religion  cliréienne  pour  établir  l'existence  de  Dieu 
soiil  incoiupléles,  faute  d'un  premier  principe  sur  le- 
quel elles  s'appuienl.  Défense  de  l'Essai,  p.  159.  D'au- 
tres enfin,  suhslituant  la  révélaiion  au  léinoigiiage 
universel  du  genre  humain,  oiiiaflirmé  que,  sans  la 
lumièie  de  la  foi,  nous  ne  pouvons  avoir  aucune 
cerlilude  du  rexisieiice  de  Dieu. 

I  t;es  diliérenls  sysièmes  ,  qu'on  adopte  quelque- 
fois avec  tant  de  conliance,  méritenl-ils  en  effet  le 
suffrage  el  l'approbation  des  honnies  sages  et  éclai- 
rés'/ Quelles  que  soient  la  laihlesse  de  l'espr.l  biimain 
et  l'incertitude  de  la  plupart  de  nos  opinions,  il  ya  ce- 
pendant des  vérilés  que  nous  ne  pouvons  refuser  d'ad- 
mettre; nous  ne  sonnnesp  is  méiiieohligésd'examiner 
si  elles  émanent  d'un  principe  anlérieur  ;  nous  le. 
Cro\  oiis  malgré  nous,  lin  philosophe  peut  entasserdans 
Ses  livres  les  paradoxes  et  les  sophismes  pour  les 
combattre,  chacun  des  actes  de  sa  vie  sera  la  con- 
damnation de  ses  conceptions  bizarres  et  de  ses 
théorie^  iiisensé>;s.  Ainsi  il  n'est  pas  un  seul  homme 
qui  puisse  diiiiter  sérieusement  de  son  existence. 
I  .l'ai  beau  vouloir  douter  de  loiiies  choses,  disait 
l''éiieloii,  il  m'est  iinpossible  de  douter  si  je  suis.   Le 


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RA( 


RAl 


80 


rovélée  osl  prouvée  ou  non  prouvée  ,  pai' 
coiiscqnonl  vraie  ou  fuusse  ;  doue  si  nous 
soaxiics  obligés  de  nous  ilcfier   de  celle  lu- 

néanl  ne  saurait  doiiler,  et  qn  iiid  même  j-^  me  lioin- 
per:ds,  il  s'eiibiiiviail  p:ir  mon  eireiir  même  «lue  je 
Slli^  qiiel(|ue  <'liiiBe,  puis(nie  le  néaiil  ne  peiil  se 
lri)iii|irr.  »  Traiié  de  i'Exisieiice  de  Dieu.  pari,  li, 
(■li:ip.  1,  !;  (j.  M.  de  Lnmfniiais  avdiie  liii-mème  ipi'd 
lions  esi  é{;alemeiil  impossilile  de  lévoqiiiT  en  doiile 
l'exisliiiie  îles  corps  (pii  nons  environiienl.  Essiti, 
t.  Il,  p  l'J.  On  dira  p.nl-élre  ip  e  rassenlimenl  i|ue 
nous  donnons  à  ces  vériiés  n'esi  pis  raliiurnel;  ni  lis 
cille  Inmière  intérieure  parlaipielle  nonsJMjjeons  61 
qui  niius  eniraiiie  par  nue  évidence  irrésisiihle,  n'esl- 
elle  donc  pas  la  Inmière  de  la  raison?  Qu'est-ce  qne 
la  ceriilnde,  sinon  rinipnissance  de  donier,  l'ondée 
sur  la  perception  claire  et  ilistiiute  de  la  vérité? 

«  Voyons  loaintenanl  si  notre  esprit  ne   peut  pas,  . 
par  lin  encliaiiiemeiil  facile  de   principes  incontesta- 
lilis  et  de  con^éipieiict's  iiéiessaires,   s  élever  de  ces 
veriiés  prinnllves  et  londanientales  jusqu'à   la  con- 
naissance de  Dieu. 

«  'l'ont  èire  existe  par  lui-même  et  en  vertu  de  sa 
propre  nature,  on  doit  son  existence  à  une  cause 
élr'aiigcic.  Qui  oserait  soutenir  que  tous  les  élénienis 
niaiériels  qui  romposcHi  cet  univers  existiMit  uéces- 
saireiiicnt,  (|n'il  n'y  a  pas  un  insecte,  une  leiiille 
d'arlirc,  un  j^rain  île  salile,  un  atome  dont  on  puisse 
concevoir  raiiéanlissi-iiienl  on  la  iion-exislence?  Lu 
èire  nécessaire  ne  samaii  avoir  des  piopriélés  acci- 
dentelles; de  qui  les  aurait  il  reçues?  Pour  jiioi  au- 
rait-il les  unes  pliilôi  que  les  anire-?  La  inaliéie  qui, 
sous  la  main  de  riiomine,  prend  des  lornies  si  dilTé- 
reiiies;  ces  cor|iS  que  nous  voyons  naître,  se  déve- 
lopper, décroilre  et  périr;  le  monde,  en  nii  nuit, 
doit  donc  son  existetne  à  une  cause  étraiigèie.  A  qui 
la  dnii-il?  Au  hasard?  Le  hasard  n'est  rien,  et  s'il 
n'est  rien,  si  c'est  un  délant  et  une  priv  ition  de  cau- 
se, pluiot  i|u'nne  cause  veiiiable  et  effective,  il  s'en- 
biiii  qu'un  nous  truinpe  quand  on  nous  dit  que  c'e'^t 
le  liasard  iiui  a  fait  le  monde.  »  Abliadie,  de  la  Vé- 
rité de  la  lietij.  cliiéi.,  se,-t.  1,  chap.  5. 

I  On  a  supposé  mie  succession  inrinie  d'êties  con- 
liiigenls  qui  se  rcproilnisenl  perpétuellement;  mais 
on  a  iiiililié  lie  nous  dire  qui  a  dunih'  à  ces  cires  la 
laioltc  de  se  reproduire,  qui  a  déierminé  l'ordie,  les 
coiidilions,  le  lenips  de  cette  riproilnclion  pcrpé- 
luiMli'.  D'ailleurs,  <  adnie.tre  mie  succession  iiifiuie 
déires  niiialiles  et  dépendants  sans  aucune  cause 
pre  I  icre,  c'est  supposer  qu'il  n'y  a  rien  dans  l'iini- 
veis  qui  exis  e  par  lui-iiième  et  nécessairement.  Or, 
si  rien  n'existe  nécessairement,  par  qui  et  comment 
celte  succession  dètres  a  t-elle  éié  de  toute  éternité 
pliiliit  déterm  née  a  cire  qu'à  n'eue  pas?  >  Clarke. 
be  il'.xiseme  de  Dieu,  cliap.  3. 

<  I  iilin,  la  matière  ti'ii-elle  iternelle,  nous  deman- 
derions meure  d'oii  viennent  les  lois  qui  la  réj^issenl, 
si,  inerte  el  passive  de  sa  nature,  elle  sVsl  donné  à 
el'e-inéine  le  nioiiveineiit,  i  Concevoir,  dit  .l.-J. 
liousseaii,  la  niatèie  productrice  du  iiiuuvement, 
c'est  concevoir  un  ellel  sans  cause,  c'est  m:  cmicevoir 
absoliiini'iil  rien.  .  . .  Uilis-nioi  si,  quand  on  vous 
pai  le  (l'une  lorce  aveugle  répandue  dans  toute  la  na- 
ture, ou  lorle  quelque  véritable  idée  dans  voire  es- 
prit. On  croit  dire  quelque  chose  par  ces  roots  vaLçiies 
de  joree  universelle,  de  mottvemeni  nécessaire,  et  l'on 
ne  du  rien  du  tuul.  i  Emile,  t.  III,  p.  -45. 

«  La  raison  de  l'honiiue  n'est  donc  pas  dans  l'ini- 
puissance  absolue  de  s'élever  jus(|n'à  Dieu.  Il  faut 
nécissairenienl  admellre  l'existence  d'un  être  inlini, 
éiernel,  iiiu  a  créé  le  monde  par  sa  louie-]inissance, 
ipii  le  gouverne  par  sa  sagesse,  ou  biei-i  il  faut  s'en- 
gager dans  un  vaste  iabynuihe  d'cgaremeiils  el  d'er- 
reurs. Quelles  sont  en  effet  les  conséquences  de  to.iis 
ces  systèmes  qu'a  enlanlés  la  pliilosopliie  moilerne? 
11  n'eu  est  pas  un  seul  qui   ne  doive  naturellement 


iiiiùre,  nous  n'avons  point  d'autre  parti  à 
prendre  que  le  pyrrhonisme  ou  ie  scepli- 
cisme  en   luit  de  reli|;ion. 

liéjxtnse.  C'est  à  la  vérité  par  la  rnison 
seule  que  nous  devons  juger  si  les  preuves 
d'une  révélation  sont  réelles  ou  supposées, 
soliiles  ou  seuleiiicnl  iipiiarenles  ;  mais  ces 
preuves  sont  des  faits.  Or,  les  faits  se  prou- 
vent par  des  alleslations  cl  par  des  uionu- 
nients,  el  non  par  tics  raisonnemeiils  ou  par 
un  examen  s|)éculalif  de  la  doctrine  révélée. 
L'exatueii  des  faits  est  à  la  portée  des  houi- 
uics  les  plus  ignorants,  puisque  c'est  sur  des 
faits  que  porte  toute  la  conduite  de  la  vie  : 
il  n'en  est  pas  de  même  de  l'examen  de  la 
doclriiic;  il  faut  discuter  pour  savoir  si  elle 

conduire  au  scepticisme  ceux  qui  auraient  l'impru- 
dence de  l'adopii  r. 

«  l*  lié'luire  tonte  la  science  de  riiiunnie  à  savoir, 
non  ce  que  les  elioses  sont  en  elles  nièoies ,  mais 
seulement  ce  qu'elles  paraissent  être:  rejeter  hors 
des  bornes  de  loute  connaissance  cerlane  l'existence 
des  corps,  noire  libre  arbitre,  l.i  vie  future,  et  mê- 
me ces  axiomes  ciiiisaeréi  par  rassentinient  univer- 
sel, c'est  éviiiemment  détruire  loute  vérité  et  anéan- 
tir riiitelligeiK  e  humaine. 

«  2°  .M.  de  Lamennais,  qui  accuse  les  philosophes 
alleiii  inds  d'exlravai^aii' e  et  de  IVdie,  a-t-il  été  lui- 
même  plussa^e?  Pour  soustraire  les  hommes  au 
scepiicisme,  il  ne  snllil  pas  de  leur  offrir  un  principe 
de  certitude,  de  leur  présenter  l'aiilorité  comme  le 
fondemeiil  inébranlable  de  nos  croyances,  il  faut  en- 
core leur  donner  les  moyens  de  coniiallre  celle  aii- 
tiii'ilé.  Mais  s'il  est  vrai  qne  souvent  les  sens  ttous 
trunipenl,  que  le  sentiment  intérieur  nous  trompe,  que 
la  raison  nous  tiampe,  et  que  nous  n'ayons  en  nous  au- 
cun mofien  de  reconnaître  quand  nous  7ious  sommes 
trompes;  si  nous  ne  pouvons  rigoureusement  i.jfirm.er 
quoi  que  ce  soil,  {Essai  sur  l'indifférence,  t.  Il,  p.  -!:)), 
comment  coniiaiiruns  nous  ce  conseotemeiil  (Minnnuii 
hors  duquel  il  n'y  a,  dit-on,  que  iloiitc  el  inceriiiude? 
Une  vêiilé  appuyée  sur  des  témoignages  humains  ne 
saillait  être  plus  i  erlaine  que  l'existence  des  témoins 
qui  déposent  en  sa  faveur  ;  mais  si  la  raiso  i  ne  sait  ce 
qu'elle  est,  ni  si  elle  est,  si  son  existence  est  un  problè- 
me qu'elle  ne  peut  résoudre  qu'à  l'aide  de  l'aittwtté  du 
genre  humain,  Ibid.  ,  p.  3^2,  ipielle  ceriilude  pouvons- 
nous  avoir  de  l'existence  di  s  humines  dont  le  témoi- 
gnage est,  dit-oii,  la  seule  lègle  itdaillible  de  nos 
jugements? 

là"  La  loi,  que  quelques-uns  ont  voulu  substituer 
à  l'auloriié  géiiér.ile  du  genre  humain,  n'est  point  une 
simple  persuasion  murale,  elle  n'est  pulnl  nno 
croyance  aveugle,  elle  doit  nécessairemem  reposer 
sur  des  principes  cerlans.  Mais  quelle  sera  pour 
chacun  de  nous  la  ceitilnde  de  ces  piincipes?  com- 
ment d'ailleurs  pourrons-nous  constater,  sans  crainte 
aucune  d'erreur,  le  fait  de  la  révélation  divine,  pe- 
ser la  valeur  des  témoignages  qui  attestent  ce  fait,  si 
notre  raison  individuelle  est  f.iillible  en  tout?  Don- 
ner la  loi  loiniiii;  la  cendiiioii  preiniéie  de  toute  con- 
naissance, de  loute  science,  de  toute  phitoioptiie  (La 
Morale  de  l'Lvangde  comparée  à  celle  des  ph  loso- 
plies,  p.  •'Js),  c'est  méritei  le  reproclie  que  M.  do  La- 
roennais  a  lali  injusleinenl  à  Descartes,  c'est  poser 
au  milieu  des  aiis  la  premièi  e  pierre  de  Védijice  qu'on 
entreprend  d'éleier.  Aussi  .M.  de  Laiiienuais  a  réfuté 
toutes  CCS  opii.ions,  et  il  s'est  réfnlé  lui-même  quand 
il  a  dit  :  <  bi  la  raison  miis  ordonne  de  douter  de 
tout,  la  nature  nous  le  ilél'eod. ...  11  n'existe  pnlnt, 
tl  n'existera  jamais  de  véritable  pyrrlmnieu  ;  le  dou- 
te universel,  alisolu,  auquel  nous  condamne  uiie  sé- 
vère logique,  est  impossible  aux  bommes.  E»sai ,  t. 
H,  p.  50. 


El  H  Al 

est  en  ello-mémo  vraie  ou  fausse,  ol  celte 
disc.u'-=sion  ne  peut  être  faile  que  par  des 
lioiiinies  irès-inslruiis,  encore  sont-ils  expo- 
sés à  s'y  Ir'niper  lourdcniont. 

S';|  y  enl  j 'mais  une  qucslion  qui  pgrût 
élie  du  ressort  de  la  rnison,  c'él.iil  d'exami- 
ner s'il  n'y  a  (]u'un  Dieu  ou  s'il  y  en  a  [)lu- 
sieiirs  ;  ^ii  toutes  les  parties  de  la  nature  sont 
animées  ou  non  par  des  inlelligences,  par 
des  esprits,  par  (les  génies  niiissnnis  et  ::rl)i- 
Ire?  de  nos  destinées,  si  c'est  à  eux  qu'il  faut 
adresser  notre  culte,  et  non  à  un  seul  Etre, 
créateur  cl  gouverneur  du  monde  :  cepen- 
dant tous  les  peuples  s'y  sont  lrom|iéN,  et 
les  phiiosopjies  aussi  tiien  que  les  peuples. 
Les  Juifs  .seuls  et  les  clirétieiis  insiruils  par 
la  révélation  se  sont  préservés  de  cette  er- 
reur. Ce  n'est  point  donner  dans  le  pjrilio- 
nisMic  que  de  refuser  à  la  raison  l'examen 
des  (]ui'slior.s  qui  ne  sont  pas  à  sa  portée, 
lorsqu'on  lui  soumet  la  discussion  des  faits 
d  ni  elle  peut  éire  juge  com|iétenl  ;  toute  la 
dillérenre  qu'il  y  a  entre  nous  et  les  incré- 
ilulcs,  c'est  qu'eu  f  lit  de  religion  ils  renver- 
se;it  l'ordre  (le  l'evamen  que  la  raison  doit 
faire.  Ils  veulent  que  l'on  commence  par 
voir  si  telle  dociriiie  est  vraie  on  fausse  en 
plle-ménie,  et  qu'au  cas  (ju'elle  paraisse 
fausse,  l'un  eonc  ue  qu'elle  n'est  pas  révé- 
lée. Nous  soutenons  au  contraire  ((ue  l'on 
doit  esaniiner  d'abord  si  elle  est  révélée  ou 
Diiu,  puce  que  c'est  un  l'ail;  et  que  si  elle 
l'esi,  on  dnit  en  inféier  qu'elle  est  vraie, 
quand  ii  éme  elle  nous  |  aratlrait  spéculati- 
venienl  fausse.  Nous  n'en  demeurons  |)as  là, 
nous  prouvons  que  tel  est  l'ordre  naturel  et 
légitime,  1°  parce  que  le  commun  des  honi- 
oies  est  plu.  en  él.it  de  vérifier  un  faii  (|uc 
de  iliseuter  un  dogme  ;  2°  parce  que  l'on  se 
trompe  moins  souvent  dans  le  premier  de 
ces  examens  que  dans  le  second  ;  3°  [larce 
que  les  preu\es  de  fait  font  sur  nous  beau- 
coup i  lus  (i'impie^sion  que  les  arguments 
.spéculaiifs,  elc.  Yny.  Fait. 

Triiiniênie  objcciion.  Si  le  commun  des 
hiiiriines  n'e-'t  pas  en  éial  de  discerner  par 
la  raison,  seule  la  religion  d'avec  la  supers- 
tiliiiM,  le  culte  vrai  d'avec  le  culte  faux,  tous 
ceux  (|ui  sont  nés  dans  lepagani-me  ont  été 
excusables;  ils  n'ont  pas  pu  être  justement 
punis  pour  s'être  trompés  sur  la  question  de 
savoir  s'il  n'y  a  qu'un  Dieu  ou  s'il  y  en  à 
plusieurs. 

licponse.  Pour  juger  jusqu'à  quel  point 
les  païens  ont  été  excusables  ou  punissa- 
bles, il  faudrait  connaître  les  causes  rie  l'er- 
reur de  cbaque  particulier;  jus(|u'à  quel 
point  les  passions  ,  la  négligence  de  s'ins- 
truire et  de  réHéehir  ,  l'or^^ui  il  el  l'opiniâ- 
trelé,  etc. ,  ont  inilué  sur  son  égareiiient  : 
Dieu  seul  peut  le  connaître.  Saint  Paul  a 
décidé  que  (lu  moins  les  pbilosopbes  ont  été 
inexcusables  [Uum.  i,  20]  ;  que  les  autres  se 
sont  laissé  conduire  ounimc  des  animaux 
Slupides  (/  Cor.  xii,  2)  :  il  y  aurait  do  la  té- 
nieriié  à  s'élever  contre  celle  décision ,  et  il 
lie  nous  importe  en  rien  d'entrer  là-dessus 
dans  aucun  examen.  En  second  lieu  ,  celte 
objection  suppose  que  les  païens  n'ont  point 


eu  d'autre  secours  pour  coiutaître  Dieu  et 
la  vraie  religion  que  la  rainon  toute  nue  ; 
c'est  une  erreur.  Dieu  leur  a  (lonné  à  tous 
des  !'râces  ■•urnaiuroiles  el  intérieures  ;  s'rs 
avaient  été  fidi'des  à  y  coi  respondre,  ils  au- 
raient reçu  des  secours  plus  abondants  et 
pins  prochains  pour  parvenir  à  la  connais- 
sance de  la  vérité.  Ils  sont  donc  inexcusa- 
bles, comme  saint  Paul  l'a  dcciJé.  l'oj/.GRiCE, 
§  3,  Infidèles,  etc. 

Quatrième  objection.  C'est  à  la  rais'ii 
seule  (le  juger  en  quel  sens  il  faut  prendie 
les  paroles  de  l'Ecriture  sainte  ,  de  voir  s'il 
faut  les  entendre  dans  le  sens  littéral  ou 
dans  le  sens  figuré  ,  de  choisir  entre  deux 
passages  qui  semblent  se  contredire  ,  celiii 
qui  doit  expli(|uer  l'autre  ;  pourquoi  ne 
serait-elle  pas  aussi  eu  état  de  décider  la 
question  en  elle-mêine  et  indépendamment 
de  l'Ecriture  ? 

llépimse.  Nous  nions  absolument  ce  pi-in- 
cipe  des  déistes  ,  qui  est  celui  des  protes- 
tants ,  et  (|ui  est  une  des  premières  sources 
du  déisme;  c'(  st  donc  aux  protestants  seufs 
qu  il  importe  de  résoudre  cette  objection,  et 
nous  n'en  connaissons  aucun  qui  s'en  soit 
d(mné  la  peine.  Pour  nous,  nous  soutenons 
que  personne  ne  peut  être  absolument  cer- 
tain du  vrai  sens  de  l'Ecriiure  que  par  l'en- 
sei'jnement  de  l'Eglise  catiioli>|ue  ,  et  nous 
l'avons     prouvé    ailleurs.    Voy.    Ecriture 

SAINTE. 

S'il  était  nécessaire  ,  nous  n'aurions  pas 
beaucou|)  de  peine  à  démontrer  la  faiblesse 
de  la  rnison  humaine  ,  I  inceriitude  de  ses 
jugements  et  la  uiultiiude  de  ses  erreurs  en 
fait  (le  iiiorale,  de  droit  naturel,  de  loii, d'u- 
sages cl  de  coniumes.  Hérodote  cisail  déjà 
aulrelois  que  si  l'on  demandait  à  des  hom- 
mes de  dilïerentes  nations  quelles  sont  les 
meilleures  lois  et  les  coutumes  les  plus  rai- 
sonnables, chacun  d'eux  ne  manquerait  pas 
de  répo  dre  (lue  ce  sont  celles  de  son  pays. 
Lorsqu'il  s'a^;il  de  dé-  ider  si  une  aciion  est 
bfiniieou  mauv.ise,  conforme  ou  contraire  au 
(Jrpit  naturel,  un  homme  désinlére.sséen  juge 
uidinairtmeiit  assez  bien  :  s'il  a  le  moindre 
intérêt  à  la  clio>-e,  il  trouvera  vingt  sophis- 
ines  pour  justifier  ropinion  qui  lui  est  la 
plus  lavoralile.  Oui  s'avisa  jamais  de  con- 
sulter un  j'ige  qu'ij  sail  é.re  prévenu  ou 
passinneé?  Ct'pendant  tous  font  piofrssion 
de  suivre  el  croient  suivre  eu  cITel  fes  plus 
pures  lumières  de  ht  raison,  parce  ((ucious 
confondent  le  diciaineniie  la  raison  avec  d  lui 
de  leurs  préjugés  ,  de  leurs  habitudes,  de 
leur  intérêt  et  d(!  leurs  passions.  Au  reste, 
ce  n'est  pas  (i'aujotird'hui  que  les  niéeréants 
accusent  les  oithodox.s  de  degra  icr  et  de 
mépriser  la  raison  humaine.  «  Pour  lous, 
disait  le  manichéen  Faiisle  à  sainj  A"SUslio, 
1.  xviii,  c.  3,  NOUS  croyez  tout  aveugieuicot 
et  sans  exainen,  vous  coniJamncz  dans  les 
hommes  la  raison,  1'  plus  pn  cieux  des  ons 
de  la  nalure  ,  vous  vous  laites  scrupule  de 
distinguer  le  vrai  d'avec  le  faux  ,  el  vous 
redouiez  aiitaiil  le  di  cernemeni  du  bien  et 
du  mal  ,  que  les  ciilanls  craigiieul  les  es 
prits  et  les  lutins.  »  .Mais  'i'erlullien  a  liés- 


65 


RAM 


bipn  remarfiiié  que  quand  les  serlniros  pro- 
mcllenlci  qiiehiu'unflcrpmcllri'toiili's  chnsi'S 
an  jiifçciniMii  de  s,i  raison  ,'iis  ne  rlicrrhont 
((u'à  11'  srduire  |i;ir  une  Icnlalion  d'orymil. 
Dès  qu'nnc  fois  ils  vous  lieimenl ,  dit  il  ,  ils 
exigrui  ((iTe  vous  les  crii}ipz  sur  jj.-irole. 
Lribnilz  n  f.ùl  à  ee  snjit  des  rédi-vions  Irûs- 
jndicifuses  ;  il  dcniéle  lorl  bien  l'équivcxjie 
du  mol  raison,  el  il  fait  voir  que  ,  ilans  une 
infini  é  de  choses,  la  raison  m^me  nous  or- 
donne de  recourir  à  un  anlre  unide,  Esprit 
(te  l.eibniiz.  loin.  1.  p.  2.'r{  et  suiv. 

Ou.Hid  la  rofAon  de  l'homnic  sérail  une 
lumière  ceiil  fois  plus  pénéirante  il  plus 
infaillible  ((u'elie  n'est,  il  y  aurait  encore 
de  l'ini^ralilude  à  dédai;;iier  el  à  rejeler  le 
scfours  précieux  que  Dieu  veut  bien  y  ajou- 
ter par  la  révélalion.  Il  n'y  a  eeriaiueinent 
pasde  lumière  plus  lirillanle  que  celle  du 
soleil  ni  plus  capable  de  nous  écl.iirei-;  ce- 
pendant lorsqu'il  faut  descendre  dai\s  un 
soulcj  lain,  nous  sommes  forcés  de  recousir 
à  un  (lanilicau.  C'est  la  compariison  dont  se 
sert  saint  Pierre;  il  exliorlc  les  fiilèlcs  à  se 
rendre  alteutif.  aux  leçons  îles  piophèlcs, 
comme  <i  une  lumière  (jui  brille  dans  iiu  lieu 
oliscur  en  allendanl  que  le  jour  vienne  (/ 
Piir,i,\^^).   Yoy.   IUtionalisme  ,    Uiivii.i- 

TIOV. 

*Uaison  (Culie  de  l;i).  yoy.  Fête  de  l\  nxisiiN. 

RAMKAL'X.  Le  dinianclie  qui  cooim  nco 
la  >emaine  sainte  .  et  qui  est  le  dernier  du 
carême, est  appelé  le  dimanche  des  Rameaux, 
(loiiiiiiica  Palinnram,  à  cause  de  l'u^adeéla- 
bli  (lès  les  jireniiers  siècles  parmi  les  (Mêles, 
(le  purler  ce  jtiuc  là  en  procession  el  pcn- 
danl  roffiee  divin  des  palmes  on  des  rameaux 
d'arhies.en  mèinoire  de  l'eiiliée  triomphante 
de  Jésus-Clirisl  à  Jet  nsalem  huit  jours  avant 
la  pàiiue.  Il  est  dit  dans  les  évangélisles, 
que  le  peuple,  averti  de  l'arrivée  de  Jésus  à 
Jérusalem  ,  alla  au-devant  de  lui  ;  que  les 
uns  éienilirriit  leurs  vêlemeiils  sous  ses  pas, 
que  les  autres  couvrirenl  le  chemin  de  liran- 
ch's  de  palmier;  qu'ils  raccom[)a^nèrenl 
ainsi  jusque  dans  le  temple  eu  criant:  Pros- 
J)éiiié  au  Fils  de  David  !  béni  soit  celui  qui 
lient  au  nom  oii  Seigneur  !  Mallh.  ,  c.  xxi  ; 
.\!aie.,c.  XI  ;  Luc,  c.  six.  C'est  ainsi  qu'ils 
le  reconnurent  pour  le  Messie.  A  r<aisuu  de 
ceMc  eéi éiiiouie  ,  le  peuple,  dans  plusieurs 
Ilro^  inces,  appelle  le  dimanche  des  Itameaux, 
Pâ'/ues  fleuries. 

i.'e.sage  de  l'Eçîlise  est  de  bénir  ces  ra- 
meaux en  priant  notre  Sauveur  d'aifréer 
rhommage  que  leslîdôles  lui  ren(lenl  comme 
,i  leur  mi  et  à  leur  Seij!;neur.  Le  P.  Leslée, 
dan-  ses  idoles  suf  le  niisscl  mozarabiifuc,  ob- 
serve que  celle  bénedietion  a  été  en  usage 
dans  les  tiauleg  et  en  Espagne  avant  la  fin 
du  VII  siècle;  mais  elle  peut  être  beaucoup 
plus  ancienne,  quoique  l'on  n'en  ait  pas  des 
preuves  positives,  .\icuin.  dans  sau  livredes 
O/pces  divins,  nous  ajipren.l  que,  dans  quel- 
(lues  églises,  l'usage  était  d  ■  placer  le  livre 
i)e  l'Evangile  sur  une  espèce  de  fauteuil,  i|ui 
elail  porté  à  la  piocession  par  deux  diacres, 
aûu  de  représenter  ainsi  le  triomphe  de  Jésus- 


RAT  54 

Christ.  Ce  m<*me  dimanche  a  été  appelé  au- 
trefois dnninica  cmnpft'nliam  ,  parce  que 
ce  jour  les  calèehum'nes  venaient  tous  en- 
se  .ible  deuMnder  ,1  i'èvéq'ie  la  grâce  du 
baptême,  qui  devait  être  administré  le  di- 
manche suivant,  lit  comme,  pour  les  y  pré- 
parer, on  leur  lavait  la  li'le  ce  u  ôme  jour, 
il  fut  encore  nommé  capililnvium.  Enfin  ,  la 
coutume  des  ennpereurs  et  dts  palnarebes, 
d'acci'rder  des  grâces  ce  jour-là,  le  fit  nom- 
mer 'e  dimanche  d' Indnlyenre.  Noies  de  Mé~ 
nnrd  sur  le  Sacram.  d''  S.  Grégoire  ;  Tho- 
massin.  Traité  des  Félei ,  etc. 

UA  1  lONAL  ,  ou  PECTORAL.  Voy.  Oracle. 

*  RATION \LISME.  D-pnis  le  jour  on,  avide  de 
cnnii;ds-:iiices,  l'Iieîhine  a  niaiiRi^  du  fruit  de  Tarlire 
(le  la  science  du  bien  el  du  in;\l,  il  a  voulu  jnsîer  iniu 
pur  la  r.iisnn.  Il  a  voulu  niesuier  à  son  iiilellifîcMici! 
les  cliiisen  divines.  De  là  le  désordre  (tes  idées  reli- 
gieuses de  cprlains  peuples,  laiil  diins  rancieu  temps 
(lu'à  noire  é|io'i"e.  L'Iiisloire  tU'.  toules  les  eneirs 
humaines  est  l'histnlre  de  la  raison  nui  a  vnilit  s'in- 
surger Contre  la  vérité  révélée.  Cepeudam  le  ocnu  de 
ralionalisiiie  a  été  lés^rvé  à  ces  écilcs  (]ui  oui  sys- 
téiualupietneiit  ei  excliisivcuieiil  mis  la  r:iisoii  lour 
base  de  loiiies  les  crny!\n(!es.  Nous  pourrions  dis- 
tinguer irois  épiiques  principales  et'i  le  ralionalisme 
ain-i  ciitnpris  a  dominé.  1°  Peiidanl  le  règne  de  la 
phil.i-opliie  greciite,  Pytliagore  pourrait  servir  de 
po  iil  de  ilép.irl.  L'élule  des  dive.s  sysièmes  de 
pliilosopliie  de  celle  épo  pie  appartient  an  D.climi- 
iiaiiedo  pliildsnpliie  f|iii  devra  exposer  ce  ipie  ces 
pliilosep^es  lenaie.ii  de  la  tradition  et  de  leur  pré- 
tendue raison. 

La  d  •uxième  époque  comprend  l'école  d'Alexan- 
drie, qui  mêlait  le  platonicisme  au  cliristianisme. 
C'est  celle  écele  i{iti  a  donné  naissance  à  1 1  mnlliliide 
des  sectes  giiosThiues  que  nous  avons  fait  connailre 
dan-  le  cours  de  ce  dieiionnaire.  Voi;.  Gnostujiifs, 
Alexaniirie,  Valentimens,  etc.  —  {Voy.  aussi  Dicl. 
de  Tliéol.  tnor.,  t.  Il,  Hisioire  de  la  Théolofiie.) 

La  trois  èuie  époque,  celle  qui  peut  prendre  le 
nom  de  rationalisme  propremeui  dit,  est  celle  de 
noire  temps.  Au  siècle  dernier  il  se  manire-la  sons 
le  nom  de.  plijlosopliisme  ;  il  avait  pour  liiti  d'atta- 
quer direcienient  le  chrisiiuiisme  et  de  le  détruire. 
Nous  avons  fait  connailre  celle  espèce  de  rali  aia- 
lisine  dans  nu  grand  nombre  d'articles  de  ce  diciiou- 
II  lire.  Bergier  semble  n'avuir  eu  d'aulre  làc.  e  que 
de  le  coiiibailre.  Aussi  il  y  a  fnrl  peu  d'articles  de 
.son  dietionnaire  où  le  ralionalisme  pliilosoplilipie 
du  xvui"  sièele  ne  soit  en  cause.  Le  rationalisme  de 
notre  temps  s'est  fait  clirélien  pnur  mieux  ah-orlier 
le  cliiisiianisnie.  Cesl  surtout  en  Allemagne  ipi  d  a 
pris  naissance  et  a  débordé  sur  tous  les  autres  pays. 
Nous  lui  avons  consacré  un  grand  nombre  d'arlic  es. 

Voy.     KANTISME  ,    (,I\ITIC1SME  ,     LxÉGÈSE      NiiUVl  t,LE  , 
li.\Éi;Èl^S     ALLEMANDS,     lltCEL  ,     SfatELLING,     l'X.LI  C- 

ïisMË  ,   Ecole  ec  s-aise,  I'k  GRiîs  (Ductrine  du),  etc. 

La  cause  du  ratiiuialiiine  vient  de  celte  maxime 
orgiieilliuse,  ipie  Chomme  ne  doit  a'inieltre  qie  ce 
qu'il  comprend  ;  maxime  démeniie  par  la  praliipte 
quotidienne,  car  l'iiutnaie  a  le  senlimeol  de  son 
exisieiiee,  de  si  vie,  suis  pouvoir  les  cumprendre. 
M.  de  Itavignan  a  donné  une  eonléience  qui  cnnibat 
lepiiniipe  fond.unenial  du  ration liisnie  ;  nous  al- 
lons en  rapporter  les  principaux  passages. 

I  On  se  demande  avec  elomieiiieiit,  dit  cet  auteur, 
coiiiniem  il  a  pu  se  taire  que,  dans  tout  le  cniirs  des 
Siècles,  taiil  il'incertiiude  el  lanl  d'iiicoliéreuce 
soient  venues  ciiiraver  cl  nliscurcir  les  letlientlies 
laiiorieuses  dans  lesquelles  l'àiiie  s'étudiait  elle- 
iiiéine  :  L'Iiisloire  de.  la  pbiio.-opliie  est  eu  grande 
partie  l'nisioire  des  travaux  entrepris  par  l'espril 
buiiiuin  pour  parvenir  à  se  connailre.  Ce  sont  aussi 


55 


RAT 


HAT 


tit> 


les  archives  non-seiileiiienl  les  plus  cuiiouïes  a  elii- 
dier,  miiis  aussi  les  plus  iii«lruclives  ,  si  l'on  sail  en 
froliier.  Qii:iii(l  on  veiii  niùreiiienl  y  iiio,  et  résiimer 
aiieniivoniiMit  les  données  |il]i!(>sopliJ(|n«s  sur  i:i  na- 
ture de  ràiiif,  snr  la  piiissanee  el  le-  drnii^  de  l:i  r^d- 
so'i,  on  tnnive  :diirs  qne  deux  syslcnies  |iriuci|i;uix 
sonl  en  piCTerice. 

I  Les  uns,  frappés  di's  impressions  extérieures  et 
sensibles  (iui  atcneillenl  l'honiine  au  herceiiu,  qui 
l'environnent  el  rarrouip:ii,'iient  dans  louics  les  (dia- 
ses  du  son  exlslenrc  inoiielle,  fr:ippés  de  ces  rela- 
tions enirelennes  satis  ce-se  au  deliors  par  l'aclion 
des  orgmi's  ei  des  sens,  les  mis,  dis-je,  ont  cru  que 
le  fonilenicnl  di;  nos  oonnais^ances,  la  puissance 
réelle  de  l'âmi'  et  les  droits  de  la  raison  deva  ent 
êlre  surtout  placés  dans  l'exiiérii'uco.  (J'esl  ce  qu'on 
a  nnninié  l'iiiÉpirisme;  el  parce  mot,  je  ne  veu\ 
pas  seulement  exprimer  ici  l'aluis,  mai-,  encore  l'u- 
saç;ft  de  l'observ.ilion  et  de  la  sensibililé  considé- 
rées, selon  quelques-uns,  comme  le  principe  même 
de  nos  connalS^ances. 

«  L'autie  sysième,  d'un  spiritualisme  plus  noble 
et  plus  éie\é,  place  la  nauin'  de  l'ànie,  ses  droiis, 
son  pouvoir  premier  dans  l'idée  même  purement  in- 
Iclli  ciU' Ile.  Ainsi,  au  moyen  de  l'idJe  pnte,  l'âme 
conçi.it  cl  développe  la  vérité  par  son  énergie  propre 
et  intime.  C'est  l'iilédisme.  l-A  \i:\  encore,  je  ne 
vei>'>i  pas  non  pins  nonamr  seulement  un  cx'ès. 
L't'xi.j^rieni'e  donc,  l'oxpé.ience  seii-ihle  el  l'iilée 
pure,  \.Mlà,  je  crois,  les  deux  bannières  distinctes 
sous  le^qnttl!os  on  rc:.!  ranjjir  la  pitqiarl  des  théories 
laboriensennnt  eif  Mitées  pour  exprimer  le  principe 
de  no'-  coiiiiai-.sances,  la  nature  me  ne  de  l'àme  et 
les  droiis  de  la  raison.  Les  uns  ont  semblé  tout  rap- 
porlerà  l'expéiience,  les  autres  .à  I  idée  11  faut  s'arrê- 
ter nvec  l'œil  d'une  coiisidéralion  allentive  snr  ces 
dispohiions  (  xdu^ives  et  contraires  des  hommes  qui 
fuieul  iKiiiimés  sagi's  an  sein  de  l'Iif.iiiaiiité. 

i  Iles  esprits  e\(liisifs  et  tr"p  déliants  pent-èire  à 
l'égiird  des  pures  el  Iriules  spéculations  de  la  perrsée 
s'emparirent  de  la  iiialiére  el  des  sens,  et  s'y  établi- 
rent .(oinme  au  siège  même  de  la  réalité,  ils  crnienl 
pouvoir  y  reciieil:ir  tons  les  principes,  loules  les 
conniiis-ances  el  les  idées  d.^  toutes  choses.  Ils  adop- 
tèrent l'empirisme  ;  d'immenses  abus  s'ensiiivireni. 

M.  de  Ravi-iiiaii  trace  l'Iiisioire  de  rempirisme  ou 
de  la  phiinsophie  expé  imentaleen  Oiient,  en  Grèce, 
en  Angleterre  et  en  France.  Il  expose  égilement 
l'histoire  de  l'idéalisme,  et  rappelle  que  les  plus  il- 
lustres rejnésenlanis  de  celt''  philosophie  i'urent, 
avec  les  cunlcmplatils  de  l'Inde,  l'ythugoie,  les  mé- 
taphysiciens d'Elbe,  Platon  ,  et  depuis  le  christia- 
nisme, i-aint  Augustin,  saiiii  Anselme,  De-cartes, 
Mallebranclie,  Bossue i,  Fénelon,  Lcihnitz.  L'école 
allemande  vint  ensuite,  et  l'oraleiir  montre  qu'elle 
se  préciDiia  dans  tous  les  abus  de  l'idéalisme  le  plus 
outré. 

«  Des  hommes,  dil-il,  qui  ne  maiiquaienl  assuré- 
ment ni  df  force  ni  d'éiendue  dans  riolelligence,  se 
sont  un  jour  séparé-  de  ions  lesenseignemeiils  de  la 
traduis. n.  Ils  ont  mépiisé  les  travaux  des  vrais  sages 
el  loutes  lis  données  du  sens  commun  :  ils  se  sont 
enivrés  de  leurs  propres  priisées.  L'orgueil  de  l'es- 
prii  el  ses  illusions,  ((u'ils  se  dissimulaient  peut  êire 
.T  cux-iiièmes,  les  ont  cnliainés  bien  loin,  bien  loiti 
du  but.  Alors  tout  a  vacillé  à  leurs  icgirds,  tout  a 
paru  nionvai.t  devaiil  leurs  yeux  ;  leur  vue  s'est  oli- 
siciiicie.  Ils  n'iMii  plus  rien  aperçu  de  slublc  ni  de 
fixe.  Ils  n'ont  plus  reconnu  de  bases  el  n'ont  pliis  re- 
trouvé d'appuis.  I.a  loi  élail  la  terre  de  rédige  el  de 
salu'.  (.'e^  bi'irmes  n'avaient  plus  la  foi.  La  pierre 
angulaire,  jo  (jlirist  piTinaneut  d:iiis  l'Kglise,  s'était 
Uaiisliiiin'c'  pour  eux  en  vague  phéiioméue,  en  vaine 
éyolmidi.  il,,  l'idée,  pas  auire  clioni!.  Mus  alors  la 
vie  v('iii;ihle  ■<  lui  de  ces  iimes,  it  elles  n'ont  eu  p  'iir 
dernière  ci^nsclaiioii  el  pour  dernière  esp.'iMiiee 
(ju'uii  allreux  désespoir  dans  une  iiégaliuu  univer- 


selle et  ausoiue.  Il  faut  donc  courageusement  rester 
dans  son  bon  sens,  il  faut  éviter  courageu-ement  les 
extrêmes,  il  faut  respecter  les  b.ises  posées  ei  réllé- 
chir  l'ingiemps  nvanl  de  prononcer.  Il  faut  recnnnaî- 
ire  les  iiornes  avec  lesdioils  el  l'aclion  véritable  de 
la  rai-nn  buinaiiie.  > 

Il  y  a,  srion  le  grand  oraieur,  trois  sources  de 
connaissances;   l'idée,  l'expérience  et  la  foi. 

«  Si  l'on  vent  n'accepter  nue  les  droils  de  l'idée 
pure,  on  risipie  de  s'abîmer  dans  le  gnudre  des  abs- 
iraciions  :  si  l'on  veut  n'accepter  que  l'expérience 
des  sei  s  loiit  seuls,  on  courbe  la  dignité  de  l'inlel- 
ligence  et  de  l'esprii  sous  le  joug  des. sens  et  des  or- 
gHiies,  si  l'on  ne  veut  en  loules  choses  que  l'autnrilé 
el  la  foi,  je  le  dirai  avec  francliise,  on  rend  l'aiilo- 
riié  el  la  foi  impossibles  .à  la  raison.  Trop  générale- 
ment, 1 'S  philosophes  scindent  riimniiie  ei  le  divi- 
sent violeniinent  Si  l'on  acceptait  l'hoinme  tout  en 
lier,  tel  qu'il  est,  avec  ses  lacidlés  diverses  :  si  l'on 
acceplait  l'homme  avec  sa  vue  intellectuelle  et  pure, 
avec  sa  force  cxi  érimenlale  el  sensible,  avec  son 
intime  et  invincible  besnin  des  vérités  divines  ei  ré- 
vélées, alors,  ou  aurait  l'homme  tout  entier,  on  au- 
rait la  vraie  nalure  de  l'àine ,  les  conditions  et  les 
droits  véritables  d.;  la  raison.  Mais  ce  n'est  pas  là  ce 
qu'on  fait  :  on  prend  une  lacnlté,  une  partie,  une 
force  de  rhomme,  el  l'on  y  place  loule  la  raison  el 
toute  la  philosophie. 

€  Un  exemple  illnslre  va  éclaircir  ce  que  je  viens 
d'énoncer,  yuand  DescartfS  parut,  il  voulut  p;iiétrer 
loules  les  prof'ondeuis  de  l'ànie,  sonder  la  nature  iii- 
linie  de  la  rai>on.  el  recommencer  mélhodiqueaient 
tonte  la  chaîne  de  nos  connaissances.  Ce  fut  alors 
qu'il  jironiuiça  le  mot  devenu  si  célèbre  :  Je  peii?e, 
donc  je  suis,  ynanl  à  nini,  il  me  semble  que  Des- 
carie»  aurait  pu  tout  nussi  bien  dire:  Je  pense  e(  je 
suis,  on  j'exisie  el  je  pense,  car  nous  avons  égale- 
ineiil  la  cou  cieuce  el  de  noire  pensée  el  de  notre 
exisience.  Vous  eu  conviendrez,  je  crois  :  ces  deux 
vérités  soiil  siniullanées,  elles  sont  évidenles  au 
même  ilegré  pour  la  raison.  C'est  par  une  seule  el 
iiiêine  peiceptinn  de  l'àme  que  nous  connaissons  no- 
tre existence  aussi  bien  que  noire  pensée. 

«  l'ar  où,  et  c'est  lii  que  je  veux  en  venir,  par  où 
vous  (jouvez  bien  comprendre  que,  pour  avoir  la  no- 
liou  vraie  do  l'àme,  les  conditinns  consiitutives  de 
la  raison,  il  fnil  unir  sainemenl  l'un  avec  l'autre  l'é- 
léiiieiil  empiriq'ie  et  l'éléuienl  idéaliste,  e'est-à-dire 
en  d'autres  lein.es  et  en  termes  Inrl  simples,  l'idée 
el  l'expérience;  el  pourquoi?  parce  qu'il  y  a  siimil- 
lanénieiit  dans  riiomme  ces  deux  choses,  ces  deux 
facultés,  ces  deux  princi|ies  :  l'idée  et  l'expérience. 
El  c'est  ce  que  j'ai  voulu  siginlier  eu  assotiaul  ainsi 
ces  deux  mots  :  je  pense  et  j'existe  :  expression, 
l'une  du  monde  logii|ue  ou  de  la  pensée,  l'autre  du 
inonde  expérimental  el  sensible.  Voilà  donc,  si  nous 
voulons  en  i:oii\eiiir,  le  dnuble  éléintnt  qui  cousiilue 
d'iibord,  à  nos  regards,  la  niiture  inielleclueile  de 
riioiume  ei  la  fo  ce  première  de  la  raison  ;  l'idée,  la 
vue  intellectuelle  el  pure  du  vrai  ;  et  l'expérience, 
ou  la  C'  nnaissance  que  bs  sens  nous  donnent  des 
objets  f  x  érieurs  et  sensibles.  A  la  preiniéie  des  f,i- 
cullés,  à  l'idée,  correspomlenl  tmites  ces  notuuis  gé- 
nérales, spirituelles,  qui  ne  |  eiiveul  nous  venir  par 
les  sens,  lelles  que  les  iiolions  de  l'èlre,  du  vrai,  du 
bon,  du  juste,  anxipit  Iles  il  faut  joindie  l'amour 
nécessaire  de  la  béatitude,  le  besoin  d'agir  pour  une 
hn,  pour  un  liui,  pour  une  lin  qui  soil  conipiéie  el 
dernière.  El  là,  vous  avez  le  lond  naturel  de  mire 
inlelligence,  et  ce  qu'on  peut  nuinmer  les  premiers 
diuil-  cuiislilués  de  la  rai-on 

«  Un'airive-t-il  donc  et  qu'ai-je  à  dire  encore'? 
Ah  !  la  raison  impaiienle  s'agiie,  elle  cherche,  elle 
cherche,  elle  avance  et  avance  loiijours.  Tout  à 
coup  sa  vue  s'nb-curcil,  sa  vigueur  s'.irréie.  Llle 
ch  ineelie  tomme  un  liomme  ivre,  l'.lle  se  ilébai  eu 
vaiii  au  i.idieu  d'épaisses  léncbrei.  Uue  s'esi-il  doiic 


87 


RAT 


KAT 


58 


passé?  C'est  que,  loin  di*  la  pdiléi',  loin  de  l'œil  in- 
lelli;;eni  de  riioiiiine.'iiar  delà  les  liiiiile<  naliirelles 
de  l'exiiéiience  el'de  l'idée,  an  ilch'i  île  lonles  les  lois 
de  l'évidence,  au  delà,  liien  an  de  à  s'élriidenl  en- 
core l'S  immenses  réiiiiins  de  la  vi  rilé.  Oui,  par  delà 
il  y  a  encoie  l'Invisilne,  rincuinpiéliensililc,  rinfini  ! 
ri  vi.ns  n'en  ponvi'ï  (Uniier;  car  vous  savez  qne 
hien  liaiiile  la  Inniièie  inaei  essible.  El  niènie  dans 
l'ordre  liiunain  il  y  a  enc'iire  loni  de  nons,  hors  de 
la  porlée  de  iiolre  \ue,  de  nolie  InlelIlRi'nce,  il  y  a 
les  li'inps,  les  lienx,  il  y  a  Ions  les  fails  du  passé. 
Mais  pour  nous  en  leiiir  à  la  eonnais-ance  de  Oiru 
seul,  pour  en  veinr  à  ce  car.iclére  dernier  qm'  je 
vous  signalais  en  coinnn'nçanl  ,  ;iprés  les  premières 
n<)lions  lr:idili(innelles  sur  la  Divinité,  aviiunn--le, 
ni  l'idée,  ni  l'expérience,  ni  l'inlnition,  ni  leraison- 
iienienl,  ne  peuvent  plus  ici  nons  servir  davantage, 
car  il  s'agit  de  sonder  les  prolondeurs  de  l'infini,  il 
s'agit  de  mesurer  l'cternité.  Quel  lunnuie  alors  ne 
doit  trembler?  Seigneur!  qui  viendra  donc  à  notre 
aide  ! 

«  Nous  avons  la  foi.  La  foi,  elle  avance  lonjours, 
elle  ne  craint  rien,  elle  ne  craint  pas  de  s'ilaricer 
dans  les  régions  de  l'inlini  et  de  rincoin|iréliensilile. 
Enleinlez-le  donc,  je  vous  en  prie.  La  lui,  glorieuse 
exieiisinn  de  la  raison,  lui  apporte  ce  qu'elle  n'a 
pas,  lui  dmine  ce  qu'elle  ne  peui  ni  saisir  ni  alïein- 
d.e.  C'est  un  don  du  Seigneur,  un  bienfait  de  la 
grâce  divine. 

«  Oh  !  (uii,  vous  ne  l'avez  pas  comprise  la  dignité 
diî  cette  loi,  vous  qui  prétendez  qu'elle  veut  assiT- 
vir,  étouffer,  rusireindre  la  raison.  Vous  ne  croyez 
p:is,  peut-être,  vous  ipii  m',  cnuicï  en  ce  niomenl  ; 
penl-êie,  dans  mie  de  vos  heuios  railleuses,  vous 
avez  en  piiié  ceux  qui  croient.  Mais,  pienez  garde; 
nous  n'acciplons  pas  vore  compassion  ei  votre  pi- 
llé. Ooyanis,  et  croyants  sincères,  nous  avons  la 
raison  comme  vous  ;  comme  vous,  et  avec  elle,  nous 
avançons  ;  et  plus  que  vous  peut-êlre,  ninis  allons 
jusipi'à  ses  limiies  ;  nous  admettons  luiit  ce  qu'elle 
aduiel,  tout  ce  que  vous  adineiiez,  et  plus  einnre, 
peruieHez-nioi  de  le  dire.  M;iis  là  où  vous  vous  ar- 
rête/., nons  avançons  encore  :  là  où  vous  voii>  épui- 
sez en  vain,  nous  possédons,  vainqueurs  paisibles  ; 
là  où  vous  balbutiez,  nous  ariiiinuns,  là  où  vous 
doutez,  nous  croyons  ;  ia  où  vous  bingnissez  in(er- 
lain>  et  malheureux,  nous  tiiomphons  et  nous  ré- 
gnons heureux.  Telle  est  la  loi,  et  voilà  ciinmeot 
ede  vient  relever  la  dignité  de  l'Iiouime  par  les 
mystères  divins  qu'el  e  révèle.  Il  est  vrai,  la  foi 
Vous  soumet  à  une  autorité,  à  l'autorité  de  la  parole 
divine  qui  daigna  un  jour  se  démontrer  à  la  raison 
de  l'homine,  parce  que  la  raison  avait,  en  vertu  des 
d«.ns  du  Seigneur,  le  dmit  de  demander  cetie  dé- 
monsiration  et  celle  preuve.  Un  iour,  sur  cette  terre 
bénie  de  la  Judée  par  les  miracles  et  les  leçons  de 
rilumine-Dieii.  celle  nianilcslaiion  de  rauiorilê  di- 
vine s'.icconiplil.  La  raison  l'eniendit,  elle  la  con- 
çut, elle  la  reeunnut,  et  la  lui  s'établit  :  foi  éniinem- 
iiienl  raisonnable,  puisque  nous  renseignons,  et 
nous  le  répétons  sans  cesse,  la  raison,  pour  croire, 
ne  peut,  ne  doit  se  snuiiieltre  iju'à  une  aulurllé  rai- 
boniiiblenienl  acceptable  el  certaine.... 

«  Non,  la  foi  ne  vient  pas,  l'autorité  divine  ne 
vient  pas  non  plus  arrêter  l'essor  de  la  rai-on.  Au 
contraire,  la  foi  vient  arracher  l'esprit  vacillant  de 
riiomnie  à  l'empire  des  lénèlires  et  d'nicertitmles  in- 
franchissables pour  tous  ses  efforts.  Et  quand  la  foi 
a  ainsi  él.ibli  son  paisible  empire,  quand  elle  lègue 
au  Idiid  de  lins  cœurs,  alms  la  raison  peut  en  sùrelé 
paKiiuiir,  mesurer,  pénétrer,  sonder  cet  univers 
iiiiioense.  si  généreuseinciit  laissi'  à  ses  libres  iii- 
vesligalioiis.  Soit  donc  que  recueillie  ei.  elle-même, 
elle  descenile  prnlondémeni  dnis  l'àme  pour  éiuilier 
sa  nature  imiiiie,  el  lemonier  aux  principes  pre- 
miers, à  l'essence  inéiiie  des  choses  ;  soit  que,  re- 
portant ses  regards  sur  ces  mondes  visibles,  elle  en 


découvre  les  phénomènes,  eue  en  s.nsisse  les  lois, 
elle  inaripie,  au  milieu  du  torrent  des  faits,  la  liaiilc; 
économie  du  goiiveropiiient  du  monde,  alors  ton - 
jouis  à  l'abri  liilciaire  de  la  foi,  riioinme  inlelligeiit 
est  libre  et  vraiment  grand,  il  niesurc  toute  reten- 
due de  la  lerre  el  des  cieux,  il  ne  eoniiaii  plus  d'ob  - 
slacles  ni  lie  barrières,  assuré  qu'il  est  de  marcher 
à  la  suite  de  la  parole  el  de  l'autoriié  divine  elle- 
même,  l'.'esl  ainsi,  el  c'est  ainsi  seulement  que  l.i 
raison  s'élève  el  graudil,  garantie  coiiipe  ses  pro- 
pre~  écarts  ;  c'est  ainsi  ipi'elle  s'élève  jusqu';iu  plus 
liant  degré  de  la  science  véritable;  oui,  elle  a  cnn- 
(piis  tniile  sa  digiiilé  par  l'obéissance  inèuie  iprelie 
rend  à  celle  bu,   ei    elle  devient  le  plus  iinlile  et  le 

ilernii T  elf  u  t  di.  gt^iiie  de  l'I me,  lorsqnp,  eu  don- 

naiil  à  ses  forces  loiil  leur  développement,  elle  a 
respecté  aussi  les  limiies  de  sa  nature,  el  qu'elle  a 
niériié  de  s'unir  à  la  lumière  el  à  la  g  oire  divines. 

I  .l'ai  dit  tout  ce  que  je  Voulais  dire.  Il  n-e  sem- 
ble que  nous  avons,  quoique  bien  en  abrégé,  livé 
ceriaines  notions  suffisantes  sur  notre  nature  iiitel- 
ligenle  el  sur  les  droits  de  la  raison.  Je  les  résume 
en  pende  mois.  Trois  états,  ou  trois  espèces  de 
connaissance  eld'a'lirinalion  :  l'évidence  ou  intiiilion, 
le  raisonnement  ou  dédiiclion,  la  foi.  Ce  sont  là  iiois 
actes  ou  fonctions  .Je  l'àme,  ipii  correspundi-nt  à  aii- 
lanl  de  voies  ou  moyens  d'arriver  à  une  alliiiiiatioii 
certaine  :  l'idée,  l'expérieuce,  l'autorité.  Hors  de  là, 
je  ne  crains  pas  de  le  dire,  il  n'y  a  pas  de  vraie  phi- 
losophie. Il  n'y  a  pas  de  n  uion  vraie  de  riioiiime,  il 
n'y  a  pas  de  justice  rendue  à  la  nature  inielli:;eule. 
Pour  achever,  s'il  est  possible,  d'écarter  d'iujnsies 
répulsions,  nous  placerons  diiecienieui  eu  présence 
la  pbilo'opliie  et  l'antoiité  callioli(|iie  ou  l'tglisc. 
NiMis  demanderons  franchement  à  la  pliilosopliie  o.i 
à  la  rai~oii  tout  ce  (pi'elles  réclament  el  exigent  de. 
l'aïuoriié  et  de  la  lei  catholique;  ei  nous  recniinai- 
Iroiis  (pie  la  plii.osopliie  obtient  avec  le  catholicisme 
toui  ce  qu'elle  a  le  droit  de  réclamer,  et  que  ce 
(|n'ellc  ii'obiieiit  pas,  elle  n'a  aucun  droit  de  le  ré- 
clamer  

c  La  raison  réclame  avec  justice  pour  l'homme 
quatre  choses  :  le  droit  des  idées  el  d<?s  vérités  lire  ■ 
mières  ;  le  droit  de  l'expérience  et  des  faits  ;  des  solu- 
liovs  fixes  sur  les  grandes  questions  relifiieuses;  eiilin 
un  iirincipe  jécond  de  science,  de  civilisation  et  di- 
piosiiénié.  l'ar  la  foi,  et  par  la  loi  calholiquo  seule, 
la  raison  obtient  ici  tout  ce  qu'elle^est  en  droit 
d'exiger. 

«  1°  La  saine  philosophie,  d'accord  en  ce  point 
avec  la  théologie  la  plus  cnnimnnémenl  approuvée, 
a  de  tout  temps  deuiandé  que,  dans  l'analyse  de  la 
certitude,  on  vint  se  reposer  en  dernier  lieu  sur  les 
premiers  principes  el  les  premières  vérités  qui  nous 
sont  évidemment  connues  el  (|ui  cuusliluent  en  ipiel- 
(|iie  sorte  le  fond  Hiême  de  l'àme.  A  ces  premiers 
anneaux  doit  nécessairemeul  se  rallacber  la  cbaiiie 
des  vériiés  admises,  quelles  qu'elles  soieiii,  suis 
quoi  elles  serdent  comme  des  étiangers  ipii  demeu- 
rent en  dehors,  n'ont  point  de  pho  e  au  foyer  do- 
ine-tiqni',  et  ne  sniit  unis  par  aucun  lien  à  la  I  iniillo 
iiiêine.  Aussi  l'Eglise  catholique  al  elle  toujours  en- 
tendu eue  ai  cepiée  raisonnablenienl,  avoir  lonjours 
un  lien  dans  l'intiiiie  raison  ilc  l'homme.  L'Eglise  n'a 
jamais  prélendu  faire  admelire  son  aulnnlé,  inêni<; 
infaillible  et  divine;  sans  qu'elle  se  laitachàl  avec  la 
grâce,  à  un  principe  iniérieiir  de  couviciion  peisnu- 
iielle.  Voilà  ce  qu'il  faut  savoir. 

I  Eh  bien  !  au  fuid  d«  l'àiue  vit  et  demeure  un 
iiilime  besoin  d'autorité  :  il  est  impossible  d'eu  dis- 
convenir; il  foiiiie  comme  la  conscience  universelle 
du  genre  humain  ;  besoin  d'auioriié  )iour  les  mas- 
ses, iiiènie  en  des  choses  accessibles  à  l'inielligence, 
mais  qui  exigeraient  des  étions  hors  de  proiioriioii 
avec  l'élal  de  la  luullitude  ;  besoin  d'aulirté  pviur 
les  esprits  plus  cultivés  el  pour  lé  génie  lui-même, 
en  présence  de  l'invisible,  de  riiicuiupréhensible,  de 


f9 


RAT 


R/VT 


fO 


l'iiifini,  qui  se  rencontre  sans  cesse  au-devant  des 
peiisiies  lie  ions  les  hiinimes.  Aussi  voyez  de  loiite 
paii  celle  éionniinte  propension  à  croin-  le  nii-rveil- 
leux  el  rinionini,  piopeiision  qui  exisle  (l;ins  la  ni- 
Inre  et  qui  nV.st  pas  en  soi  nn  Insli  ^cl  'i<-  cr  ihililé 
avengle,  mais  l'ien  pliiiôl  l:i  conscience  il'ii'i  grand 
devciir  et  d'un  grand  liesoin,  du  hcsoin  de  l'inllui, 
qui  uiimpie  à  riioniine,  qie  riioninie  cherclie  et 
(ju'il  doit  trouver.  L'auioiilé  de  rE;,'lise,  enseignant 
et  délinis-ant  les  cliose»  divines  et  inconnue^,  est 
donc,  sous  ce  rapport,  en  purlaile  liarmonie  avec  ce 
besoin  iuiuKnise  ei  universel  de  la  rai^oll  linniaine, 
avec  le  hesoni  li'anlorilé,  avec  le  besoin  du  merveil- 
leux ei  dn  niyslère.  Kl  n'est  ce  pas  déjà  se  ratiacher  à 
un  pi'iiicipe  iniériem? 

c  2"  I>e  plu-,  les  fonilemcnis  de  la  certitude  mo- 
rale on  liisloiiqne  appariienncnl  aux  ineniiers  p:in- 
cipes  et  aux  premières  vérilés  de  l'inlelligcnce. 
Quanta  l'acceptation  Ceriaine  des  faits,  il  n'y  a  rien 
dans  rame  qui  soit  exigé,  sî  ce  n'e^t  uu  léinoign.ige 
qu'on  ne  puisse  sonpç  miuit  n;  d'illuson,  ni  d'i:ii- 
pnsniie.  iVIiis,  en  vente,  nmis  prend-on  pour  des 
îiisens,  s?  ei  comment  doue  croyons-n-nis.'  les  apô- 
tres, les  maityrs,  les  l'éri's,  les  pri'iniers  clii<  liens 
sont  des  icnioms  de  laiis  conleiniiiirains  on  pu  cioi- 
gnés.  Leurs  veilns,  leur  éiiiinente  saimeté,  leur 
Constance,  leurs  sacnlices,  leur  noiidjre,  I  ur  c^imc- 
lèie  et  la  liante  science  de  plusieurs  écarlenl  à  ja- 
mais du  iMii  >igiia.e  le  (In  par  eux  aux  laits  divins 
la  possitiilitc  même  de  reneiii'  et  du  inensmi^e. 

<  Kl  (|ue  voulez  viins  itonc?  (|n'exgi'Z-viins  pour 
des  l'aiis?  Si  cèi'eineiil,  nue  tiadilmn  liisiorupie  [lenl- 
elle  être  plus  grave,  plus  imposanie,  plus  .-.iiivie, 
plus  sacrée  que  ctlU'  traditimi  calludiipie  sur  les  laits 
luênies  (pu  rtnl  loiidé  l'Eglise  el  sou  indestructible 
antnnté?  tjn'y  a-l-il  ici  de  vraiment  raisonna. iie  el 
pliilo>o|iliiipie,  devant  des  laits  iunnobiles  et  ceruiiiis 
coiiinift  un  roc?  iprés  lunl,  nous  croyons  sur  un  lé- 
UKiignage  pnsiiif  el  inécisalile.  yue  peut  demander 
de  plii>  nn(;  )lhiio^op  de  saine  et  écian'ée  !  ille  cesse 
de  l'éire,  cpiaml  elle  ces^e  de  croire.  Donc,  >i  nous 
cniynns,  c'e^l  autant  poar  servir  les  dioiis  de  la  rai- 
son que  |iOiir  en  remplir  les  devoirs,  lia  foi  toute 
seule'peut  conserver  ici  la  vérité  des  idées  el  la 
force  de  l'expérien  e,  en  consicia  it  ei  le^  preuiieis 
pnnc.;ies  de  l'inlidUm'OCe  el  la  certitude  drs  tails. 
Or,  tou>  les  laits  dn  clirisilanisine  sont  liés  à  l'iiisii- 
intioii  de  riigiise  et  de  so»  antonlé  :  un  méaie  apos- 
tolat, un  même  témoignage,  une  même  origine,  une 
inéine  loi  lenioduisenl  les  uns,  étaOïissent  l'aniie. 
Mous  possédons  ainsi  une  logique  invuicioe,  nous 
vivons  par  la  lurce  d'nn  syllogisine  loin  divin,  lype 
snpicine  de  pliilosopiiie  veniaole.  Kulendez  le  !  Ce 
que  IXen  nienie  garantit  et  allir  i.e  est  incontesiali  e 
et  leilain.  Oi ,  Dieu,  par  les  f.als  avères  de  sa  loute- 
pnlssaine,  garain  tel  i  iiiuve  l'insuiiiliou  delaiilo- 
riie  (Miliul  ipie  anno  née,  établie,  exercée;  en  son 
nom.  I.'onc  i.eile  mio  ilé  esi  divtne<iie:il  ceriaine. 

f  Vous  le  viiV'Z  :  ia  pli.loM)|iliie  pouvait  iégitime- 
mem  lécl  inei  les  dnuis  di  s  idées  on  ventes  pre- 
iiiièri's,  ics  lirons  de  !'<  xiieiience  ou  di:s  Ijos  ;  l'au- 
tor.ié  calltoliqne  les  sauve  tous  et  les  consacre  oar 
i,a  déiiniuairaiion  même. 

I  l>ien  se  léconde  Ini-inê.ne,  et  trouve  dans  sou 
e>s.  in;e  iniiiiie  les  termes  réeU  ei  idsiiiicts  do  son 
activile  iiiliiiir,  sans  'pie  jamais  une  création  lin  ait 
é>e  néce^sai^e  :  le  do.-^ine  de  la  Trinité  nous  le  mon- 
te.  La  s  ig  sse  luciéee  s'incarne  po^ir  nous  servir 
de  mOiléle  el  imiis  ins  iuh -,  niiis  Mir:oul  p  mr  le 
lacliit  ilii  genre  biiinain  pirle  sang  d  nu  sacriiicu 
tuut  divin  :  le  bes  >iii  de  réparation  ci  de  raciial  est 
le  m  (1(;  l'Immaniié...  Allez  due  à  saini  .Augu^lill, 
aile/.  dii'<'  a  saiit  riiomas  et  à  ISossuel  que  les  mys- 
tères de  11  loi  clirétieniieeniravenl  ci  anéieni  l'étaii 
lie  la  raisun  ainsi  (pie  du  génie.  Ils  vous  lépinidiint 
qu'ils  n'ont  de  lumières  que  par  les  mystères,  qu'ils 
■l'uni  connu  que  par  eux  le  uiuiide,  riiuuiiiie  cl  Dion  ; 


et  dans  leurs  étonnantes  élévalions  sur  Isi  foi,  ils 
vous  raviront  d'admiration  et  vous  inonderoni  de 
clarés  divines.  .Ainsi,  la  raison  veut  et  dot  vouloir 
des  sidiit  nus  sur  les  pins  grandes  questions,  sur  les 
plus  grands  iniéréls  :  elid  ne  les  trouve  que  dans 
l'autorité  cailioliqne  seule. 

«  ô°  Lnfin,  la  pbilosopliie  el  la  raison  réclament 
avec  jusiice  un  principe  fécond  de  science,  di;  cii'i- 
lisation,  m.ds  d'ordre  également.  Pnir  la  science, 
que  faut-il?  De.-î  points  de  dépari  el  des  données 
lixes.  Sans  ce  secmirs,  nul  moyen  d'avancer,  innsipie 
le^  déi'onvenes  sont  rares  et  que  l'iiilniiion  pnis- 
saiiie  dn  génie  n'appai  ail  qu'a  des  intervalles  éloi- 
gnés dans  un  lii  n  petit  nombre.  Ces  p'^iuls  de  dé- 
part, ■  es  dcinnées  fixes,  c'est  l'an  orité  catlndique 
qui  les  fournil  en  définissant,  d'une  manière  cer- 
laiiif,  l)i.;u,  la  cr.  aiion,  l'âme  lininaiiie,  son  ini- 
iiiorl.ilité,  sa  liberté,  sa  fin  «dernière,  le  désordre 
moral  et  le  besoin  de  réparation.  Il  en  va  de  inénie 
dn  priniipe  de  fiï'i^i.sa'io». 

«  L'antnriié  callioliqiie  est  un  principe  civilisa- 
le  r,  préiisenienl  parce  qu'elle  li.xe  ei  déliml.  Elle 
pose  d.  s  dogmes,  des  barrières  ;  elle  établit  seule 
dans  II  société  linniaine  des  doctrines  arrêtées  et 
loiidaiurniaies.  Kt  quand  il  n'y  a  plus  de  loi  dé- 
finie d.ins  le-  inii'IligeiK  es,  quand  il  n'y  a  plu^  d'au- 
loi  lié  (pli  enseigne  souverainemenl  les  e-prils  sur 
b;s  véniés  religieuses,  aloisla  laison  et  la  pensée  re- 
liiiinienl  à  l'eiit  sauvage.  Je  ne  voudrais  rien  due 
aS'ii  cillent  d'oiren-anl  pour  personne,  .roxnrioie  nn 
fait,  la  logiq  e  du  libre  examen  el  de  l'iudépendaiice 
absolue  de  l'idée  buni  ine  s'est  pleinement  prmluile 
el  déveloiH'ée  Oe  nus  jours  dan»  la  pliilosu|)|ii  ■  do 
Hegel  el  dans  les  plidosopliies  analogues.  .M.iis  que 
sont  ces  pliilo»opliies?  La  siibver^io  i  euuère  de 
toute  réalité  ei,  par  sniie,  de  tuuie  morale,  de  louie 
religion,  de  luit  ordre  social.  I.l  les  peuples  remués 
jnsipie  dois  leurs  loiideinents.  Imite-,  les  bises  in- 
tellecliieles  et  po  ithiu's  ébranlées,  ne  signabuit  ip^e 
trop,  dans  nn  grand  n  niibre,  les  lilei?  de  l'abaiiduii 
l'iim-ste  iiù  l'on  a  piéleud'i  liiS'.cr  le  pouvoir  légil- 
lateur  dei  croyanc 'S   et  des  docliines    religieuses... 

<  Il  laul  b. irdiine.it  pnmoncer  (pie  l'autorité  Ca- 
Iboliipie  e~tli'  pallailnirn  vrai  et  1.-  gardien  sauveur 
de  la  liierlé  niè  ne  de  penser;  carede  lui  évite  la 
lolie,  ce  q  d  est  bien  un  grami  .~ei  vice  à  lui  leudre. 
C'est  donc  la  raison  elle-méiiie  qui  accepie  r.iiiio- 
rdé  caifioliipie,  qui  l'accepie  et  I  embrasse  élioile- 
meiil,  parce  iprelle  la  voii  évjdeinnient  acceptable 
eicoriaine...  L'I^glie  si'ule  an  moule  lui  apparaît 
reinpli<.sanl  réelleuient  les  conditions  de  cetl-  au- 
luriié  oéces^aire.  Antique,  pnre,  sainte,  te  Iront 
ceini  d  s  gloires  des  mailyrs  l't  du  géme,  l'Kglise 
piiiirsuit  ju^.pi'à  nous  sa  iiiarciie  majestueuse  el 
calme,  au  milieu  des  o^ciliaiions  cl  des  tempêtes. 
ii:^l  0  lient  d<;r  >u{i;es  dans  sa  m.i  n  le'i  iradidun»  sa- 
crées de  l'Kvangiie  el  de  1  liisloiie,  q.ii  ont  nian|ué 
(In  -ceaii  de  riii-lilnliun  divine  son  origine  et  sa 
durée.  L'iiglie  pane  aux  yeux,  à  la  cnnsciuiice,  au 
bon  sens,  au  cœur,  à  l'expérience  ;  elle  parle  le  lan- 
ga;;e  de.^  lui-  el  de^  veriiés  doli.iie»  ipii  lenconireul 
lonjmirs  dan-i  les  àm.s  sincères,  ave'  le  secours 
divin,  un  assenlinicnt  géuoreux  el  p.iisble.  Li  rai- 
(inii,  soiilenne  i^e  la  ^ràce,  aiiarjie  alors  SJicnienl 
à  la  c  lionne  de  l'autorilé  les  premiers  aiiuL-aux  d^;  la 
cliaiiie  ;  ses  convictions  les  pins  intiiiies  s'unissent 
en  bien  injme  a  la  lui  euîCigné.;.  L'iiouime,  écairé 
d'eu  liaul.  11. ibiti;  alors  nue  grau. le  Iniiiiére,  loin  du 
duiii-,  loin  des  n^i  lieiclies  et  di;s  an.viélés  pédbles... 
Kl  c'est  aiusi  qu'a  l'ombre  de  l'antoiiié  c.illiolique 
el  de  la  dacinin',  la  société  s'.ivance  dans  lés  voies 
ri'giiljéres  de  la  -cieme  ei  de  la  civilisation,  de  la 
loice  et  de  l.i  prospé  ité  véritable.  » 

*  KA'jMU-nI)  LL)i.LK.  Uaymond,  surnouinié  le 
Do'leur  llluininé,  éi.iii  né  à  Palnia,  dans  l'ile  de  Ma- 
jorque, en  i'ÀM.  11  s'appliqua,  avec  une  ardeur  iiila- 
tigabb',  9  l'éijtide  de  la  pbilosopliie  des  Arabes,  de  la 


61                                      REB  RF.B                                6î 

cliimie,  de  la  méilecine  et  no  l:i  i|iéo)ngie.  S:i  vie  (ut  chnni  le  myslôre  de  la  sninio  Tiinilé  ,  ot  ne 

d'.ilioid  di'isip'e  l'i  iiiémo  liliiTiiiie  ;  il  se  nioiiira  en-  biipti.siiionl  ]],)s  au  nom  des  trois  piT^diines 

siiilc  frère  liès-fervciil  <lii  liers  ordre  de  S;i  ni  Frnn-  divines,  il  y  aviiit  lien  de  penser  que  l.i  plii- 

c:;s,  aiiinieiir  d.-  I:i  sidiindeet  sollicioiir  assidu  dei  p^^pl  aliéraient  la  forme  du  sacrement  ;  siint 

primes  (pi'il  vil  lo»,  et  pre^s:.  |.i.<|u'n  limporlunite,  ^y     j^,,  aii,>,„„e  on  el\,.t  les  n.aieionil.-s  nui 

inm  les  h|,re  emrer  d.„s  le  plan  .1.  -^o,,  /eje  ;  .u  -  ^^   ,j,,,j,.„t  ,„,  „„,„  ,/^  J^sus-Chrhl  ;  lipll. 

SDi.iiciir  diiiie  iieiiim  (ijiKiiie,  auteur  lie  plus  de  \o-  ,..,',.,      ,         ,,.,            x      .       <     <.•  ,   •.//      . 

îume-   (lu'iiii  hdinpie   n'en  ponnait  iranscriie,  nu  '^-  '>  <•''>•<.'  ">le  le  (.ape  ,  dans  son  reseni  a 

nièiiK'  lire  dans  le  tniirs  d'une  vie  ordinaire;  ac-  saint  (.yprien  .  ne  parait  pas  avoir  dislmune 

eiisé  criiéréMK  et  iiiarIvriM'  elie/,    les  Musiiliiians,  Si  enire  le  bapiê.iie  des  tiereli(|ues  nui  en  alté- 

lont  ee  cpi'un  dit  de  liii  élail  vrai ,  aucun  romiri  ne  raient   la  loi  inc,  d'avec   eeliii    des    sectaires 

pourrait  être  comparé  à  sa  vie.  Son  granil   ouvrage  qui    la    suivaient    ex^ifteiiienl.    De    là    saint 

fiii'IMr(f,^ndr<i/nuler,r<iHi/ Arf.c'éiaiiuiieniéilmde  Cyprien  coneluait  ni.il  à  propos  que  ce  pape 

iclle.ne.il  sul.nle,  qu'il  pre.endail.  par  I  aveu  .  Unie  approuvait    le    baptême  de  tous  indistimte- 

iiroDdv  ,  lin  iiui'e  un  ee   hl, amener  son  adversaire  '^'    ,       i  ■  ,    o             ■,■        c               ir          ■.■    - 

Zie:  er'l!.   l!     eailedicpie".    M    f,.r a   aussi   la  "'«"1-   '■'"<■  fe^;'PP"M..o,.  fausse.   I  .y.    lîeve- 

cniva  a'c  oal)ioliip)e  eu  propusilious  générales,  qui  •"ul-e  .^ur  le  30'  canon  des  apôtres,  ^  '^. 

(leviiireni  le  lexie  des  études  et  des  disputes  dans  les  IMusieurs  critiques    protestants  ,  lîlondel, 

diilê  e  les    ('(di's.  Basna;;(; .  Moslieitn   et   son  Iradueteur  ,   ont 

*  IJÉALI^'lfcS.  Ils  prélendaient  juger  des  choses  parle  de  celle  dispule  avec  la  pa-sion  et  l'in- 

par  elies-inènies;   ils  étaient  les  adversaires  dé'uilés  Jideiiié  qui  leur    sont  ordin. lires.    Ils    disi'iit 

dos  Nouiinanx.  Voy.  ce   mol.  Çc,  éeo;es  apiiariieu-  „ue   le    paiie    saint   Elienne  auil    dans  celle 

nen.  plus  i,  la  pliilnsophie  <p.  a  la  théologie,  ^ous  ci,.,onslance   avec    beaucoup  d'oigueil,  de 

renv  y.ns  au  Dict.  de  l'Iitlosopliie.  \vxMyitm  et  d'opiniâtreté.  C'est   une  calom- 

HjîBAPTISAN  rS.     L'on   entend    sons    ce  nie  ;  les  Pères  des  sièi  les  suivanis  ,  suriout 

non!  ceux  qui  ont  voulu  réiicriM-  le  baplètne  sainl   Augustin  et  Vincent  de  Lériiis,   n'ont 

à  des  peisOiines  déjà  valideinenl  baplisi  es.  rien   vu  de  réprehensible  dans  sa  conduile. 

Au  il.''  siècle,  l''jriiiiliéii ,  évèque  d^'  Césa-  Mais  quand  on  commence,  comme  les  pro- 
rce  en  Cappadoce,  et  quelques  évéques  <rA-  lestants  ,  par  préjuger  que  les  pape',  n'ont 
sic,  saint  (Cyprien,  à  )a  télé  d'un  assez  grand  aueune  autorité  légitime  sur  toute  l'Itgiise, 
nonil  re  d'evéques  d'Alriquc  ,  décidèrent  que  loul  autre  évéque  leur  est  alisolument 
qu'il  lali.iil  n  baptiser  tous  ceux  qui  avaient  égal,  n'est  tenu  envers  eux  à  aiicuni'  snbor- 
l'eçn  le  baptême  de  la  main  des  liéréiiques.  din,iti()n  ,  il  n'est  pas  éionnant  que  l'on  re- 
lis se  foiKiaienl  sur  ce  principe  ,  que  celui  garile  leur  zèle  pour  le  maintien  de  la  foi 
qui  n'a  pas  en  lui  le  Saint-lispril  ne  peut  comme  un  attentat.  Mais  nous  verrons  ci- 
pas  le  donner.  INTaxime  fausse  ,  de  la()Uelle  après  (]iie  les  Asiaiiques  ni  les  Africains  n'en 
il  s'ensu  vrait  (ju'un  homme  en  état  de  pécjié  avaient  pas  celle  idée.  Comment  des  proles- 
ne  peut  ailmiiiislrcr  validemcnl  a'icuii  Siicr-  tanis  ,  i|ul  blâment  avec  tant  d'aigreur  l'a- 
me  l  ,  ei  que  refliriicilé  de  le  rite  sacré  dé-  version  des  Pères  de  l'Eglise  pour  les  lieré- 
pend  du  l'i.é.ile  pcisnnnel  du  uijnislre.  Jîa  tiques,  peuvent  ils  excuser  celle  que  Firmi- 
second  lieu  ,  is  al;éi;uifii'n,t  en  Icijf  faveur  lieu  et  saint  Cyprien  témoignent  dans  celle 
la  tradiiionde  leurs  églises  :  or,  il  est  cous-  occasion  contre  tous  les  seclain's  ?  Nous  n'y 
tant  (|u'en  Afrique  celle  Iradilion  ne  renion-  concevons  rien.  Mais  ces  deux  évé-iues 
lait  pas  plu»  haut  qu'à  1 1  lin  <lu  ii'  siècle  ,  resislaieut  au  pape  ;  c'en  est  assez  pour 
et  à  l'évéque  Agripj'in  ,  ijiii  n'avait  précédé  élie  abous  de  loul  pèche  aii  tribunal  des 
saint  Cyprien  que  de  cinquante  ans  tout  an  protestants, 
plus.  S, mit  Cyprien  ,  Episl.  73,  wl  Jttb  iiDi.  Suivinl  leur  avis  ,    il  s'agissait  d'un  point 

Aussi  le  pape  sainl  Etienne  résista  d'aiiord  de  siuip|e  discipline,  d'un  usage  indiiîerenl  , 
aux  Asiat  qucs  ,  et  ensuite  aux  Africains,  suivi  par  le  grand  nombie  des  évéques  ; 
a\ec  la  fermeté  qui  convenait  au  ciief  de  tous  et. lient  en  droit  de  s'en  tenir  à  ce  qu'ils 
l'Eulise;  il  leur  opposa  une  lr..diiion  plus  trouvaient  établi  ;  ainsi  pensaient  les  deux 
anlhenliqnc  et  pltis  constante  que  l,i  leur,  évéques  de  Césaree  et  de  Cartilage.  Mais  cet 
en  leurdisani  :  N'innovoii''  rienjenoiistvjiis-  usage  entraînait  une  erreur  dans  le  dogme; 
en  à  1(1  tradition.  Il  menaça  même  les  uns  il  faisait  défieudre  l'effet  des  saereinents  de 
cl  les  autres  (le  les  séparer  de  sa  coininù-  la  sainteté  du  minislre,  au  lieu  qu'il  dépend 
nion  ;  mais  c'esl  une  qi  eslion  de  savoir  s'il  de  l'inslitutiou  de  Jésus-Clirist  et  des  dispu- 
proMoiiça  en  effet  contre  ei:x  rexcommnni-  sitioiis  de  celui  qui  les  reçoit;  il  augmentait 
catioii.  Jus(iu'ai.ir.s  l'usaiic  de  l'Eglise  av.iit  l'aversion  des  hérétiques  pour  l'Eglise  ca- 
é'.é  de  regarder  comme  valide  le  baptême  tholiiiiie  ,  cl  rendait  leur  conversion  plus 
donné  par  les  hérétiques,  à  moins  qu'ils  dilhcile.  D'autre  part,  saint  Augustin  fait  re- 
n'enssehl  altère  la  forme  prescrite  par  Jésus-  marquer  le  petit  nombre  des  évéques  ijui 
Christ  ;  et  cela  flil  ainsi  décidé  aii  iv  siftele  tenaient  ponrcci  usage,  soit  en  Asie,  soit  en 
dans  le  concile  d'Arles  et  dans  celui  de  Ni-  Afrique.  «  Devons-nous  croire  ,  dit-il  ,  rin- 
cée. Il  est  donc  clair  que  Firmilien  et  saint  quanle  Orientaux,  et  tout  au  plus  soixanie- 
Cyprien  avaieni  tort  dans  le  fond  ,  puisque  dix  Africains,  préférablemenl  à  tant  de  inil- 
l'Eglise  universelle  réprouva  leur  senti-  liers?  »  L.  m  ,  cjjifra  t'rescon. ,  cap.  3.  Nos 
ment.  Il  est  probable  qu'ils  auraient  eu  plus  adversaires  souiiennent  enlin  que  le  pape 
d  éuard  pour  la  dérision  liu  pape  Etienne  ,  Etienne  excunimunia  de  fait  les  Asiatiques 
s'il  n'y  avait  pas  eu  du  inaleiilendu  de  leur  et  les  Atricaius;  c'est  ce  qui  nous  reste  à 
pari.  Comme  plusieurs  sectes  d'héréliques  examiner, 
lie  ce  tempslà  è  ai"nt  dans   l'erreur  lou-  Moslicim  a  traité  fort  au  long  cette  ques 


05  HEB 

lion,  nist.  Christ. ,  sœc.  ii,  §  18  ,  noi.  2  ;  il 
prétend  que  los  écrivains  de  l'E;jlise  romainn 
l'ont  embrouillée  tant  qu'ils  onl  pu  ,  pane 
qu'elle  prouye  que,  dans  ce  temps-là,  i'au- 
toritéde  l'évênue  de  Rome  éiail  très-bornée. 
N'esl-ce  pas  plutôt  lui-même  qui  l'embrouille 
assoz  maladroitemenl?  «  Ceux  qui  pensent, 
dit-il,  qu  Elii'une,  en  séparant  les  Asiatiques 
et  les  AIricaiiis  de  sa  communion  et  de  celle 
de  l'Eglise  de  Home,  les  relranclia  de  la  com- 
munion de  l'Eglise  universelle,  se  trompent 
fort.  Dans  ce  temps- là,  l'évèque  de  Home  ne 
s'attribuait  point  ce  droit,  et  personne  ne  se 
croyiiit  généralement  excommunié,  parce 
que  cet  évêque  ne  voulait  pas  l'admellre  à 
sa  coiDmunion  particulière  ;  ces  ipinions  ne 
sont  nées  que  longtemps  apiès.  Tout  évêque 
se  (Toyait  en  droit  de  séparer  de  son  Eglise 
quiconque  lui  semblait  -itteint  de  quelque 
erreur  grave  ou  de  quelque  faute  considé- 
rable. ))  Que  le  pape  ail  en  effet  privé  de  sa 
communion  les  Asiatiques  et  les  Africains,  il 
prétend  le  prouver  par  la  lettre  que  P'irmi- 
iien, chef  des  premiers, écrivit  à  saint  Cyprien 
qui  était  à  la  tête  des  seconds,  et  dans  la- 
quelle il  s'emporte  violemment  contre  le 
pape:  Epist.l^,  inter  Cyprian.  C'est  par 
cette  lettre  même  que  nous  voulons  réfuter 
les  imaginations  de  Mosheim. 

Voici  les  paroles  de  Firmilien,  page  14-8  : 
«  Quiconque  pense  que  l'on  peut  recevoir  la 
rémission  des  péchés  dans  l'assemblée  des 
liérétlques  ,  ne  demeure  plus  sur  le  fonde- 
ment de  l'Eglise  une  que  Jesus-Chrisl  a  éta- 
blie sur  la  pierre,  puisque  c'est  à  s^iint  Pierre 
seul  que  Jésus-Christ  a  dit  :  Ce  que  vous  He- 
rtz sur  la  terre  sera  lié  dans  le  cirl ,  etc.... 
■le  suis  indiuné  de  la  démence  d'Ëlienne, 
qui  se  glorifle  du  rang  de  son  épiscopal,  et 
prétend  avoir  la  succession  de  saint  Pierre  , 
surlequel  l'Eglise  est  fondée,  en  introduisant 
de  nouvelles  pierreset  de  nouvelles  Églises... 
H  ne  lui  reste  plus  qu'à  s'assembler  et  prier 
avec  les  liéréliques,  à  éiablir  un  autel  et  un 
sacrifice  commun  avec  eux.  »  Adressant  en- 
suite la  parole  à  ce  punlife,  il  lui  dit,  p.  150  : 
n  Combien  de  disputes  et  de  divisions  vous 
avez  préjiarées  dans  les  Églises  du  monde 
entier  1  Quel  crime  vous  avez  commis  en 
vous  sépaiant  de  tant  de  troupeaux....!  Vous 
avez  cru  les  séparer  tous  de  vous,  et  c'est 
\ous  seul  qui  vous  êtes  séparé  de  tous.... 
Où  sont  l'humililé  et  la  douceur  ordonnées 
p;ir  saint  Paul  à  celui  qui  occupe  la  première 
plare  (primo  in  loco)  I  Quelle  humilité  !  quelle 
douceur,  de  penser  autrement  <|ue  tant  d'i'- 
vêques  répandus  par  tout  le  monde,  et  de 
rompre  la  paix  avec  eux!  etc.  » 

Kemar(|uoiis  d'abord  que  Firmilien  ne  con- 
teste point  au  pape  Eiienne  la  succession  à 
1,1  primauté  de  saint  Pi;'rre,  il  juge  seule- 
ment {ju'il  la  soutient  mal  ;  il  n(>  lui  dispute 
point  la  première  place  dans  l'Eglise,  mais 
les  vertus  qu'elle  exige;  il  ne  l'iiccu^e  pùint 
d'usurper  une  ;iulori(é  qui  ne  lui  appariionl 
p;is.  mais  il  lui  reproche  l'usage  qu'il  en 
fait;  il  juge  (|ue  ce  pape  renoni'e  à  la  qua- 
lité de  pierre  fondamentale  de  l'Eglise  et  de 
Centre  de  Vuniié,  en  voulant  que  les  assem 


REB 


61 


blées  des  hérétiques  soient  de  véritables 
l'^glises,  dans  lesquelles  on  peut  recevoir  la 
rémission  des  péchés.  Saint  Cyprien  ,  dans 
sa  lettre  à  Pompée  ser  le  même  sujet,  Epist. 
74,  ne  pousse  point  les  prétentions  ni  les 
accusations  plus  loin.  Ces  deux  évêques  pen- 
saient donc  bien  différemment  de  Mosheim 
et  des  autres  prolestanls.  2°  Si  la  sentence  du 
pape  ne  séparait  ses  collègues  ((ue  de  sa 
communion  particulière,  dans  quel  sens 
Firmilien  peut-il  dire  qu'elle  préparait  des 
disputes  et  des  divisions  dans  les  Eglises  du 
monde  entier  ?  Elle  ne  pouvait  tomber  que 
sur  les  évêques  censurés.  3'  Puisqu'Etienne 
avait  cru  séparer  de  lui  tant  de  troupeaux,  il 
est  donc  faux  que  les  papes  ne  s'attribuas- 
sent pas  alors  ce  droit.  4°  Si  chaque  évêque  se 
croyait  en  droit  de  séparer  de  sa  communion 
particulière  quiconque  lui  paraissait  cou- 
pable, et  si  le  pape  n'avait  rien  fait  de  plus, 
comme  le  soutient  Mosheim,  Firmilien  avait 
grand  tort  de  faire  tant  de  bruit.  5"  Dès  que 
Mosheim  convient  que  cet  é»éi|ue  était  irrité 
contre  le  pape  et  poussait  la  vivacité  trog 
loin,  ce  qu'il  dit  n'est  pas  une  forte  preuve 
de  la  réalité  de  l'excummunicalion  lancée 
par  le  pa[ie  Etienne,  et  il  est  faux  que  ce  té- 
moignage soit  au-dessus  de  toute  excepiion. 

11  est  donc  de  la  prudence  de  nous  en  tenir 
à  celui  de  Denis  d  Alexandrie,  auteur  con- 
tempurain,  qui  dit  qu'Etienne  avait  écrit  aux 
Asiatiques  quil  se  séparerait  de  leur  com- 
munion, cl  non  qu'il  s'en  séparait  ;  aux  ex- 
pressions de  saint  Cyprien  ,  ijui  dit  de  lui 
abslinendos  pntal  ,  el  non  abstinet  ,  Epist. 
7!r  ;  à  celles  de  saint  Jérôme ,  qui  atteste  que 
la  communion  ne  fut  pas  rompue ,  Dial. 
contra  Lucifer  ;  ituda  à  l'événement,  puis- 
que les  Asiatiques  et  les  Africains  conser- 
vèrent leur  usage  pendant  ;issez  longtemps  , 
sans  que  les  successeurs  d'Etienne  les  aient 
regardés  comme  des  excommuniés.  Notes 
de  Valois  sur  Eusèbe.  Hist.  Ecoles.,  1.  vu  , 
c.  3. 

Nous  n'insisterons  point  sur  ce  que  disent 
Firmilien  et  saint  C\prien  sur  l'unité  de 
l'Eglise,  sur  l'autel  et  le  sacrifice,  sur  la 
nécessité  de  suivre  les  traditions  apostoli- 
ques, etc.,  autant  de  points  rejetés  par  les 
protestants  ;  ce  n'est  pas  ici  le  lieu  d'en 
parler. 

Dans  la  note  précédente,  Mosheim  dit 
qu'avant  Constantin,  le  petit  nombre  des 
dogmes  fondamentaux  du  christianisme  n'a- 
vaient pas  encore  été  traites  par  une  main 
savanic,  déteruiinès  par  des  lois,  ni  conçus 
dans  certaines  formules,  et  ((ue  cha(|ue  doc- 
leur  les  expliquait  à  son  gré.  Si  cela  était 
vrai, Firmilien  et  saint  Cyprien  avaient  grand 
tort  de  témoigner  lanl  d'horreur  des  héréti- 
ques, de  ne  vouloir  rien  avoir  de  commun 
avec  eux.  ni  assemblées,  ni  prières,  ni  aulel, 
ni  sacrifice,  ni  baptême;  le  pape  Eiienne 
aurait  eu  raison  de  les  traiter  comme  des 
schismatiques  ;  en  s'obslinant  à  le  blâmer, 
Niosheim  réussit  parfaiiement  à  le  justifier. 
D'ailleurs,  a  vaut '^(iistantiii,  l'on  avait  solen- 
nelli'iMciK  condamné  dans  des  conciles  les 
cérinlhicns,  les  gnosliques,  les  cucratiles  , 


6S 


RKC 


Ips  marcionites,  les  Ihéodolicns,  les  artémo- 
niii's,  les  manichéens,  l.^s  noélien-î,  les  sa- 
helliens,  P;iul  de  Samosale,  elc.,  <iiii  tons 
erraient  snr  les  arlicles  fondamentaux  du 
ciirislianisriie.  Enfin,  qmii  qu'en  ilise  Mo- 
slii'ini,  saint  Justin,  saint  Irénce,  saint  Théo- 
pliile  d'Anlioclie,  Clément  (l'Alexandrie, 
OrlRène ,  Terliillien,  saint  Gyprien,  etc. 
étaient  as^ez  instruits  pour  savoir  ee  q'ii  était 
on  n'était  pas  article  fondamental  de  noire 
foi.  Dans  toute  celte  discussion,  ce  crili(|ue 
semble  n'avoir  travaillé  qu'à  se  réfuter  lui- 
même;  mais  l'enlètement  systématique  lui 
a  ôté  sa  présence  d'esprit  onlin.iirc. 

RÉ(;ilAI!irES, juifs  qui  menaient  un  genre 
de  vie  différent  de  crlni  des  autres  Israélites, 
et  formaient  une  espèce  de  secte  à  part.  Ils 
étaient  ainsi  nommés  de  Récliab,  père  de 
Jonadab,  leur  instituteur.  Celui-ci  leur  avait 
ordonné  trois  choses  :  1°  de  ne  jamais  boire 
de  vin  ni  d'aucune  liqueur  capable  d'enivrer; 
2°  de  ne  point  bâtir  de  maisons,  niiis  de  vivre 
à  la  campa'^ne  sous  des  tentes;  ;i°  de  ne  se- 
mer ni  lile  ni  d'autres  grains,  et  de  ne  point 
planter  de  vignes.  Les  reV/ia///'<«.v  observaient 
ce  rèïleoient  à  la  lettre;  Jére nie  leur  rend 
ce  témoignage,  c.  iiii,  v.  ù.  (>e  genre  de 
vif  n'av;iit  rien  d'extraordinaire  dans  la  Pa- 
lestine et  dans  le  voisinage;  c'avait  éti'  celui 
des  patriarches,  c'était  en  uenéral  celui  des 
Madianiles,  desquels  les  réchnhites  descen- 
daient; c'est  encore  celui  des  Arabes  scéni- 
tes,  ou  errants  et  pasteurs,  (jui  habitent  les 
bords  de  la  mer  Morte,  ancienne  demeure 
des  Madianiles 

Gomme  les  rec/(«&(<es étaient  parmi  les  juifs 
en  qualilé  il'anciens  alliés,  et  pres(]ue  déna- 
turalisés, on  croit  qu'ils  servaient  dans  le 
temple,  qu'ils  en  étaieni  les  ministres  infé- 
rieurs sons  les  oriires  des  prêtres.  Nous  li- 
sons °dans  les  Pariilip.,  1.  ii,  c.  xi,  v.  5,  qu'ils 
faisaient  l'office  de  chantres  dans  la  maison 
du  Seigneur,  qu'ils  étaient  Cinécns  d'origine, 
descendanis  de  .lélhro,  beau-père  de  .Moïse, 
par  Junadab  leur  chef,  et  selon  quelques- 
uns,  celui  ci  vivait  sous  Joas,  roi  de  Juda, 
contemporiiin  de  Jéhu,  roi  d'Israël. 

Saint  Jérôme,  dans  sa  lettfc  à  Pauline, 
appelle  les  ré'habiies  des  moines;  nous  ne 
voyons  pas  en  ((uel  sens,  puisqu'ils  étaieni 
maries.  Quelques  auteurs  les  ont  confondus 
avec  les  assideeas  et  les  esséniens,  mais  ces 
derniers  cultivaient  la  terre,  hahilaienl  des 
maisons  et  gardaient  le  célibat,  trois  choses 
opposées  à  la  conduite  des  réchahites.  Ceux- 
ci  subsistèrent  dans  la  Judée  jusqu'à  la  prise 
de  Jérusalem  par  Nabuchotlonosor  ;  mais  il 
n'en  est  plus  fait  aucune  mention  dans  l'his- 
toire pendant  la  captivité  de  Babylone  ni 
depuis  le  retour.  Difs.  de  dotn  Calnirt  sur  les 
rechabites,  liible  d'Avign..  t.  X,  pag.  kii. 

HÉCOGNITIONS.  \'oy.  S.  Ci.éuent,  pape. 

U£COLLETS,ou  frères  minenis  de  l'élroitc 
observance  de  saint  François.  C'est  une 
rélornne  de  franciscains  posiérieure  à  celle 
des  capucins  et  a  celle  des  religieux  du  tiers 
ordre  ou  de  Picpus.  Elle  commença  en  Espa- 
gne l'an  liSi;  elle  fut  admise  en  Italie  en 
1525,  et  en  France  l'an  1592.  Elle  s'établit 


REC  6ï 

d'abord  à  Tulle  en  Limousin  el  à  Mural  en 
Auvergne,  ensuite  à  Paris  en  1C03.  Gcs  re- 
ligieux ont  près  de  cent  cinquante  couvents 
dans  le  royaume,  où  ils  sont  partagés  en 
sept  provinces,  et  iis  n'ont  point  d'autre 
général  que  relui  des  cordeliers.  Ils  ont  tou- 
jours rendu  de  grands  services,  soit  dans  les 
missions  des  îles,  soit  dans  la  tbnetion  d'au- 
môniers des  armées.  On  les  appelle  en  Italie 
franciscnins  réformes,  en  Espagne  franeis- 
cains  déchaussés  :  ce  fut  l'an  1.Ï.Î2  (jue  Clé- 
ment Vil  les  érigea  en  congrégation  parti- 
culière. 

Il  y  a  aussi  des  religieuses  récolletles  qui 
furent  établies  à  Tolède  en  138i,par  Béalrix 
de  Sylva,  et  approuvées  par  le  sainl-siégo 
en  l.'i8'J.  sous  la  règle  de  sainte  Glaire;  elles 
ont  un  couvent  à  Paris  et  plusieurs  dans  les 
provinces. 

UÉCONGILIATION.  Voy.  Rkokimption. 

RECONN.MSSANCE  des  bienf.uts  de  Dieu. 
C'est  une  des  vertus  qu'il  est  le  plus  néces- 
saire de  prêcher  aux  ho. unies,  et  c'est  m.il- 
heureusemeni  une  de  celles  dont  nos  mora- 
listes parlent  le  moins.  Elle  est  le  germe  de 
l'amuur  de  Dieu,  elle  y  conduit  bien  plus 
efficacement  que  la  crainte.  Si  nous  étiuus 
plus  attentifs  aux  bienfaits  de  Dieu,  nous 
serions  moins  méLontents  du  passé,  plus 
satisfaits  du  présent,  moins  inquiets  de  l'a- 
venir; notre  sort  nous  paraîtrait  meilleur, 
nous  serions  plus  soumis  à  la  Provideme. 
.Mais  environnés,  comblés,  pénétrés  des  soins, 
des  attentions,  des  faveurs  de  cette  tendre 
mère,  nous  eu  jouissons  sans  les  sentir,  et 
plus  elle  nous  accorde,  plus  nous  croyons 
qu'elle  nous  en  doit.  Le  riche  engraissé  de 
ses  dons  y  est  moins  sensible  que  le  pauvre 
qui  mange  avec  actions  de  grâces  le  pain 
grossier  qu'il  en  reçoit  ;  tous  en  g  'lierai 
nous  sommes  plus  portés  à  murmurer  contre 
elle  qu'a  la  remercier.  Les  païens  mêmes  ont 
senti  l'excès  de  celte  ingratitude.  Le  genre 
humain,  dit  l'un  d'entre  eux,  a  lorl  de  se 
plaindre  de  son  sorl,  faiso  gueriiur  de  nalara 
sua  genits  tiumanum.  V»  autre  dit  que  la  na- 
ture nous  a  traités  en  enfants  gâtes,  usque 
ad  di'licias  amati  sumus.  Les  éiiicuriens  seuls 
blasphéiuaieni  contre  la  naUire  ils  en  exa- 
géraient les  rigueurs,  il<  en  concluaient  qu'il 
n'y  a  point  de  Dieu;  ainsi  l'aibeisiiie  est  tout 
à  ia  fois  la  maladie  et  la  puniion  d'un  cœur 
ingrat.  C'est  pour  nous  en  préserver  que  les 
livres  de  l'Ancien  Testament  remettent  sans 
cesse  sous  nos  yeux  les  bienfaits  de  Dieu 
dans  l'ordre  de  la  nature  :  une  p;irtie  des 
psaumes  de  D.ivid  sont  des  canti(|iies  d'ac- 
tions de  grâces  destinés  à  célélirer  la  bonté  et 
la  libéralité  du  Créateur;  Mnïse  el  les  pro- 
phètes sont  Iraiisportés  d'admiration  et  de 
reconnaissance  quand  ils  considèrent  les 
bienfaits  dont  Dieu  avait  comble  son  peuple; 
ils  ne  cessent  de  reprocher  aux  Juifs  infidèles 
leur  ingratitude,  lorsque  ceux-ci  port'  nt  a 
de  lausses  divinités  l'encens  qu'ils  ne  doivent 
offrir  (lu'du  Seigneur.  Mais  l'Evangile  nous 
apprend  à  fonder  notre  reconnaissance  sur 
des  motifs  bien  plus  sub  imes,  en  nous  fai- 
sant connaître   les   bienfaits  de  Dieu  dans 


67 


ni.D 


Tordre  de  !a  j^rncc.  K  """«  représenio  que 
Dieu  a  ;iiiné  1"  iikhi'^"  jusqu'à  donner  son 
Fils  ciniqiie,  .ifio  qi'c  c>l!''  TUi  <'""'l  eo  lui 
ne  périsse  pond,  rnnis  olilieiiiie  la  vie  éiiT- 
iielle;  il  iious  moiilre  In  cïi.irilf  infinie  de  ce 
divin  Sîiuvrur,  qui  s'est  livré  lui-fnême  pour 
la  rédemption  et  le  s;ilut  de  fous;  il  relève  le 
prix  de  celte  icniiiense  bonté  p  ir  la  niuiliUide 
(les  secours,  d"s  biéiifails,  des  moyens  de  sa- 
lut qu'elle  nous  àciorde  ;  il  fàil,  pour  ainsi 
dire.rclenlir  sans  cesse  à  nos  oreilles  le  nom 
de  ijiâcp,  aliii  de  lions  rendre  reconnaissanls 
cl  de  nous  attacher  à  !)ieu  par  aenour. 

En  fait  d'avanlages  personoc's  ,  nous  ai- 
luotis  â  nous  jii'rsu.idei  que  la  nature  noiis 
a  mieux  irail's  que  les  autres;  mais  relié 
opinion  notis  iiispire  plus  sou.  eut  de  l'or- 
f!;ueil  qui'  de  la  reconnuissanre  envers  l'au- 
teur de  noire  être.  Si  rous  méditions  pitJS 
souvenlsur  les  grâces  du  sàlul,  que  Dieu  a 
daigne  nous  accorder  en  particulier,  iious 
Verrions  qu"  tious  lui  sommes  plus  redeva- 
bles que  beaucoup  d'auires  personnes,  el 
celle  persuasion  nous  rendrait  humbles  et 
recuiiiiaissanls. 

(]es  réllexions,  el  beaucoup  d'autres  que 
S'on  l'ourrail  y  ajouter,  uous  sembleul  prou- 
ver qu'en  fait  de  systèmes  lliéolo;;iqui'S  , 
nous  devons  nous  délier  de  ceux  cjui  lendent 
à  nous  inspirer  la  crainie  pliitôl  que  la 
reconnaissance  envers  Dieu  ;  qui,  sous  pré- 
texte il'etaller  sa  paissince  d  sa  .justice, 
nous  foui  mccunnaîlre  sa  bon'e  ,  el  qui 
réduisent  à  peu  près  à  rien  le  bieuf  ,il  de  la 
rédempUoii  duquel  nous  allons  pailer. 

RÈDlîMi'TKUK,  RÉDEMPTION  (I).  Dans 
î'Eciilure  sainte  ,  couuue  d  lus  le  slyle  or- 
dinaire, rédemption  cl  raciiaC  sont  syno- 
nymes; réilfinptcur  est  celui  qui  rarlièle.  Or. 
riiebreu,  goël,  rédeinpifur,  se  dit  de  celui 
qui  rachèie  ou  qui  a  droii  de  raclKler  l'Iié- 
rilage  vendu  par  un  de  ses  parcnis,  ou  de  le 
racdcler  lui-uièuie  de  l'esrlavage  lorsiju'il  y 
est  tombé;  de  celui  qui  rachète  une  vicliuie 
dévouée  au  sacrifice  ,  ou  un  criuiiuid  con- 
damne à  mort.  Les  Juiis  ajipelaieut  Dieu  leur 
rédempliur,  parce  qu'il  les  avail  tir. s  ds 
l'esclavage  île  l'Kgyple  ,  el  ensuite  de  la 
captniléde  Balijlone;  ils  rachelaieut  leurs 
premiers- né',  en  méiooiie  de  ce  (jue  Dieu 
1rs  avail  délivrés  de  l'ange  exterminaleur. 
L'Ecrilure  nomme  aussi  rédempteur  du  sun/j 
celui  qui  avait  droit  de  venger  le  rneurlre 
d'un  (le  ses  parents  ,  en  metianl  à  moi  l  le 
iiieui  trier. 

Nous  lisons  de  même  dans  le  Nouveau 
Testament  que  Jésus-Clii  isl  <sl  le  lied  mp- 
Icur  du  monde,  ((u'il  a  donné  sa  vie  pour  la 
rédemption  de  plusieurs,  ou  plutôt  pour  la 
rédimptinn  de  la  uiulliluilc  des  hommes 
[Matlli.  XX,  V.  28);  qu'il  s'est  livré  pour  la 
rédimption  de  tous  (/  Tim.  ii.  v.  0);  que  nous 
avons  élé  rachetés  par  un  grand  prix  {I  Cor. 
VI,  iiOj;  que  noire  rachat  n'a  point  éle  fait  à 
prix  d'argent,  mais  par  le  sang  de  l'agiuum 
sans  laclie  qui   esl  Jésus-Clirisl  (/  l'elr.   \, 

(\)    Vol/.  ItlirARATEUR. 


V.  18). Les  bienheureux  lui  disentdans  l'Apo- 
calypse, chip.  V,  V.  9  :  «  Vous  nous  avez 
rachetés  à  Dieu  par  voire  sanu.  »  Saini  Paul 
explique  en  quoi  consiste  celte  >'^rfe)/i/J^/i)îl, 
en  disant  que  c'est  la  rémission  des  péchés, 
Ephes.,c.  1,  V.  7. 

Or,  payer  un  prix  pour  ceux  que  l'on 
sauve  de  la  inori  ou  de  l'esclavage,  el  ohte- 
liir  leur  liberté  par  des  prières,  ce  n'esl  pas 
la  même  chose;  les  sociniens  ont  très-grand 
tort  de  ne  vouloir  admettre  la  rédemption 
que  dans  ce  dernier  sens. 

Déjà  le  prophète  Isaïe  avail  dit  en  parlant 
du  Messie,  c.  lui,  v.  5  :  «  Il  a  élé  froissé 
pour  nos  crimes;  le  châlimeiil  (|ui  doil  nous 
donner  la  paix  esl  tombé  sur  lui ,  el  nous 
avons  éle  guéris  par  ses  blessures...  v.  (i  ; 
Dieu  a  mis  sur  lui  l'iniquité  de  iiois  tous... 
v.  8  :  Je  l'ai  frappé  pour  les  péchés  de  mon 
peuple...    V.  10  :    S'il  donne  sa  vie   pour   le 

péché,  il  verra  une  (loslérilé  nombreuse 

V.  12  :  Je  lui  donnerai  un  riche  parUige,  il 
aura  les  dépouilles  des  ravisseurs,  parce 
qu'il  s^'esl  livié  à  la  mort,  et  qu'il  a  porté  les 
péch''S  de  la  mullituiie.  » 

il  esl  étonnanl  que,  malgré  des  passages 
si  clairs ,  nous  soyons  encore  obligés  de 
rechercher  en  quel  sens  Jé^us-Chrisl  est  le 
Rédempteur  du  monde,  en  quoi  consiste 
celle  rédemption.  Les  pélagiens  qui  niaient 
la  propagation  du  péché  originel  dans  tous 
les  liomiiies,  étaient  réduifs  par  nécessité  de 
système  à  prendre  celte  rédemption  dans  un 
sens  niélaphorique;  suivant  leur  opinion, 
Jesus-Chrisl  esl  le  Rédempteur  des  hommes, 
jiarce  qu'il  les  a  tirés  des  lénèlires  de  l'igno- 
rance par  ses  leçons,  et  de  la  (orruption  des 
mœurs  par  ses  exeniples,  fiarce  q^'il  leur 
(lardonne  leurs  péchés  .actuels,  parce  (|u'ii 
les  excite  à  la  vertu,  à  la  sainteté,  à  gagner 
le  cie'l  par  ses  promesses ,  par  ses  mena- 
ces, elc. 

L(^s  sociniens  et  les  déistes,  qui  renouvel- 
lenl  l'erreur  des  pélagiens,  enlendent  aussi 
comme  eux  la  rédemption;  ils  disent  que 
Jésus-Christ  a  racheté  les  hommes  de  leurs 
péchés  en  les  leur  pardonnant  par  le  pou- 
voir qu'il  eu  avail  reçu  de  Dieu,  qu'il  est 
mort  pour  nous,  el  qu'il  a  été  notie  victime, 
parce  qu'il  a  confirmé  par  sa  mort  la  doc- 
trine qu'il  avait  enseignée,  parce  qu'il  nous 
a  donné  en  mouiani  l'exemple  de  la  parfaile 
obéissance  par  laquelle  nous  pouvons  méri- 
ter le  ciel,  el  parce  qu'il  a  demandé  à  Dieu 
pour  nous  le  courage  de  l'iiniter.  Quelques- 
uns  sont  ailes  jusqu'à  dire  qu'il  s'i'st  oll'ert 
à  Dieu  comme  une  victime  d'expiation,  que, 
par  cette  oblalion  ,  il  a  prie  son  Père  do 
pardonner  et  d'accorder  la  vie  éternelle  à 
ions  les  pécheurs  qui  se  repcniiraienl ,  qui 
croiraient  en  lui,  el  qui  conrornuraient  leur 
vie  à  ses  préceptes.  Le  Clerc,  Hist.  ecclés., 
prolég.,  secl.  3,  c.  3,  §8.  Suivant  lelie  doc- 
liine  ,  Jesus-tjhrisi  esl  no  re  liédempletir 
par  intercession  cl  non  par  sulisfaciion  ;  et  le 
bienfait  de  la  rédenip  ion  se  liouve  borné  à 
ceux  qui  croieul  en  Jésus-('hi  isl. 

Il  suffit  de  comparer  ce  langage  avec  celui 
de  l'Ecriture  sainte,  puur  voir  que  ces  sec- 


CO                                        RF.D  HED                                       70 

lairos  font  violence  à  Ions  los  (ertucs.   Nous  rie  pardonner  Icf  péchés;  sfiiiit  Jean,  Kpist. 
goutoiions,    nu    contraire,   que  Jésus-Clu  ist  1,  e.  ii,  v. -2,  nu'il  est  1;;  propilialioii  pournos 
Vil  \f  liedciiipleur  i\n   iiiomlo  ,  d.iiis  Ions  les  péchés.  Si  l'on  vcui   saroir  en  (|uei    sens,    il" 
sens  cl  (liins  Iniiie  l'énergie  que  les  écriv.ijcis  n'y  a  <|u'à  co  iipaier   rcs   (ieu&    pass.iges   à 
s.icrcs  altichenl  à  celte  qn.ililc;  qu'.iu  |)riK  celui  (l'îsaïe,  c.  xlim,  v.  ■'{  cl  4-,  où  Di   u    ilil 
lie  son  sanj;  il  a  raciiclé  pour  nous  l'hérilanc  au\  Init's  :  J'ai  livré,  pour  voire  vropitiadun, 
étirnel    perdu    par    le   pcclié   d'Ailam;   (|ue  1rs  lù/i/ptiens,  lis  l-'lliiopiens  et  hs  Sabcns... 
devenn  homme   par  l'incarnalion  ,   il  ara-  je  tlunnercii  les  hommes  à  votre  plare  ,   elles 
chelé  ses  frère*    île    l'esdavafçe   du    démon  peupUs  pour  vdre  vie.  C'est  ici   une  viclmie 
dins  leiiuel  ils  étaient  tombés  par  ce  même  suhsliluée  à  une  autre,  pour  le  radial  de  lu 
péi  hé;  qu'il  lésa  sauvés  île  la  mon  étTn<'lle  première.  Ce  n'est  iloiiç  pis   le  lien  de   re- 
qu'ils  avaient  mérilée  el  à  laquelle  ils  élaienl  courir  à  des  m 'laiihorcs  ni  à  des  sens  figu- 
dévoués  comme  autant  de  viciines;  qu'eiilin  rès,  ilesijui  Is    il   n'y  a   ancmi  exemple  dans 
il  a  été  le  vengeur   de   la  nainre    Imm.iine,  l'Ecriiuri!  sainte.  Foy/.  Satisfaction. 
qu'il  a  mis  à  mort  le  meurlrier  de  celle  même  3*   Nos    adversaires   ont    beau    rejeter   la 
nature  eu  delruis'int  l'empire  du  démon  ,  et  preuve  qui!  nous  liions  de  la  Irailiiiou  ;    un 
en  nous  rendant  l'espéraucede  l'inimiirlaliié.  homme  sensé  ne  se  persuadera  jamais   que 
l]e   n'esl   poiiit   ici  une  inlerprét.ition  arbi-  îles  disserlali  urs  du  wi'-' ou  du   xvm'sièile 
Ir.-.ire,  comme  celle  des  hélerodoxes  ;   nous  eniendent   mieux    riiiriliire  sainte  que   les 
en  donnons  les  preuves.  l'ères  de  l'F.glise,  instruits,  ou   par  les  apo- 
1"  Il  n'esl  pas   croyable  qu'eu   enseignant  1res,  ou  p  ir  leurs  disciples  iminédials.  Saint 
un  dogme,  qui  est  l'article  foiidamenlal  du  Barnabe,  dans  sa  lettre,  §  7  el  suiv.,  compare 
christianisme  ,   Jésus-Christ    et  ses  apAlres  Jésus-Christ  aux  victimes  de  l'ancieMiie  loi, 
aient  parlé  aiix  Juifs  en  style  énigmaliqiie  ,  et  son  sacrilii  e  sur  la  croix  à  celui  du  bouc 
aient  pris  les    lermes  de  rcileni;iO  w  et   de  immolé  sur  l'aulcl  pour  les  péchés  du  peu- 
rrdeiiiplion   (l.ins    un   sens   toiil  différent  de  pie.  S.iiiit  Clémeiil,  dans  sa  premièri'  éi'iire, 
celui    qiie   leur  ont  donné  les  écrivains  de  §  IG,    lui    applique   le   33'    chapitre    d'isaïe 
l'Ancien  reslaiiienl;  p:ir  ci't  abus  du  l.inga'^'e,  que  nous  avons  cité.  Saint  Ignace  écrit  aux 
ils  auraient  lendu  aux  fi'lèles,  pour  tous  les  Sm3rniens,    u.   7,   que   l'eucharistie    est   la 
siècles,  un  piège   d'.  rreur  in  vitable.    Dans  chair  de   noire  Sauveur  Jésus-Clirisl  (|ui  a 
l'ancienne  loi,  la   r^./c/ii/ja'ort  ou  iach.it  des  soutlei  l  poKC  nu*- pce/ie'.i.  Saint  Justin,  dans 
premiers-nés  consistait  en  ce  que  l'oi  pay.iit  sa  1  "  Apologie,  n.  50  et  suiv.,  lui  appiiijue 
un  prix  pour  les  ravoir;  donc  la  réde  "piion  le  53"  chapitre  d'isaïe,  d'un  boni  à  i'auiie; 
du  !:eiirc  humain  consisie  en  ce  que  Jé^us-  dans  so.i  hial.  avec  Trypliun,  il  dit  que  l'a- 
Ciirisl  a  payé  un  pris  jiour  sauver  leshomiiies  gneau  pascil,   dont   le    sang    préservait   les 
cou|iables  et  dignes  de  la  mnrt  étemelle.  maisons  des  Hébreux  de   l'ange  exlcrmina- 
2°  Jésus-Cbrist  el  les  3|  ôlres  se   sont  clai-  tenr,  el  que  les  deux   boues  oll'erls  pour  les 
renient  expliqués  d'ailleurs,   lui    insliluaul  pècliés  du  peuple,  étaient  des  ligure-  de  Jè- 
l'euchirislie,  le  Sauveur  dit  à  ses  disci(>les  :  sus  (christ,   qu'il  a  élé   lui-oiéme  l'oblalioii 
Cefi  est  mon  sanj,  le  snng  d'une  noitvile  al-  ou    la    victime    pour  tous  les  pécheurs  i|ui 
tianc  (/ni  neia  répandu  pour  la  mullittidc  i:n  venleul  faire  |)éniteuce,  n.  'lO.  Nous  citerons 
RÉMISSION  UES  PihcHKs.  Or,  lorsqu'il  s'agissait  ci-après  les  Pères  des  siècles  suivants, 
de   sceller  une   alliance  par  le  sang  il'une  4"  Une  des  raisons  par  lesquelles   les  an- 
V  le  lime,  il  11 'éi  ail  question  ni  de  cou  fir  nation  ciens  l'ères  ont  prouvé  aux  héiéiiqucs  la  di- 
d'une  diiclrine,  ni   d  exemple,  ni  d'inlerces-  vinilé   de   Jesus-Chrisl,   est   qu'il   fallait    un 
sion;  il  s'en  agissait  encore  moins,  lorsque  »'t?(/('«ipfei(?- dont  les  mérites  lussent  iuliiiis, 
c'était  un  sacrifice  pour  le    péché  :   donc  ce  pour  satisfaire  à  la  justice  divine,  el  rac.ie- 
l^e^l  p  lint   en   ce  sens  que  Je  us-Christ  a  1er  le  genre   humain.  Ainsi  le  dogme  de  la 
donné  son  sang  pour  nous.  Saint  P  lul  nous  divinité  du  Sauveur  et  celui  de  la  rédemption, 
f.iil  observer  que  si   le  «  sang  des  boucs   et  jiris  dans  le  sens  rigoui-eux,  sont  iniimemenl 
des  liiureaux ,  et   l'aspersion  de  la  cendre  liés    ensemble,   l'un    ne   peut    pas  subsister 
d'une  victime,  purilient  les  con|»al)les  des  sans   l'antre.  Vnilà   pourquoi   l  s  suciniens, 
transgressions  légales,  à  plus  forle  rason  le  qui  reji'ltenl  le  premier,  ne  veulent  pas  ad- 
sang  de  Jesus-Chrisl  punliera  noire  âme  des  mellre  le  seiond  :  m  is  aussi,  à  proprement 
œuvres  morles  ;  »  llelir.,  c.  ix,  v.  13  el    14.  parlir,  ils  ont  cessé  d'être  chrétiens. 
Itonc  Jésus-tibrist  est  noire  viilime  dans  le  La  f.iiiilesse  de  leurs  objections  les    rend 
mè. ne  sens  que  les  animaux   ii>,i  lohs  pour  inexcusables.   Ils   soutiennent,  en    pieinier 
le    péché  dans    l'ancienne    loi.  LApôlri!    le  lien,   que  Iti  ride, nption,   telle  que   nous   la 
nuniine  souverain  prêtre  cl  médiateur  d'une  comevons,  serait  contraire   à   la  justice  di- 
nnuvelle  alliance,    parce    qu'il   a  olTerl  en  viiic,  puisqu'il  n'esl  pas  just»  qu'un  innocent 
sacriliie  son  propre  sang  pour  la  rédi  mpiion  souffre  el  meure  pour  des  coupables.  L'n  roi 
£f'rne//e  du  genre  luMiain,  ibid.,  \.  11.  Saint  passerait  pour  cruel  s'il   livr.iit  son  (ils  à  la 
Pierre,  dans  le  passage  que  nous  avons  cilé  moil  pour  expier  le  ciiine  de  ses  sujets  re- 
plus li.inl,  nous  fait  enteii  Ire  que  le  sang  de  belles.   iNous   répliquons   qu'il   n'y  ;iur.iit  ni 
Jesus-Chrisl  e.t  le  prix  de  notre  ie(/e/Hpacn,  injuslice   ni  cruauié,   si  ce  (ils   s'offrail  lui- 
dans  le  luênie  sens  que  l'or  el  l'argeiil  sont  même  pour  viclime  .  s'il  élail  sûr  de  ressus- 
le  prix  du  rachat  d'un  esclave.  Saint  Paul,  <  iier  trois  jiurs  après  sa   mort,  d'être  élevé 
Rom.,   c.  111,  V.  -là,   dit  que  Dieu   a    éiabli  au  plus  haut  degré  de  gloire  pour  réiernil.é, 
Jesus-Chrisl  victime  de  propiiialiou alin  de  recevoir  Icj  huinmiigcs  de  tous  les  iioiii- 


7! 


RED 


RRD 


n 


mes,  Ue'ieur  inspirer  |i,ir  son  cxi  mple  lies 
vertus  héroïques  cl  un  profond  respid  pour 
l'jiulotilé  de  son  père.  Voilà  ce  qu'a  fait 
Jésus-Chrisl,  et  ce  qui  s'est  ensuivi  de  son 
sacrifice.  En  second  lieu,  nos  adversaires 
préiendinl  qu'il  aurait  été  plus  di;i;ne  de  la 
bonté  infinie  de  pardonner  simplement  au 
repentit'  des  coupables  ,  que  d'e\ii;er  une 
salisfaclion  rigoureuse:  C'est  d'abord  on  trait 
(îc  témérité  de  leur  part,  de  vouloir  savoir 
mieux  que  Dieu  lui-même  ce  qui  étail  con- 
venable à  une  bonlé  infinie.  Or,  Jésus-Christ 
(lOiis  fait  lemarquer  (ine  la  rédemptinn  a  été 
(!e  la  part  de  Dieu  l'effet  d'une  bonté  infinie 
n  l'égaid  des  hommes  :  Dieu  ,  dit-il  ,  <i  ai-né 
le  monde  jus'ju'à  donner  son  FUsunii/ue,  elc. 
Si  les  sociniens  croient  véritablement  à  Jé- 
sus-ClirisI,  comment  osent-ils  le  contredire? 
Quant  aux  déistes  et  aux  athées  qui  raison- 
nent de  même,  on  leur  a  répondu,  il  y  a 
plus  de  quinze  cents  ans,  qu'il  e^t  absurde 
de  trouver  à  dire  à  un  mystère  qui  a  éclairé, 
converti  et  sanciifié  le  monde;  que  le  chef- 
d'œuvre  de  la  sages-e  divine  a  été  de  conci- 
lier dans  ce  mysière  l'excès  de  sa  l'onté  avec 
les  inlércis  de  >-a  justice,  de  pardonner  ans 
hommes  d'une  manière  qui  n'autorise  point 
la  licence  de  pécher,  de. 

Si  Jésus-Christ,  disent-ils  encore,  avait  fait 
un  rachat  proprement  dit,  c'est  au  dé:non 
<]u'll  aurait  dû  pajer  le  prix  de  celte  rédemp- 
tion, puisque  c'est  sous  son  empire  que  le 
genre  humain  était  retenu  captif;  cette  idée 
seule  fait  horreui'.  Aus^i  senions-nous  qu'elle 
est  fausse.  Quand  il  s'agit  de  racheter  la  vie 
d'un  criminel  condamné  à  mort,  ce  n'est  ni 
au  geôlier  ni  à  l'exécuteur  de  la  justice  qu'il 
faut  payer  la  lançon,  mais  à  celui  qui  a  droit 
de  punir  ou  de  faire  grâce;  donc  c'est  à 
Dieu  i-eul  qu'a  dû  élre  payé  le  prix  de,  !a  ré- 
demplion  du  genre  humain  ;  et  il  n'a  reçu 
pour  rançon  que  ce  qu'il  avait  donné  lui- 
même.  Enfin  nos  adversaires  objedeiit  que 
la  prétendue  rédemption  de  lanuelle  nous 
faisons  tant  de  bruit  se  réduit  à  peu  près  à 
rien,  puisque,  malgré  la  valeur  infinie  du 
prix  payé  par  le  rédempteur,  le  très-grand 
nombre  des  hommes  vivent  dans  le  péché, 
meurent  dans  l'impénilencc,  sont  réprouvés 
et  damnés  pour  jamais. 

A  celte  assertion  téméraire  nous  répon- 
dons qu'il  n'apiiartieiil  ni  à  nos  advers, lires 
ni  à  nous  d'étendre  on  de  bornera  noire  gré 
le  bienlait  de  la  rédemption  ;  nous  ne  pou- 
vons eu  juger  que  par  lu  manière  dont  l'K- 
criture  sainte  et  les  Pères  de  l'Eglise  en  ont 
parlé;  or,  ils  conspirent  à  nous  en  donner  la 
plu?  haute  idée. 

1°  Suivant  le  langage  des  auteurs  sacrés 
et  des  Pères  ,  la  rédemption  est  aussi  an- 
cienne que  le  péché  d'Adam;  elle  a  commencé 
à  produire  son  elTet  au  moment  même  de  la 
condamnation  du  coupable.  Dans  la  malé- 
diclioii  lancée  contre  1-;  tentateur,  Dieu  lui 
dit:  Lu  race  de  la  femme  l'éirusera  la  lêlc  ; 
c'était  une  promesse  de  la  rédeinplion  ;  en 
effet.  Dieu  condauine  nos  premiers  parenis, 
non  à  une  peine  éternelle,  mais  à  la  mort  et 
aux  souffrances  dans  cette  vie.  Dans  VApo- 


cuLipso,  c.  XIII,  V.  8,  Jesus-Chrisl  est  appelé 
rAgneau  immolé  dès  l'origine  du  monde  , 
parce  que  son  sacrifice  a  commenié  dès 
lors  à  produire  son  effet  ;  dès  ce  moment,  dit 
saint  Augustin,  le  sang  de  Jésus-Christ  nous 
a  été  accordé,  1.  m,  de  lih.  Arb't.,  c.  '25, 
n"  76.  De  là  les  Pères  ont  conclu  que  'a  sen- 
tence prononcée  contre  Adam  a  été  un  Irait 
de  miséricorde  de  la  paît  de  Dieu,  piulôt 
qu'un  acte  de  justice  rigoureuse  ;  et  c  est 
ainsi  qu'ils  ont  ré'ulé  les  marcionitrs,  les 
manichéens,  Celse  et  Julien,  qui  prétendaient 
que  Dieu  avait  puni  d'une  manière  trop 
rigoureuse  le  péché  de  noire  premier  père. 
Nous  pourrions  citer  à  ce  sujet  saint  Irénée, 
saint  Théophile  d'Antioche,  Terlullien,  Ori- 
gène,  saint  Méthode  de  Tyr,  saint  Hilaire  de 
Poitiers,  saint  Cyrille  de  Jérusalem,  saint 
Epluem,  saint  H'i>ile,  saint  Epiphane,  saint 
lirégoire  de  Ny^se,  saint  Ainhroise,  saint 
Grégoire  de  Naziaiize,  saint  Jean  Chrysos- 
tome,  saint  Augustin,  saint  Cyrille  d'Alexan- 
drie, saint  Léon,  etc.  Le  P.  Péta'i  a  ras- 
semblé un  grand  nombre  de  leurs  passages. 

2'  Ces  mêmes  docteurs  de  riîglise,  tou- 
jours appuyés  sur  i'Kcrituie  sainte,  soutien- 
nent que  la  rédemption  a  été  non-seulement 
entière  et  complèie,  mais  surabondante; 
qu'elle  a  pleinement  réparé  les  effets  du  pé- 
ché, qu'elle  nous  a  rendu  de  plus  grands 
avfintages  que  ceux  que  nous  avions  perdus. 
En  effet,  Jesus-Clirisl  nous  fait  entendre  dans 
l'Ewinjiile,  qu'il  a  vaincu  le  fort  armé,  et 
qu'il  lui  a  enlevé  ses  dépouilles,  conformé- 
ment à  la  prophétie  d'isaïe  [Luc.  x.,  12j.  Il 
dit  ()ue  le  piince  de  ce  monde  va  en  être 
chassé  (J(ian.  xii,  31).  Saint  Paul  nous  as- 
sure que  Jésus-Christ  a  effacé  et  mis  au 
néant  l'arrêt  prononcé  contre  nous  (Coloss. 
i;,  H.);que  Dieu  a  tout  réconcilié  par  Jé- 
sus-Christ, et  létibli  la  paix  entre  le  ciel 
et  la  terre  {Ibid.,  i,  20);  qu'il  a  rétabli  tou- 
tes choses  dans  le  ciel  et  sur  la  terre  on  Jé- 
sus-Christ [Ephes.  I,  10).  Dieu,  di:-il,  était 
en  Jesus-Chrisl  se  réconciliant  le  monde  et 
pardonnant  les  péchés  des  honimes  (//  Cor. 
IX,  10).  Où  le  péché  était  abondant,  la  grâce 
a  été  surabundunte  (Rom.  ix,  20,  etc.). 

Armés  de  ces  saintes  vérités,  les  Pères  ont 
confondu  les  mêmes  hérétiques,  et  les  incré- 
dules dont  nous  avons  parlé  ,  qui  préten- 
daient que  Dieu  n'avait  pu,  sans  déroger  à 
sa  bonté  et  à  sa  jnsice,  permettre  le  péché 
d'Adam  ;  ces  saints  docteurs  ont  répondu 
que  Dieu  ne  l'aurait  pas  permis,  en  elVet , 
s'il  ne  s'était  pas  proposé  de  rendre  la  con- 
dition de  l'homine  meilleure  par  la  rédemp- 
tion :  c'est  ce  que  disent  formellement  saint 
Jean  Chrysostome  ,  ad  Slagir.,  1.  ii,  n.  2  et 
suiv.;  s.iinl  Cyrille,  Glnphi/r.  in  Gènes.,  1.  i; 
adv.  Julian.,  p.  92  et  'Ji  ;  saint  Augustin,  de 
Gtnesi  ad  lit.,  1.  xi,  c.  11,  n.  15,  Ils  se  sont 
servis  de  la  même  considération  pour  prou- 
ver la  divinité  de  Jésus-Chrisl  contre  les 
ariens  et  les  nestoriens  ;  il  fallait,  disent-ils, 
un  Dieu  égal  à  son  Père,  pour  opérer  une 
rédemption  aussi  avantageuse  à  l'homme  et 
aussi  complète  ;  pour  le  réformer,  il  était 
besoin  d'un  pouvoir  égal  à  celui  de  la  pre- 


75  RED 

niièr(^  création.  C'est  un  des  principaux  ar- 
guments de  s.iinl  Alh.inase,  aussi  bien  que 
de  saint  Cyrille  et  de  saint  Augustin.  Ce 
dernier  l'a  encore  opposé  aux.  pélogions,  qui 
lui  objeclaieni  que,  suivant  son  système, 
Jésus-Christ  n'a  pas  réparé  le  mal  que  nous 
a  fait  Adam.  Le  saint  docteur  leur  prouve  le 
contraire.  Il  cite  un  passage  dans  lequel 
saint  Jean  Chrysostome  soutient  que  Jésus- 
Christ,  par  sa  croix,  a  rendu  aux  hommes 
plus  (|u'ils  n'avaient  perdu  par  le  péché  de 
leur  père,  I.  i,  contra  Jtil.,  cap.  vi,  n.  27. 
«  Par  le  péché  d'Adam,  dit-il,  nous  avons 
encouru  la  mort  temporelle  ;  en  vertu  de  la 
rédemption,  nous  ressuscitons,  non  pour 
une  vie  passagère,  mais  pour  une  vie  éter- 
nelle, 1.  Il,  de  Pire,  mericis  et  remiss.,  c.  xxx, 
n.  '1-9.  Nous  avions  encouru  dans  Adam  la 
mort,  le  péché,  l'esclavage,  la  damnation  ; 
nous  recevons  en  Jésus-Christ  la  vie,  le  par- 
don, la  liberté,  la  grâce,  serm.  233,  c;ip.  ii, 
n.  -i.  Le  Fils  de  Dieu,  en  partageant  avec 
nous  la  peine  du  péché,  a  détruit  le  péché  et 
la  peine,  non  la  peine  temporelle,  mais  la 
peine  éternelle,  strm.  25 ,  n.  7;  serin.  2'51, 
n.  2;  Op.  iinperf.,  l.  ii,  n.  !)7;  1.  vi,  n.3f),  etc. 

Saint  Léon  a  répété  dix  l'ois  (jue,  par  la 
grâce  de  Jésus-Christ,  nous  avons  récupéré 
plus  qu('  nous  n'avions  (lerdu  par  l.i  jalou- 
sie du  démon,  serin.  2,  de  Nul.  Domini,  c.  i; 
serm.  13,  de  Pass.,  cap.  \;seim.  i,  deAscens., 
c.  IV,  etc.  Les  l'ères  postérieurs  oui  pensé 
et  parlé  de  même,  et  leur  langage  s'est  con- 
servé dans  les  prières  de  l'Iiglise. 

3°  Les  écrivains  sarrés  témoignent  que  la 
grâce  de  la  rédemption  est  générale,  s'élend 
à  tous  les  hommes  sans  exception,  de  même 
que  le  péché,  et  c'est  aussi  le  sentiment 
unanime  des  l'ères.  Conséquemment  ils  en- 
seignent, 1°  que  Uieu  veut  sincèrement  le 
salut  de  tous  les  hommes,  (|ue  par  ce  motif 
il  a  donné  son  Kils  pour  victime  de  leur  ré- 
demption ;  2°  que  ce  divin  Sauveur  s'est  of- 
fert lui-même  à  la  mort  dans  ce  dessein,  et 
qu'il  a  répandu  son  sang  pour  tous  sans  ex- 
ception ;  3"  que  par  ses  m, 'rites,  tous  les 
hommes  ont  reçu  et  reçoivent  des  grâces  de 
salut,  plus  ou  moins,  et  que  pcrsunne  n'eu 
est  absolument  privé.  Votj.  Salut,  Sauveur, 
Gracb,  §  3,  etc. 

Déjà  nous  avons  cité  plusieurs  passages 
de  l'Ecriture  sainte,  dans  lesquels  il  est  dit 
que  Jésus-Christ  est  le  Sauveur  du  monde, 
le  Rédempteur  du  monde,  l'Agneau  de  Dieu 
qui  efface  les  péchés  du  monde  ;  le  monde, 
sans  doute,  désigne  tous  les  hommes.  L'E- 
glise nous  fait  répéter  cette  consolante  véri- 
té dans  la  plupart  des  prières  publiques. 
Dans  Isaie,  c.  lui,  il  est  dit  que  Dieu  a  mis 
sur  lui  l'iniquité  de  nous  tous.  Lui-même 
déclare,  Joan.,  c.  m,  v.  6,  que  «  Dieu  n'a 
pas  envoyé  son  Fils  dans  le  monde  pour  le 
juger,  mais  pour  le  sauver.  Luc.,  c.  six, 
V.  10,  le  Fils  de  l'homme  est  venu  chercher 
et  sauver  ce  qui  avait  péri.  »  De  là  saint 
Augustin  conclut  :  «  Donc  tout  le  genre  tiu- 
niain  avait  péri  par  le  péché  d'Adam.  » 
lipist.  186,  ail  Patilin.,  cap.  viii,  n.  27.  C'est 
aussi  le  raisonnement  de  saint  Paul,  //  Cor., 

DlCT.  ut  TUEOL.  DOGMATIQUE.  IV. 


RED 


74 


c.  V.  V.  Ih  :  «  La  charité  de  Jésus-Christ  nous 
presse,   i)arce  que  si  un  seul  est  mort   pour 
tous,    il  s'ensuit  que   Ions   sont   niorls  :    or 
Jésus-Christ  est  mort  pour  tous,  etc.  »  I  Cor., 
c.  XV,  v.  22:  «De   même  (|ue   tous  meurent 
en  Adam,   ainsi  tous   recevront    la  vie    par 
Jcsns-Clirisl.  »  On  sait  combien  de  fois  saint 
Augustin    s'est  servi  de    ces   passages    pour 
prouver  l'universalité  du  péché  originel  par 
l'universalité  de   la   rédemption.  Le    même 
apôtre   veut   que   l'on    prie  pour  tous    les 
honunes,  «  parce   que  cela  est  agréable  à 
Dieu  notre  Sauveur,  qui  veut  que  tous  les 
hommes   soient  sauvés  et  parviennent  à  la 
connaissance  de  la  vérité.  Car  il  n'y  a,  dit- 
il,  qu'un  seul  Dieu  et  un  seul  médiateur  en- 
tre Dieu  et  les  hommes,  savoir,  Jésus-Christ 
homme,  qui  s'est  livré  lui-même  pour  la  ré- 
demption   de   tous,   comme   il    l'a   témoigné 
dans  le  temps  (/  Tim.  ii,  1).  Il  est  le  Sauveur 
de  tous  les  hommes,  surtout  des  fidèles  [Ibid. 
IV,  10).  Saint  Jean  dit  «  qu'il  est  la   victime 
de  propitiaiion  pour  nos  péchés,  non-seule- 
ment   pour  les  noires,   mais   pour  ceux  du 
monde  entier  (/  Joan.  ii,  2).  Nous  ne  savons 
par  (juelle  subtilité   l'on   peut  obscurcir  des 
passages   aussi   clairs.    Il  sérail   inutile    de 
prouver  que  tous  les  Pères  les  ont  pris  à  la 
lettre  et   dans  toute  la   rigueur  des  termes. 
Les    théologiens   même?   (]ui   s(»nl   les   plus 
obstinés  à  restreindre  l'étendiie  de  la  grâce 
de  la   rédemption,   conviennent  communé- 
ment que  les  docteurs  de  l'I'Iglise  des  quatre 
premiers  siècles  ont  été  universaHstes,  c'est- 
à-dire  qu'ils   ont  cru  que  tous  les  hommes 
sans  exception  participaient  plus  ou  moins 
au  bienfait  de  la  rédemption.   Mais    ils    pré- 
tendent que  saint  Augustin  n'a  pas  été   de 
même   avis,  qu'il   a  donné  aux  passages  do 
saint  Paul  différentes  explications  qui  prou- 
vent qu'il  ne  regardait  comme  véritablement 
rachetés  ((ue  les  prédestinés. 

Nous  pourrions  leur  demander  d'abord  si 
le  sentiment  particulier  de  saint  Augustin 
devait  prévaloir  sur  une  Iradiiion  constante 
des  quatre  premiers  siècles,  pendant  que  ce 
saint  docteur  fait  profession  de  s'y  tenir,  et 
prouve  par  là  aux  pélagiens  la  propagation 
générale  du  péché  originel;  mais  l'essentiel 
est  de  savoir  ce  que  saint  Augustin  a  vérita- 
blement pensé. 

1"  Au  mol  Urace,  §  2,  nous  avons  fait  voir 
que,  suivant  sa  doctrine,  il  n'y  a  pus  un 
seul  homme  qui  soit  absolument  privé  de 
grâce  :  or,  la  grâce  n'e.-.t  donnée  aux  hom- 
mes qu'en  vertu  de  la  rédemption;  donc  saint 
Augustin  a  pensé  que  tous  y  participent  plus 
ou  moins. 

2°  Jamais  il  n'a  mis  aucune  restriction  à 
ces  paroles  de  saint  Paul  :  Jésus  Clirist  e»t 
le  Sauveur  de  tous  les  hommes,  surtout  des 
fiilèles;  ni  à  celles  de  saint  Jean  :  Il  est  la 
victime  de  propitiation  non-seulement  pour 
nos  péchés,  mais  pour  ceux  du  monde  entier; 
et  il  est  évident  que  ces  deux  passages  ne 
peuvent  en  admettre  aucune. 

3"  Il  a  répété  au  moins  dix  fois  con 
pélagiens  l'arguaient  de  saint  Paul  : 
Christ  est  mort  pour  tous,  donc 


7S  RED 

morts;  il  a  ainsi  prouvé  l'oniversalité  du 
péclu'i  originel  par  l'iiniTorsaliié  de  l:i  ré- 
demption. Il  <■!>  pst  de  même  du  passnge  de 
l'Evangile  :  Le  Fils  de  l'homme,  est  venu  cher- 
cher et  sauver  ce  qui  avait  péri  ;  cela  nous 
démontre,  dit-il,  que  toute  la  nature  hu- 
maine avait  péri  par  le  péché  d'Mam, Epist. 
186,  ad  PauHn.,  c.  viii,  n.  Tl  ;  donc  il  a 
pensé  que  Jésus-Christ  est  venu  sauver  toute 
la  nature  humaine.  11  cite  ces  autres  paroles 
de  saint  Paul  :  Dieu  et.  il  en  Jésus-Christ  se 
réconcilianl  le  monde.  «  Le  monde  entier, 
dit-il,  était  donc  coupable  par  Adam,  il  est 
réconcilié  par  Jésus-Clirist  ;  I.  vi,  contra 
Julian.,  c.  Il,  n.  15.  Lorsque  vous  prétendez, 
ajoule-t-ll  à  Julien,  que  plusieurs  et  non 
pas  tous  sont  condamnés  par  Adam  et  déli- 
vrés par  Jésus-Christ,  vous  vous  déclarez 
par  ce  trait  horrible  ennemi  de  la  relision 
chrétienne.  »  Ibid..  cap.  xsiv,  n.  81.  Nous 
persuadera  l-on  que  saint  Augustin  lui- 
même  s'est  rendu  coupable  de  ce  trait  horri- 
ble et  a  renversé  tous  ses  arguments  ?  «  Se- 
lon le  psalmistc,  dit-il  enfin,  Dieu  jugrra 
avec  équité  le  monde  entier,  non  une  partie, 
parce  qu'il  n'en  a  pas  acheté  seulcnicMi  une 
partie;  il  doit  juger  le  tout,  parce  qu'il  a 
donné  le  prix  pour  le  tout.  »  Enarr.  in  Ps. 
xcv,  n.  15,  in  v.  13.  Juda  alla  rejeter  le  prix 
de  l'argent  pour  lequel  il  avait  vendu  le  Sei- 
gneur, et  il  ne  reconnut  point  le  prix  pour 
lequel  le  S:  igneur  l'avait  racheté  ;  in  Ps. 
Lxwiii,  Serm.  2,  n.  II. 

k"  Saint  Augustin  a  pris  plus  d'une  fois 
dans  la  rigueur  des  termes  ces  paroles  de 
saint  Jean  :  Le  Verbe  divin  est  la  vraie  lu- 
niirre  qui  éclaire  tout  homme  qui  vient  en  ce 
monde;  contra  Faust.,  I.  xxii,  c.  xin;  Epist, 
'liO,  ad  honorai.,  c.  lu,  n.  8  ;  Serm.  k,  n.  6 
et  7;  Serm.  183,  n.  5;  Serm.  78,  ileTransfîg. 
Domini  :  Enarr.  in  Ps.  xciii,  n.  4;  lieiravt., 
].  I,  c.  10,  etc.  Il  lui  applique  ce  que  le  psal- 
miste  dit  du  soleil  ;  que  personne  ne  se  dé- 
robe à  sa  chaleur  :  Serm.  22,  n.  4  et  7.  Mais 
comme  les  pélagiens  abusaient  de  ces  paro- 
les pour  prouver  que  Dieu  donne  la  grâce  de 
la  foi  et  (le  la  justification  à  tous  également 
et  indifféremnienl,  œqualiter,  indiscrète,  in- 
differenler,  à  moins  qo'iis  ne  s'en  rendent 
posilivcnient  indignes,  Paint  Augustin  sou- 
tint avec  raison  qne  ce  n'est  point  là  le  sens 
de  ce  passage,  et  qu'il  faut  l'entendre  autre- 
ment. I!  fît  la  nrême  chrrse  à  l'égard  de  ces 
mois,  Jésus-Christ  est  mort  pour  tous,  parce 
qae  les  pélagiens  m  faisaient  le  même  abus. 
En  cfTei,  ces  deux  passages  ne  prouvent 
p«tut  que  L'icu  donne  également  à  tons  la 
grâce  de  ta  foi  et  de  la  juslificalion,  comme 
le  \ouiaicnl  les  pélagiens,  mais  ils  prouvent 
qne  Dieu  donne  à  tous  des  grâces  actuelles 
înlérieures  et  passagères,  pojir  les  exciter  à 
faire  le  bien  et  à  éviter  le  mal,  grâces  que 
les  pélfigicns  ne  voulaient  pas  admetire;  il 
s'ensuit  donc  que  Ions  les  hommes  pariici- 
pciit  plus  ou  moins  dans  ce  sens  aa  bienfait 
de  la  réilemption ;  (  t  saint  Augustin,  loin  de 
nier  celle  vérité,  ia  soutient  de  toutes  ses 
•- ferçes.  Aussi  un  protestant,  quoique  Irès- 
porl?  par  inlorèl  de  système  à  niéconnaitro 


REF 


76 


le  vrai  sentiment  do  ce  saint  docteur,  est 
forcé  de  convenir  qu'il  est  très- difficile  de 
répondre  aux  théologiens  qui  soutiennent 
que  siint  Augnsliu  a  cru  l'universaliié  du 
bienfait  de  la  rédemption.  Basnage,  lHst.de 
l'Eqlise,  l.  xi,  c.  ix,  n.  7.  11  agirait  mieux  fait 
de  (lire  (lue  cela  est  impossible. 

RÉDEMPTION  DES  CAPTIFS.  Voy. 
Merci. 

RÉFOllMATEUR,  RÉFORMATION,  RÉ- 
FORME. Au  commencement  du  xvr  siècle, 
il  s'éleva  un  nooiltre  de  prédicants  qui  pu- 
blièrent que  l'Eglise  catholique  avait  dégé- 
néré et  ne  professait  plus  le  christianisme 
dans  sa  pureté,  que  sa  doctrine  était  erro- 
née, son  culte  superstitieux,  sa  discipline 
abusive;  iiu'ii  fallait  la  réformer.  Sans  autre 
examen,  cette  prétention  était  déjà  une  in- 
jure faite  à  Jésus-Christ  :  ce  divin  Sauveur 
a  [iromis  à  son  Eglise  d'être  avec  elle  jus- 
qu'à la  consomuiaiion  des  siècles  ;  de  la 
fonder  sur  la  pierre  ferme,  de  manière  que 
les  portes  de  l'enfer  ne  puissent  pas  préva- 
loir contre  elle;  de  lui  donner  l'esprit  de 
vérité  pour  qu'il  demeure  toujours  avec 
elle,  etc.:  peut  il  manquer  à  sa  promesse? 
Cependant  ces  nouveaux  docteurs  trouvè- 
rent des  partisans,  formèrent  des  sociétés 
séparées,  et  établirent  un  nouveau  plan  de 
religion;  le  schisme  qu'ils  ont  opéré  dure 
depuis  plus  de  deux  siècles.  Que  doit-on 
penser  de  leur  prélendue  réforme?  Si  on 
veut  les  en  croire,  c'est  une  des  plus  éton- 
nantes et  des  plus  heureuses  révolutions  qui 
aient  pu  arriver  dans  le  monde.  Nous  en 
pensons  différemment,  nous  soutenons  que 
leur  prétendue  réformatinn  a  été  illégitime 
dans  son  principe  ,  criminelle  dans  ses 
moyens,  funeste  dans  ses  (ffels.  C'a  donc  été 
l'ouvrage  des  passions  Ifumaines  ,  et  non 
celui  de  la  grâce  divine  :  nous  allons  en 
donner  les  preuves. 

1.  Quels  persimnaqes  ont  été  les  prétendus 
réformateurs?  Des  hommes  sans  mission  et 
qui  ont  en  lous  les  caractères  de  faux  pro- 
phètes. Depuis  ((ue  l'on  a  démontré  que  ces 
prédicants  n'ont  eu  ni  mission  ordinaire  ni 
mission  extraordinaire,  leurs  sectateurs  ont 
dit  (lu'il  n'en  était  pas  besoin,  qu'en  pareil 
cas  tout  particulier  avait  le  droit  d'élever  la 
voix,  de  prêcher,  de  corriger  l'Kgtise,  de 
fiwmer  une  religion  nouvelle,  sous  prétexte 
de  rél.iblir  l'ao(ienne.  .Wais  celte  prétention 
est  absolument  contraire  à  la  conduite  <',on- 
slante  de  la  divine  Providence.  En  effet,  lors- 
que la  religion  que  Dieu  avait  révélée  aux 
patriarches  fut  oubliée  et  méconnue  chez 
toutes  les  nations,  il  voulut  la  rétablir  chez 
les  Hébreux  et  la  cimenter  par  des  lois  posi- 
tives; il  donna  cette  mission  à  Mo'ise,  mais  il 
lui  communiqua  aussi  \c  don  d  s  miracles 
pour  la  pouver;  sans  cela  les  HélTeux  n'au- 
raient pas  pu  lui  ajouter  foi  sans  impru- 
dence; Exod.,  c.  IV,  v.  1.  Cependant  Moïse 
n'ciait  pas  chargé  de  révéler  aux  Hébreux 
de  nouveaux  dogmes  ,  mais  se  (liment  de 
leur  imposer  de  nouvelles  lois  :  Dieu  n'e 
laissa  pas  de  lui  conserver  jusqu'à  la  mort 
Je  don  des  miracles  et  de  prophétie. 


77 


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78 


De  mémp,  lorsque  le  jadaïsme  se  trouva 
beaucoup  altéré  par  do  fausses  Iraditions,  et 
pi'u  convenable  au  nouvel  état  d;;  la  so- 
ciélé  civile,  Dieu  euvnya  .lésiis-Clirisl  pour 
ét^iblir  une  religion  nouvelle,  et  Jesus-Clirist 
coniniuniqua  sa  propre  mission  à  ses  apô- 
tres :  Comme  mon  Père  m'a  envoyé,  dil-il,  je 
vous  einoie  [Joan.  sx,  21).  Mais  il  leur  en 
donna  aussi  les  niénies  signes  surnaturels, 
le  don  des  miracles,  les  vertus,  les  luinièies 
du  Saiul  Fspril,  t)Our  leur  enseigner  loule 
vérité.  Il  reronnail  la  nécessité  de  ces  signes, 
en  disinl  des  juils  incrédules  :  Sijo  n'avais 
pas  fait  parmi  eux  des  œuvres  quamun  autre 
n'a  faites,  ils  ne  seraient  pas  coupables  {Joan. 
XV,  '2V).  Ce  sont  mes  œnvrfs  qui  rendent  lé~ 
moiynage  de  moi  (v,  3C).  Saint  Paul  dit  aux 
Coriuiliiens,  /  Cor.,  cap.  ii,  v.  'i-  :  «Mes 
diseours  et  ma  prédication  n'ont  point  clé 
prouvés  par  les  raisoniien)ents  de  la  sagesse 
humaine,  mais  par  les  démoiistralions  de 
l'esprit  et  do  la  puissance  de  Dieu,  alin  que 
voire  lui  fût  fondée,  non  sur  la  sagesse  des 
hommes,  mais  sur  la  puissance  divine.»  11 
dit  des  autres  docteurs  :  «  Comment  préchc- 
ront-ils,  s'ils  u'uul  point  de  missiou?  »  Rom,, 
C.  X,  V.  15. 

Si  dune  Dieu  a  véritablement  suscité  Lu- 
ther, Calvin,  et  leurs  adliéreuls,  pour  ré- 
former la  religion  calholique,  il  a  dû  leur 
donner  les  mêmes  preuves  de  mission  sur- 
nalurelle  qu'à  Moïse,  à  Jésus-Chrisl  et  aux 
apôtres.  Nous  soutenons  que  ces  signes  no 
leur  étaient  pas  moins  nécessaires;  que  sans 
cela  la  foi  de  leurs  disciples  a  été  unique- 
ment fondée  sur  les  raisonnenenls  de  la  sa- 
gesse humiiino,  cl  non  sur  la  puissance  de 
Dieu.  —  1°  Il  s'agissail  de  changer  la  reli- 
gion professée  dans  toute  l'étendue  de  l'E- 
glise calholique,  d'en  corriger  la  cio^anec, 
le  culle  extérieur,  la  discipline.  Il  y  a  pour 
le  moins  autant  de  dilTcrenio  entre  la  reli- 
gion calholi(iue  cl  la  religion  prelendiie  ré- 
formée, qu'entre  le  clinslianisuie  et  le  ju- 
daïsme, el  il  y  en  a  beaucoup  plus  qu'entre 
le  judaïsme  et  la  religion  des  patriarches; 
donc  une  mission  extraordinaire  né  ail  pas 
moins  néees^aire  aux  prétendus  réforma- 
teurs qu'à  .Moïse,  à  Jésus-Ch:  isl  el  aux  a|  ô- 
tres.  Vainement  on  dira  que  Luilier  et  les 
autres  avaient  pour  lelires  de  créance  l'Ecri- 
ture sainte;  c'était  aussi  par  l'Ecriture  que 
les  apôtres  argumcntaieul  contre  les  Juifs 
(Act.  xvu,  2;  xviii,  28);  et  Moïse  citait  aux 
Hébreux  les  leçons  de  leurs  pères  ;  cepen- 
dant il  fallut  aux  uns  et  aux  autres  une  mis- 
siou divine.  —  2  A  l'arrivée  de  Lullier  et  de 
Calvin,  il  y  avait  dans  l'Eglise  un  ministère 
public  établi  pour  enseigner,  un  corps  de 
pasteurs  revêtus  d'une  missiou  ordinaire  , 
qui,  par  succession,  venait  des  apôlres  et  de 
Jésus-Christ.  Les  nouveaux  venus  soutinrent 
que  ce  cirps  avait  perdu  toute  mission  et 
toute  autorité  par  ses  erreurs  et  par  ses 
vices,  qu'ils  avaient  droit  de  se  niellre  à  sa 
place.  Mais  ce  corps  cnseignait-il  des  er- 
reurs plus  grossières,  avait-il  des  vices  plus 
odieux  que  les  pharisiens,  les  sadducéens, 
les  scribes,  ks    docteurs  de  la  loi?  Jésus- 


Christ,  néanmoins,  renvoie  encore  le  peuple 
à  leurs  leçons  [Matth.  xxiii,  2),  parce  que  la 
mission  de  ses  apôtres  n'étail  pas  encore 
sultisiiinment  établie.  Mais  à  (|uel  litre  l.u- 
Iher  pril-il  la  qualité  A'ecdésias'e  de  Wit- 
timberg,  el  Calvin  celle  de  pastrur  de  Ge- 
nève, après  avoir  l'ail  chasstîr  les  pasteurs 
catholiques ':"  Suivant  saint  Paul,  c'est  Dieu 
qui  donne  des  pasteurs  el  des  docteurs,  aussi 
bien  (|ue  des  apôtres  et  des  évangélisles 
[Kph'S.  IV,  11);  pour  les  prédicants,  ils  se 
sont  donnés  eux-momos  ;  le  seul  litre  de  leur 
mission  a  élé  la  crédulité  de  leurs  disciples. 

—  3'  Entre  eux  cl  les  théologiens  catholi- 
ques il  s'agis-ail  de  questions  Irès-obscures  • 
auxquelles  le  peuple  n'entendait  rien,  da 
principe  ilc  la  juslilication,  du  mérite  des 
bonnes  œuvres,  du  nombre  et  de  l'effet  des 
sacrements,  de  la  présence  de  Jésus-Christ 
dans  l'eucharislie,  de  la  prédostinalion,  de  la 
gràc:e,  etc.  Chaque  parti  alléguait  l'Ecriture 
s.iinle.  (ïui  était  en  étal  de  décider  lequel 
des  Ar\i\  en  prenait  mieux  le  sens?  Entre 
les  docteurs  juifs  et  les  apôtres  il  s'agissait 
aussi  de  décider  quel  était  le  vrai  sens  des 
prophéties  el  de  plusieurs  préceptes  de  la 
loi  de  Moïse;  c'est  par  des  miracles  que  les 
apôlres  terminèrent  la  conleslalion  et  per- 
suadèrent le  peuple.  11  est  fâcheux  que  les 
réformateurs  n'aient  pas  fait  de  même.  — 
4-°  Lorsque  les  sacramenlaircs  el  les  anabap- 
tistes s'avisèrent  de  prêcher  une  doctrine 
contraire  à  celle  de  Luther,  il  leur  demanda 
Cèremenl  des  preuves  surualurolles  de  leur 
mission,  comme  si  la  sienne  avait  été  au- 
Iheiiliquement  prouvée.  Lorsque  Servel  , 
Genlilis,  Blandaira  et  d'autres  voulurent 
dogmatiser  à  (lenève  contre  le  senlimcnl  de 
Calvin,  il  les  fil  chasser  ou  punir  par  l'au- 
loritè  du  bras  séculier.  Ce  n'est  point  ainsi 
qu'en  ont  agi  les  apôtres  lorsqu'ils  eurent 
pour  contradicteurs  Simon  le  Magicien,  Cé- 
rinlhe,  Ebyon,  Elyinas,  etc.;  ils  n'employè- 
rent contre  eux  que  les  dons  du  Sainl-Es- 
pril  el  l'ascendant  de  leurs  vertus.  Les  ré- 
formateurs s'altribuaient  le  droit  de  piêcher 
contre  l'univers  entier,  el  ils  ne  laissaient  à 
personne  la  liberté  de  prêcher  contre  eux. 

—  5"  A  mesure  que  la  réformation  fil  des 
progrès,  la  confusion  y  augmenta;  en  peu 
d'années  l'on  vit  les  luthériens,  les  anabap- 
tistes, les  calvinistes,  les  anglicans,  les  so- 
ciniens,  former  cin.^  secles  principales,  sans 
compter  les  autres  secles  qui  n'avaient  entre 
elles  non  de  commun  que  leur  haine  contre 
l'Eglise  romaine.  Celle-ci,  de  sou  côté, 
malgré  leur  lureur,  est  demeurée  en  posses- 
sion de  sa  croyance.  Nous  voudrions  savoir 
quel  moiif  a  pu  déterminer  des  peuplades 
d'ignoianls  à  embrasser  l'un  de  ces  partis 
pluiôl  que  l'autre.  Il  est  évident  que  le  ha- 
sard seul,  les  intérêts  politiques  el  les  pas-  , 
sions  en  ont  décidé.  —  6°  Le  succès  à  peu 
près  égal  de  ces  docteurs  ne  prouve  donc 
alisolumenl  rien;  Mahoinel  a  fait  des  con- 
quêtes plus  étendues  que  les  leurs.  Jésus- 
Christ  el  les  apôlres  onl  prédit  que  dans  tous  j 
les  temps  les  imposteurs  trouveraient  des 
partisans;  bieniôl  nous  prouverons  que  tous 


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ont  employé  les  mêmes  moyens  pour  séduire. 
Ainsi  les  uns  n'ont  pas  eu  plus  de  mission 
divine  que  les  jiutres. 

Ou.inl  aux  qiiyliiés  personnelles  des  pré- 
tendus réformileurs  ,  nous  n'oserions  en 
tracer  do  nous-mêmes  le  portrait,  on  nous 
accuserail  de  prévenlion  et  d'intidélilé  ;  mais 
il  nous  est  permis  de  copier  celui  qu'en  ont 
fait  1rs  protestants  eux-mêmes,  et  en  dernier 
lieu  le  célèbre  Mosheini  et  son  traducteur, 
Hist.  ecclés.,  xvr  siècle,  secl.  3,  n"  part, 
c.  1  et  2. 

Slosheim  convient  que,  pour  opérer  le 
grand  ouvrage  de  la  réfornxp,  ces  grands 
hommes  ne  furent  pas  inspirés,  mais  con- 
duits par  leur  sagacité  naturelle  ;  que  leurs 
progrès  furent  lents  dans  la  théologie  et  leurs 
vues  Ircs-imparfaites;  qu'ils  se  sont  instruits 
par  leurs  disputes,  soil  entre  eus,  soit  avec 
les  catholiques,  ibid.,  §  12  et  14.  Une  preuve 
qu'ils  étaient  mauvais  théologiens,  c'est  que 
l'on  ne  suit  plus  aujourd'hui  une  bonne 
partie  de  leurs  sentiments.  Il  avoue  que, 
parmi  les  commentateurs,  plusieurs  furent 
attaqués  de  l'anrienne  maladie  d'une  imagi- 
nation irrégiilière  et  d'un  jugement  borné; 
que  leurs  notions,  dans  la  morale,  n'étaient 
ni  aussi  csacti's  ni  aussi  étendues  qu'elles 
auraient  dû  l'être;  que  les  controversisles 
mirent  trop  d'amertume  et  d'animosité  dans 
leurs  actions  et  dans  leurs  écrits,  §  16,  18. 
Voilà  cependant  les  hommes  que  les  protes- 
tants soutiennent  avoir  été  suscités  de  Dieu 
pour  renouveler  la  face  de  l'Iîglise,  pour  ré- 
tablir le  christianisme  dans  sa  pureté  pri- 
mitive, et  pour  faire  la  leçon  à  tous  les  doc- 
leurs  de  l'Eglise  catholique.  Le  tableau  de 
leurs  vertus  est  encore  plus  original.  On 
sait  d'abord  que  la  plupart  furent  des  moines 
apostats,  sortis  du  cloître  par  incontinence 
et  par  aversion  de  toute  règle.  Si  les  monas- 
tères d'alors  étaient  la  sentine  de  tous  les 
vice^,  comme  le  prétendent  les  protestants, 
il  faut  que  l'apostasie  ait  eu  une  vertu  mira- 
culeuse, pour  changer  tout  à  coup  en  apô- 
tres des  honmics  aussi  corrompus.  Mais 
voyons  si  cela  est  arrivé. 

Au  jugement  de  notre  historien,  Luther 
était  un  disputeur  fougueux  ;  il  traita  ses  ad- 
versaires avec  une  rudesse  brutale,  il  ne 
respecta  ni  rang  ni  dignité.  Muncer,  Storc- 
kius,  Stubner,  chefs  des  anabaptistes,  étaient 
des  fanatiques  séditieux.  Cl;irlostad(,  auteur 
de  la  secte  des  sacraiiientairos,  était  un  es- 
prit imprudent,  impétueux,  violent,  disposé 
au  fanatisme.  Schwenckfeldt  avait  le  même 
caractère,  il  manquait  de  prudence  et  de  ju- 
gement, §  19 ,  24.  Jean  Agricola  fut  un 
houiiiie  rempli  d'orgueil,  de  présouiption  et 
de  mauvaise  foi.  Mélanchton  manquait  de 
courage  et  de  fermeté,  il  craignait  toujours 
de  déplaire  aux  personnes  en  place;  il  por- 
tait trop  loin  l'indilTerence  pour  les  dogmes 
et  pour  les  rites,  il  fut  rarement  d'accord 
avec  Luther.  Strigélius ,  disciple  de  Mé- 
lancblun,  fut  si  peu  ferme  dans  ses  senti- 
ments, que  l'on  ne  sait  pas  si  ou  doit  le 
mi  lire  au  nombre  des  sectateurs  de  Luther 
ou  de  Calviu,  §  25,  6i.  Matthieu  Flacius,  ad- 


versaire de  Strigélius,  était  un  docteur  tur- 
bulent, fougueux,  téméraire  et  opiniâtre. 
Osiander  ,  thé  ilogien  visionnaire  ,  orgueil- 
leux, insolent,  conlinuellemenl  en  contra- 
diction avec  lui-même,  se  distingua  par  son 
arrogance ,  par  sa  singularité  et  par  son 
amour  pour  les  nouvelles  opinions.  Stan- 
carus,  son  adversaire,  disputeur  turbulent 
et  impétueux,  donna  dans  l'excès  opposé;  il 
excita  qu;intité  de  troubles  en  Pologne,  où  il 
se  retira,  §  31,  36.  Calvin  fut  d'un  caractère 
hautain,  emporté,  violent,  incapable  de  souf- 
frir aucune  contradiction,  ambitieux  de  do- 
miner sans  rivaux.  Bèze  ,  son  disciple  ,  et 
lui,  vomirent  toutes  les  injures  possibles 
contre  Castalion,  et  le  Crenl  passer  pour  un 
scélérat,  parce  qu'il  ne  pensait  point  comme 
eux  sur  la  prédestination,  Uèze  en  agit  de 
même  contre  Bernardin  Ochin,  c.  2,  §  40  et 
42;  Bayle,  Dicl.  Crit.,  art.  Castalion,  G. 

Encore  une  fois,  sont-ce  donc  là  les  hom- 
mes que  Dieu  avait  destinés  à  réformer  l'E- 
glise'/ yuand  Mosheim  et  son  trailucleur 
auraient  conspiré  pour  couvrir  d'opprobre 
la  prétendue  réformalioii  dans  sou  berceau, 
ils  n'auraient  pas  pu  y  mieux  réussir.  Ils 
conviennent  qu'entre  les  divers  partis  les 
controverses  furent  traitées  d'une  manière 
contraire  à  la  justice,  à  la  charité  et  à  la 
modération.  Mais  ils  excusent  les  combat- 
tants, parce  qu'ils  venaient  seulumeat  de 
sortir  des  ténèbres  de  la  superstition  et  de  la 
tyrannie  papale,  §  45.  Cette  excuse  est  très- 
fausse.  Il  y  avait  près  d'un  siècle  que  Luther 
avait  commencé  a  prêcher,  lorsque  ses  sec> 
lateurs  se  livrèrent  aux  plus  grands  excès 
de  haine  et  de  fureur  contre  leurs  adversai- 
res. Il  est  prouvé  par  là  que  le  nouvel  Evan- 
gile n'avait  pas  une  grande  vertu,  puisque 
dans  un  espace  de  quatre-vingts  ans  il  n'é- 
tait pas  veuu  à  bout  de  guérir  l'empurte- 
meni  de  ses  sectateurs. 

Les  mêmes  critiques  nous  feront  con- 
naître une  bonne  partie  des  moyens  dont  ou 
s'est  servi  pour  l'établir,  et  cette  seconde 
considération  ne  contribuera  pas  à  uous  en 
donner  une  idée  favorat)le. 

II.  De  (juel  moyen  s'est-un  servi  pour  éta- 
blir la  prétendue  réfurmution  oit  le  protes- 
tantisme? Nous  les  réduisons  à  trois  :  savoir, 
la  contradiction  entre  les  principes  et  la  con- 
duite, les  calomnies  contre  la  doctrine  ca- 
tholique et  contre  le  clergé,  les  séditions  et 
la  violence. 

En  premier  lieu,  les  réformateurs  ont  posé 
pour  maxime  fondamentale  que  l'Ecriture 
sainte  est  la  seule  règle  de  croyance  et  de 
morale,  et  que,  dans  toutes  les  choses  néces- 
saires au  salut,  ces  livres  divins  sont  si 
clairs  et  si  intelligibles,  que  tout  homme  qui 
a  le  sens  commun,  et  qui  possède  la  langue 
dans  laquelle  ils  sont  écrits,  peut  les  en- 
tendre sans  le  secours  d'aucun  interprète. 
Mosheim,  ibid.,  c.  1,  §  22.  Il  y  a  déjà  ici  de 
la  fausseté  et  de  la  supercherie.  Notre  au- 
teur lui-même  dit  que  les  premiers  réforma- 
teurs ont  fait  des  progrès  très-lents  dans  la 
théologie,  qu'ils  se  sunt  instruits,  non  par 
la  clarté  de  l'Ecriture  Suiule,  mais  jMr  leurs 


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8J 


disputes,  soit  avec  les  autres  sectaires,  soit 
avec  les  calholinues.  Si  le  U\\le  de  l'Ecrilnre 
était  si  clair  que  tout  homme  de  bon  sens 
pût  l'entendre,  aur;iit-il  fallu  lant  de  dis- 
putes pour  savoir  à  quoi  s'en  tenir,  ce  qa'il 
faut  croire  ou  rejeter? 

La  vérité  est  que  les  premiers  réforma- 
teurs ne  commencèrent  pas  [lar  éliidier  et 
consulter  l'Iicrilure  sainte,  sans  préoccupa- 
tion et  sans  préju^'é,  pour  voir  ce  qui  y  était 
véritablement  enseigné  ;  ils  cominenièrent 
par  contredire  la  doctrine  ratliolique  à  tort 
et  à  travers,  et  ils  cherchèretit  ensuite  dans 
l'Ecriture  des  passap^es  qu'ils  pussent  accom- 
moder de  gré  ou  de  force  avec  les  nouveaux 
dogmes  qu'ils  avaient  forgés.  Depuis  deux 
cents  ans  leurs  disciples  ont  cuntiuué  de 
faire  de  même;  il  n'est  pas  étonnant  que  tous 
aient  également  réussi  à  élayer  bien  ou  mal 
sur  l'Ecriture  sainte  la  croyance  particulière 
de  leur  secte. 

Mosheim  dit  que  les  confessions  do  foi, 
telles  que  celle  d'Augsbourg,  donnent  le  sens 
et  l'explication  de  l'Ecriture  sainte.  Mais  si 
tout  homme  qui  a  le  sens  commun  peut  en- 
tendre les  livres  saints  sans  le  secours  d'au- 
cun interprèle,  à  quoi  sert  une  confession 
de  foi  pour  en  donner  le  sens  et  l'explica- 
tion, par  conséquent  pour  l'inlerpréter  ?  A  la 
vérité,  il  dit  ((ue  ces  livres  sont  clairs  dans 
les  choses  nécessaires  au  su/m/.  Mais  de  deux 
choses  l'une  :  ou  les  questions  sur  lesquelles 
les  réformateurs  oui  disputé  entre  eux  el 
contre  les  catholiques  étaient  nécessaires  au 
salut,  ou  elli!s  ne  l'étaient  pas  ;  si  elles  l'é- 
taient, il  est  donc  faux  que  l'Ecriture  soit 
claire  sur  toutes  ces  questions,  puisqu'il  a 
fijilu  en  donner  le  sens  <  t  l'explication  par 
des  confessions  de  foi  ,  et  que  depuis  deux 
cents  ans  et  plus  elle  est  un  sujet  de  dispute. 
Si  elles  ne  l'étaient  pas,  il  y  avait  île  l'entê- 
tement et  de  la  frénésie  de  la  part  des  refor- 
mateurs d'attaquer  l'Eglise  catholique ,  de 
faire  schisnie  avec  elle,  d'allumer  encore 
le  feu  de  la  guerre  entre  les  différentes  sectes 
pour  des  queslious  qui  n'étuienl  pas  néces- 
saires au  salut.  11  iijoute  que  les  livres  saints 
sont  intelligibles  pour  tout  homme  qui  pos- 
si:de  la  langue  dans  laquelle  ils  sont  écrits; 
veut-il  parler  du  texte  ou  des  versions?  Le 
texte  est  écrit  en  hébreu  ou  en  grec;  fiiut-il 
que  tout  chrétien  possède  ces  deux  langues? 
S'il  s'agit  de  versions,  qui  lui  garantira  que 
celle  qu'on  lui  mol  en  m.iin  rend  parfaite- 
ment le  sens  du  texte?  Les  frères  de  Wal- 
lembourg  ont  prouvé  qu'il  n'y  en  a  pas  eu 
une  seule  sortie  de  la  main  des  protestants, 
dans  laquelle  on  ne  puisse  trouver  au  moins 
trente  falsifications  ;  de  Controv.  tract.,  1. 1, 
p.  713. 

Enfin,  Mosheim  assure  que  les  confessions 
de  foi,  telles  que  celle  d'Augsbourg,  n'ont 
point  d'autre  autorité  que  celle  qu'elles  ti- 
rent de  rilcriture  sainte.  C'est  une  fausseté 
qu'il  réfuie  lui-même.  Il  convient,  §  5  ,  que 
les  ministres  luthériens  sont  obligés  de  se 
conformer  au  c.ttéchisme  de  Luther;  que 
l'an  1568  on  dressa  un  formulaire  de  doc- 
trine pour  avoir  force  de  loi  ecclésiastique, 


§  27  ;  que  l'an  1570  l'on  employa  la  prison, 
l'exil,  les  peines  afilictives  contre  ceux  qui 
penchaient  au  lalvinisme,  §  38  ;  qu'en  1570 
l'on  dressa  encore  un  formulaire  d'union 
contre  les  calvinistes  ;  que  l'on  excommunia 
ceux  qui  refuseraient  d'y  souscrire  ,  et  que 
l'on  employa  conti  e  eux  l;i  terreur  du  glaive, 
§  39,  etc.  Voilà  dune  des  catéchismes,  des 
confessions  do  loi  ,  des  formulaires  d'union  , 
qui  ont  eu  non-seulement  force  de  loi  ecclé- 
siastique ,  mais  force  de  loi  civile  ;  est-ce  d(^ 
l'Ecriture  sainte  que  toutes  ces  pièces  tirent 
celte  autorité  ? 

C'est  ainsi  (juc  ,  pour  établir  la  réforme, 
l'on  a  dupé  les  ignorants.  On  conimençait 
par  protester  que  l'on  ne  voulait  point  d'au- 
tre règle  de  croyance  que  l'Ecrilurc  sainte, 
que  la  pure  parole  de  Dieu  ;  on  promeftail 
au  peuple  ,  en  lui  mettant  une  Bible  à  la 
main,  ((u'il  serait  lui-même  le  juge  et  l'ar- 
bitre du  sens  de  l'Ecriture  sainte  ,  qu'il  se- 
rait affranchi  sur  ce  point  de  toute  aulorilé 
hutnaine.  Mais  indépeudammcnl  des  infidé- 
lités de  la  version  dont  on  voulait  (ju'il  so 
servît,  s'il  s'avisait  de  l'enlendre  dans  un 
sens' différent  de  celui  des  catéchismes  et  des 
confessions  de  foi  ,on  lui  faisait  redouter  le 
glaive  de  la  puissance  séculière.  Ainsi  ,  en 
voulant  s'affranchir  de  l'autorité  de  l'Eglise, 
il  se  trouva  réduit  sous  un  joug  cent  fois 
plus  dur. 

Le  même  prestige  a  eu  lieu  chez  les  cal- 
vinistes et  chez  les  anglicans  ;  Bayle  ,  Locke, 
D.  Huuk;,  IJaxIer  ,  Maiideville,  lîousseau  et 
d'autres  le  leur  ont  reprocl)é.  Eu  1593,  la 
reine  Elisabeth  donna  le  fameux  acte  d'uni- 
formité, et  voulut  que  l'on  employât  toute  la 
sévérité  des  luis  et  des  châtiments  contre  les 
non-conformisles.  La  cour  de  la  fiante  com- 
mission qu'elle  établit  fut  une  véritable  in- 
quisition. Mosheim  ,  ibid.,  c.  2  ,  §  18  et  19. 
«  Les  catholiques,  dit  Richard  Stcele,  doivent 
s'apercevoir  aujourd'hui  que  ce  n'était  pas 
une  nécessité  pour  eux  dt;  décider  contre 
nous  que  l'Ecriture  sainte  n'est  pas  la  seule 
règle  de  foi,  et  qu'il  faut  y  ajouter  l'autorité 
de  l'Eglise  ;  il  est  évident  que  l'on  peut  par- 
venir au  même  but  avec  |)lus  de  bienséance. 
Car  en  même  temps  que  nous  soutenons 
contre  eux  avec  chaleur  que  les  peuples  ont 
droit  de  lire  ,  d'examiner  el  d'interpréter 
eux-mêmes  les  Ecritures  ,  nous  avons  soin 
de  leur  inculquer  dans  nos  instructions  par- 
ticulières qu'ils  ne  doivent  pas  abuser  de  re 
droit,  qu'ils  ne  doivent  pas  prétendre  être 
plus  sages  que  leurs  supérieurs  ,  qu'il  faut 
qu'ils  s'étudient  à  entendre  les  textes  parti- 
culiers dans  le  même  sens  que  l'EJglise  les 
entend,  et  que  leurs  guides  ,  (|ui  ont  l'ouï o- 
rité  interprétative,  les  expliquent.» Ce  mémo 
auteur  fait  voir  ensuite  que  chez  les  angli- 
cans les  décisions  du  clergé,  chez  les  calvi- 
nistes les  synodes  nationaux,  el  en  particu- 
lier celui  de  Dordrecht ,  ont  la  même  auto- 
rité que  le  concile  de  Trente  chez  les  catho- 
liques, et  que  les  formulaires  d'union  ou  les 
confessions   de   foi  chez   les   luthériens. 

Un  seulexemplosnffit  pour  détnonlrcrqne, 
dans  toutes  ces  sociétés,  les  motifs  et  la  rè- 


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8« 


gle  (le  croyance  sont  absolument  les  mêmes, 
qufi  c'est  l'esprit  particulier  de  chaque  secte, 
l'espèce  de  tradition  qui  s'est  formée  chez 
elle,  et  non  le  texte  de  l'Ecrilure  sainte.  Dès 
le  commencement  de  la  réformation  il  fut 
question  de  savoir  comment  l'on  doit  enten- 
dre ces  paroles  de  Jésus  -  Christ  touchant 
l'eucharistie  :  Ceci  est  mon  corps.  L'Eglise 
cathDli(|ue  croyait  comme  elle  croit  encore 
que  Jésus  -  Christ  est  réellement  présent 
dans  l'eucharistie  par  transsiihst;inliation  ; 
Luther  et  ses  partisans  décidèrent  qu'il  y  est 
présent  (lar  impanation,  d'autres  dirent  par 
ubiquité  :  Carlostadt,  Zwingle  ,  Calvin,  sou- 
tinrent qu'il  n'y  est  pas  présent  réellement, 
mais  seulement  en  figure  et  par  eflicacilé. 
Aujourd'hui  les  luthériens  et  les  anglicans 
prétendent  qu'il  y  est  rcelloinent  présent 
p,jr  la  foi,  mais  senlemenl  dans  l'action  de 
le  recevoir,  ou  dans  la  communion.  Nous 
demandons  comment  et  pourquoi  ces  pa- 
roles, Ceci  est  mon  corps,  sont  plutôt  la  rè- 
gle et  le  motif  de  la  foi  dans  une  de  ces  so- 
ciétés que  dans  l'autre  ,  comment  une  même 
règle  peut  dicter  des  croyances  si  différen- 
tes. Un  prolestant  réponilra  sans  doute  que 
ces  paroles  sont  la  seule  règle  et  le  seul  mo- 
tif de  sa  foi,  puisnu'il  leur  donne  tel  sens, 
non  parce  que  Luther  ou  Calvin  le  leur  ont 
aussi  donné,  mais  parce  qu'il  lui  est  évident 
qu'ils  ont  eu  raison  de  les  entendre  ainsi  ;  au 
lieu  qu'un  catholique  les  entend  de  telle  ma- 
nière, précisément  parce  que  l'Eglise  le  veut 
et  les  explique  de  même. 

Mais  par  quelle  loi  est-il  défendu  à  un 
catholii)ue  de  juger  que  l'Eglise  a  eu  raison 
d'expliquer  ainsi  les  paroles  du  Sauveur?Si 
c'est  l'évidence  qui  détermine  un  prolestanl, 
pourquoi  un  luthérien  entend-il  toujours 
CCS  paroles  comme  Luther,  et  un  calviniste 
comme  Calvin  ?  On  se  moque  de  nous,  lors- 
qu'on veut  nous  persuader  qu'un  luthérien 
qui  ne  sait  p^is  lire  juge  évidemment  que  le 
vrai  sens  de  ces  paroles  est  celui  de  Luther 
et  non  celui  de  Calvin  ni  celui  des  catho- 
liques. Il  est  incontestahie  que  le  seul  motif 
de  son  jugement  est  l'iiabilude  qu'il  a  con- 
Iraclée  dès  l'enfance  d'entendre  les  paroles 
de  l'Ecriture  comme  on  les  entend  dans  la 
société  dans  laquelle  il  est  né  ;  qu'ainsi  ta 
véritable  règle  est  la  tradition  de  sa  secte,  et 
non  la  lettre  du  texte.  Enfin  ,  c'est  une  ab- 
surdité de  dire  que  le  texte  d'un  livre  est 
ma  règle  ,  lorsque  c'est  à  moi  seul  de  juger 
par  uies  propres  lumières  du  sens  qu'il  faut 
lui  donner,  dans  les  cas  où  il  peulavoir  plu- 
sieurs sens. 

Un  second  moyen  duquel  les  prétendus 
réformateurs  se  sont  servis  pour  séduire  les 
peuples,  a  éié  de  déguiser  et  de  travestir  la 
doctrine  catholique.  On  peut  prendre  pour 
exemple  la  question  même  dont  nous  venons 
de  parler,  la  manière  d'envisager  la  règle  de 
foi.  Ue  tout  temps  l'Eglise  calholi(|ue  a  en- 
se  gné  que  la  règle  de  foi  est  la  parole  de 
Dieu,  ou  écrite  ou  non  écrite;  qu'ainsi  l'E- 
criture sainte  n'est  pas  la  seule  rcyle  de  foi, 
mais  que  c'est  l'Ecriture  expliquée  et  en- 
tendue par  la  tradition  et  la  croyance  de 


i'Eglise  ;  qoe  quand  un  dogme  ne  serait  pas 
formellement  et  évidemment  enseigné  dans 
l'Ecriture  sainte,  nous  sommes  cependant 
obligés  de  le  croire  dès  qu'il  est  enseigné  par 
la  tradition  constante  et  uniforme  de  rEj^lise. 

Par  ce  simple  exposé  il  est  clair  que  l'E- 
criture sainte  est  toujours  la  règle  de  foi 
principale,  et  que  la  tradition  n'en  est  que 
le  supplément.  Mais  qu'ont  fait  les  protes- 
tants ?  Ils  ont  dit,  et  ils  le  ré()ètent  encor(% 
que  nous  [)reuons  pour  règle  de  foi,  non 
V Ecriture  sainte,  mais  la  Iraditinn  ;  (jue  nous 
mettons  ainsi  la  [>arole  des  hommes  à  la 
place  et  même  au-dessus  de  la  parole  de 
Dieu;  que  nous  laissons  de  côté  l'Ecriture 
pour  ne  consulter  que  la  tradition  ;  que  nous 
suivons  des  traditions  contraires  à  l'Ecri- 
ture, etc.,  etc.  Au  mot  Écrithrr  sainte,  §5, 
nous  avons  démontré  la  fausseté  de  tous  ces 
reproches.  î'n  autre  exemple  récent  de  celte 
mauvaise  foi  est  l'accusation  formée  par 
Mosheim  contre  les  caiholiques  ,  ibid.,  §  i25. 
Pour  excuser  les  excès  de  Luther  touchant 
la  justification  et  le  mérite  des  bonnes  œu- 
vres, il  dit  que  les  théologiens  papistes  con- 
fondaient la  loi  avec  l'Evangile,  et  représen- 
taient le  bonheur  éternel  comme  la  récom- 
pense de  l'obéissance  légale.  Imposture  gros- 
sière. La  loi  prise  par  opposition  avec  l'E- 
vangile est  la  loi  cérémonielle  des  Juifs; 
l'iihéissance  légale  ne  peut  s'entendre  que 
de  l'obéissance  à  cette  même  loi  :  or  ,  quel 
est  le  docteur  catliolii|ue  qui  s'est  jamais 
avisé  de  confondre  la  loi  cérémonielle  des 
Juifs  avec  l'Evangile  ,  ou  de  représenter  le 
bonheur  éternel  comme  la  récompense  des 
cérémonies  judaïques.  Au  mot  OEuvres, 
nous  avons  f.iil  voir  la  clarté  et  la  sainteté 
de  la  doctrine  catholique  décidée  par  le 
concile  de  Trente. 

Il  n'est  pas  un  seul  article  de  doctrine  sur 
lequel  les  prétendus  réformateurs  n'aient 
commis  la  même  infidélité,  de  laquelle  leurs 
sectateurs  ne  se  sont  pas  encore  coirigés. 
Ceux-ci  ont  cependant  rougi  de  plusieurs 
erreurs  grossières  de  leurs  maîtres  ,  ils  en 
sont  revenus  aux  opinions  catholi(|ues  et 
modérées  touchant  la  prédestination  ,  le  li- 
bre arbitre,  le  pouvoir  de  résister  à  la  grâce, 
la  nécessité  des  bonnes  œuvres  ,  etc.;  opi- 
nions contre  lesquelles  Luther  ,  Calvin  et 
les  autres  avaient  lancédesanathèmes,  qu'ils 
avaient  représentées  comme  des  erreurs 
monstrueuses  ,  et  comme  un  sujet  légitime 
de  rompre  absolument  arec  l'Eglise  catho- 
lique. 

(Calvin  lui-même  et  lîèze  exhortèrent  les 
puritains  d'Angleterre  à  tolérer  ,  dans  le 
cleigé  anglican,  les  mêmes  prétentions  et  les 
mêmes  rites  qu'ils  avaient  censurés  dans  le 
clergé  catholique  comme  des  opinions  et  des 
usages  damiiablcs  ,  Mosheim  ,  c.  2  ,  §  43. 
Jîiiighara,  dans  son  Apologie  de  l'Eglise  an- 
glicane, prouve  que  IJucer  ,  Capiton,  Pierre 
Jîariyr ,  Scultet  et  plusieurs  autres  rcfur- 
ma(fM/s,  étaient  de  même  avis;  ils  disaient 
que  l'on  ne  doit  p.is  se  séparer  d'une  église 
à  cause  de  quelques  rites  et  quehjues  abus 
qui  s'y  (rouveul,  à  moins  que  ces  usages  ne 


«s 


BEF 


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6G 


«oient  formellonfifint  conlraires  à  l'Iîcriture 
sainte  e(  iiotoiremoiit  mauvais.  Ainsi  ils  re- 
prés<'iifaieiil  iineop  iiitin  mi  un  usajje  comme 
damnaiile  ou  coinme  (nlérahlu  ,  sniv^ul  que 
riiilôr*'!  (le  leur  syslènip  iliciail  leurjuge- 
R)fiil.  On  coiiçDi!  <|ni'  des  ilocieurs  si  obsti- 
nés à  t'c'iloiniiitr  la  docttlne  caiiinligue  ne 
j)Ouvaifnl  pas  manquer  (l«  pi'inilre  sous  les 
plus  noires  couleurs  le  clergé  cliarjjé  de  l'eii- 
seijiner  oi  de  la  deroinlre.  Au  mol  (^lekuk, 
nous  avons  vu  la  manière  dont  les  protes- 
tanls  nous  le  représenlent  dans  tous  les 
siècles ,  principalement  dans  ceux  qui  ont 
imtiiedialement  piccédé  la  rcfunnaiion.  Mais 
ces  satires  ne  sont  encore  rien  en  comp;iraison 
des  libelles  ditlamaloiies  et  des  invectives 
sanglantes  répandues  dans  les  érrils  des  pix'- 
oiiers  èirivains  protestants.  Bayle  et  d'au- 
tres auteurs  les  leur  ont  reprochés  plus 
d'une  fois.  Il  n'est  point  d'histoires  scanda- 
leuses, point  de  fausses  anecdotes,  point  de 
fables  malicieuses,  (]n'ils  n'aient  forgées  eoii- 
Irc  les  piètres  et  contre  les  moines  ;  c'était 
là  le  sujet  le  plus  ordinaire  des  sermons  de 
leurs  prédicateurs.  Ola  éliit  bien  plusefli- 
cace  pour  émouvoir  les  peuples  que  des  dis- 
sertations sur  la  i}<)clrine,  auxquelles  le  peu- 
ple n'entendait  rien.  Si  on  veut  les  en  croire, 
le  clergé  n'était  alors  composé  que  d'hom- 
mes ignorants  et  vicieux.  Mais  ils  auraient 
dii  luius  apprendre  dans  quelles  écoles  leurs 
prédicants,  dont  la  plupart  avaient  été  des 
ecclésiastiques  ou  des  moines,  avaient  puisé 
les  connaissances  sublimes  dont  ils  ont  fait 
nsagc  pour  réformer  l'iii^lise.  [,a  profe-sion 
de  l'hérésie  a-t-elledonc  eu  la  vertu  detrans- 
forn\cr  tout  à  coup  des  ignorants  en  doc- 
teurs et  des  hommes  corronii)ns  en  modèles 
de  sainteté?  >'oilà  ce  dont  nous  ne  conve- 
nons pas. 

Si  l'on  veut  savoir  nu  vrai  ce  qu'était  le 
clergé  catholique  ,  surtout  en  France  ,  au 
coiuuiencemcnt  du  xvi'  siècle,  il  faut  lire  le 
discDurs  fait  sur  ce  sujet,  qui  se  trouve  à  la 
lin  du  17  volume  de  l'Histoire  (le  l'Eglise 
galliianc  :  on  j  verra  qu'il  y  avait  pour  lors 
des  iliéolo;;iens  instruits,  et  en  assez  grand 
nombre,  et  que  les  erreurs  des  protestants 
furent  ncloriensemcnt  réfutées  dès  qu'elles 
parurent,  surtout  par  la  faculté  de  theoioijie 
de  Paris  ,  l'an  1321  :  Mosheim  lui-même  a 
couiplé  plus  de  vingt  théologiens  démarque 
qui  parurent  dans  ce  siècle,  dont  plusieurs 
dis|uilèrent  ou  écrivirent  contre  Luther  pen- 
dant sa  vie;  ce  n'était  certainemwit  pas  lui 
qui  leur  avait  enseigné  la  théologie.  On  se 
convaincra  dans  c 'itc  même  histoire,  que 
le  reiàcliemenl  dans  les  mœurs  putili(|ues  et 
dins  celles  du  clirgé  n'était  ni  aussi  géné- 
ral ni  aussi  étendu  que  ses  ennemis  le  pré- 
tendent ;  qu'il  y  avait  alors  une  multitude 
iré\éqiies  %)  d'ecclesias  iquos  très-respecta- 
hles  ;  ol  si  nous  avions  un  tableau  aussi  fi- 
dèle des  autres  parties  de  llîglisf  cathodique, 
nous  sciions  convaincus  que  les  réfvrma- 
tenis  n'ont  fait  des  prosélytes  ni  par  la  su- 
périorité lift  leurs  lumières,  ni  par  la  force 
de  leurs  raisons,  n  par  l'ascenJaiit  de  leurs 
Yerlus,  mais  ,!ar  l'attrait  du  libertinage  d'es- 


prit et  de  cœur  qu'ils  ont  introduit;  nous  eu 
verrons  ci- après  les  preuves. 

Un  troisième  moyen  (jui  If  ur  a  très-bien 
réussi  a  été  la  révolte  contre  toute  autorité, 
les  séditions,  la  guerre  ,  les  massacres,  sur- 
tout lie  pillage  des  églises  et  des  monastères. 
Aujourd'hui  les  ennemis  de  notre  religion 
publient  que  c'est  h'  clergé  qui  est  la  cause 
de  ces  désordres,  qui  a  suggéré  aux  souve- 
rains les  édits  sanglants  qu'ils  ont  portés 
contre  les  protestants,  qu'il  a  ainsi  réduit 
ceux-ci  au  désespoir  et  lésa  rendus  furieux. 
C  est  une  calomnie  que  nous  avons  réfutée 
au  mol  CAi.viNisMii.  Nous  y  avons  l'ait  voir, 
par  des  faits  et  par  des  témoignages  irrécu- 
sables, que  le  dessein  des  prétendus  réfor- 
mateurs, dès  l'origine  ,  fut  d'abolir  entière- 
ment la  religion  catholique  ,  et  d'employer, 
pour  eu  venir  à  bout,  tous  les  moyens  pos- 
sibles. Ce  fanatisme  fut  la  même  chez  les 
luthériens  en  Allemagne, chez  les  calvinistes 
en  Suisse,  en  France  ,  en  Angleterre  et  en 
Eiossc,  et  chez  les  anglicans.  Ainsi  les  di- 
vers gouvernements  de  l'Iîurope  se  sont 
Ljouvés  dans  la  cruelle  alternative  ou  de 
recevoir  la  loi  de  la  paît  des  sectaires,  ou  de 
la  leur  faire  par  la  terreur  des  supplices, 
d'exlir|)er  l'hérésie  ou  de  changer  la  reli- 
gion dominante  ,  de  répandre  du  sang  ou 
de  voir  bouleverser  la  constitution  de  l'Ktat; 
d'autre  part,  le  clergé  et  le  peuple  ont  été 
réduits  à  choisir  d'apostasicr,  de  fuir  ou 
d'être  égorg'S. 

III.  Gela  suffit  déj.î  pour  nous  faire  com- 
prendre quelles  ont  été  les  suites  de  celte 
révolution  fatale  que  les  prolestants  osent 
appeler  la  sainte  et  bienheureuse  réformalion. 
Nous  les  avons  déjù  exposées  au  mot  Luthé- 
ranisme, §  k.  Le  premier  de  ses  elTets,  a  été 
de  produire  des  disputes  furieuses  et  inter- 
minables, des  haines  nationales  el  intestines, 
des  schismes  sans  cesse  renaissants.  Dans 
les  cinquante  premières  années,  on  a  déjà 
compie  parmi  ces  enlants  révoltés  de  l'E- 
glise douze  sectes  dilïércntes  ;  Mosheim  lui- 
même  en  a  fait  l'énumération;  ce  nombre 
s'est  augmenté  de  jour  en  jour,  el  la  plu- 
part do  ces  sectaires,  de  l'aveu  du  même 
auteur  ,  ont  été  des  fanatiques.  Vainement 
les  luthériens  el  les  calvinistes  ont  eu  en- 
semble des  conférences  el  ont  cherché  à  se 
rapprocher,  vainement  des  théologiens  plus 
modérés  que  les  autres  ont  travaillé  à  les 
concilier  ,  jamais  ils  n'ont  pu  en  venir  à 
bout.  Voy.  LcTHÉRiENs. 

Pour  pallier  ce  scandale,  les  protestants 
nous  «lisent  que  les  athées  font  cette  objec- 
tion contre  le  christianisme  en  général, 
qu'il  y  a  eu  des  disputes  el  des  sihismes 
dans  l'Eglise  primitive,  qu'il  y  en  aura  tant 
que  les  hommes  ne  seront  ni  iniaillibles  ui 
impeccables,  que  l'union  et  l'unanimité  ne 
sont  point  un  signe  de  vérité,  que  c'est  un 
mal  duquel  Dieu  tire  un  bien,  comme  l'er- 
tullien  et  saint  Augustin  l'onl  remarqué. 
Mais  nos  adversaires  sont-ils  donc  assez  in- 
sensés pour  s'applaudii-  d'avoir  fourni  aux 
athées  une  objection  de  plus  contre  la  reli- 
gion, et  d'avoir  imité  les  hérétiques  qui  s'é- 


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9i 


levèrent  contre  la  doctrine  des  apôtres?  En 
vériitS  ce  senliment  serait  digne  d'eux  :  parce 
que  Dieu  sait  lirer  le  bien  du  m.il,  cela  ne 
iustitie  pas  ceux  qui  fonl  le  mal,  puisque 
leur  inlenlioii  n'est  pas  de  produire  le  bien 
que  Dieu  tirera  de  leurs  désordres  :  et  quand 
ils  auraient  cette  intention,  ils  seraient  en- 
core coupables  en  fais  int  le  mal:  c'est  la  le- 
çon de  saint  Paul.  Jésus-Christ  a  dit  qu'il 
(';Mit  qu'il  arrive  des  scandales;  mais  il  ajoute: 
Malheur  à  celui  par  qui  le  scandale  vient 
[Matlh.  XVIII,  7)1  Si,  en  fait  de  religion,  l'u- 
ni(m  et  l'uiianimiié  ne  sont  pas  un  car;ictère 
lie  la  vcrii;ible  Eglise,  Jésus-Glirist  a  eu  tort 
de  vouloir  en  faire  un  seul  bercail  sons  un 
seul  et  même  pasteur,  de  demander  à  son 
Père  l'unité  ou  l'unanimité  entre  tous  ceux 
qui  devaient  croire  en  lui  (Joan.  x,  16; 
XVII.  20)  ;  de  locommander  à  ses  disciples 
l'union  et  la  paix,  e(c.  Dieu  a  tiré  un  bien 
de  la  révolte  des  protestants,  non  pour  eux, 
mais  pour  l'Eglise  catholique,  et  c'est  ainsi 
que  l'ont  enlendu  Terl.ullieii  et  saint  Augus- 
tin à  l'égard  des  héréiiques  en  général. 

Les  iiroti'slanls  sont  forcés  d'avouer  que  le 
socinianisnie  n'est  qu'une  extension  de  leurs 
principes,  mais  ils  disent  que  les  sociniens 
les  ont  poussés  trop  loin.  Qui  peut  donc 
prescrire  la  limite  et  planter  la  borne  au 
delà  de  laquelle  ces  principes  ne  doivent  pas 
être  poussés  '?  Dans  toutes  les  disputes  qu'ils 
ont  eues  entre  eux,  les  sociniens  leur  ont 
fait  voir  qu'ils  sont  mauvais  raisonneurs  et 
qu'ils  contredisent  le  principe  fondamental 
de  Ma  réforme:  avant  de  le  poser,  il  aurait 
fallu  en  prévoir  les  conséquences. 

Du  socinianisme  au  déisme  il  n'y  a  qu'un 
pas,  et  il  a  été  franchi  par  la  plupart  des 
protestants  qui  se  sont  piqués  de  raisonner 
conséquemment.  Au  mol  Erreur  nous  avons 
montré  la  chaîne  qu'il  a  fallu  suivre,  et  la 
route  par  laquelle  on  passe  insensiblement 
du  protestantisme  au  déisme  et  à  l'Incrédu- 
lité. C'est  donc  à  la  prélendue  réforme  que 
nous  sommes  redevables  de  l'incrédulité  et 
de  l'irréligion  répandues  aujourd'hui  dans 
l'Europe  entière. 

Kn  effet,  la  très-grande  partie  des  objec- 
tions que  les  déistes  et  les  athées  font  contre 
le  christianisme  en  général,  sont  les  mêmes 
que  les  prédicanis  ont  faites  contre  le  catho- 
licisme en  particulier,  et  il  n'en  a  rien  coûté 
pour  les  généraliser.  Quand  on  considère  le 
tableau  hideux  que  les  protestants  ont  tracé 
de  l'Eglise  depuis  sa  naissance  jusqu'à  nous, 
comment  pourrait-on  y  reconnaître  une  re- 
ligion divine,  formée,  établie,  cimentée  par 
la  puissance  et  la  sagesse  de  Dieu?  C'est 
dans  ces  histoires  scandaleuses  que  les  in- 
crédules s'abreuvent  encore  tous  les  jours 
du  fiel  qu'ils  vomissent  contre  le  chnslia- 
nisme.  Les  protestants  ont  beau  s'en  défen- 
dre, ce  sont  eux  qui  ont  été  les  précepteurs 
des  incrédules.  Comment  leur  conduite  n'au- 
rait-elle pas  produit  l'indifférence  de  reli- 
gion, ou  l'irréligion  alisolue?  A  force  de 
changer  de  principes,  on  ne  tient  plus  à  au- 
cun, et,  à  force  de  passer  d'un  dogme  ou 
d'une  opinion  à  une  autre,  on  devient  indif- 


férent pour  toute  croyance.  C'est  cette  indif- 
férence  même  que  l'on  a  honorée  du  beau 
nom  de  tolérance.  Après  s'être  battues  pen- 
dant près  de  deux  siècles,  après  avoir  changé 
dix  fois  d'opinion  et  de  doctrine,  les  difle- 
rentes  sectes  ont  vu  qu'elles  n'avaient  au- 
cune arme  solide  pour  attaquer,  ni  pour  se 
défenilre;  elles  se  sont  donc  reposées  par 
lassitude  ;  elles  ont'consenti  à  se  tolérer,  à  se 
laisser  mutuellement  en  paix.  Mais  cette  to- 
lérance, que  l'on  nous  vante  comme  un  chef- 
d'œuvre  de  sagesse  et  de  modération,  n'est 
dans  le  fond  qu'un  effet  d'Intérêt  politique 
et  d'indifférence  de  toute  religion. 

Si  l'on  imaginait  ()ue  la  prélendue  réforme 
a  contribué  à  rétablir  la  pureté  des  mœurs, 
on  se  tromperait  beaucoup  ;  à  la  vérité  les 
novateurs  se  sont  vantés  souvent  d'avoir 
introduit  parmi  eux  des  mœurs  plus  pures 
que  celles  des  catholiques;  par  leurs  invec- 
tives continuelles  contre  la  conduite  da 
clergé  et  contre  celle  des  papes,  ils  ont  réussi 
à  séduire  les  ignorants.  Mais  ce  masque 
d'hypocrisie  n'a  pas  pu  se  soutenir  long- 
temps; l'auteur  de  V Apologie  pour  les  catho- 
liques, t.  Il,  c.  18,  a  cité  les  témoignages  de 
Luther  lui-même,  de  Calvin,  d'Erasme,  de 
Musculus,  de  Jacques  André,  de  Capiton,  de 
Thomas  Edoard,  tous  protestants,  qui  attes- 
tent que  les  prétendus  réformés,  en  général, 
étaient  beaucoup  plus  déréglés  que  les  ca- 
tholiques ;  qu'ils  se  persuadaient  que  la  haine 
et  les  déclamations  contre  le  papisme  leur 
tenaient  lieu  de  toutes  les  vertus  ;  qu'enfin 
la  réformation  se  terminait  à  une  horrible 
difformation.  Dans  un  autre  ouvrage  intitulé 
le  Renversement  de  la  morale  de  Jésus-Christ, 
par  les  erreurs  des  calvinistes,  il  ajoute  en- 
core les  aveux  de  Grolius  et  de  Rivet,  I.  i, 
c.  5.  Depuis  ce  temps-là  les  voyageurs  les 
plus  récents  nous  ont  appris  que  les  choses 
n'ont  changé  en  mieux  dans  aucun  des  lieux 
où  le  protestantisme  est  la  religion  domi- 
nante. 

De  tout  cela  nous  concluons  qu'en  exa- 
minant cette  religion,  soit  dans  les  auteurs 
qui  l'ont  forgée,  soit  dans  les  moyens  dont 
ils  se  sont  servis  pour  l'élabllr,  soft  dans  les 
effets  qui  en  ont  résulté,  elle  porte  sur  son 
front  toutes  les  marques  possibles  d'une  re- 
ligion fausse  el  réprouvée  de  Dieu.  Voy. 
Anglican,  Calvinisaik,  Luthéranisme,  Lu- 
thérien. 

REFORME  DE  RELIGIEUX  ;  c'est  le  ré- 
tablissement d'un  ordre  ou  d'une  congréga- 
tion religieuse  dans  toute  la  sévérité  de  son 
ancienne  règle,  de  laquelle  elle  s'est  insen- 
siblement relâchée;  ou  c'est  la  démarche  de 
quitter  cette  première  règle  pour  en  embras- 
ser et  en  suivre  une  plus  sévère.  Ainsi  la 
congrégation  de  saint  Maur  est  une  réforme 
de  l'ordre  de  saint  Benoît,  parce  qu'elle  s'est 
rapprochée  de  la  règle  primitive  établie  par 
ce  saint  fondateur.  Les  feuillants  elles  reli- 
gieux de  la  Trappe  sont  deux  ri' formes  de 
l'ordre  deCîleaux,  etc.  La  néressitéde  faire 
des  réformes  dans  les  ordres  religieux  lors- 
qu'ils sont  déchus  de  leur  première  ferveur, 
ne  prouve  rien  contre  cet  étal  en  général^ 


89 


REF 


REG 


90 


Les  religieux  ne  se  relâchent  ordinairement 
qu'à  proportion  cl  par  rinflueiice  de  la  cor- 
ruption des  mœurs  piililiqucs  ;  il  n'est  pas 
étonnant  que  les  vices  qui  iiifeclenl  la  so- 
ciété pénètrent  insonsiblenienl  dans  les  cloî- 
tres Mais  c'est  justement  lorsque  les  mœurs 
publiques  sont  les  plus  mauvaises,  qu'il  est 
nécessaire  d'avoir  des  asiles  où  puissent  se 
réfugier  ceux  qui  craignent  de  ne  pouvoir 
échapper  au  danger  de  se  corrompre. 

On  dit  que  les  réformes  sont  inutiles  ;  que 
la  laililesse  humaine,  qui  tend  toujours  au 
relâchement,  est  cause  qu'elles  ne  sont  ja- 
mais durables;  mais  elles  sont  du  moins 
utiles  pcMidantun  temps,  et  c'est  autant  de 
gagné  pour  la  vertu  et  pour  l'édification  |)u- 
hliquc.  C'est  mal  raisonner  que  de  ne  vou- 
loir pas  l'aire  du  bien,  parce  qu'il  ne  pourra 
pas  subsister  toujours.  Un  moine  qui  refu- 
serait de  se  réformer  lorsque  son  ordre  en  a 
besoin,  serait  certainement  coupable  et  di- 
gne de  ciiàtimenl.  \  aincment  il  dirait  qu'il 
n'a  fait  vœu  d'observer  la  règle  que  selon 
l'usage  du  monastère  dans  lequel  il  fait  son 
noviciat  et  sa  profession.  La  règle  a  dû  lui 
être  communiquée;  en  l,i  lisant,  il  a  dû  com- 
prendre que  tout  usage  qui  y  donne  (juelque 
atteinte  est  un  relâchement  et  un  abus,  à 
moins  qu'il  n'ait  été  permis  et  approuve  par 
autorité  ecclésiastique  ;  l'abus  ne  prescrit 
jam;iis  contre  la  règle,  et  la  règle  réclame 
toujours  contre  l'abus.  Si  donc  un  religieux 
avait  mis  dans  ses  vœux  une  restriction  con- 
traire â  la  règle,  ci;  serait  un  prévaricateur 
qui  se  serait  joué  de  la  sainteté  du  serment, 
et  cette  fraude,  loin  de  le  justifier,  le  ren- 
drait plus  coupable. 

Il  est  bon  de  considérer  que  les  réformes 
les  plus  sages  ont  presque  toujours  été  faites 
par  un  seul  homme  zélé  et  courageux  : 
preuve'  que  la  vertu  conserve  toujours  de 
l'empire  sur  les  esprits  et  sur  les  cœurs, 
lors(ju'elle  est  solide  et  constante.  Il  n'est 
donc  aucun  désordre  auquel  on  ne  puisse 
remédier,  quand  on  veut  s'en  donner  la 
peine.  Mais,  dans  notre  siècle  philosophe, 
on  juge  ()u'il  est  mieux  de  détruire  (juc  de 
réformer.  C'est  que,  pour  détruire,  il  ne  faut 
ni  lumières,  ni  sagesse,  ni  vertu;  il  suffit 
d'être  dur  et  opiniâtre  :  l'homme  le  plus 
borné,  lorsqu'il  est  armé  de  la  force,  peut 
tout  anéantir  pour  montrer  son  pouvoir; 
pour  réformer,  il  faut  de  la  prudence,  de  la 
patience,  le  talent  de  la  persuasion,  un  cou- 
rage à  l'épreuve,  etc.:  el  ces  vertus  ne  sont 
pas  communes. 

UliFUCE  (villes  de  refuge).  Mo'ise,  dans 
ses  lois,  désigna  six  villes  de  la  Palestine, 
dans  lesquelles  pouvaient  se  retirer  ceux 
qui,  par  hasard  et  sans  le  voulnir,  avaient 
tué  un  homme,  afin  qu'ils  pussent  prouver 
leur  innocence  devant  les  juges,  sans  avoir 
à  craindre  la  vengeance  des  parents  du 
mort.  Si  le  meurtrier  ne  prouvait  pas  (lue 
riiomicide  qu'il  avait  commis  était  involon- 
taire, il  était  puni  selon  la  rigueur  des  lois; 
s'il  était  reconnu  innocent,  il  devait  encore 
demeurer  captif  dans  la  ville  de  refuge  jus- 
qu'à la  mort  du  grand  prêtre;  alors  il  récu- 


pérait'sa  liberté.  Si,  avant  ce  lemps-là,  il 
sortait  de  la  ville  de  refuge,  \\  pouvait  être 
mis  à  mort  impunément  [lar  le  rédempteur 
du  sang,  ou  par  le  plus  proche  parent  du 
défunt,  qui  avait  le  droit  de  venger  sa  mort. 
Pour  inspirer  aux  Juifs  une  plus  grande 
horreur  de  l'homicide.  Moïse  crut  devoir  le 
punir  p.ir  une  es()èce  d'exil,  lors  môme  qu'il 
était  involontaire. 

UEruGK,  religieuses  de  Notre-Dame  du  Re- 
fuge, ordre  on  congrégation  de  religieuses 
qui  se  sont  dévouées  à  la  conversion  des 
femmes  et  des  filles  débauchées,  et  à  préser- 
ver du  désordre  celles  qui  sont  en  danger 
d'y  tomber.  Ce  pieux  institut  a  commencé  à 
Nancy,  en  Lorraine,  par  le  zèle  d'une  ver- 
tueuse veuve  nommée  Mad.  de  Hanlaig,  qui, 
avec  ses  trois  filles,  eut  le  courage  de  se 
consacrer  à  cette  bonne  (Euvre.  Il  fut  ap- 
prouvé par  le  cardinal  de  Lorraine,  évèque 
de  Toul,  l'an  1629,  par  le  pape  Urbain  Vill 
en  lG3't-,  et  par  Alexandre  Vil  en  lOGi,  sous 
la  règle  de  saint  Augustin.  Les  filles  péni- 
tentes y  sont  admises  à  prendre  l'Iiabil  et  à 
faire  profi'ssion,  lorsque  l'on  voit  en  elles 
des  marques  solides  de  conversion  et  de  vo- 
cation ;  mais  elles  ne  peuvent  remplir  les 
premières  places  de  la  maison.  On  y  reçoit 
à  pénitence,  non-seulement  les  personnes 
qui  entrent  dans  le  monastère  de  leur  plein 
gré,  mais  encore  celles  que  l'on  y  renferme 
par  autorité  des  magistrats  ou  du  gouverne- 
ment. 

Cet  ordre  n'a  que  douzemaisons  en  France, 
parce  que,  dans  la  plupart  des  grandes  villes, 
on  a  suppléé  par  d'autres  établissements 
qui  ont  le  même  objet.  A  Paris,  les  filles  du 
Sauveur,  rue  de  Vendômi',  au  Marais  ;  celles 
de  Sainte-Pélagie,  au  f.iubourg  Saint-Mar- 
ceau ;  celles  du  Bon-Pasteur,  rue  du  Cher- 
che-Midi; celles  de  Sainte-Valère,  rue  de 
(irenelle;  les  religieuses  de  Notre-Dame  do 
Charité,  ou  filles  de  Saint-Michel  ;  les  péni- 
tentes de  Saint-Magloire  font  la  même  chose 
que  les  religieuses  do  Refuge.  Hélyot,  Hist, 
(les  Ordres  relig.  [Edit.  Migne). 

*  iiÉGALE.  C'était  nn  droit  en  vertn  duquel  le; 
rois  (te  Iraiice  joinssaicnl  du  revenu  des  évétiiés 
et  des  arclievêcliés  peiid;ml  l;i  vacance  du  siège, 
jusqu'à  ce  que  les  nouveaux  pourvus  eussent  prélë 
senniMit  de  lidéblé.  En  vertu  de  ce  droit,  le  roi 
nommait  aux  béiiélices  (pii  dépendaient  de  l'évéïiue. 
La  régale  pouvait  être  une  source  de  irès-giands 
abus  :  pour  jouir  plus  longieui(is  des  revenus  des 
évêchés,  les  rois  retardaiem  la  nomination  aux  siè- 
ges vacants  et  tonlialeiil  les  béiiélices  plutôt  à  des 
courtisans  qu'à  des  liuninies  sincèrement  attacliés  à 
l'Egli^ie.  Aussi  Fleiiry  remarque  (|ue  i  le  roi,  quoi- 
qu'il n'exerce  que  le  droit  de  l'évèque,  l'exerce  bien 
plus  tiliiemenl  que  ne  le  ferait  l'évèque  lui-niêine  ; 
tout  cela,  dii-on,  parce  (pie  le  roi  n'a  point  de  su- 
périeur dans  Son  royaume,  comme  si  le  droit  d(! 
coiilérer  des  liénélices  éiaii  purement  temporel.  • 
Le  droii  de  régale  ne  s'étendait  pas  sur  toute  la 
France.  Nus  rois  tonlèreiil  de  l'y  étendre;  ce  qui 
donna  lieu  aux  graves  d  •mêlés  qui  s'élevèrent  entre 
la  Gourde  France  et  la  cour  de  Rome,  el  amenèrent 
la  laineuse  assemblée  de  ItiSi. 

UÉliÉNÉKATION,  renaissance,  change- 
ment par  lequel  on  reçoit  une  nouvelle  vie  ; 


91 


REG 


c'est  ce  que  les  Grecs  ont  nommé  pnlingi''nc- 
sie.  Ce  lerme  ne  se  (rouve  que  trois  foU  dnis 
l'ilèriUire  s;\inie.  Mattli.,  c.  xi'C,v.28,  Jé- 
sus-Chris! dit  à  ses  apôlres:  Au  Ifinps  rf-  la 
régéiiéralion,  lorsque  le  Fils  de  l'homme  sera 
asHts  sur  le  Irônc  de  sa  majesté,  vous  serez 
aussi  assis  sur  douze  siéi/es,  pour  jnqer  les 
douze  tribus  d'Israël.  S.iiiil  Paul  éorilà  Tile, 
c.  II!,  V.  o,  qu(>  Dieu  nous  a  samés  par  li> 
bain  de  la  régcnér.uion  et  du  renoiivelli'iiiciil 
du  Saint-Kspril.  »  /  Petr.,  c  i,  v.  3,  nous 
Jisoiis  qui"  Dieu  nous  a  régénérés  pour  nous 
donner  une  ferme  espérance  par  la  rùsur- 
rcclion  de  Jésus-Chrisl. 

Les  in(erprèli'S  conviennent  que  dans  ces 
deux  derniers  passages  il  est  question  liu 
baptême,  et  qu'il  est  appelé  ré'jénération, 
parce  que  le  baptisé  duitmener  une  vie  nou- 
veiie;  mais  dans  relui  de  saint  Millliieu  plu- 
sieurs pensent  que  Jésus-Christ  a  voulu  par- 
ler de  la  résurrection  générale  el  du  rang 
que  tiendront  les  apôtres  au  jugement  der- 
nier ;  parce  que  la  plupart  des  auteurs  ec- 
clésiasliqiies  ont  appelé  régénéralinn  la  vie 
nouvelle  lies  corps  ressuscites.  D'autres  sont 
d'avis  que,  dans  saint  Matthieu,  commedans 
les  deux  autres  passa2;es,  la  régénération 
est  la  nouvelle  naissance  que  Jésus-Christ 
a  donnée  à  son  Eglise  par  le  baptême,  et  la 
vi(!  que  doivent  mener  les  chrétiens,  Irés- 
diiîérente  de  celledes  juifs;  que  Jésus-Christ 
fait  allusion  à  ce  qu'il  avait  dit  ailleurs, 
Jonn.,  c.  III,  V.  5:  Si  quelqu'un  n'est  pas  ré- 
yéneré  (renalus)  par  l'eau  et  pir  le  Saint - 
Esprit,  il  ne  peut  pas  entrer  dans  le  royaume 
de  Dieu.  D'ailleurs  le  Sauveur  distingue  dans 
cet  endroit  la  récompense  destinée  aux  apô- 
tres d.nis  cette  vie  d'avec  celle  qui  leur  est 
réservée  en  l'autre: or,  la  première  est  évi- 
demment l'autorité  qu'il  leur  a  donnée  sur 
son  Eglise  et  sur  tous  les  fidèles,  et  non  la 
fonction  de  les  juger  au  jugement  dernier. 
C'est  le  sens  que  donnent  à  ce  pjssage  saint 
Hilaire,  dans  son  Commentaire  sur  suinC 
Mailliieu,  c.  XX,  et  l'auteur  de  l'ouvrage  im- 
narfiit  sur  cet  évangéliste,  attribue  autre- 
fois à  saint  Jean  Chrysostoine  :  c'est  aussi 
l'opinion  de  la  plup.irt  des  commentateurs 
cités  dans  la  Synapse  des  critiques,  sur  cet 
endroit. 

Ainsi,  au  mot  Lois  ecclésiastiques,  nous 
n'avons  pas  eu  tort  de  citer  ce  passage  pour 
prouver  que  les  apôtres  et  leurs  successeurs 
ont  reçu  de  Jésus-Chrisl  le  pouvoir  de  faire 
des  lois  auxquelles  les  fidèles  sont  obligés 
(l'obéir,  pouvoir  communément  exprimé 
('.ans  l'Ecriture  sainte  par  le  mal  juge  et  ju- 
ger; nous  y  sommes  autorisés  par  des  com- 
mentateurs même  protestants. 

lUiGIONNAlUE,  titre  «(ue  l'on  a  donné 
dans  ÏUisi.  ecvlés,,  depuis  le  \'  siècle,  à 
ceux  au\qu(!is  on  cnnlialt  le  soin  de  quelque 
(luarlier  ou  région,  et  l'adminislration  de 
quelques  affaires  dans  un  certain  district. 
Poui-  observer  plus  d'ordre  dans  la  police 
ecilésiasliciue,  on  avait  partagé  la  ville  do 
Kome  en  divers  quartiers;  ou  appelait  dia- 
cres régionnaires  ceux  qui  élaienl  chargés 
du  soin  des  pauvres  et  de  la  distribution  des 


REI  92 

aunnônes  dans  un  de  ces  quartiers.  II  y  avait 
aussi  dos  sous-diacres  et  des  notaires  région- 
naires. On  appelait  encore  érêques  région- 
mires  dos  missionnaires  revêtus  du  carac- 
tère épiscopal,  et  qui  n'avaient  point  de 
siège  particulier,  mais  qui  allaient  prêeher 
en  divers  lieux,  et  exercer  les  fonctions  de 
leur  ministère  oii  il  pu  était  besoin. 

UECLIÎ  DE  FOL  Voy.  Foi,  §  1;  Ecriture 

SAINT!!,    §   k. 

IlEtîLE  MONASTIQUE,  recueil  de  lois  et 
de  constitutions,  suivant  lesquelles  les  reli- 
gieux d'une  maison  ou  d'un  ordre  sont  obli"- 
gés  de  vivre,  et  (\u'ils  ont  fait  vœu  d'obser- 
ver. Tontes  les  règles  monastiques  ont  besoin 
d'être  approuvées  par  les  supérieurs  ecclé- 
siastiques, et  même  par  le  saint-siége,  pour 
imposer  une  obligation  de  conscience  à  des 
religieux  :  le  vœu  que  l'on  aurait  fait  d'ob- 
server uwcrrgle  non  ap|)rouvée,  serait  censé 
nul.  La  règle  de  saint  Benoît  est  appelée  par 
quelijues  auteurs  la  sainlerègle;  celle  desaint 
Bruno,  de  saint  François  el  de  la  Trappe, 
qui  est  l'étroite  observance  de  celle  de  Cî- 
teaux,  sont  les  plus  austères.  Lorsqu'un  re- 
ligieux ne  peut  pas  supporter  l'austérité  de 
%di.règle,  il  est  ol)ligé  d'en  demander  dispense 
à  ses  supérieurs,  ou  au  saint-siége  la  per- 
mission d'entrer  dans  un  ordre  plus  mitigé. 
Quand  on  a  médité  sur  le  caractère  des 
hommes  en  général,  on  reconnaît  la  néces- 
sité d'une  règle  pour  rendre  leur  conduite 
constante  et  leurs  travaux  utiles.  C'est  une 
erreur decroire  qu'il  estavanlageux  à  l'hom- 
me de  jouir  d'une  liberté  absolue  ;  il  a  besoin 
d'un  joug  qui  le  captive,  et  la  religion  seule 
a  le  pouvoir  de  lui  faire  aimer  le  joug  qu'il 
s'est  imposé  lui-mén.e.  Ce  n'est  pas  un  petit 
avantage  de  savoir  ce  que  l'on  doit  faire  à 
chaque  heure  du  jour,  et  d'être  enrouragé  à 
le  faire  par  l'exemple  de  ceux  avec  les(iuels 
on  vil.  Il  n'est  aucun  état  de  vie  dans  lequel 
les  moments  soient  mieux  employés  que  dans 
les  communautés  où  la  règle  est  observée  et 
fait  marcher  tout  le  monde.  Dans  la  société 
civile,  la  moitié  du  temps  est  perdue  à  rem- 
plir de  frivoles  bienséances,  à  s'ennuyer  les 
uns  les  autres,  à  rêver  ,i  ce  que  Ton  doit 
faire,  à  chercher  des  amusemeuls  puérils.  Un 
protestant  même  a  fait  celte  relli-xion  ;  nous 
avons  cité  ses  paroles  au  mot  Coihmu\ai  té 
KELiGiiiusE.  Aussi  les  uionaslères  dans  les- 
quels la  règle  est  le  mieux  observée,  sont 
toujours  ceux  où  règne  une  paix  profonde  , 
une  société  douce  et  charilable,  et  où  l'ou  vit 
e  plus  heureux.  Voy.  Mol^E. 

REINE  DU  CIEL.  C'est  le  nom  que  les 
juifs  prévaricateurs  et  idolâtres  donnaient  à 
la  lune,  à  laquelle  ils  rendaient  un  culte  su- 
perstiiienx.  Jérémie,  c.  vu,  v.  18,  le  leur  re- 
prociie  :  «  Les  enfants,  dit-il  ,  amassent  le 
bois,  les  pères  allument  le  feu,  <  t  les  fem- 
mes mêlent  de  la  graisse  avec  la  farine  pour 
faire  des  gâteaux  à  la  reine  du  ciel.  >>  Lors- 
qu'il lit  la  même  réprimande  à  ceux  qui  s'é- 
taient enfuis  eu  Egypte,  ils  lui  répondirent 
insolemment, c.  xi.jv,  G:  «  Nous  ne  vous  écou- 
terons pas  ,  et  nous  ferons  ce  qu'il  nous 
plaira  ;  nous  offrirons  à  la  reine  du  ciel  des 


95 


RE! 


REL 


94 


sacriGces  et  des  libations,  commo  nous  avons 
fait  autrefois  avec  nos  pères,  nos  rois  et  nos 
prin(  es  ;  alors  nous  ne  manquions  île  rien  , 
nous  étions  heureux,  el  nous  n'éprouvions 
point  de  mai  ;  depuis  que  nous  avons  cessé 
de  le  faire,  nous  ni;ini|uons  de  tout,  nous  pé- 
rissons par  le  glaive  et  p;ir  hi  faim.  » 

il  parati  que  c'est  la  même  divinité  qui 
est  nommée  Mi'ni  dans  le  texte  hébreu  d'I- 
Saïe,  c.  Lxv,  v.  Il,  nom  sons  lequel  l'auteur 
delà  Vulijute  a  entendu  la  Vvrlune.  Klle  était 
aussi  appelée  his  ,  Asturte,  iSlijlUln,  Hécate, 
Diane,  Tiivia,  I  énus  la  célesli-,  Pliœlié,  As- 
térie, etc.,  suivant  la  lan;;uo  des  dilTereiits 
peuples.  On  n'est  pas  étonné  du  culie  puni- 
peux  ((ue  tous  lui  ont  rendu,  quand  on  con- 
sidère le  pouvoir  singulier  qu'ils  atlribuaienl 
à  ses  iiilluences.  Ils  lui  faisaient  honneur  de 
la  plup.irt  des  phénomènes  de  la  nature  et 
des  événements  de  la  vie.  La  fertilité  des 
campagnes,  la  fécondité  des  troupeaux,  la 
naissante  et  l'heureuse  destinée  des  enfants, 
le  suciès  des  voyageurs  sur  terre  ou  sur 
mer,  etc.,  dépendaient  de  la  lu«e  ;  sou  cours 
était  distingué  en  jours  heureux  et  en  jours 
malheureux.  Hésiode,  Théogon.,  v.  '»12  et 
Suiv.  Les  travaux  et  les  jntirs,  v.  7(Jo.  Sou- 
venl  les  juifs  adoptèrent  ce  préjugé  des 
païens,  qui  règne  encore  jusqu'à  un  certain 
point   parmi  le  peuple  des  campagnes. 

Bajle,  Dict.  Crit.  Junon,  Rem.  M.  ,  pré- 
tend (]uc  les  catholiques,  en  donnant  à  la 
sainte  Vierge  le  liire  de  reine  du  ciel,  et  en 
lui  rendant  un  culte  excessif,  ont  imité  la 
superstition  des  |  aïens  et  des  juifs  ;  c'est  le 
reproi  he  que  nous  font  communément  les 
protoslanls.  S'ils  étaient  moins  prévenus  , 
ils  verraient  deux  dilTérenccs  essentielles  en- 
tre nos  idées  el  celles  des  païens.  1°  La  sainte 
Vierge  est  une  personne  réellement  exi- 
stante,et  que  Dieu  a  placée  dans  le  bonheur 
éternel  ;  la  lune  est  un  corps  inanimé,  au- 
quel les  païens  n'adressaient  un  culte  que 
parce  qu'ils  lui  supposaient  faussement  une 
Smeel  qu'ils  la  croyaient  intelligente.  2°  Les 
calhi>lii)ues  n'uni  jauiais  aitribné  à  la  sainte 
Vierge  d'autre  pouvoir  (lue  d'intercéder  pour 
nous  auprès  de  Dieu  et  d'en  obtenir  des  grâ- 
ces par  ses  prières  ;  les  paït'ns.  au  contraire, 
envisageaient  la  lune  comme  une  divinité 
souveraine  et  indépendante,  douée  d'un  pou- 
voir qui  lui  était  propre  et  personnel  :  le 
culte  qu'ils  lui  rendaient  ét:nl  donc  absolu, 
et  se  terminait  à  cet  astre  ;  celui  que  nous 
rendons  à  Marie  se  rapporte  à  Dieu  dont  elle 
est  la  créature,  duquel  elle  a  reçu  toutes  les 
grâces  el  tous  les  avantages  qu'elle  possède. 
Si  quelques  écrivains  mal  instruits  ont  atta- 
ché un  autre  sens  au  titre  de  reine  du  ciel 
donné  à  celte  sainle  Méri'  de  Dieu,  s'ils  ont 
outré  les  expres'-ions,  eu  parlant  de  son  pou- 
voir auprès  de  Dieu,  s'il  leur  en  est  échappé 
plusieurs  qui  ne  sont  pas  conformes  aux  no- 
tions exactes  de  la  théologie  ,  il  ne  faut  pas 
en  rendre  responsable  l'Kglise  catholique  ; 
elle  a  déclaré  et  expliqué  sa  croyance  au 
concile  de  Trente  el  ailleurs,  d'une  manière 
qui  ne  donne  lieu  à  aucun  reproche  raison- 
nable. Voy.  Marie. 


Reim  de  Saba.  Voy.  Saba. 
KEFjAI'S,  héréiique  qui  retombe  dans  une 
erreur  qu'il  avait  abjurée.  L'Kglise  accorde 
plus  diftieilement  l'absolution  aux  héréti- 
ques reliips  qu'à  ceux  qui  ne  sont  tombés 
qu'une  fois  dans  l'hérésie;  elle  exige  des  pre- 
miers de  plus  longues  el  de  plus  fortes 
épreuves  que  des  seconds  ,  parce  qu'elle 
craint  avec  raison  de  profaner  les  sacre- 
nients  en  les  leur  accordant.  Dans  les  pays 
d'inquisition  les  hérétiques  relaps  sont  con- 
damnés au  f'u,  et  dans  les  premiers  siècles 
les  idolâtres  rclnps  et  lient  exclus  pour  tou- 
jours de  11  société  chrétienne. 

RELATION  entre  les  trois  personnes  de  la 
sainte  Trinilé.  Voy.  Trimté. 
UKLIIWKUX.  toi/.  Moine. 
UKLLiIRLSIÎ,  fiUe  ou  veuve  qui  s'est  con- 
sacrée à  Dieu  par  les  trois  vœux  de  cbas- 
teié,  de  pauvreté  et  d'obéissance,  et  qui  s'est 
oldigée  à  vivre  dans  un  monastère  sous  une 
ccri  line  règle. 

Lorsque  le  désir  de  servir  Dieu  pins  par- 
faiU'inent  eut  eng.igé  des  hommes  à  se  reti- 
rer dans  la  solitude  pour  y  vaquer  unique- 
ment à  la  prière  el  au  travail,  ils  furent  bien- 
tôt Imités  par  des  personnes  de  l'autre  sexe 
qui  embrassèrent  le  même  genre  de  vie.  La  vie 
monastique  des  hommes  avait  commencé  en 
Kgyple  au  milieu  duiii"  siècle  :  dès  le  iv,  saint 
Basile  parle  de  coiivenls  de  religieuses  dans 
lesquels  il  y  avait  une  supérieure  à  laquelle 
toutes  les  autres  devaient  obéir  ;  il  leur  re- 
commande les  mêmes  devoirs  el  les  prati- 
ques qu'il  avait  prescrits  aux  moines.  Serin. 
Ascet.,  2,  n.2,  op.  ,  tom.  U,  p.  326;  et  saint 
Jean  Cbrysoslome.  Homil.  8  in  Matlh.,  n.  5, 
op.,  tom.  Vlll,  p.  120,  témoigne  qu'en  Egypte 
les  assemblées  des  vierges  étaient  presque 
aussi  nombreuses  que  les  maisons  de  céno- 
bites; Iliimil.  30  !/i  /  Cor.,  n.  k,  op.,  ;om.  X, 
p.  27V,  il  loue  les  veuves  qui  célébraient  les 
louanges  de  Dieu  le  jour  et  la  nuit.  Outre 
ces  vierges  et  ces  veuves  qui  vivaient  en 
commun,  il  y  en  avait  d'autres  sans  doute  qui 
demeuraient  chez  leurs  parents,  qui  ne  se 
distinguaient  des  autres  personnes  de  leur 
sexe  que  par  une  vie  plus  retirée,  des  ha- 
biis  plus  modestes,  une  piété  plus  exem- 
plaire ;  mais  il  [laraît  que  dans  l'Orient,  par- 
tout où  elles  se  trouvèrent  en  grand  nom- 
bre, on  jugea  (ju'il  était  avantageux  qu'elles 
vécussent  en  commun  dans  un  même  mo- 
naslère,  sous  une  règle  uniforme. 

Il  ne  serait  pas  aisé  de  fixer  l'époque  pré- 
cise à  laquelle  ces  re/Zr/ieiises  ont  co  omencé 
à  faire  profession  solennelle  de  virginité  ,  en 
recevant  de  leur  évéque  le  voile  et  l'habit 
monastique;  nous  savons  seuleinent  que 
sainle  Marcelline,  sœur  de  saint  Ambroisc  , 
reçut  cel  habit  de  la  main  du  pape  Libère  , 
dans  l'éiilise  deSaint-l'ierre  de  Rome,  le  jour 
de  Noël  de  l'an  352,  en  présence  d'une  mul- 
tilude  de  peuple.  Mais  nous  ne  voyons  pas 
qu'il  y  eût  déjà  pour  lors  des  monastères  de 
filles  dans  l'Occident.  On  prétend  qu'en 
France  les  premiers  n'ont  été  bâiis  qu'au 
vir  siècle  :  cependant  il  y  a  un  canon  du 
concile  d'Epaone,  tenu  l'an  517,  qui  défend 


95 


REL 


REL 


96 


d'entrer  dans  les  couvents  de  religieuses;  il 
y  en  avait  donc  d/'jà  pour  lors. 

M.  Languet  a  prouvé  contre  dom  de  Vert, 
que  dès  l'origine  les  religieuses  ont  eu  un 
Toile  et  un  habit  qui  les  distinguaient  dos 
antres  personnes  de  leur  sexe  ;  saint  Jérôme, 
saint  Ambroise,  Optât  de  Milève  en  parlent. 
Ce  dernier  dit  qu'en  Afrique  elles  portaient 
une  mitre  ou  une  couverture  de  tête  qui 
était  de  laine  et  de  eoulrur  de  pourpre  ;  saint 
Jérôme,  ad  Demetriad.,  l'appelle  jlammeum 
rirginale.  Au  iip  siècle,  Terlullien,  dans  son 
traité  de  Virginibus  velandis,  ne  parlait  pas 
seulement  des  vierges  consacrées  à  Dieu  , 
mais  de  toutes  les  jeunes  filles,  lorsqu'il 
voulait  qu'elles  eussent  toujours  le  visage 
couvert.  Dans  les  derniers  siècles ,  les  difTé- 
renles  congrégations  de  religieuses  qui  se 
sont  établies  ont  pris  l'habit  de  deuil  des 
veuves  du  pays  où  elles  se  sont  formées,  et 
cet  extérieur  les  a  toujours  suffisamment 
disiinguées  des  filles  ou  femmes  séculières. 

Au  v"  siècle,  il  arriva  que  des  pères  et  des 
mères  eurent  la  cruauté  de  contraindre  leurs 
filles  à  se  (aire  religieuses  ;  pour  obvier  à  ce 
désordre,  saint  Léon  1",  l'an  '•■58,  défendit 
de  donner  le  voile  aux  filles  avant  l'âge  de 
quaran'e  ans  ;  l'empereur  Majorien  confirma 
cette  défense  par  une  loi,  et  le  concile  d'Agde, 
tenu  l'an  506,  l'adopta,  can.  10.  On  cite  en- 
core en  faveur  de  cette  discipline  un  concile 
de  Saragosse  de  l'an  592  ;  mais  il  faut  se 
souvenir  que  ces  conciles  ont  éié  tenus  sous 
la  domination  ries  rois  visigoths  qui  étaient 
ariens  ;  d'où  nous  pouvons  conclure  que  le 
désordre  auquel  ils  voulaient  remédier  élait 
une  suite  de  la  grossièreté  des  mœurs  et  de 
l'Irréligion  que  les  Rarbares  avaient  intro- 
duites dans  l'Occident.  La  même  discipline 
n'a  plus  été  nécessaire  lorsque  les  mœurs 
sont  devenues  plus  douces,  et  que  l'abus  a 
cessé  ;  conséquemment  on  a  permis  dans  la 
suite  la  profession  religieuse  pour  les  filles 
à  vingt-cinq  ans.  Le  concile  de  Trente  l'a- 
vait fixée  pour  le  plus  lot  à  seize  ans  ;  un 
édit  du  roi,  du  mois  de  mars  1768,  l'a  re- 
mise à  l'âge  de  dix-huit  ans. 

Les  lois  ecclésiastiques  les  plus  anciennes, 
concernant  la  clôture  des  religieuses,  ont  été 
très-sévères  ;  il  y  a  des  canons  du  iv°  siècle 
qui  défendent,  même  aux  évêques,  d'entrer 
dans  les  monastères  des  vierges  sans  néces- 
sité, et  sans  être  accompagnés  d'ecclésiasti- 
ques vénérables  par  leur  âge  et  par  la  gra- 
vité de  leurs  mœurs.  Celte  sévérité  était  né- 
cessaire surtout  en  Afrique  et  dans  l'Orient, 
où  les  femmes  ont  toujours  été  plus  renfer- 
mées que  dans  les  contrées  du  Nord,  et  où 
la  moindre  familiarité  avec  les  hommes  suf- 
fisait pour  rendre  leur  conduite  suspecte. 
Dans  nos  climats  septentrionaux,  où  les 
mœurs  sont  plus  douces  et  la  société  plus  li- 
bre entre  les  deux  sexes,  on  s'est  relâché  de 
cette  austérité  ,  sans  qu'il  en  soit  arrivé  de 
grands  inconvénients.  Il  y  a  des  maisons  de 
filles  non  cloitrées,  où  les  mœurs  sont  aussi 
pures  que  dans  celles  qui  gardent  la  clôture 
la  plus  sévère.  Mais  ce  n'est  point  une  rai- 
son de  donner  allcinlc  à  l'ancienne  disci- 


pline, ni  de  blâmer  les  précautions  que  TE» 
glise  a  toujours  prises  pour  entretenir  une 
parfaite  régularité  dans  les  cloîtres.  Les 
communautés  les  plus  renfermées,  et  qui 
ont  le  moins  de  communication  avec  les  per- 
sonnes séculières  ,  sont  ordinairement  les 
mieux  réglées,  les  plus  paisibles  et  les  plus 
heureuses.  On  sait  qu'il  est  défendu,  sous 
peine  d'excommunication ,  aux  personnes 
séculières  d'entrer  dans  les  maisons  des  re- 
ligieuses ,  sans  nécessité  et  sans  la  permis- 
sion des  supérieurs  ecclésiastiques. 

Dans  l'origine,  les  personnes  du  sexe  qui 
ont  embrassé  la  vie  religieuse,  n'ont  fioint 
eu  d'autre  dessein  que  de  servir  Dieu  plus 
parla ilement  que  dans  le  monde,  et  de  se  sanc- 
tifier par  la  prière,  par  le  silence,  par  le  tra- 
vail ,  par  les  services  de  charité  mutuelle  ; 
c'est  encore  aujourd'hui  toute  l'occupation 
des  religieuses  dans  l'Orient.  Mais  après  les 
divers  malheurs  survenus  en  Europe,  il  s'est 
formé  différentes  congrégations  des  deux 
sexes  qui  se  sont  consacrées  au  service  du 
public.  De  pieuses  vierges  se  sont  chargées 
de  soigner  les  pauvres  et  les  malades  .  soit 
dans  les  hôpitaux  ,  soit  chez  eux  ;  d'élever 
et  d'instruire  les  enfants  abandonnés  ou  or- 
phelins, de  tenir  les  écoles  de  charité  ,  de 
retirer  du  désordre  les  personnes  de  leur 
sexe,  etc. 

Un  philosophe  de  noire  siècle,  quoique 
obstiné  à  déclamer  contre  les  cloîtres  ,  n'a 
pu  s'empêcher  d'admirer  la  charité  et  le 
courage  des  hospitalières.  Voy.  ce  mot.  Mais 
cela  n'empêche  pas  ses  pareils  de  renouve- 
ler sans  cesse  les  mêmes  clameurs. 

Ils  demandent  :  1°  pourquoi  des  couvents? 
Parce  qu'il  faut  des  asiles  pour  la  vertu  et 
de  bons  exemples  habituels  pour  soutenir  la 
piété.  2"  Pourquoi  des  verrous  et  des  grilles  ? 
Pour  mettre  les  religieuses  à  couvert  des  in- 
sultes des  libertins  et  leur  réputation  à  l'a- 
bri des  calomnies  des  méchants.  3°  Pour- 
quoi des  vœux?  Pour  fixer  l'inconstance  na- 
turelle de  l'humanité  et  pour  donner  plus 
de  mérite  aux  bonnes  œuvres.  4'  Pourquoi 
un  célibat  perpéiucl?  Parce  que  les  filles  qui 
pensent  à  s'établir  dans  le  monde  ont  d'au- 
tres soins  que  celui  de  se  dévouer  à  des  de- 
voirs de  charité  et  d'utilité  publique  ;  l'un 
de  ces  desseins  ne  peut  pas  s'accorder  avec 
l'autre. 

On  dit  cependant  et  l'on  écrit  que  les  re- 
ligieuses sont  des  sujets  dérobés  à  la  société 
civile  et  des  filles  mortes  pour  la  patrie. 
Tout  au  contraire,  la  plupart  se  dévouent 
au  service  de  la  société  civile  ;  elles  sont 
donc  plus  utiles  à  la  patrie  que  les  filles  qui 
vieillissent  dans  le  monde  et  dans  un  célibat 
volontaire  ou  forcé.  Ces  dernières  ,  si  elles 
sont  riches,  passent  pour  l'ordinaire  leur 
vie  dans  un  cercle  d'amusements  puérils,  et 
meurent  sans  avoir  rendu  de  services  à  la 
société  ;  si  elles  sont  pauvres,  elles  n'ont  au- 
cune ressource  et  sont  exposées  à  périr  de 
misère.  On  ajoute  que  leur  trop  grand  nom- 
bre dépeuple  un  Etat.  La  question  est  de 
savoir  quel  en  doit  être  le  nombre;  il  est 
moindre  aujourd'hui  en  France,  toute  pro- 


97 


REL 


portion  gardée,  qu'il  ne  fut  jamais.  Pendant 
que  la  mullilude  des  filles  noa  mariées  ex- 
cède cille  des  religieuses,  que  le  nombre  ex- 
cessif des  filles  déhauchées  corrompl  les  ma- 
riages et  pervertit  les  mœurs,  que  le  luxe 
absorbe  la  meilleure  partie  de  la  popula- 
tion, il  est  bien  absurde  d'attribuer  cette  di- 
minution à  la  multitude  des  couvents. 

Au  jugement  de  nos  politiques  réforma- 
teurs, la  plupart  des  religieuses  ont  une  vo- 
cation forcée;  ce  sont  des  victimes  de  la  va- 
nité, de  l'ambition,  de  la  cruauté  de  leurs 
parents.  Imposture  grossière.  L'Eglise  a  pris 
toutes  les  précautions  possibles  pour  que  la 
profession  religieuse  ne  puisse  jamais  être 
forcée.  Une  novice,  avant  de  la  faire  ,  est 
toujours  examinée  ou  par  l'évéque,  ou  par 
un  ecclésiastique  député  de  sa  part ,  qui  en- 
joint à  celte  ûlle,  sous  la  foi  du  serment,  de 
déclarer  si  elle  a  été  forcée,  ou  séduite  ,  ou 
engagée  par  des  motifs  suspects,  à  se  faire 
religieuse,  si  elle  connaît  les  devoirs  et  les 
obligations  auxquels  elle  doit  s'engager 
par  le»  vœux,  etc.  Pour  que  cet  examinateur 
soit  trompé  ,  il  faut  que  ce  soit  la  novice 
elle-même  qui  le  trompe,  aussi  bien  la  com- 
munauté et  les  parents.  Si  dans  la  suite  il 
était  reconnu  qu'une  novice  a  manqué  de  li- 
berté ,  ses  vœux  seraient  déclares  nuls. 
D'ailleurs  des  parents  assez  barbares  et  as- 
sez impies  pour  forcer  leur  flile  à  prendre 
le  voile,  ne  seraient-ils  pas  assez  impérieux 
pour  la  retenir  chez  eux  dans  un  célibat  pro- 
longé jusqu'à  leur  mort?  L'inconvénient  se- 
rait donc  à  peu  près  le  même,  quand  il  n'y 
aurait  point  de  couvents.  Une  preuve  évi- 
dente de  la  liberté  avec  laquelle  les  Ulles  en- 
trent en  religion,  c'est  que  ,  dans  les  com- 
munautés même  oii  l'on  ne  fait  que  des 
v(eux  simples  et  passagers,  l'on  voit  rare- 
ment sortir  des  sujets  pour  rentrer  dans  le 
monde.  Un  souverain  de  l'Europe  a  évacué 
depuis  peu  un  grand  nombre  de  couvents  ;ila 
f.iit  des  pensions  aux  religieuses  en  leur  lais- 
sant la  liberté  de  vivre  dans  le  monde  ;  en 
a-l-on  vu  beaucoup  qui  aient  profite  de  cette 
permission?  Les  unes  se  sont  retirées  dans 
les  couvents  ((ue  l'on  a  conserves  ;  les  au- 
tres ont  cherché  un  asile  ailleurs  ;  plusieurs 
en  ont  trouvé  un  en  France  sous  la  prolec- 
lion  d'une  .lugusle  princesse  qui  fut  elle- 
même  l'ornement  de  l'état  religieux. 

Nos  philosophes  disent  enfin  que  l'éduca- 
tion des  Qlles  dans  les  couvents  ne  vaut 
rien.  Nous  soutenons  qu'elle  est  préférable 
à  presque  toutes  les  éducations  domesti- 
ques. La  perversité  des  mœurs  publiques  , 
le  luxe,  la  mollesse,  la  vie  dissipée  des  mè- 
res, les  dangers  de  la  part  des  domestiques  , 
l'ineptie  des  parents  qui  ont  manque  eux- 
mêmes  d'éducation,  leur  folle  tendresse,  etc., 
seront  toujours  des  obstacles  invincibles  à 
une  bonne  éducation.  Lu  général  il  est  utile 
que  les  enfants  aient  une  nourriture  simple 
et  frugale,  beaucoup  de  mouvement,  d'ébats, 
de  gaité  ;  qu'ils  soient  dans  une  eg.ililé  par- 
faite avec  ceux  de  leur  âye  ;  qu'ils  se  re- 
prennent et  se  corrigent  les  uns  les  au- 
tres, etc.  ;  et  cela  est  peut-être  encore  plus 


REL  98 

nécessaire  pour  les  filles  que  pour  les  gar- 
çons. Nous  ajoutons  que  si  l'éducation  des 
couvents  n'est  pas  plus  parfaite,  c'est  moins 
la  faute  des  religieuses  que  celle  des  pa- 
rents, qui  leur  font  la  loi  par  leurs  goiits 
dépravés  cl  par  leurs  idées  gauches. 

RELIGION,  connaissance  de  la  Divinité  et 
du  culte  qu'il  faut  lui  rendre ,  jointe  à  la  vo- 
lonté de  remplir  ce  devoir.  Suivant  la  force 
du  terme,  c'est  le  lien  qui  attache  l'homme 
à  Dieu  et  à  l'observation  de  ses  lois  par  les 
sentiments  de  respect,  de  reconnaissance, 
de  soumission,  de  crainte,  de  confiance  et 
d'amour,  que  nous  inspirent  ses  divines  per- 
fections et  les  bienfaits  que  nous  avons  re- 
çus de  lui.  Pour  décider  si  l'homme  doit 
avoir  une  religion,  il  sulfit  desavoir  qu'il  y 
a  un  Dieu,  et  que  c'est  lui  qui  a  créé  l'hom- 
me ;  il  n'a  pas  pu  le  faire  tel  qu'il  est,  capa- 
ble de  réilexion  et  de  sentiment,  sans  lui 
ordonner  d'adorer  son  Créateur.  D'ailleurs 
l'expérience  démontre  que  l'homme  sans 
religion  serait  très-peu  diiïércnt  d'un  ani- 
mal ;  tels  sont  les  Sauvages  isolés  que  l'oa 
a  trouves  errants  dans  les  forêts  [Voij.  Lan- 
gage), et  deux  castes  d'Indiens  qui  vivent, 
dit-on,  comme  les  brutes,  qui  se  mêlent  sans 
distinction  de  père  ni  de  mère,  de  frère  ni  de 
sœur.  Voyages  des  Indes,  par  M.  Sonnerai, 
t.  I,  I.  I,  c.  5. 

11  est  bien  étonnant  qu'il  se  trouve  des 
hommes  (|ui  se  piquent  de  philosophie,  et 
qui  tâchent  de  se  rapprocher  de  cet  état 
de  stupidiié;  qui,  peu  contents  d'abjurer 
tout  sentiment  de  religion,  voudraient  en- 
core l'étoulTer  dans  leurs  semblables.  Pour 
y  parvenir,  les  uns  disent  que  la  religion 
est  née  de  l'ignorance  des  causes  naturelles 
et  do  la  crainte  ;  les  autres,  qu'elle  est  l'ou- 
vrage des  politiques  ou  des  prêtres  ;  la  plu- 
part soutiennent  que  la  religion  est  fort  inu- 
tile; plusieurs  vont  plus  loin,  ils  prélendunl 
qu'elle  est  pernicieuse  au  genre  humain,  et 
la  principale  cause  de  tous  ses  maux.  11  est 
triste  pour  nous  d'avoir  à  réfuter  de  pareil- 
les absurdités. 

Au  mot  UiiLiGiON  NATURELLE  ci-après, 
nous  démontrerons  un  fait  important  qui 
renverse  d'abord  toutes  ces  suppositions: 
c'est  que  la  première  religion  qu'il  y  ait  eu 
dans  le  monde  a  ele  l'ellet  des  leçons  que 
Dieu  avait  données  au  premier  homme  en  le 
créant,  et  qu'il  lui  avait  ordonne  de  trans- 
mettre à.  sa  postérité;  donc  ce  sentiment 
n'est  venu  ni  de  l'ignurauce,  ni  de  la  crainte 
des  phénomènes  de  la  nature,  ni  de  l'inté- 
rêt des  politiques,  ni  de  l'imposture  des 
prêtres  :  puisque  la  religion  est  un  don  de 
Dieu,  elle  n'est  ni  pernicieuse  ui  inutile  au 
genre  humain. 

Rien  de  si  frivole  que  des  conjectures  qui 
se  détruisent  :  or,  tels  sont  les  arguments 
de  nos  adversaires.  L'un  dit  ;  La  religion  a 
pu  venir  de  l'ignorance  ou  de  la  crainte, 
donc  elle  en  vient  cITectivement  ;  un  autre 
répond  :  Elle  a  pu  aussi  venir  de  l'institu-r 
tion  des  politiques  ou  de  la  fourberie  des 
iniposteurs,  donc  c'est  en  elTet  leur  ouvrage. 
Quand  cela  pourrait   être,  il  ne  s'ensuit  pas 


99  REL 

(jne  cela  soit.  L'nne  de  ces  suppositions  dé- 
Iruil  l'atilre:  à  laquelle  nous  licndroiisndus? 
Oïl  n'a  jamais  connu  aucune,  nation  rciinie 
en  corps  di'  sociéié  qui  n'eût  une  religion; 
est-ce  la  même  cause  qui  l'a  lait  naîlre  par- 
tout, ou  l'ignorance  ra-t-clle  produite  dans 
un  pays,  la  crainte  dans  un  auire,  l'intérêt 
des  politiques  chez  tel  people,  celui  des  prê- 
tres chez  tel  autre,  ou  toutes  ces  causes  dif- 
férentes se  sont-elles  réunies  partout  pour 
rendre  tous  les  honimes  plus  ou  moins  reli- 
gieux ?  Les  alliées  n'en  peuvent  rien  affir- 
mer, puisqu'ils  n'en  ont  p  iiit  de  preuve.  Ils 
comiiiencenl  par  «opposer  ce  qui  est  in  ques- 
tion, savoir,  qu'il  n' y  a  point  de  Dieu,  que 
toute  religion  est  une  chimère;  ensuite 
ils  argumentent  à  perte  de  vue  pour  de- 
viner d'où  est  venue  cette  imagination.  Voilà 
une  logique  bien  singulière.  Nous  ne  rai- 
sonnons point  ainsi,  nous  ne  supposons 
rien,  el  nous  prouvons  ce  que  nous  avan- 
çons. 

I.  Il  est  faux  que  la  religion  vienne  de  l'i- 
gnorance des  causes  naturelles.  Nous  conve- 
nons que  la  vue  des  phénomènes  de  la  na- 
ture el  l"ig;norance  des  vraies  causes  qui  les 
produisent  peuvent  faire  naître  une  religion 
fausse.  C'est  eu  effet  ce  quia  produit  le  po- 
lythéisme et  l'idolâtrie;  nous  l'avons  fait 
voir  ailleurs,  el  nous  le  prouverons  encore. 
Mais  il  ne  faut  pas  confondre  l'idée  d'un 
Dieu  et  d'une  religion  en  général,  avec  la 
fausse  application  que  l'on  fait  de  celle  idée, 
le  sentiment  d'une  cause  iulelligente  qui  ré- 
git la  nature,  avec  l'erreur  de  ceux  qui  sup- 
posent plusieurs  causes  et  plusieurs  mo- 
teurs. Une  erreur  née  de  l'ignorance  n'a  rien 
de  commun  avec  une  vérité  dictée  par  la  rai- 
son et  par  la  nature.  Or  nous  soutenons  que 
la  notion  d'un  Dieu  en  général  el  de  la  né- 
cessité d'une  religion  ne  vicnl  point  de  l'i- 
gnorance. 

En  premier  lieu  ,  si  cela  était ,  plus  les 
peuples  sont  ignorants,  plus  ils  auraient  de 
religion;  tout  au  contraire,  chez  les  nations 
sauvages,  ignorantes  et  stupides  à  l'excès, 
l'on  a  eu  peine  à  découvrir  des  vestiges  de 
rdigion;  mais  à  mesure  qu'elles  se  sont  in- 
struites el  policées,  leur  religion  a  pris  de  la 
force,  de  la  consistance,  de  l'éclat  extérieur. 
Soutiendra-l-on  que  les  Pelages,  premiers 
habitants  delà  Grèce,  très-sauvages  el  Irès- 
grossiers  ,  ont  connu  la  foule  dj  divinités 
chantées  par  Hésiode  et  par  Homère"?  qu'a- 
vant Numa  l'on  praliiiuailà  Rome  tout  le 
fatras  d'idolâtrie  qui  s'y  est  introduit  de- 
puis? 

lin  second  lieu,  les  athées  voudraient  nous 
faire  croire  que  leurs  prédécesseurs  ont  été 
les  plus  savants  physiciens  et  les  meilleures 
têtes  qu'il  y  eiil  dans  les  écoles  de  Rome  et 
d'Athènes,  et  qu'ils  sont  eux-mêmes  fort  ha- 
biles dans  la  connaissance  de  la  nature. 
F.iusse  vanité.  Kpicure  était  le  plus  igno- 
rant des  philosophes  en  fait  de  physique; 
ce  qu'il  en  a  écrit  fait  pitié,  el  ou  le  lui  a 
souvent  reproché;  ses  disciples  n'étaient 
pas  plus  habiles  que  lui.  Parmi  les  moder- 
nes,  nos  philosophes  les  plus  célèbres,  tels 


REL 


100 


que  Dïscartes,  Newton,  Leihnitz ,  ont  été 
rel'gieux  de  bonne  foi  ;  lorsque  ceux  qui  nnl 
profo-.se  l'alliéisme  ont  voulu  pnl-r  de  phy- 
sique, et  toul  expli'iuer  pir  le  mécanisme 
d"S  causes  naturelles,  ils  ont  pleinement  dé- 
voilé leur  ignorance  et  leur  ineptie,  ils  ont 
débité  un  verbiage  ininielligible  et  qu'ils 
n'entendaient  pas  eux-mêmes. 

En  troisième  lieu,  si  l'on  imaginait  que 
l'athéisine  et  l'iriéligion  sont  une  preuve  el 
un  effet  des  progrès  que  notre  siècle  a  faits 
dans  la  connaissance  de  la  nature,  on  se 
tromperait  beaucoup  ;  c'est  plutôt  un  témoi- 
gnage de  l'inertie  des  esprits  énervés  par  le 
luxe,  el  du  dégoût  que  l'on  a  pris  pour  les 
connaissances  solides.  Dès  le  moment  au- 
quel ré|jicuréisme  s'introduisit  dans  la  (îrèce 
cl  à  Rome  ,  quel  grand  philosophe  y  a-l-on 
vu  paraître"?  Ce  n'est  point  d.ins  un  âge 
avancé,  après  avoir  acquis  beaucoup  d'éru- 
ditiiin  el  de  lumière,  qu'un  homme  devient 
athée  el  incrédule  ;  c'est  dans  la  fougue  des 
passions  di^  la  jeunesse,  avant  d'avoir  eu  le 
temps  de  réfléchir  et  de  s'inslriiire  ;  aveu- 
glé par  l'orgueil  et  par  le  libertinage,  il  se 
croit  plus  habile  que  tous  les  savants  de  l'u- 
nivers, il  ose  traiter  d'ignorants  tous  ceux 
qui  croient  en  Dieu.  Heureux,  s'il  acquiert 
des  connaissances  en  avançant  en  âgel  il 
y  a  lieu  d'espérer  qu'on  sortaat  de  l'igno- 
rance il  abjurera  l'athéisme. 

H.  La  religion  ne  vient  point  de  la  crainte 
qu'inspirent  les  phénomènes  souvent  ef- 
frayants de  la  nature;  nous  convenons  que 
les  ignorants  s'épouvantent  plus  aisément 
de  CCS  phénomènes  que  les  savants,  mais 
celte  crainte  n'est  point  la  première  cause 
des  senlimeuls  religieux  ;  il  y  a  des  preuves 
positives  du  contraire, 

1"  Les  athées  supposent  que  la  première 
religion  des  hommes  a  été  le  polythéisme  et 
l'idolâtrie;  elle  l'aurait  été  sans  doute  si 
Dieu  n'y  avait  pas  pourvu  en  les  instrui- 
sant lui-même.  Mais  oublions  pour  un  mo- 
ment le  fait  de  la  révélation  primitive,  et 
pjirlons  de  la  supposition  de  nos  adversai- 
res. Selon  riiistoire  sacrée  el  profane,  la 
plus  ancienne  idolâtrie  a  élé  le  culte  d^'s  as- 
Ires,  du  soleil,  de  la  lune,  de  l'armée  du  ciel 
et  des  éléments,  parce  que  l'on  supp  'sait 
que  tous  ces  êtres  étaient  animés,  et  les 
philosophes  le  croyaient  comme  le  peuple. 
Vol/.  AsTHES,  Idolatrik.  Or,  quels  lléaux, 
quels  m.illieurs  les  hommes  ont-ils  éprouvés 
de  la  part  des  astres"?  Aucun:  mais  ils  en 
ont  admiré  l'éclat  et  la  marche,  ils  en  ont 
reconnu  les  services.  Les  poêles  les  oui  cé- 
lébrés dans  leurs  hymnes,  el  ne  leur  ont  ja- 
mais attribué  la  colère  ou  la  méchanceté. 
C'est  don(;  l'admiration  el  la  reconnaissance 
plutôt  que  la  crainte  qui  leur  ont  inspiré  ce 
culte,  el  l'Lcriturc  sainte  le  témoigne  ainsi 
{Deut.yiv,  19;  J(j6  xxxi,  2G  el  27  ;  5ap.  xiii). 
il  en  est  de  même  des  éléments  :  ils  sont 
ordinairement  bienlaisanls ,  rarement  dans 
un  étal  de  convulsion  ;  ils  servent  à  la  con- 
servation el  au  bjen-élre  de  l  houime  bien 
plus  souvent  qu'à  sa  destruction.  Les  hom- 
mages que  l'on  adressait  à  Jupiter  el  à  Ju- 


101  REL 

non,  niaîlrps  du  beau  temps  et  de  la  pluie; 
à  Vesîa  cl  à  Vulcain,  conservateurs  du  feu  ; 
à  Nepluiie  ,  aux  lleuves,  aux  ii>iiiplics  dos 
e;)ux,  ou  aux  fontaines,  à  la  terre  «oi«r;»- 
cière  et  à  Cérès,  avaient  communément  pour 
olijel  de  leur  dein  inder  des  bienfaits  ou  de 
les  en  reinercior,  et  non  d'apaiser  leur  co- 
lère et  de  ili'plorcr  des  malheurs. 

2"  P.irmi  la  multitude  énorme  de  divinités 
chantées  p.irmi  les  poêles,  il  n'y  en  a  pas  la 
dixième  partie  que  l'on  puisse  envisager 
coitimc  des  êtres  mall'aisanls  par  leur  n  i- 
ture  ;  l'épilliète  ordinaire  qu'ils  donnent  aux 
dieux  est  celle  do  bien  faisants,  ilii  daiores 
bitnornm:  ils  donnent  à  chacun  en  parlicii- 
lier  le  nom  de  pater,  ei  aux  déesses  celui  do 
mntir;  ce  ne  sont  pas  là  des  sifjnes  de  frayeur 
ni  deddianee.  «  Nous  offrirons,  disaient  les 
Juil's  idolâtres  à  Jérémie,  nous  oITrirons  des 
sacrifices  et  des  libations  à  la  reine  du  ciel, 
comme  nous  avons  l'ait  aulrel'ois,  parce 
qu'alors  nous  ne  manquions  de  rien,  nous 
étions  dans  l'abondance:  depuis  (jtie  nous 
avons  cessé  de  le  faire,  nous  sommes  n)isé- 
rabtes,  nous  périssons  par  le  fer  des  enne- 
mis et  par  la  faim  [Jérem.  xliv,  (>).  C'est 
donc  l'intérêt  solide,  l'espérance  d'obtenir 
des  biens  temporels,  et  non  la  frayeur,  (|ui 
ont  présidé  au  culte  des  païens.  Parmi  les 
héros  a-l-on  plus  honoré  ceux  qui  se  sont 
fait  redouter  par  leur  niécliancelé,  que  ceux 
qui  ont  rendu  des  services  à  leurs  sembla- 
bles? «  Si  tu  es  un  dieu,  disaient  les  Scythes 
à  Alexandre,  lu  dois  b'ur  faire  du  bien,  et 
non  pas  leur  ôlrr  ce  qu'ils  possèdent.  »  Ce 
peuple,  quoique  grossier,  comprenait  que  le 
propre  (le  la  Divinité  est  de  ré|iandre  des 
bienfaits,  d'inspirer  l'amour  et  non  li  crain- 
te. Tous  les  peuples  ont  pensé  de  même. 
Les  Egyptiens  ont  honoré  les  iinimjux  uti- 
les beaucoup  plus  que  les  animaux  nuisi- 
bles, et  les  plantes  salutaires  plutôt  que  les 
poisons.  Les  premiers  l'héniiiens  adoraient 
les  éléments  et  les  produclionî  de  la  terre 
dont  ils  se  nouiri^saient.  Le-!  [larsis  ren- 
dent uneulle  au  bon  principe  et  non  au  mau- 
vais. La  divinité  principale  des  Indiens  est 
brnlimn,  qu'ils  prennent  pour  le  Créateur. 
Les  Péruviens  adoraient  le  soleil  et  la  lune, 
les  Nèf;res  maudissent  le  soleil  parce  qu'il 
les  brûle  par  sa  chaleur  ;  mais  ils  rendent 
de  grands  honneurs  au  dieu  des  eaux.  U'un 
bout  de  l'univers  à  l'autre,  nous  voyons 
l'espérance  et  la  reconnaissance  éclater  dans 
le  culte  des  ditY;Tents  peuples. 

3'  Les  (êtes  et  les  assemblées  religieuses 
daas  les  premiers  temps  et  chez  toutes  les 
nations  loin  d'avoir  rien  de  lugubre,  an- 
nonçaient le  contenteiuent,  la  confiance  et 
la  joie  ;  un  repas  commun,  la  musique,  la 
danse,  ont  toujours  l'ait  partie  du  culle 
rendu  à  la  diviniié.  Ces  léics  étaieni  relati- 
ves aux  travaux  de  l'agriculture;  on  les  cé- 
lèbr.ilt  après  les  semailles,  après  la  mois- 
son, après  les  vendanges  ;  elLs  avaient  donc 
ponr  but  d  ■  reconiiailre  les  bienfaits  des 
dieux.  Vit-on  ja.nais  la  tristesse  régner 
dans  les  fêtes  de  Po.'uone,  de  Cérès,  de  Bue- 
chus  et  de  Vénus  ?  Nous  ne  connaissons  au- 


REL 


102 


cune  pratique  du  paganisme  qui  ait  é(é  des- 
tinée à  rappeler  la  iiiemuirc  d'un  événement 
malheureux;  ceu\  de  celle  espèce  étaient 
n)arques  dans  le  calendrier  par  un  jour  de 
jeûne  ou  de  deuil  ;  mais  les  fêtes  avaient  un 
tout  autre  objet.  Chei  les  Uomains,  fcstus  ci 
feslivus  signiliuienl  heureux  et  agréable, 
infesius,  triste  et  malheureux.  .Si  l'idulàlrie 
avait  inspiré  la  tristesse,  les  regrets,  la 
frayeur,  il  n'aurait  pas  été  si  diliicile  d'eu 
retirer  les  peuples  et  de  les  aineuer  à  la 
vraie  reliijion. 

Nous  convenons  que  la  prospérité  con- 
stante et  le  bien-être  habiluel  pervcrlissent 
souvent  les  hommes  ,  les  rendent  ingrats  , 
leur  font  méconnaiire  le  souverain  liie.iCii- 
teur;  c'est  le  cas  de  la  plupart  des  athées 
et  des  incrédules  :  pour  les  rendre  religieux 
il  faut  un  revers  de  fortune,  une  uiuiadii-, 
une  afilielion  ;  ils  en  concluent  que  la  reli- 
gion est  un  effet  de  la  tristesse,  de  la  mé- 
lancolie, de  rabattement  d"es|)rit  causé  par 
le  malheur.  Mais  ils  connaissent  m;il  le 
creur  d'aulrui,  quand  ils  en  jugent  par  le 
leur,  l'arceqnela  prospérité  excessive  rend 
aussi  riiomme  dur,  inji:ste,  insensible  aux 
ni.iux  d'autrui,  il  ne  s'ensuit  pas  {|ue  ces 
vices  sont  cunl'ormes  à  la  raison,  non  plus 
que  l'incrédulilé,  el  que  les  vcrlus  contrai- 
res viennent  de  faiblesse  d'esprit.  Jinfin 
quand  il  serait  vrai  que  la  religion  ne  vient 
aux  humines  que  quand  ils  souiïrenl,  il  s'eii- 
suivrail  encore  qu'elle  leur  est  nécessaire 
pour  les  consoler  dans  leurs  peines  ;  et  puis- 
que lous  sont  exposés  à  souffrir,  (jue  le  très- 
grand  nombre  souffre  en  eiïct,  il  est  évi- 
dent que  croire  un  Dieu  est  l'apanage  néces- 
saire de  l'humanité,  que  les  athées  sont  des 
insensés  lursiju'ils  se  flattent  de  détruire 
celte  CT03  ance. 

111.  La  rdi<jion  n'est  point  l'ouvrage  de 
la  politique  des  législateurs  ni  de  la  fourbe- 
rie des  préires. 

Ou  comprend  d'abord  que  l'Iiypothèse 
que  nous  alta((uons  est  absolument  contraire 
aux  deux  précédentes.  S'il  est  vrai  que  la 
reliijion  est  venue  de  l'ignoraîice  des  peu- 
ple-, g.ossiers  et  barbare*,  ou  de  la  crainte 
et  du  souvenir  des  malheurs  auxquels  ils 
ont  élé  lous  exposés,  il  n'a  pas  été  besoin 
que  des  politiques  vinssent  leur  suggérer 
des  sentiments  religieux  pour  les  asservir 
par  là,  et  il  y  a  cerlaineme.it  eu  partout  de  la 
reli(ji"n  .-ivant  qu'il  y  eùl  des  prêtres.  Si  au 
contraire  il  a  fallu  (]ue  des  hommes  aiiil)i- 
lieux  et  ru>es  inventassent  la  chimère  d'un 
Dieu  pour  assujcitir  leurs  senibbil)les,  il 
n'est  donc  pas  vrai  que  ceux-ci  l'aient  pui- 
sée dans  l'ignorance  des  causes  nritiirelles 
ni  dans  le  sentiment  de  leurs  uiallieurs. 
Ceux  d'entre  les  athées  qui  ont  voulu  réunir 
ces  différentes  suppositions  Si»nt  tombes  en 
contradiction.  Mais  il  y  a  d'autres  preuves 
de  la  fausseté  do  leur  tiioorie. 

Ln  premier  lieu  ,  nos  adversaires  sont 
hors  d'élat  de  nommer  un  seul  d'entre  les 
législateurs  connus  ijui  ait  liitroiluit  pour 
la  première  fois  la  notion  d'un  Dieu  chez  un 
peuple  encore  athée;  les   philosophes   lu- 


103 


REL 


REL 


104 


diens  ont  fait  profession  d'avoir  reçu  la  re- 
ligion de  Brahma:  que  ce  soit  un  dieu  ou 
un  homme,  n'imporle;  aucun  d'eux  n'a  dit 
qu'avant  celle  époque  les  Indiens  étaient 
athées.  Si  Brahma  est  le  créateur,  il  a  donné 
aux  hommes  la  religion  en  les  créant.  Con- 
fusiusa  protesté  qu'il  ne  faisait  que  répéter 
les  leçons  des  anciens  sages  de  la  Chine;  il 
ne  s'est  donc  pas  donné  pour  auteur  de  la 
religion  des  Chinois.  Zoroastre  a  forgé  son 
système  pour  tirer  les  Perses  et  les  Chal- 
déens  de  l'idolâtrie,  et  non  pour  les  gui  rir 
de  l'athéisme.  Moïse  a  enscii^né  aux  Juifs  à 
adorer  le  Dieu  de  leurs  Pères,  le  Dieu  d'A- 
dam et  de  Noé,  et  non  un  Dieu  inconnu. 
Mahomet  prétendit  renonveler  la  religion 
d'Abraham  etd'Ismaël  parmi  les  Arabes,  ou 
idolâtres,  ou  juifs,  ou  chrétiens.  Pythagore 
ne  s'est  pas  donné  la  peine  de  combattre 
l'athéisme,  parce  qu'il  ne  l'a  trouvé  établi 
nulle  part.  Où  est  donc  le  premier  législa- 
teur qui  a  été  obligé  de  commencer  par  là, 
avant  de  donner  des  lois  ? 

En  second  lieu,  l'on  a  trouvé  la  notion  de 
la  Divinité  et  des  pratiques  de  culte  établies 
chez  des  peuples  qui  n'ont  jamais  eu  de  lé- 
gislateurs, chez  des  insulaires  encore  sauva- 
ges; l'on  n'a  même  découvert  jusqu'ici  au- 
cune peuplade  absolument  privée  de  ces  no- 
lions.  Donc  elles  ne  sont  point  l'ouvrage 
des  sagi's,  des  législateurs,  des  politiques  ni 
lies  prêtres  ;  elles  sont  plus  anciennes  <|u'eux, 
Tous  à  la  vérité  ont  recommandé  la  religion, 
lui  ont  donné  une  forme  fixe,  ont  fonde  les 
lois  sur  celte  base,  mais  ils  n'en  sont  pas 
les  créateurs.  Us  ont  aussi  appuyé  les  lois 
sur  les  sentiments  de  bienveiilunce  mutuel- 
le, sur  l'amour  de  la  patrie,  sur  le  désir 
de  la  louange,  sur  la  crainte  des  peines  ; 
sont-ils  pour  cela  les  premiers  auteurs  de 
ces  sentiments  naturels?  La  société  civile 
qu'ils  ont  établie  a  développé  et  lortiGé  ces 
principes  ;  mais  elle  n'en  a  pas  créé  le  germe, 
il  en  est  de  même  de  la  religion. 

En  troisième  lieu,  ou  ces  législateurs 
croyaient  eux-mêmes  un  Dieu,  une  religion, 
une  autre  vie,  comme  ils  l'ont  témoigné,  ou 
ils  n'y  croyaient  pas.  S'ils  y  croyaient,  com«' 
ment  la  même  persuasion  esl-elle  venue  à 
l'esprit  de  tous,  dans  des  temps,  dans  des 
lieux,  dans  des  climats  si  ditTérents,  à  la 
Chine  et  aux  Indes,  en  Europe  et  en  Afrique, 
au  Nord  et  au  Midi?  Comment  ont-ils  jugé 
tous  que  cette  croyance  serait  utile  aux 
iiommes  pendant  que,  suivant  les  athées, 
elle  leur  est  pernicieuse?  Qu'une  même  vé- 
rité ait  subjugué  tous  les  sages,  cela  se  con- 
çoit; qu'une  même  erreur  les  ait  tous  aveu- 
glés, cela  ne  se  comprend  plus.  S'ils  n'y 
croyaient  pas,  tous  ont  donc  été  des  athées 
fourbes,  Imposteurs,  hypocrites;  pas  un 
seul  n'a  eu  le  courage  d'être  de  bonne  foi; 
ce  sont  eux  qui,  en  donnant  pour  leur  seul 
intérêt  une  religion  aux  hommes,  ont  ou- 
vert la  boîte  de  Pandore,  source  de  tous  les 
malheurs.  En  vérité  les  athées  fout  beaucoup 
d'honneur  à  leurs  prédécesseurs.  Mais  de 
quelles  raisous  ces  fourbes  se  sont-ils  servis 
pour  subjuguer  des  hommes  eucore  sauva- 


ges, tous  jaloux  de  la  liberté  et  de  l'indépen- 
dance, et  pour  leur  metlre  dans  l'esprit  les 
idées  d'un  Dieu  et  d'une  religion  qui  n'y 
étaient  jamais  venues?  Quelle  cause  a  pu  dé- 
terminer tous  ces  sauvages  à  embrasser  la 
mémo  erreur,  si  ce  n'est  la  nature  et  la  rai- 
son ? 

Disons  mieux;  aucun  législateur  no  fut 
athée,  et  aucun  athée  ne  fut  jamais  capable 
d'être  législateur. Celui  qui  aurailétabli  lureli- 
gion  par  pure  poliliqueet  pour  son  seul  intérêt 
particulier  aurait  enseigné,  comme  Hobbes, 
qu'elle  doit  dépendre  absolument  de  la  vo- 
lonté da  législateur,  que  le  souverain  doit  en 
être  le  maître  absolu:  au  contraire,  tous  ont 
supposé  que  c'est  à  Dieu  seul  de  prescrire  le 
culte  qui  lui  est  dû,  et  c'est  pour  cela  que  les 
imposteurs  mêmes,  tels  que  Zoroastre  et 
Mahomet,  se  sont  donnés  pour  inspirés  et 
envoyés  de  Dieu.  Mais  l'imposture  en  fait 
de  religion  n'est  pas  une  preuve  d'athéisme. 
La  conduite  uniforme  et  unanime  de  tous  les 
législateurs  démontre  qu'il  a  été  impossible 
de  fonder  les  lois  et  la  société  civile  sur 
une  autre  base  que  sur  la  religion.  Vous 
bâtiriez  plutôt  une  ville  en  l'air,  dit  Plutar- 
que,  que  d'établir  une  république  sans  Dieu 
et  sans  religion.  Et  puisque  l'homme  n'a 
point  été  destiné  par  la  nature  à  vivre 
sauvage  et  isolé,  il  est  évidemment  né  pour 
être  religieux  ;  à  moins  de  changer  absolu- 
ment la  nature  humaine,  les  athées  ne  vien- 
dront pas  à  bout  de  faire  goiîter  leur  sysièuie 
insensé.  Il  esl  prouvé  par  les  mêmes  raisons 
que  la  religion  ne  fut  jamais  un  effet  de  l'iui- 
poStUTe  des  prêtres,  puisqu'il  est  absurde  de 
supposer  qu'il  y  a  eu  des  prêtres  ou  des  mi- 
nistres de  la  religion,  avant  qu'il  y  eût  une 
religion.  Avant  de  former  des  peuplades,  les 
hommes  ont  eu  du  moins  une  famille,  de  la- 
quelle ils  étaient  maîtres  absolus.  Un  père, 
avant  de  donner  une  religion  à  ses  enfants, 
a  dû  la  recevoir  lui-même  d'ailleurs,  ou  il  a 
été  obligé  da  la  forger.  Quel  motif  a  pu  l'y 
engager,  si  ce  n'est  sa  propre  persuasion  ? 
Au  mot  Paganisme,  nous  avons  fait  voir  que, 
par  une  impulsion  générale  de  la  nature, 
tous  les  hommes  ont  été  portés  à  croire  que 
tout  ce  qui  se  meut  esl  vivant  et  animé  ;  par 
conséquent  à  imaginer  un  esprit  dans  tous 
les  corps  où  ils  voient  du  mouvement.  De 
là  ils  ont  peuplé  l'univers  entier  d'esprits, 
d'intelligences,  de  génies  ou  de  démons  qui 
produisent  tous  les  phénomènes  de  la  nature, 
bons  ou  mauvais.  Comme  ces  phénomènes 
sont  supérieurs  aux  forces  de  l'homme,  et 
que  son  bien-êlreou  son  mal-êlre  en  dépen- 
dent, il  a  conclu  que,  par  des  respects  et 
des  olTrandes,  il  fallait  gagner  l'affection  et 
prévenir  la  colère  de  ces  esprits  plus  puis- 
sants que  lui,  et  qu'il  a  nommés  des  dieux. 
Il  n'a  donc  pas  été  nécessaire  qu'un  impos- 
teur forgeât  des  dieux  et  un  culte  pour  en 
infatuer  les  autres  ,  puisque  ces  notions 
viennent  à  l'esprit  de  l'ignorant  le  plus 
grossier.  Un  père  prévenu  de  ces  idées  les  a 
transmises  naturellement  à  ses  enfants,  sans 
aucune  envie  de  les  tromper;  quand  il  ne 
lus  leur  aurait  pas  enseignées  positivement, 


lOS 


REL 


REL 


(OÔ 


ses  enfants,  en  lui  voyant  pratiquer  un  culte, 
fiiirc  (les  olîrancies,  dos  libations,  des  génu- 
llcxions  devant  le  soleil  ou  la  lune,  devant 
une  pierre  ou  un  tronc  de  bois,  ont  été  por- 
tés à  l'Imiter  :  voilà  une  reli(jion  et  un  sa- 
cerdoce domeslique  institués,  sans  que  l'in- 
Icrél,  la  politique,  l'imposture,  y  soient  en- 
trés pour  rien. 

Lorsque  les  familles  se  sont  rassemblées 
en  une  seule  peuplade,  elles  étaient  déjà 
imbues  de  ces  notions  et  habiluée*  à  un 
cuite  quelconque.  Au  lieu  d'clre  simplement 
domestique,  il  est  devenu  public,  parce  que 
tous  les  usages  sont  communs  dans  une 
même  société.  L'on  a  jugé  que  le  culte  de  la 
divinité  devait  être  confié  à  l'homme  le  plus 
ancien,  le  plus  icspectalile,  et  qui  était  ré- 
puté le  plus  sage;  et  par  la  ruèiae  raison 
l'on  s'en  est  rapporté  à  lui  puur  les  alîaires 
du  gouvernement  ;  de  là  I  uriion  du  saci;r- 
doce  et  de  la  royauti;  chez  Ions  lesancit^iis 
peuples.  Où  est  ici  l'arlifice,  la  fourbi'rio, 
l'inipusture  ?  elle  ne  se  trouve  |)as  où  il  n'eu 
est  pas  besoin.  Que,  pour  maintenir  ou  aug- 
mcîïler  son  autorité,  un  prêtre-roi  ait  dins 
ia  suite  forgé  quelque  fable  ou  quelciue 
superstition  particulière,  cela  est  l.'ès-possi- 
ble  ;  mais  (lue  dans  la  première  oi'i;,Mne  la 
religion  soit  née  de  l'intércl  du  sacerdoce, 
et  non  le  sacerdoce  du  besoin  de  religion, 
c'est  une  absurdité  complète. 

IV.  Les  ennemis  de  la  religion  n'ont  pas 
rouni  d'assurer  qu'elle  est  très-inutile  aux. 
hommes,  et  que  l'on  pourrait  très-bien  s'en 
passer;  nous  soutenons  au  contraire  qu'elle 
est  absolument  nécessaire,  soit  à  l'homine 
considéré  seulcl  relativementà  son  bonheur 
particulier ,  soit  à  la  société  à  laciuelle 
l'homme  est  destine. 

Déjà,  au  mot  Athéisme,  nous  avons  fait 
voir  que  ce  système  affreux,  loin  de  procurer 
le  bonheur  et  le  repos  à  ses  partisans,  les 
remplit  de  trouble,  d'inquiétude,  de  doules 
et  d'idées  noires;  qu'il  ne  leur  laisse  aucun 
motif  solide  d'être  vertueux.  C'est  plus  qu'il 
n'en  faut  pour  prouver  ce  que  nous  avan- 
çons. Ko)/.  Athijisme. 

Une  autre  preuve  est  la  persuasion  dans 
laquelle  sont  la  plupart  des  athées,  que  la 
religion  est  venue  à  l'homme  du  sentiment 
de  ses  peines,  qu'il  a  cherché  une  consola- 
tion eu  imaginant  un  Dieu  qui  peut  le  se- 
courir, et  qui  tôt  ou  lard  le  dédommagera 
de  ses  souffrances.  D'où  il  s'ensuit  que  toute 
consolation,  toute  espérance  est  morte  pour 
les  athées,  el  quelques-uns  ont  été  forcés 
d'en  convenir.  Puisque  tous  les  hommes  sont 
exposés  à  souffrir  sur  la  terre  plus  ou  moins, 
c'est  un  trait  de  démence  de  renoncer  de 
sang-froid  aux  ressources  que  la  raison  nous 
offre,  (^ue  l'on  compare  un  athée  soulTrani, 
avec  un  personnage  tel  que  Job,  rempli  de 
soumission,  de  résignation,  de  conliauce  en 
Dieu,  et  que  l'on  nous  dise  lequel  des  deux 
est  le  plus  à  craindre. 

Dès  que  je  suis  convaincu  que  Dieu  a  créé 

le  monde,   je  conçois  que  sou   pouvoir  est 

infini  ;  avec  ce  pouvoir  il  n'a  besoin  de  rien  ; 

il  n'a  donc  pas  produit  les  êtres  seusibles 

DiCT.  DE  Théol.  uoguatique.  IV, 


pour  son  bonheur,  mais  pour  le  leur.  S'il  ne 
leur  accorde  pas  un  plus  haut  degré  de  bien- 
être  ,  ce  n'est  ni  par  impuissance  ni  par 
malice,  mais  pour  des  raisons  sages,  des- 
(|uelles  il  n'est  pas  obligé  de  me  rendre 
compte.  Dès  lors  je  comprends  que  toutes 
les  objections  el  les  plaintes  des  athé>'S 
contre  le  mal  physique  cl  moral  (ju'il  y  a 
dans  le  monde  sont  absurdes,  elles  ne  m'in- 
quiètent plus.  Si  je  suis  malheurrux  moi- 
même,  c'est-à-dire  moins  heureux  ([ue  je  ne 
voudrais  l'être,  je  me  persua<le  que  Dieu, 
qui  n'est  ni  injuste,  ni  cruel,  ni  insensé,  le 
veut  ainsi  pour  le  mieux  ;  qu'il  liut  répri- 
mer mes  désirs,  supporter  mes  peines,  es- 
pérej  un  meilleur  avenir,  du  moins  après 
celle  vie.  Un  athée  ne  sait  ()as  si  d.ms  quel- 
ques moments  l'univers  ne  retombera  pas 
dans  le  chaos,  si  les  hommes  ne  deviendront 
pas  tout  à  coup  des  monstres  de  me  lianceié, 
si  lui-même  ne  se  trouvera  lias  au  rornlile 
du  malheur,  l'our  moi  qui  crois  uui-  Provi- 
dence, je  compte  sur  la  perp  luiié  de  l'ordre 
physique  qu'elle  a  établi,  encori;  plus  sur  la 
conslancc  de  l'ordre  moral  dont  Dieu  est 
l'auteur.  La  loi  et  les  princiiies  de  justice, 
les  sentiments  de  bienveillance  genérab;  que 
je  sens  gravés  dans  mon  cœur,  sont  les 
mêmes  dans  tous  les  hommes  ;  c'est  le  gage 
d'une  sûreté  et  d'une  confiance  mutuelle. 
Dès  que  je  connais  des  hommes  qui  croient 
aussi  bien  que  moi  un  Dieu  juste,  une  loi 
naturelle,  une  autre  vie,  je  ne  cours  ,iucun 
risque  de  m'associcr  avec  eux  :  au  milieu 
d'une  société  d'athées,  sur  quoi  pourrais  je 
fonder  ma  confiance  ?  Nous  persistons  à 
soutenir  contre  eux  qu'il  est  impossible  de 
fonder  la  société  humaine  sur  une  autre 
base  solide  que  la  religion;  et  déjà  ils  l'ont 
suffisamment  avoué,  en  supposant  que  la 
religion  a  été  une  invention  de  la  politique 
des  législateurs,  parce  qu'ils  en  ont  senti 
le  besoin  pour  réunir  pardes  lois  les  hommes 
en  société.  En  effet,  si  l'on  en  excepte  Con- 
fucius,  philosophe  moraliste  plutôt  que  lé- 
gislateur, on  ne  trouvera  pas  un  seul  des 
anciens  sages  qui  n'ait  regardé  la  volonté  de 
Dieu,  législateur  suprême,  comme  le  seul  et 
unique  fondement  de  toutes  les  lois  et  de 
tous  les  devoirs  de  l'homme.  Aux  mots  Loi  et 
Morale,  nous  avons  fait  voir  que  l'on  ne 
peut  pas  les  concevoir  autrement. 

Pour  le  démontrer  de  nou\eau,  nous  n'a- 
vons besoin  que  d'exposer  le  système  des 
athées  sur  le  fondement  de  la  société.  Con- 
sidérant l'homme  comme  sorti  lortuilemcnt 
du  sein  de  la  terre,  ils  disent  que  par  sa  na- 
ture il  n'a  aucun  droit  ni  aucun  devoir  à 
l'égard  de  son  semblable,  que  chacun  a  droit 
à  tout  ce  dont  il  peut  s'emparer  par  force; 
mais  comme  cet  état  n'est  pas  avantageux 
aux  hommes,  ils  ont  seiui  qu'il  était  mieux 
pour  eux  de  vivre  en  société,  et  ils  y  ont 
consenti;  ils  sont  convenus  d'établir  des 
règles  de  justice  et  d'équilé,  des  lois  de  pro- 
priété et  de  subordination,  auxquelles  ils  se 
sont  librement  soumis,  .\insi  la  société  est 
fondée  sur  celte  convention,  et  c'est  ce  que 
l'oa  appelle  le  pacte  ou  contrat  social.  Uien 


BEL 


101  KKL 

de  plos  frivole  que  celte  lheoric.-l°  Comme 
il  est  absurde  d'imaginer  que  1  liomme  est 
né  par  hasard,  il  est  évidemment  la  produc- 
tion d'une  cause  intelligente,  puissante  et 
sa°-e    puisque  sa  constitution  est  un  cliel- 
d'œuvre  d'industrie.  C'est  donc  celle  même 
cause  que  nous  appelons    Dieu,   qui  a  hit 
Ihorame  de  manière  qu'il  lui   est  plus  avan- 
tageux de  vivre  en  société,  que  de  vivre  seul 
et  sans  relation  avec  ses  semblables  ;  donc 
Dieu,  en  créant  l'homme,  l'a  destiné  à  vivre 
en  société.   Or,  il  n'a  pas  pu  le  destiner  à 
cet  état,  sans  lui  imposer  les  devoirs  et  les 
obligations  sans  lesquels  la  société  ne  pour- 
rait pas  subsister,  puisqu'il  n'a  pas  pu  vou- 
loir la  Gn  sans    vouloir  les  moyens.   Donc 
c'est  celle  même  volonté  du  créateur  qui  est 
la  loi   primitive  et  fondamentale,  la  loi  na- 
turelle, à  laquelle  l'homuie  est  soumis  en 
naissant,  qui  prévient  toute  convention  libre 
de  sa  part,  qui  lui  assure  des  droits,  pour- 
voit à  sa   sûreté  et  à  son  bien-êlre,  avant 
qu'il  soit  capable  de  les  connaître,  qui  oblige 
ses  semblables  à  l'aimer,   à  le  conserver,  a 
ne  point   !;.i    nuire,  parce   qu'il  est  homme. 
—  2°  Quelle  force  pourrait  avoir  une  con- 
vention faite   entre   plusieurs  hommes  mu- 
tuellement indépendants ,  s'il   n'y  avait  p£is 
une  loi  antérieure  qui  oblige  chaque  parti- 
culier à  garder  sa  parole,  à  exécuter  lidèle- 
ment  ses  conventions?  U  est  absurde  qu'un 
homme  s'oblige  ou  se  force  lui-même,  que  sa 
volonté  s'impose   une  loi;  la   même  c.use 
qui  aurait  créé  la  loi  et  l'obligation,  pourrait 
la  rompre  quand  il  lui  plairait.  Le  mot  loi, 
ou  lien  de  volonté,  exprime   un   maître,  un 
pouvoir   supirieur  à   celui  qui  est  lié,  con- 
traint ou  oblige.  Ainsi,  malgré  le  pacte  so- 
cial,  tout  particulier  demeurerait  maître  de 
sou    obligation,    il   ne    pourrait   donc   êlre 
contraint  que  par  la  force;  or,  la  force  des 
autres    ne    nous    impose   aucun    devoir    de 
conscience  ;  si   nous    pouvons  nous  y  sous- 
traire ou  y  résister,  cela   nous  est  permis, 
à  moins  qu'une   loi   suprême   ne   nous  or- 
donne d'y  obéir.  Donc,  sans  la  loi  divine,  le 
pacte  soci.U  ne  peul  rien  opérer.  —  3°  Quand 
il    pourrait  obliger  celui  qtsi  l'a  fait,  il  n'o- 
bligerait pas  ceux  qui  n'y   ont  point  eu  de 
liart,  CPU»:  qui  n'claienl  pas  encore  nés.  Dès 
que    l'homme   esl  supposé  indépendant  par 
nature,  qui  a  droit  de  contracter  pour  lui? 
personne.    Un  père   n'a   pas  plus  d'autorité 
d'obliger  ses   entants,    que   les  enfants  n'en 
ont    de    contraindre    leur   père.    Un   enfant 
naissant  ne  doit   rien  à  la  société,  puisqu'il 
«'a  p.is  conlraclé  avec  elle,  et  la  société  ne 
lui  doit  rien,  elle   peul  le  laisser  périr  ou 
réloulTer  sans    violer  aucun  devoir.    Exé- 
crable conséquence,  qui  devrait  laire  rougir 
les  alhées.  —  t*°  Dans  cet  étal  de  choses,  il 
n'y  a  point  de  vertus,  sinon  ce  que   les  lois 
civiles  commandent,  point  de  vices  que  ce 
qu'elles  défendent;  les  coutumes, les  usages, 
les  habitudes  des   peuples  les  plus  b.irbares 
sont  légitimes,  dès  que  leur  société  les  ap- 
prouve. U  esl  aussi  beau  de  tuer  ses  enfants 
pour  Si  11  débarrasser  que  de  les  nourrir, 
aussi  louable  de  manger  de  la  chair  humaine 


BEI 


108 


que  de  vivre  de  fruits  ou  de  légumes,  aussi 
conforme  à  la  raison  d'imiter  les  brutes  que 
de   suivre  les  mœurs  des  peuples   policés. 
Dès  qu'il  n'y  a  point  d'antres  lois  que  celles 
de  la  société,  rien  ne  l'oblif^e  à  faire  telle  loi 
plutôt  que  la  loi  contraire.  —  5"  Dans  celte 
même  hypothèse  l'homme  ne  peut  être  en- 
gagé à  observer  les  lois  que  par  son  intérêt 
présent;  si  son  intérêt  s'y  oppose,  s'il  peut 
violer   une  loi  sans  courir  aucun   danger, 
s'il  est   assez   rusé  pour  s'y  soustraire,  ou 
assez  fort  poury  résister,  il  en  est  le  maître, 
«a  conscience   ne   peut  pas  le  condamner. 
Puisque  c'est  l'intérêt   seul   qui    a  dicté  le 
contrat  social,  l'intérêt  seul  peut  autoriser 
aussi  un  homme  à  le  violer.  —  0°  Supposons 
môme  qu'un  membre  de  la  société,  en  vio- 
lant une   loi,  ait   agi  contre  son  intérêt,  on 
pourra  dire  qu'il  esl  insensé,  mais  non  qu'il 
est  criminel.  Dans  l'hypothèse  d'une  loi  di- 
vine et  naturelle,  il  y  a  des  circonstances  où 
c'est  un  acte  de  vertu  héroïque  de  sacrilor 
notre  intérêt,  de   rononcor  à   ce   qui    nous 
tlatte  le  plus,  de  nous  faire  violence  à  nous- 
mêmes,  de  résister  à  la  sensibilité  physique, 
de  renoncer  même  à  li  vie.  Suivant  les  prin- 
cipes des  athées,  ce  seraient  là  au'anl  d'actes 
de   déuience  contr'ires    à    l'humanité.    On 
peut  pousser  à  l'infini  les  conséquences  ré- 
vollnnles  de  leur  système. 


Pour  prouver  que  la  reliqion  est  inutile, 
,,s  n'ont  qu'une  seule  objection,  c'est  que  la 
re^îV/ion  n'empêche  et  ne  prévient  pas  tousles 
crimes,  et  que  l'on  peul  en  reprocher  à  ceux 
mêmes   qui  ont  ou   qui  paraissent  avoir  le 
pins   de  religion.  Conséquerament    ils    font 
l'étalage  de    tous  les  désordres  qui  régnent 
chez  les  nations  chrétiennes,  aussi  bien  que 
choz  les   nations  infidèles;  les    mœurs,    di- 
sent-ils, ne  pourraient  pas  être  plus  mau- 
vaises, quand  tous  les  peuples  seraient  in- 
crédules et  athées.  Mais  il  y  a  bien  peu  de 
réflexion  dans  celle  manière  de  raisonner. 
En  premier  lieu,  lorsqu'un  homme  religieux 
pè"he  grièvement,  il   résiste  non-seulement 
;i  (ont  les  motifs  par  lesquels  la  religion  l'en 
détourne,  mais    encore  à   tous   cpu\  que   II 
raison  peul  suggérer,  tels  que  l'intérêt  bien 
entendu,  l'amour  bien  réglé  de  soi-même,  le 
désir  de   l'estime    d'autrui  ,  la    crainte  du 
blâme,  etc.  Les  athées  soutiennent  que  ces 
derniers    motifs    suffisent  sans   la   religion, 
pour  rendre   les  liommes   verlui  ux  ;  cepen- 
dant ils  ne  suffisent  pas  plus   que  les  molifs 
de  religion  pour  détourner  un  chrétien  du 
crime,  puisqu'il  les  surmonte  tous  à  la  fois. 
Si  donc  il  s'ensuit  que  la  religion  esl  inutile, 
il    faut    en    conclure  aussi   l'inutilité  de   la 
rai-^on.dc  1-n  consfience,  de  l'éducition,  des 
lois,  des    réco'openses   et    dos  peines,   etc. 
L'argument  des  athées  retombe  de  tout  sou 
poids  sur  leur  propre  système.  Par  une  su- 
percherie   grossière  ils  supposent  que   la 
religion  étouffe  dans  un   croyant   les  tnpiifs 
naturels  par  lesquels  la  raison  nous  porte   à 
la  vertu   ei    nous  délourne  du  crime  ;  c'est 
une  fausseté  :  la  religionnc.  réprouve  aucun 
de  ces  molifs  lorsqu'ils  sont  bien  réglés  ;  ils 
sont  doni'  tout  aussi  puissants  sur  le  cœur 


109 


REL 


REL 


440 


d'un  croyanl  que  sur  celui  d'un  alliée  ;  nous 
l'avons  prouvé  ailleurs.  Voy.  Mohale.  Ils 
doivent  lucmé  agir  plus  puissanmn  nt  sur  le 
premier  ,  puisqu'ils  sont  renforcés  par  les 
motifs  de  la  r clir/ ion  ;c  est  une  absurdité  de 
soutenir  l'inutilité  des  uns  plutôt  que  celle 
des  autres. 

I'!n  second  lieu,  riiomnie  doué  de  réflexion 
cl  de  liberté,  mais  sujet  à  mille  passions  dif- 
férentes, n'est  pas  fait  pour  agir  par  force, 
p.iur  être  contraint  comme  les  animaux, 
pour  tenir  comme  eux  une  conduite  uni- 
forme; il  est  inconstant  par  nature,  par  (  on- 
séquenl  capable  de  passer  souvent  de  la  ver- 
tu au  vice,  et  du  vice  à  la  vertu.  Plus  il  a  de 
tentatiDus  et  d'oceasions  de  chute,  plus  il 
a  besoin  de  motifs  divers  pour  s'en  préser- 
ver; loin  de  lui  ôter  ceux  de  l;t  religion  ou 
ceux  do  la  raison,  il  fauirait  en  imaginer 
encore  d'autres  s'il  était  possible.  Autrefois, 
en  raisoonant  comme  les  alliées  d'aujour- 
d'hui, les  épicuriens  s'efforçaient  de  prouver 
l'iiiulililé  de  la  raison  dans  l'homme,  puis- 
qu'elle ne  le  guérit  ni  de  ses  passions  ni  de 
ses  vices,  ils  soutenaient  qu'il  serait  mieux 
pour  lui  d'être  né  semblable  aux  animaux. 

V.  La  haine  aveugle  des  incrédules  contre 
toute  religion  les  a  p:)rlés  <i  faire  tous  leurs 
efforts  pour  prouver  que  c'est  un  préjugé 
pernicieux  à  l'humanité,  qu'il  a  été,  qu'il 
est  et  qu'il  sera  toujours  la  principale  cause 
des  maux  et  des  crimes  du  genre  humain. 
Les  invectives  sanglantes  qu'ils  se  sont  per- 
mises à  ce  sujet  dévoileut  toute  la  malignité 
de  leur  cœur. 

1°  Ils  disent  que  la  religion  tourmente 
l'homme  par  les  frayeurs  continuelles  d'un 
supplice  éternel  et  de  la  justice  inexorable 
d'un  Dieu  toujours  irrité;  que  cette  perspec- 
tive le  rend  peureux  et  lâche,  l'occupe  tout 
eniier  des  choses  de  l'autre  vie  cl  lui  fait  né- 
gliger les  intérêts  de  celle-ci.  Nous  leur  ré- 
pondons que  si  les  hommes  n'avaient  rien  à 
craindre,  ni  dans  ce  monJo  ni  da:'is  l'autre, 
lin  grand  nombre  seraient  des  malfaiteurs 
Irès-redoulablesj  avec  lesquels  il  serait  im- 
possible de  vivre  en  société;  que  si  la  vertu 
n'avait  rien  à  espérer  dans  l'autre  vie,  à 
peine  se  trouverait-il  quelques  âmes  assez 
courageuses  pour  la  praliijuer;  suivant  l'ex- 
pression de  saint  Paul,  les  saints  seraient  les 
plus  malheureux  de  tous  les  hommes.  Nous 
ne  douions  pas  que  les  incrédules  ne  soient 
souvent  elTrayés  et  no  tremblent  en  pensant 
à  la  justice  de  Dieu  et  aux  supplices  éteruels, 
puisqu'ils  n'ont  aucune  certitude  que  ce 
soient  là  des  fables;  cela  pruuve  que  leur 
conscience  n'est  pas  nette  :  mais  ils  ont  tort 
d'attribuer  la  même  inquiétude  aux  hommes 
sincèrement  religieux  ;  ceux-ri  savent  que 
Dieu  est  miséricordieux  aussi  bien  que  juste, 
et  quc'l'enfer  n'est  destiné  qu'aux  méchants. 
En  effet,  la  vraie  religion,  loir,  de  nous  pein- 
dre Dieu  comme  toujours  irrite,  le  repré- 
sente comme  toujours  apaisé  par  le  repentir 
des  pécheurs,  qu'il  les  recherche,  qu'il  les 
invite,  qu'il  ne  les  punit  que  pour  les  ame- 
ner à  la  pénitence.  Vo)/.  MisÉuiconoE  de 
DiEL.  Nous  voudrions  que  nos  adversaires 


citassent,  parmi  ceux  qui  n'ont  aucune  reli- 
gion, des  hommes  aussi  courageux,  aussi 
intrépides,  aussi  zélés  pour  le  bien  public, 
e!  qui  aient  rendu  autant  de  services  au 
genre  humain  que  l'ont  lait  les  saints  par 
pur  motif  de  religion.  Suivant  le  témoignage 
de  toute  l'antiquité,  les  épicuriens,  les  scep- 
tiques, les  pyrrhoniens  furent  les  plus  inu- 
tiles et  les  plus  ineptes  de  tous  les  hommes. 
Parfaits  modèles  de  ceux  d'aujourd'hui,  ils 
n'étaient  bons  qu'à  déprimer  la  vertu  et  à 
tourner  en  ridicule  le  zèle  du  bien  public. 
La  religion  nous  apprend  que  le  moyen  le 
plus  sîjr  d'assurer  notre  bonheur  éternel  est 
de  nous  consacrer  en  ce  monde  au  service 
de  nos  frères. 

2°  Ils  prétendent  que  la  religion  divise  les 
hommes,  cause  des  haines  nationales,  arme 
les  peuples  l'un  contre  l'autre,  etc.  Nous 
soutenons  que  cela  e.st  faux.  Les  peuples 
sauvages,  qui  ont  à  peine  quelques  notions 
religieuses,  sont  plus  divisés  entre  eux  et 
plus  acharnés  à  s'entre- détruire  que  les  na- 
tions policées  et  adoucies  par  la  religion. 
Pendant  que  toutes  étaient  prévenues  des 
mêmes  erreurs,  toutes  polythéistes  et  ido- 
lâtres, elles  se  sont  fait  la  guerre  avec  plus 
d'obstination  et  de  cruauté  qu'aujourd'hui. 
La  vraie  cause  des  haines  nationales  est  dans 
les  passions  des  hommes,  l'orgueil,  la  jalou- 
sie, une  ambition  insatiable,  la  manie  des 
conquêtes,  l'intérêt  du  commerce,  etc.;  c'est 
ce  qui  les  mettait  aux  prises,  lorsque  Jésus- 
Christ  est  venu  leur  prêcher  la  paix  et  la 
charité  fraternelle,  les  réunir  dans  son  Eglise, 
comme  des  brebis  dans  iin  seid  bercail  sous 
un  même  pasteur.  De  quel  front  peut-on  sou- 
tenir ()ue  celte  religion  sainte  tend  à  les  di- 
viser? Si  malgré  sa  morale  douce  et  pacifi- 
que, les  nations,  même  chrétiennes,  se  font 
encore  la  guerre,  cela  prouve  (|ue  leurs  pas- 
sicms  sont  incurables  ;  et'cc  n'est  certaine- 
ment pas  l'athéisme  qui  les  guérirait.  Nous 
convenons  que  la  religion  dos  Juifs  tendait 
à  les  séparer  des  autres  nations,  parce  que 
celles-ci  étaient  parvenues  au  plus  haut  de- 
gré d'aveuglement  et  de  connpiion.  .Mais  les 
p"uples  contre  lesquels  ils  ont  eu  des  guer- 
res à  soutenir  n'étaient  pas  mieux  d'accord 
entre  eux  qu'avec  les  Juifs.  Depuis  l'expul- 
sion des  Chananécns,  la  loi  do  Moïse  n'a  ja- 
mais ordonné  aux  Juifs  d'aller  troubler  le 
repos  de  leurs  voisins.  La  haine  que  les  na- 
tions païennes  avaient  conçue  contre  eux 
venait  d'une  aveugle  prévention,  et  non 
d'aucun  sujet  de  plainte  que  les  Juifs  leur 
eussent  donné. 

3"  L'on  objecte  que  la  religion  favorise  le 
despotisme  des  princes  et  commande  l'escla- 
vage aux  peuples.  \  l'article  Despotismk, 
nous  avons  fait  voir  la  f  lusseté  de  cette  ca- 
lomnie. Elle  ne  prouve  rien,  sinon  la  haina 
des  incrédules  contre  toute  espèce  d'autorité 
aussi  bien  que  contre  la  religion. 

k'  Nos  censeurs   atrabilaires  ont    fouillé 
dans  toutes  les  histoires  pour.rassemhler  les 
crimes  (jue  le  zèle  de  religion  a   fait  com- 
mettre. .\u  mot  ZiiLE  UE  RELIGION,    nous  fe 
roiis  voir  que  plusieurs  de  ces  crimes  uré- 


lendus  élaioiit  des  actions  légilimes,  que  les 
autres  onl  élé  suggérés  par  des  passions  im- 
périeuses el  non  par  amour  de  \a  religion. 

Religion  natubelle.  De  nos  jours  on  a 
fait  un  éir.ingc  abus  de  ce  terme.  LfS  déistes 
soutiennent  que  l'on  m'  doit  admettre  au- 
cune religion  rèvéiée;  que  toutes  les  révé- 
lation- sont  fausse-,  qu'il  faut  s'en  len:r  à 
l;i  rdiqion  «a(urf//6.  Pour  expliiiuer  ce  qu'ils 
enleidcnl  p;ir  là,  ils  disent  que  la  nitijion 
iiiilnreUe  est  le  '  ulle  que  la  raison,  laissée 
à  elle-iuèine  el  à  ses  propres  lumières,  nous 
appren  I  qu'il  faut  ren  ire  a  Dieu.  Déjà  aux 
niii's  DiiisMi-  et  Raison,  uous  avons  lait 
voir  que  celte  oélinilion  est  captieuse  el 
fausse  (1). 

(i)  Nous  en  nvons  vu  d'aulres  qui  rejH.tleiU  loiile 
idi  e  lie  religion  naiiirelie.  Nous  cioyniis  qu'il-  n'y 
a  qu'une  spi  le  religion  qui  est  loiit  à  la  fois  natu- 
relle el  lé  éi  'e.  i  Kl!e  est  naUirelle,  dit  Bergur,  eu 
ce  qi  elle  es;  cMiiloiiie  aux  lie-oi.is  de  riiuiiianiié. 
à  la  iiainiei.e  Deu  et  h  la  uamie  de  l'Iioimne;  el 
que,  lorsque  ii'ius  eu  s  .uiiiiis  instruite,  nous  poii- 
vnns,  par  les  l.nnièies  de  la  rai-ou,  en  sentir  el  en 
déiiioiurer  li  vériié.  Mas  elle  n'est  puint  naturelle 
d:ius  ce  sens,  qu'aucun  lunnine  soit  parvenu  par  ses 
propres  recher.  lies  à  eu  lié  couvrir  tous  les  dogmes 
el  tous  le-  piéeeiiies,  el  à  les  professer  dans  leur 
piiielé.  l'ersoiini- ne  l'a  connue  que  ceux  qui  l'ont 
reçue  par  tradiiiuii.  Le  seul  moyeu  d'estimer  ce 
que  riiHinine  peiil  faire,  esl  d'examiner  ce  qu'il  a 
lait  dins  tous  les  lieux,  dans  toutes  les  circonstan- 
ces où  il  s  esl  trouvé. 

I  Autre  I  luise  esl  de  découvrir  une  vérité  par  la 
seule  rélleKioii,  autre  chose  de  se  la  démontrer  lors- 
qu'elle est  connue.  Les  déistes  aCfecteiil  île  confondre 
ces  deux  ma  lières,  c'est  un  parai. igisme;  les  pliilo- 
soplies  anciens  et  modernes  ont  su  eu  laire  la  dis- 
tinction. > 

I  Dès  qu'une  chose  nous  esl  connue,  dit  Locke, 
elle  ne  nous  parant  plus  diilicile  à  comprendre,  et 
nous  croyons  que  nous  lauiions découverte  par  nous- 
mêmes  sans  le  secouis  de  personne;  nous  nous  en 
mettons  en  posse-siun  comme  d'un  bien  qui  nous  est 
propre,  quunpie  nous  ne  l'ayons  pas  acquis  par 
notre  propre  industrie....  Il  y  a  quantité  de  choses 
dont  la  croyance  nous  a  élé  ineuli|uée  dés  le  berceau, 
de  sorte  que  les  idées  nous  en  étant  devenues  fami- 
lières et  pour  ainsi  dire  naturelles  sous  rtv.mgile, 
nous  les  regardons  comme  des  vérités  qu'il  e-t 
aisé  devoir  et  de  prouver  jusqu'à  la  dernière  évi- 
dence, sans  considérer  que  nous  aurions  pu  en  dou- 
ter ou  les  ignorer  pendant  long-lenips,  si  la  révéla- 
lion  n'en  eut  rien  dil.  Ainsi,  plusieurs  sont  redevables 
à  la  révélation  sans  s'en  apercevoir.  >  (Chrisl.  rais., 
l.  I,  c.  1  i.  pag.  '■'•U.) 

Cicéron  a  eu  la  môme  pensée  sur  un  autre  objet. 
<  Il  n'y  a  point,  dit-il,  d'espril  assez  pénétrani  pour 
découvrir  par  lui-inéme  des  vérités  aussi  subliincs, 
si  on  ne  les  lui  montre  pas;  et  cependant  elles  ne 
sont  pas  asseT  obscures  pour  qu'un  bon  esprit  ne  les 
comprenne  parl.iiteuient  lorsqu'on  les  lui  monlie.  » 
(De  Oral.,  I.  m,  c.  51.) 

(  Les  l,\re^  d'tuclide  et  les  principes  de  Newton, 
dil  un  déiste  anglais,  coniieunent  sans  doute  des 
vérités  naturelles  el 'évidentes  ;  cependant  il  n'y  a 
qu'un  insensé  qui  ose  prétendre  que,  sans  ces  livres, 
il  aurait  tout  aussi  bien  découvert  les  vérités  ipi'ils 
runlenneiii,  et  que  nuus  n'avons  aucune  ubàgitioii 
à  leurs  auteurs.  Ainsi  les  leçons  de  Jésus-Clirlst 
nous  par;iifseiil  des  vérités  très-naturelles  el  trés- 
raisoniubles,  di'puis  (|u"il  les  a  placées  sous  nis  yeux 
dans  le  plus  grand  jour,  et  lorsque  nous  voulons  les 
«xàminer  avec  une  raison  dégagée  de  pi  éjugés.  Ccpcu- 


REL 


112 


En  effel,  par  la  raison  laissée  à  elle-même, 
ou  l'on  entend  la  raison  d'un  sauvage  élevé 
dans  les  furêls  parmi  les  animaux,  qui  n'a 
reçu  ni  leçons  ni  éducation  de  personne  ; 
dans  ce  sens,  nous  demandons  quelle  espèce 
de  religio  1  peut  forger  celte  brûle  à  ûgure 
liumaine  :  ou  l'on  veut  parler  de  la  i.iisoii 
d'un  ignorant  né  dans  le  seii»  du  p.iganisine; 
nlors  nous  soutenons  qu'il  jugera  que  la  re- 
ligion pai  nue  esl  la  plus  naturelle  el  la 
plus  raisonnable.  Ainsi  eu  onl  jugé  Its  phi- 
losophes mêmes  donl  la  raison  était  d'à, Heurs 
la  plus  cultivée  el  la  plus  éclairée.  Lorsqu'on 
leur  a  prêché  le  culte  d'un  seul  l^ieu,  pur 
esprit  et  créateur,  ils  ont  décidé  que  cette 
religion  élail  fausse  el  coniraire  à  la  rai- 
son. 

Si  l'on  entend  la  raison  d  un  philosophe 
élevé  et  instruit  dans  le  christianisme,  c'est 
une  absurdité  de  dire  que  sa  raison  a  été 
lai.fsée  à  elle-même  et  à  ses  propres  lumières, 
puisque  dès  l'enfance  elle  a  été  éclairée  par 
les  leçons  de  la  révélation  :  il  n'est  pas  moins 
ridicule  de  noiiMier  reliyion  naturelle  les 
dogmes  et  le  culte  qu'un  philosophe  ainsi 
instruit  trouvera  bon  d'adopter.  Il  est  donc 
évident  que  la  prétendue  relifjion  naturelle 
des  dcisles  est  une  chimère  qui  n'a  jamais 
existé  que  dans  leur  cerveau. 

Appellera-l-on  religion  naturelle  celle 
dont  tous  les  dogmes  et  les  préceptes  sont 
démontrables.  Nous  n'en  serons  pas  plus 
avancés.  Ce  qui  est  démontrable  à  un  philo- 
sophe ne  l'esl  pas  à  un  ignoranl  ;  le  (jogme 
de  la  création  que  nous  démontrons  très- 
bien,  grâce  à  la  révélation,  a  paru  faux  cl 
impossible  à  tous  les  anciens  philosophes. 
Faut-il  donc  bannir  du  langage  théologique 
le  nom  de  religion  naturelle?  Non  sans  dou- 
te, mais  il  faut  en  fixer  le  sens  el  en  écar- 
ter l'abus.  On  peut  très-bien  appeler  aii 
la  religion  primitive  que  Dieu  a  prescril 
à  notre  premier  père  el  aux  patriarch.  , 
ses  descendants,  puisqu'elle  était  Irès-coi- 
forme  à  la  nature  de  Dieu  el  à  la  nature  lU' 
l'homme,  dans  les  circonstances  où  l'hutna 
nité   se  trouvait  pour  lors.   Mais  elle  étuil 

dant  le  peuple  n'en  avait  jamais  ouï  parler  aupara- 
vant, et  il  n'en  aurait  jamais  lieu  su  sans  le  secours 
de  ce  Maître  divin.  i(Morgaii,  Moral  philosopher,, 
toiii  1,  p.  lU.) 

L'auteur  des  Pensées  sur  l'interprétation  de  la  na- 
ture, a  fait  à  peu  près  la  iiiéiiie  observation. 
(!S.  .'18,  p.  9"2.)  Bayle  la  confirme.  (Contin.  des  pen- 
sées div.,  §.il,  (lag.  216.) 

f  Vainement  les  déistes  disent  que  les  devoirs  de 
la  religion  naturelle  sont  fondés  sur  des  relations 
esseiuielles  entre  Dieu  et  nous,  entre  nous  el  nos 
serabl.ibles,  et  qu'ils  sont  gravés  dans  le  cœur  de 
tous  les  bouiiues.  Si  l'éducation,  les  leçons  de  nos 
mailles,  l'exemple  de  nos  concitoyens  ne  nous  ac- 
coutuinent  point  à  eu  lire  les  caraciéies,  c'est  un 
livre  fermé  pour  nous.  Une  exi  érieiice  générale,  et 
qui  date  de  six  mille  ans,  doit  nous  convaincre  que 
la  raison  bnmaine,  privée  du  secours  de  la  réveia- 
liou,  n'est  qu'un  aveugle  qui  marche  à  tatous  dans 
le  plus  grand  jour.  >  [Traité  de  la  Hetigion,  loin.  1, 
pag.  78,  édit.  de  Besançon,  an  18-20.)  Voyeî  aussi 
les  articles  Ccrtituue,  Eviue.sce,  Koi,  Langage, 
Loi  HAUJBliLLE,  MÉTAPHYSiaUE,  PUILOSOPUIE,  ClC. 


J13 


REL 


REL 


111 


surnaturelle  dans  un  autrn  sens,  puisqu'elle 
<''!,nt  révélée,  et  sans  celte  révélation,  les 
liomnu'S  n'auraient  pa^  été  capables  de  l'in- 
venter; nous  le  prouverons  dans  un 
moment. 

L'Ecriture  sainte  nous  a  conservé  le  sym- 
bole, les  pralii|ues,  la  morale  de  cetle  reli- 
gion ;  Joh  les  enseigne  formellement  dans 
son  livre,  et  Moïse  suppose  ce  catérhisnio 
dans  les  siens.  Les  palriarclies  ont  cru  que 
Dieu  est  pur  esprit,  seul  créateur,  seul  gou- 
verneur du  monde,  et  souverain  législateur; 
que  l'homme  créé  à  l'image  de  Dieu  a  une 
âme  spirituelle,  libre  et  iainiortelle  ;  qu'a- 
près cette  vie  il  y  aura  un  bonheur  éternel 
destiné  à  récompenser  les  justes,  et  des  sup- 
plices éternels  pour  punir  les  méchants  ; 
mais  ils  ont  cru  aussi  la  chute  de  l'homme 
et  la  venue  future  d'un  médiateur.  Moïse  n'a 
fait  que  répéter  aux  Juifs  la  croyance  de 
leurs  pères,  et  Jésus-Christ  en  a  confirmé 
tous  les  articles  dans  son  Rvaitgile.  Au  mot 
CiiLTP.  nous  avons  fait  voir  en  quoi  consis- 
tait celui  (les  premiers  hommes,  ei  indépen- 
d;imment  de  la  morale  prescrite  dans  le  déca- 
logue  et  dans  les  écrits  de  Joh,  les  patriar- 
ches l'ont  enseigné  par  leurs  exemples  au- 
tant que  par  les  leçons  qu'ils  ont  faites  à 
leurs  enfanis.  On  ne  voit  parmi  eux  ni  le 
polythéisme  absurde,  ni  l'idolâtrie  grossière, 
ni  les  usages  barbares,  ni  les  désordres  hon- 
teux qui  ont  régné  chez  tous  les  peuples  du 
inonde.  Si  donc  ces  anciens  justes  ont  sui- 
vi le  clictnmen  de  la  raison  ,  c'est  qu'ils 
étaient  éclairés  par  une  lumière  supérieure 
et  conduits  par  les  leçons  An  Dieu  même.  Le 
fait  de  la  révélation  primitive  est  prouvé 
d'ailleurs  :  1'  Par  Ihistoire  sainte,  qui  nous 
rcprcsi-nte  Dieu  conversant  avec  Adam,  avec 
Abel  et  Caïn,  avec  Noé  el  sa  famille,  et  les 
insln.iîant  comme  un  père  insiruil  ses  en- 
fants. Il  accorde  la  même  faveur  au  patriar- 
che Abraham,  à  Isaac  et  à  Jacob.  Les  in- 
crédules n'ont  aucune  raison  solide  de  nier 
on  de  révoquer  en  doute  ce  fait  important. 
La  tradition  s'en  est  conservée  chez  la  plu- 
part des  peuples  ;  ils  ont  été  persuadés  que 
dès  l'enfance  du  monde  les  dieux  avaient 
conversé  avec  les  hommes. — 2"  les  monu- 
ments de  l'histoire  profane  s'accordent  avec 
les  écrivains  sacrés  pour  nous  apprendre  que 
la  première  religion  de  tous  les  peuples  an- 
ciens a  été  le  culte  d'un  seul  Dieu,  mais 
qu'insensiblement  ils  sont  tombés  tous  dans 
le  polythéisme  et  l'idolâtrie.  Voy.  Pagams- 
MK,  §  2  el  3.  Si  la  religion  primitive  avait  été 
l'ouvrage  de  la  raison,  comment  anrail-elle 
pu  se  corrompre  par  le  raisonnement'?  Elle 
î'urail  suivi  sans  doute  la  marche  naturelle 
des  connaissances  humaines  ;  elle  serait  de- 
venue plus  pure,  plus  ferme,  plus  uniforme, 
à  mesure  que  la  raison  aurait  fait  des  pro- 
pres :  tout  au  contraire,  les  peuples  qui  se 
sont  le  plus  avancés  dans  les  autres  scien- 
ces ont  paru  les  pins  aveugles  et  les  plus 
Stupides  en  f.iit  de  religion.  Les  Ch  ildéciis, 
les  Egyptiens,  les  Grecs,  les  Romains,  n'ont 
pas  mieux  pensé  sur  ce  point  que  les  na- 
tions les  plus  barbares.— 3* Les  incrédules, 


frappés  de  co  phénomène,  ont  imaginé  que 
le  îiaga:)i«i>ie  ,  avec  ses  superstitions,  était 
l'ouvrage  de  quelques  imposteurs  qui  ont 
séduit  les  peuples  :  c'est  une  erreur.  Nous 
avons  prouvé  plus  d'une  fois  qu'il  est  venu 
d'une  suite  de  faux  raisonnements  Voy.  Pa- 
GAMSMK,  §  3  ;  UELiGm\,  §  .3.  Nous  le  voyons 
par  les  livres  de  Cicéron  sur  la  Nature  des 
dieux,  qui  sont  le  résumé  de  ceux  de  Platon  ; 
par  les  écrits  de  Celse,  de  Julien,  de  Por- 
phyre, qui  ont  raisonné  sur  ce  sujfl  comme 
le  peuple.  Donc,  si  l.i  reUi/ion  des  premiers 
hommes  avait  élé  fondée  sur  le  raisonne- 
menl,  elle  aurait  élé  la  même  que  celle  des 
raisonneurs  dont  nous  parlons. — k"  Dès  que 
le  polythéisme  et  l'idolâtrie  ont  été  une  fois 
établis,  aucun  philoso|ihe  ne  s'est  trouvé  as- 
sez habile  pour  en  démontrer  l'absurdité,  et 
pour  ramener  les  hommes  au  culte  primiiif 
d'un  seul  Dieu  ;  au  contraire,  ils  ont  tous 
regardé  les  juifs  el  les  chrélieus  comme  des 
insensés,  de^  athées,  des  imi>ies,  parce  qu'ils 
ne  voulaient  pas  être  polythéistes.  Donc,  à 
plus  forte  raison,  dans  l'enfance  du  rn.-nde 
et  avant  la  naissance  de  la  philosophie,  les 
hommes  étaient  incapables  de  se  former  une 
vraie  noiion  de  la  D  vinilé  et  une  religion 
raisonnable,  s'ils  n'avaient  pas  é'é  éclairés 
par  la  révélation.  Les  déistes  s';ihi)seut  eux- 
mêmes  et  en  imposent  aux  ignorants,  lors- 
qu'ils se  flattent  d'avoir  inventé,  par  leurs 
propres  lumières ,  le  système  de  religion 
qu'ils  appellent  la  religion  naturelle. — 5*  En- 
fin, les  dogmes  de  la  création,  de  la  chute 
de  l'homme,  de  la  venue  future  d'un  média- 
teur, ne  sont  pas  des  vérités  que  la  r.iison 
humaine  puisse  découvrir  lorsqu'elle  est 
laissée  à  elle-même. 

11  est  donc  prouvé  jusqu'à  la  démonstra- 
tion que  la  religion  primitive,  que  l'on  ap- 
pelle communémi'iit  In  loi  de  nature,  a  élé 
une  religion  révélée,  et  que,  sans  cette  ré- 
vélation, les  hommes  ne  seraient  jamais  par- 
venus à  s'en  faire  une  aussi  vraie,  aussi 
pure,  aussi  conforme  à  la  droite  raison. 

M.iis  à  quoi  nous  exposons-nous?  Plus 
vous  exagérez  l'impuissance  de  la  raison, 
nous  disent  les  déistes,  mieux  vous  prouvez 
que  les  païens  sont  excusables  d'avoir  suivi 
une  religion  fausse  el  corrompue,  et  que 
Dieu  serait  injuste  de  les  en  punir.  Com- 
ment accorder  celte  doctrine  avec  saint 
Paul,  qui  a  décidé  que  du  moins  les  philo- 
sophes ont  été  inexcusables?  Voy.  Loi  na- 

TLRELLÉ. 

Nous  avons  déjà  répondu  ailleurs  à  celte 
objection.  1°  Pour  savoir  jusqu'à  quel  point 
les  païens  sont  excusables  ou  punissables, 
il  faudrait  connaître  jusqu'à  quel  degré  les 
passions  volontaires,  telles  que  la  négligen- 
ce, l'orgueil,  l'opiniâtreté,  la  corruption  da 
cœur  ont  contribué  à  offusquer  dans  chaque 
parliculier  les  lumières  de  la  raison.  Dieu 
seul  peut  en  juger,  et  nous  n'avons  pas  be- 
soin de  le  savoir.  2"  Outre  ces  lumières  na- 
turelles. Dieu  a  donné  à  tous  des  grâces  inté 
rieures  et  surnaluielles  pour  le  connaître; 
si  les  païens  avaient  été  fldèles  à  y  corres- 
pondre,  ils  en  auraient  reçu  de  plus  ahon- 


lis 


REL 


REL 


116 


dantes.  C'est  iine  vérité  clairement  ensei- 
gnée dans  l'Ecrilure  sainte.  Il  est  dit  iJoan. 
i,  9)  que  le  ^'erbe  divin  est  la  vraie  lumière 
qiii  éclaire  tout  homme  venant  en  ce  monde  ; 
et  le  reste  de  ce  passage  témoigne  assez  qu'il 
est  question  là  d'une  lumière  surnaliireiie. 
Ainsi  l'ont  entendu  les  Pères  de  l'Eglise:  ils 
ont  appliqué  au  Verbe  divin  ce  ipii  est  dit 
du  soleil,  ps.  xviii,  v.  7,  que  personne  ne  se 
dérobe  û  sa  chaleur.  Saint  Paul  invile  les  fidè- 
les à  prier  pour  tous  les  hommes,  parce  que 
Dieu  veut  que  tous  soient  sauvés  et  parvien- 
nent à  la  connaissance  de  la  vérité  ;  il  le  veut, 
parce  que  Jésus-Christ  est  mé  Hateur  pour 
tous,  et  qu'il  s'est  livré  pour  la  rédemption 
de  tous  (/  Tim.  n).  Cette  volonté  ne  serait 
pas  sincère,  si  Dieu  ne  donnait  pas  à  tous 
les  grâces  nécessaires  pour  parvenir  à  la 
connaissance  de  la  vérité.  Voy.  Grâce,  §  2; 
Infidèle  ,  etc.  Les  païens  sont  donc  punis- 
sables pour  avoir  résisté  à  ces  grâces. 

Religion  judaïque  Voy.  Judaïsme. 

Religion  chrétienne.  Voy.  Christia- 
nisme. 

Religion  fausse.  C'est  à  Dieu  seul  de 
prescrire  la  manière  dont  il  veut  être  ho- 
noré ;  dès  qu'il  a  daigné  une  fois  en  instruire 
les  honmies,  ils  sont  tous  obligés  de  s'y 
conformer;  tout  autre  culte  qu'ils  veulent 
lui  rendre  doit  lui  déplaire  ;  il  est  faux, 
superstitieux  et  abusif.  Or ,  nous  avons 
prouvé  que,  dès  la  création,  Dieu  a  prescrit 
au  premier  homme  ce  qu'il  devait  croire  et 
pratiquer  ;  il  lui  a  ordonné  de  transmettre  à 
ses  enfants  cette  religion,  et  nous  la  voyons 
fidèlement  observée  par  les  patriarches. 
Mais,  après  lu  dispersion  des  familles,  plu- 
sieurs ont  oublié  les  leçons  qu'elles  avaient 
reçues  et  le  culte  qu'elles  avaient  vu  prati- 
quer à  leurs  pères  ;  elles  se  sont  forgé  à 
elles-mêmes  une  fausse  religion,  et  l'ont 
transmise  à  leurs  descendants.  Nous  avons 
observé  déjà  plus  d'une  fois  la  facilité  avec 
laquelle  les  hommes  les  plus  grossiers  ont 
passé  de  la  croyance  d'un  seul  Dieu  au  poly- 
théisme, par  le  penchant  qu'ils  ont  tous  à 
supposer  des  esprits,  des  génies,  des  démons 
intelligents  et  puissants  dans  toutes  les  par- 
ties de  la  nature  ;  dès  que  l'on  a  cru  qu'ils 
étaient  distributeurs  des  biens  et  des  maux 
de  ce  monde,  on  ne  pouvait  pas  manquer  de 
leur  rendre  un  culte  :  toutes  les  fiassions 
d'ailleurs  ont  contribué  à  introduire  cet  abus, 
l'intérêt  surtout  ;  l'homme  s'est  persuade 
qu'un  seul  Dieu  chargé  du  gouvernement 
de  tout  l'univers  ne  serait  pas  assez  atten- 
tif à  ses  besoins  et  à  ses  désirs,  ni  assez 
prompt  à  y  pourvoir  ;  il  a  voulu  préposer  un 
Dieu  particulier  à  chaque  objet  de  ses  vœux  ; 
il  en  a  fallu  un  pour  soigner  les  moissons, 
un  antre  pour  la  vendange,  un  troisième 
pour  le  fruit  des  vergers,  un  autre  pour  les 
troupeaux,  etc. 

La  vanité  :  chaque  particulier  a  dit  :  Mon 
voisin  a  son  dieu  :  pourquoi  n'aurais-je  pis 
le  mien?  Il  a  voulu  avoir  cliez  soi  un  dieu, 
un  temple,  un  autel,  un  appareil  de  culte; 
il  s'est  natté  d'en  obtenir  des  bienfaits,  à 
piopurlion  des  honneurs  qu'il  lui  rcodrailct 


de  la  dépense  qu'il  ferai,  pour  lui  ;  nous  en 
voyons  un  exemple  dans  i'iiistoire  de  Mi- 
chas,  rapportée  au  livre  des  Juges,  c.  xvii. 
Lors(]u'un  Chinois  cslméconlent  de  son  dieu, 
il  frappe  son  idole,  la  foule  aux  pieds,  la 
traîne  dars  la  boue,  et  lui  reproclie  les  hon- 
neurs qu'il  lui  a  rendus  sans  aucun  fruit.  — 
La  j;:lousie  :  un  homme  envieux  de  la  pros- 
périté de  son  voisin  a  imagine  que  cet  heu- 
reux mortel  avait  un  dieu  à  ses  gages,  il 
s'est  prorais  le  même  bonheur  au  même 
prix.  Il  se  trouve  encore  aujourd'hui  des 
âmes  viles,  rongées  par  lu  jalousie,  qui  at- 
tribuent à  la  magie  et  aux  sortilèges  la  pros- 
périté de  leurs  rivaux.  La  haine  a  persuadé 
d'ailleurs  à  un  mauvais  cœur  que  le  Dieu 
de  son  ennemi  ne  pouvait  pas  être  le  sien. 
Cette  manière  de  penser  des  particuliers 
s'est  communiquée  aux  nations  ;  lorsque 
les  Romains  attaquaient  une  ville,  ils  en  in- 
voquaient les  dieux,- ils  leur  promettaient 
des  temples,  des  autels,  des  honneurs,  le 
droit  de  bourgeoisie  à  Home,  mais  sous  con- 
dition qu'ils  cesseraient  de  protéger  le  peuple 
qu'il  s'agissait  de  vaincre.  Ainsi  les  IMiilis- 
tins,  qui  s'étaient  rendus  maîtres  de  l'arche 
d'alliance,  imaginèrent  que  le  Dieu  dos  Is- 
raélites les  avait  abandonnés  pour  s'atta- 
cher aux  Philistins  (/  Reg.  iv).  Les  incrédu- 
les reprochent  à  la  religion  d'avoir  produit 
les  haines  uationaKs;  tout  au  contraire,  ce 
sont  les  guerres  fréquentes  entre  les  nations 
encore  sauvages,  qui  ont  produit  la  différence 
des  dieux  et  la  variété  des  religions.  —  La 
mollesse  et  l'indépendance  :  un  culte  public, 
déterminé,  assujetti  à  des  formules  inviola- 
bles, est  gênant  :  une  religion  domestique  est 
plus  commode,  elle  s'arrange  comme  on 
veut,  et  combien  d'absurdités  les  esprits  bi- 
zarres ne  sont-ils  pas  capables  de  mêler 
dans  le  culte  divin?  C'est  pour  cela  que 
Dieu  avait  défendu  aux  Israélites  de  faire  des 
offrandes  ou  des  sacrifices,  et  d'immoler  des 
victimes  ailleurs  (jue  devant  le  tabernacle 
ou  dans  le  temple,  de  peur  ijue  le  nioindro 
changement  dans  le  cérémonial  ne  donnât 
lieu  à  quelque  erreur.  —  Ajoutons  le  liber- 
tinage d'esprit  et  de  cœur  :  l'homme  a  porté 
la  corruption  jusqu'à  prêter  à  ses  dieux  les 
mêmes  passions  desquelles  il  était  animé,  et 
à  créer  des  divinités  pour  présider  à  ses 
vices;  la  fureur  et  la  vengeance,  le  vol  et 
les  rapines,  hs  plaisirs  de  la  table  et  l'ivro- 
gnerie, les  plus  sales  voluptés  ont  eu  leurs 
dieux  tulélaires.  Pouvait-on  pousser  plus 
loin  le  mépris  de  la  Divinité,  et  le  déli.e  en 
fait  de  religion  ?  Ce  n'est  pas  sans  raison  que 
l'auteur  du  livre  de  la  Sagesse  a  dit,  c.  xiv, 
27,  (|ue  le  polythéisme  et  l'idolâtrie  ont  été 
la  source  et  le  comble  de  tous  les  crimes. 

Quitter  une  vérité  qui  gêne  les  passions, 
pour  embrasser  une  erreur  qui  les  flatte, 
est  un  changement  très-aisé;  renoncer  à 
cette  erreur  pour  revenir  à  la  vérité,  c'est 
une  conversion  pour  laquelle  il  faut  toute 
la  puissance  de  la  grâce  divine,  et  souvent 
tout  l'appaieil  des  miracles.  Aussi  les  mrmes 
monuments  qui  nous  apprennent  que  les 
peuples  ont  passé  du  culluU'un  seul  Dieu  au 


417 


REL 


REL 


113 


polythéisme,  ne  nous  font  connaître  aucune 
nation  qui  soit  revenue  d'elle-même  du  po- 
lythéisme au  culte  d'un  seul  Dieu.  Ce  tait 
incontestable  démontre,  1°  qu'il  a  fallu  né- 
cessairement une  révélation  primitive  pour 
prévenir  les  égaremi'nts  de  l'homme  en  fait 
de  religion;  2"  que  quand  ce  malheur  est 
une  fois  arrivé,  et  que  l'erreur  a  eu  pris  ra- 
cine, il  en  a  fallu  une  autre  pour  ramener 
un  nouvel  orilre  de  choses  et  tirer  les  hommes 
de  leur  aveuglement;  3°  qu'excepté  l'unique 
religion  établie  de  Dieu,  toutes  les  autres 
sont  fausses,  et  que  Dieu  ne  pourrait  les 
approuver  sans  autoriser  tous  les  crimes. 
C'est  donc  très-mal  à  propos  que  les  incré- 
dules nous  accusent  de  Icuiérilé,  d'orj^ueil, 
de  cruauté,  lorsque  nous  affirmons  que  tous 
ceux  qui  suivent  une  religion  fausse,  à  moins 
qu'ils  ne  soient  dans  une  ignorance  invinci- 
ble, sont  exclus  du  salut. 

On  a  mis  en  questiuu  de  savoir  si  c'est 
un  moindre  mal  d'avoir  une  religion  fausse 
aue  de  n'en  point  avoir  du  tout  :  les  athées 
s'euls  sont  intéressés  à  soutenir  que  les  re- 
ligions fausses  ont  fait  plus  de  mal  que 
l'athéisme,  el  Bayle  a  employé  toute  sa  sub- 
tilité pour  établir  ce  paradoxe  ;  mais  il  n'en 
est  pas  venu  à  bout,  le  contraire  est  trop 
évident.  En  effet  il  n'est  aucune  religion 
qui  ne  conçoive  Dieu  comme  législateur  su- 
prême, déterminé  à  récompenser  la  veriu 
et  à  punir  le  vice,  ou  en  ce  monde  ou  en 
l'autre.  Or,  celte  croyance  est  non-s.eule- 
ment  très- utile,  mais  absolument  nécessaire 
pour  fonder  la  société  el  maintenir  l'ordre 
mor.il  parmi  les  hommes.  Nous  avons  prouvé 
ailleurs  que  sans  ct^la  les  passions  humaines 
n'auraient  aucun  frein,  cl  qu'à  proprement 
parler,  il  n'y  aurait  ni  obligation  morale, 
ni  vice,  ni  vertu. 

Outre  le  paganisme,  qui  est  encore  au- 
jourd'hui la  seule  religion  des  peuples  igno- 
rants, l'on  doit  mettre  au  rang  des  reli/ions 
fausses  celle  de  Zoroaslre  ou  des  parsis, 
celle  des  lettrés  chinois,  celle  des  Indiens, 
le  mahomélismc  el  le  judaïsme.  Celui-ci  a 
été  autrelois  une  religion  vraie,  mais  Dieu 
ne  l'avait  établie  que  pour  un  temps;  elle 
ne  peut  plus  lui  être  agréable  depuis  qu'il 
lui  a  substitué  le  christianisme.  Nous  avons 
parlé  de  toutes  ces  religions  sous  leur  titre 
particulier,  et  nous  avons  fait  Toir  les  preu- 
ves de  leur  fausseté.  Nous  ne  plaçons  puint 
daas  le  même  rang  les  différentes  sectes 
protestantes  ni  celles  des  schismatiques 
orientaux;  ce  sont  des  hérésies,  et  non  des 
religions  absolument  contraires  au  christia- 
nisme. 

Un  habile  académicien  a  fait  recerainent 
le  parallèle  dos  trois  plus  célèbres  fondateurs 
de /"((lisses  religions,  savoir,  de  Zoroa-ilre,  de 
Coul'ucius  et  de  Mahomet.  En  rendant  toute 
la  Justice  qui  est  due  aux  talents  de  l'auteur, 
nous  croyons  avoir  vu  des  défauts  essentiels 
dans  son  ouvrage  ;  1  11  nous  parait  avoir 
supprimé  mal  à  propos  des  reproches  Irès- 
imporlauls  que  l'oa  peut  fairo,  soit  con're 
la  couduile  de  ces  trois  hommes,  soit  contre 
leur  doctrine;  cepeudant  pourrcxactitude  du 


parallèle,  il  n'en  fallait  omettre  aucun;  et 
il  semble  avoir  loué  ou  excusé  des  traits 
qui  sont  très-blâmables.  2'  il  prodigue  un 
peu  trop  légèrement  à  ces  personnages  fa- 
nicux  le  titre  de  f/ra»rf.s-  hommes;  nous  ne 
voyous  pas  sur  quoi  fondé  l'on  peut  le  donner 
à  lies  ambitieux  qui  n'ont  cherché  à  séduire 
leurs  semblables  que  pour  dominer  sur  eux, 
et  qui  ont  infecté  l'univers  d'une  multitude 
d'erreurs  très-pernicieuses  :  tel  a  été  da 
moins  le  caractère  de  Zoroistre  el  de  Maho- 
met. 3'  Lorsqu'il  est  question  de  Sfoïse,  de 
ses  dogmes,  de  ses  lois,  de  sa  morale,  l'au- 
teur semble  le  mettre,  sinon  plus  bas,  du 
moins  à  côté  des  trois  autres  fondateurs  de 
religions.  Dans  un  temps  où  l'incrédulité 
prend  toute  sorte  de  formes,  el  se  déguise 
de  toutes  les  manières  possibles,  un  auteur 
ne  peut  prendre  trop  de  précautions,  pour 
ne  donner  lieu  ù  aucune  espèce  de  soup- 
çon. 
*  Rbligiositë,  Voij.  Romantisme. 

IIELKIUES.  Ce  mot,  tiré  du  latin  reliquiœ, 
signifie  tout  ce  qui  reste  d'un  saint  après  sa 
mort,  ses  os,  ses  cendres,  ses  vêlements, 
etc.,  el  que  ion  garde  respectueusement  pour 
honorer  sa  mémoire  (1). 

Les  proteslaols  ont  fait  un  crime  à  l'E- 
glise catholique  du  culle  qu'elle  rend  aux 
■reliques  des  saints;  ils  ont  dit,  el  ils  répètent 
encore,  que  c'est  un  culte  superstitieux  em- 
prunté des  païens,  et  qui  no  s'est  introduit 
parmi  les  chrétiens  qu'au  ly  siècle.  Le 
concile  de  Trenle  a  décidé  contre  eux,  sess. 
25,  que  les  corps  des  n)artyrs  et  des  autres 
saints  qui  ont  élé  les  membres  vivants  de 
Jésus-Chrisl  el  les  temples  du  Sainl-Esjirit, 
doivent  être  honorés  par  les  fidèlos,  vene- 
randa  esse  ;  que  par  eux  Dieu  accorde  un 
grand  nombre  de  bienfaits  aux  hommes.  Il 
fonde  sa  décision  sur  l'usage  établi  depuis 
les  premiers  temps  du  chrislianisnoe,  sur  le 
sentiment  des  saints  Pères  el  sur  les  dé- 
crets des  conciles.  11  ordonne  que  dans  ce 
culle  tout  abus,  tout  gain  sordide,  toute  in- 
décence, soient  absolument  retranchés.  Il 
défend  d'exposer  de  nouvelles  reliques  sans 
qu'elles  aient  été  reconnues  et  approuvées 
pur  les  évêques;  il  leur  recommande  d'ins- 
truire soigneusement  les  peuples  de  la  doc- 
trine de  l'Eglise  sur  ce  sujet.  Comme  les 
prolestants  ne  veulent  point  admettre  d'au- 

(1)  Les  fidèles  doivent  porler  respect  aux  corps 
saints  îles  martyrs  et  des  autres  sajius,  ijui  vivent 
avec  Jésiis-Clirist,  ces  corps  aynni  éti;  aiUrefois  les 
membres  vivants  île  Jésus-Clirisi  et  le  temple  du 
Saint-Esprit,  devant  être  un  jour  ressuscites  pour  la 
vie  éternelle ,  el  Dieu  mcuie  faisant  beaui"oii|)  «le 
l)ien  aux  lionimes  par  leur  moyon.  Ainsi  ceux  qui 
soutiennent  qu'un  ne  doit  point  d'Ii'iniieur  ni  de  vé- 
nération aux  reliques  des  saints,  ou  que  c'est  inuti- 
lement que  les  lidcles  leur  portent  respect,  ainsi 
qu'aux  autres  monuments  sacrés,  et  que  c'est  en  vain 
qu'on  fréquente  les  lieux  consacrés  à  leur  mémoire 
pour  en  obtenir  secours,,  doivent  être  aussi  tous 
absolument  condanmcs,  comme  l'Ejjlis-'  les  a  autre- 
lois  comlamiiés,  et  comme  elle  les  condamne  encora 
mainieuanl.  (C.  de  Trenle,  xxv,  sess.  de  l'i/iw.  des 
(aliiti.) 


119 


REL 


lorité   que  celle  de  l'Ecriture  sainle,   nous 
devons  commencer  parla  leur  opposer.  JV 
Reg.,  c.  siii,  21,  il  est  rapporlé  qu'un  mort 
fut  ressuscité  p;ir  l'allouchement  des   os  du 
prophète  Elisée.  Act.,  c.  xis,  12,  nous  lisons 
que  les  suaires  ou  les  mouchoirs  de  saint  Paul 
çuérissaienl  les  malades  qui  les  louchaient. 
Nous  demandons  pourquoi    il  n'est  pas  per- 
mis de  respecler  et  d'honorer  des   relicntes 
par  lesquelles  Dieu  a  daigné  faire  des  mira- 
cles.   Certains    commentateurs    proteslanis 
disent  qu'il  ne  s'ensuit  pas  de    là  qu'il  y  ait 
eu  dans  les  os  d'Elisée  une  vertu  divine  et 
miraculeuse,  mais  que  Dieu  voulut  opérer 
un  miracle  dans  cette  occasion  pour  confir- 
mer la  mission  de  ce  prophèie,  pour  donner 
plus  de  poids  à  ses  prédiclions,  pour  affer- 
mir parmi  les  Juifs  la  foi  à  la  résurrection 
future.    Soil.    Les  miracles  opérés  dans  l'E- 
glise chrétienne  p.ir  les  reliques  des   saints 
n  ont-ils  pas  dû  produire  le  même  effet?  Ils 
ont  prouvé  la  vertu   des  saints  à  laquelle  le 
monde    n'a  pas    loujours  rendu  jusiice;  ils 
ont  donné  un  nouveau  p.iids  à  leurs  leçons 
et   a  leurs   exemples;   ils  ont  confirmé'  les 
promesses  de  Jésus-Christ   louchant  la  ré- 
surrecfKin    fulure  et   l'immorlalilé  bienheu- 
reuse ;  Ils  ont  servi  souvent  à  convertir  des 
herélKjues    et  des  mécréants.    Ces  miracles 
ne   sont   donc    ni   ridicules  ni   incroyables, 
quoi  qu'en  disent  les    protestants,    et   c'est 
une  preuve  eonire  eux. 

L'Ecclésiastique,     c.     xlvi,    v.    12   par- 
lant des  juges  qui   ont  été  fidèles    à   Dieu, 
dit .  «Que  leur  mémoire  soit  en  bénédiction, 
et   que   leurs  os  germent    dans    leur    tom- 
beau. »   Il  le  réf.ète   en    parlant  des  douze 
petiis  prophètes,  c.  xux,  v.   12.  C'était  un 
témoignage  rendu  à  la  résurrection  fulure 
et  c  est   pour  cela   même   que  les  chrétiens 
ont  honoré  les  reliquesdes  martyrs.  —Anoc 
c.  VI,  V.9,  saint  Jean dit:«  Je  vis  sous  l'autel 
les    âmes   de  ceux   qui  ont  été  mis  à    mort 
pour  la   parole  de  Dieu  et  pour  lui  rendre 
témoignage.  »  Il  est  certain   que  de  là  est 
venu    l'usage    de   placer    les    reliques    des 
saints  sous  les  autels,  et   d'offrir  les   saints 
mystères     sur     leur    tombeau.    Beuusobre 
dans  ses    remarques   sur  ce   passage,    dit 
qu  on  ne  se  serait  pas  attendu  que   cet   en- 
droit de  saint  Jean  dût  servir  à  autoriser  la 
pratique   d'avoir   des    reliques  des    martyrs 
sous  les  autels  dans  toutes  les  églises;  que 
celte  coutume  supersiilieuse  commença  dans 
le  IV  siècle.  En  même  temps  il  avoue  quelle 
est  venue  de  ce  que  les  chrétiens  s'assem- 
blaient dans  les  lieux  où  étaient   les  corps 
des  martyrs,   le    jour   anniversaire  de  leur 
mort;  que  l'on  y  faisait  le  service  divin  et 
que  l'on  y  célébrait  l'eucharistie.  Or,   nous 
allons  voir  que  cela  s'est  fait  dès  le  commen- 
cement du   ii-^  siècle.  Ce   n'était    donc    pas 
assez   de   lémoignor  ici  de  rélonnement     il 
fjllait  prouver  que  cette   coutume  des    pre- 
miers chrétiens  était  superstitieuse  et  abu- 
sive. D'autres   ont  dit  que   ce   discours    de 
samt  Jean  est  figuré,   que   c'est  une  vision 
qui  ne  prouve   nen  ;  que  l'usage  de  mettre 
ies  reliques  sous  i'autel  n'a  commencé  qu'au 


REL 


120 


iv  siècle,  que  l'on  n'en  voit  aucun  vestiee 
auparavant.  Quand  ce  fait  serait  vrai  il  fau 
druil  encore  faire  voir  que  l.s  chrétiens  ont 
eu    tort  d'argumenter  sur  celle    prétendue 
vision;  mais  la   date  de  l'usage  eu  question 
est  lausse  :  voici  les  preuves  du  contraire 
Dans  les  actes  du  martyre  de  saint  I-'nace' 
arrive  l'an  107,  nous  lisons,  c.  vi  :  «  Il  n'est 
resté  que  les  plus  durs  de  ges  saints  os,  qui 
ont   éle  reportés  à   Aniioche    et   renfer.nés 
dans  une  chasse  comme  un  trésor  inestima- 
ble laissé  à  la  sainte  Eglise,  en  considération 
de  ce  martyr.  Ch.  vu,  nous  vous  avons  mar- 
que le  temps  et   le   jour,  afin  que,  nous  as- 
semblant au   temps   de    son   martyre,    nous 
allestions  notre  communion   avec   ce    géné- 
reux  athlète   et    martyr  de   Jésus-Christ   » 
Dans  ceux  du   martyre   de  saint  Polycarpe 
dressés  l'an  169,  il  est  dit,  chap.  xvn  •  «  Le 
démon  a  fait  tous  ses  efforts  pour  que  nous 
ne  puissions  pas  emporter  ses  reliques,  quoi- 
que plusieurs  désirassent  de  le    faire  et   de 
communiquer  à  son    saint  corps.   Il  a   donc 
suggéré  à  Nicétas  d'empêcher   le  proconsul 
de  nous    donner   son  corps  pour  l'ensevelir 
de  peur,  dit-il,    que  les    chréliens    n'aban- 
donnent le  Crucifié  pour  honorer  celui-ci... 
Ils  ne  savaient  pas  que  jamais  nous  ne  pour- 
rons  quitter    Jésus-Christ,    ni    en    hom.rer 
aucun  aulre.  In  effet,  nous  l'adorons  comme 
fils  de  Dieu,  et  nous  chérissons  avec  raison 
les  martyrs  comme  ses  disciples  et  ses  imita- 
teurs. .  .  Ch.  xviii,  cependant   nous    avons 
enlevé  ses  os,  plus  précieux  que  l'or  et   les 
pierreries,  et  nous   les  avons   déposés  où   il 
convient.  En  nous  assemblant  dans  le  même 
lieu,  lorsque  nous  le   pourrons,  Dieu   nous 
fera  la  grâce  de  célébrer  le  jour  natal  de  sou 
martyre,  soil  pour  conserver  la  mémoire  de 
ceux  qui    ont  souffert,    soil  pour  exciler  le 
zèle  et  le   courage  des  autres.  »    Lorsque 
nous   alléguons  aux  protestants  ces  témoi- 
gnages du  second  siècle,  ils  nous  disent  froi- 
dement (lu'il  n'y  a  là  aucun  vestige  de  culte 
surtout  de  culte  religieux;  au  contraire,  les 
chrétiens   désiraient  les   corps  des   martyrs 
uniquement   pour  les   enterrer,  ils  les    pla- 
çaient  dans    un    lieu   convenable,     c'esl-à 
dire  dans  un  cimetière  ;    ils  déclarent  qu'ils 
ne  peuvent  honorer  aucun  aulre  personnaee 
que  Jésus-Christ.  ° 

Nous  répliquons,  1°  que  nos  adversaires 
devraient  commencer  par  expliquer  une  fois 
pour  touies  ce  qu'ils  entendent  par  culte  cl 
culte  reliqieux.  Nous  avons  observé  plus 
d'une  fois  que  culte,  honneur,  respect,  véné- 
ration, sont  exact,  ment  synonymes;  qu'un 
culle  est  religieux  lorsqu'il  est  destiné  à  re- 
connaître dans  un  objel  quelconque  une 
excellence,  un  mérite,  une  qualilé  surnatu- 
relle qui  vient  de  Dieu,  qui  se  rapporte  à  la 
gloire  de  Dieu  et  au  salul.  Or,  nous  soute- 
nons que  les  premiers  fidèles  recoiinaissaienl 
dans  les  reliques  des  marlvrs  une  excellence 
et  un  mérite  de  cette  espèce,  puisqu'ils  les 
appellent  de  saints  cnrps,  de  saints  os,  un 
trésor  plus  précieux  qm-  l'or  et  les  pierreries, 
elc,  et  qu'en  les  chérissant  ainsi,  ils  croienl 
communiquer  avec  les  .martyrs  mêmes.  —  ?.' 


t2l 


BEL 


REL 


123 


Honorer  les  martyrs  comme  les  disciples 
et  les  imilaleurs  de  Jésiis-Chrisl,  toiiir  les 
assemblées  chrétiennes  dans  le  lieu  de  leur 
sépulture  ;  célébrer  la  fêle  de  leur  m;irtyre, 
afin  de  s'exciter  à  imiter  leur  zèle  et  leur 
couriige,  est-ce  là  un  culte  purement  civil, 
qui  n'ait  aucune  relation  à  Dieu  ni  au  salut 
éternel?  Si  les  chrétiens  n'avaient  pas  rendu 
aux  martyrs  un  culle  religieux,  les  païens 
ni  les  Juifs  ne  se  seraient  pas  avisés  de  les 
croire  capables  d'abandonnfr  le  Crucifie', 
pour  honorer  à  sa  place  saint  Polycarpe. 
Lorsque  les  prolestants  nous  objectent  que 
pendant  les  trois  premiers  siècles  les  Juifs 
ni  les  païens  n'ont  jamais  reproché  aux 
chrétiens  le  culte  des  martyrs,  ils  en  impo- 
sent, puis(|ue  voilà  au  ir  siècle  une  compa- 
raison entre  le  culte  des  martyrs  et  celui 
du  Crucifié.  Les  chrétiens  s'en  dél'endent 
avec  raison,  et  font  sentir  la  différence 
entre  l'adoration  rendue  à  Jésus-Christ,  et 
l'honneur  rendu  aux  martyrs.  —  3  Beau- 
sobre,  plus  sincère  sur  ce  point  que  les 
autres  proleslanis ,  a  blâmé  les  premiers 
chrétiens  :  On  remarque  en  eux,  dit-il,  une 
alïection  pour  les  corps  des  martyrs  un  peu 
trop  humaine.  C'est  une  petite  faiblesse  qui 
a  sa  source  dans  une  alTection  louable  ;  il 
faut  r('\cuser.  Du  reste,  le  culte  conser- 
vait sa  pureté;  les  corps  des  martyrs  n'é- 
taient point  dans  les  églises,  moins  encore 
dans  les  châsses,  exposés  à  la  vénération 
publique,  et  placés  sur  les  autels.  Hist. 
du  manich.,  I.  ix,  c.  3,  §  10,  tom.  II,  p.  6iG. 
11  en  impose.  Les  actes  de  saint  Ignace 
disent  formellement  que  ses  os  les  plus  durs 
ont  été  renfermés  dans  une  citasse.  Il  n'était 
pas  besoin  de  les  placer  dans  une  église, 
puisque  le  lieu  de  la  sépulture  des  martyrs 
devenait  une  église  ou  un  lieu  d'assemblée 
pour  les  chrétiens.  On  nu  les  plaçait  pas 
sur  l'autel,  mais  dessons,  comme  il  est  dit 
dans  l'Apocalypse.  Pouvait-on  leur  rendre 
un  culle  plus  jirofond  et  plus  religieux,  que 
d'oflrir  sur  es  relii/iies  le  sacrifice  du  corps 
et  du  sang  de  Jesus-Christ? 

Ce  critique  ne  veut  pas  en  croire  saint 
Jean  Cbrysostome,  qui  dit  que  les  os  de  saint 
Ignace,  mis  dans  une  châsse,  furent  portés 
par  les  fidèles  sur  leurs  épaules  depuis 
Rome  jusqu'à  Anlioche;que  les  chrétiens 
des  villes  par  où  ils  passaient  sortaient  au- 
devaut  d'eux,  conduisaient  en  procession  et 
C'imnie  en  triomphe  les  reliques  du  martyr, 
Nom.  in  S.  Ignat.,  n.  3,  O/;.  t.  H,  p.  000. 
C'est,  dit  Heausobre,  un  or.iteur  qui  parle, 
et  (lui  pi  étft  aux  siècles  précédents  les  mœurs 
et  les  coutumes  du  sien.  Mais  il  oublie  que 
saint  Jean  Cbrysostome  éiail  d'Antioche 
même,  qu'il  parle  à  ses  conciio\ens  d'un  fait 
duquel  ils  étaient  instruits  aussi  bien  que 
lui,  puisqu'il  éiait  arrivé  chez  eux  moins  de 
trois  cents  ans  auparavant.  Pourquoi  cette 
tradition  ne  se  serait-elle  pas  conservée 
dans  l'Eglised'Antioche  pendanttrois  siècles? 
'l'erliiilien,  (jui  a  vécu  sur  la  fin  du  ir  et 
an  couKiienceiiient  du  iir,  applique  aux 
niari>rs  les  paroles  d'isaïe,  c.  x,  v.  Il,  Sun 
tombeau  sera  (glorieux;  voilà,  dit-il,  l'éloge  et 


la  récompense  du  martyre,  Scorpiace,  e,  'î. 
Quelle  est  donc  la  gloire  que  Dieu  a  pro- 
mise au  tombeau  des  martyrs,  sinon  le  ciilte 
que  l'on  rend  à  leurs  reHifues?  Julien,  dans 
ses  livres  contre  les  chrétiens,  avoue  qu'a- 
vant la  mort  de  saint  Jean,  les  tombeaux  de 
saint  Pierre  et  de  saint  Paul  étaient  déjà 
honorés,  quoique  en  secret,  saint  Ci/rille, 
1.  X,  D.  327.  Ce  culte  datait  par  conséquent 
de  la  fin  du  i"  siècle.  Julien  aurait-il  fait 
cet  aveu,  s'il  n'avait  pas  été  certain  du  l'ail, 
lui  qui  reproche  aux  chrétiens  d'avoir  rem- 
pli I  univers  de  tombeaux  et  de  monuments, 
d'y  in  voqiier  Dieu  et  de  s'y  prosterner  ?  Ibid., 
p.  S.Ti  et  339. 

C'est  donc  co'ilre  toute  vérité  que  les  pro- 
testants affirment  qu'avant   le  iv  siècle  on 
ne  trouve  dans  les  monninenls  du  christia- 
nisme aucun   vestige  d'un  culte  rendu  aux 
reliques  des  saints.  Ils  ont  blâmé  plus  d'une 
fois   saint    Grégoire    Thaumaturge    d'avoir 
souffert  des  usages  païens  dans  les  (êtes  des 
martyrs  :  or,  ce  saint  est  mort   l'an  270,  le 
culte  des  martyrs  et  de  leurs  reliques  était 
donc   établi   au  iir  siècle,  et  même  au  ir, 
immédiatement  après  la  mort  de  saint  Jean. 
D'ailleurs,  quand   il  n'y  en  aurait  elTective- 
ment  aucune  preuve  positive,  nous  serions 
encore  en  droit  de  supposer  que  ce  culte  a 
été  pratiqué  de  tout  temps.  Au  iv°  siècle  on 
a  fait  profession   de  ne  rien  inventer,  de  ne 
rien   introduire  dans   le  culte,  que  ce   qui 
avait  été  établi  depuis  le  temps  des  apôtres. 
Peut-on  s'imaginer  que   tous   les   chrétiens 
dispersés  [)our    lors  dans    tout    l'Orient   et 
l'Occident,  quoique  prévenus  d'aversion  de- 
puis trois  cents  ans  contre  toute  pratique  et 
tout  usage  qui  sentaient  le   paganisme,  ont 
néanmoins  emprunté  tout  à  coup  des  païens 
l'usage  d'honorer   les    reliques,  comme    les 
prolestants  veulent  le  persuader?  Croirons- 
nous  encore  que  tous  les  évêques  du  monde 
chrétien,   également  complaisants    pour   le 
peuple,  ou  plulôlég-ilement  lâches  et  préva- 
ricaleurs  partout,    ont   laissé  introduire  ce 
nouveau  culte,  sans    qu'aucun  ail  réclamé 
contre   cet  abus?  Croirons-nous  enfin  que, 
parmi  vingt  sectes  d'hérétiques  ou  de  schis- 
maiiques,  qui  se  sont  élevées  durant  le  iV 
siècle,    donatistes,    novatiens,    quarlodéci- 
mans,   pholiniens,   macédoniens,  etc.,  il  ne 
s'est   pas  trouvé  un   seul  sectaire,  excepté 
Arien  Eunomius,  qui  ait  osé  réclamer  canlre 
la   superstition    nouvelle   que   les   Pères  de 
l'Eglise  laissaient  introduire,  et  à  laquelle 
ils  applaudissaient?  L'an  '»0G,  Vigilance  re- 
nouvela les  clameurs  d'Eunomius;  pour  le 
réfuter,  saint  Jérôme  cl  les  autres  docteurs 
de    l'Eglise  alléguèrent   non-seulement    les 
passages  de  l'iùriture  s:!inte  que  nous  avons 
cilés,  mais  la  pratique  constante  et  univer- 
selle des  diff.  rentes  Eglises  chrétiennes.  Ce 
n'était  donc  pas  un  us/ige  nouveau  introduit 
seulement  dans   quelq'ies-unes,  mais  géné- 
ralement établi  partout.   Lorsque  Neslorius 
et  Eulychès  se  séparèrent  de  l'Eglise  au  v' 
siècle,    ils  ne   censurèrent  point  let  usage  ; 
aus.si  a-t-il  subsisté  parmi   leurs  sectateurs; 
Perpét.  de  la  foi,  tom.  V,  liv.  vu,  c.  4;  As- 


123 


REL 


REL 


m 


sémani,  Bibliot.  orient.,  t.  IV,  c.  7,  §  18. 
Dans  ce  mémo  siècle,  Fauste  le  manichéen 
reprochait  à  saint  Augustin  que  les  catholi- 
ques avaient  substitué  le  culte  des  martyrs 
à  celui  (les  idoles  du  paganisme;  mais  il  ne 
prétendait  pas  que  cet  usage  était  récent  et 
n'avait  commencé  que  dans  le  siècle  précé- 
dent. Vigilance  lui-même  ne  le  disait  pas. 

Lorsque  les  protestants  nous  font  cet 
argument  négatif:  Pendant  les  trois  premiers 
siècles  de  rE!4lise,  il  n'a  pas  été  question  du 
culie  des  reliques,  donc  il  ne  subsistait  pas; 
outre  la  fausseté  du  fait  bien  prouvée,  nous 
leur  en  opposons  un  autre  plus  fort,  savoir  : 
Les  sectaires  qui,  au  iv"  et  au  V  siècle  ont 
attaqué  le  culte  des  reliques,  n'ont  pas  ob- 
jecté qu'il  était  nouveau,  introduit  depuis 
peu;  donc  il  était  ancien. 

Pour  prouver  que  Fauste  le  manichéen 
avait  raison,  el  que  le  culte  des  reliques  était 
emprunté  du  paganisme,  Ueausobre  a  fait  un 
long  parallèle  entre  les  honneurs  que  les 
païens  rendaient  aux  idoles  et  ceux  que  les 
catholiques  rendent  aux  reliques;  ces  hon- 
neurs, dit-il,  sont  parfailemcnt  les  mêmes. 
Les  catholiques  portent  en  pompe  les  reli- 
ques de  leurs  SJiinls,  ils  les  couronnent  de 
(leurs,  ils  les  environnent  de  cierges  allumés, 
ils  les  biii  eiU  avec  respect,  ce  qui  est  un 
signe  d'adoration,  ils  les  placent  dans  un 
lieu  éminent,  et  sur  une  espèce  détrône,  ils 
célèbrent  en  leur  honneur  des  fêles  et  des 
festins  précédés  île  veilles  nocturnes,  ils 
leur  font  des  offiandes,  ils  leur  adiesseiit 
des  prières  :  voilà  prcciséau'nt  ce  que  fai- 
saient les  païens  pour  les  simulacres  de  leurs 
dieux,  Hi.-^t.  du  miinich.,  1.  ix,  c.  4,  §  7.  Mais 
qu'aurait  répondu  Bi^ausuhre,  si  on  lui  avait 
dit  :  Malgré  tuus  les  relrancliemcnls  que  les 
prott'stauls  ont  faits  dans  le  cuite  religieux, 
ils  conservent  encore  des  pratiques  du  pa- 
ganisme ;  ils  chantent  des  psaumes,  ils  re- 
çoivent le  baptême,  ils  célèbrent  la  cène; 
or,  il  est  constant  que  les  païens  chantaient 
des  hymnes  à  l'honneur  des  dieux;  ils  fai- 
saient des  ablutions  pour  se  purifier;  ils  cé- 
lébraient des  repas  religieux  que  les  Ro- 
mains appelaient  chc.rislia;  voilà  donc  le 
paganisme  encore  subsistant  p.srmi  toutes 
les  sectes  prulestanles?  Beausobre  aurait 
dit  sans  doute  que  les  païens  eux-mêmes 
ont  emprunté  ces  rites  des  adorateurs  du 
vrai  Dieu  et  de  la  religion  primitive  qui  a 
précédé  le  paganisme;  qu'il  est  impossible 
d'avoir  une  religion  sans  pratiquer  un  culte 
extérieur;  que  toute  la  dilTérence  qu'il  y  a 
entre  le  vrai  cullc  el  le  faux  consiste  en  re 
que  le  premier  est  adressé  au  vrai  Dieu  el  à 
des  êtres  véritablement  dignes  de  respect, 
au  lieu  que  le  second  est  transporté  à  des 
êtres  imaginaires  el  indignes  de  vénération. 
C'est  ce  que  nous  avons  fait  voir  au  mot 
Paganisme,  §  8. 

Vigilance  objectait,  comme  les  protestants, 
que  nous  adorons  \es  reliques  des  martyrs. 
Saint  Jérôme  lui  répond  :  «  Nous  ne  servons 
point,  nous  n'adorons  point  les  reliques  des 
martyrs,  mais  nous  !(  s  honorons,  afin  d'a- 
dorer celui  dont  ils  sont  les  màrl^rs,  »Epist. 


37,  ad  liipar.  Cette  réponse,  dit  Beausobre, 
est  celle  des  philosophes  païens,  elle  ne  peut 
servir  qu'à  justifier  tout  le  paganisme  :  il  cite 
à  ce  sujet  un  passage  d'Hiéroclès,  qui  dit 
que  le  cullc  rendu  aux  dieux  doit  se  rap- 
porter à  leur  unique  Créateur,  qui  est  pro- 
prement le  Dieu  des  dieux;  Bibliotli.  des  an- 
ciens  philos.,  t.  II,  p.  6.  TUais  Beausobre 
savait  bien  que  c'était  là  une  imposture  de 
la  part  d'Hiéroclès,  platonicien  du  iv  siècle; 
que  jamais  Us  anciens  philosophes  païens 
n'ont  fait  la  distinction  entre  les  dieux  infé- 
rieurs el  le  Dieu  suprême;  que  loin  de  pen- 
ser qu'il  fallût  lui  rapporter  le  culte  exté- 
rieur, ils  pensaient  qu'il  ne  faut  lui  en 
adresser  aucun,  et  Porphyre  le  soutient  en- 
core ainsi,  1.  ii,  de  Abstin.,  c.  34.  Jlosiieim 
a  très-bien  fait  Voir  que  ce  que  dit  Hiéroclès 
est  une  tournure  artificieuse  inventée  par 
les  nouveaux  platoniciens  pour  justifier  le 
paganisme  el  pour  nuire  ainsi  à  la  religiott 
chrétienne,  Dissert,  de  turbala  per  récent, 
platonicos  Ecclesia,  §  20  el  suiv.  Au  mot 
Idolâtrie,  §  3  el  4,  el  Paganisme,  §  4-,  nous 
avons  prouvé  que  jamais  les  païens  n'ont 
adoré  un  Dieu  suprême,  el  que  le  culte 
adressé  aux  dieux  inférieurs  ne  pouvait  en 
aucune  manière  se  rapporter  à  lui.  Ainsi  la 
réponse  de  saint  Jérôme  à  Vigilance  est  so- 
lide, et  l'érudition  que  Beausobre  emploie 
pour  prouver  la  ressemblance  entre  le  culte 
des  catholiques  el  celui  des  païens  est  pro- 
diguée à  pure  perle.  Au  mot  Paganisme, 
nous  avons  fait  voir  les  contradictions  dans 
lesquelles  il  est  tombé. 

Saint  Cyrille,  disent  nos  aaversatres,  est 
convi'nu  que  le  culte  des  reliques  eA  d'ori- 
gine païenne;  Barbeyrac,  Traité  de  la  mo- 
raie  des  Pères,  c.  15,  §  24,  ii.  1.  Fausseté, 
i'our  répondre  à  Julien  qui  blàmall  le  culte 
rendu  aux  martyrs  et  à  leurs  reliques,  saint 
Cyrille  lui  fait  un  argument  personnel;  il 
lui  demande  si  l'on  doil  blâmer  les  honneurs 
que  les  Grecs  rendaient  à  ceux  qui  étaient 
morts  pour  leur  pairie,  et  les  éloges  que  l'on 
prononçait  sur  leur  tombeau  ou  sur  leurs 
reliques.  Comme  Julien  n'aurait  pas  osé  cen- 
surer cette  pratique,  saint  Cyrille  en  conclut 
que  les  chrétiens  n'ont  pas  lorl  de  faire  de 
même  à  l'égard  des  martyrs.  Mais  avant  les 
abus  et  les  excès  dans  lesquels  les  païens 
sont  tombés  à  l'égard  de  leurs  héros,  les 
Juifs  avaient  respitté  les  lombeaux  de  leurs 
pères.  Josias,  en  faisant  exhumer  el  brûler 
les  os  des  idolâtres,  ne  voulut  pas  loucher  à 
ceux  d'un  prophète  {IV  Reg.  xsiii,  ISJ.  Jé- 
sus-Chrisl  [Malth.  xxiii,  2D)  ne  blâme  pas 
les  Juifs  de  ce  qu'ils  ornaient  les  tombeaux 
des  prophètes  el  des  justes,  mais  de  ce  qu'ils 
le  faisaient  par  hypocrisie,  afin  de  paraître 
meilleurs  que  leurs  aïeux., Saint  Paul,  aussi 
bien  que  l'auteur  de  V Ecclésiastique,  fait 
l'éloge  des  saints  de  l'Ancien  Testament; 
est-ce  un  crime,  parce  que  les  païens  ont 
aussi  loué  leurs  héros?  C'est  sur  les  leçons 
et  sur  les  faits  de  l'Ecriture  sainte  que  les 
premiers  chrétiens  ont  réglé  leur  conduite, 
el  non  sur  l'exemple  des  païens.  S'il  faut  re- 
Irancher  tous  les  usages  dont  les  païeus  out 


125 


DEL 


abuse,  il  n'esi  pas  permis  de  respecter  les 
rois,  parce  que  les  païens  ont  déifit'  les  leurs. 
Après  avoir  bien  déclamé  contre  les  pompes 
funèbres,  les  prolestants  y  sont  revenus  pur 
un  instinct  naturel,  et  plusieurs  ont  l'usa(;c 
de  faire  l'éloge  funèbre  des  morts  en  leur 
donnant  la  sépulture.  C'est  encore  du  paga- 
nisme, suivant  leurs  principes.  Ils  nous  ob- 
jeclenl  que  le  culte  des  reliiiiies  a  donné  lieu 
à  des  fourberies  sans  nombre,  à  un  trafic 
lionteux,  à  une  fausse  confiance  et  une 
fausse  piété  de  la  pari  des  peuples,  à  une 
superstition  grossière.  Saint  Augustin  lui- 
même  dit  dans  ses  livres  de  l<i  Cilé  de  Dieu 
qu'il  n'ose  ra])porler  toutes  les  impostures 
et  les  abus  cotnmis  en  ce  genre. 

Réponse.  Sans  entrer  dans  aucune  discus- 
sion toucbant  ces  abus,  nous  soutenons  que 
la  haine  des  protestants  contre  le  culte  reli- 
gieux de  l'Eglise  romaine  leur  a  fait  inventer 
plus  de  mensonges,  d'histoires  malicieuses 
cl  de  calomnies,  que  les  catholiques  de  tous 
les  siècles  n'ont  commis  de  fraudes  pieuses 
en  ce  genre.  La  différence  qu'il  y  a,  c'est 
que  les  pasteurs  de  l'Eglise  ont  toujours 
veillé  et  veillent  encore  avec  le  plus  grand 
soin  pour  prévenir  et  pour  empêcher  toute 
espèce  d'abus  dans  le  culte,  au  lieu  que 
chez  les  protestants  personne  ne  se  croit 
obligé  d'empêcher  les  impostures,  les  four- 
beries ,  les  reproches  calomnieux  et  les 
vieilles  fables  que  l'on  renouvelle  tous  les 
jours  parmi  eux  contre  les  prétendues  su- 
perstitions de  l'Eglise  romaine.  Dans  le  fond, 
les  superstitions,  <]Uoique  condamnables,  ne 
nuisaient  qu'à  c(;ux  qui  avaient  la  faiblesse 
d'y  tomber;  mais  le  zèle  furieux  dont  les 
protestants  ont  été  animés  pour  les  détruire, 
a  produit  les  profanations,  le  pillage,  les  in- 
cendies, les  violences,  les  massacres,  et  a 
fait  couler  des  ruisseaux  de  sang,  surtout  en 
France,  pendant  près  de  deux  siècles;  et  si 
les  calvinistes  avaient  encore  assez  de  far- 
ces, ils  recommenceraient  ces  scènes  san- 
glantes dont  le  souvenir  nous  fait  frémir. 

Nous  ap[ilaudissons  volontiers  aux  sages 
réllexions  de  l'abbé  Fleury  :  qu'il  faut  user 
de  prudence  et  de  discernement  dans  le  choix 
des  reliques,  ne  pas  donner  trop  de  confiance 
à  celles  mêmes  qui  sont  les  plus  authenti- 
ques; ne  pas  les  repardercomme  des  moyens 
infaillibles  d'attirer  sur  les  particuliers  et 
sur  les  villes  toutes  sortes  de  bénédictions 
spirituelles  et  temporelles.  Nous  disons  avec 
lui:  «Quand  nous  aurions  les  saints  même 
vivants  et  conversant  avec  nous,  leur  pré- 
sence ne  nous  serait  pas  plus  avantageuse 
que  celle  de  Jesus-Christ;  elle  ne  sulfirait 
pas  pour  nous  sanctifier;  il  le  déclare  lui- 
même  :  Vous  direz  au  père  de  famille  :  Nous 
avons  bu  et  mangé  avec  vous,  cl  vous  avez 
ennei(/né  dans  nos  places;  il  vous  répondra: 
Je  ne  vous  connais  pas.  »  Luc,  c.  xm,  v.  26. 
C'est  aussi  l'esjirit  des  décrets  du  concile  de 
Trente  louchant  le  culte  des  saints,  de  leurs 
images  et  de  leurs  reliques.  Thiers,  Traité 
des  superstitions,  1"  part.,  1.  iv,  c.  l,  montre 
les  abus  que  l'on  peut  commettre  dans  l'u- 
sage des  reliques,  [oy.  Saint,  IUartïr,  etc. 


REM  12e 

REMISSION.  Ce  terme  a  divers  sens  dans 
l'Ecriture  sainte.  1»  Il  signifie  la  remise  des 
dettes  et  l'abolition  de  la  servitude,  Levit., 
c.  xxv,  V.  10,  il  est  dit  en  parlant  du  jubilé  : 
«  Voiis  publierez  la  rnnission  générale  à 
tous  les  habitants  du  pays.  »  En  effet,  dans 
l'année  sabbatique  ou  du  jubilé,  les  Israé- 
lites, parla  loi,  étaient  affranchis  do  leurs 
dettes  ;  ils  rentraient  dans  la  possession  de 
leurs  biens,  et  la  liberté  était  rendue  à  ceux 
qui  étaient  tombés  dans  l'esclavage.  Dans 
saint  Luc,  c.  iv,  v.  18,  Jésus-Christ  s'est  ap- 
pliqué ces  paroles  d'Isaïe,  c.  i.xi,  v.  1  :  L'es- 
prit de  Dieu  est  sur  moi...  il  m'a  envoyé  an- 
noncer l'affranchissement  aux  captifs..,,  et 
Vannée  favorable  du  Seigneur.  Dans  le  style 
ordinairec'élait  l'année  jubilaire;  mais  dans 
la  bouche  du  Sauveur,  ces  paroles  annon- 
çaient au  genre  humain  tout  entier  une  ré- 
mission ou  un  alTranchissement  bien  plus 
important  que  celui  qui  était  accordé  aux 
Juifs  dans  l'année  du  jubilé.  Plusieurs  au- 
tours ont  remarqué  que  l'année  de  la  mort 
de  Jésus-Christ  fut  une  année  jubilaire,  et 
que  ce  fut  la  dernière,  parce  que  Jérusa- 
l;m  fui  détruite,  et  la  Judée  dévastée  par  les 
Romains  avant  la  cinquantième  année  sui- 
vante. —  2'  Rémission,  I  Macfinb.,  c-  xni,  v. 
3'*,  signifie  remise  ou  exemption  des  impôts. 
—  3"  Ce  mot  désigne  encore  l'abolition  de 
la  faute  ou  de  l'impureté  légale  qu'une  per- 
sonne avait  contractée,  et  qui  s'elTaçait  par 
des  purifications,  par  des  offrandes,  par  des 
sacrifices.  Dans  ce  sens  saint  Paul  dil,  Hehr,, 
c.  IX,  V.  22,  que  dans  l'ancienne  loi,  il  n'y 
avait  point  de  rémission  sans  effusion  de 
sang. — 4° Mais  dans  l'Evangile,  r^in/ssion  se 
prend  ordinairement  pour  le  pardon  que 
Dieu  nous  accorde  du  péché.  C'est  une  ques- 
tion entre  les  protestants  et  les  catholiques 
de  savoir  en  quoi  consiste  cette  rémission: 
les  premiers  disent  que  c'est  en  ce  que  Dieu 
ne  nous  impute  pas  le  péché,  et  nous  imi)ule 
au  contraire  la  justice  de  Jésus-Christ.  L'E- 
glise catholique  a  décidé  contre  eux  qu'elle 
consiste  dans  la  grâce  sanctifiante  que  Dieu 
veut  bien  rétablir  en  nous,  grâce  qui  est  in- 
séparable de  l'amour  de  Dieu  ;  aiusi  l'a  en- 
seigné saint  Paul,  lorsqu'il  a  dit  :  «  L'amour 
de  Dieu  a  été  répandu  dans  nos  cœurs  par 
le  Saint-Esprit  qui  nous  a  été  donné  (Rom. 
V,  5).  Voy.  Justification. 

REMMON  ou  REMNON,  nom  de  la  divi- 
nité qu'adoraient  les  peuples  de  Damas. 
Quelques  interprètes  ont  cru  que  c'était  Sa- 
turne, dieu  révéré  chez  plusieurs  peuples 
orientaux  ;  il  est  plus  probable  que  c'était 
le  soleil,  que  ce  nom  est  formé  de  rem,  élevé, 
et  on,  soleil,  en  é5;yptien. 

REMONTRANTS.  Voy.  Arminiens. 

REMPHAN,  nom  d'un  faux  dieu.  Pour  re- 
procher aux  Jniis  leur  iJolâtrie,  le  Seigneur 
leur  dit  par  le  prophète  Amos,  chap.  V,  v.  25  : 
«  Alaison  d'Israël,  ne  m'avez-vous  pas  offert 
des  dons  et  des  sacrifices  dans  le  désert  pen- 
dant quarante  ans?  Mais  vous  avez  porté 
les  tentes  de  voire  Moloch  et  les  images  de 
votre  Kijun,  et  l'étoile  des  dieux  que  vous  i 
vous  êtes  laits.  »  Les  Septante,  au  lieu  de    i 


m 


REN 


REO 


123 


Kijnn,  ont  mis  liœphnn.  Dans  les  Actes  des 
apôtres,  c.  vu,  v.  'i2,  saint  Etienne  rcpole  le 
lexle  (J'Atnos  suivant  la  version  des  Sep- 
tante; il  (lit  ans  Juifs  :  «  Vous  avez  porté 
la  tente  de  Moloch  et  l'astre  de  voire  dieu 
Bemphan,  figures  que  vous  avez  faites  pour 
les  adorer.  »  Spencer  et  d'autres  pensent 
que  hijun  en  hébreu,  Rccplum  en  éityp'ien, 
désignent  Saturne,  astre  et  divinité,  il  y  a 
plus  d'apparence  que  Molor.li,  Kijun,  Kim, 
Chevan,  Rœplwn  ou  lîemplian,  sont  diffé- 
rents noms  du  soleil,  li  est  inconleslable  que 
cet  astre  a  été  la  principale  divinité  des  dif- 
férents peuples  orientaux,  comme  Job  nous 
le  fait  assez  entendre  ;  et  l'on  ne  voit  pas 
pourquoi  ces  peuples  se  seraient  avisés  d'a- 
dorer Saturne,  planète  qui  n'est  guère  con-, 
nue  que  des  astronomes.  Voy.  la  disserC.  de 
dom  Calmet  sur  VidoUUrie  des  Israélites 
dans  le  désert;  Bible  d'Avignon,  t.  XI,  p.  44-7. 

RKNÉGAT.  Vny.  Apostat. 

RENONCEMENT.  Jésus- Christ  dit  dans 
l'Evangile  [Matth.  xvi,  24)  :  Si  quelqu'un 
veut  venir  après  moi,  qu'il  renonce  à  lui- 
même,  qu'il  porte  sa  croix  et  qu'il  me  suive. 
Est-il  donc  possible  de  renoncer  à  soi-même, 
disent  quelques  incrédules  ?  Sans  l'amour 
de  soi,  l'homme  serait  stupide,  ou  serait 
tenté  de  se  détruire.  Mais  il  y  a  un  amour 
propre  bien  réglé  et  bien  entendu  auquel 
Jésus-Christ  ne  nous  ordonne  pas  de  renon- 
cer ;  il  y  a  aussi  un  anionr  de  soi  excessif 
et  mal  réglé,  qui  tourne  à  notre  propre  dom- 
mage, et  c'est  celui  dont  il  faut  nous  dépouil- 
ler. Le  Sauveur  s'explique  assez  en  ajou- 
tant :  Celui  qui  rjoudra  sauver  sa  vie  lit  per- 
dra, et  celui  ijui  la  perdra  pour  moi  la  re- 
trouvera. Pour  suivre  Jésus-Christ  en  qua- 
lité de  son  disciple,  il  fallait  être  prêt  à  tout 
quitter  pour  se  livrer  à  la  prédication  de 
l'Evangile,  même  à  souffrir  la  mort  pour  en 
aliesler  la  vérité,  comme  ont  fait  les  apôtres. 
Renoncer  ainsi  aux  choses  de  ce  monde  et  à 
l'amour  de  la  vie,  ce  n'était  pas  renoncera 
l'amour  bien  réglé  de  soi-mêoie  :  au  con- 
traire, c'était  consentir  à  perdre  une  vie  fra- 
gile et  passagère  pour  en  acquérir  une  éter- 
nelle (Jonn.  XII,  25). 

I)è^  la  naissance  de  l'Eglise  l'usage  s'est 
établi  que  les  catéchumènes,  prêts  à  rece- 
voir le  baptême,  étaient  obligés  de  renoncer 
solennellement  au  dcnion,  à  ses  pompes  et 
à  ses  œuvres,  avant  de  faire  leurs  profes- 
sions de  foi.  Par  là  ils  renonçaient  non- 
seulement  à  l'idolâtrie,  que  l'on  regardait 
connue  le  culte  du  démon,  mais  aux  jeux, 
aux  spectacles,  aux  plaisirs  scandaleux  que 
se  permettaient  les  païens,  à  toute  espèce 
<ie  pé<  hé,  que  Jésus-Christ  appelle  les  a?u- 
vres  du  démon.  Ttriullien,  saint  Cyrille  de 
Jérus.ilem  et  d'autres  Pères  de  l'Eglise,  par- 
lent de  ce  renoncement,  et  font  souvenir  les 
fidèles  des  obligations  qu'il  leur  impose. 
Saint  Jérôme  nous  apprend  que,  pour  re- 
noncer au  déii'on,  le  catéchumène  ^e  tour- 
nait du  côté  de  l'oicidinl,  qui  est  le  i  ôlé  de 
la  nuit  et  des  ténèbres  ;  que  pour  faire  la 
profe>sion  de  foi,  il  se  tournait  du  rôle  de 
i'urieul,  pour  adorer  ainsi  Jésus-Christ,  lu- 


mière du  monde  et  soleil  de  justice.  C'est 
aiu'ii  que  l'Eglise  multipliait  les  cérémonies 
pour  instruire  les  nouveaux  enfants  qu'elle 
recevait  dans  son  sein.  Sage  conduite,  qui 
ne  méritait  pas  la  censure  de  ses  enfants 
rebelles.  .Ménard,  Notes  sur  le  Sacrament.  de 
S.  r.rég.,  p.  UO. 

Il  y  eut  dans  les  premiers  siècles  divers 
hérétiques  nommés  apostoliques,  apostac- 
titis,  enstathicns,  saccophores.  qui  enseignè- 
rent que  tout  chrétien,  pour  faire  son  salut, 
était  obligé  de  renoncer  à  tout  ce  qu'il  pos- 
sédait cl.de  vivre  avec  ses  frères  en  commu- 
nauté de  biens.  Ils  furent  condamnés  par  le 
concile  de  Gangres,  l'an  323  ou  341,  et  lei>r 
erreur  fut  taxée  d'hérésie.  En  effet,  cette 
doctrine  ne  pouvait  servir  qu'à  rendre  la 
religion  chrétienne  odieuse,  et  à  en  détour- 
ner les  païens.  Ces  hérétiques  furent  aussi 
proscrits  par  les  lois  des  empereurs,  Cod. 
Théod.,  1.  XVI,  t.  V  ;  de  Uœrel.,  leg.  7  et  11. 
Ils  abusaient  évidemment  de  ces  paroles  de 
Jésus-  Christ  [Luc.  xiv,  33)  :  Si  quelqu'un 
d'entre  vous  ne  renonce  pas  à  tout  ce  qu'il 
possède,  il  ne  peut  pas  être  mon  disciple.  On 
peut  être  chrétien  et  très-attaché  à  la  doc- 
trine du  Sauveur,  sans  être  son  disciple 
dans  le  même  sens  que  le.s  a;>ô(res,  sans 
être  destiné  comme  eux  à  prêcher  l'Kvan- 
gile  à  toutes  les  nations.  Pour  remplir  cette 
vocation,  les  apôtres  étaient  obligés  sans 
doute  de  renoncer  à  tout,  à  leur  fortune,  à 
leur  patrie  (Matth,  xix,  27)  ;  mais  c'était 
une  absurdité  de  vouloir  obliger  tout  chré- 
tien à  faire  de  même.  Dans  la  suite  plu- 
sieurs chrétiens  fervents,  dans  le  dessein 
d'imiter  les  apôtres,  de  servir  Dieu  plus 
parfaitement,  de  se  consacrer  à  l'utilité 
spirituelle  de  leurs  frères,  ont  renoncé  à 
toutes  choses,  ont  vécu  dans  la  solitude,  se 
sont  exercés  à  la  prière,  à  la  méditation,  au 
travail  ;  mais  ils  n'en  ont  pas  fait  une  loi 
aux  autres.  Il  est  constant  qu'un  Irès-grand 
nombre  de  moines,  soit  anachorètes,  soit  cé- 
nobites de  l'Orient  et  de  l'Occident,  ont  été 
missionnaires  et  ont  contribué  beaucoup  à 
la  conversion  des  païens.  Il  faut  donc  louer 
le  courage  avec  lequel  ils  ont  renoncé  à  tout 
comme  les  apôtres,  afin  de  se  rendre  utiles 
à  tous. 

RÉORDINATION,  action  de  conférer  les 
ordres  à  un  homme  qui  les  a  déjà  reçus, 
mais  dont  l'ordination  a  été  jugée  nulle. 
Selon  la  croyance  de  l'Eglise  catholique,  le 
sacrement  de  l'ordre  imprime  à  ceux  qui  le 
reçoivent  un  caractère  ineffaçable,  par  con- 
séquent il  ne  peut  pas  être  réitéré;  mais  il 
y  a  dans  l'histoire  ecclésiastique  plusieurs 
exemples  d'ordinations  dont  la  validité  pou- 
vait seulement  paraître  douteuse,  et  qui  ont 
éié  réitérées.  Ainsi  au  viii*  siècle,  le  pape 
Etienne  lit  réordonna  les  évéques  (|ui 
avaient  été  sacrés  par  (Constantin,  son  pré- 
décess(!ur,  et  réduisit  à  l'él.it  des  laï(]ues  les 
prêtres  et  les  diaeres  que  celui-ci  a»  .lit  or- 
donnés ;  il  prétendit  que  celle  ordination 
était  nulle.  Quelques  tliéoiogiens  oi.l  cepen- 
dant cru  que  le  pape  Etienne  n'avait  fait 
autre  chose  que  réhabiliter  les  évêques  dans 


IW 


REP 


REP 


130 


kuirs  fondions.  Quant  aux  ordinations  fai- 
tes par  le  pape  Formose,  par  Pliotius,  par 
lies  évéques' schismatiques,  intrus,  evcom- 
inuniés,simuniaques,  coaiine  il  y  en  eut  heau- 
roup  dans  le  \i°  siècle,  il  est  de  principe 
parmi  les  théologiens  qu'on  ne  les  a  jamais 
regardées  comme  nulles,  mais  seulement 
comme  illégitimes  et  irrégulières  ;  de  ma- 
nière que  l'on  ne  pouvait  légitimement  en 
l'aire  les  l'oiictions.  Conséquemment  l'Eglise 
d'Afrique  condamna  la  conduite  des  dona- 
lislcs  qui  réordonnaient  les  ecclésiastiques 
en  les  admettant  dans  leur  société  ;  mais 
elle  n'en  fit  point  de  même  à  leur  égard,  les 
évéques  donalistes  qui  se  réunirent  à  l'E- 
glise furent  conservés  dans  leurs  fonctions 
cl  dans  leurs  sièges. 

L'usage  de  l'Eglise  romaine  est  de  réor- 
donner les  anglicans,  parce  qu'elle  prétend 
(|ue  leur  ordination  est  nulle,  et  que  la  forme 
eu  est  insuffisante.  Les  anglicans  eus-mèmes 
sont  dans  l'usage  <le  réordonner  les  minis- 
tres luthériens  et  calvinistes  qui  passent 
dans  leur  communion,  parce  que  ceux-ci 
n'ayant  reçu  leur  vocation  que  du  peuple, 
l'imposition  des  mains  qui  leur  a  été  faite 
ne  peut  élre  censée  une  oniinalion.  C'est  un 
des  obstacles  qui  dctourneiit  ie  plus  les  lu- 
thériens et  les  calvinistes  de  si^  réunir  à  l'E- 
glise anglicane;  ils  ont  de  la  répugnance  à 
se  soumettre  à  une  réordinntion  qui  suppose 
la  nullité  de  leur  première  ordination  et  de 
toutes  les  fonctions  ecclésiasti<|ues  qu'ils  ont 
remplies.  Les  anglicans  en  usent  de  même 
à  l'égard  des  prèires  callioli(|ues  qui  apos- 
tasient,  du  moins  c'est  ce  qu'assure  le  père 
le  Quien  ;  mais  celte  conduite  n'a  aucun 
fondement.  Car  enfin,  de  quelque  erreur 
que  les  anglicans  accusent  l'Eglise  romaine, 
ils  ne  peuvent  nier  la  validité  des  ordres 
((u'elle  administre,  sans  tomber  dans  l'er- 
reur des  donalistes  et  sans  se  condamner 
eux-mêmes,  puisque,  si  leurs  premiers  évé- 
tjues  ont  été  ordonnés,  ils  ne  l'ont  pas  clé 
ailleurs  que  dans  l'Eglise  romaine.  Ou  pré- 
tend qu'il  y  a  lieu  de  doulcr  si  la  succession 
n'a  pas  été  conservée  parmi  les  évéques  lu- 
thériens de  Suède  et  de  Danemark. 

♦RÉPAlUTEUn.  Adam  av:iit  eniraiiié  iC  genre 
liuiiiaiji  dans  sa  eliuie.  Il  lallail,  puur  relever  les 
ruines  ainoinelces,  un  réparaleiir  puis^aut;  il  hjus 
a  été  donné  dans  la  persoiuie  de  Jésus-Chiisi.  Nous 
avons  exposé  dans  divers  articles  de  ee  diclioiiii.ur!; 
la  nature  cl  rexcellence  de  la  rédenipiion.  il  y  a  nu 
point  que  nous  Jevoiis  loucher  ici,  c'est  la  croyance 
générale  à  un  libérateur.  Il  se  trouve  dans  les  Dé- 
munslrulioiis  évanijeliques,  un  ouvrage  bien  précieux 
sur  ce  sujet,  c'est  la  liédemplioii  aunoucée  parles  tra- 
ditions. L'ouvrage  est  trop  long  pour  être  analysé 
ici.  Nous  nous  conlenioiis  île  citer  un  extrait  de 
\'l''.ssai  sur  rindifféreiice,  qui  présente  parfaitement 
la  question.  No  is  supposons  ici  ce  que  nous  avons 
consulté  au  mot  Origimll  (péché),  la  croyance  du 
genre  liuinain  à  la  déchéance  de  riioiiinie. 

I  Noire  premier  père  ayant  intruduii  le  péché 
dans  le  monde,  Dieu  lui  promit  un  lihéraienr  ipii 
devait  venir  dans  le  temps  pour  sauver  loiis  les 
hommes;  cette  promesse,  l'espérance  du  genre  hu- 
main, s'est  transuMse  par  tradition,  étions  Ijs  peu- 
ples uni  uiieuduce  uiedialeur,  ce  personnage  iu}S- 


térieux  et  divin,  qui  devait  leur  apporter  le  salut  et 
les  réconcilier  avec  le  Créaleur. 

t  Malijré  l'ignorance  et  la  dépravation  introduites 
par  l'idolâtrie,  dit  un  savani,  la  tradition  de  celle 
promesse  s'est  encore  assez,  conservée,  pour  que  l'on 
en  aperçoive  des  traces  cheï  les  anciens.  L'opinion 
qui  a  régné  parmi  tous  les  peuples,  et  '/!ii  a  en  cours 
chez  eux  dès  le  commememeut,  ilc  la  nécessiié  d'un 
riiedialeur,  me  parait  en  être  la  suite.  Tous  les 
liommes,  convaincus  de  leur  ignorance  et  de  leur 
misère,  se  sont  jugés  trop  vils  et  trop  impurs  pour 
oser  se  flatter  de  pouvoir  communiipier  par  eux-mê- 
mes avec  Dieu;  ils  ont  été  universellement  persua- 
dés qu'il  leur  lallail  un  médiateur,  par  leipiel  ils 
pussent  lui  préjenler  leurs  vœux,  en  être  favorable- 
inent  écoutés,  et  recevoir  les  secours  dont  ils  avaient 
besoin.  Mais  la  révélation  s'étant  obscurcie  chez  eux, 
et  les  hommes  ayant  perdu  de  vue  le  seul  médiateur 
qui  leur  avait  été  promis,  ils  lui  ont  substitué  des 
médiateur:;  de  leur  propre  choix;  de  là  est  venu 
le  culte  des  planètes  et  des  étoiles,  qu'ils  (ml  regar- 
dées coninie  les  tabernacles  et  la  demeure  des  inlel- 
ligences  qui  en  réglaient  les  mouvements  :  prenant 
ces  intelligences  pour  des  êtres  mitoyens  enlie  Dieu 
et  eux,  ils  ont  cru  qu'elles  pouvaient  leur  servir  de 
médiateurs;  en  conséipience,  ils  se  sont  adressés  à 
elles  pour  entretenir  le  commerce  toujours  néces- 
saire entre  Dieu  et  sa  créature  ;  ils  leur  ont  ollerl 
leurs  vœux  et  leurs  prières,  dans  respéiance  que, 
par  leur  canal,  ils  obtiendraient  de  Dieu  les  biiMis 
qu'ils  lui  demandaient.  Telles  ont  été  les  idé's  géné- 
ralement reçues  parmi  les  peuples  de  tout  pays  et  de 
ton!  temps.  Mais  ceux  qui  étaient  plus  instruits  des 
premières  traditions  du  genre  hiiiiiain  ont  parfaite- 
ment senti  rinsulhsance  de  tels  médiateurs  ;  ils  ont 
non-seulement  désiré  d'éire  instruits  de  Dieu,  ils  ont 
môme  esjiéré  que  l'Etre  suprême  viendrait  nn  jour  à 
leur  secours,  qu'il  leur  enverrait  un  ilocteur  qui  dis- 
siperait les  ténèbres  de  leur  ignorance,  qui  les  éclai- 
rerait sur  la  nature  du  ciille  (]u'il  exige,  et  qui  leur 
fournirait  les  moyens  de  réparer  la  nalure  corroin- 
liue.  I  (L'abbé  Migiiot,  Mém.  de  CAcad.  des  Jnscrip,, 
t.  LXV,p.  4et  5. 

«  Le  savant  l^iide.iiK  leconnait  aussi  que  <  la  né- 
cessité d'un  niédiaieur  entre  Dieu  et  les  hommes 
était,  depuis  le  cummenceinenl,  une  opinion  régnanle 
parmi  tous  les  peuples.  »  {Utst.  des  Juifs,  l"  part., 
liv.  m,  tom.  I,  pag.  593.  Paris,  iliU.) 

t  Job,  plus  ancien  <|ue  Moïse,  et  Iduméen  de  na- 
tion, mettait  toute  SdU  espérance  dans  ce  médiateur 
nécessaire,  i|ui  éiait  eu  même  temps  le  libérateur 
promis.  I  Je  sais  que  mon  Kedenipleur  esi  vivant, 
ei  que  je  ressusciterai  de  la  terre  au  dernier  jour,  et 
(pie  je  serai  de  nouveau  revêtu  de  ma  cliair,  et  dans 
ma  chair  je  verrai  mon  Dieu;  je  le  verrai  moi- 
même  et  non  pas  un  autre,  et  mes  yeux  le  contem- 
pleronl  :  celle  espérance  repose  dans  mon  sein.  > 
(Job.  XIX,  iSet  27.)  Le  tradition  du  Uédempteur 
répandue,  comme  on  le  voit,  en  Orient,  dés  les  pre- 
uiieis  âges,  remoiiiait  par  Noé  cl  les  patiiarclies, 
jnsipi'à  l'origine  du  monde,  et  pour  prévenir  l'oubli 
où  elle  aurait  pu  louibcr  peut-être.  Dieu  la  rappe- 
lait aux  hommes,  dans  les  temps  anciens,  par  des 
prophéiies  successives.  C'est  ainsi  que  le  lilsdeiléor 
prêtre  du  vrai  Dieu,  comme  il  parait,  lévélantaux 
nations  sa  parole,  la  doctitne  duTrés-Haul,  et  les 
viiions  du  'fout-Puissanl ,  s'écriait  quinze  siècles 
avant  Jesns-Chri-t  :  <  Je  le  verrai,  mais  non  à  pré- 
sent; je  le  cunteinpleiai,  mais  non  de  ptès.  L'étoile 
s'élèvera  de  Jacob,  et  le  sceptre  d'Israël.  De  Jacob 
sortira  celui  qui  doit  régner.  >  (Numer.  xxiv,  15, 
lU,  17,  19.  Les  termes  niêines  de  la  propliélie  mar- 
quent clairement  qu'elle  se  rappurie  à  une  croyance 
antérieure  et  à  un  personii.a;4e  connu,  maiscnveioopé 
(l'une  obscuiité  mystérieuse-;  car,  avant  l'accom- 
piissemeiit  des  promesses,  les  hoiiime^  ne  pouvaient 
ni  ue  dcvaieut  avoir  du  Mesaie  iiue  connaissauco 


131 


REF 


REP 


132 


aussi  parfaite  qu'après  sa  vernie.  Cependant  Joh  l'ap- 
pelle Die»  très  exprcssémenl,  et  il  indique  que  ce 
Dieu  sera  revêiu  d'un  coips,  puistiu'il  le  verra  dans 
saehair,  et  quasesyeux  le  eonlempleronl. 

I  Eu  annonçant  l'apparition  d'un  Sauveur  victo- 
rieux, le  Tfès-I!aul,  dit  Faber,  voulait  enipêclior  que 
les  nations  lomhassent  dans  le  désespoir  on  dans 
l'ignorance.  Nous  trouvons,  en  effet,  ([u'uite  vive 
atienie  d'un  puissant  libérateur  et  rcparaieur,  vain- 
queur du  serpent,  et  Fils  du  Dieu  suprèu)e,  atlonle 
dérivée  eu  partie  de  la  prophétie  de  Balaani,  et  en 
partie  de  la  tradition  plus  ancienne  d'Abraham  et 
de  Noé,  ne  cessa  jamais  de  prévaloir  d'une  manière 
plus  ou  nioins  précise  et  distincte,  dans  toute  l'éten- 
due du  monde  piïen,  jusqu'à  en  que  les  mages, 
guidés  par  un  météore  surnaturel,  vinrent  d'Orient 
clierclier  Véioile  destinée  à  relever  Israël,  et  h  ren- 
verser l'idolilrie.  •  (//orœ  .VosflîVa';  or  a  disserta- 
tion on  ihe  credibility  imd  llieology  of  ihe  Penia- 
leucli  ;  by  George  St;inley  Faber,  vol.  Il,  sec.  i, 
cliap.  H,  p.  9S,  seconde  éJit.,  Londnn,  1818). 

L'idolâtrie  n'était  presque  tout  entière  qu'une  cor- 
ruption, un  abus  du  dogme  mêuic  de  la  médiation, 
et  elle  prouve  invinciblement  la  vériic  de  ce  dogme, 
lié  d'une  manière  inscparablr  à  celui  de  la  dégrada- 
tion de  notre  nature,  coumie  la  multitude  des  remè- 
des ridicules  et  impuissants  prouve  la  réalité  des 
maladies  qui  nous  aliligenl,  et  le  besoin  senti  d'un 
remède  eflicace.  Les  dieux  des  païens,  dit  Beanso- 
bre,  n'éiaieni  autre  chosei;ue  des  médiateurs  auprès 
du  Dieu  supiénic,  ou  tout  au  plus  des  ministres 
pléiiipoientiaires,  charges  de  dispenser  ses  grâces  à 
ceux  qui  en  éiaient  dignes.  (Beausobre,  Hisi.  du 
Manich-,  liv,  is,  ch.  5,  toni.  Il,  pag.  609.)  Les 
Zabiens  ou  Sabéens  étaient  dl\isés  en  plusieurs  sec- 
tes ;  mais  elles  reconnaissaient  toutes  la  nécessité 
de  quelque  médiateur  entre  l'homme  et  la  Diviniié. 
(Urucker,  Hisl.  crit.  philos.,  liv.  ii,  cap.  5,  tom.  I, 
p.  i-li.)  Les  Egyptiens  enseignaient  aussi,  suivant 
Hermès,  cilé  \av  Jamblique,  q(u;  le  Dieu  suprême 
avait  proposé  un  autre  Dieu  comme  chef  de  tous 
les  cspriis  célesies  ;  que  ce  second  Dieu,  qu'il  ap- 
pelle condiicieur,  est  une  sagesse  qui  triuisforme  et 
converiit  en  elle  toutes  les  intelligences.  •  (Jam- 
bliq.,  de  Mijst.  jEgijpl.,  p.  154,  Lugd.,  155-2.) 

«  Il  est  n)anilesté,  observe  Hamsay,  que  les  Egy- 
ptiens admelt.iient  un  seul  principe  et  un  Dieu  nii- 
loyeii  semblable  au  Mithras  des  Perses.  L'idée  d'un 
esprit  préposé  par  la  Divinité  suprême  pour  êire  le 
chef  et  le  conducteur  de  tous  les  esprits,  est  très- 
ancienne.  Les  docteurs  hébreux  croyaient  que  l'àme 
du  Messie  avait  éié  créée  dès  le  coùimencemeni  du 
monde,  et  proposée  à  tous  li  s  ordi'cs  des  inlellineu- 
ces.  »  {Disc,  sur  la  Slijthologie,  p.  23.) 

f  Parmi  les  difl'ér. nis  Hermès  révérés  en  Egypte, 
il  y  en  avait  un  que  les  Chaldéens  appelaient  Dlion- 
vanui,  c'est-à-dire  le  Sauveur  des  liomines.  <  Ce  sur- 
nom, obseivc  d'ilerbelol,  pourrait  fort  bien  convenir 
au  patriarche  Joseph,  que  les  lOuypiiens  (|ualilicrenl 
Psontlium  Pliaiiees,  ce  qui  signilie  dans  leur  langage. 
Sauveur  du  monde;  d'où  il  résulte  que  ces  peuples 
attendaient  un  Sauveur,  et  qu'ils  diunuienl  ce  litre 
d'avance  à  ceux  desquels  ils  recevaient  de  grands 
bienfaits,  ignorant  celui  qui  devait  porter  ce  nom 
pur  excellence.  »  (Bibtiotli.  orient.  ,  art.  Hermès, 
lom.  111,  p.  197.) 

I  II  y  a,  dit.  Plutarque,  une  opinion  de  la  plus 
li.iute  antiquité,  et  qui  a  passé  des  théologiens  et  des 
législateurs  aux  poêles  et  aux  philosophes  ;  l'auieur 
en  est  inconnu,  mais  elle  repose  sur  une  foi  cou- 
slanie  et  inébranlable,  et  elle  est  consacrée  non- 
seulement  dans  les  discours  et  dans  les  iradiiions  du 
gcnie  humain,  mais  encore  dans  les  inystèies  et 
dans  les  sacrilices,  chei  les  Grecs  et  chez  les  bai  ba- 
rcs  universellement.  >  (De  Isid.  et  Osirid.,  Uper., 
p.  ôo:-.) 

«  Cette  opinion,  c'est  que  l'univers  n'est  point 


abandonné  au  hasard,  et  qu'il  n'est  pas  non  plus 
sous  reinpire  d'une  rnisoii  unique;  mais  Mu'il  exisie 
deux  principes  vivants,  l'un  du  bien  el  l'autre  du 
mal  ;  le  premier  qu'on  appelle  Dieu,  e.  le  second 
que  l'on  appelle  dcmoii.  (Ibid.)  Plularque  ajoute  que 
Zoroasiie  donne  au  bon  principe  le  nom  d'Oromaze, 
et  au  mauvais  le  nom  d'Arimane;  et  qn'enlre  ces 
deux  prineipes  est  Miihra,  que  les  Perses  appellent 
le  médiateur  ,  el  à  qui  Znroastre  ordonne  d'offrir  des 
sacrifices  d'impéiration  el  d'action  de  eràces.  Les 
livres  Zends  cnnliraieni  le  léinoii.'nage  de  Plularque. 
«  J'adresse,  y  est-il  dit,  ma  prière  à  Mitlira,  ipie  le 
grand  Ormiizd  a  créé  médiateur  sur  la  montagne 
élevée  en  laveur  des  nonibreus'-s  âmes  de  la  terre,  i 
{liound-Deltcscli,  Jescht  de  Millira,  12»  Cardé.) 

<  Miihra,  observe  Anquetil,  est  mitoyen,  c'est-à- 
dire  placé  enire  Ormuzd  et  Ahriinan,  parce  qu'il 
combat  pour  le  premier  contre  le  second  ;  il  est 
médiateur  entre  Ormuzd,  dont  il  reçoit  les  ordres,  et 
les  hommes  qui  sont  confi  ;s  à  sessoins.  {Suit,  tliée- 
logique  des  Mages,  e[ii,,  Mém.  del'Acad. des  hiscript., 
tom.  LXI,  p.  2;)8.1  Le  génie  de  la  droilure  accom- 
pagne Mitlira.  {Ibid.,  t.  LXIX.)  Il  est  appelé  dans  plu- 
sieurs inscriptions  Dieu  invincible  (Spanlieim,  ad. 
Jttl.  Cœs.,  p.  141).  jDieH  (ou(-p!tlssnn(  (Grnter,  p.  54, 
n.  6).  Les  Oracles  cliulJoiques,  qui  contiennent  la 
doctrine  de  l'école  d'Alexandrie,  el  oii  il  est  fait  une 
allusion  continuelle  aux  prin('i;.es  de  Zoroastre,  dis- 
tinguent deux  intelligences,  l'une  principe  oe  toutes 
choses,  et  l'autre  engendrée  de  la  première.  Celle 
seconde  intelligence,  «  ijui  le  l'ère  n  donné  le  goii- 
verncmeni  de  l'univers  (Stanley,  Hist.  Pliitosopli.,  c.2), 
est  le  Démiurge  des  Grecs  (S.  Irénée,  lib.  n  contra 
hœrcs.,  c.  25  et  28),  et  suivant  l'iéthon,  le  Mitlira 
des  Perses  (Pleth.  Comment,  in  orac.  chald.).  Mitlira 
est  en  eflét  établi  par  Ormuzd  sur  le  monde  pour  le 
gouverner  (Anquetil  du  Perron,  Méni.  de  l'Acad.  des 
Inscript.,  lom.  LXI,  p.  299):  il  vient  de  lui;  et  l'on 
voit  dans  les  livres  Zends  une  parole  ipii  vient  du 
premier  principe  «qui  était  avant  le  ciel,  avant  l'eau, 
avant  la  terre,  avant  les  troupeaux,  avant  lesarbres, 
avant  le  feu,  fus  d'Ormuzd  ;  avant  les  dews,  les  kliar- 
feslers  (productions)  des  dews,  avant  tout  le  monde 
existant,  avant  tous  les  biens,  tous  les  purs  germes 
donnés  par  Ormuzd.  i  (Idem,  ibid.,  t.  LXIX,  p.  177.) 
Son  nom  est  Je  suis,  i  Je  le  prononce  coniimielle- 
ment  et  dans  toute  son  étendue,  dit  Ormuzd,  el  l'a- 
bondance se  multiplie,  i   {Ibid.,  p.  176  et  177.) 

<  iVhriniaii,  balançant  un  moment  entre  le  bien  et 
le  ma!  ;  «  Quel  esi,  dit-il  à  Ormuzd,  cette  parole  qui 
doit  donner  la  vie  à  mon  peuple,  qui  doit  l'augmenter, 
si  je  la  regarde  avec  respect,  si  je  fais  des  vœux  avec 
celle  parole  ?  i  Ormuzd  lui  répond  ;  a  C'est  moi  qui, 
par  celle  parole,  augmente  le  behescbt(leciel).  C'est 
en  legardant  celte  parole  avec  respect,  en  faisant  des 
vœux  avec  cette  parole,  que  tu  auras  la  vie  et  le  bon- 
heur, iihriman,  maître  de  la  mauvaise  loi.  i  {Ibid,, 
p.  I;j2  et  lîi5.)  Celle  parole  meV/iafrice  (|ni,  selon  la 
doctrine  des  Perses,  aurait  pu  sauver  Ahrimaii  lui- 
même,  et  son  peuple,  s'ils  avaient  voulu  l'invoquer 
ou  lui  obrir;  cette  parole  engendrée  de  Dieu  avant 
tons  les  temps,  et  dont  le  nom  est  Je  suis,  ressemble 
btaucoup  au  Logos  ou  au  Verbe  de  Platon,  qui  a  eu 
évidemment  queiipie  notion  obscure  de  la  piiiraliié 
des  Personnes  divines,  et  qui  attendait,  avec  tous  les 
peu|iles,  un  Dieu  libéraietir  qui  devait  sauver  les  liom- 
nies  el  leur  enseigner  le  véritable  culte.  Ce  Dieu  que, 
d.ins  le  Banquet,  il  apiielle  ('amoiir,  el  qui,  suivant 
Parinéniile  et  les  anciens  poêles,  avait  été  engendré 
avant  tous  les  dieux  (Plal.,  in  Conviv.,  Op.  lom.  X, 
p.  i77,  éd.  IJipon.),  participe  à  la  nature  de  Dieu  et 
à  la  nature  de  l'iiouime,  de  sorle  qu'il  est  comme 
le  centre  d'union  et  le  lien  universel  de  tou- 
tes cbo-es.  C'est  de. lui  ipie  proeèdent  l'esprit  pro- 
phétique, le  sacerdoce,  les  sae.ri lices  cl  les  expia- 
tions (Biucker,  Hist,  crit.  pliiloi.,  lom.  Il,  p.  i  A). 
Plein  di!   bienveillance  pour  les  hommes,  il  vient  i 


«3 


REP 


RE1> 


i34 


Imir  secours,  il  est  leur  médecin  ;  et  qiianii  il  les  aura 
guéiis,  le  genre  Ijiiniaiii  jouiia  du  plus  liaul  degré 
debmilieiir.  (l'Ial.,  Coiitii).,  oper.  toui.  X,  p.  2U6.) 

€  C'est  ce  Dieu  qui,  comme  il  e--ldii  dans  cerlnins 
lers,  donne  la  paix  an  qeme  humain.  H  inspire  la  dou- 
ceur et  chasse  l'inimitié.  Miséricordieux,  bon,  révéré 
des  s:iges,  admiré  lics  dieux,  ceux  qui  ne  le  possè- 
dent pas  doivent  désirer  de  le  posséder,  et  ceux  qui 
le  possèdent,  le  conserver  préeii'usenicni.  Les  gens 
de  bien  lui  sont  cliers,  et  II  s'éloigne  des  méolianls. 
Il  nous  soutient  d  ins  nos  travaux,  il  nous  rassure 
dans  nos  craintes,  !(  ijoueerne  nos  dédis  et  notre  rai- 
ton  ;  il  est  le  SnuVtur  par  excellence.  Gloire  des  dieux 
et  des  hommes,  et  leur  chef  ti  es  beau  et  très-bon, 
nous  devons  le  suivre  toujours,  et  le  célébrer  dans 
nos  hymnes,  i  {Ibid.,  p.  218  et  210.)  Parlant  ailleurs 
des  sacrifices,  des  purifications,  du  culte  divin,  ISul, 
dit-il,  ne  nous  enseignera  quel  est  te  vériliibte,  si  Dieu 
lui-même  n'est  son  tjuide  (Epinum.,  Oper.  loni.  IX, 
p.  200).  11  croyait  qu'un  envoyé  de  Dieu  pourrait 
seul  réformer  les  mœurs  des  hommes.  (Apol.  Sacral.) 

«  Dans  le  second  Alcibiade,  Soerate,  après  avoir 
montré  que  Dieu  n'a  point  d'égard  à  la  iniiltipliciié  et 
à  la  magnificence  des  sacrifices,  mais  qu'il  regarde 
uidquenient  la  disposition  du  cœur  de  celui  qui  les 
offre,  n'ose  pas  entreprendre  il'expliquer  quelles  sont 
ces  dispositions  et  ce  qu'il  faut  demander  à  Dieu, 
f  11  serait  à  craindre,  dii-il,  qii'ijn  se  iroiniâi  en 
dcmandanl  ;<  Dieu  de  viirilables  maux,  que  l'on  pren- 
drait pour  des  biens.  Il  faut  donc  allendie  jusqu'à  ce 
que  quelqu'un  nous  cnsiigne  (|ui;ls  doivent  èire  nos 
sentiments  envirs  Dieu  et  envers  les  hojunies.  — 
Alcibiade.  Qacl  sera  ce  maîiie,  et  (piund  viendra-t-il  ? 
Je  verrai  avec  une  gr;inde  joie  cet  homme,  quel  qu'il 
soit.  —  Sacrale.  C'est  celui  «  qui  dès  à  présoil  vous 
êtes  cher;  mais  pour  le  connaiire  il  faut  que  les  té- 
nèltres  qui  ollusqiient  votre  esprit,  et  qui  vous  empê- 
chent de  discerner  clairemeni  le  bien  du  mal,  soient 
dissipées  ;  de  môme  que  Minerve,  dans  Homère , 
ouvre  les  yeux  de  Diomède,  pour  lui  faire  distinguer 
le  dieu  caché  sous  la  ligure  d'un  homme.  —  Alcibiade. 
Qu'il  dissipe  donc  celle  nuée  épaisse;  car  je  suis  prêt 
à  faire  tout  ce  qu'd  m'urdonnera  pour  devenir 
meilleur.  —  Sacrale.  Je  vous  le  dis  encore,  celui  dont 
nous  parlons,  désire  infiniment  voire  bien.  —  Alci- 
biade. Alors  il  me  semble  que  je  ferai  mieux  de  re- 
picilre  mon  sacrifice  jiisipi'au  temps  de  sa  venue.  — 
Sacrale.  Ceriainemeiit,  cela  est  plus  sûr  que  de  vous 
exposer  à  déplaire  à  Dieu.  —  Alcibiade.  I£h  bien! 
nous  offrirons  des  couronnes  et  les  dons  que  la  loi 
prescrira,  lors.|ue  je  verrai  ce  jour  désiré;  ei  j'espère 
de  la  boulé  des  dieux  qu'il  ne  lardera  pas  à  venir,  i 
(IMal.,  AUibiad.  '2,  oper.  toin.  V,  p.  100,  101,  1(12.) 

«  On  volt,  dil  r.ibbé  Foiiclier,  par  ce  dialngue,  que 
l'allciiie  ceriainc  d'un  docteur  u:iiver-el  du  geme 
I  uiiiain  était  un  dogme  leçu  i|ui  ne  soull'rait  poiiil  de 
conlr.idictioii.  i  (  Màn.  d.'  l'Acad.  des  Inscripi,  , 
tom.  LXXI,  p.  m,  noie.)  Alcibiade  parle  de  cet  en- 
voyé célesie  comme  <run  homme;  Socraie  insinue 
cbiiremeui  qu'un  Dieu  sera  c:iché  sous  la  figure  de 
cet  homme;  et  dans  le  rioi^i',  Platon  l'appelle  Dieu 
Irés-expresséineiil  ;  <  Au  commencement  de  ce  dis- 
'cours,  dit-il,  invoquons  le  Dieu  Sauveur,  afin  que, 
par  lia  cnseigiiemenl  extraordinaire  et  merveilleux, 
il  nuis  .>anve  en  nous  iiisirtiisant  de  la  dorlrine  véri- 
table. I  (Plal.,  Tiin.,  oper.  loin.  XXI,  iiag.  ôil.) 
Diucker  se  demande  où  Platon  avait  piiité  ces  idées, 
et  il  en  voit  la  source  dans  l'aniiiiue  iradilion  d'un 
M  dialciir  qui  devait  réunir  en  lui  les  deux  natures 
diwi  c  ei  humaine.  (Uist.  crii.  pliilos.,  t.  11.)  Il  ob- 
serve au  même  lieu,  que  loiiie  la  philusopliie  éclec- 
li'liie  éiait  fondée  sur  une  fausse  théorie  de  la  niédia- 

l0:i. 

I  Piirmi  les  imms  que  les  anciens  doniiaiint  à  la 
D  viiiiié,  et  (iii'Ansioie  a  recueillis,  se  Mouvent  ceux 
i!i;  Sauveur  et  de  Libérateur.  (De  Mundo,  c.  8,  oper. 
I.  I.)  l'orphvre  reeonnaissail  la  nécessité  d'une  puri- 


fication générale,  il  ne  pouvait  croire  que  Dieu  eût 
laissé  le  genre  humain  privé  d'un  lel  remède,  et  il 
éiait  fon  é  de  convenir  qu'aucune  secle  de  philoso- 
phes, parmi  les  barbares  ou  chez  les  (Jrecs,  ne  le  lui 
offrait  (S.  August.,  De  Civil.  Dei,  1.  x,  c.  Ô2,  ii.  1; 
oper.  loin.  VII,  col  268.)  Jamblique,  se  confouiiant 
à  l'ancieniie  tradition,  avoue  que  nous  ne  pouvons 
connaître  ce  que  Dieu  demande  de  nous,  à  moins  que 
nous  ne  soyons  instruits,  soit  par  bd,  soit  par  quel- 
que peronnnc  avec  laquelle  il  ail  conver>é.  {De  Yiia 
Pijtlioqnrœ,  cap.  28.) 

«  On  croyait  uiiiversellcment,  comme  l'a  prouvé 
l'abbé  Foiiclier  dans  une  siiile  de  mémoires  fort  cu- 
rieux, aux  lh''oplninit'spe'nmnenies.t\m  ne  sont  autre 
chose  que  la  manifestation  d'un  Dieu  dans  un  corps 
réel  et  tellement  propre  à  lui,  qu'il  nait  comme  les 
autres  liommi";,  croit,  vieillit  et  meurt  cimime  eux, 
soit  de  mort  naturelle,  snii  de  mort  violeale.  «  Par 
quelle  analogie,  dil  l'auieur  que  nous  venons  de  citer, 
les  peuples  ont-ils  donc  éié  conduits  à  l'idée  d'un 
Dieu  qui  s'incarne,  qui  naît  comme  nous  ;  qui,  malgré 
sa  puissance,  est  en  bulle  à  la  misère,  aux  mauvais 
Iraiiements,  sujet  aux  mûmes  besoins  (|ue  les  autres 
hommes,  et  qui  comme  eux  ilevient  enfin  vieiime  de 
1.1  mort?...  L'accord  de  tant  de  nations,  dont  plu- 
sieurs ne  se  coniiaissaieal  pas  nême  de  nom,  prouve 
invincibleiiiciil  que  tontes  avaient  puisé  dans  une 
source  cominime,  c'est-à-dire  dans  la  religion  primi- 
tive, dont  la  mémoire  a  pu  s'altérer,  mais  mm  se 
perdre  tout  à  fail.  )  (Sléin.  de  l'Acad.  des  Inscriptions, 
loin.  LXVI,  pag.  153,  138.) 

I  Les  païens  savaient  (|ue  ce  Dieu-Homme,  qui  de- 
v:iit  naître  d'une  Vierije-Mcre,  selon  la  ir.idilion  uni- 
verseile  (A'p/i«fr.  tibeian.,  loin.  I,  pag.  50,57;  — 
J\liietan.  Quœsl.,  lib.  ii,  cap.  15,  p.  237  et  sei|.), 
n'était  aucune  des  divinités  qu'ils  adoraieni,  puisi|ue 
crs  dieux,  et  même  les  plus  grands,  Vichnoii,  Baai, 
Osiris,  Jupiter,  Odin,  devaient  être  enveloppés  dans 
la  [iroscription  générale,  quand  le  Dieu  souverain 
viendra  juger  l'univers,  et  punir  ceux  qui  n'auront 
pas  profilé  îles  enseignements  du  véritable  médiateur. 
Méin.  de  l'Acad.  des  Inscript.,  tom.  L.KXI,  p.  407, 
noie.)  Dans  ratienle  iierpéiuelle  où  ils  éiaienl  de  cet 
envoyé  céleste,  les  peuples  croyaient  le  voir  dans  tous 
les  personnages  extraordinaires  qui  paraissaient  dans 
le  monde.  De  là  celle  mnllilude  de  dieux  sauveurs  et 
libérateurs,  que  créait  partout  la  loi  dans  le  Sauveur 
promis  :  c  mais  ces  faux  libérateurs  ne  répondant 
point  aux  càpérances  et  aux  besoins  des  hoi;imes,  ils 
eu  aueiidaieiit  sans  cesse  de  nouveaux,  i  {Mém.  de 
l'Acad.  des  Inscript.,  tom.  XXIV,  p.  500),  et  le  vrai 
Messie  éiait  toujours,  siiiis  qu'elles  le  sussent  elles- 
mêmes,  /u'  désiré  des  naliuns.  »  (IbiU.,  tuin.  L.WI, 
p.  2S2  ;  Vid.  el  Alnet.  Qiiœst.,  I.  u,  c.  13.)  A  mes'ire 
qii'approcliait  sim  avènement,  une  lumière  exlraor- 
dinaire  se  répauilait  dans  le  inonde  :  c'était  comme 
les  premiers  rayons  de  VEtoile  de  Jacob.  Elle  va  |ja- 
raître,  et  Cicéroji  annonce  une  loi  éiemelle,  univer- 
selle, la  lui  de  toutes  les  nations  et  de  tous  les  temps; 
un  seul  maitre  commun,  (|iil  serait  Dieu  même,  dont 
le  règiieall.iil  commencer.  (Cicer.,  de  Republ.,  lib.  lii, 
ap.  Laet.,  Div.  Insl.,  lib.  VI,  c.  8.) 

«  Viigile,  rappelant  les  anciens  oracles,  célèbre  le 
retour  de  la  Yiertje,  la  naissance  du  grand  ordre,  que 
va  bientôt  établir  <  le  Fils  de  Dieu  descendu  du  ciel. 
I  Li  glande  époque  s'avance;  tous  les  vestiges  de 
«  notre  crime  étant  effacés,  la  terre  sera  pour  jani;iis 
«  délivrée  de  la  crainte.  L'Enlant  divin  qui  doit 
«  régner  sur  le  moud  •  pacifié,  recevra  pour  premiers 
I  présents  les  simples  Iruiis  de  la  terre,  et  le  serpeni 
<  expirera  pièsdeson  berceau.  «(Virgile,  Erlog.lV.) 
l]n  deuii-siècle  apiès,  Suéioiie  et  Tacite  nous  mon- 
lient  tous  les  peuples  les  yeux  fixés  sur  la  Judée, 
d'oit,  diseiit-ils,  une  antiguc  el  cansianle  Iradilion  an- 
nunç.ait  que  devait  siriir  en  ce  lenips-là  le  Dominateur 
du  monde.  <  l'ercrebiierai  Oriente  loio  velus  cl  con- 
s.l,iiis  opinio,  esse  in  faiis,  ui  eo  lempore  Judxa  pro- 


155 


REP 


REP 


136 


fecli  rernm  noiirentur.  »  (Sueton.,  vi  Vespas.)  t  Plii- 
ribus  persiiasio  ineral,  anliqiiis  sacerdotiiin  littens 
contineri,  en  ipso  lenipme  fiire  ni  valescerel  Oneiis, 
proffcliqùi^  Jiila'a  reriini  poliieiUur.  »  (Tacit.,  Hist., 
lib.  V,  II.  13.)  Ctille  alterne  étaii  si  vive,  que,  suivant 
une  irailiiiii!)  des  Juifs  consignée  dans  le  TalmuJ  et 
dans  plii'iieui's  antres  ouvrages  anciens,  un  grand 
nombre  de  gcnlils  se  rendireni  à  Jérusalem  vers  l'é- 
poqne  de  la  "naissance  de  Jésns-Clirisl,  alin  de  voir  le 
Sauveur  du  monde,  quand  il  viendrait  racheter  la 
maison  de  Jacol).  (  Talmud.  Babylon.,  Sanhédrin, 
cap.  Il,  vid.  Defensa  de  la  fieligion  crisli/ina,  par  don 
Juan  Josepli  lleydeck,  l.  Il,  p.  79,  Madrid,  1798.)  H 
est  parlé  dans  la  inylliologie  des  Gollis,  d'un  premier- 
né  du  Dieu  suprême,  et  il  y  est  représenlé  comme  une 
divinilé  mmienne,  comme  toi  médialeur  ailre  Dieu  et 
l'homme.  (Èdda,  fab.  il,  note.)  11  combattit  avec  la 
mort  (Ibid.,  lab.  25),  et  il  écrasa  la  lèle  du  grand 
serpent  {Ibid.,  fab.  27);  mais  il  n'obhnt  la  victoire 
qu'aux  dépens  de  sa  vie.  (Ibid.,  fab.  52.) 

€  Le  savatit  Maurice  a  iironvc  jusqu'au  dernier  de- 
gré d'évidence,  que  i  des  traditions  iniméiiioriales, 
dérivées  des  patriarches  et  ré|)aiidncs  dans  tout  l'O- 
rient, touchant  la  chute  de  riioininc  et  la  promesse 
d'un  fulur  n;édiateur,  avaient  appris  à  lont  le  monde 
païen  à  attendie  l'apparilion  d'un  persoiniage 
illustre  et  sacré,  vers  le  lemps  de  la  venui>.  deJésus- 
Chrisi.  >  (  Maurice's  Hist.  o(  Hiiidostan,  vol  11, 
îiook  4.)  Fondés  sur  une  tradilion  antique,  les  Arabes 
attendaient  également  un  libérateur  qui  devait  venir 
pour  sauver  les  peuples.  (Bmilainvilliers,  Vie  de  Ma- 
homet, liv.  11,  pag.  194.)  C'étiit  à  la  Chine  une  an- 
cienne croyance,  qu'à  la  reli;;ion  des  idoles  {Siam 
kitto),  qui  avait  corrompu  la  religion  primitive  {Tchitn 
kiao),  succéderait  la  dernière  religion  {Moiiiao),  celle 
qui  devait  durer  jusqu'à  la  desiruclion  du  monde. 
(De  Guignes,  ilém.  det'Acad.  des  Inscript.,  toin.  LXV, 
p.  543.)  Les  habitants  de  l'ile  de  Ceylan  aitendaient 
aussi  une  loi  nouvelle  qui  devait  un  jour  leur  être 
apporlée  des  régions  de  l'Oceident,  et  qui  deviendrait 
la  loi  de  tous  les  Immines. 

I  Les  livres  Likiylii  parlent  d'un  temps  où  tout  doit 
être  rétuhli  dans  la  première  splendeur,  par  l'arrivée 
d'un  héros  nommé  liiunlsé,  ipii  signilie  pasieur  et 
prince,  à  qui  ils  donnent  aussi  les  noms  de  irès-sainl, 
lie  docteur  universel,  et  de  Vérité  souveraine.  C'est  le 
Miihra  des  Perses,  l'Orus  des  Kgyptiens,  et  le  Ijrama 
des  Indiens,  i  —  c  Les  livres  chinnis  parlent  même 
des  soulfrances  et  des  combats  de  Knmtsé....  Il  parait 
que  la  source  de  toutes  ces  allégories  (les  travaux 
d'Hercule,  etc.)  est  une  irès-aïKiemie  tradition  com- 
mune à  toutes  tes  wilions,  que  le  Dieu  mitoyen,  à  qui 
elles  donnent  toutes  le  nom  de  Soter  ou  Sauveur,  ne 
délruirait  les  crimes  qu'en  sonlfrant  lui-même  beau- 
coup de  maux.  >  (Uamsay,  Discours  sur  la  Mythologie, 
pag.  I;i0  et  151.) 

«  Confucins  disait  que  le  Saint  envoyé  du  ciel  sau- 
rait toutes  choses,  et  qu^il  aurait  tout  potivoir  uu  ciel  et 
iur  la  terre.  [Mmilede  Coniuciw-,  p.  i9().)  Qu'elle  est 
grande,  s'écrie-i-il,  la  voie  du  Saint!  Elle  est  comme 
rUcean;  elle  produit  et  conserve  tontes  choses,  sa 
su  blmiiié  louche  an  ciel.  Qu'elle  est  grande  et  riche!... 
allendoiis  un  hoiiiuie  qui  soit  lel  qu'il  puisse  suivre 
celle  voie;  car  il  est  dit  que,  si  l'on  n'est  dimé  de  la 
suprême  vertu,  on  ne  peut  parvenir  au  sunimet  de  la 
voie  du  Sailli,  i  [L'Invariable  Milieu,  elc,  cliap.  27, 
§1,6,  p.  94.)  Après  avoir  plusieurs  lois  rappelé  ce 
laiut  homme  qui  doit  venir  {Ibid.,  ch.  29,  §  3  et  4), 
il  ajoute  :  i  11  n'y  a  dans  l'univers  qii'iiii  saini  qui 
puisse couipiendre,  éclairer,  pénétrer,  savoiret  siifljre 
pour  gouverner;  dont  la  niagnanimilé,  l'affabiliié  et  la 
bonté  contiennent  tnus  les  liommes;  dont  réueri;ie, 
le  courage,  la  force  et  la  consiaiice,  puissent  siilliie 
pour  commander  ;  dont  la  pureté,  la  gravilé,  l'éipiité, 
la  droiture,  sulfisent  pour  aitirer  le  respect  ;  ilont 
rél"i|i!ence,  la  régjlarilé,  ratienlion,  l'exactilude, 
bjriiseiil  pour  tout  discerner.  Sou  c^piit  vaste  cl 


étendu  est  une  source  profonde  de  choses  qui  parais- 
sent chacune  en  son  temps.  Vaste  et  étendu  comme 
le  ciel,  profond  cominc  l'abîme,  le  peuple,  q'nand  il 
se  montre,  ne  peut  n.an mer  de  le  respecter  :  s'il 
parle,  il  n'est  personne  ipii  ne  le  croie;  s'il  agit,  il 
n'est  personne  qui  ne  1  applaudisse.  Aussi  son  nom  et 
sa  gloire  inonderont  bientôt  l'empire,  el  se  répan- 
dront jusque  chez  les  barbares  du  Midi  el  du  Nord, 
partout  où  les  vaisseaux  el  les  chars  peuvent  aborder, 
où  les  forces  de  l'hoinme  peuvent  pénétrer,  dans  tous 
les  lieux  que  le  ciel  couvre  et  que  la  terre  snpporie, 
éclairés  par  le  soleil  et  la  lune,  lériilisés  par  la  lo^ée 
et  le  brouillard.  Tous  les  êtres  qui  ont  du  s  ing  el  qui 
respirent,  l'honoreront  et  l'aimeront,  et  l'un  pourra 
le  comparer  au  ciel  (à  Dieu),  i  {Ibid.,  ch.  31,  p.  106, 
109.; 

I  M.  Rémusat  cite  un  traité  fort  curieux  de  Heli- 
(jion  musulmane,  écrit  en  chinois  par  un  auieur  nni- 
snlman,  et  on  on  lit  ces  paroles  :  «  Le  niinisire  f'hi 
consulta  Conlïicius,  et  lui  dit  ;  U  maître,  n'éles-vous 
pas  un  saint  homme  ?  il  répondit  :  Quelque  elîorl  que 
je  fasse,  ma  mémnire  ne  me  rappelle  personne  (|iii 
soit  digne  de  ce  nom.  Mais,  reprit  le  ministre,  les 
irois  rois  (fondateurs  de  dynasties)  n'ont-ils  pas  clé 
saints  ?  Les  trois  rois,  répondit  Confucius,  doués 
d'une  excellente  boulé,  ont  été  remplis  d'une  pru- 
dence éclairée  et  d'une  force  invincible.  Mais  moi, 
lihiéou,  je  ne  sais  pas  s'ils  ont  été  des  saiiils.  Le  mi- 
nistre reprit  :  Les  cinq  seigneurs  n'ont-ils  pas  été  des 
saints  ?  Les  cinq  seigneurs,  dit  Confucius,  doués  d'iina 
excellenie  bonié,  ont  fait  usage  d'une  charilé  divine 
et  d'une  justice  inaltérable.  Mais  moi,  Ktiiéou,  je  ne 
sais  pas  s'ils  oui  été  des  saints.  Le  minisire  lui  de- 
manda encore  ;  Les  Irois  Aiiuusies  n'ont- ils  pas  éié 
des  saints  ?  Les  trois  Augustes,  répondit  Confucius, 
ont  pu  faire  usage  de  leur  temps  ;  mais  moi,  Khiéou, 
j'ignore  s'ils  ont  été  des  saints.  Le  ministre,  saisi  de 
surprise,  lui  dit  eiilin  :  S'il  en  est  ainsi,  i|uel  est  donc 
celui  que  l'on  peut  appeler  SalnlV  Confucius,  ému, 
répondit  pourtani  avec  dcuicenr  à  i  elle  quesiinn  :  Moi, 
Khiéou,  j'ai  entendu  dire  quf,  datis  les  contrées  occi- 
dentales, il  y  avait  {  ou  il  y  aurait)  un  saint  homme, 
qui,  sans  exercer  aucun  acte  de  gouvernenieni,  pré- 
viendrait les  troubles  ;  qui,  sans  parler,  inspirerait 
une  foi  spontanée;  qui,  sans  exécuter  de  change- 
ment, produirait  naturelle  nenl  un  Océan  d'actions 
(méritoires).  Aucun  hoinine  ne  saurait  dire  son  nom; 
mais  moi,  Khiéou,  j'ai  enlendu  dire  que  c'était  là  le 
Yérilable  Saint.  »  {L'Invariable  Milieu,  etc.,  note, 
p.  144,  145.) 

I  Le  P.  Iniorcetta  rapporte  aussi,  dans  sa  Vie  de 
Confucius,  (|ue  ce  philosophe  parlait  d'un  Saint  qui 
existait  ou  qui  devait  e.ricier  dans  l'Occident  i  Celte 
parlicularilé,  dit  M.  Kémusat,  ne  se  trouve  ni  dans 
les  Kiny  ui  dans  les  Tsé  chou;  el  le  missionnaire  ne 
s'appuyant  d'aucune  autorité,  on  aurait  pic  le  soup- 
çonner de  prêter  à  Confucius  un  langage  convenable 
à  ses  vue».  Mais  celle  parole  du  philosophe  chinois 
se  trouve  consignée  dans  le  Ssé  uèn  louï  thsiii  (Mé- 
langes d'affaires  et  de  littérature),  au  cha|i.  35;  dans 
le  Chùn  thânq  ssè  kab  tchimj  tsi,  au  chap.  l"',  et  dans 
\e  Liéi-lseit  thsiouàn  choii.  >  {L  Invariable  Milieu,  eic, 
iiot.,  p.  143.)  i/anieiir  chinnis  de  la  gluse  sur  le 
Tchoung  yoûny,  dit  que  i  le  saint  homme  îles  cent  gé- 
jiéraiioiis  (l'ë  ehi)  est  très-éloigné,  el  qu'il  est  dilli- 
cile  lie  se  former  à  son  sujet  une  idée  nette.  Dans 
l'aitenle  où  il  est  du  saint  boiume  des  cent  généra- 
tions, le  sage  se  propose  à  lui-même  une  do  trine 
qu'il  a  sérieusement  examinée,  et  s'il  parvient  !i  ne 
commetire  aucun  péché  contre  celle  doctrine  qui  est 
celle  des  saints,  il  ne  peut  plus  avoir  de  doute  sur 
lui-même.  )  (Ibid.,  p.  lo8,  159.)  Selon  M.  Uémusal, 
pé  chi,  cent  générations,  est  ici  une  expression  indé- 
finie qui  uiarquc  un  long  espace  de  temp».  i  .Mais, 
.ijouie-l-il,  un  c/i!  esl  l'e-pace  de  ôOans.  Cent  i//i  lojit 
donc  3000  ans,  el  à  l'époque  où  vivait  Confucius,  il 
serait  bien  extraoïdiuaird  qu'il  eùi  dit  que  le  saïut 


137 


REP 


REP 


158 


lininme  éiflil  allpnrln  depuis  3000  ans.  J'abandonne 
an  rpsle  aux  réHfjiions  ilii  le<'ienr  ce  passage,  qui.  .i 
110  le  prendre  même  (ini!  dans  le  s^ens  oriliiiaiie, 
jirnnvp  du  moins  qiio  l'idée  di!  la  venue  d'un  Saint 
elail  répandue  à  la  Cli  ne  .lès  le  vi«  sièile  avunl  l'ère 
vulgaire.  >  (L'Jnvanable  Milieu,  noie,  p.  1  iO.) 

I  La  dnelrine  de  Confurius  ei  des  leilrés  s'accnr- 
Hail,  à  cet  i-gard,  avec  celle  de  Fue  nu  Xaca,  adoplée 
par  le  peuple,  ncin-senl-nienl  à  la  (dilne,  mais  au 
Tliibel,  son  siège  priiuipal,  à  la  Cochinrhiiie,  au 
Tmiqiiin,  dans  le  royaume  de  Siani,  à  Ceyl  'ii,  et 
JHsipr'au  Japon.  Eu  ces  pays  idulâ  res  on  croyaii  uni- 
versellement qu'un  Dieu  devait  sauver  le  genre  liu- 
maiii  en  salislaisant  au  Dieu  siiprêuie  pour  les  pccliés 
des  lioiumes.  {Alnet.  quœsi.,  lib.  il.  c.  U.)  La  même 
iradilion  existait  dans  le  Nouveau-Monde.  Les  Salives 
de  l'Améiique  disaient  que  le  Puni  envoya  son  (il>  du 
ciel  pour  tuer  un  serpent  bnrnble  ipn  dévorait  les 
peuples  de  rOrénoque;  que  le  lils  de  Pu'U  vaiu(|uit 
ce  serpent  et  le  tua  ;  qu'alors  Pnrn  dit  au  démon  : 
Va  l'en  à  l'enfer,  maudit;  tu  ne  rentreras  jamais  dans 
Uia  maison.  {Gumilla,  toin.  I,  p.  171.) 

c  Ainsi  l'aiienie  d'un  libérateur  du  genre  bumaiii, 
d'un  Ildoime-Dieu,  est  aussi  ancienne  que  le  inonde, 
soit  que  l'on  C"iisiilère  les  emyances  des  peuples,  les 
ténxiignages  des  poêles  et  des  pbilosophes,  les  insii- 
tutions  religieuses,  les  riles  expiatoires,  il  est  mani- 
feste qu'il  n'y  eut  jamais  de  tradilion  plus  universelle. 
Malgré  sa  liaine  [lour  le  cbrislianisme,  Boulanger 
Ini-mèine  n'a  pu  s'enipéclicr  de  le  reconnaiiro.  Il 
avoue  que  les  anciens  ailendiiicnl  des  dieux  libéra- 
leiirs  qui  devaient  régner  sous  une  forme  humaine, 
et  que  des  imposteurs  ont  souvent  pndilé  de  celle 
disposition  pour  se  faire  honorer  comme  des  dieux 
descendus  du  ciel.  Il  iroiive  cette  opinion  profonde- 
inciil  enr  icinée  dans  l'e~prii  do  ton>  les  peuples,  et  il 
en  ciie  des  exemples  frappants.  {L'Anliquité  dévoilet 
panetutages,  loin.  Il,  liv.  iv,  cli.  5.)i  Les  Itoiiiains, 
dit-il,  tiinl  républicains  qu'ils  é  aient,  altendaieiil,  du 
temps  de  Cinéroii,  un  roi  prédit  par  les  sibylles, 
lomine  on  le  voit  dans  le  livre  de  la  Divinaiion  de  cet 
orateur  phi  osoplie;  les  misères  de  leur  répuhli(|ue 
en  devaient  èirti  les  annonce^,  et  la  mon  irchie  uni- 
verselle la  suile.  C'est  une  aiiecdole  de  l'hislure  ro 
niaine  à  laquelle  on  n'a  pis  lait  toute  ratlenlinu 
qu'elle  méiile....  Les  liébri>ux  atlendaient  lantùt 
lin  conquérant  et  tantôt  un  éliu  indértuissable,  hett- 
reu\  et  malheureux  ;  ils  l'attendent  encore.... 

I  L'Oracli:  de  Delphes,  comme  on  le  volt  dans 
Pliitarque,  était  dépositaire  d'une  ancienne  et  seeièle 
prophétie  sur  la  luinre  naissance  d'un  fils  d'Apollon, 
qui  amènerait  le  règne  de  la  justice;  et  toul  h-  paga- 
nisme grec  et  égyptien  avait  nue  inullitude  d'oracbs 
qu'il  ne  comprenaii  pas,  mais  qui  tous  dé<  elaieni  de 
inètne  celle  chimère  iiniversetle.  C'était  elle  qui  douuail 
lien  à  la  folle  Vanité  de  tant  de  rois  et  de  princes, 
qui  préiendaienl  se  faire  passer  pour  lils  de  Jupiter. 
Les  antres  clalion^  de  la  terre  n'ont  pas  nioiu'  donné 
dans  ce-  étranges  visimis....  Les  Cbiiiois  altendeut 
un  Phelo;  les  Japonais,  nu  Pfyraniel  nu  Combailuxi; 
les  ^^la^■.ois  un  Sommoiia-Cud  ,m....  Tous  les  Amr- 
ricains  atlenilaieiil  du  côié  de  l'Oi  ieni,  qu'un  pourrait 
appeler  le  p^/e  de  l'espérance  de  Ivutes  les  nalivn$,  de» 
enlanis  du  Soleil  ;  et  les  Mexicains  en  particulier  at- 
tendaient un  de  leurs  anciens  rois  qui  devait  les  re- 
venir voir  par  le  côté  de  l'aurore,  après  avmr  lait  le 
tour  du  luunde.  Eiilin  il  n'y  a  eu  aucun  peuple  qui 
n'ait  eu  son  expectative  de  cette  espèce.  »  {lieclier- 
ches  sur  l'orig.  du  despolism.  orient.,  sect,  10,  p.  1  ili 
et  117.)  VoUaiie  conliime  celte  remarque,  et  ses 
paroles  méritent  une  sérieuse  aileiilion.  <  C'était,  de 
lemps  inmiémorial,  une  maxime  cher  les  Indiens  et 
Chez  les  Chinois,  que  le  Sage  vien.lrail  de  l'Occident. 
L'Europe,  au  contraire,  disait  que  le  Sai;e  viendrait 
de  l'Orieul,  Tomes  les  nations  oui  toujours  eu  besoin 
d'un  Sage,  t  {Aiidil.  à  l'li:sl.  qèucr.,  p.  13,  édil. 
de  1763.) 

DiCT,  DE  ThÉOL.  UOCMATIQUE.  IV. 


I  Et  sur  quoi  reposait  celle  attente  générale?  La 
philosophie  nous  rappreudra-t-elle?  écoulez  Volney  : 
I  Les  traditions  sacrées  cl  niytliobigiques  des  ic  ups 
anlérienrs  avaient  répandu  dans  loilic  l'Asie  li 
croyance  d'un  iinind  Médi  leur  (]n\  devait  venir; 
d'un  Juge  ftnat,  d'un  Sauveur  (ulur,  ri'i.  Dieu,  conijué- 
ranl  et  législateur,  qui  r.iuiènerait  l'âge  d'or  snr  la 
terre,  et  déliverait  les  hommes  de  l'empire  du  mal.  > 
(La  Huinea,  ou  Médilalioiis  sur  les  révotulions  des  eni- 
pirei,  p.  '2"2G.) 

<  (.ieries,  on  ne  trouvera  pas  ces  Icmoignages  sus- 
pects. Aillai  la  vérl:é  se  snscile  partout  di^s  léiiioins 
pour  confonlre  ceux  qui  refusenl  d'  la  renmnaitre, 
quels  que  soient  leur  privation  et  leur  .iveu^linienl. 
Elle  fnr>  e  les  Icvres  menLusesi  lui  tendre  iiumiuage, 
et  l'erriuir  à  s'.iccuser  et  à  se  condamner  elle-inèine. 
Menlila  estiniquitas  stbi.  (Psal.  xxvi,  v.  12.)t  —  Extrait 
de  VEssai  sur  l'indifférence,  loiu.    ill,  ch.  28.    Xoij. 

âUIlNATlJllt:L. 

RÉPARATION.  Voy.  Restitution. 

REPAS.  La  manière  doiil  les  patriarches, 
les  Juifs  el  les  autres  peuples,  prenaient 
leurs  repas  ordinaires,  ne  nous  regarde  pas; 
c'est  uu  sujet  qui  appartient  à  l'histoire  an- 
cienne. Nous  nous  bornons  à  observer  qu'il 
ne  faut  pas  s'étonner  de  ce  que  les  Juifs 
avaient  de  la  répugnance  à  prendre  leurs 
repas  chez  les  païens.  Non-seuleinenI  ceux- 
ci  usaient  de  plusieurs  viandes  desquelles  il 
n'était  pus  permis  aux  Juifs  de  manger, 
mais  ils  pratiquaient  dans  leurs  repas  plu- 
sieurs acles  superslilieux  et  qui  tenaient  à 
l'idolâtrie  ;  ils  invoquaient  les  dieux,  et  ils 
leur  rendaient  grâces,  ils  leur  faisaient  des 
libations,  souvent  ils  plaçaient  sur  la  lable 
les  idoles  des  dieuv  lares,  ou  des  diiMix  pa- 
taiqucs,  etc.  Il  y  a  bien  de  lapparenco  que 
les  cérémonies  reli|;ieuses,  toujours  mêlées 
aux  repas  dos  an(;iens,  ont  élo  la  cause  pour 
laiiuelle  dilïéretils  peuples  adinellaient  dil'Q- 
cilement  des  étrangers  à  leurs  repas. 

A  la  vérité  lorsque  les  juifs  eurent  essuyé 
des  guerres  sanglantes  et  des  vex  liions  de 
toute  espi'ce  de  la  part  des  rois  de  Syrie,  ils 
pous-èreiil  à  l'excès  leur  aversion  pour  les 
païens.  Du  lemps  de  Jésus-Chrisi  ils  ne  vou- 
laient pas  manger  avec  des  Samaritains 
(Juan.  IV,  9).  Ils  lui  faisaient  un  crime  de 
manger  avec  des  piiblicains  et  avec  des  pé- 
cheurs (Mallh.  IX,  11).  Ils  firent  scandalisés 
de  ce  que  saint  Pierre  avait  maagé  avec  des 
incirconcis  [Ad.  xi,  3i.  Mais  ce  n'est  pas 
leur  loi  qui  leur  avait  inspiré  celte  aversion, 
elle  leur  ordonnait  le  contraire;  elle  leur 
disait  :  «  Si  un  étranger  se  trouve  au  milieu 
de  vous,  vous  ne  le  rebuterez  pas,  vous  ne 
le  maltraiterez  point,  vous  l'aimerez  et  vous 
en  agirez  avec  lui  comme  avec  un  conci- 
toyen :  vous  avez  été  vous-uiêmes  étrangers 
en  Egypte.  » 

Quant  aux  repas  des  chréiiens,  dit  l'abbé 
Fleury,  ils  étaient  toujours  accompagnés  de 
frugalilé  el  de  modestie.  Suivant  la  remar- 
que de  saint  GlémenI  d'Alexandrie,  il  leur 
étail  recommandé  de  ne  p.is  vivre  pour  man- 
ger, mais  de  manger  pour  vivre  ;  de  ne  pren- 
dre de  nourriture  qu'aulanl  qu'il  en  faut 
pour  la  santé  et  pour  avoir  la  f  irce  néces- 
saire au  travail  ;  de  ren;)iirer  à  loules  les 
viandes  exquises,  à  l'appareil    des  grands 

5 


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repas,  et  à  tout  ce  qui  a  besoin  de  l'art  des 
cuisiniers.  Ils  prenaient  à  la  lettre  cette  règle 
de  saint  Paul  :  //  est  bon  de  ne  point  manger 
de  chair  et  de  ne  point  boire  de  vin.  Ils  man- 
geaient plutôt  du  poisson  et  de  la  volaille 
que  de  la  grosse  viande,  qui  leur  paraissait 
trop  succulente;  mais  toujours  ils  s'abste- 
naient de  sang  et  de  viandes  suffoquées, 
suivant  la  décision  du  concile  des  apôtres, 
qui  a  été  observée  pendant  plusieurs  siècles. 
Plusieurs  ne  vivaient  que  de  laitage,  de  fruits 
et  de  légumes  :  quelques-uns  se  réduisaient 
aux  simples  herbes  avec  du  pain  et  de  l'eau. 
Comme  l'abstinence  des  pythagoriciens  et  de 
quelques  autres  philosophes  était  fort  esti- 
mée, les  chrétiens  se  croyaient  obligés  de 
vivre  au  moins  comme  les  plus  sages  d'entre 
les  païens.  Leur  repas,  (juelque  simple  et 
léger  qu'il  fût,  était  précédé  et  suivi  de  lon- 
gues prières,  dont  il  nous  reste  encore  une 
formule;  et  le  poêle  Prudence  a  fait  deux 
hymnes  sur  ce  sujet,  où  l'esprit  de  ces  pre- 
miers siècles  est  très-bien  conservé.  Il  était 
aussi  accompagné  de  la  lecture  de  l'Ecriture 
sainte,  de  cantiques  spirituels  et  d'actions 
de  grâces,  au  lieu  de  chansons  profanes  dont 
les  païens  accompagnaient  leurs  festins. 
Mœurs  des  cluéi.,  §  10.  Quel  serait  l'étonne- 
meut  de  ces  premiers  fidèles,  s'ils  étaient  té- 
moins du  luxe  et  de  la  profusion  qui  régnent 
dans  les  )cp««  des  chrétiens  d'aujourd'hui? 

REPAS  DE  CHARITÉ.  Voy.  Agapb. 

Repas  du  mort,  cérémonie  funéraire  en 
usage  chez  les  an(  icns  Hébreux  et  chez  d'au- 
tres peuples  ;  c'était  la  coutume  de  faire  un 
repas  sur  le  tombeau  de  celui  que  l'on  ve- 
nait d'inhumer,  ou  dans  sa  maison  après  ses 
funérailles.  Le  prophète  Baruch  dit  des 
païens,  c.  vi,  v.  31  :  «  Ils  hurlent  en  pré- 
sence de  leurs  dieux  comme  dans  le  repas 
d'un  mort.  »  L'usage  de  mettre  de  la  nour- 
riture pour  les  pauvres  sur  la  sépulture  des 
morts  était  aussi  commun  chez  les  Hébreux. 
Tobie  exhorte  son  fils  à  meitre  son  pain  sur 
la  scpuliure  du  juste,  et  à  n'en  point  man- 
ger avec  les  pécheurs.  Saint  Augustin,  Ëpist. 
22,  observe  que  de  son  temps,  en  Afrique, 
on  portait  à  manger  sur  les  tombeaux  des 
martyrs  el  dans  les  cimetières.  Cela  se  faisait 
fort  innocemment  dans  les  commencements, 
mais  dans  la  suite  il  s'y  glissa  des  abus  que 
les  évê(iues  les  plus  saints  et  les  plus  zélés, 
tels  que  saint  Ambroise  et  saint  Augustin, 
eurent  assez  de  peine  à  déraciner,  lise  fai- 
sait chez  les  Juifs  deux  sortes  de  repas  du 
mort  :  le  premier  se  faisait  immédiatement 
après  les  funérailles  ;  ceux  qui  y  assistaient 
étaient  censés  souillés  et  obligés  de  se  puri- 
Ger  comme  s'ils  avaient  louché  un  cadavre. 
Le  second  se  donnait  à  la  Qn  du  deuil  ;  Jo- 
sèphe.  Guerre  des  Juifs,  1.  ir,  c.  i.  La  même 
coutume  règne  encore  aujourd'hui  parmi  tes 
gens  de  la  campagne,  dans  quelques  provin- 
ces où  les  antiennes  mœurs  se  sont  conser- 
vées. Toutes  les  personnes  de  la  famille  d'un 
mort,  qui  ont  assisté  à  ses  obsèques,  pren- 
nent ensemble  un  repas  frugal  dans  la  mai- 
801)  du  défunt,  et  l;i  iiicme  chose  se  renou- 
velle au  bout  de  l'an  après  son  anniversaire. 


^RÉPONS.  Voy.  Heures  canoniales. 
»•  RÉPROBATION,  jugement  par  lequel  Dieu 
exclut  du  bonheur  éternel  un  pécheur  el  le 
condamne  au  feu  de  lenfer;  c'est  le  con- 
traire do  la  prédestination.  On  distingue  or  - 
dinairement  deux  espèces  de  réprobation, 
l'une  négative  el  l'autre  positive  :  la  pre- 
mière est  la  non-élection  d'une  créature  à  la 
gloire  éternelle,  la  seconde  est  la  destina- 
tion ou  condamnation  formelle  de  celte 
même  créature  aux  supplices  de  l'enfer.  Il 
est  évident  que  cette  dilférence  est  purement 
métaphysique,  puisque  la  réprobation  posi- 
tive est  une  suite  infaillible  el  nécessaire  de 
la  réprobation  iiég;itive  ;  c'est  dans  le  fond 
le  même  décret  de  Dieu  envisagé  sous  deux 
aspects  dilTérents. 

Sur  cette  matière,  comme  sur  celle  de  la 
prédestination,  il  est  important  de  distin- 
guer ce  qui  est  de  foi  d'avec  les  spéculations 
et  les  opinions  des  théologiens.  Or,  il  est  dé- 
cidé dans  l'Eglise  catholique,  1°  qu'il  y  a 
une  réprobation,  c'est-à-dire  un  décret  de 
Dieu  par  lequel  il  veut  non-seulement  ex- 
clure du  bonheur  élcrnel  un  certain  nombre 
d'hommes,  mais  encore  les  condamner  au 
feu  de  l'enfer.  Cela  est  prouvé  par  lo  tableau 
que  Jésus-Christ  a  fait  du  jugement  dernier 
[Matth.  XXV,  34.  el  41).  De'  même  que  Dieu 
dit  aux  prédestinés  :  Venez  posséder  le 
royaume  qui  vous  est  préparé  depuis  la  créa- 
tiondu  monde...  Il  dit  aussi  aux  réprouvés  : 
Allez,  maudits,  ait  feu  éternel  qui  est  préparé 
au  démon  et  ii  ses  anges.  2"  Le  nombre  des  ré- 
prouvés, aussi  bien  que  celui  des  prédesti- 
nés, est  fixe  et  immuable;  il  ne  peut  aug- 
menter ni  diminuer.  Cette  vérité  est  une 
conséquence  delà  certitude  delà  prescience 
de  Dieu.  Saint  Augustin,  L.  de  Corrept.  et 
Gral.,  cap.  xiii.  3°  Le  décret  de  la  réproba- 
tion n'impose  à  ceux  qui  eu  soot  l'objet  au- 
cune nécessité  de  pécher,  puisqu'il  n'em- 
pêche pas  que  Dieu  ne  donne  à  tous  des  grâ- 
ces qui  suffiraient  pour  les  conduire  au  sa- 
lut, s'ils  n'y  résistaient  pas  ;  personne  n'est 
donc  réprouvé  que  par  sa  faute  libre  et  vo- 
lontaire ;  deaxièine  concile  d'Orange,  can.  23. 
4'  Il  est  donc  faux  que  le  décret  de  Dieu  ex- 
clue les  réprouvés  de  toute  grâce  actuelle 
intérieure,  même  du  don  de  la  foi  et  de  la 
justification,  puisqu'il  y  a  parmi  les  chré- 
tiens des  réprouvés  qui  ont  reçu  tous  ces 
dons  ;  Concil.  Trid.,  sess.  6,  can.  17.  5°  [a 
réprobation  positive,  ou  le  décret  de  con- 
damner une  âme  au  feu  de  l'enfer,  suppose 
nécessairement  la  prescience  par  laquelle 
Dieu  voit  que  celte  âme  péchera,  persévé- 
rera dans  son  péché  et  y  mourra  ;  parce 
que  Dien  ne  peut  damner  une  âme  sans 
qu'elle  l'art  mérité  ;  saint  AugU'îtin,  Op.  im- 
perf.,  1. 111,  c.  18;  1.  iv,  c.  23.0°  Conséquem- 
menl  la  réprobation  positive  des  mauvais 
anges  a  eu  pour  f  ndement  ou  pour  motif  la 
science  que  Dieu  ,t  eu  des  péchés  qu'ils  com- 
metlraient,  el  dcsqu>ls  ils  ne  se  repenti- 
raient j  imais.  Cela  des  païens  suppose  la 
prévision  du  peclié  originel  non  effacé  en 
eux,  el  celle  des  péchés  actuels  qu'ils  com- 
nicttruut,   et  dans   l'impénitence  desquolo 


m 


HEP 


RES 


142 


ils  mourront.  Celle  dos  Odèlcs  baptisés  no 
suppose  que  la  prévision  do  leurs  péchés 
aeliiols  et  de  leur  itnpéiiilence  fln.ile. 

Mais  on  dispute  dans  les  écoles  pour  savoir 
si  la  réprubalioi}  néfjalive  est  un  acte  réel, 
positif  et  absolu  de  Dieu,  ou  si  r'est  seule- 
menl  une  négation  de  tout  acte,  une  espèce 
d'oubli  de  sa  pari  à  l'é-^ard  des  réprouvés. 
Question  qui  n'est  pas  lorl  inipnrlanle  en 
e"llc-méme ,  et  sur  laquelle  il  fst  difllcile 
d'avoir  une  opinion  qui  n'entraîne  aucune  fâ- 
cheuse mn^éciuonce.  Calvin  a  soutenu  que 
la  rcprohntion,  tant  néi;alire  que  positive, 
dépend  uniquen)ent  du  bon  plaisir  de  Dii'u; 
qu'antécodemnient  .à  toute  prévision  de  dé- 
mérite ,  il  a  destiné  un  certain  nombre  de 
ses  rréaturc's  aux  supplices  éternels.  Doctrine 
cruelle  et  impie,  qui  fut  néanmoins  solennel- 
lement confirmée  dans  le  synode  de  Dordreclh 
et  Hil9,  mais  de  laquelle  les  calvinistes  ont 
tellement  rougi  depuis  ce  temps-l.'i,  qu'il 
n'est  presque  plus  aucun  théologien  parmi 
cu\  qui  ose  la  soutenir,  lîllo  était  à  peu  prés 
la  mèoie  dans  la  confession  de  foi  anglicane, 
mais  elle  a  été  généralement  abandonnée 
comme  injurieuse  à  Dieu.    Voy.  Armima- 

•  NI9ME. 

Ceux  qui  se  nomment  augustiniens  disent 
que  dans  l'élat  d'innocence,  Dieu  n'a  exclu 
personne  de  la  gloire  éternelle,  si  ce  n'est 
conséquemmenl  a  la  prévision  (ie  ses  péchés 
aciuels;  mais  que  depuis  la  chute  d'Adam, 
le  péché  originel  est  une  cause  éloignée, 
mais  suffisante,  de  réprobation  néijatlve, 
même  à  l'égard  des  fidèles  dans  lesquels  il  a 
été  elTacé  par  le  baptême.  Doctrine  (;ui  pa- 
rait formellement  contraire  à  celle  du  con- 
cile do  Trente ,  «e.ss.  o,  can.  li,  qui  décide, 
après  saint  Paul,  qu'il  ne  reste  aucun  sujet 
de  coudanmaliou  dans  ceu\  qui  sont  régéné- 
rés en  Jésus-Christ  parle  baptême  ,  et  (jue 
Dieu  n'y  voit  plus  aurun  sujet  de  haine. 

I.cs  'l'homisles  enseignent  que,  quoique 
la  réprobulion  positive  suppose  nécessaire- 
ment la  prévision  des  péchés  aciuels  non 
elïatés,  cependant  celte  prévision  n'est  pas 
nécessaire  pour  la  réprobation  négative, 
soil  à  l'égard  des  anges,  soit  à  l'égard  des 
hommes  ,  parce  que,  aniécédemment  à  toute 
prévision  ,  le  bonheur  éternel  n'est  dû  ni 
aux  uns  ni  aux  autres;  qu'ainsi  celte  répro- 
bation négative  n'a  point  d'autre  motif  que 
le  bon   pl.iisir  de   Dieu. 

Pour  nous,  il  nous  paraît  que,  dès  que 
l'on  suppose  en  Dieu  un  décret  positif  de  la 
rédemption  générale  de  toul  le  genre  humain, 
une  volonté  de  Dieu  sincère  de  sauver 
tous  les  hommes,  et  de  leur  donner  à  tous  des 
grâces  en  vertu  de  celle  rédemption,  il  n'est 
pas  possible  d'ailmeltre  une  rcprobuti  in  , 
soit  positive,  soil  négative,  aniécedeute  à 
la  prévision  du  démérite  d'un  péciieur;  car 
enlin,  cette  réprobation ,  même  purement 
Deg.ilive,  serait  une  exception  ou  une  rcs- 
Iriclion  mise  à  un  décret  que  l'on  suppose 
générai  et  absolu,  par  conséquent  une  con- 
tradiction dans  les  termes.  Comment  con- 
cevoir un  décret  général  ou  une  volonté 
sincère   de    sauver   tous    les    hommes    par 


Jésus-Christ,  si  ce  n'est  pas  un  décret  de 
leur  donner  à  tous  la  gloire  éternelle,  à 
moins  qu'ils  ne  s'en  excluent  eux-mêmes  par 
leurs  démérites?  Il  n'est  donc  pas  possible 
d'y  supposer  aucune  exception  ni  aucun 
oubli  de  la  part  de  Dieu,  sans  se  contredire, 
el  sans  affirmer  que  cette  volonté  ou  ce  dé- 
cret n'est  pas  général.  Or,  saint  Paul  nous 
assure  qu'il  l'est.  Yoy.  Salut. 

Encore  une  fois,  à  quoi  servent  les  spécu- 
lalions  métaphysiques  et  les  abstractions  ar- 
bitraires sur  ce  suj  t?  lilles  ne  peuvent  ni 
changer  l'ordre  des  décrets  de  Dieu  louchant 
le  salut  des  hommes,  ni  iniluer  en  rien  sur 
notre  sort  éternel.  Il  nous  semble  que  la 
meilleure  manière  de  concevoir  cl  d'arranger 
les  décrets  divins  dans  notre  esprit,  est  celle 
qui  est  la  plus  propre  à  nous  inspirer  une 
reconnaissance  infinie  envers  Jésus-Christ 
pour  le  bienfait  do  la  rédemption  ,  une  ferme 
confiance  en. la  bonté  de  Dieu  ,  el  un  courage 
constant  à  faire  notre  salut.  Voy.  Hédemp- 

TION. 

,  *  HÉPROUVÉS.  Voij.  Damnation,  Réprobation, 
Elus,  Enfer. 

RÉPUDIATION.  Voy.  Divorce, 
RÉSIDENCE.  Un  des  premiers  décrets  da 
concile  de  Trente  sur  la  discipline  est  celui 
qui  ordonne  la  résidence  à  tous  les  ecclésias- 
tiques pourvus  d'un  bénéfice  ayant  charge 
d'âmes,  de  quelque  qualité  et  condition  qu'ils 
soient.  «  Qu'ils  sachent ,  dit  le  saint  concile , 
qu'ils  sont  obli.çés  de  travailler  et  de  rem- 
plir leur  ministère  par  eux-mêmes;  qu'ils 
no  satisfont  po'iU  à  leur  devoir,  si ,  comme 
des  mercenaires,  ils  abandonnent  le  trou- 
peau qui  leur  est  confié,  et  ne  gardent  point 
leurs  ouailles,  du  sang  desquelles  le  souve- 
rain Juge  leur  demandera  compte,  »  sess.  0, 
de  lieform.,  c.  1.  Déjà  il  les  avait  avertis 
qu'ils  sont  obligés  de  prêcher  l'Evangile 
par  eux-mêmes,  à  moins  qu'ils  ne  soient 
légitimement  empêchés,  sess.  5,  can.  2.  Le 
concile  déplore  la  licence  avec  laquelle  les 
anciens  canons  sont  violés  sur  ce  point;  il 
les  renouvelle  et  statue  des  peines  contre 
tous  ceux  qui  s'absenteront  sans  cause  légi- 
time. Il  répète  encore  ce  môme  décret  en 
termes  pins  forts,  sess.  ^2'i,  can.  1;  il  réfute 
les  interprétations  fausses  el  les  limitations 
que  certains  ecclésiastiques  y  apportaient. 
Il  déclare  que  l'obligation  de  la  résidence  les 
regarde  tous,  sans  exception,  même  les 
cardinaux. 

L'an  3*7,  le  concile  de  Sirdique,  can,  14, 
avait  déjà  défendu  aux  évéques  de  s'absenter 
de  leur  diocèse  penda'it  plus  de  trois  semai- 
nes ,  à  moins  qu'ils  n'y  fussent  obligés  par 
une  nécesïile  grave.  Plusieurs  conciles  célé- 
brés dans  les  divers  royaumes  de  l'Europe, 
avant  ou  après  celui  de  Trente,  ont  renou- 
velé la  mé  ne  loi ,  et  elle  a  été  confirmée  par 
les  edils  el  les  ordonnances  de  nos  rois.  Ce 
serait  s'aveugler  volontairement  d»  préten- 
dre que  celte  loi  est  de  pure  discipline  ecclé- 
siastique, qu'elle  peut  changer,  être  limitée 
ou  abrégée  par  l'usage,  être  interpréléo  au 
gré  de  ceux  qu'elle  incommode,  il  est  évident 


Uà 


RES 


RES 


144 


que  la  résidence  des  pasleiirs  est  de  droit  di- 
Tin,  puisque  celle  obligation  est  assez  clai- 
reinenl  contenue  dans  le  tableau  (jue  Jésus- 
Christ  a  fait  du  bon  pasteur  el  du  mercenai-, 
re,  dans  la  leçon  que  saint  Pierre  fait  aux 
pasteurs  en  général  (A  Petr.  v,  1),  el  dans 
celles  que  saint  Paul  adresse  à  Tite  et  à  Timo- 
thée.  Elle  est  même  de  droit  naturel,  puis- 
qu'il est  de  la  justice  que  celui  qui  reçoit  un 
salaire  pour  remplir  une  foiiciion  person- 
nelle y  satisfasse  exactement. 

Une  autre  erreur  serait  de  penser  que 
quand  un  pasieur  a  des  affaires  qui  peuvent 
être  faites  par  un  autre  ,  il  lui  est  permis  de 
s'absenter  de  son  bénéfice  pour  aller  les 
suivre,  et  de  faire  remplir  ses  fondions  pas- 
torales par  des  vicaires  ou  des  délégués.  Il 
n'est  point  d'affaires  plus  imporianies  que 
le  soin  des  ànies  et  les  fonctions  d'un  mi- 
nistère sacré;  c'est  le  devoir  personnel  du 
bénéficier;  il  doit  y  satisfaire  par  lui-même, 
et  confier  à  d'autres  les  affaires  ou  les  né- 
gociations dans  le-quelles  un  autre  peut 
réussir  aussi  bien  que  lui.  On  ne  dispense 
point  un  militaire  ni  un  magistral  de  rem- 
plir les  devoirs  de  sa  ch  irge,  ni  de  s'absen- 
ter sans  une  nécessité  grave  :  les  fonctions 
du  pasteur  sont  pour  li'  moins  aussi  impor- 
tantes que  les  leurs.  Ici  l'exemple,  la  cou- 
tume, les  prétextes  ne  peuvent  prescrire 
contre  la  loi  :  elle  réclame  toujours  contre 
les  prévaricateurs. 

Quoique  cet  article  doive  être  traité  dans 
le  Dictionnaire  de  Jurisprudence ,  il  tient 
aussi  de  très-près  à  la  lliéoldgie,  puisqu'il 
concerne  un  devoir  de  murale  le  plus  im- 
portant, auquel  la  religion  et  le  bien  de  l'E- 
glise sont  essenliellemenl  intéressés. 

RÉSIGNATION  à  la  volonté  de  Dieu. 
C'est  la  disposition  d'un  chrétien  ()ui  envi- 
sage tous  les  événements  de  la  vie  comme 
dirigés  par  une  providence  paternelle  et 
bienfaisante,  qui  reçoit  d'elle  les  liiens  avec 
action  de  grâces,  et  se  croit  d'auluni  plus 
obligé  cà  la  servir  par  reconn.iissance  ;  qui 
accepte  les  alllictions  sans  nuinnure,  conirno 
un  moyen  de  satisfaire  à  la  justice  di\iue, 
d'expier  le  péché  et  de  mériter  un  bonheur 
éternel.  C'est  la  leçon  que  saint  l'iiut  donne 
aux  fidèles,  Uebr.,  cap.  xii.ll  établit  l'otili- 
gatioii  de  la  patience  sur  l'exemple  de  Jé- 
sus-ChrisI,  et  sur  celui  des  anciens  justes. 
Celte  vertu  est  plus  commune  parmi  le  peu- 
ple ,  exposé  à  souffrir  beaucoup  cl  souveul, 
que  parmi  les  heureux  du  siècle  ;  après  quel- 
ques plaintes  que  la  sensibilité  arrache  d'a- 
bord aux  hommes  du  couKoun,  ils  se  conso- 
lent en  disant  :  Dieu  l'a  voulu.  11  y  a  dans 
le  fond  plus  de  philosophie  dans  ces  courtes 
pa rôles  que  dans  les  léllex ions  su  1)11  mes  de  Se- 
nèque  el  d'Iipiitète.  Touies  celles-ci  se  ré- 
duisent à  dire  :  C'est  une  nécessité  île  souf- 
frir; il  n'i/  a  point  dercniède  contre  les  arrêts 
du  sort  ;  il  al  iimiile  de  couloir  y  résister  on 
de  s'en  plaindre.  Un  clirélien  se  console  avec 
plus  lie  raison  :  il  sait  qu'il  n'est  aucun 
malheur  auquel  Dieu  ne  puisse  remédier; 
que  quand  il  nu  us  al'Ilige,  il  nous  donne  aussi 
la  force  de  souffrir,  et  que  s'il  ne  uuus  dé- 


livre de  nos  maux  en  ce  monde,  il  nous  en 
dédomma-rera  dans  une  autre  vie.  Quand 
la  religion  chréiienne  n'aurait  produit  aucun 
antre  bien  dans  le  momie  que  de  consoler 
l'homme  dans  ses  souffrances,  elle  serait  en- 
core le  plus  grand  bienfait  que  Dieu  ait  pu 
accorder  A  l'humanité.  Voy.  Patience. 

RESTITUTION,  réparation  du  dommage 
que  l'on  a  porté  au  prochain  dans  ses  biens. 
Le  même  principe  d'équité  naturelle  qui  fait 
sentir  qu'il  n'est  pas  permis  de  dépouiller  un 
homme  de  ce  qu'il  possède,  fait  aussi  com- 
prendre que  quiconque  est  coupable  de  ce 
crime,  esl  étroitement  obligé  de  le  réparer; 
de  rendre  à  cet  homme  ce  qu'il  lui  a  enlevé, 
ou  l'équivalent,  el  que  l'injustice  dure  tant 
que  la  restitution  n'est  pas  faite.  Le  principe. 
Non  reiiiittitur  deliclum ,  nisi  restituatur 
ablutum,  est  sacré  parmi  les  théologiens  mo- 
ralistes ;  l'impossibilité  seule  de  restituer 
peut  en  dispenser  celui  qui  a  fait  une  injus- 
tice. 

Les  incrédules  ont  calomnié  les  prêtres  en 
leur  reprochant  d'absoudre  les  pécheurs  cou- 
pables de  vol,  de  rapine,  de  concussiun,  sur- 
tout au  lit  de  la  mort ,  sans  exiger  d'eux  la 
re«/i<iUion  di>s  injustices  qu'ils  ont  commises, 
pourvu  qu'ils  fassent  quelques  aumônes  ou 
quelques  legs  pieux.  Il  n'est  point  de  casuisie 
assez  ignorant  pour  méconnaître  un  devoir 
aussi  évident  que  celui  de  la  restitution  ,  et 
il  n'en  est  point  d'assez  pervers  pour  vouloir 
se  damner  en  coopérant  à  l'injustice  d'auirui 
sans  en  retirer  aucun  avaiitige  personnel. 
Qu'importent  à  un  coiilesseur  des  legs  pieux 
ou  des  aumônes  qui  ne  sont  pas  pour  lui? 
Mais  puisque  l'on  voit  tant  d'injustices  , 
pourquoi  ne  voit-on  point  de  resiitu.ionî 
Parce  que  ceux  qui  ont  eu  la  conscience  assez 
pervertie  pour  se  permettre  des  injustices  , 
ne  l'ont  pas  assez  droite  pour  se  les  repro- 
cher, pour  s'en  accuser  et  vouloir  les  répa- 
rer. Jamais  l'art  de  pallier  et  de  justifier  les 
gains  illicites  n'a  éié  poussé  aussi  loin  qu'au- 
jourd'hui ;  l'exemple  et  la  coutume  semblent 
les  autoriser  ;  l'on  n'a  plus  besoin  des  prê- 
tres pour  se  trinquilliser  à  la  mort.  Plusieurs 
incrédules  ont  poussé  l'audace  jusqu'à  In- 
culper Jésus-Ctirist  lui-même,  [larce  qu'a- 
près avoir  repioclié  aux  pharisiens  leurs 
extorsions  el  leurs  rapines,  il  leur  dit  :  Ce- 
pendant fuites  l'uuiuônc  de  ce  qui  vous  reste  , 
el  tout  est  pur  pour  vous  {Luc.  xi,  41).  Jésus- 
Christ  dispensait  donc  les  pharisiens  de  res- 
tituer, pourvu  qu'ils  fissent  l'aumône. 

Remarquons,  1»  qu'il  ne  s'agissait  pas  , 
dans  cet  endroit ,  de  prouver  à  ces  hommes 
injustes  la  néressiié  de  la  restitution,  mais 
de  leur  montrer  que  la  pureté  de  l'âme  est 
plus  nécessaire  que  les  purifications  et  les 
ablutions  ,  qui  ne  peuvent  procurer  que  la 
pureté  du  corps;  2'  que  les  injustices  des 
pharisiens  étaient  dos  extorsions  à  l'ég.ird 
du  peuple,  légères,  chacune  en  particulier, 
mais  multipliées  à  l'infini;  comme  il  est  im- 
possible lie  restituer  de  semblables  bagatelles 
à  mille  personnes  différentes,  la  seule  res- 
titution possible  est  (le  donner  aux  pauvres 

Pour  faire  l'énumération  de  tous  les  cas 


us                                RES  RES                                   U6 

dans  lesquels  la  restitution  est  ne  nécessité  os  de  ce  prophète  fut  ressascité  (xm,  21).  La 

absolue,  il  faudrait  un  gros  volume.  De  toutes  résurrection  Av.  Samuel  ne  fut  que  niomenla- 

Ics  qui'stioiis  de  morale,  il  n'en  est  point  dii  née,  ce  fui  plutôt  une,  apparition  qu'une  ré- 

plos   embarrassantes,    pour   les    casuistes,  .«((rrec^ion.  Celles  (|u'a   o|icrées  Jé^us-Christ 

(liie  les  rnalièrt's  dcjuslice  et  de  restitution.  peiulanl  sa  vie  sositaii  nombre  d(!  irois.  celle 

Il  en   est  de  même  des   réparalions  dues  au  de  la  lilled'un  cliel' de  syiiaijogue  (  l/aH/i.  ix, 

procbniii,  quand  on  (ui  a  faii  torldanssa  ré-  25);  celle  du  fils  de  la  veuve  de  Naïin  [Luc. 

pulaiion  par  des  Médisances  ou  par  des  ca-  vu,    15);    celle   de    L.izare   iJunn.    xi,    'li), 

ioninies;  elles  ne  sont  pas  moins  iodispen-  Comme  celle  dernière  est  la  plus   cilaianle, 

sables  que  les  rf.«(iVu(ion.«  ;  la  répulalion  est  on  en  verra  la  preuve  au    mol    Lazahe,  11 

le  plus  précieux   de  tous  les  Idens,   la  perte  n'est  |)as  dit  (lue    les  niorls  qui   sortirent  de 

qu'on   en    peut  faire  alllige  davantage    une  leiir<  tombeaux  lorsque  Jésus-l'lirisi   expira 

âme  sensible  que    la  perle  de  sa   l'orlune.  A  sur   la  croix  ,  et    se  montrèrent  <à  plusieurs 

la  vérité,  dans  une  infinité  de  circon>-lances  personnes,   aient  continué  de   vivre  {iMntIft. 

celle  réparation  esl  à  peu    près  impossible  ,  xxvii.  Si  iM  5.'i).  Ou    ne    pi'ut    pas    a|)peler 

et  souvent  elle    produirait  plus   de  mal  que  résurrection  l'apparition  de    Moïse  et  d'Klie 

de  bien,  en  renouvelant  le  souvenir  d'un  dis-  à  la  tran-lignraiion  de  Jésus-Cb,  ist.  Quadra- 

cours  injurieux  ou  d'un  injuste  soupçon  qui  tus,    disciple    des    apôtres,    qui  vivait    sous 

peut  être  effacé  par  oubli.  Mais,  lorsqu'une  Adrien,  veis  l'an  120,  attestait  (|ue  des  mala- 

médisance  ou  une  calomnie  a  porte  au  pro-  des  guéris  et  des  morts  ressusciiés  par  Jésus- 

cbaiii   un   préjudice    réel    d.ins    sa  foilune,  Christ  avaient  vécu  jusqu'à  son  temps.  Dins 

lui  a  fait  perdre  un  bien  qu'il  possédait,  ou  Ensrbe,  I.  iv,  c.  3.  Saint  I'  erre  ressnscita  la 

l'a  empêché  d'acquérir  un  avantage  auquel  viuve  Tabitlie   (Act.  ix.  40).S  lint  Pau!  ren- 

il  avait  droit  «le  prétendre  ,  la  justice  exige  dit  la  vie  à  un  jeune  homme  lotnhé  du  haut 

qu'il  soit  dédommagé  par  celui  (|iii  en  est  la  d'une  maison  el  lue  par  sa  chute  {Act.  xx.  9). 

cause.  Sur  ce  point  la  morale  chrétienne  est  La  pln|)art  des  déistes  el  des  autres  incré- 

fondée  sur  les  idées  les  plus  pures  et  les  plus  dules    de    noire    siè<le    ont    soutenu    que 

exactes  de  la  justice  naturelle;  en  ajoutant  à  quand  même   un   morl  serait  ressuscité,  ce 

la   défense  de  toute   iujusiice  le  précepte  de  miracle    ne    pourrait    pas   être  constaté  ni 

la  charité  ou  de  l'amour  du  procl'ain,  Jésus-  rendu  croyable  par  aucune  espèce  de  preu- 

Chrisl  a  mieux  développé   nos  devoirs  que  ves.  .Mais,  puisque  la  mort  d'un  homme   est 

toutes  les  spéculations  des  philosophes.  un  fait  très-sensible  qui  peut  être  invinci- 

lllîSTKlCriONS  MENTALES.   Voy.  Mes-  blement  prouvé,  la  vierenduc  àcethommo  est 

SONGF.  aussi  un  l'ait  non  moins  sensible,  etqui  peut 

RÉSUMPTE,   terme  usité  dans  la   faculté  être  prouvé  de  même  par  le  témoignage  des 

de  théologie  de  Paris  ;  c'est  un  acte  que  doit  sens;  pourquoi  le  même  nombre  de  témoins 

soutenir  un    docteur  avant  d'avoir  droit  de  qui  a  sufli  pour  constater  la  mort  d'un  horn- 

suffrage  dans  les  assemblées  de  la  faculté  et  me,  ne   sulfit-il  plus  pour  constater  sa  ré- 

de  jouir  des  autres  droits  du  doctorat,  comme  snrreclion  ou  sa  vie  postérieure  ?  C'est,  di- 

de  présider  aux  thèses,  d'assister  aux  esa-  senl-ils,  parce  que  le  premier  de  ces  faits  est 

mens  ,  etc.  lis  ne  peuvent  y   prétendre  que  naturel,  au  lieu  que  le  second  ne  l'est  point, 

six  ans  après   qu'ils  ont   pris    le  bonnet  de  Pour  rendre  croyable  ce  dernier,  il   faudrait 

docteur.  L'acte  ou  la    thèse  qu'ils    doivent  un  témoignage  dont  la  fausseté  fût  impossi- 

soutenir   pour   lors  dure  depuis  une   heure  ble  el  plus  miraculeuse  que   la  résurrection 

jusqu'à  six  ;   elle  a  pour  objet   loul    ce    qui  même;  quelque  soit  le  nombre  des  témoins, 

appartient  à  l'Ecriture  sainte,  ou  ce  que  l'on  ils  peuvent  se  tromper,  el  ils  sont  capables  do 

apfielle  la  Cuitique  sacuée.  Voy.  ce  mot.  nous  en  imposer.  Mais  quand  il  s'agit  de  cpn- 

lIÉSUURECTlOiN,  retour  d'un  mort  à  une  staler  le  fut  naturel  de  la  mort  d'un  homme, 
nom  elle  vie.  On  peul  ressusciter  seulement  l'on  ne  s'avise  point  de  le  coniesler,  parce 
pour  un  temps  et  pour  mourir  une  seconde  que  lus  témoins  peuvent  se  tromper  ou  eu  iin- 
i'ois  :  alors  cette  r^si«//ecOort  est  passagère,  poser;  pourquoi  donc  alléguer  ce  prétexte 
c'est  <'e  qui  est  arrivé  a  ceux  aux(iuels  Je-  pour  douter  do  sa  résurrection  ?  Le  surna- 
sus-Christ,  les  apô  res  et  les  prophètes  ont  turel  d'un  l'ail  n'inllue  en  rien  sur  les  sens 
rendu  la  vie  par  miracle.  La  rsurrection  pour  les  rendre  inliiléles,  ni  sur  le  caractère 
perpétuelle  est  celle  par  laquelle  on  passe  des  hommes  pour  les  rendre  imbéciles  ou 
de  la  mort  à  l'immortalité  :  telle  a  été  la  ré-  uienteurs.  Donc  un  l'ail  surnaturel  est  loul 
surrection  (it^  Jésus-Christ;  et  telle  sera  celle  aussi  capable  d'être  prouve  par  des  témoi- 
que  nous  espérons  à  la  fin  des  siècles  pour  gnages  qu'un  lail  naturel;  nous  l'avons  dé- 
lions el  jiour  tous  les  justes  sans  exception,  montré  au  mol  Ceutitiide. 
Pour  la  rcsurrrclion  des  ré(n-ouvés  ,  ce  sera  Nous  soutenons  que  les  deux  suppositions 
plutôt  une  second  ■  mort  qu'une  nouvelle  vie.  ou  les  deux  prétextes  des  incrédules  sont 
Aprcsavoir  parlede  la  )('.<«»ve,/to/i  passagère,  plus  imp>issibles  et  plus  contraires  à  l'ordre 
nous  traiterons  de  la  résurrection  générale  de  la  nature  que  la  résurrection  d'un  mort, 
et  perpétuelle.  —  i"  Il  n'est  pas  naturel  qu'une   multitude 

Dans  l'Ancien  Testamenl  il  est  fait   men-  de  témoins,  sensés  d'ailleurs  ,  croient  voir, 

tion  de  irois  résurrections  ;  Elle  ressuscita  le  entendre  ,  toucher  un  liooime  vivant ,   pen- 

fils  de  la  veuve  de  S  irepla  ^/7/ /{ey.  xvii.22];  danl  qu'ils  ne    voient  et  ne  louchent  qu'ua 

Eii.sée  rendit   la    vie  au   fils  de  i.i  Sunamiie  homme  mort,  ou  au  contraite.  il  n'est  point 

(IV  Reij.  IV,  3^];  un  cadavre  qui  loucha  les  dans  l'ordre  du   la  aature  que  les  sens  de 


m 


UES 


RES 


148 


tonte  cette  multitude  soient  fascinés,  etqo'un 
fantôme  leur  fasse  illusion.  11  n'est  point  se- 
lon le  cours  ordinaire  des  choses  que  deux 
hommes  soient  tellement  semblables  parles 
traits  du  visage,  parla  taille,  par  l'âge,  par 
le  son  de  la  voix,  par  l'humeur,  par  les  ha- 
bitudes, etc.,  que  le  vivant  puisse  être  sub- 
stitué à  la  place  du  mort,  de  manière  qu'a- 
près trois  ou  quatre  jours  tout  le  monde  y 
soit  trompé,  même  sa  famille  el  ses  meilleurs 
amis  :  il  n'y  a  point  d'exemple  d'une  erreur 
scmblatile.  Ce  phénomène  est  donc  contraire 
à  une  expérience  constante,  uniforme,  cer- 
taine el  invariable.  Donc  c'est  un  miracle, 
suivant  la  notion  même  qu'en  donnent  les 
inciédules;  mais  miracle  plus  impossil)le 
qu'une  résurrection.  Dieu  s  iiis  doute  peut 
ressusciter  un  mort  pour  prouver  la  mission 
d'un  de  ses  envoyés,  pour  exciter  l'alten- 
lion  des  peuples  et  les  rendre  plus  dociles  à 
sa  parole  ;  mais  il  ne  peut  pas  faire  illu- 
sion aux  sens  de  tout  un  peuple  pour  l'in- 
duire en  erreur  ,  ni  permettre  que  cela  se 
fasse  par  tout  autre  agent  quelconque  :  cette 
conduite  répugnerait  à  sa  sagesse  el  à  sa 
bonté.  2°  Il  est  naturellement  impossible 
qu'un  grand  nombre  de  témoins  aieni  le  mê- 
me intérêt  et  la  même  passion  de  tromper  en 
pareille  circimstance  ,  et  il  est  impossible 
qu'ils  y  réussissent  au  point  de  rendre  la  su- 
percherie indémontrable  ;  depuis  la  création 
il  n'est  rien  arrivé  de  semblable  ,  et  il  n'ar- 
rivera jamais  ,  à  moins  que  Dieu  ne  change 
le  cours  de  la  n;ilure  pour  établir  une  im- 
posture, el  ne  viol.'  tout  à  la  fois  l'ordre  phy- 
sique et  l'ordre  moral.  Dans  l'un  et  l'autre 
de  ces  deux  cas,  nous  avons  donc  ce  qu'exi- 
gent les  incrédules  pour  admettre  un  mira- 
cle, c'est-à-dire  un  lémoignat;e  de  telle  na- 
ture que  sa  fausseté  serait  plus  miraculeuse 
que  n'est  le  fait  même  qu'il  s'agit  de  con- 
stater. 

Cet  argument  ne  conclut  point,  répliquent 
les  déistes  ;  dans  une  résurrection  il  y  a  deux 
faits  successifs,  la  mort  d'un  homme,  ensuite 
sa  vie;  je  puis  m'assurer  du  second,  mais 
cette  assurance  même  me  fait  défier  du  té- 
moignage que  mes  sen?  m'ont  rendu  sur  la 
réalité  de  la  mort  précédente  que  je  ne  puis 
plus  constater.  Lorsqu'un  malade  tombé  en 
syncope,  et  qui  paraissait  mort,  revient  de 
lui-même  à  lii  vie,  le  second  fait  démon- 
tre que  la  mort  était  seulement  apparente  cl 
non  réelle;  donc  il  en  est  de  même  de  la  vie 
récupérée  par  une  prétendue  résurrection; 
Il  faut  raisonner  dans  l'un  de  ces  cas  comme 
dans  l'autre. 

liéponse.  Nous  soutenons  que  dans  le  se- 
cond cas  ,  lorsque  la  mort  a  été  constatée 
par  les  signes  ordinaires,  il  est  absurde  d'en 
douter  et  de  se  défier  du  lémoignaj^e  des  sens. 
Autrement,  dans  le  cas  que  cet  homme  res- 
suscité viendra  t  à  mourir  quelques  jours 
après ,  il  faudrait  douter  de  même  de  la  vie 
dont  il  a  joui  [icndanl  plusieurs  jours  ,  et 
de  laquelle  nos  sens  ont  rendu  témoignage. 
Pour  coni|irendre  tout  le  ridicule  de  ces  dou- 
tes, il  sulfil  de  Icsappliiiuerù  un  phénomène 
naturel.    La    renaissance   des   têtes   do   li- 


maçons paraissait  incroyable  et  contraire 
au  cours  de  la  nature  ,  avant  que  l'ex- 
périence en  eût  démontré  la  possibilité;  le 
philosophe  qui  les  a  vues  renaître  pour  la 
première  fois  a-t-il  été  en  droit  de  douter 
s'il  avait  réellement  coupé  la  tête  à  plusieurs 
de  ces  animaux,  lorsqu'il  en  a  vu  jjaraitre 
une  nouvelle,  sous  prétexte  qu'il  ne  pou- 
vait plus  constater  la  réalité  de  l'amputa- 
tion ?  aucun  homme  sensé  n'oserait  le  sou- 
tenir. Doue,  de  même,  dans  le  cas  d'une  r^- 
surreclion ,  lorsque  la  mort  a  été  ccmsiatée 
par  le  témoignage  des  sens  ,  il  est  absurde 
d'en  douter,  sous  prétexte  que  l'on  ne  peut 
plus  vérifier  le  IViil  de  nouveau.  La  seule  rai- 
son qui  inspire  de  la  défiance  aux  incrédu- 
les, c'est  que  la  vie  rendue  au  ressuscité  est 
un  fait  surnaturel:  or,  nous  avons  déjà  ob- 
servé que  le  surnaturel  d'un  fait  n'inilue  en 
rien  sur  nos  sens  ni  sur  la  fidélité  de  leur 
témoignage  :  donc  la  défiance  à  cet  égard 
n'est  fondée  sur  aucune  raison,  mais  seule- 
ment .sur  la  répugnance  d'un  incrédule  a 
croire  un  miracle. 

Dans  le  cas  d'une  syncope,  la  vie  recou- 
vrée est  une  preuve  certaine  de  la  fausseté 
des  apparences  précédentes  de  la  mort,  pour 
deux  raisons  :  1°  parce  qu'il  est  évident  pour 
lors  qu'aucune  cause  surnaturelle  n'esl  in- 
tervenue; Dieu  ne  ressuscite  pas  les  morts 
sans  qu'ils  le  sachent  el  sans  que  personne 
s'en  aperçoive.  C'est  autre  chose  lorsqu'un 
homme  qui  se  dit  envoyé  de  Dieu  opère  une 
résurrection  pour  prouver  sou  caractère.  2° 
Parce  qu'il  n'y  a  aucun  exemple  d'une  syn- 
cope qui  ait  réuni  absolun)ent  tous  les  signes 
et  les  symplômcs  d'une  mort  réelle;  si  cela 
était  jamais  arrivé  ,  l'on  n'oserait  plus  en- 
terrer aucun  mort  avant  la  corruption  du 
cadavre.  Donc,  lorsqu'une  mort  a  été  cons- 
tatée par  tous  les  sigms  qui  peuvent  la  ca- 
ractériser, il  est  absurde  de  douter  encore  si 
ce  n'a  pas  éié  une.  syncope.  H  faut  donc  dis- 
tinguer avec  soin  la  défiance  sage  et  raison- 
nable du  témoignage  des  sens,  d'avec  une 
défiance  excessive  et  affectée  qui  vient  de 
quelque  passion  d'orgueil  ,  d'entêtement, 
d'opiniâtreté,  de  malignité,  etc.  Celle-ci  n'a 
point  de  bornes,  elle  augmente  à  proportion 
de  la  force  des  preuves  qu'on  lui  oppose. 
Mais  ceux  qui  se  font  gloire  de  leurs  doutes 
en  fait  de  religion  ,  rougiraient  de  se  con- 
duire de  même  en  tout  aitre  cas.  Lorsqu'un 
incrédule  s'est  trouvé  dans  le  cas  de  voir 
porter  au  tombeau  sou  père,  son  épouse  ou 
son  ami,  malgré  la  vivacité  de  ses  regrets,  il 
ne  s'csl  pas  avisé  de  douter  si  leur  mort  était 
bien  certaine,  ni  d'argumenter  pour  prouver 
que  c'était  peut-être  seulement  une  syn- 
cope. 

Suivant  l'avis  d'un  de  nos  plus  célèbres 
incrédules,  c'est  un  paradoxe  de  dire  que 
l'on  devrait  croire  aussi  bien  toul  Paris  <|ui 
assurerait  avoir  vu  ressusciter  un  mort, 
qu'on  le  croit  quand  il  publie  que  telle  ba- 
taille a  élé  gagnée  ;  ce  témoignage,  dit-il, 
rendu  sur  une  chose  improbable,  ne  peut 
jamais  être  égal  à  celui  qui  esl  rendu  sur 
une  chose  probable.  Si   pur  improbable  cet 


140 


»ES 


RES 


150 


autour  entendait  impossible,  il  devait  com- 
menci-r  par  faire  voir  que  tout  inirAcle  est 
impossible;  c'est  ce  qu'il  n'a  pas  fait.  S'il 
appelle  chose  improbable  une  chose  que  l'on 
ne  peut  pas  prouver,  il  fallait  dénionircr 
que  nos  sens  ne  servent  pli'.s  de  rien  lors- 
qu!il  s'ag;il  de  constater  un  fait  surnaturel, 
qiM'Ique'sensible  qu'il  nous  paraisse.  Nous 
voudrions  savoir  pourquoi  il  est  plus  difû- 
cile  (le  s'assurer  de  la  mort  d'un  homme  qui 
ressuscitera  que  de  celle  d'un  homme  qui  ne 
ressuscitera  pas  ;  ou  moins  aisé  de  constater 
la  vil'  d'un  homme  ressuscité  que  celle  d'un 
homme  qui  n'est  pas  encore  mort.  Il  est  évi- 
dent qu'un  fait  siirnaiurel  est  susceptible  du 
même  dcfiré  de  certitude  qu'un  fait  naturel; 
ainsi  un  miracle  est  métaplijsiquement  cer- 
tain pourcelui  qui  l'a  éprou\é  sur  soi-même, 
il  l'est  physiquement  pour  ceux  qui  l'ont  vé- 
rifié par  leurs  sens,  il  l'est  moralement  pour 
ceux  qui  en  sont  assurés  par  des  témoigna- 
ges irrécusables.  Yoy.  Miracle. 

UÉSURRECTION  DE  JÉSUS-ChrIST  (1).  «  Si  Jé- 

(t)  L.1  résurreciinn  de  Jésus-Clirisi,  dit  Duvoisin, 
csl  un  fait  principal  sur  lequel  repose  parllculièie- 
meiit  1.1  divinitc  de  l'Cvaiif^ile  :  il  esi  ù  propos  d'en 
parler  d'une  niaiiiùie  parliculière. 

On  peut  réduire  à  trois  chefs  les  preuves  de  la 
ré^urreciiou  iJe  Jésus-Christ  :  hi  iradiiloii  constante 
el  la  foi  publiipu;  de  Ttlglise  chiéiienne,  l'autoriic 
(les  témoins  cités  dans  l'histoire  cvaugélique  ,  la 
liaison  nécessaire  de  plusieurs  faits  incoulestablus 
avec  le  fait  de  la  résuj  reclion. 

I.  Il  n'en  est  pas  du  chrislianisnie  coinine  de  cer- 
lliines  instiliilious  que  l'on  trouve  établies  dans  le 
nionde,  sans  que  l'on  puisse  dire  où,  coiuineui,  cl 
p;ir  qui  elles  ont  comiiieiicé.  Nous  eu  avons  une 
iiisloire  suivie  qui  reniorUe  sans  interruption  jus(|u'à 
répo(iue  (le  sa  naissance;  et  nous  apprenons  de  celte 
liisioire,  que  la  résurrection  de  Jésus-Clirist  a  tou- 
jours été  l'objet  et  le  fondement  de  la  fui  des  chré- 
tiens. 

Lue  fête  solennelle,  .inssi  ancienne  que  le  cbris- 
liHnis(ue,  est  eueore  aujoiird  liui  un  monument  au- 
iheiitiipie  de  la  r  surreciiou.  Vers  le  milieu  du  se- 
cond siècle,  il  s'éleva  dans  l'Eglise  une  contestation 
sur  le  jour  où  cette  léte  devait  se  célébrer.  Les 
Eglises  il'Urient  prétendaient  (pie  rap('>tre  saint  Jean 
les  avait  instruitis  à  célébrer  la  Pàipie  le  même 
jour  que  les  Juils,  c'esl-à  dire  le  qiiaior/.e  de  la  lune 
de  mars.  L'Eglise  de  Home  et  les  Eglises  d'Occi- 
dent se  fondaieiil  sur  l'autorité  de  saint  Pierre,  pour 
renvoyer  la  Pàque  chrétienne  au  dimanche  (|ui  sui- 
vait le  jour  de  la  l'àiuc  judaïque.  La  pratique  de 
l'Eglise  de  Kome  a  prévalu  :  le  concile  de  Nicée,  en 
525,  en  a  tait  une  loi  pour  tous  les  cbrélieas.  Cette 
dispute,  qui  lUira  luiigieinps,  el  qui  lut  siuiieiiue  de 
part  et  d'auire  avec  beiucoup  de  vivacité,  nous 
prouve  évidi'umient  que  l'ICglise  chréiieune  a  tou- 
jours lait  pr(d'ossion  de  croire  la  résurrection  de  Jé- 
sus-Christ, et  (pi'elle  a  toujours  regardé  la  commémo- 
raison  de  ce  grand  miracle  comme  une  panie  essen- 
tielle (le  son  culte.  Or  il  est  incontestable  que  la  foi 
publiipie  de  la  résurrection  remonte  jiisigu'au  temps 
de  révcoemeiit.  L'on  ne  peut  assigner  uii  seul  in- 
Slaiil  où  les  chréiiens  n'eu  aient  pas  lait  profession. 
Il  est  même  évident  que  celte  croyance  a  toujours 
été  le  motif  principal  et  le  fondement  du  christia- 
nisme, et  (|ue  jamais  ou  ii'atirail  vu  .se  l'ormer  une 
seule  Eglise  chrcteiiue,  si  la  résurrection  de  Jésiis- 
Chn^i  u'eùi  |ias  été  annuncée  et  racuiiniic  iniuiédia- 
tement  a,>iè9  sa  mort. 

i'aperçui»  doue  dans  la  iradittoa  chrétieuue  uu 


sus-Christ  n'est  pas  ressuscité,  disait  saiot 
l'aul  aux  Corinthiens,  notre  prédication  est 
vainc,    votre  foi    ne  porte  sur  rien  ;   nous 

premier  caractère  qui  ne  me  permet  pas  de  la  c<s\\  - 
fondre  avec  ces  opinions  populaires  qui  s'évaneuis- 
senl  dès  qu'on  entreprend  de  remnn.'er  i  la  source. 
Celte  loi  publique  et  constante  d'une  société  im- 
mense composée  de  peuples  inconnus  les  uns  aux 
autres,  me  parait  plus  iiiiposanie  el  plus  authenti- 
que, à  mesure  que  je  me  rapproche  de  son  origine. 
Si  l'on  peut  dire  de  chaque  génération  riu'elle  a  re- 
cueilli la  loi  de  la  génér.aioii  précédente,  je  deman- 
derai où  la  première  génération  a  pui^é  sa  foi  ,  si 
ce  n'est  d.ms  la  vérité  reconinie  du  lait  de  la  résur- 
rection? Je  ne  puis  pas  supposer  que  ce  soit  par 
l'mipiilsion  des  préjuges  et  des  opinions  d'ininan- 
les,  (jue  les  premiers  chrétiens  aient  été  conduits  à 
la  loi  de  la  résurrection.  Ces  premiers  chrétiens 
étaient  ou  des  juifs,  ou  des  idolâtres,  ou  des  philo- 
sophes, tous  imbus  de  principes  bien  contraires  à  la 
nouvelle  religion.  Le  chrisUanisme  ,  combattu  par 
tous  les  préjugés  de  l'éducation  el  de  l'habitude, 
méprisé  el  persécuté  dans  sa  naissance,  n'avait  au- 
cun de  ces  moyens  de  séduction  qui  agissent  sur  l'es- 
prit el  sur  le  cceur  humain.  Par  quel  autre  motif 
que  celui  de  la  vérité  connue,  la  loi  de  la  résur- 
rection a-t-elle  donc  pu  s'établir?  Enlin,  la  résur- 
rection de  Jésus-Glirisl  n'était  pas  un  l'ail  obscur,  in- 
différent, étranger  aux  intérêts  el  aux  passions  qui 
ont  .rontume  de  remuer  les  liomines.  Il  ne  s'agis- 
sait pas,  entre  ceux  ijui  la  croyaienl  el  ceux  qui  ne 
la  croyaient  pas,  d'une  simple  diversité  d'opinion  sur 
un  point  d'Itisioire.  La  religion,  l'ordre  public  en 
dépendaient.  D'une  part,  les  pharisiens,  les  prêtres, 
les  chefs  de  la  nation  juive  ne  pniivaient  voir  sans 
effroi  que  l'on  enireprîl  de  persuader  la  résurrec- 
reclion  el  la  divinité  d'un  homme  qu'ils  avaient  cru- 
cilié.  De  leur  côté,  les  disciples  de  Jésus  ne  |iou- 
vaieiit  se  dissimuler  le  danger  auquel  ils  s'exposaient, 
eu  accusant  du  plus  grand  des  crimes  les  magistrats 
de  leur  nation.  Toute  la  ville  de  Jérusalem  avait  les 
yeux  ouverts  sur  une  cause  si  imporlaote.  Je  ne 
puis  donc  pas  supposer  que  la  foi  de  la  résurrection 
se  soit  établie  d'une  manière  imperceptible  ,  sans 
discussimi,  sans  que  les  hommes  éclairés  y  prissent 
intéiél.  La  nature  du  fail  ne  le  perinellait  pas,  et 
d'ailleurs,  toute  l'histoire  de  ces  temps-là  me  prouve 
incontestablement  que  la  loi  des  clirctiens  n'a  pris 
la  dessus  qu'après  avoir  triomphé  des  contradictions 
les  plus  violente^  el  les  plus  opiniâtres. 

La  tiadiliou  constante  el  la  foi  publique  de  l'Eglise 
nous  conduit  de  siècle  en  siècle,  par  une  succession 
ininterrompue,  jusqu'aux  témoins  de  la  résurrection. 
Quels  sont  les  témoins  de  la  résurrection  ?  Jésus  , 
qui  l'a  prédite  ;  les  apôtres,  qui  l'onl  pul>tiée  ;  les 
Juils,  qui  l'ont  combattue. 

II.  Je  place  Jésus-Christ  à  la  lêie  des  témoins  de 
la  résurredion  ,  parce  qu'il  l'a  prédite,  et  qu'une 
telle  préiliction  suppose  et  prouve  qu'il  avait  le  pou- 
voir de  la  vérifier.  Jésus  a  prédit  sa  résurrection  pii- 
bliqueuienl,  el  de  la  manièie  la  plus  lormelle.  Celle 
race  perverse  el  aduUère  demande  un  siqiie  {i\  parlait 
aux  prclres  el  auv  pharisiens),  el  il  ne  lui  en  seraptis 
donné  d'tmtre  que  le  signe  du  prophète  Junas.  Car,  de 
mcine  que  Jonas  demeura  iroib  jours  el  trois  nuits  dans 
le  venlie  de  la  baleine,  ainsi  le  Fils  de  l'humme  tera 
trois  jours  el  trois  nuils  dans  le  sein  de  la  terre 
(Mulili.  xii).  Celle  prédiction  n'éiait  pas  idiscnre; 
elle:  fut  entendue  des  Juifs,  et  ils  nous  l'apprennent 
eux>iiiéuies,  lorsque  après  le  cruciliemeiit  ils  disent 
à  l'ilate  :  <  Nous  nous  soiivennns  que  ce  séducteur  a 
dit  :  Dans  trois  jours  je  ressusciterai.  >  On  ne  peut 
pas  soup(;otmer  l'évaugéliste  de  l'avoir  imaginée  aprèj 
coup.  Les  chefs  de  la  Synagogue  en  aiiestent  l'ajii^ 
tbeniiciié  par  les  mesures  qu'ils  prennent  pour  \»Jmf  y 

meiitir.  ('  /  x^V^^n] 


151 


RES 


RES 


tss 


sommes  de  fiux  témoins  qui  oulragpons 
DIpu,  en  «itlesianl  conire  la  vôriié  qu'il  a 
ressuscité  Jésus-Christ  (/  Cor,  xv,  1i).  »  Les 

Raisonnons  mainlenanl  dans  \n  donbls  Iiynntlipse 
Je  ia  véiiié  el  de  la  fausseté  du  laiide  la  lésurrfC- 
li.iin,  el  voyons  à  laquelle  de  res  deux  liypollièses 
pini  s'ail  |)ler  la  préiliclionde  Jé'US-Chii-.i. 

Si  Jésus  est  ressuscité  ,  il  esi  induliiialilement 
l'envoyé  île  Dieu,  el  s'il  ctaii  l'envoyé  de  t»ieu, 
il  pouvait  se  tenir  assuré  de  sa  résurreetion  ;  el  il 
convenait  qu'il  l'annonçai,  el  à  ses  disciples,  el  à  ses 
enmniis  :  à  ses  disciples,  pour  soutenir  leur  loi  con- 
tre le  scandale  de  la  croix  ;  à  ses  ennemis,  ronr  dé- 
lier tons  leurs  efforts  ,  pour  donner  plus  d'éclat  au 
niirxle  ipii  devait  mettre  le  sceau  à  la  diviniié  de  sa 
mi  sion.  Si,  au  conlraire,  Jé-iis  li'élal  pas  nu  envoyé 
c  leste,  celte  prédiction  ne  pouvait  servir  qu'à  taire 
échouer  ses  projets,  soit  eu  désabusant  les  disciples 
qu'il  avait  déduits,  soit  eu  fournissant  à  ses  enneniis 
un  moyen  sûr  el  facile  de  le  convaincre  d'imposture 
à  la  face  de  rnniveis. 

Qu'un  homme  de  génie,  par  cet  ascennani  que  les 
grandes  âmes  savent  prendre  sur  le  vm^jaire,  par  le 
charme  de  l'éloquence,  par  des  dehors  iinpos.iiiis  de 
vertu,  par  des  prestiges  même,  si  l'on  veut,  par- 
vienne à  subjuguer  quelques  lioiiimes  simples  et  cré- 
dules, ou  le  ciinçiiit,  el  l'histoire  nous  en  idfre  mille 
exemples.  Mais  ce  <|u'mi  n'a  point  encore  vu,  c'<'sl 
que  l'auteur  d'une  impustiire,  jusque-là  si  heureuse, 
aille  de  lui-mènie.  sans  nécessité,  sans  motif,  ouvrir 
les  yeux  à  tous  ceux  qu'il  a  séduits.  Or,  loiil  autre 
que  l'arbitre  souverain  de  la  vie  et  de  la  mort,  en 
prédi^anl  à  ses  disciples  qu'il  soriirail  du  toinbeati, 
détruisait  par  cela  seul  toute  la  conliance  qu'il  avait 
su  leur  in-pircr. 

lin  ellci.  l'interroge  l'incrédule,  el  je  lui  demande 
si  1rs  disciples  de  Jésus,  sur  l'.iulorité  de  sa  prédic- 
tion, croyaient  fermement  qu'il  dut  ressusciter,  ou  si 
leur  foi,  encore  faible  et  vacillame,  attendait  l'évé- 
ment  pour  se  fixer.  Qu'il  (  boisisse  entre  ces  deux 
siippoNilions,  el  qu'ensuite  il  m'explique  cnmment, 
après  avoir  altendu  vainemenl  l'exéciiliou  de  la  pro- 
messe de  leur  maître,  après  s'être  convaincus  de  la 
fausseté  de  sa  prédiction,  les  disciples  ont  pu  se  |ier- 
suider  encore  qu'il  était  le  Fils  de  Dieu.  A  la  vue 
d'ime  preuve  si  palpable  d'imposinre,  la  foi  des  dis- 
ciples, quelles  que  soient  icuis  préventions,  s'éteint 
nécessairement  pour  taire  place  .à  l'iiidigu:itiou  el  à 
la  honte  de  s'être  laissé  tromper.  Loin  de  songer  à 
perpétuer  une  fable  dont  l'anieiir  s'e-.!,  trahi  si  visi- 
hleincnl,  il  ne  leur  reste  qu'à  retourner  à  leurs  bar- 
ques el  à  leurs  (ilets.  Trop  heureux  si  un  prompt  re- 
pentir les  déiidie  à  la  vengMiice  des  lois,  ou  si  leur 
obscurité  lait  oublier  qu'ils  ont  été  les  complices  du 
faux  prophète  !  Une  semblable  prédiction,  dans  la 
bouche  d'un  imposteur,  ne  pouvait  donc  avoir  d'au- 
tre eflét  (|iie  de  lorcer  ses  disciples  à  rabandonner. 
J'ajoute  qu'elle  eût  encore  préparé  à  ses  ennemis  un 
moyen  sûr  et  facile  de  le  convaincre,  à  la  lace  de 
loul  l'univers,  de  mensonge  et  d'impiété. 

S'il  se  rencontrait  un  chef  de  secte  assez  téméraire 
pour  prédire  hautement  qu'il  se  nionirera  plein  de 
vie  trois  jours  après  sa  miui,  quel  serait  l'elîei  naiii- 
rel  et  nécessaire  d'une  si  extr.ivaganie  prédiction? 
Tout  ce  que  peut  s'en  promettre  le  prétendu  prophète, 
t'esi  que  la  fable  de  sa  lésurreclion  s'aicrédie  el  se 
répande  dans  le  monde.  Mais  tous  ces  moyens  de  sé- 
duction sont  ensevelis  avec  lui,  el  l'imposture  meurt 
avec  riinposteiir,  à  moins  qu'il  ne  laisse  un  parti  as- 
sez hardi  pour  venir  à  bout  de  persuader  que  la  pré- 
diciicii  s'est  vériliée. 

Tout  resp<iir  de  Jésus,  dans  le  système  de  l'incré- 
dulité, reposait  donc  sur  le  courage  et  sur  l'habileté 
de  ses  disciples.  Vous  venez  de  v<iir  si  c'i'tait  en  les 
flattant  de  la  fausse  idée  de  sa  résurrection,  qu'il 
pouvait  les  intéresser  à  sa  mémoire  et  au  succès  de 


prophètes  avaient  prédit  que  le  Messie  res- 
susciterait après  sa  rnort.  hai.  c.  lui,  v.  10, 
nous  lisons  :  «  S'il  donne  sa  vie  pour  le  pé- 

son  entreprise.  Je  le  suppo-e  toutefois,  el  je  me  re- 
présente ces  hommes  si  liiuides,  si  lâches  quelques 
jour  s  auparavant,  Iraiislorinés  tout  à  coup  en  conspi- 
rateurs iutré|iides,  el  <léteriiiiués  à  soutenir  la  résur- 
reciion  d'un  honime  qui  les  ;i  trompés  pend  ini  sa  vie, 
et  qui.  en  exprani  sur  une  croix,  ne  leur  a  légué 
que  l'aiieute  d'une  mort  semblalde  à  la  sienne.  Ils 
s'iissemblenl,  ils  délibèrent,  et  prennenl  la  résolu- 
tion désespérée  d'enlever  le  corps  de  leur  matire. 
Mais  liés  le  premier  pas,  un  obstacle  insurmontable 
les  airêie.  C'est  la  prédiction  publique  que  Jésus 
a  faite  de  sa  résurrection,  lusirniis,  parcelle  imiirii- 
deiite  déclaration,  du  cours  qu':illait  prendre  l'iin- 
pnslure,  les  piêires  et  les  pharisiens  ont  rompu 
d'avance  toutes  les  mesures  des  (Oiijiirés.  Ils  ont 
placé  des  gardes  auséiiulcre;  ils  y  ont  apposé  le 
sceau  puldic  :  ils  sauront  bien  eiipé'ber  qu'on  n'en- 
lé-e  le  cadavre;  il  ne  leur  sera  pas  dillicile  de  le  pro- 
duire après  les  trois  jimrs  révolus.  Ce  terme  expiré, 
la  fable  de  la  résurrection  est  éionirée,  avant  même 
qu'elle  ait  vu  le  jour. 

En  deux  mots  :  Jésus  a  prédit  qu'il  ressusciterait. 
Donc  il  esi  ressuscité. 

III.  Le  fait  de  la  résurrection  est  attesté,  non-seu- 
lement par  Ions  les  écrivains  du  Nouveau  Testament, 
mais  encore  par  tous  les  apôtres  et  les  disciples  de 
Jésus-Christ;  el  leur  témoignage  unanime  el  persé- 
vérant ne  peut  être  suspect  ni  d'illusion  ni  d'impos- 
ture. D'abord  la  nature  du  fait,  sa  continuité,  la  mul- 
tiplicité et  la  variété  îles  ap|iaritious  qui  le  Con-ta- 
laieiit,  ne  permelienl  pas  de  croire  que  les  léin  ins 
aieni  été  irmiipés.  Ce  n'est  pas  en  simge,  ou  d'une 
inaeière  fugit  ve,  ce.  n'est  pas  une  seule  (uis  que  Jé>us 
après  sa  mort  se  montre  à  ses  di»ciples  :  c'est  pen- 
dant quarmle  jours  consécutifs,  et  dans  toute  l'inti- 
niité  du  coiiimerce  le  p'ns  familier.  l'ntbuH  seipsunt 
viotim  in  muliis  aigiimenlis,  per  (lies  qundraginla,  ap- 
parens  eis,  el  loquens  (Act.  i). 

Direz-vous  que  les  apôtres  étaient  préparés  par 
leurs  préventions  et  leur  crédulité,  à  prendre  pour 
réels  des  laits  el  des  discours  qui  n'existaient  (|ue 
dans  leur  imagination? 

.Mais,  en  premier  lieu,  une  pareille  illusion  suppo- 
serait la  démence  portée  à  son  comble;  et  la  ilé- 
inence  n'admet  pas  cette  uniiormilé  dans  les  récits, 
cette  liaison  dans  les  faits,  celle  (irolonde  sagesse 
dans  les  discours  que  nous  ollre  l'histoire  de  Jésus 
ressuscité.  En  second  lim,  rieu  ne  parait  plus  éloi- 
gné de  l'espril  des  disciples,  que  la  prévention  et  la 
ciédulité  à  l'égard  de  la  résurrection  de  leur  maiire. 
Ils  traitent  d'exiravagance  le  premier  rapport  qu'on 
leur  en  fait  :  el  visa  suiit  imte  illos  quasi  deliraiiieiila 
verba  ista,  et  non  credideitnil  illis  (Lue,  xxiv.)  Ils  se 
sont  assurés  que  le  corps  n'est  plus  dans  le  sépulcre, 
el  ils  ne  sont  pas  encore  persuadés.  Jé^us  se  montre 
à  Madeleine;  il  lui  adresse  la  parole;  il  l'appelle  par 
sou  nom  :  Madeleine  le  leconnatl  eiilin,  et  court  an- 
noncer aux  disciples  ce  i|u'elle  a  vu.  Mais  sou  léinoi- 
giuiL^e  ne  leur  suffit  pas;  il  tant  que  Jésus  leur  appa- 
raisse, qu'il  leur  montre  les  cicatrices  de  ses  plaies. 
Thomas,  qui  n'était  pas  présent  lors  de  ceite  pre- 
mière apparition,  reluse  d'en  croire  ses  collègues; 
il  ne  se  rend  (pi'apié:»  avoir  vu  el  louché  les  trace» 
récentes  des  clous  ei  de  la  lance. 

Dans  ce  récit,  que  je  suis  forcé  d'abréger,  mai» 
dont  tous  les  détails  sont  précieux,  reconnaissez- 
vous  Il  marche  de  la  (iréventiiui,  de  la  crédulité  on 
de  l'enihous.asine?  Ne  vous  semide-t-il  pas,  au  con- 
traire, que  les  apôtres  porient  la  dcliance  jusqu'à 
l'excès?  Et  ii'ètes-vous  pas  lente  de  leur  adresser  le 
reproche  que  Jésus  faisaii  aux  disciples  d'Euimaûs, 
qui  s'entreienaieni  avec  lui  sans  le  reconnaître  :  U 


IBS 


RES 


ché,  il  vivftl,  il  aura  nne  postérité  nom- 
breuse, il  accomplira  les  desseins  du  Sei- 
gneur. Parce  qu'il  a  souffert,  il  reverra   la 

inspnsi^s,  qui  vous  roidissez  cniiire  la  foi!  0  imen- 
taii  et  (nrrfi  corde  ad  eredeiidum  ! 

M. lis  c'est  trop  nous  arrêter  sur  une  supposition 
qui  ne  S'iulieiil  pas  le  plus  It^ger  examen.  Les  té- 
inniiis  de  la  résurrection  n'ont  pu  s'en  laisser  im- 
poser :  voyons  s'il  est  (lermis  de  croire  qu'ils  aient 
formé  le  ilesstin  d'en  imposer  eux -mômes.  On  les 
apôiri'S  s'attendaient  à  voir  leur  m:iître  ressiisciier, 
comme  \l  l'avait  annonce  si  expressément,  ou  ils  ne 
s'y  aliendaient  pas.  Dans  la  première  supposition, 
ils  ont  drt  se  reposer  sur  lui-même  du  soin  de  véri- 
fier sa  prédiction.  Ils  n'avaient  nul  besoin  de  s'en- 
gager dans  nne  nianœuvre  aussi  dangereuse  ipie 
(Timinelle  ;  et  si  leur  allenle  élail  trompée,  il  ne 
leur.resiaii,  comme  je  l'ai  déjà  dit,  que  d'ab.indon- 
rieria  cause  et  la  mémoire  d'un  hinnmeciniles  avait  si 
grossièrcmeiil  abusés.  Dans  la  seconde  supposition, 
nid  motif,  nul  iniérôt,  nul  e>piiir  ne  pouvait  les  en- 
gager à  concerter  la  lable  de  la  résurrection.  Du 
eolé  du  monde,  ils  avaient  tout  à  craindre  rdu  colé 
du  ciel  ,  ils  ne  poiiv.iienl  attendre  que  les  cliàtiments 
réserves  au  blasplième  et  à  l'impiélé.  Le  laiialisme 
ne  les  aveugbiit  pas  sur  ce  qu'il  y  avait  de  criminel 
dans  leur  projet,  et  le  faux  zèle  ne  jiisiili.iit  pas  l'im- 
posture à  leurs  yeux,  i  Si  le  Clirist  n'rst  pas  ressu- 
scité, disait  saint  Paul,  nous  portons  un  fauv  témoi- 
gnage contre  Dieu  :  luvcnimur  et  futsi  testes   Dei.   i 

.'admettons  néanmoins  que  les  apôtres  eussent 
quelquf  intérêt  à  supposer  et  à  divulguer  la  faille 
(le  la  résurrection,  coinin 'ut  n'oiii-ils  pas  élé  dé- 
couragés à  la  vue  des  (ihstacles  inniMnt)rables  (pii 
R'opposaienl  h  rexécution  d'une  pareille  entre- 
prise? obstacles  pris  île  la  nature  même  du  projet, 
qui  demandait  que  l'un  lit  disparaître  le  cadavie  dont 
les  Juifs  s'éiaienl  assurés  par  une  garde  militaire  : 
ubsiucles  de  la  part  des  complices  qui  se  trouvaient 
en  grand  iiunibre,  et  parmi  lesquels  il  ne  l'allait 
qu'un  traître,  un  second  .iudas  pour  dévoiler  la  Iraiide, 
et  en  immoler  les  auteurs  à  la  risée  publique  et  à  la 
vengeance  des  lois;  obstacles  de  la  part  des  piéires, 
des  magistrats,  de  la  nation  (ont  entière,  que  la 
làble  de  la  résurrection  couvrait  d'une  infamie,  éter- 
nelle, et  qui  avaient  en  main  tous  les  moyens  de 
droit  et  de  force,  |iropres  à  confondre  et  à  punir  les 
imposteurs  ;  obstacles  de  tous  les  genres,  qui  don- 
nent à  ce  projet  un  caiaciére  d'exiravaguice,  tel  que 
riinagin.itioii  épouvaniée  ne  peut  se  iigiirer  qu'il  y 
ait  eu,  d'une  part,  de>  biiniiiies  assez  fous  pour  en 
concevoir  l'idée,  et,  île  l'autre,  des  boinmes  assez 
stupides  pour  en  perinetire  l'exéculion. 

IV.  iNoiis  pouvons  compter,  parmi  les  témoins 
de  la  résnireciion,  jusqu'aux  Juifs  qui  ont  relu?é  de 
la  croire.  Leur  incrédulité  porie  avec  elle  des  ca- 
ractères si  manifestes  de  mauvaise  loi,  qu'elle  équi- 
vaut à  un  aveu  formel.  Pour  vous  en  convaincre, 
je  n'ai  besoin  que  de  mettre  smis  vos  yeux  ce  que 
tirent  les  cbels  de  la  Synagogue  avant  la  résiiriec- 
lioii,  pour  empêclier,  s'il  eût  été  possible,  que  la 
prédiciiun  de  Jé^us  ne  s'accomplit,  et  ce  qu'ils  (ircnt 
après  la  résurrection,  pour  arrêter  l'effet  de  ta  Dié- 
dicatioii  des  apôtres. 

Avant  la  résurrection,  les  princes  des  prêtres  et 
les  pliariMcns  scellent  de  leur  sceau  l'enlrée  du  sé- 
pulcre :  ils  y  placent  des  satellites  pour  en  défendre 
l'accès.  Par  ces  mesures,  ils  se  constituent  déposi- 
taires et  gardiens  du  corps  de  Jésus,  ils  en  répon- 
dent contre  tous  les  efforts  des  disciples,  et  ils  s'en- 
gagent tacitement  à  le  représenter,  après  les  trois 
jours  lixés  pour  la  lésiirreciion.  Qu'^rrive-t-il,  ce- 
pendant'!' Dès  le  malin  du  troisième  jour,  les  sceaux 
du  sépulcre  sont  brises,  la  pierre  énorme  qui  le  fer- 
mait est  renversée,   les  satellites  sont  dissipés,  te 


RES  154 

lumière  tîl  il  sera  rassasié  de  bonhetir.  »  Jé- 
sus lui-même  avait  répété  plus  d'une  fois  h 
ses  apôlres  ijuc  trois  jours  après  sa  mort  il 

cadavre  a  disparu  ;  il  ne  reste  que  les  linges  qui 
renveloppalciit. 

D'ipiès  ces  l'aiis  publiés  par  les  apôlres,  el  non 
coiilesiés  par  les  Juifs,  il  faui  admeiire,  ou  que  Jé- 
sus est  resMiseiié,  ou  que  ses  disciples  mit  enl'vé 
le  cadavre  à  force  ouverte.  Mais,  outre  nue  c'ent 
été  de  leur  pan  un  projet  inseiis ',  soit  (|u'ils  crus- 
sent, soit  qu'ils  ne  crusseni  pas  à  la  divinité  de  leur 
maîire  ;  outre  qu'on  ne  peut  leur  supposer  ni  le  cou- 
ra^e  ni  les  forces  nécessaiies  pour  l'exéculiou,  les 
clicfs  de  la  Svnagngne  en  avaient  rendu  lo  succès 
impossible;  et  ils  ne  sont  plus  en  droit  d'alléguer 
cet  enlèvement,  après  qu'ils  l'ont  prévu,  et  ipiils 
ont  pris  pour  l'empêi  lier  toutes  les  mesures  ipia 
pouvait  suggérer  la  prudence  éveillée  par  la  liaine, 
et  soiileniie  de  l'autorité  et  de  la  force  publique.  .\ 
plus  f"rle  raison  ne  niériteui-ils  pas  d'être  écoulés, 
lorsqu'ils  vienneul  nous  dire  i|ue  les  disciples  ont 
forcé  le  sépulcre,  peiidanl  que  les  gardes  dormaient 
tous  à  la  fois,  sans  que  leur  sommeil  eût  élé  trou- 
blé par  le  liimulle  inséiiarable  des  efforts  el  des 
mouvements  que  suppose  une  piieille  ex|icditinn. 
Un  fait  aussi  de-titiié  de  vraisembbnce  demande- 
rait, comme  l'oliserve  siint  Augnslin,  d'autres  ga- 
rants que  des  témoins  endormis.  Tout  ce  que  l'un 
(leiil  conclure  du  bruit  de  renlèvement  semé  dans 
le  i>euiile  par  les  cliefs  de  la  Synagossue,  c'est  que, 
de  leur  aveu,  le  cadiivre  n'était  plu-  dans  le  sépulcre 
avant  la  lin  du  iroisiéme  jour;  et  cet  aveu,  d;uis 
leur  boiicbe,  est  un  témoignage  forcé  en  faveur  de 
la  ré  nrreclion. 

Tandis  i|ue,  par  une  fable  si  mal  conceriée,  les 
prêtres  et  les  pliarisiens  s'ellorçaieiit  de  démentir  la 
prédiciioii  de  Jesiis-Cbrist,  les  apôlres,  au  milieu  de 
Jérusalem,  se  portaient  bâillement  pour  témoins  de 
son  accoinidisseuieiit.  Le  contraste  de  leur  assu- 
rance cl  de  leur  intrepidilé,  avec  la  mollesse  et  la 
tiiiiiilité  de  la  Synigogue,  fait  assez  voir  de  quel 
côté  se  iroiivent  la  bonne  foi  et  la  vérité. 

Pierre  et  Jean  venaient  de  guérir,  à  la  porte  du 
temple,  el  en  présence  d'une  foule  innombrable,  un 
homme  boiienx  de  naissance,  connu  de  toute  la 
ville.  Ils  avaient  pris  occasion  de  ce  prodige  pour 
annoncer  au  peuple  la  résurrection  de  Jésus.  Ils 
parlaient  encore,  lorsqu'il  survient  des  prêires,  des 
inagislrals  du  temple  et  des  sailducéens,  qui  les  font 
saisir  ei  jeter  dans  une  prison.  Le  lendemain,  les 
prêtres,  les  anciens,  les  scribes' assemblés,  se  font 
amener  les  deux  apôtres.  Niiront-ils,  ou  du  moins 
conlesleront-ilît  le  miracle  de  la  veille?  Non  :  ils  le 
reconniiissenl  expressément,  et  se  bornent  à  deiii:iii- 
der  aux  apôtres  en  quel  nom  et  par  la  puissance  de 
qui  Ils  l'ont  opéré  :  In  qua  virttite,  aut  in  quo  tio- 
vtiiie  (ecims  huc  t'os.'(Aci.  iv  )  Pierre  prend  la  pa- 
role et  leur  dit  ;  i  Princes  du  peuple,  apj.renez,  et 
que  tout  Israël  sacbe  que  cet  lionime ,  que  vous 
vovez  sain  devant  vous,  a  é'é  guéri  par  la  puissance 
et  au  iioni  de  Noire-Seigneur  Jésus-Llirist  de  Na- 
zaretli,  que  vous  avez  criicilié,  el  que  Dieu  a  res- 
suscité d'enlre    les  morts  :    Quem   dos   crucifiiisth, 

quem  Deus  suscitavit  amorluis >  Les  in;igisiral.s, 

voyant  la  ferinelé  de  Pierre  ei  de  Jean,  sacbant  quo 
c'élaienl  des  bonunes  du  peuple,  et  sans  letnes, 
étaient  dans  réionnemeni,  et  connaiss:iient  qu'ils 
avaient  élé  avec  Jé?us  Ils  voyaiem  aussi  devant 
eux  riioiiiine  guéri,  ci  ils  ne  pouv;iieiil  nier  la  chose. 
Ils  firent  sortir  les  apôires  de  la  salle  du  conseil,  el 
délibérant  entre  eux,  ils  se  disnient  :  <  (Jue  ferons- 
nous  de  ces  bomnies?  Le  miracle  «pi'ils  ont  fuit  est 
connu  de  tous  les  habiiains  de  J  lusaleiii.  La  chose 
est  miinifesie,  et  nous  ne  p  uivuiis  la  mer.  .Mais  afin 
que  leur  doctrine  ne  se  lépaiioe  pas  d.ivaniage,  dé- 
fcndoiiB-leiir  avec  menace  d'en  parler  à  qui   que  ce 


ISS 


RES 


RES 


186 


sorlirait  du  tombea».  Les  Juifs  sont  encore 
persuadés  que  le  Messie,  qu'ils  allendenl  doit 
mourir  et  ressusciter.  Koi/.  Galaliu,  1.  viii, 

soii.  «  Pierre  el  Jean  sont  rappelés,  on  leur  intime 
l'ordre  du  conseil  :  ils  sortent  en  déclarant  qu'ils  n'o- 
béiront pas  :  «  Jugez  vous-mêmes,  disent-ils,  s'il  est 
juste  de  vous  oliéir  pUiiot  qu'à  Hien.  Pour  nous, 
nous  ne  pnnvdns  taire  i  e  que  nous  avons  vu  el  en- 
tendu :  Non  enim  'posstimus  quœ  lidintus  et  aitilivi- 
mus  non  loifui.  >  Cités  une  seconde  fois  au  même 
tribunal,  tons  les  apôtres  réuid<  parlent  avec  la 
même  inlrépidilé.  Les  prêtres,  les  pharisiens  !><;- 
missaient  de  r.'ige  et  voulaient  les  faire  mourir. 
(  Laissez  ces  liomnies,  leur  dit  (îam.iliel  ;  car  si 
l'œuvre  qu'ils  entreprennent  vient  des  hommes,  elle 
tombera  d'elie-uême  :  mais  si  c'est  l'œuvre  de  Dieu, 
vous  ne  vieillirez  pas  à  Iciut  de  la  détruire,  el  voire 
résisianre  vous  rendrait  ctuipables  d'imp  été.  i 

Avec  tant  de  h  line  el  di'  puis<aiiie,  pour(|iioi  tant 
d'incertiinde  et  de  fiildesse?  Pourquoi  ce»  méuage- 
nienis  pour  des  liornmes  de  niant,  qui  aceoseni  eu 
face  les  prinres  des  prêtres  d'avoir  crucifié  le  Messie 
des  Juifs,  quem  vos  cruàfixistii  '!  Comment  le  plus 
sase  et  le  plus'  accrcdilé  des  ptiari~iens  ose-t-il 
avancer  en  plein  conseil,  que  coniliailrc  la  prédica- 
tion des  aiirtlrcs,  c'est  s'exuoser  à  eombïittre  i'.vuvre 
de  Dieu?  Est-ce  là  la  romluile,  est-ce  là  le  fiiigage 
co:;veiiablB  aux  chefs  d'une  nation,  à  l'égard  U'une 
poignée  de  novalems  el  de  séditieux,  qui,  par  la 
plus  giossière  imposture,  déshonorent  l;i  nation  ti>ul 
cnlière.  et  niellent  en  péril  l'étal  et  la  religion? 

N'allez  pas  objecter  (|ue  ce  récit  est  suspect, 
puisque  c'est  des  apolres  seuls  que  nous  le  lemms. 
Les  laits  qui  ont  précédé  ou  suivi  imuiédiatemenl  la 
résurreclion,  étaient  des  faits  publics  el  notoires  ipil 
appartenaient  à  la  Synagogue,  et  qu'il  y  aurait  en  de 
ia  démence  à  lui  attribuer,  s'ils  n'eussent  pas  élé 
vrais  el  génér:i'enpent  reconnus.  I<cs  aprtires  au- 
raient-ils inventé  que  les  prêtres  allèrent  trouver 
Pilale,  pour  lui  demander  de  placer  une  garde  dans 
le  sépulcre;  qu'il  se  répandit  parmi  les  Juifs  que  le 
corps  de  Jétiis  avait  été  enievé  de  nuit  par  ses  disci- 
ples, qu'eux-mêmes  furent  cités  devant  le  conseil, 
iiib-rrogés,  emprisoonés,  réprimandés,  et  battus  de 
verges?  Non,  ces  laits  ne  sftnt  pas  de  l'invention  des 
apolres  :  ils  avaient  pour  garant  la  notoriété  pu- 
bli(|ue.  Viius  ne  iiouvez  raisonnableincnt  les  ciinles- 
ter  et  de  leur  réunion  il  sort  une  nouvelle  preuve 
du  laitue  la  résiirreelio:!. 

D'abord  la  piécaoïion  de  placer  une  force  mili- 
taire près  du  s.  piilere  ne  permet  pus  de  douter  que 
Jésus  n'cilt  annoncé  puldiquemeni  qu'il  ressuscite- 
niil.  J'y  trouva  même  une  soilp  d';iveii  de  ses  autres 
miracles  ;  car  on  eût  méprisé  une  semblable  pré- 
dii  tiiin,  si  des  œuvres  surnalurelles  ne  lui  eussent 
pas  don'ié  ile  la  vraisemblance  el  du  puids  diins  To- 
pi!;i(in  publique.  En  sccomi  lieu,  le  bruit  qui  se  ré- 
pand de  l'eiilèvenieiit  du  cartavri',  prouve  dciuons- 
Iritivemeiil  que  le  lombeau  s'était  trouvé  vide 
iipiès  le  Iroisièine  jour.  Or  ce  lait  seul  décide  contre 
•s  Jiiils,  puisqu'il  est  certain  ip.'ils  ont  di'i,  qu'ils 
oui  pu,  qu'ils  «Mil  voulu  prévenir  lo  ite  teiilalive  de 
la  part  des  disciiiles.  De  plus,  ce  briiil  suppose  une 
/luposlure  aveiée,  ou  de  la  part  des  disciples,  s'il 
est  véritable,  ou  de  la  pari  de  la  Synagogue,  s'il  est 
faux.  Ur,  si  l'on  pèse  at  entivemeiii  rinlérél,  les 
moyens,  le  caraclère  des  uns  et  des  autres,  on 
avouera  que  le  reproche  ne  peut  Vomber  que  sur  les 
chefs  de  la  Synagogue. 

Les  apolres  n'avaient  nul  intérêt  à  dérolier  le 
corps  de  leur  niailre,  à  moins  qu'on  ne  les  sup- 
pose assez  insensés  pour  vouloir,  au  péril  de  leur 
vie,  jusiilier  l'extravagante  prédiction  d'un  impns- 
leur.  Mais  la  Synagogue  demenrail  coiivamciie  du 
crttiie  le  plus  lion  ilile,  si  l'mi  croyait  à  la  résurrec- 
lIoD  (l'un  lioninic  qu'elle  avail  fait  périr  du  dernier 


c.  15  et  22.  11  est  donc  de  la  plus  grande  im- 
portance de  voir  si  l'histoire  de  la  résurrec- 
tion de  Jésus-CI>rist,  tracée  par  les  évangé- 

siipplice.  A  s'en  tenir  à  la  présomption  de  droit, 
celui-là  a  commis  le  crime,  à  qui  le  crime  est  utile, 
h  fecil  sceliis,  cui  prodesl  :  il  ne  se  trouve  ici  de 
coupables  que  les  Juifs. 

Les  apôtres  manquaient  de  tous  les  moyens  né- 
cessaires au  succès  d'une  entreprise  si  liasanleuse. 
Mais  les  chefs  de  la  Synagogue  avaient  en  main 
tout  ce  qui  pouvait  empéchor  l'etfraclimi  du  sépulcre, 
tout  ce  qui  pouvait  la  cnnslaier  après  l'exécution. 
Or,  de  leuraveu,  ils  nel'imt  pasempêcliée,et  d'après 
toute  leur  conduite,  il  est  évident  qu'ils  ne  l'onl  pas 
coiislaiée.  Ils  n'ont  pas  même  pimi  les  soldats  qui, 
par  un  oubli  sans  exemple  de  la  discipline  militaire, 
avaient  favorisé  le  vol  du  dépôt  confié  à  leur  garde. 
Ils  ont  souffert  ipi'tui  les  accusât  publiquement  d'a- 
voir acheté  à  prix  d'argent  le  silence  de  ces  témoins 
oculaires  de  la  résurrection. 

Les  apolres,  dans  toute  la  suite  de  leur  vie,  ont 
donné  l'exemple  de  toutes  les  venus  :  ils  ont  scellé 
de  leur  sang  le  témoignage  qu'ils  avaient  conslam- 
meiit  rendu  de  la  résurrection  de  leur  maître.  En 
est  il  de  mènie  de  leurs  adversaires  ?  Interrogez,  je 
ne  dis  pas  les  évangélisles,  mais  l'hiilorieu  Joséphe  : 
il  vous  dira  que  telle  était  la  "corruptinii  des  phari- 
siens, des  prêtres,  des  magistrats,  qu'elle  tût  sufli, 
sans  les  armes  des  Itoiiiaiiis,  pour  consommer  la 
ruine  entière  de  la  iialion. 

Trois, èuiemenl,  les  chefs  de  la  Synagogue  oni  nié 
le  fait  de  la  résurrection  ;  mais  quelles  preuves  ont- 
ils  opp  jsées  au  témoignage  des  apôtres?  Le  bruit 
va-iie  de  renlèvcmeiit  du  cadavre  n'esl  qu'une  fable 
maladroite,  s'il  n'est  pas  soutenu  par  des  inlorma- 
lions  juridiques.  Or,  il  ne  parait  nulle  Ir.ice  d'inlbr- 
mations  juridiques  dans  toute  l'histoire  de  ce  temps- 
là  ;  et  ce  qui  démontre  qu'il  n'y  en  a  jamais  eu,  ou  ipie 
l'iui  s'est  cru  obligé  de  les  supprimer,  c'est  que  les 
apôtres  conlinuenl  d'enseigner  eu  public,  sans  ipie 
les  magistrats  osent  les  condamner  à  la  mort  ;  c'est 
que,  dans  le  procès  instruit  tumullu  liieiiient  contre 
le  diacie  Etienne,  on  l'accuse,  non  d'avoir  enseigné 
la  résurrection  de  Jésus,  mais  d'avoir  blasphémé 
contre  le  temple  et  contre  la  loi  :  c'esl  enlin,  que  la 
foi  en  Jésus  ressuscité,  i|ue  des  Infor  nations  juri- 
diques auraient  dt'i  éioulfer  dans  sa  naissance,  s'é- 
tab'ii  au  milieu  de  Jérusalem,  sous  les  yeux  des 
prêtres  et  des  magistrats,  qui  ne  savent  combattre 
la  nouvelle  religion  qu'en  la  persécutant 

V.  Le  fait  de  la  résurrection  esi  tellement  lié  avec 
d'autres  lails  inconleslables,  qu'on  ne  peut  l'en  dé- 
tacher sans  tomber  dans  un  abiine  d'invraisem- 
blances, de  coiitr.idiciious  et  d'absnrdiiés  histuii- 
ques. 

Ln  premier  fait  incontestable,  c'est  que  l'établis- 
scmenl  du  cliristiaiiisine  esl  moins  l'ouvrage  de  Jé- 
sus-Christ i|ue  celui  de  ses  apolres.  Or,  si  Jésus  n'esl 
pas  ressuscité,  il  est  mifiossible  de  cimcevoir  com- 
ment ses  apôtres  oui  pu  suivre  et  consommer  l'en- 
treprise qu'il  avail  commencée.  Que  l'incrédule  se 
décide  une  fois  sur  le  caractère  qu'il  veut  donner 
aux  apôtres.  En  fera-l-il  des  enthousiastes  sliipides 
qui  prêchent  de  bonne  foi  les  visions  dont  leur 
inaitre  les  a  bercés?  Celle  siipunsiiion  esl  détruite 
fiar  le  fait  de  la  résurreition,  dont  ils  se  discnl  les 
témoins.  Jusque-là,  (pi'ils  aient  élé  séiJuits,  à  la 
bonne  heure;  mais,  dés  ce  nimuenl,  ils  devieiineul 
cnx-uiémes  des  itupnsteuis;  il  ne  faut  plus  nous 
parler  de  leur  enthousiasme  et  de  leur  bonne  foi. 
Essayera-t-on  de  nous  les  montrer  cmniue  des  four-- 
bes  liabiles  qui  s'emparent  du  plan  ébauché  par  leur 
m  litre,  et  se  chargent  de  l'exécuiei,  au  [léril  mani- 
feste de  leur  vie?  Des  fourbes  n'auraient  eu  garde 
de  coudre  à  leur  plan  ia  fable  de   la  résurrection. 


i57 


RES 


RES 


158 


listes,  es(  à  couvert  de  tout  reproche  et  de 
tout  soiip<;on  do  fausseté. 
Toute  l'a  question  se  réduit  à  trois  arti- 

'  qui  ramenait  innt  à  l'examen  d'un  fait  nnique,  où  le 
iiiciisoiigi!  (Icvail  percer  de  loules  part'. 

Un  second  fait  non  moins  inciin(eslal)le,  cest  que 
l'Eglise  a  pris  naissanre  à  Jérusalem,  deux  mois 
après  la  miMi  de  Jé-us-Clirisl.  La  première  prédi- 
caiion  de  Pierre  enfanie  Irnis  mille  clirc.iens  :  peu 
de  jours  après  ""  en  ciinipte  liuii  mille.  La  persé- 
cnliiin  qui  <d)li^e  les  apoties  de  se  sénaier,  porte  le 
germe  de  la  foi  dans  tous  les  pays  voisins.  U"i  '"'<'''- 
plicpiera  ce  mouvement  suhit  qui  arrache  des  milliers 
de  Jnils  à  leurs  préjufïés,  à  leurs  lial)iludes,  à  tous 
leurs  inièréls,  pour  leur  taire  adorei'  un  liomine 
qu'ils  oui  vu  expiier  enlre  deux  brigands?  Les  apô- 
tres ont  pulilic  que  cet  liumiue  était  ressuscité.  Mais 
les  apoiri'S  ont  renciuilrédi's  contradiileurs,  ils  n'en 
ont  pas  été  crus  sur  nu  tait  ajissi  extraordinaire,  ils 
ne  l'ont  pas  avancé  sans  alléguer  quelques  pieuve.^  ; 
et  si  le  fait  était  conirouvé,  sur  (|uellcs  preuies 
ont-ils  pu  l'élaldir  lorsque  t(uit  s'élevait  contre  leur 
léinoi;:nage,  l'aulorilé,  la  religion,  l'intérêt  et  les 
nassiousï 

Que  l'on  exagère  tant  que  l'on  vtindra  la  crédulité 
du  peuple,  on  ne  trouvera  pas  un  seul  exemple  d'une 
pariille  imposture  et  d'un  pareil  succès.  Les  erreurs 
popul;iires  prennent  leur  origine  et  trouvent  leur 
api'ui  dans  les  opinions  reçues,  dms  les  passions, 
dans  l'influence  des  gouvcrntineiils.  Uoinulus  dis- 
parait tout  à  coup  ;  les  sénateurs  publieni  (|ne  les 
dieux  i'iuit  enlevé  au  milieu  d'un  orage  :  un  peuple 
imiiecile  et  superstitieux  croit  sans  peine  inie  tal)lc 
qui  s'accorde  avec  toutes  ses  idées.  Mais  ce  même 
peuple  aurait-il  (ru,  sur  la  |)arole  de  quelques  in- 
connus, ù  l'apulliéose  d'un  liomine  obscur,  ennemi 
de  ses  lois  et  de  sa  religion  ? 

Aussi,  et  c'est  un  troisième  fait  non  moins  certain 
que  les  deux  précédents,  les  apolres  n'ont  pas  dit 
au  peuple  de  Jérusalem  :  Croy'Z  ((ue  Jésus  est  res- 
suscite, parce  que  nous  vnus  l'assurons  ;  ils  ont  dit  : 
Croyczen  les  prodipes  que  nous  cqiérons  sous  vos 
yeux,  au  nom  de  Jésus  ressuscité.  La  foi  des  pre- 
miers juifs  convertis  a  donc  eu  pour  motif  des  taits 
écialanls,  dont  la  vérité  olait  jiéci'ssairciiienl  liée  à 
la  vcrilé  du  fait  de  la  résurrection.  Tout  se  réduisait 
pour  eux  à  l'examen  facile  de  ces  l'iiis  dvuit  ilséiaient 
le^  téuioiiis  oculaires.  Tout  se  réduit  pour  nous  à  re- 
clierclier  s'ils  ont  recoiiim  la  vérité  des  faits  al- 
légués par  les  apôtres,  et  si  le  jugement  qu'ils  en 
ont  |iorlé  nou^  oblige  nous-mêmes  à  les  admettre. 
Mais  avant  d'entamer  cette  discussion,  je  veux  vous 
faire  observer  qu'elle  répondra  pleiueuieut  ii  une 
question  que  vous  eiuendrey.  souvent  faire  aux  in- 
crédules :  Pourquoi  Jésus  ressuscité  ne  s'esl-il  pas 
inonlié  aux  piètres,  aux  piiarisiens,  à  loiiic  la  ville 
de  Jérusalem  qui  l'avait  vu  expirer?  Pourquoi  sa 
mort  ayant  été  publique,  sa  résmrectinn  n'a-t-elle 
pas  eu  d'autres  témoins  (|ue  ses  disciples  ? 

Je  pou  rais  répondre  que  la  nation  entière,  repré- 
sentée par  ses  prêtres,  ses  docteurs,  ses  magistrats, 
avait  une  preuve  convaincante  de  la  résurrection, 
dans  l'état  où  l'on  trouva  le  sépulcre  trois  jours 
après  ta  mort  de  Jésus-Cbrisl.  Je  pourrais  ajouter 
que  le  témoignage  des  apôtres,  soutenu  par  des 
œuvres  sunialurelles ,  en  lonrnissait  une  autre 
preuve  certaine,  et  dés  lors  siillisanle.  Mais  je  vais 
plus  loin,  et  je  dis  que,  par  leurs  propres  miracles, 
lesapiilres  ressuscitaient  ce  fait  capital,  le  rcnilaieut 
public,  et  le  mettaient  en  quelque  sorte  sous  les 
yeux  de  la  nation.  Jésns-Cbrisl  en  e0ei  ne  se  mon- 
trait-il pas  au  milieu  des  Juifs  toutes  les  fois  que 
ses  apôtres  opéraient  en  son  nom,  et  par  le  pouvoir 
qu'ils  avaient  reçu  de  lui,  qtieliju'un  de  ces  prodiges 
que  nous  lisons  dans  leur  bistoire?  La  Synagogue  et 
le  peuple  de  Jérusalem  ne  t'out  pas  vu  après  sa  ré- 


cles,  à  savoir  :  si  Jésus-Christ  est  véritable- 
ment mort  sur  la  croix,  s'il  est  ensuite  sorti 
du  tombeau  lui-même  ou  si  ses  disciples  ont 
fait  disp.iraîlre  son  corps,  et  si  les  attesta- 
tions de  sa  résurrection  sont  suffisantes  ; 
nous  ne  pouvons  qu'indiquer  sommairement 
les  preuves  de  la  vérité  de  ces  trois  faits  es- 
sentiels. 

I.  La  vérité  de  la  mort  de  Jésus-Christ  est 
prouvée  par  la  narration  uiiifornw  des  qua- 
tre évaiigélislcs  ;  on  peut  comparer  leurs  ré- 
cits dans  une  concordance  :  par  la  longueur 
et  la  variété  des  lourtiients  (ju'on  lui  avait 
fait  souffrir  :  il  avait  essuyé  le  malin  une  fla- 
gellation cruelle,  la  violence  et  les  coups  des 
soldats  ;  il  avait  succombé  sous  le  poids  de 
sa  croix  ;  le  rrucifiemenl  mit  le  comble  à  ses 
douleurs  :  on  est  étonné  de  ce  qu'il  put  vi- 
vre encore  pendant  trois  heures  sur  la  croiv. 
—  Une  troisième  preuve  est  le  coup  de  lance 
qui  lui  fut  donné  par  un  soldat,  et  qui  fit 
sortir  de  sni  côté  le  sang  qui  lui  restait  dans 
le  cœur  avec  l'eau  du  péricarde  ;  il  lui  éiait 
impossible  de  survivre  à  celle  blessure.  C'est 
parce  cju'il  était  mort  que  les  soldats  ne  lui 
rompirent  point  les  jambes,  comme  aux 
deux  larrons  crucifiés  avec  lui.  Ajoutons  la 
précaution  que  Pilale  prit  avant  de  permet- 
tre que  le  corps  de  Jésus  fût  détaché  de  la 
croix;  il  interrogea  le  centurion  témoin  du 
supplice  de  Jésus,  pnur  savoir  s'il  était  véri- 
tablement mort  ;  cet  officier  le  lui  assura.— 
La  cinquième  preuve  est  l'embaumement 
que  firent  de  ce  corps  Nicodème  et  Joseph 
d'Arimathie,  opération  qui  aurait  sulToqué 
Jésus  s'il  n'avait  pas  été  véritablemetil  mort. 
Yoy.  FuNiJR.ULLES.  —  La  sixième  est  l'alleii- 
lion  qu'eurent  les  juifs  de  visiter  le  tombeau 
de  Jésus  lorsqu'il  y  fut  renfermé,  de  sceller 
la  pierre  qui  en  fermait  l'entrée,  d'y  mellre 
des  gardes,  de  peur  que  son  corps  ne  fût  en- 
levé par  ses  disciples  et  qu'ils  ne  publias- 
sent qu'il  était  ressuscité.  Enfin,  la  persua- 
sion dans  laquelle  les  juifs  ont  loujotirs  élé 
que  Jésus  avait  éié  déposé  mort  dans  le  tom- 
beau, et  le  bruit  qu'ils  ont  répandu  de  l'en- 
lèvetnent  de  son  corps  pendant  que  les  gar- 
des dormaiesit.  Les  juifs  ont  toujours  con- 
testé sa  résurreclion,  mais  ils  n'ont  jamais 
nié  sa  mort.  Elle  est  donc  prouvée  par  tous 
les  faits  et  par  toutes  les  circonstances  qui 
peuvent  la  rendre  indubitable. 

surrection  ;  mais  n'ont-ils  pas  en,  dans  les  miracles 
des  apôtres,  une  preuve  de  la  résurrection,  équiva- 
lente au  létuoigiiage  immédiat  de  leurs  sens?  Et 
ceux  qui  ont  relusé  de  se  rendre  ii  cette  preuve  si 
auibeoii(pje  et  si  éclatante,  se  seraient-ils  montrés 
plus  dociles  il  la  vue  de  Jésus  ressuscité?  Pensez- 
vous  d'ailleurs  que  le  témoignage  uiiauiine  de  toute 
la  nation  juive  lïil  capable  de  fermer  la  bouche  à 
nos  incrédules  modernes?  Ne  deniaiideraienl-iN  pas 
encore  <pie  Jisus,  après  sa  résurreclion,  eût  pai- 
couru  toute  la  terre?  Ne  vondiai  nt-ils  pas  le  vo:r 
de  leurs  propres  yeux  ?  Où  trouver  des  preuves  as^ez 
convaincantes  pour  des  liomuies  bien  résolus  à  ne 
pas  croiie?  L'histoire  évangcli(|ue  renferme  des 
motifs  de  crédibilité  qui  ^ulii.>ent  à  la  bonne  loi,  et 
l'autorité  n'en  dl  point  éb  aiiU-e,  p;irce  que  la  mau- 
vaise fui  imagine  et  dem.mde  d'autres  preuves  qu'elle 
saurait  bien  éluder. — Démonsi.  t'ua'ig.,  édit.  Migue. 


169 


RES 


RES 


i60 


II.  Les  disciples  de  Jésus  n'ont  pas  tiré 
son  corps  du  tombeau  ;  second  fait  à  prou- 
ver. 1°  Us  n'diit  pas  osé  l'enlrepreiidri;  ;  leur 
linildilé  est  connue,  ils  en  foiu  eux-mêmes 
l'aveu.  Ils  s'enfuirent  lorsque  Jésus  fui  saisi 
par  les  juifs;  saint  Pierre,  qui  le  siii\il  de 
loin,  n'osa  se  déclarer  son  discipli-  ;  saint 
Jean  seul  osa  se  nionlrer  sur  le  Calvaire  et 
se  tenir  près  de  sa  croix.  Pendant  les  jours 
suivants  ils  s'enfermaient,  de  peur  d'éire  re- 
chercliés  et  poursuivis  par  les  juifs.  Lorsque 
Jésus  ressuscité  se  fit  voir  à  eux,  ils  le  pri- 
rent pour  un  fantôme  et  furent  saisis  de 
frayeur.  Ce  ne  sont  pas  là  des  liornines  ca- 
pables de  vouloir  forcer  un  corps  de  garde 
et  de  tirer  par  violence  un  cadavre  du  tom- 
beau.—  2"  Quand  ils  l'auraient  osé,  ils  ne 
l'ont  pas  voulu.  Pour  former  ce  dessein,  il 
fallait  un  motif  :  or,  les  apôtres  n'eu  avaient 
aucun.  Une  fois  convaincus  de  la  morl  de 
leur  maitre,  ils  ont  diî  le  regarder  ou  comme 
un  imposteur  qui  les  avait  trompés  par  de 
fausses  promesses,  ou  comme  un  esprit  fai- 
ble qui  s'était  abusé  lui-oiême  par  de  folles 
espérances.  Quel  intérêt  pouvait  donc  les 
engager  à  braver  la  haine  des  juifs  et  le 
danger  du  supplice  pour  soutenir  l'Iionneur 
de  Jésus,  pour  persuader  sa  résurrection, 
pour  le  faire  reconnaître  comme  Messie?  Ils 
ne  pouvaient  espérer  ni  de  tromper  les  juifs, 
ni  d'éviter  le  châtiment,  ni  de  séduire  le 
monde  entier. C'eiil  été  de  leur  part  un  crime 
aussi  absurde  qu'inutile.  Us  ne  pouvaient 
pas  compter  assez  les  uns  sur  les  autres 
pour  se  persuader  qu'aucun  ne  dévoilerait 
la  conspiration  et  ne  découvrirait  la  vérité. 
A  moins  qu'ils  n'aient  été  tous  saisis  par  un 
accès  de  démence,  le  dessein  d'enlever  le 
corps  de  Jésus  n'a  pas  dû  leur  venir  dans 
l'esprit.  —  3°  Quand  ils  auraient  en trepiis  de 
commettre  ce  crime,  ils  ne  l'auraient  pas  pu. 
Le  tombeau  était  gardé  par  des  sold  its  ; 
avant  d'y  placer  cette  garde,  les  juifs  avaient 
eu  soin  de  visiter,  de  fermer  et  de  cacheter 
le  tomlieau  [Matlh.  xxvii,  G6).  Celte  ojjéra- 
tion  ne  s'était  pas  faite  la  nuit  ni  secrète- 
ment, mais  au  grand  jour.  On  ne  pouvait  le- 
ver une  grosse  pierre,  ni  emporter  un  corps 
enduit  d'aromates  sans  faire  du  bruit.  Le 
tombeau  était  creusé  dans  le  roc  ;  on  le  voit 
encore  aujourd'hui  ;  mille  voyageurs  l'ont 
visité. —  k"  Enfin,  (|uand  les  apôtrt'S  auraient 
pu  et  auraient  voulu  enlever  le  corps  mort 
de  leur  maitre,  ils  ne  l'oul  pas  fait.  Us  ont 
élé  justifiés  de  ce  vol  f)ar  les  gardes,  lorsque 
ceux-ci  sont  allés  déclarer  aux  juifs  ce  (|ui 
était  arrivé.  Si  ces  gardes  avaient  favorisé 
les  apôtres  pour  conirneltre  ce  crime,  ils  au- 
r. lient  élé  punis,  puisiiue  ceux  qui  gardaient 
saint  Pierre  dans  la  prison  fureni  envoyés 
au  su|)plice,  quoique  cet  apôtre  eût  été  dé- 
livré par  miracle  {Acl.  xii,29j.  Au  contraire, 
les  juifs  donnèrent  de  l'argent  aux  sullats 
afin  (ju'ils  publiassent  ijue  le  corps  de  Jésus 
avait  élé  enlevé  pendant  qu'ils  di)r(n;iient. 
Mais  ces  mêmes  juifs  ont  encoie  justifie  1rs 
apôties  (le  ce  crime  prétcinlu.  Lorsqu'ils 
firent  mettre  en  prison  et  b,.llre  d'  verges 
saintPierre,sainlJeanel  les  autres,  loi  squ'ils 


mirent  à  mort  saint  Etienne,  les  deux  saint 
Jacques  et  saint  Siméon,  ils  ne  les  accusèrent 
point  li'.Tvdir  volé  le  corps  de  Jésns-Clirist  ni 
d'avoir  publié  fausseoieiit  sa  résurrection, 
mais  seulement  île  l'nviiir  prêehée  mal  né  la 
défense  qu'un  leur  en  avait  faite.  Dîne,  les 
apôtres  siint  pleinement  ab'.ous  du  crime 
que  les  juifs  cl  les  incrédules  ve.ilent  au- 
jourd'hui leur  imputer. Si  donc  Jésus-Chrisl, 
après  avoir  é!é  déposé  mort  dans  un  tom- 
beau, a  reparu  vivant  et  conver-ant  avec 
ses  apôtres,  nous  sommes  forcés  de  croire 
qu'il  est  ressuscité. 

III.  La  résurrection  d''  Jc'sns  (Uirist  est  at- 
testée p  ir  des  témoignages  irrécusables.  Klle 
l'est,  en  premier  lieu,  par  ions  les  apôires 
qui  affirment  que  pendant  quarante  jours 
ils  ont  vu  et  toiiclié  Jésus-Cbiist  vivant, 
qu'ils  ont  conversé,  bu  et  mangé  avec  lui 
comme  avant  sa  mort,  ils  ont  donné  leur  vie 
en  témoignage  de  ce  fait,  et  leur  coniluile 
jusqu'à  la  mort  a  été  telle  qu'il  f.illail  pour 
mériter  une  entière  confiance.  Voy.  Apô- 
tres. Cette  rcsurrei  tion  est  confirmée,  en 
seC'ind  lieu,  par  la  persuasion  de  huit  mille 
hommes  ronvertis  cinquante  jours  après 
par  deux  prédications  de  saint  Pierre.  Ils 
étaient  sur  le  lieu  ;  ils  ont  pu  interroger  les 
juifs  et  les  gardes,  visiter  le  tombeau,  con- 
sulter la  notoriété  publique,  confronter  les 
témoignages  des  apôtres  avec  ceux  des  en- 
nemis de  Jésus,  prendre  toutes  les  précau- 
tions possibles  pour  n'être  pas  trom(u'S. 
l'ersonne  n'a  pu  se  faire  chrétien  sai\s  croire 
celle  résurrection  :  c'a  toujours  été  le  point 
fondamental  de  la  prédication  des  apôtres  et 
de  la  doctrine  chrétienne.  Il  est  incontesta- 
ble qu'immédiatement  après  la  descente  du 
Saint-Esprit  il  y  a  eu  une  Eglise  nombreuse 
à  Jérusalem,  et  (ju'elle  y  a  subsisté  pendant 
plusieurs  siècles  sans  aucune  interrupiion  : 
or,  elle  a  élé  composée  d'abord  par  des  té- 
moins oculaires  de  tous  les  faits  qui  con- 
couraient à  prouver  la  résurrection  de  Jé- 
sus-Christ. Ce  fait  est  confirmé,  en  troisième 
lieu,  non-seulement  par  le  silence  des  juifs 
qui  n'ont  j 'mais  accusé  les  apôtres  de  men- 
songe ni  d'imposture  sur  ce  point,  mais  par 
leur  aveu  formel.  Dans  les  Sepker  Tholdoth 
Jescliu,  ou  Vies  de  Jésus,  qui  ont  été  compo- 
sées par  les  rab!  lus,  ils  disent  ijue  le  corps 
de  Jésus  morl  fut  moniréau  peuple  par  un 
certain  Taii-(]uma  :  or,  tancuma  signifie  à 
la  leiire  mirucle  de  la  résurrection.  Voyez 
y  Histoire  de  l'établissement  du  chrisliinisiiie, 
tirée  des  juifs  et  des  païens,  p.  8'2.  Un  qua- 
trième témoignage  positil  est  celui  de  Josè- 
phe  riiisiorien,  dans  le  célèbre  passage  que 
nous  avons  rapporté  à  son  arlicle,  et  dont 
nous  avons  prouvé  l'authenticité. 

La  manière  dont  Celse,  de  concert  avec 
les  juifs,  a  cunleslé  la  résurrection  de  Jésus- 
Christ,  est  équivalente  à  un  aveu  formel.  Il 
dit  que  les  apôtres  ont  été  trompés  par  un 
fantôme,  ou  qu'ils  en  ont  imposé.  Mais  un 
fantôme  ne  fait  pas  illusion  pendant  qua- 
rante jours  consécutifs  à  lies  hommes  éveil- 
lés; on  ne  l'entend  .(«oint  converser.  On  ne 
le  voit  point  boire  et  manger;  -il  ne  se  laisse 


161 


RES 


REfi 


163 


point  loucher,  comme  n  fait  Jésus  après  sa 
résnrreclion.  Les  apfiires  n'ont  |)ns  pu  en 
impcier  nux  juifs,  de  mîinit'TO  ;\  Icnr  fermer 
la  douche  el  à  déconcerter  leur  comluile  ;  ils 
n'ont  pas  pu  fasciner  les  yeux  ni  les  oreille» 
à  la  mullilude  de  témoins  oculuiies  el  pla- 
cés sur  les  lieux,  qui  oui  cru  à  leur  prédi- 
cation. 

Nous  demanaons  aux  incrédules  quelle 
espèce  de  |ireuves  plus  convaincantes  ils 
exigent  pour  croire  la  rcsurreclion  deJésixs- 
C'hrisl.  Dans  l'impuissance  d'allaqiier  direc- 
tement celles  que  nous  alléguons,  ils  se  jel- 
Icnt  sur  les  accessoires  ;  ils  objcclenl: 

1"  0"*-'  personne  na  vu  Jésus-I'hrisl  sortir 
du  lomheau.  D'abord  on  ne  sait  pas  si  les 
gardes  ne  l'onl  pis  vu  ;  l'I'lvanijilo  n'en  dit 
rien,  lui  second  lieu,  tous  les  témoins  qii  se 
seraient  trouvés  là,  fussent-ils  an  nombre 
de  mille,  aurai. -ni  été  aussi  elTrajés  (]iie  les 
gardes.  Un  tremblement  df  (erre,  la  pierre 
du  tombeau  renversée,  un  ange  assis  dessus 
avec  un  regard  terrible,  un  mort  qui  sort 
du  tombeau,  ne  sont  pas  des  objets  que  l'on 
puisse  envisager  de  sang-froid  :  or,  Jésus- 
Chiist  ne  voulait  point  épouvanter  les  té- 
moins de  sa  résnrreclion  ,  il  voulait  au  con- 
traire les  rassurer,  et  il  eut  beaucou|)  de 
peine  à  dissi[)er  leur  frayeur  les  premières 
fois  (|u'il  leur  apparut.  linfin,  qu'imporie 
qu'on  ne  l'ait  pas  vu  sortir  du  tombeau, 
pourvu  qu'on  l'ait  vu,  entendu  et  louché 
après  qu'il  en  a  été  sorti  ?  Il  n'en  résulte 
pas  moins  (lu'il  a  été  vivant  après  avoir  été 
mort.  — 2°  Les  incrédules  disent  que  la  nar- 
ration des  évangélistes  est  chargée  de  cir- 
constances difficiles  à  concilier.  C'est  juste- 
ment ce  qui  prouve  qu'elle  est  vraie  ;  si  ces 
qucitre  éci  ivains  r.iv.iient  forgée  cl  l'avaient 
arrangée  de  concert,  ils  l'auraient  rendue 
plus  claire.  Ils  auraient  fait  sortir  du  tom- 
beau Jésus  resplendissant  de  gloire,  cuiioie 
les  peintres  ont  cuuiuuie  de  le  représeiiler; 
au  lieu  de  placer  un  ange  sur  la  pierr  •,  ils  y 
auraient  supposé  .lésus-Glirist  lui-méuie  as- 
sis avec  un  regard  menaçant  lixé  sur  les 
gardes.  Ils  auraient  dit  :  Nous  y  étions,  nous 
l'avons  vu  :  ce  mensonge  ne  leur  aur.iit  pas 
plus  coûte  (|ue  le  leste,  et  il  aurait  été  plus 
imposant.  Si  au  contraire  les  quatre  évan- 
gélistes avaient  forge  chacun  en  parlicnlier, 
et  sans  s'être  concci-iés,  une  histoire  fausse, 
il  serait  impossible  qu'il  ne  se  fût  pas  trou- 
vé dans  leur  récit  des  circonstances  contra- 
dictoires et  inconciliables  ;  or,  il  n'y  en  a 
point,  cl  elles  sont  très-bien  conciliées  dans 
les  concordances.  —  3"  Jésus-Clivi^t  ressus- 
ciié,  disent  nos  adrersaires,  devait  se  mon- 
trer aux  juifs,  à  ses  juges,  à  ses  bourreaux, 
pour  1rs  convaincre  et  confondre  leui'  incré- 
dulité ;  Celse  le  soutenait  déjà  ainsi,  cl  celle 
objection  a  été  cent  fois  répelée  de  nos  jours. 
Si  elle  est  sensée  el  raisonnable,  Jésus  res- 
suscilé  devait  se  montrer  aussi  à  toutes  les 
nations  au\(iuelles  il  voulait  envoyer  ses 
apôtres,  afin  lie  les  convertir;  il  devait  se 
faire  voir  aux  persécuteurs  de  ses  disciples 
et  à  tous  les  ennemis  de  sa  religion,  afin 
d'aïuortir  leur  fureur.  11  devrait  même  res- 


susciter aujourd'hui  de  nouveau  sous  les 
yeux  des  incrédules,  afin  de  les  rendre  do- 
ciles :  ils  ont  meriié  celle  grâce  par  leur  im- 
piété, tout  comme  les  juifs  s'en  étaient  ren- 
dus dignes  en  cruciliant  celui  qui  venait  les 
sauv(>r.  Ne  rougira-t-on  jamais  de  cette  ab- 
stirdilé?  Dieu  ne  multiplie  point  les  preuves, 
les  motifs  de  foi,  les  grâces  do  salul,  au  gré 
des  incrédules  el  des  opiniâires  ;  il  en  donne 
suffisamment  pour  les  âmes  droites  el  doci- 
les ;  li'S  autres  méritent  d'être  abandonnées 
a  leur  entêtement.  Lorsque  le  mauvais  ri- 
che, lourmenlé  dans  l'autre  vie,  conjurait 
Abraham  d'envoyer  un  mort  ressusciti'  prê- 
cher la  péiiit(!nce  à  ses  frères,  ce  patriarche 
lui  répondit  :  «  S'ils  ne  croient  pas  Moïse 
ni  1rs  prophètes,  ils  ne  croiront  pas  plus  uu 
mort  ressuscité  {Luc.  xvi,3i).  »  De  même, 
dès  (lue  le  témoignage  des  gardis  joint  à  ce- 
lui des  apAtres  n'a  pas  suffi  pour  convaincre 
les  juifs,  ils  n'auraient  pas  été  plus  touchés 
du  iémoigiiage  de  Jésus-t^hrist  lui-même.  Ils 
avaient  dit  pendant  sa  vie  :  C'est  le  prince 
des  démons  qui  opère  les  miracles  de  Jésus  ; 
ils  auraient  dit  de  sa  résurrection  :  C'est  ce 
vv'me  prince  des  ténèbres  qui  a  pris  la  figure 
de  Jésus  pour  venir  nous  séduire.  N'avons- 
nous  pas  enlenilu  dire  aux  incrédules  mo- 
dernes :  Quand  je  verrais  ressusciter  un 
mort,  je  n'en  croirais  rien  ,  je  suis  plus  sîlr 
de  mun  jugement  que  de  mes  yeux.  —  4-°  Ils 
prétendent  que  le  récit  des  apparitions  qui 
ont  suivi  la  résurrection  du  Sauveur  esl  rem- 
pli de  difficultés  et  de  contradictions  ;  c'est 
Une  fau>seté.  Il  n'y  en  a  point  lorsque  l'on 
ne  cherche  pas  à  y  eu  mettre,  lorsque  l'on 
n',i|oiite  rien  à  la  narration  et  lorsque  l'on 
rap|iroehe  les  évangélistes  l'un  de  l'aulie; 
c'est  ce  (|ue  l'on  a  fait  dans  les  concordan- 
ces. Mais  les  incrédules  ne  veulent  aucune 
conciliation  ;  ils  ne  veulent  que  disputer  et 
s'aveugler.  Lorsqu'un  des  évangélistes  rap- 
porte un  fail  ou  uue  circonstance  dont  un 
autre  ne  parle  pas,  ils  appellent  cette  diffé- 
rence une  conlrndirlion^  comme  si  le  silence 
élait  une  dénégation  positive.  Vuy.  ApeARi- 
T.ON.  —  5"  Ils  soutiennent  que  les  apôtres  et 
les  évangélistes  sont  des  témoins  suspects, 
qui  élaient  intéressés  à  frger  une  fausse 
liisloire  pour  leur  propre  honneur  el  pour 
Celui  de  leur  maitre.  Déjà  nous  avons  dé- 
montré l'absurdité  de  celle  calomnie.  Les 
apôtres  n'auraient  pu  avoir  aucun  iniérêl  à 
soutenir  l'honueur  de  Jésus-Clirisl,  s'il  avait 
été  fourbe  el  imposteur  et  s'il  n'était  pas 
ressuscité  ;  leur  propre  honneur  les  aurait 
engagés  à  reconnaître  qu'ils  avaient  été 
lroiii|)és,  et  à  retourner  à  leur  premier  étal. 
Jésus-Christ ,  loin  de  leur  promeltre  des 
lioniieurs.de  la  cdébrilé  el  uue  gloire  tem- 
porelle, leur  avait  prédit  qu'ils  seraient  haïs, 
perséculés,  couverts  d'ignominie  et  mis  à 
mort  pour  son  nom  ;  ce  sont  eux-mêmes  qui 
le  déclarent  :  celte  sincérité  est-elle  compa- 
tible avec  un  motif  d'intérêt  temporel  ? 

Mais  dès  que  Jesus-Chrisi  esl  véritable- 
ment ressuscité  comme  il  l'avait  promis,  les 
apôtres  ont  été  conduits  par  le  seul  intérêt 
qui  agit  sur  les  âmes  vertueuses,  par  le 


163  RE» 

désir  de  faire  connaître  la  vérité,  d'éclairer 
el  lie  sanctifier  les  hommes.  C'est  justement 
cet  inlérêt  noble  et  généreux  qui  rend  ces 
témoins  plus  dignes  de  toi. 

Au  mot  Apôtre,  nous  avons  fait  voir 
l'embarras  dans  lequel  se  trouvent  les  incré- 
dules, et  les  contradictions  dans  lesquelles 
ils  tombent,  lorsqu'il  s'agit  de  peindre  le - 
caraclère  personnel,  les  motifs,  la  conduite 
des  apôtres;  ils  leur  altribuent  les  qualités 
U's  plus  incompatibles  et  les  vices  les  plus 
opposés  à  la  marche  qu'ils  ont  coiislammcnt 
suivie. 

Si  l'on  veut  voir  les  preuves  de  la  résur- 
rection  de  Jésus-Christ  phis  développées,  et 
touies  les  objections  résolues,  il  faut  lire 
l'ouvrage  intitulé  :  La  religion  chrétienne 
déinonCrée  par  la  résurrection  de  Jésus- 
Clirist,  et  composée  par  Dittim;  Les  témoins 
de  la  résurrection  de  Jésus-Christ  examinés 
el  jugés  selon  tes  règles  du  barreau,  par  Shcr- 
loli  ;  les  Observations  di'  liilbert  West,  sur 
l'histoire  et  sur  les  preuves  de  la  résurrection 
de  Jésus-Christ,  etc. 

RÉsuRRiîCTiON  GÉNÉRALE.  Lc  dogmc  de  la 
résurrection  future  de  tous  les  hommes  à  la 
fin  du  monde  a  élé  la  croyance  des  Juifs 
aussi  bien  que  des  chrétiens  ;  les  patriarches 
mêmes  n'en  ont  pas  douté  :  «  Jo  sais,  dit  le 
saint  homme  Job,  que  mou  Rédempteur  est 
vivant,  qu'au  dernier  jour  je  me  relèverai 
de  la  terre,  que  je  serai  de  nouveau  revêtu 
de  ma  dépouille  mortelle,  que  je  verrai  mon 
Dieu  dans  ma  chair; celte  espérance  re- 
pose dans  mon  cœur  {Job.  xix,  2o).»  Daniel 
dit  que  ceux  qui  dorment  dans  la  poussière 
se  reveilleront  les  uns  pour  la  vie  éternelle, 
les  aulres  pour  un  opprobre  qui  ne  Unira 
point,  c.  XII,  V.  2.  Les  sept  frères,  qui  souf- 
frirent le  martyre  sous  Antioclius ,  firent 
profession  d'espérer  une  résurrection  glo- 
rieuse et  une  vie  éternelle  (//  Machab.  vn, 
9  et  14). 

Dans  la  suite,  les  sadducéens  chez  les  Juifs 
attaquèrent  le  dogme  de  la  vie  future  et  de 
de  la  résurrection;  Jésus-Christ  le  leur 
prouva,  parce  que  Dieu  s'est  nommé  le  Dieu 
d'Abraham,  d'Isaac  et  de  Jacob  :  or,  il  n'est 
pas  le  Dieu  des  morts,  mais  des  vivants 
[Matih.  XXII,  21).  Pour  les  pharisiens,  ils  ne 
se  départirent  jamais  de  celte  croyance 
[Act.  xsni,  8).  Saint  Paul  s'en  servit  avec 
avantage  pour  soutenir  devant  Agrippa  la 
vérité  de  la  résurrection  de  Jésus-t^brist , 
c.  XXVI,  V.  8  et  23,  comme  au  contraire  il 
allégua  celle-ci  pour  prouver  aux  Corin- 
thiens la  résurrection  générale  future  (/  Cor. 
xv);  il  emploie  ce  motif  pour  exciter  les 
fidèles  aux  bonnes  œuvres,  pour  les  consoler 
de  la  mort  de  leurs  proches  et  des  souf- 
frances de  cette  vie  [l  Thess.  iv,  12).  Il  ap- 
pelle destructeurs  de  la  foi  chrétienne  ceux 
qui  disaient  que  la  résiirrection  était  déjà 
faite  (//  Tim.  ii,  18). 

Lorsque  le  christianisme  vint  à  la  con- 
naissance des  philosophes,  ils  ne  purent 
soufl'rir  le  dogme  de  la  résurrection  future; 
Celse  l'attaqua  de  toutes  ses  forces.  Quelle 
est  l'âme  humaine,  dit-il,  qui  voudrait  re- 


BES 


164 


tourner  dans  un  corps  pourri?  Dieu,  quoi- 
qiw  tout-puissant ,  ne  peut  remettre  dans 
son  premier  état  un  corps  dissous,  parce  que 
cela  est  indérenl  et  contraire  à  la  nature. 
Origéne  lui  répondit  que  les  corps  ressus- 
cites ne  seront  plus  dans  un  élat  de  pourri- 
ture, mais  de  gloire  et  d'incorruptibilité.  Au 
lieu  de  résurrection,  les  philosophes  avaient 
imaginé  une  palingénésie,  ou  une  renais- 
sance universelle  du  monde,  prodige  plus 
contraire  à  la  nature  et  plus  inconcevable 
que  la  résurrection  des  corps.  Il  n'est  cer- 
tainement pas  plus  difficile  à  Dieu  de  rendre 
la  vie  à  un  corps  humain  que  de  le  faire 
naître  du  sang  d'un  homme.  Origène,  contra 
Cels.,  1.  V,  n.  4  et  suiv. 

Après  Ori<;ènc,  Tertullien  fit  un  traité  de 
la  Résurrection  de  lu  chair,  contre  les  païens 
et  contre  quelques  héréliqiies;  il  soutint  la 
certitude  de  cette  résurrection  luture,  parce 
que  la  dignité  de  l'homme  l'exige,  que  Dieu 
peut  l'opérer,  que  sa  justice  y  est  intéressée, 
et  qu'il  l'a  ainsi  promis. 

En  effet,  1°  c'est  Dieu  lui-même,  dit  Ter- 
tullien, qui  a  formé  de  ses  propres  mains  le 
corps  de  l'Iiomme,  qui  l'a  animé  du  souffle  de 
sa  bouche,  qui  y  a  renfermé  une  âme  faite 
à  son  image.  La  chair  du  chrétien  est  en 
quelque  manière  associée  à  toutes  les  fonc- 
tions de  son  âme,  elle  sert  d'instrument  à 
tontes  les  grâces  que  Dieu  lui  t'ait.  C'est  le 
corps  qui  est  lavé  par  le  baptême  pour  pu- 
rifier l'âme;  c'est  lui  qui,  pour  la  nourrir, 
reçoit  le  corps  et  le  sang  de  Jésus-Christ, 
c'est  lui  qui  est  immolé  à  Dieu  par  les  mor- 
tifications, par  les  jeiines,  par  les  veilles, 
par  la  virginité,  par  le  martyre.  Aussi  saint 
Paul  nous  fait  souvenir  que  nos  corps  sont 
les  membres  de  Jésus-Christ  et  les  temples 
du  Saint-Esprit.  Dieu  laissera-t-il  périr  pour 
toujours  l'ouvrage  de  ses  mains,  le  chef- 
d'œuvre  de  sa  puissance,  le  dépositaire  de 
son  souffle,  le  roi  des  autres  corps,  le  canal 
de  ses  grâces,  la  victime  de  son  culte?  S'il 
l'a  condamné  à  la  mort  en  punition  du  pé- 
ché, Jésus-Christ  esl  venu  pour  sauver  tout 
ce  qui  avait  péri.  Sans  cette  réparation 
complète,  nous  ne  saurions  pas  jusqu'où 
s'étendent  la  bonté,  la  miséricorde,  la  ten- 
dresse paternelle  de  noire  Dieu.  La  chair  de 
l'homme,  rendue  par  l'incarnation  à  sa  pre- 
mière dignité,  doit  ressusciter  comme  celle 
de  Jésus  Christ.  —  2°  Celui  qui  a  créé  la 
chair,  continue  Tertullien,  n'est-il  pas  assez 
puissant  pour  la  ressusciter?  Rien  no  péril 
entièrement  dans  la  n.iture  :  les  formes  chan- 
gent, mais  tout  se  renouvelle  el  semble' ra- 
jeunir ;  Dieu  a  imprimé  le  sceau  de  l'immor- 
talité à  ses  ouvrages.  Le  jour  succède  à  la 
nuit ,  les  astres  éclipsés  reparaissent ,  le 
printemps  répare  les  ravages  de  l'hiver,  les 
plantes  renaissent,  reprennent  leur  parure 
el  leur  éclat;  plusieurs  animaux  semblent 
mourir  et  recevoir  ensuite  une  vie  nouvelle. 
Ainsi,  par  les  leçons  de  la  nature.  Dieu  a 
préparé  celles  do  la  révélation,  et  nous  a 
montré  l'image  de  la  résurrection,  avant  de 
nous  en  l'aire  la  promesse.  —  3°  Sa  justice  cl 
sa   fidélité  sont    intéressées  à  l'accomplir. 


I6S 


RES 


RES 


d66 


Dieu  doit  juger,  récompenser  ou  punir 
l'homine  lout  rnlier;  dans  cplui-ci,  le  corps 
sert  d'inslrumenl  à  l'àine,  soil  pour  le  vice, 
soit  pnur  la  vertu;  les  pensées  niètnes  de 
l'âme  se  peignent  souvent  sur  le  visage; 
l'âme  ne  peut  éprouver  du  plaisir  ou  de  la 
douleur,  sans  que  le  corps  s'en  ressente;  le 
principal  exercice  de  la  vertu  consiste  à 
réprimer  les  convoitises  de. la  chair.  Il  est 
donc  juste  que  l'âme  des  méchants  soit  tour- 
mentée par  sa  léuiiion  avec  un  corps  qui  a 
servi  à  ses  crimes,  et  que  celle  des  saints 
soit  récompensée  par  sa  société  éternelle 
avec  une  chair  qui  a  été  l'instrument  de  ses 
mérites.  —  h'  Dans  l'Ancien  cl  dans  le  Nou- 
veau Testament,  Dieu  a  formellemont  an- 
noncé et  promis  la  résurrection  future  des 
corps,  'rcrlullien  le  prouve  par  plusienrs 
des  passages  que  nous  avons  cilés,  cl  il  ré- 
fute les  fausses  interprétations  que  les  héré- 
tiques y  donnaient.  Il  fait  voir  que  les  ex- 
pressions des  prophètes  ne  sont  pas  des 
figures,  et  que  celles  de  Jésus-Christ  ne 
doivent  point  être  prisi's  pour  des  parnholes. 

Ce  l'ère  répond  ensuite  aux  p.issages  de 
riicrilure  sainte,  dont  les  hérétiques  abu- 
saient. Jésus-Ciirist  dit  que  la  chair  ne  sert 
lie  rien;  snais  par  la  chair  il  entend  le  sens 
grossier  que  les  Juifs  donnaient  à  ses  pa- 
roles. Saint  Paul  nous  ordonne  de  nous  dé- 
pouiller de  l'homme  cxte'ricur,  ou  du  viril 
homme;  mais  parla  il  entend  les  inclin;itions 
vicieuses  de  la  nature  et  les  mauvaises  ha- 
bitudes contractées  dans  le  paganisme. 
Dans  le  même  sens,  il  dit  que  la  chair  et  le 
sany  ne  posscderont  pas  le  royaume  de  Dieu; 
mais  soutiendra-t-on  que  la  chair  de  Jé^us- 
Christ  n'est  pas  réunie  à  son  âme  dans  le 
ciel?  Dans  le  même  endroit,  l'Apôtre  en- 
seigne et  prouve  la  résurrection  future. 
Tertullieii  emploie  la  seconde  partie  de  sou 
ouvrage  à  exposer  l'état  des  corps  ressus- 
cites, l'ar  les  paroles  de  saint  Paul  et  par 
d'autres  raisons,  il  fait  voir  que  ces  corps 
seront  en  substance  les  mêmes  qu'ils  étaient 
ici-bas,  mais  exempts  des  défauls  et  des  in- 
firtnilés  auxquels  ils  sont  sujets  dans  cette 
vie  ;  qu'ils  ne  seront  privés  d'aucun  de  leurs 
membres,  mais  que  ceux-ci  ne  serviront  à 
aucun  des  usages  incommodes,  douloureux, 
honteux,  auxquels  les  besoins  de  la  vie  mor- 
telle nous  assujettissent.  Jésus-Christ  nous 
le  fait  entendre  ainsi,  lorsqu'il  dit  que  les 
ressuscites  seront  semblables  aux  anges  de 
Dieu  {Matih.  xxii,  30). 

Dans  toute  cette  doctrine  de  Tertullien,  il 
n'y  a  rien  que  de  très-ortln)doxe.  Saint  Au- 
gustin en  a  répété  une  bonne  partie  contre 
les  païens  et  contre  les  manichéens. 

(Juelques  incréilules  ont  prétendu  qu'en 
enseignant  la  résurrection  future ,  Josus- 
Clirisl  n'a  fait  que  renouveler  un  dogme  des 
Perses  ou  des  Chaldéens;  d'autre  p^irt  quel- 
ques Pères  de  l'Kglisc,  i)0ur  prouver  ce 
dogme  aux  païens,  ont  dit  qu'il  n'était  (las 
lout  à  fait  inconnu  aux  philosophes.  Mos- 
heim,daMs  ^es  Dis<ert.  sur  l'Hift.  ecclésiast.^ 
t.  Il,  p.  58l),  s'est  proposé  de  réfuter  les  uns 
elles  autres;  il  en  a  fuit  une  pour  prouver 


ce  qu'a  dit  saint   Paul,  que  Jésus-Christ  a 

mis  en  lumière  la  vie  et  l'immortalité  par  l'E- 
vanrjile  (II  Tim.  i.  11));  (|uo  les  juifs,  ni  les 
païens,  ni  leurs  philosophes,  ni  les  peuples 
barbares,  n'ont  eu  sur  ce  point  une  croyance 
orthodoxe.  Sans  doute  Mosheim  a  voulu 
parler  des  juifs  modernes;  à  l'égard  des  an- 
ciens et  des  patriarches,  comujcnt  prouve- 
rait-il qu'ils  n'ont  pas  cru  la  résurrection  fu- 
ture dans  un  sens  orthodoxe?  Nous  présu- 
mons que  Job,  Daniel,  les  sept  frères  Ma- 
chabées,  n'étaient  pas  dans  l'erreur  au  sujet 
de  ce  dogme  essentiel;  Jéssis-Chriat  a  donc 
pu  l'enseigner  aussi  clairement  qu'il  l'a  fait, 
sans  être  obligé  de  l'emprunter  des  Perses 
ou  des  Chaldéens.  Aussi  saint  Paul  ne  dit 
pas  que  Jésus-Cbilst  seul  a  mis  on  lumière 
la  vie  et  l'immortalité,  mais  il  est  vrai  que 
ce  divin  Sauveur  a  enseigné  l'iiumorlnlité  do 
l'ànu'.la  j"e'5i(rrce(«on  deseorps.el  la  vie  future 
avec  plus  le  cl.irlé,  plus  d'énergie,  plus  d'au- 
torilé  qu'on  ne  l'avait  jamais  fait,  qu'il  en  a 
di'veloppé  les  conséquences,  qu'il  les  a  ren- 
dues indubitables  à  tous  ceux  qui  ont  ciu 
en  lui,  et  qu'il  en  a  écarté  toutes  les  iilées 
fausses  que  les  juifs  modernes  et  les  philo- 
sophes en  avaient  conçues  :  c'est  évidem- 
ment ce  que  saint  Paul  a  voulu  dire. 

lui  soutenant  que  ce  dogme  n'élait  pas 
tout  à  fait  inconnu  aux  païens,  les  Pères 
n'ont  pas  iréteudu  que  ces  derniers  en 
avaient  une  idée  claire  el  véritable,  ou  une 
croyance  bien  ferme,  mais  seiilement  que 
quelques-uns  d'entre  eux  en  ont  eu  du  moins 
une  faible  notion.  Dans  les  Mém.  de  l'Acul. 
des  Inscripl.,  lom.  LXIX,  ùi-12,  pag.  270, 
un  savant  s'est  attaché  à  prouver  que  la  ré- 
surrection fulure  des  corps  est  un  arlicle  de 
la  croyance  de  Zoroastre  et  des  Perses.  Peu 
nous  importe  de  savoir  s'ils  l'eiitendeut  bien 
ou  mal;  puisque  c'est  un  des  anciens  dogmes 
de  loi  des  Orientaux  que  Job  nous  a  trans- 
mis, Zoroastre  a  pu  en  avoir  connaissance. 

Pour  excuser  les  manichéens  qui  niaient 
la  résurrection  fulure  de  la  chair,  lîeau- 
sobre  prétend  que  les  anciens  Pères  de  l'I*;- 
glise  n'ont  pas  été  unanimes  dans  la  croyance 
de  ce  dogme,  que  les  uns  l'ont  nié  et  que  les 
autres  eu  ont  eu  une  fausse  idée.  Il  cite  à  ce 
sujet  Origène,  qui  admettait  la  résurrection 
(les  corjjs  et  non  celle  de  la  chair,  saint  Gré- 
goire de  Nysse,  qui  ne  voulait  pas  croire  qu'il 
y  ail  à  présent  dans  JésUs-Cbrist  rien  de 
corporel,  et  Synésius,  évéque  de  Ptolémaïde, 
qui  dit  (|ue  la  résurrection  est  Un  mystère 
sacré  el  secret,  sur  le(]uel  il  est  bien  éloigné 
de  penser  conuue  la  multitude,  llisloirc  du 
Munich.,  I.  II,  1.  VIII,  c.  5,  n.  3  et  suiv.  Ce 
critique  impute  évidemment  aux  Pères  île 
l'Eglise  des  erreurs  (|u'ils  n'ont  jamais  eues. 
Il  est  clair  qu'Orisjène  niait  seulement  que 
le  corps  ressuscité  doive  être  une  chair 
grossière  el  corruptible,  comme  il  l'est  au- 
jourd'hui, et  saint  Paul  enseigne  la  même 
chose.  Quand  saint  (irtg  dre  de  Nysse  aurait 
cru  qu'il  n'y  a  plus  rien  de  corporel  dans 
Jésus-Christ  depuis  son  ascension  au  ciel, 
s'ensuivrait-il  qu'il  a  cru  de  même  qu'il  n'y 
aura  plus  rieu  de  corporel  daus  Ua  hommes 


m 


RES 


RES 


168 


ressuscites?  Il  ne  l'a  pas  di(,  et  il  y  a  de  Tin- 
juslice  à  lui  altribuor  colle  conséquence. 
Sjnésius  n'a  pas  dit  non  plus  ce  qu'il  <royail 
touchant  la  résurrection,  et  Boausobre  lui- 
mêuie  est  forcé  d'avouer  qu'il  n'en  sait  rien. 
Jïn  quoi  tout  cela  peut-il  excuser  les  mani- 
chéens? 

Les  incrédules  de  tous  les  temps  ont  fait 
contre  la  résurrection  future  des  corps  deux 
objections  principales:  1°  Les  mêmes  atomes 
de  ni;itière,  disent-ils,  peuvent  appartenir  à 
plu'iieurs  corps  différenls.  Les  cannibales 
qui  vivent  de  chair  humaine,  convertissent 
en  leur  propre  substance  celle  des  corps 
qu'ils  ont  mangés  ;  au  moment  de  la  résur- 
rection, à  qui  écherront  les  parties  qui  ont 
été  ainsi  communes  à  deux  ou  à  plusieurs 
rorps?  2°  Par  les  observatinns  que  l'on  a 
faites  sur  l'économie  animale,  on  a  décou- 
vert que  le  corps  humain  change  continuel- 
lement, qu'il  perd  un  grand  nombre  des 
parties  de  matière  qui  le  composent,  et  qu'il 
en  acquiert  d'autres;  après  sept  ans  il  est 
(olulement  renouvelé.  Ainsi,  à  proprement 
parler,  un  corpî  n'est  pas  aujourd'hui  en- 
tièrement le  même  qu'il  étjiil  hier.  De  tous 
ces  corps  différents  qu'un  homme  a  eus  pen- 
dant sa  vie,  quel  est  celui  qui  ressuscitera? 

Réponse.  Il  résulte  déjà  de  cette  objection 
qu'un  cannibale  qui  mange  un  homme  ne 
mange  point  les  parties  de  matière  dont  cet 
homme  était  composé  sept  ans  auparavant; 
et  lorsque  ce  cannib.ile  ineuit,  il  ne  con- 
serve plus  aucune  des  parties  du  corps  qu'il 
a  mangé  sept  ans  avant  sa  mort.  11  n'est 
doue  pas  vrai  que  les  mêmes  parties  aient 
appartenu  à  dt  ux  divers  individus  consi- 
dérés dans  la  totalité  de  leur  vie.  Or,  il  est 
fort  indifférent  qu'un  homme  ressuscite  avec 
les  parties  dont  il  était  coniposé  lorsqu'il  a 
été  dévoré,  ou  avec  celles  qu'il  avait  sept 
ans  avant  cette  époque. 

Les  plus  habiles  philosopncs  ,  tels  que 
Leibnilz,  Clarke,  Niewtnljt,etc.,onl  observé 
qu'il  n'est  pas  nécessaire,  pour  qu'un  corps 
ressuscité  soit  le  même,  qu  il  récupère  exac- 
tement toutes  les  parties  de  matière  dont  il 
a  etc  autrefois  composé.  La  chaîne,  disent- 
ils,  le  tissu,  le  moale  original  {stamen  ori- 
ginale), qui  reçoit  par  la  uuirilion  les  ma- 
tières étrangères  auxquelles  il  donne  la 
forme,  est,  a  proprement  parler,  le  fond  el 
l'esseniiel  du  (orps  humain;  il  ne  change 
point  en  acquérant  ou  en  perdant  ces  parties 
de  matière  accessoire.  De  là  vient,  1'  que  la 
figure  et  la  physionomie  d'un  homme  ne 
cliangcnl  point  essentiellement  en  se  déve- 
loppant et  en  croissant  ;  2°  que  le  corps  hu- 
main ne  peut  jamais  passer  une  certaine 
grandeur  ,  quelque  nourriture  qu'on  lui 
Uunne;  3°  qu'il  est  impossible  de  réparer  par 
la  Dutrition  un  membre  mutilé.  Ainsi  à  l'âge 
de  trente  ans  un  homme  est  ceuȎ  avoir  le 
même  corps  qu'à  quinze,  parce  que  le  moule 
intérieur  et  la  conformation  organique  n'ont 
pas  essentiellement  changé;  chaque  corps  a 
sou  moule  propre  qui  ne  p«ui  appartenir  à 
un  autre.  D'ailleurs,  l'ideiiliié  personnelle 
d'un  homme  cousitte  priacipulemenl  daus  le 


sentiment  intérieur  qui  lui  ntleste  qu'il  est 
toujours  le  même  individu.  San  corps  a  beau 
se  renouveler  vingt  fois,  il  sent  à  soixante 
ans  qu'il  est  la  même  per-oniie  qu'il  él.iit  à 
quinze.  Or,  c'est  précisément  la  personne 
qui  est  le  sujet  des  récompenses  et  îles  pu- 
nitions; il  lui  suffit  donc  de  ressusciter  avec 
un  corps  tel  qu'elle  puisse  conserver  avec 
lui  le  souvenir  et  la  conscience  de  ses  ac- 
tions, pour  sentir  si  elle  est  digne  d'être  ré- 
compensée ou  punie. 

Quelques  dissertateurs  ont  mis  en  ques- 
tion si  les  enfants  ressusciteront  avec  le 
corps  de  leur  âge  ou  avec  un  corps  adulte,  si 
les  femmes  reprendront  le  corps  de  leur 
sexe;  comme  si  ce  corps  n'était  pas  aussi 
parfait  dans  son  espèce  que  celui  d'un 
homme.  Ces  questions  frivoles  ne  font  rien 
au  fond  du  dogme,  qui  consiste  à  croire  que, 
pour  rendre  la  félicité  des  saints  plus  par- 
faite, et  le  supplice  des  réprouvés  plus  ri- 
goureux, Dieu  réunira  un  jour  leur  âme  à 
un  corps  qui  sera  véritablement  le  leur , 
avec  lequel  ils  sentiront  qu'ils  sont  les 
mêmes  individus  qui  étaient  dans  ce  monde, 
et  se  rendront  témoignage  des  vertus  qu'ils 
ont  pratiquées  et  des  crimes  qu'ils  ont  com- 
mis. La  résurrection  des  morts  n'est  point 
une  question  philosophique  proposée  pour 
amuser  notre  curiosité,  mais  un  dogme  de 
foi,  révélé  pour  nous  détourner  du  crime  et 
nous  porter  à  la  vertu. 

Chez  plusieurs  nations  barbares  ou  mal 
instruites,  la  croyance  de  la  résurrection  des 
corps  a  fait  naître  des  usages  absurdes  ei 
cruels,  tel  que  celui  de  brûler  des  femmes 
vivantes  avec  le  cadavre  de  leur  mari,  et  des 
esclaves  avec  celui  de  leur  raaiire,  pour  al- 
ler le  servir  dans  l'autre  monde.  Mais  Jésus- 
Christ,  en  enseignant  ce  dogme,  en  a  sage- 
ment écarté  tout  ce  qui  pouvait  le  rendre 
pernicieux  ou  dangereux  (1). 

(1)  Il  nuus  est  impossible  de  nous  faire  une  idée 
coiiipléie  de  l'éiat  du  corps  de  l'iiuinnift  après  la 
résiirreciioii,  el  l:i  science,  qui  a  pour  objet  la 
connaissance  de  l'Iioinine  dans  son  état  actuel,  ne 
sauiaii  niuis  appieiidie  avec  certitude  quel  sera  cet 
étal  futur.  C'est  la  parole  divine  qui  nous  apprend 
le  doi^iue  de  la  résiirreciion  ;  et,  comme  il  s'agit  ici 
d'un  fait  contingent,  qui  n'a  pas  de  relation  néces- 
saire avec  les  vérités  primordi.iles  de  la  raison,  el 
qui  ne  peui  d'ailleurs  éire  soumis  par  lui-même  à 
nos  iibseï  valions,  il  s'ensuit  que  ni  le  raisoiiiieiiieiit 
ni  rex|iérieiice  ne  sjur.iieiii  seuls  nous  instruire  à 
cet  égard.  Cepeiulaiil  les  observations  scieiitillques 
nous  riiuniisseiit  des  inductions  qui  confinnenl  plei- 
nement les  divins  enseigneuienis  de  la  loi,  et  qui 
nous  aident  à  concevoir  la  possiliililé  de  la  résurre- 
ction ainsi  querhamioiiiede  ce  inysiére  avec  les  véri- 
tés acquises  par  la  scieme  sur  la  nature  de  l'Iiomme. 
Ces  observations  founiissenl  en  même  temps  à  l'apo- 
logisie  des  armes  piiissaiiies  contre  les  incrédules 
qui  s'attaquent  aux  vérités  révélées,  et  procurent 
aux  fidèles  de  nouveaux  niotirs  de  s'attacher  à  des 
doctrines  déjà  certaines  pour  lui,  pulsi|U°elles  sont 
appuyées  sur  le  rundemeiil  irrélragable  de  la  révé- 
l.itioii.  D'ailleurs,  la  parole  divine,  en  nous  révélant 
le  mystère  de  la  ré>'Urrectioii,  ne  nous  enseigne  pas 
le  mode  d'accomplissement  de  ce  niysière  ;  et  nous 
pouvons,  en  marcliant  sur  le>  traces  des  sainis  Pères 
el  des  grands  docteurs  de  l'Egli^ie,  cliercher  à  éclair- 


Ibf  KET 

RÉTRACTATION.  Ce  terme,  tiré  du  latin 
relrnctare  ,  traiter  de  nouveau  ,  signifie  le 
travail  d'un  écrivain  occupé  à  revoir  une 

cir,  par  les  données  «le  la  raison  et  de  l'expérience, 
ce  que  la  foi  nons  propose  d'une  manière  géni'rale. 
Il  est  fou  bien  él:dili  par  de  niiinl)reux  rapproclie- 
nienls  que  rerciins  f:iils  pliysioloxiques,  en  nous  ré- 
vélaui  ce  donl  l'urganisine  tninMln  est  suscepiilile 
liiénie  ilans  son  él:il  acuiel,  nous  iiinénent  irrcsisli- 
hleinent  à  ccnirlur.'  que  cet  organisme  possède  nne 
S'anime  d'activité  et  de  force  dont  nous  ne  pouvons 
apprécier  la  ponée  et  qui  demeurent  silencieii^ies 
dans  la  vie  présiMite.  Quelques  exemples  prouvent 
que,  dans  ceri^iliis  cas,  les  sens  sont  suscjpiibles 
d'une  pénétration  extraordinaire.  Nous  rappellerons 
ici  un  fait  semblable  cite  par  M.  Brachet,  ainsi  que 
le  témoignage  de  ce  savant  pliysiologiste  sur  la  mente 
quesilon  : 

<  Les  sens,  dit-il,  peuvent  acquérir  un  degré  de 
fniesse  tel,  que  la  chose  pnaitiait  incroyable  si  Ton 
n'en  avait  pas  des  preuves  miillipliées.  Nous  avons 
cité,  dans  noire  mémoire  sur  l'astli'nio,  l'observa- 
lion  d'une  daine  bypicondriaque,  dont  l'ouïe  était 
arrivée  an  point  d'enlendn;  la  conversalion  la  plus 
basse  qui  se  tenait  dans  une  salle  bien  él<>igné>-  de 
sa  chambre,  à  un  éiage  différent,  et  à  travers  quatre 
portes  ou  murs.  Elle  recmnaissait  mèine  clia'|ue 
personne  au  son  de  sa  voix.  Quelque  bruit  qu'il  se 
fit  autour  d'elle,  lout  lé.i;er  fut-il,  elle  l'cnteiidait 
avec  une  inconcevable  précision.  Nons  avons  vu  , 
en  1811,  nu  inlirmier  de  liicêlre  nons  montrer  l'é- 
tendue (|ue  sa  vue  venait  d'acquéiir,  en  lui  permet- 
tant de  distinguer  à  une  deini-liene  les  objets  les 
pins  iiiinuiienx.  Le  soir  niènie  une  aila(|ue  d'apo- 
plexie foudroyante  l'avait  enlevé.  Ce  que  imiis  avons 
vu  chez  ces  deux  pi>rsoiiiies  et  chez  beaucoup  d'au- 
tres, u'esi  que  la  répéiition  de  ce  que  les  médecins 
Ont  l'occasion  de  voir  tous  les  jours.  Mais  cela  n'ap- 
partient I  as  seulement  aux  oig.uii's  de  la  vu(^  et  de 
i'ouie,  cela  se  remarque  également  dans  les  autres 
sens  du  goùl,  de  l'odorat  el  dn  loucher.  »  (Biachel, 
Traué  lie  llujsioloyie.  Paris,  1830,  p.  1.47.  ) 

Il  y  a  plus  de  quatorze  cents  ans,  TerluHien  et 
saint  Augustin,  pour  pr<Jiiver  aux  incrédules  la  vé- 
rité de  I  <  lésnrreciion,  rappelaient  ce  raisonnemenl. 
Il  y  a  quelipies  sy>téiiies  que  nous  devons  aiiprécier. 
IVaprcs  M.  Devay,  ce  que  le  cliiistianisme  nous  or- 
donne de  croiie,  c'est  la  survivance  de  notre  con- 
science personnelle,  revêtue  d'iai  corps.  Mais  il  y  a 
qiieli|ue  chose  de  plus.  La  loi  nous  enseigne  que  nous 
ressusciterons  avec  le  même  curps  que  nous  avons 
pendant  celte  vie,  que  ce  corps  subira  des  cliange- 
meiits  nolables,  et  que  les  coriis  des  justes  en  par- 
ticulier seront  doues  de  perfections  nouvelles.  Ainsi, 
ideiuité  du  corps  ressuscité  el  cliangeme  ils  que  su- 
bira ce  corps,  voilà  les  deux  points  à  l'égard  des- 
quels nous  allons clieiclier quelques  échiiicisseinents. 
f  Scio  qiiod  itedempior  meus  vivit,  el  in  novi^simo 
die  de  terra  sunecuirns  suiii;  ei  rnisiim  circumda- 
bur  pede  iiiea.  et  in  carne  mea  viilebo  Oeuni  memn, 
quein  visnrus  suni  ego  ipse,  et  ocnli  inei  coospectiiri 
suiil,  el  non  alins  {Jvb.  xix,  ^2o-il).  >  S.  1  lioni;is, 
Sumnta  titeol.  m  p.,  Siippl.  i\.'\),  a.  1,  établit  lonnel- 
leineul  l'idenliié  numérique  dn  corps  dans  la  résur- 
rection. Voyez  aussi  Vatecliismus  Concilii  Tritlenlim, 
p.  1,  a.  Il,  7. 

Des  savants  distingués  avaient  déjà  avancé  des 
opinions  diverses  pour  expli'iuer  l'identité  des  corps 
après  la  léMirrection.  Suivant  les  idées  de  l'antcur 
de  la  faliiujénéiie  philosupliique,  l'Ii  nnme  est  essen- 
tiellement lonné  de  corps  et  U'àme,  et  ces  deux  sub- 
stances sont,  unies  d'une  in.iniére  indissoluble.  Ce- 
pendant, ce  qui  esi  essenliel  à  riiomine,  ce  u'e>t  pas 
le  corps  buiiiain  lout  entier,  mais  seulement  une 
partie  déieniiinée  du  cerveau  que  Bonnet  considérait 
comme  le  siège  de  l'àme.  Lorsqu'à  la  mort  le  corps 

DiCT.  DE  ThÉOL.  DO&MAT1Q0E.  IV 


H  ET 


170 


question  ou  un  ouvra;;e,  afin  d'examiner  s'il 
s'esi  trompé  ou  mal  expliqué.  Mais,  dans  le 
discours   ordinaire,  il  exprime   le  désaveu 

se  dissout,  l'àme  abandonne  le  corps  ;  mais  elle  de- 
meure lonjonre  unie  à  la  partie  maiérielledu  cerveau 
dans  laquelle  elle  résid;<ii  pendant  la  vie.  La  résur- 
rection n'était  ainsi  pour  ce  savant  que  le  dévelop- 
peinenl  du   germe  matniel  que  l'àme  avait  toujours 
conservé.    Leibnilz  supposait  qu'il  y  a   dans  chaque 
corps  nue  certaine  fleur  de  subslimce,  que  celle  sub- 
stance se  <  onserve  au  milieu  de  tous  les  changements 
qui  arrivent  dans  le  corps  et  sulisisie  dans  l'état  où  [ 
chacun  l'a  obtenue  eu  naissant,   et  que  c'est  celte  , 
substance  qui  doit  éire  rendue  à  chaqne  homme  à  la 
résurrection  (Leibnitz,  Système  de  Tliéologie,  Lou-  . 
vain  18 li,  p.  202). 

Mais  la  première  de  ces  deux  opinions  nous  paraît 
tout  à  fat  inadmissible  et  contraire  au  dogme  de  la 
résiirreciion,  parce  que  de  cette  manière  ce  ne  serait 
pas  proiireinent  le  corps  mort  (jui  ressuscite,  mais 
seulemeni  le  germe  du  corps  qui  se  développe  et  qui 
revêt  une  nouvelle  forme.  (Nous  ne  voulons  pas 
comparer  l'hypothè-e  défectueuse  du  savant  naiiira- 
lisle  à  l'opinion  rid  cu'e  des  ralibins  qui  enseignent 
que  Dieu  ressusciteia  les  morts  par  le  moyen  d'un 
petit  os  placé  dans  l'épine  du  dos,  la  qui  est,  disent- 
ils,  incorruptible  et  inaltérable.  Cet  os  .sera  comme 
le  Centre  de  réunion  de  tous  les  autres  os  du  corps, 
ou  coinine  un  levain  qui  ranimera  tonles  les  parties 
du  corps  réduites  eu  poussière,  on  enliii  comme  le 
grain  de  fromeni  jeté  en  terre  qui  produit  le  fro- 
meni.  (Voyez  Bible  de  Vence,  loin.  XXII,  p.  273, 
Paris,  182').) 

Quant  à  l'opinion  de  Leibnilz,  il  serait  difficile  de 
se  prononcer  à  cet  é^;ard,  parce  que  nous  ignorons 
s'il  allaciie  à  sa  fleur  de  subsiance  la  même  notion 
que  Bonnet,  dont  il  parait  avoir  partagé  les  opinions 
dans  ses  premiers  ouvrages,  ou  bien  s'il  considère 
la  subsiance  comcue  quelque  clio^e  de  dynamique, 
opinion  qu'il  a  proposée  à  un  âge  plus  avancé,  et 
qu'il  a  suivie  dans  son  Système  de  tliéologie  pourex- 
pli<iuer  le  mystère  de  la  sainte  Kncliarislie.  Nous 
aurons  occasion  de  revenir  tout  à  l'beuie  sur  celte 
dernière  inierprétalion. 

Voyons  mainienant  quelles  sont  les  conclusions 
que  les  connaissances  que  nous  avons  de  la  minre 
des  corps  vivants  nous  autorisent  à  faire  par  rap- 
port à  l'identilé  du  corps  de  riiomme  ressu^cité.  Une 
ciiose  d'abord  qui  est  hors  de  loule  contestaiion, 
c'est  qu'on  ne  peut  pas  exiger  que  celle  identité  soit 
plus  grande  que  celle  de  iris  corps  pendant  la  vie. 
Or,  la  science  nous  montre  que  les  parties  maté- 
rielles qui  composent  imlre  organisation  éprouvent 
à  chaque  instant  des  chmgeoients  très-profonds, 
que  sans  cesse  quelques-unes  de  ces  parties  se  dis- 
sipent au  dehors,  pendant  i|ue  des  parties  nouvelles 
sont  assimilées,  el  qu'ainsi  noire  organisme  présente 
une  cS|.èce  de  flux  et  de  reflux  eonlinuel,  ei  cepen- 
dant nous  Sommes  intimement  |iersiiadés  que  nous 
avons  ciMisiaminent  le  iiiénie  coipi.  Il  importe  donc 
de  savo  r  ce  qui  consiitne,  inênie  dans  la  vie  pré- 
sente, l'identité  du  corps,  ou  ce  qui  fait  qu'aux  ilif- 
féremes  époques  de  son  existence  terre-iie,  ma  gré 
les  cliangeineiils  qu'il  subit  Incessainment,  il  re~te  le 
même  corps.  Il  y  a,  par  rapport  au  reii'mveileiiient 
dn  corps  dans  celle  vie,  deux  opinions  iliiféienles. 
Quelques  physiologistes  suppiseni  qu'uae  ti  és-,;raitde 
parue  des  uiolécu;es  niiiéielles  se  renenvellent 
constamment;  m. is  qu'il  y  a  dans  l'organisiiie  cer- 
taines parues  esseiilielles  i|ui  conslitueni  en  quelque 
SOI  le  la  trame  oiganiijue  du  corps,  et  qui  depuis  leur 
première  lormaiion  ne  snlosseiit  plus  de  changement 
iondaïuenlal.  Les  autres,  au  couiraire,admeiieiit  que 
le  reiiouvellement  est  complet  et  universel,  que  tous 
les  organes  sans  exception  perdent  snccessiveinent 
les  molécules  matérielles  dont  ils  étaient  fo'niés,  et 

6 


ni 


RET 


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172 


que  fait  un  auteur  de  la  doctrine  qu'il  a  en- 
seignée, en  reconnaissant  qu'il  s'est  trompé. 
H  ne  faut  pas  confondre  ces  deux  sens. 

qui  sont  remplacées  par  des  molécules  nouvelles,  de 
sorte  qu'ail  Ijout  d'un  certain  temps,  qu'il  est  iinpos- 
silile  de  déterminer  exacieinent,  toutes  les  parties 
qui  composaient  le  corps  à  une  époque  antérieure 
ont  compléienieni  disparu. 

Saint  Thomas  se  sert  d'une  comparaison  qui  expli- 
querait parfaiteiiieiit  comment  les  partisans  de  cette 
opinion  conçoivent  l'identité  dn  corps,  si,  dans  sa 
comparaiïon  aussi  bien  que  dans  cette  opinion,  Wni 
trouvaii,  au  milieu  des  éléments  (|ui  se  remplacent 
sans  cesse,  un  êire  réel  qui  demeure  loujonrs  phy- 
siquement et  nnmériiinement  le  même.  Le  saint  iloc- 
teur  compare  l'identité  du  corps,  telle  qu'elle  serait 
suivant  une  hypothèse  qu'il  rapporte,  à  l'ideiiiité  qui 
a  liL'U  dans  un  état  formé  de  citoyens  de  différents 
rangs  et  remplissant  chacun  des  finictions  diverses. 
Là  aussi  les  individus  peuvent  changer  pour  éire 
remplacés  par  d'autres;  mais  les  divers  ordres  de 
ciioyens  sont  toujours  représentés,  les  diverses  fonc- 
tions sont  coiisiainment  remplies,  l'éiat  est  et  de- 
meure toujours  le  même.  Saint  Thomas  l'ait  cette  com- 
paraison, Suiinna  ikeol.  m  p.,  Suppl.  q.  80,  a.  i,  à 
propos  de  la  cpie^tion  :  i  Utruin  tulum  quoil  luit  in 
«  lionitne  de  veritulo  human*  natur.-e  resurget?  >  Il 
répond  à  cutie  qiie-ii  m  aflirmaiivemeiit,  el  rapporte 
irids  opinions  diverses,  basi'es  sur  les  notions  phy- 
siologiques de  ses  contemporains  et  devanciers,  «  ut 
I  videalnr  quid  sil  illud  quud  est  de  veritate  liuiiianse 
I  n^iurse.  »  D':iprés  la  première  opinion,  i  quidqiiid 
I  ad  veritatem  liumanae  naiiir»;  pertinet,  totum  luit 
t  in  ipsa  insiitutiune  hiiniamenuiurie  de  viT^taieejus; 
(  et  hoc  per  seipsum  multiplicatur,  ut  ex  eo  possit 
(  senien  decidi  a  generanie,  ex  quo  tiliiis  generelnr, 
e  in  quo  etium  illa  pars  decis  i  multiplicatur,  ul  ad 
I  perlettani  quantitaieni  perveniai  per  augnienium, 
I  et  sic  deinceps  :  et  iia  multiplicalum  est  geiius  hu- 

•  manuni.  IJnde  quid(piid  ex  alimenio  generatur, 
t  quainvis  videatur  speciein  carnis  aul  sangiiinis  ha- 
I  bere,  non   tamen  pertinet  ad   veriiatem  humanae 

<  naturse.  »  D'après  la  seconde  opinion,  «  veriias  hu- 

<  luana;  naturx  piiiuo  ei  principaliier  consistit  iii 

<  liumido  radicali,  ex  quo  est  prima  consiiiuiio  hu- 
c  maiii  generis;  quod  autein  converlitnr  de  alimeiito 
t  in  venin  carjiein  el  sanguinem,   non  est  principa- 

<  liler  de  veritate  humanae  nature  liujus  iiidividui, 
I  sed  soliiin  secundario;  scd  potesi  esse  principaliter 
«  df  verilaie  human  r  natuivc  alterius  iiidividui,  quod 

<  ex  seiiiine  illius  genemtur.  »  Enlin,  suivant  les 
partisans  de  la  troisième  opinion,  ■  non  est  dislinctio 
c  talis  in  (orpore  huinano,  nt  aliqua  pars  materialis 
i  signata  de  necessilate  per  lotain  vitani  remaneat, 
c  Otnnus  partes  fluiint  et  relluunt  materialiter,  sed 
I  manent  secuiiduni  speciem,  ou  maneiit  fonnaliter.  > 
Pour  expliquer  celte  opinion,  le  saint  dotteur  pré- 
sente la  comparaison  que  nous  avons  rappelée.  Ap- 
pliquant ensuite  ces  trois  opinions  à  la  thèse  propo- 
sée, dans  la  première  op  nion,  dit-il,  <  nulla  neces- 
(  sitas  erit  quod  resurgat  aliquid  in  hoinine  quod  ex 

<  alimenio  sil  generaïuin,  sed  resurget  tiuitum  illud 
I  quod  fuit  de  veritate  hnnruioe  iiatune  individui,  et 
I  per  decisioneni  et  multiplicalionem  ad  prjedictain 

•  perléctionein  pervenit  in  numéro  et  qnaiitiiate.  > 
Dans  la  seconde,  i  resurget  totum  illud  quod  fuit  iii 
I  substaiiiia  seininis  ;  de  eo  auiem  quod  poslea  ad- 
«  venil,  quant«m  est  necessarium   ad   perf  ctioncin 

<  qiiantilatis,  et  non  totum.  •  Dans  la  iroisicme  hy- 
polhèse,  (  resuigel  eliaiii  lotuin  illud  quod  ex  seinine 

<  generaium  est,  non  quia  alla  raiione  perlineal  ad 
I  veritateni   human.c  natnrae  qiiani  hoc  quod  poslea 

<  advenit,  scd  qni;i  perleclius  verilaium  speciei  par- 

<  licipai.  I  En  rapportant  ces  Irois  liypoiheses,  sans 
eH  combattre  aucune  comme  contraire  au  domine, 
saint  Thomas  niuulic  évidemment  que,  selon  lui,  il 


Avant  de  réconcilier  un  hérétique  à  l'E- 
glise, on  exige  de  lui  une  rélractalion,c'csy- 
à-dire   un  désaveu,  une  abjuration  de  ses 

serait  permis,  sans  blesser  la  foi,  d'exiger  beaucoup 
moins  que  nous  ne  demandons  pour  rideniité  des 
corps  ressuscites. 

Ainsi,  dans  la  première  de  ces  deux  opinions,  les 
parties  toujours  matériellement  identiques  du  corps 
ne  constituent  en  tout  cas  qu'une  portion  el  n  ème 
une  faible  portion  de  toutes  celles  qui  le  composent, 
et  diiiis  la  seconde,  l'idemiié  nnlérielle  n'existe  en 
aucune  manière  ;  le  corps  à  diverses  épo(pies  est 
composé  de  parties  toutes  niaiérielleinent  diflërenies, 
et  cependant  le  corps  demeure  toujours  et  constain- 
ineiii  le  même.  En  deux  mots,  le  corps  est  différent 
matériellement,  et  substantiellement  le  même. 

Mais  en  quoi  consiste  donc,  dans  celte  deri.ière 
hypothèse,  l'identilé  du  corps?  N'y  a-t-il  pas  de  con- 
iiadiction  à  admettre  qu'un  corps  composé  de  par- 
ties matérielles  demeure  le  même  alors  que  toutes 
ces  parties  ont  disparu  et  sont  remplacées  par  d'au- 
tres? Celte  difUculté,  qui  est  réelle  et  insoluble,  si 
l'on  envisage  avec  les  atomistes  l:i  substance  des 
corps  Comme  étant  essentiellement  lorinée  d'un  agré- 
gat (le  molécules  douées  de  qualités  diverses,  dispa- 
rait complètement  dans  le  sysième  du  dynamisme. 
Dans  ce  système,  ce  qui  est  essentiel  à  tous  les  corps 
inorganiques  el  organisés,  ce  ipii  l'orm»  la  substance 
de  chaque  corps,  c'est  un  principe  particulier  imma- 
tériel et  actif,  une  force  (pii  constitue  et  conserve  le 
corps  et  qui  se  mimifesie  à  nous  par  des  molécules 
sensibles  et  par  les  ipialités  et  les  propriétés  que  nous 
pouvons  observer  dans  ces  molécules  ;  mais  ces  mo- 
lécules ne  sont  pas  la  substance  même  du  corps, 
elles  sont  seulement  les  organes  de  la  substance,  ses 
propriétés  naturelles,  les  conditions  néeessuires  de 
sa  isianifestaiion.  (Nous  raisonnons  ici  dans  la  sup- 
position qu'on  considère  les  corps  dans  leur  état 
ordinaire  et  naturel.  La  substance,  qui  dans  cet  état 
se  manifésie  par  des  molécules  sensibles,  pourrait, 
dans  un  état  extraordiimire,  par  un  acte  de  la  toute- 
puissance  divine,  exister  aussi  indépendamment  de 
ces  molécules,  comme  Leibniiz,  l'un  des  plus  illus- 
ties  défenseurs  dn  dynamisme,  l'a  formellement  éla- 
bli.  <  Ëtsi  Ueiis  per  poleniiiim  nbsolutam  possit  sub- 
stanliam  privare  niateria  secunda  {de  ta  matière  en 
tant  quélendtie),  non  pote>l  tamen  eam  privare  ma- 
lori.i  prima  (de  la  ijassivilé  ou  réceptivité)  ;  nain  face- 
ret  inde  toiuiii  puruiu  aciuin,  qualis  esi  ipse  soins.  • 
(Leibnitius  ad  patrem  Des  bosses,  Kpist.  7.)  On  peut 
consulter  encore  son  Système  de  Tliiototjie,  p.  \a&, 
etc.,  et  sur  le  dynamisme  en  général,  G.  L).  Ubughs, 
Ontologiœ  seu  mctupliyticœ  genernlis  eleiuenla,  1845, 
p.  5j  ;  11.  li.  Waterkeyii,  La  science  et  la  foi  sur  l'œu- 
vre de  la  création,  pag.  7  ;  lievue  calliolique.  W  série, 
tome  1,  pag.  379.) 

Dans  les  corps  inertes,  les  cliangeinenis  et  les  mn- 
dilications  qu'éprouvent  les  molécules  sensibles  ne 
détruisent  pas  l'identité  matérielle  de  ces  molécules. 
Ainsi  l'eau,  à  l'état  liquide,  à  l'état  de  glace  ou  de 
vapeur,  est  toujours  la  même  eau,  et  chacune  de  ses 
molécules  conserve  sous  ces  trois  étals  différents  la 
c  onposition  chimique  et  les  autres  propriétés  fon- 
damentales de  ce  corps.  L'ideniité  de  subsiance  des 
corps  inertes  est  accompagnée  de  l'identité  maté- 
rielle des  molécules. 

.Mais  dans  les  êtres  organisés,  l'hoinme,  les  ani- 
maux el  les  y  gélaus,  la  imiure  de  ces  êtres  exige,  à 
la  vérité,  qu'ils  soient  formés  d'organes,  c'estàdire 
de  parues  inaiérielles,  ayant  des  pr.ipriéiés  physi- 
(pies  et  chimiques  particulières,  et  formani  un  en- 
semble, un  tout  déterminé  ;  et  ce  qui  Uniue  la  subs- 
tance de  chacun  de  ces  êtres,  c'est  la  force,  le  prin- 
cipe aciit  qui  relie  les  diverses  parties,  qui  les  anime 
t't  (|ui  demeure  un  et  toujours  le  même,  quoique  les 
parties  priniilives  disparaissent  successivement  pour 


173 


RET 


RET 


17i 


erreurs.  Comme  il  peut  arriver  à  un  écrivain 
Irès-catliolique  de  se  tromper  ou  île  s'expli- 
(Uier  mal,  lorsqu'il  se  rétracle  et  reconnaît 
«011  erreur,  ce  n'est  plus  le  cas  de  le  censu- 
rer comme  hérétique  :  puisque  aucun  homme 
n'i'sl  infaillible,  nous  ne  vo.uns  pas  pour- 
quoi l'on  allacherail  une  espèce  d'ignominie 
a  relte  marque  de  bonne  foi.  Si  ceux  qui  eu- 
srigiienl  les  autres  avaient  moins  d'amour- 
propre,  il  ne  leur  coulerait  rien  de  se  rélrac- 
ter  (juanil  on  leur  fait  voir  qu'ils  se  sont  mal 
énoncés,  et  que  l'on  peut  prendre  dans  un 
mauvais  sens  ce  qu'ils  ont  écrit.  L'opinià- 
trelé  à  soutenir  une  erreur  réelle  ou  ;ippi- 
ronte  est  ordinairement  la  marque  ou  d'un 
esprit  borné,  ou  d'un  cœur  dominé  par  quel- 
que passion. 

Comuie  les  pélagiens  abusaient  de  plu- 
sieurs choses  que  saint  .\ugustin  avait  écri- 
tes contre  les  manichéens,  il  prit,  sur  la  fin 
de  sa  vie,  le  parti  de  revoir  ses  ouvrages,  et  il 
fil  deux  livres  de  rt'lractatiuns ,  noa  pour 
dé^avouer  sa  doctrine  et  pour  changer  de 
principes,  m^.is  pour  evpliquer  mieux  ce 
qui  pouvait  ê're  pris  dans  un  mauvais  sens; 

S'our  justifier  niéiue  p.ir  de  nouvelles  ré- 
exions  plusieurs  choses  que  des  lecteurs 
mal  instruiis  s'avisaient  de  blâmir.  Ainsi, 
l'on  se  trompe  quand  on  prend  en  général 
les  rétractiitions  de  saint  Augustin  pour  une 
palinodie  ou  pour  un  désaveu. 

Le  Clerc,  qui  cherchait  à  empoisonner 
toutes  les  iiilentions  de  ce  saint  docteur, 
prétend  qu'il  fil  cel  ouvrage  par  un  motif 

eux-  remplacées  par  d'autres.  On  oonço  t  d'après  cela 
que  l'iilciitiié  subsiaiuiellc  de  ces  êtres  pi'rsiste  tou- 
jours, lors  même  i|ue  leur  corps  à  diverses  époques 
sérail  formé  de  molécules  toutes  dlirércuies  et  dont 
aucune  n'aurait  fait  aniérioureinent  partie  de  ce 
<  orps.  Nous  iaisoiis  ici  abstraction  dus  opinions  qui 
aJiiieltent  dans  le-^  êtres  vivants  plusieurs  principes 
réelleiueui  distincts,  dont  uii  piésideraii  ii  la  vie  vé- 
gélalive,  un  auir.^  à  la  vie  sensitive  et  un  Iroisièuie 
à  la  vie  raisomialile,  ou  bien  plusieurs  principes  di- 
vers qui  auraient  chacun  des  lonctions  spéciales, 
mais  qui  seraient  couinie  les  :illiibuts,  les  lacultcs 
d'un  seul  principe.  C\v,  pour  la  solution  de  la  ques- 
tion qui  nous  occupe  Ici,  il  est  indillérunt  qu'on  ad- 
moite  un  ou  plusieurs  principes  :iclirs  au  fond  de 
cha  |uc  cire  vivant.  (Vuyeî  le  résUiné  de  ces  difTé- 
reiites  opinions,  G.  C.  Ubagbs,  Anlhropuloijiœ  plitlo- 
sophicce  dementa,  p.  3Ut.) 

l'our  appliquer  les  oliservalioiis  qui  précèdent  à 
ce  qui  concerne  la  résurreeiion,  ou  peut  d'abord  con- 
clure que  le  corps  ressuscité  ne  reprendra  p.is  loules 
les  parties  maiérielles  qui  sont  entrées  successive- 
inunt  dans  sa  composition  pcndani  la  vie,  mais  qu'il 
sullit  qu'il  reprenne  tout  an  pus  celles  qui  formaient, 
par  leur  réuuic.'D,  le  coips  à  une  uiéuie  époque.  Il  y 
a  plus,  dans  la  première  opinion,   il   suliit  pour  l'i- 

tlenliir^  du  coi-ps  lessnscilé  qu'il  reprenne  seule nt 

une  certaine  portion,  une  pOJtion  minime  des  molé- 
cules qui  ont  Ciinc'iurn  à  le  (urmef  à  une  même  épo- 
que; ei  dans  la  seconde  opinion,  lecoips  ressuscité 
punirait  èire  encore  suh-lantlellemeiit  le  niènie  sans 
avoir  une  seule  des  luoléenles  qui  lui  ont  déjà  ap(iar- 
tenu.  Ce|iendaiil,  si  l'oji  vimlait  ne  unir  aucun  coinjite 
des  opinions  que  nous  venons  d'exposer,  o;i  peut  en- 
core concevoir  que  le  corps  ressu-ciié  poiiria  éire 
furm  '  de  parties  ii.èm  fn.ilériellement  identiques  à 
celles  qui  l'ont  déjà  composé.  Ln  etTel,  lorsque  l<; 
corps  se  dissout,  ses  partit'    se  dé-utiisseni,  les  élé- 


d'amour-propre  raffiné,  a6n  de  persuader 
qu'il  avait  réfuté  les  pélagiens  même  avant 
leur  naissance.  Il  lui  reproche  d'avoir  ré- 
tracté des  minuties  et  des  principes  vrais, 
pendant  qu'il  a  passé  sous  silence  ou  pallié 
de  véritables  erreurs;  d'avoir  laissé  subsis- 
ter dans  ses  premiers  écrits  des  choses  qui 
ne  s'accordaient  pas  avec  ce  qu'il  enseignait 
pour  lurs,  etc.  Tous  ces  reproches  sont  des 
calouinies.  Sainl  Augustin  fit  ses  rétracta 
lions,  non  pour  prouver  qu'il  avait  d'avance 
réfuté  les  pélagiens,  mais  pour  répomlre  à 
leurs  objections,  pour  faire  voir  qu'il  n'avait 
jamais  enseigné  leur  doctrine,  comme  ces 
hérétiques  le  prétendaient,  et  pour  montrer 
qu'il  ne  tenait  point  opiniâtrement  à  ce  qu'il 
avait  écrit:  il  le  déclare  formellement.  Il  ex- 
pliqua les  principaux  endroits  que  les  péla- 
giens lui  objectaient,  et  laissa  subsister  les 
autres,  parce  que  la  même  explication  ser- 
vait pour  tous.  11  poussa  la  bonne  foi  jusqu'à 
convenir  que,  dans  ses  Commentains  sur 
l'/îpître  aux  Romains,  il  avait  enseigné,  non 
l'erreur  des  pélagiens,  mais  celle  des  semi  ■ 
pélagiens,  et  qu'il  avait  reconnu  sa  méprise 
en  examinant  la  chose  de  plus  prôj.  Il  a  ré- 
pété vingt  fois  qu'il  ne  voulait  point  être  cru 
sur  parole,  que  ses  lecteurs  ne  devaient 
adopter  ses  sentiments  que  quand  ils  les 
trouveraient  bien  fondés  ;  il  a  même  blâmé 
ses  amis  de  ce  qu'ils  montraient  trop  de  zèle 
à  soutenir  sa  doctrine.  Que  peut  faire  de 
plus  l'âme  la  plus  simère  et  la  plus  mo- 
deste? Mais  Le  Clerc,  pélagien  lui-même,  et 

nteiits  dont  chacune  d'elles  était  formée  se  séparent, 
ils  lurmenl  des  composés  nouveaux,  mais  aucun  de 
ces  éléments  n'esi  anéanti.  Suiv.mi  l'expression  d'im 
savant  célèbre  (Boerliaave),  i  la  terre  est  un  chaos 
de  tous  les  corps  passés,  présents  et  futurs,  duquel 
tous  tir.iit  leur  origine  et  dans  lequel  Ions  retomljeiii 
suecessiveinenl.  >  Ainsi  la  main  divine,  qui  forma 
du  limon  de  la  terre  le  corps  du  premier  homme, 
poiirra-telle  à  plus  forte  raison  réunir  et  rétablir 
les  divers  éléments  qui  oui  déjà  cousiitu.'  ce  corps 
et  qui  n'ont  pas  cessé  uu  seul  iiisliiiit  d'élre  présents 
à  sa  divine  sagese.  Voici  uu  extrait  remarquable  de 
sailli  Angiistin  :  €  Non  auteni  périt  Deo  lerreiia  ma- 
(  tciies  de  qiia  inorlalium  creatur  caro  :  sod  In  quein- 
«  libel  pulveiem  cinerenive  solvatur,  in  quoslibei 
I  lialitiis  aura^qué  diiïngiat,  in  qnamciiiique  alioruiii 
I  corpuruui  siilislaiitiam  vel  in  ipsa  clementi  ver  a- 
<  tiir,  in  q  oruiucunque  ^nimalium  eti;ini  liominum 
I  eibuni  cedat  cainenique  mulelnr,  illi  aiilni.e  bu- 
I  inaiiiC  liuiicid  lempuris  redit,  ipiie  illam  priunlus, 
€  ui  hoino  fieiel,  viveret,  cresceiet,  aniniavit.  {En- 
I  cliiridion,  c.  8S.)  > 

Quoique  ces  explications  détruisent  compléieinent 
la  difficulté  de  concevoir  la  possibilité  de  la  résur- 
reeiion, elles  ne  suffisent  pas  pour  prouver  le  fait 
même  de  la  résurreeiion  ;  elles  ne  prouvent  pas  que 
la  résurrection  soii  un  lail  nalure!.  La  n'snrrcction 
des  corps  est  un  acte  libre  de  la  honié  et  de  la  touie- 
puissaiice  divine,  qui,  malgré  tnnies  les  r.iisons  de 
convenance  que  nous  pouvons  y  découvrir,  nous 
serait  luut  à  fait  inconnu,  si  Dieu  lui-même  n'avait 
pas  daigné  nous  le  faire  c<uiii.>tlre  |iar  le  moyen  de 
la  révélation  positive.  Mais  une  fois  cette  vérité  con- 
nue, lions  pouvons  prouver  qu'elle  est  eu  parfaite 
iiamionie  avec  les  données  de  la  raison  et  des  scien- 
ces naturelles,  ei  qu'elle  présente  des  analogies  frap- 
pantes dans  la  nature. 


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plus  que  demi-socinien  ,  n'a  jamais  pu  par- 
donner à  sainl  Augustin  d'avoir  écrasé  le 
pélagi;inisme. 

Malheureuiement,  ses  accusations  so  trou- 
vent en  quelque  manière  confirmées  par 
l'imprudence  de  quelques  théologiens,  qui 
ont  voulu  persuader  que,  pour  perdre  ia 
vraie  doctrine  de  sainl  Augustin  sur  la  f;râce 
il  lie  faut  consulter  que  ses  ouvrages  écrits 
contre  les  pélagiens  ;  qu'il  a  rétxicté,  c'est- 
à-dire  désavoué  et  abjuré  ce  qu'il  avait  écrit 
contre  les  manichéens.  C'est  une  imposture. 
Au  contraire,  l'an  420  ou  421,  après  avoir 
déjà  disputé  pendant  dix  ans  contre  les  péla- 
giens, saint  Augustin,  écrivant  de  nouveau 
contre  un  manichéen,  renvo;, a  ses  lecteurs 
aux  ouvrages  qu'il  avait  faits  contre  le  ma- 
nichéisme :  il  était  donc  bien  éloigné  de 
désavouer  les  principes  et  la  doctrine  qu'il  y 
avait  enseignés,  contra  advers.  Lrgis  el  Pro' 
pfiet.,  lib.  H,  à  la  fin.  Dans  son  deuxième  des 
Rctract.,c.  10,  saint  Augustin  parle  de  son 
écrit  contre  le  manichéen  Secundinus  ;  il  lui 
donne  la  préférence  sur  tous  les  ouvrages 
qu'il  avait  fails  contre  le  manichéisme  :  or, 
dans  cet  écrit,  chapitre  9  et  suivants,  il  en- 
seigne précisément  la  même  doctrine  que 
dans  ses  livras  sur  le  Libre  arbitre,  et  il  y 
renvoie,  chapitre  11.  Est-ce  là  rétracter  ou 
désavouer  ses  sentiments?  Voi).  Saint  Au- 
gustin. 

RftVR.  Vo]i.  SoNGiï. 

RÉVÉLATION.  Révéler  une  chose  à  quel- 
qu'un, c'est  la  lui  faire  connaître.  Dans  ce 
sens  général,  Dieu  nous  révèle  ce  que  nous 
découvrons  par  les  lumières  naturelles  de  la 
raison,  puisque  c'est  lui  (jui  nous  a  donné 
celte  faculté  et  qui  la  conserve  en  nous.  Mais 
il  est  établi  par  l'usage  que  révéler  signifie 
faire  connaître  aux  hommes  des  vérités  par 
d'autres  moyens  que  par  l'esertice  qu'ils 
peuvent  faire  do  leur  inlclligeiwe.  Demander 
s'il  y  a  une  réiélation,  c'est  mettre  en  ques- 
tion si  Dieu  a  enseigné  aux  hommes  une  re- 
ligion de  vive  vois,  par  des  Uçons  positives, 
ou  par  lui-même,  ou  par  ses  envoyés. 

Le  sentiment  des  déistes,  en  général,  est 
qu'il  n'y  eut  jamais  de  véritable  révélalion 
diviDe,  que  Dieu  n'exige  des  hommes  point 
d'autre  religion  que  celle  qu'ils  peuvent  in- 
venter eux-mêmes  :  conséquemment ,  les 
déistes  regardent  comme  des  imposteurs  tous 
ceux  qui  se  sont  dits  envoyés  de  Dieu  pour 
instruire  leurs  semblables.  Une  révélation, 
disent-ils,  serait  superilue,  puisque  l'houime 
ne  peut  être  coupable  en  suivant  les  leçons 
de  la  lumière  naturelle  et  les  mouvements  de 
sa  conscience;  elle  serait  injuste,  à  moins 
qu'elle  ne  fût  donnée  à  tous  les  hommes; 
elle  serait  pernicieuse,  puisque  ce  serait  un 
sujet  de  damnation  pour  tous  ceux  qui  ne 
seraient  pas  à  portée  de  la  c(miiaître.  Si  cela 
était  vrai,  il  faudrait  en  conclure  (juil  est 
défendu  de  donner  aux  hommes  aucune  ins- 
truction, aucune  éducation  quelconque  ;  que 
tout  pbilosoplie  qui  a  voulu  enseigner  ses 
semblables  a  élé  uu  insolent.  Tous  devaient 
lui  dire  :  Nous  n'avons  pas  besoin  de  vos 
leçons,  puisque  Dieu  n'exige  de  nous  que  ce 


que  nous  pouvons  connaître  par  nous-mê- 
mes; vous  êtes  injuste  si  vous  n'allez  pas 
endoctriner  l'univers  entier;  votre  morale 
est  pi'rnicieUse,  puisqu'elle  n'aboutit  qu'à 
rendre  plus  coupables  ceux  qui  pécheront 
après  l'avoir  écoulée. 

L'absurdité  de  cette  prétention  suffit  déjà 
pour  confondre  les  déistes.  Aussi  soutenons- 
nous  contre  eux  que,  puisqu'il  y  a  un  Dieu 
et  (ju'il  faut  une  religion,  la  révélation  a  élé 
absolument  nécessaire  pour  l'enseigner  aux 
hommes.  Nous  le  démontrons  par  la  fai- 
blesse et  la  corruption  de  la  lumière  natu- 
relle, lelle  qu'elle  est  dans  la  plupart  des  in- 
dividus de  notre  espèce;  par  les  erreurs  et 
les  désordres  dans  lesquels  sont  tombés  tous 
les  peuples  qui  ont  élé  privés  du  secours  de 
la  révélation;  par  l'aveu  des  philosophes  les 
plus  célèbres, qui  ont  senti  et  reconnu  le  be- 
soin de  ce  bienfait;  par  le  sentiment  de  tous 
les  peuples  qui  ont  ajouté  foi  aux  moindres 
apparences  de  révélation;  enfin  par  ie  fait. 
Dès  que  Dieu  a  daigné  se  révéler  en  effet  de 
la  manière  la  plus  convenable  aux  circons- 
tances dans  lesquelles  se  trouvait  le  genre 
humain,  il  s'ensuit  que  cette  révélation  était 
nécessaire,  qu'elle  est  avantageuse  à  l'hom- 
me, et  non  injuste  ou  pernicieuse. 

1°  11  suffit  de  jeter  un  coup  d'œil  sur  l'hu- 
manité en  général,  pour  voir  combien  il  est 
peu  d'hommes  qui  aient  reçu  de  la  nature 
beaucoup  d'intelligence  et  d'aptitude  à  culti- 
ver leur  raison  et  à   étendre   la   sphère  de 
leurs  connaissances.  Quand   il   y   en  aurait 
un  plus  graiiil  nombre,  ils  en  sont  détournés 
par  la  nécessité  de  vaquer  aux   travaux  du 
corps,  pour  subvenir  aux  besoins  de  la  vie. 
Sans  parler  des  Sauvages,  combien  de  par- 
ticulieis,  chez  les  nations  même  civilisées, 
sont  à  peu   près  dans  le  même  élat  d'igno- 
rance et  de  stupidité  !  Autrefois  les  pyrrho- 
niens,  les  acataleptiques  ,  les  académiciens, 
les  sceptiques  el  les  épicuriens,  de  nos  jours 
les  athées  et  les  matérialistes,  ont  exagéré  à 
l'envi  la  faiblesse  et  l'aveuglement  de  la  rai- 
son dans  le  très-grand  nombre  des  hommes; 
ils  ont  eu  tort  sans  doule,  mais  les  déistes 
n'ont   pas  entrepris  de  les  réfuter,  et  ils  y 
auraient  mal  réussi.  Que  penser  en  effet  des 
lumières  de  la  raison,  quand  on  voit  l'absur- 
dité des  lois,  des  coutumes,  des  opinions,  des 
mœurs  qui  ont  régné  de  tout  temps,  qui  ré- 
gnent encore  chez  les  autres  nations  barba- 
res?.Ces   peuples,  à   la    vérité,  n'ont   point 
suivi  les  lumières  de  la  droite  raison,  mais 
ils  croyaient  el  préleudaienl  les  suivre.  Ose- 
ra-t-on    soutenir  qu'ils   n'auraient   pas   eu 
grand    besoin    d'une    lumière    surnaturelle 
pour  corriger  les  égarements  de  leur  raison? 
Lorsque  les  déistes  nous  vanlenl  les  for- 
ces et  la  suffisance  de  la  raison  en  général, 
ils  nous  en  imposent  évidemment.  A  proprc- 
menl  parler,  la  raison  n'est  autre  chose  que 
la   faculté  de   recevoir  des  instructions  :  si 
elles  sont  bonnes  et  vraies,  elles  contribue- 
ront à  perfectionner  la  raison  ;  si  elles  sont 
fausses ,  elles  la  dépraveront.  Or,  malhcu- 
reusemcul  nous    saisissons    avec  la  même 
facilité  les  unes  que  les  autres  ;  et  lorsque 


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la  raison  est  une  fois  cK^ipiavèe.  il  faul  abso- 
iiiiupul  une  lumiùre  surnalurelle  pour  la  re- 
dresser. Voy.  Raison. 

2°  Quatre  mille  ans  après  la  création  , 
après  cinq  cents  ans  de  leçons  données  par 
les  philosophes,  la  raison  humaine  semblait 
devoir  êirc  parvenue  à  une  nialurilé  par- 
faiie  :  on  sait  quel  était  l'él.il  de  la  religion 
et-  de  la  morale  chez  les  nations  même  qui 
passaient  pour  hs  plus  éclairées  et  les  plus 
gaees,  chez  les  Grecs  el  les  Romains  :  point 
d'autre  ri'li^ion  qu'un  ()olythéisine  insensé 
et  une  idolâtrie  f;rossière.  [Voi/.  iDoi.iTuiE.) 
Cette  religion,  loin  de  donner  aucune  leçon 
de  morale  et  de  fournir  aucun  motif  de  vertu, 
enseignait  tous  les  viies  par  l'exemple  des 
dieux  :  Platon,  Scnèiine  el  d'antres  eu  sont 
convenus.  Elle  ne  projjosait  aucun  dogme  de 
croyance;  on  pouvait  nier  impunément  l'ini- 
niorlalilé  de  l'âme  et  la  fable  des  enfers  ; 
quoique  l'on  sentît  l'utilité  d'admettre  une 
antre  vie.  cela  n'était  commandé  par  aucune 
loi.  Les  philosophes  eux-mêmes  étaient  pres- 
que aussi  ignorants  (|ue  le  peuple  :  ils  ne 
connai>saiont  ni  la  nature  de  Dieu  ni  celle 
de  l'homme  ;  ils  n'avaient  aucune  idée  de  la 
création,  ni  de  la  conduite  de  la  Providence, 
ni  de  l'origine  du  mal,  ni  de  la  manière  dont 
Dieu  voulait  être  adoré;  ils  voulaient  que  la 
religion  populaire  fût  conservée,  parce  qu'ils 
ne  se  sentaient  pas  la  capacité  d'en  forger 
une  meilleure.  Aussi ,  quelle  dépravation 
dans  les  mœurs  puliliques  1  Les  combats  de 
gladiateurs,  les  amours  impudii)ues  et  contre 
nature,  l'exposition  et  le  meuitre  des  en- 
fants, les  avortements,  les  divorces  réitérés, 
la  cruauté  envers  les  esclaves,  ne  parais- 
saient point  des  désordres  contraires  à  la  lui 
naturelle.  Juvénal,  Perse,  Lucien,  en  ont  l'ait 
une  satire  sanglante;  mais  les  philosophes 
n'osaient  censurer  ces  usages  abominables, 
plu-ieurs  mémo  les  ont  autorisés  par  leur 
exemple.  Les  fausses  religions  des  Egyp- 
tiens, des  Perses,  des  Indiens,  des  Chinois, 
n'étaient  ni  plus  raisonnables  ni  plus  pures 
que  celle  des  (irecs  et  des  Romains.  Celle 
des  Gaulois  et  des  peuples  seplentrionai-x 
ne  leur  inspirait  que  la  fureur  guerrière  et 
riiatiilude  du  meurtre.  Chez  la  plupart  des 
nations,  l'intempérance,  l'impuilieité ,  les 
sacrifices  de  sang  humain,  ont  été  en  usage 
Comme  des  cérémonies  rcirgieuses.  Ce  qu  il 
y  a  de  plus  déplorable,  c'est  que  qirand  la 
vraie  reirgion  a  été  préchée,  tous  ces  aveu- 
gles, loin  d'en  bénir  Dieu  et  d'écouler  sa 
parole,  se  sont  lévoliés,  ont  traite  d'athées, 
d'impies,  de  penurbateurs  du  repos  public, 
ceux  qui  voulaient  leur  ouvrir  les  yeux;  ils 
les  ont  tourmentés  et  mis  à  mort.  Est-ce  sur 
ces  faits  incontestables  (jue  les  déistes  pré- 
tendent élever  un  trophée  à  la  raison  hu- 
maine, et  disconvenir  de  la  nécessité  de  la 
révélation? 

3°  Les  anciens  philosophes  ont  été  plus 
modestes  et  de  meilleure  foi  que  ceux  d'au- 
jourd'hui; les  plus  célèbres  ont  avoué  la 
nécessité  d'une  lumière  surnaturelle  pour 
connaître  la  nature  de  Dieu,  la  manière 
dont  il  veut  être  honoré,  la  destinée  et  les 


REV  178 

devoirs  de  l'homme.  Il  est  bon  de  les  enten- 
dre parler  eux-mêmes  sur  ce  sujet. 

Platon,  dans  VEpinomis ,  donne  pour  avis 
à  un  législateur  de  ne  jamais  loucher  à  la 
religion,  «  de  peur,  dit-il,  de  lui  en  substi- 
tuer une  moins  certaine;  car  ,1  doit  savoir 
qu'il  n'esl  pas  possible  à  une  nature  naor- 
ti'lle  d'avoir  rien  de  certain  sur  celle  ma- 
tière. »  Dans  le  second  Alcibinde,  il  fait  dire 
;\  Socrate  :  «  Il  faul  attendre  que  quelqu'un 
vienne  nous  instruire  de  la  manière  dont 
nous    devons    nous    conipoiter    envers    les 

dieux  et  envers  les  homuies lus(|o'alors 

il  vaut  mieux  dilTérer  l'ollrande  des  sacrifi- 
ces ,  que  de  ne  pas  savoir,  en  les  oITrant,  si 
on  plaira  à  Dieu  ou  si  on  ne  lui  plaira  pas.  » 
Dans  le  iiuatrième  livre  des  Lois  ,  il  conclut 
qu'il  faut  recourir  à  quelque  Diu,  ou  attendre 
du  ciel  un  guide,  un  maître  qui  nous  instruise 
sur  ce  sujet.  Dans  le  cinquième,  il  veut  que 
l'on  consulte  l'oracle  louchant  le  culte  des 
dieux  :  «  Car,  dit-il,  nous  ne  savons  rien  de 
nous-mêmes  sur  tout  cela.  »  Dans  le  Phédon, 
Socrate,  parlant  de  l'immortalité  de  l'âme, 
dit  (|ue  «  la  connaissance  claire  de  ces  cho- 
ses dans  celte  vie  est  impossible, ou  du  moins 

Irès-diflieile Le  sage  doit  donc  s'en  tenir 

à  ce  (|ui  paraît  plus  probable,  à  moins  qu'il 
n'ait  des  lumières  plus  sûres,  ou  la  parole  de 
Dieu  lui-même  qui  lui  serve  de  guide.  » 

Cicéron,  dans  ses  Tusculanes ,  après  avoir 
rapporté  ce  que  les  anciens  ont  dit  pour  et 
contre  ce  même  dogme,  ajoute  :  «  C'est  l'af- 
faire d'un  Dieu  de  voir  laquelle  de  ces  opi- 
nions est  la  plus  vraie;  pour  nous  ,  nous  ne 
sommes  pas  même  en  état  de  déterminer  la- 
quelle est  la  plus  probabli!.  » 

Plutarque,  dans  son  Trnilé  d'Isis  et  d'Osi- 
ris,  p(  use,  comme  Platon  et  Aristote,  que  les 
dogmes  d'un  Dieu  auteur  du  monde,  d'une 
Providence,  de  l'immortalité  de  l'âme,  sont 
d'anciennes  traditions,  et  non  des  vérités  dé- 
couvertes par  le  raisonuemeiil.  Il  commence 
son  Traité  en  disant  «  qu'il  convient  à  un 
homme  sage  de  demander  aux  dieux  toutes 
les  bonnes  choses,  mais  surtout  l'avanlage 
de  les  connaître  autant  que  les  hommes  en 
sont  capables,  parce  que  c'est  le  plus  grand 
don  que  Dieu  puisse  laire  à  l'homme.  »  Les 
sto'idens  pensaient  de  même.  Simpliciiis , 
dans  le  Munuel  d'Epict'te,  I.  I,  p.  2)  1  et  212, 
est  d'avis  que  c'est  de  Dieu  lui-même  qu'il 
faut  apprendre  la  manière  de  nous  le  rendre 
favorable.  Marc-Aurèle  Anlonin,dans  ses 
J{éfi€jioiis  morales,  t.  I,  à  la  fin,  attribue  à 
uns  grâce  particulière  des  dieux  l'applica- 
tion qu'il  avait  mise  à  connaître  les  vérita- 
bles règles  de  la  morale;  et  il  se  (latte  d'a- 
voir reçu  d'eux,  non-seulement  des  avertis- 
sements, mais  des  ordres  el  des  préceptes. 

Mélisse  de  Sauios,  disciple  de  Parmenide, 
disait  .que  nous  ne  devons  rien  assurer  tou- 
chant les  dieux,  parce  que  nous  ne  les  con- 
naissons pas,  Diug.  Laerce,  I.  ix,  §  2V.  Celse 
rapporte  le  passage  de  l'ialon  dans  lequel  il 
dit  (ju'il  esl  ilifficile  de  découvrir  le  créateur 
ou  le  père  de  ce  monde,  et  (]u'il  est  impossi- 
ble ou  dangereux  de  le  faire  connaître  à 
^ous ,  dans  Orig. ,  \.  yu,  n.  4-2.  Ce  fut  aussi 


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l'opinion  des  nouveaux  jilaloniciens.  Jambli- 
quc,  dans  la  Vie  de  Pythagore,  ch.  28,  avoue 
que  «  rhorome  doit  faho  ce  qui  est  agréable 
à  Dieu  ;  mais  il  n'est  pas  facile  de  le  connaî- 
tre, dit-il,  à  moins  qu'on  ne  l'ait  appris  de 
Dieu  lui-même  ou  des  génies  ,  ou  que  l'on 
n'aft  été  éclairé  d'une  lumière  divine.  »  Dans 
son  livre  de»  Mystères,  -cet.  3,  cap.  18,  il  dit 
qu'il  n'est  pas  possible  de  bien  parler  des 
dieux,  s'ils  ne  nous  instruisent  eux-mêmes. 
Porphyre  est  de  même  avis,  de  Ahstiii.,  1.  it, 
n.  53.  Selon  Produs,  nous  ne  connaîtrons 
jamais  ce  qui  regarde  la  Divinité,  à  moins 
que  nous  n'ayons  été  éclairés  d'une  manière 
céleste,  in  Platon.  Théol. ,  c.  1.  L'empereur 
Julien,  ennemi  déclaré  de  la  révélation  chré- 
tienne, convient  néanmoins  qu'il  en  faut 
une.  «  On  pourrait  pe:.t-êlre,  dit-il,  regarder 
comme  une  pure  intelli-îcnce ,  el  plutôt 
coninie  un  Dieu  que  comme  un  honinie,  ce- 
lui qui  connaîtrai!  la  nature  de  Dieu.  » 
Lettre  à  Thémistius.  «  Si  nous  croyons  l'âme 
immortelle,  ce  n'est  point  sur  la  parole  des 
hommes,  mais  sur  cplle  des  dieux  même,  qui 
seuls  peuvent  connaître  ces  vérités.  »  Lettre 
à  Théodore,  pontife. 

C'est  dans  cetle  persuasion  que  tous  ces 
nouveaux  platoniciens  eurent  recours  à  la 
théurgie  ,  à  la  magie  ,  à  un  prétendu  com- 
merce avec  les  dieux  ou  génies  ,  pour  en 
apprendre  ce  qu'il,  ne  pouvaient  pas  décou- 
vrir eux-niênii's;  mais  ,  par  une  inconsé- 
quence palpable  ,  sis  rejetèrent  le  christia- 
nisme, qui  leur  offrait  la  connaissance  de  ce 
qu'il  leur  importait  le  plus  de  savoir.  Le 
simple  peuple  seut^iit  le  méaie  besoin  de  ré- 
vélntion  que  les  philosophes,  et  c'est  pour 
cela  qu'il  ajoutait  foi  si  aisément  à  tous 
ceux  qui  se  disaient  inspirés,  et  à  Ions  les 
moyens  par  les(iuels  il  espérait  de  connaî- 
tre les  volontés  du  ciel.  Mal  à  propos  les 
incrédules  argumentent  sur  celle  c.édulilé 
des  peuples  pour  conclure  que  la  confiance 
à  de  préteiidui'S  révélations  a  été  la  source 
de  toutes  les  erreurs  et  de  toutes  les  super- 
stitions possibles,  qu'il  ne  faut  donc  en  ad- 
mettre aucune.  Puisque  le  besoin  en  est  dé- 
moniié ,  il  s'ensuit  seulement  qu'il  faut 
rejeter  les  fausses  révélations  et  s'attacher  à 
la  seule  vraie. 

k'  Quoi  qu'ils  en  disent  ,  il  y  en  a  une  ; 
elle  a  commencé  avec  le  monde  ,  elle  a  été 
renouvelée  à  deux  époques  célèbres,  et  Dieu 
a  toujours  proportionné  les  leçons  (ju'il  don- 
nait aux  hommes  à  leur  capacité  présente 
et  à  leurs  besoins  actuels.  Une  révrlation 
dirigée  sur  un  plan  aussi  sage  porte  déjà 
avec  elle  la  preuve  de  son  origine  ;  on  sent 
d'abord  qu'elle  n'a  pu  partir  de  la  main  des 
hommes,  qu'elle  est  venue  de  Dira  seul. 

En  effet,  en  donnant  l'être  à  nos  premiers 
parents,  Dieu  leur  enseigna  par  lui-même 
ce  qu'ils  avaient  besoin  de  savoir  pour  lors  ; 
il  leur  révéla  qu'il  est  le  seul  créateur  du 
oionde,  el  en  particulier  de  rhomine  ;  que 
seul  il  gouverne  toutes  choses  par  sa  pro- 
vidence, qu'ainsi  il  est  1p  seul  bienfaili-ur  et 
le  seul  léijislateur  suprême  ;  qu'il  est  le  ven- 
geur du  crime  el  le  rémunérateur  de  la  vertu. 


Il  leur  apprit  qu'il  les  avait  créés  à  son 
image  et  à  sa  ressemblance,  qu'ils  étaient 
par  conséquent  d'une  nature  très-supé- 
rieure à  celle  des  brutes  ,  puisqu'il  sou- 
mit à  leur  empire  tous  les  animaux  sans 
exception.  Il  leur  prescrivit  la  manière  dont 
il  voulait  être  honoré,  en  consacrant  le  sep- 
tième jour  à  son  culte;  Il  leur  accorda  la 
fécondité  par  une  bénédiction  particulière, 
bien  entendu  qu'ils  devaient  transmettre  à 
leurs  enfants  les  mêmes  leçons  que  Dieu 
daignait  leur  donner.  Voilà  ce  que  nous 
apprenons  dans  l'histoire  même  de  la  créa- 
tion, ce  qui  nous  est  conGrmé  par  l'auteur 
de  V Ecclésiastique,  qui  dit  que  nos  premiers 
parents  ont  reçu  de  Dieu  non  -  seulement 
l'intelligence  et  le  sentiment  du  bien  et  du 
mal  ,  mais  encore  des  instructions,  des  le- 
çons ,  une  règle  de  vie;  qu'il  leur  a  ensei- 
gné sa  loi,  qu'ils  ont  vu  la  majesté  de  son 
visage,  et  qu'ils  ont  entendu  sa  voîx  [Eccli. 
xvii,  k.9,  11);  et  nous  voyons  cette  reli- 
gion sainte  et  divine  se  perpétuer  dans  la 
race  des  patriarches. 

Pouvait-elle  mieux  convenir  aux  hommes 
pla'cés  dans  cet  état  primitif?  Alors  il  n'y 
avait  encore  point  d'autre  société  que  celle 
delà  famille;  le  bien  particulier  des  peu- 
plades naissantes  était  censé  le  bien  général  ; 
Dieu  y  pourvut  en  consacrant  l'union  des 
époux,  l'autorité  paternelle  ,  l'état  des  fem- 
mes, les  liens  du  sang,  et  en  inspirant  l'hor- 
reur du  meurtre.  En  commandant  de  l'a- 
dorer lui-mêmi'  comme  seul  auteur  el  seul 
gouverneur  de  la  nature  ,  il  prévenait  l'er- 
reur dans  laquelle  les  hommes,  infidèles  à 
ses  leçons,  ne  tardèrent  point  de  tomber 
lorsqu'ils  imaginèrent  que  tous  les  êtres 
étaient  animés  par  des  génies,  par  de  pré- 
tendus dieux  particuliers ,  et  qu'ils  leur 
adressèrent  le  culte  religieux,  source  fatale 
du  polythéisme  et  de  toutes  ses  conséquen- 
ces. Voy.  Pagamsme  ,  §  1.  Il  aurait  été  pour 
lors  inutile  de  faire  des  lois  pour  défendre 
des  abus  qui  ne  pouvaient  pas  encore  pro- 
duire les  mêmes  effets  que  dans  la  société 
civile  ,  ou  pour  prescrire  des  devoirs  qui 
ne  pouvaient  pas  encore  avoir  lieu.  C'est 
donc  assez  mal  à  propos  que  l'on  a  nommé 
cet  état  primitif  des  hommes  l'état  dénature, 
et  la  loi  qui  leur  fut  imposée,  la  loi  de  nature, 
puisque  c'était  évidemment  une  loi  révélée 
de  Dieu.  Les  déistes  ont  abusé  de  ce  terme, 
mais  l'équivoque  d'un  mot  ne  prouve  rien;  il 
est  aisé  lie  leur  démontier  que,  si  Dieu  ne 
l'avait  pas  dictée  lui -même  ,  les  premiers 
hommes  auraient  été  incapables  de  l'in- 
venter. 

En  effet,  de  quelles  connaissances,  de 
quels  raisonnements  pouvait  être  capable 
l'homme  naissant,  avant  d'avoir  acquis  au- 
cune expérience  du  cours  de  la  nature? 
On  dira  que  Dieu  avait  donné  à  notre  pre- 
mier père  ,  en  le  créant  ,  toute  la  capacité 
d'un  homme  fait,  el  toute  l'habileté  d'un 
philosophe  consommé  ;  soit  :  cette  nianière 
d'instruire  l'homme  est  certainement  surnar 
turelle  ,  elle  équivaut  à  une  révélation  faite 
de  vive  voix.  On  dira  que  Adam,  qui  a  vécu 


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neuf  cents  ans ,  a  en  tout  le  temps  Jf  s'ins- 
truire, de  méditer  sur  la  nature  et  de  raison- 
ner. D'accord  :  mais  alors  sa  postérité  était 
très-nombreuse  ;  comment  aurait-elle  connu 
Dieu  et  son  culte,  s'il  avait  fallu  attemlre 
jusque-là  pour  lui  iloniier  les  premières 
l(M;ons?  l-cs  premii-rs  enfants  d'Adam  «ni 
adoré  Dicti  ,  donc  ou  c'est  leur  père  qui  le 
leur  a  fait  connaître,  ou  c'est  Dieu  qui  les 
a  inslruiis,  aussi  tiiiMi  que  lui,  comme  l'E- 
criture nous  l'apprend.  Kn  second  lieu  ,  si 
la  relision  priniilive  n'a  pas  été  révélée  do 
Dieu  depuis  la  création,  sous  quelle  époque, 
sous  quelle  génération  des  patriarches  en 
placera-l-on  la  naissance?  Quelque  suppo- 
sition que  l'on  lasse,  l'embarras  fera  le  mê- 
me. Après  quatre  mille  ans  de  réllexions, 
d'expérience,  de  méditation'  philosophiques, 
il  ne  s'est  trouvé  aucun  peuple  capable  de 
rétablir  la  religion  primitive  une  fois  ou- 
bliée ;  tous  se  sont  plongés  dans  le  poly- 
théisme et  dans  l'idnlâtrie,  plusieurs  nations 
y  persévèrent  encore  depuis  leur  première 
fornialion.  Donc  il  est  absurde  de  supposer 
que,  dans  le  premier  âge  du  moniie.les 
hommes  se  sont  trouvés  capables  de  se  for- 
mer une  religion  aussi  sage  et  aussi  pure 
que  celle  qui  leur  est  attribuée  parles  livres 
saints.  En  troisième  lieu,  les  incrédules  ont 
si  bien  senti  l'impossibilité  de  celte  supposi- 
tion ,  qu'ils  ont  dit  que  le  poljthéisnK!  et  l'i- 
dolâlrie  furent  la  première  '•eligion  du  genre 
liumain.  Ce  fait  est  certainement  faux  ;  mais 
les  incrédules  ne  l'ont  imaginé  qu'après 
avoir  réiléchi  sur  les  idées  qui  sont  venues 
naturellement  A  l'esprit  de  tous  les  peuples, 
et  sur  le  pcnehau'  général  de  tous  à  croire 
la  pluralité  des  dieux  plutôt  que  l'unité,  cl 
nous  convenons  avec  eux  que  si  Dieu  n'a- 
vait pas  instruit  les  preniiers  hommes  par 
révélation ,  il  y  a  tout  lieu  de  penser  (|u'ils 
auraient  été  polythéistes  et  idolâtres.  Mais 
puisqu'il  est  constant  qu'ils  ont  professé 
l'unité  de  Dieu  ,  sa  providence  ,  sa  l)onl  •  cl 
sa  justice,  il  s'ensuit  que  cette  croyance  'le 
viciU  p.is  de  leur  lumière  naturelle,  mais  de 
la  révélation  de  Dieu. 

Après  deux  mille  cinq  cents  ans  depuis 
la  création  ,  le  genre  humain  s'élail  multi- 
plié, les  peuplades  s'étaient  réunies  en  corps 
de  nation;  il  leur  fallait  des  lois  et  une  reli- 
gion qui  rendît  ces  lois  sacrées  ;  déjà  la  plu- 
part avaient  oublié  les  dogmes  essentiels  de 
la  religion  primitive;  elles  avaient  embrassé 
le  polythéisme  ,  pratiquaient  l'idolâtrie  ,  se 
livraient  à  tous  les  désordres  dont  cette 
erreur  fatale  est  la  source.  Toutes  voulaient 
avoir  des  dieux  indigènes  et  nationaux  , 
des  protecteurs  particuliers  enneniis  des  au- 
tres peuples;  elles  divinisaient  leurs  rois  et 
leurs  fondateurs.  Dieu  se  Dt  connaître  aux 
Hébreux  sous  de  nouveaux  rapports  analo- 
gues aux  circonstances.  Non-seulement  il 
renouvela  par  Moïse  et  confirma  les  leçons 
qu'il  avail  données  à  leurs  pères,  mais'il  y 
en  ajout!  de  nouvelles.  11  leur  apprit  qu'il 
est  le  fondateur  de  la  société  civile  ,  l'auteur 
et  le  vengeur  des  lois,  l'arbitre  du  sort  des 
nations,  leur  seul  protecteur  et  leur  roi  su- 


prême. Continuellement  il  répète  aux  Hé- 
breux :  C'est  moi  (jui  suis  vv'.re  seul  mattre 
el  votre  Dieu  :  Ego  Domina}  Deus  rester. 
Conséqueinment ,  dans  le  code  mosaïque, 
Dieu  incorpora  ensecnble  les  lois  religieuses, 
civiles,  politiques  el  militaires;  il  imprima 
aux  unes  el  aux  autres  lo  sceau  de  son  au- 
torité ,  el  leur  donna  la  mène  sanction,  il 
statua  les  mêmes  peines  contre  les  infrac- 
teurs  ,  les  mêmes  récompenses  pour  ceux 
(|ui  seraient  fidèles  à  les  observer.  De  là  les 
lois  sévères  contre  l'idolâtrie,  la  défense  de 
sacrifier  aux  dieux  des  autres  nations,  la 
peine  de  mort  prononcée  contre  les  préva»- 
ricalenrs.  Un  Israélite  coupable  en  ce  genre 
était  non-seulement  criminel  de  lèse-majesté, 
mais  traître  envers  sa  patrie;  il  était  censé 
rendre  hommage  à  un  roi  étranger.  Ceux 
<]ui  ont  déclamé  contre  cette  lliéocralie  , 
contre  celle  religion  locale,  nationale  ,  ex- 
clusive ,  sévère  et  jalouse  ,  n'étaient  ni  de 
profonds  raisonneurs  ni  d'habiles  politiques. 
Les  peuples  étaient  alors  dans  l'effervescence 
des  passions  de  la  jeunesse,  ils  ne  respiraient 
que  la  guerre,  les  conquêtes ,  le  meurtre, 
le  briganilage;  ils  ne  goûtaient  que  les  vo- 
luplé-,  gro  sières  ,  ils  ne  connaissaient  d'au- 
tre bien  que  la  satisfaction  des  sens.  Il  fal- 
lait donc  un  frein  rigoureux,  une  législation 
sévère  et  menaçante  pour  les  réprimer.  Idu- 
méens,  Egyptiens,  Phéniciens,  Assyriens, 
tous  étaient  possédés  de  la  même  fureur. 
Dieu  plaça  au  milieu  d'eux  la  république 
juive  pour  leur  servir  de  modèle  et  pour 
leur  montrer  ce  qu'ils  auraient  dû  faire  (I).  Ils 
ont  mieux  aimé  se  dépouiller  les  uns  les  au- 
tres el  s'entre-déiruire  ,  nourrir  entre  eux 
des  jalousies  ,  des  inimitiés  ,  des  guerres 
continuelles,  qui  ont  été  la  source  de  tous 
leurs  m.ilheurs. 

Aux  mots  Jddaïsme,  Lois  cérûmomelles, 
lloïsii ,  etc.,  nous  avons  fait  voir  la  sagesse, 

(1)  «  La  loi  mosaïque,  dit  M.  C.erbet.ri'éiait  obliga- 
loiie  ni  poin-  la  plus  grande  pariic  du  genre  liumuin, 
qui  ne  pouvait  la  coïniaiire,  ni  mèine  pour  ceux  des 
gentils  ipii  l'iiuraienl  pu.  Saint  Thomas,  en  ensfi- 
giiaiit  cette  iloclrine,  .ijoul'  ;  «  Qu'en  n'adineilait 
lies  giMitils  .i  la  profession  du  judaïsme  que  connue  à 
un  état  plus  sur  et  plus  parfait,  de  même  qu'on 
admet  les  séculiers  à  la  profession  de  la  vie  reli- 
gieuse, q«oi(|u'ils  puissent' se  sauver  hors  d'elle.» 
(A'riïu.  «ecHHd.,  quïsl.  98.  )  <  Si  la  loi  mosaïi|ne, 
dit  lui  aulre  théologien,  n'a  p.is  été  donnée  à  tout  le 
genre  humain,  mais  à  un  >eul  peuple,  c'est  qu'elle 
n'éiaii  pas  elle-uiéme  nécessaire  :iu  salut  ;  car,  avant 
elle,  les  hommes  pouvaient  su  sauver,  et,  pendant 
qu'elle  a  subsisté,  les  gentds  pouvaient  se  sauver  sans 
elle.  I  (Snarez,  de  Leiiibua,  lili.  ix,  c.  5,  ail.  6.)  Dé- 
posiliiire  d'une  loi  locale,  la  Synagogue  n'était  donc 
qu'une  partie  de  l'Eglise,  dépoiiaire  de  l.i  loi  uéces- 
saire  universellement;  mais  elle  avail  cela  de  parli- 
culier,  qu'existant  sons  la  loinie  de  société  pnijlique, 
fille  éiaii  le  type  de  la  consiiiuiion  luiure  de  l'Kglise  ; 
ei  c'est  pour  cette  raison  que,  lorsrpie  les  Pèies  et 
les  ihéologiens,  en  irailaut  de  l'Kglise  depuis  Jé-us- 
r.lirist,  eherehem  des  comparaisons  dans  l'tiglise 
ancienne,  ils  les  prennent  parliculiéremenl  dans  la 
Synagogue.  >  —  M.  Gerbel,  dans  son  excellent  ou- 
vreL;e  (tes  Doctrines  philosophiques  sur  ta  Ceilùude, 
dans  leurs  rapports  avec  Us  foitdemer'tt  de  la  théolo- 
gie, cbap.  3. 


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l'utilité  ,  la  divinité  de  ce  nouveau  plan  de 
de  la  Providence,  qui  est  la  seconde  épo- 
que de  la  révélation,  et  nous  avons  répondu 
aux  objections  des  déistes. 

Dieu  avait  annoncé  son  dessein  quatre 
cents  ans  .luparavjint ,  et  il  l'avait  fait  con- 
naîlreaii  palriarchfl  Abrahano  ,  en  disant  : 
Venez  dnruf  le  pai/s  que  je  vow  monlrerai ,  je 
vous  yrendrm  père  d'une  grande  nation  (Gen. 
XII,  2).  M, lis  en  lui  ajoutant ,  toutes  lex  na- 
tions seront  bénies  en  vous,  il  lui  faisait  en- 
trevoir de  loin  une  troisième  époque  et  un 
nouvel  ordn»  de  choses  qui  ne  devait  avoir 
lieu  que  quinze  cents  ans  ajirès.  Pour  y 
amener  le  genre  humain  ,  Dii'U  s'est  servi 
de  la  démence  f;énérale  des  peuples  ,  de  la 
manie  des  conquêtes.  Vers  l'an  4000  du 
monde,  l'empire  romain  avait  englouti  tous 
les  antres;  la  plup.irt  des  habitants  <lu  monde 
connu  éiaiciil  devenus  sujets  du  même  souve- 
rain. Par  les  transmigr.itions,  parles  voyages, 
par  les  exploiis  des  guerriers  ,  par  le  com- 
merce, par  les  arts  ,  par  la  philosophie,  le 
genre  humain  semblait  être  parvenu  à  l'âge 
mûr.  Les  peuples  étaient  devenus  cajiables 
de  fraleniiser  ,  de  former  ensemble  une  so- 
ciété religieuse  universelle  ;  Dieu  a  d;iigné 
l'établir.  Il  avait  parlé  aux  premiers  hommes 
par  leur  père  ,  aux  nations  naissantes  par 
un  législateur  ;  il  a  parlé  à  l'univers  entier 
par  son  Fils.  Jé>-us-Christ ,  fidèle  interprète 
des  volontés  de  son  Père  ,  n'est  point  venu 
fonder  un  royaume  ni  une  société  temporelle, 
mais  le  royaume  des  cieux  ,  le  royaume  de 
Dieu,  la  communion  des  saints  ;  tout  s'y  rap- 
porte au  salut  et  à  la  san  et  ificat  ion  de  l'homme; 
la  rédemption  générale  est  VEvan(jile ,  ou 
l'heureuse  nouvelle  ()u'il  a  daigné  nous  ap- 
porter. Celte  troisième  époque  de  la  révélation 
est  appelée  par  les  apôtres  les  derniers  jours, 
la  plénitude  des  temps  ,  la  i  onsomniatian  des 
siècles,  parce  que  c'est  le  dernier  état  de 
choses  qui  doit  durer  jusqu'à  la  fin  du  monde. 
Notre  divin  Maître  n'a  contredit  aucun  des 
dogmes  révélés  dès  le  commencement  ;  au 
contraire  il  les  a  étendus  ,  expliqués  ,  con- 
firmés ;  il  n'a  révo(iué  aucune  des  lois  mo- 
rales prescrites  à  Adam,  à  Noé,  et  renfermées 
dans  le  déjalogue  de  I\Ioïse  ;  mais  il  les  a 
développées,  il  en  a  montré  le  vrai  sens  et 
les  conséquences  ,  il  en  a  rendu  la  pratique 
plus  sûre  par  des  conseils  de  perfection.  Au 
culte  matériel  et  grossier  qui  convenait  aux 
premiers  âges  du  monde  ,  il  a  substitué  l'a- 
doration en  esprit  et  en  vérité,  un  culte  sim- 
ple ,  mais  majestueux,  praticable  et  utile 
dans  toutes  les  contrées  de   l'univers. 

Le  christianisme  est  donc  le  dernier  com- 
plément d'un  ouvrage  commencé  à  la  créa- 
lion  ,  d'un  plan  conslamment  suivi  par  la 
Providence  divine,  d'un  dessein  à  l'exéculion 
duquel  Dieu  a  fait  servir  toutes  les  révolu- 
lions  de  l'univers.  Mais  ce  plan  divin  n'a  été 
connu  que  quand  il  a  été  porlé  à  sa  perfec- 
tion ;  c'est  Jésus-Christ  qui  nous  l'a  révélé. 
11  embrasse  toute  la  durée  des  siècles  ;  un 
homme  n'a  pu  le  concevoir  ni  le  tracer,  en- 
core moins  l'exécuter.  Les  iiicréilules  no 
l'ont  jamais  aperçu   :  qu'ils  le  considèrent 


enfin  ,  qu'ils  en  comparent  les  époques , 
qu'ils  en  examinent  l'unité  ,  les  moyens,  la 
correspondance  avec  l'ordre  de  la  nature  ,  et 
qu'ils  nous  disent  si  c'est  le  hasard  qui  a 
disposé  ainsi  les   événements. 

Quand  on  dit  que  le  christianisme  suppose 
le  juilaï>mo ,  on  ne  saisit  que  deux  anneaux 
de  la  rhaîne  ;  on  laisse  de  côté  le  premier, 
auquel  le^  deux  autres  sont  attachés.  La  révé- 
lation faite  aux  Juifs  supposait  aussi  néces- 
sairement celle  qui  avait  été  accordée  aux 
patriarches  ,  que  l'Kvangile  suppose  la  loi  de 
Moïse.  Si  ce  législateur  n'avait  pas  com- 
mencé son  ouvrage  p;ir  l'histoire  de  la  révé- 
lation primitive ,  il  aurait  bàli  sur  le  sable. 
Qui  aurait  pu  se  persuader  que  Dieu  ,  après 
deux  mille  ans  d'un  silence  profond  ,  s'était 
enfin  déterminé  à  parler  aux  hommes  ? 
Mais  non  ,  lorsque  Moïse  alla  faire  part  de 
sa  mission  aux  Israélites  en  Egypte  ,  il  le  fit 
au  nom  du  Dieu  de  leurs  pères  ,  du  Dieu 
d'Abraham,  d'Isaac  et  de  Jacob,  qui  avait 
donné  des  instructions  à  ces  patriarches  et 
leur  avait  fait  des  promesses  (Exod.  m,  6  , 
15,  16).  Le  souvenir  des  anciennes  espé- 
rances de  leurs  pères,  autant  que  les  mira- 
cles de  Moïse,  persuada  les  Israélites  ;  ils 
crurent  à  la  parole  de  cet  envoyé,  et  se 
prosternèrent  pour  adorer  Dieu  (  c.  iv  ,  30  et 
31).  Dès  le  commencement  du  monde,  Dieu 
a  prédit  plus  ou  moins  clairement  ce  qu'il 
voulait  faire  dans  la  suite  des  siècles  ;  au 
moment  même  de  la  chute  d'Adam,  il  en  fit 
espérer  le  réparateur  ,  il  ranima  la  confiance 
par  les  promesses  des  bénédictions  que  de- 
vait répandre  un  descendant  d'Abraham, 
et  par  la  prédiction  que  fit  Jacob  d'un  envoyé 
qui  serait  Vatlenle  des  nations.  Ainsi  la  con- 
formité des  événements  avec  les  promesses 
a  servi  dans  tous  les  siècles  à  prouver  la  vé- 
n\é  iie  la  révélation.  Tel  a  été,  depuis  l'ori- 
gine du  chrisiiauisme,  le  sentiment  de  tous 
les  Pères  de  l'Eglise  ;  ils  ont  allégué  l'anti- 
quité de  noire  religion  pour  en  démontrer 
la  divinité  ,  et  ce  fait  mérite  attention. 

Saint  Justin ,  Apol.  /  ,  n.  7  ,  ne  craint  point 
d'appeler  chrétiens  les  sages  qui  ont  vécu 
chez  les  barbares  ,  n.  46,  tous  ceux  qui  ont 
vécu  suivant  la  droite  raison,  parce  que 
Jésus-Christ ,  Verbe  divin,  est  la  raison  uni- 
verselle qui  éclaire  tous  les  hommes.  Apol. 
II ,  n.  10 ,  il  dit  que  Socrate  a  connu  en  par- 
lie  Jésus-Christ,  parce  que  celui-ci  est  le 
Verbe  qui  pénètre  partout ,  qui  a  prédit  les 
choses  futures  par  les  prophètes  et  par  lui- 
même  ;  n.  13  ,  il  prétend  que  tout  ce  qui  a 
élé  dit  sagement  chez  toutes  les  nations 
appartient  aux  chrétiens.  Il  ne  faut  pas 
croire  que  saint  Justin  ne  parle  ici  que  de  la 
lumière  naturelle  ,  puisqu'il  compare  l'action 
du  Verbe  sur  tous  les  hommes  à  l'inspiration 
qu'il  a  donnée  aux  prophètes.  On  sait  d'ail- 
leurs que  ce  Père  enseigne  l'universalité  de 
la  grâce,  qui  est  une  espèce  de  révélationia- 
lérieure. 

Saint  Irénée,  contra  Bœr.,  lib.  iv,  c.  6, 
n.  7,  dit:  «  Le  Verbe  n'a  pas  commencé  à 
révéler  son  Père,  lorsqu'il  est  né  de  Marie  ; 
mais  il  l'a  fait  connaître  à  tous,  dans  tous 


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les  temps.  Des  le  commencement  le  Fils  de 
Dieu,  présent  à  sa  créature,  découvrn  i\  tous 
son  Père,  quanti  et  connue  ceiui-('i  le  veut. 
Ainsi  le  même  salut  est  pour  tous  ceux  qui 
croient  en  lui.  »  C.  H,  n.  2  :  «  Il  arrange 
donc  le  salut  du  genre  humain  de  plusieurs 
manières...  et  il  prescrit  à  tous  l,i  loi  qui 
convient  à  leur  état  et  à  leur  condilioii.  » 
Saini  Clément  d'Alexandrie,  StromnC,  lib.  i, 
ca|).  7,  p.  3'i7,  représente  J)ieu  (■onime  un 
cultivateur  qui  ne  cesse  de  confiera  la  terre, 
qui  est  le  genre  humain,  tics  semences  nour- 
rissantes, et  qui  dans  tous  les  temps  y  fait 
tomber  la  rosée  du  Verbe  souverain,  suivant 
la  différence  des  temps  et  des  lieux. 

«  Comme  il  convient,  dit  Terluliien,  à  la 
honlé  et  à  lajusiice  de  Dieu,  créateur  du 
genre  humain,  il  a  donne  ;\  tous  les  peuples 
la  ménic  loi,  et  il  l'a  fait  renouveler  et  pu- 
blier dans  certains  temps,  au  moment,  de  la 
manière  et  par  qui  il  a  voulu.  Kn  cffei,  dès 
le  connneniement  du  monde,  il  a  donné  une 

loi  à    nos   premiers   parents ,   et  dans 

celte  loi  était  le  germe  de  toutes  celles  iiui 
ont  élé  porices  dans  la  suite  par  Moïse....  : 
faut-il  s'étonner  si  un  sage  instituteur  étend 
peu  à  peu  ses  leçons,  et  si,  après  de  faibles 
commencements,  il  conduit  enfin  les  choses 
à  la  perfection?....  Nous  voyons  donc  que 
la  loi  lie  Dieu  a  prérédé  Moïse  ;  elle  n'a  point 
commencé  au  mont  Horeb,  ni  à  Sina,  ni 
dans  le  désert  ;  la  première  a  été  portée  dans 
le  paradis  terrestre,  elle  a  été  prescrite  en- 
suite aux  patriarches,  et  de  nouveau  impo- 
sée aux  Juifs,  »  Adv.  Jud.,  cap.  2. 

Lorsque  Celse  et  Julien  ont  demandé, 
comme  les  incrédules  d'aujourd'liui,  pour- 
quoi Dieu  a  tardé  si  longtemps  d'envoyer 
son  Fils  et  son  Esprit  aux  hommes,  Origène 
et  saint  Cyrille  ont  répondu  que  Dieu  n'a 
pas  cessé  de  parler  aux  hommes  i)ar  son 
Verbe  dans  tous  les  temps.  Orii/.,  lib.  iv, 
contra  Cels.,  n.  7,  9,  28,  30;  lib.  vi,  n.  78; 
saint  Cyrille,  conlra  Jnt.,  lib.  m,  p.  l'.i,  94-, 
108.  De  même,  dit  Origène,  (ju'un  sage  la- 
boureur donne  à  la  terre  une  culture  diffé- 
rente, selon  la  variété  des  sols  et  des  sai- 
sons, ainsi  Dieu  a  donné  aux  hommes  les 
leçons  qui,tlans  les  différents  siècles,  conve- 
naient le  mieux  au  bien  général  de  l'univers. 
Conlra  Cels.,  1.  iv,  n.  69. 

Eusèbe,  Hist.  E celés.,  1. 1,  c.  2,  représente 
à  ceux  (]ui  regardent  la  religion  chrétienne 
comme  étrangère  et  récente,  que  l'histoire 
peut  les  convaincre  de  sou   antiquité  et  de 

sa  majesté «  Tous  ceux,   dit-il,  qui  se 

sont  distln;;ués  par  leur  justice  et  leur  piété, 
depuis  le  commencement  du  monde,  ont  vu 
le  Christ  des  yeux  de  l'esprit,  et  lui  ont 
rendu  le  culte  qui  lui  élaii  dû  même  comme 
au  l''ils  de  Dieu.  Lui-même,  en  (|ualité  de 
maitre  de  tous  les  hommes,  n'a  cessé  de 
donner  à  tous  la  connaissance  et  le  culte 
de  son  l'ère.  »  Eusèbe  fait  voir  ensuite  que 
c'est  le  Fils  de  Dieu  qui  a  parlé  à  Moise  et 
aux  prophèies,  et  qui  s'est  incarné  pour  par- 
ler aux  hommes. 

Maisaucun  des  Pères  n'a  mieux  développé 
celle  vériléqaesaiut  Augustin,  1.  \,deCivit. 


Dei,  c.  Il  :  «  De  même,  dit-il,^que  l'instruc- 
tion d'un  homme  doit  faire  des  progrès  à 
mesure  qu'il  avance  en  âge,  ainsi  celle  du 
genre  humain  tout  entier  s'est  perfectionnée 
par  la  succession  des  siècles,»  L.  i,  de  Senn, 
Doinini  in  monte  :  «  Lorsque  Dieu  a  donné 
peu  de  piécoples  aux  premiers  hommes,  et 
qu'il  en  a  augmenté  le  nombre  pour  leurs 
descendants,  il  a  fait  voir  que  lui  seul  sait 
donner  au  genre  humain  les  remèdes  ((ui 
conviennent  aux  dilTérenIs  temps.  ><  L.  de 
vera  lletig.,  cap.  16,  n.  3i;c.  26,  n.  48;  c.  27, 
n.  oO  :  «  La  durée  du  genn-  humain  tout  en- 
tier ressemble  par  proportion  h  la  vie  d'un 
seul  homme,  et  Dieu  li  gouverne  de  môme 
parles  lois  de  sa  providence,  ilepuis  Adam 
jusqu'à  la  lin  du  monde.  «  Lib.  i,  Jletracl., 
c.  13,11.3  :  «  La  religion  chrétienne  était  dans 
le  fond  celle  des  anciens,  elle  n'a  point  cessé 
depuis  le  commencement  ilu  monde  jusqu'à 
la  venue  de  Jésus-Christ,  elc.  »  C'est  le  plan 
que  le  saint  docteur  a  développé  dans  son 
ouvrage  de  lu  Ciié  de  Dieu,  depuis  le  livre  xi° 
jusqu'à  la  fin. 

Tbéoilorot,  dans  son  x'  Discours  sur  lu 
Providence,  et,  saint  (îiégoire,  pape,  Homil. 
31  in  Eviing.,  ont  tenu  le  même  langage. 
M.  Bossuet  l'a  répelé,  Disc.  surTHisl.  unlv., 
Il'  part.,  art.  1  :  «  Voilà  donc,  dit-il,  la  re- 
ligion toujours  uniforme,  ou  plutôt  toujours 
la  même,  depuis  l'origine  du  monde  :  on  y 
a  toujours  reconnu  le  même  Dieu  comme 
auteur,  et  le  même  Christ  comme  Sauveur 
du  genre  humain,  etc.  « 

Si  les  incrédules  avaient  été  instruits  de 
ces  vérités,  ils  ne  se  seraient  pas  avisés  de 
demander  pourquoi  Dieu  a  dilïérô  pendant 
qualrc  mille  ans  de  se  révéler  aux  hommes, 
pourquoi  il  n'a  fait  éclorc  la  révélation  que 
dans  un  coin  do  la  Palestine,  poiirijuoi  il  n'a 
pas  fait  pour  tous  les  autres  peuples  ce  qu'il 
a  l'ail  pour  les  Juifs,  elc.  il  y  a  plus  de  quinze 
cents  ans  que  ces  questions  ont  été  faites  par 
des  philosophes  incrédules,  et  qu'elles  ont 
élé  résolues  par  les  Pères  de  l'ivglise. 

Lorsqu'un  imposteur  arabe  a  voulu  pu- 
blier une  quatrième  révélation,  se  p.acer  sur 
la  mène  ligne  que  Moïse  et  Jésus-t^hrist, 
quelle  liaison  a-t-il  mise  entre  cette  préten- 
due révélation  et  les  trois  ])récédentes'?  A 
peine  les  connaissait-il,  et  il  était  trop  igno- 
rant pour  en  saisir  l'ensemble.  Le  mahomé- 
lisme  ne  tient  à  rien,  il  est  même  positive- 
ment opposé  à  plusieurs  des  vérités  que  Dieu 
a  révélées  :  or,  Dieu  ne  s'est  jamais  contre-» 
dit.  C'est  une  religion  purement  nationale, 
analogue  au  climat,  aux  mœurs  el  au  génie 
des  Arabes;  l'auteur  était,  comme  ses  com- 
pairiotes,  ignorant,  mais  rusé,  fourbe,  vo- 
luptueux, violent,  avide  de  brigandage  et  de 
rapines  ;  il  a  donné  a  sa  doctrine  l'empreinte 
de  son  caractère.  Si  nous  remontons  plus 
haut,  nous  trouverons  le  même  défaut  dans 
celle  de  Zoroaslre.  Il  ignorait  ou  il  a  mécon- 
nu ce  que  Dieu  avait  révélé  aux  |iatriarcbes 
et  aux  Israélites,  el  il  l'a  contredit  dans  les 
points  les  plus  essentiels,  tels  que  l'unité  de 
Dieu  et  sa  providence,  l'origine  de  l'ànie,  la 
bource  du  mal,  elc    Voy,  Pahsi». 


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La  comparaison  n'est  donc  pas  difficile  à 
faire  entre  la  vraie  révélation  et  les  fausses. 
A  proprement  parler,  il  n'y  en  a  qu'une  ; 
elle  a  commencé  avec  le  monde,  et  elle 
durera  jusiiu'à  ta  fin,  p;irc*  que  l'homme 
en  a  esseiilleilement  besoin  ;  mais  à  doux 
époques  difl'crentes  Dieu  a  trouvé  bon  d'a- 
joHler  aux  iiremirres  vérités  qu'il  avait  révé- 
lées d'abord,  les  nouvelles  leçons  qui  étaient 
devenues  nécessaires  au  g;enre  humain  re- 
lativement aux  nouvelles  circonstances  dans 
lesquelles  il  se  trouvai!  ,  sans  contredire 
néanmoins  aucun  des  dogmes  ni  des  lois 
morales  qu'il  avait  enseignées  auparavant. 

Par  cette  observaiion  nous  réfuions  aisé- 
ment les  .luifs,  (\u\  prétendent  que  Dieu  n'a 
pu  rien  ajouter  ni  rien  chanfier  par  Jésus- 
Christ  à  ce  qu'il  avait  révélé  et  prescrit  à 
leurs  pères.  Par  la  même  raison  l'on  serait 
en  droit  de  soutenir  qu'il  n'a  pu  rien  ajouter 
ni  rien  chang'er  par  l'organe  de  Moïse  à  ce 
qu'il  avait  révélé  et  prescrit  à  Adam  et  à 
Noé.  Il  ne  leur  avait  pas  ordonné  la  circon- 
cision, et  il  voulut  qu'elle  fût  praiiqitée  par 
Abraham;  il  ne  leur  avait  commandé  ni 
l'olfrande  des  premiers-nés,  ni  la  pâque,  ni 
les  expiations,  elc,  et  tout  cola  tut  prescrit 
par  Moïse.  Maison  s'exprime  très-mal  quand 
on  dit  que  la  révélation  chréiienne  a  ren- 
versé et  détruit  plusieurs  branches  de  la  ré- 
vélation juive;  Jésus-Christ  a  déclaré,  au 
coniraire,  qu'il  n'élail  pas  venu  détruire  la 
loi  ni  les  [irophèles,  mnis  les  acco;:,plir 
(  Matlh.  V,  17  ).  On  ne  peut  ciier  aucun  des 
dogmes  révélés  aux  Juifs  qui  soit  contredit 
dans  l'Evangile,  ni  aucune  des  lois  morales 
qui  y  soit  abrogée.  Jésus-Christ  a  condamné 
le  divorce,  v.  32,  mai.s  c'était  un  désordre 
lolcrc  plutôt  que  permis  par  la  loi  de  Moïse  : 
il  a  réproui  é  la  peine  du  talion,  v  38,  mais 
c'était  une  loi  do  pure  police  chez  IfS  Juifs, 
qui  ne  concernait  que  les  nlagi^trats;  il  eût 
été  trop  dangereux  de  permeltre  aux  parti- 
culiers de  se  faire  justice  par  eux-mêmes 
Quant  à  la  permission  prétendue  di;  haïr  ses 
ennemis,  v.  43,  elle  n'existe  ]ioint  dans  la 
loi;  c'élaii  une  fausse  interprétation  des 
Juifs.  Pour  ce  qui  regarde  les  lois  cérénio- 
nielles,  rivili'S  et  polili(iue>;,  sans  qu'il  ait 
été  nécessaire  de  les  abroger,  Dieu  les  a 
rendues  imiiraiicabli's  pour  la  plupart,  par 
la  dispersion  des  Juifs  et  par  la  destruction 
de  Irur  lépublique. 

Une  religion  révélée,  disent  les  déistes, 
ne  peut  pas  être  destinée  de  Dieu  à  tous  les 
hommes,  puisqu'il  n'en  est  aucune  qui  soit 
revêtue  de  preuves  mises  à  portée  de  toiis 
les  homn}es  ;  aulremiMit  Dieu  e\ige-rait  l'im- 
possible. Faux  principe  et  fausse  consé- 
quence. On  prouverait  «le  même  que  la  r:',i- 
son  n'est  pas  destiné*'  de  Dieu  à  guider  tous 
les  hommes,  puisqu'il  y  en  a  beaucoup  en 
qui  elle  est  à  peu  près  nulle,  comme  dans 
les  imliéciles  cl  les  enfants,  ei  une  iiifiuiié 
d'autres  qui,  par  leur  stupidité,  par  leur 
perversité  naturelle,  par  leur  mauvaise  édu- 
cation el  leurs  mauvaises  habilule,  res- 
te blent  plus  a  îles  brutes  plus  qu'à  des  hom- 
mes. La  religion    chrétienne    a   été  révélée 


de  Dieu  el  destinée  à  tous  les  hommes  dans 
ce  sens  que  tous  ceux  qui  peuvent  la  con- 
naître et  en  comprendre  la  vérité,  sont  obli- 
gés de  l'embrasser,  et  sont  punissables  s'ils 
se  refusent  de  le  faire.  SI  ne  s'ensuit  pas  de 
là  que  Dieu  punira  de  même  ceux  ((ui  ne 
l'ont  pas  connue  parce  qu'ils  n'étaient  pas 
à  portée  de  la  connaître  ;  l'Evangile,  aussi 
bien  que  le  bon  sens,  nous  enseigne  que 
l'ignorance  invincible  excuse  du  péché. 
Mais  nous  soutenons  que  le  christianisme 
est  revêtu  de  preuves  qui  sont  proportion- 
nées à  celle  capacité  de  tous  les  hommes 
auxquels  elles  sont  proposées.  Vvy.  Cré- 
dibilité. Conséqnemment  tous  ceux  qui, 
nés  dans  le  sein  de  la  religion,  y  ferment 
volontairement  les  yeux,  et  se  font  une  pré- 
tendue religion  naturelle,  pour  secouer  le 
joug  de  la  religion  révélée,  sont  très-cou- 
pables et  très-dignes  de  punition. 

A^  l'article  Mystère,  nous  avons  prouvé 
que  Dieu  peut  révéler  des  choses  incom- 
préhensibles, el  quand  le  fait  est  prouvé, 
nous  devons  les  croire.  A  quoi  sert  donc  la 
révélation,  disent  les  déisti'S,  si  elle  ne  nous 
fait  pas  comprendre  ce  qu'elle  nous  ensei- 
gne ?  Autant  vaudrait  demander  à  quoi  sert 
de  révéler  aux  aveugles-nés  qu'il  y  a  des 
couleurs,  des  tableaux,  des  miroirs,  des 
perspectives,  si  on  ne  les  leur  fait  pas  com- 
prendre. La  révélation  des  mystères  sert  à 
exercer  la  docilité  et  la  soumission  que 
nous  (levons  à  Dieu,  à  confirmer  les  vérités 
démontrables,  à  réprimer  la  témérité  des 
philosuphes,  à  fonder  la  morale  la  plus 
sainte  et  la  plus  sublime.  Voy.  Dogsie. 

*  Révélation  primitive.  Sons  le  nom  de  Hévéla- 
tion  primitive  nous  eiilendons  celle  qui  n  éié  faite  au 
premier  hniiinie  :iprès  sa  naissance.  L<'8  philosophes 
oui  fait  de  longs  écrits  pour  établir  ipiel  dut  être 
réi;u  de  l'esprii  ilu  premier  lioniaie  en  soriant  <les 
mains  île  In  nature,  coninicni  il  est  parvenu  à  s'ins- 
truire, quelle  lut  sa  première  religion.  Les  théolo- 
giens et  liis  philosoplies  clnéliens  leur  ont  ropoinlu 
par  de  huignes  dissertations  pour  prouver  que  si 
rijouime  n'avait  pas  reçu  uni:  révélalion  priinitivi-, 
il  n'aurait  pu  parvenir  à  créer  le  Langage  {Voy.  ce 
mot),  ni  à  acquérir  la  connaissance  d'aucune  vériié. 
Un  n'attend  pas  de  nous  que  nous  cnlrioris  dans 
leurs  longues  discussions;  nous  nous  contentons  de 
ciler  sur  ce  point  queUiuics  lignes  de  M.  île  Valroger: 

I  Quoi!  Dieu,  crcam  l'huinaniié,  a-t  il  pu  la  con- 
damner à  croupir  pendant  nue  longue  suite  de  siè- 
cles dans  une  ignorance  invincilile  des  vérilés  les 
plus  essentielles?  Seul  Ici-lias  l'iioinine  a  reçu  les 
iacultés  nécessaires  pour  coniiailre  et  servir  son 
Crcatoiir  ;  et  son  onil  n'i'ùl  pas  élé  lait  dès  l'origine 
pour  voir,  el  son  cu^ur  pour  aimer  Celui  i|iii  est  la 
vérilc  el  la  vie  !  Esl-co  donc  pour  rester  dans  l'om- 
bre qu'il  avit  leçii  ces  larges  ailes  qui  peuvent  le 
soulever  au-dessus  de  tiuiles  les  i  lioses  qui  passent, 
et  ce  regard  d'aigle  qui  clierc  lie  au  loiid  des  cieiix  le 
soled  divin?...  I^'lioinine  i  ncnre  innocent,  riiouiaii! 
sortant  des  mains  de  ceite  même  Providence  (  qui 
éiend  ses  soins  maternels  sur  tomes  les  créatures), 
etil  Clé  délaissé  par  elle  !  Il  n'a  pas,  lui,  reçu  en  par  - 
lage  des  inslincts  qui  se  développent  spontanément 
comme  ceux  du  castor  ou  de  l'alieille,  pour  le  co  i- 
duire  d'une  manière  infaillible  à  l'accomplisseiuent 
|iaif.iit  de  sa  desiin  e  :  il  est  pcrfectilile,  mais  à  la 
c;iiulition  d'être  enseiL;nc.  Sans  le  secours  d'une  loue 
é  iucalion  religieuse,  ses  l.icultés  les  plus  sublimes 


a 


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demenreni  stériles,  cl  s'airnphieni  par  les  dévi;>tions 
Ifts  plus  nionslnieiKes  :  el  ce  secours  lui  cill  man- 
qué an  iiionioni  nièiiie  où  il  en  avaii,  le  plus  pressant 
licsdin!  cl  le  génie  linnmin  eût  rlé  coiidaniné  en 
ni:issi;,  durant  de*  milliers  d'annéo-;,  h  des  erreurs 
profondémeul  corruiitrices  et  aux  superstitions  les 
plus  ilégrailantes!  Cela  est-il  bien  vraisrinhlahle? 
l'cut-on  le  supposer  a  priori,  qu;uul  on  croit  un  hiou 
lion  et  sage?  Evidemment  non!  Cela  ne  saurait  pa- 
raître possilile  qu'au  point  de  vue  des  ailices  et  des 
pantliéistes.  Quand  on  re-arde  le  genre  liuunin 
commit  le  produit  du  liasird,  <>u  comme  l'enfant 
d'une  loi  ave  ngli'  de  progrès  nécessiiire  ;  quand  on 
ne  voit  en  lui  qu'une  excroissance  du  cliinipanzc, 
oh  !  alors  je  comprends  qu'on  refuse  de  croire  à  la 
rcvélaiion.  M  lis  qu'on  prélêrc  des  hypnilièses  comme 
celles  de  l'élal  de  nature  et  du  f  lichisnie  primitif, 
(piand  on  cmil  simérement  à  la  sagesse  et  à  la  honié 
de  lu  Providence,  c'est  ce  que  je  ne  comprends 
plus  (a).  » 

Nos  livres  saints  lèvent  toute  dilficullé:  ils  cons- 
tatent l'existence  de  la  révélalinu  primitive.  Dieu 
s'entretient  avec  Adini  et  parle  à  Aliel.  Nous  le 
voyons  avoir  de  IVéqiients  eiilrelicns  avec  les  patriar- 
ches. Pour  suivre  celle  révélation,  il  faudrait  faire 
l'histoire  de  nos  premiers  parents  el  de  leurs  des- 
cendants jusqu'à  Moïse.  Elle  est  entre  les  mains  de 
tout  le  monde. 

l.a  révr'lalion  primitive  avait  donné  à  nos  pre- 
miers parents  nue  notion  exacte  de  D  eu  ei  du  ridle 
(jui  lui  est  dû,  de  sa  providence  divine,  de  l'exis- 
leiice  des  bniis  et  des  mauvais  anges,  de  la  chute  de 
l'homme,  de  la  prcunesse  d'un  Liliérateur,  de  la  vie 
future.  Ci's  grandes  vérités  se  sont  obscurcies  peu  à 
peu.  Cependant  il  en  est  resté  des  vestiges  chez  tmis 
les  peuples  (|ni  peuvent  servir  de  témoin  et  de 
preuve  à  la  révélation  primitive.  Voij.  Diei',  Pnovi- 
pi  NCE,  Ani;e,  Originel  (Péché),   ÙÉP.u\ATEim,  I.m- 

MOKTAI.ITÉ  DE  L'aMR. 

*  Révélation  mosaïque.  Voy.  Lot  mosaïque  et  Ju- 
daïsme. 

*  UÉVÉI.ATION  CllBÉÏIF.NJil'..    VoiJ.  ChIUSTIANIMF,. 

■^  lUOVOI.UTiONS  (l.sj  i;r  L'1-,GI.ISL.  L'idée  du 
pouvoir,  dit  M.  [iengnoi,  éani  pariout  ou  affaiblie 
on  méconnue,  nous  voyons  renverser,  ici  successi- 
venieiit  et  avec  méthode,  là  tout  à  coupel  avec  co- 
lère, de  sages  trailiiions,  de  bonnes  et  utiles  lois, 
des  institutions  anciennes,  mais  qu'il  eiU  été  facile 
de  réformer,  et  envelopper  dans  une  inênie  répro- 
bation lont  ce  qui  ne  date  pas  d'iiier.  L'Europe  pré- 
!-eiile  aujourd'hui  l'image  d'une  grande  cité  qu'un 
ireiildenieni  de  terre  aurait  arriciiée  soudainement 
de  ses  fondements  el  jetée  sur  le  sol,  où  sont  Cou- 
chées pèle-inêle  les  ruines  des  p'iis  beaux  éd  (ires  et 
des  plus  modestes  hahilalions,  des  plu>  ant  tpies  pa- 
lais ei  des  plus  réeenics  conslruclions.  La  fMice  qui 
a  causé  ce  désastre  était  évidemineui  une  force 
aveugle.  Cep<'ndant  du  milieu  de  ces  décombres  s'é- 
lève une  instilutinn  ipie  rien  n'a  pu  ébranler,  car  ce 
ne  Sont  pas  les  bonmies  qui  l'ont  *-ndée.  Cette  iiis- 
liliitiou  divine  conseive  dans  ^on  sein  le  principe 
dont  l'abandon  cause  les  désordres  et  les  révilmiuns 
an  bruit  (lesquelles  nous  nous  éveillons  cha(|ue  joui', 
et  c'est  »  elle  que  nous  lions  le  redemaiiilei  ,  quainl 
nous  serons  las  de  poursuivie  la  s-oliition  du  pro- 
blème insoluble  de  huiderdes  sociétés  sans  pouvoir, 
c'esl-à-(liie  sans  base. 

Le  monde  nouveau  repousse  l'unité  du  pouvoir, 
cnnime  l'équivalent  de  la  lyrainiie;  l'/^glisi;  proclame 
celte  unité  el  ne  Ini  est  jamais  plus  dévouée  que 
quand  celui  en  qui  elle  se  personnifie  est  méconnu, 
trahi  et  malheureux.  Loisquc  la  raison  sera  rentré.; 
dans  nos  e-prits,  ^on  exemple  teul  suffira  pour  nous 
faire  coraprendie  les  véritables  eonditions  d'existence 

(«)  Etudes  critiques  sur  le  Kationalisme  conlemporain  , 
liv.  u,  c.  4,  etc. 


de  la  souveraineté.  Elle  nous  enseignera,  ce  que  nous 
sommes  fiers  d'ignorer,  à  respecter  et  à  obéir  ;  pane 
que  le  respect  et  l'obéissance,  sans  lesquels  il  ne 
peut  pas  pins  exister  de  république  que  de  nionar- 
cliie,  sont  chez  elles  des  habitudes  innées.  Elle  nous 
dira  qu'aucune  cunsiiiiition  politi(pie,  qu'aucune  loi 
foadainent  de  ne  peut  prendre  racine  et  vivre,  si  les 
citoyens  ne  lui  vnnenl  pas  une  sorte  de  foi  qui  calme 
leurs  désirs,  modère  leurs  critiques  et  les  oblige  de 
croire  à  la  durée  de  ce  qu'ils  ont  fondé.  EiiHii,  le 
spectacle  de  cette  grande  institution,  qui  trouve  dans 
une  organisation  hiérarcliiipie  (ileine,  de  foiee  les  '• 
moyens  de  mainienir  la  paix  et  l'ordre  au  milieu  de 
ses  nombreux  enfants,  san*  qu'aucun  d'eux  ne  res- 
sente la  sévérité  du  commandement  ou  la  pesan- 
teur du  joug,  ce  spectacle,  dis-je,  réconciliera  bien 
des  esprits  égarés  avec  le  principe  d'une  autoriié  à  la 
fois  hienveiiiante  et  inflexible.  Les  idées  vériiable- 
nient  sociales,  celles  qui  peuvent  seules  conduire  les 
hommes  vers  la  portion  de  bonheur  dont  il  leur  est 
permis  de  jouir  dans  ce  monde,  sont  mises  en  pratique 
sous  nos  yeux  par  l'Eglise,  dans  un  but  différent,  il 
est  viai,  et  plus  élevé,  mais  qui  ne  change  point  leur 
liiture  ni  leur  mode  d'action.  Malgré  tout  ce  qm; 
lions  voyons  .s'accomplir  et  toui  ce  qui  est  annonce, 
il  ne  laiii  donc  |ias  désespérer  de  la  vérité,  de  la  jus- 
tice, du  droit.  L'Eglise  sauvera  encore  une  fois  la 
civil'saiion. 

Il  eviste  en  effet  une  analogie  singulièrement  triste 
entre  les  devoirs  de  l'I'.glise  en  i  e  moment  et  la 
lâche  immense  que  Dieu  lui  imposa  le  jour  où  il  d'- 
cida  la  ruine  de  l'Ijnpire  romain,  nécessaire  à  l'ac- 
coniplissemeiit  de  ses  desseins. 

Lorsque  les  peup'es  de  la  Germanie  eurent  cou- 
vert de  leurs  flots  ce  grand  empire,  l'ancienne  so- 
ciété, minée  par  une  longue  corruption,  impuissante 
à  se  d -fendre,  et  encore  plus  à  réagir  sur  les  mœurs 
des  vainqueurs,  disparu!  ;  et  l'Eglise,  gardienne  de  la 
foi  catholique,  se  trouva  en  méoie  temps  l'unique  dé- 
positaire de  tout  ce  qu'il  y  avait  de  lion  et  de  grand 
d.ins  l'aiicienne  civilisation  romaine.  A  quoi  servi- 
rail  d'insister  sur  ce  point?  Qui  ne  sut  que  ce  fut 
ri'.'glise  seule  qui,  dans  ces  temps  de  conquête  et 
d'épouvante,  sauva  les  sciences,  les  letlies  et  les 
arts,  et  ouvrit  les  larges  voies  où  un  monde  nonve.iu 
iiiarclia  pendint  tant  de  siècles  avec  gloire  ?  S'il  était 
possible  de  ne  considérer  l'Eglise  catholique  que 
comme  une  insiiiuiion  civilisatrice,  .à  ce  seil  liire 
elle  mériterait  l'élernelle  reeoiinaissince  du  genre 
humain.  Aujourd'hui  nous  subissons  l'invasion  non 
plus  de  peuples  barbares,  mais  de  doctrines  vériia- 
bleinenl  brrliares.  Ce  n'est  pas  ici  une  frivole  oppo- 
sition de  mots  :  les  doctrines  qui  se  prêchent  en 
France,  en  Allemagne,  en  Italie  et  ailleurs,  si  ell  s 
Venaient  à  irioniplier,  précipiieiaient  les  peuples  de 
ces  contrées  dans  un  élat  de  société  près  duquel  ce- 
lui des  Francs,  des  iluns  et  des  Vandales,  ser.iit  de 
la  hauie  civi  isaiion.  Contre  cette  invasion  qui  a  pris, 
dans  notre  pays,  de  redoutables  |iroporiioiis,  le  clergé 
a,  dès  le  premiec  jour  de  péril ,  compris,  avec  une 
ailmirable  sagacité,  quels  étaient  ses  devoirs.  Qu'il 
me  soit  permis  dédire  comment  il  les  remplit. 

Lus  barbai  es  de  nos  jours  ressembleiit  fort  peu  h 
leurs  ;  réiécesseurs  du  x'  siècle  :  ce  ne  sont  pas  des 
gueri  iers,  ce  sont  des  sophi-les  que  l'envie  el  l'or- 
gue.I  poiissenl  à  réchauffer  de  vieilles  erreurs,  moi- 
tié politiques,  moitié  économiques,  qui,  à  toutes  les 
époques,  onUrouvé,  pour  les  préconiser,  des  esprits 
malades  ou  pervertis.  L'antiquité  païenne  symbolisa 
dans  le  supplice  de  Promélhée  la  punition  réservée  à 
ces  lêveiirs  présomptueux  i{ui  croient  avoir  décou- 
vert dans  certaines  eombinaisons  philosophico-po- 
liliques  le  moyen  assuré  de  relaire  l'homme  et  le 
monde,  el  de  su|ipriiiier  l'injusiice,  la  misère  ,  l'in- 
égalité et  le  vice.  Par  leur  nature  même,  ces  sys- 
tèmes semblent  se  dérober  à  l'aclion  du  clergé,  dont 
la  mission  n'est  pas  de  combaiire  les  fausses  ihéu- 


191 


RIC 


RIC 


19-2 


ries  sur  la  réorganisation  de  la  sociclé  exlérieiire  : 
mais  coinnie  ils  hlcsseni  d«  plus  d'un  côté  la  religion 
et  la  morale,  comme  ils  tendent  à  détruire  la  fa- 
mille, œuvre  de  Dieu,  à  semer  panrii  les  lioinmes 
d'inexoribles  discordes,  et  que  leurs  adeptes  pré- 
tendent les  rattacher  par  une  odieuse  prof:inaiion 
aux  doiliiiies  que  le  Christ  ;* révélées,  le  elergé  in- 
tervifui,  selon  son  droit  et  son  devoir,  d;ins  ces  bril- 
lantes discussions,  avec  l'autorité  de  son  caractère 
et  la  douceur  de  ses  paroles.  S'il  ne  réussit  pas  à 
triompher,  si  quelquel'o.s  il  se  trouve  comhailre  seul 
pour  la  cause  de  la  vérité,  c'est  que  la  société,  af- 
laihlie  liai-  l'oubli  du  droit  et  du  devoir,  par  son  an- 
tipailiie  contre  le  principe  d'auioriié,  impuissante  à 
se  déleiidre  elle-même,  semble  desiinée  à  devenir  la 
proie  de  ceux  qui  oseront  le  plus  conire  elle. 

Il  est  dans  la  société,  telle  que  ce  sce|ineisnie  po- 
lilique  l'a  laile,  un  nomlire  infini  de  bons  ciioyeiis, 
d'hommes  que  les  intentions  les  plus  droites  ani- 
nienl,  (|ui  aiment  sin(èrenn  nt  leur  patrie  et  reni- 
plissenl  avec  conscii'nce  tous  leurs  devoirs.  Ils  gé- 
missent de  tant  de  mensonges,  de  tant  de  désordres 
et  de  rév"lutions,  sarrs  s'apercevoir  qri'ris  les  auto- 
risent ou  les  provoqrreni  par  lerrr  facilité  à  coniracler 
des  |. réjugés  qui  rendent  iorile  arriorité  inceriaiire, 
torrte  loi  fragile,  tout  gouvernement  impossible.  Les 
passions  populaires  soirt  sans  doute  le  levier  princi- 
pal dorrt  se  serveur  les  artisans  de  troubles;  mais 
combien  de  geirs  réputé-s  sages  les  aiderri,  sans  le 
savoir,  à  s'en  servir!  La  foi  dans  l'aulorrlé.  la  tradi- 
tion du  comniariilemeirt  et  de  rohéissance  n'exisient 
phrs  nulle  pari  ailleurs  que  dans  les  rangs  du  clergé 
c.ilholiqne,  et,  on  ne  saurait  trop  le  redire,  il  est 
appelé,  par  l'unique  effet  du  grand  et  irrstructif 
exemple  qu'il  donne  arrx  nations  el  qu'il  ne  ces^era 
de  leur  donner,  à  les  arrêter  quand  elles  serorrl  ar- 
rivées sur  les  bords  de  l'abime.  La  garde  du  ilépôt 
des  docirines  véritablement  sociales  exige  de  sa 
p.irl  beaueorjp  plus  que  de  bonnes  intentions;  elle 
exige  un  grand  coirrage,  car  l'ennemi  est  poissant 
el  audacieux  ;  une  vigiiarrce  de  tous  les  moments, 
car  il  ne  sommeille  jamais;  une  p'néiralion  vive, 
car  il. sait  se  déguiser  sous  les  formes  les  plus  per- 
fidement choisies;  une  erriiére  abnégation,  car  il  est 
liabilc  à  séduire  jiar  se>  dons  et  ses  pr-omesses,  et 
les  victirrri's  de  ses  arlilices  sont  nombreuses,  non 
pas  en  Frarrce,  grâce  à  Dieu  !  rrrais  ailleurs. 

Demandez  à  l'Italie  quelle  est  la  main  qui  agile 
sur  elle  nue  lorche  rncendiaire,  quelle  est  la  voix 
i|ui  célèbre  an  son  de  Rome  déchue  ei  anéantie  les 
Li'iiilails  de  la  licence!  Kt  pour  par  1er  de  notre  pays, 
qui  a  accepré  parmi  nous  la  nnssion  d'enseigner  à 
une  populace  ignorante  la  philosophie  de  la  haine  el 
de  l'airarchie?  Etait-il  donc  si  dilhcrle  à  ces  grands 
coupables  et  à  d'auires  moins  lameux,  de  résister 
au  \  lenlaiions  de  l'erreur?  Hélas!  mm.  Depuis  que 
l'esprit  révolutionnaire  agile  les  sociéiés  européen- 
nes, deux  causes  orrl  amerré  dans  les  rangs  du  clergé 
catholi([ue  des  ihutes  à  jamais  regrettables.  La  pre- 
mière esl  une  illusion,  la  Siconde  une  erreur,  ûes 
ecclésiastiques  dont  li;  cœur  éiail  pur  et  l'espiil 
élevé,  voyaiii  surgir  des  événement^  qui  pnuvaierrt 
eomprometlre  !es  irriérêls  temporels  de  l'Lgl  se, 
crurent  devoir  entrer  dans  le  tourbillon  des  allaires 
publiques,  se  dallant  d'y  exercer  une  inlliierice  salu- 
taire. D'aiilres  se  laissèrent  enirainer  à  celte  pen- 
sée ipri-,  loul  se  Irairsformanl  dans  la  société  civile, 
la  disi  ipliire  de  [l'église  devait  participer  à  ce  mou- 
veirienl  géoéral  de  rérormalion.  L'expérience  a  mon- 
tré ce  ipi'il  y  avait  de  darigerrux  dans  l'iiMe  et  l'autre 
de  ces  deux  idées,  ijur  rre  doiveni  pas  être  cependant 
condarnriées  avec  la  même  sévérilé. 

Le^  institutions  de  l'Lgli-M',  telles  qu'elles  ont  été 
fonilées  par  Jésris-Clirist  ei  développées  par  lésa,  ô- 
Ires  ei  par  leurs  successeurs,  se  prôeiii  d'elles-inê- 
ines  et  avec  la  plus  merveilleuse  souplesse  à  toutes 
les  modilicalionsqiic  la  société  civile  peut  éprouver. 


Ne  repoussant  aucune  forme  particulière  de  gouver- 
iiemeril  ni  de  civilisation,  constituée  pour  faire  fruc- 
tilier  la  parole  de  Dieu  dans  des  jours  d'orage  et  de 
désordres  comme,  au  milieu  du  calme  et  de  la  paix, 
au  seirr  d'une  tribu  sauvage  comme  dans  les  plus 
florissants  empires,  on  ose  proposer  à  l'Eglise  de 
profiter  du  trouble  passag(T  des  esprits,  d'rrn  acci- 
(Inut  dont  le  cours  des  ans  eHaeern  les  irace-,  pour 
changer  les  sages  lois  en  vertu  desipielles  elle  n'a 
cessé  lie  grandir,  el  qui  serviront  à  la  sociéié  civile 
de  type  pour  rééddier  ses  insiitulions,  quand  celle- 
ci  sera  lasse  de  se  nourrir  de  déieplions.  Ceirx  cpii 
Iravaillenl  à  errtrainer  l'Eglise  vers  le  domaine  des 
nouveautés  igrroreiil  qu'en  lui  annonçant  qu'elle  sé- 
rail ciernelle.  Dieu  lui  a  ordooiré  de  rester  s  Terne  et 
conliaute  au  milieu  de  toutes  les  agitaiions  du  monde. 

«HÉ'i'ORIENS  ,  spcle  d'héréliques  dont 
parle  Philustre,  mais  qu'il  nous  f.iit  mal 
connaîlre.  Ils  s'élevèrent,  dil-  1,  en  F^yple 
au  i\'  siècle,  et  ils  prirent  leur  iioui  de 
Khétorius  leur  chef  ;  ils  a  imellaienl  loules 
les  hérésies  qui  iiv;iieiil  paru  jusqu'alors, 
et  ils  prétendaient  que  toutes  étaient  éga- 
lement soulenabies.  Ils  éi.sient  donc  dans 
une  indilTcrence  parfaile  au  sujet  de  la 
croyance.  Ce  S3Slèin('  ressemblerait  beau- 
coup à  celui  des  libertins,  des  latitudinaires, 
des  indépendants,  etc.,  qui  ont  dngmatisé 
dans  le  dernier  siècle,  et  il  nous  paraît  que 
tous  ces  sectaires  n'ont  guère  mérité  le  nom 
di^  chrilien. 

RICHARD  de  Saint-A'ictor ,  chanoine  ré- 
gulier et  prieur  de  cette  abbaye,  fut  disci- 
ple et  successeur  de  Hugues,  dont  il  égala 
le  mérite  et  la  réputation;  II  mourut  l'an 
1173.  La  meilleure  édition  de  ses  ouvrages 
est  celle  de  Rouen,  de  l'an  KioO,  en  2  vol. 
in-l'ol.  11  y  a  des  commentaires  sur  l'Iicri- 
ture  sainte,  des  traités  théologiques  et  des 
ouvrages  di  piété.  On  y  voil  qu'au  xii' siè- 
cle les  sciences  ecclc-iasUques  n'éiaient  pas 
aussi  tiégligées  que  certains  critiques  le  pré- 
tendent. 

RICHE,  RICHESSES.  Quelques  censeurs 
de  la  morale  évangélique  se  sont  plaints 
de  ce  que  Jésus-Christ  semble  condamner 
absolument  et  sans  re^lriclion  la  possession 
des  richesses,  puisqu'il  fi\\:  Mnlhenr  à  vous, 
richeti  (Luc.  vi  2V)  1  //  est  moins  difficile  à 
un  chameau  de  passer  par  le  trou  d'une  ai- 
guille, qu'à  un  riche  d'entrer  clans  le  royaume 
des  deux    (Mallh.  xix,  23  et  2'i-). 

Mais  de  quels  riches  parle  le  Sauveur?  de 
ceux  qu'il  avait  sous  les  yeux  el  qu'il  a 
peints  dans  tout  son  évangile,  de  riches  or- 
gueilleux, avares,  usurii  rs,  voluptueux, 
durs  envers  les  pauvres,  tels  que  le  mauvais 
riche  [Luc.  xvi,  1).  De  tels  hommes  n'é- 
taient pas  disposés  à  entier  dans  le  royaume 
des  cieux,  dans  la  sociéié  des  justes  qui 
prenaient  Jésus-Christ  pour  leur  roi,  et  se 
rangeaient  sous  ses  lois.  Il  s'explique  assez 
lui-même,  en  appelant  heureux  les  pauvres 
d'esprit,  c'est-à  dire  ceux  (|ui  ont  l'esprit 
et  le  cœur  détachés  des  richesses  (Mattlu, 
v,  3).  Il  dit  que  l'on  ne  peut  pas  servir  Dieu 
cl  le  démon  des  richesses  (c.  vi,  24),  parce 
qu'un  iioiiniie  ne  peut  pas  avoir  le  coeur 
partagé  entre  deux  maîtres,  \lai.s  un  hom- 
me peut  être  riche,  sans  être  attaché  servi- 


195 


RIC 


RIG 


194 


lemeiit  à  ce  qu'il  possède,  sans  en  aDuser 
pour  satisf;iire  des  passions  criminelles, 
sans  faire  injustice  à  personne  ,  toujours 
prêt  à  perdre  ses  biens  lorsque  Dieu  voudra 
l'en  priver,  et  à  les  partager  avec  les  pau- 
vres. Jésus-Christ  aurait-il  condamné  un  ri- 
che tel  que  Jol),  duquel  Dieu  lui-même  a  dai- 
gné faire  l'éloge  ?  Non,  sans  doute.  Aussi, 
lorsque  saint  l'aul  prescrit  à  Timolhée  les 
leçons  qu'il  doit  donner  aux  riches,  il  ne  dit 
pas  qu'il  faut  leur  ordonner  de  renoncer  à 
leurs  richi-sses,  mais  de  ne  pas  s'en  enor- 
gueillir, de  lie  pas  mettre  leur  confiance 
dans  des  biens  périssables,  mais  en  Dieu, 
qui  pourvoit  abondamment  aux  besoins  de 
tous  (/  Tint.  VI,  17).  Jésus-Christ  lui-même 
disait  aux  pharisiens,  auxquels  il  reprochait 
des  injustici's  et  des  rafiines:  Faites  l'au- 
màne,  et  tout  tera  pur  pour  vous  {Luc. 
xl,f^l). 

Nous  lisons  encore,  Matth.,  c.  Xix,  v.  21, 
que  Jésus-Chrisi,  après  avoir  dit  à  un  jeune 
homme  que  pour  être  sauvé  il  fallait  garder 
les  comniJinilemeiils,  ajouta  :  Si  vous  voulez 
être  parfait,  allez  vendre,  ce  que  vous  avez, 
donnez-le  aux  pauvres,  vous  aurez  un  trésor 
dans  te  ciel;  venez  alors  et  suivez-moi.  Les 
Pèrrs  de  l'Eglise  et  les  commentateurs  ca- 
tholiques disent,  à  ce  sujel,  que  Jcsus-Christ 
ne  faisait  point  un  commandement  rigou- 
reux à  ce  jeune  homme,  mais  qu'il  lui  don- 
nait un  conseil  de  perleclioii.  Harbeyrac, 
qui  n'admet  point  de  conseils  dans  l'Evan- 
gile, soutient  le  contraire;  il  prétend  que 
Jésus-Christ  était  en  droit  d'imposer  à  ce 
jeune  homme  une  obligation  rigoureuse  de 
tout  quitter  poar  se  mettre  à  sa  suite  comme 
les  autres  apôtres,  et  qu'il  le  lui  comman- 
dait, parce  qu'il  vojail  ipie  son  attachement 
excessif  à  son  bien  serait  pour  lui  un  sujet 
de  damnation;  aussi  est-il  dit,  v.  22,  qu'il  se 
relira  fort  triste,  parce  qu'il  était  très-riche. 
Traité  de  la  morale  des  Pères,  c.  xii,  §  (i'4-, 
'  De  noire  part,  nous  soutenons  que  c'est 
Barbeyrac  et  non  les  Pères  qui  ont  tort.  Il 
ne  s'agit  pas  de  savoir  si  Jésus-Christ  était 
en  droit  de  faire  un  commandement  rigou- 
reux à  ce  jeune  homme,  mais  s'il  le  lui  fai- 
sait en  effet;  or,  rien  ne  prouve  que  quand 
le  Sauveur  appelait  un  homme  pour  en  faire 
un  apôtre,  il  lui  donnait  un  ordre  rigoureux, 
et  lui  commandait  sous  peine  de  damnation. 
Il  lui  faisait  une  invitation;  il  lui  promet- 
lait  une  récompense  spéciale  ;  nous  le 
voyons  dans  cet  eiulroil  même  de  l'Evangile, 
V.  28.  Une  conduite  plus  sévère  et  plus  ab- 
solue ne  se  serait  pas  accordée  avec  la  bju- 
té,  la  condescendance,  li  mi-éricordo  de  no- 
tre divin  Maître.  En  second  lieu,  ces  paroles: 
Si  vous  voulez  éire  parfait,  peu\  ent-elles  si- 
gnifier Si  vous  ne  voulez  pas  être  damné? 
ISarbeyrac  n'aurait  pas  osé  le  dire,  et  ce- 
pendant il  le  suppose,  puisqu'il  argumente 
sur  l'attac  hemeiit  excessif  de  ce  jeune  hom- 
me à  ses  richesses.  Il  nous  parait  qu'il  pou- 
vait avoir  quelque  répugnance  à  se  dépouil- 
ler tout  à  coup  d'une  fortune  considérable, 
sans  ctre  pour  cela  taxé  d'un  attachement 
damnable.  Ëarbeyrac,  qui  déclame  si  sou- 


vent contre  le  rigorisme  de  la  morale  des 
Pérès,  le  pousse  ici  beaucoup  plus  loin 
qu'eux.  Par  la  même  raison,  il  ne  veut  pas 
que  les  premiers  chréiiens  de  Jérusalem 
aient  agi  par  le  motif  d'une  plus  grande  per- 
fection en  vendant  leurs  biens,  et  en  en  met- 
tant le  prix  aux  pieds  des  apôtres,  pour  qu'il 
fût  distribué  aux  pauvres  {Act.  ii,  4i).  Il  dit 
que  c'était  un  effet  de  leur  charité  mutuelle, 
vertu  absolument  nécessaire  dans  le  com- 
menceuieiit  de  l'Evangile.  Mais  ce  critique 
peut-il  prouver  qu'il  y  avait  une  obligaiion 
rigoureuse  pour  chaque  lidèle  riche  de  pous- 
ser la  charité  jusque-là,  et  que,  sans  ce  dé- 
pouillement volontaire,  l'Evangile  n'atiruit 
pas  pu  s'établir?  Le  contraire  est  évidem- 
ment prouvé,  puisque  cette  communauté  de 
bien  n'existait  que  dans  l'Eglise  de  Jéru- 
salem; Barbeyrac  lui-même  est  forcé  de 
convenir  que  les  apôtres  ne  l'exigeaient  pas, 
et  saint  Pierre  le  dit  formllement  i //>((/.  v, 
4);  s'ils  ne  l'exigeaient  pas,  il  n'y  avait 
donc  point  d'obligation  delà  faire;  c'était 
une  œuvre  de  surérogation  qui  se  faisait 
par  le    motif  d'une  plus  grande    perfection. 

Voy.  CoNSlilLS  ÉVâNGÉLIQDKS. 

KUiOlUSME  ,  affectation  d'embrasser  les 
opinions  les  plus  rigoureuses,  soit  en  fait 
de  dogme,  soit  en  fait  de  morale.  Il  est  à  re- 
m;»r(|uer  que  lerigorisine  est  ordinairement 
le  travers  des  hommes  sans  expérience,  des 
théologiens  qui  ont  passé  leur  vie  dans 
leur  cabinet;  il  se  trouve  rarement  parmi 
les  ouvriers  évan^éliques,  chez  les  pasteurs 
et  chez  les  missiunuairis  blanchis  dans  les 
travaux  du  saint  ministère.  Le  zèle  de 
ceux-ci ,  réglé  sur  l'expérience,  est  doux, 
charitable,  indulgent;  ils  sentent  la  néces 
site  d'e\cilcr,  d'encourager,  de  soutenir  les 
faibles,  ils  craignent  toujours  de  jeter  les 
pécheurs  dans  l'abattement  et  le  désespoir. 

Jésus-Christ,  modèle  des  docteurs,  n'af- 
fecta jaoïais  le  rigorisme;  au  contraire,  il  le 
reprocha  souvent  aux  pharisiens  :  ils  l'ac- 
cusèrent de  relâchement,  ils  le  peignirent 
comme  l'ami  des  publicains  et  des  pécheurs, 
11  répondit  avec  sa  douceur  ordinaire:  Ce 
ne  sonC  point  les  personnes  saines,  mais  les 
malades,  qui  ovt  besoin  de  médecin;  je  ne  suis 
point  venu  appeler  à  la  pénitence  les  justes, 
mais  (es  pécheurs.  De  même  les  anciens  Pè- 
res, qui  étaient  non-seulement  théologiens 
et  docteurs  de  l'Eglise,  mais  (lasteurs  et  di- 
recteurs des  âmes,  évitèrent  les  opinions  et 
les  règles  de  morale  trop  rigides. 

C'est  par  un  rigorisme  hypocrite  que  les 
hérétiques  ont  toujours  commencé:  les 
gnostiques,  les  montanistes,  les  manichéens, 
les  albigeois,  les  vaudois,  Wiclef,  Jean  Hus, 
Luther  et  Calvin,  ont  tendu  le  même  piège 
aux  simples  et  aux  ignorants.  Le  rigorisme 
insensé  des  novatiens  fut  l'avant-coureur  de 
l'arLinisme,  celui  des  Africains  semble  avoir 
présagé  l'extinction  du  christianisme  dans 
cette  contrée;  le  prédestinatianisiue  dans  les 
Gaules  fut  immédiatement  suivi  de  la  bar- 
barie; les  clameurs  des  vaudois  contre  le 
relâchement  de  l'Eglise  romaine  ont  appelé 
de  loin  le  protestantisme.  Tant  il  est  vrai 


195 


RIT 


qu'un  caractère  trop  rigide  est  peu  coinpali- 
ble  avec  la  docilité  de  la  foi. 

UITE.  Voy.  CÉRÉMONIE. 

Kll  DEL,  livre  qui  contient  l'ordre  des  cé- 
rémonies, les  prières,  les  instructions  que 
l'on  doit  faire  d;ins  l'administration  des  sa- 
cremenls.  Il  y  a  lieu  de  penser  qu'autrefois 
ce  livre  n'était  pas  différent  de  celui  que  l'on 
nommait  Sacramenlaire,  puisque  nous  trou- 
vons dans  celui  de  saint  Grégoire  sion-seu- 
Icment  la  liturgie  ou  les  prières  et  les  céré- 
monies de  la  messe,  mais  encore  celles  par 
lesquelles  on  administre  plusieurs  sacre- 
ments. Aujourd'hui  les  premières  sontrea- 
fcrmées  dans  le  missel,  les  secondes  sont  le 
principal  objet  du  rituel.  Celui-ci  renferme 
aussi  les  bénédicllons  et  les  exorcismes  qui 
sont  en  usuge  dans  l'Kglise  cailiolique.  Ou- 
tre le  rituel  romain,  qui  est  le  fond  de  tous 
les  autres,  il  y  en  a  de  propres  à  divers  dio- 
cèses. Celui  qui  vient  d'être  publié  pour  le 
diocîse  de  Paris  est  un  des  plus  instructifs 
et  des  plus  propres  à  tionner  aux  prêtres  une 
grande  idée  de  la  sainteté  de  leurs  fonctions. 

*  KOBOAM.  Le  premier  livre  des  Rois,  xiv,  2 i, il  le 
seconil  (les  Panilipoméiies,  xii,2,  iiiiusappreniienii|iie 
Sliisliak,  roi  d'Kgyple,  inartlia  contre  Juda,  dans  la 
ciiiquiéiiie  année  du  règne  de  Roboani,  avec  douze 
cents  cliaiiois,  soixante  mille  lionimes  de  cavalerie 
el  une  armée  innoiiiljrable  ;  qu'après  s  être  rendu  maî- 
ire  lies  places  fortes  du  pays,  d  s'appruclia  de  Jéru- 
salem pour  l'assiéger;  que  le  roi  e!  le  peujile  s'Im- 
niiliérenl  devant  le  Seigneur  ;  el  que  Dieu  prenant 
pilié  d'eux  leur  promit  qu'il  ne  les  détruirait  pas, 
qu'il  les  livrerait  seulement  entre  les  mains  de  ce 
conquérant  p  lur  être  ses  esclaves;  néanmoinsils seront 
ses  servileiirs,  afin  qu'Us  so.clteiu  ce  quec'et.l  que  île  me 
servir  ou  de  seruir  tes  rois  des  tialioiis.  Sliisliak  vint 
donc,  en. porta  les  dépouilles  du  leniplc,  ei  enire 
autres  les  boucliers  d'or  faits  par  Salmnon  (//  ['iiral. 
xn,  8).  Les  exploits  île  ce  fameux  comiuéianl  el 
restauiaieur  de  la  puissance  égyptienne  sont  repié- 
senlés  en  déiail  dans  la  grande  cour  deKarnnk.  Nous 
devons  nous  aileiulre  a  y  trouver  comprise  celle 
coni|uéie  de  Jiida,  il'autant  plus  que  ce  royaume  peut 
être  regardé  roinmi;  étant  alors  au  zéiiilli  de  sa 
grandeur,  immédlaiemcnl  après  que  Saloiiioo  avait 
ébloui  par  l'éclat  de  sa  magniliceiice  toutes  les  nations 
voisines.  Voyons  s'il  en  esl  ainsi.  Dans  les  peintures 
de  Karnak,  Siiisliak  est  représenté,  suivant  une 
image  irès-faniiliêie  aux  iiiounuu'nls  égyptiens,  le- 
nanl  par  les  cheveux  uile  foule  de  personnes  age- 
nouillées et  entassées  les  unes  sur  les  autres  ;  sa 
main  droite  est  levée  et  prêle  à  les  immoler  louies 
d'un  seul  coup  de  sa  liaclie  d'arniei.  Près  de  là,  le 
dieu  Aimiioii-Ra  conduit  vers  lui  une  foule  decapiils 
qui  oui  les  mains  liées  tierriére  le  dos.  Si  le  premier 
groupe  représente  ceux  (lu'il  lit  périr,  on  peut  Irés- 
î)ien  supposer  que  le  second  cunlient  ceux  qu'il  fit 
seulement  ses  esclaves  ou  qu'il  vainquit  simplement 
et  assujellil  à  un  triiiut  Suivant  la  promesse  qui  lui 
avait  éié  faite,  le  roi  de  Juda  devait  éire  de  ce  nom- 
bre, el  c'est  là  qu'il  nous  faut  le  cheiclier.  Llîeeti- 
veinenl,  (larnii  les  ligures  des  rois  captifs,  nous  en 
trouvons  une  dont  la  pliysionuinie  esl  parfaitement 
juive,  ainsi  que  l'observe  Roselliiii.  Ce  savant  n'a 
p;is  eni'ore  donné  la  copie  de  ce  monumeiil,  quoi- 
qu'il en  ail  publié  la  légende  (I);  mais  alin  de  nous 
convaincre  que  les  traits  de  ce  personnage  ne  sont 
nullenienl  égyptiens,  ([u'ils  sont  au  contraire  tout  à 
fait  bébraîipies,  Mur  Viseniaii,  à  qui  nous  emprun- 
ta) /  flutiuiiktili  dcW  Egillo,  pane  i,  Monum.slor.  t.  Il, 
p  7'J. 


HIG  196 

tons  cet  article  (Disc.  V,  Arcltéoloqie,  dans  les  Dé- 
momt.  Ciian9.,cdil.  Migne,  l.  XV)  l'a  lait  copier  d'a- 
près la  gravure  qui  en  a  été  publiée  à  Paris,  par 
Champollion  (2).  Le  profil  avec  la  barbe  est  enliè- 
remeni  jinf  ;  et  pour  rendre  ceci  plus  apparent  en- 
core, l'auteur  a  placé  à  côté  une  lête  égyptienne  qui 
exprime  très-exactement  le  type  naturel  de  ce  peu- 
ple. Cliacun  de  ces  monarques  captifs  porte  un  bou- 
clier dentelé,  comme  pour  représenter  les  fortilica- 
lions  d'une  ville;  sur  ce  bouclier  est  inscrite  une  lé- 
gende hiéroglyplnque,  qui,  comme  il  est  permis  de 
le  supposer,  indique  quel  esi  ce  personnage.  La 
plupart  de  ces  inscriptions,  pour  ne  pas  dire  toutes, 
sont  tellement  elfacées  <|u'elles  ne  sont  plus  lisibles; 
il  faut  en  excepter  cependant  le  bouclier  porté  par 
la  ligure  juive,  où  les  caractères  se  sont  conseivés, 
c<unme  on  le  voit  dans  la  copie  dont  il  s'agit  ici.  Les 
deux  plumes  représentent  les  leities  J  E  ;  l'oiseau, 
OU;  la  maiiiouveite,  Dou  ï;  ce  qui  rious donne  Jeouo, 
le  mot  hébreu  qui  signifie  Juda.  Le^  cinq  autres  ca- 
racières  suivajiis  représentent  les  leilres  H  A  M  L  R  ; 
el,  en  a{outarit  les  voyelles  (pii  sont  ordinairemenl 
omises  dans  les  hiéroglyphes,  nous  avons  le  mot  hé- 
breu IIamei.ek,  le  roi,  accompagné  de  son  article.  Le 
dernier  caractère  esl  toujours  employé  pour  le  mol 
kdli  (pays).  Ainsi  il  est  clairement  démontré  que  le 
personnage  en  question  était  le  roi  de  Juda,  traité 
■^bscMument  comme  l'Kcriture  nous  dit  qu'il  le  fut, 
léduil  en  servitude  par  Shishak  ou  Sliishunk,  ni 
d'iigypte.  INous  pouvons  dire,  en  toute  vérité,  qu'au- 
cun des  monuments  jusqu'alors  découverts  ne  four- 
nil une  nouvelle  preuve  aussi  convaincante  de  l'au- 
ihenticilé  de  l'histoire  sacrée  de  l'Ecriture. 

ROGATIONS ,  prières  publiques  qui  se 
font  dans  l'Eglise  romaine  pendant  les  trois 
jours  qui  précèdent  iminédialemetil  la  fête 
de  l'Ascension,  pour  demander  à  Dieu  la 
conservation  des  biens  de  la  lene,et  la  grâce 
(1  êlre  préservés  de  fléaux  et  de  malheurs. 

On  attribue  l'instilulion  des  Rogations  à 
saint  Mamerl,  évéque  de  Vienne  en  Dau- 
pliiué,  i)ui,  en  47i  selon  quelques-uns,  ou 
en  kiiS  selon  d'autres  ,  exhoria  les  fidèles 
de  son  diocèse  à  faire  des  prières,  des  pro- 
cessions, des  œuvies  de  péniience  pendant 
irois  jours,  afin  de  fléchir  la  justice  divine, 
d'obtenir  la  cessation  des  tremblemenis  de 
terre,  des  incendies,  du  ravage  des  bêles  fé- 
roces dont  ce  peuple  était  allligé.  Le  succès 
de  ces  prières  les  fît  continuer  dans  la  suite 
comme  un  préservatif  contre  de  pareilles 
calamités;  et  bientôt  celte  pieuse  coulume 
s'introduisit  dans  les  autres  églises  des  Gau- 
les. L'an  511,  le  concile  d'Orléans  ordonna 
que  les  rogations  seraient  observées  dans 
Soute  la  France  :  cet  usage  passa  en  Espa- 
gne vers  le  commencement  du  vu' siècle  : 
mais  dans  ce  pays-là  l'ou  y  destina  le  jeudi, 
le  vendredi  et  le  samedi  après  la  Pentecôte. 
Les  rogations  ont  été  uduptécs  plus  tard  en 
Italie.  Charkmagne  el  Charles  le  Chauve 
défendirent  au  peuple  de  travailler  ces  jours- 
là,  el  leurs  lois  ont  clé  observées  pendant 
longtemps  dans  l'Eglise  gallicane.  On  obser- 
vait aussi  le  jeûne  ;  à  présent  on  se  borne  à 
garder  l'abstinence,  parce  que  ce  n'est  pas 
la  coutume  de  jeûner  dans  le  lemps  pascal. 

Les  processions  des  rogations  (ùrenl  nom- 
mées petites  litanies,  ou  litanies  gallicanes, 
parce  qu'elles  avaient  été  instituées  par  un 
évéque  des   Gaules,  et  pour  les  distinguer 

(u)  Uaus  ses  Lettres  écrites  d'Egjpie. 


«97 


ROI 


ROI 


19S 


de  la  grande  litanie  ou  litanie  romaine,  qui 
est  la  procession  que  loi»  fait  le  25  avril, 
jeur  (le  saint  Marc,  et  dont  on  attribue  l'in- 
slitulion  à  saint  Grégoire  le  Grand.  Les 
Grecs  et  les  Orientaux  ne  connaissaient 
point  les  rogations.  lUIes  étaient  observées 
en  Angleterre  avant  le  schisme,  et  l'on  dit 
qu'il  y  en  reste  encore  des  vestiges  ;  que, 
dans  la  plupart  des  paroisses,  c'est  la  cou- 
tume d'en  ;iller  faire  le  tour  en  se  prome- 
nant pendant  les  trois  jours  qui  précèdent 
l'Ascension:  mais  si  on  ne  le  fait  plus  par 
un  motif  de  dévotion  ni  de  religion,  il  faut 
donc  que  cela  se  fasse  par  un  niolifde  su- 
perstilion,  et  ce  n'est  pas  la  seule  que  l'on 
trouve  dans  ce  pays-là.  Voy.  Litamiî,  Bin- 
gliam,  t.  IX,  liv.  xxi;  c-2;  Noies  de  Ménanl 
sur  le  Sacramenluire  de  saint  Grégoire,  p.  153, 
'f  liomassin  ,   Traité  du  jeûne,  p.  IT'i-etWJ. 

ROGATISTES.  Voy.  Do.natistes. 

ROI,',  souverain.  Ce  titre,  dans  l'Ecriture 
sainte,  signilie  en  général  le  chef  d'une  na- 
tion, quel  que  soit  le  dejré  de  son  autorité  : 
il  est  donné  à  Moïse  (Dnit.  xxxiii,  5).  Lors- 
que les  Israélites  étaient  sans  chef,  sans  un 
premier  magistral,  il  est  dit  qu'il  n'y  avait 
point  de  roi  ilans  Israël  [Jud.  i,  •il).  Il  dé- 
signe (luelquefois  un  guide,  un  conducieur, 
soit  parmi  les  hommes,  suit  parmi  les  ani- 
maux; conséqucmment  on  nomme  ainsi  les 
grands  d'une  nation.  David  dit  (Ps.  cxviii, 
Itii  :  a  Je  parlais  d;;  votre  loi  en  présence 
des  rois.  »  Le  roi  d'un  feslin  est  celui  qui  y 
préside,  qui  y  tient  lu  première  place  (Er- 
cli.  sxsii,  1).  Le  roi  des  enfants  de  l'orgueil 
{Job,  XLi,  25)  est  celui  qui  Temporle  sur 
tous  les  autres  par  son  orgueil.  Le.  Gdéles 
sont  appelés  rois,  mais  dans  un  sens  spiri- 
tuel, de  môme  qu'ils  sont  nommés  prêtres; 
leur  royauté  consiste  à  régner  sur  eux-mê- 
mes et  sur  leurs  passions,  à  se  soumettre 
les  coeurs  de  leurs  semblables  par  l'asceu- 
daut  de  leurs  vertus,  à  prétendre  dans  l'au- 
tre vie  à  un  royaume  éternel. 

C'est  une  grande  question  entre  les  incré- 
dules et  les  théologiens  de  .savoir  de  (]ui  les 
rois  tiennent  leur  pouvoir,  quel  est  le  prin- 
cipe et  le  fondement  de  leur  autorité.  Les 
premiers  prétendent  que  les  rois  ne  sont 
que  les  mandataires  du  peuple,  qu'origi- 
nairement l'aulorilé  souveraine  appartient 
au  peuple,  que  c'est  lui  qui  la  confère  à  ses 
chefs,  (in'il  peut  l'étendre  ou  la  restreindre 
comme  il  lui  plaît,  et  que  si  le  dépositaire 
de  l'autorité  en  abuse,  le  peuple  a  droit  de 
la  reprendre  et  de  l'en  di-pouiller.  El  nous, 
au  contraire,  nous  soutenons  que  ce  senti- 
ment est  faux,  absurde,  séditieux,  punissa- 
ble :  et  nous  le  démontrons  dans  plusieurs 
articles  de  ce  diclionnaire.  Au  mot  SociiirÉ, 
nous  jirouvons  quelle  est  fondée,  non  sur 
un  prétendu  pacte  ou  contrat  social  que  les 
hommes  aient  fait  entre  eux  libreuient  cl 
par  leur  pro|)r,'  choix,  mais  sur  la  volonté 
dé  Dieu,  auleur  de  la  nature,  qui  a  cr;é 
l'homme  pour  la  société  et  non  pour  la  vie 
sauvage,  et  qui  le  lui  fait  sentir  par  le  be- 
soin dans  lequel  il  l'a  mis  du  seciturs  de 
ses  semblables,  par  l'inclination   qu  il  lui  A  . 


donnée  de  vivre  avec  eux,  par  les  avantages 
qu'il  éprouve  dans  l'étal  social.  Ce  n'est 
point  l'homme  qui  s'est  destiné  lui-même  à 
l'état  de  société,  c'est  Dieu. 

Or,  il  est  démontré,  par  le  fait  aussi  bien 
que  par  les  principes,  iiu'unc  société  quel- 
conque ne  peut  subsister  sans  lois  ni  sans 
autorité  pour  les  faire  observer.  Donc  Dieu, 
qui  ne  peut  pas  se  cuntreiiire,  en  destinant 
l'homme  à  l'état  social,  lui  a  iujposé  l'obli- 
gation d'être  soumis  aux  lois  et  à  l'aulorité 
par  lesquelles  est  gouvernée  la  société  dans 
laquelle  il  naîlra.  De  même  (]ue,  par  la  loi 
naturelle,  Dieu  ordonne  à  toute  société  de 
conserver  et  de  protéger  tous  les  indivi  lus 
nui  naissent  dans  son  sein  parce  qu'ils  sont 
hommes  et  créatures  de  Dieu,  ainsi  il  or- 
donne à  tout  membre  de  la  société  d'en  ob- 
server les  lois  et  delà  servir,  parce iiu'ilserail 
injuste  et  absurde  que  les  obligations  ne 
fussent  pas  réciproques.  Donc  le  prétendu 
contrat  social  est  inutile,  puisque  la  loi  na- 
turelle l'a  prévenu,  il  n'aurait  aucune  force, 
si  la  loi  naturelle  ue  commandait  pas  à 
l'homme  de  tenir  sa  parole,  d'être  équitable 
et  juste  ;  il  serait  absurde  et  nul,  si  Dieu 
avait  donné  à  l'homme  naissant  une  liberté 
entière  de  disposer  de  lui-même  ;  l'homma 
ue  pourrait  se  dépouiller  de  cette  liberté 
sans  contrarier  sa  propre  nature.  Donc  c'est 
Dieu,  fondateur  de  la  société,  qui  a  donné  la 
sanction  à  l'autorité  qui  est  nécessaire  pour 
la  gouverner  ;  c'est  lui  (jui  ordonne  à  tout 
menibre  de  la  société  d'obéir  au  dépositaire 
de  cette  autorité.  Par  là  il  est  déjà  prouvé 
(lue  toute  autorité  cient  de  Dieu,  comme 
l'enseigne  saini  Paul,  puisqu'elle  est  l'ondée 
sur  la  loi  naturelle,  de  laquelle  Dieu  est  l'au- 
teur ;  nous  le  faisons  voir  plus  au  long  sous 
le  mot  AuToiiiTÉ  ;  et  au  mot  Lois  civiles, 
nous  en  concluons  évidemment  ijui-  la  force 
ou  l'obligation  morale  imposée  par  celle-ci 
est  dérivée  de  la  religion.  Nous  en  concluons 
encore  que  le  droit  divin  des  rois  n'est  au- 
tre que  le  droit  naturel,  et  nous  développons 
cette  conséquence  au  mot  Despotisme. 

A  la  vériti-.  Dieu  a  consacré  l'autoi  ilé  des 
rois,  ii  l'a  rendue  inviolable  par  des  luis 
positives  coi^chées  dans  l'Ecriture  sainte  ; 
mais  il  est  faux  qu'il  leur  ait  attribué  une 
autorité  illimitée ,  despotique  ,  arbitraire, 
contraire  au  bien  général  de  la  sociéié  et  a 
la  liberté  légitime  des  sujets.  Nous  rappor- 
tons ces  lois  au  mol  Luierié  POLiTi^uii , 
nous  en  dé.iionlrons  la  sagesse,  et  nous 
faisons  voir  qu'elles  rendent  le  droit  des 
peuples  aussi  sacré  que  celui  des  rois.  Dieu 
cependant  n'a  <lonné  par  ses  lois  la  préfé- 
rence à  aucune  espèce  de  gouvernement  : 
qu'il  soit  républicain  ou  démocratique,  eutre 
les  mains  des  grands  d'une  nation  ou  aristo- 
cratique ,  conGé  à  un  seul  ou  monarchi- 
que, son  autorilé  est  la  même;  elle  vient  de 
la  même  source,  elle  est  sujette  aux  mêmes 
lois,  de  même  qu'elle  est  aussi  exposée  à 
peu  près  aux  mêmes  inconvéuiciits.  La  con- 
venance de  l'un  ou  de  l'autre  de  ces  gouver- 
nements est  relative  à  rétendue,  au  nombre, 
8U  caractère,  aux  mœurs  d'une  nation,  aux 


199 


KOI 


ROI 


200 


circonstances  dans  lesquelles  elle  se  trou- 
ve, eic,  elc.  I*ar  ces  réflexions  nous  réfutons 
d'une  manière  invincible  les  principes,  les 
objections,  les  déclaiiialions  des  incrédules  ; 
ils  les  ont  poussées  sur  ce  sujel  jusqu'à  la 
fureur  et  à  la  démence  :  si  un  peuple  vou- 
lait les  croire,  il  secouerait  lejoup;,  ilélabli- 
rail  chez  lui  l'anarchie,  état  le  plus  funeste 
de  tous,  et  qui  opérerait  sa  ruine  entière  en 
peu  de  temps.  Heureusement  l'excès  de  leur 
délire  n'a  excité  que  du  mépris. 

Ils  ont  voulu  persuader,  1°  que  la  relig;ion 
chrétienne  est  de  toutes  les  religions  la  plus 
favorable  au  despo'isme  des  souverains  ; 
nous  avons  fait  voir  au  contraire  que  le 
chrislianisme  a  opéré  la  plus  heureuse  ré- 
volution dans  tous  les  gouvernements  qui 
s'y  sont  soumis;  que  le  despotisme  n'est  éta- 
bli chez  aucune  nation  chrétienne,  qu'au 
contraire  il  règne  chez  toutes  les  nations  in- 
fidèles réunies  en  société.  Sans  sortir  de 
chez  nous,  il  est  prouvé  par  l'histoire  (]ue  nos 
premiers  rois,  nés  et  élevés  dans  les  préjugés 
du  paganisme ,  qui  n'avaient  encore  du 
christianisme  que  la  profession  extérieure, 
ont  é'é  des  tyrans  et  des  monstres  ;  leurs 
successeurs  ne  sont  devenus  doux,  sages, 
équitables,  pacifiques,  qu'à  mesure  qu'ils 
ont  appris  à  observer  les  préceptes  de  l'E- 
vangile; Hist.  de  l'Acnd.  des  Inscript .,  toni. 
XVII,  in-12,  pag.  189.  Ils  ont  dit,  ea  second 
lieu,  que  c'est  le  clergé  qui,  pour  son  inté- 
rêt particulier,  a  l'ait  entendre  aux  rois  qu'ils 
tiennent  leur  autorité  de  Dieu  et  non  du  peu- 
ple, et  qu'ils  ne  doivent  en  rendre  compte 
qu'à  Dieu.  Suivant  nos  adversaires,  il  y  a  eu 
de  tout  temps  une  collusion  sacrilège  entre 
les  rois  et  le  clergé  :  celui-ci  a  sacrifié  au 
despotisme  des  rois  les  droits  essentiels  des 
sujets,  afin  d'en  obtenir  le  privilège  de  do- 
miner plus  absolument  sur  les  esprits  et  les 
consciences  des  peuples. 

A  cette  tirade  fongueuse  nous  répondons, 
l°que  ce  n'est  pas  le  clergé  chrétien  qui  avait 
dicté  à  Hésiode  que  les  rois  sont  les  lieute- 
nants de  Jupiter,  et  que  c'est  lui  qui  les  a 
placés  sur  le  trône.  Ce  n'est  pas  le  clergé  qui 
a  instruit  les  empereurs  de  la  Chine  et  ceux 
du  Japon,  les  rois  païi'ns,  ou  mahométans 
des  Indes  et  de  l'intérieur  de  l'Afrique,  les 
sultans  de  la  Turquie  et  de  la  Perse,  pour 
leur  persu.ider  qu'ils  ont  droit  de  gouver- 
ner despoliquement  leurs  Etals,  de  disposer 
à  leur  gré  de  la  fortune  et  de  la  vie  de  leurs 
sujets.  2°  Que  l'on  i)ourrait  intenter  la  même 
accusation,  avec  plus  de  probabilité,  con- 
tre le  corps  de  la  noblesse,  ((ui  a  autant 
d'intérêt  que  le  clergé  à  profiter  des  lar- 
gesses du  souverain,  à  en  obtenir  des  charges 
et  des  dignités;  contre  le  corps  des  militai- 
res, toujours  chargés  d'exécuter  les  volon- 
tés les  plus  absolues  des  ro(«;  contre  le  corps 
des  magistrats,  qui  ne  s'attribuent  que  le 
droit  de  représentation  contre  les  ortlres 
émanés  du  trône,  et  non  le  droit  de  résis- 
tance. 3°  Que  cette  calomnie  sera  toujours 
absurde,  quel  que  soit  le  corps  contre  le(|uel 
on  la  dirige.  11  est  impossible  qu'un  corps 
très  •  nombreux  ,  dont    les  membres   épars 


ont  nécessairement  des  intérêts  et  des  pré- 
tentions souvent  opposés,  conspire  à  écraser 
les  peuples  sous  le  joug  de  l'autorité  suprê- 
me, sans  prévoir  que  le  contre-coup  peut 
retomber  sur  chaque  particulier,  sur  sa  fa- 
mille, sur  ses  proches,  sur  les  générations 
futures.  i°  Ce  n'est  pas  lorsque  le  gouverne- 
ment a  été  entre  les  mains  de  quel(|ue  mem- 
bre du  clergé  qu'il  a  été  le  plus  mauvais,  et 
que  les  peuples  ont  eu  le  plus  lieu  de  s'en 
plaindre  ;  nous  pouvons  nous  en  rapporter 
sur  ce  fait  à  notre  propre  histoire.  Enfin,  le 
clergé  n'a  jamais  tenu  aux  rois  un  autre 
langage  que  celui  qu'il  a  enseigné  au  peuple 
dans  ses  écrits  et  dans  les  chaires  chrétien- 
nes ;  c'est  celui  de  Jésus-Christ  et  des  apô- 
tres, que  l'on  ne  peut  pas  accuser  d'avoir 
flatté  les  souverains  par  intérêt. 

En  troisième  lieu,  les  incrédules,  autant 
ennemis  de  l'autorité  des  souverains  que 
de  l'empire  de  la  religion,  n'ont  cessé  de 
répéter  que  celle-ci  est  une  barrière  trop 
faible  pour  réprimer  les  passions  et  la  ty- 
rannie des  rois  ;  que  la  crainte  est  le  seul 
frein  capable  de  leur  en  imposer;  que  des 
princes  athées  ne  feraient  pas  plus  de  mal 
que  ceux  qui  se  disent  chrétiens;  que  les 
plus  religieux  et  les  plus  dévots  ont  été  or- 
dinairement les  plus  mauvais. 

Nouveau  trait  de  fanatisme  antichrétien. 
1°  Les  roî's  infidèles,  débarrassés  du  joug  de 
la  morale  évangélique,  sonl-ils  plus  sensi- 
bles aux  motifs  de  crainte  que  les  souverains 
soumis  au  christianisme?  Sous  l'empire  ro- 
main il  y  eut  dans  moins  d'un  siècle  plus  de 
trente  empereurs  massacrés,  cela  ne  servit  à 
réprimer  le  despotisme  d'aucun  :  c'est  Cons- 
tantin, premier  empereur  chrétien,  qui  mit 
le  premier  des  bornes  à  l'autorité  impériale. 
La  Chine  a  éprouvé  vingl-deux  révoluiions 
générales,  sans  compter  les  particulières  , 
cela  n'y  a  pas  lait  cesser  le  despotisme.  Il 
serait  difficile  de  compter  cumtiien  il  y  a  eu 
de  sultans  étranglés  ou  détrônés  :  si  cela 
fait  trembler  leurs  successeurs,  cela  ne  les 
corrige  pas.  Où  est  donc  l'efficacité  de 
la  crainte  pour  contenir  les  souverains? 
Chez  les  nations  chrétiennes,  les  rois  n'ont 
pas  le  même  sort  à  craindre,  et  cependant 
leur  gouvernement  est  plus  modéré,  plus 
sage,  plus  équitable  que  ceux  dont  nous  ve- 
nons de  parler;  donc  la  religion  est  plus 
puissante  que  la  crainte  pour  prévenir  1  a- 
bus  de  l'autorité  souveraine. —  2°  Nous  sa- 
vons de  quels  excès  sont  capables  les  prin- 
ces athées,  tels  que  Tibère,  Néron,  Cali- 
gula,  les  deux  .Maximins,  et  autres  sembla- 
bles monstres  qui  faisaient  profession  de  ne 
craindre  et  de  ne  respecter  aucune  divinité; 
jamais  on  ne  pourra  citer  parmi  les  souve- 
rains qui  ont  professé  le  christianisme 
d'aussi  cruels  tyrans.  —  3°  Les  incrédules 
auronl-ils  l'audace  d'appeler  mauvais  rois 
ceux  que  le  vœu  des  peuples  et  le  jugement 
de  l'Eglise  ont  placés  au  rang  des  saints  ? 
S'il  y  a  quelqu'un  que  l'on  doive  consulter 
pour  savoir  s'ils  ont  bien  ou  mal  gouverné, 
ce  sont  sans  doute  les  sujets  qui  ont  vécu 
sous  leurs  lois  :  or,  c'est  au  témoignage  de 


lOl 


ROI 


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202 


ceux-ci  que  nous  en  appelons  contre  le  scn- 
linii'iil  dépravé  des  incrédules.  Ils  ni<  rrpro- 
«lieiil  aux  rois  pieux  el  véritableinenl  cliré- 
lieiis  que  l'esprit  persécuteur,  c'est-à-dire 
la  juste  sévérité  avec  laquelle  ik  ont  fait 
punir  les  blasphémateurs,  les  impies,  les 
hérétiques  turbulents  el  séditieux  :  or,;nous 
soutenons  que  cette  conduite,  loin  de  méri- 
ter aucune  censure,  est  juste,  sage  et  loua- 
ble. Nos  adversaires.au  lieu  dedéclamer  avec 
fureur  contre  les  nonvernements  guidés  par 
le  christianisme,  devraient  se  féliciter  d'être 
nés  sous  des  souverains  aussi  modérés,  aussi 
ipatienis,  aussi  indulgents  que  les  nôtres  : 
s'ils  avaient  vécu  sous  des  rois  pa'iens  ou 
.athées,  leurs  déclamations  fougueuses  ne 
seraient  pas  demeurées  impunies,  ou  plutôt 
ils  n'auraient  pas  osé  élever  la  voix  ;  la 
crainte  leur  eût  imposé  silence. 

On  leur  a  reproché  plus  d'une  fois  leurs 
contradictions  louchant  les  droits  et  l'aulo- 
rilé  des  rois.  D'un  côté  ils  accusent  le  clergé 
d'attribuer  aux  rois  un  pouvoir  despotique 
€l  illimité  ;  de  l'autre,  ils  lui  reprochent  d'c- 
(re  toujours  prôt  à  résister  à  l'autorilé  des 
princes ,  sous  prétexte  qu'il  vaut  mieux 
obéir  à  Dieu  qu'aux  hommes;  d'avoir  sou- 
vent usurpé  une  partie  de  cette  autorité. 
Pour  prouver  qu'il  faut  tolérer  dans  la  so- 
ciété civile  toutes  sortes  de  mécréants,  ils 
posent  pour  principe  que  le  souverain  n'a 
rien  à  voir  à  la  croyance,  à  la  religion,  à  la 
conscience  de  ses  sujets  ;  qu'ils  ne  sont  tenus 
d'en  rendre  compte  qu'à  Dieu.  S'agit-il  do 
fixer  les  droits  el  les  fonctions  ilu  clergé,  ils 
décident  qu'un  roi  est  maître  absolu  il'admcl- 
Ire  dans  ses  Etals  ou  d'en  exclure  telle  reli- 
gion qu'il  lui  plaîl,  de  jugerde  ladoctrine  qui 
doit  ou  ne  doit  pas  y  être  enseignée,  de  per- 
mettre ou  de  défendre  telle  fonction  ou  telle 
pratique  du  culte  qu'il  juge  à  propos.  Ainsi, 
suivant  leur  doctrine,  le  souverain  a  une  au- 
torité absolue  et  illimitée  à  l'égard  de  la  vraie 
religion  -,  mais  il  a  les  mains  liées,  et  son  pou- 
voir est  nul  à  l'égard  des  fausses.  Nous  leur 
avons  encore  représenté  qu'en  déclamant  à 
lout  propos  conire  le  despcjtisnie,  ils  tra- 
vaillent à  le  faire  éclore.  Un  roi,  justement 
irrité  de  leurs  libelles  séditieux,  a  lieu  d'eu 
craindre  les  elTets  ;  il  doit  être  tenté  de  ren- 
forcer son  autorité,  d'appesantir  le  joug  pour 
se  faire  redouter,  de  redoubler  la  sfveritéde 
ses  lois  afin  de  prévenir  les  révoltes.  L'inso- 
lence des  écrits  publiés  en  dilTérénts  temps 
par  les  calvinistes  de  France,  lit  sentir  à 
Louis  XIV  la  nécessité  de  leur  imiiuser  [lar 
la  crainte,  el  de  révoquer  la  liberté  qu'ils 
avaient  obtenue  de  professer  publiquement 
leur  religion  :  or,  ces  écrits  renfermaient 
précisément  les  mêmes  principes  ella  même 
doctrine  que  les  incrédules  veulenl  établir 
aujourd'hui  louchant  l'autorité  des  rois. 
Bossuet  les  a  réfutés  dans  son  cinquième 
Avertissement  aux  prolestants,  n.  31,  36, 
49,  etc. 

;  Barbej  rac,  Traité  de  la  morale  des  Pàcs, 
c.  XVI,  I  27,  accuse  saint  Augustin  u'avoir 
enseigné  que  tout  droit  humain  vient  des 
rois,  Tract.  6  in  Joan.,  n.  lo.  C'est  une  ca 

DlCT.  DE  TUÉOL,  UOaUATIQtE.  IV. 


luinnie.  Saint  Augustin  parlait^  non  du  droit 
que  clhKiuc  parlirulier  a  sur  ses  biens,  mais 
du  droit  de  propriété  que  les  évêques  dona- 
lisles  réclamaient  sur  des  biens  donnés  à, 
l'Kglise.  Il  si/ulienl  avec  raison  que  ces  évê- 
ques ne  pouvaient  les  posséder  qu'en  vertu 
des  lois  des  empereurs  ;  or,  ces  lois  ordon- 
naient (jne  les  heréliijues  et  les  sfhismati- 
ques  en  fussent  dépouillés  ;  elles  leur  défen- 
daient de  rien  posséder  au  nom  de  l'Efjlise, 
parce  qu'ils  s'étaient  séparés  de  l'Eglise. 
Quelle  conséquence  peut-on  tirer  de  là  con- 
tre le  droit  de  propriété  de  chaque  particu- 
lier sur  son  patrimoine?  il  eU  fâcheux  que 
nous  soyons  si  souvent  obligés  de  repro- 
cher aux  écrivains  protestants  des  impostu- 
res, des  falsifications  et  des  calomnies  con- 
tre les  Pères  de  l'Eglise. 

Comme  il  n'en  coûte  rien  aux  incrédules 
pour  changer  de  personnage  et  se  contre- 
dire, après  avoir  voulu  anéantir  l'autorilé 
des  rois,  malgré  les  réclamations  du  clergé, 
ils  ont  affecté  de  se  déclarer  les  vengeurs  de 
cette  autorité  contre  les  entreprises  des  pa- 
pes. C'est  une  grande  (juestion  entre  les 
théologiens  d'Italie,  que  nous  nommons  les 
ullramontains,  el  ceux  de  France,  de  savoir 
si  le  souverain  pontife  et  même  le  corps  de 
l'Eglise,  ont  un  pouvoir  soit  direct,  soiV 
indirect,  sur  le  temporel  des  rois.  Les  pre- 
iiiiers  prétendent  que  la  puissance  ecclésias- 
tique a  pour  objet,  non-seulement  le  bien 
spirituel  des  nations,  maisencorc  leur  intérêt 
temporel;  conséquemnient  ils  attribuent  au 
pape,  qu'ils  regardent  comme  le  seul  prin- 
cipe el  l'unique  source  de  la  juridiction  spi- 
rituelle, le  pouvoir  de  disposer  de  tous  les 
biens  de  ce  monde,  des  royaumes  même  et 
des  couronnes.  Mais  ils  sont  partagés  sur  la 
nalure  el  l'étendue  de  cette  autorité  :  les  uns 
prétendent  qu'elle  est  directe,  les  autres,  en 
plus  grand  nombre,  se  contentent  d'ensei- 
gner (lu'elle  est  indirecte. 

Dire  que  l'Eglise  et  le  pape  ont  un  pouvoir 
direct  sur  !e  temporel  des  rois,  c'est  soutenir 
qu'en  vertu  de  la  puissance  dont  Jésus- 
Christ  les  a  revêtus  ,  ils  peuvent  légitime- 
ment dépouiller  les  rois  de  leur  dignité  et 
de  toute  autorité  sur  leurs  sujets  lorsqu'ils 
en  abusent  et  qu'ils  manquent  à  leur  devoir; 
1(  s  partisans  de  cette  o|iiniuii  jugent  que 
celte  sévérité  est  nécessaire  pour  la  tran- 
quillité des  royaumes.  Mais  Bellarmin  lui- 
même,  quoique  très-zélé  pour  les  droits  des 
souverains  pontifes,  rejette  cette  doctrine  et 
la  combat  avec  force.  Tract,  de  liom.  Ponlif., 
1.  V,  c.  1.  Il  se  borne  à  prétendre  que  l'E- 
glise el  le  pape  n'ont  dans  cette  matière 
qu'un  pouvoir  indirect,  c'est-à-dire  que, 
quand  le  bien  de  rE;;lisc  et  le  salut  dcsânies 
paraissent  l'exiger,  ils  peuvent  par  l'excom- 
munication liéclarer  un  rui  déchu  de  sa  di- 
gnité, et  délier  ses  sujets  du  serment  de  fi- 
délité, ibid.  c.  G,  et  c'est  le  sentiment  com- 
mun des  théologiens  qui  ont  quelque  inté- 
rêt d'exagérer  les  droits  du  sainl-siége. 

Avant  d'examiner  les  raisons  sur  lesijuel- 
les  ils  fondent  celle  opinion,   il  est  à  propos 
de  remarquer  qu'on  en  attribue  ordinairc- 
7 


SOS 


ROI 


ROI 


204 


ment  l'origine  à  Grégoire  VII,  qui  vivait 
sur  la  fin  du  xi"  siècle  ;  mais  l'abbé  Fleury 
obsorTcque  licjà,  depuis  environ  doux  cents 
ans,  ses  prédécesseurs  avaient  suivi  les 
mêmes  principes;  Grégoire  ne  fit  que  les 
pousser  plus  loin.  «  Ce  pape,  dit  cet  histo- 
rien, né  avec  un  grand  courago,  et  élevé 
dans  la  discipline  monastique  la  plus  régu- 
lière, avait  un  zèle  ardent  de  purger  l'Eglise 
des  scandales  dont  il  la  voyait  infectée  : 
mais  dans  un  sièrle  si  peu  éclairé  il  n'avait 
pas  toutes  les  lumières  nécessaires  pour 
fégicr  son  zèle;  et  prenant  quelquefois  de 
fauses  lueurs  pour  des  vérités  solides,  il  en 
lirait  sans  hésiter  les  plus  dangereuses  con- 
séquences. Le  plus  grand  mal,  c'est  qu'il 
Voulait  soutenir  les  peines  spirituelles  par 
les  temporelles,  qui  n'étaient  pas  de  sa  com- 
pétence... Les  papes  avaient  commencé , 
plus  de  deux  cents  ans  auparavant,  à  vou- 
loir régler  par  autorité  les  droits  des  cou- 
ronnes ;  Grégoire  \U  suivit  ces  nouvelles 
liiaxinies,  et  les  poussa  encore  plus  loin, 
prétendant  que,  comme  pape,  il  était  en 
droit  de  déposer  les  souverains  rebelles  à 
l'Eglise.  Il  fonda  cette  prétention  principale- 
ment sur  re^communicalion.  L'on  doit,  di- 
sait-il, éviter  les  excommuniés,  n'avoir  au- 
can  commerce  avec  eux,  ne  pas  même  les 
«aluer,  suivant  l'apôtre  saint  Jean;  donc 
un  prince  excommunié  doit  être  abandonné 
de  tout  le  monde;  il  n'est  plus  permis  de  lui 
obéir  ;  il  est  exclu  de  toute  société  avec  les 
chrétiens.  11  est  vrai  que  Grégoire  VII  n'a 
jamais  lait  aucune  décision  sur  ce  point, 
Dieu  lie  l'a  pas  permis.  Il  n'a  prononcé  for- 
meHemint  dans  aucun  concile  ni  dans  au- 
cune déerJtule  que  le  pape  adroit  de  dépo- 
ser les  rois  ;  mais  il  l'a  supposé  comme  une 
vérité  constante,  et  il  a  suivi  plusieurs  au- 
tres maximes  aussi  mal  fondées  qu'il  croyait 
"certaines;  par  exemple,  que  l'Eglise  ayant 
■droit  de  juger  des  choses  spirituelles,  elle  a 
droit,  à  plus  forte  raison,  de  juger  des  choses 
lemporellcs;  que  la  royauté  est  l'ouvrage  du 
démon  fondé  sur  l'orgueil  humain,  au  lieu 
que  le  sacerdoce  est  l'ouvrage  de  Dieu  ;  que 
le  moindre  chrétien  vertueux  est  plus  vé- 
ritablement roi  qu'un  roi  criminel  ,  parce 
que  ce  prince  n'est  plas  un  roi,  mais  un  ty- 
ran :  mnxime  que  Nicolas  l"  av.iit  avancée 
avant  Grégoire  Vil,  et  qui  semble  avoir  été 
tirée  du  livre  apocryphe  des  Constitutions 
apottoliqu  s,  où  elle  se  trouve  expressé- 
ment... G'esl  sur  c'^es  fondements  que  Gré- 
goire Vil  prétendait  que,  suivant  le  bon  or- 
dre, c'était  à  l'Eglise  de  dislrihuer  les  cou- 
ronnes et  de  juger  les  souverains  ;  qu'ainsi 
tous  les  princes  chrétiens  doivent  prêter  au 
chef  de  l'Rglise  serment  de  fidélité,  et  lui 
payer  tribut  ;  »  3'  Disc,  sur  l'IIist.  Ecclés., 
a.  i~  cl  18,  à  la  tête  du  livre  G  de  celte  his- 
toire. 

Bellarmin  n'a  pas  adopté  toutes  ces  maxi- 
mes de  Grégoire  VII;  mais,  par  les  raisons 
quclui  onlopposixis  les  thé  'iogicns  les  mieux 
insiraiis,  on  verra  que  les  principes  sur  les- 
quels il  a  raisonné  ne  sont  pas  fondés.  — 
1°  De  ce  que  l'Ëglise  exerce  une  juridiction 


spirituelle  sur  les  rois,  en  tant  que  chrétiens 
et  fidèles,  il  ne  s'ensuit  pas  qu'el  e  a  aussi 
de  l'autorité  siireux  en  lanl  (ju'ils  sont  sou- 
verains; ce  m'est  point  en  cette  <iualilé  qu'ils 
lui  sont  inférieurs  et  soumis;  ils  tiennent  de 
Dieu  leuf  puissance,  aussi  bien  que  l'Eglise, 
suivant  la  doctrine  de  saint  Pau!  {Rom.  xiii, 
1).  De  même  qu  ils  doivent  obéir  aux  lois  de 
l'Eglisequi  concernent  générale nenl  tous  les 
fidèles,  les  ministres  de  l'Ef;lise,  quels  que 
soient  leur  rangelleur  dignité,  doivent  obéir 
aux  lois  civiles  des  sonvetains;  saint  Paul  ne 
les  exce|)te  point  :  Oni'is  anima  potestalibiis 
sublimioribus  subdita  sit. — 2°  L'obji'l  et  la  fin 
de  chacune  de  ces  deux  puissances  sont  diffé- 
rents :  la  première  a  pour  olijel  le  bien  spi- 
rituel des  Ames  et  leur  salul  éternel  ;  la  se- 
conde le  bien  temporel,  la  prospérité  et  le 
bien-être  des  nations  et  des  particuliers  ;  de 
même  que  ces  deux  objets  sont  indèpi^ndants 
l'un  de  l'autre,  chacune  des  deux  puissances 
chargée  d'y  pourvoir  est  aussi  indépendante 
dans  son  département.  De  même  que  le  sou- 
verain ne  doit  point  géiier  l'Eglise  dans 
l'exercice  de  ses  pouvoirs  spirituels,  l'Eglise 
ne  doit  point  troubler  les  souverains  dans 
l'usage  do  leur  autorité  temporelle.  Si  elle 
avait  droit  de  les  en  priver,  elle  aurait,  à 
plus  forte  raison,  celui  de  dépouiller  les  par- 
ticuliers de  leurs  propriétés;  c'est  ce  que 
personne  n'a  jamais  osé  soutenir.  —  3°  Les 
pasli  urs  de  l'iiglise  ont  droit  d'employer  les 
conseils,  les  exliurlalions,  les  prières,  même 
les  peines  spirituelles,  s'il  est  nécessaire, 
pour  engager  les  princes  à  proléger,  à  sou- 
tenir, à  faire  respecter  et  pratiquer  la  re- 
ligion; mais  leur  pouvoir  ne  va  pas  plus 
loin  ;  jamais  ils  n'ont  employé  d'autres  ar- 
mes à  l'égaid  dos  empereurs  soit  païens,  soit 
hérétiques  ,  loisque  ceux-ci  oiil  |)ersécaté 
l'Eglise.  —  4°  Tout  le  monde  convient  qu'il 
n'est  pas  permis  de  servir  un  prince  impie 
ou  hérétique,  ni  de  lui  obéir  dans  des  choses 
contraires  au  droit  naturel,  aux  lois  divines 
ou  ecclésiastiques,  et  c'est  dans  ce  sens  que 
Tes  apôtres  ont  dit  qu'il  faut  obéir  à  Dieu 
plutôt  qu'aux  hoiumes.  Mais  aucune  de  ces 
lois  ne  commande  de  leur  résister  dans  les 
choses  temporelles,  qui  n'out  rapport  qu'à 
Tordre  civil.  Les  premiers  chrétiens  ont 
souffert  le  martyre  plutôt  que  d'obéir  à  des 
souverains  qui  voulaient  les  contraindre 
à  l'apostasie,  à  blasphémer  contre  Dieu,  à 
honorer  de  fausses  divinités  ;  mais  ils  ont 
été  en  môme  temps  les  sujets  les  plus  soumis 
aux  lois  civiles  de  ces  mêmes  primées,  ja- 
mais ils  n'ont  trempé  dans  aucune  des  con- 
spirations lormées  pour  leur  ôier  l'empire 
ou  la  vie.  —  5"  L'excommunication  peut 
priver  un  prince,  comme  un  simple  fiuèle, 
•des  biens  spirituels  attachés  à  la  profession 
du  christianisme  et  à  la  communion  des 
saints  ;  mais  elle  ne  peut  les  dépouiller  des 
droits  de  l'autorité,  de  la  puissante  tempo- 
relle qui  leur  apparliont  en  qualité  di'  sou- 
verains, parce  que  ces  droits  ne  leur  sont 
point  donnés  par  ia  religion  ni  par  l'Eglise, 
mais  par  la  loi  uaturelle  et  par  la  constitu- 
tion des  Etals  qu'ils  ont  à  gouverner.   Ils 


205 


ROI 


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206 


pourraient  être  souvcrnins  légitimes  sans 
être  chrtljpns,  et  les  princes  infidèles  qui 
ont  embrassé  le  cliristianisme  n'onl  acquis 
ni  perdu  aucun  de  Irurs  droiis  lemporcls. 
L'Kfjlise  n'a  jamais  prétendu  iiu'il  élail  f)er- 
mis  à  ses  enfanis  d'aller  délrôner.les  souve- 
rains infidè'es.  —  G'  Jcsus-Clirisl  n'a  liomié 
à  saint  Pierre  et  à  ses  successeurs,  eu  qua- 
lilé  de  chefs  de  l'Éuliso,  que  les  pouvoirs  ué- 
ce<saires  pour  paîlre  le  troupeau  4|u'il  a 
daigné  confier  à  leurs  soins,  pour  lui  ensei- 
gner la  vérité,  le  préserver  de  l'erreur  et 
des  vices.  Quanil  il  serait  vrai  qu'un  droit 
sur  le  temporel  des  rois  pourrait,  en  certai- 
nes circonstances, leur  faciliter  l'esorcice  de 
leur  pouvoir  spirituel  cl  le  rendre  plus  effi- 
cace, il  ne  s'ensuivrait  pas  que  ce  droit  leur 
appartient,  .lamais  l'Eglise  de  .Icsus-Clirist 
n'a  été  mieux  gouvernée  que  quand  le  pou- 
voir temporel  de  ses  pontifes  était  le  plus 
borné. 

Pour  étayer  son  opinion,  Bellarmin  a  ras- 
semblé des  f  lits  ,  tels  que  la  conduite  de 
saint  Ambroise  à  l'égard  de  Théodose,  le 
privilège  accordé  par  saint  Grégoire  le  tîrand 
an  monastère  de  Sainl-Alédard  di;  Soissons  ; 
l'exemple  de  Grégoire  II,  qui  excommunia 
l'empereur  Léon  l'icunoclastc,  et  défendit 
aux  peuples  d'Italie  de  lui  payer  les  tributs 
accoutumés,  la  déposition  de  Childéric,  de 
Wamba ,  roi  des  Gotlis,  des  empereurs 
Louis  le  Débonnaire,  Henri  IV,  Frédéric  II, 
Louis  de  B<ivière.  Ibid.,  I.  v,  c.  8.  Plusieurs 
de  ces  faits  ne  prouvent  point  la  préicntiou 
de  liellarniin  ;  les  autres  sont  é\  id^'ininent 
des  entreprises  illégitimes  des  j)apes  sur  la 
puissance  temporelle,  et  les  ellels  n'en  out 
pas  été  assez  heureux,  pour  que  l'on  [)uisse 
les  regarder  comme  des  modèles  à  suivre. 
Hossuet  a  solidemiMU  répondu  à  tous  ces 
l'ails  dans  sa  Dufense  de  lu  dcctaration  du 
ckrgé  de  France,  laile  en  1()82,  ouviage  qui 
a  été  imprimé  en  1728.  l'ny-  Déclaration  du 

CLERGÉ  DK  FlUNCE  DE   1GS2. 

Aussi  riiglise  gallicane  qui,  dans  tous  les 
siècles,  ne  s'est  p^is  moins  distinguée  par  sa 
vénération  et  son  attachement  pour  le  saint- 
siége,  que  par  sa  fiJtlilé  envers  ses  souve- 
rains, s'est  conslaoïment  opposée  à  la  doc- 
trine de  Heilarmin  et  des  ullramontains. 
Autant  les  théologiens  français  ont  été  zélés 
à  soutei  ir  I' spnviléges  réels  drs  souverains 
pontifes,  leur  prio.auté,  leur  autorité,  leur 
juridiction  spiriluelli-  sur  toute  l'Eglise,  au- 
tant ils  ont  été  ailenllfs  à  cooiba'treles  droits 
imaginaires  que  l'on  a  voulu  leur  atlriuuer, 
el  les  argumentsiloiit  ils  se  sont  servis  nous 
paraissent  sans  réplique  ^1). 

(I)  Tous  les  théologiens  fr.inçai-i  sont  loin  d'èlre  de 
l'opinion  de  Bert;!'  r  ;  nniis  l'avons  niuiilié  nu  mut 
Dicl(irati«ii  du  tlerçjé  français.  Nous  nous  CoineiUonS 
de  rapporter  ici  le^exprvssionsdncardiiialdM  Perron, 
I  Toiiii'S  les  antres  pariies  de  l'ivgiise  e allioli'pi«,  dit 
le  cardinal  du  l'erroii,  voire  mesinc  toute  l'oi^lise 
gallicane,  depuis  que  les  éclioles  de  tliéolugiK  y  ont 
esté  insliliiées  jusqnes  ii  la  venue  dc(jaiviii,lie  lient 
rariiruialive,  à  bçavuir,  quo  quand  un  piiiice  vioiil  à 
violer  le  senucui  qu'il  a  fait  à  Dieu  ei  à  ses  s(ii<jcls, 
de  vivre  el  niourir  en  la  religion  caitioliquo,  et  iion- 


Enprcmier  lieu,  Jésus-Christ  ne  peut  aroir 
donné  à  ses  apôtres  et  à  leurs  successeurs 
un  pouvoir  qu'il  ne  s'est  jamais  attribué,  et 
qu'il  n'a  pas  voulu  exercer  lui-même;  il 
leur  a  dit  :  Comme  mon  l'ère  m'a  cnroi/é ^  je 
vods  envoie  {Jomi.  xx,  21j;  leur  mission  a 
donc  eu  le  même  objet  que  la  sienne.  Or,  il 
a  témoigné  qu'il  n'avait  aucun  pouvoirlem- 
pcrol  sur  les  princes  ni  sur  les  particuliers, 
interrogé  par  Pilate  s'il  est  véritablement 
rui  des  Juifs,  il  répond  :  Mon  royaume  n'est 
pas  de  ce  monde  ;  s'il  en  était,  mes  sujets 
comliattruient  sans  doute  pour  que  je  ne  fusse 
pas  licrd  aux  Juifs  ;  mais  mon  royaume  n'est 
point  d'ici  iJoiin.  xx,  30).  Vous  êtes  donc 
roi,  reprend  Pilate;  oui,  continue  Jésus- 
Christ,  vous  le  dites,  et  cela  est  vrai;  c'est 
pour  cela  que  je  suis  né,  et  que  je  suis  venu 
dans  le  monde,  afin  de  rendre  lémoignaije  à  la 
vérité.  Quiconque  lient  à  la  vérité  écoute  ma 
voix.  11  ne  pouvait  expliquer  plus  claire- 
ment en  quoi  consistait  sa  royauté.  Pendant 
sa  vie  mortelle,  pour  prouver  que  l'on  doit 
payerle  tribut,  il  en  donne  lui-méoie  l'exem- 
ple; il  dit  aux  Juifs  qu'il  faut  rendre  à  Cé- 
sar ce  qui  est  à  César,  et  à  Dieu  ce  qui  est 
à  Dieu.   Un    homme  le  prie  d'être    arbitre 

seulement  se  rend  arien  on  mahoméLin,  mais  passe 
jnsipies  à  déclarer  la  £;iierre  à  Jésns-Chrisi,  c'esi-à- 
dire,  jiisnirà  forcer  ses  subjeis  en  leurs  consciences, 
el  les  contraindre  irenilirasscr  l'ai-  anisine  ou  le  rna- 
lioiiictisiiie,  ou  auirc  semblable  iiiiidéliié,  ce  prince- 
lll  piMit  cstre  déclaré  déclieu  de  ses  droicls,  nomme 
coupable  de  féloiiiiie  envers  celuy  à  qui  il  »  fajct  le 
serment  de  son  royaume,  c'esià-diie  envers  Jésus- 
Clirisi,  et  ses  sulijets  e>tre  absous  en  cmiscieiice  el 
an  irilninal  siiirilnel  el  ecelési;islli|ue,  du  sermeiil  de 
fidéliié  ipi'ils  lui  onl  presié.  Ll  que  ce  cas  làarrivant, 
c'est  à  l'aulboriiéde  l'Eglise,  résidente  on  en  son  chef 
qui  est  le  pape,  ou  en  son  corps  qui  est  le  concile,  de 
faire  ccsie  déclaralioii.  Et  iion-seuleiuent  loul''S  les 
aulres  pariies  de  l't^glise  eathuique,  mais  inesnie 
tous  les  docleuis  qui  oui  este  en  !•  rance  depuis  que 
les  écliolcs  (le  tliéol.igie  y  ont  esié  insliluées,  ont  ttnu 
l'aflirmative,  à  sçavuir  qu'en  cas  de  princes  liéréiiques 
ou  iiiliilelles,  et  pcrséciiiant  le  clirisliaiiisme  ou  la 
religion  cailioliipie,  les  subjeispoiivoienleslre absous 
du  sernieni  de  lidélaé.  Au  moyen  de  quoy,  quand  la 
docirine  eonlraiie  seroil  la  pins  vraye  du  monde,  ce 
que  loiili  s  les  autres  parties  de  l'Eglise  vous  Uispu- 
leiil,  vinis  ne  la  pourriez  tenir  lu  plus  que  pour  pru- 
blêmalique  eu  matière  de  foy.  J'a|)pelle  doctrine 
prcii)lémalique  en  matière  de  loy,  Inule  iloitiinc  qui 
n'est  point  nccessiiire  de  néees^ilé  de  foy,  el  de 
laquelle  la  coiiiradicloire  n'oblige  poiol  ceux  ijui  la 
croyeni  à  anailièuje  et  à  perle  de  euinmuiilon.  Au- 
trement il  laudroii  que  v  mis  reeo^jmissiez  que  la 
cominiinion  que  vous  exercez  avec  les  auires  parties  de 
l'Eglise  online''  de  ladoetrineop;>osile,  voire  que  ce. le 
que  von»  conservez  avec  la  méuioiie  de  vos  propres 
prédécesseurs,  fiisl  illicite  el  pollué  d'Iiérésie  et  d'a- 
naiiième.  El  de  faiel,  ceux  qui  ont  entrepris  de  dé- 
feinlre  la  doctrine  iln  serniciil  d'Angle  erre,  qui  esl 
le  patron  de  la  vosire,  ne  la  defendi  ni  que  e  niine 
probléni:ilii|ne.  Nenre  inlention,  drsentils,  n'est  pas 
d'usseurer  que  l'aune  docirine  Suil  répugnanle  à  ta  foy, 
ou  au  talul,  puis  quelle  a  cslé  piopufinée  par  tant  et 
de  si  finiiids  lliéohgiens,  lesquels,  ju  à  Deu  ne  plaise, 
que  nous  firélenilions  conlainiier  dun  si  grand  crime.» 
Harangue  du  cardinal  du  l'Ciron,  sur  l'article  du 
Scrnieni,  prouoiicce  devant  le  lièrs  »\ix  Eiats-géné- 
raux  de  1614. 


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entre  son  frère  et  lui  toachant  le  partage 
d'une  succession;  il  répond  :  0  homme,  qui 
m'a  établi  pour  vous  juger  et  pour  faire  vos 
partages  {Luc,  xii,  ik).  Toute  la  puissance 
qu'il  a  donnée  à  ses  apôtres  est  d'annoncer 
l'Evangile,  d'opérer  des  miracles,  de  bapti- 
ser, de  remettre  les  péchés,  d'administrer 
les  sacrements,  de  punir  par  l'excommuni- 
cation les  pécheurs  scandaleux  et  rebelles  ; 
il  n'en  ont  point  exercé  d'autre.  Il  leur  dé- 
clare que  leur  ministère  n'a  rien  de  com- 
mun avec  l'autorité  que  les  princes  de  la 
terre  exercent  sur  leurs  sujets  :  Les  rois 
des  nations,  dit-il,  dominent  sur  elles  ;  il  n'en 
sera  pas  dt  même  entre  vous  [Luc.  xxii,  25). 

En  second  lieu,  l'Eglise  ne  peut  détruire 
ni  changer  ce  qui  est  de  droit  divin  ;  or, 
c'est  Dieu  lui-même  qui  a  donné  aux  souve- 
rains l'autorité  sur  les  peuples,  et  qui  com- 
m.'inde  à  ceux-ci  l'obéissance.  Nous  avons 
déjà  cité  les  paroles  de  saint  Paul  :  «  Que 
toute  personne  soit  soumise  aux  puissances 
souveraines;  car  il  n'y  a  point  de  puissance 
qui  ne  vienne  de  Dieu,  et  celles  qui  exis- 
tent sont  ordonnées  de  Dieu  ;  ainsi  quiconque 
résiste  à  la  puissance,  résiste  à  l'ordre  de 
Dieu  {flom.  xiii,^  1).  Soyez  soumis,  dit  saint 
Pierre,  à  toute  créature  humaine  à  cause  de 
Dieu,  au  roi  comme  au  plus  élevé  eu  digni- 
té, aux  chefs  comme  envoyés  par  ses  or- 
dres, et  dépositaires  de  son  autorité  (  Epist. 
1,11,13).»  C'était  de  Néron  et  des  empereurs 
païens  que  les  apôtres  parlaient  de  la  sorte. 
Si  la  révolte  eiît  jamais  pu  être  permise, 
c'aurait  été  sans  doute  contre  les  persécu- 
teurs de  la  religion  ;  mais  les  premiers 
chrétiens  ne  surent  jamais  qu'obéir  et 
mourir. 

En  troisième  lieu,  la  tradition  n'est  pas 
moins  formelle  sur  ce  point  que  l'Ecriture 
sainte  ;  c'est  la  doctrine  constante  des  Pères 
de  l'Eglise,  lis  enseignent,  1°  que  la  puissance 
séculière  vient  de  Dieu  et  dépend  de  lui 
seul.  «  Un  chrétien,  dit  Terlullien,  n'est  en- 
nemi de  personne,  à  plus  forte  raison  ne 
l'est-il  pas  de  l'empereur;  convaincu  que 
celui-ci  est  établi  de  Dieu,  il  se  croit  obligé 
de  l'aimer,  de  le  respecter,  de  l'honorer,  de 
désirer  sa  conservation.  Nous  honorons  donc 
l'empereur  autant  que  cela  nous  est  permis 
et  qu'il  convient, comme  le  premier  person- 
nage après  Dieu,  qui  a  tout  reçu  de  Dieu, 
et  qui  n'a  que  Dieu  au-dessus  de  lui.  Ad 
ScnpuL,  c.  2.  Nous  invoquons  pour  la  cou-  , 
servalion  des  empereurs  le  vrai  Dieu,  le 
Dieu  vivant  et  éternel,  dont  les  empereurs 
eux-mêmes  doivent  préférer  la  protection  à 
celle  de  tous  les  autres  dieux.  Us  doivent 
savoir  qu'il  leur  a  donné  l'empire,  et  même 
la  vie,  puisqu'ils  sont  hommes.  Us  doivent 
comprendre  qu'il  est  le  seul  Dieu  sous  la 
puissance  duquel  ils  sont,  qu'il  est  plus 
grand  qu'eux,  après  lequel  ils  sont  les  pre- 
miers, et  supérieurs  à  tous  les  dieux  qui  ne 
sont  que  des  morts.»  Apolog.,  c.  30,  etc. 
Optai  de  Milève  le  répèle  en  deux  mots  : 
«  Au-dessus  de  l'empereur  il  n'y  a  que  Dieu 
qui  l'a  fait  empereur,  »  contra  Parmenian., 
I.   III.  Saint  Àuguslin,  I.  v,  de  Civit.  Dei, 


c.  26  :  «N'attribuons  quau  Dieu  vivant  le 
pouvoir  de  donner  la  royauté  et  l'empire.  » 

—  2°  Oue  l'on  doit  obéir  aux  iirinccs,  lors 
même  qu'ils  abusent  visiblement  de  leur 
puissance,  et  qu'il  n'est  jamais  permis  de 
prendre  les  armes  contre  eux.  Saint  Augus- 
tin le  décide  ainsi  en  parlant  de  la  persécu- 
tion des  empereurs  païens.  «  Dans  celte  cir- 
constance même,  dit-il,  la  société  chrétienne 
n'a  point  combattu  pour  sa  conservation 
contre  des  persécuteurs  impies.  On  enchaî- 
nait, on  maltraitait,  on  tourmentait,  on  brû- 
lait les  chrétiens loin  de  combattre  pour 

leur  vie,  ils  l'ont  méprisée  pour  l'amour  du 
Sauveur.  »  De  Civit.  Dei,  I.  ii,  ci.  «  Julien 
fut  un  empereur  infidèle...  Les  soldats  chré- 
tiens l'ont  servi,  malgré  son  inOdélité.  Mais 
lorsqu'il  s'agissait  de  la  cause  de  Jésus- 
Christ,  ils  n'ont  reconnu  pour  maître  que 
celui  qui  est  dans  le  ciel.  Lorsque  Julien 
voulait  qu'ils  adorassent  des  idoles  ,  et 
qu'ils  leur  offrissent  de  l'encens,  ils  n'obéis- 
saient qu'à  Dieu;  lorsqu'il  leur  disait,  ran- 
gez-vous en  bataille,  marchez  à  l'ennemi, 
ils  marchaient.  Ils  savaient  distinguer  le 
maître  éternel  d'avec  le  souverain  temporel, 
et  ils  étaient  soumis  à  celui-ci  pour  obéir  au 
premier.  »  In  Psal.  cxxiv,  n.  7.  Saint  Jé- 
rôme, saint  Ambroise,  saint  Athanase,  saint 
Grégoire  de  Nazianze,  et  plusieurs  autres 
Pères  de  l'Eglise  tiennent  le  même  langage. 

—  3°  Que  comme  les  princes  ont  reçu  de 
Dieu  le  glaive  matériel  pour  punir  et  répri- 
mer les  méchants,  l'Eglise  n'a  reçu  qu'un 
glaive  spirituel  pour  gouverner  les  âmes. 
«  Jésus-Christ,  dit  Origène,  veut  des  disci- 
ples pacifiques  ;  il  leur  ordonne  de  quitter 
i'épée  guerrière  pourneprendrequele  glaive 
de  paix,  que  l'Ecriture  appelle  le  glaive  «/;«- 
rituel.  «Comment,  in  Maltli.,  Séries,  n.  102; 
Op.  t.  111,  p.  S07.  Saint  Jean  Chrysostomc, 
comparant  le  sacerdoce  à  la  royauté,  dit  : 
«  Le  roi  est  chargé  des  choses  de  ce  monde, 
et  le  prêtre  des  choses  du  ciel....  Le  premier 
a  soin  des  corps,  le  second  des  âmes  ;  l'un 
peut  remettre  les  tributs ,  l'autre  les  pé- 
chés; l'un  peut  contraindre  ,  l'autre  exhorte 
et  conseille;  l'un  a  des  armes  sensibles, 
l'autre  des  armes  spiriluelles.  »  Homil.  4. 
m  Osiam,  n.  %  et  5,  Op.  t.  VI,  p.  127.  Lac- 
tance  ne  veut  point  que  l'on  ait  recours  à 
la  violence,  lors  même  que  la  religion  est 
en  péril.  «  Il  faut  la  défendre,  dit-il,  non  en 
donnant  la  mort,  mais  en  la  recevant;  non 
par  la  cruauté,  mais  par  la  patience  ;  non 
par  le  crime,  mais  par  la  foi...  Si  on  la  sou- 
tient par  le  sang,  par  lis  tourments,  par  le 
crime,  on  ne  la  défend  |ioinl,  on  la  viole  et 
on  la  déshonore.  »  Divin  Instil.,  I.  v,  c.  20. 

En  quatrième  lieu,  les  souverains  pontifes 
eux-mêmes  ont  reconnu  .plus  d'une  fois  ces 
vérités.  «  il  y  a,  dit  le  pape  (îélase  1",  écri- 
vant à  l'empereur  Anastase,  deux  puissances 
qui  gouvernent  le  monde  :  l'autorité  des 
pontifes  et  la  puissance  royale...  Quoique 
vous  commandiez  au  genre  humain  dans  les 
choses  temporelles,  vous  devez  cependant 
être  soumis  aux  ministres  de  Dieu  dans  tout 
ce  qui   concerne    la  religion.   Puisque  les 


S09. 


ROI 


ROI 


ËlO 


évêques  se  soumellent  aux  lois  que  vous 
faites  touchanl  le  Icmporel,  parce  qu'ils  le- 
connaissonl  que  vous  avez  reçu  de  Dieu  le 
gouvernement  de  l'empire,  avec  quelle  af- 
fection ne  devez-vous  pas  obéir  à  ceux  qui 
sont  jiréposés  à  l'àdminislralion  des  saints 
myslùres?»  Innocent  111,  cap.  Vencrabilcm, dit 
expressémenlque  le  roi  de  Fr/ince  ne  reconnaît 
point  de  supérieur  pour  le  temporel.  Clément 
V déclare  que  \abu]\cUnamS(in<lamdc  Boni- 
face  Vlll  ne  donne  à  l'Eglise  romaine  aucun 
nouveau  droit  sur  le  roi,  ni  sur  le  royaume 
de  France.  On  ne  peut  accuser  ces  pontifes 
d'avoir  méconnu  ou  trahi  les  droits  de  leur 
dignité.  11  y  a  plusieurs  antres  p.issagcs  dos 
Pères  de  l'Eglise  et  des  loapes.  Libertés  de 
l'Eyl.  Gollic,  t.  IV,  p.  SkS  et  suiv. 

En  cinciuième  lieu,  le  sentiment  des  uUra- 
monlains  entraîne  les  conséquences  les  plus 
funestes.  En  suivant  leurs  principes  ,  dit 
l'abbé  FIcury,  «  un  roi  déposé  par  le  i)ape 
n'est  plus  un  roi,  c'est  un  tyran,  un  ennemi 
public,  à  qui  tout  homme  doit  courir  sus. 
Qu'il  se  trouve  un  fanatique  qui,  ayant  lu 
dans  Plutarque  la  vie  de  Timoléon  ou  de 
Brutus,  se  persuade  que  rien  n'est  plus  glo- 
rieux que  de  délivrer  sa  patrie,  ou  qui,  pre- 
nant de  travers  les  exemples  de  l'Ecriture, 
se  croie  suscité  comme  Aod,  ou  comme  Ju- 
dith ,  pour  affranchir  le  peuple  de  Diru  , 
voilà  la  vie  de  ce  prétendu  tyran  exposée  au 
caprice  de  ce  visionnaire,  qui  croira  faire 
une  action  héroïque  el  gagner  la  couronne 
du  martyre.  Il  n'y  en  a  eu  par  malheur  que 
trop  d'exemples  dans  l'histoire  des  derniers 
siècles.  »  Troisième  Discours  sur  l'JIist. 
Ecctés.,  n.  18. 

,  C'est  donc  avec  raison  que  les  plus  fa- 
nieuses  écoles  de  théologie,  celle  de  Paris, 
celles  d'Allemagne,  d'Angleterre  el  d'Espa- 
gne, ont  proscrit  comme  dangereuse  la  doc- 
trine que  nous  réfutons.  Elle  n'est  pas  même 
universellement  suivie  en  Italie.  M.  Lupoli, 
savant  jurisconsulte  de  Naples,  dans  ses  le- 
çons de  droit  canonique,  imprimées  en  1777, 
soutient  que  la  puissance  ecclésiastique  est 
purement  spirituelle,  et  n'a  pour  objet  que 
les  choses  qui  concernent  le  salut,  t.  I,  c.  v, 
§  9.  De  tout  temps  l'Eglise  gallicane  a  été 
dans  ce  sentiment  ;  la  déclaration  du  clergé 
de  1682  n'a  fait  que  développer  et  confirmer 
celle  ancienne  croyance.  Enfin  l'opinion  dos 
ullramnntains  n'a  pris  naissance  que  dans 
des  siècles  dans  lesquels  les  révolutions  fu- 
nestes arrivées  en  lîurope  avaient  fait  per- 
dre de  vue  les  principes  et  les  maximes  en- 
seignés dans  les  premiers  temps  par  les 
papes  et  par  l'E^^lise.  Les  princes  chrétiens, 
encore  à  demi  barbares,  voulaient  asservir 
le  clergé  et  exercer  un  despotisme  absolu 
dans  toutes  les  affaires  ecclésiastiques;  ils 
disposaient  des  évcchés,  ils  les  vendaient  au 
plus  offrant  ;  ils  y  plaçaient  des  sujets  inep- 
tes el  indignes.  Les  empereurs  d'Allemagne 
prétendaient  disposer  de  même  du  sainl- 
si'égc.  Au  milieu  de  cette  confusion,  ou  plu- 
tôt de  ce  br.'gandage,  il  n'est  pas  étonnant 
que  les  papes  aient  travaillé  à  étendre  leur 
aalorilé,  aTin  de  poi:voir  remédier  au  désor- 


dre qui  régnait  dans  l'Eglise,  cl  que  plu- 
sieurs aient  poussé  trop  loin  leurs  préten- 
tions. C'est  une  injustice  île  leur  prêter  des 
motifs  criminels  ,  lorsque  d'ailleurs  leurs 
mœurs  étaient  pures. 

On  ne  peut  pas  excuser  la  violence  avec 
laquelle  les  protestants  se  sont  emportés 
contre  Grégoire  VII  ;  ils  lui  ont  prodigué  des 
épithèles  injurieuses,  ils  n'ont  vu  en  lui 
qu'une  ambition  déréglée  de  parvenir  à  la 
monarchie  universelle;  ils  ont  attribué  à  ce 
motif  tous  les  efforts  qu'il  fit  pour  réformer 
les  désordres  du  clergé.  Ils  suivent  une  con- 
duite contraire  lorsqu'on  leur  objecte  les 
emportements,  les  fureurs,  les  séditions 
auxquelles  se  sont  livrés  les  prétendus  ré- 
formateurs ;  ils  excusent  tout  dans  ceux-ci, 
parce  que  c'élaii,  disent-ils,  le  zèle  pour  la 
vérité  cl  le  bon  ordre  qui  les  faisait  agir. 
Mais  lorsque  des  papes  ont  suivi  les  mou- 
Tements  d'un  zèle  mal  réglé,  ils  leur  prê- 
tent des  passions  el  des  motifs  odieux.  Inu- 
tilement nous  les  rappelons  aux  principes 
de  l'cquité  naiurelle,  l'intérêt  de  système  les 
rend  sourds  el  aveugles. 

ROIS  (livres  dus'.  II  y  a  quatre  livres  de 
l'Ancien  'l'estamenl  qui  portent  ce  nom, 
parce  qu'ils  comprennent  les  actions  de 
plusieurs  roî'v  des  juifs,  et  les  détails  de  leur 
règne.  Dans  le  texte  hébreu,  ces  (|ualre  li- 
vres n'en  faisaient  autrefois  que  deux,  dont 
le  premier  portait  le  nom  de  Samuel,  le  se- 
cond celui  des  Roix  ou  des  Rrgnes  :  ce  sont 
les  Septante  qui  ont  donné  à  tous  les  quatre 
le  titre  de  livres  des  Règnes  ;  ils  ont  été  sui- 
vis par  l'auteur  de  la  Vulgate;  mais  les  pro- 
testants ont  aiïecté  d'appeler  les  deux  pre- 
miers, comme  les  Juifs,  \es  litres  de  Samuel, 
el  les  deux  derniers  les  livres  des  Rois. 

On  ne  peut  cependant  pas  attribuer  à  Sa- 
muel les  deux  premiers  en  entier,  puisque 
sa  mort  est  rapportée  dans  le  vingt-cin- 
quième chapitre  du  premier  livre.  H  ne  peut 
donc  avoir  écrit  que  les  vingt-quatre  pre- 
miers chapitres  ;  on  croit  assez  communé- 
ment que  la  suite,  jusqu'à  la  fin  du  second, 
est  l'ouvrage  dos  prophètes  Gad  el  Nathan, 
parce  qu'on  lit,  /  Parai,  c.  xxix  ,  v.  29: 
«  Quant  aux  premières  elaux  dernières  ac- 
tions du  roi  David,  elles  sont  écrites  au  livre 
de  Samuel  le\'oyanl,  et  aux  livres  de  Nathan 
le  prophète,  et  de  Gad  le  Voyant.  »  Or,  les 
dernières  actions  de  David  el  sa  mort  sont 
rapportées  dans  le  premier  et  le  second  cha- 
pitre du  troisième  livre  des  Rois.  De  même 
il  est  dit.  //  Parai,  c.  ix,  v.  29,  que  les  ac- 
tions de  Salomon  onl  été  écrites  par  Nathan, 
par  Abias  le  Silonite,  et  dans  la  prophétie 
d'Addo;  c.  xii,  v.  15,  telles  de  Roboani  par 
Sémeïas  le  prophète  el  par  Addo  ;  c.  xiii, 
V.  22,  que  ce  dernier  a  fait  l'histoire  du  roi 
Abias;  c.  xx,  v.  3i,  Jéhu  celle  de  Josaphal; 
c.  XXVI,  V.  22,  Isaïe  celle  d'Ozias  ;  c.  xxxii, 
V.  32,  cl  celle  d'Ezéchias;  qu'il  y  avait  un 
livre  des  Rois  de  Juda  et  d'Israël,  où  se  trou- 
vaient les  actions  de  Josias,  c.  xxxv,  v.  27. 

Il  est  donc  certain  que,  sous  les  rois  d,s 
Juifs,  il  y  avait  des  annales  écrites  par  des 


211 


ROM 


ROM 


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auteurs  contemporains,  et  sur  lesquelles  ont 
été  faits  les  quatre  livres  des  Rnis  ;  qu'ils 
aientéléréilifîés  pariin  seul  auleur  ou  par  plu- 
sieurs sucressiveineiil,  pemlant  la  captivilé 
deBabyioneou  peuauparavant,  peuinrporle; 
cerlains  criliques  les  ont  attribués  à  Jérémie, 
d'autres  à  Ezécliiel,  d'autres  à  Esdra«,  mais 
aucune  de  ces  conjectures  n'est  prouvée.  11 
nous  suffit  do  savoir  que  les  i]intr(;  livres  des 
Bois  ont  toujours  él6  regardés  comme  au- 
thentiques par  les  juifs,  et  qu'ils  sont  cités 
comme  Rcriture  sainte  dans  le  Nouveau 
Testament.  On  ne  pi'ut  pas  nier  que  ces  li- 
vres ne  renfernieiit  des  difllcullés  de  chrono- 
logie, des  faiti  transposrs  et  qui  ne  sont  pas 
placés  suivant  l'ordre  des  temps,  des  usages 
et  des  coutumes  fort  éloignées  de  nos  mœurs. 
Les  incrédules  ont  eu  soin  de  les  recueillir, 
de  les  commenter,  d'altérer  souvent  le  texte, 
d'en  pervertir  le  sens,  afin  de  persuader  (juc 
toute  l'histoire  juive  n'est  qu'un  roman.  11 
faudrait  un  volume  eiiNer  pour  répondre  à 
toutes  leurs  objections  en  particulier  ;  la  plu- 
part sont  frivoles  ou  absiirdi!s ,  et  l'auteur 
qui  a  réfuté  la  Bible  erptu/itée  par  un  phi- 
losophe incrédule  y  a  solidement  satisfait. 

ROMAINS  (Epître  de  siiinl  Paul  aux).  11 
passe  pour  constant  que  l'Apôtre  a  écrit  cette 
lettre  de  Corinthe,  où  il  était  l'an  cinquante- 
huit  de  notre  ère,  la  vingt-quatrième  année 
de  son  apostolat,  deux  ans  avant  son  arri- 
vée à  Rome.  Le  dessein  général  de  saint 
Paul  dans  celte  Epître  est  de  prouver  que  la 
grâce  de  la  foi  en  Jésus-Christ  n'a  pas  été 
accordée  aux  juifs  convertis  à  cause  de  leur 
fldélité  à  la  loi  de  Moïse,  ni  aux  gentils  de- 
venus chrétiens  en  considération  de  leur 
obéissanre  à  la  loi  naturelle,  mais  que  cette 
grâce  a  été  donnée  aux  uns  et  aux  autres 
très-gratuitement,  par  une  pure  miséri- 
corde de  Dieu,  sans  aucun  mérite  précédent 
de  leur  part.  Pour  le  démontrer,  l'Apôtre, 
dans  le  premier  chapitre,  expose  les  crimes 
dont  les  païens  en  général  étaient  coupables, 
et  surtout  les  philosophes,  qui  passaient 
pour  les  plus  sages.  Dans  le  se.ond  il  repro- 
che aux  juifs  leurs  transgressions.  Il  con- 
clut, dans  le  troisième,  que  les  uns  et  les 
autres  ayant  été  criminels,  leur  justification 
est  absolument  gratuite,  l'ouvrage  de  la 
grâce  et  non  de  la  nature  ni  de  la  loi,  et 
qu'elle  ne  doit  être  attribuée  qu'à  la  for  qui 
est  un  don  de  Pieu  ;  c.  iv,  il  prouve  cette 
vérité  par  l'exemple  de  la  justification  d'A- 
braham ;  c.  V,  il  nous  montre  l'excellence  de 
celle  grâre;  c.  vi,  il  exhorte  ceux  qui  l'ont 
reçue  à  la  conserver  et  à  l'augmenter  ;  c.  vu, 
il  enseigne  qu'après  la  justification,  la  con- 
cupiscence subsiste  encore,  qu'elle  est  irri- 
tée plutôt  que  domptée  par  la  loi,  mais 
qu'elle  est  vaincue  par  la  grâce  ;  c.  vin,  il  fait 
rénumération  des  fruits  de  la  foi;  il  déclare, 
c.  IX,  X  et  SI,  que  la  justification  a  été  ac- 
cordée aux  gentils  préfèrablement  aux  juifs, 
parce  que  les  premiers  ont  cru  en  Jés;is- 
Christ,  et  que  les  seconds  n'ont  pas  voulu  y 
croire  ;  que  comme  la  grâce  tle  la  foi  n'éiait 
due  ni  aux  uns,  ni  aux  autres,  il  ne  s'ensuit 
rien   de  là  contre   les  promesses  que  Dieu 


avait  faites  à  la  postérité  d'Abraham,  ni 
contre  la  justice  divine.  Les  chapitres  sui- 
vants, jusqu'au  seizième,  renferment  des 
leçono  de  morale.  Ainsi  saint  Paul,  dans 
toute  sa  lettre,  ne  s'écarte  point  de  son  ob- 
jet, qui  est  de  prouver  que  la  justification 
vieot  de  la  foi  et  non  de  la  loi  ni  de  la  na- 
ture; que  la  foi  elle-même  est  une  grâce, 
un  do!i  de  Dieu  purement  gratuit.  Dans  la 
multitude  des  commentateurs  modernes  qui 
ont  e\plii|ué  VEptlre  aux  Romains  ;  le  P. 
Piciiuigiii,  capucin,  est  celui  (jui  nous  pa- 
raît avoir  le  mieux  saisi  le  dessein  de  l'A- 
pôtre; il  a  fait  grand  usaue  du  commentaire 
de  Tolet  sur  cette  môme  Epître,  et  celui-ci 
avait  suivi  saint  Jean  Clirysostome. 

Ceux  qui  ont  voulu  fonder  sur  la  doctrine 
de  saint  Paul  un  système  de  prédestination 
gratuite  des  élus  à  la  gloire  éternelle,  nous 
paraissent  avoir  méconnu  le  dessein  de 
l'Apôtre,  et  forcé  le  sens  de  toutes  les  ex- 
pressions: ils  prétendent  y  voir  ce  que  les 
anciens  Pères  de  l'Eglise  n'y  ont  jamais 
aperçu.  Origène  et  saint  Jean  Chrysostome, 
qui  ont  expliqué  VEpltre  aux  Romains  d'un 
bout  à  l'autre,  n'y  ont  pas  trouvé  ce  système. 
Cependant  les  homélies  de  saint  Jean  Chry- 
sostome sur  cette  Epître  sont  un  de  ses  ou- 
vrages les  plus  travaillés,  comme  l'ont  ob- 
servé ses  éditeurs.  En  expliquant  dans  sa 
seizième  homélie  le  chapitre  ix,  sur  lequel 
les  prédeslinateurs  insistent  le  plus,  il  l'en- 
tend tout  autrement  qu'eux.  Il  enseigne, 
comme  l'Eglise  l'a  décidé  depuis  contre  les 
pélagiens,  que  la  prédestination  à  la  grâce 
et  à  la  foi,  est  purement  gratuite,  parce  que 
cette  grâce  n'est  la  récompense  d'aucun  mé- 
rite. !\Iais  il  dit  aussi  positivement  que  la 
prédestination  des  justes  au  bonheur  éter- 
nel, et  des  méchants  au  supplice  éternel,  est 
une  suite  de  la  prescience  de  Dieu,  qui  a 
prévu  de  tonte  éternité  l'obéissance  des  uns 
et  la  résistance  des  autres.  Origène  l'avait 
entendu  de  même,  Commentar.  in  Epist.  ad 
Rum.,  1.  vit,  n.  14  et  sniv.  11  est  à  présumer 
que  ces  deux  Pères  grecs,  très-accoutumés 
au  langage  de  saint  Paul,  et  familiarisés 
avec  tous  ses  écrits,  ont  été  pour  le  moins 
aussi  capables  d'en  prendre  le  vrai  sens  que 
les  inteiprètes  latins  postérieurs.  Or,  sui- 
vant leur  sentiment,  lorsque  saint  Paul, 
Rom.,  c.  !x,  V.  13,  observe  qu'avant  même 
la  naissance  de  Jacob  et  d'Esaii,  Dieu  avait 
dit:  L'aine'  sera  le  serviteur  du  cadet;  j'ai 
aimé  Jacob  et  j'ai  haï  Esaii;  l'Apôlre  n'a  pas 
voulu  nous  faire  entendre  que  Dieu,  sans 
égard  au  mérite  des  hommes,  et  avant  toute 
prescience  de  ce  qu'ils  feront,  prédestine 
les  uns  à  être  les  objets  de  son  amour,  et  les 
autres  les  objets  de  sa  haine;  qu'au  con- 
traire, cette  différence  vient  de  ce  que  Dieu 
avait  prévu  d'avance  ce  qu'ils  feraient  dans 
la  suite.  De  même  lorsque  Dieu  dit:  Je  ferai 
miséricorde  à  qui  je  voudrai,  et  que  saint 
Paul  en  conclut  :  Donc  cda  ne  dépend  point 
de  celui  qui  le  veut  et  qui  y  court,  mais  de 
Dieu  qui  a  pitié,  v.  13  et  16;  faire  miséri- 
corde -n'est  point  élire  quelqu'un  à  la  vie 
éternelle,  mais  lui  accorder  le  don  de  la  foi 


213 


ROM 


et  (le  la  jusiificalion.  Cila  est  prouvé  par 
l'iiuire  coïK-lusioii  (le  sailli  l';iul:  Doue  Dieu 
fait  niiséi  icii'  dp  à  (fui  il  lui  pinit,  et  endur- 
cit, ou  plulôl  laisse  endurcir  qui  il  veut, 
».  IS;  ici  le  coiitr;iiro  de  firire  tiiiséricorde 
n'esi  |);is  (IcsIiniT  à  la  (laiiin.ilion,  mais  lais- 
ser (l;iiis  remliirci>s('iiie(ii.  C.'csl  le  sens  suivi 
p.ir  saint  Augusliii,  I.  de  Pr^vdest.  Sancl., 
c.  m,  11.  7  ;  c.  VI,  II.  11. 

(viiiï^é'iueiii'iieiii  On^ène  et  saint  Jean 
Chr  SdSloiii:'  oui  lics-bien  vu  (lue  les  vusts 
d'honneur,  les  roses  de  miséricorde,  que  Dieu 
a  préparés  pour  sa  gl-iire,  v.  21,  22  et  2."},  ne 
sont  poini  les  prt'desiiiU'S  à  la  (jloire  (iler- 
iielle,  mais  les  privjosliiiés  à  la  loi,  qui  glu- 
rilicront  Dieu  par  leurs  vertus,  et  que  les 
vases  d'ignominie,  les  vases  de  colère,  ne  dé- 
signent point  les  réprouvés,  mais  les  incré- 
dules, (|ui  provoiiucront  la  colère  de  Dieu, 
mais  que  Dieu  supportera  néanmoins  avec  pa- 
tience, ibid.  la  preuve  est  encore  la  dernière 
cuncliisioii  ipie  tire  saint  Paul,  v.  30  et  31, 
de  tout  ce  qui  a  précédé:  «  Que  dirons-nous 
donc?  Que  les  {çeiitils,  ((ui  ne  couraient  pas 
après  la  Justice,  l'^iii  cependant  aci|uise  par 
la  foi,  au  lieu  (ju'lsr.'iël,  eu  suivant  la  loi  de 
la  justice,  n'y  est  pas  parvenu,  parce  qu'il 
s'est  heurté  contre  la  pierre  de  scandale.  » 
Voilà  l'explication  des  vases  d'honneur  et  des 
vases  d'innonùnic;  ainsi  l'entend  saint  Au- 
gustin. Jipist.  J8G,  ad  Paulin.,  c.  iv,  n.  12  ; 
\.de  Prced.  Sunit.,  c.  viii,  n.  13,  etc.  On  lit, 
il  est  vrai,  c.  viii,  v.  30:  «  Ceux  que  Dieu  a 
prédestinés,  il  les  a  appelés;  ceux  qu'il  a 
appelés,  il- les  ajnsti'iés,  et  ceux  (]u'il  a  jus- 
lilics,  il  les  a  qtorijiés.  »  Mais  celle  glorifica- 
liuii  ne  doit  pas  s'enlernlre  de  la  gloire  éler- 
nelle,  aulrenienl  l'Apôtre  aurait  dit,  il  les 
(jiorifiera.  Dieu  a  (jlorifié  sans  doute  ceux 
iju'il  a  just.Gés,  puis(iui',  dans  le  style  de 
sainl  Pau),  il  en  a  fait  des  vases  d'honneur 
pour  sa  gloire;  ainsi  l'inl  entendu  Origône, 
ibid.,  I.  vu,  n.  8,  Bt  saint  Jean  Chrysoslouie, 
Homil.  i'ô,  n.  2. 

On  nous  objectera  peut-éire  que  saint 
Ant;nslin,  dans  ses  livres  de  Id  Prédestina- 
tion des  Saints  et  du  Don  de  la  Persévérance, 
dans  sa  lettre  180  à  saint  P.iolin,  eic.,  a  en- 
tendu saint  Paul  dans  le  sens  que  nous  ne 
voulons  pas  admettre  ;  nous  ne  le  croyons 
pas.  1"  Il  n'est  [las  probable  que  saint  Au- 
gustin qui,  pour  prouver  le  péché  originel, 
a  cité  souvent  les  homélies  de  saint  Jean 
Clirjsostoino  sur  VEpUre  aux  Romains,  ait 
embrassé  un  senlimeni  dilTérenl  de  celui  de 
ce  Père  sur  la  prédestination.  2"  Il  l'esl  en- 
rore  inoias  que  saint  Augusiia  ait  mécoiin:i 
le  dessein  des.iint  Paul,  et  se  soit  obsiiné  à 
donner  à  ses  expressions  un  sens  qui  est  ab- 
solutnent  étranger.  S"  Dans  celle  fausse  hy- 
pothèse, les  arguments  de  sjiinl  Augustin 
n'auraient  aucun  ripporl  à  la  ()ueslion  qui 
était  agitée  enlro  lui  et  les  pélagicns,  il  s'a- 
gissait uniquement  de  leur  prouver,  comme 
dans  saint  P;iul,  ijue  la  grâce  est  accordée 
graluiie  neiit  ;  par  conséquent  que  la  pré- 
destination .^i  la  grâce  csl  aussi  purement 
gratuilc  ;  jamais  II  n'a  été  question  de  savoir 
s'il  eu  était  de  même  de  la  prédesliualion  au 


ROM  214 

bonheur  éternel,  k"  En  lisant  attentivement, 
sans  préjugé,  les  divers  écrits  de  sainl  Au- 
gustin, on  voit  qu'il  a  pensé  dans  le  fond 
comme  saint  Jean  Chrysoslome,  mais  qu'il 
s'est  exprimé  avec  moins  de  précision.  On 
peut  s'en  convaincre  par  les  endroits  que 
nous  venons  de  citer.  Voy.  PiiÉniiSTi nation. 

ROMAN,  histoire  fabuleuse,  dont  le  sujet 
le  plus  ordinaire  est  le  tableau  de  l'amour 
profane.  On  a  ((uelqnefois  taxé  de  riiiorisme 
les  casuistes  qui  interdisaient  absolument 
la  lecture  des  romms;  mais  ils  ne  sont  que 
trop  bien  fondés  dans  le  jugement  qu'ils  en 
portent.  Le  moimire  mal  que  ces  écrits  pro- 
duisent est  de  dégoûter  les  jeunes  gens  de 
toute  lecture  sérieuse,  de  leur  donner  un  es- 
prit faux,  de  leur  peindre  les  hommes  et  les 
passions  tout  autres  qu'ils  ne  sont  en  cfl'Hl. 
Comme  le  fond  de  toutes  ces  narrations  fri- 
voles est  toujours  la  passion  de  ra:nour, 
plus  les  peintures  en  sont  vives,  plus  elles 
sont  capables  d'égarer  l'imagination  des 
jeunes  gens  de  l'un  et  de  l'autre  sexe  dont  le 
sang  n'est  déjà  que  trop  allumé.  Bientôt  il 
leur  tarde  de  réaliser  en  eux-mêmes  le  fan- 
tôme de  bonheur  dont  ils  ont  l'esprit  préoc- 
cupé. Lorsqu'ils  ne  le  trouvent  point  dans 
l'état  de  mariage,  ils  le  cherchent  dans  des 
amours  illégitimes  et  dans  un  libertinage 
consommé.  On  ne  peut  donc  pas  douter  ([iie 
ces  sortes  de  lectures  ne  conliibuent  beau- 
coup à  la  dépravation  des  mœurs.  Queliiues 
tirades  de  morale  guindée  que  l'on  mêle  (îans 
les  aventures  romanesques  ne  sont  pas  ca- 
pables de  réparer  le  mal  que  ces  livres  pro- 
duisent. 

Sainte  Thérèse,  instruite  par  l'expérience 
qu'elle  en  avait  faite  dans  sa  jeunesse,  ex- 
hortait les  pères  et  mères  à  préserver  soi- 
gneusement les  enfants  de  la  lecture  des  ro- 
mans, et  leur  en  représentait  les  funestes 
conséquences.  Mais  nous  n'avons  pas  besoin 
d'exemples  étrangers,  lorsque  nos  mœurs 
publiques  nous  attestent  les  ravages  de  ce 
poison.  Le  goût  efl'réné  pour  les  romans 
est  porté  parmi  nous  à  un  tel  excès,  que  l'on 
a  vu  des  personnes  qui  ne  pouvaient  plus 
suppoiler  d'autre  lecture;  et  de  prétendus 
beaux  esprits  ont  voulu  persuader  que  c'est 
là  le  seul  moyen  efûcace  de  donner  des  le- 
çons de  morale  à  la  jeunesse  ;  c'est  plutiit  le 
vrai  moyen  de  la  dégoûter  de  toute  morale 
sensée  et  solide. 

*  rtOMANTlSME  RELIGIEUX  ou  RELIGIOSITE. 

Il  y  a  (les  âges  où  l'ircrëdulilé  est  de  mode;  il  y  en 
a  (l'uiities  où  la  religion  parait  en  faveur.  Il  ne  faut 
p;is  toujours  juger  de  la  religion  (lar  les  paroles  ;  il 
laiite\aii)jiier  lefoiid  des  croyances  et  les  pralifpies. 
Le  démon  n'esl  guère  moins  iiiléressc  à  voir  certai- 
ne forme  religieuse  douiiiier  (|u'à  voir  l'incrédiililë  en 
vigueur,  il  y  a  eu  etfet  des  liiuiiines  (|ui  ont  sans  cesse 
le  mol  de  religion  à  la  bouclie,  (|ui  prcnueiu  l'Evan- 
gile pour  leur  livre  de  prédileclioii,  ([ui  ne  jureiii  (|ue 
par  le  Christ,  qui  se  préseiitenl  comme  les  deleiiseiirs 
du  clirisiianisine.  Ils  piéleuilenl  le  souleiiir  beau- 
coup mieux  que  ses  niinlsires;  les  Iraileui  d'iiiiiitel- 
ligeiils,  le>  aceuseiil  de  compromeUre  la  foi  par  leur 
zèle  exagcié;  et  cciieiidanl  ces  zélateurs  ne  sont  pas 
de  véritables  ciirelieus.  Mêlions  de  coié  la  pralii|ue 
pour  ue  nous  occuiicr  que  de  la  croyance  :  jugeons 


21' 


ROM 


ROM 


216 


leur  foi.  Ils  ne  croient  p^s  loiit  ce  que  l'Eglise  croit 
et  enseigne,  et  même-  parmi  les  vérités  catholiques 
qu'ils  adiuellenl,  ils  ne  les  adraellCMl  pas  comme  l'E- 
glise. 

Lisez  la  Démocratie  pacifique,  il  n'y  a  pas  ime 
page  où  il  ne  soit  parlé  avec  un  profond  respect  du 
Clirisi  cl  de  l'Evangile;  inierrogez-la  sur  le  mystère 
de  la  présence  réelle,  sur  l'existence  de  l'enfer,  elle 
sourira  de  pitié  à  votre  question.  Pour  cet  autre,  le 
christianisme  n'est  que  la  fraternité,  l'égalité,  la  li- 
berlé;  tous  les  passages  de  l'Ecriture,  qui  lui  rap- 
pellent ces  maximes  sont  aduiirables;  ne  lui  parlez  pas 
d'autre  chose  ;  à  ses  yeux  il  n'y  a  que  cela  dans  l'E- 
vanyile.  On  me  dira  peut-être  que  je  ne  cite  que 
ceux  qui  ne  sont  pas  chrétiens  en  réililé,  qu'il  y  a 
des  romantiques  religieux  qui  admettent  tous  les  do- 
gmes, voire  même  que  la  n'Iigion  est  la  démocratie; 
oui,  mais  ces  hommes  admettent-ils  nos  dogmes,  com- 
me nous  les  croyons'  L'édition  Leiort  présente  sur 
ce  sujet  quelques  considérations  tirées  de  VArsenal  du 
catholique  qui  nous  paraissent  profondément  senties. 

I  Montrons,  dit  elle  avec  M.  l'ahbé  Kegnault,  Ar- 
senal (lu  catholique ,  commeut  l'homme  à  religiosité 
comprend  les  trois  vertus  théologales. 

«  I.  Le  respect  et  l'ailmiraiion  qu'il  professe  pour 
l'Evangile  ne  supposant  pas  une  foi  véritible-en  Jé- 
sus-Christ.—  l*On  pourrait  professer  les  mêmes  sen- 
timents, sans  voir  dans  la  religion  plui  qn'im  sys- 
tème philosophiiue,  une  œuvre  tout  humaine.  Avoir 
la  loi,  c'est  autre  chose  qu'admirer  le  moyeu  .'ige  et 
les  monuments  gothiques;  autre  chose  que  recon- 
naître l'influence  viviliante  dn  catholicisme  sur  la 
société  et  sur  les  arts  ;  autre  chose  qu'entrevoir  com- 
Lien  il  est  approprié  aux  besoins  de  l'homme,  com- 
me il  élève  l'intelligence  et  même  le  génie,  comme 
il  touche  les  hbres  les  plus  délicates  du  cœur  et  ins- 
pire la  vertu;  autre  chose  que  s'extasier  sur  l'inimi- 
table poésie  et  la  simplicité  sublime  de  la  bible;  au- 
tre chose  enfin  que  deviner  de  magnifiques  rapports 
de  convenante  et  d'hiirnionie  dans  les  dogmes  catho- 
liques. —  2-  La  foi  perfei'tionne  l'entendement,  parce 
qu'elle  détermine  et  précise  tout  ce  qu'd  laut  croire, 
parce  qu'elle  y  fait  d"nuer  un  assentiment  ferme  et 
sans  crainte  d'erreur,  parce  quelle  aponie  cet  assen- 
timent sur  le  motif  infaillible  de  la  véracité  et  de 
l'autorité  divine.  La  religiosité,  au  contraire,  n*a  que 
des  opinions  vagues  et  incohérentes,  simples  aper- 
çus métaphysiques  qui  ne  forment  point  un  corps  de 
doctrine  complet  où  tout  soit  coordonné.  Ses  croyan- 
ces, brillantes  rêveries  de  l'imagination,  sont  varia- 
bles et  sans  la  moindre  consisiance  ;  elles  s'affaiblis- 
sent avec  l'exaltation  du  moment,  ou  se  niodilienl 
suivant  des  impressions  uouvelles.  Enhn,  elles  repo- 
sent, non  sur  l'autorité  divine,  mais  sur  des  concep- 
tions humaines  ou  sur  l'engouement  de  la  mode.  — 
ô"  La  foi  captive  la  raison  et  la  fait  plier  sous  l'auto- 
rité  de  la  parole  de  Dieu;  par  elle,  l'esprit  adore  la 
vérité  inlaillihie  et  souveraine.  La  religiosité  laisse 
errer  l'esprit  au  hasard,  sans  règle  et  sans  frein  : 
c'est  un  simple  amusement  intellectuel,  une  véritable 
parodie  de  la  foi. 

€  II.  L'homme  à  religiosité  ne  comprend  pas  mieux 
l'espérance  chrétienne.  1°  Le  vr;ii  chrétien  aspire  à 
la  possession  de  Dieu  ;  c'est  là  le  but  de  sa  vie.  La 
grâce  est  toute  sa  ressource,  et  il  l'attend  de  la  bonté 
divine,  avec  une  confiance  sans  bornes,  à  cause 
des  mérites  de  Jésus-Chrisl.  Il  va  puiser  la  force  et 
la  vertu  dans  la  prière  et  les  sacrements,  usant,  en 
nu  mot,  de  tous  les  moyens  de  sanctilicalion  que  l'a- 
mour de  Dieu  lui  a  ménagés.  L'iioinme  à  religiosité 
envisage  la  religion,  moins  par  rapport  au  ciel,  que 
par  rapport  à  fi  terre;  il  ne  voit  guère  en  elle  i|ue  la 
plus  puissante  et  la  plus  magniliqui-  des  institutions 
sociales,  le  flambeau  de  la  eivili^ation,  le  génie  des 
arts,  l'âme  et  la  vie  de  tout  ce  qui  csi  grand,  \ivanl 
dans  l'oubli  de  ses  sublimes  destinées,  il  ne  sent  p:is 
leheso  11  de  la  grâee,  parce  qu'il  n'aime  point  ;<  mé 


diter  snr  la  faiblesse  et  la  corruption  de  son  cœur  ; 
il  ne  pense  pas  à  la  valeur  infinie  du  sang  d'un  Dieu, 
à  la  nécessité  et  à  l'eflicacité  de  la  rédemption;  il  a 
la  présomption  d'un  homme  content  de  loi-même, 
mais  non  la  conli;\nce  d'un  enfant  qui  se  jette  avec 
amour  et  repentir  entre  les  bras  de  son  père,  tour 
jiiurs  assuré  d'y  trouver  son  pardon.  Il  exalte  avec 
emphase  la  sublimité  du  Pater,  du  Credo,  et  il  n'en 
est  pas  plus  exact  à  prier  Dieu,  à  lui  exposer  sa  mi- 
sère, à  lui  offrir  ses  adorations  et  ses  hommages 
joiirniliers;  il  néglige,  ou  plutôt  il  abandonne  tout  à 
fait  les  sacrements,  ne  sanclihe  ni  les  dimanches  ni 
les  fêles,  se  met  au-dessus  des  lois  du  jeûne  et  de 
l'abstinence;  et,  s'il  assiste  à  la  prédication  de  la  pa- 
role divine,  c'est  plutôt  par  mode  ou  pour  juger  du 
talent  de  l'orateur,  que  pour  eu  recevoir  humble- 
ment et  docilement  les  instructions.  —  2"  L'espéran- 
ce ciirétienne  nous  fait  allier  la  conscience  intime  de 
notre  misère  avec  une  ferme  coiifi;iiice  en  la  bonté 
divine  et  en  la  rédemption  de  Jésus-Christ  :  nous 
tremblons,  parce  que  le  saint  dépend  encore  de  no- 
ire coopération  ;  mais  m)us  espérons,  parce  que  nous 
attendons  de  Dieu  et  la  giâce,  et  la  fidélité,  et  la  ré- 
compense. Ainsi  cette  vertu  attache  tous  nos  désirs 
sur  Dieu,  comme  principe  de  toute  vraie  félicité; 
par  elle,  l'âme  adore  le  souverain  Dien,  en  exaltant 
sa  miséiicorde  iiiépuisabl'ï  cl  toutes  les  richesses  de 
sa  grâce. 

«  D'après  ce  que  nous  avons  dit  de  la  manière  dont 
l'homme  à  religiosité  envisage  la  religion,  on  ne 
peut  s'étonner  que  ce  romantisme  ne  l'empêche  pas 
de  perdre  conslaniment  de  vue  le  but  de  son  exis- 
tence, le  bonheur  infini  auquel  il  peut  et  doit  aspi- 
rer ;  on  ne  peut  s'étonner  que  l'homme  à  religiosité 
méconnaisse  la  vertu  toute-puissante  de  la  croix, 
qu'il  ne  comprenne  point  celte  parole  du  Sauveur  : 
Sans  moi,  vous  tte  pouvez  rien  {Jean,  xv,  5);  on  ne 
peut  s'étonner  qu'il  ne  puise  dans  sa  phraséologie  et 
et  sa  sentimentalité  religieuse  ni  consolation  pour 
l'adversité,  ni  force  contre  les  tentations,  ni  remè- 
des contre  les  chutes,  ni  motif  efficace  pour  prati- 
quer la  vertu. 

<  III.  La  religiosité,  au  lieu  de  s'élever  jusqu'au  vé- 
ritable anionr  de  Dieu,  en  demeure  infiniment  éloi- 
gnée. La  charité  envers  Dieu  est  à  la  fois  1'  un 
amour  de  coniphiisance,  par  lequel  nous  mettons 
toute  notre  joie  et  notre  bonheur  dans  ses  infinies 
perlecilons  ;  2°  un  amour  de  bienveillance,  qui  nous 
inspire  un  zèle  ardent  de  procurer  sa  gloire,  et  nous 
pénètre  de  douleur  quand  nous  le  voyons  ofl'enser; 
5°  un  amour  efléctif,  qui,  unissant  notre  volonté  à 
la  sienne,  nous  rend  dociles  à  ses  coinniandements, 
à  ses  conseils,  à  tontej  les  inspirations  de  sa  grâce. 
La  charité  est  la  règle  à  laquelle  nous  sommes  né- 
cess;iiremeni  obligés  de  subordonner  tomes  nos  au- 
tres aftéctions;  elle  nous  dévoue  tout  entiers  à  la 
gloire  du  Très-Haut,  en  lui  consacrant  notre  âme  et 
ses  facultés,  notre  corps  et  ses  sens;  elle  nous  fait 
incessamment  tendre  vers  lui,  comme  à  notre  lin 
dernière;  elle  place  en  lui  seul  noire  béatitude;  en 
nn  mot,  par  elle,  la  volonté  adore  la  perfection  inef- 
fable, l'amabilité  souveraine,  l'excellence  incréée  de 
l'Etre  infini. 

«  A  la  différence  de  la  charité,  i  la  religiosité  ré- 
serve ses  louanges  pour  certaine  perfection  de  Dieu, 
la  bonté  et  la  miséricorde,  par  exemple;  jamais  elle 
ne  met  ses  complaisances  ni  dans  la  sainteté  qui  hait 
nécessairement  le  péché,  ni  dans  la  justice  qui  ne 
peut  le  laisser  impuni;  elle  conteste  ceux  des  divins 
attributs  qui  contrarient  ou  ses  idées  étroites  ou  ses 
passions.  2"  L'homme  à  religiosité -ne  s'occupe  de  la 
gloire  de  Dieu  qu'en  paroles  et  d'une  manière  toute 
supcrlicielle  ,  il  oublie  que,  s  ms  le  bon  exemple,  les 
efforts  du  zèle  demeurent  infructueux,  et  font  dire 
tout  bas  :  Médecin,  giiéiissez-vous  \ous-niême  {Luc. 
IV,  23).  3*  La  religiosité  se  contente  d'une  illusion 
(le  .sentimenialii.é  .  ei.  ne  se  met  pas  en  peine  de  don- 


;,7  ROM 

ner  'i  Pieu  la  seule  preuve  d'amour  qui  ne  trompe 
point,  celle  lies  œuvres  ;  ou  plulôi,  elle  veul  servir 
deux  maîtres,  allier  deux  choses  incompaiibles,  I  a- 
mour  de  Dieu  el  la  volonlé  de  \w  pas  se  gêner  pour 
ohéir  à  ses  lois.  L'amour  qu'a  pour  Dieu  I  homme  a 
reIi"iosilé  esl  un  hors-d'œuvre  qui  n'exerce  point 
d'innuence  sur  son  cœur,  qui  ne  rapporle  a  la  gloire 
divine  ni  les  actes  de  la  volonlé  m  ceux  des  antres 
piiis'iaiices  de  l'àme;  qui  laisse  sans  règle  tontes  ses 
all'eclious.el  même  tomes  ses  passions;  qm  n  deve 
poinl  ses  pensées,  n'anime  point  ses  venus,  ne  sanc- 
tifie point  ses  intentions,  ne  lui  inspire  aucun  sacri- 
licc,  ne  donne  aucun  prix  à  ses  actions,  le  ijui  P'T- 
Jeclionne  la  v.doulé,  ce  n'est  donc  pas  la  religiosiié, 
mais  une  charité  .sincère,  efficace  el  pleine  de  Oe- 
vouenipiit. 

I  Aux  considérations  qui  précèdenl,  nous  ajouterons 
que  la  religiosilt-esi  une  inconséquence  maïufesie. 
Celui  qui  s'y  horne  <  fait  profession  de  connaître 
Kieu;  el  cependant  il  le  renie  par  ses  oeuvres.  » 
TU.  ,  1,  XVI.  Or,  s'il  exaile  le  catholicisme,  pourquoi 
dédiigne-l-il  de  s'a>lrcindie  à  en  observer  le-i  lois? 
el,  s'il  refuse  d'y  conformer  sa  vie,  que  signilienl 
ces  louanges  que  la  eondniie  désavoue?  Jé*us Christ 
peut  Un  dire,  comme  autrefois  i»  ses  disciples  :  Si  je 
vou$ilis  la  vMié,  pourquoi  ne  me  croyez  vous  pas 
(Jonn.  viii,  40)  ?  Car,  la  [oi  sans  les  œiiurt's  est  une 
loi  morte  (Jac.  Il,  "20).  La  religion  n'esl  pas  une  siin- 
ple  théorie  :  c'esl  une  loi  csscnliellemenl  ohligaioi- 
re,  une  loi  émanée  de  Dieu,  cl  qui  a  pour  sanction 
le  paradis  cl  l'enfer.  Noire  Dieu  ii'csl  pas  insouciant 
ni  oisif  comme  le  dieu  dEpicure  :  il  exige  l'ohés- 
sance  des  èlre^  qu'il  a  créés,  et  il  rendra  à  chacun 
Selon  ses  œuvres,  i 

Celte  religion  n'est  pas  h  religion  qui  sauve.  Pour 
que  la  foi  soit  suflisanle,  elle  doit  croire  tout  ce  que 
l'Kglisecroil  el  comme  elle  croit.  Ce  n'esl  pas  qu'en 
dehors  du  domaine  de  la  foi,  il  ne  puisse  y  avoir  des 
sysièines.  Dès  lors  que  la  loi  esl  sauve,  que  le  dogme 
esl  admis  lulaleineni,  que  riinagioatioii  s'exerce  sur 
le  mode,  qu'elle  soit  ingénieuse  pour  nous  représen- 
ter le  mystère,  il  n'y  a  rien  là  que  de  permis  et  mê- 
me de  très-louable,  quand  ou  se  renferme  dans  de 
justes  bornes,  mais  qu'on  veuille  fausser  la  croyance 
sous  le  prétejle  de  l'embellir  ou  de  la  sauver  ,  c'est 
ruiner  l'édillce  tout  euiier,  loin  de  le  soutenir. 

HOME  (Eglise  de).  11  ne  faut  pas  confon- 
dre celle  expression  avec  le  litre  d'Eglise 
romaine;  VEylisede  Home  esl  un  siège  par- 
ticulier ou  une  Eglise  bornée  à  un  seul  dio- 
cèse ;  V Eglise  romaine,  d;ins  le  langage  or- 
dinaire des  lliéologiens,  est  l'Egliso  catholi- 
que ou  universelle,  qui  regarde  le  siège  de 
Jiome  comme  le  centre  d'unité  dans  la  foi,  et 
le  ponlife  qui  y  esl  assis  comme  le  succes- 
seur de  saint  Pierre,  le  vicaire  de  Jésus- 
Christ,  le  chef  el  le  pasleur  de  toute  l'Eglise 
chrétienne. 

A  l'article  Saint  Piehre, nous  avons  prouvé 
sommairement  que  cet  apôtre  a  élé  à  Rome, 
qu'il  a  fondé  l'Eglise  de  celle  villi;  ;  qu'il  y  a 
souffert  le  martyre  avec  saint  Paul,  l'an  67  de 
Jésus-Clirisl;  que,  dès  le  ir  siècle,  l'usage 
était  établi  d'appeler  V Eglise  de  Rome,  la 
chaire  ou  le  siège  de  saint  Pierre.  Les  preu- 
ves de  ces  faits  n'ont  p.is  empêché  les  pro- 
testants de  contester  aux  évéques  de  Rome 
le  litre  de  successeurs  de  saint  Pierre:  les 
papes,  disent-ils,  n'ont  pas  plus  de  droit  à 
celle  succession  que  les  évéques  d'Antioche, 
dont  saint  Pierre  avait  fondé  el  occupé  le 
biége  avant  de  venir  à  Rome. 

.  Cependant  au  ii'  siècle  nous  voyons  saint 


ï\OM 


218 


Irénée    citer    aux    hérétiques   la    tradition 
de  l'Eglise  de  Rome,  la   succession  de   ses 
évéques   qui   remonte  à  saint    Pierre   el   à 
saint  Paul  ;  la  prééminence  de  celle  Eglise 
sur   les  autres,   «  à  laiiuellc,  dit-il ,  toute 
l'Eglise,  c'est-à-dire  les  lidèles  qui    sont  de 
toute  part,  doivent  déférer.  »  Adv.  Flœr.,  I. 
m,  c.  3.  Il  lui  aurait  été  aussi  aisé  de  citer 
l'Eglise  d'Aiiliorhe   ou  celle   de  Jérusalem, 
que  saint  Pierre  avait  aussi  fondées,  si  elles 
avaient  joui  du   même    privilège.    Dans   tin 
temps  si  voisin  drs  apôtres,  on  devait  mieux 
savoir    qu'au   xvi'   siècle    quelle  avait  élé 
leur   intention  ,    par    conséquent    celle    de 
Jésus-Christ.  On  ne  peut  pas  accuser  saint 
Irénée  d'avoir  été  adulateur  des  jjapes  :  les 
proteslanls  ont  grand  soin  de  faire  remar- 
quer la  fermeté  avec   laquelle  ce  saint  mar- 
tyr résista    au    pape  Victor  au   sujet   de    la 
célébration    de   la    Pâque.    Us   disent    que 
V Eglise  de  Rome  est  devenue  la  plus    consi- 
dérable de  toutes,  parct;  que  cette  ville  était 
la  capitale  de  l'Empire.  Mais  les  Pères  n'ont 
poinl  allégué  celle  raison  pour  lui  attribuer 
la  prééminence  ;  ils  l'ont  regardée  comme  le 
centre  de   la   loi   catholique,    parce    qu'elle 
était  la  chaire  ou  le  siège  de   saint  Pierre, 
pane   que   Jésus-Christ    avait  donné  à  cet 
apôtre  une  supériorité  sur  ses  collègues,    et 
parce  qu'il  l'avait  établi  pasleur  de  tout  son 
troupeau.  Voy.  Papk.  Si  celte  Eglise  n'avait 
joui  d'aucune  prééminence  sur  les  autres, 
il  serait  difficile  de  comprendre  pourquoi  la 
plupart  des   auteurs  ecclésiastiques    du  u' 
siècle  ont  \oulu  y   faire  un  séjour,  et  pour- 
quoi les  hérétiques,  tels  que  Simon,  Valen- 
lin,  Marcion,  C'rdon,    les  disciples  de  Car- 
pocrate,   Taiien,    Praxéas,  etc.,   étaient  si 
empressés  d'y  accourir 

Pour  en  imposer  aux  ignorants,  les  pro- 
testants affectent  quebiuefois  de  dire  qu'ils 
sont  membres  de  l'Iiglise  catholique  ou  uni- 
verselle, mais  non  de  V Eglise  romaine  ,  et 
par  l'Eglise  catholique  ils  entendent  l'as- 
semblage de  toutes  les  sectes  chrétiennes , 
ou  qui  font  profession  de  croire  en  Jésus- 
Christ.  Au  mol  Eglise,  §  2,  el  au  mot  Ca- 
THOLiQin:,  nous  avons  l'ail  voir  que  celte 
préteiilioii  des  proteslanls  est  abusive  et 
fausse  ;  l'unilé  est  un  des  caractères  essen- 
tiels de  la  véritable  Eglise  ;  or,  celte  unité 
emporte  nécessairement  la  profession  d'une 
même  foi,  la  participation  aux  mêmes  sacre- 
ments, la  soumission  à  un  même  pasteur 
universel.  Elle  se  trouve  en  effet  entre  les 
différentes  Eglises  ou  sociétés  particulières 
qui  composent  l'Eglise  catholique  romaine  ; 
mais  il  est  absurile  de  supposer  de  l'unité 
entre  différentes  sectes  qui  s'analhémati- 
sent  el  s'excommunient  les  unes  les  autres, 
qui  se  regardent  mutuellement  comme  hé- 
rétiques, errantes,  el  hors  de  la  voie  du 
salul.  Cette  chimère,  forgée  parJurieu,  a 
été  solidement  réfutée  par  Bossuet ,  par 
Nicole,  etc. 

Non  contents  d'abuser  des  termes ,  les 
prolestanls,  par  une  contradiction  grossière, 
conteslenl  à  \'Eglisc  romaine  l'unité  dans  la 
foi.  1°  (Quoiqu'elle  fasse  prolession,  disent- 


2)P 


ROM 


ROS 


220 


lis,  d'admettre  pour  règle  de  foi  la  parole 
de  Dieu  écrite  ou  non  écrite,  c'est-à-dire 
l'Ecriture  sainte  et  la  tradition,  il  est  im- 
possible au  vrai  de  connaître  sa  doctrine, 
parce  que  ses  théologiens  ne  conviennent 
point  entre  eux  quel  est  le  juge  auquel  il 
appartient  de  fixer  le  sens  de  l'Kcriture,  et 
de  déterminer  ce  qui  est  ou  n'est  pas  de 
tradition.  Les  uns  disent  que  c'est  le  pape, 
les  autres  que  c'est  le  concile  général.  2° 
Ouoiijiie  ces  théologien?  protestent  tous 
d'adhérer  au  concile  de  Trente  ,  cependant 
les  décrets  de  cette  assemblée  ne  sont  pas 
également  respectés  ni  suivis  partout,  <'t  il 
y  a  dis  Etat'*  dans  lesqnels  ils  n'ont  jamais 
été  solennellement  reçus.  D'ailleurs  des 
rédacteurs  de  ces  décrets  ont  affecté  d'en 
rédiger  la  plupart  en  termes  ambigus,  et  qui 
laissent  indécises  nn  très-grand  nombre  de 
questions  :  c'est  pour  cela  que  les  papes 
ont  établi  une  congrégation  pour  interpré- 
ter la  doctrine  du  concile  de  Trente.  3*  De 
là  il  arrive  que  les  différentes  écoles  agitent 
entre  elles  à  peu  près  les  mêmes  disputes 
qu'elles  avaient  auparavant  ;  et  les  papes 
ont  été  souvent  obligés  de  donner  de  nou- 
velles constitutions  pour  décider  ce  qui  était 
demeuré  douteux  ,  on  particulier  sur  les 
matières  de  la  grâce  et  de  la  prédestination. 
Moshoim,  fliat  ceci.,  xvi'  siècle,  sert.  3,  l" 
partie,  c.  1,  §22.  Mais  cette  objection  est 
réfutée  par  la  conduite  même  des  protes- 
tants. Ils  connaissent  si  bien  notre  doi'Irine, 
qu'ils  ne  cessent  de  l'atiaquer,  sans  craindre 
un  déaveii  de  notre  paît  ;  lorsqu'ils  la  fié- 
guisent,  ils  le  font  malicieusement ,  et  ils 
nous  allèguent  le  concile  de  Trente  avec  une 
enlièce  confiance  qu'il  a  pleine  autorité  chez 
nous.  Ce  serait  plutôt  à  nius  de  nous  plain- 
dre de  la  difficulté  qu'il  y  a  de  connaître 
quelle  est  la  doctrine  de  chaque  secte  pro- 
testrinle  ;  quoique  toutes  fassent  profession 
de  recevoir  l'Kciilure  sainte  comme  seule 
règle  de  foi,  chacun  de  leurs  théologiens 
l'entend  à  sa  manière,  et  il  y  a  chez  elles 
presque  autant  d'opinions  que  de  têtes.  Il 
serait  fort  singulier  que  la  doctrine  fiit  plus 
indécise  et  plus  difficile  à  connaître  dans 
une  société  qui  reconnaît  un  tribunal  pour 
en  décider  ,  que  dans  une  qui  n'en  admet 
point.  —  1"  Il  est  faux  que  nos  théologiens 
disputent  pour  savoir  quel  est  ce  tribunal  ; 
Ions  conviennent  qu'un  concile  .  général 
confirmé  par  le  pape  a  pleine  autorité  de 
fixer  le  vrai  sens  de  l'Ecriture  et  de  la  tra- 
dition ;  que ,  quand  il  a  prononcé ,  tout 
homme  qui  ne  s'y  soumet  point  est  héréti- 
que. Tons  conviennent  encore  que  le  sou- 
verain pontife  a  droit  de  porter  des  juge- 
ments en  matière  de  foi  ;  que  quand  ils  sont 
confirmés  par  l'acceptation  formelle  ou  ta- 
cite du  très  grand  nombre  des  évô.:|ues,  ils 
ont  la  même  autorité  que  les  décrets  du 
concile  général.  S'il  y  a  des  théologiens  qui 
en  disconviennent,  ce  sont  de  faux  catholi- 
ques, ou  plutôt  des  hérétiques  déguisés.  La 
seule  queslin  qui  reste  entre  les  théolo- 
giens est  de  savoir  si  avant  l'acceptation 
même,  les  jugements  du  pape  eu  matière  de 


doctrine  sont  irréformables  ;  mais  qu'im- 
porte celte  question  pour  savoir  au  vrai 
quelle  est  la  doctrine  de  VEglise  romaine  ? 
[Voy.  Gallican;  DÉcLâRAXiofi  du  clkkgé  de 
Fkance  de  1682.]  — 2°  Il  est  encore  taux  que 
le  concile  de  Trente  ne  soit  [)as  également 
respecté  et  suivi  partout  eu  ce  qui  concerne 
le  dogme  ;  il  n'a  pas  été  besoin  d'une  accep- 
tation solennelle  pour  donner  force  à  ses 
décrets  ,  quiconque  y  résiste  est  hérétique. 
Quant  aux  règlemcnls  de  discipline,  il  y  a 
des  étals  catholiques  qui  ne  l'ont  pas  reçu  ; 
mais  c'est  un  trait  de  mauvaise  foi  de  con- 
fondr'  le  dogme  ou  la  foi,  avec  la  discipline: 
la  première  peut  être  une,  quoique  la  se- 
conde varie.  —  3°  Parce  que  ce  concile  n'a 
pas  voulu  i  roiioncor  sur  des  questions  de 
pure  curiosité  ,  sur  lesquelles  l'Ecriture 
sainte  et  la  tradition  gardent  le  silence  ou 
ne  s'expli(iuent  pas  clairement,  il  ne  s'en- 
suit pas  que  ses  décrets  sont  conçus  en  ter- 
mes ambigus,  mais  que  le  concile  n'a  point 
voulu  porter  de  jugement  sans  motif  et  sans 
fondemeîlt.  Ici  le  reproche  des  protestants 
est  encore  une  contradiction.  D'un  côté,  ils 
accnsenl  l'Kglise  catholi(iue  de  témérité  et 
d'impié;é  parce  qu'elle  prétend  fixer  le  sens 
de  l'Ecriture  et  de  la  tradition,  et  faire  ainsi 
des  décisions  en  matière  de  foi  ;  de  l'autre, 
ils  la  blâment  de  ne  vouloir  pas  décider, 
lorsqu'elle  ne  peut  appuyer  son  jugement  ni 
sur  l'Ecriture  sainte  ni  sur  la  tradition.  — 
4"Quelles  que  soient  la  clarté  et  la  sagessede 
ses  décisions,  elles  ne  satisferont  jamais  les 
esprits  curieux,  pointilleux,  inquiets  et  té- 
méraires ;  sans  cesse  ils  élèveront  de  noa- 
veiux  doutes ,  ils  forgeront  de  nouveaux 
systèmes,  ils  trouveront  de  nouvelles  ma- 
nières de  tordre  le  sens  de  l'Ecriture  sainte, 
et  d'obscurcir  la  tradition  :  les  protost.mts 
en  ont  donné  l'exemple,  et  ils  auront  toujours 
des  imitateurs.  11  sera  donc  toujours  néces- 
saire de  faire  de  nouvelles  décisions  pour 
éclaircir  et  confirmer  celles  qui  sont  déjà 
faites.  C'est  ce  qui  a  forcé  les  souverains 
pontifes  à  publier  des  bulles  ,  et  à  établir 
une  congrégation  pour  interpréter  les  dé- 
crets du  concile  de  Trente.  Mais  ces  déci- 
sions nouvelles  sont  dans  le  fond  si  confor- 
mes aux  anciennes,  que  les  protestants  ont 
fait  précisément  les  mêmes  reproches  contre 
les  uni's  et  les  autres.  Voy.  Catholique,  etc. 
RO.SAIRE,  pratique  de  dévotion  qui  con- 
siste à  réciter  quinze  fois  l'oraison  domini- 
cale, et  cent  cinquante  fois  la  salutation 
angéli(iue  ;  ainsi  le  rosaire  est  con)posé  de 
quinze  dizaines  d'^ce  Maria,  au  lieu  que  le 
chapelet  ordinaire  n'en  a  que  cinq.  Son  ins- 
tilutinn  a  pour  objet  d'honorer  les  quinze 
principaux  mystères  de  la  vie  de  Notre-Sei- 
gneur  et  de  sa  sainte  mère.  C'est  donc  un 
abrégé  de  l'Evangile,  une  espèce  d'histoire 
de  la  vie,  des  soulTrances,  des  triomphes  de 
Jésus-Christ,  mise  à  portée  des  ignorants, 
et  propre  à  graver  dans  leur  mémoire  les 
vérités  du  christianisme.  On  attribue  ordi- 
nairement l'institution  du  rosaire  à  saint 
Dominique.  Dom  Luc  d'Achery  et  dom  Ma- 
billon,  Prœf.  ad  Acla  SS.  Ord.  liened  ,  sec 


m 


ROS 


H0\ 


222 


.  5,  p.  58,  se  sont  att<ich<;s  à  prouver  que  rette 
f' prali(iue  e<t  plus  nncii-nne,  et  qu'elle  élait 
en  usage  l'an  1100;  Moslieim  est  dans  la 
même  opinloii,  Ui-<t.  rcclc's.,  x'  siècle,  ii" 
pari.,  c.  IV,  §  2.  D'aulres  l'ont  attribué  à 
Paul,  abbé  (lu  mont  l'hercné  eu  Libye,  con- 
temporain de  saint  Antoine  ;  d'autres  à  saint 
iienolt,  quelques-uns  au  vénérable  Bède  ; 
Polydore-Virciile  prétend  quo  Pierre  l'er- 
niile,  pour  exdtcr  les  peuple»  à  la  croisade, 
sous  Urbain  11,  en  10110,  leur  enselRuail  le 
psautier  laïque  composé  de  150  Ave  Maria, 
coinitio  le  psautier  ecclésiastique  est  com- 
posé de  150  psaumes,  ri  que  c'était  l'usage 
des  solitaires  de  l,i  Palestine.  On  a  trouvé 
dans  le  tombeau  de  sainte  Gcrtuile  de  Ni- 
velles, déréùee  en  (iti7,  et  dans  celui  de  saint 
Norbert  mort  en  ll.'Ji-,  des  grains  enfilés  qui 
paraissaient  cire  des  grains  de  ciiapelet. 

Il  n'est  pas  douteux  que  les  solitaires  des 
premiers  siècles  de  l'Ej^lise  ne  se  soient  ser- 
vis de  petites  pierres  ou  d'aulres  marques 
senibiablt's  pour  compter  le  nombre  de  leurs 
prières  ;  nous  l'apprenons  de  Pallade,  dans 
sou  Histoire  Lausiaque  ;  de  Sozomène,  etc., 
coutine  l'a  remarqué  Iteuoit  XIV,  de  Coro- 
nis  SS.,  p.  2,  c.  10,  u.  11.  Ceux  qui  ne  sa- 
vaient pas  lire,  ou  qui  no  pouvaient  pas 
réciter  le  psautier  par  cœur,  y  suppléaient, 
eD  récitant  souvent,  pondant  leur  travail, 
l'oraison  dominicale,  surtout  à  chacune  des 
heures  que  les  ministres  de  l'Eglise  em- 
ployaient au  chant  dos  psaumes.  Les  per- 
soitnes  du  peuple  désignaient  le  nombre  de 
ces  prières  par  des  espèces  de  clous  atta- 
chés à  leur  ceinture,  tome  Vil  ('oncil., 
p.  H89.  L'usage  de  réciter  la  salutation  an- 
gélique  de  la  même  manière  n'est  pas  aussi 
ancien.  Quoi  qu'il  en  soit  de  ces  faits  et  des 
opinions  des  divers  écrivains  ,  il  paraît 
prouté  ()ue  saint  Dominique  est  le  véritable 
auteur  de  l'usage  do  réciter  quinze  /'aicr 
avec  ((uinze  dizaines  i'Ave  Maria,  à  l'hon- 
neur des  principaux  mystères  de  Jésus- 
Christ,  auxquels  la  sainte  \'ierge  a  eu  part  ; 
il  l'inlroduisil  vers  l'an  1208,  ou  peu  aujia- 
ravant  ,  pour  prévenir  les  flilèles  contre 
l'erreur  des  albigeois  et  de  quelques  autres 
héréli(^ue8  qui  blasphémaient  conire  le  mys- 
tère de  l'incarnation.  Le  père  Ecliard,  do- 
minicain a  prouvé  ce  l'ait  historique  par 
des  monuments  incoiilestaliles.  liiblioth. 
Scriptor.  ordin.Prœdicat.,  1. 1,  p.  352;  t.  Il 
p.  271. 

La  fête  du  Rosaire  est  d'une  inslilulion 
plus  récente.  En  actions  de  grâces  de  la 
victoire  reuiportée  à  Lépaulc  par  les  chré- 
tiens sur  les  infidèles,  le  premier  dimanche 
d'octi)bre  de  l'an  lo"i,  le  pape  Pie  V  insti- 
tua une  fête  annuelle  pour  ce  jour-là  sous 
le  litre  de  Sainte  Marie  de  la  Victoire.  Doux 
ans  après,  drégoire  XIU  changea  ce  litre  eu 
celui  du  Rosaire,  et  approuva  un  offi,  e  pro- 
pre pour  cette  fête.  CliMueiil  X  la  fil  a.lop- 
ter  par  les  Eglises  d'Espagne.  Eu  niii,  les 
Turcs  ayant  été  biillus  p  ir  l'armée  de  l'em- 
pereur Charles  VI,  près  de  Témeswar,  le 
jour  de  la  fêle  de  Notre-Dame  des  Neiges, 
et  ayant   été  obligés    de  lever   le   siège  de 


Corfoalcjonr  de  l'octave  de  l'Assomption 
de  la  même  année,  Clément  XII  rendit  uni- 
versel l'office  de  la  fête  du  Rosaire.  Vies  des 
Pères  et  des  Martyrs,  t.  IX,  p.  278. 

Il  était  aisé  de  présumer  que  ces  nou.vel- 
les  institutions  déplairaient  aux  prolestants. 
Ils  disent  que  le  culte  de  la  vierge  Marie, 
qui,  dans  le  ix"  siècle,  avait  déjà  été  porté 
au  plus  haut  defjrc  d'idolâtrie,  reçut  encore 
(le  nouveaux  degrés  d'accroissement  dans 
les  siècles  suivants  ;  que  l'on  institua  des 
Diesses,  des  offices,  des  fêtes,  des  jeûnes,  des 
prières  en  l'honneur  de  celle  nouvelle  divi- 
nité. Mosheim,  llist.  ecclés.,  %'  siècle,  a' 
part.,  c.  IV,  §  2. 

Au  mot  Pagamsme  ,  où  nous  avons  exa- 
ni  né  la  nature  de  Vidoldlrie,  nous  avons 
démontré,  §  11,  (jue  le  reproche  de  ce  crime, 
sans  cesse  renouvelé  par  les  prolestants 
contre  l'Eglise  c^ilholique,  esl  absurde,  el 
l'effet  d'une  pure  méchanceté.  Par  les  priè- 
res mêmes  que  nous  adressons  à  la  suinte 
Vierge  el  aux  saints,  il  est  prouvé  que  nous 
les  envisageons,  non  comme  des  divinités, 
mais  comme  de  pures  créatures  ,  puisque 
nous  disons  :  Sainte  Vierge  Marie,  Mère  de 
Dieu,  priez  pour  nous  ;  suints  et  saintes  de 
Dieu,  intercédez  pour  nous  :  prier,  intercé- 
der, obtenir  des  grâces  de  Dieu,  est  la  fonc- 
tion d'une  créature  et  non  d'une  diviniié. 
Ces  prières  faites  à  Vhonnmr  des  saints  sont 
donc,  à  proprement  parler,  faites  plutôt  à 
l'honneur  de  Dieu,  puisque  c'est  à  lui  que 
l'on  aitribue  toutes  les  grâces  et  les  bien- 
faits ■lue  les  saints  peuvent  obtenir.  Il  en 
estd::  même  des  messes,  des  offices  et  de 
toutes  les  autres  prières  ;  elles  sont  encore 
aujourd'iiui  lellcs  qu'on  les  trouve  dans  le 
Sacramentaire  de  saint  Grégoire,  dressé  sur 
la  fin  du  vrou  au  commencement  du  vir' 
siècle,  cl  dont  le  fond  était  le  même  ((ue 
celui  du  pape  Gélase,  composé  au  v°.  S'il  y 
avait  d.iiis  ces  prières  de  la  superstilion  ou 
de  l'idolâtrie,  il  faudrait  en  placer  la  nais- 
sance pour  le  plus  tard  au  iv  siècle,  époque 
à  laquelle  il  y  a  eu  le  plus  de  lumières,  de 
talents  et  de  vertus  dans  le  corps  des  évo- 
ques. C'est  un  entêtement  fanatique  de  la 
part  des  protestants  de  placer  dans  ce  siècle 
éclairé  le  berceau  du  paganisme  de  l'Eglise 
roiuaine.  Mosheim,  ibid.,  iv' siècle,  ii'part., 
cap.  iii,  §  2.  Voij.  Saints. 

♦  ROSKOLNIKSOU  KASKOLNIKS.  C'esi  une  secte 
russe,  i]ui  ijrélcmi  conserver  b  doctrine  priiiiilive 
de-)  Russes  dans  loule  s:i  puielé.  Us  suiil  au  noinhre 
de  plus  de  trois  cent  nulle  el  possèdent  quelques 
coiivenis. 

ROYAUME  DES  CIEUX,  ROYAUME  DE 
DIKU.  Dans  le  Nouveau  Testament  cette 
espiessiou  signifio  très-souvent  le  royaume 
du  Messie,  par  conséquent  l'Eglise  chré- 
tienne composée  de  tous  ceux  qui  reconnais- 
sent le  Fils  'le  Dieu  pour  roi,  qui  sont  sou- 
mis à  Ses  lois  el  à  sa  doctrine.  Comme  les 
prophètes  oui  souvent  annoncé  le  Messie 
sous  le  titre  de  roi,  il  est  naturel  que  l'as- 
semblée de  ceux  qui  lui  ohéissent  soit 
appelée  un  royaume  ;  mais  ce  n'est  point  un 
royaume  temporel,  comme  le  commun  des 


in 


RUB 


nus 


221 


Juifs  l'entendait,  c'est  un  royaume  spiriliiel 
desliné  à  conduire  les  hommes  au  bonhour 
élernel.  Ainsi  l'explique  Jésus-Chrisl  lui- 
mémo.  (Joan.  xviii,  3G,)  La  mémi*  expression 
désigne  ;iussi  quelquefois  l'étal  dos  bien- 
heureux dans  le  ciel  ,  elilosldit  qu'ils  y 
régneront  éternellemenl.  (Apoc.  xxii,  5.) 
C'est  par  les  circonslances,  par  ce  qui  pré- 
cède ou  ce  qui  suit  dans  l'Evangile  ,  que 
l'on  doit  juger  lequel  de  ces  deux  sens  con- 
vient le  mieux  aux  divers  passages. 

UUnUIQUE.  Dans  le  sens  grammatical  ce 
terme  signifie  une  observation  ou  une  règle 
écrite  en  caractères  rouges  ,  et  c'est  ainsi 
qu'étaient  écrites  les  maximes  principales 
et  les  titres  du  droit  romain.  Parmi  nous 
on  appelle  rubriques  les  règles  selon  les- 
quelles on  doit  célébrer  la  liturgie  et  l'office 
divin,  parce  que  dans  les  missels  ,  les  ri- 
tuels, les  bréviaires  ei  les  autres  livres  d'é- 
glise, ou  les  a  communément  écriles  en 
lettres  rougos,  pour  les  distinguer  du  texte 
des  prières.  Anciennement  ces  règles  ne 
s'écrivaient  que  dans  des  livres  particuliers 
appelés  (lirecloires,  rituels,  cérémoniaux, 
ordinaires.  Les  anciens  sacramentaires,  les 
missels  manuscrits,  et  même  les  premiers 
imprimés ,  contiennent  peu  de  rubriques. 
liurcard,  niiiître  des  cérémonies  sous  les 
papes  lunoceni  A  III  et  Alexandre  Xï,  sur 
la  lin  du  xv  siècle,  est  le  premier  qui  ail 
mis  au  long  l'ordre  et  les  cérémonies  de  la 
mes'e  dans  le  pontifical  impritné  à  Rome  en 
148o,  et  dans  le  sacerdotal  publié  (juelques 
Jinnées  après.  On  joignit  ces  rubriques  à 
l'ordinaire  de  la  messe  dans  quelques  mis- 
sels; le  pape  Pie  V  les  fit  mettre  dans  l'or- 
dre et  sous  les  titres  qu'elles  portent  encore 
aujourd'hui.  Dès  lors  on  a  placé  dans  les 
missels  les  rubrique*  que  l'on  doit  observer 
en  célébrant  la  messe,  dans  les  rituels,  celles 
qu'il  faut  suivre  en  administrant  les  sacre- 
ments, en  faisant  les  bénédictions  ,  etc.,  et 
dans  les  bréviaires  relies  qu'il  faut  garder 
dans  la  récitation  ou  dans  le  chant  de  l'office 
divin.  Lebrun  ,  Explic.  des  cérém.  de  la 
Messe,  traité  prélim.,  art.  3.  Ces  règles  sont 
nécessaires  pour  établir  l'uniformilé  dans 
le  culte  extérieur,  pour  prévenir  les  man- 
quements et  les  indécences  dans  lesquels 
les  ministres  de  l'Eglise  pourraient  tomber 
par  ignorance  ou  par  négligence,  pour  don- 
ner au  service  divin  la  dignité  et  la  majesté 
convenable,  et  pour  exciter  ainsi  le  respect 
et  la  piété  du  peuple.  Il  est  scandalisé  avec 
raison,  lorsqu'il  voit  faire  les  cérémonies 
d'une  manière  gauche,  avec  précipitation, 
avec  négligence,  avec  un  air  distrait  et  in- 
dévot. Ceux  qui  regardent  les  rubriques 
comme  des  règles  minutieuses,  puériles  ou 
superstitieuses,  sont  fort  mal  instruits.  Dieu 
avait  prescrit  dans  le  plus  grand  détail  les 
moindres  cérémonies  que  l'on  devait  obser- 
ver dans  le  culte  mosaïque  ;  il  a  souvent 
puni  de  mort  des  fautes  en  ce  genre  qui 
nous  paraissent  légères  ;  le  culte  institué 
par  Jésus-Christ  et  par  les  apoires  est-il 
donc  moins  fespfctalile  cl  moins  digne  d'ê- 
tre observé  jusqu'au  scrupule  " 


MINCAIRES  ,  nom. que  l'on  donna  aux 
Vaudois  appelés  aussi  palarins  ou  paterins , 
mais  abusivement,  puisque  dans  l'origine  ce 
dernier  était  un  surnom  des  albigeois  ou 
manichéens.  Voy.  Pataiuns.  On  prétend  que 
les  Vaudois  furent  appelés  runcaires,  parce 
qu'ils  s'assemblaient  dans  les  broussailles, 
dans  les  lieux  iricultes  et  écartés,  nommés 
dans  les  bas  siècles  runcaria.  Du  Cange,  Bun- 
cnrii.  Voy.  Vaudois. 

RUSSIE  (Eglise  de).  Jusqu'à  nos  jours 
l'histoire  dt-  la  conversion  des  Russes  ou 
Moscovites  au  christianisme  était  fort  em- 
brouillée et  peu  connue,  il  n'  y  a  pas  long- 
temps que  l'on  est  parvenu  à  en  éclaircir  les 
principaux  faits.  On  sait  <à  présent  que  le 
christianisme  n'a  été  porté  dans  ce  vaste 
empire  que  sur  la  fin  du  x"  siècle,  par  le 
moyen  des  guerres  et  des  relations  qu'il  y 
eut  en  ce  lemps-Ià  entre  les  rois  ou  giands- 
ducs  de  Russie  et  les  empereurs  de  Con- 
slanlinople.  ■         ■ 

■  Vers  l'an  945,  Ollia,  Olga  ou  Elga,  veuve 
d'un  de  ces  souverains,  alla  à  Constantino- 
pie,  y  fut  instruite  de  la  religion  chrétienne, 
y  reçut  le  baptême  et  prit  le  nom  d'Hélène, 
De  retour  en  Russie  ,  elle  fit  des  tentatives 
pour  y  établir  notre  religion  ;  elle  ne  put 
persuader  son  fils  Suatoslas  qui  régnait  pour 
lors;  ainsison  zèle  ne  produisil  pas  de  grands 
effets.  Mais  Wolodimir  ou  Uladomir,  fils  et 
sucfesseur  de  Sualoslas  ,  s'étant  rendu  re- 
doutable par  ses  conquêtes  ,  les  empereurs 
grecs,  Basile  il  et  Constantin,  son  frère,  lui 
envoyèrent  des  ambassadeurs  et  recherchè- 
rent sou  alliance.  Il  y  consentit,  et  il  épousa 
leur  sœur  Anne  ;  il  se  laissa  instruire  et  re- 
çut le  baptême  l'an  988.  Une  fille  de  cette 
princesse,  nommée  Anne,  comme  sa  mère, 
fut  mariée  à  Henri  I",  roi  de  France,  et  fonda 
l'église  de  Saint-Vincent  de  .Senlis.  Ceux  qui 
ont  placé  la  conversion  des  Russes  au  ix* 
siècle  ont  confondu  le  règne  de  Basile  le  Ma- 
cédonien avec  celui  de  Basile  II. 

Nicolas  II,  dit  Chrysoberge,  patriarche  de 
Constantinople,  profita  des  circonstances  . 
il  envoya  en  Russie  des  prêtres  et  un  ar- 
chevêque qui  baptisa  les  douze  fils  de  Wo- 
lodimir, et  on  prétend  que  dans  un  seul  jour 
vingt  mille  Russes  embrassèrent  le  christia- 
nisme. Les  successeurs  de  Chrysoberge  con- 
tinuèrent à  cultiver  celte  mission  ;  consé- 
quemmenl  l'Eglise  naissante  de  Russie  se 
trouva  sous  la  juridiction  de  celle  de  Cons- 
tanlinople.  Alors  les  Crées  étaient  encore 
unis  de  communion  avec  le  siège  de  Rome  ; 
ainsi  les  Russes  furent  d'abord  catholiques. 
Ils  ne  cessèrent  pas  entièrement  de  l'être  en 
1053,  lorsque  le  schisme  des  Grecs  fut  con- 
sommé par  le  patriarche  Michel  Cérularius. 
Il  est  prouvé  que  l'an  H39,  époque  du  con- 
cile de  Florence,  il  y  avait  encore  en  Rus- 
sie autant  de  catholiques  que  de  schismali- 
ques,  Acta  Sanclor.,  t.  XLI,  2*  vol.  de  Sept. 
Ce  ne  fut  qu'au  milieu  du  xv  siècle  qu'un 
certain  Pholius,  archevêque  de  Kiow,  éten- 
dit le  schisme  dans  toute  la  Russie.  L'union 
de  l'Eglise  russe  à  celle  de  Constantinople 
a  duré  jusqu'en  1588. 


4(23 


nus 


RUS 


226 


Aux  mots  Missions  et  Allemagne,  nous 
avons  remaniué  l'affectation  avec  laquelle 
les  protestants  ont  Jécrié  en  général  tou- 
tes les  missions  faites  dans  le  Nord  par 
les  Latins;  ils  ont  ii>éna;;c  un  peu  davan- 
tage les  missionnaires  grecs,  parce  que 
ceux-ci  ,  en  rendant  chrétiens  les  peuples 
de  la  Russie,  les  soumirent,  non  à  la  ju- 
ridiction du  pape,  mais  à  celle  du  patriar- 
che de  Constantinople.  Moslieim,  Uisl.  ec~ 
clés.,  IX'  siècle  ,  I"  part.,  c.  i,  §  5  ,  prétend 
néanmoins  que  l'on  cmploja  les  piésents 
et  les  promesses  pour  engager  (es  harbares 
à  embrasser  llivangile.  Conjecture  témé- 
raire ,  hasardée,  sans  preuve.  Les  Grecs 
étaient-ils  assez  opulents  pour  gagner  toute 
une  nation  par  un  motif  d'intérêt?  D'ailleurs 
l'histoire  nous  apprend  (ju'avant  la  conver- 
sion de  Wolodiiiiir,  il  avait  armé  une  flotte 
formidable,  et  qu'il  se  proposait  de  faire 
chez  les  Grecs  une  expédition  semblable  à 
celle  que  les  Normands  faisaient  chez  nuu». 
11  était  naturel  que  Habile  II  cl  <]onstanlin 
cherchassent  à  conjurer  cet  orage  par  des 
présents  et  par  <les  |)ronicsses  ;  qu'ils  dési- 
rassent de  convenir  au  christianisme  u» 
conquérant  redoutable.  On  a  fait  de  même  à 
l'égard  des  Normands  et  avec  le  même  suc- 
cès ;  il  ne  s'ensuit  pas  qu'on  leur  a  planté 
la  foi  par  des  présents  et  par  des  pro- 
messes. 

Mosheim  ajoute  que  les  missionnaires 
grecs  n'employèrent  point,  comme  les  émis- 
saires du  pape  ,  la  terreur  des  lois  pénales 
pour  convertir  les  liarbares,  luais  unique- 
ment la  persuasion  et  la  puissance  victo- 
lorieuse  d'une  vie  exemplaire;  qu'ils  se  pro- 
posèrent uniquement  le  bonheur  de  ces  peu- 
ples, cl  non  la  propagation  de  l'empire  pa- 
pal. Autre  trait  de  partialité.  Nous  avons 
fait  voir  ailleurs  que  les  prétendues  violences 
employées  par  les  missionnaires  du  pape 
sont  une  calomnie  ;  qu'ils  n'ont  pas  plus 
travaillé  pour  le  pape  que  les  Grecs  pour 
le  patriarche  de  Constantinople  ;  que  la  con- 
duile  des  uns  et  des  autres  a  été  parfaitement 
semblable.  Suivant  les  préjugés  de  sa  secte  , 
il  dit  que  la  doctrine  des  tirées  n'était  poinl 
conforme  à  celle  de  Jesus-Christ  et  des  apô- 
tres, qu'ils  y  mêlaient  quantité  de  rites  su- 
perstitieux et  d'inventions  absurdes  ,' que 
leurs  prosélytes  conservèrent  bi'aucou[)  de 
restes  de  leur  ancienne  idolâtrie  ;  qu'ils  nu 
firent  d'abord  qu'une  profession  apparente 
de  la  vraie  religion.  Mais  il  excuse  les  mis- 
sionnaires ,  parce  que,  pour  attirer  dans  le 
sein  de  l'Eglise  des  peuples  encore  barbares 
et  sauvages  ,  on  était  obligé  de  se  prêter  à 
leur  iulirmilé  et  à  leurs  préjugés.  Pourquoi 
donc  a-l-il  censuré  avec  tant  d'aigreur  les 
missionnaires  latins  qui  ont  agi  de  même 
dans  les  mêmes  circonstances  et  parle  mê- 
me molif?  ("est  ainsi  que  la  passion  et  l'eu- 
téleiuent  de  système  se  trahissent.  Nous 
Voudrions  savoir  si  les  missionnaires  luthé- 
riens qui  se  sont  vantés  d'avoir  converti 
des  Indiens  on  ont  fait  dans  un  moment  des 
chrétiens  parfaits.  Des  plaintes  même  de 
Mosheim  il  s'ensuit  que  les  Grecs  n'ont  pas 


plus  connu  ni  prêché  le  prétendu  christia- 
nisme pur  des  prolcstinls,  que  les  Latins  et 
que  les  Russes,  non  plus  que  les  autres  bar- 
bares convertis  n'en  ont  jamais  eu  la  moin- 
dre idée. 

En  loSSou  en  1589,  Jérémie,  patriarche 
de  (^.onstantinoplc,  étant  en  Russie,  assem- 
bla les  évêqiies  do  ce  pays-là,  et  d'un  consen- 
Icmeut  unanime  l'évêi|ue  de  Moscou  fut  dé- 
claré palriarche  de  toute  la  Russie  Ce  dé- 
cret fut  confirmé  l'an  159;{  dans  un  concile 
de  Constantinople ,  auquel  assistèrent  les 
patriarches  d'Alexandrie  ,  de  Jérusalem  et 
d'Anlioche;  ils  fondèrent  leur  avis  sur  le 
28°  canon  du  concile  de  Chalcédoine.  Sous 
le  règne  du  czar  Alexis  Michaëlowitz,  pèro 
de  Pierre  le  Grand  ,  un  patriarche  de  Mus- 
cou,  nommé  Nicon,  déclara  à  celui  de  Cons- 
tantinople qu'il  ne  reconnaissait  plus  sa  ju- 
ridiction. Il  se  rendit  ainsi  indépendant  ,  il 
augmenta  le  nombre  des  archevêques  et  des 
évéques,  et  il  s'altribua  un  pouvoir  despo- 
tique sur  le  clergé.  Comme  il  voulut  se  mê- 
ler aussi  du  gouvernement  et  troubler  l'E- 
tal, le  czar  fil  assembler  en  lGt}7,  à  Moscou, 
un  concile  nombreux  composé  des  princi- 
paux prélats  de  l'Eglise  grecque  et  de  celle 
de  Russie,  dans  lequel  Nicon  fut  déposé.  Ses 
successeurs  a>  anl  encoredonnéde  l'ombrage 
au  czar,  Pierre  le  Grand  abolit  entièrement 
la  dignité  de  patriarche,  et  se  déclara  seul 
chef  de  l'Eglise  russe.  En  1720,  il  établit  pour 
la  gouverner  un  conseil  composé  d'archevê- 
ques et  d'évêques  et  il'archimaiidriles  ou  ab- 
bés de  monastères  ,  du()uei  il  se  réserva  la 
présidence  et  le  droit  d'en  nommer  tous  les 
membres.  Par  un  édit  du  25  janvier  1721,  il 
ordonna  que  l'autorité  d<!  ce  conseil  fût  re- 
connue dans  tous  ses  Etats  ;  il  y  fit  dresser  un 
règlement  (|ni  fixe  la  croyance  et  la  disci- 
pline de  l'Eglise  russe  ,  il  le  fit  signer  par 
tous  les  membres  du  haut  clergé,  même 
par  tous  les  princes  et  les  grands  de  l'empire  : 
il  n'est  poinl  do  monument  plus  authentique 
pour  s'informer  de  la  religion  des  Russes, 
Cette  pièce,  peu  connue  jusqu'ici,  a  été  tra- 
duite en  latin  sous  le  titre  de  Slatntum  cano- 
nicum  seu  ecclcsiasticum  Pelri  Mnyni,  el  pu- 
blié par  les  soins  du  prince  Potemkin  à  Pé- 
tersbourg,  de  l'imprimerie  de  l'Académie  des 
Sciences,  1785,  in-4'  de  l'57  pages. 

Quant  au  dogme,  l'on  y  fait  profession  de 
regarder  l'Ecriture  sainte  comme  règle  de 
foi  ;  mais  l'on  ajoute  que,  pour  en  prendre 
le  vrai  sens,  il  faut  consulter  les  décisions 
des  saints  conciles  el  les  écrits  des  Pères  de 
l'Eglise,  par  conséquent  la  tradition.  Tou- 
chant les  niislères  de  la  sainte  Trinité  et 
de  l'Incarnation,  l'on  renvoie  les  théologiens 
aux  ouvrages  de  sainl  Grégoire  de  Nazianze, 
de  saint  Athanase,  de  sainl  Basile,  de  sainl 
Augustin  ,  de  saint  Cyrille  d'Alexandrie,  et 
à  la  lettre  de  sainl  Léon  à  Flavien  touchant 
les  deux  natures  en  Jésus-Christ;  il  n'y  est 
point  parlé  de  l'erreur  des  Grecs  touchant 
la  procession  du  Saint-Esprit.  Sur  ce  qui  re- 
garde le  péché  originel  et  la  grâce,  on  s'en 
tient  à  la  doctrine  de  saint  Augustin  contre 
les  pélagiens.  Il  est  parléd'une  manière  1res- 


227  RUS 

orthodoxe  de  la  confession  auriculaire,  de 
la  péujifuco  et  de  l'absolulion  ,  de  l'eucha- 
ristie, de  la  sjiutc  messe,  du  viatique  porté 
aux  lualades,  de  la  bénédidion  nuptiale  ,  du 
cuHc  des  saints,  dC'*  i;iiages,  des  reliques,  de 
la  prière  pour  les  morts.  Il  est  recomuiandé 
aux  évoques  de  veillir  à  la  pureté  du  culle, 
d'eu  bannir  les  fables  el  toute  espèce  de 
suporsiilioii.  Ce  règlement  reconnaît  la  hié- 
rarchie composée  des  évoques,  des  prêtres 
et  (les  diacres,  il  y  ajoute  les  arcliimamiri- 
tes  el  lis  héfçuniLnes.  H  établit  l'autorité 
des  cvéques,  le  pouvoir  qu'ils  ont  d'excom- 
munier et  de  réconcilier  les  [)éi  heurs  à  l'E- 
glise :  il  leur  recoimuanJe  nî-anmoins  d'en 
user  avec  beaucoup  de  précaution  et  de  con- 
sulter le  synode  ou  conseil  ecclésiastique 
dans  toutes  les  affaires  niaJL'ures  ou  dou- 
teuses. 11  statue  des  peines  contre  les  héré- 
tiques el  les  schismaliques.  11  fait  mention 
des  miiines  el  des  ri-ligieuses,  d''S  vœux  de 
la  profession  monastique,  de  la  clôture,  etc. 
11  ordonne  aux  uns  el  aux  autres  d'exécu- 
ter leur  règle,  de  satisfaire  aux  jeûnes,  à  la 
prière  ,  à  la  comiiiunion  ;  il  leur  défend  de 
sortir  de  chez  eux.  Il  y  a  des  rèt;lemcnls 
pailiculiers  pour  les  confesseurs,  pour  hs 
prédicateurs  ,  pour  les  professeurs  des  col- 
lèges ;  il  y  (  n  a  pour  les  séminaires,  pour 
les  cludianis,  pour  la  distribution  d^is  au- 
mônes, pour  réprimer  la  meiiLiicilé  ;  l'abus 
des  chapelles  domestiques  chez  les  giands 
y  est  expressément  condanuié.  A  tous  ces 
statuts  l'on  reconnaît  la  sagacité ,  l'expé- 
rience, la  vigilance  et  l'aclivilé  de  Pierre  le 
Grand. 

Le  seul  article  dans  lequel  ce  règlement 
s'écarte  de  la  foi  catholique,  est  le  refus  de 
reconnaître  la  juridiction  du  pape  sur  toute 
l'Eglise;  mais  il  ne  reconnaît  pas  non  plus 
celle  du  |)atriarche  de  Constanlinople;  il 
blâme  égalemenl  l'une  el  l'autre.  A  la  ré- 
serve de  cet  article,  la  croyance  el  la  disci- 
pline des  Russes  n'ont  aucune  ressemblance 
avec  celle  des  protestants.  Cependant  ce 
peuple,  converti  au  christianisme  depuis 
huit  cents  an  s,  n'a  jamais  fait  profession  de  re- 
cevoir sa  doctrine  de  l'Eglise  romaine,  mais 
de  l'Eglise  grecque.  P. us  d'une  fois  les  lu- 
thériens ont  cherché  à  introduire  leurs  er- 
reurs (  hez  les  Russes  ;  ils  ont  toujours  trouvé 
une  résistance  invincible  de  la  pari  duclergé. 
C(  l  exposé  de  la  croyance  de  V Eyliae  de  Rus- 
sie est  confirmé  par  le  calérhisme  composé 
en  10i2  par  Moghilas,  archevêque  de  Kio- 
vie,  pour  prévciiir  son  troupeau  contre  les 
erreurs  des  protestants,  el  qui  fui  aidé  ^lans 
ce  travail  par  Porphyre  ,  mélropolitain  de 
Nicée,  et  par  Syrigus,  docteur  de  l'Eglise  de 
Coustanliniple.  Ce  livre  ,  imprimé  d'abord 
en  langue  esclavone  ,  fut  traduit  en  grec  et 
en  latin,  el  approuvé  solennellement  par  les 
quatre  patiiarciics  grecs.  Il  fui  nomoié  d'a- 
bord Confession  orthodoxe  des  Russes,  cl  en- 
suite par  les  Grecs,  Confession  orthodoxe  de 
l'Ltjlise  orientale.  Le  P.  Lebrun  en  a  (tonné 
une  notice  el  des  extraits  ,  È'xplic.  des  céré- 
mon.  de  la  messe,  l.  IV,  an.  5,  p.  4:27.  Il  est 
constant  d'ailleurs  que  les  Russes  se  servent 


RUS 


228 


de  la  même  liturgie  que  l'Egliso  grecque  de 
Constanlinople,  et  qu'ils  n'en  ont  jamais  eu 
d'autre.  Us  célèbrent  la  messe  en  lan<^ue 
esclavone,  quoique  ce  ne  soit  pas  la  langue 
vulgaire  de  Russie. 

Au  vi°  siècle  il  s'est  détaché  de  celle  Eglise 
une  f.ecte  de  mécré;inls  qui  se  nomment  ste- 
rauersi,  ou  anciens  fidèles,  et  qui  donnent 
aux  autres  Russes  le  nom  de  roscolchiki^ 
c'est-à-dire  hérétiques.  Ces  sectaires,  tous 
très- ignorants  ,  enseignent  que  c'est  une 
grande  faute  dédire  trois  fois  Alléluia  ,  qu'il 
ne  faut  le  dire  que  deux  fois  ;  (ju'il  faut  of- 
frir sept  pains  à  la  messe  au  lieu  de  cinq  ; 
que,  pour  faire  lo  signe  de  la  croix,  il  faut 
joindre  le  quatrième  et  le  cinquième  doigt  au 
pouce,  en  tenant  le  troisièaie  el  l'index  éten- 
dus; qu'il  faut  rejeter  loas  les  livres  impri- 
més depuis  le  patriarche  Nicon;  que  les  prê- 
tres russes  qui  boivent  de  l'eau-de-vie  sont 
incapables  de  baptiser  ,  de  confesser  et  de 
communier;  que  l'Evangile  réprouve  l'auto- 
rilé  du  g  luvernemenl  cl  commande  la  fra- 
ternité; qu'il  est  permis  des'ôler  la  vie  pour 
l'amour  de  Jésus-Christ  ;  qne  tous  ceux;  qui 
ne  pensent  pas  comme  eux  sont  des  hommes 
impurs  el  des  pa'iens  avec  lesquels  il  ne  faut 
avoir  aucune  communication.  Lorsque  l'on 
a  voulu  les  lontraindre  à  professer  la  reli- 
gion russe,  ils  se  sont  assemblés  par  centai- 
nes dans  une  maison  ou  dans  une  grange, 
ils  y  ont  mis  le  feu  ,  el  se  sont  brûles  eux- 
mêmes. 

Pie.  re  le  Grand  élablit  dans  ses  Etats  la 
tolérance  de  toutes  les  religions;  ainsi  on  y 
trouve  non-seulement  des  chrétiens  de  tou- 
tes les  sectes ,  mais  des  juifs ,  des  mahoraé- 
lans,  des  pa'iens  ou  idolâtres.  Ou  a  lenlé  plus 
d'une  fois  de  réunir  les  Russes  à  l'Eglise  ro- 
maine; eux-môuK's  ont  donné  des  ouvertu- 
res et  fait  des  avances,  mais  sans  succès.  Ce 
projet  fui  renouvelé  en  1717,  lorsque  le  czar 
Pierre  était  en  France  ;  il  y  eut  à  ce  sujet  des 
mémoires  dressés  et  des  réponses  ,  cela  ne 
produisit  aucun  effet  ;  le  principal  obstacle 
fut  sans  doute  la  crainte  qu'eut  le  czar  de 
perdre  quelque  degré  de  son  autorité,  de  la- 
quelle il  était  tiès-jaloux.  Ce  fui  au  retour 
de  son  voyage  en  Ëiauce  ,  en  1719,  qu'il  se 
déclara  chef  souverain  de  VEglise  de  Russie. 
L'année  précédente  1718,  parut  à  Moscou  le 
livre  d'Etienne  Javoshi  ,  archevêque  de  Re— 
zane  et  de  Mijromie,  intitulé  Kumen  ileri , 
le  Uoclier  de  ta  foi,  co:n|)osé  contre  les  héré- 
tiques,  el  qui  eut  le  ()lus  grand  succès  en 
Russie,  mais  qui  déjlut  beaucoup  aux  pro- 
leslauls.  Musheim  prétend  que  l'auleur  a 
moins  eu  pour  but  do  conGrmer  les  Russes 
dans  leur  loi  ,  que  de  favoriser  l'Eglise  ro- 
maine. 11  s'est  attaché  à  le  réfuter  ,  Syntag- 
ma  Dissert.,  etc.,  p.tl::!.  Nous  n'examinerons 
point  s'il  y  a  réussi  ou  non  ;  mais  >1  eu  ré- 
sulte du  moins  que  i'. '-église  de  Russie,  dont 
la  croyance  fut  toujours  conl'oroie  à  celle 
de  l'Eglise  grecque  ,  regarde  aussi  bien  que 
nous  les  protestants  comme  des  hérétiques; 
que  ces  derniers  en  ont  imposé  grossière- 
ment lorsqu'ils  ont  afliruié  que  les  Grecs 
pciisaicnl  comme  eux,  que  li;s  preuves  du 


S29 


RUS 


RUT 


250 


contraire  fournies  par  les  catholiques  étaient 
fausses,  que  les  confessions  de  foi  des  (îrecs 
avaiciU  été  exloroiuûes  par  argent,  clc.  Le 
statut  ou  rèf,'lein('iit  de  t'ierre  le  (irand  est 
couiie  eux  une  preuve  à  laquelle  ils  ne 
pourront  jamais  rien  opposer  de  rai.<onna- 
ble.  11  est  élonitant  que  iMosheitu  ,  qui  en 
avait  connaissance,  ait  encore  osé  parler 
comme  il  l'a  fait  de  la  croyance  des  Grecs  et 
de  celle  des  Uiisscs.  IliH.  ecclés.  ,  xvir  siè- 
cle, sect.  2,  I"  partie,  chap.  u,  §  3  et  4.  Voy. 
Giiiics  (1). 

(I)  L'E'n'Iise  onllinliqtie  de  Russie  vient  d'être  eon- 
Sliluée  SHV  de  nouvelles  bases.  On  nous jiaura  j!;y  île 
rapporter  ici  le  riinciird.it  passJ' ,  le  ô  a<ini  1S;7, 
entre  noire  Saint-Père  le  pape  Pic  IX  et  l'empereur 
Nicolas. 

ARTICLLS   COMVEMJS. 

Les  soussignés,  plèiiipolenliaires  du  s«inl-siége  et 
de  S.  M.  l'empereur  de  Uussi.',  roi  di;  l'olonne,  apiès 
avoir  l'cliangé  Icins  |ileiiis  pouvoirs,  «ni,  en  pi  is.|eiiis 
séances,  examiné  et  pesé  divers  chefs  de  la  négieia- 
lion  conliée  à  leurs  .soins.  El  toniiiic,  sur  plusieurs 
points,  ils  sont  arrivés  à  une  coneluoinn,  tandis  ijiiu 
d'autres  ileniemenl  en  suspens,  sur  lesrjuels  les  mê- 
mes plénipolenliuires  de  S.  M.  l'empereur  prunietlent 
d'appeler  toute  l'aKenlion  de  leur  gouveriiemenl,  i Jut 
en  posant  la  condition  expresse  qu'on  arrêtera  plus 
lard,  en  acte  sépaié,  les  poinis  qui  doivent  d"nner 
nialièie  à  «le  n<iuvclles  conlërences  à  tenir  dans  cette 
ville  de  lUirae,  entre  les  minisires  du  sainl-sii'ge  et 
rand)assadeur  de  S.  M.  impériale,  il  a  été  convenu, 
des  deux  cotés,  qu'on  (ixera  dans  le  piê.-enl  protocole 
les  points  sur  les<pieis  on  est  arrivé  à  un  résidlat , 
réservant  ceux  qui,  api  es  d'ultérieures  conlérences, 
doivent  terminer  la  néiiociation.  Ce.-<1  p<iurquoi,  dans 
les  séances  des  19,  H  et  ii5  juin  et  i"  juiilei ,  les 
articles  suivants  oui  élo  arrêtés  : 

I.  S'-pt  diocèses  eailioliques  romains  sont  établis 
dans  l'enipiie  des  Knssies  :  un  arelievéclié  et  six 
évèciiés,  savoir  :  t.  L'areliidioecse  de  Moliilew,  eni- 
lir.assant  tontes  tes  parties  ilc  l'c-nipire  qii  ne  smit 
poiul  conteiuies  dans  les  diocèse^  ei-di'ssous  nonunés. 
Le  gr»nd-diiclié  de  Fiidande  est  également  compris 
dans  CCI  arcliidioeè-e.  2.  Le  diofè-<e  «le  Wiliia,  ein- 
llra.^sanl  les  gouvernenieuts  de  Wilna  et  de  Orodiio 
dans  leurs  limites  actuelles.  5.  Le  diocèse  de  Teisca 
ou  de  Samogilie,  einhrassaut  les  gouvernenieuts  de 
Conrlandc  et  d<'  Kowiiu  dan-  les  limites  ipii  leur  sont 
ai  luellemenl  assign  'es.  4.  Le  «liocése  de  Minsk,  eni- 
hra-sant  le  goiivcnicmeiu  «le  Minsk  dans  ses  liiniies 
d'»nj«)urd'hui.  5.  Le  diocèse  «Je  Liiceorin  et  Zyio- 
niérie,  comiiosé  des  gonverneiueiits  de  Kinvie  el  de 
VoUivnie  dans  leurs  limites  actuelles.  G.  Lu  dioix'se 
de  haminieli,  embrassant  le  gonvcriietiienl  de  Po- 
dolie  dans  ses  liantes  actuelles.  7.  Le  nniiveau 
di<H.èse  de  Cliersouèse,  qui  :>e  compo-ede  la  province 
de  lies-»raliie,  d'.:s  gonverueiuents  de  Ciiersunése, 
d'Uiailii'nn'isJaw,  de  Tanride,  «le  Saraluvr  et  d'As- 
tracan,  et  des  légitms  placées  d;i us  le  gouvernement 
gênerai  du  Cauease. 

II.  Des  lettres  apostoliques,  sous  le  see.iu  de  Plomb, 
établiront  l'cleiidue  el  les  limites  des  «Jincèsiss  comme 
il  est  lud  que  dans  l'article  prèojdent. —  Les  décrets 
d'exèeiitioii  coiupreudront  le  nombre,  le  «uim  «les 
paroisses  de  chaque  diocèse  ,  el  seioiil  souiuis  à  la 
sanction  du  saiiit-siêge. 

JM.  Le  niMibre  des  suCTragances  qui  ont  été  éia. 
blies  pal* Lettres  aposloliqnes  de  Pie  VI,  en  l/SU, 
revêtues  du  sceau  «le  Plomb,  est  conservé  dans  lus 
six  diocèses  ain  ie.is. 

IV.  La  sulfragance  du  diocèse  nouveau  de  Clierso- 
nèse  sera  dans  la  viile  «le  baïaiow. 

V.  L'évéque  de  t:iieisojicee  aura  u»  iraiienient 


RUTH  (livre  de),  l'un  des  livres  de  l'Ancien 
Tcslamctit  ,  qui  contient  l'hisloire  d'uno 
femme  luoabile  ,  recommandablc    pur  son 

annuel  de  quatre  mille  qiiaire  cent  quatre-vingts 
roubles  d'argent.  Sun  snlTraganl  jouira  du  niènie 
trailemenl  que  les  autres  évèqnes  siillraganls  de  l'em- 
pire, c'e.-l-à-dire  «le  iHmix  mille  roubles  d'argent. 

Vl.  Le  chapitre  de  l'église  calliédiale  de  Cln-rso- 
nèse  se  «omposera  de  neuf  membres,  savoir  :  deux 
préiats  ou  dignilé.s,  le  président  el  rarcliidiafre  , 
qiiaire  clianoines,  doiil  Irois  rempliront  les  lonclions 
de  Uiéoloyal,  de  péniieiicier  et  de  curé,  et  irois 
niansioiinaircs  ou  bénéfleiers. 

Yll.  Dans  li;  nouvel  cvéclié  de  Cliersonèse  il  y  aur.t 
un  séminaire  diocésain  ;  des  élèves,  au  nmnbre  «le 
quinze  à  vingt-cin(|,  y  seront  enlreleniis  anx  frais  du 
gouvenieinenl,  comme  ceux  qui  jouissent  de  la  pen- 
siuii  dans  les  auires  séminaires. 

Mil.  Jusiiu'à  ce  qu'un  évèque  catholique  «lu  rile 
arménien  soit  noniiiiè  ,  il  sera  pourvu  aux  besoins 
spirituels  des  Arméniens  callinliipies  vivant  dans 
les  diocèses  d'  Cliersonèse  el  Kaniinieli,  en  leur  ap- 
pliquant les  règles  du  iliap.  ix  Ju  concile  de  Latrati, 
en  i2l.ï. 

IX.  Les  évê  |ues  de  Kaminieli  et  de  {^hersonèse 
fixeront  le  nombre  îles  clercs  arméniens  cailioliques 
«lui  devront  «ilre  élevés  dans  leurs  séminaires  aux 
finis  du  giiuvernenieni.  Dans  chacun  desdils  sémi- 
naires il  y  aura  iiti  iirêlre  arménien  catliiilii|ue  pour 
insiruiie  les.élèves  arméniens  des  céréiuoiiies  de  leur 
propre  rit. 

\.  Tontes  les  fois  que  les  besoins  spiriiuels  des 
c3llioliqiie.s  roiiiains  el  armiiniens  du  nouvel  évcclié 
de  t^lieisonèse  le  demanderont ,  l'évôipie  pourra  , 
oiiire  les  moyens  employés  jusqu'ici  pour  subvenir 
à  de  tels  besoins,  envoyer  des  prêtres  conune  mis- 
sionnaires, et  le  goiivenieiuenl  fournira  les  fonds 
qui  seront  nécessaires  à  leur  voyage  el  à  leur  iiour- 
rilure. 

XI.  Le  nombre  des  diocèses  dans  le  royaume  de 
Pologne  reste  tel  qu'il  a  éié  fixé  dans  les  Leitics 
apijÀioli cjues  de  Pie  Vil,  en  date  du  30  juin  1818. 
Rien  n'esl  changé  ipiant  au  nombre  et  à  la  dénouii- 
nali'in  des  snlTragances  de  ces  diocèses. 

XII.  La  désis'iaiion  des  évêjues  pour  les  diocèses 
et  pour  les  sulifragaiits  de  l'cmpiie  de  Russie  cl  du 
r'iyaunie  de  Pologne  n'aura  lieu  qu'à  la  suite  d'un 
concert  préalable  entre  l'einjiereur  el  le  saint-siége 
pour  chaque  nominaliou.  L'insiiliilion  canonique 
leur  sera  donnée  par  le  Pontife  romain  selon  la  forme 
accoiiinniée. 

XIH.  L'évéque  est  seul  juge  et  a«iniiiiistraieur  des 
aR'aires  eccl.  sia»liques  di:  son  diocèse,  sauf  la  sou- 
mission canonique  due  au  saint-iéi^^;  ai>osloliipie. 

XIV.  Les  a/Tiires  <|ui  doivent  être  sonuiiscs  préi- 
bblenienl  aux  délibéraiioiis  du  consistoire  diuixisaiii, 
S04I1  :  —  I.  Quant  auK  peisounes  ecclésiastiques  du 
diocèse  :  1"  Les  affaires  qui  regardwit  la  discipline 
Ci)  général,  .{Celles  toutefois  d'iinporianc^  moindre, 
qui  u'enlraiuenil  que  des  peines  l^iférieures  à  la  des- 
titution, à  la  délenliou  p!us  aiu  uioiiis  lun;,'ue,  sont 
jugées  par  l'cvèquc,  sans  qu'il  ait  besoin  de  consul- 
ter le  consistoire  ,  mais  avec  pleine  liberté  de  le 
Consu!lx;r,  s'il  le  juge  à  propos,  sur  les  affaires  de 
celle  nature  comme  sur  les  autres.)  â"  Les  atfaires 
cunienlieuses  eijlre  ecclésiastiques ,  qui  regaruenl 
li-s  propriétés  mobilières  ou  immobilières  des  églises, 
â"  Les  plantes,  les  rcclainalions  conire  ecclésiasl.i- 
ques  p<;rlées  ou  par  des  ecclésiastiques  ou  par  des 
laïques,  pour  injures,  dommages  ou  pour  obligations 
non  tenues  el  non  douteuses,  en  «Iroit  coinine  en  lail, 
pourvu  touiefois  que  le  domandeur  prélère  celle  voie 
pour  déléiidre  ses  droits,  i"  Les  causes  de  nulliié 
iks  vœux  iminastiques  :  ces  causes  seroui  exaiiiinées 
et  jugées  selon  les  règles  éialdics  dans  les  Lettres 
apostoliques  de  liuiioil  XtV   Si  <iaiam.—  l\.  Quant 


251 


RUT 


RUT 


232 


altacbement  à  sa  lielle-mère  et  an  culte  du 
vrai  Dieu.  En  récompense  de  sa' vertu,  elle 
devint  l'épouse  d'un  riche  Israélite  de  Beth- 

aux  laïques  :  Les  causes  des  mariages,  les  preuves  de. 
la  lé.ïilimité  des  mariages,  les  actes  de  naissance, 
les  acies  de  baptême  et  de  décès,  l'tc.  —  lli.  Mixtes  : 
Les  cas  (n'i  d  est  nécessaire  d'indiger  une  pénitence 
canonique  pour  crime  ,  contravention  ou  délit  qiiel- 
coniiue  jugés  par  les  tribunaux  laïi|ues. —  IV.  Eco- 
nomiques :  Le  builget  ou  la  note  préalable  des  sommes 
qui  sont  destinées  à  l'eniretien  du  clergé,  l'examen 
des  dépenses,  le  comple  rendu  de  ces  sommes,  les 
affaires  qui  regardent  la  réparation  ou  la  construction 
d'églises  ou  de  cbapelles.  Il  appartiendra  en  outre  au 
consistoire  de  Cornier  les  lisies  des  ecclésiastiques  et 
des  paroissiens  du  diocèse,  d'envoyer  les  encycliques 
et  les  auins  écrits  qui  ne  regardent  pas  les  affaires 
d'administration  du  diocèse. 

■  XV.  Les  affaires  sus-indiquées  sont  décidées  par 
l'évêque  ,  après  qu'elles  ont  été  examinées  par  le 
consistoire,  qui  n'a  cependant  (|ue  voix  consultative. 
L'évêque  n'est  nullement  lenu  d'apporter  les  raisons 
de  sa  décision  ,  môme  dans  les  cas  où  son  opinion 
différerait  de  celle  du  consistoire. 

XVI.  Les  autres  affaires  du  diocèse,  qualifiées 
d'administratives,  et  parmi  lesquelles  sont  compris 
les  cas  de  conscience,  de  for  inlérieur  el,  comme  il 
a  été  dit  plus  haut,  les  cas  de  discipline  soumis  à  des 
peines  légères  et  à  des  avertissements  pastoraux  , 
dépendent  uniquement  de  l'autorité  et  de  la  décision 
spontanée  de  révê(iue. 

XVII.  Toutes  les  personnes  du  consistoire  sont 
ectiésiasiiques;  leur  nominaiion  et  leur  révocation 
appartiennent  à  l'évêque;  les  nominalions  sont  faites 
de  manière  à  ne  pas  déplaire  au  gouvernement.  Si 
l'évêque,  averti  par  sa  conscience,  juge  opportun  de 
révoquer  un  membre  du  consistoire,  il  le  remplacera 
immédiatement  par  un  autre,  qui  pareillement  ne  soit 
piint  désagréable  au  gouvernement. 

■  XVIIl.  Le  personnel  de  la  chancellerie  du  consis- 
toire sera  confirmé  par  l'évêiiue,  sur  la  présentation 
du  secrétaire  dii  consisioire. 

XIX.  Le  secrétaire  de  l'évêque,  chargé  de  la  cor- 
respondance officielle  et  de  la  correspondance  privée, 
est  nommé  directement  el  immédiatement  par  l'évê- 
que ;  il  peut  être  pris ,  selon  le  plaisir  du  même 
évêque,  parmi  les  ecclésiastiques. 

XX.  Les  fonctions  des  membres  du  consistoire 
cessent  dès  que  l'évêque  meurt  ou  se  démet  de  l'é- 
piscopat ,  et  aussi  tiès  que  l'administration  du  siège 
vacant  (inil.  ï^i  l'évêque  meurt  ou  se  démet  de  l'épis- 
copat,  son  successeur  ou  celui  qui,  temporaiieineiit, 
tient  sa  place  (soit  ([u'il  ait  un  coadjuteur  avec  future 
succession,  soit  que  le  chapitre  élise  un  vicaire  capi- 
lulaire  suivant  la  règle  des  sacrés  canons),  rec(ursti- 
tuera  aussitôt  un  consistoire  qui,  comme  il  a  déjà  été 
dit,  soit  agréé  du  gouvernement. 

XXI.  L'évêque  a  la  direction  suprême  de  l'ensei- 
gnemeril,  de  la  docirirre  elde  la  disciplirre  de  tous  les 
séminaires  de  son  diocèse,  suivant  les  prescriptions 
du  concile  de  Treirte,  chap.  xvin,  sess.  xxirr. 

XXII.  Le  choix  des  recteurs,  inspecteurs,  profes- 
seurs pour  les  séminaires  diocésains,  est  réservé  à 
l'évêque.  Avarrt  de  les  nommer,  il  doit  s'assirrer  que, 
soirs  le  rapport  de  la  conduite  civile  ,  ses  élus  ne 
donneront  lieu  à  aircurre  objection  de  la  part  du 
gouvernerrrerrl.  Lorsrpre  l'évèipie  jugera  nécessaire 
de  renvoyer  uir  recteur,  urr  inspecteur  ou  quelqu'un 
des  professeurs  ou  des  maîtres  ,  il  leur  donrrera 
aussiiôl  un  successeur  de  la  même  manière  qui  vient 
d'être  indiquée.  11  a  pleine  liberté  d'irrterroiirpre, 
pour  un  temps,  irn  ou  plusieurs  cours  d'élirdes  dans 
son  séminaire.  Lors(|u'il  jugera  nécessaire  d'inter- 
rompre tous  les  cours  d'cludes  en  même  temps  et 
de  renvoyer  les  élèves  à  leurs  parents,  il  en  avertira 
aussi(«^l  ie  ijouvernerrrcnt. 


léem ,  nommé  Booz,  qui  fut  le  bisa'ieul  du 
roi  David.  Ce  livre  est  placé  entre  le  livre 
des  Juges,  dont  il  est  une  suite,  et  le  premier 
livre  des  Rois,  auquel  il  sert  d'inlrotïuclion, 
et  l'on  présume  qu'il  a  élé  écrit  par  le  même 
auteur.  Autrefois  les  Juifs  le  joignaient  au 
livre  des  Juges  comme  un  seul  et  même 
ouvrage,  el  plusieurs  anciens  Pères  ont  fail 
de  même;  aujourd'hui  les  Juifs  modernes, 
dans  leurs  bibles,  placent  immédiatement 
après  le  Pentateirque  les  cinq  livres  qu'ils 
appellent  Megillolh,  savoir  le  Cantique  des 

XXIll.  L'archevêque  métropolitain  de  Mohiiew 
exercera  dans  l'Académie  ecclésiastique  de  Sairrt- 
Pétersbourg  la  même  autoriié  que  chaque  évêque 
dans  son  séminaire  diocésain.  Il  est  l'urriqire  chef  de 
celte  Académie  ;  il  en  est  le  suprême  directeur.  Le 
corrseil  ou  la  direction  de  celte  Académie  n'a  que  voix 
coirsultative. 

XSIV.  Le  choix  du  recteur,  de  l'inspecteur  et 
des  professeurs  de  l'Académie  sera  fait  par  l'ar- 
chevêque, sur  le  rapport  du  conseil  acailémique.  Ce 
qui  a  élé  dit  dans  l'article  xxii  est  applicable  à  ces 
élections. 

XXV.  Les  professeurs  et  proCesseiirs-adjoirils  des 
sciences  théoiogiques  sont  toujours  choisis  parnri 
les  ecclésiastiques.  Les  autres  irraitres  pourront  être 
choisis  parmi  les  laïques  professant  la  religion  ca- 
tholique romaine  ,  el  ceux-là  devront  être  préférés 
qui  auront  achevé  le  cours  de  leurs  éludes  dans  un 
athénée  supérieur  de  l'empire  el  qui  auront  conquis 
les  grades  académiques. 

XXVI.  Les  confesseurs  des  élèves  de  chaque  sé- 
minaire et  de  l'Acadérrjie  ne  prerrdront  aucune  part 
darrs  la  direction  disciplinaire  de  l'établissement. 
Ils  seront  choisis  et  nommés  par  l'évêque  ou  arche- 
vêque. 

XXVII.  Après  la  nouvelle  circonscription  des 
diocèses,  l'ari  hevêque,  assisté  du  conseil  des  Ordi- 
naires ,  arrêtera,  une  fois  pour  toutes,  le  nombre 
U'éléves  que  clijque  diocèse  pourra  envoyer  à  l'Aca- 
dérrrie. 

XXVIII.  Le  programme  des  études  pour  les  sémi- 
niaires  sera  rédigé  par  les  évêques.  L'archevèqire 
rédigera  celui  de  l'Académie,  après  en  avoir  conféré 
avec  sim  conseil  académique. 

XXIX.  Lorsque  le  règlement  de  l'Académie  ecclé- 
siastique de  Saint-Pétersbourg  aura  subi  les  modifl- 
caiions  conformes  aux  principes  doirt  il  a  élé  convenu 
dans  les  précédents  articles,  l'archevêque  de  Mohilev» 
enverra  au  saini-siége  un  rapport  sur  l'Académie 
comme  celui  qu'a  lait  l'archevêque  de  Varsovie  Ko- 
romansky,  lorsque  l'Académie  ecclésiastique  de  cette 
ville  fut  rétablie. 

XXX.  Partout  oi'i  le  droit  de  patronat  n'existe  pas, 
ou  a  été  interrompu  pendant  un  certain  tenrps,  les 
curés  de  paroisse  sont  nommés  par  l'évêque;  ils  ne 
doivent  poitrt  déplaire  au  gouvernement,  et  doivent 
avoir  subi  un  examen  et  urr  concours  selon  les  règles 
prescrites  par  le  concile  de  Trerrte. 

XXXI.  Les  églises  catholiques  romaines  sont  li- 
bremeirl  réparées  aux  frais  des  communautés  ou  des 
particuliers  qui  veulent  bien  se  charger  de  ce  soin. 
Toutes  les  fois  que  leurs  propres  ressources  ne  suf- 
firont pas,  ils  pourront  s'adresser  au  gouvernernerrt 
impérial  pour  en  obtenir  des  secours.  Il  sera  procédé 
à  la  corrstruction  de  nouvelles  églises,  à  rauj,men- 
talion  du  nombre  de  paroisses  ,  lorsque  l'Aigeront 
l'accroissement  de  la  population  ,  l'éteirdue  trop 
vaste  des  paroisses  existantes  ou  la  dilficulié  des 
connnunications. 

A  Rome,  le  3  août  1847. 
A.  card.  Lamhruschini.  L.  comte  de  BLOtiucfr. 
A.  bourEnrEiT, 


235 


SAB 


SAB 


234 


cantiques  ,  Rttth  ,  les  Lamentations  de 
Jérémie  ,  l'Ecclésiaste  ,  Eslher.  C'est  un 
arrangement  de  pur  caprice  ,  et  qui  est 
contraire  à  l'ordre  chronolojçique.  La  cano- 
nicité  de  ce  livre  n'a  jamais  éié  contestL'C  ni 
par  les  Juifs  ni  pir  les  Pères  de  rK;i;lise.  Le 
but  de  l'auteur  a  été  non-seulement  île  nous 
faire  connailre  la  sénéalosie  de  David  ,  par 
conséquent  celle  du  Messie  qui  devait  des- 
cendre de  co  roi',  l'accomplissement  de  la 
prophétie  de  Jacob  qui  avait  promis  la 
royauté  à  la  tribu  de  Juda  ,  mais  encore  de 
nous  faire  admirer  les  soins  paternels  de  la 
Providence  envers  les  gens  de  bien.  On  y 
voit  les  suites  heureuses  d'un  attachement 
inviolable  à  la  vraie  leligiou,  les  ressources 
de  la  piété  dans  le  malheur,  les  avani.iges 
de  la  modestie  et  dune  bonne  réputation. 
La  prudence  et  la  sagesse  de  Noémi ,  l'atlcc- 


tion  ,  la  docilité,  la  douceur  de  Ritlli ,  sa 
belle-fillo  ,  la  probité  et  la  générosité  de 
Booz,  plaisent,  touchent  et  instruisent. 

Cette  histoire  a  donné  lieu  à  quelques 
difficultés  de  chronologie.  L;i  plus  forte  n'est 
fondée  que  sur  une  supposition  très-dou- 
teuse,  savoir  que  Uahab  ,  qui  fut  mère  de 
Booz,  suivant  sn/nÉ  Matthieu,  c.  i,  v.  5,  est 
la  même  personne  que  Uahab  de  Jéricho  , 
qui  reçut  chez  elle  les  espions  des  Israélites. 
Josiie,  c.  Il,  y.  1.  11  n'y  a  aucune  apparence, 
et  rien  n'oblige  d'admettre  cette  supposition 
Les  objections  que  quelques  incrédules  ont 
voulu  faire  contre  celte  même  histoire  ,  ne 
portent  que  sur  la  différence  infinie  qu'il  y 
a  entre  nos  mœurs,  nos  lois,  nos  usages  et 
ceux  des  anciens  peuples  orientaux;  ce  sont 
des  traits  d'ignorance  plutôt  que  de  sa- 
gacité. 


SABAISME  ,  culte  des  astres  :  c'est  la 
première  idolâtrie  qui  a  régné  dans  le  monde, 
voy.  Astres,  mais  ce  n'est  point  la  première 
religion  comme  l'ont  prétendu  plusieurs 
écrivains  mal  instruits:  [)ieu  avait  enseigné 
une  religion  plus  pure  à  Adam,  à  ses  enfants 
et  aux  anciens  patriarches.  Voy.  Religion 

NATURELLE. 

Le  .S'(i(*(/ïsmf, aussi  appc\ésabéisme,sabisme 
c\.  zubisnie  ,  e-t  encore  la  religion  d'un  des 
peuplesorienlaux  que  l'on  a  nommés  saOiens, 
Zfibiens,  mamlmtes,  dire' tiens  de  saint  Jean, 
dont  on  prétend  qu'il  y  a  des  restes  d.ins  la 
Perse,  à  Bassora  et  ailleurs.  Il  ne  faut  pas 
les  confondre  avec  les  Sabéens,  ou  les  bahi- 
taiits  du  royaume  de  Saba  en  Arabie.  Nous 
m  avons  déjà  parlé  au  mol  Mandaïtes  ; 
mais  il  est  à  propos  de  voir  plus  en  détail 
l'incertitude  de  ce  qu'en  ont  dii  les  savants 
modernes,  et  de  répondre  à  quelques  objec- 
tions que  les  protestants  ont  faites  contre  le 
culte  des  catholiques,  en  le  comparant  à 
celui  des  sabiens. 

Maimonidcs  ,  qui  a  souvent  parlé  du 
êabisme  dans  son  More  Nevocliim ,  en  fait 
remonter  l'oriuine  jusqu'à  Seth,  fils  d'Adam; 
il  dit  que  cette  idolâtrie  était  généralement 
répandue  du  temps  do  .Moïse,  que  Abraham 
même  l'avait  professée  avant  de  sortir  de  la 
Chaldée.  Il  dit  que  les  »abiens  croyaient  que 
Dieu  est  l'âme  du  monde,  qu'ils  regardaient 
les  astres  comme  des  dieux  inférieurs  ou 
médiateurs,  qu'ils  avaient  du  respect  pour 
les  bétes  à  cornes,  qu'ils  adoraient  le  démon 
sous  la  figure  d'uu  bouc,  qu  ils  mangeaient  le 
sang  desanimaux,  parce  qu'ils  pensaient  que 
les  démons  eux-mêmes  s'en  nourrissaient. 
Conséquemmeut  il  prétend  que  la  plupart 
des  lois  cérémonielles  de  Moïse  étaient  rela- 
tives aux  usages  de  ces  idolâtres,  et  avaient 
pour  but  d'en  préserver  les  Juifs.  Spencer  a 
suivi  cette  idée  et  s'est  attache  à  la  prouver 
dans  un  grand  détail;  De  Legib.  Hcbrœor. 
rilual.,  1.  II.  Mais  d'aulrcs  oui  observé  que 
les  faits  supposés  par  Maimonides  ne  sont 

DiCT.   DE  TuÉOL.  DOGMATIQUE.  IV. 


rien  moins  que  prouvés;  il  n'a  consulté  que 
des  livres  arabes  qui  sont  très-récents,  et 
dont  l'autorité  est  fort  suspecte,  et  plusieurs 
de  ces  faits  paraissent  contraires  à  l'Ecriture 
sainte.  Le  culte  des  astres  est  sans  doute  une 
des  premières  espèces  de  polythéisme  et 
d'idolâtrie;  mais  nous  voyons  {S(ip.  xin  ,  v. 
2),  que  le  culte  des  éléments  et  des  autres 
parties  de  la  nature  n'est  pas  moins  ancien. 
D'ailleurs  la  première  idolâtrie  de  laquelle 
l'Ecriture  sainte  fait  mention  est  celle  de 
Laban  {Gen.  xxxi,  19).  A  la  vérilé,  Josué  , 
c.  XXIV,  v.  2,  dit  aux  Israélites  :  «  Vos  Pères 
ont  habité  autrefois  au  delà  du  Meuve,  Tliaré, 
Père  d'Abraham,  et  Niichor,  et  ils  ont  servi 
des  dieux  étrangers.  »  Mais  ce  reproche  ne 
paraît  pas  tomber  sur  Abraham  lui-même. 
Envisager  Dieu  comme  l'âme  du  monde  est 
une  erreur  trop  philosophique  pour  qu'elle 
ait  pu  être  populaire  du  temps  de  Moïse. 
Nous  sommes  persuadés  ,  comme  Spencer, 
que  la  plupart  des  lois  cérémonielles  des 
Hébreux  avaient  pour  but  de  les  détourner 
des  superstitions  pratiquées  par  les  idolâtres; 
mais  il  ne  faut  pas  pousser  trop  loin  ce 
principe,  ni  supposer  que  chacune  de  ces 
lois  en  parliculier  est  opposée  à  tel  ou  tel 
usage  des  sabiens  ,  puisque  nous  retrouvons 
un  grand  nombre  de  ces  usages  supersti- 
tieux chez  les  Grecs,  chez  les  Humains,  et 
même  chez  les  idolâtres  modernes.  Moïse 
connaissait  les  différentes  superslilions  des 
ligypliens,  des  Iduméens ,  des  .Madianites, 
des  Chaiianéens;  il  a  voulu  les  bannir  toutes 
sans  exception,  et  nous  ne  savons  pas  si  telle 
pratique  absurde  appartenait  à  lun  de  tes 
peuples  plutôt  qu'à  l'autre. 

Hyde,  dans  son  Hiituire  de  la  Religion  des 
ancieDS  Perses  ,  a  tâché  de  prouver  que  le 
sabisme  était  fort  différent  du  polythéisme  et 
de  l'idolâtrie;  il  prétend  que  Sem  et  Elam  ont 
été  les  propagateurs  de  cetie  religion  ;  que 
si  dans  la  suite  elle  déiliul  de  sa  pureté 
primitive,  Abraham  la  réforma  et  la  soutint 
contre  Nemrod  qui  l'attaquait;  que  Zoroasirc 

8 


833  SAB 

vinl  ensuite  et  rétablit  le  culte  du  vrai  Dieu 
que  Abraham  avait  enseigné  ;  que  le  l'eu  des 
anciens  Persans  était  le  même  et  destiné  au 
même  i!sag<'  que  celui  qui  était  conservé 
dans  le  lemple  de  Jérusalem,  el  qu'enfin  ces 
peuples  ne  rendaient  au  soleil  qu'un  culte 
suballerne  et  subordonné  au  culte  du  vrai 
Dieu  .  Rdig.  vet,  Pers.  Hitloria,  c.  i.  Mal- 
heureusement tous  ces  faits  sont  des  visions 
desquelles  iljde  n'a  pu  avoir  aucun  garant. 
L'on  est  à  présent  convaincu,  par  les  livres 
même  de  Zoroastre,  que  loin  d'élre  le  res- 
taurateur de  la  vraie  religion,  il  en  a  été  le 
corrupteur,  qu'il  n'est  point  question  chez 
lui  d'un  culte  subalterne  ni  subordonné  au 
culte  du  vrai  Dieu  ;  nous  avons  fait  voir 
ailleurs  les  défauts  de  sa  doctrine.  Voy.  Par- 
sis.  On  ne  peut  pas  savoir  précisément  en 
quel  temps  le  sabisme  a  commencé. 

Prideaux  a  entrepris  de  nous  en  donner 
une  idée  encore  plus  avantageuse  que  Hjde. 
Il  soutient  que  l'unité  de  Dieu  et  la  nécessité 
d'un  médiateur  ont  été  dans  l'origine  une 
croyance  générale  et  répandue  chez  tous  les 
hommes  [voy.  Réparateur)  ;  que  l'unilé  de 
Dieu  se  découvre  par  la  lumière  naturelle, 
et  que  le  besoin  d'un  médiateur  en  est  une 
suite.  Maïs  les  hommes,  dit-il ,  n'ayant  pas 
eu  la  connaissance,  ou  ayant  oublie  ce  que 
la  révélation  avait  appris  à  Adam  des  qua- 
lités du  médiateur,  ils  en  choisirent  eux- 
mêmes  ,  ils  supposèrent  des  intelligences 
résidantes  dans  les  corps  céli  sies  ,  et  les 
prirent  pour  médiatrices  entre  Dieu  et  eux; 
conséquemment  ils  leur  rendirent  un  culte. 
Hist.  des  Juifs,  1"  part.,  1.  m,  pag.  110. 
Aucune  de  ces  conjectures  ne  nous  paraît 
juste.  Nous  convenons  que  le  dogme  de 
l'unité  de  Dieu,  et  celui  de  la  nécessité  d'un 
médiateur,  ou  plutôt  d'un  rédempteur,  ont 
clé  dans  l'origine  du  monde  la  croyance  gé- 
nérale; mais  elle  venait  de  la  révélation 
primitive,  et  non  de  la  lumière  naturelle  ou 
de  la  philosophie.  Dès  qu'une  fois  le  souve- 
nir de  celle  révélation  a  été  effacé  (Voy. 
Médiateor  et  Réparatedr)  chez  un  peuple 
quelconque  ,  il  ne  s'est  plus  trouvé  aucun 
homme  à  qui  l'ancienne  croyance  soit  reve- 
nue à  l'esprit,  le  polylh,  isme  a  pris  sa  place. 

Cette  erreur  n'est  point  venue  de  ce  que 
les  hommes  ont  senti  le  bes  .in  d'un  média- 
teur, mais  de  ce  qu'ils  ont  supposé  des  es- 
prits ou  des  intelligences  partout  où  ils  ont 
vu  du  mouvement,  et  qu'ils  leur  ont  attribué 
la  distribution  des  biens  et  dt-s  maux  de  ce 
monde.  Aucune  nation  polythéiste  n'a  en- 
visagé ces  êtres  imaginaires  comme  des  mé- 
diateurs entre  nu  Dieu  suprême  et  les  liom- 
mes  ,  mais  comme  des  dieux  ,  conmie  des 
êtres  indépeadauts  et  m.iîires  absolus  de 
certaines  parties  de  la  nature.  Le  culte  qu'on 
leur  a  rendu  n'a  donc  pu  avoir  aucun  rap- 
port au  Dieu  suprême  :  ou  celui-ci  a  été  un 
Dieu  inconnu,  ou  l'on  a  supposé  qu'il  ne  se 
riiêlait  en  aucune  manière  des  affaires  de  ce 
monde  Voy.  Paganisme,  §  1,  2,  '^,  5,  etc. 
£ii(iu  ,  quand  toutes  les  suppositions  de 
Prideaux  seraient  plus  proi)ai)ies,  il  faudrait 
encore  prouverque  quelques<uns  des  peuples 


SAB 


256 


qui  ont  été  appelés  sabiens ,  ont  eu  dans 
l'esprit  les  idées  el  la  croyance  que  ce  cri- 
tique leur  prête,  et  il  est  impossible  d'en 
donner  aucune  preuve  positive.  Les  auteurs 
que  l'on  cile  en  témoignage  sont  trop  mo- 
dernes pour  que  l'on  puisse  s'en  rapporter 
à  eux. 

Assémani,  dans  sa  Bibliot.  orient.,  t.  IV, 
c.  10,  §  5,  dit  qu'il  y  a  encore  des  sabi'ens  ou 
chrétiens  de  saint  Jean  dans  la  Perse  ctdaris 
l'Arabie,  mais  que  ces  prétendus  chreliens 
sont  plutôt  des  païens  :  ainsi  en  juge  Ma- 
racci  ,  qui  les  appelle  sabmtes.  Ils  ont  pris 
quelques  opiuions  des  manichéens,  et  ils 
ont  emprunté  des  chrétiens  le  culte  de  la 
croix. 

Beausobre,  Hist.  du  Manick.,  t.  II,  1.  ix, 
c.  I,  §  14,  a  mieux  aimé  s'en  rapporter  à 
Abulpharage,  auteur  syrien  du  xnr  siècle  , 
qui  avait  lu  l'ouvrage  d'un  auteur  sabéen  du 
ix°  el  du  X',  en  laveur  de  celte  religion. 
Voici  ce  qu'il  en  rapporte  :  La  religion  des 
sitbéens,  dit-il,  est  la  même  que  celle  des 
Chaldéens.  Ils  prient  trois  fois  le  jour,  eu 
se  tournant  toujours  du  côté  du  pôle  arcti- 
que. Ils  ont  aussi  trois  jeûnes  solennels  :  le 
premier  commeuce  au  mois  de  mars  el  dure 
trente  jours,  le  second  en  décembre  et  dure 
neuf  jours,  le  troisième  en  février  n'en  dure 
que  sept.  Ils  invoquent  les  étoiles,  ou  plutôt 
les  iuieiiigences  qui  les  animent,  et  ils  leur 
oiïrent  des  sacrifices  ;  mais  ils  ne  mangent 
point  des  victimes,  tout  est  consumé  par  le 
ieu  ;  ils  s'abstiennent  de  lait  et  de  plusieurs 
légumes.  Leurs  maximes  approchent  fort  de 
celles  des  philosophes.  Ils  croient  que  les 
âmes  des  méchants  seront  tourmentées  pen- 
dant neuf  mille  ans  ,  après  quoi  Dieu  leur 
fera  grâce.  Ils  ne  reconnaissent  qu'un  seul 
Dieu  ,  et  ils  en  di.montrent  l'unité  par  des 
arguments  très-forts  ;  mais  ils  ne  fonl  aucune 
dilficulté  de  donner  le  titre  de  dieux  aux 
intelligences  des  étoiles  et  des  planètes,  parce 
que  ce  nom  n'exprime  point  l'i  ssence  divine. 
A  i'egard  du  vrai  Dieu,  ils  le  distinguent  par 
le  glorieux  titre  de  Seigneur  des  seigneurs. 
Par  conséquent  Maimouides  leur  a  fait  tort, 
quand  il  leur  a  reproché  de  n'avoir  point 
d'autre  Dieu  que  les  étoiles,  el  de  lenir  le 
soleil  pour  le  plus  grand  des  dieux.  Ils  n'ho- 
norent les  intclii^ences  célestes  que  comme 
des  dieux  dépendants  el  subalternes,  comme 
des  médiateurs  sans  lesquels  on  ne  peut 
poiiil  avoir  d'accès  à  l'Etre  suprême.  Ils  sont 
les  ministres  par  lesquels  Dieu  distribue  ses 
bienfaits  aux  hommes  et  leur  déclare  ses 
volontés.  Leur  principe  est  qu'il  y  a  une  si 
grande  di-lance  entre  le  Dieu  suprême  el  des 
hommes  mortels ,  qu'ils  nepeuteiil  appro- 
ciier  de  lui  que  par  la  médiation  des  sub- 
stances spirituelles  et  invisibles.  Consé- 
quemment les  uns  consacrent  à  celles-ci  des 
chapelles,  les  autres  des  simulacres,  dans 
lesquels  ils  supposent  que  rét^ide  la  verlu  do 
ces  intelligences,  attirée  prir  la  consécration 
que  l'on  en  a  f.iite.  De  là  Beausobre  conclut, 
à  son  ordinaire,  (jue  si  le  culte  des  sabéens 
ou  sabient,  eu  une  véritable  idolâtrie  ,  on  ne 
peut  pas  en  disculper  certaines  comuiuuions 


257 


s\n 


SAB 


«38 


rlirètifinncs,  c'est-à-dire  les  catlioliques. 
Déj.i  uous  avons  pleinement  réfuté  celte 
absurde  consénuence  au  inolPAu,\MSME.  §  -2; 
mais  il  fanl  encore  démontrer  la  fausseté  des 
faits  sur  lescjucls  on  veut  l'étayer.  Ilien  de 
plus  suspect  que  les  tf-moins  que  l'on  nous 
ailèjîue.  Assi-mani,  Bibl.  orient.,  lom.  II,  c. 
&2,  nou-f  apprend  qu'Abulphara^o,  quoique 
patriarche  des  jacnbiles,  était  tolérant,  trés- 
porté  [lar  conséquent  à  excuser  toutes  les 
relijçions;  il  peut  Irés-bien  avoir  iiiterprélé 
dans  le  sens  le  plus  favorable  l'auteur  sabéen 
ou  Sid:ien,  duquel  il  prétend  avoir  lu  l'ou- 
vrage ;  il  n'en  rapporte  pas  les  propres 
terme;.  Kn  sec  'Uil  lieu,  cet  auteur  qui  n'a 
vécu  qu'au  ix'  ou  au  x'  siècle,  m?  peut  pas 
nous  répondre  de  ce  que  pensait  le  commun 
des  sabiens  cinq  ou  six  cents  ans  auparavant. 
Cet  écrivain  ,  qui  vivait  au  milieu  du  cliri- 
stianisme,  et  qui  voulait  l'aire  l'apologie  de 
sa  religion  ,  a  pu  avoir  l'idée  d'un  Dieu  su- 
prême et  de  dieux  secondaires  ou  média- 
teurs ,  d'un  culte  absolu  et  souverain,  et 
d'un  culte  relatif  et  subor^lonné;  il  a  cherché 
i\  se  rapprocher  des  notions  el  de  la  croyance 
de^s  chrétiens  par  un  système  philosophiciue. 
Mais  si  l'on  veut  persuader  que  le  commun 
des  sabiens,  secte  obscure  et  irés-ignorante, 
vivant  la  plupart  parmi  les  pa'iens  datis  le 
fond  de  l'Arabie,  ont  pensé  comme  un  phi- 
losophe syrien ,  on  nous  suppose  aussi  siu- 
pides  qu'<'ux.  Pendant  que  les  philosophes 
grecs,  rom;iins,  indiens,  chinois,  les  plus 
habiles,  n'ont  point  eu  cette  idée  d'un  Dieu 
suprême  el  de  dieux  médiateurs  ,  de  culte 
absolu  cl  de  culte  relatif,  nous  fera-t-on 
croire  que  des  ignorants  perses  ou  arabes  ont 
eu  cette  idée  claire  el  distincto,  et  qu'ils 
l'ont  fidèlement  suivie  dans  la  pratique?  Nous 
soutenons  qu'elle  ne  s'est  jamais  trouvée 
ailleurs  que  dans  le  christianisme,  el  nous 
l'avons  prouvé  au  mot  Paganisme,  §  4  el  5. 
IJeausobre  lui-mêma  ose  prétendre  que  , 
parmi  les  chrétiens,  le  peuple  n'csl  pas  ca- 
pable de  celte  précision,  que  ce  sont  là  des 
iilées  n)élaphysiques  et  trop  abstraites  pour 
lui  ;  et  il  veut  que  les  sabiens  les  plus  gros- 
siers en  aient  été  capables. 

L'essentiel  était  de  prouver  que,  suivant  la 
croyance  des  sabiens,  les  esprits  médiateurs 
qui  résident  dans  les  astres  sont  descréulures 
du  Dieu  souverain  ,  et  sont  absolument  dé- 
pendants de  lui,  qu'ils  n'ont  d'autre  pou- 
voir que  celui  d'intercession  auprès  de  lui , 
qu'il  ne  leur  a  point  abandonné  le  gouvt-r- 
nemenl  de  ce  monde,  mais  qu'il  dispose  de 
tous  les  événements  |iar  sa  providence.  Voilà 
les  dogoies  caractérisliqui's  qui  distinguent 
la  vraie  religion  d  avec  le  polythéisme;  Beau- 
sobrp  n'en  a  pas  di!  un  seul  mol.  Il  pousse 
l'entéietiient  jusqu'à  dire  que,  s'il  faut  choi- 
sir entre  le  culte  religieux  rendu  aux  saints, 
à  leurs  imag's,  à  leurs  reliques,  à  celui  <|ue 
les  sabiens  cl  les  manichéens  ont  rendu  au 
soleil  et  à  ia  !:jne ,  ce  dernier  mérite  à  tous 
égards  la  pré!é.  ence;  Ibid.,  I.  ix,  cap.  i,  §  15. 
Au  mol  iDOiACRiE,  uous  avons  rél'uié  ce  pa- 
rallèle injurieux  ;  nous  avons  lail  voir  que 
Bcausobre  ne  l'a  soutenu  qu'eu  donnant  un 


sens  faux  à  tous  les  termes ,  et  se  contredi- 
sant lui-même.  Par  sa  méthode,  il  justifie 
tous  ies  idolâtres  de  l'univers.  Il  commence 
par  faire  dire  à  Abulpharage  que  la  religion 
des  snbéens  eil  la  mémo  que  celle  des  Chal- 
déeus  :  or,  les  Chaldéens  étaient  certaine- 
ment polylhéisl'S  el  idolâtres;  nous  ne  con- 
naissons aucun  auteur  qui  ait  cherché  à  les 
décharger  de  ce  crime  :  comment  donc  les 
sabéens  ou  sabiens  ne  l'étaient-ils  pas?  Mai» 
Beausobre  avait  entrepris  de  juslilier  loules 
les  fausses  religions  aux  dépens  de  la  vraie, 
et  tous  les  hérétiques  au  détriment  des  ca- 
tholiques. 

.  Bruker,   plus  raisonnable,  a  pensé  tout 
différemment  au  sujet  des  sabiens  oa  zabiens, 
Ili^t.  crit.  Philos.,  t.  I,  1.  ii,  c.  5,  §  5.  Il  ne 
voit  dans  leur  religion  qu'une  idolâtrie  et 
une  superstition  grossière,  el  dans  leur  his- 
toire qu'incertitude  et  ténèbres.  Ou  ignore 
d'abord  si   leur  nom  est  venu  de  l'hébreu 
Tseba,  qui  signiCe  l'armée  des  cieux  ou  les 
astres,  dont  les  sabiens  étaient  adorateurs  ; 
ou  de  l'arabe  Tsabin,  l'Orient;  chacune  de 
ces  étymologies  a  des  partisans  et  des  diffi- 
cultés. D'un   côté,   les  sabiens  n'étaient  pas 
plus  orientaux  que  les  mages  de  la  Perse  ; 
d'autre  part,  le  Vnce  d'adorateurs  îles  astres  est 
applicable  à  tous  les  anciens  idolâtres.  Cou- 
séquemmenl  Brucker,  après  avoir  consulté 
tons  ceux  qui  ont  parlé  de  celte  secte,  juge 
qu'elle  se  forma  quelque  temps  avant  la  nais- 
sance du  mahométisme,  par  un  mélange  infor- 
mede  christianisme, dejudaïsme  et  demagis- 
me;  que  tout  ce  que  ces  sectaires  et  d'au'res 
ont  dit  de  leur  origine  et  de  leur  antiquilô 
est  absolument  fabuleux;  que  la  prétendue 
relation  que  l'on  a  cru  voir  entre  leurs  rites 
et  les  lois  de  Moïse  est  imaginaire.  Il  ajoute 
que  les  divers  articles  de  leur  doctrine  n'ont 
eoserablc  ni  liaison  ni  apparence  de  raison- 
nement; et  que  les  livres  sur  lesquels  ils 
préiendaieut  les  fonder  sont  absolument  faux 
et  supposés.  11  rapporte  leurs  dogmes  d'a- 
près Shareslani,  auteur  arabe,  qui  s'accorde 
en  plusieurs  choses  avec  Maimonides.  Il  dit 
qu'il  y  a  deux  sectes  de   z'ibiens,  dont  les 
uns  honorent  les  temples  ou  chapelles,  les 
autres   les   simulacres,   que  leur  croyance 
commune  est  que  les   hommes  oui   besoin 
d'intelligences  qui   servent    de   médiatrices 
entre  eux  el  Dieu,   et  que  ces   iuleiligences 
résident  dans  tes  astres,  comme  l'âme  dans 
Ici  corps,  qu'ainsi  ces  médiateurs   peuvent 
être  appelés  liieux  et  seigneur^,  mais  que  le 
Dieu  suprême  est  le  Seigneur  des  seigneurs. 
Conséquemmeut  les  zabiens  observent  avec 
grand  soin  le  cours  des  astres;  ils  supposent 
que  ces  corps   célestes  présid-nl  à   tous  les 
pliénoraèues  de  la  nature  et  à  tous  les  évé- 
nements de  la  vie,  ils  oal  grande  confiance 
auv  enchantements  ,  aux  caractères  magi- 
ques, aux  talismans.  Cenx  qui  honorent  les 
idoles  ou  simulacres  des  esprits  médiateurs, 
supposent   que  ceux-ci   viennent  y  résider, 
el  que   c'est  là   que  l'on    peut    s'approcher 
d'eux.  Brueker  y  ajoute  ce  que  nous  avons 
rapporté  d'après  Abulpharage,  copié  par 
Beausobre. 


è39 


SAB 


SAB 


240 


Encore  une  fois,  pour  savoir  si  les  sabiens 
et  les  autres  sectaires  qui  honoraient  les  as- 
tres étaient  ou  n'étaient  pas  polythéistes  et 
idolâtres  ,  le  point  décisif  est  de  savoir  s'ils 
reg;ard;iient  les  esprits  qu'ils  supposaient 
logés  dans  les  corps  célestes  comme  des 
êtres  créés,  absolument  dépendants  d'un 
seul  Dieu,  qui  n'avaient  point  d'autre  pou- 
voir que  celui  que  Uicu  daignait  leur  accor- 
der, ni  d'autre  privilège  que  d'intercéder  au- 
près de  lui  ;  si  par  conséquent  Dieu  régit 
l'univers  par  sa  providence,  dispose  du  sort 
des  hommes  et  de  tous  les  événements  de 
ce  monde  par  Ini-mcme,  sans  en  abandon- 
ner le  soin  à  de  prétendus  lieutenants  ou 
médiateurs.  Voy.  Anges,  Providence.  Or,  il 
est  constant  que  chez  les  Orientaus  aucune 
secte  ni  aucune  école  de  philosophes  n'a 
jamais  admis  la  création  ;  toutes  ont  supposé 
que  les  esprits  inférieurs  à  Dieu  sont  sortis 
de  lui  ,  non  par  un  acte  libre  de  sa  volon- 
té, mais  par  une  émanation  nécessaire  et 
coéternelle  à  Dieu.  D'où  il  suit  qi.e  Dieu  n'a 
pas  été  le  maître  d'étendre  ou  lie  borner  leur 
pouvoir  comme  il  lui  a  plu,  qu'ils  le  possè- 
dent par  la  nécessité  de  leur  nature,  qu'ils 
sont  par  conséquent  indépendants  de  Dieu. 
Voy.  Emanation.  Toutes  ont  cru  que  Dieu 
est  l'âme  du  monde,  mais  que  ce  n'est  pas 
lui  qui  le  gouverne;  que,  plongé  dans  un 
éternel  repos,  il  n'a  ni  prévoyance,  ni  pro- 
vidence ;  que  tout  est  à  la  discrétion  des  es- 
prits émanés  de  lui.  De  là  il  suit  qu'il  serait 
absurde  de  lui  adresser  aucun  culte,  que  les 
hommages,  les  offrandes,  l'encens,  les  sacri- 
fices, doivent  être  réservés  pour  les  esprits 
ou  dieux  populaires.  Voilà  les  principes  sur 
lesquels  ont  été  bâties  toutes  les  fausses  re- 
ligions anciennes,  aussi  bien  que  toute  l'i- 
dolâtrie moderne.  Tant  que  l'on  ne  daignera 
pas  les  saisir,  ni  entrer  ilans  cette  question, 
et  que  l'on  voudra  parler  de  polythéisme  et 
d'idolâtrie,  on  ne  fera  que  battre  l'air  et  dé- 
raisonner. 

SABBAT,  mot  hébreu  qui  signifie  cessa- 
tion ou  repus  ;  c'était  chez  les  Juifs  le  sep- 
tième jour  de  la  semaine,  pendant  lequel  ils 
s'abstenaient  de  toute  espèce  de  travail,  en 
mémoire  de  ce  que  Dieu,  après  avoir  créé 
le  monde  en  six  jours,  se  reposa  le  sep- 
tième. 

Comme  il  est  dit  dans  la  tjenèse,  c.  u,  v.  2, 
que  Dieu  bénit  ce  jour  et  le  mnclifia,  quel- 
ques auteurs  juifs  et  quelques  Pères  de 
l'Eglise  ont  pensé  que,  dès  le  moment  de  la 
création,  Dieu  avait  institué  le  repos  du  sep- 
tième jour;  mais  comme  d'autre  part  il  n'y 
il  point  lie  preuve  dans  lEcriturc  que  ce 
jour  ait  été  chômé  ou  fêté  par  les  patriar- 
cliis  avant  Moïse,  il  paraît  que  les  paroles 
(le  la  Genèse  signifient  seulement  que  Dieu, 
dès  la  création,  désigna  ce  jour,  pour  que 
dans  la  suite  il  fût  célébré  et  sanctifié  par 
son  peuple.  En  «tfet ,  dans  le  Décalogue, 
Dieu  en  fit  aux  Israélites  un  précepte  lor- 
nicl,  et  ordonna  le  repos  dans  ce  jour  sous 
peine  de  mort  (Exod.  xx,8;  xxxi,  13,  etc.). 
Pendant  qu'ils  étaient  dans  le  désert,  un 
Jiooime,  qui  avait  publiquement  violé  celle 


loi,  fut  effectivement  condamné  à  mort  et 
lapidé  par  le  peuple  (iVitm.  xv,  32).  Cette 
sévérité  ne  doit  point  nous  étonner,  parce 
que  la  célébration  du  sabbat  en  mémoiie  de 
la  création  était  une  profession  de  foi  très- 
énergique  du  dogme  d'un  seul  Dieu  créa- 
teur, et  un  préservatif  contre  le  polythéisme. 
Un  antre  motif  de  cette  institution  était 
d'accorder  du  repos  non-seulement  aux  ou- 
vriers et  aux  esclaves,  mais  encore  aux  ani- 
maux; Dieu  s'en  est  expliqué  formellement 
dans  la  loi  [Deut.  v,  \h  et  15);  c'était  donc 
une  leçon  d'humanité  aussi  bien  qu'une  pra- 
tique de  religion.  C'était  enfin  un  moyen  de 
rappeler  à  la  mémoire  des  Israélites  la  ma- 
nière dure  dont  ils  avaient  été  traités  en 
Egypte,  et  le  bienfait  que  Dieu  leur  avait 
accordé  en  les  tirant  de  cet  esclavage  (Ibid.). 

Un  des  principaux  reproches  que  Dieu  fait 
aux  Juifs  par  ses  prophètes  est  d'avoir  violé 
la  loi  du  sabbat,  et  il  déclare  que  c'est  un 
des  désordres  pour  les(iuels  il  les  a  punis 
par  la  captivité  de  Babylone  {Jerem.  xvii,  il 
et  23;  Ezech.,  xx,  13  et  suiv.).  Aussi,  après 
le  retour  de  cette  captivité,  cette  loi  fut  oî)- 
servée  par  les  Juifs  avec  la  plus  grande  ri- 
gueur (//  Esdî'.  XI,  31,  et  xiii,  15).  Nous 
voyons  même ,  dans  les  livres  des  Macha- 
bées,  UH  exemple  de  respect  pour  le  sabbat 
poussé  à  l'excès.  Des  Juifs  qui  fuyaient  la 
persécution  d'Antiochus,  retirés  dans  le  dé- 
sert, se  laissèrent  égorger  par  les  troupes  de 
ce  roi  sans  vouloir  se  défendre,  parce  qu'on 
les  attaquait  un  jour  de  sabbat  (  /  Machab. 
H,  3V)  ;  d'autres,  nlus  sages,  reconnurent 
que  cette  loi  n'interdisait  pas  la  défense  de 
soi-même  [Ibid.,  kl). 

Du  temps  de  Jésus-Christ  ,  les  docteurs 
juifs  poussaient  aussi  jusqu'au  scrupule  et 
à  une  rigidité  excessive  l'observation  du 
sabbat;  plus  d'une  fois  ils  lui  reprochèrent 
de  guérir  les  malades  et  d'opérer  des  mira- 
cles ces  jours-là.  Le  Sauveur  n'eut  pas  de 
peine  à  confondre  leur  hypocrisie  ;  il  leur 
représenta  que  Dieu  n'interrompt  pas,  les 
jours  de  sabbat,  le  gouvernement  du  monde, 
et  que  son  Fils  devait  l'imiter  [Joan,  v,  16  et 
suiv.)  ;  que  les  prêtres  exerçaient  ces  jours- 
là  leur  ministère  dans  le  temple  comme  les 
autres  jours,  sans  être  pour  cela  coupables; 
que  les  Juifs  mêmes  ne  se  faisaient  aucun 
scrupule  pendant  le  sabbat  de  soigner  leur 
bétail,  ni  de  le  retirer  d'un  fossé  dans  lequel 
il  serait  tombé;  que  le  sabbat  était  fait  pour 
l'homme,  et  non  l'homme  pour  le  sabbat  ; 
qu'il  était  donc  peimis  pendant  ce  repos  de 
faire  du  bien  aux  hommes,  et  qu'enfin,  en 
qualité  de  Fils  de  Dieu,  il  était  sei;ineur  et 
maître  du  sabbat  [Matih.  xii,  1  et  suiv.). 

Les  auteurs  profanes,  qui  ont  voulu  parler 
de  l'origine  et  des  motifs  du  sabbat  des  Juifs, 
n'ont  faitque  montrer  combien  ils  étaient  peu 
instruits  de  ce  qui  concernait  cette  nation, 
'facile  a  cru  qu'ils  chômaient  le  sabbat  en 
l'honneur  de  Saturne,  à  qui  le  samedi  était 
consacré  par  les  païens ,  ou  par  un  motif 
d'oisiveté,  Hist.,  I.  v.  Plutarque,  Sijtnpos., 
1.  IV,  prétend  qu'ils  le  célébraient  à  l'hon- 
neur de  Bacchus,  parce  que  ce  dieu  est  sur- 


241 


SAB 


nommé 5«6tos,  et  quednns  ses  fêtes  on  criait 
Snhoi  :  Appioii  lu  grammairiei)  soutenait 
(|UP  icsJuiis  observaient  ce  jour  en  mémoire 
(Je  ce  qu'en  Hp;yple  ils  avaient  élé  guéris 
(l'une  maladie  honteuse,  nommée  en  égyp- 
tien anbboni  :  enfin  Perse  et  Pétrone  repro- 
clieiil  aux  Juifs  de  jeûner  le  Jour  du  sabhal  ; 
or,  il  est  certain  (|u'ils  ne  l'ont  jamais  fait, 
et  que  cela  leur  était  défendu. 

Au  lieu  du  samedi  les  rhréliens  fêtenl  le 
dimanche,  en  mémoire  de  la  résurrection  de 
Jésus-Christ ,  parce  que  ce  grand  miracle  est 
une  des  preuves  les  plus  éclatantes  de  la  vé- 
rité et  de  la  divinité  de  la  religion  chré- 
tienne. Celte  raison  n'est  pas  moins  impor- 
laiile  que  celles  qui  avaient  donné  lieu  à 
l'iiisliiution  du  sabbat  pour  les  Juifs.  Voy. 
DiMANcni!.  Peu  nous  importe  de  savoir  com- 
ment ceux-ci  observent  aujourd'hui  la  loi 
du  repos  ;  on  sait  qu'ils  le  font  pour  le  moins 
aussi  rigoureusement  que  du  temps  de  Jé- 
sus-Christ, et  qu'ils  ont  conservé  l'usage  de 
le  commencer  au  coucher  du  soleil  pour  le 
finir  le  lendi'uiain  à  pareille  heure. 

Lf  mol  sabbat  se  prend  encore  en  d'autres 
sens  diins  l'Ecriture  sainte  ;  il  dcsigni',  I"  le 
repos  éternel  ou  la  félicité  (Ju  ciel  [llebr.  iv, 
9);  2"  pour  toutes  espèces  de  f('tes  (Levil. 
XIX,  3  et  30).  ;<  Gardez  mes  sabbats,  »  c'est- 
à-dire  les  félcs  de  Pâques,  de  la  Pentecôte, 
des  Tabernacles,  etc.  Il  signifie  aussi  la  se- 
maine ;  Jcjuno  bis  in  sabbalo,  Luc,  c.  x, 
12,  Je  jeûne  deux  fois  la  seniaine.  Una  sab- 
bali,  Joan.,  c.  xx,  v.  1,  est  le  premier  jour 
de  la  semaine.  Dans  saint  Luc,  c.  vi ,  v.  1, 
il  est  parlé  d'un  .<abb(U  second  premier,  in 
snbbato  secundo  primo;  celle  expression  pa- 
rait d'abiird  fort  extraordinaire.  Jlais  on 
(luit  observer  que  Se^-epoTiporepaj  est  mis  dans 
le  grec  de  saint  Luc  pour  !):\jT£por.p-'>-ov;  il 
signifie  un  sabbat  qui  en  précéda  un  autre  ; 
en  effet,  dans  le  v.  G,  saint  Luc  parle  du  se- 
cond sabbat  dans  lequel  Jésus-Christ  opéra 
un  niiracle. 

SABBAÏAlRES,SAHBATARIENS,ou  SAR- 
BATHIENS.  L'on  a  désigné  sous  ces  noms 
dilïerents  sectaires.  1°  Des  juifs  mal  conver- 
tis, qui,  dans  le  1"  siècle  de  l'Eglise,  étaient 
opiniâtrement  attachés  à  la  célébration  du 
sabbat  et  autres  observances  de  la  loi  judaï- 
que. Ils  furent  aussi  nommés  masbntliéens. 
Voy.  ce  mot.  2  Une  secte  du  iv^'  siècle,  for- 
mée par  un  certain  Sabbatltius,  qui  voulut 
intro(luire  la  même  erreur  parmi  les  nova- 
tiens,  et  qui  soutenait  que  l'on  devait  célé- 
brer la  pâque  avec  les  juifs  le  quatorzième 
de  la  lune  de  mars.  On  prétend  que  ces  vi- 
sionnaires avaient  la  manie  de  ne  vouloir 
point  se  servir  de  leur  main  droite  ;  ce  qui 
leur  fil  donner  le  nom  d"«jK<7T?poi,  sinistres  ou 
gauchers.  3'  Une  branche  d'anabaptistes,  qui 
observent  le  sabbat  comme  les  juifs,  et  qui 
prétendent  qu'il  n'a  élé  aboli  par  ancunc  loi 
dans  le  Nouveau  reslament.  Ils  blâment  la 
guerre,  les  lois  polili()aes,  les  fonctions  de 
ju;^e  cl  de  magistral;  ils  disent  qu'il  ne  faut 
adresser  des  i-; ii'res  qu'à  Dieu  le  Père  ,  et 
non  au  Fils  et  au  Saint-Esprit. 
;,   SABKATJQUE.  L'observation  de  l'année 


SAB  2i2 

sabbatique,  ou  de  l'année  du  repos  des  ter- 
res, est  un  des  usapes  les  plus  remarquables 
(.les  Juifs.  Dieu  leur  avait  ordonné  de  laisser 
à  chaque  septième  année  leurs  terres  sans 
culture,  et,  pour  les  dédommager,  il  leur 
avait  promis  qu'à  chaque  sixième  année 
la  terre  leur  produirait  une  triple  récolte 
(Exod.  xxîii,  10;  Levit.,  xxv,  3  et  20)  ;  s'ils 
y  manquaient,  il  les  avait  menacés  de  les 
transporter  dans  une  terre  étrangère,  de 
ruiner  et  de  désoler  leur  pays,  de  faire  ainsi 
reposer  leurs  lerres  malgré  eux  fxxvi,  34). 
Celte  promesse  fut  fidèlement  exécutée,  du 
moins  sous  le  gouveinement  des  juges  et 
jusqu'au  règne  de  Saiil,  et  depuis  le  retour 
de  la  captivité  de  Babylone  jusqu'à  l'avène- 
ment de  Jésus-Christ. 

En  effet,  Josèphe,  Ànliq.  Jud.,  1.  xi,  c.  8, 
rapporle(jue  Alexandre  étant  à  Jérusalem,  le 
grand  prêtre  Jaddus  lui  demanda  pour  toute 
grâce  de  laisser  les  Juifs  vivre  suivant  leur 
loi,  et  de  les  exempter  de  tribut  à  la  septièmo 
année,  ce  qui  leur  fut  accordé.  Les  Samari- 
tains firent  de  même,  parce  qu'ils  observaient 
aussi  l'année  sabbatique.  Il  est  dit  dans  le 
premier  livre  des  Machabées,  c.  vi,  v.  49, 
que  Antiochus  Eupator  ayant  tenu  assiégée 
pendant  longtemps  la  ville  de  Belhsara  dans 
la  Judée,  les  habitants  furent  forcés  de  se  ren- 
dre à  lui  par  la  disette  des  vivres ,  à  cause 
que  c'était  l'année  du  repos  de  la  terre.  Jo- 
sèphe nous  apprend  encore,  I.  xiv,  c.  17, 
que  Jules  César  imposa  aux  habitants  de 
Jérusalem  un  tribut  qui  devait  être  payé 
tous  les  ans,  exceptérannéesof)6«<J7Me, parce 
que  l'on  ne  semait  et  l'on  ne  recueillait  rien 
pendant  cette  année.  Il  ajoute,  c.  xxviii,  que, 
pendant  le  siège  de  Jérusalem  fait  par  Hé- 
ro(ie  et  par  Sosius,  les  habitants  furent  ré- 
duits à  la  plus  grande  disette  de  vivres , 
parce  que  l'on  était  dans  l'année  sabbatique. 
Tacite,  Ilist.,  1.  v,  c.  1,  atteste  aussi  le  repos 
de  la  septième  année  observé  par  les  Juifs; 
mais  comme  il  ignorait  la  raison  de  cet 
usage,  il  l'attribue  à  leur  amour  pour  l'oisi- 
veté. Le  fait  esl  donc  incontestable.  Or,  il 
aurait  élé  impossible  aux  Juifs  d'observer 
les  années  sabbatiques,  si  Dieu  n'avait  pas 
exécuté  la  promesse  de  leur  accorder  une 
triple  récolte  à  la  sixième  année.  On  objec- 
tera sans  doute  que  Dieu  n'était  pas  fidèle  à 
sa  parole,  puisqu'il  y  avait  disette  de  vivres 
pendant  l'année  sabbatique,  et  que  les  Juifs 
étaient  hors  d'état  de  payer  des  tributs  pour 
lors.  Mais  il  faut  faire  atlenlion  qu'en  pro- 
mettant pour  chaque  sixième  année  une  ré- 
colle suffisante  pour  faire  subsister  les  Juifs 
pendant  trois  ans,  Dieu  n'avait  pas  promis 
de  la  rendre  assez  abondante  pour  supporter 
encore  des  tributs  pendant  ce  temps-là.  Ce 
peuple  ne  commença  par  porter  le  joug 
d'un  tribut  que  sous  Alexandre,  sous  ses 
successeurs  et  sous  les  Romains.  D'ailleurs, 
dans  les  temps  desquels  Josèphe  a  parlé,  la 
Judée  était  remplie  d'étrangers  ,  surtout  de 
militaires,  et  l'on  sait  à  quel  point  le  pillage 
des  armées  répandait  la  disette  dans  les  pro- 
vinces e";posées  à  ce  fléau. 

Quant  à  la  menace  de  punir  l'inubâerra- 


34  s 


SAB 


SAB 


244 


lion  de  l'année  sabbatique,  l'auteur  des  Pa- 
ralipomènes ,  !.  n,  c.  36,  v.  21,  nous  l'ait 
observer  que  les  soixante-dix  ans  de  la  cap- 
tivité des  Juifs  à  Babyloue  furent  un  châti- 
ment de  leur  négligence  sur  ce  piinl,  et  que 
pendant  tout  ce  temps-là  les  terres  de  la 
Judée  jouirent  du  sabbat  ou  du  repos  que  ses 
babi(ants  ne  lui  avaient  pas  acconlé.  Aussi, 
au  retour  de  cette  captivité,  les  Juif.s,  en 
promettant  solennellement  d'observer  tous 
les  préceptes  de  la  loi  du  Seigneur,  y  com- 
prirent formellement  celui  qui  rejiardait 
l'année  sabbatique.  Nehem.,  c.  x,  v.  31.  En 
1762,  le  savant  Michaëlis  a  fait  une  disser- 
tation sur  ce  sujet.  Il  observe,  1°  que  Dieu 
n'avait  promis  une  récolte  double  ou  triple 
à  la  sixième  année,  que  sous  condition  que 
les  Juifs  seraient  fidèles  à  ses  lois  (Levit., 
XXV,  18  et  19}  ;  qu'ainsi  on  ne  pouvait  pas 
compter  absolument  sur  cette  abondance 
extraordinaire  ;  2"  que  depuis  le  règne  de 
Saiil,  les  Juifs  négligèrent  l'observation  de 
cette  loi,  et  qu'ils  en  furent  punis,  comme 
nous  venons  de  le  remarquer  ;  3°  que  cette 
loi  était  très-sage.  En  premier  lieu  elle  for- 
çait chaque  laboureur  de  réserver  toutes  les 
années  une  partie  de  sa  récolte  sans  la  ven- 
dre, afin  d'avoir  de  quoi  subsister  la  septième 
année  :  précaution  plus  efficace  pour  préve- 
nir la  famine  que  des  greniers  publics  li-s 
mieux  fournis.  En  second  lien,  celte  précau- 
tion nécessaire  empêchait  les  usuriers  de 
profiter  de  la  cherté  des  grains  pendant 
l'année  sabbatique.  En  troisième  lieu,  pen- 
dant cette  année  les  peuples  voisins  de  la 
Judée  avaient  la  liberté  d'y  amener  paître 
leurs  troupeaux,  et  il  eu  résultait  un  engrais 
pour  les  terres  en  jachères.  En  quatrième 
lieu,  c'était  une  année  de  chasse  et  de  gibier 
pour  les  Juils.  Iiuiépendamiuent  de  ces  ob- 
servalions  judicieuses,  la  punition  des  Juifs 
à  Babylone,  pendant  soixante-dix  ans,  par 
pruporlion  au  nombre  des  années  sabbali- 
qttes  qu'ils  avaient  violées,  est  une  preuve 
incontestable  de  l'esprit  prophétique  de 
Moïse  et  de  la  divini'é  de  sa  mission. 

Ainsi  les  soixante-dix  ans  de  la  captivité 
de  Babylone  avaient  un  double  rapport,  le 
premier  aux  soixante-dix  sem<iines  d'années, 
ou  aux  quatre  cent  quaire-vingl-dix  ans 
pendant  lesquels  les  années  sabbattquiS  n'a- 
vaient pas  été  observées;  le  second,  aux 
qualrecentquatre-vingt-dix  ans  qui  devaient 
s'écouler  depuis  le  réliiblissement  de  Jéni- 
salciii  jusiiu'à  l'arrivée  du  Messie  :  double 
calcul  lrè«-remarquable.Ko(/.  Daniicl. 

SAliELLlENS  ,  hérétiques  du  ui'  siècle  , 
sectateurs  de  Sabeilius.  Celui-ci  était  né  à 
Ptolémaïd<A  ou  B-ircé  ,  ville  de  la  Libye  cyré- 
naïque;il  y  répandit  ses  erreurs  vers  l'an '260. 
Il  enseignait  qu'il  n'y  a  en  Dieu  qu'une  seule 
personne  (lui  est  le  Père,  duquel  le  Fils  et 
le  Saint-Esprit  sont  des  aliributs  ,  des  éma- 
nations ou  des  opérations,  et  non  des  per- 
sonnes subsistantes.  Uiou  le  Père,  dibaienl 
les  sabtlliens  ,  est  comme  la  substance  du 
«oleil,  le  Fils  en  est  la  lumière,  et  le  Saint- 
Esprit  la  chaleur.  De  cette  substance  e^t 
émané  le  Verbe  comme  un  rayon  divin  ,  et 


il  s'est  uni  à  Jésus-Christ  pour  opérer  l'ou- 
Trage  de   notre  rédemption  ;  il  est  ensuite 
reriiouté  au  Père ,  comme   un    rayon   à  sa 
source  ,  et  la  chaleur  divine  du  Père,  sons  le 
nom  du  S.iint-Esprit,   a    été  communi()uoe 
aux  apôtres.  Ils  usaient  encore  d'une  autre 
comparaison  non  moins  grossière  ,  en  disant 
que  la  première  personne  est  dans  la  Divi- 
nité comme  le  corps  est  dans  l'homme,  que 
la  seconde  en  est  i'àn  c  ,  que  la  troisième  eu 
est  l'esprit.  De  là  il  s'ensuivrait  évidemment 
que  Jésus-Christ  n'est  point  une   personne 
divine  ,  mais  une  personne   humaine  ;   qu'il 
n'est  ni  Dieu  ,  ni  Fils  de  Dieu  dans   le  vrai 
sens  des  termes,   mais    seulement  dans  un 
sens  abusif,  parce  que  la  lumière  du  Père 
lui  a  été  communiquée  et  a  demeuré  en  lui. 
Si  doncS.ibellius  voulait  admettre  aae  incar- 
nation ,   il   était   obligé  de  dire  que  c'était 
Dieu  le  Père  qui   s'était  incarné  ,   qui  avait 
souffert  et  qui  était  mort  pour  nous  sauver. 
Conséquemment  les  Pères  de  l'Eglise  qui  ont 
écrit  contre  Sabeilius  ,  l'ont  mis  au  rang  des 
piitripassiens  avec  Praxéas  et  les   néotiens. 
Pour  soutenir  son  erreur ,  Sabeilius  abu- 
sait des  passages  de  l'Ecriture  sainte,  qui 
enseignent  l'nnilé  de   Dieu,  surtout  de  ces 
paroles  de  Jésus-Christ  ,  tnon  Père  et  moi 
sommes  une  utcme  i:iiose.  11   fut  réfuté  avec 
beau<:oup  de  force  par  saint  Denis,  patriarche 
d'Alexandrie,  et  ensuite  par  d'autres  Itères 
de  l'Eglise.  Cette  hérésie  fil  néanmoir.s  des 
progrès  nou-seulement  dans  la  Cyrénaïque 
où  elle   était  née,   mais  encore  daus  l'Asie 
Mineure  ,  dans  la  Mésopotamie  et  même  à 
Rome;  saint  Epiphane,  liœr.  4-2  ou  ()2.  Au 
iv  siècle  elle  fut  renouvelée  par  Photiu  ,  et 
c'est  encore  aujourd'hui  la  doctrine  des  so- 
ciniens. 

Beausobre,  apologiste  décidé  de  tous  les 
hérétiques  et  de  toutes  les  erreurs,  a  ex- 
cusé les  sa6e//jens  ;  Quoique  leur  l'octrine, 
dit-il ,  soit  évidemment  contraire  à  TScrilure 
saiiile,  et  qu'elle  ait  été  justement  condam- 
née, il  faut  pourtant  convenir  q.ic  l'origine 
en  fut  innocente  ,  puisqu'elle  Acnnit  de  la 
crainte  de  multiplier  la  divinité  ;n  de  rame- 
ner le  polythéisme  ,  et  il  le  proucr  par  divers 
témoignaiîes.  Ainsi  ce  critique  charitable 
n'a  pas  pu  manquer  d'excuser  aussi  les  so- 
ciniens  ,  qui  protestent  qu'ils  agissent  par 
le  même  motif  que  les  sabellierts  ,  ol  qui  se 
servent  à  peu  près  des  mcm'S  i;rgnmenls 
pour  attaquer  les  mystères  de  la  Trinité  et 
de  l'Incarnation.  Toute  hérésie,  selon  lui, 
esl  pardonnable,  quoique  évidemment  con- 
triiire  à  l'Ecriture  sainte  ,  dès  que  l'on  peut 
l'atlribuor  à  un  ujolif  innocent  et  même  re- 
ligieux. Mais  il  ne  juste  pas  de  même  des  er- 
reurs prétendues  qu'il  aliribue  aux  Pères  de 
l'Eglise  et  aux  catholiques  ;  celles-ci  ne  mé- 
ritent point  de  grâce  ,  sans  dtmte  parce  qu'on 
ne  peut  les  attribuer  à  aucun  motif  innocent 
ni  religieux.  Voilà  ce  que  Beausobre  appelle 
une  impartialité  que  l'équité  demande  ;  elle 
esl  plus  propre,  dit-il,  à  ramener  les  héréti- 
ques ,  que  des  jugements  téméraires  hasar- 
des contre  eus  sans  preuve  ,  et  dont  l'injus- 
tice les  révolte.  liist,  du  Maaicli. ,  1.  ii»,  ôi  vi, 


2i5 


SAB 


SAB 


210 


§  8.  On  sait  si  l'imparUalilé  de  Boausobro  a 
déjà  opéré  des  conversions  parmi  les  soci- 
tiiens,  les  quakers,  les  anabiiptisies  ,  cic. 
Il  soulienl  que  les  Pères  onl  eu  lorl  de  raellre 
les  sabelliens  au  nouibre  des  patripassieiis. 
L'erreur  sabrllienne,  dil-il,  consistait  à  ané- 
antir la  personnalité  du  Verbe  et  du  Saint- 
Esprit  ;  dans  ce  système  ,  la  Trinité  n'est  au- 
tre cbose  que  la  nature  divine  considérée 
sous  les  trois  idées  de  substance  ,  de  pensée 
et  de  volonté  ou  d'action.  C'est  le  pur  ju- 
daïsme ,  comme  le  dit  fort  bien  saint  liasile. 
Suivant  celte  même  doctrine,  3ésus-Cbrist 
est  Fils  de  Dieu,  parce  qu'il  a  été  conçu  du 
Saint-Esprit  ;  que  le  Verbe  ou  la  sagesse  de 
Dieu,  attribut  inséparable  du  Père,  a  dé- 
ployé sa  vertu  dans  Jés'is  ,  lui  a  révélé  les 
vérités  qu'il  devait  enseigner  aux  bomiiies  , 
et  lui  a  donné  le  pouvoir  de  faire  des  mira- 
cles. Ainsi  l'union  du  Verbe  divin  avec  la 
personne  de  Jésus  n'est  point  une  union 
substantielle ,  mais  de  vertu  seulement. 
L'incarnation  n'a  clé  qu'une  o[iération  de  la 
Divinité  ,  une  effusion  de  la  sagesse  et  de  la 
vertu  divine  dans  l'âme  de  Jéus-Cbrist. 
Dans  ce  système  ,  il  C'I  impossible  de  dire 
que  Dieu  le  Père,  une  personne  divine,  ou 
la  Divinité,  a  soulTert  en  Jésus-Cbrist.  En 
quel  sens  peut-on  appeler  les  sabelliens  ,  pa- 
tripassiens ,  eux  qui  soutenaient  (jue  la  Divi- 
nité est  impassible  ? 

Ce  reproche  lait  par  Bcausobre  aux  Pères 
de  l'Eglise  porte  sur  trois  suppositions  faus- 
ses :  la  premièie ,  que  les  hérétiques  ont  été 
sincères  dans  leur  langage  ;  la  seconde , 
qu'ils  onl  raisonné  conséqucmmeiil  et  qu'ils 
ne  sont  pas  contreilils  ;  la  troisième ,  que 
leurs  di>ciples  ont  élé  fidèles  à  ionserver  les 
mêmes  seuiiiuenls  et  les  mêmes  expressions  : 
voilà  ce  (|iii  n'est  jamais  arrivé  à  aucune 
«erle,  pas  plus  aux  sabelliens  qu'aux  autres. 
—  l^Si  le  Verbe  divin  n'csi  pas  une  personne, 
mais  seulement  un  allribul  ou  une  opération 
du  l'ère  ,  peut-on  ,  sans  aliuser  Irauduleuse- 
inent  de  tous  les  termes  ,  dire  du  ^"erbe  ce 
qu'en  dit  saint  Jean  :  que  le  Verbe  était  en 
Dieu,  qui!  était  Dieu,  qu'il  a  fait  toutes  cho- 
ses ,  qu'il  est  la  vraie  luuiière  qui  éclaire 
tout  homme  venant  en  ce  monde,  qu'il  était 
dans  le  monde,  qu'il  est  venu  parmi  les 
siens,  qu'il  a  été  lait  chair,  qu'il  a  habifé 
en  nous  ,  etc.  ;  ou  ce  que  dit  saint  Paul,  que 
Dieu  était  in  Jésus-Cliiist  se  réconciliant  le 
monde,  etc.  ?  Il  fallait  cependant  que  Sabel- 
lius  dit  tout  cela  ,  ou  qu'il  renonçât  au  nom 
de  chrétien  :  s'il  le  diviit,  on  ne  pouvait 
entendre  que  du  Père  tout  ce  qui  est  attribue 
au  Verbe  ,  puisque  le  Père  est  l;i  seule  per- 
sonne divine  ou  le  seul  principe  d'action  , 
suivant  son  système.  On  eiail  donc  forcé  de 
dire  que  le  Père  s'est  incarné,  qu'il  a  souf- 
fi  rt  ,  qu'il  est  mort,  etc.,  comme  on  le  dit 
du  Verbe.  —  2°Théodorel,  Hœret.  fab.,  lib.  ii, 
c.  9,  nousapprend  que  Sabellius  considérant 
Dieu  comme  faisant  le  décret  éternel  de  sau- 
ver les  hommes ,  le  regardait  comme  Père  ; 
lorsque  ce  même  Dieu  s'incarnait  ,  naissait, 
sculîrjil ,  niGurait ,  il  l'appelait  Fils;  lors- 
qu'il l'eavisageuil   comme    saucliUaat  les 


hommes ,  il  le  nommait  Saint-Esprit.  11  est 
à  présumer  que  Théodorct  avait  lu  les  ou- 
vrages de  Sabellius  ou  ceux  de  ses  disciples  ; 
de  quel  droit  récusera-t-on  son  témoignage? 
Voilà  toujours  le  Père  qui  est  censé  faire  et 
soulTrir  tout  ce  que  Jésus-Cbrisl  a  fait  et 
soulïerl.  —  3' Supposons  que  Sabellius  ni  ses 
partisans  ne  l'ont  pas  dit,  la  question  est  de 
savoir  ce  que  les  Pères  onl  entendu  parle 
nom  depatripassiens;  s'ils  onl  voulu  désigner 
par  là  des  béréli<iues  qui  ont  enseigné  for- 
mellement et  en  propres  termes  que  Dieu  le 
Père  n  scii/fert ,  ces  saints  docteurs  pour- 
raient avoir  tort  ;  peut-être  aucun  hérétique 
n"a-t-il  afGrmé  distinctement  celle  proposi- 
tion ;  mais  s'ils  ont  seulement  entendu  par 
ce  mot ,  des  hérétiques  ,  de  la  doctrine  des- 
quels il  s'ensuit  clairement  et  nécessairement 
que  Dieu  le  Père  a  souffert ,  qui  a  droit  de  les 
blâmer  ? 

Beausobre  reprend  encore  Origène  d'avoir 
dit  que  les  sabelliens  confondent  la  notion  de 
Père  et  de  Fils,  qu'ils  regardent  le  Père  et 
le  Fils  comme  une  senlc  hypostase.  Comment, 
in  Mallh.,  tom.  XVII,  n.  ik.  Il  fallait  dire 
continue  ce  critique,  qu'ils  regardent  le  l'ère 
et  le  Verbe,  et  non  le  Fils  ,  comme  une  seule 
hypostase;  les  sabelliens  n'ont  jamais  donné 
au  Verbe  le  nom  de  Fils,  puisqu'ils  le  regar- 
daient comme  un  attribut  ou  une  propriété 
de  la  nature  divine.  Mais  ils  ont  donné  à 
Jésus-Cbrisl  le  titre  de  Fils  de  Dieu,  dans  ce 
sens  que  la  sagesse  de  Dieu  résiliait  en  lui. 
Dans  ce  cas  les  sabelliens  doivent  encore  ré- 
former le  langage  de  saint  Jean  ,  qui  dit  : 
«  Le  Verbe  s'est  fait  chair  et  il  a  demeuié 
parmi  nous,  et  nous  avons  vu  sa  gloiio 
comme  celle  de  Fils  unique  im  Père.  »  Voilà 
le  Verhe  nommé  très-clairenient  Fils  de  Dieu, 
Est-il  bien  sûr  que  les  subil  iens  n'ont  jaiu;;is 
affecté  de  parler  de  même?  A  la  vérité  iis  se 
seraient  contrediis  ;  mais,  encore  une  fois, 
il  n'y  a  aucun  héréliijue  à  qui  cela  ne  soit 
arrivé.  Kien  d'ailleurs  n'empêche  d'enlendie 
ainsi  la  phrase  d'Origène.  Ces  hén-liques 
confondent  la  notion  de  Père  et  de  Fils , 
puisqu'ils  font  une  seule  et  même  personrie 
du  Père  et  du  Fei  6c  que  nous  nommons  Fils 
de  Dieu  d'après  l'Ecriture  sainte.  Qnant  à 
ceux  que  Ceausobre  accuse  d'avoir  dit  que 
les  sabelliens  se  figuraient  un  Dieu  Père  de 
lui-même,  cl  Fil$  de  lui-même  ,  'viôttkt/./j  ,  ils 
se  réduisent  au  seul  Arius,  hérésiarque  aussi 
CDlélé  que  S.ibelllus.  Déjà  nous  avous  eu 
lieu  p:us  d'une  fois  de  prouver  à  Beausobre 
que  ses  apologies  des  hérétiques  sont  aussi 
alisurdi's  ,  que  ses  calomnies  contre  les  Pères 
sont  injustes.  Aussi  a-t-il  été  réfuté  par  AIos- 
htim  ,  Ilistor.  cliristian.,  sœculo  m,  n.  33. 
Celui-ci  a  i  rouvé  (jne  Sabellius  envisageait 
le  Verbe  et  le  Sainl- Esprit  comme  deux  éma- 
nations ou  deux  portions  de  la  divinité  du 
Père  ;  qu'ainsi  la  portion  qui  a  été  unie  à 
Jésus-Christ  a  véritablement  souffert  avec 
lui,  d'où  il  conclut  que  l'on  a  lorl  de  repren 
dre  les  Pères  qui  ont  mis  cet  hérétique  au 
nombre  des  pairipassieus,  et  que  saint  Epi- 
pbane  a  tris-bseu  exposé  son  erreur.  Voy. 

N0ÉT1E>S,    P.aAXÉENS,  PÂXRiPASSiSNS. 


2^7  SAC 

SAC.  ce  mot,  qui  est  le  même  en  hébreu 
que  dans  les  autres  langues,  signifie  la  même 
chose.  Outre  l'acception  ordinaire, il  exprime 
tin  habit  simple  et  grossier  ,  un  cilice  ;  c'est 
un  signe  et  un  instrument  de  pénitence.  Ce 
n'était  point  l'usage  des  anciens  de  s'en  cou- 
vrir tout  le  corps  ,  mais  de  les  mettre  autour 
des  reins  (  Isa),  xx  ,  2;  Judith  ,  iv,  8).  On  le 
prenait  dans  les  moments  de  deuil,  d'affliction, 
de  calamilé  publique,  de  pénitence  (//  Reg. 
III,  31;  m  Reg.  xx,  32;Esth.  iv,  1).  On  y 
ajoutait  l'action  de  se  couvrir  la  tête  de  cen- 
dre ou  de  poussière.  Lorsque  l'affliction 
était  passée ,  on  témoignait  sa  joie  en  déchi- 
rant le  sac  que  l'on  avait  autour  des  reins , 
on  se  lavait,  et  on  se  frottait  d'huile  parfu- 
mée. Voy.  Cendres. 

SACCOi  HORES  ou  PORTEURS  DE  SAC. 
Plusieurs  hérétiques  ont  été  appelés  de  ce 
nom,  commeles  apostoliquesoaapolactiques , 
les  encratites,  les  manichéens.  Voy.  ces  mois. 
Ils  se  revêtaient  de  sacs  pour  avoir  un  air  pé- 
nitent et  mortifié,  et  souvent  sous  cet  habit 
ils  cachaient  une  conduite  très-déréglée.  L'E- 
glise ,  qui  connaissait  leur  hypocrisie  ,  n'hé- 
slla  j.amais  de  condamner  ce  vain  appareil 
de  mortification  auquel  le  peuple  ne  se  laisse 
prendre  que  trop  aisément. 

SACHETS.  Les  frères  sachets, nommés  aussi 
frères  de  la  pénitence  cl  frères  aux  sacs,  à. 
cause  de  la  forme  de  leur  habit  grossier  ,  de 
leur  vie  pauvre  et  mortifiée,  étaient  une  con- 
grogalioii  de  religieux  augustins  ,  différente 
de  celle  des  ermites.  On  ignore  l'origine  de 
cet  ordre  qui  ne  remonte  pas  au  delà  du  xiir 
siècle.  Ils  avaient  un  monastère  à  Saragosse 
en  Espagne  ,  du  lemps  d'Innocent  111 ,  et  la 
direction  des  béguines  de  Valencicnnes  ;  ce 
qui  les  fit  nommer  frères  béguins.  Ils  étaient 
*ort  austères  ,  ils  s'abstenaient  de  viande  et 
tie  vin.  A  la  recommandation  de  la  reine 
Blanche  ,  saint  Louis  en  fit  venir  d'Italie  ;  il 
les  établit  à  Paris,  à  Poitiers,  à  Caen  et  ail- 
leurs. Mais  leur  extrême  pauvreté,  le  petit 
nombre  de  ceux  qui  se  vouaient  à  ce  genre 
de  vie,  le  décret  du  concile  de  Lyon  qui  sup- 
prima les  ordres  mendiants  ,  à  la  réserve  de 
quatre,  firent  tomber  insensiblement  l'ordre 
des  frères  sachets.  11  y  a  eu  aussi  des  reli- 
gieuses sachelies  qui  imitaient  la  vie  des  frè- 
res de  la  pénitence  ;  elles  avaient  une  maison 
à  Paris,  près  de  Saint-André-des-Arts,  et 
elles  ont  laissé  leur  nom  à  la  rue  des  Sachel- 
ies. Hist.  de  l'Egl.  Gallic,  1.  xxxiv  ,  t.  XII, 
an.  1272. 

SACERDOCE.    Voy.  Prêtre  et   PRii:TRiSE. 

SACIENS  ,  nom  donné  aux  anlhropomor- 
philes.  Voy.  re  mot. 

SACRAMENTAIRE,  ancien  livre  d'Eglise 
■  dans  lequel  sont  renfermées  les  prières  et  les 
cérémonies  de  la  liturgie  ou  de  la  messe  et 
de  l'administration  des  sacrements.  C'est  tout 
à  la  fois  un  pontifical ,  un  rituel ,  un  missel , 
dans  lequel  néanmoins  on  ne  trouve  ni  les 
inlroïts,  ni  les  graduels,  ni  les  épîlres  ,  ni  les 
évangiles,  ni  les  offertoires,  ni  les  commu- 
nions ,  mais  seiiltmenl  les  collectes  ou  orai- 
sons ,  les  préfaces  ,  le  canon  ,  les  secrètes  et 
les  postcommunions,  les  prières  et  les  céré- 


SAC 


24S 


monies  des  ordinations  ,  et  un  nombre  de  bé- 
nédictions; ce  que  les  Grecs  nomment  un 
Eurologe. 

Le  premier  qui  ait  rédigé  un  Sacramentaire 
est  le  pape  Gélase  ,  mort  l'an  WO  ;  c'est  du 
moins  le  plus  ancien  quisoitparvenujusqu'à 
nous.  Saint  Grégoire,  postérieur  d'un  siècle 
à  Gélase  ,  retoucha  ce  Sacramentaire ,  en  re- 
trancha plusieurs  choses  ,  en  changea  quel- 
ques-unes; il  y  ajouta  peu  de  paroles.  Muis 
ni  l'un  ni  l'anlre  n'ont  été  les  auteurs  du  fond 
de  la  liturgie  ;  avant  eux  elle  se  conservait 
par  tradition ,  et  on  a  toujours  cru  qu'elle  ve- 
nait des  apôtres.  Le  Pore  Lebrun  ,  Explie, 
des  Céréin.  de  la  Messe,  t.  111 ,  p. 137  et  suiv., 
a  prouvé  ce  fuit  essentiel  ;  au  mot  Grégoriejj, 
nous  avons  extrait  sommairement  ce  qu'il 
en  a  dit. 

Si  les  critiques  protestants  qui  ont  tant  dé- 
clamé contre  la  messe  et  contre  les  autres 
prières  de  l'Eglise  ,  qui  les  ont  regardées 
comme  des  su|)erstitioiis  et  des  momeries 
de  nouvelle  invention,  avaient  été  mieux 
instruits,  ils  auraient  vu  que  l'Eglise  catho- 
lique ne  fait  rien  aujourd'hui  que  ce  qu'elle 
a  fait  dès  les  premiers  siècles  ;  que  ,  dans 
tous  les  temps  ,  elle  a  fait  profession  de  sui- 
vre et  d'imiter  ce  qu'ont  lait  Jésus-Christ  et 
les  apôtres.  Voy.  Liturgie. 

Sacramentaires.  Les  théologiens  catholi- 
ques ont  donné  quelquefois  ce  nom  à  tous 
les  hérétiques  qui  ont  enseigné  des  erreurs 
touchant  la  sainte  eucharistie,  qui  ont  nié  ou 
la  présence  réel  le  de  Jésus-Clirist  dans  ce  sacre- 
ment ,  ou  la  transsubstantiation  ,  par  consé- 
quent aux  disciples  du  Luther  aussi  bien 
qu'à  ceux  de  Calvin.  Mais  les  luthériens  eux- 
mêmes  ,  qui  admettent  la  présence  réelle  , 
ont  nommé  sacramentaires  les  sectateurs  de 
Carlosladt ,  de  Zwingle  et  de  Calvin  ,  qui  re- 
jettent la  présence  réelle,  et  qui  soutiennent 
que  l'eucharistie  n'est  que  la  figure  ,  le  si- 
gne ,  le  symbole  du  corps  et  du  sang  de  Jé- 
sus-Christ ;  que  dans  la  communion  on  re- 
çoit ce  corps  et  ce  sang  non  réelb^ment , 
mais  spirituellement  et  par  la  foi.  Voy.  Eu- 
charistie. 

Cinq  ans  seulement  après  que  Luther  eut 
commencé  à  prêcher ,  Carlosladt  répandit 
celte  doctrine  à  Wirtemberg,  et  il  y  trouva 
des  partisans.  Luther  ne  serait  pas  venu  à 
bout  d'arrêter  les  progrès  de  cette  erreur, 
s'il  n'avait  fait  chasser  Carlosladt ,  par  l'élec- 
teur de  S.txe  ;  telle  fut  la  principale  cause  de 
leur  rupture.  Peu  d'années  après ,  d'autres 
novateurs  prêchèrent  la  même  chose  dans 
d'autres  villes,  en  particulier  à  Goslard:après 
plusieurs  disputes  et  plusieurs  conférences, 
la  contestation  finit  de  même  par  l'exil  de 
ceux  qui  s'écartaient  desopinions  de  Luther. 
Mosheim  ,  dans  ses  dissertations  sur  l'His- 
toire ecclésiastique,  lom.  1,  p.  627,  en  a 
placé  une  touchant  cet  événement ,  où  l'on 
voit  qu'il  était  uniquement  question  de  sa- 
voir quel  sens  on  doit  donner  à  ces  paroles 
■Je  Jésus-Chiisl  :  Ceci  est  mon  corps. 

Mais  pui.<ique,  selon  le  senliment  des  pro- 
testants, J'Etriluru  sainte  (^sl  la  seule  règle 
de  notre  foi ,  nous  voudrions  savoir  pour- 


249 


SAC 


SAC 


S>.50 


quoi  les  adversaires  dn  Lullier  avaient 
miiins  lie  droit  (l'oiileiuire  les  paroles  do  Jé- 
sus-Christ, dans  un  sens  figuré,  ((u'il  n'en 
av.iil  lui-même  de  les  prendre  dans  le  sens 
liKéral  et  graniinalical  ?  pourciuoi  il  notait 
pas  permis  aux  catholiques  de  les  entendre 
comme  on  les  a  toujours  entendues  depuis 
les  apôtres.  Il  est  évident  ([ue  la  doctrine  do 
Luther  ne  s'est  conservée  parmi  ses  secta- 
teurs que  par  les  lois  que  plusieurs  souve- 
rains ont  portées  contre  les  sacramentaires  , 
et  même  par  les  peines  afllictives  qu'on  leur 
a  fail  subir  ;  ce  sont  ces  lois  et  non  l'Iîcri- 
lure  sainte  qui  ont  décidé  chez  eux  de  la 
croyance  des  peuples.  On  ne  peut  assez  ad- 
mirer la  stupidité  du  commun  des  luthé- 
riens qui  se  sont  ainsi  laissé  conduire  par 
l'autorité  civile  en  fait  de  religion,  après 
que  l'on  avait  commencé  par  leur  promet- 
tre la  liberté  entière  de  conscience,  et  la  fa- 
culté de  se  décider  eux-mêmes  touchant  le 
vrai  sens  de  l'Ecriture  sainte.  On  voudrait 
savoir  encore  en  quoi  les  articles  de  foi,  ré- 
glés par  des  prédicants  et  appuyés  par  l'au- 
torité des  souverains,  ont  été  plus  dignes 
de  respect  et  de  soumission  que  les  décrets 
des  pasteurs  de  l'Kglise  catholique,  assem- 
blés au  concile  de  Trente.  Knfin,  l'on  ne 
conçoit  pas  comment  les  erreurs  des  sa- 
cramentaires, des  anabaptistes,  des  sociniens, 
sorties  des  principes  de  la  prétendue  ré- 
forme, sous  les  yeux  mêmes  de  ses  fonda- 
teurs, ne  leur  ont  pas  fait  sentir  la  fausseté 
de  ces  principes,  et  comment  ils  ont  pu  s'y 
obstiner  jusqu'à  la  mort. 

SACKE,  SACRÉ.  Il  paraît  que,  dans  l'ori- 
gine, on  a  nommé  sacré  ce  qui  était  tiré  de 
l'usage  commun,  mis  à  part  ou  en  réserve, 
pour  être  offert  à  Dieu  et  destinée  son  culte  ; 
que  telle  est  l'étymologie  du  latin  sucer,  et 
du  grec  Upo;-  ainsi  Deo  sacrum  est  la  même 
chose  que  sanctiim  Domino,  destiné  ou  ré- 
servé pour  Dieu.  De  là  est  venu  le  double 
sens  du  mot  sacer,  qui  signitie  aussi  exécra- 
ble, dévoué,  destiné,  réservé  à  la  mort.  On 
profane  une  chose  sacrée,  quand  on  la  fait 
rentrer  dans  l'usage  commun,  ou  qu'on  la 
traite  avec  aussi  peu  de  respect  que  les 
choses  communes.  On  a  sacré  les  rois,  les 
prêtres,  les  prophètes  :  dès  re  moment  ils 
ont  été  censés  lires  de  l'ordre  des  simples 
particuliers,  et  en  quelque  façon  mis  à  part 
pour  remplir  des  fonctions  qui  leur  étaient 
propres.  Dans  le  même  sens  on  a  consacré 
des  lieux,  des  instruments,  des  choses  d'u- 
sage, pour  les  faire  servir  au  culte  du  Sei- 
gneur. On  distingue  le  sacre  ou  la  consécra- 
tion d'avec  une  bénédiction ,  en  ce  que  celle- 
ci  ne  tire  pas  absolu;nent  la  chose  bénite  du 
rang  ou  de  l'usage  des  choses  communes. 

La  coutume  de  sacrer  les  rois,  en  les  oi- 
gnant d'buile  sainte,  a  commencé  chez  les 
Hébreux  ;  Saùl  et  David  furent  sacres  par  le 
prophète  Samuei,  Salomon  par  le  grand  prê- 
tre. Quelques  auteurs  ont  cru  qu'aucun 
prince  chrétien  n'avait  été  sncrc  avant  Jus- 
tin H,  empereur  de  Conslantinople,  parvenu 
au  trône  l'an  365  ;  mais  d'autres  nous  appren- 
neut  que  Xhéodose  le  Jeune  fut  couronné , 


par  conséquent  sacré,  l'an  408,  par  le  pi- 
Iriarche  Proclus.  Note»  du  P.  Ménard  sur  le 
Sncram.  de  s.iint  Gréi/oire,  p.  307.  Cet  usage 
fut  imité  par  les  rois'des  Goths  et  de  France. 
Clovis  fut  Sficré  par  saint  llemi.  Voi/.  Onc- 
tion. Plusieurs  incrédules  ont  blâmé  cette 
cérémonie,  comme  si  elle  était  établie  pour 
persuader  aux  mis  qu'ils  sont  des  hommes 
divins,  d'une  nature  supérieure  à  celle  des 
autres  hommes,  qu'ils  ne  tiennent  rien  de 
leurs  sujets,  et  qu'ils  ne  leur  doivent  rien. 
Si  l'on  veut  se  donner  la  peine  do  lire  les 
prières  et  les  cshortalions  que  fait  à  on  roi 
i'évê(iue  qui  le  sacre,  on  verra  si  cette  céré- 
monie n'est  pas  la  leçon  la  plus  énergique 
pour  lui  faire  connaître  tous  ses  devoirs,  et 
si,  lorsqu'il  lui  arrive  de  les  oublier,  c'est 
la  faute  de  l'Eglise.  Ménard,  ibid. 

Quelques  écrivains  ont  été  scandalisés  de 
ce  que  l'on  appelle  les  empereurs  d'Alle- 
magne et  les  rois  d'Angleterre  .sacrée  majesté; 
ils  ont  regardé  ce  titre  comme  on  blasphème. 
Us  ont  oublié  sans  doute  que,  dans  l'Ecri- 
ture sainte,  les  rois  en  général  sont  nommés 
les  oints  du  Seigneur,  et  que  Dieu  n'a  pas 
dédaigné  d'appeler  Cyrus,  prince  inOdèle, 
son  oint,  son  christ,  son  messie,  c'est-à-dire 
un  personnage  qu'il  avait  destiné  à  cire  cé- 
lèbre et  à  délivrer  le  peuple  juif  de  sa  cap- 
tivité. 

Les  anciens  regardaient  comme  sacrés 
non-seulement  les  temples  des  dieux  ,  mais 
les  tombeaux  des  morts,  et  les  lieux  sur  les- 
quels le  tonnerre  était  tombé.  Lorsque  les 
protestants  ont  décidé  en  général  qu'il  est 
absurde  de  regarder  un  lieu  comme  plus 
saint  et  plus  sacré  qu'un  autre,  c'est  comme 
s'ils  avaient  dit  qu'il  est  absurde  de  respec- 
ter un  lieu  plus  iju'un  autre,  et  d'avoir  plus 
d'égards  pour  l'appartement  d'un  roi  que 
pour  une  élable  d'animaux.  Ils  ne  soutien- 
nent cette  maxime,  quoicjue  contraire  au 
sens  commun,  que  pour  pallier  les  profana- 
tions horribles  dont  leurs  pères  se  sont  ren- 
dus coupables,  en  voulant  abolir  le  culte  ca- 
tholique ;  au  mot  Consiccration,  nous  avons 
répondu  aux  reproches  insensés  que  les  in- 
crédules ont  empruntés  d'eux. 

SACKE.MENT    (I).    Par   l'étymologie   que 

(1)  Canons  et  doctrines  sur  les  sacrements. 

Si  quelqu'ini  dit  que  les  s.icreinents  de  la  noii- 
Telleloin'oiit  pas  éié  tous iiisiiiiié-, par  iNoire-Seigneur 
Jéslls-Cl^li^l,  ou  qu'il  y  en  a  plus  ou  moins  de  sept, 
savoir  le  bapléme,  h  conliiiiialion,  l'eucliaristie,  la 
pénileiice,  l'exlrèuie  (Miction,  l'ordre  et  le  mirlage; 
ou  (luc  queliprun  de  ces  sept  n'eNt  pas  propreineiûet 
vériiableiiienl  un  sacrciiieiit,  (iu'il  soii  anallièiue.  Conc. 

de  Treille,  7'-  sess.  des  sac,  e.  1 Si  (|uel  .u'iin  dit 

que  les  sacicnienis  de  la  nouvelle  loi  nesonldilTérents 
de  ceux  de  la  loi  ancienne,  qu'en  ce  que  les  céiéinoiiies 
el  les  pratiques  extérieures  sont  diverses,  qu'il  soit 
anatlième.  C.  2.  —  Si  quelqu'un  dit  que  les  srpl  sa- 
crcnients  sont  telleinenl  égaux  entre  eus,  qu'il  n'y  en 
a  aucun  plus  digne  que  l'auiri:  en  quelque  manière 
que  ce  soil,  qu'il  soil  anatlième.  C.  5.  —  Si  quel- 
qu'un ilii  que  les  sacrements  de  la  /l'iuvdie  loi  ne 
sont  pas  nécessaires  au  saint,  mais  qu'ils  sont  su< 
pertliis,  et  que  sans  eux  on  sans  le  désir  de  les  re- 
cevoir, les  liOnniiûs  peuvent  olitenir  de  D;eu,  par  la 
seule  loi,  la  grâce  de  la  juslilicalion,  bien  qu'il  soit 


33i 


SAC 


SAC 


25Î 


nous  venons  de  donner  du  mot  sacré ,  il  est 
évideiil  que  sacrement  signifie  non-seule- 
ment le  signe  d'une  chose  sacrée,  mais  l'ac- 
tion par  la'iuelle  une  ciioso  est  rendue  sa- 
crée. Aussi  les  Uomains  appelaient  sacramen- 
tum  le  serment  par  lequel  un  citoyen  s'en- 
gageait el  se  dévouait  à  la  milice,  la  profes- 
sion même  de  soldat ,  l'argent  consigné  par 
un  plaideur,  et  qui  était  acquis  au  lise  s'il 
perdait  son  procès,  etc.  Mais  ce  mot  a  cliangé 
de  signification  chez  les  traducteurs  latins 
de  l'Ecriture  sainte  :  ils  ont  rendu  par  sa- 
cramentum  les  termes  hébreux  el  grecs  qui 
signifient  secret,  mystère  ,  chose  cachée  ; 
conséquemnient  l'on  entend  par  sacrement 
le  signe  sensible  d'un  effet  intérieur  et  spiri- 
tuel que  Dieu  opère  dans  nos  âmes.  Nous 
avons  à  en  examiner  :  1°  l'usag;',  2'  le  nom- 
bre, 3»  l'essence,  4-°  l'effet,  5"  l'instituteur, 
6»  le  ministre,  7°  les  conséquences. 

§  1.  SaintAugustio,lib.  xix,  conlra  Faust., 
c.  IV,  observe  très-bien  que  les  hommes  ne 
peuvent  êire  réunis  dans  la  profession  d'une 
religion  vr.iie  ou  fausse  que  par  le  secours 
de  signes  visibles  ou  de  symboles  mystérieux 
(jui  font  impression  sur  nous,  el  que  l'on  ne 
peut  mépriser  sans  être  sacrilège.  En  elTet, 

vrai  que  tous  ne  sont  pas  ncce^Sidres  à  chaque  par- 
ticulier, qu'il  soit  aivitlièuie.  C.  i.  —  Si  quelqu'un 
dii  que  les  sacrements  n'ont  éié  insii'ués  que  iiour 
entretenir  seulcmenl  la  loi  ,  qu'il  soit  anallièuie. 
C.  5.  —  Si  qiiel(iu'un  dit  que  li's  sacremenls  ne  cou- 
lienneni  pas  la  griice  qu'ils  siguKieiit,  ou  qu'ils  ne 
coiiféreiii  (las  celle  grâce  à  ceux  qui  ir'y  meilenl  poini 
obstacle,  connue  s'ils  éi;iieni  seuleineni  des  signes 
extérieurs  (le  la  iusiice  ou  de  la  grâce  (pii  a  été  reçue 
par  la  foi,  ou  de  simples  marques  de  distinction  île 
la  relifîion  chrélienue,  par  lesquelles  on  reconnait 
dans  le  tnoude  les  (Idèles  d'avec  les  inlidèles,  qu'il 
soil  aiiailiènie.  C.  6.  —  Si  quelqu'un  dit  que  la 
grâce,  quMUl  à  ce  ijui  csl  de  la  part  de  Dieu,  n'est 
pas  donnée  toujours  et  à  tous  par  les  sacremenls, 
encore  qu'ils  soient  reçus  avec  lonies  les  cuidilions 
requises,  mais  que  cette  grâce  ji'esl  donui-e  que  quel- 
quefois et  à  (pielques-uns,  qu'il  soilanalliéme.  C.V.  — 
Si  quelqu'un  dit  que  parles  mêmes  sacrements  la  grâce 
n'esi  pas  conférée  par  la  vertu  et  la  f"i  ce  qu'ils  con- 
tiennent, mais  que  la  seule  loi  aux  promesses  de  Dieu 
suflil  pour  (ibieuir  la  grâce,  (ju'il  soil  auailiéme. 
C.  y.  —  Si  uuelqu'un  dit  que  par  les  trois  sacreuieuts 
du  baptême,  de  |;i  confirniatiuti  el  de  l'ordre,  il  ne 
s'imprime  point  dans  l'âme  un  caractère,  c'esi-à- 
dire,  une  certaine  marque  spirituelle  et  ineffaçable, 
d'où  vient  que  ces  sacremenls  ne  peuvent  être  réi- 
térés, qu'd  soil  atiatlième.  C.  9.  —  Si  quelqu'un 
dit  que  tous  les  chrétiens  ont  l'auiorité  el  le  pou- 
voir d'annoncer  la  parole  de  Dieu  et  d'adminis- 
trer les  sacremenls,  qu'il  soit  analhème.  C.  10.  — 
Si  quelqu'un  dit  que  rmlcnlion,  au  moins  celle  de 
faire  ce  que  rtiglise  fait,  n'est  pas  requise  dans  les 
ministres  des  sacremenls  ,  lorsqu'ils  les  font  el  les 
confèrent,  qu'il  soil  analhème.  C.  II.  —  Si  quel- 
qu'un dit  que  le  ministre  des  sacremenls,  qui  seliouvi! 
en  péché  niorlel,  ipioi(|ue  d'ailleurs  il  observe  tonles 
les  choses  essentielles  cpii  regardent  la  confection 
ou  la  collation  des  sacrements,  <|u'il  soil  anathème. 
C.  li.  —  Si  quelqu'un  dit  que  les  cérémonies  reçues 
el  approuvées  dans  l'Kglise  catholique,  el  qui  sml 
en  usage  dans  l'adminisiralion  solennelle  des  sacre- 
ments, peuvent  être  sans  péché  ou  méprisées,  ou 
omises,  selon  qii'd  plait  aux  ministres,  ou  être 
changées  en  d'aiUres  nouvelles  par  tout  pasleur, 
quel  qu'il  soii,  qu'il  soil  analhème.  C.  15. 


comment  exprimer  les  sentiments  intérieurs 
de  noire  âme  dans  lesquels  consiste  la  reli- 
gion, sinon  par  des  gestes  et  des  cérémonies 
extérieures?  et  de  quelle  autre  manière  pour- 
rait-on donner  une  idée  de  ce  que  Dieu  dai- 
gne opérer  en  nous  pour  notre  saucliGca- 
tion  ?  «  La  chair,  dit  'Tertullieu,  est  lavée  par 
le  baptême  .  afin  que  l'âme  soil  purifiée  ; 
elle  reçoit  une  onction  ,  [)our  que  l'âme  soit 
consacrée  à  Dieu  ;  on  lui  imprime  le  sceau 
de  la  croix,  afin  que  l'âme  ait  une  défense 
contre  ses  ennemis  ;  ou  lui  impose  les  mains 
pour  que  l'ânje  reçoive  les  lumières  du 
Saint-Esprit.  C'est  le  corps  qui  participe  au 
corps  et  au  sang  de  Jésus- Chi  isl ,  afin  que 
l'âme  soil  divinement  nourrie.  »  Ainsi  s'ex- 
priment par  des  signes  sensibles  les  choses 
mêmes  qui  ne  tombent  point  sous  nos  sens. 
Mais  celle  nouvelle  signification  du  mot 
sacrement  n'a  pys  fait  disparaître  l'ancienne, 
piiisqu'il  n'est  aucun  des  signes  sensibles 
par  lesquels  Dieu  répan  1  ses  dons  et  ses 
grâces  dans  nos  âmes,  qui  ne  soit  un  nou- 
veau lien  par  lequel  Dieu  nous  attache  à  lui 
el  nous  consacre  à  son  service. 

Il  y  a  donc  eu  des  sacrements  dans  les 
différentes  époques  de  la  vraie  religion  :  l'on 
peut  placer  d.rns  ce  rang  les  sacrifices  el  les 
offriindes  des  patriarches,  l'imposition  que 
Jacob  fil  de  ses  mains  sur  la  tète  des  deux 
fils  lie  Joseph,  par  laquelle  il  les  adopta  et 
leurannonçaleurdeslinée  future  (Gen.xLviii, 
14)  ;  les  bénediotions  que  donnaient  ces  an- 
ciens justes  à  leurs  enfants,  lorsqu'ils  les 
unissaient  par  le  mariage.  Cette  cérémonie, 
dont  nous  voyons  un  cxeiiiple  dans  le  livre 
de  Tobie,  c.  vu,  v.  la,  n'était  point  une  nou- 
velle inslilulion,  puisqu'il  n'en  est  p:s  parlé 
dans  la  loi  de  Moïse.  Ajoutons  les  purifica- 
tions dont  on  usait  avant  d'olTrir  un  sacri- 
fice {Gen.  XXXV,  2, etc.).  Tous  ces  symboles, 
aussi  anciens  que  le  monde,  furent  profanés 
par  les  idolâtres,  qui  les  eoiployèrent  au 
cuite  de  leurs  f;iux  dieux.  Le  Seigneur  insti- 
tua de  nouveaux  sacrements  pour  les  Juifs, 
comme  la  circoncision,  la  consécrr.lion  des 
pontifes,  le  repas  de  l'agneau  pascal,  les 
purifications,  les  expiations ,  etc.  Il  fallait 
donc  qu'il  y  en  eût  aussi  dans  la  loi  nou- 
velle, et  Jésus-Christ  n'a  pas  manqué  d'y 
pourvoir.  Dans  cetie  troisième  époque  de  la 
vraie  religion,  les  théologiens  déûnissenl  un 
sacrement,  le  signe  sensible  d'une  grâce  spi- 
rituelle, institué  par  Jésus-Christ  pour  la 
sanclification  de  nos  âmes.  Cette  définition, 
quoique  très-jnste,  n'exprime  cependant  |ias 
tous  les  effels  ni  toutes  les  fins  des  sacre- 
ments ;  nous  le  verrons  ci-après. 

§  II.  Les  protestants  n'admettent  que  deux 
sacrements  de  la  loi  nouvelle  ;  savoir,  le  bap- 
tême el  la  cène.  Les  catholiques  soutiennent 
qu'il  y  en  a  sept  ;  savoir,  le  baptême,  la  coti- 
(irmation,  l'eu(  harislie,  la  pénitence,  l'ex- 
trême-onction,  l'ordre  el  le  mariage.  Ainsi 
l'a  déclaré  le  concile  de  Trente,  sess.  7, 
1  '  can.  Nous  parlons  de  chacun  en  parti- 
culier, et  nous  prouvons  qu'il  n'en  est  au- 
cun qui  n'ait  tout  ce  qui  constitnc  un  sacre- 
ment. Les  proleslauls  avaient  avancé  que  les 


255  SAC 

Grecs  et  les  autres  sectes  de  chrélions  orien- 
taux n'admetleiit  comme  eux  que  deux  sa- 
cremejils  ;  mais  le  cinitraire  a  été  prouvé 
jusqu'à  la  démonstration  dans  lo  cinquième 
loine  de  la  Perpétuité  île  tu  foi  :  on  y  a  fail 
voir  que  toutes  ces  seiti-s  sans  exception 
ndinritent  sept  sacrements  aussi  bien  que 
IKSilise  romaine.  Au  lieu  du  terme  de  sacre- 
ment qui  est  latin  ,  elles  se  servent  du  mot 
de«ii/«<r'r(?,  qui  estéquivalent  ;  elles  nomment 
le  baplôiTie  le  bain  sncri;  ou  l;i  réi/énéralion  ; 
la  confirmation,  le  myron  ou  le  clirémc;  l'eii- 
fharistie,  Vol)lation:'\a  pénitence,  lecnw(»«; 
l'extrême  -  onction  ,  \'oncti'>n  des  malades; 
l'ordre,  la  consécration  des  écê'.fiies  ou  des 
prêtres;  le  mariage,  lo  couronnement  des 
épouses;  et  elles  attribuent  à  toutes  ces  c6- 
rémopiics  les  mêmes  effets  que  nous. 

§  III.  Depuis  longtemps  les  scolasliqnes 
se  sont  accoutumes  à  envisaser  le  sacrement 
comme  une  espère  de  composé  moral  ,  qui 
renferme  une  action  sensible  et  des  paroles  : 
Accedit  verbumad  rletnenlum,  d'il  saint  Augus- 
tin, et  fit  sacramenlum.  Tract.  80,  in  Jonn., 
n.  .*?  :  le  concile  de  Florence  a  répété  celte 
maxime.  L'aclion  sensible  est  envisajfée 
comm?'  la  matière  du  sacrement,  et  les  paroles 
comme  la  forme,  parce  qu'elles  délerminent 
le  sens  de  l'action.  A  la  vérité  cetli'  liisiinc- 
tion  ne  remonte  pas  plus  liant  parmi  nous 
qu'an  xn'  siècle;  c'esKiuillaume  d'jVuxerre 
qui  la  proposa  le  premier  ;  elle  est  copen- 
datil  utile  pour  une  plus  grande  précision 
dans  la  lliéolojii^  Elle  n'est  pas  connue  des 
chrétiens  orientaux,  quoiqu'elle  ail  été  adop- 
léi>  par  quel(UiPs  théologiens  grecs.  Ils  pen- 
sent tous  qu'il  n'importe  pas  que  la  forme 
des  sncrewents  s,M\  conçue  eu  termes  indica- 
tifs, déclarai  ils  ou  déprécalifs  ;  ({ue  les  priè- 
res qui  arcomiiagnent  l'action  saciamen- 
(elle  en  sont  nne  partie  essentielle,  qu'ainsi 
on  peut  les  appeler  la  forme  du  sacrement  ; 
ri'"glise  latine  n'a  pas  condamné  ce  «enliment  ; 
elle  ne  rejette  poi:it  comme  nuls  les  sacre- 
ments ainsi  administrés  p;ir  les  Orientaux. 
Il  y  a  un  savant  traité  sur  les  paroles  des 
sept  Sttcremenis ,  fait  par  le  P.  Merlin,  jé- 
suite, dans  lequel  il  prouve  que  dès  l'orisiine 
les  formes  en  oni  été  fix'  s,  invariables,  cour- 
tes, aidées  A  retenir,  gardées  sous  le  secret. 
Communiquées  seulement  aux  prêtres  de 
vive  voix  el  par  tradition.  Rlles  ont  toujours 
indiqué  l'effet  du  sacrement,  et  à  la  réserve 
de  l'exlrêmo-onction,  il  n'y  a  poini  de  preuve 
cerl^iinc  qu'elles  aient  élé  quehpiefois  con- 
çues en  termes  déprécalifs  ou  par  manière 
de  prière.  On  les  nommaii  cependant  quel- 
quefois invocaliones  perfcclivns,  (larce  (jub 
le  ministre  du  sncreme/tl  n'agit  point  en  son 
nom,  mais  au  nom  de  Jésus-Christ.  Mais  au- 
cun des  Pères  de  l'Eglisen'a  cxprimédistincle- 
ment  ces  formules,  el  on  ne  les  trouve  dans 
aucun  sacraiiieutaire  ,  à  cause  de  la  loi  ou 
de  l'usage  (|ni  les  a  fait  garier  sous  le  se- 
cri'l  jusqu'au  xir  siècle.  Alors  seulement 
I  on  a  disiingué  expressément  cl  forfoelle- 
ment  l(>s  sept  sacrements,  el  l'on  en  a  claire- 
menl  désigné  la  matit  re  et  la  forme  ;  les 
piotestauts  en  ont  conclu  très  mal  à  propos 


SAC 


2ri4 


qu'on  ne  les  connaissait  pas  auparavant.  Les 
formes  usitées  dans  l'Iîglise  grecque  ne  sont 
pas  conçues  précisément  en  mêmes  termes 
que  celles  dont  se  sert  l'Eglise  laline,  mais 
le  sens  en  est  le  même  ;  on  les  a  confrontées 
à  l'égard  dos  sept  sicremcnts. 

§  IV.  Il  y  a  une  dispute  non  moins  sérieuse 
entre  les  hétérodoxes  et  nous,  touchant  l'efîol 
des  sacrements.  Les  socinions  enseignent 
que  ce  sont  de  simples  cérémonies  qui  no 
servent  tout  au  plus  qu'à  unir  exlérieure- 
meui  les  fidèles,  à  les  distinguer  des  juifs  et 
des  païens.  Les  prolestants  n'en  ont  pas  une 
idée  beaucoup  plus  avantageuse  ,  en  disant 
que  ce  sont  des  cérémonies  instituées  par 
Jésus -Christ  pour  sceller  el  confirmer  les 
promesses  de  la  grâce,  pour  so'ilenir  nr>iro 
foi,  et  pour  nous  exciter  à  la  piété.  Nous 
soutenons  contre  eux  que  les  sacrements  pro- 
duisent en  nous  la  grâce  sanctifiante  et  la 
rémission  des  péchés,  lorsque  nous  les  rece- 
vons avec  les  dispositions  nécessaires,  et  que 
c'est  pour  opérer  cet  efl'et  que  Jésus-Cliri>t 
les  a  institués.  C'est  encore  la  décision  du 
concile  de  Trente,  sess.  7,  eau.  6,  où  il  dit 
analhèmo  à  ceux  (jui  enseignent  «  qu;î  les 
sacrements  de  la  loi  nouvelle  ne  contiennent 
|ioint  la  grâce  qu'ils  signifient,  et  qu'ils  ne 
la  donnent  point  à  ceux  qui  les  reçoivent, 
lors  même  que  ceux-ci  n'y  mcltent  point 
obstacle;  que  ce  s-onl  seulement  des  signes 
exiérieurs  de  la  grâce  ou  de  la  justice  (jue 
l'on  reçoit  par  la  foi,  ou  une  simple  profes- 
sion de  la  foi  chrétienne  par  laquelle  les  fidè- 
les sont  distingués  d'avec  les  infidèles.  «  Sui- 
vant les  |irotestants,  c'est  la  foi  du  fidèle,  et 
non  le  sacrement,  qui  est  la  vraie  cause  de 
la  grâce  et  de  la  sanctification  ;  le  sacrement 
n'est  (ju'une  condition  et  un  signe  extérieur 
de  ce  qui  se  fait  par  la  foi  ;  c'e>t  ce  que  les 
théologiens  scolasliques  appellent  produire 
la  grâce  ex  opère  operantis;  suivant  les  ca- 
tholiques ,  au  contraire,  c'e>t  le  sacrement 
qui,  en  vertu  de  l'institution  de  Jésus-Christ, 
et  en  nous  appliquant  ses  mérites,  produit 
la  grâce,  el  en  est  la  cause  immédiate;  la  foi, 
la  conliance,  la  piété  du  fidèle,  sont  seule- 
ment une  condition  nécessaire  sans  laquelle 
le  sacrement  ne  produirait  pas  son  effet  ; 
c'est  ce  que  les  théologiens  appellent  pro- 
duire la  grâce  ex  opère  opcralo.  Nous  \er- 
rons  de  quelle  manière  les  prolestants  ont 
travesti  cette  doctrine,  afin  de  la  rendre  ri- 
dicule cl  odieuse  ;  mais  il  faul  commencer 
par  la  prouver. 

Jésus-Christ  déclare  [Joan.  m,  5),  que  si 
quelqu'un  n'est  pas  régénéré  par  l'eau  et  le 
Saint-Esprit,  il  ne  peut  pas  entrer  dans  le 
royaume  de  Dieu  ;  suivant  ces  paroles,  l'ef- 
fet du  baptême  est  une  régénéraiion  et  non 
simplement  un  moyen  d'exciter  la  fui,  de  con- 
firmer  les  promesses  de  Dieu,  de  réveiller 
en  nous  la  piélé.  Saint  Paul  en  parle  do 
même  ;  il  appelle  le  baptême  le  bain  delà  ré- 
généraiion et  du  renouvellement  du  Saint-Es- 
prit (  /  Tim.  III,  o).  Lorsque  cet  apôtre  fui 
converti,  Ananie  lui  dit  :  «  Recevez  le  bap- 
tême, el  lavez  vos  péchés  »  {Act.  sxii,  16J. 

Il  est  dit;  c.  VIII,  V,  17,  que  l'imposilioa 


2S5 


SAC 


SAC 


256 


des  mains  des  apôtres  donnait  le  Saint-Es- 
pril  ;  c'est  l'effet  de  la  confirmation.  Jésus- 
Christ  nous  liioiitre  celui  de  l'eucharistie  en 
disant  (Jnan.  vi,  56)  :  Ma  chair  et  téritable- 
nient  tme  nourriture,  et  mon  sang  un  breu- 
vage; celui  qui  les  reçoit  demeure  en  moi  et 

tn'oi  en  lui Celui  qui  se  nourrit  de  moi, 

vivra  pour  moi Celui  qui  mange  ce  pain 

vivra  éternellement.  Le  sauveur  ne  parle  ni 
de  la  foi  ni  de  la  conQrnialion  de  ses  pro- 
messes. 

11  a  donné  à  ses  apoires  le  pouvoir  de  re- 
mettre les  péchés  par  la  pénitence  el  par 
l'iibsolution  [Joon.  xx,23).  Saint  Jacques, 
c.  V,  V.  14,  dit  que  le  fidèle  malaile  qui  re- 
co\ra  l'onction  des  prêtres,  recevra  la  ré- 
mission de  ses  péchés.  Saint  Paul  (//  Tim.  i, 
6)  fait  souvenir  son  disciple  TiiDothce  de  la 
grâce  qu'il  a  reçue  par  rimpositioii  des  muins 
dans  l'ordination.  En  compariint  l'état  du  cé- 
libat avec  celui  du  mariage,  il  dit  que  cha- 
cun a  reçu  de  Dieu  le  don  (jui  lui  est  propre 
(/  Cor.  vu,  7)  ;  il  y  a  donc  une  grâce  parti- 
culière attachée  au  tiiariage.  Telle  est  l'idée 
que  nous  donne  l'Ecriture  sainte  de  l'effet 
des  sept  sacrements  :  c'est  la  régénération, 
la  purification  de  l'âme,  la  rémission  des  pé- 
chés, le  don  de  la  grâce  et  du  Sjiinl-Espril. 
De  quel  droit  les  protestants  veulent-ils  per- 
vcriir  toutes  ces  idéts,  réformer  toutes  ces 
expressions,  altrihuir  à  la  fui  du  Gdèle  ce 
que  l'Ecriture  sainte  attribue  aux  sacre- 
ments ?  Qu'ils  nous  piodiiisenl  un  seul  pas- 
sage dans  lequel  il  soit  dit  que  le  dessein  de 
l'institution  des  sacrements  est  d'exciler  la 
foi,  ou  qu'ils  opèrent  p.ir  la  foi. 

Nous  n'alléguerons  point  pour  preuve  de 
notre  croyance  les  passages  dans  lesquels 
les  Pères  de  l'Eglise  tiennent  le  même  lan- 
gage que  les  livres  saints,  et  s'expriment 
d'une  manière  encore  plus  posiiive;  il  suffit 
d'observer  qu'en  parlant  de  formes  sacra- 
menlales,  ils  les  appellent  sermo  Dei  opifex, 
operalorius,  vivus  et  efficnx ,  verba  Christi 
ejficienlia  plena,  omnipoteiitia  Verbi,  etc. 
Aucun  d'eux  ne  s'est  avisé  de  dire  que  c'est 
la  foi  du  fidèle  qui  oi)ère  l'effet  du  sacre- 
ment ;  ils  disent,  au  contraire,  que  c'est  la 
parole  de  Jésus-Christ  prononcée  par  le  prê- 
tre, et  que  cette  parole  produit  son  elîet  en 
vertu  de  l'instiluiion  de  Jésus-Christ.  11  est 
constant  d'ailleurs  que,  dès  les  premiers  siè- 
cles de  l'Eglise,  on  a  donné  le  baptême  aux 
enfants,  à  des  calcchuniènes  tombés  dans  la 
démence  ou  dans  l'imbécillité,  à  des  malades 
en  syncope  ou  en  délire  ;  dans  tous  ces  cas 
le  baptisé  était  incapabled'avoiractoellement 
la  foi  ;  on  était  néanmoins  iiersuadé  qu'il  re- 
cevait l'effet  du  sacrement.  On  supposait  à  la 
vérité  <)u"il  avait  eu  la  foi;  mais  on  a  tou- 
jours pensé  qu'avec  la  foi  il  fallait  le  sacre- 
ment  pour  produire  la  grâce  dans  l'âme  du 
fidèle.  Nous  avons  fait  voir  ailleurs  l'absur- 
dité de  la  foi  justifiante  des  protestants,  telle 
qu'ils  la  conçoivent.  Voy.  Foi,  §  5,  Justi^î- 
CAT  ON,  Imputation.  La  fausselé  de  leur  sys- 
tème est  encore  prouvée  par  la  dilTcrence 
que  saint  Paul  a  mise  entre  les  sacrements 
de  l'ancienne  loi  el  ceux  de  la  loi  nouvelle. 


11  appelle  les  premiers  des  éléments  vides  et 
impuissants  (Gai.  iv,  9),  qui  ne  pouvaient 
purifier  que  la  chair  [Hebr.  ix,  10)  ;  qui  ne 
pouvaient  effacer  les  péchés  (x.  H)  ■  au  lieu 
qu'il  attribue  aux  sacrements  de  la  loi  nou- 
velle le  pouvoir  de  donner  la  grâce  et  le 
Saint-Esprit,  de  renouveler  l'homme,  de  le 
purifier,  de  le  sanctifier,  de  le  faire  partici- 
per au  corps  et  au  sang  de  Jésus-Christ,  etc. 
Cependant  les  sacrements  figuratifs  de  l'an- 
cienne loi  pouvaionl  exciter  dans  l'âme  des 
Juifs  la  loi  au  Messie  futur  el  la  confiance  à 
ses  mérites;  les  ablutions  ne  doivent  pas 
avoir  moins  de  vertu  que  le  baptême,  el  le 
repas  de  l'agneau  pascal  moins  d'efficacité 
que  la  cène  eucharistique  :  où  serait  donc 
la  difi'érence? 

Enfin,  de  l'opinion  des  protestants  il  s'en- 
suit qu'un  sacrement  administré  par  un  in- 
sensé et  par  dérision,  peut  produire  autant 
d'effet  que  s'il  l'était  par  motif  de  religion; 
il  peut  également  exciter  la  foi  de  celui  qni 
le  demande,  et  celle  foi  supplée  à  tous  les 
défauts  qui  peuvent  se  trouver  dans  la  for- 
me ou  dans  l'administration  du  sacrement. 
Les  proteslanls  n'ont  point  trouvé  de  meil- 
leur cxpéilient  pour  pallier  la  fausselé  de 
leur  sysième,  que  de  travestir  celui  des  ca- 
tholiques ;  ils  ont  poussé,  sur  ce  point,  la 
mauvaise  foi  el  la  malignité  au  dernier  ex- 
cès :  on  ppul  le  reprocher  non-seulement  à 
leurs  anciens  docteurs,  mais  à  leurs  théolo- 
giens les  plus  modi-rnes.  Mosheim  assure 
dans  son  Ilisl.  ecclésiastique  du  xvi"  siècle, 
sect.  3,  1"  part.,  c.  1,  §  3tj,  que  ceux  d'entre 
les  docteurs  catholiiiues  qui  soutiennent  quo 
les  sacrements  produisent  la  grâce  ex  opère 
operato,  pensent  qu'il  n'est  pas  besoin  de 
beaucoup  île  préparation  pour  recevoir  la 
pénitence  et  l'eucharistie  ;  que  Dieu  n'exige 
ni  une  pureté  parfaite  ni  un  parfait  amour 
de  Dieu  ;  qu'ainsi  les  prêtres  peuvent  absou- 
dre et  admettre  à  la  communion  sans  aucun 
délai  ceux  qui  se  confessent,  quels  que 
soient  les  crimes  qu'ils  ont  commis.  D'autres, 
plus  sévères,  dit-il,  exigent  de  longues 
épreuves,  une  exacte  pureté  d'âme,  un 
amour  de  Dieu  exempt  de  tout  sentiment  de 
crainte  ;  de  là  esl  venue  la  célèbre  dispute 
entre  les  approbateurs  et  les  censeurs  de  la 
fréquente  communion,  dont  les  uns  admet- 
tent et  les  autres  rejettent  le  célèbre  opus 
opcratum  des  scolastiques. 

Comme  nous  ne  pouvons  pas  accuser 
Mosheim  d'ignorance,  nous  sommes  forcé 
de  le  taxer  de  mauvaise  foi.  1"  11  esl  con- 
stant que  les  théologiens  les  plus  rigoristes 
conviennent,  tout  comme  les  plus  relâchés, 
que  les  sacrements  produisent  la  grâce  ex 
opère  operato,  ou  par  leur  vertu  propre  et 
intrinsèque,  et  non  ex  opère  opcrantis,  par 
l'efficacité  seule  de  la  foi  de  ceux  qui  les  re- 
çoivent, comme  veulent  les  prolestants.  Le 
concile  de  Trente  l'a  ainsi  décidé  contre  ces 
derniers,  sess.  7,  can.  8.  Ainsi,  il  est  abso- 
lument faux  que  parmi  nous  il  y  ail  des 
théologiens  qui  rejettent  le  célèbre  opus 
operaimn. — 2°  Tous  conviennent  qu'il  faut 
des  dispositions,  quoique  ces  dispositions 


2S7 


SAC 


S.\C 


25S 


ne  soient  pas  la  cause  productive  ou  effi- 
ciente de  la  grâce,  mais  une  coiidiliDn  sans 
laquelle  la  grâce  ne  serait  pas  donnée.  Ainsi 
le  plus  ou  moins  de  perfection  qu'ils  exi- 
gent dans  ces  dispositions  n'a  aucun  rap- 
port à  la  question  de  savoir  si  le  sacrement 
agit  ex  opère  operatn  ou  autrement,  et  ce 
plus  ou  moins  de  perfeclion  ne  peut  être  es- 
timé que  par  comparaison  ;  il  n'y  a  point  de 
balance  pour  peser  jusqu'à  quel  point  l'âme 
d'un  fidèle  est  pénétrée  de  contriiion,  d'a- 
mour de  Dieu,  de  piété,  etc. —  'J'  Nous  ne 
connaissons  aucun  théologien  catholique  qui 
ait  enseigné  qu'il  n'est  pas  besoin  de  beau- 
coup de  préparation  pour  recevoir  les  sacre- 
ments de  pénitence  et  d'eucharistie;  que  l'on 
peut  absoudre  sans  délai  un  pécheur  qui  se 
confesse,  quelque  crime  qu'il  ait  commis  :  si 
quelqu'un  avait  avancé  cette  doctrine  scan- 
daleuse, il  aurait  été  certainement  comiam- 
né.  Tous  enseignent  que,  pour  être  digne 
d'absolution,  il  faut  avoir  une  contrition 
sincère  et  un  ferme  propos  de  ne  plus  pé- 
cher ;  qu'avant  d'absoudre  un  pécheur  d'ha- 
bitude ou  exposé  à  l'occasion  prochaine  du 
péché,  on  doit  l'éprouver  pour  savoir  s'il  est 
véritablement  changé.  Tous  conviennent 
que  pour  parlicii)cr  dignement  à  la  commu- 
nion, il  faut  être  exempt  de  péché  moriel  et 
de  tonle  affection  au  péché  véniel;  qu'ainsi 
la  pureté  de  l'âme  est  absolument  nécessaire. 
De  savoir  s'il  faut  que  l.i  contrition  soit  ins- 
pirée par  le  motif  seul  de  l'amour  de  Dieu 
pur  cl  p.irfait,  si  tel  pécheur  a  besoin  d'être 
éprouvé  plus  ou  moins  longtemps,  s'il  ne 
doit  point  élre  censé  conv  erli  quoiqu'il  soit 
retombé,  etc.,  ce  sont  des  questions  qu'il 
n'est  pas  possible  de  résoudre  par  une  règle 
générale  et  applicable  à  tous  les  cas,  et  il 
n'est  pas  possible  que  tous  les  confesseurs 
aient  le  même  degré  de  lumières,  de  pru- 
dence, d'expérience  pour  en  juger.-  'i-"  Il  est 
faux  que  la  dispute  entre  ceux  qui  approu- 
vent et  ceux  qui  blâment  la  fréquente  com- 
munion ait  aucun  rapport  à  l'effet  du  sacre- 
ment ex  o/)ere  opcralo;  jamais  aucun  d'eux 
ne  s'est  avisé  d'arnumenler  pour  ou  contre 
la  décision  du  concile  de  Trente.  Tous  sont 
d'accord  que  plus  les  dispositions  d'un  hom- 
me qui  approche  des  sacremenis  sont  par- 
faites, plus  il  reçoit  de  grâces  et  de  secours 
pour  le  salut. 

Mais  il  ne  convient  guère  à  un  sectateur 
de  Luther,  qui  pardonne  à  ce  réformateur 
d'avoir  enseigné  que  non-seulement  la  con- 
trition, la  douleur  et  le  regret  du  péché  ne 
sont  pas  nécessaires  pour  en  oBlenir  la  rc- 
niission,  mais  qu'ils  ne  servent  qu'à  rendre 
l'homme  hypocrite  et  plus  grand  pécheur; 
qu'il  lui  suffit  de  croire  fermement  que  la 
justice  de  Jésus-Christ  lui  est  imputée;  il  ne 
lui  convient  guère  de  reprocher  aux  doc- 
teurs catholiques  une  doctrine  relâchée  tou- 
chant la  réception  des  sacrements. 

Le  traducteur  de  Mosheim  ajoute  une  nou- 
velle imposture,  en  accusant  les  jésuites  et 
les  dominicains  de  supposer  dans  les  sucre- 
tnents  une  vertu  énergique  et  efficiente  qui 
produit  daus  l'âme  une  disposition  à  rece- 


voir la  grâce,  indépendamment  de  toute  pré- 
paration et  de  toute  disposition  du  cœur  an- 
térieure ;  c'est  là,  dil-il,  ce  qu'on  appelle 
Vopus  operatuin  des  faci  eincnls  :  d'où  II  suit 
que  la  sriencf,  la  sagesse,  l'humilité,  la  foi 
cl  la  dévotion  ne  contribuent  en  rien  à  l'effi- 
cacité des  sacremenis,  t.  I\',  note,  p.  334. 
Voilà  comme  les  prolestants  ont  calomnié 
de  tout  temps  les  catholiques,  et  c'est  ainsi 
que  leur  secte  s'est  établie. 

lîncore  une  fois,  lorsque  le  concile  de 
Treille  a  décidé  que  les  sacremenis  produi- 
sent la  grâce  dans  nos  âmes  ex  opère  opera~ 
la,  il  a  entendu  qu'ils  la  produisent  par  une 
vertu  que  Jésus-Christ  a  bien  voulu  y  atta- 
cher; (]u'ainsi  c'est  le  sacrement,  et  non  no- 
Ire  fol  ou  notre  <lévotion  qui  est  la  cause 
productive  de  la  grâce,  quoique  cette  foi  el 
celle  dévotion  soient  des  dispositions  abso- 
lument nécessaires.  En  effet,  quelque  puis- 
sante que  soit  une  cause,  elle  n'agit  point 
lorsqu'elle  rencontre  dans  un  sujet  des  dis- 
positions opposées  à  son  action.  Le  concile 
s'explique  assez  lui-même,  en  disant  que 
les  sacre/nents  produisent  la  grâce  dans  ceux 
qui  n'y  mettent  pas  obstacle  :  or,  ceux  qui 
n'onl  ni  foi,  ni  dévotion,  ni  regret  d'avoir 
péché,  etc.,  mettent  certainement  obstacle 
à  l'efficacité  des  s  icrements.  Il  est  d'ailleurs 
évident  que  le  dessein  du  concile  a  été  uni- 
quement de  condamner  le  système  protes- 
tant suivant  lequel  c'est  la  foi  du  fidèle,  et 
non  le  sacrement,  qui  produit  la  grâce  :  de 
manière  (]ue  nous  ne  pouvons  être  jusiifiés 
par  notre  foi,  sans  avoir  be.soin  des  sacre- 
ments, et  sans  avoir  aucun  désir  lie  les  rece- 
voir, puisque  ce  sont  de  sim|)les  signes  de  la 
grâce  acquise  parla  foi,  qui  servent  tout  au 
plus  à  nourrir  cette  foi  et  à  faire  profession 
do  ce  que  nous  croyons.  Ibid.,  can.  k,  3,  6. 
Quanti  il  y  aurait  eu  ,  avant  le  concile  do 
Trente,  des  théologiens  assez  mal  instruits 
pour  enseigner  la  doctrine  que  les  protes- 
tants nous  prêtent,  ce  qui  n'est  point,  du 
moins  dejiuis  ce  concile,  ils  n'ont  pas  pu 
ignorer  quelle  est  la  doctrine  catholique  ; 
aucun  th.  ologien  n'a  osé  s'en  écarter  :  donc, 
lorsque  les  protestants  la  méconnaissent  et 
s'obstinent  à  la  travestir,  ils  sont  inexcu- 
sables. 

Outre  la  grâce  sanctifiante  que  produisent 
les  sacrements  en  général,  il  y  en  a  trois,  sa- 
voir le  baptême,  la  confirmation  et  l'ordi- 
nation, qui  impriment  à  l'àme  de  celui  qui 
les  reçoit  un  caractère  ineffaçable  :  c'est 
pour  cela  même  que  ces  trois  sacrements  ne 
peuvent  pas  être  réitérés.  Voy.  Cauactkres. 
De  savoir  si  les  sacremenis  produisent  leur 
effet  comme  cause  physique  ou  comme  cause 
morale,  il  nous  paraît  que  c'est  une  ques- 
tion interminable,  parce  que  l'on  ne  peut 
pas  faire  une  comparaison  exacte  entre  une 
cause  naturelle,  soit  phvsique,  soit  morale, 
et  les  sacrements. 

§  V.  Qui  est  l'instituleur  des  sacrements  ? 
Jésus -Christ  sans  doute;  lui  seul  a  pu, 
comme  Dieu,  attacher  à  un  rite  extérieur  la 
vertu  de  remettre  les  péchés,  de  donner  la 
grâce,  de  sanctifier  les  âmes.  Ainsi,  en  lu- 


259  SAC 

slituant  le  baptême,  il  dil  [Matta.  xxviii,  18)  : 
Toitle  puissance  m'a  été  donnée  dans  le  ciel 
et  sur  la  terre;  alkz  donc  enseigner  toutes 
let  nations, et  baplisez-les  au  nom  du  Père,  dit 
Fils  et  du  Saint-Esprit.  En  doiin;int  à  ses 
apôtres  le  pouvoir  de  remeHre  les  péchés,  il 
leur  dit  (Joan,  xx,  21)  :  Comme  mon  Père 

m'a  envoyé,  je  vous  envoie Recevez  le 

Saint-Esprit  ;  les  péchés  seront  remis  à  ceux 
à  qui  vous  les  remettrez.  Nous  voyons  dans 
l'Evangile  l'institution  qu'il  a  f;iite  de  leu- 
charislie  la  veille  do  sa  mort.  Quoique  nous 
n'y  trouvions  pas  expressément  la  mémo 
chose  à  l'égard  des  quatre  autres  sacrements, 
nous  sommes  très-bien  fondés  à  croire  qu'il 
encst.iussi  l'auteur,  et  qu'après  l'ascension 
les  apôLics  n'ont  rien  fait  que  ce  qu'il  leur 
avait  ordonné  de  faire.  En  effet,  saint  Jean 
nous  avertit  qu'il  n'a  pas  écrit  tout  ce  que 
Jésus  a  fait  {Joan.  xx,30j.  Il  est  dit  dans  les 
Actes  des  Apôtres,  c.  i,  v.  3,  qu'après  sa  ré- 
surreciion  Jésus-Christ  demeura  parmi  ses 
apôtres  pendant  qu  iranle  jours,  leur  par- 
i.intdu  royaume  de  Dieu,  c'est-à-dire  de  son 
Eglise;  c'est  donc  iilors  qu'il  leur  donna  ses 
dernières  instructions  et  ses  ordres.  Mais 
quoique  les  apôtres  les  aient  ponctuillement 
exécutés,  ils  ne  les  ont  pas  mis  par  écrit. 
C'est  p;lr  ce  qu'ils  ont  fait  que  nous  devons 
juger  lie  ce  qui  leur  était  ordonné.  Aussi 
saint  Paul  dit  aux  iiiièles  (/  Cor.  iv,l)  :  «Que 
l'homme  nou-  considère  comme  les  minis- 
tres de  Jésus-Christ  et  les  d'spensateurs  des 
mystères  de  Dieu.  »  Il  ne  dit  pouil  comme 
les  auleurs.  Un  fidèle  ministre  ou  serviteur 
ne  f.iil  que  ce  iiue  son  maître  lui  a  com- 
mandé. Conséqucmment  ie  concile  de  Trente 
n'attribue  point  à  l'Eglise  d'autre  pouvoir 
louchant  les  sacrements  que  celui  d'en  régler 
les  rites  accidentels  sans  toucher  à  la  sub- 
stance, salva  illorum  substantia,  sess.  21, 
c.  2. 

C'est  donc  mal  à  propos  que  les  protes- 
tants argumentent  sur  le  silence  que  garde 
l'Ecriture  sainte  à  l'égard  de  l'institution  do 
cinq  de  nos  sacrements.  l)ès  que  nous  les 
voyons  en  usage  du  temps  des  apôtres,  nous 
sommes  certains  que  Jésus- Christ  en  est 
l'auteur.  Pour  eux,  qui  prétendent  que  ces 
céîémoiiies  ne  produisent  aucun  eilet  sur- 
naturel, ils  n'ont  pas  ijesoin  de  savoir  qui 
les  a  inslilués  ;  ils  pourraient  en  éiablir  eux- 
mêmes  de  nouveaux  s'ils  le  jugeaient  à  pro- 
pos :  tout  rite  extérieur,  capable  d'exciter 
et  de  réveiller  la  foi  ,  peut  être  regardé 
comme  sacrement,  à  aussi  juste  titre  que  le 
ha|)léme  et  l'eucharistie.  De  là  est  venu  le 
peu  d'estime  qu'ont  les  sociniens  pour  l'un 
et  pour  l'autre  :  les  protestants,  en  général, 
sont  assez  persuadés  que  l'on  pourrait  s-'en 
passer;  ils  ont  réduit  à  peu  près  l'essence 
du  christianisme  à  la  prédication  de  la  pa- 
role de  Dieu. 

§  VI.  Ce  q;ie  nous  venons  de  dire  suffit 
déj.'i  pour  nous  apprendre  qui  sont  les  mi- 
nistres des  sacrements.  C'est  à  ses  apôtres, 
par  conséquent  à  leurs  successeurs,  que  Jé- 
s'us-Christ  a  dit:  Baptisez  les  nations;  les 
féchés  seront  remis  à  ceux  à  qui  vous  les  re- 


SAC 


260 


mettrez  ;  faites  ceci  en  mtmoire  de  moi,  rtc, 
Conmie  le  baptême  est  absolument  néces- 
saire au  salul,  l'Eglise,  instruite  sans  doute 
par  les  apôtres,  a  jugé  que  toute  personne 
r.iisonnable  est  capable  de  l'administrer  va- 
lidement  :  et  tel  a  toujours  été  son  usage. 
Mais  nous  voudrions  savoir  comment  les 
protestants,  qui  veulent  tout  voir  dans  l'E- 
criture sainte,  y  ont  vu  que  telle  doit  être 
en  effet  la  pratique  de  l'Eglise  chrétienne, 
et  pourquoi  ils  étendent  à  tout  le  monde  un 
ordre  (|uo  Jésus-Christ  semble  n'avoir  adres- 
sé qu'à  ses  apôtres  seuls.  Si  ce  n'est  pas  la 
tradition  et  la  pratique  de  l'Eglise  qui  les 
détermine  à  juger  que  le  baptême  admini- 
stré par  un  laïque  ou  par  une  femme  est  va- 
lide, ils  le  pensent  ainsi  sans  raison  et  sans 
motifs.  Ils  ont  encore  poussé  la  témérité 
plus  loin,  en  enseignant  que  tout  laï({ue  a 
autant  de  pouvoir  qu'un  prêtre  ou  un  évo- 
que pour  administrer  les  sacrements  ;  erreur 
qiiC  l(!  concile  de  Trente  a  cundamnée,  sess. 
7,  can.  10.  En  parlant  de  rh.ique  sacrement 
en  particulier,  nous  avons  examiné  qui  en 
est  le  ministre. 

Le  même  concile,  can.  11,  a  décidé  que 
pour  la  validité  d'un  sacrement,  il  faut  que 
celui  qui  l'administre  ait  au  moins  l'inten- 
tion de  faire  ce  que  fait  i'Eglise  :  ainsi  le  sa- 
crement serait  nul  s'il  était  administré  par 
dérision,  par  un  imbécile,  ou  par  un  enlant 
incapable  d'avoir  l'intention  de  faire  ce  que 
fait  l'Eglise.  Mais  il  déclare  esi  même  temps 
qu'il  n  est  pas  nécessaire  pour  la  validité 
que  le  ministre  soit  eu  état  de  grâc!t.  C'était 
une  erreur  des  vaudois  aussi  bien  que  des 
protestants,  de  soutenir  qu'un  prêtre  eu  état 
de  péché  était  incapable  d'administrer  vali- 
deiiient  les  sacrements  de  baptême,  de  péni- 
tence, d'eucharistie,  etc.  Le  salut  des  fidèles 
serait  trop  hasardé,  et  ils  seraient  exposés 
à  des  inquiétudes  continuelles,  si  la  validité 
des  sacrements  dépendait  de  la  sainteté  des 
ministres  de  l'Eglise.  Enfin  ce  même  concile 
a  proscrit,  can.  13,  la  doctrine  des  prote- 
stants qui  ont  prétendu  que  dans  l'admini- 
stration des  sacrements,  l'on  n'est  pas  obligé 
d'observer  les  rites  et  les  cérémonies  qui 
sont  approuves  et  qui  sont  en  usage  dans 
l'Eglise  catholique,  que  chaque  société  chré- 
tienne a  l'aulorité  de  les  supprimer  ou  de  les 
changer  comme  elle  le  juge  à  propos.  On 
sait  que  les  prétendus  réformateurs  ont 
poussé  l'entêtement  jusqu'à  dire  que  ces  cé- 
rémonies sont  des  abus  et  des  superstitions, 
des  usages  absurdes  empruntés  des  Juil's  et 
des  païens.  Mais  en  supprimant  ces  rites  an- 
ciens, ils  sont  parvenus  à  dépouiller  le  culte 
de  tout  ce  qui  le  rendait  respectable,  et  à 
mettre  les  sacrements  à  peu  près  au  niveau 
des  usages  profanes.  Voy.  Cérémonies. 

§  VU.  Les  prétendus  réformateurs  se  se- 
raient conduits  plus  sagement  sans  doute, 
s'ils  avaient  été  mieux  instruits,  ou  s'ils 
avaient  réllécbi  sur  les  conséquences  qui 
résultent  des  sacrements  à  l'égard  de  la  so- 
ciété. Pour  le  faire  comprendre,  nous  som- 
mes  obligé  du  réunir  en   peu  de  mots  les 


261 


SAC 


SAC 


262 


réflexions  que  nous  avons  faites  sur  ch<acun 
de  rfis  rilrs  on  particulier. 

Par  lo  baptême  administré  aux  enfants 
dès  lotir  naissance,  l'Eglise  professe  le  dogme 
du  péché  originel,  de  la  nécessiié  et  de  l'ef- 
licacité  de  la  rédemption  ;  la  forme  du  sa- 
crement ou  les  paroles  expriment  le  m3'stère 
dn  la  sainte  Trinité;  les  trois  signes  de  croix 
faits  au  nom  des  trois  personnes  attestent 
leur  égalité  parfaite  ;  et  l'on  s'en  est  servi 
pour  prouver  aux  ariens  la  consubstanlialité 
du  Verbe.  La  manière  dont  il  étoil  admini- 
stré autrefois,  par  iiumcrsion,  représenlait, 
selon  saint  Paul,  la  sépulture  et  la  resuir- 
reclion  de  Jésus-Clirist.  Par  ce  sacremenit, 
un  enfant  devient  fils  adoptif  de  Dieu,  fièro 
de  Jésus-Christ ,  rachrté  par  son  sang , 
membre  de  sou  Eglise,  doublemeni  précieux 
à  ses  parents.  C'est  un  dé[iôl  duquel  ils  doi- 
vent rendre  compte  à  Dieu  et  à  la  société, 
et  qui  leur  impose  des  devoirs.  Voilà  ce  qui 
a  banni  du  christianisme  l'usage  barbare 
d'oloufler  les  enfants  avant  ou  après  !eur 
naissance,  de  les  exposer,  de  les  vendre,  de 
destiner  les  uns  à  1  esclavage,  les  autres  à 
la  prosti<ution.  Voilà  ce  qui  sauve  encore  la 
vie  à  une  inlinilé  de  fruits  de  l'incontinence  ; 
ce  qui  a  fait  élever  des  asiles  pour  les  rece- 
voir et  les  élever;  ce  qui  inspire  à  des  vier- 
ges chrétiennes  le  courage  de  leur  servir  de 
mères.  Les  registres  de  baptême  sont  les 
titres  publics  qui  constatent  la  naissance, 
les  droits,  l'état  d'an  enfant  et  les  devoirs 
de  ses  parents. 

La  confirmation  administrée  par  l'imposi- 
tion des  mains  des  apôîies,  donnait  aux  fi- 
dèles le  Saint-Esprit  ou  la  grâce  nécessaire 
pour  confesser  leur  foi,  souvent  les  dons 
miraculeux  des  langues,  de  prophétie,  de 
guérir  les  maladies,  etc.  Ces  derniers  ne 
nous  sont  pas  nécessaires;  mais  nous  avons 
toujours  besoin  d'un  courage  surnaturel 
pour  confesser  Jésus-Christ,  pour  défndre 
notre  religion  coiilie  ses  ennemis,  pour  ne 
jamais  rougir  du  nom  de  chrétien  devenu 
odieux  aux  incrédules,  pour  support<'r  avec 
patience  leur  mépris  et  leurs  insultes.  Ils 
n'ont  que  trop  bien  réussi  à  inspirer  à  un 
grand  nombre  d'honiines  une  indifférence 
pour  la  religion,  qui  équivaut  à  une  irréli- 
gion déclarée.  Fune>te  disposition,  qui  a 
énervé  les  principes  de  morale,  de  sociabilité 
et  de  patriotisme.  Jesus-t^hrist  prévoyait  ce 
malheur,  il  l'a  prédit,  il  voulait  le  prévenir 
par  l'institution  d'un  sacrement  destiné  à  (or- 
tifier  la  loi. 

Dans  l'article  suivant,  nous  ferons  voir 
l'utilité  des  sacrifices  et  les  leçons  morales 
qu'ils  nous  donnent;  c'est  pour  les  perpé- 
tuer que  notre  divin  Sauveur  a  voulu  que  le 
sacrifice  qu'il  n  fait  do  lui-méaie  sur  la 
croix  lût  renouvelé  sur  les  autels.  Pour  par- 
ticiper à  cette  cérémonie,  on  mangeait  la 
chair  des  victimes,  et  ce  repas  commun  était 
un  symbole  de  fraternité  el  d'hunianilé.  Jé- 
sus-Christ, en  nous  donnant  dans  feucba- 
rislie  son  corps  et  son  sang  pour  nourrir 
notre  âme,  établit  entre  les  fidèles  une  fra- 
ternité bien   plus  étroite  el  des   motifs  de 


charité  mutuelle  bien  plus  puissants.  A  la 
vue  d'un  Dieu  victime  qui  a  prie  pour  ses 
ennemis,  qui  s'est  livré  à  la  mort  pour  des 
pécheurs,  qui  s^^  donne  encore  à  des  cœurs 
ingrats,  les  ininiiliés,  la  jalousie,  le  resM'u- 
liment,  la  vengeance,  n'ont  plus  d'excuse. 
Sur  l'autel  comme  sur  la  croix  sont  proscrites 
la  loi  barbare  du  plus  fort,  la  loi  insensée 
delà  scrviludej  la  loi  d'inégalité  fondée  sur 
des  titres  chimériques;  (uns  admis  à  la 
même  table,  nous  sommes  nourris  du  même 
pain,  nous  sommes  tous  un  seul  corps  en 
Jésus-Ch  isl  (/  Cor.  x,  1).  Sénèque  a  déploré 
la  barbarie  des  combats  de  gladiateurs  : 
L'homme,  dit-il, prend  plaisir  à  voir  la  morl 
do  son  semblable,  qui  devrait  être  une  tête 
sacrée  pour  lui.  Jésus-Christ  a  'ait  mieux,  il 
a  dit  :  Haptisez  toutes  les  nations,  mangez 
ma  chair  el  buvez  mon  aang.  Sénèque,  avec 
toute  sa  philosophie,  n'a  pas  fait  fermer 
l'amphithéâtre  :  Jésus-Christ  avec  deux  mots 
l'a  fait  démolir. 

Dans  toutes  les  religions  du  monde,  on  a 
compris  la  nécessité  des  expiations,  ou  d'un 
moyen  qui  piît  réconcilier  Iiï  péclieur  avec 
la  justice  divine,  f^'homme,  natuiellcnient 
faible  et  inconstant,  sujet  à  passer  lrér;uem- 
ment  du  vir.e  à  la  vertu,  el  de  la  vertu  au 
vice,  a  besoin  d'un  pnoyen  pour  calmer  ses 
remords  et  se  relever  de  ses  chutes.  Que  de- 
viendrait-il s'il  ne  lui  restait  point  de  res- 
source, et  s'il  se  livrait  à  un  sombre  di'ses- 
poir?  Ou  a  sans  doute  abuse  souvent  de  la 
pénitence,  mais  l'abus  n'ea  prouve  point 
l'inutilité.  Pour  que  les  péchés  soient  remis 
par  ce  sacrement,  il  faut  en  avoir  un  repen- 
tir sincère,  les  confes-er  humblement,  être 
fermement  résolu  de  n'y  plus  retomber  et 
d'en  réparer  les  suites  autant  qu'il  est  pos- 
sible. C'est  un  pur  enlétement  de  la  part  des 
incrédules,  de  soutenir  que  celte  pratique 
peut  produire  du  mal.  Voy.  Confession. 

II  était  digue  de  la  charité  infinie  de  Jésus- 
Christ  de  fournir  des  coiisolalions  el  des 
grâces  particulières  aux  fidèles  près  de  sor- 
tir de  ce  monde;  c'est  dans  ce  dessein  qu'il 
a  établi  l'extréme-onction,  el  c'est  aussi 
pour  les  prêtres  chargés  de  l'administrer, 
l'occasion  la  plus  précieuse  pour  exercer  la 
charité,  pour  ranimer  le  courage  d'un  ma- 
lade, pour  lui  suggérer  des  motifs  de  pa- 
tience, pour  l'engager  à  réparer  ses  fautes, 
pour  procurer  des  secours  temporels  aux 
pauvres,  etc.  Que  les  incrédules  qui  ont 
l'ambition  de  mourir  comme  les  brutes  aient 
déclamé  contre  ce  sacrement,  comme  s'il 
était  fait  pour  tuer  les  malades;  qu'ils  aient 
formé  à  ce  sujet  contre  les  prêtres  des  ac- 
cusations contradictoires,  en  leur  reprochant 
tantôt  la  cruauté,  el  tantôt  une  molle  indul- 
gence, cela  ne  doit  point  nous  émouvoir  : 
un  jour  ils  se  trouveront  à  ce  dernier  mo- 
ment, el  peut-être  que  Dieu  !■  ur  fera  la 
grâce  de  reconnaître  leur  démence. 

Au  mol  Clergé,  nous  avons  fait  voir  que 
les  ministres  de  la  religion  doivent  former 
une  classe  particulière  d'hommes,  que  cette 
vérité  a  été  reconnue  chez  tous  les  peuples 
policés.  P-uisqu'ils  sont  tenus  à  des  deveirsi 


ses 


SAC 


SAC 


26i 


multipliés,  fréquents,  difGciles,  qui  exigent 
des  lumières,  de  l'élude,  de  la  constance,  il 
fallait  donc  un  sacrement  pour  les  y  consa- 
crer et  pour  leur  donner  les  grâces  néces- 
saires ;  c'est  l'effet  de  l'ordination.  Leurs  en- 
nemis n'ont  pas  manqué  de  dire  que  les 
prêtres  ont  forgé  ce  sacrement  pour  se  rendre 
plus  respectables  au  peuple  et  pour  s'arro- 
ger une  autorité  divine.  Jésus-Clirist  n'a 
consulté  personne  pour  établir  une  hiérar- 
chie ;  si  c'était  un  édiOce  élevé  par  l'ambition, 
il  faudrait  en  accuser  ce  divin  Maître  et  ses 
apôtres  :  la  consécration  des  prêtres  de  l'an- 
cienne loi  a  précédé  de  quinze  cents  ans 
l'ordinalion  de  ceux  du  christianisme.  Dans 
les  fausses  religions  même,  il  y  avait  une 
inauguration  pour  ceux  qui  étaient  agrégés 
au  collège  des  pontifes,  et  chez  les  Romains 
Je  sacerdoce  était  une  magistrature.  Voy. 
le  Dictionnaire  d'Antiquités.  Qui  prouvera 
que  dans  l'origine  ce  sont  les  prêtres  qui  ont 
voulu  être  ordonnés  ou  consacrés,  et  que  ce 
n'est  pas  le  peuple  qui  a  voulu  qu'ils  le  fus- 
sent? Le  fait  incontestable  est  que  tous  les 
peuples  sans  exception  ont  eu  des  prêtres; 
donc  ils  ont  voulu  en  avoir  :  tous  ont  re- 
gardé le  sacerdoce  rorame  une  dignité,  tous 
y  ont  attaché  de  la  considération  et  de  l'au- 
torilé,  tous  ont  pris  pour  les  fonctions  du 
culte  les  hommes  qui  leur  paraissaient  les 
plus  respectables;  donc  tous  ont  compris 
que  cela  était  convenable  et  nécessaire.  Il 
en  sera  de  môme  jusqu'à  la  fin  des  siècles, 
en  dépit  des  ciauieurs  des  incrédules. 

De  tous  les  engagements  que  les  hommes 
peuvent  contracter,  l'un  des  plus  importants 
est  le  mariage;  puisque  la  société  conjugale 
est  le  principe  de  la  société  civile,  ce  lien  doit 
être  aussi  sacré  et  aussi  indissoluble  que  le 
lien  social.  Aussi  tous  les  peuples  policés 
ont  senti  la  nécessité  de  donner  à  ce  conirat 
la  plus  grande  solennité;  lous  ont  pensé 
qu'il  devait  être  formé  au  pied  des  autels, 
sous  les  yeux  de  la  Divinité,  béni  par  les 
ministres  de  la  religion;  le  sens  comuiu!»  a 
dicté  cet  usage.  Par  un  trait  de  sagesse  su- 
périeure, Jésus-Christ  en  a  rétabli  l'indisso- 
lubilité primitive,  et  il  l'a  élevé  à  la  diguiié 
de  sacrement.  Ceux  qui  n'ont  pas  voulu  y 
reconnaître  ce  caractère,  ont  bientôt  poussé 
plus  loin  la  témériié;  ils  ont  décidé  que  le 
mariage  est  dissoluble  pour  cause  d'adul- 
tère, et  ils  ont  permis  au  landgrave  deHesse 
d'avoir  deux  femmes  à  la  fois. 

Comme  les  sacrements  sont  la  partie  prin- 
cipale du  culte  divin  établi  par  Jesus-Christ , 
c'est  là  que  l'on  aperçoit  le  plus  distincte- 
ment l'utilité  du  culte  religieux  en  général, 
qui  est  do  professer  et  de  perpétuer  le  dogme, 
de  multiplier  les  leçons  de  morale  ,  d'établir 
entre  les  hommes  une  société  plus  étroite 
que  celle  qui  vient  de  l'instinct  de  la  nature. 
Il  y  a  donc  une  témérité  inexcusable  à 
méconnaître  dans  tous  ces  rites  le  caractère 
sacré  que  Jésus-Christ  leur  a  imprimé.  On 
dira  peut-être  <}ue,  malgré  le  retranchement 
de  cinq  de  nos  sacreinenls ,  la  société  et  les 
mœurs  ne  laissent  pas  de  se  soutenir  chez 
les  prolestauts  aussi  bien  que  chez  les  catho- 


liques. Sans  vouloir  convenir  de  l'égalité, 
nous  soutenons  que  cette  stabilité  vient  de 
l'exemple  des  catholiques  dont  les  protestants 
sont  environnés,  de  la  rivalité  qui  règne 
entre  ces  derniers  et  nous ,  et  du  ton  général 
des  mœurs  que  le  catholicisme  avait  intro- 
duit dans  l'Kurope  entière  avant  la  n  jissance 
du  proleslanlisme  :  une  preuve  de  ce  fait, 
c'est  que,  dans  leurs  catéchismes  même,  ils 
ont  soin  d'inspirer  aux  jeunes  gens  dès  l'en- 
fance cet  esprit  de  jalousie  et  d'inimitié  con- 
tre l'Eglise  romaine. 

SAINT-SACREMENT.  Voy.   Eucharistie. 

FÊTE  DU  St.  SACREMENT.  Voy.  Fête- 
Dieu. 

SACRIFICATEUR.  Voy.  Prêtrise. 

SACRIFICE,  offrande  faite  à  Dieu  d'une 
chose  que  l'on  détruit  en  son  honneur,  pour 
reconnaître  son  souverain  domaine  sur 
toutes  choses.  Par  cette  définition  même  il  est 
clair  que  le  sacrifice  est  l'acte  essentiel  de  la 
religion,  l'expression  du  culte  suprême,  l'a- 
doration proprement  dite.  Il  ne  peut  donc  être 
offert  qu'à  Dieu;  l'adresser  à  une  créature, 
ce  serait  lui  rendre  les  honneurs  divins. 
Aussi  n'y  eut-il  jamais  de  religion  sans  quel- 
que espèce  de  sacrifice  ,  sans  un  acte  solennel 
destiné  à  attester  le  souverain  domaine  de 
Dieu;  tous  les  peuples,  par  un  instinct  natu- 
rel semblable  et  principalement  par  l'effet  de 
la  révélation  primitive  [Voy.  Dict.  de  Théol. 
inor. ,  art.  Sacrifice],  ont  téuioigné  à  la 
divinité  leur  soumission,  leur  reconnais- 
sance ,  leur  confiance  ,  de  la  même  manière. 
Tous  ont-ils  eu  tort ,  comme  le  soutiennent 
les  ennemis  de  toute  religion?  Pour  le  savoir, 
il  faut  examiner  les  sacrifices,  1°  en  eux- 
mêmes,  2°  chez  les  patriarches,  3°  chez  les 
juifs,  k°  chez  les  chrétiens  ,  5°  chez  les  païens. 

§  I.  S'il  fallait  écouler  les  leçons  des  incré- 
dules, rien  ne  nous  paraîtrait  plus  ridicule 
que  les  sacrifices  en  eux-mêmi's.  Les  hom- 
mes,  disent-ils,  ont  été  bien  aveugles  et 
bien  insensés  de  croire  qu'ils  honoraient 
Dieu  en  tuant,  en  déchirant,  eu  brûlant  ses 
créatures.  Ont-ils  donc  pensé  que  la  divinité 
était  avide  de  présents,  qu'elle  se  repaissait 
des  offrandes,  de  l'odeur  des  parluuiSjde 
la  fumée  des  victimes?  De  cette  folle  idée 
sont  nées  les  superstitions  les  plus  grossières 
et  les  plus  cruelles.  Les  prêtres  sans  doute 
en  sont  les  auteurs ,  parce  que  c'étaient  eux 
qui  profitaient  des  victimes  offertes  à  Dieu. 

Nous  soutenons  au  contraire  que  Dieu 
lui-même  est  l'auteur  des  sacrifices,  puisque 
nous  les  voyons  pratiqués  par  les  enfants 
d'Adam  et  par  les  patriarches,  avant  la 
naissance  du  polytliéisme  et  de  ses  abus. 
Nous  ajoutons  qu'indépendamment  même 
des  lumières  de  la  révélation,  l'idée  de  faire 
des  offraudes  à  la  Divinité  a  dû  venir  natu- 
rellement à  l'esprit  de  lous  les  peuples, 
qu'elle  n'a  rien  de  déraisonnable  ni  de  dan- 
gereux en  elle-même.  Déj>à  nous  l'avons 
prouvé  au  mot  Offrande,  mais  il  faut  le 
répeter  en  peu  de  mots. 

Dès  que  les  hommes  ont  cru  un  Dieu,  ils 
l'ont  .envisagé  comme  l'auteur  et  le  distri- 
buteur des  biens  do  ce  moude;  c'est  l'idée 


205 


SAC 


SAC 


206 


qu'en  ont  eue  les  païens  les  plus  grossiers  : 
I)ii  dniores  bonorum,  c'est  par  ce  motif 
môme  iju'ils  lui  ont  rendu  un  culie  (et  par  le 
bosdin  d'expiations).  Il  n'csl  donc  pas  possi- 
ble qu'ils  aient  imaginé  que  Dieu  avait  besoin 
de  leurs  dons.  Celui  qui  fait  croître  les  fruits 
de  la  terre  ne  peut-il  pas  les  pruduire  pour 
lui  aussi  bien  que  pour  les  autres ,  s'il  en  a 
le  môme  besoin  ((u'eus?  «  J'iii  dit  au  Sei- 
gneur :  Vous  êtes  mon  Dieu ,  vous  n'avez 
pas  besoin  de  mes  biens,  nous  ne  pouvons 
vous  offrir  (|ue  ce  que  nous  avons  reçu  de 
votre  main.»  (Ps.  xv,  2;  /  Parai,  xxix,  Ik;  II 
Parai,  vi,  18,  19.)  Ces  sentiments  de  David 
et  de  Salomon  sont  inspires  par  le  bon  sens. 
Des  voyageurs  ont  cité  l'exemple  d'un  Sau- 
vage qui,  en  recueillant  son  maison  son 
manioc,  dl-iail  à  Dieu  :  «  Si  lu  en  avais  besoin, 
je  t'en  donnerais;  mais  puisque  tu  n'en  as 
pas  besoin,  j'en  donnerai  à  ceux  qui  n'en 
ont  pas.  »  Ce  n'est  point  une  absurdité  de  la 
part  d'un  piuvre  de  faire  de  légers  présents 
à  un  riclie  qui  lui  a  fail  du  bien;  il  imagine 
que,  sans  en  avoir  besoin,  ce  bienlaiieur 
lui  saura  gré  d'un  témoignage  de  reconnais- 
sance. Conséi|uemment  les  homtnes  dans 
lous  les  temps  ont  ofî  rt  à  la  Divinité  les 
aliiMcnts  dont  ils  se  nourrissaient,  et  la  na- 
ture des  sacrifices  a  toujours  été  analogue  à 
leur  manière  dv  vivre.  Les  peuples  agricul- 
teurs ont  présenté  à  Dieu  les  fruits  de  la 
terre;  les  peuples  nomades,  le  lait  de  leurs 
troupeaux;  les  peuples  chasseurs  et  pécheurs, 
la  chair  (!es  animaux;  les  habitants  île  l'Ara- 
bie, la  fumée  de  li'ur  encns;  les  Uimains, 
la  bouillie  de  riz  et  les  gâteaux  qui  étaient 
leur  ancienne  nourriture,  adoreu  dona, 
adorea  libu,  etc.  11  n'est  donc  pas  nécessaire 
de  chercher  plus  loin  l'origine  des  sacrifices 
de  la  chair  des  animaux  ou  des  victimes 
sanglantes,  ils  n'ont  été  offerts  que  parles 
peuples  qui  s'en  nourrissaient;  Porphyre  l'a 
très-bien  vu  en  examinant  cette  question, 
Traité  de  l'abstinence,  1.  ii,  n.  9,  25,  3+,  58. 

Le  premier  exemple  incontestable  d'un 
sacrifice  sanglant  que  l'on  trouve  dans  l'iîcri- 
turc  est  celui  que  Noé  olTril  à  Dieu  en  sortant 
de  l'arche  après  le  déluge  ,  et  c'est  à  ce  mo- 
ment même  que  Dieu  lui  permit,  et  à  ses  en- 
fants, lie  se  nourrir  de  la  chair  drs  animaux 
(dencs.  VIII,  20;  ix,3)  :  sans  cette  permission, 
l'un  ne  conçoit  pas  comment  Noé  aurait  pu 
imaginer  qu'un  lel  siicrifice  serait  agréable 
à  Dieu,  commi'iit  il  aurait  pu  croire  qu'il 
avait  le  droii  do  tuer  des  animaux  innocents 
et  qui  ne  fuit  piiint  de  m.l  aux  hommes. 

Soii  que  l'on  ait  consunié  par  le  l'eu  ce  que 
l'on  sacririait  à  Dieu,  soit  qu'on  l'.iit  aban- 
donné aux  préIres,  soit  qu'on  l'ait  donné 
aux  pauvres,  le  motif  él.iit  le  même  :  les 
premiers  habitants  du  monde  ont  olïert  des 
sacrifices,  et  ils  n'avaient  point  de  préires; 
un  père  de  famille  nomade  n'avait  point  de 
pauviesà  coté  de  lui,  il  ne  pouvait  donc  témoi- 
gner qu'il  faisait  uneolTrande  à  Dieu  ,  qu'en 
la  brillant  ou  la  détruisant  à  son  honneur. 
Où  est  dans  ces  cas  l'absurdité  ou  la  folie? 
Par  celte  cérémonie  singulière  l'homme  a 
fait  profession  d'avoir  tout  reçu  de  Dieu, 
DiCT.  m;  TiiÉOL.  dogmatique.  lA'. 


c'est  un  signe  do  reconnaissance;  d'attendre 
tout  de  lui,  c'est  une  marque  de  confiance  ; 
d'être  prêt  à  tout  perdre  pour  lui ,  c'est  un 
hnmmage  de  soumission  ;  de  se  punir  par  une 
privation,  c'est  un  sentiment  de  pénitence 
après  avoir  péché.  De  là  est  née  la  distinction 
des  divers  sacrifices  :  les  uns  ont  été  appelés 
hosties  pacifiques,  pour  remercier  Dieu  et  lui 
demander  des  bienfaits;  le»  autres,  sacrifices 
CTpiafoîrfs, pouretTarerles  péchés;  les  autres, 
holocaustes,  ou  brûlés  tout  entiers,  pour 
reconnaître  le  souverain  domaine  de  Dieu, 
il  nest  aucun  de  ces  motifs  qui  ne  soit  reli- 
gieux et  louable,  et  souvent  peut-être  ils 
ont  été  lous  réunis  dans  un  même  sacrifice. 
Ce  rite  extérieur  attestait,  outre  la  présence 
de  la  divinité  partout,  sa  providence  et  son 
aitenlion  à  l'égard  de  tous  les  hommes;  il 
était  toujours  suivi  d'un  repas  commun, 
dans  lequel  le  père  et  sa  famille,  le  maître  et 
l'esclave,  le  proche  et  l'étranger,  le  riche  et 
le  pauvre  étaient  réunis;  c'était  un  signe  de 
fraternité.  Avoir  participé  ensemble  au 
même  sacrifice  était  un  gage  d'hospitalité 
pour  la  suite,  et  une  sauvegarde  contre  les 
deliaiices  et  les  inimitiés  nationales.  Ainsi  la 
religion  a  toujours  servi  à  rapprocher  les 
hommes,  à  corriger  leur  caractère  brutal  et 
sauvage. 

Quelques  savants  très-estimables,  qui  exa- 
minaient la  question  que  nous  traitons  avec 
des  yeux  philosophes  ,  ont  été  persuadés  que 
l'idée  des  sacrifices  sanglants  ne  serait  jamais 
venue  à  l'esprit  de  tous  les  peuples,  si  Dieu 
lui-même  n'en  avait  pas  fait  un  précepte  aux 
premiers  hommes,  dès  le  commencement  du 
monde.  Nous  n'avons  garde  de  révoquer  le 
fait  en  doute,  puisque  nous  voyons  par 
l'Ecriture  sainte  que  c'est  Dieu  qui  a  été  le 
premier  précepteur  du  genre  humain  ,  et  il 
est  incertain  si  les  4aer«/îces  qu'Abel  oITrail  au 
Seigneur  n'étaient  pas  des  sacrifices  sanglants. 
Mais  il  nous  paraît  que,  sans  avoir  conservé 
aucune  notion  de  celte  révélation  primitive, 
les  hommes ,  portés  par  un  instinct  naturel  à 
présenter  à  Dieu  leur  nourriture,  n'onl  pu 
manquer  de  lui  offrir  la  chair  des  animaux 
dès  qu'ils  ont  élé  accoutumés  à  s'en  nourrir. 
Ils  ont  pensé  que  cttte  espèce  de  sacrifice 
était  la  meilleure  et  la  plus  agréable  à  Dieu  , 
parce  qu  ils  éprouvaient,  comme  nous  l'éprou'- 
vous  encore,  que  col  aliment  est  le  plus  suc- 
culent de  tous,  celui  qui  nourrit  davantage, 
qui  est  le  plus  au  goût  du  commiin  des  hom- 
mes. On  ne  citera  j miais  aucun  jeuple  ré- 
duit à  vivre  de  végétaux,  (jui  ;iii  offen  à 
Dieu  des  victimes  san;;laiites;  c'est  encore 
une  observation  de  l'orphyre.  Les  savants 
dont  nous  parlons  disent  :  «  KsI-il  Inea 
conlorme  aux  senlimenls  de  la  n^ilure  de  se 
plonger  dans  le  sang  d'un  animal  innocent? 
Quoi  de  plus  dégoûtant  (|ue  de  manier  des 
entrailles  fumantes?  Comment  se  persuader 
qu'une  odeur  infecte  soit  un  parfum  délicieux 
pour  la  divinité?  Comment  des  temples 
liansforniés  en  boucheries  pouvaient-ils  pa- 
r.iitre  augustes  et  vénérables,  etc.  »  Nous 
nous  contentons  de  répondre  que  quelques 
philosophes  ont  fait  à  peu  nrès  les  mêmes 

9 


2«7 


SAC 


rùflexions  sur  l'horrible  aspect  de  nos  bou- 
cheries, sur  l'odeur  infecte  de  nos  cuisines, 
sur  le  service  de  nos  tables,  qui  semblerait 
irès-dégoûlant  à  un  liomme  habitué  à  vivre 
ie  fruits.  Il  est  inutile  de  demander  comment 
un  fait  S  pu  arriver,  lorsque  nous  voyons 
sous  nos  yeux  un  phénomène  à  peu  près 
semblable.  Pour  en  rendre  raison,  il  n'est 
pas  nécessaire  de  recourir  aux  idées  ab- 
surdes que  les  peuples  polythéistes  se  sont 
formées  de  liurs  dieux,  auxquels  ils  ont 
attribué  les  besoins,  les  goûts,  les  passions 
de  l'humanité.  Ces  notions  f;\usses  sont  pos- 
térieures de  longtemps  à  la  naissance  de  la 
véritable  religion  et  des  sacrifices  offerts  au 
vrai  Dieu.  Nous  en  découvrirons  l'origine  et 
les  conséquences  dans  le  §  V,  ci-après.  On  se 
trompe  encore  plus  évidemment,  lorsque 
l'on  attribue  aux  prêtres  l'invention  des 
sacrifices  et  de  tous  les  abus  que  l'on  en  a 
faits.  Dans  les  premiers  âges  du  monde  et 
avant  la  formation  de  la  société  civile,  tout 
père  de  famille  était  le  sacrificateur  de  sa 
maison ,  et  l'on  a  trouvé  des  sacrifices  san- 
glants chez  des  sauvages  qui  n'avaient  au- 
cune notion  de  sacerdoce  (Ij. 

(1)  Pour  compléter  celte  idée  générale  du  sacrifice, 
nons  enipriinloiisà  Scliinidl  la  notion  qu'il  nous  donne 
des  sacrilices. 

I  On  justifie  oïdinairemenl  l'origine  des  sacri- 
fices, en  avançant  que  les  hommes  se  croyaient 
obligés  et  rigoureusenuni  astreints  à  offrir  à  la  Divi- 
nité leurs  htimmages  ou  quelques  présents.  Les  dieux 
nous  comblenl  de  bienfaits;  il  est  doue  naturel  de 
leur  consacrer  les  premiers  des  biens  que  nous  tenons 
de  leurs  bontés  :  de  là  les  libations  de  l'antiquité  et 
l'offrande  des  premiers,  qui  avaient  lieu  au  commen- 
cenienl  des  repas.  Cette  sorte  de  sacrifices,  usitée 
chez  tous  les  peuples  anciens,  consistait  dans  l'Iiiim- 
niage  qu'on  fais;iit  aux  dieux  des  fruits  et  des  pro- 
duits de  la  terre.  Elle  était  le  résultat  d'un  mouve- 
ment spontané,  d'une  volonté  libre;  elle  iirarrifesiait 
la  piété,  secondait  la  reconnaissance. 

<  Quelque  satislaisauie  que  paraisse  cette  explica- 
tion des  sacrifices,  i|irel(|ue  plausible  que  soit  Vo;  i- 
niim  qui  les  fait  dériver  du  devoir  imposé  à  l'Iiorume 
d'ofïrir'  à  la  Diviniié  des  préseirts,  des  dons,  des  pré- 
mices ;  selon  nidi,  Crpeiidant,  cet  hiinmage,  d'ailleurs 
si  naturel,  n'est  point  le  motif  de  rinsirtutlon  uni- 
versellement répandue  des  sacrifices.  Je  crois,  au 
contraire,  comme  l'atteste  clairenierit  l'iiisloire,  que 
les  hommes  lurent  dans  tous  les  temps  pénétrés  de 
cette  vérité:  qu'ils  livaienl  sous  fempire  d'une  puis- 
sance iirilée,  et  que  les  sacrifices  seuls  pouvaient  fléchir 
sa  colère.  Les  dieux  sont  bienfaisants,  c'est  d'eux  que 
nous  avons  reçu  tous  les  biens  dont  nous  jouissons  : 
dè>  lors,  irotre  devoir  est  de  les  exaller  par  nos  lou^m- 
ges,  de  leur  témoigner  notre  reconnaissance...  Mais 
les  dieux  sont  justes,  nous  sommes  coupables  :  dés 
lors,  il  devient  nécessaire  de  les  adoucir,  d'expier 
nos  crimes,  et  le  moyen  le  plus  efficace  pnur  y  par- 
venir, c'est  le  sacrifice.  —  Telle  fui  U  croyance  de 
l'antiquité,  telle  est  encore,  sous  des  forirres  diver- 
ses, la  croyance  ilu  inonde  erriier.  Les  premiers 
hommes,  dont  les  idées  servirerrt  de  type  à  celle  du 
genre  humain,  se  croyaient  coupubles.  Sur  cette 
doctrine  fondamentale  s'élevèrent  les  institutions  re- 
ligieuses, en  sorte  que  les  liDinmes  de  lous  les  temps 
ne  cessèrent  jamais  d'avouei  une  déchéance  origi- 
nelle et  générale,  de  répéter  comme  nous,  quoique 
dans  un  sens  moins  rigoureux  :  Nus  mères  noui.  onl 
conçus  dans  le  crime.  —  L'idée  d'un  crime  et  de  la 


SAC  268 

§  II.  Sacrifices  des  patriarches.  Nous 
voyons,  dans  l'histoire  de  la  création,  les 
enfants  d'Adam  offrir  à  Dieu  des  sacrifices; 

punition  qu'il  mérite  est  généralement  la  source  des 
sacrifiies. 

<  Sacrifices  sanqlanis.  Les  anciens  avaient  coutume 
d'offrir  non-seulement  des  présents,  des  dons,  des 
prémices,  mais  encore  la  chair  des  animaux.  S'ils 
n'avaient  voulu  p;ir  là  que  reinlre  boni  mage  ii  la  Oi- 
vinilé  et  lecorrnaître  sa  suprématie  sur  louies  les 
créatures,  ils  se  seraient  horirés  à  lui  offrir  cette 
chair  et  à  la  placer  sur  ses  autels.  Torriefois  les  piu- 
ples  ne  se  conteulèrent  pnint  d'une  offrande  si  sim- 
ple ;  ils  inrmolaienl  les  animaux,  ils  répandaient  leur- 
sang  en  l'honrreur  des  dieux  et  pour  sceller  la  ré- 
corrcilialion.  Le  culte  exigeait  donc  nue  viclirne 
choisie  et  l'effusion  du  sang.  Orr  croyait  que  c'était 
moins  l'offrande  de  la  chair  que  celte  effirsiou  qui 
possédait  !a  vertu  expiatoire ,  indispensable  airx 
hoirrmes. 

I  Les  anciens  regardaient  le  sang  comme  un  vivant 
fluide,  où  résidait  l'âme;  la  vie  et  le  sang  se  trou- 
vaient, porrr  ainsi  dire,  les  deux  termes  identiques 
d'une  éqrration.  Delà  vient  aussi  qu'ils  pensaient  que 
le  ciel,  irrilé  corrtre  la  chair'  et  le  sang,  ne  pouvait 
être  apaisé  que  iiar  son  effusion,  et  aucun  peuple  n'a 
douté  qu'elle  n'eût  la  propriété  d'expier  le  crinie.  Or 
ni  la  raison  ni  la  folie  ne  donnèrent  naissance  à  cette 
idée,  et  bien  moins  encore  ne  la  firent  adopter  si 
gérréralement.  L'histoire  ne  nous  montre  pas  dans 
l'univers  une  seule  contrée  qui  lui  soii  restée  inac- 
cessible. C'était  une  opinion  uniforme,  dorri  le  règne 
embrassait  tons  les  pays,  qu'on  ne  pouvait  ubienir 
que  par  le  sang  la  rémi^sioir  du  crime  et  le  retour 
des  faveurs  célestes.  C'^  point  une  fois  admis,  la  na- 
ture des  sacrifices  païens  se  dévoile  à  notre  vue,  au- 
tant, du  mnins,  qire  la  faiblesse  de  nos  sens  nous 
permet  de  l'apprécier. 

I  Vniversalilé  de  la  doctrine  de  la  rédemption  par 
l'effusion  du  sang.  Rien  ne  frappe  plus,  dans  les  lois 
de  Moïse,  que  ses  constants  efforts  pour  garantir  les 
juifs  des  pratiques  du  paganisme,  pour  si'parer  le 
peuple  Israélite  du  reste  des  peuples,  en  lui  impo- 
sant des  rites  particuliers  ;  mais,  relativement  aux 
sacrifices,  il  abandonne  son  système  général  :  il  se 
règle  d'après  les  rites  fondamentaux  des  autres  na- 
tions, et  môme,  ne  se  contentant  pas  de  s'y  confor- 
mer', il  ajoute  à  leur  rigueur,  exposant  ainsi  le  ca- 
ractère national  à  acquérir  uire  dureté  dont,  à  coup 
sûr,  il  n'avait  |ias  besoin.  De  toutes  les  cérémonies 
prescrites  par  ce  célèbre  législateur,  il  n'en  est  pas 
une,  il  n'est  surtout  aucurre  purification,  même  phy- 
sique, pour  laquelle  le  sang  ne  soit  nécessaire  Je 
signale  principalement  les  purificatioirs  et  les  sacri- 
fices expiatoires,  fixés  par  les  U>\<,  et  dont  le  but 
était  de  sanctifier  et  de  réconcilier.  Remarquons 
surtout  la  fête  de  l'expiation  solennelle,  à  laquelle 
tout  le  peuple  se  purifiait  et  rentrait  en  grâce  avec  le 
Seigneur.  La  purification  s'opérait  par  l'immolation 
de  certaines  viciimes,  du  sang  desquelles  on  arro- 
sait la  terre  et  l'on  faisiit  îles  aspersions;  voici  quel- 
qires  circonstances  delà  fêle  solenrrelle:  purifié  déjà 
par  le  sacrifice  d'rrne  victrme,  le  grand  prêtre  apporta 
le  sang  du  bouc,  tué  pour  le  p  cire  du  peupfe,  au  de- 
dans du  voile;  il  en  arrose  la  terre  devant  l'oracle  et 
purifie  le  sanctuaire  des, impuretés  des  eirfanls  d'Is- 
raél,  de  leurs  prévancalions  de  lous  leurs  péchés... 
Offrarrt  alors  le  bouc  vivairl,  il  met  ses  deux  mairrs 
sur  sa  lête,  confesse  toutes  les  iniriuilés  des  enfatrls 
d'Israël,  en  charge  avec'  impiécation  la  lête  du  bouc, 
et  l'envoie  au  désert  par  un  liomme  destiin'  à  ceile 
mission  {Lév.  xvi,  15,  16,  21).  A  la  suiie  se  trouve 
le  comnraiiderrrenl  fait  aux  enfants  d'israél  :  i  Au 
dixième  jour  du  sepiiéme  mois,  vous  affligerez  vos 
âmes;  c'est  en  ce  jour  que  se  fera  voire  expiation 
et  la  purification  de  tous  vos  pécliés  ;  vous  serez  pu- 


269  SAC 

il  est  dit  (Gfin.  iv,  3)  que  Gain,  laboureur, 
olTr;iil  à  Dieu  les  fruits  de  la  leire-,  qu'Abel, 
pusteur  de  troupeaux ,  cit  oiïrait  les  prémices 

rifiés  (levant  le  Seigneur.  Car  cVsi  le  sshhat  el  le 
gian.l  jour  du  repos.  >  (Lev.  xvi.îi),  31.)  Celle  expia- 
lion  ordonnée  par  Moisc  ,  insépar;ible  de  l'effusion 
du  siiDj;  des  victimes,  élait  l'image  de  l'expiation 
générale  des  crimes  du  genre  humain  par  le  sacri- 
fice de  la  croix  et  par  le  sang  de  Jésus-Clii  ist. 

t  l)e  même  que  chez  les  Julls  d'après  les  lois 
mosaïques,  riinmolalion  des  victimes  et  l'elfusioii  de 
leur  sang,  dans  le  but  d'apaiser  les  ilieuv,  étaient 
universellement  en  usage  chez  les  jiaiens.  Une  mala- 
die contagieuse  exerçait  ses  ravages  d;uis  le  camp 
des  Grecs;  Achille  veut  connaiire  c  la  cause  de  ce 
grand  courroux  d'Apollon,  s'il  puuitla  transgression 
d'un  vœu  ou  le  relus  de  quelque  hécatomhe,  el  si 
daignant  agréer  un  sicrilice  de  viclimes  choisies,  il 
veut  écarter  loin  des  Grecs  la  contagion  ei  la  mon.  » 
D'après  la  réponse  de  l'oracle,  «  Agamemnoii  ordonne 
aussitôt  aux  peuples  de  se  pnrilier  :  ils  se  purilieiil, 
et  jettent  l'eau  lustrale  dans  la  mer.  Ils  immolent  au 
dieu  du  jour  des  hécalonihes  choisies  de  taureaux  et 
de  chèvres,  près  la  rive  de  l'indomptable  Océan  : 
la  graisse  des  victimes  s'élève  jusciu'au  ciel,  en  tour- 
billons de  i'umée.  > 

c  Et  lorsque  Clirysès  eut  reçu  sa  lille  chérie,  c  ils 
rangent  aussiim  l'hécatiimbe  autour  du  superbe  au- 
tel ;  ils  versent  sur  leurs  mains  une  eau  puie  et 
prennent  l'orge  s:icrée.  >  (Iltiade  iCllomère,  chant  1, 
traduction  de  P.  J.  Bilaubc.) 

<  Horace  nous  dit  : 

Et  lliure  et  lidibiis  juval 
Placare,  el  vlluli  sanguine  debito 
Custodes  Nuuiid;c  deos.  {Lib.  I.) 

I  Que  mon  encens,  que  les  sons  de  ma  lyre,  que  le 
sang  de  lu  victime  promise  acijuittent  ma  reconnais- 
sance envers  les  dieux  qui  ont  veillé  sur  les  jours  de 
Numide!  >  Quiconque  a  étudié  l'aiitiiiuilc  coujihU 
les  lawobvtes  ci  les  ctiobolef,  auxquels  donna  lieu  en 
Orient  le  culte  de  llitlira.  L'effet  de  ces  sacrilices 
consistait  dans  une  pailaite  purilication,  dans  la  dis- 
parition de  tous  les  crimes,  dans  une  régénération 
morale  et  complète.  Afin  de  renaître  ainsi  pour  l'é- 
ternité (résultai  qu'attribuaient  les  prêtres  à  ce  genre 
de  sacrifices,  quoi(ju'ils  recommandassent  de  les  re- 
nouveler après  un  laps  de  vingt  ans),  on  descendait 
nu  dans  une  fosse  profonde,  recouverte  avec  une 
planche  percée  d'une  b)ule  d'ouveruires.  Sur  C'tte 
planche  on  égorgeait  un  taineau  ou  un  bi'-liei ,  de 
manière  à  ce  que  leur  sang,  encore  liède,  jaillit  sur 
toutes  les  parties  du  corps  du  pénitent.  Quand  on 
immolait  un  taureau,  le  sacriliee  s'appelait  tauro- 
bole  ;  il  se  nommait,  a\i  contraire,  crjobole.  lors- 
qu'un employait  un  bélier.  Au  lémoign'igo  de  Gré- 
goire de  iNaziaiize,  Julien  l'Apostat  se  soumit  lui- 
même  à  celle  biiarre  snpersiilion.  (àî  fut  donc  la 
croyance  constante  de  tous  le^  hommes  ei  de  tous 
les  temps,  que  l'effusion  du  sang  avait  la  vertu  de 
sanciilier  et  de  racheter.  Dans  sa  tonne  extérieure, 
celle  croyance  se  modilia  suivant  le  caiactère  et  le 
culte  des  dillérents  peuples;  mais  partout  le  principe 
est  visible.  Comment,  dé»  lors,  prétendre  avec  quel- 
que droit  que  le  paganisme  s'est  lait  illusion  sur 
celte  idée  bnidamentale  et  universelle ,  c'est-à-dire 
la  rédemption  au  luoyen  du  sang?  S'appuieraiton 
sur  rini|iossiliiliié  où  était  le  genre  humain  de  devi- 
Ber  la  vertu  de  ce  sang  ,  nécessaire  à  sa  régénéra- 
tion? sur  le  que  l'bomine  abandonné  à  lui-inê  ne, 
ne  pouvait  connaître,  ni  la  grandeur  de  sa  cbuie,  ni 
l'immensité  de  l'amour  dont  il  redevenait  l'objet? 
Nonobstant  ces  objections,  toujours  est- il  que  chaque 
petiple,  queli|ues  notions  (lu'il  posséilàt  sur  la  dë- 
clMsance  originelle,  i  oiÉuaissait  et  le  besoin  et  la  na- 
ture ilu   moyen  de  salut.    Assurément  les    lacine; 


BAC 


270 


et  la  graisse  ;  que  Dieu  agréa  les  oITraudes 
d'Abel  el  non  celles  deC.iin.  Ou  ne  peut  pas 
douter  que  cette  conduite  n'ait  élé  le  fruit 
des  leçons  que  Dieu  avait  données  à  leur 
père.  «  C'est  parla  foi,  dit  saint  Paul  {Hcbr., 
XI,  4),  qu'Abel  oflril  à  Dieu  de  meilleures 
victimes  que  Gain.  »  Quelques  savants  ont 
cru  que  la  faute  de  Gain  consistait  en  ce  qu'il 
ne  voulait  offrir  à  Dieu  que  les  fruits  de  la 
terre,  qui  étaient  l'offrande  propre  à  l'état 
d'innocence  ,  au  lieu  ijue  Dieu  avait  ordonné 
qu'on  lui  immolât  des  animaux,  )|ui  étaient 
la  victime  convenable  pour  expier  le  péché 
dans  l'état  de  nalure  tombée.  Cette  conjec- 
ture est  ingénieuse,  mais  on  ne  peut  pas  la 
prouver.  Il  n'est  pas  absolument  certain 
qu'Abel  ait  immolé  des  animaux.  Plusieurs 
interprètes  ont  observé  que  le  mol  hébreu 
qui  signifie /j/cmi'ces  ou  premiers-nés,  exprime 
aussi  ce  qu'il  y  a  de  meilleur,  el  que  la 
graisse  des  troupeaux  peut  signifier  le  beurre 
ou  la  crème  du  laitage.  Ils  traduisent  ainsi 
les  paroles  de  la  Genèse  :  Abel  olfruil  à  Dieu 
le  meilleur  qu'il  lirait  de  ses  troupeaux,  le 
lait  el  la  crr.iie ,  parce  qu'alors  Dieu  n'avait 
pas  encore  accordé  à  l'homme  pour  nourri- 
ture la  chair  des  animaux.  Il  est  dit  simple- 
ment que  Cdin  offrit  des  fruits  de  lu  terre; 
mais  il  n'est  pus  dil,  comme  d'Abel,  qu'il  offrit 
le  meilleur  :  c'est  peut-être  en  cela  seulement 
que  coiisisla  la  différence  entre  les  sacrifices 
des  deux  frères. 

Après  le  déluge ,  Noé ,  au  sortir  de  l'arche, 
choisit  des  animaux  purs  et  les  offrit  à  Dieu 
en  holocauste;  i'Ecrilure  njouic  qac  l'odeur 
de  ce  sacrifice  fut  agréable  à  Dieu.  Ce  fut  à 
celle  occasion  que  Dieu  permit  à  Noé  el  à  ses 
cnfanls  de  manger  la  chair  des  animaux, 
mais  il  leur  en  interdit  le  sang,  afin  de  leur 
inspirer  l'horreur  du  meurtre  (Gen.  vin,  20; 
IX,  ;J).  L'expression  de  l'auteur  sacré  à  donne 
lieu  à  quelques  incrédules  de  conclure  que 
Noé  pensait  coinuic  les  païens,  que  Dieu  se 
repaissail  de  la  fumée  des  victimes.  Les 
Juifs ,  diseiil-ils ,  furea!  dans  1 1  même  erreur, 
puisque  Moïsr  répèle  souvent  les  mêmes 
paroles  en  parlant  des  sacrifias. 

Au  mol  Odelr,  nous  avons  fait  voir  que 
ce  terme  se  prend  souvent  chez  les  auteurs 
sacrés  dans  un  sens  métaphorique,  el  cette 
métaphore  a  lieu  dans  toutes  les  langues  : 
la  bonne  odeur  esl  ce  qui  nous  plaît,  la  tnau- 
vaise  odeur,  ce  qui  nous  déplait;  nous  en 
avons  cité  plusieurs  exeuiples,  el  l'un  peut 
en  ajouter  d'autres.  1  i'.eg.  xxvi,  19,  David 
dit  à  Saiil  :  «SI  c'est  le  Seigneur  qui  vous  excite 
contre  moi,  qu'il  accepte  ma  mort,  adoretur 

d'une  croyance  si  extraordinaire,  si  générale,  doivent 
être  profondes.  Si  elle  n'avait  pas  eu  un  fondeineiii 
réel  et  mystérieux,  pouiqnoi  Dieu  même  l'aurait-il 
consignée  dans  les  luis  mosaïques  ?  Oii  les  aneiens 
auraient-ils  puisé  l'idée  d'une  régénération  morale? 
Pourquoi,  dans  tous  les  lieux  et  à  louies  les  époques^ 
aiin  . l'honorer  la  Divinité,  de  se  concilier  ses  laveurs, 
de  détourner  sa  colère,  aurait-oi  choisi  une  céré- 
monie dont  l'esprM,  isolé  de  tout  secouis  étr-anger,  ne 
saurait  donner  l'idée?  La  nécessité  nous  foici:  de  i-;- 
coiMiaître  l'existence  de  qucl(|ue  cause  cachée,  et  celle 
cause  était  bien  puissante.  >  [Uém.  tu.,  éd.  Aligne.) 


271 


SAC 


sacrificium.  «Saint  Paul  écrit  aux  Philippiens, 
jv  18  qu'il  a  roçii  leur  présent  couimc 
une  victime  de  boniie  odeur  et  agréable  à 
Dieu.  Flairer  de  loin  ,  avoir  l'odeur  de  quel- 
que chose,  c'est  la  prévoir  et  la  pressentir. 
il  est  dit  dans  le  livre  de  Job,  xxxix,  25, 
qu'au  son  de  la  trompette  le  cheval  a  l'odeur 
de  la  guerre,  qu'il  sent  les  harangues  des 
généraux  et  les  cris  des  armées.  Ainsi ,  rece- 
voir un  sacrifice  en  bonne  odeur ,  c'est 
l'agréer  ou  l'accepter,  être  touché  de  cet 
hommage.  Nous  ferons  voir  les  vrais  senti- 
ments des  Juifs  dans  le  paragraphe  suivant. 
Lorsque  Abraham  eut  remporté  une  vic- 
toire sur  quatre  rois,  Melchisédech,  roi  de 
Salem,  offrit  du  pain  et  du  vin,  en  qualité 
de  prêtre  du  Dieu  très-haut,  el  il  bénit 
Abraham  [Gènes,  xiv,  18).  Siiint  Paul  nous 
apprend  que  cette  offrande  fut  un  sacri(ice, 
et  que  le  sacerdoce  de  Melchisédech  était  la 
figure  de  celui  de  Jésus-Christ  [HeOr.  vu, 
et  viii).  Pour  confiriiier  l'alliance  que  Dieu 
contracte  avec  Ahraham  et  la  certitude  des 
promesses  qu'il  lui  fait,  il  lui  ordonne  d'im- 
moler une  victime,  d'en  faire  deux  parts, 
et  il  fait  passer  au  milieu  de  ces  deux  portions 
une  lumière  éclatante,  comme  s'il  y  passait 
lui-même  (Gen.  xv,  9).  C'était  l'usage  des 
Orientaux  qui  faisaient  alliance  de  passer 
ainsi  au  travers  des  chairs  de  la  victime  ;  de 
là  leur  expression ,  diviser  ou  partager  une 
alliance,  pour  dire  la  contracter.  De  inêuie 
Jacob  et  Laban,  pour  faire  ensemhle  un 
Iraiié  de  paix,  immolent  une  victime  et  fout 
un  repas  commun  (Gen.  xxxi,  54).  Ainsi  toutes 
les  fois  qu'il  est  dit  qu'Ahraliam  ou  Jacob 
éleva  un  autel,  on  entend  qu'il  offrit  à  Dieu 
un  sacrifice.  Job  offrait  tous  les  jours  un 
holocauste  pour  les  péchés  de  ses  enfants 
(Job,  I,  5).  On  se  disposait  à  cette  cérémonie 
par  des  préparations.  Avant  d'offrir  un  sacri- 
fice pour  sa  famille,  Jacob  assemble  toute  sa 
maison,  il  ordonne  à  ses  gens  de  se  puriQer, 
de  changer  d'habits,  de  se  défaire  de  leurs 
idoles,  et  il  enfouit  sous  un  arbre  ces  objets 
de  superstition  (Gen.  xxxv,  2).  11  nomme 
Bélhel,  maison  de  Dieu,  le  lieu  où  Dieu  a 
daigiié  lui  parler;  il  y  consacre  une  pierre 
par  une  effusion  d'huile,  et  Dieu  approuve 
sa  piété  (xxxi,  13). 

§  111.  Sacrifice  des  Jxiifs.  Par  ce  que  nous 
venons  de  dire  touchant  le  culle  religieux 
des  patriarches,  on  voit  que  le  cérémonial 
prescrit  aux  Israélites  par  Moïse  n'était  pas 
absolument  nouveau  pour  eux  ,  puisqu'une 
bonne  partie  avait  été  déjà  pratiquée  |)ar 
leurs  pères.  A  la  vérité  rien  n'éiail  encore 
déleruiiué  par  une  loi  positive  couchée  par 
écril;  mais  plusieurs  choses  étaient  déjà 
réglées  par  l'usage  et  par  la  tradition  reçue 
des  anciens  :  la  loi  de  Moïse  lixa  le  tout 
dans  le  plus  grand  détail. 

Il  y  avait  deux  sortes  de  sacrifices,  les  san- 
glants et  les  non  sanglants,  el  l'on  en  dis- 
tingue trois  de  la  première  espèce.  1°  L'ho- 
locauste :  la  victime  y  était  lirûlée  en  en- 
tier, sans  que  personne  en  pût  rien  réserver. 
(Levit.  I,  13),  parce  que  ce  sacrifice  était  ins- 
titué pour  rpcnim.iilre  la  souveraine  majesté 


SAC  2-J2 

de  Dieu,  devant  qui  tout  s'anéantit,  et  pour 
apprendre  à  l'homme  qu'il  doit  se  consacrer 
toul  entier  el  sans  réserve  à  celui  de  qui  il 
tient  toul  ce  qu'il  est.  2°  L'hostie  pacifi(|ue 
était  offerte  pour  rendre  grâces  à  Dieu  de 
quelque  bienfait,  pour  en  obtenir  de  nou- 
veaux, ou  pour  acquitter  un  vœu.  On  n'y 
brûlait  (jue  la  graisse  et  les  reins  de  la  vic- 
time; la  poitrine  el  ré|jaule  droite  étaient 
donnéi'S  au  prêtre,  le  reste  app.irtenait  à 
celui  qui  avait  fourni  la  viciime.  Il  n'\  avait 
point  de  temps  marqué  pour  ce  sacrifice,  on 
l'offrait  quand  on  voulait  ;  la  loi  n'avait 
point  déterminé  le  choix  de  l'animal,  il  fallait 
seulement  qu  il  lût  sans  défaut  (Levit.  m,  1). 
3°  Le  sacrifice,  pour  le  péehé,  appelé  aussi 
sacrifice  expiatoire  ou  propitiatoire.  Avant 
de  répandre  le  sang  de  la  victiuieau  pied  de 
l'autel,  le  prêtre  y  trempait  son  doigt,  et  en 
touchait  les  quatre  coins  de  l'autel  ;  celui 
pour  qui  le  sacrî^ce  était  offert  n'en  empor- 
tait rien,  il  était  censé  se  punir  lui-même 
par  une  privation.  On  brûlait  la  graisse  de 
la  victime  sur  l'autel,  la  chair  tout  entière 
était  pour  les  prêtres,  elle  devait  être  man- 
gée dans  le  lieu  saint,  c'est-à-dire  dans  le 
parus  du  tabernacle  (Deut.  xxvu,  7).  Lors- 
que le  prêtre  offrait  pour  ses  propres  pé'  hés 
et  pour  ceux  du  peuple,  il  faisait  sept  fois 
l'aspersion  du  sang  de  la  victime  devant  le 
voile  du  sanctuaire,  et  il  répandait  le  resie 
au  pied  de  l'autel  des  holocaustes  (Levit. 
IV,  G). 

On  employait  cinq  sortes  de  victimes  dans 
ces  sacrifices,  savoir,  des  vaehes,  des  tau- 
reaux ou  des  veaux,  des  brebis  ou  des  bé- 
liers, des  chèvres  ou  des  boucs,  des  pigeons 
et  des  tourterelles.  On  ajoutait  aux  chairs 
qui  étaient  brûlées  sur  l'autel  une  offrande 
de  gâteaux  cuits  au  four  ou  sur  le  gril,  ou 
frits  dans  la  poêle,  ou  une  certaine  quantité 
de  fleur  de  farine,  avec  de  l'huile,  de  l'en- 
cens et  du  sel.  Celle  oblalion,  presque  tou- 
jours jointe  au  sacrifice  sanglant,  pouvait 
aussi  se  faire  seule  sans  élre  précédée  par 
une  effusion  de  sang  ;  alors  c'était  un  sacri- 
fice non  sanglant,  ulTerl  à  Dieu  couime  au- 
teur de  tous  les  biens.  On  y  ajoutait  de«J'en- 
cens,  dont  l'odeur  agréable  était  le  symbole 
de  la  prière  el  des  saints  désirs  de  l'âme. 
Mais  Moïse  avait  défendu  que  l'on  y  mêlât 
du  vin  et  du  miel,  Ogures  de  ce  qui  peut 
corrompre  l'âme  par  le  péché  ou  l'amollir 
par  les  délices,  lie  prêlre  prenait  une  poi- 
gnée de  celte  farine  arrosée  d'huile,  avec  de 
l'encens,  les  répamiait  sur  le  feu  de  l'auiel, 
et  tout  le  resteetailà  lui.  11  devait  manger 
le  pain  de  celle  farine  sans  levain  dans  le 
tabernacle,  el  nul  autre  que  les  prêtres  n'a- 
vait droit  d'y  loucher.  Il  y  avait  encore  des 
sacrifices  ou  la  victime  n'éiait  point  mise  à 
mort  :  tel  était  le  sacrifice  du  houe  émissaire 
au  jour  de  l'expiation  solennelle,  et  celui  du 
passereau  pour  la  purification  d'un  lépreux. 
Le  sacrifice  perpétuel  est  celui  dans  lequel 
011  immolait  chaque  jour  sur  l'autel  des  ho- 
locaustes deux  agneaux,  l'un  le  matin,  lors- 
que le  soleil  commençait  à  luire,  l'autre  le 
soir  après  le  coucher  du  soleil- 


875 


SAC 


SAC 


274 


Mais  il  ne  faut  pas  oublier  ce  qu'enseigne 
saint  Paul  au  sujet  de  cos  sacrifices  (Ilebr. 
x),  savoir  que  le  sang  des  boucs,  des  tau- 
reaux et  dis  autres  victimes  ne  pouvait  pas 
efl'iicer  les  péchés  ;  que  les  cérémonies  juives 
étaient  dos  éléments  vi<les  el  imiuissants  ; 
que  la  loi  ne  pouvait  donner  aux  bornmes  la 
vraie  justice,  elc.  Dieu  s'en  élait  cl;iirement 
expli(|iié  par  les  prophètes  (Ps.  xlix,  10; 
Isa.  I,  11;  Lxiii,  2  ;  Ji»em.  vu,  21;  Ezech. 
XX,  5  ;  Joël.,  Il,  1-2;  Amos,  \,  21  ;  Mich.,  vi, 
G,  elc  ).  Cent  l'ois  il  avait  déclaré  aux  Juifs 
que  h;  culte  grossier  el  purrmeiit  extérieur 
ne  pouvait  lur  plaire,  qu'il  ne  le  leur  avait 
prescrit  qu'à  cause  de  leur  co'ur,  qu'il  vou- 
lait l'obéissanci'  el  la  piété  intérieure,  la  jus- 
tice envers  le  prochain,  la  charité,  les  bon- 
nes œuvres,  la  conversiou  do  cœur  après  le 
péché,  elc.  H  ne  s'ensuit  pas  de  là  néanmoins 
que  le  culte  était  vain,  superflu,  supersti- 
tieux o<]  absurde  en  lui  nième  :  s'il  avait 
été  tel,  janiiiis  Dieu  ne  l'iiurait  ordonné. 
Nous  avons  vu  que  rien  n'était  plus  naluicl 
ni  pins  légitime  que  d'offrir  à  Dieu  les  aii- 
tnenls  dont  nous  sommes  redevables  à  sa 
boulé  ;  qu'un  socr(/?ce  offert  par  un  vrai  sen- 
timent de  reconnaissance  avec  une  piété  sin- 
cère, renferme  des  leçons  de  morale  très- 
utiles  ;  que  si  les  lionimes  en  ont  abusé  par 
stupidité,  par  légèreté,  par  hypocrisie,  il  ne 
s'ensuit  rien.  Si  Dieu  n'avait  pas  prescrit  lui- 
même  un  cérémoniiil,  les  Juifs  ne  pouvaient 
pas  manquer  A{\  s'en  f.iire  un,  soil  p.ir  le 
penchant  naturel  qui  \  a  porté  tous  les  hom- 
mes, soit  par  l'envie  d'imiter  les  autres  peu- 
ples dont  ils  étaient  environnés  :  mais  celui- 
ci,  ou\rage  de  l'erreur  el  du  caprice  des 
hommes,  était  absurde  el  souvent  criminel; 
celui  que  Dieu  a  instiiué  était  pur,  innocent, 
capable  de  rendre  solidement  religieux  un 
peuple  plus  traitabic  que  les  Juifs. 

Les  p,issai;es  de  I  licrilure  sainte  que  nous 
avons  indiqués,  mil  servi  aux  Pères  de  l'E- 
glise pour  réfuter  deux  sortes  d'adversaires  : 
1°  les  Juifs,  qui  prélenilaient,  comme  ils  le 
croient  encore  aujourd'hui,  que  le  culte  ex- 
térieur prescrit  par  la  loi  élait  le  plus  saint, 
le  plus  parfiit,  le  plus  eapable  de  sanctifuir 
l'homme  ;  que  dès  (ju'une  l'ois  Dieu  l'avait 
établi,  il  ne  pouvait  plus  l'abolir.  Saint  Jus- 
tin, dans  son  Uinlogue  avec  Triphen,  lui  cita 
tous  ces  passages  pour  lui  prouver  le  con- 
traire ;  il  lui  lit  voir  que  Dieu  lui-même 
avait  promis  d'en  établir  un  plus  parfait,  sa- 
voir l'adoration  en  espril  et  en  veriié  que 
Jésus-Christ  a  prescrite.  2'  Les  gnosli()ues, 
les  inarcioiiiies.  les  manichéens,  qui  soute- 
naient qu'un  culte  aussi  grossier  que  le  ju- 
daïsme ne  pouvait  pas  être  l'ouvrage  du 
même  Dieu  qui  nous  a  donné  l'Evangile. 
Tertuilien  ,  1.  ii  conlra  Marcion.,  c.  18; 
S.  .Vug.,  I.  xxn  contra.  Fausl.,  c.  'i  ;  1.  ii 
contra  Advers.  Legis,  c.  12,  n.  37,  etc.,  ont 
fait  usage  des  mêmes  paroles  pour  montrer 
que  Dieu  n'agréait  ce  culte  qu'autant  qu'il 
etail  sanclilie  pur  la  piété  intérieure.  Nous 
nous  en  servons  encore  pour  répomlre  aux 
incrédules  lorsiju'iis  renouvellent  les  mêmes 
reproches.  Voy,  Loi  eéiiiiMoHiBURj  Ces  der- 


niers disent  que  des  sacrifices  el  des  céré- 
monies pour  effacer  le  péché  sont  un  abus  ; 
cela  persuade  à  l'homme  que  le  péché  peut 
être  réparé  par  un  rite  extérieur  ou  racheté 
par  une  offrande  ;  c'est  un  allrait  pour  en 
faire  commettre  do  nouveaux  :  les  païens 
ont  déploré  cet  aveuglement  et  ont  censuré 
cette  pratique. 

liétionse.  Nous  avons  déjà  observé  que  ce 
serait  le  plus  grand  des  malheurs,  si,  après 
un  premier  crime,  l'homme  se  persuadait 
que  Dieu  est  inexorable,  qu'il  n'y  a  plus  ni 
pardnn  ni  grâce  à  espérer,  qu'il  est  perdu 
pour  jamais.  Un  malfaiteur  prévenu  de  ces 
idées  noires  ne  pniriait  plus  être  relenu  par 
aucun  frein,  ce  serait  un  ligre  lâché  dans  la 
société.  Mais  jamais  la  vraie  religion  n'a 
dciiiné  à  l'homme  coupable  un  sujet  de  pen- 
ser qu'il  pourrait  effac  er  son  péché  par  les 
cérémonies  estérienres,  sans  aucun  senti- 
ment de  regret,  de  confusion,  de  résipiscence, 
sans  avoir  la  volonté  de  changer  de  vie. 
Dans  la  loi  de  Moïse  il  n'y  avait  point  de  ia- 
cri^ce  ordonné  pour  les  grands  crimes;  ils 
devaient  être  expiés  par  la  mort  du  coupa- 
ble. Dieu  avait  dit  aux  Juifs  en  leur  donnant 
sa  loi  (Exod.  xx,  G  ;  Dmt.,  v,  10)  :  Je  fais 
miséricorde  à  ceux  qui  m'aiment.  Un  des  prin- 
cipaux commandements  de  celte  loi  était 
d  aimer  Dieu  i  Deut.  ix,  5  ;  x,  12  ;  xi,  13,  22, 
ete.).  David  pénitent  disait  :  «  Dieu,  si  vous 
aviez  voulu  des  sacrifices,  je  vous  en  aurais 
offert  ;  mais  les  holoc/iustes  ne  peuvent  vous 
plaire  :  le  seul  sacrifice  digne  de  vous  être 
présenté  est  un  cœur  brisé  de  douleur  (A's. 
L,  18).  Dieu  faisait  dire  aux  Juifs  prévarica- 
teurs :  B'isez  vos  cœurs  el  non  vos  vêtements 
[Joël,  II,  12,  etc.).  Le  sacrifice  pour  le  péché 
etail  donc  destiné  à  faire  souvenir  l'homme 
coupable  des  sentiments  qu'il  devait  avoir 
dans  le  cœur  pour  être  pardonné.  C'était 
pour  lui  une  espèce  d'amende  el  une  priva- 
tion, puisqu'il  ne  lui  était  pas  permis  de  se 
rien  réserver  de  la  victime. 

Les  incrédules  sonl  encore  plus  injustes, 
lorsqu'ils  prétendent  que,  dans  le  christia- 
nisme, un  pécheur  peut  obtenir  le  pardon 
par  la  confession  seule,  par  des  actes  exté- 
rieurs de  piété,  par  des  dons  faits  à  l'Eglise 
ou  aas  prêtres,  par  des  messes,  sans  repen- 
tir', sans  résolution  de  se  corriger,  saus 
faire  aucune  satisfaction  au  prochain  pour 
réparer  le  dommage  qu'il  lui  a  causé.  Ja- 
mais celle  morale  absurde  n'a  été  soufferte 
dans  l'Eglise  chrétienne.    Voy.  Expiation, 

PÉNITENCE. 

Mais  les  ennemis  de  la  religion  n'ont  pas 
borné  là  leur  malignité  ;  ils  souliennenl  que 
les  Juifs  pensaient,  tout  comme  les  païens, 
que  Dieu  était  nourri  ou  du  moins  récréé 
par  l'odeur  el  la  fumée  des  victimes.  Ils  pré- 
tendent le  prouver  par  Isaie,  qui  dit, 
c.  XXXI,  v.  9,  que  Dieu  a  son  feu  dans  Sion 
et  son  foyer  dans  Jérusalem  ;  par  Malachie, 
c.  1,  V.  12,  qui  reproche  aux  Juifs  de  mépri- 
ser la  table  et  la  îiourridire  du  Seigneur  ;  par 
la  loi  même  de  Moïse,  dans  laquelle  les  sa- 
crifices sonl  appelés  un  pain  ou  un  alime>it  ; 
enlin  par  le  psaume  xux,  v.  13,  dans  lequel 


27£  SAC 

Dieu  demandf  aux  Juifs  :  La  chair  des  tau- 
reaux sera-t-elle  donc  ma  nourriture,  et  le 
sang  des  boucs  mon  breuvage  ?  Ce  reproche 
suppose  évidemment  que  les  Juifs  étaient 
dans  celte  fausse  idée. 

Réponse.  Cette  objection  a  été  faite  antre- 
fois  par  les  manichéens  ;  saint  Augustin  ; 
I.  XIX  contra  Faust.,  c.  4,  y  a  répondu.  11 
est  fâcheux  que  de  savants  protestants,  tels 
que  Spencer,  Cudworth ,  Mosheira,  l'aient 
renouvelée,  comme  s'ils  avaient  en  dessein 
de  fournir  une  arme  de  plus  aux  incrédules; 
Cudworlh,  Dissert,  de  S.  Cœna,  c.  vi,  §  6, 
noie  de  Mosheini.  Nous  n'avons  aucun  des- 
sein de  justifier  les  idées  grossières  et  absur- 
des que  peuvent  avoir  eues  les  Juifs  pervertis 
par  l'idolâtrie  de  leurs  voisins  et  enlraîiiés 
dans  les  mêmes  erreurs  ;  ils  ont  dû  se  former 
du  Dieu  d'Israël  la  même  notion  que  les 
païens  avaient  des  leurs,  il  ne  s'ensuit  pas 
de  là  que  les  ;idoraleurs  constants  du  vrai 
Dieu,  à  plus  forte  raison  Moïse,  les  propi.è- 
tes,  les  hommes  instruits,  aient  pensé  de 
même.  Il  est  évident  que  nos  adversaires 
abusent  des  passages  qu'ils  allèguent,  qii'ils 
donnent  un  sens  faux  à  des  expressions  sus- 
ceptibles d'un  sens  très-orlhodoxe  :  qui  leur 
a  révélé  que  ce  n'était  pas  celui  des  écri- 
vains sacrés T 

Le  feu  allumé  dans  le  (emple  de  Jérusa- 
lem a  pu  élre  nommé  le  foyer  de  Dieu,  non 
parce  que  Dieu  venait  s'y  chauffer  et  y  cuire 
ses  viandes,  mais  parce  qu'il  était  allumé 
par  l'ordre  de  Dieu,  et  pour  consumer  les 
sacrifices  que  Dieu  avait  prescrits.  L'autel 
était  la  table  du  Seigneur,  non  parce  qu'il 
venait  y  manger,  mais  parce  que  l'on  y  brû- 
lait ce  qui  lui  éiail  offert  :  la  chaii  des  vie 
times  était  lu  nourriture  que  Dieu  avai(  don- 
née aux  prêtres  ,  elle  venait  de  Dieu,  mais 
Dieu  n'en  usait  pas.  Saint  Paul  appelle  aussi 
l'aiitel  sur  lequel  se  consacre  l'eucharistie, 
la  table  du  Seigneur  ;  sans  iloule,  il  n'a  jas 
cru  que  Dieu  y  venait  manger  avec  les  hom- 
mes. David  a  nommé  la  manne  du  désert, 
le  pain  des  a)i^e<  ;  s'ensuit-il  qu'il  a  pensé 
que  les  anges  en  ont  mangé  ? 

Le  reproche  que  Dieu  a  fait  aux  Juifs,  Ps. 
XLix,  signifie  seulement  :  «  Par  l'importance 
que  vous  attachez  aux  sacrifices  sanglants, 
il  semble  que  vous  ayez  dans  l'esprit  que  je 
me  nourris  de  la  chair  des  taureaux  et  (in 
sang  des  boucs.  »  Ce  sarcasme  ne  suppose 
point  que  les  Juifs  le  croyaient  véritable- 
ment. Un  enfant  auquel  on  ne  voulut  pas 
permettre  d'assister  ua  sacrifice  d'un  taureau 
que  voulaient  offrir  de  graves  sénateurs, 
leur  demanda  biusquemcnt  :  Arcz-vous 
peur  que  je  n'avale  votre  taureau  ?  Il  ne  faut 
pas  supposer  i'  commun  des  Ju  fs  plus  slu- 
pides  qu'ils  n'étaient  en  effet.  Dieu  leur  dit 
en  même  temps  :  Immolez-  moi  un  sacrifice 
de  louanges.  Le  sacrifice  de  louanges  m'hono- 
rera {Ps.  XLIX,  14  et  23).  Il  ne  s'ensuit  pas 
que  Dieu  est  avide  de  louanges,  ou  qu'elles 
peuvent  contribuera  son  bonheur.  Il  dit  au 
pécheur  :  'Tu  as  cru  gue  je  suis  semblable  ù 
toi  (v.  21)  ;  cola  ne  prouve  pas  que  le  pécheur 
a  eu  véritablement  cette  idée,  mais  qu'il  se 


SAC  2;g 

conduit  comme  s'il  l'avait  eue.  Pour  renfor- 
cer leur  objection,  nos  adversaires  disent 
que  les  Juifs  avaient  rendu  leur  temple,  les 
meubles  et  les  instruments  du  culte,  le  ser- 
vice divin,  semblables  à  ce  qui  se  fait  dans 
la  maison  d'un  riche  particulier,  ou  dans  le 
palais  d'un  roi.  Soit;  il  s'ei\suit  que  les  Juifs, 
comme  tous  les  peuples  du  monde,  ont  senti 
que  l'on  ne  pouvait  témoigner  à  Dieu  du 
respect,  de  la  vénération,  de  la  reconnais- 
sance, de  la  soumission,  du  désir  de  lui 
pliiire,  autrement  que  l'on  ne  fait  pour  les 
hommes  :  nous  défions  les  philosophes  les 
plus  spirituels  de  forger  une  religion 
sur  un  autre  modèle.  Qu'on  la  spiritualiso 
tant  que  l'on  voudra,  l'on  sera  toujours 
forcé  de  se  servir  d'expressinns  propres  à 
désigner  des  corps  pour  signifier  les  idées 
spirituelles,  d'employer  des  gestes  et  les  ac- 
tions sensibles  pour  témoigner  les  senti- 
ments de  l'âme,  eu  un  mol,  d'honorer  Dieu 
comme  on  honore  les  hommes.  Les  protes- 
tants ont  cru  retrancher  absolument  tout 
appareil  ;  ils  ont  cependant  conservé  le 
chant  des  psaumes,  le  jeu  des  orgues,  l'u- 
sage de  s'habiller  proprement  pitur  aller  au 
prêche,  la  cène,  les  prières  à  haute  voix  ; 
nous  voilà  donc  fondés  à  leur  dire  qu'ils  oui 
cru  que  Dieu  est  réjoui  par  les  concerts  de 
leur  musique,  qu'il  vient  manger  avec  eux, 
qu'il  n'a  pas  l'oreille  assez  fine  pour  enten- 
dre des  prières  faites  à  voix  basse,  etc.  Voy. 
Cérémonie.  Enfin,  quelques  incrédules  mo- 
dernes ont  poussé  l'audace  jusqu'à  soute- 
nir que  les  Juifs  ont  offert  à  Dieu  des  sacri- 
fices de  sang  humain;  ils  ont  apporté  en 
preuve  l'exemple  d'Abraham  et  celui  de 
Jcphté,  et  une  loi  du  Lévilique,  de  laquelle 
ils  ont  détourné  le  sens.  Au  mot  Anathème, 
nous  avons  démontré  l'injustice  et  la  faus- 
seté lie  cette  calomnie;  aux  mots  Abraham 
et  jEPnTÉ,  nous  avons  prouvé  que  l'on  a 
cité  CCS  deux  personnages  très-mal  à  pro- 
pos ;  dans  le  §  3,  nous  ferons  voir  que  ce  dé- 
sordre exécrable  a  une  origine  très-diffé- 
rente de  celle  que  lui  donnent  ordinairement 
le.-,  hicréilules,  et  que  Dieu  avait  pris  toutes 
les  précautions  possibles   pour  le   prévenir. 

§  IV.  Sacrifice  des  chrétiens.  Puisque  le 
sacrifice  est  l'acte  le  plus  essentiel  de  la  reli- 
gion, et  l.'  témoignage  le  [ilus  énergique  du 
culte  suprême,  il  n'était  pas  possible  que 
Jésus-Christ,  qui  est  venu  mius  apprenilre 
à  adorer  Dieu  en  esprit  et  en  vérité,  laiisât 
sou  Eglise  sans  aucun  sacrifice.  Vainement 
ses  entants  rebelles  soutiennent  que  cette 
adoration  en  esprit  et  en  vérité  exclut  la  no- 
tion du  sacrifice,  qui  est  un  acte  extérieur  et 
sensible;  si  cela  était  vrai,  il  faudrait  ban- 
nir du  culte  divin  dans  la  loi  nouvelle  tout 
signe  ext  rieur  de  respect  et  d'adoration  :  la 
prière  publique,  le  chant  des  psaumes,  la 
céiébraliou  de  la  cène,  le  baptême,  l'action 
de  se  mettre  à  genoux,  etc.,  seraient  aussi 
contraires  au  culte  spirituel  que  l'oblation 
d'un  sacrifice. 

Si  nous  en  croyons  les  protestants,  le  seul 
sacrifice  de  l'Eglise  chréiiennc  est  celui  que 
Jesus-Christ  a  fait  de  lui-même  sur  la  croix 


277 


SAC 


SAC 


S78 


pour  la  rédcniplion  du  monde;  mais  ce  sa- 
crifice une  fois  accompli  ne  peut  se  renou- 
veler, parce  qu'il  est  d'un  mérile  infini,  et 
iqu'il  a  clé  offerl  pour  l'élernité.  Dès  ce  mo- 
menl  les  Giièles  ne  peuvent  célébrer  que  des 
sacrifices  improprement  dils,  qui  consistent 
à  offrir  à  Dieu  les  sentiments  de  leur  cœur, 
les  prières,  les  louantes,  les  vœux,  les  ac- 
tions de  grâces  ;  et  c'est  dans  ce  sens  qu'il 
faut  entendre  tout  ce  qui  est  dit  dans  le  Nou- 
veau Testament,  des  sacrifices,  des  .lutels, 
des  victimes,  du  sacerdocede  l,t  loi  nouvelle. 
Il  est  étonnant  que  les  protesl.inls  aient 
réussi  à  séduire  de  bons  esprits  par  un  sjs- 
lèine  aussi  mal  conçu.  1°  Nous  pouvons  leur 
opposer  d'abord  le  tableau  de  la  lilurgie 
chrétienne  tracé  par  sainl  Jean  (Àpoc.  v), 
oîi  l'on  voit  un  autel,  un  aj^ncau  en  élut  de 
victime,  des  prêtres  qui  l'environnent,  et 
tout  l'appareil  d'un  sacrifice  réel,  auquel  il 
ne  manque  rien.  -  2"  Les  victimes  spirituel- 
les, les  louantes,  les  prières,  les  actions  de 
grâces  ont  été  aus>i  nécessaires  dans  la  reli- 
gion des  patriarches  et  dans  celle  des  Juifs 
que  dans  la  religion  chrelienni;  ;  elles  sont 
la  base  de  tout  vrai  cuite.  Croirons-nous 
()u'Abel,  Noé,  Abraham,  Job,  Jacoli,  et  les 
Juifs  véritablement  vertueux  se  sont  borués 
à  l'extérieur  pour  faire  à  Dieu  des  offrandes 
et  des  sacrifices,  sans  y  apporter  les  mêmes 
sentiments  de  piéiédont  nous  devons  accom- 
pagner les  nôtres?  Dieu  a  déclaré  dans  cent 
endroits  de  l'Ecriture,  que  sans  ces  disposi- 
tions du  ca!Ur,  aucun  culte  ne  pouvait  lui 
plaire.  Déjà  sous  l'Ancien  Testament  les 
prières,  les  adoiaiions,  les  louanges,  sont 
appelées  des  sacrifices  et  des  victimes  {Psal. 
XLix,  14-).  Immolez  à  Dieu  un  sacrifice  de 
louanges  (v.  23);  ce  sacrifice  m'honorera  {Ps. 
cvi,  V.  22j  ;  qu'ils  m'offrent  des  sacrifices  de 
louange,  etc.,  vilulos  lahtorum  {Ose.,  c.  xiv, 
V.  3).  Cependant  Dieu  voulut  que  les  patriar- 
ches et  les  Juifs  lui  oITrissenl  des  victimes  réel- 
les et  des  sacrifices  sensibles,  et  il  est  dit 
qu'ils  furenlagréablesà  Dieu.  A  la  vérilédans 
ce  temps-là  le  sacrifice  de  Jésus-Christ  n'avait 
pas  encore  été  réellement  offert;  mais  il 
l'était  déjà  dans  les  desseins  de  Dieu,  puis- 
qu'il est  apjielé  dans  i'.lpocahjpse,  c.  xin, 
v.  8,  V  Agneau  immolé  depuis  le  cnmmcnce- 
menl  du  monde  ;  ainsi  Dieu  a  voulu  qne  le 
sacrifice  fût  représenté  d'avance  di>puis  la 
création,  et  ces  cérémonies  en  ont  einiirunté 
toute  leur  valeur  ;  en  quel  endroit  Dieu  a- 
t-il  défendu  de  le  représenter  encore  aujour- 
d'hui, pour  en  conserver  cl  en  perpétuer  la 
l'U'uiuicc?  Les  protestants  diront  qu'elle  est 
ïiultisammenl  conservée  par  l'Ecriture  sainte  : 
nous  verrons  dans  un  nionienl  que  cela  est 
faux,  que  les  socinieus  ont  perverti  le  sens 
de  Ions  les  passages  de  l'Ecriture  qui  con- 
cernent le  sacrifice  de  Jésus-Cbrisl  sur  la 
croix. —  3°  Suivant  la  doctrine  de  sainl  Paul, 
les  sacrifices  de  l'ancienne  loi,  les  victimes 
offertes  sur  les  autels,  le  sacerdoce  des  lé- 
vites, la  dignité  île  pontife,  le  sanctuaire  du 
temple,  etc.,  étaient  ainsi  nommes  dans  toute 
la  propriété  des  termes,  sans  aucune  méta- 
phore, simplement,  parce  qu'ils  représen- 


taient le  sacrifice,  le  sacerdoce,  le  pontificat 
et  les  augustes  fonctions  de  Jésus-Christ.  Or, 
il  est  absurde  d'imaginer  qu'un  tableau  pro- 
phétique est  plus  agréable  à  Dieu  et  a  plus 
d'efficacité  qu'un  tableau  commémoralif ; 
qu'une  cérémonie  destinée  à  retracer  le  sou- 
venir du  sacrifice  de  la  croix,  et  à  nous  eu 
appliquer  les  fruits,  ne  doit  plus  être  appe- 
lée sacrifice,  oblation,  victime,  sacerdoce, 
etc.  ;  que  cette  commémoi  ation  déroge  à  la 
dignité  du  sacrifice  de  la  croix,  pendant  que 
les  figures  qui  l'annonçaient  n'y  dérogeaient 
pas.  — .'i^'  Saint  Paul  {llebr.  xiii,  10),  dit: 
«  Nous  avons  un  autel  auquel  n'onl  point 
droit  de  participer  ceux  qui  servent  aux  ta- 
bernacles, »  c'est-à-dire  les  prêtres  et  les 
lévites  de  l'ancienne  loi.  Or,  ils  avaient  cer- 
tainement le  droit  de  participer  aux  sacri- 
fices spirituels,  aux  victimes  improprement 
dites,  communes  à  toutes  les  religions  ;  au- 
cun mortel  n'en  fut  jamais  exclu.  Il  faut  donc 
que  saint  Paul  ail  admis  quelque  chose  de 
plus  dans  lechrislianisme  [Uebr.  vu  et  suiv.). 
— 5°  La  source  de  l'erreur  des  protestants  est 
le  refus  de  reconnaître  la  présence  réelle  de 
Jésus-Chrisl  dans  i'eiu/(«rî.s7ie  ;  mais  à  cet 
article  nous  avons  prouvé  que  c'est  un  des 
dogmes  de  la  foi  chrétienne  les  mieux  fon- 
dés sur  l'Ecriture  sainte  et  sur  la  tradition, 
et  qui  tient  essentiellement  à  tous  les  autres. 
—6'  En  Si'  donnant  la  liberté  d'expliquer 
dans  un  sens  impropre  et  figuré  toutes  les 
expressions  des  livres  saints  concernint  le 
sacrifice  des  autels,  les  protestants  ont  ap- 
pris aux  socinieus  à  interpréter  de  même 
toutes  celles  qui  regar  lent  le  sacrifice  de  la 
croix  et  le  sacerdoce  éternel  de  Jésus-Christ. 

Mais  en  expliquant  ainsi  dans  un  sens  im- 
propre et  figuré  les  expressions  des  auteurs 
sacrés,  les  protestants  ont  appris  aux  soci- 
nieus à  interpréter  de  môme  ce  qui  est  dit  du 
sacrifice  de  la  croix  et  du  sacerdoce  éternel 
de  Jésus-Chrisl.  Celui-ci,  disent  les  unitaires, 
consislecn  ce  que  Jésus-Chiisl continue  dan» 
le  ciel  d'intercéder  pour  nous  auprès  de  son 
Père  ;  sa  iiiorl  sur  la  croix  n'a  été  qu'un  sa- 
crifice improprement  dit,  en  ce  que  Jésus- 
Chrisl  mourant  a  prié  pour  les  pécheurs,  et 
en  ce  que,  par  sa  mort,  il  a  confirmé  toute 
sa  doctrine.  Ainsi  s'accroît  la  témérité  des 
hérétiques,  dès  qu'une  fois  ils  se  sont  atiri- 
biié  le  privilège  de  donner  à  l'Ecriture  sainte 
le  sens  qu'il  leur  plaît. 

La  fausseté  de  l'opinion  socinienne  saule 
aux  yeux.  Sainl  Paul  [Hebr..  vu,  17),  appli- 
que à  Jésus-Chrisl  cis  paroles  du  psaume 
cix,  v.ktVous  ■  les prêlrr pour l'éterniié selon 
l'ordre  de  Melchiscdecli.U  compare,  v.  23,  ce 
sacerdoce  éternel  de  Jésus-Chrisl  au  sacerdoce 
passager  des  enfants  de  Lévi  ;  il  l'appelle  le 
pontife  saint,  innocent  el  sans  tache,  qui  n'a 
pas  besoin  d'offrir  tous  les  jours  des  victimes 
pour  ses  propres  péchés  el  pour  ceux  du 
peuple,  mais  qui  l'a  fait  une  fois  en  s'offranl 
lui-même,  V.  20  el  27.11  dil,c.  vin,  v.  6,  que  le 
ministère  de  Jésus-Christ  est  plus  auguste 
que  celui  des  prêtres  anciens,  en  ce  qu'il  est 
médiateur  d'une  meilleure  alliance  :  il  ajoute, 
c.  IX,  V.  7,  que  ie  pontife  des  Juifs,  qui  en- 


879 


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280 


trait  chaque  année  dans  le  sanctuaire,  où  il 
offrait  le  sang  d'une  viclime  pour  ses  fautes 
et  pour  colles  du  peuple,  était  la  figure  de 
Jésus-Christ,  ponllfe  des  biens  futurs,  qui 
est  entré  dans  le  sanctuaire  du  ciel,  non 
avec  le  sang  des  animaux,  mais  avec  son 
propre  sang,  pour  opérer  une  rédemp- 
tion éternelle  ,  pour  racheter  par  sa 
mort  les  prévarications  commises  sous  l'an- 
cienne alliance,  etc.,  v.  15,  et  s'est  montré 
une  fois  pnur  ahsorber  les  péihés  par  sa 
propre  viclimo,  v.  28.  —  Or,  si  le  sacerdoce, 
les  viclimps,  les  sacrifices  de  l'aiicicniie  loi, 
simpli's  figures  de  ceux  de  Jésus-Christ, 
élaient  cependant  un  sacerdoce,  des  vic- 
times, des  sacrifices  proprement  dits,  et  dans 
toute  la  rigiirur  des  termes,  pourquoi  ceux 
de  Jésus-Christ  ne  le  sont-ils  pas  à  plus 
forte  raison  ?  Il  est  absurde  de  supposer  que 
le  nom  et  la  notion  d'une  ('hose  conviennent 
plus  pioprinient  à  la  figure  qu'à  la  réal  lé; 
donr,  c'fstdans  le  sens  le  plus  propreel  le|ilus 
rigoureux  queJésiis  Christ  est  prètreet  pon- 
tife, que  sa  tliairelsonsaiigsonlunevicîinie, 
et   que  sa  mort  sur  la  croix  est  un    sacrifice. 

En  cela  saint  l'aul  n'enseignait  rien  de 
nouveau;  déjà  le  prophèic  Isaïe,  c.  nu, 
V.  6  et  suiv.,  iivaildit  du  Messie:  «  Dieu  a 
mis  sur  lui  l'iniquité  de  nous  tous,  il  sera 
conduit  à  la  mort  comme  un  agneau...,;  s'il 
donne  sa  vie  pour  le  péché,  il  verra  une 
longue  postérité...,  et  il  portera  leur  ini- 
quité, etc.  »  Ainsi  le  prophète  peint  le  Mes- 
sie, non-seulement  comme  une  victime 
offerte  pour  le  péclé,  mais  comme  un  prêtre 
qui  s'offrira  lui-même  ;  par  conséquent  sa 
mort  est  f oiiime  un  sacrifice  expiatoire.  Ces 
divers  passages  de  l'Eirilure  sainte  ni'  nous 
paraissent  pas  moins  forts  pour  réfuter  les 
prolestants.  Aussi  au  mol  Eucharistie,  §  5, 
nous  a^ons  fait  voir  que  Jésus-Chrisi,  véri- 
tablement présent  sur  les  autels,  en  vertu 
des  paroles  de  la  consécration,  continue  île 
s'offrir  comme  victime  à  son  Père  pour  les 
péchés  des  hommes,  par  les  mains  des  prê- 
tres; qu'ainsi  celte  ohlation  est  un  sacrifice 
aussi  réel  que  celui  qu'il  a  offert  sur  la 
croix.  En  effet,  les  protestants  conviennent 
que  l'offrande  des  anciennes  victimes  était 
une  figure  du  sacrifie/'  sanglant  de  Jésus- 
Christ,  qu'elle  en  lirait  toute  sa  vertu  et 
toute  son  efCcacilé,  que  celte  oblation  néan- 
moins étail  un  sacrifice  proprernent  dit. 
Donc  l'Eucharistie,  qu'ils  appellent  la  cène  du 
SeiyneHr,  qui  est  aussi  une  commémoration 
de  la  mort  du  Sauveur,  est  do  même  un 
sacrifice  proprement  dit.  C'est  une  absurdité 
de  vouloir  que  la  figure  aniieipée  ou  pro- 
phéticiue  de  la  mort  de  Jésus-Christ  soit  un 
sacrifice,  et  que  la  fij.'ure  comniémoralive, 
qui  n'est  pas  une  simple  figure ,  puisque 
Jésus-Christ  s'y  trouve,  n'en  soit  pas  un. 

Mais  qu'ont  fait  les  protestants?  Pour 
pervertir  toutes  les  notions,  pour  ilélourner 
l'attention  des  fidèles  du  point  de  la  ques- 
tion, ils  ont  cliangé  les  anciens  noms  d'euc/m- 
rislie,  (Voblalion,  de  sacrifice,  û'Iiostie,  eu 
celui  do  cine  pour  donner  à  entendre  que 
eclto  cérémonie  n'est  point  la  commémoration 


ni  le  renouvellement  de  la  mort  du  Sauveur, 
mais  la  représentation  de  la  cène  ou  du  sou- 
per qu'il  fil  avec  ses  apôtres  la  veille  de  sa 
mort.  Au  mot  CiïNE  et  au  mot  Eucharistie, 
§  3,  nous  avons  fuil  voir  que  c'est  un  abus 
malicieux.  «  Toules  les  fois,  dit  saint  Paul, 
que  vous  mangerez  ce  pain  et  que  vous 
boirez  ce  calice,  vous  annoncerez  la  mort 
du  Seigneur  (/  for.  xi,  26).  Il  ne  dit  pas. 
Vous  annoiicerez  le  dernier  souper  du  Sei- 
gneur. En  eiïet,  lesouper  était  fini,  l'agneau 
pascal  étail  mangé,  lorsque  Jésus-Christ 
prit  du  p:;in  1 1  du  vin,  les  bénii  ou  les  con- 
sacra, les  donna  à  ses  apôtres  en  leur  di- 
sant •  Ce'  i  est  mon  corps  livré  ou  froissé  pour 
vous,  ceci  est  inon  sanj  versé  pour  voits. 
Donc,  celle  action  représentative  île  la  mort 
qu'il  devait  souffrir  le  lendemain  était  déjà 
un  vrai  sacrifice;  donc,  celle  même  action 
répétée  ensuite  par  les  apôlrcs,  suivant  le 
commaiidemeiil  de  leur  divin  Mailre,  a  été 
aussi  un  sacrf/îce.  Enfin,  les  prolestants  qui 
avouent  que  les  prières,  les  louanges,  les 
actions  do  grâces,  les  aumônes,  sont  des  sa- 
crifices improprement  dits,  ont  poussé  l'en- 
lêtement  jusqu'à  ne  vouloir  pas  convenir 
que  l'euchai islie,  rite  commémoratif  ou  re- 
préscnlatif  de  la  mort  de  Jésus-Christ,  est  du 
munis  un  sacrifice  improprement  dit;  parce 
qu'ils  ont  senti  que  s'ils  le  disaient,  ils  se- 
raient bientôt  forcés  d'avouer  que  c'est  un 
sacrifice  dans  le  sens  le  plus  propre  et  le 
plus  rigoureux.  Mais  que  prouve  celle  af- 
i'eclatioii  ridicule?  qu'ils  voient  la  vérité  et 
qu'ils  la  fuient  ! 

Beausobre,  l'un  des  plus  artificieux,  pré- 
tend que,  dans  les  premiers  siècles,  l'on  a 
nommé  sacrifice,  non  pas  seulement  le  pain 
et  le  vin  offerts  et  consacrés,  mais  toute 
l'offrande  de  pain  et  de  vin  qui  éiail  faile  par 
les  fidèles,  de  laquelle  on  prenait  une  por- 
tion pour  la  communion,  et  dont  le  reslc 
servait  au  clergé  et  aux  pauvres.  Il  cite,  pour 
le  prouver,  la  liturgie  rapportée  dans  les 
Cons/itutions  apostoliques,  liv.  viii,  c.  13, 
où  l'évêque  prie  Dieu  pour  les  dons  (jui  ont 
été  offerts  au  Seigneur,  afin  qu'il  les  reçoive 
comme  un  sacrifice  d'agréable  odeur;  paroles 
semblables  à  celles  de  saint  Paul  (Pliilipp. 
IV,  18j,  qui  appelle  ainsi  les  aumônes  des 
fidèles.  Hisl.  du  Munich.,  loin.  II,  I.  ix,  c.  5, 
§  4.  Mais  ce  critique  confond  déjà  mal  à 
propos  la  liturgie  des  Constitutions  aposto- 
liques avec  celle  de  saint  Jacques,  et  il  com- 
met une  falsification  :  la  prière  qu'il  cite  est 
prononcée  par  l'évêque  sur  la  seule  portion 
des  offrandes  sur  laquelle  il  vient  proférer 
les  paroles  de  la  consécration  :  donc  c'est 
cette  portion  seule  ainsi  consacrée  qui  est 
nommée  sacrifice;  on  peut  s'en  convaincre 
en  vérifiant  le  passage.  S'il  avait  consulté  et 
comparé  la  liturgie  de  saint  Jacques  ou  de 
Jérusalem  avec  toules  les  autres  liturgies, 
soit  des  E'glises  d'Orient,  soit  de  celles  d'Oc- 
cident, il  y  aurait  trouvé  les  noms  ^'abla- 
tion, de  sacrifice,  li'autel ,  d'hostie,  ou  de 
victime,  employés  de  même  dans  le  sens 
propre  et  rigoureux.  Le  Père  Lebrun  l'a 
>uit  voir  d'une  manière  incontestable,  Expl' 


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des  cérém.  de  la   Messe,  t.   VI,  12"  disserl., 
art.  1,  p.  o76  et  suiv. 

IMoslU'iii) ,  plus  sincère  que  Bonusohrc  , 
conviont  que  dès  le  ii"  siècle,  l'on  s'arcoulu- 
ma  à  regiinler  l'oblalion  ou  la  coiisécralion 
de  l'eiicliarisiie  comme  un  sacrifice;  mais  on 
y  élail  accoutume  depuis  les  apôlres.  Qu'y 
niamiue-l-il  on  elTel  pour  mériler  ce  nom? 
Il  y  a  un  prêtre  principal,  qui  est  Jésus- 
Clirisl,  et  qui  s'ulTre  lui-même  à  sun  l'ère 
par  les  mains  rl'uii  homme  qui  lient  sa  place 
et  qui  oflVe  en  son  nom.  Il  y  a  une  victime, 
q'ii  est  encore  .Icsus-tlhrl.st.  il  y  a  une  inï- 
molali'iii,  puisque  Jésus-Christ  y  est  en  état 
de  mort,  et  (|ue  son  corps  est  représenic 
comiiie  séparé  de  son  sanp;;  la  cérémonie  est 
suivie  de  la  communion  ou  du  repas  com- 
mun dans  It'qucl  les  assistants  se  nourris- 
saient des  chairs  de  la  victime.  Quelle  dilTé- 
renci'  entre  ces  idées,  pour  exciter  la  piété 
des  fiilèles  et  la  frivole  représentation  d'un 
souper  I 

§  V.  Sacrifices  des  païens.  Dès  qu'une  fois 
les  peuples  ont  perdu  de  vue  les  leçons  de 
la  révélation  primitive  {Voy.  InoLiraiE)  et 
sont  tombés  dans  le  polythéisme,  il  leur  a 
été  impossible  de  conserver  un  culte  raison- 
nable, (^omme  ils  ont  supposé  des  esprits  ou 
des  intelligences  logés  dans  toutes  les  parties 
delà  nature, et  qu'ils  les  ont  nommés  des  dé- 
mons et  (les  dieux,  la  multiiude  de  ces  nou- 
veaux êtres  a  dégradé  l'idée  de  la  Divinité. 
Les  païens  les  ont  conçus  comme  des  per- 
sonnages doués  d'une  connaissance  et  d'un 
pouvoir  fort  supérieurs  à  ceux  des  hommes, 
mais  comme  sujets  d'ailleurs  ù  tous  les 
goûts,  à  toutes  les  passions,  aux  besoins  et 
aux  vices  de  l'humanité.  Comment  auraient- 
ils  pu  l'aire  autrement  ?  Nous-mêmes  ,  mal- 
gré les  notions  pures  et  spirituelles  que  la 
révélation  nous  donne  du  vrai  Dieu,  sommes 
encore  forcés,  en  parlant  de  ses  attributs,  de 
les  exprimer  par  les  mêmes  termes  (jui  si- 
gnifient des  qualités  humaines.  Vvi/.  Anthro- 
roMoiiPiusME.  Les  pcu[)lcs  stupides  ont  donc 
sofiposé  des  dieux  mâles  et  femelles,  qui  se 
mariaient  et  avaient  dus  enfants  ;  des  dieux 
avides  de  nourriture,  de  parfums,  d'offran- 
des, d'honneurs  et  de  respects;  des  dieux 
capricieux,  jaloux,  colères,  souvent  mali- 
cieux et  malfaisants,  parce  qu'ils  voyaient 
tous  ces  vices  dans  les  honunes. 

Les  prêtres  babyloniens  avaient  persuadé 
à  leur  roi,  aussi  bien  qu'au  peuple  ,  (jue 
leur  dieu  Bel  buvait  et  mangeait,  Dan.  , 
c.  XIV.  Ceux  qui  n'étaient  pas  ainsi  trom|)és 
se  persuadaient  que  les  dieux  se  nourris- 
saient de  l'odeur  des  parfunis  et  de  la  fumée 
des  victimes,  qu'ils  venaient  en  jouir  dans 
les  temples  et  sur  les  autels  où  ou  leur  of- 
frait des  sacrifices.  Aussi,  lorsque  les  païens 
mangeaient  lachairdes  >icliines,  iiscroyaient 
manger  avec  les  dieux,  et  ils  ne  prenaient 
presque  point  de  repas  dont  les  viandes 
n'eussent  été  offertes  aux  dieux.  De  là  vient 
le  scrupule  des  premiers  chrétiens  qui  n'o- 
saient manger  la  chair  des  animaux  dans  la 
crainte  de  participer  à  la  superstition  des 
païeui*    Voy,  Il'Oloîhïtesi  et  lo   mol  da 


saint  Paul  :  «  Vous  ne  pouvez  participer  à 
la  table  du  Seigneur  et  à  celle  des  démons,  » 
(/  (.'or.  X,  :ii.  )  Les  philosophes  même 
avaient  adopté  cette  opinion  ;  l'orphyre,  dans 
son  Traité  de  l' abstinence,  a  enseigné  que  du 
moins  les  démons  de  la  plus  mauvaise  espèce 
aiin  .ient  à  se  repaiire  de  l'odeur  des  victi- 
mes ;  il  suivait  le  sentiment  commun.  Plu- 
sieurs Pères  de  l'Iîglise  n'ont  pas  hésité  de 
le  supposer  vrai,  parce  qu'il  leur  fournis- 
sait un  argument  pour  démontrer  la  folie  des 
païens,  qui,  au  lieu  d'adoier  le  vrai  Dieu, 
rendaient  leur  culte  aux  mauvais  démons, 
Mais  les  critiques  qui  ont  osé  allribucr  la 
même  façon  de  penser  aux  juifs  à  l'égard 
du  vrai  Dieu,  ont  poussé  trop  loin  la  témérité; 
ils  ont  oublié  (jue  les  juifs  avaient  de  Dieu 
une  idée  toute  différente  de  celle  (|ue  les 
païens  avaient  conçue  de  leurs  dieux  pré- 
tendus. Cudworlh,  SijH.  inlcU.,  t.  Il,  c.  5, 
sect.  2,  §  'i'ô,  di-sert.  de  Cœna  Domini,  c  vi, 
§  (j.  Il  n'y  a  d'ailleurs  dans  toute  TEcriture 
sainte  .lucun  lait  ni  aucun  repruclu!  qui 
donne  lieu  àcetle  accusation.  ]  ou.  ci-dessus, 
§111. 

Il  n'est  que  trop  vrai,  à  la  honte  de  l'hu- 
manité, que  tous  les  peuples  polythéistes  ont 
eu  la  barbare  coutume  d'offrir  à  leurs  dieux 
des  victimes  humaines.  Les  Phéniciens,  les 
Syriens,  les  Arabes,  les  anciens  Egyptiens, 
les  Carthaginois,  et  les  autres  peuples  de 
l'Afrique,  les  Thraces,  les  anciens  Scythes, 
les  Caulois,  les  Germains,  les  Bretons, 
étaient  coupables  de  ce  crime;  les  tirées  et 
les  Romains,  malgré  leur  politesse,  ne  s'en 
sont  pas  abstenus.  Chez  les  anciens  peuples 
du  Nord,  tels  que  les  Sarmates,  les  Norwé- 
giens,  les  Islandais,  les  Suèves,  les  Scandi- 
naves,  celte  abomination  était  fréquente;  on 
l'a  retrouvée  dans  ces  derniers  siècles  parmi 
certains  Nègres  et  parmi  les  peuples  de  l'A- 
mérique, même  chez  les  Mexicains  et  les 
Péruviens,  qui  étaient  cependant  les  deux 
peuples  les  moins  sauvages  de  cette  partie 
du  monde.  La  nouvelle  Démonstraliun  cran- 
gélique  lie  Jean  Leland,  les  Recherches  plti- 
losopliiqties  sur  les  Américidns,  VEsprit  des 
usayes  et  des  coutumes  des  différents  peuples, 
les  Recherches  historiqaes  sur  le  Nouveau- 
Monde,  VUisl,  de  l'Acud.  des  Inscrip.  t.  I, 
m- 12,  p.  57,  etc.,  nous  mettent  sous  les  yeux 
les  preuves  de  ce  fait  odieux.  Un  habile  aca- 
démicien avait  voulu  le  révoquer  en  doute, 
il  s'est  trouvé  accablé  par  la  multitude  et 
l'évidence  des  preuves,  ibid.,  p.  61  (1). 

(1)  Sacrifices  lumains.  «  Dès  les  temps  les  plus 
éloi;;nés,  dii  Stliinidi,  où  l'Iiisloire  nous  pernielte  de 
porter  nos  reciierclies,  nous  voyons  tous  les  peuples, 
barliares  ou  civilisés,  niiilgré  la  traricliaiiledilféreni  e 
de  leurs  opinions  religieuses,  se  réunir  el  .se  (on- 
foiidre  en  un  point,  couvainiiis  de  l'utilité  d'un 
niéilialeiir,  persuailés  qu'on  adoucit  la  cnlér.:  divine 
par  les  sacrifices,  c'esi-à-dire  par  la  subsiiinl 
soutlVanies  des  autres  eréaiuies  à  ce  les 
coupable.  Cette  croyani  e,  raisonnalde  dans 
cipe,  mais  soumise  à  l'action  de  la  puis 
s'est  partout  uiaiiiresiée  par  de  déplorables 
produisii,  outre  les  sacrifices  d'animaux, 
Btition  horrible  cl  trop  généruleiucnl   ri'pa 

lacrlilces  humahis.  Valnoraent  la  raitoii  ilisaT 


285 


SAC 


SAC 


284 


Ouelle  peut  être  l'origine  de  cette  barba- 
rie ?  Les  sava;  Is  sont  encore  partagés  sur 
colle  question.  Un  de  ceux  que  nous  venons 

l'Iininme  iiii'il  n'avail  nnnin  droit  sur  son  senibl.ihle, 
que  mus  les  jours  il  coiivotiîiil  lui-mèrne  soleimelle- 
iiieiil  (le  celle  vérité  en  réim  dant  le  sang  des  ani- 
maux pour  rai'heler  eeliii  de  riioiiiitie  ;  vainement 
la  douce  liiinianilc,  le  sentiinetii  si  naturel  d(;  la 
compassion  prèlaienl-ils  de  tionvelle~  forre^  à  l'aulo- 
rilo  de  la  raison,  l'esprit  et  le  cœur  se  trouvaient 
impuissants  conire  les  progrès  de  <eii  •  al)omiiial)le 
su|ierilition.  Ou  serait  lente  de  récuser  le  ténioign;i<;e 
de  l'Iiislnire,  lursqn'elle  non-;  montre  le  triomphe  île 
celle  r(Hitniiie  révnllante  d;ins  tous  les  p:iys  de  la 
terre  :  iii:dheurc»senienl,  et  à  la  honte  (Hernelle  du 
genre  iiumalii,  ancnn  l'ail  n'est  mieux  établi  ;  jus- 
qu'aux monuments  de  la  |)0é-ie,  tout  dépose  conire 
ce  préjugé  général  : 

A  peine  son  sang  coule  et  fait  rouc;ir  la  terre, 
Les  dieux  font  sur  l'aiitel  enlendre  le  lonnerre; 
Les  venis  agiieiit  l'.iir  d'heureux  frémisseinents, 
El  la  mer  lui  n'i nml  par  îles  ningissemeiils, 
La  rive  au  loin  ;;éinit  blancliiss:uile  d'écume, 
La  flaiiinie  du  bficliecd'elle-môme  s'alliim(!; 
Le  ciel  brille  d'éclairs,  «'enlr'onvre,  et  parmi  nous 
Jelle  une  saiuie  lioneiir  qui  nous  rassure  lous. 

«  Ce  n'éiîiii  point  une  seule  nation,  ce  n'éiiiie  il 
point  des  hordes  barbares  et  gros-icres  qui  trem- 
paient dans  1  ahominaticm  de*  sacrifices  htimains , 
étoulTaiil  ainsi  les  sentiments  iiainrels,  mais  bien 
presque  lous  les  peuples  de  raa!i((uilé;  plusieurs 
emore  se  remleni  aujourd'hui  coupables  de  ce  crime 
moiisirueux.  Je  ne  sais  si  de  toutes  les  grandes  na- 
tions on  en  pourrait  cler  une  seule  qui  se  fût 
enlièremeiit  abstenue  de  sacrifices  humains,  exceplé 
cependant  les  Indiens,  dont  les  bramines  se  consa- 
craient spécialement  à  Wichnou,  et  les  Péruvien*;, 
d(ml  \x  religion  remonte  à  Manco-Capac  et  à  Mama- 
Ocollo  (Coya-Ocella),  sa  sœur  et  sou  épouse,  qui 
appartenaient  probablement  tous  deux  à  celle  caste 
de<  bramine>:  de  l'Inde. 

«  t.'esi  à  la  religion  clirétieniie  que  les  sectateurs 
de  rislanisiiiesoiil  rei'evable^  d'être  demeurés  élran 
gi'rs  à  celle  pratii|ue  :  car  le  C<iran  mê.ne  démontre 
que  Mahomei,  sans  adorer  Jesus-Chrisl  comme  le 
Fils  de  Dieu,  voyait  pourtant  eu  lui  le  plus  grand 
des  prophèies  ;  qu'il  emprunta  à  nos  livres  sacrés 
sa  religion  et  sa  morale,  laissant  de  côté  ce  qui 
ne  cailr.iit  poinl  avec  ses  plans,  y  ajoutant  d'ailleurs 
des  riélails  de  son  invention.  Toutelois,  an  xii''  siè- 
cle, du  temps  du  gra  id  Saladin,  on  reneonire  chez 
les  malioniélHiis  l'exemple  d'un  sacrihce  humain  ; 
des  chrétiens,  sous  la  conduite  de  liayiiiond  de 
Cliàtillon,  ayant  tenté  de  renverser  le  tombeau  de 
llaliomet,  lurent  eux-mêmes  immolés  :'i  la  lête  du 
Beiram,  au  lien  des  brebis  qui  composent  le  s  icrilice 
annuel  (Histoire  de  StiUutin,  par  M.  Marin,  loin.  /, 
;;.  4-28). 

«  Inde.  —  Chine.  —  Perse.  Dans  l'Inde,  les  sacii- 
lices  humains  daieiil  de  l'époque  la  plus  reculée  ; 
cependant,  on  ne  peui  accuser  de  <'eiie  abomiMaiion 
que  celle  lies  iicix  sectes  principales  dont  les  br  i- 
inines  se  von  deiu  spécialement  à  Siwa  ;  toute  la 
partie  de  celle  immense  contrée  possédée  par  les 
EniO|iéens  en  est  affranchie,  elle  ne  subsiste  que 
chez  quelques  peuplades  mlépenda nies.  —  Un  des 
livres  (pie  les  Indiens  nommeiil  sacrés,  contient  un 
cliapitre  parliciilier  que  l'on  appelle  le  cliajnlre  san- 
fjliint,  ii'i  l'aiileui'  fait  Intervenir  Siwa  c\{i|ii{iiaiil  à 
ses  llls  les  détails  des  s.icrifices  Kali,  déesse  du 
ienins,  épouse  de  Siwa,  en  éiiii  le  principal  (dijei, 
qiioii|ii'ils  s'adressassent  aussi  à  Siwa  elàd'auires 
divinités.  Siwa  diaermine  les  sacriliciîs,  les  praii 
ipi  s  et  les  iiivoi  allons  iiidispoiisables  ;  il  lixe  l'épo- 
<jue  des  expiations,   l'emplui  des  hoiniues  ou  des 


de  citer  a  cru  que  l'usage  d'immoler  des 
hommes  pouviiit  venir  d'une  connaissance 
imparfaite  du  socn'^ce  d'Abniham  ;  mais  les 

animaux  qui  les  rend  efficaces.  Telle  divinité  pré- 
fère un  genre  d'offrande,  telle  autre  en  préfè  e  un 
différent  ;  toutefois  les  sacrifices  hniii  lins  sont  re- 
gardés comme  les  plus  iniporianls.  Un  seul  paralyse 
pendant  mille  ans  le  courroux  de  la  terrible  déesse, 
trois  l'enciiaîuent  pour  une  époque  cent  lois  plus 
longue.  Les  fonnides  nsitéiîs  dans  ces  meurtres  reli- 
gieux font  frémir  d'horreur  ;  un  s'écrie,  par  exe:n- 
ple  :  «Sailli,  Kali!  Kali  1  salul,  Uevi,  déesse  du 
tonnerre  !  Saint,  déesse  au  sceptre  de  fer  !  t  Ou 
bien:  «Kali!  Kali!  Kali  !  déesse  aux  dents  terii- 
bles  !  rassasie-loi,  déchire,  bro:e  lous  ces  lambeaux  ! 
Mets-les  eu  pièces  avt^c  celte  liache  !  Prends  !  prends  ! 
saisis  !  arrache  !  Bois  le  sang  .à  longs  traits  !  i 

«  Les  Chinois  éLialemenl  immolèrent  autrefois  des 
hommes,  à  ce  qu'assure  William  Joncs  {Asial.  re- 
Sf(!rf/i.,  Il,  .S78).  Si  cet  écrivain  d'un  si  grand  mi'- 
rite  eût  vécu  plus  longtemps,  il  aurait  sans  doute 
confirmé  par  des  exemi  les  cette  asseriiou  faite  dans 
une  lecture  devant  les  membres  de  la  société  asia- 
tiipie. 

«  Les  Perses,  dont  le  culte,  comparé  à  celui  des 
autres  païens,  était  beaucoup  plus  pur  et  plus  rai- 
sonnable, ne  s'absliiir(Mil  pas  néanmoins  des  sacri- 
fices humains.  Dans  leurs  cavernes  consacrées  ,i 
Milhra,  c'est-à-dire  au  dieu  du  soleil,  ils  suivaient 
cette  barbare  coutume,  et  iirnphéiisaient  en  cousidé- 
ranlles  entrailles  de  la  viitime. 

t  Quoique  la  rcliiïion  de  Zerd  ichl  défendit  les  sa- 
crifices hum  lins,  l'histoire  rapporte  que  Xeicès  , 
dans  son  expédition  contre  les  Grecs,  et  dans  un 
lieu  nommé  les  Nenf -Voies,  non  loin  du  (leiive  Stry- 
mon,  fit  enterrer  vivants  neuf  jeunes  gens  et  neuf 
jeunes  filles  de  la  contrée  :  «  Car,  nnianiue  Héro- 
dote, ce  genre  de  supplice  est  une  coutume  de  la 
P(Tse.  Je  sais  qu'Amesiris,  épouse  de  Xercès,  pour 
témoigner  sa  reconnaissance  du  maintien  de  sa 
santé,  quoiqu'elle  lût  avancée  en  âge,  fil  enterrer 
vivants,  en  l'Iionnenr  du  dieu  qui  habile  sois  terre, 
quatorze  fils  des  plus  illustres  familles  de  son  royau- 
me. )  C'était  sans  doute  di  l'honneur  de  Milhra, 
dieu  du  soleil,  i|ii'Uérodole  place  sous  terre,  parce 
qu'on  lui  sacrifiait  la  nuil  d  iiis  des  grottes  souter- 
raine-;. 

«  Porphyre  niuis  apprend,  dans  son  ouvrage  sur 
YAntre  des  Nymphes,  (pie  celles  de  Mitlira  avaient 
sept  cuir 'es  qui  répondaient  aux  sepl  planètes  (d'a- 
près lesipielles  presipie  tous  les  peuples  ont  nommé 
les  jours  de  la  semaine),  ainsi  qu'aux  voyages  des 
âmes  à  traveis  ces  plancles.  Les  pratiques  en  usage 
dans  les  grottes  de  Jliilira  se  propagèrent  hors  de 
la  Perse.  Adrien  bs  proscrivit.  L'Egypte  même 
coiiiiiil  les  mys'èris  de  Milhra. 

«  Chaldée.  —  Ef/yple.  Les  Assyriens  et  les  Chal- 
déens,  dont  le  cuite  ii'élail  qu'un  inlorme  mélange 
de  superslilions  et  d'immor;ilité ,  sacrifiaient  des 
v-ctiines  huinaiiies  ;  l'ICcrituie  sainte  lève  lous  les 
doutes  à  cet  égaul  :  elle  nous  du  que,  pour  repeu- 
pler le  pays  que  rendait  désert  l'exil  des  Israélites 
du  royaume  des  dix  tribus,  un  roi  d'Assyrie  y  en 
voya  des  colonies  des  diverses  provinces  de  son 
empire.  Au  niuiibre  de  ces  nouM'aiix  habiiauls  se 
lroiiv;iient  des  peuples  de  Sépliarvaini  ,  d'oii  l'on 
conjecture,  avec  raison,  que  le  roi  était  Assarinid 
don,  (pli  n'unit  l'empire  île  Babyione  à  celui  d'-Vs- 
syiie,  hériliige  de  ses  pères,  parce  (pie  Séidiarv  iiin 
(la  Sipiiara  de  i'iolémée)  relevait  de  Babyione.  Or, 
1  Ecriture  rapporte  de  ses  habitatils  transplan^'s  dans 
la  terre  promise  :  «Ceux  de  Sépliarvaim  faisaient  passer 
leurs  enlants  par  le  leti,  el  les  lir  laii-ni  pour  hono- 
rer Adraméicih  ilAnnmélech,  dieux  de  pbarvaim.i 
(/{ois,  IV  X  S  II,  51.)  Adrainélecii  se  confoiid  sans 
doute  aveu  le  dieu  Meloch  uii  Milecli  des  AminO" 


28S 


SAC 


Islandais,  les  Américains,  les  Nègres,  unt-ils 
pu  avoir  une  connaissance  de  l'hisloire  d'A- 
braham ?  11   faut  donc  recourir  à  d'autres 

nilcs,  (lieu  du  soleil.  —  Moloch,  Molech,  Melchoni, 
étiil  probablement  la  iiiéiiie  divinité  que  bel  ou 
l!a:il.  Tous  ces  noms  signineiit  roi  ou  seigneur  ;  il 
csi  aussi  à  présumer  qu'ils  indiiiuaienl  tou-^  le  dieu 
du  soleil.  —  L'Kcrilure  sainte  blâme  en  divers  en- 
droits la  pratique  d'après  laquelle  les  parents  fai- 
saient passer  liins  enfants  dans  le  feu  en  riionneur 
de  Molocli,  et  même  on  fait  au  roi  Manassès  le  re- 
proche exprés  d'avoir  exposé  sim  lils  aux  chances 
de  celle  superstition.  Probablement  cet  abus  rem- 
plaça une  coutume  plus  barbare  :  i^oiimiieiit  de  la 
crainte,  il  survécut  aux  sacrifices  conire  lesquels  se 
soulevait  la  nature.  Hérodoti'  prétend,  il  est  vrai, 
(pic  l'Egypte  demeura  étrangère  à  ces  abominations, 
CI  un  témoignage  d'un  si  grand  poiils  ferait  à  coup 
sur  pencher  la  balance  s'il  était  londé  sur  de  meilleu- 
res raisons,  et  si  un  si  grand  nombre  d'écrivains  plus 
récents,  .Manéihon,  Diodnre,  l'iuiarque,  Porphyre, 
n'attestaient  le  contraire.  «  C'immenl,  dit  Hérodote, 
coMuncnt  les  l'"gyptieiis  auraieiilils  sacrilié  îles  vic- 
liincs  humaines,  puisqu'ils  n'inuuulaient  même  au- 
cune espèce  d'animaux,  exceplé  des  porcs,  d"s  tau- 
reaux, des  veaux  et  des  oies  ?  »  Mais  (|ue  prouve 
l'exclusion  de  plusieurs  soiles  d'animaux  conin! 
l'existence  des  sacriliees  biiuiains?  Tout  ce  (|ue  me 
parait  établir  un  seniblalile  tiinuli^nage,  c'est  qu'on 
n'immolait  plus  aucun  huninic  du  temps  d'Hérodote, 
cl  que  les  prêlres,  rougissant  de  l'horrible  praliipi.î 
à  lai|uelle  ils  avaient  renonei',  préfé(èrent  ne  point 
l'en  instruire.  Ilu  haine  de  Typhon,  principe  du 
mal  dans  leur  théogonie,  qu'ils  se  figuraient  avec 
des  cheveux  roux,  les  Egyptiens  chnisissaienl,  pour 
leurs  sacriliees,  des  bomuies  dnnt  la  chevelure  avait 
celte  cotdeiir  ;  ei  comme  il  s'en  rencontrait  rare- 
ment dans  leur  p.urie,  ils  immolaient  di's  étrangers. 
Peut-être  celte  eironnstaiice  lit-elle  naître  l'aniiquc 
opinion  que  le  roi  Bnsiris,  ayant  sa  rilié  les  voya- 
geurs qui  venaient  de  débarquer  sur  ses  terres,  l'ut 
tué  par  Hercule  à  qui  il  destinait  le  même  sort.  Ou 
trouve  des  traces  de  cette  touiume  sur  h;  sceau  avee 
lequel  les  prêtres  égyptiens  marquaient  les  laureaux 
à  poils  roux  qu'ils  voulaient  sacrifier  à  TyphuM  ;  il 
représente  un  li(uiime  agenouillé,  lus  maius  liées 
derrière  le  dos,  un  couteau  enfoncé  dans  la  gorge. 
t  Crèce.  L'existence  des  sacrifices  humains  dans 
l'ancienne  Gièco  nous  est  allCïtée  par  l'histuirc , 
peut-èire  fabuleuse,  de  Lyeaun,  roi  de  Panhasia  eu 
Arcadie  ;  par  le  récit  d'ilomère,  relatif  ;'iix  donzi; 
jeunes  nobles  Tioyens  qu'.Acbille  immola  aux  mânes 
de  sou  ami  Palrocle.  Cetie  praticpie  se  reproduit 
encore  à  une  époque  postérieure.  Devant  un  autel 
de  Itacchus,  en  Arcadie,  plu.Meiirs  jeunes  filles  furent 
frappées  de  verges  jusqu'à  ce  qu'elles  siiccombassenl 
à  ce  suji,Mlice.  Oiie  disette  régnant  parmi  les  Mes- 
séniens,  et  l'oracle  de  Delphes  ayant  ordoniii'  uri'on 
immolât  une  princesse  du  sang  royal,  Aristudeme, 
niembie  de  celte  famdie,  dévoua  sa  fille.  Parvenu  .i 
la  royauté,  il  sacrifia  à  Jupiter  trois  cents  l^acédé- 
nioiiieiis  avec  leur  roi  Théopompe,  et  lermiua  sa  vie 
en  s'immolant,  pour  obéir  au  décret  d'un  oracle,  sur 
la  tombe  de  sa  lille  (Eiisèbe,  Pia'p.  Evniig.,  IV,  16). 
Avant  la  bataille  de  Salamlue,  Théini-toeie  sacrifia, 
sur  sou  vaisseau  amiral,  trois  jeunes  prisiuiiiiers 
perses,  neveux  du  roi.  Celle  aciion  lui  rcpn;^iiaîi  ; 
mais  le  devin  insi>ta  d'autant  plus  sur  sa  nocessilé 
que  la  direction  élevée  et  l'éclat  des  fiamiups  de 
I  aiilel,  puis  rélemuemeut  d'un  Grec  placé  à  l.i 
dioite  de  Tbémisiocle  (présages  tous  deux  favora- 
bles), le  confirmaient  dans  son  avis.  L'équipage  du 
vaisseau  se  pressa  alors  autour  du  siénéial,  qui,  cé- 
dant a  ce  cruel  desir,  immola  les  jeunes  Perses  à 
Bacchus  Oinesles  (liacubus  qui  dévore  la  chair  pal- 
pitante). Coiume  les  habitants  des  iles  conservent 


SAC  28(! 

causes,  et  il  en  est  plusieurs  (jui  ont  pu  y 
contribuer.  l"  L'abrutissement  dos  peu- 

plosanlhropopiiages.  Comme  un  instinct  na- 

leiirs  anciennes  mœurs  plus  longlemp?  que  les  au- 
tres peuples,  celle  révoliantc  coutume  se  perpétua 
en  Crèie,  en  Chypre,  à  Uhodes.  à  Lesbos,  à  Chios, 
a  Téiudos,  etc.,  pendant  un  plus  long  espace  de 
temps  que  dans  la  Grèce  continentale.  Les  Phocéens 
brûlaient  des  victimes  hiimaiiies  en  l'honneur  de 
Diane  de  rauride.  Les  h:ibit mts  do  Massilie  (Mar- 
seille), leurs  descendanis,  avaient  une  foiêl  d<ml 
Liicain  donne,  dans  sa  Pharsale  (III),  nne  sombre 
description  :  elle  était  consacrée  aux  sacrifices  hu- 
mains, et  lut  déiruite  par  Céar  lorsqu'il  assiégea  la 
ville. 

<  Home.  Dès  la  plus  haute  anliqiiit  -,  les  Romains 
immolaient  des  enfants  mâles  à  Monia,  mère  des 
dieux  dome.^liques.  Cette  pratique  fut  abandonnée  : 
Tarquin,  dernier  mi  de  Home,  la  remit  en  us:ige  sur 
la  réponse  d'Apollon  de  Delphes.  Urutiis.  le  premier 
des  consuls,  abolit  ces  sacrifices.  Mais  Apollnn 
ayant  encore  demandé  des  têtes,  nu  lui  envoya  des 
tèles  de  pavots  au  lieu  d'enfants,  et  pour  cette  lois 
la  leltre  sauva  la  vie  que  son  esprit  aurait  fait  per- 
dre. Les  livriis  sibyllins  apprirent  aux  Komains  que 
les  Grecs  et  les  Gaulois  se  rendraient  mailrcs  de 
leur  eilé.  Meiiaeés  d'une  guerre  avec  les  Gaulois, 
l'ail  de  Koiue  HHi,  guerre  qu'avait  provoquée  leur 
injustice  envers  les  Séiion.iis  (pen|ile  voisin  de  la 
Seine),  la  terreur  devint  générale  au  souvenir  de  la 
prise  de  Home  par  celte  nation.  Les  pontifes  ima- 
ginèrent un  moyen  d'apaiser  les  dieux,  et  qui,  pen- 
saient-ils, iKinplirait  l'oracle  de  la  sibylle,  sans  ex- 
poser leur  patrie  à  aucun  danger  :  ce  Jut  d'enterrer 
vivants  à  Rome,  dans  le  forum  boarium  (marché  aux 
bœufs),  deux  [lersonnesde  chaque  sexe,  grecques  et 
guiloises.  Tiie-Live  remarque  que  cei te  place  avait 
déjà  été  souillée  autrefois  par  des  sacrifices  hu- 
mains, quoique  suivant  une  pratique  éirangère  aux 
Romains.  Huit  ans  plus  lard,  on  renouvela  ce  sacri- 
fice, lorsqu'éclata  la  seconde  guerre  punique.  Les 
Romains  regardaient  comme  un  moyen  assuié  d'ob- 
tenir la  victoire,  que,  durant  le  combat,  le  général 
vouât  les  ennemis  à  la  terre  et  aux  dieux  niàiies,  et 
qu'en  iiièuie  temps  lui-mêriie,  ou  du  moins  l'un  des 
guerriers  de  l'année  romaine,  se  consacrât  à  la  mort 
en  se  précipitant  dans  les  rangs  opposés. 

«  Ce  n'est  que  l'an  de  lioine  t;.j7  qu'un  sénalus- 
con-.ujie  défendit  les  sacrifiées  humains.  Mais  comme 
l'ail  70S,  dernière  année  de  la  vie  de  César  (qua- 
rantL-i|uatie  ans  avant  Jésus-Christ),  deux  viclinips 
liuinaines  lurent  sacrifiées  par  le  pontile  et  par  le 
prêtre  de  Mars,  on  croit  que  le  s  ■naiiis-consull  ■  n'.n- 
lerdisail  ce  genre  de  sacriliees  qu'aux  particulier. 
Si  les  sacrifices  liumains  éiaient  rares  à  Rome,  l'u- 
sage plus  répandu  des  gladiateurs  n'est  jias  moins 
•ligne  de  lilàine;  probablement  les  Romains  l'eni- 
prnnièreni  aux  Etrusques.  Il  ne  dale  point  d'une 
époque  encore  grossière,  mais  de  l'an  de  Rouie  400, 
deux  cent  soixante-qnaire  ans  avant  Jésus-CInist, 
où  deux  frères,  du  nom  de  iJrutiis,  rintroduisireiit 
aux  funérailles  de  leur  père.  Ces  jeux  n'eurent  heu 
d'abord  que  dans  les  ccrémonies  funèbre-,  di;  person- 
nages remarquables,  et  les  gladiaieurs  coinbaltaienl 
sur  la  tombe  pour  apaiser  les  dieux  inlëiieiiis  par 
reiïiisiou  de  leur  sang.  Ils  reiii|ilacérenl  les  s  icrifiees 
liumains  que  commandait  la  même  circoiisiaiice. 
Siiivaiil  l'apparence,  le  sort  de  la  viitinie  fut  adouci 
en  ce  que  le  gladiateur  défendait  ses  jours;  il  en 
devint  réellement  plus  déidorable,  parce  que  la  rage 
du  déseipoir  eonanima  ces  ni.ilbeureiix  destinés  à 
être  assassins  on  à  périr  eux  inêuies,  et  qui,  désignés 
pour  ce  speciacle,  délices  des  Romains,  y  elaient 
ioiiglemps  préparés  par  une  nourriture  choisie  et  par 
de  fréquents  exercices. 
«  Cariiiutje.  Les  londateurs  de  Cartilage  y  transpor- 


287 


SAC 


tarel  a  porté  tous  les  nommes  à  offrir  à 
Dieu  les  aliments  dont  ils  se  nourrissaient, 
parce  qu'ils  reconnaissaient  les  avoir  reçus 

lèreni  de  Pliénicie  hconl.iimedessncrifices  liiimiins, 
qui  b'y  perpétua  lanl  que  subsiMa  celle  riié,  exci- 
tant, par  la  cruauté  du  supplice,  l'horreur  des  autres 
peuples  auxquels  ou  pouvait  ailresser  un  scmhlable 
reproche.  Les  Grecs  el  les  Romains  s'élèvent  avec 
force  (ontre  le  nombre  rie  leurs  malheureuses  victi- 
mes. Kvirienitnenl  les  C:iriliaf;inois  snivirenl  dîtus 
l'origine  le  culte  de  Moloeli,  l'honoranl  de  celle  ma- 
nière, que  nous  transmet  Diodnre 

«  Une  slalue  de  bronze  élait  élevée  à  Saturne  : 
sur  ses  bras  étendus  on  phiçaii  les  enfants  qui  de  là 
roulaient  préi  ipiiés  dans  un  énorme  et  ardent  bra- 
sier. Diodnre  pense  (|n'ILuripide  avait  celte  coutume 
en  vue,  lorsiiu'à  l,i  question  d'Oresie  : 

Quel  lombeau  me  recevra  uue  fols  privée  de  la  vie? 

ce  poète  fait  réiiondre  à  sa  sœur  Ipbigénie,  prêtresse 
de  Diane  en  Tauiide  : 
La  terre  dans  ses  cavités  profoudes ,  el  les  flammes  du 

feu  sacré. 
f  Comme  loul  élait  vénal  à  Carilia«e,  les  parents 
vendaient  leurs  enfants  pour  cet  usage  barbare. 
Toutefois  le  marché  se  coneluail  secréieinenl,  parce 
que  la  politique  avait  posé  en  ra:ixnne  que  les  enlanls 
des  familles  illustres  étaient  seuls  agréables  aux 
dieux. 

I  Quand  Gélcn,  tyran  de  Syracuse,  et  Tliéron, 
souverain  d'Agrigenle,  remportèrent  en  Sicile  une 
victoire  signalée  sur  les  Carlhaginois,  penriani  le 
combat,  le  général  carlhaginois,  Hamilcar,  fil  pré- 
cipiter dans  le  feu  une  foule  innombrable  de  victimes 
humaines,  depuis  le  lever  de  l'aurore  jusiju'à  la  nuit; 
car  telle  fui  la  durée  de  celte  bataille  qui  décidait  la 
question  de  rindépendance  de  lu  Sicile.  Lorsqu'elle 
fut  terminée,  llamilcar  ne  se  trouva  ni  parmi  les 
prisonniers  ni  parmi  les  niorls.  Les  Carthaginois 
préiendirenl  qu'à  la  lin  il  s'était  jeié  lui-même  dans 
le  feu,  comme  vicliuie  expiatoire  (//erod.  VII,  11/6-67). 
Pour  condition  de  la  paix  qu'accorda  riélon,ce  héros 
généreux  exigea  qu'ils  ne  sacrifiassent  désormais 
aucun  enfant  à  Saturne.  Agatlioclès,  tyran  de  Syra- 
cuse, après  les  avoir  complétemenl  défaits  en  Afri- 
que, s'avançanl  sous  les  murs  de  Carihage,  ils  réso- 
lurent d'apaiser  les  dieu\,  ei  sacrifièreul  à  Saturne 
deux  cents  (les  enfants  les  plus  distingués  de  la  ville 
(Oiod.,  XX). 

«  Ils  avaient  coutume,  dit  un  auteur  romain,  d'im- 
moler des  honmies  en  temps  de  peste,  d'apporter 
aux  aulels  des  enfants  dont  l'âge  auiail  ému  de  com- 
passiiin  même  des  ennemis,  croyant  se  cuncilier  la 
faveur  des  dieux  par  le  sang  des  êtres  pour  la  cnn- 
servaiion  desquels  on  leur  adresse  ordinairemeni  les 
plus  ferventes  prières  (n). 

«  Scylhes.  —  Gauloif.  —  Germains.  Les  Scythes 
sacrifiaient  toujours  la  centième  partie  de  leurs  pri- 
sonniers de  guerre  au  dieu  des  batailles.  Tous  les 
ans,  avec  du  bois  desséché  et  en  qiianlilé  siiriisanle 
pour  remplir  cent  cinquante  chariots,  ils  élevaient 
une  sorte  de  pile,  au  sommet  de  laquelle  éi;iildressé 
un  antique  cimeterre,  emblème  du  dieu.  Ils  l'arro- 
saient du  sang  des  malheureux  qui  gisaient  aii- 
de-^sous.  et  qu'on  avait  égorges  au-dessus  d'iui  vase, 
de  miinière  à  ee  qu'il  reçut  leur  sang.  Ils  dél.icliaieul 
de  leur  corps  l'épaule  droite  et  les  deux  mains,  et  les 
lançaient  en  l'air.  Partout  où  tombaient  ces  membres 
ils  restaient  étendus  ;  il  en  était  de  même  du  eada- 

(n)  Cuni  inlercsplera  malaetiam  peste  laborareul,  cru  en- 
la  sa' roruin  religiune  el  scelere,  pro  reUKdio  usi  suut. 
yuippe  humilies  ,  iil  liciiinas  iiniiiolabaul;  et  iinpiilieres 
(qua;  a-ias  e  iam  hcusiium  nuserieordiani  provucai)  aris  ad- 
movehani,  paceui  Oeoruin  sanguine  eoruin  cxposceules, 
pro  quorum  yiia  dii  rogari  ina)iiiD9  solenl  (Juslio,  Jiviiij  6)< 


SAC  288 

ne  sa  main,  ceux  qui  ne  vivaient  que  de 
fruits  et  de  légumes,  n'ont  point  connu  les 
sacrifices  sanglants  ;  ceux  qui  subsistaient  de 

vre,  qui  demeurait  à  la  place  où  il  était  tombé 
(llcrod.,  IV,  6-2). 

«  Les  Celtes  qui,  à  l'exception  de  la  Grèce  el  de 
l'Italie,  habitaient  toute  l'Europe,  immolaienl  des 
victimes  hiunaines.  i  Ceux  qui  .^e  trouvent  dange- 
reusemeul  malades,  »  dit  César  en  parlant  des  Gau- 
lois (Ca'sar,  de  Bello  rjall.,  IV.  I(i),  «  olîreni  ou  pro- 
mènent des  sacrifices  humains,  et  les  diuides  leur 
prêtent  leur  ministère.  »  Ils  croyaient  en  effet  qu'on 
ne  pouvait  adoucir  les  dieux, _  qu'on  ne  pouvait 
racheter  la  vie  d'un  homme,  qu'en  offrant  celle  d'un 
antre  en  échange.  Ce.=;  sacrifices,  consoinmés  par 
l'entremise  des  druides,  étaieul  réglés  d'une  manière 
publique  et  légale  :  lorsque  les  coupables  iiiani|uaient, 
cm  allait  jusqu'à  faire  périr  des  innocents.  Qudli|ue- 
fois  on  enfermait  des  b"nimes  dans  des  espèces  de 
statues  colossales,  tis<ufts  d'osier,  auxquelles  on 
metta  t  le  feu,  et  les  malheureux  périssaient  dans  les 
flammes.  Ces  sacrifices  se  rnainiinrenl  dans  les 
Gaules,  comme  partout  ailleurs,  jusqu'à  l'époque  où 
le  christianisme  prit  uue  assiette  solide.  Car  nulle 
pari  ils  ne  disparurent  tout  à  fait  sans  l'intervention 
de  la  religion  chrétienne;  nulle  part,  non  plus,  ils 
ne  subsistèrent  eu  sa  présence. 

«  Au  nord  de  l'Europe,  après  le  laps  de  neuf  mois, 
on  apaisait  les  dieux  en  leur  olfianl,  durant  neuf 
jours,  neuf  sacrifices  d'hommes  el  d'aniniaux  par 
jour  ;  si,  pourtant,  des  circonstances  extraordinaires 
ne  cnmmaiidaient  pas  plus  tôt  riminolatioii  de  victi- 
mes humaines. 

(  En  Suède  et  en  Norwége,  ces  victimes  se  re- 
produisaient également.  D'ordinaire,  on  les  étendait 
sur  une  pierre  énorme;  on  les  étonffail  ou  on  les 
mettait  eu  pièces.  Quelquelois  encore  on  laissait 
coubr  leur  sang  :  plus  il  jaillissait  avec  impétuosité, 
plus  le  présage  était  favorable  {Mallet,  Introduction 
à  fllistoire  de  Danemark) 

i  Tacite  rapporie  des  Germains  (a)  :  <  lisse  réu- 
nissent pour  honorer  la  déesse  llertii,  c'est-à-dire  la 
terre,  mère  coiiimuue.  Ils  s'imaginent  que  celte  di- 
viniié  vient,  de  temps  en  temps,  prendre  part  aux 
all'aires  des  hommes,  et  se  promener  de  contrée  en 
conir,  e.  Dans  une  ile  de  l'Océan  est  un  bois  qui  lui 
serl  de  temple.  Ou  y  garde  snn  char  :  c'est  une  voi- 
ture coiiverie,  que  le  prêtre  seul  a  droit  de  toucher. 
Dès  qu'il  reconnail  que  la  déesse  esl  entrée  dans  ce 
sanctuaire  mobile,  il  y  allèle  des  génisses  et  le  suit  eu 
grande  cérémonie.  L'allégresse  publique  éclate  de 
toutes  paris.  Ce  ne  sont  que  fêtes  el  réjouissan- 
ces dans  les  lieux  où  la  déesse  daigne  passer  ou  sé- 
journer. Les  guerres  sont  suspendues  ;  on  cesse  les 
liosliliiés:  chacun  resserre  ses  armes;  parlnul  règne 
une  paix  piofnnde,  que  l'on  neenmia)t,ipie  l'on  n'aime 
que  dans  ces  jours  prnilégiés.  Eiilin  lorsque  la 
déesse  a  suffisamnienl  demeure  parmi  lesiiioriels,  le 
prêtre  la  reconduit  au  bois  sacré.  On  lave  ensuite, 
dans  un  lac  écarlé,  le  char,  les  élolfes  qui  le  coii- 
viaieni,  el  la  déesse  elle-même,  à  ce  (pi'im  prélend. 
Aussitôt  le  lac  engloutit  les  esclaves  employés  à  celle 
foiiclioii  ;  ce  qui  pénétre  les  espi ils  d'une  frayeur 
religieuse  et  réprime  toute  profane  curiosité  sur  un 
mystère  que  l'un  ne  peut  cunnaitre,  sans  qu'il  en 
coule  la  vie  à  rinstaiit  (b).  »  Le  niôine  hislorien  rap- 
porte encore  des  (iermaius  :  «  Mercure  (Odiii,  Wo- 
dan)  est  le  dieu  le  plus  honoré.  A  cei  tains  jours  on 
lui  sacrifie  des  liuinmes.  >  Les  Normands  en  France 
offraient  également,  au  dieu  Thor,  des  victimes  hu- 
maines. >   {Démonsl.  Evaiig.,  édil.  Migiie.) 

(«)  Tac,  de  Mor.  Germ.,  40,  trad.  de  l'abbé  de  la  Blet- 
lei  ie,  édil.  de  Fronllé. 

(b)  facil.,  de  More  Germ.,  10,  trad.  de  l'abbé  do  li 
Bleueriei  édit.  de  Froullé. 


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lâchasse,  delà  pêclie,  delà  garde  des  trou- 
peaux, ont  fait  l'offrande  de  l;i  chair  des 
animaux  ;  ceux  qui  ont  poussé  la  brutalité 
iust)u'4  manger  de  la' chair  humaine,  ont 
cru  nue  ce  serait  un  présent  agréable  à  leurs 
dieux,  parce  que  c'était  un  mets  reeherché. 
—  2°  Les  fureurs  de  la  vengeance.  Parmi  les 
nations  sauvages  les  guerres  sont  cruelles, 
la  vengeance  est  toujours  atroce,  et  toutes 
sont  hiibituellemerit  ennemies  les  unes  des 
autres.  Un  ennemi  fait  prisouiier  est  tour- 
menté avec  une  barbarie  qui  fait  horreur, 
mangé  ensuite  en  cérétnoTiie  ;  les  relations 
des  voyageurs  sont  remplies  de  ces  scènes 
liorribles.  (]es  peuples  sanguinaires  se  sont 
persuadés  que  les  ennemis  de  leur  nalion 
étaient  aussi  les  ennemis  de  leurs  dieux,  que 
ceux-ci  en  verraient  le  sang  couler  sur  les 
autels  avec  autant  de  plaisir  ((u'ils  en 
avaient  eux-mêmes  à  le  répandre.  Un  jour 
de  massacre  est  une  fêle  pour  eux;  il  faut 
donc  que  la  Divinité  y  préside.  Les  niots 
latins  fiostia  et  t^ir^imaont  signifié  dans  l'o- 
rigine un  ennemi  vaincu,  par  conséquent 
dévoué  à  la  mort;  l'hébreu  zcbacll  et  le  grec 
6\ni«,  désignent  seulement  <e  c/ni  esl  tué.  — 
3°  L'abus  d'un  principe  vrai  du(]uel  on  a 
tiré  une  fausse  conséquen(e.  On  a  pensé  que 
celui  qui  a  oITensé  la  Divinité  mérite  la 
mort,  aussi  bien  que  celui  qui  trouble  la 
société  par  ses  crimes.  Comme  ou  ôtait  la 
vie  aux  criminels  pour  venger  la  société,  on 
s'est  persuadé  que  leur  supplice  pouvait 
aussi  apaiser  les  dieux  lors(iu'ils  sont  irrités. 
Puisque  les  calamités  publiques  él;iient  cen- 
sées un  effet  de  la  colère  des  dieux,  on  a 
imaginé  qu'eu  mettant  à  mort  un  coupable 
et  en  le  chargeant,  par  des  prières  et  par 
des  imprécations,  des  ini({uilés  du  peuple, 
on  apaiserait  le  ciel  irrité.  Le  mol  suppli- 
cittin,  qui  signiHe  tout  à  la  fois  la  punition 
d'un  criminel  et  une  prière  publique, semble 
témoigner  que  l'un  ne  se  faisait  pas  sans 
l'autre  ;  qu'ainsi  dans  l'origine  l'on  ne  sa- 
crifiait que  des  coupables.  Mais  de  celle 
usage  une  fois  établi,  il  a  élé  aisé  d'en  venir 
à  celui  d'immoler  aussi  des  innocents,  du 
moins  îles  étrangers,  dès  qu'on  les  regar- 
dait tous  comme  des  ennemis  et  des  objets 
d'aversion.  — ■  k'  Le  dogme  de  l'immortalité 
de  l'àme  mal  conçu  et  mal  envisagé.  Ceux 
qui  ont  pensé  que  les  hommes  après  la  mort 
avaient  encore  les  mêmes  besoins,  les  mêmes 
inelinalions,  les  mêmes  passions  que  pen- 
dant la  vie,  onl  imaginé  qu'il  fallait  immo- 
ler à  leurs  mânes  les  ennemis  qui  les  avaient 
tués,  les  épouses  qu'ils  avaient  aimées,  les 
esclaves  qni  les  avai(>nt  servis,  afin  qu'ils 
pussent  jouir  dans  l'autre  monde  des  mêmes 
pliisirs  et  des  mêmes  avantages  qu'ils  avaient 
eus  sur  la  terre.  Par  la  même  raison  l'on 
enterrait  souvent  avec  eux  les  armes,  les 
instruments  des  arts,  les  mêmes  ornements 
dont  ils  avaient  usé  pendant  leur  vie.  On  con- 
çoit tontes  les  conséquences  qui  ont  dûrésul- 
terde  toutes  ces  causes  difTérentes  suivant  les 
divers  géniesdes  peuples,  ctquelle  quantitéde 
meurtres  elles  ontdù  produiredans  l'univers. 
'\Par  les  leçons  de  la  révélation  primitive, 


Dieu  avait  voulu  prévenir  toutes  les  erreurs 
et  tous  les  abus.  Il  y  a  lieu  de  penser  qu'a- 
vant le  déluge  les  hununes  ne  vivaient  que 
des  fruits  de  la  terre  et  du  lail  des  trou- 
peaux {(ien.  I,  29;  v,  3  et  '••).  Lorsque,  après 
le  déluge.  Dieu  permet  à  Noé  et  à  ses  en- 
fants de  se  nourrir  de  la  chair  des  ani- 
maux, il  leur  défend  encore  d'en  m:mger  le 
sang  ,  mais  surtout  de  répandre  le  sang  hu  - 
main  (ix,  3  et  G).  Aussi  Abraham,  après 
avoir  vaincu  les  rois  de  la  Mésopotamii-, 
après  leur  avoir  repris  les  dépouilles  et  les 
prisonniers  qu'ils  avaient  faits,  n'use  d'au- 
cune vengeance  ;  il  montre  au  contraire  un 
désintéressement  parfait  (xiv,  22i.  Lorsque 
Dieu  eomniande  à  ce  patriarche  de  lui  olïrir 
son  fils  unique,  ce  n'est  ni  par  colère  ni  par 
venseauce,  m.iis  pour  mettre  son  obéissance 
ta  l'épreuve,  et  tout  se  termine  par  le  sacri- 
fice d'un  bélier  (xxii,  12  et  13).  Moïse  ne 
propose  point  expressément  le  dogme  de 
i'imrnortalité  de  l'àme,  parce  que  c'était  une 
croyance  générale.  Dans  tous  les  livres 
s.iints.  Dieu  est  représenté  comme  un  père 
tendre  et  miséricordieux,  qui  ne  veut  point 
la  mort  du  pécheur,  mais  sa  conversion,  qui 
pardonne  au  repentir,  et  qui  préfère  la  pé- 
nitence du  cœur  à  toutes  les  victimes.  Dans 
sa  loi  [Deut.  xii,  30  et  suiv.),  il  défend  sé- 
vèretneut  aus  Juifs  d'imiter  les  nations  de 
la  Palestine,  qui  immolaient  leurs  enfants  à 
leurs  dieux  :  Vous  ne  ferez  point  de  même, 
leur  dit-il,  à  l'égard  de  votre  Dieu;  vou^  n'a- 
jouterez ni  ne  retrancherez  rien  à  ce  que  je 
vous  ordonne.  Ainsi,  en  parlant  de  cette 
nbominaiioii  dont  les  ,Iuifs  s'étaient  rendus 
coupables  malgré  la  défense,  en  leur  repro- 
chant les  crimes  des  idolâtres,  le  psalraiste 
dit  que  ce  sont  leurs  propres  inventions; 
psaume  lxxx,  v.  13;  psaume  xcxviii,  v.  8; 
psaume  cv,  v.  29  et  39. -Il  n'y  avait  donc  rien 
dans  la  loi  qui  pût  donner  lieu  à  des  sacri- 
fices de  sang  humain.  Un  porte  païen  a 
très-bien  remarqué  que  la  première  source 
des  crimes  en  fait  de  religion  a  élé  l'igno- 
rance de  la  nature  divine  : 

Heu  prinire  scelenim  causas  mortalibns  aegris, 
Naiuram  non  nosse  Deiim!  (Si/.  liai.,  i,  i.) 
Or,  les  Juifs  avaient  du  vrai  Pieu  une  idée 
toute  dilTérente  de  celle  que  les   païens  s'é- 
taient formée  de  leurs  dieux  imaginaires. 

Les  incrédules ,  qui  ont  voulu  voir  des 
victimes  humaines  dans  l'anaihème  dont  il 
est  parlé  {Levit.  xxvii,  28  et  29)  ilans  le  sac 
des  Madianites,  dans  le  vueu  de  Jephié,  dans 
le  meurtre  d'Agag,  dans  le  supplice  des  rois 
de  la  Palestine,  ordonné  par  Josue,  clc,  ont 
perverti  le  s^nsde  tous  les  termes  et  se  sont 
joués  du  langage,  ils  ont  fait  de  même  lors- 
qu'ils ont  représenté  le  supplice  des  apos- 
tats ordonné  par  l'inquisition,  celui  des  hé- 
rétiques turbulents  et  séditieux,  les  meurtres 
commis  dans  les  guerres  de  religion,  etc., 
comme  des  sacrifices  de  victimes  humaines. 
Ils  voulaient  révolter  tous  les  esprits  contre 
la  religion,  ils  n'ont  fait  que  les  indisposer 
contre  eux-mêmes.  Yoy.  \s\Tni:\iE  (tj. 

(I)   (  Il   est  donc  désormais    incontestable,  dit 


2'>l 


SAC 


SAD 


'j,'j2 


SACRIFIÉS  (Sacrî/îcaiî).  Voy.  Lapses. 

SACIULÉGK,  mot  formé  de  sacra  el  de 
légère;  il  sigiiilie  à  la  lellre,  amasser,  pren- 
dre, dérober  les  choses  sacrées  ;  celui  qui 
coiiiniet  ce  crime  est  aussi  nommé  sacrilège, 
sacrilegns.  Dans  le  deuxième  livre  dos  iMa- 
chabées,  c.  iv,  v.  39,  il  est  dit  que  Lysimaque 
commit  plusieurs  sacrilèges  dans  le  temple, 
dont  il  emporta  beaucoup  de  vases  d'or.  Ce 
terme  se  prend  encore  dans  l'Ecriture  sainte 
pour  la  profanation  d'une  chose  ou  d'un  lieu 
sacré,  même  pour  l'iilolâtrie;  ainsi  est 
nommé  le  crime  des  Israélites  qui  ,  pour 
plaire  aux  filles  des  Madianites,  se  laissèrent 
entraînera  l'adoration  de  Béelphégor,  Num., 
c.  XXV.  V.  18. 

L^  sacrilège  n'attaque  pas  seulement  la  re- 
ligion, mais  la  société,  dont  l'ordre,  la  sû- 
relé,  le  repos,  sont  fondés  sur  la  religion, 
puisque  celle-ci  est  la  sauvegarde  des  lois. 
Y  cûl-il  jamais  de  société  policée  sans  re- 
ligion ?  Profaner  ce  que  tout  le  monde  fait 
profession   de  respecter ,    c'est    insulter    au 

Schmidi ,  que  le  seniiment  de  la  déclié.iiice  de 
rhoininii  el  de  sa  ciilpubilité,  que  la  cunvktioii  de  la 
néci'Ssilé  d'une  salistadion,  que  l'idée  de  la  subsli- 
luiioii  (le  souffrances  expiatoires  à  celles  du  vrai  cri- 
minel, ont  conduit  les  peuples  à  doner  le  houleux 
et  épouvanialile  scandale  des  sacrilices  liuuiains. 
Lorsipie  l'auguste  vietiine,  sur  la(|uelle  se  concentra 
l'iniquité  de  l'univers,  se  lui  écriée  : 

«  Toui  est  consommé  1  » 
le  voile  du  leniple  se  déchira,  et  le  grand  mystère 
du  lieu  sailli  se  révéla,  autant  du  moins  que  les  bor- 
nes de  sa  sphère  inlelleciuelle  permirent  à  l'hoionie 
de  le  connaître.  Un  comprend  maiiilenanl  piiuri|Uoi 
il  se  persuada  à  toutes  les  époques  qu'une  âme  pou- 
vait être  sauvée  p;ir  une  autre,  pourquoi  il  voulut 
loujoiirs  se  régénérer  dans  le  sang.  Sans  le  chrislia- 
nisine,  l'Iioiume  ignore  ce  qu'il  est,  p:\rce  qu'il  se 
liouve  isolé  dans  le  monde,  et  i|u'il  n'a  point  de 
ternies  de  comparaison  ;  le  premier  service  que  lui 
rend  la  religion  est  de  lui  apprendre  quelle  est  -a 
valeur,  en  lui  montrant  combien  il  a  coûté 

«  Vide  quanta  palior  a  Deo  Deus.  » 

{j£scnïL.,  m  Protn.,  v,  92.) 

1  Vois  quelles  souffrances,  Dieu  moi-même,  je  sup- 
porte de  la  pi  ri  d'un  Dieu,  i 

<  Que  l'on  songe  à  présent  que,  d'une  pari,  toute 
la  doctrine  de  l'anticiuilë  n'était  qu'un  cri  propbéli- 
(|ue  du  genre  humain  qui  désignait  le  s:ing  comme 
moyen  de  salut  ;  (pie,  de  l'autre,  le  christianisme 
vint  accomplir  celle  prophétie,  remplaçant  l'emblè- 
me par  la  ré.ilité,  en  .sorte  que  la  doctiine  primitive 
ne  cessa  jtmiais  de  désigner  l'auguste  victime,  objet 
de  la  révélation  nouvelle  ;  et  que,  réciproquement, 
telle  révélation,  rayonnante  de  tout  l'éclat  de  la 
vérité,  découvre  l.i  source  divine  de  la  doctrine  qui, 
|ieiidant  la  durée  des  siècles,  nous  apparaît  couiiie 
un  poiul  lumineux  au  milieu  des  ténèbres  du  paga- 
nism-  ,  à  coup  sur,  une  pareille  concordance  esj  la 
preuve  la  plus  irréfragable  que  l'esprit  humain 
puisse  se  créer. 

I  Dès  lors  encore  il  demeure  (hidenl  que  la  doc- 
trine des  sacrilices  païens  a  un  rapport  intime  avec 
la  doctrine  de  la  réconciliaiion  du  mimde,  par  l'eii- 
liemise  d'un  divin  Kédempleiir  ;  et  celte proposiiion, 
paradoxale  au  premier  abord,  savoir  :  que  l'idée 
d'une  rédempiion  opérée  par  un  Dieu  sauveur  est  le 
fondement  de  la  fable,  se  trouve  démontrée  d'une 
m:iMKire  com|ilèle,  assise  désormais  sur  une  base 
iuébiaidable.  >  (Démoiist.  lùaiig.,  (idil.  Aligne.) 


corps  même  de  la  société,  et  tout  le  monde 
a  droit  de  ressentir  celle  injure,  il  n'est  donc 
pas  vrai,  quoi  qu'en  disent  pour  leur  intérêt 
les  philosophes  incrédules,  que  le  sacrilège 
ne  doive  être  puni  ((ue  par  la  privation  des 
avantages  que  la  religion  procure.  Un  impie 
qui  méprise  ces  avantages  insulterait  impu- 
nément l'univers  entier.  Lorsque  l'on  punit 
\e  sacrilège  plus  sévèrement  que  les  autres 
trimes,  on  ne  prétend  pas  venger  la  Divinité, 
mais  venger  la  sociélé  du  préjudice  que  lui 
porte  un  homme  qui  ne  respecte  ni  la  Divi- 
nité, ni  la  religion  publique,  ni  les  lois.  Dès 
qu'un  homme  est  cap  ible  de  braver  les  me- 
naces el  les  lerreurs  de  la  religion,  il  ne  peut 
plus  être  retenu  par  aucune  loi.  Aussi  tous 
les  peuples  policés,  (juoique  persuadés  que 
la  Divinité  punit  tôt  ou  lard  les  sacrilèges, 
ont  cru  cependant  devoir  y  attacher  des 
peines  très-sévères,  et  l'expérience  prouve 
que  si  ces  sorles  de  crimes  demeuraient  im- 
punis, il  n'y  aurait  plus  de  sûrelé  publique. 
Les  protestants,  qui ,  pour  établir  leur  re- 
ligion, se  sont  rendus  coupables  de  sacn/^jes 
de  toute  espèce,  ont  donc  mérllé  à  juste 
titre  l'exécratiou  de  tous  les  hommes  sensés. 
Jamais  les  apôtres  ni  les  premiers  chrétiens 
ne  se  sont  permis  de  pareils  excès  contre  le 
paganisme;  lorsqu'il  y  a  eu  des  temples  dé- 
iruils,  des  idoles  renversées,  de  prétendus 
mystères  mis  au  grand  jour,  c'a  été  par  ordre 
des  empereurs,  par  autorité  publique,  et  non 
par  voies  de  fait  de  la  part  des  particuliers. 

Voy.   ZÈLE  DE  RELIGION. 

SADUCÉENS,  nom  d'une  des  quatre  sec 
les  principales  qui  subsistaient  chez  le 
Juifs  du  temps  de  Noire-Seigneur;  il  en  est 
souvent  parlé  dans  le  Nouveau  Testament. 
L'origine  n'en  est  pas  absolument  certaine, 
les  savants  les  plus  habiles  n'ont  pu  former 
là-dessus  que  des  conjectures.  ()n  prétend 
qu'elle  est  née  environ  260  ans  avant  Jésus- 
(ihrist,  du  temps  qu'Anligone  de  Socho  était 
président  du  grand  sanhédrin  de  Jérusalem, 
et  que  ce  l'ut  lui-même  qui  y  donna  occa- 
sion. Comme  il  répétait  souvent  à  ses  disci- 
ples qu'il  ne  faut  pas  servir  Dieu  par  un  es- 
prit mercenaire  à  cause  de  la  récompense 
que  l'on  en  attend,  mais  purement  el  sini-  g 
pleiiiént  par  l'amour  et  par  la  crainte  filiale  I 
qu'on  lui  doit,  Sadoc  el  Bailhus  ou  Boélhus,  ^ 
ses  élèves,  conclurent  de  là  qu'il  n'y  a  point 
de  récompense  à  espérer  (lans  une  aulre 
vie,  que  la  durée  de  l'homme  se  borne  à  la 
vie  présente,  que  si  Dieu  récompense  ceux 
qui  le  servent,  c'est  dans  ce  monde  et  non 
ailleurs.  Us  (rouvèrenl  des  partisans  qui 
embrassèrent  leur  doctrine,  el  qui  formè- 
rent ainsi  une  secte  à  part  ;  on  les  nomma 
saducèens,  du  nom  de  Sadoc  leur  fondateur. 
Ils  dilïéraient  des  épicuriens,  en  ce  qu'ils 
admcltaient  une  puissance  qui  a  créé  l'uni  - 
vers  et  une  providence  qui  le  gouverne,  au 
'ieu  que  les  épicuriens  niaietillune  etl'aulre. 

Il  ne  faut  pas  beaucoup  de  réflexion  pour 
senlir  l'absurdité  de  ce  sjsiéi.ne.  Si  Dieu  ne 
nous  avait  créés  que  pour  cette  vie,  en 
quoi  nous  aurait-il  témoigné  sa  bonté,  et 
sur  quoi  seraient  fondés  l'.imuur  el  lu  craiule 


S93 


SAD 


SAG 


291 


filiale  qu  on  lui  doit?  Il  est  évident  que  la 
verlu  n'est  pas  toujours  récoinpenséi',  ai  le 
vice  loujours  puni  en  ce  monde;  il  n'y  au- 
rait donc,  à  proprement  parli'r,  aucun  moliT 
Solide  d'èlre  vertueux.  —  On  nous  dit  que 
les  saducécns  se  bornèrent  à  faire  coniinc 
les  carjiïies,  à  rejeler  les  Iraililions  des  an- 
ciens, à  ne  consulter  que  la  piiroie  écrite  ; 
et  comme  les  pharisiens  étaient  fort  atla- 
cliés  aux  traditions,  ces  deux  sectes  se  trou- 
vèrent diamétralement  opposées.  Mais  les 
premiers  embrassèrent  bientôt  des  .senti- 
ments impies  1 1  pernicieux  :  ils  nièrent  la 
résurrection  future,  l'csisience  des  anges 
et  des  esprits,  et  celle  des  âmes  humaines 
après  la  mort  ;  j\latlli.,c.  xxii,  v.23;  iMarc, 
c.  XII,  V.  18  ;  Act.,  c.  xxiii,  v.  8.  Celte  con- 
duite des  snducéeiis  n'est  pas  fort  propre  à 
confirmer  l'opinion  des  protestants,  qui  leur 
applaudissent,  parce  qu'ils  rejetaient  toute 
espèce  de  tradition,  pour  ne  s'attacher  qu';iu 
texte  de  l'Ecriture  sainte. 

Origène,  I.  i  contra  Cels.,  n.  49,  et  saint 
Jérôme,  Commeiil.  in  Matth.,  1.  m,  c.  22, 
t.  W  Op.,  coi.  10(5,  nous  apprennent  que  les 
héréli(|ues  ,  à  l'exemple  des  Samariiains, 
n'admettaient  pour  Ecriture  sainte  que  les 
cinq  livres  de  Moïse.  C'est  pour  cela,  dit 
saint  Jérôme,  que  Jésus-Christ  voulant  ré- 
futer leur  erreur  touchant  la  résurrection 
future,  ne  leur  oppose  qu'un  passage  tiré 
des  livres  de  Moïse,  qui  ne  semble  prouver 
ce  dogme  ((u'indirectemcnt,  au  lieu  qu'il  au- 
rait pu  en  alléguer  d'autres  plus  exprès  ti- 
rés des  prophètes,  auxquels  ces  sectaires 
n'auraient  eu  aucun  égard.  Scaliger  et  quel- 
ques autres,  qui  ont  prétendu  que  les  sadu- 
pc'en.s-  ne  rejetaient  pas  absolument  les  pro  - 
phètes  ni  les  hagiograplies,  mais  qu'ils  leur 
attribuaient  nxjins  d'autoriié  qu'aux  livres, 
de  Moïse,  n'ont  rien  rép  ndu  de  solide  à  la 
réllexion  de  saint  Jérôm.'.  On  sait  d'ailleurs 
(jue  la  coutume  de  tous  les  hérétiques  a  été 
de  rejeter  tous  les  livres  qui  ne  leur 
éiaienl  pas  favorables.  Brucker,  Uist  crit. 
pliilos.,  I.  II,  pag.  721,  dit  que  si  les  s(if/it- 
céens  ava\enl  rejeté  linéiques  uns  des  livres 
du  canon  reçu  chez  les  Jiiils,  on  les  aurait 
annthématisés  et  chassés  de  la  synagogue; 
il  se  trompe.  Josèphe,  Anliq.  Jul.,  1.  xvm  , 
cap.  2,  a  remarqué  (jue  les  saduccens  cons- 
titués en  autorité  ne  résistaient  point  aux 
pharisiens;  ils  ne  dogmatisaient  donc  pas 
en  public,  ils  évitaient  les  éclats  et  les  dis- 
putes, c'est  pour  cela  qu'ils  étaient  tolérés. 
D'ailleurs  pouvait-on  leur  prouver  Taulo- 
rilé  du  canon  des  Ecritures  auttemenl  que 
par  la  tradition?  Or,  les  saducéens  n'y 
avaient  aucun  égard.  —  Ils  étaient  encore 
opposéi  aux  essenieus  et  aux  pharisiens 
louchant  le  dogme  du  libre  arbitre  et  de  la 
prédestination.  Les  esséniens  croyaient  que 
tout  est  préiléterminc  par  un  enchaîne- 
ment de  causes  infaillildes;  les  pharisiens 
étaient  d'avis  que  la  prédestination  a  lieu 
sans  nuire  à  la  liberté  de  l'homme,  et  en 
laissant  le  bien  et  le  mal  à  son  choix.  Les 
saducéens  niaient  toute  prédestination;  ils 
soutenaient  que  Uieu  a  lait  l'homme   maîire 


de  .ses  actions,  avec  une  entière  liberté  de 
faire  à  son  gré  le  bien  el  le  mal.  Jo<èohe,  de 
liello  Jud.,  I.  II,  c.  7,  al.  c.  12;  Anlii/.  Jwt., 
1.  xviii,  rap.  2.  —  Comme  ils  étaient  per- 
suadés que  Dieu  récompense  les  bons  el  pu- 
nit les  méchants  dans  cette  vie.  ils  devaient 
regarder  les  heureux  du  siècle  comme  les 
amis  de  Dieu,  el  les  pauvre,,  les  inlirmes 
les  affligés,  comme  aiilani  d'objels  de  !a  co- 
lère du  <iel.  Celle  persuasion  devait  les 
rendre  durs  el  inhumains  à  l'égard  des  mal- 
heureux, et  Josèphe  leur  reproche  en  elïel 
ce  délaul.  De  là  (juclques  auteurs  ont  con- 
clu avec  assez  de  probabililé,  que  dans  la 
parabole  du  mauvais  riche,  l.ur.,  c.  xvi.v.  19, 
Jésus-Christ  a  peint  les  mœurs  d'un  sud  iceen. 

L'ambiguïté  d'un  terme  de  Josèphe  a 
donné  lieu  à  plusieurs  criiiques  de  penser 
que  les  saducéeTH  n'admettaient  pas  la  pro- 
vidence de  Dieu,  parce  qu'il  dit.  I.  ii  de 
BelloJud.,  cap.  7:  Ils  rejellent  ahsnlumenl 
le  destin;  ils  placent  Dieu  hors  de  toute  in  - 
fluencc  ou  inspection,  l^opinv,  sur  tout  mal. 
Mais  Brucker  fait  remarquer  que  ce  mot 
grec  signiGe  non-seulement  inspection  ou 
attention,  mais  direction  et  r/om  erneinent, 
qu'ainsi  les  .•^aducems  ont  seulement  nié 
que  les  décrets  et  l'aclion  de  Dieu  eussent 
aucune  part  aux  actions  des  hommes  :  sen- 
timent qui  approche  moins  de  celui  des  épi- 
curiens que  de  l'opinion  soutenue  dans  la 
suite  par  les  pélagiens. 

La  secte  des  saducéens  était  la  moins  nom- 
breuse; mais  elle  avait  pour  partisans  les 
plus  riches  d'enlrc  les  Juifs,  les  gens  di?  la 
première  qnalilé,  ceux  qui  possédaient  les 
premiers  emplois  de  la  nation.  De  tout 
teuips  en  effet  ceux  qui  étaient  dans  la  plus 
grande  abondance  des  biens  de  ce  monde, 
oui  été  les  plus  sujets  à  négliger  cl  à  révo- 
quer en  doute  la  félicité  de  l'aiiire  vie.  Voyez 
Dissertation  sur  les  sectes  des  Juifs,  Bible 
d'Avitjaon,  I.  XUI,  p.  218;  Prideaux,  Hist. 
des  Juifs,  tom.  il,  I.  xiu,  p.  ICO;  Brucker, 
iltst.  crilii/.  philos.,  t.  II,  p.  715. 

SAIJ.VUliLLILNS.    Voy.  AposTOt-yuEs. 

SAtlESSE.  Ce  mol,  qui,  ciies  les  Grecs 
et  chez  les  Latins,  se  prend  pour  la  philo- 
sophie ou  pour  la  capacité  dans  les  sciences, 
a  encore  d'autres  signiûcalions  dans  l'Ecri- 
ture sainte.  Il  désigne,  1  les  u!u;res  di- 
vines du  Créateur,  l'sal.  h,  v.  8,  elc  ;  2  l'ha- 
bilité dans  un  art  quelconque,  Exod., 
c.  XXXIX, v.  3;3'  la  prudence  dans  la  con- 
duite de  la  vie,  m  Iteg.,  c.  ii ,  v.G; 
i"  l'expérience  dans  les  alTaires,  Job,  c.  x.i, 
V.  12;  5°  l'assemblage  de  toutes  les  vertus; 
il  est  dil,  Luc,  c.  u,  v.  52,  que  Jésus  en- 
fant croissait  en  âge  et  en  sagesse  devant 
Dieu  el  devant  les  hommes;  0°  la  prudence 
présom|ilueuse  des  hommes  du  monde  et 
surtout  des  philosophes;  dans  ce  sens  Dieu 
a  dit:  Je  cunfondiai  leur  sagesse,  ICor.,  c.  i, 
v.  19;  7"  la  sagesse  éternelle  est  le  (ils  de 
Dieu,  ou  Dieu  lui-même,  Luc,  c.  xi,  v.  49  ; 
8°  en  général  la  vraie  sagesse  de  l'homme 
consiste  à  connaître  la  Gn  à  laquelle  Dieu 
l'a  destiné,  et  à  prendre  les  moyens  propres 
pour  y  arriver. 


295 


SAG 


SAG 


296 


Sagesse  de  Dieu.  Comme  nous  ne  pou- 
vons concevoir  les  attributs  de  Dieu  que 
par  analiipie  à  ceux  de  l'homme,  nous  ap- 
pelons sagesse  divine  l'intelligence  infinie 
par  laiiuelle  Dieu  cimnait  ses  propres  des- 
seins, voit  le  plan  de  conduite  qui  convient 
le  mieux  à  la  nature  des  êtres  qu'il  a  créés, 
et  prend  les  moyens  les  plus  propres  pour 
exécuter  ce  qu'il  a  résolu. 

Quelques  incrédules  ont  soutenu  que  l'on 
ne  peut  pas  attribuer  à  Dieu  la  sagesse, 
parce  que  Dieu,  qui  n'a  besoin  de  rien,  ne 
peut  pas  se  proposer  une  fin,  ni  choisir 
des  moyens  pour  y  arriver,  puisque  sa  puis- 
sance peut  suppléer  à  tous  les  moyens.  Au 
mol  Cause  finale,  nous  avons  prouvé  le 
contraire;  nous  avons  fait  voir  que  Dieu 
ne  se  propose  pas  une  fin  par  besoin,  mais 
en  verlu  de  la  perfection  de  son  être,  parce 
qu'il  est  souverainement  intelligent,  et  que 
s'il  n'agissait  pas  comme  cause  intelligente, 
il  Mgirait  en  cause  aveugle.  Lorsque  Dieu 
agit,  il  sait  donc  ce  qu'il  fait,  et  pourquoi 
il  le  fait,  quels  seront  les  effets  et  les  consé- 
quences de  son  aciion;  la  raison  pour  la- 
quelle il  agit  est  la  fin  qu'il  se  propose;  il 
emploie  des  moyens,  non  par  impuissance 
de  faire  autrement,  mais  parce  qu'il  est  de 
l'essence  d'un  êire    intelligent  d'agir  ainsi. 

Nous  ne  pouvons  connaître  que  très-im- 
parf.iitemenl  les  desseins  do  Dieu  et  les 
moyens  par  lesquels  il  les  exécute  dans  l'or- 
dre de  la  nature,  en  comparant  les  effets  à 
leurs  causes  ;  et  souvent  les  conséquences 
que  nous  lirons  de  cette  comparaison  ne 
sont  que  des  conjectures:  combien  de  fois 
les  philosophes  ne  sont-ils  pas  trompés  sur 
la  cause  des  phénomènes  les  plus  connus? 
Dans  l'ordre  de  la  grâce,  nous  ne  connais- 
sons les  raisons  de  la  conduite  de  Dieu 
qu'autant  qu'il  a  daigné  nous  les  révéler; 
mais  malgré  la  faiblesse  de  notre  intelli- 
gence, il  nous  en  a  fait  connaître  assez  pour 
exciter  notre  admiration,  notre  reconnais- 
sance et  notre  confiance  en  lui.  Il  sait  mieux 
que  nous  de  quelle  manière  nous  avons  besoin 
d'él re  cond u Ils;  quoi  ([u'il  nous  arrive,  nous  ne 
pouvons  mieux  faire  que  de  nous  reposer 
sur  sa  sagesse  et  sur  sa  bonté  pour  noire 
sort  en  ce  monde  et  en  l'autre. 

Sagesse  (livre  de  la).  C'est  un  des  livres 
canoniques  de  l'Ancien  Testament.  Les 
Grecs  l'appellent  la  Sagesse  de  Salomon;  il 
ne  s'ensuit  pas  néanmoins  qu'ils  ont  cru 
que  ce  livre  avait  été  composé  par  Salomon  ; 
probablement  ils  ont  seulement  entendu 
par  là  que  l'auteur  avait  puisé  ses  connais- 
sances dans  les  livres  de  Salomon,  et  qu'il 
avait  lâché  de  les  imiter.  Quelques  anciens 
l'ont  nommé  irKjxfjéro;,  trésor  de  toute  verlu; 
le  but  de  l'auteur  est  d'instruire  les  rois,  les 
grands,  les  juges  de  la  terre.  On  pense  com- 
munément que  ce  livre  n'a  pas  été  écrit  en 
hébreu,  qu'ainsi  le  grec  est  le  texte  origi- 
nal. On  n'y  voit  point,  disent  les  critiques, 
les  hébra'ismes  et  les  barbarismes  presque 
inévitables  à  ceux  qui  traduisent  un  livre 
hébreu;  l'auteur  écrivait  assez  bien  en  grec, 
et  il  avait  lu  les   bons   écrivains  en  celle 


langue;  et  il  en  emprunte  des  expressions 
inconnues  aux  Hébre  ix,  (elles  que  l'ambroi- 
sie, le  fleuve  d'onhli,  le  royaume  de  Pluton 
ou  d'Adès,  etc.  H  cite  toujours  l'Ecriture 
d'après  les  Septante;  et  lorsque  les  auteurs 
juifs  l'ont  cité,  ce  qu'ils  en  rapportent  a  tou- 
jours été  pris  sur  le  grec. 

Cependant  le  savant  qui  a  publié  à  Rome, 
en  1772,  Daniel  traduit  par  les  Septante, 
h'  dissert.,  n.  10,  prétend  que  dans  l'origi- 
nal le  livre  de  la  Sagesse  était  écrit  en  vers  ; 
il  faut  donc  qu'il  ail  été  écrit  en  hébreu. 
Puisque  le  traducteur  parlait  bien  le  grec, 
il  n'est  pas  étonnant  qu'il  ail  su  éviter  les 
hébra'ismes,  et  les  barbarismes,  qu'il  ail  em- 
ployé les  termes  familiers  aux  écrivains 
grecs,  et  qu'il  ait  suivi  la  version  des  Sep- 
tante. Quoique  l'on  ne  connaisse  pas  l'au- 
teur de  cet  ouvrage,  qu'aucun  ancien  ne 
dise  qu'il  a  vu  le  texte  hébreu,  et  que  le 
traducteur  n'en  dise  rien,  ce  ne  sont  là  que 
des  preuves  négatives,  il  ne  s'ensuit  pas 
certainement  que  ce  texte  n'a  jamais  existé; 
d'autre?  livres  hébreux  ont  disparu  de 
même  :  l'auteur  prélemlu  grec  n'est  pas 
mieux  connu  que  l'auteur  hébreu;  les  cri- 
tiques protestants  qui  ont  soutenu  qu'il  est 
l'ouvrage  de  Philon,  n'ont  fait  qu'une  vaine 
conjecture.  Quoi  qu'il  en  soit,  la  traduction 
latine  que  nous  en  avons  n'est  pas  de  saint 
Jérôme;  c'est  l'ancienne  Vulgate  faite  sur 
le  grec,  longtemps  avant  saint  Jérôme,  et 
usitée  dans  l'Eglise  dès  le  commencement; 
elle  est  exacte  et  fidèle,  mais  le  latin  n'en 
est  pas  toujours  pur. 

Les  Juifs  n'ont  point  mis  ce  livre  dans 
leur  canon,  parce  qu'ils  n'y  ont  placé  que 
ceux  dont  ils  avaient  le  texte  hébreu  ;  il  n'a 
pas  même  été  toujours  reçu  comme  canoni- 
que dans  l'Eglise  chrétienne:  plusieurs  Pè- 
res el  plusieurs  églises  ont  douté  si  c'était 
l'ouvrage  d'un  auteur  inspiré.  Cependant 
les  auteurs  sacrés  du  Nouveau  Testament 
semtilent  quelquefois  y  faire  allusion  :  saint 
Clément  de  Rome  en  a  copié  quelques  paro- 
les, Epist.  I  ad  Cor.,  n.  3  el  27.  Il  a  été  cité 
dans  le  ii°  siècle  par  saint  Clément  d'Alexan- 
drie, par  Hégésippe  et  par  saint  Irénée,  sui- 
vant le  témoignage  d'Eusèbe  ;  au  m'  par 
Origène,  par  rertullien  et  par  saint  Cy- 
prien.  Des  conciles,  de  Carthage  en  337,  de 
Sardique  en  3i7,  de  Constanlinople  in  Trnllo 
en  692,  le  xi<^  de  Tolède  en  675,  de  Flo- 
rence en  1438,  enfin  celui  de  Trente,  sess.  k, 
l'ont  expressément  admis  au  nombre  des  li- 
vres canoniques. 

Comme  les  protestants  ne  veulent  rece- 
voir comme  tels  que  ceux  qui  sont  avoués 
par  les  Juifs,  ils  ont  déprimé  tant  qu'ils  ont 
pu  le  livre  de  la  Sagesse.  Mosheim,  sur  Cud- 
worth,  Syst.  intell.,  c.  k,  ^  16,  n.  5,  le  elle 
comme  un  exemple  des  fraudes  que  les  Juifs 
d'Alexandrie  ont  commises  longtemps  avant 
la  naissance  du  Sauveur.  Mais  ici  la  fraude 
n'est  pas  prouvée.  Un  écrivain  quelconque 
a  pu  faire  ce  livre,  soit  en  hébreu,  soit  en 
grec,  sans  avoir  envie  de  passer  pour  un 
auteur  inspiré;  à  la  vérité  c.  ix,  v.  7  el  8,  il 
parle  comme  aurait  pu  faire  Salomon;  mais 


2'J7  SAI 

c'est  une  prière  que  l'auteur  fait  à  Diou,  et 
qu'il  a  pu  copier  dans  un  livre  de  Salomon 
sans  en  avertir.  Si  donc  il  y  a  eu  «le  l'erreur 
sur  ce  point,  ce  que  nous  n'avouons  pas, 
elle  est  venue  de  l'admiration  que  les  lecteurs 
ont  eue  pour  cet  écrit,  dont  la  doctrine  leur 
a  paru  digne  de  Dieu.  En  effet,  les  critiques 
prolestanls  les  plus  prévenus  contre  la  ca- 
nonicité  de  ce  livre  n'ont  pu  y  découvrir 
aucune  erreur,  et  il  y  a  des  pensées  et  des 
vérités  dont  un  auteur  opdinaire  n'a  pas  pu 
être  capable. 

lîrucker,  en  traitant  de  la  philosophie  des 
Juifs  ,  Uisl.  critiq.  philos.,  tom.  II,  p.  093,  a 
prétendu  que  l'auteur  du  livre  de  la  Sagesse 
est  un  juif  d'Alexandrie,  iuibu  des  opinions 
de  la  philosophie  grecque,  et  qu'il  y  a  dans 
son  ouvrage  des  niarcjues  évidentes  de  pla- 
tonisme. Il  apporte  en  preuve,  1°  ce  que  dit 
cet  auteur,  Sap.,  c.  i,  v.  7  :  L'esprit  du  Sei- 
gneur a  rempli  toute  la  terre,  et  il  contient 
toutes  choses.  C'est,  dit  Brucker ,  l'âme  du 
monde  des  pythagoriciens  et  des  platoni- 
ciens. '2°  l*',n  effet,  c.  vu,  v.  2-2,  il  est  dit  que 
cet  esiiril  est  intelligent,  unique  et  cepen- 
d;(nt  multiplié,  subtil  cl  mobile qu'il  ren- 
ferme tous  les  autres  esprits,  eti-.  Ces  f.içons 
(le  parler  ne  connennenl  point  au  Sainl- 
lîsprit,  mais  à  l'àmc  du  monde,  telle  que  les 
pliilosiiphes  la  concevaient.  3'  Ibid.,  v.  17, 
l'auteur  dit  que  c'est  cet  esprit  qui  lui  a 
enseigné  la  philosophie,  et  il  représente  lo 
précis  des  connaissances  philosophiques  à 
la  manière  des  (àrecs.  k"  Il  ajoute,  v.  23, 
(juc  c'est  «n  souffle  delà  puissance  divine, 
une  liMANATioJi  de  ta  loi  du  Tout-Puissant, 
un  rayon  brillant  de  la  lumière.  Voilà  le 
dogme,  de  l'émanation  des  esprits  suivant 
le  système  de  l'ialon.  5°  C.  i,  v,  13  et  l't^,  il 
réfuie  les  philosophes  orientaux  qui  pen- 
saient que  le  mal  qui  est  dans  le  monde  \e- 
nait  de  la  nature  même  des  choses  ;  il  sou- 
tient, au  contraire,  q  ue  Z>jeM  «'a  point  créé  la 
mort,  qu'il  ne  se  plait  point  à  exterminer  les 

vivants qu'ils  n'ont  point  en  eux-mêmes 

la  cause  de  leur  perte,  et  que  le  royaume  de 
l'enfer  ou  de  la  mort  n'est  point  sur  la  terre. 
C'est  le  langage  de  Plalon  et  de  Plolin. 

Il  n'est  pas  possible  de  pousser  plus  loin 
l'abus  de  la  critique  ni  l'enlètemenl  de  sys- 
tème :  avec  un  peu  de  réllesiori  ,  Brucker 
aurait  vu  qu'il  prête  à  l'auteur  du  livre  de 
la  Sagesse  des  idées  ([u'il  n'eut  jamais,  c.  i, 
V.  'i-.  Cet  auteur  dit  (jue  la  sagesse  ,  qu'il 
nomme  indifféremment  l'Esprit  deDieucl  le 
Saint-Esprit,  n'entrera  point  dans  une  âme 
malfaisante,  et  (lu'elle  n'hahilera  point  dans 
un  corps  asservi  au  péché  ,  etc.  Les  philo- 
sophes ne  parlaient  pas  ainsi  de  l'âme  du 
monde  ;  ils  pensaient  que  celte  âme  était 
répandue  dans  tous  les  corps  vivants.  L'au- 
teur sacré  dit ,  c.  vu  ,  v.  7  ,  qu'il  a  invoqué 
Dieu,  et  que  l'Esprit  de  sagesse  est  venu  en 
lui  ;  v.  15,  que  c'est  Dieu  qui  lui  a  donné 
les  connaissadces  qu'il  possède;  v.  22  ,  que 
l'Esprit  de  sugessp  est  saint  et  ami  du  bien  ; 
V.  27  ,  qu'il  se  répand  dans  les  âmes  saintes, 
dans  les  amis  de  Dieu  ,  et  qu'il  fait  les  pro- 
phètes; c.  IX  ,  v.  ^  ,  il  le  demande  instaui- 

DlGT,  DS  ÏBEOL.  DOGUATIQUE.  IV. 


SAI 


898 


ment  à  Dieu  ;  v.  17,  il  lui  dit  :  Qui  connaîtra 
vos  desseins,  si  vous  ne  lui  donnez  la  sagesse, 
et  si  vous  ne  lui  envoyez  du  ciel  votre  Saint- 
Espritî  II  faut  élre  élrangement  prévenu 
pour  entendre  par  là  l'osprii  universel,  prin- 
cipe de  la  vie  des  corps  animés  ,  et  pour  y 
voir  le  système  des  émanations.  Voyez  et 
mot.  —  Ce  même  auteur  réfute  ceux  qui  at- 
tribuaient l'origine  du  mal  à  la  nature  des 
choses  ;  cependant,  c.  ii ,  v.  11,  17  et  suiv.; 
cap.  XII,  V.  2,  G,  8,  etc.  ,  il  représente  Dieu 
comme  un  juge  sévère,  mais  juste  et  miséri- 
cordieux, qui  punit  les  pécheurs  en  ce  monde, 
afin  de  les  amener  à  ()énitcnci',  et  qui  les 
extermine  enfin  ,  lorsqu'ils  s'endurcissent 
dans  le  crime.  Voilà  des  vérités  qoi  ne  sont 
jamais  venues  à  l'esprit  de  Plalon,  de  Plolin, 
ni  des  philosophes  orientaux,  et  des  expres- 
sions desquelles  ils  ne  se  sont  jamais  servis; 
l'auteur  du  livre  de  la  Sagesse  les  avait  donc 
puisées  ailleurs. 

SAINT,  SAINTETÉ.  Les  divers  sons  dont 
ces  deux  termes  sont  susceptibles,  et  l'abus 
que  l'on  en  a  fait  ,  nous  obligent  d'en  re- 
chercher la  signification  primitive  et  gram- 
maticale. L'hébreu  kodesch  ou  kadosch  ,  !e 
grec  âyto;,  le  latin  sanctas,  dérivé  de  sunijo, 
nous  paraissent  tous  formés  de  racines  qui 
signifient  un  lien,  ce  qui  attache  ;  de  manière 
que  saint,  dans  l'origine,  signifie  sinipleiuoiif 
lié,  attaché,  destiné,  dévoué  à  i|uel'|n'un  ou 
à  quelque  chose.  De  là  les  expressions  des 
écrivains  sacrés,  Jerem..  c.  li  ,  v.  28  :  Sm- 
ctificate  contra  eam  gentes,  faites  conjurer  les 
nations  contre  elle;  sanctificate  super  eam 
hélium,  vouez  de  lui  faire  la  guerre,  c  vi , 
v.  k;  sanctifica  eos  in  die  occisionis,  dcvouez- 
les  à  la  mort  ,  cap.  xi ,  v.  3  ;  Joil ,  cap.  ii, 
V.  14.  :  Sanclipcale  jejunium  ,  coniiregale  po- 
pulum,  sanctificate  Ecclesiam  ,  C{'léi)rez  un 
jeûne,  convoquez  le  peuple,  formez  une  as- 
semblée ,  etc.  Sancla  David,  Aci.,  c.  xiii, 
V.  3'i.,  sont  les  promesses  faites  à  Divil. 

Conséquemuient  sanctifier  une  chose  ou 
une  personne  ,  c'est  l'attacher  à  Dieu  ei  à 
son  culte.  Levit.,  c.  xi ,  v.  W  el  43  ,  le  Sei- 
gneur dit  auï  Israélites:  Je  vous  ai  séparés 
des  autres  peuples....  vous  me  serez  ait  'chrs 
et  dévoués ,  ERiTis  Mini  sancti.  Sanctifica 
mihi  omne  primngemtum ,  destinez-moi  tout 
premier-né  -.sanctum  Domino  ,  consacré  au 
Seigneur.  Dans  ce  sens,  tout  homme  qui  fait 
protession  d'adorer  le  seul  vrai  Dieu  est  un 
saint.  Comme  c'est  parmi  ces  vrais  adora- 
teurs que  se  trouvent  ordinairement  les 
hommes  les  plus  vertueux,  qui  ont  les  mœurs 
les  plus  pures,  et  qui  sont  les  plus  Oiléles  à 
^  remplir  tous  les  devoirs,  on  a  aommc saints , 
tous  ceux  qui  pratiquaient  des  vertus  hé- 
roïques ,  et  qui  paraissaient  exempts  des 
vices  de  l'humanité  ;  mais  la  profession  du 
vrai  culte  n'est  pas  toujours  accompignée 
de  celle  sainteté  de  mœurs  et  de  conduite. 

Souvent  Dieu  dit  aux  Israélites  :  Soyez 
SkiNTi,  parce  que  je  suis  saint;  la  sainteté 
ne  peut  convenir  à  Dieu  et  à  l'homme  dans 
le  même  sens.  La  sainteté  de  Dieu  est  l'aver- 
sion qu'il  a  pour  le  crime  et  pour  tout  ce 
^  qui  peut  blesser  la  pureté  de  son  culte ,  el  la 

10 


299 


SÂl 


SA! 


300 


sévérité  avec  laquelle  il  le  punit  ;  la  sainteté 
de  l'homme  est  son  exactitude  à  éviter  tout 
ce  que  Dieu  défeni,  et  à  faire  ce  qu'il  com- 
iiiaude  :  sans  cela,  il  n'est  pas  véritablement 
dévoué  au  ciiUe  de  Dieu.  Ainsi ,  lorsqu'on 
partant  d'une  loi  morale,  Dieu  dit:  Soyez 
saints,  parce  que  je  suis  suint ,  cela  signifie  : 
évilez  tel  crime  ,et  pratiquez  telle  vertu, 
parce  que  j'approuve  et  je  réconi pense  cette 
conduite,  f^oi-squ'il  est  question  d'une  loi 
purement  cérémonielle  qui  regarde  la  dé- 
cente du  culte,  la  propreté  et  la  santé  des 
particuliers,  ces  mêmes  paroles  signifient  : 
faites  telle  cérémonie,  évitez  telle  indécence 
ou  telle  négligence,  parce  que  cela  me  piaît 
ainsi,  et  qu'autrement  vous  serez  punis.  Il 
ne  s'ensuit  pas  de  là  que  Dieu  approuve  au- 
tant les  cérémonies  que  les  vertus,  et  qu'il 
punit  les  indécences  aussi  rigoureusement 
que  les  crimes. 

La  sainteté  est  donc  altribuée  à  Dieu  par 
opposition  aux  faux  dieux  du  paganisme  ; 
ceux-ci  n'étaient  rien  moins  que  des  dieux 
saints ,  puisqu'on  les  supposait  sujets  aux 
mêmes  viCcs  que  les  homi.ies  ,  el  qu'on 
croyait  les  honorer  par  des  crimes.  Elle  est 
attribuée  aux  juifs  par  opposition  aux  ido- 
lâtres, qui  coinmettaieul  des  actions  infâmes 
pour  plaire  à  leurs  dieux.  Les  Juifs  étaient 
ainsi  la  nation  sainte  ,  c'est-à-dire  attachée 
au  culte  du  vrai  Dieu  ,  et  non  à  celui  des 
idoles. 

En  confondant  mal  à  propos  tontes  ces 
choses,  les  juifs  sont  tombés  dans  plusieurs 
erreurs.  1°  Ils  ont  conelu  que  la  loi  cérémo- 
nielle était  plus  sainte  que  la  loi  morale, 
parce  qu'elle  prescrit  toutes  les  observances 
dans  le  plus  grand  détail  ;  ils  ont  cru  qu'ils 
étaient  eux-mêmes  plus  sai^nts,  plus  fidèles 
el  plus  agréables  à  Dieu  en  observant  des 
cérémonies  qu'en  faisant  ce  que  la  loi  mo- 
rale ordonne  ,  parce  que  celle-ci  est  portée 
pour  les  païens  aussi  bien  que  pour  les  juîfs. 
2°  Que  le  Messie  n'a  pas  pu  établir  une  loi 
plus  sainte  que  la  loi  de  Moïse.  3  Que  les 
patriarches  n'étaient  point  taché»  du  péché 
originel,  puisqu'ils  sont  appelés  saints  dans 
lEcriture.  4°  Que  Dieu  ne  tenait  aucun 
compte  du  culte  que  pouvaient  lui  rendre 
les  nations  étrangères,  qu'il  n'avait  pas  plus 
de  soin  d'elles  que  des  animaux,  quoique 
les  livres  saints  enseignent  formellcmeul  le 
contraire.  Yoy.  Ibfiuèles. 

Les  jours,  les  lieux,  les  personnes,  les 
cérémonies,  sont  appelés  saints,  c'esi-à-dire 
destinésà  honorerDieu  ;  dans  le  psaume  xlix, 
V.5,  les  siints  sont  les  prêtres  elles  lévites, 
parce  qu'ils  ét;iient  spécialement  occupés 
au  service  du  Seigneur.  L'iiiscriptiou  San- 
clum  Domino  ,  gravée  sur  la  lame  d'or  qui 
couvrait  le  front  du  grand  piètre  ,  le  faisait 
souvi  nir  qu'il  étuil  consacré  au  service  du 
Seigneur,  cl  elle  apprenait  au  peuple  à  res- 
pficler  sa  dignité.  I^a  .Indée  éUiit  nommée  ta 
Terre  sninle  ,  et  Jérusalem  la  Ville  sainte, 
parce  que  l'idolâtrie  eu  était  bai:nie,  et  que 
IJieu  seul  y  était  adoré  ;  mais  celle  même 
contrée  ebl  encore  appelée  à  plus  juste  titre 
la  Terre  sainte  ,  depuis  qu'elle  a  élé  consa- 


crée par  la  naissance  ,  par  les  travaux,  par 
les  miracles  ,  p^ir  le  sang  de  Jésus-Christ. 
Dieu  apparai>*sanl  à  Moïse  dans  le  buisson 
ardent,  lui  dit  :  La  terre  nù  tu  es  est  sainte 
c'e«l-à-dire  respectable  à  cause  de  ma  pré- 
sence. Saint  Pierre  appelle /a  )«on<(xywe  sainte, 
celle  sur  laquelle  élail  arrivée  la  transflgu- 
raiion  de  Jésus-Christ.  Voy.  Consécration. 

Si  Itîs  hérétiques  anciens  el  modernes,  si 
les  incrédules  leurs  copistes,  avaieni  voulu 
faire  toutes  ces  rcHesions  ,  s'ils  avaient  dai- 
gné se  souvenir  que,  dans  le  Nouveau  Tes- 
tament,  les  mots  saint  el  sainteté  ont  les 
mêmes  sens  qu'ils  aTaicnt  dans  l'Ancien  ,  ils 
auraient  t'ait  moins  de  sophisraes  et  de  re- 
proches absurdes.  Les  manichéens  areturaen- 
taieut  déjà  sur  les  vices  et  les  mauvaises 
actions  des  personnages  qui  sont  appelés 
saints  dans  l'Ancien  ïestameni.  S.  Aug^., 
1.  XXII ,  contra  Faust.  ,  c.  5.  Les  incrédules 
enchérissent  encore  aujourd'hui,  comme  si, 
pour  être  saint  ,  il  fallait  être  absolument 
exempt  de  lous  les  vices  de  l'humanité.  Ils 
devraient  sentir  qu'au  milieu  du  torrent  gé- 
néral qui  entraînait  tous  les  hommes  dans 
l'idolâtrie,  il  y  avait  beaucoup  de  mérite  à 
s'en  préserver  ,  el  qoe  Dieu  a  dû  attacher 
un  grand  prix  à  la  constance  de  ceux  qui 
persévéraient  dans  son  service  ;  lorsqu'il 
a  daigné  les  nouimer  ses  saints ,  il  n'a  pas 
voulu  donner  à  enten'lre  par  là  qu'ils  pos- 
sédaient toutes  les  vertus,  et  étaient  exempts 
de  tous  les  vices.  De  même  saint  Paul  ap- 
pelle saints  tous  les  fidèles,  parce  qu'ils  sont 
consacrés  à  Dieu  par  le  baptême  ,  et  qu'ils 
sont  appelés  à  la  sainteté  parfaite  ,  quoique 
tous  n'y  parviennent  pas.  La  communion 
des  saints  est  la  participation  mutuelle  des 
chrétiens  à  leurs  prières  et  à  leurs  bonnes 
œuvres.  Les  Pères  de  l'Eglise  se  sont  expri- 
més de  même.  Parce  qui-  saint  Augustin  a 
fait  un  livre  de  la  Prédestination  des  suints, 
quelques  Ihéologiens  ont  cru  qu'il  s'y  agis- 
sait de  la  prédesiiualion  des  élus  à  la  gloire 
éternelle  ;  mais  on  voit  évidemment ,  par  la 
lecture  de  ce  livre,  qu'il  y  est  question  de  la 
prédestination  des  fidèles  à  la  grâce  de  la  foi 
et  du  baptême.  Gelait  l'uuiiiue  sujet  de  la 
dispute  entre  saint  Auguslinet  lespélagiens. 

Dans  le  sens  rigoureux,  Jésus-Christ  est 
le  .seul  Saint  ou  le  Saint  des  saints,  parce 
que  lui  seul  a  possède  toutes  les  vertus  dans 
un  degré  héroïque,  et  a  été  exempt  de  tout 
défaut.  Ou  a  donné  néanmoins  le  titre  de 
saint  et  de  sainteté  ,  non-seulement  au  sou- 
verain pontife  ,  mais  aux  évéques  et  aux 
prêtres,  non  pour  leur  attribuer  toutes  les 
vertus ,  mais  pour  les  faire  souvenir  qu'ils 
sont  consacrés  à  Dieu  ,  et  les  prolestants  en 
ont  été  scandalisés.  On  dil  la  sainte  Bible,  le 
saint  Evangile  ,  des  lois  sahites  ,  k-s  sairtl s 
jours  ilaniiée  4(uiUe,  les  lieux  saints,  saintes 
huiles  ,  eau  sainte ,  saint-s\é^e  ,  samt  Office, 
etc.,  parce  (juc  lous  ces  objets  ont  un  rap- 
port plus  ou  moins  direct  au  culte  de  Dieu 
et  au  but  de  l.i  religion  chrétienne.  On  a 
niéme  iioumiè  guerre  sainte  la  guerre  desti- 
née à  chasser  les  infidèles  de  la  .terre  sainte. 
^ous  avons  expliqué  aiUeurs  en  quoi  coa- 


Soi 


SAI 


siste  la  sainteté  de  l'Eglise.  Voy.  EraisE,  §  2. 
A  la  véiit'é,  dans  ud  sens  plus  restreint, 
l'on  appollt;  saint  un  liuinme  qui  est  non- 
seulemcnl  irAs-attaché  au  culte  du  vrai  Dii-u, 
mais  qui  est  exempt  de  t>iul  vice  considéra- 
Me  ,  el  qui  pratique  les  vertus  ctiréiienncs 
dans  ui\  degré  héroïque;  et,  cooiioe  le  bou- 
lionr  du  ciel  est  iarécompinsecerlaine  d'une 
telle  vie  ,  nous  entendons  souvent  par  les 
saints  Ceux  qui  jouissent  du  honlieur  éter- 
nel. Lorsque  l'Kglise  est  convaincue  qu'un 
honiine  a  nicité  cette  vie  suinte  el  pure,  lors- 
que l'ieu  a  diiigné  l'attester  ainsi  par  des 
niirurios,  elle  le  place  au  nonilire  des  saints 
par  ui!  décret  de  canonisation,  elle  autorise 
les  fidèles  à  lui  rendre  un  culte  puMic.  Voyez 
CiNONiSATroN.  lîlle  ne  prétend  pas  néan- 
iiioios  allcsler  par  là  que  c'a  été  un  homme 
exempt  des  moindres  défauts  de  l'humanité, 
et  qu'il  n'a  jauiais  pcclié  :  la  laihlessc  hu- 
ntaiiia  ne  comporte  point  celte  petfetlion. 

On  ne  doit  pas  être  étonne  de  ce  que  les 
compilateurs  des  act<s  des  saints  les  ont 
comptés  par  milliers;  depuis  dis-sepl  cents 
ans  ijuc  le  christianisme  est  fimdé,  lu  sainte 
Eglise  u'ajauiais  cessé  de  conduire  un  ^raud 
nombre  de  ses  enfants  à  la  vraie  sainteté,  et 
sans  cela  nous  ne  pourrions  pas  concevoir 
eu  quel  sens  saint  Paul  a  dit,  Ejihes.,  c.  v, 
V.  25  :  Jésus-Christ  a  aimé  son  Eçilise,  et  il 
s'est  livré  pour  elle  ,  afin  de  la  sancli/ier  ,  de 
la  rendre  glorieuse  .  sans  lâche  et  sans  ride. 
Nous  pensons  cepeiidaul  que  les  saints  con- 
nus et  honorés  eor.ime  tels  ne  sont  pas  le 
plus  tîrand  nombre  des  bienheureux  ,  que 
leur  multitude  immense  est  principaleiiKMit 
formée  des  fidèles  qui  se  soûl  sanctifiés  dans 
une  vie  obscure,  dont  les  vertus  ont  été  igno- 
rées ou  méconnues,  ou  qui,  après  avoir  é!é 
sujets  à  des  faiblesses  pendaut  leur  vie,  ont 
eu  le  bonheur  do  se  purifier  par  la  pénitence 
avant  la  mort. 

Mais  l'Eglise  ne  peut  reconnaîire  pour 
saints  des  hommes  qui  ont  eu  peut-être  de 
graudes  vertus,  mais  qui  sont  morts  dans  le 
schisme  ,  dius  l'hérésie  ,  dans  une  révolte 
Opiniâtre  contre  l'autorilé  de  celte  sainte 
mère.  Ce  crime  seul  suffit  pour  faire  perdre 
à  un  homme  le  mérite  de  toutes  ses  vertus. 
Kous  avons  appris  de  Jesus-Clirisl  lui-même 
que  si  quelqu'un  n'écoute  pas  l'Ëglise,  il 
doit  éire  regardé  comme  un  pa'i'en  et  un  pu- 
blicain.  Matlii.,  c.  xvi;i ,  v.  17. 

Les  incrédules  ont  vomi  des  torrents  de 
bile  non-seulement  contre  les  s  a'n/s  <le  l'An- 
cien Testament,  mais  contre  ceus  du  Nou- 
veau ;  ils  eu  ont  contesté  toutes  les  vertus, 
et  lors  même  que  les  actions  de  ces  person- 
nages respectatJles  ont  paru  inépréiiensibles, 
leurs  censures  en  oui  noirci  les  motifs  el  les 
intentions.  Si  on  veut  les  éci-uler,  les  pro- 
phètes de  l'Ancien  Testament  ont  été  des 
fourbes  amliitieux  qui  ont  conduit  leur  na- 
tion à  sa  ruine  ;  les  prétendus  saints  Avx  chris- 
tianisme o:U  été  des  fourbes  ignorants;  les 
uiartyrs,  dco  iiooimes  séduits;  les  anacho- 
rètes et  les  moines ,  des  atrabilaires  cruels 
à  eux-mêmes  ;  les  docieurs  de  l'Ej^iise  ,  des 
querelleurs  séditieux  et  perturbateurs  de  la 


SAI  505 

société.  Dès  que  ces  derniers  se  sont  sentis 
apiiujes  par  les  cmpi-reurs  ,  ils  n'ont  plus 
montre  qu'orgueil,  opini.îtreté  ,  vengeance, 
intrigue,  ambition,  rapacité.  Les  papes  et 
les  évêques  n'ont  irav  iille  qu'à  se  donnée 
un  pouvoir  temporel  et  à  r-ingiiienter  sans 
cess.'  ;  les  missioniiaires  él.iionl  d(\s  esprits 
inquiets,  poussés  par  ie  désir  de  dominer 
sur  des  peuples  ignorauls  el  sédoils.  Malheu- 
reuseuient,  en  invectivant  ainsi  contre  les 
saints  du  christianisme,  les  incrédules  n'ont 
fait  que  copier  les  proleslanls;  ce  n'est  pas 
sans  raison  qu.'  Bayie  a  reproché  à  ces  der 
niers  de  n'avoir  respecté  dans  leurs  libelles 
diffamatoires  ni  les  vivants  ni  les  morts;  el 
celle  malignité  subsiste  encore  parmi  eux. 
Mosheim  ,  dans  son  Histoire  ecclésiast.,  y 
siècle,  ir  part.  ,  c.  2,  §  2  ,  dit  que  la  multi- 
tude des  saints  ne  dut  ce  litre  qu'à  l'igno- 
rance du  temps;  que,  dans  ce  siècle  do 
ténèbres  et  de  corruption  ,  l'on  regardait 
comme  des  hommes  extraordinaires  ceux 
qui  se  distinguaient  par  leurs  lalec>!s,  par 
leur  douceur  ,  leur  modéiation,  l'ascendant 
qu'ils  avaient  sur  leurs  prissions.  Il  donne 
encore  une  plus  mauvaise  opinion  de  ceux 
qui  ont  vécu  dans  les  siècles  suivants. 

Aux  mots  EvÈQUE,  Martvr,  AlissroNs,  Moi- 
nes, Pape,  Pasteurs  ,  PAres  de  l'Eglise, 
nous  avons  fait  voir  l'injusiice  de  ces  accu- 
sations générales,  et  sous  le  nom  de  chacun 
des  principaux  personnage?  .  nous  avons 
répondu  aux  reproches  particuliers  qu'on 
leur  a  faits.  Nous  nous  bornons  ici  à  remar- 
quer que  c'est  la  licence  effrénée  des  pro- 
testants à  calomnier  les  saints  ,  qui  a  servi 
de  modèle  aux  incrédules  pour  noircir  de 
même  Jésus-Christ  et  les  apôtres  ;  qu'en 
suivant  leur  méthode,  il  n'y  a  dans  l'histoire 
aucun  homme  si  vertueux  que  l'on  ne  puisse 
le  peindre  comme  un  scélérat  ;  qu'après 
avoir  aiusi  traité  ceux  auxquels  les  peuples 
ont  cru  devoir  rendre  un  culte  ,  il  a  fallu 
n'avoir  plus  de  honte  pour  nous  représenler 
les  fondateurs  de  la  réforme  comme  de 
grands  hommes. 

Mosheim  en  particulier  démontre  sa  pro- 
pre injusiice.  Les  saints  qui  onl  fini  l<'ur 
carrière  dans  le  v"  siècle  ,  l'avaient  com- 
mencée dans  le  iv,  siècle  de  lumière  el  de 
vertu,  s'il  en  lût  jamais.  Dans  l'âge  suivant, 
a|)rès  l'arrivée  des  barbares  ,  tcn.ps  d'igno- 
rance, de  brigandage  ,  de  désordres  et  de 
maux  de  toute  espèce,  n'était-ce  pas  un  très- 
giand  mérite  de  se  distinguer  par  le>  talents, 
par  la  douceur  des  mœurs  ,  par  la  modéra- 
tion ,  par  l'ascendant  sur  les  passions?  Si 
cela  ne  suffit  pas  pour  mériter  le  nom  de 
saint,  que  faul-il  de  plus  ?  On  nous  dit  qu'un 
humutc  ne  peut  être  saint  qu'autant  (|u'il 
est  utile  ,  soit  :  il  n'est  rien  do  pics  utile  et 
de  plus  nécessaire  dans  tous  les  temps  que 
do  montrer  aux  hommes  des  modèles  de 
vertu,  sans  cela  ils  la  croiraient  impossible. 
On  ajoute  que  l'Eglise  a  canonise,  malgré 
leurs  vices,  des  princes  qui  lui  onl  fait  du 
bien,  comm.e  Chailemagne,  Lewigilde,  etc., 
et  même  des  moiues  qui  l'ont  enrichie  par 
des  usurpations  :  tout  cela  est   faux  ;   les 


?,>3 


SAl 


SAI 


501 


deux  piincfs  dont  on  parle  n'ont  été  cano- 
nisés par  aucun  décret  de  l'Eglise  ;  niais  si 
elle  avait  voulu  le  faire,  elle  se  siérait  assu- 
rée par  de  bonnes  preuves  qu'ils  avaient 
expie  leurs  vices  par  la  pénitence.  Ce  sont 
les  peuples  qui  ,  par  reconnaissance  envers 
ces  princes  dans  lesquels  ils  avaient  vu 
briller  de  grandes  vertus,  se  sont  délenninés 
à  leur  rendre  un  culte  :  comment  les  en  au- 
rait-on empêchés  ?  C'est  une  injustice  d'appe- 
ler u«urpafîons  les  bienfaits  dont  on  a  com- 
blé les  moines  dans  un  temps  auquel  ils  ren- 
daient les  plus  grands  services.  Vot/.  Moine. 

Les  païens  ont  divinisé  leurs  héros,  les 
inventeurs  des  arts ,  les  législateurs ,  les 
fondateurs  de  secte,  les  devins  ou  les  magi- 
ciens célèbres ,  les  guerriers  ,  etc.  Quelle 
utilité  pouvail-il  en  revenir  à  la  société? 
Tous  les  hommes  ne  sont  pas  faits  pour  être 
héros,  et  la  plupart  de  ceux  de  l'anliquilé 
ont  été  très- vicieux.  L'Kglise  chrétienne 
canonise  les  vertus  communes  ,  qui  con- 
viennent à  tous  les  hommes,  et  que  tous 
sont  obligés  de  pratiquer,  parce  que  ce  culte 
est  capable  de  les  j'  encourager. 

Mais  c'est  justement  par  haine  contre  ce 
culte  que  les  protestants  se  sont  attachés  à 
en  déprimer  les  objets.  Un  des  principaux 
moyens  qu'ils  ont  fait  valoir  pour  autoriser 
leur  séparation  d'avec  l'Eglise  romaine,  a 
été  le  culte  religieux  qu'elle  rend  aux  saints; 
ils  ont  soutenu  que  tout  culte  relij^ieux 
rendu  à  d'autres  êtres  qu'à  Dieu  est  une 
injure  faite  à  l'Etre  suprême,  une  supersti- 
tion, une  idolâtrie;  ils  ont  forgé  des  faits, 
des  calomnies,  de  fausses  intei  prélalions  de 
l'Ecriture  ,  des  sophisnies  de  toute  espèce 
pour  le  prouver,  et  ils  les  répètent  encore. 
Au  mot  Culte,  §  1,  nous  avons  réfuté  direc- 
tement leur  principe  et  ses  conséquences, 
par  l'Eciitura  sainte  même;  nous  avons  fait 
voir  la  différence  essentielle  qu'il  y  a  entre 
lu  culte  suprême  n-ndu  à  Dieu  ,  et  le  culte 
inférieur  ou  subordonné  que  nous  rendons 
aux  saints;  nous  avons  répondu  aux  re- 
proches et  aux  fausses  allégations  de  nos 
adversaires.  Au  mot  Ange  et  au  mot  Martyr, 
§  6,  on  trouvera  encore  à  peu  près  les  mêmes 
réflexions,  il  serait  inutile  de  les  répéter.  Pour 
aihevcr  d'éclaircir  celle  question,  il  faut  en- 
core prouver,  1*  que  les  saints  intercèdent  ou 
prient  pour  nous  dans  le  ciel  :  2"  qu'il  est 
très-permis  de  les  invoquer,  par  conséquent 
de  leur  rendre  un  culte  religieux  (1). 

I.    De    l'intercussion     des    saints.     Celle 

i)  Voici  l'cxposiiinn  de  la  foi  cnilM)li{|iie  sur  ces 
deux  points,  telle  qu'elle  nous  a  été  louiiiie  parVé- 
rou  ;  t  ^olre  profession  de  loi  porte  ;  Je  liens  coiis- 
tamiiieni  que  les  saints  qui  règneiii  ensemble  avec 
Jésus-Olnisi  sont  à  invoipier.  l'aroles  extiaiios  du 
concile  tle  Trente,  sess.  23,  qui  enseigne  de  même, 
et  s'explique  en  ces  leniies  :  !i  est  bon  cl  mile  d'in- 
voquer les  saints  et  avoir  recours  à  leurs  oraisons  , 
ailles  et  secours,  pour  obtenir  do  Dieu  divers  bieu- 
fails  par  son  t'ils  Jésus-Clirist,  qui  seul  est  noir»;  Kc- 
demptcur  et  Sauveur.  Voilà  ce  qui  est  article  de  foi, 
car  rKglise  universelle  nous  le  propose  à  croire. 

I  1.  Mais,  bien  qu'il  soit  très-certain  que  les  saints 
canonisés  que  nous  invoquons  soient  saints   "uisque 


croyance  est  fondée  sur  l'Ecriture  sainte, 
sur  le  témoignage  des  Pères,  sur  l'usage  de 
l'Eglise  :  Ics-juiis  l'ont  eue  aussi  bien  que 

l'Eslise,  assistée  du  Saint-Esprit,  après  une  diligente 
reclierciiede  leur  vie  et  des  miracles  faits  diirani  et 
après  elle,  nous  les  propose  tels,  néanmoins  la  règle 
par  nous  proposée  des  articles  de  foi  citbolique,  ila 
laquelle  nous  parlons,  démontre  que  ce  n'est  pas  uri 
ar'.icle  de  loi  que  les  sainis  canonisés,  sainl  Fran- 
çois, ou  autres,  saint  Basile,  Cliiysoslonie ,  etc., 
soient  saints,  ni  même  que  les  apôlres  André,  Tho- 
mas, Pliilippe,  ou  autres,  le  soient.  Car  il  u'esi  de  loi 
quece  que  I>ieu  a  révéléaux  prophètes  et  aux  apôlres, 
proposé  par  toute  l'Eglise.  Or,  Dic'i  n'a  pas  révélé  à  ses 
prophètes  ou  apôtres,  par  exemple,  que  saint  Fran- 
çois ait  vécu  saintement,  ni  ail  l'ait  des  miracles,  ni 
qu'il  soil  au  ciel,  et  ni  même  qu'il  ait  clé  jamais  au 
monde.  Ce  n'est  donc  pas  article  de  foi  caih6lif|ue. 
J'ajoute  que  ce  sont  questions  de  fait,  et  dépendant 
des  inl'ormalions  qui  se  font  avant  la  canonisation, 
ce  qui  est  bien  éloigné  d'être  révélation  faite 
aux  prophètes  et  apôtres,  et  sur  ces  inlurmations 
même  rEi;lise  peut  avoir  de  faux  rapports ,  et  errer 
comme  j'ai  dit  ci-dessus,  en  nos  règles  générales  , 
nombre  1  >,  page  32,  après  liellarmin  même  et  tous 
nos  docteurs.  J'ajoute  que  ces  canonisations  ne  se 
font  que  par  le  pape,  et  que  l'Eglise  universelle  as- 
semblée au  concile  de  Trente,  ou  en  quelque  autre 
général,  n'a  jamais  proposé  à  tous  ses  lidèles  que 
saint  François  ail  vécu  saintement  et  soit  saint  au 
ciel.  La  chose  donc  est  tiès-ceriaine,  comme  ap- 
puyée sur  de  très-solides  fondeinents,  et  serait  jus- 
tement repris  qui  dirait  le  contraire;  mais  aussi  ims 
principL^s  démunirent  que  ce  n'est  point  article  de 
lui. 

I  II.  C'est  chose  Irès-considérable  que  le  concile 
de  Trente,  l'un  des  plus  doctes  qui  se  soient  jamais 
tenus  en  l'Eglise,  et  où  se  sont  trouvés  en  très- 
grand  nombre  de  irés-excellenis  ihéolo^ieiis,  même 
en  scolasiique,  nous  proposant  si  clairement  qu'il 
est  bon  et  uiile  d'invoquer  humblement  les  saints, 
et  d'avoir  notre  recours  à  leurs  prières,  ne  nous 
propose  poinl  à  croire  qu'ils  entendent  nos  prières. 
Si  If  concile  eut  entendu  que  ce  fiU  article  de  Coi, 
pourquoi  ne  l'eûi-il  pas  enseigné,  comme  il  a  défini 
qu'il  est  bon  el  utile  de  les  itivoquer?  Il  se  taii  là- 
dessus,  se  cuiitenlant  de  définir  l'invocation  (a). 
Ih'ous  pouvons  donc  nous  en  taire  quand  nous  solli- 
citons nos  frères  séparés  à  leur  retour  à  l'Eglise. 
Mais  de  plus,  celui  qui  d'après  cela  el  d'après  nos 
règles  de  la  foi  dira  :  Ni  la  révélation  divine  ne  l'en- 
seigne en  termes  exprès,  ni  l'Eglise  ou  le  concile  de 
Trente,  ni  mitre  profession  de  foi  ne  le  propose  à 
croire,  ce  n'est  donc  pas  juiqn'à  ce  jour  un  article  « 
de  loi;  celui-là  tirera  de  ces  prémisses  une  induction  9 
piiissaule  et  Iréa-l'orie,  et  fa  réticence  d'un  tel  cou-  • 
cile,  el  en  telle  occasion,  est  uit  suffisant  appui  pour 
dire  que  l'audition  de  nos  prières  par  les  sainis  n'est 
pas  un  article  de  croyance.  Elle  suit  fort  bien  de 
l'invocation  que' l'Eglise  a  crue  de  toui  temps,  et 
spécialement  à  lalaçouque  le  concile  nousda  propose 
des  saints  régnains  avec  Jésus-Christ,  el  ((ui  voient 
Dieu  face  à  lace,  cuinme  j'expliquerai  ci-après.  L\lais 
Connue  plusieurs  de  nos  ilocieurs  tiennent,  ainsi  que 
j'ai  rapporte  ci-dessus,  page  19,  n.  3,  que  ce  qui 
suit  de  l'Ecriture  n'est  pas  ariicle  de  foi,  pour  n'être 
pas  révélé  de  Dieu  expressément,  el  partant  n'est 
pas  article  de  lot  calholiijue,  c'esi-à-dire  à  laquelle 
tous  soient  obligés  de  sousirne  sous  peine  d'béré- 
sie  ;  aussi  ce  qui  suit  de  ce  que  l'Eglise  propose  à 
croire  n'est  pas  proposé  expressément  par  l'Eglise 
à  croire,  el  partant  n'est  pas  article  de  foi  catlioli- 

(a)  Dans  sa  mission  de  Sainlonge,  Fénelon  suspenlit 
l'usage  de  VAve,  Maria,  ii  la  lin  de  ses  sermons, et  môme 
celui  de  l'iuvocaiion  des  saints  dans  les  prières  puLitiques. 


303  SAI 

les  chrétiens.  Jerem.,  c.  xv,  1  et  5,  Dieu  dit 
à  ce  prophète  :  Quand  Mo'ise  et  Samuel  se 
présenteraient  devant  moi,  je  ne  puis  souffrir 

que.  lîellarmiii  tnéme,  iniii.  I,  conirovtTse  7,  liv.  i, 
cliap.  20  :  Celle  cnnséinn'iife  csl  bonne,  dil-il  ;  les 
s;iinls  sonl  à  lion  ilroil  invoiiiiés  ;  donc  ils  saviml  to 
que  nous  (lem.inJons,  el  ne  sonl  pus  invoi|iiés  en 
vain,  encore  qu'on  acconlàt  qu'ils  n'enlenilenl  pas 
el  ne  connaissent  pas' nos  pncies,  car  qn.lque  aulie 
lienl  en  cela  teur  place.  Coniine  non  en  vain  ne  pré- 
seiile  pas  sa  reiiuêle  au  roi,  qui  sait  ccriaineineni 
que  le  roi  ne  la  lira  pas  (  comme  on  le  sait  niainlc- 
iiaiil  duranl  la  ininorilé  ilu  roi,  el  loulefois  loiiles 
les  rei|uêies  lui  sont  adressées  :  qui  oserait  blâmer 
celle  pratique  ou  s'en  moquer  '.')  ,  mais  quelque  au- 
tre (lu  conseil,  et  qu'il  obtiendra  lowlclois  ce  qu'il 
demande,  lout  de  même  comme  si  le  roi  eût  lu  sa 
re.|uéle.  Ceriainemenl  saint  Auguslin,  en  son  livre 
du  Soin  pour  les  morts,  <b.  10,  dit  en  doutant  : 
Celle  question  passe  les  lorces  de  mtm  esprit,  coin 
nient  les  martyrs  seoouieiit  ceux  qu'ils  aident  Irés- 
ceitaineinent;  s'ils  sont  présents  par  eux-mêmes  au 
même  temps,  en  lani  de  dlvirs  lieux  où  on  les  res- 
seni  présents,  ou  si  étant  retirés  de  toute  cimversa- 
tion  de»  bommcs  en  quelque  lieu  proportionné  ;  à 
louis  iiiéiiles,  el  tontelois  priant  généraleiiienl  pour 
les  besoins  de  ceux  i|ui  les  supplient,  comme  nous 
prions  pour  les  morts,  auxquels  nous  ne  sommes  pas 
présents  en  cIVet,  el  ne  savons  pas  où  ils  sont  ni  ce 
qu'ils  font;  Dieu  loul-puissanl,  qui  est  parloul  prc- 
seiit,  exaiiçani  les  prières  des  martyrs,  donne,  par 
le  ministère  des  anges,  aux  bomiiies  des  soulage- 
iiienis,  et  rend  recummandables  les  mérites  des 
mariyrs,  où  il  veut,  et  quand  il  veut,  coinnie  il  veut  ; 
cela  est  trop  baul  cl  trop  caclié,  je  n'ose  le  délinir. 

I  Mais,  ajoute  fort  bien  le  même  Bellariuiii,  en- 
core qu'on  puisse  douter  par  quelle  fiiçun  les  saiiils 
connaissent  les  tboscs  abscnies  ■;l  nos  prières  ,  tou- 
tefois il  est  certain  qu'ils  les  connaissent;  attendu 
qu'ils  veillent  sur  nous  et  ont  soin  de  nos  affaires.  Il 
appartient  aussi  à  leur  béatitude  parfaite  de  savoir 
les  clioses  qui  les  regardent,  cl  principaleineiil  qui 
sont- à  leur  tioniieur  et  gloire. 

I  11  faudra  donc  dénier  h  l'Iiumanilé  de  Jésus- 
Christ  au  ciel,  et  demander  si  elle  entend  jusqu'à 
nos  paroles,  si  elle  a  les  yiix  si  perçants  qu'ils 
piiisseni  considérer  nos  lucessités,  comme  Cilvin  le 
demande  dessaiiils,  liisl.,  liv.  5,  cb.20,  §  2 i. Comme 
celle  sainte  àiiiL- de  Jésus  Cliiisl  entend  nos  prières 
au  ciel,  aussi  les  i  ntendent  bs  saints  ;  savoir,  voyant 
la  Divinitr  lace  à  face,  en  laquelle  sont  toutes  cho- 
ses :  puisque»  cet  héritage  éternel,  dit  saint  Gré- 
goire p.ipe,  Dial.,  liv.  4,  ch,  53,  tous  d'une  cnm 
iiiune  clarté  voyant  Dieu,  qui  est-ce  qu'ils  ignorent 
là  où  ils  savent  celui  qui  sait  toutes  ciioses?  Moyen 
lacile  pour  concevoir  coimneni  l'àme  do  Jésus-tihiist 
et  celles  des  saints  voient  et  connaissenl  en  Dieu  nos 
pi  iéies.  l'oiir  ce  que  saint  Augustin  et  plu^ieurs  au- 
tre» ont  douté,  ou  peut-èlrc  estimé,  au  rapport  de 
Vasquez,  l,2,disp.  l;>,ch.  3,  que  les  âmes  sullisam- 
ment  purinées,  et  des  saints,  n'étaient  pas  aussiiol 
nçues  en  la  béatitude,  mais  qu'elles  éiatent  jusqu'au 
joui  du  jugement  renlermées  en  (luelque  lieu  ,  telle- 
nienl  que  cependant  elles  ne  vissent  Dieu,  ni  ne  lus- 
sent bienheureuses,  el  il  n'est  pas  éloiinaut  s'il  a 
douié  que  les  saints  trépassés  entendissent  nos  priè- 
res. Mais  l'Lglise,  au  concile  de  l'iorence,  ayaiil 
enseigné  en  sa  dériiiition  ipie  les  âmes  des  dé- 
funts purifiées  de  loui  péclié  sonl  aussitôt  re- 
Çi^ies  au  ciel,  et  voient  ciaiivuienl  Dieu  C'imme  il  csl 
en  soi  ;  cela  posé,  qui  csl  qu'il  se  véiilie  d'elles  dés 
ni;iin:en:int  ce  ipii  est  dit  en  sainl  Mattueu,  x\li, 
36,  ils  siinl  ciminie  les  ai^i^s  de  Uieii  au  ciel,  cette 
audiliiin  di'  Il  s  prières  est  ciaire  eu  l'fCci  ilure  saune, 
car  ri  est  dit  en  saint  Maiiliieu,  xvni.  10  .  Ne  mé- 
prisez pas  un  de  ces  pciiis;  car  je  vous  dis  qu'aux 


SAI 


366 


ce  peuple  ;  qu'on  le  cliasfe  de  ma  présence  e  ! 

qu'il  s'éloi(ine Qui  aura  pitié  de    toi 

Jérusalem?  qui  s'af/Ugera  paur  toi, qui  prière, 
pour  te  procurer  la  paix?  Dieu  donnail  îliiisi 
à  onloiidre  que  Moïse  el  Samuel,  morts  de- 
puis limgicinps,  auraient  pu  intercéder  au- 
près de  lui  pour  les  Juifs.  Ceuv-ci,  captifs 
à  lialiyhMie,  disent  à  Uieii  :  Seigneur,  vous 
éles  notre  l'ère  ,  Abrahum  ne  nous  connaît 
plus,  et  Jacob  nous  a  oubliés;  voui  êtes  seid 
notre  Père  el  notre  Bèdempleur  (Isai.,  i.xiii, 
16).  Ces  paroles  seraient  absurdes ,  si  les 
Juifs  n'avaient  jamais  cru  qu'Abraham 
et  Jacol)  pouvaient  les  proléger  auprès  de 
Dieu.  //.  Mac!),  xv,  12  cl  ik ,  Judas  Macha- 
hée  vit  en  son^e  le  grand  prêtre  Onias,  mort, 
qui  priait  pour  sa  nation,  el  qui,  lui  mon- 
trant le  propiièle  Jérémio,  lui  dit  :  Voilà  ce- 
lui qui  aime  toujours  ses  frères  et  le  peuple 
d'Israël,  et  qui  prie  beaucoup  pour  eux  et 
pour  la  ville  sainte.  C'est  une  des  raisons 
pour  lesquelles  les  Juifs  ne  regardent  point 
les  livres  des  Machabées  comme  inspirés,  et 
les  prolestaols  suivent  leur  exemple.  — 
Jésus-Christ,  dans  l'Evaniiile,  Luc,  c  xvi, 
9,  nous  dit  :  Faites-vous  des  amis  avec  les 
richesses  périssables ,  afin  que,  quand  vous 
manquerez,  ils  vous  reçoivent  dans  le  séjour 
élern'l.  Commenl  des  amis  peuvent-iU  nous 
servir  d.ins  le  séjour  éternel,  sinon  par  leur 
intercession?  ytid.,  v.  27,  le  Sauveur  peint 
un  réjirouvé,  qui,  au  milieu  des  tourments 
de  l'enfer,  s'intéresse  au  salut  de  ses  frères, 
et  demande  qu'un  mort  aille  les  avertir.  Il 
est  A  présumer  que  les  saints  dans  le  ciel 
ont  pour  le  moins  autant  de  charité  pour 
les  vivants  que  pour  les  datnnés.  N-otis  avons 
prouve  ailleurs  que  les  anges  prient  pour 
nous  cl  avec  nous,  et  qu'ils  présentent  nos 
prières  à  Dieu;  donc  il  en  est  do  même  des 
saints.  —  Les  Pères  de  l'Eglise,  immédiate- 
ment après  les  apôtres,  ont  conflrmé  cette 

cietix  leurs  anges  voient  toujours  la  face  de  mon 
Père  qui  est  dans  les  cieux  ;  el  Luc,  xv,  7  :  Il  y  aura 
joie  au  ciel  pour  un  seul  pécheur  faisant  pénitence. 
Les  saints  eniendent  donc  nos  prières,  comme  les 
anges  voiciiÈ  le  mépris  d'un  de  ces  petits,  et  comme 
on  voit  au  ciel  le  repentir 'd'un  pécheur.  Qu'y  a-t-il 
de  plus  clair?  Mais  aussi  cesse  toute  difliculté  que 
l'esprii  humain  coiinaii,  comme  ils  eniendent  cl  con- 
naissent. Car  en  la  face  de  Dieu  lout  se  connait  ai- 
sément, comme  j'ai  rapporté  de  saint  Crégoire.  Ainsi 
que  l'àme  de  Jésus-Christ  y  contemple  tout  ce  qui 
le  regarde,  c'est-à-dire  louies  clioses  :  pareillement 
les  saillis  ce  qui  les  regard",  coinme  sont  les  prières 
qui  leur  sonl  adressées.  Quelle  dilliciillé  en  cela, 
supposant  que  les  âmes  des  justes  soient  au  ciel  et 
y  Voient  Dieu  face  à  face'/  Ajouirz,  eu  conlirmation 
de  celle  vérité  que  les  sainis  eut  nient  no»  prières, 
plusieurs  léinoignages  des  saint»  Pères,  que  nous 
rapporterons  en  ce  lieu,  et  le  eonseiiiemeni  com- 
mun des  catholiques,  spéiialeinent  depuis  ladite  dé- 
finilion.  Je  n'ajoule  pas  que  ie:ic  conséquence,  il 
les  faut  invoquer,  dune  ils  oiiiiMident  nos  prières» 
soit  f  Ole;  car  saint  Augus'iu  el  tous  les  l'éres  ont 
tenu  l'invocation;  et  toutefois  le  même  saint  doc- 
teur a  douté  de  celle  aiidinoii,  c  inuie  j'ai  dit.  Mais 
elle  est  bonne,  su|iposaiit  qu'ils  voient  Dieu  ,  n'y 
avant  puini  ded  Iliciilté  en  cette  cuteiile,  voyantDieu. 
C'est  donc  maïuienaiit  une  bonne  suite  de  l'invoca- 
tion, c'est  en  ce  sens  que  'C  l'ai  marquée  ci-dessiis. 


S'!7 


SAI 


SÂl 


508 


croyance.  Snint  Ignace,  près  de  souffrir  le 
ir.art.vro,  écrit  aas.  Epiiésiens,  ii'  S:  Je  serai 
une   vicHme   de   piirificalion  pour   vous,  et 
d'expiation    poisr  1  figlise  d'Kpiièse,  céU'-bre 
dans  tous  les  siècles.  »  Daillé   avait  cherché 
à  obscurcir   le   sens  de  ce  passage,  il   a  Cté 
réfuté  par  Pearson,  Vindic.  Ignat.  tî*  part  , 
c.  15.  Un  martyr   peut-il  être  victime  de  ;iu- 
rificîition    et  d'txpiation    pour   les    fiilèlo!;, 
autrement   que  par  l'iiilercession  ?  —  Hf^gé- 
sippe,  mo-l  sur  la  fin  du  ii'  siècle,  pr;riant 
des    parents    de    .lésus-Chrisl    qui    avaient 
souffert  h;  martyre,   dit,   sinvant  le  témoi- 
gnage d'Rusèbe,  1.  m,  c  32  :  «  Us  sont  pré- 
sents  et   présiilent   à    l'Eglise   universelle, 
comme    n.arlyrs   et  parents   du   Sauveur.  » 
Hégésippe  les  comnare  donc  n  l'évèque  qui 
préside   à   l'assinihlée  des  fidèles,    qui   prie 
p.>ur  eux.  et  offre  leurs  prières  à  Dieu.  — 
Saint  Irénce,  qui  a  écrit  vers  le  même  temps, 
cite  un  prêtre  plus  ancien  que  lui,  qui  par 
conséquent  avait  pu  voir  et  entendre  l'apôtre 
saint  Jean,  et  qui  disait  que  les  patriarches 
et  les  prophètes  de  l'Ancien  Testriment,  par- 
donnés  et  sauvés  par  Jésus-Christ,  se  f  ïmI 
gloire  et    rendent   grâces    à   Dieu   de  nttre 
salut,  Adv.  hœr.,  1.  iv,  c.  31.  S'ils  en  renient 
grâces,  ils  prient  donc  aussi  pour  cet  objet. 
Saint  Irénée  lui-même,  1.  v,  c.  19,   dit  quo 
Marie  a  été  l'avccaie  d'Eve.  Les  proleslants 
ont  chicané  beoucoup  sur  ce  terme  à'nvocate; 
l'éditeur  de  saint  Irénée  a  réfuté  leurs  fausses 
subtilités.  —  Origène,  1.  de  Orut.,  iium.  11, 
s'exprime  ainsi  :  «  Le  pontife   n'est   pas  le 
seul  qui  se  joint  à  ceux  qui  prient,  mais  les 
anges  et  les   âmes   des   saints  morts  prient 
aussi  avec  eux.  »  Il  le  prouve  par  le  passage 
du  livre  des  Machabées  que  nous  avons  cité; 
il  le  répète,  in  Cant.,  I.  ih,  p.  'ïo,  et  t.  Xlll, 
in  Joan.,  n.   ï>k.  Dans  sou  Exhorlalion  au 
Martyre,  n.  .SO,  il  dit:  «  Les  âmes    de   ceux: 
qui  ont   été  mis  à  mort  pour  rendre  témoi- 
gnage à  Jésus-Christ  ne  se  présentent   pas 
inutilement  à  l'autel    céleste,  mais  elles  ob- 
tiennent la  rémission  des  péchés  à  ceux  qui 
prient,  n.  37  et  30.  En  haïssant  voire  épouse, 
vos  enfants  et  vos  frères,  dans  la  sens  que 
Jésus-Christ  l'ordonne,  vous  recevrez  le  pou- 
voir de  leur  faire  du  bien,  en  devenant  l'ami 

de  Dieu Ainsi ,  après  votre  départ  do 

ce  monde,  ils  recevront  de  vous  plus  de  se- 
cours q;!e  si  vous  aviez  demeuré  avec  eus. 
Vous  saurez  mieux  alors  comment  il  faut  les 
aimer,  et  vous  prierez  pour  eux  plus  sa-^e- 
ment,  lorsque  vous  saurez  qu'ils  soi)t  non- 
seulement  vos  enfants  ,  mais  encore  vos 
imitateurs  ,  »  n.  50.  Le  sang  des  martyrs, 
comme  celui  d'Abel,  élève  la  voix  de  la  terre 
au  ciel;  peut-être  que,  comme  nou.'i  avons 
été  achetés  par  le  sang  de  Jésus-CiirisI,  .... 
quelques-uns  seront  aussi  achetés  par  le 
sang  des  martyrs.  Mais  Hom.  -Ik,  in  Num., 
n.  1,  il  avertit  que  le  sang  des  martyrs  em- 
prunte tout  son  [nérile  du  sang  de  Jésus- 
Christ,  et  il  pense  comme  saint  faul,  Hebr., 
c.  XII,  v.  2'+,  que  le  sang  de  Jésus-Christ  a 
iinc  voix  plus  puissante  que  celui  d'Àbel. 
Il  n'y  a  donc  aucun  reproche  à  faire  à  ce 
Père.  Dans  sun  ouvrage  contre  Celse,  1.  viii, 


n.  6'i,  il  dit  :  «  Dès  que  nous  sommes 
agréables  à  Dieu,  nous  sommes  assurés  de 
la  iiienveillanro  des  ai^ges  ses  amis,  des  âmes 
et  des  esprits  bierilieureux  ;  ils  connaissent 
ceux  qui  sont  dignes  de  l'amitié  de  Dieu,  ils 
aident  ceux  qui  veulent  l'honorer,  ils  le  leur 
rendent  propice;  ils  joignent  leurs  prières  aux 
nôtres,  et  ils  prient  avec  nous.  »  -Saint  Cy- 
prien  écrit  à  un  confesseur  de  Jésus-Christ , 
Episl.  37,  adCoind.  :  «  Si  l'un  de  nous,  par 
lu  grâce  de  Dieu,  sort  le  premier  de  ce 
monde,  que  notre  charité  dure  toujours  au- 
près du  Seigneur,  et  <iue  nos  prières  ne 
cessent  point  .inprès  de  sa  miséricorde  pour 
nos  frères  et  sneiirs.»  Dans  son  livre  (/e /l/or- 
t(diialp,  à  la  fin,  il  dit  qu'un  grand  nombre 
de  nos  parents  ef  de  nos  amis  no;is  désirent 
dai'S  le  ciel,  déjà  sûrs  de  leur  bonheur,  et 
qu'ils  s'intéressent  à  notre  salut. 

Aussi  les  mieux  instruits  d'entre  les  pro- 
testants conviennent  que  les  Pères  du  iv° 
siècle  ont  cru  l'intercession  des  saints,  et 
nos  controversisles  l'ont  prouvé;  mais  nous 
venons  de  faire  voir  aussi  que  les  Pères 
des  11'  et  m'  avaient  frayé  le  ciiemin  et  com- 
mencé la  chaîne  de  la  tradition,  qu'ainsi 
elle  remonte  jusqu'aux  apôtres.  Saint  Je 
rôme ,  en  soutenant  contre  Vigilance  la 
même  vérité  an  v%  ne  fit  que  suivre  ses 
maîtres.  Les  fondateurs  mêmes  du  proles- 
lanlismc ,  Jean  Hus  ,  Luti'.er  et  Calvin  ,  ont 
avoué  que  les  saints  prient  pour  l'Eglise  en 
général  ;  or,  les  iuê.uesauto;  ités  qui  prouvent 
celle  intercession  généi aie  établissent  aussi 
l'intercession  particulière,  on  ne  peut  pas 
faire  plus  d'objections  coutre  l'une  que  contre 
l'autre.  H  ne  faut  pas  oublier  que  les  sectes 
de  chrétiens  orientaux,  les  grecs  schisma- 
tiques,  les  jacobites,  les  nestoriens,  admettent 
aussi  bien  que  les  catholiques  l'intercession 
des  saints;  vainement  les  protestants  ont 
voulu  contester  ce  l'ail,  il  est  actuellement 
prouvé  jusqu'à  la  démonstration  ;  mais  ils 
ne  s'obstment  pas  moins  àsouteinr  que  l'in- 
tercession des  saints  est  un  doçiac  nouveau, 
inconnu  aux  premiers  chrétieiiï. 

H.  De  l'invocation  des  saints.  Quelques 
piotestanis  ont  avancé  que,  quj;id  il  serait 
vrai  que  les  saints  inlercèdenl  pour  nous  au- 
près Ile  Dieu,  il  ne  s'ensuivrait  pas  encore 
que  l'on  doit  les  invoquer;  mais  le  sens 
commun  suifit  pour  nous  faire  comprendre 
que  si  les  saints  prennent  iniôrét  à  notre 
salut  ,  et  nous  accordent  auprès  de  Dieu  le 
secours  de  leurs  prières ,  nous  devons  les 
respecter  comme  des  protecteurs  cl  des  bien- 
faiteurs, avoir  pour  eux  de  la  reconnaissance 
et  de  la  confiance.  Ainsi  ont  raisonné  tous 
les  esprits  sensés,  et  c'ebt  là-dessus  qu'est 
fondé  le  culte  que  nous  rendons  aux  saints, 
culte  autorisé  par  l'Ecriture  sainte. 

Gen.,  c  xxvui,  v.  16,  Jacob  dit,  en  bénis- 
sant ses  petits-Qls  :  Que  l-icu  qui  m'a  nourri 
depuis  ma  jeunesse,  que  l'ange  du  Seifjneur 
qui  m'u  dilirrc  de  tous  mes  maux,  bénisse  ces 
enfants  ;  que  l'on  invoque  sur  eux  mon  nom 
et  les  noms  de  mes  pères,  Abraham  et  Isaacl 
l'iomarquons  d'aboi.d  que  J'acoii  réunit  1^ 
bonédiclion  de  l'ange  à  celle  deDieu.SuiviHrt 


soo 


SAl 


SAI 


310 


le  (extc  hébreu,  disent  les  protestants,  les 
pnrole^  suivantes  signifient  seulement:  Que 
CCS  enfants  soient  appelés  de  mon  nnm  et  de 
celui  de  inespérés.  Explicnlion  fausse,  con- 
traire à  l'histoire  :  jaraais  Ephraïin  et  Ma- 
iiassé  n'ont  porté  le  nom  {['Abraham  ni 
d'Isaac  ;  on  appelait  ces  deux  Irihus  la 
miison  de  Joseph.  Mais  lians  la  suite  des 
siècles,  lorsque  les  prophètes  et  les  justes 
(le  l'ancienne  loi  demandiienl  à  Dieu  ses 
grâces,  ils  lui  disa'n'nl:  Souvenez-vous,  Sei- 
gneur, d'.^hraham,  d'isnac  et  de  Jacob,  cic. 
Voilà  évidetnmenl  riuvocalion  de  laquelle 
ce  dernier  a  parlé.  Or,  invoquer  ces  noms 
en  parlant  à  Dieu,  ou  invoquer  ces  patriar- 
ches afin  qu'ils  demauJeiità  Dieu  ses  grâces, 
c'est  la  même  chose,  puisque,  suivant  le 
style  de  l'Ecriture  sainte,  invoquer  le  nom 
de  Dieu,  c'est  invoquer  Dieu  lui-même.  — 
Joan.,  c.  xii,  V.  26,  le  Sauveur  dit  :  Si  quel- 
qu'un me  sert,  mon  l'i're  l'honorera,  honori- 
jicnbit  eum  Paier  meus.  Ordinairement  cette 
promesse  ne  s'arcoinplil  point  sur  la  terre, 
donc  elle  s'accomplit  <lans  le  ciel.  Or,  en  ((uoi 
consiste  cet  honneur  réserva  aux  saints,  si- 
non dans  le  crédit  que  Dieu  leur  accorde 
auprès  de  lui  cl  dans  le  culte  que  nous  leur 
rendons?  Cent  fois  il  est  dit  que  les  saints 
régneront  dans  le  ciel  avec  Dieu  et  avec  Jé- 
sus-Christ :  qu'est-ce  que  régner,  sinon  ac- 
corder des  grâces  et  recevoir  des  houiniages? 
—  Joan.,  c.  xvir,  v.  20,  Jésus-CbrisI,  priant 
pour  ses  disciples  dit  à  son  Père  :  Je  ne  prie 
pas  seulement  pour  cw.r,  mais  pour  ceux  qui 
croiront  en  moi  par  leur  parole;  afin  qu'ils 
so:ent  tous  unis  comme  vous  et  moi  sommes 
vn.  il  s'agit  de  savoir  en  quoi  consiste  cette 
tjiiion  que  nous  appelons  la  communion  des 
saints,  el  combion  elle  doit  durer:  or,  nous 
soutenons  iju'elle  doit  être  éternelle,  comme 
celle  qui  règne  entre  Jé'us-Clirist  el  son 
Père  :  doi.c  elle  subsiste  entre  les  saints  et 
nous,  aussi  bien  r|u'entre  les  fidèles  vivants. 
Donc  nous  devons  honorer  et  invoquer  les 
saints,  de  même  qu'ils  s'inlércssenl  auprès 
de  Dieu  et  le  prient  jjour  nous.  De  quel  droit 
les  proiolants  veulent-ils  rompre  ce  lien 
sacré,  en  rejetant  toule  comnninicalion  entre 
les  saints  et  nnus?  rSon  contents  d'avoir  fait 
schisme  avec  l'Eglise  de  la  terre,  ils  se  sé- 
parent encore  de  celle  du  ciel. 

L'inyocalion  des  saints  est  aussi  ancienne 
que  l'Eglise.  Au  iw  siècle,  Origène  enseignait 
déjà  que  l'on  doit  invoquer  les  anges,  pari-e 
que  Dieu  les  a  chargés  de  nous  garder  et  de 
veiller  à  notrcsalul,  el  il  invoquaillui-mèine 
son  ange  gardien  avec  confiance,  llomil.  1, 
in  Eiech.,  n.  7;  or,  il  enseignait  aussi  que 
le>  saints  prennent  soin  de  notre  salut  et 
nous  aident  par  leurs  prières,  inC'<nl.,  I.  m, 
n.  75,  contra  Ctls.,  I.  vu  ,  n.  (iV,  c!c.  ;  donc 
il  était  d'avis  que  l'on  pouvait  el  que  l'on 
devait  invofiuer  les  saints,  puisqu'il  compare 
la  charité  des  uns  à  celle  des  antres,  ibid. 
On  peut  voir  les  témoignages  de-î  autres 
Pères  de  l'Eglise  dans  les  Notes  de  Feuardent 
sur  saint  Irénée.  I.  v.  c.  1i).  Dans  les  plus 
antisnnes  lidu^ics  grecques,  syriaques, 
cophtes,  élhiopienues,  dans   les  sacraincn- 


taires  romain,  gallican  el  mozarabique,  l'in- 
vocation de  la  sainte  Vierge  et  des  saints 
fait  partie  des  prièics  du  saint  sacrifice  ; 
jamais  l'Rïlise  chrétienne  n'a  célébré  autre- 
ment le  service  divin.  Enfin,  le  reproche  que 
nous  font  les  protestants  de  rendre  .lus 
saints  U>.  même  culte  qu'à  Dieu  n'est  pas  plus 
nouveau;  Celse  l'a  fait  au  second  siècle; 
Ennape,  Julien,  Lil)anius,  Maxime  de  Ma- 
daure ,  l'ont  répété;  les  manichéens,  les 
ariens,  Vigilance,  l'ont  renouvelé  :  il  n'est 
pas  fort  honorable  aux  protestants  de  copier 
les   caloiiinies  des  païens  el  des  hérétiques. 

111.  Objections  des  protestants.  La  manière 
dont  Uasnage  commence  l'histoire  du  culte 
des  saints,  lîist.  de  l'Eglise,  1.  xviii,  c.  1,  est 
un  chef-d'œuvre  de  mauvaise  foi.  «  Puisque 
Dieu,  dit-il,  est  un  être  infiniment  parfait, 
il  devrait  seul  attirer  nos  hommages  et  noire 
cullc.  Si  sa  puissance  était  bornée,  il  fau- 
drait recourir  à  d'autres  dieux  pour  en  ob- 
tenir l'accomplissement  de  no,  désirs  ;  mais, 
puisqu'il  est  la  source  de  tous  les  biens,  et 
que  toutes  les  créatures  lui  sont  soumises, 
pourquoi  porlernos  vœux  àd'aulres  qo'àlui? 
S'il  éloignait  de  lui  les  iiéchcurs  et  les  misé- 
rables, il  fauilrait  tourner  les  yeux  d'un  aulre 
côté;  mais  il  leur  crie  :  Vrnez  à  moi,  vous 
tous  qui  ries  chargés,  etc.  Son  trône  est  un 
trône  de  grâces,  accessible  à  tous.  L'homme, 
qui  n'aime  ni  la  servitude  ni  la  peine,  ne 
devrait  pas  s'imposer  an  nouveau  joug,  en 
cherchant  d'autres  objets  d'adoration  que 
Dieu  ;  content  de  la  nécessité  qui  lui  est  im- 
posée d'adorer  et  de  servir  Dieu,  il  a  intérêt 
de  ne  dépendre  que  de  11  Divinité  seule, et 
à  ne  point  fléchir  le  genou  devant  des  hom- 
mes qui  lui  sont  semblables.  Cependant  on  a 
presque  toujours  aimé  à  servir  la  créaluro 
préférablement  à  Dieu.  L'éiévulion  el  la 
puissance  de  cet  Etre  infini  a  servi  de  pré- 
texte pour  autoriser  l'idôIatrie,  on  s'est  fait 
une  difficulté  d'élever  son  âme  si  haut  et  d'ap- 
procher d  un  Dieu  infini.  Ou  a  imaginé  que 
des  hommes  semblables  à  nous  seraient  plus 
sensibles  à  nos  maux  qnc  Dieu;  on  a  cru 
qu'un  saint  occupé  des  besoins  d'une  seule 
province,  d'un  royaume,  d'un(!  seule  famille 
ou  d'un  seul  homme,  y  serait  plus  altenlilque 
Dieu  chargé  du  soin  de  l'univers;  chacun  a 
choisi  son  patrtm  et  son  dieu  domestique.  » 

«  On  ne  croit  point  à  Home,  dit-il,  que  Dieu 
seul  soit  adorable:  suivant  Maldonat ,  in 
Mat  th.,  c.  v,  p.  118,  c'est  une  erreur  et 
une  impiété  de  croire  que  Dieu  seul  mérite 
le  culte  religieux.  Les  inquisiteurs  ont  fait 
efiacer  dans  quelques  ouvrages  cette  maxime, 
que  l'adoration  ne  doit  êlrc  rendue  qu'à 
Dieu  seul,  et  que  les  anges  ne  sont  pas  ado- 
rables; les  premiers  chréliens  soutenaient 
précis!  ment  le  contraire,  etc.» 

Dans  ce  long  passage,  il  n'y  a  pas  une 
phrase  qui  ne  soit  reprehensible.  1°  Il  semble 
supposer  que  le  culte  est  dû  à  Dieu,  parce 
qu'il  est  souverainement  parfait;  s'il  veut 
parler  des  perfections  qui  n'ont  aucun  rap- 
port aux  créatures,  il  est  déjà  dans  l'erreur; 
Ic3  iiomiiiis  n'ont  jamais  rendu  des  hom- 
mages à  la  Diviniié  qu'à  cause  des  bieuiaits 


31i 


SA! 


ÊA! 


51S 


qu'ils  en  avaient  reçus  et  qu'ils  en  atten- 
daient. Dieu  senl  rst  digne  du  culte  suprême, 
cela  es!  incontestable;  mais  les  protestants 
sopposent  faussement  qu'il  n'y  a  pas  d';iutre 
culte  que  celui-là,  ou  que  Dieu  nous  défend 
de  rendre  aucun  honneur  à  de  saints  person- 
nages auxquels  il  a  promis  cet  honneur  pour 
récompense.  Nous  avons  prouve  le  contraire 
de  ces  deux  suppositions.  2°  Il  donne  à  en- 
tendre qu'en  recourant  aux  saints  nous  re- 
courons à  d'autres  dieux;  c'est  une  double 
fausselc.  Jamais  nous  n'avons  regardé  les 
saillis  comme  des  dieux,  ni  comme  égaux  à 
Dieu,  ni  comme  indépendants  de  Dieu;  donc 
en  les  invoquant  nous  invoquons  Dieu  lui- 
même  p;ir  leur  organe,  puisque  nous  savons 
qu'ils  ne  peuvent  i  ien  sans  lui  ;  nous  agis- 
sons ainsi,  non  parce  que  sa  puissance  est 
bornée,  non  parce  que  nous  le  croyons 
moins  bon  que  les  saints,  mais  parce  qu'il 
a  voulu  être  ainsi  invoqué,  pour  entretenir 
entre  les  saints  et  nous  l'union  sainte  que 
Jésus-Christ  a  établie  entre  les  membres  de 
son  Eglise.  — 3°  C'est  une  impiété  d'appeler 
une  servitude,  une  peine,  uu  joug,  l'adoration 
que  nous  devons  à  Dieu  seul ,  et  l'honneur 
très-ditlérent  que  nous  rendons  aux  saints; 
ce  devoir,  loin  de  nous  être  à  charge,  nous 
console  et  nous  encourage;  Dieu  ne  pouvait 
mieux  nous  convaincre  de  sa  bonté  qu'en 
nous  donnant  pour  intercesseurs  des  hom- 
mes qui  ont  été  semblables  à  nous,  qui  ont 
éprouvé  les  mêmes  besoins  et  les  mêmes 
fiiiblessps  que  nous.  Ils  ne  le  sont  plus  au- 
jourd'hui, mais  ils  conservent  pottr  nous  la 
charité,  qui ,  suivant  l'expression  de  saint 
P.iul,  ne  meurt  jamais.  En  quel  sens  cher- 
chons-nous à  dépendre  d'autres  êtres  que 
de  la  Divinité?  L'Eglise,  en  nous  excitant  à 
prier  les  saints,  ne  nous  défend  p.is  de  nous 
adresser  à  Dieu  lui-même;  la  prière  la  plus 
commune  d'un  catholique  est  l'oraison  do- 
minicale,qui  s'adresse  directement  à  Dieu. — 
i"  Hasnagc  nous  calon)nie  grossièrement  en 
nous  accusant  de  servir  la  créature  préféra- 
blenient  à  Dieu.  Nous  servons  Dieu  et  nous 
lui  obéissons,  lorsque  nous  prions  les  saints 
de  lui  présenter  nos  hommages  et  nos  vœux. 
Nous  croyons  qu'ils  lui  seront  ainsi  plus 
agréables  ;  c'est  donc  à  lui  seul  que  nous 
cherchons  à  plaire.  C'est  une  étrange  manie 
de  supposer  que  ,  quand  nous  employons  un 
intercesseur  auprès  de  Dieu,  nous  lui  témoi- 
gnons par  là  moins  de  respect  et  de  confiance 
que  si  nous  nous  adressions  direclemenl  à 
lui.  Les  protestants  oubli;  nt  qu'ils  ont  à 
réfuter  d'abord  les  sociniens  leurs  disciples  : 
ceux-ci  soutiennent  que,  quoique  Jésus- 
Christ  ne  soit  pas  Dieu,  nous  devons  cepen- 
dant honorer  et  prier  Dieu  par  Jésus-Christ. 
— 5°  Lorsque  Basuage  ajoute  que  l'élévation 
et  la  puissance  de  llilre  infini  a  servi  de 
prétexte  pour  autoriser  l'iJolâtrie ,  il  se 
montre  très-mal  instruit  de  la  n^ituredece 
culte  et  de  son  origine.  Les  païens,  même 
les  philosophes,  n'ont  pas  admis  plu-.ieurs 
dicuv  ,  p;'rcc  qu'ils  supi  osaiiiit  un  Dieu 
suprême  irop  grand  cl  trop  puissant  pour 
8'occuper  des  créatures,  mais   parce  qu'ils 


ne  concevaient  pas  qu'un  seul  élre  fût  as- 
sez puissant  pour  gouverner  tout  l'univers 
sans  trouliler  son  repos  et  sou  bonheur. 
N'ayant  aucune  idée  du  pouvoir  créateur, 
ils  ne  pouvaient  avoir  celle  d'une  providence 
infinie,  compatible  avec  la  félicité  suprême. 
Ils  n'ont  pas  invoqué  d'abord  des  hommes 
semblables  à  eux,  mais  de  prétendus  génies 
ou  esprits  qu'ils  plaçaient  dans  toutes  les 
parties  de  la  nature,  et  auxquels  ils  en  at- 
tribuaient tous  les  phénomènes,  et  ils  ne  les 
supposaient  dépendants  en  aucune  manière 
d'un  Dieu  souverain  plus  puissant  qu'eux. 
Voij.  Idolâtrie  et  Paganisme.  Ainsi  lorsque 
Basnagc  appelle  les  saints  patrons  des  dieux 
domestiques,  il  montre  ou  une  ignorance  ou 
une  malignitf  qui  ne  lui  fait  pas  honneur. 
Un  intercesseur  et  un  Dieu  sont  des  noms  et 
des  idées  dont  l'une  exclut  l'autre.  —  6°  Il 
pèche  plus  grièvement  encore  quand  il  dit  : 
«  Ou  ne  croit  point  à  i'ome  que  Dieu  seul 
est  adorable,  que  l'adoration  ne  doit  être  ren- 
due  qu'à  Dieu  seul,  que  les  anges  ne  sont 
point  adorables;  les  inquisiteurs  font  effacer 
ces  maxiniss  dans  les  li\res,  Maldonal  en- 
seigne que  Dieu  n'est  pas  le  seul  objet  du 
culte  religieux.  » 

Mais  eoiifondre  l'adoration,  qui  signifle 
ordinairement  le  culte  suprême,  avec  toute 
espèce  de  culle  religieux,  est-ci'  un  sophis- 
me fait  de  bonne  loi?  Il  est  dit,  Ps.xcviii, 
V.  5  :  Louez  le  Seigneur  notre  Dieu  ,  ado- 
rez l'escabeau  de  ses  pieds  ,  parce  que  c'est 
une  chose  sainte.  Si  nous  voulions  conclure 
de  là  que  l'adoration  n'est  pas  due  à  Dieu 
seul,  que  répondrait  Basnage?  Il  dirait  qu'a- 
dorer esl  un  terme  équivoque,  que  souvent 
il  signifie  simplement  se  prosterner  poiir  té- 
moigner du  respect.  Nous  insistons  et  nous 
demandons  si  se  prosterner  devant  l'arclie 
d'alliance,  qui  est  appelée  Vescabiau  des 
pieds  de  Dieu,  n'est  pas  un  témoignage  de 
culte,  si  ce  culte  esl  purement  profane,  et 
non  un  culte  religieux.  Nous  attendrons 
longtemps  ,  avant  que  les  protestants  aient 
satisfait  à  celte  question 

Dire  que  Dieu  seul  est  adorable,  que  les 
saints  ni  les  anges  ne  le  sont  point,  que 
l'adoration  n'esl  due  qu'à  Dieu,  ce  sont  des 
vérités  que  tout  chrétien  doit  admettre,  parce 
que,  dans  ces  expressions,  le  mol  adoration 
signifie  évidemment  le  culte  suprême;  jamais 
ces  maximes  n'ont  été  censurées  ni  à  Rome 
ni  ailleurs.  Mais  soutenir  que  Dieu  seul  est 
l'objet  du  culte  religieux,  que  ce  culle  ne 
peut  être  adressé  qu'à  lui,  que  tout  culle 
religieux  rendu  à  une  créature  est  une  ido- 
lâtrie, une  superstition,  une  injure  faite  à 
Dieu,  etc.,  ce  sont  là  autant  d'erreurs.  Nous 
avons  prouvé  qu'il  y  a  un  culte  religieux 
inférieur  et  subordonné  (jui  est  dii  aux  per- 
sonnes et  au  choses  auxquelles  Dieu  a  com- 
muniqué une  excellence  et  une  dignité  sur- 
naturelles, et  qui  n'est  point  l'adoration 
proprement  dite.    \^oy.  Culte 

Basnagc,  ibid.,  I.  xix,  c.  4,  n.  6,  prétend 
que  le  culte  des  saints  est  venu  des  ariens. 
Comme  ils  soutenaient,  dil-il,  que  l'on  de- 
vait adorer  Jésus-Christ,  quoiqu'il  ne  fût 


513 


SAI 


S.U 


51i 


pas  Dieu,  il  était  de  leur  intérêt  tic  piétea- 
dreciue  l'on  pouvait  sans  crime  adorer  des 
créatures  ;  c'est  pour  cela  que  l'empereur 
Constance,  arien  dériaré,  se  montra  si  zélé 
à  rassembler  des  reliques  et  à  les  placer 
dans  les  églises. 

Pour  que  cela  fût  vrai,  il  faudrait  que  les 
Pères  du  ii'  et  du  m'  siècle  eussent  élc  ariens 
cent  ou  deux  cents  ans  avant  la  naissance 
de  l'arianisme  ;  nous  avons  l'ait  voir  qu'ils 
ont  approuvé  le  cultn  des  sainls.  Nous  dé- 
fions tous  les  critiques  iirotestanls  de  prou- 
ver par  aucun  monument  ([ue  les  ariens 
aient  jamais  dil  qu'il  est  permis  d'(u/orer  des 
créatures  ;  quand  ces  hérétiques  auraient 
abusé  comme  eux  du  terme  d'aduralion,  cet 
abus  n'en  serait  pas  pour  cela  plus  pardonna- 
ble. Comme  les  premiers  rejetaient  aussi  bien 
que  les  derniers  la  tradition  cl  le  sentiment 
des  anciens  Pères,  ils  étaient  pUn  intéres- 
sés à  désapprouver  qu'à  autoriser  le  culte 
rendu  à  ces  saints  personnages,  puisqu'il 
augmentait  le  respect  que  l'on  avait  pour 
leur  doctrine.  La  plupart  des  évéques  qui 
condamnèrent  Arius  en  Kgjpte  l'an  V2'i-,  et 
à  Ni(  ée  l'an  425,  avaient  vécu  et  avaient  été 
instruits  au  ur  siècle;  est-il  croyable  qu'eu 
opposant  à  ces  hérétiques  la  tradition,  ils 
l'aient  violée  eux-mêmes,  quant  au  culte 
des  saints,  et  que  personne  ne  le  leur  ait 
reproché?  Si  les  ariens  avaient  élé  les  au- 
teurs de  cette  praliiiue,  c'aurait  été  pour  les 
catholiques  une  raison  de  plus  de  la  rejeter. 
Busna^e  a  ou  la  maladresse  de  citer  George, 
intrus  ^ur  le  siège  d'Alexandrie,  (jui,  passant 
devant  un  temple  de  païens,  s'écria  :  Combien 
ce  sépulcre  subsislera-l-il  encore?  Il  a  feint 
d'ignorer  que  ce  George  était  un  arien  for- 
cené ;  aurait-il  ainsi  parlé,  s'il  avait  cru  que, 
pour  l'intérêt  de  l'arianisme,  il  était  bon  que 
le-,  églises  fussent  remjilies  de  lonibeaux  et 
d'os^em>■nls  de  morts?  Suivant  le  raisonne- 
ment de  ce  critique,  les  sociniens,  qui  pen- 
sent comme  les  ariens,  devraient  être  fort 
zéli's  pour  le  culte  des  sainls,  et  ils  en  sont 
tout  aussi  ennemis  que  les  protestants, 

Mosheiui  faisant  à  son  tour  l'histoire  du 
culte  des  saints,  en  place  la  naissance  au 
iv'siècli';  il  prétend  que  ce  culte  est  venu 
de  la  philosophie  platonique  et  des  idées  po- 
pulaiies  que  les  Pères  de  l'Eglise  avaient 
adoptées.  Hist.  ccclés.,  iv  siècle,  W  pari., 
c.  3,  §  1.  Mais  dans  son  llistoire  citrélienne, 
i"  siècle,  §  32,  noie  3,  il  convient  que  le 
culte  des  martyrs  a  comiiieueé  dès  le  i"  siè- 
cle. D'ailleurs,  par  les  monuments  que  nous 
venons  de  citer,  il  est  prouve  que  le  culte 
des  sainls  date  du  berceau  de  l'Iiglise  et  re- 
monte jus(iu'aux  a|)ôtres.  Comment  serait-il 
né  des  idées  platoniciennes  ?  C'est  un  mystère 
que  .Mosheim  n'a  pas  expliqué,  et  duquel  il 
n'a  pas  parlé  dans  la  dissertation  de  lurbala 
per  PUilunicos  Ecdesia.  Si,  par  idées  popu- 
laires, il  entend  la  vénération  que  tous  les 
hommes  conçoivent  naturellement  pour  les 
grandes  vertus,  pour  le  mérite  émineni, 
pour  les  dons  surnaturels  de  la  grâce  et  pour 
les  personnages  d;iiis  lesquels  ils  les  aper- 
çoivent, nous  coiiveuoQs  que  telle  esl  la  orc- 


mière  origine  du  culte  des  saints;  mais  blâ- 
mer cette  espèce  d'instincts,  c'est  blesser  le 
sens  commun.  11  ajoute  que  personne  n'osa 
censurer  ce  culte  ridicule.  Comment  oser  lo 
censurer,  pendant  que  les  fondateurs  du  pro- 
testantisme ont  été  forcés  do  l'approuver, 
en  se  contredisant  eux-mêmes?  Ils  disent 
dans  leurs  livres  :  Nous  estimons,  nous  res- 
pectons,  nous  aimons,  nous  admirons  les 
saints,  non  ponr  les  adorer,  mais  pour  les 
imiter.  Or,  l'estime ,  le  respect,  l'amour, 
joints  à  l'admiration  et  au  désir  de  l'imita- 
tion, ne  sont-ils  pas  un  vrai  culte?  Si  cela 
n'est  pas,  nous  prions  nos  adversaires  de 
nous  apprendre  enfin  ce  qu'ils  entendent 
parle  mot  cu//e.  Ouanl  à  l'équivoque  de  ce- 
lui d'adorer,  iious  avons  assez  relevécel  abus. 

On  invoqua,  dit  Mosheim,  les  âmes  bien- 
heureuses des  chrétiens  déeédés;on  crut, 
sans  doute,  que  ces  âmes  pouvaient  quitter  le 
ciel,  visiter  les  hommes,  voyager  dans  les 
différents  pays,  Surtout  où  leurs  corps  étaient 
enterrés  ;  on  crut  qu'en  honorant  lenr.t  ima- 
ges on  les  y  rendait  présentes,  comme  les 
payens  l'avaient  pensé  à  l'égard  des  statues 
de  Jupiter  et  de  Minerve,  ibid.,  V  siècle,  ii" 
partie,  chap.  .'J,  §  2. 

ProliablenienI  ce  sont  là  les  idées  platoni- 
ciennes et  populaires  que  îlloslieim  a  trouvé 
bon  de  prêter  aux  Pères  de  l'Eglise.  Mais 
admirons  l,i  justesse  de  cette  supposition. 
Pendant  les  trois  premiers  siècles  de  l'Eglise, 
temp-.  de  |ierséeulions  de  la  part  des  païens, 
lorsque  les  docteurs  chrétiens  avaient  le  plus 
grau  1  intérêt  à  ménager  leurs  ennemis  et  à 
calmer  leur  haine,  ils  ont  combattu  de  front 
tontes  leurs  idées,  ils  ont  censuré  sans  mé- 
nagement toutes  les  pratiques  de  l'idolâtrie, 
ils  ont  réprouvé  tout  culte  religieux  qui  n'é- 
tait pas  adressé  à  Dieu  seul.  Au  iv  siè- 
cle, lorsque  la  paix  a  été  donnée  à  l'Eglise, 
que  les  païens  ont  cessé  d'être  redoutables, 
que  l'absurdité  du  paganisme  a  été  pleine- 
ment démontrée,  la  face  du  christianisme  a 
tout  à  coup  changé,  les  Pères  ont  repris  les 
idées  et  les  erreurs  païennes,  ils  ont  adopté 
les  visions  des  platoniciens,  même  en  écri- 
vant contre  eux  ;  ils  ont  abundonné  la  doc- 
trine des  fondateurs  du  christianisme,  en 
faisant  profession  d'y  être  inviolablement 
attachés;  en  approuvant  le  culte  des  saints, 
ils  ont  substitué  de  nouvelles  idoles  à  la 
place  de  celles  qu'ils  avaient  fait  renverser. 
\'oilà  le  phénoruène  absurde  que  les  proles- 
tants onl  été  obligés  de  forger  pour  soutenir 
leur  doctrine  contre  le  culte  des  saints  ;  au 
mot  Martyr,  §  C,  et  au  mot  Platonisme,  nous 
l'avons  réfutée  en  détail. 

Nous  pouvions  nous  en  dispenser,  puisque 
les  accusations  des  protestants  contre  les 
Pères  sont  de  vaines  conjectures,  dénuées  de 
preuves,  et  sui;gérées  par  la  malignité.  Mos- 
heim ni  ses  pareils  n'ont  jamais  pu  citer  un 
seul  passage  des  Pères  où  il  soit  dit  que  les 
âmes  des  bienheureux  peuvent  quitter  le  ciel, 
visiter  les  hommes,  voyager  dans  divers 
pays,  se  rendre  présentes  dans  leurs  imagos. 
Plusieurs  Pères  l'ont  pensé  à  l'égard  dea 
démons  que  les  païens  prenaient  pour  des 


5l5 


SAI 


SAI 


318 


dieus,  tuais  ils  n'ont  jamais  en  Vauiéme  idée 
à  l'égard  des  âmes  de^  Menheurciiï.  Noie  sur 
Oiifjène,  Exl'nrt.  ad  martyr.,  w.  IS. 
SAINT  Df'lS  SAINTS.  V'oy.  Sanciuaire. 

»  SAINTETÉ  DR  L'EGLISE.  I.  UEijUse  de  Jé- 
sus-Christ doil-elte  être  sainte?  Ailïré  par  une  sorte 
d'insiinci,  l'hottiiiie  vi^iit  s'élever  \ers  les  résinns 
supérieures;  mais  la  chair,  le  courbant  vers  les  cho- 
ses d'ici-li.is.  s'oppose  à  ses  nobles  eli'orts.  C'est  à 
la  grâie  de  Jésiis-Clirist  à  rétablir  l'ordie  détruit 
jiar  le  péclié.  C'est  son  EgHse  (ju'il  a  reiuliie  dépo- 
sitaire de  sa  sainteté.  Franchissant  les  fleuves  et 
les  inoiiiagnes,  les  déserts  el  les  mers,  elle  em- 
brasse, elle  unit,  elle  civilise  et  sanctifie  ks  peuples 
les  plus  divergents  de  hncrage,  de  njœiirs  et  de 
préjugés  ;  si  souvent  divisés  d'intérêts  cl  de  passions. 
Elle  détruit  le  péclié,  nourrit  la  vertu,  édifie  la 
maison  de  ftieu  :  telle  est  la  noble  ioiiciion  de  l'E- 
glise, qui  la  f:iit  nommer  sainte.  Ce  litre  glorieux  ne 
lui  est  pniut  cnuiesté.lIé/élii]uesetoriliodoxes,scliis- 
matiijues  et  liés  iiu  centre  ;le  runlié,  tous  confes- 
sent que  .lésiis-Chrisl  a  aimé  son  l'jglise,  qu'il  s'est 
livré  pour  lu  sanctifier,  pour  la  rendre  sans  tache, 
lïjih.  V,  27.  Tous  répèienl  cet  article,  du  symbole  : 
Je  crois  In  sainte  Eçilise.  Observon'i  qu'on  peut  con- 
sidérer 1.1  Siiiilelé  de  l'Eglise  sous  un  double  rap- 
port :  1"  dans  les  moyens  qu'elle  emploie  jiour  opé- 
rer le  salut  de  ses  enbinls  ;  2°  duns  ^e»  meiuLres. 
Il  est  înconleslable  que  Jésus-Christ  a  établi  son 
Eglise  pour  la  sanctilic;itioii  des  bommcs.  11  faut 
donc  que  sa  doctrine,  sa  morale,  ses  sacrements, 
S(ui  ministère  ,  tendent  à  détruire  l'Iiomme  île  péché 
pour  lui  substituer  l'homme  de  la  grâce.  Il  faut  que 
sa  doctrine  fase  cannaiireaii  chrétien  la  vérité  sans 
méhnge  d'erreur,  que  sa  morale  dirige  ses  pas  dans 
les  sentiers  de  la  justice  et  l'éloigiieni  des  chemins 
(le  l'iniquité.  11  faut  que  ses  sacrements  lui  donnent 
la  vie,  la  soutiennent  el  la  fortifient.  11  faut  que  le 
ministère  ecclésiastique  soit  constitué  de  manière  à 
maintenir  le  dogme  dans  toute  sa  pureté,  la  morale 
dans  toute  sa  sainteté,  les  sacrements  dans  ituiie 
leur  vertu.  S'il  n'en  était  ainsi,  Jésus-Christ  aurait 
voulu  la  fin  sans  les  moyens,  ce  qu'il  serait  absurde 
el  impie  de  supposer.  —  Tous  les  moyens  que  l'E- 
glise empb  ie  pour  la  sanctification  de  ses  enfants 
sont  dus  moyens  moraux  ;  ils  sont  libres  d'en  profiter 
ou  de  les  rejeter.  Mais  il  peut  arriver  que  d.ins  la 
réalité  tons  soient  hors  de  la  sainteté,  de  sorte  que 
lous  les  membres  de  l'Eglise  soient  des  membres 
morts.  Nous  disons  que  l'Eglise  est  sainte  non-seii- 
lement  dans  sa  doctrine,  mais  encore  dans  plusieurs 
de  SCS  mendi' es. —Qu'est-ce  que  l'Eglise  suivant 
l'Ecriture  et  les  Pères'?  C'e-t  une  société  sainte,  c'est 
l'épouse  de  Jésus-Christ  ;  son  union  avec  le  divin 
Sauveur  doit  être  le  modèle  de  l'union  qui  doit 
exister  entie  l'homme  el  la  feimie  :  c'esl  le  corps  de 
Jésus-Chiist.  Nous  le  dem.mderons  :  Serait-elle 
sainte  une  société  dont  lous  les  membres  seraient 
ensevelis  clans  le  péché?  Jcsiis-Christ  uimerail-il 
comme  son  épouse  nue  société  composée  unique- 
ment d'hypocrites?  Une  Eglise  entièrement  en  ré- 
volte ciintie  Jés.is-Christ  sérail  elle  im  beau  modèle 
d'union  à  proposer  aux  époux?  Y  a-t  il  un  seul  cor(>s 
dont  tous  les  inenibres  soient  morts  ei  corrompus? 
Non,  ce  serait  un  cadavre.  —  Et  c'est  surtout  ce 
dernier  caractère  de  sainteté  qui  doit  être  regardé 
comme  une  note  de  l'Eglise,  puisque  la  doctrine 
n'eu  est  pas  une.  Mais  comment  connaître  les  saints? 
Dieu  seul  peut  jogcr  les  consciences.  Souvent  ce  qui 
brille  au  dehors  n'est  qu'infection  au  dedans.  Ce 
<|ui  est  giand  aux  yeux  des  hommes,  qui  ne  jugent 
que  de  l'extérienr,  est  quelquefois  abominable  aux 
veux  de  Dieu.  iSoiis  l'avouons,  mais  il  est  une  preuve 
de  sainteté  qu'on  ne  peut  contester,  c'est  le  miracle 
opéré  pour  la  coiilirmer  ;  contester  sa  force  probante 
dans  celte  circonstance,  c'est  ébraaler  le  fondemeiil 


de  la  religion  chrétienne.  Et  poiii"qu6î  Vouloir  dis- 
tinguer entre  les  miracles  de  Jésus-Christ  et  des 
apôtres,  et  les  miracles  des  âges  snivanisî  Si  ceux-ci 
ont  les  iiiémes  caraeières  que  ceux-là,  ils  ont  Dieu 
pour  aiileor,  la  source  de  vérité.  On  ne  peut  donc 
contester  la  sainteté  prouvée  par  des  miracles.  Voy. 
Canomsation. 

II.  Ltglise  romaine  est-elle  sainte  ?  Pour  con- 
naître coo>pléleuienl  l'inlluence  d'une  communauté 
religieuse  sur  ses  membres,  il  faut  considérer  les 
règles  qu'elle  leur  prescrit,  et  voir  ces  règles  eu  ac- 
tion. Pour  juger  de  la  sainteté  de  l'Eglise  r.imaine, 
nons  allons  donc  voir:  1"  les  principes  el  les  moyens 
qui  concourent  à  la  sanctilicaiiou  de  ses  membres  ; 
2"  les  fruits  de  salut  qu'elle  a  opérés. 

Nous  confessons  que  par  le  péclié  d'Adam  les 
forces  de  riioinme  ont  été  affaiblies.  Sa  liberté  n'a 
cependant  pas  été  détruite.  Bien  pins,  quoiqu'il 
puisse  éviter  plusieurs  fautes  par  ses  propres  forces, 
"nous  avouons  que  l'homme  ne  peut  rien  pour  le  ciel 
sans  un  secours  céleste.  Denv  forces  concourent 
donc  à  la  sanctification,  l'une  divine,  el  l'autre  hu- 
maine. Deux  aciivités  se  pénétrent,  l'ime  de  Dieu,  et 
l'autre  del'homme.  Trop  faible  par  lui-même,  l'hom- 
me pourrait  se  décourager.  La  lorie  divine  vient  lui 
rendre  toute  son  énergie  et  lui  apprendre  qu'il  n'est 
aucun  vice  qu'il  ne  puisse  éviter,  aucune  vertu  qu'il 
ne  puisse  acquérir.  —  Appartenant  au  rannde  par 
noire  corps,  nous  avons  besoin  d'un  signe  sensible 
pour  savoir  ce  qui  se  [lasse  dans  notre  partie  spiri- 
tuelle. La  foi  callioliqueiious  présente  donc  des  sym- 
boles extérieurs  oU  les  sacrements,  le  gage  des  vo- 
lontés divines,  le  sceau  des  promesses  évaogéliques. 
Les  Sacrements  conduisent  jusqu'à  nous  la  vertu  ipii 
découle  des  souffrances  du  Christ.  Ils  portent  d'au- 
taui  plus  la  piélé  dans  les  cœurs  qu'ils  sont  bien 
propres  à  hmuilier  l'orgueil  de  l'homme.  Ils  nous 
font  vivement  seÉitir  qi'ensevelis  dans  les  cliosss  in- 
férieures, nous  ne  pnuvons  que  p:ir  leurs  uioyens 
nous  élever  au-dessus  des  choses  sensibles.  —  C'est 
ainsi  que,  tout  en  lui  découvraiit  sa  faiblesse,  sou 
néant,  noire  doctrine  monire  à  l'homme  qu'il  peut 
arriver  à  la  sainteté  la  plus  élev 'C.  Est-il  une  doc- 
trine plus  propre  à  nous  sanctilier?  —  Voyons-la 
en  action. 

L'Eglise  est  destinée  à  former  des  sujets  au 
royaume  de  Dieu  sur  la  terre.  Pour  cela  elle  s'a- 
dresse à  des  iiommes  pécheurs,  vivant  dans  un 
monde  corrompu.  i:ile  ne  peut  donc  agir  hiiis  du 
cercle  du  ruai,  il  faut  au  contraire  qu'elle  descende 
dans  la  vie  pour  le  combattre  incessamment.  Il  est 
impossible  que,  dans  un  tel  état  de  choses,  il  n'existe 
(lu  mal  dans  l'Eglise  ;  il  ne  lànl  pas  même  s'éioimer 
si  à  certaines  époques  il  a  paru  surpasser  le  bien. 
Nous  le  savons,  dans  sa  longue  existence,  l'Eglise 
n'a  pas  toujours  brillé  du  même  éclat"  ;  des  prêlies, 
des  évêques,  des  papes,  ont  foulé  aux  pieds  les  de- 
voirs les  plus  sacrés,  ils  n'ont  que  trop  souvent 
laissé  éteindre  le  feu  céleste.  !\lais  nous  dirons  que, 
comme  inslitution  divine,  l'Eglise  n'a  jamais  défailli, 
jamais  elle  n'a  perdu  sa  première  vigueur. 

Nous  ne  ferons  aucune  consiilérati'in  sur  les  pre- 
miers siècles  de  l'Eglise,  elle  brillait  alors  d'un  trop 
vif  éclat,  pour  oser  lévoquer  en  d(mie  sa  sainteté. 
Dans  les  âges  suivants,  elle  traversa  tjes  siècles  où 
le  momie  moral,  ébranlé  jusque  dans  ses  fondements, 
semblait  menacé  d'une  mine  prochaine.  Des  hordes 
sauvages  détruisent  l'ancienne  civilisation.  Ses  prê- 
tres el  ses  évêques  ne  descenilent  pas  du  ciel,  il  faut 
qu'elle  les  choisi!.se  au  milieu  des  Iiommes  tels  que 
la  sociéié  les  lui  présente.  On  ne  vil  pas  sans  doute 
alors  les  Clément  d'Alexandrie,  les  Cjrprien,  les  Ba- 
sile, les  Grégiiire,  les  Uilaire,  les  Jérôme,  les  Au- 
gustin ;  hélas!  ces  hommes  puissants  en  paroles  et 
en  vei  lll^  n'avaient  point  laissé  de  successeurs.  Ce- 
pendant, fécondité  adnd.able  !  dans  ses  jours  muuvaiï 
elle  Sit  encore  des  prodiges  et  des   miracles.  là» 


517 


SÂl 


SAL 


318 


épiiisablc  foyer  de  clialeiir  et  de  vio,  sa  docirine 
exerça  tonjoiiis  une  iiiflnenoe  salnlaiii'  sur  réiiii- 
calidti  des  peuples,  sur  la  réforme  des  mœurs  ;  elle 
se  développa  alors,  mais  d'une  manière  diffi'reiiie. 
Kllt^  serait  trop  lon!;iie  la  liste  des  sages  institutions 
qu'elle  établit  dans  tous  les  temps  pui\r  la  sanciili- 
cation  des  peuples  ;  nous  ne  linirinns  point  si  nous 
voulions  raconter  les  actions  Iréroïijues  des  saints 
qui  dans  tous  les  »i;es  honorèrent  l'Eglise  romaine, 
qui  furent  marqués  du  ^ceau  de  la  divinité.  Des  pio- 
Jlges  évidemment  divins  en  confirmant  leur  sainteté 
l'assurèrent  aussi  à  l'Eslisequi  les  enfanta. 

♦  SAIM-SIMOMSME.  Secle  éphémère  qui  s'était 
présen  ée  comme  devant  renouveler  le  monde.  Quel- 
ques jours  d'une  vie  agliée,  quelques  succès  panicis, 
voilà  t'iute  l'histoire  du  saini-simonisnie.  Un  n'attend 
pas  de  nous  que  nous  entrions  dans  l'hisioire  des 
avenliires  de  Saini-Simon,  Eiifanlin,  R'ulriKne.  etc., 
ce  serait  trop  nous  éloigner  de  notre  but.  Nous  noos 
contenterons  d'exposer  les  doctrines  religieuses  et 
morales  du  saiui-sinionisme.  Le  panihéisme  était  le 
prineipe  fondamenlal  de  leurs  croyances  :  i  Dieu  est 
tout  ce  qui  est,  disait  Enfaniin,  tout  esi  en  lui,  tout 
est  par  lui  ;  nul  de  nous  n'est  hors  de  lui,  mais  au- 
cun de  nous  n'est  lui.  Cliacuu  de  nous  vit  de  sa  vie, 
et  tous  nous  communions  en  lui,  car  il  ottoutco  qui 
est.  I  Les  saint-simonieus  niaieni  la  déchéance  pii- 
iiiiiivc  de  l'homiiie;  ils  en-eignaient  que  riiumaniié 
a  Son  enfance,  puis  son  âi;e  viril,  eoMn  son  âge  mûr, 
qui  doit  conàlammcnt  progresser.  «  Nous' faisons 
précisénieiit  ce  qu'a  fait  Moï-e,  disaient-ils,  ce  qu'a 
f:iit  le  Christ.  Moïse  est  venu  donner  au  monde  une 
reliKJon  nouveI<e  ;  le  Christ  à  sou  tour  en  vemi  dé- 
irul.e  l'ancreimo  religion  par  une  religion  nouvelle, 
et  remplacer  Moïse.  Ce  sont  là  des  phases  qui  arri- 
vent parfois  dans  riium.inité.  iNous  conimcnçons  une 
de  «es  ph.ises  :  nous  faisons  comme  .Moïse  et  comme 
leCliiist;  iKius  agissons  comme  agirent  les  apôtres,  i 
C'était  m.e  aiid.ice  prodigieuse  de  se  mettre  au  niveau 
de  Moïse  et  du  Onrist,  ou  plutôt  supérieurs,  car  ils 
voulaient  perfeclioimer  leur  œuvre.  Leur  chme,  aussi 
prompte  i|ue  icrrihie,  dessilla  les  yeux  de  plusieurs 
d'entre  eux,  et  les  ramena  au  giron  de  rt,glisc  ca- 
tholique. 

Selon  les  saint-sinmniens,  la  femme  avait  été  am- 
nistiée et  non  réhabilitée  pir  le  christianisme;  elle 
n'est  pas  encore  légale  de  l'honisne,  mais  sa  suivante; 
leur  graede  mission  élait  de  la  rendre  libre  et  indé- 
pendante. L'accusation  pnrtée  contre  le  christianisme 
n';i  rien  ici  de  toiÉilé.  Nous  voyons  la  religion  donner 
à  II  femme  une  pan  égale  dans  les  destinées  de  l'hii- 
niaiiiié.  .\ussi  les  Etats  chrétiens  lui  accurdeiit  une 
liberté  c  vile  au-si  cunipléle  que  celle  de  l'hoimue, 
tandis  qu'elle  n'a  pas  pris  d'engagement  contraire  ; 
mais,  lorsqu'elle  s'est  soumise  an  mari,  elle  en  a 
accepté  on  état  qui,  par  sa  nature,  lui  commande  la 
siutniission,  qu'elle  sait,  quand  elle  veut,  changer  en 
un  pouvoir  S"Hverain.  Quant  aux  droits  politiques, 
c'est  ime  question  dans  laquelle  nous  ne  voulons  pas 
nous  engager. 

Une  autre  grande  maxime  du  saini-siinonisme, 
c'était  la  réhabililation  de  la  ch  lir.  Selon  lui  ,  le 
christianisme,  se  tronv:ini  dans  la  nécessité  de  com- 
battre le  sensualisme  païen,  avait  tout  sacrifié  à 
l'esptit;  aussi  1- s  inasimes  de  l'Evangile  et  la  pra- 
tique de  l'Eglise  n'ont  eu  d'autre  but  que  de  mortifier 
la  chair.  Ce  n'est  pas  la  loi  de  la  nature  qui,  avant 
composé  l'homme  d'un  corps  et  d'une  ftine,  a  voulu 
qu'il  travaillât  à  la  satisfaction  et  au  développement 
de  ces  deux  parties  de  lui-même.  C'était  là  complè- 
tement ignorer  la  nature  de  l'homme  :  car  il  e>t  d'une 
consian  c  exiéiience  que  si  la  chair  n'est  domptée 
et  soumise  à  l'e-prit,  elle  finit  par  dominer  et  par  éta- 
blir le  règne  des  passions.  Vaineiuent  un  saint- 
ciiironien  disait  i  Tanioi  le  couple  sacerdotal  calmera 
l'ardeur  immodérée  de  riutelligcoce,  ou  modérera 
les  appétit*  derèjjlés  des  sens  ;  tantôt,  au  contraire, 


il  réveillera  l'intelligence  apalbiqtie,  ou  réchauffera 
les  sens  engourdis  ;  c^n  II  connaît  toiii  !e  charme  de 
la  décence  et  de  la  piulenr,  mais  aussi  toute  la  grâce 
de  l'abandon  et  de  !:i  volupté.  »  C'était  complètement 
ignorer  la  lorce  de  l'appéiit  sensuel. 

Comme  suite  de  leurs  doctrines  pantbéistiques,  les 
saint  simoniens  rejetiaient  looies  les  peines  de  l'au- 
tre vie  ;  et,  pour  couronner  leur  œuvre,  ils  mettaient 
fleuri  Saint-Simon  et  Enfantin  au  nombre  des  pre- 
miers-nés de  Dieu,  ou  plut  ;t  ils  en  faisaient  des  dieux. 

Si  les  saint-siinoniens  eurent  quelques  succès,  ils 
le  durent  aux  maximes  du  christianisme  qu'ils  n.èlè- 
rcnt  à  leur  système.  On  ne  peut  nier  qu'ils  ne  les 
aient  souvent  développées  avec  beaucoup  de  talent. 
Une  fois  qu'ils  sortaient  du  domaine  de  la  vérité  ré- 
vélée, ils  tombaient  dans  des  erreurs  si  grossières 
qu'ils  faisaient  sourire  de  pitié.  Il  en  sei'a  ainsi  de 
quiconque  voudra  édifier  en  dehors  de  l'Evangile. 

SALOMON,  fils  de  David,  et  troisième  roi 
des  Juifs.  Nuits  ne  louclicrotis  point  aux 
actions  de  ce  roi,  dont  il  est  pjirlé  dans  le 
Dictionnaire  historv^ue  ;  nou.s  noits  bornosis 
à  satisfaire  à  plusieurs  taux  rpprochi's  que 
les  incrédtiles  de  notre  siècle  ont  faits  conJre 
lui  dans  les  livres  qu'ils  oui  éc'ils  pour  dé- 
primer l'histoire  de  rAucoii  Jestaincnt. 

1"  Ils  ont  dit  que  Snlomon  ^.leil  né  de  l'a- 
ditllère  de  David  et  de  iieitisabée.  C'est  auo 
imposture  ;  le  fruit  de  cet  aduiière  mourut 
dans  l'enfance,  II  Reg.,  c.  siii,  18.  Salnmon 
naquit  du  mariage  de  Havid  avec  retîo 
femme.  C'était  une  alliance  condamnable, 
parce  qu'elle  avait  été  procurée  par  un  dou- 
ble crime,  mais  elle  ii'él.-iil  pas  nulle  ;  la 
polygamie  d(!s  rois  élait  passée  en  usage.  2* 
lis  ajoutent  tjue  Salomon  avail  usurpé  le 
trôîie  sur  Adonias,  sou  frère  aîné,  par  les 
imrigues  du  prophète  Nathan  avec  licthsa- 
béc  ;  qu'ensuite  il  fil  mourir  co  frère  contre 
la  foi  d'un  serment.  Nouvelles  faussetés. 
Chez  la  nation  juive  il  n'y  avait  aucune  loi 
qui  déférât  le  trône  au  fils  aîné  du  roi  ;  Saiil 
et  David  y  étaient  montés  parle  choix  de 
Dieu,  confirmé  par  le  suffrage  dn  peuple. 
Adonias  s'était  fait  proclamer  roi  av.mt  la 
mort  de  son  père  et  sans  attendre  son  aveu  ; 
il  avait  donc  mérité  par  cet  attentat  de  per- 
dre la  couronne.  Salomon,  nu  contfaire  , 
avait  été  désigné  par  David  pour  suecéder 
au  trône,  cl  il  réuitit  à  ce  choix  !c  suffrage 
du  peuple.  Le  prophète  Nathan  n'y  eut  d'au- 
tre part  que  d'avertir  David  de  la  promesse 
qu'il  avait  laite,  et  de  l'entreprise  d'Adonias, 
IJI  Reg.,  c.  1  et  II.  Sdlomon  jura  que  si  sou 
frère  se  conduisait  en  bon  et  fidèle  sujet,  il 
no  perdrait  pas  un  cheveu  de  sa  tèle  ;  mais 
cet  ambitieux  detnaiida  en  mariage  Abisag, 
concubine  de  David,  el  i!  ajouta  que  le  trône 
lui  appartenait,  III  Reg. ,c.  ii,  16.  Salomon, 
indigné  de  cette  |irétention,et  de  ce  que  Ado- 
nias entretenait  dans  son  parti  le  grand  prê- 
tre :\biathar  et  Joab,  général  de  l'armée,  le 
fit  mettre  à  mort,  ibid.  22.  Il  ne  pouvait 
pas  lui  laisser  la  vie  sans  s'exposer  à  un 
nouvel  attentat.  3"  On  lui  reproche  encore 
la  mort  de  Joab,  ancien  serviteur  de  David. 
La  vérité  est  q^ie  ce  général  n'était  rien 
moins  qu'un  serviteur  fidèle  ;  c'était  un  sé- 
dilietis  el  un  mcurlrior.  1!  avi;il  tué  par  tra- 
hison Abner  et  Aoiasa,  deux  officiers  dislia 


519 


SAL 


SAL 


520 


gués  ;  il  avait  appuyé  les  prétenlions  d'Ado- 
nias  contre  lo  gré  de  David  ;  cnlui-ci  en 
mourant  avait  averti  Salomon  Aq  s'en  dé- 
fier, et  sa  conduite  conlinuait  à  le  rendre 
suspect  ;  sa  mort  fut  donc  un  acte  de  jus- 
tice. 4*  Les  mêmes  conseurs  disent  que  les 
prêtres  ont  exalté  d'abord  la  sagesse  de  5a- 
tomon  ,  parce  qu'il  fit  bâtir  le  iL'mple  de 
Jérusalem,  et  qu'il  favorisa  le  clergé  ;  mais 
qu'ensuite  ils  l'ont  décrié  parce  qu'il  toléra 
l'idolâtrie  :  et  c'est  à  cette  tolérance  que 
les  incrédules  attribuent  la  prospérité  et  la 
splendeur  du  règne  de  Salomnn.  Cependant 
le  témoignage  que  les  iirêtres  ont  rendu  à  la 
sagesse  de  ce  roi  pcndiint  sa  jeunesse  est 
confirmé  par  l'exactitude  avec  laquelle  il 
rendit  la  justice,  parla  paix  qu'il  entretint 
avec  ses  voisins,  par  l'abondance  qu'il  fit 
régner,  parle  commerce  qu'il  établit,  par 
les  aris  qu'il  fit  culti\er,  par  les  livres  qu'il 
a  laissés.  Dans  sa  vieillesse  il  se  laissa  cor- 
rompre par  les  femmes  ;  non-seulement  il 
toléra  l'idolâtrie,  mais  il  la  pratiqua  pour 
leur  plaire.  Les  prophètes  le  menacèrent  de 
la  colère  divine  ;  en  etTcl,  elle  ne  tarda  pas 
d'éclater  ;  la  haine  d'Adab,  prince  de  l'I du- 
mée;  le  ressentiment  de  llazon,  roi  de  Syrie  ; 
la  révolte  de  Jéroboam,  en  furent  les  tristes 
effets,  III  Iteg.,  c.  xi.  Ainsi  la  prétendue  to- 
lérance de  Salomon,  loin  d'avoir  contribué 
à  la  prospérité  de  sou  règne,  fut  la  cause 
des  malheurs  qui  arrivèrent  sous  celui  de 
Roboam  son  fils.  '6°  L'on  prétend  que  le  récit 
des  richesses  laissées  par  David  à  Snlomon 
est  incroyable,  que,  suivant  les  calculs  les 
plus  modérés,  elles  se  monteraient  à  vingt- 
cinq  milliards  sis  cent  quarante-huit  mil- 
lions de  noire  monnaie.  Mais  ces  calculs 
ne  portent  que  sur  une,  estimation  arbitraire 
du  talent  d'or  et  li'argent  ;  or,  chez  les  an- 
ciens il  y  a  eu  le  talent  de  poids,  et  le  talent 
décompte,  comme  il  y  a  chez  nous  la  livre 
de  poids  et  la  livre  de  compte,  qui  n'est  que 
la  centième  parlie  de  la  première. Un  savant, 
très-e\ercô  dans  ces  malières,  a  fait  voir 
que  les  richesses  laissées  par  David  à  Salo- 
mon se  montaient  tout  au  plus  à  douze  mil- 
lions et  demi  de  noire  monnaie,  somme  qui 
n'csi  point  exorbitante  pour  le  temps  duquel 
nous  parlons.  liechrrclies  sur  la  valeur  des 
monnaies,  par  M.  Dupré  de  Sainl-Maur. 

Salomon  est  reconnu  pour  l'aiileur  du 
livre  des  Proverbes,  du  Cantique  des  canli- 
(jUfs  dl  de  VEcclésiasie ,  qui  font  partie  des 
livres  de  l'Ancien  Teslamentque  l'on  appelle 
sapicntiaux  ;  quant  à  celui  de  la  Sarjesse, 
qui  porte  son  nom  dans  la  version  grecque, 
ou  ne  peut  pas  prouver  qu'il  soit  véritable- 
ment de  lui,  et  plusieurs  critiques  ont  rejeté 
celte  opinion  ;  nous  avons  parlé  de  chacun 
de  ces  livres  en  particulier. 

L'on  a  souvent  agité  la  question  de  savoir 
si  ce  roi  célèbre  est  mort  pénitent  et  con- 
verti, ou  s'il  a  persévéré  dans  l'idolâtrie  et 
l'incontinence  jusqu'à  la  fin  de  sa  vie.  Com- 
me l'histoire  sainte  n'en  a  rien  dit ,  les 
Pères,  les  auteurs  ecclésiastiques,  les  coin- 
menlaleurs  anciens  et  modernes  se  sont 
livrés  à  des  conjectures  dirccteincut  oppo- 


sées ;  l'on  peut  citer  pour  et  contre  dès  au- 
torités respectables.  Dans  la  Bible  d'Avignon, 
tome  IV,  p.  472,  il  y  a  une  dissertation  de 
dom  Calmet,  où  l'on  voit  les  preuves  de  l'un 
et  de  l'autre  sentiment  ;  les  commentateurs 
anglais  de  la  Bible  de  Chais  en  ont  aussi 
donné  uu  précis,  t.  VI,  pag.  161.  Nous  ferons 
de  mémo,  sans  cependant  les  copier. 

Ceux  qui  pensent  que  Salomon  est  mort 
impénitent  allèguent,  1°  le  silence  de  l'Ecri- 
ture sainte  :  il  n'est  pas  probable,  disent- 
ils,  que  l'historien  sacré,  après  avoir  exalté 
la  sagesse  et  les  vertus  de  ce  prince  pendant 
les  bolles  années  de  sa  vie,  après  avoir  en- 
suite rapporté  les  égarements  de  sa  vieil- 
lesse, eût  >.u|iprimé  un  fait  aussi  es'^entiel 
et  aussi  édifiant  que  celui  de  sa  conversion, 
si  elle  était  véritablement  arrivée.  2°  L'on 
ne  voit  nulle  part  qu'il  ait  congédié  les 
femmes  idolâtres,  qu'il  ait  détruit  les  hauts 
lieux  et  les  temples  qu'il  avait  bâtis  par 
complaisance  pour  elles  ;  ces  édifices  scan- 
daleux subsistaient  encore  sous  Josias,  qui 
les  fit  raser.  3°  S'il  avait  fait  pénitence.  Dieu 
aurait  sans  doute  adouci  la  sentcnci!  qu'il 
avait  portée  contn;  lui  :  au  contraire,  elle  fut 
exécutée  à  la  rigueur  iniiiiédiatement  après 
sa  mori,  par  la  révolte  de  dix  tribus  contre 
lloboam  son  fils.  4°  Quoique  dans  le  livre 
des  Proverbes  et  dans  l'Ecclésiaste  il  y  ait 
des  réflexions  et  des  maximes  qui  semblent 
caractériser  uu  prince  détrompé  de  toutes 
les  vanités  du  monde,  il  n'est  pas  certain 
que  ces  livres  aient  été  l'ouvrage  des  der- 
nières années  de  Salomon.  5°  La  multitude 
des  Pères  de  l'Eglise  et  des  auteurs  qui  ont 
cru  qu'il  est  mort  impénitent  surpasse  de 
beaucoup  le  nombre  de  ceux  qui  ont  présu- 
mé sa  conversion. 

Ces  raisons  n'ont  pas  paru  fort  solides 
aux  partisans  du  sentiment  opposé  ;  ils  en 
allèguent  de  leur  côté.  1°  Dieu  avait  dit  à 
David  en  parlani  de  Salomon,  //  Reg.,  c.  vu, 
V.  14-  et  15:  Je  serai  sonj)cre  et  il  sera  mon  fils; 
s'il  pèche  en  quelque  chose,  je  le  punirai  com- 
me un  homnir  par  des  châtiments  humains, 
tnais  je  ne  lui  ôterai  point  ma  miséricorde, 
comme  je  l'ai  fait  à  Saiil.  David  a  répété 
celte  promesse,  Ps.  lxxxviii,  v.  31  et  suiv. 
Si  5a<oj/ioR  avait  été  finalement  réprouvé, 
ce  ne  serait  plus  un  châtiment  humain, 
mais  un  des  plus  terribles  arréls  de  la  jus- 
tice divine.  2"  11  est  dit  de  lui  couicne  de 
David,  qu'il  dormit  avec  ses  pères;  cette 
expression  semble  désigner  plutôt  la  mort 
d'un  juste  ou  d'un  pénitent,  que  celle  d'un 
réprouvé.  3°  L'auteur  de  l'Ecclésiastique, 
après  avoir  reproché  à  Salomon  son  incon- 
tinence, ajoute,  c.  xxxxvii  ,  v.  24:  Mais 
Dieu  n'ôlera  pas  sa  miséricorde,  il  ne  détruira 
pas  ses  ouvrages,  il  ne  perdra  point  la  race 
de  3on  élu,  ni  la  postérité  de  celui  gui  aime 
le  Seigneur.  Cela  semble  tomber  également 
sur  David  et  sur  Salomon.  Le  prétendu  si- 
lence de  l'Ecriture  sur  les  derniers  moments 
de  ce  roi  n'est  donc  pas  absolu  ;  quand  il  le 
serait,  cela  ne  prouverait  encore  li'  n.  Dans 
les  Paralipoménes,  1.  II,  c.  i\,  v.  ;2!t,  ni  dans 
l'Ëcclésiasle,  ibid.,  il  -n'est  rieu  dit  de  l'ido- 


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SAL 


latrie  de  Salomon  ;  cependant  il  en  était 
coupable.  4'  L'on  ne  peut  pas  douter  que 
i'Ecilésiaste  ne  soit  un  des  derniers  ouvrages 
de  Salomon  ;  dans  sa  jeunesse  il  n'aurait  p.is 
pu  parler  de  lui-même  cimime  il  le  fail  dans 
ce  livre,  cap.  ii  et  ailleurs  :  J'ui  possédé 
d'immenses  richesses....  Je  ne  me  suis  refusé 
aucun  de  mes  désirs  ni  aucune  espèce  de  plai- 
sirs.... Lorsque  j'y  ai  répéchi  dans  la  suite, 
j'ai  vu  que  tout  n'était  que  vaiiitr  et  afflic- 
tion d'esprit,  et  que  rien  n'tst  durable  sous 
te  soleil....  J'ui  compris  combien  la  saijrsse 
est  préférable  i\  la  folie,  etc.  Ce  n'est  plus  là 
le  langage  d'un  prince  corrompu  par  la  vo- 
lupté et  par  l'idolâtrie,  mais  d'un  sage  dé- 
trompé, confus  et  repentant  de  ses  désordres. 
5"  Il  n'est  point  ici  question  de  compter  les 
sulTr;iges,  mais  d'en  peser  les  raisons;  or, 
il  n'y  en  a  point  d'autres  que  celles  que 
nous  avons  vues.  Plusieurs  l'ères  de  riîglisc 
n'ont  parlé  ni  pour  ni  contre,  quelques-uns 
ont  été  de  divers  avis,  suivant  l'occasion. 

Nous  embrasserions  volontiers  le  senti- 
ment le  plus  doux  ;  mais  il  nous  parait 
mieux  de  nous  en  tenir  ;\  la  sage  m.ixime  do 
saint  Au;;uslin,  1.  ii,  de  l'cccat.  meriiis  et 
remiss.,  c.  ^0,  n.  50.  «  Lorsque  l'on  dispute 
sur  une  chose  très-obscure,  sans  être  guidé 
par  des  passages  clairs  et  furmels  de  l'Kcri- 
ture  sainte  ,  la  présomption  humaine  doit 
s'arrêter  et  ne  pencher  ni  d'un  côté  ni  d'un 
autre.  Quoique  je  ne  sache  pas  comment  on 
peut  décider  telle  question,  je  trois  cepen- 
dant que  Dieu  se  serait  expliiiué  Irès-clai- 
reinent  par  l'Ecriture  ,  si  cela  avait  été 
nécessaire  à  notre  salut.  »  C'est  aussi  le 
parti  (ju'ont  pris  plusieurs  auteurs ,  tant 
anciens  que  modernes,  louchant  la  dernière 
Gn  de  Salomon. 

SALVIEN,  prêtre  gaulois,  né  à  Trêves  ou 
à  Cologne,  et  qui  a  passé  la  plus  grande 
partie  de  sa  vie  à  Marseille,  pendant  pres- 
que tout  le  V'  siècle,  il  a  été  célèbre  par  ses 
talents,  par  la  sainteté  de  ses  mœurs  ,  par 
les  leçons  qu'il  a  données  aux  autres.  Une 
partie  de  ses  ouvrages  se  sont  perdus,  mais 
il  nous  reste  de  lui  un  Traité  de  la  Provi- 
dence, quelques  lettres,  et  un  Traité  contre 
l'Avarice.  Il  composa  le  premier  pour  répri- 
mer les  murmures  des  chrétiens  désolés  par 
les  irruptions  des  liarbares,  et  qui,  au  lieu 
de  considérer  leurs  souffrances  comme  un 
juste  châtiment  de  leurs  crimes,  s'en  pre- 
naient à  la  divine  Providence  et  blasphé- 
maient contre  elle;  Salvicn  leur  souiient 
qu'ils  sont  plus  vicieux  que  les  Barbares 
mêmes  dont  ils  se  plaignent  ;  le  tableau  qu'il 
trace  des  mœurs  de  son  siècle  est  aflligeaul. 

Les  critiques  protestants  ,  forcés  de  ren- 
dre justice  à  l'éloquence  de  Salvien,  mais 
mécontents  Je  ce  qu'il  a  professé  une  doc- 
trine très-opposée  à  la  leur,  ont  blâmé  la 
sévérité  de  sa  morale.  Salvien,  ditMosheim, 
fut  un  écrivain  éloquent,  mais  mélancolique 
et  mordant,  qui,  dans  ses  déclamations  ou- 
trées contre  /es  vices  de  son  siècle,  découvre, 
sans  y  penser,  les  défauts  de  son  propre  c.i- 
ractère  :  Mosheim  cite  pour  preuve  l'Uist. 
liltér.  de  la  France,  tome  JI,  p.    517  ;  mais 


SAL  322 

son  Iraduclcur  s'élève  contre  ce  jugement. 
Les  auteurs  de  cette  histoire  ,  dit-il ,  nous 
font  un  inut  autre  portrait  du  caractère  de 
Salvien.  Ils  convii'iinent  que  ses  déclama- 
tions contre  les  vices  de  sou  siècle  sont  vio- 
lentes et  emportées,  mais  ils  nous  le  repré- 
senleiil  cependant  comme  un  des  hommes  les 
plus  humains  et  les  plus  charitables  de  son 
temps,  il  faut  avouer  qu'il  poussa  l'austérité 
à  l'excès  dans  les  règles  qu'il  donna  pour  la 
conduite  de  la  vie.  Y  a-t-il  rien  de  plus  in- 
sensé que  il'ordonner  aux  chrétiens,  comme 
une  condiiion  nécessaire  au  s,i!ul,  de  donner 
tous  leurs  biens  aux  pauvres,  et  de  réduire 
à  Id  niendiciié  leurs  enfants  et  leurs  parents'? 
Celte  sévérité  néanmoins  de  Salvien  était 
accompagnée  d'une  modéralion  cli;irmanto 
envers  ceux  qui  av.iient  d'autres  sentiments 
que  lui  sur  la  religion.  Hist.  ecclés.,  s'  siè- 
cle, w  part.,  c.  2,  §  11. 

.Mais  il  est  encore  faux  que  Salvien  ait  en- 
seigné la  morale  qu'on  lui  prêle.  (^)uand  on 
veut  se  donner  la  peine  de  le  lire  altenlive- 
ment,  l'on  voit  qu'il  a  prescrit,  non  à  tous 
les  chrétiens  en  général,  de  donner  leurs 
biens  aux  pauvres,  mais  seulement  à  tous 
ceux  qui  ont  f.iil  pi  ot'ession  de  vouloir  mener 
une  \ie  plus  parfaite,  comme  ont  fait  les  évê- 
ques,  les  autres  ecclésiastiques  ,  les  reli- 
gieux, les  vierges,  les  veuves  et  les  gens 
mariés  qui  gardent  la  continence.  Loin  do 
vouloir  que  les  riches  réduisent  leurs  enfants 
et  leurs  parents  à  la  mendicité,  il  se  défend 
expressément  do  ce  reproche  ;  mais  il  no 
veut  pas  (jue  les  pères  transmettent  à  leurs 
enfants  des  biens  mal  acquis  ,  qu'ils  aient 
plu-,  d'eni|iressement  de  les  enrichir  que  de 
leur  donner  une  éducation  chrétienne  ,  qu'ils 
oublient  les  pauvres  pour  laisser  une  suc- 
cession plus  opulente  à  des  parents  déj;l 
riches  ou  vicieux.  ^If/iersus  Avarit.,  I.  i,  n. 
'3  et  suivants  ;  I.  ii,  n.  k  et  suiv.,  etc.  Nous 
ne  voyons  pas  ce  que  cette  morale  peut  avoir 
de  répréhensible.  Hist.  de  l'Eglise  Gallic, 
tome  11,  I.  IV,  an.  456. 

SALUT,  SAUVER,  SAUVEUll.  Dans  l'Ecri- 
ture sainte,  comme  dans  les  auteurs  profa- 
nes, le  salut  signifie,  1°  la  santé,  la  conser- 
vation, la  prospérité  ,  l'exemption  de  tout 
mal.  2°  La  victoire  sur  les  ennemis  ;/F  Reg., 
c.  XIII,  V.  17,  suijitta  salutis,  est  une  flèche 
qui  sera  un  gage  de  la  victoire.  Luc,  c.  i, 
V.  71,  salulem  ex  inimicis  nustris,  l'avantage 
d'être  délivrés  de  nos  ennemis.  3°  La  louange 
rendue  à  Dieu,  Apoc,  c.  xix,  v.  1,  Salus  et 
ghria  Deo  nostro ,  louange  et  gloire  à  notre 
Dieu.  V  Le  salut  est  l'action  de  saluer  , 
c'est-à-dire  de  souhaiter  à  quelqu'un  la 
santé  et  la  prospérité  ;  saint  Paul  exhorte 
les  fidèles  à  se  saluer  les  uns  les  autres  par 
un  saint  baiser,  salulnte  invicem  in  osculo 
sanclo.  L'abondance  des  grâces  du  Seigneur  ; 
Luc,  c.  IX,  V.  9,  le  salut  est  venu  aujour- 
d'hui dans  cette  maison  ;  et  c.  i,  v.69,  cornu 
siilutis  est  la  source  des  grâces  qui  condui- 
sent au  salut  éternd.  6°  Enljn  le  salut  éternel 
est  le  boiiheur  du  ciel.  C'est  un  dogme  de  la 
foi  chrétienne  que  nous  ne  pouvons  obtenir 
ce  salut   que  par  Jéaus-Christ,  Act.,  c.  iv, 


523 


SAL 


SAL 


324 


V.  li,  et  que  c'est  pour  nous  le  procurer 
iju'il  est  venu  sur  la  terre. 

Mais  une  grande  question  parmi  les  théo- 
logiens esl  Je  savoir  en  quel  sens  Dieu  veut 
sauver  tous  les  hommes  ;  en  quel  sens  Jé- 
sus-Christ en  est  le  Sauveur  pendant  que 
Ions  ne  sont  pas  sauvés.  On  demande  si  celte 
volonté  de  Dieu,  si  souvent  atlesléedans  les 
saintes  Ecritures,  est  sincère,  produit  quel- 
que effet,  ou  si  c'est  une  simple  velléité  de 
laquelle  il  ne  résulte  rien.  Coiiséquemmeat 
il  s'îigit  de  savoir  si  Jé^us-Chrisl  a  voulu 
réelleuient  le  Sdlul  de  tous  les  hommes  ,  s'il 
est  mort  pour  tous,  de  manière  que  tous, 
sans  exception,  aient  quelque  part  au  pris 
de  sa  mort  ;  enfin,  si,  en  vertu  de  son  sacri- 
fice, tous  les  hommes  reçoivent  des  grâces 
et  des  secours  par  lesquels  ils  seraieDl  con- 
duits au  sahit,  s'ils  étaient  lidèles  à  y  cor- 
respondre. Déjà,  au  mot  Rédemption,  nous 
avons  fait  voir  que,  suivant  nos  livres  saints, 
ce  bienfait  s'étend  à  tous  les  enfants  d'Adam 
sans  exception,  quoique  tous  n'en  ressen- 
tent pas  également  les  elTels.  Au  mot  Grâce, 
§  3,  nous  avons  cité  un  grand  nombre  de 
passages  qui  prouvent  qu'en  vertu  des  mé- 
rites de  Jésus-Christ,  ce  don  de  Dieu  est 
accordé  à  tous,  quoique  tous  ne  le  reçoi- 
vent pas  en  même  abondance.  Mais  comme 
c'est  ici  la  plus  consolante  vérité  qu'il  y  ail 
dans  le  christianisme,  que  cependant  il  y  a 
encore  un  bon  nombre  de  théologiens  qui 
s'obstinent  à  la  miconn^Jtre,  on  ne  doit  pas 
nous  savoir  mauvais  gré  de  ce  que  nous 
aimons  à  en  répéter  les  preuves.  Nous  ap- 
porterons, 1°  celles  qui  concernent  la  voloiilé 
de  Dieu  ;  2°  celles  qui  regardent  le  dessein 
de  Jésus-Christ  dans  la  rédemplion  ;  3°  la 
distribution  de  la  grâce  ;  4°  nous  examine- 
rons le  sentiment  des  Pères  de  l'Eglise,  par- 
ticulièrement de  saint  Augustin  ;  5°  nous 
répondrons  aux  oDjei  tions. 

I.  Dieu  a  déclaré  formellement  sa  volonté 
dans  l'Ancien  Testament  :  il  est  dit  dans  le 
psaume  cxxxxîv,  v.  8,  que  le  Seigneur  est 
miséricordieux,  indulgent,  patient,  rempli  de 
bonté,  bienfaisant  à  l'égard  de  tous;  ses  mi- 
séricordes sorti  répandues  sur  tous  ses  ou- 
vrages. Or,  s'il  y  a  un  seul  homme  que  Dieu 
n'ait  [ias  sincèrement  voulu  sauver,  en  quoi 
consiste  la  bonté  et  la  miséricorde  de  Dieu 
à  son  égard?  —  Snp.,  c.  xi,  v.  23:  Vous 
avez  pitié  de  tous,  Seigneur,  parce  que  vous 

poitvez  tout  ; t>0M;s  aimes  tout  ce  qui  esl  , 

vous  n'avez  d'aversion  pour  aucun  de  ceux 
que  vous  avez  créés;....  vous  pardonnez  à 
tous,  parce  que  tous  sont  à  vous  qui  aimez 
les  dmes.  Cap.  xii,  v.  1  :  Que  vous  êtes  bon, 
Seigneur,  el  indulgent  à  l'égard  de  tous  I  V. 
13  :  Vous  avez  soin  de  tous,  afin  de  faire  voir 
que  vous  jugez  aiec  justice.  V.  IQ  :  C'est  votre 
puissance  qui  est  lu  source  de  votre  justice, 
et  parce  que  vous  êtes  le  souverain  Seigneur 
de  tous,  vous  pardonnez  à  tous.  V.  19:  Par 
celle  conduite  vous  avez  appris  à  votre  peui)le 
à  être  juste  el  humain,  etc.  Voilà  un  langage 
Lieu  différent  de  celui  de  certains  théolo- 
giens ;  ils  disent  que  Dieu,  en  vertu  de  sa 
Diiissancc   et   de  son    souverain  domaine, 


pourrait  sans  injustice  dananer    le  monde  \ 

entier;  l'auteur  sacré,  au  contraire,  soutient 
que  c'est  en  vertu  de  celte  puissance  abso- 
lue et  de  ce  domaine  souverain  que  Dieu  est 
bon,  patient,    miséricordieux   à    l'égard   de  J 

liius.    Les    premiers    nmis    peignent     Dieu  I 

comme  un  sultan  ,  un  despote  ,  un  maître 
redoutable  ;  le  second  nous  le  représente 
comme  un  père  tendre,  aimable  :  il  n'est  pas 
difficile  de  juger  de  quel  côté  esl  ici  l'i  sprit 
de  Dieu. —  Gen.,  cap.  vi,  v.  6,  nous  lisons 
que   Dieu  ressentit  de   la  douleur   d.ins  son  \ 

cœur,  lorsqu'il  résolut  de  faire  périr  le  genre  1 

humain  par  le  déluge.  Snp.,  c.  i,  v.  13,  que  * 

Dieu  ne  se  plaît  point  à  perdre  les  vivants. 
Il  punit  donc  à  regrei,ménie  dans  cemnnde, 
à  plus  forte  raison  dans  l'autre  :  sa  première 
volonté  est  de  sauver.  Isai.,  c.  i,  v.  24,  Dieu 
semble  gémir  de  ce  qu'il  esl  forcé  de  punir 
les  Juifs  :  Hélas!  dll-il  ,  je  serai,  vengé  de 
mes  ennemis,  mais  je  te  lindrni  la  main ,  ô 
Israël  I  et  je  te  purifirai.  Ezech.,  c.  xviii.  v. 
23  :  Ma  volonté,  dit  le  Seigneur,  est-elle  donc 
que  l'impie  meure,  et  non  qu'il  se  convertisse 
el  qu'il  vive  ?  Y.  32  :  Non,  je  ne  veux  point  lu 
mort  de  celui  qui  péril  ;  revenez  à  moi  el 
vivez.  C.  xxxiii,  v.  iî  :  Par  ma  vie,  dit  le 
Seigneur,  je  ne  veux  point  la  mort  de  l'im- 
pie, mais  qu'il  renonce  à  sa  conduite  et  qu'il 
vive.  —  Saint  l'aul  enseigne  avec  encore 
plus  de  force  cette  même  vérité,  /  Tim.,  c. 
11,  V.  1  :  Je  demande  que  l'on  fasse  des  priè- 
res ,  des  oraisons ,  des  instances  auprès  de 
Dieu  pour  (  )U.«  les  hommes C'est  une  pra- 
tique sainte  et  agréable  à  Dieu  notre  Sauveur, 
qui  veut  que  tous  les  hommes  soient  sauvés  et 
viennent  à  la  connaissance  de  la  vérité  ;  car  il 
n'g  a  qu'un  Dieu,  et  un  médiateur  entre  Dieu 
et  les  hommes  ;  savoir  Jésus-Christ  homme, 
qui  s'est  livré  lui-même  pour  la  rédemption 
de  tous,  comme  il  l'a  témoigné  dans  le  temps. 
C.  IV,  v.  10.  Nous  espérons  en  Dieu,  vivant, 
qui  est  Sauveur  de  tous  les  hommes  ,  princi- 
palement des  fidèles.  Il  n'est  pas  ici  besoin 
d'explication  ni  de  commentaire  ;  l'Apôtre 
s'explique  lui-même  :  Dieu  veut  sincère- 
nieul  le  salut  de  lous,  puisqu'il  veut  que  l'on 
prie  puur  tous,  qu'il  nous  a  donné  Jésus- 
Christ  pour  médiateur,  elque  ce  divin  Sau- 
veur s'est  livré  pour  la  rédemplion  de  tous. 
Une  volonté  démontrée  par  de  si  grands 
effets  n'est  certainement  pas  une  volonté 
apparente,  une  simple  velléité.  Saint  Pierre, 
dans  sa  seconde  lettre,  c.  in,  v.  9,  dit  aux 
fidèles  :  Dieu  agit  avec  patience  à  cause  de 
vous,  ne  voulant  pas  que  quelques-uns  péris- 
sent, mais  que  tous  reviennent  à  pénitence. 

11.  Mais,  puisque  Jésus-Christ  lui  même  a 
témoigné  dans  le  temps  ses  desseins  el  sa  vo- 
lonté, il  f.HUl  voir  ce  qu'il  en  a  dit,  Luc,  cap. 
IX,  v.  56  :  Le  (ils  de  l'homme  n'est  pas  venu  per- 
dre les  dmes,  mais  les  sauver  ;  c.  xix,  v.lO  :  Le 
Fils  de  l'homme  est  venu  chercher  et  sauver  ce 
qiti  avait  péri;  or  tous  les  hommes  avaient 
péri  par  le  péché  d'Adam.  Joan.,  c.  i,  v.  29  , 
saint  Jean-Kapliste  ditile  Jésus-Chrisl  :  Voilà 
l'Agneau  de  Dieu  qui  efface  le  péché  du  monde; 
c.  IV,  v.  24  :  //  esl  véritablement  le  Sauveur 
dumonde:  c.  iii,v.l7,ie  fils  de  l'homme  n'est 


S23  SAL 

fds  venu  au  monde  pour  te  juger,  mais  pour 
le  sauver  ;  c.  xii,  v.  47  ;  /  Joan.,  c.  ii,  v.  '2  : 
Il  rut  la  victime  de  propitjation  pour  nos 
iiéchés ,  non  pus  seulement  pour  les  nôtres, 
vmispour  ceux  dumondc  entier;  c.  iv,  v.  14-, 
Le  l'ère  u  envoyé  son  Fils  comme  Sauvbub  du 
monde.  Osera- l-on  dire  que  dans  ees  pas- 
sages le  monde  est  le  pitil  nombre  des  pré- 
destinés, ou  le  nombre  de  ceux  qui  croient 
en  Jisus-Christ?  Lui-même  réfuie  ce  sub- 
terfuge, en  disant  qu'il  est  venu  pour  sau- 
ver ce  qui  avait  péri;  or,  Li  totalité  do  genre 
humain  avait  péri.  Saint  Jean  le  prévient 
encore  en  disant  que  c'est  le  monde  entier. 
S'il  fallait  l'entendre  autrement ,  le  langage 
du  Sauteur  et  des  apôtres  serait  un  piège 
continuel  d'erreur.  —  Saint  Paul  conlirmc 
le  vrai  sens  do  ces  pasj.iges  ;  il  dit,  /  Cor., 
c.  XV,  V.  22  :  De  même  que  tous  meurent  en 
Adam,  ninsi  tous  seront  vivifiés  enJésus-Clirist. 
C'est  donc  la  postérité  d'Adam- tout  entière. 
//  (or.,  c.  V,  V.  14  :  La  charité  de  Jésus- 
Christ  nous  presse  en  considérant  que  si  un 
seul  est  mort  pour  tous,  donc  toussant  morts  ; 
or ,  Jésus-Christ  est  mort  pour  tous.  L'Apô- 
Ire  prouve  l'universalité  de  la  mort  encou- 
rue par  .\daui ,  ou  du  péché  originel  ,  par 
l'universalité  de  ceux  pour  lesquels  Jésus- 
Christ  est  mort;  saint  Augustin  a  répété  au 
moins  dix  fois  ce  passage  et  cet  argument 
contre  les  pélagiens.  —  Le  prophète  Isaïe 
avait  annoncé  d'avance  cette  grande  vérité, 
en  disant  du  Messie,  iM.in,  v.  6:  Le  Seigneur 
a  mis  sttr  lui  l'iniquité  de  nous  tous. 

On  répliquera  sans  doute  nuil  est  ait  dans 
ce  chapitre  aiéme,  v.  i2  :  /*  a  porté  les  pé- 
chés de  PLUsiEt  RS.  Malth. ,  c.  sx,  v.  28,  il  a 
dit  lui-même  qu'il  est  venu  donner  sa  vie 
pour  la  rédemption  de  plusieurs;  c.  xxvi, 
v.  28  :  Mon  sang  sera  versé  pour  plusieors. 
Idem  ,  Marc. ,  c.  xiv.  v.  24.  Ceux  qui  con- 
naissent léoergie  du  texte  hébreu  ne  feront 
pas  celte  objection.  Nous  soutenons  que  dans 
isaïe  le  mot  rahbim  est  mal  traduit  par  ?«»/(«, 
plusieurs  ;  qu'il  signifie  lu  multitude  on  les 
multitudes.  Or  c'est  autre  chose  d'aflirmer 
que  Jcsus-Christ  est  mort  pour  la  mullilude 
des  hommes,  autre  chose  de  dire  qu'il  est  mort 
pour  plusieurs  ;  la  première  de  ces  expres- 
sions peut  signifier  la  totalité,  la  seconde  ne 
désigne  qu'un  certain  nombre.  Les  écrivaieis 
du  Nouveau  Testament  ont  évidemment  pris 
ce  terme  dans  le  luômo  sens  qu'lsaïe.  En 
voici  la  preuve.  Saint  Paul,  Rom.,  c.  v,  v.l.o, 
dit  que  par  le  péché  d'uu  seul  plusieurs  sont 
morts;  il  est  clair  que  par  plusieurs  on  doit 
entendre  la  totalité;  saint  Augustin  le  son- 
tieut  ainsi  contre  les  pélagiens,  lorsqu'ils 
voulurent  abuser  de  ce  passage  pour  prou- 
ver que  le  péché  originel  n'était  pas  commua 
à  tous  les  hommes,  I.  vi,  confra  7»/.,  cap.  23, 
n.  80;  1.  u,  Op.  imperf.,  cap.  109.  La  tota- 
lité, dit-il,  est  une  multitude,  et  non  un  petit 
nombre.  Si  Jésus-Christ  n'était  le  Sauveur 
que  du  pelit  nombre  des  prédestinés,  il  se- 
rait faux  de  ilire  qu'il  esi  le  Sauveur  de  tous  ; 
si,  au  contraire,  il  est  Sauveur  de  tous,  il  est 
très-vrai  qu'il  l'est  de  la  multiiudo  des 
hommes. 


SAL 


320 


ML  Knfin,  c'est  par  les  effets  que  nous 
pouvons  jui;er  de  la  volonté  de  Dieu  et  di; 
cellede  Jésus-Christ;  or,  au  mol  Grâce,  §3, 
nous  avons  prouvé  que  ce  don  de  Dieu  est 
accordé  à  tous  les  hommes  sans  exception, 
mais  plus  ahosulamment  aux  uns  qu'aux  au- 
tres; de  manière  cependant  qu'aucun  homme 
ne  pèche  pour  avoir  raanqré  de  grâce.  En 
effet,  l'auteur  de  l'Ecclésiastique,  c.xv,  v.  1 1, 
ne  veut  point  que  les  pécheurs  disent  :  Dieu 
me  manque,  per  Deum  nbest;  c'est  comme  s'ils 
disaient  ••  Dieu  me  laisse  manquer  de  giâcc 
et  de  force.  Le  Seigneur,  leur  repond-il,  ne 
donne  lieu  de  pécher  à  personne,  v.  21,  tie- 
mini  dédit  spalium  peccandi.  Or,  Dieu  y  don- 
nerait lieu  s'il  laissait  mam^uer  rh<<mme  du 
secours  qui  lui  est  absolument  nécessaire 
pour  s'abstenir  de  pénher.  De  même,  Sa;>., 
c.  XII,  v.  13,  l'aulenr  tiil  à  Dieu  :  Vous  avez 
siin  de  tout,  afin  de  démontrer  que  vous  ju- 
gez arec  justice  ;  v.  19  :  Par  votre  conduite, 
vous  aveiappris  à  cotre  peuple  qu'il  faut  éire 
juste  et  humain,  et  vous  avez  donné  ia  plus 
grande  espérance  à  vos  enfants,  etc.  Or.  si  Dieu 
punissait  des  péchés  commis  |)our  avoir 
manqué  de  grâce,  il  ne  démonirerait  pas  sa 
justice,  il  ne  nous  apprendrait  pas  à  être  jus- 
tes, et  il  ne  nous  donnerait  aucun  li<'U  d'es- 
pérer en  sa  miséricorde. 

Pour  ébranler  notre  confiance,  qnel^[ups 
théologiens  nous  répètent  sans  ctsse  que 
Dieu  ne  nous  doit  ri"n.  0'>  i'npo'  le,  dès  qu'il 
consent  à  nous  donner  ce  qu'il  ne  nous  doit 
pas?  11  nous  doit  ce  qu'il  nous  a  promis. 
«Dieu,  dit  saint  Augustin,  Serm.  158,  n.  2, 
est  devenu  notre  débiltur,  non  en  recevant 
quelque  chose  de  nous,  mais  en  nous  pro- 
mettant ce  qu'il  lai  a  pin.  »  Dieu,  dit  saint 
Paul,  I  Cor.,  c.  x,  v.  13,  est  fidèle  à  ses  pro- 
messes; il  ne  permettra  pas  que  vous  soyez 
éprouvés  au-dessus  de  vos  forces,  mais  il  vous 
fera  tirer  avantage  de  la  tentation  ou  de  l'é- 
preuve même, a  finque  vous  puissiezpersévérer. 

Dans  toute  l'Ecriture  sainte,  Dieu  prend 
le  nom  de  Père  à  l'égard  de  ses  créatures,  et 
veut  qu'on  le  lui  donne;  Jésus-ChrisI  nous 
apprend  à  le  nommer  ainsi,  alin  d'exciler 
noire  confiance;  pour  témoigner  encore  plus 
de  bonté  aux  Juifs,  ii  leur  faisait  dire  par  le 
prophète  Isaïe,  c.  xiix,  v.  1!*  :  Cette  na- 
tion dit  :  Le  Seigneur  m'a  délaissée,  il  ne  se 
souvient  plus  de  moi  :  une  mère  peut-elle  ou- 
blier son  enfant  et  n'avoir  plus  du  tendresse 
pour  le  fruit  de  ses  entrailles?  Quand  elle 
pourrait  le  faire,  je  ne  l'imilerais  pas.  Depuis 
que  Dieu  a  daigné  nous  donner  son  Fils 
unique  pour  médiateur  et  pour  Sauveur, 
sans  doule  les  entrailles  de  sa  miséricorde 
ne  se  sont  pas  endurcies  à  l'égard  des  hom- 
mes.Or,  un  père  paraiirait-il  fort  teadre,  si, 
après  avoir  donné  des  lois  à  son  61s,  il  lui 
refusait  les  secours  et  les  moyen:,  nécessaires 
pour  les  accomplir?  Il  est  bien  clrange  que 
l'on  ose  prêter  à  Dieu  une  conduite  que  l'on 
n'oserait  pas  attribuer  à  un  honiuie, un  sup- 
posant que  Dieu  nous  commande  le  bien,  et 
que  souvent  il  ne  nous  donne  pas  la  gràcf 
sans  laquelle  nous   ne  pouvons  pas  le  faire 

Vainement  on  répliquera  qu'il  n'y  a  poin' 


327 


SAL 


SAL 


3-28 


de  comparaison  à  faire  entre  les  droits  de 
Dieu  et  ceux  de  l'homme;  nous  répondons 
qu'il  n'est  pas  ici  question  des  droits  de 
Dieu,  mais  de  sa  conduite,  de  laquelle  il 
daigne  nous  rendre  témoignage  :  c'est  lui- 
même  qui  se  compare  à  l'homme,  et  qui 
veut  que  sa  providence  nous  apprenne  à 
être  justes  et  humains.  11  n'y  a  plus  lieu 
d'argumenter  sur  la  grandeur  infioiede  Dieu, 
lorsqu'il  veut  bien  se  rabaisser  jusqu'à  nous 
et  nous  servir  de  modèle;  le  respect  n'est 
plus  qu'une  hypocrisie,  lorsqu'il  est  poussé 
plus  loin  que  Dieu  ne  le  veut.  Or,  il  atteste 
qu'il  est  plus  tendre,  plus  lib .lal,  plus  mi- 
séricordieux que  le  meilleur  des  pères  et  que 
la  mère  la  plus  sensible  :  donc  c'est  ainsi 
qu'il  agit.  Les  écrits  du  Nouveau  Testament 
nous  en  donnent  une  idée  non  moins  con- 
solante. Nous  n'y  lisons  pas  que  Dieu,  noire 
Sauceur,  est  le  Dieu  de  la  justice  rigoureuse 
et  des  vengeances,  mais  le  père  des  miséri- 
cordes et  le  Dieu  de  toute  consolation;  non 
qu'il  a  fait  éclater  sa  sévérité  et  ses  droits 
souverains,  mais  qu'il  a  fait  paraître  sa 
bonté  et  son  humanité,  TiC,  c.  m,  v.  4; 
qu'(  n  nous  donnant  son  Fils  unique,  il  nous 
adonné  tout  avec  lui,  Rom.,  c.  viii,  v.  'i-2; 
que  nous  devons  être  miséricordieux,  pa- 
tients, indulgents  pour  nos  f/-'ères,  leur  tout 
accorder  et  tout  pardonner  comme  Dieu  a 
fait  à  notre  égard,  Coloss.,  c.  m,  v.  3.  Ce 
langage  est  bien  différent  de  celui  des  théo- 
logiens qui  nous  enseignent  que  Dieu,  tou- 
jours irrité  du  péché  originel,  non-seule- 
ment est  en  droit  de  nous  refuser  la  grâce, 
mais  que  souvent  il  nous  la  refuse  en  effet. 
Saint  Jean,  c.  n,  v.  9,  appelle  le  Verbe 
divin  la  vraie  lumière  qui  éclaire  tout  homme 
venant  en  ce  monde.  11  n'est  point  question 
là  de  la  lumière  naturelle,  de  l'intelligence 
qne  Dieu  a  donnée  à  tous  les  hommes;  ja- 
mais celle-ci  n'«st  appelée  dans  l'Ecriture 
la  vraie  lumière,  et  ce  n'est  point  ce  qu'en- 
tendait Jésus-Christ,  lorsqu'il  a  dit  :  Je  suis 
la  lumière  du  monde,  Joan.,  c.  viir,  v.  12;  c. 
IX,  V.  5,  etc.  H  s'agit  de  la  lumière  à  la- 
quelle saint  Jean-Baptiste  rendait  témoignage, 
pour  faire  naître  la  foi,  cap.  i,  v.  8;  donc 
c'est  de  la  lumière  surnaturelle  de  la  grâce. 
Ainsi  l'ont  entendu  tous  les  Pères,  en  parti- 
culier saint  Augustin  ;  non-seulenient  en  ex- 
pliquant cet  endroit  de  saint  Jean,  Tract.  1 , 
inJoun.,  n.  18;  tract.  2,  n.7,  mais  dans  dix 
ou  douze  autres  de  ses  ouvrages,  Helract., 
1. 1,  c.  10,  etc.  Voij.  tiKACE,  §3. — Le  pro- 
phète Malachie,  c.  iv,  v.  2,  appelle  le  Messie 
le  Soleil  de  justice:  saint  Luc,  c.  i,  v.  78,  dit 
que  ce  soleil  s'est  levé  sur  nous  du  haut  du 
ciel,  pour  éclairer  ceux  qui  sont  dans  les  té- 
nèbres et  dans  les  ombres  de  la  mort.  Con- 
séquemment  les  Pères  appliquent  au  Verbe 
divin  ce  que  le  Psalmiste  a  dit  du  soleil,  que 
personne  n'est  privé  de  sa  chaleur;  saint  Au- 
gustin a  fait  de  même;  or  la  chaleur  du  so- 
leil de  justice  est  évidemment  la  grâce.  — 
Saint  Paul,  Rom.,  c.  v,  v.  15,  compare  la 
distribution  de  la  grâce  à  la  communication 
du  péché  d'Adam  :  Si  par  le  péché  d'un  seul, 
dil-il,  la  multitude  des  hommes  sont  morts,  à 


plus  forte  raison  la  grâce  de  Dieu,  et  le  don 
qu'un  seul  homme,  qui  est  Jésus-Christ,  nous 
fait  de  celte  grâce,  sont-ils  abondants  sur  cette 
mullituile?  Ou  cette  comparaison  n'est  pas 
juste,  ou  il  faut  croire  ((u'aucun  des  enfants 
d'Adam  n'est  privé  de  la  giâ'e.  Ici  \à  grâce 
en  général  n'est  point  la  ju.^tification  ;  celle- 
ci  n'est  accordée  qu'à  ceux  qui  reçoivent 
l'abondance  de  la  grâce,  des  dons  do  Dieu  et 
de  la  justice,»  iind.,  v.  17;  donc  saint  Paul 
parle  de  la  grâce  actuelle  accordée  à  tons 
pour  faire  le  bien.  Suivant  l'Apôtre,  la  grâce 
a  été  surabondante  où  le  péché  était  abondant, 
V.  21;  or,  celui-ci  était  abondant  chez  tous 
les  hommes  et  dans  l'univers  entier,  donc  il 
en  est  de  même  de  la  grâce. 

Aux  mots  Abandon,  Endurcissement,  In- 
fidèles, JuDAÏsnie,  §  bi,  nous  avons  prouvé 
que  Dieu  n'a  refusé  jamais  et  ne  refusi'  en- 
core la  grâce  ni  aux  Juifs,  ni  ans  païens,  ni 
aux  grands  pécheurs,  ni  aux  pécheurs  en- 
durcis; donc  elle  n'est  refusée  à  personne; 
et  puisqu'elle  n'est  pas  accordée  autrement 
que  par  les  mérites  de  Jésus- Christ,  c'est  à 
bon  droit  qu'il  est  nommé  le  Rédempteur  et 
le  Sauveur  du  inonde  ou  du  genre  humain 
sans  exception  (1). 

IV.  Pour  montrer  quel  a  été  le  sentiment 
des  Pères  de  l'Eglise,  surtout  des  plus  anciens 
et  des  plus  respectables,  nous  ne  répéterons 
pas  les  passages  que  nous  avons  déjà  cités  an 
mot  RÉDEMPTION,  pour  faire  voir  ce  qu'ils 
ont  pensé  au  sujet  de  la  plénitude  et  de  l'u- 
niversalité lie  ce  bienfait,  ce  qu'ils  Oiil  ré- 
pondu aux  Juifs,  aux  païens,  aux  gnostiqaes, 
aux  marciunites,  aux  maniciiéens,  qui  en 
méconnaissaient  l'étendue,  le  prix, les  effets. 
Il  en  résulte  que  ceux  qui  mettent  des  restric- 
tions, des  modifications,  des  exciptions  aux 
passages  de  l'Ecriture  sainte  que  nous  avons 
allégués,  contredisent  formellement  les  Pères 
de  l'Eglise,  forgent  un  système  inconnu  à 
l'antiquité,  et  renouvellent  les  blasphèmes 
des  anciens  hérétiques. 

Aussi  ceux  qui  contestent  la  volonté  géné- 
rale et  sincère  de  Dieu  de  sauver  tous  les 
hommes,  l'application  des  mérites  de  la  mort 
de  Jésus-Christ  faite  à  tous,  la  distribution 
générale  de  la  grâi;e  en  vertu  de  la  rédemp- 
tion, ne  se  sont  jamais  avisés  d'alléguer  le 
sentiment  des  Pères  des  quatre  premiers 
siècles;  ils  se  bornent  à  celui  de  saint  Au- 
gustin. Suivant  leur  o|)inion,  ce  Père  est  le 
premier  qui  ail  examiné  avec  soin  les  ques- 
tions du  péché  originel,  de  la  prédestination 
et  do  la  grâce,  c'est  à  lui  seul  que  l'on  doit 
s'en  rap|)orler,  puisque  l'Eglise  a  solennelle- 
ment adopté  et  conlirmé  sa  doctrine.  Nous 
voilà  donc  réduits  à  supposer,  pour  leur 
plaire,  qu'au  v°  siècle  l'on  a  vu  éclore  une 
tradition  nouvelle,  une  doctrine  inconnue  à 
toute  l'antiquité,  et  de  nouveaux  articles  de 
foi.  Si  cela  est,  de  quel  front  pourrons-nous 
encore   opposer   la    tradition    de  l'Église  à 

(1)  Voy.  au  mot  Kglise  l'.Trticle  où  est  expliquée 
celle  m:ixiiiii!  :  Hors  de  l'Eijlise  point  île  salut.  Nous 
avons  ilil  (|iiaiid  el  coiiinient  les  Jiiils,  les  iiilideles, 
les  lioiéliqnes  apparliemient  à  l'à'ne  ilel'lîglise  sans 
apjiarienir  à  sua  coriis,  el  peuvent  éiri;  sauvés. 


S29 


SAL 


SAL 


330 


ceux  d'entre  les  protestants  qui  en  appellent  . 
sans  cesse  à  la  doctrine  des  quatre  premiers 

siècles? 

Mais  nos  adversaires  s'embarrassent  peu 
des  conséquences;  le  point  capital  est  de 
savoir  ce  que  saint  Augustin  a  véritaliiement 
enseigné.  Déjà  nous  l'avons  fait  voir  aux 
mois  (ÎHACE,  S  3,  et  Uédemption  ;  mais  il  faut 
nous  répéter  en  peu  de  mots.  1"  N'oublions 
pas  que  les  pélagiens  n'admettaient  point 
d'autre  grâce  que  la  connaissance  de  Jésus- 
Christ  et  de  sa  doctrine,  la  rémission  des 
pithés  et  la  justiGcation  ;  nous  avons  prouvé 
ce  fait  essentiel,  au  mot  I'élagiamsme.  Con- 
séquemment  ils  disaient,  selon  saint  Paul, 
Dieu  veut  sauver  tous  les  hommes,  el  Jésus- 
Christ  est  mort  pour  tous  :  donc  Dieu  accorde 
la  grâce,  c'est-à-dire  la  connaissance  de 
Jésus-Christ  et  la  justitication  à  tous  les 
hommes  qui  s'y  disposent  ou  qui  n'y  mettent 
point  d'obstacle.  Il  est  clair  par  ce  raisonne- 
ment qu'il  s'agissait  d'une  volonté  absolue 
de  Dieu,  de  l'iipplication  eflectivedes  mérites 
et  de  la  mort  de  Jcsus-Cbrist,  et  de  la  lu- 
mière de  la  foi.  Saint  Augustin  soutient 
avec  raison  que  la  grâce  ainsi  entendue 
n'est  pas  donnée  à  tous,  mais  seulement  à 
tous  ceux  ()ui  ont  été  prédestinés  à  la  rece- 
voir; que  si  saint  Paul  dit  tous  les  liomnies, 
c'est  qu'il  y  en  a  de  toutes  les  nations,  do 
tous  les  temps,  de  tous  les  sexes,  de  tous  les 
âges  ;  que  l'on  doit  entoiulrc  de  même,  ce  qui 
est  dit  ailleurs,  que  Dieu  les  éclaire  tous,  et 
que  Jésus-Clirist  est  mort  pour  tous  ;  ou  que 
quand  nous  lisons  que  Di(u  veut  sauver  tous 
les  hommes,  cela  signifie  que  Dieu  nous  le 
fait  vouloir.  Kncliir.  ad  Laiir.,c.  103,  n.  27; 
contra  Julian.,  1.  iv,  c.  8,  n.  kk;  I.  deCorrep. 
el  Grut.,  c.  ti,  n.  '^'^:  c.  15,  n.  U-1,  etc.  —2" 
Les  pélagiens  disaient  que  Dieu  veut  sau- 
ver tous  les  hommes,  également,  indifférem- 
ment, sans  aucune  prédilection  pour  per- 
sonne, œqualiter,  indiscrète  ,  indiffer enter. 
S.  Prosper, £■/;(«/.  ad  Auyust.,  n.  i;  Carm.  de 
Ingratis,  cap.  8;  S.  Fulgent.,  1.  de  Incarn.  et 
Grat.  c.  29;  Fauslus  Reiensis,  I.  i,  de  Lib. 
Arb.,  c.  17.  C'est  de  là  même  qu'ils  con- 
cluaient que  Dieu  accorde  la  foi  et  la  justifi- 
cation à  tous  ceux  qui  s'y  disposent  pur  leurs 
propres  forces,  ou  du  moins  qui  n'y  mettent 
jioint  d'obstacle.  Saint  Augustin  réfute  cette 
prétention,  tout  comme  la  précédente,  par 
l'exemple  des  enfants  :  Dieu  accorde  aux 
uns  la  grâce  du  baptême  et  de  la  justifica- 
tion sans  qu'ils  s'y  disposent,  puisqu'ils  en 
sont  incapables  ;  et  il  la  refuse  aux  autres 
sans  qu'ils  y  aient  apporté  aucun  obstacle. 
H  est  donc  faux  que  cette  grâce  soit  donnée 
à  tous  ceux  qui  n'y  mettent  point  d'obstacle, 
el  que  la  volonté  de  Dieu  de  l'accorder  soit 
générale.  Cela  est  sans  réplique.  Mais  s'en- 
suit-il de  là  que  Dieu  ne  veut  point  donner, 
et  ne  donne  pas  en  effet  à  tous  les  adultes 
dos  grâces  actuelles  et  passagères,  qui  les 
conduiraient  tôt  ou  tard  à  la  foi  et  au  salut, 
s'ils  étaient  fidèles  à  y  correspondre  ;  qu'à 
cet  égard, la  volonté  de  les  sauver  tous  n'est 
ni  générale,  ni  sincère,  ai  efficace,  et  que 
tel  a  été  le  sentiment  de  saint  Augustin? 

DiCT.  OE  TbEOL.  DOGUITIQUE.  IV. 


Dans  ce  cas  il  aurait  très-mal  raisonné, 
puisque  l'exemple  des  enfants  ne  prouve 
rien  à  ce  sujet.  Il  serait  sorti  de  la  question 
agitée  entre  lui  et  les  pélagiens,  puisque 
ceux-ci  ne  voulaient  admettre  aucune  grâce 
actuelleintérieure,  sous  prétexte  que  l'hoiiime 
n'en  a  pas  besoin,  et  qu'elle  détruirait  le 
libre  arbitre.  Voy,  Péi.agiamsme. 

Il  est  étonnant  que  les  partisans  du  senli- 
mcnt  contraire  ne  voient  pas  les  absurdités 
de  leur  hypothèse,  i"  Ils  supposent  que, 
pour  réfuter  plus  aisément  les  pélagiens, 
saint  Augustin  a  rétracté  et  contredit  tous 
les  principes  qu'il  avait  posés  contre  les  ma- 
nichéens ;  qu'il  a  énervé  toutes  les  réponses 
qu'il  avait  données  à  leurs  objections,  et 
qu'il  leur  a  donné  lieu  de  triompher.  Etait-il 
donc  moins  nécessaire  de  réfuter  les  mani- 
chéens que  les  pélagiens?  2"  Us  supposent 
qu'en  refusant  d'avouer  que  Jésus-Christ 
est  mort  pour  tous  les  hommes  sans  excep- 
tion, le  saint  docteur  a  renoncé  à  la  preuve 
de  l'universalité  du  péché  originel  qu'il  avait 
tirée  de  ces  passages  de  saint  Paul,  //  Cor., 
c.  V,  V.  l'i'  :  Si  un  seul  est  mort  pour  tous, 
donc  tous  sont  morts;  or,  Jvsus-Christ  est 
mort  pour  tons.  I  Cor.,  c.  xv,  v.  22  :  De 
même  que  (ous  meurent  en  Adam,  ainsi  tous 
seront  vivifiés  en  Jésus-Clirist.  Qu'ainsi  saint 
Augustin  a  donné  droit  aux  pélagiens  de  lui 
reprocher  une  contradiction.  3"  ils  veulent 
nous  faire  croire  qu'en  donnant  un  sens  dé- 
tourné à  trois  passages  du  Nouve.iu  Testa- 
ment, le  saint  docteur  a  détruit  la  force  des 
autres,  auxquels  cette  explication  n'est  pas 
applicable.  Le  Fils  de  l'homme  est  venu  cher- 
cher et  sauver  ce  (jui  avait  péri....  il  est  le 
Sauveur  de  tous  les  hommes,  principalement 
des  fidèles....  Il  est  la  victime  de  propitiation, 
non-seulement  pour  nos  péchés,  mais  pour 
ceux  du  monde  entier...  Dieu  use  de  pattence, 
ne  voulant  qu'aiicun  périsse,  mais  que  toits 
fassent  pénitence...  Je  ne  veux  point  la  mort 
de  l'impie,  mais  sa  conversion,  etc.  Quelle 
entorse  donnera-l-on  à  ces  passages  pour  en 
obscurcir  le  sens?  4°  Us  supposent  que  saint 
Augustin,  en  parlant  de  la  volonté  de  Dieu, 
s'est  contredit  au  moins  vingt  fois.  Eu  elTet, 
1.  dcSpirit.  et  Litt.,  c.  33,  n.  o8,  il  dit  :  «  Dieu 
veut  que  tous  les  hommes  soient  sauvés  et 
parviennent  à  la  connaissance  de  la  vérité, 
sans  leur  ôter  le  libre  arbitre,  selon  le  bon 
ou  le  mauvais  usage  duquel  ils  seront  jugés 
avec  justice.  Ainsi  les  infidèles,  en  refusant 
de  croire  à  l'Evangile,  résistent  à  la  volonté 
de  Dieu  ;  mais  ils  ne  la  surmontent  point, 
puisqu'ils  se  privent  du  souverain  bien,  et 
qu'ils  éprouveront  dans  les  supplices  la  puis- 
sance de  celui  dont  ils  ont  méprisé  la  misé- 
ricorde. »  Enchir.  ad  Laur.,  cap.  100;  il 
ajoute  ;  «Quant  à  ce  qui  regarde  les  pé- 
cheurs, ils  ont  f'iil  ce  que  Dieu  ne  voulait 
pas;  quant  à  la  toute-puissance  de  Dieu,  ils 
n'en  sont  pas  venus  à  bout  :  par  cela  même 
qu'ils  ont  agi  contre  sa  volonté,  elle  a  été 
accomplie  à  leur  égard...  Ainsi  ce  qui  se  fait 
contre  sa  volonté,  ne  se  fait  pas  sans  elle.  » 
L.  de  Cor.  et  Grat.,  c.  ii,  n.  i3,  il  dit  : 
«Lorsque  Dieu  veut  sauyer,  aucune  volonté 
11 


3S1 


SA.L 


SAÎ 


S32 


liumaine  ne  lui  résiste  ;  car  le  vouloir  et  le 
non-voaloir  sont  de  telle  manière  au  pouvoir 
de  rhoinme,  qu'il  n'empêche  pas  la  volonté 
de  Dieu,  et  qu'il  ne  surmonte  point  sa  puis- 
san'ce.  Ainsi  Dieu  fait  ce  qu'il  veut  de  ceux 
mêmes  qni  font  ce  qu'il  ne  veut  pas.  »  EnGn 
il  conclut,  Enchir.,  cap.  05  et  96,  «que  rien 
ne  se  fait  à  moins  que  Dieu  ne  le  veuille,  ou 
en  le  permettant,  ou  en  le  faisant  lui-même, 
et  l'un  lui  est  aussi  facile  que  l'autre.» 

Si,  pour  concilier  ces  divers  passages,  on 
ne  distingue  pas  en  Dieu  différentes  vulon- 
lés,  ou  plutôt  différentes  mîinières  d'envisa- 
ger la  volonté  de  Dieu,  il  n'y  restera  qu'un 
tissu  de  contradictions.  Mais  il  faut  en  dis- 
tinguer au  moins  quatre.  1°  La  volonté  lé- 
gislative et  absolue  par  laquelle  Dieu  veut 
que  l'homme  soit  libre  de  faire  le  bien  ou  le 
mal  à  son  chois,  mais  que,  quand  il  fait  le 
bien,  il  soit  récompensé  ;  que,  quand  il  fait 
le  mal,  il  soit  puni.  Rien  ne  peut  résister  à 
cette  volonté:  saint  Augustin  le  snuiient 
avec  raison.  2'  La  volonté  d'affeciion  géné- 
rale par  laquelle  Diou,  en  considération  des 
mérites  du  Kéderapleur,  veut  donner  à  tous 
les  hommes,  sans  exception,  des  moyens  de 
salut  plus  ou  moins  puissants  et  abondants, 
et  leur  en  donne  en  effet,  mais  avec  beau- 
coup d'inégalité;  or,  qui  peut  l'en  empêcher? 
3°  La  volonté  de  chois,  de  prédilection,  de 
préfén^nce,  par  laquelle  Dieu  veut  sauver 
quelques  personnes  plus  efflcacciaent  que 
les  autres,  et  conséquemment  leur  donne 
des  grâces  plus  puissantes,  plus  abondantes, 
plus  efficaces  qu'aux  autres;  c'est  ce  que 
saint  Paul  et  saint  Augustin  nomment  pr^- 
destinalion,  et  ce  que  les  pélagiens  ne  vou- 
laient pas  admettre.  Or,  personne  ne  peut 
résister  à  ce  choix  de  Dieu  ni  à  la  distribu- 
lion  de  ses  grâces,  k"  La  simple  permission 
par  laquelle  Dieu  laisse  l'homme  user  de  son 
libre  arbitre,  et  résister  aux  grâces  qu'il  lui 
donne,  quoiqu'il  pourrait  absolument  l'en 
empêcher.  Cette  volonté  n'est  contraire  à 
aucune  des  précédentes,  et  l'on  ne  peut  pas 
dire  que  l'homme  y  résiste  lorsqu'il  use  de 
sa  liberté.    Voy.  Volonté  de  Dieu. 

S'ensuit-il  de  là  que  quand  Dieu  donne  la 
grâce,  il  ne  veut  pas  que  l'homme  y  con- 
sente; que  quand  l'homme  y  résiste,  c'est 
que  Dieu  n'a  pas  voulu  qu'il  y  consenlîl? 
Le  dire  serait  un  blasphème;  il  s'ensuivrait 
que.  Dieu  n'agit  pas  de  bonne  foi;  jamais 
saint  Augustin  n'a  enseigné  cette  absuidilé. 
H  s'ensuit  seulement  que  quand  Dieu  donne 
à  l'homme  la  grâce  pour  faire  le  bien,  il  ne 
veut  employer  ni  la  violence,  ni  la  nécessité, 
ni  tous  les  moyens  dont  il  pourrait  se  servir 
pour  obtenir  de  l'homme  la  fidélité  à  la 
grâce.  — Ces  mêmes  distinctions  ne  sont  pas 
moins  nécessaires  pour  entendre  plusieurs 
passages  de  saint  Paul  dans  leur  vrai  sens; 
d'un  côté  l'Apôtre  dit  que  Dieu  veut  sauver 
tous  les  hommes,  de  l'autre  il  enseigne  que 
Dieu  fait  miséricorde  à  qui  il  vedt,  cl  qu'il 
endurcit  ou  laisse  endurcir  qui  il  lui  platt  : 
comment  Dieu  veut-il  sincèrement  sauver 
ceux  qu'il  laisse  endurcir?  Saint  Paul  de- 
mande :  Qui  résistt  à  la  volonté  4e  Dieu?  lit 


plus  d'une  fois  il  accuse  les  juifs  incrédules 
d'y  résister  :  tout  cela  peut-il  s'accorder? 
Fort  aisément,  en  envisage.int,  comme  nous 
avons  fait,  la  volonté  de  Dieu  scus  ses  divers 
aspects.  Dieu  veut  sauver  tous  les  hommes, 
puisqu'il  donne  à  tous,  non  toutes  les  grâces 
et  les  moyens  de  salut  qu'il  pourrait  leur 
donner,  mais  des  grâces  et  des  moyens  qui 
suffisent  pour  que  tous  puissent  parvenir  au 
salut,  s'ils  veulent  en  user;  ces  moyens  ne 
peuvent  partir  que  d'une  volonté  réelle  et 
sincère  de  la  part  de  Dieu;  par  conséquent 
ceux  qui  résistent  à  ces  moyens  et  qui  s'en- 
durcissent contre  la  grâce,  résistent  à  la  vo- 
lonté de  Dieu.  Mais  persounc  ne  résiste  à  la 
volonté  de  prédilection  par  laquelle  Dieu 
veut  donner  et  donne  en  effet  aux  uns  des 
grâces  et  des  moyens  plus  puissants  et  plus 
abondants  qu'aux  autres;  cette  prédilection, 
ce  ciioix,  cette  prédestination,  dépendent  de 
Dieu  seul  ;  l'homme  n'en  peut  connaître  et 
n'a  aucun  droit  d'en  demander  la  raison  : 
Homme,  qui  éles-vous,  pour  contester  avec 
Lieu  {liom.  ix,  20)? 

V.  Pourquoi  la  volonté  de  Dieu  de  sanver 
tous  les  hommes  paraît-elle  sujette  à  des 
difficultés  et  ù  de  grandes  objections?  Pour- 
quoi nu  certain  nombre  de  théologiens  ont- 
iis  de  la  répugnance  à  l'admettre?  C'est 
qu'ils  la  comparent  à  la  volonté  de  l'homme; 
et  à  combien  de  sophismes  celte  comparai- 
son n'a-t-elle  pas  donné  lieu?  L'homme 
n'est  censé  vouloir  sincèrement  une  chose , 
que  quand  il  fait  tout  ce  qu'il  peut  pour  en 
venir  à  bout,  qu'il  emploie  tous  les  moyens 
qui  dépendent  de  lui  ;  sinon  l'on  regarde 
sa  volonté  comme  un  désir  vague,  comme 
une  simple  velléité.  A  l'égard  de  Dieu,  cette 
manière  déjuger  est  absurde;  il  est  impossible 
que  Dieu  fasse  tout  ce  qu'il  peut  pour  sauver 
tous  les  hommes,  puisque  sa  puissance  est 
inépuisable  et  infinie.  L'homme  peut  user  de 
tout  son  pouvoir,  parce  qu'il  est  borné;  Dieu 
ne  peut  pas  aller  au  dernier  terme  du  sien, 
parce  que  celui-ci  n'a  point  de  terme.  C'est 
donc  assez  qu'il  donne  à  tous  des  moyens 
suffisants  et  qui  produiraient  leur  effet,  si 
tous  étaient  fidèles  à  y  correspondre.  Or, 
Dieu  donne  effectivement  ces  moyens  à 
tous,  puisqu'il  commande  le  bien  à  tous, 
qu'il  réprimande  tous  ceux  qui  pèchent,  et 
qu'il  punit  tous  les  impénitents  ;  ces  com- 
mandements, ces  reproches ,  ces  châtiments 
seraient  injustes,  si  Dieu  refusait  à  quel- 
ques-uns le  pouvoir  et  la  force  de  faire  ce 
qu'il  ordonne. 

Dieu  sans  doute  veut  plus  absolument  et 
plus  efficacement  le  salut  de  ceux  auxquels 
il  donne  des  moyens  plus  puissants,  plus 
abondants,  plus  efficaces  ;  mais  il  ne  s'ensuit 
pas  que  sa  volonté  soit  peu  sincère  ou  une 
simple  velléité  à  l'égard  de  ceux  auxquels 
il  en  donue  moins. 

Mais  aucune  réflexion  ne  peut  émouvoir 
les  raisonneurs  qui  ont  une  l\>is  épousé  un 
système  quelconque;  ceux  que  nous  at- 
taquons ne  cessent  de  répéter  les  mêmes  ob- 
jections, sans  vouloir  se  contenter  d'aucune 
réponse.  Ils  allèi|Uont,  1*  les  divers  passages 


535  SAL 

de  l'Ecriture  sainte  dans  lesquels  il  est  dit 
((u<!  Dieu  a  lait  tout  ce  qu'il  a  voulu,  et 
(lu'ii  fait  tout  ce  qu'il  veut  dans  le  ciel  et 
sur  la  terre;  que  quand  Dieu  veut,  rieu  ne 
résiste  à  sa  toute-puissance;  qu'il  est  le 
maitre  do  tourner  comme  il  veut  les  cœurs 
et  les  voloniés  di's  Iioinmes,  elc.  Nous  ré- 
pondons que,  dans  la  jilUparl  de  ces  passa- 
ges, il  est  question  de  la  volonté  de  Dieu 
<-ibsoliir,  p:ir  laquelle  il  a  créé  le  monde, 
réglé  le  soit  des  créatures,  opéré  des  mira- 
clos,  fixé  la  deilinée  des  nations,  etc.  ;  que 
ce' sont  là  des  événements  dans  lesquels  la 
volonté  des  hommes  n'est  entrée  et  n'entre 
pour  rien.  Mais,  lorsqu'il  est  question  du 
salut,  au(|uei  la  volonté  de  l'homniMloit  né- 
cessairement coopérer,  il  ne  s'at;it  plus 
d'une  \oloiilé  do  Dieu  absolue;  alors  il  faut 
admettre  en  Dieu  au  moins  doux  volontés, 
l'une  par  laquelle  Dieu  veut  sincèrement 
accorder  le  bonheur  éternel,  l'autre  par  la- 
quelle il  veut  qutî  l'homme  le  mérite,  en 
correspondant  librement  à  la  grâce  qu'il  lui 
donne.  Par  conséquent  la  première  de  ces 
volontés  n'est  point  absolue,  elle  renferme 
nécessairement  pour  condition  la  correspon- 
dance libre  de  l'homme. 

On  dira  peut-être  que  si  Dieu  voulait  sin- 
cèrement le  salut  de  l'homme,  il  ne  le  ferait 
pas  dépendre  de  la  volonté  de  celui-ci,  qu'il 
l'opérerait  lui-même  indépendamment  de 
toute  condition,  que  du  moins  il  disposerait 
la  volonté  humaine  par  des  grâces  efficaces, 
dont  l'elïel,  quoique  libre,  csl  néanmoins  in- 
faillible. Ceux  qui  voudront  soutenir  ce  plan 
de  providence  ont  deux  choses  ci  prouver  :  la 
première,  qu'il  serait  mieux  à  tous  égards 
que  le  salut  éternel  ne  fût  pas  pour  l'homme 
une  récompense,  mais  un  don  purement  gra- 
tuit, et  qu'il  ne  fallût  point  de  mérites  pour 
l'obtenir;  la  seconde,  que  plus  l'homme  est 
disposé  à  résister  â  la  grâce,  plus  Dieu  doit 
la  rendre  abondante  et  puissante  pour  vain- 
cre sa  volonté.  Nous  voudrions  savoir  sur 
quel  principe  on  pourrait  appuyer  ces  deux 
suppositions.  Ku  supposant  même  qne  ce 
serait  le  mieux,  il  faudrait  aucore  prouver 
que  Dieu  doit  toujours  faire  ce  qui  nous  pa- 
rait le  mieux. 

•2*  Nos  adversaires  disent  que  la  grâce  est 
l'opération  toute-puissante  de  Dieu,  la  mèm.> 
qui  a  tiré  le  monde  du  néant,  etc.;  qu'il  est 
donc  absurde  de  prétendre  que  l'homme  peut 
}  résister.  Ils  ne  voient  pas  qu'ils  sont  eux- 
mômes  forcés  de  répondre  à  cette  objection. 
La  grâce  que  Dieu  avait  donnée  aux  anges 
avant  leur  chute,  et  celle  qu'il  avait  donnée 
à  l'homme  pour  persévérer  dans  l'innocence, 
était  sans  doute  l'opération  toute-puissante 
de  Dieu,  puisqu'il  n'y  a  pas  en  Dieu  deux 
puissances  différentes  ;  les  anges  rebelles  et 
l'homme  y  ont  résisté.  Il  ne  s'ensuit  pas  de 
là  que  Dieu  ne  voulait  pas  que  les  anges  et 
Ibomme  persévérassent,  que  celte  volonté 
n'était  qu'une  velléité,  que  la  volonté  de 
Dieu  a  été  vaincue,  que  l'homme  a  été  plus 
puissant  que  Dieu,  etc.  Ces  deux  exemples 
démontrent  l'absurdité  des  reproches  que 
fout  sans  cesse  les  partisans  de  la  prédes- 


SAL 


ZU 


tination  absolue  et  delà   grâce  irrésistible. 

Ils  répliqueront  sans  doute  que  Dieu  n';( 
pas  voulu  faire  usage  de  sa  toute-puissance 
à  l'égard  des  anges  et  de  l'homme  innocent. 
Qu'ils  prouvent  donc  une  fois  pour  toutes 
que  Dieu  en  use  à  l'égard  de  l'homme  tom- 
bé, malgré  les  assurances  positives  qu'il 
nous  donne  dans  l'Ecriture  sainte  qu'il 
laisse  à  l'homme  le  ,)ouvoir  de  résister. 

Troisième  objection.  Nous  avons  tort  de 
supposer  que  la  volonté  de  Dieu  de  sauver 
tous  les  hom.'nes  est  une  volonté  condiliou- 
nolle,  que  Dieu  veut  les  sauver,  s'ils  le  veu- 
lent. Saint  Augustin  a  rejeté  celte  volonté 
conditionnelle,  admise  par  les  pélagiens  et 
les  semi-pélagiens,  comme  une  erreur  in- 
jurieuse à  Dieu.— Réponse.  Nous  avons  déjà 
remarqué  ailleurs  que  cette  proposition. 
Dieu  veut  sauver  tous  les  hommes,  s'ils  le  veu- 
lent, peut  avoir  un  sens  hérétique  et  ua 
sens  orthodoxe.  Dans  la  bouche  dos  péla- 
giens et  des  semi-pélagiens,  elle  signifiait  : 
Dieu  veut  sauver  tous  les  hommes,  s'ils  veulent 
se  disposer  à  Iç,  grâce  et  au  salut  par  leurs 
propres  forces,  par  de  pieux  désirs,  par  des 
vœux  qui  préviennent  la  <jrûce  et  qui  la  méri- 
tent. Voilà  le  sens  hérétique,  que  saint  Au- 
gustin a  rejeté  avec  raison.  Dans  te  sens 
orthodoxe,  la  même  proposition  signifie  : 
Dieu  veut  sauver  tous  les  hommes,  s'ils  obéis- 
sent auxmouvements  de  la  grâce  qui  prévient 
leur  volonté,  qui  excite  en  eue  les  bons  désirs 
et  les  porte  aux  bonnes  aitions.  Sens  très- 
différent  du  premier,  sens  que  saint  Augus- 
tin n'a  jamais  rejeté,  qu'il  a  soutenu  au  con- 
traire de  toutes  ses  forces.  Il  y  a,  de  la  part 
de  nos  adversaires, une  affectation  malicieuse 
à  confondre  ces  deux  choses  et  à  jouer  sur 
une  équivoque. 

Encore  une  fois ,  il  est  constant  que  les 
pélagiens  n'ont  jamais  voulu  avouer  Ja  né- 
cessité d'une  grâce  intérieure  et  prévenante 
pour  exciter  la  volonté  de  l'homme  aux 
pieux  désirs  et  aux  bonnes  œuvres;  ils  ont 
toujours  soutenu  que  cette  grâce  détruirait 
le  libre  arbitre  de  l'homme,  parce  qu'ils  en- 
tendaient par  Zj'6re  arbitre  une  espèce  d'équi- 
libre de  la  volonté  de  l'homme  entre  le  bien 
c:f-\Q  mal,  une  égale  facilité  de  se  porter  à 
l'un  ou  à  l'autre.  Encore  aujourd'hui  les  so- 
cinicns  et  les  arminiens  l'entendent  de  mê^ 
me,  et  ils  nient,  comme  les  pélagiens,  toute 
action  intérieure  de  la  grâce  sur  la  volonté 
de  l'homme.  Donc,  lorsqu'ils  disent  que  Dieu 
veut  sauver  les  hommes,  s'ils  le  veulent,  ils 
donnent  à  cette  condition  le  premier  sens  que 
nous  avons  indiqué,  et  non  lo  second. 

Il  est  fort  étonnant  que,  malgré  la  mnlli- 
tuie  et  l'énergie  des  passages  de  l'Ecriture 
sainte  que  nous  avons  cités,  malgré  la  tra- 
dition constante  des  quatre  premiers  siècles 
de  l'Eglise  que  nos  adversaires  n'oseraient 
contester,  malgré  l'évidence  des  raisons 
théologiques  sur  lesquelles  sont  établies  les 
vérités  que  nous  soutenons,  l'on  ose  ensei- 
gner publiquement,  dans  des  Institution» 
théologiques,  toutes  les  erreurs  contraires. 
C'est  ce  qu'a  fait  impunément  1  auteur  de  ce 
que  Ion  appelle  la  Théologie  de  Lyon.   11 


53S 


SAM 


sm 


336 


dit,  tom.  II,  p.  107  et  108,  que  la  volonté  do 
Dieu  de  sauver  tous  les  hommes  n'est  pas 
foraielloment  en  Dieu;  pag.  39C,  307,  que 
Jésus-Christ  est  mort  pour  tous,  dans  ce 
sens  que  le  prix  de  sa  mort  était  suffisant 
pour  les  sauver  tous,  qu'il  est  mort  pour 
une  cause  commune  à  tout  le  genre  humain  ; 
et  qu'il  s'est  revêtu  d'une  nature  commune 
à  tous;  que  la  grâce  actuelle  nécessaire 
pour  faire  le  bien  n'est  pas  donnée  à  tous, 
t.  III,  pag.  186,  201,  202.  Il  ne  laisse  pas  de 
soutenir  que  quand  l'homme  privé  de  la 
grâce  viole  les  commandements  de  Dieu,  il 
est  coupable  et  dij^ne  de  châtiment,  parce 
que  ces  commandements  sont  possibles  en 
eux-mêmes,  et  qu'il  a  reçu  de  la  nature  le 
libre  arbitre,  qui  est  un  pouvoir  réel  de 
faire  le  bien,  pag.  73.  Il  ne  connaît  point 
d'autre  grâce  sulfisante  que  la  grâce  effica- 
ce ;  il  la  compare  à  l'action  par  laquelle 
Dieu  a  créé  le  monde,  et  a  ressuscité  Jésus- 
Christ,  p.  132  et  188.  Mais  il  ne  s'est  pas 
donné  la  peine  de  répondre  aux  preuves  que 
nous  avons  alléguées,  et  il  n'apporte,  pour 
élayer  ses  opinions,  que  quelques  lambeaux 
de  saint  Augustin,  auxquels  il  donne  le  sens 
faux  que  nous  avons  réfuté.  Aucun  écrivain 
ne  fut  jamais  plus  habile  à  forger  des  sophis- 
mes,  à  jouer  sur  des  équivoques,  à  tordre  le 
sens  des  passages  de  l'Ecriture  sainte,  à  es- 
quiver les  conséquences  d'un  argument. 
Dans  deslemps  plus  heureux,  cet  ouvrage  au- 
rait été  nétri  par  les  mêmes  censures  que  ceux 
de  Jansènius  et  de  Quesnel,  qu'il  a  copiés. 

SALUT,  bénédiction  donnée  au  peuple 
avec  le  saint  sacrement,  à  l'occasion  de 
quelque  solennité  ou  de  quelque  dévotion 
particulière  ;  cela  se  fait  ordinairement 
le  soir  après  Compiles.  La  Bruyère  a  fait 
une  censure  sanglante  de  la  manière  dont 
ces  saints  se  taisaient  de  son  temps  dans 
quelques  églises  de  Paris;  mais  cela  n'a  pas 
lieu  dans  les  paroisses  où  les  pasteurs  ont  soin 
de  faire  régner  la  décence,  le  respect,  la  piété 
convenables, 

SALUTATION  ANGÉLIQUE,  prière  adres- 
sée à  la  sainte  Vierge,  qui  commence  par 
ces  mois  :  Ave,  Maria.  Elle  est  composée 
des  paroles  que  l'ange  Gabriel  adressa  à  Ma- 
rie lorsqu'il  vint  lui  annoncer  le  mysière  de 
rincarnalion;  de  celles  que  proféra  Elisa- 
beth, femme  du  prêtre  Zuchario,  lorsqu'elle 
reçut  la  visite  de  celte  sainte  mère  de  Dieu  ; 
enfin  de  celles  qu'emploie  l'Eglise  pour  im- 
plorer sou  intercession.  On  récite  fréquem- 
ment celte  prière  dans  l'Eglise  catholi- 
que, et  presque  toujours  après  l'oraison  do- 
minicale, parce  qu'après  avoir  fait  notre 
prière  à  Dieu,  il  nous  paraît  convenabled'im- 
plorer  l'intercession  de  la  sainte  Vierge,  afin 
qu'elle  appuie  nos  demandes  auprès  de  Dieu. 
II  en  est  à  peu  près  de  même  de  l'anlienne 
qui  commence  par  Salve,  Regina,  par  laquelle 
on  termine  l'office  divin  pendant  un  certain 
tcmpsde  l'année. On  prétend  qu'ellea  été  com- 
posée par  Pierre,  évêque  de  Composlelle,  que 
les  dominicains  l'adoptèrent  vers  l'an  1237, 
cl  que  saint  Bernard  en  a  vu  la  On. 
;    SAMAIUTAIN,  habitant  de  Samarie,  ville 


de  la  Judée.  On  sait  par  l'histoire  sainte,  /// 
Reg.,  c.  XII,  que  sous  Uoboam,  fils  et  suc- 
cesseur de  Salomon,  dix  tribus  se  retirèrent 
de  son  obéissance,  se  donnèrent  un  roi  par- 
ticulier qui  fixa  sa  demeure  à  Samarie.  Ce 
nouveau  royaume  fut  appelé  le  royaume  d'Is- 
raël ;  les  deux  tribus  de  Juda  et  de  Benjamin, 
qui  demeurèrent  fidèles  àKoboam,  portèrent 
le  nomdero)/f(ume  de  Juda.  Par  une  coupable 
politique,  les  rois  d'Israël  entraînèrent 
leurs  sujets  dans  l'idolâlrie,  afin  de  leur 
ôler  toute  tentation  d'aller  rendre  leur  culte 
au  vrai  Dieu  dans  le  temple  de  Jérusalem, 
et  afin  d'entretenir  entre  les  deux  royaumes 
une  inimitié  irréconciliable.  Ils  n'y  réussi- 
rent que  trop  bien  ;  ces  deux  peuples,  quoi- 
que sortis  d'une  même  origine,  furent  conti- 
nuellement en  guerre,  et  préparèrent  mu- 
tuellement leur  ruine.  Deux  cent  cinquante- 
neufans  après  ce  schisme,  Salmanazar  et 
Assaraddon,  rois  d'Assyrie,  vinrent  dans  la 
Judée,  prirent  et  ruinèrent  Samarie,  emme- 
nèrent les  habitants  de  celte  contrée,  et 
détruisirent  ainsi  pour  toujours  le  royaume 
d'Israël.  Pour  repeupler  ce  pays  dévasté,  on 
y  envoya  des  Culhcens,  tirés  d'au-delà  de 
l'Euphrate.  Ces  nouveaux  colons,  idolâtres 
d'origine,  portèrent  dans  la  Samarie  leurs 
idoles  et  leurs  superstitions.  L'historien  sa- 
cré nomme  leurs  dieux  Nergel,  Asima,  Neba- 
haZfTItarlhac,  Adramelech  el  Anamelech;  vai- 
nement les  critiques  se  sont  épuisés  en 
conjectures  pour  deviner  quels  étaient  ces 
personnages;  on  n'en  sait  rien  de  certain. 
Comme  Dieu  punit  les  Culhéens  de  leur 
idolâtrie  par  une  irruption  de  bêles  féroces, 
le  roi  d'Assyrie  leur  envoya  un  prêtre  Israé- 
lite, pour  leur  enseigner  le  culte  et  les  lois 
du  Dieu  des  Juifs  ;  dès  ce  moment,  ils  mêlè- 
rent ce  culte  avec  celui  de  leurs  faux  dieux, 
ly.  Reg.,  c.  XVII,  V.  32  et  41.  Ce  n'était  pas 
le  moyen  de  gagner  l'affection  des  habitants 
du  royaume  de  Juda;  cependant  l'histoire 
sainte  ne  fait  mention  d'aucune  hostilité 
exercée  entre  eux.  Ceux-ci,  à  leur  tour, 
non  moins  infidèles  à  Dieu  que  les  anciens 
sujets  des  rois  d'Israël,  furent  punis  de 
même  cent  vingt-trois  ans  après.  Nabucho- 
donosor,  roi  d'Assyrie,  irrité  contre  eux, 
assiégea  et  prit  Jérusalem,  brûla  le  temple 
du  Seigneur,  emmena  le  roi  de  Juda  et  ses 
sujets  captifs  à  Babylone,  et  ne  laissa  dans 
la  Judée  qu'un  petit  nombre  d'habitants 
pauvres  et  misérables.  Mais,  après  soixante 
et  dix  ans.  Dieu  les  rétablitdans  leur  patrie; 
les  Juifs  obtinrent  de  Cyrus,  roi  de  Perse, 
devenu  maître  de  Babylone,  un  édit  qui 
leur  permettait  de  rebâtir  Jérusalem  el  le 
temple,  de  remettre  en  vigueur  leur  religion 
et  leurs  lois.  Les  Samaritains  offrirent  de 
s'unir  à  eux  pour  cette  reconstruction;  mais 
comme  ils  étaient  étrangers  d'origine,  el 
que  leur  religion  était  fort  corrompue,  les 
Juifs  refusèrent  celle  association;  les  Sa- 
maritains irrités  employèrent  tout  leur 
crédit  à  la  cour  de  Perse,  pour  traverser 
l'entreprise  et  faire  cesser  les  travaux  des 
Juifs,  et  ils  en  vinrent  à  bout  pendant  quelque 
temps. 


337 


SAM 


SAM 


338 


Lorsque  Esdras  et  Néhémie  vinrent  en 
Judée  pour  achever  de  fain;  rebâtir  Jérusa- 
lem, et  pour  faire  observer  la  loi  de  Moïse 
dans  la  rigueur,  les  Juifs  qui  ne  voulurent 
pas  subir  la  réforme  de  leurs  mœurs  S(;  re- 
tirèrent chez  les  Samaritains,  et  auginenlè- 
rent  la  haine  qui  régnait  déjà  entre  les  deux 
peuples.  Enfin,  elle  flit  poussée  à  son  comble 
lorsque  les  Samaritains  bâtirent  sur  la  mon- 
tagne de  Garizim,  voisine  de  Samarie,  un 
temple  semblable  à  celui  de  Jérusalem,  et 
élevèrent  ainsi  nulel  contre  autel.  Mais  il 
paraît  que,  dès  ce  moment,  ils  renoncèrent 
absolument  à  l'idolâtrie, c'est  du  moins  l'opi- 
nion commune. 

L'aversion  mutuelle  était  excessive  lors- 
que Jésus-Christ  parut  dans  la  Judée,  il  n'y 
avait  aucune  relation  ni  aucune  société  en- 
tre Jérusalem  et  Samarie  ;  la  plus  grande 
injure  que  les  Juifs  pouvaient  dire  à  un 
homme  était  de  l'appeler  Samaritain  ;  plus 
d'une  fois,  dans  un  accès  de  colère ,  ils  don- 
nèrent ce  litre  à  Jésus-Christ  ;  Joan.,  c.  viii, 
v.  kS  :  N'avons-nous  pas  raison  de  dire  que 
tu  es  ini  Samaiutiin  et  que  tu  es  possédé  du 
démon?  Ces  deux  injures  leur  pa''aissaient  à 
peu  près  égales.  De  son  côté,  le  Sauveur, 
pour  les  humilier,  a  souvent  supposé  dans 
ses  parahoirt  an  Samaritain  qui  faisait  do 
bonnes  œuvres.  Luc,  c.  x,  v.  53;  c.  xvii, 
V.  IC. 

La  croyance  et  la  pratique  des  Samari- 
tains étaient  différentes  de  celles  des  Juifs  en 
trois  articles  principaux  :  1°  ils  ne  rece- 
vaient pour  l'Ecriture  sainte  que  les  cinq 
livres  de  Moïso  ;  2"  ils  rejetaient  les  tradi- 
tions (les  docteurs  juifs,  et  ils  s'en  tenaient 
à  la  seule  parole  écrite;  3' ils  soutenaient 
qu'il  fallait  rendre  le  culte  à  Dieu  sur  le 
mont  Garizim,  où  les  patriarches  l'avaient 
adoré,  au  lieu  que  les  Juifs  voulaient  qu'on 
ne  lui  offrît  des  sacrifices  que  dans  le  temple 
de  Jérusalem.  Ces  derniers  ont  encore  accusé 
les  Samaritains  d'adorer  des  idoles  sur  le 
mont  Garizim,  et  de  ne  pas  admettre  la  ré- 
surrection future  ;  mais  il  parait  que  ce  sont 
deux  calomnies  dictées  par  la  haine,  et  dont 
il  n'y  a  aucune  preuve. 

Mosheim,  qui  savait  bon  gré  aux  Samari- 
tains d'avoir  rejeté  la  tradition,  comme  font 
les  protestants,  pour  s'en  tenir  à  la  seule 
parole  écrite,  dit  qu'il  paraît  que  les  idées 
qu'ils  avaient  des  fonctions  et  du  ministère 
du  Messie  étaient  plus  saines  et  plus  confor- 
mes à  la  vérité  que  celles  que  l'on  en  avait 
à  Jérusalem,  parce  que  la  Samariiaine  dit  à 
Jésus-Clirist  :  Je  sais  que  le  Messie  viendra  et 
qu'il  nous  apprendra  toutes  choses  (Joan.  iv, 
2o).  Cependant  il  est  obligé  de  convenir  que 
la  religion  des  Samaritains  était  beaucoup 
plus  corrompue  que  celle  des  Juifs.  Jlist. 
christ.,  c.  2,  §  9,  p.  59  ;  et  Jé>us-Christ  lui- 
même  le  témoigne,  lorsqu'il  dit  à  cette  fem- 
me, ibid.,  Y.  22  :  Vous  adorez  ce  que  vous  ne 

connaissez  pas Dieu  est  esprit,  et  il  faut 

l'adorer  en  esprit  et  en  vérité.  Ce  reproche 
semble  supposer  que  les  Samaritains  avaient 
de  Dieu  une  idée  fausse  et  lui  rendaient  un 
cuUe  purement  e^^lérieur;  mais  il  ne  prouve 


pas  que  ce  peuple  mêlait  encore  ce  culte 
avec  celui  des  faux  dieux,  comme  quelques 
auteurs  l'ont  pensé.  Au  commencement  de  sa 
prédication,  Jésus-Christ  avait  défendu  à  ses 
disciples  d'aller  chez  les  gentils  et  d'entrer 
dans  les  villes  des  Samaritains,  Malth.,  c.  x, 
V.  5;  mais  dans  la  suite  il  ne  dédaigna  pas 
de  les  instruire  lui-même.  C'est  dans  ce  des- 
sein qu'il  lia  conversation  avec  la  Samari- 
taine. Joan.,  c.  IV.  Il  voulut  se  servir  de  cette 
femme  pour  apprendre  aux  habitants  de  Sa- 
marie qu'il  était  le  Messie;  l'évangéliste  rap- 
porte qu'il  demeura  deux  Jours  chet  eux,  et 
qu'un  grand  nombre  crurent  en  lui,  ibid., 
v.  30  et  41.  ' 

Un  incrédule  moderne  a  prétendu  que  cette 
narration  de  l'Evangile  n'est  pas  probable. 
Suivant  lui,  il  est  faux,  1'  que  les  Samari- 
tains aient  connu  le  Dieu  des  Juifs  ;  2°  qu'ils 
aient  attendu  le  Messie;  3'  que  la  loi  de 
Moïse  ait  défendu  d'adorer  Dieu  hors  du 
tcmjile  de  Jérusalem  ;  4"  il  n'est  pas  vraisem- 
blable que  les  Samaritains,  qui  détestaient 
les  Juifs,  aient  voulu  garder  chez  eux  un 
Juif  pendant  deux  jours,  et  qu'ils  aient  cru 
en  lui  sur  la  parole  d'une  courtisane  ;  5°  il  no 
l'est  pas  que  Jésus,  qui  jusqu'alors  n'avait 
pas  encore  déclaré  clairement  aux  Juifs  qu'il 
était  le  Messie,  le  dise  positivement  à  une 
Samaritaine  :  6*  il  est  étonnant  qu'il  montre 
plus  de  charité  pour  des  hérétiques  que  pour 
ses  compatriotes. 

Ces  raisons  ne  suffisent  pas  pour  convain- 
cre de  faux  un  évangéliste  aussi  bien  instruit 
que  saint  Jean,  et  qui  rapporte  les  faits  comme 
témoin  oculaire.  1°  Jésus-Christ  ne  dit  point 
aux  Samaritains  qu'ils  n'ont  aucune  connais- 
sance du  vrai  Dieu,  mais  qu'ils  le  connais- 
sent mal,  qu'ils  en  ont  une  fausse  idée,  (ju'ils 
ne  l'adorent  point  en  esprit  et  en  vérité. 
2'  Jésus-Christ  ne  les  blâme  point  d'adorer 
Dieu  hors  du  temple  de  Jérusalem,  mais  il 
prédit  que  bientôt  Dieu  sera  adoré  en  tout 
lieu.  La  défense  de  faire  des  offrandes  et  des 
sacrifices  hors  du  lieu  que  Dieu  avait  choisi 
est  formelle,  Deut.,  c.  xii,  v.  5  et  20.  3"  Ce 
peuple,  qui  recevait  le  Pentateuque,  a  pu 
avoir  une  idée  du  Messie  par  la  promesse 
faite  à  Abraham,  par  la  prophétie  de  Jacob, 
par  celle  de  Moïse,  par  celle  de  lîalaam,  par 
la  persuasion  générale  qui ,  suivant  Tacite 
et  Suétone,  s'était  répandue  dans  tout  l'O- 
rient, touchant  la  venue  d'un  dominateur  du 
monde  entier.  4°  Il  n'est  pas  étonnant  que 
l'admiration  causée  aux  Samaritains  par  les 
discours  du  Sauveur  ait  éloulïé  en  eux  pour 
quelques  moments  leur  aversion  pour  les 
Juifs  :  ils  ont  dû  être  flittés  de  l'.iffeclion 
qu'un  prophète  leur  témoignait.  Ils  n'ont  pas 
cru  en  lui  sur  la  parole  d'une  femme,  mais 
par  leur  propre  conviction,  Joan.,  c.  iv,  v. 
42.  5°  Jésus-Ciirist  leur  a  parlé  plus  claire- 
ment qu'aux  Juifs,  parce  qu'il  a  vu  en  eux 
plus  de  docilité.  6°  Il  est  faux  qu'il  ait  eu 
moins  de  charité  pour  ses  compatriotes;  à 
cette  époque,  Jésus  avait  déjà  fait  plusieurs 
miracles  dans  la  Judée;  Nailianaël.Nicoiième 
et  plusieurs  autres  l'avaient  déjà  reconn.u 
pour  le  Fils  de  Dieu.  Enfin,  c'est  mal  à  {ira- 


sno  SAM 

pos  que  les  inrrédulrs  prennent  la  Samari- 
taine pour  une  coiirlisatic  :  ce  que  Jésus  lui 
(lit  prouve  seulement  qu'elle  avnit  usé  cinq 
fois  du  divorce,  et  que  son  mariage  avec  un 
sixième  mari  était  illégitime. 

La  foi  des  Samaritains  en  Jésus-Christ  fut 
fiiicère  et  constante.  Après  la  descente  du 
Saint-Esprit,  saint  Philippe  alla  prêcher 
l'Evangile  dans  la  Sainarie;  saint  Pierre  et 
saint  Jean  y  furent  encore  envoyés,  et  un 
grand  nombre  des  habitants  de  celte  contrée 
reçurent  le  baptême ,  ^c<.,  c.  vni,  v.  5,  elc. 
Ouelques-uns,  dans  la  suite,  devinrent  enne- 
mis de  l'Eglise  par  leurs  erreurs,  comme 
Simon  le  Magicien,  Dosithée  et  MéoanJre, 
qui  formèrent  des  sectes  hérétiques.  D'autres 
persévérèrent  dans  le  judaïsme,  et  c'est  chez 
eux  que  s'est  conservé  le  Pentateuque  sama- 
ritain, duquel  nous  allons  parler. 

SAMARITAIN  (texte)  de  l'Ecriture  sainte. 
C'est  le  Penlateuque  ou  les  cinq  livres  de 
Moïse,  écrits  en  caractères  phéniciens,  des- 
quels les  Hébreux  se  servaient  avant  la  cap- 
tivité de  Babylone,  et  avec  lesquels  ont  clé 
écrits  tous  les  livres  de  l'Ancien  Testament 
antérieurs  à  ceux  d'Esdras.  Comme  les  Juifs 
transportés  à  Bab\Ionc  prirent  insensible- 
ment l'usage  de  la  langue  clialiicenne,  et 
trouvèrent  les  lettres  clialdaïques  plus  sim- 
ples et  plus  commodes  ijue  les  leurs,  on 
pense  que  ce  fut  Esdras  qui,  au  retour  do 
celle  captivité,  écri\ il  les  livres  saints  en 
caractères  rhaldaïques,  que  nous  nommons 
aujourd'hui  hébreux,  pendant  que  les  anciens 
ont  pris  le  nom  de  car.ictères  samaritains, 
parce  que  les  peuples  de  la  Samarie  n'ont 
point  changé  leur  première  manière  d'écrire. 
Mais  il  peut  se  faire  qu'Rsdras  n'ait  eu  au- 
cune pari  à  ce  changement,  et  qu'il  soit 
arrivé  plus  tard.  Voy.  Texte. 

C'est  une  grande  question  de  savoir  de  qui 
les  Samaritains,  toujours  ennemis  jurés  des 
Juifs,  ont  reçu  ce  Penlateuque.  A-t-il  été 
conservé  par  les  habitants  du  royaume  de 
Samarie  qui  ont  pu  rester  dans  leur  pays 
lorsque  Salmanazar  enleva  les  principaux  et 
les  transporta  en  Assyrie?  Est-il  venu  des 
sujets  du  royaume  de  Juda,  à  côté  desquels 
les  Samnritains  ont  vécu  pendant  plus  de 
cent  quinze  ans  avant  que  Nabuchodonosor 
détruisît  Jérusalem  ?  A-t-il  été  apporté  par  le 
prêtre  israélile  qui  fut  envoyé  à  Samarie  par 
Assaraddon,quaranle-sis  ans  après  l'expédi- 
tion de  Salmanazar?  ou  enCn  n'a-t-il  élé 
connu  des  Samaritains  que  trois  cent  douze 
ans  plus  tard,  lorsque  Manassé,  prêtre  juif, 
gendre  de  Sanaballat,  gouverneur  de  Sama- 
rie, s'y  retira  pour  ne  pas  se  soumettre  à  la 
réforme  que  Néhémie  faisait  dans  la  républi- 
que juive?  L'histoire  ne  nous  dit  rien  do 
positif  sur  tout  cela  ;  les  savants  n'ont  pu  en 
raisonner  que  par  conjecture. 

Prideaux  a  donné  une  notice  de  ce  Penla- 
teuque dans  son  Histoire  des  Juifs,  liv.  vi, 
an  i09  avant  Jésus-Christ.  11  soulienl  que  ce 
n'est  qu'une  copie  de  celui  qu'Esdras  avait 
écrit  en  caractères  chaldaïques,  copie,  dil-il, 
où  l'on  a  varié,  ajouté  et  transposé.  Il  pré- 
tend le  prouver,  1°  parce  que  cet  exemplaire 


SAM 


3'(0 


coi:tienl  tous  les  chnn;îemenfs  qui  ont  été 
faits  dans  le  texte  hébreu  par  Esdras  ;  2°  parce 
qu'il  porte  des  variantes  qui  viennent  évi- 
demment de  ce  que  l'on  a  pris  urte  lettre  hé- 
braïque ou  chaldaïque  pour  une  autre  qui 
lui  ressemble,  au  lien  que,  dans  l'alphabet 
samaritain,  elles  n'ont  aucune  ressemblance; 
3°  si  les  Cutliéens,  envoyés  dans  la  Samarie, 
avaient  eu  le  texte  de  la  loi  de  JIoïso,  il  n'est 
pas  probable  qu'ils  eussent  pratiqué  une 
idolâtrie  grossière  défendue  par  cette  loi. 
Walton,  dans  ses  Prolégomènes  sur  la  Poly- 
glotte de  Londres,  Prolég.  11,  n.  12,  a  judi- 
cieusement remarqué  que  ces  raisons  sont 
bien  faibles.  La  première  suppose  qu'Esdras 
a  fait  des  changements  dans  le  texte  hébreu, 
et  l'on  n'en  a  point  de  preuve.  La  seconde 
est  nulle,  parce  que  les  prétendues  variantes 
causées  par  la  ressemblance  des  lettres  sont 
en  très-petit  nombre,  qu'elles  ont  pu  arriver 
par  hasard,  ou  être  faites  à  dessein  pour 
conserver  chez  les  Samaritains  une  pronon- 
ciation différente  de  celle  des  Juifs.  La  troi- 
sième est  démontrée  fausse  par  l'exemple 
des  Juifs  ;  ceux-ci  n'ont  j.iinais  élé  privés  du 
texte  de  leur  loi,  et  ils  sont  tombés  vingt  fols 
dans  une  idolâtrie  aussi  grossière  que  celle 
des  Samaritains.  D'ailleurs,  Prideaux  sup- 
pose plusieurs  choses  qui  n'ont  aucune  vrai- 
semblance: 1°  que  S.ilmanasar  dépeupla  tel- 
lement la  Samarie,  qu'il  n'y  laissa  pas  un 
seul  Israélile,  ou  que,  parmi  ceux  qui  restè- 
rent, il  n'y  en  eul  aucun  qui  eût  lu  ou  qui 
voulût  lire  la  loi  de  Moïse.  11  est  cependant 
certain  que  cette  loi ,  impunément  violée 
dans  le  royaume  d'Israël,  en  ce  «lui  regardait 
le  culte  de  Dieu,  y  avait  toujours  force  de  loi 
civile  ;  nous  le  verrons  ci-ajtrès.  2°  Que  pen- 
dant plus  d'un  siècle,  quu  le  royaume  de 
Juda  subsista  après  celui  d'Israël,  les  pro- 
phètes Isaïe,  Jércmie  ,  Osée,  Joël,  etc.,  qui 
parurent,  ne  |)rirent  pas  la  peine  de  visiter, 
d'instruire  ni  de  consoler  les  restes  malheu- 
reux d'Israël ,  pendant  que  sous  les  rois  ils 
n'avaient  cessé  de  tonner  contre  les  désor- 
dres des  grands  et  du  souverain.  Si  la  loi  de 
Moïse  avait  été  perdue,  leur  premier  soin 
n'aurail-il  pas  été  d'en  reproduire  des  exem- 
plaires et  de  les  répandre?  3"  Prideaux  sem- 
ble penser,  comme  les  déistes,  que,  dans  l'un 
et  dans  l'autre  de  ces  ro>,  aumes,  les  copies  de 
cette  loi  furent  toujours  très-rares  et  pres- 
que inconnues;  que  si  Esdras  n'en  avait  pas 
rétabli  une  après  la  captivité,  le  texte  de 
Moïse  aurait  élé  perdu.  Nous  avons  prouvé 
ailleurs  la  fausseté  de  celte  supposition,  qui 
n'est  qu'une  rêverie  de  rabbins.  To!/.  Esdras, 
Texte,  Pentateuque.  k"  11  suppose  enfin  que 
le  prêtre  M.iiiassé,  révolté  contre  les  règle- 
ments d'Esdras  et  de  Néhémie,  et  réfugié  à 
Samarie,  eut  assez  de  crédit  pour  faire  adop- 
ter par  les  Samaritains  un  code  de  religion, 
de  lois,  d'usages  onéreux  et  gênants,  des- 
quels ce  peuple  n'avait  pas  porté  le  joug  jus- 
qu'alors, de  l'authenticité  duquel  il  n'avait 
point  d'iiulrc  garant  qu'lisdras,  son  ennemi 
mortel?  \'it-on  jau'ais  un  p;ireil  phénomène 
dans  aucun  lieu  du  monde? 

H  est  cent  fois  plus  probable  que  le  lexie 


341 


SAM 


SAM 


3»3 


da  Pentaleuquen'a  jamais  cessé  d'exister  et 
d'élre  connu  dans  le  royaume  d'Israël,  non 
plus  que  dans  celui  de  Juda,  et  qu'il  n'a  pas 
été  nécessaire  que  le  prêlre  israélite  envoyé 
à  Samarie  par  Assaraddon  y  roporlât  un 
exemplaire  de  ce  livre.  En  cfTet,  dès  l'origine 
du  schisme  des  dix  tribus,  Jéroboam,  en  éta- 
blissanl  parmi  elles  l'idolâlrie,  Gt  observer 
pour  les  faux  dieux  le  même  cérémonial  que 
Moïse  avait  prescrit  pour  le  vrai  Dieu,  111 
Re(j.,  c.  XII,  V.  32  :  les  prêtres  idolâtres  eu- 
rent donc  toujours  besoin  du  rituel  de  Moïse. 
Sous  les  rois  d'Israël  les  plus  impies,  la  loi 
de  Moïse  fut  toujours  loi  civile  :  par  cette 
raison  ,  Achab  n'osa  pas  forcer  Nabolh  ,  son 
sujet,  à  lui  vendre  sa  vigne;  la  loi  des  suc- 
cessions, fondée  sur  les  généalogies,  fut  tou- 
jours observée.  Elie,  Elisée,  et  les  autres 
prophètes  qui  ont  reproché  à  ces  rois  tous 
leurs  crimes,  ne  les  ont  point  accusés  d'avoir 
laissé  perdre  le  livre  de  la  loi  de  Dieu.  Sans 
doute  les  sept  mille  hommes  qui  n'aVaicnt 
pas  fléchi  le  genou  devant  Baal  lisaient  celte 
loi,  puisqu'ils  l'observaicnl,  ///  Reg.,  c.  xix, 
V.  18.  Tobie  et  Unguel  faisaient  de  uiéme 
lorsqu'ils  furent  transportés  par  Salmanasar 
en  Assyrie.  Un  peuple  entier  ne  fut  jamais 
disposé  à  recevoir  un  code  de  lois  de  la  main 
de  ses  ennemis  ,  à  moins  que  ceux-ci  ne 
l'aient  subjugué  et  ne  soient  devenus  ses 
maîtres.  Concluons  donc  que  les  Samaritains 
n'ont  rien  emprunté  des  Juifs,  et  que  les 
Juifs  n'ont  rien  pris  dus  Samaritains. 

Une  nouvelle  conjecture  est  que  les  Sama- 
ritains n'ont  cessé  d'élre  idolâtres  qu'à  révo- 
que de  l'arrivée  du  prèlre  Manassé,  de  la 
réception  de  son  Pontaleuque,  et  de  la  cons- 
truction d'un  temple  sur  la  montagne  de  Ga- 
riziui;  mais  cela  n'est  pas  mieux  prouvé  que 
le  reste.  Il  est  tout  aussi  probable  que  ce 
peuple  abandonna  l'idolâlrie  par  la  terreur 
que  lui  inspira  la  destruction  du  royaume  de 
Juda,  par  les  leçons  de  Jcrémie  ou  de  quel- 
que autre  prophète,  ou  par  d'autres  causes 
que  nous  ignorons.  Plus  de  qualre-vingl-dix 
ans  avant  qu'Esdras  publiât  sou  exemplaire 
des  livres  saints,  les  Samaritains  diraient  à 
Zurobabel  el  aux  principaux  Juifs  :  Laissez- 
nous  bâtir  avec  vous  te  temple  du  Seigneur, 
Dieu  d'israë!,  puisqu'il  est  notre  Dieu  aussi 
bien  que  le  vôtre;  nous  lui  avons  o/J'ert  des 
victimes  depuis  le  règne  d' Assaraddon ,  roi 
d'Assyrie,  qui  nous  a  fait  venir  ici  (/  Esdr. 
IV,  1).  Joséphe,  qui  a  rapporté  la  retraite  de 
Manassé  et  la  construction  du  temple  de  Ga- 
rizim,  Antiq.jud.,  I.  xi,  c.  8,  cl  qui  ne  (latte 
point  les  Samaritains ,  ne  dit  rien  qui  puisse 
appuyer  la  conjecture  que  nous  réfutons. 

Le  Pentateuque  samaritain  a  été  connu  de 
plusieurs  Pères  de  l'Eglise.  Origèiie»  Jules 
Africain,  Eusèbe,  saint  Jérôme,  Diodore  de 
Tarse,  saint  Cyrille  d'Alexandrie,  Procope  de 
Gaze  et  d'autres,  l'ont  cité.  Comme  la  plu- 
part de  ces  auteurs  n'entendaient  pas  l'hé- 
breu, on  présume  qu'il  y  eu  a  eu  une  ver- 
sion grecque  à  l'usage  dos  Samaritains  hel- 
lénistes, surtout  de  ceux  d'Alexandrie,  mais 
qui  s'est  perdue  dans  la  suite:  il  n'en  reste 
que  des  fragments.  Depuis  la  On  du  vi*  siè- 


cle, ce  Pentateuque  était  demeuré  entière- 
ment inconnu;  mais  au  commencement  du 
xvir,  le  savant  Ussérius  en  ftt  venir  des  co- 
pies de  l'Orient.  Presque  en  même  temps, 
Sancy  de  Uarlay,  ambassadeur  de  France  à 
la  Porle,  en  rapporta  un  exemplaire  avec 
d'aulres  livres  orientaux.  Etant  entré  dans  la 
congrégation  de  l'Oratoire,  il  en  Gl  présent  à 
sa  maison,  et  il  devint  ensuite  évéquc  de 
Sainl-Malo. 

Outre  le  Penlateuque  hébreu  écrit  en  let- 
tres samaritaines,  il  y  en  a  une  version  en 
samaritain  moderne,  parce  que  ce  peuple  a 
oublié,  dans  la  suite  des  siècles,  aussi  bien 
que  les  Juifs,  son  ancienne  langue.  De  même 
que  les  Juifs  ont  été  obligés  de  faire  les  para- 
phrases chaldaïques,  les  Satnaritains  ont  eu 
besoin  d'une  version  dans  leur  nouveau  lan- 
gage :  c'est  ce  que  l'on  appelle  la  version 
samaritaine ,  qui  est  plus  lillérale  que  les 
paraphrases.  Le  lexle  et  la  version  furent 
placés  par  le  P.  Morin,  de  l'Oraloire,  dans  la 
Polyglotte  de  Paris;  mais  ils  sont  plus  cor- 
rects dans  la  Polyglotte  d'Angleterre.  Il  y  a 
eiiûn  de  ce  même  Pentateuque  samaritain 
une  version  arabe,  qui  passe  pour  être  fort 
exacte.  —  Entre  le  texte  hébreu  des  Juifs  et 
celui  des  Samaritains,  il  y  a  des  différences; 
la  plupart  ne  sont  pas  fort  considérables  :  il 
est  nièiiie  étonnant  qu'il  s'en  trouve  si  peu 
enire  deux  textes  qui,  depuis  plus  de  deux 
mille  ans,  sont  entre  les  mains  de  deux  par- 
tis ennemis  mortels  l'un  de  l'autre,  et  qui 
n'ont  eu  ensemble  aucune  liaison.  Prideaus 
en  a  cité  quelques  exemples,  et  toutes  ces 
variant''S  sont  rassemblées  dans  le  dernier 
volume  de  la  Pulj  j;lolto  d'Angleterre.  Il  y  en 
a  quelques-unes  qui  ont  été  faites  à  dessein 
et  frauduleusement  par  les  Samaritains,  pour 
autoriser  leurs  prétentions.  Au  lieu  que  Dieu 
ordonne  aux  Juifs,  Deut.,  c.  xxvii,  v.  4-,  d'é- 
lever un  autel  sur  le  mont  Hébal,  ils  ont  mis 
sur  le  mont  Garizim,  et  ils  ont  inséré  celte 
falsiGcation ,  Exod.,  c.  xx,  entre  les  v.  17  et 
18.  Mais  celle  altération  ne  touche  en  rien 
au  fond  de  l'hisloirc. 

Les  Samaritains ,  chassés  de  Samarie  par 
.Mexandre,  se  retirèrent  à  Sichem,  aujour- 
d'hui Naplouse  dans  la  Palestine  :  c'est  là 
qu'ils  se  sont  conservés  en  plus  grand  nom- 
bre ,  mais  on  prétend  que  celte  secte  est  au^ 
jourd'hui  réduite  à  peu  près  à  rien.  Nous 
avons  déjà  dit  deux  mois  du  Penlateu(]ue 
samaritain  ,  à  l'article  Bibles  orientales. 
Voyez  Nouveaux  éclaircissements  sur  l'ori- 
gine et  le  Pentateuque  des  Samaritains,  in-8°, 
Paris,  1760.  L'auteur  de  cet  ouvraiie  préfère 
la  chronologie  du  lexle  samaritain  à  celle 
du  texte  hébreu,  qui  est  aussi  celle  de  la 
Vulgate,  et  à  celle  des  Septante,  c.  11.  Voy. 
Chronologie. 

SAMOSATIENS,  disciples  el  partisans  de 
Paul  de  Samosate  ,  évéque  d'Antioche  vers 
l'an  2G2.  Cet  hérétique  était  né  à  Samosate, 
ville  située  sur  l'Euphrale,  dans  la  province 
que  l'on  nommait  la  Syrie  euphrate'sienne , 
et  qui  conQnail  à  la  Mésopotamie.  Il  avait  de 
l'esprit  el  de  l'éloquence  ,  mais  trop  d'or- 
gueil ,  de  présomption ,  et  une  conduite  fort 


343 


SAM 


SAM 


34  i 


déréglée.  Pour  amener  plus  aisément  à  la 
foi  chrétienne  Zénobie,  reine  de  Palmyre  , 
dont  il  avait  gagné  les  bonnes  grâces,  il  lui 
déguisa  les  mystères  de  la  Trinité  et  de  l'In- 
carnation. 11  enseigna  qu'il  n'y  a  en  Dieu 
qu'une  seule  personne,  qui  est  le  Père  ;  que 
le  Fils  et  le  Saint-Esprit  sont  seulement  deux 
attributs  de  la  Divinité,  sous  lesquels  elle 
s'est  fait  connaître  aux  hommes  ;  que  Jésus- 
Christ  n'est  pas  un  Dieu ,  mais  un  homme 
auquel  Dieu  a  communiqué  sa  sagesse  d'une 
manière  extraordinaire,  et  qui  n'est  appelé 
Dieu  que  dans  un  sens  impropre.  Peut-être 
Paul  espérait-il  d'abord  que  celle  fausse  doc- 
trine demeurerait  cachée,  et  ne  se  proposait 
pas  de  la  publier  ;  mais  quand  il  vit  qu'elle 
était  connue,  et  que  l'ou  en  était  scandalisé, 
il  entreprit  de  la  défendre  et  de  la  soutenir. 
Accusé  dans  un  concile  qui  se  tint  à  Anlio- 
che  l'an  264,  il  déguisa  ses  sentiments,  et 
protesta  qu'il  n'avait  jamais  enseigné  les 
erreurs  qu'on  lui  imputait;  il  trompa  si  bien 
les  évoques  ,  qu'ils  se  contentèrent  de  con- 
damner la  doctrine  ,  sans  prononcer  contre 
lui  aucune  censure.  Mais  comme  il  continua 
de  dogmatiser,  il  fut  condamné  et  dégradé 
de  l'épiscopat  dans  un  concile  postérieur 
d'Anlioche,  l'an  270. 

Dans  la  lettre  synodale  que  les  évêques 
écrivirent  aux  autres  Eglises  ,  ils  accusent 
Paul  d'avoir  fait  supprimer  dans  l'église 
d'Antioche  les  anciens  cantiques  dans  les- 
quels on  confessait  la  divinité  de  Jésus-Christ, 
el  d'en  avoir  fait  chanter  d'autres  qui  étaient 
composés  à  son  honneur.  Pour  attaquer  ce 
mystère  ,  il  faisait  ce  sophisme  :  Si  Jésus- 
Christ  n'est  pas  devenu  Dieu,  d'homme  qu'il 
était ,  il  n'est  donc  pas  consubslantiel  au 
Père  ,  et  il  faut  qu'il  y  ail  trois  substances, 
une  principale  et  deux  autres  qui  viennent 
de  celle-là.  Fleury,  Hist.  ecclés. ,  1.  viii , 
n.  1.  Si  Paul  de  Samosale  avait  pris  le  mot 
de  consubslantiel  dans  le  même  sens  que 
nous  lui  donnons  aujourd'hui  ,  son  argu- 
ment aurait  été  absurde  ;  c'est  précisément 
parce  que  le  Fils  est  consubslantiel  au  l'ère, 
qu'il  n'y  a  pas  trois  substances  en  Dieu  ou 
trois  essences  ,  mais  une  seule.  H  faut  donc 
qu'il  ail  entendu  autre  chose.  Saint  Alha- 
iiase  a  pensé  que  Paul  entendait  trois  sub- 
stances formées  d'une  même  matière  pré- 
existante ,  et  que  c'est  dans  ce  sens  que  les 
Pères  du  concile  d'Antioche  ont  décidé  que 
le  Fils  n'est  pas  consubstanliel  au  Père. 
Dans  ce  cas  l'argumenldePaul  est  encore  plus 
inintelligible  cl  plus  absurde.  Toujours  est- 
il  certain  que  ces  Pères  ont  enseigné  formel- 
lement que  le  Fils  de  Dieu  esl  coélernel  et 
égal  au  Père,  et  qu'ils  ont  fait  profession  de 
suivre  en  ce  point  la  doctrine  des  apôtres 
el  de  l'Eglise  universelle.  Voyez  BuUus  , 
Def.  fidei  Nicœn.,  sect.  3,  c.  4,  §  5,  et  scct. 
4-,c.  2,   §7. 

Les  sectateurs  de  Paul  de  Samosale  furent 
aussi  appelés  paulinims,  paulianisies  oa  pau- 
liiinisiittts.  Comme  ils  ne  baptisaient  pas  les 
caiccliumcnes  au  nom  du  Père,  du  Fils,  el  du 
Saint-Esprit ,  le  concile  de  Nicée  ordonna 
que  ceux  do  celte  secte  qui  se  réuniraient  à 


l'Eglise  catholique  seraient  rebaptisés.  Théo- 
doret  nous  apprend  qu'au  milieu  du  v'  siè- 
cle elle  ne  subsistait  plus. 

De  'ous  ces  faits  il  résulte  qu'au  uv  siè- 
cles, plus  de  cinquante  ans  avant  le  concile 
de  Nicée,  la  divinité  de  Jésus-Christ  était  la 
foi  universelle  de  l'Eglise.  Voij.  Consubstan- 
TIEL.  Tillemont ,  t.  IV,  p.  289. 

Mosheim  ,  suivant  le  génie  et  la  coutume 
de  tous  les  protestants  ,  aurait  bien  voulu 
pouvoir  justifier  cet  hérétique  contre  la  cen- 
sure de  ses  collègues  ;  dans  l'impossibililé  de 
le  faire ,  il  s'est  rabattu  à  élever  des  soup- 
çons contre  les  intentions  el  les  motifs  de  ces 
évêques.  Il  suppose  qu'ils  agirent  plutôt  par 
passion  ,  par  haine  ,  par  jalousie  ,  que  par 
un  véritable  zèle.  Peut-être,  dit-il,  n'aurail- 
on  fait  à  ce  personnage  aucun  reproche  sur 
sa  doctrine,  s'il  avait  été  moins  riche,  moins 
honoré  et  moins  puissant.  Quelle  raison  ce 
critique  peut-il  avoir  eu  d'en  juger  ainsi  ? 
Point  d'autre  que  sa  malignité.  Dans  la  lon- 
gue discussion  dans  laquelle  il  est  entré  lou- 
chant les  erreurs  de  Paul,  il  ne  nous  semble 
avoir  réussi  qu'à  y  répandre  encore  plus 
d'obscnrilé  qu'il  n'y  en  avait  dans  ce  que 
les  anciens  en  ont  dit.  Hist.  chrisl. ,  sœc.  m, 

SÀMPSÉENS,  ou  SCHAMSÊENS,  sectaires 
orientaux,  desquels  il  n'est  pas  aisé  de  con- 
naître les  sentiments.  Saint  Epiphane,  flœr. 
53  ,  dit  qu'on  ne  peut  les  mettre  au  rang  des 
juifs ,  ni  des  chrétiens  ,  ni  des  païens;  que 
leurs  dogmes  paraissent  avoir  été  un  mé- 
lange des  uns  el  des  autres.  Leur  nom  vient 
de  l'hébreu  schemesch  ,  le  soleil,  parce  que 
l'on  prétend  qu'ils  ont  adoré  cet  astre  ;  ils 
sont  appelés  par  les  Syriens  chamsi,  et  par 
les  Arabes  s/iemsî ,  ou  shamsi ,  les  solaires. 
D'autre  côté  ,  on  prétend  qu'ils  admettaient 
l'unité  de  Dieu ,  qu'ils  faisaient  des  ablutions, 
el  suivaient  plusieurs  autres  pratiques  de 
la  religion  judaïque.  Saint  Epiphane  a  cru 
que  c'étaient  les  mêmes  que  les  esséuiens  et 
les  elcésaïtes. 

Bcausobre  ,  Hist.  du  Munich,  t.  II,  I.  ix  , 
c.  1 ,  §  19  ,  prétend  que  celle  accusation  d'a- 
dorer le  soleil ,  que  l'on  intente  à  plusieurs 
sectes  orientales,  esl  injuste  ;  qu'elle  esl  uni- 
quement venue  de  l'innocente  et  louable 
coutume  qui  règne  parmi  elles  d'adorer  Dieu 
au  commencement  du  jour,  en  se  tournant 
vers  le  soleil  levant.  Il  dit  que  les  sampséena 
croient  un  Dieu  ,  un  paradis  ,  un  enfer  ,  un 
dernier  jugement;  qu'ils  honorent  Jésus- 
Chrisl,  qui  a  été  crucifié  pour  nous,  et  qu'ils 
se  sont  réunis  aux  j.icobiles  de  Syrie  ;  qu'ils 
sont  humains  ,  hospitaliers  ,  et  qu'ils  vivent 
entre  eux  dans  une  grande  concorde.  Tout 
cela  peut  être;  mais  pour  l'affirmer  il  fau- 
drait avoir  des  preuves.  11  nous  paraîtra  tou- 
jours étonnant  que  Heausobre  ,  qui  ne  veut 
pas  que  chez  les  catholiques  le  peuple  puisse 
se  défendre  de  l'idolâtrie  en  honorant  des 
objets  sensibles,  soit  obstiné  à  disculper  tou- 
tes les  sectes  d'hérétiques  chez  lesquelles  le 
peuple  est  beaucoup  plus  ignorant  que  chez 
les  catholiques.  Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est 
que  l'adoration  du  soleil  a  clé  en  usage  do 


54S 


SAM 


SAM 


310 


lout  temps  chez  les  orientaux  ,  que  les  Juifs 
en  ont  été  coupables  plus  d'une  fois  ,  et 
qu'elle  est  condamnée  dans  l'Ecriture  sainte 
comme  un  crime,  Deut.,c.  iv,  v.  id;Job, 
G.  xxsi ,  V.  26  :  Ezech. ,  c.  viii ,  v.  16. 

SAMSON,  personnage  d'une  force  prodi- 
gieuse ,  né  chez  les  Israélites  ,  de  la  tribu  do 
Dan  ,  et  qui  vengea  sa  nation  subjuguée  par 
les  Philistins  ;  son  histoire  ,  rapportée  dans 
le  livre  des  Juges ,  c.  xiii  et  suiv.  ,  a  fourni 
une  ample  matière  à  la  critique  et  aux  sar- 
casmes des  incrédules.  La  force,  disent-ils, 
que  lui  attribue  l'historien,  est  plus  qu'hu- 
maine ,  et  passe  toute  croyance.  Cet  homme, 
fort  déréglé  dans  ses  mœurs  ,  ne  méritait 
pas  que  sa  naissance  fût  annoncée  par  un 
ange;  il  exerce  des  cruautés  inouïes  contre 
les  Philistins ,  il  finit  par  un  suicide  et  par  le 
c.irnage  d'un  peuple  entier  ;  cependant  il  est 
dit  que  Samsun  était  saisi  de  l'esprit  de  Dieu: 
saint  Paul ,  Uebr. ,  c.  xi,  v.  33  ,  le  met  au 
nombre  de  ceux  qui  ont  vaincu  par  la  foi, 
qui  ont  pratiqué  la  justice,  et  qui  ont  reçu 
l'effet  des  promesses  :  tout  cela  est  incon- 
cevable. 

Nous  répondons  à  ces  censeurs  qu'il  y  a 
eu  d'autres  hommes  dont  la  force  excédait 
de  beaucoup  la  mesure  ordinaire,  sans  qu'il 
y  eût  pour  cela  du  surnaturel;  que  quand 
celle  de  Samson  aurait  été  un  miracle,  Dieu 
aurait  voulu  la  lui  accorder,  non  pour  lui- 
même  ,  et  comme  une  récompense  de  sa 
vertu,  mais  pour  la  défense  de  son  peuple; 
Dieu  n'élail  |ias  obligé  pour  cela  de  faire  do 
lui  un  modèle  de  sainteté.  Quand  on  lit  qu'il 
fut  saisi  de  Vesprit  de  Dieu,  il  ne  faut  en- 
tendre par  là  ni  une  inspiration  surnatu- 
relle, ni  une  ardeur  d'amour  pour  la  vertu. 
Dans  le  texte  hébreu,  Vesprit  désigne  sou- 
vent la  colère,  l'impétuosité  du  courage,  une 
passion  violente  bonne  ou  mauvaise  ;  et  le 
nom  de  Dieu  se  met  pour  exprimer  le  su- 
perlatif. Glassii  Phitolog.  sacra,  p.  592, 1432. 
Ainsi  les  Hébreux  disaient  une  frayeur  de 
Dieu  pour  une  grande  frajeur,  un  sommeil 
de  Dif.u  pour  un  sommeil  profond  ;  des  mon- 
tagnes ou  des  cèdres  de  Dieu  pour  exprimer 
leur  hauteur.  /  Reij.,  c.  xi,  v.  6,  il  est  dit 
que  Saùl  fut  saisi  de  Vesprit  de  Dieu,  et  qu'il 
entra  dans  une  grande  colère. 

Dans  le  style  de  saint  Paul,  la  foi  est  la 
confiance  en  Dieu:  on  ne  peut  pas  nier  que 
Samson  ne  l'ait  eue;  la  justice  est  le  culte 
du  vrai  Dieu  :  Samson  n'est  point  accusé 
d'idolâtrie  ;  il  a  éprouvé  l'effet  des  promesses 
que  Dieu  a  faites  de  proléger  ses  adorateurs, 
rien  de  plus.  Nous  ne  voyons  là  rien  d'ia- 
conccvable. 

Quand  on  lit  qu'il  enleva  les  portes  de 
Gaza,  et  qu'il  les  porta  à  une  distance  con- 
sidérable, il  ne  faut  pas  se  figurer  des  portes 
semblables  à  celles  que  l'on  voit  aujour- 
d'hui dans  nos  villes  murées;  c'étaient  pro- 
bablement des  barrières  telles  qu'on  les  fait 
pour  fermer  un  parc  de  bétail;  le  poids  en 
était  considérable,  mais  non  aussi  énorme 
qu'on  se  le  représente  d'abord. 

La  même  hisloirc  rapporte  que  Samson 
prit  trois  cents  renards,  qu'il  les  attacha 


deux  à  deux  par  la  queue,  qu'il  y  mit  le  feu, 
et  qu'il  les  lâcha  dans  les  moissons  des  Plii- 
listins.  Quelques  criti<iues,  pour  rendre  ce 
fait  plus  croyable,  ont  dit  que  le  même  terme 
hébreu  qui  signifie  renard,  exprime  aussi 
une  poignée,  une  javelle;  qu'il  est  plus  na- 
turel d'entendre  que  Samson  lia  ensemble 
des  javelles,  qu'il  y  mit  le  feu,  et  qu'il  les 
jeta  dans  les  moissons  des  Philistins.  Mais  il 
n'est  pas  nécessaire  de  recourir  à  cette  ex- 
plication ;  Morison  et  d'autres  voyageurs 
nous  apprennent  que  la  contrée  de  la  Pa- 
lestine habitée  autrefois  par  les  Philistins 
est  encore  aujourd'hui  remplie  de  renards; 
que  souvent  les  habitants  sont  forcés  de  se 
rassembler  pour  les  détruire,  sans  quoi  ils 
ravageraient  les  campa;;nes.  «  Le  Isctiakiial, 
dit  Niébuhr,  dans  sa  Description  de  l'Arabie, 
est  une  espèce  de  renard  ou  de  chien  sau- 
vage, dont  il  y  a  un  grand  nombre  dans  les 
Indes,  en  Perse,  dans  l'Arack,  en  Syrie,  près 

de  Constantinople  et  ailleurs Ils    sont 

souvent  assez  hardis  pour  entrer  dans  les 
maisons  ;  et  à  Bombay,  mon  valet,  qui  de- 
meurait hors  de  la  ville,  les  chassait  môme 
de  sa  cuisine.  On  ne  se  donne  aucune  peine 
pour  prendre  cet  animal,  parce  que  sa  peau 
n'est  pas  recherchée.  »  Le  renard  nommé 
schohhal  dans  le  livre  des  Juges  peut  très- 
bien  être  le  tschahkal  des  Arabes.  Ce  livre  ne 
dit  point  que  Samson  ait  été  seul  pour  en 
prendre  trois  cents,  ni  qu'il  les  ait  pris  dans 
un  seul  jour,  ni  qu'il  les  ait  lâchés  tous  à  la 
fois  dans  les  moissons  des  Philistins. 

On  demande  de  quel  droit  il  a  ruiné  et 
taillé  en  pièces  les  hommes  de  cette  nation. 
Par  le  droit  de  la  guerre,  dont  celui  de  re- 
présailles fait  partie.  Dans  une  république 
telle  qu'était  celle  des  .luifs  sous  les  juges, 
tout  particulier  avait  droit  de  commencer 
les  hostilités,  lorsqu'il  se  sentait  assez  fort 
pour  venger  sa  nation  et  pour  l'affranchir 
d'un  joug  étranger.  Ainsi  en  usaient  tous  les 
peuples  de  la  Palestine,  et  en  particulier  les 
Philistins. 

La  mort  de  Samson  u'est  point  un  suicide  ; 
son  intention  directe  n'était  point  de  se  dé- 
truire, mais  de  se  venger  de  ses  ennemis  en 
les  faisant  périr  avec  lui.  On  n'a  jamais  re- 
gardé comme  suicides  les  guerriers  qui  se 
sont  livrés  à  une  mort  certaine  dans  le  des- 
sein de  faire  payer  leur  vie  par  le  sang  d'un 
grand  nombre  d'ennemis.  Le  temple  de  Da- 
gon  renversé  par  Samson  n'est  pas  non  plus 
un  événement  incroyable.  Les  Philistins 
étaient  vraisemblablement  placés  sur  une 
galerie  portée  par  deux  piliers  ;  Samson  les 
ébranla  et  fit  tomber  la  galerie;  Schaw, 
voyageur  très-instruit,  en  a  vu  de  sembla- 
bles dans  l'Orient.  Eusèbe,  Prép.  évang., 
1.  V,  c.  34-,  et  Pausanins,  Voyages  d'EUde, 
1.  II,  c.  9,  citent  un  fait  à  peu  près  sem- 
blable (1). 

(1)  Nos  critiques  allemands  nous  présenient  l'Iiis- 
toire  de  Samson  comme  une  simple  alléj^nrie  sans 
réalité.  Nous  leur  répondons,  .tvsc  les  Conférences 
de  Bayeux  :  <  Il  y  a  di!S  logles  d'inleriiréuition  c|u'il 
faut  suivre,  au  risque  d'eue  cmporié  à  toui  vent  de 
docirijiû,  de  deveuir  le  jouçl  de  son  imagination  ou 


.'47  SAM 

SAMUEL,  juge  du  peuple  de  Dieu  et  pro- 
plièle,  dont  l'histoire  se  trouve  dans  le  pre- 
mier livre  des  Rois.  Les  incrédules  n'ont 
épargné  aucune  espèce  de  calomnie  pour 
noircir  sa  mémoire  et  pour  donner  un  aspect 
odieux  à  toutes  les  actions  de  sa  vie;  nous 
devons  nous  borner  à  répondre  aux  princi- 
paux reproches  qu'ils  lui  ont  faits. 

l' Ils  l'accusent  d'avoir  forgé  des  songes 
et  des  visions  afin  de  passer  pour  prophète, 
et  de  pouvoir  s'emparer  du  sacerdoce  et  du 
gouvernement.  Faussetés  contraires  au  texte 
de  l'histoire.  Samuel  était  trop  jeune,  lorsque 
Dieu  daigna  se  révéler  à  lui,  pour  qu'il  ait 
pu  forger  celte  révélation  par  ambition,  il 
fut  regardé  comme  prophète,  non  parce  qu'il 
eut  des  songes  et  des  visions,  mais  parce  que 
tout  Israël  reconnut  que  tout  ce  qu'il  annon- 
çait ne  manquait  jamais  d'arriver;  c'est  donc 
par  les  évcneinenls  que  l'on  jugea  que  Dieu 
se  révélait  à  lui,  /  lleg.,  c.  m,  v.  19  et  suiv. 
Il  ne  liéclara  point  à  Héli  que  Dieu  voulait 
ôler  le  sacerdoce  de  sa  maison  ;  au  contraire, 
il  lui  dit  de  la  part  de  Dieu  :  Je  n'ôterai  pas 
entièrement  votre  race  du  service  de.  mon  autel, 
chap.  II,  V.  27  et  33.  Samuel  était  de  la  tribu 
de  Lévi  et  de  la  famille  de  Caath,  I  Parai., 
0.  VI,  v.  23;  mais  il  ne  pouvait  pas  aspirer  à 
la  dignité  de  grand  prêtre,  et  le  peuple  n'au- 
rait pas  soulîert  qu'il  s'en  emparât;  s'il  a 
olTert  des  sacriOces,  il  l'a  fait  en  qualité  de 
prophète  et  non  de  pontife  ;  Elie  fit  de  même 
dans  la  suite.  Après  la  mort  d'Héli  et  dejses 
deux  fils,  l'arche  fut  déposée  à  Gabaa  chez 
Abinadab,  et  son  (ils  Eléazar  fut  consacré 
pour  la  garder,  /  Reg.,  c.  vu,  v.  I;  sous 
Saiil,  Achias,  pelit-GIs  d'Héli,  portait  l'éphod, 
qui  était  l'habit  du  grand  prêtre,  c.  xiv,  v.  3; 
dans  la  suite  ce  fut  Àcbimélecb,  c.  xxi,  v.  1  : 

la  dupe  des  rêveries  étrangères.  C'est  une  loi  de  bon 
sens,  et  généralement  admise,  d'eriieiidre  les  mois 
dans  leur  acceplion  naturelle,  de  preiulie  les  récits 
à  la  lettre,  quand  l'autorité,  ni  la  nature  des  choses, 
ni  leurs  circoiisiances,  ne  forcent  à  recourir  au  seus 
métaphorique.  Or,  rien  n'autorise  à  ne  voir  qu'une 
allégorie  dans  l'histoire  de  Samson  :  c'est  une  re- 
lation fidèle,  auiheiitlque,  reçue  par  les  contempo- 
rains, tiansuiise  jusqu'à  nous  par  une  tradition  con- 
stante de  faits  merveilleux  à  la  vérité,  mais  nulle- 
ment incroyables.  Si  la  table  présente  quelques  traiis 
analogues,  c'c-^t  un  plagiat  imputable  aux  puétes 
qui  vécurent  si  longtemps  après  les  événements, 
et  qui  recueillirent  dans  leurs  vny.iges  toutes  les  tra- 
ditions merveilleuses  des  peuples  pour  en  composer 
la  vie  fabuleuse  de  leurs  dieux  cl  de  leurs  héros.  Les 
Juils,  au  contraire,  qui  n'avalent  aucun  contact  avec 
les  gentils ,  ne  cunuurent  les  emprunts  laits  à  leur 
histoire  que  bien  des  siècles  aprè-i.  Voyez  Guériu- 
fiurocher,  Ilist.  véril.  des  temps  fabuleux. 

I  Contrairement  à  l'auteur  (iai'Uennéiieutique  sa- 
crée, nous  ne  reconnaissons  d'autre  principe  à  la 
force  surhumaine  de  Samson  qu'un  miracle  habituel; 
c'était  un  don  particulier  fait  à  ce  juge  dans  l'in- 
lérêt  d'Israël  et  de  la  gloire  divine,  indépendant  des 
vertus  et  des  mérites  de  Samwn.  La  conservation 
de  ses  cheveux  était  la  condition  de  ce  privilège 
comme  la  marque  de  son  i^azarcat,  mais  nullement 
la  cause  de  sa  force  surnaturelle.  Samson  e-.t  une 
noble  ligure  du  chrétien,  qui  peut  tout  eu  celui  qui  le 
fortifie,  qui  est  faible  comme  le  reste  des  hommes 
quand  ii  perd  la  grâce  et  vit  séparé  de  Dieu.  » 


SAM 


348 


il  est  donc  faux  que  Samuel  ait  usurpé  le  sa- 
cerdoce. Il  a  eiicore  moins  usurpé  le  gou- 
vernement. La  nation,  de  son  plein  gré,  lui 
donna  une  entière  confiance;  elle  respecta 
SCS  décisions,  parce  qu'elle  reconnut  que 
l'esprit  de  Dieu  était  eu  lui,  c.  m,  v.  19. 
Elle  n'eut  pas  lieu  de  s'en  repentir.  Sous 
l'adminislration  de  ce  prophète,  le  culle  de 
Dieu  fut  rétabli,  lidolâtrie  proscrite,  les 
Philistins  furent  vaincus  et  obligés  de  resti- 
tuer les  villes  qu'ils  avaient  prises,  Israël 
jouit  d'une  paix  profonde,  c.  vu,  v.  3  et  13. 
Y  a-t-il  un  titre  plus  légitime  d'autorité  que 
le  choix  et  le  consentement  unanime  d'une 
nation  libre?  Les  chefs  ou  juges  précédents 
n'en  avaient  pas  eu  d'autres.  Après  queSaiil 
eut  été  élu  roi,  le  peuple  assemblé  rendit  uu 
témoignage  solennel  de  la  justice,  du  désin- 
téressement, de  la  sagesse,  de  la  douceur 
du  gouvernement  de  Samuel,  c.  xii,  v.  3.  Ce 
n'est  donc  pas  là  l'exemple  que  les  incré- 
dules devaient  choisir  pour  prouver  que  le 
gouvernement  des'prêlres  est  mauvais. 

2°  Ils  disent  que  la  demande  du  peuple  qui 
désira  d'avoir  un  roi  déplut  au  prophète, 
parce  qu'il  ne  voulait  pas  que  le  pouvoir 
sortit  de  ses  mains  ni  de  celles  de  ses  enfants  ; 
qu'il  fit  ce  qu'il  put  pour  dégoûter  les  Israé- 
lites de  l'idée  d'avoir  un  roi,  mais  qu'il  fut 
obligé  de  se  rendre  à  leurs  instances.  Ce- 
pendant c'est  Samuel  lui-môme  qui  nous  ap- 
prend que  Dieu  lui  ordonna  d'acquiescer  à 
la  volonté  du  peuple,  c.  viii,  7;  un  ambitieux 
mécontent  n'aurait  pas  mis  cet  aveu  dans 
son  livre.  Il  annonça  d'avance  aux  Israélites 
la  manière  dont  leur  roi  les  traiterait;  c'est 
par  la  suite  de  l'histoire  que  nous  devons 
juger  si  sa  prédiction  fut  fausse.  Ce  peuple 
fut-il  plus  heureux  sous  ses  rois  que  sous 
SCS  juges?  Samuel  fait  plus  ;  lorsque  le  peuple 
se  repent  d'avoir  demandé  un  roi  et  craint 
d'en  être  puni,  il  le  rassure  :  Ne  craignez 
rien,  dit-il,  servez  fidèlement  le  Seigneur, 
n'abandonnez  point  son  culte,  et  Dieu  accom- 
plira la  promesse  qu'il  a  faite  de  vous  pro~ 
léger,  c.  xii,  v.  20.  Cela  ne  montre  pas  dans 
ce  prophète  un  grand  regret  de  ue  plus  avoir 
le  pouvoir  entre  ses  mains. 

3°  Il  y  a  lieu  de  croire,  continuent  nos  cri- 
tiques, que  Samuel  ']e\.BL  les  yeux  sur  Saul, 
parce  qu'il  espéra  de  trouver  en  lui  ua 
homme  entièrement  dévoué  à  ses  ordres. 
Après  l'avoir  sacré  pour  contenter  la  multi- 
tude, il  le  renvoya  chez  lui  et  le  laissa  viire 
en  simple  particulier,  pendant  que  lui>méiiie 
continuait  de  gouverner.  Mais  l'histoire  at- 
teste que  l'élection  de  Saiil  fut  décidée  par 
le  sort,  c.  X,  v.  20.  Si  ce  choix  avait  été  l'ou- 
vrage de  Samuel,  il  aurait  préféré  sans  doute 
sa  propre  Iribu,  et  le  sort  tomba  sur  celle  de 
Benjamin.  Une  partie  du  peuple  fut  mécon- 
tente, c.  IX,  V.  27;  c.  X,  V.  16;  c.  xii,  v.  11; 
et  Samuel  n'approuva  point  ces  murmures. 
Saiil  vécut  en  simple  particulier  pendant  un 
mois  tout  au  plus,  et  non  pendant  plusieurs 
années,  c.  xi,  v.  1;  et  dans  ce  court  inter- 
valle il  n'est  question  d'aucun  acte  d'auto- 
rité de  la  part  de  Samuel. 

k°  Les  impostures  ne  coûtent  rien  à  nos 


3!9 


SAM 


saî: 


550 


adversairos,  mais  toutes  sont  réfutées  par 
l'histoire.  11  est  faux  que,  pour  déclarer  la 
guerre  aux  AmiDonites,  Saùl  n'ait  pas  osé 
jigir  en  son  propre  nom,  el  qu'il  ait  donne 
des  ordres  au  nom  de  Samuel.  Celui-ci  était 
absent,  et  l'ordre  de  Saiil  était  absolu  :  Si 
quelqu'un  refuse  de  suivre  Saiil  et  Samuel,  ses 
bœufs  seront  mis  en  pièces.  Ce  n'est  pas  sur  ce 
Ion  que  le  prophète  avait  eu  coutume  de 
donner  des  ordres,  c.  xi,  v.  7.  Il  est  encore 
fanx  qu'il  ait  été  fâché  de  la  victoire  que 
Saùl  remporta;  il  en  proGta  au  contraire 
pour  ent,'ager  le  peuple  à  confirmer  l'élec- 
tion de  ce  roi,  et  pour  fermer  la  bouche  aux 
mécontents.  Dans  l'assemblée  qui  se  tint  à 
ce  sujet,  Samuel  rend  coiii|)te  de  sa  conduite, 
il  prend  le  roi  même  pour  juge,  il  rassure 
le  peuple  sur  les  suites  de  son  choix,  il 
promet  au  roi  et  à  ses  sujets  les  bénédictions 
de  Dieu,  s'ils  continuent  à  le  servir;  il  borne 
son  propre  ministère  à  prier  pour  le  peuple 
et  à  lui  enseigner  la  loi  du  Seigneur,  J  Reg. 
c.  XI  et  xii.  Encore  une  fois,  ce  n'est  là  ni 
le  langage  ni  la  conduite  d'un  vieillard  am- 
bitieux. Enfin,  il  est  faux  qu'il  ait  traversé 
les  desseins  de  son  roi,  l'histoire  atteste  le 
contraire. 

5"  Le  roi,  continuent  les  déistes,  voulant 
marcher  contre  les  Philistins,  ne  put  le  faire, 
parce  que  le  prophète  le  ût  attendre  sept 
jours  à  (lalgala,  où  il  avait  promis  de  se 
rendre  pour  un  sacrifice.  Les  Philistins  pro- 
filèrent de  l'absence  de  Saùl  pour  remporter 
une  victoire  complète.  Sans  doute  Samuel 
espérait  que  cet  échec  rendrait  Saùl  odieux, 
fournirait  un  prétexte  de  le  déposer  et  de 
donner  son  royaume  à  un  autre.  Cependant 
le  roi,  lassé  d'attendre,  voyant  que  l'armée 
se  mutinait  et  désertait,  ordonna  que  l'on 
offrît  le  sacrifice  sans  attendre  le  prophète. 
Celui-ci  arriva  lorsque  tout  était  fini  ;  il  fit 
au  roi  des  reproches  sanglants  pour  avoir 
osé  empiéter  sur  les  fonctions  sacerdotales, 
crime  pour  lequel  il  le  déclara  déchu  de  la 
couronne.  Saùl  ne  put  jamais  apaiser  le  saint 
houuiie,  qui  lui-même,  contre  la  loi  de  Rloïse, 
usurpait  ie  sacerdoce.  —  Tissu  de  faussetés. 
C'e^l  Jonalhas,  fils  de  Saùl,  qui  fit  le  premier 
acte  d'hostilité,  et  Samuel  ne  le  désapprouva 
point.  11  ne  fil  point  attendre  Saùl  au  delà 
du  temps  convenu,  puisqu'il  arriva  le  sep- 
tième jour.  S'il  y  avait  des  raisons  de  pré- 
venir ce  moment,  il  ne  tenait  qu'au  roi  d'en- 
voyer chercher  le  prophète.  Les  Philistins  ne 
remporteront  aucun  avantage;  au  contraire, 
il  est  dit  seulement  qu'il  sortit  trois  détache- 
ments de  leur  camp  pour  faire  du  «légat, 
mais  à  ce  moment  même  Jonathas,  suivi  de 
son  écuyer,  pénétra  dans  leur  camp  el  y  ré- 
pandit la  terreur;  ils  s'entreluèrent  et  fu- 
rent entièrement  défaits,  c.  13  et  14.  Autant 
de  circonslances  que  Samuel  ne  pouvait  pas 
prévoir.  Saùl  n'ordonna  point  le  sacrifice, 
mais  il  l'oQ'ril  lui-même.  Pourquoi  ne  pas  le 
faire  offrir  par  Achias  et  par  les  prêtres?  Il 
n'est  pas  vrai  que  Samuel  ait  déclaré  Saùl 
déchu  de  la  couronne;  il  lui  dit  :  Si  vous 
aviez  été  fidèle  à  l'ordre  du  Seigneur,  il  vous 
aurait  assuré  la  royauté  \  perpétuité,  mais 


elle  ne  pasi'era  point  à  vos  descendants,  c.  xiii, 
V.  IH.  En  effet,  Saùl  conserva  la  ro>aulé 
jusqu'à  sa  mort. 

C°  Saùl  vainquit  les  Amaléciles  et  fit  pri- 
sonnier Agag,  leur  roi  ;  il  osa  l'épargner 
contre  les  ordres  de  Samuel;  celui-ci  lui  ea 
fit  des  reproches  amers,  il  lui  déclara  que  le 
Seigneur  le  rejetait  à  cause  de  ce  trait  d'hu- 
manité, el  il  finit  par  hacher  en  pièces  le 
monarque  captif.  A  ce  sujet  l'on  déclame 
contre  la  cruauté  de  Samuel.  Mais  consul- 
tons toujours  l'histoire.  C'est  Samuel  lui- 
même  qui  avertit  Saùl  de  l'analhème  que 
Dieu  avait  prononcé  contre  les  Amaléciles, 
V.xod.,  c.  XVII,  V.  14,  et  qui  loi  ordonna  de 
la  part  de  Dieu  de  l'exécuter,  l  Reg.,  c.  xv, 
V.,  J;  il  n'était  donc  pas  jaloux  des  succès 
de  ce  roi.  Il  lui  reprocha,  non  son  huma- 
nité, mais  sou  aviililé  pour  le  butin  ;  proba- 
blement Saùl  n'avait  épargné  Agag  que  pour 
le  conduire  en  triomphe,  et  peut-être  pour 
en  faire  un  esclave.  11  avait  donc  désobéi  à 
la  loi  qui  dclendait  de  faire  grâce  aux  en- 
nemis dévoués  à  l'analhème.  Aussi  recon- 
naît-il qu'il  a  péché,  non  par  motif  d'huma- 
nilé,  mais  par  complaisance  pour  le  peuple  : 
faible  prélexte.  11  prie  Samuel  de  l'accom- 
pagner et  de  lui  rendre  en  public  les  hon- 
neurs accoutumés;  circonstance  qui  dévoile 
ses  vrais  motifs.  Avant  de  mettre  à  mort 
Agag,  Samuel  lui  reproche  ses  cruautés,  et 
lui  déclare  qu'il  va  l'en  punir.  Les  déclama- 
tions des  incrédul<"S  à  ce  sujet  ne  peuvent 
émouvoir  que  ceux  qui  ignoreut  quelles 
étaient  les  mœurs  des  peuples  dans  ces 
temps-là,  cl  comment  l'on  se  faisait  la  guerre. 

7"  Samuel,  disent-ils,  en  possession  do 
faire  et  de  défaire  les  rois,  suscita  un  con- 
current à  Saùl;  il  sacra  seciètemenl  David, 
il  introduisit  à  la  cour  ce  traître,  auquel 
Saùl  donna  sa  fille  en  mariage.  Mais  bientôt 
les  menées  et  les  projets  de  David,  appuyés 
par  le  prophète,  donnèrent  à  Saùl  un  cha- 
grin mortel  el  le  plongèrent  dans  la  plus 
noise  mélancolie.  Samuel, de  son  côté,  prêcha 
la  révolte  el  le  désordre  au  nom  du  Sei- 
gneur, el  telle  fut  la  source  de  la  guerre 
presque  continuelle  qui  régna  dans  la  suite 
entre  les  rois  hébreux  et  leurs  prophètes. 

Nous  ne  pouvons  répondre  qu'en  niant  les 
faits,  parce  (ju'ils  sont  tous  faux.  Samuel  n'a 
ni  fait  ni  défait  les  rois,  puisque  Saùl  fut 
élu  par  le  sort  et  conserva  sa  royauté  jus- 
qu'à la  mort.  Satnucl  ne  lui  suscita  point  un 
concurrent,  mais  il  lui  désigna  un  succes- 
seur par  l'ordre  de  Dieu,  cl  après  la  mort  de 
Saùl  ce  choix  fut  ratifié  d'abord  par  la  tribu 
de  .luda,  el  ensuite  par  les  autres  tribus, 
JI  Reg.,  c.  Il,  v.  4  ;  c.  v,  v.  3.  David  n'a  ja- 
mais tenté  de  s'emparer  de  la  couronne  de 
Saùl,  il  a  épargné  au  contraire  les  jours  de 
ce  roi,  devenu  sou  persécuteur;  il  a  laissé 
régner  tranquillement  Isbosclh,  fils  de  Saùl, 
sur  dix  tribus.  Vog.  David.  Ce  n'est  point 
Samuel  qui  iniroduisit  David  à  la  cour;  ce 
dernier  y  fut  appelé  à  cause  de  son  talent 
pour  la  musique,  et  ensuite  à  cause  de  sa 
victoire  sur  Colialli.  La  haine  de  Saùl  contre 
lui  vint  de  jalousie,  et  non  du  ressentiment 


551 


SAN 


SAN 


ssa 


de  SCS  menées;  il  avait  été  attaqué  de  mé- 
lancolie avant  de  connaître  David,  puisqu'il 
le  fil  venir  pour  élre  soulagé  par  le  son  des 
inslrunienls,  /  Reg.,  c.  xvi,  v.  23.  Enfin  ce 
roi  était  si  peu  mécontent  de  Samuel,  qu'il 
voulut  encore  le  consulter  après  sa  mort,  et 
fit  évoquer  son  ombre  par  la  pythonisse 
d'Jîndor,  c.  xxviii,  v.  11.  Jamais  Samuel  n'a 
prêcl)o  ni  le  désordre  ni  la  révolte;  une 
jjreuve  de  son  attachement  pour  Saiil,  c'est 
qu'il  ne  cessa  de  pleurer  sa  perte,  dès  îe 
moment  qu'il  sut  que  Dieu  était  résolu  de 
punir  ce  roi  malheureux,  c.  xv,  v.  23; 
c.  XVI,  V.  1. 

/  C'est  donc  sur  un  tissu  d'impostures  gros- 
sières, et  formellement  contredites  par  l'hi- 
stoire sainte  ,  que  les  incrédules  ont  osé 
peindre  Samuel  comme  un  fourbe  et  un  sé- 
ditieux qui  a  tout  sacrifié  à  son  ambition  et 
au  désir  de  se  maintenir  dans  un  poste 
usurpé  ;  qui,  dans  le  regret  d'être  déchu  de 
son  autorité,  a  fait  des  efforts  continuels 
pour  arracher  le  sceptre  des  mains  d'un 
prince  qu'il  n'avait  mis  sur  le  trône  que 
pour  en  faire  son  propre  sujet.  C'est  ainsi 
qu'ils  ont  entrepris  de  prouver  aux  igno- 
rants que  tous  les  prophètes  ont  été  des 
fourbes,  que  tous  les  ministres  des  auiels 
sont  des  méchants  ,  que  tout  homtne  zélé 
pour  la  religion  est  un  homme  odieux.  Mais 
comment  peut-on  les  regarder  eux-mêmes, 
quand  on  connaît  l'excès  de  leur  malignité? 
SANCTIFICATION,  SANCTIFIER.  Voy. 
Saint. 

SANCTIFICATION  des  FÊTES.  Voy.  Pè- 
tes, §  5. 

SANCTION  DES  LOIS.  On  appelle  ainsi  la 
raison  qui  nous  engage  à  observer  les  lois. 
C'est  en  premier  lieu  l'autorité  légitime  de 
celui  qui  les  impose,  en  second  lieu  les  pei- 
nes et  les  récompenses  qu'il  y  allache.  Une 
loi  serait  nulle  si  elle  était  portée  sans  auto- 
rité; et  si  elle  ne  proposait  ni  peine,  ni  ré- 
compense, ce  serait  plutôt  une  leçon,  un 
conseil,  une  exhortation  qu'une  loi.  Dieu,  en 
qualité  de  souverain  législateur  de  l'homme, 
attacha  une  peine  à  la  loi  qu'il  lui  imposa  : 
A'^e  touche  point  «  ce  fruit;  ni  lu  en  manges, 
tu  mourras. 

Comme  l'expérience  nous  convainc  que 
Dieu  n'a  pas  attache  une  peine  temporelle  à 
la  violation  de  ses  lois,  ni  une  récompense 
temporelle  à  leur  observation,  nous  avons 
droit  de  conclure  que  cette  récompense  et 
cette  peine  sont  réservées  pour  l'autre  vie, 
puisque  enfin  Dieu  ne  peut  pas  commander  en 
vain.  Tel  est  le  sentiment  intérieur  qui  tour- 
mente le  pécheur  après  son  crime,  lors  même 
qu'il  l'a  commis  sans  témoins  et  dans  le  plus 
profond  secret.  L'idée  d'une  justice  divine, 
vengeresse  du  crime  et  rémunératrice  de  la 
vertu,  a  été  de  tout  temps  répandue  chez 
toutes  les  nations,  et  vainement  les  scélé- 
rats font  tous  leurs  efforts  pour  l'élouffer. 
Quand  ils  se  cacheraient  au  fond  de  la  mer, 
dit  le  Seigneur ,  f  enverrai  le  serpent  les  bles- 
ser par  sa  morsure  [Amos,  ix,  3).  P.  rsonne 
n'a  peint  les  inquiétudes  el  les  remords  des 


méchants  avec  plus  d'énergie  que  David  dans 
le  psaume  cxxxvin. 

SANCTUAIRE.  C'était  chez  les  Juifs  la 
partie  la  plus  intérieure  et  la  plus  secrète  du 
tabernacle  et  ensuite  du  temple  de  Jérusa- 
lem, qui  renfermait  l'arche  d'alliance  et  les 
tables  de  la  loi,  dans  laquelle  par  consé- 
quent Dieu  daignait  habiter  plus  particuliè- 
rement qu'ailleurs.  Pour  cette  raison  elle 
était  encore  appelée  le  iicu  saint,  sancla,  ou 
le  lieu  très-saint,  sancta  sanclorum.  Tout  au- 
tre que  le  grand  prôlre  n'osait  y  entrer,  en- 
core ne  le  faisait-il  qu'une  seule  fois  l'année, 
au  jour  de  l'expiation  solennelle.  Ce  sanc- 
tuaire, selon  saint  Paul,  était  la  figure  du 
ciel,  et  le  grand  prêtre  qui  y  entrait  était 
l'image  de  Jésus-Clirist;  ce  divin  Sauveur 
est  le  véritable  pontife  qui  est  entré  dans  les 
cieux  pour  êlre  notre  médiateur  auprès  do 
son  Père,  Hebr.,  c.  ix,  v.  24.  Quelquefois 
cependant  le  mot  de  sanctuaire  signifie  seu- 
lement le  temple,  ou  en  général  le  lieu  où  le 
Seigneur  est  adoré;  Moïse  dit  dans  son  can- 
tiijue,  Exod.,  c.  XV,  v.  17,  que  Dieu  intro- 
duira son  peuple  dans  le  sanctuaire  qu'il 
s'est  préparé,  c'est-à-dire  dans  le  lieu  où  il 
veut  établir  son  culte.  Peser  (juelque  chose  au 
poids  du  sanctuaire  signifie  l'examiner  avec 
beaucoup  d'exactitude  et  d'équité,  parce  que, 
chez  les  Juifs,  les  prêtres  avaient  des  poids 
et  des  mesures  de  pierre  qui  servaient  à  ré- 
gler toutes  les  autres. 

Chez  les  catholiques  on  appelle  sanctuaire 
d'une  église  la  partie  du  chœur  la  plus  voi- 
sine de  l'autel,  dans  laquelle  se  tiennent  le 
célébrant  et  les  ministres  pendant  le  saint 
sacrifice  ;  dans  plusieurs  églises  elle  est  sé- 
jiaréo  du  chœur  par  une  balustrade,  et  les 
laïques  ne  devraient  jamais  s'y  placer.  Cette 
manière  de  disposer  les  églises  est  ancienne, 
puisqu'elle  est  calquée  sur  le  plan  que  saint 
Jean  a  donné  des  assemblées  chrétiennes 
dans  VApoealypse.  On  ne  s'en  serait  jamais 
avisé,  et  le  lieu  de  l'autel  n'aurait  jamais 
été  appelé  sanctuaire,  si  l'on  n'avail  pas  été 
persuade  que  Jésus-Christ  y  réside  d'une 
manière  encore  plus  réelle  que  Dieu  n'habi- 
tait dans  l'intérieur  du  leinple  de  Jérusalem  ; 
or,  les  auteurs  sacrés  disent  que  Dieu  y  éiait 
assis  sur  les  chérubins.  C'en  est  assez  pour 
prouver  que,  suivant  la  croyance  chrétienne 
de  tous  les  temps,  Jésus-Christ  par  l'eucha- 
ristie est  présent  en  corps  et  en  âme  sur  nos 
autels.  Nous  ne  devons  donc  pas  ôire  sur- 
pris de  la  fureur  avec  laquelle  les  protes- 
tants ont  brûlé,  démoli,  rasé  les  églises  des 
catholiques;  la  forme  même  de  ces  édifiées 
déposait  contre  eux,  et  celles  qu'ils  ont  con- 
servées pour  en  faire  leurs  ;»"(îf/(e.'i  ou  lieux 
d'assemblée  réclament  encore  l'ancienne 
foi  qu'ils  ont  voulu  étouller.  Voy.  Eglise, 
Edifice. 

Le  nom  de  sanctuaire  a  été  employé  dans 
un  sens  particulier  cliez  les  Anglais,  poui 
signifier  les  églises  qui  servaient  d'asile  aux 
malfaiteurs  ou  à  ceux  qui  étaient  réputés 
tels.  Jusqu'au  schisme  de  l'Angleterre,  arrivé 
sous  Henri  VllI,  les  coupables  retirés  dans 
ces  asiles  y  étaient  à  l'abri  des  poursuites  de 


SS3 


SAN 


SAN 


554 


la  justice,  si  dans  l'espace  de  quarante  jours  * 
ils  reconnaissaient  leurs  fautes  et  se  soumet- 
taient au  bannissement.  Un  laïque  qui  les 
aurait  arrachés  de  l'asile  pendant  ces  qua- 
rante jours  aurait  été  excommunié,  et  un 
ecclésiasiique  aurait  encouru,  pour  ce  mémo 
fait,  la  peine  de  l'irrégularité.  .Mais  Bingliam 
a  Irès-liien  observé  (jue,  dans  l'origino,  ce 
privilège  n'avait  pas  été  accordé  aux  églises 
pour  protéger  le  crime,  ni  pour  ôter  aux 
magistrats  le  pouvoir  de  punir  les  coupnblcs, 
ni  pour  alTaiblir  les  lois  en  aucune  manière, 
mais  pour  donner  un  refuge  aux  innocents 
accusés  et  opprimés  injustement;  pour  don- 
ner le  temps  d'examiner  leur  cause  dans  les 
cas  douteux  et  difficiles  A  juger;  pour  em- 
pêcher que  l'on  ne  sévit  contre  eux  par  des 
voies  de  fait,  ou  pour  donner  lieu  aux  évo- 
ques d'intercéder  pour  les  criminels,  comme 
cela  se  faisait  souvent.  Nous  ne  devons  donc 
pas  être  surpris  si  le  droit  d'asile  a  com- 
mencé depuis  Constantin,  et  s'il  a  été  con- 
firmé arec  de  sages  modilications  par  les  em- 
pereurs suivants.  Orîg.  ecclcs.,  liv.  viii, 
chap.  11,  §  3  et  suiv.  Vuy.  Asile 

SANGTÙS.   Voy.  Trisacioiv. 

SANG.  Ce  mot,  dans  l'Ecriture  sainte,  si- 
gniOe  souvent  le  meurtre  :  laver  son  pied, 
ses  mains  ou  ses  habits  dans  le  savg,  c'est 
faire  un  grand  carnage  de  ses  ennemis.  Un 
homme  de  sang  est  un  homme  sanguinaire. 
Un  époux  (le  sanij,  ExocL,  c.  iv,  v.  25,  est  un 
époux  cruel.  Porter  sur  quelqu'un  le  sanj 
d'un  autre,  c'est  le  charger  ou  le  rendre  res- 
ponsnble  d'un  meurtre.  Leur  sang  sera  sur 
eux  signiGe  que  personne  no  sera  responsa- 
ble de  leur  mort.  Sang  se  prend  aussi,  comme 
en  français,  pour  parenté  ou  alliance;  dans 
ce  sens  il  est  dit  par  L'zécliiel,c.  xxxvi,  v.5: 
Je  vous  livrerai  à  ceux  de  votre  sang  qui  vous 
poursuivront.  La  chair  et  le  sang  signifient 
les  inclinations  naturelles  et  les  passions  de 
l'humanité,  MaU/t,c.  xvi,  v.  17.  Nous  lisons, 
Gen.,  c.  xLix,  v.  11,  que  Juda  lavera  sa  robe 
dans  le  vin,  et  son  manteau  dans  le  sang  du 
raisin,  pour  exprimer  la  fertilité  du  terri- 
toire de  la  tribu  de  .luda.  Le  prophète  H.iba- 
cuc,  c.  II,  v.  12,  dit:  Malheur  à  celui  qui  bà- 
lil  une  ville  dans  le  sang,  c'est-à-dire  en 
opprimant  les  malheureux.  David,  psaume  l, 
V.  IG,  dit  à  Dieu:  Délivrez-moi  des  sr.rrgs, 
c'est-à-dire  des  peines  que  je  mérite  pour  le 
sang  que  j'ai  répandu.  Saint  l'aul  dit  des 
juifs  incrédules,  Act.,  c.  xx,  v.  'ili:  Je  suis 
pur  du  sang  de  tous,  pour  dire  je  ne  suis 
responsable  de  la  perte  d'aucun.  Gènes., 
c.  IX,  V.  'i ,  Dieu  dit  à  Noé  et  à  ses  enfants  : 
Vous  ne  mangerez  point  la  chair  des  ani- 
maux avec  leur  sang;;'''  demanderai  compte 
de  votre  sang  et  de  votre  vie  à  tout  les  ani- 
maux,à  tous  les  hommes,  à  quiconque  ôlera  la 
vie  ()  un  autre.  Celui  qui  aura  répandu  le  sang 
humain  sera  puni  par  l'effusion  de  son  pro- 
pre SANG,  parce  que  l'hnmme  est  fait  à  l'image 
de  Dieu.  Levit.,  c.  xvii,  v.  10:  Si  un  Israé- 
lite ou  un  étranger  mange  du  sang,  je  serai 
irrité  contre  lui,  et  je  te  ferai  périr,  parce  que 
l'âme  de  toute  chair  est  dans  le  sang  et  que  je 
vous  rai  donné  pour  l'offrir  sur  mon  autel. 


comme  devant  servir  d'expiation  pour  vous. 
Ces  deux  lois  donnent  lieu  à  plusieurs  ré- 
flexions. 

On  demande,  1°  pourquoi  défendre  aux 
hommes  de  manger  du  sang?  Afin  de  leur 
inspirer  del'horreur  dumeurire.  llest  prouvé 
que  les  peuples  barbares  qui  se  sont  accou- 
tumés à  boire  du  sang  tout  chaud  sont  tous 
très-cruels,  et  qu'ils  ne  font  aucune  distinc- 
tion enire  le  meurtre  d'un  homme  et  celui 
d'un  animal.  Il  n'est  pas  moins  cert.iin  que 
l'haliituile  d'égorger  les  animaux  inspire  na- 
turellement un  degré  de  cruauté.  La  défense 
de  manger  du  sang  fut  renouvelée  par  les 
apôtres,  Act.,  c.xv,  v.  20.  De  là  quelques 
lhéolo.iiens  protestants  ont  conclu  que  ce 
n'est  pas  une  simple  loi  dediscipline  et  de  po- 
lice, mais  une  loi  morale  portée  pour  tous 
les  ti'mps,  et  que  l'on  doit  encore  l'observer 
aujourd'hui.  En  eiïet,  si  l'on  s'en  tenait  à  la 
k'tire  seule  de  l'Ecriture  sainte,  comme  le 
veulent  les  protestants,  nous  ne  voyons  pas 
coumient  ou  pourrait  prouver  le  contraire. 
Pour  nous,  qui  pensons  que  l'Ecriture  doit 
être  inter[)rétée  par  la  tradition  et  la  prati- 
que de  l'Kglise,  nous  savons  que  cette  loi 
n'était  établie  que  pour  ménager  les  juifs,  et 
pour  diminuer  l'horreur  qu'ils  avaient  de 
fraterniser  avec  les  païens  convertis.  — 
2°  L'on  demande  à  quoi  bon  rendre  respon- 
sable d'un  homicide  un  animal  privé  de  rai- 
son, sur  lequel  cette  menace  ne  peut  faire 
aucune  impression?  Afin  de  faire  concevoir 
aux  hommes  qu'ils  seraient  punis  sévère- 
ment s'ils  aitenlaient  à  la  vie  de  leurs  sem- 
blables, puisque,  dans  ce  cas,  Dieu  n'épar- 
gnerait pas  même  les  animaux.  En  elTel,  il 
fut  ordonné  dans  la  suite  aux  Israélites  d'ô- 
ler  la  vie  à  tout  animal  dangereux,  capable 
de  tuer  ou  de  blesser  les  hommes;  Exod., 
c.  XXI,  V.  28.  —  3"  La  loi  du  Lévitique  ne  si- 
gnifie point  que  les  bétes  ont  une  âme,  et 
que  cette  âme  réside  dans  leur  sang,  comme 
quelques  incrédules  l'ont  prétendu,  afin  de 
rendre  le  législateur  ridicule.  Le  mot  dme  en 
hébreu  signifie  simplement  la  vie,  dans  une 
infinité  de;  passages  :  or,  il  n'y  a  aucune  er- 
reur à  dire  que  la  vie  des  animaux  est  dans 
leur  sa»;/,  puisqu'on  elTet  aucun  ne  peut  vi- 
vre lorsque  son  sang  est  répandu  ;  et  il  n'y  a 
point  de  ridicule  à  défendre  aux  hommes  de 
manger  ce  qui  fait  vivre  les  animaux,  parce 
que  Dieu  seul  est  l'auteur  et  le  principe  de  la 
vie  de  tous  les  êtres  animés.  —  4"  C'est  pour 
cela  même  que  Dieu  voulait  que  le  sang  lui 
fût  offert,  comme  tenant  lieu  en  quelque  fa- 
çon de  la  victime  entière,  comme  un  hom- 
mage dû  au  souverain  auteur  de  la  vie,  pour 
faire  souvenir  le  pécheur  qu'il  avait  mérité 
de  la  perdre  en  offensant  son  Créateur.  Plu- 
sieurs commentateurs  ont  ajouté  que  Dieu 
l'exigeait  ainsi,  afin  de  figurer  d'avance  l'ef- 
fet que  produirait  le  sang  de  Jésus-(>hrist, 
victime  de  notre  rédemption.  —  5"  Dieu  sem- 
ble encore  avoir  voulu  prévenir  par  là  chez 
les  Juifs  une  erreur  très-grossière  dans  la- 
quelle étaient  tombés  les  païens,  ot  qui  a 
été  pour  eux  une  source  de  cruautés  et  d'a- 
bominations. £n  ctlel,  il  est  certain  que  les 


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SAN 


SAR 


356 


païens,  et  même  les  philosophes,  claicnt  per- 
suadés que  les  génios  ou  démons  que  l'on 
adorait  comme  des  dieux,  et  auxquels  on  at- 
tribuait une  âme  spirituelle  et  un  corps  sub- 
til, aimaient  à  boire  le  sang  des  victimes,  et 
qu'il  en  était  de  même  des  mânes  ou  des 
âmes  des  morts  quand  on  les  évoquait,. S')/sf; 
inielL  de  Cudworlh,  chap.  5,  sect.  3,  §  21, 
notes  de  Mosheim,  n.  h.  L'on  sait  que  c'a 
été  là  une  des  causes  qui  ont  donné  lieu  aux 
sacriDces  de  sang  humain.  Un  très-bon  pré- 
servatif contre  cette  absurdité  meurtrière 
était  de  persuader  aux  juifs  que  le  sang 
était  dû  à  Dieu  seul. 

Sang  de  Jésus-Christ.  Comme  il  y  avait 
dans  l'ancienne  loi  des  sacrifices  pour  le 
péché,et  qu'au  jour  de  l'expiation  solennelle 
la  rémission  des  péchés  du  peuple  élai!  cen- 
sée faite  par  l'aspersion  du  sang  d'une  vic- 
time, saint  Paul  fait  une  comparaison  entre 
ces  sacriûccs  et  celui  de  Jcsus-ChrisI  ;  Hebr., 
c.  IX  et  X..  Il  observe  que  les  péchés  ne  pou- 
vaient pas  être  elTacés  par  le  sanij  des  ani- 
maux, que  cette  aspersion  de  sang  ne  pou- 
vait purifier  que  le  corps  ;  mais  que  le  sang 
de  Jésus-Christ  efface  véritablement  les  pé- 
chés, purifie  nos  âmes,  et  nous  rend  dignes 
d'entrer  dans  le  ciel,  duquel  l'ancien  sanc- 
tuaire n'était  que  la  figure. 

Si  la  rédemption  faite  par  Jésus-Christ 
consistait  seulement,  comme  le  veulent  les 
sociniens,  en  ce  que  ce  divin  Sauveur  nous  a 
donné  d'excellentes  leçons,  des  exemples  hé- 
roïques de  patience,  de  courage,  de  soumis- 
sion à  Dieu,  en  ce  qu'il  nous  a  promis  la  ré- 
mission de  nos  péchés,  et  qu'il  est  mort  pour 
confirmer  cette  promesse  ,  quelle  ressem- 
blance y  aurail-il  entre  le  sang  de  Jésus- 
Christ  et  celui  des  anciennes  victimes,  entre 
la  manière  dont  les  impuretés  légales  étaient 
effacées,  et  la  manière  dont  les  péchés  nous 
sont  remis?  Chez  les  Juifs  la  rédemption  ou 
le  rachat  des  premiers-nés  consistait  en  ce 
que  l'on  payait  un  prix  pour  les  sauver  de 
la  mort;  donc  il  en  a  été  de  même  de  la  ré- 
demption du  genre  humain. 

Suivant  la  pensée  de  saint  Paul,  de  même 
que  le  pontife  de  l'ancienne  lui  entrait  dans 
le  sancluoire,  en  présentant  à  Dieu  le  sang 
d'une  victime  pour  prix  de  la  rédemption 
générale  du  peuple,  ainsi  Jésus-Christ,  pon- 
tife do  la  loi  nouvelle,  est  entré  dans  le  ciel 
en  présentant  son  propre  sang  à  son  Père, 
pour  prix  de  la  réconciliation  des  hommes; 
ce  n'est  donc  pas  dans  un  sens  métaphori- 
que, mais  dans  un  sens  propre  et  littéral  que 
le  sang  de  Jésus-Christ  edace  les  péihés,  ci- 
mente une  nouvelle  alliance,  établit  la  paix 
enire  le  ciel  et  la  terre,  est  le  prix  de  notre 
rédemption,  etc.  De  même  qu'aucun  Israé- 
lite n'était  exclu  de  la  rémission  qui  se  fai- 
sait au  jour  de  l'expiation  solennelle,  ainsi 
aucun  homme  n'est  excepté  de  la  rédemp- 
tion ou  du  rachat  fait  par  Jésus-Chrisi , 
quoique  tous  n'en  ressentent  pas  égulemenl 
les  eflets.  Si  celte  rédemption  n'était  pas 
aussi  réelle  et  aussi  générale  que  celle  de 
l'ancienne  loi,  la  ressemblance  ne  serait  pas 
complète    et  la  comparaison  que  fait  saint 


Paul  ne  serait  pas  juste,  dn  effet,  selon  les 
idées  sociniennes,  on  ne  peut  conner  qu'un 
sens  très-abusif  aux  litres  généraux  de  Sau- 
veur du  monde,  de  Rédempteur  du  monde,  de 
Sauveur  rf-  tGUS  les  hommes,  de  Victime  de 
projntialion  pour  les  péclu's  du  monde  entier, 
que  l'Ecrilure  donne  à  Jésus-Christ  ;  s;i  doc- 
trine, ses  exemples,  le  gage  de  la  sûreté  de 
ses  promesses,  ne  regardent  que  cous  qui 
les  connaissent,  et  tout  cela  n'est  pas  connu 
du  monde  enlier.  Si  l'on  onlend  seulement 
que  ce  qu'il  a  fait  est  suffisant  pour  sauver 
tous  les  hommes,  s'il  était  connu  de  tous,  on 
pourra  dire  aussi  qu'il  est  le  Sauveur  el  le 
kcdompleur  des  démons,  puisque  ses  souf- 
frances et  ses  mérites  suffiraient  pour  les 
sauver,  s'ils  étaient  capables  d'en  profiler. 
Voy.  lîÉDEHPTiiN,  Salut. 

SANGUINAIRES.  Voy.  Anabaptistes 

SAPIENTIAUX  (livres.)  C'est  ainsi  que 
l'on  appelle  certains  livres  de  l'Ecriture 
sainlc  qui  sont  ùeslinés  spécialement  à  don- 
ner aux  hommes  des  leçons  de  morale  et  de 
sagesse,  et  par  là  on  les  dislingue  des  livres 
historiques  et  des  livres  prophélitiues.  Los 
livres  sapientiaux  sont  les  Proverbes,  V Ec- 
clésiaste,  le  Cantique  des  cantiques,  le  livre 
de  la  Sagesse  et  {'Ecclésiastique.  Quelques- 
uns  y  ajoutent  les  Psaumes  et  le  livre  de 
Job  ;  mais  plus  communément  ce  dernier 
est  regardé  comme  un  livre  historique.  Voy. 
Hagiographie. 

SARA.  Voq.  Abraham. 

SARABAITES,  nom  donné  à  certains  moi- 
nes erranis  ou  vagabonds,  qui,  dégoûtés  de 
la  vie  cénobilique,  ne  suivaient  plus  aucune 
règle,  et  allaient  de  ville  en  ville,  vivant  à 
leur  discrétion.  Ce  nom  vient  de  l'Iiébreu 
sarab,  se  révolter.  Cassicn,  dans  sa  quator- 
zième conférence,  les  appelle  renuilœ,  quia 
jugum  regularis  disciplinai  renuunt.  Saint 
Jérôme  n  en  parie  pas  plus  favorablement. 
Epist.  18,  ad  F.ustochium,  il  les  appelle  re- 
moboth,  terme  égyptien,  à  peu  près  équiva- 
lent à  celui  de  sarabaïles;  saint  Benoîl,  dans 
le  premier  chapitre  de  sa  règle,  les  nomme 
girovagiies,  et  en  fait  un  portrait  fort  dés- 
avantageux. 

Les  protestants,  ennemis  déclarés  de  la  vie 
monastique,  ont  encore  enchéri  sur  ce  ta- 
bleau ;  ils  (lisent  que  les  sarabaïtes  vivaient 
en  faisant  de  faux  miracles,  en  vendant  drs 
reliques,  elcn  coromcllant  mille  autres  four- 
beries semblables;  Moshcim,  Bist.  ecclé- 
siasl.,  iv°  siècle,  ir  partie,  c.  3,  §  15.  Mais  il 
y  avait  assez  de  mal  à  dire  de  ces  mauvais 
moines,  sans  forger  contre  eux  des  accusa- 
tions fausses.  Saint  Jérôme  dit  qu'ils  vivaient 
de  leur  travail,  mais  qu'ils  vendaient  leurs 
ouvrages  plus  cher  que  les  autres,  comme  si 
leur  métier  avait  été  plus  saint  que  leur  vie; 
qu'il  y  avait  souvent  entre  eux  des  disputes, 
parce  qu'ils  ne  voulaient  être  soumis  à  per- 
sonne, qu'ils  jeûnaient  à  l'envi  les  uns  dis 
aulres,  et  regardaient  le  silence  ou  le  secret 
comme  une  victoire,  clc.  Quand  on  pourrait 
leur  reprocher  d'autres  vices,  il  ne  s'ensui- 
vrait rien  contre  l'élat  monastique  en  géné- 
ral :  ce  serait  la  vérification  de  la  maxime 


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commnne,  que  la  corruption  de  ce  qu'il  y  a 
de  meilleur  est  la  pire  de  toutes  :  Optimi 
corruplio  pessima. 

SATAN,  mot  hébreu  qui  signifie  ennemi 
adversaire,  celui  qui  s'élève  contre  nous  et 
lions  j)ersécute.  Il  Reg.,  c.  xix,  v.  22  :  Pour- 
quoi devenez-vous  aujourd'htii  Satan  contre 
moi?  III  Rcg.,  c.  v,  v.h  :  Il  ne  se  trouve 
plus  de  Satan  pour  me  re'sister,  Mallh.,  c. 
XVI,  V.  23,  Jésus-Christ  dit  à  saint  Pierre  : 
Uctircz-voua  de  moi,  Satan,  vous  vous  oppo- 
sez à  moi.  Mais  souvent  ce  terme  signifie 
l'ennemi  du  salul,  le  démon  ;  il  est  rendu  en 
grec  par  Stùtoloi,  celui  qui  nous  croise  et 
nous  traverse. 

Il  est  dit  dans  l'Ecriture  que  ceux  qui  sont 
dans  les  lénèlircs  do  l'idolâtrie  sont  sous  la 
pui'^saucc  de  Satan.  Apoc,  c.  ii,  v.  l'i,  les 
profondeurs  de  Satan  sont  les  erreurs  des 
iiicolaïles,  qu'ils  cachaient  sous  une  mysté- 
rieuse profondeur.  Saint  Paul,  I  Cor.,  c.  v, 
V.  5,  livre  l'incestueux  de  Corinthe  à  Satan, 
c'est-à-dire  à  la  haine  des  fiilèles,  parce  qu'il 
le  retranche  de  leur  société  et  ne  veut  plus 
que  l'on  ait  do  commerce  avec  lui.  Enlin  les 
opérations  de  Salan,  II  Thess.,  c.  ii,  v.  9, 
sont  de  faux  prodiges  employés  par  des  im- 
posteurs pour  séduire  les  simples  cl  les  en- 
traîner dans  l'idolâtrie.  VO)/.  DÉMON. 

SATISFACTION,  est  l'action  de  payer  une 
dette  OU  de  réparer  une  injure  :  un  débiteur 
satisfait  son  créancier  lorsqu'il  lui  rend  ce 
qu'.il  lui  devait  :  celui  qui  en  a  offensé  un 
antre  le  satisfait  en  réparant  l'injure  qu'il 
lui  a  faite.  Lorsque  le  p;iyement  est  égal  à  la 
dette,  et  la  réparation  proportionnée  à  l'in- 
jure, la  satisfaction  est  rigoureuse  et  pro- 
prement dite  ;  elle  ne  le  serait  pas  dans  le 
cas  où  le  créancier  voudrait  par  pure  bonté 
se  contenter  d'une  somme  moindre  que  celle 
qui  lui  est  duc,  et  où  l'honmie  offensé  con- 
sentirait, par  un  mntif  de  compassion,  à  par- 
donner l'injure  qu'il  a  reçue  par  une  légère 
réparation. 

11  y  a  une  dispute  importante  entre  les  ca- 
tholiques et  les  sociniens,  pour  savoir  si  Jé- 
sus-Christ a  satisfait  à  la  justice  divine  pour 
la  rédemption  du  genre  humain,  et  en  quel 
sens.  Les  sociniens  conviennent  en  appa- 
rence que  Jésus-Christ  a  satisfait  à  Dieu 
pour  nous  ;  mais  ils  abusent  du  terme  de  sa- 
tisfaction, en  le  prenant  dans  un  sens  im- 
propre et  métaphorique.  Ils  entendent  par 
là  que  Jésus-Christ  a  rempli  toutes  les  con- 
ditions qu'il  s'était  imposées  lui-même  pour 
opérer  notre  salut,  qu'il  a  obtenu  pour  nous 
une  rémission  gratuite  de  la  dette  que  nous 
avions  contractée  envers  Dieu  par  nos  pé- 
chés ;  qu'il  s'est  imposé  à  lui-même  des  pei- 
nes pour  montrer  ce  que  nous  devons  souf- 
frir pour  obtenir  le  pardon  de  nos  crimes  ; 
qu'il  nous  a  fait  voir,  par  son  exemple  et 
par  ses  leçons ,  le  cheuiin  qu'il  faut  tenir 
pour  arriver  au  ciel  ;  enfin  qu  en  mourant 
avec  résignation  à  la  volonté  de  Dieu,  il 
nous  a  fait  comprendre  que  nous  devons  ac- 
cepter la  mort  de  même  pour  expier  nos  pé- 
chés.— 11  est  évident  que  ce  verbiage  est 
un  lissa  de  contradictioDs  qui  se  réfute  par 


lui-même.  1°  Si  l'une  des  conditions  que  Jé- 
sus-Christ s'est  imposées  pour  opérer  noire 
saint  a  été  de  mourir  pour  nous,  il  s'ensuit 
qu'en  subissant  la  mort  il  a  porté  la  peina 
que  nous  méritions  :  or,  voilà  précisément 
ce  que  c'est  que  satisfaire.  2"  Comment  peut- 
on  appeler  gratuite  la  rémission  de  nos  dél- 
ies, dès  qu'il  a  fallu  que  Jésus-Christ  mou- 
rût pour  l'obtenir,  et  qu'il  faut  encore  que 
nous  souffrions  cl  nous  mourions  nous-mê- 
mes, pour  obtenir  le  pardon?  3"  Si  Jésus- 
Christ  n'est  pas  mort  en  qualité  de  notre  ré- 
pondant, de  noire  caution,  de  victime  char- 
gée de  nos  péché;;,  il  est  mort  injustement; 
alors  son  exemple  ne  peut  nous  servir  de 
rien,  sinon  à  nous  faire  murmurer  contre 
1.1  Providence,  qui  a  permis  qu'un  innocent 
fût  mis  à  mort  sans  l'avoir  mérité,  k'  Dans 
ce  cas,  quel  sujet  avons-nous  d'espérer 
qu'après  que  nous  aurons  accepté  avec  ré- 
signation les  souffrances  et  la  morl,  Dieu 
daignera  encore  nous  pardonner?  5°  Pour 
prouver  que  Jésus-Christ  n'a  pas  pu  être 
notre  victime,  les  sociniens  objectent  qu'il 
y  aurait  de  l'injustice  à  punir  un  innocent 
pour  des  coupables,  et  ils  supposent  que 
Dieu  a  permis  la  mort  de  Jésus-Christ,  quoi- 
qu'il ne  fûl  ni  coupable  ni  victime,  pour  des 
coupables. 

Ces  sophistes  subtils  avouent  encore  que 
Jésus-Christ  est  le  Sauveur  du  monde,  mais 
par  ses  leçons,  par  ses  conseils,  par  ses 
exemples,  et  non  par  le  mérite  ou  par  l'effi- 
cacité de  sa  mort.  En  confessant  que  Jésus- 
Christ  est  mort  pour  nous,  ils  entendent 
«ju'il  est  morl  pour  notre  avantage,  pour 
notre  utilité,  et  non  pas  qu'il  est  mort  à  no- 
tre place,  en  supportant  la  peine  que  nous 
devions  porter  pour  nos  péchés.  Ils  oublient 
que  Jésus-Christ  est  non-seulement  le  Sau- 
veur, mais  encore  le  Rédempteur  du  monde; 
or,  sous  ce  mot  nous  avons  fait  voir  qu'ap- 
peler la  morl  de  Jésus-Christ,  ainsi  envisa- 
gée, une  rédemption,  un  rachat,  c'est  abuser 
grossièrement  des  termes  et  prêter  aux  écri- 
vains sacrés  un  langage  insidieux  qui  serait 
un  piège  d'erreur. 

Pour  réfuter  tous  ces  subterfuges,  nous 
disons,  conformément  à  la  croyance  catho- 
lique, que  Jcsus-Christ  a  satislait  à  Dieu  son 
Père  proprement  et  rigoureusement  pour 
les  péchés  des  hommes,  en  lui  payant  pour 
leur  rachat  un  prix  non-seulement  équiva- 
lent, mais  encore  surabondant,  savoir,  le 
prix  inlini  de  son  sang  ;  -l-  qu'il  est  leur 
Sauveur,  non-seulement  par  ses  leçons,  ses 
conseils,  ses  promesses,  ses  exemples,  mais 
par  ses  mérites  et'par  l'efficacité  de  sa  morl; 
3'  ((u'il  est  morl  non-seulement  pour  notre 
;  avantage,  mais  au  lion  de  nous,  à  notre 
place,  en  sn|)porlant  une  mort  cruelle,  au 
lieu  du  supplice  clernelque  nous  méritions. 
En  ertel,  le  péché  étant  lout  à  la  fois  une 
d(!lte  (lue  nous  avons  contractée  en* ers  la 
juslicc  divine,  une  inimitié  entre  Dieu  et 
l'honmie,  une  désobéissance  qui  nous  rend 
dignes  de  la  mort  éternelle.  Dieu  est,  à  tous 
ces  égards  et  par  rapport  à  nous,  un  créan- 
cier à  qui  nous  devons,  une  partie  offensée 


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qu'il  faut  apaiser,  un  juge  redoutable  qu'il 
est  question  de  fléchir.  La  satisfaction  ri- 
goureuse doit  donc  être  tout  à  la  fois  le  paye- 
ment de  la  dette,  l'expiation  du  crime,  le 
moyen  de  fléchir  la  justice  divine.  Comme 
nous  étions  par  nous-mêmes  incapables 
d'une  pareille  satis [action,  nous  avions  be- 
soin, 1°  d'une  caution  qui  se  charRoât  de 
notre  dette  et  qui  l'acquittât  pour  nous; 
2"  d'un  médiateur  qui  obtînt  grâce  pour 
nous  ;  3°  dun  prêtre  et  d'une  victime  qui 
se  substituât  à  noire  place  et  expiât  nos  pé- 
chés par  SCS  souffrances.  Or,  c'est  co  que 
Jésus-Christ  a  complètement  fait  :  ainsi  l'en- 
seignent les  livres  saints. 

Nous  l'avons  déjà  prouvé  au  mot  Rédemp- 
teur, et  nous  avons  fait  voir  le  vrai  sens 
de  ce  terme;  nous  devons  encore  démontrer 
que  la  rédemption  du  monde  a  été  opérée 
par  voie  de  satisfaction,  et  non  autrement, 
et  que  les  interprétations  des  sociniens  sont 
loulès  fausses.  1"  Le  prophète  Isaïe,  c.  Lin, 
dit  du  Messie  :  Il  a  été  froissé  pour  nos  cri- 
mes ;  le  châtiment  qui  doit  nous  donner  la 
paix  est  tomlié  sur  lui,  et  nous  avons  été  gué- 
ris par  ses  blessures Vieu  a  mis  sur  lui 

Viniquilé   de   nous   tous Il  n  été  frappé 

pour  tes  crimes  rfu  peuple //  donne  sa  rie 

pour  le  péché Jl  s'est  livré  à  la  mort,  et 

il  a  porté  les  péchés  de  la  multitude.  11  n'est 
pas  ici  question  d'un  maître  ou  d'un  docteur 
qui  instruit  les  hommes,  qui  leur  donne  des 
conseils  et  des  exemples,  qui  leur  fait  des 
promesses  ou  qui  intercède  pour  eux,  mais 
d'uue  caution,  d'une  victime  qui  porte  la 
peine  due  aux  coupables,  par  conséquent 
qui  tient  leur  place  et  qui  satisfait  pour  eux. 
— 2"  Le  langage  est  le  même  dans  le  Nouveau 
Testament.  Partout  où  saint  Paul  parle  de 
rédemption,  il  a  grand  soin  de  nous  appren- 
dre en  quoi  consiste  celle  que  Jésus-Christ  a 
faite  :  Nous  avons  en  lui,  dit-il,  par  son 
SANG,  une  rédemption  qui  est  la  rémission  des 
péchés  {Ephes^i,T;  Coloss.  i,  14].  Nous  som- 
mes justifiés  par  la  rédemption  qui  est  en  Jé- 
sus-Christ, que  Dieu  a  établi  noire  propitia- 
teur  par  la  foi,  dans  son  sang,  pour  montrer 
la  justice  par  la  rémission  des  péchés  [Rom. 
m,  Si).  C'est  donc  en  répandant  son  sang, 
et  non  autrement,  que  Jésus-Christ  nous  a 
rachetés,  qu'il  a  été  notre  rédempteur  et  no- 
tre propitialeur  ;  et  Dieu,  en  nous  pardon- 
nant, a  montré  sa  juslice  :  or,  il  ne  l'aurait 
pas  montrée  si  elle  n'avait  pas  été  satisfaite. 
3°  C'est  pour  cela  même  qu'il  est  dit,  Matth., 
c.  XX  V.  28,  que  Jésus-Christ  a  donné  sa  vie 
pour  la  rédemption  de  la  multitude  ,  et, 
/  Tim.,  c.  Il,  V.  6,  qu'il  s'est  livré  pour  la 
rédemption  de  tous  ;  /  Cor.,  c.  vi,  v.  20,  que 
nous  avons  été  rachetés  par  un  grand  prix. 
Ce  rachat,  dit  saint  Pierre,  n'a  point  été  fait  à 
prix  d'argent,  mais  par  le  sang  de  l'Agneau 
sans  tache,  qui  est  Jésus -Christ  (I  Petr.  i,  18). 
Les  bienheureux  lui  disent,  dans  VApoc, 
c.  v  :  Vous  nous  avez  rachetés  à  Dieu  par  vo- 
tre sang.  Or,  celui  qui  rachète  un  esclave  ou 
un  criminel,  en  payant  pour  lui  non-seule- 
ment un  prix  équivalent,  mais  surabondant, 
ne  salis fail-i\  pas  en  toute  rigueur?  i"  L'Apô- 


tre ne  s'exprime  pas  autrement  en  parlant 
de  la  réconciliation  ou  du  traité  de  paix 
conclu  par  Jésus-Christ  entre  Dieu  et  les 
hommes.  Il  dit,  Rom.,  c.  v,  v.  10  :  Lorsque 
nous  étions  ennemis  de  Dieu,  nous  avons  été 
réconciliés  avec  lui  par  la  mort  de  son  Fils. 
Dieu,  dit-il  ailleurs,  était  en  Jésus-Christ,  se 
réconciliant  le  monde  et  pardonnant  les  pé- 

elles il  a  fait  pour  nous  victime  du  péché 

celui  qui  ne  connaissait  pas  le  péché  (Il  Cor. 
V,  19  et  21).  11  écrit  aux  Kphésiens,  c.  ii, 
V.  13  :  Vous  avez  été  rapprochés  de  Dieu  par 
LE  SANG  de  Jésus-Clirisl  ;  c'est  lui  qui  eft  no- 
tre paix //  l'a  conclue  en  réconciliant  à 

Vieu  pur  SA  croix  les  deux  peuples  en  un 
seul  corps.  Coloss.,  c.  i,   '/.  l'J  :  Jl  a  plu  à 

Dieu de  se  réconcilier  toutes  choses  par 

Jcsus-Christ,  et  de  pacifier  par  le  sang  de  sa 
CROIS  tout  ce  qui  est  dans  le  ciel  et   sur  la 
terre  ;  c.  ii,  v.  ik  ;  Jésus-Christ  a  effacé  la  cé- 
dille du  décret  qui  nous  condamnait,   et   l'a 
fait  disparaître  en  l'attachant  à  la  croix.  H 
n'était   pas   possible  d'exprimer   en    termes 
plus  énergiques  la  manière  dont  Jésus-Christ 
nous  a  réconciliés  avec  Dieu  :  ce  n'a  pas  été 
seulement  en  nous  rendant  meilleurs  par  sa 
doctrine,  par  ses  exhorlalions,  par  ses  exem- 
ples, ni  en  obtenant  grâce  pour  nous  par  ses 
prières,  mais  c'a  été  par  sa  mort,  par  son 
sang,  par  sa  croix  ;  donc  c'a  élé  en  portant 
la  peine  que  nous  avions  méritée  et  que  nous 
devions  subir.  5°  Jésus-Christ  est  appelé  l'A- 
gneau de  Dieu  qui  Ole  le  péché  du   monde, 
Joan.,  c.  I,  V.  29  ;  1  Petr.,  c.  i,  v.  19  ;  Apoc, 
c.  V,  V.  7,  etc.  11  est  dit  qu'il  a  été  fait  vic- 
time du  péché,  Jl  Cor.,  c.  v,  v.  21  ;  qu'il  est 
entré   dans  le  sanctuaire   par    son    propre 
sang  ,  et  a  fait  ainsi  un  rachat  éternel  ;  que 
c'est  une  victime  meilleure  que  les  ancien- 
nes ;  qu'il  s'est  montré  comme  victime  pour 
détruire  le  péché, etc.,  Hebr.,  c.  ix,  v.  12,  23, 
26.  Or,  les  victimes  et  les   sacrifices  offerts 
pour  le  péché  n'étaient-ils  pas  une  amende 
et  une  satisfaction  payées  à  la  justice  divine? 
6'  Si  le  ministère  de  Jésus-Christ  s'était  bor- 
né à  nous  donner  des  leçons  et  des  exem- 
ples, à  nous  montrer  le  chemin  que  nous  de- 
vons suivre,  à  nous  faire  des  promesses,  à 
intercéder   pour  nous,  ce  serait  très-mal  à 
propos  qu'il  serait  appelé  prêtre  et  pontife 
de  la  loi  nouvelle,  que  sa  mort  serait  un  sa- 
crifice,  et  que   ses   fonctions  seraient   nom- 
mées un  sacerdoce,   Ilebr.,  c.  vu,  v.  17,  24, 
20.  Tout  pontife,  dit  saint  Paul,   est  élabli 
pour  offrir  des  dons,  des  victimes  et  des  sa- 
crifices pour  le  péché,  c.  v,  v.  1;  c.  vu,  v.  3. 
Or,  Jésus-Christ  l'a  fait  une  fois  en  s'offrant 
lui-même,  c.  vu,  v.  27.  Il  n'est  pas  permis 
de  prendre  les  termes  de  saint  Paul  dans  un 
sens  métaphorique  et  abusif,  lorsque  l'Apô- 
tre en  fait  voir  la  justesse  dans  le  sens  pro- 
pre :  il   ne  dit    point  que  Jésus-Christ   est 
mort  pour  attester  la  vérité  de  sa  doctrine  et 
de  ses  promesses,  mais  pour  détruire  le  pé- 
ché, pour  absorber   les   péchés  de  la  multi- 
tude,  pour  purifier  nos  consciences  ,    pour 
nous  sauctiticr  par  l'oblation  de  son  corps, 
ibid.,  c.  IX  et  x,  etc.  Commest,  sinon   par 
voie  de  mérite  et  de  satisfaction  ?  Mais  les 


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5G2 


|iioleslanls ,  en  s'obslinant  à  soutenir  que 
loul  le  sarerdoce  de  la  loi  nouvelle  consiste 
à  présenter  à  Dieu  des  viclinies  spirituelles, 
des  veeux,  des  prières,  des  louanges,  des  ac- 
tions de  grâces,  onl  appris  aux  socinieiis  à 
prétendre  que  le  sacerdore  de  Jésus-Chrisl 
ne  s'esl  pas  étendu  plus  loin. 

Il  serait  inutile  de  prouver  que,  dès  la 
n.iissance  du  christianisme,  les  Pères  de  l'E- 
glise onl  entendu  comme  nous  les  passages 
de  l'Ecrilure  que  nous  venons  de  citer  ;  So- 
cin  lui-même  est  convenu  que,  s'il  faut  con- 
sulter la  tradition,  l'on  est  forcé  de  laisser 
la  victoire  aux  catholiques  ;  Petnu  ,  de 
Incuin.,  I.  12,  c.  9.  Grotius  a  fait  un  recueil 
des  passas'-s  dos  l'ères,  Basuage  y  a  joint 
ceux  des  Pères  apostoliques  et  des  docteurs 
du  second  et  du  troisième  siècle.  Histoire  de 
riùllise,  1.  XI,  c.  1,  §  5. 

Une  preuve  non  moins  frappante  de  la  vé- 
rité de  noire  croyance,  ce  sont  les  consé- 
quencrs  in)pies  (|ui  s'ensuivent  de  la  doc- 
trine des  sociniens.  l°Si  Jésus-Clirisi  n'était 
mort  que  pour  confirmer  sa  doctrine,  il  n'au- 
rait rien  fait  de  plus  que  ce  qu'ont  fait  les 
martyrs  qui  ont  versé  leur  sang  pour  attes- 
ter la  vérité  de  la  foi  clirelienne  :  or,  per- 
sonne ne  s'est  avisé  de  dire  qu'ils  ont  souf- 
fert et  qu'ils  sont  morts  pour  nous,  ni  qu'ils 
onl  satisfait  pour  nos  pèches,  ni  que  ce  sont 
des  victimes  de  notre  rédemption,  etc.  Ils 
onl  cependant  soutïert  pour  notre  avantage, 
pour  notre  utilité,  pour  confirmer  notre  foi, 
pour  nous  donner  l'exemple ,  pour  nous 
miMitrer  la  voie  qu'il  faut  suivre  si  nous 
voulons  arriver  au  ciel.  2'  En  adoptant  le 
sens  des  sociuiens,  on  ne  peut  pas  plus  at- 
tribuer notre  rédemption  à  la  mort  de  Jésus- 
Christ  qu'à  ses  préilicaliiins,  à  ses  miracles, 
à  toutes  les  actions  de  sa  vie,  puisque  toutes 
ont  eu  pour  but  nnlre  intérêt,  notre  utilité, 
notre  instruction,  notre  salut;  cependant 
les  auteurs  sacrés  n'ont  jamais  dit  que 
nous  avons  été  rachetés  par  les  différentes 
actions  de  Jésus-Christ,  mais  par  ses  souf- 
frances, par  sou  sacrilice,  par  son  sang,  par 
sa  croix.  3'  Ils  attribtieiit  constamment  no- 
Ire  réconciliation  avec  Uieu  a  cette  mort 
comme  cause  efficiente  et  méritoire,  et  non 
comme  cause  exemplaire  de  la  mort  que 
nous  devons  souffrir  pour  l'expiation  du  pé- 
clié.  Il  est  écrit  (|ue  la  mort  est  la  peine  et 
le  salaire  du  péché;  mais  il  n'est  dit  nulle 
part  qu'elle  l'elT.ice,  (]u'ellc  l'expie,  qu'elle 
nous  réconcilie  avec  Dieu  :  noire  mort  ne 
|ieut  diinc  opérer  cet  effet  que  par  une  vertu 
qui  lui  vient  d'ailleurs,  et  qu'elle  emprunte 
de  la  mort  de  Jésus-Christ.  \°  La  doctrine 
des  sociniens  attaque  directement  le  dogme 
du  pe'ché  originel  et  de  ses  effets  à  l'egird 
Je  tous  les  enfants  d'Ad;im.  Car  enfin,  si 
DUS  les  hommes  naissent  coupables  de  ce 
péché,  exclus  par  conscquenl  de  la  béati- 
tude éternelle,  il  a  fallu  une  rédemption. 
Il  .0  réparation,  une  saiisfaclion  prése,  lée 
à  la  justice  divine  pour  les  rétablir  dans  le 
droit  et  leur  rendre  l'espérance  d'y  parvenir. 
S'il  n'en  fallait  point,  Jesus-Chrisl  est  mort 
en  vain;  ses  souffrances,  son  sacrifice, 
DiCT.  deThéol.  dogmatiqce.  n. 


n'étaient  aucunement  nécessaires;  tous  ceux 
qui  ne  le  conn.iissini  point,  qui  ne  peuvent 
profiter  de  ses  exemple^,  sont  sauvés  sans 
lui,  et  sans  qu'il  ait  aucune  part  à  leur  sa- 
lut. Dans  cette  hypothèse,  que  signifient  tous 
les  passages  dans  lesquels  il  est  dit  qu'il  a 
plu  à  Dieu  de  tout  réparer,  de  tout  réconci- 
lier, de  tout  sauver  par  Jésus-Christ  ;  qu'il 
est  le  Sauveur  de  tous  les  hommes,  surtout 
des  fidèles;  qu'il  est  la  victime  de  propitia- 
tion  non-seulemeni  pour  nos  péchés,  mais 
pour  ceux  du  monde  enlier,  etc.  ?  Il  s'ensuit 
encore  que  Jésus-Christ  n'a  rien  mérité  en 
rigueur  de  justice,  que  le  nom  de  mérite  est 
aussi  abusif  et  aussi  faux  en  parlant  de  lui 
qu'en  parlant  des  autres  hommes.  Ainsi  en- 
core les  protestants,  en  soutenant  que  les 
justes  ne  peuvent  rien  mériter,  onl  fourni 
des  armes  aux  sociniens,  pour  enseigner 
qu'en  Jésus-Christ  même  il  n'y  a  aucun  mé- 
ri'e  proprement  dit.  5"  Enfin,  comme  une 
des  principales  preuves  de  la  divinité  do  Jé- 
sus-Chiisl  employées  par  les  Pères  de  l'E- 
glise, a  été  de  montrer  que,  pour  racheter  le 
genre  humain,  il  faillit  une  sntiafaction  d'un 
prix  et  d'un  mérite  infinis, parconséquent  les 
mérites  et  les  s  lisfactions  d'un  Dieu;  en 
niant  cette  vérité,  les  sociniens  se  sont  frayé 
le  chemin  à  nier  la  divinité  de  Jésus-Christ. 
Ainsi  s'enchaînent  les  erreurs,  et  tels  sont 
les  progrès  ordinaires  de  l'impiété.  Nous  ne 
connaissons  point  d'objections  des  sociniens 
contre  les  satisfactions  de  Jésus  Christ,  qui 
n'aient  été  faites  par  les  prolestants  contre 
les  sa</5/'ac<(0H5  des  pécheurs  pénilenls  :  nous 
y  repondrons  par  l'arlicle  suivant. 

Les  théologiens  mettent  en  question  si 
Jésus-Christ,  étant  un  seul  Dieu  avec  son 
Père,  s'esl  satisfait  à  soi-même  en  salisf.ii- 
sanl  à  son  l'ère;  pourquoi  non?  il  snftit 
pour  cela  que  Jésus-Christ  puisse  être  envi- 
sagé sous  différents  rapports  :  puisqu'il  y  a 
en  lui  deux  natures,  deux  volontés,  deux 
sortes  d'opérations,  rien  n'empêche  de  dire 
que,  sous  un  certain  rapport,  il  a  été  salis- 
faisunt,  et  que  sous  un  autre  il  a  été  satis- 
fnit.  En  lui  ce  n'est  point  Dieu  qui  a  satisfait 
à  l'homme,  mais  c'est  l'homme  qui  a  satis- 
fait à  Dieu.  Witasse,  de  Incarn.,  part,  ii, 
quœsl.  10,  art.   1,  section  l.eic. 

SATISFACTION  SACKAMENTELLE.  Au 
mot  PÉNITENCE,  nous  avons  fait  voir  que, 
pour  pardonner  le  péché.  Dieu  exige  des 
cuupahles  un  repentir  sincère  :  or,  le  regret 
d'a\oir  olïensé  Dieu  ne  serait  p;is  sincère, 
s'il  ne  renfermait  une  ferme  résolution  d'é- 
viler  à  l'avenir  les  pèches,  et  de  réparer  au- 
tant qu'il  est  possible  les  suites  et  les  effets 
de  ceux  que  l'on  a  commis,  par  conséquent 
de  satistciire  à  D.eu  pour  l'injure  qu'on  lui 
a  f.ite,  et  au  prochain  pour  le  tort  qu'on 
lui  a  causé.  Conscquemmenl  les  théologiens 
enleiidenl  sous  le  nom  de  sal  sfaction,  uu  châ- 
timent ou  une  punition  volontaire  que  l'on 
exerce  contre  soi-même,  afin  de  réparer  l'in- 
jure que  l'on  a  fdiie  à  Dieu  et  le  tort  que 
l'on  a  causé  au  prochain  ;  cl,  selon  la  foi 
catholique,  celle  disposition  fait  partie  esse 
tielle  du  sacrement  de  péniletice.  Les  œuv^ 

12 


363 


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SAt 


364 


falisfacioiics  sonl  la  prière,  lejeûnn,  les 
aumô'ies,  la  morlifiraiioii  des  sens  ,  loulrs 
les  pi'.iiiqucs  (le  pii  le  el  fie  religion  failes 
avec  le  Mcr.urs  de  la  grâce  el  par  un  rnolif 
(Je  coiilrilinn. 

Sur  ce  piiiiit,  le  concile  de  Trente  a  exposé 
la  doctrine  ca  holiinie  de  la  manière  la  plus 
csacle.  11  enseigne  que  Dieu,  en  p ordonnant 
le  ps'clieur  el  en  lui  remellant  la  peine  éler- 
nellc  due  au  jiéché,  ne  le  dispense  pas  tou- 
jours de  subir  une  peine  temporelle.  «  La 
justice  divine  senible  exiger,  dil-il,  que  Uicu 
reçoive  plus  aisément  en  f;râce  ceux  qui 
ont  péché  par  ignorance  avant  le  baplême, 
que  ceux  qui,  après  avoir  été  délivrés  de  la 
serviludc  du  démon  id  du  périié,  ont  O'^é 
violer  en  eux  le  temple  de  Dieu  el  conirisler 
le  Saint  Esprit  av<  c  une  pleine  connais- 
sance. Il  est  de  la  bonlé  divine  di'  nous  par- 
donner les  péchés,  de  uianièr('  que  ce  n  ■  soit 
pas  pour  nous  une  occasion  de  les  regarder 
comme  des  f.iutes  légères,  d'en  comuieiire 
biewl  t  de  plus  giièvcs,  et  de  nous  amasser 
ainsi  un  tré~or  décolère.  Il  est  htirsdedouie 
que  les  peines  satisfactoires  nous  détour- 
nent forteuienl  du  péché,  ii.elteut  un  frein  à 
nos  passions,  nous  rendent  plus  vigilants  et 
plus  alti  nlil's  pour  l'avenir  ;  elles  délruisenl 
lesr<'Sies  du  péché  elles  li;^bitudes  vicieuses, 
par  les  ades  des  vertus  coniraiies....  Lors- 
que nous  souffrons  l'n  salisfaisant  pour  nos 
péi  liés,  nous  devenons  coiif  MMics  à  Jé'îUS- 
Clirisi  qui  a  satisfait  lui-même,  el  duquel 
vient  (ouïe  la  valeur  de  ce  que  uiuis  lalsons... 
Les  prêlres  du  Seigneur  doivent  donc  faire 
en  surie  que  la  saiiifaclioii  qu'ils  imposent 
ne  so:t  pas  seulement  un  priscrvalif  piiur 
l'avenir  et  un  remède  contre  la  faible  se  du 
pécheur,  mais  encore  une  pun  lion  et  un 
châiinient  pour  le  passé....  La  miséricorde 
divine  est  si  grande,  que  nous  pouvons  par 
Jésus  Christ  s.itisfaii  c  à  Dieu  le  Père  ,  non- 
seulement  par  les  peines  (lue  nous  nous  im- 
posons pour  venger  le  péché ,  et  par  celles 
que  le  prélrc  nous  enjoint,  mais  encore  par 
les  fléaux  temporels  qui  nous  sont  envoyés 
de  Dieu,  et  ((ue  nous  supporlons  avec  pa- 
tience. »  Sess.  li,  de  Fœiiit.,  c.  8  et  9,  et 
caii.  12.13  elli. 

Connue  loulecelle  doctrine  est  directement 
coniraire  à  celle  des  proicsianls,  ils  l'ont  at- 
taquée de  touies  leurs  forces  ;  Daille  a  fait 
sur  celte  quesliou  un  traité  fort  étendu,  de 
Punis  et  satisfaciionibu.^  humanis,  qui  nous 
a  paru  un  chef-d'œuvre  de  l'art  soplii  licine 
et  de  l'enlêlemeut  de  syslèuie.  il  attaque 
d'abord  le  principe  sur  le<|uel  se  fonde  le 
concile  de  Trenle  ,  savoir,  qu'en  remetlanl 
au  pécheur  la  peine  élcruelle  qu'il  avait  en- 
courue par  ses  ci  imus,  Diea  ne  le  d.sp  nse 
pas  ordin.iiremenl  de  suhir  u  e  peine  tem- 
porelle, l'our  prouver  le  contraire,  il  sou- 
tient, I.  1,  c.  1,  i}ue  les  souffrances  des  justes 
en  celle  vie  ne  sonl  ui  des  |lcille^  proprement 
diig.s,  m  des  pniii(,ions  ,  mais  d(!.-.  i.-i)reiives 
de  notre  loi,  des  remèiles  a  notre  i.iili  .  se, 
des  exercices  de  notre  pieté.  Selon  lui,  les 
peiiu>s  proj)remenl  dites  soûl  celles  qui  sont 
iaUigcespjur  satisfaire  la  justice  vengeresse} 


celui  qui  punit  ainsi  un  coupable  n'a  aucun 
égard  a  son  repentir.  Dieu,  au  contraire,  est 
toujours  loi/ché  cl  désarmé  par  le  repentir 
de  l'homme  ;  les  souffrances  dont  il  l'a'nige 
soai  des  peines  paternelles  et  médicinales, 
et  non  une  vengeance  du  péché.  Ci  pendant, 
continue  Daillé.  on  les  nomme  ;;emr>s  dans  un 
sens  impropre,  1°  parce  qu'elles  étaient  in- 
fligées autrefois  comme  une  vengeance  à  ceux 
qui  avaient  violé  la  loi  de  Dieu;  2°  parce 
que  ce  sonl  encore  des  peines  vengeresses 
pour  les  impies  ;  3"  parce  qu'elles  sont  amè- 
res  aux  justes  aussi  bien  qu'aux  réprouvés  ; 
'i  "  jiarce  ((ue  c'est  Dieu  qui  les  envoie  aux 
uns  el  aux  autres  ;  5°  parce  que  souvent  le 
péché  en  a  été  l'occasion  ,  mêiiie  pour  les 
justes  ;  ainsi  Dieu  les  châtie  de  ce  qu'ils  ont 
péché,  cl  il  les  instruit  pour  qu'ils  ne  pécheut 
plus.  Celte  di  rnière  raison  nous  paraît  une 
contradiclioa  formelle  avec  tout  ce  qui  a 
précédé. 

D'aulre  part,  les  théologiens  catholiques 
prouvent  la  doctrine  du  concile  de  Trente, 
en  premier  lieu,  par  l'exemple  du  premier 
pécheur,  d'Adam  lui-même.  Avant  de  le 
punir.  Dieu  prononça  la  malédiction  contre 
le  serpent,  cl  lui  déclara  que  la  race  de  la 
f  ijime  lui  écraserait  la  tête,  Gen.,  cap.  m,  v. 
15.  Les  plus  habiles  inierprètjjs,  niénie  pro- 
testants, ne  font  aucune  difiiculié  de  recon- 
naître dans  ces  paroles  une  promesse  de  la 
rédemption,  par  conséquent  le  pardon  de  la 
peine  éternelle  accordé  à  l'homme  pécheur  ; 
l'auteur  du  livre  de  la  Sagesse  le  suppose 
ainsi,  c.  x,  v.  2.  Cependant  Dieu  conilamiie 
Adam  à  une  peine  temporelle,  au  travail, 
aux  souffrances,  à  la  mort  ;  il  lui  en  dit  la 
cause  ;  Parce  ijue  lu  ai  mangé  du  fruit  que 
je  t'avais  défenilu.  N'importe  :  Daillé  sou- 
tien!, I.  I,  c.  k.  que  la  mort  n'est  point  une 
prine  du  péché  originel  dans  ceux  en  qui  ce 
péché  a  eie  efl'acé  par  le  ba;ilcaie  ;  c'est,  dil- 
il,  1"  un  acte  de  vertu  et  de  courage  comme 
dans  les  mart)rs  ;  2°  dans  ce  cas  el  dans  plu- 
sirurs  autres,  c'est  un  exemple  très-utile  à 
l'Eglise;  3°  c'est  quelquefois  un  bienfait, 
témoin  le  juste  duquel  i'Iîcrilure  dit  qu'il  a 
éié  enlevé  de  ce  monde,  de  peur  que  la  ma- 
lice el  la  séduction  ne  corrompissent  son 
esprit  et  son  cicur  ;  4"  c'est  aussi  quelquefois 
Mu  châtiment  ^  comme  dans  ceux  desquels 
saini  l'aul  déclare  qu'ils  étaient  fr.ippés  do 
maladie  et  de  mort,  pour  avoir  communié 
iiidijnement.  I  C 'r.,  ci:,  v.  30.  Voici  en- 
core une  observation  cunlradicloire  au  prin- 
cipe de  Daillé. 

ISous  lui  demandons.  1°  quelle  différence 
il  [leutinetlre  entre  un  châtiment  el  nnupeim: 
proprement  die  ;  les  auieurs  sacrés  useu: 
indilïéreiiimenl  de  ces  deux  teiui's;  .loli 
p.irle  des /J''««e.<  des  inuoee^sts,  el  nomme 
ainsi  ses  prop.es  souffrances,  c.  iX,  \ .  2o  ; 
c.  s,  v.  17  ;  c.  XVI.  v.  il.  Saint  Jean  d  Iqiie 
la  crainte  est  une  peine,  ou  est  acconij  agiu  <; 
(!'•  pnncs,  1  Jnun.,  c.  iv,  v.  18,  etc.  Dans  une 
iiiiiiiile  d'en  iroits  le»  cftdlinientsilen  pecneura 
sont  appelés  les  vt-ngeances  de  Dieu,  quoi- 
qu'ils servent  souvent  à  !cs  corriger;  dont 
lu  ilisliacliou  que  fuit  Daillé  entre  les  peine 


ÔCS  -     SAT  SAT  566 

tenijeiesacs  cl  les  peines  médicinales  est  illu-  nos  propreinoiit  dites  ;  en  effet,  elles  ont  eu 

soiie:  corrigeia-t-il  lelangigc  îles  écrivains  iiour  ohjel  de  venjjer  les  droiis  de  la  justice 

.«acres?  !l  s'ensuit  seulement  (|ue  Dieu,   par  divine  et  de  réparer  l'injure  faite  à  Dieu  par 

miséricorde,  cli.mgo   ses  vengeances  en   rc-  le    péché  ,   nnssi  hicn  ipie   de   corriger  les 

niè<les,  et  que   l'un    n'einpétiie   pas  l'autre.  Iioiumes,  de  leur  donner  un  grand  exemple, 

2' Nous  lui  demnidons  :  Sujipiise  que  Adam  de  les  encourager  à    souffrir,   etc.  Ce    sont 

n'eût  pas  péché.  Dieu  nous    ferait- il  mourir  (\vs  satisfactions  ou  des  peines   satisfuvloires 

pour  nous  faire  exercer  un  acle  de  cnurage,  dans   toute  1 1  ri^iueur  du  terme  :  les  proies- 

pour  donmr   un  exemple  utile,  pour  empè-  lants  en  conviennent.  Pourquoi  n'en  serail- 

clier    que    nous   ne    dewnssions   mérlianls,  il  pas  de  même  des    souffrances   des  justes, 

cie.'?  Daillé  sans  doute  n'osera  pas   le  soute-  formées  sur  le  modèle  de    (elles    de   Jésus- 

nir   contre   le    texte    formel    de    lliciiture  :  Christ,  et  qui  en  empruntent  toute  leur  va- 

l'urre  ipie  tuas  uunujé  du  fruit  que  je  l'uiais  leur    comme  le   concile   de  Trente   l'a   cn- 

l'iéf-ndu,   lu  seras  réduit  en  poussière.  Donc  selgné  ? 

la  mirl  estnne/J  ine  propienien!  dite  et  une  Un  second   exemple  lire  de  riicrilure,    et 

renijenncK    du    péché,    inioii)ue    Dieu    l'ait  allégué  par   nos  théologiens  conWe  ii  s  pro- 

cliaiigéc  en  une  correction  paternelle.  Cil  re-  testanU,    est  celui  de    David.    Li^rsqu'il    se 

n.èclc  el  en  exercice  de  vertu,   comme    l'oisl  fut  rendu  coupable  d'adultère  et  d'Iiomicide, 

r  n)arqué  les  l'ères  de  l'Eglise.  3"  Oi(Mi  a  eu  le  prophète  Nathan  viiit  lui  dire  le  la    pan 

égard  au  repentir  d'Adam,  (luant  à   la  [leinc  du  Seigneur  :  Parce  que  vous  avez  fait  le  mul 

Cicrnelle  qu'il  ;ivait  méritée,   mais   il    n'y  a  ci  ma  présence, le  glaivdem<>urern  sus- 

point  eu  d'égard  quant  à  la  peine  temporelle  pendu  sur  votre  maison....  Je  i  ous  punirai 
et  à  la  mort  à  liquellc  il  l'a  condamné  ;  donc  pir  voire  famille,  etc.  David  réfioud  :  J'ai 
celle-ci  est  t'>ul  à  la  l'ois  une  peine  venge-  péthé  contre  le  Seigneur.  Nathan  lui  repli- 
resse,  au>si  bien  que  correctionnelle  et  nié-  que  :  Le  ic(r/neur  «  transpoU^  roire  péché  : 
dicinale.  Ainsi,  sous  rcl  aspect,  la  différence  vos  ne  mourrez  point:  mai-,  parce  que  vous 
que  Daillé  veut  mettre  entre  l'une  et  l'autre  avez  donné  lnu  nur  em^em'S  d  i  Seijneur  de 
se  trouve  encore  fuisse.  '»•"  Si  un  diâlinicnt  blasuhémer  contre  lui  ,  /  enfant  i/ni  vous  est 
(luelcoiique  n'est  plus  une  peine  vengeresse  né  mourra.  Il  lie;/.,  c.  xii,  v.  9.  iùi  effol  cet 
ni  une  peine  proprement  dite,  dès  qu'il  peut  enfani  mourut,  cl  hieutot  après  lu  S'igneur 
servir  à  l'utilité  d'.iutrui,  il  s'ensuit  que  11  exécuta  ses  menaces  par  la  révolic  d'Absa- 
niort  dont  Dieu  punit  (juciquefois  les  impies,  Ion,  c.  xvi,  v.  12  '>  oilà,  d.rons-nous,  un 
ne  doit  point  être  regaidée  comme  une  vcn-  cas  dans  lequel  Dieu  parionne  ù  un  pécheur 
geatice  ni  coinnie  une  punition  pro|ireincnt  et  lui  remet  la  peine  de  ruurl,  se  réservant 
dite,  pnis(iu'elli'  peut  servir  et  qu'elle  sert  de  ie  punir  par  des  ja  lues  temporelles. 
Kinveiit  à  effrajer  d'autres  péclienr;  et  à  les  Mais  iiaillé  soutient,  après  Calvin  son 
retirer  du  dé-ordri'  ,  que  les  justes  y  tr.iu-  maître,  que  les  peines  dont  le  Seigneur  nie- 
vcnl  nn  motif  déplus  de  |)ersevérer  dans  le  naça  David  regardaient  le  futur  plutôt  que 
bi' n.  La  damnation  ménic  des  réprouvés  le  passé  ;  qu'ainsi  c'élaient  des  p.  ines  pater- 
peut  produire  ces  deux  derniers  effets;  il  iiell(!s,  tueduinale-!,  correction  ell  s,  el  non 
n'y  aurait  donc  plus  aucune  espèce  de  pei-  des  peines  vengeresses  et  propre  neut  dites, 
nés  purement  vengeresses  ni  en  ce  monde  liv.  i,  c.  3.  Il  lesleà  savoir  à  qui  nous  dé- 
ni en  l'autre,  o' bupposons  pour  nu  niomeiil  vons  plu:ôi  cio.re,à  Daillé  el  à  Calvin,  ou 
la  justesse  et  la  solidité  de  la  distinction  sur  à  l'auteur  s.icre  qui  ne  parie  que  du  pa^se  : 
laquelle  Daillé  croit  se  metire  à  l'aliri  ;  ac-  Parce  que  vous  cvcz  fait  le  mal  en  via  pré~ 
cnrdiiiis-lui  que  les  afSlic  ions  pir  lesquelles  se:ice,  que  tiui<<  avez  fut  Idasplié  i.er  les  enne- 
Dieu  éprouve,  exerce,  corrige  les  pécheurs  mis  du  Sdijueur,  etc.  Il  ne  tenait  (|u'à  lui  de 
pardonnes,  ne  sont  pas  des  peines  propre-  dire:.!^;  d  vous  rendre  plus  sage  dans  la 
ment  dites  ;  en  seri-l- il  moins  vrai  que  ce  suite,  npn  de  faire  un  exemple  frappa-U  pour 
sont  des  satisfactions,  qu'il  est  utile  au  pé-  vos  sujets,  afin  de  mettre  voire  foi  à  l'épreu- 
chenr  pardonne  de  s'éprouver,  de  s'exei  cer,  î^e,  etc.  ;  il  n'en  est  pas  question.  JIa:s  en 
de  se  corriger  std-ménie  p  ir  des  souffrances  appelant  toujours  à  l'Eciilure  sainte,  nos  ad- 
vtdontaires  ,  lorscjne  Dieu  ne  le  fait  pas  vers. lires  se  sont  léservé  le  droit  cle  ne  point 
d'ailleurs?  Dans  cette  hypothèse  niéuie  il  écouter  ce  qu'elle  dit,  et  de  lui  luire  dire  ce 
n'y  aurait  encore  rien    à  réformer  dans    la  qu'elle  ne  dit  point. 

pra  ique  de  l'Lgiise;  il  ne  faudrait  changer         il  en  est  de  même  d'une  autre  finie    que 

tout  au  plus  que  quelques  expressions  dans  commit  liavid  en   faisant  faire  le  dénomlire- 

soii  langage  ,  qui    est    cepeud.int  celui    des  ment  de  ses  sujets  :  pénétré  de  repentie,  il  en 

auteurs  sacrés  ;  au  lieu  de  dire  salis faclions,  demanda  pardon  à  Dieu  ;  ceiiendaiil  il  en  fut 

pcniience^,  peines  satisfactoires  ,    il   f.iudra  puni  par  une  contagion    de  trois  jours    qui 

dire  épreuves,  corrections,  peines  médicina-  enleva  soixante  el  dix  mille  âmes,   JI   lieg., 

/es  ;  mais    l'Eglise    ne    sera   pas   moius    en  r.  xxiv,  v.  10  et  suiv.  Daillé  raisonne   de   ce 

droit  de  retenir  la   chose,  en  épuraiii   sou  f.iil  comme  du    précédent,    sans  donner  au- 

langage.  Celte  grande  réforme  valiit-eile   la  cune  nouvelle  raison  ;  son  verbiage  n'a  pour 

peine  de  faire  autant  de  bruit  qu'eu   ont  fait  but  que  de  distr.iiie  le  lecteur  du  fond  de  la 

les  protestants,   cl  de   donner   un  scanJule  (luestion.  Il  ne  s'agit  pas  de  savoir  si  la  con- 

aussi  éclatant   que   l'a  clé  leur  schisme  '?  G°  tagion  de    laquelle  ces   milliers    d'Israélites 

Ils  n'oseraient  nier    que  les    souffrances  et  ont  été  frappés,  a  été  utile  à  plusieurs,    pat 

la  mort  de  Jésus-Christ  n'aient  été  des  pei-  conséquent  si  elle  a  été  correclionuelle;  mai» 


5'M 


SAT 


SAT 


368 


si  elle  a  cessé  pour  cela  d'être  une  punition 
ou  une  vengeance  du  poché.  Or,  nous  soute- 
nons qu'elle  a  été  l'une  et  l'autre,  el  qu'il  en 
est  de  même  de  la  plupart  des  fléaux  que 
Dieu  fait  tomber  sur  les  pécheiirs. 

Un    troisième    exemple,  duquel    Dailié  a 
îlierché  à  esquiver  les  conséquences,  ch.  r, 
est  la  punition  des  Israélites  pour  avoir  ado- 
ré le  veau   d'or.  Dieu    voulait  d'abord    les 
exterminer,  Exod.,  c.  xxii,  v.  10,    Moïse 
demanda  grâci'  pour  eux  et  l'obtint  :  Le  Sei- 
(jneur  fut  apaisé,  et  ne  fit  point  à  son  peuple 
le  mal  dont  il  l'avait  menacé,    v.  H.  Cepi'u- 
danl  trois  mille  personnes,   ou,    selon  notre 
version,  vingt-trois  mille  personnes    furent 
mises  à  mort  pour  ce  crime,  v.  28.    Et  quoi- 
que  Moïse    demandât   grâce    une    seconde 
rois.  Dieu  déclara  qu'au  jour  de  la  vengeance 
il  punirait  encore  ce  forfait  de  son    peuple, 
T.  3i.  Dailié  soutient  que  ce  fut  une  puniiion 
proprement  dite,  une  peine  vengeresse;  qu'il 
est  faux  que  Dieu  ail  pardonné  à  ces  coupa- 
bles leur  faute  ni   la   peine    éternelle  qu'ils 
ttvaitnl  méritée.  On    a    beau    lui  demander 
comment  il  sait  que  ces  mots,  le  Seigneur  fut 
apaisé,  ne  signifient   pas   que  Dieu  remit  à 
ces  idolâtres  la  peine  principale;  qui  lui  a 
dit  que  tous  ceux   que    l'on   égorgea    furent 
damnés?  11  le  suppose,    parce   que  cela  est 
utile  à  son  système.  Cependant   il    y  aurait 
encore  plus  de  témérité  à  soutenir  que  celte 
exécution  sanglante  ne  servit  pas   à  intimi- 
der le  reste  du  peuple,  à  lui  inspirer  du    re- 
pentir,puisque,  sur  une  nouvelle  réprimande 
du  Seigneur,  toute  cette  multitude  fondit  en 
larmes,  se  dépouilla  de  ses  habits,  et  allen- 
dit  en  iremblanl  ci- que  Dieu  lui  réservait,  c. 
m,  V.  4.  La  punition  de  ceux  qui  avaient  élé 
tués  fut  donc  ulile  aux  autres.  Or,  Dailié  ne 
veut  pas  que  l'on    nomme  peine   vengeresse, 
peine    proprement  dite,  celle    qui    peut  être 
salutaire  à  quelqu'un  ;  donc  il  est  ici  en  con- 
tradiction avec  lui-même.    Ainsi    il   souiienl 
que  la  punition  des  murmuraleurs  qui  vou- 
laient retourner  en  Egypte  pluiôl  que  Je  faire 
la  conquête  de   la  terre  promise  ,  Num. ,  c. 
XIV,  v.  1,  ne  fut  point  une  peine  vengeresse, 
parce  qu'elle   servit  d'exemple  à   leurs   en- 
fants et  à  leur  postérité,    1.  1,  c.   5.    Peut-on 
raisonner  si    différemment  dans   un   même 
chapitre,  sur  deux  faits  si  parfaitement  sem- 
blables?  Il    pense  de    même  au   sujet  de  la 
mort  d'Aaron,    rapportée   Num.  ,  c.  x\,  v. 
24  ;  de  celle   de  Moïse,   Dent.,  c.   xxxii,  v. 
iiO  ;  de  celle  du  prophète  qui  fut  dévoré  par 
un  lion  pour  avoir    transgressé   l'ordre   de 
Dieu,  m  Reg.,  c.  xii',  v.  24.  Ce  furent,  dit- 
il,  des  châtiments  paternels,  el  non  des  puni- 
lions  des  fautes  que  ces  divers   personnages 
avaient  commises. 

Il  pousse  encore  l'aveuglement  plus  loin 
sur  un  quatrième  exemple  tiré  de  saint  Paul, 
/  Cor.,  c.  II,  V.  30,  où  il  est  dit  :  Celui  qui 
reçoit  Veucharislie  indignement ,  mange  el 
liuitionjugement,  ne  discernant  point  le  corps 
du  Seigneur.  C'est  pour  cela  gue  planeurs 
parmi  vous  sont  malades,  languissants  el  meu- 
rent. Si  nous  nous  jugions  nous-mêmes,  nous 
Ht  serions  pas  ainsi  jugés  ;  'nais  lorsque  nous 


sommes  jugés,  noiis  sommes  châtiés  par  le  Sei- 
gneur,afin  de  ne  pas  être  damnés  avec  ce  monde. 
L'Apôire  n'écrit  point,  dit  Dailié,  c.  6,  (jue 
ces  gens-là  ont  été  frappés  de  mort  en  puni- 
lion  de  leur  péché  ;  il  assure  au  contraire 
qu'ils  ont-  élé  châtiés  ,  aGii  de  ne  pas  être 
damnés  avec  ce  monde.  Que  signifie  donc  ce 
mot,  c'est  pour  cela  {ideoj?  le  texte  est  for- 
mel, ât«  T«jTo,  propter  hoc.  11  est  absurde  do 
soutenir  que  la  peine  de  mort  infligée  à 
cause  du  péché,  n'esi  pas  une  pnniiiun  du 
péché,  que  ce  n'est  pas  une  peine  venge- 
resse, parce  que  c'est  une  expiation,  et  do 
ne  vouloir  donner  qu'à  la  première  le  nom 
de  satisfaction. 

11  est  évident,  par  les  exemples  mêmes 
que  nous  venons  de  citer,  qu'à  la  réserve  de 
la  mort  en  état  de  péché  et  de  la  damiialioa 
qui  s'ensuit,  tout  autre  châtiment,  toute  autre 
peine  que  Dieu  envoie  à  celui  qui  a  péclii', 
est  tout  à  la  fois  une  punition  ou  une  ven- 
geance du  péché,  ui\e  salisfaction  ou  une  ex- 
piation, el  une  correction  paieinell.',  une 
épreuve  pour  la  venu,  une  occasion  de  mé- 
rite pour  le  coupable.  La  distinction  forgée 
par  les  proteslants  entre  ces  deux  caractères, 
comme  si  l'un  était  opposé  à  l'autre,  est 
absolument  chimérique;  ils  ne  l'ont  imagi- 
née que  pour  tordre  le  sens  des  passages  de 
l'Ecrilure  qu'on  leur  oppose,  et  pour  en  es- 
quiver les  conséquences.  Or,  cette  distinc- 
tion une  fois  détruite,  leur  doctrine,  touchant 
les  satisfactions  humaines  n'a  aucun  fonde- 
ment, el  le  gros  livre  de  Dailié  ne  prouve 
plus  rien.  Ils  ont  encore  plus  de  tort  de  con- 
venir d'un  côté  que  les  p.ines  que  Dieu  en- 
voie aux  pécheurs  pardonnes  servent  à 
éprouver  leur  loi,  à  exercer  leur  patience, 
à  déirnire  leurs  mauvaises  habitudes,  à  per- 
feciionner  leur  venu,  el  de  soutenir  de  l'au- 
tre, que  ce  n'est  pas  pour  eux  un  sujet  do 
mérite;  que  l'homuie  ne  peut  rien  mériter; 
qu'il  n'y  a  point  de  mérites  que  ceux  de  Jé- 
sus-Christ. IN'est-ce  pas  mériter  que  de  se 
mettre  dans  le  cas  de  recevoir  une  récom- 
pense pour  avoir  t'ait  ce  que  Dieu  com- 
mande? Mais  ici  comme  ailleurs,  les  pro- 
testants ont  voulu  rélormer  li'  langage  hu- 
main |)our  autoriser  leurs  visions.  Vog.  Mé- 

lUTB. 

En  cinquième  lieu,  on  leur  cite  vainement 
le  mot  de  Daniel  à  Nabuchodonosor,  c.  iv, 
v.  24  :  Rachetez  vos  péchés  par  des  aumônes  ; 
peut-être  que  Dieu  vous  pardonnera  vos  fai- 
tes; et  celui  de  Jcsus-Chrisl  aux  pharisiens, 
Luc,  c.  XI,  V.  41  :  Faites  l'aumône,  et  tout  sera 
pur  pour  vous.  Dailié  dii  que  ces  paroles 
sont  seulement  une  exhortation  faite  à  des 
homnus  coupables  d'injustice  el  de  rapines, 
de  changer  de  conduite,  afin  que  Dieu  ne 
les  punisse  pas.  Mais  si  l'aumône  a  la  verlu 
d'empêcher  que  Dieu  ne  puni  se  le  péché, 
elle  est  donc  sai(s/(ic<o(re;  elle  expie  le  pé- 
ché. C  est  lout  ce  que  nous  prétendons  con- 
iie  les  protestant'.  Ces  dispuleurs  infatiga- 
bles nous  opposent  une  foule  d'objections  ; 
mais  ce  sont  toujours  des  passages  de  l'E- 
criture sainte  dont  ils  forcent  le  sens,  ou 
des  termes  équivoques  dont  ils  abusent, 


Sû9 


SAT 


SAT 


510 


l' Suivant  l'Ecriture,  les  péchés  nous  sont 
reniis  :  or,  ils  ne  léseraient  pas  si  Dieu  exi- 
geail  encore  une  peine  ;  il  nous  ordonne  do 
reueltro  les  délies  de  nos  frères,  coininc  il 
nous  remet  les  nôtres  :  oserions  nous  dire 
((ue  nous  les  reinellons,  que  nous  pardon- 
nons, si  nous  exigeons  une  sutisfaclion  ? — 
népoiise.  Le  péché  est  vérilahlement  remis, 
!ors(iue  Dieu  nous  fait  grâce  de  la  peine  éler- 
nelle  ;  c'est  par  miséricorde  même  el  par  bon- 
té qu'il  ne  nous  remet  pas  toute  la  peine  tem- 
porelle, parée  qu'il  nous  esl  utile  de  la  su- 
bir. Pour  nous,  simples  particuliers,  sans  au- 
torité, il  m;  nous  conviiiit  en  aucun  sens 
de  nous  faire  justice  à  nous-mêmes  ;  mais 
lorsi|u'un  roi  dit  à  un  coupable  :  Tu  as  mé- 
rite la  mort,  je  le  fais  grâce  de  la  vie;  ce- 
pendant pour  le  corriger  ,  je  te  condamne  à 
six  mois  de  prison,  nous  soutenons  que  c'est 
un  vérilable  (lardon,  une  grâce,  une  remise 
dans  toute  la  propriété  du  terme.  Puiscpie 
Daillé  reconnaît  (|ue  les  châtiments  do  Dieu 
sont  des  bienfaits,  1.  ii,  c.  8  et  0,  il  esl  fort 
singulier  qu'il  les  juge  inconip.itililes  avec 
un  véritable  pardon  :  pour  que  le  pécln- 
nous  soit  censé  remis,  faut-il  que  Dieu  nous 
prive  d'une  correction  ()ui    esi  un    bienf.iii? 

2' Nous  lisons  dans  l'Écriture  que  Dieu  ne 
nous  impute  point  nos  péchés,  qu'il  ne  s'en 
iOHvient  plus,  que  rini(|uiié  de  l'impie  no 
lui  nuira  point  dés  qu'il  se  convertira,  que 
nos  pecliés  deviendront  blancs  comme  la 
neige,  ()u'il  ne  reste  aucune  coiidainuation 
dans  c(  ux  qui  sont  en  Jésus-Christ,  que  ce- 
lui qui  est  justifié  a  la  paix  avec  Dieu,  etc. 
CoM.ment  accorder  toutes  ces  expressions 
avec  la  nécessité  de  subir  une  peine  tem- 
porelle après  le  péché  pardonné? — Réponse. 
Très-aisément.  Dieu  ne  nous  impute  poinl 
nos  péchés  quant  à  la  peine  éternelle  que 
nous  avons  méritée;  il  change  cette  peine  en 
une  correction  t)alernelle  et  méritoire  :  pou- 
vons-nous nous  plaindre?  lîncore  une  fois, 
il  est  absurde  de  soutenir  que  ce  n'e-t  plus 
une  peine  dès  que  c'est  une  correction  , 
tout  au  contiaire,  ce  n'est  une  correction 
que  parce  que  c'est  une  peine.  Dieu  ne  se 
sou\ient  donc  plus  du  péché  pardonne, 
puisqu'il  n'exige  plus  la  grande  peine,  la 
peine  éternelle  qui  était  due  au  péclié.  To- 
bie  le  concevait  ainsi,  c.  m  ,  v.  2  :  ÎSe  vous 
soiiveiiei  plus,  Sei(/neur,  de  mes  péchés,  et  tie 
tirez  pus  venijeitiice  de  mes  fuules;  lou  es  vos 
voies  sont  miséricorde,  équité  et  jngein  ni  ou, 
justice.  C'est  donc  une  autre  absurdité  de 
prétendre  qu'une  peine  exigée  de  Dieu  n'est 
plus  un  acte  île  jus'ice  dès  que  c'est  un  trait 
de  miséricorde..  Dans  tous  les  châtiments 
que  Dieu  exerce  en  ce  monde,  il  est  vrai 
de  dire  avec  David,  Ps.  i.xxxiv,  v.  11  :  La 
miséricorile  et  l'équité  se  sont  rencontrées,  ta 
jtistice  et  la  paix  se  sont  emiirnssérs.  Dieu  dit 
aux  Juifs  dans  Isme,  c.  i,  v.  IG  :  Lnvez-ious 
et  pwifiez-vous,  cessez  de  faire  le  mal,  appre- 
nez à  faire  le  bien,  soyez  éqniiables,  souimez 
i'oppriiné,  faites  rendre  justice  au  pupille, 
prenez  la  défense  de  la  veuve;  alors  venez 
disputer  contre  moi  :  quand  vos  péchés  se- 
raient rouges  comme  l'écarlate,   ils  devien- 


dront blancs  comme  de  la  neige.  Dieu  n'at- 
tend pas  toujours  que  tout  cela  soit  fait  pour 
pardonner,  il  tient  compte  et  se  contente  do 
la  volonté  où  l'on  est  de  le  faire.  Mais  lors- 
que le  pardon  a  ainsi  devancé  les  œuvres, 
esi-ou  dispensé  pour  cela  de  les  accomplir? 
Il  en  est  de  même  des  aflliclinns  et  des  souf- 
frances ;  avant  le  pardon,  c'auraieiit  été  des 
peines  :  le  pardon  les  rend  méritoires,  mais 
il  ne  leur  fait  point  changer  de  nature. 
Quelle  raison  peut-on  avoir  d'envisager  l'o- 
bligation de  satisfaire  ainsi  à  Dieu,  comme 
un  reste  de  condamnation  qui  peut  troubler 
la  paix  que  nous  avons  recouvrée  avec 
Dieu?  Ce 'n'est  pas  sans  doute  un  malheur 
pour  nous  d'être  condamnés  à  devenir  des 
saiuis,  à  ressembler  à  Jésus-Christ  souffrant, 
à  mériter  ainsi  une  augmentation  de  gloire 
et  de  bonheur  dans  le  ciel  ;  c'est  ce  que  saint 
Jean  voulait,  en  faisant  dire  à  Dieu,  Apoc,  c. 
XXII,  V.  11  :  Que  le  juste  devienne  encore  plus 
juste,  i/ite  Cl  lui  qui  est  saint  se  rende  encore 
plus  saint  ;  je  vais  venir  bientôt,  ma  récom- 
pense est  arec  moi  pour  rendre  à  chacun  se~ 
Ion  ses  œuvres. 

3"  Depuis  que  Jésus-Christ  a  satisfait  pour 
nos  pèches,  disent  les  protestants,  c'est  lui 
faire  injured'exiger  que  nous  ajoutions  encore 
des  satisfactions  aux  siennes,  comme  si  les 
siennes  et. lient  insuffisantes,  et  que  les  nô- 
tres pussent  y  ajouter  un  degré  de  valeur. 
— Réponse.  Les  [irotestanis  devraient  objec- 
ter (le  plus  avec  les  incrédules  :  Puisque  Jé- 
sus-Clirist  a  pratiqué  tant  de  vertus  el  de 
bonnes  œuvres,  et  qu'il  a  souffert  tant  de 
tourments  pour  nous  mériter  le  ciel,  il  est 
fort  étonnant  que  Dieu  exige  encore  que 
nous  achetions  celte  récompense  par  des 
vertus,  par  de  bonnes  œuvres,  par  des  souf- 
frances; cela  suppose  en  Dieu  une  justice 
inexorable  qui  n'est  jamais  salisfaiie  el  qui 
ressemble  be.iucoupà  la  cruauié.  Notre  pré- 
tendue sainteté  peut-elle  ajouter  un  nou- 
veau degré  de  valeur  à  celle  de  Jésus-Christ? 
Après  qu'il  a  tant  piié,  qu'est-il  besoin  de 
prier  encore?  Il  esl  dit  que  Dieu,  en  nous 
livrant  son  propre  Fils,  nous  a  donné  tout 
avec  lui,  Rom.,  c.  viii,  v.  2.  Nous  n'avons 
donc  plus  besoin  de  lui  rien  demander.  Ce- 
pendant saint  Panl  dit,  dans  ce  même  cha- 
pitre, que  Dieu  a  prédesiiné  ses  élus  à  être 
confoi  ines  à  l'image  de  son  Fils  ;  que  ce  sont 
ceux-là  qu'il  a  justifies  et  qu'il  a  glorifies, 
V.  2'.l  el  ;J0.  Il  dit  aux  fidèles  ;  «  Sojez  mes 
imitateurs  comme  je  le  suis  de  Jésus- 
Clirist ,  »  /  Cor.,  c.  iv,  v.  16;  c.  xi,  v.  1. 
C'est  donc  parce  que  Jesus-Christ  a  soulTert 
que  nous  devons  soulTiir,  parce  qu'il  a  eu 
des  vertus  et  des  mérites  que  nous  devons 
en  avoir,  et  parce  qu'il  a  saiislait  pour  les 
péchés  que  nous  devons  satisfaire  pour  les 
nôtres  ;  il  ne  s'ensuit  pas  de  là  que  nos  priè- 
res, nos  bonnes  œuvres,  nos  niériles,  nos 
satisficliiins ,  peuvent  ajouter  un  nouveau 
degré  de  valeur  à  ceux  de  Jésus- Chrisl.  11 
s'ensuit  seulement  que  marbré  les  mérites 
infinis  de  ce  divin  Sauveur,  le  ciel  doit  tou- 
jours être  une  récompense,  el  non  un  don 
purement  gratuit;  que  Dieu  veut  le  donner 


571 


SA.T 


SAT 


372 


à  des  S'tinls,  el  non  à  des  hommos  vicieux, 
à  (le?  pécheurs  reprnianis,  el  uoii  à  des  cri- 
minels olisiiiiés. 

4*  Dieu,  qui  viul  ê're  adoré  en  esprit  et 
en  Téri'é,  se  conlenle  de  la  jiureié  du  tœur, 
il  ne  deni.inde  pas  absulinrn-n!  de-;  moilili- 
calions  ;  i'amendemenl  de  vie  es!  la  seîile 
pénitence  néces'-aire.  Les  pl'is  pran-ls  liy- 
pocriles  sitnl  ceux  qui  ci>n*enleiit  le  pins 
aisément  à  faire  des  ;iuslériiés,  parce  (jiic 
cel  !  est  plus  aisé  que  de  renonrer  aux  p;is- 
sinns  ;  l'on  croil  expier  lou^  les  péchés  s ms 
avoir  le  rcenr  chanj;c.  Barheyrac,  Trait/'  de 
la  mnrali-  des  Pères  de  l'Eglise,  c.  viii,  §  o3. 
— Jtéponse.  A  ce  Irait  de  satire  nous  (jou- 
vons  en  opposer  d'antres.  Les  plus  grands 
hypocrites  sont  reiix  qui,  sous  prétexte  d'a- 
dorer Dieu  en  esprit  el  en  vérité,  ne  l'aiio- 
renl  ni  inlrrieurement,  ni  extérieurement  ; 
qui  déj  riment  toutes  les  maniues  sensibles 
decul'e,  M  qui  vouilraii-nt  les  ;iboiir  p.irre 
qu'ils  sifileiil  que  ce  serait  le  plus  sûr 
moyen  de  détruire  loule  religion.  Tel  est  le 
masque  si'iis  lequi'l  les  incrédules  ont  tou- 
jours caché  leur  impiété  ;  il  n'est  pas  hniio- 
rable  aux  protestants  de  faire  cause  com- 
mune avc(~  eux.  Il  e-t  faux  que  Dieu  ne  ue- 
m.imlc  pas  ahs!iliime.nl  des  morlificaiious  el 
des  inarqu'  s  sensibles  de  pénitence  ;  il  or- 
donne aux  Juifs  par  Lsaïe,  non-seuli'nient  le 
changement  du  cœur  et  de  la  conduite,  mais 
de  bonnes  œuvres,  des  acl(  s  de  justice,  decha- 
rilé,  de  coiiipassion  envers  ceux  qui  souffrent, 
des  secoiiis  cl  des  services  rendus  à  ceux  qtii 
ont  besoin;  hnï.,  c.  i,  v.  10.  ,lob  faisait  péni- 
tence sous  la  cendre  el  la  poussière,  c.  xi.ii,  v. 
6;  David  couvrait  de  ccnilre  sou  pain  et  mê- 
lait ses  larmes  à  sa  boisson,  ps.  ci,  v.  10  ;  Da- 
niel ajout. il  à  ses  prières  le  jeûne,  le  cilice 
et  la  ceniire,  c.  ix,  v.  3.  .lém--Cbr  st,  ^'alili., 
c.  XII,  v.4-1,  loue  la  pénitence  des  Ninivi- 
tes,  (lui  fui  accori>pagnée  des  uiéines  sii^ics 
extérieurs  ;  c.  si,  v.  21,  il  dit  que  les  T\  riens 
et  les  SiJoniens  l'aiiraienl  imitée,  s'il  aviit 
fait  chez  eux  les  mêmes  miracles  que  dans 
la  Judée.  Saint-Paul, Gn/rt<.,c.  v,  v.  2i,dc(lare 
que  cei:x  qui  sont  à  Jésus-Christ  ont  crucifié 
leur  ch;,ir  avec  ses  vices  et  ses  convili-es  ; 
il  n'est  disnc  pas  vrai  que  l'amendement  de 
la  viesoit  la  seule  pénitence  nécessaire.  Prati- 
quer des  austérités  sans  avoir  la  coiuponc- 
tiou  dans  le  cœur,  el  sans  renoncer  au  cri- 
me, est  un  abus  sans  doute  ;  ne  vouloir  s'as- 
.sujetlir  à  aucune  mortification,  stuis  pré- 
texte que  l'on  est  repentant  dans  le  cœur, 
c'en  csl  un  non  moins  répréhensible.  Ne  sait- 
on  pas  que  les  réformateurs  ont  blâmé 
iiicmo  la  contrition,  le  regret  el  le  repentir 
du  péché?  Ils  ont  ainsi  proscrit  loute  espèce 
de  pénitence,  soit  intérieure,  soit  extérieure. 
Voi/.  i\IoiiririciTioN. 

SATUîlNlENS,  héréliques  du  n'  siècle, 
disciples  de  Saturnin  ou  Salurnil ,  pliiloso- 
p'ie  (t'Anlioche.  Quelques  au'eurs  ont  cru 
qui^  Celui-ci  était  disciple  de  Ménanlre  ; 
mail  ce  (ail  est  incertain,  puisqm»  Ménaii- 
dre  a  vécu  sur  la  fin  du  premier  sièrle, 
nu  ii^M  que  S'iturnin  n'a  pani  que  vers  l'an 
l^P  ou  130,  sous  le  règne  d'Adrien,  suivant 


le  récit  d'Eusèbe  et  de  Théodoret.  D'ailleurs 
le  système  de  ces  deux  hérésiarques  est  dif- 
fér<  ni  à  plusieurs  égards.  Aticsin  écrivain 
m'idfrne  n'a  examiné  de  plus  près  que  ,Mos- 
heim  celui  de  S  iluri.in  ;  voici  comme  il  l'a 
conçu,  Hist.  christ.,  sœ--.  ii,  §  4>et45;  et 
Histoire  erclés.,  n'  siècle,  ir  partie,  c.  5, 
§  0.  Ce  philosopli!",  comme  la  plupart  des 
Orientaux,  ;  dmeit  il  un  Di»u  suprême,  int,  1- 
ligenl,  puissant  el  bon,  m.iis  inconnu  aux 
homme-  ;  cl  une  matière  élernel'e  à  laq  elle 
présidait  un  esprit  aussi  élei  nel.  méchant  ■  t 
malf.isant  de  sa  nature.  Du  Dieu  suprême 
étaient  sortis,  p.ir  émanation  ,  se|jl  esprils 
inférieurs  qui,  à  i'insu  du  Dieu  suprême, 
avaient  formé  le  monde  cl  les  hommes,  et 
qui  s'él.iient  logés  dans  h  s  sept  plinétes; 
mais  ces  ouvriers  impuissants  n'avaient  pu 
donner  aux  hommes  qu'ils  avaient  formés 
qu'une  vie  purement  animale.  Dieu,  touché 
de  coinpasMoii,  donna  à  ces  nouveaux  êtres 
une  âme  raisonnable,  el  laissa  le  monde 
s  >us  le  gouverneineîil  des  sept  esprits  qui  en 
ct'iienl  les  artisans.  Un  (le  ces  esprils  avait 
sous  ses  ordres  la  nation  juive;  c'est  lui  qui 
en  régi. lit  la  destinée,  qui  l'avait  tirée  île 
l'Egypte,  el  qui  lui  avait  donné  des  lois  ; 
c'est  lui  que  les  Juifs  adoraient  comme  leur 
Dieu,  parce  que  le  vrai  DitMi  leur  était  in- 
connu. iMais  l'esprit  tnécli'inl  et  malfaisant 
qui  do;:  iiiail  sur  la  matière,  jaloux  de  ce 
que  d'autiTS  que  lui  avaient  lait  des  corps 
animés,  et  de  ce  que  Dieu  y  avait  mis  uiieâme 
bonne  et  s;igi> ,  forma  une  antre  espèce 
d'hommes  auxquels  il  donna  une  âme  mé- 
cliaiile  et  scmbl.ible  à  lui  ;  sans  doute  il  la 
tira  de  son  !>ropre  sein,  puisqu'il  u'av.iit  pas, 
non  plus  que  le  Dieu  suprême,  le  pouvoir 
de  créi  r.  De  là  est  vinnc  la  d  fférence  entre 
les  hommes,  dont  les  uns  sonl  bons,  les  au- 
tres mauviiis.  D'autre  part,  le  Dieu  suprême, 
fâché  do  ce  mélange,  et  de  ce  que  les  esprits 
gouverneurs  du  monde  se  faisaient  adorer 
par  II",  hommes,  avait  envoyé  son  Fils,  sous 
l'apparence  d'un  honwiie,  qui  est  Jésus- 
Christ,  et  revêtu  d'un  corps  apparent  pour 
faire  c  mnaîlie  le  vrai  Dieu  aux  hommes 
doués  d'une  bonne  âme,  pour  les  ramener  à 
son  culie,  puur  détruire  l'empire  du  donii- 
natcur  de  la  matière  el  celui  îles  sept  esprits 
gouverneurs  du  monde,  pour  faire  enfin  re- 
monter les  bonnes  âmes  à  la  source  dont 
elles  élaienl  descendues. 

Consé(|ueninienl  à  ces  principes,  5a/»cr)»n 
recommandail  à  ses  disciples  une  vie  aus- 
tère. Persuadé  (|uo  la  m  ilièie  est  mauvaise 
par  elle-même  el  que  le  corps  est  le  princi- 
pe de  tous  les  vice»:,  il  voul  it  ((ue  l'on  s'abs- 
tînt de  manger  de  la  chair  el  de  boire  du  vin, 
nourritures  Irop  subslanlielles,  afin  que  l'es- 
prit (ûl  plus  léger  el  plus  libre  de  s'appli- 
quer à  la  connaissance  el  au  culte  de  Dieu  ; 
il  détournait  du  mariage  p:ir  lequel  se  fait 
la  proiréaiion  des  corps.  Nous  ne  savons 
pas  sur  quels  livres  ou  suc  quels  monu- 
meiil.s  il  fondait  sa  doctrine  ;  mëis  comme 
tous  les  autres  gnosiiques,  il  rejetait  abso- 
lument r.''.ncieii  TeslamenI,  qu'il  regardai» 
comme  l'ouvrage  d'un  des  c.;iiri(s  inrulèics  à 


573                                   SAT  SAT                                   S74 

Dieu,  ou  comme  cpIui  de  l'esprit  pervers,  do-  Sdlnrnin  ,  non  plus  que  les  autres  philoso-- 

miiiftleur  de  la  matière.  plies  orientaux  ,  n';idmeilai(  rit  point  en  Dieu 

Comme  saint   Iréiiée,  Terlullien,  Kusèho,  le  pouvoir  créateur,  il  étaii  lorcé  de  penser 

saint    Epiplianc.  Théndoret  ,    ne    nous    ont  que    les   esprits   étaient  sortis  de  Dieu  par 

donné  (|u'unc  notii  e  très-suecinc'le  d  s  opi-  émanation  ;    cejjemlanl    il    disait   que    Dieu 

nions  de   Snlurnin,  il  y  uianque    beaucoup  avait  mis  des  âmes  s.iges  et  lionnes  dans  les 

de  elioses  nécessaires  pour   les  mieux  cou-  Iio:iimes  qui  n'avaient  encore  que  la  vie  ani- 

cevoir;  et  malgré  les  elïoits  ([ue  Moslieim  a  maie.  Ces  àiiu-s  élaieut-elli'S  aussi  sorties  de 

l'aiis    pour  y  mettre  de  la  liaison,  ce  systè-  Dieu    par  éiii.inalion  ,  ou    Dieu   les  av;iii-il 

me  ressemlilc  plulôl  à  un  rc\e  qu'à  des  rai-  créées    libieineiit   et   volontairement?    Voil;'i 

soiiiiemenls    philosoplii(jues.    On   voit   qu'il  ce  qu'on  ne  nous  apfirend  p,is.  .S'a/iirni/i  sup- 

avait  ete  forgé  pour  rendre  raison  de    l'ori-  pose  ((ue  les  sept  esprits  siibaiiernes  jivaieni 

t;inedu  mal,  question  qui  emiiarrassaii  tous  form,'  le  monde  à  l'insu  ilc  Dieu,  qu'ensuil.' 

les  raisonneurs  ;  mais  au  lieu  d'y  satislàire,  ils  s'étaient  révollés  contre  lui  ,  et  lui  dcro- 

il  augmentait  les  difiirultés  à  l'infini.  baient  le  culte  qui  lui  est  dû  ;  voila  un  Dieu 

1' A  l'article  .Manichéisme,  §  l\',nousavons  ignorant  et  impuissant;  comment  piut-il 
fait  voir  qu'il  est  alisurde  de  supposer  deux  être  le  Dieu  suprême?  —  4°  Pendant  quo 
éires  éternels,  incréés,  existants  d'cux-mè-  Diiu  a  fait  des  âmes  sages  et  bonnes  ,  et  les 
mes,  un  seul  est  nécessaire;  la  nécessité  a  log  es  dans  îles  corps,  l'esprit  méchant  y 
d'elle  ne  peut  être  alribuee  à  plusieurs;  il  a  placé  des  âmes  semblables  à  lui  ;  ce  sont 
n'y  a  pas  plus  de  raison  d'en  suiipo-er  deux  deux  espèces  irhommes,  les  uns  bons,  les  au- 
qiio  d'en  supposer  mille.  Une  seconde  absur-  1res  mauvais,  ihiis  ces  espèci-s  se  mélen:  par 
dite  est  d'admettre  un  être  nécessaiie,  in-  le  manag'' ;  parmi  les  enfants  nés  d'un  mémo 
créé,  exist.iul  de  soi-même,  et  dont  la  na-  couple,  les  uns  ont  une  bonne  âme,  les  ati- 
ture  est  bornée  ;  rien  ne  peut  être  borné  sans  très  une  mau\aise.  est-ce  Dieu,  ou  le  inau- 
cause,  et  un  être  inrréé  n'a  point  de  cause  ;  vais  esprit,  qui  crée  ces  nouvelles  âmes  ?  Si 
sa  nature,  ses  attributs,  sou  intellipcnee  ,  le  ImIs  de  Dieu,  (|ui  est  venu  pour  léfoiuier 
son  pouvoir,  sont  donc  esseiiliellemeiit  inli-  les  âmes  elles  conduire  à  Dieu,  ne  (leiit  pas 
nis  :  il  ne  peut  donc  y  en  avoir  deux  dont  em[iêcber  le  mauvais  esprit  do  produire  lou- 
l'uîi  soii  gêné  par  l'autre.  Une  troisième  e^t  jours  des  âmes  essentiellement  mauv,.iscs  , 
de  supposer  la  matière  éternelle,  incréée,  sa  mission  ne  peut  jamais  avoir  beaucoup  de 
nécessaire,  de  laquelle  cependant  la  forme  succès.— 5"  L'on  ne  nous  dit  pas  ce  que  c'est 
n'est  pas  nécessaire, et  peut  être ciiangée  par  que  le  Fils  île  Dieu,  si  c'est  un  esprit,  corn- 
un  autre  être  quelconque  ;  un  être  éternel  et  meut  il  ist  né  d.>  Dieu,  en  quoi  sa  naime  est 
nécessair"»  est  cssenliellement  immuable.  —  dilTerente  de  celle  de  nos  âmes.  Il  ne  coiive- 
SMjuand  ces  vérités  ne  seraient  pas  démon-  nall  guère  à  Dieu  et  à  son  Fils  de  nous  faire 
Uées,  Il  y  aurait  encore  du  ridicule  à  l'orger  illusion  par  les  apparences  d'un  corps,  de 
des  supposiiions  arbitraires,  sans  en  avoir  nous  conduire  à  la  vérité  par  le  mensonge; 
nu'  une  preuve  positive.  On  pouvait  deinaii-  n'y  avait-il  point  d'autre  moyen  de  nous 
der  à  S<:turnin  et  à  ses  pareils  :  Qui  vous  a  instruire  et  de  nous  sanclilier,  etc.?  Ou  ne 
dit  (|u"il  y  a  deux  êtres  co-élernels,  ni  plus  finirait  jamais  si  l'on  voul.iit  relever  tou- 
iii  mo;ns ,  dont  l'un  est  ennemi  de  l'antre,  tes  les  absurdités  de  ce  monstrueux  système, 
dont  l'un  domine  sur  la  matière  et  l'autre  —  G"  Nous  avons  fait  voir  ailleurs  qu'il  ne 
Sur  les  esprits  ,  desque's  vuus  réglez  le  dé-  sert  à  rien  pour  éclaireir  la  grande  qiiesiion 
parlement,  les  fonctions,  le  pouvoir,  les  opé-  de  l'origine  du  mal,  que  les  Pérès  de  lliglise 
rations  à  votre  gré?  Oui  vous  a  révélé  qu'il  l'ont  résolue  p.ir  des  principes  évidents,  siin- 
y  a  sept  esprits  formateurs  et  gouverneurs  pies  et  solides,  et  qu'ils  ont  beaucoup  nieux 
du  monde,  et  qu'il  n'y  en  a  pas  mille  ;  qii'ils  raisonné  que  celte  foule  de  pliiloso(j!;es 
son;  plulôt  logés  dans  les  planètes  que  dans  orientaux  qui  ont  voulu  concilier  le  cliiisiia- 
les  aulns  parties  de  la  nature  ;  qu'ils  se  sont  nismeavecleursy-lème  imaginaire.  \  oy.  .M*- 
aecordcs  pour  faire  le  monde,  et  qu'ils  s'en-  iMCiiéismiî,  §  4  et  6.  Celui  de  Siitunun  nous 
tendent  assez  [iial  pour  le  gouverner;  ({u'ils  fournit  cependant  plusieurs  sujets  de  ré- 
uni pu   former  des  corps,  et   non   faire  des  flexions. 

âmes  ,  etc.  Vous  diti  s  que  vous  ne  pouvez  Puisque  ce  philosophe  enlélé  ne  voulait 
concevoir  autrement  la  naissance  et  l'ordre  pas  être  disciple  des  apôtres,  il  faut  que  les 
des  choses  ;  mais  votre  conception  est-elle  fails  publiés  piT  ces  envoyés  dé  Jésus-Christ 
la  règle  de  toute  vérité  ?  Nous  ne  concevons  aient  éié  d'une  certitude  Incontestable,  pour 
pas  non  plus  voire  système  ,  donc  il  n'est  que  cet  hérésiarque  ail  été  forcé  d'en  admet- 
pas»  rai.  —  3°  .\u  lieu  d'entasser  ainsi  les  tre  du  moins  les  apparences.  Déterminé  à 
suppositions,  il  aurait  été  plus  simple  de  nier  que  Jésus-t^hrisl  eût  un  corps  réel,  qu'il 
dire  qu'il  n'y  a  qu'un  seul  être  suprême  in-  fût  né,  qu'il  eût  soulTeil,  qu'il  fût  mort  et 
lelligent  et  bon  ;  ((ue  c'est  lui  qui  a  l'ail  le  re>suscité  réellement  ,  il  n'a  pas  laissé  d'a- 
monde,  mais  qu'il  n'a  pas  pu  le  mieux  faire,  vouer,  comme  les  autres  gnosiiques,  que  Jé- 
parce  que  l'imperfection  de  la  malière  s'op-  sus-Clirist  a  paru  faire  tout  cela,  qu'il  a  ex- 
posait à  sa  volonté  et  à  son  pouvoir.  Y  avait-  lérieuremenl  ressemblé  aux  autres  hommes, 
il  plus  d'inconvénient  à  supposer  que  le  puu-  qu'ainsi  lesapnlics  n'en  ont  publié  que  des 
voir  de  Uleu  était  borné  par  la  malière,  qu'à  fails  desquels  ils  éiaienl  convaincus  par  le 
dire  qu'ill'élait  pai  un  autre  être  malfaisant,  témoignage  de  leurs  sens.  Saturnin  cv\)en- 
par  des  esprits  subalternes,  etc.  ?  Puisque  diiiil,  au  ir  siècle,  immedialemenl  après  la 


57c 


SAU 


mort  (lu  dernier  des  apiMrPs,  et  dans  le  voi- 
sinage de  la  Judée,  était  plus  à  portée  que 
personne  de  vérifier  los  faits  qui  prouvaient 
la  mission  divine  de  Jésus-(]hrist  et  sa  qua- 
lité de  Fils  de  Dieu.  Il  n'est  donc  pas  vrai  , 
comme  le  prélendenl  les  incfédiiles,  qu'il  n'y 
ait  point  d'autres  témoins  de  ces  f.iils  que 
les  apôires,  puisque  leur  témoignage  est  con- 
firmé p  ir  l'aveu  îles  hérésiarques  contemiio- 
rains  ou  très-voisins  de  la  date  des  événe- 
ments.  I  oy.  Gnostiques. 

SAUL,  premier  roi  des  Israélites ,  dont 
l'histoire  est  renfermée  dans  le  premier  li- 
vre des  Rois,  depuis  le  ihapitre  i\  jusqu'à 
la  fin.  Les  incréilu'es  sont  scandalisés  de  ce 
que  ce  prince,  placé  sur  le  Irône  par  le  choix 
exprès  de  Dieu,  duquel  il  est  dit  que  Dieu 
avait  cliangé  son  cœur  et  en  avait  fait  un 
autre  homme,  cap.  x,  v.  9  et  10,  a  eu  néan- 
moins une  conduiie  si  peu  sage  cl  une  fin  si 
niallieureuse.  Dieu  l'a  permis  ainsi  ,  afin 
d'apprendre  aux  hommes  que  ses  grâces  les 
plus  signalées  ne  sont  point  iiiamissihles  , 
qu'il  les  retire  lorsque  ceux  qui  les  avaient 
reçues  y  sont  infidèles,  et  qu'une  grande  di- 
gi'ilé  est  toujours  un  poste  dangereux  pour 
la  vertu.  Mais  les  censeurs  de  l'hisloire 
saillie  savent  y  trouver  des  suji'ts  de  repro- 
che, lors  même  qu'il  n'y  en  a  point;  ils  ont 
entrepris  de  fjiire  lomber  sur  Samuel  et  sur 
David  le  Itlâme  de  toutes  les  fautes  de  Saiil , 
et  de  faire  paraîire  ces  deux  personnages 
plus  coupables  que  lui.  Nous  les  avons  jus- 
tifiés, chacun  dans  son  article,  et  nous  avons 
fait  voir  que  leur  conduite  envers  Saill  fut 
irré|Téhensible.  Il  nous  reste  à  déuionirer 
que  celle  de  la  Providence  à  l'égard  de  ce 
roi  a  élé  Irès-conforuie  aux  règles  de  la  sa- 
gesse et  de  la  justice,  et  à  résoudre  quelques 
difficultés  qui  se  rencontrent  dans  celle  his- 
toire. 

Sniil  n'aurait  jamais  dû  oublier  que  Dieu 
s'était  servi  de  Samuel  pour  lui  déclarer  sou 
choix  et  ses  volontés  :  les  vertus  de  ce  pro- 
phète auxquelles  toute  la  nation  rendait  té- 
moignage, la  paix  et  la  prospérité  dont  elle 
avait  joui  sous  son  gouvernement,  auraient 
dû  inspirer  à  un  jeune  roi  une  déférence 
constante  aux  conseils  et  aux  leçons  de  ce 
vénérable-  vieillard  :  Saiil  fit  tout  le  contraire  ; 
ce  (ut  1,1  source  de  ses  fautes  et  de  ses  mal- 
heurs. Il  fait  le  premier  exercice  de  son  au- 
loriié,  en  ordonnant  à  tout  Israël  de  s'as- 
sembler pour  marcher  contre  les  Ammoni- 
tes ,  et  il  déclare  que  si  quelqu'un  ne  s'y 
trouve  pas,  ses  boeufs  seront  mis  en  pièces  , 
1  Reg.  c.  XI,  v.  7.  Samuel  ni  David  n'ont 
jamais  donné  des  ordres  sur  un  ton  aussi 
menaçant  ;  celte  imprudence  n'était  pas  pro- 
pre à  concilier  à  un  nouveau  monarque  l'af- 
fection de  ses  sujets. 

Le  cliap.  xm,  v.  1,  présente  une  difficulté 
de  grammaire.  Au  lieu  dédire  que  SaiH  n'a- 
vait encore  régné  que  pendant  un  an,  le 
texte  semble  signifier  que  Saiil  était  fils  ou 
€h(nni  d'un  an,  lorsqu'il  commença  à  ré- 
piii'r  ;  plusieurs  versions  l'ont  ainsi  rendu  , 
cl  les  critiques  disent  que  c'est  un  héhraïsme. 
Ils  u'ont  pas  fait  attention  qu'eu  hébreu,  le 


SAU  rm 

mot  fils  ou  enfant  ne  signifie  pas  seulement 
ce  qui  est  né,  mais  ce  qui  est  sorti.  Au  mot 
Fils,  nous  l'avons  prouvé  par  plusieurs 
exemples,  et  nous  avons  f.iil  voir  qu'en  fran- 
çais enfant  n'est  p.is  moins  équivoque.  Or, 
il  n'y  a  aucun  inconvénient  à  dire  que  Saiil 
élait  sortant  de  la  première  année  de  son  rè- 
gne, et  qu'en  tout  il  régna  deux  ans.  Ce 
n'est  donc  pas  là  un  héhraïsme  ou  une  ex- 
pression  singulière.  Voy.  Hébr&Ïsme. 

Dans  une  expédition  contre  les  Philistins, 
Saiil  défend  sous  peine  de  la  vie  à  toute  l'ar- 
mée de  ne  rien  manger  jusqu'au  soir,  c.  xiv, 
T.  24  ;  défense  inutile  et  imprudente.  Il  veut 
metirc  à  mort  sou  fils  Jonaihas,  principal 
aulenr  de  la  victoire,  parce  qu'il  avait  goûté 
un  rayon  de  miel  pour  réparer  ses  forces, 
ne  sachant  pas  l'ordre  donné  par  son  père, 
v.  44..  Le  peuple  fut  obligé  d'empêcher  cet 
acte  de  cruauté,  il  est  difficile  de  ne  pas 
soupçonner  là  un  trait  de  basse  jalousie. 

Après  avoir  reçu  de  Dieu  un  ordre  exprès 
d'exterminer  les  Amalécites.  de  ne  rien  épar- 
gner ni  réserver,  Saiil ,  avide  de  butin  ,  fait 
mettre  à  part  ce  qu'il  trouve  de  meilleur 
parmi  les  troupeaux  et  les  dépouilles,  sous 
prétexte  de  l'offrir  au  Seigneur,  et  il  amène 
captif  Agag,  roi  de  cette  nation.  Fier  de  sa 
victoire,  il  se  fait  ériger  un  arc  de  triomphe, 
il  veut  que  Samuel  lui  rende  des  honneurs 
en  présence  des  chefs  du  peuple.  Probable- 
ment il  n'avait  épargné  Agag  que  pour  re- 
lever l'éclat  de  sa  conquôle,  ou  pour  en  faire 
son  esclave,  selon  l'usage  des  princes  orien- 
taux. Il  soutient  néanmoins  qu'il  a  fidèle- 
ment exécuié  les  ordres  du  Seigneur,  c.  xv, 
v.  20.  Pour  confondre  tout  cet  orgueil,  Sa- 
muel lui  répond,  v.  22  :  Dieu  veut-il  donc 
des  holocaustes  et  des  victimes,  et  non  que 
l'on  obéisse  à  ses  volontés  ?  L'obéissance  vaut 
mieux  que  les  sacrifices  ,  et  il  préfère  la  sou- 
mission à  la  (jraisse  des  animaux.  La  rési- 
stance au  commandement  du  Seigneur  n'est  pas 
moins  criminelle  que  l'idoldtrie  et  que  la  su- 
perstition des  présages.  Vous  avez  méprisé 
ses  ordres,  et  il  vous  rejette  du  rang  auquel  il 
vous  a  élevé. 

Y  avat-il  de  la  cruauté  dans  ce  comman- 
dement d'exterminer  un  peuple  entier  ?  Non  ; 
les  .\nialéciles  avaient  attaqué  très-injusie- 
mentles  Israélites  sortant  de  l'Egypte,  £'j:cirf., 
c.  xvii,  V.  8;  une  seconde  fois  dans  le  déserl, 
Num.,  c.  XIV,  V.  i5  ;  une  troisième  fois  sous 
les  Juges,  Jud. ,  c.  m,  v.  16  ;  ils  ne  cessèrent 
de  renouveler  contre  eux  les  hostilités,  c.  vi, 
V.  3  et  35  ;  c'étaient  donc  des  ennemis  irré- 
conciliables. Dieu  avait  prédit  qu'il  les  dé- 
truirait, Exod.,  c.  xvii,  V.  14;  Num.,  c.  xxiv, 
V.  20  ;  beat.,  c.  xxv,  v.  19.  Saiil  en  épargne 
un  grand  nombre,  puisque  peu  de  lemps 
après  ils  recommencèrent  leurs  ravages , 
qu'ils  brûlèrent  deux  villes,  et  que  DaviJ  les 
tailla  en  pièces,  /  Rig.  ,  c,  xxx,  v.  1  et  14. 
Sa'ùl  fut  donc  coupable  à  tous  égards.  Il  sa- 
vait (|ue  Dieu  avait  prononcé  l'anathème  con- 
tre tons  les  Chaniinéens  à  cause  de  leurs  cri- 
mes, et  les  Amalécites  y  étaient  compris  ; 
voij.  CnANANÉENS.  Mais  Dieu  avait  donné 
d'ailleurs  aux  Israélites  des  lois  touchant  la 


Î77 


SAU 


SAU 


578 


guerre,  beaucoup  plus  justes  et  plus  modé- 
rées que  celles  de  tous  les  autres  peuples, 
Dent.,  c.  XX,  et  Dioilore  de  Sicile  a  reconnu 
qu'elles  étaient  trés-sa;;es.  Frw/.  de  Dioil.  , 
1.  XI,  trad.  de  Terrasson,  t.  VII,  p.  l'iO.  Ce 
n'était  pas  faute  de  vnlonté  si  les  Anialéciles 
01  les  autres  n'avaient  pas  enlièrcmenl  exter- 
miné les  Israélites  :  tehi  serait  arrivé,  si  Dieu 
n'avait  pas  mis  de  bornes  à  leur  fureur.  11 
avait  averti  son  peuple  qu'il  laissernil  autour 
de  lui  des  ennemis  donl  il  se  servirait  pour 
le  châtier  lorsqu'il  serait  infid(Me.  Jwrfic.  c.  ii, 
V.  3  et  21  ;  lors(|ue  ces  menaces  eurent  élé 
pleinement  accomplies, il  voulut  que  la  yerge 
dont  il  s'était  servi  fùi  jetée  au  feu. 

Les  incrédules  n'ont  pis  manqué  de  décla- 
mer contre  Samuel,  qui  eut  la  cruauté  de 
hacher  Agag  en  murce-ius  ;  ils  disent  que  ce 
fut  un  sacrifice  de  sang  humain,  puisque 
l'histoire  ajoute  que  cela  se  fit  devant  le  Sei- 
gneur, I  Reg.,  c.  XV,  v.  33.  Cela  ne  se  fit 
piiinl  devant  l'arche  qui  était  pour  lors  à 
Gabaa,  ni  devant  le  tabernacle  ()ui  était  à 
Silo,  ni  sur  un  autel  dressé  à  Galgala  ;  ces 
mots  devant  le  Seiijnpur  signiiient  donc  seu- 
lement que  Dieu  fut  témoin  de  l'exérution 
de  l'ordre  qu'il  avait  donné.  Une  preuve  que 
le  suppplire  d'Agag  él.iit  jusie,  c'est  que  Sa- 
muel lui  déclara  qu'il  allait  le  traiier  comme 
il  av.iit  traité  lui-même  ceux  qui  étaient 
tombés  entre  ses  mains  ,  ibid. 

Snïd  ,  atiaqué  d'une  mélancolie  noire  qui 
le  mell.iil  hors  de  sens,  fait  venir  David  en- 
core jeune  ,  mais  excellent  musicien  ,  afin 
que,  par  le  son  des  instruments,  il  pût  cal- 
mer les  accès  de  sa  maladie  :  le  succès  de 
ce  remède  inspira  au  roi  beaucoup  d'affec- 
tion pour  David  ;  il  le  fil  son  écujer.  Cepen- 
dant peu  de  temps  après,  David  ayant  coupé 
la  tète  à  (loliath,  principal  brave  des  Philis- 
tins, et  procuré  la  vicioire  h  Saiil ,  ce  roi 
étonné  demande  à  son  général  qui  est  ce 
jeune  homme,  et  interroge  David  sur  sa 
naissance,  comme  s'il  ne  l'avait  jamais  vu  , 
c.  XVII,  T.  55  et  58  ;  cela  ne  prouve  autre 
chose  que  les  absences  d'esjirit  auxquelles 
Saiil  élait  devenu  sujet.  Malheureusement, 
en  célébrant  l'exploit  de  David,  les  femmes 
Israélites  s'avisèrent  de  chauler  :  Saiil  a  tué 
mille  ennemis,  et  David  dix  mille.  Ce  mot  fa- 
tal inspire  au  roi  une  basse  jalousie ,  son 
amitié  pour  David  se  change  en  fureur,  il 
essaie  deux  fois  de  le  tuer.  Après  lui  avoir 
promis  sa  fille  Mérob  en  mariage,  il  la  donne 
à  un  autre  ;  il  lui  tend  des  pièges  pour  le 
faire  périr,  en  lui  faisant  espérer  Micbol  son 
autre  fille.  Après  la  lui  avoir  donnée,  il  veut 
engager  Jouathas  son  fils  et  ses  serviteurs 
à  se  défaire  de  David,  il  poursuit  ce  dernier 
à  main  armée,  il  passe  au  fil  de  l'épée  le 
grand  prêtre  Achimélech,  quatre-vingt-cinq 
prêtres  ou  lévites,  et  tous  les  habitants  de 
la  ville  de  Nobé,  parce  qu'ils  avaient  donné 
retraite  à  David,  ne  sachant  pas  qu'il  y 
avait  une  rupture  entre  le  gendre  et  le  beau- 
père.  Deux  fois  David  fut  le  maiire  d'ôter  la 
vie  à  Saiil,  et  l'épargna  :  deux  fois  confus 
de  poursuivre  à  mort  un  innocent,  Saiil 
pleure  sa  faute  el  jure  de  le  laisser  désor- 


mais en  repos  ;  autant  de  fois  il  viola  son 
serment,  cap.  xviii,  xix  et  suiv. 

On  ne  saii  sous  quel  prétexte  il  fit  mettre 
à  mon  les  Gabaoïiiles,  reste  des  Aiuorrliéens, 
auxquels  les  Israélites  avaient  juré  de  con- 
server la  vie,  //   Reg.,  cip.  xxxi,  v.  1  et  2. 

Prêt  à  eoinbaltre  les  Philisliiis,  et  se  sen- 
tant inférieur  eu  forces,  il  alla  consulter  une 
pvllionisseou  magicienne,  pour  taire  évo- 
quer l'àme  de  Samuel,  el  ap[)rendre  quel  se- 
rait l'événenient  delà  bal;iille  ;  crime  ex- 
pressément défendu  par  la  loi  de  Dieu,  /  Reg., 
c.  xxviii.  Au  mot  Pytiiomsse,  no.is  avons 
examiné  ce  fait  ;  nous  Jivons  prouvé  (pie 
l'ânie  de  Simuel  apparut  vénlablement  à 
Saiil,  non  par  la  force  des  conjurations  de 
la  m  gicienne  ,  mais  parce  que  Dieu  voulut 
punir  ce  roi  par  le  crime  même  dont  il  se 
rendait  coupable,  en  voulant  ,  pour  ainsi 
dire,  forcer  le  Seigneur  à  lui  révéler  l'avenir. 
Enfin,  par  un  excès  de  désespoir,  ce  roi  se 
tue  lui-même,  pour  ne  pas  tomber  entre  les 
mains  des  Philistins,  c.  xxxi,  v.  '*. 

C'est  avec  raison  que  saint  Jean  Chrysos- 
tome,  méditant  sur  cetle  histoire,  conclut 
que  Saiil,  loin  de  répondre  au  choix  que  le 
Seigneur  avait  fait  de  lui,  fut  presque  tou- 
jours rebelle  à  sa  volonté  II  aurait  été  heu- 
reux et  couvert  de  gloire,  s'il  avait  su  pro- 
filer des  lésons  de  Samuel,  des  talents  el  des 
services  de  David  ;  il  fut  malheureux  ,  el  so 
précipita  de  crime  eu  crime,  dès  qu'il  fut 
aveuglé  par  l'orgueil  et  par  la  jalousie, 
Hom.a-l,  in  Mallh.,  num.  5,  Op.  tom.  VII, 
p.  G-26. 

L'histoire  de  Samuel,  de  Saûl  et  de  David 
est  très-bien  discutée  par  les  commentateurs 
anglais  dans  la  Bible  de   Chais,  tom.  V. 

SAUN'AGE.  Ou  n'entend  pas  seulement 
parla  un  homme  qui,  abandonné  dans  son 
enfance,  a  vécu  seul,  livré  à  une  vie  sembla- 
ble à  celle  des  animaux,  m.iis  on  appelle 
Sauvages  ceux  qui  vivent  par  familles  ou  par 
petites  peuplades  isolé  s,  sans  société  civile, 
et  qui  ne  connaissent  encore  ni  les  ans,  ni 
les  lois,  ni  les  usages  des  peuples  policés. 
Quelques-uns  de  nos  philosophes  modernes 
oui  entrepris  de  prouver  que  ceux  qui  vivent 
ainsi  sont  moins  malheureux  et  moins  vi- 
cieux que  nous.  Le  sage  Leibuilz  même, 
tout  judicieux  qu'il  élait,  a  donné  dans  ce 
préjugé.  Il  dit  que  les  Sauimges  du  Canada 
vivent  eu  paix,  que  l'on  ne  voïï  presque  ja- 
mais des  querelles,  des  haines,  des  guerres, 
sinon  entre  des  hommes  de  différentes  na- 
tions et  de  différentes  langues  ;  que  les 
enfantsmêmes,  en  jouant  ensemble,  eu  vien- 
nent rarement  aux  altercations.  Il  ajoute 
que  ces  peuples  ont  une  horreur  naturelle 
de  l'inceste,  que  la  chasteté  dans  les  familles 
est  admirable,  que  le  sentiment  d'honneur 
est  chez  eux  au  dernier  degré  de  vivacité  , 
ainsi  que  le  témoignent  l'ardeur  qu'ils  mon- 
trent pour  la  vengeance,  et  la  consiance  avec 
laquelle  ils  meurent  dans  les  tourments,  il 
dit  enfin  qu'à  certains  égards  leur  morale 
pratique  est  meilleure  que  la  nôtre,  parce 
qu'ils  n'ont  point  l'avarice  d'amasser,  ni 
l'auibitiou  du  dominer.  11  conclut  qu'il  y  a 


579  SAU 

chez  nous  plus  de  bien  et  plus  de  mal  que 
chez  eux  ;  Esprit  de  Leibnitz,  tom.  I,  pag. 
433. 

Mais  ce  philosoplie  n'nvail  pas  assez  com- 
paré les  sauvages  des  différcnies  parties  de 
l'Amérique  et  des  divers  climats  ;  depuis 
que  l'un  en  a  examiné  un  plus  grand  nom- 
bre, il  résulte  des  dilTéreiiles  relations  qu'.n 
général  les  sauvages  sont  beaucoup  moins 
heureux  «l  ont  moins  tif  vertu  que  b'S  peu- 
ples policés;  plusieurs  tie  nos  écrivains,  qui 
avaient  soutinu  le  eonlr.iire,  ont  été  forcés 
de  se  dédire  ;  nous  sommes  dune  (m  droit  de 
conclure  avec,  l'Ecriture  sainte  :  Il  n'est  pas 
bon  t/iie  rhoiinne  soie  setil;  (len.,  c.  ii,  v.  18. 

D'al)ord,  quant  au  hien-clre  pliysique,  il 
est  certain  que  les  sauvages  necullivani  rien, 
réiluils  à  vivre  de  leur  chasse  et  de  leur  pè- 
ciie,  sont  souvent  exposés  à  mourir  de  f.iim, 
et  que  leur  vie  est  Irôs-peu  diflérente  de 
celle  des  animaux  carnassiirs  ;  cet  clat  de 
disette  est  un  obstacle  invincible  à  la  popu- 
lation, el  c'est  ce  qui  rend  désertes  les  i  lus 
vastes  contrées  de  l'Amérique,  tîn  général, 
ces  peuples  sont  tristes  el  mé.'auc  cliques , 
naturellement  timides,  effrayés  de  loui  objet 
auquel  ils  ne  sont  pas  accoutumés  ;  c'est  ce 
qui  les  rend  f:irouches  et  ennemis  d  s  étran- 
gers. Il  est  prouvé  qu'un  grand  nombre  de 
jeunes  sauvages  périssent  dans  leurs  courses 
par  la  faim,  par  la  soif,  par  le  froid,  par 
les  fatigues,  et  que  peu  parviennent  à  la 
vieillesse.  La  condition  d<'S  femmes  surtout 
e>t  la  plus  humili  !nle  el  la  plus  cruelle  ; 
elles  sont  traitées  cotnme  des  animaux  d'une 
espèce  inférieure  à  l'humanilé.  A  moins  que 
les  hommes  ne  soient  réunis  et  laboretix,  ils 
ne  peuvent  jouir  des  dons  do  la  nature,  dé- 
ployer leurs  facultés  ni  leur  industrie  ;  quel 
iionliour  peuvent-ils  donc  goûier?  On  nous 
dit  qu'un  s  :nrage  est  plus  conlenl  dt^  sa 
crass'',  -le  sa  vie  dure  et  de  sa  nudiié,  qu'un 
voluptueux  européen  ne  l'est  do  son  luxe  et 
de  SI  mol. esse  ;  cela  n'est  pas  sûr  :  (luand 
cela  Si  rail ,  nous  dirions  qu'il  en  est  de 
même  d'un  singe  ou  d'un  pourceau,  el  cela 
prouve  que  le  bonheur  d'un  animal  n'est 
pas  celui  d'en  hooune  raisonnable.  La  terre 
rendue  féconde  p;ir  la  culture  fournit  le  né- 
cessaire el  souvent  le  superllu  à  un  poU|ile 
immense,  l'homme  n'est  plus  réduit  à  dispu- 
ter sa  pâture  aux  lions  et  aux  tigres;  six 
lieues  carrées  de  terrain  cultive  peuvent 
nourrir  plus  de  ommle  que  cent  lieues  de 
terre  eu  friche.  Comparons  aux  fertiles  con- 
trées de  l'Kurope  les  vastes  solitudes  de  l'A- 
ineri()ue  coiiveries  de  foréis,  de  marais,  de 
vapeurs  pestiienlielles  ,  d'herbes  empoison- 
nées, de  reptiles  dangereux,  nous  \errons 
ce  que  pioiluisent  parmi  les  humutcs  le  tra- 
vail cl  l'état  de  société. 

On  nous  en  impose  encore,  quand  on  dit 
(jue  les  sauvages  sont  plus  vertueux  ou 
moins  vicieux  que  nous.  Il  est  difliciL-  de 
comprendre  comment  il  peut  y  avoir  beau- 
coup lie  vertu  dans  un  élal  où  la  veMu  man- 
que d'exercice,  el  où  l'on  n  ■  trouve  pres(|uc 
point  d'objets  capables  d'exciter  les  passions. 
La  vertu  bans  doute  est  lu  fjrce  de  idme,  en 


SAU 


580 


faut-ilbeaucoup  pour  suivre  naachinalement 
les  penchants  de  la  nature  animale?  Pour 
faire  un  parallèle  exact  entre  les  mœurs  des 
sauvages  et  les  nôtres,  il  faudrait  comparer 
mille  familles  réunies  par  la  vie  civile,  avec 
un  nombre  égal  de  familles  sauvages,  et  un 
égal  nombre  d'hommes  de  pari  el  d'aiilre; 
ca'culer  ensuite  combien,  dans  un  espace 
de  vingt  ans  ou  davantage,  il  s'est  fait  d'ac- 
tes de  vertu  ou  de  crimes  de  chique  côié  : 
nous  pouvons  affirmer  que  l'avantage  serait 
pour  le  moîns  quadruple  pour  les  familles 
policées.  Un  auteur  moderne  n'a  pas  hésité 
d'écrire  que,  proportionnellement  au  nom- 
bre des  hommes,  il  se  comiiiel  au  nord  de 
l'Amérique  plus  de  cruautés  et  de  crimes  que 
dans  l'Eu'Ope  entière,  il  est  incontestable 
que  les  sauvages  poussent  la  perlidio  et  la 
cruau  é  à  des  excès  horribles  dans  la  guerre 
et  dans  la  vengeance;  on  ne  peut  lire  sans 
frémir  les  traits  qu'en  rapportent  les  voya- 
geurs ;  nous  ne  comprenons  pas  conitnenl 
on  peut  appeler  jia  ipijiies  des  troupeaux 
d'hommes  qui  vivent  dans  un  é'at  de  jalou- 
sie, de  défiance,  de  guerre  l'I  d'inimitié  con- 
tinuelle avec  leurs  voisins,  el  qui  sont  tou- 
jours prêts  à  s'cnire-déiruire  ulin  d'avoir  à 
leur  discrétion  pour  la  chasse  un  terrain 
plus  vaste  et  plus  peuplé  de  gibier.  Les  (|ua- 
licrs  de  la  Pensylvaaie,  quoique  les  p  us  pai- 
sittles  des  hommes,  ont  été  souvent  obliges 
de  inellre  à  prix  la  tête  des  sauvages,  et  de 
les  poursuivre  comme  des  bêles  féroces  , 
parce  qu'ils  ne  |)ouvaienl  avoir  avec  eux  ni 
paix  ni  trêve.  Ils  n'ont  pas  besoin  d'être  fort 
irrités  pour  être  crui-ls  ;  souvent  un  père 
écrase  ou  étrangle  son  enfant  (!aus  un  excès 
de  colère,  el  la  mère  ll'o^erait  s'y  opposer 
ni  s'en  plaindre.  Si  elle  meurt  en  allaitant 
son  enfant,  on  l'enierre  avec  elle,  pour  n'a- 
voir pas  la  peine  de  le  nourrir;  un  fih  aban- 
donne son  père;  toute  une  h  irde  laisse  périr 
les  vieillards,  lorsque  ceux-ci  manquent  de 
force  et  ne  peuvent  plus  suivre  les  chasseurs 
dans  leurs  cours.ts.  Tous  ont  une  surle  de 
fureur  pour  les  jeux  de  hasard  ;  ils  y  de- 
viennent lorcenés,  avides,  turbulents;  ils  y 
fierdent  le  repos,  la  raison  et  tout  ce  qu'ils 
possèdent  ;  ce  sont  alternativement  des  en- 
fants imliécilles  e!  des  hommes  lerrildes, 
tout  dépend  du  moment.  Qu'ils  soient  chas- 
tes par  froideur  de  tempéi  anu'nt ,  ce  n'est  pas 
une  merveille  ni  un  grand  mérite  ;  c'est  l'effet 
naturel  île  la  vie  dure  el  de  la  faiigue;  il  n'esf 
pas  nécessaire  d'aller  chez  les  sauvages  piui 
en  trouver  des  exemples.  Vindicatifs  à  l'ex- 
cès, non  par  le  motif  du  point  d'honneur, 
mais  par  la  brutalité,  ils  sup()orienl  les  loiir- 
meiils  par  une  espèce  de  rage;  et  en  res- 
pirant la  vengeance,  ils  insultent  à  leurs 
ennemis,  [)arce  (lu'ils  ne  peuvent  ni  échap- 
per à  la  miirt  ni  se  venger  autrement.  Ce 
n'est  point  là  une  \rai(!  constance  ni  une 
vertu.  Nous  ne  leur  ferons  pas  non  plus  un 
grand  mérite  d(^  n'avoir  ni  l'avarice  d'amas- 
ser, ni  l'ambition  de  dominer,  ces  deux  pas- 
sions ne  leuvent  avoir  lieu  dans  un  élal 
où  l'eu  n'a  pas  même  l'idée  du  l'une  ni  de 
l'iiuire. 


3S1 


SAU 


SCA 


3«2 


Quelques  déistes  ont  pr<'fcndii  que  l'hom- 
me dans  i'éial  fauvnqe  est  iiicipahle  p.ir  lui- 
Kièdic  de  s'élever  jusi  [u'a  l.i  co:iiiaissanee  de 
Dieu;  i|u'aiiisi,  à  cel  é^aul,  il  pcui  éln-  dans 
une  iirnoranre  iiivincihie.  S  ils  avaient  dit 
que,  d.ins  cci  étal,  riioniiiie  est  incapable  de 
s'élever  par  lui-îniMiuï  à  une  cnnriais-ance 
de  Dieu  excniptc  de  toulc  erirur,  nous  se- 
rions <le  leur  avis,  puis(|u'il  csl  prouvé  par 
l'expérience  que»  cela  n'est  j  lUiais  arrivé. 
Mais  (ni'il  y  ail  des  saiivayen  qui  n'aient  ab- 
solument aucune  idée  ciaire  ou  obscure  , 
parlaile  ou  imparfaite  de  la  Divinité,  c'est 
un  autre  l'ail  coniraireà  l'expérience,  puis  lue 
l'on  n'en  a  jamais  Irouvé  ileleis;  ieu\  <|ui 
oui  cru  en  avoir  vu  élaieul  mal  informés. 
Voy.  L.vNCAcic. 

Cuinme  le  pencIicTnl  naturel  des  snuvarjes, 
au.s.si  bien  que  celui  des  enfants,  est  d'ima- 
giner qu'il  y  a  un  esprit  partout  où  ils  voient 
du  niouveuicut.  il  leur  est  impossible  de  ne 
pas  jujîer  (ju'il  y  a  un  ou  plusieurs  esprts 
iuti  lligenli)  et  Irés-puissants,  qui  donnent  le 
branli!  à  toute  la  nature;  de  la  est  né  le  po- 
lythéisme chez  Ions  les  peuples  prives  di-  la 
revéialii>n.  Voi/.  PaGamsme.  Alais  l'on  a  ren- 
contré, nièuie  p;irnii  les  smirrKjes,  des  hom- 
mes (|ui  avaiiMit  de  Dieu  (qu'ils  appeliient 
le  f/rand  espiil]  des  nuliuns  capables  d'etoii- 
iier  les  philosophes. 

SAUVliUU.  loy.  Saiut. 

S>uvRi:u  (Gou'iréi^alion  de  Nothe-).  C'est 
une  association  nu  un  institut  de  chanoines 
réguliers  de  saint  Aujçustiu,  réformée  par  le 
hiciilieuri'ux  l'i  t  re  Fourier,  prêtre  de  cette 
c<uisréi;aliou  et  curé  de  iMatincoirt  en  Lor- 
raine, niorl  en  KiVO.  Cette  reforme  fut  ap- 
prouvée par  Paul  V,  eu  1615,  el  par  Cré- 
goi.e  XV,  eu  1(121.  L'objet  de  ces  chanoines 
est  de  travailler  à  Tins  ruetiuu  des  jeunes 
gens  el  des  habitants  de  la  cam|!agne.  Plu- 
sieurs possèdent  des  cures,  d  ils  sont  aclui  1- 
lenient  chaijjés  de  l'enseignenient  de  la  jeu- 
nesse dans  les  colges  de  la  Lorraine,  au- 
trefois possédés  par  les  jésuites. 

Sawvkur  (SAiNr-),  autre  congrégaiiou  de 
chanoines  re^ulier.s  d'il, .lie,  appelée  Scope- 
tini,  qui  furent  institues  en  l'i08,  par  le  bien- 
heureux Ktionnc  ,  religieux  de  l'ordre  de 
saint  Au;;uslin.  lA'ur  premier  établisseuieut 
se  fit  ilans  l'église  de  Snint-Sauveur  pi  es  do 
Sienne,  et  c'esl  de  là  qu'ils  ont  lire  leur 
nom.  Celui  de  Scopetini  vient  do  l'église  de 
Sainl-Donal  de  Seopè  e ,  qu'ils  oblinrenl  à 
Fliirence  sous  le  ponlilical  de  Martin  V. 

SAUVEUR  (ordre  de  Saint-1,  ordre  de  reli- 
gieux et  de  reliiiieuses  fonde  par  sainte  Bri- 
i;itte,  environ  l'an  ISi'i.  L'opinion  commiiui! 
dans  ce  temps-là  fut  que,  dans  les  révéla- 
tions faites  à  cette  sainte,  .lesus-(]lirisl  lui- 
même  en  avait  donné  la  règle  et  les  consti- 
tutions. Les  religieuses  de  ret  ordre,  que 
l'on  nomme  aussi  lirigittines  ou  Hridijélines, 
du  mun  de  leur  fondairice,  nui  pour  piînci- 
pal  objet  d'honorer  les  souffrances  de  Jésus- 
Chrisl  et  de  sa  sainte  Mère  ;  les  religieux, 
lie  procurer  les  secours  spirituels,  nnn-seu- 
tcuiuul  à  ces  filles,  mais  ei:core  à  tous  ceux 


qui  en  ont  besoin.  Cette  fondation  fut  exé- 
cutée par  1,1  sainte  au  retour  d'un  pèlerinage 
qu'elle  avait  fait  à  saint  Jacques  de  Couipos- 
lelle,  avec  IJIpho  ou  Cuelphe,  son  époux, 
prince  de  Xéncie  en  Suède.  I,e  premier  mo- 
nasière  fut  bâti  à  Wessern  ou  WasIein,  dans 
ce  mé!iie  royaume  ;  elle  y  plara  soixante  re- 
ligieuses, et  dans  un  bàtimeni  séparé  treize 
prêtres,  quatre  diacres  (  t  huit  frères  con- 
vers.  Klle  donna  aux  nus  el  aux  autres  la 
rèj;le  de  saint  Augustin  et  des  conslilnliona 
fiartieulières  ;  Urbain  V,  Martin  V  el  d'au- 
tres papes  qui  les  ont  approuvées,  ne  disent 
rien  d<!  la  préiendue  révélation  qui  avait  été 
faite  à  la  sainte  fondatrice.  Clément  \'lll  y 
fil  ()uel(|ues  Ci'iangements  en  KiO.'l,  en  faveur 
de  deux  monastères  que  l'on  établissait  en 
Flandie.  Il  y  a  encore  aciiiellenient  en  Flan- 
dre et  en  Allecnagiic  plusieurs  de  ces  monas- 
tères (]i'  brit/iltins  ou  de  Vardri;  du  Sauveur, 
dans  les()iiels  les  religieux  el  les  religieuses, 
séparés  par  des  cloîtres ,  se  servent  de 
la  même  église.  Vies  di's  Pires  et  des  inar- 
tyrs,  I.  IX,  p.  491. 

SCANDALF.  Ce  terme,  qui  est  le  même  en 
grec  el  eu  latin,  a  signifié  dans  l'origine  un 
obsiaele  qui  s'oppose  à  notre  passage,  cl 
par-dessus  lequel  il  faut  passer,  tout  ce  (|ui 
peut  nous  faire  trébucher  et  tomber.  Par 
analogie,  il  a  exprimé  un  piège  tendu  à  un 
animai  ou  à  un  homme;  et  au  sens  iiguré, 
ce  (jui  peut  être  une  occasion  d'erreur  ou 
de  péché.  11  est  pris  dans  ces  divers  sens  par 
les  écrivains  sacrés.  Levit.,  c.  xis,  v.  14-, 
Md'i'se  défend  de  ciiettre  un  scandnle  devant 
l'aveugle,  c'e^t-à-dire  un  ob-tacic  qui  puisse 
le  faim  trébucher.  Mallli.,  c.  xvi,  v.  23, 
Jésus-Christ  a  dit  à  saint  Pierre  :  V uits  m'c- 
les  un  scandale,  c'est-à-dire,  vous  vous  op- 
posez à  mes  desseins  l'I  à  mes  désirs.  Lui- 
même  a  été  à  l'égard  des  Juifs  une  pierre 
d'achoppement  elde  scandale,  contre  laquelle 
ils  se  Sont  brisé?  par  leui  faute,  parée  qu'ils 
ont  pris  de  travers  les  caractères  qu\  dési- 
gnaient sa  qualité  de  Messie.  Ainsi  une  chose 
innocente  en  cllc-tnéuie  peut  devenir  un  scan- 
dnle,o»  une  occasion  de  chute, à  ceux  qui  ont 
la  m;ilice  d'en  abuser  el  d'en  tirer  de  fausses 
conséquences.  Lorsiiue  Jésus  Christ  pupniit 
de  di;nner  sa  chair  à  manger  el  son  yng  à 
boire,  les  Juifs  s'en  offensèrent;  il  deaianda 
à  ses  di'-cipb  s  :  Cela  tous  scandaliat-  l-il  ? 
c'est-à-dire,  prenez-vous  mes  parulds  dans 
un  sens  aussi  grossier  et  aussi  fauxjtine  les 
Juifs?  V.w  matière  île  doctrine,  une  proposi- 
tion scandaleuse  est  celle  qui  induit  en  er- 
reur, par  des  conséquences  qui  s'en-uivent. 
La  mon!  igne  du  Scandale,  l  V  Urg.,  c.  xxiii, 
V.  13,  était  la  montagne  des  Oliviers,  sur  la- 
quelle Salonion,  par  com(ilaisance  pour  ses 
femmes,  avait  éle\é  des  autels  aux  faux 
dieux,  ce  qui  était  pour  ses  sujets  une  occa- 
sion d'idolàlrie.  —  Conséquemmenl  les  théo- 
logiens tielinissenl  le  scanilale,  une  parole, 
une  aetioii  ou  une  omission  capable  de  por- 
ter au  iiéi  hé  ceux  (jui  en  sont  témoins  ou 
qui  en  ont  l.i  connaissance,  ils  appellent 
scandale  actif,  ou  donné,  l'action  de  celui 
qui  scandalise,  et  scandale  passif  ou  reçu,  le 


383 


SCa 


SCA 


384 


mauvais  effet  qu'en  ressentent  ceux  qui  se 
trouvent  par  là  excités  au  péché. 

Liirsque  quelqu'un  ,  par  malice,  lire  de 
fausses  inductions  d'une  conduite  innicenie 
ou  louable  en  elle-même,  c'est  un  srandale 
pharisaïque,  une  imitation  de  ce  que  fai- 
saient les  pharisiens  à  l'égard  de  Jésus- 
Christ  ;  ce  ii'csl  pas  à  ce  sujet  que  le  Sauveur 
a  dit  :  Malheur  à  celui  par  (jui  vient  le  sraii- 
dale  (Mutih.,  xviii,  27),  puisque  alors  celui 
qui  le  donne  est  innocent  et  fait  ce  iju'il 
doit.  Si  c'est  par  igiioraiîce  ou  par  faiblesse 
que  quelqu'un  tire  de  fausses  conséquences 
d'une  conduite  qui  n'a  rien  de  blâmable, 
saint  Paul  ?eut  que  l'on  évite  de  donner  ce 
scandale,  autant  qu'il  est  possible  :  Si  la  chair 
gue  je  mange,  dit-il,  scartdalise  mon  frère,  je 
n'en  mangerai  de  ma  vie  (/  Cor.  viii,  13j.  La 
veille  de  sa  passion,  Jésus-Christ  dit  à  ses 
disciples  :  Vous  serez  tous  scandalisé>:  de  moi 
pendant  celle  nuit  {Marc,  xiv,  27)  ;  c'esl-à- 
ilire,  en  me  voyant  souffrir,  vous  serez  tous 
lentes  de  croire  que  je  vous  ai  trompés,  et 
que  je  ne  suis  pas  le  Fils  de  Dieu.  Mais  ce 
scandaleain^i  prévenu, nedevait  pasempécher 
noire  divin  Sauveur  d'accomplir  la  volonté 
de  son  Père.  La  circonstance  du  scandale, 
donné  par  une  mauvaise  action,  augmente 
certainement  la  grièvclédu  péché;  par  con- 
séquent celle  circonstance  doit  être  accusée 
d.ins  la  confession  ;  plus  une  personne  est 
obliiiée  par  son  rang,  par  sa  dignité,  par  la 
sainteté  de  son  étal,  à  donner  bon  exemple, 
plus  le  scandale  eii  criminil  de  sa  part.  Lors- 
qu'un homme  vicieux  cache  ses  désordres 
aillant  qu'il  le  peut,  on  ne  doit  pas  l'accuser 
d'hjpocrisie  s'il  le  fait  afin  d'éviter  le  scan- 
dale ;  il  est  moins  coupable  que  ceux  qui 
violent  toutes  les  bienséances  et  bravent  la 
censtire  publique  sous  prétexte  qu'ils  ne 
veulent  pas  éire  hypocrites. 

SC.\PULA1UK  ,  p.iriie  de  l'habillement  de 
dilTércnls  ordres  religieux.  Il  consiste  en 
deux  bandes  d'étoffes,  dont  l'une  passe  sur 
l'eslomac,  et  l'autre  sur  le  dos  ou  sur  les  é- 
paules  ;  de  là  lui  est  venu  son  nom  ;  Ifs  rcl'» 
gieux  profès  le  laissent  pendre  jusqu'à  terre; 
les  frères  lais  jusqu'aux  fi-enoux  seulement. 
L'iibbi'  iMeury  en  a  iuUique  l'origine,  A/tt'Uï5 
dts  chrél.,  n.  o4.«  Saint  IJenoît,  dilil,  donna  à 
ses  religieux  un  sctipu/airc  pour  le  travail.  Il 
éiait  beaucoup  plus  large  et  plus  lourd  qu'il 
n'est  aujourd'hui  ;  il  serwiit,  comme  le  porte 
son  nom,  à  garnir  les  épaules  pour  les  far- 
deaux et  à  conserver  la  tunique.  11  avait  son 
c.ipuce  comme  la  cuculle,  et  ces  deux  vête- 
ments se  portaient  séparés  ;  le  scapulaire 
pi  udant  le  travail,  la  cuculle  à  l'égliite  et 
iiors  de  la  maison.  Depuis,  les  niuiues  ont 
reganlé  le  scnpulaire  comme  la  partie  lu 
plus  e>sentielle  de  leur  habit.  Ainsi  i;s  ne  le 
quittent  point  et  mettent  le  froc  ou  la  coule 
par-dessus. 

Le  scapulaire  est  aussi  un  signe  de  dévo- 
tion envers  la  sainle  Vierge,  qui  fut  introduit 
parmi  les  fidèles,  vers  le  inilieudu  xiii'siècle, 
par  Simon  Stock,  carmeanglais,  ei  général  de 
son  ordre.  Ce  signe,  chez  les  r<'ligieux,  est  de 
porter  leur  scapulaire;  chez  les  laïques,  c'est 


de  porter  deux  petits  morceaux  d'étoffe  sur 
lesquels  est  brodé  le  nom  de  la  sainte  Vierge, 
et  d'en  réciter  l'office  avec  quelques  autres 
pratiques  de  dévotion.  Simon  Stock  assura 
que,  dans  une  vision  ,  la  sainte  Vierge  lui 
avait  donné  le  scupulnire  comme  une  marque 
de  sa  protection  spéciale  envers  tous  ceux 
qui  le  porteraient,  qui  garderaient  la  virgi- 
nité, la  continence  ou  la  chasteté  conjugale, 
selon  leur  étal  ,  et  qui  réciteraient  le  petit 
office  de  Noire-Dame.  —  Le  docteur  de  Lau- 
noy  a  fait  un  ouvrage  dans  lequel  j|  ;i  re- 
gardé celte  vision  comme  une  imposture,  et 
a  traité  de  pièces  supposées  les  bulles  des 
papes  que  l'on  cite  eu  sa  faveur.  H  prétend 
que  les  Carmes  n'ont  commencé  à  fiorter  le 
scapulaire  ((ue  longtemps  après  la  date  de  la 
vision  prétendue.  Le  pape  Paul  V,  en  retran- 
chant quelques  abus  (|ui  s'étaient  glissés 
dans  celle  dévotion,  l'a  cependant  approu- 
vée ,  de  même  que  Pie  V,  Clément  VllI  et 
Clément  X  ;  Benoît  XIV^  a  réfuté  l'ouvratje 
de  de  Launoy,  de  Canonis  sanct.,  tome  IV, 
w  part.,  c.  9;  de  Festis  B.  M.  Virginis,  1.  ii, 
c.  (i.  —  Moshuim  ,  en  zélé  protestant,  très- 
prévenu  contre  le  culte  de  la  sainle  Vierge, 
a  traité  la  prétendue  vision  de  Simon  Stock, 
de  fable  riclicule  et  impie,  de  fraude  notoire, 
de  sottise  superstitieuse.  .<  Les  Carmes,  dit-il, 
ont  publié  ((ue  la  Vierge  avait  promis  à  ce 
religieux  que  tous  ceux  qui  mourraicntavec 
l'habit  des  C  armes  ou  avec  le  scapulaire.  se- 
raient à  couvert  de  la  damnation  éternelle.» 
11  témoigne  son  élonnemenl  de  ce  que  plu- 
sieurs papes,  et  eu  particulier  Benoît  XIV, 
ont  fait  l'apologie  de  celte  superstition.  His- 
taire  ecclés.  du  xui'  siècle  ,  ir  part. ,  c.  2, 
§  29. 

Pour  avoir  droit  d'accuser  Simon  Stock  de 
fraude  et  d'imposture,  il  faut  être  en  état  de 
prouver  qu'il  n'a  eu  ni  révélation,  ni  vision, 
ni  rêve;  qu'il  a  forgé  malicieusement  cette 
histoire  pour  tromper  les  fidèles;  où  en  sont 
les  preuves?  Ce  religieux  austère  ,  mortifié, 
dévot,  fortement  occupé  du  dessoin  d'aug- 
!!l!",l!er  la  piété  envers  la  sainte  \'ierge,  a  pu 
rêver  qu*eiie  lui  Jipparais^ail  ;  c!  iJ  n'çsl  pas 
le  premier  qui  ait  pris  ae  Donne  foi  un  rêve 
pour  une  réalité.  Il  n'a  point  publié  que  tous 
ceux  qui  mourraient  avec  le  scapulaire  se- 
raient sauvés  :  si  quelque  Canne  ignorant  a 
écrit  Cette  erreur  dans  la  soile  ,  Mock  n'en 
est  pas  responsable.  Aucun  des  papes  qui 
ont  approuvé  la  dévolion  du  scapulaire  n'a 
affirmé  la  vision  de  ce  religieux  et  n'a  or- 
donné de  la  croire  :  aucun  n'a  donnéauiuiic 
espèce  d'ap|)roliation  à  l'erreur  que  Moshelm 
met  sur  le  compte  des  Carmes.  Autre  chose 
est  d'approuver  une  dévotion  qui  parait  utile 
et  salutaire,  sans  en  rechercher  l'origine,  et 
autre  chose  de  confirmer  les  faits  sur  les- 
(juels  <les  visionnaires  voudraient  l'appuyer. 
IScnoîl  XIV  a  pu  réfuter  les  preuves  et  les 
suppositions  sur  les(iuellcs  de  Launoy  avait 
raisonné,  sans  juger  vrai  le  fait  que  ce  doc- 
teur allaquail.  Toute  la  question  se  réduit 
donc  à  savoir  si  la  dévotion  de  porter  le  sco- 
pulaire  est  bonne  ou  mauvaise,  pieuse  ou 
abusive  et  superstitieuse  :  or  ,    nous  soute- 


38S  si;e 

noos  qu'elle  est  utile  et  salutaire,  puisqu'elle 
porie  les  fidèles  à  honorer  l.i  Mère  de  Dieu, 
à  imiler  ses  vertus  ,  à  réiiler   des  prières,  à 
fréiiuenler  les  sacrements,  à  fraterniser  en- 
semble pour  faire  de  bonnes  (inivres.  Donc 
les  papi'S  oui  bien  fait  de   l'approuver,  sur- 
tout dans  un  temps  où  il  était  iiceessaire  de 
prévenir  les  fidèles  contre  les   clameurs  des 
iicreliques  ,  et  de  les  affermir  dans  1 1  piété  ; 
mais  il  est  faux  que  ,  par  celte  approbaiion, 
ils  aient  donné  aucune  sanction   à  la   vision 
vraie    ou  fausse  de  Simon  Stock  ,  ni  aux  er- 
reuis   que    les  Carmes    ont   pu   débiter  sur 
l'eflicacilc  du  scnpulnire.  Au  contraire,   Paul 
V  a  donné  une   bulle  ex[ircs  pour  proscrire 
toute    conséquence   erronée   que   l'on    peut 
tirer  de  là,   et  tout   abus  que  l'on   peut  en 
faire. 
SCÉNOPÉfilIÎ.  Toy.  'l'AHi-RNACi.rs. 
SCliPTIClSME   eu  fait    de   religion.    C'est 
la  disposition   d'un  philosophe  qui    prétend 
avoir  <'xaminé  les    preuves   de  la   religion, 
qui   soutient   qu'elles    sont   insuffisanles   ou 
biilan<'ées  par  des objeciions  d'un  poids  égal, 
et  qu'il   a  droit  de  dimcurer   dans  le  doute 
jusqu'à    ce  qu'il   ailirou\é  îles    arguments 
invincibles  auxquels  il  n'y  ait  rien  à  uppo' 
ser.  Il  est  évident  que   ce  doule    rétléclii  e<t 
une  irréligion  formelle;  un  incièdulM  ne  s'y 
tient  (lue  pour  être  dispensé  de  rendre  à  Dieu 
aucun  culte,  et  de  ne  remplir  auiun  devoir 
de  religion.  Nous  soutenons  que  c'est  non- 
seulement    une   impiété,  mais  encore  une 
absurdité.  1"  C'en  est  une  de  regarder  la  re- 
ligion   comme    un     procès    entre    Dieu   et 
riiumme  ;  comme  un    combat  dans    le(|uel 
celui-ci  a  droit  de  résister  tant  qu'il  le  peut, 
d'envisager  la  loi  divine  comme  un  joug  con- 
tre lecjuel   nous  sommes   bien   fondés  à  dé- 
fenilre  notre  liberté,    puisque    celte    liberté 
preii'iidue  n'est  autre  chose  que  le  privilège 
de  suivre   sans  remords  l'inslinit  des  pas- 
sions. IJuicoiique   ne  pense  pas  que  la  reli- 
gion est  un  bienfait  de  Dieu,   la  craint  et  la 
déleste  déjà  ;  il  est  bien  sûr  de  ne  la  trouver 
jamais  sullisamuient  prouvée  ,  et  d'être  tou- 
jours plus  affecte  par  les  ol)jociions  que  par 
les  preuves.  2°  Il  n'est  pas  moins  contraire 
au  bon   sens    de   demander  pour  la  religion 
des  pieuves  de   même  genre  que  celles  qui 
démiinirciil  les  vérités  de  géométrie;  l'exis- 
tence même  de  Dieu,  quoique  démontrée,  ne 
porte  pas  sur  ce  genre  de   preuves.   Les  dé- 
monstrations    métaphysiques    que   l'on    en 
donne,    quoique  très-solides,    ne    peuveiil 
guère    faire   impression   que  sur  les   esprits 
exerces  et    inslruiis;    elles  ne  sont  point   à 
portée  des  ignorants.  3°  La  vérité  de   la  re- 
ligion chrétienne  est  appuyée  sur  des  faits, 
il  en  doit  être  ainsi   de  toute   religion  révé- 
lée. Puisque  la  révélation  est  un  tait,  il  doit 
être  prouvé  coiiiuie  tous   les  auires  falls  par 
des  témoignages,  par  l'histoire,  par  les  mo- 
numents ;  il  ne  peut  et  ne  doil  pas  l'èlre  au- 
trement. N'esl-il  pas  aussi    demo::iré  eu  son 
genre  que  dsar   a  existe  ,   qu'il  y  a   eu  un 
peuple  romain,  (jue  la  ville  dé  Home  subsiste 
encore,  qu'il  l'est  «lue    les   trois  angles  d'un 
triangle  soûl  égaux  à  deux  angles  droiis  ? 


5CE  "Sfi 

Un  esprit  sensé  ne  peut  pas  p.usuouter  d'une 
de  ces  vériiês  que  de  l'autre.  11  y  a  plus:on 
peut  être  indifférent  sur  la  dernière  ,  ne  pas 
se  donner  la  peine  d'en  examiner  et  d'en 
suivre  la  démouslritiDn,  parce  qu'on  n'a  pas 
l'esprit  accoutumé  à  ces  sortes  de  spécula- 
tions ;  l'on  passera  tout  au  plus  pnur  un 
ignorant  ;  mais  si  l'on  montrait  la  même  in- 
dilTérence  sur  la  vérité  des  faits  ,  si  on  refu- 
sait d'avouer  que  César  .i  existé  et  que  Kome 
subsiste  encore  ,  ou  serait  certainement  re- 
gardé comme  un  insensé.  Ces  faits  sont  donc 
rigoureuseinenl  démontrés,  pour  tout  homme 
sensé,  par  le  genre  de  preuves  qui  leur  con- 
viennent, et  il  n'est  point  d'ignorant  assez 
slupide  pour  ne  pouvoir  pas  les  saisir.  4"  La 
preuve  de  la  religion  la  plus  convaineanio 
pour  le  commun  des  hommes  est  la  con- 
science ou  le  sentiment  intérieur.  Il  n'en  est 
aucun  qui  ne  sente  qu'il  a  besoin  d'une  reli- 
gion qui  l'iiislruise,  qui  le  réprime,  qui  le 
console.  Sans  avoir  examiné  les  autres  re- 
ligions, il  seul  par  expérience  que  le  cliris- 
lianisme  produit  en  lui  ces  trois  effets  si 
essentiels  à  son  bonheur;  il  en  trouve  donc 
la  vérité  au  fond  de  son  creur.  Ira-t-il  cher- 
cher des  doutes,  des  disputes,  des  objections, 
comme  font  les  sceptiques?  Si  on  lui  en  op- 
pose, elles  feront  peu  d'impression  sur  lui; 
le  sentiment  intérieur  lui  lienl  lieu  de  toute 
autre  démonstration  (1).  5°  Y  a-t-ii  du  bon 
sens  à  mettre  en  question  pendant  toute  la 
vie  un  devoir  qui  naît  avec  nous,  qui  fait  le 
bonheur  des  âmes  vertueuses  ,  et  qui  doit 
décider  de  notre  sort  éternel?  Si  nous  venons 
à  mourir  sans  avoir  vidé  la  dispole,  aurons- 
nous  lieu  de  nous  féliciter  de  notre  habileté 
à  trouver  des  objections?  11  n'est  que  trop 
prouvé  qu'un  sophisme  est  souvent  plus  sé- 
duisanl  qu'un  raisuniiciiienl  solide,  et  qu'il 
est  inutile  de  vouloir  persuader  ceux  qui 
ont  bien  résolu  de  n'être  jamais  convaincus. 
C°  Les  scepliqiies  prétendent  qu'ils  ont  cher- 
ché des  pieuves,  qu'ils  li's  ont  examinées, 
que  ce  n'est  pas  leur  faute  si  elles  ne  leur 
ont  pas  paru  as^ez  solides.  N'en  croyons 
rien  ;  il  n'ont  cherché  el  pesé  que  des  oiijec- 
lions.  Ils  ont  lu  avec  avidité  tous  les  livres 
éirits  contre  la  religion  ;  ils  n'eu  oui  peut- 
être  pas  lu  un  seul  composé  pour  la  défen- 
<ire  ;  s'ils  ont  jeté  un  coup  d'ieil  rapide  sur 
qucUju'un  de  ces  derniers  ,  ce  n'a  été  que 
pour  y  trouver  à  reprendre  et  pour  pouvoir 
se  \  an  ter  d'avoir  tout  lu.  Dès  qu'il  esi  ques- 
tion d'un  fait  qui  lavorise  l'inciedulilé  ,   ils 

(I)  L'ol.il  du  sceplii|iie  a  élé  p.Trfailenienl  carac- 
térisé dans  les  lignes  suivantes  :  i  Les  iimlirs  qui 
reliciinenl  les  scepliiiiics  smit  (uéeisénieiil  les  inc- 
lues i|iic  ceux  qui  déleiinineiU  les  alliées,  l'orgueil, 
l'iiMlépeniliiiice,  la  répngii;ince  rie  se  snunieiire  à 
destins  iiicocuiiiodes.  Dans  les  doutes  qu'ils  (iropo- 
seiit  ou  viiii  de  quel  côté  peiielie  leur  lœiir  ;  t't'i|ui- 
lilire  :i|ipiirent  dans  lequel  ils  se  lieiiiienl  (■e^seralt 
liii'inni,  SI  le^  |la^sll>lls  ne  soiileiiuieiit  l'un  îles  lias- 
SI115  de  la  h.ilance.  Ils  iiisislciil  sur  les  olijeetions , 
jaiiiiiis  sui  les  pieuves;  Imii  d'avoir  aueun  regret  de 
leur  incerliiuile  ils  se  léliiileiil  d'éire  convaincus. 
Un  malade  qui  itioiUrerail  la  inéine  lraii(|uillllé  lorsque 
les  médecins  cuiisnltent  sur  suh  état,  ne  paraîtrait 
jias  faire  grand  tas  de  la  vie.  > 


387                                  SCE  SCH                                   588 

!o  croient  sur  parole  et  sans  cxainon  ;  ils  le  (juolque  autre  passade  df  rEcritin'e;'2''  pnrce 

(•ojiieiit  ,  ils    le  répèlciil   sur  le   (on  Ip    plus  (lu'il  n'y  a  aucune  nueslioii  conlrnversce  en- 

;inircnaiif.    Vainement  on    le  réfulcra   vingt  Ire  les  différcnles  secics  sur  la()Uelle  chacune 

foi-,  ils  ne  laisseront  pas  d'y  revenir  l<;nj'iur.>i.  n'allègue    des    pas'ajjcs    de  l'Ecnlure  pour 

On  les  a  vus   se  fâcliei-  contre    des  criliques  élayer  son  opinion;  que  li'  sens  de  rKcriluro 

i|ui  ont  déuionlrc   la    fausseté   de    certains  éiaul  ainsi  l'objet  de  toutes  les  dis])ules  ,  il 

iaiis  souvent  avancés  par  les  inciéduU's  ;  ces  est  ahsurde  de  le  regarder  comme  le  moyeu 

écrivains  sinrèies  ont  élé  forcés  de  l'aire  k'ur  de  les  décider. 

apologie,    pour  avoir  ose  enfin  découvrir  la  Sans  prendre  la    peine  de  répondre  à  ces 

vérile   et   confondre  le  mensonge,   et  c'est  raisons,  les  protestants  oui   rèjdiqné   qu'en 

ainsi  que  nos  sce/jiir/ites  ont  chcrclié  de  bonne  appelant  à  l'autorité  de  l'iiglise  ,   Icscaitio- 

foi  à  s'instruire  ;   les  plus  incrédules  en  l'ail  liqucs  relombcnl  dans  !■;  même  niconvénienl; 

df  preuves  sont  loujours  les  plus  crédules  qu'il  es!  aussi  difficile  de  savoir  iiuelle  est  la 

en  fait  d'object  ous.  vér. table  Eglise,  que  de  discernor  quel  csl  le 

Vous  ne  croyez  à  la  religion,  nous  disent-  vrai  sens  do  l'Ecrilure  ;  qu'il  n'est  pas  plus 
ils,  ()uc  par  préjugé  ;  soit  pour  un  moment,  aisé  de  se  convaiuire  de  l'infaillibilité  de 
Il  u'.uis  paraîi  que  le  préjugé  de  la  relig  iou  l'Eglise  ,  que  du  vrai  ou  du  facix  de  loue 
esl  moins  blàm  .ble  que  le  préjugé  d'incré-  autre  opinion.  Les  im  rédules  n'ont  pas  m  in- 
dulite  ;  le  preuiier  vient  d'un  amour  sincère  que  de  juger  qu-  les  doux  partis  ont  raison, 
pour  la  vertu,  le  second  d'un  pem  liant  dé-  ([ue  1  un  n'a  pas  un  meilleur  fondement  de 
cidépoMi'  le  vice.  La  religion  a  été  le  pré-  sa  fji  que  l'autre.  Mais  nous  en  avons  dé- 
jugé de  tous  les  grands  hommes  (jui  ont  vécu  montré  l.i  diilerence.  1"  Nous  avons  fait  voir 
depuis  le  commencemenl  du  monde  ju(in'à  que'  lu  véritable  Eglise  se  fait  disrernerpar 
nous;  l'inciédulilé  ,  qui  n'est  qu'un  liiurli-  uncai  actère  évident  et  sensible  à  tout  hooiiue 
nage  d'esprit ,  a  éié  le  travers  d'un  petit  capable  de  réllexion  ;  savoir,  par  la  callio- 
nombre  de  raisonneurs  très-inutiles  et  sou-  licite,  caractère  qu'aucune  secte  ne  li:i  cou- 
vent très  pernicieux,  (|ui  ne  se  sont  fait  un  teste  ,  et  (jne  toutes  lui  reprochent  même 
nom  (jue  chez  les  peuples  corrompu  ;.  comme  un  opprobre.  Il  n'est  dans  la  sein  de 

Dieu,  disent  encore   les  sce/)(/(/iie«  ,  ne  pu-  l'Eglise   aucun    ignorant    qui    ne  sente  que 

nira  pas  l'ignorance  ni  k' doute  involontaires,  rouseigneinent  universel  de   cette  Eglise  est 

Nous  en  sommes  persuadés  ;   mais   la  dispo-  un  nioyen  d'instruclion  plus  à  ha  portée  ()iio 

sition  des sce/jfi'/Mcs  n'est  point  une  iguonuce  l'Ecriture  sainte,  p  lisijue  souvent  il  ne  sait 

involontaire  ni  un  douie  iuuo  ent,  il  est  ré-  pas  lire.  Voy.  Catuolique,  GtTHoLierrÉ,  tlà- 

llé  bi  et  délibéré  ,  ils  l'ont    recherché  avec  tholicis.me.  i"  Nous  avons  prouvé  que  l'in- 

tout  le  soin  possible,  et  souvent  il   ne  leur  faillibililé  de  l'Eglise   est    une  conséi|u<Mice 

en  a  pas  peu  coûté  pour  se   le  piociirer.  S'il  directe  et  immédiatr  de  la  mission  divine  des 

y  a  eu    uu  cas  drins    la  vie  où  la    prudi'nce  pasteurs,  mission  (]ui  se  démontre  par  deux 

nous  dicte  de  prendre    le   parti    le   plus  sûr  faits  publics,  |)ar  leur  succession  et  jia'-  leur 

malgré  nos  doutes,  c'est  certainement  celui-  ordination.  Les  proti'slauls  ont  supposé l'.ius- 

ci  ;  or.  le  parti  de  la  religion  esl  évidemment  seuii  ntque  cette  infaillibilité  ne  pouvaitétrc 

le  plus  sûr.  prouvée  autn  ment  que  par  l'EcritUie  sainte; 

David  Hume,  zélé  pariisan  du  scepticisme  enc  >ri:  une  fo  s,  lujus   leur   avons  denioniré 

philosopbii|ue  ,    après    avoir   étalé  tous  les  le  contraire.  î  o^.  Eulise,  §  5. 

^ophisiues  qu'il  a    pu   forger  pour   l'établir,  C  csl  par  révcnement  qu'il  faut  juger  le- 

est  forcé  d'avouer   iju'il  n'en    peut   résulter  quel  des  deux   systèmes  conduit   au    tcepli- 

aucun  liien,  qu'il  est  ri  liculc   de  vouloir  dé-  cisme  et  à  l'incréduliié.  Ce  n'est  pas    e:i  sui- 

Iruiie  la  raison  par  le  raisontienienl  ;  (jue  la  vaut  le  principe  du  catholicisme,  mais   celui 

nature  ,    plus   forte  que    l'orguril   phlloso-  de  la  prétendue  réforme  que  les  raisonneurs 

phique,  maintiendra  toujours  ses  droits  con-  sont  devenus  sociniens,  déistes,  scept  quis, 

Ire  toutes  les  spéculations  alistraites.  Disons  incr 'adules.  Da^  s    vingt  artirles   de   ce  Dic- 

hardiment  (lu'il  en  sera  ue  même   de  la  leli-  tionuaire,  nous  avons  fait  voir  que  tous  sont 

giuu  ,    puisqu'elle   est  entée  sur  la  nature;  partis  de  là,  et   n'ont    fait  que    pousser  les 

que    si    nos    mœurs    publiques   lievcuaient  cousequences  de  ce  principe  jusqu'où  elles 

meilleures  ,  tous  les   incrédules,  m-epliqucs  pouvaient  aller.  Les  incrédules  de  toutes  les 

ou  autres,  seraient  méprisés  et  délestés.  sectes  n'oni  (iresqui!   luil   autre    chose   (|U(! 

Dans  les  disputes  qui  ont  régné  entre  les  tourner  conire  le  clirisiia  lisme   en   général 

Ihéologiens   catholiques  et  les    prolestanls,  les  objections  ijue  les   protestants   ont  laites 

ils  se  sont  iccuses  mutuellement  de  favoriser  contre   le  c  itholicisme.  Ce  n'est  donc  pas  à 

le   scepticisme  en   fait  de  religion.  Les  pie-  ces   deri.iers  qu'il    convient   de  nous  repro- 

miers  ont  dit   qu'en   voulant  décider   toutes  clier  (pie  notre  système  ou    notre    méthode 

les  questions  par   l'Ecriture  sainte,  sans  un  conduisent  au  doute  universel  eu  fan  de  re- 

aulre  secours,  les  protestants  exposaient  les  ligion.  Voy.  Enuiii  r. 
simples  fidèles  à  un  doute  universel,  l'paicu 

que  le  très  gr.ind    nombre   sont  incipables  '^  SCIlELLINt,.  Sclielling  est  l'un  des gnnds  nLii- 

de  s'assurer  par  eux-mêmes    si  tel  livre    de  "'''s  >J« ,!"   I'IuU'so|.I,ib  allemand.'.   L'expos.iiui,   de 

,,.,     .,              '       ,,       ,,  .  .,      „o.,/%.,;  .....     ;,  ses  systèmes  :i|i|iarueiil  :iu  dictiMiiinuie  ue   pluloso- 

l  Ecriture  est  au  hentiquc  ,  _canoni,|ue  ,  ins-  ,,,,i,/No,is  no.ls  co:.ientc,-.n,  dune  de  parler  ici  des 

pire,  ousilne   1  esl  pas  :   s  il   est  lidelement  Uoeiriiiesde  Sclieiling  dans  lenr  nppnrl  aveclalhéo- 

traduil,  s'ils  eu  prennent  le  vrai  sens,   si  ce-  i„g,e.  Un  peni  diviser  sou  enscaiiemeni  en   deux 

lui  qu'ils  y  dotineul  n'est  pas  contredit  pur  parties  distinctes. 


38) 


se  H 


SCll 


390 


M.  (I(!  Viili'Oi;pr  les  qualifie  d'ancien  ei  de  nou- 
veau sysième.  l/;iiicien  sysiènie  dt;  Sciielling  rcit- 
reriiiaii  un  p mlliéisiue  pur,  eq^riuié  sou-,  lu  nom 
d'ABSOiu    (voij.   ce  mol),   l/nlisulii  qui    esl  suuveul 

dccoro  du  Il   de  Dieu,  U'Elre  suprèuie  à  qui   ou 

donne  une  providiiice,  esl  la  snh.s(ance  universelle 
soumise  ù  des  lois  iniciieuies  el  i  é''es»it  mies.  Si  Dieu 
esl  qiieUiue  clrnse,  il  n'e^i  que  l'àuie  du  niondi',  il 
se  développe  lalaleincni  p;ii'  ^a  naïuie  et  dins  su 
naiure;  riiuina  ilé,  l'un  doses  développemenis,  a 
révélé  sou  exislence  personnelle,  que  l'on  iloil  dis- 
luiguer  deses  iiiodilicaiiciiis.  C'est  (le  là  qu'.in  doit 
partir  pour  avoir  uii'  noiion  exacte  de  nus  niysières. 
4  Sur  ce  lonilsde  doclilnesiiiiptes,  diirédiii<iii  Lel'ort, 
d'a|irés  M  d'  Valroi;er,  Selielling  éiemlail  pru.leui- 
ment  un  voile  de  l'onnules  cliréinui  les.  Il  n'y  a  pa-i 
ilaus  noire  symbole  un  seul  oiysièiB  qu'il  ne  pié- 
lemlil éclairer  et  iradiiir<!  scienliliquemeol  :  la  lii- 
nllé,  le  péciié  oiii;iiiei,  rincaniai.on,  la  réileinplioii, 
devenaienl  des  mélapliin-s  ou  des  allégiries  paii- 
llié  sliqiie- ;•■' lous  les  faits  de  l'iilsloire  rehi;ieiise 
suliissiiieiil  les  Iranslurnialioiis  les  plus  inaleuiluns 
sous  la  ba^uriic  puissanle  de  ce  inagicieii.  Essayons 
rapidemenl  d'en  dojiiier  quelipicidée. 

<  Déchéance.  Notre  aclivilé,  suivant  ScheUhig,  ne 
peui  déiiver  de  liieu  lnnl  enlièie ;  elle  doit  avoir 
nue  r.icine  iii.léiicmKinle,  nu  moins  fit  ic  ijm  coiuer- 
ne  la  lineité  de  Itiirc  le  nittl.  Mais  d'o;i  pciil  venir  cel- 
le uiaiivaiae  muilté  dt;  riinmnie,  si  tdie  ne  virnt  pis 
de  Die.i  ?  A  ceiie  i|ue>li'iii,  voici  la  lépo  si-  du  plii- 
liisujilie  :  l.e  munde  pii  niiil  ci  ^UmiI  i  élnl  loui  eu 
Dieu;  inal>  le  monde  auuul  et  relalil,  n'esi  pa->  tel 
qu'il  él.iil,  el  s  il  ne  l'c-il  plus,  c'e5l  picri>cuient 
parce  qu'il  esl  devenu  i|ui-linie  cliose  eu  s"i  (a.  La 
réaliic  du  ui.il  apji.iiul  av<:e  le  pieiiiier  acle  de  la 
volonté  liuiiiaine,  ro^ée  iiniopinidanie  ou  diirérenie 
de  la  volonté  d.viiie,  ci  le  pieniier  acte  a  cié  l'ori- 
giuf  de  loui  le  mal  ijui  des  le  le  mnude.  Ici  ou  eii- 
Irevnit  conluséineut  deux  svsléme;-  lieu  dill'.ienls  : 
suivant  l'un,  la  cliuleorijjinelle,  sonice  <le  tout  mal, 
c'est  rimlivuliiallié,  lu  persoiiualiié;  ïiiiviiil  l'aulie, 
le  péclié  priiniur  a  elé  un  acle  de  la  voloulo  humai- 
ne uppo.-e  à  la  volonté  divine.  Le  premier  de  ces 
sysicmes  a  é.é  inspiré  p.ir  le  panlhéisme,  bien  qu'au 
liuid  il  ne  p  d>se  s'iiccorder  avec  lui.  Quant  au  se- 
cond, il  est  II. en  elaireinent  encore  en  contiadieliou 
avcc  le  priiit'ipe  île  t'idiuililé  absolue.  Comuie  les 
giiosliqiies  Cl  J.icub  Bnelimc,  dont  d  eiupriinie  snu- 
veni  II  s  i.lées  et  îiièine  le  lanj;age,  Sclielliiui  pié- 
leiid  r.ill.iclier  ^es  méories  les  plus  bigarres  aux  tex- 
tes de  nos  livres  saints  ;  mais  il  donne,  bien  enleii- 
dti,  il  (es  lexles  une  si;^ti.Ucaii  ui  dont  persunne  ne 
s'elaii  jamais  avisé. —  foursuivons  noire  expusi- 
tiuti. 

I  Réliabitilalioii.  La  chute  de  riionime  ne  bri- 
sa pas  seulemeiil  le  lien  ipti  rallacliail  ses  facultés 
à  leur  centre  ;  elle  eut  dans  le  monde  des  résultais 
iiiiineiises.  Le  mniide  lut  eu  elIVt  en  Ueliors  île  Dieu, 
de  D  eu  irimitil,  de  Dieu  le  I  ère.  Il  ai;!t  dé-ormais 
coiiiine  être  à  pari,  à  peu  piès  coiiiiiie  dans  le^  tliéii- 
ries  gno»iiiiques,  c7o-fr.a,  l'àiuedii  nmnde,  el  le>  gé- 
nies émanés  de  son  >eiii.  Mais  un  Sauveur  devait  ra- 
iinncr  au  péie  ce  i|ui  était  éiiiané  du  père  ;  second 
Adam,  il  assemiila  les  puissances  diSSetninées,  il 
rendit  il  leur  primitive  hariiioiiie   la  conscience  du 


(fl)  M.  Maltcr  ajOHie  qne,  suivant  Solielling,  l'absolu  a 
cmi  luil  le  ir.oniJe  de  telle  sorte  qu'il  rieciiU  i/iiei/ui'  cliose 
pur  nui;  luns  alors ee^l  doue  l'alisulu  qui  est  cuii|iable  nu 
pèche  O;  ij;niel.  l'uir  Maitur,  p.  ô2,  .îo.  ScUelling  a-ail  dit 
ilaus  boii  llnmo  :  t  s>'il  arrive  i(ue  tes  très  que  nuus  imiii- 
II. Uns  ludivMiieU  |i.irviciiQeiiL  a  nue  cmiseieiau  iiidivi- 
il..rile,  l'esl  loiMpi  ils  se  si'iiarenl  de  Uieu  ,  ei  qu'ils  vi- 
venl  ainsi  dans  le  péilK'.  M  ns  la  vertu  lonsi-ie  à  faire 
abuégaiiou  de  soi  ii.diudu.dilé,  el  h  retuiiruer  ainsi  à 
Dieu,  source  éternelle  des  iiidividualiies.  »  Bjwi;,  p.  otJ 


k6S. 


mninlc,  cl  la  .sienne,  celle  de  l'idenlilé  ;  il  redevint 
lit  t'ih  lie  Iheu,  se  soumit  au  l'ère,  ei  réialdii  ainsi 
dans  l'uiiilé  p  imilive  el  d  vin  •  inUl  ce  <|ui  •  st.  (l'est 
ainsi  (|ue  l'inliiii,  D  en,  est  rentre  d  uis  le  liiii,  le 
inoiidi!.  Aussi  Dieu,  devenu  li.nii ne,  le  (.iirisl.  ;i  été 
l'CceSsaireinent  la  lin  lies  (lienv  du  piigiiiiisiiie.  >  Mat- 

1er,  p.  oi,  I  L'imite  réiablie,  l'i mi:  m-  peiii  néan- 

inoill^  se  sauver  que  nar  l.i  niiri  de  I  é^ni-me,  el  en 
paiiii'ipant  au  sacrilice  du  Cliiint.  Ui,  ii  I  ml  la  puis- 
sance divine,  le  Saint  Esprit,  pour  laie  cesser  la 
(livisinii  de  la  vuloiilé  et  de  la  pensée  liunialne.  i 
Ibid. 

<  llhlohe  de  la  Religion.  — Telle  esl  eu  sulis  aiiee 
la  tliénrie  de  la  cliiiie  et  de  la  relialiilii  .liiii  ima;;!- 
iiée  par  Svliellnig.  11.  Bdlanclie,  M.  Co  ism,  (!i  ur- 
loul  i\L  Leinux  ont  iuiilé  ce  nouveau  guosticisme 
d'une  façon  jilus  ou  muins  timide,  plu-  ■■u  m  dus 
liéléioduxc.  Mais  les  vues  du  pliilosnplie  allemand 
sur  le  pagatiisme  oui  exercé  parmi  nous  une  inllnen- 
ce  licaucniip  plus  i  refonde.  Lniiguement  développée 
dans  la  cuiupilaiioii  d -.  M  \L  Creus-r  el  Gn'giiiaiit, 
elles  apparaissent  soiiveni  dans  M.M.  Cousin,  E. 
Qiiiiiet,  Leroux,  el  une  niuliitude  d'autres  éciivains 
inuiiis  inipoi  lanls.  iSou^  allons  donc  les  résumer. 
Dans  l'intervalle  entre,  la  cliiiie  et  la  réliabilitation, 
«  les  laeultés  de  l'Iiomnie  agissaient  insliiicliveuient 
dans  le  Siuis  des  puissances  de  la  nature,  et  lisaient 
pour  ainsi  dire  daus  leurs  secrets.  »  ("est  lii  ce  qui 
explique  la  divination  et  le  propliélisine,  les  oracles 
el  les  myllioliigies.  Maller,   ibid. 

«  Toute  la  substance  delà  religion  cliréiientieélait 
cacliee  dans  le  syuibobsine  des  niysières  païens;  elle 
se  l'aisaii  grailneilemenl  m  vertu  de  la  loi  du  progrès, 
et.  dans  les  derniers  siècles  qui  uni  précédé  notre 
ère,  elle  elail  il  peine  enveloppée  de  quelques  voiles 
Iranspiients.  AiiiM  ce  n'est  pas  seulemenl  chez  les 
Jiiils  et  les  patriarches  que  l'on  doit  clierclier  Im 
or  gnes  de  nos  croyances.  Chaque  peuple  de  l'an- 
tiquité a  cuiilrilmé  pour  sa  part  à  la  lormaiiuii  de 
nulle  symbole  el  le  iintre  culte.  Toutes  les  religiniis 
païennes  étaient  coiiiine  les  divers  chapitres  d'une 
vasle  et  nécessaire  inirodin  linii  au  chrisiianis  ne. 
Diip  is  esl  l'un  des  li mes  >pii  ont  le  mieux  enten- 
du l'iiistoire  des  religions,  i 

.M.  Selielling  avait  fait  sa  théorie  a  priori  sans  te- 
nir ancnu  conplH  des  f.iils  anlérieiirs.  Lorsqu'il  eut 
éliidié  les  fails.  comparé  ses  théories  aiix  données 
que  nous  loiirnlsseni  la  croyance  el  les  iradiiinus 
de  tiins  les  peuples,  il  déclara  que,  jugeant  de-i  clio- 
Si  s  cxiérieiires  el  i  éi-lles,  on  n'empiny.iil  (pj'iin  moyeu 
de  eonniîlre  la  vérité;  que,  négligeant  les  autres,  on 
en  avait  une  idée  lorl  ineoiiiplèie.  i  Nous  sentons, 
en  coiiiemplant  les  ch 'ses  de  ce  inonde ,  ipi'edes 
ponniieiil  ne  pas  être,  qu'elles  pnuriaient  eue  aii- 
liement,  (|u'el!es  sont  aceldeiilelles.  L'hiimaniié  té- 
iiioigne  en  noire  faveur  :  le  Dieu  qu'elle  adore  est 
nu  Dieu  per»oniiel  el  lihre.  Nous  avons  encore,  pour 
préférer  la  méthode  historique,  lous  les  iiisiiiicis 
qui  proies  eut  eu  nous  eonire  le  pantiiéisine.  Nous 
avons  les  sonver.iines  cerliiiides  de  1 1  morale  qui 
suppose  la  liberté  de  i'Iiomiiie  et  la  persounalié  de 
Dieu.  > 

Cette  idée  était  vraie  et  féconde  ;  on  espéra  enfin 
que  le  iliilnsophe  embrasserait  loule  la  vérité  ehré- 
lienne.  Les  prniestants  le  jugèrent  catholique  déci- 
dé ;  il  lui  sulfi^ait  eu  ellét  de  suivre  la  roule  dans 
la.|uelle  il  venait  d'entrer  pour  le  devenir.  Il  lenlu 
de  donner  une  apologie  transcendante  du  <  lni.sii  i. 
nisiiie;  il  oublia  le  princip-  du  véiilé  qu'il  avait  le- 
connn  el  donna  à  riiiia;tiiiatinn  el  il  re?prit  de  sys- 
tème beaucoup  plus  qu'il  ne  fallait. 

f  L'an.ilyse,  dit  l'édiiion  Lcfori,  d'après  M.  de  Val- 
roger,  s'avoue  impuissante  à  donner  une  idée  un 
peu  coiiiplèie  des  ^péenlatious  inaccessibles  dois 
Il  sqiietles  s'enfonce  l'audacieux  penseur.  Eu  voici 
seulement  les  principales  conclusions  :  11  y  a   trois 


391 


SCIl 


SCH 


392 


principes  on  facteiirà  de  I  exislence  (a).  D'ahord  un 
principe  de  l'exis  ence  alisolue,  iiidélei minée,  en 
queli|Ui-  sone  :ivf'ngle  el  chaotique,  puis  une  éner- 
ge  rivale  qui  lui  résisie  el  la  resireinl.  La  lnlle  de 
ces  deux  puissances  et  le  irininphe  progressii  de  la 
seconde  oui  produit  la  variéié  des  êtres  et  le  déve- 
loppement toujours  plus  parlait  de  la  création.  Ce 
du.ilisnie  est  dominé  pai'  un  troisième  principe,  qui 
appafHÎi  dans  le  monde  avec  riioinrne,  lorsque  l'exis- 
len(tii  aveugle  a  éié  vaincue.  L'Iioniuie,  IVsprit,  pos- 
sède tous  les  principes  de  rexistence  ;  mais  la  nia- 
lière  aveugle  e>t  enliérenn'nt  transligurée  en  lui. 
T(nit  en  lui  e»t  lumière  el  harmonie,  il  est  l'image 
lidéle  de  Dieu.  A  l'exemple  de  Dieu,  il  est  libre 
atiNSi,  il  est  maîire  de  rester  uni  à  Dieu,  ou  de  s'en 
détacher,  de  demeurer  ou  non  dans   l'harmonie. 

<  Chiile  primitive.  —  «  L'expérience  seule  rîous 
apprend  ce  qui  s'esi  p;issé.  L'étal  de  l'homme  atleste 
la  chute.  li)ncore  ici  le  décrei  est  libre,  mais  il  se 
réalise  d'après  des  lois  nécessaires.  L'homme  tomba 
en  s'asservissaiil  au  principe  de  la  matière.  Un  con- 
flit pareil  à  celui  qui  produisit  la  matière  dui  alors 
se  remiuveler.  Seulement  celle  guerre,  au  lieu  de 
remplir  de  son  trouble  les  espaces  de  l'univers,  n'a- 
gita plus  ((ue  les  profondeurs  de  la  conscience  hu- 
maine. Pendant  de  longs  siècles  rhonime  lui,  pour 
ainsi  dire,  dépossédé  de  lui-même  ;  il  n'élait  plus 
l'hôte  de  la  raison  divine,  mais  celui  des  puissances 
Tiluiiiques,  désordonnées,  qui  renonvehiient  en  lui 
leurs  anciennes  discordes.  >  — Alors  il  dut  lui  ap- 
paiailre  des  dieux  étranges  que  nous  ne  pouvons 
plus  concevoir;  el  il  ne  pouvait  s'affruicbir  de  celle 
lumultuetiÂe  vision,  La  Unie  ipii  avait  une  première 
fois  produit  le  monde,  produisit  les  mythologies.  La 
marche  de  celle  Intie  fut  la  mène  qii'auirei'ois,  et  le 
principe  de  la  matière  lut  à  la  lin  entièrement  domp- 
te. Api  es  ces  vastes  préliminaires,  le  christianisme 
parut,  créa  l'Iiomnie,  pour  ainsi  dire  une  seconde 
lois,  el  le  rendii  à  lui-même  el  an  vrai  Dieu. 

I  Du  pugaiiisuie.  —  Ainsi,  suivant  Schelling,  les 
mylliulogies  étaient  pour  l'hoinme  déehn  une  iiéces- 
siié.  iNotre  nature  étail  alors  dans  un  état  très-diffé- 
rent de  Son  état  actuel  ;  il  ne  faut  donc  puinl  con- 
damner le  paganisme  ;  il  était  une  conséquence  fa- 
tale de  la  chute,  el  en  inènic  temps  une  réiiabililation 
progiessive.  Les  cultes  idolàtiiques  rormeiil  une 
tcrie  ascendante  d'iiiiiiations  de  plus  en  plus  luiui- 
iieu-es  el  pures 

•  Ue  la  révélation.  —  Ici  Si  helling  arrive  à  sa 
thé  ne  de  la  révélation,  application  assez  bizarre 
et  presque  inintelligible  des  hypotnèses  ontologi- 
ques qui  servenl  de  point  de  dépari  à  tout  le  systè- 
me. En  voici  le  résumé.  —  La  suite  natuiello  de  la 
cliule  était  la  ruine  de  riiQinine.  Mais  la  volonté  di- 
vine intervint  pour  nous  sauver,  et  réduisit  de  nou- 
veau le  principe  de  la  matière  La  force  rivale,  qui 
avait  déjà  Iriumplié  de  ce  principe  dans  la  création, 
pouvait  seu  e  la  soumettre  de  nouveau.  Celle  force, 
qui  est  le  Démiurge,  apparut  donc  soumise  à  Dieu, 
el  en  nièn)e  temps  unie  à  une  race  coupable;  elle 
devint  le  Verbe  niéiliaieur.  Dans  sa  luiie  contre  la 
matière  aveugle,  celte  puissance  divine  avait  pro- 
duit d'abord  les  mytlwlûgies  ;  mais  c'était  pour  elle 
un  chemin  et  non  le  but.  Les  dieux  des  inyihulogies 
n'existaieni  que  dans  rimaginalion  de  rhonime.  Le 
Verbe  du  ciiristianisiiie,  au  coniraire,  apparut  dans 
une  chair  réelle,  et  se  mêla  aux  hommes,  comme 
une  personnalilédistincle.  Le  christianisme  n'est  point 
la  plus  parfaite  des  mythologies  ;  il  les  abolit,  au 
contraire,  en  réunissant  l'homme  à  Dieu,  en  le  fai- 
sant, comme  aiiirelois,  souverain,  non  plus  esclave 
de  la  naluie.  H  parait  que  Schelling  admet  l'incar- 
nation, la  résurrection,  rascension  ;  seulement  il  les 

(a)  Nous  soupçonnons  que  Schelling  ne  préleiiJ  pas 
trouver  ces  trois  principes  seulement  dans  le  mouJe,  nuis 
aussi  dans  l'essence  divine.  Cela  fait  une  singulière  tri- 
Hité. 


explique  à  la  façon  des  gnosiiques.  L'I'^vanjîile  est  à 
ses  yeux  une  histoire  r  elle.  La  religion,  dit-il,  ne 
sera  point  dépossédée  par  la  pliilosoi-liie  ;  mais  le 
dogme,  au  lieu  d'être  imposé  par  une  autorité  exté- 
rieure, sera  libreiU'iit  compris  et  accepté  par  l'iniel- 
ligence.  De  ii"uveaux  temps  s'annoncent.  Le  eatbo- 
licisine  relevait  de  saint  Pierre  ;  la  réforme,  de  saint 
Paul  ;  l'avenir  relèvera  du  disciple  préféré,  de  saint 
Jean,  l'apotre  de  l'amour  ;  nous  verrons  enfin  l'Iinm- 
me  affranchi  de  toutes  les  servimdes,  el,  d'un  bout 
de  la  terre  à  l'autre,  les  peuples  prosleniés  dans  une 
même  adoration,  unis  par  une  nièine  chanié. 

<  Schelling  parait  considérer  ces  rêveries  comme 
une  apologie  l:anscendaiiie  du  christianisme.  Mais 
assiirémenl,  si  celte  religion  ne  poiiv^'il  ê  re  sauvée 
que  par  de  semblables  transformalions,  il  y  aurait 
fort  h  craindre  pour  son  avenir;  Ciir  Schelling  ne 
formera  pas  même  une  secte  aussi  nombreuse  que 
celle  de  Valentin  ou  de  Swedenborg.  Comment  en 
cllet  le  vent  du  doute,  qui  ébranle  tout  en  Allema- 
gne, n'emporlerall-il  pas  ce  fragile  édifice  d'ab- 
sir.iclions  lantasiiqiies?  Tout  cela  ne  pose  sur  rien, 
ni  sur  la  raison,  ni  sur  la  révélaiion.  Si  le  christia- 
nisme, ce  lirmament  du  inonile  moral,  menaçait  ja- 
mais de  s'écrouler,  ce  n'est  pas  avec  de  p.ireils  écha- 
faudages d'hypothèses  arbitraires  qu'(ni  poiirraii  le 
soutenir,  et  ein|)ècher  sa  ruine!  Si  Sehelling  re- 
nonce au  panthéisme,  il  s'efFoiee  encore  de  main- 
tenir quelques-unes  des  erreuis  qui  en  étaient  la  con- 
séquence dans  ses  anciennes  ihéiries. 

«  Fatalisme.  —  L'idée  de  la  liberté  est  le  point 
capital  qui  dislingue  les  nouvelles  opinions  de 
Schelling  de  ses  opinions  ancienins.  Mais  ne  seni- 
blc-t  elle  pas  oubliée  et  même  détruite  dans  les  dé- 
tails, el  ne  peut-on  pas  encore  trouver  à  côté  d'elle 
leUUalisine?  L'Iiomnie,  en  effet,  est  après  sa  chute 
soumis  au  mouvement  mythologique,  el  ne  peut  pas 
s'y  soustraire  ;  il  n'est  plus  libre.  Le  redevient-il 
avec  le  christianisme?  Nullement.  L'esiril  humain 
se  développe  dès  lors  dans  la  philosophie,  comme 
autrefois  dans  la  mythologie,  sous  l'empire  d'une  loi 
inflexible.  Les  systèmes  se  succèdent  pour  une  rai- 
son nécessaire,  el  eliaeun  apporte  avec  lui  une  mo- 
rale différente.  Le  bien  el  le  mal  varient  sans  cesse  ; 
ou  mieux,  il  n'y  a  ni  bien,  ni  mal  ;  tout  a  raison  d'èlre 
en  son  temps.  Plus  de  règle  éternelle  du  jii-le,  et 
par  con-é  luent  plus  de  conscience,  plus  de  lespon- 
sabilité.  La  liberté  n'a  donc  pu  se  trouver  que  dans 
l'acte  de  la  ciinie....  Le  fatilisine  pèse  sur  tout  le 
reste  de  l'histoire  ;  el  sommrs-nous  bien  loin  avec 
lui  des  conséquences  morales  du   paniliéisme? 

<  Le  christianisme,  d'après  Schelling.  se  distingue 
des  mythologies,  mais  il  ne  les  coniredit  pis;  sans 
elles.  Il  ii'aiirail.pu  s'accomplir.  Elles  ont  été  com- 
me lui  inspirées  par  le  Démiurge,  ou  le  Verbe  ré- 
dempteur ;  elles  le  préiareiit,  elles  en  sont,  pour 
ainsi  dire,  les  propylées.  Evidemment  ce  n'est  pas 
là  ce  que  pense  le  clirislianisnie  ;  l'idolâtrie  et  le  pé- 
ché sont  pour  lui  même  chose;  il  n'excuse  d'aucu- 
ne manière  la  niy.h  logie.  —  Schelling  n'est  pas 
plus  onhodoxe  dans  ses  vues  sur  le  judaisine.  A  vrai 
dire,  on  ne  sait  guère  à  quoi  demeuie  bon  un  peu- 
ple élu,  une  fois  que  les  mythologies  annoncent  el 
piéparenl  le  christianisme.  Schelling  se  montre  fort 
embarrassé  de  ce  qu'il  en  doit  faire. 

<  Conclusion. — Ce  n'est  là  qu'une  philosophie  apo- 
cryphe du  clirislianisnie  :  elle  ne  peut  salisf.iire  ni 
les  philosophes  rationalistes,  ni  le^  Ihéologieiis  or- 
thodoxes. Aussi  Schelling  ne  fait  pas  école'à  Berlin. 
Le  roi  lui  témoigne  loujours  une  haute  laveur;  mais 
son  succès  ne  va  pas  plus  loin.  » 

SCHISMATIQUIÎ  ,  SCHISME.  Ce  dernier 
lerme,  qui  est  grec  d'origine  ,  signiCe  divi- 
sion ,  séparation  ,  rupture,  el  l'ou  appelle 
ainsi  le  crime  de  ceux  qui,  étaut  membres 
de  l'Eglise  calholique  ,   s'en  séparent  pour 


595 


SCIl 


faire  bando  à  part,  sous  prétexte  qu'elle  est 
dans  l'erreur,  qu'elle  autorise  des  désordres 
et  des  abus,  etc.  Ces  rebelles  ainsi  séparés 
soiil  (les  srh.ismutiques  ;  leur  parti  n'est  plus 
l'Ejîlise,  mais  une  secte  particulière.  Il  y  a 
eu  de  tout  temps  dans  le  christianisme  des 
esprits  légers  ,  orgueilleux  ,  ambitieux  de 
dominer  et  de  devenir  chefs  de  parti,  qui  se 
sont  crus  plus  éclairés  que  l'Eglise  entière, 
qui  lui  ont  reproché  des  erreurs  et  des  abus, 
qui  ont  séduit  une  partie  de  ses  enfants  ,  et 
qui  ont  formé  entre  eux  une  société  nou- 
velle ;  les  apôtres  mêmes  ont  vu  naître  ce 
désordre,  ils  l'ont  condamné  et  l'ont  déploré. 
Les  schismes  principaux  dont  parle  l'histoire 
ecclésiastique,  sont  celui  des  novatiens,  celui 
des  donatistes  ,  celui  des  lucil'ériens  ,  celui 
des  Grecs  qui  dure  encore,  enfin  celui  des 
pnitestanls  ;  nous  avons  parlé  de  chacun 
sous  son  nom  parlicuii°r.  Il  nous  reste  à 
donner  une  notion  du  grand  scliisme  d'Occi- 
dent,  mais  il  convient  d'examiner  aupara- 
vant si  le  schisme  en  lui-même  est  toujours 
un  crime,  ou  s'il  y  a  quelque  motif  capable 
de  le  rendre  légitime.  Nous  soutenons  qu'il 
n'y  en  a  aucun,  et  qu'il  ne  peut  y  en  avoir 
jamais  ;  qu'ainsi  tous  les  sr/iismaliqnes  sont 
hors  de  la  voie  du  salut.  Tel  a  toujours  été 
le  sentiment  de  l'Eglise  catholique  ;  voici 
les  preuves  qu'elle  en  donne. 

1°  L'intention  de  Jésus-Christ  a  été  d'éta- 
blir l'union  entre  les  membres  de  son  Eglise; 
il  dit  ,  Jnnn.,  c.  x  ,  v.  15  :  Je  donne  ma  vie 
pour  mes  brebis;  j'en  ni  d'aulres  qui  ne  sont 
pas  encore  dans  te  bercail  :  il  faut  que  je  les 
y  amène,  rt  j'en  ferai  un  seul  troupemi  sous 
un  même  pasteur.  Donc  ceux  qui  sortent  du 
bercail  pour  former  un  troupeau  à  part  vont 
directement  contrel'iniention  de  Jésus-Christ. 
Il  est  évident  que  ce  divin  Sauveur,  sous  le 
nom  do  brebis  qui  n'étaient  pas  encore  dans 
le  bercail,  entendait  les  gentils  :  malgrél'op- 
position  qu'il  y  avait  entre  les  deux  opinions, 
leurs  mœurs,  leurs  habitudes  et  celles  des 
Juifs,  il  voulait  en  former,  non  deux  trou- 
peaux dilïérents,  mais  un  seul.  Aussi,  lors- 
que les  Juifs  convertis  à  la  loi  refusèrent  de 
fraterniser  avec  les  gentils  ,  à  moins  que 
ceux-ci  n'embrassassent  les  lois  et  les  mœurs 
juives,  ils  furent  censurés  et  condamnés  par 
les  apôtres.  Saint  Paul  nous  fait  remarquer 
qu'un  lies  grands  motifs  de  la  venue  de  Jésus- 
Christ  sur  la  terre  a  été  de  détruire  le  mur 
de  séparation  qui  était  entre  la  nation  juive 
et  les  autres,  de  faire  cesser  par  son  sacri- 
fice l'inimitié  déclarée  qui  les  divisait  ,  et 
d  établir  entre  elles  une  paix  éternelle, 
Ephes.,  c.  II,  V.  14,  De  quoi  aurait  servi  ce 
traité  de  paix  ,  s'il  devait  être  permis  à  de 
nouveaux  docteurs  de  former  de  nouvelles 
divisions,  et  d'exciter  bientôt  entre  les  mem- 
bres de  l'Eglise  des  haines  aussi  déclarées 
que  celle  qui  avait  régné  entre  les  juifs  et 
les  gentils? 

2°  Saint  Paul,  conformément  aux  leçons  de 
Jésus-Christ,  représente  l'Eglise,  non-seule- 
uient  comme  un  seul  troupeau,  mais  comme 
Une  seule  famille  et  un  seul  corps,  dont  tous 

DlCT.  I>t  ThÉOL.   UOliMATIQLE.    IV, 


SCIl  39» 

les  membres  unis  aussi  étroitement  entre  eux 
que  ceux  du  corps  humain,  doivent  concou- 
rir mutuellement  à  leur  bien  spirituel  et 
temporel;  il  leur  recommande  d'être  atten- 
tifs à  conserver  par  leur  humilité,  leur  dou- 
ceur, leur  patience,  leur  charité,  Vunilé  d'es- 
prit dans  le  lien  de  la  pnix,  Ephes.,  c.  iv,  v.2  ; 
à  ne  point  se  laisser  entraîner  comme  des 
enfants  à  tout  vent  de  doctrine,  par  la  ma- 
lice des  hommes  habiles  à  insinuer  l'erreur  , 
ibid.,  V.  14.  De  même  qu'il  n'y  a  qu'un  Dieu. 
il  veut  qu'il  n'y  ait  qu'une  seule  foi  et  un 
seul  baptême  .'C'est,  (lit-il,  pour  établir  celte 
unité  de  foi  que  Dieu  a  donné  des  apôtres  et 
des  évangélistes,des  pasteurs  et  drs  docteurs, 
V.  4  et  11.  C'est  donc  s'élever  contre  l'ordre 
de  Dieu  que  de  fermer  l'oreille  aux  lei;ous  des 
pasteurs  et  des  docteurs  qu'il  a  établis,  pour 
en  écouter  de  nouveaux  qui  s'ingèrent  d'eux- 
mêmes  à  enseigner  leur  [iropre  docirine.  Il 
recommande  aux  C  irinthiens  de  ne  poin' 
fomenler  entre  eux  de  schismes  ni  de  dispu- 
tes au  sujet  de  leurs  apôtres  ou  de  leurs 
docteurs;  il  les  reprend  de  ce  que  les  uns 
disent  :  Je  suis  à  Paul  ;  les  autres  :  Je  suis  du 
parti  d'Apollo  ou  de  Céphas  ;  I  Cor.,  c.  i, 
V.  10,  It,  1-2.  Il  blâme  toute  espèce  de  divi- 
sions. 5t  c/ue/'/u'Mrt  ,  dit-il  ,  semble  aimrr  la 
dispute,  ce  n'tst  point  notre  coutume  ni  celle 
de  l'Eglise  de  Z>ei<...,-  â  la  vérité  il  faut  qu'il 
y  ail  des  hérésies,  afin  quel'on  connaisse  parmi 
vous  ceuxqui  sont  â  l'épreuve;  c.  xi,  v.  16. 
On  sait  que  l'Iiéresie  est  le  choix  d'une  doc- 
trine particulière.  Il  met  la  dispute  ,  les  dis- 
sensions, les  sectes,  les  inimitiés,  les  jalou- 
sies au  nombre  des  oeuvres  de  la  chair ,  Ga- 
lat.,  c.  v,  V.  19.  —  Saint  Pierre  avertit  les  fi- 
dèles qu'il  y  aura  parmi  eux  de  faux  proplièles, 
des  docteurs  du  mensonge,  qui  introduiront 
des  sectes  pernicieuses ,  qui  auront  l'audace 
de  mépriser  l'autorité  légitime,  qui,  pour  leur 
propre  intérêt ,  se  feront  un  parti  par  leurs 
blasphèmes...,  qui  entraîneront  les  esprits  in- 
constants et  légers...  en  leur  promettant  lu  U- 
herlé,  pendant  (/u'eux-mémes  sont  les  esclaves 
delà  corruption.  {Il  Pétri,  ii,l,  iO,  i't,  10.) 
Il  ne  pouvait  pas  mieux  peindre  les  schisma- 
liques,  qui  veulent,  disent-ils,  réformer  l'E- 
glise. —  Saint  Jean  parlant  d'eux  les  nomme 
des  antechrisls.  Ils  sont  sortis  d'entre  nous  , 
dit-il,  mais  ils  n'étaient  pas  des  nôtres;  s'ils 
en  avaient  été ,  ils  seraient  demeurés  avec 
nous  (1  Joan.,  Il,  18).  Saint  Paul  en  a  fait  un 
tableau  non  moins  odieux,  II  Tim.,  cm 
et  IV. 

3°  Nous  ne  devons  donc  pas  être  étonnés 
de  ce  que  les  Pères  de  l'Eglis',  tous  remplis 
des  leçons  et  de  la  doctrine  des  apôtres  ,  se 
sont  élevés  contre  tous  les  schismatique'!,  et 
ont  condamné  leur  témérité  ;  saint  Irénée  en 
attaquant  tous  ceux  de  son  temps  qui  avaient 
formé  des  sectes,  Tertullien  dans  ses  Pres- 
criptions contre  les  hérétiques,  saint  Cyprien 
contre  les  novatiens  ,  saint  Augustin  contre 
les  donatistes,  saint  Jérôme  contre  les  luci- 
fériens  ,  etc.,  ont  tous  posé  pour  principe 
qu'il  ne  peut  point  y  avoir  de  cause  légitime 
de  rompre  l'unité  de  l'Eglise  :  Prœscinjendœ 
unitatis  nulla  votesl  essejusta  nécessitas;  tous 

13 


595 


SCH 


SCH 


596 


onl  soutenn  que  hors  del'Egiise  il  n  y  a  point 
de  salut  (I). 
k'  Pour  peindre  la  grièvelé  du  crime  des 

(1)  Nous  avons  besoin  de  fortifier  celte  preuve 
d'autorités  imposantes.  Saint  Clément,  évêqiie  de 
Rome,  dans  sa  première  letlre  aux  Corinthiens,  leur 
témoigne  qu'il  gémit  sur  la  division  impie  et  délcsia- 
ble  (ce  sont  ses  mots)  qui  vient  d'éclater  parmi  eux. 
Il  les  rappelle  à  leur  ancienne  piélé,  au  temps  où, 
pleins  (riimiiililé,  de  soumission,  ils  étaient  aussi  in- 
capables  de  faire  une  injure  que  de  la  ressentir, 
f  Alors,  ajonie-t-il,  toute  espèce  de  schisme  était 
une  abomination  à  vos  yeux.  >  Il  termine  en  leur  di- 
sant qu'il  se  presse  de  faire  repartir  Fortunaïus, 
t  auquel,  dit-il,  no\is  joignons  quatre  députés.  Ren- 
voyez-les-nous au  plus  vile  dans  la  paix,  afin  que 
nous  puissions  bientôt  apprendre  que  l'union  et  la 
concorde  sont  reveunes  parmi  vous,  ainsi  (pie  nous 
ne  cessons  de  le  demander  par  nos  voeux  et  nos 
prières,  et  afin  qu'il  nous  soit  donné  de  nous  réjnuir 
du  rétablissement  du  bon  ordre  parmi  nos  frères  de 
Coriuihe.  »  Qu'aurait  dit  ce  pontife  apostolique  des 
grandes  défections  de  l'Orient,  de  l'Allemagne,  de 
l'Angleterre,  lui  qui,  au  premier  bruit  d'une  contes- 
tation survenue  dans  une  petite  pai'tie  du  troupeau, 
dans  une  seule  ville,  prend  aussitôt  l'alarme,  traite 
ce  mouvement  de  division  impie,  détestable;  tout 
schisme,  d'abomination,  et  emploie  l'autorité  (le  son 
siège  et  ses  instances  paternelles  pour  ramener  les 
Corinthiens  à  la  paix  et  à  la  concorde. — Saint  Ignnce, 
discii>le  de  saint  Pierre  et  de  saint  Jean,  parle  dans 
le  même  sens.  Dans  son  éi  itre  aux  Smyrniens,  il 
leur  dit  :  n  "Evitez  les  schismes  et  les  désordres. 
Source  de  tous  les  ninux.  Suivez  votre  évêque  comme 
Jésus-Christ,  son  Père,  et  le  collège  des  prêtres 
«onime  les  apôtres.  Que  personne  n'ose  rien  entre- 
prendre dans  l'Kglisc,  sans  l'évêque.  t  Dans  sa  lettre 
àPolycari'C,  t  Veillez,  dit-il,  avec  le  plus  grand 
soin,  à  l'unité,  à  la  concorde,  qui  sont  îles  premiers 
de  tous  les  biens.  >  Donc  les  premiers  de  tous  les 
maux  sont  le  schisme  et  la  division.  Puis  dans  la 
même  lettre,  s'adre-.sant  aux  fidèles  :  «  Ecouter  votre 
évéque,  afin  que  Dien  vous  écoute  aussi.  Avec  cruelle 
joie  ne  doimerais-je  pas  ma  vie  pour  ceux  qui  sont 
soumis  à  l'évêque,  aux  prônes,  aux  diacres!  Puissé- 
je  un  jour  être  réuni  à  eux  dans  le  .Seigneur  !  »  Et 
dans  son  épilre  à  ceux  de  Philadelphie  :  «  Ce  n'est 
pas,  dit-il,  que  j'ioe  trouvé  de  schisme  parmi  vous, 
mais  je  veux  vous  prémunir  comme  des  enfants  de 
Dieu.  >  Il  n'attend  pas  qu'il  ail  éclaté  de  schisme; 
il  en  prévient  la  naissance,  pour  eu  étoullér  jusqu'au 
germe,  j  Tous  ceux  qui  sont  au  Christ,  tiennent  au 
parti  de  leur  évêque,  mais  ceux  iiui  s'en  séparent 
p(Mir  embrasser  la  communion  de  gens  inaudiis,  se- 
ront retra^ichés  et  condamnés  avec  eux.  t  Et  aux 
Ephésiens  :  t  Quiconque,  dit-il,  se  sépare  de  l'évê- 
que et  ne  s'accorde  point  avec  les  preuilers-iiés  de 
l'Eglise,  est  un  loup  sous  la  peau  de  brebis.  ElTor- 
cez-vous,  mes  bien-aimés,  de  rester  attachés  à  l'é- 
vêque, aux  prêir.'S  et  aux  diacres.  Qui  leur  obéit, 
obéit  au  Christ,  par  lequel  ils  ont  été  établis  ;  qui  se 
révolte  ccinire  ei;x,  se  révolte  contre  Jésus.  >  Qu'au- 
rait-il donc  dit  de  ceux  qui  se  sont  révoltés  depuis 
contre  le  jiigemenl  des  conciles  œcuméniques,  et 
qui,  au  mépris  de  tous  les  évèques  du  inonde  entier, 
se  sont  attai  hés  à  quelques  moines  nu  prêtres  lé- 
fraclaires,  ou  à  un  assemblage  de  laïques  ?  —  Saint 
Polytarpe,  disciple  de  samt  Jean,  dans  sa  lettre  auK 
1*11111  (ipiens,  léiiioigiie  lnule  Sdii  boiieur  contre  ceux 
^iii  enseJgneni  des  opinions  liét'éiii|ues.  Or  l'Iiérésie 
attaipie  à  la  lois  et  l'unité  de  doctrine,  qu'elle  cor- 
toinpi  par  ses  erreurs,  et  l'unité  de  gouvernement 
auquel  elle  se  soustrait  par  opiniâtreté,  i  Suivez 
l'exemple  de  notre  Sauveur,  ajoute  Polycarpe;  res- 
tez fermes  dans  la  foi,  immuables  d:ins  l'unaniinilé, 
vous  aiinat>t  les  uns  les  autres.  >  A  l'âge  de  quatre- 


schi!:)natiques  ,  nous  ne  ferons  que  copier 
ce  que  Bayle  en  a  dit,  Suppl.  du  Comment. 
philos. ,Vcé(.,OEuv.,  lova.  11,  pag.  480, col.  2. 

vingts  ans  et  plus,  on  le  vit  partir  pour  aller  à  Rome 
conférer  avec  le  pape  Anicet  sur  des  articles  de 
pure  discipline  :  il  s'agissait  surtout  de  la  célébra- 
tion de  la  Pâque,  que  les  asiatiques  soleiinisaient, 
ainsi  que  les  Juifs,  le  quatnr/.ièuie  jour  de  la  lune 
équinoxiale,  et  les  Occiilentaux,  le  dimanche  qui 
suivait  le  quatorzième.  Sa  négociation  eut  le  succès 
désiré.  On  convint  (pie  les  Eglises  d'Orient  et  d'Oc- 
cident suivraient  leurs  coutumes  sans  rompre  les 
liens  de  communion  et  de  charité.  Ce  lut  durant 
son  séjour  à  Rome ,  qu'ayant  renc(mlré  Marcion 
dans  la  rue,  et  voulant  l'éviter  :  «  Ne  me  reconnais-tu 
pas,  Polycarpe,  lui  dit  cet  hérétique?  —  Oui,  sans 
doute,  pour  le  fils  aîné  de  Satan.  »  Il  ne  pouvait 
contenir  sa  sainte  indignation  contre  ceux  i|ui,  par 
leurs  opinions  erronées,  s'attachaient  à  pervertir  et 
diviser  les  chrétiens.  —  Saint  Justin,  qui  de  la  phi- 
losophie plalonicieniie  passa  au  christianisme,  le 
délendit  par  ses  apologies,  et  le  scella  de  son  sang, 
nous  apprend  que  rE.(lise  est  renfermée  dans  une 
seule  et  unique  communion,  dont  les  hérétiques 
sont  exclus.  «  11  y  a  en.  dit-il,  et  il  y  a  encore  des 
gens  (fui,  se  couvrant  Ou  nom  (le  ebrétiens,  ont  en- 
seigné au  monde  des  dogmes  contraires  à  Dieu,  des 
impiétés,  des  blasplicmes.  ^'ons  n'avons  aucune 
communion  avec  euit,  les  regardant  comme  des  eii« 
neinis  de  Dieu,  des  impies  et  des  mé<  hauts,  t  (Dia- 
logue avec  Tryphon.  )  —  Le  Krand  évêque  de  Lyon, 
saint  Iréiiée,  disciple  de  l'olycaipe,  et  manyr  ainsi 
qiH3  son  fliaitre,  écrivait  à  Florimis,  qui  lui-même 
avait  souvent  vu  Polycarpe,  et  qui  commençait  à 
répandre  ceruines  hérésies  :  i  Ce  n'est  pas  ainsi 
que  vmis  avez  été  instruit  par  les  évèques  qui  vous 
Ont  précédé.  Je  pourrais  encore  vous  montrer  la 
pbice  où  le  hienheurenx  Polycarpe  s'asseyait  pour 
prêcher  la  parult;  dfe  Dieu.  Je  le  vois  encore  avec 
cet  air  grave  (|ni  ne  le  (piittait  jamais.  Je  me  sou- 
viens, et  de  la  saintelé  de  sa  conduite,  et  de  la  ma- 
jesté de  son  port,  et  de  tout  son  exiérieiir.  Je  crois 
l'eiiiendre  encore  (tous  raconter  comme  il  avait  con- 
versé avec  Jean  et  plusieurs  autres  qui  avaient  vu 
Jésus-Christ,  et  quelles  paroU^s  il  avait  entendues 
de  leurs  bouches.  Je  puis  vous  protester  devant 
Dieu,  que  si  ce  saint  évêque  avaii  entendu  des  er- 
reurs pareilles  aux  vôtres,  aussitôt  il  se  serait  bou- 
ché les  oreilles  en  s'écriani,  suivant  sa  coiiiunie  : 
Bon  Dieu  !  à  quel  siècle  m'avez-vous  réservé  pour 
entendre  de  telles  clio^es?  et  à  l'instant  il  se  senit 
enfui  de  reiulmit.  >  (Euseh.,  Ilist.  cculés.,  liv  v.  ) 
Dans  son  savant  Ouvrage  sur  les  Hérésies  (liv.  iv), 
il  dit  en  parlant  des  sehisniaiiques  :  t  Dieu  jugera 
ceux  qui  ont  occasionné  des  scliisnies ,  hommes 
cruels,  qui  n'ont  aucun  amour  pour  lui,  et  qui,  pré- 
férant leurs  avantages  propres  à  l'unité  de  l'Eglise, 
ne  balancent  point,  sur  les  raisons  les  plus  frivoles, 
de  diviser  et  déchirer  le  grand  et  glorieux  corps  de 
Jésus-Christ,  et  lui  donneraient  volontiers  la  mort, 
s'il  était  en  leur  pouvoir...  Mais  ceux  qui  séparent 
et  divisent  l'unité  de  l'Eglise,  recevront  le  cliâli- 
nieiit  de  Jérubuatn.  > — Saint  Denis,  évêcpie  d'A- 
lexandrie, dans  sa  lettre  à  iNovat  ipii  venait  d'opérer 
un  scliisnie  à  Rome,  oii  il  av;iit  fait  consacrer  IVova- 
tlen  éii  opposition  au  légitime  pape  (.orncille,  lui 
dit  :  •  S'il  est  vrai,  comme  tu  l'assures,  que  tu  sois 
fSdié  d'avoir  donné  dans  cet  éc:iit,  montre-le-iinus 
par  un  retour  prompt  et  volonliiire.  Car  il  aurait 
fallu  souffrir  tonl  pliitiit  que  de  séparer  l'Eglise  de 
Dieu.  Il  serait  aussi  gloiieiu  «l'être  inarlyr,  pour 
sauver  l'Eglise  d'un  schisme  et  d'une  séparation, 
que  pour  ne  pas  adorer  les  dieux,  et  beaucoup  plus 
glorieux  encore  dans  mon  opinion.  Car,  dans  le  der- 
nier (^,as,  on  est  martyr  pour  son  àiiic  seule  ;  daiig 
le  premier,  pour  l'Eglise  entière.  Si  donc  tu  peux, 


337  SCH 

«  Je  ne  sais ,  dit-il  ,  où  l'on  trouverait  un 

crinie  [ilus  grief  quo  relui  do  décliirer  le 
curps    luyslique   de    Jésus-Cliri&t ,    do    son 

par  d'atiiirales  porsiinsioiis  ou  iiar  une  coniiiiitc 
mâle,  ramener  les  frères  à  l'uiiilé,  cpllu  b"iiii«  ac- 
lioii  ser.i  plus  iinpoiianie  qir^  ne  l'a  élè  la  f:iiiie; 
cell(!-ri  ni!  scr.i  plus  à  la  «liari^e,  ii'ai<  l'aiilre  àla 
liiiKiiiiçe.  Que  sMs  reln--cnl  de  le  suivre  cl  d'iiriiler 
lun  reliiui-,  sniivp,  sauve  ilii  moins  Ion  unie.  Je  tté- 
sire  que  lu  prospères  lonjours  el  que  la  paix  du 
Se  snenr  puisse  reulrcr  dans  ion  cieur.  i  (Kuseb., 
Iliit.  ecclés.,  liv.  vi.)  —  Sainl  (!ypr:en  :  <  Cflui-là 
n'aura  poiui  Dieu  pour  péri',  rpii  n'aura  pas  eu  l'K- 
plisc  pour  mère.  S'unaginenl-ils  doni:  (les  scli  snia- 
liqiies)  (pie  Jésus-Olirisl  soil  avec  eux  qu'iul  ils 
s'as-enil)leul,  eux  qui  s'asseiuhlenl  liors  de  TRi^lise? 
Qu'ils  sadifiil  que.  luêine  on  dunnanl  leur  vie  pour 
confesser  le  nom  de  (Jlirist,  ils  n'elfaceraii.'ut  point 
dans  leur  sang  la  laclie  du  scliisnie,  allendu  i|Ui!  le 
crime  de  disconlo  esl  au  dessus  de  loule  espialioii. 
Qui  n'esl  poini  dans  l'Kglise  ne  saurait  èlre  martyr.» 
(Vwre  de  ru niic.  )  Il  nioiilre  ensuite  l'énoruiiié  de 
ee  crime  par  l'cITrayanl  supplice  des  premiers  siliis- 
matiqiifts,  doré,  Dailian,  Abiron,  e'.  de  leurs  deux 
ceiil  cinqiianle  complices  :  t  La  terre  s'ouvrit  sous 
leurs  pieds,  les  engliulil  vifs  cl  debout,  et  les  ab- 
sorba dans  ses  euirailles  brûlantes.  »  —  Saint  lli- 
laire,  évoque  de  l'oiliers,  s'exprime  ainsi  sur  l'u- 
nilé  :  «  Kiicore  qu'il  n'y  ail  qu'une  K«li.se  dans  le 
monde,  cbaque  ville  a  nijannioins  son  é.(lise,  quni- 
qn'elles  soient  en  grand  nombre,  parce  qu'elle  est 
toujours  une  diiis  le  gr.ind  miuibre.  i  (  Sur  le 
Psaume  XIV.)  —  Saini  Opiai  île  Mi  cve  eilc  le  même 
exemple  pour  moinrer  que  le  crime  du  scliismc  est 
au-dessus  même  du  parricide  et  de  ridolànie.  il  ob- 
serve que  Gain  ne  lut  point  imni  de  mon,  que  les 
Miiiiviles  ubiMireni  le  temps  de  mériter  grâce  par  la 
péiillence.  .Mais  dès  i|uc  Curé,  Uathan,  Alùron,  se 
porlèrenl  à  diviser  le  peuple,  «  Dieu,  dit-il,  envoie 
nue  faim  dévorante  à  la  terre  :  aiissUol  elle  ouvre 
une  gueule  énorme,  les  engloiiiii  avec  avidiié,  ei  >e 
retenue  sur  si  proie.  Ces  miséralles,  pliiiiii  ense- 
velis que  nions,   tombent  dans  les  alùmes  de  l'en- 

lêr Que   (lirez  viiiis  à  cei  exemple,    vous   qui 

iiunirissez  letibisuie  el  le  défendez  iuipuiiémeiiiï  > 
—  Saint  Clirysosliune  :  <  Itien  ne  provo.pie  autant 
le  ciiurroiix  de  Dieu,  que  de  diviser  son  l'jglise. 
Quand  nous  aurions  fait  un  bien  innombrable,  nous 
n'en  payerions  pas  moins  pour  avoir  rompu  la  coin- 
niunion  de  l'Ejjbse,  et  décliiré  le  corps  de  Jésus- 
Clirisl.  (  {lloml.  sur  l'Epil.  aux  Epliés.)  —  Saiul 
Auiius'in  :  «  Le  sacrib'ge  du  sclii^me  ;  le  crime,  le 
sacrilège  plein  de  cruaiilé;  le  crime  souveraiiie- 
meiil  atroce  du  S('liisiue  ;  le  sacnlége  du  sctiisine 
qui  oiilr('-,ia^se  lous  les  l'o(  faits.  Qiiiconi|ue,  dans 
cel  univers,  sépare  un  bomme  et  l'attire  à  un  parii 
quelcunipie,  e  l  convainc  i  (nr  là  d'être  ills  des  dé- 
mons el  homicide.  >  (  l'ussim.)  Les  donalisles.  dit-il 
encore,  guéiisseiit  bien  leuxipi'ils  baptisent  di;  la 
plaie  d'iJul:urie,,mais  en  les  rragipanl  de  la  plaie 
plus  fatale  du  S(iliisine.  Les  idolâtres  ont  été  (juel- 
quefiiis  mnissouncs  par  le  g'aive  du  Seigneur;  mais 
les  si'liismatiques,  la  leire  les  a  englouiis  vils  dans 
son  sein,  i  (  Liv.  i  contre  tes  rionul,  )  «  Le  sibis- 
lualique  |ieut  bien  verser  son  sang,  mais  jamais  ob- 
tenir la  couronne.  Hors  de  l'I'^îlise,  et  après  avoir 
brisé  les  liens  de  eliarilé  el  d'unité,  vous  n'avez 
plus  à  allendre  ipi'iin  cliàtimenl  éierml,  lors  itiènie 
que,  pour  le  inim  de  Jésus-Cbri^t,  vous  auriez  livré 
Votre  corps  aux  flammes.  »  (  £/;.  à  Douai.  ) 

Nous  pourrions  nmliiplier  les  cita:ioiis ,  donner 
des  extraits  de  'J'eriullien,  Origcne,  Ciéiiicnl  d'.V- 
lexandrie,  Firmilieii  de  Césarée,  Théopliile  d'Au- 
liuche,  Lactancc,  Eii»èbe,  Ainbroise,  etc.,  et  npiès 
taiii  d'illustres  teiuoiiis,  citer  les  décisions  des  évê- 
ques  réunis  en  corps  dans  les  conciles   pariiculiers 


SCH 


398 


épouse  qu'il  a  rîich(>(é<»  de  son  propre  sanj», 
dp  relie  mère  qui  nmis  engendre  à  Dieu  , 
qui  nous  nourrit  du  l;ut  d'iiilelligencp  ,  qui 
est  sans  fraude,  'nii  nous  conduit  à  la  béa- 
lilude  élernelltj.  (juel  crime  plus  grand  (juo 
de  se  soulever  eonlre  uni-  telle  mère,  de  la 
dilïamer  par  tout  le  monde;  de  faire  rebeller 
tous  ses  enfants  contre  elle  ;  si  on  le  peut, 
de  les  lui  arracher  du  sein  par  milliers  pour 
les  enirainer  dans  les  ILimines  éternelles, 
eux  et  leur  postérité  |  our  tdujours  ?  Où  sera 
le  crime  de  lèse-majesté  divine  au  premier 
chef,  s'il  ne  se  trouve  là'/  Unéiioux  qui  aime 
son  épouse  et  (|ui  connail  sa  veitu,  se  lient 
plus  murteilcmenl  oITeiisé  par  des  libelles  (pii 
la  font  passer  pour  une  prostituée  que  par 

d'Rlvire,  en  S''!'»  ;  d'Arles,  en  314  ;  de  Oangres,  vers 
3  0  ;  de  Saragosse,  581  ;  de  (I.irtiiage,  598  :  de  Tu- 
rin, 59  1;  de  'l'ulèile,  -400  ;  dans  les  conciles  géné- 
raux de  Nicée,  •'ïâ.')  ;  de  Conslanliiiople,  3S1  ;  d'E- 
plièse,  'i  1 1  ;  de  Clialcédoiiie,  431;  nous  aimons 
mieux  recueillir  les  aveux  de  nos  adversaires.  La 
confession  d'Aiigsbnurg  (  art.  7  )  :  t  N.ius  ensei- 
gnons que  l'Kglise  une,  saiiiie,  subsistera  toujours, 
l'oiir  la  vraie  unité  de  l'F.glise,  il  siiflil  de  s'accor- 
der dans  la  doctrine  de  l'Evangile  el  radministralion 
des  sacremenis,  comme  dit  saint  Paul,  une  foi,  un 
bapième,  un  Dieu,  père  de  tous.  »  —  La  confession 
helvélique  {(irl.  l'a),  parlant  des  assemblées  que  les 
lidcles  ont  leiiues  de  tout  temps  depuis  les  apoires, 
ajoute  :  «  Tnusceux  qui  les  méprisent  et. s'en  sépa- 
rent, méprisent  la  vraie  religion,  et  doivent  êlre 
pressés  par  les  pasienrs  et  les  pieux  niagisirais,  de 
ne  point  persister  opiniàlrémenl  dans  leur  séjiira- 
tion.  »  —  La  confessinii  gallicane  (art.  Mi)  :  «  Nous 
croyons  qu'il  n'esl  permis  à  personne  de  se  sous- 
traire aux  assemblées  du  eiille,  mais  que  lous  doi- 
vent garder  l'unité  de  l'Eglise...,  et  que  (piicoiiqiie 
s'en  écarte,  résiste  à  l'ordre  de  Dieu.  >  —  La  con- 
fession écossaise  (nr(.  27):  «  Nous  croyons  conslam- 
nieiit  que  l'Eglise  est  une...  Nous  délestons  enliè- 
remcnt  les  blasphèmes  de  ceux  qui  pvéleinleot  (jiie 
toui  hnmme,  en  suivant  l'éipiilé,  la  justice,  (|  lelipie 
religion  (pi'il  professe  d'ailleurs,  sera  sauvé.  Car 
sans  le  Christ,  il  n'esl  ni  vie,  ni  salut,  et  nul  n'y 
peut  participer  s'il  n'a  été  donne  à  Jesiis-Chrisi  par 
son  Père.  » — La  confe.-sion  belgique  :  «Nom  croyons 
et  confessons  une  seule  Eglise  callioli((ue Qui- 
conque s'éloigne  de  celte  v<;ritable  Eglise,  se  révolle 
manifesiemenl  contre  l'ordre  de  Dieu.  >  —  La  con- 
fession saxonne  (ail.  12)  :  <  Ce  nous  e«t  une  grande 
considaliou  de  savoir  qu'il  n'y  a  d'héritiers  de  la 
vie  éternelle  que  dans  rassenihlée  des  élus,  suivant 
celle  parole  :  ('.eus  qu'il  a  clioisis,  il  les  a  appelés,  i 
— La  conIVssIon  lioliéinieniie  {art.  8)  :  «  Nous  avons 
appris  que  lous  doivent  garder  l'uniié  de  l'Eglise..., 
ipie  nul  no  doit  y  inuoduue  de  sei  les,  exciier  de 
séditions,  mais  se  montrer  un  vrai  membre  de  l'E- 
glise dans  le  lien  de  la  paix  et  runaiiiniilé  de  sen- 
liinenl.  »  Etrange  et  déploralile  aveuglement  dans 
ces  iioiiimes ,  de  n'avoir  su  faire  l'application  de 
ces  p;iiieipes  au  jour  ipii  précéda  la  prédication  de 
Luther  !  Ce  i|ni  élait  vrai,  lorsqu'ils  dressaient  leurs 
coolessions  di;  loi  et  leurs  catéchismes,  t'était  bien 
sans  iloiile  aulanl  alors. 

Calvin  Iniiiicme  enseigne  <  que  s''  loigiier  de 
l'Eglise,  c'est  renier  Jésns-Cbrist;  qu'il  faui  biau  se 
garder  d'une  sé|.'araiioii  si  ciiminelle  ..;  ipruii  ne 
saurait  imaginer  atiemal  plus  atroce,  (pie  de  violer, 
par  une  perîidie  sacrilège,  l'alliance  qm;  le  Fis  .uni- 
que de  Dieu  a  daigné  conlracter  avec  iious.i  (Imlit,, 
lib.  IV.)  M.ilheureux!  (piel  an  et  est  sorti  de  sa  bou- 
che! Il  sera  éiernellemeul  sa  propre  condainitation. 
—  Discussion  aiiiiculc,  etc.,  t.  I. 


509 


se  H 


SCII 


400 


toutes  les  injures  qu'on  lui  dirait  à  lui-mê- 
me. De  tous  les  crimes  où  un  snjet  puisse 
tomber,  il  n'y  en  a  point  de  plus  horrible 
que  celui  de  se  révolter  contre  son  prince 
légitime,  et  de  faire  soulever  tout  autant  de 
provinces  que  l'on  peut  pour  tâcher  de  le 
détrôner,  f,iilût-il  désoler  toutes  les  provin- 
ces qui  voudraient  demeurer  fidèles.  Or,  au- 
tant l'intérêt  surnaturel  surpasse  tout  avan- 
tage temporel,  autant  l'Eglise  de  Jésus-Christ 
l'emporte  sur  toutes  les  sociétés  civiles , 
donc  autant  le  A'c/iisme  avec  l'Eglise  surpasse 
l'énormité  de  toutes  les  séditions.  » 

Raillé,  au  commencement  de  son  Apologie 
pour  ies  réformés,  c.  2  ,  fait  le  même  aveu 
louchant  la  grièvelédu  crime  de  ceux  qui  se 
séparent  de  l'Eglise  sans  aucune  raison 
grave;  mais  il  soutient  que  les  protestants 
en  ont  ou  d'asspz  fortrs  pour  qu'on  ne  puisse 
plus  les  accuser  d'avoir  été  schismaliques. 
Nous  examinerons  ces  raisons  ci -après. 
Calvin  lui-même  et  ses  principaux  disciples 
n'ont  lias  tenu  un  langagi;  différent. 

5°  Mais,  avant  de  discuter  leurs  raisons  , 
il  est  hou  de  voir  d'abord,  si  leur  conduite 
est  conforme  aux  lois  de  l'équité  et  du  bon 
sens.  Ils  disent  qu'ils  ont  été  en  droit  de 
rompre  avec  l'Eglise  romaine,  parce  qu'elle 
professait  des  erreurs,  qu'elle  autorisait  des 
superstitions  et  des  abus  auxquels  ils  ne 
pouvaient  prendre  part  sans  renoncer  <iu 
salut  éternel.  .Mais  qui  a  porié  ce  jugement, 
et  qui  en  garantit  la  cerlilude?  eux-mêmes, 
et  eux  seuls.  De  quel  droit  ont-ils  fait  tout 
à  la  fois  la  fonclioii  d'accusateurs  et  de  ju- 
ges ?  Pendant  que  l'Eglise  catholique,  ré- 
pandue p;ir  toute  la  terre,  suivait  les  mê- 
mes dogmes  et  la  même  morale,  le  même 
culte  ,  les  mêmes  lois  qu'elle  garde  encore  , 
une  poignée  de  prédicanis,  dans  deux  ou  trois 
contrées  de  l'Europe,  ont  déciilé  qu'elle  était 
coupable  d'erreur,  de  superstition  ,  d'idolâ- 
Irie  ;  ils  l'ont  ainsi  publié;  une  foule  d'igno- 
rants et  d'hommes  vicieux  les  ont  crus  (  t  se 
sont  joints  a  eux;  devenus  assez  nombreux 
et  ;issez  forts,  ils  lui  ont  déclare  la  guerre  et 
se  S'int  maintenus  malgré  elle.  Nous  deman- 
dons encore  une  fois  qui  leur  a  donné  l'au- 
torité de  décider  la  question,  pendant  que 
l'Eglise  entière  soutenait  le  contraire  ;  qui 
les  a  rendus  juges  et  supérieurs  de  l'Eglise 
dans  laquelle  ils  avaient  été  élevés  et  ins- 
tiuits,  et  qui  a  orilonné  à  l'Eglise  de  se  sou- 
nictlre  a  leur  décision  ,  pendant  qu'ils  ne 
voulaient  pas  se  soumettre  à  la  sienne  ? 

Lorsque  les  pasteurs  de  l'Eglise  assemblés 
au  concile  de  Trcnicou  dispersés  dans  les 
divers  diocèses,  ont  condamné  les  dogmes 
des  protestants,  et  ont  jugé  que  c'étaient  des 
erreurs,  ceux-ci  ont  objecté  que  les  évéqaes 
catholiques  se  rendaient  juges  et  partie. 
Mais,  lorsque  Luther  et  Calvin  et  leurs  ad- 
hérents ont  prononcé  du  haut  de  leur  tri- 
bunal que  l'Eglise  romaine  était  un  cloaque 
de  vices  et  d'erreurs,  ét;iit  la  Babylone  el  la 
prostituée  de  l'Apocalypse,  etc.,  ii'étaient-ils 
pas  juges  et  parties  dans  cette  contestation  ? 
Pourquoi  cela  leur  at-il  été  plus  permis 
qu'aux  pasteurs  catholiques?  Ils  ont  fait  de 


gros  livres  pour  justifier  leur  schisme;  ja- 
mais ils  ne  se  sont  proposé  cette  question  , 
jamais  ils  n'ont  daigné  y  répondre. 

L'évidence  ,  disent-ils  ,  la  raison  ,  le  bon 
sens,  voilà  nos  juges  et  nos  titres  contre  l'E- 
glise romaine.  Mais  cette  évidence  prétendue 
n'a  été  et  n'est  encore  que  pour  eux,  per- 
sonne ne  l'a  vue  qu'eux  ;  la  raison  est  la 
leur  et  non  celle  des  autres;  le  bon  sens 
qu'ils  réclament  n'a  jamais  été  que  dans  leur 
cerveau.  C'est  de  leur  part  un  orgueil  bien 
révoltant  de  prétendre  qu'au  xvi"  siècle  il 
n'y  avait  personne  qu'eux  dans  toute  l'E- 
glise chrétienne  qui  eût  des  lumières,  de  la 
raison,  du  bon  sens.  Dans  toutes  les  disputes 
qui,  depuis  la  naissance  de  l'Eglise  ,  se  font 
élevées  entre  elle  et  les  novateurs,  ces  der- 
niers n'ont  jamais  manqué  d'alléguer  pour 
eux  l'évidence,  la  raison,  le  bon  sens  ,  et 
de  défendre  leur  cause  comme  les  proles- 
tants défendent  la  leur.  Ont-ils  eu  raison 
tous,  et  l'Eglise  a-t-elle  toujours  eu  tort? 
Dans  ce  cas,  il  faut  soutenir  que  Jésus- 
Christ,  loin  d'avoir  établi  dans  son  Eglise 
un  principe  d'unité  ,  y  a  placé  un  principe 
de  division  pour  tous  les  siècles,  en  laissant 
à  tous  les  sectaires  entêtés  la  liberté  de  faire 
bande  à  part,  dès  qu'ils  accuseront  l'Iîglise 
d'être  dans  le  désordre  et  dans  l'erreur. 

Au  reste  ,  il  s'en  faut  beaucoup  que  tous 
les  protestants  aient  osé  alarmer  qu'ils  ont 
l'évidence  pour  eux  ;  plusieurs  ont  été  assez 
modestes  pour  avouer  qu'ils  n'ont  que  des 
raisons  probables.  Grotius  et  Vossius  avaient 
écrit  que  les  docteurs  de  l'Eglise  romaine 
donnent  à  l'Ecriture  sainte  un  sens  évidem- 
ment forcé,  dilTérent  de  celui  qu'ont  suivi  les 
anciens  Pères,  et  qu'ils  forcent  les  fidèles 
d'adopter  leurs  interprétations,  qu'il  a  donc 
fallu  se  séparer  d'eux.  Bayle,  Dict.  Cril., 
art.  Nihusius,  Rem.  H,  observe  qu'ils  se  sont 
trop  avancés.  «  Les  protestants,  dit-il,  n'al- 
lèguent que  des  raisons  dispulables,  rien  de 
convaincant,  nulle  démonstration  ;  ils  prou- 
vent et  ils  objectent,  mais  on  répond  à  leurs 
preuves  et  à  leurs  objections  ;  ils  répliquent 
et  on  leur  réplique;  cela  ne  finit  jamais  : 
était-ce  la  peine  de  faire  un  schisme  ?»  Deman- 
dons plutôt  :  En  pareille  circonstance,  était- 
il  permis  de  faire  un  schisme  ,  et  de  s'expo- 
ser aux  suites  alTreuses  qui  en  ont  résulté? 

Les  controverses  de  religion ,  continue 
Bayle  ,  ne  peuvent  pas  être  conduites  au 
dernier  degré  d'évidence  ;  tous  les  théolo- 
giens en  tombent  d'accord.  Jurieu  soutient 
que  c'est  une  erreur  très- dangereuse  d'en- 
seigner que  le  Saint-Esprit  nous  lait  con- 
naître évidemment  les  ventes  de  la  religion  ; 
selon  lui,  l'àme  fidèle  embrasse  ces  vérités 
sans  qu'elles  soient  évidentes  à  sa  raison,  et 
mêuie  sans  quelle  connaisse  évidemment  que 
Dieu  les  a  révélées.  On  prétend  que  Luther, 
à  l'article  de  la  mort,  a  lait  un  aveu  à  peu 
près  semblable  ;  voila  donc  où  aboutit  la 
prétendue  clarté  de  l'Ecriture  sainte  sur  les 
questions  disputées  entre  les  protestants  et 
nous. 

6°  H  y  a  plus  :  en  suivant  le  principe  sur 
lequel   les    protestants    avaient   fondé    leu- 


•iOl 


SCFl 


SCH 


40Î 


schisme  ou  leur  séparation  d'avec  l'Eglise 
romaine,  d'aulres  docleurs  li>ur  ont  résisté, 
leur  ont  soutenu  qu'ils  étaient  dans  l'erreur, 
et  ont  prouvé  qu'il  fallait  se  séparer  d'eux. 
Ainsi  Lullier  vit  éclore  parmi  ses  p^oséi;, - 
tes  la  secte  des  anaiiaplistes  et  celio  des  sa- 
crarnentaircs  ,  et  Calvin  fit  sortir  lU-  son 
école  les  sociniciis.  En  Angleterre,  les  pu- 
ritains ou  calvinistes  rii^ides  n'ont  jamais 
voulu  fraterniser  avec  les  épiscopaus  ou 
anglicans,  et  vin|,'t  autres  sectes  sont  succes- 
sivement sorties  de  ce  fo^cr  de  divi>ion. 
Vainement  les  chefs  de  la  prétendue  réforme 
ont  lait  à  ces  nouveaux  scliismalit/Hcs  les 
mêmes  reproches  que  leur  avaient  fails  les 
docleurs  calholiques  ,  on  s'est  moque  d'eux; 
on  leur  a  demandé  de  quel  droit  ils  refu- 
saient aux  autres  une  liberté  de  la()uelle  ils 
avaient  trouvé  bon  d'user  eux-mêmes,  el  s'ils 
ne  rou;.'issaient  pas  de  répéter  des  arguments 
au\()ucls  ils  prétendaient  avoir  solidement 
répondu. 

Bayle  n'a  pas  manqué  de  leur  faire  encore 
celle  objection.  Un  catholique  ,  dit-il,  a  de- 
vant lui  tous  ses  ennemis,  les  mêmes  armes 
lui  servent  à  les  réfuter  tous;  mais  l'os  pro- 
testants ont  des  ennemis  devant  et  derrière, 
ils  sont  entre  deux  feux  ,  le  papisme  les  at- 
taque d'un  côié  el  le  socinianisuie  de  l'au- 
tre ;  ce  dernier  emploie  contre  eux  les  mê- 
mes arguments  desquels  ils  se  sont  servis 
conlre  l'Eglise  romaine,  Dict.  Crii.,  Ni- 
husius  ,  H.  Nous  démontrerons  la  vérité  de 
ce  reproche  on  répondant  aux  objections 
des  protestants. 

1'"  Objection.  Quoique  les  apôtres  aient 
souvent  recommande  aux  fidèles  l'union  cl 
la  paix,  ils  leur  ont  aussi  ordonné  de  se  sé- 
parer de  ceux  qui  enseignent  une  fausse 
doctrine.  Saint  Paul  écrità  Tite,  c.  m,  v.  10: 
Evitez  un  hérétique,  après  l'avoir  repris  une 
ou  deux  fois.  Saint  Jean  ne  veut  pas  même 
(lu'on  le  salue,  II  Joan.  ,  v.  10.  Saint  Paul 
dit  analhènie  à  quiconque  prêchera  un  Evan- 
gile difl'éreiit  du  sien,  lûl-cc  un  ange  du  ciel, 
Galat-,  c.  1,  V.  8  el  'J.  Nous  lisons  dans  l'A- 
pocalypse, c.  xviii,  V.4-:  Sortez  de  Ilabylone, 
mon  peuple,  de  peur  d'avoir  part  à  ses  crimes 
et  à  son  chdtimenl.  »  Dans  ce  même  livre, 
c.  Il,  V.  0,  le  Seigneur  loue  l'évêque  d'Epbèse 
de  ce  qu'il  hait  la  conduite  des  nicolaïtes; 
el  V.  15,  il  blâme  celui  de  Pergame  dece  qu'il 
souffre  leur  doctrine.  De  tout  temps  l'Eglise 
a  lelranché  de  sa  société  les  hérétiques  et 
les  mécréants;  donc  les  protestants  ont  dû 
en  conscience  se  séparer  de  l'Eglise  romaine. 
Ainsi  raisonne  Daillé,  Apolog.,  c.  ni,  el  la 
foule  des  proleslants.  —  Réponse.  Eu  pre- 
mier lieu,  nous  prions  ces  raisonneurs  de 
nous  dire  ce  qu'ils  ont  répondu  aux  ana- 
baptistes, aux  sociniens,  aux  quakers,  aux 
latiiudinaires,  aux  indépendants,  etc.,  lors- 
qu'ils ont  all.'gue  ces  mêmes  passages  pour 
prouver  qu'ils  étaient  obligés  en  conscience 
de  se  séparer  des  proleslants  et  de  faire  bande 
à  part.  —  En  second  lieu,  saint  Paul  ne  s'est 
pas  borné  à  defondro  aux  fidèles  de  demeu- 
rer en  société  avec  des  hcrcliqucs  el  des  mé- 
créants  mais  il  leur  ordonne  de  fuir  la  com- 


pagnie des  pécheurs  scandaleux,  /  Cor.,  c.  v, 
V.  1 1  ;  7/  Thess.,  c.  m,  v.  C  et  ik.  S'ensuit-il 
de  là  que  tous  ces  pécheurs  doivent  sortir 
de  l'Eglise  pour  former  une  secte  particu- 
lière, ou  que  rK;;lise  doit  les  chasser  de  son 
sein?  Les  apôlres  en  général  ont  défendu 
aux  (idèles  d'écouler  et  de  suivre  les  séiluc-. 
leurs,  les  faux  docleurs,  les  prédicants  (l'une 
nouvelle  doctrine;  donc  tous  ceux  ((u:  ont 
prêté  l'oreille  à  Luther,  à  Calvin  el  à  leurs 
semblables,  ont  lait  tout  le  contraire  de  ci! 
(|ue  les  apôlres  ont  ordonné.  —  Eu  troisième 
lieu,  peut-on  faire  de  l'Ecriture  sainte  un 
abus  plus  énorme  que  celui  ((u'eii  font  nos 
adversaires  ?  Siinl  Paul  cominaude  à  uu 
pasteur  de  l'iî^lise  de  repieiidre  un  héréli- 
que,  de  l'éviter  ensuite,  cl  de  ne  plus  le  roir 
s'il  est  rebelle  et  opiniâtre;  donc  cet  héré- 
tique fait  bien  de  se  révolter  contre  le  pas- 
teur, de  lui  débaucher  ses  ouailles,  de  for- 
mer un  troupeau  à  pari;  voilà  ce  qu'ont  fait 
Lullier  el  Calvin,  et,  suivant  l'avis  de  leurs 
disciples,  ils  ont  bien  fait  ;  saint  Paul  les  y  a 
autorisés.  Mais  ces  deux  prétendus  réforma- 
teurs étaient-ils  apôtres  ou  pasteurs  de  l'E- 
glise universelle,  revêtus  d'autorité  pour  la 
déclarer  hérétique,  et  pour  lui  débaucher  ses 
enfants?  Parce  (ju'il  leur  a  plu  de  juger  que 
l'Eglise  calholique  était  une  Babjlone  ,  ils 
onl  décidé  qu'il  fallait  en  sortir  ;  mais  ce  ju- 
gement niênie,  prononcé  sans  autorité,  était 
un  blasphème  ;  il  supposait  que  Jésus-Christ, 
après  avoir  versé  son  sang  pour  se  former 
une  église  pure  el  sans  tache,  a  permis,  mal- 
gré ses  promesses,  qu'elle  devînt  une  linhy- 
lone,  un  cloaque  d'erreurs  el  de  désordres. 
Toute  société,  sans  doute,  est  en  droit  déju- 
ger ses  membres;  mais  les  proleslants  qus 
voient  tout  dans  l'Ecriture  n'y  ontpas  trouvé 
qu'une  poignée  de  membres  révoltés  a  droit 
déjuger  el  de  condamner  la  société  entière. 
Ils  peuvent  y  apprendre  qu'un  pasteur,  un 
évêque,  tels  que  ceux  d'Ephèse  et  de  Per- 
game, est  autorisé  à  bannir  de  son  troupeau 
des  nicolaïtes  condamnés  comme  hérétiques 
par  les  apôtres  ;  mais  ellt\  n'a  jamais  ensei- 
gné que  les  nicolaïtes  ni  les  partisans  de 
toute  autre  secte,  pouvaient  légitimement 
tenir  léle  aux  évêques,  cl  former  une  église 
ou  une  société  schismalique.  De  ce  que  l'E- 
glise calholique  a  toujours  retranché  de  soa 
sein  les  hérétiques  ,  les  mécréants,  les  re- 
belles, il  s'ensuit  qu'elle  a  eu  raison  de  trai- 
ter ainsi  les  protestants,  et  de  leur  dire  ana- 
thènie  ;  mais  il  ne  s'ensuit  pas  qu'ils  ont  biea 
fait  de  le  lui  dire  à  leur  tour,  d'usurj)er  ses 
litres  ,  et  d'élever  autel  contre  autel.  Il  est 
étonnant  que  di's  raisonnements  aussi  gau- 
ches aïeul  |iu  faire  impression  sur  uu  seul 
esprit  sensé. 

Seconde  objection.  Les  pasteurs  elles  doc- 
teurs calholi'ques  uese  contentaient  pas  d'en- 
seigner des  erreurs,  d'autoriser  des  super- 
stitions, de  maintenir  des  abus;  ils  forçaient 
les  fidièles  à  embrasser  toutes  leurs  opinions, 
et  punissaient  par  des  supplices  quiconiiue 
voulait  leur  résister  ;  il  n'élail  >Jonc  pas  possi 
ble  d'enlrelenir  societéavec  eux  ;  il  a  fallu  né- 
cessairement s'en  séparer.  —  Réponse.  11  es! 


403 


SCH 


SCH 


Mi 


faux  que  l'Eglise  calholique  ait  enseigné  des 
erreurs,  etc.,  et  quelle  ait  forcé  par  des  sup- 
plices les  fidèles  à  les  professer.  Kninre  une 
fois,  qui  a  convaincu  l'Egliso  d'^^lrodans  nu- 
cunc  erreur?  Parce  que  l^ulher  cl  Calvin  l'en 
ont  accusée,  s'ensuit-il  que  cela  est  vrai  ?Ce 
sont  eux-mêmes  qui  enseigiinienl  des  erreurs 
et  qui  les  ont  fait  eui'nras^er  à  d'aulies.  De 
même  qu'ils  alléguaient  des  passages  de  l'E- 
rrilure  sainte,  les  docteurs  callidliquc^s  en 
citaient  aussi   pour   proiivcr   leur  docirino  ; 


es  premiers  disaient  :  Vous  eniondez  mal 
'Ecriture;  les  seconds  répliciuaient  :  C'est 
Yous-mêuies  qui  en  pervertissez  le  sens.  No- 
tre explicalion  est  la  même  que  celle  qu'ont 
donnée  de  tout  temps  les  Pères  do  l'E^ilis  ',  et 
((ui  a  toujours  été  suhie  par  tous  les  fidèles; 
la  vôtre  n'est  fondée  que  sur  vos  prétendues 
lumières ,  elle  est  nouvelle  et  inouïe;  <lonc 
elle  est  fausse.  Une  preuve  que  les  réforma- 
teurs l'entendaient  mal,  c'est  qu'ils  ne  s'ac- 
cordaient pas,  au  lieu  que  le  senlimeni  des  ca- 
tholiques était  unanime.  Une  autre  preuve 
que_  les  premiers  enseignaient  des  erreurs, 
c'est  qu'aujourd'hui  leuis  disciples  et  leurs 
successeurs  ne  suivent  pas  leur  doctrine. 
Vuy.  Protestant.  D'aill  'urs  autre  chose  est 
de  ne  pas  croire  et  de  ne  pas  professer  la  doc- 
trine de  riîglise,  et  autre  chose  de  l'altaquer 
publiquement  et  de  prêcher  le  contraire.  Ja- 
mais les  protestants  ne  pourront  citer  l'exem- 
ple d'un  seul  hérétique  ou  d'un  seul  incré- 
dule supplicié  pour  des  erreurs  qu'il  n'avait 
ni  publiées  ni  voulu  faire  embrasser  aux 
autres.  C'est  une  équivoque  frauduleuse  de 
confondre  les  mécréants  paisibles  avec  les 
prédicanis  séditieux,  fougueux  et  calomnia- 
teurs, tels(iu'ont  été  les  fondateurs  de  la  pré- 
tendue réforme.  Qui  a  forcé  Luther  ,  Calvin 
et  leurs  semblables  de  s'érijjer  en  apôtres,  de 
renverser  la  religion  et  la  croyance  ét;ildies, 
d'accabler  d'invectives  les  pasieurs  de  l'Eglise 
romaine?  Voilà  leur  crime,  et  j.imais  leur  sec- 
tateurs ne  parviendront  à  le  justifier. 

Troisième  objection.  Les  protestants  ne 
pouvaient  vivre  dans  le  sein  de  1  Eglise  ro- 
maine, sans  pratiquer  les  usai^es  supersti- 
tieux qui  j  étaient  observés,  sans  adorer  l'eu- 
charistie, sans  rendre  un  culie  religieux  aux 
saints,  à  leurs  images  et  à  leurs  reliques  ; 
or,  ils  regardaient  tous  ces  cultes  comme  au- 
tant d'actes  d'idolâtrie.  Quand  ils  se  seraient 
trompés  dans  le  fond,  toujours  ne  pouvaient- 
ils  observer  ces  pratiques  sans  aller  contre 
leur  conscience  ;  donc  iîs  ont  été  forcés  de 
faire  bande  à  part,  afin  de  pouvoir  servir 
Dieu  selon  les  lumières  de  leur  conscience. 
—  Réponse.  Avant  les  clameurs  de  Luther, 
de  Calvin  et  de  quelques  autres  prédicanis, 
personne  dans  toute  l'étendue  de  l'Eglise 
catholique  ne  regardait  son  culte  comme 
une  idolâtrie  ;  ces  docteurs  même  l'avaient 
pratiqué  pendant  longtemps  sans  scrupule; 
ce  sont  eux  qui,  à  force  de  iléclamalions  et 
de  sophismes,  sont  parvenus  à  le  persuader 
à  une  loule  d'ignorants;  ce  sont  donc  eux 
qui  sont  la  cause  de  la  fausse  conscience  de 
leurs  prosélytes.  Quand  ceux-ci  seraient  in- 
Uoceuls  d'avoir  fait  un  schisme,  ce  qui  n'est 


pas, les  auteurs  de  l  erreurn'ensont  que  plus 
coupables;  mais  saint  Paul  ordonne  aux 
fidèles  d'obéir  à  leurs  pasteurs  et  de  fermer 
l'oreille  à  la  séduction  des  faux  docteurs  : 
donc  ceux-ci  et  leurs  disciples  ont  été  com- 
jjliees  du  même  crime. 

vQuand  on  veut  nous  persuader  que  la  pré- 
tendue réforme  a  eu  pour  premiers  partisans 
des  âmes  timorées,  des  chrétiens  scrupuleux 
et  pienx  ,  qui  ne  demandaient  qu'à  servir 
Dieu  selon  leur  conscience  ,  on  se  joue  de 
noire  crédulité.  Il  est  assez  prouvé  que  les 
prédicanis  étaient  ou  des  moines  ilégoûtés  du 
cloître,  du  célibat  1 1  du  jong  de  la  règle,  ou 
des  rrclésiasiiques  vicieux, déréglés ,  entêtés 
de  leur  prétondue  science  ,  que  la  foule  de 
liMirs  partisans  ont  été  des  hommes  de  mau- 
vaisse  mœurs  et  dominés  par  des  passions 
fougueuses.  Voy.  Iîéi-obmation.  il  n'est  pas 
moins  certain  que  le  principal  motif  de  leur 
apostasie  fut  li'  désir  de  vivre  avec  plus  de 
liberté,  de  piller  les  églises  elles  monastères, 
d'humilier  cl  d'écraser  le  clergé,  de  se  ven- 
ger de  leurs  ennemis  personnels,  etc.  :  tout 
était  permis  contre  les  papistes  à  ceux  qui 
suivaient  le  nouvel  Evangile. 

On  nous  en  impose  encore  plus  grossière- 
ment, quand  on  prétend  qu'il  falhiit  du  cou- 
nige  pour  renoncer  au  catholicisme,  qu'il  y 
avaitde grands  dangers  à  courir;  que  les  apo- 
stats ris(]uaient  leur  fortune  cl  leur  vie,  qu'ils 
n'ont  donc  pu  agir  que  par  motif  de  con- 
science. 11  est  constant  que  dès  l'origine  les 
prétendus  réformés  ont  travaillé  à  se  rendre 
redoutables.  Leurs  docteurs  ne  leur  prê- 
chaient point  la  patience,  la  douceur,  la  ré- 
signation au  martyre,  comme  faisaient  les 
apôtres  à  leurs  disciples,  mais  la  sédition  , 
la  révolte  ,  la  violence  ,  le  brigandage  et  le 
meurtre.  Ces  leçons  se  trouvent  encore  dans 
les  écrits  des  rélormiteurs  ,  et  l'histoire  at- 
teste qu'elles  furent  fidèlement  suivies.  Etran- 
ge délicatesse  de  conscience  d'aimer  mieux 
bouleverser  l'Europe  entière  que  de  souf- 
frir dans  le  silence  les  prétendus  abus  de 
l'Eglise  catholique  ? 

Quatrième  objection.  A  la  vérité  les  Pères 
de  l'Eglise  ont  condamné  le  schisme  des  no- 
vations ,  des  donatistes  et  des  lucifériens, 
parce  que  ces  sectaires  ne  reprochaient  au- 
cune erreur  à  l'Eglise  calholique  de  laquelle 
ils  se  séparaient  ;  il  n'en  était  pas  de  même  des 
protestants,  à  qui  la  doctrine  de  l'Kglise  ro- 
maine paraissait  erronée  en  plusieurs  points. 
—  Réponse.  11  est  faux  que  les  schismatiques 
dont  nous  parlons  n'aient  reproché  aucune 
erreur  à  l'Eglise  catholique.  Les  donatistes 
regardaientconune  une  erreur  de  penser  que 
les  pécheurs  scandaleux  étaient  membres  de 
l'iiglise  ;  ils  soutenaient  l'invalidité  du  bap- 
tême reçu  hors  de  leur  société.  Les  novatiens 
Soutenaient  que  l'Eglise  n'avait  pas  le  pou- 
voir d'absoudre  les  pécheurs  coupables  de 
rechute.  Les  lucifériens  enseignaient  que 
l'on  ne  devait  pas  recevoir  à  la  communion 
ecclésiastique  les  évêqucs  ariens,  quoique 
pénitents  el  convertis,  et  que  le  baptême  ad- 
ministré par  eux  était  alisolumeni  nul.  Si, 
pour  avoir  droit  de  se  sciiarer  de  l'Eglise, 


40o 


se  11 


SCIl 


406 


il  siifCisail  de  lui  iinpuler  des  erreurs,  il  n'y 
aurait  aucune  seclo  aiii-ieniio  ni  moderne 
que  l'on  pùl  juslenienl  accuser  de  schisme,  les 
prulestauts  eux-niêuM-s  n'osoraioiit  hlàuier 
auf  une  des  sectes  i|ui  se  sont  séparées  d'eux, 
puisque  toutes  sans  exceplion  leur  ont  re- 
proché des  erreurs  .  et  souvent  des  erreurs 
Irès-grosstèi  es.  En  effoi,  lessociniens  les  accu- 
sent d'introduire  le  pol\  théisme  et  d'adorer 
trois  dieux,  en  souleuanl  la  divinité  des  trois 
personnes  divines;  les  .inabaplisles,  de  pro- 
faner le  baptême,  en  radmiiiislrant  à  des  en- 
fants i]i»i  ^ont  encore  incapables  de  croire; 
les  (Quakers,  de  résister  au  Saint-Esprit,  en 
einpû'baiit  les  simples  (iJèles  et  les  remnies 
de  parler  (laui  les  assemblées  de  religion, 
lorsi|ue  le'i  uns  ou  les  aulres  sont  iiispnés; 
les  anglicans,  de  méronnaîlre  rinsiilulion 
de  Je.-us-Obiist,  en  refus.iiit  de  reconnaître 
le  caraclèrf  divin  des  é\èquçs  :  tous  de  con- 
cert r<'prochent  aux  calvinistes  rigi.les  de 
faire  Dieu  auieur  du  péché  en  admettant  la, 
prédestination  absiilue,  elc.  ;  donc  ou  toutes 
ces  séries  onl  raison  dt'  vivre  séparéi'S  les 
unes  des  auiros  et  de  s'anaihcinaliser  muluel- 
loment,  on  loulesonleu  lorl  de  faire  »c/u's/)ie 
d'avec  rKs;li<e  ealholii|ue  ;  il  n'en  est  pas 
une  seule  qui  n'allèj^ue  les  mêmes  raisons 
de  se  sépiier  de  loule  autre  communion 
quelciHique. 

Un  de  leurs  contFoversisIcs  a  cité  un 
passage  de  Vincent  de  Lérins  ,  qui  dit  , 
Comiiionil.,  ehap.  k  et  20,  que  si  une  erreur 
est  prèle  à  infecter  toute  IKglise,  il  faut  s'en 
tenir  à  ranti(|iiité-,  quesi  l'erreur  est  ancienne 
cl  étendue,  il  faut  la  combattre  par  l'Ecriiure. 
Celle  cilalitin  est  fausse;  voici  les  paroles  de 
cet  auteur  :  «  C'a  toujours  été,  et  c'e^l  encore 
aujourd'hui  la  coutume  des  catholiques  de 
prouver  la  vraie  foi  de  di'ux  manières,  1°  par 
l'aulorilc  de  l'Ecriture  sainte  ,  2"  par  la 
Iradiiion  de  l'Eglise  universelle  ;  non  que 
l'Ecriture  soil  insufrisaiite  en  elle-même  , 
mais  parce  que  la  plupart  inlerprèleiit  à  leur 
gré  la  parole  divine  ,  el  fori;ont  ainsi  dus 
Ojiinions  et  des  erreurs.  11  faut  donc  entendre 
l'Erriliire  sainle  dans  le  sens  de.  l'Eglise, 
surtout  dans  les  questions  t\ui  seivent  de 
l'oiïdement  à  tout  le  dogme  calholique.  Nous 
avons  dit  encore  que  daiis  l'Eglise  mémo  il 
faut  avoir  égard  à  l'univers. due  et  à  l'anli- 
quité:  à  l'universalité,  alin  de  ue  pas  rompre 
l'unité  par  nn  schisme;  à  ranli>|uilé ,  afin  de 
ne  pas  préférer  une  nouvelle  hérésie  à 
l'ancienne  religion.  Enfru  nous  avons  dit  que 
dans  l'antiquité  île  l'Eglise  il  faut  observer 
deux  choses,  l,"  ce  qui  a  clé  décide  autrefois 
par  un  concile  universel;  2'  si  c'est  uue 
question  iiuuvelli'  sur  laquelle  il  n'y  ait  point 
eu  de  décision,  il  faut  consulter  le  sentim.'ut 
dos  Pères  qui  onl  toujours  vécu  el  enseigné 
dans  la  communion  de  l'Eglise,  el  tenir  pour 
vrai  et  catholique  ,  ce  qu'ils  ont  professé 
d'un  consentement  unanime.  »  Celte  règle  , 
convtamment  suivie  dans  l'Eglise  depuis  |)lus 
de  dix-sept  si'ècles  ,  est  la  condamnaiiuu 
roniicllc  du  schisme  et  do  touie  la  conduite 
des  proteslaals ,  aussi  bien  que  des  aulres 
sectaires. 


Quelques  théologiens  ont  oisdngue  le 
schisme  fio/i'/" d'avec  le  schisme  passif:  par  le 
preniier  ils  entendent  la  sépai  alion  volontaire 
d'une  partie  des  membres  de  l'Eglise  d'avec 
le  corps  ,  et  la  résoluiion  qu'ils  prennent 
d'eux-mêmes  de  ne  plus  faire  de  société  avec 
lui;  ils  appellent  .sc/ii's»(c/Kj.«.«i'/' la  séparation 
involontaire  de  ceux  que  l'Eglise  a  rejciés 
de  son  sein  par  l'excommunication.  Quel- 
quefois les  coiitroversislcs  protestants  ont 
voulu  abuser  de  cette  distinclion;  ils  onl  dit  : 
Ce  n'est  pas  nous  qui  nous  sommes  séparés 
de  l'Eglise  romaine  ,  c'est  elle  qui  nous  a 
rejet  es  el  condamnés  ;  c'est  donc  elle  qui  esl 
coupable  de  schisme,  el  non  pas  nous.  Mais 
il  esl  prouvé  par  tous  les  monuments  histo- 
riques du  leiups,  el  par  Ions  les  écrits  des 
calvinistes,  qu'avant  l'anatlièiue  prononcé 
conire  eux  par  le  concile  de  Trente ,  ils 
avaient  publié  el  répété  cent  fois  que  l'Eglise 
romaine  élail  la  B.ibylone  de  l'Apocalypse, 
la  synagogue  de  Saian,  la  société  de  l'Anle- 
chri^t;  qu'il  fallait  alisoUmient  en  sortir  pour 
faire  son  salut;  en  conséquence  ils  tinrent 
d'abord  des  assemblées  parliculières,  ils  évi- 
tèrent de  se  trouver  à  celles  des  calboliques 
et  de  prendre  aucune  part  à  leur  culte.  Le 
ichisme  a  donc  été  actif  et  t^■ès-vo^onlaire  de 
leur  part. 

Nous  ne  prétendons  pas  insinuer  par  là 
que  l'Eglise  ne  doit  point  exclure  prompte- 
mentde  sa  communion  les  novateurs  cachés, 
hypocrites  çl  perfides,  qui,  eu  enseignant 
uue  doctrine  contraire  à  la  S'ieune,  s'obsli- 
nenlà  se  dire  catholiques,  enfants  de  l'Eglise, 
défenseurs  de  sa  véritable  croyance,  malgré 
les  décrets  solennels  (pii  les  lléirissent.  Une 
triste  expérience  nous  convainc  que  ces  hé- 
réliques  cachés  cl  fourbes  ne  sont  pas  moins 
dangereux  el  ne  font  pas  moins  do  mal  que 
des  ennemis  déclarés. 

On  appelle  en  théologie  proposition  schis- 
maiique  celle  qui  tend  à  inspirer  aux  fidèles 
la  révolte  conire  l'Église,  à  introduire  la 
division  entre  les  églises  parliculières  et  celle 
de  Rome,  qui  esl  le  cenlre  de  l'unité  calho- 
lique. 

Schisme  d'Anuletebbe.  Voij.  Angleterre. 

Schisme  des  (ïrecs-  1  o.V-  Iîbçc. 

ScuisME  d'Occioenx.  C'est  la  division  qui 
arriva  dans  l'Eglise  romaine  au  kiv  siècle, 
lorsqu'il  y  eut  deux  papes  placés  eu  même 
temps  sur  le  saint  siège,  de  manière  (|u'il 
n'était  pas  aisé  de  distinguer  lequel  des  deux 
avait  été  le  plus  canonuiuemenl  élu. 

Après  la  mort  de  Uenoît  XI  en  130'^ ,  il  ' 
eut  successivement  sept  papes  français  d'ori 
giuc;  savoir,  Clément  V,  Jian  XXII,  Be 
noit  Xll,  Clément  VI,  Innocent  VI,  Urbain  ' 
et  Grégoire  XI,  qui  t'iurenl  leur  siège  à 
Avignon.  Ce  dernier  ayant  fait  un  voyage  à 
Rome  y  tomba  malade  et  y  mourul  le  13  mars 
ISTS.  Le  peuple  romain,  très-séditieux  pour 
lors,  et  jaloux  d'avoir  chez  lui  le  souverain 
pontife,  s'assembla  lumultueusemcut,  et  d'un 
ton  menaçant  déclara  aux  cardinaux  réunis 
nu  conclave,  qu'il  voulait  un  pape  romain 
ou  du  moins  italien  de  naissance.  Consé- 
qucmniLiil  les  cardinaux,  a[:rès  avoir  pro^ 


»(37  SCIl 

(esté  contre  la  vio.ence  qu'on  leur  faisait  et 
contre  l'élection  qui  allait  se  faire,  élurent, 
le  9. avril,  Barthélemi  Prignago,  archevêque 
do  Bari,  qui  prit  le  nom  d'Urbain  VI.  Mais  , 
cinq  mois  après,  ces  mêmes  cardinaux,  reti- 
rés à  Anagni  et  ensuite  à  Fondi ,  dans  le 
royaume  de  Naples,  déclarèrent  nulle  l'éîec- 
lion  d'Urbain  Vl,  con)me  faite  par  violence  , 
et  ils  élurent  à  sa  place  Roberi,  cardinal  de 
Genève  ,  qui  prit  le  nom  de  Clément  VU. 
Celui-ci  fut  reconnu  pour  pape  légilime  par 
la  France,  l'Espagne,  l'Ecosse,  la  Sicile,  l'île 
de  Chypre,  et  il  établit  son  séjour  à  Avignon; 
Urbain  VI,  qui  faisait  le  sien  à  Rome,  eut 
dans  son  obédience  les  autres  étals  de  la 
chrétienté.  Celte  division,  que  l'on  a  nommée 
le  grand  schisme  d'Occident ,  dura  pendant 
quarante  ans.  Mais  aucun  des  deux  partis 
n'étnit  coupable  de  désobéissance  envers 
l'Eglise  ni  envers  son  chef;  l'un  et  l'autre 
désiraient  également  de  connaître  le  vérita- 
ble pape,  tout  prêts  à  lui  rendre  obéissance 
dès  qu'il  serait   certainement  connu. 

Pend.-inl  cet  intervalle,  Urbain  VI  eut  pour 
successeurs  à  Rome  Bonifaee  IX  ,  Inno- 
cent VU  ,  (îrégoire  XII  ,  Alexandre  V  et 
Jean  XXIII.  Le  siège  d'Avignon  fut  tenu  par 
Clément  VII  pendant  seize  ans  ,  et  durant 
vingi-trois  par  Benoît  XIII  son  successeur. 
En  1409,  le  concile  de  Pise  ,  assemblé  pour 
éteindre  le  schisme,  ne  put  en  venir  à  bout; 
vainement  il  déposa  Grégoire  Xli,  pontife  de 
Rome,  et  Benoît  XIII,  pape  d'Avignon;  vai- 
nement il  élut  à  leur  place  Alexandre  V; 
tous  les  trois  eurent  des  partisans,  et  au  lieu 
de  deux  compétiteurs  il  s'en  trouva  trois. 
Enfin  1  e  scandale  cessa  l'an  1417;  au  concile 
général  de  C^n'lance ,  assemblé  pour  ce 
sujet,  Grégoire  XII  renonça  au  pontificat, 
Jean  XXiil.qui  avait  remplacé  Alexandre  V, 
fut  forcé  de  même,  et  Benoit  XIII  fut  solen- 
nellement déposé.  On  élut  Martin  V,qui  peu 
à  peu  fut  universellement  reconnu,  quoique 
Benoît  XIII  ait  encore  vécu  cinq  ans  ,  et  se 
soit  obstiné  à  garder  le  nom  de  pape  jusqu'à 
la  mort. 

Les  prolestants  ,  très-attenlifs  à  relever 
tous  les  scandales  de  l'Eglise  romaine,  ont 
exagéré  les  malheurs  que  produisit  celui- 
ci  ;  ils  disent  que  pendant  le  schisme  (ont 
sentiment  de  religion  s'éteignit  en  plu- 
sieurs endroits,  et  fil  place  aux  excès  les 
plus  scandaleux;  que  le  clergé  perdit  jus- 
qu'aux appart-mes  de  la  religion  et  de  la 
décence;  que  les  personnes  vertueuses  furent 
tourmentées  de  doutes  et  d'inquiétudes.  Ils 
ajoutent  que  celle  division  des  esprits  pro- 
duisit cependant  un  bon  eflel ,  puisqu'elle 
porta  un  coup  mortel  à  la  puissante  des 
papes.  Mosheim,  Hist.  ecclés.,  xiv*  siècle, 
M'  part.,  c.  2,  §  15.  Ce  tableau  pourrait  pa- 
raître ressemblant ,  si  l'on  s'en  rapportait  à 
plusieurs  écrits  composés  pendant  le  schisme 
par  des  auteurs  passionnés  et  satiriques,  tels 
que  Nicolas  de  Cléinengis  et  d'autres.  Mais, 
en  lisant  l'histoire  de  ces  temps-là  ,  on  voit 
que  ce  sont  des  dccl.itnaiions  dictées  par 
l'humeur,  dans  les(iuelles  on  trouve  souvent 
le  blanc  et  le  noir  suivant  les  circonstances. 


SCI 


i08 


Il  est  certain  que  le  schisme  causa  des  scan- 
dales, Gt  naître  des  abus,  diminua  beaucoup 
les  sentiments  de  religion  ;  mais  le  mal  ne 
fut  ni  aussi  excessif  ni  aussi  étendu  que  le 
prétendent  les  ennemis  de  l'Eglise.  A  cette 
même  époque  il  y  eut  chez  toutes  les  nations 
catholiques,  dans  les  diverses  obédiences 
des  papes  et  dans  les  différents  él.its  de  la 
vie,  un  grand  nombre  de  personnages  distin- 
gués par  leur  savoir  et  pnr  leur  vertus  ; 
Mosheim  lui-même  en  a  cité  un  bon  nombre 
qui  ont  vécu  ,  tant  sur  la  fin  du  xiv'  siècle 
qu'au  commencement  du  xV,  et  il  convient 
qu'il  aurait  pu  en  ajouter  d'autres.  Les  pré- 
tendants à  la  papauté  furent  blâmables  de 
ne  vouloir  pas  sacrifier  leur  intérêt  particu- 
lier et  celui  de  leurs  créatures  au  bien  géné- 
ral de  l'Eglise;  on  ne  peut  cependant  pas  les 
accuser  d'avoir  élé  sans  religion  et  sans 
mœurs.  Ceux  d'Avignon  ,  réduits  à  un  re- 
venu très-mince,  firent,  pour  soutenir  leur 
dignité,  un  trafic  honteux  des  bénéfices  ;  et 
se  mirent  au-dessus  de  toutes  les  règles  ■, 
c'est  donc  dans  l'Eglise  de  France  que  le 
désordre  dut  être  le  plus  sensible  :  cependant, 
par  VHisloire  de  l'Eglise  gcdiicane ,  nous 
voyons  que  le  clergé  n'y  était  généralement 
ni  dans  l'ignorance  ni  dans  une  corruption 
incurable,  puisque  l'on  se  sert  des  clameurs 
même  du  clergé  pour  prouver  la  grandeur 
du  mal.  D'ailleurs,  en  l'exagérant  à  l'excès, 
les  protestants  nous  semblent  aller  directe- 
ment contre  l'intérêt  de  leur  système  ;  ils 
prouvent,  sans  le  vouloir,  de  quelle  impor- 
tiince  est  dans  l'Eglise  le  gouvernement  d'un 
chef  sage,  éclairé,  vertueux  ,  puisque  quand 
ce  secours  vient  à  manquer,  tout  l()mbe  dans 
le  désordre  et  la  confusion.  Les  hommes  de 
bon  sens,  dit  Mosheim,  apprirent  que  l'on 
pouvait  se  passer  d'un  chef  visible  ,  revêtu 
d'une  suprématie  spirituelle  ;  on  peut  s'en 
passer  sans  doute,  lorsqu'on  veut  renverser 
le  dogme,  la  morale,  le  culte,  la  discipline, 
comme  ont  fait  les  protestants;  mais  quand 
on  veut  les  conserver  tels  que  les  apôtres 
les  ont  établis,  on  seul  le  besoin  d'un  chef; 
une  expérience  de  dix-sept  siècles  a  dû 
suffire  pour  nous  l'apprendre. 

*  SCHOLTÉNIENS.  Au  milieu  de  la  décomposition 
générale  du  protesiantisme,  on  voit  de  leiiips  eu 
temps  des  cliréiiens  essayer  de  lutter  contre  le  lor- 
renl  qui  les  entraîne.  Qnoiqu'en  Hollande  la  profes- 
sion de  foi  du  synode  de  Dordreclil  de  tGl8  soit  la 
base  de  l'Eglise  nationale,  le  synod«  de  181(i  permit 
à  chaque  niinisire  d'eu  retraiiclier  ou  d'y  ajouter  ce 
qu'il  voudrait.  Quelques  ministres,  à  la  télé  desquels 
figura  Scliollen,  s'uisur^jèrent  contre  le  synode  de 
1816  et  voulurent  faire  revivre  inlégialementladcic- 
Irine  du  synode  de  Dordiechl.  Bientôt  les  dissidents 
formèrent  secte,  eurent  des  églises,  reçurent  le  nom 
de  Vrais  Reformés.  Eu  1854  le  gouvernement  lixd- 
landais  leur  enleva  leurs  églises  par  force,  ils  se 
réunirent  dans  des  maisons  particulières  ;  on  lit  va- 
loir les  disposilions  de  l'art.  "i'Jl  du  code  pénal  Irau- 
çais,  encore  eu  vigueur  dans  ce  pays:  toute  réunion 
de  plus  de  vingt  personnes  fut  sévèrement  puide. 
Les  persécutés  trouvèrent  appui  auprès  des  protes- 
tants des  antres  pays.  Un  ne  puile  plus  aiijourd'liui 
de  persétuiion.  Nous  ignorons  où  en  est  la  secte. 

SCIENCE  DE  DIEU,    c'est   l'uUribul  par 


409 


scr 


SCf 


410 


lequel  Dieu  connait  toutes  choses.  Nous  ne 
pouvons  concovoir  Dieu  autrement  que 
cotnine  une  inlelli|ieiice  infinie  ,  par  consé- 
quent qui  connnit  tout  ce  <|ui  est  et  tout  ce 
qui  peut  être;  telle  est  l'iilée  que  nous  en 
donnent  les  livres  saints.  Nous  y  lisons.  Job, 
c.  xwiii,  V.  2'i-  :  Dieu  voit  les  extrémités  du 
monde,  et  considère  tout  ce  qui  est  sous  le 
ciel;  cap.  xlii,  y.  2  :  /e  sais,  Seigneur,  que 
vous  pouvez  tout  ,  et  qu'aucune  pensée  ne 
vous  est  cachée  ;  Haruch,  c.  m  ,  v.  32  :  Celui 
qui  sait  tout  est  l'aUeur  de  la  sagesse; 
l's.  cxxxMii  ,  V.  3  :  Vous  connaissez  ,  Sei- 
gneur, ce  quia  précédé  et  ce  qui  doit  suivre... 
Votre  sciiîNCK  est  admirable  pour  moi ,  elle 
est  immense,  et  je  ne  puis  y  atteindre  ,  etc.; 
I  l{e\i.,  c.  Il,  V.  3  :  Le  Seigneur  est  le  Dieu 
(le  la  sciKNCK,  et  les  pensées  des  hommes  lui 
sont  connues  d'avance;  Uoni.,  c.  xi,  v.  33  : 
(J  profondeur  des  trésors  de  la  sagesse  et  de 
la  .sciENCK  de  Dieu,  etc. 

Saint  Augustin,  1.  ii  ad  Simplic,  q. '2  , 
■observe  fort  bien  que  la  science  de  Dieu  est 
Ires-différente  de  la  nôtre,  mais  que  nous 
sommes  forcés  de  nous  servir  des  mêmes 
termes  pour  exprimer  l'une  et  l'autre  ;  nos 
<'onnai$sances  sont  des  accidents  ou  des  mo- 
difications qui  nous  arrivent  successivement 
et  qui  produisent  un  changement  en  nous; 
Dieu  de  loute  éternité  a  tout  vu  et  tout  connu 
pour  toute  la  durée  des  siècles;  aucune  pen- 
sée, aucune  connaissance  ne  peut  lui  arriver 
de  nouveau;  il  ne  peut  rien  perdre  ni  rien 
acquérir,  puisqu'il  est  iuimuatile. 

Dieu,  disent  les  Pères  de  l'Eglise,  a  prévu 
tous  les  événements,  puisque  c'est  lui  qui  les 
a  dirigés  comme  il  lui  a  plu;  il  n'a  pas  lait 
les  créatures  sans  savoir  ce  qu'il  taisait,  ce 
<iu'il  voulait  et  ce  qu'il  pouvait  faire;  s'il  ne 
connaissait  pas  toutes  choses,  il  ne  pourrait 
pas  les  gouverner,  nous  aurions  tort  de  lui 
attribuer  une  providence  :  //  appelle,  dit 
saint  Paul,  les  choses  qui  ne  sont  point  comme 
celles  qui  sont  (Rom.,  c.  iv,  v.  17], 

Dans  les  objets  de  nos  connaissances  nous 
distinguons  le  passé,  le  préseul  et  le  futur; 
à  l'égard  de  Dieu  tout  est  présent,  rien  n'est 
passé  ni  futur,  parce  que  son  élernilé  cor- 
respond à  tous  les  instants  de  la  durée  des 
■créatures.  Mais,  pour  soulager  notre  faible 
«niendemeni,  nous  distinguons  en  Dieu  au- 
tant de  sciences  différentes  que  nous  en 
«prouvons  en  nous-mêmes.  Conséquemnicnt 
les  théologiens  distinguent  en  Dieu  :  1'  la 
science  de  simple  intelligence  ,  par  laquelle 
Dieu  voit  les  choses  purement  possibles  qui 
n'ont  jamais  existé  et  qui  n'existeront  ja- 
imïis.  Comme  rien  n'est  possible  que  par  la 
pui.».sance  de  Dieu  ,  il  suffit  que  Dieu  con- 
naisse toute  l'étendue  de  sa  puissance  pour 
connaître  tout  ce  qui  (jcut  être.  2"  La  science 
de  vision,  par  taiiuelle  Dieu  voit  tout  ce  qui 
a  existé,  tout  ce  qui  existe  ou  existera  dans 
le  temps,  par  conséquent  toutes  les  pensées 
et  toutes  les  actions  des  hommes,  présentes, 
passées  ou  à  venir,  et  le  cours  entier  de  la 
nature,  tel  ((u'il  a  été  et  tel  qu'il  sera  dans 
toute  sa  durée  ;  et  c'est  cette  connaissance 
<ciaire  et  distincte  qui  dirige  la  providence 


de  Dieu  tant  dans  l'ordre  de  la  nature  que 
dans  l'ordre  de  la  grâce.  Cette  science  ,  en 
tant  qu'elle  regarde  les  choses  futures,  est 
appelée  précision  ou  prescience.  Nous  en 
avons  parlé  en  son  lieu.  Voy.  Piiksoience. 
3"  Quelques  théologiens  admettent  encore  en 
Dieu  une  troisième  science  qu'ils  appellent 
science  moyenne  ,  parce  qu'elle  semble  tenir 
un  milieu  entre  la  science  de  vision  et  la 
-  sciencedesimpleintelligence.il  y  a, disent-ils, 
des  clio<es  qui  ne  sont  futures  que  sous  cer- 
taines conditions  ;  si  les  couJItions  doivent 
avoir  lieu  ,  l'événement  qui  en  dépend  de- 
viendra futur  absolument,  et,  comme  tel,  il 
est  l'objet  de  la  science  de  vision  ou  de  la 
prescience.  Si  la  condition  d(^  laquelle  cet 
événement  dépend  ne  doit  point  avoir  lieu  , 
il  n'existera  janiais;  alors  c'est  un  futur 
purement  conditionnel;  il  ne  peut  donc  pas 
être  de  la  science  de  vision  qui  regarde  les 
futurs  absolus  ,  ni  de  la  science  dt!  simple 
intelligence  qui  a  pour  objet  les  possibles. 
Cependant  Dieu  le  counait,  puisque  souvent 
il  l'a  révélé  :  il  faut  donc  distinguer  cette 
science   divine  d'avec  les  deux  précédentes. 

Que  Dieu  ait  révélé  plus  d'une  fois  des 
fu'.urs  purement  conditionnels,  c'est  un  fait 
prouvé  par  l'Ecriluie  sainte.  /  Tîei/.,  c.  xxiii, 
v.  12,  David  demande  au  Seigneur  :  Si  je 
demeure  à  Ceila.  les  habitants  jne  livreront-ils 
à  Suill?  Dieu  répondit  :  Us  vous  livreront. 
Conséquemment  David  se  retira,  et  il  ne  fut 
point  livré.  Sap.,c.  iv,  v.  Il,  il  est  dit  du 
juste  que  Dieu  l'a  tiré  de  ce  monde,  de  peur 
qu'il  ne  fût  perverti  par  la  contagion  des 
mu'urs  du  siècle;  Dieu  prévoyait  donc  que 
si  ce  juste  eût  vécu  plus  longtemps,  il  aurait 
succombé  à  la  tentation  du  mauvais  exem- 
ple. .1/n<t/i.,  c.  XI,  V.  21,  Jésus-Christ  dit  aux 
Juifs  incrédules  :  Si  j'avais  fait  à  Tyr  et  à 
Sidon  les  mêmes  miracles  qu*  j'ai  faits  parmi 
vous,  ces  peuples  auraient  fait  pénitence  suus 
le  cilii  e  et  sous  la  cendre.  Luc,  c.  xvi,  v.  31, 
il  est  dit  des  frères  du  mauvais  riche  :  Quand 
un  morC  ressusciterait  pour  les  instruire,  ils 
ne  le  croiraient  pas.  Voilà  des  prédictions 
de  futurs  conilitionnels  qui  ne  sont  pas  ar- 
rivés, parce  que  la  condition  n'a  pas  eu  lieu. 

Les  Pères  de  l'Eglise  ont  r.iisonné  sur  ces 
passages,  pour  prouverque  Dieu  voit  ce  que 
ier.'iient  toutes  ses  créatures  dans  toutes  les 
circonstances  où  il  lui  plairait  de  les  placer; 
saint  Augustin  surtout  en  a  fait  usage  pour 
prouver  contre  les  pelagiens  et  les  seini-pé- 
lagiens  que  Dieu  n'est  point  déterminé  à 
donner  la  grâce  de  la  foi  par  les  bonnes  dis- 
positions qu'il  prévoit  dans  ceux  à  qui 
l'Evangile  serait  prêché;  ni  déterminé  à  pri- 
ver de  la  grâce  du  baptême  certains  enfants, 
parce  qu'il  prévoit  leur  mauvaise  conduite 
future  s'ils  parvenaient  à  l'âge  mûr.  loi/. 
Petau,  Duym.  thcnl.,  t.  1 ,  I.  iv,  c.  7.  Ainsi 
raisonnent  les  théologiens  que  l'on  appelle 
niiilinistes  et  congruistes.  Voy.  Conguuistes. 

Mais  les  thomistes  et  les  augustiniens 
soutiennent  que  cette  science  moyenne  in- 
ventée par  Molina,  est  non-seulement  inu- 
tile, mais  d'un  usage  dangereux  dans  les 
questions  de  la  grâce  et  de  la  prédestination- 


A\l 


SCI 


Ou  la  condition,  disent-ils,  de  laquelle  dé- 
pend un  événement  aura  lieu,  ou  elle  n'ar- 
rivera pns  :  dans  le  premier  cas,  le  futur  est 
absolu,  et  pour  lors  il  esl-l'objet  de  la  science 
de  vision  ou  de  la  prescience;  dans  le  second 
cas,  ce  futur  prétendu  conditionnel  est  sim- 
plement possible  ,  et  Dieu  le  voit  par  la 
science  de  simple  intelligence.  Ces  mômes 
théologiens  accusent  leurs  aihersaires  de 
donner  lieu  aux  mcaies  conséquences  que 
saint  Augustin  a  ccmballues,  et  que  riîglise 
a  condamnées  dans  les  pélagiens  et  les  semi- 
pélagic'.is. 

On  conçoit  bien  que  les  congruistes  ne 
demeurent  pas  sans  réplique.  Cette  question 
a  été  ilébaliue  de  part  et  d'autre  avec  plus 
de  cbaleur  qu'elle  ne  mériiait;  il  y  a  eu  une 
immeiisilé  d'écrits  pour  et  contre,  sans  que 
l'un  ou  l'aulre  d(  s  deux  pariis  ail  avancé  (lU 
reculé  d'un  seul  pas.  11  aurait  été  mi-ux 
sans  doute  de  renoncer  à  tout  système,  de 
s'en  tenir  uniquement  à  ce  qui  est  révélé,  et 
de  consentir  à  ignorer  ce  que  Dieu  n'a  pas 
voulu  nous  apprendre. 

SCIKNCES  HUMAINES.  De  nos  jours  les 
incrédules  ont  poussé  la  prévention  con're  le 
christianisjue,  jusqu'à  souienir  que  son  éia- 
blissement  a  nui  au  progrès  des  sciences; 
déjà  nous  avons  réfuté  ce  paradoxe  au  mot 
Lettres  ;  il  est  bon  d'ajouter  encore  quel- 
ques réilexions.  Il  est  incontestable  que  de- 
puis dis-sepl  siècles  les  sciences  n'ont  |ires()ue 
été  cultivées  ni  connues  quecbez  les  nations 
chrétiennes ,  que  les  autres  peuples  sont 
plongés  (tans  l'ignorance  et  dans  la  barbarie, 
i'eut-on  comparer  la  fdilde  mesure  de  con- 
naissances que  possèdent  les  Indiens  et  les 
Chinois,  avec  ce  qu'en  ont  acquis  les  peuples 
de  l'Europe?  Lorsqu'au  x"  et  au  xii"  siècle 
les  mahométans  ont  eu  quelque  teinture  des 
fcicnces,  ils  l'avaient  reçue  des  nations  chré- 
tiennes, et  ils  ne  l'ont  pas  conservée  long- 
temps :  ils  ont  fait  régner  l'ignorance  par- 
tout où  ils  se  sont  rendus  les  maîtres;  sans 
les  efforts  qu'on  leur  a  opposés  par  principe 
de  religion,  les  sciences  auraient  eu  en  Eu- 
rope le  même  sort  qu'en  Asie;  quelques  in- 
crédules uidius  entêtés  que  les  autres  ont  eu 
la  bonne  foi  d'en  convenir.  A  la  vériié,  depuis 
le  IV'  siècle  de  l'Eglise,  les  sciences  n'ont 
plus  été  cultivées  chez  les  Grecs  et  chez  l 'S 
Humains  avec  autant  d'éclat  et  de  succès 
(ju'au  siècle  d'Augusle;  mais  ceux  (jui  eu 
ont  cherché  la  cause  dans  l'éiablissement  du 
christianisme,  ont  affecté  d'ignorer  les  évé- 
nements qui  ont  précédé  et  qui  ont  suivi 
cette  grande  époque  de  l'histoire.  En  effet, 
depuis  le  règne  de  Néron  jusqu'à  celui  de 
Théodose,  pendant  un  espace  de  trois  cents 
ans,  les  payssoumisà  la  domiualiuu  romaine 
furent  désolés  par  les  guerres  civiles  entre 
les  divers  prétendants  à  l'empire.  Déjà  les 
Barbares  avaient  commenié  à  y  faire  des 
irruptions  de  toutes  |)arts;  les  Germains,  les 
Sarinates,  les  Quades,  les  Marcomans,  les 
Scythes,  les  l'aithcs,  les  Perses  en  avaient 
démembré  ou  dépeuplé  des  parties  ;  les  vic- 
toires de  quelques  empereurs  n'opposé,  eut 
à  ce  torrent  qu'un  obstacle  passager.    Dès 


SCI  412 

l'an  275  l'on  vit  fondre  sur  les  Gaules  uu 
essaim  de  peuples  d'Allemagne,  les.  Lyges, 
les  Francs,  les  Bourguignons,' les  Vandales; 
ils  s'emparèrent  de  soixante-dix  villes,  et  en 
de:neurèrenl  les  maîtres  pendant  deux  ans. 
Probus  ne  vint  à  bout  de  les  en  chasser, 
l'an  277,  qu'après  leur  avoir  lue  quatre  cent 
mille  homme-.  Ils  ne  lardèrent  p.is  d'y  re- 
venir avec  d'autres  Barbares  eu  plus  grand 
nombre.  Tillemont ,  Vie  des  enip.  ,  t.  III, 
pag.  h1^  et  sniv.  Au  v°  siècle,  les  Golhs,  les 
Francs,  les  Bouru;uignons,  les  Huns,  les 
Lombards,  les  Vandales,  vinrent  à  bout  de 
s'y  établir,  et  s'emparèrent  peu  à  peu  de 
tout  l'Occident  ;  au  vir  siècle,  les  Arabes  ra- 
vagèrent l'Orient  pour  établir  le  mahomé- 
lisme.  Les  invasions  n'ont  cessé  dans  nos 
climats  que  par  la  ronversion  des  peuples 
duNord.  Est-ce  au  milieu  de  celte  désolation 
continuelle,  dont  l'histoire  fait  frémir,  que 
les  sciences  pouvaient  lleurir  et  faire  des 
progrès  '?  Les  pest^'S,  les  famines,  les  lrem~ 
blemenis  de  terre  joignirent  leurs  ravages  à 
ceux  de  la  guerre;  ceux  qui  ont  calculé  les 
perles  que  la  population  a  faites  par  ces 
divers  flé.iux,  prétendent  que,  sous  le  règne 
de  Justinien,  le  nombre  des  hommes  était 
réduit  à  moins  de  moitié  de  ce  qu'il  était  au 
siècle  d'Auguste.  Des  temps  aussi  malheu- 
reux n'étaient  pas  propres  aux  spéculations 
des  savants,  ni  aux  recherches  curieuses; 
mais  le  christianisme  n'a  pu  iniluer  en  rien 
dans  les  causes  de  ces  révolutions.  Loin  de 
mettre  obstacle  aux  études,  cette  religion 
engageait  ses  sectateurs  à  s'instruire,  par  le 
désir  de  réfuter,  de  convaincre,  de  convertir 
les  philosophes  (jui  rattaquaient  ;  les  persé- 
cutions mêmes  enflammèrent  le  zèle  des 
Pères  de  l'Eglise.  Connaît-on,  dans  les  trois 
premiers  siècles,  des  auteurs  profanes  qui 
aient  mieux  possédé  la  philosophie  de  leur 
temps  que  les  apologistes  de  notre  religion  1 
Au  IV*,  lorsque  la  paix  eut  été  donnée  à 
l'Eglise  par  Constantin,  il  fut  aisé  de  voir  si 
les  savants  du  paganisme  avaient  des  con- 
naissances supérieures  à  celles  des  docteurs 
chrétiens.  Julien,  ennemi  déclaré  de  ces 
derniers,  ne  sentait  que  irup  bien  leur  as- 
cendant, lorsqu'il  souhaitait  que  les  livres 
des  tjaliléens  fussent  détruits,  Lellre  9  à 
Ecdicius  ,  et  qu'il  défendait  aux  chrétiens 
d'étudier  et  d'enseigner  les  lettres.  Aucun 
philosophe  de  ce  temps-là  n'a  montré  autant 
de  connaissances  en  matière  de  physique  et 
d'histoire  naturelle,  que  saint  Basile  dans 
son  Hexaméruti,  Lactance  dans  son  livre  de 
Opificio  Dei,  Théodorel  dans  ses  Discours 
SU7-  la  Providence,  etc. 

Le  meilleur  moyen  de  perfectionner  les 
sciences  naturelles  était  d'établir  la  C(mimu- 
nicalmn  entre  les  dilTérentes  parties  du 
globe,  d'apprendre  à  connaître  le  sol,  les 
riciiesses,  les  mojurs,  les  lois,  le  génie,  le 
langage  des  divers  peuples  du  monde  ;  nous 
jouissons  actuellement  de  cet  avantage,  mais 
à  qui  en  sommes-nous  redevables?  Est-ce 
aux  philosophes  zélés  pour  le  bien  de  l'hu- 
nianilé,  ou  aux  missionnaires  enflammés  du 
zèle  de  la  religion?  Le  christianisme  qu'ils 


iK 


SCI 


sci 


m 


oui, porté  dans  le  Nord  y  a  fait  naître  l'a- 
griculture ,  la  civilisiilion  ,  les  lois  ,  les 
siieucos;  il  a  rendu  llorissantcs  des  régions 
qui  n'elaient  autrefois  couvertes  que  de  fo- 
ri'ls,  de  marérases,  et  di- quelques  troupeaux 
de  sauvages.  Ce  sont  les  missionnaires,  et 
non  les  philosophes,  qui  oui  apprivoisé  les 
barbares  ,  qui  nous  ont  fait  connaître  les 
coniréi'S  et  l"s  nations  des  extrémités  de 
l'Asie, qui  ont  décrit  le  caractère,  les  mœurs, 
le  genre  de  vie  des  sauva  «es  de  l'Amérique. 
Si  leur  zèle  inirépide  n'avait  pas  commencé 
jiar  frayer  le  chemin  ,  .lucun  philosophe 
n'aurait  osé  entreprendre  d'y  pénétrer.  C'est 
donc  à  eux  que  la  péographic  et  les  dilTé- 
renles  parties  de  l'histoire  nalurellcsont  re- 
devables des  progrès  immenses  qu'dlcs  ont 
fails  dans  ces  derniers  siècles.  S'ils  avaient 
tr;ivaillé  dans  le  dessein  d'inspirer  de  la 
reconnaissance  aux  philosophes,  ils  auraient 
aujourd'hui  lieu  de  s'en  repentir. 

l'onr  bien  connaître  les  peuples  modernes, 
il  fallait  les  comparer  aux  peuples  anciens; 
or,  il  ne  nous  reste  aucun  monument  pio- 
fane  qui  nous  donne  une  idée  aussi  exacte 
des  anciens  peupli's  et  des  premiers  âges  du 
monde  que  nos  livres  saints.  Les  savants 
qui  ont  voulu  remonter  à  l'origine  des  lois, 
des  sciences  et  des  arts,  ont  été  forces  de 
prendre  l'histoire  saiiile  p^iur  base  de  leurs 
reclnrches.  Ceux  qui  ont  suivi  une  route 
opposée  ne  nous  ont  débité,  sous  le  nom 
li'hisloire  plnlusophique  cl  de  Philosophie  ilc 
l'hisloire,  i\uc  les  lêves  d'une  imagination  dé- 
réglée, et  un  chaos  d'erreurs  et  d'absurdités. 
Partout  où  le  christianisme  s'est  établi,  au 
milieu  des  glaces  du  Nord,  ausi  bien  que 
sous  les  feux  du  Midi,  il  a  porté  les  sciences, 
les  mœurs,  la  civilisation  ;  partout  où  il  a 
été  détruit,  la  barbarie  a  jiris  sa  place.  Les 
peuples  des  côtes  de  l'Afrique  et  ceux  de 
i'iigypte  oiil  vu  la  lumière,  pendant  que 
l'Evangile  a  lui  parmi  eux  ;  dès  que  ce 
flambeau  a  cessé  de  les  éclairer,  une  nuit 
profonde  y  a  succède.  La  Grèce,  autrefois 
si  féconde  en  savants,  en  artistes,  en  philo- 
sophes, est  devenue  stérile  pour  les  sciinces; 
la  nature  el  le  climat  sont-ils  changés  ?  Non, 
le  génie  des  Grecs  est  toujours  le  iisônie, 
mais  il  est  étouffe  sous  la  tyrannie  d'un  gou- 
vernement aussi  ennemi  dos  scienc  s  (|uc 
du  chrislianisnie.  Il  adonc  fallu  perdre  toute 
pudeur  pour  oser  écrire  que  cette  religion  a 
retarde  les  progrès  de  l'esprit  humain,  et  a 
n)is  obstacle  à  la  perfection  des  sciences;  sans 
elle  au  contr,:ire  l'Europe  entière  ser.iit  en- 
core plongée  dans  l'ignorance  qu'y  avaient 
apportée  les  barbares  du  Nord.  Nous  sommes 
bien  mieux  fondés  à  reprocher  aux  philoso- 
phes incrédules  que  leur  entèlement  et  leur 
méthode  ne  tendent  à  rien  moins  qu'à  l'ex- 
tinction de  toutes  les  sciences.  En  eflel,  si 
l'on  veut  y  donner  une  base  solide,  il  faut 
partir  des  lumières  acquises  par  ceux  (jui 
Duus  ont  précédés,  il  faut  connaître  leurs 
erreurs,  aûu  de  nous  en  préserver;  mais  ce 
procède  exige  des  recherches  pénibles;  pour 
s'en  dispenser,  nos  écrivains  modernes  ont 
décrié  tous  les  genres  d'érudition,  sous  pré- 


texte que  ceux  qui  les  ont  cultivés  n'étaient 
p.is  philosophes  :  l'étude  des  langues,  de 
la  critique,  de  la  littérature  ancienne  et  mo- 
derne, leur  paraît  superilue;  tous  se  flattent 
de  tirer  tonte  vérité  de  leur  cerveau  ;  ils  veu- 
lent être  créateurs,  et  ils  répèlent,  sans  le 
savoir,  les  absurdités  philosophiques  des 
siècles  passés. 

,\  quoi  sert  le  raisonnement,  lorsque  l'on 
ignore  les  premiers  principes  de  l'art  de  rai- 
sonner? Vainement  on  chercherait  ehe/  nos 
littérateurs  inciédules  quelque  teinture  de 
to.:iqueetde  métaphysique  ;  ces  deux  sciences 
leur  déplaisent,  elles  mettraient  des  entraves 
à  l'impélunsilé  de  leur  génie;  à  l'exemple 
des  anciens  épicuriens,  ils  en  ont  secoué  le 
joug.  Au  lieu  de  raisonner  ils  déclament,  ils  se 
contredisent,  ils  ne  savent  ni  de  quel  prin- 
cipe ils  sonl  partis,  ni  à  quel  terme  ils  doi- 
vent aboutir. 

Notre  siècle  sans  doute  a  fait  do  grandes 
dérouvertes  dans  la  physbpie  et  dans  l'his- 
toire naturelle  ;  mais  combien  d'expériences 
douteuses  ne  nous  a-t-on  p  is  données  pour 
des  vérités  incontestables?  Le  goût  des  sys- 
tèmes ne  règne  pas  moins  qu'autrefois, et  les 
plus  hardis  sonl  toujours  les  mieux  ac-r 
cueillis;  l'hypothèse  des  atomes  et  celle  de 
la  divisibililé  de  la  matière  à  l'infini  se  suc- 
cèdent et  subjuguent  les  esprits  tour  à  tour; 
les  termes  inintelligibles  d'attraction  ,  de 
gravitation,  d'électricité,  de  magnétisme,  ont 
remplacé  les  qualités  occultes  des  anciens  : 
une  imagination  nouvelle  paraît  sublime  dès 
qu'elle  peut  servir  à  combattre  les  vérités 
révélées;  et  si  l'on  pouvait  parvenir  à  sub- 
stituer l'idée  de  la  matière  à  celle  de  Dieu, 
nos  philosophes  croiraient  avoir  tout  gagné. 
Entre  leurs  mains,  l'histoire  n'est  plus  (ju'un 
tissu  de  conjectures,  un  système  de  pyrrbo- 
nisme,  un  suite  de  libelles  diffamatoires.  De 
tous  les  fails,  ils  n'admettent  que  ceux  qui 
s'accordent  avec  leur  opinion,  ils  ne  font  cas 
que  lies  auteurs  qui  paraissent  avoir  pensé 
comme  eux,  ils  noircissent  tous  les  person- 
nages dont  la  vertu  leur  déplaît  ;  ils  appel- 
lent grands  hommes  des  insensés  chargés  du 
mépris  de  tous  les  siècles.  Leur  grande  ani- 
bilion  est  d'être  législ.ileurs,  politiquis,  ar- 
bitres dti  sort  des  nations  ;  mais  en  attaquant 
l'idée  d'un  Dieu  légi^Ialeur,  ils  ont  sapé  la 
b  ise  de  toutes  les  lois  ;  au  lieu  de  la  morale 
des  hommes  ,  ils  nous  prescrivent  celle  des 
broies,  et  ils  fondent  la  politique  sur  les 
principes  de  l'anarchie.  Dans  un  état  bien 
police,  le  citoyen  qui  déclamerait  contre  les 
lois  serait  puni  comme  séditieux;  parmi 
nous,  c'est  un  litre  pour  prétendre  à  la  célé- 
brité. Si  cette  philosophie  meurtrière  durait 
encore  longtemiis,  que  deviendraient  donc 
enfin  les  sciences?  On  sait  déjà  où  eu  est 
Tcducation  de  la  jeunesse  depuis  que  les 
philosophes  ont  voulu  la  réformer,  et  si, 
dans  l'état  où  ils  l'ont  mise,  elle  est  fort 
propre  à  créer  des  hommes  laborieux,  sa- 
vants, utiles  à  leur  patrie. 

Un  des  principaux  faits  qu'ils  allèguent 
pour  prouver  que  le  ciiristiaiiisine  est  eu 
Demi  des  jcte')ces,esUa  prctunducpersécutiou 


415 


SCI 


SCI 


41(i 


qu'essuya  Galilée  à  cause  de  ses  découvcrles 
aslronomiques,  et  sa  condamnation  au  tribu- 
nal de  l'inquisilion  romaine.  Heureusement, 
il  est  actuellemenl  prouvé  par  les  lettres  de 
Guichardin  et  du  marquis  Nicolini,  ambassa- 
deurs de  Florence,  amis,  disciples  et  prolec- 
teurs de  Galilée,  par  les  lettres  manuscrites  et 
par  les  ouvrages  de  Galilée  lui-même,  que 
depuis  un  siècle  on  en  impose  au  public  sur 
ce  l'ait.  Ce  philosophe  ne  fut  point  persécuié 
comme  bon  astronome,  mais  comme  mauvais 
théologien,  pour  avoir  voulu  se  mêler  d'ex- 
pli(iuer  la  Bible.  Ses  découvertes  lui  susci- 
tèrent sans  doute  des  ennemis  jaloux  ;  mais 
c'est  son  entêtement  à  vouloir  cnncilier  la 
Bible  avec  Copernic  qui  lui  donna  des  ju^ies, 
et  sa  pétulance  seule  fut  la  cause  de  ses  cha- 
grins. En  ce  temps-là  vivaient  le  Tasse, 
l'Ariosle,  Machiavel,  Bembo,  Toricelli,  Gui- 
chardin, Frapaolo,  etc.  ;  ce  n'était  donc  pas 
pour  l'itiilie  un  siècle  barbare. 

En  1611,  pendant  son  premier  voyage  à 
Rome,  Galilée  fut  admiré  et  cijniblé  d'hon- 
neurs par  les  cardinaux  et  par  les  grands 
seigneurs  auxquels  il  montra  ses  décou- 
vertes: il  y  retourna  en  1(J15;  sa  seule  pré- 
sence déconcerta  les  accusations  formées 
contre  lui.  Le  cardinal  det  Jl/on^e  et  divers 
membres  du  Sainl-Olfice  lui  tracèrent  le 
cercle  de  prudence  dans  lequel  il  devait  se 
renfermer;  mais  son  ardeur  et  sa  vanité 
l'emportèrent.  «  11  exigea  ,  dit  Guichardin 
dans  ses  dépêches  du  k  mars  161C,  que  le 
pape  et  le  Saint-Olfice  déclarassent  le  sys- 
tème de  Copernic  fondé  sur  la  Bible.  »  II 
écrivit  mémoires  sur  mémoires;  Paul  V,  fa- 
tigué par  ses  instances,  arrêta  que  cette 
controverse  serait  juiiée  dans  une  congré- 
gation. «  Galilée,  ajoute  Guichardin,  met  un 
extrême  emportement  dans  tout  ceci  ;  il  l'ail 
plus  de  cas  de  son  opinion  que  de  celle  de 
ses  amis,  etc.  »  Il  fut  rappelé  à  Florence  au 
mois  de  juin  161G.  Il  dit  lui-même  dans  ses 
lettres  :  «  La  congrégation  a  seulement  dé- 
cidé que  l'opinion  du  mouvement  de  la  terre 
ne  s'accorde  pas  avec  la  Bible.  Je  ne  suis 
point  intéressé  personnellement  dans  le  dé- 
cret. »  Avant  son  départ  il  eut  une  audience 
très-gracieuse  du  pape;  Bellarmin  lui  fit 
seulement  défense,  au  nom  du  saint-siége, 
de  parler  davantage  de  l'accord  prétendu 
entre  la  Bible  et  Copernic,  sans  lui  interdire 
aucune  hypothèse  aslroiiomii|ue.  Quinze  ans 
a  près,  eu  lG3îi,  sous  le  pontifical  d'Urbain  VIII, 
Galilée  imprima  ses  célèbres  dialogues.  Délie 
due  viassime  sysleme  del  mondo.  avec  une 
permission  et  approbation  supposée,  et  con- 
tre laquelle  personne  n'osa  réclamer,  et  il 
lit  reparaître  ses  mémoires  écrits  en  1GI6, 
où  il  s'efforçait  d'eiiger  en  question  de 
dogme  la  rotation  du  globe  sur  sou  axe.  On 
prétend  que  les  jésuites  excitèrent  contre  lui 
la  colère  du  pape.  «  11  faut  traiter  celte  af- 
faire doucement,  écrivait  le  marquis  Nico- 
lini, dans  ses  dépêches  du  o  septembre  1C32  : 
si  le  pape  se  pique,  tout  est  perdu;  il  ne 
faut  ni  disputer,  ni  menacer,  ni  liraver.  » 
C'est  ce  que  faisait  Galilée.  11  fut  cité  à  Kojiie, 
et  y  arriva  le  3  février  1633.  Il  ne  fui  point 


logé  à  l'inquisition,  mais  au  palais  de  l'en- 
voyé de  Toscane.  Un  mois  après,  il  fut  mis, 
non  dans  les  prisons  de  l'inquisition,  comme 
vingt  autours  l'ont  écrit,  mais  dans  l'appar- 
tement du  fiscal,  avec  la  liberté  de  corres- 
pondre avec  l'ambassadeur,  de  se  promener, 
et  d'envoyer  son  domestique  au  dehors. 
Après  dix-huit  jours  de  détention  à  la  Mi- 
nerve, il  fut  renvoyé  au  palais  de  Toscane. 
Dans  ses  défenses,  il  ne  fui  point  question 
du  fond  de  son  système,  mais  toujours  de  sa 
prétendue  conciliation  avec  la  Bible.  Après 
la  sentence  rendue  et  la  rétractation  de  Ga- 
lilée sur  le  point  contesté,  il  fut  le  maître  de 
retourner  dans  sa  patrie.  L'année  suivante 
1(333,  il  écrivit  au  père  Keceneri,  son  dis- 
ciple :  «  Le  pape  me  croyait  digne  de  son 
estime....  Je  lus  logé  dans  le  délicieux  palais 
de  la  Trinilé-du-Mont....  Quand  j'arrivai  au 
Saiiit-Ofiicc,deux  jacobins  m'invitèrent  très- 
honnêlemeiit  de  faire  mon  apologie...  J'ai 
été  obligé  de  rétracter  mon  opinion  en  bon 
catholique.  (On  a  vu  ci-dpsius  de  quelle 
opinion  il  était  question.  )  l'our  me  punir, 
on  m'a  détendu  les  dialogues,  et  congédié 
après  cinq  mois  de  séjour  à  Rome.  Comme 
la  peste  régnait  à  Florence,  on  m'a  as- 
signé pour  demeure  le  palais  de  mon  meil- 
leur ami,  monseigneur  Piccolomini,  arche- 
vêque de  Sienne,  où  j'ai  joui  d'une  pleine 
lran(]uillilé.  Aujourd'hui  je  suis  à  ma  cam- 
pagne d'Arcêlre,  où  je  respire  un  air  pur 
auprès  de  ma  chère  patrie.  »  Voyez  le  Mer- 
cure  de  France  du  10  juillet  1784,  n'29. 

Mais  vingt  auteurs,  surtout  parmi  les  pro- 
testants, ont  écrit  que  Galilée  fut  persécuté 
et  emprisonné  pour  avoir  soutenu  que  la 
terre  tourne  autour  du  soleil;  que  ce  sys- 
tème a  été  condamné  par  l'inquisition 
comme  faux,  erroné,  et  contraire  à  la  Bi- 
ble, etc.  Cela  est  répété  ou  supposé  dans 
plusieurs  dictionnaires  historiques;  nos  in- 
crédules modernes  l'ont  affirmé  les  uns 
après  les  autres,  et  malgré  les  preuves  irré- 
cusables du  contraire,  ils  le  répéteront  jus- 
qu'à la  fin  des  siècles.  C'est  ainsi  que  les 
philosophes  travaillent  à  l'avancement  des 
sciences. 

*  Science  de  Jésus-Christ.  Jésus-Christ,  Dieu  et 
lioiiinie  tout  ensemble,  avait  une  Inleiligence  divuie 
el  uue  intelligence  liuiiiaine.  Son  intelligence  divine, 
u'éuiil  autre  que  celle  de  Dieu,  possédait  une  science 
inlinie.  Sun  inleiligence  liuuiniiie  possédait  toutes 
les  connaissances  que  peut  coinporler  une  créalnre 
raisonnable,  car  saint  Paul  nous  apprend  que  tous 
/es  trésors  de  la  sagesse  el  de  lu  science  ont  été  lenfvr- 
més  en  lui  {Col.  ii,  3).  Dés  le  premier  inslaiit  de  sa 
création  l'allie  linmaine  de  Jésus-Clinsl  possédait 
donc  Ulule  science.  Toutefois,  pour  mieux  se  con- 
loriiier  au  monde  qu'il  était  venu  instruire,  elle  pa- 
raissait grandir  avec  les  années,  el  ne  se  mollirait 
au  deliiirs  ipie  dans  une  certaine  mesure. 

Jésus-Clirist,  selon  l'opiiii m  commune  des  lliéo- 
logiens,  comme  lionime,  joiiil  dès  sa  création  de  la 
vision  béatifique;  cependant  sa  science,  la  connais- 
sance ()u'il  avait  de  Dieu,  était  nécessairement  limi- 
tée, parce  qu'il  n'y  a  qu'une  inteliigeuce  inlinie  qui 
puisse  connaître  rinfnn. 

Science  SECuÙTE,  ou  Doctrine  secrète. 
Certains    critiques    proleslauls ,    prévenu» 


H7 


SCI 


contre  les  Pères  de  l'Eglise,  ont  accusé  saint 
élément  d'Alexandrie  d'avoir  voulu  intro- 
duire parmi  les  chrétiens  la  méthode  d'en- 
seigner des  philosophes  païens,  qui  ne  révé- 
laient pas  à  tous  leurs  disciples  le  fond  de 
leur  doctrine,  mais  seulement  à  ceux  dont 
ils  connaissaient  liiiitelligence  et  la  discré- 
tion, et  qui  n'instruisaient  les  autres  que 
par  des  emblènies,  par  des  figures  énigma- 
li(jiies,  par  des  sentences  obscures.  Cette 
méthode,  continuent  les  censeurs  de  ce  Père, 
n'est  point  celle  de  Jésus-Christ,  ni  des 
apôtres,  ni  des  dodeurs  chrétiens  les  plus 
sages;  Jésus-Christ  ordonne  à  ses  apôtres 
de  pulilier  au  grand  jour  les  choses  (ju'il 
leur  a  enseignées  dans  le  secret,  et  de  prê- 
cher sur  les  loits  re  qu'il  leur  a  dit  .à  l'oreille, 
Maltli.,  c.  X,  V.  27.  Saint  Paul  fait  profession 
de  n'avoir  rien  dissimulé  dans  ses  iiislruc- 
lions,  d'avoir  enseigné  la  même  chose  en 
public  et  en  particulier,  Acl.,  c.  x\,  v.  -^0 
et  27.  Saint  Justin  et  les  autres  apologistes 
du  christianisme  protestent  qu'ils  ne  caclient 
rien  de  ce  nui  se  fait  et  de  ce  qui  est  ensei- 
gné chez  les  chrétiens. 

Celte  censure  nous  parait  injuste  et  témé- 
raire. Si  l'on  veut  se  donner  la  peine  de  lire 
le  V  livre  des  Stromates  de  Clément  d'Alexan- 
di  ie,  c.  4,  9  et  10,  on  verra,  que  ce  Père  en- 
tend seulement  (lu'il  y  a  dans  la  doctrine 
chrétienne  des  choses  (|ui  sont  au-dessus  de 
la  portée  des  commençants,  que  l'on  ne  doit 
pas  enseigner  par  conséquent  indifféremmeiit 
à  tous,  mais  seulement  à  ceux  qui  sont  en 
état  de  les  comprendre,  et  qui  ont  déjà  fait 
des  progrès  dans  la  connaissance  des  mys- 
tères de  la  loi  :  or,  nous  soutennns  que  toile 
a  éié  la  méthode  de  Jcsus-Clirist,  des  apôtres 
et  des  docteurs  chrétiens.  J'ai  encore  beau- 
coup  (le  choses  d  vous  dire,  mais  vous  ne 
pnurez  les  comprendre  à  ce  moment.  Ainsi 
parlait  Jésus-Christ  à  ses  disciples,  Joan., 
c.  XVI,  V.  12.  Saint  Paul  disait  de  même  aux 
(^.orintliiens,  /.  Cor.,  c.  iir,  v.  l  :  Je  n'ai  en- 
core pu  vous  parler  comme  à  des  hommes  spi- 
rituels, mais  comme  à  des  hommes  charnels; 
;e  vous  ai  donné  du  lait,  comme  lî  des  enfants 
en  Jésus-Christ,  et  non  une  nourriture  solide, 
parce  que  vous  ne  pouviez  pas  la  suppor- 
ter; cous  en  êtes  même  encore  incapables  à 
ce  moment.  Il  est  constant  que  l'on  n'aurait 
pas  permis  à  un  païen  d'éire  témoin  de  la 
célébration  de  nos  saints  mystères,  on  ne  le 
permettait  pas  même  aux  catéchumènes 
avant  leur  baptême;  on  ne  les  instruisait 
d'abord  qu'avec  beaucoup  de  réserve.  Voy. 
Secret  oes  mystères.  D'ailleurs,  en  quoi 
consistait,  selon  Clément  d'Alexandrie  ,  la 
doctrine  prétendue  secrète  des  chréliens? 
Celait  l'explication  mystique  et  allégorique 
des  faits,  des  lois,  des  cérémonies  de  l'an- 
cien Testament  et  des  endroits  obscurs  des 
prophètes.  Celle  connaissance  élail-elle  fort 
nécessaire  au  commun  des  fulèles?  L'impru- 
dence des  protestants,  qui  veulent  que  l'on 
mette  une  Rihie  entière  entre  les  mains  des 
ignoraulsetdes  jeunes  gens, qu'on  les  expose 
à  lire  eu  langue  vu|i;aire  leCantiquedes  can- 
tif/ues  el  certains  chapitres  du  prophèie  Ezé- 


SCO  il  8 

chiel,  n'est  pas  un  exemple  à  suivre.  Cela 
n'est  propre  qu',i  engendrer  le  fanatisme; 
l'expérience  ne  l'a  que  trop  prouvé,  et  plu- 
sieurs protestants  ont  eu  la  bonne  foi  d'en 
convenir. 

Au  mot  Secret  des  MYSTi*:nES,  nous  ver- 
rons que  le  reproche  fait  par  les  protestants 
à  Clément  d'Alexandrie,  est  directement  con- 
traire à  l'intérêt  de  leur  système. 

SCOLASTKJUK.  Voy.  Tuf:oLOGiE. 

SCOTISI'ES.  On  appelle  ainsi  ceux  d'entre 
les  théologiens  scolastiques  qui  se  sont  at- 
tachés au  sentiment  de  Jean  Duns,  religieux 
franciscain,  surnommé  .'^cot ,  parce  qu'on 
le  croyait  i<!cossais  ou  Irlandais,  mais  qui 
était  né  à  Dunstone  en  Angleterre  ;  ce  n'est 
qu'au  xvr  siècle  qu'on  l'a  supposé  originaire 
d'Ecosse  et  d'Irlande.  Au  commencement  du 
XIV'  siècle,  ce  docteur  se  distingua  dans 
l'uiiiversiié  de  Paris  par  la  pénélralioii  et 
la  subtilité  de  son  génie,  ce  (|ui  lui  fit  donner 
le  nom  de  docteur  subtil  ;  d'autres  l'ont  ap- 
pelé le  docteur  réso'utif,  parce  qu'il  avança 
plusieurs  opinions  nouvelles  ,  et  qu'il  ne 
s'nssujoltil  point  à  suivre  les  principes  des 
théologiens  qui  l'avaient  précédé.  M  se  pi- 
qua surtout  d'embrasser  les  sentiments  op- 
posés à  ceux  de  saint  Thomas  :  c'est  ce  qui 
a  fait  naître  la  rivalité  entre  les  deux  écoles, 
l'une  des  thomistes,  l'autre  des  scotistes;  la 
première  est  celle  des  Dominicains,  la  seconde 
des  Franciscains.  Dans  les  questions  de  philo- 
sophie, l'une  et  l'autreont  ordiiiairementsuivi 
les  opinions  des  péripatéticiens  ;  quant  à  la 
théologie,  .Sco<  se  lil  beaucoup  d'honneur  en 
sotiieiiaiit  l'immaculée  conception  de  la 
sainte  Vierge  contre  les  dominicains  qui  la 
niaient.  Kxcepté  cet  article,  sur  le(|iiel  au- 
cun catholique  ne  conteste  plus  aujourd'hui, 
CCS  deux  écoles  ne  sont  plus  divisées  que 
sur  des  i;uestions  problématiques  très-peu 
importantes  et  fort  obscures,  telles  que  la 
manière  dont  les  sacrements  produisent  leur 
elTet,  la  manière  dont  Dieu  coopère  par 
sa  grâce-avec  la  volonté  de  l'homme,  en 
«luoi  consiste  l'identité  persoiiiielle ,  etc.: 
aucune  de  leurs  disputes  ne  peut  intéresser 
la  loi.  C'est  donc  for'i  mal  à  propos  que  les 
proleslanis  nous  objectent  ces  divisions  sco- 
lastiques, lorsque  nous  leur  reprochons  les 
coinliats  des  dilîéreiites  sectes  nées  parmi 
eux  ;  celles-ci  ne  conviennent  point  entre 
elles  de  la  même  profession  de  foi ,  elles  se 
reprochent  mutuellement  des  erreurs  consi- 
dérables, elles  ne  fraternisent  point  entre 
elles  dans  uu  même  culie.  Il  n'en  est  pas 
de  même  des  thouiistes  et  des  scoliste<;  les 
uns  et  les  autres  se  reconnaissent  pour  bons 
catholiques,  ils  souscrivent  à  toutes  les  dé- 
cisions de  l'Kglise,  il  ne  leur  est  jamais 
arrivé  de  se  dire  anathème. 

Il  ne  faut  pas  confondre  Jean  Duns  Scot, 
dont  nous  venons  de  parler,  avec  Jean  Scol 
Eriijène  ou  Irlandais,  qui  a  vécu  et  qui  a 
l'ait  du  bruit  au  ix»  siècle,  sous  le  règne  de 
Charles  le  Chauve.  Les  proleslanis  ont  af- 
fecté de  peindre  celui-ci  comme  un  philo- 
sophe érainent  et  un  savaiii  iheologien,  qui 
joignit  à  une  érudition  profonde  beaucouo 


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SCR 


SCR 


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de  sagacité  et  de  génie,  qui  acquit  «ne  ré- 
pulalion  brillante  et  solide  par  différents 
ouvr.igi's.  C'est  ainsi  qu'en  parlo  Moiihfiiin, 
Hist.  ecclés.,  w  siècle,  ir  part.,  c.  1,  S  7  ; 
c.  2,  §  1'»,  à  la  tin  ;  c.  3,  §  10  et  'iO;  il  n'est 
aucun  Père  de  l'Eglise,  duquel  il  ait  fait  un 
pareil  éloge.  La  raison  est  que  Jean  Scot 
krigèîie  attaqua  la  foi  catholique  touchant 
l'eucharistie,  et  soutint  que  le  pain  et  le 
vin  sont  de  simples  signes  du  corps  et  du 
sang  lie  Jésus-Christ.  C'est  dans  ses  écrits 
que  Bérenger,  deux  cents  ans  après,  puisa 
la  même  erreur,  et  (ut  condamné  pour  l'avoir 
soutenue.  —  Mais,  suivant  le  lénioignago  des 
auteurs  contempor.iins,  Erigène  ne  l'ut(|u'uu 
sophiste  subtil  et  hardi,  un  vain  discoureur 
qui  lie  connaissait  ni  flicriture  sainte  ni  la 
tradition,  qui  n'avait  qu'une  érudition  pro- 
fane, qui  donna  dans  les  erreurs  de  Pelage, 
dans  les  visions  d'Origène,  dans  les  impiétés 
des  collyridiens;  la  plupart  de  ses  ouvrages 
ont  été  censurés  et  condamné^  au  feu.  Il  ne 
reste  rien  de  celui  qu'il  avait  composé  sur 
l'eucharistie  ;  ainsi  l'on  ne  peut  en  juger  que 
par  l'opinion  que  l'on  en  eut  dans  le  temps  ; 
or  il  fut  réfuté  sur-le-champ  par  Adrevald, 
moine  de  Fleury  ;  il  excita  les  plaintes  du 
pape  Nicolas  ,  qui  en  é(  rivit  à  Charles  le 
Chauve  ;  il  fut  proscrit  par  le  concile  de 
Verceil  en  10)50,  et  par  celui  de  Kou>e  en 
1059.  Hisl.  Un.  de  la  France,  I.  V,  p.  416  el 
suiv.  Voilà  où  se  réduit  la  réputation  bril~ 
lanle  et  solide  que  les  protestants  ont  voulu 
faire  cà  cet  écrivain. 

SCKIBE ,  nom  commun  dans  l'Ecriture 
sainte  ,  et  qui  a  diflérentes  significations. 
1°  Il  se  prend  pour  un  écrivain  ou  un  sicré- 
laire;  cet  emploi  était  considérable  dans  la 
Cdur  des  rois  de  Juda  ;  Saraïa  sous  David, 
Elioieph  et  Ahia  sous  Salomon  ,  Sobna  sous 
Ezécliias,  etSaphan  sous  Josias,  en  faisaient 
l'^s  fonctions,  il  Reij.,  c.  viii,  v.  17;  c.  xx, 
25;  IV  lie(j.,c.  XMX,  v.  2;  c.  xxxn,  v.  8  et  9. 
2°  il  désigne  quelquefois  un  commissaire 
d'armée,  chargé  de  faire  la  revue  et  le  dé- 
nombrement des  troupes  et  d'en  tenir  re- 
gistre; Jérémie ,  c.  l;i  ,  v.  23,  parle  d'un 
officier  de  cette  espèce  qui  fut  emmené  en 
captivité  par  les  Clialdéeus  ;  il  en  est  encore 
fait  meiilion,  /  Much.,  c.  v,  v.  iiJ,  et  c.  vu, 
V.  12.  3°  Le  plus  souvent  il  signifie  un 
homme  habile  ,  un  docteur  de  la  lui,  dont 
le  ministère  éiait  de  copier  et  d'expliquer 
les  livres  saints,  (juelques-uns  placent 
l'origine  de  ces  scribes  sous  Mo'ise,  d'au- 
tres sous  David  ,  d'autres  sous  Esdras 
après  la  captivité.  Ces  docteurs  étaient  fort 
estimés  chez  les  Juifs;  ils  tenaient  le  même 
rang  que  les  prêtres  et  les  sacrificateurs, 
quoi(]ue  leurs  fonctions  fussent  dilîérenles. 
Les  Juifs  en  distinguaient  de  trois  espèces, 
savoir,  les  scribes  de  lu  loi,  dont  les  décisions 
étaient  reçues  avec  le  plus  graud  respect; 
les  scribes  du  peuple,  qui  étaient  des  ma- 
gistrals;  enfin  les  scribes  coininuiis  ,  (]ui 
étaient  des  notaires  publics  ou  des  secré- 
taires du  sanhédrin. 

SaiiU  Epiphane  et  l'auteur  des  Récor/ni- 
(jons  attribuées   à  Saint  Clément,  comptent 


les  scribes  parmi  les  sectes  des  Juifs;  mais 
il  est  certain  que  ces  docteurs  ne  formaient 
pas  une  secte  particulière.  Il  paraît  néan- 
moins probable  que  ,  comme  du  tetniis  de 
Jésus-tlhrisl  toute  la  science  des  Juifs  con- 
sistait principalement  dans  les  traditions' 
pharisiennes  et  dans  l'usage  de  s'en  servir 
pour  expliquer  l'Ecriture,  le  plus  grand 
nombre  des  scribes  étaient  pharisiens;  on 
les  voit  presiiue  toujours  joints  ensemble 
dans  l'Evangile;  Jésus-Christ  reprochait 
aux  uns  cl  aux  autres  les  mêmes  ^ices  et 
les  tncmi's  erreurs. 

SCRUPULES.  Peines  d'esprit  ,  anxiété 
d'une  âme  qui  croit  offenser  Dieu  dans  tou- 
tes ses  actions,  et  ne  s'acquitter  jamais  de 
ses  devoirs  assez  parfaitenwnl.  Celte  dispo- 
sition fâcheuse,  à  laquelle  il  est  souvent 
très-dilficile  de  remédier,  [leut  venir  de  trois 
causes  :  1°  d'une  fausse  idée  que  l'on  se 
formo  de  Dieu,  de  sa  justice,  de  sa  conduite 
envers  ses  créatures.  Il  se  trouve  quehjuefois 
des  moralistes  ati'abilaires  (jui,  loin  de  nous 
porter  à  espérer  en  Dieu  et  à  l'aimer,  sem- 
blent n'avoir  d'autre  dessein  que  de  nous  lo 
faire  craindre.  S'ilsavaient  plus  d'expérience, 
ils  sauraient  que  la  crainte  excessive  dé- 
courage ,  dégoûte  du  service  de  Dieu,  jette 
si.uviMit  une  iinie  dans  le  désespoir  ;  2°  d'une 
timidité  nalurelle,  do  la  faiLilesse  d'un  esprit 
qui  se  frappe  des  vérités  de  la  religion  ca- 
pables d'intimider  les  pécheurs,  et  qui  ne 
fait  aucune  attention  aux  vérités  consolantes 
de.-linèes  à  encourager  et  à  consoler  les 
justes;  3°  d'un  fonds  de  mélancolie  qui  of- 
fusque la  raison  et  lui  fait  voir  les  objets 
autrement  qu'ils  ne  sont.  C'est  une  vraie 
maladie,  à  laquelle  les  femmes  sont  plus 
sujettes  que  les  hommes.  Pour  la  guérir,  il 
faudrait  y  apporter  les  secours  de  la  méde- 
cine eu  même  temps  que  ceux  de  la  religion, 
procurer  à  ceux  qui  en  sont  atteints,  du 
mouvement,  de  l'exercice,  de  la  dissipation, 
de  la  gaîté.  Mais  la  plupart  des  personnes 
qui  sont  dans  ce  cas,  se  trouvent  engagées 
dans  un  état  de  vie  qui  ne  leur  permet  pas 
ce  soulagement. 

C'est  un  inconvénient,  sans  doute,  qui 
rend  la  piélé  pénible  et  en  quelque  manière 
dangereuse  à  certaines  personnes;  mais  ce 
n'est  pas  un  juste  sujet  de  la  décrier  et  de  la 
proscrire,  de  prêcher  l'impiété  et  l'irréligion. 
Dans  tous  les  genres,  il  y  a  des  tempéraments 
sujets  à  do;uier  dans  l'cxcè-s  ;  tel  qui  porte 
la  dévotion  jusqu'au  scru/jule ,  pousserait 
le  libertinage  jusqu'à  l'athéisme,  s'il  avait 
le  malheur  de  s'y  livrer,  t^'est  l'affaire  île 
ceux  qui  sont  char^jés  de  la  coiiduile  des 
âmes  ,  d'examiner  la  cause  des  scrupules 
dans  les  dilïérentes  personnes,  el  d'y  oppo- 
ser des  réllexions  propres  à  les  calmer  On 
doit  leur  représenter  en  général  que  Dieu 
n'est  point  un  maître  dur,  sévère,  impitoya- 
ble, mais  un  père,  un  bienfaiteur,  qui  nous  a 
mis  au  monde,  non  pour  nous  tourmenter, 
mais  pour  nous  sauver. S'il  avait  eu  besoin  de 
noire  fidélité,  de  notre  amour,  de  nos  servi- 
ces, il  nous  aurait  créés  sans  doute  avec  plus 
de  perfections  et  moins  de  défauts,  il  n'aurai! 


42! 


SCR 


pas  permis  le  pérhé  qui  nous  n  fait  perdre 
la  jusiici!  originelle,  el  qui  est  la  oaiise  de 
nos  passions  et  de  nos  faililessfs.  Mais  qiiel- 
((ue  iiiulilcs  que  nous  soyons  A  son  honlieur, 
il.ailaip;nc  donner  son  Fils  unique  pour 
noire  réleniption  ,  el  pour  qu'il  fût  l'.iuUnir 
de  noire  salul.  Notre  sort  ôtemel  n'est  donc 
plus  une  afi'aire  de  justice  rigoureuse,  mais 
de  grâce  cl  de  miséricorde.  Nous  devojis 
espérer  d'être  sauvé-i,  non  parce  que  n'ius 
le  méritons,  mais  parce  que  Jésos-Ciirist  Ta 
nrerilé  pour  nous.  C'est  ce  divin  Sauveur  qui 
doil  être  notre  juge,  cl  il  s'est  fail  hoinnie, 
afin  d'être  plus  cm  lin  à  nous  faire  grâce,  il 
a  fallu  ,  dit  siiinl  Paul  ,  qu'il  fût  semhlaiile 
en  toutes  choses  à  ses  frères,  afin  qu'il  fut 
misn-ivonlieaz  et  f/n'il  fût  le  propiliateur 
de$  péchés  du  peuple  (llebr.  ii,  17).  il  dit  lui- 
niénie  que  Dieu  son  Pôie  ne  l'a  pas  envoyé 
dans  le  nioiido  pour  conilanincr  le  momie, 
mais  pour  le  sauver,  ioa».,  cm,  v.  17,  Voij. 
MisÉnicoiiui<:  de  Dîhu. 

De  q-«ioi  sert  donc  aux  scrupuleux  d'araru- 
menler  toujours  sur  la  justice  île  Dieu?  Kilo 
serait  terrible  sans  doule,  si  elle  n'était  pas 
tempérée  par  une  miséricorde  infinie,  et  si 
elle  n'était  déjà  pas  satisfaite  par  les  niérites 
et  par  le  s  icrilice  de  Jésiis-Chrisl  ;  mais  il 
est  la  victime  de  propitialion  pour  nos  pé- 
chés, non-seuUmcnt  pour  les  nôli  es,  mais  pour 
ceux  du  monde  eniicr  'Joun.u,  2).  Ce  Sauveur 
charitable  ne  peut  se  résoudre  qu'avec  peine 
à  perdre  une  àmc  qu'il  a  rachetée  au  prix 
de  son  sang.  Voy.  Justiciî  du  D  eu. 

11  peut  se  faire  que  les  scrH/j.j/e«  d(!  cer- 
taines âmes  viennenl,  quelquefois  d'un  fonds 
d'anvour-propre  el  d'un  secret  orgueil  ;  elles 
voudraient  être  plus  parfaites,  afin  d'étro 
plus  conlenies  d'elles-mêmes,  de  pouvoir 
s'applaudir  de  leurs  vertus,  de  leurs  bonnes 
œuvres,  de  leur  ferveur,  de  goûter  plus  de 
douceur,  de  consolai  ion  dans  le  service  de 
Dieu.  'N'oilà  justement  ce  que  Dieu  ne  veut 
pas,  parce  que  celte  disposition  habituelle 
serait  plus  propre  à  les  perdre  qu'à  les 
sauver.  11  veut  que  la  vertu  soit  huiuble,  et 
que  la  persévéïance  suii  courageuse;  quel- 
ques efforts  qu'il  puisse  nous  eu  coûter,  il 
n'y  aura  jamais  de  proportion  entre  les  souf- 
frances de  cette  vie,  el  la  gloire  éternelle 
qui   nous  est   promise,  l'om.,  c.  viii,  v.  18. 

SCKUTIN,  examen  des  caiccliumènes  qui 
Se  faisait  quelque  temps  avant  le  baptême; 
on  appelait  aussi  scrutin  l'assemblée  du 
clergé  dans  laquelle  on  procédait  à  cet  exa- 
men. C'étaienl  ordinairement  les  évê.iues 
qui  se  chargeaient  d'achever  d'insU-uire  les 
compétents  ou  élus  quelcjnes  jouis  avant 
leur  baptônn*.  On  leur  donnait  alors  par  écrit 
le  symbole  et  l'oraison  dominicale,  afin 
qu'ils  les  apprissent  par  cœur;  on  les  leur 
faisait  réciter  dans  le  scrutin  suivant,  et 
quand  ils  les  savaient  parfaitement,  on  re- 
tirait l'écrit  «le  leurs  mains,  de  penr  qu'il  ne 
tombât  entre  celles  des  infidèles.  Enliu  l'on 
eoilipreuait  sous  le  no.n  de  scrutin  les  cére- 
Aïonies  qui  précédaient  le  baptême ,  les 
éxorcismes,  les  onctions  sur  la  poitrine  et 
s\jr  les   épaules ,  l'actioa   de    loucher  les 


SEG  .129 

oreilles  et  les  narines  avec  de  la  salive,  en 
disant  :  Ourrez-vous,  etc. 

I.e  P.  Ménard,  dans  ses  notes  sur  le  Sa- 
cramentdire  de  suint  tlréiioire,  p.  133  et  suiv., 
a  rapporté  un  traité  de  Riiibus  baptismi, 
écrit  au  i\'  siècle  par  Tbéodulpho,  cvêque 
d'Orléans ,  où  les  cérémonies  du  scrutin 
sont  exposées  et  expliquées  en  détail.  Voi/. 
CATÈcuuMii>f\T.  On  prétend  qu'il  y  a  encore 
quel<)iies  resies  de  cet  ancien  ouvrage  à 
Vienne  en  Daupliiné  et  à  Liège. 

SliBUftlîNS  ou  SfiliUSÉKNS,  secte  de  Sa- 
maritains dont  paile  saint  Epiphanc;  il  les 
accuse  d'avoir  changé  le  temps  prescrit 
par  la  loi  pour  la  célébration  des  grandes 
fêtes  des  Juifs,  telles  que  Pâ(iues,  la  Pente- 
cote,  la  fête  des  'l'abernacles.  On  prétend 
que,  pour  se  distinguer  des  Juifs,  ils  célé- 
braient la  première  au  commencement  de 
ranlomne,  la  seconde  à  la  lin  de  la  n>cme 
saison,  el  la  dernière  au  mois  de  mars.  Par- 
mi les  critiques,  les  uns  disent  qu'ils  étaient 
appelés  sébusi'ens,  parce  qu'ils  faisaient  la 
pâque  au  septième  mois  appelé  sébu;  les 
autres,  qu'ils  liraient  ce  nom  du  nwl  sébuu, 
la  semaine  ,  |)ai  ce  qu'ils  fêtaient  le  second 
jour  de  chaque  semaine,  depuis  Pâques  jus- 
qu'à la  Pentecôte;  d'autres  enfin,  que  leur 
nom  était  celui  de  leur  chef  appelé  Sébaïa. 
Tout  cela  n'est  que  des  conjectures  touchant 
une  secte  obscure  dont  l'existence  n'est  pas 
trop  certaine. 

SECKET  DE  LA  CONFESSION.  Vo!/.  Con- 
fession. 

SiiCRET  DES  MYSTÈRES,  OU  discipline  du  se- 
cret. C'est  une  question  entre  les  catholi- 
q.nes  el  les  |iroteslants  de  savoir  si,  dans  les 
premieis  siècles  de  l'Eglise,  l'usage  a  été  do 
cacher  une  partie  de  la  doctrine  et  du  culte 
des  chrétiens,  non-seulement  aux  païens, 
mais  encore  aux  caléchumènes  ;  en  quel 
temps  cette  discipline  a  commencé  ;  jusqu'où 
elle  s'est  étendue,  lorsqu'elle  a  été  établie. 
Les  protestants  prétendent  qu'elle  n'a  eu  lieu 
qu'au  iif  ou  au  iv  siècle,  nous  soutenons 
(lu'elle  date  du  lemps  des  apôtres. 

Si,  par  doctrine  secrète,  dit  ^losheim,  l'on 
entend  que  les  docteurs  chrétiens  ne  révé- 
laient pas  tout  à  la  fois  et  indistincleincnt  â 
tous  les  néophytes  les  mystères  sublimes  de 
la  religion,  il  n'y  a  rien  en  cela  que  l'on  ne 
puisse  justifier.  Il  n'aurait  pas  convenu  d'en- 
seigner à  ceux  qui  n'étaient  pas  encore  con- 
vertis au  christianisme ,  ou  qui  commen- 
çaient seulement  à  s'instruire,  les  doctrines 
les  plus  difficiles  de  l'Evangile,  qui  sont  au- 
dessus  de  l'intelligence  humaine.  On  ne  leur 
apprenait  d'abord  que  les  articles  les  plus 
simpli  s  et  les  plus  évidents  ,  en  attendant 
qu'ils  fussent  en  élat  de  cooiprendre  les  au- 
tres. Ceux  qui  donnent  plus  d'étendue  à  la 
doctrine  seCrèle  confondent  les  pratiques  su- 
perstitieuses des  siècles  suivants  ,  avec  la 
simplicité  do  la  discipline  établie  dans  le  i" 
siècle.  Ifist.  ccclés.,  V  siècle,  ir  part.,  c.  .?, 
§  S.  !1  répète  la  même  chose,  lus'.hist.  christs 
maj.,  1  sœc,  II'  part.,  §  \-2.  Jamais,  dil'il,  oa 
n'a  caché  aux  fidèles  les  dogmes  nécessai- 
res au  salut,  ni  les  livres  saints;  jamais  on 


433 


SEC 


SEC 


494 


n'a  célébré  les  rites  prescrits  par  Jésns- 
Christ,  de  la  manière  dont  les  païens  célé- 
hraienl  leurs  mystères.  Il  y  a  bien  de  la  dit 
fèrcnce  entre  le  silence  philosophique  des 
pythagoriciens  et  des  autres  écoles  de  la 
Grèce,  entre  l'affectalion  des  valenliiiions  et 
des  autres  gnostiqiiesà  cacher  leurs  dogmes, 
et  la  discipline  du  secret,  telle  qu'elle  élaU 
observée,  même  au  m'  et  au  iv"  siècle  de  l'E- 
glise. Il  y  a  eu  chez  les  philosophes  une 
double  doctrine  :  l'une  qu'ils  communi- 
quaient seulement  <i  leurs  disciples  afiidés, 
et  qu'ils  regardaient  comme  la  seule  vraie  ; 
l'autre  qu'ils  divulsîuaicnt  en  public,  et  qu'ils 
croyaient  utile,  quoique  fausse  et  fabuleuse. 
On  a  conservé  dans  le  paganisme,  sous  le 
nom  de  mystères,  des  rites  impies  et  déshon- 
nétes  qui  avaient  été  autrefois  pratiqués  en 
public.  A  Dieu  ne  plaise  que  l'on  attribue 
aux  chrétiens  une  pareille  discipline  du  se- 
cret. 

Il  y  a  quelques  réflexions  à  faire  sur  cet 
exposé  de  Mosheim  ;  nous  les  ferons  ci- 
après. 

Bingham,  quoique  intéressé  à  soutenir  le 
même  système,  a  poussé  plus  loin  la  bonne 
foi,  et  a  fait  des  aveux  importants,  Orirjin. 
ecclés.,  1.  X,  c.  5.  Il  prétend  que,  dans  les 
premiers  temps,  la  discipline  du  secret  ne 
fut  pas  ri|,'Oureusement  observée,  et  il  se 
fonde  sur  ce  que  saint  Justin  expose  aux 
empereurs  païens,  dans  le  plus  grand  détail, 
la  manière  dont  on  consacrait  l'eucharistie 
dans  les  assemblées  chrétiennes,  Apol.  1, 
n.  65  et  66.  Suivant  Bingham,  le  secret  des 
mystères  n'a  commencé  que  du  temps  de 
Tertullien  ;  il  est  le  premier  qui  en  ail  parlé, 
Apoliiget.,  c.  vu,  et  de  Prwscripl.,  c.  lxi. 
Le  Clerc  le  soutient  de  même,  Hisl.  eccl.es., 
an.  14-2,  §  k,  et  prétend  que  cette  discipline 
a  été  introduite  à  l'imitation  des  uiystères 
des  païens. 

Or,  on  cachait  aux  païens  et  aux  caté- 
chumènes, 1°  la  manière  d'administrer  le 
baptême  ;  2°  l'onction  du  saint  chrême  ou  la 
confirmation  ;  3"  l'ordination  des  prêtres  ; 
k'  la  liturgie,  ou  les  prières  publiques  ;  5'  la 
manière  dont  on  consacrait  l'eucharistie; 
6°  on  ne  leur  révélait  pas  d'abord  le  mystère 
de  la  sainte  Trinité,  on  ne  leur  enseignait 
qu'après  un  certain  temps  le  symbole  et  l'o- 
raison dominicale.  On  <'n  agissait  ainsi,  con- 
tinue Bingham,  afin  de  ne  pas  exposer  nos 
dogmes  au  mépris  et  à  la  dérision  de  ceux 
qui  les  entendraient  mal  ;  en  second  lieu, 
afin  d'en  donner  une  haute  idée,  et  de  les 
rendre  respectables  ;  en  troisième  lieu,  afin 
d'inspirer  aux  catéchumènes  plus  d'em- 
pressement de  les  apprendre.  Ce  même  cri- 
tique cite  des  preuves  positives  de  ce  qu'il 
avance,  le  fait  est  donc  incontestable.  On 
peut  le  voir  encore  dans  Fleury,  Mœurs  des 
chrct.,  §  15  ;  dans  un  traité  de  l'abbé  de  Val- 
mont,  sur  le  secret  des  Mystères,  et  dans  un 
autre  du  P.  Merlin,  jésuite,  sur  les  Paroles 
ou  le»  Formes  des  sacrements  ;  il  fait  voir  que 
l'un  s'est  abstenu  pendant  très-longtemps 
de  mettre  ces  formules  sacramentelles  par 
écrit,  el  que  le  eecret  des  mystères  a  été  ob- 


servé à  certains  égards  jusqu'au  xir  siècle. 
Sur  tons  ces  faits  nous  observons,  1°  (jne 
Bingham  et  Mosheim,  quoique  protestants  et 
instruits  l'un  el  l'autre,  s'accordent  assez 
mal.  Le  premier  dit  que  l'on  ne  révélait  pas 
d'abord  aux  catéchumènes  le  mysière  delà 
sainte  Trinité ,  qu'on  ne  leur  enseignait 
qu'après  nn  certain  temps  le  symbole  et  l'o- 
raison dominicale;  l'autre  soutient  que  Ton 
n'a  jamais  caché  aux  fidèles  les  dogmes  né- 
cessaires au  salut,  ni  les  livres  saints.  Cer- 
tainement les  dogmes  renfermés  dans  le 
symbole,  el  en  particulier  celui  de  la  Tri- 
nité, sonl  nécessaires  au  salut,  el  si  l'on 
avait  mis  d'abord  l'Evangile  à  la  main  des 
catéchumènes,  ils  y  auraient  appris  l'orai- 
son dominicale.  Cette  différence  d'opinions 
entre  nos  deux  savants,  montre  que  les  pro- 
testants ne  voient  les  faits  de  l'histoire  ec- 
clésiastique que  conformément  à  leurs  pré- 
jugés. Mosheim ,  dans  un  autre  ouvrage, 
convient  du  même  fait  el  le  prouve,  Hist. 
ecclés.,  ne  siècle,  §  3i,  p.  304  el  305.  Mais  il 
trouve  mauvais  que  l'on  ait  tenu  cette  con- 
duite à  l'égard  des  caiéchumènes.  Elle  est  en 
effet  directement  contraire  à  celle  des  pro- 
testants, qui  veulent  que  l'on  mette  d'abord 
une  bible  à  la  main  d'un  prosélyte,  que  la 
liturgie  soit  célébrée  en  langue  vulgaire,  que 
les  simples  fidèles  y  aient  autant  de  part  que 
les  ministres  de  l'Eglise,  etc. —  2°  Comme  on 
ne  peut  plus  contester  la  pratique  des  pre- 
miers siècles,  nous  concluons  que  le  secret 
des  mystères  est  une  des  raisons  pour  les- 
quelles les  anciens  Pères  ne  se  sont  pas  ex- 
pliqués clairement  sur  l'eucharistie,  sur  les 
autres  sacrements,  sur  le  coite  des  saints, 
et  sur  les  autres  dogmes  contestés  par  les 
prolestants.  De  même  qu'il  y  aurait  eu  du 
danger  à  exposer  aux  yeux  des  païens  nos 
mystères,  il  y  en  avait  aussi  à  les  rendre 
témoins  de  notre  culte  ;  ils  n'auraient  pas 
manqué  de  juger  qu'il  était  à  peu  près  le 
même  que  le  leur.  Si  les  premiers  chrétiens 
avaient  eu  de  l'eucharistie  la  même  notion 
que  les  protestants,  il  n'y  aurait  eu  aucune 
raison  J'en  faire  un  mysière  aux  païens. 
Nous  ne  savons  pas  ce  qu'a  entendu  Mos- 
heim, lorsqu'il  a  dit  que  les  chrétiens  n'ont 
jamais  célébré  leurs  mystères  comme  les 
païens  faisaient  les  leurs  ;  s'il  a  voulu  dire 
que  l'on  n'y  a  jamais  gardé  le  même  secret, 
il  a  certainement  tort. — 3°  Il  n'en  impose 
pas  moins,  lorsqu'il  prétend  que  celte  obser- 
vation du  secret  a  dégénéré  en  pratique  su- 
perstitieuse dans  la  suite,  et  a  produit  du 
mal  dans  l'Eglise;  c'est  une  imagination  de 
sa  part  qu'il  est  important  de  réfuter.  Dans 
son  Histoire  chrétienne,  ii"^  siècle,  §  34-,  note, 
p.  303  et  suiv.,  il  dit  que  comme  les  chré- 
tiens cherchaient  à  confirmer  par  l'Ecriture 
sainte  les  opinions  des  philosophes  qui  leur 
paraissaient  vraies,  ils  avaient  aussi  l'ambi- 
lion  d'expliquer  par  les  opinions  des  philo- 
sophes la  doctrine  simple  des  livres  saints, 
afin  d'attirer  plus  aisément  les  philosophes 
au  christianisme,  mais  qu'il  y  eut  plus  de 
prudence  el  de  précaution  chez  les  uns  que 
chez  les  autres.   Quelques-uns,  dit-il,  eu- 


425 


SEC 


renl  la  témérité  de  publier  leurs  explications 
cl  de  vouloir  les  introduire  dans  l'Iiglise, 
c'est  ce  que  firwil  Praxéas,  Théodote,  Her- 
iiu)f;('ne,  Arténion  ;  les  autres,  plus  réservés, 
se  iioriièrenl  à  enseigner  au  peuple  les  dog- 
mes du  clirislianisine  simplement  tels  qu'ils 
sont  dans  l'Ecriiure,  et  jugèrent  ()u'il  ne  fal- 
lait en  conrier  l'explicalion  sublile  el  philo- 
sophique qu'à  ceux  qui  étaient  plus  intelli- 
gents et  d'une  fidélité  à  l'épreuve.  De  là  est 
née,  continue  Mosheini,  celte  théologie  mys- 
térieuse et  sublime  des  anciens  chrétiens, 
que  nous  appelons  la  discipline  du  sccrel, 
que  Clément  d'Alexandrie  nomme  (jiiose  oti 
connaissance,  et  qui  n'est  différente  que  par 
le  nom  de  la  tliéotogie  mijstique. 

Selon  lui,  Clément  d'Alexandrie  est  le  pre- 
mier qui  mit  en  vogue  celle  prétenJuo 
science;  il  l'avait  reçue  du  juif  Philon,  el  il 
la  transmit  à  Origène  son  disciple.  Elle  con- 
sistait en  explications  philosophiques  des 
dogmes  du  christianisme,  touchant  la  Tri- 
nité, l'âme  humaine,  le  monde,  la  résurrec- 
tion future  des  corps,  la  nature  de  Jésus- 
Christ,  la  vie  élernelle,  etc.,  el  en  interpré- 
tations allégoriques  et  mystiques  de  l'Ecri- 
ture sainte,  qui  pouvaient  servir  à  ces  mê- 
mes ex|)lications.  Ce  que  prétend  Clément 
d'Alexandrie,  savoir,  que  Jésus-Chrisl  lui- 
même  avait  communiqué  celle  science  se- 
crète &  saint  Jacques,  à  saint  Pierre,  à  saint 
Jean  et  à  saint  Paul,  el  qu'elle  venait  d'eux 
par  tradition,  est  une  fable  ;  mais  les  doc- 
teurs chrétiens  ,  imbus  de  la  philosophie 
égyptienne  et  platonicienne,  ne  se  faisaient 
point  de  scrupule  de  forger  ces  sortes  de 
contes  pour  faire  valoir  leurs  opinions. 

N'est-ce  point  Mosheim  lui-même  qui 
forge  un  ruiuan  pour  décrier  les  Pères  de 
l'Eglise  ?  Nous  allons  le  voir. 

1"  Voici  dans  le  fond  à  quoi  se  réduit  tout 
le  système  de  Clément  d'Alexandrie  :  à  pré- 
tendre que  toute  vérité  n'esl  pas  bonne  à 
dire  à  toul  le  monde  ;  que  les  docteurs  de 
l'Eglise  doivent  en  savoir  davantage  que  les 
simples  Gdèles  ;  qu'une  manière  d'enseigner 
mystérieuse  et  allégorique  excite  davantage 
la  curiosité  et  l'altention  des  auditeurs,  el 
leur  inspire  plus  d'attention  pour  la  vérité. 
11  le  soutient  ainsi,  Strom.,  I.  v,  c.  k  el  10, 
parce  que  telle  a  été  la  méthode,  non  seule- 
ment des  philosophes  Grecs  et  des  barbares 
ou  des  Orientaux,  mais  encore  des  prophè- 
tes, de  Jésus-Christ  et  des  apôtres.  Il  le 
prouve  par  plusieurs  passages  de  l'Ancien 
Testament,  des  Evangiles  el  des  Epîlres  de 
saint  Fnul  ;  avant  de  lui  faire  un  crime  de 
cette  opinion,  il  faut  en  montrer  la  fausseté, 
faire  voir  qu'il  n'y  a  point  d'allégories  dans 
les  prophètes,  point  de  paraboles  dans  les 
Evangiles  ,  point  d'explication  mystique 
dans  saint  Paul  ;  il  faut  prendre  à  partie 
Jésus-Chrisl  lui-même,  qui  dit  à  ses  apô- 
tres :  H  vous  est  donné  de  connaître  les  mys- 
tères du  royaume  de  Dieu,  et  aux  autres  de 
les  concevoir  en  paraboles  {Luc.  vin,  10; 
Matth,  xiv).  J'ai  encore  beaucoup  de  choses 
à  vous  (lire,. mais  vous  ne  pouvez  pas  les  sup- 
porter à  présent  (Voa/i.  xvi,  li).  Il  faut  blà- 

DlGT.  DE  TuÉOL.   DOGMATIQUE.  IV, 


SEC  iiO 

mer  saint  Paul,  qui  dit  aux  Corinthiens  qu'il 
leur  a  donné  d'ahord  du  lait  et  non  une 
nourriture  solide,  qui  veut  qu'un  évêquc 
9oil  le  docteur  des  fidèles,  par  conséquent 
plus  instruit  qu'eux,  etc. 

2"  Il  est  absurde  de  comparer  en  quelque 
chose  les  opinions  el  la  conduite  des  héré- 
siarques avec  celle  des  Pères  de  l'Eglise  ; 
les  premiers  onl  puisé  des  erreurs  chez  les 
philosophes,  el  ils  les  ont  enseignées  comme 
des  vérités  ;  les  Pères  se  sont  élevés  contre 
eux  et  les  ont  réfutés.  De  quel  front  peut- 
on  supposer  que  ces  derniers  ont  pensé  in- 
térieurement comme  les  hérétiques,  mais 
qu'ils  ont  été  plus  dissimulés  ;  qu'ils  onl  ré- 
servé pour  eux  el  pour  un  petit  nombre  de 
disciples  affidés  la  doctrine  erronée  qu'ils 
ont  prise  chez  les  philosophes  7  Une  accu- 
sation aussi  grave  demanderait  des  preuves 
démonstratives  ;  Mosheim  n'en  donne  au- 
cune qui  ne  se  tourne  contre  lui.  En  effet, 
il  prétend  que  Clément  d'.\lexandrie,  Strom., 
1.  V,  c.  14,  p.  710,  explique  le  mystère  de 
la  sainte  Trinité  de  manière  à  le  concilier 
avec  les  trois  natures  ou  hypostases  que 
Platon,  Parménides  et  d'autres  onl  admises 
en  Dieu  ;  qu'il  en  agit  de  même  touchant  la 
destruction  future  du  monde  par  le  feu,  et 
la  résurrection  fuiure  des  corps.  Ce  sont  là 
trois  impostures.  Dans  loul  ce  chapitre. 
Clément  d'Alexandrie  se  propose  de  montrer 
que  les  philosophes  ont  dérobé  dans  nos 
livres  saints  les  différentes  vérités  qui  se 
trouvent  éparses  dans  leurs  ouvrages  ;  entre 
une  infinité  d'exemples  qu'il  en  apporte,  il 
cite  ce  que  Platon  a  dit  de  trois  êtres  en 
Dieu,  qu'il  appelle  le  premier,  le  second  cl 
le  troisième;  ce  qu'il  a  dit  de  la  résurrec- 
tion de  quelques  personnages  et  de  la  des- 
truction future  de  toutes  choses  par  le  feu. 
Mais  loin  de  prendre  dans  Platon  ou  ailleurs 
l'explication  de  ces  dogmes,  il  soutienl  en 
général  que  les  philosophes  qui  onl  pris  des 
vérités  dans  nos  livres  saints,  les  ont  mal 
entendues,  et  n'en  ont  vu,  jjour  ainsi  dire, 
que  l'écorce ,  parce  que  l'on  ne  peut  en 
avoir  la  véritable  intelligence  que  par  la 
foi. 

Déjà  il  l'avait  ainsi  soutenu  dans  son 
Exhortation  aux  Gentils,  c.  6  el  8,  et  il  le 
répète,  Strom.,  I.  vi.  11  dit,  c.  5,  que  les  plus 
sages  des  Grecs  n'ont  eu  de  Dieu  qu'une 
connaissance  très-imparfaite,  parce  qu'ils 
n'ont  pas  reçu  la  doctrine  de  sou  Fils  ;  c.  7, 
que  c'est  par  lui  eC  par  les  prophètes  que 
Dieu  nous  a  donné  la  sagesse,  lu  gnose  ou 
la  connaissance  solide  des  choses  divines  et 
humaines  ;  c.  8,  que  la  philosophie  est  à  la 
vérité  une  connaissance  qui  vient  de  Dieu, 
mais  qu'en  comparaison  de  la  lumière  île 
l'Evangile,  saint  Paul  en  a  fait  peu  de  cas  ; 
qu'il  ne  veut  point  i)ue  celui  qui  a  reçu  la 
vraie  gnose  par  les  leçons  et  la  tradition  de 
Jésus-Chrisl  données  aux  apôtres,  ait  en- 
core recours  à  la  philosophie,  qui  n'est 
qu'une  connaissance  élémentaire;  c.  18,  il 
dit  qu'un  vrai  gnostique  ne  touche  qu'en 
passant  à  la  philosophie,  et  qu'il  cherche  à 
s'élever  plus  haut,  c'csl-à-dire  à  la  doctrine 
li 


427  SEC 

chrétienne  qui  est  la  source  de  toute  sa- 
gesse, etc.  Comment  donc  ce  Père  aurait-il 
voulu  prendre  dans  les  philosophes  rinlelli- 
gence  el  l'explication  des  dogmes  du  chris- 
tianisme ?  Dans  ce  qu'il  a  cité  de  Platon, 
SIrom.,  1.  V,  ch.  14,  p.  710,  il  n'y  a  pas  un 
mol  d'explication.  «  Lorsque  ce  philosophe, 
dit-il,  parle  ainsi  :  Toutes  choses  sont  près 
du  Maître  de  l'univers  ;  tout  est  pour  lui,  il 
est  le  principe  de  tous  les  biens  ;  mais  les  cho- 
ses qui  sont  du  sepond  ordre  sont,  auprès  du 
second,  et  celles  qui  sont  du  troisième  ordre 
sont  près  du  troincme  ;  je  ne  puis  entendre 
ce  discours  que  de  la  sainte  Trinité.  J'en- 
tends donc  par  ce  qu'il  appelle  le.  troisième, 
le  Saint-Esprit,  et  par  ce  qu'il  nomme  le 
second,  le  Fils  par  lequel  toutes  choses  ont 
été  faites  selon  la  volonté  du  Père.  »  Clément 
d'Alexandrie,  sans  autre  explication,  passe 
à  ce  que  Plalon  a  dit  de  la  résurrection  de 
Zoroastre,  et  ensuite  de  l'embrasement  futur 
du  monde.  Est-ce  là  expliquer  la  sainte  Tri- 
nité selon  les  idées  de  Plalon  ?  C'est  simple- 
ment appliquer  à  un  objet  connu  par  la  foi, 
le  discours  très-obscur  d'un  philosophe. 

3"  Une  autre  imagination  ridicule  de  Mos- 
beim  est  de  penser  que  les  interprétations 
aliégpriques  de  l'iîcriture  sainte  sont  une 
p.irlio  il(!  la  doctrine  secrète  des  Pères.  Rien 
de  moins  secret  que  celte  méthode  de  l'en- 
tendre. Nou-seuleinent  Clénjent  d'Alexan- 
drie a  rempli  ses  livres  des  Strotmitss  de  ces 
sortes  d'interprétations,  in;MS  Origène  les  a 
prodicuées  dans  ses  Homélies,  qui  étaient 
des  discours  faits  pour  lu  jjeuple  ;  tous  nos 
critiques  le  lui  ont  reprochii  cent  fois.  Ce 
n'é'ail  donc  pas  là  un  mystère  ou  une  doc- 
trine secrète. 

k°  Mosheim  a  encore  rêvé,  quand  il  a  jugé 
que  Clément  d'Alexandrie  avait  reçu  cette 
doctrine  de  Phiion;  Clément  n'allègue  ni 
l'exemple  ni  l'autorité  de  ce  juif,  t^erlainc- 
menl  il  n'en  avait  pas  reçu  1  intelligence  des 
dogmes  du  christianisme  auxquels  les  Juifs 
ne  croient  pas,  ni  le  sens  des  jirophétics  qui 
prouvent  contre  eux  la  venue  du  Messie.  11 
nous  apprend  qu'il  avait  eu  d'abord  deux 
maîtres,  l'un  dans  la  Grèce,  l'autre  en  Si- 
cile ;  qu'en  Orient  il  eu  avait  eu  deux  au- 
tres, l'un  Assyrien,  l'autre  Hébreu,  ne  dans 
la  Palestine  ;  que  tous  deux  gardaient  fidè- 
lement la  tradition  el  la  doctrine  que  les 
apôtres  Pierre,  Jacques,  Jean  et  Paul  avaient 
reçue  de  Jésus-Christ,  Stroin.,  1.  i,  c.  i, 
p.  '3i2.  Uien  de  tout  cela  ne  peut  être  appli- 
qué à  Philon. 

5°  Clément  d'Alexandrie  a  nommé  par 
préférence  les  quatre  apiîlres  desquels  nous 
avons  les  écrits  ,  mais  il  n'a  pas  rêvé  que 
Jésus-Christ  .ivait  donné  à  ces  quatre  une 
doctrine  secrète  qu'il  n'avait  pas  enseignée 
aux  antres  apôtres,  ni  aux  soixante  el  douze 
disciples.  Jésus -(christ  avait  dit  à  tous  :  // 
vous  est  donné  de  connaître  les  mystères  du 
roi/'inme  de  Dieu;  je  vous  ai  fait  counn'itre 
tout  ce  que  j'ai  appris  de  mon  Père;  l'Esprit 
consolateur  vous  enseignera  toute  vérité,  elc. 
Clément  n'a  pas  pu  l'ignorer,  et  il  n'a  pas 
coutume  de  contredire  l'Ecriture  sainte.  Il 


SEl 


428 


n'y  a  donc  ni  fable  ni  imposture  dans  ce  qu'il 
dit.  Mais  les  protestants  ne  lui  pardonneront 
jamais  d'avoir  enseigné  que  !a  véritable  in- 
telligence des  mystères  du  christianisme  était 
donnée  aux  fidèles  ,  non-seulement  par  l'E- 
criture sainte,  mais  par  la  tradition;  il  a 
fallu  défigurer  sa  doctrine,  afin  de  décréditer 
son  témoignage. 

6°  Quant  à  la  théologie  mystique  ,  nous 
ferons  voir  en  son  lieu  qu'elle  ne  consiste 
ni  en  explications  philosophiques  de  nos 
mystères  ,  ni  en  interprétations  allégoriques 
de  l'Ecriture  sainte;  qu'elle  est  par  consé- 
quent fort  différente  de  la  science  secrète  dont 
Mosheim  attribue  l'usage  à  Clément  d'A- 
lexandrie. 

■  Une  autre  question  est  de  savoir  si  l'usage 
des  oraisons  secrètes,  ou  la  coutume  de  ré- 
citer à  basse  voix  le  canon  de  la  messe  et 
quelques  autres  prières,  comme  on  le  fait 
aujourd'hui ,  est  une  pratique  ancienne,  ou 
si  autrefois  l'on  récitait  tout  à  haute  voix  , 
de  manière  q>ie  les  assistants  pussent  enten- 
dre el  répondre  au  prêtre.  Dom  de  Verl  avait 
avancé  cette  dernière  o|)ii!ion  ;  mais  .M.  Lan- 
gue! a  soutenu  contre  lui  l'antiquité  de  l'u- 
sage actuel,  par  divers  monuments  du  ly 
sièrie  ,  ['Esprit  de  ŒgHfc  dans  l'usage 
des  céréin.,  §  41.  Le  P.  Lebrun,  dai'S  son 
Explic.  des  cérém.  de  la  messe  ,  lom.  VIU,  a 
fait  une  dissertation  pour  prouver  la  même 
chos"  ,  et  il  répon;!  en  détail  à  toutes  les 
olijccti:;ns  que  l'on  a  faites  conlre  la  disci- 
pline actuelle.  Ceux  qui  ne  veulent  pas  s'y 
coiîfornier,  semblent  se  rapprocher  des  pro- 
testants ,  et  s'ils  étaient  les  maîtres ,  peut- 
être  décideraient  -  ils  comme  eux  qu'il  faut 
célébrer  la  mess^  en  langue  vulgaire ,  el  que 
les  simples  fidèles  consacrent  l'eucharistie 
avec  le  prêtre.  Le  concile  de  Trente  a  pros- 
crit ce  fanatisme;  il  a  dit  analbème  à  ceux 
qui  osent  blâmer  la  coutume  établie  dans 
l'Eglise  romaine  ,  de  prononcer  à  basse  vois 
une  partie  du  canon  et  les  paroles  de  la  con- 
sécration. Sess.  22,  can.  9. 

SECTE.  Voy.  Schisme  ,  Hérésie. 

SÉCUNDIENS.  Voy.  Valentiniens. 

SÉDUCTEUR.  Voy.  Imposteur. 

SÉtiAUÉLIENS.   Voy.  Apostoliques. 

SEIGNEUR.  Ce  mol  qui,  dans  l'origine, 
signifie  celui  qui  est  élevé  au  -  dessus  des 
autres,  est  rendu  en  hébreu  pnrAdon,  en 
grec  par  Kùpio? ,  en  latin  par  Dominiis  ;  il 
convient  à  Dieu  par  excellence;  mais,  dans 
l'Ecriture  sainte,  il  est  aussi  donné  aux  an- 
ges,  aux  rois,  aux  grands,  au  souverain 
sacrificateur ,  aux  maîtres  par  leurs  servi- 
teurs ,  aux  maris  par  leurs  épouses ,  et  en 
général  à  tous  ceux  à  qui  l'on  veut  témoi- 
gner du  respect.  Nous  ne  voyons  point  que 
les  Grecs  ni  les  Latins  aient  donné  à  aucun 
de    leurs  dieux   le  litre   de  seigneur,  parce 

Qu'ils  n'accordaient  à  aucun  le  souverain 
omaine  sur  toutes  choses;  les  Hébreux, 
mieux  instruits  ,  qui  n'admettaient  qu'un 
seul  Dieu  créateur  et  souverain  maître  de 
l'univers,  lui  oat  donné  ce  litre  aui;uste  avec 
raison.  Mais  ils  eu  avaient  un  autre  plus 
sucré,  qui  n'est  jamais  douiié  à  aucune  créa- 


429 


SEM 


SEM 


430 


turc,  c'est  le  nom  Jéhovah,  celui  qui  est 
l'Eire  p.ir  excellence,  ou  qui  existe  de  soi- 
même.  Yoti.  Ji;novAU. 

SKIN.  Cf  mot  dans  l'Ecriture  a  plusieurs 
significalions.  Il  se  prend  pour  la  partie  du 
corps  renfermée  dans  l'enceinte  des  bras  ; 
de  là  sunl  venues  difTérentes  expressions  : 
tenir  lu  main  dans  son  sein  ,  c'est  ne  point 
agir,  et  c'est  l'altilude  ordinaire  des  gens 
oisifs  ;  porter  dans  son  sein,  c'est  aimer  ten- 
drement, comme  font  les  mères  et  les  nour- 
rices ;  Vépouse  du  sein  est  l'épouse  légitime  ; 
dormir  dans  le  sein  de  quilqu  un,  c'est  dor- 
mir auprès  de  lui.  Il  est  dit,  Luc.  ,  cap.  xvi, 
V.  22,  que  Lazare  fut  porté  dans  le  sein 
d'Abraham,  et  Joan.  ,  c.  xiii,  v.  23,  que 
l'apôtre  bien-aimé  reposait  sur  le  sein  de 
Jésus  pendant  la  cène.  Pour  entendre  ces 
façons  de  parler,  il  faut  savoir  que  les  an- 
ciens prenaient  leurs  repas,  couchés  sur  des 
lits,  la  tête  tournée  vers  la  table,  et  appuyés 
sur  le  coude  gauche;  ainsi ,  pendant  là  der- 
nière cène  ,  saint  Jean  ,  qui  était  au-dc<sous 
de  Jésus,  avait  la  léte  [irès  de  lui  et  comme 
dans  son  sein.  D'ailleurs  la  béatitude  éter- 
nelle est  souvent  représimtée  dans  l'Evan- 
gile comme  un  festin  dont  les  anciens  pa- 
triarches sont  les  convives;  ainsi,  dire  que 
Lazare  fut  porté  dans  le  sein  d'Abr.iham, 
c'est  exprimer  qu'il  fut  admis  au  festin  des 
bienheureux,  et  plicé  à  coté  d'Abraham. 

Sinus  eu  latin  signiQc  aussi  le  repli  du 
pan   d'une  robe.  Comme  les   anciens    |)or- 
taient  de  longues  robes ,  pour  tirer  au  sort , 
ils  mettaient  les   billets    dans  un  des  pans 
qu'ils  repliaient;    de    là   il  est   dit,  Prov., 
c.  XVI,  v.  33,  que  l'on  met  les  sorts  dans  le 
pan  de  la  robu  ,  in  sinui:i  ,  mais  ()ue  c'est 
Dieu  qui  les  arrange.  Exculere  sinum  siium, 
secouer  le  pan  de  sa  robe,  est  une  marque 
d'horreur  pour  quel(|uc  cliose  ;  abscondire 
ignem  in  sinu,  cacher  du  feu  dans  le  pan  de 
sa  robe  ,  c'est  nourrir  secrètement  des  sen- 
timents lie  vengeance. 
SÈLEUCIENS.   Voij.  Hermogémens. 
SEMAINE,  espace  de  sept  jours  qui  re- 
commencent successivement;  ce  mot  est  la 
traJuction  du  latin  seplininnn,  du  grec  «SSo- 
fjMifde  l'hébreu  sc/(a6(i/(.  Ainsi  cette  manière 
de  compter  par  sept  jours  ,  et  de  chômer  le 
septième,  a  été  commune  a  presque  tous  los 
peuples,  elle  est  de  la  plus  haute  antiquité, 
et  c'est  un  monument  de  la  création.  Dans 
l'histoire  que  Moïse  en  a  faite  ,  il  est  dit  que 
Dieu  lit  le  monde  en  si>(  jours,  qu'il  bénit  le 
si'ptiè'iie  et  le  sanclilia  ,  parce  qu'il  cessa  ce 
j«iur-là  défaire  de  nouveaux  ouvrages,  Gen., 
c.  Il ,  V.  3.  Après  le  déluge,  Noé  attendit  sept 
jours  avant  de  sortir  de  l'arche,   les  noces 
de  Jacob  durèrent  sept  jours  et   ses    funé- 
railles de  inèmi.',  Geu.,  c.  viii,  v.   10  et  12; 
e.  XXIX,  V.  27  ;  c.  L  ,  v.  10.  Avant  la  sortie 
d'Egypte,  Dieu  commanda  aux  ls<.'aéli>te$  de 
célébrer  la  fête  de  Pâques  pendant  sept  jours, 
Exiid.,  c.  XXII,  V.   15.  La  même  chose  se 
faisait  dans   la    plupart  des  solennités   des 
Juifs  ;  c'est  ce  qui  rendit  sacré  parmi  eux  le 
nombre  septénaire.  Yoy.  Sept,  Sabbat.  L'u- 
sage de  compter  par  semaines  a  régné  chez 


les  anciens  Chinois ,  chez  les  Indiens  ,  les 
Perses  ,  les  Chaldéens,  les  Egyptiens ,  même 
chez  les  peuples  du  Nord,  et  on  l'a  retrouvé 
chez  les  Péruviens  ,  Histoire  du  Calendrier , 
par  M.  de  (Jébelin  ,  page  81  ;  Histoire  de 
l'ancienne  astronomie,  t'claircis.,  §  17,  p.  4-08, 

Plusieurs  savants  ont  voulu  rapporter  cet 
usage  aux  phases  de  la  lune  et  au  nombre 
des  planètes;  mais,  puisqu'il  a  eu  lieu  chez 
des  peuples  qui  n'avaient  aucune  connais- 
sance de  l'astronomie  ni  des  sept  planètes  , 
il  doit  avoir  eu  une  autre  origine,  et  l'on  ne 
peut  en  imaginer  une  plus  vraie  que  celle 
qui  nous  est  indiquée  par  l'histoire  de  la 
création.  Malheureusement  elle  a  été  ou- 
bliée chez  les  nations  qui  ont  perdu  de  vue 
la  tradition  primitive  ;  elles  en  ont  conservé 
l'usage,  sans  connaître  le  dogme  essentiel 
auquel  il  fait  allusion  ;  mais  Dieu  a  eu  soin 
de  le  conserver  chez  les  patriarches  et  chez 
les  Juifs  leurs  descendants,  parce  que  le 
dogme  d'un  seul  Dieu  créateur  a  toujours 
été  la  base  de  la  vraie  religion. 

SEMAINES  DE  DANIEL.  Voy.  Daniel  et 

SàlIBATIQUE. 

SEMAINE  SAINTE.  On  appelle  ainsi  la 
semaine  qui  commence  au  dimanche  des  Ra- 
meaux ,  pt  qui  précède  immédiatement  la 
fête  de  Pâques;  on  l'appelle- aussi  la  grande 
semaine  ,  à  cause  des  grands  mystères  que 
l'on  y  célèbre.  Il  est  incontestable  que, 
dès  le  temps  des  apôtres  ,  celte  semaine  a 
été  consacrée  à  honorer  les  mystères  de  la 
passion  ,  de  la  mort  et  de  la  sépulture  de 
Jésus -Christ,  à  les  retracer  aux  yeux  et  à 
l'esprit  des  fidèles  par  les  offices  que  l'on 
y  chante  et  par  les  cérémonies  que  l'on  y 
observe.  Dans  l'Eglise  primitive  on  y  pra- 
tiquait un  jeûne  plus  rigoureux  que  pen- 
dant le  reste  du  carême;  on  s'y  imposait  la 
xérophagic ,  c'est-à-dire  que  l'on  ne  man- 
geait que  des  fruits  secs;  on  s'abstenait  des 
plaisirs  les  plus  innocents,  même  du  baiser 
de  paix  que  les  fidèles  se  donnaient  à  l'é- 
glise; tout  travail  était  défendu,  les  tribu- 
naux étaient  fermés,  on  délivrait  les  prison- 
niers ,  on  pratiquait  des  mortifications  et 
d'autres  bonnes  œuvres;  les  princes  mêmes 
et  les  empereurs  en  donnaient  l'exemple. 

Saint  Jean  Chrysostome  nous  fait  ce  dé- 
tail dans  une  homélie  qu'il  a  composée  sur 
ce  sujet.  Op.,  t.  V,  pag.  525.  «  Nous  appe- 
lons ,  dit-il ,  ces  jours  la  grande  semaine  ,  à 
cause  des  grandes  choses  que  Notre-Seigneur 
y  a  faites.  Il  a  fait  cesser  la  longue  tyrannie 
du  démon,  il  a  détruit  la  mort,  lié  le  fort  ar- 
mé, enlevé  ses  dépouilles,  effacé  le  péché, 
aboli  la  malédiction  ;  il  a  ouvert  le  paradis 
et  l'entrée  du  ciel,  réuni  les  hommes  aux 
anges,  démoli  le  mur  de  séparation,  déchiré 
le  voile  du   sanctuaire;   le  Dieu  de  paix  l'a 

rétal)lie  entre  le  ciel  et  la  tnrre C'est 

pour  cela  que  les  fidèles  redoublent  leur 
attention;  les  uns  augmentent  leur  jeûne, 
les  autres  prolongent  leurs  veilles  ,  multi- 
plient leurs  aumônes,  s'occupent  de  bonnes 
œuvres  et  de  pratiques  de  piété,  pour  témoi- 
gner à  Dieu  leur  reconnaissance  du  grand 
bienfait  qu'il  a  daigné  nous  accorder Ce 


431 


SEM 


SEM 


432 


n'esl  pas  une  seule  ville  qui  va  au-devant 
de  Jésus-Christ  ,  comme  après  la  résurrec- 
lion  de  Lazare,  mais,  dans  le  inonde  entier, 
de  nombreuses  Eglises  se  présentent  à  lui , 
non  avec  des  palmes,  mais  avec  des  œuvres 
de  charité  ,  d'humanité  ,  de  courage  ,  avec 
des  jeûnes,  des  larmes,  des  prières,  des  veil- 
les el  des  pratiques  de  piété.  Nos  empereurs 
mêmes  honorent  exactement  ces  saints  jours; 
ils  font  cesser  les  affaires  publiques,  afin  que 
leurs  sujets  ,  libres  de  tout  autre  soin  ,  ne 
pensent  qu'au  culte  du  Seigneur.  Que  l'on 
cesse,  disent-ils,  les  occupations  du  barreau, 
les  procès  ,  les  disputes  ,  la  vengeance  pu- 
blinue,  les  supplices.  Les  souffrances  et  les 
grâces  du  Sauveur  sont  pour  tous  ;  que  ses 
serviteurs  fassent  aussi  du  bien  à  leurs  frè- 
res. On  délivre  les  prisonniers.  De  même 
que  noire  Sauveur  descendant  aux  enfers  a 
mis  en  liberté  tous  ceux  que  la  mort  rete- 
nait captifs,  ainsi  ses  serviteurs  ,  selon  la 
mesure  iJe  leur  pouvoir,  el  pour  imiter  sa 
miséricorde,  brisent  les  chaînes  corporelles 
des  coupables  ,  ne  pouvant  les  délivrer  de 
leurs  liens  spirituels.  »  Binghani  ,  Orig. 
ecclfs.  ,  I.  Il  ,  c.  1  ,  §  2i  ;  Thomassin,  Traité 
des  FiHes ,  I.  ii  .  c.  14. 

SEiMl-AUlENS.   Voy.  Ariens. 

SEMIDULITES.  Voij.  Barsamens. 
'  SEMI  -  PÉLAGIAMSME  ,  système  sur  la 
grâce  et  la  prédestination ,  peu  différent  de 
celui  de  Pelage  ,  et  qui  fut  embrassé  par 
plusieurs  théologiens  gaulois  au  cominen- 
ceinent  du  V  siècli;  ;  ils  furent  réfutés  par 
saint  Augustin  aussi  bien  que  les  pélagiens, 
et  condamnés  dans  le  siècle  suivant  par  le 
II'  concile  d'Orange,  l'an  529 

On  attribue  les  premières  semences  du 
semi-pélagiiiriisme  à  Cassien  ,  moine  célèbre 
qui  avait  passé  une  partie  de  sa  vie  parmi 
les  solitaires  de  la  'l'héliaïde ,  qui  avait  en- 
suite été  fiiil  diacre  de  l'église  de  Constan- 
tinople  par  saint  Jean  Chrysoslome,  et  élevé 
à  la  prêtrise  dans  celle  de  Rome.  11  était 
venu  demeurer  à  Marseille,  où  il  bâtit  deux 
monastères,  l'un  pour  les  homines,  l'autre 
pour  les  femmes.  Devenu  abbé  de  celui  de 
Saiiit-Vicior,  il  se  fil  une  grande  répulation 
par  sa  vertu-  En  écrivant  ses  Conférences 
spviiueHes  pour  l'instruction  de  ses  moines, 
vers  l'an  42tj  ,  il  enseigna  dans  la  treizième 
que  l'homme  peut  avoir  de  soi-même  un 
coriinienccment  de  foi  et  un  désir  de  se  con- 
verlir;  que  le  bien  que  nous  faisons  no  dé- 
pend pas  moins  de  noire  libre  arbitre  que 
de  la  grâce  de  Jésus-t^hrist  ;  qu'à  la  vérité 
celle  grâce  est  graluile  en  ce  que  nous  ne 
la  méritons  pas  en  rigueur;  que  cependant 
Dieu  la  donne  ,  non  arbitrairement  par  sa 
puissance  souveraine,  mais  selon  la  mesure 
de  foi  qu'il  trouve  dans  l'homme,  ou  qu'il  y 
a  mise  lui-même  ;  qu'il  y  a  dans  plusieurs 
une  foi  ([ue  Dieu  n'y  a  pas  mise  ,  comme  il 
paraît,  dit-il,  par  celle  que  Jésus-Christ  a 
loaee  dans  le  centurion  de  l'Evangile. 

Cassien  ne  niait  pas,  comme  Pelage,  l'exis- 
leiue  du  péché  originel  dans  tous  les  hom- 
mes, ni  ses  effets  qui  sont  la  concupiscence, 
la  cundainnatioR  à  la  mort,  la  privation  du 


droit  à  la  béatitude  éternelle;  il  n'enseignait 
pas,  comme  cet  hérétique,  que  la  nature  hu- 
maine est  encore  aussi  saine  qu'elle  l'était 
dans  Adam  innocent;  que  l'homme  peut, 
sans  le  secours  d'une  grâce  intérieure,  faire 
toutes  sortes  de  bonnes  œuvres  ,  s'élever  au 
plus  haut  degré  de  perfection,  el  consommer 
ainsi  par  ses  forces  naturelles  l'ouvrage  de 
son  salut.  Mais  il  soutenait  que  le  péché  d'o- 
rigine n'a  point  tellement  affaibli  l'homme, 
qu'il  ne  puisse  désirer  naturellement  d'a- 
voir la  foi,  de  sortir  du  péché,  de  recouvrer 
la  justice  ;  que,  quand  il  est  dans  ces  bonnes 
dispositions ,  Dieu  les  récompense  par  le 
don  de  la  grâce  ;  ainsi,  selon  lui,  le  commen- 
cement du  salut  vient  de  l'homme  et  non  de 
Dieu,  il  ne  prétendait  pas  ,  comme  Pelage, 
qu'une  grâce  intérieure  prévenante  détrui- 
rait le  libre  arbitre. 

Sa  doctrine  fut  reçue  avec  empressement 
par  plusieurs  membres  du  clergé  de  Mar- 
seille ,  qui  ne  pouvaient  pas  goûter  la  ri- 
gueur des  sentiments  de  salnl  Augustin  lou- 
chant la  grâce  et  la  prédestination  ;  aussi 
les  semi  -  pél.igiens  sont  souvent  appelés 
Massilienses,  les  Marseillais.  Saint  Prosper 
cl  un  aulre  laïque  nommé  Hiiaire  ,  alarmés 
des  progrès  que  faisaient  ces  restes  de  péla- 
gianisme  ,  en  écrivirent  à  sainl  Augustin, 
el  le  prièrent  de  les  réfuter.  C'est  ce  que  fit 
le  sainl  docteur  dans  ses  deux  livres  de  la 
Prédeslinalion  des  saints  el  du  Don  de  la 
persévérance.  Ainsi,  pour  savoir  au  juste  en 
quoi  consistaient  les  erreurs  de  Cassien  et 
de  ses  partisans,  il  faut  comparer  les  lettres 
de  Prosper  et  d'Hilaire  à  sainl  Augustin, 
avec  les  réponses  qu'il  y  a  faites  dans  ces 
deux  livres.  Cela  est  d'autant  plus  néces- 
saire ,  que  certains  théologiens ,  prétendus 
disciples  de  saint  Augustin  ,  ne  manquent 
jamais  d'accuser  de  semi-pélagianisme  qui- 
conque ne  pense  pas  comme  eux. 

1"  Les  semi  -  pélagiens  soutenaient  que, 
malgré  le  péché  originel ,  l'homme  a  autant 
de  pouvoir  de  faire  le  bien  que  de  faire  le 
mal  ;  qu'il  se  détermine  avec  autant  de  faci- 
lité à  l'uu  qu'à  l'autre.  Lettre  de  sainl  Pros- 
per, ii'i',  entre  celles  de  saint  Augustin, 
n"  'i.  C'est  en  cela  même  que  les  pélagiens 
faisaient  consister  le  libre  arbitre.  Saint 
Augustin,  Opus  imperfectum  ,  lib.  m,  n.  109 
et  117.  Dans  ces  deux  livres,  le  saint  doc- 
teur ne  s'attache  point  directement  à  com- 
batire  cette  notion  de  la  liberté  humaine  , 
mais  il  l'avait  réfutée  dans  ses  ouvrages 
précédents  ;  il  y  avait  fail  voir  que ,  par  le 
péchéd'Adam,  nous  avons  |)erdu  cette  grande 
et  heureuse  liberté,  cet  équilibre  prétendu 
de  notre  volonté  entre  le  bien  et  le  mal  ; 
que,  par  la  concupiscence,  nous  sommes  en- 
traînés au  mal  ei  non  au  bien;  que  ,  pour 
rétablir  en  nous  une  égalité  de  pouvoir  en- 
tre l'un  el  l'autre,  il  faut  l'impulsion  de  la 
grâce.  11  réfute  de  nouveau  celte  notion  pé- 
lagienne  de  la  liberté.  Op.  imperf.,  ibid. 
Elle  était  détruite  d'ailleurs  par  le  dogme 
capital  que  saint  Augustin  avait  établi  dans 
tous  ses  ouvrages  ;  savoir  ,  que  ,  pour  tout 
bon  désir,  comme  pour  toute  bonne  action, 


453 


SEM 


SEM 


nous  avons  besoin  d'une  grâcp  intérieure 
prcvenonte  ;  or  ,  il  ne  serait  pas  nécessaire 
que  la  graco  prévînt  notre  volonté  ,  si  nous 
avions  naturellemenl  autant  de  pouvoir 
pour  faire   le  bien  que  pour  faire  le  mal. 

VO)/.    LiBEKTé. 

2'  Selon  les  semi-pélagions,  l'homme,  par 
ses  forces  naturelles,  par  se«  pieux  désirs  , 
par  ses  prières  ,  peut  mériler  la  Riâce  de  la 
foi  et  de  la  jusiificalion  ;  quiconque  s'y  dis- 
pose ainsi,  l'ohlient  pour  réroinpense  de  sa 
bonne  volonlé  :  d'où  il  s'ensuit  que  le  com- 
mencement du  salul  vient  do  l'homme,  ri 
non  de  Dieu;  .S.  J'io.ip.,  n.  4- et  9  ;  Lettre 
(VHiUiire,  I'2(i%  n.  2  et  .'i.  Saint  AuguMin  ré- 
fuie celle  doclriiie,  de  Prœilest.  Saïut.,  c.  2  , 
n.  3  et  suiv.  Il  prouve  par  l'Kcrilure  et  par 
les  Pères  que  le  commencement  de  la  foi 
vient  de  Dieu,  et  que  la  grâce  de  la  foi  est 
gratuite  comme  toute  autre  grâce  ,  vérité  ca- 
pitale qui  détruit  tout  le  sj  slème  de  Cassien 
et  de  ses  adhérents. 

On  no  conçoit  pas  de  quel  front  Jansénius 
a  osé  dire  dans  sa  i'  proposition  coudamnce: 
Les  semi-pélaqient  admettaient  In  nécessiié  de 
la  grâce  intérieure  prc've^ianle  pour  toute 
bonne  action,  même  pour  le  commencement 
délit  foi:  mais  ih  étaient  hérétiques,  en  ce 
qu'ils  disaient  que  celte  grâce  était  telle  que 
l'homme  pouvait  y  résister  ou  y  cansentir. 

3"  Ils  disaient  que  Dieu  veut  sauver  tous 
les  hommes  indifjéremment,  que  Jésus-Christ 
est  mort  pour  tous  également  ;  qu'ainsi  le 
salut  cl  la  vie  éternelle  sont  offerts  à  tous, 
accordés  à  eeu\  qui  s'y  disposent,  refusés 
seulement  à  ceux  qui  n'en  veulent  pas. 
.S".  I>rosp.,  n.  i.  C,  7  ;  Hilnire,  n.  7.  Saint 
Augustin  ne  s'arrête  point  à  ce  chef;  il  avait 
suflisamment  expliqué  dans  ses  autres  ou- 
vrages en  quel  sens  Dieu  ycut  sauver  tous 
les  hommes.  Il  ne  le  veut  pas  indifférem- 
ment,  puisqu'il  y  a  des  hommes  auxquels  il 
fait  plus  do  grâces,  auxquels  ils  accorde  des 
moyens  de  salul  plus  puissants,  plus  pro- 
chains, plus  abondants  qu'aux  autres.  L.  iv, 
con/)Yi  Julian.,  c.  8,  n.  .'i.2  et  H.  Jésus-Christ 
n'est  pas  mort  pour  tous  également,  puisque 
les  uns  reçoivent  plus  de  fruils  de  sa  mort 
que  les  autres.  On  voit  encore  ici  la  mau- 
vaise foi  de  Jansénius,  qui  a  taxé  de  semi- 
pélaginnisme  ceux  qui  disent  que  Jésus- 
Christ  est  mort  pour  tous  les  hommes;  il  fil- 
lait  ajouter  ég, dément  et  indifféremment. 
Voy.  K^nEMniox,  Sauveur. 

Il  est  faux  que  le  salut  ne  soit  offert  et  ac- 
corde qu'à  ceux  qui  s'y  disposent,  puisque 
c'est  Dieu  mémo  qui  donne  ces  dispositions. 
Souvent  sa  miséricorde  convcriit  des  âmes 
qui,  loiu  de  s'y  disposer,  se  révoltent  ronlre 
lui  ;  témoin  saint  Paul,  changé  de  persécu- 
teur en  apôtre,  lib.  de  Grat.,  et  lib.  Arb., 
cap.  5,  n.  12. 

'^•  Les  semi-pélagions  prétendaient  que 
toute  la  dilïerence  entre  les  élus  et  les  ré- 
prouvés vient  do  leurs  dispositions  naturel- 
les; que  Dieu  prédeslino  à  la  foi  et  au  salut 
ceux  dont  il  iirévoit  les  bons  désirs,  la  bonne 
volonlé.  l'obéissance;  qu'il  réprouve  ceux 


43* 


dont  il  prévoit  la  résistan-îe;  5.  Prosp.,  n.  3; 
llilnire,  n,  2.  Saint  Augustin  prouve  au 
contraire  (jiie  la  ditTérenre  vient  do  ce  que 
Dieu  appelle  les  uns  par  miséricorde,  et 
laisse  les  autres  par  justice,  sans  les  appe- 
ler; de  Prœdest,  sanct.,  c.  6,  n.  11  ;  c.  8, 
n.  14.  Mais  il  ne  faut  pas  oublier  ce  que  lô 
saint  docteur  a  enseigné  ailleurs,  savoir, 
que  ceux  qui  no  croient  point  et  ne  viennent 
point,  résistent  à  la  vocation  de  Dieu  et  à  sa 
volonlé ,  et  méprisent  la  misérieorde  de 
Dieu  dans  ses  dons,  de  Spir.el  Litt.,  c,  .33, 
n.  38;  c.  3'i,  n.  GO.  Ils  sont  donc  appelés,' 
mais  non  de  la  manière  la  plus  j^ropro  à 
vaincre  leur  résistance,  Mb.  i,  ad  Simplic, 
q.  2,  n.  13;  vocation  que  saint  Augustin 
nomme  ailleurs  secundum  propnsHum.  .Mais 
si  la  vocation,  telle  qu'ils  la  reçoivent ,  ne 
leur  donnait  pas  un  vrai  pouvoir  d'obéir, 
elle  ne  serait  pas  sincère;  or,  soupçonner 
Dieu  de  manquer  de  sincérité,  ce  serait  un 
blasphème. 

3°  Ces  mêmes  raisonneurs  concluaient  que 
Dieu  fait  annoncer  l'Evangile  aux  peuples 
dont  il  prévoil  la  doi  ililé,  et  non  à  ceux 
dont  il  prévoil  l'incrédulité  :  S.  Prosp.,  n.  3; 
Ihluire,  n.  3;  ils  p;  étendaient  que  saint  Au- 
gusliu  l'avait  ainsi  enseigné  lui-même, 
Expos,  quarumd.  q.  Kp.  ad.  Romanos,  prop. 
GO;  Epist.  iO-2,  ad  Deogratias,  q.  2  ,  n.  i. 
C'est  une  erreur,  répond  le  saint  docteur; 
Jésus-Christ  assure  dans  l'Evangile  que  si 
les  Tyriens  et  les  Sidoniens  avaient  éto  lé- 
moins  dos  miracles  qu'il  opérait  dans  la  Ju- 
dée, ils  auraient  fait  pénilence.  Matih., 
c.  XI,  V.  21;  lue,  c.  I,  V.  13.  Dieu  pré- 
voyait donc  que  ces  peuples  auraient  été 
plus  dociles  que  les  Juifs;  cependant  l'E- 
vangile éiail  annoncé  à  ceux-ci,  et  ne  l'était 
pas  à  ceux-là;  de  Prœdest.  sanct.,  c.  9, 
n.l2ell8;rfe  Dono  persev,,  c.  14,  n.  3;i. 
Aussi  saint  Augustin  avait  corrigé  dans  ses 
Rétractations,  liv.  i,  c.  23  ,  n.  2,  les  passages 
desquels  les  somi-pélagiens  voulaient  se  pré- 
valoir. 

l)°Ouand  on  leur  citait  l'exemple  des  en- 
fants dont  l'un  reçoit  avant  de  mourir  la 
grâce  du  baptême,  l'autre  meurt  privé  de 
ce  bienfait,  sans  qu'il  y  ail  eu  aucun  mérite 
ni  démérite  de  part  ni  d'autre,  ils  disaient 
que  Dieu  acconie  au  premier  la  grâce  de  la 
justiDcation  et  du  salut,  parce  qu'il  prévoit 
que  cet  enfant,  s'il  parvenait  à  l'âge  mur, 
serait  fidèle;  qu'il  refuse  celle  faveur  à 
l'autre,  parce  qu'il  prévoil  que  si  celui-ci 
grandissait  ,  il  serait  indncile  et  rebelle. 
S.Prosper.  n.  3;  llilaire,  n.8.  Saint  Augustin 
répond  (|ue  c'est  une  absurdité  ;  Dieu  serait 
injuste,  s'il  jugeait  ses  créatures,  non  sur  ce 
qu'elles  ont  fait,  mais  sur  ce  qu'elles  au- 
raient fait  dans  d'autres  circonstances,  et 
s'il  avait  égard  à  des  mérites  et  à  des  dé- 
mérites qui  n'existeront  y,\mA\<,,  de  prœdest. 
sanct.,  c.  12,  n.  2i  ;  c.  l't,  n.29;  de  Dono 
persev,,  c.  9,  n.  22.  Le  saint  docteur  sou- 
lionl  que  toute  la  dillérence  de  la  conduite 
de  Dieu  à  l'égard  de  ces  enfants  est  l'effet 
d'un  décret  ou  dune  prédestination  gratuite 
de  Dieu,  et  il  le  prouve  par  plusieurs  pas- 


4-05 


SEM 


SEM 


436 


sages  de  sainl  Paul.  On  voil  assez  de  quelle 
prédeslinalion  il  esl  ici  question. 

7»  Les  semi-pélagiens  raisonn;iient  de 
même  sur  le  don  de  la  persévérance  ;  ils  re- 
jetaient la  difîcrence  que  saint  Augustin 
avait  mise  entre  la  grâce  de  persévérance 
donnée  à  Adam,  et  celle  que  Dieu  donne 
aux  saints,  entre  ce  qu'il  avait  appelé  adju- 
torhim  quo,  et  adjutorium  sine  quo,  lib.  rie 
Corrept.  et  Grat.,  c.  11  et  12,  n.  2<>  —38. 
Cette  doctrine,  disaient-ils,  n'est  propre  qu'à 
jeter  tout  le  monde  dans  le  désespoir;  si  les 
saints  sont  tellement  aidés-par  la  grâce  qu'ils 
ne  puissent  déchoir,  et  si  les  aulrcs  sont 
abandonnés  de  manière  qu'ils  ne  puissent 
vouloir  le  bien,  c'en  est  fait  de  l'espérance 
chrétienne,  les  exhorlnlioiis  et  les  menaces 
sont  inutiles  et  absurdes.  Quelle  que  soit  la 
grâce  finale  accordée  aux  prédestinés,  il  dé- 
pend toujours  d'eux  d'y  obéir  ou  d'y  résis- 
ter, S.  Prosp.  n.  2  et  3  ;  Ililaire,  n.  2,  h,  6. 
Ces  gens-là,  répond  saint  Augustin,  ne 
s'entendent  pas  eux-mêmes,  lorsqu'ils  pré- 
tendent que  l'homme  peut  résister  à  la  grâce 
de  la  persévérance  finale.  «  On  ne  peut  pas 
dire  que  la  persévérance  jusqu'à  la  fin  ait 
élé  donnée  à  un  homme  avant  que  la  lin 
soit  venue  :  or,  quand  cette  vie  est  finie,  il 
n'est  plus  à  craindre  que  l'homme  perde  la 
grâce  qu'il  a  reçue,  ou  qu'il  y  résiste;  »  de 
Dono  persev.,  c.  6,  n.  10;  c,  17.  n.  il.  Si 
telle  esl  la  seule  différence  qu'il  y  a  entre  la 
grâce  d'Adam  et  la  grâce  finale  des  saints, 
les  semi-pélagiens  avaient  tort  delà  rejeter; 
Dieu  en  effet  n'a  pas  tiré  Adam  de  ce  monde 
pendant  qu'il  était  encore  innocent,  au  lieu 
qu'il  fait  mourir  les  saints  en  état  de  grâce. 
Il  est  donc  vrai  dans  ce  sens  que  l'homme 
ne  peut  pas  résister  à  la  grâce  de  la  persé- 
vérance finale,  puisqu'il  ne  dépend  pas  de 
lui  de  sortir  de  ce  monde  quand  il  le  veut,  ni 
d'être  rebelle  après  sa  mort,  et  puisque  c'est 
dans  ce  sens  seulement  que  la  grâce  finale 
meut  la  volonté  d'un  sainl  d'une  manière  in- 
vincible,  insurmontable,  irrésistible,  de  Cor- 
rept. et  Grat.,  c  12,  §  38,  il  y  a  de  la  mauvaise 
foi  à  vouloir  appliquer  à  toute  grâce  inté- 
rieure actuelle  ce  que  saint  Augustin  dit  de 
la  grâce  finale  seulement,  et  c'est  une  absur- 
ditéde  vouloir  lirer  de  là  tine  prétendue  clef 
de  tout  le  syslème  de  saint  Augustin  sur  la 
grâce,  comme  foui  certains  théologiens. 

8°  Les  semi-pélagiens  disaient  que  la  ma- 
nière dont  saint  Augustin  expliquait  la  pré- 
deslinalion secunditm  propositum  ,  était 
inouïe  dans  l'Eglise,  contraire  au  sentiment 
des  anciens  Pères,  inutile  pour  réfuter  les 
pélagiens;  que,  quand  elle  serait  vraie,  il  ne 
faudrait  pas  la  prêcher,  S.  Prosper,  n.  2 
et  3;  Hilaire,  n.  8.  Ils  ajoalaienl  :  Si  nu 
homme  ne  peut  croire  qu'autant  que  Dieu 
lui  en  donne  la  volonté,  celui  qui  ne  l'a  pas 
ne  peut  être  blâmé;  tout  le  blâme  doit  re- 
tomber sur  Adam,  seule  cause  de  notre  con- 
damnation, IJiluire,  n.  5.  La  réponse  de 
sainl  Augustin  est  que  les  anciens  Pères 
n'ont  pas  eu  besoin  d'examiner  la  question 
de  la  prédestination,  au  liiu  qu'il  s'est 
trouvé  forcé  d'y  rentrer  pour  réfuter  les  pé- 


lagiens, et  démontrer  que  la  grâce  est  ab- 
solument gratuite,  ùe  Prœdesl.  sanct.,  c.  V*, 
n.  27.  Jlais  dans  le  livre  de  Dono  persev., 
c.  19  et  20,  n.  48,  51,  il  fait  voir  que  les  an- 
ciens Pères  ont  suffisamment  soulenu  la 
prédestination  gratuite,  en  enseignant  que 
toute  grâce  de  Dieu  est  gratuite.  Cela  esl  ex- 
actement vrai,  puisque  dans  les  anciens, 
non  pins  (|t;e  dans  saint  Augustin,  il  ne  fut 
janiais  question  d'une  prélendue  [irédeslina- 
lion  gratuite  à  la  gloire  éternelle.  Hossnet, 
Défense  de  la  Tradition  et  des  saints  Pères, 
I.  xii,  c.  3't;  Muffti,  Ilist.  TheoL,  I.  xi, 
p.  173  cl  seq. 

A  ee  que  l'on  ajoutait  qu'il  fiudrait  blâ- 
mer Adam  seul,  et  non  ses  descendants,  le 
sailli  docteur  ne  répond  rien  ;  mais  il  avait 
dit,  1.  de  Corrept.  et  Grat.,  c.  l'r,  n.  43,  qu'il 
faui  toujours  réprimander  les  pécheurs, 
afin  (]ue  celte  correction  soit  un  remède 
pour  ceux  qui  sont  prédestinés,  une  punition 
et  un  tourment  pour  ceux  qui  ne  le  sont  pas. 
IMais,  si  ces  derniers  no  recevaient  point  de 
grâce,  et  s'ils  se  trouvaient  dans  une  impuis- 
sance absolue  de  sortir  du  péché,  de  quoi 
mériteraient-ils  d'être  pnnis?  Nous  verrtms 
ci-après  que  ce  n'est  point  là  le  sentiment 
du  sainl  docteur. 

9°  Sainl  Prosper  le  prie  d'expliquer  com- 
ment la  grâce  prévenante  et  coopérante  ne 
détruit  point  le  libre  arbitre,  n.  8.  Saint 
Augustin  n'y  satisfait  point;  il  jugea  sans 
doute  que  tout  l'embarras  venait  de  la 
fausse  idée  que  les  pélagiens  et  les  semi-pé- 
lagiens se  faisaient  du  libre  arliitre,  et  que 
nous  avons  vue  ci-dessus,  n.  1.  Il  avait  dit, 
].  i  Retract.,  c.  22,  n.  4;  1.  ii,  c.  1,  n.  ■2,que 
rien  n'est  autant  en  notre  pouvoir  que  notre 
propre  volonté  ;  que  cependant  elle  est  en- 
core plus  au  pouvoir  de  Dieu  qu'au  nôtre. 
Si  nous  n'avions  pas  un  vrai  pouvoir  de 
résister  lorsque  Dieu  meut  notre  volonté 
par  la  grâie,  ces  deux  maximes  de  saint  Au- 
gustin seraient  contradictoires. 

10"  Saint  Prosper  le  prie  encore  de  déci- 
der si,  dans  la  prédeslinalion  secundum pro- 
positum, le  décret  de  Dieu  n'est  rien  autre 
chose  que  la  prescience,  ou  si  au  contraire 
la  prescience  esl  fondée  sur  un  décret,  n.  8. 
11  observe  que,  selon  le  sentiment  unanime 
des  anciens,  le  décret  de  Dieu  et  la  prédesli- 
nalion sont  dirigés  par  la  prescience; 
qu'ainsi  Dieu  choisit  les  uns  et  réprouve  les 
autres,  parce  qu'il  a  prévu  quelle  serait  la 
fm  de  chacun,  et  quelle  volonté  il  aurait 
sous  le  secours  de  la  grâce.  Il  parait  (ju'ici 
sainl  Prosper  voulait  parler  de  la  prédesti- 
nation à  la  gloire  éiernellu.  Saint  Augustin 
l'a  compris,  sans  doute  ;  cependant  il  se  con- 
tente de  penser  et  de  parler  comme  les  an- 
ciens. «Dieu,  dit-il,  donne  la  persévérance 
finale  ;  il  a  su,  sans  doute,  qu'il  la  donnerait; 
telle  est  la  prédestination  des  saints  que^ 
Dieu  a  élus  en  Jésus-Christ  avant  la  création 
du  monde ,  (/«  Dono  persev.,  c.  7,  n.  15. 
Osera-l-on  dire  que  Dieu  n'a  pas  prévu  à 
quels  hommes  il  donnerait  la  foi  et  la  per- 
sévérance? S'il  l'a  prévu,  il  a  donc  prévu 
aussi  les  bienfaits   par  lesquels  il  daigne  les 


437 


SEM 


SEM 


i38 


sauver.  Telle  est  la  prédestination  des  saints, 
rien  autre  chose:  savoir,  la  prescience  et  la 
préparation  des  bienfaits  par  lesquels  Dieu 
délivre  avec  une  ccrliludc  entière  ceux  qui 
sont  délivrés,  »  c.  i'*,  n.  33.  Si  saint  Augus- 
tin a  supposé  nn  décret  de  prédestination  à 
la  gloire,  antérieur  à  la  prescience,  c'était  là 
le  cas  d'eu  parler,  puisque  c'était  le  sujet  de 
la  demande  de  saint  l'rosper;  cependant  il 
n'en  dit  rien,  il  borne  la  prédeslinalion  à  la 
préparation  des  {jriu'cs  ou  des  moyens,  sans 
faire  aucune  ;iitcntion  à  la  fin  dernière  pour 
laquelle  ils  seul  donnés. 

11"  Knfin,  saint  Prosper  le  prie  de  mon- 
trer cotnuitMit  le  décret  de  Dieu  ne  nuit  ni 
aux  exliorlations  ni  à  la  nécessité  du  travail 
de  ceux  ((ui  itéscspèrent  de  leur  prctiesiiua- 
lion,  n.  8.  l'.'est  ici  le  point  capital  sur  le- 
quel saint  .\uf;ustin  s'étend  li-  plus.  Il  ré- 
pond (lue  saint  Paul,  en  tnseigu.nil  la  pré- 
deslinalion, n  a  pas  laissé  d'exhorter  ses  au- 
diteurs à  la  fui;  que  Jésus-CJirisl,  en  appri- 
nant  aux  hounues  que  la  foi  est  un  don  de 
Dieu,  n'a  pas  moins  (Tdoniié  de  croire  en 
lui,  de  Dovo  persev.,  c.  l'i,  n.  'A'i;  donc  Jé- 
sus-Christ cl  sanit  Paul  ont  supfiosé  que 
Dieu  donne  la  grâce  pour  croire,  et  ils  or- 
donnent à  l'homuie  de  correspondre  à  cette 
grâce.  Ainsi  l'a  entendu  saint  Augustin, 
puisqu'en  expliquant  et  s  paroles  de  l'Evan- 
gile, les  Juifs  ne  pouvaient  pas  croire  en 
Jésus  Christ^  parce  que  Dieu  avait  aveuglé 
leurs  yeux  et  endurci  leur  cmtr,  Joan.,  C.  xii, 
v.  39,  le  saint  docteur  dit  (ju'ils  ne  le  pou- 
vaient pas,  parce  qu'ils  uc  le  voulaient  pas. 
Tract.  S8,  in  Joan.,  n.  k  et  seq.  Nous  di- 
sons de  même,  cet  hoinuie  ne  peut  se  résou- 
dre à  faire  telle  chose;  et  nous  entendons 
qu'il  manque  de  volonté  et  non  dn  pouvoir. 
Ainsi,  lorsqu'il  est  dit  que  Dieu  avait  aveu- 
glé les  yeux  et  endurci  le  cœur  des  Juifs, 
cela  signifie  que  Dieu  les  avait  laissés  s'a- 
veugler et  s'endurcir,  qu'il  ne  les  en  avait 
pas  empêchés.  Voy.  Éndlucissejif.nt.  Donc, 
lorsque  saint  Augustin  ajoute  que,  quand 
ceu\  qui  écoutent  la  prédication  n'y  obéis- 
sent pas,  c'est  que  l'obéissance  ne  leur  a 
pas  été  donnée ,  de  Dono  persev.,  c.  li, 
n.  ;}7,  il  faut  entendre  qu'ils  n'ont  pas  voulu 
correspondre  à  la  grâce  qui  leur  donnait  le 
pouvoir  de  croire. 

Ou  il  faut,  dit  le  saint  docteur,  prêcher 
la  prédestination  coniuic  l'enseigue  l'Ecri- 
ture, ou  il  faut  soutenir  ave'"  les  pélagiens 
que  la  grâce  de  Dieu  est  donnée  selon  nos 
mérites,  de  Dono  persev.,  c.  IG,  n.  41  ;  cela 
est  exactement  vrai  de  la  prédestination  à 
la  giûce,  qui  seule  est  enseignée  dans  l'Ecri- 
ture; mais  cela  ne  touche  point  à  la  prédes- 
tination à  la  gloire.  Il  faut  encore  se  sou- 
venir que,  suivant  la  doctrine  Irès-vraie  de 
saint  Augustin,  la  gloire  éternelle,  quoique 
récompense  de  nos  mérites,  est  cependant 
une  glace,  parce  (lue  nos  mérites  sont  un 
effet  de  la  grâce.  Op.  imp^rf.,  1.  i,  n.  133, 
etc.  On  peut  donc  dans  un  sens  dire  la  mê- 
me chose  à  l'égard  de  la  persévérance  finale, 
puisque  saint  Augustin   cun>ienl  qu'on  peut 


la  mériter   ou  du   moins  l'obtenir  par  des 
prière^,  de  Dono  persev.,  c.  C.  n.  10. 

Quand  on  lui  objecte  que  la  prédestina- 
tion est  plus  propre  à  désespérer  qu'à  en- 
courager les  fidèles,  il  répond:  «  C'est 
conune  si  l'on  disait  que  noire  salut  serait 
plu^  sûr  en'renos  m;iins  qu'entre  1<  s  mains 
de  Dieu,  »  ihid.  c.  (i,  n.  12;  c.  17.  n.  'i8  ; 
c.  22.  n.  G2.  Cette  réflesinu  est  juste,  si  Dieu 
donne  à  tous  les  i-râces  et  le  pouvoir  de 
persévérer  jusqu'à  la  fin;  mais  il  y  aurait 
lieu  de  désespérer,  si  ces  grâces  élaieul  re- 
fusées au  plus  grand  nombre  des  hommes 
à  cause  du  péché  originel,  ou  à  cause  d'un 
décret  que  Dieu  a  fait  de  les  laisser  dans  la 
masse  de  perdition.  Aussi  le  saint  docleur 
ne  veut  pas  qu'un  prédicateur  aposlropho 
ainsi  ses  auditeurs  :  «  Pour  vous  qui  croyez, 
c'est  en  voriu  de  la  [)rédestinatiou  divine 
que  vous  a\ez  reçu  la  grâie  de  la  loi:  quant 
à  vous,  à  qui  le  péché  plaît  encore,  vous 
n'a>ez  pas  reçu  la  même  grâce.  Si  vous  totis 
qui  obéissez  à  présent  n'êtes  pas  prédesti- 
nés, les  forces  vous  seront  ôtéea,  afin  que 
vous  cessiez  d'obéir.  »  Parler  ainsi,  dit  saint 
Augustin,  c'est  prédire  aux  auditeurs  un 
malheur,  et  leur  insulter  en  l'ace  .  Il  veut 
quî  l'on  parle  à  la  troisième  personne,  et 
que  l'on  dise  :  «  Si  ceux  qui  obéissent  ne 
sont  pas  prédestinés  à  la  gloire,  ils  ne  sont 
que  pour  un  temps,  ils  ne  persévéreront 
pas  dans  l'obéissanci' jusqu'à  la  fin;»  c.  22, 
n.  38  et  suiv. 

Cette  tournure  ne  changerait  pas  le  sens, 
et  ne  serait  pas  plus  consolante,  si  le  mot 
fatal  n'était  pas  retranché  :  les  forces  vous 
seront  ôlées.  Donc  saint  Augustin  a  senti  la 
nécessité  de  les  supprimer,  et  de  là  saint 
Prosper  conclut  avec  raison  que  le  saint 
docleur  n'a  point  pensé  ce  qu'elles  expri- 
ment. Resp.  ad  excepta  Genuens.,  n.  9.  Au- 
trement il  aurait  manqué  de  sincérité  et  se 
serait  contredit  exprès,  chose  dont  nous  ne 
le  soupçonnerons  jamais.  Il  a  donc  eu  raison 
de  soutenir,  contre  les  semi-pélagiens,  que 
la  prédestination,  telle  qu'il  l'entend,  ne 
peut  désespérer  ni  décourager  personne, 
puisque  ceux  mêmes  qui  ne  sont  pas  pré- 
destinés, ne  sont  pas  pour  cela  privés  de 
grâces  à  la  mort,  non  plus  que  du  pouvoir 
de  se  convertir.  Au  reste,  voici  le  seul  en- 
droit oîi  saint  Augustin  a  employé  le  terme 
de  prédestination  d  la  gloire,  et  cela  n'est 
pas  étonnant,  puisqu'il  Iraiiait  de  la  persé- 
vérance finale  :  or,  on  ne  peut  pas  douter 
que  quiconque  est  prédestiné  à  cette  per- 
sévérance, ne  soit  aussi  prédestiné  à  la 
gloire  éternelle. 

Mais  lorsque  de  prétendus  augusliniens 
osent  affirmer  que  ceux  qui  n'admettent 
pas  la  prédestination  gratuite  à  la  gloire 
éternelle,  sont  semi-pelagiens,  et  conlredi- 
sent  la  doctrine  de  saint  Augustin,  ils  en 
imposent  grossièrement  aux  hommes  peu 
instruits;  parles  pièces  originales  de  la  dis- 
pute entre  lui  et  ces  préires  gaulois,  il  est 
évident  que  toute  la  question  roulait  sur  la 
prédestination  à  la  grâce,  et  non  sur  la  pré- 
destination à  la  gloire  éternelle,  et  qu'entre 


4S9 


SEN 


SEN 


440 


l'nne  p1  l'aiilre  il  y  a  une  différence  infinie. 
Voy.  Pbkdestixatioiv. 

L'on  est  encore  hien  plus  étonné  lorsque 
l'on  voit  cps  mémps  théologiens  accuser  de 
semi-pélagianisme  ceux  qui  soutiennent  que, 
sous  l'impulsion  de  la  grâce,  la  volonté  hu- 
maine n'est  pas  purement  passive,  mais 
qu'elle  agit  avec  la  grâce,  et  qu'elle  y  coo- 
père. Il  est  certain,  1°  qu'entre  saint  Augus- 
tin ei  (es  scmi-pélagiens,  il  ne  s'est  jamais 
agi  de  celte  question  ;  2"  que  le  saint  doc- 
teur a  répété  plus  d'une  fois  ((ue,  consentir 
ou  résister  à  la  vocation  divine,  est  le  fait 
de  notre  volonté,  1.  de  Spir.  et  LUI.,  c.  34, 
n.  60,  etc.  3°  Pour  étayer  cette  imputation, 
ils  donnent  malicieusement  au  sentiment 
catholique  un  sens  absurde  ;  ils  disent  que, 
suivnnt  ce  sentiment,  les  forces  naturelles 
de  la  volonté  humaine  ou  du  libre  arbitre 
concourent  avec  la  grâce  à  la  conversion  du 
pécheur.  Comment  pent-on  nommer  force 
naturelle  celle  qui  est  donnée  à  la  volonté 
p.ir  la  grâce?  Ils  ont  emprunié  cetic  inter- 
prélnlion  ridicule  des  luthériens  et  des  cal- 
vinistes; en  effet,  ceux-ci  accusèrent  île  se- 
mi-pélngianisine\es  synergisles  ou  lesdisciples 
de  ^Mélan<hlhon  ,  parce  qu'ils  soutenaient 
conire  Luther  et  Calvin  que  la  volonté  hu- 
maine mue  par  la  grâce  n'est  pas  purement 
passive,  mais  qu'elle  agit  et  coopère  à  la 
grâce.  Voy.  Syneugistes.  Ces  mêmes  héré- 
tiques n'ont  pas  cessé  depuis  ce  temps-là 
de  renouveler  le  même  reproche  contre 
l'Kglise  catholique  tout  entière.  Il  est  cepen- 
dant certain  que  le  concile  de  Trenle,  sess. 
6,  (le  Jiislif.,  0.  5  et  G,  can.  3,  a  professé  so- 
lennellement le  dogme  opposé  au  semipéla- 
fjinnisme. 

On  voit  par  là  de  quelle  imporlance  il  est 
de  connaître  exactement  les  opinions  des 
pélagiens  et  des  semi  -  pélagiens  ,  si  l'on 
veut  distinguer  la  vraie  doctrine  de  saint 
Augustin  d'avec  celle  qui  lui  est  faussement 
imputée  ;  et  la  doctrine  catholique  d'avec  les 
erreurs  des  hérétiques  :  il  y  a  d'autant  plus 
de  danger  d'y  être  trompé,  que  les  protes- 
tants n'ont  jamais  fjit  un  tableau  fidèle  de 
l'une  ni  de  l'autre.  Basnage,  dans  son  His- 
toire de  l'Eglise,  1.  xii,c.  1  et  suivants,  a 
fait  tous  ses  efforts  pour  persuader  que  la 
doctrine  de  saint  Augustin  est  la  même  que 
celle  (les  calvinistes,  et  que  celle  des  catho- 
liques ne  diffère  en  rien  de  celle  des  semi- 
pélagiens.  Mosheim  et  son  traducteur  n'ont 
pas  été  de  meilleure  foi.  HisI,  ecclés.,  y  siè- 
cle,  11"  partie,  c.  5,  §  2G  et  27;  Jurieu  et 
d'autres  leur  avaient  frayé  le  chemin. 

SIÎNS  DE  L'ECKlTUllIi;  SAINTE.  Voy. 
Ecriture  sainte,  §  3. 

*  SENS  CO.MMUN.  Le  sens  commun  a  toujours 
joui,  dans  les  écoles  de  tliéologie,  li'iine  irés-hiiute 
aiiiorllé  :  il  est,  on  cITet,  l'expression  de  la  raison 
ilu  (Onmiiin  des  homm<'S.  Prétendre  qiiVn  dehors 
ilii  s.ns  commun  il  n'y  a  pas  de  certitude,  c'est 
iiiinlier  iliins  une  grave  erreur  qui  a  cli-  adoiitée  par 
l\I. lie  Lamennais  et  sisdisciplos.  GroKoire X VI  a  ainsi 
I  iiiliinmé  cette  doctrine  :  i  II  est  bien  déplorable  <le 
\i  n  ilans  quel  excès  de  délire  se  précipite  la  raison 
iiuniaiiie,   lorsqu'un  hoinnie  se  laisse  preiivlro  à  l'a- 


motir  de  la  nouveauté,  et  que,  malgré  l'avertissement 
de  l'Apôtre,  s'effnrçunt  d'être  plus  saqe  qu'il  ne  fnut, 
trop  connant  aussi  en  Ini-mênie,  il  pense  que  l'on 
doit  chercher  la  vérité  hors  de  l'Eglise  catholique, 
où  elle  se  trouve  sans  le  mélange  inipiii-  de  l'erreur, 
même  la  plus  légère,  et  qui  ist  par  là  nièjue  appelée 
et  est  en  effet  la  colonne  et  l'inébranlable  soutien  rie 
la  vérité.  Vous  comprenez  li'és-hien ,  vénérables 
frères,  qu'ici  nous  parlons  aussi  de  ce  fallacieux 
système  de  philosophie  récemmei  t  inventé,  et  que 
ri'ius  devons  tout  à  fait  improuver  ;  système  dans 
lequel  ,  entraîné  par  un  amour  sans  frein  des  nou- 
veautés, on  ne  cherche  plus  la  vérité  où  elle  est 
certainement,  mais  dans  lequel,  laissant  de  côté  les 
traditions  saintes  et  apostoliques,  on  introduit  d'au- 
tres doctrines  vaines,  Iniiles,  incertaines,  qui  ne  sont 
point  approuvées  par  l'Eglise  ,  et  sur  lesquelles  les 
liomnies  les  plus  vains  pensent  faussement  qu'on 
puisse  établir  et  appuyer  la  vériié.  « 

.M.  l'abbé  Bautain,  dans  sa  Psychologie  expérimen- 
tale, a  parfaitement  développé  les  vices  de  la  doctrine 
du  sens  commun. 

I  Et  d'abord,  dit  M.  I^autain,  qu'est-ce  que  le  sens 
commun  dans  le  langage  de  cette  école?  Le  sens 
commun,  dit-on.  Catéchisme  du  sens  commun,  p.  Il, 
est  le  sens  ou  le  sentiment  commun  à  tous  les 
hommes,  ou  du  moins  au  plus  grand  nombre  ;  ce 
qui  retient  à  dire  que  le  sens  commun  est  le  sens 
commun.  Qu'est-ce  qui  prouve  que  le  sentiment  du 
plus  grand  nombre  soit  toujours  le  bon  sens  ;  ou 
autrement,  que  la  manière  de  voir  et  de  juger  de 
la  niuliitude  soit  dans  tous  les  cas  la  meilleure  ? 
L'expérience  montre-t-elle  que  la  vérité  et  la  sagesse 
aient  toujours  été  le  partage  du  grand  nombre  ? 
Les  iiiinorilés  auraient-elles  toujours  et  nécessaire- 
ment loi  t,  par  cela  qu'elles  ne  sont  pas  la  majorité? 
Dins  ce  cas  ,  et  dans  tout  conflit  de  l'opinion  du 
plus  grand  nombre  et  de  l'opinion  du  nombre  moin- 
dre, ne  serait-ce  pas  la  majorité  qui,  à  la  fois  juge 
et  partie,  se  décernerait  à  ellc-niéine,  et  de  plein 
droit,  le  triomphe  ?  Ne  serait-ce  pas,  en  délinitive, 
le  sens  commun  qui  s'adjugerait  la  gloire  du  sens 
comiiiuii  ? 

I  On  appelle  aussi  sens  commun.  Essai  sur  rindif' 
fércnce,  etc.;  Catéchisme  du  sens  commun,  p.  II,  la 
raison  générale  ou  universelle  qu'on  oppose  à  la 
raison  privée,  laquelle,  dit-on,  parce  qu'elle  est 
faillible,  est  incapable  d'avoir  pour  elle  seule  la 
certitude  d'aucune  vérité;  tandis  que,  la  raison  gé- 
nérale étant  nécessairement  (Essai  sur  l'indifférence, 
etc.,  vol.  Il,  p.  81)  infaillible  ,  c'est  par  elle  seule- 
ment que  nous  pouvdiis  obtenir  science  et  certitude. 
Mais  tout  en  reconnaissant  qiie  la  raison  individuelle 
est  faillible ,  qu'elle  se  trompe  souvent,  s'ensuit-il 
qu'elle  se  trompe  toujours,  nécessairement  et  sur 
toutes  clioses  ?  De  ce  qu'elle  peut  errer,  faut-il 
qu'elle  erre  sans  cesse  ?  De  ce  que  l'homme  a  par 
sa  liberté  le  pouvoir  de  faire  le  mal,  est-ce  une  né- 
cessité qu'il  ne  fasse  que  le  mal  ?  La  raison  humaine 
pourrait-elle  dévier,  si  elle  n'était  capable  de  recti- 
tude ?  Mais  à  quel  signe  l'homme  reconnaitra-t-il 
qu'il  est  dans  le  vrai  ?  tjui  lui  dira  que  ce  qui  lui 
parait  vrai  n'est  pas  une  illusion  ;  que  ses  sens,  son 
esprit  propre,  son  sentiment  intime,  ne  l'abusent 
pas?  Qui  le  lui  dira?  La  lumière  naturelle  qui  le 
met  en  rapport  avec  les  objets  naturels,  les  lois  de 
la  raison  qui  président  à  sa  pensée  ,  la  conscience 
qu'il  a  de  son  sentiment  intime  :  qui  vous  assure 
qu'il  lait  jour  en  plein  tnidi,  si  ce  n'est  votre  œil  et 
la  lumière?  Atlendez-vous,  pour  l'atlirmer,  que  vous 
ayez  consulté  le  grand  nombre  ?  'tout  cela,  dit-on, 
ne  donne  pas  de  certitude  absolue;  j'en  conviens. 
Mais  vous-même  qui  croyez  avoii  cotte  certitude, 
(|ui  vous  tenez  assuré  du  moins  de  n'être  point  dans 
l'erreur,  quel  est  votre  garant,  quel  est  votre  criio- 
rinni  de  vérité  ?  Le  témoignage  de  la  raison  générale, 
cni,   diies-viius,   ne  peut  tromper.   Qire5;-ce  donc 


u\ 


SEN 


SEN 


m 


quft  celte  raison  gén^rnle  à  laquellfi  vous  aocordeï 
si  libériiloinenl  le  |irivilé:;e  de  l'iiilaillibililé  ?  Esl-ce 
la  raison  de  tout  le  monde,  on  au  nioini;  du  plus 
grand  nombre  ?  Elle  se  compose  donc  de  la  totalité 
(Ml  de  la  majorité  des  raisons  parlicnlières.  Mais 
relles-ci,  vons  les  reconnaissez  faillibles,  el  dn  plirs 
vous  les  déclarez  incapubles  de  science,  de  vérité, 
de  certitude.  Est-ce  donc  que  dvs  raisons  faillibles, 
ou  se  réunissani,  constiiueraienl  une  raison  infailli- 
ble ?  Esl-ce  en  rassemlilant  lonles  les  incerlitudes 
des  raisons  privées  que  vons  obtiendrez  une  ccrlilude 
générale;  el  la  collection  des  erreurs  de  loiis  les 
bommes  finirait-elle  par  former  la  vérité?  F.ncore  une 
fois  ,  qu'est-ce  que  la  raison  générale  iufaillllde  ? 
N'est-ce  qu'une  abstraction  .  un  être  de  raison  ? 
Alors  elle  n'a  qu'une  valeur  individuelle  ;  elle  est  le 
produit  de  l'esprit  propre,  le  fruil  d'une  peiiS(''e  liu- 
u)aine.  Est  ce  une  réalilé,  une  entité  ,  un  èlre  s!(i 
generis ,  une  idée  à  la  Plaloii  ,  uji  prototype  de  la 
raison  liumaiue,  (|iii  plane  au  dessus  de  tout''s  les  rai- 
sous  privées,  les  éclaire,  les  anime,  les  dirige,  etc.  ? 
Alors  on  demandera  comment  vous  êtes  arrivé  à  la 
counaissaiice  de  cet  être  mysiérieux,  par  quel  moyen 
extraordinaire  vous  recevez  ses  illummalions,  et  sur- 
tout comment  vous  pouvez  cire  assuré  qui;  cette  rai- 
son idéale  vous  parle  et  vous  instruit? 

«  La  raison  générale ,  Essni  sur  Cindijfi'rence  , 
vol.  Il,  p.  81,  9(),  I2'J,  dit-on,  se  manifesic  par  le 
témoignage  du  genre  humain.  C'est  par  la  parole 
de  tous  les  hoiumes  qu'elle  déclare  ses  oracles.  Le 
conscnleinent  conmiun  ou  le  sons  commun  est  pour 
nous,  lb\d.,  p.  20,  le  sieau  de  la  vérité.  Ce  (pii  a 
éié  cru  par  tous,  partout  et  toujours,  est  nécessai- 
rement vrai.  Soit  !  Il  ne  s'agit  plus  que  de  constater 
ce  témoignage  du  genre  bumain  sur  les  vérités  les 
plus  importantes  pour  l'Iunnuie,  sur  les  vérités  qui 
sont  au-dessus  des  faits  naturels  et  humaine  ;  il  ne 
s'agit  plus  (|ue  de  bien  établir  ce  que  tous  les  hom- 
mes ont  cru  toujours  et  partout.  Qui  fera  ce  relevé? 
Quel  sera  l'individu  qui,  se  portant  devant  ses  sem- 
blables connue  l'organe  du  sens  coiunmn,  comme  le 
témoin  et  l'interprète  des  croyan<:es  générales  de 
riiumauilé,  osera  leur  dire:  Voilà  ce  que  tous  les 
hommes  ont  cru  el  ce  ipie  vous  êtes  obligés  de  croire? 
S'il  parle  en  son  propie  nom,  c'est  une  raison  privée 
qui  infirme  par  le  vice  de  sa  faillibiliié  la  manifes- 
tation de  la  raison  générale;  s'il  parle  au  nom  d'une 
puissance  surhumaine,  il  n'a  que  faire  d'aller  quêter 
des  voix  à  travers  les  siècles  :  il  n'a  besoin  ni  de 
la  majorité  ,  ni  de  la  généralité  du  genre  humain. 
Qu'il  prouve  sa  mission  extraordinaire  par  des 
moyens,  par  des  faits  extraordinaires,  et  alors  qu'il 
annonce  à  la  terre  avec  auioiiié  ce  qu'il  a  vu  et 
eniemlu. 

«  Kh  oui  !  dit-on  ,  c'est  justement  ce  que  rmus 
voulons.  Essai  sur  fiiitlifféreiicc,  vol.  Il,  p.  89  ;  une 
autorité  universelle  à  laquelle  tous  les  hnmmes 
obéissent,  en  (jui  lous  doivenl  avoir  fol,  et  qui  soit 
tout  ensemble  l'uniiiue  fondement  de  vérité  et  l'u- 
nique moyen  d'ordre  et  de  bonheur.  Entendons- 
nous  ici  sur  les  mots  sacrés  li'a.ilurité  el  de  foi. 
Voulez-vous  dire  que  c'est  la  Vérité  elle-même  qui 
parle  par  ce  que  vuus  appelez  le  sens  commun  ? 
S'il  cil  est  ainsi,  il  n'y  a  pas  à  hésiter;  il  faut  croire. 
.Mais  jusqu'à  présent  ceux  qui  se  font  gloire  d'être 
clirélieus  étaient  persuadés  qu'ancieimeinent  Dieu 
av.iil  parlé  aux  hommes  par  ses  proplièles,  et,  dans 
les  derniers  temps,  par  son  Fils  unique;  ils  oui  cru 
qu'ils  ne  devaient  recevoir  comme  paiole  auiljentl- 
(|ueinent  divine  que  celle  qui  leur  était  proposée 
par  l'autoriié  instituée  divinement  à  cet  elfet;  ils  ont 
léservé  leur  foi  pour  l,a'  parole  de  la  vie  éternelle, 
ainsi  proclamée  depuis  dix  liuil  siècles.  La  Tm- 
vidence  aurait-elle  changé  de  voies  ei  de  moyens? 
L'I'glise  ne  serait-elli;  puis  dé|iosilaiie  des  oiacles 
divins,  et  seule  infaillible  ?  Le  genre  humain  loul 
eotier  seraii-ll  investi  de  lu  même  .puissance,  aurait- 


il  les  mêmes  droits  à  noire  foi  ?  C'est  donc  une 
nouvelle  autorité  que  vous  proposez  ,  un  nouveau 
genre  de  foi  que  viuis  nous  dciiiandcz  ;  el ,  comme 
voire  crilérium  de  la  vérité  vous  parait  plus  général 
el  pins  sur,  vous  atlirmcz  aussi  que  le  léinoignage 
de  l'Eglise  lire  sa  force  de  son  accord  avec  le  léinoi- 
gnage humain,  ou  anlreuient,  que  la  foi  catholique 
n'est  que  le  sens  coiniiiuu  dans  les  choses  de  Dieu. 
Caléchismc  du  sens  commun,  p.  GG. 

t  L'autorité  de  la  raison  générale  n'est-elh' qu'une 
anloriié  humaine  ,  coiistaïaiit  des  fails  naturels  et 
humains?  Alors  nous  souiuies  pleinement  d'accord. 
Tiiules  les  raisons  sont  de  la  inêiiie  nature,  soumi^es 
aux  niêuies  lois;  toutes  rei;oiveut  les  élénicius  de 
leurs  pensées  d'un  même  monde  ,  par  des  sens  et 
des  organes  semhlablrs  :  il  est  donc  clair  que  chaque 
raison  doit,  dans  sou  état  normal,  s'accorder  avec  l.i 
pluralité  des  raisons  ,  juger  eu  geniual  des  mêmes 
choses  de  la  même  manière.  L'avis  du  grand  nombre 
a  donc  une  autorité  respectalile  dans  tous  les  cas  où 
il  ne  s'agit  que  de  fails  naturels,  d'intérêts  sociaux. 
Mais  qu'on  ne  me  donne  point  celte  autorité  comme 
infaillible,  pas  même  dans  sa  sphère.  Qu'on  se  con- 
leiiie  de  ma  croyance  ,  mais  qu'on  ne  réclame  pas 
ma  foi  pour  une  opinion  humaine.  La  croyance  est 
un  acquiescement  de  ma  raison  à  la  parole  de  mon 
semblahle  ,  et  elle  peut  se  former  de  toutes  sortes 
de  manières;  c'est  une  afi'aire  de  couliauce  ou  de 
discussion.  Le  ténnùgnage  d'un  grand  nomlire  d'hom- 
mes, de  lous  les  liouiines,  si  vous  voulez  le  suppo- 
ser, peut  lue  porter  à  admeitre  telle  proposition, 
dont  encore,  par  ce  moyeu  seul  ,  je  n'aur.ii  pas  la 
science.  .Mais  la  conviction  ou  la  certitude  qui  peut 
«iii  résulter  n'est  point  de  la  foi ,  car  la  foi  vient  de 
Dieu  et  ne  se  rapporte  i|u'à  Dieu  ;  elle  est  divine 
dans  sou  (iriiicipe  coinuie  dans  son  objet.  Si  donc 
vous  voulez  que  j'aie  foi ,  présentez-moi  une  anlo- 
riié qui  ne  s(ut  celle  ni  d'un  homme,  ni  d'un  grand 
nombre  d'hommes,  ni  de  lous  les  hommes,  car  ce  ne 
serait  jamais  que  de  l'huinain  ;  mais  une  autorité 
surhuiiiaino  qui  porte  en  elle-même  le  caractère  au- 
thentique de  sa  supériorité,  et  qui,  à  ce  titre,  s'im- 
pose légitimement  à  l'hoinuie  comme  nianirestation 
de  Dieu  iiiêiiie.  C'est,  au  reste,  ce  ipi'oii  a  senti 
quand  ,  pour  élayer  la  raison  générale,  ou  a  tenté 
de  la  raitiicher  à  Dieu  el  de  la  confondre  avec  ce 
qu'on  appelle  la  liaison  suprême.  Par  là,  on  a  voulu 
lui  commiiniijuer  l'autoriic  infaillible  qu'elle  ne  peut 
puiser  en  elle  même,  si  générale  qu'elle  soit.  Il  ne 
restait  donc  qu'à  diviniser  la  raison  de  l'homine  pour 
pouvoir  légilimeuieut  imposer  la  foi  en  la  parole  de 
l'homme  ;  el ,  entraîné  par  l'esprit  de  système,  on 
n'a  point  reculé  devant  cette  apoihéose  !  Voilà  doue 
encore  une  fois  la  raison  placée  sur  l'aiiiel  !  Ses 
dictées  sont  proclamées  coimiie  des  oracles  ;  et 
tous,  sous  peine  de  folie  ou  il'impié;é,  nous  devons 
lui  apporter  riiouimage  de  notre  loi  !  C'est  encore 
une  prostituée  qu'on  présente  à  notre  adoration  ; 
mais  cette  fois  c'est  la  prostituée  des  siècles  ,  celle 
qui  a  enfanté  ,  dans  son  commerce  adultère  avec 
l'esprit  d'erreur,  toutes  les  doctrines  bâtardes,  tous 
les  systèmes  monstrueux  ,  toutes  les  opinions  dés- 
ordonnées qui  ont  troublé  le  monde;  hideuse  pio- 
géniiure  de  ineusonge  qui  a  infecté  l'esprit  humain 
au  moment  funeste  de  sa  séduction  et  de  sa  dégra- 
dation. El  c'est  cette  raison  séduite  el  dégradée  que 
nous  confondrions  avec  ce  qu'on  appelle  la  laisoii 
de  Dieu  !  Car  on  lit  quelque  part.  Essai  sur  ['indif- 
férence, vol.  il,  p.  9.5,  celte  pnrase  inconcevable  : 
I  iNoble  émanation  de  la  subsiauce  de  Dieu,  notre 
raison  n'est  que  sa  raison,  notre  parole  n'est  que 
sa  parole.  >  bi  c'est  là  le  dernier  mot  du  système, 
certainement  son  auteur  ne  l'a  pas  compris  :  il 
aurait  reculé  devant  l'ahuminatioii  du  paiillicisinc 
Vuii.  ce  mot.  C'est  à  cel  aliîuie  que  sa  doctrine 
aboutit  ,  aillai  que  l'échctisine.  Voij.  ECLECTIQUES 
Criniiie  lui,  elle  fait  peu  de  cas  de  l'Iioiir.uç  ini'ivi- 


445 


SEN 


SEN 


iU 


duel,  elle  déprime  la  raison  pariiculière  pniir  exaller 
la  rai<;iin  générale;  ciuiiine  lui,  elle  déclare  absolue, 
nécessaire,  iiitaillihle  feue  id<ile  de  l'esprii  propre  ; 
comme  lui  aus<i,  elle  prétend  I'  m  poser  aux  lioinines 
fonune  ïiiniquf  foiiihmeiH ,  le  seau  de  la  vérité. 
Efsni  sur  l'indiffércnc,-,  vol.  Il,  p.  III  cl  iO,  cm  ne 
le  priiii  i|ie  de  la  science  el  de  la  cerlilnde.  Ce'l  la 
voix  de  Dieu  se  révélam  inrillildemi'iit,  par  la  raison 
générale!  C'est  Mien  Ini-mème  iMnariic,  pour  ainsi 
dire  ,  d;ins  le  sens  commun  de  tous  les  hommes  ! 
Alors  ,  je  le  demande,  qu'est  re  qne  Dii'ti,  qu'oU- 
ce  que  rhimime  ,  que  sont  ils  rnn  pour  l'airtie? 
Onblions-nou>  donc  'lue  rimmuie  d'anjouririini  n"e-t 
plus  riirinidie  primi'ir ,  que  snti  àiu  •  et  son  es|iril 
ont  éié  pervertis,  (pi'il  naît  ilé^radé  par  un  vice  ori- 
ginel ?  Kt  c'est  cette  inli'lliijoiice  londiée,  c'est  celte 
ralfon  esclave  du  temps  el  de  l'espace  »  jom-l  de 
toutes  les  vicissitudes  du  monde,  qn'(jn  ideniilie 
avec  la  Sagesse  éiernelle  !...  c'est  la  parole  d'une 
telle  raison  qu'on  met  au  niveau  de  la  [larnle  de 
Dieu  I  El  qu'on  ne  nous  accuse  pas  d'almser  des 
expressions  de  l'anleur,  pour  lui  imputer  ce  qui  ne 
lui  a|)parlienl  pas  !  Non  ;  car  on  lit  lextuellemeul 
dans  son  livre  les  propositions  suivantes  :  <  Notre 
raison  est  la  raison  de  Dieu,  notre  parole  n'csl  i|ue 
sa  parole.  »  Essai  sur  l'indifférence,  vol.  Il,  p.  95. 
On  y  lit  :  c  Qu'est-ce  que  la  laisun,  si  ce  n'esl  la  v  - 
rilé  connue,  t  Ib.,  p.  9-2.  On  y  lit  :  «  Dieu  est,  parce 
que  tous  les  hommes  alteslenl  qu'il  est.  »  Ib.,  p.  77. 
Donc,  c'est  la  raison  qui  fait  Dieu  p;ir  son  attesta- 
tion !  On  y  lit  :  I  (lue  seietice  esi  nu  ensend)le 
d'idées  et  de  faits  dont  on  convient.  »  Ibid.,  p.  21. 
Diinc,  ce  sont  les  conventions  de  la  raison  qui  fint 
la  science  et  la  vérité  !  On  y  lit  :  c  La  raison  privée 
ne  peut  avoir  que  des  opinions  :  les  dogmes  appar- 
tiennent à  la  société.  >  Ibid.,  p.  Ii9.  Donc,  c'est  la 
raison  générale  qui  fait  les  donnics,  comme  la  ^ai^on 
privée  f.iit  les  (qiiuions  !  Or,  je  le  demande,  n'est- 
ce  pas  là  f(ire  l'apnihéose  de  la  raison  liuniaine  ? 
N'est-ce  pas  la  déclarer  la  source  du  bien,  du  vrai, 
du  juste  ,  de  tout  ce  qui  est  sacré,  infini,  éternel  ? 
N'est-ce  pas  la  mettre  ii  la  place  de  Dieu  même  ? 
Non,  encore  une  fois,  il  n'est  pas  possible  que  l'au- 
tenr  ail  vu  tome  la  portée  de  son  système.  Il  a 
voidu  donner  aux  bonmies  du  siècle  une  pliilosopliie 
universelle  on  calliidique  ;  et,  faute  d'une  science 
profonde  de  Dieu  et  de  rh-muie,  i>  laquelle  rmiai;i- 
natiou  la  plus  brillanli'  el  le  talent  le  plus  admirable 
ne  peuvent  suppléer,  il  leur  a  présemé  une  doctrine 
vaine  el  dangereuse,  qui  n'esi  en  vérité  ni  pliiloso- 
pbique,  ni  calludique. 

«  Llle  n'esl  point  pbilosopbique,  car  il  n'y  a  point 
en  elle  de  principe  de  science,  el  elle  ôte  tout  moyeu 
d'en  acquérir,  puisque,  interposant  sans  cesse  un 
ténioignai^e  liumain  entie  l'homme  el  la  vérité,  elle 
lui  en  ferme  l'accès.  Elle  détruit  la  possibilité  de 
l'évidence,  puisque  le  léumiguage  général,  qui  est 
déclaré  le  moyen  nécessaire.  Essai  sur  l'indifférence, 
vol.  Il,  p.  81,  pour  parvenir  à  li  connai-sance  de  la 
vérité,  peut  nous  porter  .^  cmire ,  mais  ne  peut  en 
ancuti  cas  nous  faire  voir.  Or,  (|u'(;st-te  que  la  science 
sans  l'évidence  ?  Elle  dégrade  rinlelliijente  humaine, 
laiti;  pour  contempler  la  vérité;  elle  l'aveugle,  pmir 
ainsi  dire,  eu  la  réduisant  au  témoignage  ,  comme 
principe  unique  de  la  cerlilude.  Imposant  ce  témoi- 
gnage comme  infaillible  ,  comme  une  autorité  su- 
prême et  sans  appel ,  à  lai|uelle  chacun  est  tenu  de 
se  fonmellre  sans  léscrve  et  dans  tons  les  cas,  sous 
peine  d'eue  déciarc,  Essai  sur  l'indifférence,  vol.  Il, 
p.  ^2q,  fou,  ignorant,  iu»ple,  elle  attente  à  la  plus 
noble  préio^alive  de  l'homme,  à  sa  lilierlé,  par  la- 
quelle il  aie  pouvoir  d'accorder  ou  de  refuser  son 
assenlimenl  à  ce  (lu'on  lui  propose.  Ainsi,  la  doc- 
trine du  sens  commun  détruit  le  moyeu  de  la  science, 
rend  l'évidence  impussihle,  dégiade  l'intelligence, 
fari  violence  à  la  liberté  murale...  Et-ce  là  une 
doctrine  philosophinue  ? 


«  Elle  n'est  non  plus  callinllque  ;  car  d'abord  , 
comme  doctrine  spécnliUive ,  elle  tend  à  substituer 
à  la  seule  autorité  vraiment  infaillible ,  qui  est  celle 
de  Dieu,  une  autorité  liumaine  ;  celle  du  sens  com- 
mun ou  de  la  raison  générait;.  Elle  réclame,  pour 
cette  aiilorité  purement  humaine,  la  foi  lui  n'est 
due  qu'à  11  parole  divine:  et  ainsi  ells  tend  à  is  ler 
riiomme  liu  ciel  ,  eu  suhsiilunnl  à  la  pc  itiière  de 
toutes  leseertus  sllrnalurelles,  la  Un  en  Dieu  fondée 
Sur  la  parole  de  Dieu,  im^.  croyanci;  humaine  en  la 
parole  humaine.  Elle  tend  à  confondre  les  révéla- 
iioiis  spéciales  et  les  iradiiidns  sacrées  avec  inie 
préiendiie  révélation  générale,  que  Dieu  aurait  faite 
de  lui-même  dans  tous  les  temps,  dans  tous  les  lieux, 
à  tous  les  hommes;  en  sorte  que  cette  révélation 
générale,  ipn'  se  fait  constamment  par  le  sms  com- 
mun, pir  la  raison  de  tous,  serait  le  critérium  pour 
juge  de  la  révélation  spéciale,  laquelle  serait  estimée 
en  raison  de  sa  conlormité  avec  le  sens  cuinniur. , 
dont  elle  tirerait  sa  valeur  et  sa  sanclion.  La  foi 
culliulique,  a-ton  dit,  n'est  que  le  sens  commun  dnns 
les  choses  de  Dieu.  Cutécliisme  du  sens  commun , 
p.  fifi. 

I  Comme  doctrine  pratique,  elle  ne  s'accorde  pas 
mieux  avec  la  morale  chrétienne;  car,  bieii  loin  que 
roiiselgnemeut  évangélique  donne  rassenlimeut 
commun  pmir  règle  de  conduite,  il  recommande  au 
conirane  d'éviier  1.1  voie  large  oii  marche  le  plus 
grand  nombre.  Il  aflirme  que  la  sagesse  du  siècle 
(et  c'est  bien  là  le  sens  commun  ou  la  raison  géné- 
rale), il  allrrme  que  cette  sagesse  est  folie  devant  la 
Sagesse  éternelle,  comme  aussi  la  Sagesse  d'en  haut 
est  folie  aux  yeux  du  monde.  Il  parle  de  la  croix  , 
scandale  aux  juifs  ,  folie  aux  gentils  !  La  doctrine 
de  la  croix  était  donc  contraire  au  sens  commun, 
puisqu'elle  lui  paraissait  une  folie;  elle  révoltait  la 
raiîdu  du  grand  nombre  ,  puisqu'elle  loi  était  un 
scandale  !  Et  ceux  qin  ont  professé  la  foi  chrétienne 
en  face  des  nations  et  l'onl  scellée  de  leur  sang,  les 
martyrs,  les  martyrs  ([ui,  si  nombreux  qu'ils  soient, 
étaient  encore  en  mimirilé  au  milieu  de  la  foule  des 
païens  ,  ils  n'auraient  donc  été  que  des  insensés  ! 
Eiifln  ,  le  divin  Maître  demande  à  ses  disciples  si , 
daiis  les  derniers  temps,  il  trouvera  encore  de  la 
foi  sur  la  terre.  E-.i-ce  que  tant  qu'il  exisiera  des 
hommes  sur  celte  terre,  le  sens  commun  peut  man- 
quer, la  raison  générale  <léfaillir  ?  Son  autorité  ne 
doit-elle  pas  plulôl  augmenter  avec  les  généralions 
et  les  siècles  ?  fS'aura-t-ulle  pas  ai  teint  son  plus  liant 
point  à  la  lin  des  temps?  Et  te|iendant,  suivatit  la 
parole  évangélique  ,  la  foi  alors  sera  au  plus  bas 
degré  !  La  loi  catholique  n'est  donc  pas  le  sens 
commun  ;  ou,  si  elle  l'est,  il  viendra  un  temps  où, 
la  pie.-quc  totalité  des  himmies  ayant  perdu  la  foi  , 
il  n'y  aura  plus  de  sens  commun;  son  autorité,  du 
moins,  ne  sera  plus  infaillible;  il  ne  sera  plus  le 
sceau  de  la  vérité. 

«  11  est  à  regretter  que  le  célèbre  auteur  de  l'Essai 
sur  l'indifférence  en  matière  de  religion  ,  en  nous 
monlrant  avec  tant  de  force  que  celle  imlifférence 
est  devenue  aujourd'hui  presque  universelle  dans  le 
monde,  se  soit  été  à  Ini-même  le  moyen  de  la  blâ- 
mer et  de  la  coiiibaitre.  De  quel  droit  sa  raison 
privée  s'oupose-i-elle  à  la  raisoii  générale  du  siècle  ? 
Prélend-l-il  que  sou  sens  particulier  prévale  contre 
le  sentiment  du  grand  nombre  ?  S'il  le  prélend,  que 
devient  son  système?  Et,  s'il  ne  le  prcieiid  pas , 
pourquoi  a-i-il  fait  son  livre  ?  Du  reste,  celle  doc- 
trine, malgré  le  talent  remarquable  avec  lequel  elle 
a  été  présentée,  malgré  le  luxe  d'érudition  dont  elle 
est  chargée,  el  tous  lesdiarmes  du  style  dont  on  l'a 
ornée,  a  excité  peu  d'intérêt,  a  trouvé  peu  de  sym- 
pathie dans  les  hommes  du  siècle,  qui  veulent  de 
l'évidence  et  non  de  l'aulorilé  ,  qui  veulent  voir  la 
vérité  par  eux-mêmes  el  non  la  recevoir  sur  le  lé- 
nioigiiage  d'aiilrui.  Ils  n'onl  point  cru  qu'on  put  faire 
de  la  philosophie  par  commission,  que  le  sens  coin- 


4i3 


SEP 


SEP 


446 


miiii  dispensât  de  savoir,  et  que  la  raison  de  tout  le 
monde  dit  cliarfe'ée  de  penser  pour  la  raison  de  olia- 
ciin.  C'est  dans  les  éi  oies  ecclésiasiiiines  qu'elle  a 
produit  le  plus  d'cITet.  Kllc  annonçait  nne  pliiloso- 
pliie  lojidre  sur  le  priitcip.-  d'nulorné,  sur  l:i  (oi,  nne 
p'iilosopliie  e«(/in".7»e  ;  et  cilie  pliilosopliie  de  foi 
dev;iit  f'.lrii  en  niênie  leinos  l'expression  de  la  raison 
universelle;  et. on  pouvait  l'acipiérir  par  nn  moyen 
simple,  facile,  à  la  porK^e  de  toos,  le  sens  conminn. 
Kt  ee  sen<  cominnn  ,  nni  apiiarlienl  à  tons,  et  qui 
est  donné  s:ins  travail  à  cliaciui  ,  était  proclamé  la 
source  unique  de  la  science,  de  la  ceriiiude  ,  le 
critérium  iidailldile,  le  sceau  de  la  vérité  !  Ces  ma- 
goill(|Ues  piiiMiesses  étaient  faites  avec  assuriinco 
par  nu  lioiniiie  d'un  {;rand  talent,  d'une  raisoii  forte, 
il'niu'  iiiriginaliou  ardeule,  dont  la  parole  est  cner- 
gi(|ue,  t'clainolc,  souvent  passiomice  !...  Est-il  éton- 
nani  (|u'i'lles  aient  entraîné  inie  jeunesse  simple, 
peu  expcri.iicniée,  Sans  connaissance  des  hommes 
et  du  monde  ?  i 

SEPT,  noiibre  septénaire.  Ce  nombre 
élait  en  quelque  manière  sacré  chez  les 
Juifs,  à  cause  du  snlibal  qui  revenait  le  sep- 
tième jour;  la  sepliùtne  aimée  était  consa- 
crée au  repos  de  la  terre,  et  les  sept  semai- 
nes de  sept  années,  (|ui  laisaieiil  quarante- 
neuf  ans,  précédaient  Ii-  jubilé  que  l'on  cé- 
lébrai! la  cinquantième;  il  y  avait  .«e/j<  se- 
maines à  compler  entre  la  fêle  de  Pâques  et 
celle  de  la  Peiilecôle,  elc.  De  là  le  nombre 
»ept  se  trouve  continuellement  dans  l'Écri- 
ture; il  y  est  parlé  de  se/)<  Eglises,  de  sept 
chandeliers,  de  sept  branches  au  cliandelier 
d'or,  de  sept  lampes,  do  sept  étoiles,  de  sept 
sceaux,  de  sept  anges,  de  sept  trompettes, 
etc.  Ainsi  ce  nombre  sept  se  met  pour  tout 
nombre  indétern)iné.  Ou  lit,  Ruth.  c.  iv, 
V.  15  :  Cela  vous  est  plus  avanlagaix  que 
d'aroir  sept  /t'.v,  c'est-à-dire  un  grand  nom- 
bre de  tils.  Prov-,  C.  xxvi,  v.  IG  :  Le  pares- 
setix  croit  être  plus  habile  que  sept  hommes 
qui  parleraient  par  sentences,  c'est-à-dire 
que  plusieurs  personnes  éclairées.  Saint 
Pierre  demande  à  Jésus-Christ:  Sei'/neur, 
lorst/ue  mon  frère  aura  péché  contre  moi, 
combien  de  fois  faut-il  que  je  lui  pardonne  î 
jusqu'à  SEPT  fois?  Le  Sauveur  lui  répond: 
je  ne  vous  dis  pas  jusqu'i)  sept  fois,  mais  jus- 
qu'à septante  fois  skpt  fois,  c'est-à-dire  sans 
fin  et  toujours  [Maith.  xviii,  12).  Il  n'est 
donc  pas  étonnant  que  ce  nombre  ait  élé  af- 
fecté dans  les  cérémonies  de  religinn  ;  les 
amis  de  Job  oITrirent  en  sacrifice  sept  veaux 
et  sept  béliers;  David,  dans  la  translation 
de  l'arche  d'alli.mce,  fil  immoler  ce  même 
nombre  de  victimes;  Abraham  en  avait 
donné  l'exemple  en  faisant  à  Abimilech  un 
présent  de  fept  brebis  pour  être  immolées 
en  holocauste  sur  rauicl  à  la  face  duquel  il 
avait  fait  alliance  avec  ce  prince. 

Le  nombre  sept  était  aussi  observé  chez 
les  païens,  tant  a  l'égard  des  autels  que  des 
viciimes  ;  ce  rite  parait  avoir  élé  affecté  par 
allusion  aux  sept  planètes,  et  les  magiciens 
prétendaient  que  ce  nombre  avait  la  vertu 
d'évoquer  les  génies  planétaires,  et  de  les 
faire  descendre  sur  la  terre  pour  opérer  des 
prodiges.  Chez  les  païens  c'était  une  super- 
slilioii,  puisiiue  ce  nie  était  fondé  sur  la 
même  erreur  que  le  polythéisme;   il  n'ea 


était  pas  de  même  chez  les  Juifs  ;  il  n'y  avait 
ni  erreur,  ni  abus,  ni  indécence  à  rappeler  le 
souvenir  de  ce  qui  est  dit  dans  l'histoire  de 
la  création,  que  Dieu  bénit  le  septième  jour 
et  le  sanelilia:  c'était  un  préservatif  contre 
le  polythéisme  et-  contre  l'idolâtrie,  de  même 
que  la  célébration  du  sabbat.  Ou  ne  nous 
accusera  pas  sans  doute  de  superstition, 
parce  (|u'au  lieu  de  compter  par  sept  nous 
complons  par  dizaines,  en  nous  servant 
des  dix'doi^ls  de  nos  mains. 

Au  mot  SEMAiNiii,  nous  avons  vu  qu'il 
n'est  pas  certain  que  cetic  manière  de 
compter  les  jours  par  sept,  observée  chez 
les  païens,  ail  lait  allusion  aux  sept  planè- 
tes puisqu'elle  a  eu  lieu  citez  les  peuples 
(|iii  n'avaient  aucune  connaissance  de  l'as- 
Ironomie.  Peut-éire  (|ue  chez  tous  c'a  élé  un 
reste  de  la  tradition  primitive  que  les  na- 
tions tombées  dans  l'ignorance  ont  conservé, 
apiès  en  avoir  oublié  l'origine. 

SKPTAN  TE.  La  version  des  Septante  est 
une  lra<luclion  grecque  des  livres  de  l'Ancien 
Testament,  à  l'usage  des  Juifs  de  l'Egypte 
qui  n'entendaient  plus  l'iiélireu;  c'est  la  plus 
ancienne  et  la  plus  célèbre  de  loules.  Il  est 
à  propos  d'en  connaître,  1"  l'origine,  2"  l'es- 
time que  l'on  en  a  faite,  3"  les  autres  ver- 
sions grecques  auxquelles  elle  a  donné  lieu, 
h'  les  principales  éditions  qui  en  ont  été 
faites 

1.  Le  plus  ancien  auteur  qui  ait  fait  l'his- 
toire de  cette  version  se  nomn>e  Aristée,  et 
se  qualifie  officier  aux  gardes  de  Ptolémée- 
Phiiadelphe,  roi  d'Egypte;  on  prétend  qu'il 
était  de  l'ile  de  Chypre,  et  juif  prosélyte.  Il 
raconte  en  substance  <iue  Ptolémée-Phila- 
delphe ,  voulant  enrichir  la  bibliothèque 
qu'il  formait  à  Alexandrie  dos  livres  les  plus 
curieux,  chargea  Démétrius  de  Plialère,  son 
bildiolhécaire,  de  se  procurer  la  loi  des 
Juifs.  Déméirius  écrivit  de  la  part  de  sou 
mailre  à  Eléazar,  souverain  sacrificateur  de 
Jérusalem,  lui  envoya  trois  députes  avec  des 
présents  magnifiques;  il  lui  demanda  un 
exemplaire  de  la  loi  de  Moïse,  et  des  inter- 
prètes pour  la  traduire  en  grec.  Aristée  pré- 
tend avoir  été  lui-même  un  des  trois  dépu- 
tés. Il  ajoute  que  la  demande  leur  fut  accor- 
dée, qu'ils  rapportèrent  un  exemplaire  de  la 
loi  de  Moïse  écrit  en  lettres  d'or,  et  qu'ils 
ramonèrent  avec  ec.x  soixante-douze  anciens 
pour  le  traduire  en  grec  ;  Piolémée  les  plaça 
dans  l'ile  de  Pharos  près  d'Alexandrie,  avec 
Démétrius  dePhalèrc,  et  l'ouvrage  fut  achevé 
en  72  jours.  Cela  se  fil,  suivant  plusieurs 
chronologistes,  'in  ans  avant  Jésus-Christ, 
suivant  d'aulres  290  ans.  Arislobule,  autre 
juif  d'Alexandrie,  philosophe;  péripatéticien, 
qui  vivait  cent  vingt-cinq  ans  avant  notre 
ère,  et  dont  il  est  parié  dans  le  second  livre 
des  .Macliabées,  c.  i,  v.  Kt,  rapportait  la 
même  chose  dans  un  commentaire  qu'il  avait 
fait  surli'S  cinq  livres  de  Moïse.  Cet  ouvrage 
est  perdu,  il  n'en  re^te  que  des  fragments 
cilés  par  Clément  d'Alexandrie  et  par  Eu- 
sèbe.  Origène  parle  de  cet  Arislobule,  fait 
cas  de  ses  écrits  et  de  ceux  de  Philon,  1.  iv. 
contre  6'e/s«,  n.  51.   Philon,  autre  juif  d'A- 


447 


SEP 


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448 


lexandrie,  qni  vivait  du  (emps  de  Jésns- 
Clirist,  dit  Ips  mêmes  choses  qu'Aristée,  1. 
Il,  (le  Vita  Mosis;  il  paraît  persuadé  que  les 
soixante-douze  interprètes  étaient  inspirés 
de  Dieu;  il  cite  ordinairement  l'Ecrilure 
selon  leur  version,  et  non  selon  le  texte  lié- 
breu.  Josèphe,  qui  a  écrit  vers  la  fin  du  i  ' 
siècle,  ne  chançte  presque  rien  à  la  narration 
d'Aristée,  Préamb.  des  Antiquités  judaïques, 
1.  XII,  c.  2.  N'crs  le  milieu  du  iT  siècle,  saint 
Justin  était  allé  à  Alexandrie,  où  les  Juifs 
lui  raronlèrenl  la  même  chose  ;  ils  ajoutèrent 
que  les  soixante-douze  inlerprèles  avaient 
été  logés  dans  soisante-douze  cellules  diffé- 
rentes, et  avaient  écrit  séparément  ;  mais 
qu'après  le  travail  fini,  leurs  versions,  par 
un  prodige  singulier,  se  trouvèrent  parfaite- 
ment conformes.  On  lui  fil  voir,  dil-il,  dans 
l'ilede  Pharos,  les  ruines  ou  les  vestiges  de 
ces  soixante-douze  cellules.  Saint  Irénée, 
Clément  d'Alexandrie,  saint  Cyrille  de  Jé- 
rusalem, saint  Epipliane  et  d'autres  Pères  de 
l'Eglise  ont  adopté  cette  tradition,  et  quel- 
ques-uns y  ont  ajouté  de  nouvelles  circons- 
tances; mais  aucun  n'a  cité  d'autres  monu- 
ments que  ceux  dont  nous  venons  de  parler. 
Saint  Jeiôine,  convaincu  par  lui-même  des 
défauts  de  la  version  des  Septante,  n'ajouta 
aucune  foi  à  la  narration  d'Aristée  ni  à  la 
tradition  des  Juifs. 

Que  celte  narration  ait  renfermé  des  cir- 
constances fabuleuses,  c'est  un  point  dont 
on  ne  peut  pis  disconvenir.  La  dépense  que 
cet  auteur  suppose  faite  à  ce  sujet,  et  qui 
se  monterait  a  près  de  cinquante  millions  de 
noire  monnaie;  ^e^emplai^e  de  la  loi  écrit 
en  lettres  d'oi',  le  nombre  précis  de  soixante- 
douze  interprètes, les  cellules  dans  lesquelles 
on  les  renferma,  la  conformité  miraculeuse 
de  leurs  versions,  etc.,  s-ont  évidemment  des 
fables  inventées  après  coup  par  les  Juifs 
d'Egypte,  pour  donner  du  crédit  à  leur  ver- 
sion grecque  d<'s  livres  saints. 

Plusieurs  critiques,  surtout  parmi  les  pro- 
testants, sont  partis  de  là  pour  révoquer  en 
doute  le  fond  même  de  la  narration.  Ils  ont 
regardé  Aristée  et  Aristobule  coanne  deux 
auteurs  supposés;  ils  ont  conclu  que  l'on  ne 
sait  ni  par  <]ui,  ni  comunent,  ni  en  (|uel  temps 
la  version  grecque  de  l'Ancien  Testament  a 
été  faite  en  Eijjpte;  que  les  Pères  de  l'Eglise 
se  sont  laissé  tromper  par  le  roman  que  les 
Juifs  ont  forgé;  que  Philon  et  Josèphe  ne 
méritent  aucune  croyance,  que  ni  l'un  ni 
l'autre  ne  se  sont  pas  fait  scrupule  d'en  im- 
poser pour  donner  du  relief  à  leur  nation. 
C'est  le  sentiment  de  Hody,  professeur  en 
langue  grecque  dans  l'université  d'Oxford  ; 
de  Dupin,  qui  a  fait  un  extrait  du  livre  de 
Hody  ;  du  docteur  Prideaux,  Hist.  des  Juifs, 
1.  IX,  t.  I,  p.  •372  et  suivantes;  il  a  élé  suivi 
par  la  plupart  des  autres  écrivains,  mais  ils 
ont  trouvé  des  contradicteurs. 

En  17"2,  on  a  donné  à  Rome  la  version 
grecque  de  D.iniel  faite  par  les  Septante, 
LO|iiee  autrefois  sur  les  Tétrapics  d'Origene, 
c(  tirée  d'un  manuscrit  du  cardinal  tlliigi, 
(juj  a  plus  de  huit  cents  ans  d'antiquité;  l'é- 
dilcur,dans  de  savantes  dissertations  placées 


à  la  tête  de  l'ouvrage,  s'est  attaché  à  prou- 
ver :  1"  Que  la  loi  de  Moïse  a  élé  certaine- 
ment traduite  en  grec  la  septième  année  du 
règne  de  Plolémée  Philadelphe,  290  ans 
avant  Jésus-Christ,  et  par  les  soins  de  Démé- 
trius  de  Phalère;  qu'ainsi  la  narration  d'A- 
ristée est  vraie  quant  au  fond  :  que  cet  au- 
teur n'est  point  un  personnage  supposé,  non 
plus  qu'Aristobule.  2»  Que  p  ir  la  loi  on  ne 
doit  pas  seulement  entendre  les  cinq  livres 
de  Moïse,  mais  la  plus  grande  partie  de  l'An- 
cien Testament;  que  le  passage  tiré  du  pro- 
logue des  Antiquités  judaïques  de  Josèphe, 
où  il  semble  dire  le  contraire,  a  élé  mal  en- 
tendu et  mal  traduit,  3"  Que  les  autographes 
de  cette  version  des  Septante  furent  vérita- 
blement déposés  dans  la  bibliolhèiiue  d'A- 
lexandrie ;  qu'ils  y  étaient  encore  non-seule- 
ment du  temps  de  saint  Justin  et  de  saint 
Irénée  qui  en  parlent;  savoir,  le  premier, 
Apol.  1,  n.  31;  le  second,  adv.  Hœr.,  I.  m, 
c.  25;  mais  encore  du  temps  de  saint  Jean 
Chrysoslome,  qui  en  fait  mention,  arfu.  J^rf., 
oral.  1,  n.  6,  que  l'incendie  de  cette  biblio- 
thèque, arrivé  sous  Jules-César,  n'en  con- 
suma qu'une  partie.  4"  Que  l'on  se  trompe 
quand  on  assure  que  cette  traduction  est 
écrite  dans  le  dialecte  d'Alexandrie,  qu'elle 
peut  très-bien  avoir  été  f.iile  par  les  Juifs  de 
Jérusalem;  qu'ainsi  Aristée  a  pu  dire  qu'elle 
est  l'ouvrage  de  soixante-douze  interprètes, 
c'est-à-dire  du  sanhédrin  composéde  soixante- 
douze  juifs.  5°  11  fait  voir  que  les  historiens 
grecs  ont  eu,  beaucoup  plus  tôt  qu'on  ne  le 
croit  communément,  une  connaissance  suf- 
fisante de  l'histoire  juive,  non-seulemenl  de 
la  partie  renfermée  dans  les  livres  de  Moïse, 
mais  des  événements  rapportés  par  les  écri- 
vains suivants,  soit  avant,  soit  après  la  cap- 
tivité, et  il  le  prouve  par  des  témoignages 
irrécusables.  6"  Que  si  les  Pères  ont  été  trop 
crédules  en  ajoutant  foi  aux  circonstances 
dont  les  Juifs  ont  embelli  l'histoire  de  la  tra- 
duction des  Septante,  leur  témoignage  n'en 
est  pas  moins  fort  sur  la  réalité  du  fait  et 
sur  l'authenticité  de  cette  version.  On  voit 
par  le  Talmud  que,  dans  la  suite,  les  Juifs 
ont  institué  un  jour  de  jeûne  pour  déplorer 
cet  événement,  comme  si  la  traduction  de 
leurs  livres  dans  une  autre  langue  avait 
élé  une  profanation.  Mais  c'est  qu'ils  ont 
compris  que  cette  version  mettait  à  la  main 
des  chrétiens  des  armes  contre  eux.  Les  hé- 
rétiques, qui,  tians  les  temps  postérieurs, 
ont  fait  en  grec  d'autres  traductions  du  texte 
hébreu,  n'ont  jamais  révoqué  en  doute  l'au- 
thenticité de  la  version  des  Septante. 

Mais  soit  qu'elle  ait  élé  faite  en  Egypte 
ou  en  Judée,  qu'elle  ait  élé  placée  ou  non 
dans  la  bibliothèque  des  Ptolémées,  toujours 
est-il  certain  qu'elle  existait  avant  la  venue 
de  Jésus-Chrisl  ;  que  les  Juifs  hellénistes  s'en 
servaient  communément;  que  les  apôtres 
mêmes  en  ont  fait  usage,  et  lui  onl  ainsi 
imprimé  un  caractère  d'authenticité,  sans 
avoir  dérogé  pour  cela  à  l'autorilé  du  texte 
original;  les  autres  questions,  touchant  l'o- 
rigine de  celle  version,  ne  sont  cas  fort  im- 
portantef. 


449 


SEP 


SKP 


-450 


H.  A  mesure  que  la  relifjion  clirélienne 
fit  (les  progrès,  la  version  des  Septunte  fui 
aussi  plus  reciierchée  et  plus  estimée.  Les 
évaiigéiisles  et  les  apôtres  qui  ont  cerit  en 
grec,  à  la  réserve  de  saint  Alallhieu,  oui  fait 
usage  de  cette  versiou,  do  inéiiie  que  les 
Pères  de  la  primitive  Kglise.  1!  estj;epen- 
danl  à  remarquer  que,  dans  une  cilalioii  que 
saint  Paul  a  laite  du  psaume  sxxi,  llebr.,  c. 
xsxii,  V.  1  et  2,  il  a  conservé  le  tour  de  la 
phrase  hébraïque,  et  non  la  lettre  de  la  ver- 
sion grecque;  Rom.,  c.  iv,  v.  0.  David.,  dit- 
il,  a  nommé  la  bkatitude  de  l'hommi:,  à  qui 
Dieu  tient  compte  de  la  justice  sans  les  œu- 
vres, etc.,  au  lieu  de  lire  comme  dans  le 
grec  :  Heureux  l'homme  à  qui  Dieu,  etc. 
Toutes  les  Eglises  grecques  se  servaient  de 
cette  version,  et  Jusqu'à  saint  Jérôme  les 
Eglises  latines  n'ont  eu  qu'une  traduction 
faite  sur  celle  des  Septante.  Tous  les  coin- 
mentaleurs  s'attachaient  à  cette  version  sans 
consulter  le  texte,  et  ils  y  ajustaient  leurs 
explications.  Lorsque  d'autres  nations  se 
sont  converties  au  cliristiaiiisuie,  on  a  fait 
pour  elles  des  versions  sur  celle  des  Sep- 
tante, comme  l'ill^rienne,  la  gothique,  l'a- 
rabique, l'éthiopique,  rarnicnicnne,  et  l'une 
des  deux  versions  syriaques.  On  regardait 
même  cette  traduction  comme  inspirée,  soit 
parce  que  l'on  croyait  au  prétendu  prodige 
arrivé  aux  soixante-douze  interprètes,  en 
vertu  duquel  toutes  leurs  versions  s'étaient 
trouvées  semblables;  soit  parce  que  les 
écrivains  sacrés,  en  la  citant  dans  leurs  ou- 
vrages ,  semblaient  lui  avoir  imprimé  le 
sceau  de  leur  approbation.  Ce  préjugé  a  duré 
jusqu'à  saint  Jérôme;  et,  lorsque  ce  Père 
voulut  faire  une  nouvelle  traduction  sur  le 
lexle  hébreu  ,  plusieurs  regardèrent  cette 
entreprise  comme  une  espèce  d'attentat;  le 
saint  docteur  s'est  plaint  plus  d'une  fuis  de  la 
persécution  (|u'il  eut  à  essuyer  à  ce  sujet. 
Proley.  1,  in  Biblioth.  divin.  S.  Hieron.,  § 
4,  Op.  t.  1. 

Les  prolestants  ont  reproché  avec  amer- 
tume cette  préoccupation  aux  Pères  de  l'E- 
glise, et  l'opinion  qu'ils  ont  eue  de  l'inspi- 
ration Aci  Septante.  Celle  version,  disent-ils, 
est,  de  l'aveu  de  tnul  le  monde,  très-impar- 
faite et  Irés-l'aulive  ;  pour  y  avoir  eu  Irop 
de  confiance,  les  Pères,  d'un  consi'ntenieiil 
unanime,  ont  douuc  dans  plusieurs  erreurs. 
Cela  suffit  pour  renverser  de  fond  en  comble 
toute  l'auloritc  des  Pères  et  de  la  tradition, 
que  les  catholiques  osent  égaler  à  celle  de 
l'Ecriture.  Barbeyrac,  Traité  de  la  Morale 
des  Pères,  c.  2,  §  3.  Disons  plutôt  que  ces 
censeurs  eux-mêmes ,  aveuglés  par  leurs 
préjugés,  ne  voient  presque  jamais  les  con- 
séquences fâcheuses  de  leurs  objections.  Si 
Dieu  n'a  donné  à  son  Eglise  point  d'autre 
règle  de  foi  ni  point  d'autre  guide  que  l'Ecri- 
ture sainte,  comment,  pendant  l'espace  de 
quatre  siècles,  ne  lui  a-l-il  pas  procuré  une 
version  de  l'Ancien  Testament  plus  correcte 
que  celle  des  Septante?  Dans  un  temps  au- 
quel Dieu  faisait  tant  de  miracles  en  laveur 
du  christianisme,  ctail-il  si  diflicile  de  sus- 
citer dans  l'Eglise  un  homme  capable  d'en 


faire  une  meilleure?  Dieu  aurait  prévenu  ce 
déluge  d'erreurs  dans  lesquelles  les  protes- 
tants prétendent  que  les  pasteurs  de  l'Eglise 
sont  tombés,  et  dans  lesquelles  ils  n'ont  pas 
manqué  d'entraiuer  tous  les  fidèles,  puisque 
aucun  de  ces  derniers  n'a  réclamé.  Il  est 
encore  plus  étonnant  que,  parmi  les  apôtres 
et  parmi  les  disciples  immédiats  de  Jésus- 
Christ,  tous  duuis  du  don  des  langues,  au- 
cun n'ail  eu  le  courage  d'entreprendre  une 
version  grecque  du  lexte  hébreu,  dans  la- 
quelle il  aurait  corrigé  les  fautes  des  Sep- 
tante, et  qui  aurait  servi  de  canevas  pour 
toutes  les  versious  à  fiire  dans  d'autres 
langues.  Tous  ont  été  certainement  coupa- 
bles de  n'avoir  pas  du  moins  averti  les  fi- 
dèles du  danger  qu'il  y  avait  pour  eux  d'être 
induits  en  erreur  par  cette  version  perfide, 
et  de  la  nécessité  d'apprendre  l'hébreu  pour 
s'en  préserver;  plus  coupables  encore  de 
confirmer  la  confiance  générale  à  celte 
même  version,  par  l'usage  qu'ils  en  faisaiint 
cnx-mémcs.  De  deux  choses  l'une,  ou  la 
version  des  Septante  n'est  pas  aussi  fautive 
que  les  protestants  le  prétendent,  ou  Dieu 
a  donné  un  préservatif  contre  le  mal  qu'elle 
aurait  pu  produire  si  l'on  n'avait  point  eu 
d'autre  guide.  C'est  en  effet  ce  que  Dieu  a 
fait,  en  ordonnant  aux  fidèles  d'éi  outer  l'en- 
seignement de  l'Eglise,  el  de  suivre  la  tradi- 
tion conln-  laquelle  les  protestants  sont  si 
prévenus.  Aussi  est-il  faux  que  les  Pères  de 
l'Eglise,  trompés  par  la  version  des  Septante, 
soient  tombés,  d'un  consentement  unanime, 
dans  des  erreurs  grossières,  et  qui  pouvaient 
avoir  de  dangereuses  conséquences;  nous 
les  avons  justifiés  ailleurs  de  la  plupart  de 
celles  que  les  protestants  oui  voulu  leur  im- 
puter. Voy.  Pères  ue  l'Eglise. 

Le  Clerc  a  porté  l'i-ntêtemenl  encore  plus 
loin  que  Barbeyrac.  Sup|iosé,  dit-il,  qu'il  y 
eût  des  fautes  dans  la  version  des  Septante, 
et  que  l'on  ne  pût  pas  s'y  fier  entièrement, 
c'en  était  fait  de  la  répuiation  de  tant  d'é- 
crivains ecclésiastiques  qui  avaient  disserté 
sans  fin  sur  des  passages  mal  entendus  et 
qu'eux-mêmes  étaient  incapablesd'entendre, 
faute  de  savoir  l'hébreu.  Saint  Augustin  le 
sentait,  vnilà  pourquoi  il  voulait  détourner 
saint  Jérôme  de  faire  une  nouvelle  version 
sur  riii'breu.  Animadv.  in  ep.  71  sancti  Auij., 
§  k.  Fausse  réflexion  :  1"  nous  soutenons 
qu'il  n'y  eut  jamais  dans  les  Septante  aucune 
erreur  touchant  le  dogme  ni  les  mœurs  ;  on 
pouvait  donc  disserter  sur  les  passages  bien 
ou  mal  traduits,  sans  courir  aucun  risque 
dans  la  foi.  2'  Les  Pères  avaient  sous  les 
yeux  cinq  ou  six  versions  grecques  difl'e- 
renles;  ils  pouvaient  les  comparer,  el  en 
faisant  attention  au  sujet,  au  temps,  au  lieu, 
aux  circonslances,  découvrir  quel  était  le 
traducteur  qui  avait  le  mieux  pris  le  vrai 
sens.  3  II  ne  servait  à  rien  de  savoir  l'hé- 
breu, pour  entendre  les  livres  dont  le  leste 
hébreu  ne  siibsislail  plus.  Esl-il  ridicule  do 
faire  des  commentaires  sur  saint  Matthieu,' 
parce  que  nous  n'avons  plus  son  lexte  ori- 
ginal? 4°  Les  plus  habiles  hébraïsants  ne 
sont  pas  encore  venus  à  bout  de  faire  dispa- 


451 


SEF 


SEP 


45Î 


raîlre  (ouïes  \es  obscurités  du  texte  hébreu  ; 
il  s'en  est  trouvé  plusieurs  parmi  eux  qui 
semblent  avoir  travaillé  à  augiuenler  les 
doutes  plutôt  qu'à  les  diminuer.  Le  Clerc 
lui  même,  dans  ses  Commentaires,  n'a  pas 
toujours  réussi  au  mieux;  on  lui  reproche 
des  corrections  téméraires,  dus  inttrpréla- 
Ijou'i  fausses  ,  des  explications  socinien- 
nes,  etc.  o'  Saint  Jérôme  a  jugé  que  les 
fautes  qu'il  apercevait  dans  les  Septante  ne 
pouvaitnl  porter  aucun  préjudice  à  la  répu- 
tation des  anciens  Pères,  ei  l'événement  a 
prouvé  que  Us  inquiétudes  de  saint  Augus- 
tin sur  ce  sujet  étaient  mal  fondées;  lui- 
même  l'a  reconnu,  puisqu'il  a  fini  par  ap- 
prouver le  travail  de  saint  Jérôme.  Voy.  Vul- 
G4TIS,  §  3.  Le  Clerc,  qui  blâme  souvent  saint 
Augustin  très-mal  à  propos,  lui  applaudit 
dans  le  seul  cas  où  il  avait  évidemment  tort. 

Une  autre  raison  qui  nous  fait  juger 
qu'une  version  grecque  plus  parfaite  que 
celle  des  Septante  n'était  pas  fort  nécessaire 
à  l'Eglise,  c'est  que  celles  qui  sont  venues 
après  ne  sont  pas  exemptes  de  défauts,  et 
que  les  motifs  par  lesquels  elles  ont  été  faites 
n'étaient  ni  purs  ni  respectables  ;  nous  le 
verrons  ci-apiès. 

!>armi  les  modernes,  il  n'est  aucune  ques- 
tion de  critique  sur  laquelle  on  ait  disputé 
davantage  que  sur  l'autorité  et  le  mérite  de 
la  version  des  Septante.  Quelques  auteurs 
ont  poussé  la  prévention  jusqu'à  la  préférer 
au  texte  hébreu,  et  à  vouloir  qu'elle  servît  à 
le  corriger;  d'autres  n'en  ont  (ait  aucun  cas 
et  en  ont  exagéré  les  défjuts.  N'y  a-t-il  donc 
pas  un  milieu  à  garder  entre  ces  excès? 

Des  rahbins,  fâchés  de  l'avant^ige  que  les 
cbiétiens  tiraient  de  celle  version  contre  les 
Juifs,  ont  avancé  qu'elle  a  été  faite,  non  sur 
un  texte  hébreu,  mais  sur  une  traduction 
ou  paraphrase  chaldaïque  ou  syriaque; 
d'atilres  critiques,  même  chrétiens,  ont  pensé 
que  les  Seiitante  ont  traduit  le  Pentaleuque 
sur  un  texte  samaritain.  Aucune  de  ces  sup- 
positions n'est  prouvée  ni  probable;  la  ver- 
sion des  Septante  est  plus  ancienne  que 
toutes  les  paraphrases  chaldaïques  et  que  la 
version  syriaque;  et  il  y  a  toujours  eu  une 
antipathie  trop  forte  entre  les  Juifs  et  les  Sa- 
maritains, pour  que  les  premiers  aient  voulu 
se  servir  des  livres  des  seconds.  11  y  a  d'ail- 
leurs presque  autant  de  dilTereiice  enere  les 
Septante  et  le  samaritain  qu'entre  les  Sep- 
tante et  le  pur  hébreu.  Plusieurs  ont 
imaginé  que  celte  version  a  été  corrompue 
nialicieustMnenl  parles  Juifs  ;  autre  soupçon 
sans  fondement.  Quand  les  Juifs  auraient 
voulu  le  faire,  ils  ne  l'auraient  pas  pu;  il 
leur  aurait  été  impossible  d'eu  altérer  tous 
les  exemplaires  qui  ont  été  répandus  de 
bonne  heure  parlout  où  il  y  avait  des  Juifs. 
En  second  lieu,  quel  aurait  été  leur  motif? 
d'ôter  aux  chréiiens  les  textes  dont  ceux-ci 
se  servaient  contre  eux?  mais  ils  les  y  ont 
laissés.  Ils  se  seraient  attachés  principale- 
ment sans  doute  à  corrompre  les  prophéties 
qui  caractérisent  le  Messie  :  or,  nous  les  y 
trouvons  encore  en  leur  entier,  et  il  n'est 
pas  moins  aisé  de  réfuter  les  Juifs  par  les 


Septante  que  par  le  texte  hébreu.  Les  deux 
principaux  passages  dans  lesquels  on  accuse 
les  Septante  de  s'être  beaucoup  écartés  du 
sens  de  l'hébreu,  est  le  premier  verset  de  la 
Genèse,  où  ils  ont  dit  que  Dieu  fit  et  non 
qu'il  créa  le  ciel  et  la  terre,  et  le  v.  22  dq 
chapitre* vi H  des  Proverbes,  où  l'hébreu  dit 
de  la  Sagesse  éternelle  :  Di'f»  m'a  possédée 
ou  commencement  de  ses  voies  ;  et  les  Septante, 
Dieu  m'a  créée;  traduction  qui  attaque  la 
divinité  du  Verbe.  Mais  nous  ne  voyons  pas 
que  les  Juifs  aient  jamais  nié  la  création 
proprement  dite,  ni  (|u'ils  aient  disputé 
contre  la  divinité  du  Verbe,  et  l'on  ne  peut 
pas  dire  qu'ils  ont  absolument  forcé  le  sens 
littéral  des  mots  hébreux.  Un  parli  plus  sage 
est  donc  de  convenir,  comme  a  fait  saint 
Jérôme,  (jue  la  version  des  Septante  est 
d'une  très-grande  autorité,  tant  à  cause  de 
son  antiquité  que  do  l'usage  que  les  écri- 
vains sacrés  en  ont  fait  ;  que  cependant  elle 
ne  doit  ])as  prévaloir  au  texte  original. 

m.  A  mesure  que  cette  ancienne  version 
acquérait  du  crédit  parmi  les  chrétiens,  elle 
en  perdait  parmi  les  juifs.  Ces  derniers,  sou- 
vent incommodés  par  les  passages  des  Sep- 
tante qu'on  leur  opposait,  pensèrent  à  se 
procurer  une  version  grecque  qui  leur  fût 
plus  favorable.  A(]uila,  juif  prosélyte,  né  à 
Siiiope,  ville  du  Pont,  se  chargea  d'en  faire 
une.  Il  avail  été  élevé  dans  le  paganisme, 
d:iiis  les  chimères  de  l'astrologie  et  de  la 
magie.  Frappé  des  miracles  que  faisaient 
des  chrétiens,  il  embrassa  le  christianisme, 
dans  respérance  d'en  opérer  à  son  tour  : 
comme  il  n'y  réussissait  pas,  il  reprit  la 
prati(iue  de  la  magie.  Après  avoir  été  inuti- 
lement exhorté  par  les  pasteurs  de  l'Eglise  à 
renoncer  à  cette  abomination,  il  fut  excom- 
munié :  par  dépit  il  se  fil  juif;  il  étudia  sous 
le  rabbin  Akiba  ,  fameux  docteur  de  ce 
temps-là,  et  il  se  rendit  très-habile  dans  la 
langue  hébraïque  et  dans  la  connaissance 
des  livres  sacrés.  Il  entreprit  donc  une  tra- 
duction grecque  de  l'Ecriture,  et  il  en  donna 
deux  éditions,  la  première  en  l'an  12  de 
l'empire  d'Adrien,  128  de  Jésus-Christ  ;  la 
seconde,  plus  correcte,  quelque  temps  après. 
Les  juifs  hcliéniïtes  l'adoptèrent  au  lieu  de 
celle  des  Septante  ;  aussi,  dans  le  l'almud,  il 
est  souvent  fait  mention  de  la  première,  et 
jamais  de  la  seconde. 

Au  vr  siècle  de  l'Eglise,  quelques  juifs  se 
mirent  dans  l'esprit  qu'il  ne  fallait  plus  lire 
l'Ecriture  sainte  dins  les  synagogues  que 
suivant  l'aucien  usage,  c'est-à-dire  en  hé- 
breu, avec  l'explication  en  chaMéen  ;  d'au- 
tres voulal'Mit  que  l'on  conservât  l'usage  ac- 
tuel de  la  lire  en  grec,  et  cette  diversité  do 
sentiments  causa  des  disputes  qui  ilégéncrè- 
renl  en  guerre  ouverte.  L'einp<'reur  Justi- 
nien  fit  vainement  une  Oidonnance  qui  lais- 
sait à  l'un  et  à  l'autre  parti  la  lilierté  de 
faire  ce  qu'il  voudrait  :  le  premier  l'iinpor- 
ta,  et  depuis  ce  temps-là  l'usage  a  prévalu 
parmi  les  juifs  de  ne  lire  l'Ecrilure  sainte  ilans 
les  synagogues  qu'en  liébreu  et  en  chuldéen. 

Environ  cent  ans  après  cette  version  d'A- 
quila,  il  en  parut  deux  autres,  l'une   faite 


455 


SEP 


par  Thôodotion  sous  l'empereur  Commode, 
l'antre  par  Syrninaque,  sous  Smère  el  Cara- 
calla.  Le  premier,  suivant  (]u<'!i|iio<-uiis, 
était  né  dans  le  Pont,  et  dans  la  même  ville 
qu'Aqiiila  ;  le  second  était  Samarilaii),  et 
avait  été  élevé  dans  celle  secte  ;  tous  deux 
se  firent  chrétiens  ébiouiles  ;  de  là  on  a  cru 
qu'ils  étaient  juifs  prosélytes,  parce  que  les 
ébiunitt's  observaient  les  cér.  munies  jmlaï- 
ques  aussi  scru|iuieuseini'nt  (|ue  les  Juil'j. 
Ils  entreprirent  leurs  versions  pir  le  même 
motif  qu'Aquila,  pour  favoriser  leur  secte  ; 
mais  ils  ne  suivirent  pas  la  même  mélliutle. 
Aquila  s'allachait  servilement  à  la  lettre  el 
rendait  mol  pour  mul  le  tesl(\  aut ml  ()u'il 
le  pouvait:  de  là  fa  \er$ion  était  plutôt  uu 
dicliiinuaire  propre  à  indiquer  la  si;^nilica- 
lion  des  lermcs  hébreux,  qu'une  ex|)licalion 
capable  de  donner  le  sens  des  phrases.  Sym- 
maque  donna  dans  l'excès  opposé;  il  lit  une 
paraphrase  plutôt  qu'une  version  exacic. 
Théudolion  prit  le  milieu,  il  lâcha  de  donner 
le  sens  du  te&le  hébreu  par  des  mots  grecs 
correspondants,  autanl  que  le  génie  des 
deux  langues  pouvait  le  permettre.  Aussi  sa 
version  a-t-elle  élé  beaucoup  plus  estimée 
par  les  chrétiens  que  les  doux  autres.  Coiiimo 
la  version  de  Daniel  par  les  Si'ptaiilf  parut 
trop  fautive  pour  êlre  lue  dans  l'Iiglise,  on 
y  substitua  celle  de  Tbéodotion,  et  on  la 
conserve  encore.  OU'ind  Origène,  dans  ses 
Uexaples,  est  obligé  de  suppléer  ce  qui  man- 
que chez  les  Spp(uiite,  el  qui  se  Irouve  dans 
le  texte  hébreu,  il  le  prend  ordiiiairement 
dans  la  version  di;  'l'héodolion. 

Outre  CCS  quatre  versions  grecques,  on  en 
découvrit  encore  (rois  autres  au  (commence- 
ment  du  iir  siècle,  mais  qui  n'étaient  pas 
complètes,  et  desquelles  on  n'a  jamais  connu 
les  auteurs  :  l'une  fut  trouvée  à  Nicopolis, 
près  d'Aetium  en  Epire,  sous  le  régne  do 
Caracalla,  l'autre  à  Jéricho  en  Judée,  .«oiis 
celui  d'Alexandre  Sévère  ;  on  ne  sait  d'où 
venait  la  troisième.  Origène  les  avait  toutes 
rassemblées  et  mises  en  parallèle  avec  le 
texte  dans  ses  Ilexnples  ;  mais  ce  précieux 
travail  a  péri,  il  n'en  reste  que  des  frag- 
ments. Voi/.  Hexaples. 

iV.  Il  nous  reste  à  parler  des  principales 
éditions  anciennes  et  modernes  de  la  version 
des  Septante.  Sur  la  fin  du  iii=  siècle,  le  mar- 
tyr Pampbile  en  fit  une  copie  sur  l'exem- 
plaire des  Uexaples  d'Origène,  déposé  à  la 
bibliothèque  do  Césaréc  dans  la  Palestine  ; 
il  ne  pouvait  la  prendre  dans  une  meilleure 
source.  Origène  avait  apporté  le  plus  grand 
soin  à  eu  corriger  toutes  les  fautes,  en  com- 
parant les  dittérentes  copies  qu'il  pul  ras- 
sembler. Aussi  colle  édition  de  Pampbile  fut 
adoptée  par  loules  les  Eglise-;  de  la  Palestine 
depuis  Antioche  jusqu'à  l'Egypte.  Lucien, 
prêtre  d'Anlioche,  en  fit  une  autre  qui  devint 
commune  aux  Eglises  de  l'Asie  mineure  et 
do  Pont,  depuis  Conslantiiiople  jusiiu'à  An- 
tioche. La  troisième  eut  pour  auteur  Hésy- 
chius,  évêque  d'b'gyple.  qui  la  n)it  en  us  ige 
dans  tout  le  patriarcal  d'Alexandrie.  C'est  ce 
qui  a  fait  dire  à  saint  Jérôme  que  ces  dilTê- 
reules  éditions  partageaient    le   moadc    en 


SEP  454 

trois,  parce  que  de  son  emps  on  n'en  con- 
naissait point  d'autres  dans  les  Eglises  d'O- 
rienl.  Si  l'on  excepte  les  fautes  des  copistes, 
il  n'y  avait  entre  ces  trois  éditions  aucune 
différence  considérable,  puisque  saiiil  Jérô- 
me n'a  donné  la  (iréférence  a  aucune,  el  les 
cojiies  qui  en  restent  encore  attestent  leur 
ressemblance  entière. 

Par  une  singularilé  assez  remarquable, 
depuis  l'invention  de  l'imprimerie,  il  y  a  eu 
aus>i  trois  principales  éditions  de  la  version 
des  Scplanle,  donl  toutes  les  autres  ne  sont 
que  (les  copies.  On  place  au  premier  rau" 
celle  du  caidinal  Xiaionès,  imprimée  en  1515° 
à  Complute  ou  Aleala  de  Hènarès  en  Espa- 
gne, dans  sa  polyglotte  appelée  vulgaire- 
ment llihie  deCuiiiplute.  Cette  édition  a  servi 
de  modèle  à  celles  des  polyglottes  d'An- 
vers et  de  Paris,  et  à  <eile  de  Gommelin, 
imprimée  à  lleidelberg  en  lo9;),  avic  le 
commenlaire  di;  Valable,  lu//.  Polyglotte. 
La  seconde  édition  est  celle  d'Aldus,  faite  à 
Venise  en  1578;  .4ndré  Ausculanus,  beau- 
père  de  l'imprimeur,  en  prépara  la  copie  en 
confrontant  plusieurs  anciens  manuscrits. 
De  celle-ci  ont  élé  tirées  loules  les  éditions 
d'Allemr.gne,  excei^té  celle  de  Hi  idelberg, 
dont  nous  venons  de  p;irler.  La  troisième, 
que  la  plupart  des  savants  préiércnt  aux 
deux  autres,  el  que  l'eu  appelle  Védition 
sisline,  est  celle  que  le  pape  Sixte  V'  fil  im- 
primer à  Kome,  l'an  Jo87.  Il  avait  f.iil  com- 
mencer celle  iuipression  ètaul  encore  cardi- 
nal d(!  Monialle  ;  il  en  avait  chargé  Antoine 
Carafl'a,  savant  italien,  qui  fut  ensuite  bi- 
bliothécaire du  Vatican  et  cardinal.  Vossius, 
qui  regardait  celle  édition  des  Septante 
conmie  la  plus  mauvaise  do  loules,  a  élé 
seul  de  cet  avis.  Elle  fut  faite  sur  un  ancien 
manuscrit  qui  était  eu  lettres  capitales,  sans 
accents,  sans  points  el  sans  distinction  de 
chapilies  ni  de  v»  rsels.  On  croil  qu'il  est  du 
temps  de  saint  Jeiôaie.  L'année  suivante,  il 
parut  a  Home  une  version  laline  de  celle 
édition  a>ec  les  notes  de  Eliminius  Nobi- 
lius.  Morin  les  impiima  toutes  deux  ensem- 
ble à  Paris,  l'an  Hi-IS.  L'on  s'en  est  srrvi 
dans  toutes  celles  que  l'on  a  imprimées  en 
Angleterre,  soit  à  Londres,  in-S",  en  IGoî, 
soit  dans  la  polyglotte  de  Wallon  en  ltJ57, 
soit  à  Cambridge  en  1GG3,  où  se  trouve  la 
savante  préface  de  l'évéque  Péarson. 

Si  l'on  voulait  en  croire  les  critiques  an- 
glais, le  plus  ancien  cl  le  meilleur  de  tous 
les  manuscrits  des  Sc/^fan/e  est  celui  d'Alexan- 
drie, qui  lut  envoyé  en  présent  à  Charles  l" 
par  Cyrille  Luar,  patriarche  de  Cnnslanli- 
nople,  qui  avait  été  auparavant  placé  sur  le 
siège  d'Alexandrie.  Il  est  écrit  en  lettres  ca- 
pitales, sans  distinction  de  mots,  de  versels 
ni  de  chapitres,  comme  celui  du  Vatican. 
L'on  y  voit  une  apostille  en  latin  de  la  main 
de  Cyrille,  qui  porte  que  cet  exemplaire 
du  Vieux  et  du  Nouveau  Testament  a  élé 
écrit  parThécla,  femme  de  qualité  d'Egvple, 
qui  vivait  peu  de  tc^ips  après  le  conciie  de 
Ni(  ée,  par  conséquent  plus  de  1460  ans  avant 
nous.  Cela  est  uu  peu  difficile  à  croire.  Le 
docteur  Grabe  en  avait  publié  la  moitié  ea 


455 


SEP 


SEP 


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deux  volumes  en  1707  et  1709;  le  reste  l'a 
été  en  171'J  el  1720.  Hreilinaer  fit  réimpri- 
mer le  tout  à  Zuricii  en  1730,  avec  des  va- 
riuiles  tirées  de  lédition  de  Uome,  el  de 
savantes  préfaces.  Mais  d'habiles  journalistes 
se  sont  élevés  contre  l'enthousiasme  avec 
lequel  il  a  vanté  l'excellence  du  manuscrit 
alexandrin;  ils  prétendent  que  le  texte  des 
Septante  n'y  est  pas  pur,  mais  souvent 
interpolé,  el  ils  en  donnent  des  preuves.  De 
là  nous  devons  conclure  que  l'édition  la  plus 
parfaite  de  la  version  des  Seplanle  serait 
celle  dans  laquelle  on  comparerait  les  quatre 
dont  nous  venons  de  parler  ,  el  où  l'on  en 
noierait  toutes  les  variantes  qui  peuvent 
mériter  attention.  Si  l'on  veut  voir  la  mul- 
titude d'ouvrages  qui  onl  été  faits  au  sujet 
de  cette  version  célèbre,  on  peut  consulter 
le  P.  Fabricy,  Titres  primitifs  de  la  révélation, 
t.  I,  pag.  192  et  suiv.,  où  il  en  fait  une  très- 
longue  énumération.  Yoy.  Bibles  Grecques. 
SEPTUAGÉSIMI'  ,  septième  dimanche 
avant  la  quinzaine  de  Pâques.  Comme  b-  pre- 
mier dimanche  du  carême  est  appelé  Quadra- 
ge'siVne,  parce  qu'il  est  le  premierde  laçuara»»- 
tuine,  ceux  qui  commençaient  à  jeûner  huit 
jours  plus  tôt  appelèrent  Quinquagésime  ou 
cinquantaine  le  dimanche  auquel  le  jeûne 
commençait;  par  la  môme  raison,  ceux  qui 
commençaient  à  l'un  des  deux  dimanches 
précédents,  nonmièrent  l'un  Sexagésime  el 
l'autre  Septuagésime,  en  rétrogradant  tou- 
jours; et  ce  dernier  est  en  elîet  le  septième 
avant  le  dimanche  de  la  Passion.  L'origine 
de  cette  variété  dans  la  manière  de  commen- 
cer le  jeûne  du  carême  est  aisée  à  découvrir. 
L'on  s'est  toujours  proposé  de  jeûner  qua- 
rante jours  avant  Pâques;  comme  on  ne 
jeûne  point  le  dimanche,  alin  de  parfaire  la 
quarantaine  on  commença  de  jeûner  à  la 
Ouinquagésime  ;  c'est  depuis  le  ix'  siè- 
cle seulement  que  l'on  ne  commence  plus 
qu'au  mercredi  des  Cendres.  Ceux  qui  ne 
jeûnaient  pas  les  jeudis,  commencèrent  à  la 
Sexagésime,  et  ceux  qui  s'abstenaient  encore 
du  jeûne  le  samedi  de  chaque  semaine,  com- 
mencèrent à  la  Septuagésime. 

Ce  dimanche  est  appelé  par  les  Grec  Azote, 
parce  qu'à  la  messe  de  ce  jour  ils  lisent  l'E- 
vangile de  l'enfant  prodigue.  "A^mto,-  en  grec, 
discinctus  en  lalin,  homme  sans  ceinture, 
ou  dissolu,  signiQe  un  débauché.  Ils  appel- 
lent encore  ce  dimanche  Prosphonésiine, 
parce  qu'ils  annoncent  au  peuple  ce  jour-là 
le  jeûne  du  carême  et  la  fête  de  Pâques.  Ils 
nomment  la  Sexagésime,  'A7r6/;3i«f ,  parce 
que  dès  le  lendemain  ils  s'abstiennent  de  la 
viande;  ils  donnent  à  la  Quinquagésime  le 
nom  de  Tupifayo;,  parce  qu'ils  usent  encore 
de  laitage  el  ii'ujufs  pendant  celle  semaine, 
au  lieu  qu'ils  s'en  abstiennent  pendant  tout 
le  carême.  Thomassin,  Traité  des  Fêtes,  I.  ii, 
c.  13;  Traité  des  Jeûnes,  n'  part.,  c.  1. 

SÉPULCRAUX,  hérétiques  qui  niaient  la 
descente  de  Jésus-Christ  aux  enfers.  Voy. 
Enfer,  §  i. 

SÉPULCRE.  Voy.  Tombeau. 
SÉPULCRE  (  Saint  ),  tombeau  creusé  dans 
le  roc,  dotus  lequel  Jésus-Christ  a  été  euse- 


veli.  On  sait  que  l'an  70  de  Jésus-Christ, 
trente-lrois  ans  après  sa  mort  et  sa  ré- 
surrection, la  ville  de  Jérusalem  fut  prise 
par  l'empereur  Titus,  et  réduite  en  un  mon- 
ceau de  ruines;  cependant  les  Juifs  y  ré- 
t>iblirenl  quelques  édifices,  et  continuèrent 
d'y  habiter  avec  les  chrétiens  jusques  à 
l'an  ISi'.  Â  cette  époque,  les  Juifs,  qui 
s'étaient  révoltés  deux  fois  contre  les  Ro- 
mains, furent  exterminés  de  la  Judée  par 
l'empereur  Adrien;  Jérusalem  fut  prise, 
ruinée  de  nouveau,  et, rendue  inhabitable. 
Trois  ans  après,  ce  prince  la  ût  rebâtir  sous 
le  nom  dV£/m  Capitolina;  pour  en  écarter 
les  chrétiens  aussi  bien  que  les  juifs,  il  fit 
bâtir  un  temple  de  Jupiter  à  la  place  de 
l'ancien  temple  du  Seigneur,  il  fit  placer  une 
idole  de  Vénus  sur  le  Calvaire,  et  une  de 
Jupiter  sur  le  tombeau  du  Sauveur.  Les 
choses  demeurèrent  en  cet  état  jusqu'en  l'an 
327;  alors  Constantin  avait  embrassé  le 
christianisme.  L'impératrice  Hélène  sa  mère 
voulut  par  piété  visiter  les  saints  lieux  sur 
lesquels  s'étaient  opérés  les  mystères  du 
Sauveur  ;  elle  fit  déterrer  la  vraie  croix  des 
ruines  sous  lesquelles  elle  était  ensevelie,  et 
construire  une  église  sur  le  tombeau  dans 
lequel  il  avait  été  déposé  après  sa  mort.  Dès 
ce  moment  ce  lieu  commença  d'être  fré- 
quenté par  les  chrétiens;  l'on  y  vint  en  pè- 
lerinage de  toutes  les  ()arties  de  l'empire. 
Saint  Jérôme,  dans  Vépitaphe  de  sainte  Paule, 
dit  que  celte  pieuse  veuve  étant  entrée  dans 
le  sépulcre  du  Sauveur,  en  baisait  la  pierre 
par  respect.  Saint  Augustin,  1.  xxii,  de  Civil. 
Dei,  c.  8,  nous  apprend  que  les  fidèles  en 
ramassaient  la  poussière,  la  conservaient 
précieusement,  et  qu'elle  opéra  souveol  des 
miracles. 

Basnage,  Ilist.  de  VEglise,  1.  xviii,  c.  13, 
§  9,  désapprouve  ce  culte;  pour  en  donner 
une  idée  désavantageuse,  il  observe  qu'il 
n'a  commencé  (|u'au  iv"  siècle;  que  saint  J 
Jérôme  lui-même,  Episl,  i9,  alias  13,  ad  I 
Pautinum  el  saint  Grégoire  de  Nysse,  dans 
un  discours  fait  exprès  contre  ceux  qui  vont 
à  Jérusalem,  condamnent  ceux  qui  croient 
que  ce  pèlerinage  les  rend  plus  saints.  Mais 
autre  chose  est  de  blâmer  une  dévotion  en 
elle-même,  et  autre  chose  de  désapprouver 
la  confiance  excessive  que  l'on  y  met;  les 
Pères  onl  censuré  ce  défaut,  mais  non  le 
culte  rendu  aux  lieux  saints,  puisque  au 
contraire  saint  Jérôme  approuve  celui  que 
leur  rendait  sainte  Paule.  Il  dit  que  ce.  n'est 
pas  le  lieu  que  nous  visitons  ou  dans  lequel 
nous  demeurons  qui  nous  sanctifie,  et  cela 
est  vrai;  mais  ce  lieu  peut  exciter  en  nous 
la  piété  par  les  souvenirs  et  les  sentiments 
religieux  qu'il  nous  suggère. 

Il  n'est  pas  étonnant  que  le  saint  sépulcre 
n'aitcommencéàêtre  honoré  qu'au  iv'  siècle, 
puisque  jusqu'alors  il  avait  été  inaccessible  ; 
mai^  dans  ce  siècle  éclairé,  où  la  tradition 
apostolique  était  encore  toute  récente,  on 
ne  s'est  pas  avisé  de  forger  tout  à  coup  une 
nouvelle  foi,  un  nouveau  culte,  un  nouveau 
christianisme;  on  y  a  fait  au  contraire  pro- 
fession de  s'en  tenir  à  ce  qui  avait  été  cru, 


457  SEP 

enseigné  et  professé  auparavant.  C'est  donc 
raisonner  Irès-nial  que  de  dire,  comme  font 
les  proleslanls  :"Nous  ne  voyons  qu'au  iv* 
siècle  les  preuves  positives  de  telle  croyance 
ou  tel  usage,  donc  il  n'a  pas  commencé  plus 
tôt.  11  serait  impossible  qu'une  doctrine  qui 
aurait  été  inouïe  jusqu'à  cette  épi)(]ue,  fût 
devenue  tout  à  coup  l'opinion  générale  des 
fidèles  répandus  dans  toutes  les  parties  du 
monde  chrétien.  Lrs  hommes  ne  changent 
pas  si  aisément  d'opinions,  de  mœurs,  d'ha- 
bitudes, à  moins  ()u'il  n'y  ait  une  cause 
puissante  qui  les  y  délcrmine. 

Le  respect  pour  le  saint  sépulcre  et  pour 
les  autres  lieux  consacrés  par  nos  mystères, 
est  le  même  chez  les  catholiques  et  chez  les 
Grecs  schismaliques,  les  Syriens,  les  Armé- 
niens, les  Cophtes  et  les  Abyssins.  Il  serait 
fort  étonnant  qu'un  usage  superstitieux, 
inconnu  dans  les  trois  premiers  siècles,  se 
fût  communiqué  sans  raison  à  tant  de  na- 
tions différentes,  divisées  d'ailleurs  par  la 
croyance,  par  le  langage  et  par  les  mœurs. 
Dans  la  suite  des  siècles,  il  s'est  répandu 
par  toute  la  chiélienié  un  bruit  constant  (|uc 
le  samedi  saint  de  chaque  année,  il  se  faisait 
un  miracle  sensible  dans  l'église  du  saint  sé- 
pulcre; qu'avant  le  service  divin  toutes  les 
lampes  qui  étaient  éteintes  se  rallumaient 
tout  à  coup  par  un  feu  descendu  du  ciel  ; 
c'est  la  croyance  des  difl'érentes  sectes  de 
chrétiens  orientaux,  que  ce  prodige  s'y  opère 
encore  aujourd'hui. 

Mosheiin  a  lait  une  dissertation  exprès 
pour  prouver  que  ce  prétendu  miracle  est 
faux  et  imaginaire,  qu'il  a  été  d'abord  in- 
venté par  les  Latins,  et  ensuite  imité  gros- 
sièrement par  les  Grecs.  Il  observe  que  l'on 
n'en  aperçoit  point  de  vestiges  avant  le  ix' 
siècle;  que  Guibert,  abbé  de  Nogeiit,  mort 
l'an  112i,  est  le  premier  qui  en  ait  parlé 
d'une  manière  positite  dans  son  histoire 
intitulée  (resta  Dei  per  Francos.  Conséqiiem- 
nient  il  conjecture  (lue  cette  Iraude  pieuse  a 
commencé  sous  le  règne  de  Charlemagne  ou 
immédiatement  après.  On  saii  que  ce  prince 
acquit  beaucoup  de  considération  à  Jérusa- 
lem; quelques  auteurs  ont  écrit  que  les  clefs 
du  saint  sépulcre  lui  avaient  été  envoyées 
par  le  calife  Aaron  Al-Rascbild,  ou  plutôt 
par  Zacliarie,  patriarche  de  Jérusalem;  les 
Latins  y  jouirent  d'une  pleine  liberté  pen- 
dant sa  vie;  mais,  après  sa  mort,  les  Sarra- 
sins recommencèrent  à  vexer  cruellement 
les  chrétiens  de  la  Terre  sainte.  C'est  alors, 
dit  Mosheim,  que,  pour  soutenir  la  pieté,  le 
courage  et  la  liberté  des  pèlerins,  les  prépo- 
sés du  saint  sépulcre  trouvèrent  bon  de  con- 
trefaire un  miracle  qui  fui  bientôt  divulgué 
et  cru  dans  toute  la  chrélienié.  Il  ac(iuil  un 
nouveau  crédit,  l'an  1099,  lorsque  les  Fran- 
çais se  furent  rendus  maitres  de  Jérusalem 
et  de  la  Palestine.  Lorsqu'ils  en  furent  chas- 
sés à  la  lin  du  xii'  siècle,  les  lirecs  trouvè- 
rent bon  de  continuer  la  même  frauib',  et  en 
ont  souvent  voulu  tirer  avantage  contre  les 
Latins.  Dissert,  ad  Uist.  eccl.  periin.,  t.  II, 
p.  214-.  \'olney,  dans  son  Voyaije  de  Syrie, 
dit  nue  les  Français  ont  découvert  que  les 
DlCT.  UE  Théol.  dogmatiqde.  IV. 


SER 


458 


prêtres,  retirés  dans  la  sacristie,  rallument 
le  feu  par  des  moyens  très-naturels. 

Comme  cette  opinion  n'est  qu'une  conjec- 
ture, et  qu'elle  n'est  fondée  sur  aucune  preuve 
positive,  ce  serait  perdre  le  temps  que  de 
s'occupera  la  réfuter.  Pour  en  juger  saine- 
ment il  faudrait  avoir  des  narrations  du  fait 
mieux  circonstanciées  que  celles  que  nouy 
en  donnent  les  écrivains  des  bas  siècles. 
D'ailleurs,  que  ce  miracle  ait  été  toujours 
faux,  ou  vrai  dans  l'origine,  et  contrefait 
dans  la  suite,  c'est  une  question  qui  ne  tou- 
che pas  d'assez  près  à  la  religion,  pour  nous 
en  mettre  en  peine.  Que  les  chrétiens  des 
différentes  sectes  qui  vont  à  Jérusalem  soient 
trop  crédules,  il  ne  s'ensuit  rien  contre  le 
respect  dû  aux  lieux  saints  consacrés  par 
les  mystères  du  S  luveur. 

SÉPULTURE.  Voy.  Funérailles. 

♦SÉPULTURE  ECCLÉSIASTIQUE.  Nous  avons 
irailé  de  la  sépulture  ecclé^iasliciiie  dans  notre  Dic- 
lionii.iire  de  Tliéologiii  morale.  Nous  nous  coiilen- 
tons  d'observer  ici  que,  coiisidirées  sous  le  rapport 
religieux,  les  sépultures  sont  exclusivement  du  res- 
sort (le  l'autnrité  ecclé~iasiii|ue,  qui  a  le  droit  de 
régler  tout  ce  qui  les  concerne. 

SÉRAPHIN.  Voy.  Ange. 
SERMENT.  Foi/'.  Jurement. 
SERMON.  Voy,  Prédicateur. 
Sermon  DE  Jésus-Chiiist  suu  lv  montai.ne. 
Voy.  Morale  Chrétienne. 
SERPENT.  Voy.  Adam  (1  . 

(1)  Le  fait  le  plus  important  de  l'Iilsioire  de  l'Iiu- 
maniié  est  sans  aucun  doute  la  chute  du  pr^'inier 
des  mortels.  La  lèpre  du  péché  remplaça  la  ju-.lice 
el  la  sainteté  ;  nn  fatal  entr.iiuenient  vers  le  mal 
affaililit  la  pleine  et  emière  liberté.  A  la  féliciii^  la 
plus  parfaite  succédèreul  les  maux  les  plus  effroya- 
bles, et  par-di'ssus  tout  la  terrible  mort  qui  nous  fait 
frémir  d'horreur,  contre  laquelle  toute  notre  nature 
se  révolte.  Elle  est  hiin  naturelle  la  curiosiié  de 
riioiniiie  nui  veut  savoir  comment  arriva  ce  irjsla 
événement  (|ui  eiUraiua  la  ruine  de  l'IinmarMlé. 
L'Ecnture  nous  ap|ireud  que  la  féliciié  des  anges 
rebelles  fut  changi'e  en  la  irisie  consolation  de  se 
faire  des  compagnons  de  leur  leisère,  e.i  leur  bien- 
heureux exercice  au  miséralile  emploi  de  (enter  les 
hommes.  L'homme,  que  Dieu  avait  mis  un  peu  au- 
dessous  des  auges,  devint  au  plus  parfait  de  tous  un 
olijet  de  jalousie.  Il  voulut  l'enlrdner  dans  la  ré- 
bellion, pour  easuite  l"onvelopp,-r  dans  sa  perte. 
Dieu,  pour  faire  sentir  à  Adam  qu'il  av.iii  un  maître, 
lui  avait  délendu  de  manger  du  fruit  de  l'arhre  de  la 
science  du  liien  et  du  mal.  L'es|irit  de  ténehres  ré- 
sdiit  de  le  faire  violer  ce  précepte.  11  arrime  un  ser- 
pi'iit,  l'adresse  à  t.ve  comme  à  la  plus  (aihle,  et  lui 
dit  :  Pourquoi  Dieu  vous  a-l-il  lait  dclense  de  man- 
ger du  Iruii  de  l'arbre  de  la  science?  S'il  vous  a  faits 
raisonnables,  vous  devez  savoir  la  raison  de  tout. 
Ce  Iruil  n'est  pas  un  poison  ;  vous  n'eu  mourrez 
pas  ;  vous  serez  comme  des  dieux,  lilires  et  iiidé- 
peirdanis  ;  vous  saurez  le  bien  et  le  mal.  Eve.  à 
demi  gagnée,  reganle  le  Iruil,  dont  la  bearilé  pro- 
nieilail  irn  goiit  excellerrt.  Après  avorr  m.Érrgéde  ce 
beau  Iririt,  elle  eu  présente  eile-inênie  à  son  mari. 
Le  voilà  dangereu-.emenl  aitai|ué.  L'exerirple.  h 
complaisance  loriiiieui  la  terrulron  •  il  succombe. 
En  même  leirrps  tout  ch  mge  poirr  lui.  I.a  malôdic- 
lioii  de  Dieir  tombe  rl'anord  sur  le  serpeirt,  qu'il 
corrdaurrre  à  rairrper,  à  se  rrourrir  de  terre,  à  élre 
uir  objet  d'exécraiion  pour  les  niorlels  ;  ensuite  il 
(rappe  Ihomme  et  toute  sa  postérité.  —  Telle  est  en 


4.9 


SER 


SER 


460 


SERPENT  D'AIKAIN.  Nous  lisons  dans  le 
livre  des  Nombres,  c.  xxi,  v.  6,  que,  pour 
punir  les  murmures  des  Israélites  dans  le 

peu  de  mois  la  lenlalioii  de  nos  premiers  parents, 
ciiniine  elle  nous  est  racontée  dans  nos  livres  b:imiIS. 
Il  laiii  avouer  qu'elle  renferme  quelque  chose  d'énig- 
iiKUique.  Faul-il  la  prendre  à  la  lellre,  on  bien  sous 
lo  voile  de  l'allégorie?  Moïse  antail  il  voulu  nous 
indiquer  la  vérité  plutôt  que  nous  la  montrer  tout 
enliére?  Les  interprètes  ne  sont  point  d'accord  sur 
ce  point.  Quelques-uns  oui  snulenu  le  sens  allégo- 
ri(|ue;  la  presque  lolulité  a  embrassé  le  sens  litté- 
ral. Nous  allons  exposer  les  deux  opinions. 

Ire  OPINION.  —  Système  altéyorique.  Lorsqu'on  sort 
de  la  simple  vérité  pour  embrasser  d'ingénieuses 
lictions,  on  abaniloime  celte  confonnilé  de  senti- 
ments qui  caractérise  le  vrai.  Chacun  crée  son  sys- 
lèine,  le  développe,  l'appuie  sur  des  motifs  qui, 
ordinairement,  n'ont  de  réalité  que  dans  la  folle 
imagination  qui  les  invente.  Celle  observation  peut 
s'appliquer  à  ceux  qui  ont  enlemlu  dans  un  sens 
allégorique  le  passage  de  l'Ecriture  qui  nous  occupe. 
—Le  juif  l^hilon  ne  vit  dans  la  prétendue  inlervenlion 
du  serpenl  que  le  lang;ige  de  la  concupiscence.  Des 
écrivains  du  xvm"  siècle  développèrent  ce  syslèiue  : 
Adam  et  Eve  si^  rrgaidèient  avec  complaisance  ;  les 
désirs  suivirent  de  près,  ils  les  salistirenl.  Voilà  ce 
qui  explique  la  h  inie  dont  ils  l'nriut  saisis,  el  q'ii 
s'est  perpétuée  d'âge  en  âge.  Celle  inlerprétaiion 
repose  sur  un  fûiideiuent  ruineux  ;  elle  suppose  la 
concupiscence  exisianl  avant  lu  cliuie  de  nos  pre- 
miers parents;  ce  qui  est  conlraiie  à  l'Ecriture,  qui 
nous  dit  que  la  connainsance  du  mal  ne  fui  que  la 
suite  du  péché  d'Adam.  Tel  est  aussi  la  croyance  de 
tous  les  docteurs. — Le  juif  Aberdauie  a  niodiûé  le 
seutimentde  Philnn.  Il  dii  qu'un  serpenl,  poussé  par 
le  démon,  iiionla  sur  l'arbre  de  la  science  du  bien 
et  du  mal.  Il  mangea  du  fruit  défendu.  Eve  le  vil. 
S'élant  aptrçue  qu'il  ne  lui  arrivait  aucun  mal,  elle 
fut  lenti  e  de  l'uniier  ;  ce  qu'elle  hi  eu  etfel.  Dans 
celle  opinion,  le  colloque  rap;  orié  dans  l'Kcrilure 
serait  une  pure  fiction  de  Moïse.  —  Cajéian  adniei 
toute  la  narraiioii;  mais,  selon  lui,  le  drame  se  passe 
en  songe.  A  sou  réveil,  poursuivie  par  les  illusions 
de  son  sommeil,  Eve  s'y  abandonna  et  prit  du  fruit 
défendu.  Dans  celle  supposition,  Il  n'y  a  donc  dans 
la  tentation  aucune  cause  morale  et  agissante,  comme 
l'admet  l'écrivain  sacié.  Kosen  Muller,  suivi  des 
rationalistes  allemands,  entend  d'une  lenlaiiou  ordi- 
naire la  tentation  de  nuire  mère  Eve.  Pour  rendre 
ciunple  du  texte  sacré,  il  croit  que  Mnîse  écrivit  ce 
passage  en  hiéroglyphe.  Le  iraduclenr  prit  pour 
une  réalité  ce  qui  n'éiait  que  symbolique.  Mais,  où 
Rosen  Muller  a-i'il  vu  que  le  l'enialeuque  fut  écrit 
primitivement  en  hiéroglyphes?  Ureiiiéié;  si  le 
traducteur  fût  tombé  dans  une  erreur  aussi  gros- 
sière, quelle  confiance  puurrail-on  avoir  aux  faits 
contenus  dans  le  Peuiaieuque?  Celle  assenion,  pous- 
sée jusque  dans  ses  dernières  conséquences  ,  ne 
tendrait  à  rien  moins  qu'à  détruire  le  foudemeni  de 
la  foi. —  Pour  recourir  à  des  inierpréiaiions  aussi  ar- 
bitraires, y  a-i-il  impossibilité  absolue  d'entendre 
dans  le  sens  liltéral  le  passage  de  l'Eciiiure  qui 
nous  occupe?  Le  sens  littéral  est  il  évidemnieiit 
contraire  à  quelque  vérité  dogmatique  ou  morale? 
A-l-il  été  rejeté  par  les  Pères  et  par  les  interprèles  ? 
Nous  allons  voir  qu'il  n'en  est  rien. 

li«  OPINION.  —  Scm  liltéral.  Les  Pères  ont  (lé  una- 
niines  pour  entendre  dans  le  sens  littéral  le  passage 
qui  nous  fait  connaître  les  circonstances  qui  accoinpa- 
gnèrenl  la  chule  de  nos  premiers  parents.  Ceux  mé.nes 
qui  se  sont  alliré  le  blàuie  pour  leur  amour  excessif 
des  allégories,  \  irent  un  véritable  serpent  qui  (ul  l'in- 
Blrumcnl  du  démon.  Le  célèbre  Origénu  s'exprime 
ainsi  ;  Veriis  serpens  a  dœmoiie  inspirutns.  L'Eglise, 
dans  sa   liturgie,    ne    pense   pas   anlremeiu.    Voici 


désert,  Dieu  leur  envoya  des  serpents  dont 
les  morsures  en  firent  mourir  un  grand 
nombre;  qio,  pour  guérir  ceuK  qui  étaieiit 
Messes,  Moïse,  par  l'ordre  do  Dieu,  fit  faire 
un  serpenl  d'airain,  et  que  lous  ceux  qui  le 
regardaient  étaient  guéris.  Les  incrédules 
qui  ne  veulent  point  reconnaître  de  miracles 
dans  l'histoire  sainte,  onl  contesté  celui-ci; 
ils  ont  dit,  '1°  que  cette  guérison  a  pu  se  f.iire 
par  la  force  de  l'imagination  des  malades; 
2°  que  l'espérance  d'être  guéri  en  regardant 
ce  serpent  était  un  culte  superslilieus,  un 
acte  d'idolâtrie  et  de  magie  ;  3°  que  le  roi 
Ezécliias  en  jugea  ainsi,  puisque  eu  faisant 
détruire  tous  les  objets  d'idolâtrie  ,  il  fit  bri- 
ser cette  figure  (|ub  l'on  avait  conservée  jus- 
qu'alors; 4"  que  ce  culte  dure  encore  au- 
jourd'hui dans  l'Eglise  romaine. 

Ces  réflexions  sont  trop  absurdes  pour 
exiger  de  longues  discussions.  11  est  certain, 
en  premier  lieu,  qu'il  y  a  dans  l'intérieur  de 
l'Afrique  des  serpeats  ailés  dont  la  morsure 
est  Irès-venimeuso,  surtout  pendant  les 
grandes  chaleurs  ;  que  non-seulement  il  est 
impossible  d'en  guérir  par  la  force  de  l'ima- 
(,'ination,  mais  que  l'on  ne  connaît  encore 
point  de  reirtède  naturel  capable  de  soulager 
ceux  qui  en  i-onl  atteints  :  la  guérison  des 
Israélites  opérée  par  des  regards  jetés  sur 
le  serpmit  d'airain,  était  donc  évidemment 
surnaturelle  et  miraculeuse.  En  second  lieu, 
il  e3i  faux  que  l'aclion  de  le  regarder  avec 

ommeiil  elle  s'exprime  dans  la  préface  pour  le 
temps  de  la  passion  :  Qiti  saiutem  humani  generis 
in  ligne  crucis  constituisii ,  lit  ur.ûe  mors  oriebatur, 
iiide  l'ila  ^'esurgeret,  et  qui  in  ligno  vincebut  in  tigno 
(luoq'ue  viiiceretnr.  Certes,  pour  abandonner  une  in- 
lerprétaiion  appuyée  sur  de  pareils  motifs,  il  l'auilrail 
des  raisons  bieii  puissantes.  Que  sont  donc  celles 
qu'on  nous  oppose?  Ou  nous  demande,  1"  coinnient 
Eve  a  osé  converser  avec  le  serpent?  La  réponse 
est  facile  :  les  animaux  éiant  alors  soumis  à  l'hom- 
me ,  Eve  savait  qu'elle  n'avait  rien  à  craindre. 
2"  (Comment  pul-elle  se  laisser  prendre  à  un  piège 
aussi  grossier?  iSaini  Augustin  lépoiid  que,  sans  la 
concupiscence,  la  'enime  put  être  étonnée  de  voir 
que  Dieu  perm<  liait  à  un  animal  de  l'outrager.  La 
complaisance  avec  laquelle  elle  écouta  le  <liscours 
qu'il  lui  liiil,  lui  lit  commellre  un  péché  véniel  qui 
l'entraîna  à  la  terrible  chine  que  nous  déplorons. 
5'  Mais  esl-il  croyable  qu'un  serpent  ail  pu  parler? 
Le  démon  put  agiter  sa  langue  de  manière  à  pro- 
duite des  sous  iiui  fiisseni  entendus  d'Eve.  A"  Puis- 
que le  serpent  ne  fui  que  l'instrument  dont  se  servit 
le  démon,  la  punition  que  Dieu  lui  iiiQigea  d'il  pa- 
raître injuste.  Saint  Jean  Chrysoslume  s'était  pro- 
posé cette  dillicnlté.  De  même,  dit  ce  saint  docteur, 
qu'un  père  tendre  punil  celui  qui  a  frappé  son  fils, 
ei  brise  eu  même  temps  l'épée  qui  a  l'ait  la  bles- 
sure, ainsi  le  Seigneur,  en  l'aisani  tomber  une  nou- 
velle iii;d(^di('iion  sur  le  démon,  retendit  au  serpenl 
liii-iiièuie.  Celle  puniiion  ai-elle  changé  (|uelque 
chose  à  la  nature  du  serpent  !  Quelques  ailleurs  ont 
pensé  qu'avant  la  i  linie  d'Adam  le  -erpeiil  marchait 
droit,  que  depuis  il  fut  condamné  à  ramper  el  à 
manger  la  terre.  La  plupart  des  comineotalenrs 
croient  qu'il  n'y  a  rien  de  changé  dans  la  nature  du 
serpenl,  qu'il  rampait  sur  la  terre  el  s'en  nourris- 
sait. Dieu  a  choisi  celle  particularité  dans  la  nature 
du  serpent  pour  nous  rappeler  la  p.irl  qu'il  a  eue  à 
notre  malheur.  Ainsi  il  désigna  l'arc-en-ciel  c-ooitue 
un  signe  de  confiance. 


(onfiaiicc  l&l  un  culte  ;  les  Israélites  avalent 
éift  mslrnils  par  Moïse  que  coite  fi;^'urc  (l'ai- 
riin  n'avait  la   vertu  de  guérir  l,i  morsure 
lies  serpents  que  par  une  volonté  parlicu- 
llèiede  Dieu  :  or,   Il  n'y  a  ni  superstition, 
ni  nta|{ie,  ni   idolâtrie  à    faire  ce  qu'il   est 
certain  que  Dieu  a  ordonné.  3°  il  n'en  était 
plus  de  même  sous  le  rèyiied'Ezéchias,  près 
de  800  ans  après  AIoïsc;  le  serpent  d'airain 
ne  pouvait  plas  servir  que  de  nionutncnt  au 
miracle  opéré  dans  le  désert.  Alors  li's  Israé- 
lites qui  étaient  tombés  plus  d'une  luis  dans 
l'idolâtrie,    étaient  accoutumés    à    honorer 
comme  des  dieux  des  idoles  de  toute  espèce  ; 
ih  ne  pouvaient  attribuer  au  serpent  d'airain 
aucune   vertu,  à   moins  de  supposer  qu'il 
était  le  séjour  ou  1  instrument  d'un  dieu  pré- 
tendu, d'un  génie,  d'un  esprit  invisible  et 
puissant   qui   voulait   y  recevoir  des  liom- 
luages  :  idée  fausse,  mais  qui  a  été  celle  tie 
tous  les  idolâtres.  k°  Nous  nu  savons  pas  sur 
quel  fondement  Prideau\  a  osé  dire  :  «  .Mal- 
gré lelémoign.ige  formel  de  l'Ecriture  sainte, 
les  catholiques  romains  ont  l'impudence  de 
soutenir  que   le   serpent  d'uirain ,    gardé   â 
Milan  dans   l'église   de  Saint-Ambroise  ,  et 
exposé  A  la  vénération  du  peuple,  est  le  même 
que  celui  qui  fut  fabriqué  par  Moïse  dans  le 
dé>ert;  et  on  lui  rend  encore  aujourd'hui  un 
culte  aussi  grossièrement  superstitieux  (]ue 
celui  que  les  Israélites  lui  rendirent  sous  le 
règne  d'Ezéchias.   »  Hisl.  des  Juifs,   lib.  i, 
t.   I,    p.  10.    Aucun   auteur  connu   ne   s'est 
avisé  d'assurer  celle  identité,  et  n'a  imaginé 
qu'on  rendait  un  culte  à  celte  figure.  (Juand 
on  conserve  un  ancien  objel  par  curiosité, 
ce  n'est  pas  pour  lui  rendre  un  culte;  l'ori- 
gin(!  du  serpent  d'airain  de  Milan  n'est  pas 
ilillicile  à  deviner. 

Jésus-Christ  a  dit  dans  l'Evangile,  Joan., 
c.  m,  \.k:  De  m  me  r/iie  Muïse  a  élevé  le  ser- 
pent d'aibaim  dans  le  désert,  ainsi  il  faut  que 
le  Fils  de  l'homme  soit  élevé,  afin  que  quicon- 
que croit  en  lui  ne  périsse  pas,  mais  obtienne 
la  lie  éternelle.  Dès  ce  moment  la  ligure  du 
serpent  d'uirain  a  été  le  symbole  de  Jésus- 
Christ  crucifié.  Conséquemment  dans  les  bas 
siècles,  lorsque  l'on  représentait  les  mystè- 
res, surtout  celui  de  la  passion,  l'on  :iiil  sous 
les  yeux  des  spectateurs  un  serpent  d'airain, 
par  allusion  aux  paroles  de  l'Evauiiile.  Cette 
ligure  a  été  conservée  dans  l'église  de  Milan, 
comme  le  monument  d'un  ancien  usage,  et 
non  comme  un  objet  de  vénération  ou  de 
culte,  il  faut  être  aussi  malicicusemenl  pré- 
venu que  le  sont  les  protestants  pour  ima- 
giner que  l'on  rend  un  culte  au  serpent  d'ai- 
rain fabriqué  par  Moïse,  par  imitation  des 
juifs  idolâtres. 

SEllVÉTISTE.S,  quelquesauteurs  ont  ainsi 
nommé  eeux  qui  ont  soutenu  les  mêmes  er- 
reurs que  Michel  Serval,  médecin  espagnol, 
chef  des  anli-triiiitaires,  des  nouveaux  ariens 
ou  des  sociniens.  Ou  ne  pcul  pas  dire  exac- 
tement que  Servel  ait  eu  des  disciples  de 
son  vivaut;  il  fut  brûlé  à  Génère  avec  ses 
livres  l'an  155J,  à  hi  sollicitulion  de  Calvin, 
avant  que  ses  erreurs  sur  la  Trinité  eussent 
pu  prendre  racine,  Mais  i'uu  a  nommé  ser- 


SI'.R 


4Ce 


vttistes  ceux  ((ui  dans  la  suite  ont  soutenu 
les  mêmes  sentiments.  Sixli>  de  Sienne  a 
même  donné  ce  nom  à  d'anciens  anabaptis- 
tes de  Suisse,  dont  la  doctrine  était  conforme 
à  celle  de  Servet. 

Cet  homme,  quia  fait  tant  de  bruit  dans  le 
monde,  naquit  à  Villanova,  dans  le  royaume 
d'Aragon,  l'an  1500  :  il  montra  d'abord  beau- 
coup d'esprit  et  d'aplilude  pour  les  sciences  ; 
il  vint    étudier  à  Paris,  et   se  rendit  habile 
dans  la  médecine.  Dès  l'an  lo.31,   il  donna  la 
première  édition  de  son  livre  contre  la  Tri- 
nil:'",  sous  ce   titre:    De  Trinitatis  erroribtis 
libri  septem,  per   iMichaelem  Servetum,  alias 
Jteves,  ab  Araiionia  Hispunum.  L'année  sui- 
vante, il  publia  ses  Di.ilnpues  avec  d'autres 
traités,  qu'il  intitula  :  Dialoqorum  de  Trini- 
lalc  libri  duo  ;  de  Jusiilia  regni  Christi  capi- 
tula quatuor,  per  Michalem  Servetum,  etc., 
anno  1532.  Dans  la  préface  de  ce  second  ou- 
vr.ige,   il  déclare  qu'il  n'est  pas  coulent  du 
premier,   et   il  promet   de   le   retoucher.    Il 
voyag  a  dans  une  partie  de  l'Europe,  et  en- 
suite en   France,  uù  après  avoir  essuyé  di 
verses    aventures,  il    se   fixa   à    Vienne   en 
Danphiné,  et  il  y  exerç     la  médecine  avec 
beauei)up  de  sui  ces.  C'est  là  qu'il  forge.i  une 
espèce  de    système    thiologique,    auquel    il 
donna  jiour  litre  :  Le  rélaliiissemtnl  du  chris- 
tianisme, Christianismi  restiiutio,  et  il  le  fil 
imprimer  furtivement  l'an  1553.  Cet  ouvrage 
est  divisé  en  six  parties  :  la  première  r-on- 
tienl  sei)t  livres  sur   la  Tiinité;  la    seconde, 
trois  livre,  de  Fide  et  Justitia  reijni  Christi, 
leijis  justitiam  superanlis,  et  deCUariiale;  la 
troisième  est   divisée    en   quatre    livres,    et 
traite  de  liegeneralione  ne  Manducutione  su- 
perna,  elde  Regno  Anlichristi;  la  quatrième 
renl'ermo  tiente  lettres  écrites   à  Calvin  ;  la 
cinquième  donne  soixante  marques  du  règne 
de  l'Antéchrist,  et  parle  de  sa  manfestalion 
comme  déjà  présente;    enfin    la    sixième   a 
pour  titre:  De  mtjsteriis  Trinilatis  cxvelerum 
disiiplinu,  ad  Philippum   M clanchthunem  et 
ejus  collegas  Apologui.  On  lui  atlrihue  encore 
d'autres    ouvrau;cs.    Vog.    Sandius,    Bibliot. 
Antilrinilar.,  p.  12.  Pendant  (|u'il  faisait  im- 
primer   sou  Christianismi  rcstitutio,  Calvin 
trouva  le  n»oyen  d'en  avoir  des  feuilles  par 
trahison,   cl  il  les  envoya   à  Lyon  avec  les 
lettres  qu'il  avait  reçues  de  Servei  ;  celui-ci 
fut  arrête  et  mis  en  prison.  Comme  il  trouva 
moyen  de  s'échapper,  il  se  sauva  ù  GcMièvc, 
poir  passer  delà  en  Italie.  Calvin  le  fit  sai- 
sir, et  le  déféra  au   consistoire  comme    un 
blasphémaleur;  après  avoir  pris  les  avis  îles 
magistrats  de  Bàlc,  du  Benie,  de  Zurich,  de 
SehalThouse,  il  le  fil  condaainerau  supfdice 
du  feu  par  ceux  de  Genève,  et   la  sentence  . 
fut  exécutée  avec  des  circoustanccs   dont  la 
cruauté  fait  frémir. 

C<'lle  conduite  de  Calvin  l'a  couvert  d'op- 
probre, lui  et  sa  prétendue  reforme,  malgré 
les  palliatifs  dont  ses  partisans  su  sonl  ser- 
vis pour  l'excuser.  Ils  ont  dit  que  c'était  dans 
Calvin  uu  reste  de  papisme  dont  il  n'avait 
encore  pu  se  défaire;  que  les  loix  portées 
contre  les  hérétiques  par  l'empereur  Frédé- 
I  le  il  élaieul  encore  observées  à  (lenève.  Ce^ 


465 


SEK 


SER 


464 


deux  raisons  sont  nulles  et  absuroes.  l"  Ser- 
vet  n'était  justiciable  ni  de  Calvin  ni  du  ma- 
gistral de  Genève  ;  c'était  un  étranger  qui  ne 
se  proposait  point  de  se  fixerdans  celle  ville, 
ni  d'y  enseigner  sa  doctrine;  c'était  violer  le 
droit  des  gens  que  de  le  juger  suivant  les  lois 
de  Frédéric  II.  2°  Calvin  avait  certainement 
déguisé  à  Servet  la  haine  qu'il  avait  conçue 
contre  lui,  et  les  poursuites  qu'il  lui  avait 
suscitées;  autrement  celui-ci  n'aurait  pas 
été  assez  insensé  pour  aller  se  livrer  entre 
ses  mains  :  C'ilvin  fut  donc  coupable  de  tra- 
hison, do  perfidie,  d'abus  de  confiance  et  de 
violation  du  secret  naturel.  Si  un  homme 
constitué  en  autorité  parmi  les  catholiques 
en  avait  ainsi  agi  contre  un  protestant,  Cal- 
vin et  ses  sectaires  auraient  rempli  de  leurs 
clameurs  l'Europe  entière,  ils  auraient  fait 
des  livres  de  phiinles  et  d'invectives.  3"  H 
est  fort  singulier  que  des  hommes  suscités  de 
Dieu,  si  nous  en  croyons  les  protestants,  pour 
réformer  l'Eglise  et  pour  en  détruire  les  er- 
reurs, se  soient  obstinés  à  conserver  la  plus 
pernicieuse  de  toutes,  savoir,  le  dogme  de 
l'intolérance  à  l'égard  des  hérétiques:  c'est 
la  première  qu'il  aurait  fallu  abjurer  d'a- 
bord. Cela  est  d'autant  plus  impardonnable, 
que  c'était  une  contradiction  grossière  avec 
le  principe  fondamental  de  la  réforme.  Ce 
principe  est  que  la  seule  règle  de  notre  foi 
est  l'Ecriture  sainte,  que  chaque  pnrliiulier 
est  l'interprète  et  le  juge  du  sens  qu'il  faut 
y  donner,  qu'il  n'y  a  sur  la  terre  aucun  tri- 
bunal infaillible  qui  ait  droit  de  déterminer 
ce  sens.  A  quel  litre  donc  Calvin  et  ses  par- 
tisans ont-ils  eu  celui  de  condamner  Servet, 
parce  qu'il  entendait  l'Ecriture  sainte  aulre- 
menl  qu'eux  ?  En  France,  ils  demandaient  la 
tolérance  ;  en  Suisse,  ils  exerçaient  la  lyryn- 
nie.  4-°  Quand  les  catholiques  auraient  con- 
damné à  mort  les  hérétiques  précisément 
pour  leurs  erreurs,  ils  auraient  du  moins 
suivi  leur  principe,  qui  est  que  l'Eglise  ayant 
reçu  de  Jésus-Christ  l'autoriié  d'enseigner, 
d'expliquer  l'Ecriture  sainte,  de  condamner 
les  erreurs  ,  ceux  qui  résistent  opiniâtre- 
ment à  son  enseignement  sont  punissables. 
Mais  nous  avons  prouvé  vingt  fois  dans  le 
cours  de  cet  ouvrage,  que  les  catholiques 
n'ont  jamais  puni  de  mort  des  hérétiques, 
précisément  pour  leurs  erreurs,  mais  pour 
les  séditions,  les  violences,  les  attentats  con- 
tre l'ordre  public  dont  ils  étaient  coupables, 
et  que  telle  est  la  vraie  raison  pour  hiqueile 
on  a  sévi  contre  les  protestants  en  particu- 
lier. Voy.  HÉRÉTIQUE,  §  1,  Calvinisme,  To- 
lérance, etc.  Or,  Servel  n'avait  rien  lait  de 
semblable  à  Genève. 

Mais,  en  condamnant  sans  ménagement  la 
conduite  de  Calvin,  le  traducteur  de  ïlJis- 
toire  ecclésiasti(jue  i\e  Moslieim  a  très-mau- 
vaise grâce  de  nommer  Servet  un  savant  et 
spirituel  martyr:  Mosheim  n'a  pas  eu  la  té- 
mérité de  lui  donner  un  titre  si  respectable  ; 
tous  deux  conviennent  que  cet  hérétique 
joignait  à  beaucoup  d'orgueil  un  esprit  ma- 
lin et  contentieux,  une  opiniâtreté  invinci- 
ble et  une  dose  considérable  de  fanatisme, 
Hist.  ecclés.,  xvr  siècle,  sect.3,  ii'  part.,c.  4, 


§4-;  c'est  donc  profaner  l'auguste  nom  de 
martyr,  que  de  le  donner  à  un  pareil  in- 
sensé. 

Quelques  sociniens  ont  écrit  qu'il  mourut 
avec  beaucoup  de  constance,  et  qu'il  pro- 
nonça un  discours  tres-sensé  au  peuple  qui 
assistait  à  son  supplice  ;  d'autres  écrivains 
soutiennent  que  cette  harangue  est  suppo- 
sée. Calvin  rapporte  que,  quand  on  lui  eut  lu 
la  sentence  qui  le  condamnait  à  être  brûlé 
vif,  tantôt  il  parut  interdit  et  sans  mouve- 
ment, tantôt  il  poussa  de  grands  soupirs, 
tantôt  il  fit  des  laîoenlations  comme  un  in- 
sensé, en  criant  miséricorde.  Le  seul  fait 
certain  est  qu'il  ne  rétracta  point  ses  er- 
reurs. 

Il  n'est  pas  aisé  d'en  donner  une  notice 
exacte  ;  la  plupart  de  ses  expressions  sont 
inintelligibles  :  il  n'y  a  aucune  apparence 
qu'il  ait  eu  un  système  de  croyance  fixe  et 
constant;  il  ne  se  faisait  aucun  scrupule  de  se 
contredire. Quoiqu'il  emploie  contre  la  s.iinte 
Trinité  plusieuri»  des  mêmes  arguments  par 
lesquels  les  ariens  attaquaient  ce  mystère, 
il  proteste  néanmoins  qu'il  est  fort  éloigné 
de  suivre  leurs  opinions,  qu'il  ne  donne 
point  non  plus  dans  celles  de  Paul  de  Samo- 
sate.  Sandius  a  prétendu  le  contraire,  mais 
Mosheim  n'est  pas  de  même  avis.  Suivant  ce 
dernier,  qui  a  fait  en  allemand  une  histoire 
assez  ample  de  Servet,  cet  insensé  se  per- 
suada que  la  véritable  doctrine  de  Jésus- 
Christ  n'avait  jamais  clé  bien  connue  ni  en- 
seignée dans  l'Eglise,  même  avant  le  concile 
de  Nicée,  et  il  se  crut  suscité  de  Dieu  pour 
la  révéler  et  la  prêcher  aux  hommes;  con- 
séqueniment  il  enseigna  «  que  Dieu,  avant 
la  création  du  momie,  avait  produit  en  lui- 
même  deux  représentations  personnelles,  ou 
manières  d'être,  qu'il  nommait  économies, 
dispensalions,  dispositions,  eic,  pour  servir 
de  médiateurs  entre  lui  et  les  hommes,  pour 
leur  révéler  sa  volonié,  pour  leur  faire  part 
de  sa  miséricorde  et  de  ses  bienfaits;  que 
ces  deux  représentations  étaient  le  Verbe  et 
le  Saint-Esprit;  que  le  premier  s'était  uni  à 
l'homme  Jésus,  qui  était  né  de  la  vierge  Ma- 
rie par  un  acte  delà  volonté  toute-puissante 
de  Dieu  ;  qu'à  cet  égard  on  pouvait  donner  à 
Jésus-Christ  le  nom  de  Dieu;  que  le  Saint- 
Esprit  dirige  et  anime  toute  la  nature,  pro- 
duit dans  l'esprit  des  hommes  les  sages  con- 
seils, les  penchants  vertueux  et  les  bons  sen- 
timents ;  mais  que  ces  deux  représentations 
n'auront  plus  lieu  après  la  destruction  du 
globe  que  nous  habitons,  qu'elles  seront  ab- 
sorbées dans  la  Divinité  d'où  elles  ont  été 
tirées.  »  Son  système  de  morale  était  à  peu 
près  le  même  que  celui  des  anabaptistes,  et 
il  blâmait  comme  eux  l'usage  de  baptiser  les 
enfants. 

Par  ce  simple  exposé,  il  est  déjà  clair  que 
l'erreur  de  Servet  touchant  la  Trinilé  était 
la  même  que  celle  de  Pholin,  de  Paul  de  Sa- 
mosate  et  de  Sabellius,  et  qu'il  n'y  avait  rien 
de  différent  que  l'expression.  Suivant  tous 
ces  sectaires,  il  n'y  a  réellement  en  Dieu 
qu'une  seule  personne  ;  le  Fils  ou  le  Verbe 
et  le  Saiul-Esprit   ne  sont  que  deux  diffé- 


46S 


SER 


SEK 


4«6 


rentes  manières  d'envisager  et  de  concevoir 
les  opérations  de  Dieu.  Or,  il  est  absurde 
d'en  parler  comme  si  c'étaient  des  substan- 
ces ou  des  personnes  distinctes,  et  de  leur 
atlribuer  des  opérations,  puisque  les  préten- 
dues personnes  ne  sont  que  des  opéralions. 
Dans  ce  même  système,  il  <'st  absurde  de  dire 
que  le  Verbe  s'est  uni  à  l'bumanilé  do  Jé- 
sns-Christ,  puis(ju«  ce  Vcrhc  n'est  autre 
chose  que  l'opération  niéme  par  laquelle 
Dieu  a  produit  le  corps  et  l'àmn  de  Jésus- 
Christ  dans  le  sein  de  la  sainte  Vierge,  lin- 
fin,  il  est  faux  que  dans  cette  hypothèse  Jé- 
sus-Christ puisse  être  .'ippelé  Dieu,  sinon 
dans  un  sens  très-abusif;  celte  manière  de 
parler  est  plutôt  un  blasphème  qu'une  vé- 
rilé. 

il  n'est  pas  étonnant  que  cet  hérétique  ait 
répété  contre  les  orthodoxes  les  mêmes  re- 
pioches  que  leur  faisaient  déjà  les  ariens  ; 
il  disait  comme  eus  que  l'on  doit  mettre  au 
rang  des  athées  ceux  qui  adorent  couime 
Dieu  un  assemblage  de  divinités,  ou  qui  font 
consister  l'essence  divine  dans  trois  per- 
sonnes réellement  distinctes  et  sulisistatites  ; 
il  soutenait  que  Jésus-Christ  est  Fils  de  Dieu, 
dans  ce  sens  seulement  qu'il  a  été  engendré 
dans  le  sein  de  la  s.iinte  Vierge  par  l'opéra- 
tion du  Saint-l!!sprit,  par  conséquent  de 
Dieu  même.  Mais  il  poussait  l'absurdité  plus 
loin  que  tous  les  anciens  hérésiarques,  en 
disant  que  Dieu  a  engendré  de  sa  propre 
substance  le  corps  de  Jcsus-ChrisI,  et  que  ce 
corps  est  celui  de  la  Divinité.  Il  disait  aussi 
que  l'âme  humaine  est  de  la  substance  de 
Dieu,  qu'elle  se  rend  mortelle  par  le  péché, 
mais  que  l'on  ne  commet  point  de  péché 
avant  l'âge  de  vingt  ans,  etc.  Sur  les  autres 
articles  île  doctrine,  il  joignit  les  errt'urs 
des  luthériens  et  des  sacramentaires  à  celles 
des  anabaptistes,  Hist.  du  Socin.,  \v  part., 
p.  221. 

Il  est  donc  évident  que  les  erreurs  de 
Servel  ne  sont  qu'une  extension  ou  une 
suite  nécessaire  des  principes  de  la  réforme 
ou  du  protestantisme  ;  il  argumentait  con- 
tre les  mystères  de  la  sainte  Trinité  et  de 
l'Incarnation,  de  la  même  manière  que  Cal- 
vin et  ses  adhérents  raisonnaient  contre  le 
mystère  delà  présence  réelle  de  Jésus-Christ 
dans  l'eucbarislie,  et  contre  les  autres  dog- 
mes de  la  croyance  catholique  qui  leur  dé- 
plaisaient ;  il  se  servait,  pour  entendre  l'E- 
criture sainte,  de  la  môme  méthode  que  sui- 
vent encore  aujourd'hui  tous  les  prolestants. 
S'ils  disent  qu'il  l.i  poussait  trop  loin  et  qu'il 
en  abusait,  nous  les  prierons  de  nous  tracer 
par  l'Ecriture  sainte  la  ligne  à  la(|uelle5er- 
vel  aurait  dû  s'arrêter.  Ouoi  qu'ils  disent, 
il  est  démontré  que  le  protestantisme  est  le 
père  du  servélisme  et  du  socinianisme,  et  que 
les  réformateurs,  en  voulant  le  détruire, 
ont  vainement  lâché  d'étoulTer  le  monstre 
qu'ils  avaient  eux-mêmes  nourri  et  enfanté. 

Vul/.  SOCINIANISMIÎ. 

SERVICE  DIVIN.  Ce  sont  les  prières,  le 
saint  Siicriflce,  les  offices  et  les  cérémonies 
qui  se  célèbrent  dans  l'Eglise  chrétienne,  et 
dans  lesquels  consiste   le  culte  extérieur  du 


christianisme,  que  l'on  appelle  aussi  la  Li- 
Ti'iiGiE.  Voy.  ce  mot.  Dès  le  temps  de  Ter- 
tullien,  le  service  divin  se  nommait  le  sacri- 
fice, de  Cttltu  feinin.,\.  ii,  c.  11,  parce  que  la 
consécration  de  l'eucharistie  en  fut  toujours 
la  partie  principale.  Nous  en  avons  suffisam- 
ment parlé  aux  mots  Heures  canoniales, 
LiTiiRGrE.  Messe,  Office  divin,  etc. 

SERVITES,  ordre  de  religieux  ainsi  nom- 
més parce  ((u'ils  font  profession  d'être  ser- 
viteurs de  la  sainte  \ierge;  ils  observent  la 
règle  de  saint  Augustin  et  plusieurs  prati- 
ques différentes  de  celles  des  autres  ordres. 
Celui-ci  fut  institué  par  sept  marchands  flo- 
rentins qui  renoncèrent  au  négoce,  l'an  1223, 
et  se  retirèrent  à  Monle-Senario,  à  dix  lieues 
de  Florence,  pour  v;iquer  aux  exercices  de 
piété  et  de  mortific.ilion:  l'an  1239,  ils  reçu- 
rent de  leur  évêque  la  règle  de  saint  Augus- 
tin ;  ils  prirent  un  habit  noir,  afin  d'hono- 
rer particulièrement  le  veuvage  de  la  sainte 
^'ierge  ;  ils  élurent  pour  leur  général  Bon- 
filio-Monaldi,  l'un  d'entre  eux.  Cet  ordre  fut 
redevable  de  ses  prinripaux  accroissements 
dans  la  suite  à  saint  Philippe  Bénizi,  leur  gé- 
néral, dont  les  vertus  et  le  zèle  édifièrent 
l'Europe  entière  pendant  une  bonne  partiedu 
XIII'  siècle.  Il  futapprouvé  par  Alexandre  IV, 
confirmé  au  concile  général  de  Lyon-par 
Grégoire  V  et  par  Benoît  XI  ;  daus  le  xv 
siècle,  Martin  V  et  Innocent  VIII  le  mirent 
au  nombre  des  ordres  mendiants.  L'an  1593, 
le  relâchement  s'y  étant  introduit,  une  par- 
tie des  religieux  se  réformèrent  et  rétabli- 
rent l'observance  rigoureuse  de  Icurinstitat 
dans  les  ermitages  de  Monte-Senario;  ces 
réformés  prirent  le  nom  de  serviles-ermites. 
Le  frère  Paul  Sarpi,  trop  connu  par  l'his- 
toire qu'il  a  donnée  du  concile  de  Trente, 
était  religieux  servile  avant  la  réforme.  Cet 
ordre  n'est  point  établi  en  France,  mais  il 
est  très-connu  en  Italie  et  ailleurs  ;  il  est  au- 
jourd'hui divisé  en  vingt-sept  provinces.  Il 
\  a  aussi  en  Italie  des  religieuses  servîtes 
qui  observent  la  même  règle  que  les  reli- 
gieux. 

SERVITEURS  DES  MALADES.  Toy. 
Clercs  réguliers. 

SERVITUDE.  Ce  terme  dans  FEcriture 
sainte  ne  doit  pas  toujours  être  pris  à  la  ri- 
gueur ponrl'esclavage  proprement  dit;  sou- 
vent il  signifie  seulement  l'état  d'un  peuple 
tributaire  et  assujetti  à  un  autre.  L'état  des 
Israélites  en  Egypte  est  communément  ap- 
pelé servitude;  Dieu  leur  ordonne  de  traiter 
leurs  esclaves  avec  humanité,  en  se  souve- 
nant qu'ils  ont  été  eux-mêmes  esclaves 
[Servi]  en  Egypte.  De  même  ils  ont  nommé 
servitU'tes  les  temps  où  ils  furent  assujettis 
par  quelques-uns  des  peuples  de  la  Pales- 
tine, après  la  mort  de  Josué.  Néanmoins 
dans  ces  différentes  circonstances  ils  n'é- 
taient pas  réduits  à  l'esclavage  domestique, 
dépouillés  de  toute  propriété,  exposés  à  être 
vendus  à  des  étrangers,  etc.  Pendant  qu'il» 
étaient  le  plus  mallrailés  en  Egypte,  ils  pos- 
sédaient la  contrée  de  Gessen,  où  ils  étaient 
exempts  des  lléaux  que  .Moïse  faisait  tomber 
sur  les  Egyptiens,  Exod.,  c.  ix,  y.  26,  atc. 


iC7 


SET 


SEV 


468 


Lorsque  par  une  victoire  ils  avaient  secoué 
le  joug  des  Philistins,  des  Moabites,  ou  des 
Chananéens,  toute  servitude  cessait.  Les  in- 
crédHles  qui  ont  abusé  de  ce  terme  pour  en 
conclure  que  les  Hébreux  ont  toujours  clé 
esc/ai'es,  ont  cherclié  à  en  imposer  aux  igno- 
rants. Quant  à  la  servitude  domestique  on  à 
l'esclavage  proprement  dit,  nous  avons 
prouvé  ailleurs  que  Moïse  n'a  point  prêché 
contre  le  droit  naturel,  lorsqu'il  l'a  toléré 
parmi  les  Israélites.  Voy.  Esclavagd.  Ou  ne 
doil  pas  prcmlre  non  plus  à  la  rigueur  les 
passages  de  l'Ei^riture  sainte,  dans  lesquels 
il  est  dit  que  par  la  coiicopisconce  l'homme 
est  esclave  du  péché,  captif  ou  réduit  en  ser- 
vitude .sous  la  loi  du  péché,  elc.  S  linl  Paul, 
qui  se  sort  de  ces  expressions,  nous  déclare 
que  par  esclavnçje  et  servitude  il  entend  une 
obéissance  volontaire.  Ne  savez-vous  pas, 
dit-i'l,  Rom.,  c.  vi,  v.  16,  que  vous  voxis  ren- 
dez ESCLAVES  de  celui  à  qui  vous  vous  présen- 
tez pour  obéir,  ou  du  péché  pour  en  recevoir 
ta  mort,  ou  de  la  justice  pour  en  S'ivre  les 
mouvements?. ...A  pr'seiit,  délivrés  du  péché, 
vous  êtes  devenus  esclaves  de  la  justice. 
C.  VII,  V.  23  :  Jt'  vois  dans  m<'s  membres  une 
loi  qui  combat  contre  ce'le  de  mon  esprit,  et 

qui  me  captive  sous  la   loi  du  péché l'o- 

béis  donc  {^iervUt^par  l'esprit  à  la  loi  de  Dieu, 
et  pur  la  chair  à  la  loi  du  péché,  etc.  Ceux 
qui  ont  conclu  de  là  que  l'homme  n'est  pas 
libre,  qu'il  est  assujetti  à  la  nécessité  de  pé- 
cher, que  Dieu  lui  impuie  des  péi  hés  dont 
il  n'est  pas  le  niaîlre  de  s'abs'enir,  etc.,  ont 
étrangement  abusé  des  termes.  On  doil  donc 
entendre  dans  le  même  sens  que  saint  Paul 
ce  que  disent  communément  les  théologiens, 
que  par  li-  péché  originel  l'homme  naît  es- 
clave du  démon.  Cette  expression  ne  se  trouve 
point  dans  l'Ecriture  sainte,  et  le  concile  de 
Trente  a  seulemiMit  décidé  (\u'Adam  par  son 
péché  a  encouru  la  mort,  et  avec  la  mort  la 
captivité  sotfi  la  puissance  de  celui  qui  a  eu 
l'empire  de  la  mort,c'efl-â-dire  du  démon  ;seas. 
6,de  Pec.  orig.,can.  l.Or,  ces  mêmes  paroles 
dans  saint  Paul,  Hebr.,  c.  n,  v.  ik,  ne  si- 
gnifient rien  autre  chose  que  la  nécessité  de 
mourir.  Il  est  absurde  de  les  entendre  dans 
ce  sens,  qu'un  eiifani  qui  vient  de  naître  est 
possédé  du  démon  tant  qu'il  n'est  pas  bap- 
tisé, et  d'ouhlier  que  Jésus-Christ  par  sa 
mort  a  détruit  l'empire  et  le  pouvoir  du  dé- 
mon.  Ibid. 

SÉÏHIENS  ou  SÉTHITES,  hérétiques  du 
II'  siècle,  qui  honoraient  particulièrement 
le  |ialriarche  Silh,  lils  d'Adam;  c'était  une 
branche  d.  s  valentinicns.  Ils  enseignaient 
que  deux  anges  avaient  créé,  l'un  Caïn,  et 
l'autre  Abd;  qu'après  la  mon  de  ceiui-ci  la 
grande  vertu  avait  (ail  naître  Seih  d'une  pure 
semence.  Sans  doule  ils  entendaient  par  la 
grande  vertu  la  puissance  de  Dieu;  mais  on 
ne  nous  dit  pas  si  c'est  elle  qui  avait  produit 
les  anges,  dont  les  uns  élaieiil  ho  s  et  les 
autres  mauvais.  Ces  sectaires  ajoutaient  que 
du  mélange  de  ces  deux  espèces  d'anges 
était  née  la  race  d'hommes  vii  ieux  (jue  la 
grande  vertu  fit  périr  par  le  déluge,  qu'une 
partie  de  leur  mé  bancelé  pénétra  dans  l'ar- 


che, el  de  là  se  répandit  dans  le  monde. 
Cette  hypothèse  ab  urde  n'avait  donc  élé 
imaginée  que  pour  rendre  raison  du  bien  el 
du  mal  qui  se  trouvent  dans  l'nnivrrs;  il  en 
était  de  même  du  système  des  différentes 
secles  de  frnosliques. 

Théoiloret  a  confondu  les  séthieis  avec  les 
ophites,  et  peut-être  n'y  avail-il  entre  eux 
d'autre  différence  que  la  vénération  supers- 
lilieuse  des  premiers  pour  le  patriarche 
Selh;  ils  disaient  que  son  â:ne  avait  passé  à 
Jésus-ChrisI ,  et  que  c'était  le  même  per«on- 
n.!ge;  ils  avaient  fo-gé  plusieurs  livres  sous 
le  nom  de  Seth  et  des  autres  patriarches. 
Saint  Irénée,  alvers.  Hœres.,  1.  i,  c.  7  et 
seq.;  Teriullien,  de  Prœscrip.,  c.  47;  saint 
Epiidvine  ,  Hwr.  31. 

SÈVÈRIKNS,  branche  des  encratiles,  héré- 
tiques du  W  siècle,  qui  avaient  eu  Taiien 
pour  premier  auleur;  un  certain  Sct'-'r»  lui 
succé  la  et  se  fil  un  nom  dans  la  secte.  On 
no  sait  s'il  suivit  exactement  la  doctrine  de 
son  maître;  il  est  probable  qu'il  y  ajoula  du 
sien.  Pour  rendre  raison  du  hieii  et  du  mal 
qu'il  V  a  dans  le  monde,  il  imagina  qu'il 
était  gouverné  par  une  troupe  d'espriis  ilonl 
les  uns  sont  bons ,  les  autres  mauvais  :  les 
premiers,  disait-il,  oui  mis  dans  l'homuic 
ce  qu'il  y  a  de  bien  soit  dans  le  corps  soit 
dans  l'âme,  comme  la  raison,  les  penchasils 
louables,  les  parties  supérieures  du  corps; 
les  seconds  y  ont  faii  ce  qu'il  y  a  de  mauviis , 
la  sensibilité  physique,  les  passions,  source 
de  toutes  nos  peines  ,  les  parties  inférieures 
du  corps,  etc.  On  doit  de  même  attribuer 
aux  premiers  les  aliments  nlilesà  la  santé  et  à 
la  conservation  de  l'homme,  l'eau  et  toutes 
les  nourritures  saines;  aux  seconds,  tout  ce 
qui  nuit  à  la  bonne  constitution  du  corps, 
comme  le  vin  et  les  femmes. 

Quelques-uns  des  auteurs  qui  ont  parlé 
des  s'vériens  disent  que,  selon  ces  hérétiques, 
tes  bons  e!  les  mauvais  anges  qu'ils  adinet- 
laient  étaient  .lubordonnés  à  l'Etre  suprê:!ie; 
n)ais  il  serait  bon  de  savoir  en  quoi  consis- 
tait cette  subordination.  S'ils  en  dépendaient 
po\ir  agir,  si  l'Etre  suprême  pouvait  les  en 
empêcher,  il  était  responsable  de  tout  le  mal 
produit  par  ces  agents  secondaires ,  el  leur 
action  prétendue  ne  servait  de  rien  pour 
espliiiuer  l'origine  du  mal.  S'ils  étaient 
indépendants,  ils  bornaient  donc  la  puissance 
de  l'Etre  suprême;  ils  y  mettaient  obstacle, 
ils  étaient  plus  puissants  que  lui,  et  l'on  ne 
voit  plus  en  quel  sens  on  peut  l'appeler 
YEtre  suprême.  Tout  ce  système  était  inutile 
et  absurde.  —  Eusèbe  et  Théodoret  nous 
apprennent  que  les  sévériens  admettaient  la 
loi,  les  prophètes  et  les  Evangiles;  qu'ils 
rejetaient  les  Actes  des  apôtres  el  les  Lettres 
de  saint  l'aiil.  Saint  Augustin  dil  qu'ils 
rejetaient  l'Ancien  Testament,  et  qu'ils 
niaienl  la  résurrection  de  la  chair,  quoique 
la  pluparl  des  encratiles  pensassent  autre- 
ment. Cela  prouve  qu'il  n'y  avait  rien  de  fixe, 
de  constant,  d'uniforme  parmi  ces  sectaires, 
non  plus  que  parmi  les  autres  hérétiques; 
chacun  d'eux  dogmatisait  à  son  gré. 

Il    ne    faut    pas    confondre   ces    sévériem 


469 


sm 


du  ir  siècle  avec  les  partisans  de  Sévérm  , 
patriarche  d'Antioche,  qui,  au  vr  siècle, 
forma  un  parti  considérable  parmi  les  euty- 
chiens  on  monophysites.  Fojr.  Ekcratites  , 

EUTVCHIENS. 

SKXAGftSlMK.  Yoy.  SiîPTUAGfesiMB. 

SEXTI''.  Yoij.  IIkuuks  canoniales. 

SIBYLLES,  prophélessps  que  l'on  snp- 
pose  avoir  vécu  dans  le  p;ig;anisme,  el  avoir 
cependant  pn'dit  la  venue  de  Jésus-Christ 
el  l'élahlisscmont  du  christianisme,  leurs 
prétendus,  oracles  ,  composés  en  vers  grecs , 
sont  appelés  oracles  sibijllins.  Ce  que  nous 
allons  en  dire  v^i  tiré,  pour  la  plus  grande 
partie,  li'un  Mémoire  de  V Académie  des  Inscrip- 
tions, lom.  XXIH,  ùi-i";  t.  XXXVIll,  m-i2, 
composé  par  M.  Frérel,  sur  les  recueils  de 
prédiclions,  etc.  Cette  collection  est  divisée 
en  huit  libres;  elle  a  été  imprimée  pour  la 
première  fois  en  15'i3  sur  des  manuscrits  , 
el  publiée  plusieurs  fois  depuis  avec  d'am- 
ples commentaires.  Les  ouvrapcs  composés 
pour  el  contre  r.uillienticité  di-  ces  livres 
sont  en  très-grand  nombre  ;  quelques-uns 
sont  très-savants,  mais  écrits  avec  peu  d'or- 
dre et  de  critique.  Fabricius  ,  dans  le  pre- 
mier livre  de  sa  Bibliothèque  grcctjue,  en  a 
donné  une  espèce  d'analyse,  à  laquelle  il  a 
joint  une  notice  assez  détaillée  des  huil  livres 
sibyllins.  Après  de  longues  discussions  il  est 
demeuré  certain  que  ces  prétendus  oracles 
sont  supposés,  el  nu' ils  ont  été  furgés  vers 
le  milieu  du  u'  siècle  du  christianisme  par 
un  ou  par  plusieurs  auteurs  qui  l'aisaient 
profession  de  notre  religion;  mais  il  est  pro- 
bable qui!  d'autres  y  ont  fait  des  interpola- 
lions,  cl  qu'il  y  en  a  eu  plusieurs  recueils 
qui  n'étaient  pas  entièrement  conformes. 

On  sait  iiu'avant  le  chrislianisuie  il  y  avait 
eu  à  Rome  nu  recueil  d'oracles  sibyllins, 
ou  de  prophéties  concernant  l'empire  ro- 
main ;  il  y  en  avait  eu  môme  dans  la  Grèce 
du  len)ps  d'Arislote  el  de  i'ialon;  raiis  les 
uns  ni  les  autres  n'avaient  rien  de  commun 
avec  ceux  qui  ont  paru  sous  le  christianisme  : 
Celui  qui  a  composé  ces  derniers  s'est  [iroposé 
i'imiter  les  anciens ,  el  de  faire  croire  que 
tous  étaient  de  la  mémo  date  ,  pour  leur 
donner  ainsi  du  crédit;  mais  la  différence 
est  aisée  à  démontrer.  1'  Les  oracles  sibijllins 
modernes  sonl  une  compilation  informe  de 
morceaux  détachés,  les  uns  dogmatiques , 
cl  les  autres  propliéliqnes,  mais  toujouis 
écrits  après  les  événements ,  e!  charges  d' 
détails  fabuleux  ou  très-incertains.  2°  lis 
sont  écrits  dans  un  dessein  diamétraicneni 
opposé  à  celui  qui  a  dielé  les  vers  sibyllins, 
que  l'on  gardait  .1  Rome.  (>eux-ci  prescri- 
vaient les  sacrifices,  les  cérémonies,  les 
lêles  qu'il  fallait  ob'-erver  pour  apaiser  li> 
courroux  des  dieux  lorsqu'il  arrivait  ijuclque 
événement  sinistre.  Le  recueil  moderne  ,  au 
contraire,  est  rempli  de  déclamations  contre 
le  polythéisme  et  contre  l'idolâtrie  ,  el  par- 
tout on  y  établit  ou  l'on  y  su[>pose  1  unité  de 
Dieu.  II  n'y  a  presque  aucun  de  ces  mor- 
ceaux qui  ail  fiu  sortir  de  la  pluie.e  d'un 
païen  ;  quelques-uns  peuvenl  avoir  clé  fails 
par  des  juifs,  mais  le  plus  grand  nombre 


SIB  470 

res;iirent  le  christianisme,  et  sont  l'ouvrage 
des  hérétiques.  3°  Selon  le  témoignage  de 
Cicéron,  les  vers  des  sibylles  conservés  à 
Rome,  el  ceux  qui  avaient  cours  dans  la 
Grèce,  étaient  des  prélictions  vagues, 
conçues  dans  le  stylo  des  oracles,  applicables 
à  tous  les  temps  el  à  tous  les  lieux  ,  et  qui 
pouvaient  s'ajuster  aux  événements  les  plus 
opposés.  Au  conlraire,  dms  la  nouvelle 
collection,  tout  est  si  bien  circonstancié,  que 
l'on  ne  peut  se  méprendre  aux  faits  que 
railleur  voulait  indiquer,  k-  Les  anciens 
élaieiii  écrits  de  telle  sorte,  qu'en  réunis- 
sant les  lettres  initiales  des  vers  de  chaque 
aniele,  on  y  retrouvait  le  premier  vers  de 
ce  même  article;  rien  de  semblable  n'esl 
dans  le  nouveau  recueil.  L'acrostiche  inséré 
dans  le  huitième  livre,  et  (|ui  est  tiré  du 
discours  de  Constantin  au  concile  de  Nicée , 
est  d'une  espèce  dilTérenle;  il  consiste  eu 
Ircnle-qu.iire  vers,  lionl  les  lettres  initiales 
forment  le 'loToûf  Kpirvà; ,  o-oO  n.ôç ,  lur-np, 
a-cmpôç,  mais  ces  mots  ne  se  trouvent  point 
dans  le  premier  vers.  5'  La  plupart  des 
choses  que  contiennent  les  nouveaux  vers 
sibyllins  n'ont  pu  être  écrites  que  par  un 
chrétien  ou  par  un  homme  qui  avait  lu 
l'histoire  de  Jésus-Chrisf  dans  les  Evangiles. 
Dans  un  endroit  l'auteur  se  dit  enfant  du 
Christ;  il  assure  ailleurs  que  le  Christ  est  le 
Fils  du  Très-Haut;  il  désigne  son  nom  par 
le  nombre  88S,  valeur  numérale  des  lettres 
du  mot  'lyiTOJ,-  dans  l'alphabet  grec.  6»  Dans 
le  cinquiéiiie  livre,  les  empereurs  Anlonin, 
Marc-Aiirèle ,  el  Luciiis  Vérus  sonl  claire- 
ment indiqué^;  d'où  l'on  conclut  que  celte 
couipilalion  a  été  faite  ou  achevée  entre  les 
années  l.'ÎS  et  lli7;  d'antres  disent  entre  169 
el  177.  lille  renferme  encore  d'autres  remar- 
ques clir  inologi({(ies  qui  nous  indiquent 
C'Ile  même  époque. 

Josèphe,  dan^ses  Antiquités  judaïques,l.\\ , 
r.  16,  ouvrage  composé  vers  la  treizième 
année  de  Domilien  ,  l'an  93  de  notre  ère, 
cite  des  vers  de  la  sibylle,  (ui  elli>  parlait  de 
la  tour  de  Babel  et  de  la  confusion  des  lan- 
gues, à  peu  près  comme  dans  la  Genèse;  il 
faut  donc  (lu'à  cette  époque  ces  vers  aienl 
déjà  passé  pour  aniiens,  puisque  l'historien 
juif  les  elle  en  confirmation  du  récit  de 
Moïse.  De  là  il  résulte  déjà  que  les  chrétiens 
ne  sont  pas  les  premiers  auteurs  de  la  sup- 
position des  oracles  sibyllins.  Ceux  qui  sonl 
ciiés  par  saint  Justin,  [iir  saint  Tiiéophile 
d'.Anlioche,  par  Cleiiu  ni  d'Alexandrie  cl 
par  d'antres  l'ères ,  ne  se  trouvent  point  dans 
notre  recueil  moderne,  el  ne  portent  point 
le  caractère  du  christianisme;  ils  peuvenl 
donc  être  l'ouvragi'  d'un  juif  platonicien. 
Lorsque  l'on  Gl  sous  .Marc-Aurèle  la  com- 
pilation de  ceux  que  nous  avons  à  présent, 
il  y  avait  déjà  du  temps  que  ces  préieudus 
oracles  avaient  acquis  un  certain  crédit 
parmi  les  clirelicns.  Celse,  qui  é<  rivait  qua- 
rante ans  auparavant  sous  Adrien  el  ses 
s^cees^enrs  ,  parlant  des  différentes  sectes 
qui  pariageaienl  les  c'iréliens,  supposait 
une  secte  de  sibyllisles.  Sur  quoi  Origène 
observe.   I.   v,    u.   Gi,   qu'à   la  vérité  ceux 


471 


SIB 


d'enire  les  chrétiens  qui  ne  voulaient  pas 
regarder  la  sibylle  comme  une  prophétesse, 
désignjiient  par  ce  nom  les  partisans  de 
l'opinion  contraire,  mais  qu'il  n'y  eut  jamais 
une  SI  cte  particulière  de  sibylUsles.  Celse 
reproche  encore  aux  chrétiens,  1.  vu,  n.  55, 
d'avoir  corrompu  le  texte  des  vers  fibyllins, 
et'd'y  avoir  mis  des  blasphèmes.  Il  entendait 
par  là  sans  doute  les  invectives  contre  le 
polythéisme  et  contre  l'iilolâtrie;  mais  il  ne 
les  accuse  pas  d'avoir  forgé  ces  vers.  Origène 
répond  en  défiant  Celse  de  produire  d'anciens 
exemplaires  non  altérés.  Ces  passages  de 
Celse  et  d'Origène  semblint  prouver,  1°  que 
l'authenticité  de  ces  prédictions  n'était  point 
alors  mise  en  question  ,  et  qu'elle  était  éga- 
lement supposée  par  les  païens  et  pjir  les 
chrétiens;  2°  que  parmi  ces  derniers  il  y  en 
avait  seulement  quelques-uns  qni  regar- 
daient les  dbylles  comme  des  prophétes^es , 
et  que  les  autres,  blâmant  celte  simplicité, 
les  nommaient  les  sibylUsles.  Ceux  qui  ont 
avancé  que  les  païens  donnaient  ce  nom  à 
tous  les  chrétiens,  n'ont  pris  le  vrai  sens  ni 
du  reproche  de  Celse  ni  de  la  ré()onse  d'Ori- 
gène. C'est  l'erreur  dans  laquelle  est  tombé 
l'auteur  d'un  antre  mémoire,  dont  l'extrait 
se  trouve  dans  VlJtst.  de  l'Acad.  des  Inscrip.^ 
tom.  Xlll,  ni-12,  p.  150;  il  dit  que  les  païens 
s'aperçurent  de  la  supposition  des  vers  sibyl- 
lins; qu'ils  la  reprochèrent  aux  premiers 
apologistes,  et  qu'ils  leur  donnèrent  le  nom 
de  sibylUsles.  Ces  trois  faits  sont  également 
faux.  On  ne  pouvait  leur  reprocher  rit  n 
autre  chose  que  de  citer  une  collection  de 
ces  oracles  différente  de  celle  qui  était  gar- 
dée à  Rome  par  les  pontifes;  mais  il  n'est 
jamais  venu  à  l'esprit  de  personne  de  les 
comparer  pour  voir  en  quoi  consistait  la 
différence. 

Peu  à  peu  l'opinion  favorable  aux  sibylles 
devint  plus  commune  parmi  les  chrétiens. 
On  employa  ces  vers  dans  les  ouvrages  de 
controverse  avec  d'autant  plus  de  confiance, 
que  les  païens  eux-mêmes  qui  reconnais- 
saient les  sibylles  \)Our  des  femmes  inspirées, 
se  retranchaient  à  dire  que  les  chrétiens 
avaient  falsiûé  leurs  écrits  :  question  de  fait 
qui  ne  |-ouvait  être  décidée  que  par  la  com- 
paraison des  différents  manuscrits.  Constan- 
tin était  le  seul  qui  eût  pu  faire  cette  con- 
frontation, puisque,  pour  avoir  permission 
de  lire  le  recueil  conservé  à  Uome,  il  fallait 
un  ordre  exprès  du  sénat.  H  n'est  donc  pas 
étonnant  que  saint  Justin ,  saint  Théophile 
d'Antioche  ,  Athéiiagore  ,  Clément  d'Alexan- 
drie, Lactance,  Constantin  dans  son  dis- 
cours au  concile  de  Nicée,  Sozomène  ,  etc., 
aient  cité  les  oracles  sibyllins  aux  pa'ens, 
sans  craindre  d'être  convaincus  d'imposture; 
il  y  eu  avait  un  recueil  i]ui  était  plus  ancien 
qu'eux.  Comme  les  auteurs  de  ces  oracles 
supposaient  la  spiritualité,  l'infinité,  la 
touie- puissance  du  Dieu  suprême,  que 
plusieurs  blâmaient  le  culte  des  intelligences 
inférieures  et  li'S  s.icrifices  ,  et  scmhlaient 
faire  allusion  à  la  trinité  platonicienne,  les 
auteurs  chrétiens  crurent  qu'il  leur  était 
permis  d'alléguer  aux  païens  celle  oulorité 


SIB  472 

qu'ils  ne  contestaient  pas,  et  de  les  battre 
ainsi  par  leurs  propres  armes.  Nous  conve- 
nons que,  pour  en  prouver  l'authenticité, 
les  Pères  alléguaient  le  témoignage  de  Cicé- 
ron  ,  de  Varron  et  d'autres  anciens  auteurs 
païens,  sans  s'informer  si  le  recueil  cité  par 
les  anciens  était  le  mémo  que  celui  que  les 
Pères  avaient  entre  les  mains,  sans  exami- 
ner si  celui-ci  é'ait  fidèle  ou  interpolé; 
mais,  puisque  cet  examen  ne  leur  était  pas 
possible,  nous  ne  voyons  pas  en  quoi  les 
Pères  sont  répréhensibles.  Les  règles  de  la 
critique  étaient  alors  peu  connues;  à  cet 
égard  les  plus  célèbres  philosophes  du  paga- 
nisme n'avaient  aucun  avantage  sur  le 
commun  des  auteurs  chrétiens.  Plutarque, 
malgré  le  grand  sens  qu'on  lui  attribue  ,  ne 
paraît  jamais  occupé  que  de  la  crainte 
d'omettre  quelque  chose  de  tout  ce  que  l'on 
peut  dire  de  vrai  ou  de  faux  sur  le  sujet  qu'il 
traite.  Celse,  Pausanias,  Philostrate,  Por- 
phyre, l'empereur  Julien,  etc.,  n'ont  ni  plus 
de  critique  ni  plus  de  méthode  que  Plutarque. 
Il  y  a  de  l'injustice  à  vouloir  que  les  Pères 
aient  été  plus  défiants  et  plus  circonspects. 
Comme  la  nouveauté  de  la  religion  cliré- 
tienne  est  un  des  reproches  sur  les(iuels  les 
païens  insistaient  le  plus,  parce  que  cette 
espèce  d'argument  est  à  portée  du  peuple, 
c'est  aussi  celui  que  nos  apologistes  ont  le 
plus  d'ambition  de  détruire.  Pour  cela  ils  ont 
allégué  non-seulement  des  morceaux  du 
faux  Orphée,  du  faux  Musée,  et  des  oracles 
sibyllins,  mais  encore  des  endroits  d'Homère, 
d'Hésiode  et  des  autres  poètes,  lorsqu'ils  ont 
paru  contenir  quelque  chose  de  semblable 
à  ce  qu'enseignaient  les  chrétiens.  L'usage 
que  les  philosophes  faisaient  alors  de  ces 
mêmes  autorités  rendaient  cette  façon  de 
raisonner  tout  à  fait  populaire,  et  par  cod- 
séquent  très-utile  dans  la  dispute.  Aujour- 
d'hui de  fâcheux  censeurs  en  blâment  les 
Pères;  mais  eux-mêmes  ne  se  font  pas  scru- 
pule d'observer  la  même  méthode,  puisqu'ils 
nous  objectent  souvent  des  lambeaux  tirés 
des  auteurs  pour  lesquels  nous  avons  le 
moins  de  respect.  —  Lorsque  le  christia- 
nisme fut  devenu  la  religion  dominante,  on 
fit  beaucoup  moins  d'usage  de  ces  sortes  de 
preuves;  Origène,  Tertullien,  saint  Cyprien. 
Minutius  Félix  ,  n'ont  point  allégué  le  témoi- 
gnage des  sibylles;  Eusèbe,  dans  sa  Prépara- 
tion évangélique ,  où  il  montre  beaucoup 
d'érudition,  ne  le  cite  que  d'après  Josèphe; 
lorsqu'il  rapporte  quelques  oracles  favora- 
bles aux  dogmes  du  cliristi/inisme  ,  il  les 
emprunte  toujours  de  Porphyre ,  ennemi 
déclaré  de  notre  religion.  La  manière  dont 
saint  Augustin  parle  de  ces  sortes  d'argu- 
ments, montre  assez  ce  qu'il  en  pensait. 
«  Les  témoignages ,  dit-il ,  que  l'on  prétend 
avoir  été  rendus  à  la  vérité  par  la  sibylle, 
par  Orphée  et  par  les  autres  sages  du  paga- 
nisme que  l'on  veut  avoir  parlé  du  Fils  de 
Dieu  et  de  Dieu  le  Père,  peuvent  avoir  quel- 
que force  pour  confondre  l'orgueil  des  païens; 
mais  ils  n'en  ont  pas  assez  pour  donner  quel- 
(lus  autorité  à  ceux  dont  ils  portent  le  nom.  » 
Contra  faust.,  1.  xv»  c.  15.  Dons  la  Citi!  de 


473 


SIB 


SIB 


474 


Dieu  ,  I.  XVIII,  c.  4-7,  il  convient  qne  tou(cs 
ces  prédictions  attribuées  auK  païens  peu- 
vent à  la  rigueur  être  rej^arcjées  comme 
l'ouvrage  des  chrétiens,  et  il  conclut  que 
ceux  qui  veulent  raisonner  juste  doivent 
s'en  tenir  aux  prophéties  tirées  des  livres 
conservés  par  les  juifs  nos  ennemis. 

Les  controverses  agitées  dans  les  deux 
derniers  siècles  sur  l'autorité  de  la  tradition, 
ont  jeté  les  critiques  dans  deux  extrémités 
opposées.  Les  protestants,  dans  la  vue  de 
détruire  la  force  du  téinoigna;;e  que  portent 
les  l'ères  touchant  la  croyance  de  leur  siè- 
cle, ont  exagéré  les  défauts  de  leur  manière 
de  raisonner,  la  faiblesse  e(  même  la  faus- 
seté de  quelques-unes  des  preuves  qu'ils 
emploient  ;  plusieurs  catholiques  au  con- 
traire se  sont  persuadés  que  c'en  serait  fait 
de  l'autorité  des  Pères  lorsqu'ils  déposent  do 
ce  que  l'on  croyait  de  leur  temps,  si  on  ne 
SDUtennit  pas  la  minière  dont  ils  ont  tr;iilé 
des  questions  indilTéreiites  au  fond  de  la  re- 
ligion. Consé(iuemment  ils  ont  défendu  avec 
chaleur  dc'i  opinions  dont  les  Pères  eux- 
n)èmes  n'étaient  peut-être  pas  trop  persua- 
di  s,  mais  desquelles  ils  ont  cru  pouvoir  se 
servir  contre  les  païens,  comme  d'un  argu- 
mi'iil  personnel;  telle  parait  avoir  été  celle 
du  surnaturel  des  oracles.  Cela  n'est  certai- 
nement pas  nécessaire  pour  conserver  à 
l'enseignement  dogmatique  des  Pères  tout  le 
poids  qu'il  doit  avoir. 

Mais  comment  excuser  la  témérité  des 
protestants,  qui,  pour  rendre  raison  de  la 
nuiltitiiile  des  livres  sup|)osés  dans  le  ic  et 
le  ur  siècle  de  l'Eglise,  ont  dit  que,  suivant 
le  sentiment  commun  des  anciens  Pères,  il 
était  permis  de  se  servir  de  mensonges, 
d'impostures,  de  fraudes  pieuses,  pour  éta- 
blir la  vérité,  qu'ils  ont  suivi  ce  principe 
dans  le»  disputes  qu'ils  ont  eues  avec  les 
païens  ;  qu'ils  l'avaient  puisé  chez  les  Egyp- 
tiens et  dans  les  leçons  des  philosophes  de 
l'école  d'Alexandrie?  Déjà  nous  avons  réfuté 
celle  calonuiic  dans  les  articles  Economie  et 
FuAiDE  PIEUSE,  avec  toutes  les  preuves  dont 
les  protestants  veulent  l'éiayer;  mais  ils  la 
répètent  si  souvent  et  avec  lant  de  confian- 
ce, que  l'on  ne  peut  trop  la  détruire.  1  "  Nous 
ne  concevons  pas  comment  des  maîtres  qui 
auraient  l'ait  professiim  de  tromper  leurs 
disciples  et  leurs  auditeurs,  auraient  trouvé 
quelqu'un  qui  voulût  les  écouter  :  à  tout  ce 
qu'ils  auraient  pu  dire  pour  persuader,  on 
aurait  été  en  droit  de  repondre  :  Vous  ne 
vous  faites  point  de  scrupule  de  mentir,  de 
forger  des  faits,  des  dogmes,  des  livres  ;  ou 
ne  peut  et  on  ne  doit  pas  vous  croire.  Si  les 
Pères  avaient  été  dans  ce  principe,  il  serait 
étonnant  qu'aucun  des  héréiii|ues  contre 
lesquels  ils  ont  disputé  ne  leur  eût  fait  cette 
réponse.  Nous  n'eu  voyons  cependant  au- 
cune trace  dans  les  anciens  monumenis.  — ■ 
2*  Il  serait  tout  aussi  étonnant  que  les  Pères 
(le  l'Eglise,  en  disputant  contre  les  philoso- 
phes, eussent  eu  le  front  de  leur  reprocher 
un  caractère  fourlie  et  imposteur ,  s'ils 
a  valent  clé  eux-mêmes  infectés  de  ce  vice, 
cl  si  on  avait  pu  les  convaincre  de  quelque 


supercherie.  Nous  défions  leurs  accusalr urs 
de  citer  aucun  fait  duquel  il  résulte  qu'un 
des  Pères  ou  un  de  nos  apologistes  a  pu  être 
convaincu  d'une  imposture. —  3°  La  con- 
fiance avec  laquelle  plusieurs  ont  cité  les 
fibi/lles  ne  prouve  rien  ;  un  argument  per- 
sonnel ou  ud  hominem  fait  aux  païens,  ne 
sera  jamais  regardé  par  les  hommes  sensés 
comme  un  trait  de  mauvaise  foi.  Les  païens 
se  vantaient  d'avoir  des  oracles  pour  le 
moins  aussi  respectables  que  les  prophéties 
des  Hébreux  ;  Celse,  dans  Or'ujène  ,  I.  vu, 
n.  3;  .lulien,  dans  saint  Cyrille,  1.  vi,  p.  lOl, 
198,  citent  nommément  ceux  delà  sibylle; 
le  recueil  de  ces  derniers  était  connu  par- 
tout. Les  Pères  profilent  de  ce  préjugé,  sans 
examiner  s'il  est  vrai  ou  faux  ;  ils  font  voir 
aux  païens  que  ces  oracles  sont  favorables 
au  christianisme  ;  où  sont  ici  la  dissimula- 
lion,  l'imposture,  la  mauvaise  foi,  les  frau- 
des pieuses  ? —  4°  Ce  sont  des  chrétiens, 
nous  réplique-l-on,  qui  ont  forgé  ces  ora- 
cles :  voilà  la  fourberie.  D'abord  Celse,  qui 
pouvait  mieux  le  savoir  que  nos  critiques 
modernes,  accuse  seulement  les  chrétiens  de 
les  avoir  inlerpolés  et  d'y  avoir  mis  des  blas- 
phèmes ;  il  ne  les  soupçonne  pas  d'en  être 
les  premiers  auteurs.  Eu  second  lieu,  qui 
sont  ces  chrétiens  ?  Sonl-ce  les  Pères  eux- 
mêm<'S,ou  leurs  disciples,  ou  les  hérétiques? 
Nous  soutenons  que  ce  sont  les  gnosiiques, 
et  nous  le  prouvons,  1'  parce  que  c'étaient 
des  pbiio-ophes  sortis  de  l'école  d'Alexan- 
drie, et  qui  conservaient  sous  l'écorce  du 
clirislianisiiie  le  caractère  fourbe  et  menteur 
des  philosophes  ;  2°  parce  que  les  Pères, 
surtout  Origènc,  leur  ont  reproché  la  har- 
diesse avec  laquelle  ils  forgeaient  de  faux 
ouvrages  ;  Moslieim  lui-même  est  convenu 
de  leurs  impostures  en  ce  genre,  et  Beauso- 
bre  en  a  cité  plusieurs  exemples  ;  3°  parce 
qu'il  est  incroyable  que  les  Pères  aient 
poussé  l'audace  jusqu'à  produire  en  preuve 
du  christianisme  de  fausses  pièces  dont  ils 
auraient  été  eux-mêmes  les  fabricaleiirs,  ou 
dont  ils  auraient  connu  l'origine.  Ce  sont 
donc  nos  adversaires  eux-mêmes  qui  se 
rendent  coupables  de  fraude,  lorsqu'ils  met- 
tent la  supposition  des  oracles  sibyllins  sur 
le  compte  des  chrétiens  en  général,  sans  dis- 
tinction, afin  de  donner  à  entendre  que  les 
Pères  en  ont  été  ou  les  partisans  ouïes  com- 
plices, o"  Une  autre  affectation  qui  ressem- 
ble beaucoup  à  la  mauvaise  foi,  est  de  coii- 
fomlre  les  différents  recueils  de  vers  sibyllins, 
au  lieu  qu'il  faut  en  distinguer  au  moins 
trois.  Le  premier  est  celui  que  l'on  gardait 
à  Home  dans  la  base  de  la  statue  d'.\pollon 
Palatin  ;  les  Pères  n'ont  pas  pu  le  voir,  puis- 
qu'il fallait  pour  cela  un  décrut  du  sénat,  et 
qu'il  était  défendu  de  le  lire  sous  peine  de 
mort  :  saint  Justin,  ApoL  1,  n.  44.  .\urélien 
fit  consulter  les  vers  fibyllins  l'an  270,  Ju- 
lien l'an  363,  sur  son  expédition  contre  les 
Perses;  on  les  consulta  encore  ran3G3,  sous 
le  règne  d'Honorius  ;  nous  ne  savons  pas  si 
ces  vers  étaient  les  mêmes  que  ceux  (jui 
avaient  eu  cours  dans  la  Grèce  du  temps 
d'Arislote  et  de  Platon,   ils  n'étaient  cepeii' 


ilh 


SIB 


SiM 


47  fi 


(lant  pas  absolument  inconnus  au  public  , 
puisque  Cicéion  en  a  expliqué  la  strucinro, 
el  N'irjçile  paraît  rn  avoir  tiré  ce  qu'il  a  dit 
dans  sa  quatrième  églogne  touchant  l'arri- 
vée d'un  nouveau  règne  de  S;itunrie,  ou  d'un 
nouveau  siècle  d'or.  C'^  recueil,  fait  par  des 
païens,  renferm;iit-il  d'autres  chnses  favora- 
bles à  la  nligion  chrélicniie  que  ce  l.iblenu 
d'uii  nouveau  siècle,  qui  a  clé  pris  poui'  une 
prédicllon  du  règne  du  Messie?  Nous  n'i'H 
savons  rien  ;  on  ne  peut  former  sur  ce  sujet 
que  des  conjectures. —  La  seconde  colleciion 
des  oracles  sibyllins  est  celle  qui  a  été  ci  ée 
par  Josèplie,  par  saint  Justin  et  par  les  Pères 
du  II"  siècle.  11  n'est  pas  probable  que 
Cl'  fut  la  même  que  celle  de  Rome  ,  puis- 
qu'elle conlenail  des  chose:  qui  paraissent 
avoir  été  tirées  de  l'Ecrilurc  sainte  ,  et  des 
préiliclions  favorables  au  clirislianisme. 
Celle-ci  était  très  connue,  puisque  saint  Jii---- 
lin  dit  qu'elle  se  trouvait  (•arlou!.  11  resie  à 
savoir  si  le  fond  de  ce  recueil  était  le  même 
que  la  collection  de  Rome,  à  laquelle  les 
Juifs  el  les  chrétiens  avaient  fuit  des  inter- 
polalions.  Encore  une  fois,  cela  ne  pouvait 
é(re  coiislalé  que  par  une  exacte  confronla- 
lion  des  exemplaires  ,  el  pirsniiiie  ne  s'est 
avisé  de  faire  cet  examen.  —  Enfin,  l.i  troi- 
sième édition  des  oracles  sibyllins  était  celle 
qui  fut  faite  ou  achevée  sous  le  règne  de 
Marc-Aurèle,  vers  l'an  170  ou  180;  on  n'y 
retrouve  pas  les  endroits  cités  par  nos  an- 
ciens Pèrci  ;  mais  nous  ne  savons  pas  jus- 
qu'à quel  point  elle  était  conforme  ou  dis- 
semblable aux  deux  collections  précédentes, 
en  quel  temps  ni  par  quelles  mains  avaient 
été  faites  les  additions  ou  les  reirancheinents 
que  l'on  aurait  pu  j  remarquer. 

Cela  posé  nous  demandons,  avant  d'allé- 
guer aux  pa'i'ens  le  lénioifçnage  des  livres 
sibyllins,  les  Pères  ont-ils  été  obligés  de 
s'informer  s'il  y  en  avait  divers  exempl.ii- 
res,  si  quelques-uns  avaient  été  falsifiés,  (]m 
étaient  les  auteurs  do  la  fraude,  etc.  ?  el 
doit-on  les  taxer  de  manvai.se  foi  pour  ne 
l'avoir  p:is  fait  ?  Psul-êtr>'  qu'entre  dix  co- 
pies de  ces  prétendus  oracles,  il  n'y  en  avait 
pas  deux  qui  fussetit  conlbnnes.  Mais  Blon- 
del  el  les  autres  critiques  protestants  ont 
tout  confondu  afin  de  calomnier  les  Pères 
plus  commodément,  ^■oyez  Codex  Can. 
Ecoles,  primil.  illustmltts  a  Bevcregio,  c.  14, 
n.  4  el  seq.  ;  PI'.  Aposl.,  l.  ii,  part,  ii,  p. 
58;  Mosheim,  Hist.  christ.,  .ssec.  n,  §7,  etc. 
—  6*  Nous  avons  déjà  remarqué  ailleurs  que 
les  apôtres  du  proleslaulisme  on?  été  beau- 
coup moins  scrupuleux  que  les  Pères  de 
l'Eglise  ;  pour  exciter  la  haine  des  peuples 
contre  l'Eglise  romaine,  il  n'est  pas  de  fa- 
bles, de  calomnies,  de  faits  scandaleux, 
d'erreuis  grossières,  qu'ils  ne  soient  allés 
chercher  dai)s  les  écrivains  les  plus  sus- 
pects ou  les  plus  ignorants,  el  qu'ils  n'aicni 
déhités  avec  confiance  comme  des  choses 
incontestables.  Tons  les  jours  encore  nous 
prenons  leurs  successeurs  en  flagrant  d;lll  ; 
c'est  une  contagion  qui  subsiste  toujours 
parmi  eux,  et  ils  se  flattent  de  la  cacher  en 


prolestant  toujours  une  exacte  impartialité, 
lors  même  qu'ils  calomnient  les  Pères. 

SIDOINE  APOLLiNAlKE,  évêque  de  Cler- 
monl  en  Auvergne,  mort  l'an  482,  fut  célè- 
bre dans  le  V  siècle,  par  sa  naissance  qui 
était  trèS' illustre,  par  ses  talents  pour  la 
poésie  el  pour  l'éloquence,  et  pins  encore 
par  ses  vertus.  11  reste  de  lui  un  recueil  de 
poèmes  sur  divers  sujets,  dont  le  plus  grand 
nombre  a  été  composé  avant  son  épiseopat, 
et  neuf  livres  de  lettres.  On  lui  reproche  de 
l'afîectaiion,  de  l'enflure  et  de  l'obscurité 
d.iiis  son  style;  mais  il  nous  a  conservé  plu- 
sieurs faits  de  l'histoire  civile  et  ecclésiasti- 
que que  l'on  ne  trouve  point  ailleurs  ;  et  on 
peut  le  regarder  comme  un  évêque  très-ins- 
truit de  la  tradition.  La  meilleure  édition  de 
ses  OF.uvrcs  esl  celle  qu'a  donnée  le  P. 
Sirmond  l'an  1632,  in-4°.  II  a  élé  placée  juste 
litre  au  rang  des  saints,  et  l'Eglise  gallicane 
l'a  toujours  regardé  comme  un  de  ses  prin- 
ci[:aux  ornements. 

SlÉr.K,  ÉVÊCHÉ.  Vny.  Évêque. 

SlÉCiE  (saint).  Fo)/.  Églisk  lunuiNE. 

SIGNE  DE  LA  CHOIX,    loy.  Croix. 

SIGNIFICATIFS.  Quelques  auteurs  ont 
ainsi  nommé  les  sacramenlaires,  parce  qu'ils 
enseigneat  que  l'eucharistie  est  un  simple 
signe  du  corps  de  Jésus-Christ.  Yoy.  Sacra- 

MENTAIBES. 

SILVESÏRERI  ou  SILVESTRINS  ,  reli- 
gieux institués  l'an  1231,  par  saint  Silvestre 
tiozzollni ,  dans  la  Marche  d'Ancôno,  sous 
l'étroite  observance  de  la  règle  de  saint  Be- 
noît. Gel  ordre  fut  approuvé,  l'an  1248,  par 
le  pape  Innocent  IV. 

SIMON  (saint),  apôtre,  surnommé  le  Cha- 
nanéen  ou  le  Zélé,  pour  le  distinguer  de 
Simon  fils  de  Jean,  qui  est  saint  Pierre.  Nous 
ne  savons  rien  de  certain  sur  les  travaux  ni 
sur  la  mort  de  ces ainl  apôtre,  et  il  n'a  rien 
laissé  par  écrit. 

Sl.ViONIE,  crime  qui  se  commet  lorsqu'on 
donne  ou  (|ue  l'on  promet  une  chosi'  tem- 
porelle, comme  prix  ou  récompense  d'une 
chise  spirituelle,  telle  que  les  sacrements, 
les  prières  de  l'Eglise,  les  bénéfices,  la  pro- 
fession religieuse,  etc.  Dans  ce  cas  celui  qui 
donne  el  celui  qui  reçoit  sont  également 
coupables.  En  eflel,  Jésus  Christ  parlant  à 
ses  apôtre^  des  dons  surnaturels  qu'il  leur 
accordait,  leur  dit  :  Vous  les  avez  reçus  gra- 
luitemenl,  donnez-les  de  même  {Mallli.  i,  8). 
Simon  le  Magicien,  témoin  de  ces  mêmes 
dons  (]0e  répandaient  les  ap  4res,  leur  ofl'rit 
de  l'argent  pour  qu'ils  lui  conférassent  aussi 
le  pouvoir  (le  donfier  le  Saint-lispril.  Que 
ton  argent  périsse  avec  toi,  lui  répondit  saiiii 
Pierre,  piiist/uc  lu  n<  ru  que  le  don  de  Dieu 
t'ac(iuéraii  pour  de  l'argent  (Act.  viii,  i8). 
C'est  l'a\eugiemenl  de  cet  impie  qui  a  fait 
donner  au  crime  dont  nous  parlons,  le  no  n 
de  simonie.  Saint  Paul  f  lii  remarquer  aux 
fidèles  qu'il  leur  a  prêché  l'Evangile  gra- 
luilemenl,  sans  en  espérer  aucun  avantage 
temporel,  H  Cor.,  c.  xi,  v.  7.  Le  crime  de 
la  simonie  consiste  en  ce  que  l'on  met,  pour 
ainsi  dire,  une  chose  temporelle  sur  la  ba- 
lance avec  une  chose  spirituelle,  qui  est  un 


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don  de  Dieu  ;  Von  regarde  l'une  comme  l'*'»- 
quiviilonl  do  l'/iutre,  puisque  l'on  si-  sert  de 
l'une  pour  obtenir  ou  pour  compenser  l'au- 
tre ;  c'est  one  profanation.  —  Oinime  dans 
un  i)('Miénce,  le  droit  de  percevoir  un  retenu 
est  essentiellement  atlachr  à  une  fonction 
sainte,  ne  fùl-ce  que  de  prier  Dieu,  le  firoil 
au  revenu  ne  peut  être  délaché  de  la  fonc- 
tion ;  l'on  ne  peut  acheter  ou  vendre  l'un 
sans  acheter  ou  vendre  l'autre;  toute  con- 
vention ou  promesse,  toute  espérince  don- 
née expressément  ou  tacitement  d'obtenir  un 
bénéfice  par  le  moyen  d'un  av.inlap^o  tempu- 
rel,  ou  au  contraire,  sontce!iséssi/non(fi'///e.s'. 
C'est  aux  canonistes  plutôt  qu'aux  lliéolo- 
giens  de  traiter  des  dilTcrentes  espèces  de 
simonie,  des  diverses  manières  dont  on  peut 
la  commettre  ,  des  peines  aKachées  à  ce 
crime,  etc.  Il  nous  suffit  d'oi)server  que  ce 
désordre  étant  proscrit  par  la  loi  naturelle 
qui  nous  oblige  à  respecler  tout  ce  qui  a 
rapport  au  culte  divin  ,  par  la  loi  divine 
positive  sortie  de  la  bouche  de  .Icsus-("hrist, 
et  par  les  lois  de  l'Egli^^e  sous  les  peines  les 
plus  sévères,  l'usiige,  la  (outume,  les  pré- 
textes, les  tournures,  les  sopliismes  par  les- 
quels on  vient  à  bout  de  le  pallier,  ne 
peuvent  en  diminuer  la  lurpitude.  N'ou- 
blions pas  néanmoins  que  Jésus-Christ,  qui 
a  commandé  à  ses  apôtres  d'accorder  gra- 
tuitement les  choses  saintes,  leur  a  dit  que 
tout  ouvrier  est  digne  de  sa  nourriture, 
MaUft.,  c.  X,  V.  10.  Saint  Paul  a  répéic  la 
même  chose,  /  Cor.,  c.  ix,  v.  k  ;  /  Tim.,  c.  v, 
V.  18.  Ainsi  l'honoraire  que  l'on  donne  à 
un  ministre  de  l'Eglise  pour  les  fonctions 
qu'il  remplit,  n'est  point  censé  un  achat,  un 
prix  ou  une  récompense  de  ces  fonctions 
saintes,  ni  une  compensation  de  leur  valeur, 
ni  le  motif  pour  lequel  il  s'en  acquitte  ;  mais 
c'est  un  moyen  de  sulisistance  légilimemenl 
dû  de  droit  naturel  à  celui  qui  est  occupé 
pour  un  auire,  quelle  que  soit  la  nature  de 
son  occupation.  Ainsi  un  homme  riche  qui 
fonde  un  bénéfice  ou  u  i  m!>iiaslcre,  qui  s,; 
dépouille  d'une  parde  de  ses  biens  pour  ali- 
menter ceux  i>u  celles  qui  prieront  pour  lui, 
n'est  point  simoniaque,  non  plus  que  ces 
derniers,  parce  que  la  subsi.stauce,  la  solde, 
l'honoraire  ne  leur  est  point  aciordé,  et  ils 
ne  le  reçoivent  point  comme  prix  ou  com- 
pensation des  prièies  qu'ils  disent  ou  des 
fonctions  qu'ils  remplissent ,  mais  comme 
une  pension  alimentaire  ou  une  rétributio  i 
qui  leur  est  due  par  justice  à  cause  de  l'oc- 
cupation qui  leur  est  enjointe  ;  tel  est  le 
'sens  de  la  maxime  du  Sauveur  :  L'ouvrier 
est  digne  de  au  nourriture.  De  mène,  on  bé- 
néficier auquel  ou  arcorde  une  pension  ali- 
mentaire sur  le  bénéfice  dont  il  se  démet  , 
n'est  point  censé  pour  cela  vendre  son  béné- 
fice ni  tirer  un  paiement  du  droit  (ju'il  cède 
à  un  autre.  Enfin,  un  moniisière  pauvre  qui 
reçoit  la  dot  d'une  reii;;ieuse  pour  subvenir 
à  sa  subsistance,  ne  pc  il  être  accusé  de 
vendre  la  profession  leligieuse.  .Mais  cette 
faculté  de  receioir  une  dot  n'est  accordée 
aux  monastères  qu'à  litre  de  pauvreté  ;  si 
tel  couvent  est  suffisamment  fondé  el  dolc 


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d'ailleurs  pour  fournir  la  subsistance  à  ton. 
les  les  personnes  qui  y  font  profession,  il 
n'a  plus  le  droit  d'exiger  une  dot  comme 
moyen  nécessaire  de  subsislance. 

Si  ces  principes  avaient  été  connus  d 
r.iulcur  qui  a  donné,  en  1749  el  1757  ,  une 
longue  dissertation  sur  l'honoraire  des  mes- 
ses, il  aurait  mieux  raisonné  ;  il  n'aurait  pas 
décidé,  comme  il  l'a  fait,  que  tout  honoraire 
reçu  pour  d  s  messes  autrement  qu'à  titre 
d'offrande,  que  tous  les  droits  curiaux  per- 
çus pour  des  fonctions  ecclésiastiques,  sont 
si:no7iinqueK  et  illégitimes.  On  voit  qu'il  a 
confondu  eiiseiniile  les  notions' de  prix  ou 
de  paiemeni,  d'honorairi",  de  solde,  de  sub- 
sistance, d'olTr;nde  et  d'auiiiôn{!  ;  nous  en 
avons  fait  voir  la  différence  au  molCAsuEi.. 
H  ne  veut  pas  qu'un  ecclésiastique  dont 
toute  la  fonclio;i  est  de  dire  la  messe  et  de 
réciter  son  bréviaire,  soit  mis  au  nombre  des 
ouvriers  auxquels  l'Kvangile  veu(  que  l'on 
accorde  la  nourriture.  Suivant  cette  grave 
décision,  tous  les  simples  chapelains  et  au- 
môniers sont  condamnés  à  servir  gratuite- 
ment et  sans  aucune  rétribution  ;  tous  ceux 
qui  tirent  les  rétributions  d'un  bénéfice  sim- 
ple, sont  coupables  de  simonie;  tous  les 
religieux  des  deux  sexes  doivent  être  réduits 
à  mourir  de  faira.  Sûrement  ils  appelleront 
de  celle  scnlence  au  tribunal  du  bon  sens  ; 
avani  de  s'exposer  à  de  pareilles  conséquen- 
ces, il  faudrait  y  penser  plus  d'une  fois. 
Vofj.  Casuel. 

l'cniani  le  x""  el  le  xr  siècle  ,  l'Eglise  fut 
déshonorée  parl'audice  avec  laquelle  régnait 
1 1  simonie  dans  l'ivurope  eniière;  on  ne  rou- 
gissait pas  de  vendre  el  d'acheter  publique- 
ment ,  par  des  actes  solennels,  les  évéchés  , 
les  abbayes  et  les  autres  béni'fices  ecclésias- 
tiqu's.  Ce  désordre  fut  toujours  accompagné 
d'un  autre  non  moins  odieux,  du  concubinage 
et  de  l'inconlinence,  des  clercs.  Mais  il  faul 
se  souvenir  que  l'un  et  l'auJri'  furent  une 
sui  le  des  ravages  qu'a  valent  faits  les  Normands 
pendant  le  sic -le  p-écédent  Les  prêtres  et 
les  moines  ,  chassés  de  leurs  demeures,  obli- 
gés de  luir  sans  état  fixe  el  sans  subsislance, 
oublièrent  leur  élat,  t  imbèrent  dans  l'igno- 
rance et  dans  le  dérèglement  des  mœurs.  Les 
seigneurs  to  jours  armés ,  ne  connaissant 
d'autre  loi  que  celle  du  plus  fort,  s'emparè- 
rent des  bénéfices,  les  vendirent  au  plus  of- 
frant, y  p!  icèrenl  leurs  enfints  ou  leurs  do- 
mestiques, el  les  Irailèrent  comme  leurs  fer- 
miers. Daascelte  confusion,  comment  la  disci- 
pline ecclésiastique  aur>iit-elle  pu  se  con- 
server ? 

Il  est  incontestable  que  pendant  plus  d'un 
siècle  les  papes  ne  cessèrent  de  faire  leurs 
efforts  pour  empêcher  ce  scandale  ;  enfin  , 
^  .rs  l'an  107i  ,  Grégoire  VII  ,  plus  ferme  que 
ses  prédécesseurs  ,  assembla  un  concile  à 
Rome  ,  ■.  fil  porier  une  condamnation  rigou- 
reuse conlre  les  coiipabliis  ,  et  la  i\-  exécuter. 
Les  prolcslanls  mêmes  c  inviennent  qu'il  réus- 
sit ;  mais  ils  t\[  b  àme  les  moyens  qu'il  em- 
ploya, il  se  comporia  ,  disenl-iis,  avec  trop 
de  hauteur,  il  traita  avec  une  rigueur  égale 
les  prêtres  el  tes  moines  concubinaires  ,  et 


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ceux  qni  avaient  contracté  un  mariage  légi- 
time ;  il  ordonna  aux  magistrats  de  sévir 
également  contre  pux.  Cette  conduite  impru- 
dente fut  la  cause  de  la  résistance  qu'il 
éprouva  et  des  troubles  qui  s'ensuivirent. 
Mosheim  ,  Hisl.  ecclés.,  x'  siècle  ,  u'  part. , 
c.  2,§10;  xr  siècle,  ir  part. ,  c.  2,  §  12. 
Une  seule  réflexion  suffit  pour  justifier  Gré- 
goire VII.  Ses  délrarteurs  conviennent  que 
les  remèdes  employés  jusqu'alors  par  les 
pontifes  précéilents  n'avaient  rien  opéré; 
donc  ce  pape  fut  forcé  de  recourir  à  des 
moyens  plus  violents  ;  une  preuve  qu'il  n'eut 
pns  tort ,  c'est  qu'il  eut  plus  de  succès  qu'eux. 
C  est  une  dérision  de  prétendre  que  des  prê- 
tres et  (les  moines  avaient  contracté  un  ma- 
riage légitime,  en  dépit  de  la  discipline  ecclé- 
siastique qui  leur  interdisait  le  mariage.  Ja- 
m.iis  la  nécessité  de  la  loi  du  célibat  ne  fut 
mieux  démontrée  que  dans  ces  temps  mal- 
heureux ,  où  l'infraciion  de  cette  loi  entraîna 
la  vente  et  l'achat  des  bénéfices  pour  avoir 
de  quoi  nourrir  une  femme  et  des  enfants  , 
le  dérèglement  et  l'avilisseiiienl  du  clergé, 
le  choix  du  concubinage  par  préférence  à 
une  apparence  de  iiiarir.tj.e,  la  négligence  des 
fonctions  ecclésiastiques  ,  etc.  Il  fallut  insti- 
tuer des  chanoines  réguliers  ,  pour  rétablir 
la  discipline  et  la  décence  parmi  U  clergé. 
Traiter  avec  ménagement  les  prévaricateurs, 
c'eût  été  un  moyen  sûr  de  perpétuer  le  scan- 
dale ,  la  résistance  qu'ils  firent  ,  les  clameurs 
et  les  troubles  qu'ils  excitèrent ,  prouvent  la 
grandeur  du  mal ,  et  non  l'Imprudence  du 
remède.  Voy.  Célibat. 

SIMONIENS,  sectaires  du  i"  siècle  de 
l'Eglise  ,  attachés  au  parti  de  Simon  le  Ma- 
gicien, duquel  il  est  parlé  dans  les  Actes  des 
apôtres  ,  c.  viu  ,  v.  9  et  suiv.  Ce  personnage 
était  de  Samarie  et  juif  de  naissance  ;  après 
avoir  étudié  la  philosophie  à  Alexandrie,  il 
professa  la  magie  ,  folie  assez  ordinaire  aux 
philosophes  orientaux  ,  et  il  persuada  aux 
Samaritains ,  par  de  faux  miracles  ,  qu'il 
avait  reçudeDieuun  pouvoir  supérieur  pour 
léprinier  et  pour  dompter  les  esprits  malins 
qui  tourmentent  les  hommes.  Lorsqu'il  vit 
les  prodiges  que  l'apôtre  saint  Philippe  opé- 
rait par  la  puissance  divine,  il  se  joignit  à 
lui  dans  l'espérance  d'en  faire  aussi  de  sem- 
blables, il  embrassa  la  doctrine  de  Jésus- 
(>hrist  et  reçut  le  baptême.  Ayant  vu  ensuite 
que  saint  Pierre  et  saint  Jean  donnaient  le 
Sainl-lisprit  par  l'imposition  de  leurs  mains, 
il  leur  offrit  de  l'argent  pour  obtenir  d'eux 
le  même  pouvoir,  afin  d'augmenter  ainsi  ses 
richesses,  son  crédit  et  sa  réputation.  Mais 
saint  Pierre  lui  reprocha  sévèreinenl  la  mé- 
chanceté de  ses  intentions  et  la  vanité  de  ses 
espérances,  et  le  menaça  d'un  châiiment  ri- 
goureux, Simon  ,  piqué  de  celte  réprimande, 
abandonna  entièrement  le  parti  des  chrétiens, 
reprit  la  pratique  de  la  magie  ,  et,  loin  de 
prêcher  l.i  foi  en  Jésus-Christ,  il  s'opposa 
tant  qu'il  put  aux  progrès  de  l'Hlvangile  ,  et 
il  parcourut  plusieurs  pays  dans  ce  dessein. 
Ainsi  on  doit  moins  le  regarder  comme  un 
hérésiarque  que  comme  un  des  imposteurs 


ou  fies  faux  messies  qni  parurent  en  Judée 
après  l'ascension  de  Jésus-Christ. 

Presque  tous  les  anciens  qui  en  ont  parlé, 
ont  cependant  présenté  Sî>non  comme  le  chef 
ou  le  premier  auteur  de  la  secte  des  gnosti- 
ques;  mais  ceux-ci  peuvent  avoir  suivi  le 
même  système  et  les  mêmes  erreurs ,  sans 
les  avoir  reçus  de  lui  et  sans  avoir  été  ses 
disciples  ;  ils  jieuvcnt  les  avoir  pris  dans  la 
même  source  que  lui  ,  à  savoir  dans  l'école 
d'Alexandrie.  11  eut  cependant  des  partisans 
en  assez  grand  nombre  ;  Eusèbe  et  d'autres 
auteurs  nous  apprennent  que  la  secle  des 
simoniens  dura  jusqu'au  commencement  du 
V  siècle.  Comme  ces  sectaires  ne  se  faisaient 
point  de  scrupule  de  l'idolâtrie,  et  ne  s'ex- 
posaient point  au  martyre,  les  païens  ne  les 
reg.irdèrent  point  comme  chrétiens,  et  les 
laissèrent  en  repos. 

Il  y  a  beaucoup  de  variété  et  même  d'op- 
position entre  ce  que  les  anciens  ont  dit  des 
actions  de  cet  imposteur  et  de  ses  opinions; 
c'est  ce  qui  a  porté  quelques  savants  moder- 
nes à  imaginer  qu'il  y  a  eu  deux  personnages 
nommés 5imow, l'un  magicien  et  apostat,  du- 
quel les  4cfes  des  Apôtres  (ont  mention,  l'autre 
hérétique  gnostique.  C'est  le  sentiment  que 
Beausobre  s'est  efforcé  d'établir,  Hist.  du 
manich.,  lom.  II,  I.  vi,  c.  3,  §  9,  surtout  dans 
sa  Dissertation  sur  les  adamiles.  Mosheim  qui, 
dans  ses  divers  ouvrages  ,  a  examiné  dans 
le  plus  grand  détail  ce  qui  concerne  Simon, 
ses  sentiments  et  sa  secte  ,  juge  que  cette 
conjecture  de  Beausobre  n'est  ni  prouvée  ni 
probable;  Dissert,  ad  Hist.  cccles. ,  I.  II, 
p.  60;  Inslit.  Hist.  christ.,  scec.  i,  iv  part., 
cap.  5 ,  §  12,  —  Saint  Epiphanc  rapporte 
que  Simon  conduisait  avec  lui  une  femme 
perdue  nommée  Hélène  ,  de  laquelle  il  ra- 
contait des  choses  prodigieuses,  à  laquelle 
il  attribuait  la  même  vertu  qu'à  lui ,  et  lui 
faisait  rendre  par  ses  partisans  les  mêmes 
honneurs.  Beausobre,  toujours  porté  à  faire 
l'apologie  de  tous  les  hérétiques  ,  prétend 
que  saint  Epiphane  s'est  trompé  grossière- 
ment par  prévention  ;  que  sous  le  nom  de 
la  prétendue  Hélène  ,  Simon  entendait  l'âme 
humaine,  de  hniuelle  il  peignait  allégori- 
quement  l'origine,  l'état,  la  destinée,  sous 
l'emblème  d'une  femme  qu'il  était  venu  sau- 
ver ,  Hist.  du  manich. ,  t.  I  ,  1.  i ,  c.  3  ,  §  2  ; 
t.  II ,  1.  VI ,  c.  3  ,  §  9.  Mosheim  soutient  en- 
core que  cette  imagination ,  toute  ingénieuse 
qu'elle  est ,  n'a  aucun  fondement  ;  qu'il  n'est 
pas  possible  de  rejeter  le  témoignage  formel 
de  saint  Irénée  et  des  autres  Pères  plus  an- 
ciens que  saint  Epiphane,  qui  ont  parlé 
aussi  bien  que  lui  d'Hélène,  comme  d'une 
femme  véritablement  vivante.  —  D'autres 
anciens  auteurs  ont  dit  que  Simon  ,  étant 
venu  exercer  la  magie  à  Borne,  sous  le  règne 
de  Néron,  y  rencontra  saint  Pierre  avec  le- 
quel il  eut  de  vives  disputes  ,  qu'ayant  pro- 
mis aux  Bouiriins  de  voler,  il  s'éleva  effecti- 
vement par  magie  dans  les  airs  ,  mais  qu'il 
fut  précipité  eu  bas  par  les  prières  de  saint 
Pieire.  t^omrne  cette  histoire  n'a  point  d'au- 
tres garants  que  des  auteurs  très-suspects  et 
des  monuments  apocryphes  ,  il  n'est  guèr€ 


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possible  d'y  ajouter  foi.  —  Saint  Justin  , 
Apol.  1 ,  II.  26  et  56  ,  parlant  auv  empereurs, 
dit  que  Simon  est  honoré  par  les  Hoinains 
comme  un  dieu  ;  qu'il  a  vu  dans  une  SIe  du 
Tilire  sa  statue  avec  cette  inscription  :  5î- 
nion/ «nnc^o.  Aucun  des  anciens  n'avait  ré- 
voqué en  doute  cette  narration  de  saint  Jus- 
tin ;  mais  sous  le  pontificat  de  Grégoire  XIII, 
l'on  déterra  dans  une  île  du  Tibre  le  piédes- 
tal d'une  statue  avec  l'inscription  Simoiii 
Sanco  deo  Fidio  sacrum;  l'on  a  conclu  que 
saint  Justin  ,  trompe  par  la  ressemblance  du 
nom,  et  faute  d'entendre  la  langue  latine, 
avait  pris  la  statue  de  Senio  Sancus,  dieu  de 
la  bonne  foi  ,  pour  i'imnge  de  Simon  le  Ma- 
gicien. Le  savant  éditeur  dos  œuvres  de  saint 
Justin  soutient  que  cette  erreur  n'est  pas 
possible  ;  que  saint  Justin  a  demeuré  assez 
longtemps  à  Uoine  pour  corriger  sa  méprise 
s'il  avait  été  trompé ,  et  qu'après  tout  la  con- 
jecture des  modernes  peut  n'être  qu'une  ima- 
gination. 

Quoi  qu'il  en  soit ,  voici ,  selon  Mosheim, 
à  quoi  se  réduisaient  les  opinions  de  Simon. 
Il  admettait  un  Être  suprême  ,  éternel ,  bon 
et  bienfaisant  do  sa  nature  ;  mais  ,  comme 
tous  les  philosophes  orientaux  ,  il  supposait 
aussi  l'éternité  de  la  matière.  Il  pensait 
comme  eux.  que  la  matière,  mue  de  toute 
éternité  par  une  activité  intrinsèque  et  né- 
cessaire ,  avait  produit  par  sa  force  ignée  , 
dans  un  certain  temps  et  de  sa  propre  subs- 
tance, un  mauvais  principe  ,  un  être  intel- 
ligent et  malfaisant  qui  exerce  toujours  son 
empire  sur  elle.  Est-ce  celui-ci  qui  a  produit 
une  infinité  d'éons  ,  de  génies  ou  d'esprits 
inférieurs  qui  ont  arrange  la  matière  pour 
former  le  monde  ,  qui  le  gouvernent  et  dis- 
posent ici-bas  du  sort  des  liommi's  ?  ou  est-ce 
le  Dieu  bon  qui  a  tiré  de  sa  substance  des 
anges  et  des  âmes  dans  le  dessein  de  les 
rendre  heureuses  et  parfaites  ,  mais  des- 
quelles le  mauvais  principe  et  ces  éoiis  sont 
venus  à  bout  de  se  rendre  maîtres,  de  les 
enfermer  dans  dt-s  corps  m;itériels,  de  les  y 
asservir  aux  misères  et  aux  faiblesses  insé- 
parables de  la  mitière?  Cela  n'est  pas  aisé 
à  décider  ,  parce  que  les  anciens  qui  ont 
parlé  des  rêveries  de  Simon  et  des  simuniem, 
ne  se  sont  pas  expliqués  assez  clairement 
là-dessus  ;  mais  l'une  et  l'autre  de  ces  sup- 
positions sont  également  absurdes.  Nous  sa- 
vons seulement  par  leur  témoignage  que, 
suivant  ce  que  prétendait  Simon,  le  plus 
partait  des  divins  éons  résidai!  dans  sa  per- 
sonne, qu'un  autre  eo«  ,  de  sexe  féminin  , 
haliitait  dans  sa  maîtresse  Hélène;  que  lui 
Simon  était  envoyé  de  Dieu  sur  la  terre  pour 
détruire  l'empire  des  esprits  qui  onl  créé  ce 
monde  matériel  ,  et  pour  délivrer  Hélène  de 
leur  puissance  et  de  leur  domination. 

Il  n'est  pas  ncces>aire  de  nous  arrêter  à 
remarquer  toutes  les  absurdités  de  cette  hy- 
pothèse ,  nous  les  a»ons  déjà  l'ait  apercevoir 
eu  parlant  des  dilîerenies  sectes  de  gnosti- 
ques  ;  nous  avons  montré  que  tous  les  sys- 
tèmes de  philosophie  orientale  ne  servent  à 
rien  pour  expliquer  l'origine  du  mal  ;  qu'en 
voulant  é\  iter  une  difficulté,  les  philososphes 


en  ont  fait  naître  de  plus  grandes  ;  que  le 
seul  dogme  vrai  ,  démontrable  et  qui  satis- 
fait à  tout ,  est  celui  de  la  création.  Voy. 
Marcionites,  Manichêkms  ,  JMiïnandbiens  , 
CÉRiNTUiiiNs  ,  etc.;  nous  y  reviendrons  en- 
core au  mot  Valetjtiniens.  Il  nous  suffit 
d'observerque,  suivant  l'opinion  de  tous  ces 
anciens  hérétiques  ,  aucune  de  nos  actions 
n'est  libre  ,  puisque  nous  sommes  sous  l'em- 
pire tyrannique  de  prétendus  éons  auxquels 
nous  ne  sommes  pas  maîtres  de  ré-i^ter  ; 
qu'ainsi,  à  proprement  parler,  aucune  n'est 
moralement  ni  bonne  ni  mauvaise;  que  la 
chair  et  toutes  ses  opérations  sont  nécessai- 
rement impures,  mais  qu'en  cédant  au  mou- 
vement des  passions  nous  ne  péchons  point. 
On  voit  d'abord  combien  est  détestable  cette 
morale  ;  elle  ne  pouvait  pas  mamiuer  d'être 
suivie  dans  la  prati<|ue  par  la  plupart  de  ceux 
qui  l'enseignaient  :  ainsi  nous  ne  devons  p,is 
douter  des  desordres  que  les  Pères  de  l'Kglise 
ont  imputés  aux  anciens  hérétiques  ,  et  en 
particulier   aux  simoniens. 

SIMPLICITÉ  ,  attribut  de  Dieu  par  lequel 
nous  le  concevons  comme  parfaitement  un  , 
comme  un  Etre  qui  non-seulement  n'est 
point  composé  de  parties  ,  mais  auquel  il  ne 
survient  aucune  modification  nouvelle  qui 
change  son  étal;  ai  isi  la  simplicité  parfaite 
renferme  nécessairement  l'iiiimutabilité  aussi 
bien  que  la  spiritualité  ou  la  notion  de  pur 
esprit.  Un  esprit  créé  est  aussi  un  être  sim- 
ple,  exempt  de  composition  et  de  parties  ; 
mais  il  lui  survient  des  modifications  ,  des 
pensées  ,  des  connaissances ,  des  désirs  ,  des 
volontés  qu'il  n'avait  pas  ;  dans  ce  sens  il 
ch.uige  ,  il  n'est  pas  toujours  le  même.  En 
Dieu  tout  est  éternel  :  il  a  connu  et  il  a 
voulu  de  toute  éternité  ce  qu'il  connaît  et  ce 
qu'il  veut  aujourd'hui  ,  et  tout  ce  qu'il  con- 
naîtra et  voudra  jusqu'à  la  fin  des  siècles  ; 
il  ne  peut  rien  perdre  ni  rien  acquérir  :  Je 
SUIS,  dil-il ,  CELUI  QUI  est;  je  ne  change 
point    [Mulach.  m,  6). 

Les  philosophes  qui  n'ont  point  été  éclairés 
par  la  révélation  n'ont  jamais  eu  cette  idée 
sublimede  la  Divinité,  mais  les  juifs  l'avaient 
puisée  dans  les  leçons  que  Dieu  avait  données 
à  leurs  ancêtres  ;  un  liistorien  latin  leur  a 
rendu  ce  témoignage  :  «  Les  juifs,  dit-il,  con- 
çoivent Dieu  par  la  pensée  seule  ,  comme  un 
Etre  unique  ,  souveiain  ,  éternel,  immuable 
et   immortel.»   Judœi    meule    sola    unumque 

Numen    intelligiint summum   illud   et 

u'ternum,  nequt-  mulabile,  necjue  interitmum, 
Tacite,  Uisl.,  1.  v,  cap.  3.  Mais  il  n'est  pas 
possible  d'avoir  cette  notion  pure  de  Dieu, 
que  l'on  n'ait  aussi  celle  Ue  la  création,  Voy. 
ce  mot  et  Spibitualité. 

Simplicité  ,  vertu  chrétienne  ,  que  l'on 
appelle  aussi  candeur,  ingénuité  ;  c'est  l'op- 
posé de  la  duplicité  ,  de  la  ruse  ,  du  carac- 
tère soupçonneux  et  défiant.  Une  âme  simple 
dit  naïvement  ce  qu'elle  pense  ,  croit  aisé- 
ment ce  qu'on  lui  dit,  ne  se  défie  de  personne, 
présume  toujours  le  bien  plutôt  que  le  mal  ; 
c'est  le  propre  de  l'innocence.  Un  homme 
vicieux  et  tourbe  ne  s'ouvre  jamais,  il  se 
défie  de  tout  le  monde ,  il  croit  que  les  autres 


485 


SIN 


SOC 


4"« 


sont  encore  plus  pprvers  que  lui.  Atjez  ,  dit 
Jésus-Chrisl ,  la  prudence  du  serpent  et  la 
siMPLiCîTÉ  de  la  colombe [Matth.  x  ,  16).  La 
simplicité  n'exclut  donc  pas  la  prudence  ni 
les  précautions ,  m;iis  elle  bannit  la  finesse  , 
la  dctiance  excessive  et  mal  fondée.  Aucun 
des  anciens  philosophes  n'a  recommandé 
cette  vertu  ;  tous  l'auraient  regardée  corame 
un  défaut  plutôt  que  comme  une  bonne  qua- 
lité; elle  n'entrait  point  dans  leur  caractère, 
elle  ne  se  trouve  point  non  plus  dans  leurs 
livres  ;  chez  les  nations  devenues  philoso- 
phes ,  la  simplicité  est  ])resque  une  injure  , 
elle  passe  pour  imbécillité. 

Si.MOLACUE.  Voy.  Paganisme. 

SINAI ,  nionlagne  voisine  de  l'Arabie  et  de 
la  mer  Rouge  ,  slm'  laquelle  Dieu  donna  sa 
loi  aux  Israélites  aprèsleur  sortie  de  l'Egypte. 
Il  est  dit  dans  VEjode,  cap.  \ix  et  xx,  que 
dans  cette  circonslaiice  toute  la  montagne 
de  Sinai  éiiit  couverte  d'une  épaisse  nuée  , 
qu'il  en  sorl;iil  des  écl.iirs  accompagnés  du 
bruit  du  tonnerre  et  d'un  son  de  trompettes 
qui  inspirait  la  leireur  ;  que  tout  le  peuple 
se  tint  au  b.is  et  autour  do  la  montagne  , 
sans  oser  en  approcher  ;  (jue  Uieu  lui-même 
prononça  les  commandi  inentsdu  Décalogue, 
et  que  tout  le  peuple  renlcirlil.  Nous  ne 
connaissons  aucun  incrédule  q;;i  ail  entre- 
pris de  prouver  que  tout  cet  appareil  fût  une 
illusion  et  un  effet  de  l'art.  Les  Israélites 
étaient  au  nombre  de  deux  millions  ,  puis- 
qu'il y  en  avait  !^ix  cent  mille  eu  étal  de  por- 
ter les  armes.  Aucun  art  humain  ne  peut 
rendre  fumante  une  montagne  aussi  étendue 
que  le  mont  Suiaii,  en  faire  soriir  le  ton- 
nerre et  des  éclairs  capables  d'efîrayer  une 
aussi  grande  multitude;  Moïse  seul  et  Aaron 
son  frère  osèrent  entrer  dans  la  nuée  et 
s'approcher  du  lien  où  Dieu  parlait.  D'ail- 
leurs on  n'a  januiis  vu  sur  ci  tle  monlagne 
aucun  vestige  de  volcan.  —  Dira-t-on  que 
c'est  une  fable?  Moï^e  prend  à  iéuioin  de  ce 
prodige  les  Israéliles  eux-mêmes  quarante 
ans  après,  Deut.,c.  v,  v.  5  ,  22  et  seq.  Le 
visage  de  ce  législateur  orné  de  rayons  de 
lumière  depuis  ce  moment ,  était  un  autre 
prodige  habituel  qui  f^iisail  souvenir  dupre- 
niier.  Exod.,  c.  xxxiv,v.29.  Enfin,  il  ciablil 
pour  monument  la  léte  des  Semaines  ou  de  la 
Pen'ecôte  ,  et  cette  fête  fut  célébrée  par  ceux 
mêmes  qui  avaient  été  spectateurs  de  ces  di- 
vers événements,  ibid.,  v.  22.  Deux  millions 
d'hoiiimes  n'ont  pas  pu  c onseiiiir  à  célébrer 
contre  leur  consci.  nce  une  léte  de  laquelle 
ils  auraient  connu  l'imposture.  Le  miracle 
seul  de  Sinai  su. fit  pour  attester  la  divinité 
de  la  loi  de  Moïse. 

On  peut  faire  une  objection  contre  son 
histoire.  Exod.,  cap  six  ,  il  répète  plus 
d'une  fois  que  cela  s'est  passé  sur  le  mont 
Sinai,  et  Ueut.,  c.  v,  v.  2  ,  il  dit  que  c'a 
été  sur  le  mont  Horeb.  Mais  les  voyagi-urs 
et  les  géographes  anciens  et  modernes  nous 
apprennent  que  Horeb  et  Sinai  sont  deux 
sommets  de  la  même  montagne,  dont  l'un 
regarde  Tldumée  et  l'aulre  l'Arabie,  et  que 
celui-ci  li'i  le  plus  élevé.  11  y  a  aujourd'hui, 
el  depuis  plusieurs  siècles  ,  un  monastère  et 


une  église  de  Sainte  Catherine  sur  le  mo;.i 
Sinai  ,  dans  le  lieu  où  l'on  croit  (lue  Die  u 
lui  -même  a  dicté  ses  lois. 

SINDON.  Voy.  Suaiuiî, 

SINISTRES  ou  GAUCHERS.    Voy.  Sabba- 

TIENS. 

*  SOCIALISME.  I  Le  grand  problème  soci:d,  dit 
M.  Maupied,  est  en  ce  nioment  l'objet  du  travail  de 
l'iiiiivers  ;  c'est  priiici|ialemeiil  l'ohjet  de  toute  l'ac- 
tivité française.  Chacun  le  médite,  cliaciin  clierclic 
à  le  résoudre,  et  tous  ces  elTcins  sont  lou.ililes.  Bii  n 
plu-i,  il  y  a  obligation  pour  chacun  de  laire  part  à 
ses  fières  des  élémenls  de  solution  que  Dieu  lui  a 
inspirés,  c'est  un  devoir  de  cli.Triié  socia'e.  L'ioiii- 
viiiu  peut  se  tromper,  et  nul  ilouie  (|ue  lieaiicoiip 
s'éj^areronl  en  croyant  avoir  donné  une  siiiition, 
qui  ne  sera  au  fo  id  que  li  négation  ou  l'alisurdc. 
Leurs  cITorts  n'en  seront  pas  moins  louables,  pourvu 
qu'ils  ne  piéteiident  point  exercer  le  dcs!>oti$nic 
sur  la  liherlé  de  leurs  frères  en  cliercliaiu  par  des 
miiyciis  coupables  à  laire  prcvalnir  leur  pensée  con- 
tre le  vœu  général,  et  conire  les  prim  ipes  éternels. 
Il  n'en  est  pas  d'mi  problème  social  comme  d'un 
pioblème  île  inatliéiiiatiipie.  Dans  eelui-ei,  les  don- 
nées sont  simples,  elles  sont  de>  nécessités  de  lo- 
gique, et  la  solulidii  ne  s'applique  qu'à  des  êtres 
brutes  ou  ii  des  liées  abolues.  Dans  le  problènit! 
social  au  contraire,  les  ilonnées  ^ont  exlrêaiement 
complexes,  la  lilierlé  de  l'homme  en  exclut  les  né- 
cessiiés,  la  solution  s'applique  à  des  aires  vivants, 
libres  et  moraux,  el  à  des  idées  sociales  toujours 
relaiives  à  I  eiat  de  l'iiumaiiité  des  peuples  et  des 
nations.  Cetie  immense  dillérence  repousie  d  >iic  de 
priine-abi4'il  toute  S(dutiou  du  problème  social  qui 
su  prétendrait  nialliémalique,  quel  que  soit  d'ailleurs 
le  nom  sous  lequel  elle  te  déguise.  Hrluuie  soluii'u 
sera  au  fond  géomciriiiue  ou  maliiéinatiqne,  luute^ 
les  lois  qu'elle  exclura  une  partie  des  d  nuées  so- 
ciales, ou  qu'elle  scindera  la  nature 'de  l'homme 
pour  ne  la  considérer  que  sous  une  seule  face,  pu  ce 
qu'alors  elle  considérera  l'homic  comme  une  cho  e 
brute,  comme  un  être  sans  vie,  sans  liberié.  f 

Si  les  socialistes  prenaient  li  nature  Iminaine  dans 
toute  son  étendue,  qu'ils  cou  iiiérassent  l'honime 
comme  un  élre  composé  d'un  corps  et  d'une  ûmu 
iuimo  telle,  destiné  à  vivre  en  société  sur  ceite  lene 
pour  parvenir,  par  raccomplissemeiit  des  devoirs  de 
la  véritable  religion,  au  bonheur  éternel,  nous  n'au- 
rions pas  tant  à  redouter  de  loiis  les  sysièmes  i|ui 
se  produisent,  qui  veulent  mettre  l'Iiuiunie  à  la  place 
de  Dieu  pour  r.géiiéier  le  monde.  L'Anglais  Ovven 
fut  le  premier  champion  du  sucialisme.  Après  avu  r 
été  repou5,-é  de  l'.Aiigleterre,  Il  passa  en  Amérique 
vers  IS'25.  Il  y  fit  une  profonde  sensation.  Revenu 
dans  sa  pairie,  il  fut  ceiie  fois  ndeux  écouté,  il  foriua 
une  école  qui  s'est  répandue  sur  tout  le  contiiien;. 
Voici  coniineni  Mgr  iiouvier  résume  ses  doctrines  : 
f  1°  L'homme,  en  paraissant  ilaiis  le  uioiide,  n'e-l 
ni  bon  ni  mauvais  :  les  circonstances  u:i  il  se  trouve 
le  font  ce  qu'il  devient  par  la  suite.  -1"  Com;i>e  il  ne 
peut  niodilicr  son  organisation  ni  changer  les  cir- 
constances qui  reniuureni ,  les  seiitiiiieiits  qu'il 
éprouve,  les  idées  el  les  cuiniclions  qui  naissent  en 
lui,  les  actes  qui  eu  résultait  sont  des  faits  néces- 
saires contre  lesquels  il  reste  désarmé  :  il  ne  peut 
donc  en  être  responsable.  5"  Li'  vrai  bonheur,  pro- 
duit de  l'édiicaiion  et  de  la  santé,  consiste  principa- 
leineni  dans  l'associalion  avec  .'■es  semblables,  dans 
la  bienveillance  mmiielle  et  dans  l'absence  de  toute 
superstition.  4°  La  religion  rati.  iinelle  est  la  religion 
de  la  charité  :  elle  admet  un  Dieu  ciéaieur,  éternel, 
iiilini,  mais  ne  leconiiail  d'autre  culte  que  la  loi  na- 
turelle, (|ui  ordonne  à  t'iiomme  de  suivre  les  impiil- 
sioiis  de  la  nature  et  de  tendre  au  but  de  son  exis- 
tence. Mais  Owen  ne  dit  pas  quel  el  ce  bit.  .^''^u:llll 
à  la   suciélc,  le  gouvernement   didl  proclamer  uuo 


ina 


soc 


soc 


48Ô 


lilierié  absolue  de  conscieiici,',  l':il)iiliiioii  complèie 
(II!  peines  el  lie  lécompeiiies,  cl  VinesponsabUHé  de 
l'iiiilividii,  puisqu'il  nVsl  pas  lilire  dans  ses  acles 
()"  Un  lionime  vicieux  oii  conpalili'  n'csl  qn'u'i  m,\- 
IihIi',  piiis(pi'il  ne  peul  être  lespou^nble  de  ses  ac- 
les :  en  cniiséqnenfe,  on  ne  doit  pas  le  piinif,  mais 
rcnIciMieicoinine  un  fou,  s'd  est  dangereux.  T  Toii- 
IfS  clK.ses  doiveul  olre  irglées  iIiî  lelle  sorle  giie 
I  liaipie  m:  mine  de  la  (  oniinunaulé  suit  pourvu  des 
meilleurs  objets  de  ciuisominalinu,  en  travaillant 
selmi  ses  iiioyins  el  son  indusliie.  S"  L  éducation 
doil  être  la  inéiue  pour  loii-,  et  dirigée  de  telle  sonc 
(lu'elle  ne  fasse  ccloie  eu  mms  i|ue  des  scniiuieuis 
C(MifornR'S  aux  'ois  évidentes  de  noire  nature.  '.)"  L'e- 
galilé  parfaite  et  la  communaulo  ahsolue  sont  les 
seules  règles  possil)les  de  la  société.  10°  Chaque 
< (Mumuiauié  sera  de  deux  à  trois  mille  âmes,  el  les 
diverses  communautés  se  liant  ensemble,  se  forine- 
loiit  eu  congrès.  11»  Dans  la  coininunaute.il  n'y 
aura  qu'une  seule  liiérarcliie,  celle  des  foneliims, 
la(|uelle  sera  déiciniinée  par  l'âge.  12»  Oaiis  le  sys- 
tème actuel  de  société,  cliacun  est  eu  lutte  avec  ions 
et  conire  ions  :  dans  lo  syslèine  proposé,  l'assislance 
de  tous  sera  acquise  à  chacun,  el  l'assistance  de  cha- 
cun sera  acquise  à  lous.  > 

Cette  formule  du  socialisme  n'est  pas  celle  de 
toutes  les  écoles.  Il  y  a  bien  de^  degré>  dans  le  so- 
cialisme. Quoii|ue  l'inllexible  logicpie  fasse  abuuiir 
assez  aiséinenl  le^  divers  nyslcmes  ù  une  nièiiie  ab 
surdité,  lius  cependant  au  premier  aspect  ne  révol- 
lent  pas  également  le  bon  sens  et  la  murale.  Disons- 
le  même,  queli|ues-iins  de  nos  nioderiles  réforma- 
teurs, amis  sinccre-i  de  l'hunianiié,  el  croyant  de 
bonne  foi  aux  rêves  de  félicité  qu'ils  enfantent  pour 
elle,  oui  dans  leur  langage  quelque  chose  de  singu- 
lièrement séduisant  pour  les  à'iies  simples  el  géné- 
reuses, tluinnie  les  anciens  supliisljs  d'Alexandrie, 
qui  mêlaient  dans  leur  ensei^iemciil  la  langue  de 
riatou  et  celle  de  l'iivaugile,  ils  enipiunleiit  au 
christianisme  quelques-uns  de  ses  dogmes  el  de  ses 
préceptes,  n'aspirant,  disent-ils,  qu'à  les  compléter 
pour  en  mieux  assurer  le  lègiio  sur  la  lerrc.  Déiio- 
silaircs  de  la  plénitude  de  la  vérité  sociale,  ce  sont 
eux  (|ui  duivenl  ôler  à  l'homme  le  dernier  anneau 
de  sa  cliaine,  el  laiie  fruciilier  ici-bas  celle  grande 
doctrine  de  l'égalile  et  de  la  fratemiié  humaine  don- 
née au  monde  par  Jésus- (Christ,  mais  dont  le  gemie 
mal  fécondé  a  besoin  de  recevoir  son  partait  épa- 
Iiouisseiuent. 

Le  mal  n'est  loiul  eonsommc;  il  est  seuleuicnl  à 
sa  iiaissancc,  e:  grâce  à  Dieu,  il  est  encore  temps  de 
le  conjuier.  Soii  qu'il  s'agisse  de  léiablir  quelques 
point-,  de  dogme  obscurcis  par  l'erreur;  soil  qu'il 
iaille  s'expliquer  la  vérué  sociale  lelle  iiue  le  cliris- 
iianisme  l'a  piomuLuèc  à  travers  les  siècles,  inter- 
préter le  sens  légiiimo  des  préceptes  évaugéliques 
dans  leur  application  à  l'oiganisaliuu  des  sociétés 
humaines,  nous  avcus  nos  é\é.)ues,  gardiens  incor- 
ruptibles de  la  vérité  do„iiiaiique  et  morale  ;  c'est  à 
eux  qu'il  appartieni  de  prendre  en  main  le  flambeau 
de  la  vérité  el  d'eclairer  les  cunscieuces. 

SOCIÉTÉ.  L'on  coiivioul  assez  ijue  l'hom- 
uie  esldesliiié  par  la  nature  à  vivre  en  so- 
ciélé  avec  ses  semblables  ;  que,  réduit  à  une 
suliludu  absolue,  il  serait  le  plus  nialheu- 
reuv  de  tous  les  animaux.  Ceux  d'entre  nos 
|iliilusuplics  iiioderues  qui  se  sont  avisés  de 
soutenir  le  contraire,  n'ont  persuadé  per- 
sonne ;  le  sciiliinent  tulérieur,  plus  fort  que 
tous  les  sopliiswes,  suflit  pour  faire  oublier 
leurs  paradoxes. 

L'homiiii',  dit  Irès-bien  un  aulcui  moder- 
ne, rtioiiiiiie  ne  connailrail  rien  s'il  n'avait 
pas  besoin  d'apprendre  ;  nous  ne  savons 
bien  que  ce  que  nous  avons  eu  de  la  peine 


à  rechercher,  <  t  le  plus  stupide  des  peuples 
serait  celui  dont  tous  les  besoins  seraienl 
satisfaits  sans  aucun  travail.  Celui  à  qui  la 
subsistance  serait  donnée  sans  peine,  la  rc- 
fovrail  sans  plaisir.  Nulle  volupté  sans  désir, 
et  nul  désir  sans  besoin.    Tant  que  les  peu- 
ples iciityophages  pourront  vivre  de  la  péclie, 
el  tant  que  les  piîuples  ch:isseurs  trouveront 
du    gibier,  ils   demeureront   dans    lo   même 
élai,  la  sphère  de  leurs  connaissances  sera 
toujours  également  bornée.  Quand  le  soleil 
rouler^iil  encore  pendant  vingt  iitillo  ans  son 
orbe  enllainmé  sur  la  zone  lorriile,  le  noir 
habitant  de  ces  contrées    resterait   toujours 
dans  le  même  état  d'ignorance  ;   il  n'a  be- 
soin ni  de  se   loger  ni   de  se  vêtir.  C'est  le 
peuple  agriculteur  qui  éprouve  C(;s  besoins 
el  qui  doit  par  coii>>équenl  chercher  el  dé- 
couvrir les    moyens  <le    les    satislaire.    Les 
champs   qu'il   a    défrichés   le   lixenl   auprès 
(l'eus  ;  le  taureau  qu'il  a  subjugué,  le  che- 
val qu'il  a  doiupié,  demandent  un  asile  con- 
tre les  injures  de  l'air  :  de  là  naît  la  première 
arciiileclure.  Il  retire  sous  son  toit  les  bre- 
bis qu'il  a  rassemblées,  leur  lait  le  désallère, 
et  leur  loison  lui  fournil  des  habits. 

C'est  donc,  chez  les  peuples  agricoles  qu'il 
faut  chercher  l'oiigine  de  la  civilisation  ; 
c'est  chez  eux  que  nous  trouverons  le  ber- 
ceau des  sciences.  .Mais  toul  climat  n'csl  p  is 
propre  à  rendre  l'agriculture  nécessaire 
aus  peuples  qui  rhaliitenl,  ni  à  la  favoriser: 
lant  que  les  Arabes  du  désert  haiiileront 
celle  contrée,  iU  seronl  bergers  ;  les  h.ibi- 
lanls  de  la  Pouille  et  de  la  Calabre  seront 
toujours  agriculteurs.  Mais  la  civilisation  et 
la  société  ne  sont  pas  la  même  chose;  quel- 
(juc  grossier  et  sauvage  que  soit  l'homme,  il 
recheiche  du  moins  la  société  d'une  é|iouse; 
sa  cuDstiluliun,  ses  besoins,  ses  inclinations, 
prouvent  la  vériléde  cette  parole  du  Créa- 
teur :  Il  n'est  pas  buti  que  l'homme  soit  seul. 
Malgré  la  ferlililé  du  paradis,  l'Ecriture 
nous  dit  que  Dieu  y  a7jit  placé  l'homme 
pour  qu'il  en  fii;  le  cultivateur  el  le  gardien, 
Gen.,  c.  H,  V.  lo.  Cependant  le  senlimeul  du 
besoin  que  nous  avons  de  la  société  ne  sul- 
liruit  pas  pour  nous  en  rendre  les  devoirs 
respectables  et  sacrés,  si  nous  nr.  savions 
d'ailleurs  que  tel  est  l'ordre  établi  par  la  sa- 
gesse el  la  bonté  du  Créateur  ;  (ju'en  don- 
nant à  riiomuie  le  droil  de  jouir  des  avan- 
tages delà  société,  il  lui  a  imposé  l'obligation 
d'être  ulile  à  ses  semblables,  el  de  leur  ren- 
dre les  mêmes  services  qu'il  a  droit  d'exiger 
d'eux. 

Les  philosophes  modernes,  qui  ont  rêvé 
que  la  société  humaine  est  fondée  sur  nu 
contrat  libre  que  les  hommes  ont  formé  en- 
tre eux  pour  leur  utilité  mutuelle,  n'ont  pas 
seulement  compris  le  sens  des  termes  duiit 
ils  se  sont  servis.  1°  lis  ont  supposé  qu'avant 
toute  convention  un  hom.ae  ne  doit  rieu  à 
un  antre  homme  ;  c'est  une  erreur  :  il  lui 
doit  rhum;inité,  el  l'Iiumanilé  consiste  eo  de- 
voirs récipriiques.  Pour  penser  le  contraire, 
il  faut  penser  que  le  genre  humain  esl  né 
lorluilemenl,  sans  qu'aucun  être  intelligenl 
el   sage   ait    présidé   à    sa  naissance;  c'est 


437 


SOC 


SOC 


4X8 


l'alheisme  pur.  Mais  il  est  démonlré  que 
î'hoiîime  a  un  Créateur.  Or  Dieu,  in  créant 
l'homme,  n'a  pas  pu,  sans  se  contredire,  lui 
donner  le  be.soin  de  vivre  en  société  sans  lui 
imposer  les  obligalions  de  la  vie  soriale. 
C'est  donc  l'inlenlion  et  la  volonté  du  Créa- 
teur qui  est  le  principe  des  lois  de  la  société; 
le  besoin  en  est  le  signe,  mais  il  n'en  est  pas 
le  fondement.  2°  S  il  n'y  a  pas  une  loi  anté- 
rieure qui  oblige  l'homme  à  tenir  sa  parole, 
à  exécuter  ce  qu'il  a  promis,  un  contrat  li- 
bre, une  conïenlion  réciproque  ne  peut  im- 
poser une  obligation  à  ceux  qui  l'ont  for- 
mée ;  la  convention  ne  durera  qu'autant  que 
la  même  volonté  subsistera  ;  l'homme  de- 
meurera le  m^iîlrc  de  maintenir  la  conven- 
tion ou  de  la  rompre  quand  il  le  voudra  ;  la 
même  cause  qui  a  formé  le  lien  ou  l'enga- 
gement sera  toujours  en  droit  de  l'anéaniir; 
ainsi  le  prétendu  pacte  social  est  une  absur- 
dité. 3°  Les  premiers  auteurs  de  la  conven- 
tion n'ont  pas  pu  contracter  pour  leurs  des- 
cendants ;  ceux-ci  naissent  avec  la  même 
liberté  naturelle  que  leurs  pères.  S'ils  se 
trouvent  blessés  ou  gênés  par  la  société  éta- 
blie sans  eux,  qui  les  empêchera  de  la  dis- 
soudre, d'y  renoncer  et  d'en  violer  les  lois? 
La  force,  sans  douie  ;  mais  la  force  et  le  de- 
voir ne  sont  pas  la  même  chose  ;  la  loi  du 
plus  fort  est  l'anéantissement  de  toute  so- 
ciété. !*■■  Indépendamment  de  toule  conven- 
tion, un  père  est  obligé  de  conserver  et  d'éle- 
ver les  enfants  qu'il  a  mis  au  monde;  autre- 
ment le  genre  humain  serait  bientôt  détruit  : 
les  enfants  à  leur  tour  sont  obligés  de  res- 
pecter et  d'aimer  ceux  qui  leur  ont  donné  la 
vie  et  1  éducation  ;  autrement  les  pères  et 
mères  seraient  tentés  de  les  détruire,  pour 
se  décharger  du  soin  très-pénible  de  les 
nourrir  et  de  les  élever.  Puisque  les  enfants 
naissent  avec  le  droit  d'être  conservés,  ils 
naissent  aussi  avec  le  devoir  d'être  recon- 
naissants et  soumis.  En  toutes  choses  droit 
et  devoir  sont  corrélatifs,  voyez  ces  deux 
mots  ;  l'un  ne  peut  subsister  sans  l'autre. 

Celle  théorie,  déjà  évidente  par  elle-mê- 
me, est  aulhenliquement  conflrmée  par  la 
révél.ition  ou  par  l'histoire  de  la  création. 
Dieu  dit  au  premier  homme  et  à  son  épouse: 
Croissez,  multipliez,  peuplez  la  terre  (Gen.  i, 
28);  ils  ne  pouvaient  la  peupler  qu'en  con- 
servant les  fiuits  de  leur  union.  Aussi,  en 
menant  au  monde  son  premier- né,  Eve 
s'écrie  par  un  senlimenl  de  reconnaissance: 
Je  possède  un  homme  pur  la  grâce  de  Uieu, 
c.  IV,  v.  1.  Ainsi,  sans  consulter  les  hommes. 
Dieu,  auteur  de  leur  être,  de  leurs  inclina- 
tions, de  leurs  besoins,  a  établi  entre  eux  la 
société  naturelle  et  domestique  en  sanctifiant 
le  mariage,  en  le  rendmt  indissoluble,  en 
les  faisant  naître  tous  d'un  seul  couple,  l'ous 
sont  donc  frères  et  unis  par  les  liens  du 
sang.  Dieu  leur  a  prescrit  leurs  devoirs  à 
l'égard  de  leurs  parents,  ou  direets  ou  colla 
téraus;  l'Ecriture  nous  le  fait  sentir  en  don- 
nant les  noms  de  père  et  de  fière  à  tous  les 
degrés  de  parenté,  et  le  nom  de  prochain  à 
Inut  homme  quel  qu'il  soit.  Toute  la  reli- 
gion des  patriarches  avait  oour  objet  de  leur 


inculquer  celte  grande  vérité,  que  Dieu  est 
le  père  des  familles,  le  vengeur  des  droits 
du  sang,  qu'il  a  fait  prospérer  les  peupla- 
des qui  lui  ont  été  fidèles,  qu'il  a  puni  celles 
qui,  en  violant  ses  lois,  ont  résisté  à  la  voix 
de  la  raison  et  de  la  nature. 

Lorsque  les  familles  ont  été  assez  multi- 
pliées pour  se  réunir  en  corps  de  nation. 
Dieu  a  fondé  la  société  nationale  et  civile,  il 
a  exercé  d'un^  manière  encore  plus  écla- 
tante l'auguste  fonction  de  législaleor.  Il 
n'était  pis  possible  de  les  réunir  toutes  dans 
une  seule  société  ;  la  dislance  des  lieux,  la 
différence  du  langage,  les  variéiés  de  leur 
manière  de  vivre,  s'y  o[)posaient.  Mais,  en 
choisissant  un  seul  peuple,  Dieu  a  montré  à 
tous  les  autres  ce  qu'ils  auraient  dû  faire  ; 
c'est  une  des  raisons  pour  lesquelles  il  a 
établi  la  législation  des  Hébreux  par  des 
prodiges  dont  le  bruit  a  dû  retentir  chez 
toutes  les  nations  voisines.  Les  leçons  el  les 
lois  qu'il  a  données  par  Mo'ise  aux  descen- 
dants d'Abraham,  tendaient  à  leur  appren- 
dre que  Dieu  est  le  fondateur,  le  protecteur, 
le  chef  et  le  roi  de  la  société  civile;  tous  les 
devoirs  de  juslice,  d'humanité  et  de  police 
leur  étaient  prescrits  comme  des  devoirs  de 
religion,  parce  qu'il  n'y  avait  point  de  motif 
plus  capable  de  les  y  rendre  fidèles.  Consé- 
quemment  le  législateur  ne  cesse  de  leur 
répéter  que  c'est  Dieu  qui  place  les  nations 
elles  déplace,  (|ui  les  élève  où  les  humilie, 
qui  les  récompense  de  leurs  vertus  par  la 
prospérité,  ou  qui  les  punit  de  leurs  vices 
par  des  malheurs,  qui  leur  donne  la  paix 
ou  la  guerre,  qui  meta  leur  tête  des  sages, 
ou  des  hommes  insensés  el  vicieux.  Le  pa- 
triotisme est  donc  un  sentiment  que  Dieu 
approuve,  lorsqu'il  n'est  pas  poussé  à  l'ex- 
cès el  qu'il  n'est  pas  opposé  au  droit  des 
gens.  Dieu  n'a  pas  fondé  la  société  civile 
pour  détruire  la  société  natwelle,  mais  pour 
la  renforcer;  les  droits  de  l'une  bien  enten- 
dus ne  nuisent  point  aux  droits  de  l'autre, 
puisque  tous  sont  égaleinenl  fondés  sur  la 
volonté  et  la  loi  de  Dieu.  Ceux  qui  ont  pré- 
tendu que  les  ordres  donnés  aux  Israélites 
de  détruire  les  Cliananéens  étaient  contrai- 
res au  droit  des  gens  cl  à  l'humaniié,  ont 
très-mal  raisonné  ;  nous  avons  prouvé  le 
contraire  au  mol  CuiNàNÉENs. 

i^orsque  des  temps  plus  heureux  sont  arri- 
vés et  que  les  peuples  ont  été  capables  de 
fraleiniser.  Dieu  a  envoyé  son  Fils  unique 
pour  fonder  entre  eux  une  société  relii/ieuse 
universille.  En  Jésus-Christ,  dit  sainl  Paul, 
il  n'y  a  plus  ni  juif,  ni  gentil,  ni  grec,  ni 
barbare,  nous  sommes  tous  par  lui  un  seul 
corps  el  une  même  famille;  il  a  ordonné  à 
ses  Apôtres  de  prêcher  l'Kvangile  à  toutes 
les  nations,  il  s'est  proposé  d'en  faire  un 
seul  troupeau,  de  les  rassembler  dans  un 
même  bercail,  sous  lin  seul  pasteur.  Cette 
société  sans  doute  ne  déroge  ni  au  droit  na- 
turel el  civil,  ni  au  droit  d.s  gens,  elle  les 
confirme  au  contraire  el  les  fait  mieux  con- 
naitre  ;  jamais  ils  n'ont  été  mieux  aperçus 
qu'à  la  lumière  de  l'Evangile.  11  suffit  de 
comoarer  l'étal  des  nations  chréliennes  avec 


m  soc 

celui  des  infidèles,  pour  sentir  les  obliga- 
tions qu'ils  ont  tous  A  Jésus-Christ,  sau- 
veur du  monde  et  législateur  universel.  La 
s;igesse  divine  a  pu  seule  dicter  des  leçons 
aussi  conformes  aux  besoins  et  aux  circon- 
stances dans  lesquelles  se  trouvait  le  genre 
humain,  lorsque  Jésus-Christ  a  paru  sur  la 
terre.  De  faux  politiques,  des  moralistes 
corrompus  ne  pouvaient  manquer  de  cen- 
surer ses  leçons  divines,  mais  ils  n'ont  con- 
nu ni  la  véritable  origine'du  droit  naturel, 
ni  celle  du  droit  national  et  civil,  ni  le  vrai 
fondement  de  loute  société  ;  con)ment  en  au- 
raient-ils aperçu,  distingué  et  concilie  les 
devoirs?  La  religion,  disent-ils,  rend  les 
hommes  insociables,  elle  inspire  un  zèle  in- 
quiet, injuste  et  souvent  cruel.  Mais  la  so- 
ciété nationale  et  civile  inspire  aussi  sou- 
vent un  patriotisme  ambitieux,  conquérant, 
dévastateur  et  oppresseur;  témoin  celui  des 
llomains  :  s'ensuit-il  que  toutes  les  familles 
doiyent  demeurer  isolées  et  sauvages,  que 
c'est  le  mieux  pour  l'intérêt  général  du 
genre  humain?  Voy.  Religion,  Zi<:i.E,  etc. 

Un  auteur  anglais  a  tiùs-bien  observé  que 
la  société  huiiiaine  et  les  devoirs  de  la  mo- 
rale sont  fondés  sur  quatre  penchants  natu- 
rels à  l'homme;  savoir,  le  désir  de  la  véri- 
té, l'amour  de  la  société,  le  sentiment  de 
l'honiKur, l'estime  de  l'ordre.  Or,  la  religion, 
beaucoup  mieux  que  la  raison,  nous  fait 
sentir  le  jirix  de  la  vérité  et  le  vice  du  men- 
songe ;  elle  nous  rend  plus  chers  les  hom- 
mes avec  lesquels  nous  sommes  obligés  de 
vivre;  elle  met  entre  eux  et  nous  de  nou- 
veaux liens;  elle  nous  montre  en  quoi  con- 
siste le  véritable  honneur  ;  elle  nous  fait  res- 
pecter l'ordre  comme  l'ouvrage  de  Dieu 
même  ;  en  quel  sens  peut-elle  nuire  à  l'es- 
prit social  ?  —  La  société  civile,  parvenue  au 
plus  haut  degré  de  perfection,  est  voisine 
de  .sa  dégradation  et  de  sa  dissolution  :  triste 
vérité  confirmée  par  l'expérience  de  tous  les 
siècles.  La  religion  seule  peut  arrêter,  ou  du 
moins  retarder  le  cours  du  torrent  de  la 
corruption;  elle  doit  donc  rendre  la  société 
civile  plus  stable,  et  l'on  doit  certainement 
attribuer  à  celle  cause  la  durée  plus  longue 
des  sociétés  modernes  que  celles  des  an- 
eiennes 

•  SOCIÉTÉS  SECRÈTES.  H  J  a  une  vieille 
iii.ixinieqni  nous  du  que  celui  qui  luil  le  mal  liait  la 
liiiiiiéri'.  Les  sociéiés  secréies  voulant  se  soustraire  à 
l:i  cuiiiMJssance  et  à  l'action  du  public,  on  peut  sans 
lémérilé  présumer  qu'elles  ont  de  mauvais  desseins. 
Elles  n'ont  pas  sans  douie  louies  le  iiiéuie  liul  :  les 
unes  veulent  renverser  les  pouvoirs  temporels,  les 
.luires  détruire  la  religion,  toutes  poussent  à  quelque 
désoidre.  Nous  ne  pnuvous  entrer  ici  dans  le  détail 
ilfs  sociétés  secrèies.  Mous  avons  parlé  des  (rancs- 
mafoiis  cl  des  caibunari  aux  arlitles  qui  les  concer- 
nent. L■Egli^e  ne  pouvait  demeurer  imlillérente  à  la 
vue  des  maux  causé,  p:ir  les  société,  setréie<  : 
l'ie  Vit,  dans  sa  bulle  Ecclesi„m  a  Jesu  C/iris.o,  les  a 
Irappées  d'anallième;  Léon  XII  a  renouvelé  la  coii- 
(lio.iialioii  d'S  sociéiés  secrèt.'s  e  i  généial ,  et  en 
pariicnli.r  de  celle  ijiii  étaii  c  iiiine  s  .us  le  nom 
d'iiniiiersilaire. 

SOi;iNIENS,  secte  dheréliques  qui   rejet- 
tent tous  les  mystères  du  chiislianisme  ;  ou 
J)iCT.  i)K  Théol.  dogmatique.  IV. 


SOC 


i!)K 


les  nomme  aussi  unitaires,  parce  qn'ils  n'ail  - 
mettent  en  Dieu  qu'une  seule  personne.  Ses 
chefs  sont  des  tliéologiens,  ou  plutôt  des 
philosophes  qui,  en  raisonnant  sur  lis  dog- 
mes du  christianisme,  se  sont  attachés  à  les 
détruire  l'un  après  l'autre,  et  sont  ainsi 
tombés  dans  une  espèce  de  déisme  ;  plusieurs 
ont  poussé  les  conséquences  jusqu'au  maté- 
rialisme et  au  pyrrhonisme.  Un  écrivain  mo- 
derne, après  avoir  suivi  le  (il  de  leurs  er- 
reurs, a  très-hien  dit  que  leur  méthode  est 
Vart  de  décroirt.  Il  est  constant  que  le  so- 
cininnisme  est  né  de  la  prétendue  réforme 
de  Luther  et  des  principes  sur  lesquels  ce 
novateur  se  fonda.  Cette  secte  n'a  pas  eu 
pour  premier  auteur  Fauste  Socin  dont  elle 
porte  aujourd'hui  le  nom  ;  elle  avait  com- 
mencé à  éclore  plusieurs  années  avant  lui. 
En  elTel,  Luther  commença  de  dogmatiser 
en  1317;  dès  l'innée  1321  'il  se  trouva  aux 
prises  avec  Thomas  Muntzer  ou  Muncer, 
Menno,  et  d'autres  chefs  des  anabaptistes; 
plusieurs  de  ces  derniers  donnéfent  dans 
l'arianisme,  nièrent  la  divinité  de  Jesus- 
Christ,  rejetèrent  conséquemment  les  mys- 
tères de  la  sainte  Trinité  et  de  l'incarnation. 
On  cite  en  particulier  Louis  Heizer,  Jean 
Campanus,  un  certain  Claudius,  etc. 

Ceux  d'entre  les  socinicns  qui  ont  écrit 
l'histoire  de  leur  secte  et  en  ont  recherché 
l'origine,  disent  que  l'an  154i>  un  nombre  de 
geniilshommes  italiens,  qui  a  aient  goûté  la 
doetrine  de  Luther  et  de  Calvin,  turent  en- 
semble des  conférences  à  Vicence  dan«  les 
états  de  Venise,  et  qu'ils  formèrent  le  projet 
de  bannir  du  christianisme  tous  les  mystères- 
que  liernardin  Ockin,  Lélio  Sozzini  ou  So- 
cin, Valentin,  Genlilis,  Jean-Paul  Alciat  et 
d'autres,  furent  formés  à  cette  école.  Mais 
Mosheim,  qui  a  examiné  avec  soin  c  tte  his 
toire.dit  qu'en  su|iposant  le  fait  de  ces  con- 
férences, Uckin  ni  Lélio  Socin  n'ont  pu  y  as- 
sister, que  d'ailleurs  on  ne  put  y  tonner  au- 
cun point  fixe  de  doctrine,  Hisi.  écries.,  xvi" 
siècle,  sect.  3,  ir  pirl.,  c.  4,  §  7,  noies.  On 
sait  aussi  que  ce  n'est  point  Lélio  Socin, 
mais  Fauste  son  neveu,  qui  a  doniiéà  toute  la 
secte  son  nom  et  le  système  auquel  elle  s'est 
principalement  attachée.  En  1331,  quinze 
ans  avant  l'époque  des  conférences,  Michel 
Servel  publia  ses  premiers  ouvrjges  contre 
le  mystère  de  la  sainte  Trinité;  en  1533  II 
vint  disputer  à  Genève  contre  Calvin  sur  ce 
même  dogme,  et  il  lui  en  coûta  la  vie.  \'oy. 
Sertétispes.  Mais  Mosheim  prétend  qu'à 
proprement  parler  il  ne  forma  point  de  dis- 
ciples, et  que  son  système  pariieulier  mou- 
rut avec  lui.  (^uoi  qu'il  en  soil,  ticntilis,  Al- 
ciat, et  d'auties  qui  pensaient  couiine  eux, 
se  retirèrent  en  Pologne  où  les  i  rreurs  de 
Luther  ei  de  Calvin  avaient  lait  de  grands 
progrès.  Ils  y  lurent  joints  par  George  Blan- 
dral,  disciple  de  Luther,  et  ils  y  trouvèrent 
deux  puissants  protecteurs.  Ils  firent  des 
prosélytes,  ils  formèrent  de-  églises,  ils  lin- 
r(Mit  lies  synodes,  ils  eurent  des  collèges  et 
des  imprimeries  à  leur  usage,  jusqu'à  lo58. 
qu'ils  furent  bannis  par  un. décret  de  la  diète 
de  Pologne.   En   1303,   Blandrat   trouva   le 

16 


491 


SOC 


SOC 


49-2 


niojcn  d'iiitroJuiro  le  socinianisme  en  Tran- 
sylvanie, où  il  suhsisle  encore  aujourd'hui. 
Ainsi,  Luther  el  Calvin  oui  vu.  avant  de 
mourir,  les  cousétiuences  auxijnclles  leurs 
prificiprs  devaient   inraillibleint'iil  aboutir. 

Pendant  un  siècle,  celle  secte  a  produit 
dans  la  Pologne  une  mulliludL-  de  savants. 
Outre  ceux  dont  nous  venons  de  parler, 
Oi'Ilius,  Su)alicus,  Volki-elius,  Slichlingius, 
Wolizogeii,  Wissowals,  Lubiénielzki,  etc., 
ont  été  (élobres.  Indépendamment  du  recueil 
de  leurs  ouvrages,  intitulé  :  Bibliolheca  fra- 
Irtim  Polonoruiit,  en  dix  volumes  in-l'olio,  ils 
ont  tant  écrit  <iue,  si  tout  était  rassemblé  et 
imprimé,  il  j  aurait  de  quoi  faire  une  biblio- 
thèque très-nombreuse.  Sand  us,  un  de  leurs 
écrivains,  en  a  donné  la  liste  sous  le  titre 
de  Bibliolh'Ca  Anti-  Trinilariorum  ;  mais 
tout  n'j  est  pas  compris. 

On  conçoit  <iu'il  n'a  jamais  pu  y  avoir 
beaucoup  d'unirurmilé  dans  les  s;'nlimeiiis 
d'une  multitude  de  raisonneurs  qui  s'attri- 
buaient tous  le  droit  d  être  les  seuls  arbitres 
de  leur  croyance,  et  d'entendre  la  doctrine 
de  Jésus-Christ  comme  il  leur  plaisait.  Pour 
s'établir  dans  la  Pologne,  ils  couimencèrent 
par  s'unir  à  l'extérieur  aux  luthériens  el 
aux  calvinistes,  qui  avaient  de  nomlireuses 
églises;  mais  la  dilîérence  de  senlif.ienls  et 
la  rivalité  ne  tardèrent  |ias  de  les  désunir: 
ils  eurent  ensemble  de  fréquentes  disputes 
dans  lesquelles  les  protestants  n'eurent  pas 
l'avantage,  parce  qu'on  les  battait  par  leurs 
propres  armes.  Enfin,  les  unitaires  ayant 
trouvé  des  protecteurs  dans  plusieurs  des 
grands  seigneurs  polonais,  qui  leur  doniè- 
rent  asile  dans  leurs  terres,  ils  romiiirent 
toute  société  avec  les  prolestants  l'an  IoGd, 
el  firent  bande  à  part.  Le  principal  siège  de 
leur  secte  lui  Racow  ou  Kacovie,  dans  le 
district  de  Sandomir. 

Ce  lut  vers  l'an  1S79  que  Fansie  Socin, 
neveu  et  héritier  des  sentiments  de  Létio 
Sucin,  arriva  en  Pologne.  Il  y  trouva  les  es- 
prits divises  en  autant  de  sectes  qu'il  y  avait 
de  docteurs  :  toutes  ces  prétendues  églises 
n'étaient  réunies  q^'en  unseul  point,  savoir, 
l'aversion  contre  le  dogme  de  la  divinité  de 
Jésus-Christ.  A  force  de  disputes,  d'écrits, 
de  ménagements,  de  souplesse,  Socin  vint  à 
bout  de  les  «approcher  el  de  les  amener  à 
la  même  opinion,  du  moins  à  l'extérieur;  il 
devint  ainsi  le  iirincipal  chef  de  ce  troupeau 
qui  a  retenu  son  nom.  Il  mourut  en  ICO'». 
Mais  il  ne  faut  pas  croire  que  tous  aient  ja- 
mais pu  convenir  d'une  même  profession  de 
loi  :  jamaisil  n'y  eut  entre  eux  d  autre;  union 
que  celle  de  l'inlèrét  et  de  la  poliiiiine.  En 
l^l'i,  ils  avaient  pub.ié  à  Ciacovic  une  es^ 
pèec  de  formulaire  derroyanc,  sous  \c  titre 
de  Catéchisme  ou  de  Confissiun  des  Unitaires, 
dans  lequel,  eu  parlant  de  la  nature  et  des 
perfections  de  Dieu,  ils  gardaient  un  profond 
silence  sur  tous  les  attributs  Juins  qui  sont 
incompréhensibles.  Ils  y  euseignaionl  que 
lesnsChiisl  ,  notre  médiateur  au|i:ès  de 
Dieu,  est  un  homme  promis  anciennemenl  à 
nos  père»  par  les  propliètes,  el  par  lequel 
Dieu  a  créé  le  nouveau  ni'inde,  c'esl-a-dire  le 


rélablifseinent  du  genre  humain.  Ils  y  re- 
présentaient le  Saint-Esprit,  non  comme 
une  personne  divine,  mais  comme  une  qua« 
lité  et  une  opération  divine  ;  ils  parlaient  du 
baptême  et  de  la  cène  à  peu  près  comme  les 
calvinistes,  etc.  Lorsque  Fauste  Socin  eut 
acquis  du  crédit  parmi  eux,  il  en  composa 
un  nouveau  plus  étendu  et  arrangé  avec  plus 
il'arl;  il  le  fil  revoir  et  corriger  par  les  do'- 
teurs  les  plus  habiles  do  son  parti;  il  le 
publia  sous  le  titre  de  Calé.hisme  de  Racoir; 
el  les  sociniens  supprimèrent,  tant  qu'ils 
purent,  tous  les  exemplaires  du  catéchisn:o 
pi'écédent.  Au  reste,  celte  confession  de  foi, 
la  plus  authentique  qu'il  y  ait  eu  parmi  eux, 
n'était  faite  (|ue  pour  le  peuple;  aucun  îles 
savants  ne  prétendait  s'y  assujettir.  Par  le 
principe  même  de  leur  secte  ,  ils  étaienl 
forcés  de  tolérer  entre  eux  la  diversité  de 
croyance;  nous  verrons  que  siii'  le  seul  ar- 
ticle de  la  nature  de  Jésus-Christ,  ils  élaienl 
de  trois  ou  quatre  sentiments  différents. 
Pourvu  qu'un  docteur  n'alferlàt  pas  de  dog- 
matiser publiquement  et  de  censurer  le  sen- 
timent des  autres,  on  consentait  de  frater- 
niser aveclui  ;  et  l'on  nous  vante  aujourd'hui 
cc'tte  tolérance  forcée  comme  un  chef-d'œu- 
vre de  sagesse.  .Mais  il  est  prouvé  par  des 
laits  incontestables,  (|ue  partout  où  les  uni- 
taires se  trouvaient  les  maîtres,  ils  ne  furent 
pas  plus  tolérants  que  les  autres  seclis.  Une 
fois  établis  en  Pologne,  ils  envoyèrent  des 
émissaires  prêther  sonrilemenl  leur  doctrine 
en  Allemagne,  en  Hollande,  en  Angleterre. 
Ils  n'eurent  pas  beaucoup  de  succès  l'U  Alle- 
magne; les  protestants  el  les  calho  iques  se 
réunirent  pour  les  démasquer.  En  Hollande, 
ils  se  mêlèrent  parmi  les  anabaptistes  ;  en 
Angleterre,  ils  trouvèrent  des  partisans 
parmi  les  difl'érenles  sectes  qui  partageaient 
les  esprits  dans  ce  royaume.  Ainsi  dispersés, 
ils  forent  désignés  sous  différents  noms  ;  en 
Polngne,  on  les  appela  d'abord  pinczowiens, 
racoviens,  sandomiriens,  cujaviens,  Irères 
polonais,  ensuite  nouveaux  ariens,  unitaires, 
anli-trinilaires,  monarchiques,  etc.;  eu  Al- 
lemagne, anabaptistes  el  mennoniles  ;  en 
Hollande,  laiiludinaires  et  tolérants;  eu  An- 
gleterre, arminiens,  coccéiens  ,  quakers  ou 
trembleurs,  parce  qu'on  les  confondait  avec 
ces  dei  niers;  enliii,  on  les  a  nommés  partout 
unitaires  el  sociniens,  el  ce  nom  esl  devenu 
commun  à  tous  les  sectaires  qui  nient  la 
divinité  de  Jésus -Christ. 

Il  esl  constant  (|ue  la  plupart  des  arminiens 
sont  devenus  sociniens,  sans  faire  ouverte- 
ment profession  de  cette  hérésie;  ils  ont  fa- 
vorise tant  qu'ils  ont  pu  les  opinions  et  les 
explications  de  l'Eciture  sainte,  imaginées 
par  les  unitaires.  Comme  l'arminianisme 
s'est  beaucoup  répandu  parmi  les  calv.nisles, 
maigre  la  rigueur  des  décrets  du  synoile  de 
Dordreci.h.  le  socinianisme  a  fait  parmi  eux 
les  mêmes  progrés.  Au  co  iJinencemenl  de  ce 
siècle,  il  a  été  soutenu  assi  z  ouverleineut  en 
Angleterre  par  le  docteur  Whiston,  dé:,'iiisé 
cl  mitigé  par  le  docteur  Charke,  embrassé 
par  une  infinité  de  membres  du  clergé  an- 
glican ;  la  liberté  de    (lenser  qui  règne  dans 


493 


SOC 


SOC 


i'A 


ce  pays  lui  osi  favornblo  ;  ili'jà,  dans  plusù'urs 
éjjlisos,  on  a  rolraiiclié  de  rolfico  le  symbole 
de  saint  AihaiMse.  De  nos  jours  le  so.ini-aria- 
nisnii'aélé  souienu  à  (leiu've  dans  des  thèses 
piibll(|U(s.  Voy.  AuiAMSME,  §  4;AfrABAP- 
TisTES,  etc. 

iVlosheiin  convient  dans  son  Uisloireecclé., 
que  le  socitiianisme  a  coiniiiencé  en  même 
temps  (|ue  la  rcformalion  ;  s'il  avait  voulu 
éire  de  hotine  foi,  il  aurait  avoué  qui'  les 
opinions  des  unitaires  ne  suit  qu'une  cilen- 
sion  de  celles  de  Luther  et  de  Calvin,  ou 
plutôt  (les  conséqueiiies  trùsdirectes  du 
principe  fondainent  il  duquel  ces  deux  réfor- 
mateurs sont  paitis.  Les  s 'cinietis  eux- 
inôines  eu  convieniienl;rauteurde  Vllistoire 
du  socinianistne  imprimée  à  l'aris  en  172'J, 
in-'*,  le  fait  voir  clairement  ;  il  rapporte, 
1'  part.,  ch;ip.  .'{,  plusieurs  expressions  de 
Luiher  et  de  Calvin  très- peu  orllioloxes,  et 
conformes  à  telles  des  seuii-ariens  touclMut 
le  mystère  de  la  sainte  Trinité.  A  la  vérité, 
Moshcim  ne  fait  aucun  cas  de  cette  histoire; 
ce  n'est,  dil-il,  qu'une  misérable  compila- 
tion des  hisioricns  les  plus  triviaux;  elle  est 
d'ailleurs  reui|ilie  d'erreurs,  et  chargée  d'une 
foule  de  choses  qui  n'ont  aucun  rapport  ni 
av'  c  l'histoire  de  Sociii  ni  avec  la  doctrine 
qu'il  a  enseignée.  Alais  ces  historiens  tri- 
viaux sont  les  iociiiicHs  mêmes,  et  ces  choses 
prétendues  élrani;éres  au  sujet  sont  la  gé- 
néalogie des  erreurs  sociniennes ,  qui  dé- 
montre que  les  réformateurs  en  sont  les 
premiers  pères  ;  il  est  aisé  de  s'en  convaincre 
par  le  détail,  lin  effet,  si  l'on  cousnlie  le 
Catéchisme  de  ftacoio,  dressé  par  Socin.el 
l(s  écrits  (les  principaux  chefs  de  la  secte, 
on  voit  qu'ils  ont  enseij:;né  :  i"  Que  l'Ecri- 
ture sainte  est  la  seule  et  uiiuiuc  règle 
de  notre  croyance;  que,  pour  eu  prendre  le 
vrai  sens,  il  faut  consulter  les  lumières  de  la 
raison;  or,  la  première  de  ces  deux  propo- 
siiions  est  la  maxime  l'ondamcntule  du  pro- 
testantisme. Quant  à  la  seconde,  elle  ne  se 
trouve  point,  à  la  vérité,  dans  les  confessions 
de  foi  des  protestants,  l/i  plupart  ont  gardé 
le  silence  sur  le  guide  que  nous  devons 
consulter  pour  prendre  le  vrai  sens  de  llî- 
ciilure  sainte;  mais  c'est  justement  ce  (lu'il 
aurait  fallu  d'abord  établir.  Plusieurs  disent 
que  la  vériial)le  interprétalion  de  l'Ecriture 
doit  être  tirée  de  l'iùriture  inôiu',  mais  c'est 
un  verbiage  absurde.  Lorsqu'après  avoir 
rassemblé  tous  les  passages  de  l'Ecriture 
qui  concernent  une  question,  et  après  les 
avoir  comparés,  il  reste  encore  du  doute 
sur  le  sens  dans  lequel  il  faut  les  prendre, 
et  que  deux  partis  contestent  encore  sur  ce 
point,  nous  (leoiandons  à  ((nelle  lumière  il 
faut  .ivoir  recours,  selon  l'opinion  des  pro- 
te.siiuils.  Quelques-uns  ont  avoué  qu'alors 
c'est  l'esprit  particulier  dechaquo  fidèle  qui 
le  guide  ;  or,  cet  esprit  est-il  autre  chose 
que  la  droite  raison,  comme  le  veulent  les 
suctniens  f  U'.iutres  ont  dit  qu'alors  Dieu 
leur  accorde  la  lumière  du  Saint-Esprit; 
mais  on  leur  a  représenté  cent  fois  que  cette 
confiance  est  un  enthousiasme  et  un  fàoa- 
t.'-'V"  ru!-;    (pi'iii)    protestant  n'a   ;ms   plus 


r.Mson  Je  se  croire  inspiré, du  S^ainl-Espril 
qu'un  sociiiien  ou  que  tout  autre  sectaire. 
iMosheim  fait  très-bien  sentir  les  cun-é- 
(luences  funevtes  du  principe  des  soci'dens. 
Par  lu  droite  raison,  dil-il,  ils  entendent  la 
portion  G  intelllgeme  et  de  discerneuienl 
(lue  la  nature  a  donnée  à  chaque  particu- 
lier; d'où  il  s'ensuit  qu'une  docirine  ne  doit 
être  reçue  comme  vraie  et  divine,  qu'autant 
i]u'elle  est  à  portée  de  celte  mesure  d'intel- 
ligence toujours  très-bornée.  Et,  comme  le 
degré  de  celte  lumière  n'est  point  le  même 
dans  tous  les  hommes,  il  doit  y  avoir  à  peu 
près  autant  de  religions  que  de  lôtes;  l'uu 
.iilojitera  comme  divine  uin!  docirine  que 
l'autrer<îgardera  comme  m  jargon  iniuielli- 
gible.  .Nous  en  convenons,  et  c'est  ce  que 
nous  ne  cessons  d'objecter  aux  proteslants. 
De  même  que  chez  les  socinieti'!  c'est  le  de- 
gré d'intelligence  naiurele  de  chaque  par- 
ticulier qui  décide  du  sens  de  l'Ecriture, 
parmi  les  proteslauls  c'est  le  degré  d'.nspi- 
r.ition  préieuduo  que  chaque  particulier  se 
flatte  d'avoir  rei^-ue.  Aussi  l'on  sait  comment 
ces  derniers  se  sont  tirés  de  toules  les  dis- 
putes qu'ils  ont  eu 'S  avec  les  socintens  ; 
lorsi(u'ils  se  sont  bornés  à  leur  alléguer  -es 
passages  de  l'Ecriture  sainte,  leurs  adver- 
saires leur  en  ont  oppos;;  de  leur  crtlé. 
Lorsque  les  protestants,  pour  en  prouver  le 
vrai  sens,  ont  eu  recours  à  l'ancienu  tradi- 
lion,  à  la  manière  dont  les  Pères  de  l'Eglise 
Tout  entendue,  les  socinie)is  leur  ont  de- 
mandé par  dérision  s'ils  étaient  redevenus 
papistes.  Voy.  Ec.rituke  sàiNTii,  §  'i..  —  2° 
Conséquemment  à  leur  principe,  les  suci- 
niiiis  oui  n  jeté  de  leur  profession  de  foi  tous 
les  mystères,  tous  les  dogmes  qui  leur  ont 
paru  incompréhensibles,  non-seulem  •ut  la 
sainte  l'riniié,  la  divinité  de  Jésus-Clirist, 
lincarnatiou,  les  sati-facti  ms  de  ce  divin 
Sauveur,  la  communication  du  péché  origi- 
nel, les  effets  des  sacrements,  l'operaliin  de 
la  grâce,  la  justification,  eic,  m.iis  tous  les 
altriiiuts  de  la  Divinité  que  notre  faible 
raison  ne  peut  concevoir,  comme  l'cterniié, 
l'inlinité,  la  toute  puissance,  et  tous  ceux 
qu'il  est  difficile  de  concilier  ensemble  , 
comme  l'immensité  avec  la  spiritualité,  ta 
liberté  avec  l'immutabiliié,  la  justice  avec  la 
misérico.de,  etc.  i'our  justifier  celte  lémé- 
rile,  il  n'ont  pas  uianqué  d  ■  répoler,  contre 
les  mystères  en  général,  les  objections  que 
les  protest  uits  ont  laites  contre  celui  do  la 
présence  réelle  de  Jésus-Chriil  dans  l'eucha- 
ristie et  de  la  Iranssubstanliatiou  ;  c'est  un 
fait  qu'il  ne  faut  pas  oublier.  —  3'  Ils  n'ad- 
inetleiit  point  la  création  prise  en  rigueur, 
parce  qu'ils  ne  conçiivenl  pas,  disent-ils, 
(jue  Dieu  puisse  donner  l'existence  à  des 
substances  par  le  seul  vouloir;  et  ils  assurent 
gravement  que  ce  dogme  n'est  pas  claire- 
ment révélé  dans  l'Ecriture  sainte.  Us  refu- 
sent à  Dieu  la  prescience  des  futurs  contin- 
gents, cl  ils  prétendent  ((u'ellc  ne  peut  pas 
se  concilier  avec  la  liberté  de  l'homuie. 
Quelques-uns  oui  poussé  l'iuipiété  jusqu'à 
nier  la  Providence,  et  rejeter  la  notion  de 
pur  esprit.  Ou   ne    -ail  pis  trop  qucll'  id 


ios         ^ '^i'  '  soc  ■    ^  • 

ils  se  sont  formée  de  la  nature  divine  ;  si 
Dieu  est  corporel  ,  il  rst  nécessairement 
borné.  —  ^'  Us  ne  sont  pas  mieux  d'accord 
sur  la  nature  de  Jésus-Christ;  quoiqu'ils 
consenlent  à  l'appeler  le  Verbe  divin,  le 
Fils  de  Dieu,  Dieu  manifesté  en  chair,  comme 
s'expriment  les  écrivains  sacrés,  ils  ne  pren- 
nent point  res  titres  dans  le  même  sens  que 
les  autres  chrétiens,  cl  ils  se  réunissent  tous 
à  nier  que  le  Verbe  nu  le  Fils  soit  coéternel, 
cgaletconiubslanliel  au  Père.  Les  uns  pen- 
sent que  Dieu  a  formé  l'âme  de  Jésus-Christ 
avant  la  création,  qu'il  lui  a  donné  uhc  sa- 
gesse et  une  puissance  sui)érieures  à  celles 
de  toutes  le*  créatures,  et  qu'il  s'est  servi  de 
loi  pour  fiibriquer  le  monde.  D'autres  en- 
tendent par  le  monde,  non  l'univers  maîériel, 
mais  le  monde  spirituel,  et,  comme  ils  di- 
sent, le  nouveau  monde,  c'est-à-dire  la  répa- 
ration du  genre  humain.  Plusieurs  disent 
que  Jésus-Christ  est  appelé  le  Verbe,  par.  e 
que  Dieu  a  parlé  aux  hommes  par  la  bouche 
de  ce  divin  Maitre;  Fils  de  Dieu,  pane  qu'il 
a  été  formé  miraculeusemenl  dans  le  sein  de 
Marie,  par  le  Saint-Esprit,  c'est-à-dire  par 
l'opération  de  Dieu.  Quelques-uns  sont  allés 
jusqu'à  dire  qu'il  est  né  comme  les  au- 
tres hommes,  qu'il  est  fils  de  Joseph  et  de 
Marie,  mais  que  c'est  un  grand  prophète; 
d'autres  ont  enseigné  qu'il  ne  faut  ni  adorer 
ni  invoquer  ce  divin  Sauveur,  et  on  prétend 
que  Socin  lui-même  ne  blâmait  pas  ce  sen- 
timent. Comme  ils  n'admettent  pas  le  péché 
originel,  ils  pensent  que  la  rédt  mplion  con- 
siste en  ce  que  Jésus-Christ  nous  a  donné 
des  leçons  cl  des  exemplts  de  sainteté,  et  en 
ce  qu'il  e'^l  mort  pour  confirmer  sa  doctrine; 
ainsi  l'enlendaienl  les  pélagiens.— S-Comme 
les  protestants,  ils  u'admetteni  que  deux  sa- 
crements, le  baptême  et  la  cène,  et  ils  ne 
leurattribuent  point  d'autre  vertu  que  d'ex- 
citer la  foi  ;  conséquemiiH  ni  ils  ne  turptisent 
(es  enfants  <)ue  quand  ils  sont  p;irvenus  à 
l'âge  de  raison  et  qu'ils  soni  instruits  des 
vérités  chrétiennes  ;  souvent  ils  ont  réitéré 
le  baptême  à  ceux  qui  entraient  dans  leur 
société.  —  6°  Les  soriniens  nient  la  possibi- 
lité d'une  résurreciion  générale  et  rélernilé 
des  peines  de  l'enfer;  ils  croient  que  les 
âmes  des  méchants  seiont  anéanties  ,  mais 
(jne  celles  des  justes  jouiront  d'un  bonheur 
(•lernel.  —  7°  Socin  prétend  qu'il  n'est  pas 
permis  de  faire  la  guerre,  de  poursuivre  en 
justice  la  réparation  d'une  injure,  de  jurer 
ilevanl  les  magistrats,  d'exercer  la  fonction 
(le  juge,  suitout  dans  les  procès  criminels  ; 
de  tuer  un  assassin  ou  un  voleur,  mcme  en 
se  défeudan!;  il  a  emprunté  cette  morale 
rigide  des  anabaptistes.  —  8  Ces  sectaires 
ont  renouvelé  toutes  les  accusations,  les  in- 
veclives,  les  calomnies  que  les  prétendus  ré- 
formateurs avaient  forgées  contre  les  Pères 
rie  l'Eglise,  contre  les  papes,  les  conciles,  le 
rlergé  catholique,  î'Lglise  romaine  en  gé- 
néral; ils  lui  ont  reproché  l'i  lo  àtrie,  l'in- 
loléraiice,  la  tyrannie  en  fait  de  religion, 
fie.  Mais  ils  n'ont  pas  ménagé  davantage 
lis  protestants  ,  lorsque  ceux-ci  les  ont 
;onsurés,  excommunies,   persécutis,   et  les 


koc 


490 


ont  fait  proscrire  par  la  puissance  séculière. 
11  nous  paraît  inutile  de  pousser  plus  loin 
le  détail  des  erreurs  sociniennes  ;  un  auteur 
allemand  les  a  portées  au  nombre  de  229 
articles,  et  nous  en  avons  déjà  parlé  au  mot 
Fils  de  Dieu.  Comme  il  n'y  a  parmi  ces  sec- 
taires aucune  règle  de  foi  qui  les  gêne,  on 
ne  trouverait  peut-être  pas  deux  sociniens 
parfaitement  d'accord  dans  leur  croyance. 
A  force  d'employer  des  règles  de  critique, 
des  observations  de  grammaire,  des  ponc- 
tuations arbitraires,  des  variantes  ou  des 
fautes  de  copistes  ,  des  confrontations  de 
passages,  des  subtilités  de  dialectique,  ils 
font  dire  aux  écrivains  sacrés  tout  ce  qu'il 
leur  plaît  ;  l'Ecriture  pour  laquelle  ils  af- 
fectent de  témoigner  le  plus  grand  respect, 
ne  les  incommode  jamais.  C'en  est  a-isez 
pour  démontrer  ((ue  le  socinianismc  n'est 
.  dans  le  fond  qu'un  d  isme  mitigé  ou  pallié. 
En  effet,  il  y  a  des  déistes  de  plusieurs  es- 
pèces :  les  uns  rejettent  absolument  toute 
révélation;  ils  soutiennent  qu'en  l'ait  de  re- 
ligion, comme  en  toute  autre  chose, l'homme 
ne  doit  suivre  aucun  autre  guide  que  les 
lumières  de  sa  raison.  Les  autres  ne  font 
aucune  difficulté  d'avouer  que  Jésus-Christ 
a  été  suscité  de  Dieu  pour  donner  aux 
hommes  de  meilleures  leçons  que  celles 
qu'avaient  données  les  sages  qui  l'avaient 
précédé.  Quelques-uns  ont  dit  qu'il  ne  le- 
jel'ent  ni  n'avouent  positivement  la  révé- 
lation ;  que  s'il  y  a  des  preuves  de  ce  fait, 
il  y  a  aussi  des  objections  qui  lecombattenl  ; 
qu'il  faut  donc  se  tenir  dans  le  doute  à  ce 
sujet,  et  en  revenir  toujours  à  consulter  la 
raison  pour  savoir  si  un  dogme  est  révélé 
ou  non  ;  que  si,  dans  les  livres  que  nous  re- 
gardons comme  les  titres  de  la  révélalion, 
il  y  a  des  choses  que  l'on  peut  croire  révé- 
lées, il  y  en  a  aussi  d'autres  que  l'on  ne 
peut  aiiinellre  sans  blesser  la  r.iison.  Dès 
lois  ces  livres  n'ont  pas  plus  d'autorité  que 
tout  auire  livre;  nous  devenons  les  maîtres 
d'en  retenir  ou  d'eu  rejeter  ce  que  nous  ju- 
geons à  propos.  Telle  est  évidemment  la 
manière  de  penser  des  sociniens.  Aussi 
voyons -nous  par  les  écrits  des  déistes  mo- 
dernes, qu'ils  ont  pris  chez  les  sociniens  la 
plus  grande  partie  de  leurs  objections  con- 
tre les  dogmes  que  nous  soutenons  révélés; 
de  même  que  les  sociniens  ont  empiunté 
leurs  principes  et  la  plupart  de  leurs 
dogmes  des  protestants.  Puisque  les  pre- 
miers ne  refusent  point  de  reconnaître 
ceux-ci  pour  leurs  maîtres,  les  protestants 
ont  mauvaise  grâce  de  ne  vouloir  point 
avouer  les  sociniens  pour  leurs  disciples. 
Mais  nous  avons  Tait  voir  ailleurs  que  le 
déisme  lui-même  est  un  système  inconsé- 
quent dans  lequel  un  raisonneur  ne  peut 
pas  demeurer  ferme  ;  que  de  conséquence  eu 
conséquence,  il  se  trouve  bientôt  entraîné 
à  l'alheisme  ,  au  matérialisme  ,  enfin  au 
pyrrhonisine  absolu,  dernier  terme  de  l'in- 
crédulilé;  nous  en  sommes  convaincus  , 
non-seulement  par  les  arguments  que  les 
malcrialisles  ont  oficosés  aux  déistes,  mais 
«ncore  par  le  l'ait,  puis(|ue  nos  plus  célèbre* 


497 


SOC 


àuC 


ai 


incrédules,  après  avoir  prêché  pendant  quel- 
que temps  le  déisme,  en  sont  venus  à  ensei 
gner  liaulemenl  le  matérialisme.  Kien  ne 
prouve  mieux  la  liaison  des  vérités  qui  com- 
poscni  le  syNtèrne  de  la  religion  clirélii'nne 
et  callioliquc,  que  l'eiifhalnpnient  des  er- 
reurs diins  lesquelles  lniiibent  néc'-ssaire- 
ment  tous  ceux  qui  s'écarlenl  du  principe 
sur  ItMiuel    celte   religion  divine  est  fondée, 

Vof/.  EllRlîUR. 

Il  n'est  pas  nécessaire  non  plus  de  rap- 
porter et  de  réfuter  tous  les  sopliismes  par 
lesqirls  ils  ont  attaqué  les  dogmes  de  notre 
foi  ;  nous  l'avons  fait  dans  différents  ai  licles 
de  noire  ouvrage.  Nous  nous  horneionsà 
réiioudre  une  olijection  qu'ils  ont  faite  aussi 
bien  qiie  les  déistes,  louchant  leur  manière 
d'user  de  l'Ecrilurc  sainte. 

Malgré  les  reproches  de  nos  adversairrs, 
disent-ils,  eux-mêmes  sont  forcés  de  recou- 
rir aux  lumières  de  la  raison  pour  exiilicjuer 
riicrilnre  sainte,  et  pour  concilier  les  pas- 
•;igi'S  qui  semblent  so  conlrediie.  Si  d'un 
côié  il  esi  dit  dans  ce  livre  que  Dieu  est  es- 
prit ,  nous  y  lisons  au'^si  qu'il  a  un  corps, 
des  yeux,  des  mains,  des  pieds, qu'il  a  toutes 
les  passions  de  l'humanilé  ,  la  haine,  la  co- 
lère, la  vengeance,  la  jalousie.  Si  les  .lUteurs 
sacrés  nous  ensi  ignent  que  Dieu  défend  le 
péciié,  qu'il  le  déteste,  qu'il  le  punit  ,  ils  ne 
nous  disent  pas  uioins  clair<'meiU  qu'il  le 
Cummande,  qu'il  trompe  ,  qu'il  aveugle,  qu'il 
endurcit  les  péchi-urs,  qu'il  leur  tend  dis 
pièges,  qu'il  met  le  mensonge  dans  la  houche 
des  faux  prophèies,  etc.  Pour  savoir  ,  enlre 
ces  divi'is  passages  ,  quel),  soni  ceux  aux- 
qui'is  il  faut  s'en  ((  iiir  el  dont  nous  demns 
uoQs  servir  pou.'  v^ilijui::'  !.ï  a, .lies,  n'esl- 
ce  pas  aux  lumières  i>e  la  raison  et  du  bon 
sens  que  nus  censeurs  onl  recours?  Pour- 
quoi ne  vouloir  pas  que  nous  en  usions  de 
même  toutes  les  fois  que  nous  trouvons  des 
passages  qui  udus  paraissent  exprimer  des 
choses  fausses,  absurdes,  indignes  de  la  ma- 
jesté divine?  L'Ecriture  repète  cent  fois  que 
Dieu  est  unique  ,  et  celte  vérité  est  démon- 
trée d'ailleurs;  donc,  lorsqu'elle  semble  en- 
seigner qu'il  y  a  trois  personnes  divines,  le 
l'ère,  le  Fils  et  le  Saint-Esprit,  la  droite  rai- 
son nous  dicte  qu'il  faut  expliijuer  ces  der- 
iiiei s  passages  par  les  premiers,  et  non  au 
contraire  ,  puisqu'il  est  évident  que  trois 
personnes,  dont  chacune  est  Dieu  ,  seraient 
Irois  Dieux  ;  ainsi  du  reste.  —  Réponse.  Au- 
cune secte  chrétienne  n'a  jamais  soutenu 
que,  pour  expliquer  l'Ecriture  sainte,  il  faut 
renoncer  aux  lumières  de  la  raison  ,  même 
à  l'égard  des  vérités  démontrables.  Or,  il  est 
démontré  que  Dieu  ,  êire  étemel  et  mi  es- 
saire,  existant  de  soi-même  ,  et  un  esprit, 
et  non  un  corps  ;  qu'il  est  intelligent  et  sa^e, 
par  conséquent  incapable  de  se  contre. lire, 
de  défendre  le  crime  et  de  le  faire  commettre, 
de  le  punir  et  d'en  être  la  cause  ,  etc.  il  est 
donc  très-permis  de  consulter  alors  les  lu- 
mières de  la  raison  ,  piur  prendre  le  sens 
;les  passages  de  l  Ecriture  qui  doivent  lixer 
iit>tre  croyance  sur  ces  divers  articles. 

JUais  il  n'est  pas  prouvé  que  Dieu  ne  peut 


nous  révéler  que  ce  que  la  raison  peulcona- 
prendre,  et  dont  elle  peut  démontrer  la  vé- 
rité. Au  contraire  ,  il  est  évident  que  Dieu 
existant  de  soi-même  est  infini  ;  et,  puisque 
nous  ne  pouvons  comprendre  l'infini  ,  c'est 
une  absurdité  de  ne  vouloir  admettre  dans 
la  nature  de  Dieu  que  ce  que  nous  pouvons  f 
comprendre,  par  cuiiscquent  de  rejeter  la:  • 
trinilé  des  piTsoiines  ,  qui  lient  à  l'essence 
même  de  Dieu.  Elle  ne  nous  parait  opposée 
à  rnnilé  de  Dieu  que  parce  (juc  nous  com- 
parons la  nature  et  les  personnes  divines  à 
la  nature  et  aux  personnes  humaines  ;com- 
paralsDii  évidcinment  fausse.  Ce  n'est  donc 
pas  ici  le  cas  de  consulter  la  raison  ou  la 
lumière  naturelle  ,  puisqu'elle  n'y  peut  rien 
voir:  nous  sommes  forcés  de  nous  en  tenir 
à  ce  que  nous  en  dit  la  révélation. 

La  vérité  de  cette  théorie  est  démontrée 
par  l'exemple  des  aveugles-nés  ;  incapable» 
de  comprendre  par  eux-mêmes  si  ce  qu'on 
leur  dit  des  couleurs  ,  d'un  miroir  ,  d'une 
perspective,  est  vrai  ou  faux,  ils  sont  forcé» 
de  s'en  tenir  au  témoignage  de  ceux  qui  ont 
des  yeux  ;  et  c'est  la  raison  même  ou  le  bon 
sens  qui  leur  prescrit  cette  conduite.  Les  »o- 
chiiens  ni  les  déistes  n'ont  jamais  eu  rien  à 
répondre  à  cette  comparaison. —  En  second 
lieu,  il  est  faux  qu'à  l'égard  môme  des  véri 
tés  démontrables  que  l'Ecriture  sainte  seii»- 
ble  quelquefois  contredire  ,  la  raison  soit 
notre  seul  guide  pour  prendre  le  vrai  sen» 
des  passages  ,  puisque  nous  ne  manquons 
jamais  de  consulter  la  tradition.  Ainsi,  pour 
entendre,  comme  nous  faisons,  les  texte» 
qui  concernent  la  spiritualité  de  Dieu,  sa 
sainteté  ,  sa  justice  ,  nous  sommes  guidé» 
non-seulement  par  la  raison,  mais  par  l'en- 
seigiicmenl  constant,  univer-.el,  uniforme  de 
l'Eglise  chrétienne  ,  depuis  les  apôtres  jus- 
qu'à nous  ;  el  cette  même  règle  nous  apprend 
que  la  trinilé  des  personnes  divines  n'est 
point  opposée  à  l'unilé  de  nature.  Quant  à 
ceux  qui  rejettent  t'auturiléde  la  tradition, 
comme  font  les  proleslants ,  c'est  à  eux  de 
voir  ce  qu'ils  ont  à  répondre  à  l'objeclioD 
des  sociniens.  Jamais  la  nécessité  de  ce  guide, 
pour  interpréter  l'Ecrilure  sainte,  n'a  été 
mieux  démontrée  que  par  l'excès  des  éga- 
rements de  ces  derniers. 

Le  célèbre  Leilmilz  parlant  d'eux  ,  dit 
qu'il  semble  que  les  auteurs  de  cette  secte 
aient  eu  envie  de  rafliner  ,  en  matière  de 
réformation,  sur  les  .Vllemands  et  sur  les 
Français,  mais  qu'ils  ont  presque  anéanti 
la  n^ligion,  au  lieu  de  la  purifier.  11  sentait 
que  ces  sectaires  n'ont  fait  que  pousser  plus 
loin  les  conséquences  du  principe  des  pro- 
testants. Mosheiin  a  donc  eu  beau  vanter 
le  zèle  de  ceux-ci  à  s'opposer  aux  progrès 
du  iociuianisme  ,  eux-méiocs  avaient  frayé 
le  chemin  que  les  unitaires  ont  suivi,  et  il 
ne  leur  a  pas  été  possible  d'arrêter  le  cours 
du  mal  dont  ils  ont  été  les  premiers  auteurs. 
Leibiiitz  nous  app'cml  ijis'un  ministre  du 
P.ilailnat  voulait  établir  une  intelligence 
entre  les  anti-trinitaires  et  lus  m^tiouiélans; 
qu'un  Turc  .lyant  entendu  ce  que  lui  disait 
un  iocinien  polonais,  s'ctouua  de  c,e  qu'il  d« 


4B9 


SOC 


SOL 


jiO 


se  fnisail  poinl  circoncire.  En  effet ,  Abadie 
a  irès-bicn  (vroiivé  que  si  Jésus-Christ  n'est 
pas  Dieu  ,  c'est  le  ni;ihomi'(isme  qui  est  la 
vérilahle  religion.  Il  semble  môme,  continue 
leilinilz,  (lui'  les  Tuics,  en  rcfusanl  de  ren- 
dre un  ruile  à  .lésus-Chrisl  ,  agissent  plus 
conséquemiiient  (pie  les  sociniens  ,  puisque 
enfin  il  n'est  pas  permis  d'ailorer  une  créa- 
ture. Ces  derniers  poussent  encore  l'iiudace 
plus  loin  <]ùe  les  mahoniélans  dons  les  pninis 
de  (toclri'.e;  car,  non  contents  de  comba!tre 
!e  nijslère  de  la  Trinité,  ils  affaiblissent  jus- 
qu'à la  tliéologie  naliirclle,  lorsqu'ils  refu- 
sent à  Dieu  la  prescience  des  chos'S  contin- 
geiUes  ,  1  rsqu'ils  c 'uibatlent  l'iinmorlalilé 
de  riiomme,  et  qu'ils  s'oublient  jusqu'à  ren- 
dre Dieu  borné;  au  lieu  qu'il  y  a  <les  doc- 
teurs inahoaiélans  qui  ont  de  Dieu  des  idées 
dignes  de  sa  grandeur.  Esprit  de  Leibnilz, 
loni.  1,  p.  32i. 

La  réfutation  la  plus  ingénieuse  que  l'on 
ait  faite  du  socinianisme,  est  une  iMsserla- 
tion  dans  laquelle  on  a  fait  voir  qu'en  sui- 
vant Il  nvélliiide  selon  la(]Uelle  les  socinirns 
perver  lissent  le  sens  îles  passages  qui  prnu- 
venl  la  divinité  de  Jésus-Gbrist,  l'on  peut 
prouver  aussi  que  les  femmes  ne  parlicip  'nt 
point  à  la  nature  humaiiie  :  Disserlatio  in 
qunprobalur  inutiereu  homine-  non  rsse.  No  !  v. 
delà  Képubi.  des  Lettres,  ju(7/«t  i&\i&,  r.rt.9. 

La  naissance,  les  progrès,  les  divisions, 
l'inconslance  de  la  seele  soeinienne,  démon- 
trent plusieurs  vérités  très  -  importantes  : 
l°Qu'en  fait  de  philosophie,  il  fai.t  consulter 
priiicipalenienl  le  sentinvnt  inléi  leur  qui  est 
le  souverain  degré  do  l'évidence,  plutôt  (juc 
les  notions  abstraites  de  la  métaphysique, 
puisciue  la  plupart  des  prétendues  déimms- 
tralioiis  fondées  sur  ces  idées  alislraites  sont 
de  pures  illusions  ,  et  conduisent  presque 
toujours  un  raisonneur  au  pyrrhoni:^me  ou 
au  doute  universel.  2°  Qu'en  fait  de  religiin, 
il  faut  nécessairement  une  révélation;  que 
sans  ce  guide  il  est  impossible  de  ne  pas  re- 
tomlx^r  dans  les  mêmes  ténèbres  et  les  mê- 
mes erreurs  dans  lesquelles  les  iihilosophes 
païens  ont  été  plongés.  3»  Qu'en  admettant 
une  révélation,  il  faut  qu'elle  nous  soit  trans- 
mise par  une  autorité  visible  toujours  sub- 
sistante ,  pour  prendre  le  vrai  sens  de  la 
doeirinc  révélée  et  des  livres  dans  lesquels 
elle  est  renfermée;  (lue  si  ou  laisse  aux 
hommes  la  liberté  de  lis  imerpréler  comme 
il  leur  plail ,  il  y  aura  toujours  autant  de 
relig  oiis  particulières  que  de  (ôies  ;  qu'ainsi 
la  révélation  ne  servira  plus  à  rien  qu'à 
fournir  matière  à  de  nouvelles  disputes. 
4°  Que  lesyslèmede  l'Eglise  catholique  e-t 
par  conséquent  le  seul  vrai,  le  seul  solide, 
le  seul  qui  soii  lié  et  conséquent  dans  toutes 
.ses  parties;  que  hors  de  là  il  n'y  a  plus  de 
vrai  ehristianisme. 

SOCtiOLANS,  congrégation  de  religieux 
franciscains,  d'une  reforme  particulière  éia 
blie  par  saint  l'aulet  de  Foligny,  eu  13li8. 
Celui-ci  était  un  ermite  qui,  voyant  que  les 
lialiitaiits  des  nuintagnos  voisines  île  son 
ermitage  iioitaienl  des  socques  ou  des  san- 
dales de  bois,  prit  pour  lui-uiêiue  cette  chaus- 


sure, et  elle  fut  adoptée  par  ceux  qui  vou- 
lurent imiter  sa  manière  de  vivre  ;  de  là  ils 
furent  appelés  soccolanti.  Los  récollels  et 
les  carmélites  ont  été  chaussés  de  mêmp. 
Histoire  des  Ordres  religieux,  par  le  P. 
Héhol,  I.  A'II,  c  9. 

SODOME  ,  SODOMIE.  L'histoire  sainte, 
Gen.,  c.  XIX,  représente  les  habitants  de  Sy- 
dome,  ville  de  la  Palestine,  comme  un  peu- 
ple aboniinable,adonné  aux  désordres  coni  re 
nature,  et  que  Dieu  extermina  en  faisant 
tomber  le  feu  du  ciel  sur  eux  et  sur  leurs 
voisins.  Quant  aux  circonstances  dont  cet 
événement  terrible  fut  précédé,  accompagné 
el  suivi,  voy.  les  art.  Lot,  Miîr  Morte,  cl  la 
dissert,  de  dom  Calmel  sur  la  ruine  de  So~ 
dôme,  Bilile  d'Avignon,  1. 1,  p.  593. 

Les  philosophes  qui  oui  réfléchi  sur  les 
progrès  des  passions  humaines,  ont  observé 
que  l'habitude  de  l'impudicilé  avec  les  fem- 
mes conduit  souvent  aux  crimes  contre  na- 
ture ,  el  cela  n'est  que  trop  prouvé  par 
l'expérience.  Sainl  Paul  accuse  de  ce  désor- 
dre les  païens  en  général,  et  surtout  les  phi- 
losophes du  paganisme,  Rom.  c.  i  ,  v.  26  et 
27.  La  vérilc  de  ce  reproche  est  confirmée 
par  Lucien,  par  d'auties  auteurs  profanes 
et  par  les  Pères  de  l'Ei'Jise.  Plusieurs  incré- 
dules modernes  en  ont  parlé  d'une  manière 
qui  prouve  qu'ils  n'avaient  pas  de  ce  crime 
toute  l'horreur  qu'il  mérite.  Nos  lois,  aussi 
bien  ([ue  celles  des  Juifs,  le  condamnent  au 
supplice  du  feu  ;  mais,  à  moins  que  le  scan- 
dale ne  soit  public,  on  juge  qu'il  vaut  mieux 
le  laisser  ignorer  que  de  le  punir. 

SOLEIL,  il  n'est  pas  nécessaire  d'avertir 
que,  dans  les  livres  saints,  la  lumière  du 
soleil,  ou  le  soleil  levant  est  quelquefois  le 
symbole  de  la  prospérité  ,  et  que  le  soleil 
obscurci  désigne  l'adversité;  celte  méta- 
phore est  si  naturelle  qu'elle  ne  peut  sur- 
prendre personne.  Ainsi,  quand  Isaïe  prédit 
que  la  lumière  du  soleil  sera  sept  fois  plus 
grande,  et  que  celle  de  la  lune  égalera  celle 
du  soleil,  que  le  soleil  ne  se  couchera  plus 
sur  Jérusalem,  etc.,  on  comprend  qu'il  an- 
nonçait aux  Juifs  que  leur  prospérité  serait 
[larfdite  et  constante.  Le  Messie  est  appelé 
le  Soleil  de  justice,  parce  qu'il  a  montré  par 
ses  leçons  et  par  ses  exemples  en  quoi  con- 
siste la  vérilalile  jusliceoula  parfaitesaiuteté. 

Il  y  a  dans  l'iiistuire  sainle  un  fait  qu'il 
est  iiiiportanl  d'examiner,  c'est  le  miracle 
du  soleil,  ou  plutôt  delà  lumière  de  cet  as- 
tre arrêté  par  Josué  pendant  l'espace  d'un 
jour  entier,  Jos.,  c.  x,  v.  11  ;  Eccli.,  c.  xlvi, 
V.  5.  Cela  est  impossible  ,  disent  les  incré- 
dules ;  suivant  les  déouverles  de  Newton, 
les  mouvements  des  corps  célestes  sont  telle- 
ment liés  les  uns  aux  autres  ,  qu'un  seul 
globe  ne  peut  être  arrêté  sans  que  ie  reste  de 
la  machine  s'en  ressente,  et  qao  le  loul  soil 
détraqué.  Elait-il  nécessaire  de  fiire  autant 
de  miracles  qu'il  y  a  de  corps  célestes  pour 
diinuer  au  chef  de  la  horde  juive  le  temps 
d'exterminer  de  m;tlheureiix  fuyards?  etc. 
A  etilendre  ce  langage  ,  il  temlile  que  les 
Sjio»  ulations  de  Newton  soient  des  arrêts 
[iroiionccs  contre  la  puissance  divine  ;  auo 


:in 


SOL 


SON 


5()5 


Dieu,  quia  fail  le  inonde  tel  qu'il  C3l,nc 
soit  pas  assez  puissant  pour  le  fuiie  aller 
auireuienl  qu'il  ne  va  ,  que  vingt  miracles 
lui  coâteni  i^ilus  qu'un  seul.  Celui  qui  a  fuit 
taules  choses  p.ir  le  seul  vou^oii-,  esl-itcui- 
liarrassé  on  fatigué  pour  faire  ce  que  nous 
ne  rouiprenons  pas?  C'est  aux  philosophes 
incrédul 'S  di'  dcniontrer  que  Dieu  n'a  pu  ar- 
rêter ni  ralenlir  le  ninuvenient  de  la  terre, 
sans  que  celui  de  tous  les  autres  globes  cé- 
lestes iûl  (!éraM;;é. 

Le  repos  delà  lerre  pendant  ilouze  heures 
a  dû  arrèler  le  cours  de  la  lune,  l'Kcrilure 
le  remarque  cspressénient ;  voilà  tout  l'iu- 
convpiiienl,  si  cependant  c'en  est  un.  11  est 
dit  que  le  suleil  s'est  arrêté,  comme  nous 
disons  qu'il  se  couche,  ((u'il  se  lève,  qu'il  se 
nuinlre  sur  l'horizon,  etc.  Ce  langage  popu- 
l.iirc  ,  conforme  aux  apparences  ,  u'esl  ni 
faux  ni  ahusif.  Par  le  moyeu  de  la  réfraclion 
des  rayons  de  la  lumière  ,  nous  voyous  le 
suleil  levant  plusieurs  minutis  avant  qu'il 
soii  sur  l'horizon,  et  à  son  coucher  nous  le 
voyons  encore  plusieurs  minutes  après  qu'il 
est  au-dessous.  Dieu  ,  sans  bouleverser  la 
nature  enlière,  n'a-t-il  pas  pu  prolonger  ce 
phôiiooièno  perulanl  douze  heures?  Au  lieu 
de  faire  décrire  aux  ra\oiis  de  cet  aslre  une 
ligne  droite,  il  a  suffi  de  leur  laije  décrire 
une  ligne  courbe.  Il  n'est  pis  dit  dans  l'E- 
criiure  suinte  que  la  nuit  suivante  fui  aussi 
longue  que  les  autres  nuits. 

Quelques  philosophes  obligeants  ,  pour 
éviter  le  déraiigemeiil  de  la  nature,  ont  ima- 
giné que  la  piolongaliou  du  jour  fut  l'effet 
d'un  parclie;  comme  si  on  paréiie  de  douze 
heures  et  subsistant  après  le  soleil  couché 
n'eût  pas  élé  un  miracle.  Celui  dont  nous 
jjarlons  ne  fut  point  opéré  pour  achever 
d'exterminer  les  tîhauanéens  ,  mais  pour 
convaincre  les  Hébieux  que  Dieu  les  pro- 
tégeait, et  pour  faire  ccminendre  à  tous  les 
peuples  de  la  Palestine  qu'ils  claieul  iuseu- 
iéj  de  vouloir  lutter  contre  la  puissance 
divine.  C'est  à  Dieu  et  non  aux  incrédules, 
de  juger  en  quelle  occasion  il  est  ou  u'esl 
pas  à  propos  de  faire  des  miracles ,  el  si  tel 
jirodige  convient  mieux  qui;  tel  autre  au 
desse  n  i(ue  Dieu  se  propose.  Voy.  \aDisser(, 
lie  domCalmel  sur  ce  sujet,  Bible  d' Avignon, 
tome  111 ,  pag.  308.  Quant  au  miracle  de 
l'ooibie  du  so/diV  qui  retarda  de  dix  degrés 
sur  le  cadran  d'.\chaz,  à  la  parole  d'Isaïe, 
nous  en  avons  parlé  au  mol  Houloge. 

SOLENNEL,  so  dit  des  fêles  ou  des  céré- 
monies qui  se  font  avec  plus  d'appareil  que 
les  autres,  elqui  atlirenl  un  plus  grand  nom- 
bre de  peuple  ;  ainsi,  nous  disons  olTice, 
messe,  procession  so/oioe/Zf.  L'âi|ues,la  l'en- 
Iccole,  Noél,  la  fêle  du  patron  d'une  paroisse, 
de  la  dé  licace  d'une  église  ,  sont  des  fêles 
soteunelles.  Dans  les  divers  diocèsss,  les  de- 
grés de  siilennitis  n^:  se  dislinguent  pas  de 
la  mêuv^  manière;  dans  celui  de  Paris,  par 
cxfuiple,  les  |<lus  grands  jours  sont  les  un- 
nueh  ;  vienuenteusuile  les  solennels  majeurs, 
les  solennels  mineurs,  les  doubles,  elc.  Dans 
d'aulri's,on  disiinguc  dos  annuels  et  des  scmi- 
annuels  ;  dans  (luelques-uns  on  les  distribue 


en  doubles  de  première,  de  soionde,  de  troi- 
sième classe,  etc.,  et  l'offire  de  chacune  de 
ces  fètt'<)  a  quehiuc  chose  de   particulier. 

SOLITAIKI'^.  Vol/.  Anacuohète. 

Solitaiubs.  Nom  de  (|uelques  religieuses, 
en  particulier  de  celles  du  monastère  de 
Faiza  en  Italie,  fondé  par  le  cardinal  Har- 
berin;  cet  institut  fut  anprouvé  par  un  bref 
de  Clément  X,  l'an  1070.  Les  Biles  qui  l'ont 
embrassé  observent  une  clôture,  un  silence, 
une  retraite  plus  sévères  que  toutes  les  au- 
tres religieuses.  Elles  ne  portent  point  de 
linge,  vont  pieds  nus,  s  ins  sandales,  comme 
les  clarisses  ;  elles  ont  pour  habit  une  robe 
de  bure  ceinte  d'un(\  grosse  corde,  mènent 
à  tous  égards  une  vie  très  -  dure  el  très- 
austère.  H  n'est  pas  nécessaire  sans  doute 
qu'il  y  ait  un  très-grand  nombre  de  ces  re- 
ligieuses, mais  il  est  bon  qu'il  y  en  ait  quel- 
ques-unes ,  afin  que  cet  exemple  nous  ap- 
prenne ce  que  peut  faire  la  nature  la  plus 
faible  avec  le  secours  de  la  grâce,  et  qu'il 
démontre  aux  incrédules  que  ci'  que  l'on  ra- 
conte des  anciens  solitaires  n'est  pas  fabu- 
leux. Souvent  il  a  f:iil  rentrer  en  eux-mêmes 
des  i)echeurs  très-endurcis,  et  a  fiit  sentir 
à  des  âmes  mondaines  le  ridicule  el  le  crime 
de  leur  luxe  el  de  leur  mollesse. 

SO.MASQIIES,  clercs  réguliers  ou  religieux 
de  la  congrégaliou  de  saint  .NlaleuL  qui  sui- 
vent la  règle  de  saint  Augustin.  Ils  ont  tiré 
leur  nom  de  la  ville  do  Somusque,  située  en- 
tre Mil.in  et  Bergame,  (lui  est  leur  chef-lieu. 
C<'t  institut,  qui  n'est  guère  connu  qu'en  Ita- 
lie, eut  pour  fondateur  .Jérôme  Amiliani,  no- 
ble vénitien;  if  fut  coufirmé  l'an  1540  et  1503, 
par  les  papes  Paul  lll  et  Pie  IV.  Leur  prin- 
cipale occupation  est  d'instruire  les  igno- 
rants, et  suriout  les  epfan'ts,  des  principes  et 
des  précei'tes  de  la  religion  chrétienne,  et  de 
pourvoir  aux  besoins  des  orphelins.  Il  est 
probable  qu'ils  ont  pris  pour  patron  saint 
Maïeul,  nbhé  de  Cluni,  mort  l'an  994,  à  cause 
du  zèle  qu'avait  ce  sainl  religieux  pour  l'a- 
vancement des  sciences,  dans  uu  sièile  où 
elles  n'étaient  guère  cultivées.  Les  clercs 
réguliers  de,  la  doctrine  chrétienne,  ou  doc- 
trinaires, fout  en  France  ce  que  les  somas- 
qurs  font  en  Italie. 

SONGE,  Il  est  parlé,  dans  l'Ecriture  sainte, 
de  plusieurs  songes  prophétiques  qui  ve- 
naient certainement  de  Dieu;  ceux  d'Abimé- 
lech,  de  Jaeoli,  de  Laban,  de  J(iseph,  de  Pha- 
raon, de  Salomon  ,  de  Nabuehodonosor,  de 
Daniel,  de  Judas  Machabee,  de  saint  Joseph, 
époux  do  la  sainte  Vierge,  étaieul  de  vérita- 
bles inspirations  par  lesquelles  Dieu  faisait 
connaître  ses  volont^'s  à  ces  divers  person- 
nages, ou  les  instruisait  d'événements  futurs 
que  lui  seul  pouvait  prévoir.  L'exactitude 
avec  laquelle  les  événements  ont  répondu  à 
toutes  les  circonstances  de  ces  songes ,  ne 
nous  laisse  aucun  motif  de  juger  que  c  étaient 
des  effets  naturels  ou  des  illusions.  Dieu, 
sans  di4Ule,est  le  maître  d'instruire  les  hom- 
mes de  ciueile  manière  il  lui  plail,  ou  par  lui- 
niême,  ou  par  ses  anges,  ou  par  des  causes 
naturelles  dont  il  dirige  le  cours;  el  quand  il 
le  fail,  il  a  soin  d'y  joindre  des  circonstances 


5ii3 


SON 


SON 


304 


et  des  molifs  de  persuasion  en  vertu  desquels 
on  ne  peut  p.is  douter  que  ce  ne  soil  lui  qui 
agit.  Cette  vérité  ne  peut  élre  révoquée  en 
doute  que  pjir  ceux  qui  ne  croient  ni  Dieu  ni 
providence.  Mais,  par  celle  conduite,  Dieu 
n'a  point  autorisé  la  confiance  aux  songes  en 
général.  Dans  le  Lévilique,  c.  xix,  v.  26,  et 
dans  le  Drutéranome,  c.  xviii,  v.  10,  il  déten- 
dit aux  Israélites  d'obs<'rver  les  songes.  L'im- 
pie Manassès  donnait  dans  celte  supcrsti'ion, 
cl  cela  lui  est  repmché  comni'e  un  crime, 
7/  Parnlip.,  c.  xxxiM  ,  v.  6.  L'Ecclcsiaste  dit 
que  les  songes  peuvent  causer  de  grands 
chagrins,  c.  v,  v.  2,  et  l'auteur  de  VKcclé- 
sHisli(/ue  observe  (ine  ça  été  pour  plusieurs 
une  source  d'erreurs,  c.  xsxiv,  v.  7.  Is.iïe 
accuse  les  faux  prophètes  de  désirer  des  son- 
ges, c.  Lvr,  V.  10;  Jérémie  les  tourne  en  ridi- 
cule, c.  xxiii,  v,  25  et  27,  et  il  défend  aux 
Juifs  d'y  ajouter  foi,  c.  xxix,  v.  8,  etc. 

Les  rèies  de  l'Eglise,  comme  saint  Cyrille 
de  .lérusalem,  saint  Grégoire  de  Nysse.  saint 
Grégoire  le  Cirand,  le  pape  Grégoire  II,  ont 
ré(M  té  ces  leçons  aux  chrétiens;  un  concile 
de  Paris,  en  82fi,dil  que  la  confiance  aux 
lonyes  est  un  reste  du  paganisme;  dans  les 
bas  siècles,  Jean  de  Salisbéry,  évêque  de 
Chartres,  Pierre  de  Blois  et  d'autres,  ont  tra- 
vaillé à  dissiper  celle  erreur,  Tliiers,  Traité 
des  Supersl.,  l.  1,  1.  ii,  ch.  5.  Ce  n'est  donc 
pas  faute  (l'instruction,  si,  dans  tous  les  siè- 
cles, il  s'est  liouvé  des  esprits  faibles  qui 
ont  ajouté  foi  aux  songes. 

Un  sav.inl  acadé:iiicien,  Hist.  de  VAcndé~ 
mie  des  Inscript.,  t.  XVIII,  p.  124,  în-12,  a 
fait  un  mémoire  dans  lequel  il  prouve  que  ce 
préjugé  a  élé  commun  à  tous  les  peuples  : 
les  Egyptiens,  les  Perses,  les  Mèdes,  les 
Grecs,  les  Romains,  n'en  ont  pas  été  plus 
exempts  que  les  Chinois,  les  Indiens  et  les 
sauvages  de  l'Amérique.  Plusieurs  philoso- 
phes les  plus  célèbres,  tels  que  Pylhagore, 
Socrale,  Platon,  Chrysippe ,  la  plupart  des 
stoïciens  et  des  péripaiéticiens,  Hippocrale, 
Galien,  Porphyre,  Isidore,  Damascius,  l'em- 
pereur Julien,  etc.,  étaient  sur  ce  point  aussi 
crédules  que  les  femmes,  et  plusieurs  ont 
cherché  à  étayer  leur  opinion  sur  des  rai- 
sons philosophiques.  D'autres,  à  la  vérité, 
ont  eu  assez  de  bon  sens  pour  se  préserver 
de  cette  erreur  :  on  met  de  ce  nombre  Aris- 
tote,  Théophrasle  et  Plularque.  Cicéron  l'a 
combattue  tie  toutes  ses  farces  dans  son  w 
livre  de  la  Divination,  mais  il  ne  l'a  pas  dé- 
truite. 

En  parlant  des  sauvages,  qui  sont  souvent 
tourmentés  par  les  songes,  un  de  nos  incré- 
dules niodernes  dit  que  rien  n'est  si  naturel 
à  l'ignorance  que  d'y  attacher  du  mystère 
et  de  les  regarder  comme  un  avertissement 
de  la  Divinité,  qui  nous  inslruil  de  l'avenir; 
que  de  là  sont  nés,  chez  les  peuples  policés, 
les  révélalioMS.  les  apparitions,  les  prophé- 
ties, le  sacerdoce  et  les  plus  grands  maux; 
que  rêver  est  le  premier  ras  pour  devenir 
prophète,  etc.  Il  aurait  dû  faire  attention  que 
les  philosophes  (jui  onl  rai>^onné  sur  les 
songes  n'étaient  pas  des  ignorants,  et  que  tous 
ceux  qui  en  onl  eu,  auxquels  ils  oui  ajouté 


toi,  ne  se  sont  pas  pour  cela  érigés  en  pro- 
phètes. L'homme  le  plus  sensé  et  le  moins 
crédule  peut  être  fort  ému  par  un  songo 
bien  circonstancié  et  vérifié  ensuite  par  l'é- 
vénement ;  il  peut  sans  faiblesse  l'envisager 
comme  un  pressentiment,  et  l'article  des 
pressentiments  n'a  pas  encore  été  éclairci 
par  les  plus  savants  philosophes.  S'il  arrivait 
quelque  chose  de  semblable  à  un  incrédule, 
toute  sa  prétendue  force  d'esprit  pourrait 
bien  en  être  déconcertée.  Les  prophéties 
pour  lesquelles  nous  avons  du  respect  ne 
ressemblent  point  à  des  songes,  et  elles  onl 
souvent  élé  faites  dans  des  circonstances  qui 
ne  laissaient  pas  le  temps  de  rêver. 

Bayle,  que  l'on  n'accusera  pas  de  crédulité 
ni  de  faiblesse  d'esprit,  a  fait  à  ce  sujet  des 
réflexions  très-sensées.  «  Je  crois,  dit-il,  que 
l'on  peut  dire  des  songes  la  même  chose  à 
peu  près  que  des  sortilèges  :  ils  conliennent 
infiniment  moins  de  mystères  que  le  peuple 
ne  le  croit,  et  un  peu  plus  que  ne  le  croient 
les  esprits  forts.  Les  historiens  de  tous  les 
temps  et  de  tous  les  lieux  rapportent,  à  l'é- 
gard des  songes  et  à  l'égard  de  la  magie,  tant 
de  faits  surprenants,  que  ceux  qui  s'obsti- 
nent à  tout  nier  se  rendent  suspects,  ou  de 
peu  de  sincérité,  ou  d'un  défaut  de  lumière 
qui  ne  leur  permet  pas  de  bien  discerner  la 
force  des  preuves.  Si  vous  établissez  une  fois 
que  Dieu  a  trouvé  à  propos  d'établir  certains 
esprits,  cause  occasionnelle  de  la  conduite 
de  l'hoïKme  à  l'égard  de  quelques  événe- 
menlîi ,  toutes  les  difficultés  que  l'on  fait 
contre  les  songes  s'évanouiront.  »  Bayle  s'at- 
tache ensuite  à  développer  les  conséquences 
de  celle  hypothèse,  et  il  fait  voir  qu'en  la 
suivant,  les  raisons  par  lesquelles  Cicéron  a 
combattu  contre  les  songes  n'ont  plus  au- 
cune force,  «  Or,  continue-l-il,  il  suffit  à  ceux 
qui  croient  aux  songes  de  pouvoir  répondre 
aux  objections  :  c'est  à  celui  qui  nie  les  faits 
de  prouver  qu'ils  sont  impossibles;  sans  cela 
il  ne  gagne  point  sa  cause.  »  Dicl.  Crit.  Majus, 
Rem.  D.  Nous  n'avons  aucune  intention  d'a- 
dopter la  théorie  de  Bayle  :  nous  ne  la  citons 
que  pour  faire  voir  aux  incrédules  qu'en 
décidant  de  tout  avec  tant  de  hauteur,  ils 
ne  connaissent  ni  les  réponses  que  l'on  peut 
donner  à  leurs  objections,  ni  les  difficultés 
que  l'on  peut  leur  opposer.  Vainement,  pour 
se  tirer  d'embarras,  ils  se  rcirancheni  dans 
le  système  du  matérialisme  :  Bayle  a  fait 
voir,  dans  l'article  Spinosa,  que,  même  en 
suivant  ce  système,  ils  ne  peuvent'  nier  ni 
les  esprits,  ni  leur  action,  ni  la  magie,  ni  les 
démons,  ni  les  enfers.  Il  ne  leur  reste  donc 
que  la  ressource  du  pyrrhonisme,  et  ce  phi- 
losophe en  a  encore  démontré  l'inconsé- 
queuce  cl  l'absurdité  à  l'urlicle  Pyrrhun. 

Quoiqu'il  y  ait  dans  les  livres  saints  une 
défense  générale  d'aj"uier  foi  aux  songes,  et 
que  les  Pères  de  l'Eglise  aient  répète  aux 
chrétiens  la  même  déténse,  il  ne  s'ensuit  pas 
que  les  personnages  dont  nous  avons  parlé 
aient  eu  tort  de  prendre  les  leurs  pour  des 
avcrtisseuienis  du  ciel;  Dieu,  qui  les  leur 
envoyait,  les  accompagnait  de  signes  inté- 
rieurs ou   extcricuis   desquels  ou  pouvait 


505 


SON 


conclure  avec  certitude  quR  ce  n'élaient  point 
de  simples  illusions  de  l'imagination. 

Ceux  qui  ont  raisonne'  sensément  sur  la 
Tacilité  avec  laquelle  on  so  laisse  émouvoir 
par  les  sonqf»,  ont  avoué  qu'elle  a  souvent 
été  très-paritonnable. 

Il  est  arrivé  à  une  infinité  de  personnes 
d'avoir  di's  songes  suivis,  rirconslaiiriés,  qni 
semblaiint  rédéchis  et  raisonnes,  qui  regar- 
d.iieiit  l'avenir,  et  qui  ont  été  exactement 
vérifiés  par  l'événement.  Comme  celte  cor- 
responilance  ne  pouvait  pas  être  prise  pour 
!'(  ffet  du  hasard,  on  en  a  conclu  qu'il  y  av;iil 
quol(|nc  chose  île  divin  et  de  surnaturel.  Ce 
phénomène,  devenu  assez  conimun.a  fait 
croire  qu'il  en  était  de  même  de  tous  les 
tonges,  et  que  c'était  un  moyen  par  lequel  la 
Divinité  voulait  faire  pressentir  l'avenir  :  il 
n'y  a  là  ni  imposture  ni  Tiurberie.  Le  com- 
mun des  hommes  n'est  pas  obligé  d'être  phi- 
losophe, ni  de  faire  à  tout  moment  des  ré- 
llexions  profondes,  pour  savoir  si  tel  événe- 
ment est  naiurel  ou  surnaturel.  Comme  les 
païeu';  étaient  persuadés  que  le  monde  était 
peuplé  d'esprits,  d'inlelli;;ences ,  de  génies, 
qui  opéraient  tous  les  phénomènes  de  la  na- 
ture, qui  étaient  la  cause  do  tous  les  événe- 
ments, de  tout  le  bien  et  de  tout  le  mal  qui 
arrive  aux  hommes,  ils  ne  pouvaient  man- 
quer de  leur  attribuer  tous  les  songes  bons 
ou  mauvais.  C'est  ditnc  encore  ici  un  fait  qui 
prouve,  contre  les  incrédules,  qu'il  n'est  pas 
vrai  que  touies  les  erieurs,  les  superstitions, 
les  abus  et  les  absurdités  en  fait  de  religion, 
soni  venues  delà  fourberie  des  imposteurs  et 
de  ra.-.luce  de  ceux  qui  vnul  lient  en  profiter. 
PreM)ue  tous  ont  trouvé  plus  de  la  muilié  de 
la  l'csogne  faite.  Plusieurs,  sans  doute,  ont 
su  en  tirer  parti  pour  leur  intérêt,  puisque 
plusieurs  s'aliribuérenl  le  talent  d'interpré- 
ter les  songes;  ils  en  firent  une  science  ou 
un  art  sous  le  nom  A'unéirocritie  ou  oniro- 
criiie,  terme  grec  composé  û'ô^tipiç,  songe,  et 
xpi-:ri; ,  juge  :  c'était  une  des  espèces  de  divi- 
naiion.  Nous  voyons  même,  par  le  témoi- 
gnage des  Pères  de  l'Eglise,  qu'il  y  avait 
chez  les  païens  des  honimes  nui  se  vantaient 
de  pouvoir  envoyer  aux  autres  des  so7iges 
tels  qu'il  leur  plaisait.  Saint  Justin,  Apol.  1, 
n.  18:  Trrtull.,  Apolnget.,  c.  20. 

L'art  dont  nous  parlons  commença,  dil-on, 
chez  les  Egyptiens  ;  du  moins,  il  fut  en  hon- 
neur parmi  eux.  Waiburlhon  prétend  que 
les  premiers  interprèles  des  songes  ne  furent 
ni  des  fourbes  ni  des  imposteurs  :  il  leur  est 
seulement  arrivé,  dit-il,  de  même  qu'aux 
premiers  astrologues,  d'être  plus  supersti- 
tieux que  les  autres  hommes,  et  de  donner 
les  premiers  dans  l'illusion  ;  la  confiauce 
aux  songes  était  généralenieiil  établie,  ils 
n'en  so.t  pas  les  auteurs.  (Juand  nous  sup- 
poserions qu'ils  oui  été  aussi  fourbes  que 
leurs  successeurs,  du  moins  leur  a-t-il  fallu 
des  matériaux  pour  servir  de  base  à  leur 
prétendue  science  ;  et  ils  les  ont  trouvés  tout 
formés  dans  le  langage  hiéroglyphique  des 
Egyptiens.  Dans  ce  langage,  un  dragon  si- 
gnifiait la  royauté,  un  serpent  indiquait  les 
maladies,  une  vi^jèiu  désignait  de  l'argeot, 


des  grenouilles  marquaient  des  imposteurs, 
le  (  iiat  était  le  symbole  de  l'adultère,  eli-, 
tjes  divers  objets  conservèrent  la  mcme  si- 
gniliealion  dans  l'interprétation  des  songes. 
Ce  fondement  ,  continue  Warburthon  ,  d  in- 
nail  beaucoup  de  crédit  à  l'art,  et  satisfaisait 
également  celui  qui  consultait  et  celui  qui 
répondait,  puisque  dans  ce  temps-là  les 
Egyptiens  regardaient  leurs  dieux  comme 
auieiirs  de  la  science  hiéroglyphi(jue  :  rii  ii 
n'était  donc  plus  naturel  que  de  supposer 
que  ces  mêmes  dieux,  qu'ils  cKiyaieiic  au- 
teurs des  songes,  y  c mpUiyaii'nt  le  inéme  lan- 
gage que  dans  les  biéruglyphes.  Il  est  vrai 
que  Vonéirocritie  une  fois  en  honneur,  cha- 
que siècle  introduisit,  pour  la  décorer,  de 
nouvelles  superstitions  qui  la  surchargèrent 
à  la  fin  si  fort,  que  l'ancien  fondement  sur 
lequel  elle  était  appuyée  ne  fut  plus  connu 
du  tout. 

Ces  conjectures  peuvent  être  aussi  vraies 
qu'elles  sont  ingénieuses  ;  mais  nous  n'a- 
vouerons pas  que  Joseph  se  servit  de  Vonéi- 
rocritie, et  en  suivit  les  règles  pour  inter- 
préter les  deux  songes  de  Pharaon.  Lorsque 
ce  patriarche  eut  dans  la  Palestine,  et  dans 
sa  première  jeunesse,  deux  songes  qui  présa- 
geaient sa  grandeur  future,  il  ne  connaissait 
pas  les  Egyptiens,  et  Jacob  son  père,  (|ui 
pénétra  très-bien  le  sens  de  ces  deux  rêves, 
n'avait  jamais  vu  l'Egypte,  Gm.,  c.  xxxvii, 
v.  G.  Lorsqu'il  expliqua  le  songe  de  l'écban- 
son  de  Pharaon  et  celui  du  panetier,  Gen., 
c,  XL,  il  ne  fut  pas  question  d'hiéroglyphes, 
et  il  leur  déclara  que  Dieu  seul  peut  inter- 
préter les  songes,  v.  8.  QU'ind  •'  serait  vrai 
que, dans  le  langage  hiéroglyphique,  les  épis 
de  blé  étaient  le  symbole  de  l'abondance,  ci 
que  les  vaches  étaient  celui  d'Isis,  divinité  de 
l'Egypte,  cela  n'aurait  pas  beaucoup  servi  à 
Joseph  pour  prédire  sept  années  d'abon- 
dance, suivies  de  sept  années  de  stérilité;  les 
ii:lerprètes  Egyptiens  n'y  avaient  rien  com- 
pris, Gen.,  c.  XLi,  v.  8.  Il  fit  voir,  dans  la 
suite,  que  Dieu  lui  révélait  l'avenir  autre- 
ment que  par  des  songes,  c.  l,  v.  23. 

Les  mages  chaldéens  faisaient  aussi  pro- 
fession d'expliquer  les  songes,  et  il  n'est  pas 
pidbable  qu'ils  fussent  allés  étudier  cet  art 
en  Egypte.  Nous  ne  connaissons  ni  leur  mé- 
thode ni  les  règles  qu'ils  avaient  imaginées  ; 
mais,  par  la  manière  dont  le  prophète  Daniel 
expliqua  les  songes  de  Nabuchodonosor,  on 
voit  évidemment  que  ces  songes  étaient  sur- 
naturels, aussi  bien  que  la  science  de  l'in- 
terprète :  aussi,  pour  les  connaître  et  les 
expliquer,  Danii'l  eut  recours  à  Dieu,  et  nOn 
à  la  science  des  Chaldéens,  Dan,,  c.  ii,  v.  18. 
(Inelques  dissertateurs  ont  prétendu  qu'il 
y  avait  de  l'erreur  dans  la  manière  dont  ces 
songes  sont  rapportés  dans  les  ch.  ii  et  iv  de 
ces  prophètes  ;  nous  avons  fait  voir  qu'ils  se 
sont  trompés.  Voy.  D\niel. 

SOIHONIE,  est  le  neuvième  des  petits 
prophètes;  il  nous  apprend  lui-même  qu'il 
était  fils  de  Chusi,  de  la  tribu  de  Siméoii.  Il 
commença  de  prophétiser  sous  le  règne  de 
Josias ,  environ  six  cent  vingt-quatre  ans 
avant  Jésus-Christ,  et  probablemeal  avant 


m 


SOR 


SOR 


508 


que  ce  pieux  roi  eût  réformé  les  di'sordres 
di-  sa  na'ion  Les  pré(!iclioiis  de  ce  propliète 
son!  reiifirmées  dans  inii:.  rli;!pilies.  Il  y 
exiiorli'  les  Juifs  à  Iti  pénitence;  il  prédit  la 
ruine  de  Mnive,  el,  après  avoir  fait  des  ine- 
naies  lenilUes  à  Jémsaletn,  il  finit  par  des 
promesses  consolanles  sur  le  rolour  de  la 
captivité  de  Babv  loue,  sur  rélabli-isement  de 
la  lui  nouvelle,  sur  la  vocalion  des  gentils  et 
sur  les  pro!;rès  de  l'Rglisi'  rhrélicnne.  So- 
phonir  a  écrit  d'un  sljle  véhément  et  assez 
seniblaLie  à  celui  de  Jérémie,  dont  il  paraît 
n'cire  (lue  l'atirévialenr. 

Il  esi  fort  éloiinanl  ((u'après  avoir  enleudu 
tant  (le  pro[ilicles  prédire  la  captivité  de  Ba- 
bylone,  annoncer  les  mêmes  malheurs,  tenir 
tous  le  même  langagp,  les  J  lifs  en  aient  été 
si  peu  touchés  et  se  soient  obstinés  à  persé- 
vérer dans  l'idolâtrie;  \\  ne  Test  pas  moins 
qu'ils  s'opiniàlreiit  encore  aujourd'hui  à 
méconnaître  le  sens  de  ces  prophéties,  tou- 
chant t'avénement  du  Messie,  la  nature  de 
sou  régne,  l'étaliHîSeincnt  de  sa  doctrine. 
Dix-sept  siècles  de  ui.illieurs  n'i^nl  pas  suffi 
piiur  les  changer;  mai»  leur  endurcissement 
même  leur  a  été  pré. lit.  Ce  phénomène  suffit 
pour  nous  faire  coin|irendre  combien  il  a  été 
difficile  d'en  convertie  un  cerlairT  nombre,  et 
quelle  a  été  la  puissance  de  la  grâce  qui  les 
a  ch.mgés. 

SORliONNE,  célèbre  école  de  théologie  de 
Paris.  Cette  mai-on,  qui  devait  être  pendant 
plusieurs  -siècles  ce  qu'elle  est  encore  au- 
jourd'hui, l'un  des  plus  fermes  soutiens  de 
la  religion,  a  eu,  conimc  la  plupart  des  éta- 
blissements utiles  el  dur.ibles,  de  faibles 
commencements.  Ce  ne  fut,  dans  l'origine, 
qu'un  collège  destiné  à  nourrir  de  jeunes  et 
pauvres  ecclésiastiques,  et  à  leur  procurer 
les  moyens  de  faire  leurs  études  de  théolo- 
gie. Il  eut  pour  premier  fondfileur  un  (irètre 
nommé  Robert,  né  dans  le  village  de  Sor- 
bonne.  près  de  lîhélel  en  Champagne,  don! 
îl  porta  le  nom.  tssu  de  parents  pauvres,  il 
eut  beaucoup  de  peine  à  faire  ses  études  el 
à  parvenir  au  degré  de  dorteur;  mais  sa 
constance,  Son  assiduité  au  travail  et  ses 
snc(ès.  le  firent  bientôt  connaître.  Il  se  dis- 
tingua par  ses  sermons  et  par  ses  conféren- 
ces de  piélé.  Saint  Louis,  qui  se  faisait  un 
devoir  de  reihercber  el  de  récompenser  le 
n:érile,  voulut  l'entemlre;  charmé  de  ses  ta- 
lents, il  le  fit  son  (hapelaiu  ou  son  aumô- 
nier, <■!  dans  la  suite  il  le  prit  pour  son  con- 
fesseur, lloberi,  nommé  a  un  canonicat  de 
Cambrai,  vers  l'an  12S0,  conçut  dès  ce  mo- 
ment le  projet  (le  fonder  un  collège  [>oiir  y 
réunir  de  jeunes  clercs  peu  favorisés  par  li 
fonune,  el  pour  leur  procurer  gratuitement 
des  leçons  de  théologie.  Il  commciiça  à  l'exé- 
cuter dès  l'an  125.'}.  Saint  Louis  voulut  y 
concourir  par  ses  bienfaits,  el  partager  ainsi 
avec  son  chapelain  la  gloire  dt;  celte  fonda- 
lion.  Par  divers  échanges  faits  avec  le  roi, 
Roberl  acquit  le  terrain  sur  le(iuel  soiil  ac- 
tuellement bâties  l'église,  la  maison  et  les 
écoles  de  Soiboiine.  11  y  pi  ça  d'ab  ird  seize 
pauvres  cl(  rcs,  et  il  leur  donna  pour  maîtres 
trois  célèbres  docteurs  de  l'université,  liuil- 


fanmè  dé  Saint-Amour,  Fudes  de  Ponai  et 
Laurent  Langlois  ;  pour  lui,  fl  ne  retint  que 
le  litre  de  proviseur.  Ainsi  l'on  transporta 
dans  ce  cidlége  les  leçons  de  théologie,  qui 
aiifiaravant  se  faisaient  à  l'évéché.  Le  pape 
Ciémenl  IV,  Fr  inçais  de  nation,  et  qui  avait 
été  secrétaire  de  saint  Louis,  confirma  cette 
fondation,  sauf  les  droits  de  l'évèque,  par 
une  bn'lo  datée  de  la  quatrième  année  de 
.son  ponlifieal,  par  conséquent  de  l'an  I'i68. 
Elle  est  adressée  nu  proviseur  des  pauvres 
maîtres  el  élurli'ints  en  théologie,  vivant  en 
commun.  Ce  collège  a  servi  do  modèle  à  tous 
ceux  que  l'on  a  formés  depuis.  Avant  ce 
temps- là,  il  n'y  avait  en  Rompe  aucune 
commonauté  où  les  ecclésiastiques  séculiers 
vécussent  et  enseignassent  en  commun.  Le 
f(m(lalrur  était  devenu  chanoine  de  l'Kglise 
de  P;iris  en  1258.  Dans  son  leslamenl ,  daté 
de  lan  1270,  il  légua  à  son  collège  lout  ce 
qu'il  lui  avait  donné  juscin'alors,  ei  le  reste 
de  sa  succession,  (lui  était  considérable,  à 
Geoffroy  de  Bar,  autre  chanoine  el  son  ami. 
Celui-ci,  élu  doyen  en  1274,  et  fidèle  aux  in- 
tentions (lu  testateur  qui  venait  de  mourir, 
transporta  cet  héritage  au  collège  de  Sor- 
bonne. 

Koherl  a  laissé  plusieurs  ouvrages,  dont 
qutl(|ues-uns  ont  été  im|irimés  dans  la  Bi- 
bliotlièque  des  Pères  ou  ailleurs;  les  autres 
sont  en  manuscrit  dans  la  biblioiliè(|ue  de 
Sorhonne.  Les  statuts  qu  il  dressa  pour  son 
collège  en  38  articles,  subsistent  encore,  el 
sont  en  quelque  manière  l'âme  de  la  sociéié 
qu'il  a  fondée.  Une  égalité  fraternelle  entre 
les  membres  qui  la  composenl,  un  respect 
C(miStant  pour  tes  anciens  usages,  un  esprit 
vraiment  ecclésiastique,  semblent  en  assurer 
la  perpétuilè.  De  là  sont  sortis  depuis  plus  de 
quatre  siècles  une  multitude  de  savants  théo- 
logiens, aussi  dislitigués  par  leur  piété  que 
par  leurs  talents,  qui  ont  contribué  el  qui  con- 
tribue ni  encore  à  la  défense  de  la  foi,  au  main- 
tien de  la  saine  morale, à  l'édification  des  fidè- 
les, à  l'instruction  de  la  jeunesse,  à  l'honneur 
du  clergé  de  France,  el  à  la  consolation  des 
prisonniers.  Cette  société  s'est  chargé(>  du 
triste  et  pénible,  mais  ch.;ritable  ministère 
d'assister  les  criminels  condamnés  à  la  morl. 

Le  cardinal  de  Richelieu  s'est  immorta- 
lisé, en  faisant  rebâtir  l'an  1629,  l'église,  la 
maison  ,  les  écoles  de  Sorbonne,  avec  une 
inagnificenee  digne  de  la  place  qu'il  oçcii- 
pail,  et  eu  y  plaçant  une  riche  bibliothèque  ; 
il  en  est  ainsi  devenu  le  second  fondateur. 
Son  tombeau,  qui  est  dans  l'église,  est  un 
chef-d'œuvre  de  la  scu!()lure  française.  Oa 
peut  dire  de  celte  société,  sans  adulation, 
que  c'est  une  des  plus  belles  institutions 
qu'il  y  ail  dans  l'Eglise,  Hist.  de  t'Eylise 
gnllic,  t.  XII,  1.  xxsiv,  sous  l'an  1272;  Vies 
des  Pères  et  dea  Martyrs,  t.  Vil,  p.  625  ;  Diit. 
hist.  (le  l'Aioral,  etc. 

^ORBONIOUE.  Voy.  Degré,  DocTBun. 

SORCEI.LEIUE,  SORGIKR,  SORTILÈGE. 
Ces  leri!:es  sigiiilieiil  ordinairement  la  niême 
chose  que  '"Jagh:,  Magiciev  (  Voyez  cfS  deux 
mots),  mais  le  nom  de  sorcier  se  prend  dans 
trois  sens  diflérenls.    L'on   entend   par  là  , 


«(i9                                   soit  SOR                                    îilO 

1*  ceux  qui  devinent  les  choses  CMctipes,  qui  il  n'est  donc  au  pouvoir  (rniirun  hoiiitiie 
déiouvriMil  les  nuteurs  d'un  vol  ou  les  Iré-  d'avoir  commerce  quaiKl  il  lui  plaît  avec 
sors  enfouis  ,  qui  se  vantent  de  connaîiie  l'enni-nii  du  genre  lniiu,'iin.  Elle  nous  ap- 
l'nvenir,  de,,  et  alors  ce  terme  est  synony-  pr^  n  I  d'ailleurs  que  son  empire  a  été  dé- 
nie à  celui  de  (/eriu.  Vo//.  Divination.  2°  Ci'us  Iriiil  par  ,l6<usCtirisl. 

qui  0|  èreitt  des  choses  siirpreiiaïUes  et  i|ui  Les  anciens  Pères  de  l'Eiflise  en  parlicu- 

paraisent  surnalur<'lles   dans  le  dessein  de  lier,  les    apologistes   du   christianisme,    ont 

faire  du  mal,  comme  d'exciter  des  orages,  éprit  dans  un  temps  où  le  paganisme  et  l'ido- 

de  causer  des  maladies  aux  hommes  ou  aux  latrie  subsistaient  encore,  où  la  magie  étiil 

animaux,  par  des  p.iroles,  par  des  cérémo-  en  usage,  où  les  philosophes  même,  surtout 

nies,  par  des  pratiques  superstitieuses.  Dans  les  nouveaux  platoniciens,   la    prali(iuaicnt 

ce  sens,  la  sorcellerie  est  la  même  chose  «juc  sous    le   nom  de  théurgie.  t'c  n'était  p  is  là 

la  mn.jifi   noire  et  malfais.inte  ;  un  sort,  un  un  moment  favorable  pour  discuter  tous  les 

snrtildi/e  signifient  un  maléfice.  3"  Le  peuple  faits,   pour   en    rechercher  les  causes,  pour 

entend  par  sorciers  ceux  qui  ont  le  pouvoir  en  démontrer  l'illusion.  La  philosophie  ré- 

de  se   transporter  dans  les  airs  pendant  la  gnante,  loin   de  donner  quelques   lumières 

nuit,  poui' aller  dans  des  lienx  écartés  adorer  sur  ce  sujet,  n'était  pro|)re  qu'à   enlieleoir 

le  diable,  et  se  livrer  aux  excès  de  l'intem-  l'erreur  et  à  la  rendre  incurable.  Les  Pères, 

pérance  et  de  l'impudicilé.  On  sait  que  cette  sans   contester  les    faits,    se  sont  bornés   à 

erreur  n'a  aucun  fondement,  que  le  prétendu  soutenir  que,   s'il  y  avait   quelque  chose  de 

sahlmt  des  sorciers  est   l'effet  d'un  délire  et  réel    dans  les  opérations  des   magiciens  ou 

d'un  tiéréglemcnt  de  l'imagination,  causé  par  des  sorcier.?,  cela   ne   pouvait  venir  que  du 

certaines  drogues  des(|iielles  se  servent  les  démon  :  peut-on    faire    voir    qu'ils   raisuu- 

mnlheureux  qui  veulent  se  procurer  ce  dé-  naieiil  mal? 

lire.  Ce  fait  est  prouvé  par  des  expériences  Cette  matière  est  traitée  avec  exactitude 
irrécusables.  Walebranche , /fer/ferr/irs  (h' lu  dans  le  corps  du  droit  cnnon.  DecreCi,  u^ 
Vérité,  t.  I,  I.  II,  c.  6.  Parmi  tous  les  faits  part.,  caus.  2G,  q.  2.  L'on  y  a  distingué  les 
rassemblés  par  les  divers  auteurs  qui  ont  dilîércnles  prati<jues  superstitieuses  dési- 
écrit  sur  ce  sujet,  il  n'y  en  a  aucun  de  bien  gnées  sous  le  nom  général  de  sorlilérje  ou  de 
avéïé,  et  qui  protne  (|u'il  y  a  eu  un  pacte  sorcellerie  ;  l'on  y  a  rapporté  les  passages 
réel  et  elTeclif  entre  le  démon  et  les  préten-  des  Pères  et  les  décrets  des  conciles  qui  ont 
dus  sorciers.  condamné  ttmtes  ces  impiétés  absurdes,  et 
Ce  qui  entretient  la  crédulité  populaire,  ce  qui  les  ont  délendues  sous  peine  d'excom- 
sonl  les  lécits  de  quelques  particuliers  peu-  munication  ;  sans  attendre  les  recherches 
reux,  qui,  se  trouvant  égarés  la  nuit  dans  les  des  pliiloso]  lies  modernes,  plusieurs  auteurs 
foréis.  ont  pris  p<iur  le  sabbat  des  feuv  allu-  ecclésiasli(|ues  ont  très-bien  com|iris  que  le 
niés  par  des  bùiherrns  et  des  charbonniers,  sabhal  des  sorciers  n'i'sl  qu'un  délire  de  l'i- 
et  les  cris  qu'ils  leur  ont  entendu  faire,  ou  niaginatioii  ;  ils  n'ont  cependant  pis  eu  tort 
qui,  s'elaiil  endormis  dans  la  peur,  ont  cru  d'ajouter  que  cetle  illusion  méoie  est  un  ar- 
entendre  et  voir  le  sabbat  dont  ils  avaient  tilice  du  démon  ;  lui  seul  a  pu  suggérer  à 
l'imagination  frappée.  des  (hrétiens  une  malice  assez  noire  pour 
Ouelques  philosophes  incrédules,  conilui!s  Vouloir  entrer  en  commerce  aver,  lui,  se  dé- 
par  leur  seule  prévenMi>n,  se  sont  persuade  vouer  à  son  service  et  lui  rendre  un  culle. 
que  ces  sortes  d'eircurs  sont  venues  des  A  la  vérité  il  n'y  a  aucune  notion  du  sahbat 
idées  ()ue  la  religion  nous  donne  du  démon,  chez  les  anciens  Pères  de  l'Eglise;  il  est  pru- 
de ses  opérations,  de  son  pouvoir  sur  les  bable  que  c'est  une  imagination  qui  a  pris 
hommes,  des  possessions  et  obsessions,  de  naissance  chez  les  barbares  du  Nord,  ((ue  ce 
l'elficaciié  des  cxorcismes  ,  etc.  Aux  mots  sont  eux  (|iii  l'ont  apportée  dans  nos  cli- 
MvG!Cii:m  et  .Magii:,  nous  avons  fait  voir  mits,  et  qu'elle  s'y  est  accréditée  au  milieu 
«lue  cela  est  faux,  qu'il  n'y  a  rien  dans  l'E-  de  l'Ignorance  dont  leur  irruption  fut  suivie, 
criture  sainte,  dans  les  Pères  de  I  Eglise,  Dans  les  décrets  des  conciles  qui  ont  défendu 
dans  les  lois  des  conciles  ni  dans  les  rites  sous  peine  d'à  laihùme  la  div  inaimn  par  les 
erclésiasli(iues,  qui  ail  pu  servir  à  autori'-er  sorts,  les  sortilèges  ou  uialélic  s,  etc.,  il  n'y 
ce  préjugé  ;  qu'au  contraire  les  pasteurs  et  en  a  poml  qui  regarde  les  prétendus  tor- 
ies docteurs  idirétiens  n'ont  rien  négligé  ciers  qui  vont  ou  qui  croient  aller  au  sab- 
pour  le  détruire.  I^es  faits  que  l'on  lire  île  ba'  ;  preuve  évidente  que  l'on  a  toujours 
1  l'.cnture  sainte,  comme  les  prestiges  des  méprisé  cette  imagination  populaire.  Ces 
«nagiciens  de  Pharaon,  la  pythonissu  d'Eo-  décrets  condamnent  tout  pacie  avec  le  dé- 
dor,  les  maris  de  Sara,  liile  de  Kaguel,  lues  mon  ;  mais  il  est  évident  qu'il  faut  eiiteiidio 
par  le  démon,  les  n>  aux  envoyés  au  saint  tout  pai  le  réel  ou  imaginaire,  puisque  la 
homnie  Job  par  cet  esfirit  iorernal,  les  pos-  volonté  seule  de  le  former  e.sl  un  crime. 
session>  dont  il  est  parlé  dans  l'Evangile,  elc,  Biiigham  ,  Orig.  eccles.,  I.  xm,  c.  o,  §  4  et 
ne  proivent  point  qu'il  y  ait  jamais  eu  de  suiv.;  Thiers,  2'rait^  de«  5i/pers(.,  i"  partie, 
convention  réelle  entre  l'êspril   de  lénèhres  1-  n,  c.  (i. 

et  ceux  qui  avaient  recours  à   lui,  et  qu'il  Leibnitz  nous  apprend  que  le  P.  Spée,  jé- 

aif  pu  agir  au  gré  de  ces  derniers.  .\u  cou-  suite  allemand  ,   est    l'auteur  du  livre   iiili- 

Iraire  l'Ecriture  sainte   suppose  et  enseigne  tulé  :  Caatto  criminalis  cirai  processus  con- 

formcilcmenl  que    le   démon    ne    peut    agir  '''«  .^a^di-;  (|ue  ce  Père,  qui  avait  accompagné 

que  par  nue  permission  expresse  de   Dieu  ;  au  supjdice  un  grand   nombre  de  criminels 


su  SOR 

condamnés  comme  soj'ciers,  avouait  qu'il 
n'en  avait  pas  trouvé  un  seul  duquel  il  eût 
lieu  de  croire  qu'il  était  vérilaldement  sor- 
citr;  mais  ce  l'ère  n'en  concluait  pas  que 
ces  Miallieureux  avaient  été  injusiemenl  pu- 
nis. S'ils  n'avaient  point  fait  de  pacte  avec 
le  démon,  ils  avaient  eu  du  moins  la  volonté 
de  le  faire;  ils  avaient  commis  dans  ce  des- 
jSein  des  profanations  et  des  sacrilèges  ;  leur 
dessein  n'avait  pas  été  de  faire  du  bien, 
mais  de  faire  du  mal  ;  il  est  de  l'intérêt  pu- 
blic de  purger  la  société  de  pareils  mons- 
tres. Voilà  ce  que  n'ont  jamais  considéré 
ceux  qui  tournent  en  ridicule  les  lois  por- 
tées et  les  arrêts  prononcés  contre  les  sor- 
ciers. Bajie,  (lui  n'était  ni  ignorant  ni  mau- 
vais philosophe,  a  très-bien  prouvé  ce  que 
nous  soutenons  ici,  Réponse  aux  Qiiesl.  d'un 
Prov.,  V  part.,  c.  35.  Au  mot  Magie,  §  3, 
nous  avons  fait  voir  que  les  cxorcismes,  les 
bénédictions  ,  les  prières  de  l'Eglise,  loin 
d'entretenir  les  erreurs  populaires  touchant 
le  sujet  dont  nous  parlons,  ^ont  au  contraire 
le  remède  le  plus  convenable  et  le  pliis  sûr 
pour  les  détruire  et  pour  calmer  les  esprits 
faibles. 

SORT,  manière  de  décider  par  .e  hasard 
les  choses  incertaines  et  pour  lesquelles  on 
ne  voit  aucune  raison  de  préférence.  Les 
théologiens  distinguent  trois  espèces  de  snrl, 
celui  de  partage,  celui  de  consultation  et 
celui  de  divination.  Le  premier  se  fait  lors- 
que plusieurs  coparlageants  tirent  au  sortie 
lot  qui  leur  écherra,  lorsque  entre  plusieurs 
personnes  qui  méritent  la  même  lécum- 
p<'nse,  on  l'adjuge  à  celle  qui  l'obtient  par 
\ti  sort ,  ou  lorsque  l'on  fait  tirer  au  sorl 
plusieurs  criminels  pour  savoir  lequel  d'en- 
tre eux  subira  la  peine.  Celte  manière  d'a- 
gir n'a  rien  de  répréhensible,  lorsque  l'on  y 
observe  une  égalité  parfaite,  et  qu'il  n'en 
peut  résulter  aucun  préjudice  au  bien  pu- 
blic. Les  exemph'S  en  sont  fréqucnis  dans 
riùrilure  sainte  ;  la  terre  promise  fut  par- 
tagée au  sorl  ;  les  lévites  reçurent  de  uiéme 
leur  lot  par  le  sort.  David  distribua  par  ce 
moyen  les  rangs  aux  vingt-quatre  bandes  de 
prèires  qui  di'vaient  servir  dans  le  laber- 
nacle  et  dans  le  temple.  Au  jour  de  l'expia- 
tion, l'on  jetait  le  sort  sur  les  deux  boucs 
qui  étaient  offerts,  pour  savoir  lequel  des 
deux  serait  immolé,  et  lequel  serait  conduit 
dans  le  désert,  etc.  De  là  le  sorl  de  quel- 
qu'un signiGe  quelquefois  dans  l'Kcrilure  la 
poit.on  qui  lui  est  arrivée  par  le  sort,  ou  le 
bien  qu'il  possède.  Salomon  dit  dans  les 
Proverbes,  c.  xviii,  v.  18,  que  le  sort  pré- 
vient ou  termine  les  conteslations.  Celui  qui 
faisait  tirer  au  sort  mettait  les  noms  ou  les 
billets  dans  le  pan  de  sa  robe,  et  on  les  en 
tirait  au  hasard  :  Les  torts,  dit  le  même  au- 
teur, sont  jetés  dnns  le  pan  de  la  robe  (in  si- 
niim),  mais  c'est  Dieu  qui  les  arrange  ou  les 
distribue,  c.  xvi,  v.  33;  il  était  per.suadé 
que  la  providence  de  Dieu  \  intervenait.  On 
ti'H  niellait  aussi  ((uelquefois  dans  un  vase 
on  un  calice,  et  de  là  est  venue  l'expression 
do  David,  Ps.  xv,  v.  5  :  Le  Seigneur  esl  la 
pari  de  mon  héritage  et  de  mon  calice.  11  ne 


SOK 


M3 


parait  nulle  part  que  l'on  y  ail  employé 
d'autres  cérémonies.  —  La  seconde  espèce 
de  sort  est  celui  de  consultation  ;  l'on  y  avait 
recours  lorsque  la  prudence  humaine  ne 
fournissait  aucun  moyen  de  découvrir  la 
vérité,  lors<iu'il  s'agissait,  par  exemple,  de 
découvrir  un  coupable  ou  de  connaître  le 
sujet  qu'il  fallait  élever  à  une  dignité  ;  par 
le  sorl,  on  croyait  consulier  Dieu.  Ainsi 
Saiil  fut  choisi  pour  être  le  premier  roi  du 
peuple  de  Dieu  ,  mais  il  avait  déjà  été  dési- 
gné à  Samuel  par  une  révélation  divine;  ce 
prophète  ne  recourut  au  sort  que  pour  con- 
vaincre le  peuple  du  choix  que  Dieu  avait 
fait.  Saiil  lui-même  ,  convaincu  que  l'on 
avait  violé  une  défense  qu'il  avait  faite,  (il 
jeter  le  sort  pour  connaître  le  coupable,  et 
le  sort  tomba  sur  son  fils  Jonathas.  Josué 
avait  découvert  par  la  même  voie  le  larcin 
qui  avait  été  commis  par  Achan,  dans  le  sac 
de  Jéricho.  Il  n'y  a  pas  lieu  de  juger  <|ue 
dans  ces  occasions  l'on  a  tenté  Dieu  contre 
la  défense  de  la  loi  ;  puisque  Dieu  permet- 
tait aux  chefs  de  la  nation  d'attendre  de  lui 
des  oracles  en  pareilles  circonstances  ,  à 
plus  forte  raison  trouvait-il  bon  qu'ils  lui 
demandassent  de  faire  connaître  sa  volonté 
par  le  sor^  El  Dieu  en  agissait  ainsi  pour 
empêcher  les  Israélites  d'employer  les  pra- 
tiques superstitieuses  et  les  différentes  es- 
pèces de  divin  ition  par  lesquelles  les  idolâ- 
tres prétendaient  consulter  leurs  dieux.  Yoy. 
Divination. 

Dans  le  Nouveau  Testament  nons  ne 
voyons  qu'un  seul  exemple  du  sort  de  con- 
sultation ,  Act.,  I,  V.  33.  Lorsqu'il  fallut 
donner  un  successeur  à  Judas  dans  l'apos- 
tolat, on  en  proposa  deux,  Barsabas  et  Aial- 
thius.  Saint  Pierre,  pour  ne  point  montrer 
de  urédileclion  ,  pria  Dieu  de  désigner  par 
le  sort  celui  des  deux  qu'il  fallait  choisir,  et 
le  sort  tomba  sur  saint  Matthias.  —  Quel- 
ques auteurs,  à  qui  cette  manière  de  choisir 
un  apôtre  paraissait  être  d'un  exemple  dan- 
gereux, ont  cherché  des  raisons  pour  l'ex- 
cuser ;  mais  nous  ne  voyons  pas  en  quoi 
saint  Pierre  et  ses  collègues  ont  besoin  d'ex- 
cuse. Les  apôtres,  à  qui  Jésus-Christ  avait 
promis  d'envoyer  le  Saint-Esprit ,  et  qui  le 
reçurent  en  effet  quelques  jours  après  , 
étaient  bien  fondés  sans  doute  à  espérer  que 
Dieu  se  déctiarerait  dans  cette  occasion,  el 
l'événement  a  prouvé  qu'ils  ne  se  trompaient 
pas.  11  était  à  propos  que  le  choix  d'un 
apôtre  partit  venir  immédiatement  de  Dieu 
et  non  des  hommes.  Ce  qui  était  autrefois 
en  usage  parmi  les  Juifs  n'est  pas  nécessaire 
pour  justifier  la  conduite  du  collège  aposto- 
lique. 

Pourquoi  ne  jugerions-nous  pas  de  même 
de  l'élection  de  quelques  saints  personnages 
qui  ont  élé  élevés  à  l'épiDCopal  de  la  même 
manière,  dans  les  premiers  siècles  de  chris- 
tianisme? Dans  un  temps  auquel  Dieu  ac- 
cordait à  sou  Eglise  les  dons  miraculeux,  ce 
n'était  pas  tenter  sa  puissance  que  d'en  at- 
tendre un  signi-  surnaturel  en  pareille  cir- 
constance ;  lor^iju'il  se  trouvait  plusieurs 
sujets  é|;uleuienl  dignes  de  l'episcopat,  el 


513 


SOR 


rgalcDient  capables  d'en  remplir  les  devoirs, 
le  anrt  étail  un  moyen  de  prévenir  les  ttri- 
j^ues,  les  murmures,  les  prédileclion^  ()nrmi 
les  fidèles  pour  leurs  pasteurs,  et  d'éviter 
l'inconvénient  (|ui  étail  arrivé  du  temps  de 
saint  l'anl.dans  ri'"glise  de  Corinlhe,  /  Cor., 
c.  r,  V.  11.  Mais,  dans  les  siècles  suivants, 
lorsque  l'elTusion  des  dons  niiraciileux  eut 
cessé,  c'était  un  abus  de  vouloir  encore  ()ue 
le  sort  décidât  du  choix  des  événui's  ;  il 
pouvait  loinlier  sur  dos  sujets  très-peu  pro- 
pres à  remplir  celte  dignité.  Dieu  n'avait 
pas  promis  de  déclarer  toujours  ainsi  sa  vo- 
lonté, et  il  n'y  avait  plus  aucun  motif  rai- 
sonnable de  l'espérer.  Nous  ne  devons  donc 
pas  être  surpris  de  ce  que  cette  manière 
d'élire,  qui  avait  été  formellemenl  approu- 
vée par  un  concile  de  Barcelone,  en  599, 
pour  des  raisons  que  nous  ignorons,  fut  ex- 
pressément défendue  dans  la  suite.  Il  ne 
s'i'usuit  pas  cependant  que  l'on  doive  con- 
damner de  même  toutes  les  élections  qui, 
dans  quelques  républiques,  se  font  par  le 
sort,  pour  les  magisiralures  et  pour  d'au- 
tres charges  civiles.  On  n'y  suppose  rien  de 
surnaturel,  et  l'on  en  use  ainsi  à  l'égard 
d'un  ordre  de  citoyens  qui  sont  censés  tous 
également  capables  de  remplir  les  devoirs 
([ue  l'on  veut  leur  imposer. 

Enfin,  l'on  appelle  sort  de  divination  celui 
qui  a  été  souvent  mis  en  usage  pour  cou- 
nuitre  l'avenir.  Comme  Dieu  s'est  réservé 
cette  connaissance  pour  des  raisons  tres- 
sages, Isai.,  c.  xLi,  v.  22  et  23,  qu'il  ne  l'a 
prcmiise  à  personne,  et  qu'il  ne  serait  pas 
utile  aux  hommes  de  l'avoir,  c'est  attenter 
à  ses  droits  que  de  la  chercher  par  des 
moyens  qu'il  n'a  pas  établis  pour  cela,  et 
qui  n'ont  par  eux-mêmes  aucune  vertu.  Le 
crime  est  beaucoup  plus  grand  quand  on 
em|)loie  pour  ce  sujet  des  moyens  absurdes 
ou  impii's,  et  qui  ne  peuvent  avoir  aucun 
elTet  que  par  l'entremise  du  démon.  C'est 
surtout  contre  celte  dernière  espèce  de  divi- 
nation que  plusieurs  conciles  ont  lancé  des 
anathèmes.  On  peut  les  voir  dans  Ducange, 
au  mol  Sorts,  et  dans  Tiiiers,  Traité  des  Su- 
persiitions,  t.  I,  i"  part.,  I.  m,  c.  6,  etc. 

C'est  sur  ces  principes,  admis  par  tous 
les  Ihéologiens,  que  l'on  doit  juger  de  l'é- 
preuve que  l'on  a  nommée  les  sorts  des 
saints,  dont  nous  allons  parler. 

Sorts  des  saints.  On  sait  que  l'usage 
étail  établi  chez  les  jia'ïens  d'ouvrir  au  ha- 
sard rilliade  d'Homère  ou  les  poésies  de 
^'irgile,  et  de  regarder  comme  un  pronostic 
certain  de  l'avenir  les  premières  paroles  qui 
s'olTraient  aux  yeux  du  lecteur;  c'est  ce  que 
l'on  appela  les  sorts  d'Homère  ou  de  Virgile. 
\prè8  la  destruction  du  paganisoie  ,  des 
chrétiens  mal  instruits  crurent  sauclitier 
:elte  pratique  superstitieuse  en  consultant 
le  la  même  manière  les  livres  sacres,  et  en 
lommant  cette  espèce  de  divinaliou  les  soi  ts 
les  saints.  Ou  en  peut  voir  un  long  détail 
lans  les  AJémoiris  de  l'Acad.  des  Inscrip- 
li(ins,l.  XXXI,  iii-12,  p.  98, et  dans  Ducange, 
au  mot  Sortes  snnclorum.  Cela  se  faisait  de 
deux  muuiàr«g.   La    premicra    consistait  à 


SOR  h\i 

ouvrir  au  hasard  l'un  des  livres  de  l'Ecriture 
sainte,  mais  après  av(»ir  imploré  aupara- 
vant le  secimrs  du  ciel  par  des  jeûnes,  des 
prières  et  d'autres  pratiques  de  religion,  et 
à  prendre  pour  règle  de  ce  que  l'on  devait 
l'aire  le  premier  passage  que  l'on  rencon- 
trait. La  seconde  était  de  recevoir  comme 
un  oracle  les  premières  paroles  que  l'on 
entendait  lire  ou  ehaiiler  en  entrant  dans 
l'église,  après  avoir  lait  les  mêmes  prépara- 
tions. Les  auteurs  que  nous  venons  de  citei* 
rai>porteiit  plusieurs  exemples  de  l'une  et 
de  l'autre. 

On  se  servit  quelquefois  de  la  première 
pour  le  choix  d'un  évêque;  c'est  ainsi  que 
saint  Aignan  fui  désigné  pour  succéder  à 
saint  liuverte  sur  le  siège  d'Orléans,  vers 
l'an  3i)l,  et  que  l'élection  de  saint  Alarlin  à 
révêche  de  To:irs  fut  confirmée,  l'an  374-, 
malgré  l'opposition  d'un  parti  considérable 
formé  contre  lui.  Ce  sont  là  les  deux  seuls 
exemples  anciens  que  l'on  connaisse;  saint 
Grégoire  de  Tours,  mort  l'an  59j,  en  a  cité 
plusieurs  autres,  mais  ils  concernaient  des 
affaires  purement  lempoi  elles,  et  il  y  eu  a  eu 
dans  ri!.glise  grecque  aussi  bien  que  dans 
l'Kglise  latine.  —  Saint  Augustin  a  blàmé 
cette  pratique,  Epist.  5o ,  ad  Januar., 
cap.  20,  n.  37  :  «  A  l'égard,  dit-il,  de  ceux 
qui  tirent  des  sorts  des  livres  des  Évangiles, 
quoiqu'il  soit  à  désirer  qu'ils  en  Usent  ainsi 
plutôt  que  de  consulter  les  démons,  cepen- 
dant cette  pratique  me  déplaît;  je  n'aime 
point  que,  tandis  que  les  oracles  divins  ne 
[larlenl  que  des  choses  de  l'autre  vie,  un  les 
applique  au  néant  de  celle-ci,  m  aux  alTaires 
de  ce  siècle.  »  Le  saint  docteur  comprenait 
que  cet  usage  sentait  encore  le  paganisme. 

11  est  reconnu  que,  depuis  environ  le 
viii'  siècle,  les  exemples  de  cet  usage  ont 
été  très-rares;  la  raison  est  qu'il  avait  été 
condamné  et  sévèrement  dolendu  par  les 
canons  de  plusieurs  conciles.  i;elui  de  Van- 
nes, tenu  sous  le  poiiiilicat  de  saint  Léon, 
l'an  4G5,  défend  aux  clercs,  sous  peine  d'ex- 
communication, d'exercer  la  divination  que 
l'on  appelle  le  son  d<s  saints,  et  de  pré- 
tendre découvrir  l'avenir  par  aucu  le  Lcri- 
lure  que  ce  soit.  Ce  concile  ne  l'autorise 
pour  aucune  espèce  d'affaires.  Ceux  d'Agde 
l'an  50(5,  d'Orléans  l'an  511,  d'Auxerre  en 
595,  un  capilulaire  de  Charlemagne  en  789, 
font  la  même  défense,  et  elle  a  clé  insérée 
dans  le  Peuitenliel  romain. 

Nous  convenons  que  ces  lois  ne  firent 
point  cesser  l'abus  dont  nous  parlons,  puis- 
qu'il fallut  encore  les  renouveler  dans  la 
suite  ;  le  désordre  même  fut  poussé  plus  loin. 
On  s'avisa,  lorsqu'un  evêque  était  sacré,  et 
après  qu'on  lui  avait  mis  1  Evangile  sur  (es 
épaules,  d'ouvrir  le  livie  et  de  prendre  le 
premier  passage  qui  s'offrait  pour  une  pré- 
diction de  la  conduite  future  du  nouvel 
évêque;  bientôt  on  fit  la  même  chose  à  l'é- 
lection des  abbes  et  à  la  réception  des  cha- 
noines. Cette  coutume,  à  laquelle  la  mali- 
gnité eut  ordinairement  beaucoup  plus  de 
part  que  la  superstition,  produisit  souvent 
d«  très-mauvais  eUsls;  plus  d'un*  fois   lu 


515 


SOR 


soi 


^i« 


fâcheux  présage  tiré  des  paroles  de  l'Evan- 
{Tile  ii\disposa  d'avance  les  peuples  contre 
leur  nouve.Hi  pasleur,  el  servit  à  rendre 
odieuse  la  conduite  de  queliiues-iins  (jui  ne 
iiioritaienl  pas  celle  espère  d'opprobre  ;  sou- 
veul  aussi  les  espéiances  favorables  que  l'on 
avait  conçu  s  de  quel(|ues  prisonnagcs,  sur 
l(-  même  l'réjugé,  furent  trompées  par  l'c- 
vénenienl.  Il  est  évident  que  le  sort  de  divi- 
nalion  él.iit  proscrit  par  les  canons,  qui  dé- 
pendaient en  général  le  sort  des  saints.  Nous 
nu  pensons  pas  néaninoins  ([ue  cet  abus  ait 
duré  aussi  longtemps  que  nos  littérateurs  le 
prétendeni.  Quoiau'il  soit  encore  condamné 
par  des  décrits  du  wW  ou  du  xiv  siècle, 
cela  ne  prouve  pas  qu'il  ait  encore  été  com- 
mun pour  lors.  Il  y  a  encore  de  vieux  Ki- 
tucls  dans  lesquels  on  excommunie  au  prône 
dcs  paroisses  les  magiciens,  les  sorciers  et 
les  ilevins  ;  il  ue  s'ensuit  pas  pour  cela  qu'il 
y  ait  paiini  nous  un  grand  nombre  de  ces 
insensés. 

L'autre  manière  de  pratiquer  le  sort  des 
saints,  qui  consistait  à  prendre  pour  une 
prédiction  de  l'avenir  les  premières  paroles 
que  l'on  entendait  lire  ou  chanter  en  entrant 
dans  l'église,  n'était  pas  moins  digne  de 
censure.  IMais  on  attribue  cette  superstition 
à  de  saints  personnages  qu'il  n'est  pas  dif- 
ficile de  justifier.  Autre  chose  est  de  faire 
attention  à  une  rencontre  fortuite  analogue 
aux  objets  dont  on  a  l'esprit  occupé,  et  d'en 
être  ému;  autre  ch  se  de  la  regarder  comme 
un  présage  certain  de  ce  qui  arrivera  :  le 
premier  de  ces  sentiments  n'est  qu'une  fai- 
blesse, le  second  serait  une  superstition. 

Sur  la  seule  autorité  de  Métaphrasie,  au- 
teur très-suspect,  on  dit  que  saint  Cyprien 
faisait  beaucoup  d'attention  aux  premières 
paroles  qu'il  entendait  en  entrant  dans  l'é- 
glise, et  qu'il  les  prenait  pour  un  présage 
lors(iu'elles  se  trouviiient  analogues  aux 
pensées  ou  aux  desseins  qu'il  avait  dans 
l'esprit.  Ce  fait  aurait  besoin  d'être  mieux 
prouvé;  on  sait  que  saint  Cyprien  n'était 
rien  moins  qu'un  esprit  faible. 

On  a  tort  de  citer  pour  exemple  saint  An- 
toine, qui,  entendant  ces  paroles  de  l'Evan- 
gile :  Si  vous  voulez  être  parfait,  allez  vendre 
ce  (jue  vous  possédez,  et  donnez-le  aux  pau- 
vres, etc.,  se  fil  l'application  de  ce  conseil  et 
alla  l'exécuter;  saint  Augustin,  qui,  pour 
fixer  ses  irrésolutions,  ouvrit  les  lipîtres 
de  saint  Paul,  et  y  trouva  des  paroles  qui  le 
déterminèrent  enfin  à  se  convertir;  saint 
Louis,  qui,  après  avoir  accordé  la  grâce  d'un 
criminel,  la  révoqua,  parce  qu  il  tut  dans  le 
Psautier  (es  n»ots  :  Heureux  ceux  (jui  exer- 
cent la  justice  en  tout  temps.  Ces  saints  n'a- 
vaient pas  cherché  exprès  tes  reiicoiitres 
fortuites  pour  en  tirer  un  présage  ou  une 
leçon,  ii  n'y  a  pas  plus  de  superslltiou  dans 
leur  conduite  que  dans  celle  d'un  pécheur 
qui  entre  par  hasard  dans  une  église,  et  qui 
entend  un  prédicateur  dont  les  exh  >ria(ioii$ 
le  touchent  et  le  font  rentrer  en  lui-même. 

Sur  tous  ces  faits  et  autres  semlilaiilcs,  il 
y  a  des  réllexions  à  faire.  Lu  premier  lieu, 
on  De  peut  pas  citer  beaucoup  d'excnuilcs 


d'évôques  élus  par  le  sort  des  saints;  ce  qui 
se  fit  à  l'égard  de  saint  .Martin  et  de  saint 
Aignin  avait  moins  pour  objet  de  désigner 
le  sujet  qu'il  fall  ;il  élire  que  de  confirmer 
lin  choix  déjà  l'ail,  et  de  vai:icre  l'obstina- 
tion du  peuple  ou  celle  de  quelques  chefs  de 
parti,  et  ce  moyen  n'est  pas  louable.  En  se- 
cond lieu,  le  sort  des  saints  mis  en  usage 
pour  savoir  quel  serait  l'évéïiemenl  d'une 
affaire  quelionque,  o\i  quelle  serait  la  con- 
duite d'un  nouvel  évêque ,  éliiit  évidem- 
ment une  divination  superstitieuse;  aus-.i  la 
voyons-nous  condamnée  par  les  canons  dès 
sa  naissance;  elle  ne  prit  faveur  qu'à  l'abri 
de  l'iL^norance  que  les  barbire^  amenèrent 
à  leur  suite,  en  se  répandant  d'un  bout  de 
l'Europe  à  l'aulre;  elle  faisait  pirtie  des 
épreuves  superstitieuses,  et  ces  absi;rdilés 
ti'auraient  pas  duré  si  longtemps,  si  les  pas- 
sions humaines,  qui  ne  respectent  aucune 
loi,  n'y  avaient  pas  trouvé  un  moyen  de  se 
satisfaire.  En  troisième  lieu,  l'attentijn  (|ue 
l'on  fait  aux  rencontres  fortuites  n'est  point 
une  superstition,  quand  on  ne  les  a  pas 
cherchées  exprès  pour  en  tirer  des  présa- 
ges, quand  on  n'y  suppose  rien  de  surna- 
turel, quand  on  n'y  ilonne  pas  une  entière 
confiance.  En  quatrième  lieu,  les  auteurs 
qui  nous  ont  représenté  le  sort  des  suints 
praiiqué  au  sacre  des  évoques  comme  une 
partie  de  cette  cérémonie,  comme  un  rite  de 
l'office  sicré,  comme  une  circonstance  près» 
crite  par  le  Rituel,  se  sont  joués  de  la  crédu- 
liié  dt  s  ignorants,  puisqu(!  toute  espi"'(C  de 
sort  dci  sain's  était  expressément  défendue 
par  les  canons.  C'est  une  absurdité  de  ciier 
ce  qui  s'est  fait  en  Angleterre  sous  le  règne 
d'un  t;,  ran,  tel  que  Guillaume  le  Houx,  et 
sous  les  autres  rois  normands  qui  lui  res- 
semblaient; il  vendit  tous  les  bénéfices,  il 
chassa  les  évoques  les  plus  respectables 
pour  mettre  des  brigands  à  leur  place,  etc. 
Le  docteur  Prideaus  a  trouvé  bon  d'argu- 
menter sur  ces  désordres  pour  montrer 
quelle  était  la  corruption  de  l'Eglise  romaine 
dans  le  xi""  et  le  xii'  siècle,  et  pour  faire 
Voir  comment  se  sont  introiluits  les  autres 
abus  que  les  protestants  nous  reprochent  ; 
Histoire  des  Juifs,  I.  \iii,  sous  l'an  2i)  de 
Jesns-Christ.  Mais  l'état  de  l'Eglise  d'An- 
gleterre sous  le  joug  de  conquérants  impies 
et  brulaux,  n'a  rien  de  commun  avec  l'otat 
de  l'Eglise  romaine  dans  les  auires  parties 
du  monde;  ce  temps  de  désordre  n'a  pas 
duré  longtemps,  et  il  n'en  était  plus  q'ies- 
tion  lorsque  les  prétendus  réformateurs  sont 
venus  au  monde.  Le  concile  d'Enhani  en 
Angleterre,  tenu  l'an  1009,  avait  proscrit 
ceux  qui  exerçiiient  le  sort  des  suints,  tout 
comme  les  sorciers  et  les  magiciens  ;  de  quel 
Iront  peut  ou  dire  que,  dans  ce  te'ii(is-là,  ce 
sort  laisaii.  partie  de  l'olfice  divin '/  Mais  les 
prolestants  ne  se  sont  jamais  fait  scrupule  de 
calomnier  lEgiise  ro. naine. 

Fête    des    sukts    chkz    lks   Juifs.    l'i>i/. 

ESTHl'.R. 

SORTILÈGE.  Voy.  Sorcellerie. 
SOUEFKANCE.   Ce    n'est    point    à    nous 
dexatuiuer  lu   valeur  des   arguments,  ou 


tl7                                  SOU  SOU                                   .'ils 

pUiU'il  des  sophisines  par  lesquels  les   sloï-  vieniiont   de    Dieu,   ol   qu'en  souffrant   pa- 

ciens  préltMid.iieiit  prouver  que   la  douleur  liiMiiiniMit   il    pi'ut   niérilcr   une   éternité   de 

ou  les  sonfj'rances  ne  sont  p;is  un  mal;  plu-  bonheur.  Ici  l'on  pool  s'en  rapp  irter  à  l'ex- 

sieurs  moralistes  eu  ont  démouiré  le  peu  de  périenco.    Comme    l'onlûieMienl    des   épicu- 

solidité.  Les  pompeuses    maximes  du   sr>ï-  riens  ne  les  met  pas    à    couvert  de  soulTrir, 

cisme  ont  pu  faire  impressinn  sur  (|ueli|uc$  Iirsuu'ils    se    Iroiivent    aux    prises   avec    la 

âmes  fortes,  leur  inspirer  un  nouveau  degré  douleur,  ih  convienuent  (jue  la  religion  est 

de   constance,    les    euipêchiT   de   se    livrer  une  ressource  plus  puissante  nue   la  pliilo- 

anx    (ïéniissemenls    et    au    désespoir    lors-  sopliie.  Mais  en  bonne  santé   ils  ar(,Miniea- 

(ju'elles  souffraieul;   quel(|ues   pliilosoplios,  tent.  Les  souffrances,  disent-ils,  ne   peuvent 

liaiis  les   mêmes   circonstances,  ont   pu    af-  être    une    punition    du    péihé,    puisqu'elles 

ferler    par    dP^ueil    un    air   d'insensibilité  :  tombent   sur    tous   les    hciuiines,  et   que    les 

mais  une  preuve  que  ci's  liomiiies   vains  ne  plus  coupables   ne  sont    pas    toujours   ceuv 

regardaient    pas   \i's  soiifj'rnnccs   comme   un  qui  souffrent  le  plus.  Il  est  in^ligne  d'un  Dieu 

bien,  c'e-t  que  plusieurs  ont  ch'  relié  à  s'en  bon  d'affliger  ses  créatures;  un  père  ne  peut 

délivrer  iii  se   donnant  la  mort.  Il  u'appar-  |'''S  'e  plaire  à  voir  soulTrir  ses  enfants;  les 

tenait  qu'il  un  Dieu  revêtu  des  faiblesses  de  souffrances  ne  peuvent  être  un  bienfait  dans 

riiumaiiiié,   de   faire    envisager,    même    au  aucun  sens. 

commun  des  hommes,  les  sou//V(/iu'c»' comme  Toutes    ces    maximes    épicuriennes    sont 

une  expiation  du  péché,  comme   un   moyen  évidemment  fausses.  Puisnue  tous  les  lioiu- 

ilc  purifier  la   vertu   et   de   mériter  nue  ré-  nies  sont  pécheurs,  il  n'est  pas  éionnant  (|ue 

compense  éternelle,  par  conséquent  comme  tous   soient  condamnés    <i   souffrir  plus    ou 

an  bienfait  de  la  Providence  :  Heureux  ceux  moins  ;  mais  comme  les  souffrances  servent 

7i((  pleurent,    p  rce   qu'ils   seront   consolés;  encore  à  purifier  la  vertu  et  à  la  rendre  digne 

hfurruT  ceux  qui  souffrent  perséc  ition  pour  d'une    récompense,    les    hommes    vertueux 

la  jtislii.e,  parce  que  le  royaume  des  aeix  est  qui  souffrent  plus   (|ue   les  autres,  ont    une 

(}  eux.  Ces  maximes  de  Jésus-Christ,  souii'-  espérance  -bien    fondée   d'êire    récompensés 

nues  par   ses  exemples,  ont  rendu  des  mil-  plus  abondamment  dans   l'autre  vie;   il   est 

tiers  d'hommes  capables,  non-seulement  de  donc  f.iuv  qu'à  leur  égar<l   les  afflictions  ne 

soulTi'ir  sans   faiblesse  et  sans  oslenialiou.  Soient   pas    un  bienfait.   Un    père  n'aimerait 

mais   de  désirer  les  souffrauc.  s ,   de  les   re-  pas  sans   doute    à    voir  souflrir   ses  ei.fants 

chercher,  d'y  goûter  de   la  joie,  cl  d'en   re-  sans  aucune   utilité,  mais    il    se    féliciterait 

mercier   Dieu.    Que  des   épicuriens,   qui  ne  ccrlaiiiement,  s'il  savait  que   par  leur  coiis- 

connaissent  point  d'antre  bicii  que  le  (daisir  lance  ils  parviemiront  au  plus  haut  degré  de 

des  sens,  soient  scandalisés   de   celte  cou-  gloire  et  de  bonheur;   s'il   était  clirélien,  il 

(liiiie,  qu'ils  11    regardent  comme  un   fana-  iniiierait  à  ce  moment  l'exemple  de  la  mèie 

lisi.ie  Cl  une  folit-,  cela   n'est  pas  étonnant,  des  Machahées. 

L'//o//i(»(e  «ji/m«/,  dit  saint  Paul,  ?ie  cj»ipre;id  P(]isqu'il  est  prouvé  par  une  expérience 
ri'cK  à  ce  qui  vient  de  l'esprit  de  Dieu,  il  le  constante  que  la  prospérité  et  le  plaisir  sont 
reijurdc  comme  une  folie  (/  Cor.  ii,  14).  De  une  source  infaillible  de  corruplion  et  nu 
prélendus  philosophes,  ([ui  ne  savent  goûter  écueil  certain  pour  la  vertu,  les  souffrances, 
d'autre  félicité  que  celle  «es  animaux,  ne  par  la  raison  contraire,  sont  un  préservatif 
doivent  envisager  les  souffrances  qu'avec  el  un  remède  contie  le  vice  ;  les  philosophes 
horreur.  —  Lorsque  Jésus-Christ  |)arui  sur  anciens  l'ont  compris  et  ont  établi  celte  vê- 
la terre,  l'épicuréisme  prati(iue  awiil  infecté  rit>  p:ir  leurs  maximes.  Voy.  Affucxi  ^n. 
loules  les  nations  ;  les  affliciions  leur  pa-  Mais  elle  e-t  inQniment  mieux  déiuontrée 
r.'iissaient  un  effet  de  la  colère  da  ciel  et  un  par  l'exemple  des  saints  formés  el  instruits 
caractère  de  réprobiilion  ;  c'était  l'opiniou  à  l'école  de  Jésus-Christ.  —  Soit,  iliseni  en- 
générale.  Un  des  arguments  que  les  philo-  core  nos  raisonneurs  ;  quand  cela  serait 
sophes  ont  employé  le  plus  eommuiiémeut  vrai  à  l'égard  des  affliciions  qui  nous  ani- 
conlre  le  christianisme,  fut  de  soutenir  que  vent  malgré  nous,  où  est  la  i,coessilé  d'y 
si  celte  religion  était  agréable  à  Dieu,  il  ne  ajouter  des  souffrances  volontaires,  (tes  lua- 
permeltrail  pas  que  l'on  lourineutàl  et  que  cérations  insensées  ,  des  austérités  esces- 
i'on  mit  à  mort  ceux  qui  l'embrassaient,  sives  (|iii  ne  peuvent  aboutir  (|u'à  nous  de- 
Celse  et  Julien  ont  répète  dis  fois  cetl''  ob-  Iruire?  Ici  les  incrédules  ne  sont  que  les 
jeelion.  La  question  clail  donc  alors,  comme  échos  des  prolestants  ;  nous  avons  réfuté  les 
e  le  est  encore  aujourd'hui,  de  savoir  si  uu  uns  el  les  autres  à  l'article  Mortifiu  ^tion. 
Dieu  sage  el  bon  doit  atlacb<  r  le  bonheur  à  Nous  ajoutons  seulement  que  l'excès  n'esl 
la  paiiiiire  plutôt  qu'à  la  faiblesse,  à  la  louable  dans  aucun  genre,  et  que  s'il  y  eu 
veilii  plutôt  qu'au  vice,  (iar  enfin,  puisque  eut  j.iioais  dans  celui  dont  nous  parions, 
la  vertu  est  la  force  de  l'àme,  s'il  n'y  avait  l'Kglise  ne  l'a  point  approuvé.  Voy.  Flagel- 
nen   à  souffrir  dans  ce  monde,  la  venu   ne  lvnts. 

nou.  serait  pas  nécessaire;  les   philosophes  SOUFFRANCES  DE  JESUS-CHRIST.  Voy. 

moralistes    auraient  eu    tort   d-    mettre    la  Passion. 

force  au  nombre  des  vertus.  La  question  est  SOUILLURE.  Voy.  Impureté  lég/vle 

encore  de  savoir  si    celui  qui   envisage   les  SOUS- DIACONAT  ,    SOUS-DIACRË.    Le 

souffrances  comme  l'effet  d'une  aveugle  fa-  sous-diaconat   est  un    ordre    ecclésiastique 

lalité,    est   mieux  disposé   à    les   supporter  inférieur  à  celui  de  diacre,  comme  son  nom 

avec  courage,  que  celui  qui   croit  qu'elles  l'exprime,  mais  qui  e.si  regardé  dans  l'Eglise 


M  9  SOU 

laline  comme  un  ordre  sacré,  et  comme  l'un 
des  trois  ordres  majeurs.  Saiiil  Cjprien  et 
le  pape  s.iin'  Corneille  en  ont  fail  menliDO 
au  m'  siècle.  Dans  l'Kglise  grecque,  le  sous- 
diacre,  nommé  ÙTroSiàzovof,  esl  ordonné  par 
riinposilion  des  mains,  avec  une  prierai  >\ue 
l'évèqup  récite,  el  qui  exprime  la  saiiiieié  des 
fonctions  de  cet  ordre.  Dans  l'Eglise  laiiue  , 
l'évêque,  après  avoir  invoqué  pour  l'ordi- 
nand  prosterné  l'intercession  des  saints  ,  et 
lui  avoir  représenté  les  devoirs  auxi|ucls  il 
vil  être  assujetti,  lui  fail  loucher  le  calice  el 
la  patène  vides,  l'avertit  des  vertus  iiii'il  doit 
avoir,  et  fait  une  prière  par  laquelle  il  de- 
mande à  Dieu  pour  lui  les  dons  du  Saint- 
Esprit  ;  il  le  revél  ensuite  de  la  dalmatique, 
et  lui  mel  en  main  le  livre  des  Epîtres  que 
l'on  chante  à  la  messe;  celle  dernière  céré- 
monie n'est  jpas  ancienne.  Celle  différence 
d'ordination  a  fait  penser  à  plusieurs  scolas- 
li(iues  que  le  sous-diaconat,  non  plus  ((ue 
les  ordres  mineurs,  ne  sont  pas  des  sacre- 
ments ;  mais  la  plupart  des  théoloj;iens  pen- 
sent le  ciinlraire,  et  nous  en  avons  dil  les 
raisons  au  mot  On»nE.  —  Chez  les  Grecs,  les 
fonctions  du  sous  diarre  sont  de  préparer  les 
Tdses  sacrés  nécessaires  pour  la  célébra- 
tion du  saint  sacrifice,  et  qui  doivent  être 
portés  sur  l'autel  par  le  diacre,  de  garder 
les  portes  du  sanctuaire  pendant,  cette  célé- 
bration ,  d'en  écarter  les  caléchuuiènes  et 
tous  ceux  qui  ne  doivent  pas  y  assister. 
Chez  les  Latins,  c'est  à  lui  de  préparer  non- 
seuleiiienl  les  vases  sacrés,  mais  encore  le 
p  iin  et  le  vin  pour  le  saint  sacrifice,  de  les 
présenter  au  diacre,  de  recevoir  les  obla- 
tions  des  fidèles,  de  chanter  l'épître  à  la 
messe,  de  purifier  les  vases  et  les  linges 
après  le  sacrifice,  el  dans  plusieurs  églises  , 
de  porter  la  croix  à  la  procession.  —  Dans 
l'Eglise  grecque  les  sous-  diacres  ne  sont 
point  astreints  à  la  loi  du  célibat  ;  dans 
l'Eglise  laline  ils  y  ont  été  obligés,  au  moins 
depuis  le  vr  siècle,  el  à  la  récitation  du  bré- 
viiiire  <iu  de  l'office  divin. 

(Quelques  auteurs  prétendent  qu'autrefois 
les  sous-diaeres  étaient  les  secrétaires,  les 
messagers  el  les  commissionnaires  des  évé- 
(|ues  ;  qu'ils  étaient  chargés  des  aumùnes  el 
de  rad(ninislration  du  temporel  de  l'église  , 
conjoinleinenl  avec  les  diacres. 

Au  mol  Ordue,  nous  avons  fait  voir  que 
le  motif  de  l'institution  du  soiis-diaconal  et 
des  ordres  mineurs  n'a  pas  été  la  négligence, 
la  mollesse,  le  faste  ni  l'ambition  des  cvê- 
ques,  comme  les  proleslanis  l'ont  imaginé  , 
mais  le  respect  pour  le  saint  sacrilice  des 
autels,  el  la  haute  idée  que  l'on  voulait  en 
donner  aux  fidèles.  Pour  cela  il  fallait  des 
cérémonies,  un  extérieur  pompeux,  un  nom- 
bre de  ministres  subordonnés  les  uns  aux 
autres,  et  chargés  de  difl'érentes  fonctions. 
Si  on  avait  eu  de  la  consécration  de  l'eucha- 
rlslie  une  idée  aussi  basse  que  celle  qu'en 
ont  les  protes'anls,onne  seserail  jamais  av  isé 
il'.y  mettre  tant  d'appareil  ;  si  rmi  avait  cru 
comme  eux  que  c'est  la  simple  représenta- 
lion  de  la  dernière  cène  de  Jesus-Christ,  on 
l'aurait  célébrée  d'une  manière  aus^i  simple 


tsPE 


mo 


qu'eux  ;  le  retranchement  qu'ils  ont  fail  de 
tout  le  cérémonial  atteste  la  nouveauté  de 
leur  doctrine. 

SOUS-INTRODUITE.  Voy.  Agapète. 

SPECTACLE.  De  savoir  s'il  esl  permis  ou 
non  de  fréquenter  les  spectacles  du  théâtre  , 
c'est  une  question  qui  lient  à  la  morale  chré- 
tienne ;  nous  ne  pouvons  donc  nous  dispen- 
ser d'en  dire  noire  avis,  ou  plutôt  de  rap- 
porter ce  qu'eti  ont  pensé  les  sages  de  tout 
temps,  fv'influence  du  ihéâtre  sur  les  mœurs 
publiques  esl  alleslée  par  des  témoignages 
irrécusables.  Tile-Live  ,  Tacile,  Séiièque, 
Lucien,  Pétrone,  Zozime  ,  nous  apprenncnl 
que  les  spectacles  de  l'amphilhéâlre  et  les 
combats  des  gladialeuis  acc.>uluinèrenl  les 
Romains  à  l'effusion  di  sang;  c'est  là  que 
les  empereurs  apprirent  à  se  faire  un  jeu 
de  le  répandre  :  ainsi  le  peuple  romain  porta 
pendant  longtemps  la  peine  de  sa  fureur 
pour  ce  cruel  amusement.  Or,  si  des  specta- 
cles sanglants  uni  été  capables  do  familia- 
riser les  hommes  avec  le  meurtre,  pour  le- 
quel ils  ont  naturellement  de  l'horreur,  des 
scènes  licencieuses  et  lascives  auront-elles 
moins  de  pou^oir  pour  leur  inspirer  le  goiit 
de  l'impudicilé  ?  Nous  nous  en  rapportons 
encore  au  jugement  des  auteurs  païens  , 
même  des  poêles.  Ovide,  que  l'on  ne  pren- 
dra pas  pour  un  casuisle  fort  sévère,  nous 
montre  ce  qu'il  pensait  de  la  cotnédie.  «  Qu'y 
voit-on,  dit-il,  sinon  le  crime  paré  des  plus 
belles  couleurs  ?  c'est  une  femme  qui  trompe 
son  mari  el  se  livre  à  un  amour  adultère. 
Le  père  el  les  enfanis,  la  mère  et  la  fille,  de 
graves  sénateurs,  se  plaisenl  à  ce  spectacle  , 
repaissent  leurs  \eux  d'une  scène  impudi- 
que, oui  les  oreilles  frappées  de  vers  obscè- 
nes. Lorsque  la  pièce  est  conduite  avec  art, 
le  théâtre  leteiilll  d'acclamations  ;  plus  elle 
est  capable  de  corrompre  les  mœurs,  mie 
le  poêle  esl  recompensé  :  les  magistrats 
payent  au  poids  de  l'or  le  crime  de  l'auteur.» 
Trisl.  1.11,  Jufénal  ne  s'exprime  pas  u»ec- 
moins  d'énergie.  —  On  sait  que,  chez  les 
Romains  ,  les  lois  déclaraient  infâmes  les 
acteurs  du  théâtre.  Cicéron,  chargé  de  dé- 
fendre dans  un  procès  Roscius,  acieur  célè- 
bre, fut  obligé  (l'employer  toule  son  élo- 
quence pour  écarter  le  préjugé  qu'inspirait 
contre  cel  homme  la  turpitude  de  sa  profes- 
sion. Il  dit,  Tuscul.,  I.  IV  :  Si  nous  n'ap- 
prouvions pas  des  crimes,  la  comédie  ne 
pourrait  subsister.  L'empereur  Julien  en 
parle  avec  le  dernier  mépris  ;  il  défendit 
aux  prêtres  du  paganisme  d'assister  à  aucun 
spectacle.  Devons-nous  être  surpris  de  la  cen- 
sure sévère  que  les  Pères  de  l'Egiise  en  ont 
laiie  ?  Tatien,  contra  Grœcos,  n.  :i:i;  C  ément 
d'Alexandrie,  Pœday.,  I.  ïii,  c.  1  ;  Terlul., 
Apulug.,  c.  6  cl  3i ,  de  Specluculis,  pasiim; 
suint  Cyprien,  Kpisi.  1,  ad  Donalum,  et  l'au- 
teur d'un  Traité  des  Spectacles  publié  sous 
son  nom  ;  Lactancc  ,  1.  vi,  c.  20  ;  saint  Jean 
Chrysusioine  dans  plusieurs  de  ses  homélies  ; 
saini  Augustin  in  ps.  l\xx,  etc.,  déci  lent 
iju'uii  chrétien  ne  peut  assister  aux  specta- 
cles sans  abjurer  sa  religion,  sans  violer  la 
promesse  qu'il  a  faite  dans  son  baptême  du 


524 


SPE 


srE 


S22 


renoncer  au  démon  ,  à  ses  pompes  et  à  ses 
œuvres.  On  refusait  ce  sacrement  aux  ac- 
teurs dramatiques  qui  ne  voulaient  pas  quit- 
ter leur  profession,  et  ou  les  excommuniait, 
si,  après  l'avoir  quittée,  ils  y  retournaient. 
A  mesure  que  le  christianisme  s'est  établi,  les 
théâtres  sont  tombés,  el  il  n'y  a  pas  encore 
trois  siècles  que  l'on  a  commencé  parmi 
nous  à  les   relever. 

On  nous  répond  que  chez  les  païens  les 
spectacles  étaient  beaucoup  plus  licencieux 
qu'ils  ne  sont  aujourd'hui  ;  que  les  Pères 
ont  parlé  principalement  des  jeux  du  cirque 
et  dos  combats  de  gladiateurs  ,  dont  il  ne 
reste  plus  aucune  trace.  C'est  une  fausseté. 
Tertullien  ne  condamne  pas  avec  moins  de 
rigueur  la  comédie  et  les  pantomimes  que 
les  autres  spectacles;  il  demande  aux  chré- 
tiens par  dérision,  si  c'est  en  respirant  par 
tous  leurs  sens  les  attraits  de  la  volupté, 
qu'ils  font  l'apprentissage  du  martyre.  Du 
temps  de  saint  Jean  Chrysoslome  el  de  saint 
Augustin,  sous  le  règne  de  Théodose  et  de 
ses  enfants,  les  spectacles  sanglants  ne  sub- 
sistaient plus  ;  Constantin  ,  premier  empe- 
reur chrétien,  les  avait  défendus,  et  sa  loi 
fut  exécutée. 

Bayle .  dans  ses  Nouvelles  de  la  Républi^ 
que  (les  Lettres,  avait  fait  beaucoup  valoir 
cette  prétendue  corrertion  du  théâtre  mo- 
derne ;  mais,  ouire  qu'il  est  prouvé  que  les 
pièces  di-  l'iautc  et  de  Térence  ne  sont  pas 
plus  licencieuses  que  plusieurs  drames  que 
l'on  joue  aujouril'liui  ,  l'on  a  répondu  que 
les  obscénités  déguisées  sous  un  voile  trans- 
parent n'en  sont  que  plus  dangereuses; 
ÎBayle  lui-même  en  est  convenu  ailleurs.  Le 
P.  Porée  ,  jésuite  ,  dans  un  discours  latin  ; 
l'auteur  d'une  lettre  sur  l'article  Genève  de 
l'Encyclopédie;  l'Iîspion  chinois,  dans  ses 
lettres,  elc. ,  ont  fait  voir  que  la  comédie, 
en  corrigeant  des  ridicules ,  a  fait  naître  des 
vices,  et  qu'elle  est  une  des  principales  cau- 
ses de  la  corruption  des  mœurs  actuelles. 
De  même  que  la  peinture  des  mœurs  devient 
plus  pernicieuse,  à  mesure  que  celles-ci  se 
dépravent  ,  ainsi  à  leur  tour  les  mœurs  se 
corrompent  à  l'imitation  des  modèles  que 
l'on  présente  sur  le  théâtre.  Un  drame  de 
nos  jours  a  été  justenjent  censuré  par  tous 
les  sages,  précisément  parce  qu'il  a  peint 
les  hommes  tels  qu'ils  sont.  Pour  se  dédom- 
mager d'un  reste  de  décence  que  nos  au- 
teurs dramatiques  sont  encore  forcés  d'ob- 
server, ils  se  sont  permis  de  lancer  des  sar- 
casmes contre  la  religion,  el  c'est  le  plus 
célèbre  de  nos  incrédules  qui  en  a  donné  le 
premier  l'exemple. 

Si  l'on  nous  demande  en  quel  endroit  de 
l'Evangile  les  spectacles  sont  expressément 
défendus,  nou>  citerons  hardiment  ces  pa- 
roles de  Jésus-Christ,  Matth.,  c.  v  ,  v.  28  : 
Quicomjue  regardera  une  femme  pour  exciter 
en  lui  un  désir  impur,  a  déjà  commis  l'adul- 
tère dans  son  cœur.  C.  xv.ii,  y.  7  :  Malheur 
au  monde,  par  les  scandales  qui  y  régnent; 
et  par  celles  do  saint  Paul,  Ephes. ,  c.  v,  v.  3 
€l  i  :  Que  l'on  n'entende  jamais  parmi  vous 
de  railleries  ,  de  paroles  boujj'unnes  ou  ol}- 

DtCT.  DE  TllKOL.  DOGMA  riyUE.    IV. 


scènes  ;  elles  ne  conviennent  point  à  des  hom- 
mes destine's  à  être  saints.  Le  gotjt,  la  cou- 
tume, les  prétextes,  l'exemple,  quelque  gé- 
néral qu'il  soit,  ne  prescriront  jamais  con- 
tre ces  lois. 

Le  P.  Lebrun  avait  écrit  d'une  manière 
très-sensée  contre  les  spectacles,  et  en  avait 
fait  connaître  tout  le  danger;  c'était  un  prê- 
tre, on  n'avait  point  de  raisons  solides  h  lui 
opposer  ;  on  ne  lui  a  répondu  qu'en  affec- 
tant de  le  mépriser.  Mais  M.  de  Boissy  n'é- 
tait ni  prêtre,  ni  théologien,  ni  casuiste,  et 
ses  lettres  contre  les  spectacles  en  sont  à  la 
sixième  édition.  Boileau  a  peint  l'opéra 
comme  une  école  de  libertinage  ;  on  ne  s'en 
est  pas  dégoûté  pour  cela.  Un  déiste  célèbre 
a  démontré  que  la  comédie  ne  tant  pas 
mieux,  il  n'a  eu  pour  contradicteurs  que  des 
auteurs  dramatiques  engagés  par  intérêt  à 
soutenir  l'innocence  de  leurs  ouvrages  ;  on 
lui  a  répondu  par  des  personnalités,  par  des 
sarcasmes,  et  non  par  des  raisons. 

Pour  braver  tous  ces  écrivains,  on  a  dou- 
blé et  triplé  le  nombre  des  spectacles;  les 
plus  grossiers  ont  été  protégés  ;  on  a  tra- 
vaillé les  jours  de  fêles  et  de  dimanches  à 
corisiruire  et  à  décorer  ces  templesdu  vice; 
aucune  ville  ne  peut  plus  s'en  passer  :  ainsi 
la  victoire  est  demeurée  du  côlé  des  poêles 
et  des  acteurs.  A  en  juger  par  le  degré  de 
considération  dont  ils  jouissent  déjà,  nous 
devons  nous  attendre  à  leur  voir  accorder 
bientôt  des  lettres  de  noblesse,  pour  les  con- 
soler de  l'infamie  qui  leur  était  imprimée 
par  les  lois  romaines  el  par  les  canons  de 
l'Eglise.  Dès  à  présent,  parmi  ceux  que  l'on 
appelle  honnêtes  gens,  la  fréquentation  des 
théâtres  est  censée  faire  partie  essentielle  de 
l'éducation  de  la  jeunesse. 
i-  Mais  on  a  de  grandes  objections  à  nous 
faire,  il  faut  les  écouter.  1  Nous  avons  be- 
soin de  délassement  ;  un  homme  de  cabinet, 
fatigué  par  le  travail  et  par  les  affaires,  ne 
peut  pas  se  procurer  un  amusement  quand 
il  le  voudrait  ;  il  en  trouve  un  tout  prêt  à 
une  heure  marquée  ;  lui  fera-t-on  un  crime 
de  s'y  livrer?  Non,  si  c'est  un  amusement 
honnête,  et  dans  lequel  il  n'y  ait  aucun  dan- 
ger pour  la  vertu;  mais  il  faut  commencer 
par  prouver  que  les  spectacles  sont  de  ce 
genre.  Siècle  malheureux  ,  dans  lequel  de 
grands  enfants  ne  savent  plus  se  distraire 
innocemment  I  Comment  faisaient  nos  pè- 
res lorsqu'ils  n'avaient  pas  des  troupes  d'his- 
trions à  leurs  ordres?  Nous  voudrions  sa- 
voir de  quel  délassement  ont  besoin  des 
hommes  oisifs  toute  leur  vie;  ce  sont  là  les 
prinripaux  piliers  des  spectacles.  Tertullien 
répondait,  il  y  a  quinze  cents  ans,  que  le 
spectacle  de  l'univers  fournit  à  un  homme 
sensé  des  objets  plus  dignes  de  l'occuper  et 
de  le  distraire,  que  tout  te  qu'il  peut  voir  u-t 
entendre  au  théâtre.  Toute  celle  objcciion 
dans  le  fond  se  léduit  à  dire  :  Nous  sommes 
ignorants  ,  désœuvrés  ,  dépravés  ;  donc  il 
nous  faut  des  speetacles.  Corrigez- vous,  et 
vous  n'en  aurez  plus  besoin.  Tel  qui  s'en 
est  fait  un  oesoin  par  l'habitude,  laisse  de 
côté  les  affaires  les  pins  essentielles,  les  de- 

IT 


523 


SPE 


voirs  les  plus  sacrés  de  son  emploi,  les  inté- 
rêts du  prochain  les  plus  précieux,  pour  ne 
pas  manquer  à  l'heure  du  spectacle.  —  2°  Un 
homme  ,  dil-on  ,  paraît  singulier  et  bizarre, 
lorsqu'il  n'y  assiste  pas.  Heureuse  singula- 
rité que  celle  qui  nous  distingue  d'une  gé-  ^ 
nèration  corrompue  1  Un  homme  de  bien,  un 
bon  chrétien  fut  toujours  remarquable  dans 
un  siècle  pervers.  Mais  viendra  le  jour  au- 
quel les  esclaves  de  la  mode  et  de  la  cou- 
tume diront  en  parlant  des  justes  :  Voilà 
ceux  dont  nous  nous  sommes  aulrefois  mo- 
qués, et  que  nous  aiwns  couverts  de  riditiule. 
Insensés  que  nous  étions  I  nous  regardions 
leur  conduite  comme  une  folie  et  comme  un 
travers  méprisable  :  les  voilà  aujourd'hui  pla- 
cés parmi  les  enfants  de  Dieu,  et  leur  sort  est 
avec  les  saints.  C'est  donc  nous  qui  nous-  som- 
mes égarés,  qui  n'avons  connu  ni  la  vérité , 
ni  la  justice,  etc.,  etc.  (Sap.  v,  3).  —  3'  Je 
ne  reçois,  nous  dit-on  encore,  aucune  im- 
pression fâcheuse  de  ce  que  je  vois  ni  de  ce 
que  j'entends  au  spectacle.  Cela  peut  être  ; 
l'habitude  du  poison  peut  en  diminuer  in- 
sensiblement les  effets  :  la  question  est  do 
savoir  s'il  est  jamais  louable  de  s'y  accou- 
tumer. Mais  une  conscience  délicate  s'y 
trouverait  sauvent  blessée.  Gomme  la  plu- 
part des  spectateurs  ont  contracté  d'avance 
les  mœurs  dont  ils  voient  le  tableau ,  ils 
n'en  sont  pas  fort  émus.  Us  se  trouvent  là 
comme  chez  eux  ;  le  langage  de  la  scène  est 
à  peu  près  celui  de  leurs  conversations,  et 
ils  ne  reconnaissent  dans  les  acteurs  que  les 
hommes  de  leur  société.  Si  le  vice,  devenu 
presque  général ,  perd  euGn  toute  sa  noir- 
ceur, nous  serons  forcés  d'avouer  qu'il  est 
désormais  inutile  de  vouloir  en  détourner 
les  hommes.  Mais  nous  voyons  en  eux  le 
monde  tel  que  Jésus-Christ  l'a  représenté, 
le  monde  qui  n'a  pas  voulu  le  reconnaître  , 
Joan.,  c.  I,  V.  10;  qui  a  fermé  les  yeux  à  la 
lumière,  c.  m,  v.  19  ;  qui  ne  peut  pas  rece- 
voir son  esprit,  c.  xiv,  v.  17,  duquel  il  a 
séparé  ses  disciples  ,  et  duquel  il  a  encouru 
la  haine,  c.  xv,  v.  18  et  19  ;  qui  a  regardé 
son  Evangile  comme  une  folie,  /  Cor.,  c.  i , 
y.  18,  etc.  —  4'  Plusieurs  drames  renfer- 
ment une  très-bonne  morale  païenne  sans 
doute  ;  pour  la  morale  chrétienne,  elle  y  se- 
rait très-déplacée.  Quelques  tirades  de  mo- 
rale sont  le  palliatif  nécessaire  pour  faire 
passer  les  maximes  fausses  et  pernicieuses, 
les  obscénités  et  les  images  du  vice  qui  vien- 
nent à  la  suite.  Dans  le  siècle  dernier,  pour 
rendre  le  théâtre  moins  odieux,  l'on  mil  sur 
la  scène  des  tragédies  tirées  de  l'Ecriture 
sainte  ;  aujourd'hui  que  l'on  ne  veut  plus 
entendre  parler  de  Dieu  ni  de  ses  saints ,  on 
n'aura  plus  recours  à  cet  expédient,  les  spec- 
tacles universellement  accrédités  n'en  ont 
plus  besoin,  et  ce  sera  une  profanation  de 
moins.  11  reste  toujours  à  savoir  si  des  chré- 
tiens seront  jugés  de  Dieu  selon  la  morale 
du  théâtre,  ou  selon  les  règles  de  l'Evangile. 
Quant  à  ci'ux  qui  ne  croient  plus  de  Dieu  ni 
d'autre  vie,  nous  n'a»  uns  rien  à  leur  dire  ; 
nous  ne  parlons  ici  qu'à  ceux  auxquels  il 
reste  encore  quelques  principes  de  religion 


sri  .'>n 

et  de  crainte  de  Dieu.  —  5°  11  y  a  ceocmlant 
des  c  isuisles  et  des  confesseurs  qui  permet- 
tent la  fréquentation  des  spectacles;  on  est 
en  droit  de  les  écouler  plutôt  que  ceux  qui 
l.'i  défendent.  Si  cela  était  vrai  ,  nous  nous 
contenterions  de  répondre  avec  l'Evangile  , 
que  ce  sont  des  aveugles  qui  conduisent 
d'autres  aveugles,  et  que  tous  doivent  tom- 
ber dans  le  précipice,  Matlli.,  c.  xv,  v.  14.. 
Mais  c'est  une  calomnie  ;  on  ne  peut  citer 
aucun  casnisle  qui  ait  décidé  sans  restric- 
tion que  la  fréquentation  des  spectacles  est 
permise  et  innocente.  On  a  peut-être  tiré 
cette  fausse  conséquence  des  principes  po- 
sés par  quelques  uns  ;  mais  ils  l'auraient 
désavouée  s'ils  avaient  prévu  l'abus  que  l'on 
en  fait.  11  n'est  point  de  règle  plus  fausse 
que  de  juger  de  la  morale  des  confesseurs 
par  la  conduite  des  pénitents.  Sait-on  ce  que 
les  premiers  ont  fait  pour  ouvrir  les  yeux  à 
des  aveugles  volontaires,  et  pour  ramener 
au  bien  des  mondains  obstinés,  les  prétextes 
qu'on  leur  oppose  ,  les  difQcullés  qu'on  leur 
;illègue ,  les  fausses  promesses  qu'on  leur 
fait,  etc.  ?  Au  milieu  d'une  dépravation  gé- 
nérale et  incurable,  ils  voient  que  plusieurs 
moniains  renonceront  plutôt  aux  sacre- 
ments et  à  toute  profession  du  christianisme 
qu'à  l'habitude  des  spectacles  ;  est-il  aisé  de 
choisir  entre  ces  deux  extrémités'?  Us  gé- 
missent, ils  exhortent,  ils  tolèrent,  ils  espè- 
rent une  résipiscence  future,  etc.  On  conclut 
de  là  très-mal  à  propos  qu'ils  approuvent  ou 
qu'ils  permettent  la  fréquentation  des  spec- 
tacles :  ils  sont  forcés  de  tolérer  bien  d'au- 
tres désordres  auxquels  personne  ne  veut 
renoncer.  Ce  qu'il  y  a  de  certain  ,  c'est  que 
tous  les  pénitents  qui  veulent  sincèrement 
revenir  à  Dieu,  commencent  par  s'interdire 
pour  toujours  ce  pernicieux  amusement  ; 
donc  il  n'est  pas  vrai  que  les  confesseurs  le 
permettent. 

Nous  objectera-t-on  enGn  qu'au  mépris 
des  canons,  des  lois,  des  censures,  il  y  a  des 
ecclésiastiques  qui  ne  se  font  pas  scrupule  de 
fréquenter  les  théâtres  ?  Nous  disons  hardi- 
ment que  ces  prévaricateurs  n'ont  rien  d'ec- 
clésiastique que  l'habit,  et  qu'ils  ne  le  por- 
tent que  pour  le  déshonorer;  que  si  les  pre- 
miers pasteurs  jouissaient  encore  de  leur  an- 
cienne autorité,  ils  les  puniraient  elles  for- 
ceraient d'observer  les  bienséances  de  leur 
état.  Mais  dans  un  temps  de  vertige  auquel 
les  incrédules  ont  répandu  de  toutes  parts 
une  morale  pestilentielle,  où  l'on  ne  connaît 
point  de  plus  grande  satisfaction  que  de  bra- 
ver les  lois,  ou  les  mondains  ne  font  accueil 
qu'à  ceux  qui  se  conforment  à  leurs  mœurs, 
il  n'est  pas  étonnant  que  le  poison  ait  infecté 
plusieurs  de  ceux  qui  étaient  destinés  par 
leur  état  à  en  arrêter  les  funestes  influences. 
Voy.  Discipline  et  Lois  ecclésiastiques  (1). 

SPINOSISME,  système  d'athéisme  imaginé 
par  Benoit  Spinosa,  juif  portugais  ,  mort  eu 
Hollande  l'an  1(577,  à  4i  ans.  Cesyslènie  est 
aussi  nommé  panthéisme,  parce  qu'il  consiste 
a  soutenir  que  l'univers,  zônâj,  est  Dieu,  ou 

(1)  Vny.  le  Bictioiniaire  de  Tliéulugie  murale 


«25 


SPI 


sri 


52G 


qu'il  n'y  a  (lOinl  d'autre  Uieu  que  l'universa- 
liié  tics  êtres.  D'où  il  s'ensuit  que  tout  ce  qui 
arrive  esl  l'effet  nécessaire  des  lois  éternelles 
et  iiumual)les  de  la  nuiare,  c'est-à-dire  d'un 
élre  infini  et  universel,  qui  existe  et  qui  agit 
oécessiiiremenl.  Il  esl  aisé  d'apercevoir  les 
conscqueuces  absurdes  ei  impies  qui  nais- 
sent de  ce  système.  On  voit  il'aburd  qu'il 
consiste  à  réaliser  des  absiractions,  et  à 
prendre  tous  les  termes  dans  un  sens  fiiux 
et  abusif.  L'être  en  général,  la  substance  en 
général,  n'existent  point;  il  n'y  a  dans  la 
réalité  que  des  individus  et  des  natures  indi- 
viduelles. Tout  être  ,  toute  substance,  t. mie 
nature,  est  ou  corps  ou  esprit,  et  l'un  ne 
peut  être  l'autre.  Mais  Spinosa  pervertit  tou- 
tes ces  notions,  il  prétend  qu'il  n'y  a  qu'une 
seule  substance,  de  laquelle  la  pensée  et  l'é- 
tendue, l'esprit  et  le  corps  sont  des  modifica- 
tions ;  que  tous  les  êtres  particuliers  sont 
des  modifications  de  l'èlre  en  général.  11 
suffUde  consulter  le  sentiment  intérieur,  qui 
est  le  souverain  degré  de  l'évidence,  pour 
être  convaincu  de  l'absurdité  de  ce  langage. 
Je  sens  que  je  suis  moi  et  non  un  autre, 
une  substance  séparée  de  toute  autre, 
un  individu  réel  ,  et  non  une  modiQ- 
cation;  que  mes  pensées,  mes  volontés,  mes 
sensations,  mes  affections,  sont  à  moi,  et 
non  à  un  autre,  et  que  celles  d'un  autre 
ne  sont  pas  les  miennes.  Qu'un  autre  soit 
un  être,  une  substance ,  une  nature  aussi 
bien  que  moi  ,  cette  ressemblance  n'est 
qu'une  idée  abstraite,  une  manière  de  nous 
considérer  l'un  l'autre  ,  mais  qui  n'élablit 
point  Videnlité  ou  une  unité  réelle  entre 
nous.  Pour  prouver  le  contraire,  Spinosa  ne 
fait  qu'un  sophisme  grossier.  «  Il  ne  peut  y 
avoir,  dit-il,  plusieurs  substances  de  même 
attribut  ou  de  différents  attributs  ;  dans  le 
premier  cas,  elles  ne  scraieut  point  différen- 
tes, et  c'est  ce  que  je  prétends  ;  dans  le  se- 
cond, ce  ser.iient  ou  des  attributs  essentiels 
ou  des  attributs  accidentels  :  si  elles  avaient 
des  attributs  essentiellement  différents  ,  ce 
ne  scraieut  plus  des  substances  ;  si  ces  attri- 
buts n'étaient  qu'accidentellement  différents, 
ils  n'empêcheraient  p  <int  que  la  subst  ince 
ne  fût  une  et  indivisible.»  On  aperçoit  d'aburd 
que  ce  raisonneur  joue  sur  l'équivoque  du 
mot  m'Hne  et  du  mot  digèrent,  et  que.  son 
système  n'a  point  d'autre  fondement.  Nous 
soutenons  qu'il  y  a  plusieurs  substances  de 
même  attribut,  ou  plusieurs  substances  dont 
les  unes  diffèrent  essentiellement,  les  autres 
a  cidentelleinenl.  Deux  hommes  sont  deux 
substances  de  même  attribut ,  ils  ont  même 
nature  et  même  essence,  ce  sont  deux  indi- 
Tidus  de  même  espèce,  mais  il  ne  sont  pas  le 
fn^'me;  qu  int  au  nombre,  ils  sont  différents, 
c'est-â-dire  distingués.  Spinosa  confond 
l'identité  de  nature  ou  d'espèce  ,  qui  n'est 
qu'une  ressemblance,  avec  l'identité  indivi- 
duelle, qui  est  l'unité;  ensuite  il  confond  la 
distinction  des  individus  avec  la  différence 
des  espèces  :  pitoyable  logique  !  au  contrai- 
re, un  homme  et  une  pierre  sont  deux  subs- 
tances de  différents  attributs,  dont  la  nalure, 
l'essence, l'espèce,  ne  snnt  point  lesméuiesou 


ne  se  ressemblent  point.  Gela  n'empêche  p  is 
qu'un  homme  et  une  pierre  n'aient  l'attribut 
commun  de  substance;  tnus  deux  subsistent 
à  part  et  séparés  de  tout  autre  être;  ils  n'ont 
besoin  ni  l'un  ni  l'autre  d'un  suppôt,  ce  ne 
sont  ni  des  accidents  ni  des  modes  ;  s'ils  ne 
sont  pas  des  substances,  ils  ne  sont  rien. 
Spinosa  et  ses  partisans  n'ont  pas  vu  que  l'on 
prouverait  i)u'il  n'y  a  qu'un  seul  mode,  une 
seule  modification  dans  l'univers,  par  le  mô- 
me argument  dont  ils  se  servent  pour  prou- 
ver qu'il  n'y  a  qu'une  seule  substance;  leur 
système  n'est  qu'un  tissu  d'équivoques  et  de 
contradictions.  Us  n'ont  pas  une  seule  réponse 
solide  à  donner  aux  objections  dont  on  les 
accable. 

Le  comte  de  Boulainvilliers,  après  avoir 
fait  tous  ses  efforts  pour  expliquer  ce  sys- 
tème ténébreux  et  inintelligible,  a  été  forcé 
de  convenir  que  le  système  ordinaire  qui 
représente  Dieu  comme  un  Etre  infini,  distin- 
gué, première  cause  de  tous  les  êtres,  a  de 
grands  avantages  et  sauve  de  grands  incon- 
vénients, il  tranche  les  difficultés  de  l'infini 
qui  parait  divisildc  et  divisé  dans  le  spino- 
sisine  :  il  rend  raison  de  la  nature  des  êtres; 
ceux-ci  sont  tels  que  Dieu  les  a  faits,  non 
par  nécessité,  mais  par  une  volonté  libre  ; 
il  donne  un  objet  intéressant  à  la  religion, 
en  nous  persuadant  que  Dieu  nous  lient 
compte  de  nos  hommages  ;  il  explique  l'or- 
dre du  monde,  en  l'attribuant  à  une  cause 
intelligente  qui  sait  ce  qu'elle  fait;  il  fournit 
une  règle  de  morale  qui  est  la  loi  divine,  ap- 
puyée sur  des  peines  et  des  récompenses; 
il  nous  fait  concevoir  qu'il  peut  y  avoir  des 
miracles,  puisque  Dieu  cstsupérieurà  toutes 
les  luis  et  à  toutes  les  forces  de  la  nature, 
qu'il  a  librement  établies.  Le  spinosisme  au 
contraire  ne  peut  nous  satisfaire  sur  aucun 
de  ces  chefs,  cl  ce  sont  autant  de  preuves  qui 
l'anéantissent. 

Ceux  qui  l'ont  réfuté  ont  suivi  différentes 
méthodes.  Les  uns  se  sont  attachés  principa- 
lement à  en  développer  les  conséquences  ab- 
surdes. Hayle  en  particulier  a  très-bien 
prouvé  que,  selon  Sjiinosa,  Dieu  et  l'étendue 
sont  la  même  chose  ;  que  l'étendue  étant 
composée  de  |iar(ies  dont  chacune  est  une 
substance  particulière,  l'unité  prétendue  de 
la  substance  universelle  est  chimérique  et 
purement  idéale,  il  a  fait  voir  que  les  moda- 
lités qui  s'excluent  l'une  l'autre,  telles  que 
l'éieudue  et  la  pensée,  ne  peuvent  subsister 
dans  le  même  sujet;  que  l'ioi  nutabilité  de 
Dieu  est  incompatible  avec  la  division  des 
parties  de  la  matière  et  avec  la  succession 
des  idées  de  la  substance  pensante;  que  les 
pensées  de  l'homme  étant  souvent  contraires 
les  unes  aux  autres,  il  est  impossible  que 
Dieu  en  soit  le  sujet  ou  le  suppôt.  Il  a  montré 
qu'il  est  encore  plus  absurde  de  prétendre 
que  Dieu  est  le  suppôt  des  pensées  criminel- 
les, des  vices  et  des  passions  de  l'humanité  ; 
que,  dans  ce  système,  le  vice  ellu  vertu  sont 
des  mots  vides  de  sens  ;  que,  contre  la  possi- 
bilité des  miracles,  Spinosa  n'a  pu  alléguer 
que  sa  propre  thèse,  savoir  la  nécessité  de 
toutes  choses   thèse  non  prouvée  et  dont  on 


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ne  peut  pas  seulement  donner  la  notion; 
qu'en  suivant  ses  propres  principes,  il  no 
pouvait  nier  ni  les  esprits,  ni  les  miracles,  ni 
les  cnfert;  Dict.  ait.  Spinosa. 

Dans  l'impuissance  de  rien  répliquer  de 
solide,  les  spinosistes  se  sont  retranchés  à 
dire  que  Bajle  n'a  pas  compris  la  doctrine 
de  leur  maître,  et  qu'il  l'a  mal  exposée.  Mais 
ce  critique,  aguerri  à  la  dispute,  n'a  pas  été 
dupe  de  cette  défaite,  qui  est  celle  de  tous  les 
matérialistes;  il  a  repris  en  détail  toutes  les 
propositions  fondamenliiles  du  système,  il  a 
défié  ses  adversaires  de  lui  en  montrer  une 
seule  dont  il  n'eût  pas  exposé  le  vrai  sens. 
En  particulier,  sur  l'article  de  l'immutabilité 
et  du  changement  de  la  substance,  il  a  dé- 
montré que  ce  sont  les  spinosistes  qui  ne 
s'entendent  pas  eux-mêmes  ;  que,  dans  leur 
système,  Dieu  est  sujet  à  toutes  les  révolu- 
tions et  les  transformations  auxquelles  la 
matière  première  est  assujettie  selon  l'o- 
pinion des  préripatéticiens  ;  Ibid.  rem. 
ce.  DD. 

D'autres  auteurs,  comme  le  célèbre  Féne- 
lon,  et  le  P.  Lami,  bénédictin,  ont  formé  une 
chaîne  de  propositions  évidentes  et  incon- 
testables, qui  établissent  les  vérités  contrai- 
res aux  paradoxes  de  Spinosa  ;  ils  ont  ainsi 
construit  un  édifice  aussi  solide  qu'un  tissu 
de  démonstrations  géométriques,  et  devant 
lequel  le  spinosisme  s'écroule  de  lui-même. 
Quelques-uns  enfin  ont  attaqué  ce  sophiste 
dans  le  fort  même  où  il  s'était  retranché,  et 
sous  la  forme  géométrique,  sous  laquelle  il 
a  présenté  ses  erreurs;  ils  ont  examiné  ses 
définitions,  ses  propositions,  ses  axiomes, 
ses  conséquences  ;  ils  en  ont  dévoilé  les 
équivoques  et  l'abus  continuel  qu'il  a  fait 
des  termes  ;  ils  ont  démontré  que  de  maté- 
riaux si  faibles,  si  confus  et  si  mal  assortis, 
il  n'est  résulté  qu'une  hypothèse  absurde  et 
révoltante  ;  Hook ,  Relig.  natur.  et  revel. 
Principia,  i  part.,  etc.  On  peut  consulter  en- 
core Jacquelot ,  Traité  de  Vexislence  de 
Dieu;  Le  Vassor,  Traité  de  la  véritable  reli- 
gion, etc. — Plusieurs  écrivains  ont  cru  que 
Spinosa  avait  été  entraîné  dans  son  sys- 
tème par  les  principes  de  la  philosophie  de 
Descartes  ;  nous  ne  pensons  pas  de  même. 
Descaries  enseigne  à  la  vérité  qu'il  n'y  a  que 
deux  êtres  existants  réellement  dans  la  na- 
ture, la  pensée  et  l'étendue  ;  que  la  pensée 
est  l'essence  ou  la  substance  même  de  l'es- 
prit; que  l'étendue  est  l'essence  ou  la  subs- 
tance même  de  la  matière.  Mais  il  n'a  ja- 
mais rêvé  que  ces  deux  êtres  pouvaient  être 
deux  attributs  d'une  seule  et  même  subs- 
tance; il  a  démontré  au  contraire  que  l'une 
de  ces  deux  choses  exclut  nécessairement 
l'autre,  que  ce  sont  deux  natures  essentiel- 
lementdifférentes,  qu'il  est  impossibleque  la 
même  substance  soit  tout  à  l.i  fois  esprit  et 
matière. — D'autresont  douté  si  la  plupart  des 
philosophes  grecs  et  latins,  qui  semblent 
avoir  enseigné  l'unité  de  Dieu,  n'ont  pas 
entendu  sous  ce  nom  l'univers  ou  la  nature 
entière;  plusieurs  matérialistes  n'ont  pas 
bésité  de  l'affirmer  ainsi,  de  soutenir  que 
tous  ces  philosophes  étaient  panthéistes  ou 


spinosistes,  et  que  les  Pères  de  l'Eglise  se 
sont  trompés  grossièrement,  ou  en  ont  im- 
posé ,  lorsqu'ils  ont  cité  les  passages  des 
anciens  philosophes  en  faveur  du  dogme  de 
l'unité  de  Dieu,  professé  par  les  juifs  et  par 
les  chrétiens. 

Dans  le  fond,  nous  n'avons  aucun  intérêt 
de  prendre  un  parti  dans  cette  question  ; 
vu  l'obscurité,  l'incohérence,  les  contradic- 
tions qui  se  rencontrent  dans  les  écrits  des 
philosophes,  il  n'est  p:is  fort  aisé  de  savoir 
quel  a  été  leur  véritable  sentiment.  Ainsi 
l'on  ne  pourrait  accuser  les  Pères  de  l'E- 
glise ni  de  dissimulation,  ni  d'un  défaut  de 
pénétration,  quand  même  ils  n'auraient  pas 
compris  parfaitement  le  système  de  ces  rai- 
sonneurs, (^eux  que  l'on  peut  accuser  de 
panthéisme  avec  le  plus  de  probabilité  sont 
les  pythagoriciens  et  les  stoïciens,  qui  en- 
visageaient Dieu  comme  l'âme  du  monde,  et 
qui  le  supposaient  soumis  aux  lois  immua- 
bles du  destin.  Mais  quoique  ces  philosophes 
n'aient  pas  établi  d'une  manière  nette  et 
précise  la  distinction  essentielle  qu'il  y  a 
entre  l'esprit  et  la  matière,  il  paraît  qu'ils 
n'ont  jamais  confondu  l'un  avec  l'autre  ; 
jamais  ils  n'ont  imaginé,  comme  Spinosa, 
qu'une  seule  et  même  substance  fût  tout  à 
la  fois  esprit  et  matière.  Leur  système  ne 
valait  peut-être  pas  mieux  que  le  sien,  mais 
enfin  il  n'était  pas  absolument  le  même. 
Voy.  Ame  dc  monde. 

Toland,  qui  était  spinosiste,  a  poussé  plus 
loin  l'absurdité  ;  il  a  osé  soutenir  que  Mo'ise 
était  panthéiste,  que  le  Dieu  de  Moïse  n'était 
rien  autre  chose  que  l'univers.  Un  médecin, 
qui  a  traduit  en  latin  et  a  publié  les  ouvra- 
ges posthumes  de  Spinosa,  a  fait  mieux  en- 
core ;  il  a  prétendu  que  la  doctrine  de  ce 
rêveur  n'a  rien  de  contraire  aux  dogmes  du 
christianisme,  et  que  tous  ceux  qui  ont  écrit 
contre  lui  l'ont  calomnié,  Mosheim,  Hist. 
eccL,  XVII'  siècle,  sect.  1,  §  24,  notes  t  elw. 
La  seule  preuve  que  donne  Toland  est   un  ^ 

passage  de  Strabon,  Georg.,  I.  xvi.dansie-  î 
quel  il  dit  que  Moïse  enseigna  aux  Juifs  que  x 
Dieu  est  tout  ce  qui  nous  environne  ;  la  terre, 
la  mer,  le  ciel,  le  monde,  et  tout  ce  que  nous 
appelons  la  nature.  Il  s'ensuit  seulement  que 
Strabon  n'avait  pas  lu  Moïse,  ou  qu'il  avait 
fort  mal  compris  le  sens  de  sa  doctrini'.  Ta- 
cite l'a  beaucoup  mieux  entendu.  Les  Juifs, 
dit-il,  conçoivent  par  la  (lensée  un  seul  Dieu, 
souverain,  éternel,  immuable,  immortel, 
Judœi,  mente  sala,  unumque  Numen  inielli- 
gunl,  summum  illud  et  œlernnm,  ner/ue  muta- 
bile,  nei/ue  interiturum.  Hist.,  1.  v,  c.  1  et 
seq.  En  effet.  Moïse  enseigne  que  Dieu  a 
créé  le  monde,  que  le  monde  a  commencé, 
que  Dieu  l'a  fait  très-libremenl,  puisqu'il  l'a 
fait  par  sa  parole  ou  par  le  seul  vouloir; 
qu'il  a  tout  arrangé  comme  il  lui  a  plu,  elc. 
Les  panthéistes  ne  peuvent  admettre  une 
seule  de  ces  expressions;  ils  sont  forcés  de 
dire  que  le  monde  est  éternel,  ou  qu'il  s'est 
fait  par  hasard  ;  que  le  tout  a  tait  les  punies, 
ou  que  les  purties  ont  fait  le  tout,  elc.  Moïse 
a  sapé  toutes  ces  absurdités  par  le  fonde- 
menl.  Il   n'est  pas  nécessaire  d'ajouter  que 


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SPI 


STA 


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les  Juifs  n'ont  poinl  eu  d'autre  croyance  que 
celle  do  Moïse,  et  que  les  chrétiens  la  sui- 
vent encore. 

Il  ne  sert  à  rien  de  dire  que  le  spinosisme 
n'est  point  un  athéisme  formel  ;  que  si  son 
auteur  a  mal  conçu  la  Divinilr,  il  n'en  a  pas 
pour  cela  nié  l'existence,  qu'il  n'eu  parlait 
même  qu'avec  respect,  qu'il  n'a  poinl  cher- 
ché à  faire  des  prosélytes,  etc.  Dès  que  le 
spinosisme  entraine  .ibsolument  les  mêmes 
CDnséquences  que  l'athéisme  pur,  qu'im- 
porte ce  qu'a  pensé  d'ailleurs  Spinosa?  Les 
contradictions  de  ce  rêveur  ne  remédient 
point  aux  fatales  inlluences  de  sa  doctrine; 
s'il  no  les  a  pas  vues,  c'était  un  insensé  stu- 
pide,  il  ne  lui  convenait  p.is  d'écrire.  Mais 
l'empressement  de  tous  les  incrédules  à  le 
visiter  pendant  sa  vie,  à  converser  avec  lui, 
à  rccufillir  ses  écrits  après  sa  mort,  à  déve- 
lopper sa  doctrine,  à  en  faire  l'apologie, 
font  sa  condamnation.  Un  incendiaire  ne 
mérite  pas  d'être  absous,  parce  qu'il  n'a  pas 
prévu  tous  les  dégâts  qu'allait  causer  le  feu 
qu'il  allumait. 

SPIRATION.   Voy.  Trinité. 

SPIRITLI.VLITÉ.  Voy.  Esprit. 

SPIRITUEL.  On  nomme  substance  spiri- 
tuelle  tout  être  distingué  de  la  matière,  qui 
a  la  faculté  de  se  sentir  et  de  se  connaître, 
faculté  dont  la  matière  est  incapable  :  dans 
ce  sens,  l'âme  de  l'homme  est  une  substance 
spirituelle  ou  un  esprit.  Voyez  ce  niot.  On 
appelle  encore  spirituel  ce  qui  appartient 
à  l'esprit  ;  ainsi  l'intelligence  el  la  volonté 
sont  des  facultés  spirituelles,  qui  ne  peuvent 
appartenir  à  des  corps.  Penser  ,  réflécliir, 
vouloir,  choisir,  sont  des  opérations  spiri- 
tuelles, desquelles  la  matière  ne  peut  pas 
être  le  principe,  etc. — Le  désir  de  recevoir 
Jésus-Christ  dans  la  sainte  Eucharistie  est 
appelé  communion  spirituelle,  par  opposi- 
tion à  l'action  de  le  recevoir  réellement  et 
corporellement.  Les  protestants,  qui  ne 
croient  point  la  présence  réelle  de  Jésus- 
Christ  dans  ce  sacrement,  n'admettent 
qu'une  niauducation  ou  une  communion 
spirituelle.  Voy.  Gommdnion.  —  On  appelle 
lecture  spirituelle,  cantiques,  exercices  spiri' 
luels,  ceux  qui  excitent  la  piété  ou  la  dévo- 
tion, et  qui  servent  à  l'entretenir.  La  vie 
spirituelle  est  l'habitude  de  la  méditation  ou 
delà  contemplation,  l'exactitude  à  rélléchir 
sur  soi-même,  à  pratiquer  tous  les  moyens 
qui  peuvent  conduire  une  âme  à  la  verïu  et 
à  la  perfection  chrétienne  :  c'est  ce  que  l'on 
nomme  encore  la  vie  intérieure.  Un  bouquet 
s/}trt(ue/ est  une  sentence,  une  maxime,  une 
rcllexion  sainte ,  un  passage  de  l'Ecri- 
ture, etc.,  que  l'on  a  retenu  dans  la  médita- 
lion,  et  que  l'on  se  rappelle  de  temps  en 
temps  pendant  la  journée. 

En  parlant  de  la  simonie,  on  distinguedans 
un  bénéGce  le  spirituel  d'avec  le  temporel. 
Par  le  premier,  l'on  entend  les  fonctions 
saintes  qu'un  liénéQcier  est  obligé  de  rem- 
plir, comme  prier,  célébrer  l'ofûce  divin , 
administrer  les  sacrements,  etc.,  non-seule- 
ment parce  que  l'esprit  doit  avoir  plus  de 
part  k  ces  fonctions  que  le  corps»  mais  en< 


core  parce  qu'elles  ont  pour  objet  l'avan- 
t.ige  des  âmes  et  leur  salut  éternel.  Voy.  Bé- 
néfice. 

STANCARIENS.  Vo,/.  Luthéranisme. 

STATION  est  l'action  do  se  tenir  debout. 
C'est  dans  celle  altitude  que  les  chrétiens 
avaient  coutume  de  prier  le  dimanche,  el 
depuis  Pâques  jusqu'à  la  Pentecôte  inclusi- 
vement, en  mémoire  de  la  résurrection  de 
Jésus-Christ.  C<t  usage  est  attesté  par  les 
Pères  de  l'Eglise  Ie<  plus  anciens,  tels  que 
saint  Iréiiée,  Tertullien  ,  Clément  d'Alexan- 
drie, saint  Cyprieu,  Pierre,  évéquo  d'Alexan- 
drio,  etc.,  et  par  les  autres  auteurs  des  siè- 
cles suivants;  ils  en  parlent  comme  d'une 
tradition  apostolique.  Du  temps  du  concile 
do  Nicée,  tenu  l'an  325,  celte  pratique  était 
négligée  dans  plusieurs  endroits  ;  les  chré- 
tiens priaient  à  genoux  pendant  le  temps 
pascal  comme  pendant  le  reste  de  l'année; 
le  concile  ordonna  dans  son  20°  canon  d'ob- 
server l'uniformité  et  de  prier  debout,  sui 
vaut  l'ancien  usage.  Il  jugea  sans  doute 
qu'un  rite  destiné  à  rappeler  le  souvenir 
d'un  des  plus  importants  mystères  de  notre 
rédemption  ne  pouvait  paraître  indifférent; 
ainsi,  après  avoir  fixé  le  jour  auquel  la  Pâ- 
que  devait  être  célébrée  dans  toutes  les 
Eglises  sans  exception,  il  détermina  encore 
la  manière  dont  on  y  devait  prier.  Il  ne  pa- 
raît pas  néanmoins  que  ce  20  canon  du 
concile  de  Nicée  ait  été  observé  dans  l'Occi- 
dent avec  autant  d'exactitude  que  dans  les 
Eglises  d'Orient.  Pendant  le  reste  de  l'année, 
surtout  les  jours  de  jeûne  et  do  pénitence, 
on  priait  à  genoux,  ou  prosterné,  ou  pro- 
fondément incliné.  Bingham,  Orig.  ecclés., 
t.  V,  1.  XIII,  c.  8,  §  3.  C'était  encore  la  cou- 
tume de  se  tenir  debout  pendant  la  lecture 
de  l'Evangile,  pendant  les  sermons,  et  du- 
rant le  chant  des  psaumes.  On  ne  se  don- 
nait poinl  alors  dans  les  églises  les  commo- 
dités que  la  tiédeur,  la  mollesse,  la  vanité,  y 
ont  introduites  dans  la  suite  des  siècles. 
Tom.  VI,  pag.  22,  80,  183.  Probablement 
c'est  pour  la  même  raison  que,  dès  le  m* 
siècle,  l'on  a  nommé  station  ou  jours  sta~ 
tionnaires,  le  mercredi  et  le  vendredi  de 
chaque  semaine,  parce  que,  dans  ces  dcm 
jours,  les  fidèles  s'assemblaient  aussi  bien 
que  le  dimanche,  pour  célébrer  l'officedivinet 
pour  participer  à  la  comuiunion.  L'on  y  ob- 
servait aussi  un  demi-jeûne ,  c'est-à-dire 
que  l'on  s'abstenait  de  manger  jusqu'après 
l'office  qui  finissait  ordinairement  à  Irois 
heures  après  midi.  Tom.  IX,  pag.  254..  Ces 
demi -jeûnes,  qui  étaient  de  précepte  en 
Orient,  et  qui  y  sont  encore  observés  au- 
jourd'hui, du  moins  parmi  les  moines,  n'é- 
taient que  de  dévotion  en  Occident,  et  dans  la 
suite  la  station  du  mercredi  fut  transportée 
au  samedi  dans  l'Eglise  romaine.  Mais  les 
montanistes,  qui  affectaient  en  toutes  choses 
une  rigueur  outrée,  faisaient  un  crime  à 
tous  ceux  qui  ne  gardaient  pas  le  jeûne  ces 
jours-là,  ou  qui  se  bornaient  à  un  demi-jeûne. 
Thomassin  ,  Traité  des  jeûnes,  i"  partie 
c.  19.  ' 

Comme  l'intealion  de  l'Eglise  ne  fut  ja- 


531 


STA 


mais  de  faire  iolerrompre  par  des  pratiques 
de  piété  les  iravaus  des  arts  et  de  l'agricul- 
ture dont  le  peuple  a  besoin  pour  subsis- 
ter, l'on  présume  avec  raison  que  la  disci- 
pline donl  nous  parlons  regardjiit  principa- 
lement le  clergé  el  les  habitants  aisés  des 
villes  é|jiscopales  ;  et  il  en  est  de  même  de 
plusieurs  autres  anciens  usages. 

Par  analogie,  l'on  a  nommé  station,  dans 
l'Eglise  de  Rome,  l'office  que  1-  pape,  à  la 
léte  de  son  clergé,  ailail  célébrer  dans  diffé- 
rentes basiliques  de  cette  vill<?;  «  t  comme  il 
les  visitait  ainsi  successivement^  l'on  a  mar- 
qué dans  le  Missel  romain  les  jours  aux- 
quels il  devait  y  avoir  station  dans  telle 
église.  A  la  fin  de  chaque  office  l'archidia- 
cre annonçait  à  l'assemblée  le  lieu  où  il  y 
aurait  station  le  lendemain.  On  croit  que  ce 
fut  saint  Grégoire  qui  fixa  et  distribua  ainsi 
\es  stations  à  Rome;  aussi  sont-elles  mar- 
quées dans  son  Sacramenlairc.  On  appelait 
diacre  stationnaire  celui  qui  était  chargé  de 
lire  l'Evangile  à  la  messe  que  le  pape  de- 
vait célébrer.  A  présent  il  n'est  presque  au- 
cun jour  de  l'année  auquel  le  saint  sacre- 
ment ne  soit  exposé  dans  une  des  églises  de 
Rome,  avec  une  indulgence  accordée  à  ceux 
qui  iront  prier  dans  cette  église  où  il  y  a  sta- 
tion; et  à  moins  qu'il  n'y  ait  quelque  obsta- 
cle, le  pape  ne  manque  jamais  d'aller  la  vi- 
siter et  y  faire  sa  prière. 

Pendant  le  jubilé,  lorsque  l'indulgence  est 
étendue  à  toutes  les  Eglises  de  la  chrétienté, 
on  désigne  les  églises  pnrliculières  dans 
lesquelles  les  fidèles  seront  obligés  d'aller 
faire  leurs  prières  ou  leurs  stations,  pour 
gagner  l'indulgence. 

On  appelle  encore  station  les  prières  que 
les  chanoines  ou  les  prêtres  d'une  église 
vont  faire  en  procession  d.ins  la  nef,  devant 
l'autel  de  la  sainte  Vierge,  avant  la  messe 
et  après  les  vêpres.  Enfin,  l'on  nomme  quel- 
quefois station  la  commission  donnée  à  un 
prédicalenr  de  faire  des  sermons  pendant  le 
carême  dans  une  église  particulière. 

Quand  on  remonte  à  l'origine  des  usages 
ecclésiastiques  et  religieux,  on  voit  qu'ils 
ont  été  tous  établis  sur  des  raisons  solides 
el  analogues  aux  circonstances  ;  ceux  qui 
les  trouvent  ridicules  ne  montrent  que  de 
l'ignorance.  On  demande  si  les  prières  sont 
meilleures  dans  une  église  que  dans  une 
autre  et  si  Dieu  n'est  pas  disposé  à  nous 
écouter  parloat.  11  l'est,  sans  doute  ;  mais 
Jésus-Christ,  qui  nous  a  recommandé  de 
prier  toujours,  nous  a  dit  aussi  que,  quand 
plusieurs  sont  rassemblés  en  son  nom,  il 
est  au  milieu  d'eux.  Il  a  donc  voulu  que  les 
fidèles  priassent  en  commun,  afin  qu'ils  se 
souvinssent  qu'ils  sont  tous  frères,  tous  en- 
fants d'un  même  père,  tous  destinés  au 
même  héritage  éternel,  et  qu'ils  prissent  in- 
térêt au  salut  les  uns  des  autres.  Voy. 
Prière,  Communion  ues  saints.  Lorsque, 
dans  une  grande  ville,  il  y  avait  des  églises 
éloignées  les  unes  des  autres,  il  était  de  la 
ciiarité  des  évêques  d'y  aller  fiiire  les  sta~ 
'!ons  ou  les  ofGee^  divins,  afin  de  donner 
aux  divers   membres   de  leur  troupeau  la 


STE  S3-2 

commodité  de  se  rassembler ,  pour  ainsi 
dire,  sous  la  houlette  du  pasteur.  A  présent, 
si  cela  est  moins  nécessaire  qu'autrefois,  il 
est  encore  utile  de  conserver  les  anciens 
usages,  parce  qu'ils  nous  rappellciitloujours 
les  mêmes  vérités,  et  parce  que  les  dévo- 
tions particulières,  qui  n'ont  point  d'autre 
règle  que  le  goût  el  le  caprice,  ne  manquent 
jamais  d'entraîner  des  abus  et  des  er- 
reurs. 

STAUROLATRES.  Voy.  Chazinzariens. 

STERCORANISTES.  On  a  donné  ce  nom 
à  ceux  qui  soutenaient  que  le  corps  de  Jé- 
sus-Christ dans  la  sainte  eucharistie,  reçu 
par  la  conimnnion,  était  sujet  à  la  digestion 
et  à  ses  suites,  comme  tous  les  autres  ali- 
n)ents.  La  question  est  de  savoir  s'il  y  a  eu 
réellenient  des  théologiens  assez  insenrés 
pour  admettre  cette  absurdité. 

Mosheim,  plus  modéré  sur  ce  point  que 
d'autres  protestants,  convient  qu'à  propre- 
ment parler  le  stercoranisme  est  une  hérésie 
imaginaire.  Dans  le  xT  siècle,  les  théolo- 
giens qui  soutenaient  que  la  substance  du 
pain  et  du  vin  est  changée  dans  l'eucharis- 
tie au  corps  et  ;iu  sang  de  Jésus-Christ,  im- 
putèrent à  ceux  qui  tenaient  le  contraire 
cette  odieuse  conséquence,  que  ce  corps  et 
ce  sang  adorables  sont  sujets  dans  l'esto- 
mac à  la  digestion  el  à  ses  suites.  Ils  argu- 
mentaient sur  ces  paroles  du  Sauveur  :  Tout 
ce  qui  entre  dans  la  bouche  descend  dans  le 
ventre,  et  va  au  retrait.  Ceux  qui  niaient  la 
transsubstantiation  ne  manquèrent  pas  de 
rétorquer  l'objection  contre  leurs  adver- 
saires et  de  prétendre  que,  puisque  le  corps 
et  le  sang  de  Jésus-Christ  avaient  pris  la 
place  de  la  substance  du  pain  et  du  vin,  ils 
devaient  subir  les  mêmes  accidents  qui  se- 
raient arrivés  à  cette  substance,  si  elle  avait 
été  reçue  par  le  communiant;  Hist.  ecclés., 
i\'  siècle,  II'  part.,  c.  3,  §  21. 

Nous  ne  ferons  point  de  recherches  pour 
savoir  si  ce  ne  sont  pas  les  ennemis  du 
dogme  de  la  présence  réelle  qui  ont  été  les 
premiers  auteurs  de  cette  odieuse  objection, 
plutôt  que  les  défenseurs  de  la  transsub- 
stantiation ;  cela  est  d'autant  plus  probable 
que  les  successeurs  des  premiers  la  répè- 
tent encore  :  nous  nous  contenions  de  l'aveu 
de  Mosheim  ;  il  convient  que,  dans  le  fàil, 
cette  imputation  n'était  applicable  ni  aux  uns 
ni  aux  autres,  que  les  reproches  venaient 
plutôt  d'un  fond  de  malignité  que  d'un  vé- 
ritable zèle  pour  la  vérité.  On  ne  peut  sans 
impudence,  dit-il,  l'employer  contre  ceux 
qui  nient  la  transsubstantiation,  mais  bien 
contre  ceux  qui  la  soutiennent,  quoique 
peut-être  ni  les  uns  ni  les  autres  n'aient  ja- 
mais été  assez  insensés  pour  l'admettre  ; 
ibid. 

Il  ne  fallait  pas  affecter  là  un  peut-être,  il 
fallait  avouer  franchement  que  ce  reproclie 
était  alisurde  dans  l'un  et  l'autre  parti.  Plus 
équitable  que  lui,  nous  allons  faire  voir  qu'il 
ne  peut  avoir  lieu  contre  aucun  des  senti- 
ments vrais  ou  faux  qui  sont  suivis  d,:ns  les 
différentes  sectes  chrétiennes  touchant  l'eu- 
charistie ;  nous  ne  refusons  jamais  de  rendre 


5-3 


STE 


STIC 


534 


jastico,  même  à  nos  ennemis.  1°  Le  repro- 
che lie  stercornnisme  ne  [lent  être  fail  aux 
calvinistes  qui  nient  l;i  présence  réelle  de 
Jésus-Chrisl  dans  ce  sacrement,  ni  contre 
les  lulhériens  qui  prétendent  aujourd'hui 
que  l'on  y  reçoit  à  la  vérité  sou  corps  el  son 
Aang,  non  en  vertu  d'une  présence  réelle  et 
corporelle  ilu  Sauveur  dans  le  pain  el  le  vin, 
mais  en  vertu  de  l.i  coniinuiiion  ou  de  l'ac- 
tion de  recevoir  ces  symboles.  Voy.  lùciu- 
nisTïE,  §  2.  2°  Luther  et  ses  disciples  ,  qui 
admeliaieiit  l'impanatioii  ou  l'union  du 
corps  et  du  sang  de  Jésus-Christ  avec  la 
substance  du  pain  et  du  vin  ,  ne  donnaient 
pas  moins  lieu  à  l'accusation  de  slercora- 
nisme  que  les  défenseurs  de  la  Iraussuhslan- 
ti.'ilion  ;  Alosheim  ni  Iiasnai;e  n'en  ont  rien 
dit,  parce  qu'ils  n'en  voulaient  qu'aux  ca- 
tholiques. M;iis  il  n'est  pas  difficile  de  justi- 
fler  ces  impanateurs;  ils  enseignaient  sans 
doute  que  le  corps  de  Jésus-Christ  ne  de- 
meure sous  le  pain  ou  avec  le  pain,  qu'autant 
que  cet  aliment  conserve  sa  forme  et  ses 
qualités  sensibles  ;  que  le  pain,  devenu  du 
chyle  dans  l'estomac,  n'est  plus  du  pain, 
qu'ainsi  \e  corps  de  Josus-Christ  cesse  d'y 
être  uni.  3"  Il  i'aut  être  enlètoà  l'excès  pour 
soutenir  que  celte  accusaiiou  est  mieux  l'on- 
dée à  l'égard  des  catholiques  qui  admullenl 
la  Iranssubslantiation.  Jamais  ils  n'ont  pense 
que  le  corps  de  Jésus-Christ  est  encore  sous 
les  espèces  ou  sous  les  qualités  sensibles  du 
pain,  lorsque  cesqualiiés  ne  subsistent  plus. 
Au  moment  que  les  espèces  sacramentelles 
sont  descendues  dans  l'estomac,  elles  sont 
mêlées  ou  avec  les  restes  d'aliments, ou  avec 
les  hutneurs  (|ui  doivent  concourir  à  la  di- 
gestion. Dès  lors  ces  espèces  ou  qualités  sen- 
sibles sont  altérées  ;  elles  ne  subsistent  plus 
du  tout  lorsqu'elles  sont  changées  en  chyle  ; 
le  corps  de  Jésus-Christ  n'y  est  donc  plus. 
Comment  prétendre  que  ce  corjis  adorable 
est  sujet  au.r  suites  de  la  dhjesiiun,  dès  qu'il 
cesse  d'exister  par  la  digestion  mémo  des 
espèces  sacramentelles. 

Basnage,  qui  a  fait  une  longue  disserta- 
tion sur  lu  stercoranisme,  Ilist.  de  l'Ëijlise, 
1.  XVI,  c.  C,  a  manqué  de  jugement,  lors(|u'il 
a  dit  que  les  aci'idents  qui  peuvent  arriver 
au  corps  de  Jésus-Christ  dans  l'eucharistie 
embarrassent  fort  les  Iheoligiens  qui  admet- 
tent la  présence  réelle  ;  ils  ne  sont  embar- 
rassants que  pour  ieu\  qui  ne  rcllédiissent 
pas.  Ils  incommodent  peut-être  ceux  qui 
commencent  par  argumenter  sur  la  sub- 
stance des  corps  ;  mais  nous  demandons  ce 
que  c'est  que  celle  substance  séparée  ou  ab- 
straite de  toute  qualité  sensible,  et  si  on 
peut  eu  donner  une  notion  claire  ;  si  on  ne 
le  peut  pas,  de  quoi  servent  les  arguments  ? 

Voici  le  plus  fort  :  Les  Pères  de  l'Eglise 
ont  dit  que  l'eucharistie  nourrit  nos  corps 
aussi  bien  que  nos  âmes  ;  or,  c'est  la  sub- 
stance d'un  aliment  et  non  ses  qualités  sen- 
sibles qui  jieut  produire  cet  effet  :  puisque 
la  substance  du  pain,  scion  nous,  n'est  plus 
dans  l'eucharistie,  il  faut  que  ce  soit  la  sub- 
stance du  corps  de  Jésus-Christ  qui  y  sup- 
plée. —Celle  objection  est-elle  doncinsoluble? 


Nous  demandons  ce  que  c'est  que  nourrir 
notre  corps  ;  c'est  sans  doule  en  augmenter 
le  \olanie.  Que  l'on  nous  dise  commeni  une 
substance  corporelle,  dépouillée  de  tonte- 
ses  qualités  ^ensibles,  par  conséquent  de 
co/Mme,  peut  augmenter  celui  de  notre  corps. 
Les  Pères  ont  dit  que  l'eucharistie,  le  pain 
eucharisli(]uc,  l'aliment  consacré,  etc.,  nour- 
rit notre  corps  ;  mais  ils  n'ont  pas  dit  que 
c'est  le  corps  de  J. sus-Christ,  lU  la  substance 
de  ce  corps  adorable ,  ou  la  substance  du 
pain,  (jui  op^re  cet  effet.  Tous  croyaient  , 
comme  nous,  que  la  substance  du  pain  n'y 
est  plus,  et 'tous  comprenaient  que  la  sub- 
stance du  corps  de  Jésus-(]hrist ,  dépouillée 
de  toule  qualité  sensible  ,  ne  produit  point 
un  efl'el  physique  et  sensible.  Peu  nous  im- 
porto ce  qui  a  été  tlit  dans  le  ix'  et  le  xi' 
siècle,  et  ensuite  par  les  scolasliques  ,  lou- 
chant celte  dispute.  Quand  nous  serions 
forcés  d'avouer  que  tous  ont  mal  raisonné  el 
se  sont  mal  exprimés,  il  n'en  résulterait  au- 
cun préjudice  contre  la  croyance  catholique. 
On  a  eu  très-gran<l  tort  d'attribuer  le  ster- 
coranisme à  Nicétas,  à  Amalaire,  à  Raban- 
Maur,  il  Héribalde,à  Ratramne,  etc.,  et 
<(uand  il  serait  vrai  que  tous  se  sont  mal 
défendus,  il  ne  s'ensuivrait  encore  rien.  I! 
aurait  été  mieux  de  ne  point  appliquer  à  la 
sainte  eucharistie  des  notions  de  physique 
our  de  méta|ih3sique  très-obscures,  très-in- 
cerlainos,  et  qui  ne  pouvaient  servir  (ju'à 
euîbrouiller  la  question  ;  il  aurait  été  mieux 
de  lie  pas  entreprendre  d'expliquer  par  ces 
notions  fautives  un  mystère  essentiellement 
inexplicabb'.  .Mais  l'atTcctation  des  protes- 
tants de  ramener  ces  disputes  sur  la  scène 
no  prouve  que  leur  malignité.  Il  a  fallu  (|uc 
iiasnage  s  aveuglât  augrand  jour  pour  affir- 
mer, dans  le  titre  du  chap.  G,  que  VEylise 
grecque  micienne  et  moderne  était  stercoru- 
nisle,  puisque  les  Grecs  soutenaient  que  la 
réception  de  l'eucharistie  rompt  le  jeûne.  Il 
avait  perdu  toute  pudeur  quand  il  a  ose  at- 
tribuer l'origine  du  stercoranistne  à  saint 
Justin,  parce  que  ce  Père  a  dit,  Apol.  i,  n. 
(i6,  que  l'eucharistie  est  un  aliment  duquel 
notre  chair  et  notre  sang  sont  nourris,  et  à 
saint  Irénée,  parce  qu'il  enseigne,  adv.  Hœr., 
I.  V,  c.  2,  n.  2  et  3,  que  notre  chair  el  notre 
sang  sont  nourris  et  augmentés  par  ce  pain 
el  par  cette  nourriture  qui  est  le  corps  de 
Jésus-Chrisl.  Iiasnage  a  falsifie  ce  passage, 
en  menant  i^U!  est  appelé  le  corps  de  Jésus- 
Clirist.  Il  a  poussé  (ilus  loin  la  turpitude,  en 
■  ijoutanl  queOrigèue  n  été  stercoraniste  pu- 
blic, [luisqu'il  a  dit  que  l'aliment  consacre 
par  la  parole  de  Dieu  el  par  la  prière,  dans 
ce  qu'il  a  de  matériel,  passe  dans  le  ventre  et 
va  au  reliait,  in  Matlh.,  t.  ii,  n.  14  ;  quil 
laul  uiellre  au  même  rang  saint  Augustin  et 
l'Eglise  d'Afrique,  puisque  nous  lisons  ces 
paroles,  Serm.  57,  c.  7,  n.  7  :  «  Nous  pre- 
nons le  pain  de  l'eucharistie,  non-seulement 
afin  que  notre  estomac  en  soit  rempli,  mais 
afin  que  notre  âme  en  soil  nourrie  ;  »  entin 
l'i^glise  d'Es|)agne,  parce  qu'un  concile  de 
Tolèle,  au  vir  siècle,  a  décidé  qu'il  ne  faut 
consacier  que  de  petites  hosties  pour  la  com- 


S55 


STE 


STO 


536 


niuaion,  de  peur  que  l'eslomac  du  prêtre 
qui  en  consommera  les  restes  n'en  soit  trop 
chargé.  Nous  rougissons  de  rapporter  ces 
odieuses  accusations ,  mais  il  est  bon  de 
montrer  jusqu'où  l'enlêtemenl  et  l'esprit  de 
vertige  peuvent  pousser  un  prolestanl.  Bas- 
nage  a  fait  tout  son  possible  pour  prouver 
que  les  anciens  Pères  de  l'Eglise  n'ont  cru 
ni  la  présence  réelle  ni  la  traiissubsianiia- 
tion  ;  et  le  voilà  qui  leur  attribue  la  consé- 
quence la  plus  fausse  et  la  plus  révoltante 
que  l'on  puisse  tirer  de  cis  deux  dogmes. 

Origène  est  le  seul  que  nous  prendrons 
la  peine  ite  justifier.  Lorsque  ce  Père  parle 
d'aliment  consacré  (/nn<!  ce  qu'il  y  a  de  ma- 
tériel, de  la  substiince  du  pain,  ou  il  n'a  pas 
cru  la  présence  réelle,  ou  il  a  supposé  l'im- 
panalion  ;  et  nous  avons  fait  voir  que,  dans 
l'un  eldiins  l'autre  système,  le  slercoranisme 
ne  peut  pas  lui  être  imputé.  Si  Origène  a 
seulement  entendu  les  qualités  matérielles 
et  sensibles  du  pain,  comme  nous  le  pensons, 
l'accusation  est  encore  plus  absurde,  et  nous 
l'avons  prouvé.  Voy.  les  notes  des  éditeurs 
d'Origène  sur  cet  endroit. 

Les  protestants  se  fâchent,  lorsque  nous 
attribuons  des  erreurs  aux  hérétiques  an- 
ciens et  modernes, par  voie  de  conséquence, 
et  ils  ne  cessent  de  recourir  à  celle  méthode 
pour  imputer  aux  Pères  de  l'Eglise  entière 
non-seulement  des  erreurs,  mais  des  infa- 
mies. Basnagc  avait  avoué  qu'aucun  trans- 
substantialeur  n'a  jamais  été  assez  insensé 
pour  admetire  le  slercoranisme,  non-seule- 
ment à  cause  que  le  respect  qu'il  a  pour  le 
corps  du  Fils  de  Dieu  s'oppose  à  cette  pen- 
sée, mais  encore  parce  que  ce  corps  adora- 
ble étant  dans  l'eucharistie  invisible,  indivi- 
sible, impalpable,  insensible,  il  est  impossible 
de  croire  qu'il  est  sujet  à  la  digeslion  et  à 
ses  suites,  ibid.,c.&,  §  3.  S'est-il  repenti  de 
ce  trait  de  bonne  foi  ?  non  ;  mais  il  a  voulu 
prouver  que  les  Pères  n'admettaient  point 
la  transsubstantiation,  puisqu'ils  admettaient 
le  slercoranisme-  Encore  une  fois,  ceci  res- 
semble à  un  délire.  Si  les  Pères  n'ont  pas 
cru  la  transsubstantiation,  il  faut  du  moins 
qu'ils  aient  cru  la  présence  réelle,  autrement 
l'accusation  de  slercoranisme  est  absurde. 
S'ils  ont  supposé  la  présence  réelle,  que  l'on 
nous  dise  comment  ils  l'ont  conçue,  et  alors 
nous  prouverons  que  celle  odieuse  imputa- 
tion est  toujours  également  opposée  au  bon 
sens. 

Si  c'est  à  Basnage  que  Mosheim  en  vou- 
lait, lorsqu'il  a  dit  que  \e  slercoranisme  n'est 
qu'une  imputation  maligne,  il  n'avait  pas 
tort.  Les  incrédules  en  ont  profité  pour  vo- 
mir des  blasphèmes  grossiers  et  dégoûtants 
contre  le  mystère  de  l'eucharistie. 

♦  STEVENISTES.  Stevens  ,  vicaire  général  du 
diocèse  de  Naniiir  au  inoinent  du  Concordat,  perdit 
ses  pouvoirs  lorsque  les  sièges  de  Liège  et  de  Namur 
furent  remplis.  Il  s'était  acquis  une  grande  estime 
piiriui  tous  les  prêtres  belges.  Il  comiiiun,  comme 
docteur  particulier,  à  éclairer  et  i\  diri;;er  beaucoup 
d'entre  eux.  La  petite  Eglise  faisait  alors  du  bruit. 
Elle  eut  de  l'éclio  dans  la  Belgique.  Plusieurs  prê- 
itres,  se  couvrant  du  html  de  Siev«ns>  (iKHt  DtJi  VUa 


opposition  au  Concordat.  Stevens  les  condamna  et 
leur  donna  l'exemple  d'une"  entière  soumission  aux 
voloniés  du  souverain  pontife.  Il  sut  toujours  distin- 
guer les  actes  qui  émanaient  de  l'autorité  ecclésiasti- 
que de  ceux  qui  procédaient  uniquement  de  l'autorité 
civile.  Il  attai|ua  les  articles  organiques;  il  blâma  le 
serment  prescrit  :iiyx  membres  de  la  Léuioii  d'honneur; 
il  déclara  en  1809,  birsque  le  pape  l'eut  e\commnuié, 
qu'aucun  prêtre  ne  devait  pins  prier  pcnir  Nipnlénn. 
tous  ces  actes  lirt-nl  regarder  Stevens  comme  si^c- 
tateur  par  les  partisans  de  l'empereur;  il  était  ce- 
penilant  dans  le  vrai.  Il  se  montra  toujours  soumis 
au  saint-siége,  et  mourut  plein  de  vertu  en  1828. 

STIGMATES,  marques  ou  incisions  que 
les  païens  se  faisaient  sur  la  chair,  en  l'hon- 
neur de  quelque  fausse  divinité.  Cette  su- 
perstition était  défendue  atix  Juifs,  Levil., 
c.  XIX,  v.  28  ;  l'hébreu  porle  :  Vous  ne  vous 
ferez  aucune  écriture  de  pointe,  c'est-à-dire 
aucun  caractère  ou  aucun  stigmate  imprimé 
sur  la  chair  avec  des  pointes  ;  c'était  un  sym- 
bole d'idolâtrie. 

Ptolémée  Philopalor  ordonna  d'imprimer 
une.  feuille  de  lierre  ,  plat»te  consacrée  à 
Bacclius  ,  sur  les  juifs  qui  avaient  quitté 
leur  religion  pourembrasser  celle  des  païens. 
Saint  Jean,  Apoc,  c.  xiii,  v.  16  et  17,  fait 
allusion  à  cetie  coutume,  quand  il  dit  que 
la  bête  a  imprimé  son  caractère  dans  la 
main  droite  et  sur  le  front  de  ceux  qui  sont 
à  elle  ;  qu'elle  ne  permet  de  vendre  ou  d'a- 
cheter qu'à  ceux  qui  portent  le  caractère  de 
la  bête  ou  son  nom.  Philon  le  juif,  de  Mo- 
narch.,  1.  i,  observe  qu'il  y  a  des  hommes 
qui,  pour  s'attacher  au  culte  des  idoles  d'une 
manière  solennelle,  se  font  sur  la  chair,  avec 
des  fers  chauds,  des  caractères  qui  mar- 
quent leur  engagement.  Saint  Paul,  Galat., 
c.  VI,  V.  17,  dit,  dans  un  sens  fort  différent, 
qu'il  porte  les  stigmates  de  Jésus-Christ  sur 
son  corps,  en  parlant  des  coups  de  fouet 
qu'il  avait  reçus  pour  la  prédication  de 
l'Evangile.  Procope  de  Gaze ,  in  Isaï.  ,  c. 
XLiv,  V.  20,  remarque  qu'un  ancien  usage 
des  chrétiens  était  de  se  faire  sur  le  poignet 
et  sur  les  bras  des  stigmates  qui  représen- 
taient la  croix  ou  le  monogramme  de  Jésus- 
Christ,  pour  se  distinguer  des  païens.  On 
dit  que  cet  usage  subsiste  encore  parmi  les 
chrétiens  d'Orient,  surtout  parmi  ceux  qui 
ont  fait  le  voyage  de  Jérusalem.  Les  cophtes 
d'Egypte  impriment  avec  un  fer  chaud  le 
signe  de  la  croix  sur  le  front  de  leurs  en- 
fants, afin  d'empêcher  les  mahoinétans  de 
les  dérober  pour  en  faire  des  esclaves.  On  a 
cru  mal  à  propos  qu'ils  employaient  cette 
précaution  pour  tenir  lieu  de  baptême. 

Les  historiens  de  la  vie  de  saint  François 
d'Assise  ont  rapporté  que,  dans  une  vision, 
ce  saint  reçut  les  stigmates  des  cinq  plaies  de 
Jésus-Christ  crucifié,  el  qu'il  les  porta  sur 
son  corps  le  reste  de  sa  vie.  On  peut  voir 
ce  qu'eu  a  dit  Fleury,  Histoire  ecclésiastique, 
t.  XVI,  I.  Lxxix,  n.  5,  et  les  preuves  que  l'on 
en  donne,  Vies  des  Pères  et  des  Martyrs,  tom. 
IX,  p.  392. 

*  STONITES.  C'est  l'une  des  mille  sectes  qui  pul- 
lulent en  Amérique.  Sione,  son  fondateur,  se  donna 
comme  l'ami  des  lumières.  Il  renouvela  l'Iiérësie  de» 
arieu^i 


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S38 


*  STRAUSS.  Sirauss  est  l'un  des  plus  dangereux 
ennemis  du  christianisme  des  temps  modernes.  Après 
avoir  été  un  anleiii  illumine,  il  tomha  dan-;  une  in- 
crédulité complète.  Ce  fut  la  nouvelle  exégèse  alle- 
irande  qui   l'y  conduisit.   Il  ne  put  entendre  sans 
pitié  l'inlerpréialion  donnée  à  l'Ecriture  par  les  nou- 
veaux exésèles  :  il  fiiut  avouer,  en  olïet,  qu'il  n'y  a 
rien  de   plus  ridicule  que  les  explicilions  qu'ils  dai- 
gnent nous  donner    Selon  ces  savants  interprètes , 
I  l'arbre  du  l>ien  et  du  mal  n'est  rien  qu'une  plante 
vétiéneuse,  prcdiablemenl  un  mancenilier  sous  lequel 
se  sont  endormis  les  premiers  liommes  ;  (|ue  la  fi- 
pure  rayonnante  de  Moïse  desccmlaut  du  mont  Sinaï 
était  un  proiluit  naturel  de  l'électricité  ;  la  vision  de 
Z:uliarie,  l'effet  de  la  fumée  des  candéLibres  du  tem- 
ple; les  rois  mages,  avec  leurs  offrandes  de  myrrhe, 
d'or  et  d'encens,  trois  marchands  forains  qui  anpor- 
taient  quelipie  quincaillerie  à  l'enranl  de  lîethléLiui  ; 
l'étoile  qui  marchait  devant  eux,  nu  domestique  por- 
teur il'uM  Ûjuibeau  :   les  anges  dans  la  scène  de  la 
tentation  ,  une  caravane  qui  passait  dans  les  déserts 
chargée  de  vivres.  Dans  le  fait,  il  faut  èirc  possédé 
de  la  manie  du  système  pour  débiter  sérieusement 
que,  si  Jésus-Chrisl  a  marelié  sur  les  Ilots  de  la  mer, 
c'est  qu'il  nageait  on  marchait  sur  ses  bords  ;  qu'il 
ne  conjurait  la  tempête  qu'en,  saisissant  le  gouvernail 
il'iine  main  habile  ;  qu'il  ne  rassasiait  miraculeuse- 
ment plusieurs  milliers  d'hommes  que  parce  qu'il 
avait  des  magasins  secrets,  ou  que  ceux-ci  consom- 
Miérenl  leur  propre  pain  qu'ils  tenaient  en  réserve 
(bris   leurs   poches  ;  enfin,  qu'an  lieu  de  monter  au 
ciel ,  il  s'était  dérobé  à  ses  disciples  à  la  faveur  d'un 
brouillard,  et  (|u'il  avait  passé  de  l'antre  côié  de  la 
moniagne  :  explications  étranges,  qui  n'exigent  pas 
une  foi  moins  robuste  que  celle  qui  admet  les  mira- 
cles (n).  >  Uu  esprit  tant  soit  peu  logique  devait  sor- 
tir de  celte  voie  misérable,  ou  pour  embrasser  fran- 
chement  la   vérité,  ou  pour  donner  complètement 
clans  l'incrédulité.  Sirauss  se  laissa  entraîner  dans 
ce  dernier  parti.  L'i^vanj-ile  l'embariassail  avec  les 
miracles  et  la  vie  prodigieuse  de  Jésus-Christ.  Il  ré- 
solut d'en  faire  un  mythe,  ou  une  histoire  naturelle, 
ordinaire,  embellie  de  prodiges. 

€  Parce  que,  dit  M.  Guillon  ,  notie  foi  chiéiienne 
repose  sur  les  Evangiles  où  sont  consignées  la  vie 
et  les  doctrines  du  divin  Législateur,  M.  Strauss  a 
cru  que,  cette  base  renversée,  noire  foi  restait  vaine 
et  sans  appui ,  el-il  a  conçu  le  dessein  de  la  réduire 
à  une  ombre  fantastique.  Dans  celle  vue ,  il  com- 
mence par  saper  l'aulhenticité  des  Evangiles,  en  la 
combattant  par  l'absence  on  le  vide  des  icmoignages 
soit  externes,  soit  internes,  qui  déposent  en  sa  l:i- 
veur.  Selon  lui,  la  reconnaissance  qui  en  aurait  été 
f.iile  ne  remonte  pas  au  delà  de  la  lin  du  11°  siècle. 
Jésus  s'était  donné  pour  le  Messie  promis  à  la  na- 
tion juive  :  quelques  disc.ples  crédules  accrédilérent 
celle  opinion.  Il  fallut  l'étayer  de  laits  miraculeux 
qu'on  lui  supposa.  Sur  ce  lype  général  se  l'nrma  in- 
sensiblement une  histoire  de  la  vie  de  Jésus,  (jui,  par 
des  modilicalions  successives,  a  passé  dans  les  livres 
que,  depuis,  on  a  appelés  du  iinni  d'Evangile.  Mais 
poiul  de  monuments  cuulemporains.  La  tradition 
orale  est  le  seul  canal  (pii  les  ail  pu  iraiismettre  à 
une  époque  déjà  trop  loin  de  sou  origine  pour  mé- 
liler  quelque  créance  sur  les  faits  dont  elle  se  com- 
pose. Ils  ne  sont  arrivés  jusqu'à  elle  que  chaigés 
d'un  limon  étranger.  Le  souvenir  du  fondateur 
n'a  plus  été  que  le  fruit  pieux  de  l'imagination, 
l'a'uvre  d'une  école  appliquée  à  revêtir  sa  doctrine 
d'un  symbole  vivant.  Toute  oetle  histoire  est  donc 
sans  réalité;  tout  le  Nouveau  Testament  n'est  plus 
qu'une  longue  liction  mythologique,  substituée  à 
celle  de  l'ancienne  idolàlrje.  Toutefois,  ce  n'est  en- 
core là  que  la  umitié  du  système.  Dans  l'ensemble 
de  l'histoire  cvangélique,  M.  Strauss  découvre  un 

(m)  Ldilion  Lefort,  art.  Stravss. 


grand  myllie,  un  myihe  philosophique,  dont  le  fond 
est,  dit-il,  l'idée  de  l'humaniié.  A  ce  nouveau  lype 
se  rapporte  tout  ce  que  les  auteurs  sacrés  nous  ra- 
content du  premier  âge  de  l'Eulise  chrétienne,  à  sa- 
voir :  l'iiumaiiiié,  ou  l'union  <lu  principe  humaiu  et 
du  principe  divin.  Si  cette  idé'e  apparaîi  dans  les 
Lyan;jiles  sous  l'enveloppe  de  l'histoire,  et  de  l'his- 
toire de  Jésus,  c'est  que,  pour  être  lemlue  intelli- 
gible et  populaire,  elle  devait  èlre  préseniée  non 
dune  manière  abslraile,  mais  sous  la  forme  coii- 
ciele  de  la  vie  d'un  individu.  C'est  qu'ensuite  Jésus 
cet  être  noble,  pur,  respecté  cimime  un  dieu  aviiiit 
e  premier  fait  comprendre  ce  qu'était  l'Iiomule  et  le 
but  ou  il  doit  tendre  ici-bas,  l'idée  de  l'humanité  de- 
meura pour  ainsi  dire  altachée  à  sa  personne.  Elle 
élan  sans  cesse  devant  les  yenx  des  premiers  chré- 
tiens, lorsqu'ils  écrivaient  la  vie  de  leur  chef.  Aussi 
reporlèrenl-ils,  sans  le  savoir,  tous  les  atlrilmls  de 
celte  idée  sur  celui  qui  !'av;iii  fait  naîire.  En  croyant 
rédiger  l'histoire  du  fondateur  de  leur  religion',  ils 
firenl  celle  du  genre  binnain  envi,agé  dans  ses  rap- 
ports avec  Dieu.  Il  est  clair  que  la  vérité  évangélique 
disparaît  sous  cette  interprétation  ;  que  les  œuvres 
surnaturelles  dont  elle  s'appuie  restent  pioldémaii- 
ques  et  imaginaires;  que,  même  dans  l'hypoiliése 
d'une  existence  physique,  Jésus-Chrisi  ne  fni  qu'un 
simple  homme,  étranger  à  son  propre  onvra-e  et 
dépouillé  de  tous  les  caractères  de  mission  divine  qui 
lui  assurent  nos  adorations.  > 

C'était  montrer  une  audace  extrême ,  heurter  de 
front  lonles  les  croyances,  briser  la  certiimle  liislo- 
nqiie;  car,  coiiime  nous  l'avons  démmitré  au  mol 
Evangile,  contesler  la  vérité  de  ce  livre,  c'est  ané- 
aiilir  l'autorilé  de  toute  espèce  d'histoire  ancienne. 
Sirauss  apporte-l-il  de  noiividles  raisons?  a-l-il  dé- 
couvert de  nouvelles  objections  ?  produit-il  des  écrits 
inconnus  jii.squ'alors,  qui  montrent  la  fansseié  de  nos 
saints  livres?  l'oint  du  tout.  Il  réunit  toutes  les  ob- 
jections qui  oui  été  faites  contre  la  véracité  des  ré- 
cits des  faits  merveilleux  qui  se  lisent  dans  les  pre- 
mières histoires  profanes  ;  il  présente  sous  un  nmi- 
veau  jour  les  objections  qui  ont  été  vingt  fois  réfutées 
par  les  apologistes  de  la  religion,  et  il  en  conclnt 
qu'on  doit  juger  de  la  vie  de  Jé-us-Christ  comme  de 
la  vie  des  piemiers  fondateurs  des  fausses  religions  : 
il  y  a  des  faits  naturels,  mais  qui  oui  élé  embellis 
par  la  renommée  et  admis  p  ir  la  créilnlilé.  Nous  ne 
pouvons  rentrer  ici  dans  une  longue  discussion  qui 
a  été  épuisée  dans  le  cours  de  ce  Dictionnaire. 
Nous  nous  conlenierons  de  p^é^enler  quelques  con- 
sidérai ions  de  M.  Tlioluck,  qui  a  réfulé  l'ouvrage 
de  Strauss. 

I  Où  commence,  d'après  le  critii|ue  de  la  Vit' 
de  Jésus,  l'histoire  de  celui  que  le  monde  clirctien 
adore  cuniine  son  sauveur  et  son  Dieu  ?  —  Au  loin- 
beau  t  lillé  dans  le  roc  par  Joseph  d'.\rinialliie.  De- 
bout sur  ses  bords,  les  disciples  Ireuiblaiits ,  éper- 
dus, ont  vu  leur  espérance  s'engloutir  dans  s.oii 
sein  avec  le  cadavre  de  leur  maîlre.  Mds  quel  évé- 
nement vint  se  placer  enire  celle  scène  du  sépulcre 
et  le  cri  de  saint  l'ierre  et  de  saint  Jean  :  iNoiis  ne 
pouvons  pas  laisser  sans  icmoignage  les  choses  que 
nous  avons  vues  ei  entendues.  Acl.  aposl.,  iv,  20.  1 
— <  Quand  on  embrasse  d'un  coup  d'œil,  dit  le  doc- 
teur Faulus,  l'histoire  de  l'origine  du  christia- 
nisme, pendant  cinqnaïue  jours,  à  partir  de  la 
dernière  céue,  on  est  IVircé'  de  re  oniiaitre  que 
quebpie  chose  d'extraoïdinaire  a  ranimé  le  courage 
de  ces  hommes.  Dans  (elle  nuit,  qui  fut  la  dernière 
de  Jésus  sur  la  terre,  ils  étaient  pusillanimes,  em- 
pressés de  fuir  ;  et ,  alors  qu'ils  sont  aliandonnés, 
ils  se  Irouyeiil  élevés  au-dessus  de  la  crainte  de  la 
mon,  el  répèleiil  aux  ju^es  irrités  qui  ont  condaiiiiié 
Jésus  à  mort  :  <  Un  doil  plutôt  olieir  à  Dieu  qu'aux 
hommes.  >  Docleur  faulus  Kummeiiiar,  etc.,  lli.  5, 
8li7.  Ainsi,  le  ciitique  d'ileidelberg  le  reconnaît, 
il.doil  s'être  passé  quelque  chose  d'extraordinaire  ; 


539 


STR 


SIR 


340 


le.docteur  Sir.iiiss  en  ronvienl  liii-mênio.  «  M;iin- 
leiianl  encore,  dil-il,  ce  n'est  pas  sans  londenicnl 
que  le^  apologistes  snuiieniient  qne  la  iransilinn 
siiMie  ilu  désespoir  qui  saisit  les  disciples  à  la  mort 
tic  Jésus  et  de  leur  allaitement,  à  la  foi  vive  et  à 
l'.irdenr  avec  laquelle,  cinquanle  jours  apics ,  ils 
proc  aiuéreni  qu'il  était  le  Messie,  ne  peut  s'expli- 
quer, à  moins  de  reconnaître  que  quelque  Jiose 
vraiment  extraordinaire  a  ,  pendant  cet  intervalle  , 
ranimé  leur  courage.  >  Oui,  il  s'est  passé  quelque 
ciiose  ;  mais  quoi  ?  n'allez  pas  croire  que  ce  fut  un 
miracle.  On  sait  commeut  les  rationalistes,  précur- 
seurs de  Strauss,  posant  en  principe  que  les  léthar- 
gies étaient  très-fréquentes  dans  la  Palestine  ,  à 
répoque  011  vivait  Jésus,  ont  fait  intervenir  la  syn- 
cope et  révanoiiissement,  afi"  d'expliquer  sa  mort 
apparente,  et  par  suite  sa  résurreciiin.  Depuis  17811, 
le  rationalisme  n'a  pas  suivi  d'autre  tactique,  et, 
s'il  eiilevait  au  monde  chrétien  le  vendredi  saint,  il 
lui  donnait  cependant  encore  un  joyeux  jour  de 
Pâques.  —  Strauss  se  présente  :  il  admet  aussi , 
cnrnine  nous  l'avons  vu,  quelque  chose,  mais  peu  de 
chose.  —  La  résurrection  éail  trop  !  Contrairement 
à  ses  précurseurs,  il  arrache  donc  par  fragments 
aux  chrétiens  le  jour  de  Pâques ,  et  leur  laisse  le 
vendredi  saiui.  Voici  cummcnt  :  Les  apôtres,  des 
femmes,  les  cinq  cents  Galiléeiis  dont  parle  saint 
Paul,  /  Corinth.  ,  xv,  6,  s'imaginèrent  avoir  vu 
Jésus  ressuscité,  et  ce  sont  ces  visions  qui,  dans 
la  vie  des  apôtres,  déterminèrent  la  transition  sou- 
daine du  désespoir  a  la  joie  du  triomphe.  Pour  ren- 
dre raison  de  ces  visions  ,  on  a  encore  recours  aux 
explications  naturelles  données  déjà  des  miracles  ; 
on  veut  bien  même,  par  condescendance,  Das  Lebeti 
Jesu,  th.  2,  p.  057,  faire  intervenir  les  éclairs  et  le 
lonucrro;  mais  le  mieux  serait  de  s'en  débarrasser. 
Saint  Paul,  il  est  vrai  ,  dont  le  témoignage  pré- 
sente un  certiin  poids,  parle  de  la  résuiMection 
eomiTie  d'un  fait  ;  mais  ee  [ait  n'existe  que  dcins  son 
imagination  et  celle  de  ses  compagnons.  Il  faut  bien 
ce(iend:inl  admettre  aussi  dans  sa  vie  quelque  cho- 
se,  si  l'on  veut  comprendre  l'impulsion  qui  lui  est 
imprimée;  on  ailmel  alors  ces  visions ,  au  moins 
Comme  quelque  chose  de  provisoire,  qui  fera  l'efTel 
d'un  p'riit  volant  pour  i  asser  de  VEvangite  aux 
Actes  des  apôtres,  jusqu'à  ce  que  la  criti(|ue,  se 
plaçant  dans  une  réi^ion  plus  élev.  e  ,  puisse,  suis 
intermédiaire,  franchir  cet  ahime.  Passons  donc 
sur  ce  pont  volant,  bâti  ou  ne  sait  si  c'est  par 
l'iniagination  de  l'orientaliste  novice,  ou  par  celle 
du  crniqiie  allemand  ;  passons  de  l'histoire  évan- 
géllque  aux  Actes  des  apôtns.  Suivant  alors,  dans 
l'examen  de  l'hypothèse  de  Strauss,  la  loi  proposée 
p:ir  Gieseler,  Giescler,  Versuch  vber  die  Enislrhung 
der  Kvamjelien  ,  s.  I'i2,  aOn  de  juger  l'hypothèse 
sur  l'origine  des  Evangiles,  nous  demandons  :  Quelle 
conclusion  riiisloire  qui  nous  reste  du  corps  de  Jésus- 
Christ,  c'est  à-dire  de  son  Eglisi- ,  )ioi',s  fait-elle  por- 
ter sur  celte  de  son  chef?  —  Deux  voiis  dilféientes, 
dit-il,  se  présentent  à  quiconque  regarde  l'histoire 
des  miracles  évaiigéliqnes  comme  le  produit  de  l'i- 
magiiialion  de  l'Iglise  primitive,  produit  qui  fut  dé- 
tetniiné  p:ir  le  caractère  de  cette  liglise  elle-même. 
Peut-être  jiigera-i-il  (pie,  frappés  par  les  visions 
léceutcs  et  par  la  croy^mce  que  ce  ressisoité  éciit 
le  Messie  d'Israël ,  les  chrétiens  se  mirent  à  l'ctn- 
vie,  recueillirent  ce  qui  avait  paru  extraordinaire 
dans  sa  vie  et  parvinrent  ainsi  à  fid)riquer  nue  his- 
toire merveilleuse.  Toutefois  si,  tomme  le  prétend 
Strauss,  la  vie  de  Jésus  ue  présenta  rien  d'exlraor- 
liinaire,  (ui  ne  conçoit  pas  trop  comment  les  disciples 
pnienl  s'imaginer  avoir  remarqué  dans  leur  inailre 
ce  iju'ils  n'avaient  jamais  vu.  Mais  voici  une  autre 
opinion  qui  lève  cette  difliculti'.  L'Eglise  primitive 
alla  chercher  dans  l'Ancien  'lestamenl  toutes  les 
piopiicties  relatives  au  Messie,  les  léiiiiit  afin  d'oi- 
(ici  avec  elles  quatre  canevas  do  la  vie  de  Jésus  ; 


elle  se  mit  ensuite  à  les  broder  à  l'aide  d'arabes- 
ques miraruleiix  Contente  de  son  œuvre,  elle  ter- 
mina là  son  travail ,  3n(|uel  elle  ajouta  cependant 
peut-être  encore  quelques  volutes  isolées.  Celte 
prétendue  conduite  de  l'Ejlise  chrétienne  sert  de 
point  de  déiian  à  Strauss.  Le  grand  argument  sur 
lequel  11  s'appuie  pour  juslider  son  interprétation 
mythique  de  la  vie  de  Jésus,  c'est  qu'où  ne  pourra 
j  rmais  démontrer  «  qu'un  de  nos  Evangiles  ait  été 
attribué  à  l'un  des  apôtres  et  reconnu  par  lai.  » 
Il  pense  que,  pour  cette  composition  mythique,  ils 
ont  dû  réunir  leurs  forces.  Quant  aux  détails  qu'ils 
ne  réussirent  pas  à  faire  entier  dans  la  vie  de  leur 
maître ,  ils  les  réservèrent  pour  la  leur.  De  là  ces 
aventures  dans  des  îles  enchantées,  ces  tempêtes 
qui  le*  jetèrent  enfin  sains  et  siufs  sur  un  rivage 
loriuné  ;  en  un  mol,  toutes  les  r/niiniscences  pro- 
saïques des  anciens  lemp-,  la  vi  ■  des  compagnons 
du  Sauveur  nous  les  préseule.  IleureuseineiH  nous 
avons  l'histoire  des  apôtres  écrite  par  un  compa- 
giion  de  saint  Paul,  et  plusieurs  letti  es  apostolique? 
que  les  critiques,  même  protestants,  regardent,  en 
général,  comme  lutbentiques.  Le  caracière  de  ces 
écrits  nous  permet  de  porter  un  jugement  sur  ces 
deux  opinions,  et  parlant  sur  l'hypothèse  relative 
au  caracière  mytliique  do  \'Evangile.  Si  la  première 
opinion  est  vraie,  les  Actes  des  apôtres,  ainsi  que 
leurs  Epiires,  nous  les  représenteront  comme  des 
hommes  aveuglés,  guidés  par  le  fanatisme,  et  qui 
iranslormenl  en  miracles  des  faits  naturels.  Si  la  se- 
conde est  fondée,  ces  documents  nous  montreront 
dans  les  apôires  des  hommes  qui  sortent  si  peu  de 
Tordre  ordinaire  que  le  miracle  n'occupe  aucune 
place  dans  leur  vie.  Or,  le  caractère  de  leurs  Actes 
et  de  leurs  Epitres  renverse  ces  deux  hypoihèses. 
Nous  y  trouvons,  il  est  vrai ,  des  miracles  ;  mais  la 
conduite  de  leurs  auteurs  est  si  prudenie  et  si  sage, 
qu'il  nous  est  impossible  de  concevoir  le  moindre 
doute  sur  ta  modération  et  la  véracité  de  leur  té- 
moignage. D'un  autre  côté,  toute  leur  vie  se  passe 
au  milieu  d'un  inonde  que  nous  connaissons  déjà  ; 
nous  voyons  des  personnages,  des  événements  qui 
ne  nous  sont  pas  éirangeis  ;  mais,  de  plus,  ils  opèrent 
di  s  miracles  qui  semblent  jaillir  comme  des  éclairs 
du  sein  d'un  monde  plus  élevé. 

«  Nous  avons  à  dénioulrer  d'abord  le  caracière 
historique  des  Actes  des  apôtres.  Ou  est  forcé  de  re- 
connaître, et  l'auteur  lui-iiiêiue  le  déclare  formelle- 
ment ,  qu'ils  ont  été  composés  par  un  ami  et  uii 
compagnon  de  l'apôtre  saint  Paul  :  pour  prétendre 
le  contraire,  il  faudrait  soutenir  que  l'ouvrage  tout 
entier  e.^t  supposé,  ce  à  quoi  ou  n'a  pas  encore 
songé.  D'ailleurs,  l'impression  qu'il  laisse  dans  l'es- 
prli  du  lecteur  est  assez,  décisive,  et,  si  elle  s'était 
effacée  de  sa  mémoire,  il  lui  suffirait  de  lire  le  c.  xvi 
depuis  le  verset  11  jusqu'à  la  fin,  pour  ne  conser- 
ver aucun  doute  sur  ce  point,  et  se  convaincre  que 
le  narrateur  a  dû  vivre  sur  les  lieux  où  les  faits  se 
sont  accomplis.  Souvent  même,  notaminenl  quand 
il  fait  la  relation  du  trajet  vers  l'Italie,  on  éprouve 
une  impression  semblable  à  celle  que  fait  naître  la 
lecture  d'un  jOurnal  de  voyage.  On  suit  les  stations, 
on  mesure  la  prid'ondeiir  de  la  mer,  on  sait  combien 
d'ancres  ont  été  jetées  ;  en  un  mot,  tous  les  évé 
iieinents  sont  r.ipportés  avec  tant  d'ordre  que  l'on 
peut  demander  à  tout  historien  :  Est-il  vraisembla- 
ble qu'après  plusieurs  années  une  description  aussi 
détaillée  eût  pu  être  composée  d'après  drs  docu- 
ments transmis  oralement?  Ou  saint  Luc,  favorisé 
par  une  heureuse  mémoire,  doit  avoir  écrit  la  rela- 
tion (le  ce  voya;^e  aussitôt  après  l'avoir  achevé  ;  ou  il 
doit  avoir  eu  entre  ses  mains  un  journal  de  voyage  (a). 
Il   n'a  pas  été  lénioin   des   événemeuls  consignés 

(a)  Meyer,  dans  son  Commentaire  sur  les  Actes  de: 
apôtres ,  p.  33S  ,  fait  aussi  la  remarque  suivante  :  «  L? 
chulé  qui  règ  e clans  tout  le  récit  de  cette  navigation,  soi 
étendue,  porleal  li  croire  que  saint  Luc  écrivit  celle  rela- 


iil 


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nu 


dans  la  premièro  paiiio  des  Actes  den  nfiolres.  yiioi 
une  prélundeiil  Schleierin:icli«r  el.  Roliin   (dans  de 
Fondims  Acloruni  iipost.),  I«  style,  toujours  le  môme, 
qui-  ''on  remarque  dans  lout  cel  onvras^e,  rend  in- 
admissible, ainsi  que  pour  \'Evaii(iile,  une  collection 
de  documenis  inallérés.   Mais  Wolil  ne  parle  pas 
seiilfinent  dn  caractère  liisuiriqiie  de  la  première 
pariie  ,  il  examine  aussi  le  caranère  dn  style,  el  il 
soiilienl  qne  saint  Lnc  a  employé  des  notes  écrites, 
on  s'esl  allaclié  à  reproduire  assez  exaclemenl  les 
relations  des  Juifs;  car,  dit-il,  il  est  inégal,  moins 
classique  ipie  dans  les  autres  morceaux,  depn'S  le 
chapitre  x\,  nn  l'anleur  paraît  avoir  élé  aliandonné 
à  Ini-mcme.  Bleck,  dans  l'examen  de  l'ouvrage  de 
Mayerhoff,  a  embrasse  la  même  opinion,  et  il  clier- 
clie  à  prouver  que  saint  Lnc  doit  s'être  servi  d'une 
relation  écrite,  Siiiilicii  und  krilikt'ii ,   1850.   11.  l. 
C'est  aussi  te  sentiment  <l'lllri(  li ,  ll'iJ.,  I.SÔ?,  11.  2. 
I  Examinons  maiiiieiianl  le  caractère  liiiiorii]ne 
ries  Actes  des  apoires.  l'Iiisionrs  points  difliciles  à  ac- 
corder, et  notamment  desdiiï  rencs  chronologiques 
se  présentent  à  nous,    il  e^t  vrai ,  quand  nous  les 
comparons  avec  les  Lellres^in  saint  Paul  ;  mais  aussi 
nous  y  trouvons  une  concordante  si  IVappanio,  ipie 
ces  dcu%  monuments  de  l'aniiipiilé  clirélieniie  four- 
nissent des  preuves  de  l'authenticité  l'un  de  l'aulre. 
Que  l'on  considère  surtout  les  Actes  des  apôtres  ilans 
leurs  nombreux  points  de  contact  avec  l'Iiistoire,  la 
géographie  et  rantiquilé  classiques,  on  ne  lardera 
pas  à  voir  ressortir  les  qualités  de  saint  Luc  comme 
historien.  La  scène  se  passe  tour  à  tour  dans  la  Pa- 
lestine, la  Grèce  et  l'Italie.  Les  erreurs  commises 
par  un  myiliographe  grec,  sur  les  usages  et  la  géo- 
graphie des  Juifs  ,  et.  à  plus  l'orie  raison,  par  un 
myihographe  juif  sur  les  coutumes  des  païens,  n'eus- 
sent pas  manqué  de  trahir  leur  ignorance.  —  Ici  la 
vie  est  pleine  d'incidents  div/rs  dans  les  Eglises  de 
la  Palesiine,  dans  la  capiiale  de  la  Grèce,  an  milieu 
des   séries   philosophiques,    devant  le  trd)unal   des 
proconsuls  romains,  eu  piésence  des  rois  juifs,  des 
gouverneurs  des  piovinces  païennes ,  au  milieu  des 
flois  liouleversés  par  la  lempéie  ;  parioni  cependant 
nous  trouvons  des  indicaiions  exacies,  dans  l'hisioire 
et  la  géographie,  des  noms  et  des  événements  que 
nous  connaissons  d'ailleurs  ;   ce  serait  là   surtout 
que  l'on  pourrait  découvrir  le  mythographe  fanati- 
que. Nous  avons  déjà  eu  l'oceasion  {Claiibifùrd'ujkeil 
lier  cv  Gesch.  ,  s.  160  )  île  soumettre  à  un  examen 
approfondi  les  détails  donnés  par  saint  Luc  sur  les 
gouverneurs  juils  et  romains  iiui   vivaient  de  son 
temps  ;  il  a  résisté  victorieutcment  à  celle  épreuve. 
Elle  a  lait  ressortir  la  vérité  hisloriipie  de  sou  Evan- 
gile, il  nous  reste  à  parler  <  ncore  de  quelques  anii- 
qirités.  Il  nous  srrflira  de  parcourir  trois  chapitres  de 
l'ouvrage  de  saint  Luc,  les  capiires  xvi  à  xviii,  où  il 
se  présente  à  nous  nimme  le  conrpagnon  de  voyage 
de  l'Apôtre.  Noirs  trouvons  dans  ces  chapiiri'S,  com- 
m«'  dans  tous  les  autres,  des  indicaiions  gcngraplii- 
«]ues  exacies,  conformes  aux  connaissances  que  nous 
pnssédorrs  d'ailleurs  sur  la  topographie  et  sur  l'his- 
toire de  cette  époqrre.   Airrsi   la   ville  de  Phi:i|ipes 
nous  est  représentée  comme  la  prerrrièrc  ville  d'triie 
partie   de  la  Macédoine,  et  comme   une  colonie, 
irpwTij    Tnç    (xioioo;    tw»    MKxjûovta?   Tzoki;  ,    xt\6>\ii«. 
Nous  pouvons  laisser   les   exégéles  disputer  quant 
à  la  manière  d'eucliairrer  tt^wt/î  dans  le  corps  du 
discours.  Il  suit  de  là,  1*  que  la  Macédoine  élail  di- 
visée en  plusieurs  parties  :  or,  Trte-Live  nous  ap- 
prend qu'Ainelrirs  Paulu>  avait  divisé  la  Macédoriio 
en  quatre  pariies.  Liviiis,  xLv,  29.—  2"  ipie  Philippes 
était  une  colonie.  Celle  vill,'  fut,  en  effet ,  colonisée 

lion  intéressante  anssilôt  après  son  débarquement,  pen- 
dant l'hivtr  qu'il  passa  a  Malle.  Il  n'eut  qu'a  consult(;r  .-.es 
impressions  récentes  encore,  consignées  peut-èlie  dans 
son  Journal  de  voyage,  il  où  elles  pa'ssèrenl  dans  sou  his- 
toire. »  Kappelons-nous  rrraintenaiit  que  l'écrivain  qui 
moutre  laut  d'exactitude  est  aussi  l'auteur  de  l'Evuiigile.      p.  598. 


par  Octave,  et  les  parlisarrs  d'Antoine  y  furent  trans- 
portés. Dio  Cnss.  lib.  i.i  ,  pag.  .US  ;  Pline ,  Histoire 
naturelle,  iv,  Il  ;  Diqes.  teq.,  36,  SO.  D'après  le  ver- 
sel  lô,  dans  cette  ville  se'  trouvait ,  près  d'une  ri- 
vière ,  un  orainire ,  npos:v-/yi.  Le  nom  de  la  rivière 
n'est  pas  indiqué,  mais  nous' savons  qrre  le  Sirymon 
coulait  près  de  Philippes.  L'oratoire  étail  placé  sur 
le  bord  de  la  rivière  ;  nous  savons  que  les  .luifs 
avaiorrt  coutirme  de  laver  leurs  mains  avant  la 
prière,  et,  pour  celle  raisorr,   ils  élevaient  leurs 

oratoires  sur  le  boni  des  eaux  (n). Au  vcrseï  14, 

il  parle  d'une  femme  pai iiinc  dnnl  les  Juifs  avaient 
fart  une  prnsélyie.  Josèphe  nous  apprend  que  les 
femmes   paieimes,   mécorrtenie>   de  leur   religion, 
cherchaient  uir  alimerrl  pour  leur  inlelligeuee  dans  le 
judaïsme,  et  ini'à  Damas,  par  exempl  ■ ,  plusieurs 
l'avaient  embrassé.  Celte  femme  s'appelait  LyJia  ; 
ce  nom,   d'après  Horace,   ciait  usité.  C'était   une 
vendeuse  de  pourpre  de  la  ville  de  Tliyatire.  Tliya- 
lire  se  trouve  ilaiis  la  Lvdie  ;  or,  la  coloration  de  la 
porrrpre  rendait  la  Lydie  célèbre.  Val.  Flacciis,  IV, 
568;  Claudieii,  Rap.  Proserp.,  1,  27i  ;  Pline,  His- 
toire naturelle,  Vil,  57;  Elien  ,  Histoire  animal.,  IV, 
i6.  Due  inscription   trouvée  à  Thyatire  allesre  (|u'il 
y  avait  des  corps  de  leinturiers.  Spunius,  Miscell. 
enid.  antiq.,   III,  ',)5.  —  Le  verset  16  fait  menlion 
d'me  fille  possédée  d'un  esprit  de  Python  ,  tzvbù;^» 
nJÇr.jvoj.  lliJOwv  esi  le  norrr  d'Apollon  ,  le  dieu  des 
prophètes,  appelés  pour  celte  ra  son  r.-j9'jviy.oi ,  el 
TTuOoXyjrrToi  ;    les   veniriloipies   recevaient   aussi    le 
même  nom  lorsqu'ils  s'occirpaieiit  de  la  divination, 
Plulurch.,  De  oracul.  defeclu  ,  c.  2. On  lii ,  ver- 
set 27,  qrre  le  geélrer  de  la  prison  dans  laquelle  se 
trouvait  saint  Paul  voulut  se  mer,   croyant  que  les 
prisonniers  s'étaient  enfuis.  Le  ilioii  romain  con- 
damnait à  ce  chàtimerii  le  geôlier  ipii  laissait  les  dé 
tenus  s'échapper.  Spnnlieiu,  De  msh  et  prœst.  munis- 
mal.,  t.  1 ,  diss.  9  ;  t.  Il ,  disserl.  13;  Casauhon  ,  sur 
Athénée,  V,  14.  —  ^  .  .'55.  Les  magisirals  de  la  ville 
sont  appelés  o-r/iKT/iyot.  C'est,  en  elfet,  le  nom  qu'on 
leur  donnait  à  celte  époque,  surtout  dans  les  villes 
colonisée*.  Ces  magisirals  n'envoyèrent  pas  des  ser- 
viteurs O'dinaires,  les  Û7ri)i5£TO( ,  par  exemple,  que 
le  sariliodrin  de  Jérusalem  (Aet.  aposl.,  c.  \,f  .  22) 
envoya  dans  la  prison  de  s.iint  Pierre;  mais,  d'après 
la  corrluine  des  Romains,  ils  envoyèrent  des  licleurs 
peSoiJ/ouf.  — $'  .  38.  Les  magisirals  furent  saisis 
de  craiiiie  en  apprenant  que  les  prisonniers  étaient 
citoyens  romaiirs.  On  se  rappelle  ce-  mots  de  Cicé- 
ron  :  «  Celle  parole,  ce  cri  loiichaiu ,  je  suis  citoyen 
romom,  qui  secourut   tant  de  fois  nos  concitoyens 

(n)  Carpzov,  Apparat,  antiq  ,  p.  320.  —  Philon  ,  décri- 
vant la  condiriie  des  Juifs  d'Alexainlrre  dans  ceriarns  iour-s 
soliMinels,  raconte  que,  «  dp  ffrand  malrir  ,  ils  .soitaieiil  en 
t'orrie  hors  lies  portes  de  la  vrile  pour  :iller  aux  rivages 
voisins  (car  les  proseiiques  élaienl  détruits),  ei  15,  se  pi> 
çaril  dans  le  lieu  le  pins  convenable,  ils  élevaient  leur  voix 
U'uii  conrinun  accord  vers  le  ciel.  »  l'hilo,  in  Place,  p.  382 
Idem,  De  vila  Mos  ,  I.  m,  el  De  le(jut.  ad  Caiwn  ,  passim. 
—  Ce.s  sortes  d'oratoires  se  nommaient  en  grec  «ponuri, 
«fo^cv.Tijft-.v,  el  en  latin  proseuelia  : 

Kde,  ubi  con.'yislas,  iii  qua  te  quœro  Proseitclia. 
JuvEN.  Sal.  ."5,  '29li. 

Au  rapport  de  Josèphe,  Antiq.,  I.  xiv,  c.  10,  §  2^,  la 
ville  d'Halicarnasse  permrl  aux  .luifs  de  bàlir  des  oratoi- 
res :  «  Nous  ordonnons  que  les  Juifs,  boinnies  ou  feriiiires, 
qui  voudront  observer  le  sabbai  el  s'acquiUer  des  riies 
sacrés  prescrits  par  la  loi,  puissent  bdtir  des  oratoires  sur 
te  bm-d  de  la  mer.  «  Terlullien  ad  Nul.,  I.  r,  <•.  15,  parlairt 
de  leurs  riies  et  de  leurs  usages,  ii  Is  que  les  léies ,  sab- 
bats, jertnis,  (  aliis  s  ms  levain,  etc.,  lueHiioriDe  les  prières 
faites  sur  le  burd  de  l'eau.  orn(io»cs  liitoralen.  Nous  ajoute- 
rons i|ue  lesSainarilairrseuK-inèiiicsavaieni.d'aprèssaiot 
Epipliaiie,  Mares.  80,  cela  de  cnniiiiun  avec  les  Juifs.  On 
peiil  voir  dans  la  Sijtmqotjuc  judiiique  de  Jean  Buxlorf  les 
prescrii'iiuus  des  rabbins  ,  qui  délendaienl  aux  Juifs  de 
vaquer  a  la  prière  avant  de  s'être  purifiés  par  l'eau.  Voir 
H.  labbè  Glaire,  Introduction  à  l'EcrUm 


rUure  sainte,  t.  V, 


545 


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KU 


chez  des  peuples  barbares  el  aux  exirémilés  du  mon- 
de. Cicero,  in  Verrem,  oral.  5,  n.  57.  »  La  loi  Va- 
Icria  défendait  d'infliRor  à  un  citoyen  romain  le  sup- 
plice du  fouei  el  de  la  verge. 

I  Nous  arrivons  au  thapitre  xvii.  Au  commence- 
ment de  ce  chapilie  nous  voyons  placée';  près  l'une 
de  l'autre  les  villes  d'Ainpliipolis  et  d'Apollinie, 
puis  Thessalouiqne.  —  Le  verset  5  rapiielle  celte 
foule  des  àyopaïoi,  subroslrani,  subbasilicam,  si  C"m- 
muns  chez  les  Grecs  el  les  Roraiins  ;  dans  l'Orient, 
les  gens  de  celte  sorte  se  rassemlilent  au\  portes  de 
la  ville.  V.  7.  Nous  trouvons  un  exemple  des  accu- 
sations de  démagogie  portées  si  fréquemuient  alors 
devant  les  empereurs  soupçonneux.  V.  M.  Nous 
voyons  de  nniiveau  un  certain  nomlire  de  femmes 
grecques  qui  embrassent  la  croyance  des  apôtres. 
Mais  ce  qui  surloul  est  remari|u;ible  et  caractéristi- 
que, c'est  la  description  du  séjcmr  do  grand  apôire 
dans  Athènes.  Comme  tout  se  réunit  alors  pour  nous 
persuader  que  nous  sommes  au  sein  même  de  celle 
ville!  Il  parcourt  le-s  rues,  il  les  trouve  pleines  de 
monuments  de  l'iduLàlrie,  et  remarque  une  multitude 
iniinnibruble  de  slnines  et  d'autels  (  au  temps  des 
empereurs  ,  ils  encombraient  Rome,  au  point  (pi'on 
pouvait  à  peine  traverser  les  rues  de  cette  ville  ). 
Isocraie,  Hiuiérius,  Pausanias,  Aristide,  Siraliou  , 
parlent  de  la  superstition,  ÔEiirtSaeuovîa ,  des  Athé- 
niens, et  des  offrandes  sms  iromlire,  àv«0»ia«T«,  sus- 
pendues à  la  voiUe  des  lemples  de  leurs  dieux.  Wel- 
slein.  Sur  la  place  pulilique,  oit  se  rasseuiblaieni  les 
philosophes,  il  rencontre  des  épicuriens  et  des  stoï- 
ciens ;  des  paroles  de  dédain  sortent  de  leur  hou- 
che.  Mais  le  nombre  des  curieux  est  encore  plus 
grand  que  celui  de  ces  hommes  hautains.  Ou  se 
rappelle  le  reproche  ailressé  autrefois  aux  Aihéuiens 
par  Démosihène  et  Thucydide,  et  renouvelé  par 
saint  Luc  :  Vous  demandez  loiijours  quelque  cliose  de 
uouvèau.  Il  p;irail  devant  l'aréopage  ;  iiiais  quel  fut 
le  discours  de  saint  l'aul  ?  Quel  mylliograplie  juif 
eut  pu  mettre  dans  la  bonclie  du  grand  apôtre  des 
paroles  si  propres  à  peindre  son  caracière  ?  Il  a  vu 
un  autel  élevé  à  un  dieu  inconnu.  Pausanias  et  Phi- 
lostrate parlent  de  ces  autels  (a);  son  discours  nous 

(a)  Pausanias,  qui  écrivait  avant  la  fin  du  ti'  siècle,  par- 
lant dans  la  descri|iiiou  d'Aihénes  d'uu  autel  élevé  à  Jiipi- 
tei  Olympien,  ajouie  :  t"(  près  île  là  se  trouve  un  autel  de 
dieux  inconnus.  npi«  «itû  $■  titiv  d^»*""'  S'"»  P"i*»!  •'  !•  v, 
c.  14,  n.  6  Le  iiiènie  é  rivain  parle  dans  un  autre  endroit 
(i'mitels  de  dieux  appelés  incomus-  Buimi  Si  ©tsv  xs  (ivo;ji«!;o|»i- 
VO.V  opiiii»,.  L.  1,  c.  1 ,  n.  4.  Phd'isiiaie  ,  qui  (Inrissait  au 
ciimineiiceinenl  du  ni'  siècle,  faii  dire  à  ApLPilonius  de 
Thyane,  «  qu'il  élail  sage  d>;  parler  avec  respect  de  tous 
les  dieux,  surloul  a  Atliènts,  où,  l'on  élevait  des  autels  aux 
génies  inconnus.  »  Pila  Apoll.  Thyini.,  I.  vi,  c.  ô.  —  L'au- 
teur du  dialo„'ue  PliilopiUris,  ouvrage altribiié  par  les  uns 
à  Lucien,  qui  écrivait  vers  l'an  170,  el  par  d'autres  à  un 
païen  anonyme  du  iv«  siècle ,  faii  jurer  Criiias  par  les 
dieux  inconnus  d'Athènes,  et  sur  la  liii  du  djalojjiie  il  s'ex- 
pi'iuiK  ainsi  :  «  Mais  lâchons  de  détouvrir  le  dieu  in  onnu  à 
Athènes,  et  alurs  levant  nos  mains  au  ciel,  oUVous-lui  nos 
louanges  el  nos  actions  de  gr:\ces.  »  (Juant  a  l'oilroduction 
de  ces  dieu  s  jncnnnus  dans  Athènes  ,  voici  coinment  Dio- 
gèiie  Laëice  raconte  le  fait.  Au  temps  d'Epiméiiide  (c'est- 
à-dire,  comme  on  le  croit  comniuuément ,  vers  l'an  600 
avant  .lésus-Clirisl),  une  peste  ravageant  eetle  ville,  et 
l'oracle  avant  déclaré  i|iie.pour  la  f.iire  cesser,  il  fallait  la 
puritier  ou  l'expier  («««y.pai),  on  envoya  eu  l^rèle  pour  faire 
venir  ce  phi  osuphe.  Arrivé  il  Athènes,  Epiraénide  prit 
des  brebis  blanches  et  des  bretiis  noires ,  et  les  conduisit 
au  haut  île  la  ville  où  était  i'Aréopaije;  de  la  il  les  laissa 
aller,  ayant  eu  soin  toutefois  de  les  faire  suivre  ,  partout 
oii  elles  voulurent  aller.  Il  ordonna  ensuite  Oc  les  immo- 
ler lorsqu'elles  se  seraient  arrêtées  d'elles-mêmes,  au 
dieu  le  plus  voisin  ou  au  dieu  qui  convie]utiait;  il  parvint 
ainsi  à  faire  cesser  la  peste.  Uioi^ène  ajoute  :  «  De  là  vient 
qu'encore  aujourd'hui  on  voit  dans  les  fjubourgs  d'Alhè- 
nei  des  aulels.sans  nom  de  dieu  (eivuvV<">i) ,  érigés  en  mé- 
moire de  l'expiati'Mi  qui  lai  faite  alors.  >'  Dioge».  Laert. 
in  l'.pimen . ,\.  i,  §  Ui.  D'après  ces  téniuisuages  divers,  est- 
il  [lermis  de  douter  qu'à  l'époque  où  saint  l'aul  se  trouvait 
^  Aihèues.,  il  y  eOt  des  autels  portant  celle  inscription? 


présente  le  commencemeni  de  l'hexamètre  d'un 
distique  grec,  el  nous  trouvons  jusqu'au  yùa  lui-mime 
dans  un  poëme  composé  par  un  compatriote  de  l'Apo- 
tre,  Aralus  de  Cilicie,  Phœnomena  ,  v,  5.  tin  grand 
nombre  d'bimimes  ne  se  convertirent  pas  à  ce 
discours,  comme  des  mylhogiaphes  n'eussent  pas 
maïupié  de  l'imaginer,  afin  de  relever  davantage  la 
première  prédication  de  saint  Paul  dans  la  capitale 
de  la  Grèce;  quelques-uns  seulement  s'attachèrent  à 
lui.  Ijuaut  aux  philosophes,  les  uns  se  retirèrenl  avec 
le  dédain  des  épicuriens  sur  les  lèvres  ;  les  auires, 
véiitables  sio'iciens,  coniems  d'eux-mêmes,  dirent  : 
i  Ni'iis  vous  entendrons  une  autre  fois,  i  Sommes- 
nons  sur  le  terrain  du  mythe  ou  sur  celui  de  l'his- 
toire'.'  Chip,  xviii.  Le  'i"  verset  rapporte  uu  fait 
historique:  l'expuMon  des  juifs  de  liome,  par  l'em- 
pereur Claude  ,  et  Suétone  dit  :  Judœos  impulsore 
Cliresto  assidue  tuniullantes  Itomâ  eipulil  Claiidius 
(Suel.,  in  Ciaud.,  ch.  ïi5).  Le  3'  nous  rappelle  une 
coutume  des  Juifs ,  chez  lesipieis  les  savants  s'occu- 
paient à  faire  des  lentes.  Cette  profession  n'eût  pu 
s'allier  dans  nu  philnsophe  grec  avec  l'enseiiîne- 
ment  ;  parmi  les  juils,  les  savants  avaient  coutume 
de  l'exercer  ;  les  rabbins  se  livraient  alors  aux  ou- 
vrages manuels,  Neryl.,  Winer,  Realworlerbuch,  u. 
d.  W.  llandwtrke.  L'apôtre  saint  Paul  avait  même 
un  motif  particulier  pour  choisir  celte  prolession. 
Dans  la  Cilicie,  sa  patrie,  on  l'exerçait  générale- 
ment, parce  qu'un  y  trouvait  une  espèce  de  chèvres 
dont  on  employait  le  poil  dans  la  fabricaiion  des 
toiles  appelées  pour  cette  raison  xàixia..  Plinius,  Ilisl. 
nat.  25.  S«riii«s,  rem.  sur  Yirqile,  Georgica,  3,  313. 
Les  versets  12  et  13  présentent  aussi  avec  l'histoire 
un  rapport  frappant....  Nous  avons  examiné  quel- 
ques passages  seulement  de  l'ouvrage  de  saint  Luc  ; 
sur  lous  les  points  les  résuliats  seraient  les  mê- 
mes   Si  niius  passons  aux  derniers  chapiires  des 

Actes  des  apôtres,  il  est  impossible  de  ne  pas  ad- 
meiire  que  riiéophile  connaissait  l'Italie  ,  quand  on 
voit  l'auteur,  lorsqu'il  parle,  cli.  xxvii,  des  rivages  de 
l'Asie  et  de  la  Grèce,  indii|uer  avec  soin  la  situation 
et  la  dislance  relative  des  lieux  qu'il  mentionne, 
tandis  qu'à  mesure  qu'il  s'aiipruche  de  Tiialie,  il  les 
suppose  lous  ciumus;  il  se  contente  de  nommer 
Syracuse,  Khégium  ,  Pouzzoles ,  et  même  le  petit 
marché  d'Appius  dont  parle  Horace,  Horat.,  Sal.  1, 
5,  5,  et  les  'l'rois  Hôielleries  (très  tabeniœ  )  que  Ci- 
céron  nous  fait  connaiire.  Ad  Atticum ,  i ,  13.  Lors- 
que Josèphe  el  Philon  nomment  la  ville  de  Pouz- 
zoles, ils  n'emploient  pas,  il  est  vrai ,  la  dénomina- 
tion romaine  noTio),oi.  Josèphe,  racontant  dans  sa 
Vie,  ch.  5,  son  piemier  voyage  à  Rome,  cite  cette 
ville  et  lui  donne  le  nom  iirec  ^ly.a.la.o-/j.a. ,  mais  il 
ajoute  :  i5j  iioTto/.ou;  'iTa),ot  7.«),oûo-tv.  Le  même  nom 
se  prisenle  encore  deux  lois  dans  ses  Antiquités  , 
Aniiq. ,  I.  xvii,  ch.  12,  §  1,  et  xvui,  7.  Il  en  est  de 
même  de  Philon  ,  Vhilo  xn  Flaccum ,  1  ,  2  ,  p.  521 . 
V.  12. 

e  Et  remarquons  comme  tout  rappelle  exactement 
les  Usages  de  celle  époque.  Saint  Paul,  transporté 
par  un  vaisseau  d'Alexandrie,  débarqua  à  Pouzzo- 
les. Or,  nous  savons  que  les  vaisseaux  d'Alexandrie 
avaient  coutume  d'aborder  dans  ce  port,  Strab., 
I.  XVII,  p.  793,  édit.  de  Casaubon.  — ■  Seiieca,  Epis- 
tola,  77,  in  principio,  d'où,  an  rapport  de  Slrabon, 
ils  dislrihuaieul  leurs  marchanilises  dans  toute  l'I- 
lalif.  Il  dut  aussi  se  diriger  de  là  vers  liome.  «  Ses 
amis,  remarque  llug,  l'aitendaieul,  les  uns  au  mar- 
ché d'Appius  {[orum  Appii),  les  autres  aux  Trois- 
Hôtelleries.  U  s'embarqua  apparemment  sur  un  ca- 
nal que  César  avait  creusé  au  travers  des  marais 
Pontins,  alin  de  rendre  le  trajet  plus  facile;  il  dut 
par  cela  luêiiie  passer  au  Marché  d'Appius,   qui,   à 

Comme,  d'un  autie  côté,  aucun  monument  historique  ne 
ninnlre  ailleurs  l'existence  d'un  autel  semblable  ,  peut-on 
concevoir  qu'un  laussaire  ei1t  saisi  nue  circonstance  aussi 
extraordinaire'^  Von.  M.  Glaire,  ibid.,  p.  579-100. 


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l'exircmilé  de  ce  canal,  en  élaii  le  port  (a).  »  Une 
pallie  de  ses  amis  raltendait  aux  Trois-llôlellerips. 
Elles  élaieiit  simées  à  dix  milles  romains  plus  près 
de  Wonic,  Antoniiii,  lliiierar.édii.  Wesseliiig,  p.'i07, 
npiid.  Hiuj,  ibid,  à  peu  piès  à  l'endioii  où  la  roule 
de  Velleiri  alioiiiissait  aux  marais  Poiilliis.  La  foule 
y  élail  moins  nomhrense  et  moins  remuante  ;  les 
embarras  y  étaient  moins  grands  qu'au  Marché  d'Ap- 
pins,  Horut.,  Sai.  i,  sat.  5,  3;  aussi  parait-il  qne 
là  se  trouvait  une  liôtelli'rie  pour  les  classes  élevées, 
Cker.,  ad  Allie,  i,  13.  Voilà  pourquoi  celte  partie 
des  amis  de  saint  Paul  l'altcndail  à  cette  station  (ilus 
conveii;il)le  :'i  sou  rang.  Ainsi,  tout  se  trouve  exac- 
tement conforme  aux  circonstances  lopograpliiques, 
telles  qu'elles  étaient  alors,  Hiig,  Einieii,  tli.  I, 
ieil.  21.  D'après  ces  documents,  il  est  impossible 
de  douter  encore  si,  en  parcourant  les  Actes  des  apô- 
tres, nous  si'mmes  sur  le  terrain  de  l'iiistoire;  et 
nous  devons  reconnaître  que  saint  Luc  se  trouvait 
placé,  pour  écrire  l'histoire,  dans  des  circonstances 
aussi  favorables  qu'un  Josèplie.  Si  ce  rapport  frap- 
pant qui  existe  entre  sa  narration  et  les  connaissan- 
ces que  nous  possédons  sur  l'histoire  et  la  géngra- 
pliie  des  juifs  et  des  païens,  paraissait  à  (pielqu'uii 
d'un  faible  poids,  qu'il  se  représente  la  vive  impres- 
sion qui  nous  saisirait  si.  entre  les  mille  points  que 
nous  pouvons  comparer  à  d'autres  documents,  et  où 
nous  croyons  découvrir  des  contradictions,  nous 
allions  découvrir  la  même  harmonie. 

Or,  cette  liisioire  qui  se  trouve,  sur  tous  les  points, 
conforoje  aux  faits  et  aux  usages  que  nous  connais- 
sons d'ailleurs,  nous  présente  des  miracles  sans 
nombre.  Plusieurs  lois  des  critiques  de  la  irempe  et 
du  génie  du  docteur  Paulus  ont  désiré  cpie  deux 
clauses  de  personnes  (nu  assesseur  de  la  justice  dé- 
signé ad  hoc  cl  un  doctor  medicina;)  eussent  pu  faiie 
rinstruction  des  miracles  du  Nouveau  Testament.  Il 
saiisfait  à  ceite  double  exigence.  L'histoire  de  l'a- 
veugle-né,  rapportée  par  saint  Jean,  ch.  ix,  fut  exa- 
minée par  les  assesseurs  du  sunliédrin  de  Jérusalem; 
et  quel  fut  le  résultat  de  l'enquête  '.'  Cet  livmme  est 
né  aveugle,  et  Jésus  l'u  guéri,  (jiiant  au  doctor  medi- 
cinœ,  chargé  d  instruire  les  miracles,  les  Actes  des 
api'itres  nous  le  présentent.  Saint  Luc  fut  le  témoin 
oculaire  de  tous  les  miracles  opérés  par  saint  Paul, 
cl  personne  assurémi;nt  ne  l'accusera  d'une  trop 
grande  propension  pour  les  miracles.  Un  jeune 
homme  appelé  Eulyiph-,  accablé  par  le  sommeil, 
étant  tombé  du  lioisièiiie  étage,  lut  emporté  comme 
mort  ;  on  s'attend  peut-être  à  le  voir  ressusciter  avec 
pompe  ;  mais  saint  Paul  se  contente  de  prononcer 
ces  paroles  consolantes  :  ^e  vous  troublez  point,  car 
ta  l'te  est  eu  lui  (Act.  xx,  lU).  Plus  de  ipiaranie  juifs 
réunis  à  Jérusalem  ilrenl  le  vœu  de  ne  bmre  ni  man- 
ger qu'ils  n'eussent  tué  saint  Paul  !  Un  s'attend  peul- 
ètre  qu'une  apparition  va  descendre  du  ciel  pour 
aveilir  l'Apotre  et  le  défendre  ;  loin  de  là.:  le  fils  de 
sa  sœur  se  présente  pour  lui  révéler  la  coospiraiinn, 
et  Paul  trouve  un  proiecteur  dans  le  iribun  de  la 
ville,  Act.  ap.,  c.  xx,  v.  li  et  suiv.  Poussé  par  la 
tempête  sur  les  bords  de  l'ile  de  Malle,  il  y  débar- 
qua et  une  vipère  s'c  lança  sur  sa  main  ;  on  s'allend 
peiii-étie  à  le  voir  proncincerdes  paroles  magiques  : 
<  .Mais  Paul,  d.l  saint  Luc,  ayant  secoué  la  vipère 
dans  le  feu,  n'en  leçnl  aucun  mal,  ibid.,  ch.  xxmi, 
V.  5.  I  Toutefoi^  nous  saxons,  par  le  témoignage  de 
cet  historien  et  de  ce  médecin  prudent,  que  t  Dieu 
faisan  de  gran  Is  miracles  par  les  mains  do  l'aul,  et 
qu'il  lui  suflisait  de  pl.icer  .sur  les  mairies  les  mou- 
choirs Cl  le  linge  qui  avaient  touché  son  corps,   et 

(n)  Acron,  ad  Horat.,  Serin.  1. 1,  sal.  S,  v.  U.  «  Quia  ab 
Appii  foro  per  paludes  navigaliir,  quas  paludes  Cœsar  de- 
rivavil.  j  Porpliyi  ion,  ai/ rers.  14.  «  Perveiiisse  ad  forum 
Appil  indicat,  ubi  lurba  esset  naiitai'um,  item  c^iupomini 
iUi  raoranlium.  »  Acron,  ad  vers.  U.  a  Per  paludes  navi- 
garunt,  quia  via  inlerjacens  durior.  »  Apud  Huy.  Eiuleit 
tli.  I,  seil.  2S. 


aussitôt  ils  étaient  gui  ris  de  leurs  maladies,  et  les 
esprits  impurs  s'éloignaient,  ibid.,  ch.  xix,  v.  12.  > 
A  Malle,  il  guérit  p.ir  ses  prières  et  par  l'imposition 
des  mains,  le  père  de  riiomme  le  plus  iniluent  sur 
celle  ile,  et  beaucoup  d'autres  s'approchèrent  (îe  lui 
et  recouvrèrent  la  sanlé.  Ibid.  28-9. 

«  S:iiiil  Pierre  et  saiiil  Jean  furent  traduits  devant 
le  Sanhédrin  pour  avoir  guéri  un  malade.  Saint 
Pierre  eut  le  courage  de  reprocher  aux  puissants  du 
peuple  le  mcurlre  du  Messie;  l'homme  qu'ils  avaient 
guéri  élait  debout  au  milieu  d'eux,  et  les  membres 
du  Sanhédrin  s'étonnèrent  ;  ils  furent  saisis  de 
crainte,  voyant  que  ses  disciples  poss  d. dent  encore 
la  puissance  qu'ils  croyaient  avoir  anéaniie  en  tuant 
Jésus,  et  qu'ils  pouvaieni  rendre  la  vie  aux  morts. 
Ils  n'essayèrent  pas  de  réfuter  l'accusaiioii  portée 
contre  eux  par  saint  Pierre;  ils  ne  purent  nier  le 
prodige  qu'ils  avaient  vu,  et  condamner  à  mort  ceux 
qui  l'avaient  opéré.  L'impression  de  la  miiltilnde 
avait  été  si  grande,  qu'à  la  suite  de  ce  miracle  cing 
mille  hommes  embiassèrent  la  foi  nouvelle,  et  il  ne 
resla  d'autre  moyen  aux  membres  du  Sanhédrin  que 
de  faire  saisir  les  deux  disciples  de  Jésus  et  de  leur 
conimander  le  silence,  Actes  des  apôt.,  c.  !V.  El  tous 
les  miracles  qu'ils  opéraient,  ils  les  f.iisaieni  au  nom 
d'un  seul.  <  Je  n'ai  ni  or,  ni  argent,  disait  saint 
Pierre,  mais  ce  que  j'ai  je  vous  le  donne  ;  au  nom 
de  Jésus-Christ  de  Nazareth,  levez-vous  et  marchez, 
Ibid.,  c.  lit,  V.  6.  I  Nous  le  voyons,  celui  qui  avait 
promis  à  son  Eglise  de  rester  avec  elle  jusqu'à  la  lin 
du  momie  a  tenu  sa  promesse.  D'après  les  cioyanls, 
l'action  cré.itrice  et  conservatrice  de  Dieu  dans  le 
gouvernement  de  rimivers  est  absolument  une;  il 
en  est  de  même  dans  sou  Eglise.  Jésus-Christ  ne  fut 
pas  coiniiie  le  so'eil  des  tropiques, qui  parait  à  l'ho- 
rizon sans  être  précédé  de  l'aurore  et  se  dérobe  aux 
regards  sans  laisser  aucune  trace  après  lui.  L'aurore 
des  propliéiies  l'avait  annoncé  an  monde  mille  ans 
avant  sa  naissance,  les  mincies  opérés  dans  son 
Eglise  longtemps  après  sa  dispariiion  fiireni  comme 
le  ciépiiscule  qui  coiistaia  son  passage.  Celle  puis- 
sance de  produire  des  mincies  sans  cesse  agissante 
dans  l'Esîlise  de  Jésus-Christ,  peut-elle  avoir  man- 
qué à  son  fondaienr? 

<  Dans  les  Actes  des  apôtres,  saint  l'aiii  iiniis  est 
apparu  comme  un  homme  qui  ravit  l'admiration  aux 
esprits  les  plus  froids.  Qui  peut  la  refuser  à  son  cou- 
rage en  présence  de  Fcstus,  alors  qu'il  est  devenu 
si  imposant  au  gouvernement  romain  lui-même  que 
le  roi  Agrippa  veut  connaître  cet  homme  extraordi- 
naire. Actes  des  apôt.,  c.  xxv,  v.  22.  Qui  peut  s'em- 
pêcher d'admirer  le  courage  et  l'adresse  qui  écla- 
tent dans  son  discours  au  roi  Ag  ippa,  Ibid.,  26, 
Vgl.  Tlioluck's  Abhand  lung  in  den  studien  und  kri- 
tiken,  1855.  b.  2.;  le  courage,  la  prudence,  la  mo- 
dération qu'il  (il  païaîire  alors  que  le  vaisseau  sur 
lequel  il  se  trouvait  était  si  violemmenl  battu  par  la 
tempête, /lc(es  des  npo(.,  c.  xxvu.  Quand  une  fois 
l'histoire  de  saint  Paul,  ses  paroles  qui  nous  ont  été 
transmises  par  une  main  étrangère,  nous  l'ont  l'ait 
connaitre,  comme  on  éprouve  un  dé-ir  pressant  de 
l'entendre  lui-même!  Ce  caracière  plein  de  courage 
n'est  pas  celui  d'un  fourbe;  cette  modéraiiou,  ceite 
prudence,  n'iiidi<|uent  pas  un  fanatique;  les  faits  du 
christianisme,  le  fond  iteur  de  celle  Eglise,  doivent 
èire  réellement  tels  qu'il  nous  les  pré-ente.  Nous 
avons  de  saint  Paul  treize  Epitres  (n)  qui  nous  révè- 
lent snllisaniment  ses  pensées.  La  nouvelle  critique 
a  reconnu  l'authenlicit»;  des  principales  d'entre  elles. 
Or,  qm  I  rapport  présentent-elles  avec  les  Actes  des 
apôtres?  Coniiriiient-elles  le  jugement  que  nous  por- 
tons d'après  les  Actes,  sur  le  caracière  de  l'Iiisioire 
évangélique?  Elles  nous  montrent  saint  Paul  toujours 

(a)  Tout  le  monde  sait  que  les  Epitres  que  nous  avons 
dans  nos  Bibles,  sous  le  nom  de  saint  Paul,  sont  au  nom- 
bre de  quatorze  ;  nous  ne  prétendons  nullement  adopter 
lopioioD  de  Tholuck  qui  semble  ici  les  réduire  à  treize. 


W7 


STK 


STV 


Si8 


.emême  dans  toules  les  circoiisiaiices  :  inébranlable, 
plein  de  courage  el  de  joie  au  milieu  des  cbaiiies. 
Que  l'iiii  parcoure  en  parliculii;r  la  lellre  aux  Pliitip- 
piens,  el  que  l'on  se  rappelle  que  l'Iionime  qui  écri- 
vait :  «  Réjouissez-vous,  mes  bleii-airnés  frères;  ré- 
jouissei-vous  sans  cesse  dans  le  Seigneur;  je  le  dis 
encore  une  fois  yréjouissez-vous,  Epilre  aux  PliiUpp., 
c.  IV,  V.  4  ;  »  que  cttl  lionnne  avait  alors  tes  mains 
charijées  de.  chaînes,  Actes  des  apôt.,  c.  xxviii,  v.  20. 
Sa  inodéraiion,  sa  prudence,  son  uciiviié,  paraissent 
dans  toutes  ses  Lettres  et  surtout  dans  celles  aux 
Corinlliiens,  tandis  que,  dans  son  Epitre  aux  Culot- 
siens,  Epitre  aux  Coloss.,  c.  il,  v.  IG  et  23,  on  voit 
éclater  son  indignation  contre  une  piété  exl^'rieure 
et  des  observances  superstitieuses.  El  ce  même 
boiinne,  plein  de  modération,  nous  représente  les 
prodiges,  les  miracles  et  les  prophéties  tomme  des 
événements  qui  ont  marqné  presque  tous  les  instants 
de  sa  vie.  Les  Actes  des  apôtres  avaient  pailé  des 
visions  pendant  lesquelles  Jésus-Cbrist  était  appiiru 
à  cet  apôtre  ravi  en  extase,  Actes  des  ap6i.,  c.  xmi, 
V.  17  ;  c.  xxm,  v.  11.  il  rapporte  lui-niènn'  ces  ap- 
paritions miraculeuses  et  ces  e.\las<'s,  "i"  Epîi.  aux 
Corinili.,  c.  XII,  v.  12,  et  nous  voyons  encore  ici  une 
preuve  de  sa  luodiraiiou,  puisqu'il  n'en  parle  que 
dans  ce  passage.  Les  Actes  des  apôtres  lui  ont  attri- 
bué le  pouvoir  de  faire  des  miracles  ;  il  parle  lui- 
même  <  des  œuvies,  de  la  vertu  des  miracles  ei  des 
prodiges  qu'il  a  opéiés  aliii  de  propager  l'Evan- 
gile (a).  —  Les  Actes  des  upôlrcs  rapportent  le  don 
miraculeux  des  langues  accordé  aux  premiers  disci- 
ples du  Sauveur,  et  samt  Paul  rend  grâces  à  Dieu 
de  te  qu'il  possède  ce  don  dans  un  degré  plus  élevé 
que  les  autres,  {'^'Epit.  aux  Coritillt.,  c.  xxiv,  v.  18. 
D'après  ses  discours  rapporiés  d.iiis  les  Actes  des 
apùtres,  l'apparitioii  de  Jésus-Cbrisl  détermine  toute 
sa  conduite,  Act.  des  apôt.,  c.  xxii,  v.  10;  c.  xxvi, 
V.  1.')  ;  dans  ses  lettres  il  parle  de  cet  événement 
comme  du  plus  important  de  sa  vie,  —  tantôt  avec 
un  noble  orgueil,  car  il  fonde  sur  lui  son  droit  à  l'a- 
postolat, l"'"  Epilre  aux  C.orintli.,  c.  ix,  v.  1,  —  tan- 
tôt avec  l'expression  de  la  douleur  que  lui  inspire  le 
souvenir  de  ses  persécutions  contre  le  Fils  de  Dieu 
lui-nième,  Ibid.,  c.  xv,  v.  1,  9.  Il  comnieiice  presque 
toutes  ses  Epiires  en  déclarant  qu'il  a  été  appelé  à 
rapostulal  non  par  la  votuiité  des  liomines,  mais 
par  un  décret  miraculeux  de  Dieu.  Les  Actes  des 
apôtres  nous  le  montrent  toujours  le  même  au  mi- 
lieu des  alQictions,  toujours  sous  la  protection  mi- 
raculeuse de  Dieu  ;  tel  il  nous  apparaît  dans  ses  Cpi- 


(«)  Epit.  aux  Rom.,  c.  xv,  v.  19;  //  Epit.  aux  Corint., 
c.  xxiiî,  V.  12.  «  yue  l'anlipalhie  pour  les  miracles  lasse 
rejeter  en  niasse,  conmie  mm  liislorinues,  tous  les  passages 
de  l'Iivaiigile  et  des  Acies  des  apùtres  dans  lesquels  ils 
nous  apparaissent,  plulôj  que  de  céder  à  1  évidence  de  la 
vérité,  devotts-iious  eu  être  surpris,  quand  nous  voyons 
les  exégèies  attaquer  avec  leur  lime  tous  les  points  de 
cette  œuvre  miraculeuse  qu"  les  armes  tranchantes  de  la 
trilique  ont  été  impuissantes  à  renverser  ?  Ainsi ,  d'après 
Miche,  les  prodiges  (<r(,niia),  et  les  miracles  (Ttpa™)  dont 
saint  Faiil  atiirnie  être  l'auteur,  n'étaient  que  dts  lèves 
des  nouveaux  convertis.  Le  docteur  de  Weiie  n'a  pas  cru 
pouvoir  approuver  cette  prétention  des  exégôtes;  il  re- 
conuiit  (pie  saint  l'aul,  dans  ces  deux  passages  ,  parle  de 
ses  miracles;  inulefois  il  se  liile  d'ajouter:  «  Mais  pour 
déïciininer  la  \aleur  de  son  témoignage  dans  un  fait  per- 
sonnel, et  m(5ine  la  signillcatiun  exacte  des  miiwî»,  mijota, 
les  moyens  nous  inanqueul,  vu  que  les  données  sont  trop 
peu  considérables.  »  Mais  quoi  I  le  même  apôtre  ne  fait-il 
pas  une  longue  énuinéraliou  des  prodiges  et  des  miracles 
opérés  dans  l'Kglise.' Celte  indication  précise  ne  répand- 
elle  aucune  lumière  sur  ce  point?  n'est-un  pas  forcé  d'.i- 
vouerque  les  miracles  retranchés  par  la  critique  du  corps 
des  Evangiles  reparaissent  dans  les  Actes  des  apùtres,  et, 
quani  on  les  en  a  arrachés  avec  beaucoup  de  peine,  ne 
lautilpas  recounaiire  encore  que  les  Epîtres  de  saint  Paul 
nous  les  préseulent  eu  si  grand  nombre  qu'ils  délient  et 
la  lime  des  exégètc»  et  les  armes  tranchantes  de  la  cri- 
tique? • 


1res  aux  Corinlhiens,  2"'  Epit.  aux  Corinth,,  c.  vi, 
V.  4;  c.  IX,  v.  1 1  ;  c.  xiii,  v.  2S.  F'Iusieurs  fois  les 
Acte.'i  des  apôtres  parlent  du  pouvoir  de  faire  des  mi- 
racles accordé  à  l'Eglise,  et  saint  Paul  présente 
comme  un  fait  bien  connu  celle  puissance  dont  jouis- 
saient les  premiers  chrétiens,  l'"  Epit.  aux  Corinth., 
c.  XII,  v.  8,  10,  14.  Et  ce  qui  est  le  plus  grand  des 
miracles,  c'est  qu'alors  même  qu'il  les  montre  s'o- 
pérant  ainsi  conlinuclleiieiit,  il  ne  compte  sur  la 
production  d'aucun.  Il  sait  qu'une  apparition  céleste 
a  lait  lombtM'  les  chaînes  des  mains  de  saint  Pierre; 
il  n'a  pas  oublié  qu'à  Philippes,  pendant  un  iremhle- 
meiil  de  terre,  les  portes  de  sa  prison  s'ouvrirent, 
et  les  fers  de  tous  les  prisonniers  furent  bri-és,  Act. 
des  apôt.,  XVI  ;  et  cependant,  à  Rome,  il  porte  les 
chaînes  sans  songer  à  l'interventinn  d'aucun  événe- 
ment extraordinaire,  —  il  ne  sait  pas  s'il  sera  mis 
à  mort  ou  rendu  à  la  liberté,  Epit.  aux  Philipp.,  c.  i, 
V.  20.  Dans  tous  ses  discours,  depuis  Césarée  jus- 
qu'à Rome,  dins  les  lettres  qu'il  écrivit  pendant  sa 
cai)iivilé,  on  ne  trouve  pas  un  seul  mol  qui  indique 
qu'une  apparition  miraculeuse  le  délivrera  peut- 
être...  Cet  homme  ne  pouvait-il  pas,  aussi  bien  que 
les  juifs,  consialer  l'existence  d'un  miracle'?  Tho- 
luck,  Glaubw.  der  ev.  Gesch.  2(e  aufl.,  p.  370,  394. 
€  Nous  avions  donc  raison  de  dire,  en  commen- 
çant, que  l'on  peut,  imlépendamnieut  des  Evangiles, 
reconstruire  l'histoire  de  Jésus.  Voyez,  en  effet  : 
Strauss'  les  rejette,  et,  avec  lui,  nous  les  retranchons 
pour  un  instant  du  canon  des  livres  saints;  puis 
nous  plaçons  les  Actes  en  tête  du  Nouveau  Testa- 
ment. Leur  caractère  historii|ue  une  fois  prouvé, 
nous  les  ouvrons,  et  une  nouvelle  série  de  miracles 
opérés  par  les  apôties  se  présente  à  nous  ;  et,  si  nous 
leur  demandons  qui  leur  a  donné  le  pouvoir  de  se- 
mer ainsi  les  prodiges  sur  leurs  pas,  ils  nous  répon- 
dent :  Jésus  de  Nazareth.  Leur  demandons-nous 
alors  quel  est  ce  Jésus  de  Nazareth,  ils  proclament 
que  «  c'est  un  ho:nme  à  qui  Dieu  a  rendu  témoignage 
par  les  merveilles,  les  miracles  et  les  prodiges  qu'il  lui 
a  donné  de  (aire  {:\cies,  xi,  22)  ;  puis  ils  nous  racon- 
tent sa  naissance  merveilleuse,  sa  vie,  sa  mon  sur 
une  croix,  sa  résurrection,  son  ascension  dans  les 
cieux.  I 

STYLirE,  nom  que  I'oq  a  donné  à  cer- 
tains solitaires  qui  ont  passé  une  partie  de 
leur  vie  sur  le  sommet  d'une  colonne  dans 
l'exercice  de  la  pénittnce  et  de  la  contempla- 
lion  :  ce  mol  vient  du  grec,  uxvloç,  colonne  ; 
les  Laliiis  les  ont  appelés  sancti  columnares. 
L'histoire  ecclésiastique  t'ait  mention  de  plu- 
sieurs stjjliies  :  on  dil  qu'il  y  en  a  eu  dès  le 
SP:  ond  siècle,  mais  ils  n'ont  jamais  été  en 
grand  nombre.  Le  plus  célèbre  de  tous  est 
saint  B'\u)éoi\  Sr.ylile,  moine  syrien  qui  viv;iit 
dans  le  cinquième  siècle  et  près  de  la  ville 
d'Antioche  ;  il  demeura  pendant  un  grand 
nombre  d'années  sur  le  sommet  d'une  co- 
lonne haute  de  Quarante  coudées,  dont  la 
plate-forme  n'avait  que  trois  pieds  de  dia- 
mètre, de  manière  qu'il  lui  était  impossible 
de  se  coucher.  Elle  était  seulement  environ- 
née d'uni-  espèce  d'appui  ou  de  balustrade 
sur  laquelle  le  saint  se  reposait  lorsqu'il 
était  accablé  de  lassitu  le  el  de  sommeiL  Ce 
genre  de  vieextraordinaire  le  rendit  fameux, 
non-seulement  dans  tout  l'Orient,  mais  dans 
les  autres  parties  du  monde.  U  mourut  l'an 
^59,  âgé  de  soixante-neuf  ans. 

Les  protestants  ne  pouvaient  pas  manquer 
de  se  donner  carrière  sur  ce  sujet,  et  de 
tourner  les  slylites  en  ridicule;  leurs  sarcas- 
mes ont  été  fidclemenl  répétés  par  les  incrc- 


5W 


STÏ 


STT 


.N.'iO 


(liiles.Binghnm,  Orig.  ccelés.,].  vii,c.  2,  S  3, 
t'o  a  copeiui.iiit  parlé  av(>c  modération  ;  il 
>.'est  conlciité  de  rapporliM-  brièvement  ce 
qu'en  ont  (lil  les  anciens,  sans  approuver  et 
sans  hlàiniT  cettii  m.inièrc  de  vivre.  Mosheim 
avait  d'abord  fait  de  même,  Hisl.  ecclés.,  \° 
siècle,!"  part.,  c.  1,  t^  3.  Il  était  convenu, 
sur  la  foi  des  historiens,  que  les  Libaniotes, 
voisins d'Antioche,  avaient  été  délivrés  d"iine 
ironpe  de  bëtcs  féroces  en  cnibrassanl  le 
christianisino,  suivant  l'exhortation  et  la 
promossi'  ((ue  Siméon  lenr  en  avait  faites  ; 
qu'il  converlil  aussi  à  la  foi  chrotii-nne  les 
liabitanis  d'un  cintonde  l'Arabie:  conse- 
quemnient  il  n'avait  pas  hésité  d'appeler  ce 
sti/lile  un  suint  homme.  Mais,  iT  part.,  c.  3, 
ij  1-2,  lia  changé  de  langage;  il  a  nommé  le 
genre  de  vie  de  Siméon  et  de  ses  sembla- 
bles une  superslilion,  une  sainte  folie,  une 
forme  insensée  de  reHijion.  Son  traducteur 
anglais  a  beaucoup  enchéri  sur  ces  expres- 
sions, il  s'est  servi  des  termes  les  plus  inju- 
rieux que  la  passion  puisse  su|;gérer.  Bar- 
bey rac,  Traité  île  la  MuruU  des  Pères,  c.  17, 
§  ii,  n'a  pas  été  plus  retenu  ;  il  a  nommé 
Siméon  un  moine  fanalique,  et  il  l'a  comparé 
à  Diogèno.  Il  lui  reproche  d'avoir  engagé 
l'caiiiereur  Théodose  le  Jeune  à  révoquer  la 
loi  par  laquelle  il  avait  condamné  les  chré- 
tieus  à  rétablir  les  synagogues  des  juifs, 
liasnage,  dans  son  llisloire  de  l'Eglise,  s'est 
borné  à  tourner  en  ridicule  les  miracles  de 
Siméon  Slylite  le  Ji  une,  qui  a  vécu  t)rès  de 
Constantinople  au  sixième  siècle. 

Kxaniinons  de  sang-froid  le  jugement  do 
tous  ces  critiques  :  1'  le  genre  de  vie  de  Si- 
méon était  extraoïilinaire,  singulier,  ridi- 
cule même  si  l'on  veut  ;  mais  il  a  produit  de 
grands  elTets  qu'une  conduite  ordinaire  et 
commune  n'aurait  certainement  pas  opérés. 
Ëtail-il  indigne  de  la  sagesse  divine;  de  se 
servir  d'un  grand  spectacle  pour  convertir 
les  païens,  ou  refuserons- nous  à  Dieu  la  li- 
berté d'atta -lier  des  grâces  de  conversion  à 
tel  moyen  qu'il  lui  plaît,  d'amener  des  peu- 
ples à  la  foi  pur  l'admiration  plutôt  (|ue  par 
le  raisonnement  ?  Outre  les  Libaniotes  et  les 
Arabes  convertis  par  Siméon,  il  amena  en- 
core au  christianisme  un  grand  nombre  de 
Perses,  d'Arn»éuiens,  d'ibériens,  de  Lazes, 
habitants  de  la  Colchide.  qui  étaient  venus 
par  curiosité  pour  le  voir  et  pour  l'entendre. 
Les  princes  et  les  grands  de  l'Arabie  accou- 
raient pour  recevoir  s.i  bénédiction.  \  arane 
V,  roi  de  l'erse,  quoiiiue  ennemi  déclaré  liu 
nom  chrétien,  ne  put  s'empêcher  de  le  res- 
pecter. Les  empereurs  Tliéodose  H,  Léon, 
.MarcicD,  eurent  lieu  plus  d'une  fois  de  s'ap- 
plaudir d'avoir  écouté  ses  conseils.  L'impé- 
ratrice Eudoxie,  qui  avait  embrassé  l'euty- 
chiaiiisme,  y  renonça  lorsqu'elle  eut  prêté 
l'oreille  à  ses  exhortations.  Tous  ces  faits 
sont  rapportes  et  attestés  par  des  conlem|JO- 
rains  dont  plusieurs  ciaient  témoins  oculai- 
res. Quand  on  serait  venu  à  bout  de  nous 
persuader  qu'au  \'  siècle  toute  l'Asi/  n'était 
peuplée  que  d'esprits  faibles  et  d'imbécile-, 
nous  en  conclurions  encore  qu'il  fallait  un 
exeiuple  tel  (|ue  celui  do  Siaiéou   pour  faire 


impression  sur  eux  ;  nous  dirions  avec  saint 
Paul,  que  Dieu  a  choisi  des  insensés  et  îles 
hommes  méprisables  selon  le  monde,  pour 
confondre  les  sages  et  les  philosophes  ;  / 
("or.,  c.  I,  V.  27.  Les  prolestants  devraient 
faire  attention  que  les  sarcasmes  qu'ils  ont 
lancés  contre  Siméon  Sti/lite  ont  été  tournés 
par  les  incrédules  contre  les  anciens  pro- 
phètes ;  Isaïe  marchant  nu  au  milieu  de 
.liTusaleni,  à  la  manière  des  esclaves  ;  Jéré- 
mie,  portant  des  chaînes  à  son  cou,  et  qui 
les  envoie  ensuiie  aux  rois  voisins  de  la 
Judée  ;  Ezéchiel,  qui  se  tient  couché  pen- 
dant quarante  jours  sur  le  coté  droit,  et  qui 
brûle  la  Uentedes  animaux  pour  faire  cuire 
son  pain  ;  Osée,  qui,  par  ordre  de  Dieu 
épouse  une  prostituée,  etc.,  n'ont  pas  paru 
plus  sages  à  nos  beaux  esprits  que  Siméon 
perché  sur  sa  colonne. 

iMosheim  obs  rve  (|u'un  certain  Vulsilai- 
cus  ayant  voulu  faire  auprès  de  Trêves  le 
personnige  de  siglile,  les  évêques  l'obligè- 
rent de  descendre  de  sa  colonne,  ils  firent 
très-bien  ;  cet  imposteur  n'avait  ni  les 
mœurs,  ni  les  vertus,  ni  la  foi  pure  de 
Siméon  ;  le  climat  de  Trêves  n'est  point 
celui  de  la  S  rie,  le  plus  beau  de  l'univers, 
où  l'on  couche  sur  les  toits  et  sur  le  pavé 
(les  rues  ;  \ti  slylite  du  iMord  aurait  peut-être 
vécu  pendant  1  été  ;  il  aurait  péri  pendant 
l'hiver.  Nous  nous  croyons  sages  ,  parce 
que  nous  ne  vivons  cl  no  pensons  pas  comme 
les  Orientaux  ;  ceux-ci  nous  méprisent  et 
nous  délestent,  parce  que  nous  ne  leur  res- 
semblons pas. 

2*  (juel  motif  a  fait  agir  Siméon  ?  était-ce 
l'humeur  sauvage,  la  singularité  de  carac- 
tère, l'ambition  de  faire  parler  de  lui,  la 
vanité  de  voir  arriver  au  pied  de  sa  colonne 
les  plus  grands  personnages  de  son  siè- 
cle, etc.  Ces  vices  ne  sont  pas  compatibles 
avec  la  douceur,  la  docilité,  la  patience, 
l'humilité  du  stylite  d'Aulioche.  Les  moines 
d'Egypte,  indignés  do  sa  manière  de  vivre  , 
lui  envoyèrent  signîGer  une  excommunica- 
tion, il  la  souffrit  sans  murmure  ;  mieux 
informés  de  ses  vertus  dans  la  suite,  ils  lui 
demandèrent  sa  communion.  Il  s'était  d'a- 
bord attaché  à  sa  colonise  par  une  chaîne  ; 
l'évêque  d'Antioche  lui  représenta  que 
quand  l'esprit  est  constant,  le  corps  n'a 
pas  besoin  d'être  enchaîné  ;  Siméou  ne  ré- 
pliqua point  :  il  fit  venir  un  serrurier  el  fit 
rompre  la  chaîne.  Les  évêques  et  les  abbés 
de  Syrie  lui  firent  commander  de  descen- 
dre de  sa  colonne,  il  se  mit  en  devoir  d'o- 
béir ;  on  se  contenta  de  sa  docilité.  Infor. ué 
par  des  voyageurs  des  vertus  de  sainte 
Geneviève,  il  se  recommanda  humblement 
à  ses  prières.  Ce  ne  sont  point  là  les  symp- 
tômes du  fanatisme  ni  de  l'orgueil.  —  On 
nous  demande  quelle  différence  il  y  a  en- 
tre ce  stylite  el  Uiogène.  La  même  qu'entre 
la  charité  chrétienne  et  la  maligniié  d'un 
cynique.  Diogène  dans  son  tonneau  mépri- 
sait l'univers  entier,  il  insultait  aux  pas- 
sants, il  ne  voulait  corriger  les  vices  quf 
par  des  sarcasmes,  il  violait  les  bienséan- 
ces, il  ne  rougissait  d'aucune  impudicité 


.N5f 


STÏ 


SUA 


552 


peut-on  reprocher  aucun  de  ces  défauts  à 
Siméon  ?  Puisque  c'est  un  protestant  qui 
fait  ce  parallèle,  nous  lui  disons  hardiment 
que  Luther  et  les  autres  prédicanls  fou- 
gueux de  la  réforme  ressemblaient  beau- 
coup plus  au  cynique  d'Athènes  que  le 
styltle  de  Syrie. 

3°  Les  conversions  et  les  miracles  opérés 
par  ce  personnage  célèbre  sont-ils  imagi- 
naires et  fabuleux,  comme  les  prolesîants 
le  supposent  ?  Us  sont  rapportés  non-seule- 
ment par  des  contemporains,  mais  par  des 
témoins  oculaires.  Théodorel,  évêque  de 
Cyr ,  ville  voisine  d'Anlioche,  avait  vu 
Siméon  plus  d'une  fois,  il  avait  conversé 
avec  lui  ;  il  est  un  des  plus  savants  et  des 
plus  judicieux  écrivains  ecclésiastiques,  ses 
ouvrages  en  font  foi  ;  il  n'attendit  pas  !a 
mort  du  saint  sUjlite  pour  dresser  la  rela- 
tion de  ses  actions,  de  ses  vertus  et  de  ses 
miracles  ;  il  la  publia  quinze  ou  seize  ans 
auparavant  pour  en  instruire  les  contem- 
porains et  la  posiérilé.  Le  moine  Antoine, 
disciple  de  Siméon,  fit  la  sienne  immédia- 
tement après  la  mort  de  son  maître.  Un 
prêtre  chaldéen,  nommé  Cosmas,  l'écrivit 
en  chaliiaïque,  à  peu  près  dans  le  même 
temps.  Evagre,  habitant  d'Anlioche,  magis- 
tral et  oflicier  de  l'empereur,  fit  son  his- 
toire dans  le  siècle  suivant,  après  avoir  in- 
terrogé les  témoins  oculaires.  Ces  quatre 
auteurs,  qui  ont  vécu  en  différents  lieux,  et 
qui  n'ont  pas  écrit  dans  la  même  langue,  ne 
se  sont  pas  copiés.  D'autres  contemporains 
ont  confirmé  leur  lénioignage,  en  traitant 
d'aulres  sujets.  Sur  quoi  donc  peut  être 
fondé  le  pyrrhonisme  historique  affecté  par 
les  protestants?  L'ignorant  le  plus  slupide 
peut  être  incrédule,  un  vrai  sayanl  ne  l'est 
jamais. 

4°  L'on  a  fait  contre  la  vie  des  ascètes, des 
moines ,  des  solitaires,  des  pénilenis  de 
tous  les  siècles,  la  même  objection  que 
contre  celle  des  slylites.  Jésus-Christ,  dit- 
on,  n'a  point  onlonné  ce  genre  de  vie,  il  ne 
l'a  point  autorisé  par  son  exemple,  ses  apô- 
tres n'y  ont  exhorté  personne.  Si  c'était  une 
pratique  louable  en  elle-même,  tout  chré- 
tien serait  obligé  de  l'embrasser,  la  vertu 
sans  doute  est  un  devoir  pour  tout  le 
monde  :  que  deviendraient  la  société  et  le 
genre  humain  tout  entier?  etc.,  etc. 

Est-il  bien  vrai  que  la  vie  de  Jésus- 
Christ  et  celle  de  ses  apôtres  a  été  une  vie 
ordinaire  et  commune  ?  Saint  Paul  aurait 
eu  ton  de  dire,  /  Cor.,  c.  iv,  v.  9.  Nous 
sommes  devenus  un  spectacle  aux  ijeux  du 
momie,  des  anges  et  des  hommes  ;  nous  pa- 
raissons insensés  à  cause  de  Jésus-Christ.  Il 
est  faux  que  toute  verlu  soit  faite  pour  tout 
le  monde  ;  Jésus-Christ  a  décidé  le  con- 
traire, lorsqu'il  a  dit,  Matlh.,  c.  xix,  v.  11  : 
Tous  ne  comprennent  pas  ce  que  je  dis,  mais 
ceux  à  qui  ce  don  a  été  accordé.  Et  saint 
Paul  l'a  répété,  /  Cor.,  c.  vif,  v.  7  :  Chacun 
a  reçu  de  Dieu  un  don  qui  lui  est  prophe, 
rien  d'une  manière,  l'autre  d'une  autre.  C'est 
pour  cela  même  que  le  Sauveur  n'a  com- 
mandé à  personne  la  vie  des  anachorètes, 


mais  il  l'a  louée  aans  Jeau-Baptiste,  et  saint 
Paul  dans  les  anciens  prophètes.  C'est  donc 
un  acte  de  vertu  de  l'embrasser  lorsque 
Dieu  y  appelle,  et  qu'aucun  devoir  de  jus- 
tice ou  de  charité  ne  s'y  oppose.  Ne  crai- 
gnons rien  pour  la  société  ni  pour  le  genre 
humain,  Dieu  y  a  pourvu  par  la  variété  de 
ses  dons.  Mais  comme  les  protestants  ne 
veulent  point  entendre  parler  des  conseils 
évangéliques,  ils  soutiendront  plutôt  des  ab- 
surdités que  de  les  admettre.  Voy.  Con- 
seils ÉVàNGÉLIQUES. 

SUAIRE.  Ce  terme,  tiré  du  latin  sudarium, 
signifie  dans  l'origine  un  linge  ou  un  mou- 
choir donton  se  sert  pouressuyer  le  visage; 
le  grec  ao-jôàptov  qui  exprime  la  même 
chose,  ne  se  trouve  que  dans  les  évangélis- 
tes.  Il  ne  faut  donc  pas  le  confondre  avec 
«rivSo'iï  ;  celui-ci  était  un  linceul,  et  il  dé- 
signait quelquefois  un  vêtement,  j^il  tenait 
lieu  de  chemise.  Dans  les  pays  chauds 
l'on  voit  encore  pendant  l'été  les  jeunes 
gens  pauvres  couverts  d'un  simple  linceul 
ou  morceau  de  toile  carrée  ;  ils  le  passent 
sur  leurs  épaules,  ramènent  les  deux  coins 
sur  la  poitrine,  croisent  le  reste  sur  leur 
corps  et  l'attachent  par  une  corde  ;  ils  n'ont 
point  d'autre  vêtement.  Dans  la  saison  du 
froid  et  des  pluies  l'on  met  un  manteau  par- 
dessus. Il  est  dit  dans  l'Evangile,  Marc,  c. 
xiv,  v.  51,  qu'un  jeune  homme  qui  suivait 
Jésus-Christ,  lorsqu'il  fut  pris  au  jardin  des 
Olives,  n'avait  qu'un  sindon  sur  sa  nudité  , 
que  les  soldats  voulurent  l'arrêter,  qu'il 
laissa  son  sindon  et  s'enfuit.  Judic,  c.  xiv, 
V.  12  et  13,  Samson  promit  trente  sind,)ns, 
hebr.  sidinim,  et  autant  de  tuniques  aux 
jeunes  gens  de  sa  noce,  s'ils  pouvaient  ex- 
pliquer l'énigme  qu'il  leur  proposa.  Prov., 
c.  xxii,  v.  24,  il  est  dit  que  la  femme  forte 
fait  des  sindonscl  des  ceintures,  et  les  vend 
aux  Chananéens  ou  Phéniciens,  haï.,  c.  m, 
V.  23,  parle  des  sindons  des  filles  de  Jéru- 
salem. 

Nous  lisons  dans  l'Evangile  que  Joseph 
d'Arimathie,  pour  ensevelir  Jésus-Christ, 
acheta  un  linceul,  sindonem,  et  en  enveloppa 
le  corps  du  Sauveur.  Il  parait  que  ce  lin- 
ceul fut  coupé  en  bandelettes,  pour  serrer 
autour  du  corps  et  des  membres  les  aroma- 
tes dont  on  se  servait  pour  embaumer  les 
morts  ;  Joseph  y  ajoute  un  suaire  ou  mou- 
choir, pour  envelopper  la  tête  et  le  visage  ; 
saint  Jean,  c.  xx,  v.  6,  dit  qu'après  la  ré- 
surrection de  Jésus-Christ,  saint  Pierre  en- 
tra dans  le  tombeau,  qu'il  n'y  trouva  que 
les  linges  ou  bandelettes  ,  oî  iâdvai  placés 
d'un  côié,  et  de  l'autre  le  suaire  qui  avait 
été  mis  sur  la  tète  de  Jésus.  Il  dit  de  même, 
c.  XI,  V.  hk,  que  Lazare  ressuscité  sortit  du 
tombeau  ayant  les  pieds  et  les  mains  liés 
de  bandelettes,  et  le  visage  couvert  d'un 
suaire.  De  là  on  conclut  que  le  corps  de 
Jésus-Chrisl  ne  fut  point  enveloppé  d'un 
linceul  entier,  mais  seulement  avec  des 
bandelettes  comme  Lazare.  Ainsi  les  lin- 
ceuls ou  suaires  que  ï't>n  montre  dans  plu- 
sieurs églises  ne  peuvent  avoir  servi  à  la 
sépulture  du  Sauveur,  d'autant  plus  que  le 


5S5  SUB 

tissu  de  ces  suaires  est  dun  ouvrage  assez 
moilerne. 

Il  est  probable  que,  dans  le  xii'  ol  le  xtii* 
siècle,  lorsque  la  coiitumn  s'iiitroihiisil  de 
roprésenicr  les  mysièrcs  d.ins  les  églises,  on 
représenta,  le  ji>ur  de  Pài|ues,  la  icsiirrec- 
li  m  de  Jésiis-C'irist.  On  y  chantait  la  prose 
Viclimœ  pnscliiili ,  etc.,  dans  laquelle  on 
fait  dire  à  Matçdcleinc  :  Sepulcnim  Chrisli 
vivetilis  et  gloriam  vidi  resuryeniis,  (inrjeli- 
cns  telles,  fwlariam  et  vestes.  Au  mot  suda- 
rittm  on  monlrail  au  peuple  un  linci^ul  em- 
preint de  la  figure  de  Jésus-Gtirist  enseveli. 
Gi'S  linceuls  ou  suaires,  conservés  dans  les 
trésors  des  églises,  pour  qu'ils  servissent 
lunj  lurs  au  même  usa^e,  ont  été  pris  dans 
la  suite  pour  dus  linges  qui  avaient  servi  à 
la  sépulture  de  noire  Sauveur  ;  voilà  pour- 
quoi il  s'en  trouve  dans  plusieurs  églises 
(lilTérenles,  à  Cologne,  à  Besançon,  à  Turin, 
à  IJrioude,  etc.  ;  et  l'on  s'est  persuade  qu'ils 
avaient  été  apportés  de  la  Palestine  dans 
le  temps  des  cioisades. 

Il  ne  s'ensuil  point  de  là  que  ces  suaires 
ne  méritent  aucun  respect,  ou  que  le  culte 
au'on  leur  rend  est  superstitieux.  Ce  sont 
(l'aneiennes  images  de  Jésus-tMirist  enseveli, 
cl  il  parait  certain  que  plus  d'une  fois  Dieu 
a  récompensé  par  des  bienfaits  la  foi  et  la 
piélé  des  fidèles  qui  honorent  ces  signes 
commémoralifs  du  mystère  de  notre  ré- 
demption. 

SUBLAPSAIRES.  Voy.  Infralapsaires. 

SUBSTANCE.  Ce  terme  philosophique  a 
donné  lien  à  plusieurs  disputes  entre  les 
catholi(|ues  et  les  hèerodoxes.  Il  y  eut,  dans 
les  premiers  siècles  de  l'Kglise,  de  la  diffi- 
culté à  savoir  si  l'on  pouvait  dire,  en  par- 
lant de  la  saillie  Trinité,  qu'il  y  a  d  ins  la 
nature  divine  trois  substances  ou  trois  hy- 
postases,  parce  que  l'on  doutait  si  par  le 
mot  de  substance  on  devait  entendre  (rois 
essences  ou  seulement  trois  personnes.  Voy. 
Hypostase. 

Depuis  la  naissance  de  la  prétendue  ré- 
forme, il  y  a  dispute  entre  les  prolestants  et 
les  callioliqucs  pour  savoir  si  la  substance 
du  pain  et  du  vin  est  encore  dans  l'eucha- 
ristie après  la  consécration.  Suivant  la  foi 
catholique,  en  vertu  des  paroles  de  Jésiis- 
(^hrist.  Ceci  est  mon  corps  ,  ceci  est  mon 
sang,  la  substance  du  pain  et  du  vin  est 
cliangée  au  corps  et  au  sang  de  ce  divin 
Sauwur,  de  manière  qu'il  ne  reste  plus  que 
les  apparences  ou  les  qualités  sensililes  de 
ces  deux  aliments  ;  cette  action  de  la  puis- 
sance divine  est  nommée  transsubatantia- 
tion.  Voyez  ce  mot.  Les  protestants  sou- 
tiennent que  ce  miracle  est  impossible,  que 
Dieu  ne  peut  pas  ciianger  une  substance  en 
une  autre,  sans  que  les  i|ualilés  changent  ; 
qu'ainsi  les  qvialites  sensibles  du  pain  et  du 
vin  ne  peuvent  demeurer  dans  l'eucharis- 
tie, sans  que  la  substance  de  ces  deux  corps 
n'y  demeure.  Mais  avant  de  mettre  des  bor- 
nes à  la  puissance  divine,  dans  un  sujet 
aussi  o'.iscur,  il  faut  y  penser  plus  d'une 
fois.  Eu  elTet ,  lorsqu'il  est  question  des 
corps  ou  de  la  matière,  le  mot  substance  ne 

■DiCT.  0E  ThKOL.  DOGMATIQtE.  IV. 


SUB 


fl-)l 


présente  nucnne  idée  clain?  ;  nous  ignoroii! 
absolument  eu  tpioi  consiste  l'essence  ou  Ij 
substance  de  la  matière  ahslraiie  de  toutj 
qualité  sensible  :  comment  donc  pouvons- 
nous  en  raisonnei'  °? 

Par  substance  en  général,  on  entend  un 
être  individuel  (jui  p  rsévère  et  demura 
essemie  lemenl  le  mè.ne,  malgré  le  change- 
ment des  modifications  ou  des  ((ualités  ([ni 
lui  surviennent  successive.u'eiU  ,  et  c'est 
dans  le  sentiment  intéri'-ur  que  nous  pui- 
sons cette  notion.  Je  sens  iiue,  maLré  le 
changement  des  idées,  des  volouiés,  des  af- 
fections, des  sensations  qui  m'arrivent,  je 
suis  tonjiurs  moi;  ces  modifie  itiuns  ne  peu- 
vent subsister  sans  moi,  iniis  je;  puis  être 
sans  elles,  elles  ne  sont  pas  moi.  Je  sens  que 
je  suis  moi,  et  non  un  autre,  et  qu'un  autre 
n'est  pas  moi.  Je  suis  donc  une  substance, 
un  être  individuel  et  permanent,  (|ui  conii- 
nue  d'être  essentiellement  le  même  ^ons  une 
succession  et  une  variété  continuelle  de  mo- 
difie liions  différentes.  Ainsi  le  mot  sub- 
stance attribué  à  l'esprit  me  donne  une  idée 
claire,  esciiée  par  un  sentiment  intérieur 
qui  est  invincible.  —  Mais  dans  chaque 
■nasse  ou  portion  de  matière,  dans  un  corps, 
y  a-l-il  de  mèrae  un  ou  plusieurs  êtres  in- 
dividuels et  permanents  ,  qui  demeurent 
foncièrement  les  mêmes,  lorsijue  son  éten- 
due et  ses  qualités  changent  ?  Crande  ques- 
tion. Dans  le  système  de  la  divisibilité  de  la 
matière  à  l'infini,  nous  ne  trouverons  jamais 
un  être  indivitluel  ;  or,  peut-on  concevoir 
une  substance  où  il  n'y  a  point  d'individu  ? 
Il  n'est  pas  étonnant  qu  en  suivant  cette 
opinion,  Lock  ni  ses  partisans  n'aient  ja- 
mais pu  comprendre  ce  que  c'est  qu'une 
substance,  mais  il  ne  fallait  pas  la  chercher 
dans  la  matière,  pendant  qu'i's  pouvaient 
la  trouver  en  eux-mêmes.  —  Si  nous  reve- 
nons au  système  des  atomes,  des  monades, 
des  points  idiysiques,  nous  ne  serons  pas 
plus  avancés.  En  supposant  qu'un  atome 
indivisible  de  matière  est  une  substance, 
nous  n'y  voyons  rien  d'essentiel  que  l'iner- 
tie ;  c'esl,  à  proprement  parler,  un  être 
sans  attributs.  Un  atome  ne  peut  pas  seule- 
ment être  supposé  étendu  par  lui-mê  ne, 
puisque  l'étendue  et  toutes  les  qualités  dont 
elle  est  la  base  résultent  de  l'union  de  plu- 
sieurs atomes.  Que  faut-il  pour  que  ces 
atomes  soient  censés  essentiellement  chan- 
gés ■/  Nous  n'en  savons  rien.  Nous  ne  sa- 
vons pas  seulement  si  les  atomes  (|ui  com- 
posent les  corps  sont  homogènes  ou  hété- 
rogènes, si  un  corps  est  différent  d'un  autre 
coips  autrement  que  par  ses  qu.iliiés  sensi- 
bles ;  ainsi,  eu  parlant  des  corps  ,  nous 
ignorons  absolument  en  (inoi  consiste  l'i- 
dentité de  substance  et  le  changement  de 
substance.  Il  nous  est  donc  impossible  de 
savoir  ce  qu'il  faut  pour  que  des  atomes 
qui  étaient  pain  deviennent  le  corps  do  Je- 
sus-Chrisl  ;  nous  ignorons  si  Dieu  .inéantit 
ou  transporte  ailleurs  les  atomes  du  pain 
pour  y  s  ibslitucr  d'autres  atomes  ,  sans 
toucher  aux  qualités  sensibles,  ou  si  le  mi- 
racle s'o[-)ère  auireinenl.   Que  [euvent  dotu 


5PS  SUB 

prouver  toutes  .es  argumenlalions?  —  Les 
voyageurs  disent  que  la  pulpe  du  fruit  de 
Varbre  à  pain  ressemble  à  la  mie  d'uu  pain 
blanc  et  tendre,  quelle  en  a  la  figure,  la 
couleur,  la  saveur  et  l'odeur.  Supposons 
que  la  ressemblance  soit  assez  parfaite 
pour  tromper  tous  nos  sens  ,  faudrait-il 
affirmer  que  ce  fruit  est  une  même  aij6- 
slance  que  le  pain,  ou  que  c'est  une  sub- 
stance différente?  Un  philosophe  ne  peut 
sans  témériié  soutenir  le  pour  ni  le  contre. 
Que  fuurtriiil-il  pour  que  du  pain  commun 
devînt  le  fruit  de  cet  arbre,  ou- pour  que  ce 
fruit  fût  de  vrai  pain?  Autre  question  in- 
soluble. Et  ri>n  ne  cesse  d'argumenter  pour 
prouver  que  du  pain  ne  peut  pas  être  changé 
au  corps  de  Jésus-Christ,  sans  que  ces  qua- 
lités sensibles  ne  changent  1  c'est  opiniâ- 
treté pure. 

On  dira  :  Pourquoi  donc  l'Eglise  s'esl-elle 
servie  des  iaol6  siibslance  et.  tcanssubstnnii't- 
lion,  qui  ne  présentent  aucune  idée  claire? 
Parce  que  les  hérétiques,  aussi  mauvais 
philosophes  que  mauvais  théologiens,  s'i'U 
servaient  pour  soutenir  leur  erreur  et  pour 
pervertir  le  sens  des  parole-»  de  I  liciilure 
sainte  touchant  l'eucliarislie  ;  on  ne  pouvait 
les  réfuter  et  les  condamner  qu'on  us.int  de 
leur  propre  langajie.  — Le^  luthériens,  qui 
alniirenl  d'abord  ïimpanalion  ou  la  consub- 
stcinliation,  n'étaient  pas  mieu\  londés.  Il  est 
aussi  impossible  de  concevoir  comment  deux 
substances  distinctes  peuvent  se  trouver 
unies  sous  les  mêmes  qualités  sensibles,  (jue 
comment  l'une  peut  y  prendre  la  place  de 
l'autre.  En  niant  la  possibilité  de  ce  second 
miracle,  les  calvinistes  ont  préparé  des 
armes  aux  inciédules  pour  attaquer  tous 
les  mystères  cl  tous  les  miracles.  Ouelques- 
uns  ont  soutenu  que  les  apôtres  n'ont  pas 
pu  croire  celui-ci,  quand  même  Jésus- 
Chrisl  l'auraii  opéré  ot  le  leur  aurait  affirmé. 
Les  apôtres,  disent-ils,  étaient  certains  par 
les  yeux,  par  le  goût,  par  l'odorat,  par  le 
tact,  que  ce  qu'ils  mangeaient  el;iit  du  p.iin; 
ils  étaient  sûrs  seulement  par  l'ouïe  que 
Jésus-Chiist  leur  donnait  son  corps;  voilà 
quatre  téiHoignages  contre  un  :  pouvaienl-ils 
se  fier  à  un  seul  plutôt  qu'à  tous  les  autres  ? 

Nous  demandons  à  ceux  qui  font  celte 
objection,  s'ils  croient  ou  non  la  divinité  de 
Jésus-Christ.  S  ils  ne  la  croient  pas,  nous 
n'avons  rien  à  leur  dire.  S'ils  la  croient, 
nous  répondons  que,  quand  un  Dieu  parle  à 
nos  oreil  eseï  à  noire  esprit,  ce  témoignage 
est  préférable  à  celui  de  nos  sens;  car  enfin 
qualteslaii  nt  les  sens  aux  apôires?  Que  ce 
<iu'ils  mangeaient  avail  toutes  les  qualités 
sensibles  du  pain;  mais  ces  sens  ne  pou- 
vaient leur  allesler  que  c'él.iit  la  substance 
du  pain  et  non  la  substance  du  corps  de 
Jésus-Christ,  (juisque  cetli.'  subsitinr-  ab- 
straite des  ((ualites  sensibles  ne  tu.nlje  point 
sous  les  sens.  C"e>t  encore  la  réponse  que 
nous  donnons  au  fameux  argument  de  La 
l'Iacelle,  qui  parait  aux  calvinistes  un  rai- 
!;oniien)ent  invincible.  Nous  avons,  disent- 
ils,  une  certitude  physique  par  nos  sens  que 
l'eucharistie   est  du   pain,  el  nous  n'avons 


SUC 


S.^(5 


qu'une  ccrliiude  morale,  fondée  sur  les  mo- 
tifs de  crédibilité, que  c'est  le  corps  de  Jésus- 
Christ;  or,  une  certitude  morale  ne  peut 
pas  prévaloir  à  une  rerlitade  physique.  — 
Faux  principe.  Si  par  ces  mois  c'est  du  pain, 
l'on  entend  ((ue  c'est  la  substance  du  p^iin, 
il  esi  faux  que  nos  sens  nous  donnent  sur 
ce  point  aucune  certitude  quelconque.  En- 
core une  fois,  les  sens  nous  attestent  les 
qualités  sensibles  des  corps,  rien  de  plus; 
cela  est  démontré  par  la  comparaison  que 
nous  avons  faite  entre  le  pain  usuel  el  le  fmil 
de  l'arbre  à  pain.  Par  ce  même  argument  l'on 
prouverait  que  les  apôtres  n'ont  pas  pu 
croire  que  Jésus-Christ  fûl  vrai  Dieu  et  vrai 
homme,  car  enfin  ils  étaient  sûrs,  par  le 
lémoitcnage  de  leurs  sens,  que  Jésus-Christ 
était  homme,  par  conséquent  une  personne 
humaine,  el  ils  n'étaient  assurés  que  par  sa 
parole  que  c'était  une  personne  divine.  On 
prouverait  encore  que  les  aveugles-nés  sont 
physique^iient  certains  pir  le  tact  qu'une 
perspective  et  un  miroir  ne  peuvent  produire 
une  sensation  de  profondeur;  que  la  tête 
d'un  hoiiiirie  ne  peut  être  représentée  dans 
la  boîte  d'une  montre;  que  l'on  ne  peut  pas 
apercevoir  une  étoile  aussi  promplenent 
ijue  le  faîte  d'une  maison,  etc.  ;  qu'ils  doi- 
vent par  conséquent  récuser  le  témoignage 
do  tous  ceux  qui  ont  des  yeux  et  qui  leur  at- 
testent le  contraire.  Voy.  M  racle,  §  2. 

SUBSTANTIAIKES,  secte  de  luthériens 
qui  prétendait  que  Adam,  par  sa  chute,  avait 
perdu  tous  les  avantages  de  sa  nature; 
qu'ainsi  le  péché  originel  avait  corrompu  en 
lui  la  substance  même  de  l'huinanilé,  et  que 
c<^  péché  était  la  substance  même  de  l'homme. 
Nous  ne  coneevons  pas  comment  des  seelai- 
res,  qui  ont  prétendu  fonder  toute  leur  doc- 
trine sur  l'Ecriture  sainle,  ont  pu  y  trouver 
de    pareilles  absurdités.    Voi/.  Synëboistes. 

SUCCESSION  des  pasteurs  de  l'Eglise.  Les 
tbéoloïiens  catholiques  soutiennent  contre 
les  protestants  que  l'ordination  établit  entre 
les  pasteurs  de  l'Eglise  une  succession  con- 
stante, de  manière  <\ae  le  caractère,  les  pou- 
voirs, la  juridiction  du  prédécesseur  passent 
et  sont  coaimuniquéssans  aurune  diminution 
a»  successeur;  que  sans  cette  succession 
l'Eglise  ne  pourrait  subsister.  Cette  vérité 
est  fondée  sur  les  mêmes  raisons  qui  prou- 
vent la  nécessité  de  la  mission.  Voy.  ce  niol. 
Ainsi  les  apôires  ont  transmis  aux  évêques 
et  aux  pasteurs  qu'ils  ont  ordonnés  leur  ca- 
ractère, leur  pouvoirs,  leur  juridicti  in  sur 
les  troupeaux  qu'ils  av.iient  rassemb'és,  ou 
sur  les  églises  qu'ils  avaient  fondées,  et  ilont 
ils  conliaient  le  gouvernement  à  ces  mêmes 
pa -leurs;  couséquemment  saint  Pierre  a 
transmis  à  ses  successeurs  la  juridicti  m  el 
l'antorilé  qu'il  avait  reçue  de  Jésus-Christ 
sur  l'Eglise  universelle. 

Suivau'  la  doctrine  de  Jésus-Christ  et  des 
apôtres,  il  n'est  point  d'Eglise  sans  pasieur, 
point  de  pasteur  sans  mission,  poiut  de  mis- 
sion que  pa»-  voie  de  succpssion,  et  la  suc- 
cession se  fail  par  l'ordination  :  sur  colle 
chaîne  indissoluble  est  établie  la  perpétuité 
de  l'Kg!;se. 


8S7 


SUC 


SUC 


SSS 


Ainsi  l'enseigne  saint  Pnul,  /s'/j/fe'.;  c.  iv, 
V.  1 1 .  Il  dil  que  Jésus-Christ  a  donné  les  uns 
pour  iipâires,  les  autres  pour  prophètes  :  ceux- 
ci  pour  évangélisles,  ceu.r-là  pour  pasteurs 
et  docteurs;  que  leur  ministi're  et  leur  tra- 
vail est  pour  la  perf  ction  des  saints  et 
pour  l'édipcation  du  corps  de  Jé^us-f'hrist, 
jusqu'à  ce  que  nous  soyons  tous  arrivés  à  l'u- 
nité de  la  foi  et  à  la  connaissance  du  Fils  de 
Dieu,  et  afin  que  nous  ne  soyons  pas  emportés 
ù  tout  cent  de  doctrine.  L'Apôtre  met  les 
fonctions  et  le  ministère  des  pasteurs  et  des 
docteurs  au  même  rang  que  celui  des  apôtres 
et  des  prophètes.  Il  dit  de  mô:ne  ,  /  ('or., 
c.  XII,  V.  28  :  /)(>«  a  étalili  dans  l' Fylise, 
d'abord  des  apôtres,  ensuite  des  prophètes, 
en  Iroisinne  lieu  des  docteurs,  enfin  les  dons 
d  s  miructes,  et  il  met  au  nombre  de  ceux-ci 
la  fonction  de  gouverner,  gubernatioues  ; 
il  suppose  f|ue  tous  ces  dons  viennent  éga- 
lement (le  Dieu  ;  ce  n'est  point  aux  hommes 
qu'il  appartient  de  se  donner  des  pasteurs 
et  des  docteurs.  Celle  docti  ine  est  cx((li(|ii6e 
et  ronfirmée  p;ir  la  conduilc  do'  apôtres. 
Après  la  mort  tragi()iie  de  .ludas,  saint  Pierre 
,dit  là  l'assemblée  des  disciples  qu'il  faut  que 
l'un  d'entre  eux  soit  subrogé  à  la  place  de 
cet  apôlre  inQilèle.  Conséquemment  tous 
prient  Dieu  de  faire  connaître  par  le  sort 
celui  qu'il  choisit  |)()ur  siieccder  à  lu  pbici', 
au  ministère  et  à  l'apostolat  duquel  Juilas  est 
dci  liu  par  sa  prevaric.ition,  Ad.,  c.  i,  v.  2o. 
Le  son  loinhe  sur  saint  Matthias,  et  il  est 
mis  au  nombre  des  apôtres ,  sans  aucune 
diflcriiice  ('iiire  eux  et  lui.  Ils  n'en  mettent 
aucune  entre  eux  et  les  évéqnes  qu'ils  éta- 
blissent coiiiinc  jiasteurs.  Saint  l'aul  dit  à 
ceux  d'Iîphèse,  .4c/.,  c.  xx,  v.  20  :  Veillez 
sur  vous  el  sur  tout  le  troupemi,  sur  lequel  le 
Saint-Esprit  vous  a  établis  ÉvÈyi;Ks  ou  sur- 
veillants pour  gouverner  IJi^/ii^e  de  Dieu, 
V.  >ii  :  Je  vous  recommande  à  Dieu  el  et  sa 
grâce;  lui  seul  peut  édifier  et  donner  l'héritage 
(on  la  succession]  à  tous  ceux  qui  sont  sanc- 
tifiés. La  mission,  l'iiposlolut,  le  gouverne- 
riienl  de  l'Eglise,  telle  est  la  succession  qui 
a  passe  des  uns  aux  autres.  Saint  Pierre  dit 
aux  lidèles.  1  Pilr.,  c.  v,  v.  1  :  Je  prie  les 
ancens  ou  les  prêtres  qui  sont  parmi  vous,  en 
qualité  de  leur  collègue  [consenior)  el  de  té- 
moin des  sonffiances  de  Jésus-Christ  ;  paissez 
le  troupeau  de  Dieu  qui  vous  est  confié,  el 
pourvoyez  à  ses  besoins,  etc.  Le  caractère  cl 
la  charge  des  apôtres  oui  donc  été  Iransaiis 
aux  pasieurs.  Saint  Paul  dil  aux  Hébreux, 
c.  I,  v.  7  :  Souvenez-vous  de  vos  puÉeosÉs 
qui  vous  ont  annoncé  la  parole  de  Dieu  ,  et 
en  ronsiilérnnt  In  fin  de  leur  vie  imitez  leur 
foi  :  il  parlait  des  apôtres,  lîiisuile,  il  ajoute, 
V.  17  el  24.  :  Obéissez  à  vus  prkposks,  et  soyez- 
leur  soumis,   paicc  qu'ils   veillent  sur   vous 

Comme  devant  rendre  compte  d''  vos  âmes 

Saluez  tous  vos  puiil'osi  s  et  tous  les  saints. 
Ces  préposés  sont  évidemment  les  pasteurs, 
ou  les  successeurs  des  apôires.  Par  quel 
moyen  s'est  établie  celle  saccessùm  ?  Saint 
Paul  nous  l'apprend  encore,  il  dil  à  Timo- 
Ihée,  Epist.  I,  c.  i,  v.  i'*:  Ne  négligez  point 
la  grâce  qui  est    en   voits,  et  qui  ii>«s  «  été 


donnée  par  révélation,  avec  l'imposition  des 
mains  des  prêtres.  Il  Tim.,  c.  i,  v.  (i  :  Je 
vous  avertis  de  réveiller  la  grave  de  Dieu  ijui 
est  en  vous  par  l'imposition  de  tne<  mains 
Persiinne  ne  disioiivieiit  que  celle  imposi- 
liiiii  des  mains  ne  soit  l'ordinalloii.  Coiisé- 
quemiiient  il  charge  riiiiollrée  de  faire  tout 
ce  que  poi.'va  t  l'aire  un  apôtre.  Il  écrit  à 
'Pile,  c.  I,  V.  5  ;  Je  vous  ai  lai'^sé  en  Crète 
afin  que  vous  corrigiez  ce  qui  manque  encore, 
et  que  vous  établissiez  des  prêtres  dans  les 
villes,  comme  je  l'ai  fait  pour  vous-même. 
Et  il  lui  expose  les  qualités  que  doit  avoir 
Un  évêque. 

Ce  sont  donc  les  apôtres  eux-mêmes  qui 
se  sont  donné  des  successeurs  ,  qui  les  ont 
regardés  connue  leurs  collègues  et  leurs 
coopérateurs  ,  et  qui  les  ont  chargés  de 
Ir/insineltre  coMc  succession  à  ci'ux  qui  vien- 
dront après  eux.  C'est  ce  qu'ils  ont  fait;  celte 
cliainc  successive  dure  depuis  dix-sept  siè- 
cles, et  elle  coutinoera  jusqu'à  la  fin  des 
temps.  Ainsi  l'a  promis  Jésus-Christ,  lors- 
qu'il a  dil  a  ses  apôties  :  Je  suis  avec  vous 
tous  les  jours  jmiqu'à  ta  consommation  des 
siècles  (Matlh.  xxvii,20j.  Je  prierai  mon 
l'ère,  el  il  vous  donnera  un  a  itre  (Consolateur, 
afin  qu'il  demeure  avec  vous  pouii  toljoubs. 
C'est  l' Esprit  de  vérité,  que  le  monde  ne  peut 
pas  recevoir  (Joan.  xiv,  Hi).  Celle  venté  est 
onfirmée  par  le  témoignage  de  saint  Clé- 
nienl  de  Kome, disciple  immeilial  des  apôtres, 
cl  qui  a  été  témoin  de  leur  conduite.  Il  dit 
que  Jésus-Christ  a  reçu  sa  mission  de  Dieu, 
et  «  que  les  apôtres  ont  reçu  la  leur  de  Jé- 
sus-Christ ;  qu'apiès  avoir  reçu  le  Saint  Es- 
P'il,  et  apiès  avoir  prêché  l'Evangile,  ils 
ont  établi  évèques  ou  diacres  les  plus  éprou- 
vés d'entre  les  fidèles,  et  qu'ils  leur  ont 
donné  la  même  charge  qu'ils  avaii'nl  reçue 
de  Dieu  ;  qu'ils  oui  établi  une  rèj;le  de  suc~ 
c  ssion  pour  l'avi'nir,  afin  qu'après  la  mort 
des  premiers,  leur  charge  el  leur  miiiislèro 
fussent  dounés  à  d'anires  hommes  éprouvés.» 
Epist.  1  ,  n.  42,  W,  hk. 

Noas  ne  cessons  de  répéter  aux  proles- 
taiils:  Vous  qui  voyez  lout  dans  l'Ec.ilure 
sainte,  comment  n'y  voyez- vous  pas  la  per- 
pétuité de  la  r-uccession  et  du  ministère  apos- 
toli(iue?  L  intérêt  de  secte  el  de  syslème 
lent-  liouclh'  les  yeux.  Les  prétendus  relor- 
lualjui'S  voulaient  établir  une  nouvelle  doc- 
t.iue,  nue  nouvelle  Eglise,  une  nouvelle 
religion  :  comment  le  j'.iire  sans  mission? 
el  s'il  en  fini  uue,  de  qui  pouvaicnl-iis  la 
recevoir?  Il  a  donc  fallu  soutenir  ou  (|ue  la 
mission  n'était  pas  nécessaire,  ou  que  leur 
mission  élait  extraordinaire  et  iniracub'usc, 
ou  que  la  mission  ordinaire  qu'ils  avaient 
reçue  dans  l'Eglise  catholique  était  sul'fi- 
saule.  Nous  avons  réfuté  ces  trois  préten- 
tions au  mot  Mission. — il  esl  évident  que  ces 
nouveaux  docteurs,  en  faisant  schisme  avec 
l'Eglise  catholique,  en  niant  la  mission  et 
le  caractère  de  ses  pasieurs,  et  en  rejetant 
l'ordination,  ont  rompu  la  chaîne  de  la  suc- 
cession et  du  ministère  apostolique,  et  ont 
voulu  en  établir  uue  nouvelle  qui  a  com- 
mencé par  eus,  et  qui  ne  reoionte  pas  plui 


550  SUC 

iiaiit.  Lorsqu'ils  onl  soutenu  qu'il  n'es!  pas 
certain  que  le  ponllfe  romain  soit  le  succes- 
seur (le  sailli  Pierre,  ils  auraient  dû  citer  au 
moins  un  pape  qui  ail  renoncé  comme  eux 
à  la  succession  du  piime  des  apôtres,  qui 
ail  excommunié  ses  prédécesseurs,  comme 
Lullier  excommunia  Léon  X,  parce  que  ce 
pontife  l'avait  condamné.  Noii-sfulement 
tous  les  évêques  de  l'Eiilise  catholique  font 
profession  par  leur  ordin-ilion  de  tenir  tous 
leurs  pouvoirs  par  droit  de  succession,  mais 
ils  sont  reconnus  par  toute  l'Ejjlise  pour 
successeurs  légitimes  de  ceux  qui  les  ont 
|irécédés  ;  et  c'est  par  ce  fait  éclatant  que 
nous  sommes  assurés  du  caractère,  de  l'au- 
torité et  de  la  juridiction  du  ponlife  romain. 
Lorsqu'il  y  a  eu  des  schismes  pour  la  papau- 
té, il  s'agissait  seule. iient  de  savoir  quel 
était  le  vrai  successeur  du  ponlife  précédent; 
dès  qu'une  lois  ce  fait  a  été  éclairci,  toute 
l'Eglise  s'est  réunie  à  i'obédiente  de  celui 
dont  la  succession  a  été  reconnue  légitime. 
Loin  d'accusiT  les  piipes  d'avoir  j  imais  re- 
noncé à  la  siiccessinn  de  saint  Pierre,  les 
prolestants  leur  reproi  hent  d'en  avoir  tou- 
jours voulu  porter  les  droits  trop  loin. 

Un  incrédule  anglais  s'est  atlai  hé  à  prou- 
ver que  les  pasteurs  de  l'Eglise  n'oit  point 
succédé  aux  apôtres;  il  en  voulait  principa- 
lement aux  évêques  anglicans,  qui  s'attri- 
buent cet  honneuraussi  liien  que  les  évê(iu(S 
callioli(iues;  mais  comme  ces  objedions 
attaquent  également  les  uns  et  bs  autres, 
nous  devons  y  répondre.  Si  la  rtligion,  dit- 
il,  avait  eu  besoin  d'une  succession  non  in- 
terrompue, de  pasteurs  elle  aurait  eu  pareil- 
lement besoin  d'une  succession  de  la  ents  , 
de  connaissances,  de  miracles  et  de  grâces 
d'en  haut,  supérieurs  à  ceux  que  Dieu  donne 
aux  laïques,  et  semblables  à  ceux  qu'il  avait 
communiqués  aux  apôtres  ;  or,  c'est  ce  que 
non»  ne  voyons  pas  dans  le  clergé.  Les  apô- 
tres étaient  inspirée,  ils  avaient  le  don  des 
miraclis  el  le  discernement  drs  esprits  :  ils 
pouvaient  sonner  le  S  linl-Espril  ;  il  leur 
était  ordonné  île  conveitir  toutes  les  nations 
el  c'est  pour  les  en  rendre  capables  que  les 
dons  miraculeux  avai  nt  été  dé|iai  lis.  Or  ce 
grand  ouvrage  est  exécuté,  l'Eglise  de  Jésus- 
Christ  est  établ.e  ;  donc  il  n'est  plus  besoin 
d'apôtres  ni  de  successeurs  de  ces  homoics 
extraordinaires;  el  l'événemeat  prouve 
qu'en  i ITet  il  n'y  en  a  point. 

Nous  répond  >ns  que  pour  être  vériiable- 
ment  successeur  des  apôtres,  il  n'est  pas 
nécessaire  d'avoir  reçu  de  Dieu  tous  les 
dons  surnaturels  qu'il  leur  avait  communi- 
qués, qu'il  sulfil  d'être  destiné  à  continuer 
l'ouvrage  qu'ils  ont  commencé,  d'avoir  reçu 
la  même  mission  et  la  mesure  de  grâces  né- 
cessaires pour  exercr  le  même  ministère; 
autreiiunt  il  faut  soutenir  que  tous  ciux  qui 
onl  prêché  l'Evani;ile  aux  iiiliilèles  depuis 
la  morl  des  apôl'es  onl  été  des  téméraires, 
que  l'o  .'a  pas  dû  lis  écouler,  que  les  apô- 
onl  eu  tort  de  iiiaii;er  leurs  disciphs  de 
celle  loncliun,  pui>qu'ils  n'ont  pas  pu  leur 
donner  la  plénitude  des  dons  du  Saint-Esprit, 
telle  qu'ils  l'avaient  eux-mêmes   reçue.  Ces 


SUC 


E5Q 


dons  étaient  nécessaires  pour  prouver  la 
llli^sion  divine  des  apôtres;  mais  cette  mis- 
sion une  fois  prouvée,  il  n'est  plus  besoin 
de  miracles  pour  la  communiquer  à  leurs 
successeurs;  elle  s'étend  à  tous  les  siècles, 
puisque  .lésus-Christ  ne  l'a  limitée  ni  au 
temps,  ni  aux  lieux,  ni  aux  personnes: 
Prêchez  i Erani/ile  à  toute  créature,  enseignez 
toutes  les  nations;  je  suis  avec  vout  tous  les 
jours  jusqu'à  la  consommation  des  siècles, 
etc.  Jésus-Christ  savait  bien  que  ses  apôtres 
ne  vivraient  pas  longtemps  ;  donc  il  a  donné 
la  mission  non-seulement  pour  eus,  mais 
pour  leurs  successeurs  jusqu'à  la  On  des 
siècles.  Nous  ne  prétendons  pas  néanmoins 
avouer  à  l'auteur  de  l'objeclion.  qu'il  ne  se 
fait  plus  de  miracles  dans  l'Eglise,  et  que 
les  successeurs  des  apôtres  ne  reçoivent  plus 
de  grâces  ni  de  dons  surnaturels  par  l'ordi- 
nation; c'est  Irès-mal  à  propos  qu'il  le  sup- 
pose. 

Il  est  encore  faux  que  le  grand  ouvrage 
delà  conversion  des  peuples  soil  exécuté; 
il  n'était  pas  fort  avancé  lorsque  les  apôtres 
onl  cessé  de  vivre;  ce  sont  leurs  succes- 
seurs qui  l'ont  continué;  il  reste  encore  uo  ' 
très-grand  nombre  de  nations  qui  ne  croient 
pas  en  Jésus-Christ,  auxquelles  il  veut  ce- 
pendant que  l'Evangile  soil  prêché;  donc, 
suivant  sa  promesse,  il  leur  donne  la  mis- 
sion, l'apostolat,  les  giâces  et  l'assistiince 
dont  ils  ont  besoin  pour  s'en  acquit, er  avec 
succès.  Mais  les  protestants  ne  veulent  ni 
ordination,  ni  caractère,  ni  mission  surna- 
turelle, ni  grâces  <iui  y  soient  attachées; 
c'est  à  eux  de  répondre  aux  incrédules  qui 
argumentent  sur  leurs  pro[ires  principes. 

»  succi:ssioN  indéfinie:  des  ètiîks.  piu- 

sieurs  snvanls  oiil  élidili  en  |iijiici|ie  qu'il  y  a  un  dé- 
veloppenienl  progrer-sil  de  la  vie  organique,  depuis  les 
(urines  les  plus  simples  jusqu'aux  filus  cumplhjui'es. 
L.es  incié'liiles  ont  lire  de  ce;ie  (orniule  des  consé- 
quences (ffiayaiiles  pour  la  loi.  1°  Que  la  seieiice 
foiiiredil  la  narialion  de  Moise,  i|iii  nous  présente  la 
crcaliiiii  siinnllanée  ou  dans  l'esp^ict;  de  six  jours  ; 
2"  que  la  nalure  .i  en  ellemcnie  i.i  imissMiice  de  pro- 
duire graduellement  de  nouveaux  èires  s^nis  élre 
olili^iéi!  de  recourir  à  une  puissance  créatrice.  Comme 
roiisé'iuence  de  celle  dernière  alliniialiuii  un  conclut 
au  paiiiliélSMie. 

Cuvier  a  remarqué  le  premier  que  dans  les  ani- 
maux fossiles  du  monde  primilil  il  y  a  un  dévelnp- 
peincnl  graduel  d'org^imsalion  ;  ainsi  les  couclies  les 
plus  inlcrieiires  coiiueinieia  les  animaux  les  plus 
iinparlails,  mollusques  el  lesiacés  ;  viennenl  eii>inle 
les  repliles  el  ce-i  nioiislrueiix  animaux  raiiii>:iiils  i|ui 
se  raliacheiii  aux  liabilaiils  de  l'air  par  ic  lé/,aid  vo- 
lain,  ei  qui  >onl  avec  raison  clas  es  par  l'iiisloiien 
inspiic  eiilre  les  pioduciiniis  inariues.  Puis  la  leire 
nous  lounnt  des  èires  à  son  lour,  ei  on  Iroire  di's 
quailrupé'les,  inai^  d'espèces  qui  pour  la  plupart 
Il  eMSieiii  plus.  Pin>  vieiuieiil  cnsnite  les  terrains 
nu'uiiles  d'IIS  lesquels  un  tmuve  les  dépiils  du  déluge 
raconté  par  Moi^e.  Voy.  Délice:. 

Voila  les  laits  qui  onl  engagé  les  incrédules  à  tirer 
les  coiijéqueiiees  ijue  nnus  avons  expo.>ées.  Soiil- 
elle»  logilniiemeiit  dédiiples?  D'abord  ces  laits  n'ont 
rien  de  ciiiiraire  à  rtcrilure.  Le  géologue  moderne, 
dit  Uo'  Wiseman,  doit  leeoniiailre  el  reconnail  vo- 
loMilers  l'exactitude  de  celle  asserlloii  :  qu'après  i\ue 
toutes  choses  eureui  été  faites,  la  terre  doit  avoir  étt 
dans  un  état  de  confusion  el  de  chaos  ;  en  d'autre; 


$61 


SUC 


suc 


862 


termes,  que  les  élément?,  dont  la  combinaison  de- 
vait plus  i;iril  former  rairangenient  acliiol  du  glnhe, 
doiveoi  avoir  clo  lolalem''nt  bouleversés  et  proba- 
bleiiient  dans  un  étal  du  lutl(^  et  de  roidlit.  Qui-lle  a 
élé  la  durée  (le  ci'Ue  anarchie?  quols  traits  rarlicu- 
liers  I  ffrail-elle'Eiaii-ci'  nii  iié^oidre  euntinuetsins 
inndidralions,  ou  bien  ce  désordie  é  ait  il  iuterr(im|Mi 
par  des  intervalles  de  paix  el  do  repos,  d'cNisierice 
\0!;éiale  et  animale  ?  U'Ixiliure  l'a  oarhé  à  notre 
i'oniiai'«ance  ;  mais  eu  tnètne  temps  elle  n'a  rien  dit 
pour  déeciurager  l'investigation  qui  p^nrrut  nous 
co  idui  e  à  (pielque  bviioilièse  spéciale  sur  ces  ques- 
tions. Kl  même  il  seud.dorait  que  celte  période  indé- 
fiiiii!  a  été  ni  niionnée  à  de  sein,  (lour  laisser  car- 
rièie  à  la  inéditalioo  et  à  riuiagmat  cm  de  riioniuie. 
Les  paroles  du  texte  n'exprimeol  pas  siui|ileinenl 
une  pause  momentam'e  enire  le  premier  fiât  de  la 
création  •'!  la  proiluctimi  de  la  lumière;  car  la  forme 
grammaiicalo  du  verbe,  le  participe,  par  le.|uel  l'es- 
prit de  Oieu,  l'énergie  créatrice,  est  rcprésemé  cou- 
vant rabluie,  et  lui  communiquant  la  venu  produc- 
trice, exprime  iialurellemeot  une  action  continue, 
iiiillemenl  une  aciioii  passagère.  L'ordre  inème 
observé  dans  la  crcalion  des  six  jours,  qui  se  rap- 
porte à  la  di  position  préseule  des  diodes,  semble 
indiq  ler  que  la  puissance  divne  aimait  à  ^e  iiiani- 
^feslcr  i>ar  des  d  veloppcmcnls  graduels,  s'élevanl, 
pour  ainsi  dire,  par  nue  échelle  mcsiiréi^  de  l'ina- 
nimé à  l'oigaui>é,  de  riiisensihlft  à  l'insiiiictif,  el  de 
riiraiioiiol  à  l'nonime.  Et  ipielle  répn>>nance  y  a-i-il 
à  .supposer  que,  depuis  la  première  cnation  de 
remhryon  gjossier  de  ce  monde  si  beau,  jusqu'au 
liiomciii  où  il  fut  levèlu  de  tons  ses  oriiiMiienls  el 
proporiiouué  mx  besoins  et  aux  liabiiudes  de  l'hom- 
me, la  l'rovideiice  ait  aiissi  voulu  conserver  une 
marche  el  une  giadaliou  semblables,  de  manière  à  ce 
que  la  vie  a^ainàt  pro^ressiveinenl  vers  la  pert'cc- 
lioii,  et  dans  sa  puissance  intérieure,  et  dans  ses 
instruments  extérieurs?  Si  les  apparences  découver- 
tes par  la  géologie  venaient  à  manifester  l'exislence 
de  linéique  plan  semblable,  qui  o.serait  dire  qu'il  ne 
s'accorde  pas,  par  la  plus  énoiie  analogie,  avec  les 
Voies  de  Dieu  dans  l'ordre  physique  el  inoial  de  ce 
monde?  Uu  qui  osera  aflirmer  que  ce  plan  rouuedit 
la  parole  sacrée,  lorsi|u'elle  nous  laisse  dans  ime 
Compléie  obs(  unie  sur  cette  période  iudélinie  daus 
laquelle  l'œu\re  du  déveiopiiemenl  est  placée?  .l'.à 
dit  que  l'Ecriture  nous  l;ii-se  sur  ce  point  dans  l'ob- 
Eciiiiié,  à  moins  toutefois  que  nous  ne  supposions, 
avec  un  persouna<;e  qui  occupe  maiulcnanl  une  hanie 
position  dans  l'Eglise,  qu'il  est  fait  allusion  aies 
révolutions  primitives,  à  ces  destructions  et  à  ces  re- 
prodiiciions,  dans  le  premier  ch.ipiire  de  1  Ecclé- 
siaste  (a),  ou  qu'avec  d'aulies,  nous  ne  pienions  dans 
leur  sens  le  plus  littéral  le~  passages  où  tl  est  dit  que 
des  mondes  ont  élé  crées  [b). 

Il  est  v> aiment  singulier  que  toutes  les  anciennes 
cosiiii  g  >nics  conspirent  à  nous  suggérer  la  iiiéuie 
idée,  et  cuiiservenl  la  tradition  d'une  série  piimilue 
de  révélation»  successives  par  lesquelles  le  m  nde 
fut  déirnii  et  renouvelé.  Les  lusliiules  de  Meuoii, 
l'ouvrage  iiiOien  qui  s'accorde  le  plus  éiioilemcnl 
avec  le  récit  de  l'Ecritnre  toucaaul  la  créalioii,  nous 
disent  :  Il  y  a  des  créalious  tt  des  de.\inutwns  de 
vtuiidfs  innombrables  ;  (  Eli  e  suprême  fini  tout  Cfln  avec 
autant  de  (acih  é  que  si  c'était  un  jeu;  il  crée  el  il 
crée  encore  ludélinimeul  pour  ré  ninUre  le  bonli  ur  (r). 
Les  liiinians  Ont  ues  tiaiiitions  semhlahles  ;  el  l'on 
peut  voir  dans  l'inléressanl  ouvra.e  de  S.ing  ruiaiio, 
Irailuil  par  mon  aiiii  le  ilocleui  i  auily,  une  esquisse 
de  leurs  diverses  Jeslruciious  du  monde  par  le  feu 

(a)  Ricerche  sidla  ficologia.  Roverelo,  \SH,  p.  65. 

(/')  Hétir.  I,  i.  —  hi-  01  iii-.  UN  des  tiiresile  Dieu  dans 
(e  Ko'-aii  esl  :  le  S  iiincur  di.'!>  m.nies.  sira  1. 

(c)  Inslitutes  o(  iiinUa  luiti.  Loiid.  1825,  ch.  1  ,  u.  SO 
f.  13,  Côsip.  n,  57,  74,  etc. 


et  l'eau  (n).  Les  Egypiieos  aussi  avaient  consacré 
une  pareille  opinion  par  leur  grand  cycle  ou  période 
sothiqiie. 

Mais  il  est  beaucoup  plus  important,  je  pense,  et 
pins  intéressant  d'observer  que  les  premiers  Pères 
de  l'Eglise  ehréiieiiiie  paraissent  avoir  eu  des  vues 
exaelement  semblables  ;  c.ir  saint  Grégoire  de  Na- 
zianze,  après  '^aiiil  Jusiiii,  martyr,  supiose  une  pé- 
riode iiidéliui'  en  re  la  création  et  le  premier  arran- 
gement léjulier  de  tontes  choses  (6).  Sami  Rasile, 
saint  Césaire  et  0,  ijiè  le  sut  encore  idiis  explieiies  ; 
car  ils  cxpliqneiii  la  créalioii  de  la  lumière  anlérieure 
à  celle  du  soleil,  eu  supp  isanl  que  ce  luminaire  avait 
déjà  exis  é  aup;iravant,  mais  que  ses  rayons  ne  pou- 
vateiii  pénéirer  jiisi|u'à  la  terre,  à  cause  de  la  densité 
de  r.il  iiosplicre  pendant  le  chaos,  et  que  cette  ai- 
mospliére  fut  assez  raiéliée  le  premier  jour  pour 
laisser  passer  des  rayons  du  soleil  sans  uiron  put 
nanmoins  distinguer  encore  son  disque,  qui  ne  lut 
complélementitévoilé  que  le  troisième  joiir(c).  lionbée 
adopte  celte  liypoihèse  comme  pirfaiieinenl  coii- 
lonne  à  la  théorie  du  léu  centnl,  el  par  c  inséqueol 
à  la  ilis.so  luiuo  dans  l'a  mosphère  de  sibsiaiiees  qui 
se  sont  pi  ce  pitées  gradiiellemenl,  à  mesure  que  le 
milieu  dissolvant  Se  refroidissait  (d).  Ceiles  si  le 
docteur  Croly  s'indigne  si  forl  contre  queb|iies  géo- 
logues parce  qu'ils  considèient  les  jours  de  la  ciéa- 
ti  II  comiiie  lies  [lériodes  inléiiuies,  bien  ne  le  m  il 
eiii  iloyé  signilie,  selon  son  éiymoloi:ie,  le  temps  qui 
s'écoule  entre  deux  couchers  de  soleil,  que  dirait-il 
donc  o'Ori^ene  qui,  dans  le  passa;;e  doiit  j'ai  parlé, 
s'écrie  :  Quel  homme  de  sens  p' w  penser  qu'il  y  eut  u« 
premier,  un  secund  tt  un  tro  »  èine  jour  sa/is  soleil,  ni 
lune,  )ii  éluiles?  Assnrcinenl  le  temps  enlre  deiu 
coiiciiers  de  soleil  sei  ail  une  grande  anomalie  s'il  n'y 
avait  pis  de  soleil. 

Les  faits  venaiil  si  exaclemenl  conrinner  la  Bible 
ont  oliienu  les  aveux  di  s  plus  célèlires  géologues. 
1  Nous  ne  pouvons  trop  remarquer,  dit  Ùemersoii, 
cet  ordre  admirable  si  parlaitement  d'accord  avec  les 
plus  saines  notions  qui  birment  la  base  de  la  géologie 
positivi;.  Quel  hommage  ne  devons-nous  pas  lendie 
à  riiisioiieii  iiisp  ré  (ej!  i  —  i  Ici,  s'écrie  lloiibée, 
se  présente  une  cous  derali>in  dont  il  serait  diflicile 
de  ne  p.is  être  frappé.  Puisqu'un  livre  écrit  à  une 
époque  où  les  sciences  naturelles  élaieiil  si  peu  avan- 
cées renferme  ce|ieiiilanl  eu  quelques  lignes  le  soin- 
inaire  de>  conséquences  les  plus  remari|ualiles,  aux- 
quelles il  n'était  possinl.^  d'arriver  qu'.ipiès  les  im- 
menses pro;;iès  amenés  dans  la  science  par  le  xviit* 
et  le  xix»  Siècle,  pu  sque  ces  conclusions  se  trouvent 
en  rappoit  avec  des  fans  qui  n'éiaieot  ni  connus  ni 
même  soupçonnés  à  cetie  époque,  qui  ne  l'avaient 
jamais  ete  jusqu'à  nos  jours,  el  que  les  philosophes 
de  tous  les  leinps  ont  toujours  considérés  coniradic- 
toirement  el  sons  des  point»  de  vue  erroné.;  pu'S- 
qn'enliu  ce  livre,  si  supérieur  à  sou  siècle  sous  le 
rapport  de  la  science,  lui  esl  également  supérieur 
Sous  le  rapport  de  la  moi  aie  et  de  la  philosophie  iia- 
Inrelle,  nous  sommes  ohligé»  d'admettre  qii  il  y  a 
dans  ce  livre  quelque  chose  de  sup.n  eur  a  l'homme, 
quelque  clio^e  qu'il  ne  voit  pas,  qu'il  ne  comprend 
pas,  mais  qui  le  presse  irl'é^i^lihleltlellt  (/').  > 

La  premièie  conséquence  de  nos  adversaires  est 
etilièiemenl  détruilu  ;  la  seconde  tombe  d'elle-même, 

(rt)  A  desrr  plion  of  Ihe  Burni'se  empire ,  imprimé  pour 
la  londaliou  des  iracluciious  orieuules  ,  k  Rome,  1»33, 
p.  29. 

(b)  Oral.  2,  t.  I,  p.  51,  edii.  Beued. 

(Cl  S.  lijsil.  Hejamer.  ilom  2.  Paris,  IGI8,  p.  23; 
S.  Caesarms,  Dial.  1,  B.bliotli.  Pair,  (.albinh.  Veu.  1770, 
t.  VI,  p.  37;  Origeu.  F^narch.  lib.  iv,  c.  Iti,  t.  1  ;  p.  174, 
edil.  tleiied. 

(d)  Géoloiiie  élénifiituire  à  la  portée  de  tout  te  mi/^i., 
Paris,  18.J.5,  |i.  .)7. 

(e)  La  Gtoloqie  cmeignée  en  22  leçons,  etc.  Paris  1829 

(f)  Géologie  éténteniaire. 


566 


SUI 


SUI 


set 


par  suite  de  la  destruction  de  la  première.  Nous 
l'avons  ronibaliue  diredeniei-t  au  iiini  Générations 
gpoNriNÉES.  ^(lllS  nous  contPiitons  (le  piést'iuer  ici 
une  léOexion  de  M.  Cuvier,  qui  prouve  quM  n'y  a  paâ 
en  généralioMS  gra^lu^es,  mais  (  réaliou  priipi'iiii'ul 
diie  poui  (haqiii'  es|iècH.  i  Si  les  esièce-;  oui  rliangé 
par  ileiîics,  dil-il,  un  ilevraii  trouver  de*  Iraics  tie 
ces  uioilili<-:iiiou»  {îiailiieiles;  ou  (devrait  décMivrir 
quel.|iR'S  firme-  iilBruiédiaies  entre  le  palœolhe- 
riiuu  cl  lesespèct^s  iraujourd'hui,  et  jus  tu'à  prési-nt 
ccli  n'i'St  poi4it  :irrivé.  j^mrquni  les  entrailles  île  la 
lerre  n'nni-iMles  po  ni  l'onservé  le-  nionurneu(s  duue 
gémi'lo-iesi  curieuse,  si  ce  n'est  parce  que  les  esiié- 
tes  d'iiulrelni^  élaieni  aussi  ronflâmes  que  les  nô- 
tres. I  Cuvier,  Discours  sur  les  révolutions  du  globe, 
6"  éilil.  p.  12:.   l-U. 

SUFFISANTE  fgrâcp).  Voy.  Grâce. 

SUICIDî-., action  de  se  luei  soi-même  pour 
se  délivrer  d'un  uiul  que  l'ou  n'a  pas  le  cou- 
rage de  supporter  (Ij.  De  nos   jours   l'abus 

(1)  «Ecoulons  sur  ceRUJPlIe  rélèbre Rousseau  •  «Tu 
veux  cpsser  de  vivre;  mais  je  voudrais  bien  savoir 
si  tu  as  conimeufé.  Qu"i  !  fus-lu  placé  sur  la  terre 
pour  n'y  rien  Cairi'  ?  Le  ciel  ne  l'impose-l-il  P'  int 
avrc  la  vie  une  liii  lie  pour  la  remplir  ?  Si  lu  as  lait  la 
journée  avant  lesoir,  repose-loi  le  rfsie  du  jiuir,  lu 
le  peux  ;  mais  vi  vous  Ion  ouvriiLse.  Quelle  réponse 
tiens-iu  pi  été  au  .luse  suprême  qui  demandera 
coinpie  de  inn  temps?  Mallieureux  !  ironvé-nii>i  ce 
juste  qui  sft  viuite  d'avoir  assez  vécu  ;  que  j'apiuenne 
de  lui  ciinuiieni  il  laul  avoir  porté  la  vie  pour  être 
eu  droit  de  la  quitter.  Tu  comptes  les  maux  de  l'Iiu- 
miinilé,  et  lu  dis  :  La  vie  est  un  nml.  Mais  regirde  : 
clierche  dans  l'ordre  des  choses  si  lu  y  trouves  quel- 
ques biens  qui  ne  snieni  point  mêlés  de  maux.  Est- 
ce  donc  à  dire  qu'il  n'y  ait  aucun  bien  dans  l'univers, 
et  peus-lH  ciMi  oniire  <e  qui  est  mal  par  sa  na'iire 
avec  ce  qui  ne  soutfre  le  mal  que  par  accident?  La 
vie  passive  de  l'houm  e  n'esl  rien,  et  ne  reijarde 
qu'un  corps  durit  il  sera  bienlôl  délivré  ;  mais  sa 
vie  active  el  mmale  (]ui  doit  influer  sur  loiil  sou  être 
consisle  dans  re\ercice  de  sa  volonté.  La  vie  esl  un 
mal  piiur  le  niéchanl  qui  prospère,  et  uh  bien  pour 
nioiiiête  homme  iulorluiié  :  car  ce  n'est  pas  nue 
niodilicaiiou  passagère,  mais  son  rapport  avec  son 
objet,  qui  la  rend  bonne  <ui  mauvaise.  Tu  l'ennuies 
de  vivre,  et  tu  dis  :  La  vie  est  un  lual.  Tôl  ou  tard 
lu  seras  consolé,  et  tu  diras  :  La  ve  esi  un  bien.  Tu 
dirasplus  vrai,  siins  mieux  raisonner  :  car  rien  n'aura 
changé  que  toi.  Change  donc  dés  aujourd'hui,  et 
pi.'sque  c'est  diiiis  la  m  uivaise  (iis(iositiou  de  ton 
âme  (pi'est  un;i  le  mal,  corrige  tes  atfeciions  déié- 
gUes,  et  ne  brûle  pas  la  luaiscui  pour  n'avoir  pus  la 
peine  de  la  rauj^er.  Que  font  dix,  viiigl,  lienlc  ans, 
pour  un  cire  iuiuioriel?  La  peine  et  le  plaisir  passent 
comme  une  omlre;  la  vie  s'écoule  m  uii  instant  ; 
elle  n'est  rien  par  elli-nième,  siji  prix  ilépend  de 
son  emploi.  Le  b  en  seul  qu'on  a  lail  dennure,  et 
c'est  par  lui  qu'e'le  est  que  que  chose.  Ne  dis  donc 
plus  que  c'est  un  mal  pour  loi  de  vivre,  puisqu'il 
dépenil  de  tij  seul  que  ce  son  uii  bien,  et  que  si  c'est 
un  mal  d'avoir  vécu,  u'est  une  lai^on  de  uliis  pour 
vivre  encore.  Ne  dis  pas  non  plus  qu'il   l'esl  permis 

de  n I  ir  ;  c.ir  auiaut  vaudrait  dire  qu'il  l'irsi  permis 

de  n'éire  pas  humilie,  qu'il  l'est  permis  de  te  révol- 
ter contre  l'Auteur  de  ton  être,  cl  de  tromper  la 
destination.  Le  suicide  est  une  mort  furiive  el  hou- 
leuse. C'est  lin  vol  lail  au  genre  humain.  Avant  de 
le  quitter,  rends-lui  ce  qu'il  a  fait  pour  loi.  —  Mais 
je  ne  liens  à  rien.  Je  suis  inutile  au  monde.  —  Phi- 
Ion. i|, lie  d'un  jour  !  ignores-tu  que  lu  ne  sau(  ais  laii  e 
un  pas  sur  la  terre  sarrs  trouver  quelque  devorv  à 
reiiiidir,  et  ipie  loiii  hoinnie  est  mile  à  i'Iiuinauiié, 
par  cela  seirl  qu'il  e.xisie?  Jeune  insensé!  s'ille 
icslc  uu  fond  du  cœur  leiiiuindresenliuieiUde  vertu. 


de  la  philosophie  a  été  porté  jusqu'à  vouloir 
faire  l'apolopie  de  ce  crime.  En  partant  des 
principes  de  l'athéisme,  plusieurs  incrédules 
ont  avancé  que  le  suicide  n'esl  défendu 
ni  par  la  loi  naturelle  ni  par  la  loi  divine 
po.silive,  qu'il  seinhle  même  approuvé  par 
plniieurs  exemples  cilés  dans  les  livres 
saints,  par  le  courage  de  plusieurs  martyrs, 
et  par  les  éloges  qu'en  ont  faits  les  Père*  de 
riiïlise.  Niuis  sommes  obligés  de  démontrer 
la  fausseté  de  toutes  ces  allégations. 

I.  Le  s'.ùcide  est  contraire  à  la  loi  natu- 
relle. 1°  Dieu  seul  esl  l'auleur  de  l,i  vie,  lui 
seul  a  droit  d'en  disposer;  el  quoi  qu'en  di- 
sent les  raisonneurs  alrabiLiires  ,  c'est  un 
bienfait.  Nous  le  sentons  par  l'horreur  na- 
turelle que  nous  avons  de  noire  destruction, 
et  par  l'inslinct  naturel  qui  nous  porte  à 
nous  conserver.  C'est  là-dessus  qu'est  fondé 
le  droit  que  nous  avons  de  défendre  noire 
vie  contre  uu  agresseur  injuste,  el  de  lui 
ôler  la  sienne  si  nous  no  pouvons  sauver 
aulremenl  la  nôtre.  Nous  défions  les  apolo- 
gisles  du  suicide  de  concilier  le  droit  de  la, 
juste  défense  avec  le  prétendu  droit  de  nous 
ôler  la  vie  quand  il  nous  plail.  2°  Dieu  ne 
nous  a  pas  ilonné  la  vie  pour  nous  seuls, 
mais  pour  la  soriélé  de  laquelle  nous  faisons 
partie.  La  même  loi  naturelle  qui  commande 
à  la  société  de  veiller  à  la  coiiservalion  de 
tous  les  meuibres  qui  naissent  dans  son  sein 
ordonne  à  chacun  de  ces  membres  de  lui 
rendre  ses  services,  et  de  contribuer  aulant 
et  aussi  longleiîips  qu'il  le  peut  au  bien  géné- 
ral de  la  société.  Dans  cette  oidigalion  mu- 
tuelle consisle  le  prétendu  pncte  social  ima- 
giné par  nos  philosophes,  mais  ce  ne  sont 
point  les  himmes  qui  l'ont  formé  par  une 
volonté  libre;  c'est  Dieu,  auteur  de  la  na- 
ture, qui  a  stipulé  pour  eux  au  moment  de 
leur  naissance,  uu  plutôt  au  moment  de  la 
création.  Loy.  Société.  Vainement  on  dit 
qu'un  malheureux  est  un  membre  inutile  et 
à  charge  à  la  société  ;  il  n'en  est  rien  :  quand 
il  n'y  servirait  qu'à  donner  un  exemple 
de  patience,  ce  serait  beaucoup,  et  rien  ne 
peut  l'en  dispenser.  3"  (ju'est-co  que  la  ver- 
tu ?  Suivant  l'énergie  du  terme,  c'est  la  force 
de  l'âme.  Si  uu  lionime  ne  veut  ou  ne  peut 
rien  souffrir,  de  quelle  force,  de  quelle  vertu 
csl-il  capable'?  Dirons  nous  que  par-  la  loi 
naliirells  uu  hommi!  esl  dispensé  d'avoir  do 
la  vertu?  Ce  n'éiail  pas  l'avis  des  slo'iciens; 
ils  pensaient  qu'un  homme  sans  vertu  n'élait 
pas  un  homme,  et  il  n'est  que  trop  prouvé 
que  de  toutes  les  verlus  la  patience  est  la 
plus  nécessaire.  A  la  vcrilé,  ces  philosophes 
se  contredisaient  eu  exallanl  d'un  côté  la  di- 
gnité de  l'homme  aux  prises  avec  la  douleur, 

viens,  que  je  t'apprenne  à  aimer  la  vie.  Cli3f|ue  fois 
que  lu  seras  leulé  d'en  sortir,  dis  en  loi-mèine:  Que 
je  fusse  encore  une  houne  uclion  avant  que  de  mourir; 
puis  va  chercher  quelque  indigeul  à  seeinrrir,  ipielqiie 
irrinrluné  :i  consoler,  quelipie  (qi|U'iiiié  à  déleudre. 
Si  ei'lle  corrsidéruliou  le  reiieni  anjourM'ii  ir,  elle  le 
relieiiilra  encore  ilemaiii,  a|M"s  dnri  du,  lonlelavie. 
Si  elle  lie  le  relienl  pas,  lueurs,  lu  n'es  (pi'iiii  nié- 
chant.»  {Esprit,  Hlaxiiues  et  Principes  deJ.-J,  lioui- 
scau.) 


S65 


SUI 


SlII 


fiC6 


etqui  se  montiMit  supérieur  dans  celle  espèce 
do  cuiiibal,  en  loiiani  de  l'autre  le  courage  de 
cens  (|ui  se  doiiiiaient  la  iikh  l  pour  se  sous- 
traire à  la  douleur  ou  au  regrel  du  n'avoir  pas 
réussi  dans  une  entreprise.  Celle  coiilradic- 
lion  nu'mc  anrail  dû  ouvrir  les  v<'ux  à  nos 
raisonneurs  nioderiies.  '••"lis  déclament  con- 
(rc  toutes  les  inslilulions  qui  seniblenl  nuire 
à  la  population  ;  c'est  pour  cria  qu'ils  ont 
Tait  tant  de  dissertalioiis  coniro  le  célit'al; 
or,  celui-ci  est  certainement  n)oins  contraire 
à  la  population  que  \o  suicide.  Il  y  a  plus  de 
domtnagc  pour  la  société  à  perdre  un  lioiume 
fait  (|ui  est  actuellemeot  en  étal  de  la  servir, 
qu'à  être  privé  de  quelques  cufauis  qui 
n'existent  pas  encore,  et  dont  la  plupart 
auraient  péri  avant  de  parvenir  à  l'âge  viril. 
Suivant  la  remarque  d'un  déiste,  dès  qu'un 
homme  est  assez  iorcené  pour  s'ôter  la  vie, 
il  est  le  maître  de  celle  d'un  autre,  quelque 
bien  gardé  qu'il  puisse  être.  5"  Un  incrédule 
même  a  tourné  en  ridicule  les  motifs  pour 
lesquels  les  insensés  do  nos  jours  ont  cou- 
tume de  renoncer  à  la  vie.  «  Les  (irecs  et  les 
llomaiiis  ,  dit-il ,  se  tuaient  a;  rès  la  perte 
d'une  bataille,  ou  dans  iiu  désastre  de  leur 
pairie,  auquel  ils  ne  voyaient  point  de  remè- 
de. Nous  nous  tuons  aussi,  mais  c'est  lorsque 
nous  avons  perdu  notre  argent,  ou  dans 
rc\ccs  d'une  folle  passion  pour  un  objet  qui 
n'en  vaul  pas  la  peine,  ou  dans  un  accès  de 
mélancolie.  »  Ç(/e.</i'o»t  sur  V Encyclopédie  ; 
De  Colon  et  du  Suicide.  Kn  eiïel,  nos  papiers 
publies  ont  rendu  compte  dt;  la  multitude 
de  suicides  qui  sont  arrivés  dans  noire  siè- 
cle ;  à  peine  en  trouvcra-t-on  un  seul  qui 
ne  soit  venu  de  près  ou  de  loin  du  liberti- 
nage, ils  ont  montré  les  tristes  efl'els  qu'ont 
produits  les  diatribes  absurdes  et  les  princi- 
pes tneurtriers  de  nos  philosophes  ;  ce  n'est 
pas  là  un  trophée  fort  honorable  à  la  piiilo- 
sophie  moderne.  6'  Les  plus  sagesdes  anciens 
philosophes,  Pjthagore  ,  Socrale  ,  Cicéron, 
condamnent  le  suicide,  comme  un  crime, 
comme  une  révolte  contre  la  Providence, 
Théoloijie  pa'ienne,  t,  11,  p.  316.  Si  les  épi- 
curiens ut  le  cuumuju  des  stoïciens  ont  pensé 
dilTéreniment,  c'est  qu'ils  n'admettaient  pas 
la  Providence.  iMais  il  est  faux  que  lipiclèle 
ait  été  dans  la  sentiment  de  ces  derniers, 
comme  on  l'a  dit  en  nous  donnant  la  morale 
de  Sénèque.  Epictète  pose  des  primipes  di- 
roclement  contraires,  A/anue/,  §2a,  i2,  etc.; 
nouveau  Manuel  fail  par  .Vrrien,  1.  i,  §  8 
et  38  ;  1.  m.  §  V2  ;  1.  iv,  §  38,  etc.  —  Toutes 
ces  preuves  ilemanderaient  à  être  dévelop- 
pées, mais  nous  ne  pouvun&  faire  que  les 
indi(|uer. 

11.  Le  suicide  est  défendu  par  la  loi  divine 
positive.  Dès  le  commencement  du  monde 
Dieu  a  interdit  l'homicide,  et  il  l'a  puni 
sévèrement  dans  la  personne  de  Caïn.GpKe*-., 
c.  IV,  V.  10.  11  eu  a  renouvelé  la  défense 
après  le  déluge.  Si  quelqu'un  répand  le  sany 
hwniiin,  il  en  sera  puni  pir  l'cp'usion  de  son 
propre  sang  ,  ;;(irce  que  l'homme  al  fail  à 
l'image  de  Dieu ,  c.  ix ,  v.  G  La  loi  du 
dècalogue,  Vous  ne  tuerez  point ,  n'est  i]ue 
la  lépétilion  de  la  loi  primitive.  Or,  il  n'est 


pas  plas  permis  à  l'homme  de  détruire 
limage  de  Dieu  dans  sa  personne  que  dans 
celle  d'un  autre. 

On  dit  que  cette  loi  souffre  des  exceptions 
elle  n'en  admet  aucune  que  quand  le  bien 
général  de  la  société  l'exige.  Or,  c'est  à  la 
société  même  de  juger  dans  quel  cas  sou 
intérêt  exige  (pie  l'on  condamne  à  mort  un 
malfaiteur.  Ce  n'est  point  à  tout  particulier 
qu'il  ap|iarlieut  d'en  décider,  aucun  n'a  le 
droit  de  se  eondamncr  lui-même  ;'i  la  mort; 
la  société  même  n'aurait  pas  ce  pouvoir,  si 
Dieu  ne  le  lui  avait  pas  donné.  Il  faut  doue 
prouver  que  le  suicide  est  coiilbrme  aux 
intérêts  de  la  société.  Sap.,  cap.  xvs,  v.  13  : 
C'est  vous  ,  Seigneur,  qui  avez  la  puissance 
de  la  vie  et  de  lamort...  Vn  Immine  peut  ôter 
la  vie  à  un  autre  pur  méclinnceié :  mais  il  ne 
peut  la  luivindre,  et  il  lui  est  impossible  de 
se  soustraire  à  votre  main.  »  Isai.,  cap.  xi.v, 
V.9  :  Malheur  à  celuiquirésisteA  son  Créateur! 
Un  vase  de  terre  dira-t-il  au  potier  :  Qu'avrz- 
vous  fait?  suis-jedonc  l'ouvrage  de  vos  mains? 
etc.  Or,  c'est  résister  à  Dieu  que  de  s'ôler 
la  vie  avant  qu'il  l'ait  ordonné. 

Cependant,  répliquent  nos  dissertaleurs , 
il  y  a  dans  l'histoire  sainte  plusieurs 
oseniples  de  suicides  qui  ne  sont  ni  blàmi-s 
ni  condamnés  ;  ils  citent  Abimélech,  Samson, 
Saiil,  .Achitophel,  Zamtiri,  Eleazar  et  Uazias. 
Il  faut  les  examiner  en  détail.  1°  Il  est  faux 
qu'aucun  de  ces  personnages  ne  soit  blâmé. 
Il  est  dit  d'.\bimélecli,  (lue  Dieu  lui  rendit  le 
mal  qu  il  avait  tait  à  sa  famille  en  égorgeant 
ses  frères  au  nomiiro  de  soixante  et  dix  , 
Jiidic,  e.  IX,  v.  30.  Saiil  est  représente 
coiiiiiie,  un  roi  réprouve  de  Dieu,  que  la  ven- 
geance divine  poursuivait,  et  à  qui  l'ombre 
de  Samuel  avait  prédit  une  mort  prochaine, 
Il  licg.,  c.  1 ,  V.  lo.  Al  hitopliel  est  point 
comme  un  traître,  infidèle  à  David,  son  roi, 
appliqué  à  confirmer  Absaion  ilans  sa  ré- 
volte, et  à  lui  suggérer  des  crim  's,  11  Reg., 
c.  XVI  et  xviii.  Za(nbri  était  un  usurpateur 
de  la  royauté  ;  l'écrivain  sacré  dit  qu'il 
mourut  dans  son  péché,  IV  Reg-,  c.  xvi, 
v.  18  et  19.  Ce  ne  sont  là  ni  des  éloges  ni 
des  approbations.  2"  Samson  et  Kléazar  ne 
lurent  point  .«utcicies  ;  en  se  livrant  à  une 
mort  ccitaine,  leur  principal  dessein  n'était 
point  de  se  détruire,  mais  de  venger  leur 
nation  do  ses  ennemis.  Samson  prie  Dieu  do 
lui  rendre  la  force  ,  pour  tirer  vengeance 
des  outrages  des  Philistins  ,  Jadic,  c.  xvi, 
V.  2S.  Il  e-t  dit  d'Jiléazar  qu'il  se  livre  à  la 
mort  afin  de  ilélivrer  son  peuple  ,  Machab., 
c.  VI,  v.  'il.  L'on  n'a  j.imais  ti  ailé  de  suicides 
les  dévouements  si  célèbres  dans  l'histoire, 
ni  le  courage  de  ceux  qui  se  sont  livrés  à 
un  vainqueur  irrité  afin  do  sauver  leurs 
concitoyens ,  ni  l'intrépidité  des  guerriers 
qui  se  sont  jetés  au  milieu  des  bataillons 
ennemis,  dans  lo  dessein  d'insp  rer  1 1  même 
valeur  à  leur  soldats.  3'  Les  éloges  qui  sont 
donnés  à  Kazias  dans  le  second  livre  des 
Machabées,  c.  X!v,  v.  iO  et  seq.,  font  une 
plus  granJo  .tiinculté.  Ce  Juif  se  tua  pour 
éviter  de  tomber  entre  les  m  lins  des  satel- 
lites qui  le  poursuivaient,  cl  pour  se  sous- 


tl67 


SUl 


sut 


»G8 


Iraire  aux  toarments  qu'on  lui  préparait 
dans  1<'  de.ssoin  île  lui  faire  chan{»er  de  reli- 
gion. On  ppul  l'excnser  par  l'intention  et 
par  le  défaut  de  réflexion  dans  une  détresse 
aussi  cruelle.  Sa  conduite  est  louée  comme  un 
îraitde  C"'ira^'e,  ei  non  connue  l'elTet  d'un 
ïèle  éclairé.  Ainsi  en  a  jugé  sfiint  Augustin, 
.1.  II,  contra  e.pisl.  Gnudnnl.,  v.  '23  Ce  n'est 
point  ici  un  liypocondre  qui  se  lue  do  sang- 
âroid  (lour  se  délivier  du  fardeau  de  la  vie; 
c'est  un  iiotnme  troublé  à  la  vue  du  péril ,  et 
qui  de  deux  maux  inévitables  choisit  celui 
qui  lui  parait  le  moindre.  Il  en  a  été  de 
même  de  plusieurs  niariyrs  dont  on  nous 
objectera  bientôt  l'exemple. 

III.  Les  apologistes  du  sitiride  ont  poussé 
plus  loin  la  témérité,  en  affirniant  que  ce 
crime  n'est  point  tléfendu  dans  l'fîvangile. 
Nous  pourrions  nous  borner  à  répondre 
qu'aucune  loi  positive  n'a  j  imais  défendu  ni 
la  démence  ni  la  frénésie;  mais  nous  soute- 
nons que  celle  dont  nous  p,irl;)ns  est  défen- 
due p^ir  tons  les  pass.iges  de  l'I^lvant^ile  qui 
commandent  |,'i  patience  dans  les  aiflictions, 
et  qui  pronieiteiit  à  c  tte  vertu  une  réoni- 
pense  cti  ruelle.  Saint  Paul,  après  avoir  raj)- 
pele  aux  (idèles  tout  ce  qu'ont  soulTert  les 
anciens  justes,  leur  dit  :  A  la  vue  de  celle 
nuén  de  tnnoins,  ronrons  par  la  patience  nu 
combat  qui  nous  ntlend,  en  fixant  nos  re/jards 
sur  Jésus  ,  auteur  et  conxomutaleur  de  notre 
foi,  qui  a  souffert  la  mort  de  la  iroix  ,  et  a 
bravé  les  iiinominies  en  considération  de  la 
gloire  qu'il  altemlnit  ,  et  qui  est  assis  à  la 
droite  de  Dieu  {llebr.  x;i,  I).  II  leur  repré- 
sente que  Dieu  les  aime,  puisqu'il  les  châtie 
conmie  un  père  corrige  ses  enfants.  Si  un 
furieux,  déterminé  à  trancher  le  fil  de  ses 
jours,  était  capable  de  faire  attention  à  celle 
morale,  il  sentirait  le  crime  qu'il  commet 
en  voulant  se  soustraire  aux  châiimeiils  que 
Dieu  lui  envoie,  cl  qu'il  n'a  que  trop  méii- 
lés  DU  par  son  imprudence  ou  par  son  li- 
bertinage. 

Un  clirelien  qui  s'est  livré  à  des  passions 
déreg  ées  ,  et  qui  y  trouve  son  malheur, 
rentre  en  lui-même,  s'écrie  avec  un  roi  pé- 
nitent :  Vous  êtes  juste,  S  igniur,  et  dos  ju- 
gements sont  l'équité  même.  Un  incrédule  se 
seul  puni  par  où  il  a  péché,  brave  la  justice 
divine,  et  prétend  :ui  échapper  en  s'ôtant  la 
vie;  elle  salira  s'en  venger. 

Que  dire  à  un  insensé  ()ui  a  osé  écrire  que 
s'il  est  vrai  que  le  Mes  ie  des  chrétiens  est 
mort  de  son  plein  gre,  il  a  évidenwnent  été 
suicide?  Jésus  Chii:;!  n'a  point  excité  les 
Juifs  à  le  faire  mourir,  il  leur  a  reproché 
d';ivance  le  crime  qu'ils  allaient  commettre. 
Il  s'est  livré  à  la  mort  non  par  dégoût  de  la 
vie  m  par  impatience  dans  la  d.iuleur,  mais 
pour  raclieler  le  genre  humain  de  la  mort 
é  Cl  iielle,  pour  le  salul  de  ceux  mêmes  qui 
l'ont  crucifié.  11  s'est  oITert  pour  victime 
de  notre  réde(uplioii  ,  avec  plein  pouvoir  de 
donner  sa  rie  et  de  lareprendre  (Jonn.  x  ,  v. 
18),  el  avicune  cerlilude  entière  de  ressus- 
citer iroi^  jours  après.  H  a  ain^i  coiininié  sa 
doctrine  parson  exen)|ile,il  u  inspircîemcme 
courage  à  des  milliers  de  martjrrs,  et  pdr  s% 


croix  il  a  converti  le  monde.  Encore  une 
fois,  s'exposer  à  une  mort  certaine  pour  sau- 
ver la  vie  à  un  nombre  de  citoyens,  ce  n'est 
point  un  suicide  ,  mais  un  trait  de  courage 
héro'ique;  faire  ce  sacrifice  pour  sauver  le 
monde  entier  d'un  supplice  éiernel,  c'est  la 
charité  d'un  Dieu. 

Mais,  au  jugement  denos  dissertaleurs,  la 
plupart  des  martyrs  ont  été  des  fanatiques; 
les  uns  sont  allés  en  foule  se  présenter  au 
fer  des  perséenteurs  ;  c'est  ce  que  fit  une 
troupe  de  chrétiens  d'Asie,  à  l'arrivée  du  [iro- 
consul  Arrius  Anioninus;  d'aulres  ont  sauté 
eux-mêmes  dans  le  bûcher  allumé  pour  les 
intimider,  comme  fit  sainte  Apollonie,  l'an 
249;  d'aulres  se  sont  précipitées  pour  ne  pas 
tomber  entre  les  mains  des  soldats  et  de  peur 
de  perdre  leur  chasteté;  on  cite  à  ce  sujet 
l'exemple  de  sainte  Pélagie,  jeune  vierge  de 
quinze  ans,  qui  en  agit  ainsi  l'an  311.  l.,es 
Pères  de  l'Kglise,  samt  Jérôme,  saint  Am- 
broise,  saint  Jean  Chrysoslome,  ont  donné 
à  celle  dernière  les  plus  grands  éloges;  ils 
ont  décidé  qu'il  n'est  pas  permis  de  se  faire 
mourir  soi-même  ,  ercepté  quand  on  court 
risque  de  perdre  sa  chasteté.  Saint  Augustin 
n'excuse  ces  marl.rs  qu'en  supposant  gra- 
tuilemenl,  aussi  bien  que  saint  Jean  Chry- 
soslome, qu'ils  ont  agi  par  une  inspiration 
divine;  mais  Dieu  n'inspire  point  une  action 
mauvaise  par  elle-même  et  contraire  à  la  loi 
naturelle.  De  là  Barbeyrnc  est  parti  pour 
faire  une  éloquente  déclamation  contre  les 
Pères  de  l'Eglise,  et  pour  prouver  qu'ils  ont 
enseigné  une  fausse  morale  ,  Traité  de  la 
morale  des  Pères  deV F.glise,  c.  15,  §  7,  pag. 
243.  Un  déiste  ,  prenant  le  ton  d'oracle  ,  a 
prononcé  celle  maxime  :  Le  vrai  martyr  at- 
tend la  mort,  l'enthousiaste  y  court. 

Examinons  tous  ces  faits.  1°  Nous  soute- 
nons que,  dans  ces  difTércnls  cas,  les  mar- 
tyrs n'ont  point  péché.  Les  chrétiens  d'Asie, 
sainte  Apullonie  et  auties  semblables  ,  n'a- 
vaient point  pour  but  de  se  détruire,  mais  de 
convaincre  les  persécuteurs  de  rinutillté  des 
menaces  et  de  l'appareil  des  supplices  pour 
intimider  les  chrétiens  et  [)0ur  détruire,  le 
christianisme;  leur  dessein  était  donc  d'ar- 
rêter les  fureurs  île  la  perse,  ution  ,  et  de 
sauver  la  vie  de  leurs  frères  en  exposant  la 
leur  :  nous  répétons  pour  la  troisième  fois 
que  ce  n'est  point  là  un  cITel  de  la  frénésie 
dps  suicides ,  mais  un  trait  de  charité  hé- 
ro'ique.  Ainsi  pensait  saint  Paul,  lorsqu'il 
disait,  //  Cor.,  c.  xii,  v.  15  :  «  Je  donnerai 
volontiers  tout,  el  je  me  donnerai  encore  moi- 
même  pour  le  salut  de  vos  Ames.  <>  Ces  chré- 
tiens ne  se  irompaient  pas  ;  Tertullien  nous 
fait  entendre  que  Arrius  Anioninus  sentit  à 
quels  hommes  il  avait  aHaire  ;  il  répond  avec 
éionneiiienl  et  avec  indignation  :  Malheu- 
reux, n'avez-vous  donc  pus  des  cordes  et  des 
précipices  pour  vous  détruite?  'rertullien  cite 
cel  exemple  à  Scapula,  gouverneur  de  Car- 
thage  ,  pour  le  détourner  de  poursuivre  les 
chréiiens  par  des  supplices.  L.  ad  Scupul. 
On  sait  que  Dioclétiin  alléguait  le  même 
motif  pour  i.c  pas  recommencer  la  persoLU- 
liun,  l'uu  303;  Lactant.,  de  Mort,  persec,  S 


6G9 


sut 


SUP 


570 


11.  Libanius,  dans  l'Oraison  funèbre  de  t'em- 

S\erenr  Julien,  n.  58,  nous  a|i|irpiiJ  que  ce 
lit  encore  la  rai-ion  qui  ptnu<"'clia  ce  prince 
de  piililicr  des  cdits  san^laiils  conirc  les 
thréliens.  Avons  nous  à  rougir  de  ce  que 
leur  courage  iiilrépide  a  enlin  désarmé  les 
Ijrans?  —  2"  Nous  soulenons  emure  nue 
gaiiile  Pélagie  et  ses  semhlaliles  n'oiil  piiiul 
élé  suicides,  et  (lue  les  Pèr^s  non!  p.is  eu 
lorl  d'en  faire  l'élupe.  Il  ii'esi  p;is  qui-siion 
de  savoir  si  une  lirulale  violence,  eiulurée 
malgré  soi,  fait  périr  ou  non  la  chasteté.  iu;iis 
de  savoir  si,  dans  cette  épreuve  lerriiile  ,  il 
n'y  a  aucun  danger  de  consentir  an  péché 
Il  de  succouiher  à  la  f îihiesse  de  la  nature. 
Qui  est  la  personne  veriuense  qui  oserait 
répondre  d'elle-mêine  en  pareil  cas?  Or, 
préférer  la  mort  à  une  tentation  violente  et 
à  un  danger  immiu' ni  d'olïenser  Uii'U  ,  ce 
n'csl  point  un  crinie,  mais  un  trait  d'amour 
pour  Dieu  porté  au  plus  haut  degré.  C'est 
ainsi  que  saint  Paul  a  conçu  la  chasteté 
parfaite,  lîom.,  c.  8,  v.  3o.  Nous  ne  craignons 
pas  de  défier  Barbeyrac  et  ses  copistes  de 
prouver  le  contraire.  Nous  n'avons  donc  pas 
besoin,  pour  jusiifier  sainte  Pélagie  et  ses 
imitatrices,  de  leur  supposer  ou  un  excès  de 
crainte  qui  leur  a  ôte  la  réflexion  ,  ou  une 
espérance  mal  fondée  d'échapper  à  la  mort 
en  se  précipitant  ,  ou  une  inspiration  de 
Dieu  qui  l<'s  a  fait  agir;  les  Pères  savaient 
sans  doute  qnc  Dieu  n'inspire  point  une 
action  critninelle;  ils  n'ont  supposé  cette 
inspiration  (jue  parce  qu'ils  élaient  persua- 
dés que  le  inolifde  ces  saints  martyrs  était 
non  seulement  innocent,  mais  louahle  et 
héroïque,  et  nous  le  pensons  (omme  eux. 
Il  n'est  donc  pas  vrai  que  les  Pères  ont  été 
séduits  par  une  estime  excessive  et  aveugle 
de  la  ehas'elé,  comme  Barbeyrac  le  prétend; 
c'est  lui  qui  est  aveuglé  par  le  préjugé  des 
protestants,  qui  alTectent  de  déprimer  celte 
vertu;  elle  a  été  ailmirée  par  les  païens 
mêmes  dans  les  femmes  cl  les  vierges  chré- 
lienne'^.  Les  pio'estants  ont  mis  au  nombre 
de  leurs  prétendus  martyrs  ,  et  ont  loué  à 
l'excès  des  forrenés  doiii  le  fanatisme  était 
mieux  caractérisé  que  celui  qu'ils  allribuent 
aux  martyrs  du  cbrislianisiiie.  S  lint  Justin  , 
Apol.  Il,  II.  4,  répond  aux  païens  qui  deuian- 
daieni  :  Puurqnoi  ne  vous  tuez  vous  pas  tous, 
afin  de  nous  déharrasser  de  vous?  «  Dieu  nous 
orduniie  ae  nous  conserver  pour  l'honorer, 
le  servir,  et  le  faire  connailre  à  tous  ceux 
qui  ne  le  connaissent  pas.  » — 3"  Nous  ré- 
pondons aux  déistes  que  les  Diart\rs  dont 
nous  parlons  n'ont  point  couru  à  la  mort , 
mais  qu'ils  ont  élé  forcés  de  s'y  livrer  par 
la  fureur  impie  des  tyrans  :  que  d'ailleurs 
toute  espèce  d'enthousiasme  n'est  pas  un 
vice;  c'est  une  veitu  ,  lorsqu'il  porte  à  des 
actions  louables  et  héroïques,  et  c'est  l'ea- 
tliousiasmc  prétendu  des  niariyrs  qui  a 
conveiti  les  païens.  Voy.  .Martyks. 

Il  serait  inutile  de  réfuter  en  délai!  les 
sophismes  sur  lesquels  les  apologistes  du 
suicide  uni  londé  leur  doctrine;  tous  portent 
ou  sur  l'hypotliè-e  absurde  de  l'ailiéisme  et 
(le  la  fatalité,  ou  sur  ce  luux  principe,  que  la 


vie  nous  a  été  donnée  pour  nous  seuls,  que 
nous  no  devons  rien  à  nos  semblables  ,  et 
que  nous  ne  sommes  obligés  de  rendre 
compte  de  nos  aclioiis  à  personne    1). 

suLPiCEsÉvÈiu-:,  ou  sfiv(;iin:  suLPici', 

auli  ur  ecclésiastique,  né  dans  r.\quilaine, 
et  qui  est  mort  au  commenccoienl  du  v" 
bièrle.  H  est  certain  qu'il  était  prêtre,  qu'il 
a  vécu  et  qu'il  est  mort  en  odeur  de  saiiiteié. 
Il  a  écrit  dins  un  latin  très  pur  un  abrégé 
de  l'hisioire  sainte,  la  Vie  de  saint  Martin  , 
auquel  il  fut  alla  hé  pendint  plusieurs  an- 
nées; des  di.ilogues  et  di'S  lettres.  L'édition 
la  plus  récenle  de  ses  ouvrages  a  été  faite 
à  Vérone  en  1712,  en  2  vol.  in-lolio.  On 
prétend  qu'il  donna  dans  l'erieur  des  millé- 
naires, et  qu'il  se  laissa  surprendre  par  les 
dehors  de  la  vertu  que  montr. lient  les  péla- 
giens  :  mais  on  assure  qu'il  se  détrompa 
dans  la  suite.  Il  ne  faut  pas  confondre  cet 
écrivain  avec  saint  Snipice,  archevêque  de 
Bourges,  qui  a  vécu  au  vT  ou  au  vu"  siècle. 
Voy.  Histoire  litlf'r.  de  la  France  ,  t.  11  , 
p.  95  ;  Fies  des  Pères  et  des  Murlyrs,  t.  1  , 
p.  G80;  Histoire  de  l'Eglise  gallicane,  1.  m  , 
an  39'». 

♦SUPERNATURALISME.  Le  raiion^lisnie  :ivaii 
ffliié.iiili  tous  les  diigmes  el  loiis  les  iiiysiéres  (  Voy. 
IUtioxalismë,  Kantisme,  Crétinishe,  I'.xécète,  elc.  ). 
Il  se  préseiila  îles  cliampiuiis  piiiirsoiileiiirrnrieiiieiit 
ta  doctrine  du  siirn  tnrel.  Au  iinlieii  de  la  iiiéli  e  des 
coiiiliallaiils  se  présenia  un  pacilicaleiir.  Sclileier- 
inacher  prélendit  salisl.iire  les  deux  partis.  Il  dit 
aux  ratiniia  istes  :  Adnieiiez  les  dngin<s  cl  les  mira- 
cles elirélieiis,  iiiHi  coiiiiiie  ditiiieineiii  iiiaiiileslés, 
ni;iis  comme  liisKiriipiemeiil  consialés,  el  vnlie  rai- 
son sera  pleiiiement  saiisfaiie  ;  il  iniuilra  aux 
seconds  le  sumalurel  déciiulanl  de  la  vérité  liisUiri- 
qiie.  Ce  sysième,  laii  6l  raiionalisie,  taiiioi  do;;iiia- 
tiipie,  fui  leimnié  avec  iiié|iris  le  Snpernaturalisme. 
Viveineiii  aiiaipié  par  les  deux  parus,  il  succomba 
bieiiiôi  sous  leurs  coups. 

SUPERSTITIEUX,  SUPERSTITION.  Ces 
deux  termes  sont  dérivés  du  latin  suiierstare, 
synonyme  de  superesse  ,  éire  surabondani  ; 
par  conséquent  la  supers  tVion  est  un  culte 
excessif  et  supeiflu.  Les  (iiecs  l'appelaient 
îi'o-i5ztuo.i«,  la  crainte  des  démons  ou  génies, 
qu'ils  pr<'iiaient  pour  des  dieux  ;  conséquem- 
uieiil  quelques  pliilosophes  du  jour  disent 
que  la  superstition  est  un  trouble  de  l'àiue 
causé  par  une  crainte  excessive  de  la  Divi- 
nité. La  crainte  est,  sans  doute,  une  des  prin- 
cipales causes  de  la  superslilion  ,  mais  ce 
n'est  pas  la  seule,  il  n'est  aucune  passion 
de  l'hoiiime  qui  ne  puisse  le  rendre  supersti- 
tieux;  d'autres  écrivains  mieux  insLuits  en 
Sont  convenus. 

Est-ce  la  crainte  seule  ijui  a  fait  imaginer 
aux  premiers  polythéistes  la  multiiude  d'es- 
prits, de  génies,  de  démons,  par  lesquels  ils 
ont  cru  que  toute  la  nature  était  .iiiiraé  •  ,  et 
auxquels  ils  ont  attribué  tous  les  pliéiio- 
méiies  bons  ou  mauvais  qui  y  arrivent  ?  Non, 
puisque  les  philosophes  mêmes  ont  généra- 
iemeiK  suivi  celle  opinion.  C'était  la  difliculté 
de  concevoir  le  mécanisme  de  la  nature  ,  la 

(I)  Vol/.  Ditiiuaiiaire  de  Tliéologie  morale,  art. 
Si'itiii^. 


571 


SUP 


SUP 


57-2 


liaison  descausosphysiquesavec  leurs  effets, 
la  contrariété  drs  phénomènes  qui  y  arrivent, 
et  de  romjirendrc  qu'un  seul  esprit  pût  être 
assez  puissant  pour  loul  faire  et  i.our  tout 
con  hiirc  par  un  seul  acte  de  sa  volonté.  La 
révélation  seule  pouvait  apprenlrc  aux 
hommes  cette  vérilé  sublime  ,  qui  était  la 
conséquence  naturelle  de  la  création  :  Dieu 
l'avait  en  effet  révélée  aux  premiers  hom- 
mos;  mais  leurs  descfodants  ne  lardèrent 
pas  de  l'oublier,  et  ils  se  trouvèrent  pIon';;és 
dans  la  même  ignorance  que  si  Dii  u  n'avait 
jamais  parlé.  Si  la  crainte  seule  avait  été  la 
cause  de  leur  erreur,  ils  n'auraient  im?iginé 
que  des  divinités  terribles  et  malfaisanlos  ; 
or,  il  est  constant  que  l'on  en  avait  forgé 
pour  le  moins  autant  de  bonnes  que  de  mau- 
vaises, et  qu'en  général  on  croyait  les  dieux 
plus  enclins  à  faire  du  bien  que  du  mal  :  dii 
dalorrs  bnnorum,  c'est  ainsi  qu'on  les  nom- 
mail  ordinairement.  Voy.  Religion,  §  2. 

Lorsque  le  laboureur  inventa  vingt  divi- 
nités pour  présider  à  ses  travaux  et  pour 
veiller  sur  ses  moissons,  lorsqu'il  leur  pro- 
digua les  respects  et  les  offrandes  ,  il  élait 
moins  conduit  par  la  crainte  que  parl'inli^- 
rél  et  par  la  cupidité.  Les  mères  et  les  nour- 
rices, qui  en  forgèrent  un  plus  grand  nom- 
bre pour  protéger  la  naissance  et  l'éducaiioii 
des  enfants  ,  agissaient  par  une  folle  ten- 
dresse et  par  vanilé,  c'était  pour  donner  plus 
d  importance  à  leurs  occupations.  Ceux  qui 
étiiient  dominés  par  la  frénésie  de  l'amouf 
mettaient  en  usage  les  philtres,  les  enchan- 
lemenls,  les  conjurations,  pour  engager  une 
divinité  à  toucher  le  cœur  de  la  personne 
qu'ils  idolâiraienl.  Les  vinJicatifsen  faisaient 
anianl  par  le  désir  île  nuire  à  leurs  ennemis. 
Les  voleurs  mêmes  se  llaliaient  de  réussir 
en  adressant  des  vœux  à  Mercure  et  à  La- 
verne;  la  crainte  n'élait  pas  le  principal 
ressort  qui  les  l'.ilsait  agir. 

Aliribuons-noiis  à  ce  motif  la  confiance 
que  les  stoïciens  avaient  à  la  divinoiion  , 
aux  augures,  aux  pronostics?  C'étaient  de 
mauvais  raisonneurs  qui  liraienl  de  fausses 
conséquences  de  (|uelques  phénomènes  na- 
turels. Les  épicuriens  supersliliiux  étaient 
dés  hjpocriles  qui  voulaient  tromper  le 
peuple,  et  se  ju'itifier  du  reproi  he  d'irréli- 
gion. Les  Ihéurgisles  des  m'  et  iv°  siècles 
furent  des  philosophes  orgueilleux  qui  se 
croyaient  dignes  d'avoir  un  commerce  ira- 
mé«lial  avec  li's  dieux.  Nous  pourrions  pous- 
ser ce  détail  beaucoup  plus  loin;  mais  c'en 
est  a^sez  pour  démontrer  que  toute  passion 
quelconque  portée  à  un  certain  degré  est 
capable  d'altérer  dans  l'homme  les  liées  et 
les  senlimenls  de  religion,  de  lui  inspirer  de 
fausses  notions  de  la  divinité,  et  de  le  ren- 
dre sujjeistilieux;  et  nous  pourrions  confir- 
mer ce  fait  par  l'aveu  formel  de  plusieurs 
incrédules.  Nous  convenons  cependant  que 
l'exeès  en  fait  d'auslérités,  de  pénitences,  de 
mortifications,  vient  souvent  d'une  crainte 
c\cessive  de  la  Divinité,  d'une  mélancolie 
naurelle,  ou  des  remords  d'une  conscience 
alaroiée.  Mais  lorsque  les  pythagoriciens,  les 
or.phi(iues,  les  stoïciens,  les  platoniciens,  les 


épicuriens  même  ont  exhorté  leurs  disciples 
à   dompter  les  appétits   du  corps  ,  ils  n'ont 
point   donné  pour  molif  la  crainte  de  la  Di- 
vinité ;  ils  ont  dit  que  la  dignité  de  l'homme 
exige  qu'il  se  rende  maître  de  lui-nième  et 
(|u'il  ne  ressemble  point  aux  animaux.  D'ans 
cette  matière,  l'excès  seul  peut  être  taxé  do 
siiperstition,  parce  Dieu  commande  à  l'hom- 
me, imu  de  se  détruire  lentement,  mais  de 
se  conserver;  ainsi  où  la  superstition  com- 
mence, la  religion  finit.  Foj/.  MoRTlFlCATlo^. 
Lorsque  nos  incrédules  ont  décidé  que  le 
culte  divin  doit  être  réglé  par  la  raison,    ils 
ont  supposé  sans  doute  que  la  raison   n'est 
jamais  obscurcie  ni  égarée  par  les  passions; 
mal  heureusement  l'expérience  prouve  qu'elle 
l'a  été  dans  tous  les  temps.  Janiais  il  n'y  eut 
de  peuple  plus  supersliCieux  que  les  Grecs  et 
les  Romains  ,  c'étaient  cependant  ceux  diî 
tous  les   hommes  qui  paraissaient  les   plus 
raisonnables,  les  mieux  policés  et  les  mieux 
instruits;  elles  philosophes,  malgré  la  su- 
périorité de  leur  raison,  avaient  augmenté 
le  mal,   au  lieu  d'y  remédier.  De  là  même 
nous  concluons  qu'il  élait  absolument   né- 
cessaire que  Dieu  prescrivît  lui-même  dès  le 
commen;  emenl  du  monde   toutes  les   prali- 
ques    du  cul'e  qui  devait  lui  être  rendu,   et 
qu'il   défendît    toutes  celles    qui    pouvaient 
être  une  source  d'erreurs  et  de  crimes.  Sans 
Cela  l'homme,  toujours  dominé  par  les  pas- 
sions, aurait  été   superstilieux  et  non  reli- 
gieux. Aussi  Dieu  y  avait  pourvu.  Il  enseigna 
lui  même  aux  patriarches  la  manière  dont  il 
voulait   être  honoré  ,  et  les  praiiques    qu'il 
leur    prescrivit  étaient  analogues  à    l'état 
dans   lequel    le   genre   hutnain    se   trouvatt 
pour    lors.  Cet  étal  avait   beaucoup  changé 
lorsqu'il  donna  aux  Juifs  par  Moïse  une  loi 
cérémonielle,  et  celle-ci  l'ut   de  même  rela- 
tive aux  circonstances  du  temps  ,  des  lieux 
cl   du    caract:'re  pariiculier  de  ce    peuple. 
Knfiii,  il   a  établi    par   Jésus-Chrisl  et   par 
ses  apôlies  le  culte  en  esprit  et  en  vérilé  ;  et 
comme  celui-ci  convi  ut  à  toutes  les  nations 
et  à  tous  les  lemps,   il  doit  durer  jusqu'à  la 
consommalion  des  siècles.  Voy.  Culte,  Ré- 

VÉL4TI0N. 

C'est  donc  abuser  des  termes  que  de  pré- 
tendre qu'il  y  avait  de  la  superstition  dans 
le  culte  des  patriarches,  ou  dans  celui  des 
Juifs;  il  ne  peut  y  avoir  rien  d'excessif,  rien 
d'inutile  ni  de  superflu  dans  ce  que  Dieu  a 
prescrit;  on  ne  doit  appeler  superstitieuses 
que  les  pratiques  ((ue  Dieu  n'a  ni  comman- 
dées ni  approuvées,  ni  par  lui-même  ni  par 
ceux  qu'il  a  chargés  de  déclarer  ses  volontés 
aux  hommes.  Ces  mêmes  réflexions  suffi- 
sent pour  démontrer  la  fausseté  d'une  autre 
imagination  des  incrédules  :  ils  disent  que 
toutes  les  superstitions  et  les  erreurs  en  fait 
de  religion  sont  venues  de  la  fourberie  des 
imposteurs  ou  des  prétendus  inspirés,  et  de 
l'inlérél  des  prêtres.  U  n'y  avait  point  do 
prêtres  ,  lorsque  le  polythéisme  el  l'idolâtrie 
oui  commencé,  le  père  de  famille  él.iil  pour 
lors  le  seul  minisire  de  la  religion,  e!  il  est 
difficile  de  croire  qu'aucun  père  ait  pu  avoir 
intérêt   de    tromper    ses   enfants,  à  moin» 


575                                   SOP  SUP                                    874 

qu'il  n'ai!  commeiK  é  par  s'aliuser  lui-niêtnn.  sont  roiises  lois   lorsque  Dieu  ne  les  a   ni 

Dr,    1(>  polythéisme  et   l'idoiâlric  ont  é(,' la  ci>:nm.indps  ni  approuvés  ;  or,  moiilrez-notis 

premiùrc  source  de  tontes  les  suprrslitions  d;ins  l'Rcriture  sainte  que  Dieu  a  commande 

possibles.  Quand  l'Kcrilure  sainte  ne  nous  eu  ou  formellement  ;ipprouvé  tout  ce  que  pra- 

assnrerait  p.-is,  Sap,c.  xiv,  v.  27,  nous  en  tiqtiel  F^lise romaine.— 7f^/;o»sc. Nonsavons 

seiioiis  encore  convaincus  par  la  nature  des  déjn  satisfait  à  cette demnndeauxarticli-s Bt- 

clmscs  et  par  l'expérience.  Lorsque  les  irn-  NÉniCTKiN,  Cékémotiie.  Exoucismk,  LiTi'Rr.iiî, 

pos'eurs    sont    arrivés  ,    le    mal    était    déjà  ONCriox  ,    Sacre>ii:\t,  etc.,  et    nous  avons 

fait,   il»  n'ont  eu  besoin   que    de   suivre   le  prouvé  que  ces  rites,  taxés  de  suptrslilioiis 

chemin  qui  avait  égaré  les   liommrs  ;  plu-  parles  prnipstants,  sont   espressément  fon- 

sieiirs  incre.iulesoni  encore  fait  Cft  aveu.  dés  sur  l'Ecriture  sainte.  2°  Nous  avons  fait 

La  plu- od  euse  de  toules  les  sit/;c/-s<(7ions,  vnir  que  les  cérémonies  qu'ils  prétendent 
les  satrilicos  des  victimes  liumaincs,  est  VI-  avoir  été  empruntées  des  païens,  ont  été 
nue  de  la  ven;;eance  des  <;uerriers  et  de  la  consacrées  au  culte  du  vrai  Dieu,  avant  que 
cruaniédes  anthropophages  ;  la  sorcellerie  et  les  païens  les  eussent  profanées  par  le  culte 
la  maiïie  sont  mes  du  désir  de  se  guérir  d'une  des  fausses  divinités  ;  il  n'a  donc  pas  été  né- 
maladie,  de  se  procurer  un  bien,  ou  de  faire  cessairc  de  les  emprunter  d'eus.  Jésus- 
du  mal  aux  antres;  la  confiance  aux  son-  Christ  a  t-il  fait  cet  emprunt  en  instituant 
gcs  ,  aux  présages,  aux  aruspices  ,  fut  le  bapléme  et  l'eucharistie ,  en  faisant  des 
l'ellet  d'une  curiosité  elTrénée  de  conîiaiire  exorcistiics  ,  en  imposant  ses  mains  sur  des 
l'avenir;  en  pailanl  de  toutes  ces  pratiques  enfants  ,  eu  soufflant  sur  ses  apôtres  pour 
nous  en  avons  montré  l'origine.  Quand  nous  leur  donner  le  Saint  Esprit  ?  Ceux-ci  ont- ils 
parcourrions  tout  le  rituel  du  paganisme  copié  le  paganisme,  eu  ordonnant  des  évé- 
ancien  et  moderne,  nous  verrions  partout  les  qnes  et  des  préires,  en  donnant  le  Sainl-Es- 
niémes  causes  produire  les  mêmes  effets.  Les  pril  par  l'imposilinn  des  mains,  en  faisant 
iniposicurs  qui  sont  survenus  ont  su  profi-  d.'s  (Giclions  sur  les  malades,  en  recomman- 
ler  des  passions,  de  la  faiblesse  et  de  la  cré-  dant  les  cantiques  cl  les  offrandes?  Les  pro- 
dulité  des  hommes,  pour  se  donner  de  la  lestants  n'ont  pas  vu  que  leur  reproche  re- 
répulation,  du  crédit,  des  richesses;  les  uns  tombait  sur  Jé<us-Chrisl  et  sur  les  apAires. 
se  >onl  vantés  de  guérir  les  maladies,  les  au-  oslieim,  qui  accuse  les  pasteurs  de  l'Eglise 
très  de  connaître  l'avenir,  ceux-ci  de  [lou-  d'avoir  adopté  plusieurs  rites  des  p  lïens,  n'a 
voir  changer  le  cours  de  la  naluie  et  d'en-  cité  pour  garants  que  des  sectaires  aussi  en- 
voyer des  iléaux,  ceux-là  d'avoir  les  esprits  télés  que  lui,  et  il  est  forcé  d'avouer  que  la 
ou  les  démons  à  leurs  ordres  :  ils  sivaieiit  plupart  ont  poussé  Irop  loin  le  par.illôlo 
que  des  ignorants,  avilies  de  merveilleux,  qu'ils  en  ont  fait;  il  s'attache  à  prouver  au 
étaient  très-dispovés  à  les  croire  ;  mais  ils  contraire  que  les  défenseurs  du  paganisme  , 
n'ont  pas  été  les  auteurs  de  la  crédulité  po-  les  éclectiques  du  quatrième  siècle,  ont  co- 
pulaire.  pié  plusieurs  pratiques  et  plusieurs  dogmes 

Est-il  vrai,  comme  on  l'a  écrit  cent  fois  ,  des  chrétiens.  Disserl.  sur  l'hisl.  ecclés.,  1. 1 , 
que  les  sonveiains  ont  plus  à  redouter  les  p.  230.  Rien  de  plus  ridicule  que  de  le  voir 
elTels  de  la  siipcrslilion  el  du  lanalisme  que  répéter  à  chaque  siècle  dans  son  Hist.  ecclés. 
ceux  de  l'incrédulilé?  C'est  comme  si  l'on  que  les  siiperstilions  furent  angminlées, 
disait  que  les  passions  des  hommes  qui  onl  poussées  à  l'excès,  substituées  partout  à  la 
une  religion  capable  de  les  réprimer  sont  vraie  piété,  etc.,  sans  qu'il  ail  jam  lis  dai- 
plus  red.iutables  que  les  passions  de  ceux  gné  dire  quelles  sont  ces  superstitions  nou- 
qni  n'ont  point  de  frein.  Nous  fera-l-on  com-  velles  dont  on  n'avait  pas  ouï  parler  dans 
prendre  ce  paradoxe  '  Des  courtisans  sans  les  siècles  précédents.  3°  Les  protestants 
religion  pourront  ijcut-élre  le  persuadera  nous  en  imposent  quand  ils  disent  qu'un  rito 
un  souverain  qui  ne  réfléchit  pas;  mais  ceux  est  superstitieu-i  lorsque  Dieu  ne  l'a  tii  rom- 
qui  onl  lu  l'histoire  n'en  conviendront  ji-  trimidé  ni  «/(/îrouce,  il  fallait  aj.iuter,  jii /îar 
mais.  A  la  vérité,  ceux  qui  croient  en  Dieu  lui-m<hne,  ni  par  ceux  qu'il  a  chargés  de  prcs- 
piuvenl  couviir  leurs  passions  du  manteau  crire  ses  vulontés  aujr  liommes.  Ils  supposenl 
de  la  religion;  mais  ceux  qui  n'y  croient  pas  que  Dieu  n'a  jamais  parlé  que  pur  l'Kcrilnre, 
ne  manqueront  jamais  de  pr,  texte  pour  pal-  que  loui  ce  qui  n'est  pas  écrit  dans  le  Noc- 
li' r  les  leurs  :  l'intérêt  général  de  riininanilé,  veau  Testament  ne  vient  ni  de  Jésus-Chri-i 
le  7èlc  du  bien  public,  le  patriotisme  ,  le  ni  des  apôtres.  Nous  avons  réfuté  dix  fois  ce 
maintien  des  luis,  etc.,  ont  été  plus  souvent  faux  principe.  S'il  était  vrai,  il  n'aurait  pas  été 
allègues  parles  factieux  que  le  zèle  du  re-  besoin  qne.lésus-t^hiist  promîld'ètre  avec  les 
ligion.  Que  l'on  nous  di,e  en  quel  temps  les  prédicaieurs  de  son  Evangile  jdSf/n'r)  la  cou- 
grands  de  Uome  ont  fait  le  plus  de  mal  ,  si  smnmation  des  siècles,  et  d'envoyer  à  ses  apô- 
ç'a  été  Ior()u'ils  etaienisKpprs^i'neur,  ou  lors-  1res  l'I'^sprit  de  vcriiépour  toujours,  in  œter- 
qu'ils  ne  croyaient  plus  ni  Dieu,  ni  enfer,  ni  niim.  Voij.  Eciutlre  s mnte,  EGi-isr  ,  I'hadi- 
auire  vie.  t. on, etc.  Nous  avons  fait  voir  ailleurs  qu'il 

Pour  avoir  un  prétexte  défaire  schisme  élail  impossible  qu'un  rit. tKpc'Aff'ieKa;,  incon 
avec  l'Eglise,  les  prétendus  réformateurs  ont  nudu  temps  des  apôtres,  pût  être  universelle- 
soutenu  que  son  culte  était  supcrslitieux  ,  ment  adoplédans  toute  l'Ejlise  et  dan  toutes 
leurs  descendants  le  répètent  encore.  Sui-  les  parties  du  monde  chrétien  ,  pendant  quo 
van;  la  notion  même  que  vous  donnez  de  la  tonte  l'Eglise  faisait  profession  de  s'en  lenii 
n(pf»s«i<|y«,nousdiscnl-ils,unrite,unusase,  à  la  doctrine  et  à  la  pratique  des  apôtres 


tf7S                               SUP  SUP                                 67â 

Lorsque  l'esprit  de  verlipe  et  In  goût  de  la  taies  prêcher  l'Evangile  à  d'autres  idolâtres, 
nouveauléa  saisi  une  partie  do  l'Europe,  au  Aurail-il  été  possible  de  leur  faire  rmbrasser 
xvi«  siècle,  sous  le  nom  de  ré  formation,  il  un  christianisme  purement  spéculalif,  sans 
n'a  pas  pénétré  dans  toutes  les  parties  du  cuKe  et  snns  cérémonie  7  On  sait  comment 
monde,  et  il  n'a  été  rien  moins  qu'uniforme  les  protestants  y  ont  réussi  ,  lorsqu'ils  ont 
p;irmi  ceux  qui  s'y  sont  livrés,  i"  Supposons  voulu  établir  des  missions  par  rivalité  con- 
que les  pnsicurs  et  les  docteurs  de  1  E;;lise  Ire  l'Eglise  romaine?  mais  ils  ont  trouvé  plus 
aient  établi  en  effet  dans  les  piemiers  siècles  aisé  de  pervertir  des  catholiques  que  de  con- 
quelques  rites  que  les  apôtres  n'avaient  ni  verlir  des  infi.lèles.  Jusqu'à  pr  sent  ils  ne 
pratiqués,  ni  commandés,  ni  approuvés  for-  nous  ont  pas  l'ail  concevoir  en  quel  sens  on 
mellernent.  Nous  soutenons  que  l'Eglise  en  peut  appeler  superxiitions  des  usages  pieux 
avait  le  droit  dès  qu'elle  les  a  jugés  néces-  destinés  à  faire  oublier  les  superstitions  du 
saires.  Eile  y  a  été  autorisée  par  l'exemple  pa>;auisine.  Des  comparaisons  fausses  ,  des 
de  Dieu  même  :  |)Ouvail-elle  suivre  un  meil-  inter()rétations  malignes,  des  consé<|uenccs 
leur  modèle?  De  même  que  Dieu  avait  aug-  tirées  sans  fondeiiieni,  ne  suffi'^enl  pas  pour 
aienlé  le  rituel  des  Juifs,  à  cause  des  super-  changer  la  nature  des  choses.  Nous  verrons 
slitions  dont  ils  étaient  environnés,  et  pour  ci-apiès  si  les  prolesinnls,  en  retranchant 
lesquels  ils  n'avaient  que  trop  de  penchant,  les  prétendues  superstitions  de  l'Eglise  ca- 
Ezeih.  ,  c.  XX,  v.  7,  20  :  ainsi  l'i  glise  fut  tlioliiiue,  ont  su  pré^erver  leurs  prosélytes 
obligée,  au  iV  siècle,  de  rendre  son  culte  des  sa/iersa'/ions  du  paganisme, 
plus  pompeux,  alin  d'empêcher  l'idolâtrie  do  Une  autre  raison  de  rétablissement  de  plu- 
rcnaître  «le  ses  cendres.  Mosheim  l'a  bien  sieurs  rites,  sur  laquelle  les  protestants  fer- 
aperçu,  et  il  se  sert  de  ce  motif  pour  excii-  ment  les  yeux  ,  a  été  la  nécessité  de  pré- 
ser  l'es  Pères  de  l'Eglise;  mais  il  n'est  pas  riiiinir  les  fidèles  contre  les  erreurs  des  hé- 
besoin  d'excuse  pour  ceux  qui  n'ont  fait  que  reliques.  Au  mot  Céuémonies  ,  nous  avons 
ce  qu'ils  devaient  faire.  Dissert,  sur  l'hist.  fait  voir  que  telle  fut  évidemment  la  desti- 
eccles.,  t.  1,  p.  231,  et  c'est  une  absurdité  île  nation  d'un  grand  nombre  de  ces  signes  ex- 
prélendre  qu'une  conduite  aussi  sage  a  été  térieurs.  Les  apôtres  auraient-ils  blâmé  cette 
la  sonne  de  toutes  les  erreurs  el  de  tous  les  conduite?  Par  un  travers  inconcevable,  les 
abus  qu'il  plaît  aux  proiestanls  de  trouver  protesiants  prennent  pour  des  sources  d'er- 
dans  l'Ej;li-e  catholique.  En  elTet,  au  iv' sii'-  reurs  les  leçons  destinées  à  préserver  les 
de,  les  philosophesdéfenseursdu  paganisme,  chrétiens  de  l'erreur.  Aussi  en  les  su'{Vi>ri- 
Julien,  Jamblique,  Plotin,  Porphyre,  etc.,  (i-  n)iiit  ils  ont  laissé  à  tous  les  sectaires  la  li- 
rcnttous  leurs  efforts  pour  élayer  les  restes  berté  de  faire  eclore  tous  les  jours  de  nou- 
chancelants  de  l'idolâtrie,  pour  en  pallier  les  vêles  absurdités. 

erreurs  cl  les  usaaes  impies,  pour  les  rappro-  5°  Comment  pourrions-nous  contenter  les 
cher  des  dogmes  et  des  pratiques  du  chris-  divers  ennemis  de  notre  religion?  Suivant 
tianisme,  dont  les  ptogrès  les  alarmaient;  l'opinion  des  athées  ,  toute  religion  quel- 
c'est  l'opinion  de  Mosheim.  Il  lallul  donc  conclue  est  superstilicune  et  absurde,  il  n'en 
multiplier  les  leçons,  les  précautions,  les  ri-  faut  autune  ;  si  nous  écoulons  les  déistes, 
tes,  pourirémunir  les  fidèles  récemment  croire  aux  révélaiions  est  une  sa/jersti/ion  ,• 
Conve^lis  contre  le  piège  qui  leur  était  temlu;  loulc  autre  religion  que  la  religion  natu- 
iiiais  il  ne  s'ensuit  pas  que  ce  qui  fui  prul;-  relie  est  fabuleuse;  les  sociniens  et  les  pro- 
qué  pour  lors  était  absolument  inouï  dans  lestants  qui  admettent  une  religion  révélée, 
les  .siècles  précédenls  ,  ou  était  contraire  sont  des  raisonneurs  pusllanimes  qui  n'ont 
à  ce  que  les  apôtres  avaient  prescrit.  Au  v  pas  osé  pousser  les  conséquences  de  leurs 
siècle  les  barbares  du  nord,(|ui  se  répandi-  principes  jusqu'oii  elles  devaient  aller.  Les 
renl  dans  tout  rOccident  ,  y  rapportèrent  sociniens  et  les  calvinistes  soutiennent  que 
toutes  les  erreurs  el  1.  s  superstitions  d'un  les  luthériens  el  les  anglicans  ont  retenu 
paganisme  grossier;  ou  comprit  que  l'on  une  pjilie  des  «MjOfrs/(<io/i«  de  l'Eglise  ro- 
avail  besoin  des  mêmes  préservatifs  desquels  maine.  Tous  se  réunissent  à  enseigner  que 
on  avait  usé  contre  l'idolâtrie  des  (Irecs  et  le  culle  des  saints,  des  images,  des  reliques, 
des  Romains;  il  lallut  accoutumer  les  bar-  de  l'eucbarislie,  est  sa/;er««i/ieax,  el  un  reste 
tares  convertis  à  des  usages  pieux  et  iiino-  de  pagani-nie.  Nous  avons  prouvé  le  con- 
cents,  pourtour  faire  quitter  absolument  traire  en  son  lieu  ;  mais  nous  sommes  fon- 
leurs  coutumes  absurdes  et  impies.  A  la  fin  dés  à  leur  dire  que  c'est  leur  propre  culle 
du  vi%  les  missionnaires  envoyés  dans  le  qui  est  super,  titieux,  puisqu'ils  en  ont  été 
Nord  se  trouvèrent  encore  dans  le  même  les  seuls  arbitres  ,  el  que  chaque  secte  pro- 
cas  ,  el  leurs  Iravaus  apostoliques  furent  testante  l'a  régie  ,  augcnenlé  ou  diminué 
continués  dans  les  siècles  suivants.  Au  xii^  suivant  son  caprice. 

el  au  xiii',  on  fut  obli.é  de  défendre  les  ce-  Ils    nous   reprochent  qu'il  y  a  cependant 

rémonies  de  l'Eglise  contre  les  attaques  des  parmi  nous  ,   du  moins  parmi  le  peuple,  un 

albigeois,  des  vaudois,  des  henriciens,  elc.  ;  très   grand    nombre  de  superstitions  païen- 

il  n'esl  pas  furl  honorable  aux   protestants  nés;  ils  le  prouvenl   par  les   traités   mêmes 

de  répéter  les  clameurs  de  tous  <:es  sectaires  qui  ont  été  composés  contre  ces   absurdités 

ignorants  el  fanatiques    Au  commencement  par    des   théologiens  cailioliques,  par  J.-B. 

0.U  XV  ",  iuimédi  Uemenl  avant  la  naissance  Thiers,  par  le  P.  Leirun  et  par  d  autres  ;  ce 

de  la  prétendue  réiorme  ,  les   missionnaires  désordre,  disenl-ils,  ne  peut    venir   que  du 

allèrent  eu  Amérique  et  daus  les  Indes  orien<-  défaut  d'iustructiou  de  la  part  des  pasteurs , 


577 


SUP 


SUR 


S78 


pt  los  philosophes  incrédules  en  concluent 
ijiic  la  pliilosipliie  ,  ou  la  connaissame  de 
la  iialure,  csl  le  seul  remède  capable  de  gué- 
rir celle  maladie  populaire. 

Nous  répondons  d'ahord  que  le'*  mêmes 
Ir.iilés  (;ni  nous  inslruisenl  des  dilTerenles 
espèces  d<^  superslitions  qui  ont  régné  par- 
mi le  peuple,  nous  rapportent  aussi  les  I  lis, 
les  décrets  des  conciles  et  les  statuts  syno- 
daux des  évè()ues  qui  ont  condamné  tous 
ces  abus  ,  le  irès-grand  nombre  de  ces  ab- 
surdités ne  sont  plus  connues  aujourd'hui 
que  par  les  lois  qui  les  ont  proscrites.  Com- 
ment donc  peut-on  les  attribuer  à  la  négli- 
gence des  pasteurs?  En  second  lieu,  ce  re- 
proche prouve  que  les  censeurs  des  prêtres 
manquent  absolument  d'expérience  et  rai- 
sonnent au  hasard.  Kn  général,  les  igno- 
rants sont  opiniâtres  ;  ils  n'écoutent  m  les 
raisonneoients  ni  les  faits  qui  conlrcdisenl 
leurs  erreurs,  ils  tiennent  aveuglément  aux 
préjugés  do  l'enfance.  Le-,  fables  i)opiilaires, 
les  contes  de  >ieilles,  font  plus  <rinipres- 
siou  sur  eux  que  les  leçons  des  pasteurs  , 
parce  qu  ils  sont  plus  analogues  à  leurs 
idées  ,  parce  que  ceux  qui  1rs  débitent  le 
font  d'un  air  imposant  et  peisu  idé,  et  jurent 
queli)uefois  qu'ils  ont  vu  ce  qu'ils  ont  rc\é, 
et  parce  que  la  crédulité  vient  ordinaire- 
ment de  la  peur  :  or  la  peur  ne  raisonne 
point  ,  et  les  arguments  ne  la  guérissent 
pas.  Plusieurs  pasteurs  ont  essuyé  des  ava- 
nies et  une  espèce  de  [icrséiMiiion ,  p:irce 
qu'ils  ne  voulaient  pas  se  prêter  aux  folies 
idées  de  leurs  ouailles.  Us  n'en  son!  pas  moins 
obligés  d'inslriiirr,  d'exhorter,  de  reprendre 
à  temps  et  i)  contre- timpx,  avec  toute  Ut  pa- 
tience et  l'assiduilé  |  ossib!es  :  saint  Paul  le 
leur  ordonne,  lin  troisième  lieu,  les  minis- 
tres protestants  ,  qui  se  flattent  d'instruire 
leurs  prosélytes  avec  tant  d'exaciiiude  et 
d'érudition  ,  sont-ils  venus  à  bout  d'exiir|)er 
parmi  eux  toutes  les  siipirstilions  païennes? 
Au  lieu  de  croire  aux  prières,  aux  liénéilic- 
tions  ,  aus  cérémonies  de  l'Eglise  romaine  , 
ils  croient  comme  autrefois  aux  devins,  aux 
sorciers,  à  la  magie,  aux  prophètes  (|ui  les 
bercent  de  folles  espérances,  il  y  a  des  su- 
perstitions populaires  en  Angleterre,  il  y  en 
a  chez  les  prolestants  d'Allemagne  ;  Hayle 
prouve  par  plusieurs  exemples  ipie  les  cal- 
vinistes, ;iussi  bien  que  les  luthériens,  ont 
retenu  la  superstition  des  présag.  s,  Pensées 
diverses  sur  la  comète,  §  93,  OEuvres,  t.  III, 
p.  62.  Un  déiste,  témoin  oculaire,  a  écrit  que 
les  habitants  du  pays  de  Vaud,  tous  calvi- 
nistes, sont  Irits- superstitieux  ;  les  monta- 
gnards le  sont  encore  davaniage  :  ceux  du 
canton  de  lierne  ,  voisins  de  (Irindehvald  , 
emploient  un  sorlilége  pour  faire  reculer  les 
glaces.  Ne  sait-on  pas  que  les  athées  anciens 
ei  niodernis,  qui  ne  croyaient  point  en  Dieu, 
croyaient  à  la  magie?  En  quatrième  lieu, 
les  conversions  opérées  parmi  nous  par  la 
philosophie  ne  nous  paraissent  pas  indubi- 
lâbles;  ,i  la  vérité,  on  ne  croit  plus  guère 
aux  revenanisni  aux  sorciers,  maison  croit 
fermement  aux  prodiges  de  physique  ,  au 
uiagnétisme  animal,  au  somnambulisme,  etc. 


Le  peuple  a  droit  de  rire  à  son  tour  des  fo- 
lies philosophiques  du  siècle  des  lumières. 
D'ailleurs  ,  le  peuple  n'est  point  fait  pour 
être  physicien  ni  natuialisie;  malgié  les 
progrès  immenses  de  la  physi^|ue  dans  nos 
académies,  il  ne  paraît  pas  que  les  habitants 
des  Pyrénées,  des  Céveiines,  des  br  lyères  du 
IJerry,  des  Alpes  ,  des  Vosges  et  du  Jura, 
soient  plus  habiles  en  fait  de  naturalisme 
qu'ils  ne  l'étaient  il  y  a  un  siècle. 

Enfin  ,  un  incrédule  même  est  convenu 
qu'il  y  a  des  superst  lions  ou  des  croyances 
populaires  qu'il  serait  dangereux  de  vouloir 
détruire;  il  est  d'avis  qu  il  faut  les  tolérer 
lor  squ'elles  sont  innocentes  ,  qu'elles  ne  nui- 
sent ni  a  la  pureté  des  mœurs  ni  a  la  irin- 
qtiillitL-  pubii(iue  ,  ajoutons  ni  à  l'imégrité 
de  lu  foi  ;  à  plus  forte  raison  -i  elles  contri- 
buent à  ces  divers  avantages,  et  nous  sont  •- 
nous  qu'alors  ce  ne  sont  plus  des  supersti- 
tions. Il  dit  que  la  superstition  est  à  la  reli- 
gion ce  que  l'astrologie  est  à  l'asironomic-  , 
une  fille  très- folle  d'une  mère  très-sage; 
mais  il  se  trompe  encore  dans  cette  geoea- 
loifie  ;  nous  avons  fait  voir,  et  d'autres  l'ont 
observé  avant  nous,  que  la  supirstition  est 
venue  beaucoup  plus  de  la  crainte  des  maux 
de  la  vie  présente  que  de  ceux  de  la  v  e  à 
>enir,  et  de  la  médecine  plutôt  (jne  de  1 1  re- 
ligion. L'on  peut  prédire  que  tant  qu'il  y 
aura  sur  la  lerre  des  malheureux  impatients 
de  \oic  linir  leurs  peines,  il  y  aura  des  es- 
pii;s  faibles,  crédules  et  supi-rs'iiieux.  La  re- 
ligion, qui  nous  inspire  la  patience  et  sou- 
tient notre  cour  ige  par  l'espérance  ,  est  le 
seul  remède  efficace  contre  ceile  maladie. 

SUPl>LlCE5  UES  MAin'YllS.    Voi/.   AIar- 

TYKS. 

SUPRALAPSAIUES.  Voij.  Infralapsaires. 

SLIŒUOUA  I  ION.  Voij.  OEijvres. 

SI  ilNArUUEL,  selon  la  force  du  terme, 
signilij  ce  qui  est  au-dessus  de  la  nature; 
mais  le  mot  de  nature  se  prend  en  plusieurs 
sens  dilTerents,  comme  nous  lavons  oliservé 
dans  son  Heu.  Il  parait  ()ue  surnaturel  se 
dit  relativement  à  trois  objets  :  1°  a  noscon- 
n.iissauces;  2'  a  nos  forces  pliysiq  les  et  mo- 
rales ;  3"  a  notre  dernière  lin.  Gonsequeui- 
ment  nous  disons  que  la  révélation  est  une 
lumière  surnaturelle  ,  parce  ([u'elle  nous 
donne  des  connaissances  et  nous  enseigne 
des  vérités  auxquelles  les  hommes  ne  se- 
raient jamais  parvenus  par  leurs  réllexlons. 
Nous  le  voyons  par  l'exemple  des  peu, des 
qui  n'ont  pas  eu  le  secours  de  celte  lumière, 
ou  qui,  après  l'avoir  reçue,  I  ont  laissé  étein- 
dre; par  l'exemple  même  des  pnilosoplies  ou 
dos  hommes  i]ui  avaient  cultivé  leur  rais  >n 
avec  le  plus  de  Si>in.  Un  miracle  est  une 
opération  surnaturelle,  parce  qu'il  est  au- 
dessus  des  forces  humaines.  La  béatitude 
que  nous  espérons  est  surnaturelle  ,  soit 
parce  que  Dieu  aurait  pu  d'abord  destiner 
l'homme  à  un  bonheur  moins  parfait,  soit 
parce  que  nous  en  étions  déchus  par  le  pé- 
ché d'Adam,  et  que  le  pouvoir,  les  moyens 
et  l'espérance  d'y  parvenir  nous  ont  clé  ren- 
dus par  la  rédemption. 

Le  secours  de  la  grâce  aclaelie  que  Dieu 


sn  suft 

nous  donno  pour  faire  de  bonnes  œuvres  est 
surnninrel  il;ms  ces  trois  sens  :  c'est  une  lu- 
mière <iMns   l'enlenJement,  que  nous   n'au- 
rions pas  (le  nous-mêmes,  qui  nous  montre 
des   inolifs   que  la  raison  seule  ne  sug^èie 
point;  c'est  un  mouvement  dans  la  volonté 
qui  nous  rend  les  forces  perdues  parle  pé- 
ché, et  supérieures  à  celles  du  libre  arbitre; 
ceserours  ne  nous  est  point  dû  en  veclu  de 
la  création  :  il  est  le  prix,  des  mérites  de  Jé- 
sns-l'Jiri-t,  enfin  il  nous  fait  agir  pour  ga- 
(jner  un  bonheur  éternel.  Les  actions  faites 
Dîir  ce  secours  sont  par  conséquent  des  œu- 
vres surnnlitrellei.  il  en  est  de  même  de  la 
grâce  sanrtifianlp,  des   vertus    infuses,   des 
dons  du   Saint-Esprit,  etc.  La  foi  est   donc 
une  vertu  sumnlurelle,  puisqu'elle  suppose 
non-seulement  la  révélation,  mais  une  grâce 
actuelle  intérieure  qui  nous  dispose  à  croire; 
elle  nous  lait  envisager  une   béatitude  sur- 
nahuelle  à    laquelle   nous  devons    aspirer. 
L'espérance,  la  charité  et  les  autres  vertus 
chrétiennes  sont  de  même  e«p^ce;  il  en  est 
plusiours  dont  les  païens  n'ont   pas   seule- 
ment eu  l'idée,  et  qui  leur  semblaient   des 
défauts. 

Tout  ce  qui  est  miraculeux  est  surnatitrel, 
mais  tout  ce  qui  est  surnaturel  n'est  pas  mi- 
raculeux ;  la  jnslification  du  pécheur  est  un 
effet  swniitirel  de  la  grâce,  mais  ce  n'est 
pas  un  miriide,  parce  qu'elle  se  fait  suivant 
l'ordre  commun  et  journalier  de  la  provi- 
dence. Dans  11  conduite  de  cette  Providence 
divine  nous  distinguons  l'ordre  naturel  éia- 
l)li  par  la  création,  el  qui  n'a  aucun  rapport 
direct  à  notre  dernière  6n,  et  I  o'dre  surna- 
tureL  c'est-à-dire  les  desseins  de  Dieu  el  les 
niojens  par  lesquels  il  conduit  bjs  boiomcs 
au  salut  éternel  ;  celui-ci  est  une  suite  de  la 
rédemiition.  Le  mot  swr«afure/  ne  se  trouve 
point  dans  l'Ecriture  sainte,  mais  nous  j  en 
voyons  ie  sens;  ce  qui  ne  vient  point  de  la 
chair  et  du  sang,  ce  qui  n'est  point  do 
l'homme  ni  selon  l'homme,  ce  qui  est  grâce, 
ce  qui  vient  de  Dieu  et  de  Jésus-Christ,  etc., 
est  la  même  chose  que  surnaturel.  Yoy.  Na- 
TiRi;  et  Etat  de  Nature  (1) 

(1)  Ily  a  pende  qnesiimis  qui  aient  éié  l'objet 
(l'aïuques  pins  vives  ipio  le  surnaiiiiel.  Dans  ses 
savantes  conlérences  laites  dans  la  chaire  de  Nolre- 
banie,  M.  de  Kavigiian  en  a  fait  l'ohjel  d'un  de  ses 
entreliens.  Aux  nioisGiiACE,  Oiuginei,  (péi;lié),  nous 
en  avons  cilé  ce  qui  concerne  ces  points,  nous  al- 
lons rapiuiler  ici  ce  qui  a  rappoilau  snrnalnrel  |iro- 
premenl  dit.  «  On  sent  inévilabli'nicnt  que  l'iioninic 
à  liesoin  de  -olnliuns  supérieures  à  sa  n  uure  el  à  sa 
ruisoii.  La  pliilosopliic,  la  science,  ont  clicrclié, 
clierclirnl  encore  à  cette  heure,  el  n'ont  trouvé, 
apiè  six  nulle  ans,  que  le  désespoir  ou  li;  doute  sur 
les  laits  iiiiéi  leurs  de  la  conscience,  sur  les  rapports 
de  l'àme  avec  Oieu,  sur  la  lin  dernière  ;  on  ne  vent 
pas  il  la  laible^se  impuissante  de  la  raison  joindie  la 
foi  nécessiiiii' el  révélée,  qni  seule  a  tout  résolu  el 
loul  coniplélé.  I^e  désordre  étrange  du  momie  mo- 
ral el  tin  cœur  de  l'honnne,  les  fails  étranges  aussi 
qui  se  seul  prisses  à  la  naissance  du  cliristianisiuu 
pour  réyériiTcr  riiumanilé,  uiontreul  évideminent 
ie  liesold  et  la  présence  au-dedans  de  nous  d'une 
action  divine  surimlurflle;  on  ne  veut  (|iie  la  nature, 
Cl  avec  elle  ou  s'onlonce  dans  d'épaisses  ténèbres  el 


SUR 


SSfi 


URPLIS.  Voy.  Habits  sacrés  ou  Saceh 

DOTAUX. 

SUSPENSE,  censure  ou  sentence   par  la 

(Uns  un  enroyible  (lians.  La  religion  calltolique 
s>'iilc  éclaire,  coordonne,  complète  paisildenient 
l'iiomine,  insoluble  el  inconiplcl  saris  elle  ;  or  ce  ré- 
sultat n'est  dû  qu'à  la  foi  incine  du  surnaiurel. 
Voilà  poiiriuoi  nous  en  parlons.   > 

Le  grand  orateur  s'allaclie  à  donner  une  notion 
du  snrnilurel.  àdétniiieles  préjnsés  conlre  le  sur- 
naturel ;  à  l'aire  connaitre  la  destinée  snrnaliirclle 
de  riKuniiie  el  à  développer  l'éconouiie  de  l'ordre 
surnaturel.  Nous  allons  suivre  M.  dn  RaviL'iiaii  ''aiis 
les  positions  de  cliacun  de  ces  points.  ■  1.  Smion 
du  surnnlurel.  Le  iialnrel,  c'est  11  propriété  esscn- 
lielle  el  nécessaire  d'une  nalure  créée  ou  possible, 
on  bien  ce  qui  eu  découle  imuiédaieineot  ;  ce  qui, 
p:ir  conséipietit,  lui  appaiiieni,  !ui  estdù  pourcnns- 
l  tuer  sou  eue  vrai,  primitif  et  oniier.  Ce  que  nous 
appe.loiis  ainsi  naturel,  isl  opposé  au  surnaturel  dont 
nous  allons  nous  occuper. 

(   Le  surnaiurel,  c'e^i  ce  qui  dépasse  les  forces  et 
les  condiiions  de  toutes  \e<  natures  créées  nu  même 
possibles  ;  car  une  naiure  sumalurclle,  on  le  conçoit, 
rénngnerail  dans  les  tenues;  e,i  Dieu,    iioii    pas    en 
lui-niême  sans  donie,    mais  par  rapiiori  à  tomes  les 
créatures,  (leui  seul  êlre  nonnué  l'Elre  subslanliel- 
leinent  surnaturel,  comme  l'écile  le  nomma  quelque- 
fois, parce  que  seul  il  dépasse  inlinimcnt  tmites  les 
nalures  créées  ou  pos  ihles.  Telle  est  donc  la  uoiicui 
première    du    surnaturel   qu'une    saine   pliilO'-o|)liii» 
doit  admettre.  Klle  doit  voir,    en    elT  l,    ipie    imlle 
puissanee  ne  saurait  encliainer  la  liliéralile    divine, 
ou  déle  idre  de  verser  sur  sa  eréalure  des  dons  sur- 
abondants que   la   nature  n'avait  nul  droit   de  réd.v 
nier.  Mais  celle  noiim  pbdosopbiijiie  .seii'e  esl   in- 
coiiiplèie  et  né.;  itive  ;  elle  s'ariêle  à   la  surface  des 
nalures  créées  on  possibles;  l'existence  intime  du  sur- 
naiurel lui  deiiieiire  Inconnue.  La  snence  de  la  foi, 
la  théologie,  |ieiil  seule  nous  dévoiler  smi  existence. 
Qu'esi-ce  donc  que  le  siirnalnrel,  d'après  la    notion 
lliéoogiqiie'?  Cet  1°,  comme   la    ihilosopliie   elle- 
même  renseigne,  celle  valeur  siiiénii  ente  qui  dé- 
passe les  forces  ei  les  exigences  quelromines  do  loii- 
les  les  natures  créées  ou  possibles  ;  c'est  de  plus  une 
relation  spéciale   avec    Dieu    ecinme  aiiienr   de    la 
grâce  e'  de  la  gloire  ;  relation  qui  coiisi>ie  dans  une 
ceriaine  union  inliine  et  inerveilleuse  avec  Dieu  tel 
qu'il  es'  en  lui-même,  et  non  pas  tel  seuleuieni  (|ue 
nous  |)iuivoiis  le  eimnaîire  par  la   raison    naunelle. 
Celte  union  avec  Dieu  a  i  onr  effet  ilernier,   suivant 
la  loi,  d'el  vei  et    de    perfectionner   excellemment, 
an-de-sus  de  sa   nal  :re  ,  les   làcullés  de   la   nature 
ralsonuahie  eu  la  béaiifiani  ;  uninti  consoniinée  et 
parfaite  dans  la  vis  ou  iuluilive  après   la   vie;  union 
commcneée,  quoique  vraie  el  réelle,  dans  les    dons 
de  la  giàec  départis  à  l'homme  ici-has.   i 

Ces  notions  précises  du  surnaiurel  répomlenl 
déjà  aux  principales  ohjeciions  élevées  coiilre  cet 
ordre  de  connaissances. 

I  Déjà  ne  suis-je  pas  en  dioil  de  demander  si 
l'on  a  toujours  eu  soin  de  bien  coiinaîlie  ce  qu'on 
voulait  comhattre;  si,  en  repoussant  le  surnaiurel, 
on  s'adressait  à  sa  notion  précise,  à  celle  relation 
inlinie  de  l'âiue  avec  l'être  même  divin  '!  Que  do 
fois  encore  parmi  nous  on  outrage  ce  qu'on  ignore, 
elcomhien  de  piéjiigés  et  d'erreurs  acciétlilés  coniic 
la  loi  par  l'ignorance  el  les  plus  fausses  préoccu- 
pations! Il  y  a  aussi  je  ne  sais  quel  dédain  el  quel 
dégoût  injurieux  qui  s'allaclie  à  la  science  positive 
cl  ibéologi<|UC  du  chrisiianisine.  Kl  pourquoi  donc? 
Crain  Irait-on,  en  éiudiant  la  fol  dans  ses  sources 
augustes  et  vénérables,  de  poser  des  bornes  trop 
élroilcs  à  l'élau  de  l'invesligatioii  el  du  génie?  Li 
c'est  la  foi  toute  seule  qui  ouvre  les  champs  du  sur- 
naturel et  du  possible  au  delà  de  toutes  les  lliniies 


SSI 


SUR 


SUR 


'M 


qiu'lie  un  clerc  est  privé  ou  pour  un  temps 
ou  pour  toujours,  di'  l'exerciie  dos  ordres, 
des  fruits  de  son  bénéfice  et  des  tondions  de 

lie  la  iiaiiiie.  C'est  avec  la  Inniièie  &eiile  de  la  foi 
que  nous  parcoiiri  lis  J'uii  pas  fi'imt!  el  sur  le*  mon- 
des iiivisililes,  qne  lions  s(  riit'iis  lont,  iin'iiie  les 
prolonileiirs  de  Ueii.  Cmi  la  loi  scii'e  i|iii  nons  fait 
aspirera  lu  vision  de  Dieu  tel  ipi'il  est  en  lui-iiièiiie. 
Je  l'avotieiai  avec  fiiinrliise  :  l;i  pliilosoplile  sans  la 
foi,  fûi-elle  j'iinle  aux  dmis  li-s  pins  précieux  de  la 
seience  ei  dn  génie,  n'est  pour  ni»!  qu'une  lerie 
liasse,  obscure,  froide  el  siénie;  la  loi  m'élève  et 
me  porlu  parmi  les  splendeurs  des  (icn)i.  Tout  alors 
est  ouvert  devant  moi,  et  si  je  ne  puis  nusiiier  et 
coiiipiendre  l'inlini,  je  puis  du  moins  en  approcher 
sans  crainte,  en  mieux  contempler  les  inelldiles 
beautés,  et  m'éiancer,  appuyé  sur  un  guide  infail- 
lilile,  vers  les  régions  de  la  vérité,  de  la  gloire  et  de 
la  perriM'tion  divines.   > 

II.  l'réjugés  contre  le  surnaturel.  —  Premier  pré- 
juqé ,  le  ^ATUR\LISME  nii  les  iroits  he  la  iiaison. 
I  Réd  isani  la  qiiesilon  ù  SiS  tcrmi'S  les  plus  simples, 
et  fidèles  à  renselgueioenl  tcadillounel  el  commun 
des  Pères  cl  des  lliéologims  ciiilioliques,  nous  disons 
encore  co  qu'ils  oui  dit  loiijiuirs,  liieo  av:int  Des- 
carlcs  comme  depuis  :  Une  eliose,  (|uuii)iie  sunia- 
tiiri'lle,  peut,  avec  Talde  du  raisonnement  et  des 
lumières  naturelles,  devenir  évidemment  croyable, 
par  b's  miracles,  ou  p:ir  il'aiiirrs  moyens  seiisildes  ; 
parce  que  la  crédulité  (qui  n'est  p;is  la  fui)  juovient 
don  mo\en  ou  s  giie  exlérienr  qui  peiii  élie  évidem- 
ment Il  nalniellenieiit  connu,  t  Ce  sont  les  propres 
p.iroles  de  Siianz,  dans  si>n  Traité  de  la  Fui  ;  elles 
leprodoisenl  à  peu  près  celles  du  saint  Thumas  sur 
la  iiièine  matière,    i 

Deuxième  préjvfié,  progrès  de  l'uuma.nité.  c  Le  pro- 
giès  adresse  à  l'Iiiiinaniié  son  cuHe  el  ses  lioinmages. 
L'Iinmanilé  serait  donc  le  terme  mattiipic.  qui  tiendrait 
lieu  dés"riiiais  de  toute  vérilé  de  lait,  de  raison  et 
de  foi.  On  dit  :  L'Iininaiiité  est  l'ôire  collectif,  la  vé- 
ritable imniorlalité.  Klle  se  reiHuivtlIe,  avance  tou- 
jours, el  réalise  ainsi  progressivement  le  perfec- 
tioiiiieiiientsaiiscessepoiirsuivi.il  y  a  perpétuité, 
ideuiiic  en  liiéiiie  icmps  que  progrés.  On  ne  vent 
point  qu'il  y  ait  là  une  expression  de  panlli:  isine  : 
soit  ;  in^iis  que  ser.t-ce  donc  ?  Esi-ce  religion,  liisloire, 
pliiiosoplile  ?  Au  bas  de  chaque  page  élaborée  par 
ces  penseurs  inalenrontr  ux,  écrivez  :  Asserlioii 
gratiiile,  allégation  sans  preuve.  A  chaque  parob-, 
répondez  hardimeiii  :  Non.  Vous  avez  tout  renver.sé 
par  des  raisons  au  moins  égales,  je  vous  assuie  ;  car 
vous  n'avez  devant  vous  aucune  doctrine  tant  soit 
pcii  Idgi  |ue,  aucun  fui  appuyé.  Qu'est-il  besoin  de 
itpiMidre  alors?  Nous  répondons  cependant:  Les 
faits  et  la  logique  sont  di  imélralemeui  opposée  à  la 
théorie  du  |iru.;rès  continu,  produit  bizarre  de  cer- 
veaux en  soullrance  et  de  coeurs  niolailes  auxquels 
je  compatis  sineèrenient.  Dans  la  langue  de  l'histoire 
y  eut-il  progrés  durant  4000  ans  au  sein  de  l'iiiiina- 
niio,  parles  extravagances  honteuses  du  polythéisme 
succcdint  au  iiionulhéisine  priuntir  ?  Y  eulil  pro- 
grès quand  il  fallut  ensevelir,  sur  queli|iies  rares 
points  du  globe,  nu  reste  de  croyance  à  l'unité  di- 
vine, dans  l'ombre  de  ces  mysieres  interdits  au 
Cummuii  des  boinines  et  dans  l'enseignciiieiit  des 
pin  osophes,  s:ins  compter  encore  les  coniradielions 
aoieies  et  les  aheii allons  innombrables  de  celle  iii- 
liime  ph  Insophie?  tlut-ee  donc  progrès?  ou  plu- 
tôt n'était-ce  pas  la  dégradatinn  subie  jusiju'an  lond 
de  l'abiuie?  Comment  donc  venir  de  sang-iroid  nous 
donner  le  progrés  iiidélini  coin  me  la  loi  universelle 
et  absolue?  Lus  mois  signilieni-ils  le  contraire  des 
choses  ?  (jiii.  Souvent  dans  ce  siècle.  Le  cbristia- 
iiisine  lut  nu  progrès;  oh!  oui  :  mais  lequel?  Ce  fut 
le  renverscineni  le  plus  étrange  de  toutes  les  idées, 
lie  louies  les  opinions  reçues;  «e  fut  le  combat  le 


Son  office  ou  de  sa  disnilé.  Il  est  Ju  bon  or- 
dre qu'un  clerc  réfr.ict.iiro  aux  lois  de  l'K- 
glise  ci  de  ses  supérieurs,  puisse  cire  puni 

plus  acliiirné  contre  mules  les  inflMences  philnsophi- 
ipies  non  moins  que  contre  Ions  les  préjigés  popu- 
laires, contre  toutes  les  tr  iditions  chéries  de  j;loire, 
de  patrie,  de  famille  et  de  plaisir  ;  ce  fut  la  folie  de 
la  croix,  viclorieiise  dans  b'S  mains  des  bateliers  ga- 
lili'cns.  Voilà  le  progrès  ilii  i  liristianisme.  » 

III  La  tiestiiiée.  de  Clinmme  est  surnalurclle. 
«  L'homine  se  sent  ciitraine  detonle  l'éneigie  de  son 
être  vers  une  béaliliide  entière  que  sans  ( esse  il 
poursuit,  sans  jamais  ralleiiidn;  ici-bas.  Uira-t-oii 
(ju'il  esleiilr  iié  vers  riiiipnssible,  néeessaireinent 
el  toujours?  que  c'est  une  inci  iiaiion  sans  objet,  un 
besoin  sans  ri'alisation  possible?  Mais  alors  ancniie 
raison  sulli^auie  du  pliénoinèiie  moral  |i:  plus  ('(i:|. 
.staiit,  le  plus  inévitable,  qui  cala  tendanne  vers  la 
biatitnde.  Appelé  au  boolienr  souverain  et  pailait, 
l'iioiiime  doit  pouvoir  le  posséder;  el  cependant  il 
en  est  privé  dès  le  premier  instant  el  pour  toute  la 
durée  de  son  exislence.  Celle  destinaiion  si  lorie  et 
si  puissante,  avec  le  bien  souverain  pour  ivrine  né- 
cessaire, ne  saurait  être  évidemmenl  que  l'ieuvre 
de  riùre  même  supérieur  à  tout,  pouvant  et  von- 
liiiit  comiouniquer  à  riiomme  re  bien  qui  le  béi.ilie. 
Fiver  la  destinée  liiimaine  est  certaiiienient  l'acte 
toiil-piiissanl  du  niailre  ;  la  réaliser  dins  son  acroui- 
pli'Seineiit  dernier  ne  peut  non  plus  être  que  iVll'et 
lie  la  loiite-piiissance.  Mous  devons  attendre,  coin- 
baitrc,  vaincre  conquérir,  il  est  vrai;  mais  que 
ponrrions-iious  donc  coiii|uérir,  si  U;eu  colin  n'a- 
vait décrété  de  nous  donner  le  bien  siipiéine  et  pir- 
fait  au  terme  de  la  cirriere;  et  ipi'esl-ce  que  le  bien 
suprême  el  parlai  ,  sinon  Dieu  lui-mêine  qui  peut 
S' ni,  en  se  donnant  i\  riiomine,  le  béailier?  Lu 
S'  rie  qu'il  ne  landrait  guère  !ogii|iiemeiil  d'autre 
lireiive  el  'o  l'exisience  de  Uieii  ei  de  l'union  divine 
desl'iue  il  riiomiiie,  que  le  besoin  nécessaire  de  la 
béatitude,  tel  que  notre  état  pn  seul  le  porte  avec 
soi.  Donc  Dieu  existe,  el  riionime  esi  laii  pour  Dieu, 
pniir  être  heureux  par  la  coinmimicalion  même  du 
bien  divin.  Eu  vain  riiomiiie  s'épuiserait  il  .n  clier- 
I  lier  ailleurs  (pi'en  Dieu  seul  celle  béalitiide  par- 
fdle  ;  il  lui  faut  un  bien  au  delà  dii(|iiel  il  n'y  en 
ail  plus  d'autre,  un  bien  sans  mélange  de  négation 
et  de  néant,  nu  bien  i|ui  ne  lais-e  pas  étei  ncllcmi'oi 
la  canière  ouverte  à  nos  vastes  désirs.  Ce  besoin 
perpé  iiel,  ce  vide  niimense  de  bonheur,  décèle  en 
riiomnie  un  être  encore  incomplet,  qui  réclame  son 
pcrfectioiinenieiit  ;  mais  Dieu  seul  est  eu  liii-mèiue 
la  pléiiilude  et  la  periectiou  de  l'être:  donc  l'noinme 
ne  peut  recevoir  la  bé.ililude.  peilèclion  el  plé  iiiide 
de  l'être,  que  de  Dieu  seul.  Ainsi,  nue  plidosoplno 
loiile  hiioiame,  qui  prétend  isoler  l'homo.e  de  Oieu  , 
scinde  et  innide  la  vérité,  tronque  el  divi-e  la  na- 
ture, présenie  nu  lait,  un  membre  séparé,  oublie 
raiigusle  ensemble  du  cliel-d'œuvre  de  la  création 
et  (les  desseins  de  s  mi  auteur. 

«  Le  bonheur  parfait  de  Ibomine,  sa  destinée 
véritable,  est  de  voir  ineii  liii-mêiiie  l'ace  à  la/  e  ; 
d'èire  égal  aux  anges,  qui  voient  toiijrinrs  la  lace  de 
Dieu  dans  leciil,  œqiiiiles  aiuielis  suiil,  Luc.  e.  xv,  v. 
56  ;  (infjeli  seiip.'r  videnl  jnciem  l'alris  mei  qui  in 
cœlis  est,  .Mattli.  c.  xmii,  v.  10;  de  connai  re  Dieu 
comme  nous  en  sommes  connus,  lune  aulein  c^gnos- 
cam  sicut  et  cngiitlus  sum,  I  Cor.,  c  xni,  v.  12;  do 
lui  devenir  si  iniiineinenl  unis,  qne  nous  lui  serons 
semblables,  que  nous  serons  iileniillés  eu  quelque 
siirle  avec  lui,  en  le  v  yaiit  lel  qn'il  est;  similes  ei 
eriiuus,  quoniam  vidediiiius  ei'in  iieuli  est,  t  Joan,  c. 
III,  v.  i.  Telle  est  la  doctrine  de  l'E^llse  ;  telles 
Sont  les  expressions  des  ap  ures  et  du  Sauveur  lui- 
même  ;  Voila  ce  que  tout  le  christianisme  croit  et 
enseigne:  voilà  ce  qu'atteste  la  tradition  de  dix- 
huit  siècles.  Fait  iuiioense,  concert   unanime   des 


885  SUR 

parla  privation  des  avanl.iges  et  des  privi- 
lèges qu'il  a  reçus  de  l'Eglise  ellc-riiênift  ; 
cela  esl    nécessaire    pour  le  conlenir  dans 

héro* ,  des  pontifes  et  des  dncienrs  rlircliens.  — 
S:iiiii  Iréiiée,  a  w  sicile,  disait  euii»^  autres  ; 
(  Voir  la  lumière.  cVsl  èlie  dans  la  lumière  el  se 
i-eiil  r  l"iit  liéiiélré  rie  s;i  clarlé  ;  ainsi  ceux  qui 
voieiil  U ii'ii  son>  en  ileib  s  «le  D  en  nicnie  el  tout 
pciié  rés  (le  ses  claiiés  Iniinies  :  cet  ériat  divin  est 
la  vie  mè  i-e  d  vine  d'un  un  se  remplit  en  voyant 
Dieu,  i  Saint  Anjinsiin,  dans  sa  lelire  l4S«,  n°  7, 
cite  les  pamles  mê  nés  de  saiiii  Jérôme  el  se  les  ap- 
proprie comme  celles  irnn  ami  en  ces  ternies  : 
<  L'Iinmine  ne  lient  V(nr  main'enanl  Dieu  lui-même. 
Les  anges  les  plus  i-etits  dans  l'Eglise  voient  ton- 
jours  la  lace  de  bien  :  inainlenaiil  mms  voymis 
dans  l'image  el  dans  l'énigme  ;  mais  pnnr  lors  nous 
verrons  f.ice  :i  l'ace,  (pianil  d'hnmines  que  nous 
éli"iis,  iiousseions  oevenii>  des  anges.  >  Je  ne  cile 
pln^  Mlle  le  génie  si  ardeoiiiient  uni  sons  le  soleil  de 
la  Grèce  à  toutes  les  pensres  de  la  foi  et  à  tontes 
les  etpéiai'i  es  dn  ciel  ;  saint  Jean-Clirysnslome,  s'a- 
dressaiil  à  Tliéodore  tmiilté.  loi  disait.  «  ^Jue  sera-ce. 
qnand  la  vérité  même  des  choses  seia  présente'? 
quand,  an  milieu  de  scni  palais  ouvert,  il  sera  pi-r- 
inis  de  contempler  le  roi  lui  même,  non  pins  dans 
l'oinlire  et  dans  l'é  ignie,  mais  lace  à  f.ice;  non 
plus  p<r  la  loi,  mais  pai  l.i  vision  el  dans  la  léallié 
même'/  Ainsi  le^  Pères  disliiignaienl-ils  pleiiieineiit 
l:i  vision  (I  s  cieiix  de  la  lumière  de  la  loi  ;  la  réaliié 
ma.  if.  siée  an  cel,  des  oinlires  de  la  terre.  Nous 
cmynns  ici-bas,  lions  venons  titi  jour  ;  et  tous  ces 
niois  sacrés  delà  langue  lévéïée,  passés  liilèlenient 
dans  la  traditimi,  ont  coiisUininieiit  inaintenn  les  e-.- 
prils  et  les  cunirs  dans  la  loi  el  l'espoir  d'une  inlui- 
li  Ml  fniure  el  parfaite  de  l'essence  nièine  divine. 
Aussi  l'r.glise,  an  concile  œenméniiiue  de  Florence, 
session  :ib,  dans  le  décret  d'nnimi  avec  les  Grecs, 
a-i-elle  fomielleinent  di  Uni  qnaiircs  la  vie,  les 
âmes  eniièiemeni  poriiiées  sont  à  l'insianl  re(;ues 
au  ciel  ei  voient  clairemeiit  Hieu  inêine,  la  Trioilé 
el  riinité.  ISeiioil  Xll,  an  mv^  siècle,  l'avaii  également 
deliiii.  On  l'avait  cni  lonj.oirs. 

I  lelle  e>t  donc  la  loi  invariable  de  l'Eglise; 
riioiuine  a  p  ur  desiinée  et  pour  liiidernié  e  la  vi 
s;on  iiitnitue  de  bi'iii  api  es  la  vie.  C.  lie  destinaiioii 
de  riioniiiie,  celte  vision  d  Uieii  réservée  an  jtisic, 
esl  sninainielle  ;  Dieii  ne  la  devait  point  leile,  il  l'a 
donnée.  La  naliire  ne  saniail  y  parvenir  par  ses 
propres  lorces;  il  faut  les  secours  siirnatmels,  il 
faut  la  grâ'  e  ;  mais  Dien  la  promet  ci  l'olfre  .i  Ions. 
I  La  vie  éiernelle,  glace  de  Dieu,  dil  saint  l'aiil  ; 
Crutm  Oei,  vila  iiienia,  Hom.,  c.  vi,  v.  23.  »  l'aride 
répéiée  par  l'Eglise,  dans  les  conciles  et  dans  les 
coiidamnaiions  des  iiéiésies.  Mais  ce  qui  esl  conve- 
nable a  la  raison  el  si  posiiivemenl  enseigné  par  la 
foi,  devient  aussi  une  venté  bistonque  i|uand  ou 
émdie  aiieniivenieni  riioinme  liisioiiipie  et  réel. 

I  Qu'est  ce  doue  que  riiomnie'?  Iliie  giande  cliose, 
ré|ioiid  un  l'éri-,  mai/./u  res  usl  liomu  :  élre  nialérel 
et  spiiiinel,  eue  du  temps  et  de  réternilé,  clierebaiit 
paitoiii  le  bon  eur,  ne  le  cliercliant  plus  cependant 
sur  la  leire  dans  les  nionients  de  force  et  de  di- 
giiilé  vciiable;  le  dejiiandaol  alors  au  ciel.  Job 
paie'itilans  l'adversité  s'éenait  ;  «  Je  sais  que  mon 
li.  il(;iiipieur  vit  ;  au  dernier  jour  je  nie  lèverai  du 
sein  Je  la  terre...  el  dans  ma  eli.iir  je  veir.il  niun 
Dieu  ;  Scio  qiiud  licitemplor  meus  iiu!',  et  in  ni'Vis- 
iiiii)  die  du  terra  surriCluriis  siint...  il  m  carne  inea 
viilebo  Ocuiii  iiieuiii  [Jvb,  xix,  v,  '.iîi,  -2b).  D.ivid  et 
S.iioiiiOii,  aux  jours  'le  gloiie  Cnnnie  aii\  jours  d'in- 
lorutne,  appeiaienl  de  Ions  leurs  voe;ix  le  repos  de 
la  palne;  s.iiul  l'aul,  an  milieu  des  Iriomplies  ac- 
cnimilésde  la  paiole  évaiigélupie,  iiti|iliir.>il  l'Iieure 
de  sa  délivrance  et  de  sa  réunion  avec  Jésns-Gliiist; 
Desideiiitm  httbens  dissolvi  et  esse  cum  Clirislo  (J'/ii.'i;). 


SUR 


S34 


son  devoir,  pour  réparer  le  scandale  qu'il 
peul  avoir  doiuio,  et  pour  l'etopôcher  de  le 
continuer;  telle  a  été  la  discipline  de  l'E- 

I,  23).  Saint  Etienne,  le  iireniier  des  rtianyrs  , 
voyait  en  mourant  I  s  cienx  ouverls  et  le  Fils  de 
I)  en  deli'  ni  pour  le  recevoir  à  la  i.ro  le  de  son 
Père;  Video  cœlos  apetoi,  ri  Filinm  liominis  slaiiien 
a  dcxtris  Oei  {Ad.  vu,  v.  5.i).  Jésns-Glii  si  en  (piit 
tant  la  lerie 'lisait  à  ses  apôtres  ;  <  Je  vai^  voui 
préparer  votre  place;  Vado  parure  vobiilocmn  (Jouit, 
XIV,  2).  I  Puis  se  smcèdenl  d'innombrables  et  lidè- 
les  généiatioiis  que  la  pensée  dn  ciel  enllamniait 
de  ramoiir  des  plus  liér.'ïqnes  vertus  et  iies  plus 
brùl mis  dés  rs  d'aiieindre  à  l'éieriKlIe  gloire  ;  le 
martyr  la  clianlait  sur  le  bûcher  coninie  le  prix 
réservé  à  ses  soiilTrances  :  les  lénèbres  sacrées 
des  catacombes  préparaenl  les  premiers  cbréiiens 
à  soutenir  l'éc  at  du  dernier  jour  en  les  péné- 
trant, loin  dn  iiionile,  des  impressions  dn  lélesle 
amour.  T'Uij  lurs  les  saints  vécurenl  d'espérances 
élerne  les,  et  ils  disaient  ;  Que  la  terre  est  vile 
quand  je  regarde  le  l'iel  !  Les  pins  sages,  les  plus 
veitiienx,  les  pus  calmes,  les  plus  instriiiis  parmi 
les  lioniines  aspirèrent  an  ciel  et  à  la  possession  de 
Dieu.  Fait  iinmense,  universel,  aussi  ancien  que  le 
inonde,  el  dont  les  pai  liarclies  furent  les  léiiiO'iis  , 
ils  ne  parlaient  que  de  leur  pèlerinage,  dies  peregri- 
tiationis  meif  ;  faii  que  les  traditions  des  p  "êtes  ont 
el  e^•lllêlnes  conservé  ;  fait  que,  nous  retrouvons 
par  ont  où  appiiail  la  vertu,  fait  ipii  est  le  fond 
même  de  noire  aine,  car  nous  soutenons  que  noire 
âme  a  reçu  avec  la  connaissance  de  Dieu  le  désir  et 
le  besoin  de  Dieu,  el  celle  faculté  d ms  nous  s'é- 
tend el  s'élève  uar  la  grâce  jusiin'à  la  vue  de  l'in- 
liiii. 

«  Qu'exprime  donc  ce  fait,  qui  tient  une  si  gr.inde 
place  dans  l'iiistoire  de  l'hoinnie,  sinon  eu  ore  sa 
deslinaiion  unique  el  dernière,  divine  et  suriialu- 
relle,  la  gloire  ei  la  vision  des  cienx'?   » 

IV.  Economie  de  l'ordre  surnaturel,  t  Une  doii'etir 
sinière  et  prolonde  se  renouvelle  au  lonJ  de  l'âine 
du  cbrétieii,  lorsque,  recueilli  dans  sa  pensée,  il 
con-idère  la  position  que  se  foni  elles-mêmes  de 
nobles  iiitell  geiices  à  l'égard  de  l'éiat  surna- 
liirel  et  révélé  de  rhonime.  D.ins  cetie  classe  d'es- 
pnls  à  plaimlre,  on  s'est  dépouiilé  (leu  à  peu  des 
inclinations  Je  la  fn  première,  el  on  est  arrivé  à  ne 
plus  giièr.:  legarder  comme  exislaiil  que  ce  qui 
irapiie  le^  sens,  ou  paraît  dit  moins  rentrer  dans 
les  appréciaiions  naitirellfs  et  arliilraires  d'une 
r  non  pré  eiidue,  Tiop  souvent  on  commence  par 
s'ali.imloniier  aux  désirs  et  aux  jouissances  de  la 
vie  piéienie;  ou  accepte  et  on  suit  les  inipnlsioiis 
de  la  nature  ;  de  là  un  naiuralnme  pratique  :  on  iia 
sait  plus  lever  les  yeux  en  liant.  Le  naliiralisnie  spé- 
culatif vient  ens'iite.  Il  est  a'Inii^  d  avance  qu'il  nf, 
peul  se  passer  rien  que  de  naturel  el  de  compris 
dans  rhonime.  Fort  légéremenl  p"ur  ronlinaire  el 
avec  nu  dédain  lacile ,  on  él  'igiie  de  soi  toute 
croyance  à  un  ordre  surnalnrel  ;  ou  rejette  loule 
pensée  d'une  dispensation  et  d'une  bonté  'luine,  qui 
dès  l'origine  aurait  destiné  l'iK'iiiiiie  à  la  participa- 
tion surbuinaine  de  l'iiiiuiti'in  béaiili'iuc,  el  qui 
l'auraii  reieve  déchu. 

I  GepenJaiit  des  éludes  conscion;ieuses,  entre- 
prises ue  nos  jours,  avec  l'amonr  de  la  vériié,  el 
souvent  sans  aucun  dessein  Je  jnstitier  la  loi,  nous 
ont  montré  dans  les  traditions  aniiipns  de  l'un  et 
de  l'autre  liéniiS|dière  des  traces  é\ideiiles  de 
croyaiii  ei  priiniiives  sur  l'.'tal  heureux  d'innocence 
originelle,  el  sur  la  tliite  ijui  commença  la  cbaiiie 
funeste  des  riaux  de  l'humanité,  et  iiiéine  sur  la  ré- 
paraiion  i|iti  devait  suivre.  Ges  explorations  diver- 
ses, poussées  avec  un  courage  persévérant,  ont  mis 
en  (pieique  sorie  à  la  portée  et  dans  les  mains  do 
tout  le  muiiile  les  mumiinenls  religieux  des  anciens 


S8S 


SUR 


SUR 


r;8c 


glise  dès  les  pretoiers  siècles.  Dans  les  dé- 
crets que  l'on  appelle  canons  des  apôtres,  qui 
onl  été  faits  par  les  conciles  du  tr  et  du  iii° 

peuples.  Chacun  pcul  les  lire  ;  il  serait  fastidieux 
(le  les  éniiniérer  ici.  A  moins  de  fermer  les  yeux  à 
In  luuiière  du  jour,  ou  ne  peut  nier  les  iraiis  frap- 
pants de  rcssemhlaiice,  ou  plutôt  d'ideniiié,  entre 
cerlaiiis  dogmes  callioIi(|nes  et  les  points  saillants  de 
CCS  traditions  primitives  et  universelles  des  peuples  : 
c'est  que  la  source  en  fut  la  même. 

<  Or,  pour  tout  esprit  sérieux,  il  y  a  ici  un  Rrave 
objet  (le  rédexions.  Parmi  les  hommes,  suivant  tontes 
les  lois  nior.iles,  et  d:ins  cette  inlinie  varicté  de 
mœurs,  de  coiiimiies,  d'institutions,  de  temps,  de 
lieux,  de  croyances,  de  religions  et  de  préjng(!s  qui 
distinguent  les  nations,  il  n'y  a  que  deux  causes  pos- 
sibles d'un  conscntetncut  commun  du  genre  humain: 
la  v(;ril(Mles  faits  sur  lesquels  on  s'accorde,  s'il  s'a- 
git de  laits  ;  ou  l'irrifragalile  existence  des  premiers 
principes  et  de  leurs  conscSquences  essentielles,  vi- 
vantes comme  eux  dans  la  nature  même  de  l'intel- 
ligence humaine.  Des  faits  certains,  ou  des  vériiés 
essentielles,  voilà  les  seules  sources  de  l'iiniié  dans 
les  jugemenis  communs  de  tons  les  hommes.  C'est 
un  édiliee  qui  ne  peut  avoi'  d'antre  base. 

€  Toutes  les  fois  que  l'iniiié  se  lenconlre  dans 
les  traditions,  dans  les  jugements  d(;  l'humaniKi 
tout  entii-re,  on  ne  peut  y  voir  le  fruit  de  l'erienr  : 
l'erreur  n'engendra  jamais  que  la  varit;t(5.  «  Quod  est 
apitd  dmiies  tinum,  disait  Tertullicn, n(jn  est  invenlum, 
scd  irnditum.  Or,  quels  peuples,  (|uelles  générations, 
:iu  milieu  de  ces  fables  si  diverses  qu'ils  se  plaidaient 
h  créer  sans  cesse  pour  embellir  le  berceau  de  leur 
religion  et  de  leur  histoire,  n'ont  iiKÎlé  leurs  voix  ;iu 
concert  unanime  du  genre  humain  pour  C(il(^brer 
l'innocence  et  le  bonheur  des  premiers  jours  du 
monde  naissant,  et  déplorer  la  faute  du  père  des  hom- 
mes qui  ouvritia  carritl'reà  tous  les  crimes  cl  h  toutes 
les  douleurs?  Les  tradiiious  religieuses  des  peuples 
antiques,  mieux  connues  de  nos  jours,  grâce  aux  in- 
fatigables travaux  de  la  science,  ont  achevé  de  dis- 
siper tous  les  doutes.  Dt'jà,  de  leur  temps,  Ploton 
et  Diodore  de  Sicile  l'atiesiaient  comme  recnnnu  chez 
les  Egyptiens;  Plntarque,  chez  les  Perses;  Sirabon, 
dans  i'Iude.  Quant  aux  Grecs  et  aux  Bomains,  leurs 
pliiloso|ilics,  leurs  aiinalisies  et  leurs  pnëles  nous 
l'ont  redit  mille  fois;  et  les  voyageurs  les  pins  ac- 
crédités des  temps  modernes  S(nit  venus  joindre  aux 
témoignages  anciens  les  traditions  des  races  récem- 
ment connues.  Soiil-ce  là  des  symboles  et  des  my- 
thes? Un  symbole  universel  exprime  nécessairement 
la  vérité.  Le  sacrilice  universellement  admis  est  de 
ce  genre,  si  on  le  eonsidèie  comme  un  simple  signe  ; 
car  le  sacrifice  est  bien  un  cidte  réel  aussi  de  dépen- 
dance et  d'immolation  entière  à  l'égard  de  Dieu. 
Sont-ce  des  fictions  poétiques  enfantées  par  l'amour 
du  merveilleux?  Un  merveilleux  partout  et  coii- 
stainincnt  le  même  ne  peut  être  que  vériié.  Dt  puis 
cette  première  idée  d'un  étal  snrnainrel,  comment 
serait-elle  entrée  dans  le  domaine  de  nos  connais- 
sances? Placée  an-dessus  de  l'IiDinme  qui  de  lui- 
même  ne  pouvait  l'atteindre,  elle  a  du  nous  être 
d()niiée  par  Dieu,  et  cette  origine  seule  possible  de 
l'état  suriialurel  en  prouve  la  réalité  primitive. 

«  Mais  c'est  surtout  an  sein  des  traditions  calho- 
li(|nes  elles-mêmes  et  sous  l'égide  tulélaire  de  \'l\- 
glise  qu'il  faut  chercher  la  vérité.  Là  se  manifeste 
dans  iiiute  sa  majesté  l'admirable  économie  des 
desseins  de  Die»  sur  riiomme  ;  là  se  retrouvent  les 
phases  diverses  de  l'état  suriialurel,  le  dog:ne  pré- 
cis sur  l'intégrité,  la  chute  et  la  réparation,  dont 
nous  allons  enlin  esquisser  le  tableau  fidèlement 
catholique. 

I  L'homme  primiiif.  Par  la  grâce  sanciilianle,  di- 
gnité première  SHrnaliirelIe  de  son  âme,  l'hoinme 
était  l'ami,  renfani  de   Dieu,    établi   dans  la  justice 

DlCT.  BE  ïnÉOL.  D0G11AT1(,>UE.  IV, 


-  siècle,  la  mapense  est  exprimée  par  lo  mot 
segregnre,  qui  sipnilie  séparer  ou  écarter,  et 
un  clerc  pouvait   l'encourir  par  une  faute 

et  la  sainteté,  comme  s'exprime  le  concile  de  Trente 
après  saint  Paul.  Pour  ses  œuvres,  ses  pensées  et 
ses  désirs,  la  coopération  divine  la  plu?  douce  el  la 
pins  poissante  lui  était  préparée  ;  et,  diins  tout  son 
être,  privilège  à  jamais  regreitable,  le  bien!àil  divin 
maintenail  mic  p:irr;iite  sonmissicm  de  la  chair  et 
des  sens  à  l'espnl,  de  la  raison  el  du  cœur  à  la  grâce. 
Ni  l'ignorance,  ni  la  concupiscence  ne  venaieiu  ja- 
mais altérer  cet  ordre  inlérieur  et  admirable.  Tel 
était,  quant  à  l'âme,  autant  que  nous  le  savons  par 
la  révi'lation,  l'éiai  surnaturel  de  justice  originelle. 
Alors  donc  rintelligence,  éclairée  des  plus  vives  lu- 
mières et  unie  pleinement  à  l'inielligeiice  divine, 
étiiii  pour  l'homme  le  guide  sûr  et  la  science  lou» 
jours  acquise.  Alors  les  passions  du  C(eur  ne  lui  ao- 
porlaient  ni  trouble,  ni  obscurité.  Ce  cœur  entiè- 
rement droit  et  pur  étaii  établi,  fixé  eu  DiiMi.pour  se 
complaire  en  Dieu  seul,  et  pour  l'aimer  lui  seul. 
Au  dehors  sur  tonte  la  nalnre,  comme  au  dedai:s 
siir  lui-même,  par  le  glorieux  privilège  de  l'état 
d'innocence,  l'homme  exerçait  un  souverain  empire. 
Dieu  l'avait  établi  roi  de  l'univers  :  tous  les  ani- 
maux obéissaient  à  sa  parole,  et  reconnaissaient  en 
lui  le  maître  qui  les  avait  vus  amenés  â  ses  pieds 
pour  leur  imposer  des  noms.  Prodiguant  à  la  nature 
les  prérogatives  et  les  grâces  qui  ne  lui  étaient  dues 
à  aneun  litre,  le  Créateur  avait  eue  )ie  alïranclii 
riiomme  du  pouvoir  naturel  de  la  mon  et  de  la  loi 
d'une  dissolutiiin  à  venir.  Lecorps  était  pour  jamais, 
si  riiomme  l'avait  voulu,  associé  à  li  vie,  à  l'immor- 
taliié  de  l'âme,  et  leur  union  ne  devait  être  ni  l'oc- 
easion  ni  la  cause  de  déplaisirs  ou  de  douleurs.  Alors 
aussi  tons  nos  maux  étaient  inconnus  :  nulle  souf- 
france, nulle  maladie,  nulle  crainte;  mais  seulement 
commençait  une  vie  de  paix,  d'espérmice,  de  bon- 
heur et  d'amour,  ([iii  devait  bientùt  se  consommer 
dans  l'éternelle  et  iniime  pariicipation  de  la  béatitude 
même  divine.  Voilà,  du  moins  en  partie,  ce  que  nos 
saintes  Ecritures  et  les  traditions  catholiques  nous 
apprenneiit  sur  le  premier  âge  de  riiomine,  sur  cet 
heureux  ('tal  de  justice  originelle  dans  lequel  Dieu 
l'avait  établi  en  le  créant,  et  dont  les  traces  les  plus 
ineoniestables  se  retrouvent  parmi  les  religions  an- 
tiques de  l'un  el  de  l'autre  hémisphère. 

<  L  homme  déchu.  Quelle  dégradation  l'homme  a 
subie  1  et  i|u'il  en  va  bien  anirenieut  p  inr  nous  !  Mais 
il  faut  concevoir  que  loule  l'essence  de  la  nalnre  de- 
meurait avec  ses  propiiéiés  consiiuitives  sius  cette 
transformation  surnaturelle  primitive.  La  destina- 
tion finale,  la  grâce  sanctifiante,  la  parfaite  soumis- 
sion des  sens,  en  nn  mol,  tout  cet  étal  admirable 
de  justice  originelle,  avec  le  don  d'imiunrtaliié  et 
d'impassibilité  pour  le  corps  même,  claieul  autant 
de  richesses  ajoutées  libremenl  à  la  nature  humaine 
par  la  munificence  divine,  richesses  ijui  pouvaient 
être  par  conséquent  reliancbées  sans  i|U(!  riiomme 
naturel,  quoii|iic  puni  el  dégradé,  snnllrit  d'alieinle 
ni  d'altéraiioii  propreniont  essen;ielle.  Or,  c'est  pré- 
cisément  là  l'idée  exacte  à  se  former  des  effets  de  la 
chute  originelle  en  l'homme  :  il  fut  dépouillé,  sni- 
vanl  l'arrêt  divin,  de  luus  les  dons  surnaturels,  privé 
par  sa  faute  de  l'éniinenie  et  du  bonheur  de  sa  di- 
gnité première,  marqué  d'un  signe  héréditaire  de 
dédié  mce.  La  nature  lui  resta  seule,  pauvre,  dé- 
nuée, laborieuse,  mais  entière,  à  proprement  parler, 
dans  ses  facultés  et  dans  sa  c.instiiniiou  essentielle, 
ce  qu'il  ne  ne  faut  point  oublier,  quand  ou  veut  sai- 
ncmi'nt  apprécier  l'état  de  l'homnii;  déchu  par  le 
péché  originel. 

I  Quelle  différence  CNiste  donc  entre  l'état  dij 
simplenature  et  celui  de  rbommedéchu  parle  péché 
originel?  La  môme  qui  distingue  celui  qui  était  im 
de  celui  qu'on  a  dépouillé,  répond  le  cardinal  Bel- 

19 


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Irès-légère,  par  exemple,  pour  s'être  moqué 
d'un  estropié,  d'un  sonrd  ou  d'un  aveugle, 
('an.  49,  «'•  S8,  etc.  La  suspense  perpétuelle 
était  nommée  déposition  ou  dégradation,  et 
alors  un  clerc  était  censé  réduit  à  l'étal  de 
simple  laïque.  Celte  peine  avait  aussi  diiïé- 
rents  degrés  ;  quelquefois  on  privait  seule- 
ment un  clerc  pour  qui'lque  temps  des  dis- 
tributions manuelles  qui  se  faisaient  pour 
fournir  aux  ecclésiastiques  leur  subsist.mce, 
et  que  l'on  appelait  divisio  mensurna  ;  d'au- 
tres Ibis  on  lui  interdisait  seulement  l'exer- 
cice d'une  fonction  particulière,  sans  lui 
ôter  les  autres  ;  si  le  cas  était  plus  grave,  on 
le  privait  de  toute  fonction.  Enfin,  lorsqu'il 
était  coupable  d'un  crime,  on  le  déposait  ; 
on  l'obligeait  à  la  pénitence  publique,  et  s'il 
n'y  avait  point  d'espérance  de  correciion, 
l'on  prononçait  contre  lui  l'excomniuaici- 
tion.  Cett'!  discipline  sévère  conserva  pen- 
dant longtemps  une  régularité  exemplaire 
dans  le  clergé  ;  mais  les  révolutions  qui  ar- 
rivèrent au  V  siècle  et  dans  les  suivants 
la  rendiren!  bientôt  impraticable.  Bingham, 
Orig.  ecclesiasl.,  1.  xvii,  c.  1,  t.  Vlll,  p.  1 
et  suiv. 
SUSPENSE  (1)  {Droit  canonique)  est  une 

Jarniiii  ;  et  c'est  de  la  iierie  seule  des  dons  surna- 
turels dépailis  iiu  père  du  genre  liumain  que  dérive 
la  triste  corruption  de  noire  nature  ;  ex  sola  doni  su- 
pcriittturalis  ob  Adœ  peccatum  amissione  profluxit. 
Ti:llft  esi  la  dnclrine  des  Pères,  l'enseignement  des 
llRologiens,  le  dogme  de  l'Eglise  universelle.  La 
voilà  donc  celle  redoutable  ilnclrine  sur  les  effets  du 
pérlié  origiiiel  :  quand  onTaitaiiue,  quand  on  la  mau- 
dit avec  tant  de  violenic  et  île  mépris  quelquefois, 
la  connaît-on?  Dieu  n'a  fait  que  retirer  à  l'homme 
des  (Ions  qu'il  lui  avail  prodigués  dans  l'origine, 
mais  qu'il  ne  lui  devait  pas.  Ces  dons,  l'enfant  qui 
nieurl  prive  delà  gràre  du  baptême  ne  les  possé- 
dera jamais  ;  mais  rien  dans  le  dogme  catholique 
nedélinit  qu'il  doive  subir  d'autre  peine  éternelle  (pje 
le  manque  négatif  de  la  vision  intuitive  surnalureilc, 
sans  douleur  sentie.  Telle  est,  en  propres  termes, 
l'enseignement  de  saint  Thomas  et  de  saint  Augustin. 
Le  dogme  demeure  assurément  tout  entier,  et  avec 
lui  un  grand  mystère,  j'en  conviens.  Oui,  nous  nais- 
sons pécheurs;  oui,  dans  notre  premier  père,  nous 
avons  tous  péché. 

4  L'homme  réparé.  A  cette  connaissance  du  bonheur 
primitif  et  de  la  déchéance  du  genre  humain  trans- 
mise d'âge  en  âge  par  les  traditions  antiques,  la  loi 
catholique  ajoute  le  dogme  de  la  réparation  divine 
de  riiomine  par  le  sang  de  Jésus-Christ. 

(  Coupuble.-i  par  la  désobéinsunce  d'un  seul,  dit  saint 
l'aui,  nous  sommes  justiliés  et  sauvés  par  l'obéissance 
d'un  seul.  Le  samjice  de  la  croix,  ajoute  le  même 
apôtre,  a  payé  notre  dette,  et  des  feuves  de  yrâ  e  sur- 
abondent oit  le  ciiine  avait  abondé  (liom.  v,  v.  VJ, 
20).  La  grâce  sanclifianle  a  él-  rendue  à  l'homme,  cl 
il  peut,  en  Jésus-Christ,  lendce  à  la  fin  surnaturelle, 
à  la  vision  intuitive  de  l'titre  divin.  Au  roi  déchu 
lin  tronc  fut  re.-tilué,  trône  conquis  par  l'effusion 
du  sang  divin  ;  mais  des  ennemis  utiles  lurent  laissés 
pour  combattre  et  pour  vaincre.  L'Iiumme  relevé, 
jiiiissant  et  libre,  dut  unir  ses  efforts  à  ceux  d'un 
chef  généreux,  pour  partager  avec  lui  les  Irnits  de 
la  \icioire.  Maître  encore,  s'il  le  vciii,  de  lui  même 
et  du  monde,  esclave  s'il  consent  à  l'être  encore, 
l'enfant  régénéré  d'Adam  apparaît  sur  la  terre,  comme 
le  gucn  ier  tout  armé  pour  le  combat  est  sur  de  bOn 
triomphe  en  celui  qui  l'assiste  cl  le  fonilic.   > 

(1)  Cet  article,  reprùduii  d'apiès  l'édition  deLiéi;e, 


censure  ecclésiastique  par  laquelle  an  clerc 
qui  a  commis  quelque  faute  considérable  est 
puni  par  la  privation  de  l'exercice  de  son 
ordre  ou  de  son  office,  ou  de  l'adminislra- 
tioii  do  son  bénéQce,  c'est-à-dire  de  ce  qui 
regarde  la  jouissance  ou  la  perception  des 
fruits  qui  y  sont  attachés,  soit  en  tout  ou  en 
partie,  soit  pour  un  temps,  soit  pour  tou- 
jours. Cependant  lorsque  la  suspense  doit 
élre  pour  toujours,  il  est  plus  à  propos  de 
procéder  par  la  déposition.  Avant  que  les 
revenus  de  l'Eglise  lus'^eut  séparés,  et  que 
les  bénéfices  fussent  érigés  en  titre,  la  sus- 
pense al)  ordine  emportait  la  suspension  de 
percevoir  les  fruits  qui  dépendaient  de 
l'exercice  de  l'ordre  :  ainsi  on  ignorait  cette 
distinction  de  sns'pense  a  bénéficia. 

On  distiiigi^ie  aujourd'hui  trois  sortes  de 
suspenses  :  celle  de  l'ordre,  celle  de  l'offlce , 
et  celle  du  bénéfice.  La  première  prive  des 
fonctions  actuelles  des  ordres  que  l'on  a  re- 
çus ;  la  seconde,  de  l'exercice  de  la  juridic- 
tion et  de  toutes  les  autres  fonctions  qui 
appartiennent  à  un  clerc,  à  raison  de  quel- 
que bénéfice  ou  de  quelque  charge  ecclésias- 
tique ;  la  troisième  le  prive  des  fruits,  tant 
de  ceux  que  l'on  appelle  gros  et  dîmes,  qae 
de  ceux  qui  cotisistent  en  distribution  et  en 
offrandes,  comme  aussi  des  autres  avanta- 
ges qui  sont  attachés  à  ce  bénéfice  ou  à  cette 
charge.  —  La  suspense  est  ou  totale,  ou  par- 
tielle. Si  elle  est  totale,  elle  le  prive  tout  à 
la  fois  de  l'exercice  de  son  ordre,  et  de  son 
office,  cl  de  son  bénéfice.  La  partiellfr,  au 
contraire,  ne  prive  que  de  l'exercice  de 
l'ordre,  ou  seulement  du  bénéfice,  ou  de 
l'ordre  clérical.  Ces  deux  sortes  de  suspense* 
sont  l'une  et  l'autre  une  pure  peine,  parce 
qu'elles  n'ont  pour  objet  principal  que  la 
punition  du  crime  de  celui  sur  qui  elles 
tombent.  Elle  doit  être  exprimée  par  le  droit, 
ou  prononcée  par  le  supérieur  légitime. 
Dans  le  premier  cas,  on  l'appelle  canonis 
ou  a  jure;  dans  le  second,  judicis  ou  ab  lio- 
mine.  Lorsque  la  suspense  est  sans  addition 
ou,  comme  on  dit,  sans  queue,  elle  est  cen- 
sée totale. 

Une  suspense  d'un  ordre  supérieur,  ab  or- 
dine superiore  lanluin ,  n'a  pas  d'eUet  à 
l'égard  des  ordres  inférieurs.  Aussi  un  prê- 
tre suspens  de  la  célébration  de  la  messe 
peut  licitement  exercer  les  fonctions  de  dia- 
cre et  de  sous-diacre.  Tel  est  l'ancien  usage 
de  l'Eglise,  qui,  dans  plusieurs  conciles,  ré- 
duisait les  prêtres,  en  punition  de  leurs  fau- 
tes, aux  siiuples  exercices  des  ordres  infé- 
rieurs. La  suspense  d'un  ordre  inférieur  a, 
au  contraire,  son  effet  à  l'égard  des  fonc- 
tions de  l'ordre  supérieur  ;  de  sorte  qu'un 
ecclésiastique  suspens  du  diaconat  ne  petit 
exercer  aucun  ordre  supérieur;  autrement 
il  encourt  l'irrégularité;  ce  qui  est  fondé  sur 
celle  règle  de  droit  :  oui  non  licet  quod  mi- 
nus est,  nec  ei  licere  débet  quod  est  majiis, 

renferme  pltisieurs  décisions  qui  sont  plus  en  rap- 
port avec  notre  ancienne  ju:i»pruilenre  qu'avec  la 
saine  thêiilogie.  Voij.  noire  Dictionnaire  de  Théo- 
logie morale,  art.  So-rENE. 


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«0 


surtout  lorsqu'il  ne  peut  exnrcor  l'ordre  su- 
périeur sans  faire  quelque  acte  iIp  l'ordre 
inférieur,  comme  de  lire  l'Kpîlro  ou  l'Evan- 
gile à  la  messe,  qui  sont  des  fonctions  pro- 
pres au  sous-diaconat  et  au  diaconat. 

Polin.Tn  pense  qu'un  prêtre  suspens  du  dia- 
conat seuli'inent  peut  exercer  les  fondions 
do  la  prêtrise  qui  n'y  (int  point  de  rapport  ; 
qu'ainsi  il  peut  prêcher,  administrer  le  bap- 
tême solennel,  la  pénitence,  la  communion 
e'  l'cxlrênie-onction. 

La  suspense  étant  attachée  à  la  personne, 
elle  suit  celui  qui  l'a  encourue,  en  quelque 
diocèse  qu'il  se  retire.  Lo  concile  d'Antioche 
menace  de  peines  très-sévères  l'évèque  qui 
permet  au  suspens  d'exercer  dans  son  dio- 
cè:ie  les  fonctions  des  ordres  sur  lesquels 
porte  \a  suspense  prononcée  par  son  évéque. 
Celui  qui  a  été  déclaré  suspens  a  beneficio 
l'est,  parcelle  raison,  à  l'égard  des  bénéfi- 
ces qu'il  possède  dans  un  autre  diocèse, 
parce  que  ce  bénéficier  étant  sujet,  à  raison 
de  son  domicile,  de  l'évèque  qui  l'a  déclaré 
suspens,  et  celte  si(s/)ensc  étant  attachée  à  la 
personne,  suivant  la  reni.irque  ci-dessns,  il 
n'a  pas  plus  de  droit  d'administrer  les  béné- 
fices qu'il  a  en  d'autres  diocèses  que  ceux 
qu'il  a  dans  le  diocèse  où  il  réside. 

Il  faut  observer,  comme  une  conséquence 
de  ces  principes,  que.  comme  la  résignation 
suppose  nécessairement  un  droit  au  béné- 
fice, le  bénéfiiier  suspens  ne  peut,  selon  les 
canons,  résigner  ni  permuter,  vu  qu'il  ne  le 
peut  sans  exercer  un  droit  de  l'usage  duquel 
il  est  privé  par  la  sitspense;  mais  il  faut 
pour  cela  qu'il  y  ait  un  jugement  déûnilif. 
Jusi]u'à  ce  jugement ,  il  peut  résigner  et 
même  disposer  des  fruits,  s'il  n'y  a  contre 
lui  qu'une  sentence  dont  il  soit  appelant. 

Un  ecclésiastiiiue  devient  suspens  ipso  ju- 
re, principalement  dans  neuf  circonstances; 
la  première,  lorsqu'il  se  fait  ordonner  sous 
Je  titie  d'un  faux  bénéfice,  ou  sous  un  titre 
patrimonial  feint.  11  faut  cependant  observer 
que  ceci  ne  s'entend  que  des  diocèses  où  les 
évêques  ont  statué  celte  peine,  et  non  pas  à 
l'égard  des  autres,  la  bulle  Romani  ponlifi- 
cis  n'étant  pas  reçue  dans  le  royaume.  La 
seconde,  lorsque  l'on  reçoit  les  ordres  avant 
l'âge  requis,  ou  hors  le  temps  prescrit  par 
les  canons,  ou  sans  le  démissoire  de  l'évè- 
que. La  troisième,  en  recevant  un  ordre  sa- 
cré avant  d'à  voir  reçu  l'autre  ordre  sacré  qui 
lui  est  inférieur,  comme  le  diaconat  avant  le 
sous-diaconat,  ou  la  prêtrise  avant  le  dia- 
conat. De  même  ceux  qui,  étant  frappés  de 
rexcomn\unicalion  ou  coupables  de  simo- 
nie, reçoivent  quel  |ue  ordie.  La  quatrième, 
en  recevant  dans  un  même  jour  plusieurs 
Jrdres  sacrés.  La  cimiuièine,  lorsqu'un  clerc 
substitue  à  sa  place  à  l'examen  une  autre 
pers  luie  et  se  fiit  ensuite  ordonner.  La 
sixiè.ae,  en  se  faisant  ordonner  par  un  évé- 
que que  l'on  sait  être  excommunié,  suspens 
ou  interdit  dénoncé.  La  septième,  en  rece- 
vant les  onlrcs  d'un  évéque  qui  s'est  démis 
de  son  évêclié.  La  liuiiièmo,  en  recevant  uu 
ordre  après  avoir  contracté  mariage,  sans 
distinguer  si  le  mariage  a  été  consommé.  La 


neuvième,  lorsqu'un  prêtre  séculier  céli  lue 
un  mariage  ou  donne  la  bénédiciion  nuj)- 
tiale  à  des  personnes  d'une  autre  paroisse, 
sans  1.1  permission  du  curé  ou  de  l'évèque 
des  contractants. 

Au  surplus,  les  cas  où  la  suspense  est  en- 
couriie  par  le  droit  sor.t  presque  infinis.  H 
n'y  a  point  d'abus  ou  de  mépris  des  fonc- 
tions ecclésiastiques  qui  ne  soil  puni  par 
une  suspens,^  proportionnée  à  la  nature  de 
la  faute.  Mais  le  cas  ne  peut  être  arbi- 
traire; il  faut  qu'il  suit  spécifié  par  les  ca- 
nons ou  par  les  statuts  du  diocèse.  Sur  quoi 
il  faut  examiner  ce  qui  a  été  dit  au  mot  Cen- 

SCBK. 

Outre  la  peine  qu'encourent  ceux  qui  vio- 
lent /((  susp'Hse  (le  l'exercice  des  ordres,  ou- 
tre ce  qui  reijarde  purement  le  for  intérieur, 
ils  encourent  encore  l'irrégularité.  11  n'en 
est  pas  de  même  de  la  suspense  de  la  juridic- 
tion conlenlieuse ,  elle  n'est  pas  punie  de 
l'irrégularité,  parce  qu'un  clerc  qui  n'a  re- 
çu aucun  ordre  peut  l'exercer.  Il  m  est  de 
même  de  ceux  qui,  étant  suspens  a  beneficio, 
ne  laissent  pas  d'in  percevoir  les  fruits  et 
d'en  passer  des  baux. 

On  voit  qu'il  y  a  une  distinction  à  faire 
entre  la  suspense  de  l'ordre  et  la  suspense  de 
la   juridiction.  Celte  distinction  naît  de  la 
différente  qu'il  y  a,  suivant  le  droit,  entre 
l'ordre  et  la  juridiction.    Celui  qui  est  sus- 
pens de  l'un  n'est  pas  censé  l'élrede  l'auire. 
parce  <|u'en   matière  canonique   les  peines 
sont  odieuses,  et  par  conséquent  ne  peuvent 
soulTiir  d'extension  ;  et  l'on  doit  tenir  pour 
principe  que  celui  qui  e.a  suspens  ab  ordine, 
n'est  jamais  censé    l'être  a  jurisdic.lione,  et 
vice  versa.  Il  faut  cependant  excepter  le  cas 
où  la  Juridiction  est  nécessairement  attachée 
à  la  fonction  de  l'ordre,  comme  elle  l'est 
dans  le  sacrement  de  pénitence,  laquelle  pir 
conséquent  un  prêtre  suspens  ab  ordine  ne 
peut  pas  exercer  :  ainsi  un  évêiiuc  suspens 
ub  ordine  ne  peut  célébrer  poulificalemcnt, 
ni  conlérer  les  ordres,  ni  consacrer  les  égli- 
ses ni  les   autels,  parce  que  ces  fonctions 
appartiennent  à  la    puissance   de  l'ordre  ; 
mais  il  peut  exercer  les  actes  de  juridiction 
épiscopale,  c'est-à-dire  présenter  aux  béné- 
fices, conlérer  ceux  qui  sont  à  sa  collation 
approuver  les  confesseurs,  prononcer  la  sus- 
pense, l'interdit,  l'excommunication,  et  eu 
absoudre  au  for  extérieur  seulement,    ces 
fonctions  étant  des  actes  de  juridiction,  et 
non  pas  des  actes  d'ordre.  Si,  au  contraire, 
il  a  été  déclaré  suspens  a  jurisdictione  seu- 
lement, il  peut  exercer  toutes  les  fondions 
qui   sont  de  la  puissance  de  l'ordre,  sans 
pouvoir  en  exercer  aucune  de  celles  qui  ne 
lui  ai)partiennent  qu'à  raison  de  sa  juridic- 
tion ;  sur  quoi  on  observe,  1"  qu'un  évéque 
suspens  o  pontifîciUiO'is ,  ne    peut  célébrer 
cwn  appnralu  pontificali,  quoiqu'il  le  puisse 
aulrement  ;  c'esl-a-dirc,  sans  aucune  céré- 
monie pontificale  et  de  la  même  manière  que 
les  prêtres  ont  coutume  de  célébrer,  sans 
mitre,  sans  pallium,  ni  aucun  autre  orne- 
ment  propre  aux   évêques.    On    cite   pour 
exemple  celui  de  l'évèque  do  Naoles,  dépos6/C! 


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comme  simoniaque  au  concile  do  Reims, 
sous  le  poiilincat  de  Léon  IX,  el  à  qui  les 
Pères  permirent  d'exercer  sciilemeril  l'office 
de  préire;  2°  qu'il  ne  peut  conférer  la  con- 
firmation ni  aucun  ordre,  ni  consacrer  les 
églises,  les  autels,  pas  même  les  calices.  On 
voit  par  cet  exemple  cclèhre  que  les  pre- 
mières puissances  de  l'Eglise  sont  soumises 
à  celte  cençiire  ;  mais  il  faut  observer  qu'au- 
cune suspense  ne  peut  lomlier  sur  un  évè- 
que,  à  moins  qu'il  ne  soit  expressément 
Dommé. 

L'ignorance  qui  n'est  ni  affectée  ni  coupa- 
ble excuse  de  loulo  censure,  et  par  consé- 
quent exempte  de  la  suspense.  On  ne  distin- 
gue pas  si  cette  ignorance  est  de  (ait  ou  de 
droit.  Ainsi,  un  i  cclésinslique  étranger  à  un 
diocèse,  en  violant  les  staUils  qui  ne  sont 
pas  d'usage  dans  le  sien,  n'est  pas  exposé  à 
subir  celle  peine.  Les  canonisiez  en  donnent 
pour  raison,  que  l'on  n'encourt  jamais  celle 
censure  sans  en  avoir  été  au  moins  averti 
auparavant,  l'Eglise  n'ayant  eu  in  vue  que 
de  punir  les  conlmnaces  ;  et  plusieurs  pa- 
pes, entre  autres  Innocent  111  el  Innocent  IV, 
ont  établi  pour  maxime  que  la  moiiilion  doit 
précéder  la  censure. 

Quant  à  ceux  qui  ont  droit  de  la  pronon-i 
cer,  tous  ceux  (jui  ont  droit  d'excommunier 
ont  celui  de  suspendre.  Sur  quoi  l'on  oliserve 
qu  il  est  bien  des  prélats  qui  peuvent  suspen- 
dre el  ne  peuvent  excommunier.  On  tient  en 
général,  que  les  chapitres,  les  supérieurs  ré- 
guliers, les  abbcsses,  les  archiiliai  res,  les 
archiprèlres,  et  même  les  doyens  ruraux, 
peuvent  ordonner  des  suspenses  momenta- 
nées, au  lieu  qu'il  n'y  a  que  l'évéque  qui  ait 
droit  de  prononcer  l'excommunication.  On 
conteste  aux  curés  le  droit  de  prononcer  la 
suspense  contre  les  clercs  de  leurs  p;iroisses. 
La  forme  de  la  sentence  démontre  que  le  dé- 
lit qui  donne  lieu  à  la  suspense  doit  être  prou- 
vé ;  il  faut  que  celte  sentence  énonce  en 
avoir  une  entière  conviction.  Quia  constat  le 
commisisse o te  suspendimus.  Tout  ec- 
clésiastique à  qui  le  bruil  public  aitrihuc  un 
crime  qui  mérite  la  déposition,  doit  cire  sus- 
pendu jusqu'à  ce  qu'il  se  soit  justifié  :  ainsi 
le  décret  de  prise  de  corps  et  le  décret  d'a- 
journement personnel  font  encourir  cette 
peine  ;  usais  elle  cesse  par  la  conversion  de 
ces  décrets  en  celui  d'assigné  pour  être 
ouï. 

Nous  avons  observé  plus  baut  que  le  mé- 
pris de  la  suspense,  marqué  par  la  continua- 
lion  à  faire,  pendant  la  suspense,  les  fonc- 
tions dont  elle  prononce  la  privation,  doit 
être  puni  par  l'excommunication  majeure  ; 
elle  l'est  ijuelqnefois  ipo  jure,  el  enirainc 
toujours  Vin  égutarilé.  }\ld\s  ai\  verra  par  les 
principes  qui  ont  été  posés  ta  ce  mol,  qu'elle 
doit  être  prononcée  par  un  jugement.  La 
suspense  finit  par  l'absolution  qui  s'accorde 
sur  la  sitisfaction  de  la  part  de  celui  qui  l'a 
encourue,  par  le  laps  du  temps  pour  lequel 
la  suspense  a  été  portée  ;  par  la  cessation  et 
par  la  révocation,  el  même  par  la  dispense. 
Toutes  les  fois  que  la  durée  de  la  susfieiise 
qui  s'encourt  par  le  seul  fait  est  laissée  à  la 


volonté  du  supérieur,  la  suspense  finit  quand 
il  permet  les  fonctions  défendues  par  la  sus- 
pense. 

11  y  a  plusieurs  suspenses  réservées  au  pa- 
pe, dont  on  trouve  les  espèces  dans  les  corps 
de  droit  canonique,  cap.  35,  X,  l'e  lempor. 
orclln.  10  de  apost.  2,  ne  clerici  vel  mo- 
vific     etc. 

SOZANNE.  Voy.  Daniel. 

SYMBOLE.  Ce  terme  grec  a  signifié  dans 
l'origine,  assemblage  ou  contribution,  en- 
seigne à  laquelle  plusieurs  se  rassemblent 
el  se  réunissent,  marque  par  laquelle  ils  se 
reconnaissent  et  se  distinguent  des  autres, 
tout  ce  que  les  Latins  appelaient  signa  et  in- 
signia.  Par  analogie,  il  a  exprimé  tout  signe 
extérieur  qui  indique  une  chose  qu'on  ne 
voit  pas.  Dans  ce  dernier  sens,  les  Ihéolo- 
giens  et  les  auteurs  ecclésiastiques  ont  nom- 
mé symbole  la  matière  ou  l'action  extérieure 
des  sacrements  :  ainsi ,  dans  le  baptême, 
l'iiction  de  laver  est  le  symbole  de  la  purifi- 
cation de  l'âme  ;  dans  l'eucharistie  le  pain 
el  le  vin  sont  les  symboles  du  corps  el  du 
sang  de  Jésus-Christ,  réellement'  présents, 
mais  qu'on  ne  voit  pas  ;  dans  la  confirma- 
tiivn,  l'oiiciion  du  front  désigne  la  grâce  for- 
tifiante nécessaire  au  chréiien,  etc.  Ainsi 
toutes  les  cérémonies  du  culte  divin  sont  des 
symboles,  puisqu'elles  indiquent  les  senti- 
meiils  intérieurs  du  respect  que  nous  vou- 
lons rendre  à  Dieu.  Dans  le  sens  le  plus  lit- 
téral, on  a  nommé  symbole  la  profession  do 
foi  du  chrétien,  soit  parce  que  c'est  l'assem- 
blage des  principales  vérités  qu'il  faut  croire, 
soit  parce  qu'elle  sert  à  distinguer  les 
croyants  d'avec  les  infidèles  el  les  héréli- 
(jues.  11  y  a  dans  l'Eglise  chréiiennc  qualrc 
symboles  principaux,  celui  des  apôtres,  ce- 
lui du  concile  de  Nieée  tenu  l'an  32o,  celui 
du  concile  de  Constantinoplc  tenu  l'an  431, 
et  celui  de  saint  Atlianasc. 

Le  symbole  des  apôtres  est  la  plus  ancienne 
profession  de  foi  (jui  ail  été  en  usage  dans 
l'Eglise.  Quelques  auteurs  ont  cru  que  les 
apôtres,  encore  assemblés  à  Jérusalem, 
avaient  dressé  d'un  commun  accord  cet 
abrégé  de  la  foi  chrétienne,  pour  qu'il  fût 
appris  et  professé  par  tous  ceux  qui  voû- 
taient recevoir  le  baptême;  mais  ce  fait  n'a 
été  écrit  que  par  des  auteurs  du  iv  siè- 
cle, qui  n'ont  cité  aucun  témoin  plus  an- 
cien qu'eux,  et  il  y  a  d'autres  faiis  qui  ren- 
dent celui-là  très-douteux.  11  est  seulement 
constant  que,  dès  la  naissance  de  l'Kglise, 
on  a  exigé  de  ceux  qui  embrassaient  le 
christianisme  une  |>rofession  de  foi,  avant 
de  leur  adminisUN'r  le  baptême  ;  mais  il  ne 
parait  pas  que  dès  lors  on  les  ait  assujctlls 
tous  à  réciter  préciséaicnl  la  même  formule 
ni  à  s'exprimer  dans  les  mêmes  termes.  H 
ne  s'ensuit  jias  de  là  que  l'on  a  eu  torl  d'ap- 
peler symbole  des  apôlres  la  formule  que 
nous  connaissons  aujourd'hui  sous  ce  nom, 
puisqu'elle  renferme  esaclement  les  princi- 
paux articles  de  la  doctrine  enseignée  par 
les  apôlres.  Quoique  le  fait  de  la  composi- 
tion de  celle  profession  de  foi  jsurles  apôtres 
eux-mêmes  ne  soit  pas  prouvé,  il  ne  fallait 


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pas  l'attaquer  par  Je  mauvaises  raisons, 
comme  ont  fait  quelques  priilestuits.  Ils  di- 
sent que  si  les  apôlros  l'aviiiout  tlresséo.elle 
aurait  6lé  mise  au  raiin  des  Ecritures  ca:io- 
iiiquos,  que  l'on  n'aurait  pas  o.=é  y  ajouter 
certains  articles  (jui  n'y  out  et;!  mis  que 
dans  II  suite,  lorsqu'il  s'est  élevé  de  nou- 
velles erreurs;  cjuc  comme  nous  ne  connais- 
sons pas  les  circonslaiiccs  dans  lesquelles 
li's  addiiions  ont  élc  faites,  nous  ne  pouvons 
pas  en  prendre  exactement  le  sens.  Mos- 
heiin,  Ilist.  christ.,  stec.  i,  §  19;  sa!c.  ii,  §  36. 
—  (]es  réllexions  nous  paraissent  Tinsses. 
1°  C'est  la  manie  des  protestants  de  vouloir 
que  tout  ce  qui  vient  des  apôtres  soit  écrit 
dans  le  Nouveau  Teslanient,  et  que  tout  ce 
qui  n'est  pas  formellement  écrit  dans  ce  li- 
vre ne  mérite  aucune  croyance;  nous  prou- 
verons le  contraire  au  mot  Tuadiiion. 
2"  Puisque  l'on  a  su|)posé  que  les  apôtres 
avaient  f,,it  un  symbole  pour  fixer  la  croyance 
chrétienne,  on  a  dû  présumer  aussi  ()ùe  s'ils 
avaient  encore  vécu  lorsiiu'il  s'est  élevé  de 
nouvelles  erreurs,  ils  auraient  ajouté  au 
Sjjmholela  docirine  cimlrairc;  on  a  <lonc  fait 
ce  que  l'on  a  jugé  qu'ils  auraient  fait  eux- 
mêmes.  Quoique  les  prolestants  aient  lou- 
j  lurs  fait  profession  de  ne  vouloir  point 
d'autres  règles  de  foi  que  l'Hcrilnre  sainte, 
cela  ne  les  a  pas  empêchés  de  dresser  des 
confessions  de  foi,  d'y  employer  d'autres 
termes  que  ceux  de  l'Ecriture,  d'y  .ijouter 
ou  d'y  retrancher  ce  qu'ils  ont  jugé  à  pro- 
pos, li'  Quoiqu'ils  ne  .■■achent  pas,  iion  plus 
(jue  nous,  quelles  sont  les  dilTérentes  cir- 
constances dans  lesquelles  les  apôtres  ont 
écrit,  qui  sont  les  mécréants  qu'ils  eut  vou- 
lu réfuter,  quelles  étaient  les  erreurs  (ju'ils 
ont  attaquées,  ils  n'en  soutiennent  pas  moins 
que  nous  pouvons  prendre  exactement  le 
sens  de  ce  qui  est  écrit  ;  donc  il  en  est  de 
mènic  des  additions  faites  au  symbole  îles 
apôlres.  D'ailleurs,  quelles  sont  ces  addi- 
tions? Les  critiques  protestants  n'en  con- 
viennent point.  Bingham  et  Grabo  les  rédui- 
sent à  trois,  savoir,  la  descente  de  Jésus- 
Christ  aux  enfers,  la  communion  des  saints, 
la  vie  éternelle,  Orly,  ccclcs.,  1.  x,  c.  3,  §  5. 
Or,  le  premier  de  ces  articles  est  enseigné 
par  saint  Pierre,  Act.,  c.  ii,  v.  2i  et  seq.; 
Jîpisl.  I,  c.  m,  V.  19;  et  par  saint  Pau!, 
Lphes.,  c.  IV,  V.9;  le  second  par  saint  Paul, 
Rom.,c.  XII,  V.  5;  /  Cor,,  c.  x,  v.  17;  //  Cor., 
c.  IX,  V.  13,  14,  etc.  On  convien  ira  sans 
doute  que  tous  ont  parlé  de  la  vie  éternelle. 
Episcoj)ius,  trop  ami  du  socinianisme,  a  osé 
dire  que  la  divinité  de  Jésus-Christ  n'était 
pas  professée  dans  les  anciens  symboles;  on 
n'a  pas  eu  de  peine  à  le  réfuter.  Est-il  bien 
Cl  riaiii  d'ailleurs  que  les  auteurs  des  pre- 
:iilers  siècles  qui  ont  parlé  du  symbole  des 
apolns,  l'ont  ra|)porté  eu  entier?  Saint  .h'- 
rôinc,  L'pist.  38  ad  Pammack.,  dit  qu'on 
l'apprenait  par  cœur  et  qu'on  ne  l'écrivait 
pas  ;  il  n'est  donc  pas  étonnant  qu'on  ne  l'ait 
pas  tonjours  cité  de  même. 

Nous  ne  nous  arrêterons  pas  à  réfuter  l'i- 
magination d'un  Anglais  copié  par  Mos- 
lieim,  qui  a  prétendu  que  le  nom  de  symbole 


était  tiré  des  mystères  du  paganisme;  nous 
avons  fait  voir  l'absurdité  de  cette  vision 
au  mol  Mystère,  à  la  lin.  On  croit  que  saint 
Cyprien  est  le  premier  qui  se  suit  servi  du 
mot  de  symbole  pour  exprimer  l'abrégé  de 
la  doctrine  chrétienne;  il  ne  pensait  guère 
aux  mystères  du  paganisme.  Mais  ce  nom 
n'est  pas  le  seul  cjui  ait  été  donné  à  la  pro- 
fession de  foi,  on  l'appelait  encore  canon 
ou  rèi/le  de  foi,  définilion  ou  exposition  de 
foi,  sainte  leçon,  écriture,  etc. 

Bingham,  ihid.,  c.  4,  a  recueilli  avec  le 
plus  grand  soin  les  divers  symboles  qui  ont 
été  en  usage  dans  l'Eglise  avant  le  Qoncile 
de  Nicée.  il  y  en  a  un  de  saint  Irénée,  iidv. 
Uœr.,  I.  I,  c.  2;  un  d'Origène,  dans  la  pré- 
face de  son  Traité  des  Principes;  un  de  Ter- 
lullien,  de  velandis  Vin/iii.,  c.  1;  un  de 
saint  Cyprien,  tiré  do  deux  de  ses  lettres  ; 
uii  de  saint  Crégoirc  'l'haumaturge,  qui  est 
encore  dans  les  ouvrages  de  ce  Père  ;  un 
du  martyr  Lucien,  prêtre  d'Antioche,  rap- 
porté par  snint  Atliaoase,  par  l'historien 
Socrate  et  par  saint  Hilaire  de  Poitiers.  H 
y  en  a  un  dans  les  Constitutions  apostoli- 
ques, 1.  vu,  c.  'i-l,  qui  est  cité  comme  la  pro- 
fession de  foi  d'un  catéchuiuène.  Celui  de 
l'Jiglise  de  Jérusalem  est  expli()ué  par 
saint  Cyrille,  évéque  d"  cette  ville,  Cutécfi.  6. 
Celui  de  l'Eglise  de  Césarée  dans  la  Pales- 
tine lut  récité  par  Eusèbe  au  concile  de  Ni- 
cée,  et  il  se  trouve  dans  Socrate,  Hist.  éc- 
oles., 1.  I,  chap.  8.  Cet  historien  rapporte 
celui  de  l'Eglise  d'Alexandrie,  î6i'rf.,c.  26;  Cas- 
sien,  de  Incarn.,  l.  vi,  expose  celui  de  l'E- 
glise d'Aniioehc.  On  prétend  (|ue,  dans  celui 
da  l'Eglise  de  Piooie,  qui  était  appelé  com- 
munément le  symbole  (h-s  apôtres,  il  n'était 
point  fait  mention  de  la  descente  de  Jésus- 
Christ  aux  enfers,  ni  de  la  coomiunion  des 
saints,  ni  de  la  vie  éternelle;  mais  le  pre- 
mier de  ces  articles  se  trouvait  dans  le  sym- 
bole de  l'Eglise  d'Aquilée,  et  Rulin,  qui  l'a 
expliqué,  pensait  que  la  vie  étemelle  était 
comprise  dans  ces  mots  la  résurrection  de 
la  chair.  Expos,  in  symb.  aposl.,  n.  kl. 

En  comparant  ces  divers  symboles ,  on 
voit  que  tous  expriment  la  même  croyance, 
quoique  l'ordre  des  articles  et  les  termes 
par  lesquels  ils  sont  exprimés  ne  soient  pas 
exactement  les  tnêmes.  .\ucnn  ne  renferme 
un  seul  dogme  duquel  l'Eglise  se  soit  écar- 
tée dans  la  suite,  et  si  tous  ne  conàenneut 
pas  le  mêin;>  nombre  d'articles,  il  ne  s'en- 
suit pas  qiie  l'on  ne  croyait  point  encore 
ceux  qui  ne  sont  pas  formellement  exprimés. 
L'on  croyait  sans  doute  tout  ce  qui  est 
enseigné  dans  l'Ecriture  sainte,  mais  il 
n'était  pas  nécessaire  de  mollre  dans  un 
abrégé  de  la  docirine  chrétienne  les  articles 
qui  n'avaient  pas  encore  été  contestés  par 
des  hérétiques.  Lorsque  ceux-ci  ont  atta- 
qué un  dogme  que  l'on  croyait  déjà,  on  l'a 
inséré  dans  le  symbole,  on  l'y  a  exprimé  plus 
clairement,  afin  de  distinguer  -la  vérité  d'a- 
vec l'erreur,  et  les  orlhoiioxos  d'avec  les 
mécréants.  —  V'ainement  les  protestants 
ont  affecté  de  remarquer  la  variété  qui  se 


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trouve  dans  les  divers  sipnholes,  el  en  ont 
conclu  que  l'on  a  lort  de  leur  reprocher 
les  chnngemenis  qu'ils  ont  faits  dans  leurs 
différentes  confessions  de  foi  ;  Basnyge,  Hisl. 
(le  VEgh,  1.  XXV,  c.  1.  Ces  changements  al- 
lérairnt  la  croyance  et  le  fond  même  de  la 
doc'rine.  Les  luthériens  n'oseraient  soute- 
nir qu'ils  tiennent  encore  aujourd'hui  dans 
le  sens  litléral  ce  qui  est  enseigné  tou- 
chant l'eucharistie  dans  la  confession 
d'Aiigsbourg,  ar<.  10,  et  dans  celle  de  Wir- 
lemberg,  et  qu'ils  croient  la  présence  réelle, 
telle  que  Lullier  l;i  défendait.  Les  calvinistes 
se  sont  dégoiités  des  décrets  absolus  de  pré- 
destination établis  d.ins  leurs  premières  cou- 
fessfons  de  foi,  dans  les  livres  de  Calvin  et 
dans  les  décrcISidu  synode  de  Dordreiht. 
Tout  catholique  leconnaît  que  Us  a.cims 
li/mboles  ne  contiennent  que  <les  vérités  ;  si 
ses  protestants  étaient  sincères,  ils  avoue- 
raient que  leurs  premières  confessions  de 
foi  rcnfer  lient  des  faussetés.  11  ne  sert  à 
rien  de  dire,  comme  Basnage,  que  ces  con- 
fessions de  foi  espriuienl  la  même  doctrine, 
grtanl  à  l'essentiel.  Qui  délerminera  ee  qui 
es!  esscniicl  et  ce  qui  ne  l'est  pas  ?  Toutes 
les  vérités  que  Dieu  a  révélées  sont  essen- 
tielles, el  il  n'est  p;\s  plus  permis  de  nier 
l'une  qje  l'autre.  Les  pruleslants  ont  tou- 
jours soutenu  que  les  ariicie.^  sur  lesquels 
ils  disputaient  contre  l'Rg^ise  romaine 
élnient  essentiels,  puistju'ils  les  ont  allégués 
comme  un  juste  m;lif  de  faire  schisme  avec 
elle;  c'est  ceperulaul  sur  ces  arlicles  que 
leurs  confessions  de  lui  ont  varié. 

En  32.3,  lorsqu'Ariuj  eut  nié  la  divinité 
du  Verbe,  el  eut  enseijiné  que  le  Fils  de 
'^)ieu  est  une  créature,  les  évêques  assom- 
ûlés  à  Nicée,  au  nombre  de  318,  ùressè- 
rent  un  symbole  pour  déterminer  quelle 
était  la  foi  de  l'Eglise.  Il  s'agissait  d'expli- 
quer le  sens  du  second  article  du  si/mbolc 
des  apôtres  :  Je  croif.  .  en  Jésm-Clirist,  Vils 
uni'ine  de  Dieu  et  Noire-Seigneur.  L  était 
donc  question  de  savoir  en  quoi  consisiait 
celle  filiation,  si  c'était  une  création,  une 
(ilialiou  adoplive,  comme  le  voulait  Arius, 
ou  si  c'était  i:ne  génération  proprement  dite, 
si  le  Fils  de  Dieu  avait  été  engendré  dans 
le  temps  ou  de  toute  éternilé.  Le  concile 
exprima  netlemenl  sa  croyance  par  ces  pa- 
roles :  «  Nous  croyons  en  un  seul  Seigneur 
Jésus-Christ,  Fils  unique  de  Dieu,  engendré 
du  Père,  c'est-à-dire  de  la  substance  du 
Père,  Dieu  do  Dieu  ,  lumière  de  lumière, 
vrai  Dieu  de  vrai  Dieu,  engendré  el  non  fait, 
consubstantiel  au  Père;  par  lequel  tout  a 
été  fait  dans  le  ciel  et  sur  la  terre.  »  Elaii- 
ce  là  une  nouvelle  doctrine?  Les  sociniens, 
plusieurs  prolestants  ,  et  les  in;crédules 
leurs  copistes,  le  prétendent.  Jlais  le  titre 
<le  Fj7»Mrt!g'i(edeDieu,  donné  à  Jésus-Christ 
i;  ins  l'Ecriture  et  dans  le  symbole,  des  apô- 
tres, attesic  le  contraire.  Dieu  est  le  Père 
de  toute  créature,  tout  chrétien  est  son  fils 
adoptif  ;  donc  Fils  unique  ne  peut  signifier 
ni  une  création  ni  une  adoption.  Les  soci- 
niens ont  imaginé  vingt  subtilités  pour  tor- 
dre le  sens  de  ce  mot;   mais  les  premiers 


chrétiens  n'étaient  pas  aussi  habiles  sophis- 
tes qu'eux,  ils  prenaieni  te  titre  augusie 
dans  le  sens  propre  et  liltéral  ;  le  concile 
de  iSicée  n'a  fjit  qu'en  développer  l'énergie. 
II  y  a  plus.  Les  expressions  dont  il  se 
sert  sont  toutes  tirées  des  anciens  symboles. 
Le  Verbe  est  appelé  dans  celui  de  saint  Gré- 
goire Thaumaturge,  Fils  unique.  Dieu  de 
Dieu,  Eternel  de  l'Eternel;  dans  celui  du 
martyr  Lucien,  FilsuniijW.  engendré  du  Père, 
Dieu  de  Dieu,  qui  a  toujours  été  en  Dieu,  et 
Dieu  Verbe;  dans  les  Conslitutions  aposto- 
liques, Fils  unique  engendré  du  Père  avant 
les  siècles,  et  non  créé;  tlanii  le  symbole  de 
Jérusalem,  Fils  de  Dieu  unique,  engendré  du 
Père  avant  tous  les  siècles,  vrai  Dieu  par  le- 
quel tout  a  été  (ait;  dans  celui  de  Césarée, 
Verbe  de  Dieu,  Dieu  de  Dieu,  lumière  de  lu- 
mière, Fils  unique,  engendré  de  Dieu  le  Père 
fivant  tous  les  siècles  ;  dans  celui  d'Anlioche, 
Fils  unique  du  Père,  né  de  lui  avant  tous  les 
siècles,  et  non  fait;  vrai  Dieu  de.  vrai  Dieu, 
consubstantiel  au  Père:  ce  dernier  mot  peut 
y  avoir  été  ajouté  depuis  le  concile  de  Ni- 
cée, le  reste  est  ancien.  Mais  c'est  contre  le 
terme  consubstantiel  que  les  ariens  se  révol- 
tèrent, el  que  leurs  descendants  s'élèvent 
enciire.  Ce  n'est  cependant  qu'une  con- 
sé(iuenco  de  la  génération  éternelle  l'u  Ver- 
be, proiessée  dans  les  symboles.  Sans  doute 
il  uy  a  pas  eu  en  Dieu  de  toute  éternité 
deux  substances  dilTérentes;  si  donc  le  Fils 
a  été  engendré  du  Père,  vrai  Dieu  de  vrai 
Dieu,  Eternel  de  l'Etemel,  comme  s'expri- 
ment les  .lîiiniijo^es,  peut-il  être  d'une  autre 
substance  que  de  celle  du  Père  ?  Donc  la 
génération  divine  emporte  la  coélernité,  la 
coégalité  et  la  consubslantialilé.  Les  ariens 
mêmes  n'ont  jamais  osé  soutenir  que  ce  ter- 
me exprimait  une  erreur;  ils  ont  dit  seule- 
ment que  c'étaii  un  mot  équivoque,  duquel 
on  pouvait  abuser  pour  établir  le  subellia- 
nisme,  etc.  Voy.  Consi  dstantiel. 

De  quel  front  les  socinicn-^  el  leurs  amis 
viennent-ils  nous  dire  i]u'avant  le  concile 
de  Nicée  la  divinité  du  Verbe  ou  du  Fils 
n'ciail  pas  un  article  de  foi,  que  sur  ce 
point  la  croyance  de  l'Eglise  n'était  p:is 
fixée,  que  les  Pères  de  ce  concile  ont  <  u  iorl 
d'employer  des  termes  qui  ne  sont  pas  dans 
i'l'>crilure,etc.?  11  s'agissait  de  déterminer  le 
vrai  sens  du  mol  Fils  unique  ilimnii  ii  Jésus- 
Glirisl  dans  l'Ecriture,  ./oa/i.,  c.  i,  v.  ik  et 
18  ;  c.  m,  v.  10  el  18  ;  /  Jvan.,  c.  iv,  v.  9  ; 
les  ariens  y  donnaient  un  sens  f.iux,  il  fal- 
lait fixer  le  vrai  ;  on  l'établit,  non  par  des 
arguments  métaphysiques  ni  lar  des  subti- 
li'és  de  grammaire,  mais  par  le  langage 
uniforme  des  anciens  symboles;  les  évéques 
arrivèrent  au  concile  munis  de  celte  seule 
arme,  ils  n'en  eurent  pas  besoin  d'autre. 
Il  en  lut  de  meuic  au  concile  de  Constanli- 
nople,  l'an  381  ;  M.icédonius,  évéquc  de  cette 
ville,  s'avisa  de  nier  la  divinité  du  Saint-Es- 
psil,;  il  fut  condamné  comme  Arius  par  la 
teneur  des  anciens  symboles.  Le  concile  de 
Nicée  s'éîait  borné  à  dire  :  Nous  croyons 
aussi  au  Sainl-Esprit,  parce  que  cet  articlo 
n'était    point  attaqué    pour  lors.  Oo  u'i- 


597 


SYM 


S\N 


598 


gnorait  pas  qu'il  est  dit  dans  la  profes- 
sion de  foi  de  saint  Grégoire  Thaumaturge, 
i)ui  fui  toujours  celle  de  l'Eglise  de  Néocésa- 
rée,  que  «  le  Sainl-Ksprit  existe  de  Dieu, 
qu'en  lui  sont  uianifostés  Dieu  le  Père  et 
Dieu  le  Fils;  que,  dans  celle  Trinité  par- 
faite, il  n'y  a  point  de  division  ni  de  difl'é- 
rence  en  gloire,  en  élernilé,  en  souverai- 
nelé;  qu'il  n'y  a  rien  de  créé,  rien  d'infé- 
rieur, riin  de  survenu  et  qui  n'ait  pas 
existé  auparavant;  que  le  Pire  n'a  jamais 
été  sans  le  Fils,  ni  le  Kils  sans  le  Saint-Es- 
prit ;  que  celle  Triiiiléderncore  toujours  la  mê- 
me, immuable  et  invariable.  »  Les  socinieus 
ont  fait  inutilement  des  efforts  pour  fairedou- 
ler  deraulhenticité  de  ce  si/mbolc;  Bullus  l'a 
prouvée  sans  réplique,  Defetis.  fidei  Nicœnœ, 
sect.  Il,  c.  12. 

On  savait  que,  dans  la  profession  de  foi 
du  martyr  Lucien,  ((ui  était  celle  de  l'Eglise 
d'Antioche,  il  est  dit  que  «  les  noms  de  Pè- 
re, de  Fils  cl  de  Sainl-Esprit  ne  sont  pas 
seulement  trois  sioiplcs  (IcnomInaliuDs , 
mais  qu'ils  signifient  la  substance  propre 
des  trois  personnes ,  leur  ordre  et  leur 
gloire,  de  manière  qu'ils  sont  trois  par  sub- 
stance, et  un  par  ressemblance.  »  Le  sym- 
bole de  l'Eglise  de  Césaréc,  cité  par  Eusèbe, 
porte.  «  Nous  croyons  au  Père...  au  Fils... 
et  au  Saint-Esprit,  el  que  chacun  dos  Irois 
subsiste  véritablement.  »  En  écrivant  à  sou 
troupeau,  cet  cvéque  proteste  que  telle  est 
la  fui  qu'il  a  reçue  de  ses  ])rédécesseurs  et 
dès  son  enfance,  qu'il  y  persévère  el  y  tien- 
dra loujdurs.  Socrale,  Hist,  ecclés.,  L  i, 
chap  8.  D'ailleurs,  saint  Epiphane  qui  écri- 
vait l'an  373,  huit  ans  avant  le  concile  de 
Constanlinople,  nous  apprend  que,  depuis 
le  concile  de  Nicéc  jusqu'alors,  il  s'était 
élevé  de  nouvelles  erreurs;  que  pour  eu 
préserver  les  fidèles  ou  faisait  apprendre  et 
réciter  aux  catéchumènes  un  si/mbole  plus 
ample  que  celui  de  Nicée,  dans  lequel  il  est 
dit  que  le  Sainl-Esprit  est  incréé,  qu'il  pro- 
cède du  Père  et  qu'il  reçoit  dit,  Fils.  Le  sym- 
bole même  que  ce  Père  aous  donne  pour 
symbole  de  Nicée  est  augmenté  dans  ce  qui 
regarde  le  Saint-Esprit;  il  est  eutièreaient 
cuuforme  à  celui  que  l'on  récite  encore  ac- 
tuellcuient  à  la  messe;  ainsi  le  concile  de 
Conslanlinoplc  ne  fit  que  l'adopter.  C'est 
pour  cela  même  qu'il  porte  toujours  le  doui 
de  symbole  de  Nicve.  La  conduite  des  conci- 
les a  donc  toujours  clé  uniforme;  on  y  a 
décidé,  non  ce  qu'il  fallait  commencer  à 
croire,  mais  ce  qui  avait  toujours  été  cru; 
les  évéques  ne  se  sont  point  arrogé  l'auto- 
rité d'introduire  une  nouvelle  doctrine,  mais 
de  rendre  témoignage  do  celle  qu'ils  ont 
trouvée  établie  dans.li;ur  église;  s'il  ne  s'é- 
tait jamais  trouvé  d'hérétiques  déterminés  à 
faire  changer  de  croyance  aux  fidèles,  l'E- 
glise n'aurait  jamais  eu  besoin  de  faire 
de  nouvelles  décisions.  Yoy.  Dépôt,  Evè- 
gi'E,  etc. 

11  est  constant,  el  Bingham  l'a  prouvé, 
que  depuis  le  concile  de  Nicée  la  plupart 
des  Eglises  d'Orient  ont  fuil  réciter  aux  caté- 
chumènes avant   le   baptéaic   le  symbole  de 


ce  concile  avec  les  additions  adoptées  par 
celui  de  Constanlinople.  Celui  d'Ephèse , 
tenu  l'an  431,  défendit  sévèrement  d'en  in- 
troduire un  autre,  ad.  G.  Mais  les  savants 
conviennent  communément  que  l'on  n'a  com- 
mencé à  le  réciter  dans  la  liturgie  que  vers 
le  milieu  du  \'  siècle  dans  les  F'glises  d'O- 
rient, et  un  peu  plus  lard  dans  celles  do 
l'Occident.  On  croit  que  Pierre  le  Foulon 
inlroiluisit  le  premier  cet  u.sage  dans  l'E- 
glise d'Antioche,  l'an  471,  et  qu'il  lut  imité 
dans  celle  de  Constanlinople  l'an  511.  Le 
premier  vestige  de  celle  coutume  en  Espa- 
gne se  voit  dans  le  iii'  concile  de  Tolède  vers 
l'an  589;  elle  ne  fol  suivie  dans  les  Gaules 
que  sous  Charlemagne,  et  on  ne  la  trouve 
solidement  établie  dans  l'Eglise  romaine 
que  sous  le  pontidcat  de  Benoit  Vlll,  l'au 
lOl'i-.  Bingham,  ibid.,  c.  4,  §  17. 

On  convient  encore  à  présent  que  \e  sym- 
bole qui  porte  le  nom  de  saint  Alhanase  n'a 
pas  été  composé  par  lui,  mais  par  un  auteur 
latin  beaucoup  plus  récent,  qui  l'a  tiré  des 
écrils  de  ce  saint  docteur.  La  première  fois 
qu'il  en  est  fait  mention  esl  dans  un  concile 
d'Autun,  tenu  l'an  670;  Aylon,  évéque  de 
Bâie  vers  l'an  800,  prescrivit  aux  clercs  de 
le  dire  à  prime.  Ualhérius,  évéque  de  Vé- 
rone vers  l'an  9.30,  voulait  que  les  prêtres 
de  son  diocèse  sussent  par  cœur  le  symbole 
des  apôlres,  celui  (jue  l'on  dit  à  la  mcs-se,  et 
celui  qui  esl  ailribué  à  saint  Alhanase.  Les 
anglicans  le  disaient  autrefois  dans  l'office 
du  dimanche  aussi  bien  que  les  catholiques  ; 
mais  depuis  que  les  sociniens  se  sont  mul- 
tipliés en  Angleterre,  ils  sont  venus  à  bout 
d'en  faire  cesser  la  réciiaiion  dans  quel- 
ques églises.  Bingham,  i//irf.;  Lebrun,  Ex- 
plicat.  des  Cérémon.  de  la  Messe,  w  part., 
art.  8. 

SYM.MAQUE.  Voy.  Septante  el  Vebsion. 

SYiNACiOGUE,  mot  grec  qui  signilie  as- 
semblée; il  est  pris  dans  ce  sens  général  dans 
plusieurs  passages  de  l'Ancien  Testament,  il 
se  dil  indifféremment  de  l'assemblée  des 
justes  el  de  celle  des  méchants.  Dans  les  li- 
vres du  Nouveau,  il  a  un  sens  plus  éiroit  ; 
il  signifie  une  assemblée  religieuse,  ou  le 
lieu  destiné  chez  les  juifs  au  service  divin; 
or,  ce  service,  depuis  la  destruclion  du  tem- 
ple, ne  consiste  plus  que  dans  la  prière, 
dans  la  lecture  des  livres  saints  et  dans  la 
prédication  ;  c'est  à  quoi  se  réduit  aussi 
celui  de  plusieurs  sectes  protestantes. 

Ce  que  nous  allons  dire  des  synagogues 
est  lire  de  Heland,  Antiq.  Sacr.  velcrum' lie- 
brœor.,i"  pari.,  c.  iO,  cl  <ie  PriJeaux,  Uist. 
des  juifs,  1.  VI,  l.  Il,  p.  230,  et  peut  servir  à 
l'inlelligcDce  de  plusieurs  passages  du  Nou- 
veau Testament;  mais,  comme  ces  deux  au- 
teur» ont  tiré  des  rabbins  une  partie  do  ce 
qu'ils  disent,  on  ne  peut  pas  y  ajouter  la 
même  foi  qu'à  ce  qui  nous  esl  indiqué  dans 
nos  livres  salais.  On  ne  trouve  dans  ceui 
de  l'Ancien  Teslamcnl  aucun  vcsiige  des 
synagogues,  d'où  l'on  conclut  qu'il  n'y  en 
avait  point  avant  la  ca[ilivité  de  Babylone. 
Gomme  une  des  parties  principales  du  ser- 
vice religieux  des  Juifs  est  la  lecture  d?  la 


599 


STN 


S\N 


CûO 


loi   ils  ont  établi  pour  maxime  qu'il  ne  peut 
poi'nt  y  avoir  de  synagogue  où  il  n'y  a  pas 
un   livre  de   la  loi.   Or,  pendant  un  grand 
nombre  des  années  qui  précédèrent  la  cap- 
tivité, les  Juifs,  livrés  à  l'idolâlrio,  négligè- 
rent sans  doute  beaucoup  la  lecture  de  leurs 
livres  saints,  et   les  exemplaires  durent  en 
être  assez  rares.  C'est  pour  cela  que  Josa- 
phal  envoya  des  prêtres  dans  tout  le  pays 
pour  instruire  le  peuple  dans  la  loi  de  Dieu, 
//  Parai.,  c.  xvii,  v.  9,  et  que  Josias  fut  si 
étonné  lorsiiu'il  entendit  lire  cette  même  loi 
trouvée  dans  le  temple,  //  Reg.,  c.  xxvii. 
Il  ne  s'ensuit  pas  de  là  qu'il  n'en  restaitque 
ce  seul  exemplaire;  les  livres   qu'on  ne  lit 
point  sont  comme   s'il  n'existaient    pas.  — 
Suivant  les  notions  actuelles  des  Juifs,  on 
ne  peut  et  on  ne  doit  point   établir  une  sy- 
nagogue dans  un  lieu,  à  moins  qu'il  ne  s'y 
trouve  dix  personnes  d'un  âge    mûr,  libres 
il'assisler  constamment  nu    service  qui  doit 
s'y    faire.    Il  n'y  eut  d'abord  qu'un    petit 
nombre  de  ces  lieux  d'assemblée,  mais  dans 
la  suite  ils  se  multiplièrent  ;  il  paraît  que  du 
temps  de  Jésus-Christ    il  n'y  avait  point  de 
ville  de  Judée  oii  il  ne  se  trouvât  une  syna- 
gogue. Suivant  l'opinion   des  Juifs,  on  en 
comptait  480  dans  la  seule   ville  de  Jérusa- 
lem; c'est  évidemment  une  exagération.  Le 
service  de  la  synagogue  consistait,   comme 
nous  l'avons  déjà  remarqué,  dans  la  prière, 
la  lecture    de  l'Ecriture   sainte  avec  l'inter- 
prétation qui  s'en  faisait,  et  la   prédication. 
La  prière  des  Juifs    est    contenue   dans  les 
formulaires  de  leur  culte  ;  la  plus  solennelle 
est  celle  qu'ils  appellent  les  dix-neuf  prières; 
il  est  ordonné  à  toute  personne  parvenue  à 
l'âge  de  discrétion,  de  la  faire  trois  fois  le 
jour,  le  matin,  vers  le  midi  et  le  soir;  elle 
se  tlit  dans  la  synagogue  tous  les  jours  d'as- 
S(  mblée.  Il  n'est  pas  certain  que  cet  usage 
ait  toujours  été  observé.  La  seconde  partie 
du  service  est  la  lecture  de  l'Ancien  Testa- 
ment.   Les   Juifs    la  commencent   par  trois 
morceaux  détachés  du  Penlateuque;  savoir, 
le  v.  h  du  sixième  chapitre  du  Deutéronome, 
jusqu'au   v.    9;  le   v.  13  du  chap.  xi  de  ce 
même  livre,  jusqu'au  v.  21;   le  quinzième 
chap.  du  livre  des  Nombres,  depuis  le  v.  37, 
jusqu'à  la  fin.  Us  lisent  ensuite  une  des  sec- 
tions de  la   loi  el  des  prophètes   qu'ils   ont 
marquées    pour  chaque  semaine  de  l'année 
et  pour  chaque  jour    d'assemblée.  La  troi- 
sièmepartie  du  serviceestrexplicationderE- 
criture  et  la  prédication  ;  la  première  se  fai- 
sait à  mesure  qu'on  lisait,  la  seconde  après  la 
ledure  finie.  Jésus-Christ  enseignaitbs  Juifs 
de  l'une  et  de  l'autre  de  ces  manières.  Un  jour 
qu'il  vint  à  Nazareth  où  il  demeurait  ordinai- 
rement,on  lui  fit  lire  la  section  des  prophètes 
marquée  pour  ce  jour-là  ;   quand  il    se  fut 
levé  el  qu'il  l'eut  lue,  il  se   rassit  et  l'expli- 
qua, Luc,  c.  XVI,  V.  17.  Dans  les  autres  en- 
droits, il  allait  toujours  à  la  synagogue    le 
jour  du  sabbat,  et  il  prêchait  l'assemblée 
après  la  lecture  de   la  loi  el  des  prophètes, 
Luc.,  c.    iv,    V.    16.   C'est  ce  que  fil  aussi 
saint  Paul  dans  la  synagogue  A'  Aiitioclm  de 
Pisidie,  Act.,  c.  xiii,  v.    It).  Ou  s'assemblait 


trois  jours  de  la  semaine,  le  lundi,  le  jeudi 
et  le  samedi,  jour  du  sabbat,  et  chacun   do 
ces  jours   il  y   avait  assemblée  le  matin, 
après  midi  et  le  soir.  Les  prêtres  n'étaient 
pas  les  seuls  ministres  de   la  synagogue  ;  les 
plus  distingués  étaient  les  anciens,  nommés 
dans   l'Evangile  principes  synagogœ  ;  on  \\e 
sait  pas   quel  était  leur  nombre;  à  Cérinthe 
on  en  voil  deux.  Crispe  et  Sosthène.  Le  mi- 
nistre de  la  synagogue  était  celui  qui   pro- 
nonçait les  prières  au  nom  de  l'assemblée  , 
on  prétend  qu'il  était   nommé   l'ange  ou  le 
messager  de  l'Eglise,  que  c'est  à  l'imitation 
des  Juifs  que  saint  Jean  dans  l'Apocalypse  a 
donné  le  nom  d'ange  aux   êvéques  des  sept 
Eglises    d'Asie,   auxquels  il    adresse   la  pa- 
role,  mais   ce   n'est  là  qu'une  conjecture. 
Après  le  minisire  étaient  les  diacres  ou  ser- 
viteurs de  la  synagogue;  ils    étaient  chargés 
de  garder  les  livres  sacrés,  ceux  de  la  litur- 
gie   el  les   autres   meubles;  ainsi    il    est  dit 
que  quand   Notre-Scigncur   eut  fini  la   lec- 
ture dans  la  synagogue  de  Nazareth,  il  rendit 
le  livre  au  ministre  inférieur  ou  au  diacre. Il 
est  évident  que  les  fonctions  de  celui-ci  n'a- 
vaient aucune  ressemblance  avec  celles  des 
sept  diacres  qui  furent  établis  parles  apôtres 
dans  l'Eglise  de  Jérusalem, /Ic^.c.vi,  v.o.  En- 
fin, il  y  avait  l'interprète,  dont  l'office  consis- 
tait à  traduire  enchaldéen,  ou  plutôtcn  syro- 
chaldaïque,  ce  qui  avait  été  lu  au  peuple  en 
hébreu,    il   fallait  par   conséquent  que  cet 
homme  sût   parfaitement  les  deux  langues. 
Cependant  il  n'est  point  fait  mention  de  ces 
interprètes  dans  l'Evangile,  et  il  csl  difficile 
de  croire   qu'il  y   ait   eu    chez  les  Juifs  un 
assez  grand    nombre   de    ces   hommes  in- 
struits pour  en  pourvoir  toutes  les   synago- 
gues.  Comme  il  n'est  pas  certain   que   du 
temps    de   notre    Sauveur    la    paraphrase 
chaldaïque   d'Onkélos,  qui  est  la  plus  an- 
cienne, ait  déjà  été   faite,  odus  ne  savons 
pas  si  ce  divin  Maître  lut  à  Nazareth  le  texte 
(lu  prophète  Isaïe  en   hébreu,  on  s'il   le  tra- 
duisit en  le  lisant  dans  le  dialecte  de  Jéru- 
salem, qui  était  un  mélange  d'hébreu,  de  sy- 
riaque et  de  cbaldéen.  Voy.  Parapiirise.  On 
croit  encore  qu'avant  la  fin  de  l'assemblée, 
le  prêtre  qui  s'y  trouvait,  ou  à  son  défaut  le 
minisire,  donnait   la  bénédiction  au  peuple, 
et  qu'il  y  avait  pour  cela  un  formulaire  par- 
ticulier. Etait-ce  celui  que  composa  Moïse, 
lorsqu'il   bénit  les  Israélites  avant  sa  mort, 
Deut.,  cap.  xxvm,  ou  en  était-ce  un  autre? 
Personne  n'en  sait  rien.  La  seule  chose  cer- 
taine, c'est  que  les  Juifs,  dans  leur  service 
actuel ,  s'écartent    en    plusieurs    points  du 
plan  que  nous  venons  de  tracer  ;  mais,  en- 
cors   une  fois,  celui-ci  n'est  qu'un    assem- 
blage de  conjectures  qui  ne  porlenl  sur  au- 
cune   preuve    positive.    Quand    on    voit    la 
confiance   que   les    îiébraïsants    protestants 
donnent  aux  traditions  des  rabbins,  el  le  ton 
de  cerliluile  sur  lequel  ils  en  parlent,  on  est 
étonné  de  l'incrédulité  el   du  mépris  qu'ils 
témoignent  pour  toutes  les  traditions  de  l'E 
glise  chréii:  nne  ;   les  juifs  sont-ils  donc  des 
savants  mieux  instruits,  plus  judicieux,  plus 
dignes  de  foi  que  les  Pères  de  l'Eglise. 


601 


SYN 


SYNAXARION.  C'est  un  livre  ecclésias- 
tique des  Grecs,  dans  ieijuel  ils  ont  recueilli 
eu  abrégé  les  A'ies  des  suinls,cl  où  l'on  voit 
en  peu  de  mots  le  sujet  de  chaqiu^  fête.  Ce 
livre  est  imprimé,  <ion-sculciiient  en  grec 
pur,  mais  aussi  en  grec  vulgaire,  afin  que  le 
peuple  puisse  le  lire.  Dans  les  dissertations 
que  Léon  Allatius  a  composées  sur  les  livres 
ecclésiastiques  des  Grecs,  il  dit  que  Xan- 
iiiopule  a  inséré  beaucoup  de  faussetés  dans 
le  Synaxarion  ;  aussi,  l'auteur  des  cinr/  cha- 
pitres du  concile  de  Florence,  attribués  au 
palriarclic  Gennade,  rejette  ces  additions, 
et  assure  qu'elles  ne  se  lisent  point  dans 
riîglise  de  ConsCaiitinople. 

On  trouve  au  coiiinicnceinent  ou  a  la  fin 
de  quel(|ues  exemplaires  grecs  manuscrits 
du  Nouieau  Teslamenl,  des  tables  qui  in- 
diquent les  évangiles  qu'on  lit  dans  les 
églises  grecques  cliaque  jour  de  l'année; 
ces   tables  se    nomment   encore  Synitxitria. 

SYNAXE,  assemblée;  les  auteurs  grecs 
ont  ainsi  nommé  en  particulier  les  assem- 
blées chrélienncsdans  iesquclleson  célébrait 
le  service  divin, où  l'onconsacraitl'eucbaris- 
tie,  oùroncbanlait  les  psaumes,  ou  l'on  priait 
en   cimimun.    i'oy,  Lituugie,  Office  divin. 

SYiNCLLLIi  ,  compagnon,  celui  qui  de- 
meure dans  le  même  appartement  ou  dans 
la  même  chambre.  Dans  les  premiers  siècles, 
les  évêques,  pour  prévenir  tout  soupçon  dé- 
savantageu\  sur  leur  conduite,  prirent  avec 
eux  un  ecclésiasiique  qui  les  accompagnait 
partout,  qui  était  témoin  de  toutes  leurs 
actions,  qui  coucbait  dansja  mêmechambre  ; 
c'est  pour  cette  raison  qu'il  était  appelé  le 
syncelle  de  l'évéquo.  Le  patriarche  de  Con- 
stantlnople  en  avait  plusieurs  qui  se  succé- 
daient, et  le  premier  de  tous  était  nommé 
pro(osyiicelle.  La  confiance  que  le  patriarche 
avait  en  eux,  la  part  qu'il  leur  donnait  dans 
le  gouvernement,  le  crédit  qu'ils  acquirent 
à  la  cour,  rendirent  bientôt  la  place  do  pro- 
tosyncelle  très-considérable;  c'était  un  litre 
pour  parvenir  au  [lalriarcat,  de  même  qu'à 
ilome  la  dignité  d'arcbidiacre.  P.ir  celte 
raison,  l'on  a  vu  quelquefois  des  fils  et  des 
frères  des  empereurs  occuper  celte  place, 
surtout  depuis  le  ix"  siècle  ,  les  évêques 
mêmes  et  les  métropolitains  se  tirent  un 
honneur  d'en  être  revêtus.  Peu  à  peu  les 
protosyncelles  se  regardèrent  comme  le  pre- 
mier personnage  après  les  patriarches;  ils 
se  crurent  supérieurs  aux  éiêques  et  aux 
métropolitains  ,  et  se  placèrent  au-dessus 
d'eux  dans  les  cérémonies  ecclésiastiques. 
Leurs  prérogatives,  quoique  fort  restreintes, 
sont  encore  aujourd'hui  très-grandes.  Dans 
lcs>noilo  tenu  à  Coustantinople  contre  le 
patriarche  Cyrille  Lucar,  qui  voulait  répan- 
dre dans  l'Eglise  grecque  les  eneurs  de 
Calvin,  le  prutosyncelle  parait  comme  la  se- 
conde dignité  de  l'Eglise  de  Constanliiiople. 
Quant  aux  syncelles,  il  y  a  longtemps  qu'ils 
n'existent  plus  en  Occident,  et  que  ce  n'est 
plus  qu'un  vain  titre  en  Orient.  Zonaras, 
Annal.,  t.  111;  Thomassin,  Uiscipt.  eccl., 
\"  part.,  I.  I,  c.  4G;  m"  part.,  1.  i,  c.  51; 
ïV  pari.,  1.  I,  c.  76c 


SYN  CO? 

SYNCRÉTISTES,  conciliateurs. On  adonné 
ce  nom  aux  philosophes  qui  ont  travaillé  à 
concilier  les  différentes  écoles  et  les  divers 
systèmes  do  philosophie,  et  aux  théologiens 
qui  se  sont  appliqués  à  rapprocher  la 
croyance  des  différentes  communions  chré- 
tiennes. Peu  nous  importe  de  savoir  si  les 
premiers  ont  bien  ou  mal  réussi  :  mais  il 
n'est  pas  inutile  d'avoir  une  notion  des  di- 
verses tentatives  que  l'on  a  faites,  soit  pour 
accorder  ensemble  les  luthériens  et  les  cal- 
vinistes,soit  pour  réunir  les  uns  elles  autres 
à  l'Eglise  romaine;  le  mauvais  succès  do 
tous  ces  projets  peut  donner  lieu  à  des  ré- 
flexions. 

Basnage,  Ilisl.  de  l'Eglise,  I.  xxvi,  c.  Set 
9,  et  Mosheim,  IlisC.  ecclés.  du  %\iv  siècle, 
u°  section,  ii'  part.,  en  ont  fait  un  détail 
assez  exact  ;  nous  ne  ferons  qu'abréger  ce 
qu'ils  en  ont  dil.  Lulher  avait  commencé  à 
dogmatiser  en  1317;  dès  l'an  1529,  il  y  eut 
à  Marpourg  une  conférence  entre  ce  réfor- 
mateur (  t  son  disciple  Mélanchlhon  d'un 
côté,  OEcolampade  et  Zwingle,  chefs  des  sa- 
cramenlaires,  de  l'autre,  au  sujet  de  l'eu- 
charistie, qui  était  alors  le  principal  sujet 
de  leur  dispute  ;  après  avoir  disputé  la  (jues- 
lion  assez  longtemps  ,  il  n'y  eut  ricîu  do 
conclu,  cliacnn  des  deux  pariig  demeura 
dans  son  opinion.  L'un  et  l'autre  cependant 
prenaient  pour  juge  l'Ecriture  sainte  ,  et 
soutenaient  que  le  sens  en  était  clair.  En 
1536,  IJucer,  avec  neuf  autres  députés,  se 
rendit  à  Wirlemberg,  et  parvint  à  faire  si- 
gner aux  luthériens  une  espèce  d'accord  ; 
Basnage  convient  qu'il  ne  fut  pas  de  longue 
durée,  que  l'an  Vôkï  Luther  commença  d'é- 
crire avec  beaucoup  d'aigreur  conlre'les  sa- 
cramenlaires,  et  qu'après  sa  mort  la  dispute 
s'échauffa  au  lieu  de  s'éteindre.  Eu  1330,  il 
y  eut  ,une  nouvelle  négociation  entamée 
entre  Mélanchlhon  et  Calvin  pour  parvenir 
à  s'entendre;  elle  ne  réussit  pas  mieux.  En 
1538,  Béze  et  Farel,  députés  des  calvinistes 
français,  de  concert  avec  Mélanchlhon,  fi- 
rent adopter  par  (|uelques  princes  d'Alle- 
magne (lui  avaient  embrassé  le  calvinisme, 
et  par  les  électeurs  luthériens,  une  expli- 
cation de  la  confession  d'Auijsbourg ,  qui 
semblait  rapprocher  les  deux  sectes  ;  mais 
Flaccius  Illyricus  écrivit  avec  chaleur  contre 
ce  traité  de  paix  ;  son  parti  grossit  après  la 
mort  de  Mélanchlhon  ;  celui-ci  ne  remporta, 
pourfruitde  son  esprit  conciliateur,  que  la 
liaine,  les  reproches,  les  invectives  des  théo- 
logiens de  sa  secte.  L'an  1370  et  les  années 
suivantes,  les  luthériens  et  les  calvinistes  ou 
réformés  conférèrent  encore  en  Pologne  dans 
divers  synodes  tenus  à  cet  effet,  et  convin- 
rent de  quelques  articles;  mal  heureusement  il 
se  trouva  toujours  des  théologiens  entêtés  et 
fougueux  qui  s'élevèrent  contre  ces  tentatives 
de  réconciliation  ;  l'arlicle  de  l'eucharistie 
fut  toujours  le  principal  sujet  des  disputes 
et  des  dissensions,  quoique  l'on  eût  cherché 
toutes  les  tournures  possibles  pour  contenter 
les  deux  partis.  —  En  157'7,  l'électeur  de 
Sase  fit  dresser  par  ses.lhéologiens  luthé- 
rieus  le  fameux  livre  de  la  Concorde,  daus 


C03 


STN 


SYN 


60i 


lequel  le  senliment  des  réformés  était  con- 
d.imné;  il  usa  de  violence  et  de  peines  afflic- 
lives  pour  (aire  adopter  cel  écrit  dans  tous 
ses    Etats.  Los    calvinistes  s'en  plaijînirent 
amèrement;  cous  de  Suisse  écrivirent  con- 
tre ce  livre,  et  il  ne   servit   qu'à  aigrir  da- 
vantas»'   les  esprits.    L'an    1578,  les   cilvi- 
nistes  de  France,  dans  un  synode  de  Sainle- 
Foi,   renouvelèrent    leurs    instances     pour 
obtenir  l'amitié   et  la  l'ratcrnilé  des  lulhé- 
riens;   ils  envoyèrent  des  députés   en  Alle- 
magne, ils  ne  réussirent  pas.    En  1631,   le 
synode  de  Charenton  fit  le  décret  d'admetire 
les  luthériens  à  la  participation  de  la  cène, 
sans  les  obliger   à  faire   abjuralioii  de  leur 
croyance.  Mosheim  avoue  que  les  luthériens 
n'y  furent  pas   fort  sensibles,  non  plus  qu'à 
la  condescendance  que  les   réfiiruics  curent 
pour    eux    dans    une    conférence   tenue  à 
Leipsick    pendant  celle   même  année.    Les 
luthériens,   dit-il,  naturellement    timides  et 
soupçonneux  ,  craignant    toujours     qu'on 
ne  leur  teudît  des  pièges  pour  les  surprendre, 
ne  furent  satisfaits   d'aucur.e   offro  ni  d'au- 
cune explication.  Hist.   ecdés.,   ibid.,  c.  1, 
^  4.,    _  Vers    l'an    1610,  Georges    Calixte, 
docteur  luthérien,  forma  le  projet  non-seu- 
lement de  réunir  les  deux  principales  sectes 
protestantes,   mais  de   les   réconcilier   avec 
l'Eglise  romaine.  U  trouva  des  adversaires 
miplacables  dans  ses  confrères,   les  théolo- 
giens saxons.  Mosheim,  ibid.,  §20  et  suiv., 
convient  que  l'on  mit  dans  celle  conlroviTse 
de  la  fureur,  de  la  malignilé,  des  calomnies 
des  insultes;  que  ces  thcologiens,  loin  d'élra 
animés    par   l'amour  de  la   vérité  et  par  le 
zèle   de  la   religion,   agirent  par  esprit  d(3 
parli,   par  orgueil  ,    par   animosité.  On   ne 
pardonna  point  à  Calixte  d'avoir  enseigné, 
1°  que  si   l'Fglise  romaine  était  remise  dans 
le   même  état  oîi  elle  était   durant  les  cinq 
premiers  siècles,  on   ne  serait   plus  en  droit 
de  rejeter  sa  communion  ;   :î°  que  les  callio- 
liques  qui  croient  de  boiine  foi   les  do-mos 
de  leur  liglise  par  ignorance,  par  habitude, 
par  préjugé  de  naissance  et  d'éducation,  ne 
sont    point  exclus  du   salut,    pourvu  qu'ils 
croient  toutes  les  vérités  contenues  dans  le 
symbole  des   apôtres,  et   qu'ils  lûchent   de 
Tivre   conformément   aux  préceptes  de  l'E- 
vangile.   Mosheim,    qui  craignait   encore  le 
zèle  fougueux  des  théologiens  de  sa  secte,  a 
eu  grand  soin  de  déclarer  qu'il  ne  prétendait 
point  justifier  ces  maximes. 

Nous  sommes  moins  rigoureux  à  l'égard 
des  hérétiques  en  général;  nous  n'hésitons 
point  de  dire,  1°  que  si  tous  voulaient  ad- 
mettre la  croyance,  le  culte,  la  discipline 
qui  étaient  en  usage  dans  l'Eglise  catholiiiue 
pendant  les  cinq  premiers  siècles,  nous  les 
regarderions  volontiers  comme  nos  frères  ; 
2"  que  tout,  hérétique  qui  croit  de  bonne  foi 
les  dogmes  de  sa  secte,  par  iréjugé  de  nais- 
sance et  d'éducation,  par  ignorance  invin- 
cible, n'est  pas  exclu  du  salut,  pourvu  qu'il 
croie  toutes  les  vérités  contenues  dans  le 
symbole  des  apôtres,  et  qu'il  lâche  de  vivre 
selon  les  préceptes  de  l'Evangile,  parcequ'un 
des  articles  du  symbole  des  apôtres  est  de 


croire  à  la  sainte  Eglise  catholique.  Yotj. 
EfiLis!;,  §  3  et  h.  Ignorance,  etc.  Pour  nous 
récompenser  de  cette  condescendance,  on 
nous  reproche  d'être  intolérants. 

En  1645,  Uladislas  IV,  roi  de  Pologne,  fit 
tenir  à  Thorn  une  conférence  entre  les  théo- 
logiens catholiques,  les  luthériens  et  les  ré- 
formés ;  après  lieaucoup  de  disputes,   Mos- 
heim dit  qu'ils  se  sép'irèrent  tous  plus  pos- 
sédés de  l'esprit  de  parti,  et   avec  moins  de 
charité  chrétienne  qu'ils  n'en  avaient  aupa- 
ravant. En  ICGl,  nouvelle  conférence  à  Cas- 
sel,   entre  les    luthériens  et  les   réformés  : 
après   plusieurs   contestations,  ils   finirent 
par  s'embrasser  et  se  promettre  une  amitié 
frateriielic.    Mais    celte    corai)laisaiice    de 
quelques  luthériens  leur  attira  la  haine  et 
les  reproches  de  leurs  confrères.  Frédéric- 
Guillaume,  électeur  de  Brandebourg,  et  son 
fils  Frédéric  1",  roi  de  Prusse,  ont  fait  inu- 
tilement de  nouveaux  efforts  pour  a,llier  les 
deux  sectes  dans  leurs  Eials.  Mosheim  ajoute 
que  les  syncrélistes  ont  toujours  été  en  plus 
grand  nombre  chez  les  réformés  que  parmi 
les  luthériens  ;  que    tous    ceux   d'entre    ces 
derniers  qui  ont  voulu  jouer  le  rôle  de  con- 
ciliateurs, ont  toujours  éié  victimes  de  leur 
amour  pour  la   paix.  Sou   traducteur  a  eu 
grand  soin  de  faire  remarquer  cel  aveu.  Il 
n'est  donc  pas  étonnant  que   les   luthériens 
aient  porté  le  même  esprit  d'entêtement,  de 
défiance,  d'animosité,  dans  les  conférences 
qu'ils  ont  eues  avec  des  théologiens  catho- 
liques, il  y  en  cul  une  à  Ualisbonne  en  1601, 
par  ordre  du  duc  de  Bavière  et  de  l'électeur 
palalin  ;  une  autre   à  Nî'ubourg    en  1013,  à 
la  so'iicitaion   du  prince    palalin;  la   troi- 
sième   fut  celle    d:;    Thorn    en  l'olognc,   de 
laquelle   nous  avons    parlé;   toutes    furent 
inutiles.  On  sait  qu'après  la  conférence  que 
le    ministre    Claude    eut  à  Paris  avec  Bos- 
suel  en    1G83,    ce  ministre  calviniste,   dans 
la    relation   qu'il    eu    Ut    se    vanta  d'avoir 
vaincu    son   adversaire,  et    les   proteslanls 
en  sont  encore  anjourd'liui  persuadés. 

Cependant,  eu  168i,  un  ministre  luthé- 
rien nommé  Pralorius  fit  un  livre  pour  prou- 
ver que  la  réunion  entre  Ses  catholiques  et 
les  prolestants  n'est  pas  impossible,  et  il 
proposait  plusieurs  moyens  pour  y  parve- 
nir ;  ses  confrères  lui  en  ont  su  très-mau- 
vais gré,  ils  l'ont  regardé  comme  un  papiste 
déguisé.  Dans  le  même  leuips  un  autre  écri- 
vain, qui  [laraîl  avoir  elé  calviniste,  fit  un 
ouvrage  pour  soutenir  que  ce  proiei  ne 
réussira  jamais,  et  il  en  donnât  différentes 
raisons.  Bayli;  a  fait  un  extrait  de  ces  deux 
produclion.s.  Nouv.  de  la  J'.épubl.  des  Lettres, 
décembre  1685,  art.  3  et  k. 

Le  savant  et  célèbre  Leibnilz,  luthérien 
très-modéré,  ne  croyait  point  à  l'impossibilité 
d'une  réunion  des  protestants  aux  catholi- 
ques ;  il  a  donné  de  granis  éloges  à  l'esprit 
conciliateur  de  Mélanchlhon  et  de  Georges 
Calixte.  Il  pensait  que  l'on  peut  admettre 
dans  l'Eglise  un  gouvcrnemenl  monarclii- 
quc  lempéré  par  l'ar-stocralie,  tel  que  l'oa 
conçoit  eu  France  celui  du  souverain  pou- 


603 


S\N 


SYN 


(03 


,  life;  il  .ijoulait  que  l'on  peut  tolérer  les  mes- 
ses privées   cl    le  culle   des  iiiuiges,  en  re- 
tranchant les  abus.  Il  y  eut  une  relation  in- 
directe entre  ce  grand    homme  et   Bossuet  ; 
mais   coiDiiie    Leibiiitz     prétendait    fausse- 
ineiit  que  le  concile  de  Trente  n'était  pas 
reçu  en  France,  r/uant  à  la  doctrine  ou  aux 
définitions  de  loi,  liossuct  le  réTuia  par  une 
réponse  ferme   et   déci'iive.   Esprit  de  Leib- 
nilz,  toni.  11,  pag.  (i  et  suiv.,  p.  9",  etc.  On 
conçoit  aisément  que  le  gros  des  luthériens 
n'a  pas  applaudi   aux  idées  de  Leil>niiz.  — 
En  1717  et  1718,  lorsque  les  esprils  étaient 
en  fernienialion,  surtout    à   Paris,  au  sujet 
de  la  bulle  Uniyenitus,  et  que  les  appelants 
formaient  un   parti  très- nombreux,  il  y  eut 
une  correspondance  onlre  deux  docteurs  de 
Sorbonne  et  (juillaume  Wake,   archevêque 
de  Cantorbéry,  loucliani  le  projet  de  réunir 
l'Eglise  anglicane  à  lliglise  de  iVance.  Sui- 
vant la  relation  qu'a  lailc  de  cette  négocia- 
tion le  traducteur  anglais  de  Xlosheiui,  tom. 
VI,  p.  6't  de  la  version  française,  le  docteur 
Dupin,  principal  agent  dans  cette  afl'uire,  se 
rapprochait  beaucoup   des  opinions  angli- 
canes, au  lieu  que  l'archevêque  ne  voulait 
céder  sur  rien,  cl  demandait  pour  prélimi- 
naire de   coneilialion  que  l'Eglise  gallicane 
rompît  absolument  avec  le  pape   et  avec  le 
saint-siégc,  devint  par  conséqu  ni  scliisma- 
tique  et   hérétique,  aussi  bien  que   l'Eglise 
anglicane.  Comme,  dans  celle  négociaiion, 
Dupin   ni    son    confrère    n'étaient    revêtus 
d'aucun  pouvoir,  cl  n'agissaient  pas  par  des 
motifs  assez  purs,   ce  qu'ils  ont  écrit  a  été 
regardé   comme  non  avenu,  lùifin,  en  1723, 
Chrislophe-.Mallhieu  l'Iall',  théologien  luthé- 
rien et  chancelier  de  l'université  de  Tubinge, 
avec  quel(]ues  autres,  renouvela  le  projet  de 
réunir  les   deux  principales   secles    protes- 
tantes ;    il  fil    à    ce  sujet  un  livre   intitulé  : 
Collectio  scriptorua  Irenicorum  ad  unionvm 
inler  i,ro!tsl(intes  fuciendam,  imprimé  à  Hall 
en  Saiic,   in-k°.  Mosheim    avertit   que    ses 
confrères  t.'opposèrenl  vivement  à  ce  psojel 
pacifique,  et  <|u'il  n'eul  aucun  eiTel.  Il  avait 
écrit  en  l"ioo  que  les  luthériens  ni  les  ;irn»i- 
niens  n'ont  plus  aujourd'hui  aucun  sujet  de 
controverses  avec   l'Eglise  réformée.   Uisl. 
ecclés.,    \\i.n'  siècle,  §  22.   Sou   Iraduclciir 
soulient  que  cela  est  faux,  que  la  doctrine 
des  luthériens  touchant  l'eucharistie  est  re- 
jetée  par  toutes  les  l'iglises  réformées  sans 
exception  ;  que  dans  l'Église  anglicane,  les 
Irente-ncuf  articles  de    sa  confession  de  fui 
conservent  tonte  leur  autorité  ;  que  dans  tes 
Eglises  réformées  de  Hollande,  d'Allemagne 
ei  de  la  Suisse,  on  regarde  encore  certaines 
doctrines   des  arminiens  et   des    luthériens 
comme  un  juste  sujet  de   les  exclure  de   la 
communion,  (luoiquc  dans  ces   différentes 
contrées  il  j  ait  une  infinité  de  particuliers 
qui  jugent  qu'il  faut  user  envers  les  uns  et 
les  auues  d'un  esprit  de  tolérance  et  de  cha- 
rilé.  Ainsi  le  foyer  de  la  division  subsiste 
toujours   prêt  à  se  rallumer,  quoi(iue  cou- 
vert d'une  cendre  légère  de  tolérance  el  de 
cliarilé. 
Sur  tous  ces   faits  il  y  a  matière  à  ré- 


(lexion.  1°  Comme  la  doilrine  chrétienne  est 
révélée  de  Dieu,  cl  que  l'on  ne  peut  pas 
être  clirélien  sans  la  foi,  il  n'est  permis  à 
aucun  parliciilicr  ni  à  aucune  société  de  mo- 
difier cette  doctrine,  de  rex()rimer  en  ter- 
mes vagues  susceptibles  d'un  sens  ortho- 
doxe, mais  qui  peuvent  aussi  favoriser  l'er- 
reur, d'y  ajouter  on  d'en  retrancher  quel» 
que  chose  par  complaisance  pour  des  sec- 
taires, sons  prétexte  de  modération  et  de 
charité.  C'est  un  dépôt  confié  à  la  garde  de 
l'IÇglise,  elle  doit  le  conserver  et  le  Irans- 
mellre  à  tous  les  siècles  tel  qu'elle  l'a  reçu 
et  sans  aucune  altération,  /  ï'i'w.,  c.  vi, 
V.  20;  II  Tim.,  Cl,  v.  14.  .\ous  n'agissons 
point,  dit  saint  l'aul,  uvec  dissimulation,  ni 
en  altérant  la  parole  de  Dieu,  mais  en  décla- 
rant la  vérité  ;  c'est  par  là  que  nous  7ious 
rendons  recommandables  devant  Dieu  à  la 
conscience  des  hommes.  Nos  adversaires  ne 
cessent  de  déclamer  contre  les  fraud(;s  pieu- 
ses ;  y  en  a-l-il  donc  une  plus  criminelle 
que  d'envelopper  la  vérité  sous  des  expres- 
sions captieuses,  capables  de  tromper  les 
simples  el  de  les  induire  en  erreur?  çà  été 
cependant  le  manège  employé  par  les  sec- 
taires toutes  les  fois  qu'ils  ont  l'ail  des  ten- 
tatives pour  se  r'approeher.  Il  est  évident 
que  ce  que  l'on  appelle  aujourd'hui  tolé- 
rance cl  charité,  n'est  qu'un  fond  d'indiffé- 
rence pour  les  dogmes,  c'est-à-dire  pour  la 
doeirine  de  Jésus-Christ. — 2"  Jamais  la  faus- 
seté du  principe  fondamental  de  la  réforme 
n'a  mieux  éclaté  que  dans  les  dis()utes  el  les 
conférences  que  les  protestants  ont  eues  en- 
se-.ble  :  ils  ne  cessent  de  répéter  que  c'est 
par  1  licriture  sainte  seule  qu'il  faut  déci- 
der toutes  les  controverses  en  matière  de 
foi  :  et  depuis  plus  de  deux  cent  cinquante 
ans  qu'ils  contestent  entre  eux,  ils  n'ont  pas 
encore  pu  convenir  du  sens  qu'il  faut  don- 
ner à  ces  jiaroles  de  Jésus-Christ  :  Ceci  est 
nion  corps,  ceci  est  mon  sang.  Ils  soutiennent 
que  chaque  particulier  est  en  droit  de  don- 
ner à  l'Ecritnre  le  sens  qui  lui  parait  vrai, 
et  ils  se  refusent  mutuellement  la  commu- 
nion, parce  que  chaque  parti  veut  user  de 
ce  privilège. — 3°  Lorsque  les  hérétiques  pro- 
posent des  moyens  de  réunion,  ils  sous-en- 
lendenl  toujours  qu'ils  ne  rabattront  rieu 
de  leurs  sentiments,  el  qu'il  est  permis  à 
eux  seuls  d  être  opiniâtres.  Nous  le  voyons 
par  les  prétentions  de  l'archevêque  de  Can- 
torliérj  ;  il  exii'cail  avant  tontes  clioses  quo 
l'Eglise  gallicane  comcnençâl  par  se  con- 
damner elle-même,  qu'elle  leronnût  que 
jusqu'à  présent  elle  a  eii  dans  l'erreur,  en 
attribuant  au  souverain  pontife  une  pri- 
mauté de  droit  divin  el  une  autorité  de  ju- 
ridiction sur  toute  l'Eglise.  Otte  proposi- 
tion seule  était  une  véritable  insulte,  el  ceux 
à  qui  elle  a  été  faite  n'auraient  pas  dû  l'en- 
visager autrement.  11  est  aisé  de  fortncr  un 
schisme,  il  ne  faut  pour  cela  qu'un  moment 
de  fougue  et  d'humeur  ;  pour  en  revenir, 
c'est  autre  chose  : 

Facilis  descensus  Avertit, 
Sed  revocare  graduni 


607 


SYN 


4°  Le  caraclère  soupçonneux  ,  déGanl , 
obstiné  des  lier-  tiques,  est  démonlré,  non- 
sculemcnt  par  les  aveux  forcés  que  plu- 
sieurs d'entre  eux  en  ont  faits,  mais  pur 
toute  leur  conduite.  Mosheim  lui-môme,  en 
convenant  de  ce  caractère  de  ses  confrères, 
n'a  pas  su  s'en  préserver.  Il  soutient  que 
toutes  les  méthodes  employées  par  los  ihéo- 
logiens  catlioliques  pour  détromper  les  pro- 
lestants, p:)ur  leur  exposer  la  doctrine  de 
l'Enlisé  telle  (]u'eile  est,  pour  leur  montrer 
qu'ils  en  ont  une  fausse  idée  et  qu'ils  la  dé- 
guisent pour  la  rendre  odieuse,  soûl  des  piè- 
ges et  des  impostures;  mais  des  hommes  qui 
accusent  tous  les  autres  de  mauvaise  foi, 
pourraient  bien  en  être  coupables  oux- 
méines.  Comment  traiter  avec  des  opiniâtres 
qui  ne  veulent  pas  encore  convenir  que 
l'Exposition  de  ta  foi  catholique  p.irBossuet 
présente  la  véritable  croyance  de  l'Eglise 
romaine,  qui  ne  savent  pas  encore  si  nous 
recevons  les  déGnitions  de  foi  du  concile  <le 
Trente,  qui  semblent  même  douter  si  nous 
croyons  tous  les  articles  contenus  dans  le 
symbole  des  apôtres"?  S'ils  prenaient  au 
moins  la  peine  de  lire  nos  catéchismes  elde 
les  comparer,  ils  verraient  que  l'on  croit  et 
que  l'on  enseigne  de  même  partout  ;  mais  ils 
trouvent  plus  aisé  de  nous  calomnier  que 
de  s'instruire. —  5°  Comme  chez  les  protes- 
tants il  n'y  a  point  de  surveillant  général, 
point  d'autorité  en  fait  d'enseignement, 
point  de  centre  d'unilé,  non-seulement  cha- 
que nation,  chaque  société,  mais  chaque 
docteur  particulier  croit  et  enseigne  ce  qu'il 
lui  plaît.  Quand  ou  parviendrait  à  s'enten- 
dre avec  les  tliéologieus  d'une  telle  univer- 
sité ou  d'une  telle  école,  on  n'en  serait  pas 
plus  avancé  à  l'égard  des  autres  ;  la  ccti- 
vention  faite  avec  les  uns  ne  lie  pas  les  au- 
tres. L'esprit  de  contradiction,  la  rivalité, 
la  jalousie,  les  préventions  nationales,  les 
petits  intérêts  de  politique,  etc.,  suffisent 
pour  exciter  tons  ceux  qui  n'ont  point  eu 
de  part  à  cette  convention,  à  la  traverser  de 
tout  leur  pouvoir.  C'est  ce  qui  est  arrivé 
toutes  les  fois  qu'il  y  a  eu  quelque  espèce 
d'accord  conclu  entre  les  luthériens  et  les 
calvinistes  ;  la  môme  chose  arriverait  en- 
core plus  sûrement,  si  les  uns  on  les  au- 
tres avaient  traité  avec  des  catholiques.  La 
confession  d'Augsbourg  préscatée  pompeu- 
sement à  la  diète  de  l'empire  ne  plut  pas  à 
tous  les  luthériens  ;  elle  a  été  relouchée  et 
changée  plusieurs  fois,  et  ceux  d'aujour- 
diiui  ne  la  reçoivent  pas  dans  tous  les  points 
de  doctrine.  Il*  en  a  été  de  même  des  confes- 
sions de  foi  des  calvinistes  :  aucune  ne  fait 
loi  pour  tous,  chaqueEglise  réformée  est  un 
corps  indépendant  qui  n'a  pas  même  le  droit 
de  fixer  la  croyance  de  ses  membres.  —  G" 
îiossuet,  dans  l'écrit  qu'il  a  fait  contre  Leib- 
nilz,  a  très-bien  démontré  que  le  principe 
fondamental  des  protestants  est  inconcilia- 
ble avec  celui  des  catholiques.  Les  premiers 
soutiennent  qu'il  n'y  a  point  d'autre  règle  de 
foi  que  l'Ecriiure  sainte,  que  l'autorité  do 
l'Eglise  est  absolument  nulle,  que  personne 
ne  peut  être  obligé  en  conscience  de  se  sou 


SlfN  608 

mettre  a  ses  décisions.  Les  catholiques  au 
contraire  sont  persuadés  que  l'Eglise  est 
l'interprète  de  l'Ecriture  sainte,  que  c'est 
à  elle  d'en  fixer  le  véritable  sens,  que  qui- 
conque résiste  à  ses  décisions  en  matière 
de  doctrine,  pèche  essentiellement  dans  la 
foi,  et  s'exclut  par  là  même  du  salut.  Quel 
milieu,  quel  tempérament  trouver  entre  ces 
deux  principes  diamélralement  opposés  ? 
Par  conséquent  les  stjncrélistes,  de  quelque 
secte  qu'ils  aient  été,  ont  dû  sentir  qu'ils 
travaillaient  en  vain,  et  que  leurs  efforts  de- 
vaient nécessairement  être  infructueux.  Les 
éloges  que  les  protestants  leur  prodiguent 
aujourd'hui  ne  signifient  rien  ;  le  résultat  de 
la  tolérance  que  l'on  vante  comme  l'héroïs- 
me de  la  charité,  est  qu'en  fait  de  religion 
chaque  particulier,  chaque  docteur,  doit  ne 
penser  qu'à  soi,  et  ne  pas  s'embarrasser  des 
autres.  Ce  n'est  certainement  pas  là  l'esprit 
de  Jésus-Christ  ni  celui  du  christianisme. 
Voy.  Tolérance. 

SYNUÉKÈSE.  Ce  terme  grec  signifie  quel- 
quefois chez  les  théologiens  la  sagacité  de 
l'esprit  qui  voit  l'ensemble  des  divers  pré- 
ceptes de  morale,  qui  les  compare,  qui  ex- 
plique l'un  par  l'autre,  et  qui  en  conclut  ce 
que  l'on  doit  faire  dans  telle  ou  telle  circon- 
stance ;  ainsi  ce  mot  parait  dérive  de  (jwoip'.j, 
je  dévoile  ensemble.  A  proprement  parler, 
c'est  la  conscience  droite,  dirigée  par  un  en- 
tendement éclairé.  D'autres  fois  il  signifie 
les  remords  de  conscience,  ou  le  jugement 
par  lequel  nous  rassemblons  et  comparons 
nos  actions,  duquel  nous  concluons  que 
nous  sommes  coupables.  Il  est  évident  que 
ces  remords  sont  une  grâce  que  Dieu  nous 
fait,  puisqu'un  des  elTels  du  péché  est  de 
nous  aveugler.  Un  scélérat  qui  n'aurait  plus 
de  remords  serait  redoutable  dans  la  société, 
il  n'y  aurait  aucun  crime  duquel  il  ne  fût 
capable.  Cette  syndi'rîse  est  représentée 
dans  ITxriture  samle  conmie  un  ver  ron- 
geur attaché  au  cœur  du  pécheur,  et  qui  ne 
lui  laisse  point  de  repos. 

SYNEUGISTES,  théologiens  luthériens, 
qui  ont  enseigné  que  Dieu  n'opère  pas  seul 
la  conversion  du  pécheur,  et  que  celui-ci 
coopère  à  la  grâce  en  suivant  son  impulsion. 
Le  nom  de  synergisles  vient  du  grec  u-unpyéM, 
je  contribue,  je  coopère. 

Luther  et  Calvin  avaient  soutenu  que  par 
le  péché  originel  l'homme  a  perdu  toute  ac- 
tivité pour  les  bonnes  œuvres  ;  que  quand 
Dieu  nous  fait  agir  par  la  grâce,  c'est  lui 
qui  fait  tout  en  nous  et  sans  nous;  que, 
sous  l'impulsion  de  la  grâce,  la  volonté  de 
l'homme  est  purement  passive.  Ils  ne  s'é- 
taient pas  bornés  là  :  ils  prétendaient  que 
toutes  les  actions  de  l'homme  étaient  la 
suite  nécessaire  d'un  décret  par  lequel  Dieu 
les  avait  prédestinées  et  résolues.  Luther 
n'hrsilail  pas  de  dire  que  Dieu  produit  le 
péché  dans  l'homme  aussi  réellement  et 
aussi  positivement  qu'une  bonne  œuvre, 
qu'il  n'est  pas  moins  la  cause  de  l'un  que 
ue  l'autre.  Calvin  n'avouait  pas  cette  consé- 
quence, mais  il  n'en  posait  pas  moins  le 
principe.— Telle  est  la  doctrine  impie  que  lo 


609 


SVN 


SYN 


filC 


concile  de  Trcnle  a  proscrite,  Sess.  vi,  de 
Justif.,  can.  4,  5,  G,  en  ces  lerrin's  ;  «  Si 
quelqu'un  dit  que  le  libre  arbitre  de 
l'Iiomuie  excité  et  mû  dv  Dieu  ne  coopère 
point,  en  suivant  cette  impulsion  et  celle 
vocation  de  Dieu,  pour  se  disposer  à  se  pré- 
parer à  la  justification  ;  qu'il  ne  peut  y  ré- 
sister, s'il  le  veut  ;  qu'il  n'agit  point  et  de- 
meure puremenl  p.issif  ;  qu'il  soit  aiiathèino. 
Si  quelqu'un  enseigne  que  par  le  péché  d'A- 
dam le  libre  arbitre  de  l'homme  a  été  perdu 
et  anéanti,  que  ce  n'est  plus  qu'un  nom  sans 
réalité  ou  une  imagination  suggérée  par  Sa- 
tan ;qu'ilsoilanalhèine.Siquelqu'un  soutient 
qu'il  n'est  pas  au  [louvoir  de  l'homme  de 
rendre  mauvaises  ses  actions,  mais  que  c'est 
Dieu  qui  fait  le  mal  autant  que  le  bien,  en  le 
permettant  non-seulement,  mais  réellement 
et  directement,  de  manière  que  la  trahison 
de  Judas  n'est  pas  moins  son  ouvrage  que  la 
conversion  de  saint  Paul  ;  qu'il  soit  ana- 
thème.  »  Dans  ces  décrets,  le  concile  se  sert 
des  propres  termes  des  hérétiques.  Il  parait 
presque  incroy.ible  que,  de  prétendus  rél'or- 
niateurs  de  la  foi  do  l'Eglise  aient  piussé  la 
démence  jusque-là.  et  qu'ils  aient  (ruuvé 
des  sectateurs  ;  mais  lorsque  les  esprits  sont 
une  fois  échauffés,  aucun  blasphème  ne  leur 
fait  peur. 

Mélancbthon  clStrigélius,  quoique  disci- 
ples de  Luther,  ne  purent  digérer  sa  doc- 
trine ;  ils  enseignèrent  que  Dieu  al'.ire  à  lui 
et  convertit  les  adultes,  de  manière  que  l'im- 
pulsion de  la  grâce  est  accompagnée  d'une 
certaine  action  ou  coopération  delà  volonié. 
C'est  précisément  ce  qu'a  décidé  le  concile 
de  Trente.  Cette  doctrine,  dit  Moslieim,  dé- 
plut aux  lulhéiieiis  rigides,  surtout  ù  Flac- 
cius  lllyrieus  et  à  d'antres  ;  elle  leur  parut 
destructive  de  celle  de  Luther  touchant  la 
ser\itude  .ibsolue  de  la  volonté  humaine  et 
l'impuissance  dans  laquelle  est  l'homme  de 
se  convertir  et  de  faire  le  bien  ;  ils  attaquè- 
rent de  toutes  leurs  forces  les  sijnergislts. 
Ce  sont,  dit-il,  à  peu  près  les  mêmes  que 
les  scmi-pélagiens.  Jlist.  Eccle's,,  xvr'  siè- 
cle, sect.  3,  n'  part.,  c.  1,  §  30.  .Mosiioim 
n'est  pas  le  seul  qui  ait  taxé  de  semi-pôla- 
gianisme  le  sentiment  calholi(nie  décidé  par 
le  concile  de  Trenlo  ;  c'est  le  reproche  que 
nous  font  tous  les  protestants,  et  que  Jansé- 
nins  a  copié  ;  esl-ii  bien  fondé  ? 

Déjà  nous  en  avons  prouvé  la  fausseté  au 
mol  Sesii-pklaoianisjie.  En  effet,  les  semi- 
pélagicns  prétendaient  qu'avant  de  recevoir 
la  grâce,  l'homme  peut  la  prévenir,  s'y  dis- 
poser et  la  mériter  par  de  bonnes  affections 
iiuturellcs,  par  des  désirs  de  conversion,  par 
des  jirières,  et  que  Dieu  donne  la  grâce  à 
ceux  qui  s'y  disposent  ainsi  ;  d'où  il  s'en- 
suivait que  le  commencement  de  la  conver- 
sion et  du  salut  vient  de  l'boiume  et  non  de 
Dieu.  C'est  la  doctrine  condamnée  par  les 
huit  premiers  canons  du  second  concile  d'O- 
range, tenu  l'an  529.  Or,  soutenir,  comme 
les  semi  -  pélagiens ,  que  la  volonté  de 
Ihonime  prévient  la  grâce  par  ses  bonnes 
dispositions  naturelles,  et  enseigner,  comme 
le  concile  de  Trente,  que  la  volonté,  préve- 


nue, excitée  et  mue  par  In  grâce,  coopère  à 
cette  motion  ou  à  cette  impulsion,  est-ce  la 
même  chose  ? 

Le  concile  d'Orange,  en  condamnant  les 
erreurs  dont  nous  venons  de  parler,  ajoute, 
can.  9  :  i<  Toutes  les  fois  que  nous  faisons 
quelque  chose  de  bon,  c'est  Dieu  qui  agit  en 
nous  et  avec  noit^  afin  que  nous  le  fassions.  » 
Si  Dieu  agi!  avec  nous,  nous  agissons  donc 
aussi  avec  Dieu,  et  nous  ne  sommes  pas  pu- 
rement passifs,  il  csl  évident  que  le  concile 
de  Trenle  avait  sous  les  yeux  les  décrets  du 
concile  d'Orange,  lorsqu'il  a  dressé  les  siens. 
C'est  ce  qu'enseigne  au^si  saint  Augustin 
dans  un  discours  contre  les  péhigiens,  serm. 
15G,  de  Verhis  A;,oftoli,  cap.  11,  n.  11.  Sur 
ces  paroles  de  suint  Paul:  Tous  ceux  qui 
sont  mus  par  l'esprit  de  Dieu,  Rom.,  c.  viit, 
V.  ik,  les  pélagiens  disaient:  «  Si  nous  som- 
mes mus  ou  poussés,  nous  n'agissons  pas. 
Tout  au  contraire,  réjiond  le  saint  docteur, 
vous  agis-ez  et  vous  êtes  mus  ;  vous  agissez 
bien,  lorsqu'un  principe  vous  meut.  L'es- 
prit de  Dieu  (fui  vous  pousse,  aide  à  votre 
action  ;    il  prend   le  nom  d'aide,  parce   que 

vous  faites  vons-inèmes   quelque   chose 

Si  vous  n'éliez  pas  agissants,  il  n'agirait  pas 
avec  vous,  si  non  esses  operator,  illenon  esseC 
cooperator.  »  Il  le  répète,  cap.  12,  n.  13: 
«  Croyez  donc  que  vous  agissez  ainsi  par 
une  l)onne  volonté.  Puisque  vous  vivez,  vous 
agisse?  sans  doute  ;  Dieu  n'est  pas  voire 
aide  si  vous  ne  laites  rien,  il  n'est  pas  coo- 
péraleur  où  il  n'y  a  point  d'opéialion.  »  Di- 
ra-t-on  encore  que  saint  Augustin  suppose 
la  volonté  de  l'hom'iie  purement  passive 
sous  l'impulsion  de  la  grâce?  Nous  pour- 
rions citer  vingt  autres  passages  sembla- 
bles. 

11  nous  importe  peu  de  savoir  si  Mélinch- 
thon  et  les  autres  syncrejistes  ont  mieux  mé- 
rité le  reproche  de  semi-pélaginnisme  ;  mais 
nous  aimons  à  connaître  la  vérité.  Dans  une 
leltre  écrite  à  Calvin,  et  citée  par  Bayle, 
Diclionn.  ait.  Sijnergistes,  A,  IMéianchlhon 
dit:  «  Lorsque  nous  nous  relevons  d'une 
chute,  nous  savons  que  Dieu  veut  nous  aider, 
et  qu'il  nous  secourt  en  effet  dans  le  combat. 
Veillons  seulement,  dit  saint  Basile,  et  Dieu 
surtout.  Ainsi  noire  vigilance  est  excitée,  et 
Dieu  exerce  en  nous  sa  bonté  infinie  ;  il  a 
promis  le  secours  et  il  le  donne,  mais  à  ceux 
qui  le  demandent.  »  Si  .Mélanchtiion  a  entendu 
que  la  demande  de  la  grâce  ou  la  prière  se 
fait  par  les  forces  naturelles  de  l'homme,  et 
n'est  pas  l'effet  d'une  première  grâc;!  qui 
excite  l'homme  à  prier,  il  a  véritablement 
été  semi-pélagien,  il  a  été  condamné  par  le 
deuxième  concile  d'Orange,  can.  3,  et  par 
celui  de  Trenle,  can.  k.  Voilà  ce  que  .Mos- 
heim  aurait  dû  remarquer;  mais  les  théolo- 
giens hétérodoxes  n'ont  ni  des  notions  clai- 
res, ni  des  expressions  exactes  sur  aucune 
question. 

Le  fondement  sur  lequel  les  protestants  et 
leurs  copistes  nous  accusent  de  semi-péla- 
gianisme,  est  des  plus  ridicules.  Ils  suppo- 
sent qu'en  disant  (|iic  l'homme  coopère  à  la 
grâce,  nous  entendons  qu'il   le  fait  par  ses 


611 


StN 


SYN 


OIS 


forces  naturelles.  Mais  comment  peut-on  ap- 
peler forces  naturelles  celles  que  la  volonté 
reçoit  par  un  secours  surnaturel?  C'est  une 
coiilracliction  palpable.  Si  les  synergistes  lu- 
thériens y  sonl  tombés,  nous  n'en  sommes 
pns  responsables.  Supposons  un  malade  ré- 
duit à  une  extrême  faiblesse,  qui  ne  peut 
plus  se  lever  ni  marcher  ;  si  on  lui  donne  un 
remède  qui  ranime  le  mouvement  du  sang, 
qui  remet  en  jeu  les  nerfs  el  les  muscles,  il 
pourra  peut-être  se  lever  et  marcher  pen- 
dant quelques  moments.  Dira-t-on  qu'il  le 
fait  par  ses  forces  liaturcllcs.ct  non  en  vertu 
du  remède?  Dès  que  cette  vertu  aura  cessé, 
il  retombera  dans  son  premier  état.  Voy.  Se- 
nii-PÉLAGiàMSMiî,  à  la  fin. 

Bayie,  dans  le  même  article,  a  voulu  très- 
inntilemenl  justifier  ou  excuser  Calvin,  (  n 
disant  (jue, quoiqu'il  s'ensuive  de  la  doctrine 
de  ce  novalL'ur  que  Dieu  est  la  cause  du  pé- 
ché, cependant  Calvin  n'admettait  pas  cette 
conséquence.  Tout  ce  que  l'on  en  peut  con- 
clure, c'est  qu'il  était  moins  sincère  que  Lu- 
ther qui  ne  la  niait  pas.  Qu'il  l'ait  avouée  ou 
non,  il  n'en  était  pas  moins  coupable.  Son 
sentiment  ne  pouvait  aboutir  qu'à  inspirer 
aux  hommes  une  terreur  stupide,  une  ten- 
tation continuelle  de  blasphésner  contre 
Dieu  elde  le  maudire  au  lieu  de  l'aimer.  11 
est  singulier  (ju'un  hérétique  obstiné  ail  eu 
le  priviUge  de  travestie  la  doctriniî  de  l'E- 
glise, d'en  tirer  les  conséquences  les  plus 
fausses,  malgré  la  réclamation  des  catholi- 
ques, et  qu'il  en  ait  été  quille  pour  nier  cel- 
les qui  découlaient  évidemment  de  la  sienne. 
S'il  avait  trouvé  quelque  chose  de  semblable 
dans  ses  adversaires,  de  quel  opprobre  ne 
les  aurail-il  pas  couverts? 

Le  traducteur  de  Mosheim  avertit  dans 
une  note,  t.  IV,  p.  333,  que  de  nos  jours  il 
n'y  a  presque  plus  aucun  luthérien  qui  sou- 
tienne, louchant  la  grâce,  la  doctrine  rigide 
de  Luther  ;  nous  le  savons  :  nous  n'ignorons 
pis  non  plus  que  presque  tous  l«s  réformés 
onl  abandonné  aussi  sur  ce  sujet  la  doctiine 
rigide  de  Calvin.  Ils  reconnaissent  donc  tm- 
fîn,  après  deux  cents  ans,  que  les  deux  pa- 
triarches de  la  réforme  ont  été  dans  une  er- 
reur grossière,  et  y  ont  persévéré  jusqu'à  la 
niorl.  11  est  difficile  de  croire  que  Dieu  a 
voulu  se  servir  de  deux  mécréants  pour  ré- 
former la  foi  de  son  Ei^lise  :  pas  un  seul  pro- 
lestant n'a  encore  daigné  répondre  à  cette 
réHexion,  Miis  ces  mêmes  réformés  sont 
tombés  d'un  excès  dans  un  autre.  Quoique 
le  synode  de  Dordrecht  ait  donné  en  11)18 
la  sanction  la  plus  authentique  à  la  doctrine 
rigide  de  fiomar,  qui  esl  celle  de  Calvin, 
quoiqu'il  ait  proscrit  celle  dArminins,  qui 
est  le  pélagianisme,  celle-ci  a  été  embrassée 
par  la  plupart  des  théologiens  réformés, 
même  par  les  anglicans.  Tracl.  de  Mosheim, 
I.  yi,  p.  32.  Conséqucmmenl  ils  ne  recon- 
naissent plus  la  nécessité  de  la  grâce  inté- 
rieure ;  «lu  lieu  que  Calvin  ne  cessait  de  ci- 
ter saint  Augustin,  les  réformés  d'à  présent 
regard'ent    ce    l'ère    comme    un    novateur. 

Yoy.   AlUIlNIENS,    PÉLAGIANISJIE,   etC. 

SYNODE,  assemblée  ecclésiastique;  c'est 


le  mot  grec  qui  désigne  nn  concile.  Main, 
p;irmi  nous,  cuncik  se  dit  principalement  de 
rassemblée  des  évêques  d'une  province , 
d'un  royaume  ou  de  l'Eglise  universelle; 
«ynode  est  l'assemblée  des  ecclési,isliques  du 
second  ordre,  sous  la  présidence  de  l'évê- 
qiie,  ou  de  ceux  d'un  district  particulier, 
sons  les  yeux  d'un  officiai  ou  d'un  archi- 
diacre. Le  but  de  ces  assemblées  est  de  faire 
des  statuts  ou  règlements  pour  réformer  ou 
prévenir  les  fautes  conire  la  discipline,  soit 
parmi  les  ecclésiastiques,  soit  parmi  les  sim- 
ples fidèles. 1 

Dans  cet  article  de  l'ancienne  Encyclopé' 
die  on  a  décidé  que  c'est  au  souverain  seul 
d'ordonner  ou  de  permettre  les  assemblées 
ecclésiastiques,  de  fixer  les  matières  des- 
quelles on  y  doit  traiter, d'en  examiner,  d'en 
approuver  ou  d'en  casser  les  décisions  et  les 
règlements;  l'on  .ippuie  cette  doL-lrine  sur 
l'autorité  irréfragable  de  quelques  proles- 
tants. Celte  jurisprudence  est  bonne  en  An- 
gleterre, où  le  roi  se  donne  le  titre  de  chef 
souverain  de  l'Eglise  anglicane.  Henreuse- 
mint  les  souverains  catholiques  connaissent 
mieux  l'étendue  et  les  bornes  de  leur  auto- 
rité que  les  protestants  ;  ils  ne  sont  pas  du- 
pes du  zèle  hypocrite  qu'affectent  certains 
auteurs  pour  agrandir  le  pouvoir  monar- 
chique ;  dès  que  ces  derniers  y  ont  le  moin- 
dre intérêt,  ils  remettent  les  rois  sous  la  tu- 
telle du  peuple.  —  Avant  la  conversion  des 
empereurs  au  christianisme,  il  y  avait  eu 
p  lurle  moins  trente-six  conciles  ou  synodes, 
dont  plusieurs  avaient  été  assez  nombreux, 
et  formés  par  les  évêques  de  plusieurs  pro- 
vinces de  l'empire.  Nous  ne  voyons  pas  que 
CCS  assemblées  aient  été  tenues  en  vertu  des 
éiiits  des  empereurs  païens,  ni  que  ceux-ci 
aient  donné  des  lettres  patentes  pour  en  con- 
firmer ou  pour  en  casser  les  décisions.  Ce 
sont  cependant  ces  anciens  décrets  qui  ont 
toujours  été  les  plus  respectés  dans  l'Eglise 
On  voit  dans  le  Dictionnaire  de  Jurispru~ 
dence,  art.  Conciles  provinciaux,  que  par  les 
lois  du  royaume  les  métropolitains  sont  au- 
torisés à  tenir  tous  les  trois  ans  le  concile  de 
leur  province,  à  plus  forte  raison  les  évê- 
ques à  tenir  des  synodes  dans  leurs  diocèses. 
Nous  voudrions  du  moins  que  ceux  qui  ont 
soutenu  le  contraire  fussent  mieux  d'accord 
avec  eux-mêmes.  Lorsque  les  protestants  de 
France  eurent  obtenu  par  l'édit  de  Nantes 
la  liberté  de  tenir  des  synodes,  nos  rois  ne 
prirent  jamais  le  soin  de  leur  prescrire  les 
matières  qui  devaient  y  être  traitées,  d'en 
examiner  les  décisions,  de  les  confirmer  ou 
de  les  casser,  cela  aurait  été  cependant  plus 
nécessaire  qu'à  l'égard  dos  synodes  diocé- 
sains; et  nos  adversaires  n'ont  point  accusé 
le  gouvernement  d'avoir  péché  en  cela  con- 
tre la  politique.  Une  autre  inconséquence 
est  de  déclamer  contre  les  désordres  da 
clergé,  et  de  lui  ôter  en  même  temps  la  li- 
berté de  tenir  des  assemblées  destinées  à  ré- 
tablir et  à  maintenir  la  discipline.  Par  là  on 
fait  retomber  sur  le  gou.vern;'ment  lout  l'o- 
dieux des  dérèglements  réels  ou  supposés 
du  clergé. 


615  SYN 

SYNODE  (1)  {Droit  Cfinon)  signifie  en  gé- 
iiéral  une  assemblée  de  VEglisr.  Quelquefois 
le  lernic  de  synode  est  pris  pour  une  iissem- 
blée  (Je  l'Iîglise  universelle  on  concile  œcu- 
niénique,  quelquefois  pour  un  concile  natio- 
na!  ou  provincial. 

11  y  a  plusieurs  sortes  «le  synodes. 

Synode  de  l'archidiaire,  esl  la  convocalioa 
de  i'archidiacre  Tailc  devant  lui  de  tous  les 
curés  de  la  campagne  dans  le  diocùse  de  Pa- 
ris ;  il  se  lient  le  mercredi  d'après  le  second 
dimanche  de  Pâques. 

Synode  de  l'archeiêque,  est  celui  que  lient 
l'arch  vèque  dans  son  diocèse  projire,  comme 
chaque  cvè(|ue  dans  le  sien. 

Synodi-  du  yrand  chantre,  est  celui  que  le 
chantre  do  la  cathédrale  lient  pour  les  maî- 
tres ei  maîtresses  il'ecole. 

Synode  diocésain,  est  celui  auquel  sont 
convoqués  tous  les  curés  et  autres  ecclésias- 
tiques d'un  même  diocèse. 

Synode  épiscopal  ou  de  l'évéque,  est  la 
même  chose  que  synode  diocésain  ;  l'objet 
de  ces  assemblées  est  de  f.iirn  quelques  rè- 
glements et  quelques  reformations  pourcon~ 
server  la  pure(èdes  mœurs. 

Les  conciles  d'Orléans  et  de  Vernon  or- 
donnent la  convocation  des  synodes  tous  les 
ans,  et  que  tous  les  prêtres,  mémo  les  abbés, 
seront  tenus  d'y  assister.  Le  concile  de 
Trente  ordonne  aussi  la  tenue  du  synode 
diocésain  tous  les  ans,  auquel  doivent  assis- 
ter les  exempts  (sui  ne  sont  point  sous  cha- 
pitres généraux,  cl  tous  ceux  qui  sont  char- 
gés du  gouvernement  des  églises  paroissiii- 
l(îs,  ou  autres  séculières,  îuémc  annexes. 
Ces  assea)blées  se  faisaient  anciennement 
deux  fois  r.innoe,  au  mois  de  mai  et  au»; 
calendes  de  noveLnl>re.  La  manière  de  les  te- 
nir n'est  pas  nnilorme  :  chaque  diocèse  a  ses 
usages  à  cet  égard,  ei  il  faut  s'y  confoi mer, 
ainsi  que  le  prescrit  le  concile  de  Hordeaux 
delSSV.  Les  curés  des  paroisses  qui  dépen- 
dent des  abbiiyes  et  ordres  exeu)pts  ne  sont 
pas  dispensés  d'assister  au  synode  de  l'évè- 
que,  n'étant  pas  exempts  de  sa  juridiction. 
Le  règlement  de  l'assensblée  de  Melun,  en 
1579,  ordonne  aux  curés  qui  viennent  au 
synode,  de  «iél'érerà  l'évéque  le  nom  de  leurs 
paroissiens  coupables  de  crimes  publics,  afin 
que  le  synode  y  pourvoie.  Voy.  les  .Mémoires 
du  clergé.  Ou  traite  dans  les  synodes  ce  qui 
conceine  le  gouvernement  du  diocèse,  la  rc- 
formation  des  mœurs  el  la  discipline.  l}iiaud 
les  hialuls  synodaux  contiennent  des  règle- 
ments qui  peuvent  inli  resscr  l'ordre  public, 
ils  ne  lonl  loi  en  France  que  quand  ils  ont 
clé  enregistrés  d:in^es  cours,  ou  i|u'ils  ont 
été  revêtus  de  lettres  patentes  dûuienl  en- 
rcgislrées.  S'ils  renferiuaien!  quelque  chose 
de  contraire  aux  lois  de  IKgliseoude  l'Etal, 
le  iiiinislère  public  pcul  les  faire  réformer 
par  la  voie  de  l'aj  pel  comme  d'abus. 

Synode  national,  esl  celui  qui  comprend 
le  clergé  de  loutc  une  nation. 

Synode  de  l'official,  esl  celui  que  tient  l'of- 
(icial,  où  il  convoque  tous   les  cures  de  la 

(I)  Arùcle  reproduii  d'après  l'édition  de  Litige 


SYR 


G14 


ville,  faubourgs  el  banlieae  à  Paris  :  ce  .çy- 
Mot/e  se  tient  le  lundi  Av.  Qitanmodo . 

Synode  des  religionnaires.  Les  Eglises  pré- 
tendues réformées  avaient  leurs  synodes  pour 
entretenir  leur  discipline  :  il  y  en  avait  de 
nilionaux  el  de  provinciaux.  Le  synode  de 
Uordrechl,  pour  la  condamnation  des  armi- 
niens, est  un  des  plus  fameux.  Les  assein'* 
blées  de  l'Eglise  anglicane  s'appelaient  aussi 
du  nom  de  synode. 

SYNOUSIASTES.  Vni/,  Apoi.i.inakistes. 

SYlUAOUr-,  SYRIENS.  L'Kj^lise  syrienne 
renfermait  dans  son  sein,  pendant  les  qua- 
tre premiers  siècles,  tous  les  peuples  dont  la 
langue  vulgaire  était  le  syria(jue  ou  le  syro- 
chaldaïque  :  or,  cette  langue  était  parlée 
non-seulement  dans  la  P.ileslinc  et  dans  la 
Syrie  proprement  dite,  mais  encore  dans  une 
partie  de  l'.irménie  et  dans  la  Mésopotamie. 
Nous  ne  pouvons  p.'.s  oublier  (jue  cette 
Eglise  a  été  le  bercenu  du  chrislianisme, 
puisque  c'est  d^ins  la  Palestine  qu'ont  été 
opérés  les  mystères  de  noire  rédemplion,  et 
dans  la  ville  d'Auîioche, capitale  lic  la  Syrie, 
que  les  premiers  Gdèles  ont  reçu  le  nom  de 
clirrliens,  Act.,c.  \\,  v.  2(). 

Pendant  ces  quatre  siècles,  la  foi  s'y  est 
Ciinservée  assez  pure,  les  iTCniières  héré- 
sies n'y  jetèrent  pas  de  profondes  racines, 
et  l'arianisme  n'y  causa  pas  plus  de  (rou- 
bles (lu'aiileurs.  Mais  au  v,  lorscjue  Neslo- 
rius  eut  été  condamné  par  le  concile  d'E- 
pbèse,  les  nesloriens  bannis  du  patriarcat 
de  Constanlinople  se  retirèrent  dans  la  Mé- 
sopotamie et  dans  la  Chaldée,  y  établirent 
leurs  erreurs,  et  enlevèrent  ainsi  à  l'Eglise 
iSyrirnne  une  partie  des  peuples  qui  lui 
(étaient  soumis.  Voy.  Nestoriens.  Sur  la  fia 
/de  ce  fiiêmc  siècle  et  au  commencement  du 
VI',  les  eutychiens  proscrils  par  le  con- 
cile de  Chalcédoine  et  par  les  lois  des  em- 
pereurs, eurent  un  très-grai;d  nombre  de 
partisans  dans  la  Syrie  ou  dans  le  patriar- 
cat d'Auîioche,  que  l'on  appelait  le  diocèse 
d'Orient,  parce  que  les  Grecs  de  Conslanli- 
nople  étaient  plus  à  l'occident.  Mais  d'autre 
part,  les  Nestoriens  de  la  Cbaldee  et  de  la 
.Mésopotamie  se  nommèrent  les  Orientaux, 
el  appelèrent  les  Syriens  d'Anlioche  les  Oc- 
cidentaux. Ainsi  l'Eglise  syrienne  se  trouva 
divisée  eu  trois  parts.  Les  orthodoxes  calho- 
liiiues  furent  nommés  par  leurs  adversaires 
7)if/t7ie7ei  ou  royalistes, parce  qu'ils  retinrent 
la  même  croyance  que  les  empereurs,  et 
dans  la  suite  ils  prirent  le  nom  de  maronites, 
qu'ils  portent  eiicore  aujourd'hui.  Les  euty- 
chiens prirent  celui  i\e.  jacuOite  ,  à  cause  que 
leur  chef  principal  était  un  moine  nommé 
Jacijues  Haradée  ou  Zanzalc,  et  qu'ils  fai- 
saiciil  profession  de  rejeter  l'opinion  d'Eu- 
(ychès.  Les  partisans  de  Nestorius  aimèrent 
mieux  se  nommer  Clialdécns  cl  Orientaux, 
que  nestoriens.  Voy.  tous  ces  (;oms.  Au 
Ml*'  siècle,  les  mahomélans  s'emparèrcnl  de 
la  Syrie  el  des  pays  voisins,  et  ils  furent  tou- 
jours favorisés  dans  leurs  conquêtes,  tant 
p.ir  les  nesloriens  que  par  les  jacobites.  Ces 
iiérétiques  ;;iiMèreul  mieux  subir  le  joug  des 
barbares  que  d'être  soumis  aux  empereurs 


61^ 


TAB 


TAn 


6lf 


de  Cons(anlinoplc,  dans  l'espérance  d'acqué- 
rir la  supériorité  sur  les  ortliodoxcs,  cl  ils 
ne  négligèrent  rien  pour  rendre  cos  der- 
niers suspects  à  leurs  nouveaux  maîtres, 
afin  d'en  être  mieux  traités.  Bonne  leç m 
pour  les  gouvernements  qui  fomcnlent  dans 
leur  sein  une  secte  révoltée  contre  la  reli- 
gion dominante;  ils  ne  voient  pas  que  ce 
sont  des  ennemis  domestiques,  qui  seront 
toujours  les  premiers  à  secouer  le  jou;^  dans 
le  ras  d'une  révolution,  et  tout  prêts  à  se- 
conder les  desseins  d'un  conquérant,  sur- 
tout s'il  est  de  leur  religion.  —  Quoique  les 
niahométans  aient  toujours  traîné  à  leur 
suite  l'ignorance, la  barbarieet  l'oppression, 
ils  ne  vinrent  pas  à  bout  d'étouffer  d'abord 
parmi  les  chrétiens  syriens  l'étude  des  lettres 
et  des  sciences.  On  peut  voir  dans  la  Biblio- 
thèquc orientale  d'Assémani,que  danstous  les 
temps  il  y  a  eu  des  écrivains  qui  ont  fait  des 
ouvrages  dans  leur  langue,  soit  parmi  les  or- 
thodoxes, soit  parmi  les  hérétiques.  Dans  un 
catalogue  des  auteurs  s/yr/e/t*,  fait  par  Abd- 
jésu  ou  Ebodjésii,  patriarche  des  ncstoriens, 
mort  l'an  1318,  on  trouve  le  nom  de  180  écri- 
vains au  moins,  d(jnt  les  deux  tiers  étaient 
nestoriens,  et  Assémani  en  ajoute  encore 
71  omis  dans  ce  catalogue.  Il  y  a  parmi  eux 
des  théologiens,  des  commentateurs  de  VVj- 
criture,  des  historiens,  des  écrivains  ascé- 
tiques, des  controvcrsistes,  etc.  Bibliolh. 
orientale,  tonj.  111,  p.  5  et  suiv.  Les  écoles 
d'Edesse,  de  Nisibect  d'Amide,  tenues  par 
les  ncstoriens,  ont  subsisté  jusqu'au  xii'  siè- 


cle ;  mais  il  y  a  longtemps  qu'il  n'en  est 
resté  aucune  dans  la  Syrie  proprement  dite; 
le  gouvernement  oppresseur  des  Turcs  a  tout 
détruit.  Les  moines  sont  les  seuls  qui  aient 
quelque  littérature;  c'est  la  religion  qui  a 
conservé  ce  faible  reste  de  lusnière  ;  il  se 
ranimerait,  sans  doute,  s'il  y  avait  plus  de 
liberté,  et  si  les  dévastations  n'étaient  pas 
toujours  à  craindre. 

Au  mot  BiBi.E,  nous  avons  donné  une 
courte  notice  des  versions  de  l'Ecriture 
sainte  en  langue  syriaque;  cl  au  mot  Litur- 
gie, nous  avt>ns  parié  de  celles  qui  ont  été  et 
qui  sont  encore  en  usage  parmi  les  Syriens, 
soit  orthodoxes,  soit  hérétiques.  Par  cos  di- 
vers monuments  et  par  les  savantes  recher- 
ches d'Asséniani,  il  est  prouvé  que  ni  les  uns 
ni  les  autres  n'ont  jamais  eu  la  même 
croyance  que  les  protestants  sur  les  diffé- 
rentes questions  controversées  entre  ces  der- 
niers et  l'Eglise  romaine.  —  Parles  travaux 
des  missionnaires  de  celte  Eglise,  le  nombre 
des  catholiques  a  beaucoup  augmenté  dans 
ors  contrées,  et  celui  des  hérétiques  a  dimi- 
nué en  inèine  proportion;  la  secte  des  jaco- 
bites  est  réduite  à  peu  de  chose,  et  celle  des 
nestoriens  paraît  près  de  s'anéantir.  Un 
voyageur  moderne  dit  que  les  peuples  des 
montagnes  de  Syrie,  devenus  catholiques, 
sont  de  bonne  foi,  de  bonnes  mœurs,  et  très- 
soumis  à  l'EgTise  iomaine,i]uoiqu'ils  n'aient 
pour  toutes  études  que  l'Ecriture  sainte  et 
leur  catéchisme.  Voi/nt/cs  autour  du  monde, 
par  M.  de  Pages,  en  1707-1770,  t.  I,  p.  352. 


TABERNACLE,  lente  ou  temple  portatif 
dans  lequel  les  Israélites,  pendant  leur  sé- 
jour dans  le  désert,  faisaient  leurs  actes  de 
religion,  offraient  leurs  sacrifices  et  ado- 
raient le  Seigneur.  Cet  édifice  pouvait  se 
monter,  se  démonter  et  se  transporter  où 
l'on  voulait.  I!  était  composé  d'ais,  de  peaux 
et  de  voiles  ;  il  avait  trente  coudées  de  long. 
sur  dix  de  haut  et  autant  de  large,  et  il 
était  divisé  en  deux  parties.  Celle  dans  la- 
quelle on  entrait  d'abord  s'appelait /fA\n'»U; 
c'est  là  qu'étaient  le  chandelier  d'or,  la  table 
avec  les  pains  de  |)roposilion  ou  d'offrande, 
et  l'autel  sur  lequel  on  brûlait  les  paifums. 
Cette  première  partie  était  séparée  par  un 
voile  de  la  seéonde  nommée  le  sanctuaire 
ou  le  Saint  des  saints,  dans  laquelle  était 
l'arche  d'alliance.  L'espace  qui  était  autour 
du  tiibernacle  s'appelait  le  parvis;  dans  ce- 
lui-ei,  et  vis-à-vis  l'entrée  du  tabernacle, 
étaient  l'autel  des  holocaustes  sur  lequel  on 
brûlait  la  ciiair  des  victimes,  et  un  grand 
bassin  plein  d'eau,  nommé  la  mer  d'airain, 
où  les  prêtres  se  lavaient  avant  de  faire  les 
fonctions  de  leur  ministère.  Cet  espace,  qui 
avait  cent  coudées  de  long  sur  cinquante  de 
large,  était  fermé  par  une  enceinte  de. ri- 
deaux soutenus  par  des  colonnes  de  bois 
revêtues  de  plaques  d'argent,  dont  le  chapi- 
teau était  de  même  métal,  et  la  base  d'airain. 


Tout  ce  tabernacle  était  couvert  d'éloffes 
précieuses,  par-dessus  lesquelles  il  y  en 
avait  d'autres  de  poils  de  chèvres  pour  les 
garantir  de  la  pluie  et  dos  injures  de  l'air. 
Roland,  Anliq.  sacrœ  vet.Hehr.,  i  part.,  c.  3 
et  seq.;  Lami,  Introd.  à  l'étude  de  l'Errilure 
sainte,  c.  10  ;  Wallon,  Prolég.,  c.  5,  etc.  Les 
Juifs  regardaient  le  tabernacle  comme  la  de- 
meure du  Dieu  d'Israël,  parce  qu'il  y  don- 
nait des  marques  sensibles  de  sa  présence; 
c'était  là  qu'on  devait  lui  offrir  les  prières, 
les  vœux,  les  offrandes  du  peuple  et  les  sa- 
crifices ;  Dieu  avait  défendu  de  le  faire  ail- 
leurs. Pour  celle  raison  le  tabernacle  fut 
placé  au  milieu  du  camp,  environné  des 
lentes  des  lévites,  et  plus  loin  de  celles  des 
différentes  tribus,  selon  le  rang  qui  leur 
était  marqué.  Ce  tabernacle  fut  dressé  d'a- 
bord au  pied  du  mont  Sina'ï,  le  premier  jour 
du  premier  mois  de  la  seciinde  année  après 
la  sortie  d'Egypte,  l'an  du  monde  251'f-.  Il 
tint  lieu  de  temple  aux  Israélites,  jusqu'à 
ce  que  Salomon  en  eût  bâli  un  qui  devint 
le  centre  du  culte  divin,  et  ce  temple  fut 
bâti  suivant  le  même  plan  <|ue  le  tabernacle. 
Voy.  Tkmpi.e.  Dans  la  Vulgalc  celui-ci  et 
appelé  tabernaculum  leslimonii,  la  tente  du 
témoignage;  mais  le  mot  hébreu  désigne 
plutôt  la  tente  de  l'assemblée,  et  ce  sens  con- 
vient «lieux  à  la  dcslinalion  de  cet  édilice. 


817 


TAB 


TAB 


S\» 


Après  la  conquête  de  la  Palestine,  l'arche 
d'alliance  ne  fut  pas  toujours  renfermée 
dnns  le  tabernacle  ;  elle  en  fut  ôtée  plus 
d'une  fois  et  déposée  ailleurs  ;  on  ne  voit  pas 
dans  l'histoire  sainte  que  Dieu  on  ait  fait  un 
reproche  aux  Juifs;  lleland,  ibiii. 

Spencer,  de  Lcgib.  hebr.  rilual,,  1.  m,  2' 
pari.,  c.  3,  a  imaginé  que  Moïse  avait  con- 
struit le  labcrnade  à  l'imilation  des  peuples 
dont  il  était  environné;  c'est  une  conjecture 
sans  fondement.  H  n'y  a  aucune  preuve  po- 
sitive qu'à  l'époque  dont  nous  parlons,  les 
Egyptiens,  les  Cliananécns  ni  les  nations 
qui  étaient  à  l'orient  de  la  Palestine,  aient 
eu  des  temples  portatifs  pour  y  adorer  leurs 
dieux;  ces  nations  étaient  déjà  pour  lors  sé- 
dentaires; elles  aviiient  des  villes  et  des  ha- 
bitations fixes  :  une  des  principales  atten- 
tions de  Moïse  fut  d'éviter  toute  ressem- 
blance entre  le  culte  du  vrai  Dieu  et  celui 
des  fausses  divinités. 

Un  incrédule  de  nos  jours,  qui  s'est  atta- 
ché à  rassembler  des  objections  contre  l'his- 
toire sainte,  prétend  qu'il  est  impossible 
que,  dans  un  désert  où  les  Israélites  man- 
qujiienl  d'habits  et  des  choses  nécessaires  à 
la  vie,  ils  aient  été  assez  riches  pour  fournir 
à  la  construction  d'une  lenle  si  magnifique, 
et  à  faire  des  meubles  aussi  précieux  que 
ceux  qui  sont  décrits  par.Moïse;  il  en  conclut 
que  le  tabernacle  fui  seulement  commandé 
cl  projeté  dans  le  désert,  m.iis  qu'il  ne  fut 
exécuté  qu'après  la  conquête  de  la  Palestine. 

Ce  critique  imprudent  n'a  pas  voulu  se 
souvenir  que  les  Israélites  étaient  sortis  de 
riigypte  chargés  des  dépouilles  de  leurs 
hôtes,  et  que  les  Egyptiens  leur  avaient 
donné  ce  qu'ils  avaient  de  plus  précieux, 
Exod.,  c.  XII,  V.  3G.  D'ailleurs  l'évaluition 
qu'il  fait  des  métaux  est  purement  arbitraire 
cl  fautive  ;  on  ne  sait  pas  au  juste  ce  que 
pesait  ni  ce  que  valait  le  talent  ou  le  lingot 
d'or  de  ces  temps-là;  le  poids  et  la  valeur 
en  ont  varié  chez  les  dilTérenls  peuples. 

Ce  même  écrivain  soutient  que  les  Israé- 
lites n'ont  rendu  aucun  culte  au  vrai  Dieu 
dans  le  désert  ;  si  donc  ils  ont  construit  un 
tabernacle,  ce  n'a  pas  été  pour  lui,  mais 
pour  quelque  fausse  divinité.  Il  prétend  lo 
prouver  par  ces  paroles  du  prophète  Atnos, 
c.  V,  v.  'la:  Enfants  d'Israël,  m'avez-voxts 
offert  des  dons  et  des  sacrifices  dans  le  dé- 
sert pendant  quarante  ans?  Vous  avez  porté 
les  tentes  de  votre  Moloch  et  les  images  de 
votre  Kium,  et  les  étoiles  des  dieux  que  i>ous 
vous  êtes  faits.  Les  Septante,  au  lieu  de 
Kiuni,  ont  mis  Itœptian.  Saint  Etienne,  dans 
les  Actes  des  apôtres,  c.  vu,  v.  42,  suit  les 
Septante,  cl  dit  ;  Vous  avez  porté  la  tente  de 
Moloch.  et  l'éloile  de  voire  Dieu  Rempuam, 
figures  que  vous  avez  faites  pour  les  adorer. 
—  .Nous  répondons  que  l'interrogation  qui 
est  dans  le  texte  hébreu  emporte  souvent 
une  négation,  et  qu'il  faut  traduire  :  Ne  m'a- 
vez-voKS  pas  offert  des  dons  et  des  sacrifi- 
ces, etc.?  on  peul  en  citer  plusieurs  exem- 
ples. H  eu  est  de  même  de  l'interrogation, 
ii-r,,  dans  les  Septante  et  dans  les  écrivains 
grecs.  Ce  qui  précède  et  ce  qui  suit  exige 

DlCT.  DE  TuiiOL.   DOGMATIQUE.  IV. 


absolument  ce  sens.  Dieu  dit  aux  Juifs  qa'il 
connaissait  leurs  crimes,  qu'ainsi  il  n'ac- 
ceptera point  leurs  sacrifices;  il  compjire 
leur  conduite  à  celle  de  leurs  pères,  qui 
dans  le  désert  ont  mêlé  son  culte  à  celui  des 
faux  dieux,  mélange  abominable  que  Dieu 
déteste.  En  traduisant  autrement,  l'on  fait 
déraisonner  le  [iropliète.  Moïse  n'a  jvis  passé 
sous  silence  cette  idolâtrie  des  Israé  itos 
dans  le  désert,  puisqu'il  leur  reproche  d'a- 
voir sacrifié  aux  déuions,  à  des  dieux  nou- 
veaux que  leurs  pères  n'avaient  pas  connus. 
Dent,  c.  xxxii,  V.  16  et  seq.  —  Il  n'est  pas 
certain  que  Moloch,  Kium  et  Ua-phan  ou 
Rempham,  aient  été  trois  dieux  diilérents  : 
plusieurs  savants  ont  pensé  que  c'était  Sa- 
turne, astre  et  divinité,  appelé  Moloch  par 
les  Ammonites,  Kium  par  les  Chananéens, 
Rœphan  par  les  Egyptiens.  Mais  comme  la 
planète  de  Saturne  ne  peut  pas  avoir  été 
fort  connue  des  peuples  qui  n'étaient  pas 
astronomes,  il  nous  est  pei'mis  de  croire 
que  c'élail  plutôt  le  soleil,  (|ui  a  été  cons- 
liimmenl  adoré  sous  diilérents  noms  par  les 
Orientaux.  Vo\j.  Astres. 

Tabernacles  (fête  des).  C'était  une  des 
trois  grandes  fêtes  des  Juifs;  Dieu  leur  avait 
ordonné  de  la  célébrer  en  mémoire  de  ce 
que  leurs  pères  avaient  demeuré  pendant 
quarante  ans  sous  des  tentes  dans  le  désert, 
Levit.,  c.  xxiii,  V.  3i,  43.  L'objet  des  fêtes 
juives,  en  général,  était  de  rappeler  à  ce 
peuple  les  principaux  événemenis  de  son 
histoire,  et  de  le  faire  souvenir  de  la  pro- 
tection et  des  bienfaits  que  Dieu  lui  avait 
accordés  dans  tous  les  temps.  La  fêle  dos 
Tabernacles  commençait  le  quinzième  jour 
du  septième  mois,  nommé  lisri,  par  qui  ré- 
pond au  dernier  de  septembre,  après  la  ré- 
colte de  tous  les  fruits  de  la  terre;  elle  du- 
rait sept  jours.  Pendant  cette  solennité,  les 
Juifs  demeuraient  sous  des  cabanes  faites  de 
branches  d'arbres.  Comme  il  leur  était  or- 
donné de  la  passer  dans  la  joie,  ils  faisaient 
pendant  ces  sept  jours,  avec  leur  famille, 
des  festins  de  réjouissance  auxquels  ils  ad- 
mettaient les  lévites  ,  les  étrangers  ,  les 
veuves  et  les  orphelins,  suivant  l'ordonnance 
de  la  loi. 

Dans  ri''vangile,  celte  fête  est  nommée 
scennpegia,  du  grec  a/n-.n,  tente,  et  nn-/vjfit, 
je  construis,  je  bdtis.  Le  premier  jour  et  le 
dernier  étaient  les  plus  solennels  ;  il  n'était 
permis  de  s'occuper  d'aucun  travail;  les 
Juifs  devaient  se  présenter  au  temple,  y 
faire  des  offrandes,  remercier  Dieu  de  ses 
bienfaits.  Comme  cela  se  faisait  immédiate- 
ment après  les  vendanges,  les  païens,  té- 
moins de  ces  cérémonies,  et  qui  n'en  con- 
naissaient pas  l'objet,  en  prirent  occasion 
de  dire  que  les  Juifs  rendaient  un  culte  à 
Bacchus.  Dans  la  suite  les  Juifs  ajoulèrent 
à  ce  qui  était  prescrit  par  la  loi  d'auiros  cé- 
rémonies, comme  de  porter  des  palmes  à  la 
m;iin  en  criant  liosanna,  d'aller  le  dernier 
jour  de  la  fête  puiser  de  l'eau  à  la  fontaine 
de  Siloé,  pour  en  faire  des  libations,  etc.  Il 
paraît  que  ce  dernier  usage  était  déjà  établi 
du  temps  de  Jesus-Ghrist,  et  qu'il  y  fil  alla- 
20 


619 


TAL 


TAN 


m 


sion  lorsque  se  trouvant  à  Jérusalem  dans 
ce  iiiênie  jour,  il  cria  aux  Juifs  :  Si  quel- 
qu'un a  soif,  qu'il  vienne  à  moi:  lorsque  quel- 
qu'un croira  en  moi,  comme  l'Ecriture  l'or- 
donne, il  sortira  de  son  sein  (les  eaux  vives 
{Joan.,  vu,  37).  Voy.  Hosanna;  Ueland, 
Antiq.  sacrœ  vêler.  Hebr.,  \\'  part.,  c.  5; 
Lami,  Introduction  à  l'étude  de  l'Ecriture 
sainte,  c.  12. 

Tabernacle.  On  appelle  ainsi  dans  nos 
églises  une  pelile  armoire  dans  laquelle  ou 
renferme  la  sainte  eucharistie,  cl  d'où  on  la 
tire  pour  l'exposer  à  l'adoration  du  peuple 
ou  pour  la  porter  aux  malades.  Voy.  Ci- 
Boirl:. 

TABLE  DE  LA  LOL  Voy.  Loi. 

Table  des  p  :ins  de  proposition  ou  d'of- 
frande. Voy.  Pain. 

Table  du  Seigneur.  Voy.  Adtel. 

TABLEAU.  Voy.  Image. 

TABOIUTES.  Fo)/.  HossiTEs, 

TACODRUGITES  ou   TASCODRUGITES. 

Voy.   MOMANISTES. 

TALMUD,  mol  hébreu  qui  signifie  doc- 
trine. Les  Juifs  modernes  appellent  ainsi 
une  compilation  énorme  des  traditions  de 
leurs  docteurs,  qui  est  contenue  en  12  vol. 
in- fol.  Cet  ouvrage  est  de  la  plus  grande 
autorité  parmi  eux  ;  ils  croient  que  c'est  la 
loi  orale  que  Dieu  donna  à  Moïse  et  qui 
est  l'explication  du  texte  de  la  loi  écrite  ; 
que  Moïse  la  fit  apprendre  par  cœur  aux 
anciens,  et  qu'elle  est  venue  d'eux  par  tra- 
dition, d'âge  en  âge,  pendant  un  espace 
d'environ  seize  cents  ans,  jusqu'au  rabbin 
Juda  Jlaccadosch  ou  le  saint,  qui  la  mil  en- 
fin par  écrit  sous  le  règne  d'Adrien,  environ 
l'an  130  de  Jésus-Christ.  Voy.  Loi  orale. 
Le  Talmud  contient  deux  parties,  savoir,  la 
Mischna  ou  seconde  loi,  qui  esl  le  texte,  et 
la  Gémare  ou  complément,  qui  est  le  com- 
mentaire. Mais  il  y  a  deux  Talmud  :  l'un  est 
celui  de  Jérusalem,  duquel  nous  venons  de 
parler,  dans  lequel  la  Mischna  ou  le  texte 
esl  du  ra'jbin  Juiia  Haccadoscli  ;  la  Gémare 
ou  le  commentaire  est  l'ouvrage  de  divers 
rabbins  qui  ont  vécu  après  lui.  11  ne  fut 
achevé  que  vers  l'an  300  de  Noire-Seigneur: 
il  est  renfermé  dans  un  vol.  in-folio.  Comme 
il  est  fort  obscur,  les  Juifs  en  font  trèi-peu 
d'usage  ;  cependant,  comme  il  a  été  fait  dans 
les  siècles  voisins  du  temps  de  Jésus-Christ, 
et  qu'il  est  écrit  dans  le  langage  qui  était 
encore  usité  pour  lors  dans  la  Judée,  Lighl- 
foot,  savant  Anglais,  très-exercé  dans  la 
langue  hébraïque,  en  a  tiré  un  grand  nombre 
de  remarques  qui  peuvent  servir  à  l'intelli- 
gence du  Nouveau  Testament.  Le  second 
Talmud  est  celui  de  Biibylone  ;  il  n'a  été 
composé  qu'environ  deux  cents  ans  après 
le  premier,  vers  la  fin  du  cinquième  siècle 
ou  au  commencement  du  sixième;  c'a  été 
l'ouvrage  de  plusieurs  rabbins  qui,  après 
la  dispersion  des  Juifs,  sous  le  règne  d'A- 
drien, se  retirèrent  dans  la  Jîabyloiiic,  et  y 
tinrent  des  écoles  pendant  quelques  siècles, 
probablement  jusqu'aux  incursions  et  aux 
conquêtes  des  mahomélans.  C'est  ce  dernier 
Talmud  dont  I(»  Juifs  font  le  plus  de  cas, 


qu'ils  étudient  avec  le  plus  de  soin,  pour  le- 
quel ils  ont  pour  le  moins  autant  de  respect 
que  pour  les  livres  saints;  toutes  les  fois 
qu'ils  p.irlent  du  Talmud,  de  la  Mischna,  ou 
de  la  Gémare,  ils  entendent  l'ouvrage  fait, 
comme  nous  l'avons,  dit  à  Babylone,  et  en 
12  vol.  in-folio.  Ce  n'est  cependant  qa'ua 
amas  de  fables,  de  rêveries  et  de  puérillités, 
sous  lequel  les  Juifs  ont  étoufté  la  loi  et  les 
prophètes,  et  pour  lequel  les  Juifs  caraïtes 
ont  beaucoup  de  mépris.  C'est,  comme  s'ex- 
prime le  docteur  Prideaux  ,  l'Alcoran  des 
Juifs;  c'est  là  qu'ils  puisent  toute  leur 
science,  leur  croyance  et  leur  religion.  De 
même  que  l'un  est  rempli  d'impostures  que 
Mahomet  a  données  comme  apportées  du 
ciel,  l'autre  contient  aussi  mille  absurdités 
auxquelles  les  Juifs  donnent  une  origine 
céleste. 

,  Maimonide,  savant  juif  espagnol  du  xii° 
siècle,  a  fait  un  extrait  de  ce  Talmud,  où, 
laissant  de  côté  les  disputes  et  les  choses 
ridicules,  il  ne  donne  que  les  décisions  des 
cas  dont  il  y  est  parlé.  11  a  donné  à  cet  ou- 
vrage le  titre  de  lad  Ilachazacha,  maia 
forte.  C'est,  dit-on,  un  digeste  de  lois  des 
plus  complets,  estimable,  non  pour  le  fond, 
mais  pour  la  clarté  du  style,  la  méthode  et 
l'ordre  des  maiières;  Prideaux,  Histoire  des 
Juifs,  1.  V,  an  kkQ  avant  Jésus-Clirisl. 

TANCHELIN,  TANKELIN,  ou  TANQUEL- 
ME,  hérétique  qui  fit  grand  bruit  dans  le 
Brabant,  dans  la  Flandre,  et  surtout  à  An- 
vers, au  commencement  du  xii'^  siècle.  Il 
enseignait  que  les  sacrements  de  l'Eglise 
catholique  étaient  des  abominations  ;  que  les 
prêtres,  les  évêques  et  le  pape  n'avaient 
rien  de  plus  que  les  laïques  ;  que  la  dîme 
ne  leur  était  pas  due;  que  l'Église  n'était 
composée  que  de  ses  disciples.  11  séduisait 
les  femmes,  il  en  abusait  pour  satisfaire  sa 
lubricité;  il  extorqua  beaucoup  d'argent  de 
ceux  dont  il  avait  fasciné  l'esprit.  Fier  de  se 
voir  à  la  tête  d'un  parti  nombreux  et  d'avoir 
communiqué  son  fanatisme  à  une  multitude 
ignorante,  il  affecta  l'extérieur  et  la  magni- 
fii;ence  d'un  souverain;  il  ne  parut  plus  en 
public  qu'environné  de  gardes  et  de  soldats 
armés;  il  poussa  l'impiété  jusqu'à  prétendre 
que,  puisque  Jésus-Christ  est  adoré  comme 
Dieu  parce  qu'il  a  eu  le  Saint-Esprit,  on  de- 
vait lui  rendre  le  même  culte  puisqu'il  avait 
aussi  reçu  la  plénitude  de  l'Esprit  saint. 
C'est  ce  que  le  clergé  d'Utrecht  écrivit  à  l'ar- 
chevé(jue  de  Cologne,  qui  avait  fait  arrêter 
cet  imposteur  itiseusé.  Mais  Tanquelme, 
échappé  dosa  prison,  recommença  ses  pré- 
dications impies  et  séditieuses;  enfin,  dans 
un  de  ces  tumultes  (ju'il  avait  coutume  d'ex- 
citer, il  fut  tué  par  un  prêtre,  l'an  1115.  Sa 
secte,  qui  lui  survécut,  fut  dissipée  par  les 
instrurtions  et  par  les  exemples  de  saint 
Norbert  et  de  ses  chanoines  réguliers.  Hist. 
de  l'EijIise  gallic,  tom.  VIH,  1.  xxir,  sous 
l'an  liOo. 

Comme  un  hérétique  qui  déclame  contre 
le  clergé  ne  peut  jamnis  avoir  lorl  au  juge- 
ment des  protestants,  Mosheim  dit  que  si  les 
crimes  imputés  à    Tanquelme  étaient  vrais 


C«i 


TAR 


TAR 


622 


('aurait  été  un  monstre  d'iinposluic  ou  un 
fou  à  lier,  mais  qu'ils  sont  iiicroyalilcs,  par 
conséquent  faux,  qu'il  y  a  (oui  lieu  lîo  croire 
qui3  le  clergé  lui  imputa  des  blasphèmes 
pour  se  venger  do  lui.  Hisl.  eccL,  xir  siècle, 
2*  pari.,  c.  5,  §  9.  —  11  nous  paraît  qu'il  y  a 
tout  lieu  de  penser  le  contraire.  1°  Il  est  plus 
naturel  de  cruire  qu'un  sectaire  ignorant  et 
fanatique,  enivré  de  ses  succès,  est  devenu 
impie  ei  iusciisc,  que  de  juger  sans  preuve 
que  tout  le  clergé  de  la  ville  d'Ulreclit  était 
composé  d'j  calomniateurs.  '2°  Les  tiiitoriens 
de  la  vie  de  saint  Norbert,  témoins  contem- 
porains, oui  allesté  la  même  cliose  que  le 
clergé  d'Utrocht.  3'  La  miiKitude  d'impos- 
teurs do  même  espère  qui  parurent  au  xn" 
siècle,  tels  que  les  cathares,  nommés  aussi 
patarins  et  albanais,  espèce  de  manichéens, 
Pierre  de  Bruys  et  Henri,  Arnaud  de  lîresse, 
Pierre  V'aldo  et  les  vaudois  ses  disciples,  les 
pasap;inieiis  ou  circoncis,  les  capuciali,  les 
aposloliques,  lion,  etc.,  desquels  l\loslieim 
a  rapporté  les  erreurs  et  les  impiétés,  quoi- 
qu'il en  ait  dissimulé  plusieurs,  ne  prouve 
que  Irop  (|ue,  dans  ce  siècle  do  vertiges, 
rien  n'est  incroyable  de  la  part  des  faux 
illuminés.  h-°  Si  l'on  ramassait  toutes  les 
grossièretés,  les  propos  de  taverne,  les  traits 
de  folie  répandus  dans  les  livres  d(!  Luliier 
écrits  en  ullemaml,  on  serait  tenté  de  dire 
qu'il  méritait  pour  lo  moins  autant  d'être 
mis  aux  petites  maisons  que  d'être  condamné 
comme  hérétique.  Mais  on  les  ignore;  per- 
sonne ne  les  lit  plus,  pas  même  les  lulliù- 
riens  ;  cela  sauve  l'honneur  du  patriarche 
de  la  réforme.  S'ensuit-il  qu'il  n'en  est  pas 
l'auteur,  que  c'est  le  clergé  catholique,  irrité 
de  ses  déclamations,  qui  les  a  forgés? 
ÏAIUIUM.    Ko!/.    Paraphrases   cualdaï- 

CUKS. 

TAIITARES.  Nous  ne  parlons  de  ces  peu- 
ples que  pour  exposer  les  différentes  tenta- 
tives que  l'on  a  faites  pour  les  convertir  et 
les  amener  à  la  connaissance  du  christia- 
nisme. Toujours  \agabonds  ,  adonnés  au 
pillage  et  à  la  rapine,  les  Tarlares  étaient 
connus  des  anciens  sous  le  nom  génériÉl  de 
Scyihes,  et  ils  ont  été  représentés,  il  y  a  deux 
mille  ans,  tels  à  peu  près  qu'ils  sont  encore 
aujuurd'liui.  Il  n'est  |)oint  de  nation  qui  oc- 
cupe une  aussi  grande  étendue  de  terrain 
sur  le  globe  :  la  grande  Tarlarie  a  pour 
bornes  au  septentrion  la  Sibérie  ,  au  midi 
les  Indes  et  la  Perse,  à  l'orient  la  mer  du 
Kamischacba  et  la  Chine,  à  l'occident  le 
grand  fleuve  du  Volga  et  la  mer  Caspienne: 
c'est  pour  le  moins  le  double  de  l'Europe. 
Ses  habitants  sont  aussi  les  hommes  de  l'u- 
nivers dont  les  mœurs  sont  le  plus  opposées 
au  christianisme  ;  l'aversioa  pour  la  vie  sé- 
dentaire, pour  le  travail,  pour  l'agricull  jre; 
l'amour  du  pillage  ,  la  cruauté  ,  les  débau- 
ches contre  nature  ,  sont  des  vices  aussi 
anciens  qu'eux.  Mais  enfin  Jésus-Christ,  en 
ordonnant  de  prêcher  l'Evangile  à  toutes  les 
nations  ,  n'a  pas  excepté  celle-là,  et  s'il  est 
très-dilticile  de  lui  fjiro  embrasser  celle  doc- 
trine, l'evéneuienl  a  prouvé  plus  d'une  fois 
que  cela  n'.esl.pas  ioipussible. 


En  faisant  l'histoire  du  nestorianisme, 
nous  avons  observé  ([ue  les  partisans  de 
celte  hérésie  ,  proscrits  par  les  empereurs 
de  Constantinople  au  v  si-cle,  se  retirèrent 
dans  la  Mésopotamie  et  dans  la  Perse  et 
s'étendirent  du  côté  di;  l'Orient  ;  que  ,  pon- 
dant le  vi° ,  ils  portèrent  leur  doctriiîc  aux 
Indes,  sur  la  côte  de  iMulabar,  sur  les  bords 
de  la  mer  Caspienne  et  dans  une  partie  de 
lagrandeTarlarie;qu'au  vu, ils  péiiélrèrenl 
dans  la  Chine  et  y  tirent  dos  progrès.  Quoi- 
que l'on  ne  sache  pas  précisément  jn^qu  à 
quoi  point  ils  allèrent  au  noni  de  la  Tarla- 
rie, il  est  prouvé  par  des  catalogues  que  les 
nestoriens  ont  drossé  des  évôehés  soumis  à 
leur  patriarche,  qu'il  y  en  avait  plusieurs 
situés  dans  la  Tartarie'.  H  est  certain  (ju'a- 
vantcelteépoque  il  y  avait  en  déjà  dos  chré- 
tiens dans  cotte  partie  du  monde  ,  puisque 
des  écrivains  du  iv  siècle  ont  parlé  du  chris- 
tianisme établi  chez  les  Sères  ,  qui  sont  ou 
les  Chinois  ou  les  Tarlares  orientaux  ;  mais 
On  ne  sait  pas  positivement  par  qui  ni  com- 
ment ils  avaient  clé  convertis.  Au  vu'  siècle, 
les  Arabes  mahométans  s'emparèrent  de  la 
Perso  et  s'y  établirent  ;  depuis  celle  révolu- 
tion, les  nesloriens  lurent  souvent  troublés 
dans  l'exercice  de  leur  religion  ,  dans  leurs 
missions,  et  maltraités  par  ces  ennemis  du 
nom  chrétien. 

Dans  une  Histoire  ecclésiastique  des  Tor- 
tures ,  composée  sous  les  yeux  du  savant 
Mosheim  par  un  de  ses  élèves,  et  imprimée 
à  Helmstadt  en  174-1,  l'auteur  nous  apprend 
que,  sur  la  fin  du  vin"  siècle  et  au  commen- 
cement du  IX',  Timolhée,  patriarche  des  nes- 
toriens ,  qui  demeurait  au  monastère  de 
Belh-Aba  dans  l'Assyrie,  envoya  successi- 
vement plusieurs  de  ses  moines  prêclier  l'E- 
vangile chez  les  Tarlares  voisins  de  la  mer 
Caspienne,  qu'ils  furent  écoutés,  cl  qu'ils 
fondèrent  plusieurs  églises  ,  non-soulemenl 
dans  celte  conirée,  mais  au  Cathaï,  dans  la 
Chine  et  dans  les  Indes.  Il  le  prouve  par  des 
monuments  tirés  de  la  Bibliothèque  orien- 
tale d'Assémani,  t.  III  et  IV.—  Au  commen- 
cement du  XI*  siècle,  toute  l'Europe  retentit 
du  bruil  de  la  conversion  au  christianisme 
d'un  personnage  célèbre  nomiié  le  Pre'ire- 
Jean,  s;fns  que  l'on  sût  posilivcmoiit  dans 
quelle  partie  du  monde  il  était.  Il  est  prouvé 
que  c'était  un  prince  tartare  qui  dominait 
sur  la  partie  orientale  de  la  Tarlarie  la  plus 
proche  de  la  Chine,  et  que  l'on  appelle  au- 
jourd'hui le  royaume  de  Tangulh.  Il  paraît 
encore  que  ce  nom  de  Prêtre  -  Jean  a  été 
donné  à  plusieurs  autres  kans  ou  princes 
tarlares  (jui  avaient  embrassé  le  chrislia- 
nisme,  puis(iu'il  en  est  encore  fait  mention 
au  milieu  du  xip  siècle.  Le  dernier  de  ces 
princes,  nommé  Ung-Kan,  fut  vaincu  et  dé- 
trôné par  Gengis  ou  Zengis-Kan,  l'an  1203. 
On  prétend  que  le  pape  Alexandre  JII  lui 
avait  écrit  l'an  1177,  pour  l'engager  à  se 
réunir  à  l'Eglise  roîuaine  ,  et  que  la  posté- 
rité do  ce  dernier  /*r^f;'('-/ea«  subsista  encore 
longtemps  après  lui,  et  continua  de  conser- 
ver la  foi  chrétienne.  —  Gengis-ivan,  dévasta- 
teur de  l'Asie,  mort  l'an  1226,  uc  fut  jamais. 


623 


TAR 


TAR 


621 


chrétien  ;  on  ne  sait  pas  même  s'il  avait  udc 
religion  :  mais  il  passe  pour  constant  que 
Zagataï,  l'un  de  ses  fils,  qui  cul  le  royaume 
de  àamarcande,  fit  profession  du  christia- 
nisme. L'an  1241  et  les  suivants  ,  un  essaim 
de  Tarlares  vint  ravager  la  Hongrie  ,  1^  Po- 
logne, la  Russie,  et  pénétra  jusque  dans  la 
Silésie.  C'est  ce  qui  engagea  le  pape  Inno- 
cent IV  à  envoyer  ,  l'an  12't5,  des  mission- 
naires en  Tartarie,  pour  tâcher  d'adoucir  la 
férocité  de  ces  peuples  ;  il  choisit  pour  cela 
des  dominicains  et  des  franciscains.  L'histo- 
rien que  nous  copions  prétend  que  les  pre- 
miers manquèrent  de  prudence  et  réussirent 
mal,  que  les  seconds  furent  mieux  reçus, 
mais  qu'ils  ne  flrenl  pas  grand  fruit.  Il  y  a 
cependant  lieu  de  penser  le  contraire,  puis- 
qu'on 1246,  Gajuch-Kan  et  d'autres  chefs 
des  Tarlares  avaient  embrassé  le  christia- 
nisme et  avaient  épousé  des  femmes  chré- 
tiennes. Assémani  ,  Bibliotlièque  orientale, 
t.  IV,  p.  101,  etc.  En  effet ,  André  de  Lonju- 
mel ,  l'un  de  ces  dominicains  ,  revenant  de 
son  voyage  cette  même  année  ,  trouva  dans 
l'île  de  Chypre  le  roi  saint  Louis,  qui  était 
en  marche  pour  la  terre  sainte.  Sur  le  récit 
de  ce  religieux  et  d'un  ambassadeur  tarlare 
qui  arriva  en  même  temps  ,  le  saint  roi  les 
renvoya  en  Tartarie  avec  des  présents  pour 
le  grand  kan.  Si  les  dominicains  avaient  été 
mal  accueillis  dans  ce  pays-là  ,  il  n'est  pas 
probable  qu'André  de  Lonjumel  eût  voulu 
y  retourner  sitôt;  et  s'il  n'y  avait  eu  aucun 
succès  à  espérer  pour  la  religion,  saint  Louis 
n'aurait  pas  hasarJé  celle  ambassade.  Mais 
les  Tarlares,  ennemis  déclarés  pour  lors  des 
Sarrasins  ou  mahométans,  étaient  instruits 
et  charmés  de  l'expéJition  des  princes  croi- 
sés, et  ils  savaient  que  le  meilleur  moyen 
d'êlre  en  bonne  intelligence  avec  eus  ,  était 
de  permettre  en  Tarlarie  la  prédication  de 
l'Evangile.  Aussi,  l'an  12i9  ,  Mangu  -  Kan, 
souverain  puissant  parmi  les  Tarlares, cl  un 
autre  prince  nommé  Sarlack,  se  firent  chré- 
tiens à  la  sollicitation  d'un  roi  d'Arménie. 
Saint  Louis  ,  informé  de  co  fait  dans  la  Pa- 
lestine ,  exhorta  de  nouveau  Innocent  IV  à 
envoyer  des  missionnaires  en  Tartarie  ;  il  fit 
partir  avec  eux  Guillaume  de  Kubruquis, 
religieux  franciscain,  qui  écrivit  la  relation 
de  son  voyage.  Celte  mission  ne  fut  pas  in- 
fructueuse, puisque  Sartack-Kan  écrivit  des 
lettres  respectueuses  au  pape  et  à  saint 
Louis,  par  lesquelles  il  faisait  profession 
d'être  chrétien. —  L'an  1236,  le  même  Mungu- 
Kan  envoya  Halack  ,  l'un  de  ses  généraux, 
avec  une  grande  armée  ,  pour  délivrer  la 
Perse  du  joug  des  mahométans.  Halack  les 
battit,  prit  Bagdad  et  se  rendit  mailre  de  la 
Perse.  11  traita  les  chrétiens  avec  douceur 
et  leur  rendit  la  liberté  de  professer  et  de 
prêcher  leur  religion.  En  1259,  les  Tarlares, 
sous  un  autre  chef,  firent  encore  une  irrup- 
tion dans  la  Hongrie,  la  Pologne  et  la  Russie, 
pendant  que  Halack  continuait  de  pour- 
suivre les  Sarrasins  dans  la  Mésopotamie 
et  la  Syrie.  C'est  ce  dernier  qui  ,  en  12G2, 
extermina  la  nation  des  Assassins  et  leur 
chef,  que  l'on  nommait  le  vici4,x  de  la  mon- 


tagne. Cette  horde  de  brigands  s'était  empa- 
rée de  plusieurs  châteaux  dans  la  Phénicie, 
d'où  elle  faisait  trembler  les  environs  par 
les  rapines  et  les  meurtres  qu'elle  exerçait. 
Il  est  donc  constant  que  l'expédition  de  saint 
Louis  dans  la  Palestine  était  concertée  avec 
les  Tarlares,  et  qu'il  était  assuré  d'en  être 
soutenu  ,  circonstance  que  les  historiens 
n'ont  pas  assez  remarquée.— En  t274.,Abaka, 
successeur  d'Halack  dans  le  gouvernement 
de  la  Perse  ,  envoya  un  ambassadeur  avec 
ceux  du  roi  d'Arménie  à  Grégoire  X  et  au 
concile  de  Lyon,  pour  demander  du  secours 
contre  les  Sarrasins.  Il  en  renvoya  encore 
d'autres,  deux  ans  après,  au  pape  Jean  XXI, 
aux  rois  de  France  et  d'Angleterre  ,  pour 
réitérer  la  même  demande,  en  assurant  que 
Copiai,  grand  kan  de  Tartarie,  avait  em- 
brassé le  christianisme  et  demandait  des 
missionnaires  :  ce  fait  ne  s'est  pas  vérifié. 
Depuis  cette  époque,  jusqu'en  1304.,les  chré- 
tiens dans  la  Perse  furent  tantôt  en  paix  et 
tantôt  maltraités  ,  suivant  que  les  mahomé- 
tans y  eurent  plus  ou  moins  de  pouvoir. 
Mais  les  papes  ne  cessèrentpoint  d'yenvoyer 
successivement  des  missionnaires,  et  ceux-ci 
vinrent  souvent  à  bout  de  réconcilier  des 
nestoriens  à  l'Eglise  romaine. 

Mosheim,  Hisl.  ecclés.,  xiii'et  xiv"  siècles, 
1"  part. ,  c.  1 ,  §  2,  convient  que  ceux  qui 
allèrent  en  Tarlarie  à  la  fin  du  xiri"  et  au 
commencement  du  xiV  siècle  ,  y  firent  les 
plus  grands  progrès,  qu'ils  convertirent  au 
christianisme  une  infinité  de  Tartares,  et  ra- 
menèrent à  l'Eglise  un  grand  nombre  de 
nestoriens  ;  qu'ils  érigèrent  des  églises  dans 
différentes  parties  de  la  Tartarie  et  de  la 
Chine,  de  laquelle  les  Tarlares  Mongols  s'é- 
taient rendus  les  maîtres.  L'un  de  ces  mis- 
sionnaires francisciiins  ,  nommé  Jean  de 
Monl-Corvin  ,  exerça  dans  ce  pays-là  pen- 
dant quaranle-deux  ans  les  fonctions  d'un 
apôtre.  Il  parcourut  non-seulement  la  plus 
grande  partie  de  la  Tarlarie,  mais  il  alla  dans 
les  Indes;  il  traduisit  en  langue  tarlare  le 
Nouveau  Testament  et  les  psaumes  de  Da- 
vid. L'an  1307  ,  Clément  V  érigea  en  sa  fa- 
veur un  archevêché  dans  la  ville  deCambalu, 
que  l'on  croît  être  la  même  que  Pékin. Tant 
que  les  Tarlares  Mongols  demeurèrent  maî- 
tres de  la  Chine,  la  religion  chrétienne  y  fut 
florissante.  Mais  l'an  1369,  les  Chinois  vin- 
rent à  bout  de  chasser  les  Tartares  et  de  re- 
mettre sur  le  trône  un  prince  de  leur  nation; 
la  religion  chrétienne  fut  bannie  de  la  Chine 
avec  ceux  qui  l'y  avaient  portée.  A  celte 
même  époque  la  Tartarie  fut  troublée  par 
des  guerres  intestines;  les  divers  kans  tra- 
vaillèrent à  se  dépouiller  les  uns  les  autres, 
et  ces  divisions  donnèrent  à  Timurbec  ou 
Tamcrian  la  facilité  de  les  subjuguer  tous. 
Sur  la  fin  du  xiv  siècle  ,  ce  conquérant  fa- 
rouche porta  le  fer  et  le  feu  dans  presque 
toute  l'Asie;  il  dévasta  la  Perse,  l'Aruiénie, 
la  Géorgie  et  l'Asie  mineure  ;  il  pril  Bagdad 
l'an  1392  ;  par  lui  a  commencé  le  règne  des 
Turcomans  ou  des  Turcs  ;  partout  il  établit 
le  mahométisme  sur  les  ruines  de  la  religion 
chrétienne.  Depuis  cette  fatale  époque,  il  n'a 


C&5 


TAR 


TAT 


G2G 


pas  été  possible  de  la  rétablir  dans  la  grande 
Tarlarie;  cependant  le  zèle  des  missionnaires, 
surtout  dos  capucins,  ne  s'est  pas  ralenti;  ils 
n'ont  presque  pas  cessé  de  faire  des  tenta- 
tives pour  rentrer  dans  cette  vaste  région; 
en  1708,  deux  de  ces  religieux  essayèrent 
encore  d'y  pénétrer  par  la  (>hinc,  d'autres  y 
sont  allés  par  la  Perse  ;  on  ne  voit  pas  que 
leurs  efl'orts  aient  eu  du  succès.  D'ailleurs, 
la  découverte  de  l'Amérique  faite  à  la  fin  du 
xv*sièc'e,et  la  navigation  des  Européens 
aux  Indes,  ont  fait  tourner  d'un  autre  côté 
les  courses  apostoliques.  A  présent  la  Tar- 
tarie  est  divisée  entre  deux  fausses  religions; 
les  Tartares  occidentaux,  voisins  de  la  mer 
Caspienne  et  de  la  Perse,  sont  mahométans; 
ceux  qui  touchent  à  la  Chine  et  qui  s'éten- 
dent vers  le  nord,  sont  idolâtres  ;  leurs  prê- 
tres, nommés  lamas,  ont  à  leur  tête  un  chef 
souverain  appelé  le  dalaï-lama,  ((ue  tous  les 
Tartares  honorent  comme  une  espèce  de  di- 
vinité. 

Quand  on  considère  la  persévérance  des 
missionnaires  catholiques  pondant  plus  d'un 
siècle  à  travailler  à  la  conversion  des  Tar- 
tares, les  fatigues  qu'ils  ont  supportées  ,  les 
cruautés  auxquelles  ils  ont  été  exposés,  la 
multitude  de  ceux  qui  y  sont  morts  ,  on  ne 
peut  refuser  des  éloges  à  leur  courage.  Mais 
les  protestants  en  parlent  froidement;  on  ne 
sait  s'ils  l'approuvent  ou  s'il  leur  déplaît; 
ils  en  dépriment  le  succès  pour  vanter  ceux 
des  nestoriens.  Cependant  on  ne  peut  faire 
aux  missionnaires  catholiques,  surtout  aux 
capucins,  aucun  des  reproches  que  les  pro- 
testants et  leurs  copistes  ont  faits  contre  la 
plupart  des  autres  missionnaires.  La  vie  pau- 
vre et  dure  de  ces  religieux  ressemblait  à 
celle  des  apôtres  ;  elle  imprimait  le  respect 
aux  Tartares.  Ils  n'ont  travaillé  ni  à  se  pro- 
curer des  richesses,  ni  à  fonder  une  souve- 
raineté, ni  à  étendre  le  pouvoir  du  pontife 
romain  ;  l'épiscopat  dont  plusieurs  ont  été 
revêtus,  n'a  rien  changé  à  leur  manière  de 
vivre.  On  ne  voit  pas  qu'ils  aient  croisé  les 
travaux  des  nestoriens,  qu'ils  aient  disputé 
contre  eux  ;  et  ceux-ci  étaient  moines  aussi 
bien  que  les  catholiques.  Cependant ,  à  la 
réserve  du  seul  Jean  de  Mont-Corvin  ,  au- 
quel les  protestants  n'ont  pu  refuser  des 
éloges ,  parce  (ju'il  traduisit  le  Nouveau 
Testament  en  turlare ,  ils  n'ont  pas  dit  un 
mot  des  autres.  Mais  le  travail  de  ce  francis- 
cain est  une  censure  sanglante  de  la  négli- 
gence des  nestoriens  ;  pendant  sept  cents 
ans  que  ceux-ci  ont  prêché  dans  la  Tartarie, 
aucun  n'a  pensé  à  traduire  la  Bible  ;  il  a 
fallu  que  ce  fût  un  catholique  et  un  religieux 
qui  prît  cette  peine.  Cela  nous  parait  démon- 
trer que  les  nesloriens  ne  croyaient  pas, 
comme  les  protestants,  que  l'Ecriture  sainte 
est  la  seule  règle  de  noire  foi,  et  que  l'on 
n'est  pas  vrai  chrétien  quand  on  ne  lit  pas 
la  Bihie.  Lorsijue  des  nestoriens  se  sont  réu- 
nis à  l'iîglisc  romaine,  on  n'a  pas  exigé  d'eux 
une  abjuration  de  leur  croyance  sur  aucun 
des  points  de  doctrine  contestés  entre  les 
protestants  et  nous  ;  ce  fait  nous  paraît  prou- 
Tcr  encore  que  les  nestoriens  n'ont  jamais 


eu  la  même  croyance  que  les  protestants. 
(Juand  on  n'envisagerait  les  choses  que 
ilu  côté  politique  et  à  l'égard  du  bien  tem- 
porel de  l'humanité  ,  l'extinction  du  chris- 
tianisme dans  la  Tarlarie  est  un  très-grand 
malheur.  C'est  de  cette  région  funeste  que 
sont  sorties  la  plupart  des  hordes  do  barba- 
res qui  ont  ravagé  l'Europe  et  l'Asie,  les 
Huns  ,  les  Alains ,  les  \'andales  ,  les  armées 
de  (îengis-Kan,  de  Mangu-Kan  ,  de  Tamcr- 
lan.etc.  Si  notre  religion  s'était  établie  dans 
celle  partie  du  monde,  elle  y  aurait  produit 
sans  doule  les  mêmes  effets  que  chez  les  au- 
tres barbares  du  Nord  ;  elle  les  a  civilisés, 
rendus  sédentaires,  laborieux,  raisonnables. 
Quand  les  papes  n'auraient  point  eu  d'autre 
dessein  en  envoyant  des  missionnaires  chez 
les  Tartares  ,  il  faudrait  encore  bénir  leur 
zèle  ,  et  reconnaître  du  moins  à  cet  égard 
l'utilité  de  leur  juridiction  :  mais  dès  qu'il 
est  question  des  papes  et  de  l'Eglise  romaine, 
les    protestants    n'entendent    plus    raison. 

VojJ.  JMiSSIONS. 

TATIEN, écrivain  ecclésiastique  du  ir  siè- 
cle, était  Assyrien  d'origine  et  né  dans  la 
Mésopotamie.  Il  fut  disciple  de  saint  Justin, 
sous  lequel  il  apprit  à  Uome  pendant  plu- 
sieurs aniiées  la  doctrine  chrétienne.  Après 
la  mort  de  ce  saint  martyr,  il  retourna  dans 
sa  patrie,  et ,  privé  de  son  guide,  il  adopta 
une  partie  des  erreurs  des  valentiniens,  des 
autres  gnosliques  et  des  marcionites.  Il  est 
accusé  par  les  Pères  de  l'Eglise  d'avoir  en- 
seigné, comme  Marciun, qu'il  y  a  deux  prin- 
cipes de  toutes  choses ,  dont  l'un  est  souve- 
rainement bon  ;  l'autre,  qui  est  le  créateur 
du  monde,  est  la  cause  tic  tous  les  maux.  Il 
disait  que  celui-ci  a  été  l'auteur  de  l'An- 
cien Testament,  et  que  le  Nouveau  est  l'ou- 
vrag:e  du  Dieu  bon.  Il  condamnait  l'usage  du 
mariage,  de  la  chair  et  du  vin, parce  qu'il  les 
regardait  comme  des  productions  du  mau- 
vais principe.  Il  soutenait,  comme  les  docè- 
tes,  que  le  Fils  de  Dieu  n'a  pris  que  les  ap- 
parences de  la  chair;  it  niait  la  résurrection 
future  et  le  salut  d'Adam.  Il  voulait  que  l'on 
traitât  durement  le  corps  ,  et  que  l'on  vécût 
dans  une  parfaite  continence.  Cette  morale 
rigide  séduisit  plusieurs  personnes  ;  ses  dis- 
ciples furent  nommés  encratites  ou  conti- 
nents ,  hijdroparastes  ou  aquariens  ,  parce 
qu'ils  n'olTraienl  que  de  l'eau  dans  les  saints 
mystères  :  tatianisles ,  à  cause  de  leur  chef; 
apostoliques,  apolactiques,elc.  Voy.  cns  mots, 
'fous  les  anciens  s'accordent  à  dire  que  Ta- 
tien  avait  beaucoup  d'esprit  ,  d'éloquence  et 
d'érudition;  il  connaissait  parfaitement  l'an- 
tiquité païenne.  Il  avait  composé  beaucoup 
d'ouvrages;  presque  tous  ont  péri.  Il  reste 
seulement  de  lui  un  Discours  contre  les  paims, 
qui  mamiue  d'ordre  et  de  méthode  :  le  style 
en  est  diffus  et  souvent  obscur  ,  mais  il  y  a 
beaucoup  d'érudition  profane.  Talien  y 
prouve  que  les  Grecs  n'ont  point  été  les  in- 
veilleurs  des  sciences,  qu'ils  ont  emprunté 
beaucoup  de  choses  de--  Hébreux  ,  et  qu'jls 
en  ont  abusé.  Il  la  parsemé  de  réflexions 
satiriques  sur  la  théologie  ridicule  des 
païens,  àuc  la  cualradiction  de  leurs  dog- 


627 


ÏAT 


TAT 


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mes,  sur  les  actions  infâmes  des  dieux,  sur 
les  mœurs  corrompues  des  philosophes.  On 
trouve  cet  ouvrage  à  la  suite  de  ceux  de 
saint  Justin,  dans  l'édition  dos  Bénédictins. 
Il  y  en  a  eu  aussi  une  très-belle  édition  à 
Oxford  en  1700,  in-8°,  avec  des  notes,  et  qui 
a  él6  donnée  parWorlh,archidiacrede  Wor- 
ccster. —  Tatien  avait  ausii  composé  une  con- 
corde ou  harmonie  des  quatre  Evangiles, 
intitulée  Diatessaron  ,  par  les  Quatre  :  cet 
ouvrage  a  souvent  été  nommé  l'Evangile  de 
Talien  ou  des  encratites  ,  et  il  a  encore  eu 
d'autres  noms  ;  il  est  mis  au  nombre  des 
évangiles  apocryphes.  On  n'accuse  piHiYt 
l'auteur  d'y  avoir  cité  ou  copié  de  fiiirx  évan- 
giles; aussi  cet  ouvrage  fut  goûlé  par  les 
orthoiioses  aussi  bien  que  par  les  héréti- 
ques. Ti.éodorct  qui  en  avait  trouvé  plus  de 
ticnx  cents  exemplaires  dans  son  diocèse, 
les  ôtades  mains  des  fidèles  ,  et  leur  donna 
en  échange  les  quatre  Evangiles,  parce  que 
l'auteur  y  avait  supprimé  tous  les  passages 
qui  prouvent  que  le  Fils  de  Dieu  est  né  de 
David,  selon  la  chair.  On  a  été  longtemps 
persuadé  que  cet  ouvrage  n'existait  plus; 
celui  qui  a  été  mis  sous  le  nom  de  Talien 
dans  la  Bibliothèque  des  Pires,  a  été  fait  par 
un  auteur  latin  bien  postérieur  au  ii*  siècle: 
mais  le  savant  Assémani  découvrit  dans  l'O- 
rient une  traduction  arabe  du  Diatessaron, 
et  la  rapporta  àRome,2?ît//joiftcV/Me  orientale, 
t.  1,  à  la  fil!.  On  pourrait  vérifiir si  ce  livre 
est  conforme  à  ce  que  les  anciens  ont  dit 
de  celui  de  Tatien. 

Jusqu'à  présent  les  plus  habiles  criti- 
ques avaient  pensé  que  son  Discours  contre 
les  païens  ava\[  été  t'crit  vers  l'an  168,  et 
avant  que  l'auleur  fùl  tombé  dans  l'hérésie; 
ils  n'y  voyaient  aucun  vestige  des  erreurs 
des  encratites  ni  des  gnosliques,  mais  plu- 
tôt de  la  doctrine  contraire.  Le  Clerc,  qui  l'a 
examiné  avec  des  yeux  criliqucs,  Hist.  éc- 
oles., an.  172,  §  1,  p.  7.3o;  l'éditeur  dOxford, 
qui  en  a  pesé  toutes  les  cx|iressions  ;  les 
Bénédictins,  qui  en  ont  fait  l'analyse;  BuUus, 
Bossuet,  le  père  Le  Nourry,  etc.,  en  ont 
ainsi  jugé.  Mais  Brucker,  dans  son  Hist. 
crit.  de  la  philos.,  1. 111,  p.  378,  soutient  que 
tous  se  sont  trompés,  que  ce  discours  ren- 
ferme déjà  tout  le  venin  de  la  philosophie 
orientale,  égyptienne  et  cabalistique,  de  la- 
quelle Talien  était  imbu;  qu'il  y  enseigne 
évidemment  le  système  des  émanations,  qui 
est  la  base  et  la  clef  de  toute  celte  philoso- 
phie; que  les  apologistes  de  cet  auteur  ont 
perdu  leur  peine,  en  voulant  donner  un 
sens  orthodoxe  à  ses  expressions. 

Pour  contredire  ainsi  des  hommes  aux- 
quels on  ne  peut  refuser  le  titre  de  savants, 
i!  faut  de  fortes  preuves;  voyons  s'il  y  en 
a  :  1°  Tatien,  dit  Bruciier,  avertit  qu'il  a  re- 
noncé à  la  philosophie  des  Grées,  potir  cm- 
l)rasser  celles  des  barbares;  or  celle-ci  était 
évidemment  la  philosophie  des  Orientaux. — 
Si  Brucker  n'avait  pas  commencé  par  suppo- 
ser ce  qui  est  en  question,  il  aurait  vu  que, 
par  la  philosophie  des  barbares,  Tatien  a 
entendu  la  philosophie  de  Moïse  et  ries 
ciiréiicDs,  parce  que  les  Grecs   nommaient 


barbares  tout  ce  qui  n'élait  pas  grec.  Il  s'en 
est  clairement  expliqué  f^dit.  Paris.,  n.  29; 
edit.  Oxon.  n.  4G,  il  di!  :  «  Or^outé  des  fa- 
bles et  des  absurdités  du  paganisme,  incer- 
tain de  savoir  comment  je  pourrais  trouver 
la  vérité,  je  suis  tombé  par  hasard  sur  des 
livres  barbares,  trop  anciens  pour  être  com- 
parés aux  sciences  des  Grecs,  trop  divins 
pour  être  mis  en  parallèle  avec  leurs  erreurs  ; 
fy  ai  ajouté  foi,  à  cause  de  la  simplicité  du 
style,  de  la  candeur  modeste  des  écrivains, 
de  la  clarté  avec  laquelle  ils  expliquent  la 
création  {izoinat;)  de  l'univers,  de  la  connais- 
sance qu'ils  ont  eue  de  l'avenir,  de  l'excel- 
lence de  leur  morale,  du  gouvernement 
universel  qujls  attribuent  à  un  seul  Dieu, 
n.  31  (48)  ;  il  est  à  propos  de  faire  voir  que 
notre  philosophie  est  plus  ancienne  que  les 
sciences  des  Grecs.  »  11  prend  pour  termes 
de  comparaison  Moïse  et  Homère;  il  prouve 
par  l'histoire  profane  que  le  premier  a  de- 
vancé de  longtemps  le  second.  Peut-on  re- 
connaître à  ces  traits  la  philosophie  des 
Orientaux  et  des  gnolisques? 

2°  Talien,  continue  Brucker,  a  enseigné 
le  système  des  émanations,  c'est-à-dire  que 
la  matière  et  les  esprits  sont  sortis  de  Dieu 
par  émanation,  et  non  par  création  ;  c'était 
le  dogme  favori  des  Orientaux.  Le  contraire 
est  déjà  prouvé  par  la  profession  de  foi  que 
cet  auteur  vient  de  faire,  en  disant  q.î'il  a 
cru  aux  livres  barbares,  à  cause  de  la  clarté 
avec  laquelle  ils  expliquent  la  naissance  de 
l'univers  :  or  les  écrivains  sacrés  n'ensei- 
gnent point  les  émanations,  mais  la  créa- 
tion; voyez  ce  mot.  Il  y  a  plus;  au  mot  Gnos- 
TiQUiîs,  nous  avons  fait  voir  que  ces  héré- 
tiques admettaient  non  l'émanaiion,  mais 
l'éternité  de  la  matière.  Ils  pen;aient  sans 
doute  que  les  deux  preu'.iers  éona  ou  esprits 
étaient  sortis  de  la  nature  divine  par  émana- 
tion ;  mais  l'un  était  mâle  et  l'autre  femelle, 
et  c'est  de  leur  mariage  que  la  famille  des 
éons  était  descendue.  Il  est  donc  faux  que 
l'hypothèse  dos  émanations  soit  la  clef  de 
tout  le  système  théologique  des  gnostiqnes 
et  des  Orientaux. 

Mais  il  faut  entendre  parler  Tatien  lui- 
même,  et  voir  les  passages  dont  Brucker  et 
tant  d'autres  ont  abusé.  N.  4  (G),  il  dit  : 
«  Notre  Dieu  n'est  pas  depuis  un  temps;  il 
est  seul  sans  principe  ou  sans  commence- 
ment, puisqu'il  est  le  principe  de  tout  ce  qui 
a  commencé  d'être.  11  est  esprit,  non  mêlé  avec 
la  matière,  mais  le  créateur  {v.KTKc/.înagTnt] 
des  esprits  matériels  et  des  formes  de  la  ma- 
tière. II  est  invisil)le  et  insensible,  père  de 
tous  les  êtres  visibles  ou  invisibles.»  N.  5  (7)  : 
«  Je  vais  exposer  plus  clairement  notre 
croyance.  Dieu  était  au  commencement,  et 
nous  avons  appris  que  le  commencement  ou 
le  principe  de  toutes  choses  est  la  puissance 
du  Verbo.  Lorsque  le  nionde  n'était  pas 
encore,  le  Si  ligueur  de  toutes  choses  était 
seul  ;  mais  comme  il  est  la  toute-puissance 
et  la  subsistance  des  êtres  visibles  et  invi- 
sibles, tous  étaient  avec  lui.  Le  V^erbc,  qui 
était  en  lui,  était  aussi  avec  lui  par  sa  pro.- 
pre  ])uj?ç.aflce.  Par  un  acte  de  yplonlé  de 


6S9 


TAT 


TAT 


osa 


celle  naluio  simple,  lo  Verbe  esl  sorli  oa 
s'est  montre;  il  ncst  pas  sorti  du  vide,  c  est 
le  premier  acte  de  l'Esprit.  Nous  savons  que 
c'esl  lui  qui  a  fait  le  monde.  Or,  il  est  né 
p  ir  participation  et  mm  par  retranchement. 
Ce  qui  esl  relranclic-esl  séparé  de  son  prin-, 
ripe,  ce  qui  en  vient  par  parlicipalion  et 
pour  une  fonction  ne  diminue  en  rien  le 
principe  duquel  il  procède.  Ue  même  qu'un 
flambeau  en  allume  d'autres,  sans  rien  per- 
dre de  sa  substance,  ainsi  le  Verbe  naissant 
de  \a  puissance  du  Pure  ne  le  prive  pas  de 
sa  raison  ou  de  son  intcllip;ence.  Quand  je 
vous  parle  et  que  vous  m'entendez,  je  no 
suis  pas  privé  pour  cela  de  ma  parole  ;  mais, 
«en  vous  parlant,  je  me  propose  de  produire  , 
un  changement  en  vous,  lit  de  même  que  le 
Verbe  engendré  au  commencement  a  pro- 
duit noire  monde,  uprès  m  avoir  fait  la  ma- 
tière, de  même  moi,  réjîénéré  à  Timitaliou 
du  Verbe,  et  éclaire  par  la  connaissance  de 
la  vérité,  je  donne  une  meilleure  forme  à 
un  homme  de  même  nature  que  moi.  La  ma- 
lière  n'est  pas  sans  commencement  comme 
Dieu,  et  n'étant  point  sans  principe,  cUu  n'a 
pas  le  mémo  pouvoir  «luo  Dieu,  mais  elle  a 
été  l'aile;  °l!o  est  venue  non  d'un  autre, 
mais  du  seul  ouvrier  de  loules  choses.  »  N.  7 
(10)  :  «  Le  Verbe  céleste,  esprit  engendré  du 
réie  ,  intelligence  née  d'une  puissance 
inlelligenle  ,  a  l'ail  l'iioninie  à  la  rcEseni- 
blanco  do  son  Créateur,  et  image  de  sou 
immortalité,  afin  qu'ayant  reçu  de  Dieu  une 
portion  de  laDivinilé,  il  pût  participer  aussi 
à  l'immorlalilé  qui  est  propre  a  Dieu.  Avant  de 
faire  l'homme,  le  Verbe  a  produit  les  anges.  » 
Kemarquoiis  d'abord  que  Talien  ne  donne 
point  ce  qu'il  dit  du  Verbe  et  de  ses  opéra- 
tions, comme  une  opinion  philosophique, 
mais  comme  une  doctrine  apprise  par  révé- 
lation :  Nous  avons  nppris,  nous  savons  que 
c'est  lui  qui  n  fait  le  monde.  Il  est  évident 
qu'il  avait  dans  l'esprit  les  premiers  versets 
de  l'Evangile  de  saint  Jean,  et  qu'il  se  sert 
des  mêmes  expressions. 

3*  L'on  dira  sans  doute  que  dans  tout  ce 
long  passage  il  n'y  a  point  de  terme  qui  si- 
gnilie  proprement  et  en  rigueur  \i\  création; 
mais  il  n'y  en  a  point  non  plus  dans  saint 
Jean  ,  parce  que  le  grec,  non  plus  que  les 
antres  langues,  n'avait  point  de  terme  sa- 
cramentel pour  rendrecelle  idée.  Voy.  Créa- 
tion. Personne  cependcinl  ne  s'est  avisé  de 
penser  que  saint  Jean  admettait  les  émana- 
lions.  Ceux  qui  les  ont  admises  n'ont  ja- 
mais dit  que  la  matière  a  eu  un  commen- 
cement,  qu'elle  a  élé  faite  ou  produite, 
qu'elle  est  l'ouvrage  de  celui  qui  a  lait  tou- 
tes choses,  comme  s'exprime  Tatien.  Encore 
une  fois  les  gnosliques  ont  supposé,  comme 
Platon,  la  matière  éternelle.  Pour  qu'elle  lût 
.sortie  de  Dieu  par  émanation,  il  aurait  fallu 
qu'elle  fût  en  Dieu  de  toute  éternité  :  or 
l'atien  nous  avertit  que  Dieu  ne  fut  jamais 
mêlé  avec  la  matière.  Selon  sa  doctrine,  la 
production  de  la  matière  a  été  un  acte  de  la 
puissance  du  Verbe  :  suivant  le  sentiment 
des  philosophes,  les  ém::nations  se  l'aisaieut 
par  Bécessilé  de  nature  ;  ils  étaient  nersua- 


dés  que  Dieu  n'a  jamais  existé  sans  rien  pro- 
duire. Tatien  enseigne  le  contraire.  Voy. 
EMAN4T10N.  11  dit  que  c'est  le  Verbe  qui  a 
fait  ou  produit  les  anges  et  les  âmes  humai- 
nes, et  c'a  été  encore  un  acte  de  puissance  ; 
ces  êtres  ne  sont  donc  pas  sortis  de  lui  par 
émanation.  Bruckerlui  reproche  d'avoir  ap- 
pelé ces  esprits  matériels;  en  quel  sens  Ta- 
lien et  d'autres  Pères  ont  cru  que  Dieu  seul 
est  esprit  pur,  toujours  séparé  de  (ouïe  ma- 
tière, au  lieu  que  les  esprits  créés  ne  sub- 
sistent jaaiais  sans  êlre  revêtus  d'une  es- 
pèce de  corps  subtil.  Celle  erreur  n'est  ni 
grossière  ni  dangereuse.  Mais  l'hypothèse 
des  émanations  est-elle  compatible  avec  la 
notion  d'esprit  pur,  de  nature  simple,  que 
Tatien  allribue  à  Dieu?  Voy.  Ange,  Es- 
prit, elc. 

k"  S'il  est  question  dans  son  lexle  d'une 
émanation,  c'est  de  celle  du  Verbe,  avant  la 
création,  ou  plutôt  par  la  création  du  monde. 
Jl  dit  en  elTet  que  le  Verbe  est  émané,  sorti, 
né,  provenu  du  Père.  Mais  on  a  prouvé  cent 
fois  contre  les  ariens  et  les  sociniens,  que 
dans  le  style  des  anciens  docteurs  do  l'Eglise, 
lorsqu'ils  parlent  du  Verbe  divin,  émaner, 
sortir,  naître,  procéder,  etc.,  signiiieiit  seu- 
lement se  produire  au  dehors,  se  montrer, 
se  rendre  sensible  par  les  œuvres  de  la  créa- 
tion. 

Quoi  qu'en  dise  Brucker  ,  ceuï  qui  ont 
soutenu  que  Talien  a  enseigné  l'élernilé  et 
la  divinité  du  V'erhe,  n'ont  pas  eu  torl.  Eu 
effet,  Tatien  dit  que  Dieu  est  sans  commen- 
cement, qu'avant  d'émaner  de  lui  pour  créer 
le  inonde,  le  Verbe  était  en  lui  et  avec  lui, 
non  en  puissance  comme  lemon<leqni  n'exis- 
tait pas  encore,  mais  avec  une  puissance  pro- 
pre, par  conséquent  subsisiant  en  pi"rso:inc. 
11  dit  que  le  Verbe  est  émané  de  Dieu  par 
participation  ;  à  quoi  a-t-il  p.irlicipé,  sinon 
à  la  puissance  et  aux  altributs  de  Dieu  ?  11 
dit  qu'en  sortant  du  Père,  il  ne  s'en  esl  pas 
séparé,  parc-  que  Dieu  n'a  jamais  pu  être 
sans  son  Verbe,  sans  sa  raison  ou  son  in- 
telligence éternelle.  Si  ce  langage  n'exprime 
point  la  divinité  du  Verbe,  aucune  profes- 
sion de  foi  ne  peut  suffire;  mais  il  est  bien 
différent  de  relui  des  philosophes  orientaux, 
des  gnosliques,  des  cabalistes,  de  celui  des 
ariens. 

5"  Le  Clerc,  Ilisl.  Ecoles.,  an.  172,  p.  378, 
§  3,  dit  que  tonte  celte  doctrine  de  Talien  est 
fort  obscure,  que  les  païens  n'en  pouvaient 
rien  conclure ,  sinon  que  les  chréliens  ad- 
mettaient deux  dieux,  l'un  supérieur  et  par 
excellence,  l'autre  engendré  de  lui  et  nommé 
le  Verbe,  créateur  de  loules  choses;  qu'il 
aurait  été  mieux  de  s'en  tenir  aux  paroles 
des  apôtres ,  et  de  ne  point  entreprendre 
d'expliquer  des  choses  inexplicables.  Cela 
eût  été  bon,  si  les  païens  eussent  voulu  s'en 
.contenter,  mais  ils  répétaient  sans  cesse  que 
la  doctrine  des  chrétiens  n'était  qu'un  amas 
de  fables  et  de  coules  de  vieilles,  bons  tout 
au  plus  pour  amuser  des  enfants.  Talien 
voulait  leur  faire  voir  que  c'était  une  doc- 
trine profonde  et  raisonnde,  une  philosophie 
plus  vraie  et  plus  solide  que  toutes  les  vi' 


031 


TEU 


sions  des  prétendus  sages  du  paganisme.  La 
manière  dont  il  expose  l'émanation  du  Verbe 
au  moment  de  la  création,  ne  ressemble  en 
rien  aux  généalogies  ridicules  des  dieux, 
admises  par  les  païens,  ni  aux  émanations 
des  éons,  forgées  par  les  gnostiques. 

6°  Origène  et  Clément  d'Alexandrie  re- 
prochent à  Tatien  d'avoir  dit  que  ces  paro- 
les de  la  Genèse,  Que  la  iumicre  soit  ,  ex- 
priment plutôt  un  désir  qu'un  commande- 
ment et  qu'il  a  parlé  comme  un  athée  en 
supposant  r)ue  Dieu  était  dans  les  ténèbres. 
0r,  dit  Brucker,  c'était  un  dogme  de  la  phi- 
losophie orientale,  égyptienne  et  cabalisti- 
que. Mais  ce  n'est  point  dans  le  Discottrs 
contre  les  (jentils  que  Tatien  a  ainsi  parlé  ; 
peu  nous  importe  de  savoir  ce  qu'il  a  rêvé 
lorsqu'il  est  devenu  hérétique  ,  et  qu'il  a 
embrassé  la  plupart  des  visions  des  gnosti- 
ques. 

7°  Nous  ne  nous  arrêtons  point  à  prouver 
que  ,  dans  ce  discours,  il  n'a  enseigné  ni  la 
matérialité  ni  la  mortalité  de  l'âme;  l'es  édi- 
teurs de  saint  Justin  l'ont  justifié  à  cet  égard, 
Préf:,  3f  pari.,  c.  12,  n.  3.  Il  a  du  moins 
déclaré  positivement  que  l'âme  humaine  est 
immortelle  par  grâce  ;  cela  nous  sufDt. 

8°  L'éditeur  d'Oxford  prétend  que  Tatien 
y  a  réprouvé  le  mariage  ;  il  dit,  n.  34  (35)  : 
«  Qu'ai-je  besoin  de  cette  femme  peinte  par 
Périclymèiie,  qui  mit  au  monde  trente  en- 
fants dans  une  seule  couche,  et  que  l'on 
prend  pour  une  merveille"?  Cela  doit  élre 
regardé  plutôt  comme  l'effet  d'une  intempé- 
rance excessive  et  d'une  lubricité  abomina- 
ble. B  Mais  autre  chose  est  de  condamner 
l'usage  modéré  du  mariage  ,  et  autre  chose 
de  blâmer  l'intempérance  dans  cet  usage. 

9"  Enfin,  Brucker  prétend  que  Tatien  a 
emprunté  de  Zoroastre  et  des  Orientaux  le 
système  des  émanations  et  l'opinion  que  la 
chair  est  mauvaise  en  soi.  (Cependant  nous 
voyons  par  le  Zend-Avesta  que  Zoroastre 
n'a  enseigné  ni  l'un  ni  l'autre;  on  ne  con- 
naît aucun  autre  philosophe  oriental  dont 
on  puisse  prouver  les  sentiments  par  ses 
ouvrages. 

11  serait  inutile  de  pousser  plus  loin  l'a- 
pologie du  discours  de  Tatien;  nous  ne  pré- 
tendons point  soutenir  qu'il  est  absolument 
irrépréhensible,  mais  il  y  a  de  l'injustice  à  y 
chercher  des  erreurs  qui  n'y  sont  point. 
Brucker  a  commencé  par  supposer  sans 
])reuve,  ou  plutôt  malgré  toute  preuve,  que 
cet  auteur  était  déjà  pour  lors  imbu  des  opi- 
nions de  la  philosophie  orientale  ;  ensuite  il 
part  de  celle  supposition  fausse  pour  en  ex- 
pliquer toutes  les  phrases  dans  le  sens  des 
gno.tiques.  Dès  que  son  principe  est  faux, 
toutes  les  consé(iuences  qu'il  en  tire,  toutes 
les  interprélations  qu'il  donne  ,  sont  illu- 
soires. Au  mot  Gnostiques  ,  nous  avons  fait 
voir  que  le  \Aai\  de  philosopliie  orientale  , 
forgé  par  les  critiques  prolestants  ,  n'est 
qu'un  système  ronjeclural  imaginé  pour  tra- 
vestir la  doctrine  des  Pères  de  l'Eglise.  Voij. 
Philosophie,  Platon ismr,  etc. 

TC.MOlliNAGE.  Ce  mot, dans  le  sens  pro- 
pre, signifle  l'altcslaiion  que  fait  un  homme 


TEM  632 

en  justice  de  ce  qu'il  a  vu  et  entendu  ;  ainsi 
le  (émoignage  ne  peut  avoir  lieu  qu'à  l'égard 
des  faits-  Mais  ce  terme  ,  dans  l'Ecriture 
sainte,  a  d'autres  significations.  1°  Il  dési- 
gne un  monument;  ainsi,  Gen.,  c.  xxi,  v. 
43,  Laban  et  Jacob,  après  s'être  juré  une 
amitié  mutuelle,  érigent  pour  monument  de 
cette  alliance  un  monceau  de  pierres, 
comme  un  témoin  muet  de  leur  serment  : 
Lnban  le  nomme  galaad,  le  monceau  témoin, 
et  Jacob,  le  monceau  du  témoignage.  Après 
le  partage  de  la  terre  promise,  les  tribus 
d'Israël  placées  à  l'orient  du  Jourdain,  élè- 
vent de  même  un  grand  las  de  pierres  en 
forme  d'autel,  pour  attester  qu'elles  veulent 
conserver  l'unité  de  religion  et  de  culte  avec 
les  tribus  placées  à  l'occident.  Josué,  c.  xxii, 
V.  10.  2°  11  désigne  la  loi  du  Seigneur,  parce 
que  Dieu  témoigne  ou  atteste  aux  hommes 
ses  volontés  par  sa  loi.  3°  Dans  l'origine  , 
testament  et  témoignage  sont  synonymes  , 
parce  que  le  testament  d'un  mourant  est  le 
témoignage  de  ses  dernières  volontés  ;  il  en 
est  de  même  en  hébreu;  et  comme  une  al- 
liance se  conclut  toujours  par  des  témoi- 
gnages e's.téneuTs  de  fidélité  mutuelle,  l'ar- 
che qui  renfermait  les  tables  de  la  loi ,  est 
appelée  indifféremment  Varche  du  testament, 
Yarche  du  témoignage  ,  Varche  de  l'alliance. 
Le  tabernacle  est  aussi  nommé  la  tente  du 
témoignage,  parce  que  c'est  là  que  Dieu  an- 
nonçait ordinairement  ses  volontés  à  Moïse 
et  au  peuple.  4°  H  signiûe  quelquefois  une 
prophéiie,  parla  même  raison;  Dieu  dit  à 
Isaïe,  c.  vin,  v.  16  :  «  Tenez  secrète  cette 
«  prophétie,  cachetez  ma  loi  pour  mes  dis- 
«  ciples  :  »  Ligatestimonium,  signa  legem  in 
discipulis  meis. 

TÉMoiGNAGiE  (faux).  Cc  Crime  est  proscrit 
non  seulement  par  le  second  précepte  du  dé- 
calogue,  qui  défend  de  prendre  le  saint  nom 
de  Dieu  en  vain,  mais  encore  par  le  neu- 
vième en  ces  termes  :  «Tu  ne  porteras  point 
u  faux  témoignage  contre  ton  prochain.» 
Suivant  la  loi,  un  faux  témoin  était  con- 
damné à  la  peine  du  talion,  ou  à  subir  la 
même  peine  qui  aurait  été  décernée  contre 
l'accusé,  si  celui-ci  avait  été  jugé  coupa- 
ble. Deut.,  c.  XIX,  V.  19.  Il  est  irès-évident 
que  ce  crime  est  contraire  à  la  loi  naturelle. 
Les  lois  civiles  ont  toujours  condamné  les 
faux  témoins  ;  les  lois  ecclésiastiques  n'ont 
pas  élé  moins  sévères  ;  par  le  74'  canon  du 
concile  d'Elvire  ,  un  homme  convaincu  de 
faux  témoignage  est  privé  de  la  communion 
pour  cinq  ans,  dans  le  cas  ou  il  ne  s'est  pas 
agi  d'une  cause  de  mort;  dans  le  cas  con- 
traire ,  le  témoin  était  censé  homicide  ,  et 
comme  tel  privé  de  la  communion  jusqu'à 
l'article  de  la  mort.  Les  conciles  d'Agde  ,  en 
306,  et  de  Vannes,  en  465  ,  le  soumettent  à 
la  même  peine,  jusqu'à  ce  qu'il  ait  satisfait 
au  prochain  par  la  pénitence  ;  le  premier  et 
le  deuxième  concile  d'Arles  conûrmentcelte 
discipline,  le  dernier  néanmoins  laisse  la 
longueur  de  cette  pénitence  au  jugement  de 
révL-quc.  Bingham,  Orig.  ecclés.,  I.  xvi,  c. 
13,  §  1,  t.  Vil,  p.  510.  Les  docteurs  de  l'E- 
glisu  pensent  à  peu  près  de  même  de  la  ca- 


635 


TEM 


TKM 


634 


lomnic  réfléchie  et  préméditée,  quoiqu'elle 
ne  soit  pas  appuyée  par  un  faux  serment. 

TEMOIN.  L'ou  sait  assez  ce  que  ce  terme 
signifie.  La  loi  de  Moïse  défendait  de  con- 
damner personne  à  mort  sur  la  déposition 
d'un  seul  liommc,  mais  le  crime  était  censé 
prouvé  par  l'attestation  de  deux  ou  trois 
témoins:  Deut.,  c.  xvii,  v.  G.  Lorsqu'un 
homme  était  condamné  à  mort,  les  témoins 
devaient  frapper  les  premiers  ,  lot  jeter  la 
première  pierre,  s'il  était  lapidé.  Jésus- 
Christ  fit  allusion  à  cet  usage,  lorsqu'il  dit 
aux  pharisiens  qui  lui  présentaient  une 
femme  surprise  en  adultère  :  Que  celui  de 
vous  qui  est  sans  péché  lui  jette  la  première 
pierre  (Joan.,  vin,  7).  J'o//.  Adui.tèiie. 

L'Iîcrilure  appelle  aussi  témoin  celui  qui 
publie  une  vérité  ;dans  ce  sens  Jcsus-Christ 
dit  à  ses  apôtres  :  Vous  sere:  mes  témoins 
(Ad.  I,  8);  parce  que  leur  prédication  con- 
sistait à  rendre  témoignage  de  ce  qu'ils 
avaient  vu  et  entendu,  /  Joan.,  c.  i,  v.  1.  Ils 
se  donnent  eux-mêmes  pour  témoins  de  la 
résurrection  de  .lésus-Ctirist,  Act.,  c.  ii,  v. 
32.  11  est  dit  que  saint  Jean-Baptiste  avait 
aussi  rendu  temoi^Miage  au  Sauveur,  parce 
qu'il  avait  vu  le  Saint-Esprit  descendre  sur 
lui  au  moment  de  son  baptême,  Joan.,  c.  i, 
V.  15,  19,  32.  Dans  ce  même  sens  l'on  a 
nommé  marti/rs  ou  témoin»,  ceux  qui  ont 
donné  leur  vie  pour  attester  la  vérité  de 
notre  religion  ;  saint  Etienne  est  le  premier 
qui  ait  été  ainsi  appelé,  Act.,  c.  xxii,  v.  20. 
Voj/.  Martyr. 

Puisque  la  doctrine  de  Jésus-Christ  a  été 
d'abord  annoncée  par  des  témoins,  nous  con- 
cluons qu'elle  a  dû  se  Iransmetlre  de  même 
aux  générations  suivantes;  une  doctrine 
révélée  de  Dieu  ne  peut  ni  ne  doit  se  perpé- 
tuer autrement.  C'est  ce  que  nos  controver- 
sistcs  ont  appelé  probuiio  fidei  per  testrs; 
Wallembourg,  tract.  5.  En  elTel,  de  même 
que  1rs  apôtres  ont  été  capables  de  rendre 
un  témoignage  certain  et  irrécusable  de  ce 
qu'ils  ont  ei\tendu  de  la  bouche  de  Jésus- 
Christ  et  de  ce  qu'ils  lui  ont  vu  faire,  les  dis- 
ciples immédiats  des  apôlres,  qui  en  ont 
reçu  la  mission  ou  la  charge  d'enseigner  les 
fidèles,  ont  été  capables  aussi  d'attester  avec 
certitude  ce  qu'ils  ont  ouï  dire  aux  apôlres, 
et  ce  qu'ils  leur  ont  vu  faire.  Si  les  apôtres 
ne  les  eu  avaient  pas  jugés  capables,  ils  ne 
leur  auraient  pas  confie  une  fonction  aussi 
importante.  Ces  seconds  <(-'woms  doivent  donc 
être  crus,  lorsqu'ils  attestent  qu'ils  ont  reçu 
des  ai)ôtrcs  la  doctrine  qu'ils  enseignent  eux- 
mêmes  aux  fidèles.  Comme  plusieurs  de 
ceux-ci  avaient  entendu  prèclier  les  apô- 
tres, il  n'a  [las  été  possible  à  leurs  pasteurs 
d'en  imposer  sur  ce  fait  éclatant  et  public. 

11  ne  servirait  à  rien  de  dire  que  les  apô- 
tres avaient  reçu  la  plénitude  des  dons  du 
Saint-Esprit,  et  que  leurs  disciples  n'ont  pas 
été  favorisés  de  la  même  grâce.  Nous  sommes 
convaincus,  par  les  écrits  mêmes  des  apô- 
lres ,  qu'ils  donnaient  le  Saint-Esprit  par 
l'imposition  de  leurs  mains,  cérémonie  que 
nous  appelons  ['ordination;  ils  nous  disent 
que  les  pasteurs  qu'ils  ont  préposés  au  gou- 


vernement des  églises  ont  été  établis  par  le 
Saint-Esprit;  que  c'est  Jésus -Christ  lui- 
même  qui  a  donné  à  son  Eglise  des  pasteurs 
et  des  docteurs,  aussi  bien  que  des  apôtres 
et  des  évangélistes,  pourinaiutenir  l'unité  de 
la  foi;  que  Jésus-Christ  a  envoyé  le  Saint- 
Esprit  pour  toujours,  etc.  Donc  les  pasteurs 
choisis  par  les  apôtres  ont  aussi  reçu  le 
Saint-Esprit  pour  remplir  avec  succès  le  mi- 
nistère dont  ils  étaient  chargés.  Nous  ajou- 
tons que,  s'il  avait  été  nécessaire  pour  main- 
tenir l'unité  de  la  foi,  que  les  [)asteurs  re- 
çussent le  Saint-Esprit  avec  la  même  pléni- 
tude que  les  apôtres  ,  Jésus-Christ  le  leur 
aurait  certainement  donné  :  car  enfin  ce  di 
vin  Sauveur  n'a  pas  établi  son  église  pour 
la  laisser  bientôt  défigurer  par  l'erreur;  il 
n"a  pas  apporté  la  vérité  sur  la  terre  pour  la 
laisser  bientôt  étoulîer  par  des  inlenlions 
humaines  ;  il  lui  a  proniis  au  contraire  son 
assistance  jusqu'à  la  Un  des  siècles.  On  ne 
gagnera  pas  davantage  en  disant  que  les 
apôtres  ont  mis  par  écrit  la  doctrine  de  Jé- 
sus-Christ, que  c'est  dans  leurs  livres  qu'il 
faut  la  chercher.  1°  Les  livres  ne  sont  d'au- 
cun usage  pour  les  ignorants,  et  les  vérilés 
de  la  foi  sont  faites  pour  tout  le  monde.  2  11 
est  faux  que  les  apôtres  aient  écrit  toute  la 
doctrine  de  Jésus-Christ,  sans  en  rien  omet- 
tre; du  moins  on  l'affirme  sans  preuve  ,  et 
nous  ferons  voir  le  contraire  au  mot  Tu  v- 
DiTioN.  3'  Le  plus  grand  nombre  des  apôtres 
n'ont  rien  écrit,  du  moins  on  n'a  jamais 
connu  aucun  de  leurs  ouvrages  ;  tous  cepen- 
dant ont  fondé  des  églises,  et  ont  laissé  après 
eux  des  pasteurs  pour  enseigner  les  fidèles. 
4"  Les  apôtres  ont  écrit  dans  une  seule  lan 
gue  (jui  n'était  en  usage  que  dans  l'empire 
romain,  et  ils  ont  fondé  le  christianisme 
chez  des  peuples  qui  ne  l'entendaient  pas  ; 
nous  ne  voyons  point  qu'ils  leur  aient  or- 
donné de  l'apprendre,  ni  qu'ils  aient  fait 
traduire  leurs  écrits  dans  toutes  les  langues  : 
donc  ils  ont  jugé  que  leur  doctrine  pouvait 
être  connne,  professée  et  conservée  autre- 
ment. o°  Plusieurs  peuples  ont  été  chrétiens 
pendant  fort  longtemps,  sans  avoir  dans 
leur  langue  une  traduction  des  livres  saints; 
cl  quand  ils  l'auraient  eue  ,  ils  n'auraient 
pas  dû  s'y  fier,  à  moins  qu'ils  n'eussent  été 
certains  de  la  fidélité  de  celte  version. 
G"  C'est  sur  le  sens  do  ces  mêmes  livres  que 
sont  survenues  toutes  les  disputes,  et  ((u'ont 
été  fondées  toutes  les  erreurs  en  nialière  de 
foi  ;  vingt  sectes  différentes  nont  pas  man- 
qué d'y  trouver  à  point  nommé  toutes  les 
opinions  f.iusses  qu'il  leur  a  plu  d'adopter. 
Jl  a  donc  toujours  fallu  un  guide,  un  ga- 
rant, une  règle,  pour  saisir  avec  cerliluile 
le  vrai  sens  de  ces  livres,  et  il  n'y  en  a  ja- 
mais eu  d'antre  que  le  témoignage,  l'ensei- 
gnement, la  tradition  des  pasteurs.  De  même 
que  les  apôtres  ont  donne  aux  pasteurs  du 
i"  siècle  leurs  écrits,  et  le  sens  dans  lequel 
il  faut  les  entendre,  ces  pasteurs  ont  trans- 
mis l'un  et  l'autre  à  ceux  du  ir  siècle, 
ceux-ci  à  ceux  du  m  ,  et  ainsi  de  sui.te  jus- 
qu'à nous.  11  est  absurde  de  consentir  par 
nécessité  9.  recevoir  par  ce  témoignage  la 


655 


TEM 


TEM 


636 


connaissance  des  écrits  aathentiqnes  des 
apôtres,  et  de  ne  vouloir  pas  recevoir  parla 
niêtnc  voie  le  sens  (ju'il  faut  leur  donner.  Si 
les  pasteurs  de  l'Eglise  sont  croyables  lors- 
qu'ils attestent  que  telset  tels  écrits  sont  vé- 
ritablement des  apôlres ,  pourquoi  ne  le 
sont-ils  plus  lorsqu'ils  attestent  que  les  apô- 
tres leur  ont  appris  à  y  donner  tel  ou  tel 
sens?  Nous  cherchons  vainement  dans  les 
livres  de  nos  adversaires  une  réponse  solide 
à  ce  raisonnement.  Voy.  Ecriture  sainte, 
Egmse,  Tradition,  etc. 

TÉMOINS  'trois).  Voy.  Saint  Jean  l'Evan- 

GÉLISTE. 

TEMPÉRANCE  ,  vertu  morale  et  chré- 
tienne qui  consisteà  éviter  les  plaisirs  exces- 
sifs, défendus  ou  dangereux.  Elle  a  été  louée 
et  recommandée  par  les  philosoplirs  païens 
les  plus  sages,  aussi  bien  que  par  les  au- 
teurs sacrés.  Mais  c'est  à  tort  que  les  cen- 
seurs de  la  morale  chrétienne  prétendent 
qu'elle  nous  défend  tous  les  pl;iisirs  sans 
exception.  Il  y  a  nécessairement  du  plaisir 
è  satisfaire  les  besoins  du  corps  et  à  exercer 
les  facultés  do  i'âmc  ;  Dieu  a  voulu  par  cet 
allrait  engager  l'homme  à  se  conserver  et 
à  regarder  la  vie  comme  un  bienf\it;  il  ne 
lui  eu  fait  donc  pas  un  crime.  Mais  l'expé- 
rience prouve  que  l'usage  immodéré  des  plai- 
sirs opère  notre  destruction,  nous  les  rend 
bientôt  insipides,  et  que  l'abus  des  plaisirs 
innocents  nous  conduit  à  rechercher  les 
plaisirs  criminels.  Il  est  d'ailleurs  si  ordi- 
naire à  l'homme  de  rechercher  le  plaisir 
pour  lui-même  et  d'en  abuser,  l'épicuréisme 
était  si  généralement  répandu  dans  le  monde 
du  Icmps  de  Jésus-Christ,  plusieurs  philo- 
sophes avaient  enseigné  des  maximes  si 
scandaleuses  et  avaient  donné  de  si  mauvais 
exemples,  que  ce  divin  .Maître  ne  pouvait 
pousser  trop  loin  la  sévérité  pour  réformer 
les  idées  des  hommes  et  le  relâchement  des 
mœurs.  De  là  ces  maximes  austères  de 
l'Evangile  :  Heureux  les  pauvres  d'esprit,,.; 
heureux  ceux  qui  pleurent;  heureux  ceux  qui 
souffrent  persécution  pour  la  justice,  elc. 
(Multh.  v).  Si  quelqu'un  veut  me  suivre,  qu'il 
porte  sa  croix  tous  les  jours  de  sa  vir.  (Lmc.îx, 
23).  Ceux  qui  sont  à  Jésus-Christ  crucifient 
leur  chair  avec  ses  vices  et  ses  convoitises. 
{Galat.  v,  4),  etc.  Telle  est  la  destinée  à 
laquelle  devaient  s'attendre  les  disciples  d'un 
Dieu  crucifié,  au  milieu  d'un  monde  livré  à 
l'amour  effréné  des  plaisirs.  jMais  comment 
ne  pas  écouter  un  maître  qui  a  confirmé  ses 
leçons  par  ses  exemples,  qui  a  promis  à  ses 
disciples  dociles  le  secours  de  sa  grâce,  et 
qui  leur  assure  une  récompense  éternelle  ? 
Avec  de  pareils  encouragements,  un  Dieu  a 
droit  d'exiger  de  l'homme  des  vertus  qui 
paraissent  au-dessus  des  forces  de  l'huma- 
nité. Une  preuve  qu'il  n'y  a  rien  dans  tout 
cela  d'excessif,  c'est  que  les  saints  l'ont  pra- 
tiqué et  le  font  encore  ;  loin  de  se  croire 
malheureux,  ils  disent  comme  saint  Paul  : 
Je  suis  content  et  je  suis  transporté  de  joie 
au  milieu  des  afflictions  et  des  souffrances. 
(//Cor.  vu,  4.) 

Si  cette  morale  avait  besoin  d'apologie  , 


elle  se  trouverait  justifiée  parle  spectacle 
de  nos  mœurs  ;  il  suffit  de  regarder  ce  qui 
se  passe  parmi  nous  ,  pour  voir  les  désor- 
dres que  produit  lamour  excessif  des  plai- 
sirs dans  tous  les  ordres  de  la  société.  Les 
profusions  insensées  des  grands  qui  renver- 
sent leur  fortune,  une  ambition  que  rien  ne 
peut  assouvir  ,  les  productions  <les  deux 
mondes  rassemblées  pour  satisf  ire  letjr 
sensualité,  la  négligence  des  devoirs  les 
plus  essentiels  delà  part  de  ceux  qui  occu- 
pent les  premières  places  ,  la  rapacité  des 
liommes  opulents ,  la  fureur  d'accumuler 
par  h's  moyens  les  plus  bas  cl  les  plus  m;il- 
honnélos,  pour  finir  ensuite  par  une  ban- 
queroute frauduleuse  ,  les  talents  Irivoli^s 
honorés  et  enrichis  aux  dépens  des  arts  uti- 
les ,  la  paresse  et  le  faste  introduits  dans 
toutes  les  conditions,  la  bonne  foi  bannie  de 
tous  les  états  ,  l'impudence  du  liherlinage 
érigée  en  vertu,  la  jeunesse  pervertie  dès 
l'enfance,  etc.,  etc.,  voilà  les  tristes  effets 
d'un  goût  effréné  pour  les  plaisirs,  il  n'est 
pas  étonnant  qu'avec  un  esprit  el  un  cœur 
gâtés  on  ne  puisse  plus  souffrir  la  morale 
de  I  Evangile,  et  que  les  anciens  philosophes 
partisans  du  stoïcisme  soient  regardés  comme 
des  rêveurs  atrabilaires.  Voy.  Morale  cuuii- 

TIENNE,  MORTJFICATION,  PlaISIRS,  CtC. 

*  TIÎMPÉRANCE  (Société  de).  L'intemiiér.inca 
avait  élé  poussée  5  des  excès  liorribles  anx  Etals- 
Unis,  en  Angleterre,  en  Irlande.  Les  méiliodisti-s 
avaient  plusieurs  fois  lenié  il'éialjlir  des  sociétés  de 
Tempérance;  leurs  tentatives  avaient  éelioué.  11  se 
trouva  un  religieux  carme  qui  devait  avoir  plus  de 
succès.  L.  V.  ThéobaUl  Mailiew  eut  d'ahoid  beau- 
coup d'adhérents  dans  la  ville  de  Coik;  il  y  établit 
une  société  de  Teni[iéraiice  dont  les  membres  pre- 
naient l'engagement  suivant  :  Je  promets  de  in'jb- 
slenir  de  toute  li'iueur  enivrante,  à  moins  qu'elle  ne 
nie  soit  commiindée  par  ordonnance  du  médecin, 
et  de  contribuer  par  tous  les  movens  qui  seront  en 
mon  pouvoir  à  enipêclier  l'inieni|iôrance  cliez  les 
autres.  L'association  (it  bientôt  de  grands  progrès  ; 
la  foule  accourut  des  pays  lointains  pour  contracter 
un  engagement  entre  les  mains  du  P.  .Maiiicw.  Il 
parcourut  lui-même  les  diCférentcs  parties  des  lles- 
liriianniques  pour  piêclier  l'associativn  et  recevoir 
les  associés.  La  société  de  Tempérance  s'estéiendiie 
aux  Etats-Unis,  au  C:niada,à  la  Nouvelle-llollaiide, 
h  la  iN'iuvelle-Ecosse  et  dans  les  Indes  orientales. 
On  dit  qu'il  y  a  très-peu  d'exemples  de  violation  de 
l'engagement  contracté.  M.  O'Sidlivan  écrivait  au 
P.  Malliew  en  1845  que  sur  mille  associés  qu'il 
comptait  dans  sa  paroisse,  six  seulenjent  avaient 
élé  parjures  dans  l'espace  d'ini  an.  Commencée 
en  t!J38,  l'association  de  Tempérance  comptai l,  en 
1842,  5,348,433  personnes. 

TEMPLE,  édifice  dans  lequel  les  hommes 
se  rassemblent  pour  rendre  leurs  hommages 
à  la  Divinité.  La  censure  que  les  incrédules 
et  d'autres  critiques  téméraires  on!  faite  de 
cet  usage,  nous  donne  lieu  d'examiner  plu- 
sieurs questions  :  1°  s'il  y  a  eu  des  temples 
chez  les  païens  avant  qu'il  y  en  eùl  aucun 
destiné  au  culte  du  vrai  Dieu  ;  2°  si  l'usage 
en  est  répréhensi.ble  ou  dangereux  ;  3"  si 
Dieu  n'a  permis  aux  Juifs  de  lui  en  élever 
un  que  par  condescendance  pour  lejir  gros- 
sièreté ;  4.°  si  la  magnificence  de  ces  édifices 
est  un  abus. 


(;37 


TEM 


TEM 


t;38 


§  I.  T.rs  païens  ont-ils  construit  des  temples 
uvant  les  ajorateurs  du  vrai  Dieu  ?  Nous 
convenons  d'abord  qu'nvanl  l'éiiction  du 
laboinacle  fait  par  Moïse  ,  l'histoire  sainte 
no  fait  mention  d'aucun  édifice  destiné  au 
cuite  du  Seigneur.  On  conçoit  aisément  qno 
les  premières  peuplades  n'ont  pas  pensé  à 
bâtir  des  temples,  tant  qu'elles  ont  été  erran- 
tes et  bornées  à  la  vie  pastorale  ;  jnais  il  no 
s'ensuit  pas  qu'elles  en  ont  eu  dès  qu'elles 
sont  devenues  sédentaires.  Les  critiques  qui 
se  sont  livrés  aux  conjectures  ont  imaginé 
que  les  peuples  ont  voulu  avoir  celle  com- 
modité pour  le  culte  religieux  aussitôt  qu'ils 
ont  habile  des  maisons  solides  et  qu'iU  ont 
bàli  des  villes  ;  mais  quelque  vraisemblable 
que  soit  cette  opinion,  elle  nous  pariiît  dé- 
truite par  la  narration  des  livres  saints.  Il 
est  dit,  (^en.,  cap.  iv,  v.  17,  que  Caïn,  fils 
aillé  d'Adam,  bàlit  une  ville  ;  peu  de  temps 
après  le  déluge  il  est  parlé  de  Babylone  et 
d'Arach,  d'Arh.id  ,  de  Chalane  ,  de  Ninivc  , 
comme  de  viiios  déjà  existantes,  ou  qui  ne 
tardèrent  pas  >\\'':-'.-  bâties,  c.  x,  v.  10  et  11. 
lly  avait  des  wl;es  dans  la  Palestine,  lors- 
qu'Abrahaui  y  arriva  vers  l'an  2100  du  mon- 
de ;  mais  il  n'était  pas  encore  question  de 
lieux  fermés  et  couverts  destinés  au  culte  de 
Dieu.  On  voit,  c.  xii,  v.  7  et  8,  qu'Abraham 
éleva  des  autels  au  Seigneur  ;  Noé  avait  fait 
de  même  au  sortir  de  l'arche  après  le  déluge, 
c.  VIII,  V.  20;  cela  ne  prouve  point  qu'ils 
construisirent  des  édifices  pour  continuer 
d'y  exercer  le  culte  religieux.  Il  est  dit,  c. 
XXV,  V.  i2,  que  Rébecca  ,  épouse  d'Isaac, 
alla  consulter  le  Seigneur;  nous  ne  savons 
ni  en  quel  lieu  ni  de  quelle  manière.  Jacob 
son  (Ils  appela  Bélhel,  maison  de  Dieu,  l'en- 
droit dans  lequel  il  eut  un  songe  prophéti- 
que, et  dans  lequel  il  consacra  une  pierre 
par  une  onction  ;  c.  xxviii,  v.  17  et  22.  A  son 
retour  de  la  .Mésopotamie,  il  y  éleva  un  autel 
et  y  offrit  un  sacrifice  avec  toute  sa  maison, 
et  nomma  de  nouveau  ce  lieu  l<%  maison  de 
Dieu,  ou  plutôt  le  séjour  de  Dieu  ;  c.  xsxv, 
V.  3  et  7.  Or,  un  autel  n'est  pas  un  temple.  Il 
en  agit  de  même  dans  tous  les  lieux  où  il 
s'anèta,et  il  continua  de  mener  une  vie  er- 
rante et  pastorale ,  jusqu'à  ce  qu'il  allât 
rejoindre  Joseph  en  Egypte. 

11  paraît  donc  certain  qu'avant  l'entrée  de 
Jacob  et  de  sa  famille  dans  ce  royaume,  il 
n'y  avait  encore  eu  aucun  temple  consacré 
au  Seigneur  par  les  patriarches.  .Mais  on  ne 
peut  pas  prouver  que  les  Egyptiens  en 
avaient  déjà  pour  lors,  ni  que  les  Israélites 
y  en  aient  vu  aucun  pendant  tout  leur  sé- 
jour. Il  y  a  donc  lieu  de  croire  que  le  lab:*r- 
niide  construit  par  Moïse  dans  le  désert  fut 
non-seulement  le  premier  temple  consacré 
au  vrai  Dieu,  mais  le  premier  cdillco  de  cette 
espère  dont  on  eût  jamais  ouï  parler.  Dans 
les  premiers  temps  le  mot  temple  no  signi- 
Gait  qu'un  enclos,  un  terrain  consacré. 
.  Ce  n'est  point  l'opinion  de  Spencer;  il  a 
fait  tous  ses  efforts  pour  persuader  qu'avant 
l'érection  lie  ce  tabernacle  ,  les  Egyptiens, 
jes  Ghananéens  et  les  autres  peuples  voisins 
de  la  Palestine,  avaient  déjà  des  temples  des- 


tines an  cnlte  do  leurs  faasses  oivmités,  et 
que  Moïse  les  a  pris  pour  modèle  ;  de  Letji^ 
lins  Hebr.  ritwil.,  lit),  m,  dissert.  6,  c.  1." 
Pour  établir  un  fait  aussi  essentiel,  malgré 
lo  silence  profond  et  constant  des  écrivains 
sacrés,  il  faudrait  des  preuves  positives  et 
solides  ;  Spencer  n'en  apporte  que  de  très- 
faibles,  et  nous  espérons  de  lui  eu  opposer 
de  meilleures;  déjà  des  savuits  l'ont  fait 
avant  nous  ;  Mém.  de  l'Acad.  des  Inscript., 
t.  LXX,  iH-12,p.  50ct  suiv.La  premièrequ'il 
allègue  est  un  passage  du  Lévitique,  chap. 
XXVI,  V.  27  et  suiv.,  dans  lequel  Dieu  dit 
aux  Israélites  :  Si  vous-vous  révoltes  contre 
moi,  je  détruirai  vos  lieux  élevés  et  vos  lieux 
consacrés  ausolil.  La  question  est  de  savoir 
si  ces  lieux  où  l'on  adorait  le  soleil  étaient 
des  temples.  D'ailleurs  ceci  est  une  menace 
contre  ce  qui  devait  arriver  dans  la  suite,  et 
non  un  reproche  di;  ce  qui  se  faisait  déjà 
pour  lors.  Dieu  ajoute  :  Je  réduirai  vos  villes 
en  solitude  ;  il  ne  s'ensuit  pas  que  les  Israé- 
lites dans  le  désert  habitaient  déjà  des  villes. 
—  La  seconde  est  que,  dans  le  DiUléronome, 
c.  xxsiv,  V.  G,  il  est  parlé  de  Belh-Péor,  ou 
Iieth-Phogor,la  maison  ou  le  temple  i\o.  Pho- 
gor.  Mais  lorsque  Jacob  nomma  liéthd ,  la 
maison  de  Dieu,  le  lieu  dans  lequel  il  avait 
consacré  une  pierre,  était-il  question  d'un 
temple?  Nous  avouons  que,  dans  le  premier 
livre  des  Rois,  c.  v,  v.  2,  il  est  parlé  du  tem- 
p/e  de  Dagon,  mais  il  y  avait  pour  lors  plus 
de  quatre  cents  ans  que  le  tabernacle  était 
construit.  Dans  ce  même  livre,  c.  i,  v.  7  et 
*.),  lo  tabernacle  qui  n'éliit  qu'une  lente,  est 
aussi  appelé  la  waiso/(  ou  le  temple  du  Sei- 
gj'.eur. —  La  troisième  est  que  les  auteurs 
profaues  ont  dit  que  les  Egyplieiis  sont  les 
premiers  qui  aient  bâti  des  temples.  Malheu- 
reusement ces  écrivains  sont  trop  moilernes, 
et  ils  connaissaient  trop  peu  les  Juifs  pour 
avoir  pu  savoir  ce  que  l'on  faisait  dans  les 
temps  dont  nous  parlons  ;  le  plus  ancien  de 
tous  est  Hérodote  qui  n'a  vécu  que  mille  ans 
après  Moïse.  Il  ne  savait  sur  les  antiquités 
de  l'Egypte  que  ce  que  lui  en  avaient  dit  les 
prêtres,  et  leur  téiu)ignage  n'était  pas  fort 
digne  de  foi,  puisqu'ils  prétendaient  que  les 
Egyptiens  étaient  les  premiers  qui  avaient 
élevé  aux  dieux  des  autels,  des  statues  et  des 
temple'i,  Hérodote,  I.  h,  §  4  :  fait  contredit 
par  récriture  sainte,  qui  nous  apprend  que 
Noé,  au  sortir  de  l'arche,  après  le  déluge, 
érigea  un  autel  au  Seigneur. 

Quand  il  serait  prouvé  que  les  idolâtres 
ont  eu  des  tabernacles  ou  des  temples  à  peu 
près  en  même  temps  que  les  Israélites,  il 
serait  encore  question  de  savoir  lesquels  ont 
servi  de  modèle  aux  autres.  H  y  a  pour  le 
moins  autant  de  probabilité  à  soutenir  que 
les  Ghananéens  et  les  autres  peuples  voisins 
ont  imité  les  Juifs,  qu'à  supposer  que  Moïse 
a  copié  les  usages  de  ces  nations  idolâtres. 
En  tout  genre  la  vraie  religion  a  précédé  les 
fausses.  Les  écrivains  qui  ont  imaginé  que 
les  temples  sont  aussi  anciens  que  l'idolâtrie 
n'ont  fait  qu'une  fausse  conjecture.  En  effet, 
il  e.a  constant  que  la  plus  ancienne  idolâ- 
trie a  été  le  culte  des  astres;  voyez  ce   mot. 


659 


TEM 


TEM 


«40 


Or,  il  n'est  pas  aisément  venu  à  l'esprit  des 
hommes  que  le  soleil  et  la  lune  qu'ils 
voyaient  dans  le  ciel  pouvaient  en  descen- 
dre pour  venir  habiter  dans  un  temple.  Il 
est  très-probable  que  les  païens  n'ont  com- 
mencé à  en  bâtir  que  quand  ils  se  sont  avi- 
sés d'adorer  comme  des  dieux  les  âmes  des 
héros,  culte  qui  n'est  pas  de  la  plus  baute 
antiquité,  et  de  les  représenter  par  des  sta- 
tues qu'il  fallut  mettre  à  l'abri  des  injures 
de  l'air;  Mém.  de  l'Acad.  des  Inscript.,  ibid., 
pag.59. 

Au  mot  Tabernacle,  nous  avons  vu  que 
le  prophète  Amos  a  reproché  aux  Juifs  d'a- 
voir fait  dans  le  désert  un  tabernacle  ou  une 
tente  à  Moloch,  dieu  des  Ammonites  et  des 
Moabitos  ;  mais  le  tabernacle  consacré  an 
culte  du  vrai  Dieu  était  déjà  construit.  11 
n'est  pas  prouvé  que  ces  deux  peuples 
avaient  aussi  pour  lors  des  tentes  senjbla- 
bles,  ou  des  temples  pour  y  exercer  l'idolâ- 
trie. Le  crime  des  Israélites  a  donc  pu  con- 
sister en  ce  qu'ils  firent  pour  Moloch  une 
tente  semblable  au  tabernacle  que  Moïse 
avait  élevé  au  vrai  Dieu.  Ce  n'est  point  ici 
une  conjecture  hasardée  comme  les  imagi- 
nations de  Spencer  ;  nous  avons  pour  nous 
des  preuves  positives.  1°  Dcut.,  c.  iv,  v.  7, 
Rloïse  dit  aux  Israélites  :  //  n'y  a  aucune  na- 
tion assez  previlégiée  pour  avoir  ses  dieux 
près  d'elle,  comme  le  Seigneur  se  rend  présent 
à  toutes  nos  prières.  Quel  est  le  peuple  qui 
puisse  se  glorifier  d'avoir  des  cérémonies  , 
des  lois,  une  religion,  semblables  A  celles  que 
je  vous  prescris  aujourd'hui  ?  Si  les  Egyp- 
tiens, les  Chananéens,  les  Madianites,  les 
]\Ioabite-,  etc.,  avaient  eu  pour  lors  des  ten- 
tes ou  des  temples  qu'ils  eussent  regardés 
comme  le  séjour  de  hMirs  divinités,  s'ils 
avaient  pratiqué  pour  elles  les  mêmes  céré- 
monies que  Moïse  prescrivait  aux  Israélites, 
i'I  n'aurait  pas  été  assez  imprudent  pour 
faire  cette  comparaison.  L'on  aurait  pu  lui 
répondre  que  Moloch,  Chamos,  Béelphégor, 
etc.,  habilaiont  dans  des  temples  construits 
pour  les  adorer,  tout  comme  le  Dieu  d'Israël 
habitait  dans  le  tabernacle;  que  l'on  prati- 
quait dans  leur  culte  les  mêmes  ccrémonies 
qui  éiaient  prescrites  pour  honorer  le  Sei- 
gneur. 2'  LeuL,  c.  XII,  V.  30,  il  dit  aux  Is- 
raélites :  Gardez-vous  d'itniter  les  nations 
que  vous  devez  diîlruire  dans  la  terre  qui  vous 
est  promise,  de  pratiquer  leurs  cérémonies,  et 
dédire:  Comme  ces  nations  ont  adoré  leurs 
dieux,  ainsi  f adorerai  le  mien;  vous  ne  ferez 
rien  de  semblable  pour  le  Seigneur  voire  Dieu. 
Si  Jloïse  n'avait  fait  qu'imiter  dans  ses  lois 
cérémoniellos  ce  qui  était  en  usage  chez  les 
nations  idolâtres,  de  quel  front  aurait-il  osé 
faire  cette  défense  ?  On  aurait  été  eu  droit 
de  lui  reprocher  qu'il  faisait  le  premier  ce 
qu'il  défendait  aux  autres  de  faire  ,  et  les 
Israélites  toujours  mutins  et  réfractaires  n'y 
auraient  pas  manqué. — S' Ibid.,  v.  13  et 
14,  il  leur  défend  d'offrir  leurs  sacriûces, 
leur  encens,  leurs  prémices,  dans  tous  les 
lieux  indifféremment,  mais  seulement  dans 
le  lieu  que  le  Seigneur  aura  choisi,  par  con- 
séquent dans  le  tabernacle.  Donc  un  des 


usages  des  idolâtres  était  de  faire  leurs  sacri- 
Bces,  leurs  offrandes,  leurs  cérémonies  par- 
tout où  il  leur  plaisait,  et  non  dans  un 
temple  destiné  an  culte  de  leurs  divinités. 
Spencer  lui-  même  a  été  forcé  de  reconnaître 
qu'un  très-grand  nombre  des  lois  cérémo- 
niclles  de  Moïse  avaient  pour  objet  de  leur 
interdire  les  pratiques  qui  étaient  en  usage 
chez  les  nations  idolâtres.  En  recherchant 
avec  tant  de  soin  dans  les  livres  saints  les 
passages  qui  semblent  favoriser  son  système, 
il  ne  devait  pas  omettre  ceux  qui  le  détrui- 
sent. Nous  savons  que  plusieurs  auteurs 
respectables  semblent  l'avoir  adopté;  mais, 
dans  une  question  de  fait,  il  faut  s'en  tenir 
non  à  des  conjectures,  mais  à  des  témoigna- 
ges. Aucune  autorité  ne  peut  prévaloir  à 
celle  d'un  historien  aussi  bien  instruit  que 
l'était  Moïse.  On  aura  beau  fouiller  dans 
toute  l'antiquité,  on  n'y  trouvera  rien  qui 
prouve  qu'il  y  a  eu  des  tabernacles  plus 
anciens  que  celui  qu'il  a  construit,  ou  des 
temples  solides  qui  aient  précédé  celui  de 
Salomon. 

§  II.  L'usage  des  temples  est-il  dangereux 
et  répréhensible  en  lui-même  ?  Spencer  le  pré- 
tend ;  c'est  une  des  raisons  dont  il  se  sert 
pour  prouver  que  Dieu  n'avait  permis  qu'oa 
lui  en  construisît  un,  que  par  condescendan- 
ce pour  la  grossièreté  des  Juifs.  Il  a  été  suivi 
par  la  foule  des  incrédules  modernes  ;  ils 
soutiennent  comme  lui,  que  la  coutume  de 
bâtir  des  temples  esireffet  d'une  erreur  gros- 
sière et  qui  contribue  à  l'entretenir.  «  Les 
hommes,  dit  un  déiste,  ont  banni  la  Divinité 
d'ciilre  eux,  ils  l'ont  reléguée  dans  un  sanc- 
tuaire ;  les  murs  d'un  temple  bornent  sa 
vue,  elle  n'existe  point  au-delà.  Insensés 
que  vous  êtes,  détruisez  ces  enceintes  qui 
rétrécissentvosidées,  élargissez  Dieu,  voyez- 
le  partout  où  il  est,  ou  dites  qu'il  n'est  pas.  » 
Un  autre  prétend  qu'un  culte  simple  rendu 
à  Dieu  à  la  face  du  ciel,  sur  la  hauteur  d'une 
colline,  serait  plus  majestueux  que  dans  un 
temple  où  sa  puissance  et  sa  grandeur  pa- 
raissent resserrées  entre  quatre  colonnes. 
Ces  réflexions  sublimes  sont-elles  solides  ? 
1'  Il  serait  fort  étonnant  que  les  peuples  bar- 
bares qui  pratiquaient  le  culte  divin  sur  les 
montagnes  ou  dans  les  plaines,  à  la  face  du 
ciel,  eussent  été  plus  sages  que  les  nations 
policées,  et  que  le  genre  humain  dans  son 
enfance  eût  eu  plus  de  lumières  et  de  philo- 
sophie que  dans  son  âge  mûr.  Nous  vou- 
drions que  ceux  qui  admettentce  phénomène 
eussent  pris  la  peine  de  l'expliquer.  Nous 
savons  très-bien  que  les  patriarches  ont 
ainsi  rendu  leur  culte  au  vrai  Dieu  dans  les 
premiers  âges  ;  nous  l'avons  prouvé  par 
l'Ecriture  sainte.  Dieu  a  bien  voulu  agréer 
celte  manière  de  l'honorer  .  parce  qu'elle 
était  analogue  à  la  vie  errante  et  pastorale 
que  menaient  ces  saints  personnages.  Mais 
si  cette  manière  était  la  meilleure  et  la  plus 
conforme  aux  notions  du  vrai  culte,  nous 
soutenons  que  jamais  Dieu  n'aurait  permis 
à  ses  adorateurs  de  le  changer,  que  jamais 
il  n'aurait  ordonné  aux  Israélites  de  lui  bâtir 
uu  tabernacle  el  ensuite  un  temple.  Dieu, 


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6i3 


qui  est  la  sagesse  infiaie  et  la  vérité  par  es- 
sence, n'a  jamais  tendu  aux  liomines  ua 
piège  d'erreur. —  2"  Il  est  iiicoiileslablu,  et 
plusieurs  savants  l'ont  prouvé,  (jue  la  plus 
ancienne  idolâtrie  a  été  le  culte  des  astres  ; 
Moïse  l'a  défendue  aux  Israélites,  Deut.,  c. 
IV,  V.  19  ;  et  c'est  la  seule  dont  il  soit  parlé 
dans  le  livre  de  Job,  c.  xxxi,  v.  2G.  Par  cette 
raison,  l'une  des  plus  anciennes  supersti- 
tions a  été  de  pratiquer  le  culte  religieux 
sur  les  montagnes,  que  l'Ecriture  sainte  ap- 
pelle/e5  hauts  lieux  ;  les  païens  croyaient 
par  là  se  rapprocher  du  ciel  ou  du  séjour 
des  dieux  ;  iVi<m.,  c.  xxii,  v.  41  ;  c.  xxui,  v. 
l.cic.  ;  Mém.  de  rAcadémic,  ibid.,  p.  03. 
Croirons-nous  que  Dieu  voulait  autoriser 
celte  superstition,  lorsqu'il  ordonna  à  Abra- 
ham de  lui  immoler  son  fils  Isaac  sur  une 
montagne,  et  lorsqu'il  parla  aux  Israélites 
sur  le  mont  Sinaï  ?  Non,  sans  doute  ;  Dieu 
choisit  ces  lieux  de  préférence,  parce  que 
l'on  ne  pouvait  pas  voir  ,  comme  en  rase 
campagne,  ce  qui  s'y  passait.  Mais  Moïse 
défendit  expressément  cette  pratique  aux  Is- 
raélites ;  Levil.,  c.  xxvi,  v.  30.  Il  leur  or- 
donna de  détruire  tous  ces  hauts  lieux  des 
idolâtres  ;  Num.,  c.  xxiii,  v.  52  ;  Deut.,  c. 
XII,  v.2,elc.  Lorsque,  dans  la  suite,  les 
Juifs  retombèrent  dans  cet  abus,  ils  en  furent 
blâmés  par  les  écrivains  sacrés  ;  ///  Keg., 
c.  III,  v.  2  et  3  ;  c.  xii,  v.  31,  etc.  11  est  donc 
très-probable  qu'une  des  raisons  pour  les- 
quelles Dieu  voulut  que  l'on  contruisit  le 
tabernacle,  fut  de  convaincre  ce  peuple  qu'il 
n'était  pas  nécessaire  d'aller  sur  les  monta- 
gnes pour  s'approcher  de  Dieu,  et  qu'il  dai- 
gnait lui-même  s'approcher  de  son  peuple 
en  rendant  sa  présence  sensible  dans  le 
temple  portatif  érigé  en  son  honnuur.  Ainsi 
ce  que  l'on  prend  pour  une  source  d'erreur 
en  était  justement  le  préservatif.  11  n'est 
donc  pas  vrai  qu'en  bâtissant  des  temples, 
les  hommes  aient  banni  la  Divinilé  d'entre 
eux,  puisqu'ils  ont  cru  au  contraire  <iue, 
par  ce  moyen,  ils  serapprochaientd'elle. — 3" 
Quel  est,  en  effet,  le  dessein  qui  a  présidé  à 
la  construction  des  temples  ?  (j'a  été,  en  pre- 
mier lieu,  de  s'acquitter  plus  commodé- 
ment du  culte  divin  ;  cela  convenait  aux 
Israélites  rassemblés  dans  un  seul  camp  ; 
le  tabernacle  fut  placé  au  milieu.  C'a  été,  on 
second  lieu,  de  rassembler  dans  une  seule 
enceinte  les  symboles  de  la  présence  de 
Dieu,  afin  de  frapper  davantage  l'imagina- 
tion des  hommes.  Aucune  de  ces  deux  inten- 
tions n'est  blâmable  :  c'est  pour  cela  même 
que  Uiou  a  daigné  s'y  prêter  ;  l'une  et  l'au- 
tre furent  remplies  par  la  construction  du 
tabernacle  et  du  temple  de  Salomoii.  Ils  ren- 
fermaienl  l'arche  d'alliance  dans  laquelle 
étaient  les  tables  de  la  loi,  le  couvercle  de 
celte  arche  ou  le  propitiatoire  était  surmonié 
de  deux  chérubins  dont  les  aîles  étendues 
formaient  une  espèce  de  trône,  symbole  de 
la  majesté  divine.  On  y  voyait  un  vase  rem- 
pli delà  manne  dont  Dieu  avait  miraculeu- 
sement nourri  les  Israélites  pendant  qua- 
rante ans  ;  la  verge  d'Aaron  ,  l'autel  des 
parfums,  la  table  des  paias  doffraude,  l'autel 


sur  lequel  on  brûlait  la  chair  des  victimes, 
le  chandelier  d'or.  Tous  ces  objets  rappe- 
laient aux  Juifs  les  miracles  et  les  bienfaits 
dont  le  Seigneur  avait  favorisé  leurs  pères, 
et  les  cérémonies  du  culte  i  oncouraient  au 
même  but:  le  peuple  ne  pouvait  avoir  trop 
souvent  sous  les  yeux  ces  signes  comméino- 
ratifs,  et  ils  ne  pouvaient  être  rassemblés 
que  dans  un  temple.  —  V  11  est  faux  que 
celte  conduite  ait  donné  lieu  aux  hommes 
de  penser  que  la  Divinité  est  renfermée  dans 
les  murs  d'un  édifice ,  et  qu'elle  n'existe 
point  au-delà.  Si  les  païens  l'ont  pensé 
lorsqu'ils  se  sont  fait  des  dieux  semblables  à 
eux,  il  ne  s'ensuit  rien  contre  les  adorateurs 
du  vrai  Dieu.  Moïse,  après  avoir  construit 
le  tabernacle,  continue  de  dire  aux  Israéli- 
tes :  Sachez  donc  et  n'oubliez  jamais  que  le 
Seigneur  est  Dieu  dans  le  ciel  et  sur  la  terre, 
et  qu'il  n'y  en  a  point  d'autre  que  lui  {Deut., 
IV,  V.  19).  Salomon  ,  après  avoir  achevé  le 
temple,  dit  à  Dieu:  Peut-on  croire,  Seigneur, 
que  vous  habitiez  sur  la  terre?  si  toute  l'éten- 
due des  deux  ne  peut  vous  contenir,  combien 
moins  screz-vous  renfermé  dans  ce  temple 
que  je  vous  ai  bdli  1  (///  Reg.  viii,  v.  27.) 
Nous  savons  très-bien  que,  malgré  ces  le- 
çons, les  Juifs  devenus  idolâtres  ont  sou- 
vent pensé  comme  les  païens  ,  et  qu'ils  en 
ont  été  repris  par  Isaie,  c.  lxvi,  v.  1  ;  mais 
il  ne  s'ensuit  point  que  c'était  l'usage  du 
temple  qui  leur  inspirait  ces  idées  fausses. 
Puisque  les  Juifs  grossiers,  aussi  bien  que 
les  païens  ,  abusaient  égalenKuit  du  culle 
rendu  à  Dieu  sur  les  montagnes  et  de  celui 
qu'on  lui  rendait  dans  le  ïf;»!/;/»,  nous  deman- 
dons lequel  de  ces  deux  culies  il  valait  le 
mieux  choisir.  — o' Dieu,  Ezeclt.,  c.  xx,  et 
ailleurs,  reproche  aux  Juifs  captifs  à  Baby- 
lone,  toutes  les  prévarications  de  leurs  pè- 
res, surtout  leur  fureur  à  imiter  les  super- 
slilions  de  l'Egypte,  mais  il  leur  promet  de 
les  purifier  et  de  les  en  préserver,  lorsqu'il 
les  aura  rétablis  dans  la  terre  promise.  11  les 
y  fait  revenir  en  effet,  et  à  leur  retour  il  les 
exhorte  par  ses  prophètes  à  rebâtir  le  tem- 
ple. Si  cet  édifice  avait  été  par  lui-même  une 
pierre  de  seandale  et  un  piège  d'erreur,  Dieu 
i'aurait-il  l'ait  reconstruire  après  la  capti- 
vité? H  pn,'dit  que  toutes  les  nations  vien- 
dront y  adorer  Dieu,  Isai.  ,  c.  lvi  ,  v.  7  • 
Jerem.,  c.  xxxii,  v.  12.  Sans  doute,  il  n'a 
pas  voulu  tondre  un  piège  à  toutes  les  na- 
tions. Il  y  a  plus:  saint  Paul,  //  Cor.,  c.  vi, 
v.  IG,  dit  au>i  fidèles  qu'ils  sont  le  temple  de 
Dieu,  et  il  leur  applique  ce  qui  a  été  dit  du 
tabernacle  et  du  temple.  Il  ne  s'ensuit  pas  de 
là  que  Dieu  est  renfermé  dans  l'âme  d'un 
fidèle,  qu'il  n'habite  point  ailleurs,  et  qu'il 
n'est  pas  présent  partout.  —  6'  Un  culte 
rendu  à  Dieu,  à  la  lace  du  ciel,  sur  la  hau- 
teur d'une  colline  \  pourrait  peut-être  sem- 
bler plus  majestueux  aux  yeux  d'un  philo- 
sophe très-instruit,  fiabitué  à  contempler  les 
beautés  de  la  nature  ;  mais  il  ne  paraîtrait 
pas  tel  aux  yeux  du  /peuple  accoutumé  an 
spectacle  de  l'univers  ;  il  le  voit  sans  émo- 
tion, au  lieu  qu'il  est  .frappé  d'admiration  à 
la  vue  d'un  temple  richemcul  et  décemmeu; 


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orné.  Or,  ce  n'est  point  au  goûl  des  philo- 
sophes qu'il  faut  rcglor  le  culte  divin.  Ces 
censeurs  bizarres  ne  doivent  point  être 
écoutés,  lorsqu'ils  s'élèvent  contre  ce  que  le 
sens  commun  dicte  à  tous  les  iiorames.  Qui 
les  empêche  d'adorer  Dieu  à  la  face  du  ciel, 
après  l'avoir  adoré  dans  les  lempksl  Mais  ils 
ne  l'adorent  d'aucune  manière  ;  ils  vou- 
draient retrancher  tout  exercice  public  de 
religion,  parce  qu'ils  savent  que,  suis  le 
culte  extérieur,  bientôt  elle  ne  subsisterait 
plus. 

§  m.  Dieu  n'a-l-il  permis  de  bâtir  d's  tem- 
ples que  par  condescendance  pour  ta  grossiè- 
reté de  son  peuple?  C'est  encore  l'opinion  de 
Spencer.  S'il  s'était  borné  à  dire  que  Dieu  a 
voulu  qu'on  lui  érigeât  des  temples  afin  de 
pourvoir  au  besoin  des  hommes  en  général, 
de  réveiller  et  de  conserver  en  eux  des  sen- 
timents de  religion,  et  même  de  leur  rendre 
son  culte  plus  aisé,  nous  serions  de  son  avis. 
Mais  supposer  que  les  temples  ne  leur  sont 
nécessaires  qu'à  cause  de  leur  grossièreté, 
de.  leur  ignorance  en  fait  du  vrai  culte,  et 
que  c'est  un  goûl  emprunté  des  idolâtres, 
voilà  ce  que  nous  n'avouerons  jamais,  parce 
que  cela  est  évidemment  faux.  Nous  n'igno- 
rons pas  que  Dieu  n'a  pas  besoin  de  nos 
hommages  extérieurs;  mais  nous  avons  be- 
soin de  les  lui  rendre,  non-seulement  au 
fond  de  notre  cœur,  mais  en  public  et  en 
commun,  parce  que  la  religion  est  un  lien 
de  société,  el  que  sans  cela  les  peuples  se- 
raient bientôt  abrutis.  Puisque  c'est  Dieu 
qui  a  créé  les  hommes  avec  ce  besoin,  il 
était  de  sa  sagesse  et  de  sa  bonté  d'y  pour- 
voir d'une  manière  analogue  aux  difl'érentes 
situations  dans  lesquelles  le  genre  humain 
s'est  trouvé.  Voilà  pourquoi  il  a  daigné  pres- 
crire pour  les  patriarches  un  culte  domesti- 
que, el  qui  n'était  fixé  à  aucun  lieu;  pour 
les  Israélites,  un  culte  national  et  uniforme; 
pour  les  chrétiens,  mieux  instruits,  un  culte 
universel  et  commun  à  toutes  les  nations. 
C'est  sans  doute  une  condescendance  de  la 
part  de  Dieu  ;  mais  ce  n'est,  de  la  part  des 
hommes,  ni  grossièreté,  ni  preuve  d'igno- 
rance, ni  penchant  à  l'idolâtrie.  Aussi  le  pa- 
radoxe de  Spencer  est-il  très-mal  prouvé.  Il 
suppose,  1*  que  les  peuples  ont  commencé  à 
bâtir  des  temples  dans  le  lemps  qu'ils  étaient 
encore  grossiers  el  slupides.  Nous  avons  fait 
voir  le  contraire  dans  le  §  1.  Il  y  aurait  de  la 
démence  à  soutenir  que  les  temples  ont  été 
plus  communs  chez  les  nations  barbares  cl 
chez  les  sauvages  que  chez  les  nations  poli- 
cées, et  que  les  premiers  on  ont  bâti  pour 
leur  commodité ,  avant  d'avoir  connu  par 
expérience  les  commodités  de  la  vie.  Pour 
élayer  un  rêve  aussi  incroyable,  il  faudrait 
des  preuves  démoiistralives,  et  il  n'y  en  a 
pas  seulement  d'ap[iarcntes.  —  2°  L'idée  de 
Lâlir  des  temples,  dil-il,  est  venue  de  ce  que 
les  hommes  ont  cru  par  là  se  rapprocher  de 
la  Divinité,  et  avoir  un  accès  plus  facile  au- 
près de  leurs  dieux  :  erreur  grossière,  s'il  en 
lut  ;amais.  Nous  soutenons,  en  premier  lieu, 
que' celte  idée  bien  entendue  n'esl  point  une 
(.licur,  el  que  Dieu  lui-même  l'a  donnée  aux 


hommes  :  nous  le  verrons  dans  un  momcnl  ; 
en  second  lieu,  qu'ils  ont  voulu  multiplier 
autour  d'eux  les  symboles  de  la  présence 
divine,  et  s'acquitter  du  culte  religieux  plus 
commodément  :  deux  motifs  qui  n'ont  rien 
de  répréhensible,  comme  nous  l'avons  déjà 
observé.  Encore  une  fois,  il  no  faut  pas  con- 
fondre les  idées  absurdes  des  païens  avec 
celles  des  adorateurs  du  vrai  Dieu.  — 3"  Dieu, 
continue  Spencer,  n'avait  pas  commandé, 
mais  seulement  permis  aux  Israélites  de  lui 
construire  un  temple.  S'il  est  dit  assez  sou- 
vent que  c'est  la  maison  de  Dieu  et  que  Dieu 
y  habile,  il  est  dit  aussi  ailleurs  que  Dieu 
n'habite  point  sur  la  terre,  ///  Reg.,  c,  viii, 
V.  27;  Isai.,  c.  Lxvi,  v.  1.  11  faut  que  ce  cri- 
tique n'ait  pas  pris  la  peine  de  lire  l'Ecriture 
sainte.  Exod.,  c.  xxv,  v.  8,  Dieu  dit  à  Moïse  : 
Les  Israélites  me  feront  un  sanctuaire  ,  et 
j'habiterai  au  milieti  d'eux.  H  prescrit  à  Moïse 
le  plan  de  cet  édifice  et  le  détail  de  tout  ce 
qu'il  doit  renfermer;  il  lui  en  montre  le  mo- 
dèle sur  la  montagne,  et  lui  ordonne  do  s'y 
conformer,  ibid.,  v.  9  et  40.  Est-ce  là  une 
simple  permission?  A  moins  d'accuser  Moïse 
d'avoir  forgé  toute  cotte  narration,  l'on  est 
forcé  d'y  reconnaître  un  ordre  formel.  Salo- 
mon,dans  sa  prière  à  la  dédicace  du  temple, 
s'exprime  ainsi ,  III  Reg.,  c.  vm,  v.  18  :  Le 
Seigneur  a  dit  à  David  mon  père  :  Vous  avez 
bien  fait  de  vouloir  me  bâlirun  temple;  mais 
ce  ne  sera  pas  vous,  ce  sera  votre  fils  qui  exé- 
cutera ce  projet.  Le  Seigneur  a  vérifié  sa  pa- 
role. Dieu,  en  effet,  lui  apparaît  el  lui  dit  ; 
J'ai  exaucé  votre  prière...  J'ai  sanctifié  cette 
maison...  J'y  ai  placé  la  gloire  de  mon  nom 
pour  toujours  ;  mes  yeux  et  mon  cœur  y  seront 
ouverts  à  jamais;  c.  ix,  v.  3.  Ce  n'est  point 
ici  une  permission,  mais  une  approbation 
très-expresse.  Dieu  enseignait-il  à  Salomon, 
par  ces  paroles,  une  erreur  grossière?  Lors- 
que ce  roi  dit  au. Seigneur,  c.  viii,  v.  27  : 
Est-il  donc  croyable  que  vous  habitiez  sur  la 
terre!  il  est  évident  que  c'est  un  sentiment 
d'admiration,  el  non  un  désaveu  de  celle 
vérité.  —  4'  Spencer  s'obstine  à  soutenir  que 
le  tabernacle  et  le  temple  ont  été  faits  à  l'imi- 
tation de  ceux  des  Egypliens.il  oublie  deux 
choses  essentielles  :  la  première,  que  Dieu 
lui-même  avait  tracé  le  plan  el  fait  le  modèle 
du  tabernacle.  Avait-il  eu  besoin  de  copier 
les  Egyptiens?  La  seconde  était  de  prouver 
que  les  Israélites  avaient  vu  des  temples  en 
Egypte.  Le  silence  absolu  des  écrivains  sa- 
crés sur  ce  sujet  est  du  moins  une  preuve 
négative  el  très-forte  du  contraire,  et  il  y  en 
a  des  preuves  positives,  même  dans  les  au- 
teurs profanes.  Mém.  de  l'Acad.  des  Inscript., 
ibid.,  p.  35.  Il  est  absurde  d'y  opposer  le  té- 
moignage de  Diodore  de  Sicile,  qui  n'a  vécu 
que  sous  Auguste,  1500  ans  après  l'érection 
du  tabernacle.  —  5*  Zenon,  Sénèque,  Lucien 
et  d'autres,  ont  désapprouvé  la  coutume  do 
bâtir  des  temples  aux  dieux  ;  Hérodote  nous 
apprend  que  les  Perses  et  les  Scythes  n'en 
avaient  point  ;  saint  Paul  et  les  apologistes 
du  christianisme  ont  tourné  en  ridicule  les 
païens,  qui  prétendaient  renfermer  la  ma- 
,  jeslé  divine  dans   l'enceinte   d'un   édifice 


645  TEM 

couimc  s'ils  avaionl  voulu  la  tneltre  à  cou- 
VI  it  des  injures  de  l'air,  on  persuader  qu'elle 
n'o.4  pas  parloiit.  Déjà  nous  avons  répondu 
que  les  folles  idées  des  païens  n'ont  rien  de 
rommun  avec  la  croyance  des  Juifs;  ((u'ainsi 
la  censure  lancée  coniro  les  premiers  ne 
doit  point  retomber  sur  les  seconds.  Si  l'er- 
reur des  païens  avait  été  une  conséquence 
nécessaire  de  l'érection  dos  temples,  Dieu 
n'aurait  jamais  ordonné  ni  permis  de  lui  en 
faire  un.  D'autre  part,  si  cet  usage  avait  été 
un  effet  de  l'i'^norance  et  de  la  grossièreté 
des  hommes,  les  Scjihes,  qui  sont  aujour- 
d'hui les  Tarlares,  auraient  dû  avoir  plus  de 
temples  qu'aucune  autre  nation.  Il  en  faut 
dire  aulaiil  des  Germains  et  des  autres  peu- 
ples errants.  —  0-  Spencer  cite  un  passage 
de  saint  Jean  Chrjsostome  ,  dans  lequel  co 
l>ère  de  l'Eglise,  dit  que  Dieu  accorda  un 
temple  nus  Israélites,  parce  qu'ils  avaient 
été  arcouluiiics  à  en  avoir  en  Kg, ptc.  Nous 
répondons  qu'une  simple  conjeciurc  de  co 
respectable  auteur  ne  peut  pas  prévaloir 
aux  preuves  que  nous  avons  données  du 
contraire  :  il  a  pu  être  trompr  par  les  témoi- 
gnages d'Hérodote  et  de  Dioilore  de  Sicile, 
comme  Spencer  l'a  été  lui-même.  David 
n'était  certainement  pas  un  Juif  grossier  ; 
l'on  sait  avec  quel  enlhousiasmc  il  parle, 
dans  ses  psaumes,  du  tabernacle,  du  sanc- 
tuaire, lie  la  maison  du  Seigneur,  de  la  mon- 
tagne sainte  sur  laquelle. elle  est  placée,  etc.; 
combien  de  fois  il  se  félicite  de  pouvoir  y 
renilre  à  Dieu  ses  hommages,  et  y  invite 
toutes  les  nations;  Nous  ne  voyons  pas  com- 
ment l'on  peut  accorder  cette  piété  d'un  roi- 
prophè'.e  avec  les  idées  de  Spencer  et  de  ses 
copistes.  Par  entêtement  de  système,  ce  cri- 
tique veut  tourner  en  preuve  de  sou  opinion 
la  magnificence  du  tabernacle  et  du  temple. 
C'était  un  abus,  selon  lui  ;  et  l'on  ne  peut, 
dit-il,  en  imaginer  aucune  raison,  sinon  que 
l'usage  des  autres  peuples,  la  grossièreté 
des  Juifs  l'exigeaient  ainsi.  Ce  sentiment  est 
celui  de  tous  les  protestants,  et  ils  sont  en 
cela  d'accord  avec  les  philo>ophes  incrédu- 
les. C'est  ce  qu'il  nous  reste  à  examiner. 

IV.  La  magnipcence  des  temples  est-elle  un 
o6i(s  ?  L'irréligion  seule  peut  faire  adopter 
cette  manière  de  penser.  Au  mol  Gllti;,  ^  3, 
nous  avons  observé  que  l'homme,  en  géné- 
ral, veut  être  pris  par  les  sens;  cette  dispo- 
sition est  commune  aux  savants  cl  aux 
ignorants,  aux  peuples  policés  et  aux  sau- 
vages. Jamais  on  n'inspirera  au  peuple  une 
haute  idée  de  la  majesté  divine,  à  moins 
qu'il  ne  voie  employer  au  culte  du  Seigneur 
les  objets  pour  lesiiuels  il  a  naturellement 
de  l'eslime,  et  qu'il  ne  voie  rendre  à  Dieu 
des  hommages  aussi  pompeux  que  ceux  que 
l'on  rend  aux  rois  et  aux  grands  de  la  terre. 
C'est  donc  le  sens  commun  qui  a  inspiré  à 
toutes  les  nations  le  goijl  pour  la  magnifi- 
cence dans  le  culte  religieux.  Que  l'on  nom- 
me, si  l'on  veut,  ce  goût  une  faiblesse  et  une 
grossièreté,  elle  vient  de  ce  que  nous  som- 
mes composés  d'uo  corps  cl  d'une  âme,  et  de 
ce  que  celle-ci,  dans  ses  opérations,  dépend 
beaucoup  des  organes  du  corps.  En  alTectaat 


TEM 


6i6 


de  déprimer  nos  penchants  naturels,  fiia- 
t-on  de  nous  de  purs  esprits?  Vainement 
quelques  philosophes,  pir  vanité,  se  croient 
exempts  de  ce  faible  :  souvent  ils  sont  plus 
hommes  que  les  autres.  Tel  qui  ne  veut 
point  d'ornement  dans  les  temples  i\.  de 
pompe  dans  les  cérémonies  religieuses , 
trouve  très-bon  que  l'on  en  mette  beauc;iup 
dans  les  spectacles  profanes,  dans  les  (êtes 
publiques,  dans  les  assemblées  formées  pour 
le  plaisir  :  il  juge  donc  qu'il  est  mieux  de 
prodiguer  les  richesses  pour  corrompre  les 
hommes  que  pour  les  porter  à  la  vertu,  pour 
en  faire  des  épicuriens  que  pour  les  rendre 
religieux.  C'est  pousser  trop  loin  le  philoso- 
pliisme,  que  de  joindre  l'hypocrisie  à  l'irré- 
ligion. Mais  à  un  protestant  tel  que  Spencer, 
nous  avons  d'autres  arguments  à  opposer. 
1'  Dieu  lui-même  ordonna  les  ornements  et 
la  magnificence  du  tabernacle.  Exod.,  c. 
XXV,  v.  'J  :  Vuici,  dit  le  Seigneur,  ce  que  les 
Israélites  doirent  m'o/frir  :  l'or,  l'argent,  le 
bronze,  les  étoffes  en  couleur  d'hyncintlie  et 
de  pourpre,  Vécarlatc  teinte  d'ux  fois,  le  fn 
lin,  etc.  Voilà  ce  que  l'on  connaissait  alors 
de  plus  précieux.  Dirons-nous  que  parcelle 
conduite  Dieu  fomentait  dans  son  i)OUp!e  la 
grossièreté,  le  goût  du  luxe,  l'amour  des  ri- 
chesses?—  2°  .lésus-Chrisl,  descendu  sur  la 
terre  pour  nous  enseigner  à  aiiorer  Dieu  en 
esprit  et  en  vérité,  n'a  blâmé  nulle  part  la 
magnificence  du  temple  ni  l'appareil  des  cé- 
rémonies. SI  a  nommé  le  temple,  comme  les 
Juifs,  la  maison  de  Dieu,  le  lieu  saint;  il  dit 
que  l'or  et  les  autres  dons  sont  sanctifiés  par 
le  temple  dans  lequel  ils  sont  offerts,  Matth., 
c.  xxni,  v.  r?  :  il  ne  désapprouvait  donc  p  is 
les  richesses  de  cet  édifice.  —  3°  Ce  divin 
Maître  a  Irouvé  bon  de  recevoir  les  mêmes 
honneurs  que  l'on  rendait  aux  personnes  do 
la  première  distinction.  Lorsque  Marie,  sœur 
de  Lazare,  répandit  sur  sa  tête  un  parfum 
précieux,  quelques-uns  de  ses  disciples  blâ- 
mèrent celle  profusion,  sous  prétexte  qu'il 
aurait  mieux  valu  donner  aux  pauvres  le 
prix  de  ce  |)arfum.  Jésus-Christ  les  répri- 
manda; il  loua  la  conduite  de  Marie,  et  il 
soutint  qu'elle  avait  fait  une  bonne  o:uvre, 
Matth.,  c.  sxvi,  v.  7;  Joan.,  c.  xii,  v.  3.  Il  y 
a  bien  de  l'iniprudence  à  répéter  aujourd'hui 
la  censure  peu  réfléchie  des  disciples  du 
Sauveur,  à  blâmer  ceux  qui  emploient  leurs 
richesses  à  orner  les  temples  dans  lesquels  il 
daigne  habiter  en  personne.  Y  est-il  donc 
moins  digne  d'être  honoré  qu'il  ne  l'était 
pendant  sa  vie  mortelle?  Que  les  proles- 
tants, qui  ne  croient  pas  à  la  présence  réelle 
de  Jésus-Christ  dans  l'eucharistie,  argumen- 
tent sur  leur  erreur,  cela  ne  nous  surprend 
pas;  mais  la  magnificence  des  églises  chré- 
tiennes, aussi  ancienne  que  le  christianisme, 
dépose  contre  eux.— 't°En  effet,  dans  {'Apo- 
calypse, où.  la  liturgie  chrétienne  e<t  repré- 
sentée sous  l'image  de  la  gloire  éternelle, 
il  est  parlé  de  chandeliers  d'or,  de  ceintu- 
res d'or,  de  couronnes  d'or,  d'encensoirs 
d'or,  etc.,  c.  ii  et  seq.  Voilà  le  modèle  tracé 
par  un  apôtre,  auquel  les  premiers  fidèles  se 
sont  conformés  dans  le  culte  religieux.  — 


047 


TEM 


TËM 


G48 


5"  Lorsque  Constantin,  devenu  chrétien,  fit 
bàlir  des  églises  ,  aurait-il  convenu  qu'il  y 
épargnât  la  dépense,  qu'il  en  fil  des  chau- 
mières, pendant  qu'il  habitait  un  palais,?  11 
dit  sans  doute,  comme  David,  //  Reg.,  c.  vu, 
V.  2  :  Je  suis  logé  dans  une  maison  de  cèdre; 
faut-il  que  l'arche  de  Dieu  soit  sous  des  tentes? 
cl  il  raisonna  bien.  —  G'  Spencer  a  dévoilé 
lui-même  le  motif  de  son  opinion  :  il  n'df- 
fecle  d'exagérer  la  grossièreté  des  Juifs  et  de 
comparer  leur  culte  à  celui  des  païens  que 
pour  déprimer  d'autant  celui  des  catholi- 
ques. \'oici  la  conclusion  de  sa  Dissertation 
sur  l'origine  des  temples  :  «  Ce  que  j'ai  dit 
démontre  évidemment  l'imprudence,  pour  ne 
pas  dire  le  paganisme,  de  la  piété  des  papis- 
tes, qui,  pour  orner  les  temples,  surtout 
ceux  des  saints,  prodiguent  l'or,  l'argent,  les 
pierres  précieuses,  les  dons  de  toute  espèce, 
afin  d'éblouir  le  peuple.  »  Quand  on  lui  ob- 
jecte la  m;igniGcence  du  tabernacle  et  du 
temple  de  Salomon,  il  répond,  avec  Hospi- 
nien,  que  Dieu  l'avait  ainsi  ordonné  à  cause 
du  penchant  que  les  Juifs  avaient  à  l'idolâ- 
trie, et  afin  de  prévenir  les  effets  de  l'admi- 
ration qu'ils  avaient  conçue  pour  le  culte 
pompeux  des  idoles,  dont  ils  avaient  été 
frappés  en  Egypte;  que  cette  cause  ayant 
cessé,  l'effet  ne  doit  plus  avoir  lieu. 

Mais  si  son  système  est  faux,  que  devient 
la  conclusion  qu'il  en  tire  ?  Il  y  a  d'abord 
de  la  mauvaise  foi  à  supposer  que  nous 
consacrons  des  temples  aux  saints  ;  il  doit 
savoir  que  nous  les  dédions  à  Dieu,  sous 
l'invocation  des  saints.  En  second  lieu,  co- 
pier pour  les  Juifs  le  culte  des  païens  au- 
rait été  le  moyen  le  plus  sûr  d'autoriser  et 
de  nourrir  leur  penchant  à  l'idolâtrie  ;  il 
aurait  fallu  plutôt  leur  prescrire  un  cullc 
tout  opposé,  tel  que  celui  qu'il  a  plu  aux 
protestants  d'imaginer.  En  troisième  lieu, 
il  est  singulier  que  ces  réformateurs  se 
croient  plus  sages  que  Dieu;  suivant  leur 
avis,  pour  giiéiir  les  Juifs  de  leur  goût  pour 
l'idolâtrie,  Dieu  a  trouvé  bon  de  faire  imiter 
par  Moïse  le  culte  de»  idolâtres;  mais  quand 
il  a  fallu  amL'ner  au  christianisme  les  Juifs 
et  les  païens,  accoutumés  à  un  culte  pom- 
peux, l'Eglise  chrétienne  a  fait  une  impru- 
dence de  mettre  du  la  magnificence  dans 
son  culte.  Pour  détruire  ce  nouveau  paga- 
nisme, les  réformateurs  ont  cru  devoir  faire 
main-basse  sur  tout  cet  appareil,  profaner 
les  églises  et  les  autels,  les  brûler,  en  faire 
des  étables  d'animaux,  etc.  En  quatrième 
lieu,  nous  les  défions  de  prouver  que  les 
Juifs  avaient  vu  en  Egypte  les  mêmes  choses 
que  Moïse  insiitua.  Pour  établir  ce  fait,  il  a 
fallu  contredire  l'hisloirc  sainte,  brouiller 
les  époques,  hasarder  des  conjectures,  et 
c'est  sur  ces  visions  que  Spencer  argumente 
contre  nous.  Il  a  néanmoins  été  forcer  d'a- 
vouer que  dans  ce  genre,  il  y  a  un  milieu 
à  garder,  qu'il  ne  conviendrait  pas  que  les 
églises  des  chrétiens  ressemblassent  à  l'éta- 
ble  dans  laquelle  Jésus-Christ  est  né.  Les 
protestants  ont-ils  trouvé  ce  milieu?  l'un 
d'entre  eux  convient  que  cela  n'est  pas  aisé. 
Les  anglicans  se  flattent  d'y  être  parvenus; 


ils  blâment  également  la  somptuosité  des 
églises  catholiques  et  la  nudité  des  temples 
des  calvinistes.  Ceux-ci  répliquent  que  les 
églises  des  anglicans  se  rapprochent  trop 
de  celles  des  calh()li()ues,  que  les  Anglais 
sont  encore  à  moitié  papisti^s,  que  Saint- 
Paul  de  Londres  a  été  bâti  par  rivalité  con- 
tre Saint-Pierre  de  llome.  Qu'ils  commen- 
cent par  s'accorder  avant  de  nous  attaquer. 
Ils  peuvent  se  féliciter  tant  qu'il  leur  plaira 
d'avoir  inventé  la  religion  des  anges  ;  nous 
nous  contentons  d'avoir  reçu  de  Jésus-Chris*, 
et  des  apôtres  la  religion  des  hommes. 

Il  était  d'autant  plus  nécessaire  de  réfuter 
Spencer,  que  son  ouvrage  est  regardé  com- 
me un  livre  classique  par  les  protestants,  et 
les  incrédules  ont  employé  la  plupart  de 
ses  arguments  pour  déprimer  le  culte  exté- 
rieur en  général.  Le  P.  Alexandre  l'a  ré- 
futé dans  ses  Dissert,  sur  l'Hist.  ecclés., 
tom.  I,  p.  kOk. 

Temple  de  Salomon  ou  de  Jérusalem. 
Nous  avons  vu  dans  l'article  précédent  que 
Dieu  approuva  la  construction  de  cet  édifice 
comme  il  avait  ordonné  celle  du  tabernacle. 
David  en  ressembla  les  malériaut,  et  Salo- 
mon son  fils  le  fit  construire  sur  le  mont 
de  Sion,  lieu  le  plus  élevé  de  la  ville  de  Jé- 
rusalem, iifin  que  l'on  pût  l'apercevoir  dfi 
loin,  et  il  l'acheva  en  deux  ans  avec  des  dé- 
penses prodigieuses.  Celte  masse  de  bâti 
ment,  en  y  comprenant  seulement  le  temple 
propiemenl  dit,  que  l'on  appelait  le  Saint, 
et, le  sanctuaire  nommé  le  Saint  des  saints, 
ou  le  lieu  saint  par  excellence,  avec  cent 
cinquante  pieds  de  long  et  autant  de  large, 
ce  qui  est  au-dessous  de  plusieurs  de  nos 
églises  modernes.  On  ne  concevrait  pas 
qu'un  édifice  d'une  gr.indeur  aussi  médiocre 
eût  occupé  cent  soixante  mille  ouvriers  pen- 
dant deux  ans  comme  quelqui-s  auteurs  le 
rapportent  ;  mais  il  faut  se  souvenir  que  les 
deux  cours  ou  parvis  qui  environnaient 
le  temple  était  censées  en  faire  partie,  que  la 
cour  extérieure  qui  renfermait  le  tout,  était 
un  carré  de  1750  pieds  de  chaque  côté, 
qu'elle  était  entourée  en  dedans  d'une  galerie 
soutenue  de  trois  rangs  de  colonnes  dans 
trois  de  ses  côtés,  et  de  quatre  rangs  au 
quatrième;  que  c'était  là  qu'étaient  les 
a|ipartements  destinés  à  loger  les  prêtres  et 
les  lévites  pendant  le  temps  qu'ils  exerçaient 
leurs  fonctions,  et  à  renfermer  les  vases  , 
les  meubles  et  les  provisions  nécessaires  au 
culte  religieux.  L'auteur  des  Paralipomènes, 
1.  1,  c.  m,  dit  que  la  seule  dépense  des  dé- 
corations du  Saint  des  saints,  qui  était  un 
édifice  de  trente  pieds  en  carré  et  de  trente 
pieils  de  haut,  montait  à  six  cents  talents 
d'or.  Mais  il  faut  faire  attention  qu'il  est  ici 
question  du  talent  de  compte,  et  non  du  ta- 
lent de  poids.  Ainsi  toutes  les  supputations 
que  l'on  a  faites  pour  évaluer  les  énormes 
richesses  amassées  par  David  et  employées 
par  Salomon  pour  la  construction  du  temple, 
peuvent  être  bien  fautives.  Les  incrédules, 
qui  en  ont  conclu  que  cette  quantité  de  ri- 
chesses est  incroyable  et  impossible,  ont 
raisonné  sur  une  fausse  supposition.  Nous 


Gi9 


TEM 


TE  M 


050 


voyons  seulement  par  l'Ecriture  que  l'or 
était  prodigué  dans  ci*  temple.  Le  sanctuaire 
ou  Saint  des  saints  occupail  la  partie  orien- 
tale (lu  temple  proprement  dii;  au  milieu 
était  l'arche  d'alliance.  l'".llo  était  surmon- 
tée de  deux  chéi  uliins  de  quinze  pieds  de 
haut ,  leurs  ailes  étendues  remplissaient 
toute  la  largeur  du  sancluaire.  Comme  il  est 
souvent  dit  dans  l'Ecriture  que  Dieu  est  as- 
sis sur  les  chérubins,  on  présume  qu'ils  Ibr- 
iiialent  une  espèce  de  trône;  m.iis  l'hébreu 
clieriibim  ne  signifie  pas  toujours  les  chéru- 
bins de  l'arche.  Voy.  CiiÉRUiiiiN.  Nous  avons 
dit  dans  l'article  précédent,  §  2,  ce  que 
renfermait  le  Saint,  nu  le  reste  de  l'espace 
du  temple  intérieur.  L'auteur  des  Paialipo- 
mènes,  I.  Il ,  c.  vu,  v.  1,  pour  exprimer  l'é- 
clat et  la  maf-nificence  de  cet  édilice,  dit  (]ue 
la  miijesié  du  Seiijneur  remplissuit  son  tem- 
ple, et  qu'au  moment  de  sa  dédicace  les  prê- 
tres mêmes  ,  frappés  d'élonnemont  ,  n'o- 
saient pas  y  entrer.  L'aniliition  de  Salomoa 
avait  été  que  ce  temple  n'eût  rien  de  sem- 
blable dans  l'univers;  plusieurs  auteurs 
profanes  sont  convenus  qu'il  était  très-beau: 
ils  n'avaient  cepenilant  vu  (lue  le  second 
temple,  rebâii  après  la  captivité  de  lîaby- 
lone,  dont  la  magnificence  n'approchait  pas 
de  celui  de  Salomon,  quoiqu'il  fût  recons- 
truit sur  les  mêmes  fondements. 

Plusieurs  auteurs  se  sont  appliqués  à 
donner  la  description  de  cet  édifice  célèbre; 
Reland,  Antic/.  sacice  ret.  Ilebr.^  i"  part., 
c.  6  et  7;  l'rideaus,  Ilist.  des  Juifs,  sous 
l'an  535  avant  Jésus-Christ,  t,  I,  p.  88;  le  P. 
Lami,  Jntrod.  à  l'é(ude  de  V  Ecriture  sainte; 
dom  Calmet,  Dissert,  sur  les  temples  des  an- 
ciens, n.  18;  Bible  d'Avignon,  t.  IV  p.  /i-22, 
iiiiiis  surtout  Villalpand,  dans  son  Comment. 
sur  Ezér.hiel,  dont  l'ouvrage  est  extrait  dans 
les  Prolégomènes  de  la  Polyglotte  île  Wallon: 
c'est  ce  dernier  qui  a  servi  de  guide  aux  au- 
tres. Comme  ce  (|ue  les  rabbins  en  ont  dit 
est  tiré  du  Talmud.  qui  a  été  composé  long- 
temps après  la  ruine  du  temple,  ou  ne  peut 
pas  y  donner  confiance.  Il  n'est  pas  éton- 
nant que  ces  divers  écrivains  ne  s'accordent 
pas  dans  tous  les  détails;  il  y  a  beaucoup 
île  choses  qu'ils  n'ont  pu  deviner  que  par 
conjecture. 

Mais  ce  bâtiment  superbe  essuya  depuis  sa 
construction  plusieurs  malheurs  ;  il  fut  pillé 
sous  le  règne  di'  Koboam,  fils  de  Salomon, 
par  Sésac,  roi  d'Egypte.  L'impie  Acliaz,  roi 
de  Juda,  le  fit  fermer  ;  .Man.issès  son  fils  en 
tu  un  lieu  d'idolâtrie;  enfin,  l'an  .'>98  avant 
Jésus-Christ,  sous  le  règne  de  Sédécias,  Na- 
buchodonosor ,  roi  de  Babylune,  s'étant 
rendu  maître  de  Jérusalem,  ruina  entière- 
uicut  le  temple  de  Salomon,  eu  enleva  toutes 
les  richesses  ,  et  les  transporta  à  Habylone. 
Cette  destruction  avait  été  prédite  aux  Juifs 
par  Jéréiuie;  mais  ces  insensés  se  persua- 
daient que  Dieu  ne  consentirait  jamais  à  la 
ruine  d'un  édilice  consacré  à  son  culte;  cl  à 
tontes  les  menaces  du  prophète  ils  ne  répon- 
daient autre  chose  que  le  temple  de  Dieu,  le 
temple  du  Seigneur,  Jereui..  c.  vu,  v.  à, 
comme  si   ce  temple  avait  dû   les  mettre  à 

UiCT.  1>E  ThKOL.  DOliMATiyUE.  IV. 


couvert  de  tous  les  châtiments.  Cependant 
il  demeura  enseveli  sous  ses  ruines  pondant 
52  ans,  jusqu'à  la  première  année  du  règne 
de  Cyrus  à  Babylone.  Ce  prince,  l'an  530, 
avant  Jésus-Chrisl,  permit  aux  Juifs  captifs 
dans  ses  Etats  de  retourner  à  Jérusalem,  de 
rebâtir  le  temple,  et  leur  fit  rendre  les  ri- 
chesses qui  en  avaient  été  enlevées;  cette 
reconstruction  fut  <'nlreprise  par  Zoroba- 
bel,  et  ensuite  interrompue;  cependant  le 
temple  fut  achevé  el  la  dédicace  s'en  ût  l'an 
51(j  avant  Notre-Seigneur,  la  septième  année 
du  règne  de  Darius,  fils  d'IIystispe.  Ce  se- 
cond temple  fut  pillé  et  profané  par  Antio- 
chus,  roi  de  Syrie,  l'an  171  avant  notre  ère; 
il  en  enleva  là  valeur  de  dix-huit  cents  ta- 
lents d'or;  trois  ans  après,  Jud.is  .Machabée 
le  purifia  et  y  rétablit  le  culte  divin.  Pom- 
pée s'étant  rendu  maître  de  Jérusalem, 
G3  ans  avant  la  n;iissancede  Jésus-Christ, 
entra  dans  le  temple,  en  vit  toutes  les  ri- 
chesses, et  se  fit  un  scrupule  d'y  toucher. 
Neuf  ans  après,  Crassus,  moins  religieux, 
en  fit  un  pillage  qui  fut  estimé  à  près  de 
cinquanic  raillions  de  notre  monnaie.  Hé- 
rode,  devenu  roi  de  la  Judée ,  répara  cet 
édifice  qui  depuis  cinq  cents  ans  avait  beau- 
coup soulïi'rt,  soii  par  les  ravages  des  enne- 
mis des  Juifs,  soit  parles  injures  du  temps. 
Enfin  il  fut  réduit  en  cendres  et  rasé  à  la 
prise  de  Jérusalem  par  Titus.  Ainsi  fut  ac- 
complie la  préliclion  de  Jésus-Christ,  qui 
avait  assuré  qu'il  n'en  resterait  pas  pierre 
sur  pierre,  Malth.,  c.  xxm,  v.  38,  etc.,  et 
celle  de  Daniel,  o.  ix,  v.  27.  Les  Juifs  entre- 
prirent de  le  rebàlir  sous  le  règne  dWdrien, 
l'an  t3V  de  Jésus-Christ  ;  cet  empereur  les  en 
en)pêcha,  et  leur  défendit  d'approcher  de  Jé- 
rusalem et  de  la  Judée.  Ils  recommencè- 
rent  vers  l'an  320  sous  Constantin  ;  ce 
prince  leur  fit  couper  les  oreilles  et  impri- 
nur  une  marque  de  rébellion,  et  renouvela 
contre  eus  la  loi  d'Adrien.  Enfin  ils  y  furent 
excités  par  l'empereur  Julien,  l'an  363,  et 
ils  furent  forcés  d'y  renoncer  par  des 
tourbillons  de  feu  qui  sortirent  de  terre  et  • 
renversèrent  leurs  travaux.  Ce  miracle  est 
rapporté  en  ces  termes  par  Ainmien  Mar- 
cellin,  officier  dans  les  troupes  de  Juiien, 
contemporain  de  l'événement,  et  qui  n'était 
l)ris  chrétien:  «  Julien,  pour  éterniser  la  gloire 
de  son  règne  par  quelque  action  d'eciat,  en- 
treprit de  rétablir  à  grands  frais  le  fa- 
meux temple  de  Jérusalem,  qui,  après  plu- 
sieurs guerres  sanglantes,  n'avait  été  pris 
qu'avec  peine  par  Vespasien  et  par  Titus. 
Il  chargi-a  du  soin  de  cet  ouvrage  Aly- 
pius  d'.Vnlioche,  qui  av.iit  gouverné  antre- 
fois  la  Bretagne  à  la  place  des  prélets. 
Pend  ml  qu'Alypius  et  le  gouveriti  ur  de  la 
province  employaient  tous  leurs  efforts  à  le 
faire  réussir,  d'eliroyables  tourbillons  de 
flammes,  qui  sortaient  par  élancements  des 
endroits  contigns  :iiix  fondements,  brûlèrent 
les  ouvriers  et  rendirent  la  place  inaccessi- 
ble. EnGii,  ce  feu  persistant  avec  une  espèce 
d'opiniâtreté  à  repousser  les  ouvriers,  on 
fut  forcé  d'abandonner  l'entreprise.  »  llist.. 
I.   xxm,   chap.    1.  Cette  n;irration   ne   peu 

2i 


Oui 


TEM 


être  suspeclo  à  aucun  ogard.  Julien  lui- 
même  coiiviont  de  ce  fait  dans  le  fragment 
d'un  de  ses  discours,  qui  a  été  recueilii  par 
Spauheim,  Juliani  Op.,  p.  293,  où  cet  empe- 
reur pariant  des  Juifs  s'exprime  ainsi  : 
«Que  diront-ils  de  leur  temjjle,  qu\,  après 
avoir  été  renversé  trois  fois,  n'a  pas  encore 
été  rélal)li?  Je  ne  prétends  point  par  là  leur 
faire  un  reprociie,  puisque  j'ai  voulu  moi- 
même  rebâtir  ce  temple,  ruiné  depuis  si 
longtemps,  à  l'honneur  du  Dieu  qui  a  élé 
invoqué.  »  Il  n'est  pas  élonnaal  que  Julien 
garde  le  silence  sur  l'événement  qui  l'a  em- 
pêché d'exécuter  son  dessein.  Les  Juifs 
l'ont  avoué  plus  clairement.  Wagenseil, 
Tela  iijnea  Satanœ,  p.  231,  rapporte  le  té- 
moignage de  deux  rybbins  célèbres.  L'un 
est  K.  David  Ganz-Zemach,  iv  part.,  p.  36, 
qui  dit:  «  L'empereur Jalicn  ordonna  de  ré- 
tablir le  saint  temple  avec  mugniGcence,  et 
en  fournil  les  frais.  Mais  il  survint  du  ciel 
un  empêchement  qui  lit  cesser  ce  travail, 
parce  que  cet  empereur  périt  dans  la  guerre 
des  Perses.  »  Ce  juif  dissimule  le  miracle, 
mais  un  autre  a  été  de  meilleure  foi  ;  U. 
Gedaliah  Schalschelet-Hakkabala  ,  p.  109, 
dit:  «  Sous  rabbi  Glianan  et  ses  collègues, 
vers  l'an  4J37  du  monde,  nos  annales  rap- 
porlent  qu'il  y  eut  un  grand  tremblement 
de  terre  dans  l'univers,  qui  fit  tomber 
le  temple  que  les  Juifs  avaient  bâti  à  Jéru- 
salem par  onlre  de  l'empereur  Julien  l'A- 
postat, avec  une  grande  dépense.  Le  lende- 
main il  tomba  beaucoup  de  feu  du  ciel,  qui 
fondit  lis  ferrements  de  cet  édiflco,  et  qui 
brûla  un  Irès-granil  nombre  de  juifs.  »  Ce 
récit  est  coiifcsrme  à  celui  d'Ammien  i\ïar- 
cellin.  Le  célèbre  P.  Morin  de  l'Oratoire, 
Exercit.  Bibl.,  p.  333,  rapporte  un  troisiè- 
me passage  des  juifs,  tiré  du  Beresilh  rabba, 
on  du  grand  Co  i  mentaire  sur  la  Genèse.  Li- 
banius,  sophiste  et  orateur  païen,  prétend 
que  la  moit  de  Julien  fut  présagée  par  des 
tremblements  de  terre  arrivés  dans  la  Pales- 
tine, de  Vila  sua.  Trois  Pères  de  l'Eglise, 
coiiiemporaiiis  de  l'empereur  Julien,  rap- 
portent le  miracle  arrivé  à  Jérusalem,  com- 
me un  fait  public,  connu  île  tout  le  monde 
elinilubtiable.  Saint  Jean  Chrysoslome,  dans 
ses  Homélies  contre  les  Juifs,  qu'il  prononça 
à  Anlioclie  l'an  287,  2'i-  ans  après  l'événe- 
ment, prend  ses  auditeurs  à  témoin  de  la 
vérité  ;  il  invile  ceux  qui  voudraient  en  dou- 
ter, à  en  aller  voir  les  vestiges  sur  le  lieu 
même.  On  n'avait  pas  pu  ignorer  à  Anlio- 
clie ce  qui  s'était  passe  à  Jérusalem  vingt- 
quatre  ans  auparavant.  Saint  Ambioise,  l'an 
388,  en  rappelle  le  souvenir  à  l'empereur 
'J  héoduse ,  pour  l'empêcher  d'obliger  les 
chrétiens  à  rebâtir  un  temple  des  païens, 
Episl.  40.  Saint  Grégoire  de  Nazianze,  Omt. 
k,  raconte  ce  miracle  avec  toutes  ses  cir- 
conslanies  ;il  vivait  dans  l'Orient,  et  il  avait 
pu  les  a|iprcndre  dc"  témoins  oculaires; 
son  discours  sur  ce  sujet  peut  avoir  élé  écrit 
avant  ceux  de  sain!  Jean  Chrysoslome.  Ku- 
fin,  Socrale,  Sozoméne,  Théodoret,  qui  ont 
vécu  dans  le  siècle  suivant,  en  parlent  com- 
me d'uu  fait  duquel  persouue  n'avait  jamais 


TEM  052 

douté;  une  infinité  d'autres  historiens  plus 
récents  n'ont  fait  que  copier  les  anciens. 
Parmi  les  écrivains  modernes,  plusieurs  se 
sont  attachés  à  prouver  ce  miracle  et  à  faire 
voir  que  le  témoignage  des  contemporains 
que  nous  avons  cités  est  à  l'abri  des  objec- 
tions de  la  critique;  mais  aucun  ne  l'a  fait 
avec  autant  d'exactitude  et  de  succès  que 
Warburthon,  dont  l'ouvrage  a  été  traduit  en 
français  sous  ce  litre:  Dissertation  sur  let 
tremblements  de  terre  et  les  éruptions  de  feu 
qui  firent  échouer  le  projet  formé  par  l'empe- 
reur Julien,  de  rebâtir  le  temple  de  Jérusalem, 
Paris,  17G4,  2  vol.  in-12.  Cet  auteur  exa- 
mine en  particulier  chacun  des  témoignages 
que  nous  avons  cités,  et  répond  aux  objec- 
tions de  Basnage.qui  a  voulu  rendre  dou- 
teux ce  fait  iiiiporlanl.  Il  aurait  résolu  avec 
autant  de  facilité  celles  que  le  docteur 
Lardner  a  faites  en  dernier  lieu  contre  ce 
même  événement.  Il  n'est  pas  étonnant  que 
quelques  incrédules  de  nos  jours  l'aient  at- 
taqué; ils  n'y  ont  opposé  que  des  conjectu- 
res el  des  piul-être.  Si  l'on  est  surpris  de  ce 
que  deux  protestants  leur  ont  fi)urni  ces  fai- 
bles armes,  il  faut  faire  attentioi)  que  le  mi- 
racle arrivé  sous  Julien  est  presque  aussi 
incommode  aux  uns  qu'aux  autres.  Eu  ef- 
fet, s'il  était  vrai  qu'au  iv°  siècle  le  christia- 
nisme avait  beaucoup  dégénéré,  que  les  suc- 
cesseurs des  apôtres  en  avaient  altéré  la  doc- 
trine et  le  culte,  qu'il  était  déjà  infecté  d'ido- 
lâtrie par  les  honneurs  rendus  aux  saints, 
aux  images  et  aux  reliques,  comme  le  pré- 
tendent les  proleslauls,  Dieu  aurait-il  fait 
un  miracle  éclatant  eu  faveur  de  cette  reli- 
gion ainsi  corrompue,  miracle  qui  confir- 
mait les  chrétiens  dans  la  croyance  que  l'E- 
glise professait  pour  lors?  Nous  ne  concevons 
pas  comment  les  écrivains  protestants  qui 
ont  soutenu  la  réalité  de  ce  prodige,  n'ont 
fait  aucune  réflexion  sur  ses  conséquences. 

Nous  ne  nous  arrêterons  pas  loiiglemps 
à  réfuter  les  objections  des  incrédules  el  des 
critiques  pointilleux;  la  plupart  ne  méritent 
aucune  attention.  Hs  objectent,  l°que  l'E- 
criture n'a  pas  dit  que  le  temple  ne  serait 
jamais  rebâti;  Jésus-Christ  ne  l'a  pas  dé- 
fendu :  qu'importait  à  Dieu  qu'il  le  fût  ou 
non?  —  Réponse.  Jésus-Christ  avait  prédit 
qu'il  n'en  resterait  pas  pierre  sur  pierre,  et 
Daniel  avait  prophétise  que  la  désolation 
ou  la  ruine  de  ce  sanctuaire  durerait  jus- 
qu'à la  fin  ;  il  ne  faut  pas  séparer  ces  deux 
prédictions.  Il  importait  à  Dieu  de  les  véri- 
fier pleinement,  de  confondre  les  efl'orls  d'un 
empereur  apostat  qui  voulait  les  rendre 
fausses,  de  confirmer  ainsi  la  foi  des  fidè- 
les, et  de  renverser  les  folles  espérances  des 
Juifs.  Socrate,  Hisl.  ecclés.,  I.  m,  c.  20,  rap- 
porte que  saint  Cyrille,  évêque  de  Jérusa- 
lem, voyant  commencer  celte  entreprise,  as- 
sura les  chrétiens,  sur  la  foi  de  la  prophétie 
de  Daniel,  que  ce  projet  ne  réussirait  pas, 
et  sa  prédiction  fut  accomplie  la  nuit  sui- 
vante. 

2°  Ammien  Marcelliu  était  un  militaire 
peu  instruit  et  crédule  à  l'excès  :  il  a  rap- 
porté plusieurs  autres  faits  évidemment  fa- 


fio5  TEM 

l)ulcu\;  d'ailleurs  ce  (|u'il  a  dit  du  luiraclu 
de  Jérusalem  est  peul-êlre  un.!  interpolation 
des  chrétiens.  —  Réponse.  Il  n'était  pas  né- 
cessaire d'être  fort  instruit  pour  rapporter 
un  éténenieut  éclalaiit,  pulilic,  sensible, 
frappaiil,  tel  que  celui-ci,  les  fables  que 
cet  historien  raronte  un  sont  pas  de  cette  es- 
pèci-;  ce  ne  sont  pas  des  laits  aussi  aisés  à 
constater.  Si  les  chrétiens  ont  interpolé  son 
histoire,  il  faut  <|u'ils  aient  altéré  aussi  le 
fragment  de  Julien,  le  récit  de  LIbanius  et 
celui  de  deux  auteurs  Juifs  ;  que  saint  Jea:i 
Chr\  sostome  ait  perdu  toute  pudeur  en  pre- 
nant ses  auditeurs  à  témoin  du  fait,  et  en  in- 
vitant ceux  qui  en  douteraient  ù  eu  aller 
voir  les  vestiges. 

3°  Saint  Jérôme ,  Prudence  ,  l'historien 
Orose,  n'eu  parlent  pas  ;  il  j  eut  dans  ce 
Iciiips-là  des  tremblements  de  terre  ailleurs 
(lue  dans  la  P.ilesline,  et  ce  n'étaient  pas  des 
miracles.  —  Réponse.  Le  silence  de  trois 
auteurs  ne  prouve  rien  contre  le  témoignage 
nosilif  de  dis  ou  douze  autres  qui  étaient 
bien  itifuruié^  ,  et  dont  plusicuis  avaient 
intérêt  a  n'en  rien  dire,  lels  ((ue  Julien  et 
les  Juifs  que  nous  av.ns  cilés.  Suivant  le  ré- 
cil  d'AmiuJen  Marcellin,  les  autres  tremble- 
nieiils  de  lirre  n'arrivèrent  que  ()uiiize  ou 
dis-huit  mois  après  celui  de  Jéiusale  n,  ils 
ne  furent  point  aecomp  ignés  d'éru,tliuns  de 
flammes  sorties  du  sein  de  la  terre,  ni  d  au- 
tres circonstances  que  Ion  remarque  dans 
celui-ci,  et  ()ui  prouvent  que  ce  prodige  ne 
fut  ni  un  événeuienl  naturel  ni  un  cas  for- 
tuit. 

4"  Il  est  vraisemblaitie  qie  Julien,  qui 
avait  besoin  d'argent  pour  faire  la  guerre 
aux  I*et-es,  en  reçut  des  Juifs  pour  qu'il 
leur  permit  de  rebâtir  leur  temple,  ((u'illeur 
promit  Si  ulement  d'y  faire  travailler  après 
son  retour  ;  ce  projet  devait  naturellement 
périr  avec  lui;  un  miracle  ne  l'ut  donc  pas 
nécessaire.  Celui-ci  ne  servit  à  rien,  puis- 
qu'il ne  convertit  ni  les  Juifs  ni  les  païens. 
—  Réponse.  Un  l'ail  n'est  plus  vraiseuiblabic 
dès  qu  ii  est  contredit  par  le  tén>oignage  de 
plusieurs  écrivains  lileu  informés,  et  entre 
lesquels  il  n'a  point  pu  y  avoir  de  collusion. 
Les  Juifs  n'aliendircul  pas  l'éviii' ment  de 
la  guerre  des  Perses  pour  commencer  les 
travaux,  et  Jolien  ne  leur  avait  pas  f.iil  une 
simple  promesse,  puisqu'il  avait  chargé 
Al^plns  du  soiu  de  celte  enln^prise,  et  que 
le  miracle  précéda  la  nouvelle  (]ue  l'on  re- 
çut de  la  mort  de  Juliei:,  co.iime  Lilianius 
l'a  remarque.  Ce  ire>i  point  à  nous  de  juger 
dans  quelle-,  circoiisiances  Dieu  doit  ou 
lie  do  t  pas  faire  iies  miracles,  et  II  n'est 
pas  vrai  (|u'ils  soient  inutiles,  dès  qu'ils  ne 
servent  pas  à  convertir  des  incrédules  opi- 
niâtres, il  est  constant  que  celui-ci  servit  à 
augmenter  les  progrès  du  christianisme 
après  la  mort  de  Julien.  Vainement  l'on 
ajoute  que  les  chréiieiis  l'ont  surchargé  de 
circonstances  fabuleuses;  Warbiirthon  a 
fait  voir  que  les  circonstances  rapportées 
par  les  écrivains  occlésiasliques  étaient  des 
etVets  assez  ordinaires  de  la  chute  de  la  fou- 
dre et  des  éruptions  de  feux    souterrains. 


TKM 


6Si 


Les  soupcjons,  les  conjectures,  les  accusa- 
tions hasardées  des  incrédules  ne  sont  donc 
fondées  que  sur  leur  entêtement  et  sur  Icu;- 
prévention  contre  les  miracles  en  général. 

Temple  des  Chrétiens.  Voy.  Eglise,  Ba- 
silique 

Temple  des  pa'i'iîns.  Au  mol  Temple  eu 
général,  nous  avons  fait  voir  que  les  païens 
n'ont  coiuinencé  à  en  bâtir  de  solides  et  de 
couverts,  que  quand  ils  ont  pris  la  coutume 
de  représenter  leurs  dirux  par  des  statues 
ou  des  idoles.  La  plupart  de  ces  simulacres 
n'étant  faits  que  de  terre,  de  plâtre  ou  de 
bois,  il  fallut,  pour  les  conserver,  l.es  met- 
tre à  l'abri  des  injures  de  l'air.  Comme  les 
païens  étaient  persuadés  que  ces  statues 
étaient  animées  par  le  dieu  qu'elles  repré- 
senlaient,  et  qu'il  venait  y  habiter  dès  qu'el- 
les étaient  consacrées,  les  apologistes  chré- 
tiens et  les  Pères  de  l'Kglise  n'ont  pas  eu- 
tort  de  dire  aux  païens  que  leurs  dieux 
avaient  besoin  de  maison  et  de  couverture, 
pour  ne  pas  être  exposés  aux  intempéries 
des  saisons  Foy.  Idolatuie.  Ces  temples, 
loin  d'être  propres  à  inspirer  la  vertu,  la 
piété,  le  respect  envers  la  Divinité,  sem- 
blaient uniquement  destinés  à  porter  les 
lioinmes  au  crime.  La  plupart  des  idoles 
étaient  des  nudités  scandaleuses,  les  dieux 
étaient  représ  ntés  avec  les  symboles  des 
aventures  et  des  vices  que  les  fables  de; 
poètes  leur  attribuaient;  Jupiter  avec  l'aigle 
qui  avait  enlevé  tianymède,  Junon  avec  L- 
paon  qai  caractérisait  l'orgueil,  \énus  avec 
tout  l'appareil  de  la  lubricité,  Mercure  avec 
la  bourse  qui  tentait  les  voleurs,  etc.  Athé- 
née nous  apprend  que  les  artistes  grecs,  pour 
peindre  les  déesses,  avaient  emprunté  les 
traits  des  plus  célèbres  courtisanes.  Dans 
plusieurs  temples,  la  prostitu'.ion  et  le  cri- 
me contre  nature  étaient  pratiqués  pour 
honorer  les  dieux;  ou  y  exerçait  les  diffé- 
rentes espèces  de  divination,  l'on  y  olTiait 
souvent  des saerifices cruels  et  abominables. 
Ce  sont  des  faits  attestés  non -seulement 
par  les  écrivains  sacrés  et  p  ir  les  Pères  de 
l'Eglise,  mais  encore  par  les  auteurs  profa- 
nes. Mém.  de  l'Acad.  des  Inscripl.,  tome 
LXX,    in  12,    pag.  90    ei^uiv.    Voy.  àîys- 

TÎiRES    DES     PAÏliNS,     PAGANISME,    SACHIFiCES, 

§  3,  etc. 

Constantin  ,  converti  au  christianisme.  Ht 
détruire  les  principaux  temples  dans  lesquels 
se  commettaient  ces  desordres  ,  il  lais-a 
subsister  les  autres.  ïhéodose  le  Jeune, 
parvenu  à  l'empire  l'an  i08 ,  les  fil  démolir 
tous  dans  l'Orient;  Ilunorius,  son  oncle,  se 
contenta  de  les  faire  fermer  dans  I  Orcident  ; 
il  crut  qu'il  fallait  les  conserver  comme  des 
monuments  de  la  magniiiccnce  romaine. 
Dans  plusieurs  endroits  ces  édifices  fnrenl 
purifiés  et  changés  en  églises;  le  culte  du 
vrai  Dieu  y  fut  substitué  au  culte  impur  des 
idoles.  Ainsi  en  agirent  Théodose  le  tîrand 
à  l'égard  du  temple  d'ileliopo  is  ,  l'an  379  ; 
Valeus  ,  vers  ce  même  temps  ,  au  sujet  du 
leiuple  d'une  ile  dont  tous  les  habitants  s'é- 
taient convertis.  L'an  39:) ,  sous  le  règne 
d'ilonorius ,  l'évê  juo  de  Carthago  ,  Aurélius, 


est) 


TEM 


TEM 


6b() 


fil  un  pareil  usage  du  temple  d'Ui  anie  ,  et  en 
108,  ce  même  empereur  défendit  de  détruire 
les  temples  dans  les  villes  ,  parce  qu'ils  pou- 
vaient servir  à  des  usages  publics.  Bingham, 
Orig.  ecclés.,  l.  viii,  c.  2,  §  k.  Lorsque  les 
Saxons  Anglais  se  convertirent,  saint  Gré- 
goire le  Grand  écrivanl  au  roi  Kihelbcrt , 
l'exliorla  à  détruire  les  temples  des  idoles, 
I.  II ,  Epist.  66.  Mais  dans  une  litlre  posté- 
rieure qu  il  écrivit  à  saint  Mellit,  il  permit 
de  les  changer  en  églises  ,  Ëpist.  7G.  Déjà 
l'an  607  le  pape  Boniface  IV  avait  fait  puri- 
fier à  Home  le  Panthéon,  et  l'avait  dédié  à 
l'invocation  de  la  sainte  Vierge  et  de  tous  les 
martyrs;  c'est  encore  aujourd'hui  l'un  des 
plus  somptueux  édifices  de  Rome.  11  en  a 
élé  de  même  du  temple  de  Minerve ,  de  celui 
de  la  Fortune  virile  et  do  quelques  autres. 

Pendant  les  trois  premiers  siècles ,  les 
païens  objectèrent  souvent  aux  chrétiens 
qu'ils  n'avaient  ni  temples,  ni  autels,  ni  sa- 
crifices, ni  fêtes  ;  nos  apologistes  répondaient 
que  toutes  ces  choses  matérielles  n'étaient 
pas  dignes  de  la  majesté  divine  ;  que  le  vrai 
temple  de  la  Divinité  était  l'âme  d'un  homme 
de  bien  ,  que  les  chrétiens  offraient  en  tout 
temps  et  en  tout  lieu  des  sacrifices  de  louange 
sur  les  autels  de  leurs  cœurs  allunjcs  par  le 
feu  de  la  charité;  que  les  vrais  chrétiens 
étaient  toujours  en  fête  par  le  repos  de  la 
bonne  conscience  ,  et  par  la  joie  que  leur 
donnait  l'espérance  du  ciel.  Clem.  Alex. 
Stromat.,  liv.  vu,  ca|).  3,  6,  7.  Il  ne  s'ensuit 
pas  de  là  que  les  chrétiens  n'avaient  pas  en- 
core des  églises  ou  des  lieux  d'assemblées  , 
mais  ces  églises  ne  ressemblaient  en  rien 
aux  temples  du  paganisme  ;  ils  avaient  des 
autels  ,  puisque  saint  Paul  le  dit ,  et  qu'il  les 
nomme  aussi  la  table  du  Seigneur  ;  ils  of- 
fraient un  sacrifice  qui  est  l'eucharistie  ;  ils 
célébraient  des  fêles,  surtout  celle  de  Pâques, 
tous  les  dimanches  et  le  jour  de  la  mort  des 
martyrs.  Mais  il  aurait  élé  inutile  ,  et  c'au- 
rait été  une  imprudence  d'entrer  dans  ce  dé- 
tail avec  les  païens,  ils  n'y  auraient  rien 
compris;  tout  cela  ne  fut  mis  au  grand 
jour  qu'au  iv°  siècle  ,  lorsque  Constantin 
eut  donné  la  paix  à  l'Eglise  et  autorisé  la 
profession  publique  du  christianisme.  Voy. 
Autel  ,  Eglises  ,   Eucharistie  ,  Fêtes  ,  etc. 

TEMPLIERS ,  chevaliers  de  la  milice  du 
temple.  L'ordre  des  templiers  est  le  premier 
de  tous  les  ordres  militaires  et  religieux  ,  il 
commença  vers  l'an  1118  à  Jérusalem.  Hu- 
gues de  Paganès  ou  des  Païens  ,  et  Geoffroi 
de  Saint-Adémar  ou  de  Sainl-Omer,  en 
furent  les  fondateurs  ;  ils  se  réunirent  avec 
six  ou  sept  autres  militaires  pour  la  défense 
du  saint  sépulcre  contre  les  infidèles ,  et  pour 
proléger  les  pèlerins  qui  y  abordaient  de 
toutes  parts.  Baudouin  11,  roi  de  Jérusalem, 
leur  prêta  une  maison  située  auprès  de  l'é- 
glise que  l'on  croyait  être  bâtie  au  même  lieu 
que  le  temple  de  Salomon  ;  c'est  de  là  qu'ils 
prirent  le  nom  de  templiers:  de  là  vint  aussi 
que  l'on  donna  dans  la  suite  le  nom  de  tem- 
ple à  toutes  leurs  maisons.  Ils  furent  encore 
nommés  d'abord  ,  à  cause  de  leur  indigence, 
les  pauvres  de  la  suinte  cité;  conmie  ils  ne 


vivaient  que  d'aumônes,  le  roi  de  Jérusalem, 
les  prélats  et  les   grands   leur   donnèrent  à 
l'envi  des  biens  considérables.    Les   huit  ou 
neuf  premiers   chevaliers    firent    entre    les 
mains  du  patriarche  de  Jérusalem   les   trois 
vœux  solennels  de  religion  ,  auxquels  ils  en 
ajoutèrent  un  qu:iti  ième  ,  par  lequel  ils  s'o- 
bligeaient à  défcîîdre  les  pèlerins  ,  et  à  tenir 
les  ciiemins  libres  pour  ceux  qui  enlrepren- 
dr^ii-nt  le  voyage  de  la  terre  sainte.  Mais  ils 
n'agrégèrent  personne  à  leur  société  qu'en 
1128.  Il  se  tint  alors  un  concile  à  Troyes  en 
Champagne  ,  présidé  par  le   cardinal    Mat- 
thieu ,  évêque  d'Albe  et  légat  du  pape  Hono- 
rius  II.  Hugues  des  Païens  ,  qui  était  venu 
en  l''rance  avec  six  chevaliers  pour  solliciter 
des  secours  en  faveur  de  la  terre  sainte  ,  se 
présenta  à  ce  concile  avec  ses  frères ,  ils  de- 
mandèrent  une  règle  ;    saint    Bernard    fut 
chargé  de   la  dresser  :  il  fut  ordonné  qu'ils 
porteraient  un  habit  blanc  ;  et  l'an  1146  Eu- 
gène 111  y  ajouta  une  croix  sur  leurs  man- 
teaux. Les  principaux  articles  de  leur  règle 
portaient  (ju'ils  entendraient  tous   les  jours 
l'office  divin  ;  que  quand  leur  service  mili- 
taire les  en  empêcherait ,  ils  y  suppléeraient 
par  un  certain   nombre  de  Pater  ;  qu'ils  fe- 
raient maigre  quatre  jours  de  la  semaine  , 
que  le  vendredi  ils  n'useraient   ni   d'œufs  ni 
de   laitage,   que   chaque  chevalier  pourrait 
avoir  trois  chevaux  et  un   écuyer  ,   et  qu'ils 
ne  chasseraient  ni  à  l'oiseau  ni  autrement 
Cet  ordre   se  multiplia   beaucoup  eu  peu 
de  temps  ;    il  servit  la   religion  et  la  terre 
sainte  par  des  prodiges  de  valeur.  Après   la 
ruine  du  royaume  de    Jérusalem  ,    arrivée 
l'an  1186 ,  la  milice  des  templiers  se  répandit 
dans  tous  les  Etats  de  l'Europe,  elle  s'accrut 
extraordinaireuient ,    et   s'enrichit    par    les 
libér;ililés   des    souverains   et    des    grands. 
Matthieu  Paris  assure  que  dans  le  temps  de 
l'extinction  de  cet  ordre  en  l.'il2  ,  par  consé- 
quent en  moins  de  deux  cents  ans,  les  tem- 
pliers avaient  dans  l'Europe  neuf  mille  cou- 
vents ou  seigneuries.  De  si  grands  biens  ne 
pouvaient   manquer  de   les  corrompre  ;  ils 
commencèrent   à   vivre  avec   tout    l'orgueil 
qu'inspire    l'opulence,   et  à  se  livrer  à  tous 
les  plaisirs  que  se  permettent  les  militaires 
lorsqu'ils  ne  sont  pas  retenus  par  le  frein  de 
la  religion.  Dans  la  Palestine  ils  refusèrent 
de  se  soutnetlre  aux  patriarches  de  Jérusalem 
qui  avaient  été  leurs  premiers  Pères  ;  ils  en- 
vahirent les  biens  des  églises  ,   ils  se  lièr(!nt 
avec  les  infidèles  contre  les  princes  chrétiens, 
ils    exercèrent    le   brigandage   contre  ceux 
mêmes  qu'ils  étaient  chargés   de   défendre. 
En    France,  ils   se  rendirent   odieux  au    roi 
Philippe  le  Bel ,  par  leurs  procédés  insolents 
et  séditieux  ;   ils  furent  accusés  d'exciter   la 
mutinerie   du    peuple  et  d'avoir  fourni  des 
secours   d'argent   à   Boniface  VllI    diins  le 
temps  de  ses  démêlés  avec  le  roi.  Conséciuem- 
ment  ce  prince  résolut  de  les  délruire  ,  et  il 
en  vint  à   bout  ,  de  concert  avec   le    pape 
Clément  V  qui  résidait  en  France.  Ceux  qui 
voudront  voir  le  détail  et  la  suite  des  procé- 
dures  faites    contre   les  templiers,  peuvent 
consulter    V Histoire   de  VEijlise    gallicane, 


TEM 


6.18 


t.  XII ,  I.  XXXVI,  sous  l'an  l.'}11  ;  elles  y  sont 
rapporléos  avec  fiJélilc  el  avec  l'oxlrail  des 
actes  originaux  ;  l'auteur  paraît  avoir  ob- 
servé la  plus  exacte  impartialité. 

Le  plus  célèbre  des  iiicrédulos  de  notre 
siècle ,  qui  a  voulu  juslllicr  les  templiers, 
n'a  pas  at;i  avec  autant  de  circonspection  ; 
il  s'est  contenté  de  copier  Villani ,  auteur 
florciilin ,  ennemi  déclaré  de  Clément  V  el  de 
tous  les  papes  français,  el  non  moins  irrité 
contre  Philippe  li'  Bel,  à  cause  de  ses  démê- 
lés avec  Honiface  VIII.  Aussi  a-l-il  commencé 
par  laiie  le  portrait  le  |ilus  .lésavanta^eux 
de  ce  roi.  l'Jssai  sur  rHist.,c.  62.  C'était, 
dit-il,  un  prince  vindic:itif,  lier,  avide,  pro- 
digue, qui  cxtorquaii  de  l'ar  gent  par  toutes 
sortes  de  moyens;  il  fut  donc  animé  par  la 
venffeance  et  par  le  désir  de  mettre  dans  ses 
coffres  une  partie  des  ri  liesses  des  leinpliers. 
La  vérité  est  que  Philippe  le  Bel  ne  profita 
poinlile  leurs  dépouilles;  nous  le  prouverons 
par  des  témoignages  irrécusal)les  ;  la  lenteur 
et  les  précautions  que  l'on  mil  dans  les  pour- 
suites faites  contre  les  chevaliers  prouvent 
que  ce  roi  ne  se  conduisit  point  par  passion. 
L'apologiste  des  templiers  donne  à  entendre 
que  leurs  accusateurs  étaient  préparés  d'a- 
vance ;  c'est  une  imposture  :  ils  se  (rouvèreul 
par   hasard.  ' 

On  convient  que  ce  furent  deux  criminels 
détenus  dans  les  prisons  ,  dont  au  moins 
l'un  était  un  templier  apostat ,  qui  furent  les 
premiers  délateurs  ,  el  qui  espérèrent  par  là 
d'obtenir  leur  grâce  ;  mais  il  est  faux  que  , 
sur  cette  accusation  seule,  le  roi  ait  donné 
l'ordre  secret  d'arrêter  les  templiers  dans 
tout  son  royaume  :  un  auteur  du  temps  rap- 
porte qu'auparavant  Philippe  le  Bel  lli  arréicr 
et  inlerrogci'  plusieurs  templiers,  qui  confir- 
mèrent la  déposition  des  ueux  accusateurs 
dont  on  vient  de  parler,  el  qu'il  consulta 
des  théologiens.  Son  dessein  n'était  plus  se- 
cret, puisqu'avanl  le  24  août  1307  ,  le  grand 
maîtreel  plusieurs  des  principaux  chevaliers 
en  avaient  porté  des  plaintes  au  pape,  et 
avaient  demandé  que  le  procès  leur  fût  fait 
en  règle.  L'ordre  d'arrêter  tous  les  templiers 
ne  fut  exécuéque  le  13  octobre  suivant.  En 
supprimant  des  circonstances  essentielles  et 
ru  fylsKiant  les  dates ,  il  est  aisé  de  dénaturer 
tons  les  faits. 

Le  roi  ne  pouvait  se  dispenser  de  prendre 
celte  précaution  ;  sans  cela  les  templiers  au- 
raient pu  exciter  une  sédition ,  les  piles  cou- 
pables se  seraient  évades  ,  et  l'on  n'aurait 
pas  connu  les  vrais  motifs  qui  déterminaient 
le  roi  à  détruire  cet  ordre  qui  n'était  plus  ni 
soumis  au  souverain  ni  religieux  Le  lende- 
main de  l'emprisonnement  des  templiers,  le 
roi  fil  assembler  le  clergé  de  Paris  ,  el  le  1.5 
il  fit  convoquer  le  peuple,  et  l'on  rendit 
compte  en  public  des  accusations  formées 
contre  ces  chevaliers;  la  passion  n'a  pas 
coutume  de  procéder  si  régulièrement.  Ils 
étaient  accusés  ,  1'  De  renier  Jesus-Christ  à 
leur  réception  dans  l'ordre,  el  de  cracher 
sur  la  croix.  2°  De  commetlre  entre  eux  dos 
impudicités  abominables.  3°  D'adorer  dans 
leurs  chapitres  généraux  uue   idole  à  tête 


dorée  et  qui  avait  quatre  pieds.  4  De  prati- 
quer la  magie.  5'  Uc  s'obliger  à  un  secret 
impénétrable  par  les  serments  les  plus  af- 
freux. 11  est  certain,  disent  les  historiens, 
que  les  deux  premiers  articles  furent  avoués 
par  cent  quarante  des  accusés  ,  à  la  réserve 
de  trois   qui    nièrent  tout. 

Comme  Clément  V  agit  dans  toute  cette 
affaire  de  concert  avec  le  roi ,  l'apologiste 
des  templiers  fail  observer  que  ce  p.ipe  était 
créature  de  Philip(ie  le  Bel ,  et  cela  est  vrai; 
cependant  il  s'op|)osa  d'abord  aux  poursui- 
tes commencées  contre  ces  religieux  militai- 
res ,  et  il  écrivit  au  roi  des  lettres  très- fortes 
à  ce  sujet  ;  il  ne  consentit  à  la  continuation 
des  procédures  qu'après  avoir  interrogé  lui- 
même  à  Poitiers  soixante-douze  chevaliers 
accusés  ,  el  ce  n'est  que  d'après  leur  confes- 
sion qu'il  fut  convaincu  de  la  vérité  des  faits. 
Mais  il  est  faux  qu'il  ait  disputé  au  roi , 
comme  le  dit  l'apologiste,  le  droit  de  pu- 
nir ses  sujets.  Il  abandonna  le  jugement  et 
la  punilion  des  particuliers  à  des  commis- 
saires ,  et  il  se  réserva  de  statuer  sur  le  sort 
de  r(.rdre  entier  ,  parce  que  c'était  le  droit 
du  saint  siège.  Jusque-là  nous  ne  voyons 
rien  d'irrégulier.  Ln  conséquence  il  y  eut 
des  commissaires  nommés  et  des  informations 
faites ,  non  seulement  à  Paris ,  mais  à 
Troyes  ,  à  Uaycux.  ,  à  Cacn  ,  à  Kouen  ,  au 
Pont-de-l'Arclie  ,  à  Carcassonne ,  à  Ca- 
hors  ,  clc. ,  et  l'on  entendit  plus  de  deux  cents 
témoins  de  divers  étals.  Les  bulles  du  pape 
furent  envoyées  aux  divers  souverains  de 
l'Europe  ,  pour  les  exhorter  à  faire  chez  eux 
ce  qui  se  faisait  en  France. 

Avant  d'examiner  les  raisons  alléguées 
par  ra|)ologiste  des  templiers,  il  y  a  quelques 
réflexions  à  faire.  1"  il  est  impossible  que  la 
multitude  des  personnages  qui  ont  eu  pari  à 
celte  affaire,  cardinaux,  évoques,  ini)uisi- 
teurs,  officiers  du  roi,  magistrats,  docteurs, 
témoins,  ele.,  aient  tous  élé  des  scélérats  et 
de  vils  instruments  des  passions  de  Philippe 
le  Bel  ;  quand  cela  aurait  été  possible  en 
France,  cet  esprit  de  vertige  n'a  pu  être  lé 
même  en  Angleterre  ,  on  Espagne  ,  en  Sicile 
et  ailleurs.  2°  Il  parait  que  le  plus  grand 
nombre  des  templiers  coupables  des  abomi- 
nations qu'on  leur  reprochait .  était  en 
France,  et  surtout  à  Paris,  ville  qui  a  tou- 
jours élé  le  centre  et  le  foyer  de  la  corruption 
du  royaume  ;  il  n'est  donc  pas  étonnant  que 
ce  soit  là  que  le  plus  grand  nombre  ait  élé 
livré  au  supplice.  3'  Le  grand  maître  et  les 
principaux  chevaliers  ont  pu  n'avoir  aucune 
pak"t  au  désordre  ,  ignorer  même  jusqu'à 
quel  excès  il  était  porté;  ce  pouvait  être  une 
raison  de  les  épargner  ,  mais  ce  n'en  était 
pas  une  de  conserver  un  ordre  essentielle- 
ment gâté,  et  qui  ne  servait  plus  à  rien, 
puisqu'il  n'était  d'aucune  utilité  hors  de  la 
terre  sainte,  k"  Les  templiers  tenaient  à  ce 
qu'il  y  avait  de  plus  grand  dans  le  royaume  ; 
si  l'on  procédait  injustement  contre  eux, 
comment  le  corps  de  la  noblesse  ,  très-inté- 
ressé à  la  conservation  de  cet  ordre  ,  n'a-t-il 
fait  aucune  réclamation?  cela  est  inconce- 
vable. 


6S9 


TEM 


L'apologisle  convient  que  ces  supplices 
dans  lesquels  on  fait  mourir  lant  de  riloj  ens , 
d'ailleurs  respeclables,  cotte  foule  de  témoins 
contre  eux  ,  ces  aveux  de  plusieurs  accusés 
même,  (il  fallait  ajouter  celte  suite  de  procé- 
dures continuées  pendant  sis  ans  tout  rnliers, 
en  divers  endroits  et  p;ir-devant  différenls 
commissaires)  semblent  <!es  preuves  de  leurs 
crimes  et  rie  la  justice  de  leur  perte.  Mais 
aussi  ,  dit-il  ,  que  de  raisons  en  leur  faveur  1 
Voyons  ces    raisons. 

«Premièrement,  de  Ions  ces  lénioins  qui 
déposent  contre  les  templiers,  In  plupart  n'ar- 
ticulent que  de  vagues  accusations.  »  Cela 
peut  être  vrai  à  l'égard  de  plusieurs  qui  n'a- 
vaient jamais  été  à  portée  de  savoir  certaine- 
nemenl  ce  qui  se  passait  dans  cet  ordre. 
Mais  le  fondement  de  la  procédure  n'était 
point  ces  accusations  vagues  ;  c'était  la  con- 
fession formelle  de  cent  quarante  thevaliers 
interrogés  d'alord  à  Paris  par  l'inquisiteur, 
en  présence  de  plusieurs  gentils  hommes  , 
et  répétée  par  soixante- douze  d'entre-eux  à 
Poitiers  par-devant  !e  pape.  Les  dépositions 
des  autres  témoins  ,  quoique  vagues  ,  pou- 
vaient servir  à  confirmer  la  preuve. 

«  Secondement ,  très-peu  disent  (lue  les 
templiers  reniaient  Jésus-Christ. Qu'auraienl- 
ils  en  effet  gagné  en  maudissant  une  religion 
qui  les  nourrissait  et  pour  laquelle  ils  com- 
battaient? »  On  pourrait  demander  de  même 
ce  que  gagnent  les  impies  à  blasplicmer  con- 
tre Jésus-Christ  et  contre  la  religion  dans  la- 
quelle ils  ont  été  élevés.  Ils  le  font  cepen- 
dant ;  l'apologiste  devait  mieux  le  savoir 
qu'un  autre.  Alors  les  templiers  ne  combat- 
taient plus  pour  la  religion  ,  du  moins  en 
France.  Il  est  (aux  qu'il  y  ait  eu  très-peu  de 
témoins  qui  aient  déposé  de  ce  fait  odieux  ; 
les  insultes  faites  à  Jésus-Christ  et  les  impu- 
dicilés  furent  les  deux  faits  les  plus  généta- 
lemenl  avoués  et  prouvés. 

«  Troisièmement ,  que  plusieurs  d'entre 
eux  ,  témoins  et  complices  des  débauclics 
des  princes  et  des  ecclésiastiques  de  ce  temps- 
là  ,  eussent  marqué  quelquefois  du  mépris 
pour  les  abus  d'une  religion  tant  déshonorée 
eu  Asie  et  en  Europe  ,  qu'ils  en  eussent 
parlé  avec  trop  de  liberté  ,  c'est  un  empor- 
tement de  jeunes  gens  dont  certainement  l'or- 
dre n'est  point  cumptable.  »  Nous  soutenons 
que  l'ordre  en  était  comptable  ,  puisque  les 
chefs  avaient  l'autorité  de  punir  les  cheva- 
liers ;  l'apologiste  aurait  raisonné  tout  diffé- 
remment à  l'égard  de  tout  autre  ordre  reli- 
gieux. D'ailleurs  les  lempUers  n'ont  point 
été  condamnés  pour  des  discours  contre  la 
religion  ,  mais  pour  des  actions  abominables. 
Enfin  ce  n'était  point  à  des  complices  du  dé- 
sordre qu'il  convenait  de  le  blâmer  ;  on 
pouvait  leur  dire  casliyat  turpia  lurpis.  Mais 
on  comprend  que  l'apologisle  était  intéressé 
à'excuser  toute  espèce  d'emportement  contre 
la  religion. 

«  Quatrièmement,  cette  tête  dorée  qu'on 
prétend  qu'ils  adoraient  et  qu'on  gardait  à 
Marseille,  devait  leur  être  représcnlce  ;  ou 
ne  se  mit  pas  seulement  en  peine  de  la  cher- 
cher. »  Il  s'ensuit  seulement  de  là  que  celle 


TEM  660 

accusation  ne  parut  pas  sufOsamment  prou- 
vée ,  et  que  l'on  ne  cherchait  pas  à  multi- 
plier les  crimes  imputés  aux  templiers. 

X  Cinquièmement  ,1a  manière  infâme  dont 
on  leur  reprochait  d'être  reçus  dans  l'ordre, 

ne  peut  avoir  passé  en  loi  parmi  eux Je 

ne  doute  nullement  que  plusieurs  jeunes 
templieis  ne  s';ibandonnassent  à  des  excès 
qui  de  tout  temps  ont  été  le  partage  de  la 
jeunesse  ,  et  ce  sont  des  vices  passagers  (ju'il 
vaut  mieux  ignorer  que  punir.  «Ici  rauleur 
confond  très-mal  à  propos  deux  espèces  de 
réeepiioM.  Il  est  à  présumer  que  celle  qui  se 
faisait  en  public  par  le  grand  maître  ,  ou  par 
d'autres  ,  était  décente  ;  mais  il  y  en  avait 
une  autre  secrète  imaginée  par  les  libertins 
de  l'ordre  ,  qu'ils  faisaient  subir  aux  nou- 
veaux chevaliers  ,  et  dans  laquelle  se  com- 
mettaient les  abominations  et  les  profanations 
dont  on  a  parlé  ;  cela  est  d'autant  plus  pro- 
bable ,  que  plusieurs  dirent  qu'on  les  y  avait 
forcés  par  la  prison  et  les  tourments.  L'on 
sait  assez  que  l'ambition  des  scélérats  est 
d'avoir  des  complices  de  leurs  crimes.  Il  en 
était  de  même  de  ces  statuts  secreis  ,  dressés 
pour  forcer  les  coupables  au  silence.  La  plu- 
part de  ceux  qui  lurenl  exécutés  n'étaient 
pas  des  jeunes  gens  ;  leurs  désordres  n'étaient 
donc  plus  des  vices  passagers.  Il  n'est  que 
trop  vrai  que  les  vieux  libertins  sont  encore 
plus  adonnés  aux  excès  de  la  lubricité  que 
les  jeunes  gens.  C'est  une  grande  question 
de  savoir  s'il  vaut  mieux  ignorer  que  punir 
un  crime  détestable  ,  lorsque  le  nombre  des 
coupables  est  très  grand. 

«  Sixièuiemenl ,  si  tant  de  témoins  ont  dé»- 
posé  contre  les  templiers,  il  y  eut  aussi  beau- 
coup de  témoignages  étrangers  en  faveur  de 
l'ordre.  »  Nous  avons  déjà  remarqué  que 
probablement  l'ordre  n'était  pas  également 
corrompu  partout  ;  mais  les  témoignages 
endos  en  laveur  des  chevaliers  étrangers 
ne  pouvaient  serviràjustifierceuxde  France. 

:i  Septièmement ,  si  les  accusés,  vaincus 
par  les  tourments  qui  font  dire  le  mensonge 
comme  la  vérité,  ont  confes-é  lant  de  cri- 
mes, peut-être  ces  aveux  sont-ils  autant  à  la 
honie  des  juges  qu'à  celle  des  chevaliers. 
On  leur  piometlait  leur  grâce  pour  extor- 
quer leur  confession.  »  C'est  une  pure  ca- 
lomnie d'avancer  (jue  ceux  qui  ont  confessé 
des  crimes  y  ont  été  forcés  par  des  tour- 
ments. Les  cent  quarante  chevaliers  inter- 
rogés à  Paris  par  l'inquisiteur,  eu  présence 
de  quelques  gentilshommes,  ne  furent  point 
mis  à  la  question,  non  plus  ((ue  ceux  (,;ui  fu- 
rent interrogés  à  Poitiers  par  Clément  V,  au 
nombre  de  soixante-douze  ;  leurs  <iveux  se 
trouvèrent  conformes.  Il  n'est  pas  prouvé 
qu'on  leur  ait  promis  à  tous  leutijrâee  pour 
les  engager  à  faire  cette  conl/fssion  ;  il  ne 
l'est  pas  non  plus  que  l'on  ait  envoyé  au 
supplice  aucun  de  ceux  à  qui  l'on  avait  pro- 
mis sa  grâce. 

«  Huitièmement,  les  ciuquantenenf  que 
l'on  brûla  vifs  prirent  Dieu  à  témoin  de  leur 
innecence,  et  ne  voulureiU  point  de  la  vie 
qu'on  leur  offrait  à  conJiîion  de  s'avouer 
coupables.  Quelle  plus  giande  preuve,  non- 


C(il 


TEM 


TE  M 


66% 


seulement  d'innocence,  mais  d'honneur?  >-, 
Ce  n'est  point  là  une  preuve;  on  a  vu  plus 
d'une  fois  des  criminels  convaincus  par  les 
preuves  les  plus  évidentes,  persister  jusqu'à 
la  mort  à  nier  leurs  crimes;  celle  opiniâ- 
treté ne  doit  point  étonner  dans  des  impies 
et  des  incrédules  décidés. 

«  Nenvièmetiient ,  soixante-quatorze  tem- 
pliers  non  accusés  entreprirent  de  défendre 
{'ordre,  et  ne  fuient  point  écoulés.  »  Cela  est 
alisoluiiicnt  taux.  L'apolopisie  a  cité  ailleurs 
l'Histoire  des  lemjiliffs  par  Pierre  Dupuis  ; 
or,  cet  historien  rapporte  que  les  soixante- 
quatorze  défenseurs  de  leur  ordre  furent  en- 
tendus par  des  commissaires,  pour  la  pre- 
mière fois  le  samedi  li  mars  1310,  qu'ils 
nommèrent  quatre  d'entre  eux  pour  parler 
nu  nom  de  Ions.  Non-seulenirnt  ils  furent 
écoutés,  mais  ils  présenlèreiit  des  reiinètes 
cl  des  mémoires  par  érrii,  les  procès-ver- 
baux de  leur  dire  furent  exactement  rédigés, 
l'auteur  de  Histoire  de  l'Egl.  giillicane  les  a 
copiés.  Ils  s'inscrivirent  en  faux  contre  les 
confessions  faites  par  les  accusi'S,  ils  dirent, 
comme  l'apologiste,  ou  (juc  cesavrux  avaient 
été  extorqués  par  promesses,  par  men.ices  , 
ou  que  ceux  qui  les  avaient  faits  étaient  des 
scélérats  ;  ils  dirent  qu'ils  demandaient  à 
être  jugés  par  le  pape  et  par  le  concile  de 
Vienne  qui  devait  bientôt  se  tenir.  Que  ré- 
sulle-t-il  di'  celte  défense  ?  11  s'ensuit  que  ces 
soixante-quatorze  templiers  étaient  inno- 
cents, puisqu'ils  n'étaient  pas  accusés,  qu'ils 
avaient  ignoré  jusqu'alors  les  crimes  qui  se 
commettaient  par  leurs  confrères ,  et  qu'ils 
avaient  de  la  peine  à  les  croire.  Mais  ce  n'é- 
lait  là  qu'une  preuve  négative  ;  l'ignorance 
ne  prouve  rien,  ils  n'alléguèrent  aucun  fait 
positif  qui  fût  capable  de  dilruire  la  con- 
fession des  accusés. 

«  Dixièniement,  lorsqu'on  lut  au  grand 
maître  sa  confession  rédigée  devant  trois  car- 
dinaux, ce  vieux  guerrier,  qui  ne  savait  ni 
lire  ni  écrire,  s'écria  qu'on  l'avait  trompé , 
que  l'on  avait  écrit  une  autre  déposition  que 
la  sienne  ;  que  les  cardinaux  ,  ministres  de 
cette  perfidie ,  méritaient  qu'on  les  punît 
conune  les  Turrs  punissent  les  faussaires  , 
en  leur  fendant  le  cor|is  et  la  tète  en  deux.  » 
Que  s'ensuit-il  encore?  que  ce  grand  maître, 
nommé  Jacques  de  iMolay,  était  fort  mal 
instruit  de  ce  qui  se  passait  dans  son  ordre; 
que  quand  il  fut  interrogé  à  Chinon  en  Tou- 
raine,  le  18  et  le  20  août  1308,  par  les  trois 
cardinaux  commissaires  nommés  parle  pape, 
il  fut  étonné  et  étourdi  par  la  déposition  de 
la  multitude  de  ses  chevaliers  qui  avaient 
avoué  leurs  crimes  à  Paris  et  à  Poitiers,  et 
qu"il  n'osa  pas  s'inscrire  en  faux  contre 
celte  preuve.  Le  procès-verbal  poiio  qu'il 
avuua  formellement  le  premier  article  des 
accusations,  savoir,  le  renoncement  à  Jésus- 
Christ.  Interrogé  de  nouveau  à  Paris  le  ^(5 
décembre  1309  et  quelques  jours  a|irès,  il 
désavoua  celte  confession  ,  et  accusa  les 
conunissaires  de  falsification;  pour  la  dé- 
fense de  son  ordre,  il  ne  dit  (jue  des  choses 
vagues  et  qui  n'allaient  point  au  fait  ;  il  fln- 
nianda  d'être  jugé  par  le  pape.  Lesquels  de- 


vons-nous plutôt  soupçonner  de  fausseté,  les 
trois  cardinaux  commissaires,  riu  Jacques  de 
Molay  ?  Les  premiers  ne  pouvaient  avoir  au- 
cun motif;  l'intention  du  pajjc  n'était  point 
que  l'on  usât  de  supercherie  ;  dans  ses  bulles 
de  commission,  il  recommande  l'équité  et 
l'observation  des  formes.  Ce  n'était  pas  non 
plus  celle  liu  roi  ,  puisqu'il  consultait  le 
clergé  de  Paris,  les  universités,  les  parle- 
ments, et  se  conduisait  avec  toutes  les  pré- 
cautions |)0ssibles  :  nous  verrons  qu'il  n'a- 
vait pas  besoin  de  falsifi  ation  ni  de  suppli- 
ces pour  obienii'  l'exlinclion  de  l'ordre  des 
templiers.  Deux  des  cardin.iux  lui  écrivirent 
pour  lui  rendre  compte  de  leur  commission; 
ils  lui  mandèrent  qu'ils  avaient  accordé  l'ab- 
solution des  censures  à  Jacipics  de  Molay  et 
à  cinq  autres  chevaliers  repentants  ;  ils  sup- 
plièrent le  roi  de  les  traiter  iavorablemenl. 
Ce  ne  sont  p:;s  là  des  marques  de  perfidie. 
Quant  au  grand  maître,  il  n'est  pas  le  seul 
criminel  qui  ait  varié  dans  les  inleiroga- 
toires,  et  qui  ait  rétracté  les  aveux  qu'il  avait 
faits  d'abord. 

«  OnzièoiemenI,  on  eût  accordé  la  vie  à  co 
grand  maître  et  à  Gni,  frère  du  dauphin 
d'.Vuvergne,  s'ils  avaient  voulu  se  reconnaî- 
tre coupables  publiquement,  et  on  ne  les 
brûla  que  parce  ((u'appelés  en  présence  du 
peuple  sur  un  i  cliafaud  i>our  avouer  les  cri- 
mes de  l'ordre,  ils  jurèrent  que  l'ordre  était 
iunocent.  Cette  dèclaiation  ,  qui  indigna  le 
roi,  leur  attira  leur  supplice,  et  ils  mouru- 
rent en  invoquant  en  vain  1 1  vengeance  cé- 
leste contre  leurs  persécuteurs.  »  Nous  avons 
déjà  fait  remarquer  que  cette  déclaration  no 
prouve  rien,  sinon  que  ces  deux  chefs  do 
l'ordre  avaient  ignoré  jus(iu'alors  les  crimes 
qui  s'y  commettaient,  cl  qu'ils  ne  pouvaient 
se  les  persuader;  leurs  serments  étaient 
donc  téméraires,  ils  juraient  de  ce  ((u'ils  ne 
savaient  pas.  Encore  une  fois,  ces  protesta- 
tions ne  pouvaient  pas  détruire  les  preuves 
positives  tirées  de  l'aveu  des  coupables  cl  de 
la  déposition  des  témoins.  11  y  a  plus  :  le 
pape  s'était  réservé  le  jugement  de  ces  deux 
personnages  et  de  deux  autres  chefs  da 
l'ordre  ;  ce  ne  fut  qu'après  le  concile  de 
Vienne,  et  après  la  publication  de  la  huile 
qui  supprimait  les  templiers,  qu'il  nomma 
de  nouveaux  commissaires  pour  achever 
leur  procès.  Ces  contmissaires  furent  trois 
cardinaux  ,  l'archevêque  de  Sens,  plusieurs 
évêques  et  plusieurs  docteur-.  Par-devant 
eux  le  grand  maître ,  le  frère  du  daiiphin 
d'Auvergne  et  les  deux  autres  confessèrent 
de  nouveau  les  crimes  dont  ils  étaient  ac- 
cusés ;  en  conséquence,  le  18  mars  1314,  ils 
furent  condamnés  à  une  prison  perpétuelle, 
!/on  dressa  un  échal'aud  au  parvis  de  .Notre- 
Dame,  pour  qu'ils  fissent  leur  confessio!i 
publique  ,  et  c'est  là  que  les  deux  premiers 
la  rétractèrent.  Le  roi,  informé  sur-le-champ 
de  cet  événement,  assembla  soi  conseil  qui 
les  condamna  à  être  brûlés  vifs,  et  cet  arrêt 
fol  exécuté  le  soir  même.  Dans  cette  cir- 
constance, Philippe  le  Bel  ne  pouvait  plus 
agir  par  vengeance  ni  par  une  autre  passion; 
l'ordre  des  templiers  avait  été  supprimé  et 


CG5 


TEM 


délruil  au  concile  général  de  Vienne,  deux 
ans  auparavant  :  ce  roi  était  donc  satisfait  ; 
le  supplice  du  grand  maître  ni  celui  de  Gui 
d'Auvergne  ne  pouvait  lui  procurer  aucun 
nouvel  avantage  ;  il  fut  indigné  de  leur  cou- 
dnile,  et  voilà  pourquoi  il  les  fil  condamner 
el  punir. 

Leur  apologiste  ajoute  que  le  pape  abolit 
l'onlre  de  sa  seule  autorité,  dans  un  consis- 
toire secrt  t  pendant  le  concile  de  Vienne. 
Nouvelle  imposture.  La  bulle  fut  dressée 
le  22  mars  1312,  dans  un  consistoire  secret, 
mais  elle  fut  publiée  en  plein  concile  le  3 
avril,  en  présence  de  Philippe  le  Bel  el  de 
ses  trois  fils  ;  le  pape  y  déclara,  de  Tasré- 
menl  du  concile,  sacro  approbante  concilio  , 
l'institut  des  templiers  proscrit  et  aboli;  il 
réserva  au  sainl-siége  la  destination  des  per- 
sonnes el  des  biens.  En  second  lieu,  il  y  a 
eu  depuis  ce  temps-là  plusieurs  insliluts 
religieux  supprimés  par  un  simple  bref  du 
souverain  pontife  ;  personne  ne  s'y  est  op- 
posé el  n'a  prétendu  qu'il  fallait  pour  cela 
le  décret  d'un  concile.  Ce  même  criliiiue  en 
impose  encore,  en  disant  que  Philippe  le 
Bel  se  fil  donner  deux  ceni  mille  livres,  et 
que  Louis  le  Hutin,  son  fils,  prit  eneore 
soixante  mille  livres  sur  les  biens  des  irm- 
pliers;i\  ne  cile  aucune  autorité  ni  aucun 
Boonument  de  ce  lait,  el  il  y  a  des  preuves 
du  contraire.  Dès  l'an  1307,  le  roi  avait  dé- 
claré au  pape,  dans  une  lettre  du  21  décem- 
bre, qu'il  s'élail  saisi  des  biens  de^  templiers, 
et  qu'il  les  faisait  garder  pour  être  employés 
totalement  au  secours  de  la  terre  sainte;  c'é- 
tait leur  première  destination.  Il  renouvela 
cette  déclarylion  dans  une  autre  lettre  du 
mois  de  m.ii  1311  ,  où  il  priait  le  pape  de 
fai-re  en  soi  te  ()ue  ces  biens  fussent  employés 
à  un  autre  ardre  militaire  destiné  pour  la 
terre  sainte,  promenant  de  f.ire  exécuter 
tout  ce  qui  serjiit  réglé  sur  cet  article  ;  il  ne 
s'opposa  point  à  la  bulle  par  laqoelle  le  pape 
s'en  réserviiit  l.i  disposition.  De  là  Dupuy  et 
Baluzc  concluent  avec  raison  que  les  histo- 
riens qui  ont  accusé  ce  roi  d'avoir  voulu 
s'approprier  les  biens  dos  templiers ,  sont 
dis  calomiiialeurs.  Enfin  notre  autour  lui- 
même  est  forcé  d'avouer  que  ces  biens  fu- 
rent donnés  aux  chevaliers  de  Rhodes,  au- 
jourd'hui chevaliers  de  Malle,  dont  la  desli- 
Duiion  était  la  même  que  celle  des  templiers. 
«  J'ignore,  continuc-l-il,  ce  qui  en  revint  au 
pape...  Je  n'ai  janiais  pu  découvrir  ce  qu'il 
recueillit  de  celle  di'iiouille.  »  La  vérité  est 
qu'il  n'en  recueillit  rien,  et  qu'il  n'en  a  été 
accusé  par  aucun  écrivain  dijjne  de  foi.  Nous 
ne  doutons  pas  que  les  frais  des  procédures, 
qui  furent  failes  pendant  cinq  ou  sis  ans 
contre  les  templiers  dans  dilTérenls  endroits 
du  royaume,  n'aient  été  immenses;  cela  ne 
pouvait  se  faire  autrement. 

Qu'un  prolestant  tel  que  Mosheim  ait  peint 
Clément  V  comme  un  pontife  avare,  vindi- 
catif el  turliulont  ;  qu'il  ail  dit  que  Philippe 
le  Bel  joua  cette  sanglante  tragédie  pour  sa- 
Itsfciire  son  avarice  el  assouvir  son  ressenti- 
monl,  Uist.  ecclés.  ,  xiv  siècle,  u'  partie, 
c.  5.  §  10,  cela  n'est  pas  étonnant  :  mais  il 


TEN  004 

l'est  qu'un  philosophe,  qui  aurait  dû  se  met- 
tre au-dessus  des  préjugés  vulgaires,  u'a4t 
fait  que  copier  des  auteurs  prévenus  el  se 
rendre  écolier  des  protestants.  Il  est  con- 
venu lui-même  que  les  templiers  vivaient 
avec  tout  l'orgueil  que  donne  l'opulence,  et 
dans  les  plaisirs  effiénés  que  prennent  les 
gens  de  guerre  ;  que  Philippe  le  Bel  eut  lieu 
de  penser  qu'ils  lui  étaient  infidèles,  et  qu'ils 
fomentaient  des  séditions  parmi  le  peuple  ; 
n'en  était-ce  pas  assez  pour  autoriser  ce 
prince  à  demander  et  à  poursuivre  l'estinc- 
lion  de  cet  ordre,  sans  agir  par  vengeance 
ni  par  avarice. 

TEMPOUEL  DES  BÉNÉFICES.  Voij.  Béné- 
fice. 

Temporel  des  rois.  Voy.  Roi. 
TEMPS.  Ce  mot  dans  l'Ecriture  signifie  or- 
dinairement la  durée  qui  s'écoule  depuis  un 
terme  jusqu'à  un  autre  ;  mais  il  se  prend 
aussi  dans  d'autres  sens.  1°  Pour  les  saisons; 
Gen.,  c.  I,  V.  ik,  il  est  dit  que  Dieu  a  fait  les 
astres  pour  marquer  les  temps,  les  jours  el 
les  années.  2°  Pour  une  année;  Duniel , 
c.  VII,  v.  25,  prédit  que  les  saints  seront  per- 
sécutés pour  un  temps,  deux  temps  el  la  moi- 
tié (l'un  temps;  ce  sont  les  trois  ans  el  demi 
de  la  persécution  d'Anliochus.  3°  Pour  l'ar- 
rivôç  de  quelqu'un;  tsnïe.,  c.  xiv,  v,  1: 
Prope  est  ut  veniat  tempus  ejus .  son  arrivée 
est  prochaine.  4°  Pour  le  moment  favorable 
de  faire  quelque  chose.  Pendant  que  nous  en 
avons  le  temps,  fa'sons  du  bien  à  tous  {G<i- 
lat.,  c.  VI,  v.  10).  5°  Dnn.,c.  ji,  v.  8,  racheter  le 
temps,  c'est  demander  du  délai  ;  mais  dans 
saint  Paul,  Ephes.,  c.  v,  v.  16,  c'est  prendre 
patience  en  atlendant  un  temps  plus  heureux. 
6°  Ezech  ,  c.  xxii,  v.  3,  son  temps  viendra, 
c'<'st-à  -  dire  le  moment  de  sa  punition. 
7'  Saint  Paul  appelle  les  temps  des  siècles  pas- 
ses,  cens,  qui  ont  précédé  la  venue  de  Jé- 
sus-Christ, Tit.,  c.  I,  V.  2.  11  les  nomme 
aussi  les  temps  d'ignorance,  Act, ,  c.  xvii , 
V.  30.  Voy.  Jocn. 

TÉNÈBItES.  La  signification  de  ce  terme 
varie  beaucoup  chez  les  écrivains  sacrés. 
1°  De  même  que  la  lumière  exprime  souvent 
la  prospérité,  les  ténèlres  désignent  l'alflic- 
tion  el  l'adversité,  Eslh.,  c.  vin,  v.  16  ;  c,  xi, 
v.  8.  2"  11  signifie  la  mort  et  le  tombeau, 
Ps.  Lxxxvii,  V.  3  :  Connaîtra- t-on  les  ner- 
veilles  de  Dieu  dans  les  TÉ^Èl^RES  ?  3"  L'igno- 
rance ;  Joan.,  c.  m,  v.  19  ;  Les  hommes  ont 
mieux  aimé  les  ténèbres  que  la  lumière. 
4-°  Saint  Paul  appelle  les  péchés  les  œuvres 
des  ténèbres,  soit  parce  qu'ils  sont  souvent 
commis  par  ignorance ,  soit  parc  e  que  l'on 
se  caihc  pour  les  commettre.  De  là  ce  même 
apôtre  appelle  souvent  l'idolâtrie  tes  ténèbres, 
par  opposition  à  la  lumière  du  christianisme 
el  de  l'Evangile  ,  Ephes.,  c.  v,  v,  8  :  Vous 
étiez  aiUrefois  ténèbres,  f)  présent  vous  êtes 
lumières  duns  le  Seigneur.  5°  11  signifie  le  se- 
cret, Matth.,  c.  X,  V.  27  :  Ce  que  ]e  vous  dis 
dans  les  TÉNÈBRES  ,  dites-le  au  grand  jour. 
()"  Sailli  Jean  ,  Epist.  I,  ci,  v.  5,  dit  (luo 
Dieu  est  la  lumière,  el  qu'il  n'y  a  point  en 
lui  lie  ténèbres  ,  parce  que  c'esl  de^lui  que 
viennent  toutes  nos  connaissances  ;  cl  qu'il 


CCS 


TEN 


TEN 


Cf.O 


n'est  jamais  la  cause  de  l'ignorance,  des  er- 
reurs clde  l'avouglcincnt  des  hommes;  Jé- 
sus-Chrisl  a  dit  de  lui-même,  ./oa».,  c.  vin, 
V.  12  :  7e  sui^  la  lumière  <lu  monde;  celui  qui 
me  suit  ne  marche  pas  dans  les  viiyi.uRES , 
mais  il  aura  la  lumivre  de  la  vie.  7"  De  même 
qu'il  représenle  le  tioiilicur  élcriicl  sous  l'i- 
ni.'ige  d'un  festin  qui  se  Tiil  d.ins  un  salon 
bien  éclairé,  il  appelle  l;i  dnmn.ilion  les  té- 
nèbres extérieures  où  il  y  a  des  pleurs  et  des 
griiicenuMil<  de  dents,  si(;ni's  île  regrets  et  de 
déses|  oir.  Ces  métaphores,  qui  nous  sem- 
blent extraordinaires  au  premier  aspect  ,  ne 
sont  poinl  inconnues  aux  auteurs  profanes, 
surtout  aux  poêles.  Dans  la  Tliéoij  mie  d  Hé- 
siode, les  parques,  le  destin,  la  mori,  les 
mallieurs,  le  chagrin,  les  douleurs  et  les 
crimes,  sont  enfants  de  la  nuit  ou  des  ténè- 
bres, l'endant  la  nui(,  les  chagrins  sont  plus 
cruels,  1rs  passions  plus  violentes,  les  dou- 
leurs plus  aiguës,  les  idées  plus  noires  ;  la 
/luil  ne  pouvait  donc.  man<|uer  d'être  regar- 
dée do  mauvais  (eil,  et  de  désigner  tout  ce 
qu'il  y  a  de  plus  fâcheux.  Dans  le  langage 
des  peuples  de  (luehiues  provinces,  quand 
on  veut  dire  ((u'un  homme  n'est  bon  à  rien, 
que  c'e.sl  un  mauvais  sujet,  l'on  dit  c'est  la 
nuit.  Les  manichéens  qui  admettaient  deux 
principes  de  toutes  choses,  l'un  bon  ,  l'antre 
mau^ais  ,  plaçaient  le  premier  dans  la  ré- 
gion de  la  lumière  le  second  dans  le  séjour 
des  ténèbres. 

TÉNI'liRES  ARRIVÉES  A  LA  MORT  DE  JÉSUS- 
CnUIST.    VoiJ.   liCI.IPSE. 

TicNKRiiKs  lie  la  .seniainc  sainte.  C'est  ainsi 
que  l'oii  nomme  vulgairement  les  matines 
du  jeudi,  du  vendredi  et  du  samedi  de  la  se- 
maine sainte,  qui  se  cliantenl  la  veille  de  ces 
trois  jours  sur  le  soir.  Ces  offices  sont  trop 
connus  parmi  les  callioli()ues  ,  pour  qu'il 
soit  nécessaire  d'en  parler  plus  au  long. 

TKNTATION  ,  épreuve.  Lorsqu'il  est  dit 
dans  l'Iicriture  que  Dieu  tente  les  hommes, 
cela  ne  signifie  poinl  qu'il  les  séduit  ou  qu'il 
leur  tend  des  piège»  pour  les  faire  tomber 
dans  le  péché,  le  mol  tenter  n'a  point  ce  sens 
dans  les  livres  de  l'Ancien  Testament  ;  mais 
cela  vent  dire  qu'il  met  leur  vertu  à  l'é- 
preuve ,  soit  par  des  conmiandemcnls  diffi- 
ciles ,  soil  par  de  grandes  aflliclions.  Tenter 
Dieu,  ce  n'e>t  pas  vouloir  l'exciter  au  mal, 
mais  c'est  vouloir  mettre  sa  toute-puissance 
et  sa  boulé  à  l'épreuve,  en  attendant  de  lui 
un  miracle  sans  nécessité,  ou  en  s'exposant 
témérairement  à  un  danger  duquel  on  ne 
peut  pas  sortir  sans  un  secours  miraculeux 
que  Dieu  ne  doit  et  n'a  prorais  à  personne. 
11  a  défendu  sévèrement  cette  folle  présomp- 
tion, Dent.,  c.  VI,  v.  18:  Vous  ne  tenterez 
point  le  Seigneur  votre  Dieu.  Ainsi  ,  lors- 
qu'il est  ilii ,  Gen. ,  c.  xxii ,  v.  1 ,  que  Dieu 
tenla  Abraham  ,  cela  signifie  qu'il  mil  son 
obiissance  à  l'épreuve  ,  en  lui  ordonnant 
d'immoler  son  fils.  Saint  Paul  dii ,  Hebr. , 
c.  XI,  V.  19,  qu'Abraham  obéit,  parce  qu'il 
crut  que  Dieu  |ieut  ressusciter  un  morl;  ce 
n'était  plus  là  tenter  Dieu,  puisque  Dieu  lui 
avait  formellement  promis  qu'lsaac  serait 
la  lise  de  sa  postérité,  Gen. ,  c.  xxi ,  v.  12 , 


comme  l'Apôtre  l'observe  au  même  endroit. 
Parce  que  vous  étiez  agréable  à  Dieu,  dit 
l'ange  à  Tobie  ,  î7  a  fallu  gue  /a  tentation 
vous  éprouvât Dieu  permit ,  ajoute  l'écri- 
vain sacré  ,  gue  celte  teniation  survint  à 
Tnbie,  afin  de  donner  à  la  postérité  un  e  i  emple 
de  patience ,  aussi  bien  r/iK  de  celle  du  saint 
homme  Job  [Tob.,c.i\,  v.  12;  c.  xii,  v.  i;)j.  A  la 
vérité  Dieu  n'a  pas  besoin  de  nous  éprouver 
pour  savoir  ce  que  nous  ferons  ,  il  le  sait 
d'avance  ;  mais  nous  avons  besoin  nous- 
mêmes  d'être  mis  à  l'épreuve,  1"  afin  d'ap- 
prendre par  expérience  ce  dont  nous  som- 
mes capables;  2°  afin  que  nous  donnions  des 
exemples  héroïques  de  vertu  ;  exemples  très- 
nécessaires  au  monde  ;  3'aliii  (]ue  nous  so^  ons 
ou  encouragés  par  notre  fidélité  a  Dieu,  ou 
humiliés  par  nos  chutes,  et  que  nous  sen- 
tions le  besoin  de  la  grâce.  Aussi  Dieu  a-l-il 
recompensé  d'une  manière  éclatante  la  foi 
d'Abraham,  la  soumission  de'l'obie  et  la  pa- 
tience de  Jol);ce  sont  là  les  gramls  traits 
qui  frappent  les  hommes  et  leur  font  sentir 
qu'il  y  a  une  Providence.  —  Dans  le  Nou- 
veau reslamcnt,  tenter  signifie  quelque- 
fois exciter  ou  solliciter  au  mal;  mais  ten- 
tation signifie  aussi  épreuve,  comme  dans 
l'Ancien,  parce  que  toutes  les  fois  (|ue  nous 
sommes  e.xeités  ou  sollicités  à  pécher,  c'est 
une  épreuve  pour  notre  veriu.  Lorsque  nous 
disons  à  Dieu  dans  l'oraison  dominicale  : 
Ne  nous  induisez  point  en  tentation  ,  cela 
ne  signifie  pas  :  Ne  nous  tendez  point  de 
piège  pour  nous  faire  pécher,  puisque  nous 
ajoutOiis  :  Ddicrez  nous  du  mal;  mais  cela 
veut  dire  :  Ne  mettez  point  notre  faiblesse  à 
de  Uop  fortes  épreuves,  et  donnez-nous  la 
grâce  nécessaire  pour  nous  [iréserver  du 
m;il.  Lhrsque  quelqu'un  est  iiiNrii,  dit  saicU 
Jacques,  cap.  i,  v.  13,  qu'il  ne  dise  point 
que  c'est  Dieu  gui  le  tentic;  Dieu  ne  porte 
point  au  mal, il  ne  tente  personne;  miis  tout 
homme  est  tenté  par  sa  propre  concupiscence 
qui  le  séduit  et  le  porte  au  péché. 

Une  des  questions  qui  furent  agilées  entre 
les  Pères  de  l'Eglise  et  les  pélagiens  était  de 
savoir  si  l'homme  peut  résister  aux  tenta- 
tions sans  le  secours  de  la  grâce  divine;  ces 
hérétiques  le  soutenaient,  et  leur  erreur  fut 
unaniuiement  condamnée  par  l'Eglise.  Elle  a 
été  proscrite  de  nouveau  par  le  concile  de 
Trente,  Sess.  G,  deJustif.,  en  ces  termes, 
can.  2  :  «  Si  quelqu'un  dit  que  la  grâce  di- 
vine est  donnée  par  Jésus-Christ ,  seulement 
afin  que  l'Iiomme  puisse  [tlus  facilement  vi- 
vre dans  la  justice  et  inenler  la  vie  éler-- 
nelle,  comme  s'il  pouvait  faire  l'un  et  l'au- 
tre, mais  dillicilement  et  avec  peine,  par  le 
libre  arbitre  ,  sans  la  grâce  .  qu'il  suit  ana- 
Ihème.  «  Can.  3  :  «  Si  quelqu'un  enseigne 
qu'il  peut  pendant  toute  sa  vi<!  éviter  tous 
les  péchés,  même  véniels,  sans  uu  privilège 
Spécial  de  Dieu,  tel  que  l'Eglise  le  soutient 
à  l'égard  de  la  sainte  V'icrge,  qu'il  soil  ana- 
thème.  » 

Cela  n'a  pas  empêché  Basnagc  de  calom- 
nier à  ce  sujet  les  ihéologiens  catholiques  , 
ilist.  de  l'Eglise,  Lw,  cap.  2,  §  3;  il  prétend 
qu'ils  sont  partagés  eu  cinq  opinions  diiïé'- 


C67 


TEN 


renies.  1°  «  Les  uns  ont  dit  qu'on  pouvait 
sans  la  f/rdce  évKcr  toutes  los  tentations 
contraires  an  droit  naturel  ,  et  observer 
toute  la  loi  de  nature,  non-SPu!cnient  pen- 
d.int  quclciuc  temps ,  mais  diiinnl  le  cours 
entier  de  la  vie.  »  Coniinc  c'est  là  le  pur  pé- 
lagianisme  formellement  condamné  par  le 
concile  de  Trente,  Uasnage ,  pour  son  hon- 
neur, aurait  dû  citer  au  moins  un  théologien 
catholique  qui  ail  enseigné  cette  doctrine, 
et  nous  soutenons  hanlimenl  qu'il  n'y  en  a 
aucun.  2°  «  Les  antres,  continue  B.isn.ige  , 
ont  cru  (lue  l'on  pouvait  vaincre  quelque  ten- 
tation pnrticuliêre ,  et  éviter  queiqiies  pé- 
cliés,  mais  qu'on  ne  pouvait  les  vaincre  tou- 
tes ,  ni  ol)scrver  tous  les  prércptes  ,  sans  le 
secours  de  la  grâce.  3'  Les  autres  n'ont  ac- 
coidé  à  rhomme  <!uc  la  lorce  de  surmonter 
quelques  légères  tentations  ,  et  non  eelle  de 
résister  à  des  tentations  violentes  cl  d'obser- 
ver les  préceptes  dilficiles.  »  Il  est  riiiicule 
d'abord  de  disiinguer  ces  deux  opinions  , 
puisque  l'une  rentre  dans  l'autre  ;  les  par- 
tisans de  la  première  n"ont  jamais  soutenu 
que,  sans  la  grâce,  l'homme  pouvait  vaincre 
quel(/ue  tentation  particulière  violente,  ou 
observer  quelque  précepte  diliicile.  !1  fallait 
encore  observer  que  les  uns  ni  les  autres 
n'ont  jamais  enseiii;né  que  la  léMstance  à 
une  tenlation  quelconque,  cl  l'observation 
d'aucun  précple  faite  sans  la  grâce,  pussent 
contribuer  au  salut  ni  mériter  la  grâce  ;  et 
c'est  en  cela  (lu'ils  se  sont  éloignés  du  péla- 
gianisme.  k°  «  On  pourrait  former  une  lon- 
gue liste  des  seolastiques  qui  ont  cru  que 
l'on  pouvait  faire  une  œuvre  nioraleiiienl 
bonne,  s.ins  la  grâce,  par  un  simple  concours 
de  Dieu  qui  donne  le  mouveuienl  et  l'action 
aux  eréatuies.  »  Nous  ne  voyons  point  en- 
core en  (juoi  ce  sentiment  est  dilTérent  drs 
deux,  précédents  ,  puisque  les  seolastiques 
n'ont  jimais  cru  qu'une  œuvre  moraieiueiit 
bonne,  ainsi  faite,  pouvait  conlrihucr  au 
s.ilul.  5"  "  Il  y  en  a  d'autiesqui  ont  soutenu 
la  nécessité  de  la  grâce,  soit  pour  vainc:  c 
toutes  les  tentations ,  soit  pour  éviter  le 
péché,  soit  pour  faire  le  bien.  »  Il  était  en- 
core de  la  bonne  foi  d'ajouter  que  ce  senti- 
ment est  le  plus  commun  et  presque  uni- 
versel parmi  les  théologiens  eat!ioli(]uos. 

H  est  donc  clair  qu(î  tontes  ces  opinions 
se  réduisent  à  deux  ,  savoir  à  la  dernière 
i]ui  est  [iresque  générale;  l'autre  est  celle 
de  quelques  seolastiques  qui  ont  cru  que 
riioinme,  par  ses  seules  forces  naturelles  et 
avec  un  secours  de  Dieu  qu'ils  regardent 
comme  naturel ,  peut  éviter  quelques  légères 
tenlaiions,  observer  quelques  préceptes  fa- 
ciles delà  loi  naturelle,  faire  quelques  œu- 
vres oioralemenl  bonnes,  mais  qui  ne  peu- 
vent contribuer  au  salut  ,  ni  mériter  la  '^çrâ- 
ce  ,  et  que  Uieu  peut  cepenilai;t  récompen- 
ser par  quelque  bienfait  temporel.  Opinion 
Irès-indili'érente  à  la  doctrine  du  concile  de 
Trente,  et  qui  n'est  point  un  péLigi.inisme , 
quoi  qu'en  disent  Hasnage  et  d'autres;  mais 
opinion  Ir'ès-superllue ,  puisque  Dieu  donne 
aux  infidèles  et  à  tous  les  hommes  des  grâces 
pour  faire  le  bien  ;  nous  l'avons  prouvé  au 


TEN  tjos 

mot  Infidèles.  On  voit  par  cet  exemple  ,  et 
par  mille  autres  ,  combien  peu  l'on  doit  se 
fier  aux  assertions  des  protestants.  —  Bas- 
nage  n'a  pas  été  plus  équitable  à  l'égard  des 
Pères  de  riîglise;  il  prétend  (ju'ils  ont  varié 
sur  celle  question  tout  couime  les  théolo- 
giens; l'on  peut  se  convaincre  du  contraire 
en  consultant  le  père  Pelau,  de  Incurn,,  I.  ix, 
C.2  et  3  :  l'uniformiié  de  leur  langage  prouve 
qu'ils  ont  eu  tous  les  mêmes  notions  du 
libre  arbitre,  de  ses  forces,  ou  plutôt  de  sa 
faiblesse. 

Tentation  de  Jésus-Christ  au  désert.  Les 
incrédules  ,  qui  ne  lisent  l'Kvangile  qu'avec 
des  yeux  critiques  ,  sont  .«caïuhilisés  de  ce 
que  le  Sauveur  a  permis  au  démon  de  le 
tenter:  C'était,  (iisciil-ils  ,  acconler  â  l'en- 
nemi du  salut  un  pouvoir  injurieux  à  la  di- 
gnité de  Fils  de  Dieu.  Les  l'èies  de  l'Eglise 
onl  répondu  qu'il  n'était  pas  plus  indé- 
cent ;iu  Sauveur  du  monde  d'être  tenté, 
que  d'être  revêtu  des  faiblesses  de  l'hu- 
manilé,  d'être  injurié,  outragé  et  cruri- 
fié  par  les  Juifs.  Il  voulait  nous  apprendre 
que  la  tentation  par  elle-même  n'est  pas  un 
crime;  que,  quand  on  y  résiste,  la  veitu  en 
leçoit  un  nouveau  prix  et  un  plus  grand 
mérite.  Il  voulait  rassurer  les  âmes  liuiides 
et  scrupuleuses  ,  qui  se  croi  nt  coupables 
parce  qu'elles  sont  tentées,  et  qui  se  décou- 
ragent dans  le  cheuiin  de  la  \ertu  ;  il  vou- 
lait leur  montrer  par  quelles  armes  l'on  ré- 
siste au  tentateur.  (;'e>t  par  la  prière  ,  par 
le  jeiîne,  i  ar  les  leçons  de  la  parole  de  Dieu. 
//  a  fallu,  dit  saint  Paul  ,  que  le  Fils  de  Dieu 
fût  semblable  en  toutes  cliosis  à  ses  frèrrs  , 
(ij'in  qu'il  fut  ntise'rn-orcli  ut  et  fidèle  pontife 
aui)iès  de  Dieu,  pour  obtenir  la  rémission 
des  fléchés  de  son  pctiple  :  parce  qu'il  a  éprouvé 
des  TENTATIONS  et  des  souffrances  ,  il  a  acquis 
le  pouvoir  de  secourir  ceux  qui  sont  tentés... 
Nous  n'avons  donc  pas  un  pontife  incapable 
de  compatir  à  nos  infirmités,  puisqu'il  tes  a 
éprouvées  toutes,  à  l'excepli  ,n  du  péché  ;  ap- 
prochons donc  avec  confiance  du  trône  de  sa 
grâce  ,  pour  y  recevoir  miséricorde  et  tous  les 
secours  dont  notis  avons  besoin  (llebr.,  c.  ii, 
V.  1";  c.  IV,  V.  15). 

Les  censeurs  de,  l'Evangile  ont  imaginé 
que  le  démon  trunsporlu  Jésus-Chrisl  sur 
le  sommet  de  teuiple  ,  et  ensuite  sur 
une  haute  munlagne,  Math.,  c.  iv, 
v.  5  et  8  ;  mais  le  grec  ;r«,oa),«ftS«v;i  et  le 
latin  assumpsit  ne  signifient  |)as  toujours 
f/"f(((s/}or/eî*;  ils  veulent  dire  souvent  prendre 
avec  soi,  conduire;  nous  lisons,  c.  xvii,  v.  1, 
que  Jésus-Christ  ])rit  avec  lui,  assumpsit, 
trois  de  ses  disciples,  et  qu'il  les  conduisit 
sur  une  montagne;  c.  xx,  v.  ^7,  il  prit  avec 
lui  ses  douze  apôtres,  assumpsit,  pour  aller 
à  Jérusalem.  Ouand  nous  disons  qu'un 
homme  s'est  transporté  dans  tel  endroit, 
cela  ne  signifie  pas  qu'il  y  est  allé  en  l'air. 
L'évangéliste  ajoute  que  du  sommet  d'une 
haute  monlagne  le  démon  montra  à  Jésus- 
Christ  tous  les  royaumes  du  monde  el  leur 
gloire,  c.  iv,  v.  8;  m;iis  les  montrer,  ce  n'csl 
pas  les  faire  voir  à  r<Bil  ;  c'est  en  indiquer 
la  situation,  l'étendue,  les  richesses,  etc.  ;  il 


009 


TKR 


TER 


670 


u'pst  pas  besoin  pour  cela  de  voir  toute  la 
surface  du  globe.  Ceux  qui  ont  pensé  que  la 
tenlation  de  Jésus-Christ  au  désert  ne  s'est 
point  passée  en  réalité,  mais  seulement  on 
songe  ou  en  vision,  se  sont  embarrassés 
mal, à  propos;  la  narration  de  l'Iîvangile 
n'ailriirl  point  cette  explication. 

TKNTATIVK,  thèse  de  théologie.  Voij. 
Bec,  ni:. 

TIÏRMINISTKS.  On  a  ainsi  nommé  cer- 
tains calvinistes  qui  mettent  un  terme  à  la 
miséricorde  «le  Uieu.  Ils  eiist'i;,'ni'nt,  1'  qu'il 
y  a  be;iucoup  de  personnes  dans  l'Egl'se,  et 
hors  de  l'Iîglise,  à  (jui  Dieu  a  fixé  un  cer- 
tain tiMiiie  av;int  leur  mort,  après  lequel  il 
ne  veut  plus  les  sauver,  quelque  long  (\i\c 
soit  le  temps  pendant  lequel  ailes  vivront 
enciire  sur  l.i  terre;  2"  qu'il  l'a  ainsi  résolu 
par  un  décret  impénétrable  et  irrévocable; 
3''(iue  ce  terme  nue  fois  expiré,  Dieu  ne  leur 
donne  plus  les  moyens  de  se  re[)e[ilir  et  de 
se  sauver,  qu'il  ôte  même  cà  sa  parole  tout 
pouvoir  de  les  conveiiir;  i°  que  l'haraou, 
Saiil,  Judas,  la  plupart  des  Juils,  beaucoup 
de  gcniils,  ont  été  de  ce  uoiiibre  ;  o"  que 
Dieu  soulîre  encore  aujourd'hui  beaucoup 
de  réprouvés  de  cette  espèce;  que  s'il  leur 
accorde  encore  des  grâces  après  le  terme 
qu'il  a  marqué,  ce  n'est  pas  dans  l'intention 
de  les  conv(  rtir.  Les  autres  pruleslanis,  sur- 
tout les  luDiérieus,  rejettent  avec  raison 
ces  sentiments,  qui  sont  autant  de  consé- 
(luences  des  décrets  ;ibsolus  de  prédestina- 
tion soutenus  par  Calvin  et  par  les  gomaris- 
tes  ;  à  proprement  parler,  ce  sont  autant  de 
blaspbèiues  injurieux  à  la  boulé  iutluie  de 
Dieu  et  à  la  grâce  de  la  rédemption,  destruc- 
tifs de  l'espérance  ehrétiiMine,  l'ormelleinenl 
contraires  à  l'Iù'riture  sainte.    Voy.   Endck- 

CISSESIENT,  KfcPROBATION,  Salut,  elc. 

TEKltli.  Ce  mol  dans  l'Ecriture  sainte  a 
diiïérentes  significations.  Il  signifie,  1"  le 
globe  encore  iiilorme  i^t  mêlé  avec  les  eaux, 
tel  qu'il  fut  créé  d'aboril,  (ren.,  c.  i,  v.  l  ; 
2"  ce  même  globe,  tel  qu'il  l'ut  arrangé  en- 
suite, a\ec  tout  ce  qui  s'y  trouve,  les  plan- 
tes, les  animaux  et  les  hommes,  Ps.  xxiii, 
Y.  I  ;  3"  les  habitants  de  la  terre,  Gen.,  c.  \i, 
V.  Il;  4' un  pays  ou  une  contrée  particu- 
lière, comme  (juand  il  est  dit:  Bethléem  terre 
de  Jnda  ;  li"  nous  lisons  dans  l'Kxode  qu'eu 
Egypte  les  sauterelles  dévorèrent  la  terre, 
c'est-à-dire  ses  fruits  et  ses  productions;  (i' 
le  tombeau,  Joli,  c.  x,  v.  22  ;  7"  la  terre 
(les  virants  signifie  quelquefois  la  Judée, 
d'autres  fois  le  séjour  des  liienhenreux  ;  8" 
toitie  la  terre  ne  désigne  quelquefois  que  la 
Judée,  comme  Luc.,  c.  ii,  v.  l,ou  l'empire 
romain  seulement.  Act.,  c.  xi,  v.  '28.  Faute 
de  faire  attention  à  ces  divers  sens,  les  ccii- 
seursde  l'I'xriture  sninle  ont  souvent  fait  des 
objectionà  ridicules  contre  plusieurs  passages. 

Tkrhr  puomisk  ou  Ti:nuE  saintk.  C'est 
aujourd'hui  la  Palestine.  Celte  partie  a  sou- 
vent changé  de  nom,  et  sou  étendue  a  varié 
en  iliflérenls  temps,  suivant  les  révolutions 
qui  y  sont  arrivées.  Elle  fut  d'abord  appelée /a 
terre  ou  le  pays  de  Cluituian,  parce  que  les 
dcscendauls  de  ce  petit-fils  de  Noés'j  établi- 


rent ;  terre  promise  ou  terre  de  })romission, 
parce  que  Dieu  promit  â  Abraham  de  la  don- 
nera ses  descendants;  terre  d'Israël,  lorsque 
leslsraéliles.  enfants  de  Jacob,  en  furent  en 
possession  ;  terre  suin'z,  parce  que  Dieu  seul 
y  était  adoré.  Lorsque  les  Israélites  furent 
nommé-;  Juifs,  après  leur  retour  de  la  cap- 
tivité de  Babylone,  on  appela  leur  pays  Ju- 
dée, 11  iiar.iîl  que  ce  sont  les  Romains  ijui  lui 
ont  (!onné  le  nom  de  Pulestiii'',  parce  que 
cette  contrée  est  moins  moiiluetsse  que  5,i 
Syrie  dont  elle  était  censée  faire  partie. 
Mais  c'est  à  juste  titre  que  les  chrétiens  l'ont 
appelée  la  terre  sainte,  dep'iis  qu'elle  a  été 
santtifiée  par  la  naissance  île  Jésus-Christ 
et  par  les  mystères  da  notre  réieuiptiin.  — 
Moïse,  parlant  de  ce  pays  aux  Israélites 
dans  le  désert,  en  fait  une  de>cri;iliou  pom- 
peuse, Dtut.,  c.  vm,  7  ;  il  dit  que  c'est  une 
terre  exe  llente,  où  les  ruisseaux,  les  fon- 
taines et  les  eaux  coulent  en  abondance; 
où  naissent  le  froment,  l'orge,  les  fruits  de 
la  vigne,  les  figues,  les  grenades,  les  olives, 
le  îuiel;  où  ils  ne  manqueront  de  rien;  où 
l'on  trouve  le  fer  parmi  les  pierres,  et  le 
cuivre  dans  les  montagnes,  il  répète  sans 
cesse  que  c'est  une  contrée  dans  laquelle 
coulent  le  lait  et  le  miel;  les  autres  écri- 
vains sacrés  s'expriment  de  même. 

Plusieurs  incrédules  se  sont  inscrits  en 
faux  contre  cet  éloge  :  11  n'y  avait  pas  lieu, 
diseut-ils,  de  tant  vanter  ce  pays,  ni  de  le 
protuettre  avec  tant  d'emphase  à  la  postérité 
d'Abraham;  il  a  tout  au  plus  vingt-cinq 
lieues  d  étendue  ;  il  est  sec,  [lierreux,  stérile, 
surtout  dans  les  environs  de  Jérusalem  ;  on 
y  chercherait  vainement  les  ruisseaux  de 
lait  et  de  miel  promis  aïK  Juifs.  D'ailleurs 
ils  ne  l'ont  jamais  possédé  tout  entier  selon 
les  limites  qui  lui  sont  assignées  dans  les 
livres  de.MoVse.  Uu  célèbre  incrédule  anglais 
oppose  au  récit  des  auteurs  sacrés  celui  de 
Slrabon,  qui  dit,  Geoijr'.,  I.  xvi,  que  ce  pays 
n'a  pas  de  quoi  exciter  l'ambiiiou  rti  la  jalou- 
sie, qu'il  est  rempli  do  pierres  et  de  rochers, 
sec  et  désagréable  dans  toute  son  étendue. 
Ce  léiuoiguage,  selon  lui,  doit  prévaloir  à 
tout  ce  qu'en  disent  les  auieurs  juifs.  Ou  y 
ajoute  celui  de  saint  Jérôme  qui  y  demeurait 
et  qui  l'avait  parcouru;  dans  une  lettre  à 
Dardanus  il  parle  très-désavantageuseuient 
de  la  Palestine,  et  il  en  n-sserre  beaucoup 
les  limites.  Enfin  l'Ecriture  sainte  môme 
atteste  (juc  ce  pays  était  souvent  alfligé  par 
la  disetie  des  vivres  lït  par  la  famine. 

Tout  cela  mérite  un  examen.  1'  Selon  la 
topographie  de  .Moïse  la  terre  promise  devait 
avoir  pour  bornes  à  l'iirienl  l'Euplirate,  à 
l'occident  la  Méditerranée,  au  septenliion  le 
mont  Liban,  au  midi  le  torrent  de  l'Egypte 
ou  de  Rhinucorure;  cela  fait  une  étendue  ilu 
quatre-vingts  lieues  de  long  sur  trente- 
cinq  de  large,  les  cartes  en  font  foi.  Or,  par 
le  second  livre  des  liais,  ch.  viii;  par  le 
troisième,  c.  iv  ;  par  le  second  des  Parulipo- 
mènes,  c.  vm  et  ix,  il  est  prouvé  que  David 
et  Saloiuon  l'ont  possédée  dans  loule  cette 
étendue  sans  esct-|Hiou.  11  n'était  pas  néces- 
saire que  leslsraéliles  en  fusse»)  les  maîtres 


671 


TER 


TER 


<J72 


plus  tôt,  ils  n'étaient  pas  encore  assez  multi- 
pliés pour  l'occuper. 

2°  Au  sentiment  de  Strabon,  nous  pour- 
rions opposer  colui  des  auteurs  grecs  et  ro- 
mains, tels  qu'Hécatée,  Diodore  de  Sicile, 
Pline,  Solin ,  Tacite,  Ammien-Marccllin; 
mais  cela  n'est  p.'is  nécessaire.  Ce  géographe 
n'avait  pas  vu  le  pays  dont  il  p;irle,  et  il  se 
contredit,  puisqu'il  ajoute  que  celle  contrée 
est  bien  arrosée,  cmSp'.v.  11  dit  que  la  Tra- 
chonite,  qui  était  la  partie  la  plus  pierreuse 
et  la  plus  remplie  de  rochers,  puisqu'elle  en 
avait  tiré  son  nom  ,  avait  cependant  des 
montagnes  grasses  et  fertiles.  On  sait  d'ail- 
leurs que  les  vins  de  Gaza  et  de  Sarcpl  ont 
été  célèbres  chez  les  aniiens.  Que  la  Jud.'e 
fût  arrosée  par  la  nature  ou  par  l'art,  cela 
est  égal  ;  Moïse  n'avait  pas  laissé  ignorer 
aux  Israélites  que  ce  pays  demandait  une 
culture  assidue,  Deut.,  c.  xi,  v.  10.  Lu  terre 
(jne  vous  allez  posséder,  leur  dit-il,  nest 
point  comme  celle  de  l'Egijple,  d'où  vous  êtes 
sortis,  que  l'on  sème  comme  un  jardin,  et  qui 
est  arrosée  par  elle-même,  mais  elle  est  coupée 
de  montagnes  et  de  plaines,  elle  attend  les 
pluies  du  ciel  ;  le  Seigneur  voire  Dieu  la  visite 
continuellement,  et  ses  yeux  y  sont  ouverts 
d'un  bout  de  l'année  à  l'autre.  Si  vous  lui  êtes 
fiilèles,  il  vous  donnera  des  pluies  â  propos, 
et  vous  accordera  des  récoltes  abondantes..,.. 
Si  vous  adorez  des  dieux  étrangers,  te  ciel 
sera  fermé,  vous  éprouverez  la  sécheresse  et 
la  stérilité.  La  suite  de  l'hisloire  atteste  que 
ces  promisses  et  ces  menaces  ont  été  tidèle- 
mcnl  accomplie'-. 

3"  Pour  prendre  le  vrai  sens  du  passage 
'de  saint  Jérôme,  il  faut  le  rapporter  tout 
entier.  Dans  sa  lettre  à  Dardanus,  Op.  t.  ii, 
col.  609  et  010,  il  voulait  prouver  que  les 
éloges  pompeux  donnes  à  la  terre  promise 
n'étaient  que  l'emblème  du  bonheur  élernol 
promis  aux  chrélieiis  ;  voici  comme  il  s'ex- 
prime :  «  Que  l'on  me  dise  cotnbien  les  Juifs 
sortis  de  l'Egypte  ont  possédé  de  la  terre 
promise;  ils  l'ont  tenue  depui;  Dan  jusqu'à 
Bersaliée;  c'est   tout  au  plus  cent  soixante 

milles  en  longueur J'ai  honte  d'eu  fixer 

la  largeur,  de  peur  de  donner  liiu  aux 
pa'iens  de  blasphémer.  Depuis  Joppé  jusqu'à 
notre  petite  ville  de  Bethléem,  il  y  a  qua- 
rante-six milles,  après  lesquels  est  un  vaste 
désert  rempli  de  barbares  féroces  (c'étaient 
les  Sarrasins,  aujourd'hui  les  Arabes  Bé- 
douins)   Si   vous  envisagez,  ù  Juifs,   la 

terie  promise  telle  qu'elle  est  décrite  dans  le 

livre  des  Nombres,  ch.  xxxiu j'avouerai 

qu'elle  vous  a  été  promise,  mais  non  livrée, 
à  cause  de  vos  infulélilés  et  de  votre  idolâ- 

Irie Lisez  le  livre  de  Josué  et  celui  des 

Juges,   vous  verrez   combien    vous  avez  été 

resserrés  dans  vos  possessions Je  ne  dis 

point  ces  choses  pour  déprimer  la  Judée, 
comme  un  hérétique  imposteur  m'en  accuse, 
ou  pour  ataquer  la  vérité  de  l'histoire  qui 
esi  le  fondemeiii  du  sens  spirituel,  mais  pour 
rabattre  l'oigueil  des  Jnils.  »  Itcmarciuons 
d'abord  que  saint  Jérôme  parle  de  la  pos- 
session des  Juifs  ,  toile  qu'elle  était  sous 
Josué  et  SOU8  les  Juges,  et  il  est  vrai  qu'ello 


ne  s'étendait  alors  que  depuis  Dan  jusqu'à 
Bersabée;  mais  il  y  avait  au  delà  du  Jour- 
dain les  tribus  de  Ruben  et  de  Gad,  et  la 
moitié  de  la  tribu  de  Manassé,  et  elles  n'é- 
taient point  resserrées  pour  lors  par  les 
Arabes  ou  Sarrasins.  Puisque  saint  Jérôme 
ne  veut  point  attaquer  la  vérité  de  l'histoire, 
il  ne  prétend  pas  nier  que  David  et  Salomon 
n'aient  poussé  leurs  conquêtes  jusqu'à  l'Eu- 
phrale,  au  delà  de  la  mer  Morte  et  au  tor- 
rent de  l'Egypte.  La  ville  de  Palmyre,  bâtie 
p.ir  Salomon  à  peu  de  distance  de  l'Euphrate, 
en  était  un  monument  subsistant.  Ainsi 
lorsqu'il  dit  (]ue  retic  étendue  ne  leur  a  pas 
été  livrée,  il  entend  qu'elle  ne  leur  a  pas  été 
accordée  d'abord,  cl  qu'ils  ne  l'ont  pas  tenue 
pendant  long-temps,  puisque  cette  posses- 
sion n'a  duré  que  pendant  soixante  ans  ;  et 
il  est  vrai  que  c'est  en  piniiliin  de  leur  ido- 
lâtrie et  de  celle  de  leurs  rois  qu'ils  en  ont 
été  dépossédés. 

4"  Le  point  capital  est  de  savoir  si  la 
Judée  était  un  bon  ou  mauvais  pays.  Voici 
comme  saint  Jérôme  en  parle  dans  son  Com- 
mentaire sur  Jsaie,  I.  ii,  c.  5,  Op.  l,  111,  col. 
4-3  et  4-6  :  «  Aucun  lieu  n'est  plus  fertile  que 
la  terre  promise,  si,  sans  avoir  égard  aux 
montagnes  et  aux  déserts,  l'on  considère  son 
étendue  depuis  le  torrent  de  l'Egypte  jus- 
qu'au fleuve  de  l'Euiibrate,  et  au  nord  jus- 
qu'au mont  Taurus  et  au  cap  Zéphyrioii  en 
Cilicie.  »  C.  xxxvi,  v.  17,  I.  xi,  col.  287: 
«  Le  roi  d'Assyrie  fait  dire  aux  Juifs  qu'il 
les  transportera  dans  un  pays  semblable  au 
leur,  qui  ahonile  en  blé  et  en  vin;  il  ne 
nomme  point  ce  pays,  parce  qu'il  n'en  pou- 
vait point  trouver  de  semblable  à  la  terre 
promise.  »  Sur  Ezéchiel,  1.  vi,  chap.  20, 
col  832  :  «  On  ne  peut  plus  douter  que  la 
Judée  ne  soit  le  plus  fertile  de  tous  les  pays, 
si  on  la  considère  depuis  Khinocorure  jus- 
qu'au mont  Taurus  cl  à  l'Euphraie.  »  Or  ce 
n'était  pas  la  parlie  la  plus  voisine  du  mont 
Taurus  et  de  l'Euphraie  qui  était  la  plus 
fertile,  puisque  c'est  là  que  se  trouvent  les 
plus  hautes  montagnes  du  Liban.  Il  faut  ob- 
server encore  que  saint  Jérôme  écrivait  au 
commencemeni  du  v'  siècle;  or,  avant  cette 
époque,  la  Judée  avait  été  ravagée  succes- 
sivement par  les  Assyriens,  par  les  rois  de 
Syrie,  par  les  Romains  sous  Pompée,  par  les 
télrarques  qu  ils  y  avaient  établis,  par  h'S 
armées  de  Titus  cl  d'Adrien.  Un  pays  moins 
bon  n'aurait  jamais  pu  subsister  après  tant 
de  ruines  ;  et  s'il  avait  été  mauvais,  tant  de 
conquérants  n'auraient  pas  eu  l'ambition  de 
s'en  saisir.  Strabon,  qui  écrivait  sous  Au- 
guste, dit  qu3  la  Judée  était  pour  lors  op- 
primée par  des  tyrans  ;  c'était  sans  doute  les 
létrarques;  il  n'est  pas  étonnant  qu'il  l'ait 
jugée  peu  digne  d'exciter  l'ambition  dans 
ces  circonslances. 

5"  Les  famines  dont  l'Ecriture  sainte  fait 
mention  n'ont  été  rien  moins  que  fréquentes  ; 
on  en  connaît  cinq;  la  première  arriva  sous 
Abraham;  la  seconde,  cent  seize  ans  après, 
du  temps  d'Isaac  ;  la  troisième,  au  bout  de 
quatre-vingt  seize  ans,  pendant  la  vieillesse 
de  Jacob;  la  quatrième,  plus  de  vingl-cinq 


07r,  TER 

ans  après,  sous  les  juges,  el  dont  il  est  parlé 
dans  le  livre  de  Ruth  ;  enfin,  la  cinquième 
sous  David,  après  un  intervalle  d'environ 
cent  ans.  Ce  sont  cinq  années  de  disette 
pendant  un  espace  de  plus  de  huit  cents  ans. 
Quel  est  le  pays  de  l'univers  dans  lequel  il 
n'en  soit  pas  arrivé  davantage  dans  un  in- 
tervalle aussi  long? 

6"  Pour  satisfaire  à  l'objection  des  incré- 
dules, on  leur  a  représenté  qu'il  ne  faut  pas 
juger  de  l'aiicieune  fertilité  de  la  Palestine 
par  l'élat  de  stérilité  et  de  dévastation  d;ins 
lequel  elle  est  aujourd'hui.  Un  pays  ne  peut 
être  bien  cultivé  cju'autant  que  les  habitants 
jouissent  de  la  liberté,  sont  protégés  par  un 
gouvernement  doux  el  sap;e,  cl  sont  sûrs  de 
ne  pas  être  privés  du  fruit  de  leurs  travaux; 
nialh(!uri'iisenient  les  peuples  de  la  Pales- 
tine n'ont  plus  aucun  de  ces  avantai^cs.  Ce 
n'est  pas  dans  cette  terre  seule  que  le  gou- 
verneinenl  dur  ,  oppressif  el  slupidc  des 
Turcs,  a  porté  la  stérilité,  la  misère  et  la 
dépopulation,  il  produit  le  inéine  ell'et  dans 
tous  les  lieux  de  sa  ilomination. 

1°  indépendamment  de  cette  observation 
qui  est  évidente,  les  voyaseurs  modernes 
alleslenl  (jue  la  Palestine  montre  encore  au- 
jourd'hui les  preuves  de  son  ancienne  lerli- 
lilé.  Nous  ne  citerons  point  ceux  qui  ont 
écrit  avant  notre  siècle,  comme  >  illamont, 
Pietro  délia  ^"alle,  Kugène  lïoger.  le  moine 
Brocard  ,  Saiidis  ,  Maundrell  ,  Tliévenot  , 
Schaw  ,  Morison  ,  Gemolii-Careri  ,  Pocok  , 
}lassel(|uisl,  clc;  nous  nous  bornons  au  lé- 
moi{;na;;e  de  ceux  qui  oui  écrit  plus  récem- 
ment. Miébuhr,  qui  a  voyagé  en  ligyptc  el 
en  Arabie  en  IToi  et  171)3,  met  au  rang  des 
plus  fertiles  contrées  de  l'Orienl  les  environs 
d'Alexandrie  en  Egypte,  une  p  irtie  do  l'Vô- 
nien  en  Arabie,  plusieurs  cantons  de  la  Pa- 
lestine, les  terres  voisines  du  mont  Liban 
et  celles  de  la  Mésopotamie.  «  Cependant, 
dil-il,  en  Egyple,  à  Babylone,  en  Mésopo- 
tamie, en  Syrie  cl  dans  la  Palestine,  l'on  ne 
s'applifjue  pas  beaucouji  à  l'agriculture;  il 
y  a  si  peu  de  monde  dans  ces  provinces, 
que  plusieurs  bonnes  terres  sont  en  friche. 
Les  in^-lrainents  du  labourage  y  sont  très- 
mauvais,  aussi  bien  qu'en  Arabie  et  dans 
les  Indes.  »  Il  ajoute  que,  dans  ces  contrées, 
le  ilutra,  espèce  de  millet  dont  on  fait  du 
pain,  rend  au  moins  cent  pour  un  ;  qu'ainsi, 
lorsqu'il  est  dit,  Gen.,  c.  xxvi,  v.  12,  Isaac 
moissonna  le  centuple,  il  est  probable  qu'il 
avait  semé  du  durra.  Descript.  de  rArabie, 
chap.  2'i^,  urt.  k. 

M.  de  Pages,  qui  a  fini  ses  voyages  eu 
1776,  dit  (|u'iiprès  avoir  vu  presque  tous  les 
climats  de  l'univers,  il  n'a  point  trouvé  de 
position  plus  favorable  que  celle  du  sud  de 
la  Syrie,  c'est  précisément  celle  de  la  Pales- 
tine. La  Syrie,  selon  lui,  réunit  les  produc- 
tions des  climats  chauMs  et  celles  des  pays 
froids;  le  blé,  l'orge,  le  coton,  la  vigne,  le 
figuier,  le  mûrier,  le  pommier  et  les  autres 
arbres  d'Europe  y  sonl  au>si  communs  que 
le  jujubier,  les  figuiers-bananiers,  les  oran- 
gers ,  les  limoniers  doux  el  aigres  el  les 
cannes  à  sucre.  Les  productions  communes 


TER 


fîTi 


aux  deux  climats  pour  les  jardins  s'y  trou 
vent  de  même.  L'industrie  des  habitants  f 
fertilisé  le  sol  des  montagnes  el  en  a  fait  uv 
jardin  très- agréable.  \  oijarjes  auloitr  dv 
munde,  etc.,  t.  I,  p.  373-375.  Ces  hibitanlf 
sont  principalement  les  Druses  et  les  Maro- 
nites, qui  se  sont  rendus  indépendants  des 
Turcs;  il  n'est  donc  pas  étonnant  que  les 
Juifs  aient  fait  autrefois  de  même,  puisque 
chez  les  Druses  on  reconnaît  encore  les  an- 
cieimes  mœurs  et  les  usages  dont  jiarle  l'E- 
criture sainte.  Ibid.,  p.  38().  ^  Le  baron  de 
Toit,  qui  a  côtoyé  la  Palestine  à  peu  près 
dans  le  même  temps,  dit  cjue  l'espace  enire 
la  mer  et  Jérusalem  est  un  pays  plat  d'en- 
viron six  lieues  de  large,  de  la  plus  grande 
fertilité.  Mi-m.,  t.  IV,  p.  10.  —  M.  \  olney, 
qui  a  examiné  ce  pays  avec  un  soin  parti- 
culier en  1783-83,  conlirme  le  témoignage 
de  M.  de  Pa^ïès;  il  est  persuadé  que,  sous  un 
gouvernement  moins  oppressif  el  moins  in- 
sensé que  celui  des  Tuics,  la  Syrie  serait  le 
séjour  le  plus  délicieux  de  l'univers.  Voyage 
en  Syrie  et  en  Egypte,  loin.  I,  p.  288  et  suiv. 
Si,  malgré  tant  d'obstacles  (lui  s'opposent 
à  la  culture  de  la  terre  promise,  elle  con- 
serve encore  des  restes  lie  sou  anciiMine  fé- 
condité, que  devait-elle  cire  lorsque  la  Judée 
était  habitée  par  un  peuple  immense,  libre 
el  laboiieux?  Le  lait  et  le  miel  devaient  y 
couler,  selon  l'expression  de  l'Ecriture 
sainte,  vu  le  nombre  des  troupeaux,  la 
quantité  des  abeilles  et  des  plantes  odorifé- 
rantes dont  elle  était  couverte  (I). 

(I)  La  Palestine  n'él.iit  au  temps  des  Oois-ides, 
ilisent  les  incrédules  (a),  que  ce  (|u'elle  est  aujour- 
d'Iiiil,  le  plus  mauvais  pays  de  tous  ceux  qui  sonl 
habiles  dans  l'Asie.  Celle  petite  province  e.«t  dans 
sa  longueur  d'environ  qiiaranie-cinq  lieues,  el  de 
lrcnle-cini|  en  largeur;  elli;  esl  couverle  piesq  le 
partout  (le  rocliers  arides,  sur  lesquels  il  n'y  a  pas 
une  li^ne  de  terre  :  si  celle  peine  proviii(;e  élait 
culliv('e,  on  pourrait  la  comparer  à  la  Suisse.  La 
rivière  du  Jourdain,  large  d'environ  cinquanle  pieds 
dans  le  milieu  de  son  cours,  ressemble  à  l.i  nvière 
d'Aar  chez  les  Susses,  qui  coule  dans  une  vallée 
moins  stérile  que  le  reste.  La  luer  de  Titiériade  peut 
éti'c  coiiiparce  au  lac  do  Genève.  Cependant  les  voya- 
geurs qui  oui  bien  examiné  la  Suisse  cl  la  Paleslme, 
donneiil  tous  la  préiéreiice  à  la  Suisse.  11  esl  vrai- 
seiiilil.ihle  que  la  Judée  lui  plus  culiivéc  auiiefois, 
quand  elle  élaii  possédée  p;ir  les  Jiiils.  Ils  avaient 
éié  forces  de  porter  un  peu  de  lerre  sur  les  rochers 
pour  y  piailler  des  vignes  ;  ce  peu  de  terre  liée  avec 
les  éclals  des  rochers,  élail  souleiiu  par  di;  petits 
iiiiirs  dont  on  voii  encore  des  lesies  de  distance. en 
distance.  La  Palestine,  malgré  tous  ses  eflorls,  n'eut 
jamais  de  quoi  nourrir  ses  hahiiains;  el  de  mèuie 
que  les  treize  cantons  envuieiil  le  supeillu  de  leurs 
peuples  servir  dans  les  années  des  princes  qui  peu- 
vent les  payer,  les  Juifs  allaient  faire  le  niéiier  de 
courtiers  en  Asie  el  en  Alrique. 

Tel  esl  le  lahleau  (|ue  Vuliaire,  marchant  sur  les 
traces  de  l'impie  Servet,  nous  faii  de  la  Judée,  pour 
iiisuller  à  l'iicrilure  sainte  ipii  en  relève  si  soukîui 
la  lerlililé  :  purlrail  infidèle,  s'il  en  lui  jamais,  ain:,i 
que  imiis  allons  le  faire  voir  par  les  lénioignages  les 
plus  cerlains. 

Ilécalée,  aiileur  grec,  qui  eut  riionneur  d'être 
élevé  avec  Alexandre  le  Grand,  parle  ainsi  delà  fer 

(li)  Histoire  universelle,  t.  I,  p  537.  ,  it 


0/à  TER 

Les  incrédules,  qui  ne  raisonnent  qu'an 
liasnrd  et  sans  avoir  rien  examiné,  deman- 
dent pourquoi  Dieu   ne  donna  pas   à   son 

lilité  de  la  Judée,  dans  son  Histoire  des  Juifs  ;  i  Les 
Juifs  po>sèdeiii  environ  Irois  mill  oiis  d'arpenls  , 
d'nne  terre  excclli-nte  et  abonilanle  on  toutes  sortes 
de  Iruils.  i  (liépoyise  de  Josèphe  à  Appion,  1. 1,  c.  8.) 

Pline  dit  i|iie  !;>  Jiulée,  (|ui  esl  renoiniiiéfl  par 
plusieurs  de  ses  prnduclions,  l'est  priiicipalenient 
dans  ses  palmiers  :  Judda  vero  inctijta  est  vel  magis 
palmis.  (L.  xiii,  c.  i.)  Il  iiji.iile  nn  peu  phis  lias  que 
la  Judée,  non  partoul,  mais  principalement  dans  le 
territoire  de  Jéiicho,  l'enipoiie  sur  louies  les  con- 
trées de  la  terre  pour  la  bonté  de  ses  palmier-. 

Selon  Solin  ,  la  Judée,  est  cilebre  par  ses  eaux... 
Le  Jourdain,    dont  l'eau  est  excellente,  arrose  des 

contrées  tiès-cli;irmanles Celle  terre  est  la  seule 

oii   se   irouve  le  baume. /iirfa'a  i//«s(ris  est  nr/iiis 

Joidniiis  amnis  exi  uiœ  suaeilalis  regiones  piœlerfluil 
aiiiŒnissimas...  In  hue  terra  tantum  balsamum  nasci- 
tur.  (C.  48.) 

'l'acile  dit  que  la  Judée  est  un  pays  abomlanl, 
qnoiiiii'il  pleuve  peu  ;  qu'd  produit  les  mêmes  Iruils 
que  l'Italie,  el  outre  cela  le  liauiue  ei  les  dalles,  liuri 
imbres,  ulicr  sohun,  exuberiml  [rucje$  noslriim  ad  ino- 
rem,  pncleniue  eas  balsamum  el  publia.  (Uist.,  lilj.  v, 
II.  1.) 

Animieii  Marcellin  écrit  que  la  Palestine  c-t  ort 
clendiie,  ()ii'elle  a  une  grande  quautiié  île  terres  cul- 
tivées 1 1  lériiles,  (|u'elle  cnnlient  des  villes  considé- 
rables, qui,  ne  se  cédant  point  les  nues  auv  autres, 
gardeui  entre  elles  une  parfaite  cgibté.  Pulœstiiia 
per  inlervalla  ma  ina  prolenla,  ciillis  abundmis  lerris  et 
nitidis  civilalt-s  linbeiis  qiiasduni  egre^iiis,  nullumiiulli 
cedeiuem,  sed  sibi  vicissiin  letut  ad  perpendicuiuiu 
œmul''s.  (Ld).  xiv,  c.  8.) 

Saint  Jérôme  connaissait  bien  la  Judée,  puisqu'il 
y  a  passé  nue  grande  partie  de  sa  vie,  et  qu'il  a  tra- 
duit el  augmenté  la  descri|ilioii  géograpliique  de  ce 
pays,  composée  par  Kn>èl)e;  ainsi  son  témoignage 
doit  èlre  du  plus  grand  pends.  Voici  comme  il  parle: 
€  Rien  o'e.>l  plus  fertile  que  la  terre 'promise,  si, 
sans  f:iire  attention  aiiji  lieux  iiiontnenx  et  désunis, 
ou  considère  toute  sa  largeur,  depuis  le  ruisseau  de 
l'Egypte  jusqu'à  lEnpInale  du  côlé  de  l'orient,  et 
sou  élendue  au  nord  jusqu'au  mont  Tanrus  et  au 
pronioninirc  Zépliirium,  qui  estsiirla  merileCicilie.) 
Niliil  lirra  promissiunis  pinguius,  si  non  moiiliiiia 
quœ\iie  aigiie  déserta,  sed  oiiinem  illius  latitudinein 
considères,  a  r  vo  /ligijpii  usque  ad  (lumen  mugu uni 
Eupbralem  contra  orientent  :  et  ad  seplentriunalem 
piiigam  usque  ad  Taiirtim  uionl  m  et  Zepbiriuni,  Ci- 
iiaœ  quod  mari  imminet.  (Coin,  in  Isai.,  c.  5.)  Le 
même  sainl  docteur,  après  avoir  rapporté  que  Kab- 
sicès,  général  de  Sennacliérib,  disait  aux  iiabitanls 
de  Jérusalem,  pnur  les  engager  à  se  soumettre  au 
roi  d'Assyrie  :  Je  vous  transporterai  dans  une  terre 
semblable"  à  la  vôtre,  cl  aussi  féconde  en  blé,  vin, 
builo ,  ajoute  que  cet  oflicier  ne  nomme  pas  celle 
terre,  parce  qu'il  n'en  pouvaii  trouver  aucune  qui 
fût  égale  à  la  terre  promise.  Transferam  vos  in  ter- 
rant ijuœ  similis  est  terrce  vestric  frunieiili,  vini  cl  olea- 
rum;  nec  dicit  nomen  regionis,'iuia  œqualem  terr.e 
repromissionis  invenire  non  poterat,  (Ibid.,  c.  ôj.) 

Voilà  de  quelle  manière  les  anciens  auteurs  ont 
célébré  les  avantages  de  (a  Judée  :  les  modernes 
sont  parfiitemeiit  d'accord  avec  eux  sur  ce  point. 

Villanionl,  dans  ses  voyages  faits  sur  la  liii  du 
XM"  siècle,  rend  léuioigmige  à  la  fertilité  de  la  Pa- 
lestine. '■  La  ville  de  Jalfa  était  sur  une  petite  mon- 
tagneiie,  environnée  d'un  enté  de  la  mer,  cl  de 
l'aniie,  vers  lîama,  d'une  belle  plaine  (pie  les  Mau- 
res et  Arabes  n'ont  inilttslriedeculiiver,  pour  n'avoir 
la  counaiisance  de  la  vertu  d'une  terre  si  grasse  et 
lertile.  (Page  -20;.)  Après  avoir  monté  la  petite  col- 
line de  Jafl'.i,  nous  cuiisidéràiiies  encore  davantage 


TER 


676 


peuple  le  riche  et  le  fertile  pays  de  l'Egypte, 
plutôt  que  la  Palestine.  Il  n'y  a  qu'à  com- 
parer ces  Jeux  climats  ,  pour   en  voir  la 

le  pays,  qui  est  presque  désert,  principalement  du 
côlé  (le  Jalfa  où  la  terre  est  si  bonne  qu'elle  produit 
l'herbe  de  trois  pieds  de  haut,  le  iliyui,  leiioul  et 
autres  lierbes  odorantes,  au  lieu  de  la  bruyère  et  de 
la  fougère  qui  croissent  ordinairement  dans  les  lan- 
des désertes,  Iclleuieut  que  cela  démcniire  assez  que 
c'était  autrefois  une  terre,  laquelle, ciltivée  rappor- 
tait aboudammeiit  toutes  sortes  de  fruits  pour  la 
nourriture  de  ses  liabiiaiils.  (P. 'inO.)  Continuant 
toujours  notie  chemin,  nous  continuâmes  toujours 
de  plus  en  plus  i  voir  la  plaine  mieux  labourée  et  cul- 
tivée que  devant,  savoir  en  grmde  quantité  de  con- 
combres, d'angonries,  de  melons,  blés,  ognons  et 
autres  biens,  tous  lesquels  ils  sèaient  à  l'aide  de 
deux  bœuls,  sans  qu'ils  cullivent  la  terre  d'engrais, 
fumier,  mirne  ou  antre  chose,  ainsi  que  nous  lai- 
SUIS  :  ainsi  ils  jeiteiit  la  semence  en  la  campagne, 
et  la  laissent  venir.  (P.  2iO.)  J'allai  voir  la  inou- 
lagiie  ou  les  lieux  montueux  de  la  Judée,  que  l'E- 
vangile appelle  monlana  Judœ'ce.  Nous  sorlinies  donc 
de  Jérusalem  et  pas-âiiies  par  des  clieniiiis  âpres  el 
rudes,  étant  au  demeurant  la  terre  assez  ferlile, 
semée  en  bl  ■  et  plantée  de  vignes,  oliviers  el  li- 
guiers.  (P.  529.)  Le  territoire  d  alentour  le  château 
des  Pèlerins  esl  très-beau  el  fertile,  comme  au^si 
est  tout  celui  de  Jalfa  jusqu'en  Tripoli,  ne  me  res- 
sonven.int  avoir  jamais  vu  côte  de  marine  plus  belle 
et  plaisanie.  (P.  353.)  La  siiuatiui  de  Barutli  esl  sur 
le  bord  de  la  mer,  comme  les  autres,  en  un  pays  plai- 
sant et  fertile,  lequel  pour  son  aménité  ne  (  ède  à 
nul  auiie,  conmie  (saus  meniir)  tome  la  côte  de  mer 
(jue  l'on  voit  depuis  Jalfa  jiisipi'à  Tripnli,  est  d'une 
des  plus  agréables  et  fertiles,  voire  les  plus  belles  et 
rii  lies  du  monde.  »  (f.  57ti.) 

Pielro  délia  Valle  décrit  ainsi  la  route  qu'il  fil  de 
Bethléem  à  llébron  :  «Le  pays  que  nous  traversâmes 
était  parfaitement  beau.  Ce  ne  sont  que  collines,  que 
v.illées  et  petites  inoiilagnes  très-liTtiles,  mais  dé- 
sertes, parce  ipie  les  babiuuits  des  villages,  ne  pou- 
vant plus  se  soutenir  ni  se  délendre  des  eouises  con  - 
tinnellis  des  Arabes  qui  descendent  des  montagnes 
voisines  lorsqu'on  y  pense  le  moins,  ont  entièrement 
abandonné  cette  contrée,  f'iirin ,  c'est  une  chose 
digne  de  compassion,  de  vnir  tant  île  villages  disper- 
sés de  côlé  et  d'autre,  qui  él  dent  autrefois  Irès-peii- 
plés,  sans  habitants  aujourd'hui,  et  ensevelis  dans 
leurs  ruines.  Nous  viines  aupiè-  la  plaine  deMauibré, 
lanl  de  fois  cilée  dans  I  Kei  itiire  sainte,  et  qui  est 
comme  tous  les  autres  paya  de  là  autour,  d'autant 
plus  fertiles  qu'ils  sont  montueux  et  pierreux  :  eu- 
ti'autres  ils  produisent  encore  aujourd'hui  de  très- 
beaux  rai-ins,  dont  les  grappes  sont  de  la  grosseur 
de  celles  que  les  espiuis  de  Josué  rapportèrent 
autrefois  de  la  Terre  promise  :  les  habit  mis  d'au- 
jourd'hui qui  y  viveni,  sans  m.iisous  cependant,  dans 
les  trous  et  les  ruines  de  ces  bàiiuients  anciens,  ne 
se  servent  pas  du  raisin  pour  l'aire  du  vin,  parce  que, 
comme  Arabes  scrupuleux  el  qui  sont  grands  obser- 
vateurs de  la  loi  de  iMahomet,  ils  n'eu  tiuivent  point; 
mais  ils  les  font  sécher,  el  entre  tous  les  aulres  ils 
sont  excellentissimes,  ei  pariiculièremeiit  en  (;e  pays. 
(T.  Il,  p.  9,).)  Pour  aller  à  Na/,aielu  nous  trouva  nés 
toujours  de  petites  nnnilagiies,  mais  lertiles,  el  tel- 
lement chargées  d'arbres,  qu'il  y  a  du  plaisir  à  les 
voir.  La  ville  est  sur  la  cime  d'nne  belle  colline,  si- 
tuée fort  agrèablemi'iit  et  fort  commodément  à  cause 
de  l'eau  ipii  y  est,  el  qui  contribuait  à  sa  beauté  ; 
mais  elle  est  toute  ruiné',  el  il  n'y  reste  que  quel(|ues 
cabanes  pour  les  babilants.  »  (P.  17G.) 

Le  père  Eugène  Roger,  dans  son  Voyage  de  la  ler-re 
sainte,  imprimé  à  Paris  chez  Bertliier,  en  1046,  s'ex- 
plique ainsi  :  <  Il  y  a  certains  arpenis  de  terre  dans 
la  Palestine,  qu'en  cultive  encore  aujourd'liui,  el  l'on 


677 


TER 


TER 


678 


raison.  La  fertilité  de  l'Egypte  est  excessive 
lors((iie  la  crue  du  Nil  se  fait  au  point  néces- 
saire; alors  la  culture  se  réduit  à   remuer 

est  étonné  (le  la  proiligiense  (luantité  de  blés  et  do 
vins  qu'ils  rapporleiit.  En  1C5i,  le  seiier  de  fnimenl, 
mesure  de  Paris,  ne  valait  en  1 1  terre  sainte  qne 
quarante-cinq  sons  rie  noire  moiinaii',  et  l'ahomlance 
en  fut  si  grande,  qne  les  Véniiions  en  cliargèrcnt 
pliisienrs  vaisseaux.  Les  vignes  d'Ilrbroii,  île  Detli- 
léein.  de  Sorec  et  de  Jériisalein  portent  pour  l'ordi- 
naire des  raisins  du  poids  de  sept  livres  ;  et  en  l'an- 
iic-e  qne  nous  avons  indiquée,  il  s'en  ironvn  un  du 
poids  (le  vingt" cinq  livres  el  demie  dans  la  vallée  de 
Soree.i  Le  inèine  auleur  dil  qui;  le  miel  cl  le  lau  sont 
si  conunuiis  encore  aujourd'hui  dans  la  Pale<line,  (pie 
les  lial)i:ariis  en  mandent  à  ions  leurs  repas,  et  eu 
assaisonnent  tontes  leurs  noiirriinres. 

Mauruirell,  Anglais,  (il  le  voyage  ri'Alep  à  Jérusa- 
le:n  eu  1697;  il  dil  ipie  Sani:irie  est  située  sur  une 
ciniiieiice,  et  (|u'il  y  a  une  vallée  fertile  tout  aiitnur. 
(I'.  !)7.)  Il  ajoute  que  lorsqu'ils  furent  à  siv  ou  sept 
lieues  de  .lérnsalcni,  le  pays  leur  paru!  eiilièrement 
dilTéreni  de  celui  qu'ils  maieut  vnjusqne-l;i.  {IM67.) 
<  iNous  ne  vîmes,  eonlinne-t  il,  qne  rochers  nus,  ipie 
nioniagnes  el  (pie  préeipices  dans  la  plupart  dis 
lienv.  Cela  siiipreiid  d'ali ml  les  pèlerins  (pii  s'en 
étaient  formé  une  si  belle  idée,  par  l,t  deseription  ■ine 
la  pinde  lie  l>ien  en  donne.  (lelie  vue  est  capable 
d'ébranler  leur  fol;  ils  ne  sauiaienl  s'imaginer  qu'un 
pays  couiine  relni-là  ail  pu  subvenir  aux  niMCssilés 
d'un  si  gianil  nombre  d'Iiabilaiils  que  celui  qui  y  fnl 
nninliré  dans  les  ilmize  iribu-i  en  même  leuips,  et 
que  Joab  l'ait  iiiuiiler,  :iu  Ih  I.  de  Sam.,  c  wiv,  à 
treize  cent  mille  i  ouiiiatlaïus,  outre  les  lemnies  el 
les  eiilanls  :  cependant 'il  est  certain  qne  ceux  qui 
n'iml  pnint  de  préjugés  en  faveur  de  l'inlidélilé, 
iriinvenl  eu  passant  assez  de  raisons  pour  soutenir 
leur  loi  ciui  re  de  pareils  scrupules.  Il  est  visible  à 
cen\  qui  veulent  se  donner  la  peine  d'observer  les 
cliiisos,  qu'il  faut  ipie  ces  rochers  et  ces  inoiiiagnes 
aient  aiilrefois  été  couverts  de  terre  cl  cultivés  , 
pour  coniribuer  à  l'euiretico  des  habitants,  aiiiam 
que  si  ce  pays  eût  été  uni,  el  niè  uo  peui-êire  davau- 
lige,  parce  qne  les  luoniagnes  et  les  surfaces  inéga- 
les oui  une  plus  grande  éteiuine  de  lenainàculliver, 
qne  n'aurait  ce  pays-là  s'il  élalt  réduit  il  un  lerrain 
é:al.  Ils  avaieni  ac>ouiunié,  pour  la  culture  d^:  ces 
numlagnes,  d'ama-ser  lonies  les  pierres  el  de  les 
placer  en  lignes  (blfér.  iilcs  sur  les  cotes  des  mon- 
lagnes,  en  forme  de  murailles.  Ces  bordures  empè- 
cbaieni  la  lerre  de  .s'éhi.uler  ou  d'élre  cmijoriéepar 
la  pluie;  ils  funiKiienl  par  C' lie  manière  plusieuis 
couelies  de  terre  admirables,  les  unes  au  dessus  des 
autres,  depuis  le  b.is  jusqu'au  haut  des  nonlagiies. 
L'on  voit  encore  des  traces  évidentes  de  celte  loruie 
Je  culture,  pat  itiul  où  l'on  passe  dans  la  Palestine. 
Par  ces  moyens  ils  rendaient  les  ruclicrs  mêmes 
léitiles,  et  peiii-élre  (pi'il  n'y  a  pas  un  pouce  de  lerre 
dans  ce  pays  lii  dont  ou  ne  se  servit  :iutreroi>  piiir 
la  pruiluetion  de  quelque  chose  d'utile  à  l'enlrelien 
de  la  vie  bnmaini:;  car  il  n'y  a  rien  au  inonde  de 
plus  feriile  que  les  plaines  el  les  vallées  pour  la 
proiliK  lion  des  bl  s  el  du  liéiail.  Les  nionagiies  iIh- 
posée<  eu  conciles,  comme  il  a  été  dil,  proiluisaient 
du  blé,  bien  (|u'elles  ne  riis»eiu  pas  propres  pour  le 
bétail.  Les  pariies  les  plus  pierreuses  ipii  n'étaient 
pas  biiiiiies  à  la  produeliuii  des  bus,  servaient  à 
piauler  des  vignes  et  des  oliviers,  qui  se  plaisent 
dans  les  lieux  secs  el  pierreux,  et  les  itran  les  plai- 
nes le  long  de  la  cote  de  la  mer,  ipii  n'éiaieni  pro- 
pres, à  cause  du  sel  de  cet  éléuienl,  ni  pour  les  blés, 
.  ni  pour  les  oliviers,  ni  pour  les  vignes,  ne  laissaient 
I  '  pas  de  servir  pour  la  iiourriiure  des  abeilles  el  pour 
la  production  du  miel,  coiiiine  le  remarque  Josèpbc 
dans  son  livre  des  Guerres  des  Juifs,  livre  v,  cb.  i  : 
j'en   suis  d'auiaiit  plus  persuadé,  que,  lorsque  j'ai 


un  peu  le  limon  formé  par  le  fleuve,  pour  y 
jeter  les  semences,  el  le  peuple  demeure 
dans  l'indolence  et  dans  l'inaction;  mais  à 

passii  dans  ces  lieux-là,  j'y  ai  trouvé  une  odeur  de 
miel  et  de  cire,  comme  si  l'iui  ci'itéii'  proche  d'une 
ruche  ou  d'un  essaim  d'abeilles.  Pourquoi  donc  ce 
pays-là  n'aïuait-il  pu  siilivcnir  aux  nécessités  du 
grand  nombre  de  ses  habitants,  puisqu'il  produisait 
partout  du  lait,  des  blés,  des  vins,  de  l'huile  et  du 
miel,  qui  sunt  la  principale  nourriture  de  ces  nations 
orientales  ?  Car  la  conslilniion  de  leurs  corps  et  la 
nature  de  leur  climat  les  porK'iit  à  nue  man  ère  de 
vivre  plus  sobre  qu'en  Angleterre  la  dais  d'autres 
pays  plus  fioids.  La  plaine  délicieuse  de '^  cbulon, 
C'imme  à  S ''pliaria,  nous  filniei  nue  Ihmiio  el  demie 
à  la  traverser;  et  une  lieun^  el  demie  après  nous  pas- 
sâmes à  droite  par  un  village  désolé  que  rouiiiiiiinie 
Satyra  ;  nue  demi-heure  après  iiims  entraînes  dans 
la  plaine  d'Acra,  cl  enrorc  une  lieureel  demie  après, 
à  la  ville,  Mièiiie;  nous  ne  fîmes  environ  (|ue  sept 
lieues  ce  juir-là,  dans  un  pays  très-lertile  ci  liés- 
agréable.  »  (P.  lï>7.) 

Tbévenot,  liv.  ii  du  Votjaçje  du  Levant  :  i  Nous 
arrivâmes  à  Irois  heures  après-midi  à  llhaiis.doud, 
ayant  toujours  cbeiniiié,  depuis  (laza  jusqii'.iu  dit 
llbansedoiid,  dans  une  fort  belle  plaine  cnriidiie  de 
blés  et  ornée  de  (|uanlilé  d'arbres  el  d'une  iiifinilé 
de  Heurs  (pii  reiideul  une  odeur  iiieneillense.  Celte 
plaine  est  toute  t  ipissée  de  tulipes  et  d'anémones, 
qui  passeraieiii  eu  France  pour  belles  quand  c'es> 
la  saison  ;  mais  quand  nmi-.  y  passâmes,  elb  s  élaicnl 
loules  passéiS.  (P.  570  )  Eu  revenant  de  liama, 
après  avoir  quitté  les  mnnta^ues  qui  durent  environ 
six  on  sept  nulles,  mais  ipii  sont  tnutes  couveries  de 
bois  l'on  épais  el  de  quantité  de  ileurs  ei  de  pâtura- 
ges, nous  cbeminâines  dans  des  plaines  assez  bonnes. 
(!'.  575.)  U'Elbiron  ou  va  ciiiicber  à  Napluuse,  pis- 
sant presque  toujours  par  des  mnnlagnes  el  des  val- 
lée-i  qui  sunt  néanmoins  feriile'<  et  sont  chargées  en 
divers  endroits  de  qiiaiiiité  d'oliviers.  Naplmse,  qui 
est  raneienue  Sicbein,  est  pnsce  au  pied  d'une  mon- 
tagne, partie  sur  le  pencbanl,  partie  dans  la  pl.iiiie. 
La  terre  y  est  feriile,  produisant  des  olives  à  foison; 
les  jardins  sont  remplis  d'orangers  iH  de  citron- 
niers, qu'une  rivière  et  divers  ruisseaux  arroseui.  > 
(P.  bSI.) 

Morisuii,  qui  a  parcouru  la  Palestine  en  cuiniupu- 
çaiil  par  la  Galilée,  a  décrit  avec  soin  la  (pialité  ilu 
sol  des  divers  lieux  piroiiila  passé.  Voici  quel- 
ques-unes de  ses  (d)scrvaliiius  :  i  La  pbrne  de  Za- 
buliiii  ('lait  un  trésor  )  oiir  la  tribu  (tu  mène  iiini, 
qui  sans  donie  avait  soin  de  la  inlliver  ;  ru- quoi- 
qu'elle soit  à  préseni  négligée,  ou  juge  aiséuieul  de 
la  bonté  de  ce  bmds  qui,  sans  être  cniiivé,  imusse 
par  une  f  coiulilé  ipii  lui  est  iialundle,  d  s  piaules, 
des  (leurs  champêtre-  el  des  herbes  eu  alioiidance  ; 
ou  (ail  même  passer  sou  terrmr  pour  le  meilleur  de 
la  lerre  sainte.  (P.  178.)  Toutes  les  leires  que  le 
Jourdain  arrose  en  deçà  soin  irès-fertiles.  (P.  201.) 
La  plaine  d'Esdrelon  est  très-célèbre,  «on-seuleuienl 
(lar  sou  cleiiilurt  prodigieuse,  mais  encore  par  son 
admirable  ferlililé;  elle  a  bix  lieues  de  longueur  et 
quatre  de  largeur  :  sou  territolr  est  si  gras  elde soi- 
même  si  fertile,  ({u'elle  sullir.iit,  à  ce  (pi'nu  dit,  elle 
seule,  si  elle  était  cullivée,  pnur  (ounir  des  grains 
à  tome  la  Galilée,  ipiand  même  cette  province  serait 
peuplée  coiniiie  e  le  le  fut  anirefois  ;  mais  elle  est 
presque  enliéreuienl  inculte,  el  l.i  nature  se  contente, 
par  la  verdure  qu'elle  y  eulrelieiit  sans  cesse,  de 
taire  voir  de  quoi  elle  serait  capable  si  l'un  secon- 
dait tant  soit  peu  ses  desseins.  (  P.  2-2U.  )  Je  n'ai 
rien  à  ajouter  à  ce  ipie  j'ai  dil  de  la -plaine  d'Esdre- 
lon,  sinon  que  j'y  trouvai  en  beaucoup  d'endroits 
grand  nombre  de  melons  el  d'arlicliauts  sauvages, 
aussi  beaux  et  aussi  gms  que  la  plupart  de  ceux  qin: 
nous  cultivons  dans  nos  jardins  avec  tant  de  soins, 


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TEIl 


TER 


CSC 


quel  péril  la  nation  entière  n'est-elle  pas 
oxposée,  lorsque,  pendant  quelques  années 
de  suite,  ce  qui  n'est  cas  rare,  le  Nil,  ou  se 

<>i  que  j'y  vis  des  loriues  fort  grosses,  qu'on  notûîiie' 
lorUies  de  lerre,  pour  les  distinguer  des  tortues  de 
nier  qui  sont  de  iiièuie  espèce,  mais  beaucoup  plus 
grosses.  (P.  2"23.)  Lu  province  de  Sainarie,  située 
eiitre  la  Judée  et  la  Galdée,  est  un  pays  de  nidiita- 
gnes,  mais  très  fertile  ;  les  plaines  et  les  vallées  sont 
arrosées  île  plusieurs  ruisseaux  qui  r.ontribueni  à 
leur  fécimdilé;  elles  sont  peuplées  d'arbres,  mais 
siirloul  d'oliviers  qui  y  surpassent  inlinimenteu  nom- 
bre les  plantes  d'autres  espèces.  Les  bêtes  s  mvages, 
connue  les  sanglieis,  les  clievreuds,  les  loups,  les 
reiKirds,  les  lièvres  et  autres  animaux,  n'y  sont  pas 
rares.  Les  perdrix  rou;;es  y  sont  encore  pins  com- 
munes qu'en  Galilée.  (P.  2'27.)  La  Judée  est  un  pays 
encore  pins  moiituenx  que  la  Saniarie  à  laquelle  elle 
conline  :  circnustance  (|ui  n'ôle  rien  h  la  boulé  de 
son  terroir  (pii  est  d'une  culture  facile,  et  qui  est 
souvent  arrosé  par  les  pluie»  qui  y  toud)ent,  el  qui 
font  que  les  montagnes  ne  sont  p;\s  nmins  fcriiles 
que  les  vallées  siuit  abondâmes  dans  les  endroits 
qu'on  a  soin  de  cultiver.  Les  arbres  les  pins  com- 
muns sont  les  oliuers,  qui  y  sont  en  proillgieux 
nombre  ;  les  grenadiers,  les  orangers,  les  citron- 
niers, les  (iguiers  et  les  carcuibiers  y  sont  beaucoup 
moins  communs.  Les  cbreDens  de  tout  rit  qui  sont 
établis  en  Judée,  y  piaulent  et  cultivent  des  vignes 
dont  ils  n'ailacbent  pas  comme  nous  les  ceps  à  des 
éclialas  pour  leur  servir  d'appui,  mais  ils  IfS  lais- 
sent ramper  nonebalamuieni  -ur  la  lerre,  et  enipê- 
cbenl  au  plus  (|u'ils  ne  la  louchent  iinmédi:ileuieut 
par  le  moyen  de  ipiel|ues  pierres  qui  les  en  séparent, 
de  crainte  que  les  ceps  ne  pourrissent  par  un  excès 
d'bniuidilé;  le  vin  en  est  purl'.diement  bmi,  il  est 
tout  de  couleur  rouge,  el  le  raisin  étant  toujours 
nourri  de  chaleurs,  il  n'est  pas  possible  que  le  via 
n'ait  une  force  agréable.  L'eau  des  lontames  est 
excellente  et  fort  saine;  mais  les  sources  n'y  sont 
pas  en  lort  grand  nombre;  la  fontaine  scellée  de 
Salomon,  dont  je  parlerai  en  son  lieu,  est  la  plus 
considéiable  de  toutes.  (P.  245.)  De  Jérusalem  à 
Bethléem  on  n'a  presque  qu'une  seule  vallée  de  deux 
lieues  de  longueur  à  passer;  elle  commence  au  pied 
du  mont  Sion,  et  linii  près  de  Betliléem.  Celte  val- 
lée, qui  peut  avoir  une  lieue  de  largeur,  est  très- 
fertile.  (P.  453.)  La  ville  de  Thécué  est  sur  une  liau- 
teur,  et  elle  voit  à  ses  pieds  des  campagnes  fertiles, 
des  vallées  toujours  riantes  et  des  loréts  fort  éten- 
dues. (P.  -187.)  La  v;\llée  de  Sorec,  qui  a  plus  de 
quinze  lieues  de  longueur,  est  assez  profonde,  et 
sa  largeur  est  médiocre.  Les  montagnes  dont  elle  est 
formée  du  coté  du  coucbaot  ne  S(mU  presque  que  des 
rochers  escarpés,  dans  lesquels  il  parait  qu'(m  a  autre- 
fois coupé  des  colonnes  d'une  grosseur  et  d'une  lon- 
gueur extraordinaires.  Les  montagnes  qui  regardent 
rOrienl  sont  plus  basses,  mais  riantes,  toutes  ilc  verdu- 
re; elles  sont  très- bien  cultivées,  et  sont  partie  en  vi- 
gnes, partie  en  terres  labourables,  et  plantées  d'idi- 
viers  et  de  liguiers...  Cette  vallée  porte  le  nom  de 
Sorec  ou  de  la  Vigne,  et  le  toi  renl  (|ui  est  au  fond 
s'appelle  le  torreotdu  ilaisin;  celte  contrée  est  sans 
doiiie  celle  ou  les  espions  députés  par  Moi,>e  cou- 
pèrent celtes  grapiie  de  raisin  si  extraordinaire  qu'ils 
rappoilèrent  au  camp.  Cet  endroit  u'e->t  plus  ei  vigne, 
et  ou  n'y  voit  (pi'un  assez  grand  nombre  d'oliviers, 
qui  en  loni  une  espèce  de  verger.  On  s'étonne  que 
ce  rai>iu  ait  ete  assez  pesant  pour  laire  la  charge 
des  deux  iiommes  qui  le  rapportaient  avec  sou  cep 
altaciié  à  un  bois  appuyé  aux  deux  bouts  sur  leurs 
épaules;  mats  outre  cpie  cette  ma. liére  do  loi  ter  ce 
raisin  était  nécessaire  pour  le  conserver  dans  touie 
sa  perfection  el  sa  beauté,  les  religieux  de  la  terve 
sainte,  qui  voient  tous  les  ans  des  raisins  des  mon- 
lagnes  de  Judée,  que  les  Grecs  elles  Arméniens cul- 


débortle  trop,  ou  ne  croît  pas  assez?  L'inon- 
dation de  ce  fleuve,  si  nécessaire  à  l'Egypte, 
est  pour  elle  une  source  de  maladies  pesti- 

livent,  sont  fort  éloignés  de  regarder  comme  une 
exagération  ce  que  l'Ecriinre  dit  de  ce  raisin,  puis- 
qu'ils en  voient  qui  pèsent  six,  huit  et  souvent  jus- 
qu'à dix  livres.  Ceux  que  j'ai  vu'i  et  goûtés  inoinième 
dans  les  îles  de  Cypre,  de  Rhodes,  de  Scio,  et  dans 
plusieurs  endroits  de  la  Thrare  ou  ils  sont  d'une 
grosseur  prodigieuse,  ne  nie  permettent  |)aî  non 
p'us  d'être  surpris  du  poids  de  celui  dont  il  s':igit.  Le 
vin  de  la  contrée  de  Sorec  csl  un  des  meilleurs  île 
Innle  la  terre  sainte;  il  est  d'un  blanc  un  peu  cliargé 
quant  à  la  couleur,  elil  e^t  très-délicat  et  très-déli- 
cieux. (P.  .l'J^.)  Le  dé-ert  de  s.iint  Jean-liaplisle, 
non  plus  que  les  montagnes  et  les  vallées  qui  le  com- 
posent, n'a  rien  d'affreux  ni  de  sauvage,  selon  la 
fausse  idée  que  ceux  qui  ne  l'onljims  vu  iieuvenl  s'en 
former.  C'est  une  agréable  solitude  dont  l'air  est 
extrêmement  pur  et  le  terroir  purfaiiemeit  bon  ;  el 
qiioiipie  le  pays  soil  très-peu  peuplé,  on  n'y  voit 
guère  d'endroits  qui  ne  soient  cultivés,  et  qui  ne 
produisent  de  liés-bon  froment  et  du  vin  exquis,  i 
(P.  474  ) 

Guillaume,  arelievèque  de  Tyr,  dit  dans  son  hi- 
stoire que  Jéricho  était,  sous  les  rois  français  de 
Jérusalem,  nue  ville  nini-senlement  célèbre,  mais 
puissante,  riche  et  pleine  de  biens  qu'elle  tirait  de 
celle  feriile  et  vaste  iilaiue  dan>  laquelle  elle  est 
située.  (I'.  -^-20.)  (Toute  cette  vaste  campagnt  qui 
s'étend  depuis  Haine  et  Liddi  jusqu'à  JaIfé,  et  de 
Jaffé  jusqu'en  Césarée  de  Palestine,  s'appelle  dans 
l'Ecriture,  Sarone,  du  nom  d'une  ville  située  dans 
le  milieu  ,  sur  une  éiuinence  on  l'on  voit  encore 
anjouid'hiii  un  chéiif  et  petit  village  nommé  Suion. 
Uien  n'était  plus  cbarmimt  que  li  vue  de  cette  cam- 
pagne, lorsque  nous  la  traversâmes  :  la  variété  des 
fleurs  ehampéires  et  surloui  de-,  tulipes  qui  y  crois- 
sent d'elles-mêmes  et  sans  êtie  cultivées,  les  prai- 
ries ornées  d'une  verdure  riante,  et  les  champs  semés 
de  diverses  sortes  de  légumes  et  chargés  surtoiii  de 
melons  d'eau  on  de  |iasiè  pies,  et  dont  on  a  grand 
débit  spr  les  côtes  de  Syrie.  (P.  5i5.)  Les  coteaux 
du  Carmel,  en  qui  Iqiies  endroits  et  particulièrement 
du  cdié  de  Sartonra,  sont  chargés  de  vignes  qui 
fournissent  du  vin  qui  passe  pour  excellent  ;  et  si 
peu  que  les  soins  de  l'art  se  joignent  à  ceux  de  la 
nilnre;  les  cani|iagiies  lont  coiinaiire  par  une  abon- 
daiiie  récolte,  qu'elles  ne  sont  stétiles  que  lorsqu'el- 
les sont  incultes. 5  (P.  5S8  ) 

Sliaw  est  avec  rai-otile  plus  estimé  des  voyageurs  : 
antiquaire,  littérateur,  géngraplie,  physicien,  chi- 
niisie,  botaniste,  niailie  dans  toutes  les  parties  de 
l'iiistoire  iiatuieile,  il  observe  tout,  rien  ne  se  dé- 
robe à  ses  yeux,  rien  n'échappa  à  ses  recherchis  : 
avec  des  rebitioiis  semblables  à  la  sienne,  on  peut  se 
procurer  toute  l'uiiliié  qu'on  retire  des  voyages  sans 
en  essuyer  les  tatigiies.  Voici  comuienl  cet  illustre 
auteur  s'exprime  sur  la  qualité  de  la  Palestine  :  t  Si 
la  lerre  sainte  était  aussi  peuplée  et  aussi  bien  cul- 
tivée aujourd'hui  qu'elle  l'était  autrelois,  elle  serait 
encore  (dus  feriile  que  la  plus  belle  contrée  de  Syrie 
et  de  la  l'héincie.  Le  terroir  en  est  meilleur  par 
lui-même,  et  à  tout  prendre,  son  rapport  en  est  pré- 
férable. Le  colon  qu'on  renieille  dans  les  plaines  de 
Hain.ih,  d'l!.sdraéloii  et  de  Zibiilim,  est  plus  estimé 
que  celui  ili;  bdon  et  de  Iripon,  el  il  ne  saurait  y 
'  avoir  de  niilleur  grain  ni  de  meilleurs  herbages  de 
(pielque  espèce  que  ce  soit  ipie  ceuxq  l'on  acomuiu- 
nénieirt  à  Jérnsaleui.  La  stérimé  du  it  quelques  au- 
leuis  se  plaiguenl,  soit  par  ignorance  ou  par  malice, 
ne  vient  pas  de  mauvaise  consiituliuii  et  de  la  na- 
ture même  du  terroir,  mais  du  peu  d'habitants  qu'il 
y  a  dans  ce  pays,  el  de  leur  paresse  à  taire  valoir 
les  terres  qu'ils  possèdent  :  outre  cela  ,  les  petits 
piinces  qui  partagent  ce  bt>au  pays  sont  toujours  en 


681 


TER 


lenlielles,  lorsque  ces  eaux  viennent  à  crou- 
pir (liiiis  les  terrains  bas.  De  là  une  uiulli- 
tude  d'insectes  qui  tourmentent  jour  et  nuit 

une  espèce  de  guerre  les  mis  contre  les  autres,  se 
pillent  rëciproquftinent  ;  de  sone  que,  quanil  même 
le  piiys  serait  mieux  peuplé  (pi'il  ne  l'est,  il  n'y  au- 
rait pas  beauciiup  d'encouragement  à  cultiver  les 
terres,  parce  q'ie  personne  n'est  as-urc  du  fruit  de 
son  travail.  U'ailleurs  le  lays  est  fort  bnn  par  lui- 
même,  et  pouirait  fournir  à  ses  voisins  du  blé  cl  de 
riiuile,  loin  connue  il  faisait  du  temps  de  Salomon. 
(lom.  XXV,  p.  5(i.)  Le  pays,  est  snrioul  celui  des 
environs  de  Jérusalem,  étant  rempli  de  rocs  et  de 
moiilagnes,  on  s'est  mis  eu  léle  qu'il  devait  être  in- 
grat et  stérile.  Quand  il  serait  aussi  vrai  qu'il  l'est 
peu,  il  est  certain  que  l'on  ne  saurait  dire  que  tout 
un  royaume  est  ingrat  ou  stérile  parce  qu'il  l'est  en 
quelipies  endroits  seulement  :  ajoutons  à  ceci  que  la 
bénédiction  priunise  à  Juda  ne  lut  pasdu  mêuie ordre 
que  celle  qui  rej;ard.iit  Aser  ou  Issacbar.  Ces  der- 
niers devaient  avoir  nu  pays  plaisant  et  un  pain  gras; 
mais  il  fut  dit  de  l'^iuire,  qu'il  aurait  les  yeux  ver- 
meils de  vin,  et  lesdenlsblaueliesde  lait.  Or,  comme 
Moïse  fait  consister  la  gloire  de  toutes  ces  terres 
dans  l'abomlance  du  lait  et  du  miel,  qui  lurent  en 
effet  les  mets  lus  plus  délicieux  et  les  aliments  les 
plus  ordinaires  des  premiers  temps,  comme  ils  le 
sont  encore  parmi  les  Arabes  bédouins  ;  tout  cela  se 
trouve  encoie  acluellement  dans  les  lieux  assignés 
à  la  portion  de  Juda,  ou  du  moins  pourrait  s'y  trou- 
ver, si  les  haliitants  travaillaient  à  se  le  procurer. 
L'aiiondance  de  vin  est  la  seule  qui  y  mauiine  au- 
jourd'hui; cependant  le  peu  que  l'on  en  fait  à  Jéru- 
salem et  à  Ilébiou,  est  si  excellent,  qu'il  par.iît  par 
là  que  ces  rochers,  qu'on  dit  si  siér.les,  eu  pour- 
raient donner  beaucoup  davantage,  si  l'abstinence 
des  Tnres  et  des  Anbes  permeitail  que  l'on  piaulât 
ei  que  l'on  cultivât  plus  de  viiiues.  Le  miel  sauvage, 
que  l'Ecriture  dit  avoir  fail  p:irlic  de  la  nourriure 
de  saint  Jean-IJaptisie,  nous  iiidirpie  la  grande  quan- 
tité (ju'il  y  en  avait  dans  les  déseris  de  la  Judée,  et 
par  conséquent  la  facilité  qu'il  y  aurait  à  le  multi- 
plier considérablement,  si  l'on  avait  soin  de  préparer 
des  ruches  pour  les  abeilles,  et  de  les  mieux  cultiver. 
Si  d'un  côté  les  montagnes  de  ce  pays  sont  couvertes 
en  certains  endroiis  de  thym,  de  romarin,  desauge 
et  d'autres  piaules  aromatiques  que  cherchent  siii- 
gulièremenl  ces  industrieux  animaux,  de  l'autre  il 
y  a  aussi  des  endroits  qui  sont  remplis  d'arbustes  el 
de  celle  herbe  courte  et  délicate  que  les  besiiaux 
prélèrenl  à  tout  ce  qui  croit  dans  les  pays  gras  el 
dans  les  prairies.  La  manière  d'y  taire  pailre  les 
troupeaux  n'est  pas  si  singulière  d ms  ce  pays  qu'elle 
ne  suit  connue  adleurs;  elle  est  encore  en  usage  sur 
tout  le  mont  Lihan,  sur  \e-  montagnes  de  Castravan 
el  dans  la  Rarbarie,  où  l'on  réserve  pour  cet  usage 
les  terrains  les  plus  élevés,  pendant  que  l'on  laboure 
les  plaines  el  les  vallées.  Outre  que  l'on  niel  ainsi 
à  profil  louie  la  terie,  on  en  lire  encore  cet  avan- 
tage que  le  lait  des  bestiaux  nourris  de  la  sorte  est 
beaucoup  plus  gras  el  plus  d  licieiix,  comme  la  chair 
en  e>l  beaucoup  plus  douce  el  plus  nom  rissanle. 
Kleiiant  néanmoins  à  part  les  prulits  que  l'on  pou- 
vait tirer  du  pâturage,  sou  le  beurre,  le  lait,  lalai^ic 
ou  le  grand  nombre  de  béies  qui  devaient  se  vendre 
tous  les  jours  à  Jérusalem  pour  la  nourriture  des 
liabil mis  et  pour  les  sacrifices  ;  outre  cela,  dis-je, 
ces  caniuiis  momagneux  poiivaicni  êire  iiès-uilles 
par  d'auties  eniiroit-,  surtout  par  la  grande  quantité 
d'oliviers  qu'on  y  av.iil  autrefois,  el  dont  un  seul  ar- 
pent bien  cultivé  rapporte  plus  que  le  double  de  celle 
étendue  mise  en  labour.  Il  est  aussi  à  présumer  que 
l'on  ne  négligeait  pas  les  vignes  dans  un  terroir  et 
dans  une  exposition  qui  leur  était  si  favorable.  Mais 
comme  ces  dernières  ne  durent  pas  en  effet  aussi 
longtemps  que  les  olivier?,  qu'elles  deinaiidenl  aussi 

DlCT.  UL  TilÉOI..  UO«JMAilQUE.  l'y. 


TER  682 

les  hommes  et  les  animaax.  Le  sable  m^me 
déposé  par  le  Nil,  et  soulevé  ensuite  par  le 
vent  d'est,  bmie  les  jeux  et  les  éteint;  dans 

plus  d'aitenlion  et  plus  de  travail,  que  d'ailleurs  les 
mahomélans  se   font  scrupule   de  ciihiver  un  fruit 
qui  peut  être  mis  à  des  usages  que  leur  religion  in- 
terdit,  tout  cela   ensemble  peut  bien  avoir  fail  qu'il 
reste   peu  de  vestiges  des  anciennes  vignes  du  pays, 
si  ce  n'est  à  Jérusalem  el  à  Uébron.  Les  oliviers,  au 
contraire,  étant  d'une   util. té  générale,  el  d'ailleurs 
d'une   vie  longue  et  d'un  bois  ferme,  il  y  eu  a  plii- 
siers   milliers  qui   subsistent  ensemble,  et  qui  ayant 
passé  ainsi  jusqu'à  nos  jours,  nous  moiiireui  la  pos- 
sibilité qu'il  y  ait  en  autrefois  et  qu'il  pourrait  encore 
y   en  avoir  une  plus  grande  quantité  de  plantages. 
Or,   si   à   ce  produit  des   montagnes  nous  joignons 
plusieurs  ceniaines  d'arpenls  de  terre  labourable  qui 
se  trouvent  par-ci  par-là  dans  les  vallons  et  dans  les 
entre-deux  de  ces  montagnes  de  Juda  et  de  Uenja- 
niin,   il   se  trouvera  que  bi  pnniou  de  ces  tribus  là 
nièine  auxquelles  on  prétend  qu'il  u'i-clint  qu'ii.,  pays 
presque   lout  stérile,  fut  une  bonne  lerre  ei  un  pré- 
cieux héritage.  Tant  s'en  fallait  que  les  endroits  mon- 
tagneux  de    la  terre    sainte    fussent    inliabilaliles  , 
infertiles,  ou  le  rebut  du  pays  de  Chaman.  que  dans 
le    partage   qu'il    s'en    fit,    la  montagne  Hébron  fut 
cédée  à   Caleb  comme  une  faveur  singulière.  Nous 
lisons  de  plus  que,  sous  le  règne  d'Asa,  Juda  et  Ben- 
miii  fournirent  cinq  cent  quatre-vingl  mille  combat- 
lants;    ce    qui    prouve  d'une  manière  incontestable 
que  le    pay,  pouvait  les  nourrir,  et  par  conséquent 
en    pouvait   nourrir  deux    fois  autant,  puis(|ue  l'on 
n'en   peut    pas   moins  compter  à  pnqioriion  pour  les 
vieillards,    pour  les  lemines  et  pour  les  enfanls.  Au- 
jourd'lmi  même,    et  quoiqu'il  y  ail  déjà  laiit  de  siè- 
cles que  l'agriculture  a  été  si  négligée,  les  plaines  et 
les   vallées  de  ce  pays,  quoiqu'aussi  ferli'es  que  ja- 
mais,  sont    presque   enlièremeni  désertes,  pendant 
qu'il  n'y  a  point  de  petite  montagne  qui  ne  regorge 
d'iiabilants.   S'il  n'y  avait  donc  dans  celte  pariie  de 
la  terre  sainte  que  des  rochers  tout  purs  et  que  des 
précipices,  comment  se    ferait-il    qu'elle    soit   plus 
remplie  que  les  plaines  d'Estraêloii,  de  Ramach,  de 
Zabiilon  ou  d'Acre,   desquelles  on  peut  dire,  comme 
l'a  lait  M.  Mauudrell,  que  c'est  un  pays  très-agréable 
et  d'une  fertilité  qui  passe  l'imaginatioii?  On  ne  peut 
pas   répoudre  que  cela  vient  de  ce  que  les  habitants 
y  sont  plus  en  sûreté  que  dans  les  plaines,  car  leurs 
villages  et  leurs  campements  n'ayant  ni  murailles  ni 
fortilicaiioiis,  et  n'y  ayant  presque  pas  un  endroit  qui 
ne  soit  aisémeul   accessible,    ils  ne  sont  pas  moins 
exposés    dans   un  lieu  que  dans  l'autre  aux  courses 
et   aux   insultes  du   premier  ennemi.  La  raison  de 
cette   préférence  est  donc  uniquement  que,  trouvant 
sur   les  muotagoes  assez  de  coiiiinodit(>s  pour  euv- 
iiiémes,  ils  y  eu  Irouveul  aiis.si  de  plus  grandes  pour 
leurs  besiiaux;  y  ayant  assez  de  pain  pmir  les  hom- 
mes, le  bétail  s'y  nourrit  d'un  meilleur  pâturage,  et 
les  uns  et  les  autres  ont  ra^rénieut  irun  gnnd  nom- 
bre de  soHices  dont  l'eau  est  excellente,  et  ipii  ne  se 
rencoiitrent  guéiesen  été,  ni  dansées  plamesni  inêine 
dans  celles  de»  autres  pays  di  même  climai.  i 

Voyez  encore  les  Voyages  de  Geuielii-Careri  , 
loin.  I,  p.  125-178;  du  péie  Ladoire,  u.  258;  de 
Tollol  el  de  La  Condaiiiioe,  p.  Mo- 

Réunissons  à  présent  sous  un  coup  d'oeil  lous  les 
traits  dont  les  anciens  el  les  moileriies  se  sont  servis 
pour  former  le  taideau  de  la  Palesiiiie.  C'est  un  pays 
si  fécond  en  blé,  qu'une  de  ses  pentes  piriie-  sufli- 
rait  seule  pour  fournir  des  grains  à  des  radiions 
d'habitants  ;  son  sol  produit  natureltemeni  des  her- 
bes en  quantité,  qui  croissent  jusqu'à  nue  excessive 
bailleur,  les  moiitai^nes, aussi  fertiles  que  les  vallées, 
sonl  les  unes  couvertes  d'excellents  pâturages,  les 
autres  chargées  de  vignes  dont  les  raisins  qui  pèsent 
sis,   huit  et  souvent  jusqu'à  dix  livres,  dunneiil  un 

22 


6tiS 


TER 


TER 


QU 


aucun  pays  du  inondo  il  n'y  a  autant  d'a- 
veugles qu'en  Egypte.  Ce  même  sable  infecte 
les  aliments,  quelque  soin  que  l'on  prenne 
de  les  renfermer;  il  trouble  le  repos  de  la 
nuit,  jyarce  qu'il  pénètre  jusque  dans  l'inté- 
rieur des  lits,  malgré  toutes  les  précautions. 
L'Egypte  ne  produit"  point  de  vin,  et  les 
olives  y  sont  bien  inférieures  à  celles  de  la 
Syrie  ;  dans  la  haute  Egypte  les  chaleurs  de 
l'été  sont  insupportables.  La  Palestine  n'est 
point  sujette  à  ces  inconvénients  ;  elle  abonde 
en  plusieurs  productions  dont  l'Egypte  man- 
que absolument.  On  peut  juger  de  la  diffé- 
rence de  ces  deux  climats  par  la  taille  avan- 
tageuse des  Maronites  que  nous  voyons  en 
Europe,  en  comparaison  desquels  les  Egyp- 
tiens  ne  sont  que  des  pygmées  difformes.  Or, 
Tacite  reconn.iit  que  les  Juifs  étaient  sains, 
robustes  et  laborieux,  corpora  hominum  sa- 
lubria  el  ferenda  luhorum.  11  n'est  point 
d'homme  instruit  qui  ne  préférât  la  position 
de  la  Palestine  à  celle  de  l'Egypte,  quoi 
qu'en  disent  quelques  écrivains  modernes, 
qui  ne  nous  ont  fait  des  descriptions  pom- 
peuses et  riantes  de  l'Egypte  que  pour  con- 
tredire ceux  qui  avaient  écrit  avant  eux. 
Volney,  plus  judicieux,  représente  l'Egypte 
comme  un  pays  malsain,  désagréable,  in- 
commode à  tous  égards,  dans  lequel  les 
voyageurs  ne  cherchent  à  pénétrer  que  pour 
en  visiter  les  ruines. 

TERTULLIEN,  prêlfe  de  Carlhage  et  cé- 
lèbre docteur  de  l'Eglise.  On  croit  commu- 
nément qu'il  est  né  vers  l'an  160,  et  qu'il 
est  mort  vers  l'an  2io;  quoique  ces  dates 
ne  soient  pas  absolument  certaines,  tout  le 
monde  convient  quil  a  écrit  sur  la  fin  du 
II"  siècle  et  au  commencement  du  111°.  Il  a 
laissé  un  grand  nombre  d'ouvrages,  dcit  la 
meilleure  édition  est  celle  que  Higaud  a  fait 
imprimer  à  Paris  en  1634  et  16i2,  in-folio. 
En  général  le  style  de  TerlnUien  est  dur  et 
obscur,  il  faut  y  être  accoutumé  pour  l'en- 
tendre; il  s'est  fait,  pour  ainsi  dire,  un  lan- 
gage particulier;  c'est  pour  cela  que  l'on  a 
mis  à  la  On  de  ses  ouvrages  un  dictionnaire 
des  mots  qui  ne  se  trouvent  que  chez  lui, 
ou  qu'il  a  pris  dans  un  sens  qui  n'est  pas 
commun.  Voyez  Index  glossarum  Tertulliani. 
11  nous  apprend  lui-même  qu'il  était  né  et 
qu'il  avait  été  élevé  dans  le  paganisme,  el  il 

vin  délical  et  très-iiéllcieux  ;  plusieurs  sont  petipl-es 
d'oliviers,  de  liguiers,  d'orangers  et  de  citronniers; 
le  miel  et  le  lait  seul  si  communs  dans  cette  province, 
que  les  lialiitaiils  en  mangent  à  tous  leurs  repas  et 
en  assaisonnent  toutes  leurs  noiirriturt-s  ;  on  y  trouve 
du  gibier  en  abinidance.  Enliii  la  l'alestiiie  est  si 
avaniageusemenl  comblée  des  ricliesses  delà  nature, 
qu'an  rapport  de  Sliaw,  qui  l'a  examinée  avec  soin, 
si  ell'!  était  aussi  peuplée  et  aussi  bien  cultivée  uu- 
joiiid'liui  qu'elle  l'étiiit  antrelDis,  elle  serait  encore 
plus  iertile  que  la  plus  belle  cniitrée  de  la  Syrie  et 
de  la  Pliéiiicie,  Qu'on  juge  quelles  doivent  être  les 
productions  et  les  agréments  d'une  province  qu'un 
connaisseur  aussi  habile  que  cet  Anglais  prélère  au 
délicieux  territoire  de  Damas,  qu'on  appelle  le  pa- 
radis detla  Syrie.  Qu'on  la  compare  à  piésent,  si  on 
l'ose,  avec  la  Suisse,  qui,  loin  d'accorder  à  ses  ha- 
biiauis  les  délices  de  la  vie,  leur  reluse  le  nécessaire. 
HépoMescniique»,^lc..  par'Bullet,  t.  I. 


avoue  les  détauts  et  les  vices  auxquels  il 
avait  été  sujet  avant  sa  conversion  ;  de  Pm- 
nit.,  c.  4  el  12.  Mais  il  embrassa  la  religion 
chrélienne  avec  pleine  connaissance  de 
cause  ;  et,  pour  rendre  raison  de  son  chan- 
gement, il  composa  son  Apologétique  pour 
défendre  le  christianisme  eonire  les  repro- 
ches et  les  fausses  accusations  des  païens;  il 
l'adressa  aux  magistrats  de  Carthagc  et  aux 
gouverneurs  des  provinces;  il  présenta  dans 
la  suite  un  mémoire  à  Scapula,  gouverneur 
de  Carthage,  pour  le  même  sujet.  On  re- 
trouve le  canevas  et  la  première  ébauche  de 
ces  deux  écrits  dans  celui  qu'il  a  iiitilulé 
Ad  Naliones.  Son  Apologétique  et  son  Traité 
des  Prescriptions  contre  les  hérétiques  sont 
les  principaux  et  les  plus  estimés  de  ses  ou- 
vrages ;  nous  avons  parlé  de  l'un  et  de 
l'autre  sous  leur  titre  particulier.  —  Comme 
Tertultien  était  d'un  car;ictère  naturellement 
dur  et  austère,  il  se  laissa  séduire  sur  la  fin 
de  sa  vie  par  les  maximes  de  morale  sévère 
et  par  les  apparences  de  vertu  qu'affectaient 
les  montanistes;  il  en  adopta  les  rêveries  et 
les  erreurs  :  triste  exemple  des  travers  dans 
lesquels  [leut  donner  un  grand  génie,  dès 
qu'il  ne  veut  plus  se  laisser  conduire  par  les 
leçons  de  l'Eglise,  et  qu'il  se  fie  trop  à  ses 
propres  lumières.  Les  écrits  qu'il  a  com- 
posés après  sa  chute  n'ont  pas  autant  d'au- 
torité que  les  précédents,  et  on  les  reconnaît 
surtout  au  ton  de  sévérité  excessive  qui  y 
domine;  cela  n'empêche  pas  (|ue  ce  Père  ne 
tienne  un  rang  distingué  p.irmi  les  témoins 
de  la  tradition  sur  tous  les  dogmes  qui  n'ont 
point  de  rapport  à  ses  erreurs. 

il  n'est  aucun  des  écrivains  ecclésiastiques 
duquel  on  ait  dit  autant  de  bien  et  aniant  de 
mal,  et  l'on  a  pu  le  faire  sans  blesser  abso- 
lument la  justice  ni  la  vérité.  Saint  Cyprien, 
qui  a  vécu  peu  de  temps  après  lui,  en  taisait 
tant  de  cas  qu'il  l'appelait  son  maître;  en 
demandant  ses  ouvrages,  il  disait  :  Da  um- 
gistrum.  Au  v*  siècle,  Vincent  de  Lérins, 
Commonit.,  c.  18,  édit.  Baluz.,  en  fait  le  plus 
grand  éloge.  «  De  même,  dit-il,  qu'Origène 
a  été  le  plus  célèbre  de  nos  écrivains  chez 
les  Grecs,  TcrluUien  l'a  été  chez  les  Latins. 
I^ui  fut  jamais  plus  savant  que  lui,  ou  plus 
exercé  dans  les  sciences  divines  el  humai- 
nes? 11  a  connu  tous  les  philosophes  et  leur 
doctrine,  tous  les  chefs  de  sectes  et  leurs 
opinions,  toutes  les  histoires  et  leurs  va- 
riétés; il  les  a  comprises  avec  une  sagacité 
singulière.  Son  génie  est  si  fort  et  si  solide, 
qu'il  n'a  rien  attaqué  sans  le  détruire  par  sa 
pénétration,  ou  sans  le  renverser  par  le 
poids  de  ses  raisonnements.  Comment  louer 
dignement  ses  écrits,  dans  lesquels  il  y  a 
une  telle  connexion  de  raisons  et  de  preu- 
ves ,  qu'il  force  l'acquiescenient  de  ceux 
même  qu'il  n'a  pas  pu  persuader?  Chez  lui 
autant  de  mots,  autant  de  sentences;  autant 
de  rétiexions,  autant  de  victoires.  On  peut 
interroger  à  ce  sujet  Marcion  ,  appelé 
Praxéas  ;  Hermogène,  les  juifs,  les  païens, 
les  guosliques  et  les  autres,  dont'ila  écrasé 
les  blasphèmes  par  ses  livres  comme  par 
autant  de  foudres.  Cependant,   après   luut 


C8S 


TEH 


TER 


G8G 


cela;  ce  même  Terluluen ,  peu  ûdèle  au 
dogme  catholique,  c'esl-à-ilire  à  la  croyance 
aiicicniie  et  universelle,  cl  moins  lieureiix 
qu'él')(|ucn(,  a  changé  <le  senlimenls;  il  a 
vérifié  enfin  ce  que  sainl  Uilairo  a  dit  de  lui, 
que  par  ses  dernières  erreurs  il  a  ôlé  l'au- 
torité à  ceux  de  ses  écrits  que  l'on  approu- 
vait le  plus.  »  Aussi  Tertullien  a  eu  des  cen- 
seurs sévères  parmi  les  l'ères  de  l'Kglise  et 
parmi  les  auteurs  modernes,  chez  les  catho- 
liques aussi  bien  que  chez  les  hérétiques  et 
chez  les  incrédules;  iiidépendaininent  des 
erreurs  de  la  secte  qu'il  avait  embrassée,  on 
lui  eu  a  reproché  de  très-graves,  tan'  sur  le 
dogme  que  sur  la  morale.  S  il  nous  est 
permis  d'en  dire  noire  avis,  il  nous  parsft 
que  souvent  on  l'a  jugé  avec  trop  de  sévé- 
rité, cl.  qu'on  ne  s'est  pas  donné  assez  de 
peine  pour  prendre  le  vrai  sens  du  langage 
particulier  qu'il  s'était  lormc.  On  ne  peut 
pas  le  disculper  en  tout;  mais  plusieurs 
écrivains  judicieux  el  modérés  sont  venus  à 
bout  de  dissiper  une  partie  des  accusations 
dont  on  le  charge,  el  nous  voudrions  pou- 
voir ctie  de  ce  nombre.  Pourquoi  prendre 
dans  un  mauvais  sens  des  expressions  sus- 
ceptibles d'une  signilicalion  très-orthodoxe, 
surtout  lorsqu'un  auteur  s'est  expliqué  ail- 
leurs plus  clairement  et  plus  d'une  fois? 

1°  L'on  reproche  à  Tertullien  d'avoir  en- 
seigné que  Dieu,  les  anges  et  les  âmes  hu- 
maines sont  lies  corps.  Le  passage  le  plus 
fort  que  l'on  objecte  est  tiré  de  son  livre 
co»(re  i*rnj;t'(is ,  qui  prétendiiil  qu'il  n'y  a 
en  Dieu  qu'une  seule  ]iersonne,  savoir  le 
Père  ;  que  c'est  lui  qui  s'est  incarné,  qui  a 
soulYerl  pour  nous,  et  qui  a  élé  nommé  Jé- 
$us-Christ;  ainsi  Praxéas  fut  l'auteur  de 
l'hérésie  des  patripassiens.  Voyez  ce  mot. 
Conséquemmenl  il  disait  que  le  Verbe  divin, 
dans  récriture  sainte,  signilie  simplement  la 
parole  de  Dieu  ;  que  ce  n'est  ni  une  substance 
ni  une  personne,  non  plus  que  la  parole 
humaine,  qui  n'est  qu'un  son  ou  une  réper- 
cussion de  l'air.  Aclvers.  Prax.,  c.  7.  Voici 
comme  Tertullien  argumente  contre  lui, 
ibid.  «  .!e  vous  soutiens  qu'un  néant  et  un 
vide  n'ont  pas  pu  émaner  de  Dieu,  comme 
si  Dieu  lui-même  était  un  vide  et  un  néant  ; 
que  ce  qui  est  sorti  d'une  si  grande  sub- 
stance et  qui  a  fait  tant  d'êtres  subsistants, 
ne  peut  pas  être  sans  substance.  H  a  fait  lui- 
même  tout  ce  que  Dieu  a  fait.  Comment  peut 
être  un  néant,  celui  sans  lequel  rien  n'a  été 
fait?....  Appelon<-nous  un  vide  et  un  néant 
celui  qui  est  appelle  Fils  de  Dieu,  Cl  Dieu  lui- 
même?  Le  Verbe  était  en  Dieu,  et   le  Verbe 

était  Dieu Qui  niera  que  Dieu  ne  soit  un 

corps,  quoiqu'il  soit  un  esprit?  L'esprit  est 
un  corps  dans  son  genre  et  dans  sa  forme 
(ou  dans  sa  manière  d'être  );  toules  les  cho- 
ses invisibles  ont  en  Dieu  leur  corps  et  leur 
forme,  par  lesquels  elles  sont  visibles  à 
Dieu  ;  à  combien  plus  forte  raison  ce  qui 
vient  de  la  substance  de  Dieu  ne  sera-l-il  pas 
sans  substance?  Quelle  qu'ait  été  la  sub- 
stance du  >'erbe,  je  dis  que  c'est  une  per- 
sonne, et,  en  lui  donnant  !e  nom  de  Fils, 
je  le  soutiens  second  après  le  Père. 


Il  nous  paraît  évident  que  Tertullien  a 
confondu  le  terme  de  corps  avec  celui  do 
su'/slanee,  puisqu'il  les  oppose  l'un  el  l'autre 
au  vide  et  au  néant,  et  que  par  forma,  ej'fi- 
(jies,  il  entend  la  manière  d'être  des  esprits, 
rien  autre  chose.  Le  savani  Huel  n'est  point 
de  cet  avis:  Teriullien,  dil-il,  n'était  ni  as- 
sez ignorant  en  latin  ni  assez  dépourvu  de 
termes,  pour  n'avoir  pu  exprimer  un  être 
subsistant,  autrement  que  par  le  mot  de 
corps;  Oriijen.  quœst.,  1.  ii,  q.  I,  §  8.  Beau- 
sobre  cl  d'autres  se  sont  prévalus  de  celle 
réllexiiin.  Sauf  le  respect  dû  au  docte  Huet, 
elle  n'est  pas  juste.  Tertullien  parinit  le  lalin 
d'Afrique  el  non  celui  de  Home;  on  ne  peut 
pas  nier  qu'il  n'ait  donné  à  une  infinité  de 
raols  latins  un  sens  tout  différent  de  (elui 
des  écrivains  du  siècle  d'Auguste.  Cicéron 
lui-même,  obligé  d'exprimer  d.ins  sa  langue 
les  matières  philosophiques  qui  n'avaienl 
été  traitées  jusqu'alors  qu'en  grec,  fut  forcé 
de  se  servir  de  termes  grecs,  ou  de  donner 
aux  termes  latins  une  signiflcation  très-dif- 
férente de  celle  qu'ils  avaient  dans  l'usage 
ordinaire.  Tertullien,  aa  second  siècle,  s'est 
trouvé  dans  le  même  cas  à  l'égard  des  ma- 
tières théologiques  ;  avant  lui  personne  ne  les 
avait  traitées  en  latin,  son  lan^'agc  n'a  donc 
pas  pu  être  aussi  exact,  ni  aussi  épuré  qu'il  l'a 
élé  dans  la  suite.  D'ailleurs  iluel  n'ignorait 
pas  que  Lucrèce  a  dit  corpus  aquce  pour  la  sub- 
stance de  l'eau,  parce  que,  dans  l'usage  ordi- 
naire, suùj^ant/a  signifiait  autre  chose  qu'un 
être  subsislaul,  ce  lerme  est  une  métaphore. 
Quand  nous  disons  le  corps  d'une  pensée, 
pour  distinguer  le  principal  d'avec  l'acces- 
soire, nous  n'entendons  pas  pour  cela  qu'une 
pensée  est  for|iorelle  ou  matérielle. 

Tertullien  a  soutenu  contre  Hermogène 
que  Dieu  a  créé  la  matière  et  les  corps,  donc 
il  esl  impossible  qu'il  ail  cru  que  Dieu  est 
un  corps.  Dans  le  livre  même  contre  Praxéas, 
chap.  5,  il  (lit  :  «  Avant  toules  choses  Dieu 
élail  seul,  il  était  à  lui-méuie  sou  niunde, 
sou  lieu,  son  univers;  »  Ipse  sibi  et  inundus, 
et  locus  et  omnia.  Une  idée  aussi  sublime 
est-elle  compalible  avec  l'opinion  d'un  Dieu 
corporel  ?  Enfin,  au  iv  siècle, saint  Phébade, 
évéque  d'Agen  ,  dont  la  doctrine  esl  bien 
connue  d'ailleurs,  a  donné  comme  Tertullien 
le  nom  de  corps  à  tout  ce  qui  subsiste.  Voyez 
[lisl.  litt.  de  la  France,  tome  i,  ir"  part., 
p.  271.  Par  ces  mêmes  réflexions  l'on  pour- 
rail  justifier  ce  qu'il  a  dit  des  anges  et  de 
l'âme  humaine,  mais  celle  discussion  nous 
mènerait  trop  loin.  11  nous  paraît  qu'il  a  seu- 
lement cru  (ju'un  esprit  créé  est  toujours 
revêtu  d'un  corps  subtil  pour  pouvoir  agir 
au  deiiors, opinion  très-inJifférenle  à  la  foi  : 
il  ne  s'ensuil  pas  que  Tertullien  n'ait  eu  au- 
cune noiion  de  la  parfaite  spiritualité. 

2°  L'on  prétend  qu'il  n'a  pas  élé  orthodoxe 
sur  le  mystère  de  la  sainte  Trinité;  mais  il 
a  élé  justifié  sur  ce  point  par  Bullus  el  par 
Bossuet.  Dans  le  livre  contre  Praxéas,  c.  2, 
il  y  a  une  profession  de  loi  sur  ce  mystère, 
qui  nous  parail  irrépréhensible,  quoique 
conçue  dans  des  termes  dont  on  ne  se  sert 
plus  aujourd'hui  ;  ou  sail  que,  pour  l'expli- 


687 


TER 


quer  avec  plus  d'exactitude,  les  scolastiques 
ont  élt'  obligés  d'employer  des  termes  bar- 
bares inconnus  auv  anciens  auteurs  la- 
lins. 

3°  C'est  surtout  en  fait  de  morale  que  l'on 
a  imputé  les  erreurs  les  plus  grossières  à 
Tertiillien;  Barbeyrac,  Traité  de  la  Morale 
des  Pères,  c.  6,  l'accuse  d'avoir  condamné 
alisolniiient  l'étal  militaire  et  la  profession 
de  soldat,  la  fonction  de  faire  senlinelle  de- 
vant un  iempie  d'idoles,  la  coutumedallumer 
des  lampes  et  dos  flambeaux  dans  un  jour 
de  réjouissance,  l'usage  des  couronnes,  les 
fondions  de  juge  et  de  magistrat,  la  fréquen- 
tation (les  spectacles,  surtout  de  la  comédie, 
la  dignité  d'empereur,  les  secondes  noces, 
la  fuite  dans  b's  persécutions,  la  juste  dé- 
fense de  soi-même,  etc.  Dans  divers  articles 
(Je  ce  Dictionnaire  nous  avons  fait  voir  l'in- 
justice de  la  plupart  de  ces  reproches.  Ter- 
lullien  a  regardé  la  profession  des  armes 
comme  défendue  à  un  chrétien,  non-seule- 
ment à  cause  du  brigandage  auquel  les  sol- 
dats romains  se  livrèrent  dans  les  séditions 
que  l'on  vit  éclore  sous  Niger  et  Albin,  mais 
à  cause  du  serment  militaire  que  les  soldats 
prêtaient  tn  présence  des  en>eignes  chargées 
de  fausses  divinités,  et  du  culte  idolâtre  que 
l'on  rendait  à  ces  mêmes  enseignes  ;  Teriul- 
lien  s'en  est  expliqué  clairement  dans  son 
Apologétique  et  ailleurs.  Vu  l'excès  de  la 
superstition  qui  régnait  pour  lors,  il  n'était 
guère  possible  de  faire  sentinelle  devant  un 
temple  d'idoles,  sans  participer  en  quelque 
manière  au  culte  qu'on  y  pratiquait.  11  en 
était  de  même  des  couronnes  que  l'on  distri- 
buait aux  soldats.  Les  fêtes  et  les  jours  de 
réjouissance  étaient  célébrés  à  l'honneur 
des  divinités  du  paganisme;  un  chrétien  de- 
vait-il y  prendre  pari?  Ce  Père  a  douté  si 
les  empereurs  pouvaient  être  chrétiens,  ou 
si  un  chrétien  pouvait  êire  empereur,  dans 
un  temps  où  l'un  des  points  principaux  de 
la  politique  rom;iine  était  de  persécuter  le 
christianisme;  il  a  pensé  de  même  de  la  ma- 
gistrature, lorsque  les  juges  et  les  magistrats 
étaient  obligés  tous  les  jours  à  condamner 
des  chrétiens  à  mort  :  avait-il  tori?  11  n'en 
avait  pas  plus  de  réprouver  les  spectacles, 
lorsque  la  scène  était  ensanglantée  par  les 
combats  de  gladiateurs,  et  souvent  par  le 
supplice  des  chrétiens,  et  les  comédies  ordi- 

!nairemenl  très-licencieuses.  11  a  blâmé  la 
défense  de  soi-même  pour  cause  de  religion, 
'  dans  des  circonstances  oii  il  fallait  aller  au 
martyre;  et  les  secondes  noces,  dont  la  plu- 
part se  faisaient  en  vertu  d'un  divurce  que 
les  chrétiens  n'ont  jamais  dû  approuver. 
Pour  savoir  si  des  leçons  de  murale  sont 
vraies  ou  fausses,  justes  ou  répréhensibles, 
il  faut  commencer  par  connaîiic  le  ton  des 
mœurs  qui  régnaient  et  les  abus  que  l'on  se 
permettait  ;  jamais  les  protestants  n'ont  pris 
celte  précaution  avant  de  blâmer  les  Pères 
de  l'Eglise.  Quant  à  la  fuite  dans  les  persé- 
cutions, Jésus-Christ  l'a  formellemenl  per- 
mise, Matlh.,  c.  X,  V.  iJ3;  Tertullicn  ne  l'a 
condamnée  (ju'après  s'être  laissé  séduire  par 
la  morale  outrée  des  montanistes  ;  son  livre 


TER  688 

de  Fur/a  in  persecutione  est  un  de  ses  der- 
niers ouvrages. 

Mais  il  y  a  une  diffiruKé  touchant  l'état 
militaiie  :  Tertiillien  semble  le  condamner 
absolument ,  de  Idololat. ,  c.  19  ;  cependant 
il  dit  dans  son  Apologétique ,  cap.  37  et  i2, 
que  les  armées  romaines  étaient  remplies  de 
soldats  chrétiens.  Suivant  l'opinion  d'un  in- 
crédule moderne,  cela  ne  fut  vrai  que  sous 
Constance-Chlore,  soixante  ans  après  Ter- 
tullien;  il  ne  parlait  ainsi  qu'.ifin  de  faire 
paraître  son  parti  redoutable.  Ce  grand  cri- 
tique ignorait  sans  doute  que  déjà  sous  les 
Antonins  et  sous  Marc-Aurèle,  immédiate- 
ment après  la  n;iissanee  de  Tertiillien,  le  fuit 
qu'il  avance  était  connu  et  incontestable.  Il 
passait  pour  constant  que  sous  Marc-Aurèle 
était  arrivé  le  miracle  delà  légion  fulminante, 
composée  principalement  de  soldats  chré- 
tiens, miracle  que  Tertiillien  affirme  coniine 
certain, c.  5.  Voyez  Légion  fulminante.  Il  at- 
teste qu'aucun  d'eux  n'a  jamais  trempé  dans 
les  séditions  que  l'on  vit  arriver  sous  Alhin, 
sous  Niger,  sous  Cassius,  ibid.,  35,  ad  Sca- 
pu/.,  c,  11  ;  il  ne  craignait  donc  pas  d'être 
contredit.  Il  est  probable  que  ces  soldats 
avaient  prêté  le  serment  militaire  sans  être 
astreints  aux  cérémonies  accoutumées  ;  et 
n'avaient  fait  aurun  acte  d'idolâtrie,  puis- 
que, sous  les  empereurs  suivants,  plusieurs 
souffrirent  le  martyre  plutôt  que  de  se  ren- 
dre coupables  de  ce  crime. 

4°  Plusieurs  protestants  ont  soutenu  que 
Tertiillien  n'attribuait  aucune  autorité  à  l'é- 
vêque  de  Rome,  et  (|u"il  ne  croyait  pas  la 
présence  réelle  de  Jésus-Christ  dans  l'eucha- 
ristie ;  par  reconnaissance  ils  ont  parlé  de  ce 
Père  avec  plus  de  modération  que  des  autres. 
Mais  ils  se  sont  vainement  flattés  de  son  suf- 
frage. Dans  son  Traité  des  Prescriptions  contre 
les  hérétiques,  c.  22,  il  demande  si  la  doctrine 
de  Jésus-Christ  a  ôlé  ignorée  par  saint  Pier- 
re ,  «  qui  a  été  nommé  la  pierre  de  l'édiflce 
de  l'Kglise,  ()ui  a  reçu  les  clefs  du  royaume 
des  cieux  et  le  pouvoir  de  lier  et  de  délier 
dans  le  ciel  et  sur  la  terre.  «  C.  36,  il  dit  : 
«  Si  vous  êtes  à  portée  de  l'Italie,  vous  avez 
Rome  dont  l'autorité  est  près  de  vous.  Heu- 
reuse Eglise,  à  laquelle  les  apôtres  ont  livré 
avec  leur  sang  toute  la  doctrine  de  Jésus- 
Christ  1  Voyonsce  qu'elle  a  appris,  ce  qu'elle 
enseigne  :  or,  elle  est  d'accord  avec  les 
Eglises  d'Afrique... .  Puisque  cela  est  ainsi, 
nous  avons  la  vérité  pour  nous  tant  que 
nous  suivons  la  rèirle  qui  a  été  donnée  à 
l'Eglise  par  les  apôtres  ,  aux  apôtres  par 
Jésus-Christ,  à  Jésus-Christ  p  ir  Dieu  lui- 
même;  et  nous  sommes  fondés  à  soutenir 
que  l'on  ne  doit  pas  admettre  les  hérétiques 
à  disputer  par  les  Ecritures,  puisque  nous 
prouvons,  sans  les  Ecritures  ,  qu'ils  n'ont 
rien  à  y  voir.  »  Que  les  protestants  pensent 
et  parlent  comme  7'e/7»//(en,  qu'ils  attribuent 
à  la  seule  Eglise  apostolique  qui  subsiste 
aujourd'hui,  ia  même  autorité  que  ce  Père 
lui  attribuait,  nous  serons  satisfaits.  Mais 
ils  se  sont  élevés  contre  ce  Traité  des  Pres- 
criptions, et  nous  avons  répondu  à  leurs 
plaintes.  Voyez  ce  mot. 


689 


TER 


TER 


690 


A  l'arlicle  i^lchakistiiï,  nous  avons  fait 
voir  que  Terttillieii  a  enseigné  très-claire- 
ment la  présence  réelle  de  Jésns-Christ  dans 
ce  sacremenl,  et  que  les  proleslanls  rendent 
mal  le  sons  des  passages  de  ce  Père  qni 
semblent  prouver  le  contraire. 

5°  Quelques  incrédules  ont  dit  qu'il  vi  fait 
un  raisonnement  absurde  d.ins  son  livre  de 
Corne  Chrisli ,  c.  5;  il  argumente  contre 
Marcion.qui  ne  voulait  pas  croire  (|ue  le 
Fils  de  Dieu  s'est  véritahlenient  incarné  et 
qu'il  a  réellement  soufferi  ;  il  dit  :  «  Le  Fils 
de  Dieu  a  été  crucifié,  je  n'en  rougis  point, 
parce  que  c'est  un  sujet  de  honte.  Le  Fils 
de  Dieu  est  mort,  il  faut  le  croire,  parce  que 
cela  est  iiuiécenl;  il  est  sorli  vivant  du  loin- 
beau  ,  cela  est  certain  ,  parce  que  cela  est 
impossible.  »  On  ne  peut  pas  ,  disent  nos 
censeurs,  déraisonner  plus  complètement. 
Pour  en  juger  sensément  il  ne  fallait  pas 
supprimer  ce  qui  précède;  il  dcmandu  à 
M.ircion  :  «  Dircz-vous  qu'il  est  honteux  à 
Dieu  d'avoir  racheté  l'homme,  et  jugeroz- 
vous  indignes  de  lui  les  moyens  sans  lesquels 
il  ne  l'aurait  pas  racheté?  Par  sa  naissance 
il  nous  exempte  do  la  mort  et  nous  régénère 
pour  le  ciel  ;  il  guérit  les  maladies  de  la 
chair,  la  lèpre,  la  paralysie,  la  cécité,  etc. 
Cela  est-il  indigne  de  Dieu  et  de  son  Fils, 
parce  que  vous  le  croyez  ainsi?  Que  cela  soil 
insensé,  si  vous  le  voulez  ;  lisez  saint  Paul  : 
Dieu  a  choisi  ce  qui  paraît  une  folie  pour  con- 
fondre la  sagesse  des  hommes.  Or,  où  est  ici 
la  folie?  Est-ce  d'avoir  amené  l'homme  au 
culte  du  vrai  Dieu,  d'avoir  dissipé  les  erreurs, 
d'avoir  enseigné  la  justice,  la  chasteté,  la 
patience,  la  miséricorde,  l'innocence?  Non, 
sans  doute.  Cherchez  donc  les  folies  dont 
parle  l'Apôtre....  C'est  évidemment  la  nais- 
sance, les  souffrances,  la  mort,  la  sépulture 
du  Fils  de  Dieu....  V'ous  vous  croyez  sage 
de  ne  pas  croire  tout  cela,  mais  souvenez- 
vous  que  vous  ne  serez  véritablement  sage 
qu'autant  que  vous  serez  insensé  selon  le 
monde,  en  croyant  de  Dieu  ce  qui  paraît  in- 
sensé aux  mondains....  Saint  Paul  l'ail  pro- 
fession de  ne  savoir   que    Jésus   crucifié 

Hcspectez,  ô  Marcion ,  l'unique  espérance 
du  monde  entier,  ne  détruisez  point  l'igno- 
minie inséparable  de  la  foi.  Tout  ce  qui  pa- 
raît indigne  de  Dieu  est  utile  pour  moi;  je 
suis  sûr  de  mon  salut,  si  je  ne  rougis  point 
de  mon  Dieu.  Je  rougirai,  dit-il,  de  celui  qui 
roiiijira  de  moi  ;  telle  est  la  confusion  salu- 
taire que  je  veux  avoir,  ou  plutôt,  en  la  bra- 
vant, je  veux  me  montrer  impudent  avec 
raison,  et  insensé  pour  mon  bonheur.  Le 
Fils  de  Dieu  a  été  crucifié,  je  n'eu  rougis 
point,  parce  que  c'est  un  sujet  de  honte;  le 
Fils  de  Dieu  est  mort,  il  faut  le  croire,  parce 
que  c'est  une  indécence;  il  est  sorti  vivant 
du  tombeau,  cela  est  certain,  parce  que  cela 
est  impossible.  »  Impossible,  selon  Marcion 
et  selon  le  monde,  mais  non  selon  les  lu- 
mières de  la  foi.  Il  est  évident  que  le  dis- 
cours de  Tcrtullien  n'est  autre  chose  que  le 
commentaire  de  ces  paroles  de  saint  Paul  : 
Quœ  stulla  sunt  mundi  elegit  Deus  ut  confun- 
dat  sapientes,  etc.,  /  Cor. ,  c.  i,  y.  27  ;  aussi 


les  incrédules  en  ont  fait  un  reproche  à  saint 
Paul  de  même  qu'à  Tertullien. 

G"  L'un  de  ces  critiques  imprudents  dit 
que,  dans  son  livre  de  Pallio,  ce  Père  débite 
une  morale  qui  le  dispensait  des  devoirs  de 
1a  société,  et  que  c'était  l'esprit  du  christia- 
nisme. Un  autre  est  scandalisé  d'avoir  lu  ce 
passage.  ApoL,  c.  :i2:  «  Nous  avons  encore 
un  plus  grand  inlérél  à  prier  pour  les  etnpe- 
reurs,  pour  tous  les  éiats  de  la  société,  pour 
la  chose  publique,  parce  que  nous  savons 
que  la  prospérité  de  l'empire  romain  est  une 
espèce  de  garant  contre  la  révolution  terrible 
dont  le  monde  est  menacé,  et  contre  les  hor- 
ribles lleaus  par  les(iuels  l'ordre  présent  des 
choses  doit  finir.  »  De  là  le  censeur  conclut 
que  les  chrétiens  n'auraient  pas  prié  pour 
leurs  maîtres  s'ils  n'avaient  pas  eu  peur  de 
la  fin  du  monde. 

^  oilà  comme  raisonnent  îles  écrivains  sans 
réflexion.  Dans  le  livre  rfe  Pallio,  Tertullien 
répondait  à  ceux  qui  le  tournaient  en  ridi- 
cule, parce  qu'il  affectait  de  porter  le  man- 
teau des  philosophes  au  lieu  de  l'habit  com- 
mun ;  il  n'était  donc  pas  question  des  devoirs 
de  la  sociélé,  mais  des  modes,  des  coutumes, 
des  usages  indifférents.  Tertullien  se  défend 
en  jetant  du  ridicule  à  son  tour  sur  la  plu- 
part de  ces  usages  ;  c'est  une  satire  très- 
vive,  pleine  d'esprit  et  de  sel  un  peu  caus- 
tique. 11  n'est  presque  aucun  de  nos  philo- 
sophes qui  n'en  ait  fait  autant  à  l'égard  de 
nos  mœurs  et  de  nos  usages  ;  lorsque  leur 
censure  a  paru  ingénieuse,  on  s'en  est  amusé, 
et  on  ne  leur  en  a  pas  su  mauvais  gré.  Quant 
aux  devoirs  de  la  société  civile  ,  Tertullien 
atteste  ,  dans  son  .Apologétique,  que  les  chré- 
tiens les  remplissaient  avec  la  plus  grande 
exactitude  ,  et  il  défiait  leurs  ennemis  de 
leur  rien  reprocher  sur  ce  sujet.  —  Dans  le 
chap.  31  ,  il  avait  cité  les  paroles  de  saint 
Paul  ,  qui  ordonne  de  prier  pour  les  rois, 
pour  les  princes,  pour  les  grands  ,  afin  que 
la  sociélé  soil  tramiuille  et  paisible.  «  Lors- 
que l'empire  est  ébranlé,  dit-il,  nous  en  sen- 
tons le  contre-coup  ,  comme  les  autres  ci- 
toyens. »  Chapitre  32,  il  ajoute  le  passage 
que  nos  adversaires  lui  reprochent.  Or ,  il 
n'y  est  pas  question  de  la  fin  du  monde, 
mais  d'une  révolution  terrible  que  l'on  pré- 
voyait, et  qui  arriva  en  effet  au  commence- 
ment du  V  siècle  par  l'irruplioii  des  barbares 
dans  l'empire.  Déjà  dès  le  iir,  vu  la  conti- 
nuité des  guerres  civiles,  le  fréquent  mas- 
sacre des  empereurs  ,  les  dissensions  des 
grands  ,  l'indiscipline  des  soldats  ,  on  pré- 
voyait que  les  barbares  ,  toujours  prêts  à 
fondre  sur  l'empire  et  qui  le  menaçaient  de 
toutes  parts  ,  viendraient  à  bout  de  le  ren- 
verser ;  l'on  craignait  les  malheurs  dont 
celte  catastrophe  serait  nécessairement  sui- 
vie ,  et  l'événement  n'a  que  trop  vérifié  ces 
tristes  présages.  Tertullien  elles  autres  Pères 
qui  ont  parlé  de  même  n'avaient  pas  lort, 
c'est  mal  à  propos  qu'on  leur  reproche  d'a- 
voir annoncé  la  fin  du  monde.  Comment  la 
prospérité  de  l'empire  romain  aurait-ellelpa 
être  un  garant  contre  la  fiu  du  monde  ?  Yoy. 
Monde. 


691 


TES! 


TES 


692 


7°  Parmi  les  proieslanls,  l'un  soutient  que 
Tertullien  et  Justin  le  Martyr  no  pouvaient 
se  tirer  avec  honneur  de  leur  controverse 
avee  les  Juifs  ,  p.irce  qu'ils  ignoraient  leur 
langue  ,  leur  histoire',  leur  littérature  ,  et 
qu'ils  écrivaient  avec  une  légèreté  et  une 
inexaclitude  que  l'on  ne  saurait  excuser. 
Un  autre  dit  que  ce  Père  s'est  trompé  lour- 
dement en  attribuant  toutes  les  hérésies  à 
la  philosophie  des  Grecs  ;  qu'il  n'a  point  eu 
de  connaissance  du  système  des  émanations 
et  de  la  philosophie  des  Orientaux  ,  de  la- 
quelle les  gnosiiqups  avaient  lire  toutes 
leurs  erreurs.— Ne  sont-ce  pas  ces  critiques 
Blêmes  qui  écrivent  avec  un  pou  trop  de 
Tégèreté?  Il  n'était  pas  besoin  de  savoirl'hé- 
breu  pour  disputer  contre  des  Juifs  hellé- 
nistes qui  ne  l'entendaient  plus  eux-naéaies, 
et  qui  ne  lisaient  Tiicriiure  sainte  que  dans 
la  version  grecque  des  Septante  ou  dans 
celle  d'Aquiln.  Les  Juifs  n'ont  repris  (lu'au 
IX'  siècle  la  coutume  générale  de  ne  lire  la 
Bible  dans  leurs  synago^^nes  qu'en  hébreu 
et  en  chaUléen  ;  c'est  un  fait  constant.  Ils  ne 
connaissaient  leur  propre  histoire  que  par 
l'Ecriture  sainte,  par  les  écrits  de  Josèphe, 
de  Philon  et  de  Juste  de  Tibériade  ;  et  tous 
étaient  composés  en  grec.  Depuis  que  nos 
savants  ont  appris  l'hébreu,  ont-ils  converti 
beaucoup  plus  de  Juifs  que  les  Pères  des 
trois  premiers  siècles  ?  Ceux-ci  avaient  deux 
grands  avantages  ,  savoir  ,  la  mémoire  des 
faits  toute  récente  ,  et  les  dons  mir.iculeux 
qui  subsistaient  encore  dans  l'Kglise;  nous 
ne  croyons  pas  qu'une  grande  connaissance 
de  la  lann;ue  hébraïque  puisse  les  compen- 
ser. Tertntlien  connaissait  les  émanations, 
puisque,  dans  son  livre  co?!/re  Praxéns,  c.8, 
il  distingue  la  génération  du  Fils  de  Dieu 
d'avec  les  émanations  des  valentinions,  et 
qu'il  en  montre  la  différence.  Dans  les  arti- 
cles Emanation  et  Platonisme  ,  nous  avons 
fait  voir  que  les  gnostiques  ont  pu  emprun- 
ter leur  système  de  la  philosophie  de  Platon, 
tout  aussi  bien  que  de  la  philosophie  des 
Orientaux, et  que  la  prévention  des  critiques 
protestants  en  faveur  de  cette  dernière  n'est 
fondée  sur  rien. 

Encore  une  fois  ,  nous  ne  prétendons  pas 
justifier  tout  ce  qu'a  écrit  Tertullien;  il  y  a 
des  crri^urs  dans  ses  ouvrages  ,  m;iis  beau- 
coup moins  que  ne  le  prétendent  certains 
critiques  prévenus  et  pointilleux  qui  se  co- 
pient les  uns  les  autres  sans  examen.  Nous 
persistons  à  croire  que  souvent  il  a  été  jugé 
et  condamné  trop  sévèrement  ,  parce  qu'on 
ne  s'est  pas  donné  la  peine  d'étudier  son 
style  coupé,  sentcnticux  ,  plein  d'ellipses  et 
de  rélicences  ,  ni  sa  manière  de  raisonner 
brusque,  impétueuse,  qui  passe  rapidement 
d'une  pensée  à  une  autre  ,  et  qui  laisse  au 
lecteur  le  soin  de  suppléer  à  ce  qu'il  ne  dit 
pas.  Ce  n'est  point  un  moièle  à  suivre,  mais 
c'est  un  écrivain  qui  donne  beaucoup  à  pen- 
ser 01  qui  tnérilo  d'être  lu  plus  d'une  l'ois. 

TES  l'AMKNT.  En  latin  et  en  français  ce 
terme  signifie  proprement  l'acte  par  lequel 
un  homme  près  de  mourir  déclare  ses  der- 
nières volontés  ;  mais  il  n'est  pas  employé 


dans  ce  sens  par  les  écrivains  hébreux.  Le 
seul  exemple  que  l'on  trouve  chez  les  patri- 
arches d'un  testament  proprement  dit  est 
celui  de  Jacob,  qui  au  lit  de  la  mort  fit  con- 
naître à  ses  enfants  ses  dernières  volontés  ; 
mais  c'était  plutôt  une  prophétie  de  ce  qui 
devait  leur  arriver  ,  et  de  ce  que  Dieu  avait 
décidé  sur  leur  sort,  qu'une  disposition  libre 
et  arbitraire  de  la  part  de  Jacob.  Quant  aux 
dernières  paroles  de  Joseph  ,  de  Moïse,  de 
Josué,  de  David  ,  on  ne  peut  leur  donner  le 
nom  de  testament  que  dans  un  sens  assez 
impropre.  L'hébreu  hérith,  et  le  grec  SiaBoxYi 
qui  y  répond,  signifient  en  général  disposi- 
tion, institution,  traité,  ordonnance,  alliance, 
aussi  bien  qu'une  déclaration  de  dernière 
volonté  ;  de  là  les  traducteurs  latins  ont 
rendu  communément  ces  deux  termes  par 
celui  de  testament,  quoiqu'ils  désignent  plu- 
tôt à  la  lettre  une  a</tance,  un  traité  solennel 
par  lequel  Dieu  déclare  aux  hommes  ses  vo- 
lontés, les  conditions  sous  lesquelles  il  leur 
fait  des  promesses  et  veut  leur  accorder  ses 
bienfaits. 

Au  mot  Alliance, nous  avons  observéqne 
Dieu  a  daigné  plus  d'une  fois  faire  ces  sortes 
de  traités  avec  les  hommes  ;il  a  fait  alliance 
avec  Adam,  avec  Noé  au  sortir  de  l'arche, 
avec  Abraham;  mais  on  ne  donne  point  à 
ces  actes  solennels  le  nom  de  testament  ;  il 
est  réservé  aux  deux  alliances  postérieures, 
à  l'une  que  Dieu  conclut  avec  les  Hébreux 
par  le  ministère  de  Moïse  ,  à  l'autre  qu'il  a 
faite  avec  toutes  les  nations  par  la  médiation 
de  Jésus-Christ.  La.  première  est  nommée 
Vancienne  alliance  ,  le  Vieux  Testament  ;  la 
seconde  est  la  nouvelle  alliance  ,  le  Nouveau 
Testament.  Saint  Paul  ,  Hehr.  ,  c.  is  »  v.  15 
et  seq.  ,  a  donné  à  l'un  et  à  l'autre  le  nom 
de  testament  dans  le  sens  le  plus  propre,  il 
les  fait  envisager  comme  des  actes  de  der- 
nière volonté.  Jésus-Christ,  dit-il,  est  le  mé- 
diateur d'un  TESTAMEVT  nouvmu ,  afin  que 
par  la  mort  qu'il  a  soufferte  pour  expier  les 
iniquités  qui  se  commettaient  sous  le  premier 
TESTAMENT  ,  ceux  qui  sont  appelés  de  Dieu 
reçoivent  l'héritage  éternel  qu'il  leur  a  pro- 
mis. En  effit,  où  il  y  a  un  testament  ,  il  est 
nécessaire quelamortdu  testateur  intervienne, 
parce  que  le  testament  n'a  lieu  que  par  la 
mort,  et  n'a  point  de  force  tant  que  le  testa- 
teur est  en  vie.  C'est  pourquoi  le  premier 
même  fut  confirmé  par  te  sang  des  victimes, 
etc.  Jésus-Christ,  en  instituant  l'Eucharistie, 
dit  aussi  :  Ceci  est  mon  sang,  le  sang  du  nou- 
veau testament,  qui  sera  versé  pour  plusieurs 
en  rémission  des  péchés  [Mullh.  xxvi  ,  28). 
Saint  Paul  avait  dit  dans  le  .c.  viii.v.  G: 
Jésus-Christ  est  revêtit,  d'un  ministère  d'au- 
tant plus  awjuste,  qu'il  est  médiateur  d'ttn 
testament  plus  avantageux  et  fondé  sur  de 
meilleures  promesses  ;  car  si  le  premier  avait 
été  sans  défaut  ,  il  n'y  aurait  pas  litu  d'en 
faire  un  second. 

Faol-il  conclure  de  ces  paroles  que  Vkn- 
c\cn  Testament  était  unealliante  défectueuse, 
imparfaite  ,  désavantageuse  aux  Hébreux, 
un  fléau  plutôt  qu'un  bienfait  ?  C'est  l'erreur 
qu'ont  soutenue   Simon  le  Magicien  et  ses 


dO". 


TES 


TRS 


«94 


ilisfi|itos,  les  inarcionites  ,  Ips  manichéens, 
et  après  eux  les  incrétlulcs  modernes.  Vingt 
fois,  pour  réfuter  leurs  sophisraes  ,  nous 
avons  été  obligés  d'observer  que  les  mots 
bon,  mauvais,  bien,  mut  ,  parfait,  imparfait, 
etc. ,  sont  des  tormes  purement  relatifs  et 
qui  ne  sont  vrais  que  par  comparaison.  L'an- 
cienne alliance  était  sans  doute  à  tous  égards 
moins  parfaite  et  moins  avantageuse  que  la 
nouvelle  ,  en  ce  sens  elle  était  défectueuse; 
mais  ce  défaut  était  analogue  au  génie,  au 
caractère,  au\  habitudes  des  Juifs,  à  la  si- 
tuation et  aux  circonstances  dans  lesquelles 
ils  se  trouvaient.  Saint  Pau!  lui-même  sou- 
tient, liom.,  c.  m  ,  v.  2  ,  que  la  révélation 
qui  leur  avait  été  adressée  était  un  grand 
bienfait  ;  c.  ix  ,  v.  4  ,  que  Dieu  leur  avait 
donné  le  litre  d'enfants  adoptifs  ,  la  gloire, 
l'alliance,  des  lois,  des  oriiounances  ,  des 
promesses  ;  c.  xi,  y.  28,  qu'ils  sont  encore 
chers  à  Dieu  à  cause  de  leurs  pères  ,  etc. 
Dieu  ne  fait  rien  de  mauvais  en  lui-même, 
ses  leçons,  ses  lois,  ses  promesses,  ses  châ- 
timeuls  même  sont  toujours  des  grâces  ; 
mais  il  ne  doit  point  les  accorder  toujours 
aux  liommcs  dans  la  même  mesure;  souvent 
ils  sont  incapables  de  les  recevoir  et  d'en 
profiter;  il  les  dispense  avec  sagesse  ,  et  la 
réserve  au'il  y  met  ne  déroge  en  rien  à  sa 
bonté. 

D'autre  part  ,  les  Juifs  ont  donné  dans 
l'excès  opposé  ,  en  soutenant  que  Dieu  ne 
pouvait  donner  aux  hommes  une  loi  plus 
sainte,  un  culte  plus  pur,  une  religion  plus 
parfaite  que  celle  qu'il  avait  prescrite  à  leurs 
pères.  Dieu  avait-il  donc  épuisé  en  leur  fa- 
veur tous  les  trésors  de  sa  puissance  et  de 
sa  bonté?  Voij.  Judaïsme,  §  %. 

Beausobre,  IJist.  du  Manich.,\..  I,  I.  i,  c.  3 
et  i,  après  avoir  rapporté  sommairement  les 
objections  que  faisaient  les  manichéens  con- 
tre l'Ancien  Testament,  prétend  que  les  Pè- 
res tie  riîglise  y  ont  fort  mal  répondu,  qu'i's 
se  sont  sauvés  par  des  allégories  desquelles 
ces  hérétiques  ne  devaient  faire  aucun  cas; 
il  cite  pour  exemple  Origèno  et  saint  Augus- 
tin ,  et  il  se  flatte  de  répondre  beaucoup 
mieux  qu'eux  à  ces  mêmes  diflîcullés.  Nous 
n'attaquerons  pas  ses  réponses ,  quoiqu'il  y 
en  ait  quelques-unes  qui  auraient  besoin  de 
correctif  :  m;iis  nous  défi'ndrons  les  Pères. 
Il  est  absolument  faux  qu'ils  se  soient  bor- 
nés à  des  explications  allégoriques  ,  pour 
satisfaire  aux  reproches  des  manichéens. 

Saint  Augustin,  qui  en  avait  f.iit  l)cau(  oup 
d'usage  dans  son  livre  de  Genesi  conlra  ma- 
nichceos,  et  qui  comprit  que  c<'la  ne  suffisait 
pas,  en  écrivit  un  autre  de  Genesi  nd  litle- 
ram,  dans  lequel  il  s'attacha  principalement 
au  sens  littéral.  En  parlant  du  manicltéisine, 
§  6,  nous  avons  fait  voir  que  ce  Père  a  tiès- 
bien  saisi  les  principes  (|ui  résolvent  la 
grande  question  de  l'origine  du  mal,  et  il 
nous  serait  facile  de  montrer  que  ,  dms  di- 
vers endroits  ,  il  a  donne  aux  maniché'  ns 
'os  mêmes  réponses  que  Beausobre  ;  mais 
cette  discussion  nous  mènerait  trop  loin. 

Il  nous  paraît  plus  nécessaire  de  justifier 
Origène.  puisque  noir"?  savant  critique  dit 


que  saint  Aui;nstin  n'a  fait  qu'imiter  cet 
ancien  docteur:  voyons  s'il  est  vrai  qu'Ori- 
gène  a  mal  défendu  le  vieux  Teslament  ,  el 
s'il  n'a  résolu  les  dilficullés  que  par  dcsallé- 
gories.  Celse  avait  fait  contre  les  livres  des 
Juifs  à  peu  près  les  mêmes  objection»  que 
répétèrent  les  raarcioniles,  les  gn  istiques  et 
les  manichéens;  pour  y  répondre,  Origène 
pose  trois  principes  qu'il  ne  faut  pas  perdre 
de  vue  :  Le  premier  est  que  ,  dans  les  ou- 
vrages de  la  création,  ce  qui  est  un  mal  pour 
les  particuliers  peut  êlre  utile  au  bien  gé- 
néral de  l'univers  :  t>l6e  lui-même  en  con- 
venait; d'où  il  résulte  que  iiien  et  mal  sont 
des  termes  purement  relatifs,  et  qu'il  n'y  a 
rien  dans  les  ouvrages  du  Créateur  qui  soit 
un  bien  ou  un  mal  absolu  ;  conlra  Cels., 
I.  IV,  n.  70.  Le  second  est  que  les  besoins  de 
l'homme  que  l'on  regarde  comme  des  maux 
H)nt  Ja  source  de  son  industrie^  de  ses  con- 
naissances, et  pour  ainsi  dire,  la  mesure  de 
son  intelligence;  il  confirme  celte  réflexion 
par  un  passage  du  livre  de  l'Ecclésiastique, 
c.  XXXIX.  V.  21  et  26;  ibid..  n.  76.  Le  troi- 
sième qui  concerne  les  leçons  ,  les  lois  ,  le 
cnlle  prescrit  aux  Israélites,  est  que  comme 
un  laboureur  sage  donne  à  la  terre  une  cul- 
ture différente  selon  la  variété  dos  sols  et 
des  saisons  ,  ainsi  Dieu  a  donné  aux  hommes 
L's  leçons  et  les  lois  qui ,  dans  les  différents 
siècles,  convenaient  le  mieux  au  bien  géné- 
ral de  l'univers,  ihid.,  n.  69.  Nous  soutenons 
que  ces  trois  principes  ,  adoptés  par  saint 
Augustin  et  qui  ne  sont  point  des  allégories, 
suffisent  déjà  pour  résoudre  une  bonne  par- 
tie des  objections  des  manichéens.  Mais  ve- 
nons au  détail. 

1°  Ils  disaient  que  les  livres  de  l'Ancien 
Testament  donnent  des  idées  fausses  de  la 
Divinité  en  lui  attribuant  des  membres  cor- 
porels et  les  passions  humaines,  comme  la 
colère,  la  jalousie  ,  etc.  Beausobre  leur  ré- 
pond que  le  langage  des  écrivains  sacrés  est 
un  langage  populaire  ,  et  qu'il  devait  l'être; 
que  les  ilées  métaphy'^iqne?  de  la  Divinité 
sont  au-dessus  de  la  portée  du  peuple  ;  que 
quand  ces  mêmes  écrivains  attribuent  à  Dieu 
des  passions  humaines  ,  ils  ne  lui  en  attri- 
buent au  fond  que  les  effets  légitimes.  Or, 
c'est  précisément  la  même  réponse  qu'Ori- 
gène  donne  à  Celse,  1.  iv,  n.  71  et  72.  «  Lors- 
que nous  parlons  à  des  enfants,  dit-il  ,  nous 
le  faisons  dans  les  termes  qui  sont  à  leur 
portée,  afin  de  les  instruire  et  de  les  corri- 
ger.... L'Ecriture  parle  le  langage  des  hom- 
mes, parce  que  leur  intérêt  l'exige.  Il  n'eut 
pas  été  à  propos  que  Dieu,  pour  instruire  le 
peuple,  employât  un  style  plus  digne  de  sa 

majesté  suprême Nous  appelons  ro/eVe 

de  Dieu  ,  non  le  trouble  de  l'a  me  ,  dont  il 
n'est  pas  susceptible,  mais  la  conduite  sage 
par  laquelle  il  punit  et  corrige  les  grands 
pécheurs,  etc.»  Origène  prouveces  reflexions 
par  des  |)assages  de  riîcriture  sainte. 

2^  Les  manichéens  objectaient  que  les  pré- 
ceptes moraux  existaient  avant  Moïse  ,  et 
qu'il  les  avait  défigurés  par  d'autres  lois  et 
par  des  promesses  et  des  menaces  qui  ne 
convenaient  pas  au  vrai  Dieu  ;  que  la  cou- 


f95 


TES 


TES 


696 


duile  de  plusieurs  patriarches  était  scanda- 
leuse et  donnait  un  Irès-mauvais  exemple. 
Beausobre  observe  avec  raison  que,  quoique 
la  loi  morale  soit  aussi  ancienne  que  le 
monde,  Dieu  a  dû  la  faire  écrire  dans  le 
Décalogue,  et  la  munir,  en  qualité  de  légis- 
lateur, du  sceau  de  son  autorité;  que  l'iiis- 
toin-  sainte  ,  en  rapportant  les  fautes  des 
patriarches,  ne  les  approuve  point,  etc. 
Otigène,  de  son  côlé  ,  convient  que  la  loi 
morale  est  écrite  dans  le  cœur  de  tous  les 
hommes  ,  selon  l'expression  de  saint  Paul, 
Rom.,  c.  II,  V.  15;  que  cependant  Dieu  en 
donna  les  précepias  par  écrit  à  Moïse  ,  con- 
tra Cels.,  1,  I ,  c.  4;  c'est  ainsi  qu'il  répond 
àCelse,  qui  objectait  que  la  morale  des  chrc 
tiens  et  des  juifs  n'était  pas  nouvelle  ,  et 
qu'elle  avait  été  connue  de  tous  les  philo- 
sophes. Touchant  les  lois  de  Moïse  ,  il  dit 
qu'à  la  vérité  plusieurs  ne  pouvaient  conve- 
nir aux  autres  peuples, mais  qu'elles  étaient 
nécessaires  aux  Juils  dans  les  circonstances 
où  ils  se  trouvaient ,  et  que  ,  sans  ces  lois, 
leur  république  n'aurait  pas  pu  subsister, 
I.  VII,  n.  26.  11  soutient  et  il  prouve  que  par 
ces  mêmes  lois  Moïse  a  formé  une  république 
plus  sagement  réglée  que  celles  qui.  ont  été 
fondées  par  des  philosophes,  même  que  celle 
dont  Platon  avait  imaginé  la  conslitution; 
que  ce  philosophe  n'a  pas  eu  un  seul  secta- 
teur de  ses  lois, au  lieu  ()ue  Moïse  a  éiésuivi 
p;ir  un  peuple  entier  ,  I.  v ,  n.  42.  11  ajoute 
que  plusieurs  préceptes  de  Moïse,  entendus 
grossièrement  à  la  manière  des  Juifs  ,  peu- 
vent par;iître  absurdes,  qu'Ezéchiel  le  témoi- 
gne en  disant  de  la  part  de  Dieu  :  Je  leur  ai 
donné  des  préceptes  t/uine  sont  pas  bons,c.%x, 
V.  25  ;  mais  que  celle  législation  bien  en- 
tendue est  sainte,  juste  et  bonne,  comme  l'en- 
seigne saini  Paul,  Rom.,  c.  u  ,  v.  12.  Qu.mt 
aux  aclinns  répréliensibles  des  patriarches, 
telles  que  l'inceste  de  Lot  avec  ses  filles, etc., 
il  observe,  aussi  bien  queBeausobre,  qu'elles 
ne  sont  point  approuvées  par  les  écrivains 
sacrés  ;  1.  iv,  n.  4-5. 

3°  Les  manichéens  étaient  scandalisés  de 
ce  que  Moïse  dans  l'ancienne  loi  ne  faisait 
aux  Juils  que  des  promesses  temporelles, 
conduUe  contraire  à  celle  de  Jésus-Clirist, 
qui  ne  promet  aux  justes  que  les  biens  éter- 
nels. Cette  objection  n'avait  pas  échappé  à 
Celse.  Pour  justifier  les  promesses  tempo- 
relles de  la  loi  mosaïque,  Beausobre  nous 
renvoie  à  Spencer,  qui  prouve  par  des  rai- 
sunssolidi's  que  Dieu devaitenagjrainsi :  l°à 
cause  de  la  grossièreté  des  Juifs,  qui  se  sont 
souvent  livrés  au  culte  des  fausses  divi- 
nités dans  l'espérance  d'en  obtenir  l'abon- 
dance des  biens  temporels  ;  2°  ])arce  qu'il  ne 
convenait  pas  d'allai  her  une  récompense 
éiernelle  à  l'observation  de  la  loi  cérémo- 
nielle  comme  à  celle  de  la  loi  morale; 
3°  parce  qu'il  était  à  propos  que  les  récom- 
penses de  l'autre  vie  lussent  proposées  aux 
hommes  sous  une  espèce  d'enveloppe,  afin 
do  réserver  au  Messie  le  soin  de  les  expli- 
quer plus  clairement;  k'-  parce  que,  les  lois 
cérémonielles  étant  un  fardeau  très-pesant, 
il  était  juste  d'y  attacher  les  Juifs  par  l'appât 


des  biens  temporels;  .'>  parce  que  Dieu 
faisant  les  fonctions  de  législateur  temporel, 
il  était  de  sa  sagesse  d'imiter  la  conduite  des 
autres  législateurs,  te  Legib.  Hebr.  riliial., 
lib.  1,  c.  3. 

Un  Incrédule  ni  un  manichéen  ne  trouve- 
raient peut-être  pas  ces  raisons  péremploires 
et  sans  réplique,  mais  nous  ne  disputerons 
pas  là-dessus.  Aussi  Beausobre  y  ajoute  que 
les  justes  de  l'ancienne  loi  ont  certainement 
espéré  une  récompense  éternelle  de  leurs 
vertus,  et  il  le  prouve  par  ce  que  dit  saint 
Paul,  i/ebr.,  c.  xi. 

Sans  entrer  dans  un  aussi  grand  détail, 
Origène  se  borne  à  soutenir  que  les  biens 
temporels  promis  par  l'ancienne  loi  n'étaient 
en  effet  qu'une  ombre,  unefigure,  uneenve- 
loppe,  sous  laquelle  il  faut  nécessairement 
eniendre  les  biens  spirituels  et  éternels  que 
Jésus-Christ  nous  fait  espérer.  Il  le  prouve, 
1°  parce  que  plusieurs  des  promesses  de 
Moïse  ne  pouvaient  être  accomplies  à  la 
lettre,  il  en  donne  des  exemples  ;  2°  parce 
que  la  plupart  des  justes  de  l'Ancien-Tesla- 
ment,  loin  d'avoir  ressenti  aucun  effet  de 
ces  promesses,  ont  été  affligés  et  persécutés, 
comme  saint  Paul  le  fait  remarquer  ;  3°  parce 
que  ces  mêmes  justes  n'ont  fait  aucun  cas 
des  biens  temporels,  qu'ils  leur  ont  préféré 
les  récompenses  futures  de  la  vertu.  Ori- 
gène le  fait  voir  par  plusieurs  passages 
de  David  et  de  Salomon  ,  surtout  par  le 
psaume  xxxvi.  Sans  cela,  dit-il,  à  quelle 
tentation  les  Juifs  n'auraieut-ils  pas  été 
exposés  d'abandonner  leur  loi,  en  voyant 
que  ses  promesses  étaient  vaines  et  sans 
effet  ?  4°  Parce  que  saint  Paul  dit  formelle- 
ment que  la  loi  était  Vombre  des  biens  fu- 
turs. Que  les  fidèles  sont  les  vrais  enfants 
d'.\braham  et  les  héritiers  des  promesses 
qui  lui  ont  été  faites,  Galat.,  c.  m,  v.  29. 
(iela  serait-il  vrai,  si  ces  promesses  n'avaient 
renfermé  que  des  biens  temporels  ?  Il  nous 
semble  que  ces  raisons  d'Origène,  fondées 
sur  des  faits  et  sur  l'autorité  des  livres 
saints,  valent  bien  les  savantes  conjectures 
de  Beausobre  cl  de  Spencer. 

4°  Le  culte  cérémoniel  prescrit  aux  Juifs 
paraissait  aux  manichéens  grossier,  ab- 
surde, indigne  de  Dieu;  ils  blâmaient  sur- 
tout les  sacrifices  sanglants  et  la  circonci- 
sion. Beausobre  leur  représente  que  ces 
sacrifices  n'avaient  pas  été  ordonnés  de  Dieu 
comme  un  culte  qui  lui  fût  agréable  par 
lui-même,  mais  pour  empêcher  les  Israélites, 
accoutumés  à  ce  culte,  de  sacrifier  aux  faux 
dieux  :  saint  Augustin,  dil-il,  l'a  très-bien 
remarqué.  Quant  à  la. circoncision,  s'il  est 
vrai  quelle  était  pratiquée  chez  les  Egyp- 
tiens, Dieu  a  dû  la  prescrire  aux  Israélites, 
afin  qu'ils  fussent  moins  désagréables  aux 
Egyptiens.  —  Que  répliquerait  Beausobre, 
si  nous  lui  montrions  ces  deux  réponses  mot 
pour  mot  dans  Origène?  Ce  Père  les  a  faites 
non  dans  ses  livres  contre  Celse,  qui  ne  blâ- 
mait pas  les  sacrifices  sanglants,  mais  dans 
ses  extraits  du  Lévitique,  c.  i,  v.  5.  «  Comme 
les  Juifs,  dil-il,  étaient  accoutumés  en  Egypte 
à  voir  des  sacrifices,   et  qu'ils  les  aimaient 


697 


TES 


Dieu  leur  permit  de  lui  en  offrir,  iifln  de  ré- 
primer leur  goût  pour  le  ruili^  des  faux 
dieux,  et  les  détourner  de  sacrifier  aux  dé- 
nions. »  Il  ajoute,  c.  VI,  v.  18  :  «  Ces  sacri- 
fices servaient  encore  à  nourrir  ks  prêtres 
et  à  honorer  Dieu;  ils  empêchaient  les  Juifs 
de  penser,  comme  li'S  Egyptiens,  iin'iiii  ani- 
mal que  l'on  immole  est  un  dieu,  et  ([u'il 
fcuit  l'adorer.  »  Op..  I.  Il,  p.  181  el  182. 

Quant  à  la  circoncision,  que  Celse  n'ap- 
prouvait pas,  Origèiie  renvoie  à  ce  qu'il  en 
avait  dit  dans  son  Commentaire  sur  l'Epilre 
aux  Romains.  Or,  dans  ce  commentaire, 
lib.  Il,  Op.,  t.  IV,  p.  495,  il  répond  aux  mar- 
cionites,  aux  autres  hérétiques  et  aux  phi- 
losophes qui  regardaient  la  circoncision 
comme  un  rite  honteux  et  indécent,  qu'en 
Egypte  c'était  une  marque  d'honneur,  que 
non-seulement  les  prêtres,  mais  tous  ceux 
qui  faisaient  profession  de  science  la  rece- 
vaient. Origène  devait  le  savoir,  puisqu'il 
avait  étudié  el  enseigné  dans  l'école  d'A- 
lexandrie. Il  ajoute  que  ce  rite  avait  éié  pra- 
tiqué de  même  chez  les  Arahes,  chez  les 
Klhiopiens  et  chez  les  Pliéiiiciens,  (|u'il  n'a- 
vait donc  rien  d'indécent  ni  de  honteux  eu 
lui-même.  Il  dit  aux  hérétiques  qu'avant  cjiie 
le  sang  de  Jésus-Christ  eût  été  versé  pour 
notre  rédemption,  il  était  juste  que  tout 
homme,  qui  vient  au  monde  souillé  du  péché, 
répandît  en  naissant  quelques  gouttes  de 
son  sang  pour  en  être  purifié  el  pour  rece- 
voir une  espèce  de  prcs;ige  de  la  réilenipiion 
future.  Il  Si  (jnelqu'un,  dit  il,  im;igine  quel- 
que chose  de  meilleur  et  de  plus  raisonimbla 
sur  ce  sujet,  on  fera  bien  de  le  préférer  à 
ce  que  nous  disons.  »  Ibid.,  p.  i'J!5.  Déj.i  il 
avait  réfuté  les  jciifs  qui  voulaient  que  les 
chrétiens  fussent  assujettis  à  la  circoncision, 
et  il  leur  avait  opposé  la  lettre  formelle  des 
livres  saints,  qui  n'y  obligeaient  que  la  pos- 
térité d'Abraham.  Il  ajoute  :  «  Nous  avons 
discuté  cette  question  sans  avoir  recours  à 
aucune  allégorie  .  afin  de  ne  donner  aux 
Juifs  aucun  sujet  de  plainte  ni  de  murmure.» 
Ibid..  p.  i-tS,  col.  1. 

OrigèiiC  a  donc  clé  plus  prudent  que  Beau- 
sobre,  qui  osa  écrire  qu'il  n'y  a  rien  de 
honteux  dans  le  corps  humain,  si  ce  n'est, 
selon  le  système  insensé  des  fanatiques, 
la  production  des  hommes,  llisl.  dn  i}lanich., 
I.  I,  c.  3,  §  7  ;  t.  I,  p.  279.  Il  d^  vait  se  sou- 
venir (|ue  les  livres  siiinls  appellent  vereHf/a, 
pmlenda,  turpiiudo,  la  partie  du  corps  à  la- 
quelle on  imprimait  la  circuncision. 

5-  L'histoire  de  la  création  et  celle  delà 
chute  de  l'homme  fournissaient  aux  mani- 
chéens une  ample  matière  de  criliiiue  ;  ils 
disaient  que  Moïse  Ole  à  Dieu  la  piescience, 
en  supposant  que  Dii'U  a  fait  à  l'homme  un 
commandement  qui  fut  violé  bientôt  après, 
en  supposi'.nt  que  Dieu  a  appelé  Adam  dans 
le  i)aradis,  et  (ju'il  l'en  a  chassé,  de  peur 
tju'il  ne  mangeât  du  fruit  de  l'arbre  de  vie, 
etc.  Beausobre  répond  que  le  législateur 
doit  commander  ce  qui  est  juste,  iors  môme 
qu'il  prévoit  que  son  commandement  sera 
viulu  ;  que  tout  ce  que  l'on  peut  exiger,  c'est 
qu'il  ne  couiuiaude  rien  d'injuste  ni  d'impos- 


TES  C98 

sible.  Il  observe  que  Dieu  appelle  Adam 
pour  lui  faire  sentir  qu'il  se  cachait  inutile- 
ment, et  pour  lui  infiiger  la  peine  qu'il  méri- 
tait; que  Moïse,  qui  a  parlé  si  dignement  de 
la  majesté  divine,  n'a  pas  pu  lui  attribuer 
deux  passions  aussi  basses  ((ue  la  crainte  et 
la  jalousie.  —  Ceisc  av.iit  l'ait  à  peu  près 
les  mêmes  reproches  que  les  manichéens, 
contra  Cels.,  I.  iv,  n.  36.  Origène  n'y  répond 
qu'en  passant,  il  renvoie  au  commentaire 
qu'il  a\ait  fait  sur  les  premiers  chapitres  de 
la  Genèse;  malheureusement  cet  ouvrage  ne 
snbsisie  plus.  Une  preuve  qu'il  ne  s'y  était 
pas  borné  à  îles  explications  allégori(iues, 
c'est  qu'il  fait  contre  Celse  la  même  réllexion 
que  Beausobre  sur  la  conduite  du  législateur, 
n.  4-0;  il  soutient  que  la  chute  du  premier 
homme  a  été  non-seulement  très-réelle,  mais 
que  son  jiéché  a  passé  el  se  transmet  à  tous 
ses  descendants  ;  il  a  souvent  fait  remarquer, 
aussi  bien  que  Beausobre,  la  dignité  ,  l'é- 
nergie, les  expressions  sublimes  par  les- 
quelles Mo'i'sc  représente  la  grandeur  de 
Dieu. 

C°  Les  manichéens  soutenaient  qu'il  n'y  a 
dans  les  prophètes  hébreux  aucune  pro- 
phétie qui  regarde  proprement  et  directe- 
ment Jésus-Christ,  que  sa  qualité  de  Fils  de 
Dieu  est  suffisamment  prouvée  par  ses  mi- 
racles et  par  le  témoignage  formel  de  son 
Père;  ils  détournaient  le  sens  des  prophéties 
selon  la  méthode  des  juifs.  Beausobre  ne 
s'est  pas  attaché  à  réfuter  leurs  explications  ; 
il  s'est  borr»é  à  dire  que  les  Pères,  par  leur 
affectation  de  tourner  tout  en  allégories,  fa- 
vorisaient infiniment  les  prétentions  des 
manichéens.  Mais,  puisqu'il  a  cité  l'extrait 
de  l'ouvrage  d'Origène  intitulé  Pkilocalia, 
il  a  pu  y  voir,  p.  4  et  suiv.,  que  ce  Père 
soutient  le  sens  littéral  de  plusieurs  pro- 
phéties qui  regardent  directement  Jésus- 
Clirist,  et  desquelles  les  juifs  s'altachaieut 
à  donner  de  fausses  explications.  Avant  de 
censurer  avec  tant  d'aigreur  le  goût  excessif 
d'Origène  pour  les  allégories,  il  aurait  du 
moins  fallu  examiner  les  raisons  par  les- 
quelles il  prouve  la  nécessité  de  recourir 
souvent  au  sens  figuré.  C'est  1°  parce  que 
les  auteurs  du  Nouveau  Testament  en  ont 
donné  l'exemple;  2"  parce  que  telle  a  été  la 
méthode  de  tous  les  anciens  sages  el  des 
philosophes;  3°  parce  que  Dieu  a  voulu 
laisser  à  Jésus-Christ  le  soin  de  développer 
ce  qu'il  y  avait  de  cache  et  de  mystérieux 
dans  la  loi;  4"  parce  qu'il  y  a  non-seulement 
dans  l'Ancien  Testament,  mais  encore  dans 
le  Nouveau,  des  préceptes  et  des  expressions 
que  l'on  ne  peut  prendre  à  la  lettre,  sans 
tomber  dans  des  absurdités  grossières;  5" 
parce  qu'en  s'aliachaiit  trop  au  sens  gram- 
matical, les  juifs  détournent  les  conséquen- 
ces de  toutes  les  prophéties,  et  que  les  hé- 
rétiques y  trouvent  de  quoi  autoriser  toutes 
leurs  erreurs.  Il  nous  i)araît  qu'aucune  do 
ces  raisons  n'est  absolument  fausse  ni  ab- 
surde. 

L'on  y  oppose,  1°  que  par  la  licence  d'al- 
légoriser,  il  est  encore  plus  aisé  aux  juifs 
et  aux  hérétiques  de  pervertir  le  sens  des 


699 


TES 


Ecritures.  Soit  pour  un  moment  ;  que  s'en- 
suivra-l-il  ?  Qu'il  faut  g;arder  un  sage  mi- 
lieu ;  mais  qui  le  fixera,  si  i'Ei^lisc  ne  jouit 
à  ce  sujet  d'aucune  autorité,  couime  le  sou- 
tiennent lesprotoslJinis  ?  2°  Que  lesécrivains 
du  Nouveau  Teslamenl  étaient  en  droit  de 
donner  des  explications  alié^oriques,  parce 
qu'ils  étaient  itisjjirés  de  Dieu,  .ju  lieu  que 
les  Pères  ne  l'élaicnt  pas.  La  question  est  de. 
s.-ivoir  si  une  inspiration  était  nécessaire  aux 
Pères  pour  juger  qu'il  leur  était  permis, 
qu'il  était  même  louable  d'iiniler  la  manière 
d'inslruiie  des  apôtres  et  des  évangélisles; 
les  protestants  prouveronl-ils  cette  néces- 
sité? 3' Que  par  des  allégories  forcées  les 
philosophes  venaient  à  bout  de  donner  un 
sens  raisonnable  aux  fables  les  plus  absur- 
des. Origène  a  ré|  ondu  solidement  a  cette 
objection  ;  il  fait  voir  que  les  fables  païennes 
tournées  eu  allégories  étaient  toujours  des 
leçons  scandaleuses  et  pernicieuses  aux 
mœurs,  au  lieu  que  les  allégories  tirées  de 
l'Ec  rilure  sainte  sont  toujours  édifiantes  et 
destinées  à  porter  li>s  hommes  à  la  vertu, 
contra  Cels.,  I.  iv,  n.  48.  Lui-même  n'en  a 
jam;iis  fait  que  de  celle  espèce.  11  s'en  faut 
donc  beaucoup  qu'Origène  ait  jamais  auto- 
risé la  licence  excessive  en  fait  d'allégories. 
En  premier  lieu,  il  ne  veut  pas  que  l'on  en 
use  lorsque  la  lettre  n'olTre  rien  qui  soit 
absurde,  impossible,  indigne  de  Dieu,  Plii- 
local.,  \i.  15.  lîn  second  lieu,  il  veut  que  l'on 
expose  d'abord  au\  plus  simples  la  lettre  de 
l'Kcriture  qui  en  est  comme  l'écorce,  et  que 
l'on  réserve  la  connaissance  du  sens  le  plus 
profond  à  ceux  qui  ont  le  plus  d'intelli- 
gence ;il  se  fonde  sur  l'autorité  et  surl'exem- 
ple  de  saint  Piiul,  p.  8.  Eu  troisième  lieu, 
il  exiije  i\ue  toute  explication  allégorique 
tourne  à  l'édification  des  nia?urs.  Avec  ces 
trois  précautions,  qu'y  a-l-il  de  répréheu- 
sible  dans  la  méthode  d'Origèiie  ? 

Mais  Beausobre  voulait  absolument  le  con- 
damner; il  lui  reproche  l'ignorance  et  la 
présomption,  pour  avoir  dit  que  les  deux 
animaux  nommés  grypsci  iraijelaphqs  n'exis- 
tent pas  dans  la  nature.  Tout  ce  que  l'on  en 
peut  conclure,  c'est  que  ces  deux  animaux 
n'étaient  pas  connus  du  temps  d'Origèue,  et 
que  Bochart,  qui  les  a  connus,  était  plus 
habile  naturaliste  que  ce  Père.  La  découverte 
de  l'Amérique,  les  voyages  au  Nord,  aux 
terres  australes,  aux  Indes  et  à  la  Chine, 
nous  ont  fait  connaître  une  infinité  d'objets 
dont  1rs  anciens  ne  pouvaient  avoir  aucune 
idée;  mais  n'est-ce  pas  un  juste  sujet  d'in- 
dignation de  voir  des  écrivains  modernes 
traiter  les  anciens  d'ignorants,  parce  qu'ils 
ont  sur  eux  l'avantage  d'être  nés  quinze  ou 
dix-huit  cents  ans  plus  tard  ?  —  Si  les  mar- 
cionites  et  les  manichéens  ,  dit  Beausobre, 
avaient  eu  affaire  à  nos  savants  modernes, 
leurs  hérésies  n'auraient  pas  fuit  tant  de 
progrès,  Mo'ïse  et  les  prophètes  auraient  été 
défendus  avec  plus  de  succès.  C'est  ici  que 
l'on  voit  la  présomption.  Nos  habiles  mo- 
dernes ont-ils  converti  plus  d'hérétiques  que 
les  Pères  de  l'I'glise  ?  Un  homme  à  sys- 
tème, un  bérétique  ignorant,  un  dispuleur 


Tt:s  7(u, 

obstiné,  ne  cèdent  à  aucune  raison  ,  ils  ne 
veulent  être  ni  détrompés  ni  convaincus  ; 
nous  le  voyons  par  l'exemple  des  protes- 
tants. Ceux-ci  ont  beau  déprimer  les  Pères 
de  l'Eglise;  les  ouvrages  de  ces  grands  houi- 
njcs  inspireront  toujours  à  un  lecteur  sensé, 
et  non  prévenu  ,  de  l'admiration  pour  leurs 
talents,  de  la  reconnaissance  pour  les  ser- 
vices qu'ils  ont  rendus  à  la  religion,  et  de 
la  vcnéraiion  pour  leurs  vertus. 

Comme  dans  les  desseins  de  Dieu  l'Ancien 
Testament  était  un  préliminaire  et  un  prépa- 
ratif  du  Nouveau,  il  a  été  très-convenable 
que  Dieu  en  fît  mettre  par  écrit  les  disposi- 
tions ,  les  conditions  ,  les  promesses  ,  et 
(lu'clles  nous  fussent  transmises  par  Mo'ïse 
lui-même  et  par  les  autres  hommes  qu'il 
avait  choisis  pour  aniioncer  ses  volontés. 
Dieu  S'a  fait,  et  leurs  livres  sont  au  nombre 
de  quarante-cinq  ;  savoir,  ceux  que  les  Juifs 
ont  nommés  /'(  loi  ,  qui  sont  :  la  Genèse  , 
VExode,  le  Lévilique,  les  Nombres,  le  Deit- 
tëronome  ;  Moïse  en  est  l'auteur,  nous  l'a- 
vons prouvé  au  mot  Pentatelquiî.  Les  li- 
vres historiques  sont:  Josué,\es  Juges, Rutli, 
les  quatres  livres  des  Rois,  les  deux  livres 
des  Paralipomcnes,  les  deux  livres  â'Esdras, 
Tobie,  Judith,  Esllier,  les  deux  livres  des 
Alackabées.  Les  livres  moraux  ou  sapientinux 
sont  :  Job,  les  Psaumes,  les  Proverbes,  ['Ec- 
clésiaste,  le  Cantique,  la  Sagesse,  VEcdé-- 
siasliijue.  Les  quatre  grands  proplièlés  sont  : 
Jsaïe,  Jérémie  et  Ihiruch,  Ezéchiel,  Daniel. 
Les  douze  petits  prophètes  sont  :  Osre,  Joël, 
Amos,  Abdias,  Jouas,  Michée,  Nnhum,  Hn- 
bacuc,  Sophonie,  Agye'e,  Zncharie  et  Mnla- 
cliie.  Nous  avons  parié  de  chacun  de  ces  ou- 
vrag.s  sous  son  nom  particulier.  —  Les 
Juifs  n'admettent  pour  authentiques  et  ne 
regardent  comme  parole  de  Dieu  que  ceux 
qui  ont  été  écrits  en  hébreu,  préjugé  qui  n'est 
fondé  surrien:  carenfin  Dieu  a  pu  sans  doute 
inspir'erdes  hommes  pour  écrire  engrecou  en 
toute  autre  langue.  Miiis  ,  comme  les  juifs 
sont  encore  aujourd'hui  persuadés  que  Dieu 
n'a  jamais  parlé  qu'à  eux  et  pour  eux,  ils 
ne  veulent  recevoir  pour  livres  sacrés  que 
ceux  qui  ont  été  écrits  dans  la  langue  de 
leurs  pères.  Si  telle  avait  été  l'intention  de 
Dieu,  sans  doute  il  aurait  conservé  cette 
langue  toujours  >ivante  et  toujours  usitée 
parmi  eux:  c'est  ce  qui  n'est  pas  arrivé;  il 
était  prédit  par  les  prophètes  que  toutes  les 
nations  seraient  amenées  à  la  connaissance 
du  vrai  Dieu  par  les  leçons  du  Messie; 
mais  il  ne  leur  a  été  ordonné  nulle  part 
d'apprendre  l'hébreu. 

Nous  sommes  d'autant  plus  étonnes  de 
voiries  protestants  confirmer  le  préjugé  des 
juifs,  f|ue  quand  il  s'agit  de  savoir  comment, 
en  quel  temps  et  par  qui  a  été  formé  le 
canon  ou  le  catalogue  des  livres  reçus 
comme  diviiis  par  les  juifs,  on  ne  trouve 
rien  d'absolument  certain.  Foy.  Canon,  §  h. 

Comme  les  livres  de  l'Ancien  Testament 
contiennent  les  seules  véritables  origines  du 
genre  humain  et  une  infinité  de  détails  his- 
toriques sur  les  premiers  âges  du  monde, 
ces  livres  intéressent  essentiellement  toutes 


;(ii 


TES 


TFS 


70i 


les  nations.  Quand  on  voudrait  oublier  qu'ils 
s(,nl  les  seuls  qui  nous  apprennent  avec  cor- 
liluile  la  naissance,  les  progrès,  les  divers 
périoiles  de  la  vraie  religion,  l'on  serait  en- 
core oblijié  de  les  lire,  ponr  remonter  à 
l'origine  des  nations  anciennes,  pour  eon- 
n-n'lri"  leurs  mœurs,  leurs  usiges,  la  déri- 
vation des  lanjzucs,  les  divers  états  de  la  sn- 
ciélé  civile  et  dos  sciences  humaines,  etc. 
Hors  de  là  on  ne  trouve  que  des  ténèbres, 
des  fables,  des  systèmes  frivoles,  qu'il  est 
aussi  aisé  de  renverser  qu'il  l'a  été  de  les 
construire.  Voij.  Histoire  sainte. 

Testament  (Nouveau).  L'on  appelle  ainsi 
le  nouvel  or  Ire  do  choses  qu'il  a  plu  à  Dieu 
d'établir  par  Jésus-Christ  son  Fils,  ou  la 
nouvelle  alliance  qu'il  a  voulu  contracter 
avec  les  honiuies  par  la  médiation  de  ce 
divin  Sauveur.  Ce  Testament  n'est  pas  nou- 
veau dans  ce  sens  que  Die  u  en  ail  f')rmé  le 
dessein  récemment ,  sans  l'avoir  annoncé 
dans  les  siècles  précédents,  sans  en  avoir 
prévenu  le  genre  humain  et  sans  l'y  avoir 
préparé  ;  nous  avons  prouvé  le  contraire 
dans  divers  articles  de  notre  ouvra^^e,  et 
nous  allons  le  confirmer  p  :r  le  témoignaqa 
formel  des  apôtres.  Mais  ce  Testament  était 
nouveau  dans  ce  sens  que  Dieu  nous  a  don- 
né par  Jésus-Christ  des  leçdns  plus  claires, 
des  lois  plus  parfaites,  des  promesses  plus 
avantageuses ,  une  espérance  plus  ferme, 
des  motifs  d'amour  plus  louchants,  des  grâ- 
ces plus  abondanles  qu'aux  Juifs,  et  qu'il 
exige  de  nous  des  verius  plus  sublimes.  En 
effet,  saint  Paul  appelle  cette  nouvelle  al- 
liance VUvanijile  ou  l'heureuse  nouvelle 
que  Dieu  avait  promise  auparavant  par  ses 
prophèies  dans  les  saintes  Ivritures,  linm., 
C.  I,  v.  3  :  il  dit  que  c'est  la  révélation  du 
mystère  que  la  sagesse  de  Dieu  avait  tenu 
c.iché,  mais  qu'il  avait  prédestiné  avant 
tous  les  siècles  ponr  notre  gloire,  /  C^or., 
c.  II,  V.  7;  que  dans  la  plénitude  des  temps 
Dieu  a  fait  connaître  les  mystères  de  ses  volon- 
tés, et  le  dessein  qu'il  a  eu  de  tout  rétablir 
en  Jésus-Christ,  dans  le  ciel  el  sur  la  terre, 
Eplies.,  c.  I,  V.  fi.  el  9  ;  que  les  fidèles  sont 
les  vrais  enfants  d'Abraiiam  et  les  héritiers 
des  promesses  qui  lui  ont  été  faites,  Gnial., 
c,  III,  V.  29.  Saint  Pierre  lient  le  même  lan- 
gage, EpUl.  I,  c.  I,  V.  10  et  20.  Saint  Paul 
ajoute  que  la  loi  ou  l'Ancien  Tesltiment  a 
été  notre  pédagogue  ou  notre  instituteur 
en  Jésus-Christ,  aiin  que  nous  fussions  jus- 
tifiés par  la  foi  ;  Galat.,  c.  m  ,  v.  i'*.  Com- 
ment cela?  Parce  que  les  prophélies  qui  dé- 
signaient Jésus-Christ  nous  disposaient  à 
croire  en  lui,  en  voyant  qu'il  portait  les 
caractères  sous  lesquels  il  avait  élé  an- 
noncé ;  en  seconil  lieu,  parce  qu'il  nous 
montrait  dans  les  anciens  justes  un  modèle 
de  la  foi  qui  doit  animer  (ouïes  nos  actions. 
Hebr.,  c.  si  et  xii. 

Par  là  nous  comprenons  ie  vrai  sens  de  la 
doctrine  do  saint  P.iul  lorsqu'il  fait  la  com- 
paraison des  deux  JVs/amcH^s  et  qu'il  oppose 
l'un  à  l'autre,  Gtilnt.,  c,  iv,  v.  '22  et  seq.  H 
dit  que  nous  en  voyons  la  figure  dans  les 
deux  ealauls  d'Abraham,  que  l'uu  était  lils 


dune  esclave,  l'autre  dune  épouse  libre; 
que  le  premier  élai!  né  selon  la  chair,  le  se- 
cond en  vertu  d'une  promesse.  Il  dit  que  le 
Testament  donné  sur  le  mont  Sinaï  engen- 
drait,  comme  Agar,  des  esclaves;  que  le 
nouveau,  publié  à  Jérusalem,  fait  naître  des 
enf;in(s  libres  et  des  héritiers  de  la  promesse 
divine;  que  nous  ne  sommes  plus  des  es- 
claves depuis  que  Jésns-Christ  nous  a  mis  en 
liberté,  etc.  Si  l'on  prend  lotîtes  ces  expres- 
sions à  la  lettre  et  dans  on  sens  absolu,  on 
mol  l'Apôtre  en  contradiction  avec  l'Hcriturc 
sainte  cl  avec  lui-même.  Kn  elTel ,  Isaac  , 
quoique  enfant  d'une  épouse  libre,  était  né 
d'Abraham,  selon  la  chai^,  tout  conune  Is- 
maël,  et  celui-ci  était  venu  au  monde,  en 
vertu  d'une  promesse  aussi  bien  qu'Isaac, 
Avant  la  naissance  du  premier,  Dieu  avait 
dit  à  Abraham,  Gen.,  c.  xii  v.âel  3  -.Je  vous 
rendrai  père  d'un  ijrand  peuple...  Toutes  les 
nationsde  la  terre  seront  bnues  en  l'oits.Dieu 
lui  donna  en  effet  par  l^maël  une  posiérilé 
nombreuse  et  qui  na  jamais  élé  esclave, 
mas  le  plus  indépendant  de  tous  les  peu- 
ple.. A  la  vérité,  la  seconde  partie  de  la  pro- 
messe ne  regardait  pas  Ismaél;  ce  n'est  pas 
de  lui,  mais  d'Isaac,  que  devait  descendre  le 
Messie,  auteur  des  béiiédidions  que  Dieu 
destinait  à  toutes  les  nations.  Saint  Paul  lui- 
même  dil,  Rom.  c.  ix,  v.  4,  que  les  Juifs  ont 
reçu  Vadoplion  des  enfants,  ou  le  lilre  d'en- 
faiils  adoplifs.  Uegarderons-nous  comme  des 
esclaves  Moïse,  Josué ,  Gédéon ,  Barac, 
Samsun  ,  Jeplité,  David,  Samuel  et  les  pro- 
phètes, qui  par  la  fui  ont  conquis  des  royau- 
mes, ont  pratiqué  la  justice,  ont  reçu  les  pro- 
messes, ont  fermé  la  gueule  des  lions,  etc.? 
[Hebr.,  XI,  v.  32).  Saint  Paul  dil  dans  ce  pas- 
sage qu'ils  ont  reçu  les  firomessos,  et,  v.  39, 
qu'ils  ne  les  ont  pas  reçues  ;  est-ce  une  con- 
tradiction? Non  sans  doute  :  ils  les  ont  re- 
çues, puisqu'ils  y  oui  cru,  qu'ils  en  ont  es- 
péré et  désiré  l'accomplissement  ;  mais  ils 
n'en  ont  pas  reçu  entièrement  les  effets  qui, 
DC  doivent  cire  plci;  eoienl  accomplis  que 
sous  l'Evrn^ile.  Il  est  donc  évident  qu'il  ne 
faut  pas  prendre  dans  la  rigueur  des  ter- 
mes tout  ce  que  dit  saint  Paul  au  désavan- 
tage de  l'Ancien  Tcslaioenl ,  qu'il  faut  ie 
comparer  av>c  ce»-qu'il  dil  ailleurs  en  faveur 
de  celle  même  alliance,  qu'entre  les  grâces 
de  la  nouvelle  el  celles  de  l'ancienne  il  n'y  a 
de  différence,  à  proprement  parler,  que  du 
plus  au  moins,  puisque  les  unes  el  les  au- 
tres soûl  également  l'effet  des  mérites  de 
Jésus-Christ.  Nous  répétons  celle  reOexion, 
parce  que,  malgré  l'évidence  de  la  chose,  il 
se  trouve  encore  dos  théologiens  el  des  com- 
moiilatours  qui  s'obslinenl  à  déprimer  l'An- 
cien Testament,  afin  de  relever  les  avanta- 
ges du  Nouveau,  comme  si  Dieu  n'eiait  pas 
l'autour  de  l'un  et  de  l'autre,  c:»nirae  si  Jé- 
sus-Christ n'était  pas  le  grand  objet  de  tous 
les  deux,  comme  >i  le  second  avait  besoin 
de  conlrasler  avec  le  premier  pour  exciter 
notre  foi  el  noire  reroimaisanee.  Au  mot 
Ji  baÏsme,  §  '*,  nous  avons  fait  voir  que  saint 
Augustin  ne  leur  a  pas  donné  l'exemple  d^ 
celle  cooduile. 


705 


TES 


TET 


704 


Dès  que  Dieu  avait  fait  mettre  par  écrit 
l'histoire,  les  promesses,  les  conditions,  les 
privilèges  de  l'Ancien  Testament,  il  était  en- 
core plus  convenable  qu'il  en  fût  de  même 
à  l'égard  du  Nouveau,  parce  qu'à  l'avène- 
ment de  Jésus-Christ  les  lettres  et  les  con- 
naissances humaines  avaient  fait  beaucoup 
plus  de  progrès  qu'au  siècle  de  Moïse.  Ce- 
pendant ce  divin  maître  n'a  rien  écrit  lui- 
même,  il  en  a  laissé  le  soin  à  ses  apôtres  et 
à  ses  disciples  ;  nous  ne  voyons  pas  même 
qu'il  leur  ail  ordonné  de  rien  écrire.  Aussi 
ces  envoyés  du  Sauveur  ne  nous  ont  pas 
laissé  un  aussi  t;rand  nombre  d'ouvrages 
que  les  écrivains  de  l'Ancien  Testament. 
Ceux  qui  ont  été  déclarés  canoni(]ues  par 
le  concile  de  Trente  sont  au  nombre  de 
vingl-sepi  ;  savoir  :  les  quaire  Evangiles,  de 
saint  Mallhicu,  de  saint  Marc,  de  saint  Luc, 
de  saint  Jean;  les  Actes  des  apôtres;  qua- 
torze Lettres  et  E|)îtres  de  saint  Paul  ;  savoir, 
aux  Homuins,  I"  et  iTaux  Corinthiens,  aux 
Galales,  aux  Ephésiens,  aux  Philippiens, 
aux  Colossiens  ,  1"  et  ii"  aux  Thessaloni- 
ciens,  i"  et  ii'  à  Timoihée,  à  Tile,  à  Philé- 
mon,  aux  Hébreux  ;  les  Epîtres  c.inoniques, 
savoir  :  une  de  saint  Jacques,  V  et  ii'  de 
saint  Pierre,  i",  n°  et  m'  de  saint  Jean,  et 
une  de  saint  Jude,  enfin  l'Apocalypse  de 
saint  Jean.  Nous  avons  parlé  dlechacun  deces 
écrits  en  particulier  ;  aux  mots  Apocryphes 
et  Evangile,  nous  avons  fait  mention  des  li- 
vres de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Testament 
qui  ne  sont  pas  canoniques  ou  que  l'Eglise 
ne  reconnaît  point  comme  sacrés. 

Testameht  des  douze  patriarches.  Ou- 
vrage apocryphe,  composé  en  grec  par  un 
juif  converti  au  christianisme,  sur  la  fin 
du  i"  ou  au  commencement  du  ii"  siè- 
cle de  l'Eglise.  L'auteur  y  fait  parler  l'un 
après  l'autre  les  douze  enfants  Ap  Jacob  ;  il 
suppose  (]u'au  lit  de  la  mort,  à  l'exemple  de 
leur  père,  ils  ont  adressé  à  leurs  enfants 
les  prédii  tions  et  les  instructions  qu'il  rap- 
porte. Celte  fiction  n'a  rien  de  blâmable,  il 
n'y  a  aucune  raison  de  penser  que  cet  au- 
teur a  eu  le  dessein  de  persuader  à  ses  lec- 
teurs que  les  douze  patriarches  ont  vérita- 
tablement  tenu  les  discours  qu'il  leur  prête. 
Platon  dans  ses  Dialogues  fait  parler  Socrate 
et  divers  autres  personnages  de  son  temps  ; 
Cicéron  a  fait  de  même  dans  la  plupart  de 
ses  livres  philosophiques  ;  on  a  donné  de 
nos  jours  les  Entretiens  de  Phocion  et  d'au- 
tres ouvrages  de  même  genre,  personne  n'y 
a  été  trompé  et  n'a  été  tenté  d'accuser  d'im- 
poslure  ces  divers  écrivains.  On  ne  peut  pas 
douter  de  l'anliijuité  du  Testament  des  douze 
patriarches.  Origène,  dans  sa  première  Ho- 
mélie siir  Josui',  témoigne  qu'il  avait  vu  cet 
ouvrage  et  qu'il  y  trouv.iil  du  bon  sens; 
Grabe  est  persuadé  que  Terlullien  l'a  aussi 
connu  ;  il  conjecture  même  que  saint  Paul 
en  a  cité  quelque  paroles,  mais  ce  soupçon 
est  peu  fondé.  Pendant  longtemps  ce  livre  a 
eié  inconnu  aux  savants  de  l'Europe  et 
même  aux  Grecs;  ce  sont  les  Anglais  qui 
nous  l'ont  procuré.  Robert  Grosse-Tesle, 
Évéque  de  Lincula,  en  avant  eu  connais- 


sance par  le  moyen  Je  Jean  de  Basingesta- 
kes,  archidiacre  de  Légies,  qui  avait  étudié 
à  .Mhènes,  en  fit  venir  un  exemplaire  en 
Angleterre,  et  le  traduisit  en  latin  par  le  se- 
cours de  Nicolas,  Grec  de  naissance ,  et 
clerc  de  l'abbé  de  Sainl-Alban  ,  l'an  1252. 
Depuis  il  a  élé  donné  en  grec  avec  la  tra- 
duction, par  Grabe,  dans  son  Spicilége  des 
Pères,  en  1698,  et  ensuite  par  Faliricius 
dans  ses  Apocri/phes  de  l'Ancien  Testament. 

L'au'eur  de  ce  livre  rapporte  dilTéren- 
tes  parlicniarilés  de  la  vie  et  de  la  mort 
des  patriarches  (lu'il  fait  parirr,  mais  des- 
quelles il  ne  pouvait  avoir  aucune  certitude  ; 
il  l'ait  mention  de  la  ruine  de  Jérusalem,  de 
la  venue  du  Messie,  de  diverses  actions  de 
sa  vie,  de  sa  divinité,  de  sa  mort,  de  l'obla- 
lion  de  l'eucharistie,  de  la  punition  des  Juifs, 
des  écrits  des  évangélistes,  d'une  manière 
qui  ne  peut  convenir  qu'à  un  chrétien.  Trois 
ou  quaire  plissages  dans  lesquels  il  ne  s'ex- 
prime pas  assez  corredement  touchant  la 
naissance  et  la  mort  du  Messie,  el  sur  la 
voix  du  ciel  qui  se  fit  entendre  à  son  bap- 
tême, nous  paraissent  susceptibles  d'un  sens 
orthodoxe.  Mais  on  ne  peut  pas  nier  qu'il 
n'ait  encore  été  imbu  des  opinions  el  des  pré- 
jugés qui  régnaient  de  son  temps  parmi  les 
Juifs  hellénistes.  Voy.  Spicileoium  Pafrum 
sœculi  I,  p.  12!)  et  seq 

Il  y  a  encore  eu  plusieurs  autres  Testa- 
ments apocryphes  cités  par  les  Orientaux  : 
tel  est  celui  des  trois  patriarches,  ceux  d'A- 
dam, de  Noé,  d'Abraham,  de  Job,  de  Moïse, 
de  Salomon  ;  la  plupart  avaient  élé  composés 
par  des  hérétiques  pour  répandre  leurs  er- 
reurs. 

TÈTE.  Ce  mot  en  hébreu  se  prend  dans 
plusieurs  sens  figurés  et  métaphoriques , 
aussi  bien  qu'en  français.  11  signifie,  l°-le 
conjmenceaienl;  Gen.  c.  ii,  v.  10,  il  est  dit 
d'un  fleuve  qu'il  se  divisait  en  quatre  télés 
parce  qu'il  donnait  la  naissance  à  quaire 
bras.  2°  Le  sommet,  la  partie  la  [ilus  élevée 
d'un  lieu  ou  d'une  chose.  3°  Un  chef,  celui 
qui  commande  aux  autres,  cl  l'autorité  qu'il 
exerce,  la  capiUile  d'un  empire,  k"  Le  prin- 
cipal soutien  d'un  édifice,  Ps.  cxviii,  v.  22, 
etc.  La  tête  de  l'angle,  ou  la  pierre  angulaire, 
désigne  Jésus-Chrisl,  Matth.,  c.  xxi,  v.  42, 
etc.,  parce  qu'il  est  le  seul  chef,  le  fonde- 
ment et  le  soutien  de  son  Eglise.  5°  Ce 
qu'il  y  a  de  meilleur;  Exod.,  c.  xxx,  v.  23, 
les  parfums  de  la  tête  sont  les  parfums  les 
plus  exquis.  G°  Le  total  d'un  nombre  que 
nous  appelons  la  somme,  Exod.,  c.  xxx,  v. 
12,  ou  la  répétition  sommaire  de  plusieurs 
choses,  que  nous  nommons  récapitulation, 
1'  Les  dilTérenls  corps  ou  bataillons  dont 
une  armée  est  composée,  Jud.,  c.  vu,  v.  16, 
parce  qu'ils  se  subdivisent  en  plusieurs  par- 
ties. Dans  un  sens  à  peu  près  semblable  nous 
appelons  chapitre,  capita,  les  divisions  d'un 
livre  qui  contiennent  plusieurs  articles  ou 
sections.  8"  Dans  le  Ps.  xl,  v.  8,  et  Hebr., 
c.  X,  V.  7,  nous  lisons  :  In  capite  libri  scri- 
plum  est  de  me;  caput  ne  signifie  pas  là  im 
chapitre,  mais  la  totalité  des  Ecritures  sain- 
tes. 9°  Caput  et  cauda  signifie  les  premiers 


705 


ÏEX 


TEX 


700 


et  les  derniers,  Deut.,  c.  xxviii,  v.  13,  etc. 
10*  f.a  Ifle  des  aupics.  Job.  c.  xx,  v.  16, 
est  le  poison  des  serpents.  Ce  mot  se  trouve 
dans  plusieurs  phrases  |iroverbi;iies  dont  il 
est  aisé  d'apercevoir  le  sens.  Marcher  la 
télé  baissée,  c'est  gémir  dans  la  tristesse,  Je- 
ren).,c.  ii,  v.  10;  rouiber  la  tête,  c'est  affec- 
ter un  air  mortifié  ;  Jsaïe,  c.  Lviii,  v.  .'i.  dit 
que  le  jeûne  ne  consiste  point  à  baisser  la 
télé  et  à  la  tourner  comme  un  cercle;  c'é- 
tait un  gejite  des  Juifs  hypocrites.  Lever  la 
léte,  c'est  leprendre  courage,  Eccli.,  c.  xx, 
V.  11,  ou  s'enorgueillir.  Elever  la  télc  de 
quelqu'un,  c'est  le  tirer  de  l'Iiuniiliatioii  et 
le  remettre  en  honneur.  IV  Reg.,  c.  xvii,  v. 
27;  lui  parfumer  la  léte,  c'est  le  combler  de 
biens,  Ps.  xxii,  v.5;  lui  raser  la  léie,  decnl- 
vare  capul,  c'est  le  couvrir  (rignoininie  , 
Jsaie,  c.  III,  v.  17,  etc.;  secouer  la  tête  est 
quelquefois  un  signe  de  mépris,  71'  lldj.,  c. 
XIX,  d'autres  fois  une  marque  de  joie  et  de 
feiicitalion  ;  les  parents  de  Job,  après  sa 
guérison  et  apiès  le  rélablissemenl  de  sa 
fortune,  vinrent  le  féliciter,  et  secouèrent  la 
télé  sur  \m,  Job,  c.  xlii,  v.  11;  se  raser  la 
léte  élaii  une  marque  de  deuil,  Levit.,  c.  x, 
V.  G  ;  il  n'était  permis  aux  prêtres  de  le  faire 
qu'à  la  mort  de  leurs  plus  proches  parents, 
c.  xsi,  V.  5.  Quelquefois  aussi  on  se  cou- 
vrait la  tête  dans  des  inoinents  d'aflliction. 
Il  lieg.,  c.  XIX,  V.  V.  Il  éiail  naturel  de  ca- 
cher l'altération  qu'un  chagrin  violini  pro- 
duit dans  les  traits  du  visage.  Donner  de  la 
télé  à  quelque  cliose,  c'est  s'y  obstiner;  les 
Juifs,  dit  Esdras,  c.  ix,  v.  17,  se  mirent  dans 
la  tète,  dcderunl  capul,  de  retourner  à  leur 
ancienne  servitude.  On  peut  voir  dans  le 
Dictionnaire  de  l'Académie  que  la  plupart 
de  ces  manières  de  parler  ont  lieu  dans  no- 
ire langue,  ou  y  sont  remplacées  par  d'au- 
tres semblables. 

TÉTHADIl'ES.  t^e  nom  a  été  donné  à  plu- 
sieurs sectes  d'hérétiques,  à  cause  du  res- 
pect qu'ils  atfeclaieni  pour  le  nombre  de 
quatre,  exprimé  en  grec  parxsT/jK.  On  appe- 
lait ainsi  les  sahbataires,  parce  qu'ils  célé- 
braient la  pàque  le  quatorzième  jour  do  la 
lune  de  mars,  et  qu'ils  jeûnaient  le  mer- 
credi, qui  est  le  quatrième  jour  de  la  se- 
maine. On  nomma  île  même  les  manichéens 
et  d'autres  qui  admettaient  en  Dieu  quatre 
personnes  au  lieu  de  trois;  enfin  les  secta- 
teurs de  Pierre  le  Foulon,  parce  qu'ils  ajou- 
taient au  tris.igion  quelques  paroles  par  les- 
quelles ils  insinuaient  que  ce  n'olait  pas 
une  seule  des  personnes  de  la  sainte  Tii.iiié 
qui  avait  souffert  pour  nous,  mais  la  Divi- 
nité tout  entière.  Voy.  Patripassiens,  ïui- 
SAGION,  etc. 

TÉTUAC.AMMATION.  Voy.  JÉuovAn. 

'l'ETKAODlON,  hymne  des  Grecs  compo- 
sé de  quatre  parties,  et  qu'ils  chantent  le  sa- 
medi. 

TÉTRAPLES  d'Origène.    Voy.   Hexaplks. 

TEXTE  DE  L'ÉCKITURE  SAINTE.  Ce 
tenue  se  prend  en  différents  sens.  1°  Pour  la 
langue  dans  laquelle  les  livres  saints  ont 
été  écrits,  par  opposition  aux  traductions 
ou  versions  qui  ont  été  faites.  Ainsi  le  texte 


hébreu  de  l'Ancien  Testament  et  le  texte  grec 
du  Nouveau  sont  les  originaux  sur  lesquels 
les  traducteurs  ont  fait  leurs  versions,  et 
c'est  h  ces  sources  qu'il  faut  recourir  pour 
voir  s'ils  en  ont  bien  rendu  le  sens.  2*  Pour 
cette  même  Ecriture  originale,  par  opposi- 
tion aux  gloses  ou  aux  explications  que  l'on 
en  fait,  en  quel(|ue  langue  qu'elles  soient 
écrites  :  par  exemple,  lors()ue  le  texte  porte 
que  Dieu  se  fâcha,  ou  qu'il  se  repentit,  la 
glose  avertit  (lu'il  faut  entendre  que  Dieu 
agit  comme  s'il  eût  été  fâché  ou  comme  s'il 
se  fût  repenli. 

Le  texte  original  de  tous  les  livres  de  l'An- 
cien Teslanirnt  compris  dans  le  canon  ou 
catalogue  des  Juifs  est  l'hébreu  :  mais  l'E- 
glise chrétienne  reçoit  aussi  comme  canoni- 
ques plusieurs  livres  de  l'Ancien  Test.iment 
qui  passent  pour  avoir  été  écrits  en  grec,  ou 
dont  l'original  hébreu  ne  subsiste  plus  :  tels 
sont  les  livres  de  la  Sagesse,  de  l  Hcclésias- 
tique,  Av  Tobie,  de  Judith,  des  Macluibées, 
une  partie  du  chapitre  m  de  Daniel,  depuis 
le  V.  2'*  jusqu'au  v.  91,  les  chapitres  xiii  et 
XIV  de  ce  même  prophète,  et  les  additions 
qui  se  trouvent  à  la  fin  du  livre  iVEsther.  Il 
paraît  cerlain  que  Tobie,  Judith,  VEvclé- 
siiislique  et  le  premier  livre  des  Machabées 
ont  été  originairement  écrits  en  hébreu  tel 
qu'on  le  parlait  pour  lors  parmi  les  Juifs;  il 
n'en  est  pas  de  même  du  livre  de  la  Sagesse 
et  du  second  des  Machabées.  Nous  avons 
parlé  de  ces  divers  ouvrages  sous  leur  titre. 

Pour  les  livres  du  Nouveau  Testament,  le 
texte  original  est  le  grec;  quoiqu'il  soit  cer- 
tain que  saint  Matihieu  a  écrit  son  Evangile 
en  hébreu,  nous  ne  l'avons  plus  dans  celle 
langue.  Quelques-uns  onl  cru  que  celui  de 
saint  Marc  et  l'Epître  de  saint  Paul  aux  Ro- 
mains avaient  été  d'abord  écrits  en  latin  ; 
mais  il  y  a  des  preuves  du  contraire.  L'opi- 
nion de  ceux  qui  ont  imaginé  que  l'Epilre 
aux  Hébreux  leur  avait  été  adressée  dans 
leur  langue,  et  que  l'Apocalypse  de  saint 
Je  m  avait  été  composé  en  syriaque,  n'est 
pas  mieux  fondée.  Celle  du  P.  Uaidouin, 
qui  a  soutenu  que  le  latin  est  la  langue 
originale  du  nouveau  Testament,  et  que  le 
grec  n'est  qu'une  version,  n'a  entraîné  per- 
sonne. 

On  ne  peut  pas  méconnaître  un  Irait  sin- 
gulier de  la  Providence  divine  dans  la  con- 
servation du  texte  hébreu  de  l'Ancien  Testa- 
ment, malgré  les  révolutions  terribles  arri- 
vées chez  les  Juils.  Depuis  qu'ils  eurent  été 
divisés  en  deux  royaumes,  plusieurs  de  leurs 
rois  ,  devenus  idolâtres  ,  semblaient  avoir 
conjuré  la  ruine  de  leur  religion,  aucun  ce- 
pendanl  n'est  accusé  d'en  avoir  voulu  dé- 
truire les  livres  ;  les  adoralcurs  du  vrai  Dieu 
el  les  prophètes,  qui  ont  vécu  sous  l'une  ou 
l'autre  domination,  les  ont  toujours  gardés 
el  en  onl  f.iit  la  règle  de  leur  conduite.  Na- 
buchodonosor  brûla  le  temple  el  la  ville  de 
Jérusalem;  mais  les  livres  saints  furent  con- 
servés dans  la  Judée  par  Jérémie,  et  furent 
emportés  par  les  saints  personnages  que 
l'on  conduisit  en  captivité  ;  Ezécliiel  et  Da- 
niel ne  les  perdirent  jamais  de  vue.  -Vorès  le 


m  TEX 

retour,  les  rois  de  Syrie  résolurent  d'abolir 
le  juJ;iïsme,  tnnis  les  livres  saints  furent 
préservés  de  leurs  attentats  ;  cent  ans  aupa- 
ravant ih  avaient  été  traduits  en  grec  et  dé- 
posés dans  la  bibliothèque  d'Alexandrie.  Le 
plus  grand  danger  qu'ils  aient  couru  a  été 
pendant  la  captivité  de  Babylone  ;  aussi 
quelques  juifs  mal  instruits  ont  prétendu 
qu'ils  avaient  absolument  péri.  L'auteur 
iv"  du  livre  d'Esdras,  ouvrage  apocryphe 
et  fabuleux,  dit,  chap.  xiv,  v.  21  et  suiv., 
que  les  livres  saints  avaient  été  brûlés,  et 
qu'Esdras  fut  inspiré  de  Dieu  pour  les  écrire 
de  nouveau  :  au  mot  PuNTàTEugiE,  nous 
avons  fait  voir  l'absurdité  de  cette  imagina- 
tion. Cependant  l'on  accuse  les  Pères  de  lE- 
glise  de  s'éire  laissé  tromper  par  ce  juif  vi- 
sionnaire, d'avoir  ajouté  foi  à  ce  qu'il  dil,  et 
de  l'avoir  répété;  Prideaux  cite  à  ce  sujet 
saint  Irénée,  Clément  d'Alexandrie,  Terlul- 
lien,  saint  Basile,  saint  Jean  Chrysostoine, 
saint  Jérôme  et  saint  Augustin.  Ce  fait  nié- 
riie  un  moment  d'examen,  voyons  s'il  est 
vrai. 

Nous  trouvons  dans  saint  Irénée ,  odv. 
Hœr.,  1.  III,  c.  21  {al.  23),  n.  2,  que  les  Ecri- 
tures ayant  été  corrompues,  SiCj-Oup-u^rû-j, 
Dieu,  sous  le  règne  d'Artaxerxès,  inspira 
à  Esdras  de  rétablir,  «votrK/czo-Cai,  les  livres 
des  prophètes,  et  de  rentire  au  peuple  la  loi 
de  Moïse.  Clément  d'Alexandrie  semble  avoir 
copié  saint  Irénée;  Strom.,  1.  i,  é  lit.  de  Pot- 
ier, pag.  302,  il  dit  qu'Esdras,  de  retour  dans 
sa  patrie,  rétablit  le  peuple,  fit  la  recon- 
naissance ou  le  recensement,  «•jay^ipiaij.o; ,  et 
le  renouvellement  des  Ecritures  divinement 
inspirées  ;  p.  410,  il  dit  que  les  Ecritures 
ayant  été  corrompues,  rîiaySafttawv,  pendant 
la  captivité,  Esdras,  prêtre  et  lévite,  les 
renouvela  par  inspiration.  Or,  des  livres 
corrompus  par  des  fautes  de  copistes  ou  au- 
trement ne  sont  pas  pour  cela  des  livres 
brûlés  ou  détruits  ;  pour  les  rétablir,  il  faut 
les  corriger  et  non  les  composer  de  nou- 
veau. S'ils  avaient  été  anéantis,  il  n'y  aurait 
eu  ni  reconnaissance  ni  recensement  à  faire. 
Saint  lî;;silt'  écrit,  Episl.  h-2,  ad  CInlonem, 
n.  5  :  «  Ici  est  la  cainpagnc  dans  laquelle 
Esdras  lira  de  son  sein,  llYipvjf)i.zo,  par  or- 
dre de  Dieu,  tous  les  livres  divinement  ins- 
pirés; »  à  la  vérité,  le  terme  dont  se  sert 
saint  Basile  est  fort,  mais  ne  peut-il  pas  si- 
gnifier tirer  de  la  poussière  ou  do  lobscu- 
rité?  Un  seul  mot  ne  suffit  pas  pour  nous 
instruire  de  l'opinion  d'un  Père  de  l'Eglise. 
Saint  Jean  Chrysostonn',  Hnm.  8,  in  Ejiist. 
(id  llebr.,  n.  4,  Op.  t.  XII,  p.  96,  s'exprime 
ainsi  :  «  11  survint  des  guerres,  les  livres  fu- 
rent brûlés  ;  Dieu  inspira  un  autre  homme, 
savoir,  Esdr;is,  pour  les  exposer  et  en  ras- 
sembler les  restes.  Toutes  les  copies  ne  fu- 
rent donc  pas  brûlées,  puis<]u'il  en  restait.» 
Voilà  ce  qu'ont  dit  les  Pères  grecs. 

Tertullien,  de  Cullu  femin.,  1.  i,  c.  3,  rap- 
porte qu'après  la  ruine  de  Jérusalem  par  les 
Babyloniens,  Esdras  rétablit  tous  les  monu- 
ments de  la  littérature  des  Juifs.  Saint  Jé- 
rôme, contra  Ilelvid.,  Op.  I.  IV,  col.  I.î4  : 
«  Dites,  si  vous  voulez,  que  Moïse  est  l'au- 


TEX 


708 


teur  du  Pentaleuque,  ou  qu'Esdras  en  est  le 
restaurateur;  je  ne  m'y  oppose  point.  »  Or, 
un  restaurateur  n'est  pas  un  nouveau  créa- 
teur. 

Prideaux  devait  s'abstenir  de  citer  le  livre 
de  Mirahilib.  sacrœ  Scrîplurœ,  où  il  est  dit 
que  les  livres  saints  ayant  été  brû  es,  Esdras 
les  refit  par  le  même  esprit  par  lequel  ils 
avaient  été  écrits  ;  les  savants  éditeurs  des 
ouvrajjes  de  saint  Augustin  ont  fait  voir  que 
celui-ci  n'est  pas  de  lui,  mais  d'un  auteur 
anglais  ou  irlandais  qui  a  écrit  au  vii*^ 
siècle. 

Tout  cela  ne  nous  paraît  pas  suffisant 
pour  prouver  que  les  Pères  se  sont  laissé 
tromper  par  le  iv  livre  d'Esdras,  et  qu'ils 
y  ont  ajouté  foi  ;  aucun  d'eux  ne  l'a  cité, 
et  peut-être  qu'aucun  ne  l'avait  lu  :  il 
nous  paraît  plus  probable  qu'ils  se  sont  co- 
piés les  uns  les  autres,  et  qu'ils  ont  parlé 
d'après  l'opinion  des  juifs.  Mais  supposons 
ce  que  veut  Prideaux  :  il  s'ensuit  que,  sur 
le  fait  en  question,  le  témoignage  des  Pères 
ne  prouve  rien  ;  dans  ce  cas,  nous  lui  de- 
mandons oîi  il  a  puisé  ce  qu'il  dit  des  tra- 
vaux d'Esdras  sur  l'Ecriture  sainte.  Il  pré- 
tend que  ce  Juif  ramassa  le  plus  grand  nom- 
bre d'exemplaires  qu'il  put  des  livres  sacrés, 
qu'il  les  confronta,  qu'il  en  corrigea  les  fai- 
tes, qu'il  rangea  les  livres  par  ordre,  qu'il 
eii  fit  le  canon, et  qu'il  en  donna  une  édition 
très-correcte.  Les  juifs,  dit-il,  et  les  chré- 
tiens s'accordent  à  lui  en  faire  honneur. 
Mais  ces  chrétiens  ne  peuvent  être  autres 
que  les  Pères  dont  nous  venons  de  parler, 
et  il  a  commencé  par  ruiner  leur  témoi- 
gnage; reste  celui  des  juifs  seuls,  et  nous 
ne  lui  trouvons  point  d'autre  fondement 
que;  le  iv"  livre  d'Esdras,  qui  n'a  aucune 
autorité.  Il  fallait  donc  mieux  avouer  que 
nous  no  savons  pas  ce  qu'Esdras  a  fait  ou 
n'a  pas  fait,  puisqu'aucun  monument  au- 
thentique no  peut  nous  en  instruire;  il  n'en 
dit  rien  lui-même  dans  son  livre,  et  Josèphe, 
qui  l'a  copié,  n'en  dit  pas  davantage.  Pri- 
deaux ajoute  qu'admettre  le  miracle  sup- 
posé par  les  Pères  est  un  moyen  très-propre 
à  ébranler  la  foi,  les  pyrrhoniens  ne  man- 
queraient pas  de  dire  qu'Esdras,  prétendu 
inspiré,  n'a  été  qu'un  imposteur  qui  a  don- 
né aux  Juifs  comme  livres  divins  des  ou- 
vrages qu'il  a  forgés.  Déjà  ils  le  disent  en 
effet.  Mais  ils  demandent  aussi  quelle  certi- 
tude on  peut  avoir  qu'Esdras  a  été  inspiré 
pour  discerner  les  livres  qui  ont  dû  être  pla- 
cés dans  le  canon,  d'avec  ceux  qui  n'ont  pas 
dû  y  entrer,  pour  choisir  entre  les  variantes 
des  copies  celles  qui  méritaient  la  préfé- 
rence, et  pour  attester  aux  Juifs  que  ces  li- 
vies,  et  non  d'autres,  étaient  la  parole  de 
Dieu;  Prideaux  ne  satisfait  point  à  cette  dif- 
ficulté. 11  fournit  encore  des  armes  aux  in- 
crédules en  supposant  que, sous  le  règne  de 
Josias,  il  ne  restait  que  le  seul  exemplaire 
des  livres  de  Moïse,  qui  était  gardé  dans  le 
temple,  et  que  le  roi,  non  plus  que  le  pon- 
tife Helcias,  ne  l'avaient  jamais  vu.  Au  mot 
PENTATEDQtE,  uous  avous  réfuté  cette  fausse 
supposition. 


709 


TKX 


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710 


Il  nous  paraît  beaucoup  plus  rimpio  de 
peiispi'  que  les  livres  iaiiils  n'on',  jamais  été 
oubliés  ni  négligés  parmi  "es.  Juifs,  parce 
que  ces  livres  renfarmaieiit  riiistoire,  les 
lois,  les  lilres  (îo.  posseijion,  les  généalo- 
gies, aussi  bien  que  la  croyance  et  !a  reli- 
{^ion  (Je  toute  la  nation  ;  que  les  -îujots  iJu 
royaume  d'Israël,  eniiueiiés  en  captivité  par 
Saiuianazar,  cil  avaient  em;  ^ileavoc  eux 
lies  exemplaires  en  Assyrie,  de  Mér.ie  que 
Groiit  ceux  du  royaume  de  Juda  transpo<"lés 
à  Babylone  par  ÎSabucliodonosor.  Les  pre- 
miers ne  revinrent  point  dans  la  Judée  sous 
Cyrus,  ils  conservèreut  au  delà  de  l'Eu- 
ptirale  les  élablissemenls  qu'ils  y  avaient 
formés  ;  Josèplu'  altesle  (ju'ils  y  étaient  en- 
core de  son  temps,  Aniiq,  Jiid.,  I.  xi,  c.  5. 
Ces  Juils  de  la  iiabylonic  et  de  la  Méilie  ont 
continué  à  suivre  leur  rrligion  cl  leur  loi, 
ils  oui  conservé  des  relations  avec  ceux  de 
la  Jiidée,  il  n'y  iivail  entre  eux  aucun  sujet 
d'inimilié.  Après  la  prise  de  Jérusalem  sous 
\'espasien  et  la  dispersion  des  Juifs  sous 
Adrien,  ceu'ff  qui  se  reliièrenl  dans  la  l'erse 
savaient  bien  qu'ils  n'allaient  pas  dans  un 
pays  iiiconnu  ;  ils  élaienl  sûrs  d'y  trouver 
leurs  frèies.  S'il  nous  esl  permis  de  former 
des  conjectures,  ce  sont  ces  Juifs  d.  venus 
Ch.ildcens  qui,  les  premiers,  ont  adopté  les 
caraclères  clialduïques,  qui  les  ont  commu- 
niqués aux  nouveaux  venus,  et  insensible- 
ment à  toute  11  nation  juive.  Mais  les  juifs 
uiodernes  se  sont  obstinés  à  meltre  .sur  le 
compic  d'Ksdras  tout  ce  qui  s'est  fait  chez 
eui.  depuis  la  captivité  ,  et  les  protcslanls 
ont  adopté  la  plupart  de  leurs  visions. 

Ui.e  nuire  queslou  est  de  savoir  si,  de- 
puis la  venue  de  Jésus-Ciirisl,  les  juifs  ont 
currotniju  malicieusement  le  lexle  liébreu 
de  rVnci'in  Teslamenl,  afin  d'esquiver  les 
lueuyes  que  les  docteurs  clnéi.iens  en  ti- 
raient contre  eux.  (Juelques  anci 'ns  Pères, 
comme  saint  Justin,  Tertullien ,  Ori;;ène, 
saint  Jean  Cliiysoslome,  eu  ont  accusé  les 
juifs  ;  mais  ce  soupçon  n'a  jamais  été  prou- 
vé. Ces  pères,  qui  ne  connaissaient  pour 
ai'thentique  que  la  version  des  Septante  et 
qui  iî:  croyaient  inspirée,  imaginèrent  que 
tous  les  passages  du  texte  hélireu  qui  n'é- 
taient pas  exactement  confornies  à  cette 
version  avaient  élé  altérés  ;  ils  étaient  por- 
tés à  le  penser  par  les  fausses  csplicalions 
que  les  juifs  donnaient  aux  prophéties,  et 
qu'ils  pielondaienl  fondées  sur  le  texte. Mais 
cette  en  jur  se  dissipa  lorsque  saint  Jérô- 
me, après  avoir  appris  l'hébreu,  (il  voir  que 
les  Septante  n'avaient  pas  toujours  rendu 
le  vrai  sens  du  texte.  Jo>èplic,  1.  i,  rontre 
Appion,  proteste  qu'aucun  juif  n'a  jamais 
eu  la  lém  rite  de  faire  la  moindre  alléralion 
dans  la  lettre  des  livres  sainls,  parce  que 
tous  sont  persuadés,  dès  l'enfance,  que  c'est 
la  parole  de  Dieu.  Saint  Jérôme  les  a  sou- 
vent accusés  de  détourner  le  si'ns  dos  pro- 
phéties, iiiais  il  ne. leur  reproche  point  d'a- 
voir touché  au  texte.  Saint  Augustin  observe 
que  Dieu  a  dispersé  les  Juils,  afin  qu'ils 
rendissent  témoignage  partout  de  lauihen- 
ticilé  des  prophéties,  dont  la  lellre  les  con- 


damne et  a  servi  plus  d'une  fois  à  les  con- 
vertir, (il!  Civil.  Dei,  1.  XVIII,  c.  46,  il  sup- 
pose par  conséquent  leur  fidélité  à  la  con- 
server. —  Celte  question  a  élé  renouvelée 
entre  les  savants  du  siècle  passé.  Doin  l'ez- 
roii,  bernardin  célèbre,  publia  en  JC87  un 
livre  intitulé  VAnthjuitê  des  temps  rétublie 
dans  lequel  il  soutint  que,  depuis  la  destruc- 
tioii  de  Jérusalem,  les  Juifs  ont  abré"é  à 
•iessein  la  chronologie  du  trxle  hébreu  de 
plus  dt;  1500  ans,  pour  se  défendre  co.itre 
les  chrétiens,  qui  leur  prouvaient  par  rE<ri- 
lure  et  par  les  Ira  iitions  juives  que  le  Mes- 
sie devait  arriver  dans  le  sixième  millénaire 
du  monde,  et  qu'il  éiait  venu  en  iffet  à  cette 
épo(iue.  «  Pour  se  tirer  de  cet  arguinenl,  dit 
dom  Pezron,  les  juifs  ont  abrégé  les  dates 
du  texte  hébreu,  ils  ont  donné  au  monde 
près  du  deux  mille  ans  de  durée  de  moins 
(juc  les  Septante,  afin  de  pouvoir  soutenir 
que  le  Messie  n'était  pas  encore  arrivé,  puis- 
que l'on  venait  seulement  de  finir  le  qua- 
trième millénaire  depuis  la  création.  »  De  là 
cet  auteur  ciuicluail  qu'il  faut  suivre  la 
chronolof^ie  des  Septante,  et  non  celle  du 
texte  hébreu  qui  est  aussi  celle  de  la  Vul- 
gate  ;  et  il  en  donnait  des  preuves  qui  ont 
fait  impression  sur  plusieurs  savants.  Une 
des  principales  est  que,  par  ce  moyen,  la 
chronologie  de  l'iicriiure  sainte  s'accorde 
aisément  avec  celle  des  nations  orientales, 
des  Chaldéens,  des  Egyptiens  et  des  Chi- 
nois. Dom  rUartianay,  bénédictin,  et  le  P.  Le 
Quien,  dominicain,  ont  attaqué  le  livre  de 
dom  Pezron,  ils  ont  défendu  l'intégrité  du 
texte  hébreu  et  la  justesse  de  la  chronologie 
qu'il  renferme.  Il  y  a  eu  des  répliques  de 
pari  et  d'autre,  et  celte  dispute  a  élé  soute- 
nue avec  beaucoup  d'érudition.  Si  l'on  peut 
en  juger  par  l'événement,  elle  esl  demeurée 
indécise.  On  a  continué  depuis  à  suivre  la 
chronologie  de  l'hébreu  et  de  la  Vulgate 
tomme  auparavant,  quoiqu'il  y  ail  encore 
des  savants  qui  préfèrent  celle  des  Septante. 
Au  mol  Chronologie,  nous  avons  fail  voir 
que  celle  contestation  ne  donne  aucune  at- 
teinte à  la  vérilé  de  l'histoire,  qu'elle  n'in- 
téresse donc  en  rien  la  foi  ni  la  religion. 

11  reste  enfin  à  savoir  si  le  texte  hébreu, 
tel  que  nous  l'avons  aujourd'hui,  est  assez 
pur  pour  que  l'on  puisse  s'y  hier,  ou  s'il 
esl  considérablement  altéré  par  les  fautes 
des  copistes.  On  esl  tenté  de  croire  qu'il  esl 
très-fautif,  quand  ou  a  vu  l'aveu  (ju'en  ont 
fait  les  rabbins,  les  correciions  fréquentes 
que  le  P.  HoubiganI,  de  l'Oratoire,  a  tenté 
d'y  faire,  el  les  disserlalious  cjue  le  docteur 
Kennicoit  a  publiées  sur  ce  sujet  en  17o7  et 
1759.  C'est  pour  cela  même  qu  il  a  donné  de- 
puis, eu  2  vol.  iu-fol.,  l'édition  du  texte  hé- 
breu la  plus  correcte  qu'il  lui  a  élé  possible, 
avec  toutes  les  variantes  que  l'on  a  pu  trou- 
viT-dans  la  uiuililudc  des  manuscrits  que 
l'on  a  confroiilés.  (Ju'eu  est-il  arrivé?  la 
même  chose  (jui  arriva  au  cominenceinent 
de  ce  siècle,  lorsque  le  docteur  .Mill  annonça 
une  nouvelle  édition  du  texte  grec  du  Nou- 
veau Testameiil,  avee,  toutes  les  variantes 
qui  se  montaient,  seloa  lui,  au  nombre  de 


71 


TEX 


ÏHK 


712 


trente  mille.  On  crul  d'abord  que  dès  ce  mo- 
ment le  sens  du  texlc  allait  devenir  incer- 
tain, et  qne  l'on  ne  saurait  plus  à  quelle.le- 
con  il  fallait  s'aliacher.  L'événement  nous  a 
convaincus  que  celle  énorme  quantité  de  va- 
riantes minutieuses  n'a  pas  jeté  de  doute 
sur  un  seul  passage  important.  Déjà  nous 
voyons  qu'il  en  est  de  même  des  variantes 
du  texle  hébreu.  11  y  a  quelques  fautes  sans 
doute  dans  les  manuscrits,  et  par  conséquent 
dans  les  éditions  qui  y  sont  conformes  ;  il  a 
été  impossible  que  des  livres  si  anciens,  et 
dont  on  a  fait  tant  de  copies  dans  les  diffé- 
rentes parties  du  monde,  eu  fussent  ai)solu- 
menl  exempts  ;  mais  elles  ne  sont  pas  en 
très-grand  nombre  ni  de  grande  importance, 
elles  ne  louchent  pas  au  fond  des  choses.  Ce 
sont  quelques  dates,  quelques  noms  propres 
d'hommes  ou  de  villes,  altérés  ou  changés, 
quelques  conjonctions  ajoutées  ou  suppri- 
mées, quelques  pronoms  mis  l'un  pour  l'au- 
tre, quelques  fautes  de  grammaire  vraies  ou 
apparentes,  quelques  différences  de  pronon- 
ciation ou  d'orthographe,  etc.  Mais  ces  dé- 
fauts se  trouvent  dans  tous  les  livres  du 
monde;  il  est  aisé  de  les  corriger  par  la  com- 
paraison des  manuscrits  ou  des  anciennes 
versions.  Si  l'on  nous  permet  de  dire  libre- 
ment notre  avis,  nous  pensons  que  la  plupart 
des  fautes  que  l'on  a  cru  remarquer  dans  le 
texte  hébreu  sont  imaginaires.  Les  traduc- 
teurs, les  commentaieurs,  les  critiques,  les 
philologues,  ont  supposé  des  fautes  comme 
ils  ont  créé  des  hébraïsnies,  parce  qu'ils  ne 
comprenaient  pas  les  dilTérentes  significa- 
tions d'un  mol  ou  ses  différentes  prononcia- 
tions, parce  qu'ils  ont  fait  des  règles  arbi- 
traires de  grammaire,  parce  qu'ils  ont  cru 
que  la  langue  hébraïque  a  élé  immuable 
pendant  plus  de  deux  mille  ans,  malgré  les 
dilTérentes  migrations  des  Hébreux,  et  mal- 
gré les  relations  qu'ils  ont  eues  avec  diffé- 
rents peuples.  Avant  d'ajouter  foi  à  ce  mi- 
racle, il  aurait  fallu  commencer  par  le  prou- 
ver. Yolj.  HÉBRAÏSME.  Eléments  primdtfs  des 
langues,  6'  dissertation.  —  Au  mot  Bibles 
HÉBRAÏQUES,  nous  avons  parlé  des  plus  an- 
ciennes copies  et  des  plus  célèbres  éditions 
du  texte  hébreu  ;  et  dans  l'article  suivant, 
nous  avons  donné  une  courte  notion  des  Bi- 
bles grecques. 

Texte  se  dit  encore  ,  dans  les  écoles  de 
théologie,  des  passages  de  l'Ecriture  sainte 
dont  on  se  sert  pour  prouver  un  dogme, 
pour  établir  un  sentimenl,  ou  pour  résou- 
dre une  objection.  Dans  nos  contestations 
avec  les  hétérodoxes,  nous  ne  manquons  ja- 
mais de  citer  les  textes  de  l'Ecriture  sur  les- 
quels la  croyance  de  l'Eglise  catholique  est 
fondée. 

Dans  les  sermons,  l'on  appelle  texte  un 
passage  de  l'Ecriture  sainte,  que  le  prédica- 
teur se  propose  d'expliquer,  par  lequel  il 
commence  son  discours,  et  duquel  il  tire  son 
sujet;  suivant  la  règle,  un  s.  rinon  ne  doit 
être  que  la  paraphrase  ou  l'explication  du 
texte.  Mais  il  arrive  trop  souvent  qu'un  ora- 
teur choisit  un  texte  singulier,  qui  n'a  nul 
rapport  à  la  matière  qu'il  veut  traiter,  qu'il 


y  adapte  par  force  en  lui  donnant  un  sens 
qu'il  n'a  pas;  cela  se  fait  surtout  quand  on 
veut  qu'il  y  ait  du  rapport  entre  le  sermon 
et  l'évangile  du  jour;  mais  il  n'est  pa*;  défen- 
du de  prendre  un  texte  dans  quelque  autre 
livre  de  l'Ecriture  sainte.  Cela  vamlrail  peut- 
être  mieux;  l'Eglise,  dans  son  office,  fait 
usage  des  livres  de  l'Ancien  Testament  aussi 
bien  que  de  ceux  ilu  Nouveau,  et  les  Pères, 
qui  sont  nos  modèles,  expliquaient  égale- 
ment les  uns  et  les  autres. 

TEXTUAIRES.  Quelques  auteurs  ont  aus- 
si nommé  les  caraïîes,  secte  de  juifs  qui  s'at- 
tachent uniquement  aux  textes  des  livres 
saints  et  qui  rejettent  les  traditions  du  Tal- 
mud  et  des  ratibins.  Voi/.  Caraïtes. 

THABORITES.  Voy.  Hussites. 

THARTAC.  Voij.  Samaritain. 

THAUMATURGE,  terme  compo«é  du  grec 
e«Oft«,  merveille,  miracle,  et  i'pyov,  ouvraqe, 
action.  L'on  a  donné  ce  nom,  dans  l'Eglise, 
à  plusieurs  saints  qui  se  sont  rendus  célè- 
bres par  le  nombre  et  par  l'éclal  de  leurs 
miracles.  Tels  ont  été  saint  Gr;'goire  de 
Néocésarée  qui  vivait  au  commencement  du 
m"  siècle,  saint  Léon  de  Calanée  qui  a  paru 
dans  le  viii%  saint  François  de  Paule,  saint 
François-Xavier,  etc.  L'on  a  souvent  objecté 
aux  protestants  que  si  l'Eglise  de  Jésus- 
Christ  était  tombée  dans  des  erreurs  gros- 
sières contre  la  foi,  dès  le  m"  ou  le  iv"  siècle, 
comme  ils  le  prétendent.  Dieu  n'y  aurait 
pas  conservé,  comme  il  l'a  fait,  le  don  des 
miracles;  que,  vu  l'impression  que  font  sur 
tous  les  hommes  cesmerveilles  surnaturelles, 
il  aurait  tendu  par  là  aux  fidèles  un  piège 
d'erreur.  Comment  se  persuader  qu'un  hom- 
me qui  opère  des  miracles  enseigne  une 
fausse  doctrine,  pendant  que  Dieu  s'est  servi 
principalement  de  ce  moyen  pour  convenir 
les  peuples  à  la  foi  chrétienne?  Les  protes- 
tants ont  pris  le  parti  de  nier  tous  ces  mi- 
racles, de  soutenir  qu'aucun  n'est  vrai  ni 
suffisamment  prouvé.  On  a  beau  leur  repré- 
senter que  les  moyens  par  lesquels  ils  les 
attaquent  servent  aussi  aux  incrédules  pour 
combattre  la  vérité  des  miracles  de  Jésus- 
Christ  et  des  apôtres  ;  sans  s'embarrasser 
de  cette  conséquence,  ils  persistent  dans  leur 
opiniâlrelé.  Yoy.  Miracles,  §  k. 

THEANDRIQUE.  Du  grec  etht,  Dieu  et 
v.-.SfiMTToç,  homme,  l'on  a  fait  théanthrope,  qui 
signifie  Jlomme-Dieu,  nom  souvent  donne  à 
Jésus-Cliiist  par  les  tbéoloniens  grecs,  et  ils 
ont  appelé  théandriques  les  opérations  di- 
vines et  humaines  de  ce  divin  Sauveur, 
terme  que  les  Latins  ont  rendu  par  deiviiiles. 
Voij.  Incarnation.  L'on  ne  sait  pas  qui  est 
le  premier  des  Pères  de  l'Eglise  qui  a  com- 
mencé à  se  servir  de  ce  mot. 

Dans  la  suite  les  eulychiens  ou  monophy- 
siles ,  qui  n'admettaient  en  Jésus-Christ 
qu'une  seule  nature  composée  de  la  divinité 
et  de  l'humanité,  soutinrent  aussi  qu'il  n'y 
avait  en  lui  qu'une  seule  opération,  et  ils  la 
nommèrent  théandrique,  en  attachant  à  ce 
terme  le  sens  conforme  à  leur  erreur.  Mais 
à  parler  exactement,  selon  leur  opinion,  la 
nature  de  Jésus-Christ  n'était  plus  la  nature 


m 


THE 


THE 


714 


divine  ni  la  nature  hiim,iinc,  c'est  une  troi- 
sième nalure  composée  ou  mclaiigée  de  l'une 
et  de  l'autre.  Par  la  même  raison  son  opé- 
ration n'était  ni  divine  ni  humaine;  elle  ne 
pouvait  élro  appelée  Ihénndrique  ((ue  dans 
un  sens  abusif  et  erroné.  Ce  ii'esl  pas  ainsi 
que  l'av  lient  entendu  les  Pères  do  rKglise. 
Saint  Alhanase,  pour  donner  une  notion 
juste  des  actions  du  Sauveur,  citait  pour 
exemple  la  guérisou  de  l'avcugle-né  et  la 
résurrection  de  Lazare;  la  salive  (lUc  Jésus- 
Christ  ût  sortir  de  sa  bouche,  et  de  laquelle 
il  frotta  les  yeux  de  l'aveugle,  était  une  opé- 
ration humaine;  le  miracle  de  lavucremfue 
à  cet  homme  était  une  opération  divine  :  de 
même,  en  ressuscitant  Lazare,  il  l'appela 
d'une  voix  forte  en  tant  qu'homme,  et  il  lui 
rendit  la  vie  eu  lant  que  Uicn. 

Le  nom  et  le  dogme  des  opérations  lliéan- 
(lriqii.es  furent  examinés  avec  soin  .m  concile 
de  Latran,  tenu  l'an  6'i-!)à  l'occasion  de  l'er- 
reur dos  monotliélites,  qui  n'admettaient  en 
Jésus-Christ  qu'une  seule  volonté.  Le  pape 
Martin  I",  qui  y  présidait,  e\pli(iua  nulle- 
ment le  sens  dans  lequel  les  Pères  grecs 
avaient  employé  le  mol  théandrique ,  sens 
fort  différent  ile  celui  qu'y  donnaient  les 
monoiihysites  et  les  mouolhélites;  consé- 
qucmment  l'erreur  de  ces  derniers  fut  con- 
damnée. Mais  l'abus  qu'ils  avaient  l'ait  d'un 
terme  n'a  pas  dû  empêcher  les  théologiens 
de  s'en  servir  dès  qu'il  est  susceptible  d'un 
sens  très-orthodoxe. 

THÉANTHKOPIE,  erreur  de  ceux  qui  at- 
tribuent à  Dieu  des  qualités  humaines;  c'é- 
tait l'opinion  dos  païens.  Non-seulemml 
plusieurs  étaient  persuadés  que  les  dieux 
n'étaient  autre  chose  que  les  premiers  liom- 
nu'S  qui  avaient  vécu  sur  la  terre,  et  dont 
les  âmes  avaient  été  transportées  au  ciel, 
mais  ceux  même  qui  les  prenaient  pour  des 
esprits,  pour  des  génies  d'une  nature  supé- 
rieure à  celle  des  hommes,  no  laissaient  pas 
de  leur  prêter  tous  les  besoins,  les  passions 
et  les  vices  de  l'humanité.  Les  docteurs 
chrétiens  n'ont  pas  eu  tort  de  leur  reprocher 
que  la  plupart  de  leurs  dieux  étaient  des 
personnages  plus  vicieux  et  plus  méprisa- 
bles (jue  les  hommes,  que  Platon  méritait 
mieux  d'avoir  des  autels  que  Jupiter. 

Pour  décréditer  toute  espèce  de  religion  et 
de  notion  de  la  Divinité,  les  incrédules  nous 
reprochent  d'iniiler  le  ridicule  des  païens. 
Ils  disent  que  supposer  en  Dieu  l'intelli- 
gonce,  des  connaissances,  des  volontés,  des 
desseins;  lui  attribuer  la  sagesse,  la  bonté, 
la  justice,  etc.,  c'est  le  revêtir  de  qualités  et 
de  facullés  humaines,  c'est  faite  de  Dieu  un 
homme  un  peu  plus  parfait  que  nous.  D'ail- 
leurs nos  livres  saints  lui  prêlLMit  les  pas- 
sions de  l'Iiumanité,  l'amour,  la  haine,  la 
colère,  la  vengeance,  la  jalousie,  l'oubli,  le 
repentir;  en.quoi  ces  notions  sont-elles  dif- 
férentes de  celles  des  païens?  Nous  soute- 
nons que  la  différence  est  entière  et  palpable. 
En  effet,  nous  commençons  par  déuiontrer 
que  Dieu  est  l'Etre  nécessaire,  existant  de 
soi-même,  qui  n'a  point  de  cau->e  ni  de  prin- 
cipe, puisqu'il  est  lui-même  la  cause  et  le 

'  DiCT.  DE  ThKOL.   DOGlIATiyUE.  IV. 


principe  de  tous  les  êtres,  qu'il  ne  peutdone 
être  borné  dans  aucun  de  ses  attributs  , 
puisque  rien  n'est  borné  sans  cause.  11  est 
doue  éternel,  immense,  inlini,  souveraine- 
ment heureux  et  parfiit  dans  tous  les  sons 
et  à  tous  égards,  exempt  de  besoin  et  de  fai- 
blesse, à  plus  forte  raison  de  vi^es  et  de 
passions.  L'homme,  au  contraire,  être  créé, 
dépendant,  qui  n'a  rien  de  son  propre  fonds, 
puisqu'il  a  tout  rec  u  de  Dieu,  ne  possède 
que  ties  qualités  et  des  facullés  l.cs-iuipar- 
faites,  parce  que  Dieu  a  été  le  maître  de  les 
lui  accorder  en  tel  degré  qu'il  lui  a  plu.  II 
est  donc  évident  que  Dieu  est  non-seulement 
un  Etre  infiniment  supérieur  à  l'homme, 
mais  un  Etre  d'une  nalure  absolument  dilTé- 
renle  de  celle  de  l'homme.  D'oij  il  s'ensuit 
que  quand  l'Ecriture  sainte  nous  dit  que 
Dieu  a  fait  l'homme  à  son  image,  elle  veut 
nous  faire  entendre  que  Dieu  lui  a  donné 
des  facultés  qui  ont  une  espèce  d'analogie 
avec  les  perfections  qu'il  a  de  lui-même  et 
de  son  propre  fonds, et  dans  un  degré  infini. 
Voy.  Anthropologie,  ANTnnopoPATHrE.  Mais 
comme  notre  esprit  borné  ne  peut  concevoir 
d'infini,  et  comme  nous  ne  pouvons  pas 
créer  un  langage  exprès  pour  désigner  les 
perfections  divines,  nous  sommes  forcés  de 
nous  servir  des  mêmes  termes  pour  les  ex- 
primer et  pour  nommer  les  qualités  de 
l'homme;  il  n'y  a  là  aucun  danger  d'erreur, 
dès  que  nous  avons  donné  de  Dieu  l'idée 
d'Etre  nécessaire;  idée  sublime,  qui  le  ca- 
ractérise et  le  distingue  éminemment  do 
toutes  les  créatures. 

Cela  ne  suffit  point,  répliquent  les  incré- 
dules; les  païens  ont  pu  se  servir  du  même 
expédient  pour  excuser  les  turpitudes  qu'ils 
attribuaient  à  leurs  dieux.  Si  le  peuple  n'a 
pas  poussé  la  sagacité  jusque-là,  du  moins 
les  sages  el  les  philosophes  ne  s'y  sont  pas 
trompes;  ils  ont  rejeté  les  fables  forgées  par 
les  poêles  et  crues  par  le  peuple.  Mais  chez 
les  juifs  et  chez  les  chrétiens  le  peuple  n'est 
pas  moins  grossier  ni  moins  stupide  que 
chez  les  païens:  il  a  toujours  pris  à  la  lettre 
le  langage  de  ses  livres  ;  jamais  il  n'a  été 
capable  de  se  former  de  la  Divinité  une  no- 
tion spirituelle,  métaphysique,  différente  de 
celle  qu'il  a  de  sa  propre  nature;  l'erreur 
est  donc  la  même  parlout.  — 11  n'en  est  rien. 
1  Nous  défions  les  incrédules  de  citer  un 
seul  philosophe  qui  ait  désigné  Dieu  sous  la 
notion  d'Etre  nécessaire,  existant  de  soi- 
même,  el  qui  en  ait  tiré  les  conséquences 
qui  s'ensuivent  évidemment;  ils  ne  le  pou- 
vaient pas,  dès  qu'ils  supposaient  la  matière 
éternelle  comme  Dieu  ;  conséquemment  au- 
cun n'a  reconnu  eu  Dii-u  le  pouvoir  créateur; 
ils  ont  cru  Dieu  soumis  aux  lois  du  destin 
el  gêné  dans  ses  opérations  par  les  défauts 
irréformables  de  la  matière.  Us  n'ont  donc 
attribué  à  Dieu  qu'une  puissance  très-bor- 
née; ils  ne  l'ont  supposé  ni  libre  ni  indé- 
pendant; cette  erreur  en  a  entraîné  une  in- 
finité d'autres.  Voy.  Ckéation.  2°  Aucun 
philosophe  n'a  reconnu  expressément  vu 
Dieu  la  prescience  ou  la  connaissance  des 
futurs    contingents  ;    ils    n'ont  pas    mémo 

23 


715 


THE 


TFir 


7i? 


compris  qu'elle  pût  s'accorder  avec  la  liberté 
lies  créatures.  Par  la  mêinc  raison,  ils  lui 
ont  refusé  la  providence;  loin  rie  penser  que 
J)ieu  s'occupe  à  gouverner  le  monde,  ils  ont 
jugé  qu'il  n'a  pas  seulcraeiii  pris  In  peine  de 
le  faire  tel  qu'il  est.  Suivant  leur  opinion, 
ce  double  soin  aurait  troublé  son  repos  et 
son  bonheur.  11  s'en  est  déchargé  sur  des 
esprits  subalternes  qui  étaient  sortis  de  lui  ; 
ainsi  les  dc=fauis  de  l'univers  sont  venus,  soit 
des  imperfections  de  la  matière,  soit  de  l'im- 
puissance ou  de  l'incapacilé  de  ces  ouvriers 
malhabiles.  Voilà  la  tliéaiithropie. Or,  comme 
l'a  très-bien  observé  Cicéron,  un  Dieu  sans 
providence  est  nul  ,  il  n'esisle  pas  pour 
nous.  De  là  les  païens  n'ont  reconnu  pour 
dieux  que  ces  génies  secondaires,  fabrica- 
teurs  et  gouverneurs  du  monde.  Commeiit 
aurait-on  pu  leur  attribuer  d'autres  qualités 
ou  d'autres  facultés  que  celles  de  l'homme? 
3"  Quand  les  philosopiies  auraient  eu  des 
idées  plus  saines  de  la  Divinité,  elles  n'au- 
raient été  d'aucune  utilité  pour  le  peuple; 
ces  prétendus  sages  étaient  d'avis  que  la 
vérité  n'est  pas  faite  pour  le  peuple,  qu'il 
est  incapable  de  la  comprendre  et  de  s'y 
attacher,  qu'il  lui  faut  des  fables  pour  le 
subjuguer  et  le  retenir  dans  le  devoir.  C'est 
pour  cela  qu'ils  ont  décidé  qu'il  ne  falhiit 
pas  toucher  à  la  religion  populaire,  dès 
qu'elle  était  établie  par  les  lois.  Afnsi,  en 
rejetant  les  fables  pour  eux-mêmes,  ils  leur 
ont  donné  pour  le  peuple  une  sanction  in- 
violable; telle  était  l'opinion  de  l'académi- 
cien Solta,  rapportée  par  Cicéron,  de  Nal. 
deor.,  lib.  m,  u.  h. 

Ce  n'est  point  ainsi  qu'ont  enseigné  les 
dépositaires  de  la  révélation  ;  la  première 
Térité  que  Moïse  professe  au  commencement 
de  ses  livres,  est  que  Dieu  a  créé  le  ciel  et 
la  terre,  qu'il  opère  par  le  seul  pouvoir, 
qu'il  a  tout  fait  par  une  parole,  avec  sagesse, 
avec  intelligence  et  avec  une  souveraine  li- 
berté. Non-seulement  il  nous  apprend  que 
Uieii  est  le  seul  auteur  de  l'ordre  physique 
de  la  nature  et  qu'il  le  conserve  tel  qu'il  est, 
mais  qu'il  y  déroge  quand  il  lui  plaît,  comme 
il  l'a  fait  par  le  déluga  universel,  il  nous 
fait  remarquer  la  providence  divine  dans 
l'ordie  moral,  en  rapportant  la  manière  dont 
Dieu  a  puni  la  faute  d'Adam,  le  crime  de 
Caïn,  les  désordres  des  premiers  hommes, 
et  dont  il  a  récompensé  Eiios,  Noé,  Abra- 
ham ;  toute  l'histoire  des  patriarches  est  une 
attestation  de  cette  grande  vérité.  Cette  doc- 
trine n'est  ni  un  secret  ni  un  mystère  ren- 
fermé dans  l'enceiîUe  d'une  école  et  réservé 
à  des  disciples  afûdés;  Jloïse  parle  pour  le 
peuple  ;;ussi  bien  que  pour  les  [)r6tres  et 
pour  les  savants,  il  adresse  ses  leç  )ns  à  sa 
nation  tout  entière.  Ecoute,  Israël.  Dieu 
lui-ntéujc,  du  sommet  de  Siiiaï,  publie  ses 
lois  à  tous  les  Hébreux  rassemblés,  avec 
î'ap;iareil  le  plus  capable  de  leur  inspirer 
le  respect  et  la  soumission.  De  niéinc  que  les 
patriarches  ont  été  GJèles  à  transmettre  à 
leur  famille  les  vérités  essentielles  de  la  ré- 
vélation primitive,  ainsi  Dieu  ordonne  aux 
Israélites  d'enseigner  soigneusement  à  leurs 


enfants  ce  qu'ils  ont  appris  eux-mêmes. 
Chez  les  païens  il  n'y  eut  jamais  d'autres 
catéchismes  que  les  fables;  chez  les  adora- 
teurs du  vrai  Dieu,  l'histoire  safnte,  soit 
écrite,  soit  transmise  de  vive  voix,  fut  la 
leçon  élémentaire  de  toutes  les  générations 
qui  voulurent  y  prêter  l'oreille.  U  leur  a 
donc  été  impossible  de  donner  dans  la  the'aU' 
thriipie  des  païens,  à  moins  qu'elbs  n'aient 
voulu  s'aveugler  de  propos  délibéré. 

Lorsque  nos  adversaires  disent  que  chez 
les  juifs  et  chez  les  chrétiens  le  peuple  est 
encore  aussi  grossier  et  aussi  stupide  que 
chez  les  païens,  ils  ne  font  voir  que  de  la 
malignité.  Le  chrétien  le  plus  ignorant  a 
reçu  pour  première  iiislruclion  dans  l'en- 
fance que  Dieu  est  tin  pur  esprit,  qu'il  est 
partout,  qu'il  connaît  tout,  et  que  de  rien  il 
a  fait  toutes  choses. 

THÉATINS,  ordre  religieux,  on  congré- 
gation de  prêtres  réguliers,  institué  à  Hume 
l'an  1524-.  Leur  principal  fondateur  fut  Jean- 
Pierre  Caraffa,  archevêque  de  Tlieato,  au- 
jourd'hui Chieti  dans  le  royaume  de  Naples, 
qui  fut  dans  la  suite  élevé  au  souverain 
pontificat,  sous  le  nom  de  Paul  IV.  11  fut 
secondé  dans  cette  entreprise  par  Gaétan  de 
Thienne,  gentilhomme,  né  à  Viceuce  en 
Lombardie,  que  ses  vertus  ont  fait  mettre 
au  rang  des  saints,  par  Paul  Consigliari  et 
Loniface  Colle,  noi^les  Milanais.  Leurs  pre- 
mières constitutions  furent  dressées  par  le 
même  Pierre  Caraffa,  premier  supérieur  gé- 
néral de  cette  congrégation;  elles  ont  été 
augmentées  dans  la  suite  par  les  chapitres 
généraux,  et  approuvées  par  Clément  YUl 
en  1608.  Plusieurs  auteurs  ont  écrit  que  les 
tliéatins  faisaient  vœu  de  ne  posséder  ni 
terres  ni  revenus,  même  en  commun,  de  ne 
point  mendier,  mais  de  subsister  unique- 
ment des  libéralités  des  personnes  pieuses  : 
la  vérité  est  qu'ils  ne  possédèrent  rien  pen- 
dant le  premier  siècle  de  leur  institut;  mais 
leurs  constitutions  disent  que  ce  fut  volon- 
tairement et  sans  avoir  contracté  aucun  en- 
gagement à  ce  sujet,  et  il  est  prouvé  par  les 
faits  que  ces  religieux  ont  toujours  monlré 
beaucoup  de  désintéressement  dans  tous  les 
lieux  où  ils  se  sont  établis.  Leur  habit  est 
une  soutane  et  un  manteau  noir,  avec  des 
bus  blancs;  c'était  l'habit  ordinaire  des  ec- 
clésiastiques dans  le  temps  que  leur  ordre 
a  commencé 

L'objet  qu'ils  se  sont  proposé  a  été  d'ins- 
truire le  peuple,  d'assister  les  malades,  de 
combattre  les  erreurs  dans  la  foi,  d'exciter 
les  laïques  à  la  piété,  de  faire  revivre  dans 
le  clergé,  par  leur  exemple,  l'esprit  de  dé- 
sintéressement et  de  ferveur,  l'étude  de  la 
religion  et  le  respect  pour  les  choses  saintes  ; 
c'est  à  qiioi  ils  ont  travaillé  constamment  cl 
avec  courage.  Aussi  cet  ordre  a  donné  à 
l'Eglise  un  grand  nombre  d'évéques,  plu- 
sieurs cardinaux  et  plusieurs  personnages 
recommandables  par  leur  sainteté  aussi  bien 
que  par  leurs  talents.  Dès  le  ii'  siècle  de 
leur  institut,  ils  ont  eu  des  missionnaires 
dans  l'Arménie,  la  Mingrélie,  la  Géorgie,  la 
Perse  et  l'Arabie,  daus  les  îles  de  Bornéo 


747 


HE 


Tiir, 


et  de  Sumaha,  et  ailleurs.  Plusieurs  prêtres 
indiens  ont  été  dopnis  peu  reçus  à  la  profes- 
sion chez  les  théntins  de  Goa,  ol  forment 
une  congrégation  de  missionnaires. 

Le  cardinal  Mazarin  (U  vcnirces  rcligienK 
en  France  en  l(i'i-4-,  cl  leur  achi'ta  la  maison 
qu'ils  possèdent  vis-à-vis  les  g;\leries  du 
Louvre.  11  leur  légua  par  son  testament  une 
somme  de  cent  mille  éons  pour  bâtir  leur 
église,  qui  a  été  achevée  par  les  soins  de 
M.  lîoycr,  un  d/  leurs  confrères,  lequel  de- 
vint cvéquc  (le  Mirepoix,  ensuite  précepteur 
de  M.  le  dauphin,  et  administrateur  de  la 
feuille  des  bénéfices.  Les  tliéalins  n'ont  en 
France  que  la  seule  maison  de  Paris,  mais 
ils  se  sont  étendus  ailleurs.  Ils  ont  actuelle- 
ment quatre  provinces  en  Italie,  une  en  Al- 
lemagne, une  en  Espagne,  deux  maisons  eu 
Pologne,  une  en  Portugal  et  une  à  Goa. 
Hélyol,  tlist.  des  Ordres  monnst.,  t.  IV,  p. 
7;  Vies  des  Pcres  et  des  Martijrs,  t.  Vil,  p. 
19G,  etc. 

THEATINES,  ordres  de  religieuses  qui 
sont  sous  la  direction  des  théatins.  Elles 
forment  deux  congrégations  qui  ont  en  pour 
fondatrice  la  vénérable  Ursule  Bénincaza, 
morte  eu  odeur  de  sainteté  eu  1618.  Les  re- 
ligieuses de  la  première  ne  font  que  des 
vœux  simples  ;  elles  furent  t.islituées  à  Na- 
plcs  en  1383  ;  elles  sont  appelées  theatines 
de  la  conffrégratioii.  Les  autres,  nommées 
theatines  de  l'ermitage,  font  des  vœux  solen- 
nels, se  consacrent  à  une  vie  austère  et  à 
une  solitude  continuelle,  à  la  prière  et  aux 
autres  exercices  de  la  vie  religieuse.  Leur 
temporel  est  administré  par  celles  de  la  pie- 
miôre  congrégation  ;  aussi  leurs  maisons  se 
touchent,  et  la  communication  est  établie 
entre  elles  par  une  salle  intermédiaire.  Leurs 
constitutions  furent  drossées  par  la  fonda- 
trice et  confirmées  par  Grégoire  XV.  Hélyot, 
ibid 

THÉiS.ME,  système  de  ceux  qui  admettent 
l'existence  de  Dieu  :  c'est  l'opposé  de  l'a- 
théisme. Comme  nous  appelons  déistes  ceux 
qui  font  profession  d'admettre  un  Dieu  et 
une  prétendue  religion  naturelle,  el  qui  re- 
jettent toute  révélation,  et  qu'il  esldémo.itré 
que  leur  système  conduit  directement  à  l'a- 
théisme, ils  ont  préféré  de  se  nommer  </(e'/s- 
tes,  espérant  sans  doute  qu'un  nom  dérivé 
du  grec  serait  plus  honorable  et  les  rendrait 
moins  odieux  qu'un  nom  lire  du  1  itin  :  r.a 
mot  Déisme,  nous  avons  démasqué  leur  hy- 
pocrisie. 

Il  n'est  pas  fort  difficile  de  prouver  que  le 
théisme  est  préférable  à  tous  égards  à  l'athéis- 
me ;  qu'il  est  beaucoup  plus  avantageux  pour 
les  sociétés,  pour  les  princes,  pour  les  par- 
ticuliers, de  croire  uu  Dieu  que  de  n'en  ad- 
mettre ai;cun  ;  il  faut  pousser  l'entêlement 
de  l'impiété  jusqu'au  dernier  période  pour 
contester  une  vérité  aussi  palpable. 

1'  Les  raisonneurs  de  cette  espèce,  qui  ont 
répété  cent  l'ois  que  le  diclamen  de  la  raison, 
le  désirée  la  gloire  et  d'une  bonne  réputa- 
tion, la  crainte  des  peines  infligées  par  les 
lois  civiles,  sont  trois  motifs  sullisants  pour 
tôprimer  les   passions  des  hommes,   pour 


régler  les  mœurs  publiques,  pourmainlcnli 
l'ordre  el  la  pais  de  la  société,  en  o.'it  im- 
posé grossièrement.  Au  nvtl  Atuéisme,  nous 
avons  fait  voir  l'insufiisance  ou  plutôt  la 
nullité  de  ces  motifs,  à  l'égard  de  la  plupart 
des  hommes.  Un  trùs-granJ  nombre  sont  nés 
avec  des  passions  fougueuses,  qui  souvent 
étouffent  eu  eux  les  lumières  de  la  raison  ; 
d'autres  ne  font  aucun  cas  de  l'eslimc  de 
leurs  sejublables,  et  celte  estime  no  peut 
quelquefois  s'acqacrir  qu'aux  dépens  de  la 
vertu;  les  lois  civiles  ne  peuvent  punir  que 
les  crimes  publics,  et  souvent  il  se  trcruvc 
des  scélérats  assez  habiles  pour  couvrir 
leurs  forfaits  d'un  voile  impénélrable.  L'ex- 
périence confirme  ici  la  théorie;  ou  n'a  ja- 
mais vu  une  sociélé  formée  par  des  athées, 
et  on  n'en  verra  jamais.  Dans  tout  l'univers 
et  dans  tous  les  siècles,  l'ordre  social  a  tou- 
jours été  fondé  sur  la  croyance  d'une  Divi- 
nité ;  aucun  législateur  n'a  cru  pouvoir 
réussir  autrement  :  que  prouvent  les  spécu- 
lations et  les  conjectures  contre  uu  fait  aussi 
ancien  et  au.ssi  étendu  que  b'  genre  humain  î 
Quand  on  pourrait  citer  l'exemple  do  quel- 
ques athées  reconnus  pour  bons  citoyens,  H 
ne  prouverait  rien;  ces  hommes  singuliers 
vivaient  au  milieu  d'une  sociélé  cimentée 
par  la  religion,  ils  étaient  forcés  d'eu  suivre 
les  mœurs  et  les  lois,  et  de  contredire  con- 
linuellemcat  leurs  principes  par  leur  con- 
duite. 

Quand  il  serait  vrai  que  la  crainte  d'un 
Dieu  vengeur  et  le  frein  de  la  religion  ne 
sont  pas  absolument  nécessaires  pour  en- 
chaîner les  hommes  à  la  règle  des  mœurs, 
on  ne  peut  pas  nier  du  moins  que  ce  lien  ne 
soit  utile  et  qu'il  ne  soit  le  plus  puissant  de 
tous  sur  le  très-grand  nombre  des  individus; 
il  y  aurait  donc  encore  de  la  démence  à 
vouloir  le  rompre.  Au  lieu  de  retrancher 
aucun  des  motifs  capables  de  porter  l'homme 
à  la  vertu,  il  faudrait  en  imaginer  de  nou- 
veaux, s'il  était  possible. 

2°  Les  princes,  les  chefs  de  la  société,  ont 
plus  d'inicrêt  que  personne  à  maintenir 
parmi  leurs  sujets  la  croyance  d'une  Di-vi- 
nite  suprême  qui  impose  des  lois,  qui  veut 
l'ordre  social,  qui  récompense  la  vertu  et 
punit  le  crime;  les  athées  même  en  sont  si 
convaincus,  qu'ils  disent  que  cette  croyance 
est  l'ouvrage  des  politiques,  cl  qu'ils  ont 
voulu  par  là  r.  ndre  sacrée  l'obéissance  due 
aux  souverains  ;  que  les  rois  se  sont  ligués 
avec  les  prêtres,  parce  qu'il  était  de  leur 
intérêt  mutuel  de  mettre  les  peuples  sous  le 
jnug  de  la  religion,  alin  de  les  rendre  plus 
souples  et  plus  dociles,  etc.  Mais  il  est  évi- 
dent qu'il  n'importe  pas  moins  aux  [)euples 
d'avoir  pour  cheis  et  pour  souverains  des 
hommes  religieux  et  craignant  Dieu;  sans 
C!"  frein  salutaire,  les  souverains  ne  vou- 
draient dominer  que  par  la  force,  et  pour 
être  plus  absolus  ,  ils  travailleraient  sans 
cesse  à  rendre  les  peufilcs  esclaves;  ils  les 
regarderaient  comme  un  troupeau  de  brutes, 
qui  ne  peut  être  conduit  que  par  la  crainte. 

3'  Il  n'est  pas  moins  évident  que  l'homme, 
exposé  à  taul  de  maux  et  de  souffrances  eu 


710  THE 

ce  monde,  a  besoin  de  consolation,  et  que 
poar  la  plupart  il  n'en  est  point  d'autre  que 
la  croyance  d'un  Dieu  juste,  rémunérateur 
de  la  paiieiice  et  <îe  la  vertu.  Snns  l'espé- 
rance d'une  vie  future  et  d'un  meilleur  ave- 
nir, où  en  seraient  rédui's  le  pauvre  souf- 
frant et  privé  de  secours,  l'homme  vertueux 
calomnié  et  persécuté  par  les  méihanis,  le 
bon  citoven  puni  pour  n'avoir  pas  voulu 
trahir  son  devoir,  etc.  î  il  n'y  aurait  point 
de  ressource  pour  eu\  qu'un  sombre  déses- 
poir. La  mort,  ce  moment  si  terrible,  que  la 
nature  n'envisage  qu'avec  <  ffroi,  est  pour 
l'homme  juste  et  religieux  le  commencement 
du  bonheur  aussi  bien  que  la  fia  de  ses 
peines.  Qu'espère  alors  un  athée?  un  anéan- 
tissement absolu;  mais  il  n'en  est  pas  cer- 
tain, et  le  simple  doute  pour  lors  est  In  plus 
cruelle  de  toutes  les  inquiétudes.  S'il  s'rst 
trompé,  qu'a-t-il  gagné  ?  Rien,  puisque  le 
passé  n'est  plus;  et  il  ne  lui  reste  pour  l'a- 
venir qu'un  souverain  malheur.  Quand  le 
juste  serait  trompé  dans  son  espérance,  il 
n'a  rien  perdu,  puisqu'il  n'a  pas  tenu  à  lui 
d'être  heureux.  Ola  nous  fait  comprendre 
que  si  l'athéisme  peut  être  le  partage  de 
quelques  heureux  insensés,  le  théhme  ou  la 
religion  doit  être  celui  du  très-grand  nombre 
des  hommes,  puisque  ce  très-grand  nombre 
ne  peut  jouir  du  bonbeur  en  celte  vie.  Voij. 
Religion  ,  §  '••.  Mais  y  a-t-il  du  bon  sens  à 
vouloir  s'en  tenir  au  simple  théisme  ?  Autre 
question.  Si  nous  consultons  les  athées,  cela 
est  impassible,  et  ils  le  prouvent.  1°  La  Di- 
vinité, disent-ils,  n'existant  que  dans  l'ima- 
gination d'un  théiste,  cette  idée  prendra  né- 
cessairement la  teinte  de  son  caractère  ;  Dieu 
lui  paraîtra  bon  ou  méchant,  juste  ou  in- 
juste, sage  ou  bizarre,  selon  qu'il  sera  lui- 
même  gai  ou  triste,  heureux  ou  malheureux, 
raisonnable  ou  fanatique  ;  sa  prétendue  re- 
ligion doit  donc  bieiUof  dégénérer  en  fana- 
tisme et  en  superstition.  2°  Le  théisme  ne 
peut  manquer  de  se  corrompre;  de  là  sont 
nées  les  sectes  insensées  dont  le  genre  hu- 
main s'est  infecté.  La  religion  d'Abraham 
était  le  pur  théisme;  il  fut  corrompu  par 
Moïse;  Socrato  fut  théiste,  Platon  son  disci- 
ple mêla  aux  idées  de  son  maître  celles  des 
Egyptiens  it  des  Ghaldéens,  et  les  nouveaux 
platoniciens  furent  de  vrais  fanatiques.  Bien 
des  gens  ont  regardé  Jésus  comme  un  sim- 
ple théiste,  mais  les  docteurs  chrétiens  ont 
ajouté  à  sa  doctrine  les  superstitions  judaï- 
ques et  le  platonisme. Mahomet,  en  combat- 
tant le  polythéisme  des  Arabes,  voulut  les 
ramener  au  théisme  d'Abraham  et  d'Ismaël, 
et  le  mahoraétisine  s'est  divisé  en  soixante- 
flouze  fcclcs.  .3"  Les  théistes  n'ont  jamais  été 
d'accord  entre  eux;  les  uns  n'ont  admis  un 
Dieu  ijue  pour  fabriquer  le  monde,  ils  l'ont 
déchargé  du  soin  de  le  gouverner  ;  les  autres 
l'ont  supposé  gouverneur,  législateur,  rému- 
nérateur et  vengeur.  Entre  ceux-ci,  les  uns 
ont  admis  une  vie  future,  les  autres  l'ont 
niée.  Plusieurs  ont  voulu  qu'on  rendît  à  Dieu 
tel  culte  particulier,  d'autres  ont  laissé  ce 
culte  à  la  discrétion  de  chaque  individu.  A 
force  de  raisonner  sur  In  nature  de  Dieu,  il 


TIÎE 


720 


a  fallu  peu  à  peu  souscrire  à  toutes  les  rê- 
veries des  théologiens.  Il  a  donc  été  impos- 
sible de  fixer  jamais  la  ligne  de  démarcation 
entre  le  tlœ'isme  et  la  superstition.  k°  Il  est 
évident  que  le  théisme  doit  être  sujet  à  autant 
(le  schismes  et  d'hérésies  que  toute  autre  re- 
lis^ion,  qu'il  peut  inspirer  les  mêmes  passions 
et  la  même  intolérance.  \  l'exemple  des 
protestants  qui,  en  rejetant  la  reli^rion  ro- 
maine, n'ont  trouvé  aucun  point  fixe  pour 
s'arrêter,  n'ont  formé  qu'un  tissu  d'inconsé- 
quences, ont  vu  multiplier  les  sectes  et  sont 
devenus  intolérants,  les  déistes,  avec  leur 
prétendue  religion  naturelle,  ne  savent  ce 
qu'ils  doivent  croire  ou  ne  pas  croire.  Ainsi, 
en  fait  de  religion,  tout  ou  rien,  si  l'on  veut 
raisonner  conséquemmeiit.  Système  de  la 
Nature,  t.  II,  chap.  7,  p.  216  et  suiv. 

Ce  devrait  être  aux  déistes  de  répondre  à 
ces  objections,  mais  ils  savent  mieux  atta- 
quer que  se  défendre;  aucun  n'a  pris  la  peine 
de  réfuter  les  athées,  parce  qu'en  général  ils 
sont  beaucoup  moins  ennemis  de  l'athéisme 
que  de  la  religion.  Pour  nous,  les  arguments 
des  athées  ne  nous  embarrassent  pas  beau- 
coup. 1°  Ils  prouvent  ce  que  nous  soutenons  ; 
savoir,  qu'il  n'y  eut  jamais  et  qu'il  ne  peut 
point  y  avoir  sur  la  terre  de  religion  véritable 
que  la  religion  révélée;  que,  sans  la  révéla- 
tion, aucun  homme  n'aurait  eu  de  Dieu  une 
idée  juste  et  vraie;  que  si  l'on  ferme  une  fois 
les  yeux  à  celte  lumière,  chaque  peuple, 
chaque  particulier  se  fera  infailliblement  de 
la  Divinité  une  notion  conforme  à  son  propre 
caractère,  à  ses  mœurs,  à  ses  passions.  L'ex- 
périence n'a  que  trop  confirmé  celte  vérité; 
à  la  réserve  des  patriarches  et  des  Juifs  leurs 
descendants,  toutes  les  nations  de  la  terre 
ont  été  polythéistes  et  idolâtres,  et  ont  attri- 
bué à  leurs  dieux  les  vices  de  l'humanité. 
Pour  prévenir  cet  égarement.  Dieu  s'était 
révélé  à  nos  premiers  parents  ;  il  leur  avait 
fait  connaître  ce  qu'il  est,  ce  qu'il  a  fait,  ce 
qu'il  exigeait  d'eux,  le  culte  qu'ils  devaient 
lui  rendre.  Si  ces  notions  se  sont  effacées 
chez  la  plupart  des  anciennes  peuplades,  ce 
n'est  pas  la  faute  de  Dieu,  mais  celle  des 
hommes,  ce  sont  leurs  passions  qui  les  ont 
égarées.  F.  Paganisme,  §2;  Révélation,  etc. 
—  2°  H  n'est  donc  pas  vrai  que  la  religion 
d'Abraham  ait  été  le  pur  théisme;  les  notions 
qu'il  a  eues  de  Dieu  et  de  son  culte  ne  lui 
sont  point  venues  naturellement,  mais  par 
une  révélation  expresse;!/ a  cru  à  Dieu, 
dit  saint  Paul,  et  sa  foi  Ta  rendu  juste.  Il  ne 
l'est  pas  non  plus  que  Moïse  ait  corrompu 
le  théisme  d'Abrahajii;  il  n'a  point  fait  con- 
naître aux  Hébreux  d'autre  Dieu  que  celui 
de  leurs  pères.  Mais  Dieu  l'instruisit  de  vive 
voix,  il  lui  dicta  les  lois  qu'il  fallait  pres- 
crire à  celle  nation  ;  la  religion  qu'il  lui  don- 
na était  pure  et  sage,  conforme  au  caractère 
de  ce  peuple,  au  temjis,  au  lieu,  aux  cir- 
constances dans  lesquelles  il  se  trouvait; 
nous  l'avons  fait  voir  au  mot  Judaïsme.  H 
est  constant  que  Socrate  fut  polythéiste  aussi 
bien  que  Platon;  ils  adorèrent  l'un  et  l'autre 
les  dieux  d'Athènes,  et  ils  décidèrent  qu'il 
fallait  s'en  tenir  à  la  religion  établie  par  les 


721 


THE 


THE 


m 


lois.  C'est  abuser  des  termes  que  de  ronfon- 
dre  le  théisme  avec  le  polylliéisnie.  Un  plus 
grand  abus  encore  esl  d'appeler  théisme  la 
religion  de  Jésas-Chribl  ;  ce  divin  Maître  s'est 
dit  envoyé  du  ciel  pour  enseigner*  le  culte  de 
Dieu  en  esprit  et  en  vérité;  il  nous  a  fait 
connaître  dans  la  Divinité  le  Père,  le  Fils  et 
le  Sainl-Kspril,  le  mystère  de  l'incarnatiou 
et  do  la  rédemption  du  genre  humain,  etc. 
Les  athées  se  vaiiteronl-ils  de  mieux  savoir 
que  les  apôtres  la  vraie  doctrine  de  Jésus- 
Christ?  Enfin,  il  s'en  faut  beaucoup  qu(! 
Mahomet  ait  été  un  vrai  théiste;  il  n'a  eu 
de  Dieu  que  des  idées  très-grossières  et  très- 
Causses,  encore  les  avait-il  empruntées  des 
Juifs  et  de  quelques  hérétiques.  Fti//.  Maho- 
MÉTisME.  —  3"  Quant  à  la  diversité  de  senti- 
ments qui  a  toujours  régné  et  qui  règne 
encore  parmi  les  déistes,  aux  schismes,  aux. 
hérésies,  aux  disputes,  à  l'inlolér.ince  que 
l'ou  peut  leur  reprocher,  c'est  leur  alTaire 
de  se  jusliûer,  nous  n'y  prenons  aucun  in- 
térêt. Nous  avouons  cepend;!nl  qu'ils  peu- 
vent user  de  récrimination  contre  les  athées. 
En  elïet,  l'on  ne  voit  pas  parmi  C(>s  derniers 
uu  concert  beaucoup  plus  parfait  que  chez 
les  déistes  :  les  uns  croienl  le  monde  éter- 
nel, les  autres  disent  qu'il  s'est  fait  par 
hasard  ;  quelques-uns  pensent  que  la  ma- 
tière est  homogène,  lis  autres  qu'elle  est 
hétérogène;  en  fait  de  lois,  de  coutume,  de 
mœurs,  les  uns  blâment  ce  que  les  autres 
approuvent.  Le  Gel, la  m.ilignilé,  l'emporte- 
menl,  la  haine  (]u'ils  montrent  dans  leurs 
écrits,  prouvent  assez  qu'ils  ne  sont  pas  fort 
tolérants;  lorsqu'ils  poussent  la  démence 
jusqu'à  dire  qu'il  faut,  à  quel  prix  que  ce 
soit,  bannir  de  l'uuiviTS  la  funeste  notion 
de  Dieu,  ils  nous  font  comprendre  ce  que 
nous  aurions  à  craindre  d'eux,  s'ils  étaient 
en  assez  grand  nombre  pour  nous  faire  la 
loi.  — 4.°  A  notre  tour  nous  disons  aux  pro- 
testants et  aux  autres  liérétiques  :  Kn  l'ail  de 
religion  révélée,  tout  ou  rien;  tout  ce  i|ue 
Dieu  a  enseigné,  soit  par  écrit,  soit  autre- 
ment, ou  incrédulité  absolue;  point  de  mi- 
lieu, si  l'ou  ne  veut  pas  déraisonner.  Cet 
axiome  est  prouvé  non-seulement  par  la 
multitude  de  sectes  insinsées  nées  du  pro- 
testantisme, mais  par  le  nombre  de  ceux  qui, 
eu  partant  de  ces  principes,  sont  tombés 
dans  le  déisme  et  dans  l'irréligion.  Vvy.  Eii- 
WEiiR,  Protestantisme,  etc. 

THEOCATAGiNOSTES.  C'est  le  nom  que 
saint  Jean  Damascène  a  donné  à  des  héréti- 
ques, ou  plutôt  à  des  blasphémateurs  qui 
blâmaient  des  paroles  ou  des  actions  de  Dieu, 
et  plusieurs  choses  rapportées  dans  l'Ecri- 
ture sainte;  ce  pouvaient  être  quelques  res- 
tes de  manichéens;  leur  nom  est  formé  du 
grec  0£o,-,  Dieu, et  /.uTuyuii-jy.:),  je  ju(je,  je  con- 
damne. Quelques  auteurs  ont  placé  ces  mé- 
créants dans  le  vu'  siècle:  mais  saint  Jean 
Damascène,  le  seul  qui  en  ail  parlé,  ne  dit 
rien  du  temps  auquel  ils  parurent.  D'ailleurs, 
dans  son  Traité  des  Hérésies,  il  appelle  sou- 
vent hérétiques  des  liounues  impies  et  per- 
vers, tels  que  l'on  en  a  vu  dans  tous  les 
temps  et  qui  n'ont  formé  aucune  secte.  Ja- 


mais ils  n'ont  été  en  plus  grand  nombre  que 
parmi  les  incrédules  de  notri;  siècle;  s'ils 
étaient  moins  ignorants, ils  rougiraient  peut- 
être  de  répéter  les  objections  de  Celse,  de 
Julien,  de  Porphyre,  des  marcionites,  des 
manichéens  et  de  queli|ues  autres  héréti- 
ques. 

THÉOCRATIE,  gouvernement  dans  lequel 
Dieu  esl  censé  seul  souverain  etseul  législa- 
teur. 11  y  a  des  écrivains  ({ui  ont  prétendu 
que,  dans  l'origine,  toutes  les  nations  qui 
ont  commencé  à  se  policer  ont  été  sous  le 
gouvernement  (/*^ocra<i(/ite  ;  que  les  Egyp- 
tiens, les  Syriens,  les  Chaldécns,  les  Perses, 
les  Indiens,  les  Japonais,  les  (irecs  et  les 
Komains  ont  conmiencé  par  ce  gouverne- 
ment, parce  que  chez  ces  différents  peuples 
les  prêtres  ont  eu  grande  part  à  l'autorité; 
mais  il  nous  paraît  que  ces  auteurs  n'ont 
pas  vu  la  vraie  raison  de  ce  phénomèm^  po- 
litique, et  qu'ils  ont  confondu  des  choses 
qu'il  aurait  fallu  distinguer. 

On  ne  peut  pas  douter  que  le  gouverne- 
ment paternel  ne  soit  le  plus  ancien  de  tous  : 
quelle  autre  autorité  pouvait-il  y  avoir  lors- 
que les  familles  étaient  encore  isolées  et 
nomades?  Comme  le  père  était  en  môme 
temps  le  ministre  de  la  religion,  le  sacerdoce 
el  le  pouvoir  civil  se  trouvèrent  naturelle- 
ment réunis.  Lorsque  plusieurs  familles  se 
rassemblèrent  dans  une.  ville  ou  dans  uu 
même  canton,  el  s'associèrent  pour  su  rendre 
plus  fortes,  il  leur  fallut  un  chef,  et  son 
pouvoir  fut  réglé  sur  le  UKidèle  de  celui 
qu'avaient  exercé  auparavant  li!s  pères  de 
famille;  ainsi  la  puissance  civile  et  l'.iulorilé 
religieuse  continuèrent  d'être  cntie  les  mains 
du  même  chef.  C'est  ainsi  que  l'Ecriture, 
sainte  nous  représente  ftlelchiscdech  et  Jé- 
thro,  que  Virgile  nous  peint  Anius,  et  Dio- 
dore  de  Sicile  les  premiers  rois.  Lorsqu'une 
nation  devint  plus  nombreu.se,  les  fonctions 
de  la  royauté  et  celles  du  sacerdoce  se  mul- 
tiplièreat;  ou  sentit  la  nécessité  de  les  sé^- 
parer.  La  principale  affaire  du  roi  fut  de 
rendre  la  justice  civile  et  de  marcher  à  la 
tète  des  armées;  celle  du  prêtre  fut  de  pré- 
sider au  culte  divin.  Mais,  comme  ou  choisit 
ordinairement  pour  le  sacerdoce  les  anciens, 
les  hommes  les  mieux  instruits  et  les  plus 
sages  de  la  nation,  ils  devinrent  les  conseil- 
lers des  rois,  et  ils  eurent  toujours  une 
grande  part  au  gouvernement.  Po.ur  conce- 
voir les  raisons  de  ces  divers  états  de  choses, 
il  <'st  absurde  de  les  attribuer  à  l'a  aliilion, 
à  l'imposture  des  prêtres,  à  leur  affectation 
défaire  intervenir  l'autorité  divine  partout; 
de  même  que  les  rois  n'exercèrent  pas  d'abord 
les  fonctions  du  culte  religieux  eu  vertu  de 
leur  autorité  civile,  ainsi  les  prêtres  ne  fu- 
rent point  admis  à  |,artager  les  fonciions 
civiles  en  qualité  de  ministres  de  la  religion, 
mais  par  considération  de  leur  capacité  per- 
sonnelle. Dans  la  suite  des  »iècl<:s,  les  rois, 
trouvant  leur  attention  trop  partagée  entre 
les  seins  de  !a  poliii  i-:"  et  ceux  ùa  rendre 
par  eux-mcî;)es  la  jui.tice  aux  peuples,  so 
sont  déciiargés  de  cette  dernière  tonclioa 
sur  des  compagnies  de  magistrats.  Soupçon- 


72Î  THE 

nrrons-noiis  ces  oerniers  d'élre  parvenus  à 
partager  ainîiiFautorilé  souveraine  par  am- 
bilion,  par  nrliiifice,  parimpontiire,  en  sédui- 
sant et  en  Irnnjpant  les  peuples  el  les  rois? 
Kon  sans  dont».  En  consullant  le  bon  sens 
et  non  la  passion,  l'on  voit  que  la  nécessilé, 
l'utiljlé,  la  commodité,  l'intiTêt  public  bien 
ou  mal  conçu,  ont  élc  les  motifs  de  prcEf^iue 
toutes  les  institutions  sociales.  Mais  de  niôme 
que  l'on  abuserait  des  termes  en  nommant 
aristocratique 'an  gouvernement  dans  lequel 
un  corps  de  m.igistrature  exerce  une  partie 
(!e  l'autorité  du  souverain,  on  n'en  abuse  pas 
moins  en  supposant  théocratique  tout  gou- 
vernement dan'S  lequel  les  prêtres  ont  beau- 
coup de  crédit  et  d'influence  dans  les  affai- 
res. Posons  donc  pour  principe  que  la  vraie 
théocratie  est  te  gouvernement  dans  lequel 
Dieu  lui-même  est  immédiatement  l'auteur 
des  lois  civiles  et  politiques,  aussi  bien  que 
des  lois  religieuses,  et  daigne  encore  diriger 
«ne  nation  dans  les  cas  auxq.uels  les  lois 
n'ont  pas  pourvu.  Suivant  celte  notion,  l^on 
ne  peut  pas  disconvenir  que  le  gouverne- 
ment des  Israélites  n'ait  été  thcocratiqae. 

Spencer,  De  Ugib.  Hebrœor.  rilual.,  1.  i, 
p.  174,  a  fait  une  dissertation  pour  le  prou- 
ve r;  mais  il  semble  avoir  oublié  la  raison 
principale,  qui  est  que  la  législation  mosaï- 
que veniit  immédiatement  de  Dieu  ;  il  nous 
p.iraît  avoir  poussé  trop  loin  la  coiiiparai- 
son  entre  la  contluiteque  Dieu  a  tenue  à  l'é- 
gard drs  Israélites  et  celle  qu'un  roi  a  cou- 
tume de  tenir  à  l'égard  de  ses  sujets.  1"  II 
observe  très-bien  que  Dieu  gouvernait  les 
Juifs,  non-seulement  pir  ses  lois,  mais  en- 
core par  les  oracles  qu'il  rendait  au  grand 
prêtre,  et  par  les  ,iu;j;es  qu'il  établiss  vit  lui- 
même;  il  l';i!lait  ajouter  encore,  par  les  pro- 
phètes qu'il  suscitait  de  temps  en  temps, 
comme  il  l'av.iil  promis;  Detit.,  c.  xvm,  v. 
13.  Dieu  est  appelé  le  Roi  d'Israël,  maiï  il 
en  est  aussi  nommé  le  père,  le  pasteur,  le 
rédempteur,  le  sauveur;  el  tous  ces  titres 
conveiiaiciit  également  à  Dieu  ;  i!  ét;;il  donc 
inutile  de  remarquer  que  sa  royauté  à  l'é- 
gard des  Israélites  avait  été  formée  et  ci- 
mentée par  un  traité  solennel  conclu  dans 
toutes  les  formes,  par  lequel  ils  s'étaient 
engagés  à  être  obéissanfs  et  iidèies  à  Dieu  : 
quand  il  n'y  aurait  point  ru  d'e  trai'é,  ce 
peuple  n'en  aurait  pas  été  moins  tenu  à  l'o- 
béissance et  à  la  soumission;  ce  lr;iité  n'é- 
tait jius  encore  conclu,  lorsque  Dieu  leur 
intima  ses  lois.  Nous  ne  pensons  pns  non 
plus  qu'en  cela  Dieu  ait  eu  aucun  égard  à 
la  coutume  dos  autres  peuples  qui  regar- 
daient leurs  dieux  comme  rois,  et  qui  ado- 
raient leurs  rois  morts  comme  des  liieux  ; 
aucun  de  ces  dieux  |irétendus  n'avait  clé  lé- 
gislateur de  la  nation  (jui  l'adorail,  et  n'a- 
vait fait  pour  elle  ce  que  Dieu  fiisait  pour 
les  rsraélites;  les  folles  imaginations  des  ido- 
lâtres n'étaient  pas  un  modèle  à  .suivre. 

2'  Nous  applaudissons  à  Spencer  lo.squ'il 
dit  que  ce  ;;ouverncnienl  paleinel  de  Dieu 
était  doux,  paci(i(iue,  avantageux  ai!\  Israé- 
lilcs  à  tous  égards,  et  que  dans  les  diJéren- 
fcB  circonstances  oik  ils  se  trouvèrent ,  sur- 


THE 


724 


tout  dans  le  désert,  il  aurait  été  impossible 
à  un  homme  de  les  gouverner,  puisqu'ils  n'y 
pouvaient  subsister  que  par  miracle.  Aussi 
ne  furent-ils  heureux  qu'auiant  qu'ils  furent 
soumis  à  ce  gouvernement  divin;  toutes  les 
fois  qu'ils  manquèrent  de  fulèlité  à  Dieu,  ils 
en  furent  punis  par  des  fléaux,  et  lorsqu'ils 
s'avisèrent  de  vouloir  avoir  à  leur  léte  un 
roi  comme  les  autres  nations,  ils  eurent 
bientôt  sujet  de  s'en  repentir,  et,  comme. 
Speuccr  le  remarque,  ce  changement  fatal 
lut  la  cause  des  mallicur.s  que  les  Isr.iéliles 
attirèrent  sur  eux,  el  enfin  de  leur  ruine  en- 
tière. Mais  nous  ne  voyons  pas  pourquoi  il 
juge  qu'.à  l'élection  d'un  roi  le  gouvernement 
theocraiiqne  cessa  cliez  cette  nation,  puisque 
le  code  de  lois  que  Dieu  av~ait  donné  conti- 
nua toujours  d'être  suivi.  Quelque  vieietx, 
quelque  impics  qu'aient  été  plusieurs  do 
leurs  rois,  aucun  d'eux  n'est  accusé  d'avoir 
voulu  l'abroger.  Souvent  ils  ont  violé  les 
lois  religieuses,  en  se  livrant  à  l'idolâtrie  et 
eu  y  entraînant  les  peuples,  mais  les  lois  ci- 
viles et  politiques  conservèi'eut  toute  leur 
force  ;  les  unes  et  les  autres  furent  établies 
après  la  captivité  de  Babylone.  —  Lorsque 
Spencer  envisage  le  tabernacle  comme  le 
palais  du  roi  d"l>raêl,  les  pré'res  comme  ses 
officiers,  les  sacrifices  comme  sa  table,  l'ar- 
che comme  son  trône,  etc.,  ces  comparai- 
sons sont  ingénieuses,  mais  peu  justes.  Dieu 
ne  cessa  pas  de  gouverner  les  Israélites  lors- 
que le  temple  fut  détruit  par  Nabuchudono- 
sor,  et  que  les  sacrifices  furent  interrompus. 
Il  dit  que,  sous  ce  gouvernement  Ihéucrali- 
que,  i'idolàtrie  devait  être  punie  de  mort, 
parce  que  c'était  un  crime  de  lèse-majesté; 
mais,  indépendamment  do  la  loi  positive, 
l'idolâtrie  était  un  attentat  contre  la  loi  na- 
lurelle  ;  on  sait  de  combien  d'autres  crim.es 
elle  était  la  source  ;  elle  méritait  donc  par 
elle-même  le  plus  rigoureux  châliaicnt.  La 
violalinn  publique  du  sabbat  était  aussi  pu- 
nie de  mort,  sans  être  cependa'.it  un  crime 
de  lèse-majesté.  Ainsi,  quoique  la  disserta- 
tion de  Spencer  sur  la  Ihéocralie  des  Juifs 
soit  savante  et  ingénieuse,  elle  n'est  certai- 
nement pas  juste  à  tous  égards. 

Un  de  nos  philosophes  modernes  qui  a 
raisonné  de  tout  au  hasard  el  sans  réflexi'on, 
a  voulu  l'aire  voir  que  la  théocratie  est  un 
mauvais  gouvernement,  puisque  sous  ce  ré- 
gime il  s'est  commis  une  infinilc  de  crimes 
ciiez  les  Juifs ,,  el  q,u'ils  ont  éprouvé  uno 
suite  pres(;ue  coiilinuellc  iW',  nudiieurs.  Mais 
c'est  une  étrange  manière  de  jjrouver  que 
des  lois  sont  mauvaises ,  parce  ((u'elles  ont 
été  mal  observées  el  que  les  infracleurs  ont 
toujours  été  punis.  Dieu  n'avait  pas  laissé 
ignorer  aux  Juifs  les  malheurs  qui  ne  man- 
queraient p.is  de  leur  arriver  lorsqu'ils  se- 
raient infiilèles  à  ses  lois;  Moïse  les  leur 
avait  préiiit.s  d.ins  le  plus  gran<l détail,  Dent., 
c.  XXVIII,  v.  15  et  seq.,  cl  ses  prédictions 
n'ont  été  que  trop  bien  accomplies.  Pour 
démontrer  (jue  le  gouvernement  théocrati- 
que  éiait  vicieux  e.i  lui-mé',e,  il  aurait  fallu 
faire  Vî-ir  (jne  lei  Juifs  furent  malheureux 
dans  lo  temps  niêiae  .auquel  ils  furent  le  plus 


725 


THE 


TIIE 


7-28 


soumis  à  leurs  lois,  c'est  ce  que  noire  dis- 
srrl.ileur  n'a  ou  garde  d'unlropri-ndre.  El 
comme  il  est  ordinaire  à  un  philosophe  ir- 
réli;^it'ux  do  déraisonner,  celui-ci  finit  sa 
diatrihe  en  disant  que  la  théocratie  devrait 
être  pnrlout,  puis(|ue  tout  homme,  ou  prince, 
ou  batelier,  doit  ohéir  aux  lois  naturelles  et 
élernelles  (juo  Dieu  lui  a  données  :  or,  ces 
lois  naturelles  et  étemelles  sont  les  pre- 
mières que  Dieu  avait  intimées  aux  Juifs  ; 
elles  sont  dans  le  code  de  Moïse  <à  la  télé  do 
loules  les  autres,  cl  toutes  les  autres  ten- 
daient à  faire  olisorvcr  exactement  celle-là  ; 
ce  code  ne  pouvait  donc  pas  être  nuiuvais. 
Voy.  Juifs,  §  3. 

THÉODORE  DE  MOPSDESTE  ,  écrivain 
célèbre  qui  a  vécu  sur  la  fin  du  iV  et  au 
commencement  du  v*  siècle  de  l'Eglise.  Dans 
sa  jeunesse  il  avait  été  le  condisciple  et 
l'ami  de  saint  Jean  Clirysostoine,  et  il  avait 
embrassé  comme  lui  la  vie  monastique.  Il 
s'en  dégoûta  ((uclque  temps  après,  reprit  lo 
soin  des  affaires  séculières  et  forma  le  des- 
sein de  se  marier.  Saint  Jean  Chrysostomn, 
aflligé  de  cet'e  inconslance,  lui  écrivit  deux 
lettres  très-loucliantcspour  le  ramènera  son 
premier  genre  de  vie.  Elles  sont  intitulées  ad 
Thendorum  lapsum.  et  se  trouvent  au  com- 
mencement du  premier  tome  des  ouvrages 
du  sninl  docteur;  ce  ne  fut  pas  en  vain  : 
Théodore  céda  aux  vives  et  tendres  exhor- 
tations de  son  ami,  et  renonça  de  nouveau 
à  la  vie  séculière;  il  fut  dans  la  suile  promu 
au  sacerdoce  à  .\niioclie  ,  et  deiint  évèque 
de  la  ville  de  Mopsuesle  en  Gilicie.  On  ne 
])cut  pas  lui  refuser  beaucoup  d'esprit,  une 
grande  érudition,  et  un  zèle  très-actif  conirc 
les  hérétiques;  il  écrivit  contre  les  ariens, 
contre  les  apollinaristes  et  contre  les  cunn- 
niicns  ;  l'on  préicnd  même  que  souvent  il 
poussa  ce  zèle  trop  loin,  et  (jn'il  usa  plus 
d'une  fois  do  violence  contre  les  hétéro- 
doxes. Mais  il  ne  snl  pas  se  préserver  lui- 
même  du  vice  qu'il  voulait  réprimer.  Imbu 
de  la  docirinc  de  Diod  ire  de  Tarse,  son  mui- 
tre,  il  la  fit  goûter  à  Nestoi  ius,  et  il  répan- 
dit les  premières  semences  du  pélagianisme. 
On  l'accuse  en  elTot  d'avoir  enseigné  qu'il  y 
avait  deux  personnes  on  Jésus-Clirisl,  qu'en- 
tre la  personne  divine  et  la  personne  hu- 
maine il  n'y  av.iil  qu'une  union  morale  ; 
d'avoir  soutenu  que  le  b>aint-Esprit  procède 
du  Père  et  non  du  Fils;  d'avoir  nié,  coinii;e 
Pelage,  la  communicaiion  et  les  suites  du 
pèche  originel  dans  tous  les  hommes.  Le 
■savant  Illigins,  Disse;/.  7,  §  13, a  l'ail  voir 
qi!C  le  pél,;gianismo  de  Théodore  de  Mop- 
fitesle  est  sensible,  surtout  dans  l'ouvrage 
qu'il  fit  contre  un  certain  Artim  ou  .Ijawiis, 
cl  que  sous  ce  nom  ,  qui  signifie  Syrien,  il 
voulait  désigner  saint  Jérôme,  parce  que  ce 
Père  avait  passé  la  plus  grande  partie  de  sa 
vie  dans  la  Palestine  ,  et  qu'il  avait  écrit 
trois  dialogues  conire  Pelage.  De  plus  Assé- 
mani,  Bihîiotli.  orient.,  l»  IV,  c.  7,  §  2,  re- 
proche à  Théodore  d'.ivoir  nié  réierniic  des 
peines  do  l'enfer,  et  (i'avoir  retranché  du 
canon  plusieurs  livres  sures.  Il  flt  un  nou- 


veau symbole  et  une  liturgie  dont  les  nesto- 
riens  se  servent  encore. 

Il  exerça  aussi  sa  plume  contre  Origènn 
cl  contre  tous  ceux  qui  expliquaient  l'Écri- 
tnre  sainte  comme  ce  Père  dans  on  sens  al- 
légorique. Ebedjésu,  dans  son  Catalogue  des 
écrivains  vestoricti!^,  lui  allribue  un  ouvrafo 
en  cinq  livres,  confra  Allegoricos.  Dans  ses 
Commentaires  sur  l'Ecriture  sainte,  qu'il  ex- 
pliqua, dit-on,  tout  entière,  il  s'attarha  cons- 
tamment au  seul  sens  lilléral.  Il  en  a  é(é 
beaucoup  loué  par  Mosheim,  HiH.  ecclés.,  v 
siècle,  II-  part.,  c.  3,  §  3  et  .5,  et  celui-!  i 
blâme  d'autant  les  Pères  de  l'Eglise  qui  eu 
ont  agi  aulremcnt.  Voij.  Allk(;orie.  Mais 
s'il  faut  juger  de  la  bonté  d'une  mélhode  par 

10  succès,  celle  de  Théodore  et  de  ses  imita- 
teurs n'a  pas  toujours  été  heureuse,  puis- 
qu'elle ne  l'a  pas  préservé  de  tomber  dans 
des  erreurs.  Il  donna  du  Cantique  des  canli- 
çKcsune  explication  toute  profane  qui  scan- 
dalisa beaucoup  ses  contemporains  ;  en  in- 
terprétant les  prophètes,  il  détourna  le  sens 
de  plusieurs  passages  que  l'on  avait  jusqu'à 
lors  appliqués  à  Jésus-Chrisl,  et  il  favorisa 
l'incrédulilé  des  juifs.  On  a  fait  parmi  les 
modernes  le  même  reproche  à  Grotius,  elles 
sociniens  en  général  ne  l'ont  que  trop  nié- 
rilc.  Le  docicur  Lardner,  qui  a  donné  une 
liste  assez  longue  des  ouvrages  de  Théodore 
de  MopsHcste,  Credibility  oflhe  Gospel  Ifis- 
tonj,  t.  XI,  p.  399,  en  rapporte  un  passage 
tiré  de  son  Commentaire  sur  l'Evangile  de 
saint  Jean,  qui  n'est  pas  favorable  à  la  divi- 
nité de  Jésus-Christ;  aussi  les  nestoricns 
n'admellaicnt-ils  ce  dogme  que  dans  un  sons 
Irès-impropre.  Voij.  "Ncstouiaivis-,ie.  C'est 
donc  une  affectai iou  très-iiiiprndonte  de  la 
part  des  critiques  protestants  de  douter  si 
Théodore  a  vérilablement  enseigné  l'erroitr 
de  Nosloriiis,  s'il  n'a  pas  été  calomnié  par 
les  allégoristcs  contre  lesquels  il  avait  écril. 

11  n'est  pas  besoin  d'une  aulre  preuve  de 
-sou  hérésie,   que  du  respccl  que  les  nosto- 

rions  ont  pour  sa  mi^moire  ;  ils  le  regardent 
comme  un  de  leurs  principaux  doclears  , 
ils  l'honorent  comme  un  saint ,  ils  font  lo 
plus  grand  cas  de  ses  écrits,  ils  célèbrent  sa 
liturgie.  II  est  vrai  que  cet  évêque  mourut 
dans  la  coriimunion  de  l'Eglise,  sans  avoir 
été  n^'lri  par  aucune  censure;  mais  ran3"3, 
lo  II"  concile  de  Coiist.inlinople  condamna 
ses  écrits  conmic  infectés  du  noslorianisme. 
Le  plus  grand  nombre  est  perdu,  il  n'en 
reste  que  des  fragments  dans  Pholius  et  ail- 
leurs; mais  on  est  persuadé  qu'une  bonna 
partie  de  ses  commcnlaircs  sur  rEi:ritiiro 
sont  encore  entre  les  m.iins  des  nesloriens. 
On  ajouio  que  son  Commentaire  snr  les  doiizn 
pitlils  prophètes  est  cins.t'rvé  dans  la  bihlio- 
ihèque  de  l'empereur,  cl  M.  ie  duc  d'Or- 
léans, mort  à  Sainte-Geneviève  en  IToS, 
a  prouvé,  dans,  une  savante  dissertation,  que. 
le  commentaire  sur  les  psaumes  qui  porlo 
le  nom  de  Théodore  d'Antiochc  dans  la 
Chaîne  du  Père  Cordicr  est  de  Théodore  do 
Mopsoesle. 

TH.IlOUOnET,  évêque   de  Cyr,   (la^^lij^K 
province  cuphralésicnne,  né  à  Antio;maii('?c-*"N^ 


727 


THE 


TilE 


728 


Ion  les  uns  en  386,  selon  d'aulres  en  393,  et 
mort  l'an  4o8,  a  été  l'un  des  plus  savants  et 
des  plus  célèbres  Vèics  de  l'Eglise.  A  la  con- 
ïiaiss/iiice  des  langues  grecque  hébraïque  et 
syriaque,  il  joignit  une  grande  érudition 
sacrée  et  profane,  et  beaucoup  d'éloquence. 
Prévenu  d'estime  et  d'amitié  pour  Neslorius, 
il  eut  pendant  longtemps  de  la  répugnance 
à  le  croire  coupable  d'hérésie  ;  il  crut  qu'il 
pensait  mieux  qu'il  ne  parlait,  et  il  l'exhorta 
j)lus  d'une  lois  à  s'expliquer,  mais  il  ne  put 
rien  obtenir  de  cet  opiniâtre.  Indisposé  d'ail- 
leurs contre  saint  Cyrille  d'Alexandrie,  anta- 
goniste deNestorius,  il  crut  apercevoir  dans 
ses  ouvrages  les  erreurs  d'Apollinaire  ,  et  il 
écrivit  contre  lui  avec  beaucoup  d'aigreur; 
mais,  détrompé  dans  la  suite,  il  se  réconcilia 
avec  saint  Cyrille,  et  reconnut  la  oalholicilé 
de  sa  doctrine.  Attaqué  personnellement  à 
son  tour  par  les  eutychiens,  comme  parti- 
san de  Nestorius,  et  appelé  au  concile  gé- 
néral de  Chalcédoine,  il  présenta  dans  la 
septième  session  ,  tenue  le  26  octobre  451, 
une  requête  pour  demander  que  l'on  exa- 
minât ses  écrits  et  sa  foi  ;  ou  lui  répondit 
qu'il  suffisait  qu'il  dit  analhème  à  Neslorius  ; 
il  le  Ol,  et  on  le  déclara  catholique  ;  il  n'y 
a  aucun  lieu  de  douter  que  cet  anathème 
n'ait  été  sincère  ,  la  conduite  de  Nestorius 
l'avait  détrompé  sur  le  compte  de  cet  héré- 
siarque. 

Mais  les  écrits  de  Théodorel  contre  saint 
Cyrille  subsistaient  ,  et  en  les  composant 
dans  les  premières  chaleurs  de  la  dispute,  il 
ne  s'était  p;is  toujours  exprimé  avec  assez 
d'exactiluite.  Aussi  l'an  553,  quoiqu'il  fût 
mort  dans  la  p.iix  de  l'Eglise  cl  absous  par 
le  concile  de  Chalcédoine  ,  ses  mêmes  écrits 
furent  examinés  avec  rigueur  dans  le  deu- 
xième concile  de  Constantinople  ,  et  con- 
damnés avec  ceux  d'Ibas  et  de  Théodore  de 
Mopsueste  ;  c'est  ce  que  l'on  a  nommé  les 
trois  CliapHres.  Voy.  Constantinople. 

Outre  V Histoire  ecclésiastique  de  Tliéodo- 
ret,  qui  est  la  continuation  de  celle  d'Eu- 
sèbc,  on  a  de  lui  des  Commentaires  sitr  l' E- 
criture  sainte,  V Histoire  des  Hérésies,  ]es 
Vies  de  trente  solitaires ,  la  Tiiérapeutique 
en  douze  discours  destinés  à  puérir  les  pré- 
jugés des  païens  contre  le  christianisme,  dix 
sermons  ou  discours  sur  la  Providence,  des 
dialogues  contre  les  eutychiens ,  des  let- 
tres ,  etc.  Ces  ouvrages  furent  publiés  par 
le  P.  Sirmond,  à  Paris  ,  eu  1642,  en  quatre 
volumes  in-fol.  Le  P.  damier  y  en  ajouta 
un  cinquième  en  1684.  Ce  nouvel  éditeur, 
dans  ses  dissertations  ,  a  traité  Tliéodoret 
avec  trop  d<"  rigueur;  il  lui  a  imputé  des 
erreurs  desquelles  il  est  facile  de  le  discul- 
fier.  Il  pousse  l'inju-tice  de  ses  soupçons 
jusqu'à  crdire  que  Théodorel  n'a  fait  son 
Histoire  des  Hérésies  que  pour  avoir  occa- 
sion de  rendre  suspecte  la  foi  de  saint  Cy- 
rille et  des  orthodoxes,  en  faisant  l'apologie 
de  sa  propre  croyance  et  de  celle  de  Nesto- 
rius. CDiiiiiie  dans  le  quatrième  li-vre,  c.  11, 
il  condamne  absolunicnt  le  nestoriaiiisiue, 
'c  1*.  Carnier  soupçonne  encore  que  ce  cha- 
pitre a  été  ajouté  par  une  autre  main.  C'est 


pousser  trop  loin  la  prévention.  Aussi  le  P. 
Sirmond,  le  P.  Alexandre,  Tillemont,  llti- 
gius,  Graveson  et  d'autres  critiques,  ont  été 
plus  équitables  ;  ils  ont  justifié  Théodorel. 
On  pcul  voir  une  bonne  notice  de  sa  vie  et 
de  ses  ouvrages  ,  Vies  des  Pères  et  des  Mar- 
tyrs, t.  I,  p.  464,  et  d;ins  Lardner,  Credibi- 
lity,elc.,  t.  Xlli,  c.  131. 

Il  y  a  d;ins  l.i  Bibliothèque  germanique, 
t.  XLVlll,  une  dissertation  de  M.  Baralicr, 
savant  précoce  ,  mort  avant  l'âge  de  vingt 
ans,  dans  laquelle  il  a  entrepris  de  prouver 
que  les  Dialogues  contre  les  eutychiens  et 
les  Vies  des  solitaires  ne  sont  pas  de  Théo- 
dorel ;  Lardner  juge  (ju'en  effet  ces  Dialo- 
gues sur  l'Incarnation  sont  supposés;  quant 
aux  Vies  des  solitaires  ,  intitulées  Philotée, 
il  pense  qu'elles  ont  pu  être  interpolées, 
qu'il  y  a  des  méprises  indignes  d'un  savant 
tel  que  Théodorel,  et  des  faits  qui  ne  s'ac- 
cordent pas  avec  ce  qu'il  a  rapporté  dans 
son  Histoire  ecclésiastique.  Mais  ces  criti- 
ques auraient  dû  faire  attention  qu'un  sa- 
vant très-laborieux,  et  qui  a  beaucoup  écrit, 
a  pu  oublier  dans  ses  derniers  ouvrages  ce 
qu'il  avait  dit  dans  les  premiers,  et  corriger 
des  fautes  qu'il  avait  commises ,  sans  se 
donner  la  peine  de  les  efficerdans  ses  écrits 
précédents.  Pour  en  juger  avec  certitude,  il 
faudrait  savoir  exactement  les  dates  des 
différents  ouvrages  de  Théodorel,  et  peut- 
être  avoir  ceux  qui  nous  manquent  ;  sans 
cela  les  conjectures  peuvent  toujours  être 
fautives. 

Dans  ses  Discours  sur  la  Providence,  ce 
Père  fait  paraître  une  connaissance  de  la  phy- 
sique et  de  l'histoire  naturelle  plus  étendue 
que  son  siècle  ne  semblait  le  comporter. 
Après  avoir  montré  la  sagesse  et  les  atten- 
tions de  la  Providence  dans  l'ordre  de  la  na- 
ture et  dans  l'ordre  de  la  société,  il  montre 
dans  le  dixième  cette  même  sagesse  dans 
l'ordre  de  la  grâce  ,  et  il  y  donne  la  plus 
haute  idée  du  bienfait  de  la  rédemption.  La 
Thérapeutique  est  une  excellente  apologie  du 
christianisme,  et  une  démonstration  coui- 
plète  des  erreurs,  des  absurdités  et  des  dé- 
sordres qui  régnaient  dans  le  paganisme  ;  on 
y  voit  que  Théodorel  était  parfaitement  ins- 
truit de  tous  les  systèmes  de  la  philosophie 
païenne  ;  il  semble  y  avoir  eu  le  dessein  de 
réfuter  les  calomnies  et  les  sophismes  de 
l'empereur  Julien. 

En  rendant  compte  do  cet  ouvrage,  Lard- 
ner, après  avoir  donné  de  grands  éloges 
aux  talents  et  à  l'éloquence  de  l'auteur,  lui 
sait  gré  de  l'apologie  qu'il  a  faite,  dans  le  v.ii" 
livre,  du  culte  rendu  aux  martyrs;  il  lui 
reproche  d'avoir  dit  aux  païens  que  Dieu  a 
mis  les  martyrs  à  la  place  de  leurs  di\inilés. 
L'Ecriture,  dit-il,  ne  nous  a  poitit  enseigné 
ce  culte  ,  les  martyrs  des  premiers  temps  de 
l'Eglise  n'ont  jamais  ambitionné  cet  honneur; 
ils  détestaient  toute  espèce  d'idolâtrie,  ils 
ont  donné  leur  vie  plutôt  que  de  rendre  leur 
adoratiou  à  d'autres  qu'à  Dieu  seul  et  à  son 
Christ.  —  C'est  au  moins  pour  la  centième 
fois  que  les  protestants  répètent  contre  nous 
celle    accusation    d'idolâtrie,    et   nous   en 


729 


THE 


THE 


7-.O 


avonsdémontrérinjusliccaii  mol  Pac.anisme, 
§  f).  t°  Il  est  faux  que  Tliéodorel  dise  que  les 
'  martyrs  ont  été  mis  à  la  place  des  divinités 
du  paganisme;  il  déclare  au  contraire  que 
les  martyrs  ne  sont  ni  des  {génies  ni  des 
dL'moiis_,  comme  les  païens  le  pensaient  à 
l'égard  de  leurs  dieux;  il  montre  la  diffé- 
rence qu'il  y  a  entre  le  culte  que  les  chré- 
tiens rendent  aux  martyrs  ,  et  celui  que  les 
païens  rendaient  à  leurs  héros.  2'  Il  est  à 
présumer  que  TItéodoret ,  très-instruit  de  la 
doctrine  do  riîcrilure  sainte  et  de  l'histoire 
des  premiers  temps  de  l'Eiçlise,  était  pour  le 
moins  aussi  capahie  qu'un  protestant  du 
dix-huitième  siècle  de  juger  si  un  culte 
était  ou  n'était  pas  idolâtre,  et  s'il  avait  ou 
n'avait  pas  été  pratiqué  dès  la  naissance  du 
christianisme.  Voij.  ^lAUTVI^ ,  §  0. 

Barheyrac,  Traité  de  la  moride  des  l'cres, 
c.  17,  §  3,  blâme  Thcodoretd'iwoir  approuvé 
le  refus  que  fit  un  évéque  do  Perse  de  rebâtir 
un  temple  du  l'eu  qu'il  avait  brûlé,  et  d'avoir 
donné  pour  raison  que,  dans  cette  circons- 
tance ,  rebâtir  un  temple  au  feu  eût  été  un 
crime  éç;al  à  celui  de  l'adorer  comme  les 
Perses,  llist.  ecclés.,  I.  v,  c.  39.  Déjà  au 
mol  Mauïvu,  §  3,  nous  avons  fait  voir  que 
l'Iiéodorct  n'a  pas  exactement  rapporté  le 
fait  dont  il  s'agit.  Assémani,  liibliolh.  orient., 
t.  III,  p.  371,  a  prouvé,  par  le  témoignage 
des  auteurs  syriens,  que  le  temple  du  feu 
n'avait  pas  été  brûlé  par  cet  évéque  nommé 
Abdasou  Abdaa,  mais  par  un  prêtre  de  son 
clergé.  TItéodoret,  après  avoir  blâmé  ce 
Irai!  de  faux  zèle,  a  donc  pu  approuver  le 
refus  de  cet  évoque,  1"  parce  qu'il  y  avait 
de  l'injustice  à  le  rendre  responsable  du  fait 
d'autrui;  2°  parce  que  les  chrétiens  auraient 
pu  être  scandalisés  de  ce  qu'il  rebâtissait  un 
temple  de  la  destruction  duquel  il  n'était  pas 
coupable,  et  que  les  ennemis  du  chrisiia- 
iiismc  en  auraient  triomphé.  Une  circon- 
stance de  plus  ou  de  moins  suffit  pour  chan- 
ger absolument  la  nature  d'un  fait.  C'est 
donc  mal  à  propos  que  Hayle  et  la  foule  des 
incrédules  ont  tant  insisté  sur  celui-ci .  pour 
faire  voir  les  excès  auxquels  le  zèle  de 
religion  a  coutume  de  se  porter;  pour  prou- 
ver que  les  chrétiens  ont  souvent  été  des 
séditieux  qui  méritaient  d'être  punis,  et 
que  les  Pères  de  l'Eglise  ont  quelquefois 
donné  de  mauvaises  leçons  de  morale.  C'est 
presque  le  seul  trait  d'un  faux  zèle  qu'ils 
aient  pu  citer  dans  toute  l'antiquité  ecclé- 
siastique. 

THÉODOTlEiNS,  sectateurs  de  Théodote 
de  Byzance,  surnommé  le  Corroijeur  à 
cause  de  sa  profession  ,  hérétique  qui  forma 
un  parti  sur  la  fin  du  ir  siècle.  Lrs  auteurs 
ecclésiastiques  qui  en  ont  parlé  s'accordent 
à  rapporter  que,  pondant  la  persécution 
que  souffrirent  les  chrétiens  sous  Marc-.Vu- 
rèle,  l'Iirodotc  arrêté  avec  plusieurs  autres 
n'eut  pas  le  courage  d'être  martyr,  qu'il 
renia  Jé>;us-Christ  pour  échapper  au  sup- 
plice. Couvert  d'ignominie  dès  ce  moment, 
il  crut  éviter  la  honte  en  se  sauvant  à  Uome; 
mais  il  fut  reconnu  et  autant  détesté  des 
«brétieos  que  dans  sa  patrie.  Pour  pallier 


son  crime,  il  dit  que,  suivant  l'Evangile, 
celui  qui  a  blaspliémr  contre  le  Fils  de  l'homme 
sera  pardonné;  il  osa  même  ajouter  qu'il 
avait  renié  un  homme  et  non  un  Dieu  ,  que 
Jésus-Christ  n'avait  rion  au-dessus  des  autres 
hounnes  qu'une  naissance  miraculeuse,  des 
dons  de  la  grâce  plus  abondants  et  des  ver- 
tus plus  parfaites.  Il  fut  condamné  et  ex- 
communié par  le  pape  \'ictor,  qui,  suivant 
les  (  hronologistes  ,  tint  le  siège  de  Rome 
depuis  l'an  185  jus(|u'en  197.  A  peu  près 
dans  le  même  temps ,  un  certain  Artémas  ou 
Arlomon  répandit  encore  à  Uome  une  doc- 
trine semblable,  et  trouva  aussi  des  disci- 
ples qui  furent  nommés  Arlémonites.  Il 
disait  que  Jésus-Christ  n'avait  commencé  à 
recevoir  la  ilivinité  qu'à  sa  naissance.  On 
comprend  que  pir  la  divinité  il  entendait 
seulement  des  qualités  divines,  et  que, 
suivant  son  opinion ,  Jésus-Christ  ne  pou- 
vait être  appelé  Dieu  que  dans  un  sens 
impropre. 

Il  est  difficile  de  .savoir  précisément  en 
quoi  la  doctrine  de  ces  deux  hérétiques  s'ac- 
cordait ou  se  contredisait,  les  anciens  ne 
nous  l'apprennent  pas  assez  clairement.  Il 
est  seulement  probable  que  les  partisans 
de  l'une  et  de  l'autre  se  réunirent  et  ne  for- 
mèrent (ju'une  seule  secte,  qui  ne  fui  ni  fort 
nombreuse  ni  de  longue  durée.  En  effet,  un 
ancien  auteur  que  l'on  croit  être  Caïus,  prê- 
tre de  Home,  qui  avait  écrit  contre  Artémon, 
et  duquel  Eusèbe  a  rapporté  les  paroles, 
Hist.  ecclés.,  I.  v,  o.  28,  semble  confondre 
ensemble  les  Ihéodoliens  cl  les  arlémonites; 
il  leur  fait  les  mémos  reproches.  Ces  sectaires, 
dil-il ,  soutiennent  que  leur  doctrine  n'est 
pas  nouvelle,  qu'elle  a  été  enseignée  par 
les  apôtres,  et  suivie  dans  l'Eglise  jusqu'au 
pontifical  de  Victor  et  de  Zéphyrin  son  suc- 
cesseur, mais  que  la  vérité  a  été  altérée 
depuis  ce  temps-là  :  or,  on  les  réfute  non- 
seulement  par  les  divines  Ecritures,  mais 
par  les  écrits  de  ceux  de  nos  frères  qui  ont 
vécu  avant  Victor,  par  les  hymmes  el  les 
cantiques  des  premiers  fidèles  qui  attribuent 
la  divinité  à  Jésus-Christ,  enfin  par  la  cen- 
sure portée  par  Victor  contre  Théodote.  Ce 
même  auteur  les  accuse,  non-seulement  de 
pervertir  le  sens  des  Ecritures  par  des  sub- 
tilités de  logique,  mais  d'en  avoir  corrompu 
le  texte,  et  il  le  prouve  par  la  confrontation 
de  leurs  copies  avec  les  exemplaires  plus 
anciens  qu'eux  ,  et  par  la  diversité  de  leurs 
prétendues  corrections,  de  rejeter  même  la 
loi  et  les  prophètes,  sous  prétexte  que  la 
grâce  de  l'Evangile  leur  suffit. 

S'il  était  certain  que  les  extraits  de  Théo- 
dote ,  qui  se  trouvent  à  la  suile  des  ouvrages 
de  Clément  d'Alexandrie,  sont  de  Théodote 
le  Corroyeur  ,  il  faudrait  lui  attribuer  encore 
d'aulres  erreurs;  mais  il  y  a  eu  un  second 
Thoodole,  surnommé  le  Changeur  ou  le  Ban- 
quier ,  disciple  du  premier,  el  qui  fut  le  chef 
de  la  secte  des  melchisédéciens;  on  en  con- 
naît un  troisième  de  même  nom.  qui  était 
disciple  de  Valont.in.  Or,  l'auteur  des  extraits 
enseigne  que  le  Fils  de  Dieu,  les  anges,  les 
âmes  humaines  et  les  démous  soûl  corporels, 


731 


THE 


TIIE 


732 


que  les  anges  sont  de  différenls,  sexes ,  que 
Jésus-Christ  aviiit  besoin  de  rédemption,  et 
qu'il  l'olitinl  lorsqu'une  colombe  descendit 
sur  lui  après  son  baplème;  que  Dieu  le  Père 
avait  souffert  en  Jésus-Christ,  avait  diux 
âmes,  l'une  matérielle,  l'autre  spirituelle  et 
divine,  qui  se  sépara  de  lui  avant  sa  ijassion  ; 
que  les  choses  de  ce  monde,  et  même  les 
actions  humaines,  sont  déterminées  parle 
cours  des  astres,  etc.  Ces  rêveries  semblent 
plus  analogues  aux  erreurs  des  valenliniens 
qu'à  celle  des  théodotiens. 

Quoi  qu'il  en  soit,  on  peut  faire  sur  ces 
.  .nnciennes  hérésies  des  réflexions  impor- 
tjintes.  1"  Théodnle,  intéressé  pur  son  sys- 
tème à  déprimer  Jésus-Chrisl ,  avouait  cepen- 
dant sa  naissance  miraculeuse  et  son  émi- 
nentes;iintelé;  il  jugeait  donc  que  la  narration 
des  évangélistf  s  était  inattaquable.  2°  U 
s'ensuit  qu'au  ii'  siècle  la  divinité  de  Jésus- 
Christ  était  un  dogme  universellement  cru 
dans  l'Eglise,  et  regardé  comme  un  article 
fondamental  du  christianisme;  sans  cette 
r;iison,  l'apostasie  n'aurait  pas  été  considé- 
rée comme  uii  crime  si  énorme.  3°  L'on 
élail  convaincu  que  ce  dogme  était  claire- 
ment enseigné  dans  l'Ecriture  sainte  et  même 
dans  les  prophéties,  l'on  y  donnait  donc  pour 
lors  le  iiièrae  sens  que  nous  y  donnons,  puis- 
que ,  pour  soutenir  leurs  erreurs  ,  les  lltéo- 
dotiens  élaieiii  réduits  à  corrompre  les  unes 
et  à  rejeter  les  autres,  k"  L'on  était  persuadé 
comme  aujourd'hui  que  saint  Justin  ,  ïatien, 
Miltiade,  saint  Iréuée,  Clémentd'Alexandrie, 
Jlelilon,  etc.,  avaient  formellement  professé 
la  divinité  de  Jésus-ChrisI,  puisqne  l'on  op- 
posait leur  témoignage  à  ceux  qui  la  niaient  ; 
de  quel  front  les  socinicns  peuvent-ils 
aujourd'hui  soutenir  le  contraire?  o"  Pour 
réfuter  les  hérétiques,  on  ne  se  bornait  pas 
à  leur  citer  l'Ecriture  sainte;  on  leur  allé- 
guait encore  la  tradition,  la  doctrine  des 
Pères,  les  cantiques  de  l'Eglise,  la  prédica- 
tion publique  et  générale,  comme  nous 
faisons  encore.  C'est  aux  hétérodoxes  de 
voir  les  conséquences  que  nous  sommes  en 
droit  de  tirer  contre  eux  de  tous  ces  faits. 
Voy.  Tilleraont,  tom.  III,  p.  G8;  Pluquel, 
Dict.  (les  Hérésies,  etc. 

THÉODOTIOM,  traducteur  du  texte  hé- 
breu. Voy.  Septante,  §  3;  Version,  etc. 

THf:OLOi;AL  (  Droit  canon  [i]  )  est  un 
chanoine  dont  les  fonctions  consistent  à  prê- 
cher et  enseigner  dans  une  église  cathédrale 
ou  collégiale.  L'établissement  des  théologaux 
remonte  au  concile  de  Lalrati  ,  tenu  en  117!) 
sous  Alexandre  Jll.  Il  y  fut  ordonné  qu'on 
établirait  un  théoloyal  dans  chaque  église 
métropolitaine,  pour  enseigner  la  théologie 
aux  ecclésiastiques  de  la  province  qui  se- 
raient en  état  de  l'étudier.  Ce  décret  demeisra 
néanmoins  sans  exécution  dans  plusieurs 
églises  jusqu'en  H31,  qu'il  fut  ordonné  par 
le  concile  de  lîâle,  qu'il  y  aurait  un  théolo- 
yal dans  toutes  les  églises  cathédrales;  que 
quelque  collaleur  que  ce  fût  serait    tenu, 

(1)  Ancienne  jurisprudence.  —  Article  reproduit 
«i'iiprès  rédiiion  de  Liège. 


sitôt  que  l'occasion  s'en  présenterait,  de 
nommer  pour  chanoine  un  jjrêtre  licencié 
ou  bachelier  formé  en  théologie,  qui  eût 
étudié  dix  ans  dans  quelque  université  pri- 
vilégiée, pour  faire  des  leçons  deux  fois,  ou 
au  moins  une  fois  par  semaine  ,  et  qu'au- 
tant de  fois  qu'il  y  manquerait,  il  pourrait 
être  privé,  à  l'arbitrage  du  chapitre,  des  dis- 
tributions de  toute  une  semaine.  I,c  concile 
de  Trente  approuva  cet  établissement  des 
théùloynu.r,  et  il  a  pareillement  été  autorisé 
par  les  ordonnances  de  nos  rois.  L'article  8 
de  celle  d'Orléans  porte  que  dans  chaque 
église  cathédrale  ou  collégiale ,  il  sera  ré- 
servé une  prébende  affectée  à  un  docteur  eu 
thélogie,  à  la  charge  qu'il  prêchera  et  an- 
noncera la  parole  de  Dieu  chaque  jour  de 
dimanche  et  de  fêle  solennelle,  et  qu'il  fera, 
trois  autres  jours  de  la  semaine,  une  leçon 
publique  de  l'Ecriture  sainte.  L'ordonnance 
de  Blois  ordonne  l'exécution  des  dispositions 
précédentes  ,  excepté  pour  les  églises  où  il 
n'y  a  que  dix  prébendes  avec  la  principale 
dignité;  et  l'édit  du  mois  d'avril  iGOa  veut 
que  les  théoloyaux  puissent  ,  ainsi  que  les 
curés  ,  prêcher  dans  les  églises  où  ils  sont 
établis,  sans  qu'il  leur  faille  aucune  per- 
mission plus  spéciale.  Les  patrons  et  colla- 
leurs  ont  la  disposition  des  prébendes  tlieo' 
loyales  comme  des  autres  prébendes,  pourvu 
toutei'ois  qu'ils  en  disposent  en  faveur  des 
personnes  qui  aient  les  qualités  rccjuises.  Les 
lois  qui  ont  établi  les  théologaux  n'ont  donné 
aucune  atteinte  à  ce  droit  des  patrons  et 
collateurs,  et  l'on  trouve  dans  les  Mémoires 
du  clergé  ,  que  l'évêque  de  Vabres,  ay.int 
voulu  contester  à  son  chapitre  la  coUatioa 
de  la  prébende  théoloyale,  fut  déboulé  do 
sa  prétention  par  un  arrêt  du  parlement  de 
Toulouse  ,  qui  maintint  le  chapitre  dans  le 
droit  de  nommer  à  cette  prébende.  Mais 
comme  l'emploi  des  théologaux  esl  une  prin- 
cipale partie  du  ministère  des  évêques,  ils 
ne  peuvent  faire  aucune  des  fonctions  atta- 
chées à  leur  état  avant  d'avoir  obtenu,  pour 
cet  effet,  l'approbation  et  mission  canoni- 
que. C'est  ce  qui  résulte  particulièrement 
de  l'édit  du  mois  de  janvier  1G82. 

Si  l'on  s'en  tenait  aux  termes  des  décrois 
des  conciles,  de  la  Pragmatique  et  du  Con- 
cordat, il  suffirait  d'être  bachelier  formé  eu 
théologie,  pour  être  pourvu  d'une  prébeii<lo 
théologale.  Telle  esl  l'opinion  de  l'éditeur 
des  Mémoires  du  clergé,  mais  celte  opinion 
est  une  erreur.  Les  ordonnances  d'Orlé.ins 
et  de  Blois  ont  affecté  li'S  prébendes  théolo- 
gales aux  théologiens,  c'csl-à-dire  aux  doc- 
teurs en  théologie,  sans  qu'elles  pussent  être 
conférées  à  gens  qui  ne  seraient  pas  de  cette 
qualité.  C'est  d'ailleurs  ce  qu'ont  jugé  deux 
arrêts,  l'un  du  17  août  1721,  rendu  pour  la 
prébende  théologale  de  Ueauue,  et  l'autre  du 
11  février  l(i2(j.  rendu  pour  celle  de  Sentis. 
Le  parlement  de  Paris  a  même  jugé,  par  un 
arrêt  du  17  avril  1651,  qu'il  y  avait  abus 
dans  une  signature  de  cour  de  Home  accor- 
dée par  le  pape  au  sieur  de  Gest ,  pour  la 
prébende  théologale  do  l'é^lis-e  de  Toulouse, 
à  cuaditiou  qu"(7  prendrait  le  bonnet  de  rfoc- 


753 


THE 


THE 


7:51 


leur  dans  l'unnée  ,  et  le  dévolutaire  fui  inniii- 
l<>nu.  Il  suit  (le  cet  arrêt  que  lo  dc^rc  do 
d'jcicur  est  requis  dans  le  temps  de  la  pro- 
vision de  cour  de  Rome,  et  qu'il  ne  suffit 
pas  dc'l'avoirau  moment  du  visa.  Les  reli- 
gieux sont  incapnbles  de  posséder  des  pré- 
beîides  Ihéolognles,  quand  mémo  ils  seraient 
docteurs  en  théolo;;io  et  bons  prédicateurs. 
Soëfve  rapporte  un  arrêt  du  17  avril  1GC3 
qui  l'a  ainsi  jugé  contre  un  JTCobin.  Des- 
noyers, sur  les  déniiilioiis  canonunics,  cite 
un  arrêt  du  8  juillet  1(190,  par  lequel  il  a  été 
jugéconlrc  le  chapilrc  d'Angnuléme  ,  ([ue 
quand  révêquo  avait  conlcré  la  prébende 
théologale,  le  cbapiire  n'était  pas  partie  ca- 
pable d'opposer  l'incapacité  du  sujet  ;  mais 
cela  no  doit  s'entendre  que  de  l'incapncilé 
relative  aux  mœurs  ou  à  la  doctrine,  et  non 
de  celle  qui  concerne  les  degrés  ou  la  qualité 
de  séculier. 

Quoique  ,  par  les  ordonnances  d'Orléans 
et  do  Blois,  les  Ibéologiens  aient  été  chargés, 
comme  on  l'a  vu  ,  de  prêcher  tous  les  di- 
manches et  fêtes  solennelles,  et  de  faire  trois 
fois  la  semaine  des  le^-ons  sur  l'Ecriture 
sainte,  il  y  a  des  églises  ,  couvno  celle  de 
Paris,  où  les  théolofjaux  ne  sont  obligés  qu'à 
faire  trois  ou  quatre  sermons  par  année, 
sans  être  tenus  de  faire  aucune  leçon,  at- 
tendu que  dans  ces  églises  il  y  a  des  sei- 
mons  fondés,  et  des  univr.sités  où  l'on  en- 
seigne la  théologie.  Dans  d'autres  églises,  la 
modicité  du  revenu  des  prébendes  Ihéologa- 
les,  la  clause  des  actes  d'établissement  de  ces 
prébendes,  et  d'autres  circonstances  parti- 
culières ,  ont  également  fait  diminuer  les 
obligations  des  thcologauT. 

Suivant  le  concile  de  Bâle  ,  la  Pragmati- 
que et  le  Concordat ,  le  Ihéoloijal  qui  rem- 
plit ses  devoirs  ,  est  tenu  présent  à  l'office 
divin,  et  quoiqu  il  n'y  ait  pas  assisté,  il  peut 
percevoir  généralement  tous  les  fruits  de  sa 
prébende  comme  les  chanoines  qui  ont  été 
assidus.  Les  ordonnances  d'Orléans  et  de 
Blois  sont  conformes  a  ces  dispositions,  il  a 
de  plus  été  jugé  ,  par  arrêt  du  parlement 
de  Toulouse,  du  3  décembre  U>7fi  ,  que  l 's 
théologaux  devaient  être  réputés  présenis  , 
n)ême  pour  les  obits  et  autres  distributions 
nianiK'llcs;  et  UebulTe,  sur  le  Concordai,  cite 
deux  arrêts  du  '1  janvier  lo2!  et  20  janvier 
15Vi  ,  qui  ont  déclaré  abusifs  les  statuts 
contraires  à  ce  privilège  des  lh'ologaxtx.O\>- 
scrvez  néanmi-.ins  que  les  ordonnances 
n'ayant  établi  le  principe  dont  il  s'agit  en 
faveur  des  théolognitx  qu'en  considération 
de  leurs  obligations  de  prêcher  et  d'ensei- 
gner ,  il  ne  doit  point  avoir  lieu  dans  les 
églises  où  ils  sont  déchargés  de  ces  devoirs. 
Dans  ces  églises  ,  l'étendue  du  privilège  du 
théologal  peut  être  réglée  par  les  statuts  du 
chapitre.  l'In  arrêt  du  parlement  d'Aix,  du 
2(î  mars  1083,  a  jnué  qu'un  théologal  ne  de- 
vait point  être  député  pour  aller  poursuivre 
d  s. procès  hors  du  lieu  de  sa  résidence.  La 
prébende  thé'Aogule  est  sujellcàla  régale 
et  aux  expectatives  qui  ont  lieu  dans  le 
royaume. 

THÉOLOGALE   (vertu).   On  ap,pelie  ver- 


tus théologales  celles  qui  ont  pour  objet  Dieu 
lui-même,  et  pour  motif  une  de  ses  peifec- 
lions.  Ainsi  la  foi,  par  laquelle  nous  croyons 
à  Dieu  et  à  sa  parole,  parce  qu'il  est  la  vé- 
rité mène,  incapable  de  se  tromper  ,  ou  de 
nous  induire  en  erreur  ;  l'espérance,  par  la- 
qu.'lle  nous  nous  confions  à  ses  promesses, 
parce  qu'il  est  fiJèle  à  les  remplir  ;  la  cha- 
rité, par  laquelle  nous  aimons  Dieu  à  cause 
di'  sa  bonié  infinie,  sont  les  trois  vertus 
théologales  :  nous  avo!is  parlé  de  chacune 
en  particulier.  On  appelle  vertus  morales 
celles  qui  ont  pour  objet  immédiat,  non 
Dii'u  lui-même,  mais  les  actions  que  Dieu 
commande,  et  pour  motif  la  justice  qu'il  y  a 
d'obéir  à  Dieu.  Les  pa'i'ens  ont  été  capables 
de  ()uelqnes  vertus  morales  ,  mais  ils  n'a- 
vaient aucune  idée  des  virius  théologales, 
parce  qu'elles  supposent  la  révélation  et  une 
connaissance  surnaturelle  des  attributs  de 
Dieu.  Voij.  Vertu. 

11  faut  beaucoup  de  précision  pour  com- 
prendre que  la  religion  est  une  vertu  mo- 
rale et  non  une  vertu  théologale.  Coînœe 
l'acte  essentiel  de  la  religion  est  l'adoration 
intérieure  qui  a  Dieu  pour  o'ujet  et  sa  gran- 
deur suprême  pour  motif ,  il  semble  d'abord 
qu'il  n'y  a  aucune  différence  entre  cette  vertu 
et  les  trois  dont  nous  avons  parlé.  M  lis  il 
faut  faire  attention  que  la  religion  peut  être 
uni>  vertu  naturelle, quoique  très-im|)arfaite, 
et  toujours  abusive  lorsqu'elle  n'est  pas  éclai- 
rée et  dirigée  par  la  révélation;  au  lieu  que 
la  loi  ,  l'espérance  et  la  charité  supposent 
nécessairement  une  connaissance  surnatu- 
relle de  Dieu. 

TlIiiOLOGlE.  Suivant  l'énergie  du  terme, 
c'est  la  science  de  Dieu  et  des  choses  divi- 
nes, par  conséquent  la  plus  nécessaire  de 
toutes  les  connaissances;  elle  ne  peut  pa- 
raître indifférente  qu'à  ceux  qui  ne  veulent 
ni  Dieu,  ni  religion  (1).  L'on  a  coutume  de 
la  distinguer  en  théologie  naturelle  et  théo- 
logie surnaturelle,  et  l'on  eniend  par  la  pre- 
mière la  connaissance  de  la  Divinité  ,  telle 
qu'on  peut  l'acquérir  par  les  seules  lumières 
de  la  raison.  Cette  distinction  paraît  fondée 
sur  ce  qu'a  dit  saint  Paul,  Rom.,  c.  1,  v.  20, 
que  ce  (ju'il  1/  a  d'invisible  en  Dieu  est  devenu 
visible  depuis  In  création  ,  par  les  ouvrages 
qu'il  a  faits  ,  tnéme  sa  puissance  clerncUe  et 
sa  divinité,  de  manière gue  ceux  qui  ont  connu 
Dieu,  et  ne  Vont  pas  glori/ié connue  Dieu,  sont 
inexcusables.  Mais  le  même  apôtre  nous  aver- 
tit aussi,  /  Cor.,  c.  11,  v.  Il,  que  comme  ce 
qui  est  de  l'homme  ne  peut  être  connu  que  par 
l'esprit  de  l'homme  ,  ainsi  ce  qui  est  de  Dieu 
ne  peut  être  connu  que  par  l'esprit  de  Dieu. 
Or,  par  l'esprit  de  Dieu  ,  saint  Paul  entend 
ccrtainementia  lumière  surnaturelle  acquise 
par  révélation.  Par  là  il  nous  fait  compren- 
dre que  la  connaissance  de  Dieu  et  do  ses 
desseins,  qui  vient  des  seules  lumières  na- 
turelles ,  est  toujours  Ircs-bornée  et  très- 
faulivo.  Nous  en  sommes  convaincus  par  les 

(I)  Voy.'a  l;i  fin  du  Diclioniiaire  de  Tlit'ologie  mo- 
rale, où  lions  (loMiKiiis,  siècle  par  siècle,  l'étal  de  la 
science  iliéologique,  . 


755 


THE 


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erreurs  grossières  dans  lesquelles  sont  tom- 
bi's  sur  ce  sujet  les  philosoplies  païens,  qui 
étaient  cependant  les  meilleurs  génies  de 
l'iTiiliquité.  Aussi  les  premiers  docteurs 
chrétiens  ont  soutenu  contre  les  païens  que 
les  écrivains  hébreux,  surtout  les  prophètes, 
éclairés  par  la  révélation,  ont  été  beaucoup 
meilleurs  ihéologiens  que  tous  les  sages  et 
les  philosophes  du  paganisme 

Comme  c'est  uniquement  de  la  théologie 
chrétienne  que  nous  avons  à  parler ,  nous 
entendons  sous  ce  nom  la  science  on  la  con- 
naissance de  Dieu  et  des  choses  divines,  qui 
nons  a  été  donnée  pir  Jésus-Christ,  par  ses 
apôtres,  par  les  iirohètes  et  par  les  autres 
per-onnages  que  Dieu  a  chargés  de  nous  en- 
seigner. C'est  donc  une  science  qui,  fon- 
dée sur  des  vérités  révélées,  en  tire  des  con- 
clusions sur  Dieu  ,  sur  sa  nature  ,  sur  ses 
attributs,  sur  si  s  volontés  et  ses  desseins,  et 
sur  tout  ce  qui  a  rapport  à  Dieu.  D'où  i! 
s'ensuit  que  la  théologie  réunit,  dans  sa  ma- 
nière de  procéder,  l'usage  de  la  raison  à  la 
certitude  delà  révélation,  rt  qu'ella  est  Gui- 
dée en  partie  sur  les  lumières  do  la  foi,  et 
en  partie  sur  celles  de  la  nature  ou  de  la 
philosophie. 

Il  s'est  trouvé  des  critiques  assez  peu  sen- 
sés pour  blâmer  ce  mélange.  En  fait  de  reli- 
gion, disent-ils,  il  faudrait  s'en  tenir  préci- 
sément aux  vérités  révélées  .  tellrs  qu'elles 
sont  énoncées  dans  la  parole  de  Dieu  ;  dès 
que  l'on  se  permet  d'en  raisonner,  c'est  une 
source  intarissable  de  faux  systèmes,  de  dis- 
putes et  de  divisions.  Cette  fureur  des  théo- 
logiens n'a  servi  qu'à  défigurer  la  doctrine 
de  Jésus-Christ  et  des  apôtres,  à  l'aire  naî- 
tre des  schismes  et  dos  hérésies  ,  à  mettre 
aux  prises  toutes  les  sectes  chrétiennes  les 
unes  contre  les  autres,  etc. 

S'en  tenir  à  la  pure  parole  de  Dieu  est  un 
très-beau  projet  en  spéculation;  mais  est-il 
possible?  C'est  la  question.  1°  Les  philoso- 
phes païens  ont  attaqué  le  christianisme  dès 
sa  naissance:  saint  Paul  s'en  plaignait  déjà; 
sulfisait-il  d'opposer  le  texte  des  livres  saints 
à  des  adversaires  qui  n'en  reconnaissaient 
point  la  divinité  ,  qui  soutenaient  que  la 
doctrine  de  ces  livres  était  opposée  au  sens 
commun  et  aux  plus  pures  lumières  do  la 
raison  ?  Ou  il  fallait  les  laisser  dogmatiser  en 
liberté,  séduire  les  fidèles,  détruire  enfin  le 
christianisme  ,  où  l'on  était  obligé  de  leur 
démontrer  que  la  doctrine  de  ces  livres  était 
plus  raisonnable  que  la  leur;  donc  il  fallait 
absolument  se  servir  contre  eux  du  raison- 
nement et  de  la  philosophie.  Que  les  apô- 
tres, qui  prouvaient  la  vérité  de  leur  prédi- 
cation par  des  miracles,  n'aient  pas  eu  be- 
soin d'autres  arguments,  cela  se  conçoit  ; 
mais  Dieu  n'avait  pas  promis  le  même  se- 
cours à  leurs  successeurs  ;  ceux-ci  ont  donc 
été  obligés  de  battre  les  philosophes  par 
leurs  propres  armes  :  c'est  ce  qu'ont  fait  nos 
anciens  apologistes.  2°  Les  premiers  héré- 
tique, ont  suivi  la  même  uiarchi;  que  les 
philosophes  ;  tous  ceux  qui  ont  pris  le  nom 
de  gnosliqucs  attaquaient  nos  m\ stères  par 
des  arguments  philosophiques;  ils  fuisaieul 


profession  d'en  savoir  plus  que  les  apôtres 
et  que  tous  les  auteurs  sacrés.  On  était  donc 
forcé  de  leur  prouver  par  des  raisonnements 
l'absurdité  de  leurs  principes,  la  contradic- 
tion de  leur  doctrine  ,  l'opposition  de  leurs 
sentiments  à  ceux  des  meilleurs  philosophes, 
et  de  leur  faire  voir  que  ceux-ci  avaient  en- 
seigné plusieurs  vérités  confirmées  par  la 
révélation. Les  marcioniteset  les  manichéens 
admettaient  deux  principes  ,  l'un  du  bien, 
l'autre  du  mal;  ils  rejetaient  l'Ancien  Tes- 
laiîient  eli'histoire  de  la  création;  il  ne  ser- 
vait doue  à  rien  de  la  leur  opposer,  on  no 
pouvait  les  réfuter  que  par  les  arguments 
qui  démontrent  l'unité  de  Dieu  et  la  sagesse 
du  Créateur.  3"  Dans  tous  les  siècles,  la 
même  chose  est  arrivée,  et  nous  nous  trou- 
vons encore  aujourd'hui  dans  le  même  cas 
que  les  docteurs  chrétiens  du  i"  et  du 
II'  siècle.  Non-seulement  les  incrédules  ré- 
pètent toutes  les  objections  des  anciens  hé- 
réiiques,  et  soutiennent  que  la  doctrine  de 
nos  livres  sacrés  choque  de  front  les  lu- 
mières de  la  raison,  mais  les  protestants  at- 
taquent le  mystère  de  l'eucharistie  par  des 
raisonnements  philosophiques  ;  à  l'exemple 
des  ariens,  les  sociniens  se  servent  des  mê- 
mes armes  pour  combjittre  le  dogme  de  la 
'J'rinité  et  tous  les  autres  mystères.  On  a 
beau  leur  opposer  le  texte  de  l'iîcriture 
sainte,  ils  en  éludent  toutes  les  conséquen- 
ces par  des  interprétations  arbitraires.  Les 
déistes  ne  veulent  admettre  aucune  révéla- 
tion. Réfutera-l-on  tous  ces  mécréants  sans 
raisonner  avec  eux,  et  sans  mêler  la  philo- 
sophie à  la  théologie?  Ceux  même  qui  blâ- 
ment celte  méthode  sont  forcés  d'y  avoir 
recours.  Ils  diront  peut-être  qu'à  la  vérité 
elle  est  absolument  nécessaire  ,  mais  qu'elle 
doit  être  contenue  dans  de  justes  bornes  ; 
nous  y  consentons,  il  ne  reste  plus  qu'à  sa- 
voir qui  posera  ces  justes  bornes  qu'il  ne 
sera    plus  permis  de  passer.  Voy.  I'hiloso- 

PHIE  et  MÉTUAPHYSIQUE. 

Une  question  communément  agitée  entre 
les  théologiens  est  de  savoir  quel  est  le  degré 
de  certitude  des  concUisions  théologiques. 
On  appelle  ainsi  les  conséquences  évidem- 
ment déduites  de  deux  prémisses  qui  sont 
toutes  deux  révélées,  ou  dont  l'une  est  révé- 
lée, et  l'autre  évidemment  connue  par  la  lu- 
mière naturelle  ,  et  l'on  demande,  1°  si  ces 
conclusions  sont  aussi  certaines  que  les  pro- 
positions de  foi  ;  ^'si  elles  sont  plus  ou  moins 
certaines  que  les  conclusions  des  autres 
sciences;  3°  si  elles  le  sont  autant  que  les 
premiers  principes  de  géométrie,  de  phi- 
losophie, etc. 

On  convient  généralement  que  la  révéla- 
tionimmédiale  de  Dieu, proposée  parl'Eglise, 
est  le  motif  qui  nous  fait  actiuiescer  aux  vé- 
rités de  foi,  et  que  la  connexion  évidemment 
aperçue  entre  la  révélation  et  la  conclusion 
théoiogique  qui  s'ensuit,  est  le  motif  qui 
nous  fait  ac(iuiescer  à  celle-ci.  De  là  il  est 
aisé  d'inférer,  1"  qu'une  vérité  de  foi  est, 
plus  certaine  qu'une  conclusion  théoiogique, 
parce  que  la  première  est  fondée  sur  la  ré- 
vélation immédiate  de  Dieu  et  rinfaillibiliic  de 


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THE 


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73à 


l'Egliso  qui  nous  l'altcsle,  nu  lieu  que  la 
socondc  est  fondée  sur  une  liaison  npcrçuc 
par  la  lumière  naturelle,  luinièro  qui  n'est 
pas  aussi  infaillible  que  la  véracité  de  Dieu 
cl  que  le  témoignage  de  l'Eglise.  2' Que  les 
conclusions  théologiques  sont  plus  certaines 
que  colles  des  autres  sciences  en  général, 
parce  que  ces  dernières  sont  souvent  fondées 
sur    de    simples    conjectures,   et   que    leur 

iaison  avec  les  principes  n'est  pas  aussi 
évidente  que  la  liaison  des  conclusions  théo- 
logiques  avec  la  révélation  immédiate  do 
Dieu.  3"  Plusieurs  anciens  théologiens  ont 
soutenu  que  ces  mêmes  conclusions  sont 
plus  certaines  que  les  premiers  principes  de 
nos  connaissances,  parce  que  ceux-ci  ne 
.•iont  pas  aussi  infaillibles  que  la  révélation  de 
Dieu.  Mais  la  plupart  des  modernes  [lensent 
le  contraire;  la  première  raison  qu'ils  en 
donnent  est  que  nous  aquicsçons  aussi 
promplement  et  aussi  l'orteuu-nt  à  ces  axio- 
mes (1)  :  Le  tout  exi  plus  grand  ijue  la  partie, 
deux  choses  égalnà  M»te  troisième  sont  égales 
entre  cllrs,  etc.,  qu'à  celui-ci  :  Dieu  est  la 
vérité  même.  La  seconde  est  que  Dieu  est  éga- 
lement l'auteur  de  la  raison  et  de  la  révéla- 
tion, et  que  l'une  nous  est  au-si  nécessaire 
pour  connaître  les  vérités  naturelles,  que 
l'autre  pour  connaîtr(!  les  vérités  surnatu- 
relles. La  troisième  est  que  c'est  la  raison 
qui  nous  conduit  à  la  foi  ;  nous  croyons  fer- 
mement les  vérités  révélées,  parce  que  nous 
savons  par  la  raison  que  Dieu  ne  peut  ni  se 
tromper  ni  nous  tromper  nous-mêmes  lors- 
qu'il daigne  nous  parler;  nous  sommes  cer- 
tains qu'il  nous  a  parlé,  par  les  motifs  de 
crédibilité  dont  il  a  revêtu  sa  parole  ou  la  ré- 
vélation ;  et  c'est  encore  à  la  raison  de  peser 
la  valeur  de  ces  motifs.  Donc,  disent-ils,  il  est 
impossible  que  le  jugement  par  lequel  nous  y 
adhérons  soit  plus  infaillible  ((ue  celui  par 
lequel  nou?  acquiesçons  aux  premiers  prin- 
cipes du  raisonnement.  Holden.  de  Résolut, 
pilei,  1.  I,  c.  3. 

Comme  toutes  les  vérités  dont  la  théologie 
se  propose  l'examen  sont  ou  spéculatives  ou 
pratiiiues,  elle  se  divise  à  cet  égard  en  Ihéo- 
togie  spéculative  et  en  théologie  morale.  La 
première  est  celle  qui  a  pour  objet  d'expo- 
ser cl  de  prouver  les  dogmes  qu'il  faut  croire, 
et  de  les  défendre  contre  ceux  ((ui  les  atta- 
quent. Parmi  ces  dogmes,  les  anciens  Pères 
grecs  appelaient  spécialement  itn'ulogie  ceux 
qui  regardent  Dieu  en  lui-même,  sa  nature, 
ses  attributs  ;  c'est  pour  cela  qu'ils  a|ipe- 
laienl  l'évangéliste  saint  Jean,  \{^  théologien 
par  excellence,  parce  qu'il  a  enseigné  la  di- 
vinité du  \'erbe  plus  clairement  que  les  au- 
tres apôtres,  et  que  «'est  parla  (ju'il  a  com- 
mence son  Evangile.  Par  la  même  raison 
saint  drégoire  de  Na/ianze  fut  aussi  sur- 
nommé le  théologien,  pareil  qu'il  avait  dé- 
fendu avec  beaucoup  de  force  la  divinité  du 

\'erbe  contre  les  ariens.  Dans  ce  sens  les 
(jrecs  distinguaient  la  théologie  d'avec  ce 
qu'ils  apiielaient  l'economic  ,  c'est-a-dire  la 
partie    de    la    doctrine  chrétienne  qui  traite 

(1^  Voij.  Cer/itude,  Science,  Méth.\ph\siûije. 


du  mystère  do  l'Incarnation,  de  la  rédemp- 
tion (lu  monde,  etc. 

La  théologie  morale  ou  pratique  est  celle 
qui  s'occupe  à  déterminer  les  devoirs  que 
Dieu  nous  impose,  et  à  montrer  le  vrai  sens 
dos  préceptes  de  l'Evangile,  qui  traite  des 
vertus  et  (les  vices  ,  qui  fait  voir  ce  qui  est 
juste  ou  injuste,  permis  ou  défendu,  qui  en- 
seigne aux  fidèles  leurs  obligations  dans  les 
différents  états,  charges  ou  conditions  dans 
lesquels  ils  peuvent  se  trouver.  Les  théolo- 
giens moraux  se  nomment  aussi  casuistes. 
Voy.  ce  mot. 

Quelques  ennemis  de  la  religion  n'ont  pas 
rougi  d'aflinner  que  la  théologie  a  dénaturé 
les  sciences  et  en  a  retardé  les  progrès  ;  nous 
avons  fait  voir  le  contraire  aux  mots  Lettres 
et  Sciences  hcsuinf.s. 

Quant  à  la  manière  de  la  traiter,  on  dis- 
tingue la  théologie  positive,  la  théologie  sco- 
laslique  et  la  titéologie  mgstique  ;  il  est  bon  do 
parler  (le  chacune  en  |)ariiculier. 

Théologie  positive.  C'est  la  méthode  de 
prouver  les  vérités  de  la  religion  par  l'Ecri- 
ture sainte  et  par  la  tradition  ;  elle  suppose 
conséquemmeat  la  connaissance  de  la  ma- 
nière (lonl  les  dogmes  révélés  ont  été  atia- 
qués  par  les  hèréliques  et  di'fendus  par  les 
Pères  de  l'Eglise  ;  on  ne  peut  la  posséder  par- 
faitement sans  savoir  l'histoireecclsiaslique, 
sans  avoir  une  notion  des  dilTérentes  hérésies 
qui  se  sont  élevée^  successivement,  sans  être 
familiarisé  avec  les  ouvrages  des  Pères 
Puisque  la  doctrine  chrétienne  est  une  doc- 
trine révélée  de  Dieu,  la  théologie  n'est  point 
une  science  d'invenlion,  mais  do  tradition  ; 
par  conséquent  la  théologie  positive  est  la 
seule  vraie  théologie.  C'est  ainsi  que  les  Pè- 
res, (jui,  après  les  écrivains  sacrés,  sont  nos 
maîtres,  l'ont  traitée.  Ils  ne  se  sont  pas  bor- 
nés ta  prouver  par  l'Ecriture  sainte  les  dog- 
mes contestés,  mais  ils  ont  fondé  le  vrai 
sens  de  l'Ecriture  sur  la  manière  dont  elle 
avait  été  entendue  dans  l'Eglise  depuis  les 
ap(')tres  jusqu'à  eux,  et  dont  elle  avait  été 
expli(|uée  par  les  apôtres  qui  les  avaient 
précédés.  Comme  la  plupart  de  ces  saints 
personnages  étaient  recommandables  par  leur 
éloquence  aussi  bien  que  par  leur  érudition, 
ils  n'ont  pas  négligé  d'en  faire  usage,  ils  se 
sont  servis  des  lettres  humaines  et  des  scien- 
ces profanes  [lour  la  défense  de  nos  saintes 
vérités. 

Aujourd'hui  les  ennemis  de  l'Eglise  catho- 
lique ne  sont  pas  moins  habiles  à  travestir  la 
doctriiie  des  Pères  qu'à  tordre  le  sens  de  l'E- 
criture sainie;  les  f/u'o/o^/iens  sont  donc obli- 
gésdc  chercherégalemenldans  cesdenxsour- 
ces  la  véritable  intelligence  des  dogmes  ré- 
vélés. Après  dix-sept  siècles  de  combats  con- 
tre des  adversaires  do  toute  espèce,  on  doit 
comprendre  de  quelle  immense  étendue  est 
la  carrière  que  doivent  parcourir  ceux  qui 
se  consacrent  à  l'élude  de  la  théologie. 

Les  monumcnls  de  la  révélation  sont  écrits 
dans  deux  langues,  dont  l'une  a  cessé  d'être 
vivante  depuis  deux  inille  cinq  cents  ans, 
l'autre  ne  fut  jamais  commune  dans  nos 
climats.  Dans  toutes  le  disputes,  les  hétéro- 


739 


Tt!E 


THE 


740 


doxos,  souvent  incommodés  j)ar  les  versions, 
en  appellent  aux  originaux,  et  noussommes 
obligés  de  les  consulter;  nous  ne  nous  en 
plaindrions  pas,  s'ils  se  bornaient  à  exiger 
cette  précaution.  Mais  lorsque,  pour  détour- 
ner le  sens  d'un  ])assage  et  pour  en  esquiver 
les  conséquences,  ils  ont  recours  à  des  subs- 
lilitésde  grammaire  et  de  critique,  à  des  chan- 
gements de  ponctuation,  aux  variantes  des 
manuscrits,  à  l'ambiguïté  d'un  terme  grec 
ou  hébreu,  à  la  diflerenco  des  anciennes 
versions,  etc.,  ils  prouvent  assez  qu'ils  sont 
bien  résolus  de  n'être  jamais  conv.ii nous;  mais 
il  serait  honteux  pour  un  tliéulogien  de  ne  pas 
être  aussi  exercé  à  défendre  la  vérité  qu'ils 
le  sont  à  soutenir  l'errcur- 

Un  nouveau  genre  de  travail  nous  est  sur- 
venu depuis  environ  un  siècle.  Pour  atta- 
quer la  vérité  de  l'histoire  sainte,  les  incré- 
dules ont  fouillé  dans  les  annales  de  tous  les 
peuples  et  dans  les  écrits  de  livus  les  auteurs 
profanes;  il  a  donclallu  vérifier  tous  ces  témoi- 
gnages, en  peser  la  valeur,  les  comparer  à  ce- 
lui des  auteurs  sacrés;  et  ceux  qui  en  ont  pris  la 
peiney  ont  souvent  trouvé  des  avantages  aux- 
quels ils  ne  s'attendaient  pas.  Pour  renverser 
la  chronologie  de  l'Ecriture  sainte  on  a  eu  re- 
cours aux  calculs  astronomiques;  mais  cette 
nouvelle  tentative  n'a  pas  mieux  réussi  aux 
incrédules  que  la  précédente.  On  a  entrepris 
dejusliQer  toutes  les  fausses  religions  auxdé- 
pensdela  nôtre;  parun  parallèleinjurieus  on 
nous  a  opposé  les  livres  des  Chinois  ,  le  Zend- 
Avesla  de  Zoroastre,lcsS('hastcrsdes  Indiens, 
l'Alcoran  do  Mahomet  :  les  défenseurs  du 
christianisme  ont  donc  été  obligés  d'entrer 
dans  toutes  ces  discussions,  et  jusqu'à  pré- 
sent il  ne  paraît  pas  qu'ils  y  aient  eu  le  des- 
sous. A  présent  c'est  la  physique,  l'histoire  na- 
turelle, la  cosmographie,  dont  on  implore  le 
secours  ;  après  avoir  interrogé  les  cicux,  l'on 
descend  dans  les  entrailles  de  la  terre,  dans 
le  sein  des  mers,  dans  les  débris  des  vole  ins, 
pour  y  trouver  des  preuves  de  l'antiquité  du 
mondeet  delà  fausseléde  la  cosmographie  des 
livres  saints.  On  a  forgé  sur  ce  sujet  des 
systèmes  et  des  conjectures  de  toute  espèce; 
beureusement  des  physiciens  plus  sensés  et 
plus  habiles  que  les  incrédules  ont  renversé 
tous  ces  édifices  frivoles  et  ont  fait  voir  que 
jusqu'à  présent  la  narration  des  auteurs  sa- 
crés n'a  reçu  aucune  atteinte.  Ainsi,  grâces 
à  l'opiniâtreté  des  incrédules,  aucune  science 
ne  peut  être  désormais  étrangère  aux  ihco- 
logiens  ;  et,  sans  être  obligés  à  aucuiie  re- 
connaissance, ils  ont  reçu  de  leurs  adversai- 
res même  des  armes  pour  les  vaincre. 

Depuis  que  la  théologie  a  fait  de  si  grands 
progrès,  il  peut  être  permis  de  proposer, 
sans  prétention  ,  un  plan  pcul-èire  plus 
convenable  et  plus  régulier  que  celui  que 
l'on  a  suivi  jusqu'ici  ,  pour  former  une 
théologie  complète.  Puisque  c'est  Dieu  ,  ses 
ai  tributs ,  ses  desseins,  ses  opérations  dans 
l'ordre  de  lu  nature  et  de  la  grâce,  qui  sont 
l'unique  objet  de  cette  science,  il  serait  à 
souhaiter  que  le  nom  de  Dieu  fut  à  la  tète 
de  tous  les  traités  théologiques.  Ainsi  l'on 
parlerait,  1°  de  Dieu  en  lui-même,  de  ses 


attributs,  soit  absolus,  soit  relatifs;  2"  da 
Dieu  créateur  et  conservateur,  par  consé- 
quent de  ses  divers  ouvrages;  3°  de  Dieu 
législateur,  rémunérateur  et  vengenr  de  ses 
diiîérontes  lois,  soit  naturelles  soit  positives; 
h°  de  Dieu  Rédempteur  et  Sauveur;  titre  qui 
comprendrait  la  mission  de  Jésus-Christ,  ses 
divins  caractères,  et  l'économie  générale  du 
christianisme;  5°  de  Dieu  sanctificateur,  et 
des  moyens  que  sa  bonté  emploie  pour 
opérer  ce  grand  ouvrage;  G°  de  Dieu  der- 
nière fin  de  toute  choses.  Il  nous  paraît  que 
l'on  pourrait  aisément  pl.Tccr  sous  ces  titres 
divers  tous  les  objets  dont  les  théologiens  ont 
coutume  de  s'occuper.  Mais  ce  n'est  point  à 
nous  de  prescrire  de  nouvelles  méthodes; 
nous  sommes  f;)ils  pour  recevoir  la  loi  de 
nos  maîtres  el  no.i  pour  la  leur  donner. 

Dans  un  recueil  de  dissertations  thcolo- 
giques,  publié  par  Mosheim  en  1733,  il  y  en 
a  trois  de  Thcohgo  non  contenlioso ,  et  un 
discours  de  Jesu  Christo  unice  theologo  imi- 
tando.  On  y  trouve  de  bonnes  réflexions  et 
des  leçons  très-sages  ;  mais  l'auteur  I  ui-même 
ne  les  a  pas  exactement  suivies.  Il  y  montre 
tous  les  préjugés  de  sa  secte;  il  y  renouvelle 
des  reproches  contre  les  théologiens  calho- 
li(jU('S  dont  on  a  cent  fois  démontré  l'injus- 
tice; il  y  fait  paraître  une  prévention  incu- 
rable contre  les  Pères  de  l'Eglise;  il  tourne 
en  ridicule  le  respect  que  nous  avons  pour 
eux.  Le  résultat  de  ses  dissertations  est  ((u'il 
faudrait  qu'un  théologien  tûl  un  ange  exempt 
de  tous  les  défauts  de  l'humanité.  S'il  y  en 
eut  jamais  de  tels  parmi  les  luthériens,  chose 
de  laquelle  il  nous  est  très-permis  de  douter, 
ils  ne  ressemblaient  guère  aux  fondateurs 
de  la  réforme.  Plus  d'une  fois  Mosheim  a  été 
forcé  de  convenir  des  excès  dans  lesquels 
ils  sont  tombés,  el  parmi  les  défauts  qu'il  a 
relevés,  il  n'en  est  aucun  que  l'on  ne  puisse 
leur  reprocher  avec  justice.  H  semble  n'a- 
voir fait  son  discours  surl'obligation  d'imiter 
Jésus-Christ ,  seul  parfait  théologien  ,  que 
pour  prouver  qu'il  ne  faut  pas  imiter  les 
l'ères.  Certainemeut  Jésus-Christ  ne  lui  a 
donné  ni  cette  leçon  ni  cet  exemple;  ainsi  la 
prière  par  laquelle  il  lui  demande  la  grâce 
de  l'imiter  ne  paraît  pas  avoir  été  exaucée. 

N'y  a-l-il  pas  de  l'indécence  et  du  ridicule 
à  prêcher  aux  théologiens  la  douceur,  la 
modération,  la  patience.,  le  sang-froid  dans 
les  disputes,  pendant  que  l'un  s'étudie  à 
émouvoir  leur  bile  par  des  impostures,  par 
des  calomnies,  par  des  sarcasmes  sanglants? 
C'est  ce  que  font  tous  les  jours  les  protes- 
tants fidèlement  copiés  par  les  incrédules. 
Par  ces  exliorlalions  pathétiques  ,  ils  sem- 
blent nous  dii'e  :  Soyez  modérés  ,  paisibles  , 
doux  el  patients,  afin  (lue  nous  puissions  vous 
insulter  et  vous  tourmenter  inipuné.nent. 

L'on  peut  dire,  malgré  tous  les  reproches 
contraires,  que  si  la  théologie  n'est  pas  en- 
core portée  au  dernier  degré  de  perfection  , 
elle  est  du  moins  exemple  ,  surtout  dans 
l'université  de  Paris  ,  de  la  plupart  des  dé- 
fauts (jue  l'on  a  reprochés  aux  théologiens 
scolastiques,  desquels  nous  allons  parler. 

Tuùologil;  scolastique,  uiélbodo  d'ensci- 


gncr  la  théologie  ou  de  trailcr  les  matières 
de  k-eligioii ,  qui  s'intioduisK  dans  l'Eglise 
poiidunt  le  XI'  et  le  su  siècU'.  Elle  consistait, 
1'  à  réduire  toute  la  tliéolo(/ie  en  un  seul 
corps,  à  distribuer  les  questions  par  ordre, 
di'  manière  que  l'une  pût  contribuer  à  cclair- 
cir  l'autre,  à  faire  ainsi  du  tout  un  système 
lié,  suivi  et  complet;  "2°  ù  observer  dans  les 
raisonnements  les  règles  de  la  logique,  à  se 
servir  des  notions  de  la  uiétapliysi(|ue  ,  ù 
concilier  ainsi,  autant  qu'il  est  possible,  la 
foi  avec  la  religion  ,  et  la  religion  avec  la 
philosophie.  Jusque-là  celte  manière  de  prq- 
céder  n'a  rien  de  répréhensible  ,  e.t  l'on  ue 
peut  pas  diie  que,  dans  le  xr  siècle ,  ces 
deux  méthodes  fussent  absolument  nou- 
velles. En  effei,  au  vu"  siècle,  suivant  (  c  que 
dit  Mosheim,  Tayo  de  Saragosse  avait  tenté 
de  réduire  la  théoloyie  en  un  seul  corps; 
saint  Jean  Damaseène  y  réussit  mieux  au 
VIII',  dans  ses  quatre  livres  de  la  Foi  ortho- 
doxe, et  il  se  servit,  pour  éclaircir  nos  dog- 
mes, de  la  philoso|jhie  d'Aristote.  Longtemps 
avant  lui  nos  anciens  apologistes  s'étaient 
attaches  à  faire  voir  que  plusieurs  vérités 
révélées  avaient  été,  du  moins  confusément, 
aperçues  par  les  meilleurs  philosophes.  Mais 
comme  cet  exemple  n'avait  pas  été  suivi  pur 
les  théologiens  latins,  on  regarde  saint  An- 
selme, archevêque  de  Cantorbéry,  mort  l'an 
1109,  comme  le  premier  qui  ait  donné  un 
système  complet  de  (laéolocjic.  Lanfranc  sou 
mall.re,  dans  ses  disputes  contre  Bérenger  au 
sujet  de  l'eucharistie,  avait  montré  la  mé- 
thode de  concilier  nos  mystères  avec  les 
principes  de  la  philosophie.  On  prétend  ijue 
l'ouvrage  de  saint  Anselme  fut  surpassé  par 
celui  d'Hildeberl,  archevêque  de  Tours,  mort 
l'an  1132,  qui,  sur  la  lin  du  xr  siècle,  donna 
un  corps  complet  et  universel  de  théolotjie. 
Mosheim  convient  que  ces  premiers  au- 
teurs ne  tombèrent  dans  aucun  des  défauts 
que  l'on  a  justement  reproches  à  ceux  qui 
sont  venus  après  eux.  Us  prouvèrent  les  vé- 
rités de  la  foi  par  des  passages  tirés  de  l'E- 
criture sainte  et  des  Pères  de  l'Eglise,  et  ils 
répondirent  aux  objections  que  l'on  pouvait 
faire  contre  ces  mêmes  vérités  par  des  ar- 
guments fondés  sur  la  raison  et  la  philoso- 
phie. Hist.  ecclés.,  xr  siècle,  ii''  part.,  c.  3, 
§  5  et  6.  Malheureusement  cet  exemple  ne 
fut  pas  suivi.  Pierre  Lombaid  ,  docteur  de 
Paris,  et  ensuite  évoque  de  cette  ville,  mort 
l'an  llOi,  composa  aussi  un  corps  de  théolo- 
gie,  dans  lequel  il  disliibua  les  questions 
avec  méthode  ;  il  rassembla  sur  chacune,  des 
Sentences  ou  des  passages  de  l'Ecriture  sainte 
et  des  Pères;  c'est  en  qui  lui  fil  donner  le 
nom  de  Maître  des  Sentences.  S'il  est  vrai 
qu'il  ait  copié  l'ouvrage  d'Hildebert,  il  ne 
lut  pas  aussi  sage.  Ou  lui  reproche  d'avoir 
traité  beaucoup  de  ((uestions  inutiles  et  d'en 
avoir  omis  d'essentielles,  d'avoir  appuyé  ses 
raisonnements  sur  des  sens  ligures  ou  allé- 
goriques de  l'Ecriture  sainte  qui  ne  prouvent 
rien  ,  et  d'y  avoir  mêlé  sans  nécessité  une 
Irès-mauvaise  philosophie.  Son  recueil  est 
(livi'è  on  quatre  livres  ,  et  chaque  livre  en 
jiUiiicurs  paragraphes.  Comme  les  écoles  de 


THE 


742 


théologie  de  Paris  étaient  des  plus  célèbres  , 
les  Sentences  de  Pierre  Lombard  devinrent 
un  livre  classi.jue  et  firent  oublier  l'ouvrage 
d'Hildebert.  Pendant  longlenjps  les  théolo- 
giens ne  firent  autre  chose  que  des  commen- 
taires sur  le  Maître  des  Sentences  ;  c'est  ce 
qui  l'a  lait  regarder  comme  le  père  de  la 
théologie  scolaslifjue.  11  n'est  que  trop  vrai 
que,  dans  la  suite,  ses  disriples  enchérirent 
beaucoup stir  ses  défauts.  Non-seulement  ils 
Irailèrenl  une  infinité  de  questions  inutiles, 
frivoles  et  souvent  ridicules,  mais  ils  pous- 
sèrent à  l'excès  les  subtilités  de  la  logique  et 
de  la  métaphysique;  ils  préfèrent  de  prouver 
les  dogmes  de  la  foi  par  des  maximes  d'A- 
ristote plutôt  que  par  l'Ecriture  sainte  et  par 
la  tradition  ;  ils  forgèrent  des  termes  barbares 
et  inintelligibles  pour  exprimer  leurs  idées; 
plusieurs  s'altachèrcnt  à  rendre  lotîtes  les 
questions  problématiques,  à  soutenir  le  pour 
el  le  contre,  alin  de  faire  briller  la  subtilité 
de  leur  génie,  etc. 

Dès  le  xir  siècle,  plusieurs  théologiens 
très-sciisés,  comme  saint  Bernard,  Pierre  lo 
Chantre,  Gauthier  de  Saint-^'iclor  cl  quel- 
ques autres,  s'opposèrent  de  toutes  leurs 
forces  aux  progrès  de  la  nouvelle  méthode  , 
cl  déclarèrent  la  guerre  aux  théologiens  phi- 
losophes; ils  ne  purent  arrêter  le  torrent. 
Dans  le  siècle  suivant ,  les  sectateurs  de 
Pierre  Lombard  avaient  prévalu  ;  ceux  qui 
s'attachaient  à  l'Ecriture  bainle  et  à  la  tra- 
dilion  furent  appelés  doctores  biblici,  les 
autres  se  nommàrenl  dactores  sententiarii  ; 
ceux-ci  avaient  toute  la  vogue  et  attiraient 
à  eux  la  foule,  pendant  (juc  les  premiers  vi- 
rent souvent  leurs  écoles  désertes.  Le  désor- 
dre s'accrut  au  point  que  les  souverains  pon- 
tifes en  furent  alarmés  ;  Grégoire  IX  en 
écrivit  de  sanglants  reproches  aux  docteurs 
de  l'université  de  Paris,  et  leur  ordonna 
rigoureusement  d'en  revenir  à  la  méthode 
des  anciens.  Du  Boulay,  Uist.  Acad.  Paris., 
t.  III,  p.  129.  Nous  ne  devons  donc  pas  être 
étonnés  des  déclamations  qui  ont  été  faites 
contre  les  théoloiji(ns  scolasliquen,  non-seu- 
lement par  les  protestants,  qui  ont  évidem- 
ment exagéré  le  mal ,  mai'i  par  plusieurs 
écrivains  catholiques.  Plusieurs  ont  con- 
fondu mal  à  propo.i  les  vices,  les  défauts,  les 
travers  personnels  de  quelques  théologiens 
avec  la  méthode  même,  qui  était  susceptible 
de  correction,  puist|u'ellc  a  ;  té  corrigée  en 
effet.  Jlais  nous  n'avouirons  pas  aux  pro- 
testants que  ce  sont  eux  qui  ont  opéré  celte 
révolution  :  elle  était  commencée  longtemps 
avant  la  naissance  de  leur  prétendue  réfor- 
malion.  .\u  xiv  siècle,  Nicolas  de  Lyra,  le 
cardinal  Pierre  Dailly,  tîrégoire  de  Uiaiiui, 
etc.;  au  xv,  Gerson  ,  Tostat ,  le  cardinal 
Bessarion  el  d'autres,  ne  ressemblaient  plus 
aux  scolastiquesdu  xiir,  où  s'étaient  formés 
Wiclef  et  Luther,  que  l'on  nous  vante  comme 
des  hommes  d'un  mérite  supérieur  et  comme 
des  savants  du  premier  ordre,  sinon  dans  les 
écoles  de  théologie  telles  qu'elles  étaient  de 
leur  temps?  Le  dernier,  dès  qu'il  parut, 
trouva  des  antagonistes  qui  en  savaient  pour 
le  moins  autant  que  lui,  et  qui  pouvâieut  le 


7iS 


THE 


THE 


•}U 


lui  disputer  dans  tous  les  genres  d'érudition. 
Aussi  plusiours  écrivains  très-capables  d'en 
juf;cr  ont-ils  fait  l'apologie  do  la  théologie 
scolastique.  «  Ce  qu'il  y  a,  dit  Bossuet  ,  à 
considérer  dans  les  scolasliqm-s  et  dans  saint 
Thomas,  est  ou  le  fond  ou  la  luélhode.  Le 
fond,  qui  sont  les  décrets,  les  douilles,  les 
maximes  constantes  de  l'école,  ne  sont  autre 
chose  que  le  pur  esprit  de  la  tradition  des 
Pères  ;  la  méthode,  qui  consiste  dans  cette 
manière  conlentiense  etdialcctique  de  traiter 
les  questions,  aura  son  utilité,  pourvu  qu'on 
la  donne  non  comme  le  but  de  la  science, 
mais  comme  un  moyen  pour  y  avancer  ceux 
qui  commencent,  ce  qui  est  aussi  le  dessein 
de  saint  Thomas  ,  dès  le  commencement  de 
sa  Somme,  et  ce  qui  doit  être  celui  de  ceux 
qui  suivent  sa  méthode.  On  voit  aussi  par 
cxp;Tience  queceux  qui  n'ont  pas  commencé 
par  là,  et  qui  ont  mis  tout  leur  fort  dans  la 
critique  ,  sont  sujets  à  s'égarer  beaucoup 
lorsqu'ils  se  jettent  sur  les  matières  de  la 
théologie.  Los  Pères  grecs  et  latins,  loin  d'a- 
voir méiirisé  la  dialectique  ,  se  sont  servis 
souvent  et  utilement  de  ses  définitions  ,  de 
ses  divisions,  de  ses  syllogismes,  et,  pour 
tout  dire  en  un  mol,  de  sa  méthode,  qui  n'est 
dans  le  fond  que  la  scolastique.  »  Défense  de 
la  tradition  et  des  saints  Ptres,  I.  m,  c.  20. 
Si  ce  fait  avait  besoin  de  preuve,  on  pourrait 
le  confirmer  par  l'exemple  de  saint  Jean  Da- 
mascène,  qui  fit  un  traité  de  logique  afin 
d'apprendre  aux  théologiens  a  démêler  les 
sophismes  des  hérétiques  ,  et  par  l'opinion 
de  Barbeyrac,  qui  prétend  que  saint  Augus- 
tin est  le  père  de  la  scolastique;  Traité  de  la 
morale  des  Pères  de  l'Église,  prêt'.,  p.  38  et 
39.  Leibnitz,  protestant  plus  modéré  que  les 
autres,  n'a  pas  imité  leur  prévenliDU  contre 
les  scolastiques;  voici  comme  il  s'en  expli(iue: 
«  J'ose  dire  que  les  plus  anciens  scolastiques 
sont  fort  au-dessus  do.  quelques  modernes, 
en  pénétration,  en  solidité,  en  modestie  ,  et 
agitent  beaucoup  moins  de  questions  inuti- 
les, »  II  cite  pour  exemple  la  secte  des  no- 
minaux. «  Les  scolastiques  ont  tâché  d'em- 
ployer utilement  pour  le  christianisme  ce 
qu'il  y  a-vait  de  passable  dans  la  philosophie 
des  pa'i'ens.  J'ai  dit  souvent  qu'il  y  a  de  l'or 
caché  dans  la  houe  de  la  barbarie  scolastique, 
cl  je  souhaiterais  que  quelque  habile  homme 
versé  dans  cette  philosophie  eiît  l'inclination 
et  la  capacité  d'en  tirer  ce  qu'il  y  a  de  bon; 
je  suis  siir  qu'il  trouverait  sa  peine  payée 
par  de  belles  et  importantes  vérilés.  »  Esprit 
de  Leibnitz,  t.  II,  p.  hï  cl  48. 

Quand  on  est  capable  d'en  juger  sans  pré- 
vention, l'on  ne  peut  pas  nier  que  la  scolas- 
tique ne  nous  ait  rendu  un  très-grand  ser- 
vice :  nous  lui  sommes  redevables  de  l'ordre 
et  de  la  méthode  qui  régnent  dans  nos  com- 
positions modernes,  et  que  nous  ne  trouvons 
l)as  dans  les  anciens.  Définir  et  expliquer 
les  termes  ,  poser  des  principes  desquels 
tout  le  monde  convient,  en  tirer  les  con- 
séquences ,  prouver  une  proposition  ,  ré- 
soudre les  objections  ,  c'est  la  marche  des 
géomètres  :  elle  est  lente,  mais  elle  est  sûre  ; 
(•Ile  amortit  le  feu  de   l'imaginai  ion  ,  mais 


elle  prévient  les  écarts;  elle  déplaît  â  un 
génie  bouillant ,  mais  elle  satisfait  on  espril 
juste  ;  les  hérétiques  et  les  incrédules  la  dé- 
lestent, parce  qu'ils  veulent  déraisonner  en 
liberté,  séduire  et  non  persuader.  —  Si  du 
moins  ils  étaient  d'accord  avec  eux-mêmes, 
on  pourrait  excuser  leur  prévention  ;  mais 
d'un  côté  ils  blâment  les  aitciens  auteurs 
ecclésiastiques,  parce  qu'ils  manquent  d'or- 
dre, de  méthode,  de  précision,  et  ils  censurent 
les  scolastiques ,  parce  que  ceux-ci  en  ont 
trop  à  leur  gré,  ils  leur  reprochent  d'avoir 
négligé  l'Ecriture  sainte  et  la  tradition,  et, 
quand  nous  leur  opposons  l'une  et  l'autre, 
ils  tordent  la  première  et  rejettent  la  seconde. 
Que  faudrait-il  pour  les  contenter?  Un  peu 
de  la  logique  de  l'école  ne  serait  pas  ici  de 
trop.  Cependant,  si  l'on  veut  juger  du  mérile 
d'un  discours  ou  d'un  traité  écrit  avec  art, 
dans  un  style  brillant  et  séduisant,  il  faut 
nécessairement  en  faire  l'analyse,  et  celle 
analyse  n'est  autre  chose  que  la  forme  sco~ 
lastique.  Si,  avant  de  le  composer,  l'auteur 
n'a  pas  commencé  par  en  dresser  le  canevas, 
l'on  peut  déjà  présumer  qu'il  a  fait  des 
phrases  et  rien  de  plus.  Si  l'ouvrage  est 
considérable,  nous  voulons  ou  une  analyse 
exacte  îles  livres  et  des  chapitres  ,  ou  une 
tahle  raisonnée  des  matières,  qui  nous  nielle 
en  état  de  voir  au  premier  coup  d'œil  ce  qu'il 
contient  ;  c'est  encore  le  réduire  à  la  forme 
scolastique.  Que  l'on  dise  si  l'on  veut,  que 
ce  n'est  là  que  le  squelette  de  l'ouvrage, 
qu'ainsi  \a  tcolastique  n'était  que  le  squelette 
de  la  théologie;  nous  pourrons  en  convenir, 
mais  sans  cetlecharpente,  l'ensemble  ne  peut 
avoir  ni  corps  ni  solidité 

Fra-Paolo  ,  prolestant  sous  l'habit  de 
moine,  et  son  commentateur,  aulre  apostat, 
ont  trouvé  mauvais  qu'au  lieu  de  condamner 
les  hérétiques,  le  concile  de  Trente  n'ait  pas 
commencé  par  condamner  les  scolastiques  , 
qui  avaient  fait  de  la  philosophie  d'Aristole 
le  fondement  de  la  religion  chrétienne,  qui 
avaient  négligé  l'Ecriture,  qui  avaient  tour- 
né tout  en  problème,  jusqu'à  révoquer  en 
doute  s'il  y  a  un  Dieu  ,  et  à  disputer  égale- 
ment pour  et  contre  :  Hist.  du  conc.  de 
Trente,  I.  ii,  §  71,  note  98.  11  est  évident  que 
ce  trait  de  satire  est  une  pure  calomnie.  Il 
suffit  d'ouvrir  la  Somme  de  saint  Thomas, 
pour  voir  que,  quand  il  s'agit  d'un  dogme  , 
ce  saint  docteur  ne  manque  jamais  d'apporter 
en  preuves  des  passages  de  l'Ecriture  et  des 
Pères,  avant  d'y  ajouter  des  raisonnements 
pliilosophiques.  Or,  on  sait  quel  degré  d'au- 
torité ce  grand  théologien  a  toujours  eu 
parmi  les  scolastiques  ;  le  très-grand  nombre 
l'ont  suivi  comme  leurmailre  et  leur  modèle. 
Lorsqu'ils  ont  mis  en  question  s'i/i/  a  un  Dieu, 
ce  n'est  pas  qu'ils  en  aient  doulé,  ni  pour 
tourner  celte  question  en  problème  :  c'était 
au  contraire  pour  la  prouver  et  pour  résou- 
dre les  objectmns  des  athées ,  et  parce  qu'ils 
ont  rapporté  ces  objections,  il  ne  s'ensuit  pas 
qu'ils  ont  disputé  pour  et  contre.  On  suit 
encore  aujourd'hui  celte  méthode  dans  les 
écoles;  il  y  a  autant  de  démence  que  de  ma- 
lignité à  la   blâmer.  Si   parmi   la  foule  dca 


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scolàstiqùes  il  y  en  eut  queiqufis-uns  qui 
|;oussèieiit  tmp  loin  roiUèlcmi'ni  pour  Aris- 
tole  el  pour  sa  ilialo('lii)ue,  cuimiiu  Âbailard 
el  ses  disciples,  ils  furent  coiidainiies.  Nous 
avons  vu  qu'au  xiii"  siècle  Grégoire  IX.  cen- 
sura cel  excès;  mais  il  ne  regiiail  plus  du 
temps  du  concile  de  TrenU-;  il  n'y  availdonc 
aucune  raison  de  le  proscrire  de  nouve  lu. 
Ce  sainl  concile  a  fondé  ses  décisions  sur 
l'Ecrilure  el  sur  la  Iradiiion,  el  non  sur  l'au- 
torilé  d'Arislole. 

Pendanl  plusieurs  siècles,  le  nom  de  sco~ 
laslitjue  a  si|;nilié  un  docliur,  un  lioinme 
charge  d'enseigner;  écoldtre  en  esl  la  iraduc- 
lion.  Dans  la  plupart  des  chapitres,  celle 
fonction  a  passé  au  théologal. 

Théoldgie  mystique.  Ceux  qui  en  ont 
traité  disent  que  ce  n'est  point  une  halntude 
ou  une  science  acqiiisi',  telle  que  la  Idéolo- 
gie spéculiitive,  mais  une  CDUiiaissaiice  ex- 
périmeniali-,  un  goût  pour  Uieu,  qui  ne  s'ac- 
quierl  point  cl  qu'on  ne  peut  obtenir  par 
soi-même,  muis  que  Uieu  communique  à 
une  âme  dans  la  prière  et  dans  la  conlein- 
plaliou.  C'est,  disent-ils,  un  clat  surnatu- 
rel tit^  pnère  passive,  dans  le(|uel  une  âme 
qui  a  étouffé  en  elle  toutes  les  afTecl.ons  ter- 
restres, qui  s'est  dégagée  des  choses  visih.es, 
e(  qui  s'est  accoutumée  à  converser  dans  le 
ciel,  esl  tellement  élevée  par  le  Seigneur, 
que  ses  puissances  sont  Gxées  sui'  lui  sans 
raisonnement  et  sans  images  corporelles  re- 
présentées par  l'imuginaiion.  Dans  cel  éial, 
par  une  prière  tranquille,  mais  très-fervente, 
et  par  une  vue  inierieure  de  respiil,elle 
regarde  Dieu  comme  une  lumière  immense, 
élernolle,  et,  ravie  eu  exliise,  e'Ie  contem- 
ple sa  honte  inlinie,  son  amour  sans  humes 
el  Ses  aulres  perleciinns  adorables,  l'ar  cotte 
opération,  toutes  se.s  aileclions  el  toutes  ses 
puissances  semhlenl  Iriinsformées  en  Dieu 
par  le  pur  amour  ;  ou  ctlle  âme  reste  Iran- 
quillemenl  dans  la  prière  de  la  fui,  ou  elle 
emploie  ses  aiiecl;ons  â  produire  les  actes 
enlianiiués  de  louange,  d'adoration,  etc.  Par 
celle  description  lueine  on  nous  fait  enten- 
dre que  cel  étal  n  est  pas  aisé  à  concevuir, 
el  qu'il  faut  l'avoir  éprouvé  pour  s'en  for- 
uier  une  juste  idée.  L'on  ajiuie  qu'il  ne  faut 
Di  le  rechercher,  ni  le  désirer,  ni  s'y  com- 
plaire ,  parce  qu'une  pareille  disposition 
conduirait  ù  l'orgueil  el  jetterait  dans  l'illu- 
sion. 

Nous  ne  douions  pas  que  Dieu,  pour  ré- 
compenser les  vertus  et  la  ferveur  de  cer- 
taiiits  âmes,  leur  liJelilé  à  son  service  et 
leur  constance  à  s'occuper  uniquement  de 
lui,  ne  poisse  les  i  lever  â  ce  liaui  digre  de 
coiilemplaliou,  et  qu'il  n'ait  accorde  eu  elTel 
cette  grâce  a  plusieurs  saints.  Mais  il  fiiul 
aviiuer  aussi  que  les  disposition»  <lu  tenipo- 
ramenl,  la  chaleur  de  l'iuiaginaiion,  un 
mouvement  secret  d'orgueil,  cei  laines  ma- 
laiiies  même,  ont  pu  persuader  faiisscmeiil 
à  plusieurs  personnes  qu  elles  élaienl  par- 
venues à  cel  étal  sulillm  •,  el  (jue  les  direc- 
teurs les  plus  habiles  peuvent  èlre  quelque- 
fois sujets  à  s'y  tromper.  Votj.  Contempla- 
tion, llXTAsE,  OltAISON   MENTALE,  etC. 

DicT.  DE  Théol.  dogmatique.  IV. 


TilE  746 

rr  Laissons  donc  de  côlé  les  opérations  mer- 
veilleuses de  la  grâce,  puisqu'elles  sont  au- 
dessus  de  nos  faibles  conception-;  ;  horiions- 
nous  à  juslilier  la  vie  coiitcmplitivo  eu  elle- 
même,  la  conduite  de  ceux  qui  s'y  livrent, 
leurs  principes,  leurs  m.iximes,  leur  lan- 
gage qui  est  la  théologie  mi/stijue;  on  peut 
le  faire  sans  donner  lieu  a  aucune  erreur 
ni  a  aeicun  abus. 

11  esl  aise  de  comprendre  que  celle  théo- 
logie ne  peut  pas  plaire  aux  proieslaiits. 
Comme  ils  ont  iuterèi  de  persuader  que  la 
doctrine  d^'  Jésus-Christ,  ou  le  vrai  cliris- 
lianisme,  a  commencé  à  dégénérer  dè<  le 
second  siècle,  el  que  le  mal  esl  allé  toujours 
en  empirant  jusqu'à  lii  naissance  de  l.i  ré- 
formalion  qu  ils  y  ont  laite,  ils  ont  cru  trou- 
ver une  dis  causes  de  celle  corrupiiuu  dans 
les  iiiiaginalions  de  la  théologie  my. tique, 
et  ils  se  so.it  donné  carrière  pour  lu  i  ouvrir 
de  ridicule.  Moslni.ii  en  particulier,  dans 
son  Histoire  chrétienne  el  dans  son  Histoire 
ecciésuisligue,  u  a  rien  néglige  pour  y  réus- 
sir. Il  u'esl  presque  pas  un  seul  siècle  s.jus 
lequel  il  n'ait  lancé  des  invective^  conire  la 
vie  des  conieuiplatils  ;  il  l'appelle  inéianco- 
lie,  démence,  fiuuUisme,  extravagance,  délire 
de  l'imagi nation,  aie.  On  esl  piesiiue  lente 
de  douter  s  il  n'a  pas  été  lui-même  atteint  de 
la  maladie  dont  il  a  voulu  guérir  les  aulres. 
Avant  d'examiner  l'hisloire  satirique  qu'il 
en  a  faite,  voyons  si  les  principes  el  les  mo- 
tifs qui  ont  diiige  la  conduite  des  contem- 
platifs sont  aussi  chimériques  el  aussi  mal 
tondes  qu'il  le  prétend,  ^ous  croyons  les 
trouver  dans  l'Kciiture  sainte;  et  puisque 
les  protestants  ne  veulent  point  d'aulre 
preuve,  nous  avons  de  quoi  les  satisfaire. 
1°  Jesus-Christ  dit  dans  1  livangile  qu  il  fuul 
toujours  prier,  el  jamais  se  lasser,  Luc, 
c.  xviii,  V.  1.  H  ;i  conlirnié  celle  leçon  par 
son  exemple;  nuus  lisuiis  qu'il  pas's.iil  les 
nuits  eiiiièresa  prier,  e.  vi,  v.  12.  Lorsqu'il 
demeura  peudani  quarante  jouis  et  pendanl 
quarante  nuils  d.ins  le  deseri,  nous  pre- 
suiiioiis  qu'il  employa  pruieip  ilemenl  ce 
temps  ù  lu  prière  n  à  la  contemplation. 
Peudjiil  la  nuit  qui  précéda  sa  passion, 
H  se  retira,  suivant  sa  coutume,  dans  le 
jardin  el  sur  la  monlague  ds  Oliviers; 
il  y  recommença  s.i  prière  jusqu'à  trois 
lois,  il  repiit  ses  apùlres  de  ce  qu'ils  ne 
pouvaient  veiller  el  prier  pendanl  une 
lieure  avec  lui,  Matlh.  c.  xxvi,  v.  i'i-  ;  Luc, 
c.  XXII,  v.  3,).  Saint  Paul  repele  aux  lidèies 
les  leçons  de  iioiie  divin  maitre  ;  il  h  s 
exhoiie  à  prier  en  tout  temps,  a  multiplier 
leurs  oraisons  et  leurs  deiuiudes,  à  veiller 
et  à  prier  surloul  en  epril,  Jipiies.,  c.  vi, 
V.  18:  a  prier  sans  relâche,  /  Thess.,  c.  v, 
V.  Il  ;  Hum.,  c.  XII,  V.  ll;à  joind.e  les 
veilles  et  les  actions  de  grâces  a  leurs  priè- 
res. Coloss.,  c.  IV,  V.  2  ;  a  prii  r  jour  el  nuit, 
1  Tan.,  c.  V,  V.  5.  Il  faisait  lui-.mème  ce 
qu  il  piescrivail  aux  autres,  /  Th  ss.,  c.  lu, 
V.  10.  Saïut  Pierre  tient  le  même  langage, 
Episl.  1,  c.  IV,  V.  7.  —  2°  Quant  à  la  manière 
de  (trier,  Jésus-Christ  nous  enseigne  à  re- 
chercher la  solitude  :  pour  le  faire,  il  se  re- 

24. 


/47 


THE 


THE 


748 


lirait  dans  Ips  lieux,  déserts,  Luc,  c.  v, 
V.  10;  il  allait  sur  les  montagnes,  c.  vi, 
V.  l'i  ;  c-  IX,  V.  28  ;  il  jiriail  clans  le  silence 
de  la  nuil.  Lorsque  vous  voulez  prier,  dii-il, 
entrez  dans  votre  chambre,  feimez  ta  porte, 
et  priez  votre  Père  en  secret  [Mat th.  vi,  G). 

—  3°  II  nous  fait  entendre  que  la  [irière  infé- 
rieure, la  prière  mentale  est  la  meilleure, 
puisqu'il  dit  :  Lorsque  vous  priez,  ne  parlez 
pas  beaucoup  (Matth.  vi,  7).  Saint  Paul,  de 
son  côté,  nous  donne  la  même  insiruclion  : 
Priez  en  tout  temps  et  en  esprit  {Kphes.  vi, 
18).  Je  prierai  et  Je  louerai  le  Seiijneur  in' 
te'rinirement   et    en  esprit    (/  Cur.   xiv,  15). 

—  4°  L'Ecriture  nous  apprend  encore  que  ia 
prière  doil  être  accompagnée  du  jeûne  ; 
c'est  l'avis  du  saint  homme  Toliie,  c.  xii, 
V.  8.  L'Evangile  fait  l'cloge  d'Anne  la  pro- 
phéles^e,  qui  ne  sortait  pas  du  temple,  ijui 
s'exerçait  à  la  prière  et  au  jeûne  le  jour  et 
la  nuit..  Lue.,  c.  n,  v.  37.  Nou-i  ne  répéle- 
rons  pas  la  loule  des  passages  que  nous 
avons  rites  à  l'art.  Mortification,  dans  les- 
quels Jésus-Christ  ei  les  apôires  font  l'éloge 
de  la  vie  retirée,  austère,  pcnitonte  et  morti- 
fiée. — 5°  S'il  éiail  besoin  de  consulter  encore 
l'Ancien  Tcsiaineni,  nous  y  verrions  que  les 
psaumes  de  David  sont  remplis  d'oxboria- 
lions  à  la  prière,  non-seulement  à  la  prière 
vocale,  mais  à  la  prière  mentale,  à  la  prièriî 
de  fespril  «  t  du  cœur,  à  la  me(i;tati')n  d  à 
la  contemiilatiou  ;  que  ces  leçons  divines 
sont  confirmées  par  les  exemples  de  D.ivid 
lui-même,  de  Tobie,  de  Judith,  de  Daniel  et 
des  autres  prophètes,  aussi  bien  (jue  par 
ceux  de  saint  Jean-Haplisie,  d'Anne  la  pro- 
phétesse ,  des  apôtres  dans  le  Cénacle,  du 
centurion  Corneille,  etc. 

Nous  ne  demandons  pas  si  les  protestants 
trouveront  des  explications  et  des  subterfu- 
ges, pour  tiinlre  le  sens  de  tous  ces  passa- 
ges et  pour  en  esquiver  les  conséquences, 
ils  n'eu  manqnent  jamais  ;  mais  nous  de- 
mandons si  les  chréiiens  du  ir  et  du  iii°  siè- 
cle, qui  n'étaient  pas  aussi  habiles,  ont  eu 
tort  de  prendre  l'Ecriture  à  la  lettre,  et  d'en 
copchire,  1°  qu'une  vie  cousacrée  en  grande 
partie  à  la  prière  est  agréable  à  Dieu  ;  2° 
que  la  meilleure  prière  est  l'oraison  men- 
.  taie,  ia  médilaiion  ou  la  coulemplalion  ;  3" 
que  comme  il  est  à  peu  près  impossible  d'y 
cire  assidu  dans  le  niondi-,  il  vaut  mieux 
se  relir-er  dans  la  solitude  pour  y  vanuer 
avec  plus  de  liberté  ;  'i-"  qu  il  faut  joindre  à 
la  prière  une  vie  austère  et  niortitiee.  S'ils 
se  sont  Ironipés,  c'est  Jésus-Chiist,  ce  soiil 
les  apôtres  cl  les  autres  écrivains  sacrés 
qui  les  ont  induits  eu  erreur,  comme  le  sou  ■ 
tiennent  les  incrcdu'es.  S  ils  ont  eu  raisoji, 
il  y  a  d(!  l'impieié  à  déclamer  sans  aucune 
retenue  contre  les  ascètes,  les  anachorètes, 
les  moines,  et  contre  tous   les  coutenipla.if<. 

Leibuitz,  |)lus  sensé  que  le  conimun  des 
protesiauls ,  n-  blâme  point  lu  ihevl-gie 
mi/stiq  ie.  «  Celte  Ihéotofjie,  dit-,1,  (  si  à  la 
lhnolo(jie  ordinaire,  à  p -u  près  ce  qu'tsi  la 
poésie  à  I'»  loquence,  c'est-a-dire  elle  émeut 
davantage  ;  uiais  il  faut  des  bornes  et  de  la 
modération  eu    tout.  »   b'spr-it  de  Leibniiz, 


toni.  H,  p.  51.  Pour  les  autres  qui  ont  eu 
peur  sans  doute  d'être  trop  éinus  par  le  lan- 
gaiie  de  la  pieté  et  de  l'amour  de  Dieu,  ils 
n'ont  pas  pou^sé  les  réllexions  si  loin  ;  ils 
ont  trouvé  plus  aisé  d'avoir  recours  au  ridi- 
cule, aux  railleries,  aux  sarcasynes,  et  d'ob- 
jecter de  prétendus  inconvénients.  Si  tout 
le  inonde  embrassait  lu  vie  solitaire  et  con- 
tempUitire,  que  deviendra  l  la  suciété  ?  Nous 
avons  déjà  répondu  plus  d'une  fois  que  I4 
Providence  y  a  pourvu  ;  Dieu  a  tellement 
diversifié  les  talents,  les  goûts,  les  inclina- 
tions, les  vocations  des  hommes,  (ju'il  n'est 
jamais  à  craindre  qu'un  trop  grand  nombre 
embrassent  un  genre  de  vie  extraordinaire. 
Mais  la  question  est  toujours  de  savoir  si 
Dieu  n'a  [las  pu  donner  à  un  certain  nombre 
de  personnes  du  goût  cl  d.'  l'attrait  pour  la 
vie  eonlemplalive,  et  s'il  n'a  jamais  pu  ré- 
compenser par  des  grâces  particulières  celles 
qui  ont  été  fidèjes  à  suivre  cette  vocation  de 
Dieu,  qui  se  sont  occupées  conslamment  à 
méditer  ses  perfections,  à  exciter  eu  elles  le 
feu  de  son  amour,  à  étouffée  toutes  les  affec- 
tions qui  auraient  pu  alTaiblir  ce  sentiment 
sublime,  l ml  exaliépar  saint  Paul.  Nous  dé- 
fions nos  adversaires  de  le  prouver  jamais. 
Après  ces  préliminaires,  nous  pouvons 
examiner  en  sûreté  les  imaginations  de  Mos- 
heim.  il  rup;iorle  l'origine  de  la  théoloyie 
mystique  au  ii''  siècle  et  aux  principes  de 
la  philosophie  d'Ammonius,  qui  sont  les 
mè.nes  ijuc  ceux  de  Pylbagore  et  de  Platon. 
Comme  ceux-ci  ont  vécu  longtemps  avant 
Jésus- Christ,  il  en  résulte  déjà  que  cette 
théologie  est  plus  ancienne  que  le  christia- 
nisme. Aussi  Moslieiin  suppose  que  les  essé- 
niens  cl  les  thérapeutes  en  étaient  déjà  im- 
bus, et  i|ue  Philon  le  juif  a  contribué  beau- 
coup à  la  répandre.  Elle  était  d'ailleurs,  dit- 
il,  analogue  au  clim.it  de  l'Egypte,  où  la 
chaleur  et  la  sécheresse  de  l'air  inspirent  na- 
lurellemenl  la  luélaiicolie,  le  goût  pour  la 
solitude,  pi)ur  l'inaction,  le  repos  et  la  con- 
teinplaiion.  Il  déplore  les  conséi|uences  per- 
nicieuses que  celle  disposition  des  esprits  a 
produites  dans  la  religion  chrétienne.  Hist. 
christ.,  sipc.  11,  §  33  ;  Hist.  ecciés.,  sœc.  11, 
part.  Il,  t.  1,  §  12.  Nous  avons  réfuté  toutes 
ces  visions  aux  mots  .\;cîiTEs,  Anachorètes, 
jM'ii.^E,  Mortification,  Platonisme,  etc.  Il 
est  bien  ridicule  de  supposer  que  le  commun 
des  chrétiens  du  11' ci  du  m'  siècle  éiaient 
des  savants  et  des  philosophes  imbus  des 
principes  de  Platon,  d'Aimuoiiius  et  de  Phi- 
lon, el  qu'ils  les  oui  suivis  plu.ôi  que  l'Ecri- 
ture sainte;  il  ne  restait  plis  à  Mosheiui 
qu'à  dire,  couiuie  quelque  s  incrédules,  que 
Jésu»-Clirisi  lui-méuie  et  sou  précurseur 
étaieiii  prévenus  des  mêmes  erreurs,  qu'ils 
n'uni  fait  qu'iaii.er  les  essenieus  el  les  thé- 
rapeutes. —  A  l'époque  du  m'  siècle,  il  pré- 
len  I  (lu'Ori^eiie  adopta  le  sentiment  de  ces 
philo^oph;  s,  qu'il  le  ie;;arda  comme  la  clef 
de  lonicsles  \eriles  révélées,  qu'il  y  chercha 
les  raisuus  de  chaque  doctrine  ;  il  imagina, 
couiuie  Ptaion,  que  les  âmes  avaient  été  pro- 
duites et  avaient  péché  avant  d'être  unies  à 
des  cirps,  que  celle  union  é^ait   un  cliâti- 


ï!9                      THF.  riiE                       r;o 

lupiit  pour  elles;  que  pour  les  f;iiro  ro(our-  Uixl.de  l' Ei/li^c,  w"   sii^clo,   ii'   pfirt..  c.  .'î, 
iior  (>l  les  unir  A  Dieu,  il  fallnit   les  délaclicr  §  !2.  —  Nous  ropomlons  qu'il  n'y  avait   rien 
.  o  l<i  clwiir  et  de  ses  iiiciinalions,  les   puri-  de    c»ininun     entre    la   scienei-    si'crèle   ili-s 
fii'r  par  des  auslérilés,  par  le  silcme,  p  ir  la  écleeliiiuc;,  fouJci-  >ur  un  p.i^jnis  ne  «'"'>''- 
couii'inpl.illon.  Sur  celle  fausse  liy pi'llii'se,  sier,  el   la   tliéiilugif   inijitii/ur    les   lioeleurs 
rjoslieiin  pré'.e  à  Origèiie  un  pl.in  de  llicolo-  chréliens,   si   ce    n'est  quelques  termes    ou 
(;ie  qu'il  a  (br;;c  lui-nièrue,  et  dont  l'absur-  quelques  expressions  que  les  p'euiiers  i/mi- 
dite   est   révoltante,   llisl.   rhrisl.,  sujc.  m,  [iruntèrent   du   cliri^tiauisuu!  pour  trouipcr 
^  '29  ;  liiH.  ecclénlast.,  m   siec.,  ^  part.,  e.  5,  les   i;;noranl$.    A    celle   époquo    la    rclii'i')!! 
§  1.  Si  Origôue  en  était  véritablement  l'au-  chrétienne  cl.iit  clablii?  nuii-seulcnent  chez 
leur,  il  faudrait   le  regarder  non-seiileiHcnt  l«s  Arabes,  chez  les  Syriiuis,  les  Aruiéiue  's 
(•oinine  un  visionnaire  insensé,  mais  comme  et  les  Perses,  mais  en  Italie,  eu  li-iiia^çup,  sur 
uu' apostat  du   riii'istianisme.  Heureusement  les  c:')tes  d'Afrique,    dans  le-,  (laub^s    el   eu 
i    n'en  rsl  rien.  1"  Il  est  faux  que  ce  l'ère  ait  Ani;leterre.  Nous  l'era-l-ou    croire!   que   le- 
ng.rdé  le  système  rie  l'Iaion  comme  la  clef  plaioniciens    d'Alexandrie  ont    euvoyé  des 
de  touti's  les   vérités  révélées.  Après  avoir  émissaires  dans  ces  dilîerenlcs  régions,  dont 
pro[)osé  l'opinion  de  ce  philosophe  tourhant  les  langues  leur   élaien    étrangères,  pour  y 
la  [iréexistence  des  âuie-,  de  Princip.,  1.  ii,  répandre  leurs  principes  et  leur  science  se- 
e.  8,  il  dit,  n.  4  :  «  Ce  que    nous   venons  de  crête,  pour  y  introduire  les  super-litious  et 
dire,  qu'un  esprit  est  devenu  une  âme,  el  tout  les  abus  dont  Moslieim  preieud  qu'elb:  a  été 
ce  qui  peut  tenir  à   celle  opinion   doit  être  la   cause?   Nous  persuadera-t-on   <iue    Lac- 
soigneusemenl  examiné  et  discuté  par  le  lee-  tance,  Jitlius  Firmicn.t  Mateiniis,  Ku  èh-  et 
leur  ;  que  l'on  n'imagine  pas  (|Ui'   nous   l'a-  Arnobe,  i|ui  dans  ce  siècle  ont  écrit  contre 
vançons  comme  un  dogme,  mais  comme  une  les  philosophes  pa'iens,  qui  en  ont  coml)ailu 
question   à  traiter  et  comme  une  recherche  les    principes  et   les   conséquences,  qui  ont 
à  faiie.  »  H  !••  réfièle,  n.  6.  2"  Origène  a  for-  démontré  les   absurdiié-i,   les  supersitions, 
mellemeni  admis  le  péché  originel,  Homil.  les  abus  auxiiuels  la  doctrine  de  ces  rêveurs 
S  in  Levit.,  n.  4  ;  llitmil.    12,    n.  4-;   Contra  av.iit   donné  lieu,   el    qui    n'ont    pas  mieux 
Ctls.,  I.  IV,  n.  ÏO  ;  llomil.  1  j.  ni  Lucam:  Com-  traité  Platon  que  les   autres,   ont  cepend  lut 
ment,  in    lîpist.  nd  liom.,  I.  v,  pag.  .ï46   et  vu  de  sang-froid  introduire  dans  ie  rhiisiii- 
5'»7.  Il  a  pensé  que  ce  péché  avec   sa    peine  nisme  ces  mêmes  abus  sans    en  témoigner 
a    passé  dans   tons  les    hommes,  p  irce  que  aucun    regret   ni  aucun  éiounemeul?  V'oiià 
loules  les  âmes  étaient  r<Mil'i'rmées  d  lus  ci'lle  le  phénomène   absurde  que   les   [iroiestaiits 
d'Adam,  opinion  incompalibii^  avec  celle  de  ont  entrepris  de  prouver.    Aux  mots  lici.Ec- 
Plalon.  3"  il  fonde  la   nécessité  <le    morlifier  tisme  et  Platonismk,  nous  en  avons  déjà  l'ait 
la  chair,  non  sur  la  raison  (ju'en  donnaient  *'oii'  la  fausseté,  el  nous  avons  réfuté  la  sa- 
les idatonicions,  mais    sur   celle   qu'en   ap-  vante  dissertation  Je  Mosheim  sur  les  trou- 
porte   saint  Paul,    savoir,    que  les    inclina-  blés  prétendus  que   les   nouveaux   platoni- 
tions  lie  la  chair  nous   portent  au   péché,  et  cieus  ont  causés  dans  l'Iîglise. 
il  cite  à  Cl'  stijel   plusieurs  passages   de  cet  II  est   fort  incertain  si   les    ouvra;,'es  du 
apôtre,  Comment,  in   Episl.  ad  Rom..  1.  vi,  faux   Denis    l'Aréopagilt;    oui    élé    faits  au 
n.  1.  4°  Origène  a  eu,    pendant   sa    vie   et  'V   siècle,    puisqu'ils  n'ont  été   conn  is  que 
après  sa  mori,  des  partisans  et  des  ennemis,  deux  cents  ans   après.  Cet  écrivain  ne  p'ut 
des  accusateurs  et  des  apologisles;  ni  les  uns  cire  traité  d'impoUeur,    à   moins  qu'il   n'ait 
ni  les  autres  ne  l'ont  regardé  comme  l'auteur  pris  lui-même  le  siirnoui    d'A'éopagile,  et 
on  le  propagateur  de   la  théotorjie  mijftiijue;  qu'il   ne  se   soit  donné  pour  disciple  imuié- 
Moshoim   le  sait- il  mieux   qu'eux '?  o°  D'au-  dial  de   saint  Paul.  On  prétend  qu'il    l'a  fait 
Ires  critiques  ont  altiilmé  celle   invention  à  dans   une  lellre    qui   se  trouve  A  la  suite  de 
Clément  d'Alexandrie,  sans  lui  prêter  pour  si>s   traités  sur   la   théoloqie   miistique;   mais 
cela  loules   les  rêveries   que   Moshium  veut  celle  lellre  peut  élrc  supposée  ou  interpolée, 
nicllre  sur  le  couipte   d'Origène.  Son    pré-  H  n'est    pas   de    l'inlérêl  des  protestants  de 
tendu   plan  de   ta   theol  gie   de   re  Père   est  regarder  cet  auieur  coniiue  fort  ancien,  puis- 
d  'lie  faux    à  tous  égaras.    Voij.   OniiiiCNn.  6"  que,  dans  ses  livies  de  lu  Iliérnrchin  ecilé- 
Enlin   il  se  réfute  lui-même,  (mi    disant  que  sinslvjue,   il  représente    la   discipline    et  les 
les    csséniens    et    les    thérapeutes     avaient  usages  île  l'Eglise  tels  à  peu  près  nu'ils  sont 
puisé    leurs   principes   dans   la   philosophie  aujourd'hui. 

urieulalc,  que  les   solitaire>   et   les  nioi.ies  Moshiùin  renouvelle  au  v  siècle,  ir  part., 

n'ont  fait  que  les  iuiilcr,  llist.  christ.,  l'ro-  e.  3,  §  11,  ses  plaintes  et  ses  iuveilivcs  coii- 

/eiy.,  c.  2,  §  13.  Ire  la  multitude  de  moines  contemplatifs  qui 

Au  iv  siècle,  suivant  son  opinion,  les  phi-  fuyaient  la  société  des  hninmes  et  qui  s'e\- 

losophes  éclectiques  ou  les  nouveaux  plalo-  lénuaient  le  corps  par  des    mac;  raii  uis  ex- 

nicieus  de  l'école  d'Alexandrie    culiivèrcut  cessives;  cette  pesle,  dil-il,   se    répamiii  de 

la  //("'0/07/e  m!j:fliq'ie  sous  le  nom  de  science  toutes  paît-.  Ce  n'elail  donc  plus  la  chaleur 

secrète.  Un   fanatique  imposteur,  qui  ^rii  le  de  l'atmosphère  de   l'Egypte  <)ui   produisait 

nom  de  saint  Denis  rArôo|)ag,te,  la  réduisit  cette  contagion.  Klle  .ivàit  déjà  pénéiré  chez 

eu  sy-tème  el  eu  prescrivit  l.'s  règles.  Noire  les  Latins,    puisque  Julien  l'omère,  abbé  et 

critique  déplore  d  •  nouveau  les  erreurs,  les  professeur  de  rhetoruiue  à  Arles,  écrivi;  un 

superstitions,  les  abus  que  celte  prétendue  irailc  de  Vita  contemplativa  ;  et  bientôt  elle 

science  introduisit  dans    le   chrisîianisino  ;  gagna  les   pays  du  Nord.  Koy.  MoRTiFiCà- 


lai  THE 

TioN,  Stylites,  e(c.  —  Nolrfi  s^vèro  censeur 
avait  oublié  ces  faits,  lorsqu'il  a  dit  qu'au 
IX'  si("'(lo  les  Latins  n'aviiieiil  pas  eiici>re  été 
séduits  par  les  charm  s  illnsiires  do  la  <lé- 
voiioii  mystique,  tii.iis  qu'ils  le  furenl,  Inrs- 
qu'en  824  l'empereur  grec  Michel  le  Bègue 
envoya  à  Louis  le  Débonnaire  une  copie  des 
ouvr;iges  de  Denis  l'Aréopagile,  ix°  siècle, 
II"  pari.,  c.  3,  §  12.  Il  e^l  cependant  ceilain 
(]u'au  VI'  et  au  vu''  les  moines  des  Gaules  et 
lie  l'Anglclerie  étaient  pour  le  moins  aussi 
ap|ili(iiiés  à  la  vie  conlemilative  que  ceux 
(lu  IX'  et  du  X'.  Un  des  abus  (pie  ce  critique 
fait  remarquer  dans  les  théologiens  du  xii' 
est  leur  .ilTedalion  de  rechercher  dans  l'E- 
crilure  sainte  des  sens  mystiques,  et  d'allé- 
rcr  ainsi  la  simplicité  de  la  parole  de  Dieu, 
ir  pari.,  c.  3,  §  3.  Mais  les  lettres  de  saint 
liarnabé  et  de  saint  Clémenl,  disciples  des 
.ipôlrcs,  sont  toutes  remplies  d'explications 
inysliques  et  allégoriques  de  l'Ecriture 
siiinte  ;  Mosheim  lui  même  le  leur  a  repro- 
ché comme  un  dél'.iul.  Ils  exhiirlcnl  les  fi- 
dèles à  la  médiiiilion  et  à  la  mortifiialioii  : 
étaieni-i!s  platoniciens?  Il  reconnaii,  §  12, 
que  l('swi(/W/qiiips  di^  ce  même  siècle  ensei- 
gnaient mieux  la  morale  que  les  scolasli- 
(jucs;  que  Irur  discours  était  tendre,  persua- 
sil  cl  touchant;  que  leurs  sentiments  sont 
souvent  be.iux  et  sublimes,  m.iis  qu'ils  écri- 
vaie;it  sans  méihoile,  et  qu'ils  mêlaient  sou- 
vent la  lie  du  platonisme  avec  les  vérités  cé- 
lestes. Fausse  accusation.  S'il  y  eut  au 
sir  siècle  un  excellent  mailre  de  théologie 
inys  ique,  c'est  inconleslablecnent  saint  lier- 
iiuril;  mais  il  puisait  ses  leçons  dans  l'Kcri- 
lurr  s.iinte,  et  non  dans  Platon  ;  ce  philoso- 
phe était  profondémeul  oublié  pour  lors,  les 
siolastiques  mêmes  ne  comiaissjMcul  qu'A- 
rislote.  Au  xiii%  ii'  part.,  c.3,  §9,  noire  his- 
torien sadoticil  un  peu  à  l'êgarU  de^  my.ui- 
(jues;  comme  il  avait  dit  beiincoup  de  mal 
(les  scolasliques,  il  a  su  bon  gre  aux  pre- 
m'ieis  de  leur  avoir  déclaré  la  guerre,  -l'a- 
voir travaillé  à  inspirer  au  peuple  une  dévo- 
lion  tendre  et  sensible,  de  s'êire  fait  gnûter 
au  point  d'engager  les  scolastiqucs  a  se  ré- 
concilier avec  eux.  Mais  saint  Thora  is  d'A- 
quin  ne  fut  jamais  dans  ce  cas;  pendant 
toute  sa  vie  il  sut  allier  à  une  élude  assidue 
la  piété  la  plus  pure  et  la  [dus  tendre,  et  il 
eut  au  plus  haut  degie  le  lalenl  de  l'inspirer 
aux  auires.  .Mosheim  pari.-  a  pi  u  près  de 
même  des  inystitines  au  xiv  ;  il  semble  leur 
accordrria  victoire  au  xv  et  au  commenci'- 
meiit  du  xvr,  parce  qu'alors  1 1  bai  barie  et  le 
pliilosophisiiie  ries  scolasliqiics  avaicni  beau- 
coup diminué,  comme  nims  l'avons  remar- 
qué en  p.irlani  d'eux;  mais  ce  censeur  ma- 
licieux n'oublie  jamais  de  laacer  contre  les 
premiers  quelque  trait  de  haine  et  de  mé- 
pris. 

Enfin  l'on  vil  éclore  à  celte  époque  la 
biillanle  lumière  de  la  réformati m,  et  l'on 
sait  les  elTels  qu'elle  produisit;  elle  étoulîa 
la  (liélé  jusque  dans  sa  racine,  en  déri  édi- 
tant toutes  lis  pratiques  «jui  peuvent  la 
nourrir,  enoiciipant  tous  les  esprits  de  con- 
troverses   Ihéido^iques,    en    allumant  dans 


THE 


75-2 


tous  .es  cœurs  le  feu  de  la  liaine  et  do  la 
dispute,  'r.iiit  le  monde  voulut  lire  l'Ecti- 
lure  sainte,  non  pour  y  recevoir  d's  leçons 
de  morale  el  de  vertu,  mais  pour  y  Irouver 
des  armes  oîTensives  contre  l'Eglise  catholi- 
que, el  le  moyen  de  soutenir  loules  sortes 
d'erreurs.  Vainement,  après  tous  ces  orages, 
quelques  proleslams,  honteux  de  l'aiiéau- 
tissemont  de  la  piété  parmi  eux,  ont  voulu 
la  ranimer;  ils  ont  été  forcés  de  faire  banle 
à  pari  ;  comme  ils  agissaient  sans  règle  et 
(ju'i's  marchaient  sans  boussole,  tous  ont 
donné  dans  le  fanatisme;  lels  ont  été  les 
quakers,  les  piélisles,  les  méthodistes,  les 
hernbutes,  etc.,  et  tous  sont  regardes  par 
les  autres  protestants  comme  des  insensés. 

Ils  affectent  de  supposer,  contre  toute, vé- 
rité, que  les  solitaires,  les  moines,  les  reli- 
gieuses, se  sonl  uniquement  voués  à  la  con- 
lemplalion,  qu'ils  ont  mené  une  vie  absolu- 
meiil  oisive  el  inutile.  Il  est  constant  que  les 
aucicns  solitaires,  à  la  réserve  d'un  très-p  •- 
til  nombre,  ont  joint  à  la  prière  el  à  la  mé- 
ditation le  travail  des  mains;  ils  ont  <  iillivé 
des  déserts,  el  ils  sont  sortis  de  leur  relraile 
loules  les  fois  que  les  besoins  et  le  salut  ilu 
proch.iiii  l'onl  exige.  Ils  ont  converti  des 
nations  barbares,  et  c'est  ainsi  qu'ils  ont  hu- 
manisé et  policé  les  peuples  du  Nord.  Dans 
les  siècles  d'ignorance  ils  oui  cultivé  les  let- 
tres et  les  sciences,  et  ce  sont  eux  (|ui  les 
ont  conservées  en  Europe.  Tous  les  iiistiliils, 
qui  se  sont  formes  depuis  cinq  cents  ans, 
ont  eu  pour  principal  objet  l'utilité  du  pro- 
chain; mais  les  fondateurs  ont  compris  qu'il 
était  impossible  de  conserver  la  constance, 
le  courage,  les  vertus  nécessaires  pour  reoi- 
plir  constamment  les  devoirs  pénibles  cl 
souvent  rebutants  ,  à  moi.-s  i]ue  l'on  no 
s'occupât  beaucoup  de  Dieu,  et  que  l'on  en 
obtînt  des  grâces  dans  la  prière,  dans  la  me- 
d. talion,  dans  de  fréquentes  léllexions  sur 
soi-même,  etc.  lis  se  son.t  donc  proposé  de 
reunir  la  vie  conteuiplalive  à  une  vie  Irès- 
active  et  très-laborieuse.  Emore  une  fois,  il 
y  a  de  la  frénésie  à  les  blâmer,  à  les  ra- 
loiinier,  à  les  tourner  en  ridicule.  Voy. 
Moine,  etc. 

♦  TlIt'.OLOGIENS  (de  i.'autokité  des).  Les  lliéo- 
Ioniens  peiiveiil  avnir  autorité  on  par  leur  science 
per-Oiiiielle  «ni  par  lîur  .iccind  |ii>ur  enseigner  une 
«liiciriiie.  On  coiiiiirend  que  nous  ne  pinivoiis  ici 
parler  lie  l'aiilorilé  d'un  lliéniogien  pris  isolénieiil. 
L'iipinion  (l'un  iloi  leur,  quelle  ipie  soii  sa  tcience  , 
ne  peiii  avoir  granile  inilinilé,  à  iiinins  qu'il  ne  ral- 
lie le>  autres  autour  d(;  lui.  Liirsijue  les  lliL>i>b<t;ieilS 
siiiil  niuiiiiines  pniir  enseigner  nue  (Inclriiie,  el  que 
ce  le,  nnanmmé  s'est  soiileniie  dois  I'Mis  lis  temps, 
c'esl  une  preuve  que  telle  (li)clrine  e-l  certaine  el 
p.iit  même  appaileinr  à  la  iiailitinii.  (iel  enseigne 
nient  ile^  ^lleolllgien^  n'est  alnr.  que  la  eroyane  ■  de 
l'I'.glise,  confuiinéiiient  à  ce  qui  a  êié  établi  uu  mol 

l'kllES. 

THÈOf  ASCHITES.  Voy    Patripassiens. 

THEOPH  A.NIES ,  nom  que  l'on  a  donné 
aulielois  à  ['h'pi/jhm  e  ou  à  la  lèt  ■  des  rois  ; 
on  l'a  nommée  aussi  Théopsif,  el  ces  deux 
noms  signilieut  également  apparition  ou 
m(inifcsiulio7i  de  Dieu.  Voy.  Ep'phanik.  Les 
païens  étaient  persuadés  que  leurs  dieux  se 


735 


TUE 


Tlll': 


754 


montraient  quelquefois  à  eus,  soil  en  songe, 
soil  dans  les  mystères  ;  et  ils  appelident  cette 
faveur  ihéiipaif ,  vue  des  dieux.  O'ielques  sa- 
vants ont  ausii  pi'n<é  que  les  (Irrcs  et  les 
Egyptiens  oiita<linis  de>i  Iheophnnie^  dans  un 
aiiire  sens  ;  ils  <>nl  cru  qu'un  de  leurs  grands 
(lieu\,  Jupiter,  par  exemple,  s'était  en  quel- 
que manière  incarné  daiis  nn  roi  de  C'ète 
(|iii  s'attrihua  ce  nom.  voulut  en  avoir  Inus 
les  honneurs, el  les  ohtini  de  la  crédulité  des 
pen|iles.  Par  celle  supposilion  l'on  parvient 
assez  heureusement  a  concilier  les  a(  tiiins 
de  Jupiter,  roi  de  (liéle,  avec  celles  de  Ju- 
piter, dieu.  H  y  a  là-d<'ssus  dcu\  savants 
mémoires  dans  h-  recueil  de  VAcnd.  des  Ins- 
cript., lom.  LXVI,  in-12,  pa».  ()2.  Ce  n'est 
point  à  nous  de  ju^er  si  ce  sentiment  est 
hicn  ou  mal  fondé  ;  crile  question  ne  tient  à 
rien  à  la  théologie.  Nous  craignons  cepen- 
dant que,  contre  l'intention  de  l'auteur,  les 
inciédules  n'en  prenueul  occasion  de  dire 
que  la  croyanre  de  l'incarn  tinn  du  Fils  de 
I')ien  n'est  qu'une  anci'  une  iina.:iiiation  dis 
païi'ns.  D'autre  pan,  si  les  païens  ont  véri- 
tahlcmenl  ctu  aux  t'icuplicmies,  ça  éié  peul- 
étre  une  des  raisons  pour  lesquelles  Dieu 
n'a  point  révélé  firmell' ment  et  clairement 
aux  anciens  Juifs  le  mystère  de  rincarnuliun 
future. 

*  TIIÉOPIIILANTIIROPIE.  C'éiaii  une  espèce  de 
religion  inviiiiée  |ieiiil.iiit  l;i  lévoliiiioii  pour  réunir 
en  lin  spiil  faisoeni  loiiles  les  relig  ons  cinniiies. 
Pour  svnilmlc  (!■■  elle  iinioii,  en  vil  (l.ins  nue  eéré- 
ni' me  |iiilili<|iie  biiller  l:i  lianniè^e  du  calliDlicisiiie, 
celle  (In  judaïsme,  celle  du  prolesiam  suie,  celle  île 
1.1  relijjKMi  en  gcnér.il,  enfin  celle  de  la  ninr.ile, 
siiiu  lai|uelle  devaienl  se  «roiiper  Ions  les  lioiinnes 
sans  leliiiioii.  Le  Diellmn  dre  des  Keli};iuiis  a  Irailt: 
spécia  eineiil  de  coue  forme  religieuse;  nous  y  ren- 
voyons. 

THftOPHlLE  (saint),  évèqne  d'Auiiodio, 
fut  placé  sur  ce  siège  l'an  1(58,  el  mouint 
vers  l'an  190;  c'est  l'un  des  plus  savants 
Pères  de  I  Eglise  du  ii'  siée  e.  Il  ne  nous 
reste  de  lui  que  trois  li\res  à  .\ulolique.  qui 
S"nl  ime  apoUigie  de  la  religion  chiéiienne 
cl  une  réiutation  du  paganistn?.  L'auteur  y 
fail  grand  usage  des  poêles  el  des  philoso- 
phes païens;  il  dénionire  l'absurdil  de  leur 
docirine,  la  vérité,  la  sagesse,  la  sainteté  de 
celle  de  l'Evangile.  Cel  ouvrage  se  trouve  ;\ 
la  snile  de  ceux  de  saint  Justin,  de  l'edilioii 
dos  Bened  clins.  Saint  Thcophile  i'w  aViiil  f.iit 
piusieurs  .lultes,  d  ii.l  il  ne  reste  que  quel- 
ques fragments,  el  dont  il  y  a  lieu  de  le- 
grilier  la  peile;  il  est  le  premier  qui  se 
soil  servi  du  mot  de  Trinilc  pour  dési- 
gner les  trois  personnes  divines.  (]e  Père  a 
été  accusé  mal  à  propos  d'avoir  employé  d(>s 
expressions  fa^oiablisù  l'arianisme;  Itul- 
Ins.  dom  Le  Nouny,  doiu  Prudent  M.irand, 
éi.'ileur  de  saint  Justin,  el  d'autre^,  oui  lait 
VI  ir  que  sa  diH  Inné  est  li  es-or  hodove.  loi/. 
Tillenionl.  t.  III,  p.  88;  D.  Ceilli.T,  l.  Il, 
p.  103;  Yiis  dm  Pèns  el  dea  marlyrs,  t.  XI, 
p.  Gi)5,ctc.  Il  ne  fiut  pas  cnnlonilio  ce  saint 
évéqiie  d'.\nlii)clie  usée  Tlié  pliile,  palridr- 
c!ie  d'Alexandrie,  oncle  et  prédécesseur  de 
salut  Cyrille;  celui-ci  n'a  vécu  qu'au  iv  siè- 


cle, et  il  se  rendit    céléhre  par  son  arerdon 
contre  la  docirine  d'Origène. 

THÉKAPEL'TES,  nom  formé  du  grec 
BEfan^t-Ow,  qui  signifie  éi^alement  guérir  et 
svi'i'  ;  par  conséquent  l'on  a  nommé  théra- 
peutes des  hommes  ((ui  Irav  'illaienl  à  se 
guérir  des  maladies  de  l'nme.etdoul  l'exem- 
ple pouvait  servir  à  eu  guérir  les  autres. 
Pliildii.  il.'ihs  son  premier  livre  île  In  Vie  con- 
t  iiiplntive.  dit  qu'il  y  avait  eu  Egypte,  sur- 
tout aux  environs  d'Alexandrie,  un  grand 
noiiihre  d'hommes  el  de  lenmi  s  qui  me- 
naieni  un  genre  de  vie  particulier.  Ils  re- 
noi  Client  à  leurs  biens,  à  leur  famille,  à 
toutes  les  affaires  temporelles;  ils  vivaient 
dans  la  solitude;  ils  avaient  chacun  une  ha- 
liitalion  séparée,;'!  quelque  distance  les  uns 
des  antres,  ils  la  nommaient  .«f»inee  ou  mo- 
nnslère.  c'<'sl-à  dire  lieu  de  solitude.  Là,  con- 
tinue Phil'in,  ils  se  livraient  enlièrement  aux 
exercices  de  la  prière,  de  la  coniemplalion 
de  la  présence  de  Dieu;  ils  faisaient  leurs 
prières  ensemble  le  soir  el  le  malin  ;  ils  ne 
mangeaient  qu'après  le  coucher  du  soleil; 
quelques-uns  demeur.iient  plusieurs  jours 
sans  manger;  ils  ne  vivaient  que  de  pain  el 
de  sel,  .issaisoniiés  quelquefois  d'un  peu 
d'hysope.  Ils  lisaient,  dans  leurs  jfe/)in(^e.s-,  les 
livres  de  Moïse,  des  prophèies,  des  psaumes, 
dans  lesquels  ils  cherchaient  des  sens  niys- 
liqucs  el  allégoriques,  persuadés  que  l'Ecri- 
ture sainte,  sous  l'ecorce  de  la  lelire,  ren- 
fermait des  sens  profonds  el  cachés.  Ils 
avaient  aussi  quelques  livres  de  leurs  an- 
ciens ;  ils  (Oiiipi)saienl  des  hymnes  el  des 
cuiliques  pour  s'exciter  à  louer  Dieu  ;  les 
hom'iies  el  les  femmes  gardaient  la  i  onti- 
neuce;  ils  se  rasseinblaieul  tous  les  jours  de 
sabbat  pour  couférer  ensemble  el  vaquer 
aux  exercices  d'  religion,  etc. 

Le  recii  de  Philou  a  loiirni  une  ample  ma- 
tière aux  conjectures  et  aux  disputes  des  sa- 
vanls  :  on  demande  si  les  ihéiaprutes  étaient 
chrétiens  ou  juils  :  S'ils  étaient  chrétiens, 
étaient  ils  moines  ou  laïques?  S'ils  étaient 
juifs,  éiait-ce  une  branche  des  ciiséuieus  ou 
une  secte  dilTérruio  ? 

1"  Eusèlie,  Histoire  écriés,,  I.  ii,  c.  17, 
saint  Jciôiue,  Snzomèiie,  Cassien,  Nicéphore, 
parmi  les  anciens;  liaronius,  Petau,  Codeau, 
le  P.  de  Montlaucon,  le  P.  Alexandre,  le 
V.  Flelyol,  elc,  parmi  les  modernes,  même 
quelques  au'eurs  anglicans,  ont  cru  (]ue  les 
tit  rapeutes  étaient  des  jnils  convertis  au 
christianisme  par  saint  iMarc  ou  par  d'autres 
prédicateurs  de  l'Itvaiigile.  Plioiius,  au  coii- 
Iraire,  de  \  alois,  d.ins  ses  !\i)!es  sur  Eusèhe, 
le  préside;. l  Uouhier,  le  P.  ()i  si,  douinicain, 
dom  t^alinei  et  la  foule  des  criliiiues  proles- 
laiiis,  siiutienneui  que  les  thérapeutes  étaient 
juifs  el  non  chrétiens.  \'oici  les  principales 
r. lisons  (lu  ils  (ipposi  ni  ;i  ce. les  qu'Eu-èbe  a 
données  pour  prouv  r  Sun  seiiiimenl.  En 
pieniier  lien,  si  les  (hérnp''itt's  a\  aient  élé 
les  premiers  cliéliens  île  l'Eglise  d'.\lexan- 
drie,  il  serait  élonnant  qu'aueuii  auteur  ec- 
clésiastique n'en  eût  parlé  avant  le  iv*  siè- 
cle, el  qu'Eusèbc  ne  les  eût  couuus  que  par 


75S 


THE 


THE 


756 


la  nnrration  de  Philon.  Origciie  et  Clément 
d'Alrx.'indrie,  qui  avaient  p;issé  une  parti;' 
(le  li'ur  vie  dans  les  écoles  de  celte  ville,  aii- 
raieiil  dû  les  coiinaitie,  et  le  second  les  eût 
mis  sans  doute  au  nomlne  de  ceux  qu'il  ap- 
pelle les  vrain  (jnoslkjues.  PliiMiurs  peui- 
élrc  l'iiJiriissèrent  le  christianisme  sur  la  fin 
du  1"  sièc!e.  mai-^  il  n'y  en  a  aucune  preuve 
posilive.  Kn  second  lieu,  Philon  fait  en- 
icndre  que  cette  secte  élnil  déjà  ancienne, 
et  qu'elle  avait  de  livres  de  ses  fondateurs; 
qu'elle  était  répandue  de  toutes  parts,  quoi- 
que le  plus  grand  nonihre  des  thrrapeulcs 
lussent  en  Kgypte  :  or,  cela  ne  peut  pas 
s'entendre  d'une  secte  chrétienne.  L'an  40 
de  JesusClirisI,  lorsque  Pliilon  fut  envoyé 
eu  junhas'-iide  à  15ome,  l'ii^lise  de  cette  ville 
n'étnil  (las  encore  fondée,  il  n'y  avait  encore 
aucun  des  livres  du  Nouveau  Ti  slanient  pu- 
hlié  qce  l'Iîvangile  de  saint  ilatlhi  u  ;  le  plus 
tôt  que  l'on  poisse  placer  la  fondation  de 
l'Ej.'lise  d'Ale.\andri(r  est  à  l'an  50;  et  prui- 
éire  ne  s'(Si-ille  faite  que  heaucoup  plus 
lard.  Quand  Philon  aur.iit  encore  vécu  qua- 
ranle  ans  après  son  amhassade,  il  n'a  |  as 
pu  dire  que  des  thér  pentes  chrétiens  él.'iient 
une  secte  ancienne,  ni  qu'elle  avait,  des  li- 
vres (le  ses  anciens.  Il  esl  d'ailleurs  constant 
que  le  chrisii.niiso  e,  qui  av-iit  commencé  à 
Jérusalem,  se  répandit  d'ahord  dans  la  .'u- 
dée  cl  dans  la  Syrie,  à  Antiochc  et  dans  les 
environs;  c'est  là,  et  non  en  lîgypie,  que  se 
Iroiiv.iieni  le  plus  jirand  notnbre  des  chré- 
tiens. Ih  se  mullipi  èrent  dans  l'Asie  Mi- 
neure, ilan-  la  (îicce,  dans  la  Macédoine  et 
PU  lia  i  ,  parles  travaux  de  saint  Pierre  et 
lie  saini  Paul  :  lUnts  le  Nouveau  Teslamenl 
it  n'est  parié  l'Ulle  ]  arl  des  chrétiens  de  l'E- 
gypte. L'.im  nr  de  la  solilule,  la  vie  ausière, 
le  (ielacj.emeipl  de  loiiies  choses,  la  contem- 
ptatiou,l>i  conilneoee  même  des  thérapeutes, 
lie  sont  pas  (tes  preuves  infaillit)les  de  leur 
chri  lias  isnie  ;  les  esséniens  de  la  Judée  pra- 
tiquaient à  peu  près  le  même  genre  de  vie, 
pe;>oniie  cependant  ne  croit  plus  que  les  cs- 
séniens  aieui  été  cluétiens.  I!  y  a  hien  de 
l'apiiarence  qne  rc!aliiis>'emenl  de  noire  rc- 
lifjon  codlr  hua  lieiiucoup  à  l'exlinclion  de 
CCS  deux  sec  es  de  j  ifs.  D'r.nlre  (lart,  les 
tliériii.ent'S  avaient  des  observauc'S  judaï- 
<)ues  d<'yqnelles  les  chiéîiens  ont  dû  s'al^s- 
lenir;  ils  g.irdaicnl  le  sahhat,  ils  ne  faisaient 
usa;ie  ni  ilu  vin  ni  di'  l.i  viande,  ils  célé- 
;  raieni  les  fêles  juives,  pariiculièreuienl  la 
Pentecôte;  ils  pratiq'  aient  de  fréquentes 
ahlnlions,  elc.  Les  clirénens,  au  conlraire, 
dès  leur  origine,  ont  ohsMvé  le  diinatulie; 
saint  Paul  leur  prescrivait  de  manger  de 
lool  indilTéremmeeil  :  II  reprit  sévèrement 
les  Cialates,  parce  qu'ils  voulaient  jnd  ïser  ; 
les  a|iôties  av.nenl  condannè  celte  condnilè 
ilans  le  concile  de  Jérusalem  ;  il  n'es!  pas  pro- 
halde  que  saint  Marc  eût  voiilii  l,i  tolérer 
(laes  l'Iif'lise  d'Alexandrie.  E  lit',  le  repa^ 
rellgietîx  des  lit.  rnpeites  u'ét  il  pOMii  la  co- 
léhraiidii  de  l'oucliari^tie,  c  '"ime  Kusèhe  se 
le  per  iiailail  ;  (  e  repas  coesisiàit  à  m.inget' 
«lu  pain,    du    sel    et    de    l'IlNSOpe,    et    il   élait 

suivi  d'uau  dausc  où  L;s  hduiujes  et  la  fem- 


mes étaient  réunis  ;  rien  de  tout  cela  ne  se 
faisait  dans  les  assemblées  des  premiers 
chrétiens.  Le  parallèle  qu'Eusèbe  a  voulu 
faire  entre  ceux-ci  et  les  thcrapeutes  n'est 
donc  ni  juste  ni  exact. 

2°  Beaucoup  moins  peul-on  soutenir  que 
ces  derniers  étaient  des  moines.  La  vie  soli- 
taire el  monastique  n'a  commence  en  Egypte 
que  l'an  230,  sons  la  persécution  de  Dèce, 
lorsque  saint  Paul,  premier  ermite,  se  relira 
dans  II'  désert  de  la  Thebaïde;  saint  Pacôme 
n'iniro  liiisit  la  vie  cénohilique  que  plus  de 
cin(iuanie  ans  après  ;  depuis  longtemps  il 
n'élait  plus  question  d'esséniens  ni  tie  théra- 
peutes. Ceux-ci  avaient  des  femmes  parmi 
eus,  les  moines  n'en  eurent  jamais  ;  les  pre- 
miers n'observaient  pas  tous  la  continence, 
les  moines  la  gardèrent  toujours  ;  le  mol  de 
monastère,  do!)l  se  sert  Philon,  ne  prouve 
rien,  puisqu'il  signifie  simplement  une  de- 
meure solitaire.  Uien  n'est  donc  plus  mal 
fondé  que  l'imagination  des  protestants,  qui 
prétendent  que  ce  sont  principalement  des 
moines  qui  ont  accrédité  l'opinion  du  chris- 
tianisme et  du  monachismc  des  thérapeutes, 
el  qu'ils  l'ont  fait  par  intérêt  afin  de  persua- 
der la  haute  antinuité  de  leur  état  ;  Eiisèhe, 
saint  Jérôme,  Baroiiius,  les  anglicans,  n'é- 
tîiient  pas  des  moines;  en  soutenant  que  les 
thérapeutes  étaient  chrétiens  ,  ils  n'ont  pas 
dit  (jue  leur  vie  était  monasiique.  Personne 
n'a  plus  fortement  attai|ué  celle  opinion 
que  le  Père  Orsi,  dominicain,  et  dom  Cal- 
mel,  bénédictin.  Des  savants,  tels  que  dom 
Montfaucon  et  le  P.  Alexandre,  étaient  trop 
instruits  pour  mettre  aucun  inlé  êl  à  l'anti- 
quité de  leur  état;  ils  n'oct  p.is  eu  besoin  de 
suppositions  fausses  ou  douteuses  pour  en 
prouver  la  saintele  et  le  veiigiT  des  calom- 
nies des  prolestants.  Ceux-ci  n'ont  pas 
mieux  réussi,  eu  di.^ant  que  les  cénobites 
ont  imiié  la  vie  f|ue  menaient  les  essénieus 
dans  la  Palestine,  et  que  les  anachorèies 
ont  suivi  l'exemple  des  théiapcutes.  Encore 
une  f'iis,  il  y  avait  longtemps  que  ces  deux 
secies  juives  élaicnl  oubliées,  lorsque  saint 
Paul  el  saint  Pacôme  ont  paru;  il  y  a  cent 
à  pari,  r  contre  un  que  ni  l'un  ni  l'autre 
n'eu  avaient  jamais  entendu  parler,  qu'ils 
n',iva:cnl  jaoi;ij<  lu  les  ouvrages  dé  Josèphe 
ni  de  Philon.  Nous  .avons  lait  voi^  ailleurs 
([uela  seule  Iccluredo  l'Evangile  leur  a  suffi 
pour  concevoir  une  haute  estime  de  la  vie 
qu'ils  ont  embrassée.    Yoij.  'J'ukologiiî  uïs- 

TIQUi;. 

3'  Les  opinions  des  critiques  n'ont  pas 
moins  varié  sur  ta  (|Ueslion  de  savoir  si  les 
thérapenles  éiaienl  un-'  Lr.inche  des  essé- 
nieus, ou  sic'elait  une  secte  diiîérente,  parce 
qne  l'on  en  est  réduit  sur  ce  point  à  de  sim- 
ples conjeclures.  Piideiux,  qui  a  rapport  ■ 
et  comp  )ré  <e  que  Josèphe  a  dit  des  essé- 
nieus d.'  la  Palestine,  avec  ce  que  Phil  n  en 
a  écrit,  cl  .ivec  ce  qu'il  laconte  des  ihéx pen- 
tes «le  l'Iv.'yple,  fait  voir  que  ces  ileux  au- 
teurs sont  d  accord  (onchant  les  opinions, 
1rs  moeiiis,  la  manière  di'  vivre  des  essé- 
nieus, Siiit  de  la  'iidée,  soit  de  rE.iy|ilo,  où 
il  s'en  trouvait  ui".ss' }  quo  les  thérapeutes 


Î57                                 THE  THE                                  758 

n'on  él.iient  différents  qu'en  ce  qu'ils  renon-  Emanation,  Philosoi-iuk  orientale,  etc.  En 

çaiciil  à  loul  pour  se  livrer  à  la  coiiicMipla-  p.irlicnlier,  sur  la   quc^iliitii  q!ie   nous  trai- 

liou.    Cesl  pourquoi  il  uoimno  les  premiers  Ions,  il  ilnique    toute    vraisfiublaiicc.  Il  Psl 

esséiiiens  pratiques,  et   les  sei-iiiiils  eiiséniens  fort    ineciiaiu  si,    à    l'époque  de  la  retraite 

coHlcmiilalifs,  ilist.  dis  Juifs,  I.  siii,  an.  107  d(;s  essiMiiens  eu  l'^jjjple,   il  y   avait  des   py- 

avaiil  Ji'sus-ChrisI,    t.   II,  p.   IGti.    C'en   est  tliafîoricicns,  s'ils  y  eu-ei';;uaient,  s'ils  y  ré- 

asseZ  pour  réfuter  quelques  auteurs  eu  petit  pamiaieiil  leur  doctrine.    Nous   persuadera- 

nniiibre,  qui  oui  imaginé  (]ne  les  <//(//v(/)en<e«  t-on    que    smis  les   indignes  successeurs  de 

éiaient  des  pitïcns  jud.risaiiis;  et  Jahleiiski,  Ptoléméc    l'Iiiladelphe,    prinre  dont   les  dé- 

qui    a    soutenu   que    celaient    des    prêtres  bauches,  la  rapacité,   la  cruauté,    la  lyran- 

ésjyplieiis    appliqués    à    la    médecine,   aussi  nie,  sont  connues,  les  sciences   étaient  fort 

I)  en    que    leurs    femmes.    Consequeuiment,  cultivées    en    L'g\pie,    et    que    l'on  avait  la 

ri>|iiiiiiin  commune  des  crili(|ues  est  (|ue  les  conimoililé   de    s'y    livrera    la  philosophie  ? 

iln'ia/jiutcs  sont  Une  branche  de  la  secte  des  On  n'a  recouimencé  à  s'en  occu|ier  que  sous 

isséiiiens.  le  gouvernement  des  Uoinains.  L'école  d'A- 

'*'  En  quel  temps  celle  secte  a-l-elle  coin-  Icxandrie  n'a  vu  renaître  sa  réputation 
niencé?  où  avait-elle  puisé  sa  doctrine  et  les  qu'au  temps  il'Ammonius,  el  au  pins  tôt  sur 
motifs  de  sa  manière  d(!  vivie?  Nouvelle  la  lin  du  ii'  siècle,  eut  ans  a^i  moins  après 
maliè'e  à  coiijeclures.  Itruclier, ///»7.  c»  i<.  Philitn  ;  parce  (jue  (elui-ci  était  philosophe, 
de  la  philos.,  t.  Il,  p.  71)3  etsK].,  pense  qu'en-  il  ne  s'ensuit  pas  qu'il  \  avait  pour  lors  des 
viron  trois  cents  ans  avant  Jésns-Clii  isl,  écoles  publiques  de  philosophie  ;  Phiion  n'a 
plusieurs  Juifs,  pour  se  dérober  aux  trou-  jamais  connu  (jue  la  philosophie  des  (jrccs. 
blés  et  aux  désastres  de  leur  patrie,  se  rcti-  Nous  persuadeia-t-on  encore  que,  pemianl 
rèrent  les  uns  dans  les  lieux  écartes  de  la  les  trois  cents  ans  qui  ont  précédé  la  nais- 
Judée,  les  autres  en  Eg\p(e,  el  emi)ias.>.è-  sauce  de  Jesus-Chrisi,  les  Juifs  île  la  Pales- 
renl  chacun  de  leur  côte  un  genre  de  vie  Une,  successivement  pill  s  el  louniientés 
particulier;  (|u'ils  y  adoptèrentles  sentiments  par  les  armées  des  rois  d'Egypte  ou  de  Sy- 
dcs  philosophes  pylhagor  cieiis  qui  y  ensei-  rie,  ensuite  par  les  Humains  el  par  les  Hc- 
gn.'iient  (lonr  lors;  (ju'ils  puiscreni  dans  rode,  onl  eu  la  liberté  d'étudier  ia  pliiiosu- 
cette  |hiloso()hie  l'amour  de  la  solitud',  du  pliii',  soit  des  Orientaux,  soit  des  tirées?  On 
détachement  de  toutes  cIk  ses,  des  austéri-  sait  l'aversion  qu'ils  avaient  conçue  pour  les 
tés,  de  la  contemplation  et  des  explications  païens  pendant  tout  ce  période,  et  combien 
allégori(|iips  de  l'Ecriture  sainte.  Il  ajoute,  ils  étaient  éloignés  d'en  recevoir  des  leçons. 
t.  \  1,  p.  4.')7  el  438,  que  ces  Juifs  élaienl  En  second  lieu,  Brucker  convient  que  les 
■Jans  les  sentiineiils  des  cabalisles  et  des  Juifs  qui  se  retirèrent,  soit  dans  les  déserts  de 
philosophes  oi'ientaux,  analogues  à  ceux  de  la  Judée,  soil  en  Egypte,  étaient  des  familles 
Pytliagore.  Mosheim,  Uist.  ciil.,  proieg  ,  du  commun  ;  cela  est  prouvé  par  la  culture 
c  2,  si  13  cl  suiv.,  pense  de  même.  Néan-  de  la  terre,  par  les  arts  mécaniques,  par  les 
moins,  dans  son  Hist.  eccle's.,  premier  siè-  métiers  (|u'exerçaienl  les  esséniens  de  la 
cle,  pre/nièr(!  part.,  c.  2,  S  10,  il  dit  qu'il  Judée,  sel  m  le  tcmoignaije  de  Plnlon  et  de 
ne  voit  rien  dans  la  narration  de  l'Iiilou  ni  Josèphe;  Phiion  ajoute  que  les  esséniens  eu 
d.insles  mœurs  des  iltériiiicutes,  qui  puisse  trénéral  dédaignaient  la  philosophie,  la  lo- 
eiigager  à  les  regarder  comme  nue  branche  gique,  la  physique  et  la  métaphysique;  qu'ils 
des  esséniens,  que  ce  pouvait  être  une  secte  ne  s'occnpaienl  que  de  Dieu  et  de  l'origine 
particulière  des  Juifs  luélancoluines  et  en-  de  toutes  choses  ;  or,  ils  la  trouvaient  dans 
(housiastes.  Probablement  il  n'a  p  is  coni-  Moïse  mieux  que  partout  ailleurs.  Il  dit  ea- 
paié  ce  que  dit  Phiion  dans  son  [iremier  li-  lin  ((ue  la  seule  élude  des  esséniens  était  la 
vre  de  V Ua  conteinplativa,  avec  ce  ((u'il  a  morale,  d'oi'i  il  s'ensuit  que  les  sens  mys- 
éciildans  son  ouvrage  intitulé  C/nnis  ;;»o-  tiques  et  allégoriques,  qu'ils  recherchaient 
bus  liber;  11  y  aurait  vu  que  cet  auteur  dis-  dans  l'Ecriture  sainte,  étaient  des  leçons  de 
lingue  lielU'meiil  les  esséniens  en  deux  morale.  Enfin  nous  avons  fait  voir  que , 
branches,  l'une  d'esséiiii'ns  pratiques,  l'an-  pour  concevoir  de  l'estinie  el  du  goàt  pour 
Ire  d'c-séniens  contemplatifs,  nommés  (/ie)°fi-  la  vie  solitaire,  pauvre,  austère,  canlem|ila- 
peu  es.  live,  il  suflit   de  connaître  les    leçons  el  les 

l'ius  d'une    fois  nous  avons   eu   occasion  exemples  des  prophètes  et  des  justes  de  l'An- 

dc  faire  remarquer  l'alTeclalion  de  Mosheim  cien   Teslament;  que   leurs  livres  nes'expli- 

et  de  liriicker  de  loul  rapporter   à  b  ur  sys-  queiil  pas  moins  clairement  sur  ce  sujet  que 

tèiiic  favori,  t(iuch  ',nt  te    mélange    qui   s'est  ceux    du    Nouveau,  et  que  salnl  Paul  les  a 

lait  dans  l'école  d  Alexandrie,  de  la  philoso-  proposes  pour   modèle  aux  chrétiens.  Il  n'a 

pliie  de   Pylliagore  el   de  Platon   avec  celle  donc  pas  été   nécessaire  que  les  lliérapeutes 

des    orieiitiiuv   eta\ec   la  cabale    des  Juifs,  cou.^uliassenl   des    philosophes  païens  pour 

système  par  leiiuel  ils  se  sont  Haltes  de  tout  embrasser  le  genre  de  vie  qu'ils  ont  suivi. 

eSpli.iutr,  el  de  donner  la  clef  de  toutes  les  C'est  plus  qu'il  n'en  faut  pour   conclure  que 

erreurs.  Mais    nous   avons    fut  voir  que  ce  l'opinion  de  iMosheini,  de  Hrucker  el  des  au- 

syslèiiie  est  non-seulement  une  p.ure  coiijec-  Ires  protestants,  n'est   qu'un  rêve  syslemali- 

Itire  dénuée  de  toute  lueuve.mais   qu'il   est  que,  qui  n'a  ni  preuve  ni  solidité.  Vay.  Es- 

ab  olument  fuis,    qu'il    lonfond  toutes   les  sémens. 

époques,  et  qu  au   lieu   do  rien  éclaircir,  il  l'HÉllAPlllM,   mol    hébreu   qui,  dans  les 

ue  sert   qu'a  loul  bruuiilcr.  Vvy.  Cxume,  versions  de  r£cnlurc,  esl  traduit  par  (({o^;*, 


769 


THE 


statues,  sculptures,  mais  dont  il  est  difficile 
de  connaîlre  l;i  vrnie  signification  grammati- 
cale, (leiiu'eii  a  ilit  Spciirer,  de  LeijVi.  Helir. 
rituel.,  I.  m,  flisscri.  7,  c.  3,  nous  apprend 
peu  (le  chose.  Les  ralibins,  qui  préleiident 
que  c'él/iicnl  des  statue*  qui  i  arl.iient  et  qui 
j)ié:!isaieiil  I  avenir,  et  qui  ont  eiiseii;né  la 
manière  d  iit  on  les  f.nsait,  ne  mérilenl  au- 
cune croyance;  toutes  les  idoles  que  les 
païens  consult.rieiit  pour  connaître  l'avenir 
ne  parlal'iil  pas  pour  <el.i;  en  hchreu,  comme 
en  français,  partir  signifie  souvent  indi- 
qiier,  fmre  connaître  par  un  signe  qui'lcon- 
qne.  Oux  qui  ont  assuré  que  les  théruphim 
é^iirnt  une  invention  des  K?.yptiens,  ()ue 
c'étaient  des  figures  du  dieu  Sémpis,  adoré 
e[i  Eirypli',  ne  peuvent  en  donner  aucune 
preuve;  laban,  (jui  vivait  dans  la  Clialdée, 
n'élail  cerlainem  ni  pas  allé  chercher  ses 
theraphimcn  Kgypie  l)'aulies,qui  ont  pensé 
que  ce  mut  est  le  ménie  que  sérapliim,  des 
serpents  ailés,  que  c'étaient  des  talism.ins, 
tels  que  le  serpent  d'airain  fiil  par  l'ordre 
de  Uoïse,  ne  sont  p/is  mieux  fondés.  Enfin 
Juricu,  q'ii  a  décidé  que  lis  theraphim  de 
Lîiitan  étaient  ses  dieux  pénales  et  les  ima- 
ges de  ses  ancêtres,  a  voulu  deviner  au  ha- 
sard. Du  leiiips  lie  I.abau,  l'ido  âtrie  ne  lai- 
saii  que  commencer  chez  les  Chaldéens,  elle 
n'élail  pas  encore  portée  au  p(iint  de  divi- 
niser des  hommes  moris.  11  vaut  donc  mieux 
iivoiier  notre  ignorance  que  de  nous  livrer 
à  dis  conjectures  frivoles:  le  nom  géné- 
ral ii'idolrs  suffit  pour  entendre  tous  les  pas- 
sagi  s  dans  lesquels  le  mol  Theraphim  est 
cuipl'vé. 

THIiSSALOMCIENS.  Suivant  l'opinion 
coinm!iue,  à  lai|uelle  on  ne  peut  rien  oppo- 
ser de  solide,  les  deux  lettres  de  saint  Paul 
aux  ThesHtldDiciens  sont  les  deux  premières 
qu'il  ail  écrites  aux  fidèles  qu'il  avait  con- 
vertis. On  les  rapporte  aux  années  52  et  53 
de  l'ère  vulgaire,  pendant  lestiuelles  il  paraît 
que  l'apôtre  demeura  constaumicni  à  t"o- 
rinthe.  I.e.liut  de  ces  d(Mix  lettres  est  de  con- 
firmer ces  nouveaux  chrélieus  dans  la  foi, 
dans  la  pr;ilique  des  bonnes  ii'uvres,  dans 
1.1  patience  au  milieu  des  persécutions  aux- 
quelles ils  élaient  exposés.  La  seconde  con- 
tient plusieurs  choses  touchant  le  second 
avènement  de  Jé-us-Christ  ;  saint  Paul,  c.  ii, 
y  p.irle  d'un  homme  pécheur,  d'un  fils  de 
peniition,  d'un  adversaire  ((ui  s'élève  au- 
dessus  de  tout  ce  que  l'on  appelle  A>/ea,  et  que 
l'on  adore,  qui  se  place  dans  le  teiuple  de 
Di^u,  comme  s'il  était  Dieu  Ini-méine...  Ce 
ini/stère  d'iniquité,  dit  il,  s'opère  déjà...  et 
l'on  cunnuilra  dons  le  temps  ce  coupuh'e  i/ue 
Jésus'Vlirist  tuera  du  soujjle  de  sn  bouche,  et 
détruira  par  l'éclat  de  son  arénement,  etc. 
(A'  cliapitre  a  beaucoup  exercé  les  commen- 
tateurs; chacun  l'a  entendu  selon  ses  pré- 
jugés. Plusieurs  ont  cru  y  leconnaîlre  l'An- 
(  lirisi  eni  doit  venir  à  ta  fin  du  monde. 

GcMX  e,ai  ne  cher' I)  nt  point  de  mystèies 
sans  néces.sile,  ont  observe  que,  dans  loiil 
cechapiire  ni  même  dans  toute  t;  lellre,  il 
n  est  point  question  de  la  fin  du  inornte,  mais 
de  la  fin  de  la  religion  et   de  la  république 


THK  '00 

des  Juifs;  que  par  homme  ne  péché,  fils  cfe 
perdition,  etc.,  l'Apôtre  entend  les  Juifs  iu- 
ciédules,  ennemis  jurés  du  christianisme, 
obsiinés  à  persécuter  les  fidèles,  et  de  la  part 
desquels  les  Thesstdoniriens  avaient  éprouvé 
plusieurs  avanies.  Celle  explication  simple 
aiquiert  la  plus  grande  probabilité,  lorsque 
l'on  compare  le  mystère  d'iniquité  qui  s'opé- 
rait déjà  pour  lors,  suivant  saint  Paul,  avec 
ce  qui  se  passait  en  ce  temps-là  dans  la  Ju- 
dée, où  divers  imposteurs  se  donnaient  pour 
messies,  séduisaient  le  peuple  par  des  pres- 
tiges, ei  finissaient  par  être  exterminés  avec 
leurs  adhérents;  où  les  Juifs  par  leur  esprit 
séditieux  cl  turbulent  préparaient  l'orage 
qui  fondit  sur  eux  quelques  années  après. 

Les  protestants,  aveuglés  par  leur  haine 
contre  l'Kglise  romaine,  ont  cru  voir  ,  dans 
celte  prédiction  de  saint  Paul,  la  chute  de 
l'empire  romain  ,  la  domination  des  papes 
établie  sur  s<  s  ruines,  l'antichristianisme 
ou  l'idolâtrie  catholique  fondée  sur  des  pres- 
tiges ou  de  faux  miracles  opérés  par  l'inter- 
cession elles  reliques  des  saints,  etc.  Cette 
imagination,  sortie  de  quelques  cerveaux 
fanatiques,  a  trouvé  des  approbateurs,  même 
parmi  les  savants  ;  Beausobre  n'a  pas  rougi 
de  l'appuyer  par  son  suffrage,  mais  sans  se 
mettre  trop  à  décuuverl,  dans  ses  Remarques 
sur  la  seconde  Kpllre  aux  Thessaloniciens, 
c.  Il,  V.  8.  —  Pour  eu  voir  l'absurdilé,  il 
sullit  de  remarquer,  1°  que  la  ruine  de  l'em- 
pire romain  n'est  arrivée  dans  l'Occident 
que  quatre  cents  ans  après  l'année  53  de  Jé- 
sus-Christ; 2°  que,  suivant  sainl  Paul,  v.  3, 
elle  de\ail  être  précédée  d'une  rébellion, 
àTram:a<jia.,discessio ;  Be.iusobre  lui-même  l'en- 
tend ainsi  :  or,  la  chute  de  l'empire  romain 
n'(st  point  arrivée  par  une  rébellion,  mais 
par  l'inondation  des  barbares.  3"  La  grande 
autorité  des  papes  et  leur  pouvoir  temporel 
n'ont  commencé  que  plusieurs  siècles  après 
celle  révolution.  4°  Sainl  Paul  dit  aux  2'hes- 
saloniciens,  v.  6  :  V ous  savez  ce  qui  retient 
ou  ce  qui  retarde  sa  manifestation  dans  son 
temps:  je  vous  l'ai  dit  lorsque  j'étais  avec 
vous.  Etrange  charilé  de  la  part  de  l'Apô- 
tre, d'avertir  les  Thessaloniciens  d'un  évé- 
nement duquel  ils  ne  pouvaient  pas  être 
témoins,  et  de  ne  donner  aucun  signe  qui 
pût  prémunir  ceux  qui  devaient  y  être  pré- 
seuls et  de  s'y  laisser  tromper?  5°  Saint  Paul 
ajoute  que  Dieu  leur  enverra  une  opération 
d'erreur,  afin  (ju'ils  croient  au  mensonge, 
parce  qu'ils  ont  refusé  de  croire  à  la  vérité  , 
V.  10  ;  l(S  fidèles  du  v*  siècle  élaienl-i!s  des 
opiniâtres  qui  avaient  refusé  de  croire  en 
Jésus- (Christ  ?  6"  Le  mi/slère  d'iniquité  s'opé- 
rait déjà,  V.  7;  il  laut  donc  que  l'idolâtrie 
de  l'Eglise  romaine,  le  culle  des  saints,  des 
images,  des  reli(jues,  aient  commencé  du 
temps  de  saint  Paul;  ce  n'est  pas  là  ce  que 
veulent  les  proii  slanis.  7°  Pour  compléter 
le  tableau,  Beausobre  devait  nous  appiendre 
en  quel  temps  Jésus-Cbiisi  doit  arriver  pour 
tuer  le  niéihant  par  le  sotiffle  de  sa  bouche 
et  par  l'éclat  de  son  aréneuienl.  v.  8  ;  nous 
auiious  m  s  sa  p.'opbolic  à  côlé  de  celle  do 
Joseplr-N;èile,  de  Sancblus,   de  Jurieu  et  des 


TOI 


THE 


fanatiques  des  Cévennes.  Voy.  Antéchrist. 
—  On  comprend  que  ces  paiolos  <le  snint 
Paul,  Dieu  lew  enrerra  une  opération  d  er- 
reur, etc.,  ne  sigiiifienl  point  qm-  Uieu  trom- 
pera le*  incrédules,  ((u'il  le-  aveugleri,  qu'il 
les  enilurcira  positivement  dans  l'erreur; 
■  mais  qu'il  les  lais'-eia  se  tromper  cl  s'aveu- 
gler eux-(néiiies  :  celle  prédiction  ne  s'est 
que  trop  bien  accomplie  à  l'égard  des  Juifs, 
puis()ui>  la  destruction  de  leur  ville  el  de 
leur  lemple,  les  massacres  el  la  dispersion 
de  leur  nation  ne  furent  pis  capables  de  leur 
ouvrir  les  yeux.  Ou  est  teiilé  de  croirequ'une 
partie  de  cet  esprit  a  passe  n\i\  prolesiants, 
lorsqu'ils  abusent  aussi  indignement  de  l'K- 
crilure  sainte.  Voy.   Aveuglement,   liNoun- 

CIS«EMENT. 

Il  ^  a.  dans  \'Hist.de  l'Arad.  des  Inscriiil., 
t.  XVlll.  in-12,  p.  208,  une  histoire  abré- 
gée, ni;iis  curieuse,  de  Tessaloniqne;  il  y 
est  parlé  de  la  fond  'lion  de  l'Kglise  de  celle 
ville  par  saint  l'aul.  des  révolutions  qu'el'e 
a  subies,  des  grands  hommes  qui  l'ont  gou- 
vernée ou  qui  y  ont  reçu  la  n^iissancc.  Au- 
jourd'bui,  sous  l;i  dominaliou  des  Turcs,  l'Iv 
glise  grecque  scliism'ili(]ue,  qui  y  subsiste 
encore,  déchoit  sensiblenieul,  et  semble  lou- 
cher de  piés  à  sa  ruine  euliére. 

TIlÉUliGIK,  art  de  parven  r  à  des  connais- 
sances surnaluiell.  s,  el  d'operei-des  miracles 
par  le  secours  des  esprits  ou  génies  que  les 
païens  noinmaient  des  dieux,  et  que  les 
Pères  de  l'Kglises  ont  ap[o>lés  des  démons. 
Cet  art  imaginaire  a  toujours  élé  recherché 
et  pratiqué  par  un  bon  uou>bre  de  philoso- 
phes ;  mais  ceux  des  iir  et  iv  siècles  de 
l'E^îlise,  qui  prirent  le  nom  A'éclecliques,  ou 
ài!  nouveaux  platoniciens,  tels  que  Porphyre, 
Julien,  Jambli<|Ui',  Maxime,  etc.,  en  furent 
priiicipaleoienl  entêtés.  Ils  se  persu  idaient 
que  pur  des  formules  d'invocation  ,  par  cer- 
taines |)ratiques,  on  jiourr.iil  .ivuir  un  com- 
merce familier  avec  les  esprits,  leur  com- 
mander, coiinai  re  el  opérer  par  leurs  se- 
cours des  choses  supérieures  aux  forces  de 
la  nature. 

Ce  n'était  dans  le  fond  rien  autre  chose 
que  \.\  mauie  ;  mais  ces  philosophes  en  dis- 
tinguaient deux  espèces,  satoir,  la  magie 
noire  et  mal!ais;iiile,  qu'ils  nouiniaieiit  ijoé- 
lie,  et  dont  ils  ailribuaienl  les  elTeis  aux 
mauv.iis  démons,  et  la  magie  bienf  lisante, 
qu'ils  appelaient  ihéurgie,  c'est-à-dire  opé- 
ralioi\  divine,  par  laquelle  on  invoquait  les 
bons  '  éuies.  Il  n'est  pas  possible  de  démon- 
trer l'illusion  et  l'impiété  de  cet  art  délesla- 
ble,  el  nous  l'avons  déjà  dit  à  l'article  .M^gie. 
1°  L'existence  des  prétendus  génies,  moteurs 
de  hi  nature,  ()ui  eu  anim;iient  toutes  les 
parties,  était  une  erreur  ;  elle  n'élail  [irouvée 
par  aucun  raisonnement  solide  ni  par  aucun 
f.iil  cert.iin  :  c'él.iil  une  pure  iui.iginaliuu 
l'ondée  sur  l'ignorance  des  causes  pbysi(|ues 
el  du  mécanisme  de  la  nature  ;  voila  néan- 
moins toMl  le  fondement  du  polythéisme  i-t 
de  l'idol;''  rie.  Voy.  I'ag*n  smb;.  Le  peuple 
aveugle  ailribuaii  faussement  à  des  inlvlli- 
gences  particulières,  à  des  esprits  icpiidus 
partout,  les  phénouièues  que  Dieu,  seul  au- 


TIIE  7iii 

leur  el  gouverneur  de  l'univers,  opère  ou 
par  lui-même  ou  par  les  lois  générales  du 
mouvement  qu'il  a  éiibliesel  qu'il  ^onserve; 
el  malheureu-emeiit  les  philosoidies,  au  lieu 
de  rombatire  ce  préjuge,  l'adopièrenl  el  le 
rendirent  plus  im  niable.  Mais  comment 
savaient-ils  que  ce  n'est  point  le  Créitenr 
du  monde  qui  le  gouverne  ,  qu'il  s'est  ilé- 
chargé  de  ce  soin  sur  des  esprits  inférieurs'? 
Celte  opinion  déroge  é>idemmenl  à  la  puis- 
sance, à  la  sagesse,  a  la  bonté  de  Dieu.  Les 
plus  sensés  convenaient  que  Dieu  a  fait  le 
monde  par  im  linalion  à  (aire  du  bien;  et 
ils  se  coniredisaient  en  supposant  qu'il  en  a 
confié  le  gouvernemenl  à  des  esprits  qu'il 
savait  être  très-capables  de  laire  du  mal,  ou 
par  impuissance,  ou  par  mauvaise  volonté. 
Telle  a  été  la  cause  pour  laquelle  on  a  rendu 
à  ces  esprits  le  culte  suprême,  le  culte  d'ado- 
ration et  de  confiance  que  l'on  n'aurait  dû 
rendre  qu'à  Dieu  seiil;el  les  philosophei 
confirmèrent  encore  cet  abus,  en  deci  lant 
qu'il  ne  faiait  rendre  aucun  culte  au  Dieu 
suprême,  mais  seulement  aux  esprits;  Por- 
phyre, de  Abstin.,  I.  ii,  n.  3i.  Celse  reproche 
conlinuellemeiil  au\  chrétiens  leur  impiété, 
parce  qu'ils  no  voulaient  point  adorer  des 
génies  distributeurs  des  bienfaits  de  la  na- 
ture. Dans  Origèue,  I.  viii,  n.  2,  etc.  — 
2"  Comineul  savaii-on  que  telles  paroles  ou 
telles  pratiques  avaient  la  vertu  de  subju- 
guer ces  prétendus  esprits  el  de  les  rendre 
obéissants?  Les  lltéurgistes  supposaient  que 
les  mêmes  esprits  avaient  révélé  ce  secret 
aux  hommes;  mais  quelle  preuve  avait-on 
de  cette  révélation?  (Quelques  imposteurs, 
qui  s'avisèrent  de  le  croire,  osèrent  aussi 
l'aflirmer,  pour  se  donner  du  relief  el  se 
faire  respecter;  ils  éblouirent  les  ignorants 
par  des  tours  de  souplesse,  ou  par  quelques 
secrets  naturels  qui  parurent  merveilleux; 
on  les  crut  sur  leur  parole,  et  l'erreur  se 
perpétua  par  iraditiou.  L'on  put  savoir  que 
certains  hommes  avaient  opère  des  miracles  ; 
mais  ils  les  avaient  l'ails  par  l'invocation  el 
par  le  secours  de  Dieu  ,  el  non  par  l'entre- 
mise des  génies.  Lorsiiue  Jésus-Christ  eut 
paru  dans  le  monde,  on  fut  convaincu  qu'il 
avait  opéré  dos  miracles,  el  que  ses  disciples 
eu  faisaient  encore  ;  mais  les  juifs  aveuglés 
par  la  haine,  les  païens  fascinés  par  leur 
croyance,  se  persuadèrent  que  ces  prodiges 
étaient  faits  par  l'intervention  des  es]iriis. 
Celse  accuse  les  chrèiiens  d'en  upeier  par 
l'invocation  des  démons,  J.  i,  n.  (».  Par  une 
contradiction  grossière,  il  jugea  que  ces  es- 
prits bons  ou  mauvais  obéissaient  à  des 
hommes  qui  refusaient  de  leur  rendre  aucun 
culte,  el  qui  faisaient  tous  les  elïoris  pour 
en  détoufner  les  païens.  C'est  ce  qu'Origène 
lui  reproche  continueilemeni  :  nous  ne  de- 
vons iionc  pas  nous  étonner  de  ce  que  la 
f/ipi/ry/e  devint  si  commune  apiès  rétablis- 
sement du  christianisme;  les  phil'>so;ilies 
païens  voulaient  détruire  par  là  l'impression 
qu'avaient  faite  sur  tous  les  esprits  les  mi- 
r  des  de  Jésus-Clinsl ,  des  apôtres  et  dos 
premiers  cliréliens.  —  3"  Plusieurs  pratiques 
des  tliéuvijisies  étaient  des   crime*,  tels   nue 


705  THE  THO  7G4 
Ips  strrifices  de  sanp:  humain,  et  l'on  ne  pent  laqueUe  Jésus-Christ  a  promis  son  es[)rit, 
pns  dduli-r  que  les  vi-ionuairps  n'en  aient  son  secours  et  son  assistance  ;  et,  loin  (l';i  voir 
oiTcri;  riiisloire  en  dépose,  et  les  inrréilnles  ru  aucune  inlonlion  d'imiter  les  païens, 
iiiêiiies  de  nos  jours  n'ont  p.ÉS  osé  le  nier.  l'Kglise  a  eu  dessein  au  coniraire  Je  dclour- 
l'iAJsieurs  eurent  la  témérité  de  consulter  ner  e(  de  préserver  ses  enfanis  des  aiius  ei 
leurs  dieux  l'unlasiiques  sur  la  vie  et  la  des-  des  supersiilioUs  du  ()agaiiisini'.  Un  préire 
linée  des  emppr' ui  s  ;  cette  curiosité  fut  rc-  dans  ses  fonctions  ûc  préleiid  donc  point 
•fardée  avec  raison  comme  un  crime  d'étal,  commander  a  Dieu,  inais  lui  obéir;  il  n'y 
capahie  d'émouvoir  les  peuples  el  d'éhranler  met  rien  du  sien,  il  sC  Confo  me  exiiclemeiit 
leur  fidélilé:  aussi  quelques-uns  furent  pu-  à  ce  qui  lui  est  prescrit  de  la  part  de  Dieu, 
nis  de  mort  pour  cet  allenlat.  Kii  général  la  et  il  est  convaincu  que  Dieu  l'a  ainsi  ordon- 
llii'urfiie  était  criminelle,  puisque  c'était  un  né,  par  toutes  les  preuves  qui  déinotiirent 
acte  lie  polylhéisme  el  d'idolâlrie;  ceux  qui  la  divinité  du  christianisme.  3"  Aucune  céré- 
s'y  livraient  éiaienl  donc  (ont à  la  fois  insen-  monie  chrétienne  n'est  lin  crime,  une  pro- 
ses, iiiipo>leurs  el  méchants,  faiiation   ni  une  indécence;  toutes  respirent 

Dans  l'impuissancedeles  juslifier.queliiues  la  piété,  le  respeci,  la  confiance   eu    Dieu; 

incndules  modernes  ont  dit  que  la  plupart  lors(jue  l'on  en  prend  l'esprit  et  que  l'on  en 

des  cérémonies  du  chrislianisme  ne  sont  pas  Conçoit  la   signifie  iliou,  toutes  sont  des  le- 

dilTer  nlis,  dans  le  fond,  de  la  Ihéiuqie;  que,  çoiis  de  morale  et  de  vertu.  Il  n'y  a  pas  plus 

iar  les   sacrements,    les    bénédiclious,    les  dé  ressemhlanee  entt-e  les  rites  Cl  la  «/uiirçie 

exorcismes,  etc.,  un  prêtre  prétend  cnmman-  qu'entre  l'idolâtrie  el  le  cuite  du  vrai  Dieu, 

der  <à   la  Divinité,  couimc  les  theurgistes  se  Nous  concevons  qu'avec  un  ospr;t  faux,  avec 

flattaient  de  commander  aux  esprits.  Ma'.hou-  de  la  malignité   et  de   l'impiéié,  oii  peut  les 

reusemeiit  les  protestants  sont  les  premiers  tourner  en   ridicule;   ma  s  oii  ne  réussit  pis 

auteurs  de  celle  calomnie  :  .Mosheim  et  Bru-  moins  à  l'égard  dos  usages,  des  firmules  et 

cker  souiieiineiit   qu'un   grand   nombre  des  des  cérémonies  les   plus    respèctabirs  de  la 

cérémonies  de  l'Kgli-e   calhoique  sont   ve-  vie  civile  :  des  ralleries  et  des  traits  de  sa- 

niies  des  idées  de  platonisme  suivies  par  les  lii'e  ne  sont  pas  des  raisons,  ils  amusent  les 

éclectiques;    Beau  obre  nous  reproihe  d'at-  sols  et  font  pitié  ;lux  sages.  Foy.  Ci^hémomiï. 

Iribuer  à  des  cérémonies  cl  .1  certaines  coni-  THOMAS    (saint),    apôtre.    Nous    savons 

po.ilious,  telles  (jue    le  chrême,  une  espèce  par  l'Evangile  que  cet   apôlre  était  tendre- 

de  verlu   divine;    La   Croze   prétend   que  le  nient  attaché  à   son  divin   Maître.  Lorsque 

mt/ron  des  Grecs  et  le  chrême  des  Latins  ne  les  autres  disciples,  dans  la  crainle  que  Jé- 

soiit   (ju'une    imitation    du   Icyplii   dont   les  sus-Christ   ne  lui  mis  à  mon  p  r  hs  .luifs, 

Chaldécns  el  les  Egyptiens  se  servaient  dans  voulurent  le  détourner   d'aller   à   Bélhanie, 

les  iuilialions.  ressusciter  Lazare,  Thomas  leur  dit  :  .1//  ns 

Si  la  ma'ignilé  n'avait  pas  ôlé  à  ces  cri-  aussi,  nous  autres,  afin  de  mourir  avec  lui 
tiques  protestants  toute  réflcxinn,  ils  auraient  {Jonn.  xi,  IGj.  l'endunt  la  dernière  cèn.',  le 
ciuripris  qu'ils  donnaient  lieu  à  un  incrédule  Sauveur  ayant  dil  qu'il  allait  retourner  à 
(le  leur  re|>roclu'r  que  le  baptêrnè  et  la  cène  son  Père,  cet  apôlre  liii  dematula  :  Seigneur , 
qu'ils  adiuellent  cimime  deux  sacrements,  nous  ne  savons  oà  vous  allez  ;  comment  pmi- 
que  le  siu'iie  de  la  croix  et  les  formules  de  vuns-nous  connailrc  la  voie?  Jésus  lui  ré- 
prières qu'ils  ont  conservées,  sonl  des  céré-  pondit  :  ./e  su/s  là  voie,  la  vérité  et  la  vie; 
moules  llu'uryi  ue<;  m.iis  pourvu  ([ue  les  personne  ne  va  à  mon  Père  (jue  par  moi  [Joan. 
protestants  salislasseut  leur  haine  contre  xiv,  b,  lij.  Thomas  ne  s'éianl  point  trouvé 
rEgli>e  romaine,  ils  s'embarrassent  forl  peu  avec  les  autres  apôtres,  lorsque  Jésus- 
des  ei)iisé(|uences  ;  c'est  donc  à  iious  de  ré-  Christ  leur  apparut  pour  la  preuiière  lois 
pondre  aux  incrédules.  1"  Par  les  cérémonies  après  sa  résurrèclion,  refusa  de  c.oire  à  leur 
cliréliennes  un  prêtre  ne  s'adresse  ni  aux  leisioignage,  et  ajouta  qu'il  né  croir.iii  pas, 
esjiiits  ni  à  (raulr<s  êtres  iiiiàginaires;  Il  à  moins  qu'il  ne  vît  et  iie  louchai  les  plaies  de 
iM\()(iue  Dieu  seul ,  et  croit  que  c'est  Dieu  sou  Maître,  Le  Sauveur  eul  la  toudescemlance 
seul  i)ui  opère  :  or,  Dieu  esl  saiis  doute  le  de  le  salisl'aire;  alors  Thomas  convaincu 
maître  d'atacher  ses  giâces  et  ses  do.is  spi-  s'écria:  Mon  Seiijnur  et  mon  Dieu  {Joitn. 
ri'uels  à  tels  rites  et  à  telles  formuli's  qu  il  ^'^  ,  28).  Profession  de  foi  retuarqualile  ; 
Ini  platl.  Comme  l'homme  a  besoin  de  signes  saint  Pierre  s'était  borne  de  dire  dans  une 
exi  rieurs  pour  exciter  sou  atleuiiou ,  pour  autre  circonslance  :  Vous  êtes  le  Christ, 
exprimer  les  sentiments  de  son  âme,  et  pour  i'i/s  du  Dieu  vivant  (Mallh.  xvi,  10);  mais 
les  iiisp.rer  aux  autres,  il  était  de  la  sagesse  Jesiis-Clirisl  voulut  que  sa  di\inité  fût  ex- 
et  de  la  bonté  divine  ile  prescrire  les  céré-  primée  clairement  et  sans  é()uivoque  par 
munies  qui  pouvaient  lui  plaire,  afin  de  pre-  saint  Thomas,  C'est  co  qui  a  fait  dire  à  saint 
server  rliommc  i!cs  abus,  des  absurdités,  tîré;;oire  le  Grand,  Homil.  2(j  in  Evang.: 
(l'es  profanati6;is  .  dans  lesquels  sonl  tombes  «  Nous  sommes  plus  alTeriuis  dans  notre 
tous  ceux  qui  n'ont  pas  été  guides  parles  foi  par  le  doute  de  saini  Thomas  que  par  la 
leçons  de  la  révélation.  Aussi  Dieu  a  daigné  loi  prompte  des  autres  apôtres.  » 
prescrire,  dès  le  commencement  du  nioiide,  Quant  aux  travaux  apostolicjues  de  celui- 
le  culte  exil  rieur  qu'il  d, lignait  agréer,  f  o/y.  ci,  ce  que  nous  avons  de  plus  certain  est  le 
CÉRÉMoMi;.-2°  trest  Dieu  lui-même  qui  a  témoignage  d'Origène  ,  qui  a  écrit  dans  le 
prescrit  les  cérénionies  cliréliennes  \.:iv  Je-  iir'  livr(î  île  ^iou  Coinmenlaire  sur  In  (ir)icsr, 
susChiist,  par  les   apôtres,  par  l'Enïise,  à  que  saint   TI)ome\s  alla  prêcher  l'Evangile 


7ta 


TIIO 


TIIO 


7or. 


chez  les  Parllies;  témoignage  conservé  par 
F.nsèhe,  Uist.  eccli's.,  1.  m,  c.  I,  cl  confirmé 
p.ir-  la  Iraditioii  du  m'  ei  du  n'  siîcle,  sui- 
vant la(iuollc  le  corps  de  ci'l  apôlre  reposait 
dans  la  ville  d'l>;<lesse  en  Mésopotami''.  On 
sait  ()ue,  du  temps  d'Origètie,  les  Parllies 
élaieiil  cil  possession  de  la  l'erse  et  des  ()ays 
voisins  qui  coiirineiit  aux  Indes;  d'où  l'on  a 
conclu  que  saint  Tliooias  avait  établi  l'Iîvan- 
gile  dans  loutcs  ces  contrées.  Cida  est  d'au- 
tant plus  probable,  qu'il  y  a  eu  de  luiiino 
heure  des  chrétiens  dans  ces  parties  de  l'A- 
sie, et  (ju'ils  ne  connaissaient  point  d'autre 
orii;inc  de  leur  christianisme  iiue  la  prcdi- 
caliiin  de  saint  Thomas  ou  de  ses  disci|iles. 
A  la  véiilé  il  s'est  établi  une  tr,:diiiou  plus 
récente,  qui  porte  (|ue  cet  .-ipôire  élenilit  sa 
uiission  jusi|u<-  dans  la  presi)u'ile  des  Indes, 
en  deçà  du  Gange,  qu'il  9oi;ITrit  le  maiiyre 
dans  la  ville  de  ('.ahimine  ,  nommée  ensuite 
Siiin'-Thoiiié ,  cl  aujourd'hui  Miiliapmir,  et 
que  l'on  y  avait  son  lombcau.  M. lis  celle 
croyance  ne  paraît  pas  assez  bien  l'ondée 
pour  lui  donner  la  préicrcnce  sur  l'opinion 
des  premiers  siècles.  I.es  peuplades  de  chré- 
tiens (|ue  les  l'oruijiais  ont  trouvées  sur  la 
c'jle  de  Malabar  en  arrivant  dans  les  Indes, 
vers  l'.in  1300,  et  (|ui  se  nommaient  rliié- 
liena  de Sinnl-Tliomas,  y  avaicitété  établies 
par  les  nestoricns,  et  ils  en  avaient  embrassé 
les  erreurs.  Voy.  NEsroRiivisMK,  §  4.;  Tille- 
monl  ,  Mi'in.,  I.  I,  p.  230;  Vies  des  Pères  et 
des  mnrtyis,  t.  XII  ,  p.  "i'iO. 

'l'uoMvs  u'Ayi  IN  (saint),  célèbre  docteur 
de  rii^jlise  et  reliijieiix  doiriinicain,  naquit 
l'an  {-liit,  cl  mourut  l'an  127'i..  (i'csl  un  mal- 
heur qu'il  n'ait  vécu  (jne  qu.iranle-huil  ans, 
puisiiue  toute  sa  vie  l'ut  consacrée  à  l'élu  le 
et  au  service  de  rivalise,  et  que  ses  vertus 
ne  furent  pas  moins  eclatanlcs  (|ue  ses  la- 
lenls.  Il  est  appelé  le  doctnnr  a)u/eli(/He,  ou 
l'iinye  de  l'éiole,  parce  qu'.mcun  autre  n'a 
traité  la  théologie  scolasiique  avec  aut.int 
de  clarté,  d'ordre  et  de  solidité  qi:e  lui;  jiussi 
aucun  autre  n'a  eu  autant  de  réputation, 
suit  pendant  sa  vie,  soll  après  sa  mori  ;  d.uis 
quel(\uc  siècle  qu'il  eût  paru,  il  aurait  élé 
un  i;raMd  homme.  Ceux  même  qui  ont  clier- 
ché  à  diminuer  son  mérite  et  sa  i^loire,  ont 
élé  forcés  de  convenir  que,  s'il  avait  pu  réu- 
nir à  i'etendne  et  à  la  pénélraiion  de  sou 
fléiiie  l(s  secours  que  nous  avons  à  présent 
pour  acquérir  de  1  é' uli^ioii  ,  il  n'y  aurait 
aucune  espèce  d'éloge  doni  il  ne  ût  digne. 
Sa  Siimme  lliéoloyi'iue  qui  est  l'aliiéf^é  de  ses 
ouvia!;cs  de  ce  genre  est  encnre  regardée 
avec  raison  comme  un  chet-d'œuvre  de  mé- 
thode cl  de  dialectique.  Mais  il  en  a  fait  beau- 
coup d'autres;  tous  oui  été  recueiilis  et  [lU- 
bliés;  la  meilleure  édition  est  celle  de  Home, 
faite  l'an  1570,  en  i!ix-sepl  voluiin  s  iu-fol. 
lilie  cunlieni,  1"  ses  ouvrages  pbilosophi- 
(|ues,  ()ui  Sont  des  commentaires  sur  toute 
la  plnlosophie  d'Aristole;  2' des  commen- 
taires sur  les  quatre  liv  r -S  du  Maîire  des 
sentence^  ;  3°  un  volume  des  questions  dispu- 
lt  l's  e-i  iliéo^oijie ;  '4"  la  Somme  contre  lis  yi'n- 
tils,  divisée  en  (\nalre  livres;  6'  la  Soiitme 
Ihéolotjique,  (Je  laquelle  nous  «  enoiis  de  par- 


ler :  on  prétond  que  saint  Thomas  l'a  com- 
posée dans  l'espace  de  trois  ans;  G°  des  ex- 
plications ou  commenlaircs  sur  plusieurs 
livres  de  l'Ancien  et  du  Nouveau  rostatuenl; 
7"  un  volume  d'upuscules  et  (r(euvres  mêlées 
sur  différents  sujets,  au  nombre  de  soixante- 
treize  ,  mais  dont  iiuelqucs-uiis  peuvent 
n'être  pas  de  lui,  au  jugement  des  critiques. 
L'écrivain  le  mieux  instruit  de  la  vie  de 
saint  'l'homas,  et  qui  avait  vécu  avec  lui, 
dil  avec  raison  que  l'on  ne  conçoit  pas  com- 
ment, dans  un  intervalle  de  vingt  ans,  à  da- 
ter du  moment  auquel  ce  saint  docteur  com- 
mença d'enseigner,  jusqu'à  sa  mort,  il  a  [lU 
faire  un  aussi  grand  nombre  d'ouvrages  et 
sur  autant  de  matières  différenlcs.  Léton- 
iiement  redouble,  quand  on  se  rappc'le  (jne  la 
prière  et  la  méditation  ,  la  préciicalioii  de  la 
parole  de  Dieu,  les  affaires  dont  c  •  grand 
homme  tut  chargé,  les  voyages  qu'il  a  faits, 
ont  dû  occuper  jirés  de  la  moiiié  de  sou 
temps.  Aussi  disait-il  qu'il  avail  plus  appris 
au  pied  du  crucifix  que  dans  les  livres. — 
Depuis  que  l'on  a  négligé  l'élu  le  de  la  sco- 
lasii(/\ie  pour  s'at:acher  principalenieni  à  la 
tliculoyie  positive,  les  ouvrages  de  saint  Tho- 
mas sont  tieaucoup  moins  lus  qu'autrefois, 
mais  un  théologien  qui  veut  s'iiislruiri-  soli- 
dement ne  regrettera  jamais  le  temps  (|u'il 
aura  mis  à  consulter  la  Somme  tliéuloyiiiue ; 
il  y  trouvera  sur  chaque  queslion  les  pi  cuves 
et  les  lépoiises  à  l^iutes  les  objections  que 
l'on  peut  tirer  du   raisonnement. 

Les  prolestanls,  qui  mépiiseul  beaucoup 
les  scolaslufues,  ettiiii  en  ont  dit  tout  le  mal 
possible,  n'ont  pas  plus  respecté  saint  Tbo- 
mas  (|ue  les  autres:  ils  lui  accordent  a  la 
vérité  plus  d'espril  et  de  pénétiation;  mais 
ils  (lisent  qu'au  lieu  de  tr.ivailier  à  corriger 
la  mauvaise  metliode  et  le  respect  supeisti- 
tieux  pour  Anslote  ,  qui  régnaient  de  son 
temps  dans  les  écoles,  il  a  rendu  cet  abus 
plus  incnrabL-  par  l'admiration  ((u'il  a  inspi- 
rée à  son  siècle;  qu'il  y  a  beaucoup  à  rab  ti- 
tre (l-s  é'Oges  (jue  l'on  a  donnés  à  ses  talents. 
Oiiel(]ues-uns  prétendent  (|uo  ses  déUiiitious 
sont  souvent  vagues  et  oh-cures  ;  que  ses 
plans  el  ses  divisions,  quoi()ue  pleins  d'art, 
manquent  souvent  de  clarté  el  de  justesse; 
que  sa  meliiode  ne  sert  fréquemment  qu'à 
brouiller  les  questions  au  lieu  de  les  éclair- 
cir.  D'autres  ont  affecté  de  renouveler  les 
accusations  ijui  furent  formées  contre  ce 
sai.it  docteur  |)ar  des  ennemis  jaloux,  pen- 
dant les  Iroub  es  de  l'université  de  Paris. 
Ils  n'ajoutent  aucune  foi.  à  ce  (jue  ses  histo- 
riens racontent  de  ses  vertus  el  de  ses  mi- 
racles. 

Jamais  la  prévention  des  protestants  n'a 
éclaté  d.ivantage  qu'à  celte  occasion.  PimiI-ou 
blâmer  saint  'l'homas  de  n'avoir  pas  entre- 
pris de  changer  absolument  la  méthode  qui 
régnait  de  son  temps  dans  toutes  les  écoles 
de  la  ehrcticuiij?  ;Sos  advers.iires  convien- 
nent que  ceux  qui  s'attachaient  principale- 
ment à  l'Ecriliire  sainte  et  à  la  tradition  ,  et 
(jue  l'on  appelait  les  docteurs  liihlti/iies,  ne 
jouissftieiil  d'aucune  estime  ni  d'aucune  con- 
s.dcraiio;j,  el  voyaient  leurs  écoles  déserlcs  ' 


767 


TliO 


un  docleur  sage  élait  donc  forcé  de  se  con- 
former au  goût  général  el  dominaiil.  Mais 
saint  Thomas  n'a  pas  négligé  l'élude  de 
l'Ecriture  sainte,  puisqu'il  en  a  expliqué  el 
cotnuienlé  plusieurs  livres,  et  qu'il  a  fait 
plus  d'usage  de  la  tradiiion  (juc  les  autres. 
Qu.'ind  on  n'est  pis  au  fait  du  lanj^age  sco- 
Uislique  usiié  pour  lors,  il  n'est  pus  étonnant 
que  l'on  trouve  obscures  la  plupart  des  dofi- 
nilions  de  ce  grand  tliéulogi  n ;  mais  il  suffit 
de  jeter  seulemi'nl  un  coup  d'o'il  sur  la  ta- 
ble des  livres  el  îles  chapitres  de  sa  Somme 
1  our  èlrc  couvaincu  qu'il  y  règne  un  ordre 
infini  dans  la  distribution  des  nialièri's  :  il 
s'en  faul  beaucoup  qu'il  y  en  ail  autant  chez 
la  plupart  des  lliéologii'us  protestants.  Ceux- 
ci  ont  très-bien  compris  que  la  précision 
avec  hiquelle  ce  savant  scolnslique  a  traité 
les  questions  qui  les  divisent  d'avec  nous  a 
fait  leur  cO''d;imnalion  d';ivance.  Leur  incré- 
dulité louchant  les  vertus  héroïi|ues  el  les 
mira'  les  de  saint  Thomas  ne  prévaudront 
jamais  sur  l'alleslalion  des  témoins  ocul  :ires 
de  sa  vie  ni  sur  les  informallons  juriiiiques 
qui  en  ont  été  failes.  On  n'a  pas  pu  en  im- 
poser sur  les  actions  et  sur  la  conduite  d'un 
personnafje  aussi  célèbre,  qui  a  été  vu  cl 
cnnnu  dans  toute  la  France  el  dans  toute 
l'Italie.  Voy.  ScoL4STiyuE. 

Thomas  Bkcoi;et  (saint),  archevêque  de 
Canlorhéry,  naquit  l'an  1117  et  fut  mis  à 
mort  l'an  1170,  sous  le  règne  de  Henri  II,  roi 
d'Angleterre.  Quoique  ce  saint  ne  soit  pas 
au  nombre  des  écrivains  ecclésiastiques,  il 
nous  paraît  ijiiporlant  de  réfuter  les  calom- 
nies que  l'on  élève  aujourd'hui  contre  sa 
mémoire,  calomnies  qui  retombent  sur  l'E- 
glise catholii|ue,  par  le  jugement  de  laquelle 
il  a  été  mis  au  rang  des  saints. 

Elevé  d'abord  à  la  dignité  de  chancelier 
d'Angleterre,  il  rendit  au  r(ji  el  à  la  nalion 
les  plus  iuiport;ints  service*.  Placé  ensuite 
sur  le  siège  de  Canlorhéry,  l'an  IKiO,  il  en- 
cuurut  la  disgrâce  de  son  siuverain  et  des 
grands  du  royaume,  par  sa  fermeté  à  défen- 
dre les  droits  de  l'I'gliso  contre  les  enlre()ri- 
ses  et  les  usurp;ilions  de  l'un  el  des  autres. 
Obligé  de  se  retirer  en  France,  il  y  fui  ac- 
cueilli par  le  roi  Louis  VII  et  par  le  pape 
Alexandre  III,  qui  y  était  pour  lors  Après 
plusieurs  lentalives  et  de  longues  négocia- 
tions, l'un  et  l'aulre  parvinrent  à  le  réconci- 
lier avec  son  roi  et  à  le  faire  rétablir  sur  son 
siège.  Mais  comme  il  continuait  de  s'opposer 
aux  abus  qui  régnaient,  et  à  deinander  la 
reslituliou  des  biens  enlevés  à  sou  Efjlise,  il 
excita  de  nouveau  la  colon'  du  roi  ;  quatre 
courtisans  crurent  se  rendre  agréables  à  ce 
prince  en  assassinant  ce  vertueux  prelal  au 
pied  des  aulels.  H  fut  mis  au  rang  des  saints 
trois  ans  après  sa  mort. 

Avant  le  schisme  de  l'Angleterre  et  l'inlro- 
duction  du  proleslantisme  dans  ce  royaume, 
tous  les  Anglais  remlaienl  un  culte  religieux 
à  saint  'I  hom.s  Becquet,  et  le  regard  ieni 
cuainie  un  des  grands  hommes  de  leur  na- 
liuii;m;iis  ils  ont  changé  M'idécs  en  clian- 
geanl  de  leligiuii.  Plusieurs  de  leurs  écri- 
vains se  soûl  emportés  eu  invectives  contre 


TIW  7i;8 

ce  personnage  ;  jugeantoe  sa  conduite  comme 
si  au  su*  siècle  leur  roi  s'était  déjà  déclaré 
chef  souverain  de  l'Eglise  anglicane,  ils  ne 
voient  plus  dans  le  saint  archevct[iie  qu'un 
fanatique  ambitieux,  un  brouillon,  un  sédi- 
tieux, un  opiniâtre  frénélique,  révolté  contre 
son  roi  et  son  bienlalleur.  C'est  ainsi  qu'il 
est  traité  par  le  iraduclenr  anglais  de  l'Ùis- 
toire  ecctésidstque  de  Musheim,  \iv  siècle, 
11'  part.,  c.  2,  §  12,  note.  Mosheim  en  avait 
parlé  avec  décence  et  avec  modération;  quel- 
ques incrédules  français  ont  encore  enchéri 
sur  les  termes  injisrieux  du  traducteur. 

Pour  juger  si  l'arehevêiue  de  Canlorhéry 
a  élé  innocent  ou  coupable,  digne  de  louange 
ou  de  blâme,  il  faul  savoir  plusieurs  faits 
historiques  rapportés  par  les  contemporains, 
el  que  l'on  ne  peut  pas  révoi|uer  eii'  doute. 
1°  Henri  II  était  un  souverain  non-seulement 
Irès-absolu  ,  mais  très-violent,  sujet  à  des 
transports  fréquents  de  colère,  peu  tant  les- 
quels il  ne  se  possédait  plus;  il  oubliait  ses 
engagements  les  plus  solennels, et  ne  voulait 
plus  d'autre  loi  que  sa  volonté.  Accoutumé 
à  disposer  de  tous  les  bénéfices,  contre  le 
droit  commun  établi  partout,  il  s'appropriait 
les  revenus  pendant  l;i  va'ance,et  négligeait 
pendant  longtemps  de  nommer  un  succes- 
seur, afin  de  prolonger  sa  jouissance.  A  sou 
exemi)le,  les  seigneurs  envahissaient  les 
biens  ecclésiastiques,  el  se  réunissaient  pour 
dépouiller  le  clergé.  Le  même  désordre  avait 
régné  en  France  pendant  plusieurs  sècles. 
2°  Lorsque  ce  prince  voulut  placer  Thomas 
Becquet  sur  le  siège  de  Canlorliéry,  celui-ci 
lui  déclara  que  s'il  était  une  fois  revêtu  de 
celle  dignité,  il  ne  pourrait  plus  tolérer  ce 
brigindage,  que  son  devoir  le  foicerait  de 
s'y  opposer,  qu'il  encourrait  infailliblement 
la  disgrâce  du  roi,  qu'il  le  suppliait  de  le  dis- 
penser d'accepter  cette  charge.  Henri  II  in- 
sista :  il  eut  donc  lort  de  s'étonner  de  la  ré- 
sistance de  r.irchevcque  ;  il  devait  s'y  atten- 
dre. 3°  Les  abus  ausquels  Thomas  s'opposait 
n'étaient  pas  des  lois,  le  roi  lui-même  les 
appelait  des  coutumes.  Il  les  fil  rédiger  en 
lois  dans  une  assemblée  tenue  à  Clarendim, 
l'an  IIG*  :  il  crut  acquérir  ainsi  le  dioii  de 
dépouiller  le  clergé,  non-seulement  de  ses 
biens,  mais  encore  de  sa  juridiction.  La  plu- 
part des  evêques  se  soumirent.  L'archevêque 
de  Cautorbéry,  pour  ne  pas  se  rendre  odieux, 
consentit  à  signer  avec  les  autres;  mais, 
après  rellexion  faite,  il  s'en  repenti!  ;  il  en 
demanda  pardon  au  pape, et  se  fil  absoudre  : 
de  là  le  nouveau  méconlenlement  du  roi  et 
l'origine  de  la  rupture.  4°  l^es  constitutions 
de  Clarendon  furent  exaininèes  en  Franco 
par  le  pape,  dans  une  assemblée  tenue  à 
Sens  ou  ailleurs.  De  seize  articles  qu'elles 
contenaient,  on  jugea  qu'il  y  en  avait  seule- 
ment sept  (|ue  Ion  pouvait  tolérer,  que  tous 
Il  s  autres  elaient  conirairc  s  au  droit  géncra- 
lemeni  reçu  dans  l'Iiglise  el  aux  décrets  des 
conciles.  On  blâma  la  laihlesse  i|n'a«ail  eut) 
d'aliord  l'arclievêcine  de  Canlorhéry  et  les 
autres  évéqucs  anglais  de  les  signer.  Les 
anglicans  répondent  que  le  pape  ui  l'Eglise 
n'avaient  rien  à  voir  aux  loit  civiles  d'Au? 


5G9                                       TIIO  TIIO                                   770 

plrtcrre;  nue  c'étail  an  roi  spiil  .le  les  faire  cession  d'une  victoire  qu'il  romporla  sur  ii' 

;i  son  grc'-.  S;in!(  es.iininrr  le  l'oiid  île  ce  ilioit,  roi  il'Kcnssf  d.iiis  ce  lenips-là.  Le  Iraducirur 

nous  non»,  horiions  à  observer  qu'il  est  ab-  de  Moshcim  n'.i  |)as  trouve  bon  de  ripporter 

surde  de  jn^'er  une  ((ueslion  du   xii'  siècle  celle  «ircoii^iance.  I,rs   meurtriers    de   leur 

sur  les  iiriiK  ipes  du  xv"  ou  du  xviir,  cl  non  c6té,  ch.irfjés  de  l'exécration  publique,  ren- 

siir  ci'ux   qui  étaient  univrrsclb  inenl  reçus  Irèrenl  eu  eus-iuèiiies   et  niuurureul  péni- 

el  suivis   pour  lots;  de  v<iuloir  i|ue  Tlioiiias  tenta 

Bec(iiiel  se  soil  cru   plus  obligé  de  se  sou-  Les  richesses  accuntjulées  au  tombeau  de 

mcitie  aux    volontés  arbitraires  de  Henri  II  saint  Thomas  IJrcquet,  pendant  ijualre  cents 

qu'au  jugement  du   souverain   pontile  et  de  ans,   fuient    pillées    par    les   émissaires    de 

loule  i'Kgli  e.  Une   preuve  (ine  le  droit  du  Henri  \lll.  et  ses  os  furent  biûlés.  Hist.  de 

su'  siècle  n'était  pas  aussi  absurde  qu'on  le  l'Eglise  (jnllic,  I.  IX,  liv.  xxvii,  an.  1IC3  et 

prétend,  c'est  que,  malgré  la    préiendue  ré-  suiv.;   Vies  des  Pères  et  des  mirti/rs  ,  I.  XII, 

formation,  l'ai  chevéïiue  de  Caiitoibery  jiuit  p.  371.  On  y  trouve  les  citations  des  auteurs 

encore  de  l;i  plupart  des  privilèges  (|ue  saint  oiii;iiiau\. 

T-liomas  réclamait,  et  que  riinmunllé  des  TiioMis  de 'N^illenelvk  (saint).  Les  ho^pi- 
clercs  subsiste  encore  en  Angleterre,  sous  le  lalicres  de  Snint-Thumas  de  Villencave  ont 
nom  de  bénépce  de  clcnjif,  Londres,  loui.  lil,  été  insliliiées  en  Brel^igne  par  le  P.  Ange  Le 
p.  74  el  75.  5°  Dans  toutes  les  ambassades  Proust,  aiigustin  rélonné,  en  ICGl.  Cet  éta- 
ei  négociations  ()ui  eurent  lieu  à  ce  sujet  eu  blissement  a  é  é  conliriné  par  des  lettres  pa- 
France  et  à  Home,  Henri  II  se  ci>ndui>ii  avec  ten  es  en  1660.  Klles  le  font  que  des  vœux 
une  inconstance,  une  dupli  ité,  une  mau-  sim|iles  ;  elles  sont  occupées  non-seuleu.cnt 
vaise  foi,  qui  ne  lui  lirenl  pas  honneur.  au  soin  des  malades,  mais  encore  à  l'instruc- 
Lorsqu'il  était  de  sang  froid,  il  promenait  et  lion  de  la  jeunesse,  et  suivent  la  règle  de 
accordait  tout  ce  qu'on  voulait  ;  dans  le  pie-  saint  Augustin;  elles  ont  trois  maisons  à 
ntiier  m  'uvemcnt  de  colère.  Il  se  rétractait  et  Paris.  Lorsqu'elles  fout  profession,  une  pau- 
ne  vonlail  plus  ri<'n  enlendre.  Peu  s'en  fiillut,  vre  femme  les  e.nb  asse  et  leur  met  une  ba- 
nlus  d'une  f)is,  qu'il  ne  formai  contre  rKglise  gu<;  au  doigt,  en  L  ur  disant  :  Souvenez- 
le  même  sihhiue  {]u'n  c\('i:u{c  II' ur'i  \'\ll  eu  ruus,  tua  elle:  e  sœur,  que  vous  devenez  la 
lo3'i-,  6"  Ses  apologistes  preieuilenl  que  le  roi  servanle  des  p  itvres.  Ou  sait  que  suint  Tho- 
de  France,  Louis  VU,  ne  lavorisa  Thomas  mus  de  Ki/Z^neurp,  archevêque  de  \alence  en 
Becquet  qui-  par  haine  contre  Henri  II,  son  l'spagne,  mort  l'an  1555.  se  rendit  principa- 
cnnenii,  (|ui  possédaft  pour  lors  nos  proviii-  leuient  recommandable  oar  sa  char. lé  envers 
ces   occidentales.  La  lauselé  de  ce  soupçon  les  malheureux. 

et  prouvée  par  un  fiil  incontestable  :  c'est  THOMISME,  THOMISTES.  On  appe'le  ^/to- 
que Louis  Vil  n'acc()rda  une  protection  dé-  misme  la  doctrine  de  saint  Thomas  d'Aquiu 
clarée  el  conslanle  à  l'archevêque  de  Can-  touchant  la  grâce  et  la  p' édestination ,  et 
torbéry  qu'après  avoir  eu  une  longue  onfé-  thomistes  ceux  qui  font  prolessiou  de  la  sui- 
rence  avec  Henri  II,  près  de  Mouinnriil,  vre.  particulièrement  les  dominicains.  Voici 
dans  le  l'ercbe,  l'an  IlliO,  et  après  .ivoir  en-  comme  ils  ont  coutume  de  l'exposer, 
tendu  les  reproches  de  ce  |irince  el  les  répou-  D. eu,  disent-ils,  est  li  cau--e  piemière  ou 
ses  du  prélat,  que  Louis  VII  avait  conduit  le  premier  moteur  à  l'égard  de  loulcs  ses 
avec  lui  pour  le  f;iire  lentrer  en  grâce.  C'est  créatures  :  comme  cause  pretnière,  il  doit 
après  son  celoiir  que  noire  roi  fil  a  un  en-  influer  sur  toutes  les  actions,  parce  qu'il 
voyé  de  Henri  11  la  réponse  qui  est  devenue  n'est  pas  de  sa  dignité  d'allendre  la  délermi- 
célèbre  :  Dites  à  votre  maître  que  je  ne  veux  nation  de  la  cause  seconde  ou  de  la  créa- 
poinl  renoncer  à  l'ancien  droit  de  ma  cou-  luro;  comme  premier  moteur,  il  doit  impri- 
ronne  :  la  France  a  éti-  de  tout  temps  en  pos-  mer  le  uiouvemenl  à  lontes  les  facultés  ou  à 
session  de  protrger  les  innocenis  opprimés,  et  toutes  les  puissances  qui  en  sont  sU'Cepii- 
de  donner  retraite  à  ceux  qui  sont  exilés  blés.  Voilà  la  base  de  tout  le  sys  ènie.  De  là 
pour  la  justice.  Avant  de  laisser  retourner  les  thomistes  concluent  :  1°  One  dans  quel- 
Thomas  Hecquel  en  Angleterre,  Henri  II  ne  que  état  que  Ion  suppose  l'homme,  soit 
lui  fit  point  promelire  cju'il  renoncerait  à  la  avant,  soii  a|)rès  sa  chute  originelle,  el  pour 
défense  des  droits  de  .sa  dignité  et  de  son  queli)ue  action  que  ce  soil,  li  pré  notion  de 
Eglise.  7"  Nous  n'accusons  point  ce  roi  d'à-  Dieu  est  néeess  lire.  Ils  appellent  celle  pré- 
voir consenti  au  meurtre  de  l'arcluM  éque.  motion  piédéti-rminalion  physique,  à  l'égard 
Fr;ippè  de  terreur  et  de  regret  à  la  première  des  aclions  naturelles,  ei  qrdce  efficace  par 
nouvelle  qu'il  reçut  de  ce  crime,  il  juia  el  elle-même,  quand  il  s'ajiil  des  œuvres  siirna- 
prolesla  qu'il  n'y  avait  point  de  pari  ;  (|u'en  liirelles  et  miles  au  saliil.  Ainsi,  cou  inuenl- 
se  plaign<ini  imprudemment  de  ce  (|ue  per-  ils,  la  grâce  cilicace  par  elle-même  a  été 
sonne  ne  voulait  le  délivrer  de  cet  homne,  il  neces>aire  aux  anges  ei  a  nos  premiers  pa- 
n'avait  eu  aucune  intention  n'inspirer  à  des  renis,  pnur  l'aire  des  œuvres  surnaturelles 
assassins  le  dessein  d'atleuler  à  sa  vie.  il  fil  et  pour  persévérer  dans  letat  d'innocence, 
de  sa  faute  une  pénitence  exemplaire ,  sans  H  n'y  a  donc  aucune  différence  entre  la 
attendre  que  le  pape  la  lui  enjoignii,  comme  grâce  efficace  de  l'clat  d  innocence  et  celle 
quelques-uns  le  supposent.  Peu  d'années  de  la  nature  tombée  ou  corrompue.  En  cela, 
après,  il  alla  se  prosterner  au  tombeau  du  le  sentiment  des  thomistes  est  opposé  à  celui 
saint,  y  répandit  lies  larmes,  implora  sa  pro-  des  augusliniens.  Voy.  ce  mol.  2°  La  grâce 
lecliou,  el  rt  crut  être  redevable  à  son  inler-  efficace  lut  refusée  à  Adam  el  aux  anges  nu 


771 


THO  THO  772 


sont  déchus  de  leur  état ,  mais  ils  en  furent  soutiennent  le  contraire  ;  ils  disent ,  1°  que , 
privés  par  leur  faute.  3°  Dans  l'état  raomc  par  la  pri'<moiion.  Dieu  ne  donne  atieinie  à 
d'innocence,  il.  faut  adinelire  en  Die<i  des  aucune  des  facullés  de  riioinme  ,  parce  qu'il 
déocls  absolus,  efficaces  et  anli  céilf'iits  à  venl  qm-  riioniine  ngisse  lilirciiicn!  ;  que  la 
(ouïe  déieriiiiiialion  libre  des  volontés  créées,  prémolion,  loin  d'éire  un  ol)sia<:le  au  choix, 
puisque  la  prescience  de  Dieu  o'es(  l'ondée  ou  à  l'action,  esl  au  contraire  un  coiiiplé- 
que  sur  ces  décrets.  Ainsi,  dans  cet  élit,  la  ment  nécessaire  jionr  agir;  2  qu'aucun  ob- 
prédestinalion  à  la  gloire  élernolle  a  élé  an-  jet  créé  n'olïrant  à  l'Iionime  un  allrail  invin» 
lércilente  à  la  prévision  des  mérites.  Par  cible,  la  raison  lui  fait  toujours  apiTcevoif 
conséquinl,  il  en.a  élé  de  même  de  la  répro-  diversobjets  entre  lesquels  il  peut  choisir, 
l)aiion  négative  ou  de  la  non-éledioii  à  la  cl  que  cela  suffit  pour  la  liberté.  —  On  doit 
gloire;  elle  esl  uniqui'meut  venue  de  la  vo-  rnnveoir  d'abord  que  ce  sylèine  ne  renferma 
lonlé  de  Dieu.  Quelques  thomiaies,  ce[)en-  aucune  erreur  ;  il  n'a  jamais  essuyé  aucune 
daiit,  pensent  que  le  péché  originel  est  la  censure  :  il  esl  donc  irès-permis  de  le  sou- 
cause  de  la  réprobation  négative.  Quant  à  la  tenir,  et  il  esl  assez  commun  dans  les  écoles 
réprobation  positive,  ou  à  la  destination  aux  de  théuloijie.  Ceux  (jui  ont  voulu  le  confon- 
peines  éternelles,  elle  a  élé  conséquente  à  la  dre  avec  celui  de  .lanséiiius  se  sont  grossie- 
prévision  du  démérite  futur  des  réprouvés,  renient  trompés,  ou  ils  ont  voulu  en  impo- 
k"  Notre  premier  père  ayant  péché,  tous  ses  sor.  Les  thomistes  soulienncnl  que  .lésus- 
dcsceii  lanls  ont  péché  en  lui  ;  ainsi,  tout  le  Christ  esl  mort  pour  le  salut  de  tous  les 
gi me  humain  e  t  devenu  une  masse  de  per-  hommes  ;  qu'en  conséquence  Dieu  donne 
dition.  Dieu,  sans  injustice,  aurait  pu  l'ab/in-  des  grâces  intérieures  à  tous;  que  l'homme 
donner  tout  emier,  comme  il  a  délaissé  les  résiste  souvent  à  ces  grâces,  quoiqu'elles  lui 
angi'S  prévaricaieuis  ;  mais  par  pure  miséri-  donnent  un  vrai  pouvoir  de  faire  le  bien; 
corde,  pai-  un  décret  antécédent  et  graïuit,  il  que,  quand  il  faii  le  mal,  ce  n'est  pas  parce 
a  voulu  le  racheter.  En  conséquence,  Jésus-  qu'il  manque  de  la  grâce,  mais  parce  qu'il  y 
Christ  est  mort  pour  tous  les  honunes;  et.  en  résiste;  que  la  grâce  effica  :e  ne  lui  impose 
vertu  de  sa  mori.  Dieu  a  préparé  des  grâces  aucune  nécessité  d'agir,  parce  que  celte  né- 
sulfisautcs  |)our  le  salut  de  l  lUS,  et  en  donne  cessité  serait  incompatible  ;ivec  la  liberté. 
à  tiuis  plus  ou  moins.  5°  Par  un  nouveau  Autant  de  vérités  diamétralement  opposées 
Irait  (le  miséricorde  antécédente  et  graluile,  aux  erreurs  condamnées  dans  Jansénius.  11 
Dieu  a  élu  et  prédestiné  efficacement  à  la  n'y  a  pas  moins  d'injustice  à  leur  attribuer 
gloire  éternelle  un  certain  nombre  d'âmes,  celles-ci  qu'à  taxer  les  congruistes  de  semi- 
préférablement  à  tout  le  reste.  Ce  choix  esl  pélagianisme. 

appi  le,  par  les  ihothi^tes,  décret  d'intention.  Lorsque  l'on  dit  aux  thomistes  que  leur 
eu  conséquence  duquel  Dieu  accorde  aux  grâce  prétendue  suffisante  n'est  suffisante 
élus  des  grâies  efficaces,  le  don  de  la  perse-  que  de  nom,  puis.|u'avec  elle  l'homme  ne 
vérance  et  la  gloire  dans  le  leo.ps,  au  lieu  fait  jamais  le  bien,  ils  répondent  que  c'est 
qu'il  ne  donne  à  tous  les  autres  que  des  giâ-  sa  faute,  et  non  celle  de  la  grâce,  puisqu'elle 
ces  sulfi--anles  pour  opérer  le  bien  et  y  per-  lui  donne  tout  le  pouvoir  nécessaire  pour 
sévérer.  G"  Dans  l'état  de  nature  tombée,  la  agir;  que  dans  la  grâce  suffisante  Dieu  lui 
grâce  efficace  esl  nécessaire  à  toute  créature  offre  une  grâi  e  efficace,  et  (lue  si  Dieu  ne  lui 
raisonnable,  pour  deux  raisons  :  1*  à  liire  de  accorde  pas  celle-ci,  c'est  qu'il  y  met  obsla- 
dépendance,  parce  qu'elle  est  créalure;  2°  à  de  par  sa  résistance.  Ainsi  l'enseigne  saint 
cause  de  sa  faiblesse.  Quoique  la  grâci'  suf-  Thomas,  in  2,  dist.  28,  qawst.  1,  ai  I.  k,  liv. 
fisanle  guérisse  la  volonté  et  la  rende  saine,  m,  contra  Gtnt.,  c.  159.  Ils  ne  soutiennent 
cependant  l'homme  éprouve  toujours  une  pas  pour  cela  que  leur  système  est  sans  au- 
giande  difficulté  à  faire  le  bien  surnaturel  ;  ciine  dilficulté  :  ceux  qui  ne  le  goûtent 
quiiiriu'il  ait  avec  cette  grâce  un  pouvoir  vé-  point  leur  eu  opposent  un  grand  nombre.  1' 
riiable,  proihain  et  complet  de  faire  le  bien.  Suivant  leur  opinion,  il  serait  difficile  de 
néanmoins  il  ne  le  fera  jamais  sans  une  trouver  dans  saint  Thomas  toutes  les  pièces 
grâce  efficace.  7*  Il  s'ensuit,  de  tout  ce  qui  duut  les  (/(ohcs^'S  composent  leur  hypollièse; 
précède,  que  la  prescience  des  bonnes  œu-  il  en  esl  plusieurs  (lue  l'on  ne  peut  tirer  des 
vres  de  l'homme  esl  fondée  sur  un  décret  expressions  du  s  lint  docteur  que  p.ir  dei 
eflic.ice,  absolu  et  anlécéiient,  de  lui  aecor-  conséquences  éloignées  et  peut-être  forcées, 
(ier  la  grâce  eflicaie,  et  que  la  prescience  du  2  Que,  dans  le  principe  sur  lequel  ils  se 
péché  est  également  fondée  sur  un  décrel  de  funilenl,  les  mots  Cfiuse  première,  premier 
permission,  par  lequel  Dieu  a  résolu  de  ne  molnir,  attendi e  ht  détermination  descausis 
point  lui  accorder  celte  même  grâce  néces-  secondrs,  imprimer  le  mouvement,  sont  équi- 
saire  pour  éviter  le  péché.  8"  Dieu  voit,  dans  v0i|ues,  et  que  les  thoinistis  les  prennent 
ses  décrets,  qui  sont  ceux  qui  persévéreront  d  ns  un  sens  tiiut  ilifférent  des  autres  Ihéo- 
dans  le  bien,  (jui  sont  ceux  au  contraire  qui  logiens  ;  iiue  Dieu  ne  doit  point  imprimer  le 
finiront  dans  le  mal  :  en  conséquence,  il  ac-  mouvement  à  des  êtres  essenliellemeul  ac- 
corde aux  premiers  la  gloire  éiernelle  po  ir  tifs  ni  à  des  facullés  actives,  comme  si 
récompense,  et  »'  condamne  les  autres  au  c'étaient  des  choses  pureineul  passives,  'â' 
supplice  de  l'enfi  r.  C'est  ce  que  les  f/(omi5!e5  H  leur  païaît  peu  convenable  dédire  que, 
nomment  rfecrr^  d'exécution.  dans  l'elat  d'innocence,  une  partie  des  anges 
Quand  ou  leur  objecte  que  ce  système  et  le  premier  hunmie  ont  été  privés  de  la 
s'accorde  mal  avec  la  liberté  humaine,  ils  griirccfCicc. a  par  leur  faute.  Outre  l'incoii- 


773 


TIIR 


TIA 


i7] 


vétiieiU    d'iulmeltre   une    faute    dans    l'ôlat 
d'innoicnce.  oi'<rollc  f'Ule  était  grièvc,  ou 
ellf  cia;i  li'fjère  :  dans  le  premier  cas,  elle  a 
fail  [loiùre  rinnocene.e  avant  la  cliule;  dans 
le  sccttii'l,    elle   ne   tiiénlall  pis  une    |iein.e 
aussi   terible  (lue  la  priv.ilioii  de   la  càce 
efficace  nécessaiie  pour  persévéïer.  i°  L'oif 
ne  conçoit  pas  coinnx'iil  un   décret  anlécé- 
dent  et  alisolu  d'   répiobalion  uégalive  peut 
s'accorder  avec  le  décret  ant  'cédeut  et  ab- 
solu de  sauver  tous   les  liomines   el  de   les 
racheter  par  Jésus-Christ.  Ce^  deux  décrets 
paraissent  coulradirtDires.  Il  en  est  de  même 
de  la  [irédcslin.ition  absolue  d'un  petit  nom- 
bre d'àmes,  après  la  chule  d'Ad.itn,  el  inal- 
l^ré   la  rédeuiptiou   si''>i'''ale,    pendant   que 
l)ieu  laisse  de  côté  le  plus  i;rand   nombre. 
5'  L'on   conçoit   encore   moins  comrieut   la 
jïràce  suKisante  yutf/f'f  la  volonté  el  la   rend 
saine,  pendant  qu'elle  lui  laisse  une  (/ronde 
difficulic  à  faire  le  bien;  cette   dilllculté  pa- 
raît une   fîramle  maladie.  Supposer  qu'afec 
celle  grâce  l'honime  a  un  vrai   pouvoir,  un 
pouvoir  prochain  el  comph't  de  faire  le  bien, 
el   que  cependant  il    ne  le  fera  jamais  sans 
une  grâce  efficace,   c'est  admettre  un    pou- 
voir  sans  preuve  et   par  pnre   nécessité   de 
système.    G"    Un    décret    de  permission,    par 
.leiiucl  Dieu  a  résolu  de  ne  point  ac'  order  la 
grâce  efficace,  est  un  mot  inintelligible.    Per- 
mellre  signifie  simplement  ne  point  empê- 
cher, ce  n'est  donc  point  un   décret  positif; 
si  on  l'entend   autrement,   l'on  suppose  que 
Dieu  v("Ul  |iosilivtment  le  pécné. 

Ce  n'est  point  à  nous  de  terminer  cette 
dispute  (jui  dure  déjà  depuis  |  lusicurs  siècles, 
el  qui  probablement  durrra  encore  plus 
long-temps  ;  nous  n'y  prenons  aucun  intérêt. 
Nous  voudrions  seulenicnt  que,  quand  il  est 
question  de  systèmes  arbitraires  sur  un 
niys'èie  incompréhensible,  tel  que  la  pré- 
destination, l'on  y  mil  moins  de  chaleur, 
que  l'on  s'abstint  do  termes  durs  et  d'accusa- 
tions téméraires  ;  il  est  mieux  pour  un  théo- 
logien de  réserver  son  temps,  ses  talents 
et  ses  peines  pour  défendre  les  vérités  de 
notre  foi  contre  ceux  qui  les  attai|nent. 

TllUONli:  ou  TltONI';,  siège  elevj  au-des- 
sus des  autres.  Les  prophètes,  dans  leurs 
extases,  ont  souvent  vu  le  Seigneur  assis 
sur  un  trdne  éclatant  de  lumière,  environné 
des  ange  s  prêts  à  recevoir  ses  ordres  et  à  les 
exécuter;  Dieu  daignait  leur  donner  par  ces 
visions  une  faible  i  !ée  de  sa  grandeur  et  de 
sa  majesié.  .lesus-t^hrisi,  Matlli.,  c.  v,  v.  32, 
défend  de  jurer  par  le  ciel,  parce  que  c'est 
le  ir'ne  de  Dieu.  Etre  jjlacé  sur  un  siège 
élevé  dans  une  assemtdée  est  un  signe  de  di- 
gnité et  d'autorité  ;  de  là  le  trône  est  devenu  le 
'sMubo'edela  royauté,  el  souvent  il  la  signifie 
dtos  rKcriiure  sainte  ;  Proi'.,  c.  xx,  v.  "28  : 
Ajfermisscz  par  la  clémence  voire  tuônk,  c'est- 
à-d.re  voire  règne  et  votre  autorjiè.  H  y  a  dans 
le  troisième  livre  des  liois,  chap.  x,  v.  2S).  une 
description  magnifique  du  Irone  de  Salomon. 
Ce  qui  e-,\.  dit  dans  les  prophèies  des  anges 
qui  environnent  le  trône  de  l)ieu,  leur  a 
fait  donner  ce  nom.  Saiut-l'.iul,  Colons.,  cap. 
I,  v.   IG,    dit  que  toutes   choses  visiulcs   ou 


invisibles,  ont  élé  créées  de  Dieu,  soit  les 
troncs  ou  les  dominations,  les  princip  iutés 
on  les  puissances;  les  Pères  de  l'I'glise  ont 
pensé  que  l'apôlie  désignait  (lar  là  quatre 
divers  ordres  des  au'^es,  el  que  les  trônes 
sont  les  anges  du  premier  ordre.  Voy. 
Angk. 

Thône  épiscopal.  Jésus -Christ  dit  dans 
l'Evangile,  Matlli.,  cap.  xix,  v.  28:  Aurnmu- 
vellement  de  toutes  cluses,  lorsi/ue  le  Fils  dr 
niomtne  sera  placé  sur  le  siéfje  ou  sur  le  tiiônk 
de  sa  majesic,  \wus  serez  aussi  assis  sur  douze 
sièges  et  vous  jugerez  les  douze  tribus  d'Israël. 
Dii\isrApocnlijpse,(h.  iv  et  suiv.,où  saint  Jean 
a  représeï;!;'  les  assemblées  chrétiennes  s<ius 
l'emblème  de  la  gloire  éternelle,  le  président 
est  as  is  sur  un  ti(iHe,et  vingl-quaire  vieillards 
ou  prêtres  occupent  ausssi  des  trôms  !\uiottr 
de  lui.  De  là  s'est  inirodnite  la  coutnme  gé- 
nérale d'élever  dans  les  églises  un  siège  au- 
dessus  des  autres,  pour  y  placer  l'évêque. 
liingham,  Orig.  ecclés.,  t.  III,  1.  viii.  c.  6, 
§  1,  observe  que  le  mot  grec  eÀfio:  signifiait 
tantôt  l'autel,  tantôt  l'ambon  ou  le  pupitre, 
quelquefois  le  trône  épiscopid,  souvent  le 
chœur  entier  dans  lequel  toutes  ces  parties 
étaient  rassemblées  ;  en  efi'et  c'est  un  lerme 
générique  qui  signifie  simplement  un  lieu  où 
l'on  monte.  Eusèbe,  llisl.  ecclés.,  liv.  vu, 
c.  30,  rapporte  que  l'un  des  reproches  que 
l'on  fit  à  Paul  deSamoiate,  au  concile  d'Au- 
tioche,  l'an  270,  fut  qu'il  s'élait  fait  cons- 
truire un  trône  ou  tribunal  fort  élevé,  et 
qu'il  l'appelait  sz/ifUTov  comme  les  magistr^ils 
séculiers  ;  mais  il  n'est  pas  nioiiis  certain 
que,  dès  la  naissance  de  ri'glise,  les  èvêques 
oui  eu  dans  le  choeur  un  sié^e  distingué, 
plus  élevé  que  celui  des  simples  prêtres,  et 
qui  marquait  leur  dignité.  On  lit  d.ins  un 
ancien  auteur  que  l'ieire,  successeur  de 
Théonas  sur  le  siège  d'Alexandrie,  prenant 
possession,  refusa  par  modestie  de  s'asseoir 
sur  le  trône  de  saint  Marc,  qu(;  l'on  gardait 
précieu'eaieut  dans  cette  église.  —  On  ap- 
pela, dans  les  premiers  siècles,  prolotrône 
ièvèque  d'une  province  dont  le  siège  était 
le  plus  ancien.  \'oy.  Cuare. 

ïHUKIFÈHAIRIî  est  un  clerc  qui  porte 
l'encensoir  et  qui  est  chargé  d'encenser 
dans  le  chœur. 

THUIUFIÉS,  rnURIFlCATI.  V.  Lapses. 
TIAUE,  ornement  de  tète  des  prêtres  juifs; 
c'était  une  espèce  de  couronne  de  toile  do 
byssHs  ou  de  fin  lin,  Exod.,v.  xxviii,  v.  40; 
c.  XXXIX,  V.  20.  Le  grand  prêtre  en  portait 
une  dilTérente,  qui  était  d  hy.icinlhe,  envi- 
ronnée d'une  triple  couronne  d'or  et  fjarnie 
sur  le  devant  d'une  lame  d'or  sur  laquelle 
était  gravé  le  nom  de  Dieu.  La  lune  est 
aussi  l'ornement  de  tête  que  porte  le  souve- 
rain ponlife  de  l'Iîglise  chrétienne  ,  pour 
mar(|ue  de  sa  digniie.  C'est  un  bonnet  assez 
élevé,  environne  de  trois  couronnes  d'or,  et 
surmonté  d'un  globe  avec  une  croix,  avec 
deux  pendants  qui  tombent  par  derrière, 
comme  ceux  de  la  mitre  des  évèques.  Celte 
tiare  n'avait  d'abord  i]u'une  seule  couronne, 
Boniface  \\\\  y  en  ajouta    une  seconde,  et 


lienoît  XII  une  (roisième.  Le  pape  la  porle 
sur  sa  léie  lorsqu'il  duiiiie  la  bénédiction 
au  leuplft. 

1 IKHCE.  Vny.  HEt'RES  canoniales. 

TIEUCKLIN.  TlhKCKLlNE.    Voy.   Fran- 
ciscain, Franciscai\e. 

TIEHCIAIRE,  hommp  ou  femme  qui  est 
d'un  tiers  ordre  de  religieux.  (>oi»imi^  la  plu- 
p;ir'l  des  ordres  monastiques  ont  subi  des  ré- 
formes, les  réformés  ei  les  anciens  ont  été 
leiiscs  deux  ordres  différent-*,  lis  ont  nom- 
mé tiers  ordre  ceux  qui  formèrent  dans  la 
suit(>,  pour  quel(|ue  nouvelle  r;iis<in,  une 
iroi>ièine  coiifçrégation.  Mais  l'on  a  d'inné 
le  même  nom  a  nue  association  de  pieux 
laïques  ou  de  gens  mariés,  qui  contr^ictent 
avec  un  ordre  religieux  une  espèce  d'affili.i- 
lion,  afin  de  pariieiper  aux  prières  ei  aux 
bonnes  oeuvres  qui  se  font  dans  cet  ordre  , 
et  d'en  imiter  les  pralnines  de  dévoiion, 
aulani  que  leurs  oceupiilions  et  les  devoirs 
de  li'ur  elal  peuvent  le  leur  permettre.  Ils 
ne  foni  point  de  vœux  ;  leurs  diiccteurs  leur 
prescrivent  seulement  un  règlement  de  vie 
propre  à  les  snutenir  dans  la  piété  et  la  pu- 
reié  des  mœurs.  La  plupart  des  ordres 
religieux  ont  eu  des  tiers  ordres.  Comme 
tous  on!  commencé  par  la  ferveur  et  par 
une  vie  exemphiire,  un  grand  nombre  de 
laïques,  édili.  s  de  leurs  vertus,  ont  désiré 
de  les  imiter  et  de  j-'assoiier  à  eux  en  quel- 
que manière.  Ceux  qui  ont  fait  le  plus  de 
bruit  dans  le  mond''  sont  les  frères  et  sœurs 
du  /iVrs  oïdre  de  Saint  François.  Lorsqu'une 
partie  des  religieux  de  cet  ordre  eurent  l'ait 
un  scliisme  avec  leurs  frères,  dans  le  xiii' 
et  le  xiv'  siècle,  sous  prétexte  d'obsirver 
plus  étroitement  la  règle  de  leur  fondateur, 
ils  se  révoltèrent  contre  toute  espèce  d'au- 
torité, refusèrent  d'obéir  uiême  au  saint- 
siège,  tonilièrenl  dans  des  désordres  et  dans 
des  erreurs  :  on  les  nomma  fralricelles.  Les 
tiercidires  laïques,  qui  s'etuienl  mis  sous 
leur  conduite,  se  lièrent  d'intérêt  avec  eux 
et  donnèrent  dans  les  mêmes  excès  ;  ils  fu- 
rent nommés  beggards  et  béguins  ;  l'on  fut 
oblige  de  sévir  contre  les  uns  et  les  autres, 
et  de  les  exterminer.  Voy.  Beggards,   Fra- 

TRICEI.LES,  eic. 

Tl.MUTHÉE,  disciple  et  compagnon  des 
voyages  de  .--ainl  Paul,  pour  lequel  cet  apô- 
tre avait  une  affection  singii.ière.  Il  le  sacra 
évéi|ue,  et  !.•  cbargea  de  gouverner  l'Kglise 
d'Eplièse, avant  que  s.iint  Jean  l'Evangeliste 
pûi  fixé  sa  demeure  d.ms  celle  ville.  Les 
deux  lettres  de  saint  Paul  à  Tiinulhée  sont 
un  m>>iiu:iient  prétieux  de  l'esprit  apotoli- 
que  ;  elles  renferment  en  peu  de  mots  les 
devoirs  qu'un  pasteur  doit  remplir,  les  ver- 
tus qu'il  doit  avoir,  les  délauls  qu'il  doit 
éviter,  les  instructions  qu'il  doit  donner  aux 
Gdèles  dans  les  divers  états  de  l.i  vie  ;  il 
parait  qu'elles  furent  éci  ites  dans  les  an- 
nées 64  et  ô5,  peu  de  temps  avant  le  martyre 
de  Siiint  Paul,  que  l'on  rapporte  communé- 
ment à  l'an  6S.  Les  Pères  de  l'Eglise  reeora- 
iniindent  à  tous  les  ministres  des  autels  la 
lecture  assidue  de  ces  deux  lettres,  aussi 
bien   que  de   la  lettre  à   Tite,  doal  nous 


TOB 


174 


allons  parler,  et  ils  en  ont  eux-mêmes  donné 
l'exemple. 

Dan»  VApocnlypse,  c.  ii,  V.  1,  si'nl  Jean 
reçoit  l'ordre  d'écrire  à  l'éiêque  l'Epbèse, 
de  louer  ses  travaux,  sa  pa'ience,  son  zèle 
contre  les  méchants,  sa  vigilance  à  démas- 
quer les  faux  apôtres,  son  courage  à  souf- 
frir pour  le  nom  de  Jésus-Cbrisi,  mais  de 
l'avertir  qu'il  s'est  relâché  de  son  ancienne 
charilé.  Si  cette  leçon  regardait  Timothée  , 
ce  qui  est  incertain,  il  en  profita  certaine- 
nieni,  puisqu'il  y  a  des  preuves  qu'il  souf- 
frit le  martyre.  Tillimont,  tome  11  ,  pag. 
142  ;  Vies  des  Pères  et  des  martyrs,  tome  1, 
pag.  k'.ii. 

TIMOTHIENS.  L'on  nomma  ainsi,  dan» 
le  v'  siècle  ,  les  partisans  de  Timolh'e 
JE\ure,  patriarche  d'Alexandrie,  qui,  d;ins 
un  écrit  adressé  à  l'empereur  Léon  ,  avait 
soutenu  l'erreur  des  eutychiens  ou  mono- 
physites.   Voy.  Ectycbianisme. 

iriE,  disciple  de  saint  Paul,  le  suivit 
dans  une  partie  de  ses  courses  apostoliques. 
Comme  l'Apôtre  n'avait  fait  que  passer  dans 
Tile  de  Crète  et  jeter  les  premières  semen- 
ces de  la  foi,  il  y  laissa  Tile  qu'il  ordonna 
évêqui>  de  celte  Eglise  naissante,  afin  qu'il 
achevât  de  la  former,  et  lui  recommanda 
d'éiablir  des  pasteurs  dans  les  villes,  en  lui 
désignant  les  qualités  que  devaient  avoir 
ceux  qu'il  choisirait  pour  cet  important  mi- 
nistère. Telles  sont  les  inslruclious  qu'il  lui 
donna  dans  la  lettre  i|u'il  lui  écrivit  l'an  Gï. 
Elle  est  parfaitement  semblable  aux  deux 
qu'il  adressa  à  Tiraoïhée,  l'utilité  en  est  la 
niênie.  En  les  comparant,  l'on  est  convaincu 
de  l'erreur  des  protestants,  qui  affecleni  de 
supposer  que  du  temps  des  apôtres  les  évo- 
ques lie  s'attribuaient  aucune  autorité  sur 
leur  troupeau,  que  tout  se  réglait  dans  les 
assemblées  des  Fidèles  à  la  pluralité  des  voix, 
que  ce  gouvernement  était  purement  dé- 
mocratique.    Voy.     EvÊQUE  ,     HlÉRARCHIK  , 

Pasteur,  etc. 

TNETOPSYCHIQUES,  héréliques  qui  sou- 
tenaient la  morlaliié  de  l'âme  ;  c'est  ce  que 
signifie  leur  nom.  Voy.  Arakiques. 

TUBIE,  saint  homme,  juif  de  la  tribu  de 
Nephtliali  ,  emmené  en  caplivité  avec  les 
autres  sujets  du  royaume  d'Israël,  par  Sal- 
maiiazar,  roi  d'Assyrie,  sept  eeuls  et  quel- 
ques années  avant  Jésus-Christ.  Le  livro 
qui  porte  son  nom  a  élé  déclaré  canoniciue 
par  le  concile  de  Trente,  mais  il  est  regardé 
comme  apocryphe  par  les  protestants,  parce 
qu'il  n'est  point  renleritié  dans  le  canon  des 
Juifs.  Il  fui  d'abord  écrit  en  chaldaïque  ; 
saint  Jérôme  le  traduisit  en  latin,  et  sa  ver- 
sion est  celle  de  noire  Vuigale.  Mais  il  y  en  a 
une  version  grec(|ue beaucoup  plus  iincieiine, 
dont  les  Pères  giecs  se  sont  servis  dès  le 
ir  siècle.  L'original  chal(laï>|ue  ne  sub- 
sisie  plus;  quant  aux  versions  hébraïques 
qui  en  ont  été  faites,  elles  sont  modernes  ; 
la  traduction  syriaque  a  élé  prise  sur  le 
grec.  La  version  laiine  esl  dilTérente  de  la 
grecque  en  plusieurs  choses  ;  mais  les  savants 
donnent  la  préférence  à  celle-ci,  parce  que 
saint  Jérôme  avoue   qu'il   fit    la   sienne  eu 


777 


TOIJ 


TOL 


778 


îrès-peu  de  temps,  par  le  secours  d'un  juif , 
et  lorsqu'il  n'cnieiidail  pas  encore  purfaile- 
nuMit  le  th.ildaïque. 

En  général,  les  juifs  et  les  chrétiens  re- 
gardent le  livre  de  Toliie  comme  une  his- 
loire  véritable  ;  mais  les  protestants  sou- 
tiennent qu'il  renferme  plusieurs  circon- 
stances fabuleuses,  et  des  choses  qui  n'ont 
pas  pu  être  écrites  par  un  auteur  inspiré  de 
Dieu.  Un  théologien  d'Oxford,  nommé  Kay- 
nolil,  qui  a  l'ail  deux  gros  volunies  contre 
les  livres  apocryphes  de  l'Ancien  Testament, 
pour  réfuter  Bi'llarniin,  a  rassemblé  cinq  o* 
six  objections  contre  celui  de  Tobie.  — 1°  11 
observe  (jne,  dans  le  ch.  m,  v.  7,  il  est  dit 
que  Sara,  tille  de  Kaguel,  habitait  à  Uagôs, 
ville  de  Médie  ;  et,  eh.  ix,  v.  ^i,  le  jeune 
Tobie,  après  l'avoir  épousée,  envoie  l'ange 
qui  le  conduisait  à  liages,  ville  de  MéJie, 
chez  Gabélus,  qu'il  amène  aux  noces  de 
Tobie,  et  le  voyage  dura  plusieurs  jours. 
Cela  ne  nous  paraît  pas  impossible  à  conci- 
lier. S. ira  et  son  père  pouvaient  être  à  Ra- 
ges, lorsque  arriva  ce  qui  est  rapporté  ch.  m, 
et  ils  ont  pu  venir  habiter  dans  une  au- 
tre ville  près  du  Tigre,  où  Tobie  les  trouva, 
c.  IX.  —  2°  L'ange  qui  est  rencontré  par  les 
deux  Tobie,  leur  dit  :  Je  suis  lsr<iélite,jesuis 
Azarias,  fils  dugrand  Anaiiiiis,  p..  v,  v.  7  et 
18,  c'était  un  mensonge.  Point  du  tout,  l'ange 
avait  pris  la  figure  de  ce  jeune-  homme,  et  le 
représenlait.  D'ailbMirs  l'erreur  des  deux 
Toliie,  que  Dieu  voulait  leur  rendre  utile, 
ne  fut  pas  longue,  puisque  l'ange  leur  dé- 
couvrit ensuite  1  i  vérité,  c.  xii,  v.  6.  — •  3° 
C.  VI,  V.  5,  8  et  9,  lange  attribue  une  vertu 
médicinale  et  merveilleuse  aux  entrailles 
d'un  poisson  ;  il  dit  qui;  la  fumée  du  cœur 
de  cet  anim^il  chasse  toute  espèce  de  dé- 
mons, et  que  le  foie  fait  tomber  les  taies  des 
yeux.  Cela  ne  peut  p;is  être.  Mais  que  s'en- 
suil-il  ?  que  Dieu  voulut  attacher  à  ces  deux 
signes  exiérienrs  les  deux  miracles  qu'il 
voulait  opérer  en  faveur  des  lieux  Tobie.  Il 
en  fut  de  méiiie  lorsque  Jésus-t^ilirist  se  ser- 
vit de  boue  poui'  rendre  la  vue  à  un  aveu- 
gle. —  k"  C.  XII,  V.  12,  ce  même  ange  dit  au 
vieux  Tobie:  Loi  se/ne  vous  faisiez  des  priè- 
res ei  de  bonnes  œuvres,  fui  présenté  voire 
prière  au  Seigneur,  Voilà  une  hérésie,  selon 
les  protestants  ;  il  n'appartient,  diseni-ils, 
qu'à  Jésus-Christ  de  présenter  nos  prières  à 
Dieu.  Au  mot  Ange,  nous  leur  avons  fait 
Voir  le  contraire  :  nous  avons  prouvé,  par 
un  passage  de  l'Apocalypse  et  par  un  autre 
du  prophète  Zacharie,  outre  celui-ci,  que 
Dieu  a  chargé  ses  .inges  de  lui  présenter 
nos  prières;  l'erreur  contraire,  dans  la- 
quelle les  pioleslants  s'obsiinent,  n'est  pas 
une  juste  raison  de  rejeter  un  livre  de  l'E- 
criluie  sainie.  —  5°  Dans  le  ch.  xiv,  v.  7,  le 
vieux  T('bie  prédit  que  le  temple  du  Sei- 
gneur, qui  a  été  brûlé,  sera  bâti  de  nou- 
veau :  or,  dans  ce  temps-là,  le  temple  de  Jé- 
rusalem n'avait  pas  encore  été  incendié  par 
les  Chaldeens  ;  il  ne  le  fut  que  quelques  an- 
nées après  la  mort  de  Tobie.  Cela  est  vrai  , 
suivant  la  supputation  commune;  mais  on 
sait  que  la  chronologie  de  ces  temps-là  n'e.tt 

DiCT.   UK   TuÉOL.   DOGMATIQUE.  IV. 


pas  infaillible,  que  les  arguments  fondés 
sur  ces  sortes  de  calculs  ne  sont  pas  des 
démonstrations,  et  que  les  chronologisles 
ne  s'accrdenl  presque  jamais.  Il  y  a  de  pa- 
reilles difticultés  dans  plusieurs  autres  li- 
vres de  l'Ecriture  que  l'on  ne  rejette  pas  du 
canon  pour  cela.  Au  reste  la  version  grec- 
que ne  parle  de  l'incendie  du  temple  que 
comme  d'un  événement  futur. 

Ce  n'est  pas  sans  raison  et  sans  preuve 
que  le  concile  de  Trente  a  mis  l'histoire  de 
Tobie  au  nombre  des  livres  canoniques. 
Ce  livre  a  été  cité  comme  Ecriture  sainte 
par  saint  l'olycarpe,  l'un  des  Pères  aposto- 
liques, par  saint  Irénée,  par  Clément  d'A- 
lexandrie, par  Oiigène,  par  saint  Cyprien  , 
par  saint  Hasile,  saint  Ambroise,  saint  Hi- 
laire,  saint  Jérôme,  saint  Angusiin,  etc. 
Dès  le  iv8  siècle,  il  a  été  placé  dans  le  cita- 
logue  des  livres  sacrés  par  un  concile  d'Hip- 
pone  et  par  le  m"  de  Carihase. 

TOLÉHANCK,  INTOLÉUANCE,  en  fait  de 
religion.  Il  n'est  peut-être  pas  de  termes  dont 
on  ail  abusédavantage,  depuis  plus  d'un  siè- 
cle, (|ue  de  ces  deux  mots;  il  n'en  est  aueun 
qui  ait  donné  lieu  à  d'aussi  violentes  décla- 
mations. Il  faut  donc  commencer  par  en  fixer, 
s'il  est  possible,  les  différentes  significations. 

1°  Dans  un  état  où  il  y  a  une  relisiion  do- 
minante, qni  e-t  censée  faire  partie  des  lois, 
on  a|ipelle  tolérance  virile  et  politi.fue  ,  la 
permission  que  le  uon vernement  accor.le  aux 
sectateurs  d'une  religion  diflerente.  d'en  faire 
l'excrciee  plus  ou  moins  public,  d'avoir  des 
assemblées  particulières  et  des  pasteurs  pour 
les  gouverner,  de  faire  des  règlements  de 
police  et  de  discipline  ,  et  sans  encourir  au- 
cune peine.  On  comprend  que  celle  tolérance 
peut  être  plus  ou  moins  étendue  ,  suivant 
les  circonstances,  suivant  qu'elle  paraît  plus 
ou  moins  compatible  avec  l'ordre  public, 
avec  la  tranquillité,  le  repos  ,  la  prospérité 
do  l'Etal  et  l'intérêt  général  des  sujets.  Sou- 
tenir que  ,  chez  une  nation  policée  ,  toute 
religion  quelconque  doit  être  également  per- 
mise, qu'aucune  ne  doit  être  dominante  ou 
plus  favorisée  qu'une  antre,  que  chaque  par- 
ticulier doit  être  le  maître  d'eu  avoir  une  ou 
de  n'en  point  avoir,  c'est  une  absurdité  que 
l'on  a  osé  soutenir  de  nos  jours, et  qiie  nous 
réfuterons  ci-après.— 2"  Parmi  les  différeu- 
t('s  sociétés  chrétiennes,  on  appel!.' /o  France 
ecclésiastique  ,  religieuse  on  ihé  dogii/ue  .  la 
profession  que  fait  une  seite  de  croire  que 
les  membres  d'une  aotn;  secte  peuvent  faire 
leur  salut  sans  renoncer  à  leur  co\ance  ; 
que  l'on  peut  sans  danger  fraterniser  avec 
eux  ,  et  les  admettre  aux  mêmes  pratiques 
de  religion.  Ainsi  les  calvinistes  ont  oITert 
plus  d'une  fois  la  tolérance  ihéologique  aux 
luthériens,  mais  ceux-ci  ne  l'ont  pas  accep- 
tée ;  les  uns  et  les  autres  l'ont  toujours  re- 
fusée aux  sociniens  ,  avec  les(iuels  ils  n'ont 
jamais  voulu  entrer  en  communinn.  Quel- 
ques protestants  modérés  sont  convenus  que 
l'on  peut  faire  son  s.ilut  dans  la  religion  ca- 
tholique :  la  (ilupart  souticnnentl.'  coniraire 
On  leur  a  fait  voir  qu'ils  n'ont  aucun  prin- 
cipe fixe  ni  aucune  raison  solide  pour  affir- 
25 


7-79 


TOL 


TOL 


780 


mer  ou  pour  nier  la  possibilité  du  salut  dans 
une  société  chrétienne  plulôt  ijue  dans  une 
autre  ,  qu'ils  en  raisonneiit  suivant  le  degré 
de  prévention  et  d'aversion  qu'ils  ont  con- 
çue contre  tille  ou  tellesociélé  particulière, 
et  selon  l'intérêt  du  moment,  puisqu'ils  n'ont 
jamais  eu  sur  ce  point  un  langage  ni  une 
conduite  uniformes.  —  3°  L'on  entend  sou- 
vent par  tolérance  en  général,  ia  charité  fra- 
ternelle et  riiumanilé  qui  doivent  régner 
entre  tous  les  hommes ,  surtout  entre  tous 
les  chrétiens,  de  quelle  nation  et  de  quelle 
société  qu'ils  soient.  Cette  tolérance  est  l'es- 
prit même  du  cbrislianisme  ;  aucune  antre 
religion  ne  commande  aussi  rigoureusement 
la  paix,  le  support  mutuel  ,  la  charité  uni- 
verselle. JésuSi*Christ  l'a  prêchée  aux  Juifs  à 
l'égard  dis  Samaritains,  même  à  l'égard  des 
gentils  ou  païens  ;  et  il  leur  en  a  donné 
l'exemple.  11  a  ordonné  à  ses  disciples  de 
souiïrir  patiemment  la  persécution  ,  et  non 
de  l'exercer  contre  qui  que  ce  soit.  Les  apô- 
tres ont  répété  ces  mêmas  leçons,  et  les  pre- 
miers chrétiens  les  ont  fidèlement  suivies; 
leurs  propres  ennemis  leur  ont  rendu  celte 
jusiice,  nous  l'avons  f;iil  voir  ailleurs  :  c'est 
par  trois  siècles  de  douceur  ,  de  patience, 
de  chari(é,  et  non  par  la  force  ,  qu'ils  ont 
vaincu  enfin  et  subjugué  les  persécufeiirs. 
Mais  de  ce  que  celle  condaite  est  rigoureu- 
sement commandée  aux  particuliers  ,  il  ne 
s'ensuit  pas  que  la  même  chose  est  ordon- 
née aa\  chefs  des  sociétés ,  aux  pasteurs, 
aux  magistrats, acrx  Souverains,  à  tous  ceux 
qui  sont  revêtus  de  l'autorité  civile  onecclé- 
siastiqne.  Les  princes  et  leurs  officiers  sont 
tenus  de  droit  naturel  à  maintenir  l'ordre, 
la  tranquillité  ,  l'union  ,  la  paix  ,  la  su- 
bordin.'ition  parmi  leurs  sujets  ;  à  écarter, 
à  réprimer  et  à  punir  tous  ceux  qui ,  sous 
prétexte  de  religion  ,  cherchent  à  troubler 
la  société.  Jésus- Christ  a  chargé  les  pas- 
teurs de  veiller  sur  leur  troupeau,  d'en  éloi- 
gner les  loups  et  les  faux  prophètes ,  d'y 
maintenir  l'union  dans  la  foi  ,  de  ne  point 
laisser  mêler  l'ivraie  avec  le  bon  grain,  etc. 
Ses  apôtres  se  sont  conformés  à  ses  ordres  ; 
autant  ils  ont  été  patients  à  supporter  los 
injures  personnelles  ,  la  violence,  les  ou- 
trages et  les  tourments  di)nt  on  us^iit  à  leur 
égard  par  autorité  publii|ue  ,  autant  ils  ont 
été  attentifs  à  démasquer  les  faux  docleors, 
à  1rs  cxcture  de  la  société  des  (idèles,  à  em- 
pêcher toute  communie  iiion  religieuse  avec 
eux.  Ils  n'ont  établi  aucune  règle  ,  aucune 
maxime,  aucun  principe  ,  duquel  on  puisse 
concinre  que  les  princes,  en  se  fiiisant  chré- 
tiens ,  se  sont  privés  du  droit  de  réprimer 
et  de  punir  les  séditieux  ,  qui,  en  troublant 
la  paix  d'e  l'Kglise  ,  travaillent  par  là  niême 
à  désonir  la  société  civile,  (juoi  que  l'on  en 
dise,  ces  dilïérents  devoirs  ne  sont  pas  in- 
compatibles, les  princes  véritaldernent  chré- 
tiens ont  très-bien  su  les  concilier.  L'affec- 
tation de  nos  ennemis  de  brouiller  toutes  ces 
notions  démontre  qu'ils  décident  les  ques- 
tions sans  y  rien  entendre. —  k"  Dans  le  style 
des  incrédules,  iit  lole'rancee.sl  l'indilîérence 
à  l'égard  de  toute  religion.  Sirns  s'embar- 


rasser de  savoir  si  toutes  sont  également 
vraies  ou  également  fausses,  si  l'une  est  plus 
avantageuse  que  l'autre  à  la  société  civile, 
ils  disent  qu'un  doit  les  regarder  tout  au 
plus  comme  de  simples  lois  nationales,  qui 
n'obligent  ((u'autant  qu'il  plaît  au  gouver- 
nement de  les  protéger,  et  aux  sujeis  de  s'y 
soumettre;  que  le  meilleur  parti  est  de  n'en 
rendre  aucune  dominante  ,  et  de  mettre  (li- 
tre elles  une  parfaite  égalité.  D'autres  plus 
hardis  ont  soutenu  qu'il  n'en  faut  aucune, 
que  toutes  sont  fausses  et  pernicieuses  ;  que, 
ftour  rendre  la  société  civile  heureuse  et 
parfaite  ,  il  faut  en  bannir  toute  espèce  de 
culte  et  toute  notion  de  la  Divinité;  que  si 
l'on  permet  au  peuple  de  croire  et  d'adorer 
un  Dieu,  il  faut  du  moins  que  ceux  qui  gou- 
vernent se  gardent  bien  de  favoriser  un 
culte  aux  dépens  de  l'autre  ;  que  tout  par- 
ticulier doit  être  le  maître  d'avoir  une  re- 
li  .;ion  ou  de  n'en  point  avoir.  Gonséquem- 
menl,  en  demandant  à  grands  cris  la  tolé- 
rame  pour  eux -mêmes  ,  ils  ont  entendu 
avoir  la  liberté  de  déclamer  et  d'écrire  con- 
tre toute  religion,  de  professer  hautement  le 
déisme,  l'athéisme,  le  matérialisme,  le  scep- 
ticisme ,  suivant  leur  goût  ;  d'accumuler 
les  impostures  ,  les  calomnies ,  les  injures 
grossières  pour  rendre  odieux  le  christia- 
nisme, ceux  qui  le  professent  ,  ceux  qui  le 
défendent  ou  le  protègent.  Pour  prouver  que 
ce  privilège  leur  .ipparlenait  de  droit  nalu- 
rd  ,  ils  ont  commencé  par  s'en  meitro  en 
possession,  ils  n'ont  épargné  ni  les  prêtres, 
ni  les  magistrats  ,  ni  les  ministres  ,  ni  les 
souverains.  Enfin,  pour  comble  de  sagesse, 
ils  ont  soutenu  gravement  que  tous  ceux 
qu'ils  attaquent  sont  obligés,  de  droit  divin, 
de  le  souiïrir  ;  ils  ont  cité  les  leçons  de  l'E- 
vangile, ils  ont  conclu  que  tons  ceux  qui  se 
sont  opposés  à  leurs  attentats  sont  des  per- 
sécuteurs. Si  l'on  nous  accusait  de  trop  char- 
ger ce  tableau  ,  nous  soinines  prêts  à  en 
montrer  tous  les  traits  dans  leurs  livres, 
surtout  dans  Ya.nc\^\\nQ  Encyclopédie  ,  aux 
mots  Tolérance,  Intolérance,  Persécution,  elc. 

Tel  a  été  le  progrès  lies  principes  ,  des 
conséquences  ,  des  raisonnements  des  pré- 
dicateurs de  la  tolérance;  les  protestants  les 
avaient  posés,  les  incrédules  n'ont  fait  que 
les  lépéter  et  en  suivre  le  fil,  et  il  les  a  con- 
duits à  l'excès  dont  nous  venons  de  parler, 
llayle  les  a  étalés  avec  beaucoup  d'art  dans 
son  Commentaire  philosophique  sur  ces  pa- 
roles de  l'Evangile  :  Contrains-les  d'entrer  ; 
Barbeyrac  les  a  compilés  assez  maladroite- 
ment dans  son  Traité  de  la  morale  des  Pères, 
ch.  i-2,  §  o  et  suiv.  Nos  philosophes  plagiai- 
res les  ont  copiés  dans  l'un  ou  dans  l'autre; 
l'auteur  du  Traité  sur  la  Tolérance  n'a  fait 
que  les  ressasser  :  tous  se  sont  vantés  d'avoir 
fermé  pour  toujours  la  boucheatix/n/o/f-'ra)j/«. 

Avant  d'examiner  si  leur  victoire  est  réelle 
ou  imaginaire  ,  il  y  a  quelques  vérités  à 
établir  et  cert:'.ines  questions  à  résoudre. 
1'  Aux  mots  Religion  ,  §  4  ,  Autorité  ,  Loi 
MOiiàLB,  Société,  etc.,  nous  avons  démontré 
que  la  religion  est  absolument  nécessaire 
pour  fonder  la  société  civile,  et  que  cela  ne 


781 


TOL 


TOL 


78-2 


peut  pas  se  faire  auliemenl.  Celle  vérité  est 
conlirmée  par  le  fait,  puiscjuo  dans  l'univers 
entier  il  n'y  eut  jamais  un  poui)le  réuni  en 
sociélc  sans  avoirunc  religion  vraicou fausse. 
On  bàlirail  pliilôt  une  ville  en  l'air,  dit  PIu- 
tarqne,  qu'une  république  sans  reîigion. 
Tel  a  été  le  sentitiieul  un.ininic  de  tous  les 
législateurs,  de  tous  les  sages  ,  d<"  Ions  les 
philosophes  à  l'exception  des  épicurietis; 
aussi  aucun  de  ces  derniers  ne  s'est  trouvé 
Cipable  d'èlrc  législaleur.  Mais  les  peuples 
n'ont  pas  attendu  les  leçons  de  la  philoso- 
phie pour  avoir  une  religion,  puisque  les 
sauvages  mémos  en  ont  une.  Les  Ibndaieurs 
on  les  premiers  chefs  de  société  n'ont  donc 
pu  faire  antre  chose  que  de  confirmer  la  re- 
ligion par  les  lois,  ou  plutôt  de  la  mettre  à 
la  léte  de  toutes  les  lois;  aucun  n'y  a  man- 
qué. On  dira  sans  doute  que,  pour  fonder  la 
société  ,  il  faut  à  la  vérité  une  religion  en 
général ,  savoir  ,  la  croyance  d'un  Diou,  de 
sa  providence ,  de  sa  justice,  qui  punit  le 
crime  et  récompense  la  vertu;  mais  qu'il  ne 
faut  point  de  religion  particulière  assujettie 
à  tel  lormulairc  de  do 'trine  et  de  culte  ;  que 
chaque  citoyen  doit  être  le  maître  de  l'ar- 
ranger à  son  gré,  qu'en  cela  mi-me  consiste 
la  tolérance.  Nous  répondons  qu'une  religion 
ainsi  conçue  n'est  plus  qu'une  irréligion  vé- 
ritable. La  notion  d'un  Dieu,  aini  abandon- 
née au  caprice  des  hommes,  a  dégénéré  en 
polythéisme  et  en  idolâtrie  ,  est  devenue  un 
chaos  d'erreurs,  de  superstitions  ,  de  désor- 
dres les  plus  contraires  au  bien  de  l'huma- 
nilé  ,  et  à  quelques  égards  pire  que  l'a- 
théisme. Pour  prévenir  ce  mallieor  ,  Dieu 
avait  donné  aux  hommes  dès  le  commen- 
cement du  monde  une  révélation  ,  une  reli- 
gion déterminée,  assujettie  à  un  formulaire 
de  doi  trine  et  de  culte:  c'a  été  la  religion 
des  patriarches;  tousceuxqoi  s'en  sontécar- 
(és  sont  retombés  dans  le  même  élat  que  les 
sauvages  :  les  fondateurs  de  la  société  ont- 
ils  dû  l'y  replonger?  —  3"  Un  de  ces  sages, 
bien  convaincu  de  la  nécessité  d'une  religion 
particulière,  mailre  d'en  former  le  plan  et 
de  l'établir,  aurait  été  'in  insensé  ou  un  mé- 
chant homme,  s'il  n'avait  pas  choisi  le  for- 
mulaire qui  lui  paraissait  le  plus  vrai  , 
le  plus  raisonnable,  le  plus  propre  à  pro- 
curer la  paix,  l'ordre  ,  le  bonheur  de  la 
société;  s'il  n'avait  pas  pris  toutes  les  pré- 
cautions pour  rendre  cette  religion  inviola- 
ble; s'il  n'avait  pas  statué  des  peines  contre 
ceux  qui  entreprendraient  d'y  donner  at- 
teinte. 11  aurait  été  aussi  absurde  de  ne  pas 
choisir  la  meilleure  religion  possible,  que 
de  ne  pas  préférer  les  meilleures  lois,  et  de 
ne  pas  la  rcmlre  aussi  sacrée  que  les  lois. 
Ainsi, la  nécessitéd'une  religion  particulière, 
dominante,  soutenue  par  le  gouvernement, 
commandée  sous  certaines  peines  ;  n'est 
qu'une  conséquence  naturelle  de  la  néces- 
sité d'une  religion  en  général.  Soutiendra- 
l-oii  que  toute  religion  particulière  est  in- 
différente, que  le  paganisme,  le  judaïsme,  le 
niahomélisme,  le  christianisme  ,  sont  égale- 
ment propres  à  ri'ndre  la  société  paisible, 
florissante  et  heureuse?  Quelques  incrédules 


ont  poussé  la  dé  uence  jusque-là  ;  mais  il 
suffit  de  comparer  l'élat  des  nations  qui  sui- 
vent l'une  ou  l'autre  de  ces  religions,  pour 
voir  au  premier  cDup  d'œil  ce  qu'il  en  est. 
—  '3-  Lorsqu'un  souverain  trouve  dans  son 
empire  une  ancienne  religion  qui  lui  paraît 
fausse  et  pernicieuse,  cause  des  désordres 
et  des  malheurs  de  l'Etat  ,  et  qu'il  en  voit 
naître  une  autre  qui  lui  semble  revêtue  de 
tous  les  caractères  de  vérité,  de  sainteté,  de 
divinité  que  l'on  peut  désirer,  ncduil-il  pas 
laisser  à  tous  ses  sujets  la  libert,';  de  l'em- 
brasser ,  ne  peut-il  pas  l'adopter  pour  lui- 
même  et  en  favoriser  la  propagation, pourvu 
qu'il  observe  â  l'égard  des  sectateurs  de 
l'ancienne  tous  les  devoirs  de  justice,  d'hu- 
manité el  lie  modération  ,  (lue  prescrit  le 
droit  naturel?  Si  l'on  répond  que  non,  c'est 
comme  si  l'on  disait  que,  quand  il  trouve  de 
vieilles  lois  abusives  et  pt'rnicieuses  ,  il  ne 
lui  est  p  is  permis  d'user  de  son  pouvoir  lé- 
gislatif pour  les  abroger  et  leur  en  substituer 
de  meilleures.  —  4°  Quand  il  y  a  plusieurs 
religions  établies  dans  un  royaume,  le  sou- 
verain, pour  gouverner  sagement,  ne  doit-il 
en  i)rofesser  aucune,  vivre  dans  l'athéisme 
et  dans  l'irréligion,  ou  ne  pas  préférer  celle 
qui  lui  paraît  la  plus  vraie.  (Ju'il  suive  celle 
qu'il  voudra,  diront  sans  doute  les  prédica- 
teurs de  la  tolérance,  pourvu  qu'il  no  la  fa- 
vorise pas  aux  dépens  des  autres  :  qu'il 
laisse  à  tous  ses  sujets  pleine  liberté  de  con- 
science ,  qu'il  ne  léuioi;j;ne  point  à  ceux  de 
sa  religion  plus  d'affection  qu'aux  autres. 
Mais  si  les  sectateurs  de  sa  religion  lui  pa- 
raissent plus  soumis,  plus  fidèles,  plus  ver- 
tueux, plus  capables  de  remplir  les  charges 
importantes  ,  doit-il  leur  prélorer  ceux  qui 
lui  semblent  moins  capables?  Quand  Userait 
athée  et  incrédule,  il  serait  également  dan- 
g'reux  qu'il  n'eût  plus  d'affection  pour  ceux 
qui  penseraient  comme  lui  ,  que  pour  ciux 
qui  croiraient  en  Dieu.  — 5"  Supposons  que 
dans  un  Etat  il  n'y  ait  (ju'unc  seule  religion 
ancienne  qui  fait  partie  des  lois,  sous  laquelle 
une  monarchie  subsiste  depuis  plusieurs 
siècles,  de  la  vérité  et  de  la  sainteté  de  la- 
quelle tout  le  monde  est  intimement  per- 
sua  ié  ;  ;.'il  survient  des  préJicants  dans  le 
dessein  d'en  établir  une  autre  qui  paraît 
fausse,  pernicieuse,  capai)le  d'émouvoir  tous 
les  es()rits,  de  les  révolter  contre  toute  au- 
torité .  d'allumer  le  feu  de  la  guerre  entre 
les  divers  membres  de  l'Etat,  el  qui  ne  peut 
s'établir  i|ue  p.irladestruction  de  I  amienne, 
quel  paru  doit  prendre  le  souverain  ?  Doit-il 
laisser  à  ces  nouveaux  docteurs  la  liberté 
de  faire  des  prosélytes,  exposer  ses  sujets 
au  danger  d'être  séduits,  risijuer  lui-même 
de  recevoir  bientôt  la  loi  des  cect  lires,  d'être 
réduit  à  choisir  entre  la  perte  de  son  irJne 
et  l'apostasie?  Aucun  des  apôtres  de  la  to- 
lérance n'a  encore  pris  la  peine  d'examiner 
et  de  prescrire  la  conduite  la  meilleure  à 
suivre  en  pareil  cas.  11  leur  a  été  fort  aisé 
de  blâmer  tout  ce  qui  s'est  l'ait;  la  question 
était  de  dire  ce  qu'il  aurait  fallu  faire. — 
6'  Enfin,  lorsqu'un  parti  de  sectaires  s'est 
rendu  assez  fo;  t  pour  ob':'nir  à  main  armée  . 


783 


TOI, 


TOL 


78i 


la  liberté  de  conscience,  c'est-à-dife  l'exer- 
cice public  d'une  nouvelle  reiigio/i  ,  et  que 
le  gouvernement  s'est  trouvé  forcé  de  céder 
à  la  nécessité  des  circonstances,  s'il  survient 
dans  la  suite  un  nouveau  souverain  plus 
|)uissantque  ses  prédécesseurs,  qui  regarde 
ces  sectaires  comme  des  sujets  dangereux, 
toujours  prêts  à  se  révolter  et  à  renouveler 
les  anciens  troubles,  esi-il  tellement  lié  par 
les  concessions  qui  leur  ont  été  fuites,  qu'il 
ne  puisse  légitimement  les  révoquer?  Ne  lui 
est-il  pas  permis  de  remettre  les  choses 
dans  leur  ancien  étnt  ?  Non,  répondent  tout 
d'une  voix  nos  adversaires;  si  la  parole  d .s 
rois  D'est  pas  sacrée,  si  les  lois  et  les  édils 
ne  sont  pas  inviolables,  aucun  citoyenne 
peut  jamais  être  assuré  de  son  étal. 

Voici  une  jurisprudenre  bien  étrange; 
parviendrons-nous  à  en  découvrir  les  fon- 
dements? Depuis  la  naissance  de  notn^  mo- 
narchie, ou  à  peu  près,  il  y  avait  des  lois 
qui  déclaraient  la  religion  catholique  seule 
religion  de  l'élat,  et  qui  proserivaient  toutes 
les  autres  :  lois  portées,  acceptées  et  jurées 
dans  les  asseniblées  générales  de  la  nation, 
confirmées  par  un  usage  de  huit  à  neuf 
siècles  ;iu  moins;  elles  existent  encore  dans 
les  capitulaires  de  nos  rois.  Henri  IV  a  pu 
néanmoins  y  déroger  légitimement,  par  un 
édit  qui  accordait  l'exercice  public  d'une 
nouvelle  religion,  parce  que  le  bien  général 
du  royaume  semblait  l'exiger:  et  cent  ans 
après,"  Louis  XIV  n'a  pas  pu  légitimement 
révoquer  cet  édit,  et  remettre  les  choses 
dans  l'ancien  état,  quoique  le  bien  général 
du  royaume  lui  partit  l'exiger,  p.irce  que  la 
parole  des  rois  doit  être  sacrée  et  leurs  édits 
inviolables?  Nous  cherchons  vainement  la 
raison  pour  laquelle  la  loi  d'Heini  IV  a  dû 
être  plus  sacrée  que  celles  de  Charlemagne 
ou  de  Louis  le  Débonnaire.  Peut-être  la  trou- 
verons-nous d/ins  les  arguments  de  nos  ad- 
versaires :  il  faut  les  examiner. 

1°  La  liberté  de  penser,  disent-ils,  est  de 
droit  naturel;  en  fait  de  religion,  comme  en 
toute  autre  chose,  aucune  puissance  hu- 
maine ne  peut  me  faire  croire  ce  que  je  ne 
crois  pas,  ni  vouloir  ce  que  je  ne  veux  pas  : 
elle  n'a  aucun  droit  sur  ma  conscience; 
puisque  c'est  à  Dieu  seul  de  nous  prescrire 
une  religion,  c'est  à  lui  seul  que  nous  de- 
vons en  rendre  compte.  —  Réponse.  Si  la 
liberté  de  penser  et  la  liberté  de  parler, 
d'enseigner ,  décrire  et  d'agir,  étaient  la 
même  chose,  nous  n'aurions  rien  à  répliquer 
à  celte  doctrine;  mais  peut~i>n  confondre  de 
bonne  foi  deux  choses  aussi  dilîerentes  ? 
Qu'un  citoyen  pense  bien  ou  mal  louchant 
les  lois,  qu'il  les  approuve  ou  les  blâme  in- 
térieurement, cela  ne  peutafl'ecter  personne; 
mais  s'il  déclame,  s'il  écril,  s'il  agit  contre 
les  lois,  il  est  certainement  puiiissaole;  il 
en  est  de  mêms  de  la  religion,  puisque  c'est 
une  loi,  ".i  la  plus  nécessaire  de  toutes.  La 
religion  que  Dieu  nous  prescrit  ne  consiste 
pas  seulement  en  pensées,  mais  en  actions  : 
or,  la  puissance  humaine  a  un  droit  incon- 
testable sur  nos  actions;  nos  adversaires 
mêmes  sont  forcés  d'en  convenir,  puisqu'ils 


disent  que  tous  ceux  qui  troublent  ta  tran- 
quillité publique  doivent  être  punis,  qu'elle 
qu'ait  été  leur  conscience  ;  nous  le  verrons 
ci-après. 

2°  Tout  homme  est  jaloux  de  sa  liberté  el 
de  ses  opinions,  surtout  en  matière  de  re- 
ligion ;  c'est  une  injustice  atroce  de  punir 
les  erreurs  comme  des  crimes;  l'intolérance 
est  encore  plus  absurde  en  fait  de  religion 
qu'en  fait  de  science.  —  Réponse.  Nous  con- 
venons ((u'un  Irès-grand  nombre  d'hommes 
poussent  la  jalouiiie  de  leur  liberté  jus()u'à 
vouloir  être  déistes,  athées,  matérialisles, 
incrédules,  impunément;  que,  peu  contents 
de  penser  pour  eux-mêmes,  ils  veulent  pro- 
fesser, enseigner,  propager  leurs  opinions 
et  les  inspirer  aux  autres.  Dieu  leur  a-t-il 
accordé  cette  liberté,  et  les  chefs  de  la  so- 
ciété sont-ils  obligés  de  la  souffrir?  C'est 
pour  réprimer  celte  funeste  liberté,  ou  plutôt 
ce  libertinage  d'esprit,  de  cœur  el  de  con- 
duite, que  Dieu  a  prescrit  une  r<'ligion,  el 
qu'il  a  mis  le  glaive  à  la  main  de  la  puis- 
sance séculier''.  Autre  chose  est  de  punir 
l'erreur,  et  autre  chose  de  punir  la  pro- 
fession et  l'enseignement  de  l'erreur  ;  tant 
qu'un  hornme  renferme  ses  erreurs  en  lui- 
même,  elles  ne  peuvent  affecler  personne  ; 
dès  qu'il  les  produit  au  dehors,  elles  inté- 
ressent la  société,  il  est  coupable  et  digne  de  ■ 
châtiment  à  proportion  des  mauvais  effets 
que  peut  produire  sa  témérité.  Si  la  profes- 
sion de  l'erreur  en  fait  de  science  pouvait 
avoir  des  suites  aussi  funestes  que  la  pro- 
fession de  l'erreur  en  matière  de  religion, 
l'on  serait  en  droit  de  la  punir  de  même.  On 
nous  répliquera  sans  doute  qu'il  y  a  bien  de 
la  différence  à  mettre  entre  la  profession 
publique  de  l'athéisme  ou  de  l'incrédulité, 
et  la  profession  d'une  religion  chrétienne 
différente  de  la  religion  catholique.  Nous 
soutenons  qu'il  n'y  en  aurait  aucune,  si  les 
maximes  générales  de  nos  adversaires  élaienl 
vraies;  savoir,  que  la  liberté  de  penser  est 
de  droit  naturel,  qu'aucune  puissance  hu- 
maine n'a  droit  de  gêner  les  opinions,  etc.  Ce 
n'est  pas  notre  faute,  si,  pour  prouver  la 
nécessité  de  tolérer  une  secte  chrétienne,  ils 
se  fondent  sur  les  mêmes  axiomes  dont  se 
servent  les  athées  pour  prouver  la  nécessité 
de  tolérer  l'incrédulité  et  l'Irréligion.  Aussi 
allons-nous  voir  nos  dissertateurs  forcés  de 
se  rétracter  et  de  se  contredire. 

3'  Les  hommes,  dit  Harbeyrac,  ne  sont 
point  réunis  en  société  pour  professer  une 
certaine  religion,  mais  pour  se  procurer  le 
bien-être  temporel  ;  tel  est  le  seul  objet  de 
la  puissance  civile:  la  religion  n'est  donc 
point  de  son  ressort,  elle  n'a  point  le  droit 
de  la  gêner,  elle  doit  laisser  à  chacun  la  li- 
berté de  croire  et  de  professer  ce  qui  lui 
paraît  vrai  en  matière  de  religion.  —  Ré- 
ponse. Nous  avons  prouvé  que  les  hommes 
ne  peuvent  être  réunis  en  société,  sans  avoir 
une  certaine  religion  ,  une  religion  fixe, 
déterminée  ,  assujettie  à  un  formulaire  de 
doctrine  et  de  culte  ;  donc  celte  religion  est 
absolument  nécessaire  au  bien  lenipor.e]  de. 
1.1  société,  donc   la  puissance  civile  chargée 


78.^  TOL 

de  procurer  ce  bien  temporel  est  essentielle- 
ment obligée  n  proté^jer  la  religion,  à  la  dé- 
l'endre,  à  réprimer  les  attentais  de  ceux  qui 
l'att.iquent.  Harbeyrac  l'a  senti  malgré  lui, 
en  exigeant  que  la  puissance  civile  laisse  à 
chacun  la  liberté,  il  ajouie,  à  moins  que  cela 
ne  nuise  à  la  trnnquiÛilé  publiiine.  Traité  de 
la  morale  des  Pères,  c.  12,  §  27.  Ildil  qu'il  ne 
l'anl  poini  toléicrdans  une  société  lesc/T'wr» 
fondamentales,  S  -11;  que  ceux  qui  insultent 
les  st'claifurs  d'une  aulre  religion  sont  pu- 
nissables, §  52.  A-l-il  vu  lis  conséquences  de 
ces  resl ridions? — Bayle  à  son  lour  convient 
que  les  princes  peuvent  fairi'  des  lois  coac- 
lives  par  politi/ueoa  fait  de  relij;ion,  Com- 
inenl.  philos.,  i'°  part.,  c.  6,  p.  383  ;  qu'il 
faut  réprimer  les  factieux,  ir  pari.,  c.  6, 
p.  4!(>;  (|u'il  faut  punir  tous  ceux  qui 
iroubleiil  In  repos  public,  quelle  qu'.iil  élé 
leur  conscience,  c.  9,  p.  431.  Ainsi  voilà  tous 
les  granils  piiiicipes  des  pailisans  de  la  tolé- 
rance renvcr-és  par  eux-mêmes.  —  Pour  en 
venir  à  l'objet  qu'ils  se  sont  proposé,  ose- 
ront-ils soutenir  ((ue  leurs  prédicanls  n'ont 
pas  été  des  factieux,  qu'ils  n'ont  point  in- 
sulté les  sectateurs  de  l'an'cieime  religion, 
qu'ils  n'ont  pas  tioublé  la  Iranquillilé  publi- 
que ?  Le  contraire  est  prouvé  par  iiurs 
propres  historiens.  D'autre  côté,  s'il  est  vrai 
que  la  puissance  civile  n'a  rien  à  voir  à  la 
religion  ,  la  prétendue  réforme  s'est  faite 
coùlre  tout  droit  et  toute  justice,  puisque 
partout  elle  s'est  établie  par  l'autorité  de  la 
puissance  civile  uu  par  les  armes  ;  c'est  en- 
core un  fait  incontestable.  Mais  aucun  prin- 
cipe n'a  jamais  incommodé  les  prolestants; 
quand  il  leur  a  fallu  s'établir,  ils  ont  attri- 
bué aux  souverains  et  aux  n)agistrats  un 
pouvoir  despotique  en  fait  de  reli;;ion  ;  lors- 
qu'ils se  sont  sentis  assez  forts  pour  ré- 
sister, ils  b  ur  onl  soutenu  en  l'ace  que  la 
religion  n'est  pas  de  leur  ressort. 

4°  La  persécution  en  matière  de  religion 
n'éclaire  pomt  les  esprits,  elle  ne  sert  qu'à 
les  révolter,  les  sectaires  en  deviennent  plus 
opiniâtres,  ils  s'attachent  à  leur  religion  à 
proportion  de  ce  qu'ils  soufflent  pour  elle  : 
la  violence  excite  la  pitié  pour  les  persé- 
cutés et  la  haine  contre  les  persécuteurs, 
elle  n'aboutit  qu'à  produire  de  fausses  con- 
versions,  à  multiplier  les  menteurs  et  les 
hypocrites.  — •  liéponse.  Supposons  pour  un 
moment  la  vérité  de  tout  cela.  Lorsqu'une 
troupe  de  séditieux  et  de  malfaiteurs  s'opi- 
niâircnt  dans  leur  révolte,  deviennent  plus 
furieux  par  les  cliâtimenis  et  par  les  sup- 
plices, laut-il  les  laisser  faire  et  cesser  de 
les  punir  ?  L'opiniâtreté,  en  quelque  genre 
que  ce  soit,  est  un  viccj  et  un  vice  de  plus 
ne  donne  pas  droit  à  l'iinpunité.  Si  l'on  a 
pitié  de  ceux  que  l'on  voit  souffrir  en  pareil 
cas,  c'est  un  mouvement  macliinal  qui  ne 
prouve  rien;  le  plus  grand  scélérat  soulTrant 
peut  pruouire  cette  sensation  sur  les  spec- 
tateurs. Quand  on  em[)loic  la  contrainte,  ce 
n'est  pas  pour  persuader  les  esprits,  mais 
pour  réprimer  leur  audace,  pour  les  em- 
pécaer  de  semer  leur  doctrine,  de  s'échauffer 
les  uns  les  autres,  et  de  communi(]uer  leur 


TOL 


78(i 


fanatisme.  Si  le  supplice  ne  sert  de  rien  à 
celui  <iui  le  subit,  il  intimide  ceux  qui  se- 
raient tentés  de  suivre  son  exemple  ;  mais  il 
est  faux  en  général  que  la  contrainte  ne 
produise  aucune  conversion  sincère,  l'his- 
toire fuiirnit  mille  preuves  du  contraire,  el 
sans  sorlirdu  royaume,  l'on  en  a  vu  un  très- 
giand  nombre;  dès  que  l'on  est  venu  à  bout 
de  forcerles  sectaires  à  se  laisser  instruire, 
les  conversions  se  sont  ensuivies. 

?)°  N'importe,  répliquent  nos  adversaires, 
ce  moyen  est  odieux  ,  il  peut  autant  contri- 
buer à  établir  l'erreui-  qu'à  faire  triompher 
la  vérité.  Comme  chacun  se  croit  orthodoxe, 
chacun  s'attribue  le  droit  de  persécuter;  un 
souverain  sera  donc  autorisé  à  faire  em- 
brasser par  force  une  religion  fausse  aussi 
bien  qu'une  religion  vraie.  Ainsi  se  trouvera 
jnsliliée  la  conduite  des  empereurs  païens 
envers  le  christianisme,  et  le  supplice  des 
martyrs  ne  sera  plus  un  crime.  Ici  la  vraie 
religion  n'a  aucun  ])rivi  ége  sur  les  reli- 
gions fausses,  les  droits  de  la  conscience 
erronée  sont  les  mêmes  que  ceux  de  la  con- 
science droite.  —  Réponse,  Suivant  cette 
belle  doctrine,  il  ne  faut  pas  employer  les 
raisons,  les  instructions,  les  exhortations 
pour  enseigner  la  vérité  aux  hommes,  puis- 
que l'on  s'ensert également  pour  les  conduire 
à  l'erreur.  Il  faut  supprimer  les  lois,  puis- 
qu'il y  a  souvent  eu  des  lois  qui,  loin  de 
procurer  le  bien  de  la  société,  lui  ont  porté 
beaucoup  de  préjudice.  Il  faut  abolir  les 
suppliées,  parce  qu'ils  servent  à  faire  périr 
des  innocents  aussi  bien  que  des  coupables. 
Il  faut  enlin  détruire  toutes  les  institutions 
de  la  société  desquelles  on  peut  abuser;  de 
là  les  incrédules  ont  victorieusement  conclu 
qu'il  faut  anéantir  toute  religion ,  parce 
que  l'on  a  souvent  commis  des  crimes  par 
motif  de  religion. 

Si  le  christianisme  avait  été  capable  par 
lui-même  de  troubler  la  paix  de  la  société 
ou  de  nuire  à  ses  intérêts  temporels,  si  ceux 
qui  le  préehaientavaient  employé  les  mêuies 
moyens  que  les  prédicanls  de  la  prétendue 
réforme,  nous  conviendi  ions  que  les  empe- 
reurs pa'iens  ont  été  en  droit  de  sévir  contre 
eux.  .Mais  nos  apologistes  ne  sont  pas 
allés  dire  à  ces  princes  :  'Vous  n'avez 
rien  à  voir  à  la  religion  de  vos  sujets, 
la  liberté  de  conscience  nous  afipartient 
de  droit  naturel.  Ils  leur  onl  dit  :  «  Vous 
avez  tort  de  tourmenter  pour  cause  de  reli- 
gion des  sujets  qui  puisent  dans  leur  religion 
même  les  principes  de  la  paix,  do  la  sou- 
mission, de  l'obéissance  à  vos  lofs  ,  d'une 
fidélité  inviolable;  votre  intérêt  seul  devrait 
vous  engager  à  nous  protéger  ;  si  nous 
péchons  contre  l'ordre  public ,  punissez- 
nous;  mais  nous  sommes  les  plus  paisibles 
et  les  plus  innocents  de  vos  sujets,  pourquoi 
nous  persécuter?  »  Tel  a  été  le  langage  de 
saint  Justin,  de  Clément  d'.Vlexandrie,  de 
Tertullien,  de  Miniitius  Félix,  etc.  A  la  vé- 
rité quelijues  incrédules  ont  eu  l'audace  de 
comparer  les  apôtres  et  leurs  successeurs 
aux  prédicanls  du  protestantisme,  de  les 
mettre  sur  la  même  ligne,  de  soutenir  que  le 


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TGL 


TOL 


788 


christianisme  est  plus  nuisibiC  â  a  société 
que  le  paganisme,  etc.  Mais  nous  présumons 
que  Bayl'"  et  Baibeyrac,  qui  professaient  la 
religion  chrélienne,  n'ont  pas  poussé  la  fré- 
nésie jusqiie-ià.  Quoi  qu'il  eu  soil,  personne 
n'a  éfé  plus  intéressé  à  celte  qursiion,  ni 
plus  en  élal  d'en  juger  que  Conslanliu  ;  il 
n'était  ni  prévciin,  m  aveugle,  ni  supersti- 
tieux; il  comprit  (jne  le  christi;in!snie  était 
plus  avantageux  au  souveriiin  et  à  ses  sujets 
que  le  pa|j,anisine,  il  ren)brassa  et  le  |)ro- 
téi^ea.  Les  Incrètlulcs  mêmes,  qui  lui  savent 
mauvais  gré  de  sa  conversi  m,  soutiennent 
qu'il  se  conduisit  par  politique  plutôt  que 
par  religion. 

Il  est  donc  absolument  faux  qu'ici  la  reli- 
gion vraie  n'ait  pas  plus  de  privilège  que 
les  fausses  ;  jam.'.is  une  religion  fausse  ne 
sera  auçsi  avantageuse  au  bien  lemporel  de 
la  société  que  la  vraie  religion. S'il  fallait  sou- 
tenir le  piirallèle  rp.lre  la  religion  catbolique 
elle  prol'eslauiisiue, nous  n'y  serions  pus  fort 
eenbdrrassés.  I<'ran«;ois  I",  qui  n'était  rien 
moins  que  superstitiepx,  conipril  d'abord 
que  les  seclair!  s  étaient  ennemis  diéclarés  de 
toute  aulorilé  temporelle  aussi  bien  que  de 
toute  puissance  spirituelle.  Il  s'en  expliqua 
hauteuienl,  et  la  suite  n'a  que  trop  prouvé 
qu'il  en  jugeait  bien.  Bayle  ei]  particulier 
leur  a  fait  voir  qu'ils  ne  se  ^ont  établis  nulle 
part  que  par  des  révoltes  et  des  guerres 
civiles,  (ju'en  moins  de  deux  siècles  ils  ont 
déirôné  plus  de  rois  que  jam.iis  les  papes 
n'en  ont  excommunié,  elc.  Itéponse  d'un  nou- 
veau conierli,  et  Qvis  aux  réfugiés,  OEitv., 
t,  II,  p. 552  et  589. 

Vainement  on  nous  objectera  que  les  Etats 
protestants,  par  le  cbangement  de  rc'.igioi), 
sont  parvenus  à  un  plus  haut  degré  de  pros- 
périté qu'auparavant;  s;m^  entrer  dans 
l'exaniei)  des  causes  de  cette  révolution,  il 
est  certain  que  les  royaumes  qui  ont  persé- 
véré dans  le  catholicisme  sont  aussi  montés 
à  un  degré  de  puissance  fort  supérieur  à 
celui  dans  lequel  ils  étaient  au  xvi'  siècle. 

Enfin,  il  est  fiiux  que  les  droits  de  la  con- 
sci(  lice  erronée  soient  les  mêmes  que  cepx 
de  la  consciente  droite  :  celle  maxime  que 
Bayle  s'est  obstiné  à  soutenir,  et  que  Bar- 
beyrac  n'a  pas  manqué  d'adopter,  s  55,  ne 
leud  pas  à  moins  qu'à  justifier  tous  les  f.ina- 
tiques  qui  ont  commis  des  crimes,  sous  pré- 
texte que  la  conscience  les  y  obligeait;  nous 
l'avons  réfutée  ailleurs.  Voy.  Gonscie.nci:  et 
Liberté  de  conscience. 

C°  Ce  n'est  point,  dit  Barbeyrac,  la  diver- 
sité des  religions  qui  produit  des  ttoubics, 
c'est  l'intolôrauce;  la  liberté  de  conscience, 
loin  de  multiplier  les  sectes,  prévient  les 
nouvelles  divisions;  dans  les  pays  où  la  to- 
lérance est  établie,  il  n'y  a  pas  un  plus  grand 
nombre  de  socles  qu'ailleurs.  —  Réponse. 
Le  contrairo  est  démontré  par  l'exemple  de 
l'Anglelerre  et  de  la  Hollande;  il  n'est  aucun 
pays  du  monde  où  l'on  trouve  un  aussi  grand 
nombre  de  sectes;  non-sculemeut  la  plu- 
part des  mécréants  de  l'Europe  entière  s'y 
sont  retirés  :  mais  le  fanatisme  a  pris  toutes 
sortes  de  formes  parmi  les  naturels  du  pays. 


Cela  n'est  pas  arrivé  en  Ecosse,  où  le  calvi- 
nisme dominant  exerce  une  ii)toléranc(!  plus 
despotique  qu'aucune  autre  seclc  chréiiehne. 
On  sait  au  reste  à  quel  prix  la  tolérance 
s'est  établie  dans  les  deux  pays  dort  on  nous 
vante  le  bonheur  :  c'a  été  par  des  torrents  de 
sang  ;  les  divers  partis,  las  de  s'enir'égorger, 
se  sont  enfin  reposés  ils  ont  consenti  à  se 
supporter,  parce  qu'ils  n'avaient  pas  pu 
venir  à  bout  de  s'exterminer. 

7°  Du  moins  toutes  les  sectes  chrétiennes 
devraient  se  tolérer ,  puisque  toutes  font 
profession  de  croireàrEcriluresainle  comme 
à  la  parole  de  Dieu.  Comme  elles  disputent 
entre  elles  sur  plusieurs  points  de  doctrine, 
il  y  a  lieu  de  présumer  qu'ils  ne  sont  révé- 
lés que  d'une  manière  obscure,  et  que  les 
deux  partis  peuvent  être  également  dans 
l'erreur.  Dieu,  sans  doiite  ,  n'a  pas  voulu 
l'uiiiformitéde  senliments  sur  ces  questions, 
puisqu'il  ne  s'est  pas  expliqué  plus  claire- 
ment. Saint  Paul  dit  qu'il  faut  qu'il  y  ait 
des  hérésies  ;  c'est  donc  un  mal  inévilatile, 
pourquoi  ne  pas  le  supporter  ?  D'ailleurs  les 
préjugés  et  les  passions  se  glissent  p;irlou(, 
On  doii  donc  toujours  craiiuirc  Je  persécuter 
la  vérité  et  d'agir  par  un  faux  zèle.  Dieu  n'a 
point  établi  de  tribunal  ni  de  juge  visible 
revelu  d'aulorité  absolue  et  d'infaillibilité 
pour  prononcer définiliveraent  sur  toutes  les 
contestations,  et  mettre  les  disputants  d'ac- 
cord. —  Réponse,  (j'est  un  malheur  que 
Bayle  ,  Barbeyrac  et  leurs  copistes  ne  se 
soient  pas  trouvés  à  propos  pour  faire  celte 
leçon  aux  prétendus  réformateurs.  Ils  leur 
auraient  représenté  que  ce  qu'ils  croyaient 
voir  dans  l'Ecriture  n'y  est  pas  fort  claire- 
ment, puisque  pendant  quinze  cents  ans  per- 
sonne ne  l'y  avait  vu  avant  eux  ;  qu'en  accu- 
sant d'hérésie  et  d'idolâtrie  l'Eglise  romaine, 
ils  étaient  peut-être  eux-mêmes  dansl'erreur; 
que  Dieu  ne  les  avait  revêtus  ni  d'autorité 
ni  d'infaillibilité  pour  prononcer  despotique- 
ment  sur  tant  de  questions,  elc.  Peut-être 
leur  auraient-ils  inspiré  la  tolérance  :  ils  les 
auraient  rendus  plus  timides  ;  il  ne  serait 
pas  arrivé  tant  de  bruil,  de  séditions  cl  de 
malheurs  dans  l'Europe  entière.  Mais  nous 
sommes  étonnés  de  ce  que  nos  deux  sages 
prédicateurs  n'ont  pas  mieux  profilé  de  leur 
propre  morale  :  ils  persistent  à  condamner 
i'Kglise  rorjiaine  avec  autant  de  hauteur  que 
Luliier  et  Calvip;  il  faut  donc  que  Dieu  leur 
ait  donné  l'autorité  et  l'infaillibilité  que  n'a- 
vaient pas  ces  deux  fondateurs  de  la  réfor- 
me. 

Saint  Paul  dit  qu'il  faut  qu'il  y  ait  des  hé- 
résies, mais  il  ajoute  aussi  qu'un  hérétique 
QSi  condamné  par  son  propre  jugement  ;  nous 
en  avons  la  preuve  sous  les  yeux,  puisque 
nos  adversaires  prononcent  leur  propre  cou- 
damnation.  Jésus  Christ  avait  dit  de  même 
qu'il  faut  qu'il  y  ait  des  scandales,  mais  il 
avait  ajouté  aussi,  malheur  à  celui  par  qui  le 
scandiiïe  arrive.  H  faut  donc  qu'il  y  ait  des 
hérésies,  comme  il  faut  qu'il  y  ail  des  cri- 
mes, parce  qu'une  infinité  d'hommes  sont 
insensés  et  méchants;  il  ne  s'ensuit  cepen- 
dant pas  qu'il   faut  pardonner  à  tous.  Dieu 


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TOL 


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sait  liror  le  bien  oe  ces  deux  espèces  de 
maux,  mais  il  n'en  punira  pas  moins  les 
auteurs.  De  là  môme  nous  concluons  que 
Dieu  a  établi  un  tribunal  et  uu  juge  en  ma- 
lièrc  de  foi,  qu'il  l'a  revêtu  d'autorité  et 
d'infaillibilité  pi)ur  condamner  les  hérésies, 
comme  il  a  établi  une  puissance  civile  avec 
autorité  souveraine  pour  punir  les  crimes. 
Ce  juge,  ce  tribunal  est  riîf^lise;  Dieu  s'en 
est  expiii]ué  clairement,  nous  l'avons  fait 
Toir  à  l'article  Eclise,  §  5.  Inutilement  il  y 
aurait  des  lois,  si  chaque  citojcn  avait  le 
droit  de  les  interpréter  et  do  lès  appliquer 
suivant  ses  intérêts;  inutilement  aussi  Dieu 
aur.iit  donné  une  révélation  écrite,  ou  non 
écrite,  si  chaque  particulier  était  le  maître 
de  l'entendre  et  de  l'expliquer  comme  il  lui 
platl. 

Il  est  faux  que  Dieu  n'ait  pas  voulu  l'uni- 
formité des  sentiments  entre  les  fidèles  ;  saint 
Paul  dit  au  contraire  que  Dieu  a  donné  des 
apôlres,  des  prophètes,  des  évangélistes,  des 
pasteurs  et  des  docteurs,  afin  que  nous  ar- 
rivions tous  à  l'unité  de  la  foi,  et  que  nous 
ne  soNons  pas  emportés  à  tout  vent  de  doc- 
trine, Ejihes.,  cap.  iv,  v.  Il;  donc  s'il  y  a  des 
choses  obscures  dans  les  écrits  des  prophè- 
tes, des  apôtres  et  des  évangélistes.  Dieu  a 
voulu  que  cette  obscurité  fût  dissipée  par 
l'enseignement  toujours  subsistant  des  pas- 
teurs et  des  docteurs.  Mais,  dans  cette  ques- 
tion comme  dans  toutes  les  autre-,  les  pro- 
testants disent  et  se  contredisent  suivant 
l'intérêt  du  moment.  Quand  ils  veulf-nt 
prouver  que  l'enseignement  de  l'Eglise  n'est 
pas  nécessaire,  ils  affirment  que  l'Ecriture 
c^l  claire,  sans  nuage  et  sans  difficulté  sur 
tous  les  dogmes  de  foi  :  s'agil-il  de  soulenir 
que  l'on  a  tort  de  les  condaimier,  ils  repré- 
sentent que  plusieurs  choses  ne  sont  révé- 
lées,que  d'une  manière  obscure.  S'ils  dis- 
putent contre  nous,  l'Ecriture  est  toujours 
claire  pour  eux  :  s'il  y  a  entre  eux  des  con- 
testations, c'est  que  l'Ecriture  n'est  pas  assez 
claire  ;  avec  cet  expédient  ils  ne  sont  jamais 
embarrassés. 

8"  Voici  encore  un  trait  de  la  sagesse  pro- 
fonde de  nos  adversaires.  Ils  nous  prêchent 
la  tolérance,  et  en  niôme  temps  ils  nou^  font 
entendre  qu'elle  est  impossible,  qu'elle  n'aura 
jamais  lieu  entre  les  dilTérentes  sectes  chré- 
tiennes. Ils  avouent  que  les  protestants  ne 
sont  pas  plus  tolérants  que  les  catholiques, 
et  Bayle  a  prouvé  qu'ils  le  sont  nioins.  Ils 
conviennent  que  leurs  différentes  sectes  ne 
s'accordent  pas  mieux  entre  elles  (lu'avec 
nous,  que  l'antipathie  et  la  haine  sont  à  peu 
près  égales  de  toutes  parts.  Mais  ils  soutien- 
nent que  les  protestants  sont  plus  excusa- 
bles que  nous,  parce  que  leur  intolérance 
est  contraire  à  tous  les  principes,  au  lieu 
que  chez  nous  c'est  une  conséquence  néces- 
saire du  catholicisme.  Aussi,  suivant  eux, 
on  ne  doit  nous  tolérer  nulle  part,  parce 
que  l'on  ne  peut  jamais  espérer  de  nous  la 
même  condescendance.  —  liéponse.  Si  du 
moins  ces  graves  docteurs  nous  disaient  : 
Tolérez-nous,  et  nous  vous  rendrons  la  pa- 
reille, cela  serait  supportable;  mais  non,  ils 


disent  impérieusement  :  «  Sf«uffrez- nous  , 
vous  le  devez  en  conscience,  mais  n'espérez 
pas  que  nous  vous  souffrions  jamais.  Notre 
intolérance  est  excusable,  parce  qu'en  l'exer- 
çnnt  nous  contredisons  tous  nos  principes; 
la  vôtre  n'est  pas  pardonnable,  parce  ((u'clle 
découle  nécessairement  de  votre  système,  et 
qu'en  cela  vous  raisonnez  conséqueinment.  » 
Il  n'est  guère  possible  de  pousser  plus  loin 
l'esprit  de  vertige.  Co;iimenl  nous  ae.  orde- 
rions-nous  avec  des  sectaires  qui  ne  peuvent 
s'accorder,  ni  entre  eux,  ni  avec  eux-mê- 
mes? Aussi  un  déisie  célèbre,  né  parmi  eux, 
leur  a  reproché  durement  cette  contradic- 
tion toujours  subsistante  entre  leur  conduite 
intolérante  et  la  masiuie  fontiamcnlale  de  la 
réforme,  savoir,  qu'il  n'y  a  sur  la  terre  au- 
cune autorité  visible  à  laquelle  on  doive  se 
soumettre  en  matière  de  religion,  que  la 
seule  règle  de  foi  est  l'Ecriliîre  sainte  en- 
tendue sdon  le  degré  de  lumière  et  de  capa- 
cité de  chaque  partieulier.  Il  leur  demande 
de  quel  droit  ils  osent  condamner  un  homme 
qui  jure  et  proteste  qu'il  pnnd  l'Ecriture 
sainte  dans  le  sens  qui  lui  parait  le  plus 
vrai,  et  ils  n'ont  eu  rien  à  lui  répli(iu(!r. 

9°  Mais  Barbey rac  n'a  pas  voulu  reculer; 
il  soutient  qu'aucune  société  n'est  moins 
en  droit  de  persécuter  les  ;!utres  sectes  que 
les  catholiques,  puisqu'ils  ne  les  condam- 
ueut  que  parce  qu'elles  ne  veulent  pas  re- 
noncer à  l'Ecrituri'  sainte,  pour  s'en  tenir 
à  ;ie  prétendues  traditions,  §  19.  —  Réponse. 
Ici  l'absurdité  va  de  pair  avec  la  calomnie. 
No  ;s  n'avons  jamais  dit  aux  sectes  hétéro- 
doxes :  Renoncez  à  l'Eeriture  sainte;  mais 
renoncez  aux  explications  fausses,  abusives, 
arbitraires  que  vous  donnez  à  ce  livre  divin. 
Nous  prenons  aussi  bien  qu'i'lles  l'Ecriture 
pour  règle  de  notre  foi,  nous  la  leur  oppo- 
sons de  même  qu'elles  nous  l'opposent  ;  mais 
fîuand  elles  en  tordent  le  sens,  nous  leur 
soutenons  que  ce  n'est  ni  leur  jugement  ni 
le  nôtre  qui  doit  décider,  que  c'est  celui  de 
l'Eglise  ou  des  pasteurs  auxquels  Dieu  a 
donné  mission  pour  enseigner.  Lorsque  l'E- 
criture garde  le  L<ilence  sur  une  question, 
ou  ne  paraît  pas  s'expliquer  assez  claire- 
ment, nous  ilisons  (|u'il  est  absurde  de  nous 
opposer  ce  silence  comme  une  règle  ou 
couime  une  loi,  (]ue  Dieu  ne  nous  a  défendu 
nulle  pai  t  de  cro;re  quelque  chose  de  plus 
que  ce  qui  est  écrit,  (]u'au  contraire  il'nous 
a  ordonné  d'écouter  Tliglise  à  laquelle  il  a 
pr.inis  le  Saint-Esprit  pour  lui  enseigner 
îoiile  vérité,  etc.  Voy.  Ecritcre  sainte,  S  5; 
Eglise,  §  5;  Trariti  n,  etc.  Nous  faisons 
plus  :  nous  alléguons  les  passages  de  l'E- 
criture sainte,  qui  nous  c.rdonnent  de  re- 
garder celui  qui  n'écoute  pas  l'Eglise  comme 
un  païen  et  un  puhlicain,  Matth.,  c.  xviii, 
V.  17;  de  secouer  la  poussière  de  nos  pieds 
contre  ceux  qui  n'écoutent  pas  les  envoyés 
de  .lésusChrivl,  Luc,  ex,  v.  16;  dédire 
anathème  à  celui  qui  nous  annonce  un  autre 
Evangile,  Galat.,  c.  i,  v.  10;  d'éviter  les  faux 
docteurs,  /  Tim.,  c.  ni;  de  fuir  un  hérétique, 
après  l'avoir  repris  une  ou  deux  Ibis,  Til., 
c.  III,  V.  10;  de  nous  garder  des  faux  pro- 


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7!»-2 


phètes  el  des  séducteurs,  //.  Petr.,  c.  m, 
V.  3  et  17;  de  ne  point  recevoir,  de  ne  pnihl 
saluer  même  celui  qui  ne  persévère  point 
dans  la  doctrine  de  Jésus-Christ,  II  Joan., 
V.  y  <  t  10.  Mais  à  quoi  sert  de  citer  l'Ec  ri- 
turo  sainte  ;iux  protestants?  A  force  de  sub- 
tilités, de  gloses  d'interprétations  arbitr.ii- 
res.  ils  viennent  à  bout  d'en  tourner  le  s<  ns 
en  leur  faveur;  et  ils  conGrment  ainsi  la 
néce'Silé  absolue  de  recourir  à  l'enseigne- 
ment de  riglise  et  à  la  tradition  pour  ex- 
pliquer l'Ecriture  sainte. 

10°  Autre  chose  est,  disent-ils,  d'exclure 
d'une  société  ceux  qui  tiennent  telle  opinion, 
el  autre  chose  de  les  persécuter  pour  la  leur 
faire  quitter  ou  pour  les  empêcher  de  la 
professer.  Si  l'on  ne  doit  pas  tolérer  dans 
une  sorièlé  les  erreurs  fondamentales  ,  il 
f;int  encore  avoir  pitié  de  ceux  qui  les  sou- 
tiennent, et  ne  pas  traiter  leur  erreur  comme 
un  crime.  Barhei/rac,  §  21  et  22.  —  Réponse. 
Il  faut  en  avoir  pitié,  sans  doute,  lorsqu'ils 
sont  doux  et  paisibles,  qu'ils  respectent  les 
[  •iH5>i"in("'s  élablit'S  de  Dieu,  e'  qu'ils  ne 
Ironb'eni  le  l'ppos  de  personne.  Mais  est-ce 
là  le  ton  sur  le(iii?!  se  sont  annoncés  les 
prétendus  rél'iirmaleui>?  Us  ont  peint  la  re- 
ligion catholique  comme  «!)?  détestable  ido- 
lâiiie,  l'Eglise  cou  me  la  piosliluée  de  Ba- 
bylone,  ses  pasteurs  comme  des  loups  dé- 
voiants;ils  ont  exhorte  les  peuples  à  les 
poursui\reà  feu  et  à  sang,  à  se  révolter 
contre  les  puissances  qui  entrepreniifaicnt 
de  les  soutenir,  etc.  Ces  furenrs  sont  encore 
consignées  dans  leurs  écrits,  ils  les  ont  cc^a^- 
nmniqnées  à  leurs  prosélytes;  ceux-ci  en 
ont  suivi  l'impulsion  partout  oh  ils  ont  pu. 
Voy.  Lutuébanisime,  Calvinisme,  etc.  Les 
tolère' ,  c'était  se  mellie  dans  la  nécessité 
d'aposlasier  ;  plusieurs  de  leurs  écrivains 
en  sont  i  onvenus.  Leurs  descendants  méri- 
teraient plus  d'indulgence  ,  s'ils  n'étaient 
plus  animés  du  même  esprit;  mais  ils  nous 
déclarent  sans  détour  qu'ils  ne  nous  souf- 
friront jamais  ;  autant  vaudrait  nous  dire 
qu'ils  nous  extermineraient  s'ils  le  pou- 
vaient. Bayle  leur  reprochait  cette  frénésie 
en  1688  et  IC'JO;  elle  n'est  pas  guérie.  Plu- 
sieurs de  leurs  ratéchismes  sont  remplis  de 
calomnies  contre  nous,  afin  de  fiiire  passer 
dès  le  berceau  dans  l'âme  de  leurs  enfants  la 
haine  qu'ils  ont  jurée  à  l'Eglise  romaine  ;  tel 
est  en  particulier  le  catéchisme  de  Heidel- 
berg,  qui  a  été  lradi;il  dans  toutes  les  lan- 
gues de  l'Europe  et  qui  est  entre  les  mains 
de  la  plupart  d<  s  calvinistes.  Les  livres  de 
leurs  écrivains  les  plus  récents  ne  sont  pus 
plus  modérés;  nous  y  retrouvons  les  mêmes 
accusations  que  l'on  a  réfutées  il  y  a  deux 
cents  ans  :  comment  l'esprit  des  prolestants 
n'en  serait-il  pas  nmpli?  El  voil.i,  selon 
leur  prétention,  ce  que  nous  devons  leur 
permettre  de  professer  chez  nous.  Poussons- 
nous  jusqu'à  ce  point  l'antipathie,  la  haine, 
l'iniolérfince  contre  eux. 

11°  Les  Pères  de  l'Eglise  ont  blâmé  toute 
persécution  pour  cause  di"  rcligioii  ;  ils  ont 
dit  que  la  foi  doit  être  libre  el  volontaire, 
que  c'est  une   impiété  de  vouloir  l'inspirer 


par  la  violence,  etc.  Mais  ces  Pères  ont  été 
infidèles  à  leur  propre  dodrine,  ils  ont  im- 
ploré le  bras  séculier  contre  les  hérétiques, 
ils  ont  applaudi  aux  lois  des  empereurs  qui 
les  punissaient,  ils  ont  trouvé  bon  que  l'on 
employât  la  contrainte  pour  faire  rentrer  les 
errants  dans  le  sein  de  l'Eglise.  —  liépome. 
Nouvelle  calomnie.  Les  Pères  ont  constam- 
ment enseigné  ce  que  nous  enseignons  en- 
core, qu'il  ne  faut  ni  persécuter,  ni  aigrir, 
ni  inquiéter  bs  hérétiques,  lorsqu'ils  sont 
paisibles  et  qu'ils  ne  troublent  point  la  tran- 
quillité pubique;  qu'il  faut  les  instruire 
avec  douceur  et  charité,  et  lâcher  de  les  ra- 
mener uniquement  par  la  persuasion.  Par 
celte  raison  même  les  Pères  se  sont  plaints 
de  la  persécution  que  les  païens  exerçaient 
contre  les  chrétiens,  persécution  d'autant 
plus  injuste,  que  ceux-ci  étaient  les  sujets 
les  plus  soumis  de  tout  l'en  pire,  el  les  plus 
allenlifs  à  respecter  l'ordre  public.  Mais  les 
Pères  ont  ajouté,  et  nous  le  disons  après  eux, 
que  quaud  les  hérétiques  sont  turbulents, 
violents,  séditieux,  ils  doivent  être  réprimés 
par  le  bras  séculier,  qu'autrement  la  société 
sei  ait  en  combustion  ;  conséquemment  ils  ont 
ap|)laudi  aux  empereurs  qui  ont  porté  des  lois 
pénales  contre  les  ariens  el  contre  les  dona- 
tistes,  parce  que  ces  secl.iires  usaient  de  vio- 
lence pour  faire  adopter  leurs  erreurs.  Nous 
défions  nos  adversaires  de  citer  un  seul  Père 
de  l'Eglise  qui  ait  approuvé,  conseillé  ou 
demandé  la  contrainte  contre  les  hérétiques 
qui  ne  donnaient  aucun  sujet  d'inquiétude 
au  gouvernement,  ni  aucune  loi  des  empe- 
reurs sollicitée  par  le  clergé  contre  les  mé- 
créants de  cette  espèct;.  Dès  le  second  siècle 
de  l'Eglise,  saint  Irénée  a  prescrit  celle  règle 
contre  les  hérétiques  :  «  Détournez,  dit-il,  et 
c'onnez  de  la  confusion  à  ceux  qui  sont  doux 
el  humains,  afin  qu'ils  ne  blasphèment  plus 
contre  leur  Créateur  ;  mais  écartez  l(fin  de 
vous  ceux  qui  sont  féroces,  redoutables  , 
privés  de  raison,  afin  de  ne  plus  entendre 
leurs  clameurs,  »  Adv.  Hœr.,  1.  ii,  c.  31,  n.  1. 

Le  Clerc,  dans  ses  remar(|Ues  sur  les  ou- 
vraijes  de  saint  Augustin,  a  voulu  prouver 
que  l'on  punissait  les  donalisles  eu  Afrique 
pour  leurs  erreurs  seules,  et  non  pour  leurs 
crimes;  nous  l'avons  réfuté  au  mot  Dona- 
TisTES,  el  nous  avons  fait  voir  le  contraire, 
tant  par  les  lois  des  empereurs  que  par  les 
écrits  de  saint  Augustin  et  des  témoins  ocu- 
laires. Au  mol  HÉRÉTIQUE,  on  trouvera  ce 
même  fait  vérifié  par  un  détail  de  loutes  les 
hérésies  proscrites  par  des  lois. 

12"  Enfin,  l'on  ose  nous  dire  que  les  an- 
ciens peuples  étaient  toléranls,  qu'ils  n'em- 
ployaient ni  lois  pénales,  ni  persécution,  ni 
guerres,  ni  supplices,  pour  faire  adopter  ou 
pour  maintenir  leur  religion;  qu'en  cela  ils 
ont  été  plus  raisonnables  et  plus  humains 
que  les  chrétiens.  —  Réponse.  Ceux  qui  ont 
avancé  ce  fait  ont  supposé  sans  doute  que 
leurs  lecteurs  n'auraient  aucune  connais- 
sance de  l'histoire;  c'est  à  nous  de  démon- 
tri  r  l'excès  de  leur  témérité.  Commençons 
par  le  témoignage  d.s  auteurs  sacres.  Eiech., 
c.  XXX,  v.  10  cl  13,  Dieu  prédit  que  Nabu- 


795 


TOL 


TOL 


794 


chodonosor  subjuguera  l'Egypte,  qu'il  y  dé- 
truira les  idoles  et  les  sirnulaires,  et  cela 
fut  exécuté.  Unn.,  c.  m,  v.  20,  rc-  même  roi 
fit  jelei  dans  une  fournaise  ardente  trois 
jeunes  Israélites,  parce  qu'ils  n(?  voulaient 
jias  adorer  la  statue  d'or  qu'il  avait  fait 
élever.  Cap.  vi,  v.  1(1,  sous  Uarins  le  .Mède, 
iJaniel  fut  jeté  dans  la  fosse  aux  lions,  parce 
qu'il  avait  prié  Dieu  >^clon  sa  coutume.  7m- 
ciitli,  c.  m,  v.  I.'!,  Nabuchodonosor  ordonne 
à  Sun  général  d'exti'rminer  tous  les  dieux 
des  nations,  afin  de  se  faire  adorer  lui-même 
connue  seul  dieu  par  tous  ses  sujets. 

Ziir^aslre,  pour  élahlir  sa  religion,  par- 
courut la  Perse  et  l'Inde  à  la  télé  d'une  ar- 
mée, et  arrosa  par  des  torrents  de  sang  ce 
qu'il  appelait  ïnrbre  de  la  Ici.  Cambysc  et 
Darius  Oclius,  qui  ravagèrent  l'Kgyple,  dé- 
molirent les  temples  et  détruisirent  tous  les 
moi\uuients,  agissaient  par  zèle  pour  la  re- 
ligion de  Zoroastre.  Plus  d'une  fois  les  Perses 
parcoururent  l'Asie  Mineure  et  la  Grèce, 
brûlèrent  les  temple*,  mirent  eu  [lièces  les 
statues  des  (lieux,  par  le  méun;  motif;  les 
drecs  laissèrent  subsister  ces  ruines,  afin 
d'exciter  cbez  leurs  descendants  le  ressen- 
timent contre  les  Perses;  Alexandre  ne  l'a- 
vait pas  oublié,  quand  il  [lersécuta  les  ma* 
ges.  Les  Antiochus  voulurent  détruire  la 
religion  juive,  afin  d'assujettir  plus  efficace- 
ment les  Juifs;  on  sait  combien  il  y  eut  de 
sang  lépandu  à  cotte  occasion. 

Chez  les  tîrecs,  le  zèle  de  religion  ne  fut 
pas  moins  vif,  Cbarondas,  dans  ses  lois,  met 
au  rang  des  plus  grands  crimes  le  mépris 
des  (lieux,  et  veut  qui^  l'on  défère  aux  ma- 
gistrats ceux  qui  en  sont  coupables.  Za- 
leucus,  dans  le  prologue  des  siennes,  exige 
(]ue  chaque  citoyen  honore  les  dieux  se- 
loii  les  rites  de  sa  patrie,  et  regarde  ces 
rites  comme  les  meilleurs.  Platon  ,  dans 
son  dixième  livre  des  Lois,  dit  que  c'est  un 
des  devoirs  de  la  législation  et  de  la  m;:gi<- 
Iraturc  ,  de  punir  ceux  qui  refusent  de 
croire  ;i  la  divinité,  selon  les  lois  ;  que  dans 
une  ville  policée,  on  ne  doit  pas  souffrir  que 
quelqu'un  blaspbèniecontre  les  dieux.  Avant 
d'être  adrhis  au  rang  de  citoyen,  les  jeunes 
Athéniens  étaient  ibligés  de  promettre  par 
serment  qu'ils  suivraient  la  religion  de  leur 
pallie,  et  qu'ils  la  défendraient  au  péril  do 
leur  vie.  La  condaiiiiiatiou  de  Socrate  accusé 
(l'impiété,  le  danger  que  coururent  Anaxa- 
gore  et  Stipou,  pour  avoir  dit  que  le  Soleil  et 
.'.îincrve  n'étaient  pas  des  divinité-:,  le  décret 
de  mort  porté  contre  Alcibiade  pour  avoir 
lil  isphemé  dans  l'ivresse  contre  les  mystères 
de  Cerès,  le  sup|ilice  de  plusieurs  jeunes 
gens  qui  avaient  mutilé  les  statues  de  Mer- 
cure, la  tète  de  Diagoras  mise  a  prix  pour 
cause  d'alhéisir.e ,  Théodore  rondainné  à 
li.ort  par  l'aréopage  pour  le  même  fait,  Pro- 
tagoras  obligé  de  fuir  pour  é\  iter  le  même 
s;ut,  prouvent  assez  que  les  Athéniens  n'é- 
taient pas  fort  toléranls  en  fait  de  religion. 
Aspasie,  accusée  d'impiété,  ne  fut  sauvée 
(lie  par  l'éloquence,  les  prières  et  les  larmes 
(le  Periclès.  ()n  fit  mourir  une  prêtresse  ac- 
cusée de  rendre  un  cuite  à  des  dieux  étran- 


gers; quiconque  aurait  tenté  d'introduire 
une  nouvelle  croyance,  était  menacé  de  la 
même  peine.  La  guerre  sacrée,  entreprise 
pour  venger  une  profanation,  dura  dix  ans 
entiers ,  et  causa  tous  les  désordres  des 
guerres  civiles. 

Trouverons-nous  plus  de  tolérance  chez 
les  Komains?  Une  loi  des  douze  tables  dé- 
fendait d'introduire  des  dieux  et  des  rites 
étrangers  sans  l'aveu  des  magistrats.  Cicé- 
ron  fait  la  même  défense  dans  un  projet  de 
loi;  il  regarde  comme  un  crime  ca[)ilal  le 
refus  d'obéir  aux  décrets  des  pontifes  el  des 
augures,  et  il  fait  remonter  celle  discipline 
jusiiu'à  Numa.  Dans  sa  harangue  pour 
Sextus,  il  met  la  religiim,  les  cérémonies, 
les  auspices,  les  anciennes  coutumes,  au 
rang  des  choses  que  les  chefs  de  la  répu- 
blique doivent  maintenir  et  faire  observer, 
même  sous  des  peines  capitales.  Dans  Dion- 
Cassius,  Mécène  conseille  <i  Auguste  de  ré- 
primer toute  innovation  en  fait  de  religion, 
non-seulemenl  par  respect  pour  les  dieux, 
mais  parce  que  celte  témérité  peut  causer 
des  troubles  et  des  séditions  dans  une  mo- 
narchie. La  pratique  élail  conforme  à  ces 
principes.  Plusieurs  consuls  furent  punis, 
d'autres  mis  à  mort  pour  avoir  méprisé  les 
auspices  et  les  augures;  une  victoire  ne  les 
mettait  point  à  couvert  du  supplice.  L'an  o:?6 
de  Uome,  les  édiles  furent  cliarijés  de  veiller 
à  ce  que  l'on  n'adorât  point  d'autres  dieux 
que  les  anciens,  et  que  l'on  n'inlrodiiisît 
aucun  nouveau  rite.  L'an  o68,  le  consul  Post- 
humius  fit  renouveler  cet  ancien  décret. 
L'an  (JOo,  on  alialiit  les  temples  d'Isis  et  de 
Sérapis,  dieux  égyptiens,  un  consul  leur 
donna  le  premier  coup  :  on  chassa  de  Uome 
ceux  qui  voulaient  y  introduire  le  culte  de 
Jupiter  Sabazius.  Même  sévérité  l'an  701. 
Sons  Tibère,  les  Juifs  furent  bannis  de  l'Ita- 
lie, coiidaoïnés  à  quitter  leur  religion  ou  à 
être  réduits  en  servitude,  et  les  rites  égyp- 
tiens furent  défi-ndus.  Les  édiis  portés  contre 
les  cliréliens  sous  Néron  et  ses  successeurs 
étaient  une  suite  des  anciennes  lois  et  de 
l'usage  constamment  observé  à  Home;  on 
sait  combien  de  sang  les  empereurs  ont  fait 
couler  pendant  près  de  trois  cents  ans  pour 
exterminer  le  christianisme.  La  même  poli- 
tique leur  fit  détruire  dans  les  Gaules  la  re- 
ligion des  druides. 

L'ancienne  inlolérance  des  Perses  n'avait 
pas  diminué  depuis  mille  ans  :  sous  le  règne 
de  l'Empereur  Héraclins  ,  t.bosroès  11,  l-^ur 
roi,  jura  qu'il  poursuivrait  les  Komains  jus- 
qu'à ce  qu'il  les  ei"U  forcés  de  renoncer  à  Jé- 
sus-Chiist  et  d'adorer  le  soleil  ;  dans  l'irrup- 
tion qu'il  fit  en  Palestine,  il  exerça  sa  fureur 
contre  tous  les  monuments  de  nuire  reli- 
gion. Sous  le  règne  de  ses  prédécesseurs,  il  y 
avait  eu  des  milliers  de  chrétiens  m  irtyrisés 
dans  la  Perse.  Niera-t-on  que,  quand  les 
mahométans  ont  parcouru  les  trois  parties 
du  monde  connu,  l'epée  dans  une  main  et 
l'Alcoran  dans  l'autre,  il  n'aient  été  possé- 
dés du  fanatisme  de  religion? 

On  peut  voir  les  preuves  des  faits  que 
nous  avançons  dans  plusieurs  ouvrases  mu- 


79S 


TOL 


TOL 


796 


(lerne.-i.  Bist.  de  l'Acaâ.  des  Inscript.,  t.  XVI, 
iii-12,  pag.  202  ;  Lettres  de  quelques  Juifs 
portugais,  etc.,  1. 1,  Ict.  3,  p.  270  ;  Traité  hist. 
et  doq.  de  In  vraie  religion,  l.  IV,  p.  1;  I.  X, 
p.  'i90,  etc. 

Quel  jiigcmenl  pouvons-nous  donc  porter  de 
reiilêtpmenl  de  nos  ;idversnires  ?  Il  n'y  a 
dans  leurs  écrits  ni  bonne  foi  ni  bon  sens. 
lis  disent  que  l'intolérance  est  une  passion 
féroce  qui  porto  à  haïr  et  à  persécuter  ceux 
que  l'on  croit  être  dans  l'erreur;  ils  préten- 
dent que  celle  passion  est  plus  violente 
chez  les  clircticiis  que  chez  les  païens,  chez 
les  calholi(iues  que  chez  ceux  que  l'on 
nomme  hérétiques ,  chez;  les  ministres  de 
la  religion  que  chez  les  laïques.  Nous  prou- 
vons au  contraire  que  cette  passion  ainsi 
conçue  a  existé  chez  toutes  les  nations 
païennes  sans  exception,  qu'elles  sesont  per- 
sécutées les  unes  les  autres  sans  autre  mo- 
tif que  la  dift'érence  de  religion  ;  que  la  nôtre 
au  contraire  nous  ordonne  de  conserver  la 
paix  avec  tous  les  hommes,  Matt.,  c.v,  v.  9; 
RoDU,  c.  x:i,  V.  18  ;  Jlebr.,  c,  xii,  v.  18;  de 
faire  du  bien  à  ceux  qui  nous  haïssent, 
Matt.,  c.  V,  V.  44,  etc.  ,  et  l'en  ne  prouvera 
jamais  qu'une  nation  chrétienne  en  ait  alta- 
i|ué  une  autre  uniquement  pour  cause  de  re- 
ligion. En  second  lieu,  nous  sommes  en 
étiil  de  faire  voir  que  les  catholiques  n'ont 
usé  de  représailles  ni  envers  les  ariens,  ni 
envers  les  donatislos,  ni  envers  les  hussiles, 
ni  à  l'égard  des  calvinistes  mêmes,  lorsque 
ceux-ci  ont  consenti  à  demeurer  en  paix, 
que  jamais  nous  n'avons  poussé  contre  eux 
la  haine  et  la  cruauté  aussi  loin  qu'ils  l'ont 
poussée  contre  nous;  qu'actuellement  encore 
nous  serions  très-làchos  d'avoir  à  leur  égard 
les  mêmes  sentiments  d'animosité  et  d'aver- 
sion qu'ils  montrent  contre  nous  dans  tou- 
tes les  occasions.  Bajle  a  prouvé  sans  ré- 
plique que  les  lois  portées  contre  les  catho- 
liques dans  la  jilupart  des  pays  protestants, 
sont  plus  durescl  plus  rigourcuscsqu'aucune 
de  celles  que  les  princes  cati'oliques  oui  pu- 
bliées contre  les  protestants.  Avis  aux 
réfugiés,  etc.  En  troisième  lieu  ,  il  est  con- 
stant que  les  minisires  de  la  religion  catho- 
lique n'ont  jamais  cru  qu'il  leur  fût  permis  de 
haïr  ni  de  persécuter  ceux  qui  sont  dans  l'er- 
reur ;  c'est  un  trait  de  malignité  d'ap|jeler 
haine  et  persécution  les  mesures  qu'ils  ont 
prises  pour  se  mettre  à  couvert  des  atlentats 
des  hérétiques.  3,iais  puisqu'on  la  pousse 
jus(iu'à  empoisonner  les  motifs  de  leur  cha- 
rité et  de  leur  zèle  à  convenir  les  infidèles  et 
les  barbares,  on  peut  bien  encore  noircir  leurs 
intentions  lorsqu'ils  font  les  mêmes  efforts  à 
l'égard  des  mécréants  rebelles  à  l'Eglise.  Il 
est  arrivé  plus  d'une  fois  à  des  ecclésiasti- 
ques d'être  insultés  par  des  prolestants,  à 
cause  de  leur  habit  ;  nous  ne  voudrions 
pas  faire  la  même  avanie  à  leurs  mi- 
nistres. 

11  ne  convient  guère  à  des  hommes  toujours 
dominés  par  la  passion,  de  prêcher  la  tolé' 
rance  ;  le  meilleur  moyen  de  l'inspirer  aux 
autres  serait  de  couunencer  par  l'escrcer  ; 
mais  iusqu'à  présent  il  ne  parait  pas   que 


nos  adversaires  aient  compris  celte  vérité; 
à  la  manière  dont  ils  s'y  prennent,  on  dirait 
qu'ils  ont  plus  envie  de  nous  aigrir  que 
de  nous  persuader.  Voy.  Persécutelb. 
Ils  posent  pour  maxime  que  tout  moyen  qui 
excite  la  haine  ,  l'indignation  et  le  mépris  , 
est  impie  ;  si  cela  est  vrai ,  ils  sont 
eux-mêmes  coupables  d'impiété,  puisqu'ils 
font  tout  ce  qu'ils  peuvent  pour  nous 
inspirer  ces  passions  contre  eux;  mais  c'est 
une  fausseté.  Souvent  le  zèle  le  plus  pur,  la 
charité  la  plus  douce,  a  excité  la  haine  et 
l'indignation  d'un  hérétique  violent  et  fu- 
rieux ;  la  plupart  s'oflénscnt  du  bien  qu'on 
voudrait  leur  faire.  Us  disent  que  tout  moyen 
qui  relâche  les  liens  d'affection  naturelle  , 
qui  éloigne  les  pères  des  enfants,  qui  sépare 
les  frères  d'avec  les  frères,  qui  divise  les  fa- 
milles, est  impie  ;  cela  est  encure  faux  :  Jé- 
sus-Christ a  prédit  que  son  Evangile  pro- 
duirait ce  funeste  elVct,  non  par  lui-même, 
mais  [)ar  l'opiniâtreté  des  incrédules,  et 
cela  est  arrivé  en  elîel,  il  ne  s'ensuit  pas 
pour  cela  que  la  prédication  de  l'Evangile 
est  une  impiété.  1  s  ajoutent  que  punir  l'er- 
reur comme  un  crime  est  encore  une  impiété; 
nous  leur  répondons  pour  la  dixième  fois 
que  cela  n'est  jamais  arrivé,  et  qu'il  leur 
ist  impos^ible  d'en  citer  un  seul  exemple 
parmi  les  catholiques.  Ils  disent  que  quicon- 
que veut  décider  du  salul  ou  de  la  damnation 
de  quelqu'un,  est  un  impie  :  nous  répliquons 
qu'il  n'y  a  point  d'impiété  à  répéter  ce  que 
Jésus-Christ  a  dit  :  or,  il  a  dit  que  quicon- 
(|ue  ne  croira  pasà  l'Evangile  sera  condam- 
né, Marc,  c.  xvi,  v.  16.  Nous  ne  finirions 
jamais  s'il  nous  fallait  réfuter  en  détail  tou- 
tes leurs  fausses  maximes;  nous  avons  fait 
voir  qu'elles  n'aboutissent  qu'à  autoriser  la 
profession  publique  de  l'athéisme  et  del'ir- 
réligiau,  et  d'autres  l'ont  fait  voir  avant 
nous.  L'on  a  démontré  que  les  prédicateurs 
de  la  tolérance  n'ont  aucun  principe  certain 
ni  aucune  règle  pour  fixer  le  point  où  elle 
doit  s'arrêter;  (]ue  la  tolérance  tsi  une  in- 
conséquence, M  elle  n'est  pas  générale  et 
absolue  ;  qu'elle  est  due  à  tous  les  mécréants 
sans  exception,  ou  qu'elle  n'est  due  à  per- 
sonne. Si  on  la  doit  a  tous  ceux  qui  pren- 
nent l'Ecriture  sainte  pour  règle  de  foi,  c'est 
une  injustice  de  ne  pas  tolérer  les  sociniens 
qui  font  profesion  de  s'y  tenir.  Si  on  dit 
qu'il  ne  f.iul  pas  tolérer  ceux  qui  nient  des 
ariiilcs  londamcntaux,  les  sociniens  sou- 
tiennent qu'aucun  des  articles  (ju'ils  rejet- 
tent n'est  fondamenial,  et  qu'on  ne  peut  pas 
leur  prouver  le  contraire  par  l'Ecriture 
sainte.  Aussi  un  très-grand  nombre  de  pro- 
ies tanis  oui  lioiivé  ces  raisonssi  solides  qu'ils 
sont  devenus  sociniens  eux-mêmes. 

Dès  que  nous  aurons  accordé  la  tolérance 
aux  sociniens,  de  quel  droit  en  exclurons- 
nous  les  déistes?  La  plupart  disent  qu'ils 
admettront  volontiers  l'Ecriture  ,  pourvu 
qu'il  leur  soit  permis  de  l'intendre  confor- 
mément au  diclainen  de  la  raison,  comnic 
font  les  sociniens,  cl  qu'on  ne  les  lorce  pas 
à  y  voir  des  myslèrcs  qui  révoltent  la  rai- 
son ;  ils  ajoutent  que,  contents  de  croire  ce 


797 


TOM 


TOM 


TJS 


qu'ils  compreniienl,  ils  laisseront  do  côté  ce 
qu'ils  n'entendent  pas,  que  dans  le  fond  c'est 
déjà  ainsi  qu'rn  assissent  un  Irt's-i^rand  nom- 
bre de  protestants.  Les  athocs  à  lenr  tour 
Soutiennent  <]ue  Dieu  ne  peut  pas  punir  ceux 
qui  suivent  les  lumières  de  la  dioi;c  raison, 
puisque,  suivant  la  maxime  de  leurs  adver- 
saires ménies,  l'erreur  ne  doit  pas  être  pu- 
nie comme  un  crime.  Suiv.int  une  autre 
maxime  on  ije  doit  eiopèchcr  personne  de 
professer  ce  qu'il  croit  vrai  ;  nous  Noilà  donc 
réduits  à  tolérer  la  profession  il>>  ralliéisme, 
à  n'oser  luênie  iir.mimcer  sur  le  salut  ni  sur 
la  ilannation  des  alliées,  de  p'ur  de  com- 
niellre  une  impiété. 

Ainsi  les  déislis  et  les  athéis  ont  rétorqué 
contre  les  protestants  toutes  les  raisons  Sur 
lesquelles  ceux-ci  exigent  lu  toKiance  pour 
eu*  ,  sans  vouloir  l'accorder  aux  atitres  ;  et 
ni'iis  n'avons  vu  dans  les  écrits  des  protes- 
lanls  aucun  argument  qui  prouve  l'injustice 
de  ccUl'  rétorsion.  Nous  ne  soumics  donc  pas 
surpris  de  cr  que  tous  nos  inircdules  ont 
tant  vanté  les  diatribes  de  Bajle  et  de  Çar- 
bcyrac  sur  liji  tolérance  ;  ils  y  ont  trouvé  leur 
propre  apologie,  ^'ilais  IJnjJe  est  convenu 
ailleurs  qu'il  n'est  point  de  question  qui 
fournisse  autant  ilc  rais  mis  pour  et  contre, 
il  sentait  que  les  siennes  n'étaient  pas  sans 
réjilique  ;  il  avoue  qu'il  faut  autre  cliose  que 
des  raisons  pour  retenir  les  peuj  les  dans  la 
religion,  par  conséquent,  une  autorité,  des 
lois  coactives  et  des  peines  ;  Dicl.  crft.  Lii- 
hiéniezlii;  rem.  E.  et  G.  Nos  adversaires, 
loin  de  nous  avoir  fermé  la  bouche  ,  comme 
ils  s'en  vantent,  nous  ont  donné dcijouvelles 
armes  pour  réfuter  tous  leurs  sophismes. 
Voy.  AcToniTÉ  liCCLÛsusTiQui:,  Excommuni- 
cation, JxELIGION,  etc. 

TOMBEAU  ,  SÉPUl  CUE,  lieu  dans  lequel 
un  mort  est  çnlerré.  Ce  terme  et  quelque- 
fois employé  par  les  auteurs  sucrés  dans  un 
sens  figuré.  1°  Lorsque  Job  dit,  c.  xvii,  v.  1  : 
Il  ne  me  reste  plus  (pte  le  touiueau  ,  cola  si- 
gnifie ,  je  n'attends  plus  que  la  mort  dans  le 
triste  élat  où  je  suis.  2°  Ezéchiel,  c,  xxxvn, 
v.  12,  promet  aux  Juifs  cnptifs  à  IJabylone  , 
que  Dieu  les  tiri  ra  de  leurs  lombcrtx  ,  c'esl- 
à-diie  de  la  misère  à  laquelle  ils  sont  réduits. 
3'  David,  ps.  v,  v.  Il  ;  ps.  xiii,  v.  3,  et  saint 
r  lul,  Ihim.,  c.  m,  v.  13  ,  disent  (]ue  la  bou- 
che des  impies  est  un  lomheuu  ouvert,  parce 
qne  leurs  discours  empoisonnés  corrompent 
li's  âmes,  comme  la  vapeur  infecte  d'un  tom- 
heau  peut  tuer  les  corps.  4°  Le  même  mot 
hébicu  signifie  le  tombeau  et  le  séjour  des 
morts,  que  les  (irecs  ont  nommé  àhs  et  les 
Latins,  itifcnni^.  î)e  là  quelques  incrédules 
ont  conclu  trè<  faussement  (]ue  les  Hébreux 
ne  connaissaient  |)oinl  d'autre  enfer  que  le 
tombeau  :  c'est  comme  si  l'cm  souli'nait  que 
les  Latins  n'admeliaienl  pour  les  âmes  des 
mirts  aucun  autre  séjour  que  la  fosse  dans 
laquelle  ils  éla'Ciit  enterrés  ,  puisque  infer- 
nts  signifie  simplement  uii  lieu  bas  et  pro- 
fil» i.  Voy.  Eneer. 

En  général,  le  soin  de  donner  aux  morls 
une  sépulture  honorable  ,  l'usage  de  respec- 
ter les  tombeaux  el  de  les  regarder  comme 


un  asile  sacré,  est  une  attestation  ccriaine 
de  la  croyance  de  l'immortalité  de  l'âme.  Sur 
quoi  en  effet  serait  foiulée  celte  coutume 
géuérale,  si  l'on  r.vaii  pensé  que  l'homme 
meurt  tout  entier,  qu'il  n'en  reste  rien  lors- 
que son  corps  est  diiruit  par  la  corruption  ? 
Or.  nous  voyons  le  respect  pour  les  tnmr 
beiiHX  éiMi  dès  les  premiers  â^es  du  monde, 
cl  chez  toutes  les  nations  desquelles  nous 
avons  quelque  connaissance.  Ceux  de  Sara  , 
d'Abraham,  de  Jacob,  de  Joseph,  sont  célè- 
bres dans  nos  livres  saints  ;  les  Egyptiens 
einbauinaienl  les  morts  [)arce  qu'ilç  espé- 
raient la  résurrection  ;  l'on  a  trouvé,  même 
chez  les  sauvages  ,  ce  sentiment  de  l'huma- 
nilé  :  quand  on  a  voulu  les  transjilanter 
d'une  contrée  dan?  une  autre,  ils  ont  ré- 
pondu :  Nos  pcrts  ensevelis  dans  celte  terre 
se  Icveronl-ils  pour  venir  avec  nous  ?  Les  pa- 
triarches voulaient  dormir  avec  leurs  pères, 
el  pour  exprimer  la  mort ,  ils  disaient,  se 
réunir  à  son  peuple  ou  fl  sa  famille;  un  des 
motifs  qui  faisaient  désirer  au\  Juifs  captifs 
à  Babyloue  de  retourner  dans  la  Judée,  étail 
la  consolation  d'aller  revoir  les  lambeaux  de 
leurs  pères,  Esdr.,  1.  II,  c.  ii,  v.  3.  De  là  na- 
quit chez  les  nations  idolâtres  la  coutume 
d'aller  dormir  sur  les  tombeaux  ,  afin  d'a- 
voir des  rêves  de  la  part  des  morts,  de  les 
évoquer,  de  les  interroger,  d'oiTrir  des  sacri- 
Oces  aux  mânes, etc.  Celte  superstition  étail 
sévèrement  liéléndue aux  Juifs,  Dcui.jC.  XVI il, 
V.  11  :  mais  ils  y  touibèicnt  souvent  ;  Isaïe 
le  leur  reproche,  c  xxxv,  v.  4. 

Lorsque  les  incrédules  oui  parcouru  l'his- 
toire pour  trouver  l'origine  du  dogme  de 
riiiimorlalité  de  l'âme,  pour  savoir  chez  quel 
peuple  il  a  commencé  ,  ils  ont  pris  une  peine 
inutile.  Il  aurait  fallu  remonter  à  la  créa- 
tiin>  et  interroger  tous  les  peuples.  Celte 
croyance  était  gravée  en  caractères  i  lelTa- 
çables  sur  tous  les  tombeaux,  sur  les  caver- 
nes dans  lesquelles  on  enterrait  les  membres 
d'une  même  famille,  sur  les  pyramides  de 
l'Egypte,  sur  les  monceaux  de  pierres  accu- 
mulées da;!s  les  campagnes  ;  un  monceau  , 
iumulus ,  désignait  un  tombeau.  Un  usage 
universeilcment  répandu  atl  sie  ::necroyance 
aussi  ancienne  que  li-  mou  .'e.  La  crainte 
d'être  privé  de  la  sépulture  était  un  frein 
pourContenir  les  malfaileiirs,  et  prévenir 
les  primes  ;  la  plus  grande  injure  que  l'on 
pût  faire  à  un  ennemi,  étail  de  le  menacer 
de  donner  son  corps  à  dévorer  aux  oiseaux 
el  aux  animaiix  carnassiers.  /  Reg.,  c  îtvii, 
V.  ii  et  VG. 

Les  Hébreux  enterraient  ordinairement 
les  morls  dans  dés  cavernes  ;  et  lorsqu'ils 
n'en  trouvaient  pas  de  naturelles,  ils  en  creu- 
saient dans  le  roc  :  l'on  en  trouve  encore 
plusieurs  dans  la  Palestine,  qui  ont  servi  à 
cet  usage.  Lorsque  leurs  tombeaux  étaient 
en  plein  champ,  ils  mettaient  une  pierre 
taillée  p.ir  dessus,  afin  d'avertir  que  c'était 
la  sépulture  d'un  mort ,  et  que  les  passants 
n'y  louchassent  point  de  peur  de  si;  souiller. 
Ils  les  enduisaient  aussi  de  cli.nix,  pour  (|u't)u 
les  aperçût  de  loin,  cl  tous  les  ans,  le  15  dii 
mois  Adar,  on  les  reblancfaissail.  Voilà  pour- 


799 


TOM 


TON 


800 


qnoi  Jéâns-Cbrist  comparait  les  pharisiens 
hypocrites,  qui  couvraient  leurs  vires  d'un 
bel  extérieur ,  à  des  sépulcres  Manrhis, 
Matth.,  c.  XXIII,  V.  27.  Il  est  à  présumer  que 
Ja  souillure  légale  qui  se  conlrnclail  p.ir  l'at- 
toucheiiieiit  d'un  cadavre  ow  A\\n  lombenu , 
avait  pour  objet  non-seulement  de  délourner 
les  Juifs  de  la  superstition  des  païens  qui  in- 
lerrogeaii'Ut  les  moris,  mais  eiicure  de  ré- 
primer la  cupidité  des  brigands  ()iii  fouil- 
laient dans  les  tombeaux  pour  en  enlever 
quehjucs  dépouilles,  crime  qui  fut  toujours 
regardé  par  les  anciens  comme  une  impiété 
détesiable. 

Au  sujet  de  ce  respect  des  Juifs  pour  les 
sépulcres  ,  il  y  a  dans  l'EvaDgile  un  passage 
qui  fait  difGculté  et  duquel  les  inciédules 
ont  voulu  se  prévaloi -,  Matth.,  c.  xiii,  v.  29, 
et  Luc,  c.  XI,  V.  't7,  Jésus-Chnsl  dit  :  Mal- 
heur à  vous,  scribes  et  pharisiens  hi/pocritcs  , 
qui  bâtissez  des  tombeaux  aujr  prophètes,  et 
gui  ornez  les  ntonunienls  des  justes,  et  qui  di- 
tes :  Si  nous  eussions  clé  du  temps  de  nos  pè- 
res, nous  n'eussions  pas  été  leurs  vompnqnons  à 
répandre  le  .'■anq  des  prophètes.  Ainsi  vous  vous 
rendez  témoignage  à  vous-mêmes  que  vous  êtes 
les  enfants  de  cettx  qui  ont  tué  les  prophètes. 
Achevez  donc  aussi  de  combler  la  mesure  de 
vos  pères.  Jésus-Christ,  disent  les  inrrédules, 
reproche  aux  Juifs  une  action  louable,  et  qui 
ne  prouvait  en  aucune  manière  qu'ils  claieiil 
les  enfants  ou  les  imitateurs  des  meurtriers 
des  ])ropl)ètes  ,  ni  qu'ils  comblaient  la  me- 
sure des  crimes  de  leurs  pères.  Mais  si  l'on 
veut  faire  attention  à  tout  ce  qu'avaient  fait 
les  Juifs  contre  Jésus-Christ  avant  celte  ré- 
primande, et  à  ce  qu'ils  Drent  dans  la  suite, 
si  d'ailleurs  l'on  considère  les  divers  sens  des 
conjonciions  grecques  que  l'on  a  traduites 
par  et,  ainsi,  aussi,  etc.,  on  verra  que  le  rai- 
sonnement du  Sauveur  est  très-juste.  Déjà 
les  Juifs  avaient  résolu  de  le  faire  mourir,  ils 
l'avaient  tenté  plus  d'une  fois,  et  ils  étaient 
encore  à  ce  moment  dans  le  même  dessein  ; 
c'était  donc  de  leur  part  une  hypocrisie  de 
bâtir  et  d'orner  les  tombeaux  des  prophètes, 
et  de  se  vanter  qu'ils  n'aur, lient  pas  imité 
leurs  pères  qui  les  avaient  mis  à  iiiort;  ils 
prouvaient  assez  d'ailleurs  qu'ils  leur  res- 
semblaient parfailement ,  et  qu'ils  allaient 
bientôt  combler  la  mesure  de  leurs  crimes. 
Ce  sens  est  évident  par  la  prédiction  qu'a- 
joute le  Sauveur  au  reproche  qu'il  leur  fait, 
ibid.,  Luc.  ,  v.  31;  Je  vais  vous  envoyer  des 
prophètes,  des  sages  et  des  docteurs,  vous  les 
mettrez  à  mort,  vous  les  crucifierez,  vous  les 
flaqelhrez  dans  vos  synajogues  ,  et  vous  les 
poursuivrez  de  ville  en  ville,  etc.  C'est  ce  qui 
airiva.  Voyez  Rép.  crit.  aux  questions  des 
incréd.,  t.  IV,  p.  19i. 

Parmi  le  peuple  des  campagnes,  les  pla- 
ces (les  sépultures  dans  les  cimelièros  sont 
séparées  ;  chaque  famille  a  la  sienne  :  il  y  a 
des  jours  oîi  les  enfants  vont  s'aliendrir  et 
prier  sur  le  tombeau  de  leur  père,  se  rappe- 
ler le  souvenir  de  leurs  parents,  se  consoler 
par  l'espérance  de  les  revoir  dans  une  autre 
vie;  c'est  ainsi  qu'en  agissaient  autrefois 
nos  ancêtres.  Le  même  usage  subsiste  en- 


core dans  toute  sa  force  chez  les  Grecs  ;  rien 
de  plus  touchant  que  l'exactitude  avec  la- 
quelle ils  vont  de  temps  en  temps  pleurer 
sur  les  tombeaux  de  leurs  parents  et  de  leurs 
amis,  et  surtout  dans  l'une  des  fêles  de  Pâ- 
ques, Voilage  litt.  de  lu  Grèce,  19'  lettre, 
pag.  311.  Ils  ont  ainsi  conservé  les  ancien- 
nes mœurs  et  les  sentiments  de  la  nature. 
L'auteur,  témoin  de  ce  spectacle,  déplore  l'af- 
fection avec  laquelle  nous  nous  sommes  écar- 
tés de  celte  coutume  si  honorable  à  l'huma- 
nité, surtout  dans  les  villes  ;  nous  redoutons, 
dit  il,  tout  ce  qui  peut  exciter  notre  sensi- 
bilité naturelle. 

NoUi  n'avons  garde  de  blâmer  la  précau- 
tion (]ue  l'on  a  prise  de  transporler  hors 
des  villes  les  cimeiières  et  l.i  sépulture  des 
morts  ;  mais  si  nous  y  gagnons  du  côté  de 
la  pureté  de  l'air,  il  est  à  craindre  que  nous 
n'y  perdions  beaucoup  du  côté  des  mœurs. 
A'ainement  on  censure  le  luxe  insensé  des 
jionipes  funèbres  et  des  tombeaux,  le  style 
fastueux  des  épitaphes,  le  goût  dépravé  des 
artistes  qui  ont  chargé  les  mausolées  des 
figures  des  divinités  païennes.  C'est  un  Ira- 
vers  d'esprit  inconcevable,  de  chercher  <à  sa- 
tisfaire l'orgueil  dans  des  objets  qui  sont 
destinés  à  l'humilier,  de  graver  sur  le  mar- 
bre! des  mensonges  contredits  p;ir  la  noto- 
riété publique,  de  placer  des  symboles  d'ido- 
lâtrie et  d'impiété  sur  des  monuments  ér  gés 
pour  attester  notre  foi  à  l'imuiortalité  et  no- 
tre conGance  aux  mérites  de  Jésus-Chrisl. 
Mais  la  folie  humaine  bravera  toujours  les 
leçons  du  bon  sens  et  de  la  religion.  Voy.  Fu- 
nérailles. 

TONSUKE.  Couronne  cléricale  que  l'on 
fait  aux  ecclésiastiques  sur  le  derrière  de  la 
tête,  en  y  rasant  les  cheveux  en  forme  orbi- 
culaire.  Cette  cérémonie  se  fait  par  l'évèque; 
il  coupe  un  peu  de  cheveux  avec  des  ciseaux 
à  ceL  i  qui  se  piésente  pour  être  reçu  dans 
l'état  ecclésiastique,  pendant  que  le  nouveau 
clerc  récite  ces  paroles  du  psaume  xv,  v.  5  : 
Le  Seigneur  est  mon  partage  et  mon  héritage  : 
c'est  vous ,  Seigneur,  qui  me  le  rendrez.  En- 
suite l'évèque  lui  met  le  surplis,  en  priant 
Dieu  de  revêtir  du  nouvel  homme  celui  ijui 
vient  de  recevoir  la  tonsure.  Celle  cérémonie 
n'est  point  un  ordre,  mais  une  préparation 
pour  recevoir  les  ordres.  C'est  l'entrée  de  la 
cléricjiture,  elle  rend  un  sujet  capable  de 
pos.sésier  un  bénélice  simple,  et  le  soumet 
aux  luis  qui  concernent  les  ecclésiastiques. 

11  serait  difficile  d'assigner  la  première 
origini'  de  la  tonsure  :  on  sait  qu'avant  la 
naissanci!  du  christianisme,  les  drecs  et  les 
UomaiD'S  portaient  leurs  cheveux  très-courts; 
saint  P.diil  faisait  allusion  à  cet  usage,  lors- 
qu'il écrivait  aux  Corinihicns,  qu'il  était 
ignominieux  à  un  homme  de  porter  de  longs 
cheveux  ;  c'était  l'ornement  des  femmes. 
Pendant  ,les  trois  premiers  siècles  de  l'Eglise, 
les  clercs  ne  se  distinguèrent  des  laïques  ni 
par  les  habits  ni  par  la  chevelure,  de  peur 
d'attirer  sur  eux  tout  le  l'eu  des  persécu- 
tions. Au  iv'  ou  ne  voit  encore  aucun  chan- 
gement bii>a  marqué  dans  leur  extérieur. 
Fleury,  dan^  sou  Institut,  au  droit  ccclésias- 


801 


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TON 


8(12 


lique,  a  observé  que,  même  dans  le  v,  l'an 
4-28,  le  pape  sainl  Céleslin  a  témoigné  que 
les  évoques  dans  leur  habit  n'avaient  rien  qui 
lesdistinguàl  du  pfuple,et  saint  Jérôme  sem- 
ble conlirmer  ce  fait  dans  sa  lettre  à  Sépolien. 
Voj/.  Habit  ecclésiastique.  Le  même  l'ère 
inkzfch.,  1.  XIII,  c.W,  Op.  t()m.lll,col.l()-29, 
ne  veul  pas  que  les  clercs  se  rasent  la  tête, 
comme  f  lisaient  les  prêtres  et  les  adorateurs 
d'isis  et  de  Serapis,  mais  qu'ils  aient  les  che- 
veux courts,  afin  de  ne  pas  ressembler  aux 
laïques  fastueux,  aux  Barbares  et  aux  sol- 
dais, qui  portaient  des  cheveux  longs.  De  là 
Bingham  a  pris  occasion  de  blâmer  la  ma- 
nière dont  les  ecclésiastiques  de  l'Eglise  ro- 
maine soni  tonsurés,  parce  qu'elle  est  con- 
traire à  Tancien  usa^e,  et  qu'elle  est  vaine- 
ment fondée  sur  des  raisons  mystiques  ;  il 
ajoute  qui'  les  clercs  étaient  nommés  coro- 
nati,  non  ;\  cause  de  leur  tonsure,  mais  par 
honneur;  Orig.  ecclés.^  toin.  II,  I.  vi,  c.  4, 
§  IG.  Biiii^hain  aurait  dû  remarquer,  1"  que 
porter  une  tonsure  ,  ce  n'est  pas  avoir  la 
ïèle  enlièrenieni  rasée  ni  absolument  chauve, 
seule  manière  blAniée  par  saint  .léiô;ne.  2"  Ce 
Père  veut  que  les  clercs  soient  distingués 
des  Barliarcs,  des  soldats  et  des  laïques  effé- 
minés, par  leur  chevelure  et  par  leur  babil  ; 
discipline  de  laquelle  les  ministres  protes- 
tanls  se  sont  dispensés.  3°  H  atteste  que  les 
minislres  des  autels  ne  {lorlaient  point  ilans 
leurs  fonctions  les  mêmes  habits  que  dans 
la  vie  commune,  mais  qu'ils  avaient  des 
oriieraeiits  particuliers,  autre  usage  respec- 
table, rejeté  par  les  proleslants.  4-"  Nous  sou- 
tenons que  le  nom  coronali  fait  allusion  à 
ce  qui  est  dit  dan.-,  l'.^pocalypse,  c.  iv,  v.  k , 
des  vingt-quatre  vieillards  ou  prêtres  (lui 
environnaient  un  pontife,  et  i|ui  avaient  des 
couronnes  d'or  sur  la  têle.  Nous  avons  re- 
marqué ailleurs  que  saint  Jean,  dans  ce  clia- 
pitr>' el  dans  les  suiviinls.  peint  la  manière 
dont  la  liturgie  chrét  enne  était  célébrée  pour 
lors.  Vi>y.  LiTUKciE.  Il  n'est  donc  pas  éton- 
nant que  dans  les  siècles  suivants  l'on  ait 
trouvé  bon  (lue  la  tonsure  des  clercs  repré- 
sentât ces  couroiiiies. 

Quoi  ()u'il  en  soit,  saint  Jérôme  nous  en 
indique  à  peu  prés  l'origine,  en  disant  que 
les  clercs  doivent  se  distinguer  des  barbares. 
En  effet,  l'on  sait  que  les  birrbares  du  Nord 
qui  se  répandirent  dans  tout  I  Occident  au 
commencement  du  v'  siè<  le,  avaient  des  che- 
veux longs,  un  habit  court  et  militaire,  au 
lieu  que  les  Uomains  portaient  un  habit  long 
et  des  cheveux  courts.  Les  clercs,  tous  nés 
sous  la  domination  romaine,  conservèrent 
leur  ancien  us.ige,  et  se  trouvèrent  ainsi  dis- 
tingués des  barbares.  Lorsqu'un  de  ces  der- 
niers était  admis  à  la  cléricature,  on  com- 
mençait par  lui  couper  les  cheveux,  et  le  re- 
vêtir de  l'habit  long  ;  Il  est  probable  que  l'u- 
sage delà  ti'nsure  commença  en  même  temps, 
lin  elTet ,  Grégoire  de  Tours  et  d'autres  au- 
teurs du  vr  siècle  parlent  de  cet  usage  com- 
me dé|à  établi  au  V.  Le  k'  concile  de  Tolède, 
l'an  633,  c.  4-1,  ordonne  que  tous  les  cIitcs 
el  les  |)rêlres  aient  le  dessus  de  la  tête  rasé, 
cl  ne  laissent  qu'un  tour  de  cheveux  sem- 


blable à  une  couronne.  Notes  du  P.  Ménard 
sur  le  Sacram.  de  saint  Gri'g.,  p.  219.  Il  est 
constant  par  le  canon  33  du  concile  in  Trullo, 
tenu  l'an  ti90  ou  692,  que  ce  même  usage 
était  déjà  établi  pour  lors  dans  l'Eglise  grec- 
que. Aîais  les  écrivains  de  ce  siècle  et  des 
suivants,  qui  ont  voulu  faire  remonter  l'ori- 
gine de  la  tonsure  jusqu'à  l'apôtre  saint 
Pierre,  ou  à  un  décret  du  pape  Anicel  de 
l'an  108,  n'avaient  aucune  preuve  de  leur 
sentiment.  En  fait  de  discipline  ecclésiasti- 
que, on  ne  doit  pas  blâmer  un  nouvel  usage, 
lorsqu'il  est  fondé  sur  de  bonnes  raisons  re- 
latives aux  mœurs  ,  aux  circonstances  ,  aux 
besoins  du  temps  auquel  on  l'introduit,  et  il 
y  a  toujours  du  danger  à  le  supprimer,  lors- 
que cette  réforme  ne  peut  produire  aucun 
bien. 

Le  concile  de  Trente,  sess.  23,  de  Reform., 
c.  4,  exige  que  celui  auquel  on  donne  la  ton- 
sure ail  reçu  le  sacrement  do  conrirmation  , 
soit  instruit  des  principales  vérités  de  la  foi 
clirétieime,  sache  lire  el  écrire,  el  donne  lieu 
de  penser  qu'il  i  hoisit  l'état  au()uel  il  se  des- 
tine dans  la  résolution  d'y  servir  Dieu  avec 
fidélité.  Plusieurs  conciles  postérieurs  ont 
condamné  la  témérité  des  parents  qui  (ont 
tonsurer  leurs  enfants  uni(|uement  par  l'am- 
bition de  leur  procurer  un  bénéfice,  sans 
s'informer  s'ils  ont  la  vocation  et  les  qualités 
nécessaires  pour  remplir  les  devoirs  de  l'élal 
ecclésiastique,  quelquefois  parce  qu'ils  sont 
dilïornies  et  peu  propres  à  réussir  dans  le 
monde.  D'autres  conciles  ont  (i\é  l'âge  au- 
quel on  peut  recevoir  la  tonsure;  dans  les 
diocèses  les  mieux  réglés  on  ne  la  donne  pas 
avant  l'âge  de  quatorze  ans.  Si  celle  sage 
discipline  est  souvent  violée,  c'est  l'ambiiion 
des  grands  et  des  riches  du  siècle  qui  en  est 
la  cause. 

ToNsuiiE  (1)  (Droit  canon.),  est  la  cou- 
ronne cléricale,  que  l'on  fait  derrière  la  tête 
aux  ecclésiastiques,  en  rasant  les  cheveux 
de  celle  place.  Tous  les  ecdésiasliques  sécu- 
liers el  réguliers  doivent  porter  la  tonsure; 
c'est  la  marque  do  leur  état.  Celle  des  sim- 
iiles  clercs,  qu'on  appelle  clercs  à  simple 
tonsure,  c'est-à-dire  qui  n'ont  d'autre  carac- 
tère de  l'état  ecclésiastique  que  la  tonsure, 
est  la  plus  petite  de  toutes.  A  mesure  que 
l'ecclésiasliiiue  avance  dans  les  ordres,  on 
fait  la  tonsure  plus  grande  ;  celle  des  prêtres 
est  la  plus  granile  do  toutes,  si  l'on  en  ex- 
cepte les  religieux,  dont  les  uns  ont  la  tête 
en:ièrenienl  rasée,  el  d'autres  une  simple 
couronne  de  clp'veux  plus  ou  moins  large. 
La  sim|de  tonsure  (]ue  l'on  donne  à  ceux 
qui  entrent  dans  l'elai  ecclésiastique,  n'est 
point  un  ordre,  mais  une  préparation  pour 
les  ordres,  et,  pour  ainsi  dire,  un  signe  de 
la  prise  d'habil  ecclésiastique.  Quelques- 
uns  prétendent  que  l'usage  île  tonsurer  les 
clercs  a  commencé  vers  l'an  80.  L'auteur  de 
VInslitution  au  Droit  ecclésiastique  dit  au 
coniraire  que,  dans  les  premiers  siècles  de 
l'Eglise,  il  n'y  avait  aucune  distinction  entre 

(l)Cel  article  est  reproduit  d'après  rédiliuii  de 


«05' 


TOR 


TOU 


8!)i 


les  Clercs  et  <es  laïques,  quant  aux  cheveux; 
à  riinliil  et  à  tout  l'extérieur.  Quoi  qu'il  en 
soil,  ilMUS  les  premiers  temps  où  la  tonsure 
fut  pratiquée,  on  ne  la  conférait  qu'avec  les 
premiers  onires;  ce  ne  fut  que  vers  la  fin  da 
vr  siècle  que  l'on  commença  à  la  conférer 
séparément  et  avant  les  ordres.  L'évéque  est 
le  seul  qui  puisse  donner  la  tonsure  à  ses 
diocésains  séculiers  et  réguliers.  Quelques 
al)ltés  ont  prétendu  autrefois  avoir  le  droit 
de  la  donner  à  leurs  religieuK  :  on  trouve 
quelques  canons  qui  les  y  autorisent,  entre 
autres  le  chap.  Abhates  qui  est  du  pape 
Alexandre  IV,  et  qui  est  rapporté  dans  les 
Décrélales,  tit.  de  Privilegiis.  Mais  s'ils  ont 
joui  autrefois  en  France  de  ce  droit,  on  peut 
dire  qu'ils  l'ont  perdu  par  prescription,  les 
6v6(iues  de  France  s'étant  maintenus  dans 
le  droit  de  conférer  seuls  l;i  tonsure,  même 
aux  réguliers.  Pour  recevoir  la  tonsure,  il 
faut  avoir  é!é  confirmé;  il  faut  aussi  élre 
instruit  au  moins  (les  vérités  le;  plus  inté- 
ress;inlcs  nu  salut;  il  faut  encore  savoir  lire 
et  écrire.  Le  concile  de  Narbonne,  en  1551, 
ne  demumle  que  l'âge  de  sept  ans  pour  la 
tonsure;  celui  de  Bordeaux,  en  I62't,  exige 
douze  ans;  dans  plusieurs  diocèses  bien  ré- 
glés, on  ne  la  donne  p:is  avant  quatorze 
ans.  On  exige  dans  le  royaume  que  ceux 
qui  possèdent  des  bénéfices  soient  tonsurés, 
qu'ils  produisent  même  leurs  lettres  de  ton- 
sure. Cependant  on  lit  dans  les  Mémoires  du 
clergé,  que  M.  l'avocat  général  Talon,  por- 
tant la  parole  en  1639,  établit  pour  maxime 
qu'on  pouvait  élre  présenté  par  le  patron  à 
un  bénéfice  sans  être  clerc  tonsuré,  et  qu'il 
suffisait  de  l'être  et  d'avoir  les  qualités  re- 
quises dans  le  temps  des  provisions.  L'ar- 
ticle 32  de  la  Déclaration  du  9  avril  IT36, 
porte  qu"i7  serti  tenu  aux  archevcchcs  et  dvé- 
chés  des  registres  pour  les  tonsures  et  ordres 
mineurs  et  sacrés,  lesquels  seront  cotés  par 
premier  el  dernier,  et  paraphés  sur  chaque 
feuillel  par  l'archevêque  ou  écérjue. 

TOUKI'^NT.  Il  n'y  a  dans  la  Palestine  qu'un 
seul  ileuve  qui  est  le  Jourdain  ;  mais  il  y  a 
plu  Ku'itorrents  ijiii  coulent  dans  les  vallées 
avec  abondance,  après  les  pluies  et  pendant 
la  fonte  des  neiges  du  Liban,  et  qui  se  des- 
sèchent pendant  les  chaleurs  de  l'été.  Los 
écrivains  s;icrés  en  parlent  souvent,  et  met- 
tent quelquefois  le  nom  de  toi  reni  pour  ce- 
lui de  vnlée;  Gen.,  c.  xxvi,  v.  17,  il  est  dit 
que  Isaac  vint  an  torrent  deGérare,  c'est-à- 
dire  dans  la  vallée  où  coulait  ce  torrent. 
L'Ecriture  donne  aussi  ce  nuin  aux  fleuves 
du  Nil  et  de  l'Euphrate.  Ci-mmo  les  torrents 
de  la  Palestine  s'cnllcnt  souvent,  ce  mot  si- 
gtiifie  quilquefois  abondance,  comme  dans  le 
ps.  ixxv,  v.  19,  un  torrent  de  délices;  Isuï., 
C.  XXX,  v.  33,  un  torrent  de  soufre  :  et  parce 
qu'alors  ils  c  lu.seiU  des  ravages,  ils  si>nt  le 
symbole  du  malheur,  de  l'alfliclion,  de  M 
pcrsétulinii  :  //  Reg.,  c.  Xxii,  v.  5,  tes  dé- 
ire-ises  de  la  mort  m'ont  environné,  les  tor- 
rents de  isélial  m'ont  épouvanté.  Dans  lé  ps. 
cix,  v.  7,  il  est  dit  du  Messie  qu'il  buira  l'eau 
du  torrent  en  passant,  qu'ensuite  il  lèvera 
la  tête;  co  passage  semble  faire  allusion  à 


ce  qui  est  rapporté,  Jnd.,  c.  vu,  ▼.  5,  que 
Dieu  commanda  à  Gédéon  de  ne  mener  au 
combat  que  ceux  de  ses  soldats  qui,  près 
d'un  ruisseau,  s'étaient  contentés  de  prendre 
de  l'eau  dans  leur  main,  et  de  renvoyer  tous 
ceux  qui  s'étaient  couchés  ou  mis  à  genoux 
pour  boire  plus  à  leur  aise.  Le  Psalmiste 
représente  donc  le  Messie  comme  un  de  ces 
soldats  courageux  qui  ne  burent  qu'en  pas- 
sant; et  qui  ensuite  marchèrent  au  combat 
la  tête  levée  el  d'un  air  intrépide.  Ps.  cxxv, 
V.  5,  les  Juifs,  de  retour  de  la  captivité  de 
Babylone,  disent  à  Dieu  :  Faites  revenir  , 
Seigneur,  le  reste  de  nos  captifs,  comme  cou- 
le.s  t  les  eaux  du  torrent  du  midi.  Il  est  pro- 
i)able  qu'ils  entendaient  par  là  le  torrent  de 
Cédron,  qui  coule  au  midi  de  Jérusalem,  et 
retourne  vers  l'orient  se  jeter  dans  la  mer 
Morte. 

TOUSSAINT,  fête  de  tous  les  saints.  La 
dédicace  que  fit,  l'an  C07,  Le  impe  Boniface 
IV  de  l'église  du  Panthéon  ou  do  la  Rotonde, 
à  Home,  a  donné  llou  à  l'établissement  de 
cette  fête.  Il  dédia  cet  ancien  temple  d'idoles 
à  l'invocation  de  la  sainte  Vierge  el  de  tons 
les  martyrs  ;  c'est  ce  qu:  lui  a  fait  donner  le 
nom  de  IS<)lre-Dame  des  Martyrs:  ou  de  la 
Roloniie,  parce  que  cet  édifice  est  en  forme 
d'un  f.'enii-globe.  Boniface  suivit  en  cela  les 
ititcnlions  de  saint  Grégoire  le  Grand,  son 
prédécesseur.  Vers  l'an  731,  le  pape  Gré- 
goire m  consacra  une  chapelle  à  l'honneur 
de  tous  les  saints  dans  l'église  de  Saint- 
Pierre;  il  augmenta  ainsi  la  solennité  de  la 
fêle  :  depuis  ce  temps-là  elle  a  toujours  été 
célébrée  à  Rome.  Grégoire  IV  étant  venu  ctl 
France  l'an  837,  sous  le  règne  de  Louis  le 
Débonnaire,  Cette  fête  s'y  introduisit  è(  y  fat 
bientôt  généraleuient  adoptée  ;  mais  le  P. 
Mônard  a  prouvé  qu'elle  avait  déjà  Heu  au- 
paravant dans  plusieurs  églises,  quoicju'il 
n'y  eiit  encore  aucun  décret  porté  à  Ce  sujet  ; 
Notes  sur  le  Sacrant,  de  saint  Gréa.,  pag.  132; 
Thomassin,  Traité  des  Fêtes,  etc.  Les  Grecs 
la  célèbrent  le  dimanche  après  la  Pentecôte. 

L'objet  de  cette  solennité  est  non-seule- 
ment d'honorer  les  saints  comme  les  amis 
de  Dieu,  mais  de  lui  rendre  grâces  des  bien- 
faits qu'il  a  daigné  leur  accorder,  el  du  bon- 
heur éternel  dont  il  les  récompense,  de  nous 
exciler  à  imiter  leurs  vertus,  d'obtenir  leur 
intercession  auprès  de  Dieu  ;  de  rendre  un 
culte  à  ceux  (lue  nous  ne  connaissons  pas 
en  parli(  ulier,  et  qui  sont  certainement  le 
plus  grand  nombre. 

A  l'occasion  de  l'établissement  de  celte 
fête  en  France  an  rx  siècle,  Mosheim  a  dé- 
clamé à  sdn  ordinaire  contre  le  culte  rendu 
aux  saints  dans  l'Eglise  romaine  ;  il  dit  que 
cette  superstiliin  y  a  étouffé  toute  Vraie 
piélé.  S'il  avait  voulu  expliquer,  une  fois 
pour  toutes,  ce  qu'il  euleml  par  vraie  piété, 
il  nous  serait  plus  aisé  de  voir  si  ce  reproche 
est  vrai  ou  faux.  Pour  nous,  nous  disons 
quelle  consiste  dans  un  profond  respect 
pour  la  majesté  de  Dieu,  dans  un  souvenir 
habituel  de  sa  présence,  dans  une  grande 
estime  de  tout  ce  qui  a  rapport  à  son  culte, 
dans  un  vif  sentiment  de  ses  bienfaits,  dans 


805 


TRA 


TRA 


806 


une  parfaite  confiance  en  sa  bonté  et  aux 
mérites  de  Jésus-ChrisI,  en  un  mot,  diins 
l'amour  de  Dieu.  A  (irésent  nous  demandons 
en  quoi  l'honneur  que  nous  rendons  aux 
saints  peut  détruire  ou  diminuer  aucun  de 
ces  sentiments,  qui  ont  été  ceux  de  tons  les 
saints,  et  par  lesquels  ils  se  sont  sanctifiés. 
11  nous  par.iît  que  leur  exe  nple  est  très-ca- 
pahle  de  nous  excilor  à  imiier  les  vertus  et 
les  pratiques  par  lesquelles  ils  sont  parve- 
nus à  la  sainteté  et  au  bonhenréternel.  Nous 
sommes  beaucoup  mieux  fondés  à  diie  que 
c'est  la  prévention  des  prolivsl.mls  conire  le 
cnlte  des  saints  qui  a  étouffé  la  piété  parmi 
eux.  Y  trouvc-t-iin  beaucoup  d'âmes  saintes 
qui,  dé!;agées  des  alTaires  de  ce  monde, 
s'orcupont  à  niédiler  les  graniieurs  de  Dieu, 
à  lui  rendre  de  fréquents  hommages,  à  s'en- 
flammer du  feu  de  son  amour,  et  à  faire  des 
œuvres  de  charité  ?  Presque  toute  leur  reli- 
gion consiste  à  s'assembler  assez  rarement, 
à  réciter  ensemble  quelques  prières,  à  chan- 
ter des  psaumes,  à  entendre  d>>s  instructions 
souvent  fort  sèches  et  très-peu  capables  de 
toucher  les  cœurs.  Voi/.  Dévotion,  Piété, 
Saints,  etc. 
TOUTE-FUISSANGE   de  Dieu.  Voij.  Puis- 

SANfE. 

ÏRADITEURS.  On  donna  ce  nom,  dans  le 
iir  et  le  iv  siècle  de  l'Eglise,  aux  chrétiens 
qui,  pend.nit  la  persécution  de  Dioclélien, 
avaient  livré  aux  païens  les  saintes  Ecritures 
pour  les  brûler,  afin  d'éviter  ainsi  les  lonr- 
mcnls  et  la  mort  dont  ils  étaient  menacés. 
Ce  n'est  pas  la  première  fois  qne  les  païens 
avnicnl  fait  tons  leurs  ciîorts  pour  anéantir 
les  livres  sacrés.  Dans  la  cruelle  perséculion 
excitée  contre  les  JaUi  par  Aniidchus,  les 
livres  de  leur  foi  furent  recherché:,  déchirés 
et  brûlés,  et  ceux  qui  refusèrent  de  les  livrer 
fnrent  mis  à  mort,  comme  nous  le  voyons 
dans  le  premier  livre  des  Marhibérs,  c.  i, 
V.  JJC.  Dioclélien  renouvela  la  même  impiété 
par  un  élit  qu'il  fit  p;  blicr  à  Nicômédie  1  an 
303,  par  lequel  il  ordonnait  que  tous  les  livres 
des  chrétiens  fussent  brûlés,  leurs  églises 
(Ictruilcs,  et  qui  les  privait  de  tous  leurs 
droits  civils  et  de  tout  emploi.  Plusieurs 
chrétiens  faibles,  on  ajoute  même  quelques 
évéques  et  quelques  prêtres,  succombant  à 
l.i  crainte  dos  loarmenis,  livrèrent  les  saint(;s 
Ecritures  lUX  persécuteurs  ;  ceux  qui  eurent 
plus  de  fermeté  les  regardèrent  comme  des 
lâches,  et  leur  donnèrent  le  nom  ignominieux 
de  trcditeurs. 

Ce  malheur  en  pruluisit  bientôt  un  autre: 
nn  gr.in'l  nombre  d'cvêqu"S  de  Nomidie  re- 
fusèrent d'avoir  aucune  société  avec  ceux 
qui  étaient  accusés  de  ce  crime  :  ils  ne  vou- 
lurent pas  reconnaître  pour  évéque  lie  ("lar- 
Ihage,  Cécilien,  so^is  prétexte  que  Félix, 
évéque  d'Aplonge,  l'un  de  ceux  qui  avaient 
sacré  Cécilien,  é'ail  du  nombre  des  Iradi- 
/ffirs;  accusation  qui  ne  fut  j.imais  prouvée. 
Donat,  évéque  des  Cases->Joire~,  était  à  la 
tôle  de  ce  parti;  c'est  ce  qui  fil  duiner  le 
nom  .le  donatistes  à  tous  ces  schismatiqnes. 
Voij.  Do.Vat^stes.  Le  concile  d'Arles  tenu 
\'an  31i,  par  ordre  de  Constantin,  pour  exa- 


miner celte  affaire,  décida  que  tous  ceut  qui 
se  trouveraient  réellement  coupables  d'avoir 
livré  aux  persécuteurs  des  livres  ou  des 
vases  sacrés,  seraient  dégradés  de  leurs  or- 
dres et  déposés  pourvu  qu'ils  en  fussent  con- 
vaincus par  des  actes  publics,  et  non  accu- 
sés par  de  simples  paroles.  H  condamna 
ainsi  les  donatisles,  qui  ne  pouvaient  pro- 
duire aucune  preuve  du  crime  qu'ils  repro- 
chaient à  Félix  d'Aplonge  et  à  quelques 
autres. 

TRADITION,  dans  le  sens  théologique,  est 
un  témoignage  qui  nous  atteste  la  vérité 
d'un  fait,  d'un  dogme  ou  d'un  usage.  On  ap- 
pelle tradition  orale,  ce  témoianage  rendu 
de  vive  voix  ,  (jui  se  transmet  des  Pères  aut 
enfants,  et  de  ceux-ci  à  leurs  descendants  ; 
Iradilion  écrite,  ce  même  témoignage  couché 
dans  l'histoire  ou  dans  d'autres  livres  ;  gé- 
néralement parlant ,  cette  dernière  est  la 
plus  sûre,  mais  il  ne  s'ensuit  pas  qui'  la  prêt 
niière  soit  toujours  incertaine  et  fautive  , 
parce  qu'il  y  a  d'autres  monuments  iiue  les 
livres,  capables  de  Iransmellro  à  la  postérité 
la  mémoire  des  événements  passés. 

Quant  à  l'origine,  la  tradition  peut  venir 
de  Dieu  ondes  hommes  ;  dans  ce  dernier  cas, 
elle  vient  ou  des  a|iôtres,  ou  des  pasteurs  de 
l'Eglise  ;  c'est  ce  qui  fait  la  différence  entre 
les  traditions  divines,  les  traditions  aposto- 
liques et  les  traditions  ecclésiasli /ues.  Les 
secondes  peuvent  être  justement  appelées 
traditions  divines,  parce  que  les  apôlres 
n'ont  rien  enseigné  que  ce  qu'ils  avaient  ap- 
pris de  Jésus-Christ  lui-même,  ou  par  inspi- 
ration du  Saint-Esprit  ;  et  l'on  doiL  nommer 
traditions  apostoliques  (.elles  que  nous  ont 
transmises  les  disciples  imu)édiats  des  apô- 
tres, parce  qu'à  leur  tour  ils  ont  fait  profes- 
sion de  n'enseigner  que  ce  qu'ils  .ivaient 
reçu  de  leurs  maîtres.  Les  traditions  pure- 
ment humaines  sont  celles  qui  ont  pour  au- 
teurs des  hommes  sans  missioii  cl  sans  ca- 
ractère. Quant  à  l'objet ,  une  tradition  re- 
garde ou  la  doctrine,  ou  la  discipline,  ou  des 
faits  historiques,  mais  celte  ditïérence  n'en 
met  aucune  dans  le  degrédecertitudc qu'elles 
peuvent  avoir ,  comme  nous  le  prouveront 
dans  la  suite. 

La  grande  question  entre  les  protestants 
et  les  caliioli(iacs  est  de  savoir  s'il  y  a  des 
traditions  divines  ou  apostoliques  touchant 
le  dogme,  qui  ne  sont  point  contenues  dans 
t'Ecri'ure  sainte,  et  qui  sont  cependant  rè- 
gle de  foi;  les  prolestants  le  nient,  et  nous 
soutenons  le  contra  ire.Conséqaeni ment  nous 
disons  que  la  tradition  est  la  parole  de  Dieu 
non  écrite,  que  (es  apôires  ont  reçue  de  la 
bouche  de  Jésus-Christ,  qu'ils  ont  transmise 
de  vive  voix  à  leurs  disciples  ou  à  leurs  suc- 
cesseurs, et  qui  est  venue  à  nous  par  l'en- 
seignement des  pasleuis,  dont  les  premiers 
ont  été  instruits  par  les  apôtres.  En  d'aulros 
termes,  c'est  renseignement  co\islant  et  per- 
pétuel de  l'Eglise  universelle,  connu  par  la 
voix  uniforme  de  ses  pasteurs ,  qu'elle 
nomme  les  Pères,  par  les  décisions  des  con- 
ciles, par  les  pratiques  du  culte  public,  par 
les   prières  et  les  cérémonies  de  la  liturgie, 


807 


TRA 


par  le  témoignage  même  de  quelques  auteurs 
profanes  el  dos  hérétiques. 

L'autorité  el  la  nécessité  de  la  tradition  , 
ainsi  conçue,  est  déjà  prouvée  par  les  mêmes 
raisons  p.ir  lesquelles  nous  avons  fait  voir 
que  l'Ecriture  sainte  ne  peut  pas  être  la 
seule  règle  de  notre  foi.  Voy.  Dépôt,  Doc- 
trine CHHÉTrENNE,  ECRITDRE,  EgLISE  ,  PÈ- 
RES, etc.  Mais,  comme  c'est  ici  le  point  capi- 
tal qui  dislingue  les  catholiques  d'avec  les 
sectes  héléioiloxes,  el  en  particulier  d'avec 
les  protestants,  il  est  essentiel  de  répéler  les 
principales  de  ces  preuves ,  d'en  montrer 
i'en(  haînemeiit  et  les  conséquences,  d'y  en 
ajouter  d'autres,  et  de  résoudre  quelques 
objections  auxquelles  nous  n'avons  pas  en- 
core salislail. 

Première  preuve.  L'Ecriture  sainte.  Saint 
Paul  écrit  aux  Thcssalouiciens,  Epist.  Il, 
G.  u,  V.  14,  Demeurez  fermes  ,  mes  frères,  el 
gardez  les  TRAniTi0NS7»(«  voiis  avez  apprises, 
soit  par  mes  discours,  suit  parwia  lettre.  Aux 
Corinthiens.  Epist.  I ,  c.  xi,  v.  2  :  Je  vous 
lotie,  mes  frères,  de  ce  que  vous  vous  souwnez 
de  moi  dans  toutes  les  occasions,  et  de  ce  que 
vous  gardez  mes  préceptes  comme  je  vous  les 
ai  donnés.  Au  lieu  de  mes  préceptes,  le  grec 
porte  mes  traditions.  Il  dit,  /  Tim.,  c.  vi, 
V.  20  :  0  Timolhét,  gfcrdez  le  dépôt,  évitez 
les  nuuveautùs  profanes  et  les  contradictions 
faussement  nommées  science.  Il  Tim.  C.  i,  v. 
13.  Ai/ez  une  formule  des  vérités  gue  tous  avez 
entendues  de  mu  bouche  ....,  gardez  ce  bon 
dépôt  par  le  Saint-Esprit;  c.  ii,  v.  2,  ce  que 
vous  avez  appris  de  iimi  devant  une  multitude 
de  témoins,  confiez-le  âdis  hommes  fjd  cl  es  qui 
seront  capables  d  enseigner  les  autres.  Il  dit 
aux  Hébreux,  c.  vi,  v.  1,  qu'il  ne  veut  pas 
leur  parler  de  la  pénitence,  des  œuvres  mor- 
tes, de  la  loi  en  Dieu,  des  différentes  espèces 
de  baplênie,  de  l'imposition  des  mains,  de  la 
résurrection  des  morts  et  du  juj^ement 
éternel  ,  mais  qu'il  le  fera,  si  Dieu  le  per- 
met. 

Nous  ne  voyons  point  que  saint  Paul  ail 
Irailé  toutes  ces  matières  dans  ses  lettres  ; 
il  en  a  donc  instruit  les  fidèles  de  vive  voix. 
Or,  il  met  de  pair  les  vérités  qu'il  a  ensei- 
gnées dans  ses  discours,  et  celles  qu'il  a 
écrites,  les  unes  et  les  autres  formaienl  le 
dépôt  qu'il  confiait  à  Timolhée,  et  (ju'il  lui 
ordonnait  île  Iransraellre  à  ceux  qui  seraient 
capables  d'enseigner.  S'il  n'avail  voulu  i)ar- 
1er  que  de  vérités  écrites,  il  aurait  dit  :  Faites 
un  recueil  de  mes  lettres  ,  gardez-les  ,  el 
donnez-en  des  copies  à  des  hommes  capa- 
bles d'enseigner;  jamais  saint  Paul  n'a 
nommé  l'Ecriture  sainte  une  formule  de  vé- 
rités. Les  protestants  répondent  que  les  apô- 
tres écrivaient  les  mêmes  choses  qu'ils  prê- 
chaient. Assurément  ils  n'onl  pas  écrit  des 
choses  contraires  à  ce  qu'ils  ensei;^naient  de 
vive  voix  ;  mais  la  question  est  de  prouver 
qu'ils  oui  uiis  par  écrit  toutes  les  vérités 
qu'ils  ont  prêcliées  ,  sans  exception  ;  or  , 
saint  Paul  témoigne  que  cela  n'est  point;  il 
serait  impossible  que  cet  apôtre  eût  reu- 
feraié  en  quatorze  lettres  tout  ce  qu'il  a  en- 
seigné pendant  trente-trois  ans. 


TRA  808 

Seconde  preuve.  Pendant  deux   mille  qua- 
tre cents  ans,   Dieu   a  conservé   la  religion 
des   patri.'irches   par  la   tradition   seule,  et 
pendant  quinze  cents  ans  celle  des  Juifs,  au- 
tant  par   la    tradition  que    par    l'Ecriture; 
pourquoi   aurait-il   changé    de    conduite    à 
l'égard   delà  religion   chrétienne?   Moïse, 
près  de  mourir, dit  aux  Juifs,  D  ut.,  c.  xxxu, 
V.  7  :  Souvenez-vous  des  anciens  temps,  con- 
sidérez toutes  les  générations.  Interrogez  vo~ 
tre  père,  el  il  vous  enseignera;  vos  aïeux  et 
ils  vous  instruiront.  U  ne  dit  pas  :  Lisez  mes 
livres,  consultez  l'histoire  des  premiers  âges 
du  monde  que  j'ai  écrite  el  que  je  vous  laisse. 
Ils  le  devaient,  sans  doute;  mais  sans  le  se- 
cours de   la   tradition   de   leurs    pères  ,   ils 
n'auraient  pas  pu  entendre  parfaitement  ces 
livres.  Moïse  ne  s'était  pas  contenté  d'écrire 
les  prodiges  que  Dieu  avait  opérés  en  faveur 
de  son  peuple,  il  en  avait  établi  des  monu- 
ments ,  des   rites   commémoratifs  ,  pour   en 
rappeler  le  souvenir,  el  il  avait  ordonné  aux 
Juifs  d'en  expliquer  le  sens  à  leurs  enfants, 
afin   de   les   leur   graver  dans  la  mémoire, 
Deut.,  c.  VI,  V.  20,  etc.  Pourquoi  ces  précau- 
tions, si   l'Ecriture  suffisait?  David   dit,  Ps. 
Lxxvii,   v.   3   :   Combien  de  choses  n'avons- 
nous  pas  apprises  de  la  bouche  de  nos  pères...? 
Combien  de  vérités  Dieu  leur  a  ordonné  d'en- 
seigner à  leurs  enfants,  afin  de  les  faire  con- 
naître aux  générations  futures?  Ils  en  use- 
ront de  même  à  l'égard  de  leurs  descendants, 
afin  qu'ils  mettent  en   Dieu  leur   espérance, 
qu'ils  n'oublient  point  ce  qu'il  a  fait,  et  qu'ils 
apprennent  ses  commandements.  A  qu<ii  bon 
ces  leçons  des  pères,  s'il  suffisait  de  lire  les 
livres  saints  ?  Nous  ne  voyons  point  de  lec- 
tures publiques  établies  chez  les  Juifs  avant 
le  retour  de   la  captivilé,  et  il  s'étail  pour 
lors   écoulé    mille  ans    depuis    la    mort   de 
Moïse.   Ce  législateur,    ni    aucun   des    pro- 
phètes, n'a  ordonné  aux  Juifs  d'apprendre  à 
lire. 

Troisième  preuve.  Dieu  a  établi  le  chris- 
tianisme principalement  par  la  prédication, 
par  les  instructions  de  vive  voix,  el  non  par 
la  lecture  des  livres  saints.  Saint  Paul  ne  dit 
point  que  la  foi  vient  dn  la  lecture,  mais  de 
l'ouïe,  cl  que  l'ouïe  vient  de  la  prédication  , 
Fides  ex  audilu,  auditus  aulein  per  verbum 
Chrisli  (Rom.  x,  17).  il  y  a  sept  apôtres  des- 
quels nous  n'avons  aucun  écrit  ni  aucune 
preuve  qu'ils  en  aient  laissé.  Cependant  ils 
ont  fondé  des  Eglises  qui  ont  subsisté  après 
eux,  et  qui  ont  conservé  leur  foi  très-long— 
lemps  avant  qu'elles  aient  pu  avoir  l'Ecri- 
ture sainte  dans  leur  langue.  Sur  la  fin  du 
ir  siècle,  saint  Irénée  a  témoigné  qu'il  y 
avait  chez  les  l)arb;ir  s  des  l'^glises  qui  n'a- 
vaient point  encore  d'Ecriture ,  mais  qui 
conservaient  la  doctrine  du  salut,  écrite  dans 
leur  cœur  par  le  Saint-Esprit,  et  qui  gar- 
daient soigneusement  l'ancienne  tradition, 
Conlra  Hœr.,  I.  m,  c.  k,  n.  2.  Aucune  ver- 
sion n'a  été  l'aile  par  les  apôires,  ni  de  leur 
temps;  ce  que  dirent  les  protestants  de  la 
haute  antiiuiié  de  la  version  syriaque 
est  avancé  sans  aucune  preuve.  Voy.  Ver- 
sion. 


809 


TRÂ 


TRA 


810 


Pour  la  commodité  de  leur  svsième,  ils 
supposent  et  ils  iissurent  que,  dôs  le  temps 
des  jipiMres  ,  l'iicrlture  sainte  fut  traduite 
dans  les  langues  de  tous  les  peuples  qui 
avaient  emhrassé  le  christianisme;  nous 
pouvoiK  le  nier  hardiment.  A  la  réserve  de 
la  tr.uiuclion  j^rec(iue  desSeplante,  nous  ne 
connaissons  la  dale  précise  d'aucune  des 
anciennes  version»..  Les  proteslaiits  ne  ces- 
sent de  ré|iéter  (|ue  celle  di'S  Seplanle  est 
tiès-l'aulive,  qu'elle  a  été  la  cause  de  la  plu- 
part des  erreurs  qu'ils  roproehent  aux  Pè- 
res de  l'Eglise  ;  c'est  néanmoins  sur  cette 
version  que  la  |>lupari  des  autres  ont  été 
faites.  Ils  disent  que  le  grec  éiait  entendu 
partout  ;  cela  est  (aux.  Dans  la  plupart  des 
provinces    romaines,  le   peuple    n'avait  pas 

filus  l'iulelligence  du  grec  qu'il  n'a  celle  du 
atin  parmi  uous,  et  hors  des  limites  de  l'em- 
pire cette  langue  n'étail  d'aucun  usage.  Il  y 
a  eu  des  nations  chrétiennes  dans  le  langau;e 
desquelles  l'Ecriture  sainte  n'a  jamais  été 
traduite.  On  sait  d'ailleurs  combien  l'usage 
des  lettres  était  rare  chez  la  plupart  des  na- 
tions dans  les  temps  dont  nous  parlons.  A  la 
vérité,  Théodoret,  Thérupeut.,  liv.  v,  dit 
que  de  son  temi>s  les  livres  des  Hébreux 
étaient  traduits  dans  les  langues  des  \\o- 
mains,  des  Egyptiens,  des  Perses,  des  Indiens, 
des  Arméniens,  des  Scythes  et  des  Sarmates, 
en  un  mot,  dans  toutes  les  langues  dont  les 
différentes  nations  se  servaient  pour  lors.  Si 
ce  passage  inconmiodait  les  protestants,  ils 
demanderaient  comment  Théodoret  a  pu  le 
savoir  ;  ils  diraient  (|ue  c'est  un  fait  hasardé 
et  certainement  exagéré  ,  que  l'Ecriture 
sainte  n'a  été  traduite  ni  en  langue  punique 
Usitée  à  Malte  el  sur  les  côtes  de  l'Afrique, 
ni  en  ancien  espagnol,  ni  eu  celte,  ni  eu  an- 
cien breton,  qiioi(|ue  ces  peuples  fussent 
déjà  chrétiens.  Nous  ne  doutons  pas  qu'au 
ciuiiuième  siècle  il  n'y  ait  eu  quehjucs  li- 
vres hébreux  traduits  dans  les  différentes 
langues  dont  parle  Théodoret  ;  mais  on  ne 
prouvera  jamais  qu'ils  l'étaient  tous,  et  ce 
Père  ne  parle  point  du  Nouveau  Testament. 
D'ailleurs  il  y  avait  pour  lors  près  de  quatre 
cenis  ans  que  le  christianisme  était  prêché  ; 
le  IV  siècle  qui  avait  précédé,  avait  été  un 
temps  de  lumières,  de  travaux  apostoliques, 
décrits  de  toute  espèce  faits  par  les  Pères 
de  l'Eglise ,  au  lieu  que  les  trois  premiers 
avaient  été  un  temps  de  souffrance  el  de 
persécution. 

Malgré  ces  faits  ,  nos  adversaires  soutien- 
nent gravemeut  que  Jésus-Christ  et  les  apô- 
tres n'auraient  pas  agi  sagement ,  s'ils 
avaient  coiiQé  les  dogmes  de  la  loi  à  la  faible 
et  trompeuse  mémoire  îles  homu>e$,  à  l'in- 
certitude des  événements ,  à  la  vicissitude 
continuelle  des  siècles,  et  s'ils  n'avaient  pas 
mis  par  l'Ecriture  ces  vérités  divines  sous 
les  yeux  des  hommes  ;  Mosheim,  Hist. 
christ.,  w  part.,  sec.  3,  c.  3,  §  3.  Ces  criti- 
ques téméraires  ne  voient  pas  qu'ils  accu- 
sent réellement  Jésus-Chrit:i  et  les  apôtres 
d'avoir  manqué  de  ?agesse.  Car  enCii  '  oici 
des  faits  positifs  (|ui  ne  se  détruisent  point 
par  des  présou.plious  ,  savoir,  qucJésus- 
Picx.de  TacQL  pqghatiquc,  IV. 


Christ  n'a  rien  écrit,  qu'il  n'a  point  ordonné 
à  ses  apôtres  d'écrire,  que  sept  d'entre  eux 
n'ont  rien  laissé  par  écrit,  que  les  autres 
n'ont  fait  Ir.iduire  aucun  livre  de  l'Ecriture, 
que  la  plupart  des  versions  n'ont  été  faites 
que  longtemps  après  eux,  à  mesure  que  les 
églises  sont  devenues  nombreuses  dans  les 
divers  pays  du  monde.  Il  est  singulier  que 
des  dispuleurs  qui  exigent  que  nous  leur 
prouvions  tout  par  écrit,  forgent  si  aisément 
les  la-ls  qui  peuvent  élayer  leur  système.  Ils 
en  imposent  grossièrement,  lorsqu'ils  prc- 
tcndeul  que  les  dogmes  de  foi  prêches  pu- 
bliquement et  tous  les  jours,  enseignés  au 
commun  des  fidèles  dès  l'enfance  ,  exposés 
aux  yeux  de  tous  par  les  pratii|ues  du  culte, 
lépétés  et  inculqués  par  les  prières  de  la  li- 
turgie ,  sont  contiès  à  la  mémoire  trompeuse 
des  hommes.  Nos  mœurs,  nos  usages,  nos 
droits,  nos  devoirs  les  plus  essentiels,  sont 
confiés  au  même  dépôt,  et  il  n'en  est  point 
de  plus  incorruptible.  Dieu  a-t-il  donc  man- 
qué de  sagesse  en  négligeant  de  faire  écrire 
avant  Moïse  les  dogmes  qu'il  avait  ensei- 
gnés aux  premiers  hommes  deux  mille 
quatre  cents  ans  auparavant?  Faut-il  abso- 
lument savoir  lire  pour  être  capable  de  faire 
des  actes  de  foi  el  d'obtenir  le  salut. 

L'on  a  vu  des  personnes  ignorantes,  des 
femmes,  des  esclaves,  faire  des  conversions. 
C'est  par  des  vertus ,  par  des  miracles  ,  et 
non  par  les  livres  seuls,  que  Dieu  a  converti 
le  monde.  D'ailleurs  les  apôtres  savaient  que 
l"urs  disciples  écriraient;  ils  ont  donc  pu  se 
reposer  sur  eux  de  ce  soin  ,  aussi  bien  que 
de  celui  d'enseigner  les  fidèles  :  or,  ce  (jue 
ces  disciples  ont  écrit  n'est  plus  confié  à  la 
seule  mémoire  des  hommes,  quoiqu'il  ne  soit 
pas  dans  l'Ecriture  sainte. 

Quatrième  preuve.  Si  Jésus-Christ  et  les 
apôtres  avaient  voulu  que  la  doctrine  chré- 
tienne fût  répandue  et  conservée  par  l'Ecri- 
ture seule,  il  n'aurait  pas  été  besoin  d'éta- 
blir une  succession  de  pasteurs  et  de  doc- 
teurs, pour  en  perpétuer  l'enseignement; 
les  apôtres  se  seraient  contentés  de  mettre 
l'Ecriture  à  la  main  des  fidèles,  el  de  leur  en 
recommander  la  lecture  assidue.  Ils  ont  fait 
tout  le  contraire.  Saint  Paul  dit  que  c'est 
Jésus-Christ  qui  <t  donné  des  pasteurs  et  des 
docteurs  ,  aussi  bien  que  des  apôtres  et  des 
prophètes,  afin  ijuils  travaillent  à  la  perfec- 
tion des  saints,  aux  fondions  de  leur  minis- 
tère, à  l'édification  du  corps  mystii/ue  de  Jé- 
susChrisl,  jusqu'à  ce  que  nous  parvenions 
tous  à  l'imité  de  lu  foi  et  de  la  connaissance 
du  Fils  de  Dieu  [Ephes.,  iv,  llj.  Il  décide  que 
personne  ne  doit  prêcher  sans  -mission  , 
Jiom.,  c.  X,  v.  15.  Est-ce  le  peuple  qui  la 
donne?  Non,  c'est  le  Saint-Esprit  qui  a  éta- 
bli les  évéques  pour  gouverner  l'Eglise  de 
Dieu,  Act.,  c.  xx,  v.  28.  Celte  mission  se 
donne  par  l'imposition  des  m  lins,  /  Tim., 
c.  IV,  v,  14  ;  et  quand  un  pasteur  l'a  reçue, 
il  peut  la  donner  à  d'autres,  c.  v,  v.  22.  L'A- 
pôire  recommauile  la  lecture  de  l'tù'riture 
$;iiute,  uon  aux  siiii|>les  fitièles  ,  mais  à  ua 
.eur,  parce  qu'elle  est  utile  pour  ensei- 
</««»",  pour  reprendre,  pour  corriger,  pour 
20 


811 


TM 


TRA 


812 


instruire  dans  Injustice,  pour  rendre  parfait 
un  homme  de  Dieu,  ou  un  ministre  de  Dieu, 
Il  Tiin.,  c.  IV,  V.  16.  Il  n'ajoute  point  qu'elle 
est  utile  à  tous  les  fidèles  pour  apprendre 
leur  religion.  Saint  Pierre  les  averlit  au  con- 
traire qu'il  ii'apparlirnl  pas  à  tous  de  l'in- 
térpréler,  que  les  ignorants  et  les  esprits  lé- 
gers la  pervertissent  pour  leur  propre  perte, 
11  Petr.,  c.  I,  V.  20;  c.-  m,  v.  16.  Mais  les 
protestants,  plus  éclairés  sans  doute  que  les 
apôtres,  prétendent  que  tout  fidèle  doit  lire 
l'Ecrilure  sainte  pour  y  apprendre  ce  qu'il 
doit  croire  ,  et  que  tous  sont  capables  de 
l'entendre. 

Loin  de  convenir  que  les  pasteurs  et  les 
docteurs  ont  travaillé  à  la  perfection  des 
saints  et  à  l'unilé  de  la  foi,  ils  soutiennent 
que  ce  sont  eux  qui  l'ont  corrompue,  et 
qu'ils  s'y  sont  appliqués  depuis  la  mort  des 
apôtres  jusqu'au  xvi"  siècle.  Cependant  Jé- 
sus-Christ avait  promis  d'être  avec  ses  apô- 
tres jusqu'à  la  (in  des  siècles  ,  Matth.,  c. 
XXVIII,  v.  20  ;  de  leur  envoyer  l'Esprit  de 
vérité  pour  toujours,  Joan.,  c.  xiv,  v.  16; 
mais,  selon  l'opinion  des  prolestants,  il  n'a 
pas  tenu  parole.  Il  avait  aussi  promis  d'ac- 
corder aux  fidèles  le  dondes  miracles,  Marc, 
c.  xvi,  V.  17,  et  nos  adversaires  conviennent 
qu'il  a  exécuté  celle  promesse,  du  moins 
pendant  les  trois  premiers  siècles  de  l'E- 
glise ;  quant  à  la  première,  qui  n'était  pas 
moins  nécessaire  ,  elle  est  demeurée  sans 
exécution;  la  seule  grâce  qtie  Jésus-Christ 
ait  faite  à  son  Eglise  a  été  d'y  conserver  k'S 
saintes  Ecritures  sans  altération,  entre  les 
uiains  de  dépositaires  fort  suspects.  Mais 
sans  l'assislanco  du  Saint-Esprit  ,  à  quoi 
cette  dernière  grâce  a-t-elle  pu  servir  ?  C'est 
sur  le  sens  des  Ecritures  que  la  plupart  des 
disputes,  des  schismes  ,  des  hérésies,  sont 
arrivés  dans  l'Eglise.  Si  Jésus-Christ  lui  a 
conservé  l'esprit  de  vérité  pour  déterminer 
et  fixer  ce  sens,  toute  dispute  est  finie,  il 
s'ensuit  que  l'Eglise  a  conservé  pure  la  doc- 
Irine  de  son  divin  Maître  et  qu'elle  a  eu 
droit  de  condamner  les  hérétiques.  Si  cela 
n'est  point,  l'Etrilure  est  la  pomme  de  dis- 
corde qui  a  divisé  tous  les  esprits  ;  faute  do 
la  consulter  ou  de  la  bien  entendre,  les  pas- 
leurs  de  l'Eglise  ont  altéré  la  doctrine  chré- 
tienne, les  hérétiques  ont  bien  fait  de  mé- 
priser ses  analhèmes,  il  y  a  autant  de  pré- 
somption en  faveur  de  leur  doctrine  qu'en 
faveur  de  la  sienne.  Cependant  Jésus-Christ 
a  détruit  le  très-grand  nombre  des  hérésies 
et  a  conservé  l'Eglise  ;  où  est  l'équité,  où  est 
la  sagesse  de  ce  divin  législateur?  C'est  aux 
protestants  de  nous  expliquer  ce  phcno- 
inèae. 

Cinqtwme  preuve. Toulle  monde  convient 
que  la  certitude  morale  ,  fondée  sur  le  té- 
moignage des  hommes,  est  lu  base  de  la  so- 
ciété civile,  elle  ne  l'est  pas  moins  à  l'égard 
d'une  religion  révélée,  puisque  celie-ci 
porto  sur  le  fait  de  la  revélaiion;  ol  ce  fait 
général  en  renferme  une  infinité  d'autres. 
Tous  sont  prouvés  par  des  témoignages,  et 
l'on  démoutru  aux  déistes  que  la  certitude 
(^ii\  en  résulte  doit  exclure  toute  espèce  de 


doute  raisonnable,  et  prévaloir  sur  tout  ar- 
gument spéculatif.  En  effet,  lorsqu'un  fait 
sensible  est  attesté  par  une  multitude  de  té- 
moins qui  n'ont  pu  agir  par  collusion,  qui 
étaient  de  dilTérenls  âges  el  de  divers  carac- 
tères, dont  les  intérêts,  les  p^is^ons,  les  pré- 
jugés nepouvaienlêtre  les  mêmes,  quiétaient 
de  différents  pays,  et  qui  ne  se  parlaient  pas 
la  même  langue,  il  est  impossible  que  tant 
de  témoignages  réunis  sur  un  fait  soient  su- 
jets à  l'erreur,  il  ne  sert  à  rien  de  dire  que 
chaque  témoin  en  particulier  a  pu  se  trom- 
per ou  vouloir  tromper,  qu'aucun  n'est  in- 
faillible; il  n'est  pas  moins  évident  que 
l'uniformité  de  leur  attestation  nous  donne 
une  certitude  entière  du  fait  dont  ils  dépo- 
sent. Ils  méritent  encore  plus  de  croyance, 
lorsque  ce  sont  des  hommes  revêtus  «de  ca- 
ractère pour  rendre  témoignage  du  fuit  dont 
il  s'agit,  bien  persuadés  qu'il  ne  leur  est  pas 
permis  de  le  déguiser  ni  d'en  imposer,  qu'ils 
ne  pourraient  le  faire  sans  s'exposer  à  être 
contredits,  couverts  d'opprobre,  dégradés  et 
dépossédés  de  leur  état.  Or  les  pasteurs  de 
l'Eglise  sont  autant  de  témoins  revêtus  de 
toutes  ces  conditions  pour  rendre  témoi- 
gnage de  ce  qu'ont  enseigné  les  apôtres,  de 
ce  qui  a  été  cru  ,  professé  et  prêché  publi- 
quement dans  toutes  les  Eglises  qu'ils  ont 
fondées. 

S'il  y  a  dans  le  christianisme  une  question 
essentielle  ,  c'est  de  savoir  quels  sont  les  li- 
vres que  nous  devons  regarder  comme  Ecri- 
ture sainte  et  parole  de  Dieu  ;  les  protestants 
sont  forcés  d'avouer  que  nous  ne  pouvons 
en  être  informés  que  par  le  témoignage  des 
anciens  Pères,  pasteurs  des  églises,  déposi- 
taires et  orgines  de  la  tnidition.  Mais  si  ces 
Pères  ont  été  ignorants  ,  crédules  ,  souvent 
trompés  par  des  livres  apocryphes,  tels  qu'ils 
sont  peints  par  les  protestants,  quelle  cer- 
titude peut  nous  donner  leur  témoignage? 
Pour  fonder  noire  foi,  il  faut  être  assuré 
que  ces  livres  ont  été  conservés  dans  leur 
entier,  et  non  altérés  et  falsifiés  ;  qui  nous 
le  certifiera,  si  les  Pères  ont  élc  capables 
d'user  de  fraudes  pieuses?  On  dira  qu'il  ne 
leur  était  pas  possible  d'altérer  les  livres 
saints,  parce  que  ces  livres  étaient  lus  pu- 
bliquement et  journellement  dans  les  as- 
semblées des  fidèles,  et  parce  que  la  con- 
frontation des  exemplaires  aurait  découvert 
la  fraude.  Nous  en  convenons.  Mais  les  au- 
tres points  de  la  doctrine  chrétienne  n'y 
étaient  pas  prêches  moins  publiquement  ni 
moins  assidûment  ;  s'il  y  était  survenu  de 
l'altération  quelque  part  ,  la  comparaison 
de  celte  doctrine  avec  celle  des  autres  églises 
aurait  fait  le  même  effet  que  la  confron- 
tation des  din'érenles  copies  des  livres  saints. 

Un  protestant  célèbre  et  irès-prévenu  con- 
tre la  tradition  l'a  compris.  Beausolire,  dans 
son  Discours  sur  les  liins  npocryjiltis,  Uist. 
du  Munich.,  icnn.  I,  p.  4V1  ,  du  (ine  pour 
discerner  si  un  livre  c  ait  apocr\plie  ou  au- 
thentique, les  i'ères  en  ont  compare  la  doc- 
trine avec  celle  que  les  apôtres  avaient  préf 
chée  dans  toutes  les  églises,  et  qui  était  uni- 
forme. Donc  ilrecoiinuilque  la  tradition  do 


gis  TRA 

ces  élises  éiail  un  léiaoignnge  irrécusable  , 
et  que  ics  Pèros  oui  élé  cap.ihles  de  le  rei»« 
tire  sans  aucun  (liiua;i;r  il'i'ricur.  «  La  tra- 
dition, dil-il,  ou  lo  loinoijj;naf;c  de  riîglise  , 
lorsqu'il  est  bien  vérilié,  est  une  preuve  so- 
liile  de  la  certitude  dos  laits  et  de  la  Cf.rli- 
tudc  de  la  doctrine.  »  Cet  avi'u  est  remar- 
quable. Il  ajoulo  ,  en  seeond  lii'U,  que  les 
Pores  ont  pu  savoir  ceriaiiieinent  (juels 
étaient  les  livres  donnés  aux  i!!;{lis<'s  par  les 
apôtres  et  par  les  iiuuinies  apustoli(|ues,  dès 
le  conimencenuMil  ,  parce  (lu'il  y  a  eu  dans 
l'Eglise  une  succession  couiinue  d'évéquea, 
de  prèlres  ,  d'écrivains  ecclésiaslii]ui's  qui  , 
de|)uis  les  apôlres,  ont  instruit  les  Ei^llses  , 
et  dont  on  no  pouvait  pas  récuser  le  témoi- 
gnage. Il  dii  enfin  que  les  Pères  ont  comparé 
les  livres  qui  venaient  cerlaiuerueut  des  apô- 
tres avec  les  aulres  ,  pour  savoir  si  ceux-ci 
ressemblaient  aux  premiers,  que  c'est  la  rè- 
gle et  la  maxime  de  tous  les  critiques. 

Voilà  donc  les  anciens  Pères  reco n  nus  capa- 
bles de  confronter  la  doctrine  desKglises  avec 
celle  des  livres  sainls,  capahles  de  porter  un 
témoignage  irrécusable  sur  la  conformité  de 
l'une  avec  l'aulie,  caijables  d'user  de  li  cri- 
tique pour  comparer  le  ton,  le  sljle,  la  ma- 
nière des  écriis  inconteslablemenljaiposloli- 
ques,  avec  la  manière  de  ceux  desquels 
raulhenlicilé  n'était  pas  encore  universelle- 
ment reconnue.  Si  Beausohre  et  les  autres 
protestants  avaient  toujours  rendu  la  même 
justice  aux  Pères  de  l'iilglise  ,  nous  leur  en 
saurions  gré.  Or,  puisque  ces  Pères  sont  di- 
gnes de  foi  lorsqu'ils  disent  ;  Voilà  les  litres 
que  les  apôtres  nous  ont  laisses  comme  divins, 
ils  ue  le  sont  pas  moins  lorsqu'ils  disent  : 
Telle  est  la  do<trine  que  les  apiUres  ont  en- 
seignée à  nos  l<!glises,  et  tel  est  le  sens  qu'ils 
ont  donné  à  tel  ou  tel  pissage. Ainsi, loriqu'en 
3'2o,  au  concile  de  Nicéo,  plus  de  trois  cents 
évéques  ,  rassemblés  non-seulement  des  dif- 
férentes parties  de  l'empire  romain  ,  mais 
encore  d'autres  contrées,  rendirent  unifor- 
mément témoignage  que  le  do^me  de  la  di- 
vinité du  Verbe  avait  été  enseigné  par  les 
apôlres,  toujours  cru  et  professé  dans  les 
églises  dont  ces  évéques  eiaienl  pasteurs; 
que  par  ces  paro'es  de  l'iivang  le  :  AJon  Père 
et  moi  sommes  une  même  chose,  ou  avait  tou- 
jours entendu  que  le  lils  était  consubslan- 
tiel  au  Père:  ()ue  manquait-il  à  cette  altes- 
talion  pour  donner  de  ces  faits  une  certitude 
murale,  eniièi  e  cl  cnuplèie  ?  Oiiand  ce  même 
témoignage  aurait  été  rendu  p.ir  les  évéques 
disperses  dans  leurs  sièges,  et  consigné  dans 
leurs  écrits,  il  n'aurait  été  ni  moins  fort  ni 
moins  inconlestahle.  Jusqu'à  présent  nous 
D'avons  vu  dans  les  ouvrages  de  nos  adver- 
saires aucune  réponse  à  celte  preuve.  Ils  di- 
ront peut-être  qu'en  fait  de  dogme  et  de  doc- 
trine la  preuve  par  témoins  n'est  pas  admis- 
sible. Pure  équivoque.  Lorsqu'il  s'a;^il  de 
jugrr  par  iious-niéines  si  un  dogme  est  vrai 
ou  taux,  cunl'oi  nie  ou  contraire  à  la  raison, 
mile  uu  pi'rnicieu\,  ce  n'est  plus  le  cas  de 
Consulter  des  témoins  ;  mais  quand  il  est  seu- 
lenieut  question  de  savoir  si  tel  dogme  a  été 
enseigné  aux  fidèles  par  les  apôlres,  s'il  a 


TBâ 


814 


élé  prêché  et  professé  eonstammenl  dans  les 

égli^eB,  c'esl  un  f.iil  sensible,  public,  écla- 
tant, qui  ne  peut  être  constaté  que  p;u'  des 
lémoigiiagcs.  Or,  dès  qu'il  est  certain  qu« 
It's  apôlres  l'ont  enseigné,  toute  autre  ques- 
tion eit  superlliie. 

Dans  les  Iribunanx  de  nmgistrature  on  in- 
terroge également  les  lenioins  sur  ce  qu'il» 
oui  vu  et  sur  ce  qu'ils  ont  entendu;  leur  dé- 
position f.iil  loi  sur  l'un  et  sur  l'autre  de  ces 
deux  faits.  Les  apôlres  luix-mêmes  nous  ont 
donné  l'exemple  de  celle  méihode  :  Nous  ne 
puHiwns  nous  (/(s/;f«ser,  disent  suint  Pierre 
et  sailli  Jean,  de  publier  ce  (/ne  nous  avuns 
vu  el  entendu  (Art.  iv,  '20.)  Nous  vous  annon- 
çons et  nous  vuus  attestons  ce  que  nous  avons 
entendu,  ce  que  nous  avons  vu,  ce  que  nous 
avons  louché  de  nos  mains,  au  sujet  du  Verbe 
vivant  (/  Juan,,  i).  Iminédiaieuienl  après  la 
mort  des  apôlres,  Cériulhe,  lîbion,  Saturnin, 
lî.isiliile  el  d'autres  nièrent  la  création  ,  la 
iliviuilé  de  Jésus-Cbrisl,  la  réalité  de  sa  cbair, 
de  sa  mort,  de  sa  résurrection,  el  le  doguie 
de  la  résurrection  future.  Que  leur  opposè- 
rent saint  Starnabé,  saint  Clémenl,  saint  Po« 
Ij'carpe,  saint  Ignace'?  la  prédiralion  des 
apôtres  i\{x\  avaient  été  leurs  maîtres.  Pour 
préserver  les  fidèles  de  l'erreur,  ils  leur  re- 
commandent de  se  tenir  allacliés  à  la  tradi- 
tion des  apôlres  cl  à  la  doctrine  qui  leur  est 
enseignée  par  leurs  pasteurs;  nous  citerons 
ci-après  leurs  paroles.  Donc  au  n=  et  au  iir 
siècle,  lorsqu'il  est  survenu  d'autres  héréti- 
ques, les  Pères  ont  dû  leur  répondre  de  mê- 
me :  Votre  doctrine  n'est  p.is  celle  (]ui  nous 
a  élé  enseignée  par  les  successeurs  immédials 
des  apôlres.  Saint  Irénée,  d;ii\s  liusèhe,  Hist. 
ecclés.,  I.  v,  c.  20.  —  Si  l'on  prétend  que  celte 
preuve  de  fait  a  perdu  sa  force  par  la  suc- 
cession des  temps,  il  faudra  soutenir  aussi 
((u'elle  est  détenue  caduque  à  l'égard  des 
aulres  faits  sur  lesquels  le  clirisiianisme  est 
fondé,  et  en  particulier  à  l'égard  de  la  ques- 
tion de  savoir  quels  sont  les  livres  qui  nous 
ont  été  donnés  par  les  apôlres  comme  Ecri- 
ture sainte. 

Sixième  preuve.  Des  réflexions  que  nous 
venons  de  faire  ,  il  s'ensuit  déjà  que  l'iicri- 
ture  seule  n'aurait  pas  ele  un  moyen  sulG- 
sanl  pour  répandre  et  (lour  conserver  la 
doctrine  de  Jésus-C.brist,  s'il  n'y  avait  pas 
un  ministère,  une  mission,  un  enseignement 
publie  pour  altesler  aux  fidèles  l'aulbcnli- 
cile,  l'iutégrilé,  la  divinité  des  livres  saints, 
pour  les  leur  exp  iquer  el  leur  en  donner  le 
véritable  sens.  Mais  celle  vérité  est  encore 
conliruiéepard'autres  raisons. 1" Dans  les  pre- 
miers siècles,  peu  de  personnes  avaient  l'u- 
sage des  lettres,  et  l'ignorance  devint  encore 
plus  générale  après  l'inondation  des  peuples 
barbares.  Avant  l'invention  de  l'imprimerie, 
une  Bible  était  un  livre  très-cher,  et  les  exem- 
plaires n'en  étaient  pas  communs.  Il  est  évi- 
dent que  pendant  quatorze  cents  ans  les 
trois  quarts  et  demi  ties  chrétiens  étaient  ré- 
duits aux  seules  insiruelions  des  p.isteurs  ; 
nous  ne  croyons  pas  pour  cela  que  le  salut 
leur  ait  été  beaucoup  plus  difQcile  qu'à  nous. 
Dieu  ne  l'a  jamais  attaché  à  des  moyens  ra* 


815 


TBA 


TRA 


816 


res ,  (iisppndieux  .  presque  impraticables; 
Moïso  le  fnil  remarquer  aux  Juifs,  Beat., 
e.  XXX,  V.  11  ;  il  n'y  a  pas  lieu  de  penser  que 
Dieu  en  agil  avec  moins  de  bonté  envers  les 
chrétiens  :  nous  avons  fait  voir  ailleurs  que 
dans  riiglise  catholique  la  foi  des  simples 
et  des  ignorants  ,  fondée  sur  la  mission  des 
pasteurs  qui  les  instruisent,  et  sur  la  tradi- 
tion, est  Irès-sage  et  très-solide.  Nous  exa- 
niinerons  ci-après  si  celltî  du  commun  des 
protestants  est  plus  certaine  et  mieux  ap- 
puyée. 2°  Le  très-grand  nombre  des  vérités 
de  loi  ,  comme  la  sainte  Trinité,  l'incarna- 
tion, la  rédemption  du  monde,  la  résurrec- 
tion future,  la  nature  du  bonheur  éternel  , 
les  supplices  de  l'enfer  ,  la  communication 
du  péché  originel,  l'effet  des  sacrements,  ce- 
lui de  l'eucharistie  en  particulier,  la  prédes- 
tination, refficaciic  de  la  grâce,  etc.,  sont 
des  mystères  iiicompréheusibles.  De  quel- 
que manière  qu'ils  soient  couchés  par  écrit, 
il  nous  restera  toujours  des  doutes  sur  le 
sens  des  termes,  parce  que  le  langage  hu- 
main ne  peut  nous  en  fournir  d'assez  clairs. 
L'oubli  <les  langues  originales,  la  variété 
des  versions,  l'inexactitude  des  copies,  l'é- 
quivoque des  mots,  lechangementdes  mœurs 
et  des  usages,  la  bizarrerie  des  esprits  ,  les 
subtilités  de  grammaire,  les  sophismes  des 
hérétiques,  laisseront  toujours  des  inquié- 
tudes au  cttmmun  des  lecteurs.  Quand  il  y 
aarait  beaucoup  d'hommes  capables  de  sur- 
monter tous  ces  obstacles,  s'ils  n'ont  ni  ca- 
ractère, ni  mission,  ni  autorité  divine,  à  quel 
litre  pourrons-nous  leur  ajouter  foi  ?  3°  Les 
protestants  ont  beau  répéter  que  l'Ecriiure 
sainte  rst  claire  sur  tous  les  articles  essen- 
tiels du  christianisme,  il  n'en  est  pas  un  seul 
que  les  hérétiques  n'aient  attaqué  par  l'K- 
critnre  même.  Jamais  deux  sectes  ojiposées 
n  ont  manqué  d'y  trouver  chacune  des  p  is- 
sages  favorables  ;  point  d'absurdité  que  l'on 
n'ait  étayée  p:irlà  :  cet  abusa  commencé  avec 
le  christianisme,  et  il  dure  encore.  Dieu  nous 
a-l-il  donné,  pour  seul  moyen  d'apprendre, 
notre  croyance ,  la  pierre  d'achoppcmont 
contre  laquelle  se  sont  heurtés  tous  les  mé- 
créants. 

Mais  ces  réflexions ,  quelque  évidentes 
qu'elles  soient,  paraissent  aux  protestants 
autant  de  blasphèmes  :  ils  nous  accusent  de 
déprimer  l'Ecriture  ou  la  parole  de  Dieu,  de 
la  faire  envisager  comme  un  livre  inutile 
dont  la  lecture  est  dangereuse;  de  mettre  la 
tradition,  qui  n'est  que  la  parole  des  hom- 
mes, au-dessus  de  celle  de  Dieu  ,  comme  si 
Dieu  ne  savait  pas  mieux  parler  que  les  hom- 
mes ,  etc.  Pures  calomnies  cent  lois  réfutées. 
Ce  n'est  point  déprimer  l'Ecriture  sainte,  que 
de  la  représenter  telle  que  Dieu  nous  l'a 
donnée:  en  la  faisant  écrire  par  des  hom- 
mes inspirés  ,  il  n'a  pas  changé  la  nature  du 
langage  humain  ni  l'essence  des  choses.  Les 
protestants  eux-mêmes  conviennent  que  , 
pour  l'entendre,  il  faut  l'assistance  du  Saint- 
Esprit,  et  ils  disent  que  Dieu  ne  la  refuse 
point  à  un  fidèle  docile,  qui  cherche  sincè- 
rement la  vérité.  De  no'recôté,  nous  soute- 
nons que  Dieu  !i'a  poiut  ])rouiis  cette  ussis- 


tance  à  chaque  fidèle  ,  mais  à  son  Eglise  , 
aux  apôtres  et  à  leurs  successeurs,  aux  pas- 
leurs  chargés  d'enseigner;  que  quiconque 
refnse  de  les  écouter  n'est  plus  ni  Gdèle,  ni 
docile,  ni  sincère,  puisqu'il  résiste  à  l'ordre 
de  Dieu,  et  que  ,  par  un  orgueil  téméraire, 
il  se  croit  mieux  inspiré  que  l'Eglise  entière  ; 
qu'il  y  a  du  fanatisme  à  nommer  parole  de 
Dieu  le  sens  qu'il  plaît  à  chaque  particulier 
de  donner  à  l'Ecriture  sainte,  sons  prétexte 
que  c'est  Dieu  qui  le  lui  fait  connaître.  Loin 
de  rejeter  l'Ecriture  sainte,  nous  la  mettons 
toujours  à  la  tête  de  toutes  nos  preuves 
théologiques  ;  et  lorsque  1er.  hétérodoxes  en 
dél 'uriienl  le  sens,  lorsqu'ils  disent  que  les 
passages  que  nous  citons  sont  obscurs,  et 
que  nous  en  lirons  de  fausses  conséquences, 
nous  leur  répliquons  que  ce  n'est  ni  à  eux 
ni  à  nous  de  juger  définitivement  cette  con- 
testation ,  que  c'est  à  l'Eglise  ,  au  corps  des 
pasteurs  auxquels  Dieu  a  donné  mission  et 
autorité  pour  enseigner,  par  conséquent, 
pour  expliquer  le  vrai  si^ns  de  l'Ecriture. 
Nous  ajoutons  que  si  l'Ecriture  garde  un  si- 
lence absolu  sur  un  point  de  doctrine,  et  s'il 
est  enseigné  néanmoins  par  l'Eglise  ou  par 
le  corps  des  pasteurs,  nous  devons  y  croire, 
parce  qu'ils  ont  toujours  fait  profession  de 
n'enseigner  que  ce  qu'ils  avaient  reçu  ,  par 
tradition  ,  des  apôtres,  et  que  la  parole  des 
apôtres,  qui  est  la  parole  de  Dieu,  n'est  pas 
moins  respectable  non  écrite  que  quand  elle 
est  écrite.  Nous  avons  donc  pour  cette  divine 
parole  un  respect  plus  sincère  que  les  pro- 
testants. 

•  Pour  nous  rendre  odieux,  ils  nous  repro- 
chent de  favoriser  le  déisme  et  le  pyrrho- 
nisme.  En  effet,  les  déistes  ont  fait  ce  rai- 
sonnement :  D'un  côté  les  catholiques  prou- 
vent que  l'Ecriture  seule  ne  peut  donner 
aux  chrétiens  une  entière  crrlilude  de  leur 
croyance,  de  l'autre  les  protestants  soutien- 
nent que  la  tradition  peut  encore  moins 
produire  cet  eflét;  donc  1rs  chrétiens  n'ont 
aucune  preuve  de  leur  fui.  Il  nous  paraît 
d'abord  fort  aisé  de  retourner  l'argument  et 
de  dire  :  D'un  côté  les  catholiques  |)rou\ent 
que  la  tradition  leur  donne  une  certitude 
entière  de  la  vraie  doctrine  île  Jé^us-Chrisl, 
de  l'autre  les  prolestants  soutiennent  que 
l'Ecriture  seule  suffit  pour  opérer  cet  effet; 
donc  l'Ecriture  et  la  tradition  réunies  don- 
nent une  certitude  encore  plus  complète. 
Que  peuvent  répondre  les  déistes? 

Au  lieu  de  les  réfuter  ainsi,  les  protestants 
ont  jugé  qu'il  était  mieux  de  faire  retomber 
ce  sophisme  sur  nous  seuls.  Ils  disent  :  Nous 
prouvons  évidemment  que  la  tradition  est 
souvent  fausse  et  trompeuse  ;  donc  ,  si  vous 
venez  à  bout  de  démontrer  que  l'Ecriture 
est  insuffisante  ,  vous  ôlez  tout  fondement 
aux  vérités  de  la  foi,  vous  donnez  gain  de 
cause  aux  incrédules.  —  Outre  le  ridicule 
qu'il  y  a  de  leur  part  à  s'attribuer  la  vic- 
toire, lorsque  le  combat  dure  encore,  nous 
lenr  demandons  si  la  certitude  de  notre  foi 
est  fondée  sur  deux  preuves,  savoir,  l'Ecri- 
ture et  la  «rad/Hon ,  lequel  des  deux  partis 
lui  porto  le  i>lus  de  préjudice,  celui  qui  veut 


817 


TRA 


TR\ 


818 


qu'on  les  réunisse  et  que  l'on  soutienne  l'une 
par  l'autre,  ou  celui  qui  rejette  atjsolament 
l'une  des  diux?  L'entêtement  do  nos  adver- 
saires est  de  supposer  toujours  que  nous  re- 
jetons l'Ecriture  comme  ils  rejellent  la  tra- 
dition; fausseté  notoire.  Encore  une  fois, 
nous  disons  que  l'Ecriture  sainte  expliquée 
et  suppléée  par  la  tradition  est  une  règle 
sûre,  divine,  infaillible,  à  laquelle  tout  chré- 
liin  doit  se  soumellre  sans  hésiter;  mais  que 
l'Ecrilure  sainte  sans  la  tradition,  et  livrée 
à  l'interpiéliilion  arbitraire  de  chaque  par- 
ticulier, est  une  source  inlaillible  d'erreur; 
nous  no  rejetons  donc  que  la  méthode  pro- 
testante d'user  de  l'Ecriture,  et  non  l'Kcri- 
lure  elle-même. 

Ils  insistent  cependant  encore,  et  ils  disent: 
Malgré  l'efficucilé  que  vous  attribuez  «ivoire 
double  règle,  elle  n'a  p.is  empêché  parmi 
vous  les  erreurs  de  naître  et  les  disfiutes  de 
continuer;  donc  vous  n'êtes  pas  plus  avan- 
cés avec  deux  règles  que  nous  ne  le  sommes 
avec  une  seule.  Nous  répondons  qu'il  ne 
peut  naître  parmi  nous  aucune  erreur,  tant 
que  tout  théologien  demeurera  également 
soumis  à  l'Iîcrilure  sainte  et  à  la  tradition: 
s'il  y  en  a  qui  s'écartent  de  l'une  ou  de  l'au- 
tre, ils  lomberoiil  dans  l'erreur  sans  doute; 
mais  alors  ce  sera  leur  faute,  et  non  celle  de 
la  règle.  Quant  aux  disputes  des  théologiens 
catholiques,  elles  n'intéressent  en  rien  la  foi 
ni  les  mœurs;  tous  reçoivent  la  même  pro- 
fession de  croyance,  il  n'y  a  point  de  schisuie 
entre  eux.  Parmi  les  hérétiques,  au  con- 
traire, malgré  leur  déféreiue  apparente  à 
l'Ecriture,  il  s'en  est  trouvé  plusieurs  qui 
ont  nié  des  articles  essentiels  au  christia- 
nisme, et  dès  qu'ils  ont  eu  un  certain  nom- 
bre de  partisans,  ils  ont  fait  bande  à  part, 
.lamais  ils  n'ont  pu  dr<'sser  une  confession 
de  foi  qui  ait  réconcilié  deux,  sectes,  quoi- 
qu'ils l'aient  souvent  tenté. 

On  nous  detnandera  peut-être  si  la  néces- 
sité de  la  tradition ,  que  nous  regardons 
comme  un  article  fondamental,  est  couchée 
dans  le  symbole.  Nous  soutenons  qu'elle  y 
est  dans  ces  paroles:  Je  croisla sainte  Eijlise 
catholique;  aux  mots  Catholique  et  Catho- 
licisme, nous  avons  lait  voir  que  cet  article 
signifie  :  Je  crois  que  la  sainte  et  véritable 
Eglise  est  celle  qui  prend  pour  règle  de  foi 
la  catholicité,  c'est-à-dire  la  tradition,  la 
croyance,  l'enseignement  constant  et  uni- 
forme de  toutes  les  églises  dont  elle  est  com- 
posée. Au  besoin,  nous  trouverionsencore  le 
même  sens  dans  ces  mots  :  Je  crois  la  com- 
munion des  saints;  il  n'\  a  plus  île  commu- 
nion entre  des  sectes  qui  n'ont  pas  la  même 
croyance. 

«  t>s  mots,  dit  le  savant  Rossuet,  Je  crois 
l'Eglise  catholique,  ne  signifient  pas  seule- 
ment, je  crois  qu'elle  est,  mais  encore,  je 
crois  ce  qu'elle  croit;  autrement  ce  n'est 
plus  croire  qu'elle  est,  puisque  le  fond  et, 
pour  ainsi  dire,  la  substance  de  son  être, 
c'est  sa  foi  qu'elle  déclare  à  tout  l'univeMs.  » 
\'oy.  Esprit  de  Leibnitz,  t.  Il,  p.  10. 

Sepliime  preuve.  Personne  n'a  pu  mieux 
savoir  de  quelle  manière  il  faut  acquérir  et 


conserver  la  foi,  que  ceux  qui  ont  été  char- 
gés par  les  apôtres  de  l'enseigner  :  or,  ils 
recommandent  l'attachement  à  la  tradition, 
et  non  l'étude  de  l'Kcriture  sainte.  Saint 
Barnabe,  Epist.,  ii.  5,  dit  aux  fidèles  :  «  Vous 
ne  devez  point  vous  séparer  les  uns  des  au- 
tres, en  vous  croyant  justes  :  mais  tous  ras- 
semblés, cherchez  ce  qui  est  utile  et  conve- 
nable à  <les  amis  de  Dieu  ;  (  ar  l'Ecriture  dit  : 
Malheur  à  ceux  qui  se  croient  seuls  intelli- 
gents, et  se  llallent  intérieuroiiient  d'être  sa- 
vants. »  Le  Clerc,  dans  une  note  sur  ce  pas- 
sage, croit  que  l'.iuleur  fait  allusion  à  l'or- 
gueil des  pharisiens  ,  mais  il  condamne 
encore  plus  évidemment  l'orgueil  des  héré- 
tiques, (jui  se  croient  plus  intelligents  et  plus 
savants  que  l'église  universelle  de  laquelle 
ils  se  sont  séparés.  —  Saint  Clément,  pape, 
dans  sa  première  lettre  aux  Corinthiens,  les 
réprimande  de  leurs  divisions  et  du  peu  de 
respect  qu'ils  avaient  pour  leur  clergé.  Il 
leur  représente,  n.  12,  que  ce  sont  les  apô- 
tres qui,  animés  de  l'esiirit  de  Dieu,  ont  éta- 
bli les  évêques  et  les  ministres  inférieurs  el 
qui  ont  réglé  leurs  fonctions:  or,  une  de 
leurs  fonctions  est  certainement  d'ensei- 
gner. Il  les  exhorte,  n.  57,  à  être  soumis  aux 
prêtres,  à  n'avoir  ni  orgueil  ni  arrogance. 
Ce  saint  pontife  ne  pensait  pas  qu'un  laïque, 
une  Bible  à  la  main,  lût  en  droit  de  faire  la 
leçon  à  ses  pasteurs.  —  Saint  Ignace,  sui- 
vant la  remarque  d'Eusèbe,  llist.  ecclés., 
1.  III,  c.  36,  exhortait  les  fidèles,  dans  toutes 
les  villes  où  il  passait,  à  se  précautionner 
contre  les  erreurs  des  hérétiques,  et  à  se  te- 
nir fortement  attachés  aux  traditions  des 
apôtres  ;  c'est  en  effet  la  morale  que  ce  saini 
martyr  enseigne  dans  toutes  ses  lettres.  Ad 
Matjnes.,  n.  (i,  il  exhorte  les  fidèles  à  la  con- 
corde,;! être  soumis  à  l'évêque  qui  préside 
à  la  place  de  Dieu,  aux  prêtres  qui  repré- 
sentent le  sénat  apostolique  ,  aux  diacres 
chargés  du  ministère  de  Jésus-Christ,  à  tenir 
unanimement  avec  eux  une  doctrine  invio- 
lable. Il  le  répète,  ad  Trait.,  u.'.i,  et  il  ajoute 
que  sans  eux  il  n'y  a  point  d'Eglise.  Il  dit 
aux  Phil;Hlel|)hieus,  ii.-2et3:«  Kuyez  toute 
division  et  toute  mauvaise  doctrine,  suivez 
voir»!  pasteur  comme  des  brebis  dociles  ;  ii 
y  a  des  loups  qui  paraissent  ilignes  de  foi, 
mais  qui  tieiineiU  les  fidèles  captifs,  après  lus 
avoir  séduits  par  de  belles  apparences.... 
Tous  ceux  qui  sont  à  Dieu  et  à  Jesus-Chrisl 
demeurent  attachés  à  leur  évêque...  Si  quel- 
qu'un suit  un  schismatique,  il  n'héritera  pas 
du  royaume  de  Dieu  ;  si  queliiu'un  a  des 
sentiments  particuliers,  il  renonce  à  la  pas  - 
sioii  du  Sauveur.  »  —  Saiiil  Polycarpe,  dans 
sa  Lettre  aux  Philippiens,  n.  10,  les  exhorte 
à  demeurer  fermes  et  constants  dans  la  foi, 
dans  l'amour  fraternel,  dans  la  paix  et  dans 
la  profession  des  mêmes  vérités.  »  Or,  cela 
ne  se  peut  pas  faire  lorsque  chaque  particu- 
lier veut  former  lui-même  sa  propre  foi  et 
entendre  l'Ecriture  sainte  comme  il  luiplait  ; 
l'exemple  des  sectes  hétérodoxes  le  dérudii- 
tre.  Ainsi  ont  pensé  les  disciples  immédiats 
des  apôtres. 
Au  II'  siècle,  Hégésippe,  selon  le  rappo 


819 


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820 


d'Eu<ièbe,  liv.iv,  c.  22,  fit  un  voyage  àRome  ; 
il'coiisulla  un  graiiil  nombre  d'éviHiues,  il 
Iroiiva  la  même  docîrine  dans  loules  les 
éRlises  des  villes  par  lesquelles  il  passa. 
Mais  à  quoi  bi>n  ces  iierqulsilinns,  s'il  soffi- 
6;iil  de  coiisul'er  l'Eiriiure  pour  connaître 
la  vraie  foi  ?  Dans  le  même  siècle  on  lisait 
dans  les  asseinlilées  chrétiennes  les  lellres 
des  saints  évêiiues,  aussi  hien  que  celles  des 
ai'ôlres,  ibid.,  c.  23:  chose  fort  inutile,  sui- 
vant l'opinion  di-  nos  adversaires.  —  Saint 
Justin,  dans  sa  Lettre  â  Diof/nèle,  n.  11.  dit 
que  11'  Fils  de  Dieu  accorde  des  lumières  à 
ceux  qui  li»s  demandent,  qui  ne  fr.inchissent 
ni  les  bornes  de  la  foi,  ni  crlles  qui  ont  été 
posées  par  les  Pères...  ;  qu'ainsi  l'Evangile 
s'établit,  la  tradition  des  apôtres  est  jranlée, 
et  l'Eplise  comblée  de  grâces.  — Saint  Théo- 
phile, évêqiie  d'Aiitioche,  (irf  Autolic. ,\iVi.  n, 
n.  14-,  compare  les  saintes  Eglises  dans  les- 
quelles se  conserve  la  doctrine  des  apôtres, 
à  des  ports  dans  lesquels  les  navigateurs 
sont  en  sûreté,  et  les  hérétiques  à  des  pira- 
tes, leurs  erreurs  à  des  écueils  contre  les- 
quels les  vaisseaux  font  naufrage.  Selon 
l'avis  des  protestants,  les  fidèles  ne  sont  en 
sûreté  que  quand  ils  consultent  l'Ecrilure 
sainte. 

Saint  Irénée  ne  pensait  pas  comme  eux, 
Contra  Har.,  lib.  m,  c.  4,  n.  1.  «  11  ne  faut 
point,  dit-il.  chercher  ce  qui  est  vrai  ailleurs 
que  dans  l'Eglise,  dans  laquelle  les  apôtres 
ont  rassemblé  toutes  vérités  comme  dans  un 
riche  dépôt,  afin  que  quiconque  veut  élan- 
cher  sa  soif  puisse  y  trouver  ce  breuvage 
salutaire.  C'est  là  que  l'on  reçoit  la  vie,  tius 
les  autres  docteurs  sont  des  larrons  et  des 
voleurs.  11  faut  donc  les  éviter,  et  consulter 
soigneusement  les  Eglises,  pour  y  trouver  la 
\raie  tradition.  Car  enfin,  s'il  y  avait  une 
dispute  sur  la  moindre  question,  ne  faudrait- 
il  pas  recourir  aux  églises  les  plus  ancien- 
nes dans  lesquelles  les  apôtres  ont  enseigne, 
et  savoir  d'elles  ce  qu'il  y  a  de  vrai  et  de 
certain  sur  ce  sujet?  et  quand  même  les  apô- 
tres ne  nous  auraient  [loint  laissé  d'Ecritu- 
res, ne  faudrait-il  pas  encore  suivre  l'ordre 
de  la  /rarf?7!(m  qu'ils  ont  donnée  à  ceux  aux- 
quels ils  confiaient  les  lîglises?  »  Il  montre 
cette  nécessité  par  l'exemple  des  Eglises  fon- 
dées chez  les  barbares,  qui  n'avaient  encore 
aucune  Ecriture  sainte,  mais  qui  suivaient 
fidèlement  la  tradition.  Dans  le  chapitre  pré- 
cédent il  réfute  les  hérétiques  par  la  tradi- 
tion de  l'Eglise  romaine;  et  liv.  i,  c.  10,  il 
atteste  que,  malgré  la  distance  des  lieux  et 
la  diversité  des  langues,  la  tradition  est 
uniforme  partout.  Dans  une  lettre  rapportée 
par  Eusèbe,  1.  v,  c.  20,  il  rend  témoignage  de 
l'attention  avec  laquelle  il  écoutait  les  leçons 
de  saint  Polycarpe,  disciple  immédiat  de  l'a- 
pôtre saint  Jean.  Cependant  un  [iroleslant 
célèbre  prétend  que  ce  Père  ne  faisait  aucun 
cas  de  la  trailitiun.  Carpocr.ile,  dit-il,  Va- 
lenlin,  les  gnostiques,  les  marcioniles,  fon- 
daient leurs  erreurs  sur  de  .prétendues  tra- 
ditions; ils  disaii'ut  que  Jésus-(]ln  ist  n'avait 
pas  prêché  publiquement  toute  sa  doctrine, 
mais  qu'il  avait  confié  plusieurs  vérités  à 


quelques-uns  de  ses  disciples,  sous  condi- 
tion qu'ils  ne  les  révéleraient  qu'à  ceux  qui 
seraient  capables  de  les  entemlre  et  de  les 
conserver.  Saint  Irénée  rejette  ces  traditions 
flvec  raison  ;  il  dit  que  si  les  apôtres  avaient 
appris  de  Jésus-Christ  des  vérités  cachées, 
ils  les  auraient  transmises  à  ceux  auxquels 
ils  confiaient  le  soin  des  Eglises.  11  dit  aux 
marcionites  :  Lisez  ex.ic(emeni  les  prophè- 
tes, lisez  les  évangélisles,  vous  trouverez 
dans  ces  écrits  toute  la  doctrine  de  Jésus- 
Cbrisl.  Ce  n'est  donc  qu'au  défaut  des  Ecri- 
tures que  ce  Père  dit  qu'il  f;iudrait  reeourir 
à  la  tradition,  Basnage,  flist.  de  l'Eglise, 
I.  IX,  c.  5,  et  sniv.  —  Jlais  quelle  ressem- 
blance y  a-t-il  entre  les  prétendues  tradi- 
tions cachées  des  hérétiques,  desquelles  il 
n'y  avait  point  de  témuins,  et  l'enseignement 
public,  constant,  uniforme  des  pnstcurs  aux- 
quels les  apôtres  avaient  confié  les  Eglises, 
enseignement  que  saint  Irénée  appelle  tra- 
dition 't  C'est  à  cette  règle  qu'il  veut  que  l'on 
s'en  rapporte  en  cas  de  dispute  sur  la  moin- 
dre question  :  or,  lorsque  l'Iicrilure  garde  le 
silence,  n'est-ce  pas  la  mime  chose  que  si 
l'on  n'avait  point  d'Ecriture  pour  savoir  ce 
qu'il  y  a  de  vrai  et  de  certain?  Il  soutient  avec 
raison  que  s'il  y  avait  eu  des  vérités  cachées, 
les  apôtres  les  auraient  enseignées  aux  pas- 
teurs par  préférence,  puisque  de  tous  les 
fidèles  c'étaient  les  plus  capables  de  com- 
prendre ces  vérités  et  de  les  conserver.  Mais 
ce  n'est  point  là  l'idée  que  les  protestants 
nous  donnent  de  ces  hommes  apostoliques  ; 
ils  les  peignent  comme  des  hommes  simples, 
ignorants,  crédules,  qui  n'avaient  ni  discer- 
nement, ni  capacité.  —  Quant  aux  marcio- 
niles, le  cas  était  tout  difi'érent  ;  ils  soute- 
iiaieni  que  l'Ancien  Testament  et  le  Nouveau 
n'étaient  pas  l'ouvrage  du  même  Dieu:  pour 
prouver  le  contraire,  saint  Irénée  leur  dit  : 
«  Lisez  exactement  l'Evangile  que  les  apô- 
tres nous  ont  donné,  lisez  ensuite  les  pro- 
phètes,vous  trouverez  que  toutes  les  actions, 
toute  la  doctrine,  toutes  les  souffrances  de 
Notre-Seigneur  y  sont  prédites,  I.  iv,  c.  34, 
n.  1.  S'ensuit-il  de  là  que,  dans  toute  ques- 
tion de  doctrine,  il  suffit,  comme  dans  celle- 
là,  de  confronter  les  évangélisles  avec  les 
prophètes?  Saint  Irénée  veut  que  l'on  s'en 
tienne  à  la  tradition. 

Au  iir  siècle  l'on  n'avait  pas  changé  do 
principes.  Tertullien,  de  Prœscripl.,  c.  15  et 
seq.,  ne  voulait  pas  que  l'on  admît  les  hé- 
rétiques à  disputer  par  l'Ecriture  sainte,  il 
soutient  que  c'est  une  complaisance  inutile 
et  déplacée,  parce  que  l'Ecriture  sainte  n'a 
pas  été  donnée  aux  hérétiques,  mais  à  l'E- 
glise, et  pour  elle  seule,  parce  qu  ils  en  re- 
jetaient ce  qui  leur  déplaisnit,  parce  qu'ils 
en  mutilaient  ou  altéraient  les  passages,  et 
parce  qu'ils  en  détournaient  le  sens,  ibid., 
c.  19.  «  L'ordre  exige,  dil-il,  que  l'on  s'in- 
forme de  qui,  par  qui,  quand  et  à  qui  a  été 
donnée  la  doctrine  qui  nous  rend  chrétiens* 
où  sera  la  vraie,  là  se  trouvera  aussi  la  vé- 
rité des  Ecritures,  d(  s  explications  et  de  tou- 
tes les  traditions  chréiicnnes.  >>  Ainsi  ce 
Père  veut  que  l'on  établisse  par  la  tradition, 


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8Î.Î 


non-sculnment  l'authenticiléet  l'inlcgrilédc 
l'Kcriliire,  mais  encore  le  sens  et  les  pxpli- 
cnlioiis  ;  ch;ip.  32  'l  ."JS,  il  renvoie  les  héré- 
liiiucs  à  1.1  tradition  des  Kglises  aposloli- 
qiii's;  il  souliciil  que  celles  qui  se  lor/nenl 
tous  les  jours  ne  sonl  [.as  moins  apostoli- 
ques que  li'S  pus  anciennes,  paire  qu'elles 
liennenl  la  même  doclrine,  el  qu'elles  sont 
en  communion  les  unes  avec  les  antres.  — 
Cela  n'a  pas  einpêché  nos  adversaires  de 
nous  opposer  'rrrlullii-n.  L.  de  Resurr.  car- 
nis,  e.3,  il  veut  ()ue  l'on  6le  aux  héréliques 
les  sentiments  païens,  qu'ils  prouvent  les 
leurs  par  les  Ecritures  seules;  alors,  dit-il, 
ils  ne  pourront  plus  se  soulenir.  Mais  il 
ajoiiie  que  rinslruilion  divine  ne  consiste 
juiint  il.ins  la  superfK'ie,  mais  dans  la  moelle, 
et  qu'elle  paraît  souvent  contraire  à  l'évi- 
dence. Il  le  ré|)èle,  ilc  l'rœscrij)!.,  c.  9.  «  Il 
faut  comhaltre,  ilil-il,  par  le  seu'i  des  Ecri- 
tures, sous  la  direction  dure  interprétation 
sûre,  /aucune  parole  de  Dieu  n'est  assez 
étendue  ni  assez  exemple  d'embarras  p'>ur 
en  soutenir  les  mots,  el  non  ce  qu'ils  sii^ui- 
(lent.  »  £,.  adv.  Hermogen.,  c.  22, après  avoir 
cité  ces  paroles:  An  commencement  Dieu  a 
fuit  le  ciel  el  In  tirre,  «  J'adore,  dit-il,  la 
plénitude  de  l'Ecriture,  qui  nie  montre  l'ou- 
vrier el  ce  qu'il  a  lait.  Je  n'y  ai  vu  nulle  part 
qu'il  a  tout  lait  d'une  manière  préexist.inte. 
Qu'Htirmogène  me  fasse  voir  que  cela  est 
écrit;  s'il  ne  l'est  pas,  qu'il  craiijne  celle 
menace:  Malheur  à  ceux  qui  ajoutent  ou  qui 
rtlranchenl.  »  Il  csi  évident  que  ce  Père  liis- 
putait  contre  les  licréticiues  dont  l'un  niait 
la  création,  l'autre  la  résurrection  de  la 
chair,  et  qui  opposaient  à  ces  deux  doy:mes 
les  raisonnements  el  l'auiorilé  des  philoso- 
phes pa'ïens.  'rcrtullien  vent  d'.ibord  qu'ils 
renoncent  à  ces  principes  du  paganisme,  et 
qu'ils  prouvent  leur  sentiment  par  l'Ecri- 
ture ;  mais  pour  en  lii  er  la  moelle  et  pour  eu 
prendre  le  vrai  sens,  il  veut  que  l'on  soit 
dirigé  par  une  interprétalion  sûre.  Où  la 
trouver,  sinon  dans  l'E^ilise  ou  dans  la  Ira- 
(lilion  ?  Il  n'y  a  ni  obscui  ité  ni  contradiction 
diins  les  principes  de  ce  Père. 

Clément  d'Alexandrie,  SOom.  1.  vu,  c.  16, 
p.  891,  reproche  aux  héréliques  les  mêmes 
alius  de  l'Ecriliire  sainte  que  Tertullicn. 
l'uid.,  I.  I.  c.  1,  p.  322,  il  atteste  que  les  niai- 
Ires  p;ir  lesquels  il  avait  été  instruit  gar- 
daient fidèlement  la  doctrine  reçue  des  apô- 
tres par  tradition,  et  il  la  met  par  écrit,  afin 
d'en  conserver  le  souvenir.  Pour  savoir  si 
une  doctrine  est  vraie  ou  fausse,  orthodoxe 
ou  hérétique,  il  veut  que  l'on  en  juge  noii- 
s<  iiUnient  par  l'Ecriture,  mais  par  la  tradi- 
tion de  rKi;lise.  Il  lait  voir,  I.  vii,  c.  17, 
p.  898it  899,  que  l'Eglise  catholique  est  plus 
ancienne  que  toutes  les  hérésies,  qu'elle 
est  une  dans  sa  dncirine  el  dans  sa  foi, 
qu'elle  les  lire  du  'reslamenl  ijui  appartient 
à  elle  seule  ;  que  comme  la  doctrine  des 
apôtres  a  été  une,  il  en  est  de  nicinc  de  la 
tradition  qu'ils  ont  laissée.  Potier  et  Beau- 
sobre  ont  lâché  de  travestir  le  sens  du  mot 
tradition  dans  ce  passage  et  dans  celui  de 
saint  Paul,  II  Thess.,  c.  ii,  v.  14;  ils  n'y  ont 


p.is  réussi.—  Origène,  dans  la  préface  de  ses 
livres  des  Principes,  n.  2,  prescrit  la  même 
régie.  «  Comme  ily  ena  plusieurs, dit-il,  qui 
croient  suivre  la  doctrine  de  Jésus-Christ, 
el  qui  sont  cependant  de  divers  sentiments; 
comme  d'ailleurs  l'Eglise  conserve  la  prédi- 
cation qu'elle  a  reçue  des  apôtres  par  suc- 
cession, et  que  celte  doctrine  y  subsiste  en- 
core aujourd'hui,  on  ne  doit  tenir  pourvérité 
que  ce  qui  ne  s'écarte  en  rien  de  la  tradition 
ecclésiastique  et  apostolique.  »  Cette  profes- 
sion de  foi  est  si  claire,  qu'elle  rend  toute 
anire  citation  inutile.  —  Saint  Denis  d'A- 
levandrie,  disciple  d'Origène,  était  dans  le 
mémo  sentiment;  il  est  cité  par  saint  Alha- 
nase  cl  par  saint  Basile.  —  Lorsqu'au 
iir  siècle  il  y  eut  contestation  louchant  la 
validité  du  ha()tème  donné  par  les  héréti- 
ques, le  pape  saint  Etienne  n'opposa  aux 
évèques  d'Afrique  que  ce  seul  mot  :  A'inno- 
voiis  rien;  suirons  la  tradition.  Saint  Cy- 
prien  ne  niait  point  la  solidité  de  ce  prin- 
cipe, mais  il  croyail  que  la  tradition,  que  le 
pape  lui  opposait,  n'était  ni  certaine,  ni  an- 
cienne, ni  universelle,  et  qu'elle  était  ojipo- 
sée  à  l'Ecriture  sainte;  en  quoi  il  se  trom- 
pait, Epist.  Ik  ad  Pnmpeium,  elc.  Aussi  la 
tradition  prévalut-elle  à  tous  les  arguments 
de  ce  Père. 

A  toutes  ces  autorités  les  protestants 
répondent  que  l'on  pouvait  suivre  en  sûreté 
la  tradition  des  trois  premiers  siècles,  parce 
qu'elle  était  encore  toute  fraîche  ,  qu'elle 
n'avait  pas  encore  eu  le  temps  de  se  <'or- 
rompre,  et  que  la  croyance  chrélieune  était 
réduite  à  peu  de  dogmes,  mais  qu'il  n'en  a 
pas  été  de  même  des  siècles  suivants,  parce 
que  celle  tradition  s'est  altérée  peu  à  peu  , 
et  que  les  dogmes  se  sont  multipliés.  Ils 
disent  ,  en  second  lieu  ,  que  les  anciens 
parlaient  de  la  tradition  eu  l'ait  «i'usages  et 
de  pratiques,  et  non  on  fait  de  dogmes  et  de 
doclrine.  —  Bien  n'est  plus  faux  que  cette 
réponse.  1°  Il  suffit  de  lire  les  passages  quo 
nous  avons  cités  pour  voir  qu'il  y  cstquestion 
de  tradition  en  matière  do  doctrine,  et  non 
en  matière  d'usage.  2°  Lorsque  nous  prou- 
vons, par  la  pratique  du  second  siècle  le 
culte  rendu  aux  martyrs  et  à  leur  reliques, 
à  la  hiérarchie,  la  présence  réelle  de  Jésus- 
Christ  dans  l'eucharistie,  etc.,  nos  adver- 
saires ne  font  pas  plus  de  cas  de  cette  tradi- 
tion que  de  celle  dos  siècles  suivants.  Ils 
disent  même  que  la  doctrine  de  Jésus-Christ 
a  commencé  a  se  corrompre  immédiatement 
après  la  mort  des  apôtres.  Ils  placent  dans 
ce  même  temps  les  causes  des  prétendues 
erreurs  qu'ils  attribuent  aux  Pérès  de  l'E- 
glise, savoir,  leur  ignorance,  leur  défaut  de 
critique,  la  confiance  esci'ssi\.'  qu'ils  ont 
eue  à  la  version  des  Septante,  trop  de  com- 
plaisance pour  les  Juifs  et  pour  le»  pa'iens  , 
afin  de  les  attirer  à  l.i  foi,  trop  d  attachement 
à  la  philosophie  pa'ienne,  etc.  '5"  Il  est  faux 
que,  dans  ces  premiers  lemi. s  ,  la  cl'oyance 
chrétienne  ail  été  réduite  à  p:  u  de  dogmes; 
cette  croyance  n'a  jamais  augmenté  ni  dimi- 
nué :  nous  prouver  mis  ci  après  que  non- 
seulement  il  ne  s'y  est  introduit  aucun  nou- 


«25 


TRA 


vel  article,  mais  qn'il  a  été  impossible  d'y 
en  introduire.  k°  Nous  avions  déjà  fait  voir 
qu'en  supposant  que  ia  tradition  peut  perdre 
de  son  poids  par  le  laps  des  siècles,  l'on  atta- 
que la  certilude  des  faits  fondamentaux  du 
christianisme.  Enfin  la  nécessité  et  l'autorité 
de  la  tradition  en  matière  de  foi  est  ou  une 
vérité  ou  une  erreur;  si  c'est  une  vérité,  le 
protestantisme  est  renversé  par  le  fonde- 
ment; si  c'est  une  erreur,  elle  date  du  se- 
cond siè<'le,  elle  vient  des  disciples  Immédiats 
des  apôires;  c'est  liur  exemple  qui  a  égaré 
les  siècles  suivants. 

Quant  au  iv'  siècle,  nous  avons  déjà  va  ce 
que  pensait  Eusèbe  au  sujet  de  saint  Ignace 
et  d'Héjiésippe,  ei  l'on  est  frappé  ,  en  lisant 
son  Histoire  ecclésinstitjue ,  de  l'exactituile 
avec  laquelle  il  rapporte  les  sentiments  des 
Pères  des  trois  siècles  précédents  ,  et  copié 
leurs  propres  termes.  Dans  les  disputes  qui 
survinrent  entre  les  ariens  et  les  catholi- 
((ues,  l'on  opposa  toujours  aux  premiers  la 
tradition,  le  sentiment  des  dorteurs  qui 
avaient  vécu  depuis  les  apôtres.  C'est  l'ar- 
gument qu'opposaient  à  Arius  et  à  ses  par- 
tisans, Alexandre,  son  évêque,  et  ceux  de 
son  patriarcat  qu'il  avait  assemblés  pour 
juger  ces  hérétiques,  ils  leur  reprochaient 
de  se  croire  plus  savants  que  tous  les  doc- 
teurs de  l'Eglise,  qui  les  avaient  précédés  ; 
ïhéodoret ,  Hist.  ecclés.,  \.  i,  ci,  p.  17. 
On  fit  de  même  au  concile  de  Nicée.  Ainsi 
en  agirent  encore  les  évêques  du  concile  de 
Rimini,  soit  avant,  soit  après  avoir  été  sé- 
duits par  les  ariens.  Voyez  les  Fragments 
(le  saint  Hilaire  de  Poitiers  ,  col.  13il  et 
1345.  A  la  vérilé  les  ariens  mêmes  voulurent 
se  couvrir  du  manteau  de  la  tradition  pour 
rejeter  les  termes  di;  substance  et  de  consub- 
stantiel,  en  parlant  du  Fils  de  Dieu,  desquels 
ils  prétendaient  que  l'on  ne  s'était  pas  servi 
jusqu'alors.  Jbid.,  col.  1308  et  1319.  Ils 
appelaient  ainsi  tradition  le  silence  des 
siècles  précédents,  pendant  que  les  catholi- 
ques entendaient  par  là  le  témoignage  for- 
mel et  positif  des  docteurs  de  l'Église  :  ce 
sophisme  est  encore  aujourd'hui  renouvelé 
par  les  protestants.  —  En  383,  au  v  concile 
de  Constanlinople  ,  les  ariens  refusèrent 
encore  d'être  jugés  par  le  sentiment  des 
anciens  Pères.  Sorrate,  Hist.  ecctés.,  1.  v, 
cap.  10.  Saint  Alliariase  les  renvoyait  conti- 
nnelleinent  à  celte  Irndition  ,  toujours  res- 
pectée et  toujours  suivie  dans  l'Eglise. 
Orat.  3,  contra  Arian.,  n.  18,  p.  568;  Epist. 
1,  ad  Serap.,  n.  28,  p.  (J76,  n.  33,  p.  682;  L. 
deSynodis,  n.  5,  p.  719;  Eijist.  adJov.,  n.  2, 
p.  781,  etc.  Saint  Basile  l'oppose  à  ces  mêmes 
hérétiques  et  aux  macédoniens  ou  pneu- 
matoma<iues,  L.  de  Spir.  sancto,  c.  7  et  9  :  il 
leur  reproche  leur  alîectation  de  recourir  à 
l'Ecriture  sainte ,  comme  si  les  Pères  des 
trois  siècles  précédents  ne  l'avaient  pas 
consultée  aussi  bien  qu'eux;  il  prouve  par 
saint  Paul  la  nécessité  de  s'en  tenir  à  la 
tradition,  et  il  soutient  que  sans  cette  sau-, 
vegarde  on  renverserait  bientôt  toute  la 
doctrine,  ibid.,  c.  19.  —  Nous  pourrions  ciier 
saint  Grégoire  de  Naziauze,  saint  Ambroise. 


fRA  824 

saint  Jean  Chrysostome ,  saint  Jérôme  et 
saint  Augustin,  quoique  les  trois  derniers  ne 
soient  morts  qu'au  commencement  du  v* 
siècle;  mais  les  protestants  font  peu  de  cas 
du  sentiment  de  ces  Pères  (1).  ils  se  plai- 

(1)  Le  cardinal  de  la  Luzerne  .i  fortifié  celte 
preuve  dans  sa  dissenalioii  sur  les  Eglises  ratlioli- 
que  el  pndeslanle.  Viiici  coniineiit  il  s'exprime  ; 
<  Saint  Justin  rapporte  la  précipie  de  ce  ébrer  le  di- 
manche en  s'asscniblaiit  dans  l'église  à  une  Iradilioi» 
donnée  par  Jcsns-Glirist  à  ses  apôires  et  à  ses 
disciples  dans  une  de  ses  apparitions  {Apol.  i  , 
cap.  67).  Dira-t-on  que  ce  snini  martyr  ignorait  ce 
dont  il  parlait?  Dira-t-on  que  .lésns-Chrisl  n'avait 
pas  en  etiel  donné  ce  précepie?  Dira-l-on  que  ce 
préceple  fait  partie  de  la  tradition  écrite  ?  Que  nos 
adversaires  choisissent  entre  ces  assenions  al)surdi's 
celle  qui  leur  plaira  le  plus.  —  Saint  Irénée  élaliiit 
raulonlé  de  la  tradition  dans  plusieurs  endroits, 
c  Quand  nous  appelons,  dit-il,  les  hérétiques  .a  la 
iraiiiiion  qui  vient  des  apôtres,  el  qui  se  conserve 
dans  l'Eglise  par  les  successions  des  évêques,  ils 
conibatlenl  la  iradiiion.  Ceux  qui  dans  toute  l'Kgli^e 
veulent  voir  la  vérilé,  n'ont  qu'à  considérer  la  tradi- 
tion des  apôlres  manifestée  dans  le  inonde  entier. 
Km  iiionlranl  la  tradition  que  l'I^glise  a  re(;ue  des 
apôlres  el  la  foi  annoncée  aux  hommes,  laquelli* 
parvient  jusqu'à  nous  par  les  successions  des  évê- 
ques, nous  confondons  tous  ceux  qui,  de  (pielque 
manière  (iiie  ce  soii,  moissoimeni  où  ils  ne  doivent 
pas....  par  l'ordiiiatiou  divine  el  par  la  succession, 
la  tradition  et  la  prédication  de  la  vérité  qui,  dans 
l'Eglise,  vient  des  apoires,  arrive  jusqu'à  mous  ;  et 
c'est  la  marque  certaine  que  la  même  el  unique  foi 
vivilicaUice  se  conserve  dans  l'Eglise  dept.is  les 
apôtres  jusqu'à  présent,  transmise  avec  vérité.  > 
(Contra  Hœres.,  lib.  m,  cap.  2).  Deux  choses  sont 
ici  certaines  :  la  première,  que  saini  Iréiiée  combat 
les  hérétiques  par  la  tradition,  el  qu'il  la  donne 
comme  une  régie  de  foi  ;  la  secoiiile,  que,  la  tradition 
dont  il  parle  est  la  trailition  noii  écrite,  el  non  pas 
l'Ecriture  sainie.  C'est  la  iradiiion  qui  découle  des 
apôtres,  par  les  successions  des  évêques,  c'esl-à- 
dire  celle  qui  s'est  transmise  <le  bonclte  en  bouclie, 
el  qui  s'esi  ainsi  conservée  dan-  les  différents  sièges. 
Si  ce  Père  avait  eu  vue  riicrilure  sainte,  il  s'expri- 
merait autrement,  il  l'indi  iiierail  clairement.  —  «J'é- 
talilis,  dit  Teriuliien,  eeiie  prescripliim,  qu'on  ne 
doil  pas  prouver  ce  que  les  apùlres  ont  prêché, 
c'est-à  dire  ce  que  Jésus-tJMist  leur  a  révélé,  autre- 
ment que  par  les  églises  que  les  apôtres  ont  fondées, 
eu  leur  prichant,  soit  de  vive  voix,  suit  ensuite  par 
leurs  épitres.  Cela  étant,  il  est  certain  que  toute 
doctrine  qui  s'accorde  avec  ses  églises-mères  el  ori- 
ginaires de  la  foi  doil  être  regardée  comme  la  vé- 
rité.... Ce  qui  est  trouvé  le  même  |iarloul  n'est  pas 
une  erreur,  c'est  une  Iradiiion.  >  (Oe  frœscripl.  , 
cap.  21).  0"C  Teriuliien  entende  ici  la  tradition 
écrite,  on  ne  peut  pas  le  coniester.  D'abord  il  en 
fait  une  menliou  expresse,  en  parlant  de  la  prédica- 
tion fane  de  vive  voix  par  les  apôtres;  ensuite,  s'il 
voulaii  parler  de  l'Ecriture  saime,  pourquoi  ne  la 
nommerait-il  pas  expressément  ?  — Saint  Clément 
d'Alexandrie,  après  avoir  parle  de  ilill'érenls  saints 
personnages  qu'il  avait  vus,  qui  étaient  dans  une 
haute  esiimc  el  considération,  spécialement  d'un 
qu'il  avait  recherché  eu  Egypte,  qu'il  dii  être  une 
véritable  abeille  de  Sicile,  recueillant  le  suc  des 
fleurs  de  la  prairie  pro|diéliquc  et  aposloliipie , 
ajoute  :  Ces  hommes  cunservaient  la  vraie  tradition 
de  la  bienheureuse  doctrine  donnée  pir  Pierre  , 
Jean,  Paul  el  les  saints  apôtres,  de  mêiiie  qu'un  fils 
Il  recevrait  de  sou  père.  Ellessont  parvenues  jus- 
qu'à nous  par  la  volonté  de  Dieu,  les  semences  apos- 
toliques données  par  leurs  ancêtres,  et  dont  ils  oui 


88K 


TRA 


gnent  dn  ce  que  depuis  cette  <''poque  les  com- 
inenlaipiirs  de  ri'xrilure  sainte  n'ont  fait 
;iulre  cliose  que  compiler   les  explications 

élé  les  (ii'positaires.  >  {Slromnt.,  jib.  i,  cap.  i.)  II  ne 
peut  pas  y  avoir  de  doiile  que  le  sdIiii  dooleiir  ne 
parle  de  la  irailillon  non  «'crile,  (iiilrc  que  loin  le 
corilexie  rannoiici',  outre  cpie  c'est  une  tradition 
reçue  coninie  du  pèie  au  (ils;  saint  Clonienl  dit 
qu'elle  vient  des  apuires,  dont  plusieurs  n'ont  pas 
Irtissé  d'éiiiis  parmi  les  livres  canoniques.  —  c  Nous 
dénioiilrous,  dit  saint  Atlianase  aux  ariens,  que  no- 
tre doctrine  a  été  transmise  de  pèies  en  pères  , 
comme  par  la  itiain.  Mais  vous,  nouveaux  juifs,  dis- 
ciples de  Caiplie,  quels  pères,  quels  ancêtres  nion- 
4rez-voiis  de  vmre  eiiseigm  nient  ?  Vous  ne  pouvez 
en  riler  aucun  auteur  parmi  les  hommes  doctes  et 
prudents.  »  {De  Derrvl.  i\ic.  syiioclic,  n.  27.)  — 
krouions  saint  liasile,  établissant  l'aulorité  do  la 
tradition  aiis.si  positiveinenl  qu'il  soit  possible.  <  Ce 
qui  a  clé  dit  par  nos  ancêtres  est  ce  que  nous  di- 
sons.... Entre  les  dogmes  oX  le-;  institutions  (|!ie  l'on 
prêche  dans  l'Kglise,  nous  en  avons  qui'lqiies-iins 
qui  sont  de  la  doctrine  produite  par  écrit;  nous  en 
recevons  quelques  antres  de  la  tradition  des  apôtres, 
transmise  avec  plus  de  secret.  Les  uns  et  les  antres 
ont  une  égale  force  pour  établir  la  piélé ,  et  ils  ne 
s<iiit  contredits  par  aucun  de  ceux  i|ui  savent  le 
moins  du  inonde  (pndles  sont  les  lois  de  l'li(;lise. 
Car  si  lions  entreprenons  de  rejeter,  comme  élsnl 
de  pen  de  poids,  les  comiimes  (|ui  ne  sont  pas  écri- 
tes, nous  portons  un  grand  préjudice  à  l'IivangiJe 
même,  ou  pluiot   nous  réduisons  à  un  pur  nom    la 

•prédication  de   la  foi Un  jour   ne  suiTir;iit  pas 

pour  lapporler  tous  les  dogmes  transmis  autrement 
que  par  éiril.  Que  cen\  qui  veiilenl  rejeter  notre 
manière  de  gloriher  le  Seigneur,  comme  n'étant  pas 
prescrite  par  écrit,  nous  montrent  et  la  profession 
<tc  foi,  et  les  autres  choses  que  nous  admetloiis, 
•pronvées  par  les  Ecritures...  Contre  ce  qu'on  allègue, 
•que  la  glorilicaiion  avec  le  Saint-Esprit  manque  de 
témoignage,  et  n'existe  pas  dans  les  Ecritures,  nous 
Tépoiidons  :  S'il  n'est  rien  reçu  que  ce  qui  est  dans 
iee  Ecritures,  nous  consentons  que  cela  même  ne  le 
soit  pas.  Si  au  coniraire  un  grand  nombre  de  choses 
sont  reçues  sans  être  ciunprises  dans  les  Ecriinres, 
naus  recevons  celle-là  avec  beaucoup  d'autres.  .Mais 
je  suis  persuadé  qu'il  est  dans  la  docli  iiie  apostnli- 
ique  de  nous  attacher  même  au\  traditions  non  écri- 
les.  Saint  Paul  dil  :  Je  vous  lnue  de  vuus  être  souve- 
nus des  Irndilions  que  je  vous  ai  ap|iO)(ées;  et  ailleurs  : 
Conservez  les  Iradittom  que  voui  urez  refties,  soit  par 
mes  discours,  soit  par  iiton  éiiitre.  l)e  ce  nombre  est 
celle  que  nous  traitons  ici,  que  ceux  qui  ont  prêché 
dans  le  coiomercemenl  ont  transmise  à  leurs  succes- 
seurs, et  que  par  le  laps  de  icnips  un  long  u.-.age  a 
enracinée  dans  les  églises,  i  (De  Spir.  saucto,  c.  7.) 
i\  peut  paraître  étonnant  d'entendre  saint  tiasile  dire 
qu'en  rejetant  la  tradition  non  écrite  on  porte  préju- 
dice à  l'Evangile  même.  Mais  il  laiit  faire  atlention  que 
la  tradition  est  d'abord  l'inlerprèle  le  plus  lidéle  de 
l'Evangile,  et  ensuite  le  seul  garant  de  son  aullien- 
licilé,;  ipi'ainsi  la  rejeter,  c'est  se  priver  du  moyen 
le  plus  sûr  d'en  connaitre  le  vrai  sens,  el  du  seul 
moyen  d'être  assuré  qu'il  est  véritablement  des  au- 
teurs sacrés  dont  d  porte  le  nom.  —  Saint  Epipliane 
«lit  :  (  La  tradition  est  aussi  nécessaire,  car  on  ne 
peut  pas  tout  chercher  dans  les  Ecritures.  C'est 
pour  cela  que  les  saints  ai)c)lre3  nous  ont  laissé  des 
choses  par  écrit,  et  d'autres  par  tradition.  Saint 
Paul  l'assure  en  ces  termes  :  Comme  je  vous  /'.  i 
transmis,  et  ailleurs  :  Ainsi  je  l'enseigne,  ainsi  je  l'ait 
transmis  dans  l'Eglise...  .le  dis  que  l'Eglise  doit  né- 
cessairement observer  le  riie  qu'elle  a  reçu,  transmis 
par  ses  ancêtres.  (Juelqu'un  peut-il  enlieindre  la 
sanction  inalernelle,  ou  la  lui  paiernelle,  selon  ce 
t]iK  dil  Salomon  ;  Ecoulez,  mon  fus,  les  discours  de 


TRA  826 

des  Pcrcs  ,  et  que  l'on  s'en  est  tenu  à  leur 
lémoiKiiap;e  pour  prouver  les  dogmes  de  la 
foi.  Ils  diseni  que  c'est    principalement  au 

voire  père,  el  ne  rejetez  pas  la  loi  de  voire  mère,  t 
(llœres.  61,  c.  (i.)  Ce  serait  obscurcir  des  textes 
aiis>i  clairs  que  ceux  de  saint  Epi|)hane,  que  d'en- 
treprendre de  lescomiiienier.  —  Saint  Jéiome  n'est 
pas  moins  formel  el  moins  cliir,  et  cela  dans  plu- 
sieurs endroits.  Képondant  à  des  questions  qui  lui 
avaient  été  laites,  il  donne  cet  avis  géni'ral  que  les 
traditions  ecclésiastiques,  et  sunniit  celles  qui  ne 
pcirtent  aucun  préjudice  à  la  loi,  doivent  être  obser- 
vées de  la  manière  (pi'elles  ont  él.>  transmises  par 
les  ancêires,  et  que  la  coutume  d'un  pays  n'est  pas 
inlinnée  par  l'usage  coniraire  des  antres  pays.  Dans 
une  autre  épitre  il  dit  que  c'est  d'après  la  tradition 
des  apolres  ipie  nous  jeûnons  pei.danl  le  Carême  et 
d.ins  le  cours  de  raiinée  aux  jours  convenables.  Il 
répond  aux  Incileiiens  que,  quand  même  il  n'aurait 
pas  l'autorité  de  la  sainle  Ecriiure,  le  consentcmeni 
de  l'univers  entier  aurait  la  force  du  précepte;  car 
beaiicioup  d'autres  choses,  qui  sont  observées  par  la 
tradition  dans  b  s  églises,  ont  acqiiis  l'autoriié  de  la 
loi  écrite  (Epist.  78  ,  ad  Luciniiim).  —  Saini  Jean 
Chrysostoine  s'exprime  sur  notre  ohjet  aussi  forte- 
ment que  les  précédents,  i  Ce  n'est  pas  seulement 
par  ses  lettres,  c'est  aussi  par  ses  paroles  que  saint 
l'.iul  ilédare  à  Son  discipe  (Timotliée)  ce  qu'il  doit 
faire.  Il  le  montre  en  plusieurs  endroits,  disant  : 
Soit  par  nuire  parole,  soit  par  l'épilre  que  nous  vous 
avons  envoyée.  Pour  que  nous  n'imaginions  |.as  que 
nous  avons  une  doctrine  moins  étendue,  il  a  transmis 
à  ce  disciple  beaucoup  de  choses  sans  les  écrire,  et 
il  les  rappelle  à  son  souvenir,  en  lui  disant  :  Con- 
servez la  l'orme  des  saintes  paroles  que  vous  avez  en- 
tendues de  moi.  t  Expli(piaiil  dans  une  antre  homé- 
lie le  litre  de  l'Epitre  aux  1  hessaloniriens,  que  j'ai 
cité,  il  s'exprime  ainsi  :  <  C'est  pourquoi,  mes  (rères, 
soyez  ferme-u  et  conservez  les  Irudiiious  i/hc  vous  avez 
apprises,  \oU  par  mes  discours,  soit  par  mon  Epitre.  Il 
esl  c  l.iir  par  l;i  cpie  les  apciires  n'ont  pas  tout  ensei- 
gné dans  leurs  Epiires,  mais  qu'ils  ont  transmis 
beaucoup  de  choses  sans  écritures;  et  celles-là  doi- 
vent avoir  aussi  notre  croyance.  En  conséqui'iice, 
nous  devons  regarder  aussi  la  tradition  de  l'Eglise 
comme  digne  de  foi.  C'est  la  iradition  ;  ne.cheicbez 
rien  ne  plus,  i  (Homil.  5,  in  Eiiist.  ad  Tim.)  —  Ce 
serait  un  irés-long  ouvrage  de  rapporier  tout  ce 
qu'on  lit  dans  les  ouvrages  de  saint  Augustin,  sur 
l'autorité  de  la  traililion  non  écrite,  liornons  nons  à 
quelques  passages,  où  sa  doctrine  est  bien  neltemenl 
exprimée.  Il  oppose  au  pélagien  Julien  l'autorité  des 
l'èies  qui  l'ont  précédé,  et  il  la  fonde  sur  le  mêine 
nio.if  ipie  nous,  i  Ce  qu'ils  ont  trouvé  dans  l'Eglise, 
ils  l'oiii  conservé;  ce  cpi'ils  ont  appris,  ils  l'ont  en- 
seigné; ce  qu'ils  ont  reçu  des  Pères,  ils  l'ont  trans- 
mis aux  enfants,  t  Parlant  dans  le  même  ouvrage 
du  pi  ché  originel  :  i  Quoiqu'on  ne  puisse,  dit-il,  dé- 
couvrir ce  dugine  par  aucune  raison,  quoiqu'on  ne 
puisse  rexpli(|uer  |iar  aucun  discours,  ce  qui  est 
prêché  de  tnuie  aiiiiipuié  (dinine  la  loi  calholiipie, 
et  cru  p.ir  tonte  l'Eglise,  esl  nue  vérité.  »  Traitant 
de  ruiiité  du  bapièine  :  i  INous  faisons  ainsi,  dit-ii  , 
nous  l'avons  reçu  de  nos  pères,  nous  le  conseivons 
dans  l'Eglise  catholique  répandue  par  toute  la  terre, 
contre  les  images  de  la  subtilité iNe  nous  objec- 
tez pas  l'autorité  de  Cyprieii  sur  la  réilératioii  du 
baptême,  mais  suivez  avec  nous  l'exemple  de  Cv- 
prien  pour  la  conservaiion  de  l'unité.  Cette  question 
sur  le  baptême  n  éiaii  pas  encore  snffisaininrnt  ap- 
proloiidie,  mais  cepiîiidant  l'Eglise  observait  la  sa- 
lutaire coutume  de  corriger  dans  les  hérétiques  et 
les  se  liis.iiaticjues  ce  qui  est  mauvais,  de  ne  point 
réitérer  ce  qui  a  été  nonné,  de  guéiir  ce  qui  a  be- 
soin de  l'être,  de  ne  pas  tiaiter  ce  qui  est  sain.  Je 
regarde  cette  coutume  coinine  venaiii  de  lu  tradition 


827 


TRA 


IV'  que  se  sont  faites  les  prétendues-  inno- 
vations dont  ils  se  plaignent.  Voyons  si  cela 
est  possible. 
Huitième  preuve.  Les  Pères  ont  consîam- 

des  apôtres,   .linsi   que   beniiconp   d'autres    choses 
qu'on  ne  liouve   ni  diins  leiir-i   épilres,  ni   dans   l«s 
çno' lies   pnsiérieirs;    el   cependant,    cnmme  elles 
siinl  ol)sei'vées  dans  lonle  i'Iiglise,  on  tienl  qu'elles 
ont  élé  irnnsinises  el    rec(>mniandées  par  les   apô- 
tres. I    Snr   le   liiiplèinc  ries   enfants,    il  s'exprime 
ainsi  :  i  La  cnnlunie  de  l'Kjjlise,  noire  mère,  rclaii- 
venient  au  bapiême  des  petits  enfants,  ne  doit  être 
ni  méprisée  ni  aiirnnemenl  leRardée  comme  super- 
fine,  et  on  ne  sérail  pas  obligé  d'y  cmirc,  si  ce  n'é- 
lail  p;is  nnn  tr.nlition  apo-loli(|ne.  Si  nnus  pouvions, 
dil  il,  d:ins  nii   auire  onvraiie,  coiisnlier  f:icilenienl 
le  dorie  Jérôme,  combien  il  nous  citerait  il'écrivaiiis 
de  l'un.'  el  de  l'uilre  langue,  qui  onl  Ou    interprété 
les  Ecriinris,  ou  discnié  les  vérités  du  clirisliaiiis- 
nie,  qui,  depuis  l'origine  de  l'Eglise,  n'ont  eu  d'au- 
tre doctrine  que  eel!e  qu'ils  avaient  reçue  de  leurs 
pères,  et  qu'ils  uni  en-eiiJuée  à   leurs  desoemlanis  I 
Nous  autres,  cialilil-il  aille  irs.  professons  la  foi  ca- 
lludique,  qui  vient  de   reusei'^uement   des  apôlres, 
plaiiiée  parnii   imiis,  reçue  par  une  suite  de  succes- 
sions,  et  que    mous  ilevnns   iransmefre  pure  à    la 
posiérilé.  >   Il  développe  dans  iilusienrs  endroits  les 
principes  surl'oiigine   des   iradiiions    non  écrites, 
sur  l'oliligation   d'()li>erver  coutine  veiiaul  des  apô- 
tres celles  (|ni  sont  nuiver^elles,   sur  la  convenance 
de  pratiquer  les   iis:iges  qui   se  pratiquent  dans  le 
pays  où  on   se  trouve.  Je    n'en   citerai    qu'un   seul 
passage  relatif  à  notre  objet  :  Ces  clmses  que  nous 
ob-ervons,  qui  sont,  non  pas  écrite-,  iniis  iransini- 
ses,  el  qui  .'-oui  pratiquées  dans  tonte  la  lérre,  nnus 
devons   comprendre   qu'elles  onl  éié   instituées,  ou 
par  les   apôlres  lux-mèmes,    ou   |iar   les   conciles, 
dont  l'auiorilé  salutaire  s'élend  sur  toute  l'Eglise,  i 
{Contra  Ju(.,  I.  Il,  c.  3i.)  -^  Saint  Cyrille  d'Alexan- 
drie veut  que,   pour   réloriner  ses   erreurs  et   pour 
revenir  à  la  vraie  foi,  on  étudie  avec  soin  les  écrits 
des   saints   Père^ ,  qui   sont   universellenienl   loués 
pour   l'exactitude   et  la  cerliiude   du  dogme.   Tous 
ceux  qui  ont  le   cœur  pur  s'efforceul  de   se  coiirur- 
iner   à   leurs  opinions.    La   raison  qu'en   donne   ce 
l'ère,  est  que  ces  grands  docteurs   s'étaiil  pénétrés 
de   l'esprit  de   la  tradition  apostolique  et  évan;;éli- 
qiie,  et  ay;int  traité  d'après  l.'S  sainle-  Ecritures  les 
pandes  de  la  fni  avec  vérité  et  sans  reproche,  sont 
devenus  les   lumières  du  ntonde,  reiifermanl  dans 
eux,   ainsi   qu'il  esl  éciit,   la   parole  de    vie  (Arfu. 
Orient.,  sive  liber  apologeticus,  aiiatlieina  8).  INous 
viiyons  ici  d'abord  l'auionlé  des  saints  Pères  établie, 
ensuite  la  dislinclion  laile  eiiire  la  triidiiion  évangé- 
lique  et  apostolique,   enlin   l'usage  de   la  iradilion 
pour  rintelligence  de  l'Ecriiure.  —  Vincent  de  Lé- 
rins  établit  de  la  manière  la  plus  formelle  la  néces- 
sité de  joindre  l'autorilé  de  la  tradition  à  celle   de 
l'Ecriture,   pour  connaître   la  vraie  foi.  i  Souvent, 
avec  un  grand  soin  et  avec  une  grande  alleniiou,  je 
lue  suis  informé  auprès  île  beaucoup  de  personnages 
distingués  par   leur  sainteté  et  leur  science,   (oin- 
menl  el  par  quelle  règle  certaine  et  générale  je  puis 
discerner  la  vérité  de  la  foi  catholique  de  la  lausselé 
de  la  criniiuelle  hérésie.  J'ai    reçu  ciuistamment  de 
pres(|ue  (nus  celte  réponse  :  Qiiicunque,  soit  moi, 
soit  tout  autre,  veut  découvrir  les  fraudes  des  héréti- 
ques, éviter  leurs  pièges  et  deimuirer  pur  et  entier 
dans   la  loi,  doit,  avec  l'aide  de  Dieu,   munir  sa   foi 
de  deux   manières  :  d'abord   par  l'anlnriié  de  la  foi 
divine,  ensuite  par  la   tradition  de  l'Egli-e  catholi- 
que. (.Iiiclipi'un  (irniaudera  peut-éire:  Si  le  canon  des 
Ecriiures  est  parldl,  s'il  se  snllil  .siirabondammeiit, 
qu'est  il  liesiiin  d'y  jciiiidre  l'autorité  de  l'iirielligence 
ecclesiastupie'.'  (/est  parce  que,  ii  raison  même  de  sa 
hauteur ,  iLcritum  n'cbt  pas  entendue  par  tous  dins  le 


TRA  828 

mexti  soutenu  qu'il  n'élaif  permis  à  personne 
de  s'écarlcr  de  la  trud  lion  on  de  l'enseigne- 
ment public  el  constant  de  riîjjlisp,  donc  ils 
ne  l'ont  pas  fait  el  n'ont  pas  pu  le  faire  sans 

même  sens;  mais  ses  expressions  sont  inlerpr  lées 
diversement  par  les  nus  et  par  b's  autres;  eu  sorte 
qu'.'iulaut  il  y  a  d'Iioiiinies,  autant  ou  peut  en  infé- 
rer d'opinions  dillénuites.  Novatien  ,  Pholiu,  Sabel- 
lius,  etc.,  l'entendent  ions  de  diverses  manières.  Et 
par  celé  raison,  à  cause  des  détnurs  si  mnilipliés 
et  si  variés  de  l'erreur,  il  esl  né ress  lire  que  l'inter- 
préi;iii()n  de  la  doctrine  prophétique  el  apostolbiue 
soil  dirigée  selon  le  sens  ecclésiastique  et  catholi- 
que. Dans  l'Eglise  catholique,  il  faut  avec  le  plus 
grand  soin  tenir  ce  ipii  partout,  ce  qui  toujours, 
ce  qui  par  tiuts  a  élé  cm...  ("est  ce  qui  arrivera,  si 
nous  suivons  l'universalité,  l'antiquité,  le  consente - 
meut...  Nonssuivriinsl'autiquité.si  nous  ne  nous  écar- 
tons nuUeiuenl  dessenlinicnls  ipi'il  esl  inanifesie  i|ue 
les  Pères  onl  publiés.  Nous  suivrons  le  consentement, 
si  dans  raiitiquiié  nous  nous  atlach  )iis  aux  senli- 
menls  et  aux  déHnitioiis  de  Ions  ou  de  presque  Inus 
les  évêques  el  les  niaitres.  >  {Comm.,  c.  1,2,  3.) 
- — Au  conciliabule  appelé  vulgairement  le  br  gan- 
dage  d'Ephèse,  Dioscore,  chef  de  l'hérésie  euty- 
chienne,  invoqua  eu  faveur  de  sa  cause  l'autorilé 
des  saints  Pères.  Tout  le  concile,  et  les  évêques  ca- 
llioli(|ues  comme  les  antres,  reconnurent  celle  auto- 
rité, dirent  anallièiiie  à  qui  voudrait  innover,  et  dé- 
clarèrent qu'ils  conservaient  la  loi  des  sainis  Pères. 
(Inier  Acla  cane.  Clmtcccl.,  aci.  1,  Collect.  Ilnrdiiini, 
t.  VIII.)  Ainsi  c'était  nu  principe  recounu  uuiversel- 
lemeni,  et  par  les  hérétiques,  el  par  les  catlioliipies, 
que  la  tradition  est  une  règle  de  foi.  —  Saint  Léon  re- 
connaît et  établit  diserleinenl  l'aulurilé  des  siints 
Pères,  que  les  liéréiii|ues  seuls  conirediseni.  «  Pour 
que  votre  piété  sache  que  nous  sommes  d'accord 
avec  les  instruelioiis  des  vénérables  Pères,  j'ai  cru 
devoir  ajouter  à  ce  discours  quelques-unes  de  leurs 
maximes.  Si  vous  daignez  y  faire  altentiou,  vous 
verrez  que  nous  ne  professons  que  ce  que  nos  Pères 
ont  enseigné  à  tout  l'univers  ,  el  que  personne  ne 
diffère  d'eux,  sinon  les  impies  hérétiques.  Voire 
sollicitude  doit  exhorter  au  progrès  de  la  loi  le  peu- 
ple, le  clergé  el  toute  la  Iraternilé,  de  manière  à 
montrer  que  vous  n'enseignez  rien  de  nouveau,  mais 
à  l'aire  pénétrer  dans  tous  les  cœurs  ce  que  les  Pères 
de  vénérable  mémoire  onl  enseigné  par  une  prédi- 
cation unanime,  et  auxquels  noire  épilre  est  con- 
forme eu  tout  point.  Vous  devez,  el  par  vos  propres 
discours,  et  par  la  récitation  et  l'exposition  des 
écrits  aiilériciirs,  (aWi:  cnnnaitrc  au  peuple  que,  dans 
la  ducirine  actuelle,  ou  lui  proche  ce  que  les  saints 
Pères  avaient  reçu  de  leurs  piédé- esseurs,  el  ont 
transmis  à  leurs  successeurs.  Après  avoir  lu  d'ahurd 
les  euseignenientg  de  ces  anciens  évêques,  li.sez-letir 
ensuite  mes  écrits,  aliiide  leur  prnuverji|uenousn'en- 
seignons  pas  autre  chose  que  ce  que  nous  avons  reçu 
de  nos  auteurs:  qu'en  toutes  choses  doue,  et  dans  la 
règle  de  la  foi,  el  dans  l'observation  de  li  discipline,  le 
langage  de  l'ami  piilé  soil  conservé,  i  (Episl.  103,  ad 
Proieriiim,  Alex.episc,  e.  'i  et  3.) — Les  successeurs 
des  divins  apôtres,  dit 'riiéodurul,  furent  des  hoinines 
donl  (|uclques-niis  ont  entendu  leurs  vols  sacrées, 
et  ont  eu  le  bonheur  de  vivre  dans  leur  :idniirable 
soci  ié.  Beaucoup  d'entre  eux  aussi  ont  été  décorés 
de  la  couronne  du  martyre.  Vous  est-il  donc  permis 
d'agiter  contre  eux  une  langue  lilaspliéimiloire.  > 
(Dial.  1,  Immutaliilis.)  QiH'.\  mal  y  aurait-il  donc, 
quel  blasphème,  de  combattre  la  diictrine  des  suc- 
cesseurs des  apôlres,  si  ce  n'était  pas  celle  des  apô- 
lres qu'ils  avaient  reçue  el  transmise? 

I  Voilà  nue  longue  suite  de  saiiiis  docteursdes  pre- 
mier^ cl  des  plus  beaux  siècles  du  christianisme  et 
des  temps  où  nos  adversaires  reconnaissent  qiie'la 
toi  de  ^l'>gli:^c  était  pure,  qui  établisseul  d'une  ma- 


SS9 


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exciler  contre  eux  l'indisnafion  des  fidèles, 
el  suriDiil  lie  leurs  coll("';;ti('<.  A  entendre 
nos  ,'i(lvpr<aites,  il  senibli'  (|ui'  les  Pères  do 
l'l'>'lise  aient  élè  des  docienrs  i<nlé<  et  sans 
Con8é()uence,(iui  pouvaient  imaginer, écrire, 
ensei;:i)er  itiipuiiénieni  loutre  qui  leur  pl.ii- 
sail,  ou  des  fotirl>es  (jiii  ronlreilisaienl  d  iiis 
leurs  livres  ce  qu'ils  prêchaient  eu  public. 
C'est  pousser  trop  loin  la  prévention  el  la 
malignilé.  1°  Celaient  presque  tous  des  pas- 
teurs qui  instruisaient  un  troupeau  noui- 
breiix;les  premiers  p.irlaienl  à  des  assem- 
blées de  fidèles  qui  avaient  élé  enseignés 
par  les  apôtres  mêmes;  leuis  successeurs 
étaient  environnés  d'un  cler;;é  et  d'Iiommes 
avancés  en  âf;e  qui  avaient  appris  dès  l'en- 
fance la  doctrine  cliréiienne,  et  dont  plu- 
sieurs lisaient  sans  doute  l'Kcrilure  sainte. 
Croirons-nous  que  si  leur  évêque  leur  avait 
proposé  une  doctrine  nouvelle,  contraire  à 
celle  des  a|)ôlr('S,  aucun  d'eux  n'aurait  ré- 
clamé? Nous  veirons  bientôt  des  preuves  du 
coniraire.  2"  Plusieurs  de  ces  Pères  alla- 
quaient  dos  héréticiues  et  leur  opposaient  la 
tradition;  ceux-ci  ne  l'auraienl-ils  pas  in- 
voquée à  leur  tour,  si  elle  avait  été  pour  eux. 
lis  ne  l'ont  pas  fail;  par  les  écrits  des  Pères 
nous  voyotis  comment  ces  entêtés  se  défen- 
daient; les  uns  faisaient  profession  de  re- 
garder les  apôtres  comme  des  ignorants,  les 
autres  prétendaient  que  les  Pères  entendaient 
mal  la  doctrine  des  apôtres  ;  la  plupart  allé- 
guaient l'Kcriturc  sainte,  la  falsifiaient  et 
produisaient  des  livres  apocryphes;  presque 
tous  fondaient  leurs  erreurs  sur  des  raison- 
nenicnls  philosoplii(|ues.  Au  milieu  de  ces 
ennemis  il  n'était  pas  aisé  d'introduire  de 
nouveaux  dogmes  jusqu'alors  inconnus. 
3"  L'on  sait  ce  qui  est  arrivé  lorsqu'un  évê- 
que a  eu  cette  lémerilé,  quels  qu'aient  été 
ses  talents,  son  crédit,  son  rang  dans  l'Eglise, 
il  a  élé  censuré  et  dépossédé.  S'il  y  eut  jamais 
des  hommes  capables  de  changer  la  croyance 
commune,  ce  sont  Paul  de  Samosate,  Théo- 
dore de  Mopsuesie,  évêque  d'Anlioche,  et 
Nestorius,  patriarche  de  Conslantinople.  On 
ne  peut  contester  ni  leur  cipacilé,  ni  leur 
réputation,  ni  l'aulorilé  qu'ils  s'étaient  ac- 
quise; dès  qu'ils  voulurent  dogmatiser,  ils 
furent  condamnés  sans  ménageuienl.  Paul 
fui  accusé  p.ir  son  troupeau,  Nestorius  par 
son  clergé  ;  Théodore  déguisa  ses  sentiments, 
sans  quoi  il  aurait  eu  le  même  sort.  Si  tous 
les  trois  avaient  (idèlement  suivi  la  tradition, 
ils  seraient  au  rang  des  Pères  de  l'Eglise. 
Comment  ceux-ci,  toujours  surveillés  par  les 
fidèles,  par  leurs  collègues  el  par  li's  héréti- 
ques, ont-ils  pu  altérer  l'ancienne  croyance? 
Jls  l'ont  fait ,  disent  les  prolestanls  ;  donc 
ils  l'ont  pu,  n'importe  coiinnenl.  Au  iv  siè- 
cle nous  trouvons  des  dogmes  universelle- 
ment crus,  desquels  il  n'avait  pas  élé  ques- 
tion pendant   les  trois  précédents,  desquels 

nière  cl.iire  el  tranchante  l'aulorilé  sacrée  de  la  ira- 
diliun.  S'ils  avaienl  piévn  l'erreur  des  prole-iiinls 
sur  ce  snjel,  qu'aiuMieul  ils  pu  dire  de  plus  ciieigi. 
que  pour  la  eombatlre  ?  i  —  La  Luzerne,  Disscrla- 
tivn  sur  les  Eiitnes  callioliquc  et  vrolestanie. 


môme  on  avait  enseigné  le  contraire;  contre 
ce  fait  positif  et  prouvé  il  est  absurde  d'allé- 
guer de  prétendues  impossiliiJiiés.  Lorsque 
nous  demandons  aux  proleslanls  quels  sont 
ces   dogmes,  ils   en  citent  qnel(]nes-nns  au 
hasard,  sans  s'accorder  jamais  sur  l'époque 
de  leur  naissance.   Comme  en    parlant    de 
chacun  de  ces  dogmes  prétendus  nouveaux, 
nous  en  avons  prouvé  l'antiquilé,  nous  nous 
bornons   ici   à  des  réflexions   générales.   1' 
C'est   un   abus  dos  termes  de  nommer  fait 
positif,  preuve  positive  ,  le  prétendu  silence 
des   trois   premiers   siècles  ;  ce  n'est  (ju'nnc 
preuve  négative  qui  ne  conclut  rien.  Il  nous 
reste  très  peu  de  monuments  de  ces  temps- 
là  ,  nous  n'avons  pas   la  dixième  partie  des 
ouvrages   laiis    par    les   auleurs    chrétiens 
pendant  toute    la   durée  des    persécutions  ; 
l'on  peut  s'en  convaincre  par  les  catalogues 
des  écrivains  ecclésiastiques  el  de  leurs  ou- 
vrages. De  (jucl  front  peut-o:i  soutenir  (jue 
dans   cette    multitude   de    livres    perdus   il 
n'a  jamais  été  fait  mention  des   dogmes  et 
des    usages    crus    el  pratiqués  au   iv^  siè- 
cle?  Une   preuve  positice  qu'il   y  en   élait 
parlé,  c'est  que  les  Pères  de  ce  siècle  ,  qui 
avaient  ces  écrits  entre  les  mains,  ont  pro- 
teslé  qu'il  ne  leur  était  pas  permis  de  s'éi  ar- 
tcr  de  ce  qui  avait  été  enseigné  dans  les 
trois   siècles   précédenls.  Contre  ce   témoi- 
gnage universel   et   uniforme,  quelle   force 
peut  avoir  une  preuve  purement  négative? 
—  2°  Au  IV'  siècle  il  y  avait  des  églises  éta- 
blies non-souleuicnt  dans  tijules  les  provin- 
ces de  l'empire  romain,  mais  hors  des  limi- 
tes de  cet  empire,  en  Afrique  loin  des  côtes, 
dans  l'inlérieur  de  l'Arabie ,  dans  la  Méso- 
potamie et  dans  la  Perse,  chez  les  Ibères  et 
chez  les  Scythes  de  la  petite  Tarlarie,  chez 
les  Goths  et  les  Sarmates.  Cela  est   prouvé 
par  le  témoignage  des  écrivains  de  ce  siè.  le, 
et   par  les  évéques   de   presque    toutes  ces 
contrées    qui    se  trouvèrent   au    concile  de 
Nicée  l'an  325.  Or,  ces  Eglises  avaient  été 
fondées  pendant  les  deux  siècles  précédenls, 
et   quelques-unes   par   les  apôtres   mêmes. 
A-t-il  pu  y  avoir  de  la  collusion  enire  les 
évéques  dont  les  sièges  étaient  si  éloignés 
les  uns  des  autres,  dont  les  mœurs  et  le  lan- 
gage étaient  si  dilTerenls?  Quel  intérêt  com- 
mun a    pu  les  engager  à  recevoir  des  dog- 
mes opposés  à  ceux  qui  leur  avaient  été  en- 
seignés parleurs   fondateurs  ?  On  nous  dira 
sans  doute  que  cela  s'est  l'ait  insensiblement 
et  sans  que  l'on  s'en  soila|ierçu.  Mais  outre 
l'absurdilé  de  ce  sonimeil  général  qui  aurait 
Ti  gué  d'un   bout  de  l'univers  à  l'autre,  un 
changement  positif  arrivé  dans  la  docirine, 
prêché    publiquement,  a  dû  être   sensible, 
éloniier  les  esprils,  réveiller  l'altenlion.  Où 
a-l-il    commencé?  où  en  sont  les  témoins? 
Le  fait  positif  el  certain  es!  que  toute  inno- 
vaiion  a  fait  du  bruii,  a  exciié  des  réclama- 
tions et  des  censure^  ;  donc  le  fail  coniraire 
avancé  par  les  prolestanls  est  un  rêve  et 
une  absurdité.  —  3"   De   Ions  les  siècles,  il 
n'en    est    aucun    pendant    lequel    il  ,iit    pu 
le  moins    arri\er  un    changement    dans   la 
croyance   qu'au   ■¥«.   Dès  que  la  paix  eut 


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852 


élé  donnée  à  l'Eglise  en  313,  la  communi- 
cition  devint  plus  libre  el  plus  fréquente 
entre  les  différentes  sociétés  chrétiennes 
dispersées  ;  c'est  alors  qu'il  fut  plus  aisé  de 
savoir  ce  qui  était  enseigné  dans  ces  diver- 
ses Eglises;  c'est  donc  alors  que  la  tradition 
universelle  parut  avec  le  plus  d'éclat.  Ja- 
mais aussi  la  foi  chrélienne  n'eut  un  plus 
grand  nombre  d'ennemis  qu'à  celle  époque  ; 
il  y  avait  des  marcioniles,  des  manichéins, 
des  novaliens,  des  donalistes,  des  ariens  de 
trois  espèces,  des  montanistes,  etc.,  qui  ne 
pardonnaient  rien  aux  catholiques  en  fait 
de  dogme,  de  culte  ni  discipline  :  était-ce  là 
le  moment  d'introduire  impunément  quel- 
que chose  de  nouveau?  Il  est  d'ailleurs  ri- 
dicule de  croire  qu'un  dogme  n'a  commencé 
que  quand  11  s'est  trouvé  des  hérétiques 
pour  le  combatire.  Mais  il  y  a  un  fait  singu- 
lier; jamais  l'on  n'a  travaillé  avec  plus  de 
zèle  que  dans  le  ni*  et  le  iv  siècle,  à  tra- 
duire les  livres  saints,  à  les  mettre  à  la  por- 
tée des  fidèles,  à  les  expliquer,  et  jamais  le 
nombre  des  erreurs  n'a  été  plus  grand  ;  grâ- 
ce aux  proteslanis,  ce  phénomène  s'est 
nnouvelé  au  xvi'  siècle.  —  h°  Quand  un 
siècle  commince,  il  n'eftace  pas  le  souvenir 
du  précédent  ;  le  iv»  était  composé  d'a- 
bord d'une  grande  partie  de  la  génération 
née  dans  le  cours  du  Ill^  Il  y  avait  parmi 
les  évêqucs,  comme  parmi  les  fidèles,  des 
vieillards  qui  en  avaient  vu  écouler  plus 
de  la  moitié,  qui  avaient  assisté  à  plusieurs 
conciles,  qui  ne  pouvaient  ignorer  ce  qui 
avait  été  enseigné  jusqu'alors.  Plusieurs 
avaient  été  confesseurs  de  Jésus-Christ  pen- 
dant la  persécution  de  Dioclétien  ;  ont-ils 
souffert  que  l'on  changeât  la  doctrine  pour 
laquelle  ils  s'élaJent  ix|)0sés  au  martyre? 
Les  évéques  du  ivi=  étaient  leurs  disci- 
ples, el  l'on  juge  aisément  combien  ceux- 
ci  devaient  être  attachés  aux  leçons  do 
maîtres  aussi  vénérables.  C'était  donc,  à 
proprement  parler,  le  m"  siècle  qui  fjar- 
iait,  enseignait  ^et  écrivait  au  ivs  et  ainsi 
de  suite.  11  y  a  de  la  démence  à  mcllre  une 
ligne  de  séparaiion  entre  la  tradition  de 
ces  deux  siècles.  L'enseignement  do  l'Eglise 
est  un  fleuve  majestueux  qui  a  coulé  et  qui 
coule  sans  interruption  depuis  les  apôtres 
jusqu'à  nous  ;  il  a  passé  d'un  siècle  à  l'autre 
sans  laisser  troubler  ses  eaux;  et  si  quel- 
ques insensés  ont  entrepris  d'y  tuettre  olista- 
cle,  ou  il  les  a  entraînés  dans  son  cours,  ou 
il  s'est  détourné  pour  aller  couler  ailleurs. 

Neuvième prmve.  Nos  adversaires  auraient 
voulu  persuader  que  le  respect  pour  la  tra- 
dition est  un  préjugé  propre  et  particulier  à 
rE}{lise  romaine;  que  les  sectes  de  chrétiens 
Orientaux  ,  les  Grecs  schismaliques  ,  les 
cophtes  et  les  Sj riens  jacobites  ou  euty- 
chiens,  et  les  nesloriens  ne  reconnaissent 
point  d'autre  règle  de  foi  que  l'Ecriture 
sainte;  c'est  une  fausseté.  On  a  l'ait  voir  que 
toutes  ces  sectes  admettent  les  décrets  des 
trois  premiers  conciles  œcuméniques,  et 
font  profession  de  suivre  la  doclriiK!  des 
l'ères  grecs  des  quatre  premiers  siècles; 
qu'ils  en  ont  traduit  plusieurs  ouvrages  dans 


leurs  langues.  Les  nesloriens  rejettent  le 
concile  d'Ephèse,  parce  qu'il  les  a  condam- 
nés ,  et  sous  le  prétexte  que  ce  concile  a 
établi  un  nouveau  dogme,  au  lien  que  Nes- 
torius  soutenait  l'ancienne  doctrine,  ils  ont 
le  plus  grand  respect  pour  les  livres  de  Théo- 
dore de  Mopsueste,  de  Diodore  de  Tarse  el 
de  Théodore!  ;  ils  regardent  ces  trois  per- 
sonnages comme  les  plus  saints  Pères  de 
l'Eglise.  Les  jacobites  au  contraire  reçoivent 
le  concile  d'Ephèse  et  rejettent  le  com  ile  de 
Clialcédiiine  ;  il  prétendent  que  celui-ci  a 
contredit  la  doctrine  du  précédent  ;  ils  sont 
très  -  attachés  aux  écrits  de  saint  Cyrille 
d'Alexandrie.  Le  principal  grief  des  Grecs 
schismaliques  contre  l'Eglise  latine  est 
qu'elle  a  ajouté  au  concile  de  Consiantino- 
ple  le  mot  Filioque,  sans  y  être  autorisée 
par  un  autre  concile  général.  Toutes  ces 
sectes  orientales  ont  des  recueils  de  canons 
des  preniiers  conciles  louchant  la  discipline, 
et  les  suivent;  leur  croyance  et  leur  con- 
duite ne  ressemblent  en  rien  à  celles  des 
protestants,  Perpétuité  de  la  foi ,  l.  V,  I.  vu, 
c.  1  et  2. 

Dixième  preuve.  L'exemple  de  ces  der- 
niers pourrait  suffire  pour  démontrer  que  la 
doctrine  ne  peut  se  perpétuer  dans  une  so- 
ciété quelconque,  sans  le  secours  de  la  tra- 
dition, i"  Les  luthériens  disaient  dans  la 
Confession  d'Augsbourg,  art.  21  :  «  Nous  ne 
méprisons  point  le  consentement  de  l'Eglise 
cailiolique  ;  nous  n'avons  point  dessein  d'in- 
troduire dans  cette  sainte  Eglise  aucun 
dogme  nouveau  et  inconnu,  ni  de  soutenir 
les  opinions  impies  et  séditieuses  que  l'Eglise 
catholique  a  condamnées.  »  On  sait  qu'ils 
n'ont  pas  persévéré  longtemps  dans  ce  lan- 
gage. 2"  Quoique  les  anglicans,  dans  leur 
confession  de  foi,  c.  20  el  21,  rejettent  for- 
niellemenl  la  tradition  ou  l'autorité  de  l'E- 
glise, el  déclarent  qu'elle  ne  peut  rien  dé- 
cider que  ce  qui  est  enseigne  dans  l'Ecri- 
ture sainte;  néanmoins  dans  le  plan  de  leur 
religion  dressé  en  1719,  i"  part.,  c.  1,  ils  font 
profession  de  recevoir  comme  authentiques, 
ou  com  me  faisant  autorité,  les  quatre  premiers 
conciles  et  les  sentiments  des  Pères  des  cinq 
premiers  siècles.  La  raison  de  celle  contra- 
diction est  aisée  à  découvrir.  En  1562,  lors- 
que leur  confession  de  foi  fut  dressée,  le  so- 
cinianisme  n'était  pas  encore  prêché  en  An- 
gleterre; mais  en  1719,  et  même  dans  le  siè- 
cle précédent ,  il  y  avait  fait  beaucoup  de 
progrès.  Les  théologiens  anglicans ,  dans 
leurs  disputes  avec  ces  sectaires,  avaient 
éprouvé  qu'il  était  impossible  de  les  con- 
vaincre par  l'Ecriture  sainte;  ils  sentirent 
donc  la  nécessité  de  recourir  à  la  tradition, 
pour  prendre  le  vrai  sens  de  l'Ecriture  , 
aussi  ont-ils  fait  grand  usage  de  l'autorité 
des  Pères  pour  expliquer  les  passages  dont 
les  sociniens  abusaient.  Nous  leur  deman- 
dons pourquoi  les  conciles  el  les  Pères  pos- 
térieurs an  v  siècle  n'ont  plus  la  même  au- 
torité que  les  précédents  ,  et  pourquoi  ils 
n'admellent  pas  tous  les  dogmes  el  tous  les 
usages  qui  sont  prouvés  par  la  tradition  des 
cinq  premiers  siècles  ?  Aussi  les  luthériens 


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el  les  calvinistes  reprochenl-ils  faux  angli- 
cans celle  inconséquence  ;  ils  disent  que  la 
religion  de  ces  derniers  n'est  qu'un  demi- 
papisme.  3°  Mais  eux-Qiémes  n'ont  pas  pu 
éviter  cet  embarras  ;  toutes  les  fois  qu'ils  se 
sont  trouvés  au\  prises  avec  les  sociniens  , 
ils  ont  vu  qu'ils  ne  gagnaient  rien  en  citant 
riicriiure  sainte  à  des  adversaires  auxquels 
ils  a\aient  appris  l'art  de  se  jouer  de  tous 
It  s  passages.  Lorsqu'ils  ont  voulu  alléguer 
le  sens  que  les  l'ùres  y  ont  donné  en  dispu- 
tant contre  les  ariens,  les  sociniens  leur  ont 
demandé  si,  après  avoir  rejeté  la  tradition  , 
ils  la  reprenaient  pour  régie  de  leur  foi.  So- 
cin  lui-même  convenait  (jue,  s'il  fallait  la 
cunsuller,  les  catholiques  avaient  gain  de 
cause,  L'pisl.  adltudecium;  il  est  donc  prouvé 
que,  sans  cette  sauve-garde  ,  les  hérétiques 
renverseraient  bientôt  les  articles  les  plus 
essentiels  du  christianisme.  «  Nous  recoii- 
oaissons,  dit  Basnage,  que  Dieu  ne  nous  a 
point  donné  de  moyen  infaillible  pour  ter- 
miner les  controverses  i|ni  naissent...  Jl  faut, 
selon  saint  Paul,  (lu'il  y  ait  des  hérésies  ,  et, 
par  la  même  raison  ,  il  faut  que  ces  héré- 
sies subsistent,»  Uisl.  del'lùjlise,  liv.  xxvii, 
chap.  2,  §  17,  p.  1377.  k"  l'our  terminer  les 
disputes  (|ui  s'étaient  élevéesen  Hollande  en- 
tre les  arminiens  et  les  goniarisles,  les  cal- 
vinistes convoquèrent  à  Uordrecht,  en  1618, 
Du  synode  de  tontes  les  églises  réformées, 
afin  de  décider,  à  la  piuralilé  des  voix,  quelle 
était  la  doctrine  qu'il  fallait  suivre,  et  quel 
sens  il  fallait  donner  aux  passages  de  l'Ecri- 
ture sainte  que  chacun  des  deux  partis  allé- 
guait eu  sa  faveur  ;  ils  ont  donc  rendu  boin- 
mage  à  la  nécessité  delà  (r(/di7(on  pour  bien 
entendre  l'Ecriture  sainte,  o'  Ainsi  ,  après 
avoir  méprisé  hautement  la  tradition  de  l'E- 
glise universelle,  les  protestants  se  sont  mis 
sous  le  joug  de  la  a(i(/(<ion  particulière  de 
leur  secte  ;  à  proprement  parler,  elle  est  leur 
seul  guide.  En  effet  ,  avant  de  liie  l'Ecri- 
ture sainte  ,  un  protestant,  soit  luthérien, 
soit  angliean  ,  soit  calviniste  ,  a  déjà  sa 
croyance  toute  formée  par  le  catéchisme 
qu'il  a  reçu  dès  l'enfance  ,  par  les  instruc- 
tions de  ses  parents  et  des  ministres,  par  les 
discours  dont  il  a  eu  les  oreilles  frappées. 
Lorsqu'il  ouvre  l'Ecriiure  sainte  pour  la 
première  fois,  il  ne  peut  manquer  de  trou- 
ver dans  chaque  passage  le  sens  que  l'on  y 
donne  communément  dans  sa  secte;  les  opi- 
nions dont  il  est  imbu  d'avance  lui  tiennent 
lieu  de  rinspiration  du  Saint-Esprit.  S'il  lui 
arrivait  de  l'entendre  autrement  et  de  sou- 
tenir son  interprétation  particulière,  il  se- 
rait excommunié,  proscrit,  trailé  comme 
hérétique.  Telle  a  été  la  conduite  de  tous 
les  sectaires  depuis  les  premiers  siècles. 
«  Ceux  qui  nous  conseillent  les  recherches, 
ditTertullien,  veulenlnous  attirerchezeux... 
Dès  qu'ils  nous  tiennent,  ils  érigent  en  dog- 
mes et  prescrivent  avec  hauteur  ce  qu'ils 
avaient  feint  d'abord  de  soumettre  à  notre 
examen.»  de  PrœscripC,  cap.  8  et  seq.  On 
dirait  qu'il  a  voulu  peindre  les  prcdicanis  de 
la  reforme  treize  cenis  ans  avant  leur  nais- 
Jttucc.  Luc  autre  preuve  de  la  croyauce  pu- 


rement traditionnelle  des  protestants  ,  c'est 
qu'ils  répètent  encore  aujourd'hui  les  argu- 
ments, les  impostures,  les  calomnies  des  pré- 
tendus réformateurs,  quoiqu'on  les  ait  réfu- 
tés cent  fois  ,  et  ils  y  croient  comme  à  la 
parole  de  Dieu. 

Unziime  preuve.  Ils  conviennent  comme 
nous  ({u' un  ignora  ni  est  obligé  de  faire  des  actes 
de  loi ,  qu'un  enfant  y  est  tenu  dès  qu'il  est 
parvenu  à  l'âge  de  raison;  les  sociniens  ne 
donnent  point  le  baptême  avant  cet  âge, 
parce  qu'ils  soutiennent  que  la  loi  actuelle 
est  une  disposition  nécessaire  a  ce  sacrement. 
Or  ,  nous  ne  concevons  pas  comment  l'un  ou 
l'antre  peut  fonder  sa  foi  sur  l'Ecriture  sainte. 
Qu'il  la  lise  ou  qu'il  l'entende  lire,  il  n'en- 
tend toujours  qu'une  version;  ce  n'est  point 
la  langue  des  auteurs  sacrés  :  comment  sait- 
il  que  cette  version  est  (idèle?  Il  n'en  a  point 
d'autre  preuve  que  le  témoignage  des  théolo- 
giens de  sa  secte;  c'est  toujours  la  tradition, 
mais  qui  n'est  pas  celle  de  I  Eglise  univer- 
selle, et  (lui  même  y  est  contraire.  C'est 
nèanmuius  le  cas  dans  lequel  se  sont  trouvés 
les  trois  quarts  et  demi  de  ceux  qui  ont 
embrassé  le  protestantisme  dans  les  commen- 
cements; c'était  une  troupe  d'ignoranis 
conduits  à  l'aveugle  par  les  prédicanls  de  la 
réforme.  Bossuet,  dans  sa  conférence  avec  le 
ministre  Claude  ,  a  fait  voir  qu'un  protestant 
ne  s'entend  pas  lui-même,  lorsqu'il  dit  en 
récitant  le  symbole  :  Je  crois  la  sainte  Eglise 
catholique.  Si  par  là  il  entend  la  secte  parti- 
culière dans  laquelle  il  est  né,  c'est  une  er- 
reur, et  il  y  croit  sans  aucun  motif  raison- 
nable. S'il  entend,  comme  la  plupart,  l'as- 
semblage de  tous  ceux  qui  croient  en  Uieu  et 
eu  Jesus-Christ ,  il  se  contredit  en  ajoutant  : 
Je  crois  la  communion  des  saints,  puisque 
encore  une  fois  il  ne  peut  y  avoir  de  commu- 
nion entre  ceux  qui  n'ont  pas  la  même 
croyance.  Au  mot  Foi,  en  faisant  l'analyse 
de  la  fui  d'un  catholique  ignoraiil  ou  enfant , 
nous  avons  fait  vuirqu'il  a  un  motif  très-solide 
de  croire  a  l'Eglise  catholique. 

Douzième  preuve.  La  cliaine  des  erreurs 
qu'a  fait  naître  la  méthode  des  protestants 
démontre  qu'elle  est  fausse;  non-seulement 
elle  a  donné  lieu  à  cette  multitude  de  sectes 
qui  les  divisent,  mais  elle  conduit  directe- 
ment au  déisme  et  à  l'incrédulité.  Eu  effet, 
pour  décréditer  la  tradiiion,  les  protestants 
ont  noirci,  tant  qu'ils  ont  pu,  les  Pères  de 
l'Eglise;  ils  ont  attaqué  leur  capacité,  leur 
doctrine,  leur  morale,  leurs  actions,  leurs 
intentions,  leur  bonue  foi.  Cependant  les 
plus  anciens  des  Pères  étaient  les  disiiples 
immédiats  des  apôtres;  il  est  diflicile  d'avoir 
une  haute  opinion  de  maîtres  qui  ont  formé 
de  jiareils  élèves  et  qui  les  ont  choisis  pour 
successeurs.  Aussi  plusieurs  protestants  ont 
parlé  des  uns  à  peu  près  comme  des  autres. 
Si  les  apôtres  eux-mêmes,  disent-ils,  ont  été 
sujets  à  des  erreurs  et  à  des  faiblesses, 
faut-il  ^'étonner  que  leurs  disciples  les  plus 
zélés  en  aient  été  susceptibles?  Barbe\rac, 
Traité  de  la  morale  des  l'èrrs.  c.  8,  §  39; 
Chillingwoi  .i: ,  /  <  R'iujion  prolestante,  voie 
assurée  du  salui,  eiç.  iisl-il  croyable  u'uilleurs 


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que  Jésus-Christ  ail  Teille  sur  son  Eglise,  en 
permellaiit  qu'elle  tombât  eiilre  les  mains 
de  pasteurs  si  capables  Je  l'égarer  ?  On  con- 
çoit tout  l'avantage  que  ces  accusations 
téméraires  ont  donné  aux  déistes;  ils  n'ont 
pas  raan(ioé  de  tourner  contre  les  apôircs  les 
mêmes  objections  que  les  protestants  ont 
faites  contre  la  personne  et  contre  les  écrits 
des  Pères  ;  bionlôt  ils  ont  osé  les  lancer  con- 
tre Jésus-Christ  lui-nicnie.  Quand  on  deman- 
dait :  esl-il  possible  que  des  iiommes  tels  ((ue 
Luther,  Calvin  et  les  autres,  emportés  par 
les  passions  les  plus  fougueuses,  <iui  ont 
donné  dans  des  erreurs  dont  leurs  secl.ileurs 
rougissent  aujourd'hui  ,  aient  été  suscités  de 
Dieu  pour  réformer  l'EglisL'?  Ceux-ci,  plutôt 
que  de  demeurer  muets,  ont  répondu  que  les 
fondateurs  mêmes  et  les  propagateurs  du 
christianisme  oui  été  sujets  à  des  erreurs  et 
à  des  faiblesses. 

Lorsi]ue  nous  soutenons  qu'un  fidèle  doit 
user  de  sa  raii'-on  pour  connailre  quelle  est 
la  véritable  Eglise,  et  pour  peser  les  preuves 
de  son  infaillibilité,  mais  que  dès  qu'il  la 
connaît,  il  doit  déférer  à  celte  autorité,  ils 
disent  que  ci'tie  conduite  est  absurde  ,  que 
nous  attribuons  à  l'Eglise  le  droit  d'ensei- 
gner toutes  sortes  d'erreurs,  sans  qu'il  nous 
soit  permis  d'examiner  si  uous  devons  les 
admettre  ou  les  rejeter;  qu'il  n'est  pas  plus 
difficile  à  la  raison  de  juger  quelle  est  la 
vérit.ible  doctrine ,  que  de  discerner  quelle 
est  la  véritable  Eglise.  Nouveau  sujet  de 
triomphe  pour  les  déistes  :  Selon  vous, 
ont-ils  dit  ,  nous  ne  pouvons  juger  de  la 
mission  de  Jésus-Christ,  de  celle  des  apôtres, 
de  l'inspiration  des  livres  saints ,  que  par  la 
raison  ;  donc  c'est  encore  à  elle  do  juger  si 
la  doctrine  iju'ils  enseignent  est  vraie  ou 
faus-e  :  il  n'est  pas  plus  difficile  de  porter  ce 
jugement  que  de  voir  ti  leur  mission  est 
divine  ou  humaine,  si  tels  livres  sont  inspi- 
res ou  n  111.  (^onséquemment  les  déistes  ont 
attaqué  l'Iicrilure  sainte  en  général  par  les 
mêmes  arguments  que  les  protestants  ont 
faits  contre  certains  livres  qu'ils  ont  rejelés 
du  canon.  Au  uiot  Erriîuu  nous  avons  fait 
voir  la  maltiiude  de  celles  qui  sont  nées  les 
nues  des  autres  sur  chacune  des  questions 
controversées  entre  les  protestants  ei  nous; 
toutes  sont  venues  de  l'opiniâireté  à  rejeter 
la  tradition  :  dès  qu'une  fois  les  protestants 
ont  eu  posé  pour  ]jrincipe  que  nous  ne 
devons  croire  que  ce  qui  est  expressé. nent  et 
formellement  révélé  dans  l'i-crilure  sainte, 
et  que  c'est  à  la  raison  d'en  déterminer  le 
vrai  sens,  les  sociniens  ont  conclu  d'abord  : 
Donc  nous  ne  devons  croire  révélé  que  ce 
qui  est  conforme  à  la  raison  ;  et  les  déistes 
ont  dit  de  leur  côté  :  Donc  la  raison  suffit 
pour  connaître  la  vérité;  nous  n'avons  pas 
besoin  de  révélation.  Nos  adversaires  nous 
répondront  sans  doute  qu'il  n'est  aucun 
principe  si  inconieslable,  que  l'on  ne  puisse 
en  abuser  et  en  tin  r  d.' lausses  conséquences. 
Soil.  Il  f.illail  donc  commencer  par  cvaminer 
si  leleur'élail  incontestable;  mais  ils  Tout 
posé  sans  prévoir  oii  il  les  conduirait  :  or, 
uous  avons  prouvé  qu'il  est  non-sculcmeut 


très-sujet  à  contestation,  mais  absolatnent 
faux  et  destructif  du  christianisme. 

Dans  les  divers  articles  relatifs  à  la  ques- 
tion présente,  nous  avons  répondu  aux 
principales  objections  des  protestants;  mais 
la  manière  dont  ils  s'y  sont  pris  pour  décré- 
diter les  témoins  de  la  tradition  mérite  un 
examen  particulier. 

Le  Clerc,  Ilisl.  ecclc's.,  n'  siècle,  an  101, 
commence  par  observer  qu'à  dater  de  la 
mort  des  apôlros,  l'on  entre  dans  des  temps 
où  l'on  ne  peut  pas  approuver  tout  ce  qui  a 
été  dil  et  lout  ce  qui  a  été  fait  ;  ((ue  cependant 
Dieu  a  veillé  sur  son  Eglise  ,  et  qu'il  a  empê- 
ché que  le  fond  du  christianisme  ne  fût 
changé.  Les  apôtres,  dit-il,  avaient  puisé 
leurs  connaissances  dans  tros  sources  :  d.ins 
les  livres  originaux  de  l'Ancien  Testament, 
dans  les  leçons  de  Jésus-Christ ,  dans  des 
révélations  im.nédiates  ;  le  Saint-Esprit  leur 
enseignait  toute  vérité,  et  ses  dons  miracu- 
leux en  étaient  la  preuve,  avantages  que 
n'ont  point  eus  ceux  qui  leur  ont  succédé. 
Ciux-ci  étaient  des  Juifs  hellénistes  ou  des 
iîrccs;  comme  ils  n'entendaient  pas  l'hébreu, 
ils  se  sont  souvent  trompés.  Ils  ont  cru  que 
les  Septante  avaient  été  inspirés  de  Dieu,  et 
ils  n'out  pas  vu  que  ces  interprètes  ont  sou- 
vent très-mal  traduit  le  texte  sacré.  Les 
apôlres  n'ont  cité  cette  version  que  pour  se 
prêter  au  besoin  des  Juifs  hellénistes  qui  ne 
savaient  pas  l'hébreu.  D'où  l'on  voit  que  les 
Pères  grecs  ont  été  de  mauvais  interprètes 
de  rEcritur(!,  à  plus  forte  raison  les  Pères 
latins  qui  n'avaient  qu'une  mauvaise  version 
faite  sur  celle  des  Septante.  Une  autre  source 
d'erreurs  est  venue  des  traditions  reçues  de 
vive  voix  des  apôlres,  comme  l'opinion  que 
Jésus-Christ  a  vécu  plus  de  quarante  ans  , 
son  règne  futur  de  mille  ans,  le  temps  de  la 
célébraiion  de  la  pâque,  etc.  Atiachés  à  la 
philosophie  de  Plaion  ,  ils  ont  cherché  à  eu 
concilier  les  dogmes  avec  ceux  du  christia- 
nisme; ainsi  ils  ont  adapté  la  Trinité  chré- 
tienne à  celle  de  Platon ,  ils  ont  cru  Dieu  et 
les  anges  corporels.  Ignorants  dans  l'art  de 
la  dialectique  et  dans  celui  delà  critique  ,  ils 
ont  souvent  raisonné  faux,  ils  ont  admis 
comme  vrais  plusieurs  écrits  supposés.  Em- 
pressés d'amener  les  pa'icns  à  la  foi  chré- 
lieiiiie,  ils  se  sont  Iréquemment  rapprochés 
des  0|i!iiions  vulgaires,  ils  ont  pris  dans  le 
sens  le  plus  commun  des  termes  qui  en 
avaient  un  très-dlITércnt  dans  les  écrits  des 
apôtres,  comme  celui  de  mystères  en  parlant 
des  sacrements ,  et  celui  d'oblalion  pour  dési- 
gner l'eucharisiic.  De  là  soui  nés  une  multi- 
tude de  dogmes  qui  ne  sont  point  dans  le 
Nouveau  Testament;  mais  comme  c'étaient 
des  subtilités  qiie  le  peuiile  n'entendait  pas, 
il  a  eu  des  mœurs  plus  pures  et  une  religion 
plus  saine  que  ceux  qui  étaient  chargés  de 
l'enseigner. 

Le  Clerc  couronne  cet  exposé  perfide, 
moitié  socinicn  et  moitié  cal  vmisti!,  eu  dismi 
que  la  siiiccnte  d'ua  his.onen  I  uliii;ie  a  la'ie 
ces  aveux,  mais  ceiie  sinceriie  n'est  qu'une 
hypocrisie  malicieuse,  il  laul  la  démasquer. 
1°  Ce  parlrail  des  Pères  du  ii'  siècle  est 


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bien  diffi  rcnl  de  celui  qu'en  a  tracé  Beau- 
sohre,  lorsqu'il  a  re'fvé  rintclligcnce ,  la 
capacité,  la  sago  critique,  avec  lesquelles 
ces  l'rics  ont  procède  pour  distinguer  les 
livres  atilhciiliquos  de  l'Kcrilure  saiiile  d'avec 
les  livres  apocryphes  ;  eo//.  ci-dessus  notre 
cinriuii'ine  preuve.  Le  Clerc  n'a  pas  vu  ((u'en 
dépriniaiil  les  qualités  el  le  caractère  per- 
sonnel de  ces  témoins,  il  atîail)lissail  d'au- 
tant la  certitude  du  jugetnciil  ((u'ils  on!  porté 
sur  le  canon  des  livres  saints.  .Mais  un  iiié- 
créaut  n'est  presque  jamais  guidé  dans  ses 
écrits  que  par  l'interét  du  moment.  — 
2°  Puisque  les  mir.icles  opérés  par  les  apôtres 
prouvaient  qu'ils  étaient  inspirés  par  le 
Sainl-lîspril,  nous  demandons  pourquoi  les 
miracles  laits,  pendant  le  i/ et  le  m"  siè- 
cle, par  les  fidèles  et  par  les  pasteurs,  ne 
prouvaient  pas  qu'ils  étaient  aussi  remplis  du 
Saint-Ksprit ,  quoi(|irils  ne  l'eussent  pas  reçu 
avec  la  mcine  plénitude  que  les  apôtres? 
Jésus-Christ  n'avait  pas  promis  à  ces  derniers 
l'Efprit  de  rcritc  pour  eux  seuls  ni  pour  un 
temps,  mais  /(our  toujours,  Joan.,  c.  mv,  v. 
It;,  17,  23.  Il  leur  avait  dit,  c.  xv,  v.  16; 
«  Je  vous  ai  choisis  aliu  que  vous  alliez  faire 
du  fruit;  et  que  ce  fruit  soit  durable,  »  ul 
fructus  rester  numeul ;  m;\is  ce  fruit  n'a  été 
que  passager,  suivant  l'upinion  de  notre 
dissertateur;  il  a  commencé  à  se  détruire 
immédiatement  après  la  mort  des  apôtres. 
—  3"  Si  ce  qu'il  dit  est  vrai,  il  ne  l'est  pas 
que  Dieu  ait  conservé  sain  el  satif  le  fond  ou 
le  capital  du  chrisliani-.me.  Comme  Le  Clerc, 
soeinien  déguisé  ,  ^l  admet  ni  la  création, 
ni  la  Triniié,  ni  l'incarnation  ,  ni  la  rédemp- 
tion dans  le  sens  propre  ,  ni  la  transmission 
«lu  pèche  originel,  ni  relcrnilé  des  peines  de 
l'enler,  etc.,  le  l'ond  tie  son  clirislianisme 
se  léiiuil  presque  à  rien:  l'unile  de  Uieu, 
l'immortalité  de  l'ânie,  le  bonheur  futur  des 
justes,  la  Miissiou  de  Jésus-Christ ,  la  sulû- 
sance  de  l'Ecriture  interprétée  à  sa  manière, 
voilà  tout  son  Sjmbole.  Or  Dieu,  selon  lui, 
n'en  a  pas  conservé  purs  tous  les  articles 
dans  le  If  siècle,  puisque  l'on  y  a  commenté 
à  enseigner  la  irinité  îles  pei  sonnes  en  Uieu, 
la  nécessité  do  la  tradition  ,  le  culte  des  mar- 
t}rs,  etc.  :  autant  d'erreurs  «lesiruclives  du 
christianisme  soiinien.  Nous  ne  conteste- 
rons pas  au  critique  que  les  apôtres  n'aient 
reçu  avec  le  don  des  langues  la  faculté 
d'entendre  et  de  pailer  l'ancien  hébreu.  Cette 
connaissance  leur  était  nécessaire  pour 
convaincre  les  docteurs  juifs  qui  auraient 
pu  leur  opposer  les  oracles  de  l'Ecriture 
suivant  le  texte  original.  Mais  alors  les 
apôtres  en  paraîtront  plus  coupables  aux 
jeux  de  Le  Clerc  el  de  ses  pareils.  Ci  iivaiu- 
cus  de  la  nècessilé  de  savoir  l'hébreu,  les 
apôtres  n'ont  commandé  à  personne  de 
l'apprendre;  connaissant  toute  l'imperfec- 
tion de  la  version  des  Septante,  ils  n'ont 
chai  j;é  personne  d'en  faire  une  meilleure;  en 
Se  servant  de  celle-là,  ils  lui  ont  conciie  un 
respect  que  sans  cela  un  n'aurait  pas  eu  pour 
elle.  S'ils  ont  bi<'n  l'ait  de  se  prêter  ainsi  au 
besoin  des  hc'llenislcs  ,  pourquoi  leurs  disci- 
ples ual-ils   mal  fuit  au  ii',  siècle  de  suivre 


leur  exemple?  Nous  ne  le  concevons  pas.  — 
k"  On  nous  cite  avec  emphase  ces  paroles 
de  saint  Paul  à  'l'imothée,  //  Epist.  c.  m, 
V.  lo  :  Comme  vous  conmiisscs  dès  renfonce 
les  saintes  Ecritures,  elles  peuvent  vous  ins- 
truire piiur  le  salut ,  par  la  fol  en  Jesus-Christ. 
Toute  Ecriture  divinement  inspirée  est  utils 
pour  enseigner,  pour  reprendre ,  pour  corri- 
ger,  pour    instruire    dans   la   juslire,   pour 

'  rendre  parfait  un  homme  de  Dieu,  et  le  ren- 
dre propre  à  toute  bonne  a-iiire.  Alais  on  ne 
fail  pas  attention  que  l'imothée,  né  en 
L>caonie,  d'un  père  gentil,  élevé  par  une 
mère  et  par  une  aïeule  juives,  n'avait  pu 
lire  l'Ecriture  sainte  que  dans  la  version  des 
Septante;  ccjjendiint  cela  sullisail,  selon 
saint  Paul ,  pour  lui  donner  la  science  du  sa- 
int ,  pour  le  melire  en  élat  d'enseigner,  pour 
faire  de  lui  un  [lastiîur  parf,iit  ;  comment  cela 
ne  sullisait-il  plus  aux  Pères  du  ir  siècle? 
Autre  mystère.  Disons  liardiiiient  qu(>  s'il 
av.iit  paru  pour  lors  une  nouvelle  version 
grecque  de  l'Ancien  Testament,  elle  aurait 
été  n  jelèc  par  lisjuil's  helU'uisles  ,  prévenus 
d'estime  pour  celiC  îles  Septante,  el  accou- 
tumés à  la  lire;  qu'elle  aurait  été  suspecte, 
nicme  aux  gentils  converiis,  «'es  qu'ils  au- 
raient su  qii  il  y  en  avait  une  plus  ancienne. 
C'est  ce  qui  arriva  au  iv'  siècle,  lorsque 
saiiU  Jérôme  entreprit  de  donner  une  nou- 
velle version  latine  sur  l'Iiéhieii.  —  5°  Du 
moins  les  Pères  greis  du  iT  siècle  et  du  m* 
entendaient  le  lexle  grec  du  Nouveau  Tes- 
tament, el  il  est  à  presurm  r  (lu'ils  lo  lisaient 
encore  plus  souvent  que  l'Ancien.  (Comment 
cette  lecture  no  les  a-t-elle  pas  détrompés 
des  erreurs  qu'ils  puisaient  dans  la  iraduc- 
lion  de  celle-ci,  l'aile  [lar  les  Septante? 
Plusieurs  protestants  ont  dit  que,  quand  il 
ne  nous  resterait  que  le  seul  Evangile  de 
sailli  Matthieu  ,  c'en  serait  assez  pour  fonder 
noire  foi  ;  il  est  bien  étonnant  que  le  Nou- 
veau Testament  tout  entier  n'ait  pas  pu 
préserver  de  toute  erreur  les  disciples  des 
apôtres  et  leurs  successeuts.  —  6'  Suivant 
le  senliiiicnl  des  prolestants  saint  Paul  a 
encore  très-grièvemciil  péché  en  recomman- 
dant aux  lidèles  de  garder  la  tradition;  il 
devait  au  contraire  leur  défendre  d'y  avoir 
égard,  puisque  c'a  été  une  source  intarissa- 
ble d'erreurs.  .Mais  laquelle  des  fausses  tra- 
ditions citées  par  Le  Clerc  a-l-elle  passé 
en  dogme  dans  l'Eglise,  et  a-l-elle  été  géné- 
ralement adoptée?  car  c'est  ici  le  point 
de  la  question.  Jamais  on  ne  s'est  avisé 
d'appeler  tradition  le  sentiment  particulier 
d'un  ou  de  deux  Pères  de  l'Eglise,  mais  le 
sentiment  du  plus  grand  nombre,  confirmé 
et  perpétué  par  l'enseignement  de  l'Eglise. 
Saint  Irénée  est  le  seul  qui  ait  cru  que  Jé- 
sus-Christ avait  vécu  plus  de  quarante  ans, 
el  il  fondait  celte  opinion  sur  l'Evangile, 
Joan.,  c.  vur,  V.  57;  les  millénaires  ap- 
puvaical  la  leur  sur  l'Aporaly pse,  et  les 
quartodéciinans  pouvaient  se  piévaloir  de 
ce  que  Jesus-t^hrist  avait  dit,  Luc,  c.  xxii, 
V.  tG  :  Je  ne  tnaugerai  plus  cette  pâque 
jusqu'à    ce     fjuclle    s'accomplisse     dans    le 

.  royaume  de  Dieu;  or,  il  l'avait  mangée  le 


839  TBA 

quatorzième  de  la  lune  de  mars.  Lorsqu'un 
proU'slant  vient  nous  dire  :  Fiez-vous  après 
cela  aux  traditions  ;  un  déiste  peut  ajouter 
sur  le  même  Ion  :  Fiez-vous  après  cela  à 
l'Ecriture  sainte  ,  sur  laquellp  un  a  e'tayé 
toutes  les  erreurs  possibles.  —  7°  Si  les  Pères 
du  il*  siècle  elaieiil  en  général  i^'noraiils, 
crédules,  mauvais  raisonneurs,  incapables 
d'eniendre  el  d'interpréter  l'Kcrilure  sainte, 
les  apôtres  oui  été  bien  mal  inspirés  par  le 
Saint-Esprit,  lorsqu'ils  ont  choisi  de  tels 
hommes  pour  leur  succéder;  n'y  en  avail-il 
donc  point  de  plus  capables?  Saint  Irénée 
nous  en  donne  une  idée  fort  différente, 
contra  Hœr..  \iv.  i\i,  c.  3,  n.  1;  il  devait 
les  connaître,  puisqu'il  avait  vécu  avec.  eux. 
Le  Clerc  convient  cependant,  n.  22,  que  le 
christianisme  fit  de  grands  progrès  dans  ce 
siècle,  par  les  restes  de  miracles  opérés  par 
les  disciples  des  apôtres,  par  la  réfutation 
des  erreurs  des  païens,  par  la  constance 
des  martyrs,  par  la  pureté  des  mœurs  des 
chrétiens  Quoi!  Dieu  a  employé  ces  moyens 
surnalurels  pour  propager  une  doctrine  qui 
se  corrompait  déjà,  et  dont  les  erreurs 
allaient  croître  pendant  quinze  siècles  en- 
tiers? C'est  une  supposition  non  moins  ab- 
surde qu'impie.  Enfin,  nous  prions  Le  Clerc 
de  nous  dire  où  les  fidèles  du  second  siècle, 
instruits  par  les  pasteurs  de  ce  temps-là, 
avaient  puisé  des  mœurs  plus  pures  el  une 
religion  plus  sainte  que  celles  de  ceux  qui 
étaient  chargés  de  les  enseigner  :  est-ce  en- 
core dans  le  texte  hébreu  de  l'Ecriture 
sainte?  On  est  tenté  de  croire  que  Le  Clerc 
était  en  délire  lors(|u'il  a  écrit  toutes  ces 
inepties. 

Mosheim  n'a  été  guère  plus  raisonnable  ; 
il  soutient  i|ue  les  chrétiens  ont  été  imbus 
de  plusieurs  erreurs,  dont  les  unes  venaient 
des  juifs,  les  autres  dus  païens  ;  ilonc  il  ne 
faut  pas  croire,  dit-il,  ({u'uiie  opinion  tient 
à  la  ductrine  chrétienne,  parce  qu'elle  a  ré- 
gné dès  le  premier  siècle  et  du  temps  des 
apôtres.  11  met  au  rang  des  erreurs  judaï- 
ques l'opinion  de  la  fin  prochaine  du  monde, 
de  la  venue  de  l'Aniechrist,  des  guerres  et 
des  forfaits  dont  il  serait  l'auteur,  du  règne 
de  mille  ans,  du  feu  qui  purifierait  les  âmes 
à  la  fin  du  monde.  Il  attribue  aux  païens  ce 
que  l'on  pensait  des  esprits  ou  génies  bons 
ou  mauvais,  des  spectres  ei  dos  fantômes,  de 
l'état  des  morts,  de  l'eflicacité  du  Jeune  pour 
écarter  les  mauvais  esprits,  du  nombre  des 
cieux,  etc.  11  n'y  a  rien  de  tout  cela,  dit-il, 
dans  les  écrits  des  apôlres  ;  c'est  ce  qui 
prouve  la  nécessité  de  nous  en  tenir  à  l'E- 
criture sainte  plutôt  qu'aux  leçons  d'aucun 
docteur,  quelque  ancien  qu'il  soit,  Inslit. 
hist.  christ,  majores,  c.  3,  §  17.  —  Ce  criiique 
avait-il  réfiéchi  avant  d'écrire?  l°S'il  entend 
seulement  que,  parmi  les  premiers  chré- 
tiens, quelques  particuliers  ont  retenu  des 
opinions  juives  ou  païennes  qui  n'étaient 
contraires  à  aucun  dogme  du  christianisme, 
nous  no  disputerons  pas  ;  nous  n'avons  au- 
cun iiilérèl  à  savoir  quels  ont  été  les  senti- 
ineiiis  de  chaque  individu  converti  par  les 
ti^JoUcti  OU  pue  ieuis  SUCG09$CUrS<  b'U  Vl^Ut 


TRA 


649 


que  ces  opinions  indifférentes  aient  été  assez 
communes  pour  former  une  tradition  parmi 
les  docteurs  chrétiens,  nous  nous  inscrivons 
en  faux  contre  cette  supposition.  2°  Si  elle 
était  vraie,  et  que  les  apôlres  ne  se  fussent 
pas  ait.ichés  à  réfuter  ces  erreurs,  iis  en  se- 
raient responsables,  et  ce  serait  à  eux  qu'il 
faudrait  s'en  prendre.  Aussi  les  incrédules 
ont-ils  attribué  aux  apôtres  mêmes  toutes 
les  erreurs  dont  Mosheim  veut  charger  les 
premiers  chrétiens,  et  ils  ont  prétendu  les 
trouver  dans  les  écrits  du  Nouveau  Testa- 
ment. Ils  ont  soutenu  que  la  fin  prochaine 
du  monde  est  enseignée  par  Jésus-Giirist, 
Matlli.,  c.  xxiv,  v.3i;  par  saint  Paul,  IThess.^ 
c.  IV,  v.  14.  ;  par  saint  Pierre,  Epist,  H,  c.  m, 
v.  9  et  seq.  La  venue  et  le  règne  de  l'Anté- 
christ sont  prédits,  //  Tliess.,  c.  ii,  v.  3;  / 
Joan.,  c.  II,  V.  18.  Le  règne  de  mille  ans  est 
promis,  Apoc,  c.  xx,  v.  ti  et  seq.;  //  Petr., 
c.  m,  V.  13.  Saint  Paul  a  parlé  du  feu  puri- 
fiant, I  Cor.,  c.  m.  V.  13,  el  saint  Pierre,  ibid., 
V.  7  et  10.  La  distinction  entre  les  bons  anges 
el  les  mauvais  est  enseignée  clairement  dans 
les  livres  de  l'Ancien  el  du  Nouveau  Testa- 
ment ;  on  a  jugé  des  inclinations  des  mau- 
vais ani;es  par  ce  qui  en  est  dit  dans  le  livre 
de  Tobie,  c.  iv,  v.  8,  et  c.  vi,  v.  8,  etc.  Il  est 
parlé  de  fantômes,  Matth.,  c.  xiv,  v.  26,  et 
Luc,  c.  XXIV,  v.37.  On  a  raisonné  sur  l'état 
des  morts  d'après  la  parabole  du  mauvais 
riche,  Luc,  c.  xvi,  v.  22,  d'après  un  passage 
de  saint  Pierre,  FJpist.  I,  c.  m,  v.  19,  et 
d'après  ce  que  dit  saint  Paul  de  la  résurrec- 
tion future.  L'efficacité  du  jeûne  est  fondée 
sur  l'exemple  de  Jésus-Christ,  de  saint  Jean- 
Baplisle,  des  apôtres  et  des  prophètes  ;  il  est 
fait  mention  du  troisième  ciel,  II Cor.,  c.  m, 
V.  2  el  4.  Ouoique  parmi  ces  opinions  il  y  en 
ait  de  vraies,  de  fausses  ou  de  douteuses, 
nous  défions  les  protestants  de  les  réfuter 
par  l'Ecriture  seule.  Une  preuve  que  les  an- 
ciens Pères,  qui  ont  suivi  les  unes  ou  les 
autres,  les  ont  puisées  dans  l'Ecriture,  et 
non  ailleurs,  c'est  qu'ils  client  l'Ecriture,  et 
point  d'autres  livres.  La  fureur  de  nos  ad- 
versaires est  d'attribuer  toutes  les  erreurs 
aux  fausses  traditions;  nous  soutenons  q'ie 
quand  il  y  en  a  eu,  elles  sont  venues  de 
fausses  interprétations  de  l'Ecriture,  et  que 
c'est  la  tradition  seule  qui  a  décidé,  entre 
les  différentes  interprétations, quelies  étaient 
les  vraies  et  quelles  étaient  les  fausses.  Ils 
cherchent  à  tromper,  en  disant  qu'ils  s'en 
tiennent  à  l'Ecriture  :  encore  nne  lois  l'Ecri- 
ture el  l'interprétalion  de  l'Ecriture  ne  sont 
pas  la  même  chose.  3"  Mosheim  lui-même, 
en  réfutant  le  système  erroné  d'un  auteur 
moderne  sur  le  mystère  de  la  sainte  Trinité, 
lui  oppose  le  silence  de  l'antiquité.  Dissert, 
sur  l'hisl.  ecclés.,  tom.  11,  p.  504-.  Si  le  témoi- 
gnage des  anciens  ne  prouve  rien,  leur  si- 
lence prouve  encore  moins.  Il  y  a  plus  :  ce 
critique,  réfulanl  l'ouvrage  de  Toland,  inti- 
tulé Mazarenus,  en  1722,  blâme  en  général 
la  mauvaise  foi  de  ceux  qui,  pour  se  débar- 
rasser du  témoignage  des  Pères,  coniineu- 
ceiil  par  leur  reprocher  des  f.Tuurs,  des  in- 

liticiilés,  du  rij^aurctncu,  elc.  .  il  dit  qu'eu 


R'II 


TRA 


TRÂ 


S42 


suivant  celte  méthode  il  ne  reste  plus  rien 
de  certain  dans  l'histoire;  et  c'est  justement 
celle  qu'il  a  suivie  dans  tous  ses  ouvrages, 
Vindiciœ  antiquœ  christianorum  discipli- 
nœ,  etc.,  sect.  1,  c.  5,  §  3,  p.  92.  k'  Ce  criti- 
que n'est  pas  pardonnable  d'attaquer,  par  de 
simples  probabilités,  ce  que  nous  lisons  dans 
les  anciens  touchant  l'innocence  et  la  pureté 
des  mœurs  des  preciiiers  chrétiens  ;  plusieurs 
auteurs  païens  en  sont  convenus,  cl  Le  Clerc 
avoue  que  c'est  une  des  causes  qui  ont  con- 
tribué à  étendre  les  progrès  du  christianisuic 
pendant  le  second  siècle.  Mosheimdil  qu'en 
y  ajoutant  foi,  nous  nous  exposons  à  la  dé- 
rision des  incrédules  :  que  nous  importe  le 
mépris  des  insensés?  C'est  lui-même  qui 
livre  notre  religion  au\  sarcasmes  de  ses 
ennemis,  en  voulant  prouver  que,  dès  l'ori- 
gine, c'a  été  un  chaos  d'erreurs  empruntées 
des  juifs  et  des  païens. 

11  a  montré  peu  de  sincérité  en  parlant  de 
la  règle  de  loi  de  l'Eglise  romaine.  Ses  doc- 
teurs, dit-il,  prétendent  unanimement  quu 
c'est  la  parole  de  Dieu  écrite  et  non  écrite, 
ou,  en  d'aulres  termes,  que  c'est  l'Ecriture 
et  la  tradition;  mais  ils  ne  sont  point  d'ac- 
cord pour  savoir  qui  a  droit  d'interpréter 
ces  deux,  oracles.  Les  uns  prétendent  que 
c'est  le  pape,  les  autros  que  c'est  le  concile 
général;  qu'en  attendant,  les  évéques  et  les 
docteurs  ont  droit  de  consulter  les  sources 
sacrées  de  l'Ecriture  et  de  la  tradition,  et 
d'en  tirer  des  règles  de  foi  et  de  mœurs  pour 
eux  et  pour  leur  troupeau.  Comme  il  n'y 
aura  peut-être  jamais  de  juge  pour  concilier 
ces  deux  sentiments,  nous  ne  pouvons  espé- 
rer de  connaître  jamais  au  vrai  les  doctrines 
de  l'Eglise  romaine,  ni  de  voir  acquérir  une 
forme  stable  et  permanente  à  cette  religion  ; 
Uinl.  ccclés.,  xvr  siècle,  sect.  3,  i"  part., 
c.  1,  5  22;  Tlicse  sur  la  validité  des  Ordin. 
atu/licanes,  c.  3,  §  3  et  suiv. 

On  voit  ici,  dans  tout  son  jour,  le  génie 
artificieux  de  l'hérésie.  —  1°  Aucun  catho- 
lique n'a  jamais  nié  que  la  décision  d'un 
concile  général  touchant  le  sens  de  l'Ecri- 
ture et  de  la  tradition,  en  fait  de  dogmes  et 
de  mœurs,  ne  soit  une  règle  de  loi  inviola- 
ble :  ainsi  toutes  les  décisions  du  concile  de 
Trente  sur  ces  deux  chefs  sont  incontesta- 
blement reçues  par  tous  les  catholiijues  sans 
exception,  et  quiconque  oserait  les  attaquer 
serait  condamné  comme  hérétique.  Sur  tous 
ces  points,  les  protestants  sont  donc  bien  as- 
surés de  connaître  au  vrai  la  doctrine  de 
l'Eglise  romaine,  l'oiy.  Tukntiî.  En  y  ajou- 
tant le  symbole  placé  à  la  léte  de  ce  concile, 
quel  dogme  y  a-l-il  sur  lequel  un  protestant 
puisse  Ignorer  ce  que  nous  croyons?  Hos- 
suet.  Réponse  à  un  mémoire  de  Leibnilz  ton-' 
chant  le  concile  de  Trente;  Esprit  de  Leib- 
niti,  tom.  II,  p.  9"  et  suiv.  2°  Tout  théolo- 
gien catholique  reconnaît  qu'une  décision 
du  souverain  pontife  en  matière  de  foi  et  de 
mœurs,  adressée  à  tohte  l'Eglise,  reçue  par 
tous  les  évéques  ou  par  le  très-grand  nom- 
bre, soit  par  une  acceptation  formelle,  soit 
par  un  silence  absolu,  a  autant  d'autorité 
que  si  elle  était  portée  daas  un  concile  gé- 

DlCT.  UE  ThÉOL.  UOGMATrQlE    IV. 


néral,  parce  que  le  consentement  des  pas- 
teurs de  l'Eglise  dispersés  dans  leurs  sièges 
n'a  pas  moins  do  force  (jue  s'ils  étaient  ras- 
semblés, il  ne  fait  pas  moins  tradition.  Toute 
la  différence,  c'est  que,  dans  le  premier  cas, 
ce  consentement  est  moins  solennel  et  moins 
pro'iiplement  connu  que  dans  le  second.  En 
vertu  de  son  caractère  et  du  serment  qu'il  a 
fait  d'ensei;.,'ner  et  de  défendre  la  foi  catho- 
lique, tout  évêque  est  essentiellement  obligé 
de  réclamer  contre  une  décision  du  pape  qui 
lui  paraîtrait  fausse.  Si  dans  ce  siècle  il  y  a 
eu  quelques  théologiens  qui  ont  contesté 
ces  |)rincipes,  c'étaient  des  demi-protestants; 
ils  sont  regardés  par  l'Eglise  universelle 
comme  des  hérétiques.  Les  protestants  l'ont 
si  bien  compris,  que  depuis  les  dernières  dé- 
cisions des  papes  sur  les  matières  de  la  grâce, 
ils  n'ont  pas  cessé  de  répéter  que  l'Eglise 
romaine  professe  hautement  le  pélagianismc; 
cependant  ces  décisions  n'ont  pas  été  don- 
nées dans  un  concile  général.  3'  11  n'importe 
en  rien  de  savoir  s'il  y  a  des  docteurs  ca- 
tholiques qui  portent  plus  loin  l'autorité  du 
pape  et  qui  soutiennent  que  sa  décision  a 
force  de  loi,  indépendamment  de  toute  ac- 
ceiitation  ;  ces  docteurs  n'en  sont  pas  moins 
soumis  à  une  décision  acceptée,  ni  à  celle 
d'un  concile  général  ;  ils  n'en  sont  pas  moins 
persuadés  de  la  nécessité  de  consulter  l'E- 
criture sainte  et  la  tradition  des  siècles  pas- 
sés. Y  a-l-il  aujourd'hui  une  décision  des 
papes  en  matière  de  foi  ou  de  mœurs,  de  la- 
quelle on  puisse  douter  si  elle  a  été  accep- 
tée ou  rejetée?  1°  C'est  nous  qui  som'iies  ré- 
duits à  ignorer  quelle  est  la  croyance  de  cha- 
cune des  sectes  protestantes  ;  tout  particu- 
lier y  jouit  du  droit  d'entendre  l'Ecriture 
sainte  comme  il  lui  plait  ;  pourvu  qu'il  ne 
fasse  pas  de  bruit,  aucun  n'est  obligé  de 
se  conformer  à  la  confession  de  foi  de  sa 
secte  ;  toutes  en  ont  changé  plus  d'une  fois, 
elles  peuvent  bien  en  changer  encore.  C'est 
donc  à  nous  d'assurer  que  leur  religiou 
n'aura  jamais  une  forme  stable  et  perma- 
nente; elles  ne  subsistent  que  par  la  rivalité 
qui  règne  entre  elles,  et  par  la  haine  qu'i-lles 
ont  toutes  jurées  à  l'Eglise  romaine.  La 
forme  de  la  nôtre  est  stable  et  permancnlo 
depuis  les  apôtres  ;  les  divers  conciles  tenus 
dans  les  diltérenls  siècles  n'ont  rien  décidé 
que  ce  qui  était  déjà  cru  auparavant;  ils 
n'ont  point  établi  de  nouveaux  dogmes, 
puisqu'ils  ont  tous  fait  profession  de  s'en 
tenir  à  la  tradition  :  cette  règle  invariable 
assure  la  perpétuité  et  la  stabilité  de  notre 
religion  jusqu'à  la  fin  des  siècles. 

liasnage,  dans  son  Uistoire  de  l'Eglise, 
1.  IX,  c.  5,  (}  et  7,  a  fait  une  espèce  de  traité 
très-long  et  très-confus  contre  l'autorité  de 
la  tradition  :  il  prétend  que  l'ancienne  KgJise 
n'admettait  des  traditions  (ju'en  matière  de 
f.iiis,  d'usages  et  de  pratiques  ;  nous  avons 
prouvé  le  contraire,  et  nous  avons  f.iit  voir 
qu'en  matière  même  de  doctrine  la  tradition 
se  réduit  à  un  fait  sensible,  éclatant  et  pu- 
blic. II  nous  oppose  un  grand  nombre  de 
Pères  de  l'Eglise,  en  particulier  saint  Irénée 
et  Terlullien  ;  nous  avons  montré  qu'il  n'en 
27 


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a  pas  pris  le  sens.  11  en  allègue  d'atilres  qui 
disenl,  comme  saint  Cyrille  île  Jii'rusalera, 
Catech.  k,  en  parlant  du  Saint-Esprit,  qu'on 
ne  doit  rien  expliquer  louchant  nos  divins 
mystères  qu'on  ne  l'établisse  par  des  témoi- 
gnages de  l'Ecriture.  Ce  Père  ajoute  :  «  Ne 
croyez  pas  même  ce  que  je  vous  dis,  si  je 
ne  vous  le  prouve  par  l'Ecriture  sainte.  » 
Saint  Cyrille  avait  raisou,  et  nous  pensons 
encore  comme  lui.  11  parlait  à  dos  fidèles  do- 
ciles, il  était  assuré  qu'ils  ne  lui  conteste- 
raient pas  le  sens  qu'il  donnait  aux  paroles 
de  l'Ecriture.  Mais  si  ce  Père  avait  eu  pour 
auditeurs  des  s 'dateurs  de  Macédonius,  qui 
niaient  la  divinité  du  Saiut-Esprit,  qui  au- 
raient disputé  sur  le  sens  de  tous  les  passa- 
ges, qui  lui  ei>  auraient  opposé  d'autres,  etc., 
comment  aurait-il  prouvé  le  vrai  sens,  si- 
non par  la  tradition!  Lui-même  recom- 
mande aux  fidèles  de  garder  soigneusement 
la  doctrine  qu'ils  ont  reçue  par  tradition  ;  il 
les  avertit  que  s'ils  nourrissent  des  doules, 
ils  seront  aisément  séduits  par  les  héréti- 
ques, Catech.  5,  à  la  fin.  —  Lactance,  Divin. 
Inatit.,  lib.  VI,  c.  21,  argumente  contre  les 
païens  qui  ne  faisaient  aucun  cas  de  nos 
Ecritures,  parce  qu'ils  n'y  trouvaient  pas 
autant  d'art  ni  d'éloquence  que  dans  leurs 
poêles  et  dans  leurs  orateurs.  «  Quoi  donc, 
dit-il,  Dieu,  créateur  de  l'esprit,  de  la  parole 
et  de  la  langue,  ne  peut-il  pas  parler?  Par 
une  providence  très-sage  il  a  voulu  que  ses 
leçons  divines  fussent  sans  fard,  afin  que 
toiis  entendissent  ce  qu'il  disait  à  tous.  » 
Sur  ce  passage  les  protestants  triomphent. 
Mais  lasimplicilé  du  style  de  l'Ecriture  met- 
elle  les  vérités  qu'elle  enseigne  à  la  portée 
de  l'intelligence  de  tout  le  monde  ?  Si  cela 
était,  pourquoi  tant  de  disputes  sur  les  pas- 
sages mêmes  qui  paraissent  les  plus  clairs? 
Pourquoi  tant  de  commentaires,  de  noies, 
d'explications  chez  les  protestants  mêmes  ? 
Le  seul  premier  verset  de  la  IJlenèse  a  donné 
lieu  à  des  volumes  enliers,  et  le  sens  en  est 
encore  contesté  aujourd'hui  par  les  soci- 
nions.  Ces  courtes  paroles  de  Jésus-Christ: 
Ceci  est  mon  corps,  ceci  est  mon  sang,  sont 
entendues  par  les  protestants  dans  trois  sens 
différents.  Lactance  n'avait  à  justifier  que 
la  simplicité  du  style  de  l'Ecriture  ;  il  n'est 
point  entré  dans  la  question  de  savoir  si 
tout  le  monde  pouvait  entendre  l'hébreu, 
s'assurer  de  la  fidélité  des  versions,  saisir  le 
vrai  sens  de  tous  les  passages  ossealiLls, 
sans  danger  de  se  tromper.  Vainement  on 
nous  répélcra  ces  paroles  :  Dieu  ne  peut-il 
donc  pas  parler  ?  11  le  peut  sans  doute,  puis- 
qu'il l'a  luit  :  mais  encore  une  lois,  il  u'a 
changé  ni  la  nilure  du  langage  humain  ni 
la  bizarrerie  de  l'esprit  des  homiues  ;  il  a 
parlé  aux  uns  en  hébreu,  aux  autres  en 
grec;  donc  il  a  voulu  qu'il  y  eût  des  inter- 
prètes pour  les  peuples  qui  n'entendent  ni 
l'un  ni  l'autre.  Le  seul  interprète  infaillible 
est  l'Eglise,  tout  autre  est  suspect  et  sujet  à 
l'erreur. 

Basu.igc  observe  que  les  Pères  se  ser- 
vaient ciinlre  les  hérétiqui  s  de  l'arguii.ent 
négatif  et  leur  i-jjposaicul  le  lileiice  do  l'E- 


criture dans  les  disputes,  mais  que  ceux-ci 
le  rélorquiiienl  aussi  contre  les  Pères.  11  éta- 
blit neuf  ou  dix  règles  pour  discerner  les 
cas  dans  lesquels  cet  argument  est  ou  solide 
ou  sans  force.  Comme  ces  prétendues  règles 
ne  si^rvenl  qu'à  embrouiller  la  question, 
nous  nous  bornons  à  soutenir  que  cet  argu- 
ment était  soliile  contre  les  hérétiques  qui 
en  appelaient  toujours  à  l'Ecriture,  comme 
font  encore  les  protestants,  et  qui  ne  pou- 
vaient citor  aucune  tradition  certaine  en 
leur  faveur,  mais  qu'il  ne  prouve  rien  con- 
tre les  Pères  ni  contre  les  catholiques,  parce 
que  chez  eux  la  tradition  de  l'Eglise  a  tou- 
jours suppléé  au  silence  de  l'Ecriture  ou  à 
son  obscurité.  Il  entreprend  de  réfuter  la 
règle  que  donne  Vincent  de  Lérins,  savoir, 
que  ce  qui  a  toujours  été  cru  partout  doit 
être  regardé  comm  >  véritable;  qu'il  faut 
consulter  l'antiquité,  l'universalité  et  le  con- 
sentement de  tous  les  docteurs  :  Quod  uhi- 
que,  quod  semper,  quod  nb  omnibus  creditum 

est sequamur  universitalem,  antiquilatem, 

consensionem  ;  Commonit,  c.  2.  Basnage  y 
oppose,  1"  que  si  l'on  doit  mettre  au  nombre 
des  docteurs  les  apôtres  et  leurs  disciples,  il 
faut  donc  en  revenir  à  consulter  leurs  écrits. 
(lui  en  doute  ?  Mais  la  question  est  de  savoir 
si,  lorsqu'ils  gardent  le  silence  ou  ne  l'ex- 
pliquent pas  assez  clairement,  on  ne  doit 
pas  suivre  le  sentiment  de  ceux  qui  leur  ont 
succédé  et  qui  font  profession  de  n'enseigner 
que  ce  qu'ils  ont  appris  de  ces  premiers 
fondateurs  du  christianisme.  Nous  soutenons 
avec  Vincent  de  Lérins  qu'on  le  doit,  et  nous 
l'avons  prouvé.  2°  Il  dit  que  l'on  ne  peut  ja- 
mais connaître  le  sentiment  de  l'universa- 
lité des  docteurs,  puisque  ceux  qui  ont  écrit 
ne  sont  pas  la  millième  partie  de  ceux  qui 
auraient  pu  écrire  et  dont  on  ignore  les 
opinions.  Nous  répondons  en  premier  lieu 
que  quand  un  concile  général  a  parlé,  ou  ne 
peut  plus  douter  de  l'universalité  de  la 
croyance;  en  second  lieu,  que  ceux  qui 
n'ont  pas  écrit  pensaient  comme  ceux  qui 
ont  écrit,  puisqu'ils  n'ont  pas  réclamé.  Tou- 
tes les  fois  qu'un  évéque  ou  un  docteur  s'est 
écarté  du  sentiment  général  de  ses  collègues, 
il  a  été  accusé  et  condamné,  ou  pendant  sa 
vie  ou  après  sa  mort  ;  l'histoire  ecclésiasti- 
que en  fournit  cent  exemples.  3°  Il  objecte 
que,  parmi  ceux  qui  ont  écrit,  il  n'y  en  a 
souvent  que  deux  ou  trois  qui  aient  (raité 
une  question,  et  encore  n'en  oul-ils  parlé 
qu'eu  termes  obscurs;  que  s'ils  faisaient  au- 
torité, les  hérétiques  en  auraient  pu  citer  de 
leur  côté;  «lu'enfin  ce  petit  nombre  a  pu  se 
tromper.  Nous  répliquons  que,  quand  trois 
ou  quatre  docteurs  de  réputation,  placés 
quelquefois  à  cent  lieues  l'un  de  l'autre,  se 
sont  exprimés  lie  même  s<ir  un  dogme,  sans 
exciter  nulle  part  aucune  réclamation,  nous 
sommes  certains  que  tous  les  autres  ont  été 
de  même  sentiment.  Tuut  évéquc,  tout  pas- 
leur,  s'est  toujours  cru  essentiellement  obli- 
gé à  veiller  sur  le  dépôt  de  la  foi,  à  élever 
la  voix  contre  quiconque  y  donnait  atteinte, 
à  écarter  de  son  troupeau  tout  danger  d'er- 
reur ;  les  apôtres  le  leur  avaient  fonuellc- 


S4j 


TRÂ 


TR.\ 


Su] 


jiienl  noiumandé  et  leur  en  avaient  donné 
l'cxetnplo.  Aujourd'hui,  li  s  pro(esl.inls  leur 
font  un  critiie  de  ce  zèle  toujours  alteiitif  et 
prévoyant;  ils  disent  que  les  Pères  étaient 
des  hommes  in(|uiels,  soupçouncuï,  jaloux, 
querelleurs,  toujours  prêts  à  taxer  d'hi-résie 
quiconque  ne  pensait  pas  coinine  eus.  T.inl 
mieux,  pouvoiis-iious  leur  répoivlre,  c'est 
ce  qui  ri-nd  la  Iradilion  plus  certaine  ;  au- 
cune erreur  n'a  [tu  naître  inipunénuMit.  De 
là  même  il  s'ensuit  que  les  héiéliques  n'ont 
jamais  pu  citer  des  docteurs  qui  aient  pensé 
cumnio  eUK,  sans  avoir  fait  du  bruit  cl  sans 
avoir  été  notés.  Qac  chacun  des  docteurs 
catholiques  ait  été  capable  de  se  tromper, 
cela  ne  fait  rien  à  la  question  ;  nous  som- 
mes sûrs  qu'ils  ne  se  sont  pas  trompés,  dès 
qu'ils  n'ont  pas  été  blâmés  et  censurés.  Quel 
docteur  mérita  jamais  mieux  d'être  ménagé 
qu'Oriiçène  ?  Non-seulement  on  ne  lui  a  pas- 
sé aucune  erreur,  mais  on  ne  lui  a  pas  par- 
donné ses  doutes.  Si  donc  quelques-uns 
n'avaient  parlé  qu'en  termes  obscurs,  on 
les  aurait  forcés  de  s'expliquer. 

Uasnage  en  impose,  lorsqu'il  dit  que  saint 
Au;;;ustin  donnait  1 1  même  réponse  que  lui 
an\  semi-pélagiens  qui  alléj^uaient  en  leur 
faveur  le  seutiment  des  anciens  Pères.  Uien 
n'est  plus  faux.  Ce  saint  dortenr  a  toujours 
fait  profession  de  suivre  la  doctrine  des  Itè- 
res qui  l'avaient  précédé,  et  il  le  prouve  en 
citant  leurs  ouvrages.  Lorsque  saint  Pros- 
per  lui  objecta  leur  auloriié  touchant  la 
prédestination,  il  répondit  d'abord  que  ces 
saillis  persoimagcs  n'avaient  pas  eu  besoin 
de  traiter  celle  (lueslion,  au  li<'u  qu'il  avait 
été  forcé  d'y  entrer  pour  réfuter  les  piMa- 
giens,  L.  de  Prœdest.f  c.  14,  n.  '27.  Mais, 
après  y  avoir  mieux  pensé,  il  fit  voir  que 
les  anciens  Pères  ont  su!Ti-;ammenl  soutenu 
la  prédestination  gratuite,  en  enseignant 
que  toute  jjràce  de  Dieu  est  gratuite.  Sanct. 
L.  de  Dono  Pers.,  c.  19  et  20,  n.  18-51.  Par  là 
même  nous  voyons  de  quelle  prédestination 
il  s'agissait.  Donc  sainl  Augustin  était  bien 
éloigné  de  vouloir  s'écarter  de  leur  senti- 
ment ;  et  quand  il  serait  vrai  qu'il  s'est  ex- 
primé autrement  qu'eux,  nous  serions  en- 
core en  droit  de  soutenir  qu'il  a  pensé 
Comme  eux.  «  Ils  ont  gardé,  dit-il,  ce  qu'ils 
avaient  trouvé  établi  dans  l'Kglise;  ils  n'ont 
enseigné  que  ce  qu'ils  avaient  appris,  el  ils 
ont  été  attentifs  à  enseignera  leurs  enfants 
ce  qu'ils  avaient  reçu  de  leurs  pères,  Contra 
Jul.,  lib.  II,  n.  3'i.  »  Voy.  PRÉDESTiNàxioN, 
Siîmi-Pélagianisme. 

Lorsque  certains  théologiens  déclarent 
qu'ils  s'en  tiennent  au  seniimenl  de  saint 
Augustin  seul,  sur  les  maliè^es  de  la  grâce 
el  de  la  pr.^destinalion,  ils  i!<ériU'nt  qu'on 
leur  demande  s'ils  sont  soudoyés  par  les 
proteslinls,  pour  annuler  la  tradition  des 
quatre  premiers  siècles  de  l'iiglise,  el  pour 
supposer  que  ce  saint  docteu/  en  a  établi 
une  nouvelle  qui  a  subjugué  toute  l'Iiglise  : 
c'était  ce  que  voulaionl  Luther  et  Calvin. 
Que  Uasnage  et  ses  pareils  taxent  de  se-ni- 
pélagiunisme  \'inceiil  de  Lèrins ,  cela  ne 
nuu:>  surprend  pas  ;  ils  ne  lui  parduiuieront 


jamais  la  netteté,  la  force,  la  sagacité  avec 
laquelle  il  a  établi  l'autorité  do  la  Iradilion; 
in:iis  que  des  théologiens  qui  se  disent  ca- 
tholiques appuient  cette  accusation  et  n'en 
voient  pas  les  conséquences,  cela  est  Irès- 
élonnant. — Si  nous  avions  trouvé  des  ob- 
jections plus  fortes  dans  quelque  auteur  pro- 
testant eu  ailleurs,  nous  ne  les  aurions  pas 
passées  sous  silence;  mais  ce  (|ue  nous 
avons  dit  suffit  pour  démontre:-  que  nos  ad- 
versaires, en  attaquant  la  tradition,  n'ont 
pas  seulement  compris  le  véritable  étal  do 
la  question  (1). 

TIxADUCIENS,  c'est  le  nom  que  les  péla- 
giens  donnaient  aux  catholiques  par  déri- 
sion, parce  que  ceux-ci  soutenaient  que  le 
péché  originel  passe  el  se  communique  des 
pères  aux  enfants,  tiaditcitur;  el  que  plu- 
sieurs, pour  concevoir  cette  communication, 
avaient  imaginé  que  l'âme  d'un  enfant  émane 
de  celle  de  son  père,  et  naît  ex  iraduce.  Pen- 
dant longtemps  sainl  Augustin  pencha  vers 
cette  opinion,  parce  qu'elle  lui  semi)lait  la 
plus  coinmo  le  pour  expliquer  la  transmis- 
sion ou  la  transfusion  du  péché  originel, 
mais  il  ne  l'embrassi  jamais  positivement; 
il  semble  même  l'avoir  abandonnée  daus 
son  dernier  ouvrage  contre  les  pélagiens. 
Ces  hérétiiiues  avaient  évidemment  tort, 
quand  ils  exigeaient  qu'on  expliquât  com- 
ment cela  se  fait  :  dès  qu'un  dogme  est  clai- 
rement révélé  par  l'Ecriture  sainte  et  par  la 
tradition,  il  est  absurde  d'examiner  si  nous 
pouvons  ou  si  nous  ne  pouvons  pas  le  com- 
prendre :  c'est  supposer  que  Dieu  ne  peut 
pas  faire  plus  que  nous  ne  concevons,  et 
que  notre  intelligence  très-bornée  est  la 
mesure  de  la  puissance,  de  la  sagesse  et  de 
la  justice  divine.  On  ne  doit  cependant  pas 
blâmer  les  Pères  de  l'Eglise,  parce  qu'ils  ont 
tenté  d'expliquer  jusqu'à  un  certain  point 
nos  mystères  et  de  les  accorder  avec  les  no- 
tions de  la  philosophie,  afin  de  satisfaire 
aux  reproches  et  aux  objections  des  héréti- 
ques et  des  incrédules.  Voy.  Péché  Origi- 

HBI.,  PÉL4GIENS. 

Quoique  l'Ecriture  sainte  n'enseigne  pas 
positivement  que  Dieu  crée  les  âmes  en  dé- 
tail à  mesure  qu'il  se  forme  de  nouveaux 
corps,  c'est  cependant  le  sentiment  le  plus 
probable.  En  effet,  il  n'y  a  aucune  raison  de 
penser  qu'à  la  naissance  du  monde  Dieu  a 
exercé  tout  son  pouvoir  créateur  ,  et  (lu'il  a 
résolu  de  ne  plus  en  faire  aucun  usage.  Il 
n'est  donc  pas  étonnant  que  le  seniimenl  dont 
nous  parlons  soit  devenu  la  croyance  çéné- 

(I)  Il  y  a  qiiiue  sources  princ;p;des  de  tnditions  : 
\"  1,1  rroyiiiice  el  la  pratique  gén  raie  el  universelle 
de  tonte  l'Ejlise  (Voi/.  Croïances  cé.néralcs)  ;  2°  la 
liturgie  enleiidiie  dans  son  acception  la  plus  géné- 
rale, c'esl-ii-ilire  les  prières,  les  hymnes,  le  culte 
prescrit  suit  pour  la  cé^cbraiion  des  saints  mystères, 
soii  pnur  radmiiiisiraiion  des  sacrements  {Voy.  Li- 
turgie) ;  3°  les  écrits  des  Pères,  lorsqu'ils  sont  una- 
nimes pour  nnns  pré-enter  une  docirlne  comme  ré- 
vélée {Votj.  Pères);  4°  les  décisions  dogmatiques  de 
l'hglise  :  l'Eglise  ëlaiU  infaillible,  lorsqu'elle  nous 
enseigne  une  vérité  comme  rév.  lée,  nous  devons 
croire  qu'elle'l'e-t  cerlaineaieiu.  (Voy. (Constitutions 

DOGUATIUUES.) 


847 


TRA 


raie  de  l'Eglise.  Beausobre  a  fort  mal  rai- 
sonné, lorsqu'il  a  oit  que  l'hypothèse  do  la 
préexistence  des  âmes  fait  honneur  à  Dieu, 
parce  qu'elle  suppose  que  sa  puissance  et 
sa  bonté  n'ont  jamais  été  sans  agir  ^ l  sans 
se  communiquer  aux  créatures  ,  Ilist.  du 
Manich.,  1.  vi  ,  c.  1  ,  §  15.  C'est  justement 
pour  cela  qu'il  y  a  lieu  de  croire  que  Oieu 
agit  encor{>  en  créant  de  nouvelles  âmes. 

TRADUi;T10N.  Voy.  Version. 

TRAIT  de  la  messe.  Suite  de  plusieurs 
versets  qui  se  chantent  à  la  messe  ,  et  qui 
succèdent  au  graduel.  Autrefois  ces  versets 
étaient  chantés,  tantôt  sans  inicrruplion, 
tractim,  par  un  seul  chantre  ,  et  tantôt  par 
plusieurs  alternativement.Comme  un  psaume 
avait  quelque  chose  de  plus  triste  quand  il 
était  continué  par  une  seule  personne  que 
quand  plusieurs  chantres  se  répondaient, 
l'usage  s'est  établi,  dans  les  temps  consacrés 
à  la  pénitence  ou  à  la  mémoire  de  la  pas- 
sion du  Sauveur  ,  et  dans  les  messes  pour 
les  morts,  de  faire  chanter  en  Irait  les  ver- 
sets, par  un  seul  ou  par  deux  chantres  aux- 
quels le  chœur  ne  répond  point.  Dans  les 
jours  de  l'êtes  consacrés  à  la  joie,  au  lieu  de 
irait  on  chante  alléluia,  et  il  est  répété  par 
le  chœur.  Lebrun,  Explic.  des  cérémonies 
delà  mosse,  tome  I,  pag.  203. 

TBANSFIGUIIATION  de  Jésus  -  Christ. 
Nous  lisons  dans  saint  Matthieu  ,  c.  xvii, 
dans  saint  Marc,  c.  IX  ,  et  dans  saint  Luc, 
c.  IX,  que  le  Sauveur  conduisit  ses  disciples, 
Pierre,  Jacques  et  Jean  ,  sur  une  montagne 
haute  et  écartée  ;  nue  pendant  s-i  prière  son 
visage  devint  rpsplendissanl  comme  le  soleil, 
et  ses  vêlements  d'une  blancheur  éblouis- 
sante ;  que  Moïse  et  Elie  apparurent  et  s'en- 
tretinrent avec  lui  de  ce  qu'il  devait  souffrir 
à  Jérusalem;  qu'ils  furent  environnés  d'une 
nuée  lumineuse  de  laquelle  sortit  une  voix 
qui  dit:  «  Voil()  mon  Fils  bien-uimé,  en  qui 
f ai  mis  mes  complaisances;  écoa!cz-le.  Les 
évangélistes  ajoutent  qu'à  la  vue  de  ce  spec- 
tacle, ricrre  s'écria  :  Scir/ncur,  nous  somines 
bien  ici,  faisons-y  trois  tentes,  une  pour  roiis, 
une  pour  Moïse,  et  une  pour  Elie,  ne  sachant 
ce  qu'il  disait  ;  que  les  trois  disciples  effrayés 
tombèrent  sur  leur  visage;  (]ue  Jésus  les 
releva,  les  rassura  et  leur  défendit  de  pu- 
blier ce  miracle  avant  sa  résurrection.  Oa 
conjecture  qu'il  arriva  environ  deux  ans 
avant  sa  mort.  Pour  le  révoquer  on  doute, 
quelques  incrédules  ont  dit  que  ces  trois 
disciples  dormaient,  saint  Luc  le  remarque 
expressément  ;  qu'ainsi  ce  fut  un  rêve.  Mais 
trois  hommes  ne  rêvent  pns  de  môme;  lorsque 
ces  trois  disciples  tombèrent  par  terre,  que 
Jésus  les  releva  et  leur  parla  en  descendant 
do  la  montagne  ,  ils  ne  rêvaient  pas.  Pour- 
quoi leur  défendre  de  publier  pour  lors  ce 
qu'ils  avaient  vu,  s'il  avait  voulu  les  retenir 
dans  l'erreur  ?  Toutes  les  circonstances  dé- 
montrent que  Jésus-Christ  ne  recherchait 
ni  sa  propre  gloire  ni  à  tromper  ses  disci- 
ples ;  que  par  des  prodiges  de  toute  espèce 
il  voulait  les  convaincre  pleinement  de  sa 
mission  ,,  et  les  prémunir  contre  le  scandale 
de  -ses  souffrances  et  de  sa  mort.  Une  preuve 


TRA  m 

que  les  apôtres  ne  pensaient  pas  non  plus  à 
multiplier  ses  miracles,  c'est  que  saint  Jean, 
qui  avait  été  témoin  de  celui-ci  ,  n'en  parle 
point  dans  ses  écrits;  saint  Pierre  en  a  fait 
mention  très-brièvement ,  Epist.  II ,  cap.  i, 
V.  17. 

La  fête  de  la  Transfiguration  est  ancienne 
dans  l'Eglise,  puisqu'au  v"  siècle,  saint  Léon 
a  fait  un  sermon  sur  ce  sujet.  Saint  llde- 
fonse,  é\8êque  d'Espagne  en  845,  en  parle 
comme  de  l'une  des  grandes  solennités  de 
l'année  ;  Barouius  en  a  trouve  la  mémoire 
dans  un  martyrologe  de  l'an  850.  Ainsi, 
lorsque  l'an  1132,  Pothon  ,  prêtre  de  Prum, 
la  regardait  comme  une  nouvelle  fête  établie 
par  des  moines  ,  il  était  mal  informé.  En 
l'i37,  le  pape  Calixte  III  ordonna  qu'elle  fût 
célébrée  par  un  ofûcc  propre,  et  avec  les 
mêmes  indulgences  que  la  fête  du  saint  sa- 
crement ;  cela  prouve  qu'elle  n'était  pas  alors 
solcnnisée  partout ,  mais  non  qu'il  en  fût 
l'instituteur,  comme  quelques-uns  l'ont  cru. 
Vie  des  Pères  et  des  martyrs  ,  t.  VII,  p.  172; 
Thomassin,  Traité  des  fêtes,  1.  n,  c.  19,  §  l'i. 
et  13. 

TRANSLATION  (1)  [Droit  canonique]  est 
l'acte  par  lequel  on  transfère  un  ecclésias- 
tique ou  un  bénéûce  d'un  lieu  à  un  autre. 
Ainsi  l'on  distingue  deux  sortes  de  transla- 
tions ,  l'une  des  personnes  ,  et  l'autre  des 
choses  ou  bénéfices. 

§  I".  Delà  translation  des  bénéfices. — Celle 
translation  est  à  temps,  ou  à  perpétuité.  La 
translation  à  temps  est  moins  une  transla- 
tion qu'une  desserte  de  bénéfice.  Elle  a  lieu, 
par  exemple  ,  lorsqu'une  Eglise  paroissiale 
est  transférée  à  une  église  voisine  ou  à  une 
succursale  de  la  même  paroisse,  soit  à  cause 
de  la  ruine  de  l'édifice  ,  soit  à  cause  du  dé- 
faut d'habitants.  Elle  se  fait  par  l'autorité 
de  l'évéque,  et  n'apporte  aucun  changement, 
quant  au  litre  ,  soit  de  l'église  abandonnée, 
soit  de  celle  oii  se  fait  la  translation.  La  pre- 
mière n'est  point  privée  de  son  titre  d'Eglise 
paroissiale  ,  et  l'autre  reste  toujours  telle 
qu'elle  était  auparavant.  Il  n'en  est  pas  de 
même  des  translations  à  perpétuité  ;  c'est  à 
leur  occasion  que  s'appliqucMit  ces  paroles 
de  saint  Denis,  pape:  Ecclcsias  singulas  sin- 
f/ulis  pres'jyleris  dedimus  ,  et  cœmetcria  eis 
dividimus,  et  unicuiqne  propriam  habere  sta- 
tuimus.  Ces  translations  ne  font  parla  sup- 
pression du  litre  de  l'église  que  l'on  veut 
quitter  ,  et  par  la  nouvelle  création  de  ce 
même  titre  dans  l'église  que  l'on  veut  occu- 
per. Leur  eilet  est  de  changer  l'état  du  bé- 
néfice transféré  ,  et  de  lui  l'aire  perdre  ses 
privilèges.  Elles  ne  peuvent  se  faire  sans  do 
grandes  causes  :  le  concile  de  Trente  en  a 
spécifié  plusieurs,  Sest:.  xxi,  de  Réf.,  cap.  4; 
savoir,  la  distance  des  lieux,  le  mauvais  état 
des  chemins,  et  les  dangers  pour  arrivera 
l'église.  Les  causes  pour  les  translutions  d'c- 
l'échés  ,  sont:  1"  la  petitesse  du  lieu;  2"  lo 
mauvais  état  des  bâtiments,  ou  leur  étal  do 
ruine;  3"  le  petit  nombre  du  clergé  séculier 
et  régulier  ;  k"  le  défaut  de  population  en  gé 

(I)  Article  reproduit  d'aoros  l'cdilion  de  Liège, 


-  849  TRA 

néral;  5"  la  méchanceté  dos  hnbilanls  avec 
qui  l'évoque  ni  son  clergé  ne  pourraiciil  vi- 
vre ;  la  coinniodilé  de  la  ville  où  le  siéi;edoit 
élre  Iransfcré,  et  l'ulililé  qui  en  revient  au 
diocèse.  Les  causes  pour  les  Irunslalions  de 
paroisses  sont  également  le  mauvais  état  du 
lieu,  et  le  danger  où  les  paroissiens  seraient 
de  manquer  des  sacrements  ,  soit  par  rap- 
port à  réioignemei'.t  de  la  paroissi; ,  soit  par 
rapport  au  mauvais  état  des  ebemins,  soit 
enfin  au  trop  grand  nombre  des  paroissiens 
auxquels  un  curé  ne  pourrait  suffire  pour 
administrer  les  secours  spirituels  ,  et  sur 
lesquels  il  ne  pourrait  également  étendre  la 
sollicilude  pastorale,  (juantaux  translations 
des  maisons  religieuses,  on  donne  pour  mo- 
tifs, le  trouble  apporté  au  service  divin  par 
les  hérétiques  voisins  du  monastère,  les  in- 
cursions fréquentes  des  voleurs  qu'on  ne 
saurait  empêcher  ,  et  en  général  l'avantage 
des  religieux.  Sur  quoi  nous  devons  observer 
que,  dans  les  translations,  on  n'est  pas  tou- 
jours déterminé  par  une  nécessilé  absolue, 
mais  presque  toujours  pour  le  plus  grand 
bien  de  l'Eglise.  La  translation  d'un  évêcbé 
a  cela  de  particulier,  qu'elle  ne  se  peut  faire 
que  d'un  lieu  à  un  autre  ayant  le  litre  de 
ville  suivant  l'état  politique.  Non  in  castellis, 
non  in  villis,  ubi  minores  sunt  plcbe.s,  tnino- 
resque  conciirsus,  ne  vilcscat  diynitas  episco- 
pulis.  Aussi  est-il  d'usage  que  le  pape,  dans 
les  bulles,  érige  en  cité  ,  civilateni  ,  le  lieu, 
oppidum,  où  le  siège  épiscopal  doit  être  si- 
tué; ce  qui,  suivant  les  derniers  annota- 
teurs de  l'auteur  du  Traité  de  l'abus  ,  paraît 
n'avoir  lieu  que  pour  la  cour  romaine  ,  et 
pour  lever  toutes  les  difficultés  qui  pour- 
raient survenir  à  la  chambre  apostolique, 
où  les  requêtes  ne  donnent  pas  le  nom  de 
villes  à  tous  les  lieux  qui  ,  dans  l'état  poli- 
tique des  différents  royaumes,  ont  cette  qua- 
lification. 

Suivant  le  droit  nouveau,  le  roi  et  le  pape 
doivent  concourir  dans  la  translation  des 
évôchés.  Dans  l'ancien  droit  ,  il  suffisait  do 
l'autorité  du  roi  ou  de  celle  du  primat.  Le 
droit  du  roi,  dans  les  translations ,  vient  de 
ce  qu'il  est  présumé  de  droit  patron  et  fon- 
dateur des  églises  do  son  royaume  :  il  est 
d'ailleurs  de  l'intérêt  de  l'Etat,  comme  le  re- 
marque Fevret ,  que  ,  par  la  multiplication 
des  sièges  épisco|)aux  ,  la  juridiclion  ecclé- 
siastique ne  prenne  trop  d'accroissement; 
et  c'est  au  roi,  comme  protecteur  de  la  police 
extérieure  de  l'église,  de  faire  en  sorte  que 
ces  changements  n'apportent  aucun  préju- 
dice au  droit  des  évêques  sullraganls  et  ù 
celui  des  métropolitains  (1). 

Le  grand  différend  de  Boniface  "VIII  avec 
Philippe  le  Del  fut  occasionné  par  l'entre- 
prise du  pape,  qui,  contre  le  gré  du  roi,  avait 
transféré  une  partie  du  siège  archiépiscopal 
de  Toulouse  à  l'amiers,  où  il  avait  érigé  un 
évéché  en  faveur  de   Bernard  Faisset ,  son 

(I)  Sous  le  rapport  spirituel  le  pape  est  absolu- 
ment maine  de  créer  des  cvéclics.L'anicle  que  nous 
rapporlons  respire  cvideuniicni  un  esprit  trop  par- 
lemeulaire. 


TRA 


850 


inliiiie  ami  ,  qui  ,  suivant  l'expression  de 
l'auteur  du  Traité  de  l'abus  ,  fut  assez  hardi 
po;ir  souleiiir  publiquement  qu'il  ne  tenait 
rien  du  roi,  et  qu'il  était  sujet  du  pape,  tant 
|)0ur  II-  temporel  que  pour  le  spirituel. — 
Lorsque  le  p.ipe  Pascal  entreprit  d'ériger 
l'église  de  Touniay  en  évêché  ,  de  sa  seule 
autorité,  Louis  le  Gros  ne  manqua  pas  de 
s'y  opposer,  et  il  eut  pourdéfenseur  des  droits 
de  sa  couronne  lecélèlire  Ives  de  (Chartres, 
qui  fit  sentir  au  pape  qu'il  ne  pouvait  risquer 
de  semblables  ciitrepiises  sans  s'exposer  à 
introduire  un  schisme  dans  le  ro\auine. — 
Les  bulles  de  la  translation  de  l'évêché  de 
Maguelone  à I^lontpellier  font  mention  qu'elle 
se  fit  à  la  réquisition  et  du  consentement  de 
François  1"  ;  et  enfin  ,  lors  de  l'érection  de 
l'évêché  de  Paris  en  archevêché,  en  confor- 
mité de  la  demande  qu'en  avait  faite  le  roi, 
il  y  eut  des  lettres  patentes  ,  ensuite  des 
bulles,  lesquelles  lettres  patentes  contenaient 
le  consentement  de  distraire  de  l'archevêché 
de  Sens,  Chartres,  Orléans  et  Meaux  ,  pour 
les  rendre  suffragantsde  la  nonvclin  métro- 
polo.  On  remarque  que  Grégoire  XV  ,  qui 
expédia  les  bulles  pour  celle  translation, 
ayant  mis  les  mots  motu  proprio  ,  le  parle- 
ment ,  en  les  vérifiant,  déclara  que  c'était 
sans  approbation  de  cette  clause ,  et  qu'il 
serait  dit  au  contraire  que  c'était  à  la  réqui- 
sition du  roi  que  ces  bulles  avaient  été  expé- 
diées. 

In  erectionibus ,  dit  Rebuffe  sur  celte  ma- 
tière, et  translalionibus  ecclesiaruin  episco- 
pulium,  rcx  débet  consentire,  cum  ejns  intersit 
tanquam  fundatoris.  Aussi  ,  dit  encore  Fe- 
vret à  ce  sujet,  qui  voudrait  douter  que  le 
roi  ne  dût  jouir  des  mêmes  privilèges  que  les 
patrons  laïques,  sans  le  consentement  des- 
quels il  ne  peut  rien  être  innové  au  bénéfice 
de  leur  patronage  ? 

Le  consentement  du  roi  n'est  pas  seul 
suffisant  dans  la  translation  des  évéchés  ,  il 
faut  encore  celui  des  métropolitains  et  des 
évêques  sulîragants,  mênic  celui  des  chapi- 
tres et  aulres  ecclésiastiques  qui  peuvent  y 
avoir  quelque  intérêt.  Innocent  111  recon- 
naît ce  droit  des  évêques,  à  l'occasion  de  la 
luétropole  qu'il  s'agissait  d'établir  dans  la 
Hongrie,  qui  jusqu'alors  avait  dépendu  de 
celle  de  Mayence.  Ce  pape,  après  avoir  mon- 
tré de  quelle  conséquence  était  cette  de- 
mande, ajoute  qu'il  fallait  avoir  le  consen- 
tement de  l'archevêque  de  Mayence,  métro- 
politain, «t  celui  de  son  chapitre  :  i'rœlerea 
convcnienda  et  commonenda  super  hoc  cccle- 
sia  Mogunlinensis. —  Le  consentement  des 
peuples  est  encore  à  considérer.  Une  ville 
jiourrait  avoir  de  légitimes  motifs  pour  ne 
pas  recevoir  de  siège  épiscopal  ;  le  défaut 
de  moyens  pour  en  soutenir  la  dignité  en 
serait  un  déterminant.  D'ailleurs,  dit  Fevret, 
les  évéchés  pourraient  être  éloignés  l'un  de 
l'autre  d'une  si  grande  distance,  qu'il  serait 
nécessaire  d'en  établir  un  en  qui;l(|ue  cité 
intermédiaire  ,  ce  qui  obligerait  de  prendre 
l'avis  cl  le  consentement  des  peuples,  pour 
*  savoir  quelle  commodité  ou  dommage  cela 
pourrait  causer  aux  uns  ou  aux  autres.  '^ 


'y^wi] 


SSl 


TRA 


IRA 


85t 


multum  distant  episcopatus  vel  civitates  inter 
se,  débet  inlocis  interinediis  episcopatus  con- 
slitui  habita  consideralione  siCus  ,  qualitas 
regionis,  populurum  et  difficiiltatis  viarum, 
qui  sont  toutes  circonstances  qui  obligent 
d'ouïr  les  peuples  en  telles  affaires  ,  de 
peur  de  leur  donner  sujet  d'appeler  comme 
d'abus.  On  voit  que,  d'après  Fcvret,  le  refus 
de  consenteiiicnt  des  peuples  n'csl  point  un 
refus  qui  doive  procéder  de  l'iiulorité  ,  mais 
seulement  de  la  raison  et  de  l'équité  ;  et  dès 
cet  instant,  il  ne  peut  arrêter  ,  si  d'ailleurs 
les  deux  puissances  concourent  pour  la 
translation  des  .sièges. 

Les  translations  des  cures  et  des  monas- 
tères se  font  par  l'autorilc  des  évéques,  qui, 
d'après  le  canon  37  des  apôtres  ,  ont  loule 
intendance  et  toute  juridiction  sur  les  églises 
de  leurs  diocèses  ;  ils  peuvent  faire  dans 
toutes  les  paroisses  de  leurs  ressorts  tous  les 
changements  qu'ils  jugent  nécessaires  et 
convenables  ;  mais  ils  doivent  toujours  se 
faire  autoriser  par  le  roi  et  par  les  personnes 
intéressées  :  il  en  est  rie  même  des  monas- 
tères. Sans  ces  précautions,  il  y  aurait  lieu 
à  l'appel  comme  d'abus. 

Célestin  111  (Ch,  de  Eccles.  œdif.)  renvoya 
à  l'évêque  diocésain  les  habitants  d'une  pa- 
roisse qui  s'in  voulaient  séparer,  et  lui  de- 
mandaient la  permission  (te  bâtir  une  iglise 
pour  leur  en  tenir  lieu.  Aussi,  lorsijue  les 
habitants  du  faubourg  Sainl-Honoré  à  Paris, 
qui  originairement  étaient  de  la  collégiale 
de  Saint-Germain  l'Auxerrois,  voulurent  se 
bâtir  une  chapelle  sous  le  titre  et  l'invoca- 
tion  de  saint  Ruch,  ils  présentèrent  leur  re- 
quête à  l'évêque,  qui  ,  par  son  ordonnance 
du  18  août  1578,  leur  permit  d'ériger  celte 
chiipelle  pour  leur  tenir  lieu  de  paroisse, 
mais  à  la  cliarge  de  reconnaître  toujours 
l'église  de  Saint  tîermaiu.  Cet  usage  s'est 
pratiqué  de  tout  temps  dans  l'Eglise,  et  s'il 
arrivait  que  des  paroissiens  ,  de  leur  auto- 
rité et  à  linsu  de  leur  évoque,  se  fussent  fait 
bâtir  uni!  église  avec  les  marques  d'une 
église  paroissiale,  il  y  aurait  lieu  à  l'appel 
comme  d'abus,  tant  par  révè(|ue  que  par  le 
curé  de  l'église  paroissiale. 

Fevrot  cite  à  cette  occasion  l'exemple  de 
l'évêque  de  Monlauban.  Ce  pré  al  ayant  ac- 
cordé à  des  religieuses  de  \'illemur  la  per- 
mission de  s'établir  dans  l'hôpital  de  Saint- 
Louis,  les  adrjiiuislrateurs  de  cet  hôpital 
émirent  appel  comme  d'abus  de  l'ordoiuiaiice 
de  l'évêque  diocésain  contenant  celte  per- 
mission. Le  parlciiienl  de  Toulouse  ,  sans 
s'y  arrêier,  ordonna  qu'elle  serait  exécutée 
par  provisioa  à  la  forme  dos  arrêts  précé- 
dents ,  alteniiu  qu'il  apparaissait,  tant  de 
l'autoriléde  l'évêque  diocésain  que  de  la  per- 
mission du  roi  ,  et  que  d'ailleurs  le  peuple 
n'y  contredisait  point. 

s  11.  Be  la  triinslation  des  personnes,  et  pre- 
mièrement d'S  évéques.  —  Dans  la  primitive 
Eglise,  tout  ecclésiastique  était  allaché  à  son 
Ef;lise,  el  les  évéques  surloul.  Aussi  nous 
voyons  que  la  <ro»i7aa'on  d'uu  évê(;ue,d'un 
sié;^e  à  MU  aulre,  est  réprouvée  par  les  au- 
cieus  canons  el  par  loub  les  Pèrcj,  lorsqu'elle 


est  faite  sans  nécessité  ou  utilité  pour  l'E- 
glise, parce  que  ,  disent  saint  Cyprien  cl  le 
pape  Ëvariste ,  il  se  contracte  on  m;iriage 
spirituel  entre  l'Evêque  et  son  Eglise,  telle- 
ment que  celui  qui  la  quitte  facileiiienipour 
en  prendre  une  autre  ,  commet  un  adultère 
spirituel.  Le  concile  de  Nicée  défiN\d  aux 
évéques,  prêtres  el  diacres,  de  passer  d'une 
Eglise  à  une  autre;  c'est  pourquoi  Constantin 
le(]rand  loue  Eusèl)e,évèquedeCésarée,  d'a- 
Toir  refusé  l'évêché  d'Antioche.  Le  concile 
de  Sardique  alla  même  plus  loin,  car,  voyant 
que  les  ariens  méprisaient  la  défense  du 
concile  de  Nicée  ,  et  qu'ils  [)assaienl  d'une 
moindre  Eglise  à  une  plus  riche  ,  Osius  le 
Grand  ,  qui  y  présidait,  y  proposa  que  dans 
ce  cas  les  évéques  seraient  privés  de  la  com- 
munion laïque  i  ême  à  la  mort.  11  y  a  un 
grand  nombre  d'autres  canons  conformes  à 
ces  deux  tonciles. —  L'Eglise  romaine  était 
leilemeiit  attachée  à  celle  discipline  ,  que 
Formose  fut  le  premier  qui  y  contrevint, 
ayant  passé  de  l'Eglise  de  Porto  à  celle  de 
Rome,  vers  la  On  du  ix'  siècle,  dont  Etienne 
VII  lui  fit  un  crime  après  s.i  mort.  Jean  !X 
fit  néanmoins  un  canon  pour  autoriser  les 
translations  en  cas  de  nécessilc,  ce  qui  était 
conforme  aux  anciens  canons  qui  les  per- 
mettaient en  cas  de  nécessilé  ou  utilité  pour 
l'Eglise. 

C'était  au  concile  provincial  à  délcrminer 
la  nécessité  ou  utilité  de  la  translation;  c'est 
ainsi  qu'Eusèbe  fut  transféré  sur  le  siège 
d'Alexandrie,  et  Félix  sur  celui  d'Ephèse. 
Tel  fut  l'usage  en  France  jusque  vers  le  x* 
siècle  On  voit  en  effet,  par  les  capilulaires 
de  Charlemague,  que  de  son  temps  la  trans- 
lation des  évéques  se  faisait  par  la  seule 
autorité  des  évéques,  et  celle  des  clercs, 
d'une  Eglise  à  une  autre,  par  la  permission 
de  l'évêque  diocésain.  Parla  suile  des  temps, 
les  patriarches  elles  primats,  dans  l'étendue 
de  leur  patriarcal  ou  primatie  ,  s'arrogèrent 
le  pouvoir  de  statuer  sur  les  translations  des 
évéques  d'une  cité  à  une  autre.  Les  papes 
en  uèretit  de  même  dans  leur  patriarcat,  et 
bientôt  dans  toute  riîglise  latine  ,  en  sorte 
que  ces  translations  lurent  mises  au  nom- 
bre des  causes  majeures  réservées  au  saint- 
siége. —  Suivant  le  droit  des  Décrétales  et 
la  discipline  présente  de  l'Eglise,  les  tranS'- 
lotions  des  évéques  sont  toujours  réservées 
au  pape,  et  ne  peuvent  même  app.irienir  aux 
h  g.ils  a /a<e)c  ,  sans  un  induit  sp;cial  du 
pa;  e.  On  observe  aussi  toujours  que  la  trans- 
lation no  peut  être  faite  sans  née;  ssité  ou 
ulililè  pourl'Eglise.  Il  faut  de  plus  en  France, 
que  ces  translations  soient  faites  du  consen- 
tement (lu  roi,  cl  i  ur  sa  nouiinaliun,  et  qu'il 
en  .'oit  fait  mention  dans  les  bulles  de  pro- 
vision, autrement  il  y  aurait  abus. 

§  m.  De  la  translation  des  religieux  d'un 
ordre  dansun  attire.  Dans  l'origine  de  l'élat 
monasîique,  les  religieux  pouvaient  passer 
d'un  monastère  dans  un  aulre  ,  même  d'un 
ordre  dill'érenl,  el  se  mettre  successivement 
SI. us  la  direction  des  différents  siip:  rieurs. 
L'aiiit  Ih'i'.oîl  joignit  au  vœu  d'obéissance 
perpétuelle,  celui  de  stabilité  ,  c'est-à-dire. 


855 


IRA. 


IRA 


S&i 


de  résidence  perpétuelle  dans  .0  monaslère 
où  les  religieux  avaient  fait  profession.  La 
rè;;le  de  saint  lîcnoît  étant  devenue  la  seule 
qui  fut  observée  dans  l'occident,  le  précepte 
de  stabilité  devint  un  droit  cummun  pour 
tous  les  réguliers.  Ccpciuiant  comme  le  vœu 
de  stabilité  n'avait  pour  objet  que  de  pré- 
venir la  légèreté  el  l'inconstance,  et  non  pas 
d'empêcher  les  relij;ieux  de  tendre  à  nue 
plus  grande  perfection  ,  on  leur  permit  do 
passer  de  leur  monastère  dans  un  autre  plus, 
austère;  et  pour  cela  ,  ils  n'avaient  besoin' 
que  du  consentement  de  l'abbé  qu'ils  quit- 
taient. Depuis  l'élablissemeiit  des  ordres 
mendiants,  plusieurs  religieux  de  ces  ordres 
se  retirant  chez  les  bénédictins  ,  ou  dans 
d'auires  congrégations  ,  pour  y  obtenir  des 
bénéFices  ,  on  régla  d'abord  que  les  men- 
diants, ainsi  transférés,  ne  pourraient  tenir 
aucun  bénéfice  sans  une  permission  parti- 
culière du  pape.  Ces  sortes  de  permissions 
s'accordaiil  trop  fucilemrnt  ,  on  régla  dans 
la  suite  que  les  translations  di's  Mendiants 
dans  un  autre  ordre  (excepié  celui  de  Char- 
treux, où  l'on  ne  |iossède  point  de  bénclice) 
ne  seraientvalablrsque  quand  elles  seraient 
autorisées  par  un  bref  exprès  du  pape. — 
Un  religieux  peut  aussi  être  transféré  dans 
un  ordre  plus  ruitigé,  lorsque  sa  santé  ne  lui 
permet  pas  de  suivre  la  règle  qu'il  a  em- 
brassée ;  mais  l'usage  de  ces  sortes  de  trans- 
talions  est  beaucoup  plus  moderne.  On  a 
mieux  aimé  alTranrbir  totalement  un  reli- 
gieux infirme  de  l'austérité  de  sa  règle,  et 
lui  permettre  d'en  choisir  une  plus  douce, 
que  d'admettre  en  sa  faveur  une  exception 
continuelle  ,  (jui  pourrait  devenir  pour  les 
autres  une  occasion  de  relâcbemenl.  Pour 
passer  dans  un  ordre  plus  austère,  un  reli- 
gieux doit  demander  la  permission  de  son 
supérieur;  mais  si  le  supérieur  la  refuse,  le 
religieux  peut  néanmoins  se  retirer.  A  l'é- 
gard des  .Mendianis,  il  leur  est  défendu,  sous 
peine  d'excommunication  ,  de  passer  dans 
Un  autre  ordre  ,  même  plus  austère  ,  sans 
un  bref  du  pape;  etil  est  défendu  aux  supé- 
rieurs ,  sous  la  même  peine  ,  de  les  rece- 
voir sans  un  bref  de  translation  :  on  excepte 
seulement  l'ordre  des  Chartreux.  Le  pajie 
.est  aussi  le  seul  qui  puisse  transférer  un 
religieux  dans  un  ordre  moins  ausière,  lors- 
que sa  santé  l'exige.  Le  bref  de  trunslalion 
doit  être  fulminé  par  lofiicial  ,  après  avoir 
entendu  les  deux  supérieurs;  el  si  la  trans- 
lation est  accordée  à  cause  de  quelque  in- 
Grmité  du  religieux,  il  faut  qu'elle  soit  con- 
statée par  un  rapportde  médecins.  Les  brefs 
de  translation,  pour  être  exécutés  eu  France, 
doivent  èire  expédiés  en  la  Daleric  do  Rome, 
et  non  par  la  congrégaliou  des  cardinaux, 
ni  par  la  Pénitencerie.  L'usage  de  la  D ate- 
rie,  qui  est  suivi  parmi  nous  ,  oblige  le  reli- 
gieux transféré,  de  faire  un  noviciat  et  une 
nouvelle  profession  ,  lorsqu'il  passe  dans 
un  ordre  plus  austère  ,  ou  qu'il  passe  d'un 
ordre  où  l'on  ne  po^ sèdc  (as  de  béoéûce 
dans  un  oidreoùl'ou  en  pe:U  tenir.  Sans 
cette  profession,  il  ne  peut  devenir  membre 
du  nouveau  monastère;  c'«sl  par  elle  que 


le  nœud  réciproque  qui  attache  le  religieux 
à  l'ordre,  et  l'ordre  au  religieux  ,  se  forme 
et  devient  indissoluble.  Klie  est  même  né- 
cessaire lorsque  la  (rans/o^i'on  se  fait  dans 
un  ordre  moins  ausière  ,  par  la  raison  que 
le  sujet  a  droit  d'examiner  si  la  maison  lui 
convient  ,  et  la  maison  celui  d'examiner  si 
elle  peut  s'arcommoder  dn  sujet.  On  observe 
les  mêmes  règles  pour  la  translation  des  re- 
ligieuses d'un  monastère  dans  un  autre, 
c'esl-à-dire,  qu'elles  ne  peuvent  passer  d'un 
monaslère  à  un  autre  plus  austère  ,  sans 
avoir  demandé  la  permission  de  leur  supé- 
rieure, et  si  celle-ci  la  refuse,  la  religieuse 
no  peut  sortir  du  premier  monastère,  sans 
une  permission  par  écrit  de  l'évéque. 

Tout  ce  que  nous  venons  de  dire  des  trans- 
lalions  des  religieux  ,  doit  s'entendre  des 
translations  d'un  ordre  dans  un  autre,  c'est- 
à-dire  des  cas  où  le  religieux  change  d'ob- 
servance el  de  discipline,  et  non  do  celles  où 
il  change  seulement  de  monastère  et  non 
pas  d'observance.  Cette  dernière  s'opère  par 
la  seule  autorité  des  supérieurs  réguliers, 
sans  solennité  ni  formalité,  et  elle  n'exige 
ni  noviciat  ni  profession.  Elle  a  même  lieu 
par  la  collation  d'un  bénéfice  dans  un  autre 
monastère  que  celui  dans  lequel  le  religieux 
avait  fait  ses  vœux. 

Les  rescrits  de  translation  des  religieux, 
contenant  dispense  du  saint-siége,  pour  pas- 
ser d'un  ordre  dans  un  autre,  ne  soufl'rent 
pas  d'extension,  et  s'interprètent  comme 
étant  de  droit  étroit  :  c'est  pourquoi  le  reli- 
gieux simplement  transféré  no  peut  aspirer 
aux  bénéfices  de  l'ordre  dans  lequel  il  est 
passé;  il  lui  faut  une  dispense  particulière 
et  spéciale,  sans  laquelle  la  provision  devient 
îiulle.  C'est  ce  qui  a  été  jugé  au  parlement 
de  Paris,  le  30  juin  1GV2,  contre  un  religieux 
cordelier  qui  s'é.ait  l'ait  Iranslércr  dans  l'or- 
dre de  Saint-Augustin, et  qui  y  aval  tété  pourvu 
d'un  prieuré  qui  on  dépendait  ,  sans  clause 
de  dispense  particulière  pour  tenir  des  béné- 
Gces  de  l'ordre. 

Lorsque  le  religieux  transféré  retourne  à 
son  premier  iionastère  ,  on  distingue  si  la 
translation  était  dans  un  monastère  du  même 
ordre,  ou  si  elle  était  dans  un  monastère 
d'un  ordre  dilTérent  :  dans  le  premier  cas,  il 
reprend  sa  place  et  son  ring  d'ancienneté, 
lei  qu'il  l'avait  avant  sa  iîï/n.</(j/io>i.  Si  au 
contraire  il  est  transféré  dans  un  monastère 
d'un  ordre  différent,  etijoe  la  translation 
ail  été  effecluét' ,  il  perd  son  riiig  d'ancien- 
neté: tel  est  l'avis  de  Fevret.  C'est  pourquoi, 
dit  cet  auteur,  si  par  quelque  considération 
ce  religieux  relou;  nail  à  son  premier  habit, 
il  ne  reprendra  pas  son  rang  d'ancienneté, 
mais  marcherait  d'après  les  reçus  depuis  sa 
translalion  ;  de  même  qu'un  officier  de  quel- 
que siège,  lequel  se  serait  fait  pourvoir  de 
quelque  office  en  une  autre  compagnie;  si, 
après  l'avoir  exercé  ,  il  retournait  au  siégo 
auquel  il  était  premièrement  officier  ,  il  ne  . 
reprendrait  plus  le  rang  qu'il  y  tenait,  par 
l'argument  do  la  loi,  Scd  ti  manente  ,  ff.  de 
prccar.,  sauf  la  limitation  de  la  loi  3,  De  di- 
onit.  lib.  X,  où  il  est.dit  que  celui  qui  quitte 


855 


^R^. 


TR\ 


856 


uue  charge  pour  entrer  dans  le  sénat,  s'il 
retourne  au  premier  'corps  où  il  élail  ofli- 
cier,  reprenil  sa  première  place,  idque  jure 
singulnri;  et  par  la  même  raison,  qu'un 
relijfieux  transféré  à  une  autre  religion,  ul 
in  ea  esset  pnelatus  finito  officia  ,  scdcbil  in 
primo  loco  post  prœlatum  in  memorium  pri- 
stinœ  difiinlatis :mi\is  hors  ces  cas  singuliers, 
on  suit  la  glose  de  la  loi  21,  de  Decnr.,  qui 
veut  que  celui  qui  est  sorti  de  l'ordre  des 
décurions,  si  fuerit  resliCutus,  euindem  ordi- 
nem  non  rethxeat  quem  pi  ius  habebut  ,  sed 
quem  tune  adipiscilur  mm  novus  in  ordinem 
redit. 

TRANSLATION  dos  reliques  d'un  saint. 
L'usage  de  transporter  d'un  lieu  à  un  autre 
les  reliques  d'un  martyr  ou  d'un  autre  saint 
dont  on  chérissait  la  mémoire,  est  venu  d'un 
sentimcnltrès-nalurel  ettrès-religicux.  Lors- 
qu'un saint  évêque  avait  soufl'crt  la  murt 
pour  Jésus-Christ  dans  un  lieu  éloigné  de 
son  siège  ,  il  n'est  pas  étonnant  que  ses 
ouailles  aient  désiré  de  posséder  ses  reliques, 
aient  demandé  que  du  lieu  de  son  martyre 
elles  fussent  porices  dans  son  Eglise.  Ainsi, 
l'an  107,  les  restes  des  os  de  saint  Ignace, 
martyrisé  à  Rome,  furent  transportés  d;ins 
sa  ville  éf:iscop;ile  d'Antioche  ,  et  reçus  par 
les  fidèles  comme  un  trésor  inestimable  ,  sui- 
vant l'expression  des  actes  de  son  l'nartj  re. 
Or,  à  celle  époque  ,  il  y  avait  certainement 
encore  dans  cette  Eglise  un  bon  nombre  de 
chrétiens  qui  avaient  été  instruits  dans  la 
foi  par  les  apôtres  mêmes.  Lorsqu'un  laï(iue 
avait  reçu  la  même  couronne,  le  respect  et 
l'amour  inspiraient  le  même  empressement 
à  ses  concilo}  ens  ;  et  quoi  que  l'on  en  puisse 
dire,  c'est  un  effet  naturel  de  la  vénération 
qu'inspire  la  vertu. Cezèleauguienla  lorsque 
l'on  vit  qu'il  se  faisait  des  miracles  au  tom- 
beau des  martyrs  ;  on  regarda  leurs  reliques 
comme  un  gage  assuré  des  faveurs  du  ciel, 
et  dans  chaque  Eglise  on  fut  jaloux  de  s'en 
procurer.  Dans  la  suite  des  temps  ,  l(irs(|ue 
les  Baibari'S  firent  des  incursions  dans  nos 
provinces  ,  brûlèrent  les  églises  et  les  rili- 
ques  des  saints,  l'on  s'empressa  de  dérober 
à  leur  fureur  ces  précieux  dépôts  ,  on  les 
porta  dans  des  lieux  où  l'on  avait  sujet  de 
penser  que  les  barbares  ne  pénétreraient 
pas,  surtout  dans  les  monastères  écartés.  Il 
y  a  plusieurs  exemples  de  reliques  ainsi 
portées  de  l'un  des  bouts  de  la  France  à 
l'autre  ;  quelques-unes  furent  ensuite  repor- 
tées dans  les  lieux  où  elles  avaient  reposé 
d'abord.  — Quand  on  examine  cet  usagesans 
prévention,  l'on  n'y  voit  rien  quede  louable; 
mais  ce  n'est  point  ainsi  que  l'ont  envisagé 
les  protestants.  Obstinés  à  soutenir  que  le 
culte  des  reliques  des  saints  est  une  super- 
stition imitée  des  païens,  ils  ont  trouvé  beau, 
lorsqu'ils  avaient  les  armes  à  la  main,  de 
suivre  l'exemple  des  barbares,  de  fouiller 
dans  les  tombeaux  des  saints,  d'en  enlever 
les  ornemenis,  de  profaner  et  de  brûler  les 
rt'liijues;  leurs  écrivains  ont  ensuite  dé- 
ployé Icuréloquence  pourjusiitier  ces  excès, 
et  pour  jeter  du  ridicule  sur  toutes  les  pra- 
tiques des  catholiques  à  cet  égard. 


Basnage,  Ilist.  de  Vlùjlise,  1.  xviii,  c.  14, 
s'est  beaucoup  étendu  sur  ce  sujet  ;  il  a  fait 
tous  ses  efforts  pour  prouver  que,  pendant 
les  trois  premiers  sièiies,  ou  ne  s'était  point 
avisé  de  loucher  aux  tombeaux  des  martyr.s, 
d'en  tirer  leurs  os,  ni  de  les  placer  dans  les 
églises  ou  sur  les  autels  ;  que  cet  abus  n'a 
commencé  que  vers  la  fin  du  iV  siècle  ,  et 
que  ce  sont  les  ariens  qui  ont  le  plus  con- 
tribué à  l'introduire.  Au  mot  Saint,  §  3,  nous 
avons  réfuté  celle  imagination  ridicule;  aux 
mots  MâiiTïRS  el  llELiyuiis,  nous  avons  fuit 
voir  que  leur  culte  est  aussi  ancien  que  le 
christianisme,  et  que  dés  le  roinmencemenl 
c'a  été  une  espèce  de  profession  de  fui  de  la 
résurrection  future.  S'il  s'y  est  glissé  des 
abus  dans  les  siècles  d'ignorance  ,  ils  n'ont 
jamais  été  aussi  grands  ni  aussi  fréquents 
que  les  prolestants  le  prétendent  ,  cl  il  en 
est  résulté  beaucoup  plus  de  bien  que  de 
mal.  Une  infinité  de  pécheurs  ont  été  péné- 
trés de  componction  en  visitant  le  tombeau 
des  saillis.  Dieu  y  a  souvent  récompensé  par 
des  miracles  la  loi  des  fidèles,  ils  y  ont  reçu 
du  soulagement  dans  leurs  maux;  la  fureur 
même  des  barbares  a  respecté  plus  d'une 
fois  ces  sanctuaires  de  la  piété.  Quoi  que  l'on 
en  dise,  il  est  bon  que  les  enfants  de  l'Eglise 
conservent  ces  objets  de  consolation  et  de 
confiance,  desquels  ses  cunemis  se  sont  vo- 
lontairemenl  privés. 

TRANSMIGRATION  des  âmes.  Plusieurs 
anciens  philosophes  ,  comme  Empédocle  , 
Pythagore  et  Platon  ,  avaient  imaginé  que 
les  âmes ,  après  la  mort ,  passaient  du  corps 
qu'elles  venaient  de  (luiller,  dans  un  autre 
corps,  afin  d'y  être  purifiées  avant  de  par- 
venir à  l'état  de  béatitude.  Les  uns  pensaient 
que  ce  passage  se  faisait  seulement  d'un 
corps  humain  dans  un  antre  de  même  es- 
pèce ,  d'autres  soutenaient  que  certaines 
âmes  entraient  dans  le  corps  d'un  animal  ou 
dans  celui  d'une  plante.  Celle  frans»»iy?at«07i 
élail  nommée  par  les  lirccs  métempsycose  ou 
me'iensomalose.  C'est  encore  aujourd'hui  uu 
des  principaux  articles  de  la  croyance  des 
Indiens.  Nous  n'avons  aucun  intérêt  à  re- 
chercher l'origine  de  cette  vision  ,  ni  la 
manière  dont  elle  est  venue  à  l'espril  des 
philosophes  ;  les  conjectures  des  savants  sur 
ce  point  ne  s'accordent  pas  ;  mais  nous  nous 
trouvons  obligés  de  faire  voir  que  celte  er- 
reur n'est  fondée  sur  aucun  principe  certain 
ni  sur  aucun  des  dogmes  de  la  foi  chrétienne, 
qu'il  est  faux  que  plusieurs  docteurs  chré- 
tiens l'aient  adoptée ,  ni  qu'elle  soit  plus 
raisonnable  que  le  sentiment  de  l'Eglise  ca- 
tholique louchant  le  purgatoire  ou  la  purifi- 
cation des  âmes  après  la  mort.  On  voit  assez 
par  quel  motif  quelques  protestants  ont 
trouvé  bon  d'avancer  tous  ces  paradoxes. 
Peu  nous  irjiportc^  encore  de  savoir  si  parmi 
les  .luifs  les  pharisiens  ont  cru  la  iransmi- 
(jruiîun  des  âmes  ,  si  c'est  encore  aujourd'hui 
un  dos  dogmes  des  cabalisles  ,  si  c'a  olé  l'opi- 
nion commune  des  Egyptiens,  ou  seulement 
celle  de  quelques-uns  de  leurs  philosophes  ; 
nous  nous  bornons  à  examiner  si  elle  a  pu  cire 
tirée  de  quoique  vérité  contcnuu  daas  lu  ré- 


8S7 


TRA 


TRA 


8o3 


vélalion,  et  si  cllcacontribuécn  quelque  chose 
à  corrompre  la  pureté  de  la  foi  dans  l'iîffliso 
clirétieriiie ,  comme  cerlains  critiques  lo 
prclondeiil. 

IJeausobre  est  celui  île  tous  les  protestants 
qui  a  pousse  le  plus  loin  la  lémérilé  à  ce  su- 
jet..//ii/.  (lu  Munich.,  I.  vu  ,  c.  5,  S  5 ,  t.  Il, 
|).  VM.  Il  soulieat ,  t"  qu'Ori;;èiic  a  cru  la 
iransmigration  des  âmes  ,  qu'il  a  seulement 
douté  si  celles  des  pécheurs  passent  du  corps 
d'un  homme  dans  celui  d'un  animal.  Il  cite 
en  preuve  le  témoignage  d'un  auteur  ano- 
nyme dans  Photiiis,  qui  accuse  Origôiic  d'a- 
voir pense  que  l'âme  de  notre  Sauveur  était 
celle  d'Adam ,  cl  celui  de  saint  Jérôme , 
Epist.  9ï  ad  Avituin.  (^uant  an  premier  de 
ces  témoins,  lieausohrc  se  rend  d'ahord  cou- 
pable d'imposture.  L'anonyme  dont  parle 
i'Iiotius  ,  CoJ.  117,  était  un  apologiste  et 
non  un  accusateur  d'Origène  ;  il  avait  en- 
trepris de  le  défondrc  sur  quinze  chefs  il'ac- 
cusation  ,  dont  le  quatrième  était  d'avoir  sou- 
tenu que  les  âmes  de  (luelqnes  hommes 
passent  après  leur  mort  dans  le  corps  des 
brutes  ,  et  le  si.viùine  d'avoir  dit  que  l'âme 
de  Jésus-tJlirist  était  celle  d'Adam.  (Jnc  cet 
autour  ait  réussi  ou  doq  à  justifier  Origène, 
cela  ne  lait  rien  à  la  question  ;  il  en  résulte 
seulement  que  les  anciens  ennemis  de  ce 
l'ère  n'ont  épargné  aucune  calomnie  pour 
le  noircir.  —  Saint  Jérôme  n'accuse  point 
Origèned'avoirassuréque  l'âme  des  pécheurs 
en  général  peut  passer  dans  le  corps  des 
brutes,  mais  d'avoir  dit  qu'à  la  fin  du  monde 
un  ange  ,  une  âme,  un  démon  peut  devenir 
une  bruto  el  le  désirer  ,  dans  la  violence  des 
tourments  et  des  ardeurs  du  feu  qu'il  endure. 
11  est  donc  ici  questinn  d'un  damné,  et  non 
d'un  autre  pécheur  ,  et  il  est  à  croire  qu'Ori- 
gène  avait  seulement  dit  (ju'un  damné  peut 
désirer  le  soit  d'une  brute,  et  non  qu'il  peut 
l'oblenir.  On  sait  assez  que  saint  Jérôme  n'a 
pas  toujours  pris  lapeinedovérifier  les  passa- 
ges cités  par  les  ennemis  d'Origène.  D'ailleurs, 
il  avoue  qu'Origène  ajoutait  :  «  'Tout  ceci  ne 
sont  point  des  dogmes  ,  mais  des  doutes  et 
des  conjectures  hasardées  ,  pour  ne  rien  pas- 
ser sous  silence.  »  S.  Ilieron.,  t.  l\ ,  eo!.  7G2 
et  71)3.  lieausobre  convient  que  ces  passages 
allégués  par  saint  Jérôme  ne  se  trouvent 
plus  dans  Oi  igène  ;  sur  quoi  donc  fondé  ose- 
l-il  avancer  iju'il  est  certain  et  qu'il  n'y  a  nul 
doute  que  ce  Père  n'ait  admis  la  iransmif/ra- 
tion  des  âmes  ?  C'est  le  contraire  qui  est  cer- 
tain ,  et  Beausobre  n'est  pas  pardonnable  de 
l'avoir  dissimulé.  En  effet,  dans  huit  ou  dix 
endroits  de  ses  ouvrages  ,  Origène  a  formel- 
lement réfuté  non-seulement  les  philosophes 
qui  prétendaient  que  l'âme  d'un  homme  peut 
passer  dans  le  corps  d'un  animal  ,  mais  en- 
core ceux  qui  supposaient  qu'elle  peut  entrer 
dans  le  corps  d'un  autre  homme.  11  dit  que 
cp  dernier  sentiment  est  contraire  à  la  foi  de 
l'iiglise ,  qu'il  u'est  ni  enseigné  par  les  apô- 
tres ni  révélé  dans  l'Ecriture,  qu'il  est  même 
opposé  à  plusieurs  passages  de  riivaiigile,  et 
il  cite  ces  i)assages,  t.  XHI,  in  Mcllh.  , 
n.  1 ,  etc.;  on  en  verra  quelques-uns  ci-après. 
Il  est  donc  l'aus  qu'Origèue  u'ait  pas  cru  que 


le  ilogme  de  la  mélempsyrose  blessât  en  au- 
cune sorte  les  fundemenis  de  la  fui ,  comme  il 
plaît  à  IJeausobre  de  l'assurer.  Mais  en  co- 
piant dans  lluet  tout  ce  qu'il  a  dit  au  désa- 
vantage de  ce  l'ère  ,  il  a  laissé  de  côté  ce  ()ui 
sert  à  le  justifier  ,  Oriijeniun.,  liv.  ii ,  q.  G , 
n.  I!)et20. 

La  même  accusation  intentée  contre  Syné- 
sius  est  également  injuste.  Cet  évéque  dit 
dans  ses  poésies,  hymn.  3 ,  v.  725  :  «  O  l'ère, 
accordez  que  mon  âme  réunie  à  la  lumière 
ne  soit  plus  plongée  dans  les  ordures  de  la 
terre  1  ■>  Pour  changer  le  sens  ,  Beausobre  a 
mis  rcplonyée.  lîntiii  il  cite  Cbalcidlus  :  mais 
on  sait  que  c'était  un  philosophe  éclectique 
du  IV'  siècle  ,  cnlélé  du  système  de  Platon  , 
qui  a  donné  beaucoup  plus  de  preuves  d'at- 
lachementau  paganismequ'au  christianisme; 
il  ne  mérite  donc  pas  d'être  placé  parmi  les 
philosophes  chrétiens  d'un  grand  mérite  et 
d'une  haute  vertu,  (jui,  selon  lîeausobre,  ont 
enseigné  le  dogme  de  la  Iransmii/ration  des 
âmes.  Voilà  déjà  trois  ou  quatre  infidélités 
qui  ne  faut  pas  honneur  à  l'accusateur  des 
Pères 

2  Pour  en  pallier  la  turpitude  ,  il  prétend 
que  les  principes  sur  lesquels  était  fondée 
l'opinion  de  la  métempsycose  ,  n'avaient  rien 
de  fort  dcraisonnablo  ;  elle  tira,  dit-il,  son 
origine  de  l'hypothèse  de  la  préexistence  des 
âmes,  comme  M.  Huet  l'a  prouvé.  Nous 
avouons  (]ue  M.  lluel  l'a  dit,  mais  nous  nions 
qu'il  l'ait  prouvé  ,  et  nous  défions  son  copiste 
de  nous  montrer  aucune  liaison  entre  ces 
deux  erreurs  ;  jamais  les  Pères  de  l'Eglise 
ne  l'ont  aperçue.  Eu  efiel,  quand  il  serait 
vrai  que  l'âme  a  existé  avant  lo  corps,  il  s'en- 
suivrait seulement  qu'elle  peut  exister  en- 
core sans  lui  après  la  mort ,  et  non  qu'elle 
doit  entrer  dans  un  autre  corps. 

3'  L'une  et  l'autre  de  ces  deux  opinions  , 
continue  notre  critique,  parurent  nécessaires 
pour  maintenir  l'immortaliléde  l'âme.  Autre 
fausseté;  aucun  des  Pères  n'a  connu  celte 
nécessité.  Convaincus  de  l'immortalité  de 
l'âme  par  la  révélation  ,  ils  n'ont  eu  besoin 
ni  de  deux  erreurs  ni  d'une  fausse  logique 
pour  soutenir  ce  dogme.  Dès  que  l'Ecrilure 
sainte  nous  apprend  que  Dieu  a  créé  l'âme 
immurleile,  qu'importe  qu'il  lui  ait  donné 
l'être  avant  de  former  le  corps,  ou  en  mémo 
temps,  qu'après  sa  séparation  du  corps,  elle 
entre  dans  un  autre,  ou  qu'elle  aille  incon- 
tinent recevoir  la  récompense  ou  la  punition 
qu'elle  a  méritée?  Si  un  philosophe  niait 
tout  à  la  fois  l'immortalilé  de  l'àmc ,  sa 
prée\istence  et  sa  transmigration,  nous  vou- 
drions savoir  lequel  de  ces  trois  points  il 
fauilraii  prouver  d'abord,  afin  d'eu  conclure 
les  deux  autres. 

4'  Reausobre  ajoute  que  la  nécessité  de 
la  piirilieation  des  âmes  avant  d'être  reçues 
dans  le  ciel,  est  un  sentiment  qui  ne  fait 
point  de  déshonneur  à  la  raison  ;  il  a  paru 
conforme  à  l'Ecriture,  il  a  été  embrassé  par 
plusieurs  Pères,  mais  il  a  fourni  à  la  su- 
perstition le  prétexte  d'inventer  le  purga- 
toire. —  Il  est  fort  singulier  de  voir  un 
protestant  zélé  recoaaailre  la  justesse  et  ta 


8sg 


TRK 


TRA 


S'JO 


solidilé  du  principe  sur  lequel  est  fondé  le 
dogme  du  purgatoire,  pendant  que  ses  pa- 
reils ont  fait  des  livres  pour  prouver  que  c; 
principe  est  faux  et  contraire  à  l'Fîcriture 
sainte.  Mais,  pour  ne  pas  paraître  infuièle 
à, sa  secte,  il  soutient  que  lo  purgatoire  des 
philosophes,  qui  consist.iit  dans  la  transmi- 
gration des  âmes,  l'emporle  infiniment  sur 
celui  de  l'Eglise  romaine,  et  du  côté  de  la 
raison,  et  par  l'ancienneté,  et  par  la  plura- 
lité des  sufl'rai^es  ;  qu'il  vaut  mieux  à  ious 
égards,  et  qu'il  ne  pouvait  pas  produire  les 
mêmes  abus. 

A  toutes  ces  absurdités  nous  répondons 
d'abord,  qu'en  fait  de  dogmes  révélés  la  rai- 
son n'a  rien  à  y  voir;  ce  n'est  point  à  elle  de 
juger  s'ils  sont  vrais  ou  s'ils  sont  faux  ;  tout 
ce  qui  est  clairement  révélé  est  certaine- 
ment vrai,  tout  ce  qui  est  opposé  à  la  révé- 
lation est  nécessairement  faux.  :  vouloir  en 
juger  pi-r  une  aulre  méthode,  c'est  établir 
le  déisme.  Voy  Kxamen.  Or,  le.  purgatoire 
CMtbolique  est  enseigné  dans  l'Ecriture 
sainte,  nous  l'avons  prouvé  dans  son  lieu, 
et  la  IruHsmigralion  des  âtnes  y  est  contre- 
dite. Nous  lisons  dans  saint  Luc,  c.  xvi,  v. 
22,  que  le  pauvre  Lazare  mourut  et  fut  porté 
par  les  anges  dans  le  sein  d'Abraham,  que 
le  mauvais  riche  après  sa  mort  fut  enseveli 
dans  l'enfer,  lieu  de  tourments;  ces  deux 
âmes  ne  passèrent  point  dans  d'autres  corps. 
Voilà  ce  qui  a  foiidô  les  décrets  du  u"  con- 
cile de  Lyon  et  de  cilui  de  Florence,  |)ar  les- 
quels il  est  décidé  que  la  récompense  des 
juttes  et  la  punition  dos  méchants  ne  sont 
point  retardées  jusqu'au  jugement  dernier. 
'  L'hypothèse  des  irunsmiyraCinns  est  opposée 
-à  ce  qui  est  dit  dans  l'Ancien  et  le  Nouveau 
Testament,  des  résurrections  miraculeuses  ; 
dans  cette  hypothèse,  pour  ressusciter  un 
homme,  il  aurait  fallu  en  tuer  un  autre.  11 
s'ensuivrait  qu'aucun  pécheur  ne  serait 
damné,  parce  que  tous  seraient  punis  par 
des  transmigra/ions  ;  Jésus-Christ  dit  au  con- 
traire que  les  méchants  iront  au  supplice 
éternel ,  et  les  justes  à  la  vie  éternelle. 
Matlfi.,  c  XXV,  V.  46.  Origèno  a  très-bien 
vu  cette  conséquence,  t.  XIH  ,  in  Mullh., 
n.  1.  Eu  second  lieu,  l'antiquité  ne  donne  au- 
cun poids  aux  erreurs,  mais  elle  rend  la 
vérité  plus  respectable  ;  or,  la  foi  des  pa- 
triarches qui  désiraient  et  qui  espéiiaient  de 
dormir  avec  leurs  pères,  Gen.,  xlvii,  v.  30, 
est  beaucoup  plus  ancienne  que  les  rêveries 
des  philosophes  Iranspiantateurs  des  âmos. 
Après  bien  des  transmigrations,  ceux-ci  ne 
pouvaient  rien  espérer  de  mieux  que  d'être 
absorbés  dans  l'essence  divine,  oîi  ils  ne 
sentiraient  plus  rien.  La  pluralité  des  suf- 
frages prouve  encore  moins,  et  elle  est  ici 
faussement  supposée  ;  la  métempsycose  n'a 
pour  elle  que  les  suffrages  des  philosophes 
païens  et  des  Indiens,  le  purgatoire  a  celui 
des  écrivains  sacrés,  des  Juifs,  des  Pères  et 
de  toute  l'Eglise  catholique.  Enfin  il  est 
faux  que  ce  dogme  ait  produit  d'aussi  mau- 
vais eiïels  que  l'erreur  précédente.  La  trans- 
migration des  âmes,  admise  parles  Indiens, 
leur  fait  envisager  les  maux  de  cette  vie, 


non  coimne  une  épreuve  utile  à  la  vertu, 
mais  comiui:  la  punition  des  crimes  commis 
dans  un  autre  corps  ;  n';iyant  aucun  souve- 
nir de  ces  crimes,  leur  croyance  ne  peut 
servir  à  leur  en  f;iire  éviter  aucun.  Elle  fait 
condamner  les  veuves  à  un  célibat  perpé- 
tuel, elle  inspire  de  l'horreur  pour  la  cas!e 
ou  la  tribu  des /jnrjas,  parce  que  l'on  sup- 
pose que  ce  sont  d^s  hommes  qui  ont  com- 
mis des  crimes  affreux  dans  une  vie  précé- 
dente. Elle  donne  aux  Indiens  pins  de  cha- 
rité pour  les  animaux,  même  nuisibles,  que 
pour  les  hommes,  et  une  aversion  invincible 
pour  les  Européens,  parce  qu'ils  tuenl  les 
animaux  et  en  mangent  la  viande.  La  mul- 
titude des  transmigrations  fait  envisager  les 
récon)penses  de  la  vertu  dans  un  si  grand 
éloignement,  que  l'on  n'a  plus  le  courage 
de  les  mériter,  etc.  Au  mot  Purgatoire, 
imus  avons  fait  voir  que  ce  dogme  n'a  jamais 
produit  les  mauvais  effets  que  les  protes- 
tants lui  attribuent. 

Si  l'on  demande  à  quel  dessein  Beausobre 
a  rassemblé  tant  d'impostures  et  tant  d'ab- 
surdiiés  à  ce  sujet,  il  l'a  fait  assez  connaî- 
tre :  il  voulait,  aux  dépens  des  Pères  de 
l'Eglise  et  des  catholiques,  justifier  les  ma- 
nichéens et  les  autres  hérétiques  qui  onl 
enseigné  la  transmigration  tlas  âmes. 

Les  Juifs  ont  appelé  transmigration  de 
Babylone,  leur  retour  dans  la  Judée  après 
la  captivité  :  mais  il  est  faux  qu'ils  aient  fait 
du  dogme  que  nous  venons  de  réfuter,  la 
base  de  leur  religion,  comme  quelques  demi- 
philosophes  tros-mal  instruits  l'ont  dit  au 
hasard  dans  les  relations  récentes,  en  par- 
lant des  Indiens. 

TlUNSSOBSTANTIATION.  Voy.  Eucha- 
ristie ,  §  2. 

TRAPPE,  célèbre  abbaye  de  l'étroite  ob- 
servance de  Citcaux,  située  dans  le  Perche, 
aux  confins  de  la  Normandie,  à  quatre  lieues 
de  Morlagne,  vers  le  nord.  Elle  fut  fondée 
l'an  1140,  sous  le  pontifical  d'Innocent  II  et 
sous  le  règne  de  Louis  VU,  par  Kotrou, 
(  omte  du  Perche,  et  fut  d'abord  de  l'ordre 
de  Savigny.  L'an  1148,  cet  ordre  se  réunit  à 
celui  de  Giteaux,  à  la  sollicilatiou  de  saint 
Bernard.  Cette  maison  fut  d'abord  distinguée 
par  la  sainteté  de  ses  religieux  :  quoiqu'elle 
eût  été  saccagée  plusieurs  fois  par  les  An- 
glais pendant  les  guerres  que  nous  avions 
pour  lors  avec  eux,  les  moines  eurent  le 
courage  d'y  demeurer  encore  pendant  quel- 
que temps  ;  enfin  la  continuité  du  danger 
auquel  ils  étaient  exposés  les  en  Ht  sortir. 
La  guerre  ayant  cessé,  ils  \  revinrent  tous  ; 
mais  ils  avaient  eu  le  temps  de  se  relâcher 
dans  le  monde,  et  de  perdre  leur  première 
ferveur.  En  lo2G  la  Trappe  eut  des  abbés 
commendataires  ;  en  1602  l'abbé  Armand 
Jean  Le  Bouthiilicr  de  l'.ancé,  qui  la  possé- 
dait, entrepril  d'y  mettre  la  réiorme,  et  il  en 
vint  à  bout;  il  y  lélablit  rélroile  obser- 
vance do  la  règle  de  saint  Bernard  en  l'em- 
brassant lui-même,  et  depuis  ce  temps-là 
elle  s'y  est  soutenue  jusqu'à  nos  jours.  Si 
l'on  veut  voir  un  détail  abrogé  et  très-édi- 
Gaat  de  la  vie  de  ces  religicuik,  ou  le  trou- 


801 


TfiA 


ÏUE 


8G2 


vera  (inns  les  Vies  des  Pcres  et  .<e.«  mnrtyrs  , 
t.  III,  |iap;e  722,  Vie  de  saint  Robert,  abbé 
de  Molesme.  Coinine  leur  règle  est  trùs- 
iiustère,  les  épicuriens  de  noire  siècle,  co- 
pistes des  proleslants,  oui  fail  ce  qu'ils  ont 
pu  pour  en  empoisonner  les  motifs,  et  pour 
en  l'aire  craindre  les  effets.  lis  ont  dit  que 
la  Trappe  est'  la  reiraile  de  ceux  qui  ont 
commis  de  grands  crimes  dont  les  remords 
les  poursuivent,  ou  qui  sont  tourmentés  par 
des  vapeurs  mélancoliques  et  religieuses. 
Quand  cela  serait  vrai,  on  devrait  encore 
leur  applaudir;  il  est  mieux  d'expier  les 
crimes  que  d'y  persévérer  ;  ceux  qui  ont 
succombé  aux  dangers  du  monde,  l'on!  bien 
de  s'en  éloigner-;  il  n'est  pas  nécessaire  ((uo 
les  mélancoliques  ennuient  la  société.  Mais 
c'est  une  pure  calomnie.  La  plup;irl  de  ceux 
qui  se  retirent  à  la  Trappe  sont  des  hommes 
qui  ont  mené  dans  le  monie  une  vie  très- 
régulière,  et  qui  se  sentent  appelés  de  Dieu 
à  en  embrasser  une  encore  plus  parf  lite.  La 
paix,  la  séréiiiié,  la  douceur,  la  charité,  qui 
régnent  parmi  ces  cénobites,  ne  sont  p.is 
des  marques  de  mélaneolic  ni  d'un  carac- 
tère sauvage.  Ce  sont,  dit-on  encore,  des 
hommes  qui  ont  de  Dieu  des  idées  terribles, 
qui  se  (ignienl  qu'il  aime  à  voir  soulTrirses 
créatures,  (jui  oublient  sa  miséricor<le,  et  qui 
semblent  se  délier  des  mérites  do  Jésus- 
Ohiisl.  S'ils  avaient  ces  idées,  ils  se  livre- 
raient au  désespoir  comme  les  maU'aileurs. 
C'est  au  contraire  parce  qu'ils  comptent 
sur  la  miséricorde  de  Dieu  et  sur  les  méri- 
tes de  Jésus-Christ,  qu'ils  embrassent  une 
vie  pénitente,  puisque  sans  ces  mérites  elle 
ne  servirait  de  rien  ;  mais  ils  se  souviennent 
que  pour  avoir  part  à  sa  gloire,  il  friut 
souffrir  avec  lui,  Rom.,  c.  vm,  v.  17;  // 
Cor,,  c.  I,  V.  liPhiltpp.,  c.  i.i,  v.  10;  /  l'elr., 
c.  IV,  V.  13,  etc.  Ils  ont  une  très-grande 
idée  de  la  miséricorde  de  Dieu,  puisqu'ils 
riniplorent,  non-seulement  pour  eux-mêmes, 
mais  pour  tous  les  pécheurs,  et  qu'ils  prient 
pourceux  même  qui  leur  insultent  et  les  cu- 
iomnienl.  Dans  les  pratiques  d'une  morlili- 
Cation  et  d'une  solitude  continuelles,  ils  trou- 
vent la  paix  qu'ils  n'ont  pu  goûter  dans  le 
tumulte  et  dans  les  plaisirs  du  moude;  déli- 
vrés des  passions  qui  sont  la  source  de  pres- 
que toutes  nos  peines,  ils  vivent  sans  trou- 
ble et  meurent  avec  conGance.  La  plupart 
de  ceux  qui  les  ont  vus  de  près  ont  été  len- 
tes de  les  imiter. 

On  dit  enfin  que  ces  religieux  pratiquent 
des  austérités  qui  abrègent  la  vie  et  font 
injure  à  la  Divinité.  Cependant  il  se  trouve 
beaucoup  de  vieillards  à  la  Truppe;  et  à 
Sept  Fonds,  où  l'on  vit  de  même,  il  y  a 
moins  de  malades  qu'ailleurs;  il  eu  meurt 
moins  à  proportion  par  l'excès  des  austé- 
riles,  qu'il  n'en  périt  ailleurs  par  les  suites 
d.'  I  intempérance,  de  la  débauche,  d'un  ré- 
ginie  absurde  et  contraire  à  la  nature.  Ce 
n'est  point  la  pénitence  qui  f.iil  injure  à 
Dieu,  puisqu'elle  le  sui^pose  miséricordieux; 
c'.  SI  p.utJl  l'i-picureisnie  spéculatif  et  pra- 
ti<iiie  lies  [liiilosopbes  qui  je  persuadent  que 
Dieu  1)0  fait  aucune  attention  ù  la  conduito 


de  ses  créatures,  qu'il  voit  d'un  œrl  égal  le 
vice  et  la  vertu.  Pendant  qu'ils  travaillent  à 
corrompre  l'univers  entier,  il  est  bon  qu'il 
y  ait  encore  des  asiles  où  lu  fragilité  humaine 
puisse  se  réfugier,  et  des  boii!mes(]ui  prou- 
vent par  leur  exemple  que  la  nature  se  con- 
tente de  peu,  et  que  les  vertus  des  anciens 
solitaires  ne  sont  pas  des  fables. 

Il  faut  <|ue  ce  genre  de  vie  ne  soit  pas  si 
terrible,  puisque  les  deux  monastères  dont 
nous  venons  de  parler  sont  toujours  fort 
nombreux,  et  que  des  filles  ont  le  courage 
d'embrasser  la  même  règle.  On  sait  que  les 
religieuses  des  Clairets,  qui  sont  sous  la  di- 
rection de  l'abbé  de  la  Trappe,  imitent  la 
solitude,  le  silence,  le  travail,  la  pauvreté, 
les  mortifications  des  religieux. 

TRAVAIL.  Voy.  Oisiveté. 

*  TREMBLEURS.  Le  qiinkérisine,  par  sa  sévérité, 
(•tait  de  n:inirc  à  ex.ilier  les  lèies  et  Ix  donner  rials- 
s.Ttirt!  à  de  nouvelles  sectes.  Aiuie  Lée  poussa  le  qua- 
kéri'iiiie  jusinranx  rêves  du  délire.  Elle  eut  liienliJt 
beaucoup  de  /él.ileiirs  ipii  la  reganlérenl  comme  la 
lenniie  incariite.  Voici  le  symbole  des  irenibleurs. 

II  y  a  en  Dieu  deux  persoinies,  homme  el  femine. 
Le,  Père  est  du  genre  ninsculin,  le  S.iint-Lsprii  est 
du  t;cnre  féminin.  Le  Père  se  coninnmiqua  iiilime- 
nient  nu  Vetbe  divin,  et  le  S;unt- Esprit  le  leii  au 
monde;  il  prit  le  nom  de  Jésus.  Connue  il  n'y  av.iit 
que  la  moitié  de  l'espèce  divinement  lormée,  leSaiiil- 
l'spril  se  coununniqua  à  Anne  Lée.  De  ce  munient 
la  ndeniption  fui  entière.  On  voit  par  ce  court  ex- 
posé que  le  symbole  des  irembleurs  n'est  (lue  le  rêve 
d'une  imagin;ition  malade.  Pour  eux  il  n'y  a  pas  de 
T rirdié,  de  maiernilé  de  la  Vierge,  de  résurrection, 
etc.  Les  irembleurs  ont  pris  leur  nom  de  leur  culte 
qui  consiste  principalement  duis  des  danses.  Le 
immveinenl  est  d'abord  modéré,  il  s'anime  bientôt 
jusipi'à  la  convulsion  ;  les  hommes  se  dépouillent  de 
leurs  habiis,  les  femmes  de  leurs  robes;  viennent 
les  saisisseinenis  de  l'I'.sprit-Saint,  les  discours  in- 
sensés, etc.  lirons  le  voile  sur  les  suites  de  ce  celle. 
On  les  comprend  trop  sans  que  nous  ayons  besoin  de 
les  faire  connaîire. 

TRENTE  (concile  de).  Le  concile  tenu 
dans  celte  ville  d'Italie  est  le  dix-huitième 
et  le  dernier  des  conciles  généraux  ;  il  com- 
mença l'an  15i5,  sous  le   pontificat  de  Paul 

III  ;  il  continua  sous  ceux  de  Jules  lil  et  de 
Paul  IV^,  et  finit  sous  celui  de  Pie  l\',  l'an 
1303.  Jamais  concile  ne  fut  assemblé  pour 
un  sujet  plus  important  ;  il  ne  s'agissait  pas 
seolenient  de  condamner  une  ou  deux  héré- 
sies, mais  de  proscrire  la  multitude  des  er- 
reurs que  les  protestants  avaient  répandues 
dans  une  grande  partie  de  l'Europe  ;  d'y  ex- 
pliquer la  croyance  de  l'Eglise  catholique 
sur  les  divers  puinis  de  doctrine  qui  étaient 
contestés;  de  justifier  son  culte  que  les  hé- 
rétiques trailaient  de  superslilion  et  d'idolâ- 
trie ;  enfin  de  réformer  les  abus  qui  s'é- 
taient introduits  dans  la  discipliae  pendant 
les  siècles  précédents.  Aussi  jan)ais  assem- 
blée ecclésiastique  ne  fut  plus  célèbre;  plus 
de  deux  cent  cinquante  évéques  ou  prélats 
des  (iiiTérentes  nations  catholiques,  les  plus 
savants  théologiens,  les  plus  hal)iles  juris- 
coiisiilles,  les  ambassadeurs  dos  divers  sou- 
verains, y  assistèrent.  Quand  ou  en  exami- 
ne les  décrets  sans  prévention,  l'on  recon- 


8G3 


TRE 


naît  qu'ils  ont  été  formés  avec  toute  la 
clarté,  la  précision  et  la  sagesse  possibles, 
après  les  discussions  et  les  examens  les  plus 
exacts  fails  par  les  théologiens  et  les  cano- 
nisles.  Ceux  qui  regardent  le  dogme  sont 
fondés  sur  l'Ecriture  sainte  et  sur  la  tradi- 
tion, sur  le  sentiment  des  Pères,  sur  les  dé- 
cisions des  conciles  précédents  ,  sur  la 
croyance  constante  et  universelle  de  l'E- 
glise. Les  règlemeuts  de  discipline,  après 
avoir  excité  d'abord  des  récliimalious,  ont 
été  pour  la  plupart  adoptés  par  les  souve- 
rains catholiques  ;  un  grand  nombre  sont 
observés  parmi  nous,  en  vertu  des  ordon- 
iiancesde  nos  rois  ;  la  prévention  et  l'attache- 
ment aux  anciens  usa;;es  ont  cédé  peu  à  peu 
à  la  sagesse  ijui  les  a  dictés. 

On  conçoit  aisément  que  les  prolestanls 
n'ont  rien' omis  pour  décrier  la  conduite  et 
les  décisions  d'un  coneile  qui  les  a  condam- 
nés ;  mais  leur  procédé  à  cet  égard  met  au 
grand  jour  l'esprit  dont  ils  ont  toujours  été 
animés.  Lorsque  Luther  eut  été  censuré  pur 
Léon  X  en  1320,  il  appela  de  celle  sentence 
au  concile  général.  En  1330,  les  princes  In- 
thériens  d'Allemagne  présentèrent  à  la  diète 
(i'Augsbourg  leur  confession  de  foi,  dans  la- 
quelle ils  appelaient  de  nouveau  à  la  déci- 
sion du  concile.  Jusqu'en  1340  ils  ne  cessè- 
rent de  déclamer  contre  le  pape,  parce  qu'il 
ne  se  pressait  pas  assez  de  convoquer  le 
concile.  Mais  à  peine  la  bulle  de  convoca- 
tion eut-elle  été  donnée  l'an  1342,  que  Lu- 
ther publia  divers  écrits  pour  prévenir  ses  par- 
tisans, et  pour  les  indisposer  d'avance  con- 
tre tout  ce  qui  pourrait}  être  décide.  En  1347, 
après  les  sept  premières  sessions ,  Calvin 
composa  son  Antidote  contre  le  concile  de 
Trente,  dans  lequel  il  déclama  avec  toute  la 
fuuf^ue  et  l'indécence  que  Luther  aurait  pu 
se  permettre,  s'il  avait  encore  vécu.  En 
13'i9,  dans  une  seconde  diète  d'Augsbourg, 
lorsque  l'on  demanda  aux  princes  luthériens 
s'ils  se  soumeltraient  aux  décrels  du  concile, 
Maurice,  électeur  de  Saxe,  ne  promit  d'y 
acquiescer  que  sous  trois  conditions,  siivoir, 
1"  que  l'on  discuterait  de  nouveau  les  points 
de  doctrine  qui  avaient  élé  déjà  décidés  ;  2^ 
que  les  théologiens  luthériens  seraient  ad- 
mis à  cette  assemblée  ,  (ju'ils  y  auraient 
voix  délibérative ,  et  que  leurs  suffrages 
seraient  comptés  avec  ceux  des  évoques  ;  3" 
que  le  pape  n'y  présiderait  plus  ni  par  lui- 
même,  ni  par  ses  légals.  L'on  prit  avec  rai- 
son cette  réponse  pour  un  refus  formel.  En 
effet,  l'an  1560,  lorsque  Pie  IV  eut  donné 
la  bulle  qui  ordonnait  la  reprise  et  la  con- 
tinuation des  séances  du  concile  de  Trente, 
les  princes  luthériens  d'Allemagne  publiè- 
rent leurs  griefs  contre  les  décrets  de  ce 
concile  et  les  raisons  qu'ils  avaient  de  les 
rejeter.  Elles  sont  rassemblées  dans  un  ou- 
vrage qui  paru!  pour  lors  en  allemand,  et 
qui  ensuite  a  élé  traduit  en  latin  siuis  ce  ti- 
{ic:Coiici(ii  Tridenlini  decretis  opposita  gra- 
vamina.  Depuis  ce  temps-là  ces  mômes  giiefs 
ont  été  rejetéi  par  une  foule  d'auteurs  pro- 
testants et  par  leurs  copistes,  Heidegger,  Ana- 
lome  concilii  Trident.;  par  liasnage,  Hist. 


TRE 

de  l'Eglise,   l.  vu,  c.  5  ;  par  Mosheim,  Hist. 

écriés.,  s.vi'  siècle,  section  3,  i"  part.,  c.  1, 
§  23;  par  son  traducteur  et  par  d'autres  An- 
glais ;  par  Fra-Paola,  dans  son  Histoire 
du  concile  de  Trente,  et  dans  les  notes  de 
Le  Courayer  sur  celte  Histoire,  etc. 

Oa  sait  d'abord  que  Fra-Paolo  était  un 
religieux  vénitien  de  l'ordre  des  servîtes, 
qui  était  protestant  dans  le  cœur,  qui  avait 
des  ressentiments  personnels  contre  la  cour 
de  Rome,  qui,  eu  exhalant  sa  bile  contre  le 
concile  de  Trente,  crut  faire  sa  cour  au  sé- 
nat de  Venise  brouillé  pour  lors  avec  Paul 
V.  Lorsque  ce  différend  eut  élé  lerminé  par 
la  médiation  d'Henri  iV,  l'auteur  n'osa  faire 
imprimer  son  livre  en  Italie;  il  le  remit  à 
Marc-Anloine  de  Domiuis,  autre  apostat  qui 
alla  le  faire  imprimer  en  Angleterre.  Pour 
réfuter  cette  Histoire,  le  cardinul  Pellavicini 
en  fil  une  autre  plus  sincère  el  justifiée  par 
les  actes  originaux  du  concile  :  elle  parut 
vers  l'an  1G63.  Le  Courayer,  autrefois  cha- 
noine régulier  de  Sainte-Geneviève,  retiré 
aussi  en  Angleterre,  y  fil  réimprimer  en 
français  l'histoire  de  Fra-Paolo  avec  des  no- 
tes aussi  peu  orthodoxes  que  le  texte  ;  il 
était  déjà  connu  par  d'autres  ouvrages  qui 
avaient  attiré  sur  lui  sa  condamnation  par 
le  clergé  de  France.  Cette  histoire  et  les  no- 
tes ont  élé  réfutées  dans  un  ouvrage  inti- 
tulé :  L'honneur  de  l'Eglise  catholique  et  des 
souverains  pontifes  défendu  contre  l'histoire 
du  concile  de  Trente,  par  Fra-Paolo,  et  les 
notes  du  P.  Le  Courayer,  2  vol.  in-12,  im- 
primé à  Nancy  en  1742,  et  que  l'on  attribue 
à  dom  (iervais,  ancien  abbé  de  la  Trappe.  Ce 
livre  aurait  élé  plus  recherché,  s'il  élail  écrit 
en  meilleur  style,  avec  moins  d'humeur  et 
plus  de  précision,  mais  le  fond  en  est  solide. 
Une  partie  des  plaintes  des  protestants  a  été 
aussi  réfutée  dans  l'Histoire  de  l'Eglise  gal- 
licane, l.  LUI  el  Liv,  an  1345  et  suiv.  Il  y  a 
lieu  de  regretter  que  celte  histoire  n'ait  pas 
été  continuée  jusqu'à  la  fin  du  concile. 

Quoi  qu'il  en  soit,  voici  les  griefs  allégués 
par  les  protestants,  tels  que  nous  avons  pu 
les  recueillir  dans  les  divers  ouvrages  donl 
nous  venons  de  parler.  Ils  disent,  1°  que  le 
pape  n'a  aucun  droit  de  convoquer  les  con- 
ciles,  ni  d'y  présider;  qu'il  s'était  rendu 
suspect  en  condamnant  les  protestants  d'a- 
vance; que  c'était  à  l'empereur  d'assembler 
le  concile  dont  on  avait  besoin  ;  qu'il  fallait 
le  tenir  en  Allemagne  où  était  le  princi^ial 
foyer  des  disputes. — Réponse.  Au  mol  Con- 
cile, nous  avons  fait  voir  que  depuis  que  le 
christianisme  est  établi  chez  différentes  na- 
tions, et  dans  divers  royaumes,  le  pape,  en 
qualité  de  chef  et  de  pasteur  de  l'Eglise  uni- 
verselle, peut  légitimement  et  convenable- 
ment convoquer  un  concile  général  ;  peu  im- 
porte que  les  protestants  lui  contestent  ce 
droit,  dès  que  l'Eglise  catholique  le  lui  ac- 
corde. Aucun  souverain  particulier  ne  peut 
se  l'allribuer.  La  cause  des  protestants  n'in- 
téressait pas  l'Allemagne  seule,  elle  concer- 
nait toute  l'Eglise.  Leurs  erreurs  faisaient  le 
plus  grand  bruit  en  France  ;  ils  avaient  fait 

i  des  efforts  [wur  les  introduire  en  Espagne 


8GS 


TRF. 


TUlî 


8G6 


et  on  Kalie  ;  bientcU  elles  pcnélrèrenl  en  An- 
gleterre et  en  Hollande.  Quand  l'empereur 
aurait  convoqué  un  concile  en  AllciDagne, 
rommcnl  aurait-on  pu  cnn;an;pr  les  évcMiues 
et  les  théologiens  des  autres  conirées  de 
l'Furope  à  y  assister  ?  Les  souverains  s'y 
seraient  opposés  avec  raison.  En  condam- 
nant cl  excommuniant  Luther  avant  tous  ses 
adhérents,  l>éon  X  avait  fait  son  devoir.  Lu- 
ther lui-niénie  avait  appelé  à  ce  jugement, 
et  toute  l'Kglise  avait  a|)idauili  à  la  sentence 
du  pape;  mais  les  prolislanls,  déjà  tiers  de 
leur  multitude  et  de  leurs  forces,  se 
croyaient  en  droit  de  tenir  tétc  à  l'Eglise  ca- 
tholique. 

2'  Le  concile  de  Trente  n'a  pis  élc  géné- 
ral ou  œcuménique,  il  n'a  jamais  été  com- 
posé que  d'un  pelit  nombre  d'évêques,  pres- 
que tous  italiens  et  dévoués  an  pape;  les 
protestants  n'y  ont  pas  été  entendus,  ils  ne 
pouvaient  même  s'y  rendre  en  sûreti',  mal- 
gré les  sauf-conduils  qu'on  leur  accordait, 
parce  qu'il  esi  décidé  dans  l'Eglise  romaine 
que  l'on  n'est  pas  obligé  do  garder  la  foi  aux 
hérétiques. —  lieponsa.  Ce  concile  a  été  vé- 
ritableii'cntcecnménique.  puisque  les  bulles 
de  convocation  et  de  continuation  élaient 
niiresséos  à  tous  les  évéques,  à  tous  les  sou- 
verains, en  un  mol,  à  toute  l'Eglise.  La  plu- 
part des  évéques  étaient  chargés  de  la  pro- 
curation de  leurs  confrères,  parce  qu'il  ne 
s'agissait  pas  de  créer  une  nouvelle  doctrine, 
mais  de  rendre  témoignage  de  ce  qui  était 
déjà  cru  et  professé  dans  les  Eglises  des 
diiiéreiites  nalions.  Osera-t-on  soutenir  que 
le  cardinal  de  Lorraine,  le  cnrilinal  Polus, 
les  évéques  espagnols  les  plus  célèbres,  etc., 
n'étaient  pas  en  élat  d'attester  ce  qui  élait 
cru,  prêché  et  professé  en  France,  en  An- 
gleterre et  en  I^spagne,  avant  que  Luther 
lût  venu  au  monde  7  Quand  ils  auraient  pu 
l'ignorer,  du  moins  les  théologiens  les  plus 
habiles  iiu'ils  avaient  amenés  avec  eux  ne 
l'ignoraient  pas.  Pour  connaître  les  senti- 
ments, les  preuves,  les  olijeclions  des  pro- 
testants, il  n'était  plus  nécessaire  de  les  en- 
tendre, on  avait  sous  les  yeux  leurs  livres, 
ils  en  avaient  inondé  l'iiurope  enlicre,  plu- 
sieurs princes  d'Allemagne  avaient  envoyé 
au  concile  leur  profession  de  foi,  qui  avait 
été  dressée  par  leurs  théologiens.  On  n'y  a 
jugé  personnellement  ni  Luther,  ni  Zwin- 
gle,  ni  Calvin,  ni  aucun  autre  sectaire  ;  on  a 
prononcé  sur  les  erreurs  contenues  dans 
leurs  écrits,  elles  y  sont  encore  ;  ces  titres 
subsistent  toujours  et  justifient  la  censure 
du  concile;  si  depuis  ce  temps-là  les  proies- 
tanis  ont  changé  de  croyance,  les  Pères  de 
Trente  n'étaient  pas  obligés  de  le  prévoir. 
Suivant  leur  prétention  il  aurait  fallu  eii- 
lendre  non-seulement  les  lulhériens,  mais 
les  anabaptistes,  les  zwingliens,  les  mélanch- 
liioniens,  les  calvinistes,  etc.;  nous  n'.ijou- 
tons  pas  les  anglicans,  leur  religion  n'était 
pas  encore  née.  Qu'aurait-on  pu  décider  au 
loilieu  de  cette  cohue  de  disputeurs,  qui 
n'ont  jamais  pu  s'entendre  ni  s'accorder 
lorsqu'ils  se  sont  assemblés  pour  compa- 
rer lour  doctrine  ?  Le  concile  de  Trente  n'eu 


a  pas  établi  une  nouvelle,  il  a  rendu  témoi- 
gnage de  ce  qui  élait  déjà  cru  dans  l'Eglise 
catholique  avant  celte  époque;  cette  foi  est 
encore  la  même,  et  elle  ne  changera  jamais. 
Au  mot  Hi'ssrriiS,  nous  avons  réfuté  la  ca- 
lomnie des  protestants  au  sujet  des  sauf- 
conduits  et  de  la  foi  donnée  aux  hérétiques. 
Apri'S  avoir  déclaré  cent  fois  à  la  face  do 
riùirope  entière  qu'il  n'y  a  point  d'autre  règle 
de  foi  que  l'Ecriture  sainte  ;  qu'aucun  concile 
n'a  le  droit  de  décider  de  la  doctrine,  et  que 
])er5onne  n'est  obligé  de  se  soumettre  à  ses 
décrets  ;  après  avoir  i)rotestô  d'avance  con- 
tre tous  ceux  qui  se  feraient  à  Trente,  nos 
adversaires  n'ont-ils  pas  bonne  grâce  de  se 
plaindre  de  n'avoir  été  ni  appelés  ni  enten- 
dus au  concil'^  ? 

3°  Les  opinions  n'y  élaient  pas  libres  ;  le 
pape  y  dominait  drspoliquement  par  ses  lé- 
gats ;  les  Italiens,  tous  dévoués  au  pape,  sub- 
juguaient les  autres  ;  les  évéques  élaient  or- 
dinairement réduits  à  dire  leur  avis  par  un 
placet.  A  proprement  parler  c'a  été  un  con- 
cile du  pape,  et  non  une  assemblée  de  l'E- 
glise. Les  disputes  y  furent  souvent  poussées  ' 
jusqu'à  l'indécence  et  ti  la  violence  ;  c'était 
une  coliue  dans  laquelle  on  ne  s'entendait 
pas. — Réponse.  La  contradiction  entre  ces 
deux  reprocliei  est  déjà  sensible  :  s'il  y  eut 
quelquefois  trop  de  chal:'iir  dans  les  dispu- 
tes, tout  le  monde  avait  donc  liberté  d'y  dire 
son  avis  ;  mais  les  protesiants  et  leurs  co- 
pistes, qui  ont  voulu  tout  brouiller,  ont  con- 
fondu les  examens  dans  lesquels  on  pre- 
nait l'avis  des  théologiens,  et  où  on  leur 
permetlail  de  disputer,  les  congrégalioiis 
dans  lesiuelles  les  légats  recueillaient  les 
sufl'rages  des  évéques  ,  et  où  les  décrets 
étaient  rédigés  à  la  pluralité  des  voix,  cl 
les  sessions  dans  lesquelles  ces  décrets  é- 
taient  lus  el  publiés.  Qu'il  y  ait  eu  souvent 
trop  de  vivacité  dans  la  manière  dont  cer- 
tains Ihi'ologiens  soutenaient  leur  senti- 
ment, cela  est  très-probable;  c'est  un  dé- 
faut qui  n'a  que  trop  souvent  paru  dans  les 
disputes  des  protestants  aussi  bien  que  dans 
celles  des  calboliques,  el  duquel  les  pre- 
miers sont  convenus  plus  d'une  fois.  Il  leur 
sied  donc  très-mal  d'en  faire  un  reproche 
à  ceux  du  concile  de  Trente.  .Mais  que,  dans 
les  congrégations  où  il  s'agissait  de  rédiger 
les  décisions ,  les  évéques  n'aient  pas  osé 
direce  qu'ils  pensaient,  qu'ils  aient  élégénés 
par  la  crainte  de  déplaire  au  pape  ou  à  ses 
légats,  c'est  une  supposition  non-seulement 
fausse,  mais  absurde.  Qu'importait  à  l'au- 
torité du  pape  qu'un  dogme  quelconque  fût  dé- 
cidé d'une  manière  ou  d'une  autre  ?  Le  pape, 
les  légats,  les  évéques,  élaieni  tous  catholi- 
(jues,  sans  doute  ;  ils  avaient  donc  tous  le 
môme  intérêt  ou  plutôt  la  même  obligation 
de  veiller  à  ce  que  la  croyance  callioliquc  no 
fût  altérée  en  rien,  et  que  le  dogme  fût  con- 
servé cl  exprimé  tel  qu'il  était.  Si  donc  l'in- 
térêt du  pape  était  capable  d'intimider  les 
évéques,  ce  no  pouvait  être  que  dans  les 
matières  de  discipline,  dans  lesquelles  le 
pape  voulait  conserver  le  même  degré  d'au- 
torité dont  il  avait  joui  jusqu'alors,  le  pou- 


867 


TRE 


TUE 


868 


•voir  de  disposer  dos  bénéfices,  de  restrein- 
dre la  juridiction  dfts  évêques,  de  dispenser 
des   canons,  etc.  Cependant   i!   est  prouvé, 
soit  parles  actes  dn  concile,  soit  par  les  re- 
lations dj'S  ambassadeurs,  soit  par  les  aveux 
de  Fra-Paolo   et  de  son  coninK-ntateur,  que 
les  évêques  de  France  et  d'Espagne  opinè- 
rent souvent  sur  ces  matières  avec  une  fer- 
meté qui  devait  déplaire  beaucoup  à  la  cour 
de  llome  et  aux  ultramonlains.  Quand  ils 
auraient  clé  plus  complaisants  ou  plus  timi- 
des sur  ce  point,  lu   pape   n'y   aurait    rien 
gagné,  puisque  les  rôglomints  de  discipline, 
qui  ont  paru   trop  favorables  à  son  aiKo- 
rilé,  n'ont   point  été  reçus  en  France,   non 
plus  que  dans  quelques   autres  royaumes, 
comme  nous  le  verrons  ci-après.— Dans  les 
sessions  où  les  léyals   demandaient  l'avis 
des  Pères  par  le  mot  placetne  vobis,  il   n'é- 
tait question  ni  de  dogme  ni  de  discipline, 
mais  lie  fixer  le  jour  de  la  session  prochaine, 
d'interrompre    ou    de     continuer    les    ses- 
sions, etc.  Nous  défions   les  détracteurs  du 
concile   de  citer  un   seul  artich;  de  doctrine 
sur  lequel  les  évêques  aient  opiné   sur  un 
simple  ;;/acf<,  ou  sur  lequel  les  théologiens 
aient  continué  de  disputer,  après  (ju'il  avait 
été  examiné  ,  décidé  à  la  pluralité  des  voix, 
rédigé  par  écrit  et  publié  par  une  session. 
V'  Le  très-grand  nombre  des  évêques  était 
non-seulement  des  ignorants,  niais  des  hom- 
mes vicieux,  coupables  de  simonie,  d'abus 
dans  la  possession  et  l'administraiion  des 
bénéfices,  de  taxes  et  d'exactions  à  l'égard 
des   fidèles,   el   d'autres   désordres   qui    les 
avaient  rendus  odieux.  Les  théologiens  qui 
les  guidaient  n'étaient  que  de  plats  scolasti- 
quesqui  n'avaient  étudié  ni  l'Ecriture  sainte, 
ni  la  tradition,  ni   la  morale  chrétienne.  — 
lieponse.  La  ressource  ordin^irede  plaideurs 
condamnés  par  un  tribunal   quelconque  est 
de   calo:îinier   leurs  juges.   Il  est  constant 
qu'un   grand   nombre  des  Pères  du  concile 
de  Trente  étaient  des  hommes   recomman- 
dables  par  leurs  talents,  par  leurs  vertus, 
par  leur  capacité  dans  les  sciences  ecclésias- 
tiques. Le   cardinal  Polus,    archevêque  de 
Cantorbéry;  le  cardinal  Hosius,  évêque  de 
Waruiie   en   Pologne;   Antoine    Augustin, 
évêque  de  Lérida  et  ensuite  archevêque  de 
Tiirragone;  dooi  Rarthélemi   des   Martyrs, 
archevêque  de  Brague;  Barlhtlemi  Caranza, 
archevêque  de  Tolède;   Thomas    Campége, 
évêque  de  Feltri  ;  Louis  Lippoman,  évêque 
de    Vérone;    Jean-François    Coinmend()n  , 
évêque    de    Zacynthe ,    et    ensuite     cardi- 
nal, etc.,  etc.,  ont  fait  honneur  à  leur  siècle, 
cl  ont  laissé  des  ouvrages  qui  attestent  leur 
mérite.  Les  prélats  français  qui  parurent  à 
Trenle  n'étaient  ni  des  ij':>oranîs  ni  des  hom- 
mes  vicieux;  les   légats   témoignèrent  plus 
d'.une  fois  le  cas  qu'ils  faisaient  de  leurs  lu- 
mières el  de  leur  capacité.  Parmi  les  cent 
cinquante  théologiens  qui  parurent  succos- 
sivcment  au  concile,  il  en  est  peu  qui  n'aient 
joui    pour  lors  dune  très-grande  célébrilé, 
et  qui  n'aient  composé  de  savants  ouvrages; 
plusieurs    avaient  eu  des  disputes  avec  les 
Ijroteitanls,  dans  lesquelles  ces  derniers  n'a- 


vaient pas  eu  l'avantage.  Mais  parce  que 
ceux-ci  faisaient  beaucoup  de  livres  daas 
lesquels  ils  répétaient  les  mêuies  sophismes, 
les  mêmes  plaintes,  les  mêmes  déclamations 
que  Luther  el  Calvin,  ils  se  croyaient  les 
seuls  savants  de  l'univers,  et  ils  avaient  ins- 
piré le  luême  orgueil  aux  parlicoliers  les 
plus  ignorants.  Il  suffit  de  lire,  à  la  fin  du 
17°  vol.  de  i'Hist,  de  V EijUse  Gall.,  le  dis- 
cours sur  l'étal  de  cette  Eglise,  à  la  nais- 
sance des  hérésies  du  xvi*  siècle,  pour  se 
convaincre  qu'il  n'était  point  tel  que  les  pro- 
testants ont  affecté  de  le  représenter. 

3°  Dans  le  concile  de  Trenle  les  questions 
controversées  n'ont  point  été  décidées  par 
l'Ec-rilure  sainte,  mais  plutôt  contre  le  texte 
formel  de  ce  livre  divin;  les  évêques  et  les 
théulof^iens  se  sont  uniqueaieiil  fondés  sur 
de  prétendues  traditions,  sur  les  cat\ons,  et 
souvent  sur  les  fausses  décrélales  des  papes. 
—  Réponse.  Le  contraire  est  prouvé  par  la 
simple  lecture  des  décrets  de  ce  concile. 
Dans  les  chapitres  qui  précèdent  les  canons 
ou  règles  de  doctrine,  Il  n'y  a  pas  un  seul 
dogme  clair  et  précis  de  l'Ecriture  sainte;  à 
la  vérité  on  n'y  a  point  affecté  d'accumuler, 
comme  font  les  protestants,  d"S  lestes  de 
l'Ecriture  qui  ne  prouvent  rien,  el  qui  sou- 
vent sont  absolument  étrangers  à  la  ques- 
tion ;  quelquefois  l'on  n'en  a  cité  qu'un  ou 
deux,  lorsqu'ils  sont  décisifs  et  sans  répli- 
que. Mais  parce  que  le  concile  n'a  pas 
donné  le  sens  faux  et  erroné  qu'y  donnent 
les  protestants,  ils  disent  qu'il  a  contredit 
l'Ecriture  sainte.  Lorsciue  ce  livre  divin 
garde  le  silence  sur  un  dogme  ou  sur  un 
usage  qui  a  toujours  été  observé  dans  l'E- 
glise, ou  qu'il  ne  s'exprime  pas  assez  claire- 
ment, le  concile  a  décidé  qu'il  faut  le  con- 
server en  vertu  de  la  tradition,  c'est-à-dire 
de  l'enseignement  per[)étuel  et  général  de 
cette  sainte  société.  Au  mot  Tradition  nous 
avons  f.iit  voir  que  cela  ne  se  peut  et  no  se 
doit  pas  faire  autrem 'nt,  que  cette  méthode 
est  fondée  sur  l'Ecriture  même,  et  que  les 
protestants  la  suivent  en  affectant  de  la 
blâmer.  Quant  à  la  discipline,  elle  ne  pou- 
vait être  mieux  réglée  que  sur  les  anciens 
canons;  mais  il  est  faux  que  le  concile  ait 
fait  aucun  usage  des  fausses  décrélales. 

G"  L'on  y  a  Iravesli  en  articles  de  foi  plu- 
sieurs opinions  de  scoiasiiques  sur  lesquelles 
on  avait  jusqu'alors  disputé  avec  pleine 
liberté;  ce  sont  donc  autant  de  nouveaux 
dogmes  inconnus  auparavant,  à  l'occasion 
desquels  le  concile  a  prodigué  très-injuste- 
ment les  analhèmes.  D'autre  part,  il  a  omis 
de  décider  plusieurs  articles  qui  sont  cepen- 
dant crus  et  professés  dans  l'Eglise  romaine. 
—  Réponse.  Nos  adversaires  se  plaignent 
donc  Je  ce  que  le  concile  a  décidé  trop  d'ar- 
ticles de  fui,  el  de  ce  qu'il  on  a  décidé  trop 
peu;  mais  l'un  de  ces  reproches  est  aussi 
tr.al  fondé  que  l'autre.  Avant  celte  époque 
aucun  théologien  n'avait  examiné  l'Ecriture 
sainte  et  la  tradition  avec  aulaul  d'exacti- 
tude el  de  soin  qu'on  l'a  fait  au  concile  de 
Trenle;  aucun  n'avait  eu  autant  de  facilité 
que  là  de  comparer  le  seutimenl  des  doc- 


860 


TRE 


TUE 


87Û 


Icms  des  différentes  écoles  catholiques  et 
des  (lifl'érentes  nations,  et  d'en  compter  les 
voix;  aucun  n'avait  pu  pr:  voir  les  fausses 
rou9Ciiiie«<'es  que  les  hérétiques  tireraient 
(l'une  telle  explicition  df  l'Ecriliire  sainte, 
ou  d'une  telle  opinion  qui  paraissait  inno- 
cente; il  av.iil  donc  pu  être  permis  jusqu'a- 
lors de  disputer  l'i-des^us,  lautc  de  lumière 
sul'fisanle.  Mais  dans  le  concile  tout  fut  mis 
au  i^rand  jour  :  l'on  examina,  l'on  disputa, 
l'on  coiiip.ir.i  toutes  les  rais!)ns  et  tous  les 
sentiments,  l'on  vit  de  quoi  côté  était  la  tra- 
dition la  plus  constante;  on  aperçut  les  con- 
séquences par  la  mullilude  même  des  erreurs 
des  protestants,  et  par  la  témérité  avec  la- 
<{U('lle  ils  adoptaient  les  sentiments  les  moins 
prohables  de  quelques  théologieiis  trop  har- 
dis. On  sentit  donc  la  nécessité  de  terminer 
ces  disputes  par  une  décision  l'ornie!le.  Ainsi 
l'on  en  avait  agi  dans  tous  les  conciles  pré- 
cédents, à  commencer  depuis  celui  de  Nicée 
jusiju'à  celui  de  Florence,  qui  était  le  der- 
nier. Ce  sont  donc  les  protestants  qui  sont 
la  cau'C  de  la  multitude  de  décrets  et  d'ana- 
Ihèmes  qu'ils  osent  reprocher  au  ccrcilo  de 
Trente.  —Ce  concile  n'a  point  parlé  des  au- 
tres articles  de  foi  que  nous  croyons,  soit  en 
vertu  de  passages  clairs  et  lormels  de  l'E- 
criture sainte,  soit  parce  qu'ils  ont  été  dé- 
cidés par  les  conciles  précédents  :  à  quel 
propos  y  aurait-on  traité  des  points  de  doc- 
trine dont  il  n'éiait  pas  question  pour  lors? 
t.'ette  plainte  est  aussi  ridicule  que  celle  des 
sociniens  et  des  déistes,  qui  savent  mauvais 
gré  au  concile  de  Nicée  de  n'avoir  pas  décidé 
la  divinité  et  la  procession  du  S  lint-Esprit, 
qui  ne  furent  contestées  que  soixante  ans 
après.  En  accusant  celui  de  Trente  d'avoir 
forgé  des  articles  de  foi  nouveaux  et  incon- 
nus jusqu'alors,  ils  prennent  soin  de  l'ab- 
soudre et  d'établir  le  lait  contraire,  puisqu'ils 
disent  que  nous  croyons  les  dogmes  décidés 
par  ce  concile,  non  par  respect  pour  son 
autorité,  mais  parce  qu'on  les  croyait  déjà 
auparavant.  Voijiz  le  discours  de  Le  Cou- 
raytr  sur  la  réception  du  concile  de  Trente, 
pag.  7'JO,  et  un  écrit  de  Leibiiilz,  dont  nous 
parlerons  ci-après.  Nous  ne  concevons  pas 
en  quel  ser;s  les  dogmes  que  l'on  croyait 
déjà  étaient  des  dogmes  nouveaux  cl  in- 
connus. 

7°  La  plupart  des  décrets  de  ce  concile 
sont  obscurs  et  ambigus,  suscc|itiblcs  do 
ditlerenls  sens;  il  parait  même  que  cette 
ohsciiriié  est  souvent  affectée,  parce  qu'il  ne 
voulait  pas  condamner  certaines  opinions 
des  théologiens.  L'on  a  si  bien  senti  cet  in- 
convénient, que  le  pape  a  établi  une  con- 
grégation de  cardin,iu\  et  de  docteurs,  pour 
interpréter  les  décisions  du  concile  de  Trente. 
Aussi,  loin  de  terminer  les  disputes,  ses  dé- 
crets en  ont  fait  naître  de  nouvelles,  et, 
pour  suppléer  à  leur  insuffisance,  les  papes 
ont  ele  obligés  de  donner  plusieurs  bulles 
pour  décider  ce  qui  ne  l'était  pas,  en  parti- 
culier sur  les  matières  de  la  grâce,  etc.  — 
Réponse.  Si  le  concile  avait  proscrit  toutes 
les  opinions  douteuses  et  sur  lesquelles  on 
peut  disputer,  ou  lui  leprocherait  celte  sé- 


vérité avec  encore  plus  d'aigreur.  Quelle 
nécessité  y  avait-il  de  condamner  des  opi- 
nions qui  ne  touchent  point  au  fond  da 
dogme,  et  dont  les  défenseurs  font  profession 
de  croire  tout  ce  qui  est  oxpressémenl  déci- 
dé? Exiger  qu'un  concile  ait  fait  cesser 
toutes  les  disputes,  c'est  vouloir  qu'il  ait  fait 
un  miracle  que  l'Ecriture  n'a  pas  opéré  de- 
puis dix-sept  cents  ans.  Quelque  clair  que 
puisse  éire  un  livre  ou  une  décision,  il  se 
trouvera  toujours  des  esprits  subtils  et  bi- 
zarres qui,  par  des  interprétations  forcées, 
parviendront  à  en  obscurcir  le  sens  et  à  en 
esquiver  les  conséquences.  Voilà  ce  que 
nous  répondent  les  protestants  eux-mêmes, 
lorsque  nous  leur  objectons  l'insufflsance 
de  l'Ecriture  sainte  pour  terminer  les  con- 
testations en  matière  de  foi.  Mais  il  y  a  une 
très-grande  dilïérence  entre  les  disputes  qui 
refluent  entre  eux  touchant  les  divers  sens 
de  l'Ecriture,  cl  celles  qui  ont  lieu  entre  les 
théologiens  calholiiiues  sur  les  points  de 
doctrine  non  déridés  Celles-ci  ne  les  divi- 
sent point  dans  la  foi,  ne  causent  entre  eux 
aucun  schisme,  ils  ne  se  regardent  pas  mu- 
tuellonieut  comme  liérétiques  dignes  d'ana- 
thènu<  ;  tous  ceux  qui  sont  sincèrement  ca- 
tholiques seraient  prêts  à  renoncer  à  leur 
sentiment,  s'il  intervenait  une  décision  de 
l'Eglise  qui  le  condamnât.  Chez  les  premiers, 
au  contraire,  il  y  a  un  schisme  et  une  sépa- 
ration absolue  entre  les  différentes  sectes, 
elles  n'ont  ni  la  même  croyance  sur  des  ar- 
ticles qu'elles  jugent  ccpciidant  nécessaires, 
ni  le  môme  culte  Cilèrieur,  ni  la  même  dis- 
cipline, et  l'on  sait  qu'elles  ont  les  unes 
contre  les  autres  autant  de  haine  que  contre 
l'Eglise  catholique.  —  11  n'aurait  pas  été 
besoin  de  bulles  des  papes  touchant  les  der- 
nières contestations  sur  la  grâce,  si  ceux 
qui  les  ont  élevées  avaient  été  sincèrement 
soumis  aux  décisions  du  concile  de  Trente; 
mais  on  sait  qu'ils  en  ont  quelquefois  parlé 
avec  aussi  peu  de  respect  que  les  protestants, 
que  sur  les  passages  de  l'Ecriture  sainte  et 
ceux  de  saint  Augusiiu  qui  semblent  les  fa- 
voriser, ils  ont  adopté  le  sens  et  les  explica- 
tions des  protestants,  et  qu'ils  nous  accusent 
de  semi-pélagianisnie ,  comme  les  prole- 
htants  en  accusent  le  concile  de  Trente.  C'est 
donc  assez  mal  à  propos  que  ces  derniers 
se  gloritieut  de  ce  levain  de  protestanlisme 
que  le  concile  n'a  pas  pu  extirper;  s'il  avait 
pu  le  prévoir,  il  l'aurait  condamné  d'avance. 
8"  Plusieurs  de  ces  décrets  qui  sont  conçus 
en  termes  Irès-étudiés,  et  qui,  pris  à  la  let- 
tre, sont  assez  raisonnables,  ont  un  tout 
autre  sens  dans  la  pratique;  tels  sont  ceux 
qui  regardent  le  purgatoire,  l'invocation  des 
saints,  le  culte  des  images  et  des  reliques; 
les  théologiens  les  prennent  peut-éire  dans 
le  même  sens  que  le  concile;  mais  le  peu- 
ple, en  les  suivant,  se  livre  évidemment  à 
l'idolâtrie.  —  Jtépunse.  Une  calomnie  cent 
fois  réfutée  ne  fera  jamais  honneur  à  ceux 
qui  la  répètent.  Les  catéchismes  destines  à 
instruire  le  peuple  sont  entre  les  mains  de 
tout  le  monde;  que  nos  adversaires  nous  y 
luoutrenl  quelque  chose  Je  plus  ou  de  moius 


«71 


TRE 


TRE 


«72 


que  ce  qu'il  y  a  dans  le  concile  de  Trente. 
Le  peuple  est  donc  instruit  chez  nous  de  la 
même  manière  et  dans  les   mômes  termes 
que  les  théologiens.  Le  concile  a  expressé- 
ment ordonné  aux  évoques   de  veiller  à  ce 
qu'il  ne  se- glisse  dans   les  pratiques  dont 
nous  parlons,  aucun  abus,  aucune  supersti- 
tion, aucune  fausse  dévotion;  les  évcques  y 
veillent  en  effet,  puisque  ce   sont  eux  qui 
donnent  les  catéchismes  à  leurs  diocésains. 
Si,  malgré  ces   précautions,    le  peuple,  par 
stupidité,   par  opiniâtreté,   par  indocilité  à 
l'égard  des  pasteurs,  tombait  dans  le  crime 
que  les  protestants  s'obstinent  à  nous  repro- 
cher, eà  qui  pourrait-on  s'en  prendre?  Ose- 
raient-ils nous  répondre  que   parmi  eux  le 
peuple  entend,  avec  la  même   subtilité  que 
leurs  théologiens,  les  dogmes  de  la  foi  justi- 
fiante, de  l'inamissibilité  de  la  justice,  de  la 
nullité  de  nos  mérites  et  de  nos  bonnes  œu- 
vres, de  la  prédestination  absolue,  etc.,  et 
que  jamais  il  n'en    tire  de  fausses    consé- 
quences? S'ils  avaient  cette  témérité,  nous 
les  confondrions  par  les  aveux  de  leurs  pro- 
pres docteurs.  —  Puisque  les  décrets  du  con- 
cile touchant  les  pratiques  dont  nous  parlons 
leur  paraissent  assez  raisonnables,  qu'ils  les 
adoptent  et  les  enseignent  tels  qu'ils  sont, 
en  coniîamnant  les  abus  tant  qu'il  leur  plai- 
ra :  on  ne  leur  en  demande  pas  davantage. 
9'  A  l'égard  de  la  discipline,  les  légats  du 
pape  s'opposèrent  à  la  réforme  de  plusieurs 
abus;  ceux  même  que  l'on  condamna  ont 
continué  comme   auparavant,  et  plusieurs 
durent  encore.  —  Réponse.  On  doit  faire  at- 
tention qu'eu  matière  de  discipline  il  n'était 
pas  aisé  de  dresser  des  règlements  qui  pus- 
sent s'accorder  avec  les  lois  des  divers  sou- 
verains, et  avec  le  droit  canonique   suivi 
chez  les  différentes  nations.   De  même  que 
leurs  ambassadeurs   étaient  très-attentifs  à 
protester  contre  tout  ce  qui   pouvait  y  don- 
ner atteinte,  on  ne  doit  pas  être  surpris  de 
ce  que  les  légats  refusaient  de  restreindre  les 
droits  dont  lé  souverain  pontife  jouissait  de- 
puis un   temps  immémorial.   Au  mot  Pape, 
nous  avons  fait  voir  que  ces  droits  n'étaient 
ni  aussi  abusifs,  ni  aussi  préjudiciables  au 
bien  général  de  l'Eglise,  que  les  protestants 
le  prétendent.  Il  est  aisé  de  déclamer  contre 
les  abus  ;  la  difficulté  est  de  voir  si  les  re- 
mèdes que  l'on  veut  y  apporter  n'en  feront 
pas  naître  d'autres.  Les  passions  humaines, 
seules  causes  de  tous  les   désordres,  savent 
souvent    tourner   à   leur  avantage  le  frein 
même  par  lequel  on  a  voulu  les  réprimer. 
On  ne  peut  pas  nier  que  les  règlements  faits 
par  le  toncile  de  Trente  n'aient  été  très-sages 
et  n'aient  fait  cesser  plusieurs  abus  :  les  au- 
tres auraient  été  mieux  suivis,  s'il  n'y  avait 
pas  eu  des  hommes  puissants  intéressés  à 
en  empêcher   l'exécution.  Il  est  absurde  de 
soutenir  d'un  côté  que  l'I'lgliso  n'a  aucun 
droit  de  faire  des  lois,  que  c'est  une  usur- 
pation de  l'autorilé  des  souverains,  et  de 
l'autre  de  lui   reprocher  qu'elle  n'a   pas  le 
pouvoir  de  les  faire  exécuter,  lin  secouant 
le  joug  de  l'autorité  de  l'Eglise,  les  prote- 
stants ont  fait  semblant  de  se  liiellre  sous 


celui  de  la  puissance  dos  souverains;  mais 
ils  se  sont  révoltés  contre  elle  toutes. les  fois 
qu'elle  leur  a  paru  trop  gênante.  On  dirait, 
à  les  entendre,  qu'il  n'y  a  plus  d'abus  parmi 
eux;  y  en  a-l-ii  un  plus  grand  que  la  liberté 
de  dogmatiser  et  de  former  des  schismes 
toutes  les  fois  qu'un  prédicant  trouve  le  se- 
cret de  se  faiie  des  partisans?  Lorsqu'ils 
avaient  en  France  le  privilège  de  tenir  des 
synodes,  ils  ont  fait  des  lois  de  discipline, 
oseraient-ils  soutenir  au'aucune  n'a  jamais 
été  violée? 

10°  Le  concile  de  Trente  n'a  été  reçu  ni 
en  France  ni  en  Hongrie,  il  ne  l'a  été  en 
Espagne  et  dans  les  Pays-Bas  qu'avec  des 
restrictions;  son  autorité  prétendue  a  donc 
été  regardée  comme  nulle  par  les  catholi- 
ques mêmes.  —  Réponse.   Il   n'a    point   été 
reçu  quant  à  la  discipline,  pour  les  raisons 
que  nous  venons  d'exposer,  mais  quant  aux 
décrets  de  doctrine  et  aux  décisions  de  foi, 
il  n'est  aucun    pays  catholique  où  l'on  so 
permette  d'enseigner   le   contraire,  et  qui- 
conque oserait  le  faire  serait  regardé  comme 
hérétique.  Le  Gourayer  a  été  forcé  d'en  con- 
venir dans  son  Discours  sur  la  réception  du 
concile  deTrenle, particulièrement  en  France, 
qui  est  à  la  suite  de  son  histoire  de  ce  con- 
cile,  §  27.   Il   observe,  §  11,  que  quand   le 
nonce  de  Grégoire  XllI    demanda   au   roi 
Henri  111  la  publication  du  concile,  ce  prince 
répondit  qu'il  ne  fallait  point  de  publication 
pour  ce   qui   était  de  foi,  que  c'était   chose 
gardée  dans  son   royaume;  mais   que   pour 
quelques  autres  articles  particuliers,  il  fe- 
rait exécuter  par  ses  ordonnances   ce  qui 
était  porté  par  le  concile;  il  le  fit  en  effet 
dans  rordounance  deBlois,  publiée  l'an  1579. 
Lorsque  l'assemblée  du  clergé,  tenue  à  Me- 
lun   pendant  cette  même  année,  renouvela 
les  mêmes  instances,  le  roi   répondit,  «Que 
quant  à  la  réformation  qu'on  prétendait  tirer 
du  concile,  il  estimait  n'y  être  pas  tant  né- 
cessaire   qu'on   dirait,    étant  averti   (ju'il  y 
avait  en  d'autres  conciles  plusieurs  canons 
et  décrets   auxquels  on  pouvait  se  confor- 
mer,  et  d'où  même  les  statuts  du  concile 
étaient  pris,»   Ibid.,  §  12.  Dans  les  vingt- 
trois  articles  que  les    jurisconsultes    trou- 
vaient contraires  aux   maximes   et  aux  li- 
bertés  de  l'église  gallicane,  il  n'y  en  a  pas 
un  seul  qui  regarde   le   dogme   ou    la  doc- 
trine, §  20.  C'est  donc  (rès-mai  à  propos  que 
LeCourayer  insiste  sur  le  préambule  de  l'é- 
dit  de   pacification  que  Henri    111   accorda 
aux  calvinistes  l'an  1577,  dans  lequel  il  dé- 
clara, «(Ju'il  donnait  cet  édit  en  attendant 
(lu'il  eiJt  plu  à  Dieu  de  lui  faire  la  grâce, 
par  le  moyen  d'un  bon,  lilire  et  légitime  con- 
cile, de  réunir  tous  ses  sujets  à  l'Eglise  ca- 
tholique,» et  qu'il  en  conclut  que  le  concile 
de  Trente  n'était  donc  pas  regardé  comme 
tel  dans  le  royaume.  On  sait   que   dans  ce 
moment  le  gouvernement,  devenu  très-faible 
et  réduit  à  tout  craindre  de  la  part  des  hu- 
guenots, était  forcé   de  les  ménager  beau- 
coup, surtout  à  cause  de  Henri  1\  qui  était 
alors  à  leur  tête.  Leur  réunion  à  l'Eglise  ca- 
tholique pouvait-elle  se  faire  sans  l'acccp- 


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TKE 


TRE 


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lation  de  la  doctrine  du  concile  de  Trente? 
Les  inslaiices  rcilcrccs  du  cleigé  pour  faire 
accepter  de  même  les  règlemeiils  de  disci- 
pline, ne  prouvent  rien,  sinon  qu'il  désirait 
la  réformation  de  tous  les  alius. 

Il  ne  sert  à  rien  de  dire  que  quant  à  la 
doctrine,  elle  n'a  élé  reçue  que  Cncitement  et 
implicitement ,  cl  uow  sulcnncllcmenluu  dans 
les  formes  ordinaires.  Ce  crili(|ue  se  réfute 
lui-même,  en  avouant  que,  dans  toutes  les 
disputes  qui  se  sont  élevées  en  France,  l'on 
a  toujours  pris  pour  règle  les  décisions  du 
concile  de  Trente;  que  la  professinn  d-  foi 
do  Pic  IV  y  a  élé  ailopléo  par  Ions  les  évê- 
ques;  que  les  prélats  de  ce  royaume,  soit 
dans  leurs  concilis  provinciaux  ou  diocé- 
sains ,  soit  dans  les  assemblées  du  clergé, 
ont  toujours  fait  profession  de  se  soumcllre 
à  sa  docirine,  et  que,  dans  les  oppositions 
même  que  les  étals  ou  les  parlements  du 
royaume  ont  formées  à  l'acceptation  de  ce 
concile,  ils  ont  toujours  déclaré  qu'ils  em- 
brassaient la  ftii  contenue  dans  ses  décrets, 
ibvL,  §  27.  Est-ce  là  une  acceptation  incite? 
Nous  voudrions  savoir  quelle  est  la  forme 
ordinaire  dans  laquelle  ont  élé  acceptés  les 
articles  de  foi  décidés  dans  les  autres  con- 
ciles généraux  tenus  depuis  la  /ondatiou  de 
la  monarchie,  et  s'ils  ont  eu  liesoin  de  let- 
tres patentes  du  roi ,  enregistrées  dans  les 
cours  souveraines. 

Le  Courayer  pousse  plus  loin  la  témérité, 
en  ajoutant  qu'à  l'égard  nié. ne  de  la  doc- 
trine, le  concile  avait  peut-être  autant  be- 
soin de  inodificalions  qu'à  légard  des  dé- 
crets de  discipline  :  il  tenait  le  langage 
des  protestants;  aussi  Moslieim  et  sou  tra- 
dncteur  ont-ils  cité  ce  discours  avec  éloge, 
Bist.  Ecclés.,  xvi*  siècle,  sect.  3,  \"  part., 
chap.  1,  ij  23,  et  en  général  les  protestants 
voudraient  persuader  que  le  concile  de 
Trente  n'a  élé  reçu  en  France,  ni  quant  au 
dogme  ni  quant  à  la  discipline. 

Ainsi  le  prétendait  Lcibnitz  dans  un  mé- 
moire qu'il  dressa  sur  les  moyens  de  réunir 
les  catlioliques  aux  prolestants  ;  il  aurait 
voulu  que  pour  préliminaire  l'on  commen- 
çât par  regarder  ce  concile  comme  non 
avenu.  Bossnet  réfuta  ce  mémoire  avec  la 
force  ordinaire  de  son  raisonnement  ;  il  pose 
d'abord  les  principes  fondamentaux  de  la 
croyance  catlio.iqne  touchant  l'infaillibiliié 
de  l'Eglise  en  matière  de  foi;  il  fait  voir 
qu'elle  énonce  sa  foi  par  l'organe  de  ses 
pasteurs,  et  que  leur  consentement  unanime 
dans  la  doctrine  n'a  pas  moins  d'autorité 
lorsqu'ils  sont  dispersés  que  lorsqu'ils  sont 
asseiiiblés.  Il  prouve  que  ce  consentement 
des  évéques  est  unanime  dans  toute  l'E- 
glise catholique  touchant  l'œcuménicité  du 
concile  de  Trente  et  touchant  l'autorité  iu- 
fuillibie  de  SOS  décisions  eu  matière  de  foi; 
qu'il  n'y  eut  jamais  de  doute  sur  ce  point  en 
Franco,  non  plus  qu'ailleurs.  11  en  conclut 
que  toetlre  en  question  si  l'on  recevra  ce 
concile,  ou  si  on  ne  le  recevra  pis,  c'est 
vouloir  délibérer  pour  savoir  si  l'on  sera  ca- 
tholique ou  si  l'un  sera  hérélique.  Voyez 
VEsprit  de  Leibnitz,  1. 11,  p.  G;>  etsuiv. 
DlCT.  dë  Tuéol.  dogmatiqub.  IV. 


Après  ces  vérités  incontestables,  peu  im- 
porte de  savoir  la  manière  dont  le  concile  a 
été  reçu  dans  les  autres  pays  catholiques. 
Nos  adversaires  avouent  qu'en  Italie ,  en 
Allemagne  et  en  Pologne,  il  l'a  été  sans  ré- 
serve; que  dans  les  états  du  roi  d'Espagne 
il  a  élé  reçu  sans  préjudice  des  druits  et  des 
prérogatives  de  ce  monarque  :  or,  un  des 
droits  du  roi  catholique  n'est  certainement 
pas  de  rejeter  les  décisions  de  foi  d'un  con- 
cile général.  On  sait  que  le  clergé  de  Hon- 
grie est  dans  les  mêmes  principes  et  suit  les 
mêmes  maximes  que  le  clergé  de  France; 
il  n'est  donc  pas  étonnant  qu'il  ait  gardé  la 
même  conduite.  De  tout  cela  il  résulta 
qu'aucun  concile  général  n'a  été  reçu  plus 
aulhentiquement  ni  plus  solennellement , 
quant  à  la  docirine,  dans  toute  l'Eglise  ca- 
tholique, que  le  concile  de  Trente;  les  pro- 
testants n'y  ont  opposé  aucune  objection 
qui  ne  puisse  être  tournée  contre  tous  les 
autres  conciles.  Lorsqu'en  1619  les  armi- 
niens les  alléguèrent  contje  le  synode  de 
Dordrecht,  qui  les  avait  condamnée,  les  cal- 
vinistes n'en  tinrent  aucun  compte,  et  trai- 
tèrent ces  sectaires  comme  des  rebelles 
Vuij.  Araiiniens. 

TRÉPASSÉS.  Vorj.  Morts. 

*  THÉSOK  DES  SATISFACTIONS  n:.  Jésus-Christ 
ET  DES  SAINTS.  H  est  de  foi  qu'il  y  a  un  iré-or  des 
mérites  de  Jésus-Clirisl.  En  eslil  de  niènie  du  tic- 
sur  des  mérites  des  saints?  Véioii  répond  ainsi  à 
cette  question  :  <  Ce  n'est  point  article  de  foi  catli  i- 
lique  qu'il  y  ait  nu  lel  liésor  eu  l'Eglise:  ni  parlant, 
couiiiie  je  dirai  peu  après,  que  les  iiidul-ences  se 
d  >niieni  par  la  distribution  de  ce  trésor.  Je  le  montre 
par  notre  rè^le  généiale;  car  le  concile  de  Trente, 
sess.  23,  qui  est  des  imlulgeiice*,  ni  aucun  autre 
universel  ne  nous  prop  ise  ceito  doctrine.  Il  est  vrai 
qu'elle  est  contenue  ilaiis  la  bulle  Uiiigeniius,  de  Clé- 
ineiil  VI,  De  pœml.  et  rciuiss.  Mais  1"  elle  n'est  con- 
tenue que  dans  son  di.<positif;  2»  le  papo  ne  produit 
rien  (pie  son  opinion  particulière  ;  5^  ii  ii'éeril  là 
qu'à  un  particulier,  et  ne  propose  rieu  à  croire  à 
toute  l'Eglise;  4°  bref,  ki  déliiiitloii  d'un  pape  ue 
sul'litpas  pour  faire  un  article  de  foi  catlioliipie.  Re- 
voyez sur  tout  cola  nos  lègles  générales,  ci-dessus 
pag.  27,  '2%  50,  n.  7,  10  et  12.  Ma  seciuide  preuve 
est  prise  de  ce  ipie  j'ai  dit;  car  imisque  ce  n'est  pas 
article  de  toi  qu'un  juste  puisse  satisfaire  pour  la 
peine  des  cécliés  d'autrui,  soit  vivanl,  soit  trépassé, 
ce  trésor  ne  peut  plus  être  article  de  foi  ;  la  troi- 
siôine,  Su  irez,  tome  IV,  disp.  ol.  qui  est  de  ce  tié- 
S(ir,  rapporte  e»  sa  sect.  2  :  Eiiire  les  tliéulogiens, 
oaiie  Mayrou,  Durand  a  nié  ce  liésor  de  l'Eglise 
composé  des  méiiles  on  satisfaclions  des  taints;  et 
il  en  rapporte  deu.t  raisons  :  la  première  e,-.t  ia 
luèiiie  avec  la  raison  de  Mayro;i,  parce  que  les  œu- 
vres des  justes  sont  réiiiiiiierées  con-li^neinent  en  la 
propie  pers  unie  des  saiuis  ;  la  seconde,  ceux-ci  n'ont 
point  de  mérite  qui  leur  soit  superUu;  car  tous  leur 
sont  utiles  et  elficaccs  pour  quel  iiie  rdcoinpeuse  ;  il 
ne  reste  donc  plus  aucun  mérite  des  saints  pour  éire 
mis  en  ce  trésor;  et  plus  bas  :  Quelques-uns  ont  dit 
(louime  nous  avons  vu  ci-dessus,  trailanl  des  suf- 
Irages)  que  les  œuvres,  quant  à  la  vertu  de  satis- 
faire, sont  tellement  propres  du  juste  même  uui 
Opère  ou  endure,  que  itnl  juste,  e.\cepicJésns-Clirist, 
ne  peut  les  do!:ner  sous  celte  raison  à  auirui,  ou 
payer  pour  autiui,  ou  satisfaire.  Selon  la(|uelle  opi' 
iiiuu  il  faut  dire  conséquennncni  que  le  trésor  de 
l'Eglise  n'est  pa^  coiiiposé  des  satisfactions  des 
saillis,  et  que  rien  d'elles  n'est  appliqué  par  les  in- 

28 


875 


TRE 


TRI 


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diligences  pour  paiement  des  ilelles  (einporelles.  U 
est  vrai  que  Suarez,  là  même,  enseigne  que  la  com- 
mune sentence  des  lliéologieiis  roconiiaît  ce  trésor, 
nun-seuleiiieiit  des  mérites,  mais  aussi  des  salisfac- 
lioiis  des  saints,  dispensé  par  les  indulgences,  etc. 
El.  il  le  prouve  fort  au  long  en  la  susdite  sect.  2. 
Mais  ce  qu'il  ajoute  est  remarquable  au  nom  de  ceux 
([ui  nient  ce  trésor  :  J'avertis  qu'il-^  ne  nient  pas  que 
les  œuvres  des  justes  demeurent  en  quelipie  façon 
dans  le  trésor  de  PEglise,  quant  à  la  force  d'impé- 
trer  et  mériiei    pour  nous  de  congriiito  quelques 
biens.  Mais  qui  niera  ce  trésor  en  ce  sens?  Nos  sé- 
parés même  ne  nieront  pas  ce  tréior  ainsi  entendu  ; 
présupposé  ce  que  j'ai  remarqué   ci-dessus,  §  lU, 
page  50,  n.  1,  que  quelques  théologiens  ne  so.a  pas 
d'avis  d'user  de  ces  termes  de  mérite  de  cougruiié, 
ni  partant  de  satisfaction  de  congruité,  ni  même 
pour  soi;  beaucoup  plus  seront-ils  d'avis  ipron  n'use 
pas  de  semblables  termes  de  mériie  ou  salislaciion 
de  congruité  pour  autrui  ;  et  j'ai  dit  que  ce  n'est  pas 
article  de  foi  qu'on  puisse  mériter  pour  autrui,  ni 
même  par  congruité,  ni  aUïSi  satisfaire,  ce  que  j'ai 
démontré.  Au  fond  donc  ce  trésor,  selon  l'avis  de 
ces  tliéologiens,  rapporté  par  Suarez,  des  mérites 
et  satisf.iCtio:is  des  saints,  ne  sera  rien  autre,  sinon 
que  leur  bonne  vie  et  bonnes  œuvres  ont   la  force 
d'impétrer  de  Dieu  pour  nous  plusieurs  biens,  et  que 
la  bonté  divine  communique  plusieurs  laveurs  aux 
vivants  à  leur  considération.   ISos  séparés  ne  nient 
pas  cela,  ni  la  commuiiiraiion  de  tel  trésor  :  aussi 
est-il  clairement  en  l'Ecriture  eu  mille  lieux.  Geii. 
XXVI,  24,  Dieu  dit  à  Jacob  :  Je  le  bénirai  à  cause 
d'Abraham  mon  serrileur.  Ils  admettent  aussi  l'inter- 
cession des  saints  au  ciel,  et  que  Dieu  par  elle  nous 
fait  plusieurs  grâces.  C'est,  en  effet,  admettre  ce  tré- 
sor des  œuvres  saintes  des  lidèles  morts  expliqué 
comme  ci-dessus. 

TRÊVE    DE    UlEU    OU    DU   SEIGNEUR. 

Pendant  le  cours  du  xi'  siècle  ,  lorsque  les 
seigneurs  ne  cessaient  de  se  faire  la  guene 
entre  eux  ,  el  ne  coiiuaissaienl  d  autre  voie 
que  les  artues  pour  venger  leurs  injures 
réelles  ou  imaginaires  ,  les  évêques  cher- 
chèrent un  moyen  d'arrêter  ce  brig.indage, 
qui  rendait  les  peuples  malheureux.  11  l'ut 
ordonné  dans  plusieurs  conciles,  sous  peine 
d'excommunication,  à  tous  les  seigneurs  et 
chevaliers,  de  cesser  toutes  hostilités  depuis 
le  mercredi  au  soir  de  chaque  semaine  jus- 
qu'au lundi  suivant,  et  pendant  l'avenl  et  le 
carême.  L'on  oblinl  ainsi  pour  les  peuples 
quelque,  temps  de  repos  et  de  sûreié.  L'épo- 
({uc  la  plus  ancienne  à  laquelle  on  puisse 
rapporter  cette  iuslilution,  est  l'an  1032  ou 
Î034.  Peu  à  peu  elle  fui  adoptée  en  France 
,  el  en  Angleteire,  mais  non  sans  résistance  , 
surtout  de  la  part  des  Normands.  Elle  fut 
confirmée  par  le  pipe  Urbiin  11,  au  concile 
tenu  à  Clermonl  l'an  10;)5.  Ainsi  les  motifs 
de  religion  produisirent  sur  des  âmes  féroces 
l'effet  qu'auraient  dû  faire  la  raison  el  les 
principes  de  jusiice.  C'est  aux  historiens  de 
rapporter  les  époques  de  cet  éiablissement 
dans  les  différentes  contrées  ,  les  variétés 
que  l'on  y  introduisit,  les  infractions  qu'il 
essuya,  etc.  Autant  les  seigneurs  cherchaient 
à  le  restreindre,  autant  le  clergé  travaillait 
a  retendre  et  à  l'augmenter.  Le  grand  no:n- 
brc  dos  conciles  assemblés  à  ce  sujet  dans 
l'Aiîuiiaiiie  ,daiis  les  Gaules,  en  Alleuiagne, 
en  Espagne  et  en  Aiifjlelerre  ,  pour  confir- 
cner  celle  institution  salutaire,  nionire  assez 


la  grandeur  des  maux  qui  affligeaient  les 
peuples,  et  les  obUacles  qu'il  y  avait  à  sur- 
monter pour  établir  en  Europe  une  espère 
de  police.  Les  plus  zélés  prédicateurs  de  la 
trêve  de  Dieu  furent  saint  Odilon  ,  abbé  de 
Cluni,  et  le  bienheureux  Richard  ,  abbé  de 
Vannes  ,  auxquels  se  joignirent  les  plus 
saints  personnages  qui  vivaient  pour  lors, 
so1l  dans  le  clergé,  soit  parmi  les  laïques  ; 
el  l'application  avec  laquelle  plusieur-  sou- 
verains vertueux  travaillèrent  à  celte  bonne 
œuvre,  n'a  pas  peu  contribué  à  eur  faire 
décerner  un  culte  après  leur  niorl.  Les 
croisades  entreprises  sur  la  (in  de  ce  même 
siècle  contribuèrent  encore  plus  efficace- 
ment à  éteindre  le  feu  des  guerres  particu- 
lières. Voy.  Du  Gange,  au  mol  Treva  Dei. 

TRIBU,  famille,  (es  Israélites  fi*rmèrenl 
entre  eux  douze  tribu',  selon  le  nombre 
des  enfants  de  Jacob  ;  !;inis  ce  patriarche 
ayant  adopté  en  mourant  les  deux  fils  de 
Joseph  ,  Kphra'im  et  Manassé,  il  se  trouva 
ainsi  treize  chefs  de  iribus,  tavoir,  Ruben, 
Siméon,  Lévi,  Juda,  Issachar,  Zabulon,  Dan, 
Nephiali,  Gad,  Aser,  Benjamin,  Ephraïm  et 
Manassé.  Cependant  la  Palestine  ou  terre 
promise  ne  fut  partagée  qu'entre  douze  tri- 
bus; celle  de  Lévi  n'eut  point  de  part  au 
partage  ,  parce  qu'elle  était  consacrée  au 
.  service  religieux.  Mais  Moïse  avait  pourvu 
à  sa  subsislanci-,  en  assignanl  aux  différen- 
tes familles  de  lévites  leur  demeure  dans  les 
villes  des  douze  autres  tribus,  avec  une  pe- 
tite étendue  de  territoire,  et  en  leur  attri- 
buant la  dîme  des  fruits,  les  prémices  el  les 
oblalions  du  peuple.  Jacob  au  lit  de  la  mort 
avait  prédit  à  celle  tribu  qu''Jle  serait  dis- 
persée dans  Israël,  Gen.,  c,  xlix,  v.  7.  Son 
sort  n'était  donc  pas  capable  d'excil'  r  la  ja- 
lousie (les  autres.  Voy.  Lévite. 

Après  la  mort  de  Saiil  leur  premier  roi, 
dix  tribus  demeurèrent  attachées  à  Isboselh 
son  fils.  David  son  successeur  ne  régna  d'a- 
bord que  sur  les  deux  tribus  de  Juda  et  de 
Benjamin  ;  mais  après  la  morl  d'Isboselli  , 
toutes  se  réunirent  sous  l'obéissance  de  Da- 
vid. Autant  que  l'on  en  peut  juger  par  coii- 
jeclurc,  l'origine  de  telle  première  sépara- 
tion fui  la  jalousie  des  autres  tribus  contre 
celle  de  Juda  ijui  élait  la  plus  nombreuse, 
et  à  laquelle  le  sceptre  de  la  royauté  avait 
été  promis  par  le  lestanienl  de  Jacob,  ibid. 
Elles  retardèrent  tant  qu'elles  purent  l'exé- 
cullon  de  celte  promes-e.  Ce  fut  aussi  le 
germe  du  schisme  qui  se  fit  entre  elles  sous 
le  règne  de  Robojim,  fils  de  Salomon  :  dix 
tribus  se  révoltèrent  ,  se  donnèrent  un  roi 
particulier,  el  furent  nommées  le  royaume 
d'Israël,  dont  la  capitale  était  Samarie;  les 
deux  seules  Irilius  de  Juda  et  de  Benjamin 
demeurèreni  fidèles  à  Roboim  et  à  ses  suc- 
cesseurs; elles  furent  appelées  le.  royaume 
de  Juda  ,  dont  le  chef-lieu  était  Jérusalem. 
Il  y  eut  des  dissensions  el  des  guerres  prcîs- 
que  continuelles  entre  les  souverains  de 
ces  deux  royaumes  ;  presque  tous  les  rois 
d'Israël  tombèrent  dans  l'idolâirie  et  y  en- 
traiiièrenl  leurs  sujets;  ceux  de  Juda  retin- 
r<nl  ordinairement  les  leurs  dans  l'observa- 


877 


TItl 


lion  (le  la  loi  du  Sei(;neur.  Celle  division  con- 
tinua jusqu'à  la  captivité  de  Babyiune. 
(  Il  nous  parait  qu'à  n'envis  (jcr  i|ue  l'inté- 
rêt politique,  la  distribution  de  la  nation 
entière  en  diflércnles  tribus  ,  dont  les  pos- 
sessions étaient  sépirées  ,  et  qui  ne  for- 
maient entre  elles  aucune  alliance ,  devait 
produire  de  très-bons  effets,  fille  attachait 
chaque  tribu  au  sol  qui  lui  était  tombé  en 
parla;j;e  ,  elle  niellait  chaque  chef  de  famille 
dans  la  nécessité  de  faire  valoir  sa  portion, 
et  de  conserver  ainsi  l'héritage  de  ses  pères. 
Elle  prévenait  l'agrandissetnent  dcsfaniillrs 
ambitieuses,  parconsé<iuent  les  usurpations 
qu'elles  auraient  pu  faire  ,  et  entreti  nait 
l'égalité  entre  tous  les  membres  de  l'ElMt.  Il 
ne  pouvait  en  résulter  le  raéinc  inconvé- 
nient que  cause  parmi  les  Indiens  la  distinc- 
tion des  castes  ou  des  tribus  :  la  séparation 
de  celles-ci,  fondée  sur  des  idées  fausses  et 
sur  une  croyance  absurde,  proiluil  la  haine, 
le  mépris,  l'aversion  des  castes  î^upérieures 
à  l'égard  des  antres  ;  la  distinction  des  Juifs 
en  différentes  familles  toutes  égales  les  fai- 
s  lit  souvenir  qu'ils  étaient  tous  nés  du  sang 
de  Jacoli,  et  obligés  de  se  regarder  comme 
frères.  Voy.  Juifs. 

THINITAIHES,  terme  qui  a  reçu  diffé- 
rentes signilicalions  arbitraires.  Souvent 
l'on  s'en  est  servi  pour  désigner  toutes  les 
sectes  hérétiques  qui  ont  enseigné  des  er- 
reurs louchunl  le  mystère  de  la  sainte  Tri- 
nité, en  particulier  les  sociniens  ;  niais  il  est 
beaucoup  mieux  de  les  appeler  unitaires, 
comme  on  le  fait  aujourd'hui.  Ce  sont  eux 
qui  ont  coutume  de  donner  le  noiii  de  Irini- 
taircs  et  dialltanuciens  aux  calholiqui  s  et  aux 
protestants,  qui  reconnaissent  un  sluI  Di 'u 
en  trois  personnes,  et  qui  professeni  le  sym- 
bole de  saint  Athanase.  Voy.  Soc;inii;ns. 

ÏRiNiTAiRES,  ordre  religieux  ,  institué  à 
l'honneur  de  la  sainte  Trinité  ,  pour  la  ré- 
demption des  chrétiens  réduits  à  l'rsclavage 
(liez  les  infidèles.  On  les  appelle  en  Frauce 
mailmrins  ,  parce  que  la  piomicre  église 
qu'ils  ont  eue  à  Paris,  et  qui  leur  fut  donnée 
par  le  chapitre  de  la  cathédrale  ,  était  sous 
l'invocation  de  saint  Malhurin.  Ils  sont  ha- 
billés de  blanc  ot  portent  sur  la  poitrine  une 
croix  mi-partie  de  rouge  et  de  bien,  fin  fai- 
sant profession  ils  s'engagent  à  travailler  au 
rachat  des  chrétiens  détenus  i  ii  esclavage 
dans  les  républiques  d'Alger,  de  Tripoli,  i.'e 
Tunis,  et  dans  les  royaumes  de  Fez  cl  do 
Maroc;  ils  emploient  à  celte  bonne  œuïre  le 
lii.ra  du  revenu  de  lc::rs  maisons  et  les  au- 
mônes qu'ils  peuvent  recueillir  dans  les  dif- 
léienles  provinces.  Us  sont  sous  une  règle 
particulière,  quoique  plusieurs  auteuis  aient 
cru  qu'ils  suivaient  celle  de  saint  Augustin. 
Cet  ordre  prit  naissance  en  France ,  lan 
1198,  sous  le  pontificat  d'Innoccnl  Hi;  ses 
fondateurs  furent  saint  Jean  de  Matlia  et 
saint  Félix  de  Valois.  Le  premier  était  né  à 
Faucon  en  i'rovence;  le  second  ét.iit  proba- 
blement originaire  de  la  petite  province  de 
Valois  dans  la  Urie,  ^i  non  de  la  f.imille 
royale  de  Valois,  qui  ne  commcii(;a  ([ue  plus 
d'un  siècle  après.  Gauthier  de  Cliâtilloii  leur 


TKI  873 

donna  dans  ses  terres  un  lieu  nommé  Cer- 
froid,  dans  la  Hrie  ,  au  diocèse  de  Mcaux, 
pour  y  bâtir  un  couvent  qui  est  devenu  le 
chef-lieu  do  tout  l'ordre.  Ce  nom  paraît  être 
une  corruption  des  mots  celtiques  snrla 
fréta ,  terrain  défriché.  Voy.  le  IHct.  de 
Ducangc.  Honoré  III  confirma  leur  règle  qui 
était  très-austère  dans  l'origine  :  les  reli- 
gieux ne  devaient  manger  ni  viande  ni  pois- 
son, excepté  les  jours  de  grandes  lêles  ;  ils 
vivaient  d'iïufs,  de  laitage,  de  légumes  assai- 
sonnés d'huile,  il  leur  était  défendu  de  voya- 
ger à  cheval.  Mais  en  12G7,  Clément  IV 
comprit  (ju'il  était  moralement  impossible  à 
des  religieux  obligés  de  voyager  souvent  et 
de  séjourner  parmi  les  infidèles  d'observer 
constamment  un  régime  aussi  austère  :  il 
leur  accorda  un  adoucissement  en  leur 
jjermettant  de  se  servir  d'un  cheval,  de  man- 
ger du  poisson  et  de  la  viande. 

Les  trinitaires  possèdent  environ  deux 
cent  cinquante  maisons  distribuées  en  treize 
provinces,  dont  six  sont  en  France,  trois  en 
fispagne,  trois  en  Italie,  et  uhj;  on  Portugal. 
Ils  ont  en  autrefois  quarante-trois  m;iisons 
en  Angleterre,  neuf  en  Ecosse,  el  cinquante- 
deux  en  Irlande.  La  prétendue  réfonnation, 
en  détruisant  ces  établissements  inspirés 
par  la  charité,  a  fait  cesser  dans  ces  royau- 
mes la  bonne  œuvre  à  laquelle  ils  étaieut 
consacrés. 

En  1573  et  en  1576,  dans  les  deux  chapi- 
tres généraux  tenus  pour  lors,  il  se  trouva 
un  nombre  de  religieux  assez  fervents  pour 
souhaiter  do  reprendre  l'observation  de  la 
règle  dans  toute  la  rigueur  primitive,  comme 
l'avaient  déjà  fait  plusieurs  en  Portugal, 
l'an  i43V.  On  leur  en  laissa  la  liberté,  el  on 
leur  assigna  des  maisons  où  ils  pouiraient 
exécuter  leur  dessein;  Grégoire  Xill  el 
Paul  V  approuvèrent  celle  réforin  •.  Le  frère 
Jérôme  Hallies,  religieux  français,  l'établit 
dans  le  couvent  de  Uome,  et  trois  ans  après 
dans  celui  d'Aix  en  Provence.  Il  ajouta  aux 
anciennes  austérités  la  nudiié  des  pieds;  do 
là  l'origine  des  trinilnires  déchaussés.  Ct; 
nouvel  institut  fut  introduit  en  Espagne, 
l'ail  15'J4,  par  le  P.  Jean-Kaptisl.-  de  la 
Conception  ,  morl  en  odeur  de  sainteté  l'an 
1G13;  l'on  design  I  dans  chaque  pro>ince 
deux  ou  trois  mai-ons  pour  ceux  qui  vou- 
draient s'y  astreindre,  en  leur  laissant  néan- 
moins la  liberté  de  retourner  dans  leur  an- 
cien cou\ent  quand  bon  leur  semblerait. 
Peu  à  peu  celte  réforme  fit  des  progrès  en 
Italie,  en  Allemagne  et  en  Pologne,  fin  1670, 
les  réformés  eurent  assez  de  maisons  en 
France  pour  en  former  u'ic  province,  el 
dans  cette  même  année  ils  tinrent  leur  pre- 
mier chapitre  général. 

En  1635,  Urbain  VllI  commit  par  un  bref 
le  cardinal  de  la  Rochefoucauld  pour  établir 
plus  de  régularité  dans  les  maisons  <!e  trini- 
taires dans  lesq  elles  il  y  avait  du  relâche- 
ment. Conséqucmment  ce  cardinal  rendit  un 
décret  par  lc()uel  il  fut  ordonné  aux  reli- 
gieux d'observer  la  règle  primitive,  telle 
qu'elle  avait  élé  mitigée  par  ClémcMt  IV. 
Cela  fut   éxécu'.é  dans   la  plupart  de^  cou- 


879 


TRI 


TRI 


880 


venis  ,  en  parliculifir  à  Cer-troid  ,  chef-lieu 
deror'tlrc.  Ceux  qui  s'y  conforment  ne  por- 
tent point  de  linge,  disent  matines  àminiiil, 
ne  font  gras  que  le  dimanche,  etc. 

Une  laul  pas  confondre  avecles  trinUaires, 
les  Pères  de  la  Merci,  ou  de  la  Rédemption 
des  Captifs,  institués  dans  le  mémo  dessein 
à  Barcelone  l'an  1223 ,  par  saint  Pierre  No- 
lasque ,  gentilhomme  français  ;  nous  en 
avons  parlé  au  mot  Merci. 
•  Un  célèbre  incrédule  de  notre  siècle  n'a  pu 
s'empêcher  de  donner  des  éloges  à  celte  ins- 
titution. Après  avoir  parié  de  plusieurs 
congrégations  dévouées  au  service  du  pro- 
chain :  «  Il  en  est,  dit-il,  une  autre  plus  hé- 
roïque :  car  ce  nom  convient  aux  irinitaires 
de  la  rédemption  des  captifs  ,  étahlis  vers 
l'an  1120,  par  un  gentilhomme  nommé  Jean 
de  Malha.  Ces  religieux,  se  consacrent  depuis 
cinq  siècles  à  briser  les  chaînes  des  chré- 
tiens chez  les  Maures.  Us  emploient  à  payer 
les  rançons  des  esclav.-s  leurs  revenus  et  les 
aumônes  qu'ils  recueilient  et  qu'ils  porlent 
eux-mêmes  en  Afrique.  »  Essais  sur  rUist. 
gén-,  c.  135. 

Trinitaires  ,  religieuses.  Saint  Jean  de 
Matha  avait  établi  d'abord  en  Espagne  une 
congrégation  de  filles  de  la  sainte  Trinité, 
qui  n'étaient  que  des  oblates,  et  qui  ne  fai- 
saient point  de  vœux;  en  1201,  l'infanle 
Constance,  fille  de  Piene  II,  roi  d'Aragon, 
leur  lit  bâtir  un  monastère,  les  engagea  par 
son  exemple  à  y  faire  la  profession  religieuse, 
et  elle  y  fut  la  première  supérieure.  Vers 
l'an  1612,  Françoise  de  Uomero  ,  fille  d'un 
lieutenant-général  des  armées  d'Espagne, 
voulant  se  consacrer  à  Dieu,  rassembla  des 
compagnes  ;  elles  se  mirent  sous  la  direction 
du  P.  Jcan-Bapliste  de  la  Conception,  qui 
avait  établi  les  trinitaires  déchaussés,  elles 
prirent  l'habit ,  et  embrassèrent  l'institiil  de 
cet  ordre.  Les  religieux,  ayant  refusé  de  se 
charger  du  gouvernement  de  ces  Dlles,  elles 
s'adressèrent  à  l'archevêque  de  Tolède,  qui 
leur  permit  de  vivre  suivant  la  règle  qu'elles 
avaient  choisie.  On  ne  nous  dit  point  à  quelle 
bonne  œuvre  particulière  elles  se  destinè- 
rent. —  Enfin  il  y  a  encore  un  tiers-ordre 
de  trinitaires.  Voy.  Tiers-Ordre. 

TRINITÉ.  Le  mystère  de  la  sainte  Trinité 
est  Dieu  lui-même  subsistant  en  trois  per- 
sonnes, le  l'ère,  le  Fils  et  le  Saint-Esprit, 
réellement  distingués  l'un  de  l'autre,  et  qui 
possèdent  tous  trois  la  même  nature  divine, 
numérique  et  individuelle  (1). 

(1  ) Nous  avoiiséludié  les  trois  personnes  divines  dia- 
cune  en  particulier,  aux  mois  Pèke,  Fils,  esprit 
(Saint-)  :  mais  pour  avoir  de  la  Triniié  une  idée  aussi 
cumplèle  qu'il  est  donné  à  la  nature  Inunaine  de  la 
posséder,  il  laul  encore  les  niellre  en  rapport  les 
unes  avec  les  autres,  donner  de  cliai|ne  personne 
une  nolion  qui  puisse  la  faire  connaîire  siifllsani- 
mtnt;  entin  reclierclier  si  une  persoinie  divine  pos- 
sède sur  une  autre  personne  divine  (luclque  droit  : 
il  se  inanilcbie  suiiout  par  la  mission.  l)e  là  les 
Oucsiions  que  nous  avons  à  examiner.  Elles  con- 
cernent les  relations,  lus  uolions  et  les  missions  di- 
vines. 

lielaiioni  divines,  —  Qu'il  y  ail  des   lelalions 


Il  n'y  a  qu'un  seul  Diou;  cette  vérité  est  le 
fondement  de  Ut  foi  chrétienne  ;  mais  cette 
même  foi  nous  enseigne  que  l'unité  même  de 

entre  les  personnes  divines,  c'est  ce  qui  résulte  évi- 
demment de  la  génération  du  Verba  et  de  la  pro- 
cessiflti  dn  Saint-Esprit.  Qui  oserait  nier  qu'il  y  ait 
entre  le  Père  et  le  Fils  des  rapports  de  paternité 
et  de  libation  ?  entre  le  Saint-Esprit  et  les  deux  au- 
tres personnes  un  rapport  de  spiration  ?  Personne, 
sans  donte  ;  car  contester  la  réalité  de  ces  rapports 
ce  serait  nier  la  Trinité  elle-même.  Prétendre 
qu'ils  ne  sont  qu'une  idéalité,  ce  serait  ùter  toute 
réalité  a  la  Trinité.  Erreur  monstrueuse  ,  que  nous 
avons  combattue  ailleurs,  et  que  nous  nous  croyons 
dispensé  de  réfuter  de  nouveau.  L'existence  des  re- 
lations divines  est  donc,  pour  tout  bon  catlioliqiie,  un 
point  de  doctrine  bors  de  toute  espèce  de  doute. 

Quel  en  est  le  nunibre  ?  Pour  établir  le  nombre 
des  relations  divines,  il  suffit  de  réfléchir  un  insiant 
sur  le  fondement  qui  leur  sert  d'appui.  Les  motifs 
que  nous  avons  développés  en  établissant  leur  exi- 
sience,  ont  déjà  fait  comprendre  que  les  relaiions 
divines  sont  fondées  sur  l'origine  des  personnes. 
Or,  toute  espèce  de  procession  emporte  nécessaire- 
ment deux  relations  ;  l'une,  de  la  puissance  géné- 
ratrice à  l'être  engendré,  et  l'autre  de  l'èire  engeii- 
dié  à  la  puissance  génératrice.  Mais  en  Dieu  il  y  a 
deux  processions,  l'une  dn  Fils  et  l'autre  du  Saint- 
Esprit.  Il  doit  donc  y  avou'  quatre  relations,  l'une 
dn  l'ère  au  Fils,  c'esi  le  rapport  de  paternité  ;  la  se- 
conde du  Fils  au  l'été,  c'est  un  rapport  de  liljaiion  ; 
la  troisième  da  Père  et  du  Fiis  au  Saint-Espril,  c'est 
un  rapport  de  spiration  active;  la  (|uatriénic  du 
Saint-Esprit  au  Père  ei  au  Fils  :  c'est  un  rapport 
de  spiration  passive.  Voilà  les  seules  relaiions  essen- 
tielles que  nous  puissions  apercevDir  entre  les  per- 
sonnes divines.  ISuus  les  résumons  en  deux  mots  : 
la  paternité,  la  filiation,  la  spiration  active  et  la 
spiraiton  passive. 

Ici  une  question  se  présente  naturellement.  Que 
sont  en  Dieu  ces  relations  ?  Méritent-elles  le  nom  de 
vérilaijles  perl'eciions  ?  Quoi  qu'en  aient  dit  quel- 
ques tbéologiens,  nous  ne  craignons  pas  de  nous 
déclarer  poar  l'alfirniaiive.  Les  Pères,  nos  maîtres 
dans  la  loi ,  nous  assurent  que  le  Père  est  parfait, 
non-senlement  parce  qu'il  est  Dieu,  mais  encore 
parce  qu'il  est  Père  (S.  Cyril.,  Tliesaur.,  lib.  i,  c.  (!); 
que  le  mode  d'existence  d'une  personne  divine,  on 
la  relalion,  est  une  perfection  (S.  Damasc,  de  Fid., 
lib.  1,  c.  11).  Ces  autorités  sont  trop  vénérables  poar 
que  nuus  osions  les  contrediie.  Ecoutons  encore  la 
raison  sur  ce  sujet  ;  que  nous  dit-elle?  Elle  nous 
dit  qu'un  principe  de  lécondité  et  de  perfection  est 
incontestablement  une  perfection.  Ces  propriétés 
conviennent  parfaitement  aux  relations  divines  ; 
elles  nous  rappellent  la  fécondité  du  Père  et  du 
Fils.  La  subsistance  relative  du  Fils  a  été  un  prin- 
cipe de  perfection  pour  l'iinmanité  du  Cbrisl.  Par 
ces  motifs,  nous  concluons  que  les  relations  divines 
sont  de  véritables  perfections.  —  Il  y  a  cependant 
une  diliiculté  qui  parait  embarrassante  au  premier 
abord.  Si  les  relations  divines  sont  de  véritables 
perfections,  il  suit  de  là  qu'une  personne  divine 
possède  une  perfection  que  les  autres  ne  possèdent 
point.  Les  trois  personnes  de  la  Trinité  ne  sont 
donc  pas  aussi  parfaites  l'une  que  l'autre,  comme 
l'enseignent  communément  les  catécliismes.  Nous 
pourrions  répondre  que  la  relation  que  possède 
une  personne  divine  égale  en  perfeciion  celle  dont 
il  est  privé,  et  que  par  la  niéiiie  l'ogilité  se  trouve 
conservée.  Pour  résoudre  la  difficulté,  nous  aimons 
mieux  éiunieer  une  proposition  que  nous  démonire- 
runs  dans  quelijuus  instants.  11  n'y  a  aucune  diffé- 
rence entre  l'essence  divine  et  les  relaiions  di- 
vines :  or,  l'essence  divine  est  commune  aux  trois 


881 


TRI 


TRI 


882 


Dieu  rst  féconde,  que  la  nature  divine,  sans 
cesser  d'être  une,  se  communique  par  le 
Père  au  Fils,  par  le  Père  el  le  Fils  au  Saint- 

persnnnos  divines,  donc  les  perfections  qui  y  rési- 
dent le  sont  aussi.  —  La  ri'ponse  que  nous  venons 
de  donner  suppose  qu'il  n'y  a  aucune  différence 
entre  IfS  relations  cl  l'essence  divine,  essayons  de 
dénioniri't  celte  proposiiion.  Il  y  a  un  principe  re- 
connu de  I0U-.  les  iliéolugiens,  el  longuement  déve- 
loppé dans  le  Trailé  des  altributs  de  Dieu,  c'est  (lue  : 
dans  les  choses  divines  II  faut  admettie  rnnilé  lors- 
qu'il n'y  a  pas  opposition  de  relation.  Je  clicrclie 
quelque  opposition  entre  l'essence  divine  el  les  le- 
laiions  divines  ;  je  n'eu  vuis  aucune.  Il  y  a  donc 
ninté,  et  conséiiiieminent  pas  de  différence.  —  Doit- 
on  aussi  admettre  qu'il  n'y  a  pas  de  distinction  entre 
les  relaiinns  ?  Les  relaiions  d'origine  pruvent  être 
iruses  en  reg:ird  di'  relaiions  opposées;  tiilles  la  pa- 
ternité avec  la  liliaiion,  la  spiration  active  avec  la 
spiration  passive  ;  alnrs  il  y  a  disiiuction  réelle.  S'il 
n'y  avait  aucune  dilT('rence  outre  les  relations,  il 
n'y  en  aurait  pas  e:)trci  les  personnes  divines,  puis 
que  les  relations  sont  fondées  sur  la  distinction  des 
personnes.  Si,  an  contraire,  ou  vient  à  considérer 
les  relations  qui  ne  sont  point  opposéi'S,  telle  la 
paiernilé  mise  en  regard  de  la  spiration  active, 
alors  il  n'y  a  pas  de  distinciion  réelle.  Le  concile 
de  Lair;in,  tenu  sous  Iiin  cent  111,  a  délini  qu'il  n'y 
a  pas  de  quaterniié  on  Dieu.  Or,  si  la  palornilé  et  la 
liliaiion  étaient  distinctes  de  la  spiration  active,  il  y 
aurait  quaternité,  savoir,  la  paternité,  la  filiation,  la 
spiration  active  et  la  spiration  passive,  puisque  le 
nombre  des  personnes  est  londé  sur  le  nombre  des  re- 
lations distinctes.  Donc  il  n'y  a  en  Dieu  aucune  distinc- 
tion réelle  et  effective  entre  ces  espèces  de  relations. 

Des  inétapliysiciens  d'une  logique  exirêniemcnt 
subtile  font  des  objections  trop  peu  imporlanles 
pour  que  nous  les  examinions. 

II.  Notions  divines.  —  Le  but  des  nniions  divines, 
comme  nous  l'avons  remarqué,  est  de  faire  con- 
naître et  distinguer  les  personnes  divines.  Pour  qu'un 
caractère  mérite  réellement  le  nom  de  notion  di- 
vine, il  doit  être  revélu  de  certaines  condiiions. 
Nous  allons  les  énoncer.  Il  lant  1"  qu'il  ne  soil 
point  commun  aux  trois  persoiuics  divines  ;  autre- 
ment ce  ne  serait  point  une  note  distinctive.  Il  faut 
2°  qu'd  concerne  l'origine  d'une  personne  divine, 
car  l'origine  est  le  principe  disiinctif  des  personnes 
de;  la  Trinité.  Il  faut  3"  qu'il  soit'  un  titre  de 
dignité.  Un  tel  titre  mérite  seul  d'èire  appliqué 
à  une  personne  divine.  L'improductivité  du  Saint- 
Esprit  ne  peut  donc  être  donnée  comme  une  notion 
divine.  Il  faut  •4°  qu'il  désigne  une  qualité  perma- 
nente, puisque  la  persoime  divine  est  stable  el  lixe 
par  elle-même.  —  Do  ces  conditions  requises  coinmu- 
nénienl  par  les  tliécdigiens,  nous  pouvons  déduire 
le  nombre  des  notions  divines.  Nous  en  comptons 
cinq  :  l'innascibilité,  la  paternité,  lafdiation,  la 
spiration  active  et  la  spiration  passive.  Deux  motifs 
ont  engagé  les  théologiens  à  admettre  des  notions 
divines  ;  1°  la  nécessité  de  distinguer  les  person- 
nes ;  2'  le  besoin  d'en  déterminer  le  nombre  contre 
les  hérétiques.  Pour  atteindre  ce  double  but,  il  faut 
cinq  notions  divines.  Il  y  en  a  quatre  (;ui  sont  né- 
cessaires pour  distingm;r  les  personnes  :  la  pater- 
nité pour  distinguer  le  Père  du  Fils,  la  liliaiion  pour 
distinguer  le  Fils  du  Père,  la  spiration  active  pour 
distinguer  le  Père  et  le  Fils  du  Saint-Esprit,  et  la 
spiration  passive,  pour  distinguer  le  Saint-Esprit 
(lu  Père  et  du  Fils.  11  laut  une  cinquième  notion 
pour  mettre  le  dogme  catholique  en  sûreté  <  outre 
les  attaques  des  hérétiques ,  c'est  l'innascibiliié  du 
Père.  Car,  pour  ne  pas  admettre  plus  de  deux  pro- 
cessions en  Dieu,  il  est  nécessaire  de  déclarer  que 
l 'me  des  trois  personnes  n'a  pas  été  produite.  C'est 
ce  que  n'explique  pas  sutlisainmeiil   la  paternité. 


Esprit,  sans  aucune  division  ou  diminution 
de  ses  attributs  ou  de  ses  pcrfccliciis.  Ainsi 
le  mot  Trinité  sigiiilic  l'unité  des  trois  per- 
soiiiios  divines,  quant  à  la  nature,  et  leur 
distinciion  réelle,  quant  à  la  personnalité. 
Ce  mystère  est  incompréhensible  sans  doute, 
mais  il  est  formellement  révélé  dans  l'Erri- 
luru  sainte  el  dans  la  tradiliou.  Nous  devons 
donc,  l-en  apporter  les  preuves;2°voirceque 
les  hérétiques  y  opposent;  3°  justifier  le  lan- 
gage des  Pères  de  l'K^lise  et  des,  théoloj;iens. 
Dans  l'article  suivant,  nous  examinonr,  si  ce 
mystère  est  tiré  de  la  philosophie  de  Platon. 
§  I  '.  Preuves  du  dogme  de  la  sainte  Trinité. 
1°  Matlh.,  c.  xxviii,  V.  19,  Jésus-ChrisI  dit  à 
ses  apAtres  :  Allez  enseigner  toutes  les  na- 
tions; baptisez-les  au  nom  dit  Pi'rc,  et  du  Fils, 
et  du  Saint- Ils  prit.  Le  dessein  de  notre  Sau- 
veur ne  fut  ceitaiiiemenl  jamais  de  faire 
bapliser  les  fidèles  en  un  autre  nom  que 
celui  de  Dieu,  ni  do  les  consacrer  à  d'autres 
êtres  qu'à  Dieu  ;  voilà  cependant  trois  [)e!- 
sonnes  au  nom  desquelles  il  veut  que  le 
baptême  soit  donné  :  il  faut  donc  que  cha- 
cune des  trois  soit  véritablement  Dieu,  sans 
qu'il  s'ensuive  de  là  qu'il  y  a  trois  dieux; 
par  conséquent,  que  la  nature  ou  l'essence 
divine  soit  commune  à  toutes  les  trois  sans 

puisqu'un  père  peut  être  produit  par  un  autre  père. 
De  là  la  nécessité  d'admettre  une  cinqinème  notion 
divine,  l'innascibilité,  qui  nous  (ait  comprendre  que 
le  Père  ne  procède  de  personne. 

III.  Missions  divines.  —  Eu  engendrant  une  per- 
sonne divine,  le  principe  générateur  peut  avoir  eu 
le  dessein  de  l'employer  à  un  elïot  temporel.  C'est 
ce  qui  constitue  la  mission  divine.  Elle  peut  donc 
se  définir  ;  la  destination  à  un  etl'ei  temporel  d'une 
personne  divine  par  celle  île  qui  elle  procède.  De 
notre  dédnilion  nous  pouvons  déduire  quelles  sont 
les  personnes  de  la  Trinité  qui  sont  soumises  à  la 
mission.  Puisque  la  procession  est  nécessaire,  le 
Père  ne  peut  point  y  èire  soumis.  Le  Fils  doit  la 
recevoir  du  Père,  et  le  Saiiu-Esprit  du  Père  et  du 
Fils.  C'est  une  conséquence  de  leur  proces'-ion. 
Nous  en  trouvons  la  preuve  dans  l'Ecriture  :  Sicut 
misit  me  virens  Pater,  et  ego  vivo  propler  Palrem, 
dit  Jésns-Clirist  {Jonii.  vi,  58).  Spiiitus  sanclus  iinem 
mitlet  Pater  in  nomine  meo,  ilie  vos  docebit  omnia 
(Juan.  XIV,  to).  Cum  veneril  ille  Paracletus  quent  ego 
mitlam  volais  a  Pâtre,  Spirilum  veritalis  qui  n  Paire 
procedit  (Joan.  xv). 

L'inégalité  des  personnes  semble  être  une  suite 
de  la  proposition  que  nous  venons  dénoncer.  Mais 
pour  peu  qu'on  réfléchisse  sur  la  nature  divine,  on 
comprend  bientôt  (|u"il  n'y  a  pas  d'inégalité.  Habert 
fait  à  ce  sujet  une  observation  fort  judicieuse. 
Jamais,  dit-il,  une  personne  divine  n'est  envoyée 
sans  que  l'autre,  qui  est  soumise  à  la  mission,  n'ar- 
rive en  même  temps,  et  ipie  le  Père  ne  vienne,  à 
cause  de  l'intime  union  qui  existe  entre  les  per- 
sonnes divines  par  la  circuinincession.  Et  de  plus,  les 
cil'els  temporels,  obji'is  de  la  mission,  sont  com- 
muns à  toutes  les  personnes,  puisqu'ils  procèdent 
de  la  toute-pinssance.  Cependant,  à  raison  de  l'es- 
pèce des  ell'ets  temporels,  ils  sont  appropriés  à 
telle  ou  telle  personne  divine.  Dins  les  dons  qui 
regardent  l'intelligence,  c'est  au  Fils;  dans  ceux  qui 
concernent  la  volonté,  c'est  au  Saint-Esprit.  On 
doit  comprendre  pourquoi  une  personne  est  dite 
envoyée  plutôt  iprinie  autre. 

Noos  fte  nous  arrêterons  pas  plus  longtemps  à 
développer  une  matière  fort  obscure,  et  que  da 
grands  théologiens  louclient  à  peine. 


aucune  division.  Aussi  les  Pères  de  l'Eglise 
et  les  théologiens  observent  que  Jésus-Glirisl 
a  dit,  au  nom,  sans  se  servir  du  pluriel,  afin 
de  niiirquer  l'unité  de  la  nature  divine;  qu'il 
ajoute,  du  Père,  et  du  Fils,  el  du  Saint-Es- 
prit, en  répétant  la  conjonction  copulalive, 
afin  de  faire  sentir  l'cgalilé  parfaite  de  ces 
trois  personnes  distinctes.  Ce  ne  sont  donc 
pas  ici  trois  dénominations  seulement,  trois 
manières  d'envisager  une  seule  et  même  per- 
sonne, trois  attributs  relatifs  à  ses  dilîé- 
renfes  opérations  ,  comme  le  prétendent 
quelques  sociniens  :  que  signifierait  le  bap- 
tême donné  au  nom  de  trois  attributs  ou 
décrois  opérations  de  la  Divinité?  Il  est  dit 
ailleurs  qu'il  est  donné  au  nom  do  Jésus- 
Christ;  il  faut  donc  que  ce  divin  Sauveur 
soit  l'une  des  trois  personnes  qu'il  désigne, 
et  que  les  deux  autres  soient  des  Etres  aussi 
réellement  subsistants  que  lui.  Voij.  Per- 
sonne. 

On  nous  objecte  que  le  nom  de  personne 
n'est  donné  dans  l'Ecriture  ni  au  Fils  ni  au 
Saint-Esprit.  Mais  il  n'y  est  pas  non  plus 
attribué  au  Père  :  aucun  hérétique  n'a  ce- 
pendant nié  que  Dieu  le  Père  ne  fût  une 
personne,  un  Etre  subsistant  et  intelligent. 
D'ailleurs,  lorsque  saint  Paul,  PInlipp.,  c.  li, 
v.  6,  dit  de  Jésus-Christ,  Q^^i  cum  in  forma 
Dei  tsiel,  etc.,  nous  soutenons  (lu'il  faut  tra- 
duire, qui  étant  une  personne  divine,  puisque 
cela  ne  peut  pas  signifier  qu'il  avait  la  fi- 
gure, l'eslérieur,  les  apparences  de  la  Divi- 
nité. Et  lorsque  le  même  apôtre  dit,  //  Cor., 
C.  li,  v.  10  ;  Si  j'ai  accordé  quelque  chose,  je 
l'ai  fait  dans  L4  peusonne  de  Jésus-Christ, 
cela  signifie  évidemim  nt,  je  l'ai  fait  de  sa 
part,  par  son  autorisé,  comme  le  rrprésen- 
taut  et  tenant  sa  place.  Ce  ne  sont  point  là 
de  simples  dénominations. 

2°  Nous  lisons  dans  saint  Jean,  Episl.  1, 
c.  v,  V.  ~  :  Il  y  en  a  trois  qui  rendent  ténioi- 
gnafje  dans  le  ciel;  le  Père,  le  Verbe  et  le 
Saint-Espiit ,  et  ces  trois  sont  une  unité, 
undm;  V.  8,  et  il  y  en  a  trois  qui  rendent  té- 
moignage sur  la  terre,  l'esprit,  l'eau  et  le 
sany,  et  ces  trois  sont  une  même  chose.  L'es- 
prit, i'eau  et  le  sang  sont  les  dons  miracu- 
leux du  Saint-Esprit,  le  baptême  et  le  mar- 
tyre. Si  les  t.'ois  témoins  du  v.  7  étaient  de 
même  espèce,  ils  ne  rendraient  point  témoi- 
gnage dans  le  ciel,  mais  sur  la  terre,  coniniiï 
ceux  du  V.  8.  Or,  dans  le  temps  auquel  l'a- 
pôtre parlail,  le  Père,  le  Virbe  el  le  Sainl- 
Esprit  élaient  certainement  dans  le  ciel.  Nous 
savons  que  l'authenticité  du  v.  7  est  con- 
testée ,  (i(m-seulement  par  les  sociniens, 
mais  encore  par  de  savants  catholiques.  11 
ne  se  trouve  point,  disent-ils,  dans  le  irès- 
grand  nombre  des  anciens  manuscrits;  il  a 
donc  été  ajouté  dans  les  autres  par  des  co- 
pistes téméraires.  Mais  il  y  a  aussi  des  ma- 
nuscrits non  moins  anciens,  dans  lesquels 
il  se  Irouye.  On  conçoit  aisément  que  la 
ressemblance  des  premiers  et  des  derniers 
mois  du  V.  7  avec  ceux  du  v.  8  a  pu  donner 
lien  à  des  copistes  peu  allentifs  de  sauter  le 
septième;  mais  qui  aurait  été  l'écrivain 
assi  z  hardi  pour  ajouter  au  texte  de  saint 


TItl  884 

Jean  un  verset  qui  n'y  était  pas?  Une  preuve 
que  la  différence  des  manuscrits  est  venue 
d'une  omission  involontaire  et  non  d'une 
infidélité  préméditée,  est  que,  dans  plusieurs, 
le  v.  7  est  ajouté  à  la  marge,  de  la  propre 
main  du  copiste.  En  second  lieu,  dans  le 
v.  6,  l'Apôtre  a  déjà  fait  meniion  de  l'eau, 
du  sang  et  de  l'esprit  qui  rendent  témoi- 
gnage à  Jésus-Christ  :  est-il  probable  qu'il 
ait  répété  tout  de  suite  la  même  chose  dans 
le  V.  8,  sans  aucun  intermédiaire?  L'ordre 
el  la  clarté  du  discours  exigent  absidument 
que  le  v.  7  soit  placé  entre  deux.  Enfin  ceux 
qui  soutiennent  que  le  7'  verset  est  une 
fourrure,  soiit  obligés  de  soutenir  que  ces 
itots  du  verset  8,  sur  la  terre,  ont  encore  été 
ajoutés  au  teste,  parce  qu'ils  sont  relatifs  à 
ceux  du  verset  précédent,  dans  le  ciel.  C'est 
poiisser  trop  loin  la  témérité  des  conjectures. 
Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est  qu'au  m'  siè- 
cle, près  de  cent  ans  avant  le  concile  de  Ni- 
cée,  TertuUien  et  saint  Cyprien  ont  cité  ces 
mots  du  v.  7,  ces  trois  sont  un,  le  premier, 
lib.  adv.  Prax.,  c.  2;  le  second,  lib.  de  Uni- 
late  Eccl.,  p.  196.  Nous  n'avons  point  de 
manuscrits  qui  datent  de  si  loin.  Aussi  les 
plus  habiles  criti(|ues,  soit  catholiques,  soit 
protestants,  soutiennent  l'authenticité  de  ce 
passage;  dom  Calmet  les  a  cités  dans  une 
dissertation  sur  ce  sujet,  Bible  d'Avignon, 
t.  XVI,  p.  4.62. 

On  nous  demande  pourquoi  il  n'a  pas  été 
allégué  par  les  Pères  du  iv'  siècle,  dans  leurs 
disputes  contre  les  ariens ,  et  dans  leurs 
traités  sur  ta  Trinité.  1°  Saint  Hilaire  ré- 
pond pour'  nous  que  la  foi  des  chrétiens 
était  suffisamment  fondée  sur  la  forme  du 
baptême,  1.  ii  de  Trinit.,  n.  1.  il  ajoute  qu'il 
ne  faut  pas  blâmer  une  omission,  lorsque 
l'on  a  l'abondance  pour  choisir,  I.  vi,  n.  41. 
2"  Contre  les  ariens  il  n'était  pas  question 
de  prouver  la  divinité  des  trois  personnes, 
mais  seulenjent  celle  du  Fils.  3  Ces  héré- 
tiques, sophistes  aussi  pointilleux  que  ceux 
d'aujourd'hui,  en  comparant  le  v.  "7  avec  le 
V.  8,  auraient  conclu  que  les  trois  personnes 
divines  n'avaient  entre  elles  qu'une  unilé  de 
témoignage,  comme  l'esprit,  l'eau  et  le  sang. 
4"  Plusieurs  des  Pères  ont  pu  avoir  des  exem- 
plaires dans  lesquels  le  v.  7  était  omis.  Mais 
enfin  sommes-nous  obligés  de  rendre  raison 
de  tout  ce  que  les  Pères  ont  dit  ou  n'ont  pas 
dit?  Jamais  question  de  criiique  n'a  mieux 
prouvé  que  celle-ci  la  nécessité  de  nous  en 
tenir  à  la  Iradilinn ,  ou  à  l'enseignemeul 
commun  et  constant  de  l'Eglise,  louchant  le 
nombre,  l'aulhenlicité,  l'intégrité  des  livres 
de  l'Ecriture  sainte  et  de  toutes  leurs  parties. 
3  Le  dogme  de  la  sainte  Trinité  est  fondé 
sur  tous  les  passages  que  nous  avons  cités 
pour  prouver  la  divinité  du  Fils  de  Dieu  et 
celle  du  Saint-Esprit.  Voyez  ces  deux  mots. 
Saint  Paul,  //  Cor.,  c.  xin,  v.  13,  salue  ainsi 
les  fidèles  :  Que  la  grâce  de  Noire-Seigneur 
Jésus-Chri:it,  l'amour  de  Dieu  el  la  cumniu- 
nicatioti  du  Saint-Esprit  soit  avec  vous  tous. 
Saint  Pierre,  Epist.  1,  c.  ii,  v.  1,  parle  à 
ceux  qui  sont  élus,  selon  ta  prescience  de 
Dieu  k  Père,  pour  élre  sanctifiés  par  l'esprit. 


885 


TRI 


TKI 


881) 


pour  lut  obéir  et  pour  être  lavés  par  le  sang 
lie  Jésus-Chrisl.  Voilà  des  opéralioiis  (jui  ne 
I  cuvent  étie  allrihu^es  qu'à  des  peisoimes 
ou  à  des  élres  subsislanls. 

Les  explications  forcées  que  les  sociniens 
donnent  à  tous  ces  passages,  les  subtilités 
par  Ies(|uelles  ils  en  détournent  le  sens,  dé- 
niontrent  qu'ils  sont  dans  l'erreur;  jamais 
des  inlerprctalions  aussi  extraordinaires 
n'ont  pu  venir  à  l'esprit  des  premiers  fidè- 
les. Si  les  npôlres  avaient  parlé  le  langage 
de  ces  héréti(|ues,  ils  auraient  tendu  à  leurs 
prosélytes  un  piège  inévitable  d'erreur.  Ce- 
pendant s'il  y  a  une  question  essentielle  au 
ehiistianisnie,  c'est  de  savoir  s'il  y  a  un 
Dieu  ou  s'il  y  en  a  trois.  Comment  peut-on 
soule;iir  d'un  côié  que  l'Kcrilure  sainte  est 
«lain-  et  très-intelligible  sur  tous  les  articles 
fondamentaux  ou  néressaires  au  salut,  et  de 
l'auire,  prêter  aux  écrivains  :acrés  un  style 
aussi  éiiiguialiquc? 

h°  La  pratique  constante  de  l'Eglise  chré- 
tienne ,  depuis  les  apôtres  jusqu'à  nous , 
prouve  aussi  évidemment  ((ue  l'Ecriture 
sainte,  la  vérité  de  sa  <  royance.  Il  est  cer- 
tain que  dans  les  trois  premiers  siècles,  à 
dater  depi'is  les  apôtres,  le  culte  de  lâlrie, 
le  culte  suprême,  l'adoration  prise  en  ri- 
gueur, a  été  rendu  aux  trois  personnes  de" 
la  sainte  TriniU',  et  à  chacune  en  particulier; 
donc  l'on  a  cru  que  chacune  est  véiilable- 
nienl  Dieu.  Nous  pourrions  le  prouver  par 
les  témoignages  de  saint  Justin,  de  saint 
Irénée  ,  d'Alliénagorc ,  de  saint  Théophile 
il'Antioche,  qui  tous  ont  vécu  au  ir  siècle; 
mais  nos  adversaires  y  ptélëreront  peut-être 
celui  de  nos  ennemis.  Or,  il  esî  constant 
que  Praxéas  et  Sabellius  ont  accusé  les  or- 
thodoxes de  tritl)éismo,  â  cause  de  cette 
adoration,  Tertullinn.  ad  Prax.,  c.  2,  3  et  13. 
L'auteur  du  dialogue  intitulé  Philopalris , 
(|ui  a  écrit  sous  le  règne  de  Trajan,  au  coto- 
iiicnconient  du  u  siècle,  tourne  les  chré- 
tiens en  ridicule,  au  sujet  de  ce  même  culte. 
«  Jure-moi,  dit-il,  pur  le  Dieu  du  ciel,  éter- 
nel, et  souverain  Seigneur,  par  le  Fils  du 
l'ère,  par  l'Esprit  qui  procède  du  Père,  un 
en  Irois,  et  trois  en  un  ;  c'est  le  vrai  Jupiler 
cl  le  vrai  Dieu.  »  U  fallait  (jue  la  rroyance 
des  chrétiens  fût  déjà  bien  connue,  pour 
qu'un  païen  pût  l'exprimer  ainsi.  Celte  fui 
était  d'ailleurs  attestée  par  la  forme  du  bap- 
tême; le  50'  canon  des  apôtres  ordonne  de 
l'administrer  par  trois  immersions,  et  avec 
les  [laroles  de  lésus-Chrisl;  c'était,  selon  les 
Pères,  une  tradition  des  ajiôtres  el  un  rit 
établi  pour  marquer  la  distinction  des  trois 
personnes  divines.  Voi/.  les  Noies  de  Bévé- 
»i(/je  sur  ce  canon.  D^ns  la  suite  on  ajouta 
la  dosologic,  le  trisagion,  le  Kyrie  répété 
Irois  fois  en  l'honneur  de  chaque  per- 
sonne ,  etc.,  pour  inculquer  toujours  la 
même  vérité. 

•5°  Une  preuve  non  moins  frappante  de  la 
\ élite  du  dogme  catholique  louchant  ce 
mystère,  est  le  chaos  d'erreurs  dans  lequel 
les  sociniens  se  sont  plongé-,  dès  qu'ils  l'ont 
attaqué;  erreuis  qui  sont  li's  cnu^équences 
Lune  de  l'autre.  Dès  ce  muuent   ils   on!  été 


obligés  de  nier  l'incarnation  du  Verbe  el  la 
diYinilc  de  Jésus-Christ,  la  rédemption  du 
monde  dans  le  sens  prt)pre,  les  mérites  in- 
Gnis  de  ce  divin  Sauvçur ,  la  satisfaction 
qu'il  a  fiite  à  la  justice  divine  pour  les  pé- 
chés de  tous  les  hommes;  plusieurs  ont  en- 
seigné qu'on  ne  doit  pas  Ini  rendre  le  culte 
suprême  ou  l'adoration  proprement  dite.  11 
a  fallu  nier  le  péché  originel,  ou  du  inoins 
sa  communication  à  tous  les  enfants  d'Adam, 
le  besoin  qu'ils  avaient  d'une  rédcnipHpn  et 
d'une  grâce  sanclifianle  pour  être  rétablis 
dans  la  justice,  la  validité  du  baptême  des 
enlanls,  l'efficacité  des  sacrements,  la  né- 
cessité d'un  secours  naturel  pour  faire  des 
œuvres  méritoires,  etc.  lin  ajoutant  à  toutes 
ces  erreurs  celles  des  protestants,  les  soci- 
niens ont  réduit  leur  christianisme  à  un  pur 
déisme,  el  plusieurs  n'en  sont  pas  demeurés 
là.  Voy.  SociNiANisMK.  Après  ce  jirogrès  d'im- 
piélé  qui  avait  été  prévu  par  les  théologiens, 
les  incrédules  n'onl-ils  pas  bnnne  grâce  de 
nous  demander  à  quoi  sert  le  dogme  inin- 
telligible et  incompréhensible  de  la  Trinité? 
Il  sert  à  conserver  dans  sou  entier  le  chris- 
tianisme tel  i\in\  Jésus-Christ  et  les  apôtres 
l'ont  prêche,  et  à  prévenii-  la  chaîne  d'er- 
reurs que  nous  venons  d'exposer;  à  sou- 
mctlre  à  la  parole  de  Dieu  notre  raison  et 
notre  iulelligcnce,  hommage  le  plus  pro- 
fond cl  le  plus  pur  qu'une  créature  puisse 
rertdre  à  son  souverain  maître;  à  nous  ins- 
pirer la  reconnaissance,  l'amour,  la  con- 
fiance pour  un  Dieu  dont  toute  l'essenee  est, 
pour  ainsi  dire,  appropriée  à  noire  salut 
éternel.  Il  sert  enfin  à  nous  faire  comprendre 
que  notre  religion  n'est  pas  l'ouvrage  des 
hommes,  puisque  l'idée  qu'elle  nous  donne 
de  1,1  Divinité  n'a  jamais  pu  leur  venir  iia- 
lurellement  à  l'esprit;  aucun  d'eux  n'était 
capable  de  former  un  syslètue  de  eroy.iUce 
si  bien  lié,  que  l'on  ne  peut  en  nier  un  seul 
ailicle  sans  renverser  tous  les  autres,  à 
moins  que  l'on  ne  veuille  se  contredire.  Il 
est  démontré  que  si  celui  des  sociuiens  était 
vrai,  le  christianisme,  tel  que  nous  le  pro- 
fessons, serait  une  religion  plus  fausse  et 
plus  absurde  que  le  mahoinétisme;  (lu'à  en 
juger  par  l'événement,  la  venue  de  Jésus- 
Christ  sur  la  terre  y  aurait  produit  plus  de 
mal  que  de  bien.  Voy.  Abadie,  Traité  de  ta 
divinilé  de  Jésus-Christ. 

§  II.  Objections  des  hétérodoxes.  On  nous 
demande  s'il  y  a  de  la  raison  et  du  bon  sens 
.  à  croire  ce  que  nous  ne  concevons  pas;  nous 
répondons  qu'il  n'y  aurait  ni  laison  ni  bon 
Siiis  à  refuser  de  croire.  Nous  imitons  la 
contluite  d'un  enfant  qui,  instruit  par  son 
père,  croit  à  ses  leçons,  quoiiju'il  ne  les 
comprenne  pas,  parce  qu'il  compte  sur  les 
connaissances,  sur  la  droiture  el  sur  la  ten- 
dresse de  son  père;  celle  il'un  aieugle-né 
qjii  croit  ce  qu'on  lui  dit  louchant  la  lu- 
mière el  les  couleur»,  auxquelb  ■  il  ne  con- 
çoit rien,  parce  qu'il  sent  que  ceux  qui  ont 
des  yeux  n'ont  aucun  intérêt  à  le  tromper, 
el  que  tous  ne  peuvent  pas  se  réunir  pour 
lui  en  imposer;  celle  d'un  voyageur  qui, 
obligé  de   maîcher   dans   un    pays  inconnu, 


887 


TRr 


rrcnd  un  guide  et  se  fie  à  lui,  persuada  de 
l'expérience  de  cet  homme  et  do  sa  pro- 
bité, ptc.  Avons-nous  tort  do  croire  à  la  pa- 
role de  Dieu,  pendant  qu'à  tout  moment 
nous  sommes  forcés  de  nous  en  rapporter  à 
celle  des  hommes?  Il  y  a  lieu  d'espérer  que 
si  les  incrédules  parviennent  à  bannir  de 
l'univers  la  foi  divine,  du  moins  ils  ne  dé- 
truiront pas  la  loi  humaine. 

Il  est  fâcheux  que  les  protestants  aient 
ouvert  la  porte  au  socinianisme,  dont  les 
principes  conduisent  à  de  si  affreuses  con- 
séquences. On  sait  que  Luther  et  C:ilvin  ont 
parlé  de  la  Trinité  d'une  manière  très-peu 
respectueuse,  et  malheureusement  leurs  sec- 
tateurs lieinent  souvent  à  peu  près  le  mémo 
Iangan;e.  Ils  disent  que  le  mot  trinité  n'est 
point  dans  l'Ecriture  sainte,  que  Théophile 
d'Aniioehe  est  le  premier  qui  s'en  soit  servi, 
que  l'Eglise  chrétienne  lui  est  très-peu  re- 
devable de  cette  invention;  que  l'usage  de 
ce  terme  et  de  plusieurs  autres,  inconnus 
aux  écrivains  sacrés,  cl  auxquels  les  hom- 
tiies  n'attachent  aucune  idée,  ou  seulement 
de  fausses,  a  nui  à  la  charité  et  à  la  paix, 
sans  les  rer.dre  plus  savants,  et  a  occasionné 
des  hérésies  très-pernicieuses.  Ce  dernier 
fait  est  absolument  fiuix  :  saint  Théophile 
n'a  vécu  que  sur  la  fin  du  ii'^  siècle;  dès  le 
prenier  et  du  lemps  des  apôtres,  Simon  le 
Magicien,  Cérinthe,  les  gn()sti(iues,  avaient 
dogmalisé  contre  le  mystère  de  la  Trinité, 
contre  l'incarnation,  contre  la  divinité  do 
Jésus-Christ  :  saint  .lean  les  a  réfutés  dans 
ses  lettres  et  dans  son  Evangile;  ces  mys- 
tères ne  s'accordaient  point  avec  les  éons 
des  valentiniens  ,  avec  leurs  généalogies, 
dont  saint  Paul  a  parlé  au  commencement 
du  second  ;  les  ébionites,  les  carpocraiiens, 
les  basilidiens,  les  niénandriens,  les  diffé- 
rentes branches  de  gnostiques,  ne  croyaient 
pas  plus  à  la  Trinité  ni  à  l'incarnation  que 
leurs  prédécesseurs;  saint  Ignace,  mort  l'an 
107,  les  attaque  dans  ses  lettres  ;  ïcar  sys- 
tème, forgé  dans  l'école  d'Alexandrie,  était 
incompatible  avec  tous  nos  mystères.  Les 
disputes  et  les  hérésies  avaient  donc  com- 
mencé longtemps  avant  l'invention  du  terme 
de  trinité;  celles  de  Praséas,  de  Noët,  de 
Sabellius,  de  Paul  <îe  Saraosale,  d'Arius,  etc., 
qui  sont  venues  à  la  suite,  n'étaient  qu'une 
prorogation  des  premières.  D'ailleurs,  qu'a 
fait  sailli  Théophile,  sinon  d'exprimer  par 
un  seul  mot  ce  qui  avait  été  dit  par  saint 
Jean  dans  le  célèbre  passngo  dont  nous 
avons  prouvé  l'aiilhenlicilé?  Ce  n'est  donc 
pas  ce  mol  nui  a  occasionné  les  disputes  et 
qui  a  troublé  la  pais;  c'est  le  fond  et  la 
substance  même  du  mystère,  que  les  rai- 
sonneurs entêtés  n'ont  jamais  pu  se  résoudre 
à  croire;  il  ne  sieil  guère  à  ceux  qui  ont 
allumé  le  feu  de  crier  conlrc  rincemlic. 

D'aulres  disent  que,  pendant  les  trois  pre- 
miers siècles,  on  n'avait  rien  prescrit  à  la 
foi  des  chrétiens  sur  ce  mystère,  du  moins 
sur  la  manière  dont  le  Père,  le  Fils,  et  le 
Saint-Esprit  sont  distingués  l'un  de  l'autre, 
ni  fixé  les  expressions  dont  on  devait  se 
servir;   que  les  docteurs   chrétiens  avaient 


TRI  888 

différents  sentiments  sur  ce  sujet,  Mosheim, 
Hist.  ecclés.,  iv'  siècle,  w  partie,  c.  5,  §  9  ; 
Hist.  christ.,  sœc.  m,  §  31.  Nouveau  trait 
de  témérité;  dès  le  temps  des  apôtres,  la  foi 
des  t  hrétiens  était  prescrite  par  les  paroles 
de  Jésus  Clirist,  qui  sont  la  forme  du  bap- 
tême, comme  s.iint  Hilaire  l'a  remarqué,  en 
nommant  le  Père,  le  Fils,  et  le  Saint-Esprit; 
tout  fiilèle  savait  que  l'un  n'est  pas  l'autre, 
que  chacun  des  trois  est  Dieu,  que  cepen- 
dant.ce  ne  sont  pas  trois  dieux  :  nous  n'en 
savons  pas  plus  aujourd'hui.  Aussitôt  que 
des  raisonneurs  voulurent  l'enlemlre  autre- 
ment, ils  furent  regardés  comme  hérétiques. 
Tous  les  docteurs  chrétiens  étaient  donc  do 
même  sentiment,  lors  même  que  leurs  ex- 
pressions étaient  différentes.  Mosheim  lui- 
même  a  remarqué  que,  chez  les  anciens 
Pères,  les  mots  substance,  nature,  forme, 
chose,  personne,  onl  la  même  signification. 
Dissert,  sur  rhist.  ecclés.,  t.  11,  p.  333,  53i. 
Ce  n'est  plus  de  même  aujourd'hui,  parce, 
que  les  écjuivoqiies  et  les  sophismes  des  hé- 
rétiques ont  forcé  les  Pères  à  y  mettre  de  la 
distinction.  11  y  a  donc  de  l'injustice  à  juger 
de  leur  sentiment  par  des  expressions  qui  ne 
sont  plus  conformes  au  langage  actuel  de  la 
théologie. 

M  sheim  a  commis  une  faute  encore  plus 
griève,  en  disant  que  les  chrétiens  d  Egypte 
pensaient  comme  Origùne,  savoir  que  le  Fils 
était  à  l'égard  de  Dieu  ce  que  la  raison  est 
dans  l'homme,  et  que  le  Saint-Esprit  n'était 
que  la  force  active  ou  l'énergie  divine.  1"  Il 
aurait  fallu  citer  le  passage  dans  lequel  Ori- 
gène  s'est  ainsi  exprimé.  Les  éditeurs  de  ces 
ouvrages  ont  fait  voir  qu'il  a  soutenu  que 
les  personnes  sont  trois  êtres  subsistants, 
réellement  distincts,  et  non  trois  actions  ou 
trois  dénominations,  Ori(jenian.,  c.  2,  q.  1, 
n.  i.  a"!!  est  faux  que  les  chrétiens  d'Egypte 
aient  été  dans  l'opinion  que  ce  critique  leur 
prête  ;  il  n'en  a  donné  aucune  preuve.  En 
réfutant  le  seniiment  faux  d'un  auteur  mo- 
derne, il  admet  en  Dieu  une  seule  substance 
absolue,  ci  lro\s  substances  relatives;  ce  n'est 
poiîU  ainsi  que  parlent  ordinairement  les 
orthodoxes  ;aurail-il  trouvé  bon  que  son  ad- 
versaire le  taxât  d'hérésie?  L'oti  a  commis 
une  infinité  d'autres  injustices  à  l'égard  d'O- 
rij^ène. 

Beausobre,  dans  son  Hist.  du  Manich., 
I.  lii,  c.  8,  §  2,  dit  que  les  Pères,  pour  réfu- 
ter les  ariens,  qui  accusaient  les  catholiques 
d'admettre  trois  dieux,  soutinrent,  1°  que  la 
nature  divine  est  une  dans  les  trois  per- 
sonnes, comme  la  nature  humaine  est  une 
dans  trois  hommes ,  ce  qui  n'est  qu'une 
unité  par  abstraction,  une  unité  d'espèce  ou 
de  ressemblance,  et  non  une  véritable  unité; 
2°  que  cette  unité  est  cependant  parfaite, 
parce  que  le  Père  seul  est  sai\s  principe,  au 
lieu  ipie  les  deux  autres  tirent  leur  origine 
du  l'ère,  el  en  reçoivent  la  comiimuicaliun 
<le  tous  les  attributs  de  la  nature  divine,  il 
cite  eu  preuve  de  ce  fait  Pétau,  de  Trinit., 
I.  iv,  c.  9, 10  et  12,  el  Cudworth,  Syst.  intel., 
c.  IV,  §  30,  p.  396. 

Si  ces  critiques  protestants  avaient  été  de 


3SP 


TRI 


TRI 


890 


bonne  foi,  ils  auraient  avoué  co  que  Pétau  n 
[irouvé,  ibjfl.,  c.  ih  ot  soq.,  savoir,  1°  que 
les  tri(>ines  Pèrt-s,  qu'il  a  ciU'S  nomini'menl, 
SI' sonl  ensuite  expli<iuésplus  correctement; 
qu'ils  ont  admis  dans  la  natnrc  divine  l'u- 
uité  numérique,  la  sinf/ularilc  el  la  parfaite 
simplicité;  2"  qu'ils  ont  donné  do  celle  unité 
deux  autres  raisons  essentielles,  savoir  la 
singularité  d'action  et  la  circumincrssion,  ou 
l'existence  intime  des  trois  personnes  l'une 
dans  l'autre,  suivant  ces  paroles  de  Jésus- 
Christ  :  Je  fuis  les  n'ifvres  de  >nu7i  Père....; 
mon  Père  est  en  moi  et  moi  en  lui  [Joan.,  x, 
37,  38).  (^omme  les  purs  ariens  soutenaient 
que  le  Fils  de  Dieu  est  une  créature,  ils  n'a-  - 
vouaient  [;oinl  qu'il  participe  à  tous  les  at- 
tributs de  la  Divinité,  surtout  à  l'éternité  du 
Père.  Il  fallait  donc  établir  contre  eux  que 
le  Fils  et  le  Saint-Esprit  participent  aussi 
réellement  à  tous  les  allrihuls  de  la  nature 
divine,  que  trois  honnues  participent  à  tous 
les  attributs  de  la  nature  humaine,  c'est  par 
là  que  les  Pères  commençaient;  mais  co 
n'est  là,  pour  ainsi  dire,  que  le  premier 
degré  de  l'unité;  le  second  est  l'unité  d'ori- 
gine de  la  seconde  et  de  la  troisième  per- 
sonne; le  troisième  est  l'unité  d'action  entre 
toutes  les  trois  ;  le  quatrième  est  l'exislencc 
intime  ou  la  circumincession.  Il  ne  faut  donc 
pas  couper  la  chaîne  du  raisonnement  des 
Pères,  pour  se  donner  la  satisfaction  de  les 
accuser  d'erreur.  Au  mot  Iîmaxation,  nous 
avons  prouvé  la  f.;u5selé  des  autres  repro- 
ches que  Heausobrc  a  faits  aux  Pères  sur  ce 
même  sujet. 

Plusieurs  censeurs  ont  affecté  de  dire  que 
les  Pères,  en  voulant  expli()uer  ce  mystère, 
ont  employé  des  comparaisons,  (jui,  prises 
à  la  lettre,  enseignent  des  erreurs.  .^lais  ces 
saints  docteurs  ont  eu  soin  d'avertir  qu'au- 
cune comparaison  tirée  des  choses  créées  ne 
pouvait  repondre  à  la  sublimité  de  co  mys- 
tère, ni  en  donner  une  idée  claire  ;  c'est  donc 
aller  contre  leur  inlention  de  vouloir  les 
prendre  à  la  lettre.  M  os  h  ci  m  a  cité  à  ce 
sujet  saint  Hilairi',  saint  Augustin,  saint  Cy- 
rille d'Alexandrie,  saint  Jean  Damascène, 
Cosnias  Indicopicules,  on  pourrait  en  ajou- 
ter d'autres;  Aoles  sur Ctidœurth,  p.  920.  lin 
cela  les  Pères  n'ont  fait  qu'imiter  les  apô- 
tres. Saint  Jean  compare  Dieu  le  Fils  à  la 
part)le  et  à  la  lumière;  saint  Paul  dit  qu'il 
est  la  splendeur  de  la  gloire  et  la  (igure  do 
la  substance  i!u  Père,  etc.  Ces  comparaisons 
ne  peuvent  ccriaineuient  nous  donner  une 
idée  claire  de  la  nature  du  Fils  de  Dieu. 

D'autres  enfin  ont  été  sc.indalisés  de  ce 
qu'a  dit  saint  Augustin,  de  Trinil.,  lib.  v, 
c.  9  :  «  Nous  disons  une  essence,  et  trois  per- 
sonnes, comme  plusieurs  auteurs  latins  trùs- 
respeclables  se  sont  exprimés,  ne  trouvant 
point  de  manière  plus  propre  à  énoncer  par 
des  paroles  ce  qu'ils  entendaient  sans  parler, 
lui  effet,  puisque  le  Père  n'est  pas  le  Fils, 
que  le  Fils  n'est  pas  le  Père,  et  <|ue  le  Saint- 
Ksprit,  qui  est  aussi  appelé  un  don  de  Dieu, 
n'est  ni  le  Père  ni  le  Fils,  ils  sont  trois  sans 
iloute.  (Vest  pour  cela  qu'il  est  dit  au  plu- 
riel :   Mon  Père  et  moi  sommes  une  même 


chose.  Mais  quand  on  demande  :  Qae  sont 
ces  trois  ?  le  langage  humain  se  trouve  bien 
stérile.  On  a  dit  cependant  trois  personnes, 
non  pour  dire  (jnelque  chose,  ni.iis  pour 
ne  pas  demeurer  muet.  »  De  là  les  incré- 
dules ont  conclu  ((ue,  suivant  saint  Augustin, 
tout  ce  que  l'on  dit  de  la  Trinité  ne  signifie 
rien.  —  Il  ne  signifie  rien  de  clair,  nous  en 
convenons;  m;iis  il  exprime  quebiue  chose 
d'obscur,  comme  les  mots  lumière,  couleur, 
miroir,  perspective,  de,  dans  la  bouche 
d'un  aveugle-né;  il  n'e>l  pas  pour  cela  blâ- 
mable de  s'en  servir.  Si  en  parlant  do  la 
sainte  Trinité,  l'on  veut  concevoir  la  natuie 
et  la  personne  divine,  comme  l'on  conçoit 
une  nature  et  une  personne  humaine,  on  ne 
n.'anijiiera  pas  de  conclure  couime  les  incré- 
dules, qu'une  seule  nature  numérique  en 
trois  personnes  distinctes  est  une  contradic- 
tion. Mais  on  raisonnera  aussi  mal  qu'un 
aveugle-né,  qui,  en  com{  arant  la  sensation 
de  la  vue  avec  celle  du  tact,  soutiendrait 
qu'une  superficie  plate  telle  qu'un  miroir  et 
une  perspective  ne  peut  pas  produire  une 
sensation  de  profondeur.  Voy.  ÀIystiiRE. 

De  tous  les  articles  de  notre  loi,  il  n'en 
est  aucun  qui  ait  été  attaqué  aussi  prooip- 
tement,  avec  autant  d'opiniâtreté,  et  par  un 
aussi  grand  nombre  de  sectaires  ,  que  la 
Trinité;  nous  l'avons  déjà  observé.  Les  dif- 
fércnles  manières  dont  ils  s'y  prirent,  l'abus 
qu'ils  firent  de  tous  les  termes  de  l'Ecriture 
et  du  langage  ordinaire,  lessophismesqu'ils 
accumulèrent,  ont  forcé  les  théologiens  an- 
ciens et  modernes  à  donner  des  explications, 
à  fixer  le  sens  de  tous  les  mots,  à  déter- 
miner les  expressions  desquelles  on  ne  doit 
pas  s'écarter.  Beausobre  lui-mîme,  tout  in- 
juste qu'il  est  à  leur  égard,  convient  que  les 
Pères  n'ont  pas  pu  se  dispeiiser  d'expliquer 
en  quel  sens  Jésus-Christ  est  Fils  de  Dieu. 
Hist.  duMunich.,  I.  m,  c.  (>,  §  1.  Cependant 
les  unitaires  et  leurs  partisans  ne  cessent 
de  d(!mander,  pourquoi  vouloir  expliquer  ce 
qui  est  inexplicable,  forger  de  nouveau  mots 
qui  ne  nous  donnent  aucune  Idée  claii'e,  cl 
qui  ne  servent  qu'à  multiplier  les  disputes  ? 
pourquoi  ne  pas  s'en  tenir  aux  paroles  sim- 
ples el  précises  de  l'Ecriture  sainte'?  Parce 
que  les  hérétiques  n'ont  pas  cessé  d'en  abu- 
ser et  qu'ils  en  abusent  encore;  parce  qu'à 
l'ombre  des  expressions  de  l'Ecriture,  ils 
trouvent  le  moyen  de  croire  et  d'enseigner 
tout  ce  qui  leur  plaît.  Il  serait  fort  singulier 
(ju'ils  eussent  le  privilège  d'expliquer  l'IÎ- 
criture  sainte  à  leur  manière,  et  que  l'Kglise 
catholique  n'eût  pas  le  droit  de  s'opposer  à 
leurs  explications,  et  d'en  donner  de  plus 
orthodoxes.  Voyons  donc  si  celles  des  théo- 
logiens catholiques  sont  moins  solides  que 
les  leurs,  et  si  elles  ne  sont  pas  mieux  fon- 
dées sur  l'Ecriture  sainte. 

§  III.  Apologies  du  langage  des  Pères  de 
l'Eglise  et  des  théologiens.  Nous  disons  : 
i"  qu'il  n'y  a  en  Dieu  qu'une  seule  nature, 
une  seule  essence,  éiernclle,  existante  de 
soi-même,  infinie,  etc.,  puisque  l'Ecriture 
nous  enseigne,  comme  une  vérité  capitale, 
qu'il  n'y  a  (|u'un  Dieu.  Il  a  fallu  s'exprimer 


8"! 


TRI 


Tm 


89  î 


ainsi  contre  les  païens,  contre  les  marcio- 
iiilcs  cl  les  manichéens,  contre  les  trithéis- 
U'S  ;  contre  tous  ceux  qui  ont  reproché  aux 
catholiques  d'adorer  trois  dieux.  On  leur  a 
soutenu  que  le  Père,  le  Fils  et  le  Saint-Es- 
prit ne  sont  pas  trois  dieux,  parce  qu'ils  ont 
une  seule  el  même  nature  ou  essence  numé- 
rique, et  possèdent  tous  trois,  sans  aucune 
division,  tous  les  atlrihuts  essentiels  de  la 
divinité. 

2°  Nous  appelons  le  Pèi-e,  le  Fils  et  le 
Sainl-Espriî ,  trois  personnes,  c'est-à-dire 
trois  êtres  individuels  ,  suhsistanl  réellement 
eu  eux-mêmes.  Cela  était  nécessaire  pour 
réfuter  ceux  qui  ont  prétendu  autrefois,  et 
ceux  qui  prétendent  encore,  que  le  Fils  et  le 
Saint-Esprit  ne  sont  que  des  noms,  des  opé- 
rations, des  manières  de  considérer  la  Di- 
vinité :  explications  fausses  des  termes  l'e 
l'Ecriture,  auxquelles  il  a  fallu  en  opposer 
de  plus  vraies.  Chez  les  auteurs  profanes, 
personne  signifie  souvent,  aspect,  figure,  ap- 
parence extérieure;  mais  nousavons  fait  voir 
que  saint  Paul  y  a  donné  un  sens  tout  diffé- 
rent, el  que  les  Pères  et  les  théologiens  ont 
été  obligés  de  l'adopter.  Voij.   Personne. 

3"  Ils  disent  que  le  Fils  tire  son  orii^ine  du 
Père  par  génération,  terme  consacré  dans 
l'Ecriture,  Acl. ,  cap.  vni,  v.  33,  et  dans 
tous  les  passages  où  le  Fils  de  Dieu  est  ap- 
pelé Unigeniius,  seul  engendré.  Ils  ajoutent 
que  celte  génération  ou  naissance  n'est  point 
une  création,  parce  que  si  le  Fils  élaii  une 
créature,  il  ne  sérail  pas  Dieu;  q.ie  ce  n'est 
pas  non  plus  une e'i/mnafton  dans  le  sens  que 
i'eutendaient  les  philo-ophes  :  lorsqu'ils 
disaient  que  les  esprits  sont  nés  du  Père  de 
toutes  choses,  ils  supposaient  ijne  celle  pro- 
duction était  un  acte  libre  de  la  volonté  du 
Père,  au  lieu  que  Dieu  le  Père  a  engendré 
son  Fils  par  un  acte  nécessaire  de  l'entendç'? 
ment  divin  :  c'est  pour  cela  qoe  le  Fils  t  st 
coélcrnel  au  Père.  D'ailleurs  les  pliilosophes 
concevaient  l'émanation  des  esprits  comme 
un  détarheraent  ou  un  partage  de  la  nature 
divine  :  oi-,  il  est  évident  que  Dieu  étant  pur 
es|irit,  sa  nature,  son  essence  est  indivisilile. 
Si  donc  les  Pères  de  l'Iiglise,  pour  exprimer 
la  génération  du  Fils  de  Dieu,  .se  sont  servis 
des  termes  émanation,  probolo  ou  protation, 
producliiin,  etc.,  ils  n'y  ont  point  attaché  le 
même  beus  que  les  philosophes.  Voy.  Ema- 
nation. 

11  faut  remarquer  que  plusieurs  des  Pères 
antérieurs  au  concile  de  Nicée  ont  attribué 
à  Jésus-Christ  deux  générations  ou  deux  nais- 
sances, avant  celle  qu'il  a  reçue  de  la  vierge 
Mari;j  :  l'une  éternelle,  en  vertu  de  laquelle 
il  est  appelé  Unigenitus,  seul  engendré,  et 
par  laquelle  il  est  demeuré  dans  le  sein  du 
Père;  l'autre  temporelle  et  qui  a  précédé  la 
création.  Uni  à  une  àme  spirituelle  beaucoup 
plus  parfaite  que  tous  les  autres  esprits,  le 
Verbe  est  ainsi  sorti  eu  quelque  manière  du 
sein  de  sou  Père  ,  et  lui  a  servi  de  mi- 
nistre et  comme  d'instrument  pour  <  réer  le 
monde.  C'est  sous  cette  forme  que  saint  P.iul 
l'appelle  le  premier-né  de  toute  créature...., 
Uann  lequel  el  par  lequel  toutes  chones  visi- 


bles et  indivisibles  ont'  été  créées  [Coloss.  i, 
15,  IG).  Les  ariens  n'admettaient  que  ccite 
seconde  naissance  du  Verlio,  et  niaient  la 
première  ;  les  sociniens  font  encore  de 
même,  mais  les  Pèies  soutenaient  l'une  et 
l'autre.  Us  appliquaient  à  la  seconde  ce  que 
saint  Paul  a  dit,  que  Dieu  a  fait  les  siècles  par 
son  Fils  (Uebr.  i,  2),  el  que  les  siècles  ont  été  . 
arrangés  par  le  Verbe  de  Dieu;  au  lieu  que 
par  la  première  le  Verbe  est  coétornel  et 
consubstantiel  au  Père  :  mais  ils  pensaient 
que  saint  Jean  a  parlé  de  l'une  et  de  l'autre, 
lorsqu'il  a  dit  que  le  Verbe  était  au  commeii- 
cemcnl,  qu'il  était  en  Dieu,  el  qu'il  était  Dieu; 
■ensuite  f/Me  toutes  choses  ont  été  faites  par 
lui  (Joan.  i,  î).  C'est  faute  de  cette  observa- 
tion que  le  P.  Pélau  el  d'autres  ont  cru 
trouver  dans  les  Pères  antérieurs  au  concile 
de  Nicée  des  passages  qui  ne  soiit  pas  ortho- 
doxes. Voyez  fiulius,  Defens.  fiilei  Nicœnœ, 
secl.  3,  c.  5,  th.  2.  Au  mol  Verbe,  nous 
montrerons  pourquoi,  avant  le  concile  de 
Nicée,  les  Pères  ont  beaucoup  .larlé  de  la 
seconde  génération  du  Verbe,  el  pourquoi 
les  Pères  postérieurs  à  ce  concile  ont  prin- 
cipalement insisté  sur  la  première. 

4°  Les  Pères  el  les  Ihéologieas  enseignent 
(|ue  le  Sainl-Esprit  tire  sou  origine  du  Père 
et  du  Fils,  non  par  génération,  mais  par 
procession  ,  autre  terme  tiré  de  l'Ecriture 
sainte,  Joan.,  c.  xv,  v.  2G.  Dans  les  disputes 
contre  les  ariens  il  s'agissait  principalement 
de  la  divinité  du  Fils  de  Dieu;  il  ne  fui  pas 
beaucoup  question  du  Saint-Esprit;  mais, 
environ  soixante  ans  après,  Macédolîiiis, 
patriarche  de  Constantinople,  ayant  eu  la 
témérité  de  uier  la  divinité  de  cette  troisième 
personne  de  la  sainte  Trinité,  les  Pères  fu- 
rent obligés  de  discuter  tous  les  passages  de 
l'Eiiiture  sainte  qui  concernent  ce  dogme, 
et  de  réfuter  les  objections  des  macédoniens. 
Ainsi  ces  personnages  respectables  n'ont 
élevé  aucune  question  par  vaine  curiosité, 
ou  par  envie  de  disputer,  mais  par  nécessité 
el  selon  le  besoin  actuel  de  l'Eglise. 

5"  Pour  contenter  les  raisonneurs,  pour 
oclairi'ir  les  subtilités  di;  leur  logique,  pour 
prévenir  l'abus  et  la  confusio:;  des  termes, 
il  a  fallu  établir  une  diflérence  entre  la  gé- 
nération du  Verbe  et  ta  procession  du  Saint- 
iîspril;  l'on  a  cru  pouvoir  le  faire  jusqu'à 
un  certain  point  par  une  comparaison  tirée 
de  nous-mêmes.  On  a  dit  que  le  l'ère  en- 
gendre son  Fils  par  un  acte  d'entendement 
ou  par  voie  de  connaissance;  que  le  Saint- 
Esprit  procède  du  Père  el  du  Fils  par  amour 
de  l'un  pour  l'autre,  ou  par  un  acte  de  vo- 
lonté; et  l'on  s'est  encore  fondé  à  cet  éj^'ard 
sur  riicriluie  sainle.  Dieu,  se  connaissant 
lui  même  nécessairement  el  de  toute  éter- 
nité, produit -un  terme  de  celte  connaissance, 
un  lùie  égal  à  lui-ii',êaie,  subsistant  1 1  infini 
conmie  lui,  paice  (ju'un  acte  nécessaire  et 
coéternel  à  la  Divinilé  ne  peut  pas  être  un 
acte  passager  ni  un  acle  borné.  Aussi  cet 
objet  de  la  connaissance  du  Pèiecsl  appelé 
dans  l'Ecriture  son  Virlie,  son  Fils,  sa  Sa- 
gesse, i'imnije  de  sa  substance  ;  les  livres  saints 
lui  attribuent   les  opérations  de  la  divinité, 


893 


TRI 


Tni 


894 


le  nomment  Dieu,  etc.  Tout  cela  caractérise 
lum  -  seulement    un    acte  dn    l'cntondemeut 
divin,  mais  un  t!lrc  subsistant  et  intelligent. 
Le  Père    voit  son    Fils,  ot  le  Fils  regarde 
son  PcTe  comme  son  principu  ;  ils  s'aiment 
donc  nécessairement   :   or,   l'amour  est  un 
acte  de  la  volonté,  et  il   doit  avoir   un  ti  rme 
aussi  réel  que  l'acte   de  l'cnlondement;   ce 
terme  est  le  Saiiil-Fspril,  qui  proeè<le  ainsi 
de   l'amnur  mutuel  du  l'ère  et  du  Fils.  C'est 
pour  cela  que  l'Iùriture  attribue  principale- 
ment au  Saint-Kspril  leseilusions  de  l'amour 
divin  ;  il  est  dit   que  l'amour   de   Dieu  a   clé 
répandu  dans  nos  cœurs  par  le  Saint-Espril 
qui  nous  a  été  donné  (Rom.    v,  5).   Je  vous 
conjure  par  la  charité  du  Suint-Esprit  [Rom, 
X  V,  30^  !\Iontriins-nous ministres  de  Dieu  dans 
le  Saint-Esprit  dans   une  ehmilé  non  feinte 
(H Cor.iv,  G),  cU\  Delàsontnéslestcrmes  de 
paternilr  et  de  filiation,  Ai-spiralion  active  et 
de  spiration passive;  notions  et  relations  qui 
caraciérisent  les    trois  pTsoniK^s  et  (|ui  les 
distinfiucnt  l'une  de   l'autre.  De  là  ce  prin- 
cipe  des  Ibéologieas,   qu'il   n'y    a   point  de 
distinction  dans  L  s  personnes,  lorsqu'il  n'y 
a   point  d'op[iusilion    de  relation;   qu'ainsi 
.eut  ce  qui  concerne  l'essence,  la  nature,  les 
perfections    divines,    leur   est   commun,    et 
qu'elles  y   participent  également  toutes   les 
trois.    Conséqucmment ,  <|uoii]ue  dans    VU.- 
criture  sainte   la  puissance  soil  principale- 
ment attribuée  au  Père,  la  sagesse  au  Fils, 
et    la  bonté  au   Saint-Esprit,   il  ne  s'ensuit 
piiint  que  ces  attributs  n'appartiennent  point 
également  aux   trois  personnes,  puisque   ce 
ne   sont    point   des  attributs  relatifs.   De   là 
enlin  cet  autre  principe,  que  les  œuvres  de 
la  sainte  Trinité   ad  extra  sont  communes 
et  indivises,  que  les  trois  personnes  y  con- 
courent également  ,    qu'il   n'en   est    i)as  de 
même  des  opérations  ad  in/rn,  parce  qu'elles 
sont  relatives.  Lorsque  entre  ces  personnes 
nous  distinguons  la  première,  In  seconde  et 
lit  troisième,  cela  ne  signifie  point  que  l'une 
est    plus    ancienne    ou    jilus    parfaile    que 
l'autre,  ni  que  l'une  est  supérieure  à  l'autre, 
mais   que   c'est  ainsi    que    nous  concevons 
leui    origine.   Les  anciens    Pères  n'ont  rien 
entendu  de  plus,   lurs(|i\'ils  ont  admis  enire 
elles  une  sulioi diiiaiion,  et  qu'ils  ont  dit  que 
le  Père  est  plus  grand  que  le  Fils,  ou  supé- 
rjeur  au  Fils,  comme  liullus  l'a  fait  voir, 
sect.  'i-,  cap.  1  et  2.  Ils  ont  encire  emprunté 
le  langage   de  saint   Paul,   qui  dit,  /  Cor., 
e.  x\ ,  V.  28,    que   Dieu  le  Fils  sera   soumis 
à  son  Père:   Pliilipp.,  c.  il,  v.   8,  qu'il   s'est 
rendu  obéissant,  etc.  S'il  s'en  suit  de  là  que 
les  Pères  ont   enseigné   l'erreur,  il  faut  ac- 
cuser saint  Paul  du  même  crime. 

L'expérience  n'a  que  Irop  prouvé  le  dan- 
ger des  équivoques,  et  la  nécessité  de  mettre 
la  plus  grande  précision  dans  les  termes 
doirt  on  se  sert  loucliani  ce  mystère.  Au  iv'' 
et  au  V"  siècle,  on  disputa  beaucoup  pour 
savoir  si  l'on  devait  ;ahuel(re  en  Dieu  trois 
lijpostases  ou  une  seule;  la  raison  de  celte 
conteslalioM  fut  que  par  hyposlase  les  uns 
entendaient  la  sulislunce,  la  nature,  l'essen- 
ce ;  les  autres  la  personne;  on  ne  fut  d'accord 


que  quand  on  fut  convenu  d'entendre  le 
terme  dans  ce  dernier  sens;  alors  on  n'bé- 
sita  plus  à  reconnaître  dans  la  sainte  Tri- 
nité une  seule  nature  et  trois  Injpnstascs. 
Voy.  ce  mot. 

C"  Enfin,  pour  exprimer  par  un  seul  mol 
ce  que  Jésus-Christ  a  dit,  Joan.,  c.  x,  v.  38  ; 
Mon  Père  est  en  moi.  et  je  suis  en  lui,  tbs 
Pères  out  appelé  cette  union,  Tzept/ûp-net;, 
circumincessiou  ,  et  irjKÙpli:,  inciistence,  ou 
l'existence  intime  des  trois  personnes  l'une 
dans  l'autre,  malgré  leur  liistinction.  Saint 
Jean  a  encore  exprimé  la  même  chose,  lors- 
(ju'il  a  dit,  c.  i,  v.  18  :  Le  F:ls  unique,  ou 
siiUL  ENGENiuiK,  qui  cst  dans  le  sein  du  Père, 
NOUS  l'a  fait  connaître.  Il  ne  dit  point  que 
ce  l'ils  «  été6;ins  le  sein  du  Père,  mais  qu'il 
y  est,  pour  nous  apprendre  que  la  substance 
de  l'un  est  inséparable  de  celle  de  l'autre; 
c'est  ce  que  le  eoneile  de  Nicée  a  exprimé 
par  le  mol  consubstanlinl  :  les  ariens  vou- 
laient y  substituer  celui  de  oy.oioymo;,  qui 
signifiait  égal  ou  semblable  cil  substance  ; 
il  e4  évident  que  ce  terme  ne  rendait  pas 
toute  l'énergie  des  i)aroles  de  l'Ecriture; 
voilà  pour(iuoi  les  Pères  persistèrent  à  re- 
tenir celui  de  ôft.Oa-ioc,  cunsuhslantiel,  parce 
qu'il  exiirlme  l'unité  numérique  de  la  sub- 
slan{e  du  l'ère  et  du  Fils  ,  ou  l'identité  de 
nature.  Voy.  Consudstantikl.  Le  terme  sub- 
stitué par  les  ariens  exprimait  évidemment 
deux  substances  ou  deux  natures  ;  de  là  il 
s'ensuivait  ou  qu'il  y  a  deux  dieux,  ou  que 
le  Fils  n'est  pas  Dieu  :  ce  n'est  donc  pas 
sans  raison  que  les  Pèri  s  le  rejetèrent.  Ain- 
si, eu  décidant  la  divinité  du  Fils,  le  concile 
de  Nicée  établissait  d'avance  la  divinité  du 
Saint-Esprit,  parce  que  la  raison  est  la  mê- 
me ;  les  macédoniens  ne  pouvaient  opposer 
à  celle-ci  que  les  mêmes  objections  qu'a- 
vaieut  alléguées  les  ariens  contre  la  pre- 
mière :  aussi  les  Pères,  pour  réfuter  xMacé- 
donius,  recoururent  constamment  à  la  doc- 
trine que  le  concile  de  Nicée  avait  professée 
contre  Arius. 

Le  Clerc,  socinien  déguisé,  objecte  quetous 
les  nouveaux  termes,  dont  les  Pères  se  sont 
servis  pour  établir  leur  croyance  touchant 
la  Trinité,  sont  équivoques,  que  dans  le  sens 
littéral  et  commun  ils  expriment  des  erreurs, 
(jue  voulant  iiroscrirc  des  hérésies  on  en  a 
créé  d'autres.  Selon  lui ,  le  mot  personne 
signifie  une  substance  qui  a  une  existence 
propre  et  individuelle;  ainsi  admettre  trois 
personnes  en  Dieu  ,  c'est  y  admettre  trois 
existences  individuelles  ou  trois  dieux.  Au 
lieu  de  corriger  l'erreur,  on  la  confirme,  en 
disant  que  les  trois  personnes  sont  égales 
entre  elles;  rien  n'est  égal  à  soi-même, 
l'identité  de  nature  exclut  toute  comparai- 
son. r,e  concile  de  Nicée  n'a  pas  parlé  plus 
correctement  en  décidant  que  le  Fils  est 
Dieu  de  Dieu  et  <  onsubslantiel  au  l'ère;  ces 
lerm  s  ne  signifient  rien  ,  sinon  que  ce  sont 
deux  individus  de  même  espèce.  La  circum- 
incession  des  trois  personnes  est  une  autre 
énigme,  à  moins  que  l'on  n'entende  par  là 
leur  conscience  mutuelle.  «  Pour  nous,  dit-il, 
«  nous   reconnaissons     une    seule    tiisence 


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TRI 


TRI 


89« 


divine  dans  laquelle  il  y  a  trois  choses 
distinguées,  sans  pouvoir  dire  en  quoi 
consiste  celle  distinction.  »  Hist.  ecclés., 
proleg.,  sect.  3  ,  c.  1  ,  §  11.  —  Réponse.  Le 
Clore  devait  au  moins  dire  ce  que  c'est  que 
ces  trois  choses,  si  ce  sont  trois  êtres  réels 
ou  des  abstractions  mélhaphysiques.  S'il 
avait  été  de  bonne  foi ,  il  aurait  avoué  qu'il 
entendait  seulement  par  là,  comme  les  so- 
ciniens,  trois  dénominations  relatives  aux 
opérations  de  Dieu.  C'a  été  justement  pour 
prévenir  celte  erreur  de  Sabollius,  qu'il  a 
été  décidé  que  le  Père,  le  Fils  et  le  Saint- 
Esprit  sont  trois  hypostases,  trois  êtres  réel- 
lement subsistants,  en  un  mol,  (rois  person- 
nes. Nous  convenons  (ju'en  pirlant  des  créa- 
lures  intelligentes ,  personne  signifie  une 
substance  qui  a  une  existence  propre  et 
individuelle,  qu'ainsi  trois  personnes  hu- 
maines sont  trois  hommes.  Mais  ce  mot  n'a 
pas  le  même  sens  lorsqu'il  est  question  de 
ia  sainte  Trinité,  puisque  la  foi  nous  en- 
seigne que  les  trois  personnes  subsistent  en 
unité  ou  en  identité  de  nature;  par  cette  ex- 
plication l'équivoque  du  mol  générique  de 
personne  est  absolument  dissipée,  el  telle 
est  encore  la  notion  du  mot  consubstantiel; 
il  n'y  a  donc  plus  aucun  lieu  à  l'erreur.. 

En  voulant  corriger  le  langage  de  l'Eglise, 
Le  Clerc  a-t-il  mieux  parlé?  Il  dit  que  la 
circumincession  des  personnes  divines  ne 
peut  signilier  que  leur  conscience  mutuelle. 
Mais  s'il  est  vrai  que  l'identité  de  nature 
exclut  toute  comparaison ,  elle  n'exclut  pas 
moins  tout  rapport  mutuel,  puisque  ce  mot 
dit  nécessairemeiil  au  moins  deux  personnes. 
La  conscience  d'ailleurs  est  un  sentiment 
personnel,  incommunicable  d'un  individu  à 
un  autre,  la  conscience  ne  peut  donc  pas  être 
mutuelle  entre  le  l'ère  ,  !e  Fils  et  le  Saint- 
Esprit,  si  ce  ne  sonl  pas  trois  personnes  et 
et  si  elles  ne  subsistent  pas  en  identité  de 
nature.  Ce  critique  en  impose  grossièrement, 
en  disant  (jue  par  trois  personnes  les  anciens 
entendaient  trois  substances  divines  égales 
ou  inégales;  Bullus  a  démontré  la  fausseté 
de  ce  fait;  le  doute  dans  lequel  on  fut  de 
savoir  s'il  fallait  admettre  dans  la  Trinité 
trois  hypostases  ou  une  seule,  prouve  encore 
le  contraire  ;  les  anciens  n'ont  jamais  été 
assez  stupides  pour  ne  pas  voir  que  trois 
substances  divines  seraient  trois  dieux;  c'est 
pour  cela  que  l'on  a  condamné  les  Iritbéistes. 

Nous  convenons  encore  qu'en  (Hspulant 
contre  les  hérétiques,  toujours  sopiustes  de 
mauvaise  foi,  il  est  impossible  de  forger  des 
termes  desquels  ils  ne  puissent  pas  pervertir 
le  sens.  Mais  parce  que  le  lang.ige  humain  est 
nécessairement  imparfail,  (aul-il  s'abstenir 
de  parler  de  Dieu  el  d'enseigner  ce  qu'il  a 
daigné  nous  révéler?  Les  s.ibelliens,  les 
ariens,  les  sociniens  ont  rendu  équivoques 
les  noms  de  JPrre,  de  Fils,  et  de  Saint-Esprit, 
ils  ne  les  cmploienl  que  dans  un  sens  abu- 
sif; le  mot  Dieu  n'a  pas  été  à  couvert  «le 
leurs  attentats,  ils  souticnnonl  (jue  Jésus- 
Christ  n'est  pas  Dieu  dans  le  môme  sens 
que  le  l'ère;  ensuite  ils  nous  disent  gravement 
qu'il  faudrait  s'en  tenir  aux  termes  de  l'E- 


criture, parce  qu'ils  se  réservent  le  privilège 
de  les  entendre  comme  il  leur  plaît.  C'est  ce 
qui  démontre  la  nécessité  de  l'autorité  de 
l'Eglise  pour  fixer  et  consacrer  le  langage 
dont  on  doit  se  servir  pour  exprimer  les  ar- 
ticles de  noire  foi,  el  pour  déterminer  le  vrai 
sens  des  termes  de  l'Ecriture. 

On  nous  dit  qu'en  adoptant  le  terme 
d'oyjùo-to;,  et  en  rejetant  celui  d'ôpoioûuof, 
l'Eglise  a  troublé  l'univers  pour  un  mot,  et 
même  pour  une  lettre  de  plus  ou  de  moins. 
Ce  n'est  point  le  mot  qui  a  causé  le  bruit, 
c'est  le  dogme  exprimé  parce  mol  décisif;  ou 
plutôt  c'eslTopiniâlrelé  des  hérétiques  obsti- 
nés à  pervertirle  dogme  par  des  termes  équi- 
voques, à  l'ombre  desquels  ils  étaient  sûrs  de 
pouvoir  introduire  leurs  erreurs.  Encore 
une  fois,  les  Pères  de  l'Eglise  ni  les  théolo- 
giens n'ont  jamais  cherché  de  gaîlé  de  cœur 
à  élever  de  nouvelles  questions  ,  à  exciter 
de  nouvelles  disputes  touchant  les  vérités 
révélées;  mais  les  hérétiques  ont  eu  celte 
fureur  dès  le  temps  des  apôlres.  A  peine 
ceux-ci  furent-ils  morts,  que  des  raisonneurs 
armés  de  subtilités  philosophiques  se  sont 
appliqués  à  pervertir  le  sens  des  saintes 
Ecritures.  Les  docteurs  de  l'Eglise,  chargés 
par  les  apôtres  uiême  de  conserver  sans  al- 
tération le  dépôt  sacré  de  la  doctrine  de 
Jésus-Christ,  ont  donc  été  forcés  d'opposer 
des  explications  vraies  à  des  interprétations 
fausses,  des  expressions  claires  et  précises 
à  des  termes  équivoques  et  trompeurs,  des 
raisonnements  solides  à  des  arguments  cap- 
tieux. Il  y  a  de  la  démence  à  leur  attribuer 
les  disputes,  les  erreurs,  les  schismes,  les 
fureurs  des  hérétiques,  qu'ils  n'ont  pas  cessé 
de  déplorer  et  de  combatire.  Si  dans  les  bas 
siècles  les  théologiens  scolastiques  se  sont 
occupés  à  des  questions  inutiles  et  de  pure 
curiosité,  ils  n'ont  point  imité  en  cela  les 
Pères  de  l'Eglise,  et  ils  ne  se  sont  pas  avi- 
sés de  vouloir  ériger  leurs  opinions  en  dog- 
mes de  foi;  on  ne  fait  plus  aucun  cas  de 
leurs  spéculations  ni  d<!  leurs  disputes.  Mais 
comment  contenter  des  tenseurs  aussi  bi- 
zarres que  ceux  auxquels  nous  avons  affaire? 
Les  uns  blâment  les  Pères  d'avoir  voulu  ex- 
pliquer un  mystère  essentiellement  inexpli- 
cable ;  les  autres  reprochent  à  ceux  des  trois 
premiers  siècles  de  s'être  bornés  à  condam- 
ner les  erreurs  des  hérétiques,  sans  décider 
ce  qu'il  fallait  croire  touchant  Dieu  et  Jésus- 
Christ  ,  sans  prescrire  les  formules  et  les 
expressions  par  lesquelles  il  fallait  énoncer 
le  dogme  des  trois  Personnes  en  Dieu.  Par 
là,  disent-ils,  les  Pères  laissaient  aux  raison- 
neurs la  liberté  de  l'entendre  comme  il  leur 
plaisait,  de  forger  et  de  débiter  sans  cesse 
de  nouvelles  0|>inions,  Mosheim,  Hist.  christ., 
sœc.  III,  §31.  Voilà  donc  tous  les  Pères  dé- 
clarés coupables,  les  uns  pour  n'avoir  pas 
prévu  et  réfuté  d'avance  toutes  les  folles 
imaginations  des  hérétiques,  les  autres  pour 
les  avoir  proscrites  ou  corrigées  lorsqu'elles 
sonl  venues  à  éclore.  Nous  présumons  en 
effet  que  si  Dieu  avait  donné  l'esprit  prophé- 
tique aux  docteurs  de  l'Eglise,  ils  auraient 
lâché  de  prévenir  le  mal  avant  sa  naissiinco 


«97 


TRI 


TRI 


898 


Mais  il  n'a  pas  donné  non  plus  cet  esprit 
anx  réformateurs,  puisque  leurs  oracles  ont 
donné  lieu  à  vingt  sectes  dilîérentes. 

Vers  l'an  520,  il  s'éleva  une  contestation 
pour  savoir  si  celle  proposition  :  une  des 
personnes  de  la  Trinilé  a  souffert,  unns  de 
Trinilate  pasuus  est.  était  orthodoxe  ou  non. 
Les  fucines  de  Scylhie,  d'autres  disent  d'E- 
{ïyptc,  soutenaient  celle  proposition  contre 
les  nestoriens  ;  l'onune  ceux-ci  niaient  que 
la  personne  de  Jé-us-Ghrist  lût  unie  subslan- 
tiellcuient  à  la  Divinité  ,  ils  n'avaient  garde 
d'avouer  ((ue  Jésus-Ciirisl  était  une  des  per- 
sonnes de  la  Trinité.  D'autres  prétendaient 
que  les  Ihéopascliitos  ou  palripassiens  pou- 
vaient abuser  de  celle  proposition  pour  en- 
seigner que  la  Divinité  a  souffert  ;  coiisé- 
quenimenl  les  légats  du  pape,  auxquels  les 
moines  de  Scylie  s'étaient  adressés,  jugèrent 
que  cette  manière  de  parler  était  une  nou- 
veauté dangereuse.  Ces  moines  vinrent  à 
Rome  pour  consulter  le  pape  Honnisdas  lui- 
même  ;  mais,  prévenu  par  un  de  ses  légats 
et  par  d'autres  qui  traitaient  ces  moines  do 
séditieux  et  de  brouillons ,  peu  soumis  au 
concile  de  Clialcédoine  ,  et  fiiutours  de  l'eu- 
tychianisme,  ce  pape  ne  leur  donna  aucune 
décision,  et  résolut  de  renvoyer  cette  que  - 
tion  au  patriarche  de  Constanlinojile.  Cela 
n'a  pas  empêché  le  traducteur  de  Mosheim 
d'alïirmer  que  Ilormisdas  a  condamné  la 
proposition  des  moines  de  Scythie,  et  con- 
tirnié  l'opinion  de  leurs  adversaires.  Comme 
le  pape  Jean  11  cl  le  v  concile  général  ap- 
prouvèrent la  proposition  des  moines,  ce 
traducteur  ajoute  que  cette  contradiction 
exposa  les  décisions  de  l'oracle  papal  à  la 
risée  des  sages.  Uist.  ecctés.,  vr  siècle, 
ir  part.,  c.  3,  ij  12.  Mais  il  est  absolument 
faux  que  le  pape  Hormisdas  ait  condamné 
la  proposition  des  moines;  il  ne  voulut  pas 
seulement  examiner  la  question;  il  leur  té- 
moigna du  mécontentcmenl,  non  ù  cause  de 
leur  doctrine,  mais  à  cause  de  leur  conduite, 
qui  était  elTeelivement  turbulente  et  sédi- 
tieuse, y^oy.  Fleury,  Hist.  ecclcs,,  liv.  xsxi, 
§  'i8  et  VO.  Ces  faits  sont  prouvés  parles  let- 
tres d'Honuisdas  et  par  celles  de  ses  légals. 

Au  commencement  de  notre  siècle,  depuis 
l'an  1712  jusqu'en  1720,  les  disputes  sur  la 
Trinilé  se  sont  renouvelées  avec  beaucoup 
de  chaleur;  Foi/.  Mosheim,  Jlist.  ecclés., 
xviii'  siècle,  §  27.  Guillaume  Wiston,  pro- 
fesseur de  mathémaliques  ,  soutint  que  le 
Fils  de  Dieu  n'a  commencé  à  exister  réelle- 
ment que  quelque  temps  avant  la  création 
du  monde;  que  le  Logos  ou  la  sagesse  di- 
vine a  pris  en  lui  la  place  de  l'âme  raison- 
nable; que  le  concile  de  Nicée  n'a  point  at- 
tribué d'autre  éternité  à  Jésus-Christ;  enfia 
que  la  doctrine  d'Arius  était  celle  de  ce  di- 
vin Maître,  celle  des  apôtres  et  des  premiers 
chrétiens.  On  conçoit  qu'il  n'a  pasétédifli- 
cile  de  réfuter  ce  système,  el  de  prouver  que 
l'auteur  était  un  fanatique.  Samuel  Clarke, 
plus  limidc,  enseigna  ijue  le  i'ère,  le  Fils  et 
le  Saint-Esprit  sont  tous  les  trois  strictement 
incréés  et  éternels,  que  chacun  des  trois  est 
Pieu ,  que  ce  ne  sout  cependant  pas  trois 


dicax,  parce  qu'il  y  a  enire  eux  une  subor- 
dinaiion  de  7iature  et  de  dérivation.  La  ques- 
tio:i  est  de  savoir  si  cette  subordination 
n'emporte  pas  une  inégalité  de  nature  et  de 
perfections;  il  y  a  lieu  de  croire  que  le  doc- 
teur Clarke  ne  s'est  pas  sufiisamment  expli- 
qué là-dessus,  puisque  le  clergé  d'Angleterre, 
assemblé  à  ce  sujet,  n'a  point  jugé  sa  doc- 
trine orthodoxe;  elle  ne  lui  a  paru  qu'un 
palliatif  propre  à  introduire  plus  aisément 
le  socinianisme. 

Cependant  le  traducteur  de  Mosheim  blâme 
beaucoup  cette  conduite  et  la  témérité  de 
ceux  qui  ont  entrepris  de  réfuter  Clarke  ;  il 
prétend  qu'il  faut  se  borner,  en  parlant  de 
ia  Trinité,  à  la  simplicité  du  langage  de 
récriture,  au  lieu  de  vouloir  exprioier  ce 
mystère  dans  les  termes  impropres  et  ambi- 
gus du  langage  humain.  Mais  les  expres- 
sions de  l'Ecriture  ne  sont-elles  donc  pas  un 
langage  humain?  11  n'en  est  point  duquel 
on  ait  abusé  davantage.  Si  les  hérétiques 
de  tous  les  siècles  avaient  voulu  s'y  tenir, 
on  n'y  aurait  rien  ajouté;  les  sociniens  ne 
s'y  bornent  pas,  puisqu'ils  per\ertissent  ce 
langage  sacré  par  des  commentaires  absur- 
des. La  foi  au  mystère  de  la  Trinité  est  lel- 
lemcnl  affaiblie  en  Angleterre,  qu'en  1720, 
une  dame  de  ce  pays-là,  par  sou  testament, 
a  fondé  huit  sermons  annuels  pour  la  sou- 
tenir ;  Âldsheiisi,  ibid.  Nous  espérons  qu'une 
pareille  fondation  ne  sera  jamais  nécessaire 
dans  l'Eglise  catholique. 

En  1729,  un  ministre  de  l'Eglise  wallonne 
en  Hollande  enseigna  qu'il  y  a  dans  le  Fils 
et  le  Saint-Esprit  deux  natures,  l'une  divine 
el  infinie,  l'aulre  finie  et  dépend.inle,  à  la- 
quelle le  Père  a  donné  l'existence  avant  la 
création  du  moude.  Le  Fils  et  le  Saint-Es- 
pril,  dii-il,  considérés  selon  leur  nature  di- 
vine, sont  égaux  au  Père;  mais,  envisagés 
en  qualité  de  deux  intelligences  finies,  ils 
sont  à  cet  égard  inférieurs  au  Père  el  dépen- 
danls  de  lui.  Il  se  llattait  de  satisfaire  par 
cette  hypothèse  à  toutes  les  difficultés.  Ou 
prétend  que  le  docteur  Thomas  Hurnet  l'a- 
vait déjà  proposée  eu  Angleterre  en  1720. 
:\]oshein)  l'a  réfutée,  Diss.  ad  Uistor.  eccles. 
pertinentes,  p;ig.  WS.  Il  y  oppose,  l'que  les 
paroles  de  Jesus-Christ,  Mallli.,  c.  xxviu, 
v.  1'.),  au  nom  du  l'ère,  el  du  fils,  etc.,  ne 
ne  peuvent  désigner  une  nature  infinie  et 
deux  natures  finies  ;  qu'il  i'n  est  de  même 
des  trois  témoins  dont  parle  saint  Jean  , 
JEpist.  I,  c.  5,  V.  7.  2°  Oue  le  système  en 
question  ne  peut  pas  s'accorder  avec  le 
mystère  de  l'Incarnation.  3"  Chose  remar- 
quable, il  y  oppose  le  silence  de  l'antiquité, 
pag.  bCi.  Si  ce  silence  prouve  quelque 
chose,  sans  doute  le  lémuignage  positif  de 
l'antiquité,  que  nous  appelons  la  tradition, 
prouve  encore  davantage.  Ainsi  les  protes- 
tants, qui  ne  cessent  de  déclamer  contrôla 
tradition,  sont  forcés  d'y  avoir  recours  pour 
soutenir  les  articles  lesplus  essentiels  de  la 
foi  chrétienne.  Qu'ils  viennent  encore  nous 
dire  que  l'Ecriture  sainte  est  claire  sur  tous 
les  points  nécessaires  au  salut,  que  le  vrai 
sens  en  est  à  la  portée  des  plus  ignorants, 


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TRt 


TR! 


900 


qu'il  n'est  pas  besoin  d'une  aulrc  règle  pour 
savoir  ce  que  nous  devons  croire.  Hicn  ne 
démoiilre  mieux  la  fausseté  de  ces  maximes 
fondamenlales  de;  la  réforme,  que  ce  cliaos 
do  disputes  cl  d'ernnjrs  toujours  renais- 
santes depuis  dix-sept  cents  ans,  louchant 
le  vrai  sens  de  la  forme  du  baplèiue  prescrite 
par  Jcsus-Cliris!,  par  conséquent  sur  le  mys- 
tère de  ia  Sdinte  Trinité. 

Trinité  platonkjle.  Un  grand  nombre  de 
savants ,  soit  anciens  ,  soit  modernes ,  se  sont 
persuadés  que  les  païens  en  général,  surtout 
les  philosophes,  ont  eu  quelque  notion  du 
mystère  de  la  sainte  Trinité ,  et  ils  ont  lâché 
de  le  prouver  par  un  grand  appareil  d'éru- 
dition. Si  nous  les  crojons,  Zoroastre  el  les 
mages  de  la  Perse,  les  Clialdéens,  les  Egyp- 
tiens, qui  suivaient  la  iloclrine  d'Orphée; 
parmi  les  philosophes  grecs,  Pylhagore  et 
l'arménide,  ont  enseigné  ce  dogme,  du  moiui 
d'une  manière  obscure.  Pour  expliquer  ce 
phénomène,  on  a  imaginé  que  probablement 
ces  philosophes  avaieni  puisé  celte  counais- 
£ancc  dans  les  écriis  de  Moïse  ,  ou  qu'ils 
avaieni  été  instruits  par  quelques  docteurs 
juifs.  Avant  de  se  iivrei'  à  cMle  conjecture, 
il  aurait  élé  à  propos  de  montrer  dans  les 
écrits  de  Moïse  quelques  passages  assez  clairs 
pour  donner  à  de.  païens  une  idée  quelcon- 
quedu  myslôrede  la  Jrjnifc,  ou  l'aire  voir  que 
c'était  un  article  de  la  croyance  commune  des 
anciens  Juifs.  Mais,  suivant  ces  mêmes  crili- 
ijucs,  iiersonne  n'a  enseigné  la  ï'rmi.e  des 
personnes  en  Dieu  plus  formellement  cl 
d'une  manière  plus  distincte  que  Pialon  ;  s'il 
avait  vécu  plus  tard  ,  on  croirait  qu'il  avait 
lu  l'Evangile.  Les  philosophes  de  l'école  d'A- 
lexandrie, (jui  ont  été  ses  disciples  et  ses 
commentateurs  ,  oni  parfaitement  expliqué 
sa  doctrine  ;  elle  est  Irès-conformo  à  celle 
de  l'Ecriture  sainte  el  à  celle  des  Pères  des 
preu)iers  siècles  ;  Cudworth  ,  dans  son  Sys- 
tème inlellecluel ,  c.  4  ,  §36,  s'esl  appliqué 
à  le  jirouver;  il  a  poussé  la  lémériié  jus- 
qu'à dire  que  ces  platoniciens  se  sont  expli- 
qués louchant  la  Trinité  d'une  manière  plus 
orthodoxe  que  les  Pères  du  concile  de  Nicée  , 
ibuL,  p.  910. 

D'autre  pari  les  socinieus  el  plusieurs 
prolestants  accusent  les  Pères  d'avoir  élé 
trop  attachés  à  la  doctrine  de  Platon  et  des 
platoniciens ,  de  s'en  êlre  servis  maladroile- 
minl  pour  expli  juer  ce  que  l'Evangile  nous 
enseigne  louchant  les  trois  personnes  di- 
vines ,  d'avoir  ainsi  déOguré  ce  mystère,  en 
voulant  pénétrer  ce  que  Dieu  n'a  pas  voulu 
nous  apprendre.  Leurs  vains  elTurls,  disent- 
ils  ,  n'ont  abjuli  qu'à  faire  naîlre  des  erreurs 
et  des  disputes  interminables;  la  Trinité, 
telle  qu'on  la  croil  .lujourd'hii  dans  l'Eglise 
chrélienne,  est  une  invention  de  Pialon  el 
doses  disciples,  aveuglément  adoptée  par 
les  Pères  ,  el  qui  n'a  aucun  fondement  dans 
l'Ecriture  sainte. 

Viendrons-nous  à  bout  de  débrouiller  ce 
chaos  d'opinions,  el  de  découvrir  la  vérité 
au  milieu  de  tant  de  prévonlions? 

i"  W  n'est  pas  prouvé  que  les  païens  eu 
gcuérul ,  ni  les  anciens  personnages  dont  ou 


nous  vante  les  lumières  ,  aient  eu  aucune 
connaissance  du  mystère  de  la  sainte  Tri- 
nité ;  quelques  légères  ressemblances  que 
l'on  croil  apercevoir  entre  ce  qu'ils  ont' dit 
et  ce  que  la  foi  nous  enseigne  sur  ce  sujet, 
ne  suffisent  pas  pour  établir  un  fait  aussi 
important.  Quand  on  a  lu  lout  ce  qu'ont 
rassemblé  Steuchus  Eugubinus ,  rfe  Perenni 
l'hiliisophia,  le  savant  Huet ,  Qitœst.  alnet., 
lib.  Il  ,  c,:p  3  ,  el  d'autres,  l'on  n'esl  rien 
moins  que  convaincu.  Mosheim,  datij  ses 
Notes  sur  le  système  intellectuel  de  Cudworth, 
c.  4 ,  §  11»  el  suiv.,  fait  voir  en  détail  que 
ceux  qui  ont  cru  trouver  une  trinilé  dans 
Zoroastre  et  chez  les  mages  ,  dans  les  poé- 
sies d'Orphée,  dans  ia  doctrine  des  Egyp- 
tiens el  dans  celle  de  Pylhagore  ,  se  sont 
évidemment  trompés.  Ils  pouvaient  donc 
s'épargner  la  peine  de  deviner  par  quelle 
voie  celle  connaissance  avnil  pu  se  répandre 
chez  les  païens ,  puisque  c'esl  un  fait  ima- 
ginaire. Brucker  ,  Hist.  crit.  philos.,  1,  1, 
p.  186,  292,  390  ,702,  etc.,  pense  de  même. 
Après  avoir  bien  examiné  le  système  de  Pla- 
ton ,  il  conclut  que  c'est  un  verbiage  inin- 
telligible et  absurde;  nous  verrons  ci-après 
qu'il  n'a  pas  tort.  2°  Pour  savoir  ce  que  Pla- 
ton a  voulu  dire ,  ces  deux  critiques  ne  veu- 
lent point  que  l'on  s'en  rapporle  aux  com- 
mentaires des  platoniciens  d'Alexandrie.  Il 
est  constant  ijue  ces  philosophes,  qui  ont 
vécu  après  !a  naissance  du  chrislianisme  , 
qui  en  étaient  ennemis  déiiarés,  et  qui  tâ- 
chaient de  soutenir  le  paganisme  chancelant, 
ont  (ail  leur  possible  pour  mettre  une  res- 
semblance ,  du  moins  apparente  ,  entre  les 
dogmes  de  Pialon  et  ceux  de  l'Evangile  ,  et 
qu'ils  ont  affecté  de  se  servir  des  mêmes  ex- 
pressions que  les  docteurs  chrétiens.  Leur 
dessein  était  de  persuader  que  Jésus-ChriU 
el  ses  apôtres  ,  que  l'on  prétendait  avoir  élé 
envoyés  de  Dieu  pour  instruire  les  hommes , 
n'avaient  rien  enseigné  de  plus  (lue  les  an- 
ciens philosophes;  que  leurs  leçons  n'élaient 
pas  nouvelles  ;  qu'ainsi  ta  vérité  élail  connue 
dans  le  paganisme  aussi  bien  que  dans  la 
religion  chrélienne  ;  qu'il  n'était  donc  pas 
nécessaire  de  renoncer  à  l'un  pour  embras- 
ser l'autre.  Voy.  SicLECTiQUEs.  Mais  ils  n'é- 
taient pas  d'accord  entre  eux,  el  leur  doc- 
trine n'e>l  plus  celle  de  Platon;  l'un  entend 
la  trinité  d'une  manière,  et  l'autre  d'une 
autre.  Cudworth  est  convenu  di:  ce  fait,  c.  k; 
loui.  I,  p.  888.  Aussi,  pour  faire  par.iître  or- 
thodoxe la  Iriiiité  platonique  ,  il  s'est  princi- 
palement attaché  aux  commentaires  de  Plo- 
tin  ;  mais  Porphyre  ,  Jamblique,  Numénius, 
Amélius,  Chalcidius,  etc.,  ne  suivaient  pas 
le  même  sentiment ,  et  celui  de  l'un  do  ces 
philosophes  n'avail  pas  plus  d'aulorité  que 
l'autre.  Moshei  :i  fait  voir  que  la  trinité  de 
Plolin  n'est  plus  celle  de  l'ialon  ni  de  P,  tha- 
gitre ,  encore  moins  celle  des  chrétiens, 
tbid.,  p.  904 ,  n.  {(). 

Pour  savoir  à  quoi  s'en  tenir,  il  faut  d'a- 
bord se  rappeler  l'extrait  que  nous  avons 
donné  de  la  doctrine  de  Pialon,  au  mol  Pla- 
tonisme ,  §  1,  ensuite  examiner  si  celle  doc- 
trine resseni!  le  en  quelque  chose  ù   ce  que 


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l'Evangile  nous  enseigne  louclianl  la  sainte 
trinité  ;  par  \;i  nous  pourrons  juger  si  les 
Pères  de  l'Eglise  en  ont  emprunté  quelque 
•  chose.  Nous  chercherons  en  troisième  Ijeu 
ce  qu'ils  ont  dit  de  Platon  cl  de  sa  prétendue 
trinilé  ,  et  s'ils  ont  suivi  rexem|)Ie  ou  la  doc- 
trine des  nouveaux  platoniciens. 

§  I".  Doctrine  de.  P/a/«n.  Outre  l'es  Iraitque 
nous  en  avons  donné  au  mot  Platonisme, 
§  1 ,  et  que  nous  avons  tiré  du  Timée  ,  avec 
loule  la  lidclité  possible,  on  allègue  encore 
la  seconde  lettre  de  Platon  à  Denis  :  .voici  ce 
que  nous  y  lisons,  pag.  707  ,  li  :  «  Vous  dites 
que  je  ne  vous  ai  pas  assez  démontré  la  pre- 
mière nature  (ou  le  premier  Etre)  ;  il  faut 
donc  vous  en  pnrler  par  énigmes,  ;ifin  que 
si  celte  lettre  tombe  entre  les  mains  de  quel- 
qu'un, il  n'y  comprenne  rien  :  voici  le 
vrai.  Toutes  choses  sont  autour  du  roi  de 
tout,  et  tout  est  pour  lui ,  il  est  la  cause  de 
tout  ce  qui  est.  be;iu  ;  les  secondes  sont  au- 
tour du  second,  et  les  troisièmes  du  Iroi- 
siî'me.  L'esprit  humain  cherc^he  à  compren- 
Jre  la  manière  dont  cela  est ,  en  considér.int 
ce  qui  lui  est  connu  ;  mais  rien  ne  peut  y  suf- 
fire; il  n'y  a  rien  de  semblable  dans  le  roi  ut 
dans  ceux  dont  j'ai  parlé, 

Platon  n'a  pas  eu  tort  d'appeler  ce  ver- 
biage une  énigme;  mais  parmi  ses  interprè- 
tes, les  uns  ont  duviiié  que  par  le  loi  il  a  en- 
tendu Dieu  ;  par  le  second,  le  monile  ;  par  le 
troisième,  l'âme  du  monde  ;  quand  cela  se- 
rait, nous  ne  serions  guère  mieux  instruits. 
D'autres  prétendent  (\ue  le  second  est  l'idée 
ou  le  modèle  archétype  du  m  nde;  c'est,  di- 
sent-ils, le  Logos,  éternelle  production  de 
l'entendement  divin.  Le  troisième  est  le 
monde,  que  Platon  a  nomuié  le  Fils  unique 
de  Dieu,  y.o-JoyBvnc  ;  ils  sont  aussi  bien  fondés 
que  les  pre(niers. 

Nous  ne  nous  arrêterons  point  à  relever 
les  absurdités  et  les  inconséquences  du  sys- 
tème de  Platon,  nous  l'avons  fait  ailleurs  ; 
nous  rccherclicriHis  seulement  comment  on 
peut  y  découvrir  utie  irini'é  (\m  ait  quelcjuc 
ressemblance  avec  celle  que  nous  croyons. 
Nous  y  voyons  d'abonl  trois  choses  éternel- 
les ;  Dieu  esprit  (voù,),  père  du  monde;  l'idée 
ou'K'  modèle  archélypte  suivant  lequel  Dieu 
n  fait  le  monde,  et  que  Platon  appelle  «n 
b^lre  anime  et  éternel  ;  la  manière  informe, 
qui,  selon  lui,  participe  d'une  manière  inex- 
.plicablc  à  la  nature  divine  et  intelligente, 
l'.n  second  lieu,  deux  choses  qui  ne  sont 
point  éternelles,  mais  qui  ont  commencé  d'ê- 
tre, savoir,  l'âme  du  monde,  que  Dieu  avait 
faite  avant  le  monde,  et  qui  est,  dil-il,  une 
substance  mélangée  d'esprit  cl  de  matière; 
enfin,  le  monde  même.  Oi',  de  quekjue  ma- 
nière que  l'on  conçoive  ces  cinq  chosrs,  on 
ne  pourra  jamais  en  tirer  une  trinilé  qui  ait 
de  l'analogie  avec  le  mjstèio  que  Jésus- 
tihrisl  a  révélé.  1°  La  preniière  personni^  de 
ceUc  triiiité  plaloniijuc  es^  Dieu  sans  doute; 
Platon  l'appelle  le  père  du  inonde,  mais  il  ne 
l'a  jamais  nommé  pecc  rfe  Logos,  ni  père  des 
idées  étemelles  ou  du  modèle  archétype  du 
monde,  le  père  de  la  matière.  Suivant  l'Ëvaii' 
gile,  au  contraire.  Dieu  e.st  le  Père  du  Verbe 


éternel,  et  c'est  par  ce  Verbe  que  toutes  cho- 
ses ont  été.  faites.  —  2°  Prendrons-nous  pour 
seconde  personne  l'idée  archétype  du  monde? 
Platon  dit  que  c'est  un  Etre  étemel  et  animé; 
mais  ici  les  avis  sont  partagés.  Plusieurs  pla- 
toniciens et  plusieurs  Pères  de  l'Eglise  pré- 
tendent que  ce  philosophe  a  conçu  les  idées 
éternelles  des  choses,  comme  des'  êlres  sub- 
sistants et  distingués  de  l'entendement  divin. 
Mosheim  soutient  que  c'est  une  absurdité 
de  laquelle  un  aussi  be.iu  génie  que  Platon 
était  incapabl.";  que  ces  idées  sont  des  êtres 
purement  métaphysiques  et  inlellecluels  ; 
que  les  expressions  de  Platon  sont  figurées 
et  mélaphoriques,  Syst.  intellec.  de  Cudworth, 
chap.  k,  §  36,  p  85(3,  n.  (o).  Il  est  vrai  que 
par  logos  ce  philosophe  ne  semble  point 
avoir  entendu  l'idée  arclu'typi'  du  mondi', 
mais  la  raison,  la  faculté  de  penser,  de  rai- 
sonner, de  saisir  la  diÏÏérence  des  choses  cl 
d'exprimer  ses  pensées  par  la  parole:  c'est 
ainsi  qu'il  l'explique  dans  le  Thœétète , 
p.  14.1  ,  E.  Dans  son  style,  »»0?  est  la  subs- 
tance même  de  l'esprit;  Wyof,  ce  soni  les  fa- 
cultés et  les  opérations  de  cotte  substance  ; 
l'idée  en  est  l'objet,  ou  ce  que  l'on  voit  par 
l'esprit.  11  n'a  point  dit  non  plus  que  les 
idées  soient  des  hyposiases,  des  subst.inces, 
des  êtres  réel.>>  distingués  de  renlendemeul 
divin;  c'est  un  rêve  que  lui  ont  prêté  les 
nouveaux  platoniciens,  il  n'a  xwmiw.  Fih  de 
Dieu,  ni  1"  Loyos,  ni  l'idée  arcliétype  du 
momie,  ni  le  monde  même;  quand  il  appelle 
celui-ci  (iojoyevijc,  ce  mol  ne  signifie  point  Fils 
unique,  mais  unir/ue  production.  Ce  n'est 
point  le  Logos,  mais  le  monde  qu'il  .sppelle 
Etre  animé,  image  de  Dieu  intelligent,  second 
Dieu,  Dieu  engendré.  —  Saint  Jean  parle  bion 
différemcnent  du  Logos  ou  du  Verbe  divin. 
Au  commencement  il  était  en  Dieu  et  il  était 
Dieu;  c'est  par  lui  que  loutrs  tltoses  ont  été 
fuites,  il  est  te  principe  de  la  vie  et  la  lu- 
mière qui  éclaire  tous  les  hommos;  c'est  de  lui 
que  Jeun  Baptiste  n  rendu  témoignage.  Il  est 
venu  parmi  les  siens,  et  ils  n'o;it  pas  voulu  le 
recevoir.  Ce  Verbe  s'est  fait  chair,  il  a  de- 
meure  parmi  nous,  et  nous  lavons  reconnu 
pour  le  Fils  unique  du  Prre,  pour  l'auteur  de 
la  grâce  et  de  la  vérité.  Il  faut  être  étrange- 
ment prévenu  pour  trouver  dans  Platon 
celle  doctrine  el  ce  langage.  —  3°  Probable- 
ment on  ne  nous  donnera  pas,  pour  seconde 
personne  de  la  trinilé  platonique,  la  matière 
informe  que  Platon  semble  confondre  avee 
la  nécessité,  quoiqu'il  personnilie  celle-ci, 
el  qu'il  dise  que  la  matière  participe  d'une 
manière  inexplicable  à  la  nature  divine  et 
iutelligouto.  Sera-ce  le  monde  composé  de 
corps  el  d'âme'?  Malgré  les  noms  pompeux 
que  Platon  lui  a  donnés,  il  rccouaaîl  que 
Dieu  la  fait  dans  le  temps  ou  avec  le  temps, 
qu'ainsi  l'éternité  ne  lui  convient  en  aucbn 
sens.  —  4-°  Snivaiii  la  plupart  des  platoni- 
ciens, c'est  l'âme  du  monde  qui  est  la  troi- 
sième personne.  .Mais  Platon  dit  formelle- 
ment que  Dieu  n'a  point  fait  celte  âme  après 
le  corps,  m  lis  aujiaravant;  que,  soit  par  sa 
naissance,  soit  par  sa  force,  elle  a  précédé  le 
corps;  il  n'ajoute  point  qu'elle  a  elé  faite  du 


903 


TRI 


TRI 


904 


toute  éternité  ;  au  contraire  il  décide  que  l'é- 
ternité n'appartient  en  aucune  manière  à  un 
être  qui  a  été  fait.  Selon  lui,  elle  lient  le  mi- 
lieu entre  la  substance  qui  est  indivisible  et 
iiDoiuable  et  celle  qui  se  divise  et  change  ; 
elle  participe  à  la  uiilure  de  l'une  et  de  l'au- 
tre. Celte  fâme  n'est  donc  pas  née  de  Dieu 
par  émanation,  à  moins  que  l'on  no  dise 
qu'elle  est  sortie  tout  à  la  fois  de  Dieu  et  de 
la  matière. 

Cudwortb  en  a  donc  imposé,  lorsqu'il  a 
dit  que  les  trois  bjpostases  ou  personnes  do 
la  trinité  platonique  sont  éternelles,  incréées 
et  non  faites,  et  que  ces  trois  sont  un  seul 
Dieu  ;  Wosheim  a  solidement  réfuté  ces  deux, 
assertions  téméraires,  c.  h,  §  36,  p.ig.  880, 
n.  (N),  pag.  889etl)0.  n.  (G).  Si  Plotin  a 
composé  ainsi  sa  trinité,  ce  n'est  plus  celle 
de  Platon,  mais  une  imitation  fausse  et  ma- 
licieuse de  la  Trinité  chrétienne. 

Pour  établir  une  ressemblance  apparente 
entre  rame  du  monde  cl  le  Saint-Esprit,  on 
nous  fait  observer  que  les  Pères  de  l'Eglise 
ont  regardé  cet  esprit  divin  comme  l'âme  du 
monde,  et  lui  ont  altribué  les  mêmes  fonc- 
tions que  les  platoniciens  prétuienl  à  celte 
âme  imaginaire.  Mais  il  faut  remarquer 
qu'aucun  des  Pères  antérieurs  au  concile  de 
Nicée  n'a  ainsi  parlé;  ceux  qui  sont  venus 
après  ce  concile,  dans  lequel  la  foi  chré- 
tienne touchant  le  mystère  de  la  sainte  Tri- 
nité avait  été  fixée,  ne  risquaient  plus  d'y 
donner  atteinle  en  tenant  ce  langage  :  ils 
voulaient  corriger  celui  des  platoniciens  et 
non  s'y  conformer;  ils  l'ont  pris  dans  l'Ecri- 
ture sainte  et  non  ailleurs;  nous  le  verrons 
dans  un  moment.  §  2. 

Si  le  chaos  d'absurdités  que  Platon  a  ras- 
semblées peut  èlre  appelé  un  système,  il  suf- 
fit de  le  confronler  avec  la  doctrine  chré- 
tienne louchant  la  Trinité,  pour  se  convain- 
cre qu'il  n'y  a  aucune  ressemblance  enlre 
l'ua  et  l'autre,  que  les  Pères  de  l'Eglise,  ins- 
truits de  ce  mjslère  par  l'Ecriture  sainte, 
n'ont  jamais  pu  élre  tentés  de  rien  emprun- 
ter de  ce  philosophe  ténébreux,  qui  cherchait 
la  vérité  à  tâtons,  mais  qui  mau<)uait  du 
flambeau  nécessaire  pour  la  trouver.  Son 
exemple  devrait  rabaisser  l'orgueil  des  in- 
crédules qui  se  vantent  de  connaître  la  na- 
ture divine  et  l'origine  des  choses  sans  avoir 
besoin  de  révéiaiion. 

Cependant  Platon  avait  profite  des  médita- 
lions  de  Thalôs,  d'Anaxagore  ,  de  Pytha- 
gore,  de  Parménide,  de  Timée  de  Locres,  etc. 
IL  n'était  pas  conleut  de  leurs  hypothèses, 
il  essaya  d'en  bâtir  une  autre,  mais  avec 
une  modestie  et  une  timidité  qui  lui  foui 
honneur.  11  commence  le  Timée  en  recon- 
naissant la  nécessité  d'une  assistance  divine 
pour  expliquer  l'origine  des  choses,  et  il 
l'implore;  il  avertit  ses  auditeurs  qu'ils  ne 
doivent  point  attendre  de  lui  des  choses  cer- 
taines, mais  seulement  des  conjectures  aussi 
probables  que  celles  des  autres  philosophes; 
ce  sage  début  aurait  dû  rendre  les  platoni- 
ciens moins  présomptueux.  Que  puuvait-il 
imaginer  de  mieux  que  ce  qu'il  a  dit?  Dès 
qu'il  n'admettait  pas  la  création,  non  plus 


que  les  anciens,  il  était  forcé  de  supposer 
ou  l'éternité  du  monde,  ou  l'élernilé  de  la 
matière  et  une  intelligence  éternelle  qui  l'a-  - 
vait  arrangée.  Il  avait  trop  d'esprit  pour  se 
persuader  que  cet  arrangement  s'était  fait 
par  hasard  ou  par  nécessité;  il  jugea  consé- 
quemment  que  Dieu  en  était  l'auteur.  Mais, 
ne  pouvant  concevoir  l'opération  de  Dieu 
autrement  que  celle  d'un  homme,  il  imagina 
que  Dieu,  avant  d'agir,  avait  tracé  dans  son 
entendement  le  plan  et  le  modèle  de  son  ou- 
vrage, et  qu'il  l'avait  suivi  dans  l'exécution; 
que  ce  modèle  avait  été  toujours  présent  à 
l'esprit  de  l'ouvrier,  qu'il  contenait  en  idée 
toutes  les  parties  et  tout  l'arrangement  de 
l'univers.  Ce  modèle  éternel  élait  donc  ani- 
mé et  vivant,  puisque  le  monde  est  tel  sui- 
vant Platon;  mais  il  l'était  en  idée  seulement 
et  selon  notre  manière  de  concevoir;  jamais 
sans  doute  Platon  n'a  rêvé  qu'une  idée  que 
l'homme  a  formée  dans  son  esprit  est  un 
élre  réel  ou  une  substance  distinguée  de  l'es- 
prit. 

Ce  philosophe,  frappé  du  mouvement  com- 
passé, régulier,  constant,  qui  règne  entre 
touies  les  parties  de  l'univers,  a  compris 
qu'il  ne  pourrait  se  conserver  s'il  n'était 
dirigé  et  soutenu  par  une  ou  plusieurs  intel- 
ligences; cunséquemment  il  a  imaginé  une 
grande  âme  répandue  dans  toute  la  masse, 
que  Dieu  a  divisée  ensuite  dans  toutes  ses 
parties;  comme  un  pur  esprit  ne  se  divise 
point,  Platon  a  dit  que  celle  âme  était  com- 
posée de  la  substance  indivisible  ou  de  l'es- 
prit, et  de  celle  qui  peut  être  divisée  ou  de 
la  matière.  Où  Dieu  a-t-il  pris  cette  âme? 
est-elle  sortie  de  lui  ou  de  la  matière?  Pla- 
ton a  eu  la  prudence  de  ne  point  le  décider; 
il  n'a  pas  dit  non  plus  qu'elle  est  coéternelle 
à  Dieu;  il  suppose  (|uc  Dieu  a  réfléclii,  déli- 
béré et  réglé  son  plan  avant  de  rien  faire; 
encore  une  fois  il  a  imaginé  Dieu  agis.sant 
à  la  manière  d'un  homme;  il  ne  lui  attribue 
qu'une  puissance  bornée,  puisqu'il  dit  que 
Dieu  a  rendu  son  ouvrage  conforme  au  mo- 
dèle autant  qu'il  le  pouvait. 

§  M.  Doctrine  des  Pères.  Il  n'était  pas  pos- 
sible à  un  esprit  raisonnable,  une  fois  ins- 
truit de  la  doctrine  chr;  tienne,  de  concilier 
avec  sa  croyance  aucune  des  hypothèses  de 
Platon.  L'Ecriture  nous  enseigne  que  Dieu 
est  créateur,  qu'il  opère  par  le  seul  vouloir: 
il  a  dit,  et  tout  a  été  fait  ;  ce  Irait  de  lumière 
dissipe  toutes  les  lènèures.  Dieu  n'a  eu  be- 
soin ni  de  méditation,  ni  de  délibération,  ni 
de  modèle;  la  créalion  de  la  matière  el 
celle  des  espriis  s'est  laite  par  une  seule  pa- 
role. Selon  l'Evangile,  celle  parole  toute- 
puissante,  ce  Vabc  est  un  Etre  subsistant, 
une  personne  coéternelle  et  consubstan- 
lielle  au  Père,  il  était  en  Dieu  et  il  était  Dieu. 
Le  Saint-Esprit  est  une  autre  personne  qui 
non-seulement  anime  et  vivifie  loute  la  na- 
ture, mais  à  laquelle  l'Ecriture  atlribue  tou- 
tes les  opérations  de  la  grâce.  Les  cieux,  dit 
le  Psalmisle,  ont  éié  ajl'ermis  par  ie  Vekue  de 
Dieu,  et  la  force  qui  les  conserve  est  TiispiuT 
ouïe  souffle  de  fa  bouche  (Ps.  sxm',  v.  6). 
L'esprit  du  Seigneur,   dit  le  Sage,  a  remp'i 


m 


m 


TRI 


t»OG 


toiite  lu  terre,  et  parce  qu'il  contient  toutes 
choses,  il  sait  parler  aux  honimes  {Sup>  i,7). 
Au  mot  TniMTiî,  nous  avons  cilé  les  autres 
pnssages  des  livres  saints  qui  établissent  la 
foi  (le  ce  mystère.  Tel  est  le  langage  qu'ont 
répété  les  l'ères  de  l'Eglise,  et  duquel  ils  ne 
se  sont  jamais  départis  ;  ce  n'est  certainement 
pas  celui  de  Platon. 

L'on  n'a  pas  osé  dire  que  les  Pères  ont  ou- 
blié CCS  leçons  divines  pour  s'attacher  uni- 
quement à  celle  du  pliilosoplie  grec;  mais 
on  a  dit  qu'imbus  de  platonisme  avant  leur 
conversion,  ils  n'y  ont  pas  renoncé  en  se 
faisant  chrétiens  ;  qu'à  l'exemple  des  plato- 
niciens d'Alexandrie,  ils  ont  rapproché  tant 
qu'ils  ont  pu  la  doctrine  chrétienne  touchant 
la  Trinité,  de  celle  de  Platon,  alin  de  dimi- 
nuer la  répugnance  qu'avaient  les  païens  à 
croire  ce  mystère.  Il  y  a  dans  cette  hypo- 
thèse du  vrai  et  du  faux;  il  e.<l  important  de 
les  démêler.  1°  Plotin,  principal  auteur  de  la 
Irinilé  platonique,  n'a  pu  la  forger  que  vers 
le  milieu  du  m'  siècle;  ce  fut  l'an  2i3  qu'il 
entreprit  d'aller  dans  la  Perse  et  dans  les  In- 
des pour  achever  de  s'instruire.  Les  Pères 
apostoliques,  ensuite  saint  Justin  ,  Tatien, 
Athémgore  ,  Hermias  ,  saint  IrtMiée,  saint 
Théophile  d'Antioche ,  saint  Ilippolyte  de 
Porto,  Clément  d'Alexandrie,  Origène,  Ter- 
lullien  et  d'autres  dont  nous  n'avons  plus  les 
ouvrages,  avaient  écrit  avant  cette  époque; 
ils  n'ont  pu  avoir  aitcaos  connaissance  de 
la  doctrine  de  Plotin.  Quand  on  supjKiïerait 
(jucAramonius  son  maître  avait  déjà  fabriqué 
une  Irinité  platonique ,  fait  que  l'on  ne  peut 
pas  prouver,  Clément  d'Alexandrie  et  Ori- 
gène seraient  encore  les  deux  seuls  qui  aient 
pu  la  connaître,  aucun  des  autres  docteurs 
de  l'Kglise  n'a  fréquenté  celte  école  et  n'a 
pu  être  imbu  du  nouveau  platonisme.  2°  L'on 
convient  que  le  motif  qui  engagea  les  plato- 
niciens d'Alexandrie  à  travestir  la  doctrine 
de  Platon,  et  à  la  rapprocher  de  celle  des 
docteurs  chrétiens,  fut  la  jalousie  et  l'atta- 
chement au  paganisme.  Effrayés  des  progrès 
rapides  de  l'Evangile,  ils  entreprirent  de  les 
arrêter,  en  faisant  voir  que  Jésus-Christ,  les 
apôtres  et  leur  disciples  n'avaient  rien  en- 
seigne de  plus  que  Platon.  Or  les  principaux 
prédicateurs  de  l'Evangile,  pendant  tout  le 
11'  siècle,  avaient  été  les  Pères  mêmes  que 
nous  venons  de  citer.  La  fii  à  la  Trinité 
était  donc  bien  établie  avant  que  les  rai- 
sonneurs d'Alexandrie  eussent  tenté  d'y  ajus- 
ter les  opinions  de  Platon.  Ces  Pères  avaient 
converti  des  juifs  cl  des  païens  par  des  mira- 
cles et  par  des  vertus,  sans  avoir  besoin  de 
philosophie  ;  ils  n'en  ont  fait  usage  que 
contre  ceux  qui  en  étaient  entêtés.  3°  Pour 
réussir  dans  leur  dessein,  les  nouveaux  pla- 
toniciens empruntèrent  les  expressions  des 
écrivains  sacrés  et  des  docteurs  de  l'Eglise  ; 
ils  sentaient  donc  qu'elles  étaient  plus  clai- 
res et  plus  correctes  que  le  verbiage  inintel- 
ligible de  Platon.  Ils  n'ont  donc  pas  déli^uré 
la  Trinité  chrétienne  par  une  tournure  pl.ilo- 
niqu<',  mais  ils  ont  corrigé  leur  prétendue 
trinil*é  sur  le  modèle  de  la  première.  En  ef- 
fet, ils  ont  souvent  fait  dire  à  Platon  ce  qu'il 
DiCT.  DE  Théol.  dogmatique.  l\. 


n'a  jamais  dit;  savoir,  que  l'idée  arcnetype 
du  monde  est  une  ()ersonne,  que  c'est  le  Lo- 
gos et  le  Fils  de  Dieu,  qu'il  est  sorti  de  Dieu 
par  émanation  ou  par  génération,  que  l'âme 
(lu  monde  est  éternelle,  que  c'est  l'esprit  de 
Dieu,  etc.  Rien  de  tout  cela  n'est  dans  Platon  ; 
mais  il  fallait  tout  cela  pour  forger  une  trinité 
capable  d'en  imposer  aux  ipnorants.il  serait 
fort  singulierque  les  Pères  eussent  fait  le  con- 
traire, qu'ils  eussent  voulu  expliquerai  Tri- 
nité chrétienne  par  des  notions  platoniques, 
pendant  que  les  platoniciens  païens  déro- 
baient le  langage  des  chrétiens  pour  dissi' 
per  les  ténèbres  du  système  de  Platon.  Mais 
les  censeurs  des  Pères,  prévenus  jusqu'à  l'a- 
veuglement, leur  reprochent  un  attentat 
plus  odieux  que  n'est  celui  des  ennemis  mê- 
mes du  christianisme,  sous  prétexte  que  les 
premiers  l'ont  commis  à  bonne  intention. 
Mais  à  qui  croirons-nous,  pour  savoir  ce 
que  les  Pères  ont  pensé  de  Platon  et  de  sa 
prétendue  trinité?  sera-ce  à  des  critiques 
modernes  qui  font  profession  de  mépriser 
ces  respectables  personnages,  ou  aux  Pè- 
res eux-mêmes?  Il  nous  parait  qu'il  n'y  a 
pas  à  hésiter  sur  ce  choix. 

§  III.  Sentiments  des  Pères  touchant  la  doc- 
trine de  Platon.  Déjà  nous  avons  fait  voir 
dans  l'article  Tbimté,  que  les  expressions 
dont  les  Pères  se  sont  servis  en  parlant  do 
ce  mystère  sont  tirées  de  l'Ecriture  sainte, 
et  non  d'ailleurs;  il  ne  faut  pas  l'oublier. 
Saint  Justin,  dans  son  Exhortation  aux  (jen- 
tils,  n.  3,  4.,  5,  6,  etc.,  s'attache  à  montrer 
en  détail  que  tout  ce  que  Platon  a  dit  de  vrai 
touchant  la  nature  divine  ne  venait  pas  de 
lui,  qu'il  l'avait  emprunté  de  la  doctrine  de 
Moïse  répandue  eu  Egypte,  mais  qu'<7  l'a- 
vait mal  entendue,  ou  qu'il  n'avait  pas  osé 
s'expliquer  clairement  de  peur  d'éprouver 
le  même  sort  que  Socrate.  Il  ajoute  que  sou- 
vent Platon  se  contredit,  et  qu'il  n'est  con- 
stant dans  aucune  de  ses  opinions;  que  ce 
philosophe  na  pas  appelé  Dieu  créateur, 
mais  fâfjricaleur  des  Dieux,  n.  27.  11  fait 
sentir  la  différence  qu'il  y  a  entre  ces  deux 
choses.  Il  conclut  qu'il  faut  apprendre  la  vé- 
rité des  prophètes  et  non  des  philosophes. 
Dans  la  première  Apologie,  n.  5!)  et  CO,  il 
soutient  de  nouveau  que  Platon  a  pris  dans 
Moïse  ce  qu'il  a  dit  dans  le  Timée  touchant 
la  formation  du  monde  et  louchant  le  Verbe 
divin,  aussi  bien  que  ce  qu'il  a  dit  dans  sa 
seconde  lettre  à  Denis,  au  sujet  du  troisième 
ou  du  Saint-Esprit, ouqu'i/  ne  l'a  pas  compris, 
au  lieu  que,  parmi  les  chrétiens,  les  plu» 
ignorants  sont  capables  d'en  instruire  les  au- 
tres. Dans  son  Dialogue  avec  Tryphon,  n.  8, 
il  atteste  qu'après  avoir  beaucoup  étudié 
Platon,  il  n'a  point  trouvé  de  philosophie 
qui  soit  utile  et  sûre  que  celle  de  Jésus- 
Christ.  Que  saint  Justin  se  soit  trompé  ou 
non,  en  supposant  que  ce  philosophe  a  eu 
connaissance  de  la  doctrine  de  Moïse,  cela 
ne  fait  rien  à  la  question;  dés  qu'il  dit  cjne 
Platon  n'a  pas  compris  ou  a  mal  entendu  ce 
qu'il  empruntait,  il  résulle  toujours  que 
saint  Justin  n'a  pas  été  tenté  d'adopter  au- 
cune de  ses  notions.  —  Tatien,  dans  son 

29 


mi 


TRI 


Discours  aux  Grecs,  n.  5,- expose  la  géné- 
îalion  du  Verbe  qui  a  créé  toutes  choses; 
mais  il  fait  profession  d'avoir  appris  cette 
doctrine  dans  des  Ecritures  plus  anciennes 
que  toutes  les  sciences  des  Grecs,  et  trop  di- 
vines pour  élre  comparées  à  leurs  erreurs, 
n.  99.  —  Atliénagore,  dans  son  Apologie  des 
chrétiens,  n.  7,  dit  que  les  philosophes  n'ont 
rien  su  que  par  conjectures,  p;irre  que  ce 
n'est  pas  Dieu  qui  les  a  instruits,  au  lieu 
que  les  chrétiens  ont  reçu  leur  doctrine  des 
prophètes  inspirés  de  Dieu  ;  n.  10,  il  explique 
d'une  manière  très-orthodoxe  ce  que  noi!S 
croyons  touchant  la  Trinité'.  Quoiqu'il  cite 
quelques-unes  des  vérités  que  Platon  n'a 
fait  qu'entrevoir,  en  parli(ulier  ce  qu'il  a  dit 
dans  sa  seconde  lettre  à  Denis,  il  montre  le 
ridicule  de  ce  philosophe,  qui  voulait  que, 
louchant  les  génies  ou  les  dieux,  Ion  s'en 
rapportât  au  témoignage  des  anciens,  n.  23. 
—  Saint  Théophile  d'Antioche,  1.  ii,  ad  Au- 
tohjc,  n.  k,  blâme  Platon  et  les  platoniciens 
de  n'avoir  pas  admis  la  création  de  la  ma- 
tière; n.  9,  il  dit  que  les  prophètes  inspirés 
de  Dieu  sont  les  seuls  qui  aient  connu  la  vé- 
rité et  qui  aient  possédé  la  sagesse;  n.  10, 
que  ce  sont  eux  qui  nous  ont  fait  connaître 
Dieu  et  son  Verbe  qui  a  créé  le  monde  ; 
n.  15,  que  les  trois  jours  qui  ont  précédé  la 
création  des  astres  représentaient  la  Trinité, 
Dieu,  son  Verbe  et  sa  sagesse;  n.  33,  qu'au- 
cun des  prétendus  sages,  des  poètes  et  des 
historiens,  n'a  pu  rien  savoir  sur  l'origine 
des  choses,  parce  qu'ils  étaient  trop  moder- 
nes. —  Hermias,  dans  la  satire  qu'il  a  faite 
contre  les  philosophes,  n'épargne  pas  plus 
Platon  que  les  autres,  n.  5;  il  conclut,  n.  10, 
que  toute  la  philosophie  n'est  qu'un  chaos 
de  disputes,  d'erreurs  et  de  contradictions.  — 
Saint  Irénée,  adv.  Bœr.,  1.  ii,  c.  14,  n.  2 
et  3,  dit  que  les  gnostiques  ont  emprunté 
leurs  erreurs  de  tous  ceux  qui  ne  connais- 
sent pas  Dieu,  et  que  l'on  appelle  philoso- 
phes, en  particulier  de  Platon,  qui  admet 
trois  principes  des  choses  :  la  matière,  le  mo- 
dèle et  Dieu.  11  les  réfute  non-seulement  par 
des  raisonnements  philosophiques,  mais  par 
l'Ecriture  sainte.  Bullus,  dom  Le  Nourry, 
doni  Marand,  dans  sa  troisième  Dissertation 
sur  les  ouvrages  de  ce  Père,  ont  prouvé  que 
sa  doctrine  louchant  la  sainle  Trinité  est 
très -orthodoxe;  elle  ne  ressemble  en  rien 
aux  erreurs  de  Platon.  —  Si  on  pouvait  re- 
procher le  platonisme  à  quelques-uns  des 
anciens  Pères,  ce  serait  sans  doute  à  Clé- 
ment d'Alexandrie  et  à  Origène;  ils  avaient 
écouté  les  leçons  d'Ammoiiius,  chef  des  éclec- 
tiques, qui  préférait  la  doctrine  de  Platon  à 
celle  de  tous  les  autres  philosophes.  Sans 
vouloir  contester  ce  fait,  nous  disons  qu'il 
est  assez  étonnant  que  Clément  ne  nomme 
jamais  Ammonius  dans  ses  ouvrages  et  ne 
témoigne  aucune  estime  pour  un  maître  si 
célèbre.  H  ne  paraît  pas  non  plus  qu'il  ait 
adopté  la  haute  idée  que  les  élecliques  avaient 
du  mérite  de  Platon.  A  la  vérité  dans  son  Pé- 
dagogue, 1.11,0. 1,  il  dit  que  Platon,  cherchant 
la  vérité,  a  fait  briller  une  élimeUe  de  la  phi- 
losophie hébraïque,  et  Strom.,  1. 1,  c.  1,  il 


TRt  99Si 

l'appelle  philosophe  instruit  par  tes  Hébreux. 
Mais  1.  V,  c.  13,  p.  698,  il  dit  qu'il  faut  que 
tousapprenneut  la  vérité  de  Jésus-Christ  pour 
être  sauvés,  quand  même  ils  posséderaient 
toute  la  philosephie  des  Grecs.  Ghap.  14, 
p.  699,  il  se  propose  de  montrer  les  vérités 
que  les  Grecs  ont  dérobées  dans  la  philoso- 
phie des  barbares,  c'est-à-dire  des  Hébreux. 
Conséquemment  il  cite  les  divers  passages 
de  l'Ecriture  sainle  auxquels  il  croit  que  les 
philosophes  et  les  poètes  Grecs  ont  f;iit  al- 
lusion, sans  les  entendre.  Page  710,  il  dit 
que  Platon  dans  une  de  ses  lettres  a  parlé 
clairement  du  Père  et  du  Fils,  et  qu'il  a  tiré, 
on  ne  sait  comment,  ces  notions  des  Ecritu- 
res hébraïques.  Après  avoir  cité  ce  qu'a  dit 
Platon  dans  sa  Lettre  à  Denis,  du  premier 
principe,  du  second  et  du  troisième,  Clément 
ajoute  :  «  Pour  moi  j'entends  cela  de  la 
sainte  Trinité,  je  crois  que  le  second  est  le 
Fils  qui  a  fait  toutes  choses  par  la  volonté 
du  Père  ,  et  que  le  troisième  est  le  Saint-Es- 
prit. »  Il  finit  par  dire,  p.  730,  que  les  Grecs 
no  connaissent  ni  comment  Dieu  est  Sei- 
gneur, ni  comment  il  est  Père  et  créateur, 
ni  Véconomie  des  vérité!^,  à  moins  qu'ils  ne 
ks  aient  apprises  de  la  vérité  même. 

H  est  à  remarquer  1-  que  Clément  d'A- 
lexandrie n'attribue  pas  à  Platon  seul  des  con- 
naissances puisées  chez  les  Hébreux,  mais 
à  Pythagore,  à  Heraclite,  à  Zenon,  etc.,  et 
même  aux  poètes.  2°  H  ne  prétend  point  que 
tons  ces  Grecs  ont  lu  les  livres  des  Hébreux, 
mais  qu'ils  ont  reçu  de  ceux-ci  par  tradition 
plusieurs  vérités  sans  les  entendre.  3'  11  sou- 
tient que,  pour  en  avoir  une  exacte  connais- 
sance, il  faut  les  apprendre  de  Jésus- 
Christ  ou  de  ceux  qu'il  a  instruits.  4-°ll  ne 
fait  aucune  mention  des  platoniciens  d'A- 
lexandrie; il  les  avait  vus  naître,  il  lui  con- 
venait mieux  d'être  leur  maître  que  leur 
disciple.  On  voit  qu'il  avait  de  Platon  la 
même  opinion  que  saint  Justin,  mais  que 
ni  l'un  r.i  l'autre  n'ont  pu  élre  tentés  de  le 
prendre  pour  guide  dans  l'explication  des 
passages  de  l'Écriture  sainte  qu'il  avait  ouï 
citer  sans  les  entendre.  Cela  n'a  pas  empê- 
ché Mosheim  d'affirmer  que  ces  docteurs 
chrétiens  «  expliquaient  ce  que  disent  nos 
livres  saints  du  Père,  du  Fils  et  du  Saint-Es- 
prit, de  manière  que  cela  s'accordât  avec  les 
trois  natures  en  Dieu,  ou  avec  les  trois  hy- 
postasesde  Platon, de ParméniJect  d'autres,» 
llist.  christ.,  sœc.  ii ,  §  31.  Expression  per- 
fide, elle  donne  à  entendre  que,  pour  gagner 
les  philosophes,  les  Pères  travestissaient  la 
doctrine  des  livres  saints,  afin  de  la  faire  ca- 
drer avec  celle  des  philosophes  :  c'est  une 
calomnie.  1°  Comment  pouvaient-ils  en  être 
tentés  en  avouant  que  ces  derniers  avaient 
fait  allusion  à  des  paroles  de  l'Ecriture,  sans 
les  entendre  et  sans  connaître l' économiede  ces 
vérités  ?  2°  Il  est  faux  que  Platon  ni  Parmé- 
nide  aient  admis  en  Dieu  trois  natures,  trois 
hypostases  ou  trois  personnes  subsistantes; 
nous  l'avons  fait  voir.  3°  Encore  une  fois, 
il  n'était  pas  nécessaire,  pour  étonner  les 
païens,  de  leur  montrer  dans  Plnton  la 
même  doctrine,  le  même  sens,  le  niéiue  mys» 


909 


TW 


TIH 


910 


turc  que  dans  l'Ecrilure;  il  sufCsail  de  leur 
nicllrc  sous  les  jeux  des  expressiotis  à  peu 
près  semblables.  Ainsi  Moshcirn  suppose 
que  les  Pères  se  sont  rendus  coupables  d'une 
inlidéliié,  sans  besoin,  sans  justesse,  et  C'>n- 
Iro  la  réclamation  de  leur  conscience.  C'est 
pousser  trop  loin  la  licence  de  noircir  ces 
saints  personnages. 

Origène  témoigne  encore  moins  de  pen- 
chant pour  la  doctrine  do  l'iaton,  de  Princip., 
lih.  1,  c.  3.  «  Tous  ceux,  dit-il,  qui  admettent 
en  quelque  manière  une  providence,  avouent 
que  Dieu  est  sans  principe,  qu'il  a  créé  et 
arr.ingé  toutes  choses,  qu'il  en  est  l'auteur 
et  le  t*ère.  Mais  nous  ne  sommes  pas  les 
seuls  qui  lui  attribuent  un  Fils  :  quoique 
cela  paraisse  étonnant  et  incroyable  à  ceux 
qui  font  prol'ossioti  de  philosophie  chez  les 
Grecs  cl  chez  les  barbares,  cependant  quel- 
ques-uns semblent  en  avoir  eu  une  notion, 
lors(|u'ils  disent  que  tout  a  élé  créé  par  le 
A  erbc  ou  par  la  parole  do  Dieu.  Pour 
nous  qui  croyons  à  sa  doctrine,  et  qui  la 
tenons  pour  cerlaincinenl  lévélée  ,  nous 
sommes  persuadés  qu'il  est  impossible  d'ex- 
pliquer et  de  faire  connaître  aux  hommes  la 
nature  sublime  et  divine  du  Fils  de  Dieu, 
sans  avoir  la  connaissance  de  l'Ecriture 
sainte,  inspirée  parle  Saint-Esprit,  c'est-à- 
dire  de  l'Evangile,  de  la  loi  et  des  prophètes, 
comme  Jésus-Christ  lui-même  nous  en  as- 
sure. Quant  à  l'existence  du  Saiul-Espril,  per- 
sonne n'a  pu  en  avoir  seulement  un  soupçon, 
si  ccn'eslceuxquiontlu  la  loiel  les  prophètes, 
ou  qui  font  profession  de  croire  en  Jésus- 
Christ.  »  On  est  étonné  de  ces  dernières  pa- 
roles, quand  on  se  rappelle  que  Clément 
d'Alexap.ilrie  et  k-s  platoniciens  croyaient 
voir  une  Trinité  dans  la  lettre  de  Platon 
à  Denis;  cela  prouve  que  Origène  n'était 
pas  de  même  sentiment,  et  qu'il  n'accordait 
pas  à  Platon  des  connaissances  plus  subli- 
mes qu'aux  autres  pliilosophes  païens.  Il  en 
résulie  encore  qno  ce  Père  n'avait  pas  con- 
tracté dans  réole  d'Ammonius  l'entêtement 
des  nouveaux  platoniciens.  On  ne  voit  pas 
sur  quoi  fondé  le  savant  Huet  a  pu  dire  que 
le  platonisme  s'enracina  tellement  dans  l'es- 
prit d'Origènc,  qu'il  y  étouffa  les  fruits  de 
la  doctrine  chrétienne,  Oriy. ,  1. 1,  c.  1,  §  5. 
Ce  Père  atteste  lui-même  qu'avant  de  pren- 
drc  aucune  leçon  de  philosophie,  il  s'était 
livré  tout  entier  à  l'étude  des  livres  saintS' 
Up.,  t.  I,  p.  4. 

Tcrtullien,  qui  vivait  dans  ce  même  temps, 
n'avait  aucune  connaissance  de  ce  qu'ensei- 
gnait l'école  d'Alexandrie.  Il  soutient  que 
toutes  les  hérésies  sont  l'ouvrage  des  [>hHo- 
sophcs,  et  il  le  prouve  en  détail  ;  il  ne  veut 
point  d'un  christianisme  stoïcien,  platoni- 
cien ni  dialecticien,  de  Prœsc.  Uœr.,  c.  7  ; 
adv.  Marcioa.,  1.  i,  c.  12;  I.  v,  c.  19,  etc. 
Saint  Cyprien,  qui  regardait Tertullien  comme 
son  maître,  ne  pensait  eùrement  pas  anlrc- 
nicnl  q^ue  lui. 

Voila  co  ijn'ont  dit  les  Pères  des  trois  pre- 
miers siècles,  et  auiérteurs  an  concile  de  Ni- 
cée;  loin  d"_v  trouver  des  n!ar;ues  du  plalo- 
Uîsmc  décide  qu'on  leur  reproche,  nous  n'y 


voyons  que  des  preuves  du  contraire.  Dans 
ce  concile  même,  et  dans  les  temps  posté- 
rieurs, Arius  fut  accusé  d'avoir  puisé  son 
hérésie  dans  Platon,  quelques-uns  dirent  que 
Platon  avait  été  moins  impie  que  lui,  Sfist. 
iiitell.  de  Cuda-orth,  c.  V,  ^  36,  pag.  875,  note 
[h).  Que  cette  accusation  ait  été  vraie  oa 
fausse,  peu  nous  importe  ;  il  s'ensuit  ton- 
jours  que  les  Pères  de  Nicée  et  ceux  qui  les 
ont  suivis  étaient  bien  éloignés  de  chercher 
dans  Platon  les  notions  de  la  sainte  Trinité. 
Cudvvorth  les  a  donc  calomniés  lorsqu'il  a 
dit  que  leur  doctrine,  et  en  particulier  celle 
de  suint  Athanase,  était  plus  platonicienne 
que  relie  d'Arius,  ibid.,  p.  887;  nous  avons 
démontré  la  fausseté  de  ce  fait  par  le  texte 
même  de  Platon. 

Plus  nous  lisons  les  anciens,  plus  nous 
sommes  clonnés  delà  témérité  des  sociniens 
et  de  leurs  fauteurs  qui  osent  accuser  les 
Pères  d'avoir  forgé  le  mystère  de  la  sainte 
Trinité  sur  des  notions  i)latoniques.  L'ont 
ils  jamais  prouvé  autrement  que  par  l'Ecri- 
ture sainte?  Pour  faire  voir  que  les  païens 
et  surtout  les  philosophes,  avaient  tort  de 
rejeter  ce  dogme  comme  impossible  et  ab- 
surde, il  ont  montré  que  Platon  avait  dit 
quelque  chose  d'à  peu  près  semblable;  s'en- 
suit-ildelà  qu'ilsont  pris  pourmodèle  et  pour 
règle  les  notions  vagues,  obscures  et  inintel- 
ligibles de  ce  philosophe?  L'ont-ils  établi 
interprète  des  passages  de  l'Ecriture  sainte, 
pendant  qu'ils  lui  reprochent  de  ne  les  avoir 
pas  entendus,  lors  môme  qu'il  semble  y  faire 
allusion?  C'est  leur  supposer  un  degré  de 
démence  dont  ils  n'étaient  certainement 
pas  capables. 

Bcausobre.  prétend  qu'il  y  avait  déjà  des 
traces  de  la  Trinité  dans  la  théologie  orien- 
tale, et  que  Platon  en  avait  emprunté  les 
idées  que  l'on  en  trouve  dans  sa  philosophie. 
Pour  toute  preuve,  il  cite  ce  vers  des  ora- 
cles de  Zoroastre  .  Dans  tout  le  monde  brille 
la  trinité  dont  t' unité  est  le  principe,  iilais  il 
n'a  pas  pu  ignorer  que  les  prétendus  oracles 
de  Zoroastre  sont  un  ouvrage  forgé  par  les 
nouveaux  platoniciens,  cl  qui  ne  mérite 
aucune  attention.  D'ailleurs  il  est  évident 
que,  dans  ce  passage,  to  «î  signifie  le  nom- 
bre de  trois,  et  non  une  trinité  telle  que  l'oa 
s'obstine  à  la  trouver  dans  Platon. 

Il  est  fâcheux  qu'en  réfulanl  les  sociniens, 
les  protestants  aient  contribué  à  nourrir  leur 
prévention  en  avouant  très-mal  à  propos  que 
les  Pères  ont  emprunté  plusieurs  choses  de 
Platon  et  des  jdatoniciens,  saus  pouvoir  dire 
quelles  sont  ces  choses.  .Mosheim  qui  adonné 
dans  ce  travers,  dans  ses  \otes  sur  Cudworlli 
cl  ailleurs,  le  condamne  lui-même,  lorsqu'il 
estiiuestion  des  hérésies  eldes  hérétiques.  «Je 
Depuis  approuver,  dit-il,  la  conduite  de  ceux 
qui  recherchent  avec  trop  de  subtilité  l'ori- 
gine des  erreurs.  Dès  qu'ils  trouvent  la  moia- 
dre  ressemblance  entre  deux  opinions,  ils 
ne  manquent  pas  de  dire  :  Celle-ci  vient  de 
Platon,  cci'.e-!à  d'Aristote,  cette  autre  de 
Hobbes  ou  de  Descarics.  N'y  a-ls-il  donc  pas 
'assez  lie  ci.rri.i,/iion  et  de  déiiicnce  dans  l'es' 
prit  humain  pour  forger  des   erreurs,  en  rai 


on 


TRI 


TRI 


013 


sonnant  de  travers,  sans  avoir  besoin  de 
maître  ni  de  modèle  ?  »  Notes  sur  Cudmorth, 
Ibid.,  p.  876,  n.  [h).  Si  celle  ccrjsure  est  juste, 
combien  ne  sont  pas  plus  condamnables 
ceux  qui,  sur  la  plus  légère  ressemblance 
d'expression,  aecusonl  les  Pères  d'avoir  pris 
telle  cbosc  dans  Plalon  ou  chez  les  platoni- 
ciens, pendant  qu'ils  l'ont  évidemment  pui- 
sée dans  l'Ecriture  sainte  et  dans  la  tradition 
de  l'Eglise?  Voy.  Emanation,  Puilosophie, 
Platonisme,  §  3  et  4,  etc. 

Trinité,  fêle  qui  se  célèbre  dans  l'Eglise 
romaine  le  premier  dimanche  après  la  Pen- 
tecôte, en  l'honneur  du  mystère  de  la  sainte 
Trinité. 

A  proprement  parler,  tout  le  culte  des 
chrétiens  consiste  dans  l'adoration  d'un  seul 
Dieu  en  trois  personnes,  Père,  Fils,  et  Saint- 
Esprit  ;  non-seulement  toutes  les  fêles  des 
mystères  se  rapportent  à  cet  objet,  puisque 
toutes  les  œuvres  de  la  création,  de  la  ré- 
demption et  de  la  sanctificaîion  des  hommes 
sont  communes  aux  trois  Personnes  divines  ; 
mais  les  fêtes  mêmes  des  anges  et  des  saints 
ne  sont  instituées  que  pour,  honorer  en  eux 
les  dons  et  les  opérations  de  la  grâce  divine, 
et  pour  rendre  gloire  à  Dieu  de  leur  sain- 
teté et  de  leur  bonheur.  Celui  qui  sanctifie,  dit 
saint  Paul,  et  ceux  qui  sont  sanctifiés,  viennent 
tous  d'un  même  principe  [Ueb.,  ii,  11).  Il  a 
été  néanmoins  très-convenable  d'établir  une 
fête  ei  un  olDce  particulier  dans  lequel  on  a 
rassrmblô  tous  les  passages  de  l'Ecriture 
sainte  et  les  extraits  des  Pères  les  plus  pro- 
pres à  confirmer  la  foi  de  lEglise  touchant 
ce  mystère  et  à  mettre  les  ministres  de  la 
religion  en  état  d'instruire  solidement  les 
fidèles  sur  cet  article  essentiel  du  chriHia- 
nisme.  A  la  vérité,  cette  institution  est  mo- 
derne ,  mais  elle  n'en  est  pas  moins  respec-  ^ 
table.  Vers  l'an  920,  Etienne,  évoque  de  Lié-  '_ 
ge,  fit  dresser  un  office  de  la  Trinité  qui 
s'établit  peu  à  peu  dans  plusieurs  églises  ;  ] 
on  en  disait  la  messe  dans  les  jours  de  fériés 
pour  lesquels  il  n'y  avait  point  d'office  pro- 
pre; en  quelques  endroit  l'on  en  fil  une  fêle.  . 
Alexandre  11,  mort  l'an  1073,  ne  voulot  ; 
pas  l'approuver;  Alexandre  111,  sur  la  fin 
du  xu'  siècle,  déclara  encore  que  l'Eglise  ■ 
romaine  ne  la  reconnaissait  point.  Polhon, 
moine  de  Prura,  en  combattit  l'usage;  d'au-  ' 
très  le  dés.ipprouvèrent  encore  au  sur  siè- 
cle. Il  craignait  que  celte  tète  ne  fît  oublier 
l'observation  que  nous  venons  de  faire,  sa- 
voir, que  toutes  les  solennités  de  l'année 
sont  consacrées  à  l'honneur  et  au  culle  de 
la  sainte  Trinité.  Copendiint  le  concile  d'Ar- 
les, tenu  l'an  1260,  établit  celle-ci  pour  sa 
province.  On  croit  que  ce  fui  Jean  XXll  qui 
la  fit  adopter  dans  l'Eiçlise  de  Uonie  au  xiv° 
siècle,  et  qui  la  fixa  ^iu  premier  dimanche 
après  la  Pentecôte  ;  mais  cet  usage  ne  fut 
p.is  suivi  partout,  puisque  l'an  li.-5  le  car- 
dinal Pierre  d'Ailly  sollicita  encore  Benoît 
XIII  reconnu  pour  lors  en  France,  de  le  faire 
observer,  et  Gerson  dit  que  de  son  temps 
celle  institution  était  encore  toute  nou- 
velle. I 

Il  faut  remarquer  que,  pendant  le  x'  siè- 


cle et  les  suivants,  l'Europe  fui  infestée  par 
plusieurs  sectes  d'hérétiques  qui_  ensei- 
gnaient des  erreurs  touchant  le  mystère  de 
la  suinte  Trinité.  Les  manichéens  déguisés 
sous  différents  noms  ne  le  reconnaissaient 
pas,  ou  l'entendaient  très-mal;  Roscelin 
était  trithéisle;  Abailard  et  Gilbert  de  la 
Porrée  ne  furent  pas  (dus  orthodoxes;  la 
plupart  des  sectes  fanatiques  qui  s'élevèrent 
pendant  le  xiv»  siècle  n'avaient  rien  de  fixe 
dans  leurs  opinions.  11  n'est  donc  pas  éton- 
nant que,  dans  ces  temps  malheureux,  des 
évêques  et  d'autres  saints  personnages  aient 
compris  la  nécessité  de  confirmer  les  peu- 
ples dans  la  foi  à  la  sainte  Trinité;  et  comme 
ce  besoin  ne  se  fit  pas  également  sentir  par- 
tout, d'autres  crurent  qu'il  y  aurait  du 
danger  à  en  établir  la  fête;  mais  elle  n'a  ja- 
mais été  plus  nécessaire  que  depuis  la  nais- 
sance du  socinianisme.  Nous  avons  vu  ailleurs 
que  des  raisons  semblables  ont  donné  lieu  à 
l'institution  de  la  Fêle-Dieu.  Voy  Baillet, 
Hist.  des  fêtes  mobiles;  Thomassin,  Traité 
des  fêles,  I,  ii,  c.  18.  Les  Grecs  font  l'office 
de  la  sainte  Trinité  le  lundi,  lendemain  de 
la  fête  de  la  Pentecôte  ;  on  ignore  depuis 
quel  temps  ils  sont  dans  cel  usage. 

Trinité,  nom  d'une  confrérie  ou  sociélé 
pieuse,  établie  à  Rome  par  saint  Philippe  de 
Néri,  l'an  1548,  pour  avoir  soin  des  pèlerins 
qui  viennent  de  toutes  les  parties  du  monde 
visiter  les  tombeaux  de  saint  Pierre  et  de 
sainl  Paul.  Il  y  a  pour  ce  sujet  un  hospice 
ou  maison  dans  laquelle  on  reçoit  et  on  en- 
trelient pendant  trois  jours,  non-seulement 
les  pèlerins,  mais  encore  les  pauvres  conva- 
lescents qui,  étant  sortis  trop  tôt  de  l'hôpi- 
tal, pourraient  être  sujets  à  des  rechutes. 
Cet  établissement  se  fit  d'abord  dans  l'église 
de  8aint-Sauveur  in  campa;  il  ne  consistait 
que  dans  quinze  personnes,  qui  tous  les  pre- 
miers dimanches  du  mois  se  rassemblaient 
dans  cette  église  pour  pratiquer  les  exerci- 
ces de  piété  prescrits  par  sainl  Philippe  de 
Néri,  et  y  entendre  ses  exhortations.  En  1538, 
Paul  IV  donna  à  celte  pieuse  association 
l'église  de  Sainl-Benoîl,  et  les  confrères  lui 
donnèrent  le  nom  de  la  Sainte-Trinité.  De- 
puis ce  temps-là  on  a  bâti  à  côté  de  cette 
église  un  hôpital  très-vaste  pour  y  loger  les 
pèlerins  et  les  convalescents.  L'utilité  de  cet 
établissement  l'a  rendu  irès-considérablc  ; 
la  plupart  des  nobles  de  Uome  de  l'un  et  de 
l'autre  sexe  se  font  honneur  d'y  être  asso- 
ciés. Comme  il  fallait  un  nombre  d'ecclésias- 
tiques pour  desservir  cet  hospice,  pour  in- 
struire ceux  qui  y  séjournent,  et  pour  leur 
administrer  les  sacrements,  l'on  y  a  établi 
une  congrégation  de  douze  prêtres  qui  y  lo- 
gent et  qui  y  vivent  en  communauté,  comme 
dans  un  monastère. 

TRiNi'fÉ  CRÉÉE.  L'on  a  ainsi  nommé  la 
sainte  Famille,  composée  de  sainl  Joseph,  de 
la  sainte  \  ierge  et  de  rEnfanl  Jésus.  En 
1639,  dans  la  ville  de  la  Rochelle,  un  cer- 
tain nombre  de  filles  vertueuses  se  rassen)- 
blèrenl  dans  une  maison  pour  travailler  à 
l'éducation  des  filles  orphelines.  Bientôt 
après,  elles  eurent  envie  d'embrasser  la  vie 


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914 


réguliôre  et  de  faire  des  vœux.  On  dressa 
pour  elles  dos  rèffles  et  des  constiiiilions  qui 
fiireut  imprimées  à  Paris  eu  Ifitii-,  sous  le 
litre  do  Rcfjtes  des  filles  de  la  Trinité  créée, 
dites  religieuses  de  la  conf;réj;alion  de  Saint- 
Joseph.  On  ne  connaît  point  d'autre  maison 
de  cet  ordre  ;  mais  dans  plusieurs  villes  du 
royaume  il  y  a  des  congrégations  de  filles, 
établies  sous  un  autre  titre,  pour  vaquer  à 
celle  bonne  œuvre.   Voi/.  Ot.puelin. 

T1US.\C1\.\MENTA1KËS.  Parmi  les  pro- 
testants il  s'est  trouvé  quelques  sectaires  à 
qui  l'on  a  donné  ce  nom,  pnrce  qu'ils  ad- 
mettaient trois  sacrements,  le  baptême,  la 
cène  ou  l'eucharistie,  et  l'absolution,  au  lieu 
que  les  autres  ne  reconnaissent  que  les  deux 
premiers.  Quelques  auteurs  ont  cru  ((ue  les 
anglicans  regardaient  encore  l'ordination 
comme  un  sacrement  ;  d'autres  ont  pensé 
que  c'était  la  confirmation  ;  mais  ces  deux 
faits  sont  contredits  par  la  tonfession  de  foi 
anf/licane,  art.  25.  Voy.  Anglican. 

'i'IUSAl'ilON,  mol  grec,  composé  de  Tpiç, 
trois  fois,  et  de  iyK>;,  saint;  c'est  une  formule 
de  louange  adressée  à  Dieu,  Isaï.,  c.  vi, 
V.  3  :  Saint,  saint,  saint  est  te  Seigneur  Dieu 
des  armées  ;  toute  la  terre  est  remplie  de  sa 
gloire.  Elle  est  répétée  dans  VApoc,  c.  ir, 
V.  8,  où  nous  voyons  la  liturgie  chrétienne 
représentée  sous  l'image  de  la  gloire  éter- 
nelle. Aussi  l'Eglise  l'a  conservée  dans  le 
saint  sacrifice  de  la  messe,  et  l'a  placée 
après  la  préface,  immédiatement  avant  le 
canon  ;  l'on  ne  peut  pas  douter  qu'elle  ne 
vienne  des  apôtres.  Les  paroles  qui  suivent  : 
liéui  soit  celui  qui  vient  an  nom  du  Seigneur, 
salut  et  gloire  lui  viennent  du  ciel,  sont  ti- 
rées de  l'Evangile,  Mutlli.,  c.  xxi,  v.  !). 
Dans  les  Constitutions  apostoliques  elles  sont 
remplacées  par  celles-ci  :  Qu'il  soit  béni 
dans  tous  les  siècles.  Amen.  Saint  Jean  ("Ihry- 
sostomc  les  a  répétées  plus  d'une  fois  de 
celle  manière.  Saint  Cyrille  de  Jérusalem, 
après  avoir  cité  les  paroles  d'Isaïe,  ajoute, 
Catech.  mystag.,  5  :  «  Nous  répétons  cette 
théologie  sacrée  que  les  séraphins  chantent, 
cl  qui  nous  est  venue  par  tradition,  afin  (]uc 
par  celle  psalmodie  céleste  nous  communi- 
quions avec  la  sublime  milice  du  ciel.  » 
Saint  Ambroise  dit  qu'on  chante  le  trisagion 
en  Orient  et  en  Occident  pour  honorer  l'u- 
nité et  la  Irinilé  de  Dieu,  I.  iir,  de  Spir. 
sancto,  c.  12.  Dans  la  suite  on  se  servit 
d'une  autre  formule  conçue  en  ces  termes  : 
Saint  Dieu,  saint  puissant,  saint  immortel, 
ayez  pitié  de  nous.  L'Eglise  latine  no  la 
chante  qu'une  fois  l'année,  le  vendredi  saint, 
avant  l'adoration  de  la  croix,  et  on  la  ré- 
pète trois  fois  en  grec  et  en  latin  ;  mais  elle 
est  d'un  usage  journalier  dont  l'Eglise  grec- 
que. Saint  Jean  Damascèae,  Cedrenus,  ISal- 
samon,  le  pape  Félix  111,  Nicéphore  el  d'au- 
tres disent  qu'elle  fut  introduite  par  saint 
Proclus,  patriarche  de  Constantinople,  l'an 
iifj,  sous  le  règne  de  Théodose  le  Jeune,  à 
l'occasion  d'nn  horrible  tremblement  de 
lerre  q"i  arriva  pour  lors.  Ils  ajoutent  que 
le  peuple  ctiai-'U  ce  nouveau  Trisagioti  avec 
d'autant  plus  d'ardeur,  qu'il  attribuait  colle 


calamité  aux  blasphèmes  que  les  hérétiques 
de  cette  ville  vomissaient  contre  le  Fils  de 
Dieu,  el  (lu'inconlinent  après  ce  fleau  cessa. 
Le  concile  de  (]halcédoiiie,  tenu  l'an  451, 
l'adopta.  Saint  Jean  Damascène  dit  que  les 
orthodoxes  s'en  servaient  pour  exprimer 
leur  foi  louchant  la  sainte  Trinité  ;  que 
Dieu  saint  désignait  le  Père,  Dieu  fort  le 
Fils,  Dieu  immortel,  le  Saint-Esprit. 

Vers  l'an  481,  Pierre  Gnaphée  ou  le  Fou- 
lon, moine  usurpateur  du  siège  d'Antioehe, 
ennemi  déclaré  du  concile  de  Chalcédoine, 
el  protégé  par  l'empereur  Zenon,  ordonna 
d'ajouier  au  trisagion  ces  paroles  :  Qui  avez 
été  crucifié  pour  nous,  afin  d'insinuer  que 
toule  la  Trinité  avait  souffert  en  Je  us- 
Clirisl,  et  d'établir  ainsi  l'hérésie  des  théo- 
paschites  ou  patripussiens.  Voy.  ce  mot. 
C'était  une  conséquence  de  celle  d'Euty- 
chès,  qui  soutenait  qu'il  n'y  avait  en  Jésus- 
Christ  qu'une  seule  nature,  et  ()u'en  lui  l'hu- 
manité eiait  absorbée  par  la  divinité  :  erreur 
à  laquelle  Pierre  le  Foulon  était  opiniâtre- 
ment attaché.  Conséquemment  le  pape  Fé- 
lix III  el  les  orthodoses  rejetèrent  celte  addi- 
tion, el  pour  eu  corriger  le  sens,  les  uns 
opinèrent  à  dire  :  «  Dieu  saint.  Dieu  fort, 
Dieu  immortel,  Jésus-Christ  notre  Koi  qui 
avez  souffert  pour  nous,  ayez  pitié  de  nous  ;  » 
les  autres,  à  retenir  l'ancienne  formule,  en 
ajoutant  seulement  :  sainte  Trinité,  ayez 
pitié  de  nous.  Tous  x:es  changements  causè- 
rent des  troubles  dont  les  prolestants  n'ont 
pas  manqué  de  rejeter  tout  l'o. lieux  sur  les 
calboliques,  comme  si  ces  derniers  avaient 
été  obligés  d'abjurer  leur  croyance  pour  em- 
pêcher des  hérétiques  fougueux  d'exciter 
des  séditions.  Voy.  Mosheim,  Ilisl.  eccL, 
V  siècle,  ir  part.,  c.  5,  §  19. 

Enfin,  malgré  tous  les  efforts  de  Pierre  le 
Foulon  el  de  ses  adhérenls,  le  trisagion  de 
saint  Proclus  est  demeuré  sans  addition,  et 
il  est  encore  tel  dans  les  liturgies  latini-, 
grecque,  étiiiopienne,  cophte,  sgriai^ue,  moza- 
rabique,  etc.  Voij.  Bingham,  Oriq.  ecclés., 
l.  VI,  I.  XIV,  c.  2,  §  3  ;  Notes  du  P.  Ménnrd, 
sur  le  Sacram.  de  S.  Gréa.,  p.  10.  De  là  il  ré- 
sulte que  l'Eglise  a  toujours  voulu  que  ses 
prières  publiques  fussent  l'expression  de  sa 
foi. 

TRITHÉISME  est  l'hérésie  de  ceux  qui  ont 
enseigné  qu'il  y  a  non-seulement  irois  per- 
sonnes en  Dieu,  mais  aussi  trois  essences, 
trois  substances  diviues  ,  par  consé  |uent 
trois  dieux.  Dès  que  des  raisonuitirs  ont 
voulu  expliquer  le  mystère  de  la  sainte  Tri- 
nité, sans  consulter  la  tradition  et  l'ensei- 
gnement (le  l'Eglise,  lis  ont  presque  tou- 
jours donné  dans  l'un  ou  l'autre  Oes  deux 
excès  :  les  uns,  pour  ne  p.is  paraître  suppO' 
ser  trois  dieux,  sont  tombés  dans  le  sabellia- 
nisme;  ils  ont  soutenu  qu'il  n'y  a  en  Dieu 
qu'une  personne,  savoir,  le  Père  ;  que  les 
deux  autres  ne  sont  que  deux  dénomina- 
tions, ou  deux  différents  aspects  de  la  Divi- 
nité. Les  autres,  pour  éviter  celte  erreur, 
ciU  parlé  dt;à  trois  personnes,  comme  si  c'é- 
tûienl  trois  essences,  trois  substances  ou 
Iruis  natures  distinctes,  el  seul  aiusi  devenus 


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tritnnstes.  Ce  qu'il  y  a  de  singulier,  c'est  que 
cette  hérésie  a  pris  naissance  parmi  les  eu- 
(ychiens  ou  monophysites  qui  n'admettaient 
iju'une  seule  nature  en  Jésus- Christ.  On 
prétend  que  son  premier  auteur  fut  Jean 
Acusnage,  philosophe  syrien  ;  il  cul  pour 
principaux  sectateurs  Conon ,  évéque  de 
Tarse,  et  Jean  Philoponus ,  grammairien 
d'Alexandrie.  Comme  ces  deux  derniers  se 
divisèrent  sur  d'autres  points  de  doctrine, 
on  distingua  les  irithéistes  cononites  d'avec 
\estrithéistes  philoponistes.  D'autre  part, 
Damien  ,  évéque  d'Alexandrie  ,  distingua 
l'essence  divine  des  trois  personnes  ;  il  nia 
que  chacune  d'elles,  considérée  en  particu- 
lier et  abstractivemcnt  drs  deux  autres,  fût 
Dieu.  Il  avouait  néanmoins  qu'il  y  av;iit  en- 
tre elles  une  nature  divine  ou  une  divinité 
commune,  par  la  participation  de  laquelle 
chaque  Personne  était  Dieu.  On  ne  conçoit 
vien  à  ce  verbiage,  sinon  que  Damien  con- 
cevait la  Divinité  comme  un  tout,  dont  cha- 
que personne  n'était  qu'une  partie.  Il  eut 
néanmoins  des  sectateurs  que  l'on  nomma 
damianisles. 

Les  ariens  qui  niaient  la  divinité  du  Verbe, 
et  les  macédoniens  qui  ne  reconnaissaient 
point  celle  du  Saint-Kspril,  n'ont  pas  man- 
qué d'accuser  de  trillicisme  les  catholiques 
qui  soutenaient  l'une  et  l'autre.  Aujour- 
d'hui les  unitaires  ou  sociniens  nous  font 
encore  le  même  rcprociie  très-mal  à  propo=!, 
puisque  nous  soutenons  l'identité  numéri- 
qae  de  nature  ou  d'essence  dans  les  trois 
personnes  divines. 

Dans  une  dispute  qu'il  y  a  eu  en  Angle- 
terre sur  ce  sujet  entre  le  docteur  Sherlock 
et  le  docteur  Souih,  on  prétend  que  celui- 
ci  est  tombé  dans  le  sabellianisme  en  soute- 
nant trop  rigoureusement  l'unité  de  la  na- 
ture divine,  et  que  le  premier  a  donné  dans 
le  trilhéisme  en  expliquant  la  tiinité  des 
personnes  d'une  manière  trop  absolue.  Le 
seul  moyen  de  garder  un  juste  milieu  et 
d'éviter  toute  erreur,  en  pariant  de  ce  mys- 
tère incompréhensible ,  est  de  s'en  tenir 
scrupuleusement  au  langage  et  aux  expres- 
sions approuvées  par  l'Eglise.  Fo?/.  Trinité. 
TROIS  CHAPITUKS.  Yoy.  Nestoriamsme. 
TROMPKTTES  (fêtes  des),  solennité  des 
Hébreux  qui  se  célébrait  le  premier  jour  de 
la  lune  du  mois  tisri  ou  de  septembre,  jour 
auquel  ils  commençaient  leur  année  civile, 
au  lieu  que  leur  année  religieuse  commen- 
çait à  la  nouvelle  lune  de  nisan  ou  de  mars. 
Il  est  à  remarquer  que  c'était  dans  l'inter- 
valle qui  s'écoulait  depuis  l'c.iuinoxe  du 
printemps  jusqu'à  celui  de  l'automne,  que 
les  Hébreux  célébraient  presque  toutes 
leurs  fêtes  :  preuve  assez  sensible  qu'elles 
avaient  rapport  aux  travaux  deTagriculture, 
aussi  bien  qu'aux  événements  particuliers 
qui  y  avaient  donné  lieu.  Voy.  Fêtes  juives 
Celle  des  trompettes  leur  était  ordonnée, 
Lcvil.,  c.  sxiii,  V.  24,  et  Num.,  c.  xxix, 
V.  1.  Le  premier  jour  du  sepliime  mois,  leur 
dit  Moïse,  sera  pour  tous  un  jour  saint  et  vé- 
nérable; vous  vous  ahsliendrcz  de  toute  œuvre 
servile,  et  il  sera  marqué  par  le  son  des  trom- 


pettes. Outre  les  sacrifices  que  l'on  offrait 
à  chaque  néoménie  ou  nouvelle  lune,  il  y  en 
avait  d'autres  prescrits  spécialement  pour 
ce  jour-là.  Le  dixième  de  ce  même  mois 
était  destiné  à  la  fête  des  Expiations,  et  le 
quinzième  à  la  fête  des  Tabernacles,  ibid. 
Alors  on  avait  fini  la  récolte  de  tous  les 
fruits  de  la  terre  ;  c'était  donc  le  moment 
auquel  commençaient  les  six  mois  de  repos 
pendant  lesquels  on  pouvait  s'occuper  plus 
librement  des  affaires  civiles.  Faute  d'avoir 
fait  cette  remarque,  les  critiques  ont  cher- 
ché vainement  les  raisons  de  celte  solen- 
nité, et  les  événements  de  l'histoire  juive, 
auxquels  elle  pouvait  faire  allusion  ;  ils  n'en 
ont  point  trouvé  dans  l'Kcrilure  sainte,  et 
leurs  conjectures  n'aboutissent  à  rien.  Dans 
tous  les  mois  de  l'année,  la  néoménie  était 
annoncée  par  le  son  des  trompettes  ;  mais  à 
celle  de  septembre  ce  signal  était  plus  so- 
lennel, par  la  raison   que  nous  avons  dite. 

Voy.  ^ÎÉOMÉNIE. 

Il  serait  inutile  de  disserter  sur  les  diffé- 
rentes espèces  de  trompettes  dont  les  Hé- 
breux se  servaient  dans  les  différentes  occa- 
sions ;  les  critiques  qui  se  sont  livrés  à  celte 
recherche  ne  nous  ont  pas  beaucoup  salis- 
faits.  Peul-étre  auraient-ils  mieux  réussi, 
s'ils  avaient  connu  les  différentes  espèces  do 
cors  dont  se  servent  les  bergers,  dans  les  di- 
vers pays  du  monde,  pour  appeler  et  ras- 
sembler leurs  troupeaux.  C'est  dans  la  vie 
pastorale  qu'il  faut  chercher  l'origine  des 
usages  des  anciens  Orientaux.  Nous  ne  nous 
arrêterons  pas  non  plus  à  détailler  les  rites 
que  les  juifs  modernes  ont  ajoutés  ou  sub- 
stitués à  ceux  de  leurs  aïeux,  ni  les  imagina- 
tions qu'ils  ont  mêlées  aux  récils  dos  livres 
saints.  Ces  nouveaux  usages,  uniquement 
fondés  sur  les  prétendues  traditions  du  Tal- 
mud  et  des  rabbins,  ne  peuvent  contribuer 
en  rien  à  l'intelligence  de  l'Ecriture  sainte. 

11  nous  paraît  plus  nécessaire  d'examiner 
le  sentiment  de  Spencer,  qui  prétend  que  le 
son  des  trompettes  aux  néoménies,  particu- 
lièrement à  celle  de  septembre,  pour  annon- 
cer le  commencement  de  l'année  civile,  est 
un  rit  emprunté  des  païens,  et  qu'il  était  en 
usage  chez  toutes  les  nations  idolâtres  dont 
les  Hébreux  étaient  environnés  ;  que  touto 
la  diflérence  qu'il  y  a  consiste  en  ce  que  les 
premiers  célébraient  ces  létes  à  l'honneur 
des  fausses  divinités,  au  lieu  que  Moïse  les 
consacra  au  culte  du  vrai  Dieu.  Déjà  nous 
avons  réfuté  ce  système  à  l'article  Loi  cébé- 
jioMELLE,  §  2;  mais  il  est  bon  d'y  insister 
encore.  1°  itien  n'est  plus  faux  qne  ce  rai- 
sonnement :  tel  rit  a  été  en  usage  chez  les 
païens  plus  anciens  que  les  Israélites,  donc 
ceux-ci  l'ont  emprunté  d'eux  et  l'ont  prati- 
qué par  imitation.  Nous  avons  fait  voir  que 
la  plupart  des  usages,  soit  civils  soit  reli- 
gieux, pervertis  par  les  païens,  ont  été  pra- 
tiqués par  les  patriarches  longtemps  avant 
la  naissance  du  paganisme  ;  donc  il  est  plus 
naturel  que  Moïse  et  les  Hébreux  les  aient 
reçus  des  patriarches  leurs  aïeux,  que  des 
étrangers  qu'ils  regardaient  iiliiiôt  comme 
des  ennemis  que  _coujmc  des  Irèrcs.    D'ail- 


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TRO 


TRO 


•018 


leurs  ces  mêmes  usages   se  sont  retrouvés 
auK  deux  cxlrémités   du    uioiule  chez  des 
sauvages  isolés  et  privés  de  tout  coinaitTCC 
avec  les  autres  nations  ;  donc  ils  ne  leur  sont 
p.is  venus  par  emprunt,   mais  par  un   ins- 
tinct naturel.  Or,  rieu  n'ciait  plus  naturel 
aux  OrienlauK  encore   uo:iiadcs,  qui  pas- 
saient les  nuits  à  la  garde  de  leurs  trou- 
peaux, que  de  voir  avec  satisfaction  le  rc- 
nouvellenieiit  de  la  lune  dont   la   lumière 
leur  était  si  nécessaire,  d'annoncer  ce  phé- 
nomène par  des   démonstrations  de  joie  et 
par  le  son   de  leurs  instruments   rustiques. 
Jusque-là  cette   fctc   n'avait  rien  de  blâma- 
ble,  elle   était  conforme    à    l'intenlion    du 
Créateur,  Gcn.,  c.  i,  v.  i'^.  Kilo  n'est  deve- 
nue superstitieuse  que    quand    ces    mêmes 
peuples  ont  commencé  à  prendre  les  astres 
pour  leurs  dieux.  Mais  les  patriarches  n'ado- 
raient point  les  astres.  Job,  c.  xxxi,  v.  26, 
et  Moïse  avait  sévèrement  dérendu  ce  culte 
aux  Juifs,  Deut.,  c.  iv,  v.  19;  c.  xvii,  y,  3. 
Il  n'aurait  certainement    pas  conservé  les 
néoménies,  s'il  les   avait  regardées  comme 
des  fêtes  païennes  dans  l'origine,  et  comme 
des  pratiques  d'idolâtrie.  2"    L'on  raisonne 
encore  plus  mal  en  disant  :  Moï'^e  a  pris  les 
plus  grandes  précautions  pour  que  les  néo- 
ménies des  Hébreux  ne  fussent  consacrées 
qu'an  vrai  Dieu,  et  pour  en  bannir  toute 
pratique  d'idolâtrie  et  de  superstition  ;  donc 
il  a  imité  au  fond   les   fêtes   des  païens,  il 
n'en  a  retranché  que  les   abus.  Pour  que 
celte  conséquence  fût  juste,  il  faudrait  prou- 
ver solidement  qui;   les   païens  ont  célébré 
les  néoménies  avant  les  adorateurs  du  vrai 
Dieu  :  voilà  ce  que  Spencer  n'a  pas  fait  et 
ce  qu'il   lui  élail  impossible  de  faire.  U  n'a 
pas  prouvé  non  plus  que  du  temps  de  Moï-e 
les  nations  idolâtres  annonçaient  l 'S  néomé- 
nies par  le   son    des   Irompeltes  ;  il  n'a  pu 
citer  que  des  auteurs  profanes   postérieurs 
de   mille    ans  au  moins  à  ce  législateur  : 
étaient-ils  en  état  de   nous   apprendre    ce 
qui  s'est  passé,  pendant  col  intervalle,  chez 
les  nations  dont  ils  parlaient  ?  3"  Nous  avons 
des  témoignages  positifs  plus  anciens  pour 
faire  voir  que  les  Israélites  ont  observé  les 
néoménies  et  les  ont  annoncées  par  le  son 
des  trompettes,  longtemps  avant  Moïse.  Da- 
vid, qui  a  précédé  de  plus  de  cinq  cents  ans 
tous  les  historirns  profanes,  dit  aux  Juils, 
Psal.  Lxxx,  v.  U-  :  Sonnez  de  la  trompette  à 
la  néoménie,  à  ae  (/rand  jour  de  solennité  : 
c'est  un  précepte  pour  Ifrail  et  une  ordon- 
nnnceda  Dieu  de  Jacob.  Il  l'n  imposée  i)  sa 
postérité,  lorsqa  elle  entra  en  Egypte,  où  elle 
entendit  une    lanf/ue  (■u'clle  ne  connaissait 
pas:  où  son  dos  fut  courbé  sous  le  poids  des 
fardeaux,  où  ses  bras  furent  faliç/ués  par  le 
traiail.  Nous  s  ivons  que  la  Vulgiito  porte  : 
lorsqil'ellc  est  sortie  de  l'Egypte  ;  mais  nous 
traduisons   coiiformémenl  au  texte  hébreu, 
et  la  suite  du  passage  exige  évidemment  ce 
sens.  Il  en  résulte   que  Jacob  et   sa  posté- 
rité ont  observé  les  néoménies  deux  cents 
ans  avant  que  la  loi  en  fût  portée  ou  renou- 
velée  par   Moïse.   1^°  Spencer   soutient  que 
les  Israélites,  accablés  de  travaux  eu  Egypte, 


n'ont  pas  pu  y  conserver  les  mceurs  et  les 
usages  de  leurs  aïeux,  et  qu'ils  ont  eu  louî 
le  temps  de  les  oublier.  U  se  trompe.  L'E- 
criture atteste  qu'ils  ont  conservé  en  Egypte 
la  vie  pastorale,  que  c'est  pour  cela  qu'ils 
habitaient  dans  le  canton  de  Gessen,  pays 
de  pâturages,  et  qu'ils  en  sortirent  avec  di> 
nombreux  troupeaux,  Exod.,  c.  xii,  v.  38. 
Ce  peuple,  composé  de  six  cent  mille  hom- 
mes faits,  ne  pouvait  être  employé  tout  en- 
tier et  en  même  temps  aux  travaux  publics, 
mais  par  bandes  qui  se  succédaient.   11  est 
donc  certain  qu'il  conserva  dans  la  terre  de 
Gessen  les  usages,   les  mœurs,  le  langage 
de  ses  aïeux.  D'ailleurs  il   n'y    a   aucune 
preuve  que  chez  les  Egyptiens  les  néomé- 
nies fussent  annoncées  par  le  son  des  trom- 
pettes. 5°  Ce  même  critique  a  encore  tort  do 
dire  que   chez  les  Hébreux   rassemblés  en 
corps  de  nation,  il  aurait  été  plus  convena- 
ble d'annoncer  par  des  affiches  le  commen- 
cement de  l'année  civile,  que  par  le  son  des 
trompettes  ;  qu'il  faut  donc  que  cela  se  soit 
fait  à  l'imitation  des  autres  peuples.  Fausse 
remarque  et  fausse  conséquence.   Après  la 
sortie  d'Egypte,  les  Israélites  demeurèrent 
dans   le  désert  pendant  quarante  ans  ;  ils 
contiuuèient  à  y  mener  la   vie   pastorale, 
quoiqu'ils  campassent  les  uns  près  des  au- 
tres. Ils  y  conservèrent  tout  leur  bétail  ;  le 
Psalmisie    nous    apprend    que  la  quantité 
n'en  diminua  point.  Ps.  cvi,  v.  38.  Au  sortir 
du  désert,  les  tribus   do   iluben  et  de    GaJ, 
riches    en   troupeaux,   diiuiandèrcnt  de  de- 
meurer à  l'orient  du  Jourdain,  pays  do  pâ- 
turages, Num.,  c.  XXXII,  V.  1  ;  et,  selon  les 
relations  des  voyageurs,  il  est  encore  tel  au- 
jourd'hui.  En  second   lieu,  les  peuples   (im 
passent  à  l'état   de  civilisation  ne  quittent 
pas  pour  cela  leurs  anciens  usages,  à  moins 
qu'ils  n'y  soient  obli;;és  par  de  grandes  rai- 
son<,  et   ils   tiennent   encore  plus   fort  aux 
pratiques   de   religion    qu'aux   autres.    U  y 
avait  longtemps  que  les  Romains  étaient  po- 
licés, lorqu'ils  allaient   encore  en   cérémo- 
nie planter  un  clou  au  capitole  au  commen- 
cement de  l'année  :  ce  vieil  usage,  qu'ils  te- 
naient de  leurs  aïeux,  était  beaucoup   plus 
ridicule  que  calui  d'annoncer  le  commence- 
ment de   l'année  par  le  son  des  irompeltes. 
Il  ne  serait  pas  difficile  de  montrer  que  nous 
conservons  encore  des  restes  des  mœurs  qui 
furent  apportées   dans  nos    climats  par  les 
Francs,  il  y  a  plus  de  treize  cents  ans.  En 
troisième  lieu.  Moïse  voulait  que  les  Israé- 
lites fussent  instruits  de  ce  qu'ils  devaient 
faire,  non  par  des  aflichcs,  mais  par  les  le- 
çons des  prêtres  et  par  la  lecture  de  ses  lois  : 
méthode  beaucoup   plus  sûre  et  plus  con- 
venable que  toute  autre. 

Pour  prendre  le  véritable  esprit  des  lois 
et  des  coutumes  des  Hébreux,  il  ne  sert  à 
rien  de  les  comparer  à  celles  des  Grecs,  des 
Romains  et  des  autres  nations  qui  ont  Dguré 
dans  le  monde  mille  ou  douze  cents  ans  après 
Moïse  ;  il  faut  remonter  plus  haut ,  et  con- 
naître les  mœurs  ,  les  usages,  les  habitudes 
des  peuples  nomades,  surtout  des  Orien- 
taux ;   et  le  meilleur  guide  que  l'on  puisse 


919 


TUR 


TUR 


920 


suivre  dans  cette  recherche  ,  ce  sont  les  li- 
vres mêmes  de  ce  législateur.  Mais  la  plu- 
part de  nos  critiques  n'ont  pas  pris  cette 
peine  ;  ils  se  sont  conlentés  d'étaler  beau- 
coup d'érudition  profane  ,  de  citer  Hérodote, 
Diodore  de  Sicile,  Manélhon,  etc.,  même  des 
rabbins ,  sans  faire  attention  que  tous  ces 
écrivains  étaient  trop  modernes  pour  être 
instruits  de  ce  qui  s'est  fait  dans  les  pre- 
miers âges  du  monde.  G  est  principalement 
par  ce  défaut  que  Spencer  a  péclié  dans  tout 
son  ouvrage.  Voy.  Histoire  sainte. 

TUONK.  Voy.  Throne. 

TROPIQUES.  Saint  Athanase ,  dans  sa 
Lettre  à  Serapion,  nomme  ainsi  les  héréti- 
ques macédoniens,  parce  qu'ils  expliquaient 
par  des  tropes ,  ou  dans  un  sens  fig;uré,  les 
passages  de  l'Écriture  sainte  qui  parlent  du 
Saint-Esprit ,  afin  de  prouver  que  ce  n'était 
pas  une  personne  ,  mais  une  opération  di- 
vine. Les  sociniens  font  encore  de  même,  et 
répètent  les  interprétations  forcées  de  ces 
anciens  sectaires.  Quelques  conlroversistes 
catholiques  ont  aussi  donné  le  nom  de  tro- 
piques ou  de  tropistes  aux  sacramentaires 
qui  expliquent  les  paroles  de  l'institution  do 
l'eucharistie  dans  un  sens  figuré.  On  sait  que 
le  mot  grec  rponn  signifie  tournure, changement. 

TliOPlTES ,  hérétiques  dont  parle  saint 
Philastre,  Hœr.  70,  qui  soutenaient  que  par 
l'incarnation  le  Verbe  divin  avait  été  changé 
en  chair  ou  en  honmie,  et  avait  cessé  d'être 
une  personne  divine.  C'est  ainsi  qu'ils  en- 
tendaient les  paroles  de  saint  Jean  :  le  Verbe 
a  été  fait  chair.  Ils  ne  fiiisaient  pas  attention, 
dit  saint  Philaslre  ,  que  le  Verhe  divin  est 
immuable,  puisqu'il  estDieu  et  Fils  de  Dieu; 
il  ne  peut  donc  pas  cesser  d'être  ce  qu'il  est- 
Lui-même  a  formé  par  sa  puissance  la  chair 
ou  l'humanité  dont  il  s'est  revêtu,  afin  de  se 
rei\die  visible  aux  hommes,  de  les  instruire, 
et  d'opérer  leur  salut.  Tertullien  avait  déjà 
réparé  celte  erreur,  Lib.  de  Curn.  Christi, 
cap.  10  et  seq.  Klle  fut  renouvelée  par  quel- 
ques eulychiens  au  v'  siècle. 

THULLUM,  Nous  avons  parlé  du  concile 
in  Trullu  au  mot  Constantinople. 

*  TRUSTÉES.  L'Etal  élant  étranger  aux  dépenses 
du  culte  aux  Etats-Unis  d'Amérique,  il  a  !allu  créer 
pour  chaque  é{;lise  des  administrateurs  cliarjîés  de 
pourvoir  à  ces  dépenses  et  aux  besoins  des  ministres 
des  cultes.  Ces  adiiiinistr.iteurs,  espèce  de  fabriciens 
ou  margiiilliers,  se  nomment  trustées.  Henferrnés 
d'aliurd  dans  les  limites  de  ce  (pii  est  purement  tem- 
porel, ils  ont  ensuite  voulu  élever  leurs  piéientioris 
beaucoup  plus  haut;  ils  ont  voulu  nommer  les  curés. 
Les  évê(pies  ont  soutenu  avec  fermeté  i'nn  des  droits 
inaliénahles  de  leur  autorité.  Voy.  Institutions  ca- 
«OiMiiuiis,  Juridiction. 

TUNIQUE.  Voy.  Habits  sacrés. 

TURLUPINS.  Sectes  d'hérétiques  ou  plutôt 
de  libertins  qui  se  répandirent  en  France, 
en  Allemagne  et  dans  les  Pay-Bas,  pendant 
le  xm'  el  le  xiv"  siècle.  Ils  faisaient  profes- 
sion publique  d'impudence  ;  ils  soutenaient 
que  l'ou  ne  doit  avoir  honte  de  rien  de  ce 
qui  est  naturel ,  puisque  c'est  l'ouvrage  de 
IJieu  ;  couse. iueiument  ils  allaient  nus  par 
les  rues,  et  plusieurs  commirent  publique- 


ment les  mêmes  impadicités  que  Von  a  re- 
prochées aux  anciens  cyniques.  Sous  le  voile 
d'une  fausse  spiritualité,  ils  séduisirent  une 
infinité  de  personnes  de  l'un  et  de  l'autre 
sexe,  ils  bravèrent  les  censures  et  les  con- 
damnations portées  contre  eux  par  plusieurs 
conciles,  ils  osèrent  dogmatiser  à  Paris. 
L'an  1373,  sous  le  règne  de  Charles  V,  plu- 
sieurs furent  brûlés  dans  celte  ville  avec 
leurs  livres,  entre  autres  un  certain  Jean 
d'Abantonne  qui  était  leur  chef.  Déjà  l'an 
1310,  Marguerite  Porelta,  qui  se  distinguait 
parmi  eux  ,  y  avait  subi  le  même  supplice 
avec  un  de  ses  confrères.  Elle  avait  fait  un 
livre  dans  lequel  elle  s'efforçait  de  prouver 
que  l'âme,  lorsqu'elle  est  absorbée  dans  l'a- 
mour de  Dieu,  n'est  plus  soumise  à  aucune 
loi,  et  qu'elle  peut,  sans  se  rendre  coupable 
d'aucun  crime  ,  satisfaire  tous  les  appétits 
naturels  ;  tous  regardaient  la  pudeur  el  la 
modestie  comme  des  marques  de  corruption 
intérieure,  comme  le  caractère  d'une  âme 
assujettie  à  la  domination  de  l'esprit  sensuel 
et  animal,  etc. 

Mosheim ,  dans  son  Hist.  ecclésiast. , 
xin'  siècle ,  11*  part.,  c.  v,  §9  et  suiv.  ; 
xiv  siècle,  II'  part.,  c.  v,  §  3  et  suiv.,  a 
prouvé  que  ces  sectaires  fanatiques  et  odieux 
étaient  les  mêmes  que  les  beygards  dont  nous 
avons  parlé  sous  leur  nom  ;  la  doctrine  des 
uns  et  des  autres  était  la  même  ,  il  le  fait 
voir  par  des  extraits  tirés  de  leurs  livres;  il 
convient,  xiit*  siècle,  ibid..  §  11,  note  (y), 
que  les  accusations  formées  contre  ces  héré- 
tiques par  les  inquisiteurs  ne  sont  point  fa- 
buleuses ;  il  ajoute  qu'à  la  vérité  plusieurs 
ne  suivaient  i)oint  dans  la  pratique  les  con- 
séquences odieuses  de  leurs  principes,  mais 
qu'un  assez  grand  nombre,  après  avoir  com- 
mencé par  la  séduction  d'une  fausse  spiri- 
tualité, finissaient  par  le  libertinage.  Après 
tous  ces  aveux,  nous  ne  concevons  pas  com- 
ment cet  historien  a  pu  déclamer  avec  tant 
d'aigreur  contre  la  cruauté  et  la  barbarie 
avec  laquelle  il  prétend  que  ces  sectaires  ont 
été  traités,  contre  les  poursuites  des  papes, 
les  sentences  des  inquisiteurs,  etc.  Fallait-il 
donc  laisser  propager  une  hérésie  aussi  per- 
nicieuse à  la  religion  el  aux  mœurs  ?  11  est 
constant,  par  les  monuments  mêmes  que 
Mosheim  a  cités,  qu'aucun  de  ces  fanatiques 
n'a  été  supplicié  pour  sa  doctrine  prccisémenl, 
mais  que  tous  l'ont  été  pour  leur  conduite 
infâme  et  scandaleuse.  D'autres  protesl'ints 
ont  encore  poussé  plus  loin  la  haine  contre 
l'Eglise  romaine,  lorsqu'ils  ont  soutenu  que 
tous  les  héréliques,  qui  dans  le  moyen  âgese 
sont  révoltés  contre  elle,  n'étaient  répré- 
hensibles  ni  dans  leur  doctrine  ni  dans  leurs 
mœurs  ,  qu'on  les  a  calomniés  pour  les  ren- 
dre odieux  au  public,  qu'ils  n'ont  été  coupa- 
bles d'aucun  autre  crime  que  d'avoir  secoué 
le  joug  des  lois  tyranniques  el  des  supersti- 
tions de  cette  Eglise.  Mosheim  lui-même  n'a 
pas  pu  approuver  leur  entêtement.  Jbid. 

Aucun  des  auteurs  qui  ont  parlé  des  tur~ 
lupins  n'a  pu  trouver  une  élymologie  satis- 
faisante de  ce  nom  qu'on  leur  donnait  eu 
France;  ils  étaient  nommés  ailleurs  begyards. 


92! 


TYP 


TYP 


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piccards ,  béguins ,  frères  et  sœurs  de  l'esprit 
libre,  pauvres  frères  adamites,  elc.  Voy.  Du 
Ciingp,  au  mot  Tubldpini. 

TYPASE,  ville  d'Afrique,  devenue  célèbre 
dans  l'Iiistoiie  ecclésiastique  par  un  miracle 
qui  y  arriva  l'an  i8i.  Huuéric,  roi  des  Van- 
dales, arien  décidé,  lyran  très-cruel,  et  qui 
^tait  pour  lors  maitre  des  c6tes  d'Afrique, 
exerça  une  persécution  sani^lante  contre  les 
catholiques  qui  refusèrent  d'abjurer  leur  foi  ; 
il  poussa  la  barbarie  jusqu'à  faire  couper  la 
langue  à  plusieurs,  parce  qu'ils  persévé- 
raient à  confesser  la  divinité  de  Jésus-Clirist. 
Six  auteurs  contemjiorains  rapportent  que 
ces  confesseurs,  quoique  ainsi  mutilés,  con- 
tinuèrent de  parlrr  au>-si  distinctement  et 
aussi  librement  qu'auparavant,  qu'ils  se  re- 
tirèrent à  Constantinople,  où  l'empereur  Ze- 
non et  toute  sa  cour  furent  témoins  de  ce  pro- 
dige. Il  est  attesté  par  Mctor,  évèque  de  Vite, 
dans  son  Hist.  de  lapersérulion  des  Vandales, 
1.  v  ;  par  l'empereur  Justiiiien ,  troisième  suc- 
cesseur de  Zenon,  dans  le  code  de  ses  lois, 
I.  I ,  lit.  27;  par  Enée  de  Gaze,  dans  son  dia- 
lo{;ue  intitulé  Théophrasle  ;  par  Procope , 
dans  Vllist.  de  la  guerre  des  Vandnles ,  1.  i , 
c.  viii  ;  par  le  comte  Marcellin,  et  jiar  Victor, 
cvéque  de  Tunone,  dans  leurs  chroniques. 
De  ces  six  auteurs,  quatre  se  donnent  pour 
témoins  oculaires  et  déposent  de  ce  qu'ils 
ont  vu.  Leurs  témoignages  sont  rapportés 
dans  une  dissertation  publiée  sur  ce  sujet  à 
Paris,  en  176G. 

Malgré  la  répugnance  qu'ont  les  protes- 
tants à  croire  les  miracles  opérés  dans  l'E- 
glise calhiilique,  Abadie,  Dodwel,  le  traduc- 
teur de  Mosheini,  et  deux  autres  Anglais 
qu'il  cite,  reconnaissent  que  celui-ci  est  in- 
contestable. 11  a  cependant  été  attaqué  par 
quelques  incrédules  d'Angleterre.  Les  uns 
ont  révoqué  en  doute  l'authenticité  des  té- 
moignages de  ceux  qui  le  rapportent  ;  ils  ont 
dit  que,  suivant  toute  apparence,  on  n'arra- 
cha pas  entièrement  la  langue  aux  préten- 
dus miraculés,  qu'il  leur  en  resta  une  partie 
suffisante  pour  pouvoir  j)arler.  Ils  ont  cité 
deux  exemples  tirés  des  mémoires  de  l'Aca- 
démie des  sciences  de  Paris  ,  où  il  est  fait  men- 
tion de  deux  personnes  qui  n'avaient  plus 
de  langue  ,  et  ne  laissaient  pas  de  i)arler. 
D'autres  ont  soutenu  que  le  dogme  nié  par 
les  ariens  n'était  pas  assez  important  pour 
que  Dieu  voulût  le  conOrmer  par  des  mira- 
cles ;  que  pour  savoir  la  vérité,  il  ne  fallait 
consulter  que  l'Ecriture  sainte.  Ces  objec- 
tions frivoles  ont  paru  assez  fortes  à  Mos- 
heini, pour  lui  faire  conclure  qu'il  est  diffl- 
cile  de  décider  si  ce  fait  fut  naturel  ou  mi- 
raculeux ,  Hist.  ecclés. ,  v"  siècle,  u"  part. , 
c-  5,  §  k,  noie  [II]. 

Il  résulte  senlement  de  là,  qu'en  fait  de 
mirai  le  aucun  témoignage  ,  aucune  preuve 
ne  peut  convaincre  ceux  qui  ont  quelque 
intérêt  à  les  contester,  qu'il  suffît  qu'un  seul 
incrédule  ait  hasardé  un  doate  ou  une  ob- 
jection quelconque,  pour  que  tous  les  autres 
■se  croient  fondés  à  le  nier.  Ce  procédé  e^l-il 
'raisonnable  ?  1*  Si  le  nombre  de  six  lémuins 
tous  iuslriiits  cl  respectables  par  leur  rang, 


n'est  pas  suffisant  pour  constater  un  fait  his- 
torique, nous  demandons  combien  il  en  fau- 
drait pour  vaincre  le  pyrrhonisme  de  nos  ad- 
versaires. Ceux  que  nous  alléguons  n'ont  pas 
pu  se  concerter;  les  uns  ont  écrit  en  Afrique,  les 
autres  à  Constantinople,  les  autres  ailleurs  : 
aucun  n'a  pu  être  assez  impudent  pour  citer 
un  fait  fabuleux  ou  incertain,  comme  un 
événement  public,  connu  de  tonte  la  ville  de 
Constantinople  et  de  presque  tout  l'empire. 
L'auteur  de  la  dissertation  dont  nous  avons 
parlé  a  discuté  l'un  après  l'autre  les  témoi- 
gnages qu'il  rapporte  ;  il  a  fait  voir  qu'au- 
cune raison  de  critique  ne  peut  en  affaiblir 
l'authenticité,  qu'ils  sont  uniformes  sur  la 
substance  du  fait,  quoiqu'il  y  ail  quelque 
variété  dans  les  circonstances  ;  que  la  ma- 
nière simple  et  positive  dont  ces  auteurs  s'é- 
noncent ne  laisse  aucun  doute  sur  liuir  sin- 
cérité et  sur  leur  attention  à  examiner  le 
fait  dont  il  s'agit.  2*  Quatre  de  ces  témoins, 
en  particulier  l'empereur  Justinien  ,  disent 
qu'ils  l'ont  vérifié  de  leurs  propres  yeux , 
qu'ils  ont  fait  ouvrir  la  bouche  aux  mira- 
culés, et  qu'ils  ont  vu  qu'on  leur  avait  coupé 
ou  arraché  la  langue  jusqu'à  la  racine.  Ce 
n'est  donc  pas  le  cas  de  soupçonner  que  celle 
opération  cruelle  avait  été  mal  faite,  et  (lu'il 
leur  restait  encore  une  partie  de  l'organe 
de  la  parole.  3°  Les  deux  exemples,  tirés  des 
Mémoires  de  l'Académie  des  sciences,  et  quel- 
ques autres  que  l'on  peut  citer,  ne  détrui- 
sent point  le  surnaturel  du  fait  que  nous 
examinons.  11  a  été  vérifié  que  dans  la  bou- 
che de  ceux  qui  parlaient  sans  langue,  il 
restait  du  uioius  une  légère  partie  de  cet  or- 
gane, ou  qu'il  s'y  étail  formé  une  excrois- 
sance qui  en  leiiail  lieu;  l'on  avoue  encore 
qu'ils  ne  parlaient  ni  aussi  distinctement  ni 
aussi  librement  que  ceux  qui  ont  une  langue, 
qu'ils  n'étaient  parvenus  à  pouvoir  articuler 
des  sons  que  par  de  longs  elTorts.  Au  con- 
traire, les  miraculés  de  Typase ,  inconlinent 
après  avoir  souffert  une  extirpation  entière 
et  cruelle  de  la  langue,  continuèrent  do  par- 
ler comme  ils  avaient  fait  auparavant  ;  nous 
soutenons  que  le  fait,  revêtu  de  ces  cir- 
constances ,  est  évidemment  miraculeux,  et 
qu'il  n'est  aucun  naturaliste  sensé  qui  ose 
en  disconvenir.  4°  Ce  n'est  ni  à  nos  adver- 
saires ni  à  nous  de  décider  en  quels  cas  ni 
pour  quelles  raisons  Dieu  doit  ou  ne  doit  pas 
faire  des  miracles  ;  c'est  à  lui  seul  d'en  ju- 
ger, et  il  est  absurde  de  prétendre  qu'il  n'en 
a  du  faire  que  pour  convertir  des  juifs  ou 
des  païens,  et  non  pour  confirmer  la  foi  des 
fidèles  ou  pour  confondre  l'incrédulité  de» 
hérétiques.  U  est  faux  que  le  dogme  nié  par 
les  ariens  ne  fût  pas  assez  important  pour 
que  Dieu  daignât  le  confirmer  par  un  trait 
surnaturel  de  sa  puissance.  Aux  mois  Akia- 
NisME  et  Trinité,  nous  avons  fait  voir  que 
celte  vérité  est  l'article  fondamental  du  chris- 
tianisme ;  que  les  sociniens  ,  dès  (ju'ils  ont 
refuse  de  l'admettre,  ont  été  forcés,  par  uno 
chaîne  de  conséquences  inévitables,  d(!  ré- 
duire leur  religion  à  un  pur  déisme.  Une  au- 
tre absurdité  est  de  dire  que,  pour  connaître 
ia  vérité  ou  la  fausseté  de  ce  dogme,  il  faut 


923 


TYP 


TYP 


924 


se  borner  à  consiiKer  l'Ecrilure  sainte,  puis- 
que c'est  sur  le  sens  même  de  l'Ecrilure  que 
Jcs  ariens,  aussi  bien  que  li>s  socinions ,  dis- 
);ulaient  et  disputent  encore  contre  les  ca- 
llioliques  ;  il  s'agissait  donc  de  savoir  lequel 
(les  deux  partis  en  donnait  la  véritable  in- 
terprétation. A  la  vérité  les  protestants  qui 
soutiennent  que  rEcriture  sainte  est  la  seule 
règle  de  notre  fui,  qu'elle  s'exprime  claire- 
ment sur  tous  les  articles  fondamentaux  du 
christianisme  ,  doivent  avoir  de  la  répu- 
gnance à  convenir  que  Dieu  a  fait  des  mira- 
cles pour  conQrmer  les  exp!it;ations  des  ca- 
liioiiques  et  confondre  celle  des  ariens  ;  mais 
l'obstination  des  protestants  à  soutenir  un 
système  faux  ne  prouve  rien  contre  des  faits 
solidement  établis.  5°  On  répétera  peut-être 
l'objection  triviale  des  incrédules  contre  taas 
les  miracles  ;  on  dira  que  si  celui  de  Ti/pase 
avait  été  incontestable,  il  aurait  sans  doute 
couvcrtï  tous  les  ariens,  et  qu'il  n'en  serait 
pas  resté  un  seul  en  Afrique.  Uien  de  plus 
faux  que  ce  préjugé.  Des  hérétiques  aussi 
brutaux  et  aussi  farouches  que  les  vandales 
ne  sont  touchés  d'aucune  jjrcuve  ,  d'aucune 
raison,  d'aucun  miracle.  Aucun  excès  d'in- 
crédulité no  peut  plus  nous  surprendre,  de- 
puis que  nous  avons  vu  les  philosophes  de 
nos  jours  déclarer  formellement  que,- quand 
ils  verraient  un  miracle,  ils  ne  seraient  pas 
convaincus,  et  qu'ils  s'en  fieraient  plutôt  à 
leur  jugement  qu'à  leurs  yeux. 

TYPE,  signe,  symbole,  figure,  représen- 
tation d'une  chose  :  c'est  le  sens  ordinaire 
du  grec  roro,-.  Dans  l'Ecriture  sainte  il  signi- 
fie quelquefois  une  image,  une  idole;  d'au- 
tres fois  la  figure  d'un  événement  futur;  il 
exprime  aussi,  ou  un  modèle  qu'il  faut  sui- 
vre, ou  un  exemple  qui  doit  nous  instruire, 
mais  qu'il  ne  faut  pas  imiter;  saint  Paul  l'a 
pris  dans  ce  dernier  sens,  /  Cor.,  c.  x,  v.  G 
et  11.  Au  mol  AMiTYPi;,  nous  avons  donné 
les  différentes  significations  de   ce  dernier. 

Quelques  auteurs  prétendent  que  tout 
l'Ancien  Testament  a  été  un  tijpe  ou  une  fi- 
gure du  Nouveau,  que  les  événemonts,  les 
lois,  les  cérémonies,  aussi  bien  que  les  pro- 
phéties, avaient  pour  but  de  repréenter  d'a- 
vance les  mystères  de  Jésus-Christ  et  de  son 
Eglise.  Au  mot  Figure,  nous  avons  fait  voir 
le  peu  de  solidité  et  les  inconvénients  de  ce 
système.  Ceux  qui  le  soulionnesil  ont  voulu 
se  prévaloir  de  l'exemple  des  apôtres  et  dos 
évangélistes  qui  ont  souvent  appliqué  aux 
faits  du  Nouveau  Testament  des  prophéties 
qui  semblaient  avoir  pour  objet  des  événe- 
ments et  des  personnages  de  l'Ancien.  Sur 
ce  sujet  le  savant  MaUonat  a  fait  des  ob- 
servations très-sages.  Quand  les  ajiôlrcs, 
dit-il,  remarquent  qu'une  prophétie  de  l'An- 
cien Testament  s'est  trouvée  accomplie  par 
un  évéiiement  qu'ils  rapportent,  ils  ne  l'en- 
lendcnl  pas  toujours  de  la  même  manière; 
cette  expression  peutê'.re  prise  dans  quatre 
sens  différents.  1°  Cela  signifie  souvent 
qu'une  chose  s'accomplit  exactement  et  à  la 
lettre, selon  (lu'elle.a  été  prédite;  ainsi  quand 
saint  Ivlailhieu  observe,  c.  i,  v.  22  et  2J,que 
cette  prophétie  d'isaïe,  c.  v".   v.  i'*,   Une 


Vierge  concevra  et  enfantera  un  Fils,  etc.,  a 
été  accomplie  dan-s  la  vierge  Marie,  cela  doit 
s'enieodre    d'un    accomplissenieut    littéral, 
parce  que  cette   prédiction  ne  peut  être  ap- 
pliquée à  aucune  autre  personne.  Voy.  Em- 
manuel. 2"  Cela  signifie  quelquefois  qu'une 
prédiction,  déjà   accomplie  dans    une   per- 
sonne, se  vérifie   encore  plus  exactempnt  à 
l'égard  d'une  autre  dont  la  prer.jière  était  le 
type  ou  la  figure.  Ainsi  ces  paroles,  /  Keg., 
c.-vir,  Je  lui  tiendrai   lieu  de  père,  et  je  le 
traiterai  comme  mon  fils,  regardaient  ùirec- 
lement  Salomôn  ;  mais  saint  Paul  les  appli- 
que à  Jésus-Christ,  Hehr.,   c.  i,    v.  6,  parce 
qu'elles  se  vérifient  plus  parfaitement  en  lui 
qu'à  l'égard  do  Salomon  qui  était  le  type  ou 
la  figure  du  IMessie.  De  même  saint  Jean  ob- 
serve, c.  XIX,  qu'on  ne  rompit  point  les  os  à 
Jésus-Christ  sur  la  croix,  pour  accomplir  ce 
qui   était    dit   de   l'agneau    pascal,    Exod., 
V.  XII  :  Vous  n'en  briserez  point  les  os.  Le  Iroi- 
siômesens  a  lieu,  lorsqu'on  appliqueune  pro- 
phétie à  ce  qui  n'en  est  ni   l'objet  immédiat 
ni  le  type,    mais  à  un  objet  à  qui   elle  cadre 
aussi  bien  que  si  elle  avait  été  faite  pour  lui. 
Isaïe,  par  exemple,  c.  xxix,  semble  borner 
le  reproche  que  Dieu  fait  aux  Juifs,  de  l'ho- 
norer du    bout  des   lèvres,   à   ceux  de  sou 
temps;  mais  Jésus-Christ  l'adresse  à   ceux 
auxquels  i!  parlait,  parce  qu'ils  étaient  aussi 
hypocriles  que  leurs  pères,  Matlii.,  c.  xv,  v.7 
et  8.  La  quatrième  manière  dont  une  prédic- 
tion s'accomplit,  c'est  lorsqu'un   événement 
prédit,  éta:it  déjà  arrivé  en  partie,  s'achève 
entièrement,  de  manière  qu'il  n'y  a  plus  rien 
à  désirer  pour  son  parfait  accomplissement. 
Dans    ce    sens   Jésus-Christ,  après  avoir  lu 
dans  la  synagogue  de  Nazareth  ces  paroles 
d'isa'ie,  c.  lxi,  v.  1  :  L'esprit  de  Dieu  est  sur 
moi,  parce  qu'il  m'a  donné  l'onction  du  pro- 
phète, il  m'a  envoyé  annoncer  aux  affligés  une 
heureuse  nouvelle,  etc.,  dit  à  ceux  qui  l'écou- 
taient  :   Cette    Ecriture  s'accomplit   aujour- 
d'hui sous  vos  yeux  (Luc.  iv,  17  seq.)  ;  parce 
que  le  prophète  n'avait  rempli  qu'imparfai- 
tement l'objet  de  sa  mission,  au  lieu  que  Jé- 
sus-Christ était  venu  le  remplir   dans  toute 
la    perfection.    Voy.  Maldonat,    in   Mattfi., 
c.  2,  v.  l.*}.  —  De  ces  quatre  sens  divers,  le 
premier  est  le  seul  qui    fasse  preuve  en  ri- 
gueur contre  les  Juifs,  contre  les  païens  et 
contre  les  incrédules,  parce  qu'ils  ne  recon- 
naissent l'autorité,  ni  de  Jésus-Chiisl  ni  des 
apôtres  ;  mais  les  trois  autres  servent  à  coa- 
firiner  la  foi  dos  chrétiens,  qui  sont  convain- 
cus d'ailleurs  que  ce  divin  S;uiveur   et  ses 
disciples  étaient  envoyés  et  inspirés  de  Dieu, 
aussi  bien  que  les  prophètes.  C'était   aussi 
un  argument  personnel  contre  les  Juifs  qui 
étaient  accoutumés  à  ces  sortes  d'applica- 
tions  de  l'Ecriture  sainte  ;   ceux  d'aujour- 
d'hui ont  encore  tort  de  le  rejeter,  puisque 
c'a  été  la  méthode  de  leurs  anciens  docteurs 
auxquels  ils  ii'joutont   foi,  quoique  ces  der- 
niers en  aient  souvent  abusé.  Il  n'est  pres- 
que pas  une  seule   explication   des   prophé- 
ties donnée  dans  l'Evangile,  qoi  ne  soit  con- 
firmée pir  la  suffrage  dos  anciens  r.abbins, 
Voy.  Galatiu,  de  Arcanii  calhol  veritatis. 


92o 


UBl 


LBI 


£120 


C'est  (!onc  contre  toute  vérité  que  quel- 
ques incrédules  ont  prétendu  que  le  thris- 
li;uiismc  n'est  foiulésur  aucune»  autre  preuve 
que  sur  des  e\plicutious  arhiUaires  ou  sur 
des  sens  typiques,  fi^çurés,  alicgoriiiues  des 
prophéties  de  l'Aucien  Testament.  Au  mot 
l'HoruÉTiE,  nous  avons  fait  voir  qu'il  y  a  un 
très-grand  nombre  de  ces  prédictions  qui 
regardent  directement,  littéralement  cl  uni- 
quement Jésns-dlirist,  et  qu'on  ne  peut  les 
adapter  à  d'autres  personnages,  sans  faire 
violence  à  tous  les  termes.  Les  protestants 
ne  sont  pas  moins  blâmables  de  reprocher 
sans  cesse  aux  Pérès  de  riîglise  d'avoir 
abusé  de  l'exemple  de  Jésus-Christ,  des  apô- 
tres et  des  évangélistes;  d'avoir  porté  au 
dernier  excès  le  ;;oût  des  alléiiories  et  des 
explications  figurées  de  l'Ecriture  sainte  : 
nous  avons  justifié  ces  saints  docteurs  au 
mot  ALi.iGORiE.  yia'is  les  figuristes  moder- 
nes, qui  prétendent  que  c'est  la  meilleure 
manière  d'expliquer  ces  divins  livres,  ne 
peuvent  tirer  aucun  avantage  de  cet  exem- 
ple, puisque  la  plupart  des  motifs   qui  ont 


déterminé  les  Pères,  ne  subsistent  plus.  Ou- 
tre les  inconvénients  de  h  ur  système,  il  est 
devenu  très-suspect  depuis  que  Jansénius  a 
eu  la  témérité  de  dire,  tom.  III,  de  Graiia 
Christi  salvat.,  1.  m,  c.  G,  p.  ItG:  «  Il  est 
évident  que  l'Anrien  Testament  n'a  été 
qu'une  grande  comédie  (jui  se  jouait  moins 
pour  elle-même  que  |)our  le  Nouveau  Tes- 
lamcnl.  »  Il  semble  que  l'on  s'attache  au  fi- 
gurisme,  afin  de  prouver  que  ce  novateur 
avait  raison. 

Tvriî,  édil  de  l'empereur  Constant  II  an 
sujet  des  monoihéliles.  Vuy.  Monothélisme. 

*  TYI5ANNIC1DE.  Au  milieu  dos  désordres  du 
moyen  âge,  dans  le  mulaisc  général  souvent  l'oinenté 
par  les  grands,  on  posa  celle  question  :  Est-il  permis 
de  mettre  à  mort  sans  forme  de  procès  les  lijrans  du 
peuple?  L'allirmaiive  trouva  des  dclcnsetirs.  Le  doc- 
teur Jean  Pelil  souiini  celle  doctrine  dans  les  chaires 
de  Paris,  eu  l-i07.  Ce  principe,  toruiulé  ainsi,  est 
cvidenimcut  anarcliii|ue.  Il  tut  condaMinc  au  concile 
de  t'uMSIance  ,  eu  lilii.  Nous  avons  exiiosé  dans 
nuire  Dlciionuaire  de  Tliéoloiiie  morale  la  conduiia 
que  doivent  tenir  les  peuples  à  l'égard  des  tyrans. 


u 


UniQUISTES  ou  UBIQUITAIRES.  On  nom- 
ma ainsi  ceux  d'entre  les  luthériens  qui  sou- 
tenaient que  le  corps  de  Jésus-Christ  est 
présent  d.ms  l'eucharistie  en  vertu  de  sa  di- 
vinité présente  partout,  nbique.  ils  avaient 
embrassé  ce  sentiment,  afin  de  ne  pas  être 
obligés  d'admettre  la  transsubstantiation. 
L'ou  prétend  qu2  Luther  le  soutint  ainsi 
pendant  deux  ans.  D'autres  ont  écrit  que  le 
premier  auteur  de  ce  sentiment  fut  Jean  de 
Wistphalie,  nommé  vulgairement  iVesIphale, 
ministre  de  Hambourg  en  1552,  qui  se  ren- 
dit célèbre  par  ses  écrits  contre  Luther  et 
contre  Calvin  ;  d'autres  disent  (jue  ce  fut 
lirenliiis,  disciple  de  Luther,  mais  qui  ne 
pensait  pas  toujours  comme  son  maître,  et 
qui  forgea  celte  opinion  l'an  loGO.  Il  eut 
pour  sectateurs  Flaecius  Illyrieus,  Osiander 
et  d'autres.  Six  de  ces  docteurs  s'assemblè- 
rent au  monastère  de  Uerg,  l'an  1577,  et  y 
décidèrent  le  dogme  de  ['ubiquité  du  corps 
de  Jésus-Christ  comme  un  article  do  foi. 

D'autre  côté,  Rlélancblhon  s'.leva  contre 
cette  doctrine  dès  qu'elle  commença  de  pa- 
raître; il  soutint  que  c'était  introduire,  à 
l'exemple  des  eutychiens,  une  espèce  de 
confusion  entre  les  deux  niitures  de  Jésus- 
Christ,  en  attribuant  à  l'une  les  propriétés 
de  l'autre,  et  il  persista  jusqu'à  la  mort  dans 
celle  manière  de  penser.  Les  universités  de 
^Virtemberg  et  de  Leipsick  embrassèrent 
vainement  le  parti  de  Mélanchthon,  le  nom- 
bre des  ubitfuisles  augmenta,  et  leur  syslèinc 
a  prévalu  pendant  longtemps  parmi  les  lu- 
thériens. Ceux  de  Suède,  en  le  soutenant,  se 
divisèrent  encore  ;  les  uns  prétendirent  que, 
pendant  la  vie  mortelle  da  Sauveur,  son 
corps  était  partout,  les  autres,  qu'il  n'a  eu 
ce  privilège  que  deiiuis  son  ascension.  11  pa- 
rait qu'aujourd'hui  cotte  ■upinioD  u'a  plus  de 


partisans  parmi  les  luthériens  ;  ils  se  sont 
rapproches  des  calvinistes,  et  ils  pensent 
communément  que  le  corps  de  Jésus-Christ 
n'est  présent  avec  le  pain  que  dans  la  com- 
munion et  au  moment  qu'on  le  reçoit.  Nous 
ne  savons  pas  s'ils  enseignent  que"  ce  corps 
est  présent  en  vertu  de  l'action  même  de 
communier,  ou  en  vertu  des  paroles  de  Jé- 
sus-Christ, Ceci  est  mon  corps,  prononcées 
auparavant.  Voij.  Eucîuristie,  §  1.  —  Il  est 
assez  étonnant  que  les  théologiens,  qui  s'ef- 
forçaient do  persuader  que  l'Ecriture  sainte 
est  claire,  intelligible,  à  la  portée  de  tout  le 
monde  sur  les  dogmes  de  loi,  n'aient  jamais 
pu  parvenir  à  s'accorder  sur  un  article  aussi 
essentiel  qu'est  celui  de  l'eucharistie  ;  qu'a- 
près bien  des  disputes,  des  systèmes,  des 
volumes  écrits  de  p;irl  et  d'autre,  la  diffé- 
rence de  croyance  ait  toujours  subsisté  et 
su'.isiste  encore  entre  les  deux  principales 
sccios  protestantes.  La  première  chose  qu'il 
aurait  fallu  prouver  par  l'Ecriture  était  lo 
droit  qu'ils  s'attribuaient  de  faire  des  déci- 
sions de  foi  pendant  qu'ils  le  refusaient  à 
l'Eglise  universelle. 

liasnage.  Histoire  de  l'Eglùe  ,  1.  xxvi, 
c.  6,  §  2,  soutient  que  l'opjniori  des  ubiqui- 
taires  est  une  suite  naturelle  du  dogme  de  'a 
présence  réelle;  qu'ainsi  l'Eglise  romaine  ne 
peut  pas  combattre  cette  opinion  avec  avan- 
tage. En  effet,  dit-il,  si  je  conçois  qu'un 
corps  qui  ne  peut  être  naturellement  que 
dans  un  lieu,  se  trouve  cependant  en  cent 
mille  endroits  où  l'on  communie  et  où  l'on 
g.irde  l'eucharistie,  je  puis  croire  également 
qu'il  est  partout,  parce  qu'il  n'y  a  plus  de 
règle  lorsque  la  n.iture  des  cliosos  est  dé- 
truite, et  qu'il  n'y  a  plus  rien  de  fixe  quand 
on  a  recours  à  des  miracles  qui  détruisetiî 
la  raijou, 


9*7 


UNI 


UNI 


9-28 


Si  ce  criCique  avait  été  moins  entôté  de  ses 
préjuges,  il  aurait  compris  qne  la  règle  et  la 
mesure  de  notre  foi  est  la  révélation,  que  ce 
n'est  point  à  nous  de  i)ous,scr  les  miracles  et 
les  mystères  plus  loin  que  Dieu  ne  nous  les 
a  révélés.  Or,  l'ikriture  sainte  el  la  tradition 
qui  sont  les  organes  de  la  révélation  nous 
enseignent  que  le  corps  de  Jésus-Christ  est 
d;ins  l'eucharistie,  sans  nous  dire  qu'il  est 
aussi  ailleurs  ;  donc  nous  devons  borner  là 
noire  foi.  (]'en  est  assez  pour  réfuter  les 
ubiquilaires,(\ui  ne  peuvent  fonder  leursen- 
liment.  ni  sur  l'Ecriture  sainte,  ni  sur  la 
tradition.  Il  n'est  pas  question  de  savoir  où 
le  corps  de  Jésus-Christ  peut  ou  ne  peut  pas 
être,  mais  de  savoir  où  il  est.  Au  reste,  rien 
de  plus  faux  que  le  principe  sur  lequel  Bas- 
nage  s'est  fondé.  Suivant  la  narration  de 
l'Evangile,  Jésus-Christ,  en  ressuscitant,  sor- 
tit du  tombeau  sans  déranger  la  pierre  qui 
en  fermait  l'entrée,  ce  fut  un  ange  qui  la 
renversa,  Matlli.,  c.  xxviii,  v.  2.  Ses  disci- 
ples ne  le  virent  point  auprès  de  son  tom- 
beau, et  cependant  il  s'j  montra  àMarie- 
Magileleine,  Joan.,  c.  xx,  v.  ik.  Il  disparut 
aux  yeux  des  deux  disciples  d'Emmaùs  avec 
lesquels  il  venait  de  manger,  Luc,  c.  xxiv, 
V.  31.  Le  même  soir  il  se  trouva  au  milieu 
de  ses  disciples,  quoique  les  portes  fussent 
fermées  ;  ils  crurent  voir  un  esprit  ;  pour  les 
rassurer,  il  leur  flt  toucher  son  corps,  ibicL, 
V.  36  ;  il  répéta  ce  même  prodige  en  faveur 
de  saint  Thomas,  Joan.,  c.  xx,  v.  2G.  Refu- 
serons-nons  d'y  croire,  sous  prétexte  qu'un 
corps  ne  peut  pas  nattnellement  pénétrer  les 
autres  corps,  se  trouver  dans  un  lieu  sans  y 
être  venu,  ni  disparaître  subitement  à  tous 
les  yeux  ;  que  dans  tous  ces  cas  la  nature 
des  choses  serait  détruite?  Ce  principe  de 
Basnagenc  tend  pas  à  moins  qu'à  renverser 
tous  les  miracles  ;  et  telle  est  la  conséquence 
de  tous  les  arguments  que  les  prolcslants 
ont  faits  contre  le  mystère  de  l'eucharistie. 
On  dirait  qu'ils  ont  eu  dessein  d'armer  les 
incrédules  contre  tous  les  articles  de  no- 
ire foi. 

UNIGENITUS,  bulle  ou  constitution  du 
pape  Clément  XI,  donnée  au  mois  de  sep- 
tembre 1713,  qui  commence  par  ces  mots, 
UnigeniCus  Dei  Filius,  et  qui  condamne  cent 
une  propositions  tirées  du  livre  de  Pasquier 
QuesncI,  prêtre  de  l'Oratoire,  intitulé  :  Le 
Nouveini  Teslament  traduit  en  français  avec 
des  réflexions  morales  {i).   Ces  propositions 

(1)  Voici  un  extrait  de  celle  bulle.  Le  pape  pnrle 
d'abord  de  l'averlissemenl  donné  par  le  l'ils  de  Dieu 
à  son  Ki;lise,  i  de  nous  leiiir  en  gante  contre  les  faux 
propliètes,  qui   viennent  à  nous  revèuis  de   ta  peau 

des   brebis;  (par  où)  il  désigne  principalement 

ces  maîtres  de  mensonges  ,  ces  ^édiicteiirs  pleins 
d'artifices,  qui  ne  font  éclater  dans  leurs  discours  les 
apparences  de  la  plus  solide  piété,  ipie  pour  insinuer 
iinperceptitilenient  leurs  dogmes  dangereux,  et  que 
pour  introduire,  sous  les  deliors  de  la  sainteté,  des 
sectes  qui  conduisent  les  liommes  à  leur  perte  ;  sé- 
duisant avec  d'autant  plus  de  facilité  ceux  (pii  ne  se 
délient  pas  de  leurs  pernicieuses  entreprises,  que 
comme  des  loups,  qui  (irpouillenl  leur  peau  punr  se 
couvrir  de  la  peau  des  breliis,  ils  s'enveliip|)eut,  pour 
ainsi  parler,  des  maximes  de  la  loi  divine,  des  pré- 


se  réduisent  à  cinq  ou  six  ctiefs  de  doctrine, 
qui  sont  autant  d'erreurs,  et  qui  avaient  été 
déjà  condamnées  dans  les  écrits  de  Baïus  et 

ceptes  des  saintes  Ecritures,  dont  ils  interprètent 
malicieusement  les  expressions,  et  de  celles  même 
du  Nouveau  Te-tameni,  qu'ils  ont  l'adresse  de  cor- 
rompre en  diverses  manières  pour  perdre  les  autres 
el  pour  se  perdre  eux-mêmes  :  vrais  fds  de  l'ancien 
père  du  nleu^onge,  ils  ont  appris,  par  son  exemple 
et  par  ses  enseignements,  qu'il  n'est  point  de  voie 
plus  sûre  ni  plus  prompte  pour  tromper  les  âmes,  et 
pour  insinuer  le  venin  des  erreurs  tes  plus  criminel- 
les, que  de  couvrir  ces  erreurs  de  l'autorité  de  la 
parole  de  Dieu,  i 

Le  saint  Père  continue  ensmte  de  cette  manière  : 
I  Pénétré  de  ces  divines  instructions,  aussitôt  que 
nous  eûmes  appris,  dans  la  profonde  amertume  de 
notre  cœur,  qu'un  certain  livre,  imprimé  autrefois 
en  tangue  française,  et  divisé  en  plusieurs  tomes, 
soMs  ce  titre  :  Le  Nouveau  Teslament  en  français,  avec 
(1rs  réflexions  morales  sur  chaque  verset,  eic.  A  Paris, 
dC'J'J  ;  aulremenl  encore  :  Abrégé  de  la  murale  de  l'E- 
vangile, des  Actes  des  apôlres,  des  EpUres  de- saint- 
Paul,  des  Epitres  canonigues  et  de  rApocalypse,  ou 
Pensées  chrétiennes  sur  le  texte  de  ces  livres  sacrés, 
etc.  ,1  Paris,  1(395  et  1(.'J4 ,  que  ce  livre,  quoique 
nous  l'eussions  déjà  condamné,  parce  i|u'eu  effet  les 
vérités  catholiques  y  sont  confondues  avec  plusieurs 
dogmes  (aux  et  dangereux,  passait  <lans  l'opinion  de 
beaucoup  de  personnes  pour  un  livre  exempt  de 
toutes  Sortes  d'erreurs;  qu'on  le  mettait  partout  en- 
tre les  mains  des  fidèles,  et  qu'il  se  répandait  de 
tous  cotés,  par  les  soins  affeciés  de  certains  esprits 
r.  rnuauts,  qui  fiuit  de  ooniinuelles  tentatives  eu  fa- 
veur des  nouveautés  ;  qu'on  l'avait  même  traduit  en 
latin,  afin  que  la  contagion  de  ses  maximes  perni- 
cieuses passât,  s'il  était  possible,  de  nation  en  nation 
et  de  royaume  en  royaume  ;  nous  fûmes  saisis  d'une 
très-vive  douleur  en  voyant  le  troupeau  du  Seigneur, 
qui  est  commis  à  nos  soins,  entraîné  dans  la  voie  de 
perdilion  par  des  insinuations  si  séduisantes  et  si 
Irompeusis  :  ainsi  donc,  également  excités  par  noire 
soliicuude  pastorale,  par  les  plaintes  réitérées  des 
personnes  qui  ont  un  vrai  zèle  pour  la  foi  orthodoxe, 
surtout  par  les  lettres  el  les  prières  d'un  grand  nombre 
de  nos  vénérables  frères  les  évéques  de  France,  nous 
avons  pris  la  résotuiien  d'arrêler,  par  quelques  re- 
mèdes plus  elficaces,  le  cours  d'un  mal  qui  croissait 
toujours,  et  qui  pourrait  avec  le  temps  produire  les 
plus  funesies  effets.  Après  avoir  donné  toute  notre 
application  à  découvrir  la  cause  d'un  mal  si  pressant, 
et  après  avoir  fait  sur  ce  sujet  de  mûres  et  de  sé- 
rieuses réflexions,  nous  avons  enfin  reconnu  très- 
distinctement  que  le  progrès  dangereux  qu'd  a  fait, 
et  (|ui  s'augnienie  tous  les  jours,  vient  prin<:ipale- 
ment  de  ce  (|ue  le  venin  de  ce  livre  est  Irès-cacbé, 
semlibible  à  un  abcès  dont  la  pourriture  ne  peut 
sortir  qu'après  qu'où  y  a  fait  des  incisions.  En  effet, 
à  la  première  ouveriure  du  livre,  le  lecteur  se  sent 
agréablement  attiré  par  de  certaines  apparences  de 
piété.  Le  style  de  cet  ouvrage  est  plus  doux  et  plus 
ciintanl  (pie  l'huile;  mais  les  expressions  eu  sont 
comme  des  traits  prêts  à  partir  d'un  arc  qui  n'est 
tendu  que  pour  blesser  imperceptiblement  ceux  qui 
mit  le  cuMir  droit.  Tant  du  motils  nous  oni  donné 
lieu  de  croire  (|ue  nous  ne  pouvions  rien  faire  de 
plus  à  propos  ni  de  plus  salutaire,  après  avoir  jusqu'à 
présent  marqué  en  général  la  doctrine  artificieuse  de 
ce  livre,  (|ue  d'en  découvrir  les  erreurs  eu  détail,  et 
qne  de  les  mettre  plus  clairement  et  plus  distincte- 
ment devant  les  yeux  de  tous  les  fidèles,  par  un  ex- 
trait de  plusieurs  propositions  contenues  dans  l'ou- 
vrage, où  nous  leur  ferons  voir  l'ivraie  dangereuse 
séparée  du  bon  grain  qui  la  couvrait.  Par  ce  moyeu 
nous  dévoilerons  et  nous  mettrons  au  grand  jour, 
non-seulement  quelques-unes  de  ces  erreurs,  ntai» 


929  UNI 

rie  Jansénius.  De  même  que  ce  dernier  n'a- 
vait fait  son  livre  intitnié  Aufjitslinits,  que 
pour  justifier  les  scnllmeiils  de  Baïus.Ques- 
iiel  fit  le  sien  poor  répandre  la  iloclrine  de 
.lansénius  sons  le  mas(iue  de  la  piété.  En  cf- 
l'el,  l'évêque  d'Ypres  avait  enseigné  que  l'on 
ne  résiste  jamais  à  la  grAce  intérieure;  il 
avait  même  taxé  de  senii-pélagianisme  et 
d'hérésie  le  sentiment  contraire.  Quesnel, 
de  son  côlé,  enseigne  que  In  grâce  de  Dieu 
est  l'opération  de  sa  toule-|)uissaiico,  à  la- 
quelle rien  ne  peut  résister  ;  il  compare  l'ac- 
tion de  la  grâce  à  celle  par  laquelle  Dieu  a 
créé  le  monde,  a  opéré  le  mystère  de  l'in- 
carnation ,  et  a  ressuscité  Jésus  -  Christ 
(Prop.  10  et  suiv.).  Il  en  conclut  que  quand 
Dieu  veut  sauver  uneâme,  elle  est  inraillible- 
ment  sauvée  [Prop.  12  et  suiv.).  De  là  il 
s'ensuit,  1°  que  quand  elle  n'est  pas  sauvée, 
c'est  que  Dieu  ne  le  veut  pas  ;  conséquence 
directement  cim(raire  au  mot  de  saint  Paul, 
Dieu  veut  que  toua  les  hommes  soient  sauvés. 
2"  Il  s'ensuit  que  si  un  homme  pèche,  c'est 
qu'il  manque  de  ^^râce  ;  autre  erreu"  pro- 
scrite dans  l'Kcriture  sainte  et  dans  saint  Au- 
gustin. Voi/.  (iiucK,  §  4.  3°    11  s'ensuit  que, 

nous  on  cxpnserons  nn  grand  nombre  des  plus  per- 
nicieu»es,  soit  qu'elles  aient  été  déjà  condamnées, 
soit  qu'elles  .lient  été  inventées  depnis  peu.  • 

A  la  suite  du  préambule  ,  Clément  XI  rapporte 
!01  propositions  extraites  du  livre  de  Quesnel,  et  il 
les  condamne  <  comme  étant  respeclivement  fausses, 
cnpiicuses,  mal  sonn.inlcs,  capables  de  blesser  les 
oreilles  pieuses  ;  scandaleuses,  pernicieuses,  lénié- 
raiics,  injurieuses  à  l'Eglise  et  à  ses  usages;  outra- 
geantes, non-seulement  pour  elle,  mais  pour  les 
puissances  séculières;  sédiiienses,  impies,  blnspbé- 
maloires,  suspectes  d'bcrésie,  sentant  l'Iirrésie,  fa- 
vorables aux  hérétiques,  aux  hérésies  et  au  schisme; 
erronées,  approchantes  de  l'Iiérésie,  ei  souvent  con- 
danuK'cs  ;  enlin,  comme  hérétiques,  et  comme  re- 
nouvelant diverses  hérésies,  principalement  celles 
qui  sont  contenues  dans  les  fameuses  propositions  de 
Jansénius,  prises  dans  le  sens  auipiel  elles  ont  été 
condamnées,  i  Le  saint  Père  défend  en  conséquence, 
à  tous  les  lidèles,  de  penser,  d'enseigner  ou  de  parler 
sur  lesdites  propositions,  autrement  qu'il  n'est  porté 
dans  sa  conslilution,  et  il  veut  que  «  quiconque  en- 
seignerait, soutiendrait  ou  mettrait  au  jour  ces  pro- 
positions, on  quelqucs-tmes  d'entre  elles,  soit  con- 
joiniemenl,  soit  séparément,  ou  qui  en  traiterait 
même  par  manière  de  dispute,  en  public  ou  en 
particulier,  si  ce  n'est  pent-èire  pour  les  combattre, 
encoure  ipso  (acto,  et  sans  qu'il  soit  besoin  d'autre 
déclaration,  les  censures  ecclésiastiques  et  les  autres 
peines  portées  par  le  droit  contre  ceux  qui  (ont  de 
semblables  choses,  i 

Il  déclare  en  sus  qu'il  ne  prétend  <  nullement  ap- 
prouver ce  qui  est  contenu  dans  le  reste  du  mêuie 
livre,  d'autant  plus,  ajoute-l-il,  que,  dans  le  cours  de 
l'examen  que  nous  avons  fait,  nous  y  avons  reinaripié 
plusieurs  autres  propositions  qui  ont  beaucoup  de 
ress<-mblance  et  d'affinité  avec  celles  que  nous  ve- 
nons de  condamner,  et  qui  sont  toutes  remplies  des 
mêmes  erreurs  :  de  plus,  nous  y  en  avons  trouvé 
beaucoup  d'autres  qui  sont  propres  il  entretenir  la 
désobéissance  et  la  rébellion  qu'elles  veulent  insinuer 
insensiblement  sous  le  taux  nom  de  patience  chré- 
tienne, par  l'idie  chimérique  qu'elles  dnnnent  aux 
lecteurs,  d'une  persécution  qui  règne  aujourd'hui  ; 
mais  nous  avons  cru  qu'il  serait  iimlile  de  rendre 
cette  constitution  plus  longue,  par  luv  détail,  •'■srti- 
culier  de  ces  propositions.  > 


UNI 


9S0 


pour  pécher  oa  pour  faire  nne  bonne  œu- 
vre, pour  mériter  ou  démériter,  il  n'est  pas 
nécessaire  que  l'homme  soit  libre  et  exempt 
de  nécessité,  mais  qu'il  lui  suffit  d'élro 
exempt  de  contrainte  ou  de  violence,  puis- 
que, lors(|u'il  a  la  grâce,  il  lui  obéit  néces- 
sairement, et  que  (luand  il  ne  l'a  pas,  il  est 
dans  l'inipossibililé  d'agir.  C'est  la  doctrine 
conilamnée  dans  la  troisième  proposition  do 
Jansénius. 

La  raison  sur  laquelle  se  fonde  Quesnel, 
savoir,  que  la  grâce  est  l'opération  loule- 
puissanle  de  Dieu,  n'est  dans  le  fond  qu'une 
ineptie.  Car  enfin  la  grâce  (jne  Adam  reçut 
de  Dieu  pour  pouvoir  persévérer  dans  l'in- 
nocence, n'était  pas  moins  l'opération  toute- 
puiss.inie  de  Dieu  que  cellt!  par  laquelle 
saint  Paul  fut  converti.  Dira-t-on  qu'il  a 
fallu  que  Dieu  fil  un  plus  grand  eflbri  de 
puissance  pour  changer  S.iul  de  persécuteur 
en  aprttre,  qu'il  ne  l'aurait  fallu  pour  faire 
persévérer  Adam  ?  Donc  toutes  les  compa- 
raisons desquelles  se  sert  Quesnel  pour  exal- 
ter l'efficacilé  de  la  grâce  sont  absurdes. 

Jansénius  avait  dit  (|u'il  y  a  des  justes 
auxquels  certains  cominaudemenfs  de  Dieu 
.sont  impossibles,  et  ((u'ils  manquent  de  la 
grâce  qui  les  leur  rentlrait  possibles,  il  n'en 
soutenait  pas  moins  que  dans  ce  cas-là  ces 
justes  pèchent  et  sont  punissables;  c'est  la 
première  proposition  de  ce  docteur.  (Jucsnel 
va  plus  loin  :  il  prétend  que  toute  grâce  est 
refusée  aux  infidèles,  que  la  loi  est  lu  pre- 
mière grâce,  que  quiconque  n'a  pas  la  foi  ne 
reçoit  point  de  grâce.  (Prop.  2G  et  suiv.).  Il 
soutientque  la  grâce  était  refusée  aux  Juifs, 
et  que  Dieu  leur  imposait  des  préceptes  en 
les  laissant  dans  l'impuissance  de  les  accont- 
plir  {Prop.  G  et  7).  Il  dit  encore  que  la 
grâce  est  refusée  aux  pécheurs,  que  qui- 
conque n'est  pas  en  état  de  grâce  est  dans 
l'impuissance  de  faire  aucune  bonne  œuvre, 
même  de  prier  Dieu,  et  ne  peut  faire  que  du 
mal  [Prop.  1 ,  38  et  suiv.).  Bien  entendu 
qu'il  sera  damné  pour  ce  mal  même  qu'il  lui 
était  impossible  d'éviter  sans  le  secours  de 
la  grâce. 

Au  mot  Grâce:,  §  3,  nous  avons  réfuté 
celte  doctrine  impie;  nous  avons  prouvé  par 
les  passages  les  plus  formels  de  l'iicriture 
sainte  et  tie  saint  Augustin,  que  Dieu  donne 
à  tous  les  hommes  sans  exceplion  les  grâ- 
ces actuelles  dont  ils  ont  besoin  pour  éviter 
le  mal  et  faire  le  bien,  qu'aucun  homme 
n'en  a  jamais  manqué  absolument,  quoique 
Dieu  en  donne  beaucoup  pins  aux  uns 
qu'aux  autres.  Ceux  qui  s'obstinent  à  mé- 
connaître cette  vérité  consolante,  se  fondent 
sur  ce  que  la  nature  humaine  infectée  par 
le  péché  d'Adam  est  nne  masse  de  perdition 
et  de  damnation  ;  objet  éternel  de  la  colère 
de  Dieu,  indigne  de  loule  grâce,  incapable 
de  faire  autre  chose  que  du  mal.  Mais  des 
chréliens  peuvent-ils  oublier  que  Jésus- 
Christ,  par  le  bienfait  de  la  rédemption,  a  ra- 
cheté, délivré,  sauvé,  réparé  la  nature  hu- 
maine, qu'il  a  réconcilié  Dieu  avec  le  monde, 
et  changé,  pour  ainsi  dire,  la  colère  divine 
en  miséricorde  ;  que  la  grâce  nous  eit  dua- 


9S1 


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UNI 


9S2 


née  en  considéralion  des  mérites  de  Jésus- 
Chrisl  el  non  des  nôtres  ;  qu'elle  est  par  con- 
séquent très-gratuite,  mais  cpendanl  dis- 
tribuée à  tous,  non  par  justice,  mais  par 
bonté  pure?  Quiconque  ne  croit  pas  toutes 
ces  vérités,  ne  croit  pas  en  Jésns-Clirisl  ré- 
dempteur du  mouvle. 

11  est  vrai  que  Jansénius  a  taxé  de  semi- 
pélagianismc  ceux  qui  disent  que  Jésus- 
Ciirist  est  mort  pour  tous  les  hoiiuues  sans 
esceplion,  et  qu'il  a  répandu  son  sang  pour 
tous  :  c'est  ainsi  qu'est  couiiiéc  sa  5^  propo- 
sition coiidanuiée.  Aussi  Qui-snel ,  liilèle  à 
cette  (loclrine,  se  borne  à  dire  que  Jésus- 
Clirist  est  mort  pour  les  élus  ;  il  ne  veut  pas 
que  loi'.t  homme  puisse  dire  comme  saint 
Paul,  Jé'US-Chrisl  m'a  aimé  el  s'est  livré  pnw 
mni  (Prop.  32  et  33). 

Nous  avons  démontré  l'impiété  de  ces  er- 
reurs, aux  articles  Rédempteur,  Salut,  Sau- 
veur, etc.  Que^ncl  lui-même  a  été  forcé  au 
moins  une  fois  de  la  reconnaître,  de  se  con- 
tredire et  de  se  con^'amner,  comme  tous  les 
hérétiques.  Sur  ces  paroles  de  saint  Paul, 
/  Tim.,  c.  Il,  V.  V  :  Dieu,  noire  Sauveur, 
veut  que  tous  les  hommes  soient  sauvés  et 
parviennent  à  la  connaissance  de  la  vérité  ;  il 
dit:  Gardons-nous  de  vouloir  borner  lagrûce 
et  la  misiricorde  de  Dieu...  La  Vérité  s'est 
incarnée  pour  tous.  Comment  donc  ne  s'est- 
elle  pas  livrée  à  la  mort  pour  tous?  Mais 
Quesnil  était  bien  résolu  d'esnuiver  cette 
conséquence.  Sur  le  ch.  iv,  v.  10  :  Nous  es- 
pérons au  Dieu  vivant  (jui  est  le  Sauveur  de 
tous  les  hommes,  principalement  des  fidèles. 
11  n'a  eu  garde  de  faire  sentir  l'énergie  de  ce 
passage  du  saint  Paul,  qui  écrase  son  sys- 
tème. JI  Cor.,  c.  V,  v.  ik ,  l'Apôtre  dit  : 
L'amour  de  Jésus-Christ  nous  presse,  consi- 
dérant que  si  un  seul  est  mort  pour  tous,  donc 
tous  sont  morts.  On  sait  avec  quelle  force 
saint  Augustin  a  employé  ces  paroles  pour 
prouver  contre  les  pélagiens  l'universalité 
du  péché  originel  dans  tous  les  hommes  , 
par  l'universalité  de  la  mort  de  Jésus-Christ 
pour  tous  les  hommes.  Mais  notre  commen- 
tateur perfide  se  contente  de  dire  que  Jésus- 
Christ  nous  a  racheté  la  vie  à  tous;  il  a  bien 
compris  que  nous  tous  pouvait  s'entendre 
des  chrétiens  seuls;  c'est  ce  qu'il  voulait. 
Saint  Jean,  Epist.  i,  c.  ii,  v.  2,  dit  que  Jé- 
sus-Christ est  la  victime  de  propitiaiion  pour 
nos  péchés,  et  non-seulement  pour  les  nôtres, 
mais  pour  ceux  de  tout  le  monde.  Quesiiel  se 
borne  à  dire  que  Jésus-Christ  a  pleinement 
satisfait  pour  nous,  qu'il  plaide  notre  cause 
dans  le  ciel,  qu'il  a  porté  nos  péchés  sur  la 
croix.  Pourquoi  non  ceux  du  monde  entier, 
comme  le  dit  saint  Jean?—  Ce  docteur  sou  tient 
que  l'on  ne  peut  faire  aucune  bonne  œuvre 
sans  la  charité  (Prop.  kk.  et  saiv.),  et  parla 
ci'.arité  il  eniend  l'amour  de  Dieu.  Cependant 
il  est  certain  que,  quand  saint  Paul  a  parlé 
à  peu  [irès  de  même,  il  s'agissait  de  l'amour 
du  prochain  ;  que  quand  saint  Augustin  l'a 
répété,  il  a  souvent  entendu  par  charité 
toute  affection  du  cœur  bonne  et  louable. 
y oij.  Chariié.  Mais  avec  des  équivoques 
on  trompe  aisément  les  simples.  Il  enseigne 


que  celui  qui  ne  s'absîient  du  péché  que  p.ir 
crainte,  a  déjà  commis  le  péché  dan.s  sou 
cœur  [Prop.  (30  el  suiv.)  ;  doctrine  condam- 
née par  le  concile  de  Trente  dans  les  écrits 
de  Luther  el  de  Calvin.  On  voit  d'ailleurs 
que  de  tous  les  systèmes,  le  plus  propre  à 
étouffer  la  charité  dans  tous  les  cœurs,  el  à 
les  glacer  de  crainte,  est  celui  de  (^(uesnel  et 
de  ses  adhérents.  Fo//.  Crainte.  Il  ne  recon- 
naît pour  membres  de  l'Eglise  que  les  justes. 
{Prop.  72  et  suiv.).  Saint  Augustin  a  formel- 
lement réfuté  cette  erreur  soutenue  par  les 
douatistes,  et  nous  avons  répété  les  aru;u- 
meiils  de  ce  saint  docteur  au  mol  Eglise, 
§  3.  Il  prétend  que  la  lecture  de  l'Ecriture 
sainte  est  nécessaire  à  tous  les  fidèles,  et 
qu'elle  ne  doit  cire  interdite  à  personne  ;  il 
renouvelle  à  ce  sujet  les  clameurs  des  pro- 
testants {Prop.  80  et  suiv.).  Celait  un  expé- 
dient pour  faire  rechercher  son  livre;  ainsi 
en  ont  agi  tous  les  hérélinues  ;  Terlullien 
s'en  plaignait  déjà  au  ni"  siècle.  Mais 
de  tout  temps  l'on  a  vu  les  fruits  que  peut 
produire  celte  lecture  sur  des  esprits  aviJes 
de  nouvelles  opinions,  surtout  lorsqu'elle 
est  préparée  par  des  traducteurs  et  des  com- 
mentateurs aussi  infidèles  (|ue  Quesnel  et 
ses  pareils;  elle  inspire  l'indocilité  et  le  fa- 
natisme aux  femmes  et  aux  ignorants;  les 
prolestants  mêmes  ont  été  forcés  plus  d'une 
fois  d'en  convenir.  Voy.  Ecriture  siintg, 
§  3,  n.  5.  Enfin,  Quesnel  déclame  contre  les 
censures,  les  excommunicalious,  les  pour- 
suites auxquelles  étaient  exposés  les  parti- 
sans de  sa  doctrine ,  contre  les  abjurations, 
les  signatures  de  formulaires,  les  serments 
que  l'on  exigeait  d'eux;  il  décide  qu'une  ex- 
communication injuste  ne  doit  point  nous 
empêcher  de  faire  notre  devoir.  {Prop.  91  et 
suiv.)  Mais  qui  a  droit  de  juger  de  la  justice 
ou  de  l'injustice  d'une  censure  quelconque? 
Sont-ce  ceux  contre  lesquels  elle  est  portée, 
ou  ceux  qui  ont  l'autorité  de  la  prononcer? 
On  voit  bien  que  Quesnel  entend  que  ce  sont 
les  premiers  ,  el  que ,  selon  lui ,  c'est  aux 
coupables  condamnés  qu'il  appartient  de 
juger  leurs  propres  juges.  Consêqucmmenl 
les  qucsncllisîes  méprisèrent  les  excommu- 
nications et  les  interdits  portés  contre  eux 
par  le  pape  et  par  leurs  évéques,  ils  conti- 
nuèrent de  dogmatiser,  de  prêcher,  de  dire 
la  messe,  d'administrer  les  sacrements,  sous 
prétexte  que  c'était  leur  devoir.  Ainsi  en 
avaient  agi  les  prêtres  et  les  moines  apostats 
qui  se  firent  huguenots. 

La  condamnation  de  Quesnel,  non  plus 
que  celle  de  Jansénius,  n'éprouva  aucune 
contradiction  dans  la  plus  grande  partie  de 
l'Eglise  catholique.  Tous  les  théologiens  non 
prévenus  sentirent  d'abord  la  fausseté  et 
l'impiété  de  la  doctrine  censurée  par  la  bulle 
Unigenitus,  et  la  ressemblance  parfaite  do 
cette  doctrine  avec  celle  queinnocent  X  avait 
proscrite  en  16.53.  Mais  en  France ,  où  les 
cspiils  étaient  en  fermentation  el  où  l'erreur 
avait  fait  de  grands  progrès,  cette  bulle  ex- 
cita beaucoup  de  troubles.  On  vit  des  évé- 
ques, des  corps  ecclésiastiques  ,  des  écoles 
de  théologiï?,  appeler  de  la  décision  du  pape 


93Î 


UWl 


mi 


951 


iiu  futur  concile ,  duquel  on  i'tait  bien  sûr 
que  la  convocation  ne  se  ferait  point.  On  ne 
négligea  aucun  moyen  pour  juslilier  la  doc- 
trine condamnée,  on  employa  jus(|u'à  de 
faux  miracles  pour  la  canoniser.  Ce  fana- 
tisme épidémique  a  duré  jusqu'à  nos  jours  ; 
heureusement  les  accès  en  sont  un  peu  cal- 
més :  mais  il  reste  encore  des  esprits  opi- 
niâtres qui  en  ont  éié  imbus  dès  l'enfance, 
et  qui  s'obstinent  encore  à  retenir,  ou  en 
tout  ou  en  parlii-,  la  doctrine  de  Quesnel,  et 
à  regarder  siii\  livre  comme  un  chef-d'œuvre 
(le  saine  Ihéolugie  et  de  piclé. 

Combien  de  reproches  n'a-t-on  pas  faits 
contre  la  bulle  Uiiigenltus,  pour  la  rendre 
méprisable  et  odieuse?  Il  faudrait  un  volume 
entier  pour  les  rajjporter.  1°  L'on  a  dit  et 
répété  cent  lois  que  les  propositions  con- 
damnées dans  Jansénius  et  dans  Quesncl 
sont  la  pure  doctrine  de  saint  Augustin.  Au 
y  siècle,  les  prédestinations  ;  au  ix',  Go- 
lescaic  et  ses  défenseurs;  au  xvi'  Luther 
et  Calvin ,  ont  aflinné  la  même  chose  ; 
tes  prolestants  d'aujourd'hui  le  soutien- 
nent encore  ;  plusieurs  incrédules  mo- 
dernes ont  (lé  leurs  échos ,  sans  y  rien 
entendre.  Malgré  tant  de  clameurii,  ce  fait 
est  absolument  faux.  D'h;ibiles  théologiens 
de  toutes  les  naliuns  de  l'Europe  ont  démon- 
tré le  contraire,  en  écrivant  contre  les  uns 
ou  contre  les  autres  ;  et  nous  croyons  l'avoir 
suffisamment  prouve  nous-mêmes  dans  di- 
vers articles  de  ce  Dictionnaire.  Nous  ne  dis- 
convenons pas  que  l'on  ne  puisse  trouver 
dans  saint  Augustin  et  dans  d'autres  Pères 
des  propositions  qui,  au  premier  aspect  et 
en  les  détachant  du  texte,  semblent  cire  les 
mêmes  que  celles  de  Luther,  de  Calvin,  de 
]5aïus ,  de  Jansénius  et  de  Quesnel.  Mais 
quand  on  examine  dans  les  Pères  ce  qui 
précède  et  ce  qui  suit,  ce  ([u'ils  disent  ail- 
leurs, les  circonstances  dans  lesquelles  ils 
parlaient,  la  doctrine  des  adversaires  qu'ils 
attaquaient,  les  questions  qu'il  fallait  déci- 
der, on  voit  évidemment  que  ces  saints  doc- 
leurs  ne  pensaient  pas  du  tout  ce  que  leurs 
prétendus  interprètes  leur  font  dire.  Souvent 
ceux-ci  tronquent  les  passages,  abusent  des 
termes  équivoques,  changent  l'état  des  ques- 
tions, etc.  En  suivant  celle  méthode,  les  hé- 
rétiques trouvent,  même  d:ins  les  livres 
saints,  toutes  les  erreurs  qu'il  leur  a  plu  de 
forger  ;  il  n'est  pas  fort  étonnant  (jue  l'on 
réussisse  à  les  trouver  aussi  dans  dts  re- 
cueils d'ouvrages  de  dix  ou  douze  volumes 
in-folio.— 2°  L'on  a  objecté  que  la  bn!le  Uiii- 
genilus  n'ayant  condamné  les  cent  une  pro- 
positions de  Quesncl  qu'en  bloc,  in  globo, 
elle  n'apprend  aux  fidèles  aucune;  vérité,  et 
ne  peut  pas  servir  à  régler  leur  f  li.  Mais  les 
quesnellisles  n'avaient  pas  eu  plus  de  res- 
pect pour  la  bulle  d'Innocent  X,  qui  a  ce- 
pendant censuré  et  qualifié  chacune  des  pro- 
positions de  Jansénius  en  particulier.  Eu 
loCIi,  Pie  y  condamna  in  (jiobo  soixante- 
seize  proposit;ons  de  liaïus  :  cciui-ci  ni  ses 
défenseurs  ne  s'avisèrenl  pas  pour  lors  de 
soutenir  l'insufCsance  de  la  ceasure;  ils  sa- 
vaient que  caïc  forme  est  en  usage  depuis 


longtemps  dans  l'Eglise.  Or,  il  est  constani 
qu'un  grand  nonilire  des  propositions  de 
Quesnel  sont  mo!  pour  mol  les  mêmes  que 
celles  de  Haïus.  La  liulle  Uniç/enilu.i  apprend 
donc  aux  fidèles  cette  vérité  générale,  (ju'il 
n'est  aucune  des  cent  une  propositions,  qui 
ne  mérite  quelqu'une  des  qualilicalions  énon- 
cées dans  cette  bulle,  qui  ne  soit,  par  consé- 
quent, ou  impie,  ou  blasphématoire,  ou  hé- 
rétique, ou  fausse,  etc.;  qu'il  n'est  donc 
permis  à  personne  de  les  regarder  ni  de  les 
soutenir  comme  vraies,  catholiques,  ensei- 
gnées par  saint  Augustin,  etc.  ;  que  quicon- 
que le  fait  encourt  l'excommunication  pro- 
noncée par  le  souverain  pontife.  C'est  aux 
théologiens  instruits  sur  celle  matière, 
d'appliquer  à  chaque  proposition  particu- 
lière la  qualification  qu'elle  mérite.  Aucun 
fidèle  n'a  besoin  de  le  savoir  en  détail,  puis- 
qu'il ne  lui  est  pas  plus  permis  de  soutenir 
une  proposition  scandaleuse  ou  téméraire, 
connue  pour  telle,  qu'une  proposition  héré- 
tique. Le  crime  serait  moindre,  si  l'on  veut, 
mais  ce  serait  toujours  un  crime.  -  3"  L'on 
répèle  encore  tous  les  jours  que  toute  l'af- 
faire de  la  condamnation  de  Baïus,  de  Jansé- 
nius et  de  (Juesnel  n'a  été  qu'une  intrigue 
nouée  par  les  jésuites,  ennemis  déclarés  des 
aiigustiniens,  et  qui  ont  eu  ass;'z  de  crédit  à 
Rome  pour  faire  enfin  proscrire  la  doctrine 
de  leurs  adversaires.  Mais  nous  n'avons 
aucun  intérêt  à  examiner  si  les  sentiments 
des  jésuites  étaient  vrais  ou  f;iux,  conformes 
ou  contraires  à  ceux  de  saint  Augustin,  si 
ces  religieux  ont  eu  peu  ou  beaucoup  de 
pari  à  une  censure  prononcée  ,  renouvelée 
et  confirmée  par  quatre  ou  cinq  papos  con- 
sécutifs. Du  moins  ce  ne  sont  pas  les  jésuites 
qui  ont  poursuivi  les  prédeslinaliens  au  v' 
siècle ,  ni  lîolesialc  au  ix'.  Comme  leur 
société  n'a  pris  naissance  que  l'an  lo'i-O  , 
elle  n'a  pas  pu  influer  b^^aucoup  sur  la 
condamnation  de  Luther  et  de  Calvin  , 
faite  par  le  concile  de  Trente,  l'an  ioi-7  : 
elle  élait  Irop  f  lible  dans  soii  berceau.  Or, 
peu  de  temps  après  la  censure  portée  contre 
le  livre  de  Jansénius  ,  le  père  Deschamps  , 
jésuite,  démontra  une  conformité  parfaite 
entre  la  doctrine  de  cet  évêque  et  celle  de 
Calvin  ,  et  l'opposition  formelle  de  cette 
même  doctrine  avec  ceile  de  saint  Augustin. 
Nous  venons  de  faire  voir  d'ailleurs  que  la 
doctrine  de  Quesnel  n'est  aulrc  que  celle  do 
Jansénius  ;  il  n'a  donc  été  besoin  ni  de  bri« 
gue,  ni  de  manège,  ni  de  haine  de  parti  pour 
la  faire  condamner.  La  roule  (jue  devait 
suivre  Clémmt  XI  lui  avait  été  Iracée  par 
ses  prédécesseurs.  Mais  toutes  les  fois  que 
des  sectaires  se  sont  vus  frappés  d'anathèine, 
ils  n'ont  jamais  manqué  de  s'en  prendre  à 
de  prétendus  ennemis  personnels  ;  c'est  ainsi 
que  Luther  et  Calvin  ont  déchargé  leur  co- 
lère sur  les  théologiens  scolastiques. 

Si  les  quesnellisles  condamnés  s'élaient 
bornés  à  des  arguments  Ihéologiques,  oo 
pourrait  excuser  la  leur  jusqu'à  un  certain 
point,  mais  ils  eurent  recours  à  des  moyens 
plus  aisés  et  plus  puissants  sur  l'espril  du 
peuple.  La  satire,  le  ridicule  outré,  les  sar- 


955 


UNI 


UW 


9SC 


casmes  amers,  les  noms  injurieux,  furent 
mis  en  usage  pour  décrier  le  pape,  les  évê- 
ques,  les  docteurs  et  tous  les  défenseurs  de 
la  bulle,  les  femmes  surtout  furent  les  plus 
ardentes  à  déclamer  ;  tout  Paris  semblait 
saisi  d'un  accès  de  frénésie,  et  celte  maladie 
se  répandit  bientôt  dans  les  provinces  ;  ja- 
mais on  n'a  mieux  vu  de  quoi  l'hérésie  est 
capable.  Les  incrédules  ont  su  en  profiter 
pour  rendre  odieuse  la  théologie  et  le  zèle 
de  religion  ;  heureusement  la  nécessité  de  se 
défendie  contre  eus  a  tourné  toute  l'atten- 
tion dus  théologiens  vers  cet  objet;  la  doc- 
trine deBaïus,  de  Jansénius  et  deQuesnel  n"a 
plus  aujourd'hui  de  défenseurs  déclarés  que 
les  protestants  ;  c'est  le  tombeau  que  Dieu 
lui  avait  destiné. 

Au  mot  Jansénisme,  nous  avons  vu  de 
quelle  manière  Mosheim  a  fait  l'histoire 
de  cette  dispute  Ihéologique;  Jlist.  ecclés., 
xvii°  siècle,  sect.  2,  \"  partie,  §  40  et  suiv.  Il 
la  continue  de  même  en  parlant  du  livre  de 
Quesnel  et  de  la  bulle  Vnigenilus;  il  suppose 
toujours  que  la  doctrine  de  Baïus,  de  Jansé- 
nius et  de  Quesnel  est  cerlainement  celle  de 
saint  Augustin,  et  que  la  bulle  a  élélouvrage 
des  jésuites;  eosuiteil  peint  leurs  adversaires 
sous  les  traits  les  plus  bizarres.  Après  avoir 
exalté  leurs  talents  et  leurs  travaux  littérai- 
res, il  dit,  §  i6,  que  quand  on  examine  en 
détail  leurs  principes  généraux  ,  les  consé- 
quenccsqu'ils  en  tirent,  et  l'applicationqu'ils 
en  font  dans  la  pratique,  on  trouve  que  leur 
pieté  a  une  forte  teinte  de  superstition  et  de 
fanatisme,  qu'elle  favorise  l'enthousiasme 
des  mystiques,  et  qu'on  leur  donne  avec 
raison  le  nom  de  rigoristes.  Il  tourne  en 
ridicule  les  pénitences  des  solitaires  de 
Port-lloyal  ;  il  juge  qu'autant  ils  paraissent 
grands  dans  leurs  ouvrages,  autant  ils  sem- 
blent méprisables  dans  leur  conduite,  et  il 
conclut  que  la  plupart  n'avaient  pas  la  tèle 
fort  saine.  Au  sujet  des  prétendus  miracles 
dont  ils  ont  pris  la  délènse,  il  y  a  tout  lieu 
de  croire,  dit-il,  qu'il  regardaient  les  frau- 
des pieuses  comme  fpermises,  pour  établir 
une  doctrine  de  la  vérité  de  laquelle  ils 
étaient  persuadés.  Pour  nous,  nous  aimons 
mieux  croire  que  leur  entêtement  pour  la 
doctrine  leur  a  fait  regarder  comme  vrais 
et  certains  des  faifs  faux,  controuvés  ou  exa- 
gérés, et  comme  miraculeuses  des  guérisons 
opérées  par  des  moyens  très-naturels.  Ce 
faible  de  l'humanilé  est  de  tous  les  temps  et 
de  tous  les  lieux ,  il  est  commun  aux 
croyanis  el  aux  incrédules  ;  ceux-ci  .ajou- 
tent fui,  sans  examen,  à  tous  les  faits  qui 
les  favorisent.  Les  quesnellisles  étaient 
donc  dans  l'erreur  sur  les  faits  aussi  bien 
que  sur  la  doctrine  ;  mais  l'erreur,  même 
opiniâtre,  la  prévention,  le  fanatisme,  ne 
sont  pas  des  fraudes  pieuses  ;  autrement 
Mosheim  serait  lui-même  coupable  de  ce 
crime.  Si  les  solitaires  du  Port-Royal  n'a- 
vaient donné  dans  aucun  autre  excès  que 
celui  delà  piété  et  do  l'austérité  des  mœurs, 
nous  les  excuserions  volontiers,  mais  leur 
révolte  obstinée  contre  l'Eglise,  leurs  em- 
iturlemeots  contre  les  pasteur»,  leurs  mali- 


gnité à  l'égard  de  tous  ceux  qui  ne  pen- 
saient pas  comme  eux,  leurs  infidélités  dans 
les  citations,  etc.,  sont  des  vices  incompati- 
bles avec  la  vraie  piété.  Voy.  Jansénisme  , 
Appel  au  futur  concile,  etc. 

UNION  CHÉTIENNE,  communauté  de 
filles  établies  à  Paris  pour  travailler  à  l'in- 
struction et  à  la  conversion  des  personnes  do 
leur  sexe  qui  ont  «iîé  élevées  dans  l'hérésie, 
pour  recevoir  des  femmes  pauvres  et  qui 
sont  sans  ressource,  pour  élever  de  jeunes 
filles  dans  la  pieté  et  daai  l'amour  du  tra- 
vail. Le  projet  de  cette  ietlilutiun  avait  été 
formé  par  madame  de  Poleillon,  fondatrice 
des  filles  de  la  Providence,  il  fut  exécuté 
par  M.  Le  Vachet,  prêtre  de  Romans  eu 
Dauphiné,  en  1661.  Ce  vertueax  prêtre  fut 
aidé  par  une  sœur  Renée  de  Tordes,  qui 
avait  établi  à  Metz  les  filles  d(!  la  Propaga- 
tion de  la  foi  ;  et  par  une  sœur  Anne  de 
Crosne,  qui  donna  une  maison  qu'elle  avait 
à  Charonne  pour  loger  celte  communauté 
naissante.  Les  filles  de  l'union  chrétienne  , 
aussi  appelées  filles  de  Saint-Chaumont,  re- 
çurent en  1662  leurs  constitutions  qui  furent 
approuvées  en  1668;  en  1685  elles  ont  été 
transférées  à  Paris.  Elles  ne  pratiquent  point 
d'autres  austérités  que  le  jeûne  du  ven- 
dredi ;  elles  tiennent  de  petites  écoles.  Après 
deux  ans  d'épreuve,  elles  s'engagent,  seule- 
ment pour  un  temps,  par  les  trois  vœux 
ordinaires,  et  par  un  vœu  particulier  d'u- 
nion ;  elles  ont  un  habillement  qui  leur  est 
propre. 

Union  (la  petite),  ou  le  petit  Saint-Chau- 
mont, est  un  autre  établissement  fait  par 
le  même  M.  Le  Vachet,  par  Mil'  de  Lamoi- 
gnon  et  par  Mil'  Mallet,  en  1679.  11  est  des- 
tiné à  retirer  les  filles  qui  arrivent  de 
province  pour  servir  à  Paris  ,  el  pour  les 
instruire  de  manière  que  les  daines  puissent 
trouver  parmi  elles  dti  femmes  de  chambre 
et  des  servantes  de  bonnes  mœurs.  Nous 
avons  connu  un  vertueux  curé  de  Paris  qui 
aurait  souhaité  qu'on  pût  y  loger  aussi  celles 
qui  se  trouvent  sans  condition,  en  attendant 
qu'elles  pussent  se  placer,  aliii  de  lessous- 
traire  ainsi  au  danger  de  tomber  dans  le 
libertinage.  Nous  entrons  dans  tout  ce  détail, 
afin  de  montrer  combien  la  charité  chrétienne 
est  attentive  et  industrieuse  ;  la  philosophie, 
avec  toute  l'humanité  prétendue  de  laquelle 
elle  fait  profession,  a-t-elle  jamais  rien 
exécuté,  ou  même  rien  tenté  de  semblable? 
Il  est  évident  que  ces  sortes  d'établissements 
ne  sont  sujets  à  aucun  des  inconvénients 
que  nos  philosophes  se  sont  plus  à  révéler 
dans  la  plupart  des  institutions  chrétiennes. 
Mais  dans  notre  siècle  calculateur,  censeur, 
réformateur  el  destructeur,  loin  de  trouver 
des  moyens  et  des  ressources  pour  faire  le 
bien,  l'on  ne  rencontre  que  des  obstacles.  Il 
y  a  lieu  de  penser  que,  dans  les  siècles  sui- 
vants, nos  neveux  demanderont  quel  avan- 
tage, quel  établissement  uiile  a  procuré  é 
l'humanité  le  siècle  de  la  philosophie. 

"■  UNION  llYPOSTATIQUE.  Yoy.  Incarnation. 

UNITAIRES.  Voy.  sociniens. 


957  UNI 

f    UNITÉ  DE  DIEU.   Voyez  Dieu  et  Poly- 

ÏUÉISMË. 

Unitk  db  l'Eglise.  Voy.  Ecjlise,  §  2. 

UNIVERS.  Voij.   MoNDK. 

UNIVEHSALISTES.  L'on  nomme  ainsi 
painii  )cs  prolestants  ceux  qui  soutiennent 
que  Dieu  donne  des  grâces  à  tous  les  hommes 
pour  parvenir  au  salut  ;  c'est,  dit-on,  le  sen- 
timent nctuel  de  tous  les  arminiens,  et  ils 
donnent  le  nom  de  particiilaristcs  à  leurs 
adversaires.  Pour  concevoir  la  dilTérence 
qu'il  y  a  entre  les  opinions  des  uns  et  des 
autres,  il  faut  se  rappeler  qu'en  IG)8  et  1G19, 
le  synode  tenu  par  les  cilvinisles  à  Dor- 
drecht  ou  Dort  en  Hollande,  adopta  solen- 
nellement le  sentiment  de  Calvin,  qui  ensei- 
gne que  Dieu,  par  un  décret  éternel  et  irré- 
vocable, a  prédestiné  ceriains  fiommes  au 
salul,  et  dévoué  les  auircs  à  la  damnation, 
sans  avoir  aucun  é;;ard  à  leurs  mérites  ou 
à  leurs  démérites  futur»;  qu'en  consé(iuence 
il  donne  aux  prédestinés  des  grâces  irrésis- 
tibles par  lesquelles  ils  parviennent  iiéces- 
saireaicnl  au  boniieur  éternel,  au  lieu  qu'il 
refuse  c^s  grâces  aux  réprouvés  qui,  faute 
de  ce  secours,  sont  nécessairement  damnés. 
Ainsi,  selon  (ialvin,  Jésus-Cliri.st  n'est  mort 
et  n'a  offert  à  Dieu  son  sang  que  pour 
les  prédestinés.  Ce  môme  synode  cond.inina 
les  arminiens  qui  rejetaient  celle  prédesti- 
nation et  celle  réprob.ilion  absolue  ,  qui 
soutenaient  que  Jésus-Christ  a  répandu 
son  sang  pour  Ions  les  hommes  et  pour  cha- 
cun d'eux  en  particulier,  qu'en  vertu  de  ce 
rachat.  Dieu  donne  à  tous,  sans  exception, 
des  grâces  capables  de  les  conduire  au  sa- 
lut, s'ils  sont  fidèles  à  y  correspondre.  Au 
mol  Arminiens,  nous  avons  obs'îrvé  que  les 
décrets  de  Dordrechl  furent  reçus  sans  op- 
position par  les  calvinistes  de  France,  d.ins 
un  synode  national  tenuàCharenton  en  1033. 

Comme  celle  doctrine  était  horrible  et  ré- 
voltante, que  d'ailleurs  des  décisions  en  ma- 
tière de  foi  sont  une  contradiction  formelle 
avec  le  principe  fondamental  de  la  réforme, 
<iui  exclut  toute  aulre  règle  de  foi  que  l'E- 
criture sainte,  il  se  trouva  bientôt,  même  en 
France,  des  théologiens  calvinistes  qui  se- 
couèrent le  joug  de  ces  décrets  impies.  Jean 
Caméroii,  professeur  de  théologie  dans  l'a- 
Ci'4éniie  de  Saumur,  el  Moïse  Amyraul,  son 
successeur,  embrassèienl  sur  la  grâce  et  la 
préde:$lination  le  sentiment  des  arminiens. 
Suivant  le  récit  de  iMosheim,  Jlist.  ecclcs., 
xvir  siècle,  secl.  '2,  seconde  part.,  chap.  '2, 
§  14.,  Auiyraut,  en  103V,  enseigna,  «  1°  que 
Dieu  veut  le  salul  de  tous  les  hommes 
sans  exception;  qu'aucun  mortel  n'est  ex- 
clu des  bienfaits  de  Jésns-Chrisi  par  un  dé- 
cret divin;  '2'  que  personne  ne  t)eul  partici- 
per au  salut  el  aux  bienlaits  de  Jésus-Christ, 
a  moins  (|n'il  ne  croie  en  lui  ;  3"  que  Dieu 
par  sa  bonté  n'oie  à  aucun  homme  le  pou- 
voir el  la  faculté  de  croire,  mais  qu'il  n'ac- 
corde pas  à  tous  les  serours  nécessaires 
pcor  user  sagemenl  de  ce  pouvoir;  de  là 
vient  qu'un  si  grand  nombre  périssent 
par  leur  faute,  et  non  par  cflle  de  Dieu.  » 

Ou  le  système  d'Amyraul  n'est  pas  lidèle-  ■ 

DiCT.  DE  TUÉOL.  UOliJIATlQUE.iV- 


Uni 


938 


ment  exposé,  ou  ce  calviniste  s'expliquait 
fort  mal.  1  '  Il  devait  dire  si  entre  les  bienfaits 
■le  Ji'sus-Christ  il  comprenait  les  grâces 
icluelles  intérieures  el  prévenantes,  néces- 
saires, soit  pour  croire  en  Jésus-Christ,  soit 
pour  faire  une  bonne  œuvre  quelconque. 
S'il  admettait  cette  nécessité,  sa  prcmièie 
proposition  n'a  rien  de  répréhensibhi  ;  s'il  ne 
i'admetlait  pas,  il  élail  pélagien,  et  Mosheirn 
n'a  pas  tort  de  dire  que  la  doctrine  d'Amy- 
raul n'était  qu'un  pélagianisme  déguisé.  Eu 
parlant  de  celle  hérésie,  nous  avons  f;iit 
voir  que  Pelage  n'a  jamais  admis  la  nolioa 
d'une  grâce  intérieure  et  prévenante,  qui 
consiste  dans  une  illiiminalion  surnaturelle 
de  l'esprit  el  dans  une  motion  ou  impulsion 
de  la  volonté;  qu'il  soutenait  que  celte  mo- 
tion détruirait  le  libre  arbitre.  C'e^t  ce  que 
soutiennent  encore  les  arminiens  d'aujour- 
d'hui. '2-  La  seconde  proposition  d'Amyraut 
conlirme  encore  le  reproche  de  Moslicim; 
elle  aflirme  que  personne  ne  peut  participer 
au  salut  et  aux  bienfaits  de  Jésus-Christ, 
sans  croire  en  lui.  C'est  encore  la  doctrine 
de  Pelage;  il  disait  que  le  libre  arbitre  est 
dans  tous  les  hommes,  mais  que  dans  les 
chrétiens  seuls  il  est  aidé  par  la  grâce.  S. 
Aug.,  Ve  grniia  Chrisli,  cap.  31,  n.  33. 
Gela  est  incontestable,  s'il  n'y  a  point 
d'autre  grâce  que  la  loi  et  la  connaissan -e 
de  la  doctrine  de  J;''sus-Chrisl,  comme  le 
soutenait  Pelage;  mais  saint  Augustin  a 
prouvé  contre  lui  ijuc  Dieu  a  donné  des 
grâces  intérieures  à  des  inOdéles  qui  n'oni 
jamais  cru  en  Jésus-Christ,  el  que  le  désir 
même  <le  la  grâce  et  de  la  foi  est  déjà  l'elTel 
d'une  grâce  prévenante.  El  comme  la  con- 
cession ou  le  refus  de  celle  grâce  ne  se  fail 
certainement  qu'en  vertu  d'un  décr(  l  par 
lequel  Dieu  a  résolu  ou  de  la  donner  ou  do 
la  refuser,  il  est  faux  que  personne  soil 
exclu  des  bienfaits  de  Jésus-Christ,  en  vertu 
d'un  décret  divin,  comme  Amyraul  l'aflirnie 
dans  sa  première  proposition.  3°  La  der- 
nière y  est  encore  plus  opposée.  En  efi'el, 
qu'entend  ce  théologien  par  le  pouvoir  et  la 
faculté  de  croire?  S'il  entend  un  pouvoir 
naturel,  c'est  encore  le  pur  pélagianisme. 
Suivant  saint  Augustin  et  selon  la  vérité,  ce 
pouvoir  est  nul,  s'il  n'est  prévenu  par  la 
prédication  de  la  doctrine  de  Jésus-Christ, 
cl  par  une  grâce  qui  incline  la  volonté  à 
croire.  Plusieurs  milliers  d'infidèles  n'ont 
jamais  entendu  parler  de  Jésus-Christ,  d'au- 
tres auxquiîls  il  a  été  prêché  n'y  ont  pas 
cru.  Us  n'ont  donc  pas  reçu  de  Dieu  la  grâce 
inlérieure  el  eflicace  de  la  foi,  ou  le  secours 
nécessaire  pour  user  saijeincnt  de  leur 
pouvoir.  Or,  encore  une  fois,  il  est  impossi- 
bleque  Dieu  accordéon  refuse  une  grâce,  soit 
extérieure,  soit  inlérieure,  sats  l'avoir  voulu 
el  résolu  par  un  décret  ;  donc  il  est  faux 
que  les  infidèles  n'aienl  pas  été  exclus  d'un 
très-grand  bienfait  de  .lésus-ClirisI  en  vertu 
d'un  décret  divin.  Mais  il  ne  s'ensuit  pas 
de  là  qu'ils  n'en  aient  reçu  aucun  bien- 
fait. Ainsi  le  système  d'.\myraul  n'est 
qu'un  tissu  d'équivoques  et  do  contradic- 
tions. 

30 


m 


UNI 


UNI 


910 


Le  tradncleur  de  Mosheim  l'a  remarqué 
dans  une  note.  Il  convient  d'ailleurs  que  la 
doctrine  de  Calvin,  louchant  la  prédestina- 
lion  absolue,  est  dure,  terrible,   fondée  sur 
les  notions  les  plus  indignes  de  l'Etre  su- 
prême. «  Que  fera  donc,  dit-il,  le  vrai  chré- 
tien, pour  trouver  la  consohition  qu'aucun 
système  ne  peut  lui  donner?  11  détournera 
S(^s  yeux  des  décrets  cachés  de  Dieu,  qui  ne 
sont  destinés  ni   à   régler  nos  actions  ni  à 
nous  consoler   Ici-bas;  il  les  Qxera  sur  la 
miséricorde  de  Dieu  manifestée  par  Jésus- 
Christ,  sur  les  promesses  de  l'Evangile,  sur 
l'équité  du  gouvernement  actuel  de  Dieu  et 
<le  son  jugement  futur.  »  Ce  langage  n'est  ni 
plus  juste  ni    plus  solide  qne   celui    d'Amy- 
raut.    1°  I!   s'ensuit    que   les   réformateurs 
n'ont  été  rien  moins  que  de  vrais  chrétiens, 
puisqu'au  lieu  de  détourner  les   yeux   des 
fidèles  des  décrets  cachés  de  Dieu,  ils  les  ont 
exposés  sous  un  aspect  horrible,  capable  de 
glacer  d'effroi  les  plus  hardis.  2°  11   est  ab- 
surde de  supposer  que  les  décrets  cachés  de 
Dieu  peuvent   être  contraires  aux  desseins 
de  miséricorde  qu'il  nous  a   manifestés  par 
Jésus-Christ;  or,   ceux-ci   sont  évidemment 
destinés  à  nous  consoler  et  à  nous  encoura- 
per  ici-bas.  3°  Il  ne  dépend  pas  de  nous  de 
fixer  nos  yeux  sur  les  promesses  de  l'Evan- 
gile, sans  faire  attention  à  ses  menaces  et  à 
ce  que  saint  Paul  a  dit  louchant  la  prédesti- 
nation et  la  réprobation.  V  11  y  a  de  l'igno- 
rance ou  de  la  mauvaise  foi  à  supposer  qu'il 
n'est  aucun  milieu  entre  le  système  pélagien 
des  arminiens  d'Am>raul,  etc.,  et  la  doctrine 
horrible  de  Calvin.   Nous  soutenons  qu'il  y 
en  a  un,  c'est  le  senliinent  des  théologiens 
nitholiques  les   plus    modérés.    Fondés  sur 
l'Ecriture  sainte  et  sur  la  tradition  univer- 
selle de   l'Eglise  ,  ils  enseigni'iil   nue  Dieu 
veut  sincèrement  le  salut  de  tous  les  hommes 
sans  exception,  que  par  ce  motif  il  a  établi 
Jésus-Ciirist  victime  de  propitialion  ,  par  la 
foi  en  son  san(j,  afin,  de  démontrer  sa  justice, 
el  afin  de  pardonner  les  péchés  passés  {Hom. 
m,  25)  ;  conséquemmcnt,  que  Jésus-Christ 
est  mort  pour  tous  les  hommes  el  pour  cha- 
cun d'eux  en  particulier,  el  que  Dieu  donne 
à  tous  des  grâces  intérieures  de  salut,  noa 
dans  la   même   mesure  ou   avec  la    même 
jibondance,  maissuffisnmmenl  pour  que  tous 
ceux  qui  y   correspondent  parviennent  à  la 
foi  cl  au  salul.  Dieu  les  distribue  à  tous,  non 
en  considération  de  leurs  bonnes  disposi- 
tions  naturelles,  des  bons  désirs  qu'ils  ont 
formés,  ou    des   bonnes   actions   qu'ils  ont 
faites  par  les  forces  naturelles  de  leur  libre 
arbitre,  mais  en  vtîrtu  des  mérites  de  Jésus- 
Christ  rédempteur  de  lous,  el  victime  de 
propitialion  pour  tous,  1  Tim.,  c.  ii,  v.  4,  5, 
t).  (i'cst  une  erreur  grossière   de    Pelage  , 
d'Arminius,  d'Amyraut,  des  protestants,  des 
jansénistes,  etc.,  de  croire  qu'aucune  grâce 
de  Jésus-Christ  n'est  accordée  qu'à  ceux  qui 
le  connaissent  el  qui  croient  en  lui  ;  au  mot 
Grâce,  §  2,  et  au  mot  Infidèle,  nous  avons 
prouvé   le  contraire.   A   la   vérité,    nous  ne 
sommes  pas   en  état  de  vérifier  en  délait  la 
manière  dont  Dieu  met  la  foi  cl  le  salul  à  la 


portée  des  Lapons  et  des  Nègres,  des  Chinois 
el  des  Sauvages,  de  connaître  la  quanliié  et 
la  nature  des  grâces  qu'il  leur  donne;  mais 
nous  n'avons  pas  plus  besoin  de  le  savoir 
que  de  découvrir  les  ressorts  par  lesquels 
Dieu  fait  mouvoir  cet  uuivers,  ou  de  savoir 
les  motifs  de  l'inégalité  prodigieuse  qu'il 
met  entre  les  dons  naturels  qu'il  accorde  à 
ses  créatures.  Saint  Paul,  dans  son  Epître 
aux  Romains,  ne  fait  pas  consister  la  pré- 
destination en  ce  que  Dieu  donne  beaucoup 
de  grâces  de  salut  aux  uns,  pendant  qu'il 
n'en  donne  point  du  (oui  aux  autres,  mais 
en  ce  qu'il  accorde  aux  uns  la  grâce  actuelle 
de  la  foi,  sans  l'accorder  de  même  aux  au- 
tres. Nous  ne  voyons  pas  en  quoi  ce  décret 
de  prédestination  peut  troubler  noire  repos 
et  notre  conOance  en  Dieu  ;  convaincus  par 
notre  propre  expérience,  et  de  la  miséri- 
corde et  de  la  bonté  inGnie  de  Dieu  à  noire 
égard,  nous  tourmenterons-nous  par  la  folle 
curiosité  de  savoir  comment  il  en  agit  envers 
lous  les  autres  hommes? 

En  troisième  lieu,  il  y  a  une  remarque 
importante  à  faire  sur  les  progrès  de  la 
présente  dispute  chez  les  protestants.  En 
parlant  des  décrets  de  Dordreclit,  Mosheim 
a  observé  que  quatre  provinces  de  Hollande 
refusèrent  d'y  souscrire,  qu'en  Angleterre  ils 
furent  rejetés  avec  mépris,  et  que,  dans  les 
églises  de  Brandebourg,  de  Brème  ,  de  Ge- 
nève même,  l'arminianisme  a  prévalu;  il 
ajoute  que  les  cinq  articles  de  doctrine  con- 
damnés par  ce  synode  sont  le  sentiment 
commun  des  luthériens  el  des  théologiens 
anglicans.  Voy.  Arminiens.  De  même  ,  en 
pîirlant  d'Amyraut,  il  dit  que  ses  sentiments 
furent  reçus  non-seulement  par  toutes  les 
universités  huguenotes  de  France,  mais 
qu'ils  se  répandirent  à  Genève  el  dans  toutes 
les  églises  réformées  de  l'Europe,  par  le 
moyen  des  réfugiés  français.  Comme  il  a 
jugé  que  ces  sentiments  sont  le  pur  pélagia- 
iwsme,  il  demeure  constant  que  celle  héré- 
sie est  actuellement  la  croyance  de  tous  les 
calvinistes,  et  que  du  prédeslinalianisme 
outré  de  leur  premier  maître,  ils  sont  tombés 
d.ins  l'excès  opposé.  D'autre  pari,  puisqu'il 
avoue  que  les  luthériens  et  les  anglicans  sui- 
vent les  opinions  d'Arminius,  el  qu'après  la 
condamnation  de  celui-ci  ses  partisans  ont 
poussé  son  système  beaucoup  plus  loin  que 
,  lui,  nous  avons  droit  de  conclure  que  les 
protestants  en  général  sont  devenus  péla- 
giens.  Mosheim  confirme  ce  soupçon  par  la 
manière  dont  il  a  parlé  de  Pelage  et  de  sa 
doctrine.  Histoire  ecclés.,  y  siècle,  ii'  part., 
c.  5,  §  23etsuiv.  Il  ne  l'a  blâmée  en  aucune 
façon.  Pour  comble  de  ridicule,  les  protes- 
tants n'ont  jamais  cessé  d'accuser  l'Eglise 
romaine  de  pélagianisme.  Ce  phénomène 
théologique  est  assez  curieux;  le  verrons- 
nous  arriver  parmi  ceux  de  nos  théologiens 
auxquels  on  peut  justement  reprocher  le 
sentiment  des  prédestinatieus  ? 

UNIVERSITE,  école  ou  collège  dans  lequel 
on  enseigne  toutes  les  sciences.  La  première 
observation  que  nous  avons  à  faire  sur  ce 
terme  est  que  la  fondation  des  universités 


944 


UNI 


L'RS 


fll2 


dans  le  xir  et  lexiir  siècle,  est  un  monu- 
ment aulhenlique  du  zèle  dont  les  ecclésia- 
stiques ont  toujours  été  ;uiiraés  pour  l'in- 
slruclion  des  jeunes  gens,  pour  la  conserva- 
tion et  le  progrès  des  éludes.  Dès  l'origine, 
les  universités  onl  élé  établies  sous  l'autorilc 
des  souverains  pontifes ,  aussi  bien  qui'  du 
gouvernement ,  parce  que  l'on  a  regardé 
celle  institution  comme  un  acle  de  religion, 
et  l'étude  de  la  religinn  comme  l'une  des 
plus  imporîaiiles.  Les  chaires  des  différentes 
facultés  furent  d'abord  remplies  par  des 
clercs  ou  pir  des  moines,  parce  qu'ils  étaient 
alors  les  seuls  qui  eussent  conservé  du  goût 
pour  les  sciences.  Voy.  Lettiies,  Science. 
De  toutes  les  itniversiiés  de  l'Kurope,  celle 
de  Paris  est  incoiitcslablcmcnt  la  plus  célè- 
bre, elle  jouit  de  sa  réputation  depuis  sis 
cents  ans.  Sans  vouloir  déroger  au  mérite 
des  autres  facultés,  la  théologie  est  celle 
qui  a  fourni  le  plus  grand  nombre  de  savants 
'distingués.  Si  la  gloire  de  cette  école  paraît 
moins  brillante  aujourd'hui  qu'autrefois,  ce 
n'est  pas  que  les  connaissances  y  soient  plus 
bornées,  les  talents  plus  rares,  les  profes- 
seurs moins  habiles  qu'autrefois,  m  lis  c'est 
que  la  mullitiidc  des  honmies  iiisiruils  ayant 
beaucoup  augmenté  dans  tous  les  étals  delà 
société,  il  esl  plus  diflicile  à  un  savant  de  se 
faire  remarquer  dans  la  foule,  cl  d'effacer 
ses  coulcmporains,  que  dans  les  siècles  pré- 
cédents, lorsque  les  sciences  étaient  moins 
cultivées  qu'à  présent.  Ce  n'est  point  à  nous 
de  faire  l'histoire  de  celte  école  fameuse,  ni 
de  parcourir  les  divers  étals  par  lesquels 
elle  a  passé  ;  ce  sujet  lient  plus  à  la  littéra- 
ture qu'à  la  partie  dont  nous  soiimies  ciiar- 
gés.  Mais  ((uiconque  aura  lu  ["Histoire  de 
l'Eglise  gallicane,  ou  VHiituire  lillcraire  de 
la  France,  vcria  (|ue  dans  tous  I  s  siècles 
écoulés  depuis  son  institution,  presque  tous 
les  savants  qui  se  sont  l'ail  un  nom  dans  le 
royaume  étaient  membres  ou  élèves  de  l'uni- 
versité de  Paris. 

Les  critiques,  soit  catholiques,  soit  protes- 
tants, qui  ont  examiné  l'état  des  sciences 
parmi  nous  dans  les  bis  siècles,  à  commen- 
cer depuis  le  xr,  nous  paraissent  avoir  fait 
avec  trop  de  rigueur  la  censure  dos  défauts 
qu'ils  ont  cru  apercevoir  dans  l'enseigne- 
ment public.  Eu  blâmant  les  abus,  il  n'au- 
rait pas  fiillu  perdre  de  vue  le  fond  des  élu- 
des et  l'ulililé  qui  en  a  résulté.  Il  est  con- 
gianlque,  dans  les  temps  les  plus  ténébreux, 
l'élude  de  l'Ecriture  sainte  et  de  la  Ir  Jilion, 
vraies  sources  de  la  théologie,  n'a  j;i mais  élé 
interrompue,  cl  qu'elle  s'est  ranimée  depuis 
la  fondation  des  universités.  Peut  èlre  le 
commun  des  étudiants  et  des  ma  1res  se 
bornait-il  à  la  scoiastiqiie',  qui  était  le 
goùl  dominant;  mais  ce  n'est  pas  par  le  de- 
gré de  capacité  des  théologiens  du  <  ummun 
qu'il  faut  juger  du  mérite  des  bonmcsdc 
génie  qui  oui  reçu  en  naissant  la  vocation  à 
l'étude  de  celle  science.  Parmi  ceux  même 
qui  étaient  chargés  de  l'enseigner,  et  forcés 
de  s'assujettir  à  la  méthode  régnante,  il  y 
en  a  eu  plusieurs  qui  en  onl  secoue  le  joug 
dauï  des  ouvrages  détachés,  qui  y  onl  mou- 


tré  une  capacité  et  des  connaissances  supé- 
rieures; il  n'est  aucun  siècle  dans  lequel  on 
ne  puisse  en  citer.  Voij.  Scolastique. 

Aujourd'hui    que    les    secours    pour    les 
divers   genres   d'érudition   sont    multipliés  , 
les  méthodes  abrégées  et  perfe.  liouuées,  le 
nombre  des  livres  augmenté  à  l'inliiii,  l'on 
est  étonné  de  ce  qu'il  y  a  si  peu  d'iiommes 
qui  se  distinguent  dans  les   universités  par 
des   talents   éminenls.   Disons   sans   hésiter 
qu'il  y  en  aurait  davantage,  si  on  le  voulait. 
Que  l'on   rétablisse  les   motifs  d'émulation 
qui  subsistaient  dans  les  siècles  précédents, 
que  les  places  cl  les  dignités  ecclésiastiques 
soient  données  au  mérite,  aux.  services  et 
non  à  la  naissance,  nous  pourrons  espérer 
de   voir   renaitre    parmi  nous  des   hommes 
tels  que  Pelau,  Sirmond,  Mabillon,  Arnaud 
cl  Bossuet. 
URIM  etrHDMMIM.  Voy.  Oracle. 
UUSULINES,  religieuses  instituées  à  Bresse 
en  Lombardic,  l'an  1537,  par  la  bienheureuse 
Angèle,  femme  pieuse  de  cette  ville.  Ce   ne 
fut  d'abord  qu'une  congrégation  de  filles  et 
do  veuves  qui  se  consacraient  à  l'éducatioa 
chrétienne   des   jeunes   personnes   de  leur 
sexe.  Paul  111,  convaincu  de  l'utilité  de  cet 
institut,  l'approuva,  l'an  i^kk,  sous  le  nom 
de  compagnie  de  Sainte-Ursule.  En   1572, 
Grégoire   XIII  l'érigea  en  ordre  religieux, 
sous  la  règle  de  saint  Augustin,  à  la  sollici- 
lation  de  saint  Charles  Borromée,  et  obligea 
ces  GUcs  à  la  clôture.  Aux  trois  vœux  de 
religion  elles  en  ajoutèrent  un  quatrième,  de 
s'occuper  à  l'inslruction  gratuite  des  enfants 
de  leur   sexe.  Leur  premier  établissement 
en   France  se  fit  à  Aix  en  Provence ,  l'an 
159i,  avec  la  permission  de  Clément  Vlil. 
En  1(308,  l'on  en  fit  venir  deux  filles  pour 
en  former  une  maison  à  Paris; elles  y  furent 
fondées  en  IGll,  par  Madeleine   Lhuillier, 
dame  de  Sainte-Beuve;  Paul  V  approuva  cet 
établissement  l'an  1612,  et  il  fut  autorisé 
celle  année  par  lettres  patentes  du  roi.    La 
maison  de  Paris,  rue  Saiiit-Jac(iues,  a  été  le 
berceau   cl   le  modèle   de  toutes  celles   qui 
ont  élé  fondées  depuis  dans  le  royaume  ou 
ailleurs.  L'ulililé  de  cet  ordre  l'a  fait  multi- 
plier promptement  ;  il  est  acluellcmi>nl  divisé 
en  onze  provinces,  dont  celle  de  Paris  con- 
licnt  quatorze   monastères   :  on  en  compte 
près  de  trois  ccnls  en  France.  —  Il  paraît 
qu'en  1572,  lorsque  Grégoire  XIII  fit  des 
ursulivcs  un  ordre  religieux,  quelques-unes 
de  leurs  communautés   ne  voulurent  point 
changer  de  régime,  mais  demeurer  dans  le 
même   état  dans  lequel   elles    avaient  été 
instituées  par  la  bienheureuse  Angèle  de 
Bresse,  et  qu'il  y   en  eut  qui  s'établirent 
ainsi  en  Bour^jogue.  Ce  qu'il  y  a  de  certain, 
c'est  qu'en  IGOli  la  mère  Anne  de  Sainlonge  , 
de  Dijon,  en  forma  des  maisons  eu  Franche- 
Comté,  où  elles  sont  encore;  elles  ne  gar- 
dent point  la  clôture,  quoiqu'elles  vivent 
très-retirées,    et    ne   font  vœu  de  stabilité 
qu'après  un  certain  nombre  d'années;  elles 
sont  vêtues  comme  l'étaient  les  veuves  dans 
celte  proyiuce  il  y  a  deux  cents  ans,  et  cllci 


945 


usu 


usu 


Ui 


tiennent  dos  écoles  de  charilc  comme  les 
ursulines  cloîtrées. 

USAGES  ECCLÉSIASTIQUES  ou  RELI- 
GIEUX. Vciy.  Observance. 

USUHE  (1),  intérêt  de  l'argent  prêté.  Il 
faut  consulter  le  Dictionnaire  de  Jurispru- 
dence pour  avoir  une  notion  des  dilTérenles 
espèces  d'usure  pratiquées  chez  les  anciens 
peuples,  afin  de  prendre  le  vrai  sens  des  ca- 
nons de  l'Efnlise  qui  les  ont  proscrites,  de 
concert  avec  les  lois  iojpériales. 

Nous  ne  prendrons  pas  sur  nous  de  déci- 
der la  question  célèbre  qui  est  encore  agitée 
entre  leis  théologiens,  pour  savoir  si  l'usure 
lég/ile  ou  l'inléiét  tiré  du  prêt  de  commerce 
est  légilime,  ou  si  c'est  une  injustice  qui 
emporle  toujours  l'obligation  de  restituer. 
Cette  ((Ueslion  a  été  traitée  tort  hu  long  par 
un  jurisconsulte  dans  l'ancienne  Encyclopé- 
die. Comme  elle  lient  au  droit  naturel  et  à 
la  polili'iuc  aussi  bien  qu'à  ia  théologie 
morale,  et  qu'il  n'est  pas  possible  de  séparer 
les  arguments  Ihéologiques  pour  ou  contre, 
d'avec  les  autres,  nous  devons  laisser  à  ceux 
qui  sont  chargés  de  celte  p.irlie  le  soin 
d'éclaircir  celie  importante  question.  Tout 
ce  que  nous  pouvons  dire  ,  c'est  qu'après 
avoir  lu  plusieurs  traités  composés  sur  ce 
sujet  par  des  hommes  très-instruits  ,  nous 
n'avons  pas  été  satisfaits,  et  qu'aucun  des 
arguments  allégués  par  ceux  qui  condamnent 
le  prêt  de  commerce,  ne  nous  a  paru  dé- 
monstratif et  sans  réplique. 

1"  La  plupart  des  raisons  sur  lesquelles  ils 
se  fondent  nous  semblent  prouver  autant 
conire  les  intérêts  d'une  rente  perpétuelle 
que  conire  ceux  que  l'on  tire  d'un  prêt  pas- 
sager dont  le  terme  est  D\é.  On  sait  avec 
quelle  rigueur  les  casuistes  s'élevèrent  d'a- 
bord contre  les  contrats  de  constitution  de 
rente;  lorsque  le  débiteur  remboursait  do 
son  plein  gré  au  bout  de  vingt  ans,  il  parais- 
sait fort  injuste  que  le  créancier  reçût  son 
capital  entier,  et  gardât  encore  une  pareille 
somme  qu'il  avait  reçue  par  les  intérêts  : 
cependant  personne  n'est  plus  tenté  de  re- 
garder cet  accroissement  comme  usuraire  et 
illégitime.  —  2"  Nous  ne  voyons  pas  que  l'on 
puisse  tirer  beaucoup  d'avantage  du  passage 
de  l'Evangile.  Luc,  c.  vi,  v.  35  :  Faites  du 
bien,  et  priiez  sans  en  rien  espérer.  C'est  un 
précepte  de  charité  sans  doute  en  faveur  de 
ceux  qui  sont  dans  le  besoin  et  qui  emprun- 
tent pour  se  soulager;  mais  ce  n'est  plus  le 
cas  du  négociant  qui  emprunte  une  somme 
pour  en  tirer  du  profil.  Si  on  veut  l'entendre 
autrement,  l'on  aura  de  la  peine  à  concilier 
ces  paroles  avec  les  suivantes,  v.  38  :  Don- 
nez, et  l'un  roMs  donnero;  avec  la  parabole 
des  talents,  Mncth.,  c.  xxv,  v.  27,  et  Luc, 
c.  XIX,  v.  23;  enfin  avec  la  loi  du  Dcut.,  c. 
xxiii,  V.  19  :  Vous  ne  prétenz  point  à  usure 
à  vos  frères  ,  mais  aux  étrangers.  Si  toute 
usure  était  un  crime  ,  Dieu  ne  l'aurait  pas 
plus  permise  aux  Juifs  à  l'égard  des  étran- 
gers qu'à  l'égard  de  leurs  frères.  Lorsque 
Da»id,  Ps.  XIV,  v.  5,  met  au  rang  des  justes 

(1)  Voy.  nolre,Diciionnaire  de  Tliéologie  morale. 


celui  qui  ne  trompe  point  son  prochain  par 
de  faux  serments,  qui  ne  prêle  point  son 
argent  à  usure,  qui  ne  reçoit  point  do  pré-- 
senls  pour  opprimer  un  innoceni  ;  par  pro- 
c//(iinil  entend  évidemment  un  Juif.  D'autre 
part,  l'auteur  de  r£'tc/(;'s(as<!(/ue  condamne 
ceux  qui  refusent  de  payer  des  intérêts  à 
leurs  créanciers  :  Plusieurs,  di(-il,  c.  xxix  , 
V.  4,  ont  regardé  /'usure  comme  une  vmu- 
vaise  intention  ,  et  ont  chagriné  ceux  qui  les 
avaient  aidés  dans  leurs  besoins.  —  2°  Les 
passages  des  Pères,  que  l'on  peut  citer  en 
grand  nombre,  ne  paraissent  plus  applica- 
bles au  temps  présent  ni  à  l'état  actuel  des 
nations.  Plusieurs  de  ces  saints  docteurs  ont 
condamné  le  commerce  en  général  aussi 
rigoureusement  que  l'usure,  parce  que  de 
leur  temps  le  commerce  no  se  faisait  pas 
avec  autant  de  fidélité,  de  police  et  d'ordre 
qu'aujourd'hui.  Barbeyrac  s'est  emporté 
contre  eux  à  ce  sujet  très-mal  à  propos.  Mais 
depuis  que  le  commerce  maritime  et  la 
banque  sont  établis  dans  toute  l'Europe  ,  et 
assujettis  à  des  règlements  très-multipliés, 
l'argent  a  une  valeur  qu'il  n'avait  pas  autre- 
fois; il  est  devenu  une  marchandise  et  non 
un  simple  signe  des  valeurs.  Si  l'on  propo- 
sait à  un  riche  négociant  de  lui  faire  présent 
d'une  somme  de  cent  écus,  ou  de  lui  prêter 
vingt  mille  iivres  à  intérêt,  il  préférerait 
certainement  ce  dernier  parti.  Il  est  difficile 
de  compremlre  en  quoi  le  prêteur  serait  in- 
juste ,  lorsqu'il  recevrait  les  intérêts  que 
l'emprunteur  consent  à  lui  payer.  Voy.  Com- 
merce. —  1'  L'on  convient  que  l'usure  est 
légitime  dans  trois  cas  :  lorsque  le  prêt  ôle 
un  profit  réel  au  prêteur,  lorsqu'il  lui  porto 
du  préjudice,  lorsque  le  capital  est  en  dan- 
ger; c'est  ce  que  l'on  appelle  hurum  cessans, 
damnum,  emergens,  periculum  sortis.  Or,  vu 
l'instabilité  des  fortunes,  les  révolutions  du 
commerce,  l'incertitude  du  véritable  état  des 
affaires  de  l'emprunteur,  il  est  rare  de  trou- 
ver des  cas  dans  lesquels  le  capital  ne  court 
aucun  danger  :  les  constitutions  même  de 
rente  perpéluelle  n'en  sont  pas  à  l'abri  ,  et 
c'est  peut-être  cette  rai.son  ,  prouvée  par 
l'expérience,  qui  a  réconcilié  les  théologiens 
avec  ce  contrat.  —  ^°  En  malière  de  justice, 
il  faut  avoir  de  fortes  raisons  pour  condam- 
ner dans  le  for  de  la  conscience  un  usage 
permis  ou  toléré  par  les  lois  civiles.  Comme 
elles  sont  censées  avoir  été  établies  pour 
l'intérêt  général  de  la  société,  il  ne  s'agit 
plus  de  décider  une  question  sur  les  seuls 
principes  liu  droit  naturel  de  chaque  parti- 
culier, puisqu'il  est  impossible  que  ce  droit 
ne  soit  pas  restreint  en  plusieurs  cas  par 
l'intérêt  général  de  la  société.  Dès  que  le 
législateur  civil  a  l'autorité  de  mettre  des 
impôts  sur  les  biens  des  particuliers,  on  ne 
voit  pas  pourquoi  il  n'a  pas  celle  de  taxer  le 
prix  des  intérêts  de  l'argent  prêté  ,  comme 
celui  de  toute  autre  marchandise.  Si  donc 
aujourd'hui  le  législateur  décidait  que,  pour 
le  maintien  du  comtnerce  national,  tout  ar- 
gent prêté  dans  le  commerce  doit  porter  in- 
térêt, qui  oserait  s'élever  contre  cette  loi  et 
la  déclarer  injuste?  Il  no  sert  doue  à  ricu 


915 


VAC 


VAC 


916 


d'argumenter  uniquement  sur  la  jnslicc 
cominiifalive,  ousur  le  droit  des  particuliers 
considérés  par  abstraction  iiorsde  la  société 
civile. 

Ces  considérations  nous  paraissent  assez 
graves  pour  ne  pas  condamner  absolument 
el  sans  réserve  le  prél  de  comnierre  ;  et  co 
seul  exemple  suffît  pour  démontrer  l'ineptie 
des  philosophes  qui  ont  soutenu  (jue  la  loi 
naturelle,  le  droit  naturel,  i-ont  clairs,  évi- 
dents, sensibles  à  tout  homme  qui  fait  usap;e 
de  sa  rai'.on.  Ils  demandiTont  peut-être 
pourquoi  l'Kvangile  n'a  pas  formellement 
décidé  la  question.  Parce  que  le  divin  auteur 
de  cette  loi  savait  Irès-bien  que  l'état,  les 
intérêts,  les  droits  de  la  société  civile,  ne 
pouvaient  pas  toujours  être  les  mêmes  qu'ils 
étaient  de  sou  temps  et  chez  la  nation  à  la- 
quelle il  parlait.  Miis  il  nous  a  donné  des 
préceptes  de  charité  qui  peuvent  nous  gui- 
der dans  tous  les  temps  et  dans  tous  les 
lieux,  et  qui  suppléent  à  la  lumière  naturelle 
à  l'égard  des  questions  même  de  justice  les 
plus  compliquées  et  les  plus  obscures.  Sur 
celles-ci  nous  ne  voyons  d'autre  parti  à 
prendre  que  celui  du  doute  el  de  l'incerti- 
tude ;  nous  n'oserions  conseiller  à  personne 
le  prêt  de  commerce,  puisqu'il  est  condamné 
par  des  auteurs  très-instriiils  ;  mais  s'il  était 
arrive  à  un  homme  d'en  faire  usage  et  d'en 
lirer  des  intérêts,  nous  n'oserions  pas  non 
plus   l'obliger  à  les  restituer,  nous  crain- 


drions de   commettre  nne  injustice  à  soa 
égard. 

Il  ne  faut  pas  oublier  que  les  mêmes  dé- 
crets des  conciles  qui  ont  proscrit  Vusure  des 
laïque-;,  l'ont  interdite  avec  encore  plus  de 
sévériié  an\  ecrlcsiastiqufs,  [luisqu'ils  ont 
prononcr'î  contre  ces  derniers  la  peine  de  dé- 
position ou  de  dégradation,  el  même  d'cx- 
cornmunicali  >n.  I.c  trente-sixième  ou  qua- 
rante-troisième canon  des  apôtres,  les  con- 
ciles de  Nicéc,  inn.  117;  d'Elvire,  cnn.  20; 
(l'Arles,  crj».  12;  de  Carlli.ige,  can.  i3\  i\» 
Laodicée,  can.  i,  etc.,  l'imt  ainsi  siatué.  Ces 
saintes  assemblées,  qui  oui  défendu  aux 
clercs  tout  négoce  ou  cunimerce  quelcon- 
que, ont  dû  sévira  plus  forte  raison  contre 
ceux  qui  prêtaient  à  intérêt.  A  leur  égard, 
celte  manière  de  s'enrichir  sera  toujours 
odieuse  ;  nne  des  vertui  auxquelles  ils  sont 
particulièrement  obligés,  est  le  désintéres- 
sement et  la  charité.  L'Kglise  a  pourvu  à 
leur  subsistance  par  les  bénéfices  ;  en  en- 
trant dans  la  clôricature,  ils  ont  fait  profes- 
sion di!  prendre  le  Seiiineur  pour  leur  héri- 
tage. C'est  donc  à  eux  principalement  que 
s'adressent  ces  paroles  de  J  vsus-Christ  :  Ne 
vous  amassez  point  de  trésors  sur  la  terre, 
mais  dans  te  ciel  [Malth.  vi,  19,  20  . 

*  LTILITAIRES.  C'est  une  secie  |iroiesianle,  née 
en  Angieierre,  (pii  prétend  i|iie,  Dieu  n'ayant  Ix'soiii 
ni  de  nos  iionnnages  ni  do  nus  piièics,  nmis  devons 
t(int  inppnrier  à  nous-niéraes,  à  noire  propre  utilité 
el  à  celle  de  la  société. 


VACHE  ROUSSE.  Le  sacrifice  d'une  vnche 
rousse  était  ordonné  aux   Israélites,  Niim., 
c.  XIX,  V.  2,  afin  de  faire  de  ses  cendres  une 
eau  d'expiation  destinée  à  purifier  ceux  qui 
seraient    souillés    par    l'attouchement  d'un 
mort.   On   prenait   une  génisse  de   couleur 
rousse,   sans  défaut,   et  qui   n'avait   point 
porté  le  joug  ;  on  la  livrait  au  grand  prêtre 
qui  l'immolait  hors  du   camp,  en    présence 
(lu  peuple.  11  trempait  son  doigt  dans  le  sang 
de   cette  victime  el   il   en    faisait    sept   fois 
l'aspersion  contre  le  devant  du  tabernacle, 
ensuite  on  brûlait   l'animal  tout  entier.    Le 
grand  prêlrc  jetait  dans    le  feu  du    bois    de 
tèdre.de  l'hysopeclde  l'écarlate  teinte  deux 
l'ois.  Un  homme  recneillail  les  cendres  île  la 
génisse  et  les  portait  dans  un  lieu  pur  hors 
Ou  camp,  où  on   les   laissait  en  réserve,  afin 
que  les  Israélites   pussent   en    mettre   dans 
l'eau  dont  ils  devaient  se  servir  pour  se  pu- 
rifier des  impuretés  légales.  Le  grand  prêlrc 
seul   avait   droit  d'offrir  ce    sacrifice,   mais 
tout  Israélite,  pourvu  ((u'il  fût  pur,  pouvait 
faire  l'aspersion  de  la  cendre  mêlée  avec  de 
l'eau  sur  ceux  qui    avaient    besoin  de  cette 
expiation.  Il  aurait  été  trop  incoiiunode  de 
venir  au  temple,  ou  de  recourir  aux  prêtres 
pour  eflacer  une  impureté  que  la  mort   des 
proches  pouvait  rendre  irès-î'réquente. 

Quelques  censeurs  des  cérémonies  juives 
ont  avancé  que  celle-ci  était  empruntée  des 
Egyptiens  :  ils  étaient  mal  instruits  ;  Héro- 


dote ;  au  contraire,  I.  il,  c.  41,  et  Porphyre, 
de  Abslin.,  1.  x,  c.  27,  nous  apprennent  que 
les  Egyptiens  immol aient  des  bœufs  roux, 
mais  qu'ils  honoraient  les  vaches  comme 
consacrées  à  Isis  ;  cela  est  confirmé  par  le 
prophète  Osée,  c.  x,  v.  5,  qui  nous  apprend 
que  les  veaux  d'or  érigés  par  Jéroboam,  et 
adorés  par  le  peuple  de  Samarie,  étaient  des 
génisses.  Les  cérémonies  que  les  Egyptiens 
observaient  dans  leurs  sacrifices,  suivant 
Hérodote,  ibid.,  c.  38  et  39,  n'ont  rien  de 
commun  avec  celles  des  Juifs,  desquelles 
noiis  venons  de  parler.  Alanélhon,  dans  /o- 
s'plie,  1.  I  contra  Appion.,  reproche  aux 
Juifs  de  contredire  les  Er;yptiens  dans  le 
choix  des  victimes,  el  Tacite,  IJist.,  1.  v, 
c.  !i',  observe  en  général  ipie  les  rites  judaï- 
que^; sont  opposés  à  ceux  de  toutes  les  autres 
nations.  Nous  ne  concevons  pas  comment  le 
savant  académicien,  qui  vient  de  nous  don- 
ner la  traduction  d'Hérodote,  a  pu  adopter 
le  préjugé  de  quelques  littérateurs  moder- 
nes, malgré  des  témoignages  anciens  aussi 
positifs.  Celui  de  Moïse  devrait  suffire  pour 
réprimer  la  témérité  des  critiques  ;  avant  de 
sortir  de  l'Egypte,  il  dit  à  Pharaon,  Exod., 
c.  VIII,  v.  20  :  Les  sacrifices  que  nous  devons 
offrir  â  notre  Dieu  seraient  une  abomination 
aux  yeux  des  Egyptiens;  si  nous  nnmoiions 
en  leur  présence  les  animaux  qu'ils  honorent, 
ils  nous  lapideraient.  Ce  législateur  avait 
donc  plutôt  dessein  de  contredire  les  rites 


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égyptiens  qae  de  les  imiter. —  Sans  avoir 
besoin  tic  copier  personne,  Moïse  a  pu  com- 
prendre sans  doute  que  les  nionies  choses 
dont  on  se  sert  pour  laver  it  blanciiir  les 
habits,  poavaienl  servir  de  même  à  la  pro- 
preté des  corps  :  or,  la  cendre,  l'hysope,  les 
plantes  odoriférantes  ont  clé  employées  de 
tout  temps  au  premier  de  ces  usages  ;  il  a 
jugé  avec  raison  que  cette  .ittention  pour 
l'extérieur  était  un  symbole  très-convenalile 
de  la  pureté  de  l'âme  que  les  Juifs  devaient 
apporter  dans  le  culte  divin;  et  Dieu  n'a  pas 
dédaigné  d'approuver  celte  analogie.  Voy. 
Purification. 

VAL-DES-CHODX,  prieuré  situé  dans  le 
diocèse  île  L.ingres,  à  quatre  lieues  de  Chû- 
lillon-sur-Seine,  dans  une  affreuse  solilude. 
C'est  un  clief-d'ordre, mais  peu  considéralde, 
et  qui  est  un  détachement  de  celui  de  Saint- 
Benoît  :  les  religieux  portent  l'habit  blanc. 
L'opinion  la  plus  probable  est  qu'il  fut  fondé 
sur  la  Gn  du  douzième  siècle  par  on  nommé 
Gui,  religieux  de  la  chartreuse  de  Lugny. 

VAL-DES-ÉCOLIEP,S,  nbbayedans  le  dio- 
cèse de  Lnngres,  près  de  Chaumont  en  J'.as- 
signy,  et  autrefois  clief-d'ordre  d'une  con- 
grégation de  clianoines  réguliers  sous  la  rè- 
gle de  saint  Augustin.  Vers  lan  1-212,  Guil- 
laume, Kiihard  et  quelques  autres  docteurs 
de  Paris,  dégoûtés  du  monde,  se  retirèrent 
dans  cette  solilude,  avec  la  permission  de 
l'évêque  diocésain  ;  ils  y  furent  bientôt  sui- 
vis d'un  grand  nombre  d'écoliers  de  la  même 
université  ;  de  là  cet  établissement  reçut  le 
nom  de  Val-des-Ecoliers.  !!  s'augmenta  si 
promptemenl  que ,  suivant  la  chronique 
il'Albéric,  en  moins  de  vingt  ans  ils  eurent 
seize  maisons.  Saint  Louis  fonda  celle  de 
Sainte-Catherine  à  Paris,  et  d'autres,  soit 
en  France,  soit  dans  les  Pays-Bas.  Le  prieur 
général  de  cette  congrégation  obtint  du  pape 
Paul  111  la  dignité  d'abbé  pourlui  et  pour 
ses  successeurs.  Depuis  l'an  1653,  cet  insti- 
tut a  été  uni  à  la  coigrégation  des  chanoi- 
nes réguliers  de  Sainle  -  Geneviève.  Voy. 
Gallia  christ.,  tom.  IV.  Les  Pères  dom  Mar- 
tenne  et  dom  Durand,  bénédictins,  ont  fait 
imprimer  les  premières  constitutions  de  ce 
monastère,  qui  sont  également  instructives 
6,  édiGantes.  Voyages  littéraires,  tom.  1, 
ï'   part. 

VALENTINIENS,  ancienne  secte  de  gnos- 
tiques,  née  au  commencement  du  second 
siècle  de  l'Eglise,  peu  de  temps  après  la 
mort  du  dernier  des  apôtres.  Valenlin,  chef 
de  cette  hérésie,  était  originaire  d'Egypte; 
on  croit  communément  qu'il  commença  de 
dogmatiser  l'^ans  sa  patrie  ;  mais  ayant  vou- 
lu répandre  .es  erreurs  à  Rome,  il  fui  chas- 
sé de  cette  église  et  se  retira  dans  I  île  de 
Cypre,  où  il  jeta  les  fondements  de  sa  secte; 
de  là  elle  se  répandit  dans  une  partie  de 
l'Europe,  de  l'Asie  et  de  l'Afrique.  Nous 
sommes  inslruils  de  ses  opinions  par  les  an- 
ciens Pères  qui  les  ont  réfutées,  et  par  quel- 
ques fragniciîls  de  ses  ouvrages  ou  de  ceux; 
de  sps  disciples,  qu'ils  nous  ont  conservés. 
11  admettait  u.u  séjour  éternel  de  lumière, 
iqu'il  nommait  pleroma,  ou  plénitude,  duus 


lequel  habitait  la  Divinité  :  il  y  plaçait  une 
multitude  d'ions,  ou  d'intelligences  immor- 
telles, an  nombre  de  trente,  les  uns  mâles, 
les  autres  feau'lK-s  ;  il  les  disiribuait  en  trois 
ordres  :  il  les  supposait  nés  les  uns  des  au- 
tres, leur  donnait  des  noms  et  en  faisait  la 
généalogie.  Le  premier,  selon  lui,  était  By- 
tlios,  la  profondeur,  qu'il  appel.TÎt  aussi 
Prcpaivr,  le  premier  père  ;  il  lui  donnait 
pour  épouse  i'jDîo'ia,  l'intelligence,  autre- 
ment Sigé,  le  silence  ;  de  leur  union  étaient 
nés  l'esprit  et  la  vérité  :  ceux-ci  avaient  de 
même  deux  enfants,  etc.;  Jésus-Chrisl  et  lo 
Saint-Esprit  étaient  les  derniers  de  ces  éons 
et  n'avaient  point  eu  de  postérité.  Il  serait 
inutile  de  faire  un  plus  long  dttait  de  ces 
personnages  imaginaires,  qui  ne  pouvaient 
avoir  pris  naissance  que  dans  un  cerveau 
déréglé.  Mais  les  savants  convif  nneut  que 
Valentin  n'a  pas  été  le  premier  auteur  de  ce 
monstrueux  système  ;  que  plusieurs  chefs 
des  gnostiques  l'avaient  enseigné  avant  lui, 
qu'il  n'avait  fait  que  l'arranger  à  sa  ma- 
nière. 

Saint  Irénéo,  qui  a  vécu  peu  do  temps 
après  lui,  et  qui  avait  conversé  avec  plu- 
sieurs de  ses  disciples,  s'est  attaché  à  réfuter 
celte  doctrine  dans  son  ouvrage  conlre  les 
hérésies  ;  il  a  fait  voir  que  c'est  un  lissu  de 
rêveries,  d'absurdités,  de  contradictions  et 
d'erreurs  grossières,  un  vrai  [  olylhéisme. 
Cependant  il  s'est  trouvé  dans  notre  siècle 
des  crili.iues  assez  obligeants  pour  vouloir 
réhabiliter  la  mémoire  de  Valentin  et  de  ses 
pareils;  ils  ont  fait  Ions  leurs  efforts  pour 
trouver  de  la  raison  et  du  bon  sens  dans  un 
chaos  de  rêveries  que  les  Pères  de  l'Eglise 
ont  regardé  comme  les  égarements  de  quel- 
ques esprits  en  délire.  Beausolire  en  parti- 
culier, dans  son  Hist.  dit  Maniih.,  I.  m,  c.  7, 
§  8,  et  f.  9,  §  !»  et  suiv.,  a  tenté  cette  entre- 
prise ;  il  soutient  que  le  système  de  Valen- 
lin n'est  pas  aussi  ridicule  qu'il  le  |)araît 
d'abord;  que  c'était  une  niélhode  myslique 
et  allégorique  d'expliquer  les  attributs  et 
les  opérations  de  Dieu  ;  que  cet  hérétique 
les  a  personniGés  suivant  la  coutume  des 
philosophes  de  ce  temps-là  ;  que  ce  sont  les 
mêmes  idées  que  celles  de  Pylhagore  et  de 
Platon,  qui  pouvaient  les  avoir  empruntées 
des  Chaldéens.  Il  prétend  que  les  Pères  n'ont 
pas  pris  le  vrai  sens  de  ce  que  disaient  les 
ralentinicns,  et  qu'ils  ont  cherché  m.il  à  pro- 
pos à  rendre  tetie  doctrine  odieuse. 

Mosheim,  après  l'avoir  examinée,  n'a  pas 
été  de  cet  avis  :  flist.  Christ.,  saec.  ii,  §  53, 
et  Hist.  eccl.,  ii°  siècl.,  ir  part.,  c.  5,  §  16  et 
17,  il  est  convenu  que  de  quelque  manière 
que  Ion  envisage  cette  docliine,  l'on  no 
pourra  jamais  y  montrer  une  apparence  de 
bon  sens  et  d'orihodoxie,  et  que  tous  ceux 
qui  y  ont  travaillé  ont  perdu  leur  peine. 
Nous  pensons  de  même,  el  nous  n'aurons 
pas  besoin  d'une  longue  discussion  pour  le 
prouver.  1'  C'est  en  vain  que  l'on  voudrait 
prendre  les  éons  de  Valentin  pour  des  idées 
métaphysiques  et  abstraites  des  attributs  et 
des  opérations  de  la  Divinité  ;  par  la  ma- 
Qière  duot  U  en  parlait,  par  les  actions  et 


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les  cnrack^res  qu'il  leur  attribuait,  pn  voit 
évidemment  qu'il  les  donnait  pour  dés  êtres 
réellemeiil  subsistants  ;  le  nom  môme  d'éon, 
qui  signifie  un  être  vivant,  intelligent  et  im- 
mortel, en  est  la  preuve  :  en  quel  sens  peut- 
on  le  donnera  des  qualités  abstraites?  Si 
l'on  excepte  li's  bramines  indiens  et  les  my- 
thologues grecs,  personne  n'a  poussé  à  cet 
excès  la  licence  de  personnifier  tous  les 
êtres  ;  Pythagorc  ni  Platon  tic  s'en  sont  ja- 
mais avisés.  Les  vcilentiniens  devaient  sen- 
tir que  le  style  poétique  des  fiibles  n'était 
pas  fait  pour  expliquer  un  système  ihéolo- 
gique  ;  il  ne  pouvait  servir  qu'à  tromper  le 
peuple  et  à  le  rendre  polythéiste,  comme 
ont  f.iit  les  bramines  et  les  poètes.  Quand 
on  s'obstinerait  à  supposer  le  contraire,  il  / 
n'y  aurait  encore  ni  justesse  ni  raison  dans' 
la  généalogie  des  éoiis.  Uien  de  plus  bizarre 
d'abord  que  d'appeler  Dieu,  ou  le  premier 
être,  la  profondeur,  et  de  lui  donner  pour 
séjour  Xa.  plénitude  ;  ce  sont  deux  idées  con- 
traires. Qu'il  suit  nommé  le  premier  Pire  et 
qu'il  ait  eu  pour  compagne  V intelligence ,  h. 
la  bonne  heure;  mais  que  cette  intelligence 
soit  en  même  temps  Xa  silence,  c'est  une  er- 
reur grossière.  Dieu,  intelligence  éternelle, 
n'a  jamais  été  sans  penser  ;  il  n'a  donc  ja- 
mais été  sans  Verbe  ou  sans  sa  parole  inté- 
rieure; ce  Verbe  est  éternel  comme  lui  :  c'est 
pour  cela  que  les  plus  anciens  Pères  ont  dit 
que  ce  Verbe  n'est  point  émané  du  silence  , 
saint  Ignace,  Epist.  ad  Magnes.,  n.  8,  puis- 
que, selon  saint  Jean,  il  Hait  en  Dieu,  et  il 
était  Dieu.  Il  n'y  a  pas  plus  de  bon  sens  à 
faire  naitie  du  premier  Père  et  de  l'intelli- 
gence l'esprit  cl  la  vérité.  Si  l'esprit  est  la 
substance  intelligente,  c'est  Dieu  lui-même, 
ce  n'est  donc  pas  son  Fils  ;  si  c'est  la  faculté 
de  penser,  c'est  l'intelligence  même,  l'une 
n'est  donc  pas  fille  de  l'autre  ;  la  vérité  n'est 
qu'un  terme  abstrait,  il  est  absurde  de  lui 
donner  un  père  et  une  mère.  Le  reste  de  la 
généalogie  des  éons  n'est  pas  moins  ridi- 
cule :  saint  Irénce  l'a  démontré.  — 2"  L'af- 
fectation de  Valentin,  de  rejeter  le  sens  lit- 
téral des  passages  les  plus  clairs  de  l'Evan- 
gile, de  vouloir  tout  entendre  dans  un  sens 
mystique,  allégorique  et  cabalisti(iue  ,  est 
inexcusable.  11  prétendait  trouver  ses  trente 
éons  dans  les  trente  années  que  Jésus-Christ 
a  passées  sur  la  terre,  dans  les  dilTérentcs 
heures  auxquelles  le  père  de  famille  envoya 
des  ouvriers  travailler  à  sa  vigne,  Matth., 
c.  XX,  etc.  Ces  allusions  arbitraires  et  for- 
cées caractérisent  un  fourbe  qui,  sans  croire 
au  christianisme  ,  voulait  persuader  aux 
chréliei.s  qu'il  avait  puisé  sa  doctrine  dans 
leurs  livres.  Aussi  les  commentaires  de  ses 
disciples  sur  l'Evangile  de  saint  Jean,  dont 
les  Pères  nous  ont  donné  des  fragiiienls, 
sont  un  chaos  de  rêveries  inintelligibles, 
uniquement  destinées  à  étonner  les  igno- 
rants.—  3°  Il  ne  pouvait  pas  nier  que  sa 
doctrine  ne  fût  directement  contraire  à  l'E- 
Tangile,  comme  il  était  entendu  par  les  chré- 
tiens, par  conséquent  à  la  croyance  univer- 
selle des  fidèles.  Il  avait  beau  soutenir  qu'il 
l'avait  reçue  par  des   instructions   secrètes 


que  Jésus-Christ  avait  données  à  quelques- 
uns  de  ses  apôtres,  et  que  ceux-ci  avaient 
confiées  à  des  disciples  affidés  :  si  elles  de- 
vaient être  secrètes,  il  avait  tort  de  les  pu- 
blier. Par  un  nouveau  trait  d'imposture,  il 
se  vantait  de  les  avoir  puisées  dans  un  livre 
écrit  pur  saint  Matthias,  et  d'avoir  été  in- 
struit par  un  certain  Théodat,  disciple  de 
Paul.  Ce  personnage  n'était  pas  plus  réel 
que  le  prétendu  livre  de  saint  Matthias.  Loin 
d'avoir  eu,  conmie  les  philosophes,  une  dou- 
ble doctrine,  l'une  pour  le  peuple,  l'autre 
pour  lies  disciples  discrets,  Jésus -Christ 
s'était  attaché  principalement  à  instruire  le 
simple  peuple,  il  avait  commandé  à  ses  apô- 
tres de  prêcher  l'Evangile  à  toute  créature, 
Marc.,  c.  xvi,  v.  15;  de  publier  au  grand 
jour  ce  qu'il  leur  avait  dit  à  l'oreille,  Matth., 
c.  X,  V.  27;  il  rendait  grâces  à  son  Père  de 
ce  (jue  la  vérité  était  révélée  aux  simples  et 
aux  ignorants,  pendant  qu'elle  demeurait 
cachée  aux  sages  et  aux  savants,  Luc,  c.  x, 
V.  21.  Il  avait  donc  condamné  d'avance  les 
orgueilleuses  prétentions  des  gnostiqucs  et 
de  tous  les  prétendus  illuminés.  — 4°  Valen- 
tin concevait  très-m;)l  la  nature  divine  :  il 
n'attribuait  au  premier  Père  ni  la  connais- 
sance de  toutes  choses,  ni  la  toute-puissance, 
ni  la  présence  hors  du  pleroma,  ni  la  provi- 
dence universelle,  ni  le  talent  de  maintenir 
la  paix  et  le  bon  ordre  entre  les  éons  qui 
composaient  sa  famille.  Suivant  le  système 
des  valcntiniens,  les  éons  étaient  sujets  aux 
passions  et  aux  vices  de  l'humanité,  à  la  ja- 
lousie, à  la  vainc  curiosité,  à  l'ambition,  à 
l'orgueil,  à  la  révolte  contre  la  volonté  de 
Dieu.  Celui  d'entre  eux  qui  avait  fabriqué  le 
monde,  l'avait  fait  à  l'insu  de  Dieu  et  contre 
son  gré  ;  la  manière  dont  Valentin  expliquait 
la  naissance  de  l'uniyers  était  d'une  absur- 
dité pitoyable.  H  pensait,  comme  Platon,  que 
les  astres  étaient  animés,  que  l'homme  a 
deux  âmes,  l'une  animale  et  sensitive,  l'au- 
tre spirituelle  et  immortelle;  mais  il  ne  disait 
point  d'où  ces  âmes  étaient  venues,  si  c'était 
encore  autant  de  nouveaux  éons  ;  il  ne  con- 
cevait pas  mieux  que  les  philosophes  païens 
la  nature  des  substances  spirituelles  ;  Beau- 
sobre  avoue  lui-même  que  les  valenliniens 
ne  reconnaissaient  aucune  substance  tout 
à  fait  incorporelle.  —  b'  Suivant  ce  fabuleux 
système,  l'èon  fabricateur  du  monde  conçut 
tant  d'orgueil  de  son  ouvrage,  qu'il  entreprit 
de  se  faire  reconnaître  pour  seul  Dieu  ;  il  y 
réussit  à  l'égard  des  Juifs,  en  leur  envoyant 
des  prophètes  qui  leur  persuadèrent  qu'il 
n'y  avait  point  d'autre  Dieu  que  le  créateur 
du  ciel  et  de  la  terre.  Les  autres  esprits, 
placés  dans  les  astres  et  dans  les  dlQerenles 
parties  de  l'univers,  suivirent  son  exemple 
et  se  tirent  adorer  par  les  païens.  Ainsi  la 
connaissance  du  vrai  Dieu  se  perdit  entiè- 
rement parmi  les  hommes,  et  la  corruption 
des  mœurs  y  devint  générale.  Couséquem- 
ment  les  valenliniens  regardaient  l'Ancien 
Testament,  non  comme  l'ouvrage  de  Dieu, 
mais  comme  la  production  d'un  ennemi  de 
Dieu  :  erreur  (]ue  suivirent  les  marcipnites 
et  les  manichéens.  Mais  comme  il  est  cerlaia 


951 


VAL 


VAL 


952 


que,  depois  la  création  du  monde  jusqu'au 
temps  de  Valenlin,  il  n'y  a  eu  que  deux  re- 
ligions sur  la  terre,  savoir,  celle  des  adora- 
teurs du  Créateur  et  celle  des  païens,  qui 
rendaient  leur  culte  aux  génies  ou  aux  es- 
prits moteurs  de  la  nature,  il  s'ensuit  que 
pendant  quatre  mille  ans  le  prétendu  vrai 
Dieu  des  valentinicns  n'a  été  connu  de  per- 
sonne, et  que  dans  aucun  temps  il  n'a  clé 
adoré  par  aucune  créature.  Pendant  celte 
mulliludc  de  siècles  il  dormait  sans  doute 
dans  le  pleroma,  sans  s'embarrasser  de  ce 
qui  se  passait  sur  l;i  terre.  Pourqui'i  en  effet 
aurait-il  pris  soin  d'un  monde  qui  avait  été 
f.ibiiqué  sans  son  aveu,  ou  de  la  race  des 
liduimes  dont  il  n'était  pas  le  pèro?  et  à  quel 
litre  ceux-ci  auraient-ils  clé  intéressés  à  lui 
rendre  un  culte?  Telle  est  la  ridicule  notion 
que  les  valentiniens  voulaient  donner  aux 
lioiiirnes,  de  leur  j  retendu  vrai  Diiu. — (i-Ce- 
poiidanl,  après  ce  long  sommeil,  Dieu  con- 
çut enfin  le  dessein  de  remédier  aux  maux 
qu'avait  causés  l'éon  formateur  du  monde  ; 
il  fil  naître  deux  autres  éons  plus  parfaits 
que  les  autres,  savoir,  le  Christ  et  le  Saint- 
Esprit,  l'our  en'oyer  le  Christ  sur  la  terre, 
il  y  fit  païaîlre  .lésus  sous  les  apparences 
extérieures  d'un  homme;  mais  Jésus  n'avait 
qu'un  corps  subtil  et  aérien,  qui  ne  fit  que 
passer  par  le  sein  de  Marie,  comme  l'eau 
passe  par  un  canal  ;  au  reste  il  avait  deux 
âmes  comme  les  autres  hommes,  l'une  ani- 
male, l'autre  spirituelle.  Lorsqu'il  fut  bap- 
tisé dans  le  Jourdain,  le  Christ  descendit  en 
lui  sous  la  forme  d'une  colombe,  et  lui  coni- 
iiiuniqua  une  vertu  surnaturelle  par  hiquellc 
il  opéra  de."  miracles,  il  enseigna  aux  hom- 
mes que,  pour  plaire  au  vrai  Dieu  et  parve- 
nir au  souverain  bonheur,  il  ne  fallait  plus 
adorer  le  Dieu  des  Juifs  ni  ceux  des  païens, 
mais  le  Pire,  en  esprit  et  en  vérité.  Par  là 
Jésus  encourut  la  haine  de  ces  divers  éons 
ou  génies,  qui,  pour  se  venger,  excitèrent 
les  Jttifs  à  le  faire  mourir.  Mais  il  ne  fut 
crucil^é  et  ne  mourut  qu'en  apparence  ;  re- 
vêtu d'un  corps  subtil  et  impassible,  il  ne 
pouvait  soufirir  ni  mourir  réellement. 

Conséqiiemment  les  valentiniens  u'admel- 
taient  ni  la  génération  éternelle  du  Verbe, 
ni  son  incarnalion,  ni  la  divinité  de  Jésus- 
Christ,  ni  la  rédemption  du  genre  humain, 
dans  le  sens  propre.  Ils  faisaient  seulement 
consister  celle  rédemption  en  ce  que  Jésus- 
Chiist  était  venu  soustraire  les  hommes  à 
l'empire  des  éon'^,  leur  avait  donné  des  le- 
çons et  des  exemples  de  vertu,  et  leur  avait 
enseigné  le  vrai  moyen  de  parvenir  au  bon- 
heur éiernel.  INlais  s'ils  croyaient  vériiable- 
ment  que  Jésus-Christ  était  l'envoyé  de 
Dieu,  ils  auraient  dû  avoir  plus  de  respect 
e'.  de  docilité  pour  sa  parole.  Coumie  ils  at- 
tribuaient la  formation  de  la  chair  de  l'Iiom- 
nie,  non  à  Dieu,  mais  au  fabricaleur  du 
monde,  ils  la  regardaient  comme  une  sub- 
stance essenlieliemeni  mauvaise  ;  ils  n'ad- 
miiiaiL-nt  point  qu'elle  dût  ressusciter  un 
jour. 

Nous  avons  déjà  remarqué  que  Valenlin 
De   fu'.    pas   le    premier    auteur  de  toutes 


ces  erreurs  ;  soit  avant,  soit  après  lui,  elles 
furent  enseignées  par  d'autres  enthousiastes 
qui  les  arrangèrent  chacun  selon  son  goût. 
Ou  lui  donne  pour  disciples  Plolémée,  Se- 
cundus,  Héracléon,  Marc,  Colarbase,  Bar- 
desanes,  etc.  Nous  avons  parlé  de  ces  per- 
sonnages sous  les  noms  des  sectes  iqu'ils 
fondèrent.  Les  ophiles,  les  docètes,  les  sévé- 
rions,  les  apostoliques,  les  adamiies,  les 
caïnites,  les  sélhiens,  etc.,  furent  autant  de 
branches  qui  sortaient  du  même  tronc;  mais 
on  ne  peut  marquer  avec  précision  ni  la  date 
de  leur  naissance,  ni  le  pays  dans  lequel  ils 
dogmatisaient,  ni  la  diflérence  qu'il  y  avait 
entre  leurs  opinions.  Comment  aurait  pu 
régner  l'uniformité  entre  des  fanatiques  qui 
avaient  autant  de  droit  les  uns  que  les  au- 
tres de  forger  des  erreurs  et  des  fables  ? 

Saint  Irénée  les  a  tous  réfutés  en  prouvant 
contre  eux  l'unité  de  Dieu,  seul  créateur  et 
gouverneur  do  la  matière  et  du  monde,  l'ab- 
surdilé  de  la  généalogie  des  éons,  la  nullilé 
des  prétendues  traditions  secrètes  opposées 
à  la  tradition  publique  et  constante  des  égli- 
ses fondées  par  les  apôtres,  la  génération 
élernelle  du  Verbe  et  son  incarnalion,  la  ré- 
demption du  monde  parJésu5-Chrisl,etc,llne 
serait  pas  nécessaire  de  répéter  lusarguments 
dont  il  s'est  servi,  si  les  protestants  avaient 
été  plus  équitables.  Mais  comme  plusieurs 
soutiennent  que,  dans  celte  dispute,  les  Pè- 
res ont  souvent  mal  raisonné,  qu'ils  ont  mal 
pris  le  sens  des  expressions  de  leurs  adver- 
saires, ou  qu'ils  en  ont  défigure  exprès  les 
opinions  afin  de  les  rendre  plus  odieuses  et 
plus  aisées  à  réfuter,  il  est  important  de 
justifier  ces  saints  docteurs.  Nos  adversaires 
en  veulent  surtout  à  saint  Irénée,  parce  que 
les  principes  qu'il  a  posés  ne  sont  pas  moins 
forts  contre  les  héréti(iucs  modernes  que 
contre  les  anciens  ;  une  courte  analyse  de 
son  ouvrage  ciiolre  les  hérésies  suffira  pour 
démontrer  l'injustice  de  leur  critique. 

Dans  son  i"  livre,  le  saint  docteur  expose 
ce  que  les  valentiniens  disaient  des  éons  et 
de  leur  généalogie,  les  passages  de  l'Iicri- 
ture  dont  ils  abusaient,  les  diverses  bran- 
ches dans  lesquelles  leur  secte  était  parta- 
gée, les  différentes  erreurs  que  chacune  avait 
adoptées.  Ce  qu'il  en  rapporte  est  confirmé 
par  rjément  o'Alexanilrie,  par  ïeriullien, 
par  Origène,  par  saint  Epiphane,  pjr  les 
extraits  qu'ils  ont  donnés  de  plusieurs  ou- 
\rn^es  des  valentiniens;  son  récit  ne  peut 
donc  pas  être  suspect. 

Dans  le  second  livre,  c.  1,  il  commence 
par  démontrer  que  Dieu,  étant  le  premier 
Etre  ou  l'Etre  éternel,  est  nécessairement 
seul  Dieu,  que  rien  n'a  pu  borner  son  es- 
sence, sa  puissance,  sa  connaissance,  ni  ses 
autres  allributs  ;  qu'il  est  absurde  de  le  sup- 
poser renfermé  dans  le  pleroma,  et  de  lui 
ôter  la  connaissance  de  ce  qui  était  au  delà  ; 
qu'il  n'y  a  [las  plus  de  raison  d'admettre 
deux,  trois,  ou  trente  éons,  que  d'en  sup- 
poser mille;  que  leur  géuéaloLçie  est  remplie 
de  contradictions.  Déjà  Ton  voit  que  saint 
Irénée  a  très-bien  saisi  les  conséquences  de 
l'idée  d'Elre  nécessaire  ,   cxistaol  de  soi- 


955 


VAL 


môme;  conséquences  qn'aucnn  des  anciens 
héréiiqui's  ni  des  pliilosophes  n'a  su  aperce- 
voir, cl  qui  sapent  par  le  fonderneni  tous 
leurs  syslèmes.  TerluUien  les  a  développés 
de  même  dans  son  livre  contre  llcrmogène. 
Par  esprit  de  conir.idiclion  ,  Beausobre  a 
essayé  de  justifier  deux  ou  trois  /irticles  de 
la  généalogie  d(is  éons,  mais  il  n'a  pas  tenté 
de  réfuter  les  contradictions  que  saint  Iré- 
née  y  a  montrées  ;  il  n'a  pas  attaqué  le  prin- 
cipe fondamental  posé  par  ce  saint  docteur, 
duquel  il  résulte  que  s'il  y  a  eu  des  éons,  ou 
des  êtres  subsistants  distingués  de  Dieu  ,  ce 
sont  des  cré;iturcs,  et  non  des  êtres  néces- 
saires et  éternels,  que  Dieu  par  conséquent 
a  été  le  maître  de  borner  leur  connaissance, 
leur  puissance,  leur  nature ,  comme  il  lui  a 
plu. 

Chap.  2,  ce  Père  fait  voir  que  Dieu,  dont 
la  puissance  n'a  point  de  bornes,  n'a  eu  be- 
soin ni  de  coopéraleurs,  ni  d'instrument,  ni 
de  matière  préexistante,  pour  faire  le  mon- 
de, qu'il  a  tout  fait  par  son  Verbe,  ou  par 
son  seul  vouloir  :  dixit  et  facta  sunt;  qu'il  a 
ainsi  créé  les  esprits  et  les  corps,  les  anges, 
les  hommes  et  les  animaux,  initium  crealio- 
vis  (lonaiif!,  expression  remarquable.  11  ré- 
pèle la  même  chose,  c.  9  et  10.  Telle  a  été. 
dit-il,  c.  9,  la  cro\anrc  du  genre  humain 
fondée  sur  la  Iradilion  de  notre  premier 
père,  et  telle  est  encore  celle  de  l'Eglise,  in- 
struite par  les  apôtres.  Il  est  étonnant  que 
nos  adversaires  n'aient  jamais  daiainé  re- 
marquer combien  cette  métaphysique  su- 
blime des  anciens  i'ères  de  l'Eglise  est  su- 
périeure à  celle  de  tous  les  philosophes  ;  où 
•l'ont-ils  prise,  sinon  dans  les  livres  saints? 
et  l'on  veut  que  les  philosophes  aient  été 
leurs  maîtres  1  —  Loin  d'admettre  le  système 
des  émanations  ,  comme  les  valenliniens, 
saint  Irénéc  le  réfute,  c.  13,  la,  17,  sous 
toutes  les  faces  sous  lesquelles  on  peut  l'en- 
visager, parce  que  Dieu  étant  un  litre  sim- 
ple, pur  esprit,  toujours  le  même,  rien  n'a 
pu  cire  détaché  de  sa  substance.  Osera-t-on 
encore  nous  dire  que  les  anciens  Pères  n'ont 
point  eu  l'idée  de  la  parfaite  spiritualité?  ils 
l'ont  puisée  dans  le  dogme  niènie  de  l;i  créa- 
lion;  l'un  n'a  jamais  pu  être  conçu  sans  l'autre. 
.  Chap.  IV,  saint  Irénéc  soutient  que  les 
valentinifins  ont  emprunte  leurs  éons  et  leurs 
fables  des  auteurs  crées,  des  poètes  ,  des 
philosophes  ,  particulièrement  de  Platon  et 
des  slo'icieiis  ,  qu'ils  n'ont  fait  que  changer 
les  noms  des  personiiagrs,  afin  de  persuader 
qu'ils  en  étaient  les  inventeurs,  et  il  le  mon- 
tre en  détail.  C'est  donc  fort  inutilement  que 
Beausobre  s'est  alt;iché  à  prouver  que  ce 
système  n'était  autre  chose  «lu'une  théologie 
philosophique  et  un  pur  platonisme,  Ilist. 
du  Mniiich.,  t.  11,  I.  v,  c.  1,  S  11  et  12;  saint 
Jrénée  l'a  vu  avant  lui  et  l'a  démontré.  Or, 
Platon  n'a  pas  représenté  les  esprits,  les  gé- 
nies ou  les  dieux  ((u'il  plaçait  dans  les  astres 
et  ailleurs  ,  comme  des  êtres  abslrnits  et 
métaphysiques,  niais  comme  dc«  personna- 
ges réels  ; 'dcnc  Beausobre  est  force  d'avouer 
que  les  valentiincns  ont  pensé  de  même.  Au 
reste,  soit  que  ces  hérétiques  aient  pris  leurs 


VAL  054 

visions  dans  Platon,  comme  le  vent  Beauso- 
bre, soit  qu'ils  les  ai<<nt  reçues  des  philoso- 
phes orientaux,  comme  Brucker  et  Mosheim 
le  soutiennent,  les  arguments  ((ue  saint  Iré- 
née  fait  contre  eux  n'en  sont  pas  moins  so- 
lides. Il  s'ensuit  (oujours  que  ce  Pèr(\  n'a  été 
rien  moins  que  platonicien  ,  puis(iu'il  a  cru 
attaquer  directement  le  platonisme  en  réfu- 
tant les  valentinims. 

Chap.  2()  et  suiv.,  il  fait  sentir  l'ineptie 
des  allusions  par  lesquelles  ces  hérétiques 
voulaient  tirer  leurs  éons  et  leurs  fables  de 
quelques  passages  de  l'Ecriture  sainte  ;  il 
montre  le  ridicule  de  leur  méthode  d'argu- 
menter sur  la  valeur  numériqui;  des  lettres 
de  l'alphabet,  comme  les  juifs  cabalistes  ont 
fait  dans  la  suite.  Chap.  27  et  28,  il  dit  que 
l'on  doit  chercher  la  vérité  dans  ce  que  l'E- 
criture sainte  a  de  plus  clair,  et  non  dans 
des  paraboles  auxquelles  on  peut  donner 
telle  explication  que  l'on  veut.  11  s'en  faut 
donc  beaucoup  que  saint  Irénée  ait  été 
aussi  prévenu  qu'on  le  prétend  en  faveur 
des  explications  allégoriques  et  mystiques 
de  l'Iîcriturc  ;  s'il  s'en  est  servi  quelquefois, 
c'était  pour  en  tirer  des  leçons  de  morale,  et 
non  pour  appuyer  des  dogmes,  comme  fai- 
saient les  hérétiques. 

Dans  son  iir'  livre  ,  le  saint  docteur  s'at- 
tache à  réfuter  le  subterfuge  des  valenli- 
niens, qui  prétendaient  avoir  reçu  leur  doc- 
trine de  .lésus-Clirist  même  par  des  tradi- 
tions secrètes,  par  des  instructions  qu'il  n'a- 
vait données  qu'à  quelques-uns  de  ses  dis- 
ciples les  plus  inielligenis.  C'est  une  absur- 
dité, dit-il,  c.  1,  2  et  3,  de  supposer  que  Jé- 
sus-Christ a  coiitié  sa  doctrine  à  d'autres 
qu'aux  afiôtres  qu'il  avait  chargés  do  prê- 
cher son  Evangile  et  de  fonder  des  églises  : 
or,  ceux-ci  n'ont  commencé  à  prêcher  et  à 
mettre  l'Évangile  par  écrit  qu'après  avoir 
reçu  le  Saint-Esprit  qui  devait  leur  ensei- 
gner toute  vérité.  Il  n'est  pas  moins  ridicule 
d'imaginer  que  les  apôtres  ont  confié  la  doc- 
trine de  Jésus-Christ  à  d'autres  qu'aux  pas- 
teurs qu'ils  ont  établis  fiour  enseigner  et 
gouverner  les  églises  après  eux.  C'est  donc 
dans  la  tradition  et  dans  l'enseignement 
constant  de  ces  églises ,  qu'il  faut  chercher 
la  vérité;  il  faudrait  eneore  y  avoir  recours 
et  s'y  attacher,  (|uand  même  les  apôtres  iiC 
nous  auraient  rien  laissé  par  écrit.  Or,  cette 
tradition  n'est  conservée  et  annoncée  nulle 
part  avec  plus  de  certitude  cl  plus  d'éclat 
que  dans  l'Eglise  romaine  ,  fondée  par  les 
apôtres  saint  Pierre  et  saint  Paul,  et  dans  la- 
quelle la  succession  des  évoques  a  été  con- 
stante depuis  ces  apôtres  jusqu'à  nous. —  Les 
protestants,  qui  ont  pris  pour  principe  fon- 
damental de  leur  secte  qu'il  faut  chercher  la 
vraie  doctrine  de  Jésus-CJhrist  dans  l'Ecriture 
seule,  sans  avoir  aucun  égard  à  la  tradition 
ou  à  l'enseignement  de  l'Eglise  ;  qui  soutien- 
nent que  celle  de  Uome  a  introduit  parmi 
les  chrétiens  ,  dans  la  suite  des  siècles  ,  une 
infinité  de  nouveaux  tlogmes  ,  ne  peuvent 
pardonner  à  saint  Irénée  d'avoir  él.ildi  une 
règle  toute  contraire;  c'est  pour  cela  qu'ils 
ont  tant  déprimé  ses  talents  et  ses  écrits. 


955 


VAL 


-VAL 


958 


Mais  leurs  clameurs  ni  leurs  reproches  ne 
donneronl  jamais  atleinle  à  la  solsdilé  des 
réflexions  el  des  raisonnements  de  ce  Père. 
A  quoi  servait  de  citer  l'Ecriture  seule  à  des 
hérétiques  qui  pervertissaient  le  sens  de  tous 
les  passages?  qui,  pour  les  entendre  comme 
il  leur  plaisait ,  s'attribuaient  des  lumières 
«upérieures  à  celles  de  tous  les  docteurs  de 
l'Eglise,  même  à  cellesdesapôtres  ?  S.  Ircn., 
ibuL,  c.  2,  §  2.  Comment  les  confondre,  si- 
non en  démontrant  la  sagesse  et  la  solidité 
du  plan  que  Jésus-Christ  avait  suivi  pour 
perpétuer  l'enseignement  de  sa  doctrine 
dans  sou  Eglise?  Ce  plan  est  toujours  le 
même  depuis  dix-sept  siècles,  et  il  servira 
toujours  également  à  réfuter  les  hérétiques, 
de  quelque  secte  qu'ils  soient. 

Ch.  5  cl  suiv.,  saint  Irénée  fait  voir  que 
nos  quatre  Evangiles,  qui  sont  les  seuls  au- 
thentiques, el  les  autres  écrits  des  apôlres  , 
renferment  une  doctrine  tout  opposée  à  celle 
des  valentiniens.  Ils  nous  apprennent  à  con- 
naître un  seul  Dieu,  qui  a  tout  créé  par  son 
^'er!)e,  un  seul  Jésus-ChrisI,  Fils  unique  de 
Dieu  ,  vrai  Dieu  et  vrai  homme  ,  né  de  la 
A'ierge  Marie,  un  seul  Saint-Kspril,  Dieu  et 
Seigneur  comme  le  Père  et  le  Fiis.  11  montre 
que  la  même  foi  ,  la  même  doctrine  ,  a  été 
enseignée  par  les  prophètes  de  l'Ancien 
Testament;  d'où  il  conclut  qu'ils  ont  clé  en- 
voyés et  inspirés  par  le  même  Dieu  qui  a 
dans  la  suite  envoyé  son  Fils  unique  pour 
nous  instruire,  et  non  par  un  esprit  ennemi 
de  Dieu,  comme  les  valentiniens  osaient  le 
dire.  Il  réfute  de  temps  en  temps  les  objec- 
tions de  ses  adversaires,  et  les  fausses  in- 
terprétations qu'ils  donnaient  aux  prophé- 
ties. 

Dans  le  iv  livre,  il  continue  à  démontrer 
qu'il  y  a  une  conformité  parfaite  entre  l'An- 
cien Testament  et  le  Nouveau,  d'où  il  ré- 
sulte que  le  même  Dieu  est  également  au- 
teur de  l'un  et  de  l'autre  ;  il  concilie  les  di- 
vers endroits  que  les  hérétiques  préten- 
daient être  opposés  ;  il  réfute  les  reproches 
qu'ils  faisaient  contrôles  saints  personnages 
de  l'ancienne  loi ,  et  que  les  incrédules  ré- 
pètent encore  aujourd'hui.  Il  se  fonde  prin- 
cipalement sur  la  conduite  de  Jésus-Christ  ; 
ce  divin  Sauveur  a  constamment  nommé  son 
Père  le  Créateur,  et  il  l'a  fait  connaître  aux 
hommes  comme  le  seul  Dieu ,  comme  lo 
même  que  les  patriarches  ont  adoré,  et  qui 
a  inspiré  les  prophètes,  et  il  a  déclaré  «lue 
leurs  oracles  ont  été  accomplis  dans  sa  per- 
sonne. Loin  de  détruire  la  loi  ni  les  prophè- 
tes, il  est  venu  pour  en  démontrer  la  vérité; 
il  a  confirmé  la  loi  morale  du  décalogue 
dans  tous  ses  points.  Quoique  cette  discus- 
sion soit  assez  longue  ,  saint  Irénée  n'y  a 
point  recours  à  des  explications  mystiques, 
allégoriques  ni  arbitraires,  semblables  à 
celles  des  valentiniens ,  il  ne  s'appuie  que 
sur  le  sens  littéral  et  naturel  du  texte  sa- 
cré. 

Le  v  livre  est  une  suite  du  précédent  :  ce 
Père  y  continue  de  prouver  par  des  passa- 
ges du  Nouveau  Testament  les  divers  articles 


de  notre  foi  contestés  et  contredits  par  les 
hérétiques. 

Après  cette  courte  analyse,  nous  ne  crai- 
gnons plus  de  demander  aux  critiques  si  les 
arguments  de  saint  Irénée  contre  les  valen- 
tiniens sont  frivoles  ,  sans  justesse  et  sans 
solidité;  si  ces  hérétiques  étaient  en  état  de 
les  détruire  ;  si  ceux  qui  se  croient  aujour- 
d'hui plus  savants  que  les  Pères  sont  capa- 
bles d'en  donner  de  meilleurs.  Ils  diront  sans 
doute  que  ce  petit  nombre  de  vérités  est 
noyé  dans  une  infinité  de  choses  accessoires. 
Soit.  Etait-il  possible  de  faire  autrement,  en 
écrivant  contre  cinq  ou  six  sectes  héréti- 
ques, qui  ne  s'accordaient  que  dans  le  fond 
du  système,  et  qui  en  variaient  les  acces- 
soires à  l'infini?  Dans  tout  son  ouvrage,  le 
saint  docteur  ne  perd  jamais  de  vue  ce  qu'il 
avait  à  prouver  ,  l'unité  de  Dieu,  son  pou- 
voir créateur,  sa  providence  générale,  tou- 
jours sage  et  bienfaisante  dans  la  dispensa- 
tiou  des  lumières  de  la  révélation,  dans  l'ou- 
vrage de  la  rédemption  et  du  salut  des  hom- 
mes. —  Ils  en  reviendront  peut-être  à  leur 
subterfuge. ordinaire,  en  disant  que  ce  Père 
n'a  pas  bien  compris  les  opinions  des  valen~ 
tiniens.  Mais  il  nous  assure  lui-même  qu'il 
avait  disputé  plus  d'une  fois  avec  eux, liv.  n, 
chap.  17,  n.  9.  Ces  sectaires  étaient  donc  là 
pour  s'expliquer  et  pour  le  contredire,  s'il 
leur  avait  attribué  faussement  quelque  er- 
reur ;  Tertullien ,  Clément  d'Alexandrie  , 
saint  Epiphane  ,  leur  attribuent  les  mêmes 
opinions  que  saint  Irénée.  Celui-ci  a  écrit 
dans  les  Gaules,  Tertullien  en  Afrique,  Clé- 
ment en  Egypte,  presque  en  même  temps  ; 
se  sont-ils  donné  le  mot  pour  en  imposer  de 
mêiiie,  ou  ont-ils  été  trompés  par  la  même 
illusion  ?  Clément  avait  lu  les  livres  de  Va- 
ientin,  puisqu'il  les  cite,  et  qu'il  rapporte 
un  long  fragment  de  Théodote,  l'un  des  dis- 
ciples de  Valentin.  Origène  a  donné  plu- 
sieurs extraits  du  commentaire  d'Héracléon 
sur  l'Evangile  de  saint  Jean.  Grabe,  Spicil. 
Hœret.,  sect.  2.  Il  aurait  été  impossible  à 
saint  Irénée  d'entrer  dans  un  si  grand  détail 
des  opinions  différentes  des  gnostiqucs,  s'il 
n'avait  pas  vu  leurs  écrits. 

Tout  cela  ne  persuade  point  nos  adver- 
saires. «  Je  ne  saurais  croire  ,  dit  Beauso- 
bre,  que  A  alentin  fût  assez  fou  pour  imagi- 
ner que  des  passions  ,  qui  ne  sont  que  des 
modifications  d'une  substance  ,  fussent  des 
substances  réelles...  Je  ne  croirai  jamais 
que  des  philosophes,  et  de  savants  philoso- 
phes, aient  pensé  d'une  manière  si  absurde 
et  si  contradictoire.  »  Ilist.  du  manich., 
liv.  V,  ch.  1,  §  11.  Ce  critique  était  le  maître 
de  croire  tout  ce  qui  lui  plaisait,  et  de  nom- 
mer grands  philosophes  une  troupe  d'insen- 
sés ;  tel  était  son  entêleuieat.  Selon  lui,  les 
hérétiques  ont  étéincapables  d'enseigner  des 
absurdités  ;  mais  il  n'est  aucun  Père  de  l'E- 
glise qui  n'ait  été  capable  de  leur  en  attri- 
buer, malgré  la  notoriété  publique,  soit  par 
défaut  d'intelligence,  soit  par  défaut  de  bonne 
foi.  Ce  fanatisme  de  Beausobre  ressembla 
beaucoup  à  celui  des  valentiniens.  —  Mos- 
heim ,  plus  modéré,  s'est  borné  à  dire  que 


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les  anciens  docteurs,  trompés  par  la  variété 
des  noms,  oui  souvent  divisé  mal  à  propos 
une  secle  en  plusieurs  branches  ;  que  l'on 
peut  douter  s'ils  nous  ont  toujours  instruits 
9u  vrai  delà  nature  et  du  sens  des  opinions 
dont  ils  parlent,  Hist.  ecclés.,  ii'  siècle, 
11  part.,  chap.  5,  §  18.  Encore  une  fois  ,  ce 
n'est  pas  lu  faute  des  Pères,  si  dans  uno 
troupe  de  raisonneurs,  dont  les  uns  doirma- 
tisaient  en  Asie,  les  autres  en  Europe  ,  et 
qui  tous  se  prétendaient  illuminés,  il  n'y  en 
avait  pas  deux  qui  pensassent  altsolument 
de  même,  ou  qui  aient  persévéré  loufçtcmps 
dans  les  mêmes  opinions.  Les  Pères  n'ont  pu 
savoir  que  ce  que  disaient  ees  sectaires  dans 
leurs  écrits  et  dans  les  disputes  que  l'on 
avait  avec  eux;  c'est  donc  à  ces  derniers 
qu'il  faut  s'en  prendre,  s'ils  ne  se  sont  pas 
expliqués  aussi  clairement  (lue  le  voudraient 
les  critiques  modernes. 

On  nous  demandera  encore  comment  les 
V(tlenliniens  et  les  autres  gnostiques  ont  pu 
faire  des  prosélytes,  en  enseignant  des  er- 
reurs aussi  absurdes.  Saint  Irénéc  et  Ter- 
(ullicn  nous  l'apprennent;  ils  peignaient  les 
pasteurs  de  l'Eglise  comme  des  i'^norants  et 
des  esprits  faillies,  incapables  d'entendre  la 
véritable  doctrine;  ils  vantaient  les  lumières 
supérieures  des  maîtres  par  lesquels  ils  pré- 
tendaient avoir  été  instruits  ;  ils  affectaient 
d'abord  un  air  mystérieuv,  afin  d'exciter  la 
curiosité;  ils  [iromeitaient  de  s'expliquer 
plus  clairement  dans  la  suite;  ils  faisaient 
espérer  à  leurs  prosélytes  que  bientôt  ils  en 
sauraient  plus  que  les  docteurs;  ils  leur  re- 
commandaient un  secret  inviolable,  lis  ci- 
taient au  hasard  quelques  passages  de  l'E- 
criture dont  ils  tordaient  le  sens  ,  etc.  Ca 
manège  a  été  celui  de  la  plupart  des  héréti- 
ques ,  et  il  n'a  pas  mal  réussi  aux  fonda- 
teuis  du  prolestanlisme.  Hien  n'est  plus 
inintelligible  que  les  commentaires  des  va- 
lentiniens  sur  les  Evangiles  ;  plus  ils  étaient 
obscurs,  plus  ils  étaient  admirés  par  les  es- 
prits superficiels.  On  en  ser;/t  moins  étonné, 
si  l'on  considérait  jusqu'à  quel  point  la  phi- 
losophie païenne  avait  aveuglé  et  perverti 
la  plupart  des  esprits. 

Nous  ne  parlerons  point  Ce  la  morale  des 
valenliniens,  elle  était  la  même  que  celle  des 
autres  gnostiques;  nous  l'aions  exposée  en 
son  lieu,  et  nous  en  avons  f.iit  voir  les  per- 
nicieuses conséquences.  Saint  Irénée  nous 
assure  que  plusieurs  en  enseignaient  une 
détestable  ,  et  l'on  ne  peut  pas  douter  qu'un 
très-grand  nombre  ne  l'aient  suivie  dans  la 
pratique.  Mais  les  anciens  ne  nous  appren- 
nent point  en  quoi  le  culte  extérieur  de  ces 
hérétiques  était  différent  de  celui  des  ortho- 
doxes. Quoi  qu'il  en  soit,  les  opinions  et  la 
conduite  de  ces  anciennes  sectes  nous  don- 
nent lieu  de  faire  des  réflexions  plus  impor- 
tantes que  les  observations  critiques  des 
protestants  ;  on  doit  nous  pardonner  de  les 
avoir  répétées  plus  d'une  fois.  1°  Ces  héré- 
sies sont  aus«i  anciennes  que  le  chrisiiu- 
nisme  ,  elles  remontent  au  temps  des  apô- 
tres; leurs  chefs  n'avaient  aucun  respect 
pour  les  disciples  de  Jésus-Ciirist,  puis- 


qu'ils les  regardaient  comme  des  ignorants 
qui  n'avaient  aucune  teinture  de  philoso- 
[ihie,  et  qui  n'avaient  pas  su  prendre  le  vrai 
sens  de  la  doctrine  de  leur  Maitre.  Mais  si 
ces  illuminés  refusaient  l'intelligence  aux 
apôtres,  ils  ne  contestaient  pas  leur  bonne 
foi  ,  ils  ne  rejetaient  pas  leur  témoignage 
touchant  les  faits  delà  naissance,  de  la  pré- 
dication, des  miracles,  de  la  mon,  de  la  ré- 
surrection et  de  l'ascension  de  Jésus-Christ. 
Ils  avouaient  que  tout  cela  s'était  fait  en 
apparence;  ils  ne  soutenaient  donc  pas  quo 
tout  cela  était  faux  ,  que  les  apôtres  et  les 
évangôlislcs  en  avaient  imposé,  quo  l'his- 
toire qu'ils  en  avaient  écrite  était  fabuleuse. 
S'il  y  avait  eu  quelque  preuve  ou  quelque 
témoignage  conlraiie  ,  quelque  moyen  d'at- 
tacjuer  la  narration  des  évangélisles  ,  ces 
sectaires  n'auraient  pas  manqué  de  s'en  pré- 
valoir pour  riulérèl  de  leur  systiine.  Puis- 
qu'ils ne  l'ont  p  is  fait,  il  faut  que  les  faits 
publiés  par  les  apôtres  aient  été  d'une  noto- 
riété incontestable.  S'ils  sont  vrais,  la  divi- 
nité du  christianisme  est  démontrée.  —  2°  11 
s'i'usuit  encore  que  l'authcnticilé  de  nos 
quatre  Evangiles  était  universellement  re- 
connue ,  puis(|ue  les  gnostiques  ne  niaient 
pas  qu'ils  eussent  été  écrits  par  les  quatre 
auteurs  dont  ils  portent  les  noms.  Saint  Iré- 
née témoigne  que  les  valenliniens  admet- 
taient en  particulier  celui  de  saint  Jean,  et 
Cela  est  prouvé  par  les  commentaires  d'Hé- 
racléon  sur  cet  Evangile.  Ils  lui  donnaient 
piobaltlcmeni  la  préférence  ,  parce  qu'il 
avait  été  écrit  le  dernier  de  tous,  et  parce 
que  saint  Jean  rapporte  plus  au  long  que 
les  aulres  évangéliites  les  discours  du  Sau- 
veur; mais  ils  ne  prétendaient  point  que  les 
trois  autres  fussent  des  livres  supposés.  On 
disputait  sur  le  sens  de  ces  livres  ,  chaque 
parti  [irétendait  y  trouver  sa  propre  doc- 
trine; ce  n'élaient  donc  pas  des  écrits  apo- 
cr3phes  ou  inconnus.  Lorsuuo  les  héréti- 
ques osèrent  en  forger  d'autres  dans  la  suite, 
les  do(  leurs  chrétiens  ne  furent  pas  dupes 
de  cette  imposture.  Ils  s'en  rapportèrent  au 
témoignage  des  églises  fondées  par  les  apô- 
tres, qui  avaient  reçu  d'eux  nos  Evangiles, 
et  non  d'autres,  comme  authentiques  et  ins- 
pirés (le  Dieu,  l'elle  est  la  règle  qui  a  servi 
à  prouver  la  canonicité  de  tous  les  écrits 
de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Teslament.  — 
3'  Lorsque  les  incrédules  ont  dit  (jue,  pen- 
dant les  trois  premiers  siècles,  le  christia- 
nisme s'est  établi  dans  les  ténèbres,  à  l'insu 
du  gouvernement  romain  et  des  magistrats, 
ils  ont  montré  une  profonde  ignorance  de  ce 
qui  s'est  passé  pour  lors.  On  disputait  sur  la 
doctrine  chrétienne  à  Rome,  en  Afrique,  en 
Egypte  et  dans  toutes  les  provinces  de  lO- 
rient  ;  Gelse  l'a  reproché  aux  chrétiens,  et 
tous  les  monuments  de  l'histoire  ecclésiasti- 
que en  déposent.  Il  est  impossible  que  ces 
contestations  n'aient  pas  fait  du  bruit,  et 
n'aient  excité  souvent  l'altention  du  gou- 
verîiement.  Loin  d'être  scandalisé  de  ces  dé- 
bats, nous  bénissons  la  providence  de  les 
avoir  permis  ;  ils  démontrent  que  dès  sa  nais- 
sance le  chiistiiiaisoïc  u  été  examiné  avec 


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des  ycnx  crKiqucs  et  malins,  que  l'on  en  a 
discuté  1rs  dogmes,  la  morale,  le  culte,  les 
titres  et  les  monuments,  que  personne  n'a 
pu  l'embrasser  par  ignorance  et  sans  le  bien 
connaître.  —  i"  LfS  erreurs  grossières  des 
différentes  sectes  de  gnosiiqiies  nous  mon- 
trent les  services  importants  que  In  philoso- 
phie a  rendus  an  genre  humain,  et  les  con- 
naissances merveilleuses  qu'elle  a  commu- 
niquées à  ses  sectateurs.  Par  là  nous  pou- 
vons juger  si  saint  Paul  a  eu  tort  île  la  mé- 
priser, de  l'appeler  une  fùlie,  et  d'avertir  les 
fidèles  de  s'en  défier.  Un  fait  ccriai»,  c'est 
que  !e  christianisme  n'a  point  eu  de  plus 
grands  ennemis  que  les  philosophes  ;  ils  ont 
combattu  contre  celte  sainte  religion  pendant 
près  de  trois  cents  ans,  sans  vouloir  ouvrir 
les  yeux  à  la  lumière  ;  plusieurs  de  ceux  qui 
avaient  fait  semblai't  de  l'embrasser  entre- 
prirent de  changer  la  doctrine,  et  de  lui 
substituer  les  rt'ves  systématiques  dont  ils 
étaient  infatués;  quand  ils  virent  que  leurs 
ruses,  leurs  sophismes,  leurs  écrits,  n'abou- 
tissaient à  rien  ,  ils  finirent  par  souffler  le 
feu  de  la  persécution  contre  les  fidèles.  Heu- 
reusement quel(iues-uns  furent  plus  sensés 
et  de  meilleure  foi  ;  ils  devinrent  sincère- 
ment chrétiens,  ils  furent  les  apologistes  et 
les  prédicateurs  de  la  doctrine  de  Jésus- 
Christ  ;  ils  montrèrent  que  c'était  une  phi- 
losophie plus  sage  et  plus  vraie  que  celle 
qu'avaient  enseignée  les  plus  grands  génies 
du  paganisme;  tels  furent  saint  Justin,  Athé- 
nagore,  Tatien,  Herniias,  saint  Irénée,  saint 
Théophile  d"Antioche,  Origène,  Clément  d'A- 
lexandrie, etc.  La  plupart  des  systèmes  phi- 
lo80|)hi(]uos  ne  sont  connus  que  par  la  réfu- 
tation qu'ils  en  ont  faite.  Aujourd'hui  quel- 
ques censeurs  bizarres  leur  savent  mauvais 
gré  d'avoir  battu  les  philosophes  par  leurs 
propres  armes.  —  b°  L'affectation  des  pro- 
lestants de  vouloir  justifier  tous  les  héréti- 
ques aux  dépens  des  Pères  de  l'Kglise,  dé- 
montre que  le  caractère  de  l'hérésie  est  tou- 
jours le  même;  depuis  dix-sept  siècles  il  n'a 
pas  changé.  Quand  on  y  regarde  de  près, 
on  voit  qu'il  n'y  a  pas  une  très-grande  dilTe- 
rence  entre  la  conduite  des  gno^tiques  et 
celle  des  protestants.  Les  premiers,  en  vrrtu 
des  lumières  supérieuresqu'ils  s'attribuaient, 
se  vantèrent  <le  mieux  entendre  et  de  mieux 
expîiquer  l'Ecriture  sainte  que  les  pasteurs 
de  l'Eglise  catholique;  les  seconds  préten- 
dent au  même  privilège  parle  secours  d'une 
grâce  du  Saint-Esprit,  qui  ne  manijue  ja- 
mais à  aucun  particulier  de  leur  secte.  Les 
valenliniens  citaient  à  l'appui  de  leurs  com- 
mentaires une  tradition  cachée  et  conservée 
parmi  un  petit  nombre  d'illuminés;  les  pro- 
testants ont  soutenu  que  dans  tous  les  siè- 
cles il  y  avait  eu  dans  le  sein  de  l'Eglise  un 
certain  nombre  de  partisans  secrets  de  la 
vérité  ,  mais  qui  n'osaient  se  déclarer  ni 
faire  profession  publique  de  leur  croyance  ; 
ils  ont  appelé  ensuite  à  leur  secours  les  ma- 
niehéeiis,  les  albigeois,  les  vaudiiis,  les  luis- 
.sites,  les  vicléfiles,  révoltés  com.c  eus  con- 
tre l'enseignement  de  l'Eglise  lalholiquc. 
Les  gnostiques  liraient  vanité  de  leurs  con- 


naissances philosophiques,  ils  préféraient 
l'autorité  des  philosophes  à  celle  des  apô- 
tres et  de  leurs  disciples;  les  prétendus  ré- 
formateurs étalèrent  avec  faste  l'érudition 
qu'ils  s'étaient  acquise  par  l'étude  des  lan- 
gues, de  la  critique,  de  l'histoire,  de  la  belle 
littérature  ;  on  les  crut  supérieurs,  même  en 
fait  de  théologie  ,  non-seulement  au  clergé 
qui  enseignait  pour  lors,  mais  aux  docteurs 
catholiques  de  tous  les  siècles.  Cependant 
l'enseignement  public,  constant,  uniforme 
de  l'Eglise,  a  prévalu  à  tous  les  efforts  des 
anciens  hérétiques  ;  vingt  sectes  plus  ré- 
centes l'ont  vainement  attaqué  depuis  ce 
temps-là,  il  se  soutient  toujours  et  persévère 
comme  au  second  siècle.  Ce  phénomène 
suffit  pour  nous  faire  comprendre  où  se 
trouve  la  vraie  doctrine  de  Jésus-Christ. 

VALÉSIENS,  ancienne  secte  d'hérétiques 
dont  l'origine  et  les  erreurs  sont  peu  con- 
nues ;  saint  Epiphane,  qui  en  a  fait  mention, 
Hœr.  58,  dit  qu'il  y  en  avait  dans  la  Pales- 
tine, sut  le  territoire  de  la  ville  de  Philadel- 
phie, au  delà  du  Jourdain.  Ils  tenaient  quel- 
ques-unes des  opinions  des  gnostiques,  mais 
ils  avaient  aussi  d'autres  sentiments  ditïé- 
rents.  Ce  (jue  l'on  en  sait,  c'est  qu'ils  étaient 
tous  eunuques,  et  qu'ils  no  voulaient  point 
d'autres  hommes  dans  leur  société.  S'ils  en 
recevaient  quelques-usis ,  ils  leur  interdi- 
saient l'usage  de  la  viande,  jusqu'à  ce  qu'ils 
se  fussent  nmlilés;  alors  ils  leur  permettaient 
toute  espèce  de  nourriture,  parce  qu'ils  les 
croyaient  dès  ce  moment  à  couvert  des  mou- 
vements déréglés  de  la  chair.  On  a  cru  aussi 
qu'ils  mutilaient  quelquefois  par  violence  les 
étrangers  qui  passaient  chez  eux  ,  mais  ce 
fait  n'est  guère  probable  ;  les  peuples  voi- 
sins se  seraient  armés  contre  eux,  et  les  au- 
rait exterminés.  Comme  saint  Epiphane  a 
pl.icé  cette  hérésie  entre  celle  des  noétiens  et 
celle  des  novaliens,  l'on  présume  qu'elle; 
existait  versl'anaiO;  mais  elle  n'a  paspus'éy 
tendrebeaucoup,ni  subsister  longtemps.  Tille- 
vaoïtl,  iilém.  pour  t'Hist.  eccl<'s.,  1. 111,  p.  262. 

VALLOAIBREUSE.  L'ordre  des  religieux 
de  Vallombreuse  est  une  réforme  de  celui  de 
saint  Benoît,  par  saint  Jean  Gualberl ,  et 
approuvé  par  le  pape  Alexandre  II,  l'an  1070. 
Elle  a  pris  son  nom  d'une  vallée  fort  agréa- 
ble de  la  Toscane,  dans  le  diocèse  de  Fié- 
soli,  et  éloignée  de  Florence  d'une  demi- 
jouinée  de  chemin.  Saint  Jean  Gualberl^ 
moine  de  l'abbaye  de  saint  Minial,  se  relira 
dans  cette  solitude  avec  quelques  ermites*, 
il  y  fonda  un  monastère  ,  y  fit  suivre  la  règle 
de  saint  Benoît  dans  toule  son  austérité  pri- 
mitive ,  et  il  y  ajouta  quelques  constitutions, 
11  prit  avec  ses  religieux  un  habit  couleur 
de  cendres  ;  il  leur  recommanda  beaucoup 
la  retraite ,  le  silence  ,  la  pauvreté  ;  avant  sa 
mort ,  qui  arriva  l'an  1073  ,  il  eut  la  conso- 
lation de  voir  douze  maisons  qui  suivaient 
son  institut.  On  dit  qu'il  est  le  premier  qui 
ait  reçu  des  frères  convers,  usage  qui  fut 
bientôt  suivi  parles  autres  ordres,  mais  qui, 
dans  la  suite,  a  causé  des  abus. 

VARIANTES.  On  appelle  ainsi  les  différen- 
ces de  leçon  qui  se  trouvent  entre  les  divers 


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exemplaires  inapriinés  ou  manuscrits ,  soit 
du  texte  «le  l'Ecriture  sainte,  soit  des  ver- 
sions. Lorsqu'un  livre  est  Iros-ancien  et 
qu'il  a  élé  copié  uni;  infinité  de  l'ois,  il  est 
impossible  qu'il  ne  se  trouve  des  variétés  en- 
tre les  dillérentcs  copies  ;  l'attention  des  co- 
pistes ne  peut  jamais  être  ,issez  cv.icle  pour 
éviter  jusqu'aux  moindres  fautes  ;  ainsi  plus 
les  copies  sont  en  {;rand  nombre,  plus  il 
doit  s'y  trouver  de  varianlcs.  (k'ia  est  arrivé 
à  i'éjjard  des  autours  profanes,  aussi  bien 
qu'à  l'égard  des  écrits  des  auteurs  sacrés.  11 
y  a  même  de  ces  espèces  de  fautes  qui  ont 
été  faites  à  dessein,  mais  innocemment, 
comme  lors(|u'un  copiste  a  cliani;é  un  nom 
de  lieu  ancien  en  un  nom  moderne  plus 
connu,  lors(|u'il  a  mis  dans  le  texte  une 
note  ou  une  explication  qui  était  à  la  marge, 
lorsqu'il  a  cru  qu'il  y  avait  une  faute  d  en  i- 
lure  dans  l'exemplaire  qu'il  copiait,  et  qu'il 
a  voulu  la  corrij,'er,  etc.  Quoiqu'il  se  soit 
trouvé  une  tsrande  multitude  de  variantes 
entre  les  maiiUï<crits  de  plusieurs  auteurs 
grecs  ou  latins  ,  cela  ne  nous  empêche  pas 
de  nous  lier  aux  éditions  dans  lesquelles  ou 
a  pris  beaucoup  de  peine  pour  les  corriger  ; 
au  contraire  ,  plus  l'on  a  confronté  de  ma- 
nuscrits ,  plus  l'on  a  corrigé  de  fautes,  plus 
nous  sommes  certains  d'avoir  enlin  le  texte 
de  l'auteur  pur  et  entier.  Nous  ne  voyons 
pas  pourquoi  certains  critiques  soupçonneux 
ont  raisonné  dilïéremmeut  à  l'égard  des  livres 
de  l'Ecriture  sainte. 

Lorsque  le  docteur  Mill  ,  théologien  an- 
glais, après  avoir  comparé  un  grand  nombre 
d'exemplaires  grecs  du  Nouveau  Testament, 
eut  recueilli  toutes  les  variantes,  et  les  eut 
annoncées  au  nombre  de  plus  de  trente 
mille  ,  on  crut  d'abord  que  l'autlienticilé  du 
texte  en  recevrait  quelque  atteinte  ,  et  quel- 
ques incrédules  triomphèrent  d'avance.  Niais 
lorsqu'elles  ont  élé  imprimées  à  coté  du 
texte,  l'on  a  vu  que  le  très-grand  nombre 
sont  minutieuses,  indifférentes,  ne  changent 
rien  au  sens  des  passages  ;  que  si  quelques- 
unes  varient  la  signification,  c'est  sur  des  ob- 
jets très-peu  importants,  et  non  sur  aucun 
des  dogmes  de  foi.  On  a  remarqué  que  dans 
ces  cas-là  même  la  leçon  conmiiuK!  peut  être 
encore  la  plus  sûre,  et  que  loin  de  jeier  du 
doute  sur  l'aulhenticitè  ou  sur  l'inlegrilé  du 
texte,  ces  variétés  la  prouvent  invincible- 
ment. H  en  a  élé  de  même  des  tariinUes  du 
texte  hébreu,  que  le  docteur  Keunicol  a  pris 
soin  de  recueillir  avec  toute  l'exactitude  pos- 
sible :  il  en  avait  annoncé  d'abord  de  très- 
importantes  ;  depuis  qu'elles  sont  imprimées, 
à  peine  en  Irouve-t-on  quelques-unes  qui 
changent  notablement  le  sens,  et  qui  méri- 
tent l'attention  des  théulouiens.  Dans  le 
prospectus  de  ce  travail  immense,  l'auteur 
a  fait  une  observation  qui  n'est  pas  à  négli- 
ger, c'est  que  plus  les  manubcrits  hébreux 
sont  anciens,  mieux  ils  s'accordent  avec  les 
ancicimes  versions  et  avec  le  Nouveau  Tes- 
tament. Il  y  a  donc  tout  lieu  de  présumer 
que  nous  possédons  euQn  le  texte  hébreu 
dans  toute  sa  pureté,  et  que  la  hardiesse 
avec  laquelle  certains  critiques  oui  supposé  ^ 


des  fautes,  n'est  pas  un  exemple  à  suivre. 
Il  y  a  encore  plus  de  raison  de  blâmer  la 
témérité  de  quelques  protestants  qui  ne  man- 
quent jamais  de  soupçonner  des  rnrrj/ire.s- , 
des  additions  ou  des  interpolations  dans  le 
texte  des  auteurs,  lorsqu'il  ne  s'accorde  pas 
avec  leurs  opinions.  Si  cette  méthode  était 
légitime,  nous  ne  pourrions  plus  nous  fier  à 
aucun  ancien  monument  ;  si  elle  était  ad- 
mise dan<  les  tribunaux,  les  litres  de  nos 
possessions  ne  serviraient  plus  à  rien.  Quel- 
que usage  que  l'on  en  fasse,  elle  ne  peut 
aboutir  qu'a  établir  le  pyrrhonisme  histori- 
que.   VOIJ.    ClliTIQUK. 

VAlUAl'ION,  changement  dans  la  doc- 
trine. Tout  le  monde  connaît  l'histoire  qu'a 
faite  le  savant  Bossuet  des  variations  qui 
sontarrivécs  dans  ladoclriiie  des  prolestants. 
Cet  ouvrage  a  été  reçu  avec  applaudissement 
parlons  les  catholiiiues  ;  il  jouit  et  jouira 
toujours  parmi  nous  de  la  même  esiime  , 
parce  qu'il  est  solide,  et  que  rien  n'y  est 
avancé  sans  preuve.  On  ne  peut  le  lire  sans 
être  frap|ié  de  l'inconstance  que  les  proles- 
tants ont  montrée  dans  leur  croyance  ;  dès 
leur  origine,  on  voit  que  les  prétendus  ré- 
formateurs ont  coinmencé  par  rompre  avec 
l'Eglise  catholique ,  sans  s.ivoir  avec  certi- 
tude si  sa  doctrine  était  vraie  ou  fausse ,  à 
quel  sentiment  ils  devaient  s'attacher,  ce 
qu'il  fulldit  croire  ou  ne  pas  croire.  Le  seul 
principe  invarialde  chez  eux  a  été  qu'il  fal- 
lait, à  quelque  prix  que  ce  fût ,  contredire 
l'Eglise   romaine. 

Les  prolestants  ont  senti  toute  la  force  de 
celle  objection,  et  la  nécessité  d'y  répondre. 
Ils  ont  cru  le  faire  en  s'elTorçant  de  prouver 
que  la  doctrine  des  Pères  de  l'Eglise  n'a  pas 
toujours  clé  la  même  ;  qu'ils  ont  changé  de 
sentiment  sur  plu'iieurs  questions,  que  sou- 
vent ils  n'ont  pas  été  de  même  avis  sur  cer- 
tains points  de  croyance  ou  de  pratique. 
Pour  le  faire  voir,  Basnage  a  composé  son 
Histoire  de  l'Enlisé,  en  deux  volumes  in-folio; 
lieausobre  et  d'autres  onl  soutenu  la  même 
chose ,  et  se  sont  Haltes  d'avoir  poussé  ce  fait 
jusqu'à  la  démonstration.  ,'\iais  cette  apologie 
n'a  pu  faire  illusion  qu'à  des  esprits  super- 
Uciels  et  (|ni  onl  commencé  par  perdre  de 
vue  le  point  de  la  question.  Pour  prouver 
que  les  protestants  ont  \unc  dans  leur  foi, 
Uossuet  n'a  point  cité  le  sentiment  de  quel- 
ques docteurs  de  leurs  différentes  sectes  , 
mais  leurs  confei:sioni  de  foi,  les  décisions 
de  leurs  synodes.  Il  ne  s'est  point  altachéà 
d<>s  queslions  qui  pouvaient  paraître  indif- 
férentes à  la  foi,  mais  à  des  articles  que  les 
protestants  regardaient  comme  Irès-esseo- 
tiels,  qui  ét.iienl,  à  leur  avis,  autant  de 
motifs  sulûsants  de  se  séparer  de  l'I^glise 
romaine,  et  qui  dans  la  suite  ont  été  par- 
mi eux  une  cause  de  schisme,  de  division, 
de  rupture  de  toute  fraternité.  Pour  nous 
borner  à  un  seul  exemple,  lorsque  les  lu- 
thériens présentèrent  leur  confession  de  foi 
à  la  diète  d'Augsbonrg,  ou  ils  croyaient  que 
la  doctriue  qui  y  était  contenue  était  la  vraie 
doctrine  de  Jesus-Clirist,  ouils  ne  le  croyaient 
pas  :  s'ils  ne  le  croyaient  pas ,  ils  couimel^ 


063 


VAS 


taient  une  impostare,  en  présentant  celte 
doctrine  comme  un  juste  sujet  de  se  séparer 
d'avec  l'iîglise  romaine  ;  s'ils  le  croyaient , 
tous  tes  changements  qui  ont  été  faits  dans 
cette  confession  de  foi  ont  été  autant  de 
variations  dans  la  foi.  On  doit  dire  la  même 
chose  de  luus  les  autres  formulaires  de 
doctrine  dressés  ,  soit  par  les  luthériens  , 
soit  par  les  calvinistes. 

Donc,  pour  convaincre  l'Eglise  romaine 
d'avoir  varié  dans  sa  foi,  il  fallait  alléguer 
des  décisions  contradictoires  sur  le  même 
dogme  de  loi,  faites  par  des  conciles  géné- 
raux ou  par  des  conciles  pariiculiers  généra- 
lement rospeclés  par  U-s  catholiques.  Il  fal- 
lait montrer  que  les  Pères,  qui  ont  eu  des 
sentiments  différents  de  ceux  que  l'on  suit 
aujourd'hui,  les  ont  proposés  comme  des 
dogmes  de  foi,  desquels  il  n'était  pas  permis 
de  s'écarler.  11  fallait  faire  voir  que  quand 
les  Pérès  n'ont  pas  été  de  même  avis,  ils 
n'ont  pas  laissé  de  regarder  comme  héréti- 
ques ceux  qui  ne  pensaient  pas  comme  eux, 
qu'ils  ont  fait  schisme  avec  eus,  de  peur  de 
mettre  leur  salut  en  danger.  Il  fallait  prou- 
ver que  des  points  de  doctrine,  crus  aujour- 
d'hui dans  l'Eglise  catholique  comme  articles 
de  foi,  sont  contraires  au  sentiment  unanime 
ou  presque  unanime  des  Pères.  Aucun  des 
protestants  n'en  est  venu  à  bout,  aucun  n'a 
seulement  osé  l'entreprendre.  Cent  fois  on  . 
leur  a  dit  que  le  sentiment  particulier  de 
deux  ou  trois  Pères  de  l'Eglise  n'est  ni  une 
décision,  ni  une  tradition,  ni  un  dogme  de 
foi,  surtout  lorsqu'il  est  contraire  à  celui 
de  plusieurs  autres  docteurs  également  res- 
pectables ;  que  jamais  l'Eglise  catholique  ne 
s'est  fait  une  loi  de  le  suivre  ;  que,  comme 
l'a  remarqué  Vincent  de  Lérins  au  cinquième 
siècle,  une  tradition  ou  un  article  de  foi  est 
ce  qui  a  été  enseigné  par  le  plus  grand  nom- 
bredes  Pères,  dans  tous  les  lieux  et  dans  tous 
les  temps  :  Quod  ab  oinnibus ,  quod  ubiquc  , 
qnod  semper  :  N'importe,  comme  il  est  de 
l'inlérêl  des  protestants  de  supposer  le  con- 
traire, pour  tromper  les  simples,  ils  n'en 
démordront  jamais.  Voy.  TRADiTio>. 

Si  des  confessions  de  foi  dressées  par  eux 
avec  tout  l'appai  eil  possible,  si  des  décisions 
de  synodes  auxquelles  tous  leurs  docteurs 
sont  obligés  de  souscrire,  si  des  formulaires 
do  doctrine,  passés  en  foi  et  commandés 
sous  des  peines  afilictives,  ne  suffisent  pas 
pour  nous  apprendre  ce  qu'ils  croient  ou  ne 
croient  pas  ,  comment  pouvons-nous  savoir 
s'ils  ont  une  loi  ou  s'ils  n'en  ont  point  ? 

VASE.  Ce  terme,  dans  l'Ecriture  sainte,  est 
très-général;  il  désigne  des  choses  fort  diffé- 
rentes. 1°  En  parlant  du  tabernacle  et  du  tem- 
ple, il  signifie  tout  ce  qui  y  était  renfermé, 
soit  pour  l'ornement, soilpourservirau  culte 
divin;  dans  le  même  sens, /l/an/t.,c.xii,v. 29, 
il  désigne  les  meubles  d'une  maison.  2°  Vasa 
jisalmi,  vasa  canlici ,  sont  des  instruments  de 
inusiquede  toute  espèce.  3°SaintPaul  appelle 
notre  corps  un  vase  :  Nous  portons  la  grâce  de 
Bieudansdes  vases  fragiles  [llCor.,  iv,7;  / 
Thess.,  IV,  k).  k°  Jacob,  voulant  dire  que  ses 
deux  fils,  Siméon  et  Lévi,  étaient  des  guerriers 


VAS  964        ] 

féroces  et  injustes,  les  appelle  vasa  iniquita- 
lis  bellantia  (Gen.  xlix,  5).  5*  Dans  le  ps.  vu, 
v.  l't,  des  flèches  meurtrières  sont  appelées  J 
des  instruments  de  mort,  rasa  morlis.  6°  Ce  I 
même  terme  désigne  une  personne  de  la-  1 
quelle  Dieu  veut  se  servir  comme  d'un  ins- 
trument pour  exécuter  ses  desseins.  Act.  , 
c.  IX,  15,  Dieu  dit  que  saint  Paul  est  un  vase  de 
choix,  ou  plutôt  un  instrument  qu'il  a  choisi 
pour  porter  son  nom  chez  les  nations,  etc. 
Ce  même  apôtre  appelleuases  de  miséricorde, 
vases  de  gloire,  ceux  que  Dieu  a  daigné  ap- 
peler à  la  foi,  et  vases  de  colère,  vasrs  d'igno- 
minie, ceux  qu'il  laisse  dans  l'infidélité,  Rom. 
c.  IX,  v.  21  et  seq.  Si  Dieu  ,  dit-il ,  voulant 
montrer  sa  colère  et  faire  voir  sa  puissance  , 
a  souffert  avec  beaucoup  de  patience  les  \&- 
sESDEcoLkREpréparéspourlaperdition,elc.,)> 
cela  ne  signifie  point  que  Dieu  les  a  créés 
par  colère,  et  qu'il  les  a  préparés  exprès  pour 
les  perdre  ,  mais  qu'ils  se  sont  déterminés 
eux-mêmes  à  périr.  Autrement  il  ne  serait 
pas  vrai  de  dire  que  Dieu  les  a  soufferts  avec 
beaucoup  de  patience  ,  afin  de  montrer  sa 
puissance.  Ce  n'est  point  eu  damnant  les  mé- 
chants que  Dieu  fait  paraître  sa  puissance, 
mais  en  les  convertissant  et  en  les  sauvant. 
Ainsi  l'expliquent  saint  Jean  Chrysoslome, 
JIomil.i6,in  Epist.adRotn.,n.  8,0pp.  t.  IX, 
p.  Glt);  Origènc,  in  Epist.  ad  Rom.,  1.  vu, 
n.  ÎG,  t.  IV,  p.  613;  S.  Basile,  Op.  tom.  Uj 
p.  77;  S.  Augustin,  ad  Simplic,  1.  n,n.  18, 
t.  VI,  col.  99. 

VASES  SACRÉS.  On  appelle  ainsi  les  vases 
qui  servent  à  consacrer  et  à  renfermer  l'eu- 
charistie, comme  les  patènes,  les  calices,  les 
ciboires,  les  pyxides,  etc.  On  ne  les  emploie 
à  cet  usage  qu'après  que  l'évêque  les  a  bé- 
nits et  consacrés  par  des  prières  et  par  des 
onctions.  Cette  pratique  est  ancienne,  puis- 
qu'elle est  prescrite  par  le  sacraraentaire  de 
saint  Grégoire ,  édit.  de  Ménard,  p.  15'i-  et 
155.  Mais  ce  pontife  n'en  est  pas  l'auteur, 
puisqu'il  n'a  fait  que  rédiger  el  copier  le  sa- 
crameiitaire  du  pape  Gélase,  écrit  au  y  siè- 
cle ;  el  ce  dernier  ne  s'est  pas  donné  pour 
inventeur  des  prières  et  des  cérémonies  qu'il 
rassemblait.  Saint  Célestin  ,  au  commence- 
ment de  ce  même  siècle,  écrivait  aux  évê- 
ques  des  Gaules  que  les  prières  sacerdotales 
étaient  de  tradition  apostolique  ,  et  qu'elles 
étaient  uniformes  dans  toute  l'Eglise  catho- 
lique. —  Des  vases  consacrés  à  servir  à  nos 
saints  mystères  ne  doivent  plus  être  em- 
ployés à  des  usages  profanes  ;  on  ne  permet 
plus  aux  laïques  de  les  toucher,  ni  même 
aux  simples  clercs ,  sinon  du  consentement 
de  l'évêque;  mais  il  en  accorde  la  permis- 
sion aux  sacristains ,  et  même  aux  sacri- 
stines chez  les  religieuses.  Ainsi  l'Eglise  té- 
moigne son  respect  pour  le  corps  et  le  sang 
de  Jésus  -  Christ ,  qu'elle  croit  réellement 
présent  sous  les  symboles  eucharistiques. 
Les  protestants,  qui  n'ont  plus  cette  foi,  met- 
tent au  môme  rang  les  vases  qui  servent  à 
leur  cène  que  les  meubles  les  plus  vils  ;  ils 
traitent  de  superstitions  les  bénédictions  et 
les  consécrations  usitées  dans  l'Eglise  ro- 
maine. C'est,   disent  ils,  une  absurdité  de 


965 


VAU 


VAU 


90fl 


penser  qne  des  cérémonies  peuvent  commu- 
niquer une  espèce  de  sainielé  à  un  vase,  à 
un  meuble,  à  un  corps  quelconque.  Au  mot 
Consécration,  nous  avons  prouvé  le  con- 
traire par  des  passages  formels  de  l'Ancien 
et  du  Nouveau  Testament  ,  et  nous  avons 
fait  voir  que  les  protestants,  qui  ne  cessent 
de  nous  renvoyer  à  l'Ecriture  sainte,  ne  la 
consullonl  point  et  n'y  ont  aucun  égarJ. 

VAUD(»IS  ,  socle  d'hérétiques  qui  a  fait 
beaucoup  de  bruit  en  France  dans  le  xi!'=  et 
le  xiii'  siècle.  11  n'en  est  peul-ôlrc  aucune 
dont  l'origine  ail  été  plus  contestée  ,  qui  ait 
donné  lieu  à  des  récits  plus  o[)posés  et  à  un 
plus  grand  nombre  de  calomnies  contre  l'E- 
glise romaine.  Mais  puis(|ue  l'un  a  tant  fait 
d'cflorls  pour  répandre  des  nuages  sur  celle 
question,  nous  ne  devons  rien  négliger  pour 
savoir  à  quoi  nous  en  tenir. 

F-c  savant  Uossuil,  dans  son  Histoire  des 
Variations  (Ica  protestants,],  ir,  §71  etsuiv., 
nous  fait  connaSIie  les  vnuduis,  non-seule- 
ment par  ce  qu'on  ont  dil  les  auteurs  con- 
temporains, mais  par  le  témoignage  de  ceux 
qui  les  ont  interrogés,  qui  ont  travaillé  à  les 
instruire,  et  qui  sont  quelquefois  venus  à 
bout  de  les  convertir.  11  nous  apprend  que 
ces  sectaires,  nommés  aussi  pauvres  de  Lyon, 
léonistes,  ensahalcs  ou  insabalcs,  parce  qu'ils 
portaient  des  savates  ou  des  sandales  ,  ont 
commencé  l'an  1160,  par  un  nommé  Pierre 
Valdo,  marchand  do  Lyon.  Il  se  persuada 
que  la  pauvreté  évangélique  était  absolu- 
mentnécessaireau  salut,  il  en  donna  l'exem- 
ple en  distribuant  tous  ses  biens  aux  pau- 
vres, et  il  vint  à  bout  do  persuailer  son  opi- 
nion à  d'autres  ignorants.  Us  conclurent  de 
là  et  publièrent  que,  puisque  les  prêtres  et 
les  ministres  de  l'Eglise  ne  pratiquaient  pas 
la  pauvreté  apostolique,  ce  n'étaient  plus  de 
vrais  ministres  de  Jésus-Christ;  qu'ils  n'a- 
vaient plus  le  pouvoir  de  remellre  les  pé- 
chés, de  consacrer  le  corps  de  Jésus-Chriit, 
ni  d'administrer  de  vrais  sacrements;  que 
tout  laïque  qui  pratiquait  la  pauvreté  volon- 
taire avait  un  pouvoir  plus  réel  et  plus  lé- 
gitime de  faire  ces  fonctions  et  de  prêcher 
l'Evangile  que  les  prêtres.  Ils  soutenaient 
encore  que,  selon  l'Evangile,  il  n'est  pas 
permis  do  jurer  en  justice,  ni  de  poursuivre 
la  réparation  d'un  lorl,  ni  de  faire  la  guerre, 
ni  de  punir  de  mort  les  malfaiteurs.  Telles 
sont  les  erreurs  pour  lesquelles  les  vaudois 
furent  d'abord  condamnés  par  le  papi?  Lu- 
cius  111,  vers  l'an  118b  ;  les  auteurs  du  temps 
ne  leur  en  attribuent  point  d'autres.  L'on 
convient  généralement  delà  douceur,  de 
l'innocence,  de  la  pureté  dos  mœurs  de  ces 
premiers  vaudois;  c'est  ce  qui  leur  attira 
d'abord  un  grand  nombre  de  prosélytes  parmi 
le  peuple,  et  qui  fil  faire  à  leur  secte  de  ra- 
pides progrès. 

It.'iinérius  Sacho,  ou  Ueinicr,  qui  avait  été 
ministre  des  albigeois,  abjura  leurs  erreurs, 
et  entra  cliez  lesdominicains  l'an  1230.  Dans 
le  traité  qu'il  écrivit  contre  les  vaudois,  ou- 
tre les  opinions  dont  nous  venons  do  parler, 
il  les  accuse  encore  de  rejeter  le  purgatoire 
et  la  prière  pour  les  morl^,  les  indulgences, 


les  fêles  et  l'invocation  des  saints,  le  culte 
de  la  croix,  des  images  et  des  reliques,  le» 
cérémonies  de  l'Eglise,  le  baplôme  des  en- 
fants, la  confirmation,  l'estrême-onclion  et 
le  mariage.  Ils  disaient  que,  dans  l'eucha- 
ristie ,  la  transsubstauli;ition  ne  se  faisait 
pas  dans  les  mains  de  celui  qui  consacrait 
indignement,  mais  dans  la  bouche  de  celui 
qui  la  recevait  dignement.  Ils  admettaient 
donc  la  présence  réelle  et  la  Iranssubslan- 
tialion,  lorsque  l'eucharistie  était  consacrée 
dignement.  Pierre  PyTîtilorf,  qui  écrivit  aussi 
contre  les  vaudois  vers  l'an  1230,  parle  com- 
me Rei  nier  de  leur  origine  et  de  leur  croyance. 
Il  ajoute  qu'ils  rejetaient  la  messe  comme 
une  institution  humaine,  et  les  cérémonies 
de  l'Eglise,  à  la  réserve  des  sacrements  seuls  ; 
qu'après  un  long  temps  ils  se  mêlèrent,  quoi- 

3ue  laïques,  d'entendre  les  confessions  et  do 
onner  l'absolution  ;  qu'un  d'entre  eux  crut 
faire  le  cor[is  de  Noire-Seigneur,  et  se  com- 
munia lui-même.  Ainsi  le  fanatisme  des  vau- 
dois, comme  celui  de  toutes  les  autres  sectes, 
s'accrut  avec  le  temps,  et  les  conduisit  d'er- 
reurs en  erreurs.  Nous  verrons  ci-après  les 
causes  de  ce  progrès. 

lîasnage,  qui  a  écrit  son  Histoire  de  l'E- 
glise pour  réfuter  Bossuet,  soutient,  I.  xxiv, 
c.  10,  §  2,  que  le  véritable  père  de  ces  héré- 
tiques est  Claude  de  Turin,  qui  se  sépara  de 
l'Eglise  romaine  au  ix'  siècle,  et  dont  les  sec- 
tateurs se  perpétuèrent  dans  les  vallées  du 
Piémont  jusqu'au  xii'  ;  que  c'est  probable- 
ment ce  qui  les  fit  nommer  vaudois.  Au  mot 
Claude  de  Turin,  nous  avons  fait  voir  que 
cet  hérétique,  disciple  de  Félix  d'Urgel,  était 
comme  lui  dans  Terreur  des  adoptiens,  et 
que  son  sentiment  louchant  l'Incarnation 
tenait  un  milieu  entre  Tarianisme  et  le  nes- 
lorianisme  ,  erreur  qui  fut  condamnée  au 
viir  siècle  dans  trois  conciles  consécutifs. 
S'il  avail  laissé  dos  sectateurs  dans  les  vallées 
du  Piémont,  il  serait  impossible  que,  depuis 
l'an  823  ,  temps  auquel  écrivait  Claude  do 
Turin,  jusqu'en  1185  ,  aucun  écrivain  n'en 
eûl  parlé  ;  que  pendant  3()0  ans  les  évêques 
de  Turin  n'eussent  rien  fait  pour  purger  leur 
diocèse  des  errouis  enseignées  par  ce  person- 
nage; que  le  pape  Lucius  ,  en  condamnant 
les  vaudois,  ne  leur  eût  reproché  aucune  do 
ces  fausses  opinions.  Ainsi,  la  généalogie  de 
ces  sectaires  forgée  par  Basnage  et  par  d'au- 
tres protestants  n'a  aucune  vraisemblance» 
Une  des  principales  questions  est  de  sa- 
voir si  les  vaudois  niaient,  conmie  les  calvi- 
nistes, la  présence  réelle  de  Jésus-Christ 
dans  l'eucharistie,  et  la  transsubstantiation. 
Bossuet  soutient  qu'ils  ne  rejetaient  ni  Tune 
ni  l'autre  ;  il  le  prouve  par  le  témoignage 
des  auteurs  qui  ont  parlé  de  la  croyance  de 
ces  sectaires,  et  nous  avons  vu  que  ni  Rei- 
nier  ni  Pylicdorf  ne  les  en  accusent  point , 
qu'ils  supposent  plutôt  le  contrairo.  Basnage 
néanmoins  prétend  que  les  vaudois  atta- 
quaient ces  deux  dogmes  ;  mais  il  n'a  dé- 
truit aucune  des  preuves  positives  sur  les- 
quelles Bossuet  s  est  fondé.  Il  dit  en  premier 
lieu,  §  5,  que  suivant  le  décret  du  pape  Lu- 
cius, les  vaudois  avaient  des  seutiments  op- 


967 


VAU 


posés  à  ceux  de  l'Eglise  romaine  sur  le  sa- 
crement du  corps  et  du  sang  de  Jésus-Christ, 
sur  la  rémission  des  péchés ,  sur  le  mariage 
et  sur  les  autres  sacrements.  Cela  se  conçoit 
aisément  :  c'était  attaquer  en  effet  la  foi  de 
l'Eglise  romaine  que  d'enseigner  qu'un  prê- 
tre riche  et  vicieux  ne  consacrait  pas  le  corps 
el  le  sang  de  Jésus-Christ,  ne  remettait  pas 
les  péchés  par  l'absolution,  n'administrait  pas 
validemcnt  U'  mariage  et  les  autres  sacre- 
Dienls.  Telle  était  la  prétention  dcsvaudois; 
mais  ils  ne  niaient  pas  pour  cela  que  Jésus- 
Christ  ne  fiit  présent  dans  l'eucharistie,  lors- 
qu'elle était  consacrée  par  un  prêtre  pauvre 
et  vertueux,  ni  qu'un  tel  ministre  ne  fût  ca- 
pable d'opérer  validement  les  autres  sacre- 
ments. Suivant  le  témoignage  de  Ueinier, 
ils  pensaient  que  ,  dans  le  premier  cas ,  la 
transsubsiantialion  se  faisait  dans  la  bou- 
che de  celui  qui  communiait  dignement, 
lîasnage  objecte  en  second  lieu  que,  suivant 
le  récit  de  Pylicdoff  et  d'autres  ,  ces  héréti- 
ques rejetaient  la  messe  comme  une  insti- 
tution humaine  ;  donc  ils  n'y  croyaient  pas. 
Mais  cet  historien  s'expliqueassezclairement 
en  disant  qu'ils  la  rejetaient  avec  les  céré- 
monies de  l'Eglise,  à  la  réserve  des  sacre- 
ments seuls.  Ils  admettaient  donc  au  moins 
la  substance  des  sacremeuls,  en  particulier 
de  celui  de  l'eucharistie,  qui  consiste  dans  la 
consécration.  Luth«r,  à  sou  tour,  retrancha 
la  plupart  des  cérémonies  de  la  messe,  sans 
nier  cependant  le  dogme  de  la  préseace 
réelle.  —  Ce  critique  oppose  à  son  adver- 
saire, en  troisième  lieu,  §  18,  le  récit  d'un 
inquisiteur  ,  dont  on  ne  suit  pas  la  date,  et 
deux  autres  pièces  dont  l'authenticité  est  as- 
sez douteuse;  mais  il  n'a  pu  en  tirer  que  dos 
conséquences  forcées  et  qui  ne  prouvent 
rien.  Enfin  il  confond  les  vaudois  avec  les 
albigeois  ,  qui  n'admettaient  en  effet  ni  la 
présence  réelle  ni  la  transsubstantiation  ; 
mais  Bossuet  a  démontré  la  différence  énor- 
me qu'il  y  avait  entre  les  sentiments  de  ces 
deux  sectes  dans  leur  origine;  on  ne  peut 
donc  tireraucuneconséquence  de  l'uneà  l'au- 
tre. Voy.  Albigeois. 

Une  autre  question  est  desavoir  de  quelle 
manière  les  vuudois  furent  traités  dès  leur 
naissance,  liossuet  prétend  que  l'on  n'exerça 
aucune  persécution  contre  eux.  Basnage 
soutient  le  contraire  ;  il  assure  que,  suivant 
la  teneur  du  décret  de  Lucius  111,  ceux  qui 
ne  voudraient  pas  abjurer  leur  erreur  de- 
vaient être  remis  entre  les  mains  des  juges 
séculiers ,  [jour  porter  la  peine  due  à  leur 
crime  ;  mais  il  avoue  que  celle  sentence  ne 
fut  pas  exécutée,  parce  que  les  papes  avaient 
d'autres allaires  sur  les  bras.  (Jueiles qu'aient 
été  les  raisons  de  l'oubli  dans  lequel  on  laissa 
ces  sectaires,  le  fait  n'en  est  pas  moins  cer- 
tain. Basnage  afiirme  néanmoins,  §  11,15, 18, 
que  l'an  12.>4-  il  y  avait  une  persécution  dé- 
clarée contre  eux,  qu'ils  avaient  essuyé  des 
guerres  cl  des  massacres,  qu'il  en  fut  Ue  mê- 
me en  13'J5,  en  l't73et  eu  iWli.  Nous  avons 
cherché  vainement  des  preuves  posiiives  de 
tous  ces  faits.  L'an  12.j't,  il  n'y  eut  en  France 
aucune  poursuite  contre  les  hérciiques  que 


VAU  958 

les  décrets  du  concile  d'Albi  :  or,  c'était  une 
répétition  de  ceux  du  concile  de  Toulouse, 
tenu  en  1229;  ces  décrets  regardaient  les 
albigeois  et  non  les  vaudois.  L'an  1393  on 
ne  fut  Ofcupé  dans  le  royaume  qu'à  trouver  . 
le  moyen  de  terminer  le  grand  schisme  d'Oc- 
cident concernant  la  papauté.  En  li73,  nous 
ne  voyons  aucun  vestige  de  persécution.  En 
l't87,  sous  Charles  A'ill,  le  pape  envoya  Al- 
bert de  Catanée  ,  archidiacre  de  Crémone  , 
avec  des  missionnaires,  pour  travailler  à  la 
conversion  des  vaudois;  mais  comme  ces  ten- 
tatives les  mettaient  toujours  en  fureur,  ils 
traitèrent  brutalement  les  missionnaires  , 
surtout  dans  les  vallées  de  Fénestrelles  el 
de  l'Argentier.  Le  marquis  de  Salines  y  fit 
marcher  des  soldats,  et  il  est  vrai  qu'il  y  eut 
à  cette  occasion  des  combats  sanglants  en- 
tre ces  troupes  et  les  vaudois,  qui  se  défen- 
daient en  désespérés.  Mais  enfin  les  vaudois 
furent  obligés  de  se  rendre,  de  mettre  bas 
les  armes,  et  d'imidorer  la  clémence  du  roi. 
Dès  ce  moment  on  cessa  de  sévir  contre  eux, 
Hist.  del'Egl.  gallic,  t.  XVII,  I.  l,  an.  14-87. 
Mais  les  hérétiques  ont  toujours  appelé  per- 
sécutions  les  tentatives  les  plus  modérées 
que  l'on  a  faites  pour  les  instruire. 

Comment  Basnage  a-t-il  pu  s'obstiner  à 
confondre  les  vaudois  avec  les  albigeois? 
Ceux-ci  étaient  de  vrais  manichéens;  Bos- 
suet l'a  démontré.  Suivant  Basnage,  les  vau- 
dois étaient  des  sectateurs  de  Claude  de  Tu- 
rin; or,  cet  hérétique  n'a  jamais  professé  le 
manichéisme.  Ce  critique  a  cité,  §  2C,  le  té- 
moignage de  Cuillaume  de  Puyiaurens  ,  qui 
distinguait  trois  sectes  dilTérentes  auprès 
d'Albi  :  les  manichéens,  les  ariens  elles  vau- 
dois; il  y  a  donc  de  l'entêtement  à  vouloir 
appliquer  à  l'une  ce  qui  ne  peut  convenir 
qu'aux  autres  ,  et  c'est  mal  à  propos  que 
Basnage  s'est  flatté  d'avoir  terrassé  son  ad- 
versaire. Aussi  Mosheim,  qui  a  examiné  cette 
question  avec  de  meilleurs  yeux  que  Bas- 
nage, et  qui  a  comiiaié  tous  les  auteurs  qui 
en  ont  parlé,  n'est  pas  de  sou  avis.  11  a  ex- 
posé comme  Bossuet  l'origine  el  la  croyance 
des  vaudois,  llisl.  eec/^s.,  xu^  siècle,  \V  part., 
c.  5,  §  11  et  12.  «  Leur  objet,  dit-il,  ne  fut 
point  d'introduire  de  nouvelles  doclrinesdans 
l'Eglise  ,  ni  de  proposer  de  nouveaux  arti- 
cles de  foi  aux  chrétiens,  mais  seulement  de 
réformer  le  gouvernement  ecclésiastique, 
de  ramener  le  clergé  et  l(!  peuple  à  la  sim- 
plicité et  à  la  pureté  primitive  des  siècles 
apostoliques.  »  Il  expose  ensuite  leurs  sen- 
timents de  la  même  manière  que  Ueinier  et 
Pylicdorf.  11  dit,  §  \.i,  que  les  vaudois  con- 
fiaient le  gouvernement  de  leur  église  aux 
évêques,  aux  prêtres  et  au\  diacres,  et  qu'ils 
regardaient  ces  trois  ordres  comme  établis 
par  Jésus-Christ;  mais  ils  voulaient  que 
ceux  qui  en  étaient  revêtus  ressemblassent 
au\  apôtres,  qu'ils  fussent  comme  eux  non 
lettrés,  pauvres,  sans  aucune  i»ossession  tem- 
porelle ,  et  gagnant  leur  vie  par  le  travail  de 
leurs  mains.  Les  laïques  étaient  partagés  en 
deuv  ordres  :  l'un  de  chrétiens  parfaits,  qui 
se  dépouillaient  de  tout,  étaient  mal  vêtus 
_  cl  vivaient  ^durement  ;  l'aulre  d'imparfaits 


909 


VAU 


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970 


qui  vivnient  comme  le  rcsle  des  hommes, 
mais  (iiii  évitaienl  loule  espèce  de  luxe  cl  de 
stipcrlluité,  comme  ont  fait  depuis  les  ana- 
baptistes. Au  reste,  Moslieim  n'a  pas  été  as- 
sez impudent  pour  les  accuser  d'avoir  nié  la 
présence  réelle  et  la  transsubstantiation. 
Mais  il  fait  uneremarqueossenlielie,cVst  que 
les  vaudoh  d'Italie  ne  pensaient  pas  de  mê- 
me que  ceux  de  France  et  des  autres  contrées 
de  l'Europe.  Les  premiers  regardaient  l'E- 
glise romaine  comme  la  véritable  Eglise  de 
Jésus-Clirist  ,  i]Uoi(iue  corrompue  et  défigu- 
rée ;  ils  admettaient  les  sept  sacrements ,  ils 
regaidaient  la  possession  des  biens  tempo- 
rels comme  légitime,  ils  promettaient  de  ne 
jamais  se  séparer  de  celte  Eglise  ,  pourvu 
qu'on  ne  les  gènâl  point  dans  leur  croyance. 
Les  seconds,  plus  fanatiques,  ne  voulaient 
rien  posséder  du  tout  ;  ils  soutenaient  que 
l'Eglise  romaine  avait  apostasie  et  renoncé 
à  Jésus-Clirisl,  que  le  Saint-Esprit  ne  la 
gouvernait  plus,  que  c'était  la  prostituée  de 
B<ibylone  dont  il  est  parlé  dans  VApoialypse. 
Celle  distinction  que  fait  Mosheim,  qi.i  est 
confirmée  par  le  témoignage  de  plusieurs  an- 
ciens auteurs,  et  qui  a  échappé  à  la  plniiart 
des  liisioriens,  nous  paraît  Irès-importaiiie, 
et  propre  à  concilier  les  contradictions  (lui 
se  trouvent  dans  les  différentes  narrations 
que  l'on  a  fiiles  touchani  les  vaudois. 

Un  de  nos  historiens  philosophes,  ou  plu- 
tôt romanciiTs,  a  fait  de  cette  secte  un  ta- 
bleau d'iinaginalion  qu'il  a  tiré  de  son  propre 
fonds  et  des  écrits  des  calvinistes;  et  l'on  a 
eu  jirand  soin  de  le  copier  dans  l'ancienne 
Encyclopédie,  au  mol  vaudois.  Il  en  attribue 
la  naissance  à  l'horreur  qu'inspirèrent  les 
crimes  commis  dans  les  croisades,  les  dis- 
sensions des  papes  et  des  empen'urs  ,  les 
richesses  des  monastères,  l'abus  que  fai- 
saient les  évéques  de  leur  puissance  tempo- 
relle. Cependant  ces  sectaires  n'ont  jamais 
allègue  aucun  de  ces  motifs  pour  justifier 
leurs  déclamations  contre  le  clergé.  Il  y  a 
lieu  de  présumer  que  les  tisserands,  les  cor- 
donniers, les  manouvriers  ,  les  ignorants, 
des(|uels  était  priniipalemenl  composée  la 
secte  des  vaudois,  n'avaient  pas  une  très- 
grande  connaissame  des  crimes  commis  dans 
les  croisades,  et  n'étaient  pas  fort  touchés 
des  dissensions  des  papes  et  des  empereurs. 
Ce  n'étaient  pas  eux  non  plus  qui  avaient 
beaucoup  iriniérét  aux  abus  que  pouvaient 
comcnetlre  les  évêques  dans  l'usage  de  leur 
jiuissance  temporelle.  Us  voulaient  que  les 
pasteurs  de  l'Eglise  fussent  [lauvres  et  non 
lettrés  ,  comme  étaient  les  apôtres  ,  qu'ils 
travaillassent  comme  eux  de  leurs  mains, 
et  qu'ils  portassent  comme  eux  des  sandales. 
Tous  ces  articles  leur  paraissaient  de  la 
dernière  importance,  parce  qu'ils  les  trou- 
vaient prescrits  par  l'Evangile,  lilnrc,  c.  iv, 
V.  9,  etc.  —  Une  autre  méprise  grossière  de 
la  part  de  ce  philosophe  a  été  de  confondre 
les  vaudois  avec  les  albigeois  ou  bons- 
hommes. Ceux-ci  étaient  manichéens,  comme 
Bossiiel  l'a  fait  voir;  les  vrais  vmdois  ue  le 
furent  jamais.  Les  alliigcais  étaient  connus 
en  France  depuis   l'an  1021,  sous   le  règne 

DiCT.    DE   TllKOL.    DOiiMAÏlOUli.  IV • 


du  roi  Robert;  l'an  114-7,  vingt  ans  avant 
que  parût  Pierre  Valdo,  saint  Bernard  était 
allé  dans  nos  provinces  méridionales  pour 
lâcher  de  les  instruire  et  de  les  convertir; 
la  simplicité  de  l'extérieur  de  ce  saint  abbé 
n'était  pas  propre  à  donner  une  haiite  idée 
de  la  richesse  des  monastères ,  et  il  est 
prouvé  d'ailleurs  que  les  autres  mission- 
naires de  son  ordre  furent  très-exacts  à 
l'imiter  ,  Hist.  de  l'Ed.  ijallic,  tom.  X  , 
1.  XXIX,  édit.  in-12,  p.  258. 

On  convient  en  général  de  la  simplicité, 
de  la  douceur,  de  l'innocence  des  mœurs  des 
vuudois,  et  ce  phénomène  n'a  rien  d'éttm- 
nant;  il  se  rencontre  onlinairenient  chez 
les  peuples  qui  vivent  dans  les  gorges  des 
montagnes.  Eloignés  des  villes  et  de  la  cor- 
ruption qui  y  règne,  occupes  à  paître  les 
troupeaux  et  à  cultiver  quelques  coins  de 
terre,  réduits  à  la  seule  société  domestique 
pendant  la  saison  des  neiges,  ils  ne  con- 
naissent point  d'autres  assemblées  que  celles 
de  religion  ;  il  no  croît  point  de  vin  chez 
eux,  ils  vivent  de  laitage  :  quelle  vapeur 
maligne  pourrait  infecter  leurs  mœurs  ? 
Aujourd'hui  encore  les  habitants  des  Alpes, 
soit  catholiques  soil  calvinistes, ressemblent 
au  portrait  que  l'on  nous  fait  des  vaudois. 
Mais  ce  n'était  point  là  le  caractère  <les  hé- 
réiques  qui  désolaient  le  Languedoc  et  les 
provinces  voisines,  au  xri' siècle,  sous  le 
nom  i\'albigeois.  L'an  1117,  vingt  ans  avant 
la  naissance  des  vaudois,  Pirrre  \i'  Vénéra- 
ble, abbé  de  Cluni,  écrivait  aux  évéques 
d'Embrun,  de  Die  et  de  tîap  :  «  On  a  vu  par 
un  crime  inouï  chez  les  ciirétiens,  rebap- 
tiser les  peuples,  prol'anrr  les  églises,  ren- 
verser les  autels,  brûler  les  croix,  fouetter 
les  prêtres,  empiisonncr  les  moines,  les  con- 
traindre à  prendre  des  femmes  par  les 
menaces  et  les  tourments,  etc.  »  Fleury, 
Hisl.  ecclés.,  1.  Lxix,  n.  2k.  Gomment  notre 
philosophe  a-t-il  pu  confondre  avec  ces  fu- 
rieux les  vauiois  dont  il  nous  vante  la  dou- 
ceur et  l'innocence?  C'est  contre  les  albi- 
geois turbulents,  séditieux,  sanguinaires,  et 
non  contre  les  vaudois,  que  le  pape  Inno- 
cent III  envoya  des  inquisiteurs  l'an  119S, 
el  publia  une  croisade  l'an  l'208.  Elle  n'eut 
lieu  qu'en  Languedoc  ;  les  scènes  les  plus 
meurtrières  se  passèrent  à  Béziers,  à  Car- 
cassonne,  à  Lavaur,  à  Alhi,  à  Toulouse;  il 
n'y  en  eut  aucune  dans  les  vallées  des  Alpes, 
soit  de  la  Provence,  soit  du  Dauphiné,  où 
l'on  prétend  que  les  vaudois  s'ét.iient  reti- 
rés. Quand  notre  historien  romani  ier  dit  que, 
sur  la  fin  du  xii"  sièi  le,  le  Languedoc  se 
trouva  rempli  de  vaudois,  el  qu'on  les  pour- 
suivit par  le  fer  et  le  feu,  il  ne  peut  en  im- 
poser qu'aux  ignorants  crédules.  Est-il  vrai 
que  ceux  qui  restèrent  ignorés  dans  les 
vallées  incultes  (jui  sont  entre  la  Provence 
el  le  Dauphiné,  del'ricbèreut  ces  terres  sté- 
riles ;  que,  par  des  travaux  incroyables,  ils 
les  rendirent  propres  au  grain  el  au  pâtu- 
rage, qu'ils  enrichirent  leurs  seigneurs,  etc.? 
Pure  fable.  Les  vallées  des  Alpes,  soit  du 
côté  de  la  France,  soit  du  côté  du  Piémont, 
n'ont  jamais  été  sans   habitants;  il  y   en 

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avait  lorsque  Annibal  les  traversa  :  les  Alpes 
Cottiennes,  aujourd'hui  le  Monl-Cenis,  entre 
le  Dauphiné  et  le  Piémont,  étaient  appelées 
par  les  Uomains,  CoHii  rc(/»iMm;  elles  n'é- 
taient donc  pas  désertes,  non  plus  qu'à  pré- 
sent. Le  terrain  de  ces  vallées  a  été  de  tout 
temps  propre  au  pâturage  lorsque  les  neiges 
sont  fondues,  et  les  langues  de  terre  qui  s'y 
trouvent  sont  très-fertiles.  La  population 
s'y  accroît  naturellement,  parce  que  les  ha- 
bitants ne  s'expatrient  point,  qu'ils  sont  à 
couvert  des  raviiges  de  la  guerre,  que  la  pu- 
reté de  l'air  en  écarte  la  contagion,  et  que 
ces  peuples  ont  des  mœurs.  Nous  ne  pensons 
pas  que  lis  vaudoix  aient  eu  le  talent  de  faire 
fondre  les  neiges  des  Alpes,  ni  de  leur  dé- 
rober le  terrain  qu'elles  couvrent  tous  les 
ans.  Les  imaginations  de  ce  philosophe  sont 
autant  de  trails  d'ignorance. 

De  toutes  ces  observations,  il  résulte  que, 
pour  avoir  une  juste  notion  des  vaudois,  il 
faut  dis'.inguer  les  ilifférenles  époques  de 
leur  hérésie,  cl  les  différentes  contrées  dans 
lesquelles  il  s'en  est  trouvé.  Que  Pierre 
Valdo,  ou  ses  émissaires,  aient  aisément  sé- 
duit les  habitanls  des  Alpes,  pauvres,  igno- 
rants, éloignés  des  églises,  des  pasteurs  et 
des  secours  de  religion,  cela  est  naturel. 
Que  ses  erreurs  aient  passé  les  monts,  aient 
été  portées  jusque  dans  les  vallées  du  Pié- 
mont, cela  se  conçoit  encore.  Elles  ont  dû 
demeurer  les  ménies,  tant  que  ces  vaudois 
n'ont  point  eu  de  commerce  avec  d'autres 
hérétiques.  Aussi,  l'an  1517,  Claude  de  Seys- 
sel,  archevêque  de  Turin,  attribuait  encore 
aux  vaudois  de  sou  diocèse  la  même  doctrine 
pour  laquelle  ils  avaient  été  condamnés 
l'an  1185,  et  qui  a  clé  Qdèieuaent  esposée 
par  Bossuel  et  par  Mosheim. 

Mais  il  est  à  peu  près  impossible  que  ceux 
de  deçà  les  monts  n'y  aient  pas  ajouté  bien- 
tôt de  nouvelles  erreurs;  ou  le  comprendra, 
si  l'on  veut  faire  altenlion  à  la  mullilude 
des  sectes  dont  la  France  était  inleslée  au 
xir  siècle.  11  y  avait  :  1°  des  albigeois  ap- 
pelés aussi  cntkares  ei  bons-hommes;  c'était 
la  secte  principale:  on  l'avait  vue  éclore  au 
commencement  du  siècle  précédent;  2°  des 
beggards,  qui  étaient  à  peu  près  de  même 
date;  3°  des  pélrobiusiens ,  disciples  de 
Pierre  et  de  Henri  de  Bruys  ;  1°  des  secta- 
teurs de  Tanquelin  ou  de  Tanquelme ,  et 
d'Arnaud  de  Bresse;  5^  des  capuciali  ou  en- 
capuchonnés; nous  avons  parlé  de  ces  diffé- 
rents sectaires  sous  leur  nom  particulier; 
6°  enfin  de  ces  vaudois  dont  nous  parlons. 
On  conçoit  que  ces  divers  fanatiques,  tous 
ignorants  et  de  la  lie  du  peuple,  n'étaient 
pas  fort  scrupuleux  en  fait  de  dogmes,  et 
fraternisaient  aisément  les  uns  avec  les  au- 
tres pour  soutenir  leur  intérêt  commun.  De 
même  que  ,  chez  les  protestants,  l'on  est 
assez  chrétien  dès  que  l'on  se  déclare  en- 
nemi du  pape  et  de  l'Eglise  rom;iine  ;  ainsi, 
parmi  les  sectaires  du  su"  siècle,  on  pa- 
raissait suffisamment  orthodoxe,  dès  que 
l'on  déclamait  contre  le  gouvernement  ec- 
ol«  siaslique.  Nous  ne  doutons  pas  qu'un 
bon  nombre  de  vaudois  ne  se  soient  mêlés 


parmi  tous  ces  déclamateurs  ,  n'aient  fait 
cause  commune  avec  eux,  n'aient  adopté 
une  partie  de  leurs  senlimenls.   Aussi,    l'an 
1375,  le  pape  Grégoire  X,  écrivant  aux  évo- 
ques du   Dauphiné  pour  exciter   leur   zèle 
contre  les  hérétiques,  joint  ensemble  les  pa- 
larins,  les  pauvres  de  Lyon,  les  arnaldisles 
el  les  fratricelles.  Histoire  de  l'E(jlise  gall., 
tom.  XiV,  liv.  XLi,  an.  1375.  Nous  ne  devons 
donc  pas  être  surpris  de  ce  que  Ueinier  et 
Pjlicdorf,  qui  connaissaient  mieux  les  vau- 
dois de  France  que  ceux  d'Italie,  et  qui  n'ont 
écrit  qu'un  siècle  après  leur  naissance,  leur 
ont  attribué  des  erreurs  qu'ils  n'avaient  pas 
encore  dans  leur  origine.  En  second  lieu,  il 
ne  faut  pas  s'étonner  de  ce  que  les  auteurs 
du   temps  n'ont   pas  toujours  su  distinguer 
ce  que  chacune  de  ces  sectes  avait  de  parti- 
culier, et  si  plusieurs  les   ont  confondues 
sous    le  nom    général  ^'albigeois,    ou    sous 
celui  de  vaudois.  3°  11  a  pu  se  faire  que  des 
vaudois,  devenus  aussi   furieux  que  les  au- 
tres   hérétiques  parmi   lesquels  ils  s'étaient 
mêlés,  aient  été  compris  dans  la  proscrip- 
tion prononcée  contre  eux  tous,  et  qu'on  les 
ait  poursuivis  tous  sans   distinciion  comme 
coupables  des  mêmes  excès.  11  est  constant 
que  ceux  que  l'on  appelait  colereaux,  rou- 
tiers,triarverdins,  courriers, mainades,éiaient 
des  scélérats  semblables  aux  circunceliions 
des  donatisles,  aux  brigands  nommés  ribauds 
dans   le   xnr    siècle,    et    aux    anabaptistes 
appelés  pastoricides  en  Angleterre.    Ils   n'a- 
vaient horreur  d'aucun  crime,  ils  vendaient 
leurs  bras  à  quiconque  voulait  les  payer,  et 
ils   étaient  sûrs   de  l'impunité,  sous  le  pré- 
texte de   religion.   C'est  pour  arrêter  leurs 
ravages  que  Innocent  III  publia  une  croisade 
en  1208.  Il  y   a  donc  beaucoup  de  mauvaise 
foi  de  la  part  des  protestants  et  des  incré- 
dules, à  vouloir  persuader  que  l'on  a  pour- 
suivi  les  vaudois  à  feu  et  à  sang,  malgré 
l'innocence  et   la  douceur  de  leurs  mœurs. 
Est-on   allé  leur  faire  la   guerre  dans  les 
vallées  du  Piémont,  lorsqu'ils  ont  été  pai- 
sibles ? 

Quand  ils  auraient  été  tels  en  général  que 
les  calvinistes  ont  affecté  de  les  peindre, 
nous  ne  voyons  pas  quel  avantage  il  y  a 
pour  eux  à  tes  mettre  au  nombre  de  leurs 
ancêtres,  ni  quel  relief  une  pareille  secte 
peut  donner  à  la  leur.  Les  vaudois  étaient 
des  ignorants,  et  ils  auraient  voulu  que  les 
prêtres  ne  fussent  pas  plus  savants  qu'eux. 
C'étaient  des  fanatiques,  puisque  leur  doc- 
trine louchant  la  pauvreté  volontaire,  les 
serments  faits  en  justice  el  la  punition  des 
malfaiteurs,  était  destructive  de  toule  so- 
ciété. C'étaient  des  opiniâtres ,  que  trois 
cents  ans  de  missions  et  d'instruction  n'ont 
pu  faire  revenir  de  leurs  préjugés.  Leur 
croyance  ressemblait  beaucoup  plus  à  celle 
des  anabaptistes  qu'à  celle  des  calvinistes  : 
puisque  ceux-ci  n'ont  jamais  reconnu  les 
anabaptistes  pour  leurs  frères,  il  est  bien 
ridicule  de  nous  donner  les  vaudois  pour 
leurs  pères.  Mais  la  conduite  de  ces  sec- 
taires nous  montre  les  effets  qu'a  coutume 
de  produire  la  lecture  de  l'Ecriture  sainla 


973  VAU 

sur  des  ignorants  indociles;  cllu  les  rend 
faiialiqucs  cl  incorrigibles  :  on  a  vu  repa- 
raître le  m<}rnc  pliéuonièiie  à  la  nuissaiice 
de  la  prétendue  rélorme  en  Allemagne,  en 
France  et  en  Ani^leterrc.  Voy.  Eciutuhe 
SAiNTiî.  liasnage  a  voulu  persuader  que 
l'icrre  Valilo  était  un  honinio  lettré,  qu'il 
flvail  Iraduil  les  l'>van^iles  et  d'autres  livres 
de  l'Ecriture  sainte  :  c'est  une  fausseté;  il 
les  fit  traduire  par  un  prêtre  nommé  l'Etienne 
(l'EvUa,  et  les  fruits  de  ce  travail  ne  furent 
pas  heureux. 

A  la  naissance  de  la  prétendue  réforme, 
les  vaiidois  apprirent  confusément  qu'il  y 
avait  en  Suisse  et  en  Allemagne  des  lioinmes 
qui  déclamaient  aussi  bien  qu'eux  contre 
les  pasteurs  catholiques.  En  io30,  ils  j  en- 
voyèrent des  députes  qui  eurent  des  confé- 
rences avec  Bucer  et  avec  ()Ecola;!ipade  :  on 
voit  par  le  récit  même  des  historiens  pro- 
lestants, combien  la  croyance  des  vuudois 
était  pour  lors  dilTérenlc  de  celle  des  calvi- 
nistes; Bossuet,  ibld.,\.  xi,  §  117ctsuiv. 
Basnage  n'a  pas  osé  contester  sur  ce  point. 
Mais  en  1536,  Eavel,  ministre  de  Genève, 
vint  à  bout  de  leur  faire  embrasser  le  cal- 
vinisme. La  confession  de  foi  qu'ils  présen- 
tèrent au  roi  vers  l'an  1540,  était  l'ouvrage 
des  ministres  huguenots  qu'ils  avaient  reçus 
chez  eux.  Us  y  rejetaient  la  présence  réelle 
et  la  transsubstantiation,  le  culte  de  la  croix 
et  des  saints,  la  prière  pour  les  morts,  l'ab- 
solution sacramentelle  ;  ils  ne  reconnais- 
saient que  deux  sacrements,  le  baptême  et 
la  cène,  eti-.  Ce  n'étaient  plus  là  les  senti- 
ments de  leurs  pères.  -  Malheureusement, 
avec  cette  nouvelle  iloctrine,  ils  adoptèrent 
l'esprit  séditieux  et  violent  des  calvinistes. 
Déjà  l'an  liiJO,  après  leurs  conférences  avec 
les  protestants,  ils  prirent  les  armes  el  se 
défendirent  contre  les  poursuites  des  évo- 
ques et  du  parlement  d'Aix,  parce  qu'on 
leur  avait  fait  espérer  d'être  bientôt  sou- 
tenus. En  1535,  François  1  '  leur  accurda 
une  amnistie,  sous  condition  i|u'ils  abjure- 
raient leurs  erreurs.  En  15V2  ou  15i3,  ils 
s'attroupèrent,  prirent  les  armes,  renver- 
sèrent des  autels,  pillèrent  des  églises,  et 
commirent  d'autres  excès.  V oy.V Histoire  de 
l'Acad.  des  Inscriiit.,  tom.  IX,  in-\i,  p.  645 
el  052.  C'est  pour  ces  faits,  dont  leurs  apo- 
logistes n'ont  eu  garde  de  convenir,  que  le 
parlement  d'Aix  rendit  un  arrêt  contre  eux. 
Cependant  le  cardinal  Sadi)lct,  évéqne  de 
Carpeutras ,  intercéda  pour  eux  auprès  de 
Fraueois  1",  et  l'exécution  de  l'arrêt  fut 
suspendue.  Mais  le  premier  président  d'Op- 
j)ède,  et  l'avocat  général  Guérin,  aigrirent 
l'cspril  du  roi,  ils  lui  persuadèrent  que  seize 
mille  vaudoii  voulaient  se  saisir  de  Mar- 
seille. I\'ote  d'Amelol  de  la  Houssaye,  sur 
VHisloire  du  concile  de  Trente  de  Fra-Paolo, 
llv.  II,  pag.  liU.  Conséquentment  l'ordre  fut 
donné  de  les  exterminer;  les  villages  de 
Mérindol  et  de  Gabrières  furent  réduits  en 
cendres,  et  près  de  quatre  mille  personnes 
furent  m.issacrér;. 

Tous  nos  écrivains  modernes  ont  déclamé 
à  l'eiivi   contre  la    rruanté  de   cette  cxécu- 


VAU 


974 


tion  ;  ils  en  ont  exagéré  les  circonstances,  ils 
ne  cessent  de  la  citer  comme  un  exemple 
des  effets  que  peut  produire  un  zèle  de  reli- 
gion mal  réglé.  Mais  c'est  en  imposer  aux 
lecteurs  mal  instruits,  <iue  d'attribuer  cette 
expédition  sanglante  au  zèle  de  religion, 
plutôt  qu';'U  ressenliment  excité  par  la 
conduite  séditieuse  des  vaudois.  Deux  ma- 
gistrats ont  eu  tort  sans  doute  d'exagérer 
leur  faute,  pendant  qu'un  évéque  demandait 
grâce  pour  les  coupables:  mais  il  s'en  faut 
beaucoup  que  ces  deux  hommes  aient  agi 
par  zèle  de  religion.  L'avocat  général  Guérin 
fut  accusé  d'avarice,  et  d'avoir  voulu  s'ap- 
proprier une  partie  des  biens  confisqués,  el 
le  président  d'Oppède  d'avoir  agi  |)ar  ven- 
geance contre  plusieurs  particuliers.  Ce  qu'il 
y  a  de  certain,  c'est  que  le  village  d'Oppède, 
dont  il  portait  le  nom,  fut  détruit  comme  les 
autres;  et  que  dix  ou  douze  familles  catho- 
liques de  Mérindol  furenl  enveloppées  dans 
le  massacre  général.  On  les  aurait  sauvées, 
sans  doute,  si  la  religion  était  entrée  pour 
quelque  chose  dans  celte  boucherie. 

L'historien  prétendu  philosophe,  dont  nous 
avons  déjà  révélé  plusieurs  inlidéliiés,  en  a 
encore  coin  mis  de  no  uv  elles  à  ci't  te  occasion.  Il 
a  voulu  persuaderquelacausede  l'arrétrendu 
contre  les  vaudois  par  le  parlement  de  Pro- 
vence, fut  leur  confession  de  foi  de  l'an  1540, 
et  le  dessein  de  punir  des  hérétiques  ob- 
stinés, il  ne  fallait  pas  oublier  leur  révolte 
de  l'an  1535,  el  l'amnistie  que  le  roi  leur 
avait  accordée  :  une  amnistie  suppose  des 
voies  de  fait  el  non  des  erreurs.  Comme 
celte  grâce  portait  pour  conilition  que  les 
vaudois  abjureraient  leur  doctrine,  il  dit  que 
l'on  n'abjure  guère  une  religion  que  l'on  a 
sucée  avec  le  lait,  et  à  laquelle  on  sacrifie 
tous  les  biens  de  ce  monde.  .Mais  ces  héréti- 
ques n'avaient  pas  sucé  avec  le  lait  la  reli- 
gion calviniste  qu'ils  venaient  d'embrasser, 
et  nous  ne  voyons  pas  quels  biens  ils  avalent 
sacrifiés  jusqu'alors.  Il  dit  que  ces  malheu- 
reux n'étaient  point  disposés  à  la  révolte, 
puisqu'ils  ne  se  délenilircnl  pas  el  qu'ils 
s'enfuirent  de  tous  côtés  en  demandant  mi- 
séricorde. En  effet,  comment  so  seraient-ils 
défendus  en  1545,  contre  une  armée  en- 
voyée pour  les  exterminer?  Mais  en  1543, 
les  habitants  de  (Jabrièrcs,  village  situé  dans 
le  Comiat,  aidés  par  leurs  frères  de  Pro- 
vence, avaient  repoussé  deux  fois  les  trou- 
pes du  pape  jusqu'aux  portes  d'Avignon  et 
deCavaillon;  le  pape  avait  imploré  l'assi- 
stance du  roi  pour  réduire  ces  rebelles,  et 
François  I",  par  les  lettres  du  11  décembre 
de  cette  année,  avait  ordonné  au  gouverneur 
de  Provence  de  prêter  main  forte  an  légat  ; 
il  y  avait  donc  eu  déjà  deux  révoltes  des 
wiudois,  l'an  1545,  lorsqu'ils  furent  pour- 
suivis à  feu  et  à  sang,  et  la  destruction  de 
Mérindol  avait  été  ordonnée  en  particulier, 
parce  que  ces  sectaires  s'y  lortiliaienl.  En 
15^1,  ils  avaient  imploré  la  protection  des 
primes  luthériens  d'.\llemagne,  assemblés  à 
Katisbonnc,  et  ils  en  avaient  obtenu  une 
recommandation  très-pressante  auprès  de 
François  1  ';  ce  prince   ne  pouvait  pas  voir 


978 


VAU 


VEA 


97G 


celle  démarche  de  bon  œil,  Hist.  de  l'Eglise 
gallicane,  1.  lui,  an.  1541.  Eiilin,  noire  phi- 
losophe prélend  que  l'oxéculion  cruelle  l'aile 
contre  les  vnudois  flt  faire  de  nouveaux  pro- 
grès au  calvinisme,  et  que  le  tiers  de  la 
France  en  embrassa  les  senlimenls.  C'est 
une  fausseté.  Les  proférés  rapiJps  du  calvi- 
nisme ne  commencèrent  en  France  (lue 
l'an  1558,  sous  le  régne  de  Henri  II,  dix  ans 
après  la  mort  de  François  1";  d'aulrcs  rau- 
ses  plus  puissantes  y  conlril)uèrenl,  et  il  s'en 
fallut  beaucoup  (|u'ilne  fût  embrassé  d'abord 
par  le  tiers  du  royaume;  mais  aucune  im- 
posture ne  coule  à  cet  écrivain  romancier. 
Dans  un  autre  ouvrage,  il  a  forgé  des  ca- 
lomnies encore  plus  atroces,  au  sujel  de  la 
rigueur  exercée  contre  les  vaudois. 

Pour  peu  que  l'on  réfléchisse  sur  la  con- 
duite de  ces  scclaires,  on  voit  qu'il  n'y  eut 
rien  de  constant  chez  eux  qu'une  ignorance 
grossière  et  une  haine  aveugle  contre  le 
clergé  catholique  ;  c'est  tout  le  l'ruil  (|ue  pro- 
duisit parmi  cuv  la  lecture  de  TEcrilure 
sainte  qu'ils  étaient  incaiiables  d'entendre. 
Très-peu  scrupuleux  en  fait  de  dogmes,  ils 
en  changèrent  toutes  les  fois  (jue  leur  inté- 
rêt p. nui  l'exiger,  ils  se  joignirent  indiffé- 
remment à  loules  les  sectes  du  xii'  et  duxMi" 
siècle,  sans  s'embarrasser  de  ce  qu'elles 
croyaient  ou  ne  croyaient  pas.  Souples  ,  ti- 
mides ,  hypocrites  ,  lorsiiu'ils  se  sentaient 
faibles  ,  ils  ne  cherchaient  qu'à  se  cacher 
sons  un  extérieur  catholique;  en  soutenant 
qu'il  n'est  pas  permis  de  jurer  eu  justice, 
ils  n'hésitaient  pas  de  se  parjurer  pour  dis- 
simuler leur  croyance  :  en  condamnant  la 
guerre  en  général  ,  ils  prirent  les  armes 
contre  leurs  souverains  :  dès  qu'on  voulut 
gêner  l'exercice  de  leur  religion  ,  ils  eurent 
part  aux  tumultes  qu'excitèrent  les  autres 
hérétiques,  et  ils  trempèrent  leurs  mains 
plus  d'une  fois  dans  le  sang  des  inquisiteurs 
et  des  missionnaires  qui  voulurent  les  in- 
struire. Telles  ont  été  de  tout  temps  et  telles 
seront  toujours  toutes  les  sectes  hérétiques. 

Au  reste,  c'est  ralîectation  d'une  pauvrelé 
fastueuse  et  cynique  des  hérétiques  du  •s.w 
et  du  xiii'  siècle,  qui  a  donné  lieu  à  l'insti- 
tution des  religieux  mendiants.  Le  dessein 
des  fondateurs  fut  de  prouver  aux  sectaires 
que  l'on  pouvait  pratiquer  une  pauvreté 
humble,  laborieuse,  austère  et  vérilalile(nenl 
évangélique,  sans  déclami-r  contre  leclergé, 
et  sans  se  révolter  contre  l'Eglise.  Cela  était 
déjà  (lénioulré  par  l'exemple  d'une  congré- 
g.ition  de  viiudois  convertis  qui  s'associèrent 
l'an  1207;  ils  prirent  le  nom  tic  pauvres  ca- 
tholiques, ils  continuèrent  de  vivre  comme 
auparavant,  et  ils  travaillèrent  inutilement 
à  la  conversion  des  autres  vaudois;  en  1^56 
ils  se  réunirent  aux  ermites  de  saint  Au- 
gustin; Hélyot,  Histoire  des  ordres  monas- 
tiques, (édil.  de  Migne).  Saint  François  ,  de 
son  côté,  jeta  les  premiers  fondements  de 
son  ordre,  l'an  1209.  Mais  les  proteslanls, 
toujours  bizarres  et  inconséquents  ,  après 
avoir  approuvé  la  pauvreté  orgueilleuse  et 
fanatique  dos  vnudois,  n'ont  cessé  de  décla- 
mer conirc  la  pauvrelé  humble  et  charitable 


des  religieux  catholiques.  Voy.  Pauvreté 
V0L0^TAlRE,  Mendiants,  etc. 

VEAU. Ce  terme  dans  l'Ecriture  sainte  est 
employé  en  différents  sens  :  1*  il  signifie  des 
ennemis  en  fureur.  Ps.  xxi,  v.  13  :  Circum- 
dederunl  me  vituli  multi.  2°  Au  contraire, 
dans  Isaïe,  ch.  ir,  v.  7,  il  désigne  des  hom- 
mes doux  et  paisibles  ;  il  y  est  dit  que  l'ours 
et  le  veaH  pailront  ensemble,  c'est-à-direque 
les  faiides  et  les  simples  ne  craindront  plus 
ceux  qui  leurs  paraissaient  redoutables. 
3"  Le  prophète  Malacliie,-ch.  iv,  v.  2,  com- 
pare un  peuple  qui  est  dans  la  joie  à  des 
veaux  qui  bondissent  dans  une  prairie.  ï^Ps. 
L,  v.  21  ,  ce  mol  exprime  les  difTérenles 
espèces  de  victimes  ,  imponent  super  allare 
tuum  vilulos.  Mais  dans  Osr'e,  ch.  xiv,  v.  3, 
vilulos  luhioruin  ,  les  victimes  des  lèvres  ou 
de  la  bouche  signifient  des  louanges,  des 
vœux,  des  actions  de  grâces;  c'est  ce  que 
saint  Pierre  appelle  spirituales  hostias,  l. 
Peir.,  c.  Il,  v.  5. 

Veau  d'or.  Idole  que  les  Israélites  se  firent 
faire  au  pied  du  mont  Sinaï  ,  à  laquelle  ils 
rendirent  un  culte  à  l'imiialion  de  celui  du 
bœuf  Apis  ,  qu'ils  avaient  vu  pralicpjer  en 
Egy[)te  ;  l'histoire  en  est  rapportée,  Exod., 
c.  xxxii  :  elle  démontre  la  grossièreté  de  ce 
peuple,  et  son  penchant  décidé  à  l'idolâtrie. 
Ouaranle  jours  auparavant  ,  les  mêmes  Is- 
raélites avaient  été  saisis  de  frayeur  à  la  vue 
de  l'appareil  terrible  avec  lequel  Dieu  leur 
avait  intimé  ses  lois,  r.  xix  ;  il  leur  avait  sé- 
vèrement défendu  d'adorc^r  d'autres  dieux 
que  lui,  c.  XX,  v.  3.  Ils  avaient  solennelle- 
ment promis  de  lui  être  soumis  el  fidèles  ; 
ils  lui  avaient  immolé  des  victimes,  c.  xxiv, 
V.  3  el  5  ;  parce  que  Moïse  tardait  trop  long- 
temps à  leur  gré  de  descendre  de  la  monta- 
gne oii  Dieu  lui  donnait  ses  ordres,  ils  vou- 
lurent avoir  un  Dieu  visible  ,  une  idole  à 
laquelle  ils  pussent  offrir  leurs  sacrifices. 
Dans  la  fête  insensée  qu'ils  célébrèrent  en 
son  honneur,  ils  poussèrent  l'impiété  jus(iu'à 
dire  :  Voilà  tes  dieux  ,  Israël ,  qui  Vont  tiré 
du  pays  de  l'Egypte,  c.  xxxii  ,  v.  h.  Il  n'est 
donc  pas  étonnant  que  Moïse,  indigné  de 
celte  prévarication,  ait  brisé  les  tables  de  la 
loi,  ait  fait  fondre  el  réduire  celle  idole  en 
poudre,  l'ail  fait  jeter  dans  le  torrent  dont 
ce  peuple  buvait  les  eaux  ,  ait  armé  les  lé- 
vites ,  et  leur  ait  ordonné  de  mettre  à  mort 
les  [dus  coupables.  Cet  exemple  de  sévérité 
était  nécessaire  pour  intimider  les  autres  el 
pour  prévenir  les  rechutes.  Environ  cinq 
cents  ans  après,  leurs  descendants  ne  fur  iit 
pas  moins  insensés  qu'eux  ,  puis({u'ils  ado- 
rèrent les  veaux  d'or  que  Jéroboam  fil  faire, 
pour  déioumer  ses  sujetsd'aller  rendre  leur 
culte  au  vrai  Dieu  dans  le  temple  de  Jéru- 
salem, JJJ  liey.,  c.  XII,  v.  28. 

Le  plus  célèbre  des  incrédules  de  noire 
siècle  a  voulu  prouver  que  l'histoire  de  l'a- 
doration du  veau  rf'or  n'est  ni  vraisemblable 
ni  possible,  mais  à  son  ordinaire  il  en'a 
falsifié  plusieurs  circonstances  :  aussi  lui 
a-t-on  fait  voir  que,  dans  ses  réflexions,  il 
y  a  presque  autant  de  faussetés  et  de  bévues 
que  de  mots.  Réfutation  de  la  Bible  expli- 


977 


VEA 


quée,  I.  VI,  ch.  G,  arl.  7.  LetlrM  de  quelques 
Juifs,  i"parlio,  Icllre  o,elc.ll  objccle,  I"qu'il 
a  été  impossible  aux  Isracliles  île  faire  faire 
un  veau  d'or  diwis  lo  désert.  Il  n'y  a  pas  d'ap- 
parence dit-il,  qu'ils  aient  eu  des  fondeurs 
d'or,  qui  ne  se  trouvent  t]uc.  dans  los  gran- 
des villes  ;  il  est  irnpos'^iblc  de  jeter  nn  veau 
cl'ur  en  roule  et  de  le  réparer  en  une  nnil;  il 
aurait  fallu  au  moins  trois  mois  pour  ache- 
ver un  pareil  ouvrage.  Si  ce  erilique  avait 
lu  plus  ailenlivenient  l'histoire  ((u'il  allaipie, 
il  aurait  vu  qu'environ  un  an  après  l'ado- 
ration ilu  venu  d'or,  il  se  trouva  dans  le  dé- 
sert, cl  parmi  les  Israélites,  deux  fondeurs 
capables  d'exéculer  en  or,  en  argent,  et  en 
bron/e  ,  tous  les  ornements  et  les  vases  du 
tabernacle,  fixod.,  c.  x\xi;sans  doule  ils 
avaient  appris  cet  arl  en  Hgyplc  où  il  élait 
déjà  connu  il  praliqué  pour  lurs.  On  peut 
s'assurer  par  le  témoignage  des  artistes, 
que  deux  ou  trois  jours  suffisent  pour  faire 
un  moule  et  jeter  en  Tinte  un  ouvrage  quel- 
conque, surloul  lorsqu'il  n'est  pas  d'un  poids 
consiiléralile,  et  que  l'on  n'y  exige  pas  une 
grande  pei  fection.  L'histoire  ne  dii  point 
que  le  veau  d'or  ait  éti-  fait  en  une  nuit  ,  ni 
qu'il  ait  clé  réparé  au  ciseau  ou  au  burin; 
elle  témoigne  au  contraire  qu'il  demeura  tel 
qu'il  avait  été  tiré  du  moule,  c.  x\xii,  v.  "lï. 
Les  Israélites  voulaii'ut  une  idole  qu'ils  pus- 
sent transpoiler  aisément,  et  l'on  sait  qu'en- 
core aujourd'hui  les  nations  idolâtres  se 
contenleiil  des  figures  les  plus  grossièrement 
travaillées. 

2°  Il  n'csl  pas  concevable,  dit  notre  philo- 
sophe, que  trois  millions  de  Juifs  (|ui  ve- 
naient (le  voir  et  d'enlendre  Dieu  lui'mi'me, 
au  milieu  des  Irompeiles  et  îles  tonnerres, 
voulussent  sitôt,  et  en  sa  présence  même, 
qiiilter  son  service  pour  celui  d'un  rcau. — 
lieponfe.  il  est  encore  plus  inconcevable  de 
voir  les  anciens  pa'i'i'us,  et  même  les  philo- 
sophes s'obstiner  dans  l'idolâlrie  ,  malgré 
le  spectacle  de  l'univers  (]ui  leur  prêchait 
un  seul  Dieu,  et  malgré  les  leçons  des  doc- 
teurs chréiions  qui  leur  prouvaient  ciite 
»éiité  ;  de  voir  encore  aujourd'hui  des  athées 
pousser  l'aveuglement  et  l'opiniâlreté  plus 
loin;  de  voir  enfin  des  hommes  (jui  parais- 
sent raisonnables,  qui,  après  les  plus  belles 
résolutions  faites  dans  une  grande  maladie, 
se  replongent  bientôt  dans  les  mêmes  désor- 
dres qui  uni  failli  de  les  condure  au  tombeau; 
cependanl  tous  ces  travers  de  l'esprit  et  du 
cd'ur  humain  n'en  sont  pas  moins  vrais. 

3'  L'on  ne  peut  pas  ,  continue  notre  cri- 
tique, réiluire  l'or  en  poudre  en  le  jetant  au 
feu;  on  ne  peut  le  dissoudre  que  par  des 
procédés  de  chimie  dont  Moïse  n'avait  sûre- 
ment aucune  cou  naissance. — /{^po/ise. Quand 
il  serait  nécessaire  li'altribuer  a  .Moïse  des 
connaissances  supérieures  en  fait  de  chiiaie, 
nous  n'hésiterions  pas,  puisqu'il  est  dit  (|iie 
ce  législateur  avait  été  instruit  des  arts  el 
des  sciences  de  l'Egypte  :  or,  il  est  incontes- 
table que  celui  doni  nous  parlons  n'étail 
pas  Inconnu  aux  Egyptiens.  iMais  nous  n'a- 
vons pas  besoin  de  rien  supposer  par  con- 
jecture, comme  le  fait  à  tout  moment  le  cen- 


VEN  978 

senr  de  Vhisloire  sainte.  Elle  dit  seulemcnl 
que  Moïse,  après  avoir  jeté  le  veau  d'or  au 
feu,  le  fit  briser  et  moudre  jusqu'à  le  pulvé- 
riser ,  et  qu'il  fit  jeler  celte  poudre  dans 
l'eau  que  buvaient  les  Israélites,  c.  xxxii, 
V.  -20. 

'*-  Moïse,  dit-il  enfin,  à  la  télé  de  la  tribu 
de  Léïi,  tue  vingt-trois  mille  hommes  de  sa 
nation,  qui  sont  tous  supposés  bien  armés, 
puisqu'ils  venaient  de  combattre  les  Ama- 
lécites;  jamais  un  peuple  entier  ne  s'est 
laissé  égorger  ainsi  sans  défense.  Il  observe 
d'ailleurs  ijue  si  ce  fui  él  lit  vrai,  c'aurait 
été  de  la  part  de  Moïse  nn  Irait  de  cruauté 
'xnauie.^ Réponse.  Nous  avouons  que /a  Vtil- 
gale  porte  vinql-lrois  tnille  hommes;  mais  il 
est  évident  que  celle  version  est  fautive, 
puisque  le  texte  hébreu  et  le  sam  iritain,  les 
Septante,  la  paraphrase  chalilaïque,  les  tra- 
ductions d'Aquila,  de  Symmaqiie  et  deThéo- 
dolion  ,  les  versions  syriaque  et  arabe, 
niellent  seulement  environ  trois  mille  hom- 
mrs.  C'est  ainsi  que  les  l'ères,  icis  que  Ter- 
lullien,  saint  Ambroise  ,  Optai ,  Isidore  de 
Séville,  saint  Jérôme  et  d'autres  lisaient 
dans  l'ancienne  Vulgnle  latine:  preuve  évi- 
dente que  le  mol  vingt-trois  est  une  faute 
de  copiste  commise  dans  les  siècles  posté- 
rieurs. Outre  qu'il  est  ridicule  de  supposer 
bien  armés  des  hommes  qui  se  livraienl  à  la 
danse  et  à  la  débauche,  l'histoire  dit  formel- 
lement que  ces  idolâtres  étaient  dépouillés 
de  leurs  habits,  Exod.,  c.  xxxii,  v.  2o.  Nous 
soutenons  que  dans  celle  exécution  il  n'y 
eut  ni  injustice  ni  cruauté.  Dieu,  par  sa  loi, 
avail  liélenilu  ri<lolâtrie  sous  peine  de  mort, 
et  les  Israélites  s'y  él.iient  soumis;  ils  ne 
pouvaient  subsister  dans  le  désert  que  par 
une  providence  surnaturelle,  et  Dieu  ne  la 
leur  avait  promise  que  sous  condition  d'o- 
béissance; dès  qu'ils  se  révoltaient  contre  la 
loi,  Dieu  en  les  abandonnant  pouvait  les  l'aire 
tous  périr,  el  il  les  en  menaçait,  ibid.,  v.  10. 
Moïse  élait  donc  obligé  de  faire  un  exemple 
des  plus  coupables,  afin  d'intimider  les  au- 
tres, d'obtenir  grâce  pour  eux,  el  de  sauver 
ainsi  sa  nation.  Qu'y  a-t-il  à  blâmer  dans 
celle  conduite? 

D'autres  critiques  anciens  et  modernes  ont 
dit  que  Aaron  était  le  plus  coupable  de  tous, 
que  cepeiuLint  il  fut  épargné  ,  pendant  que 
trois  mille  hommes  porlèrentla  peine  de  soii 
crime;  nous  avons  réfuté  ce  reproche  an 
mot  Aahon.  Aujourd'hui  les  juifs  sont  si 
persuadés  de  l'énormité  du  crime  de  leurs 
pères  ,  qu'ils  croient  (jue  Dieu  s'en  venge 
encore  ;  ils  disent  que,  dans  toutes  les  cala- 
mités qui  leur  arrivent,  il  entre  au  moins 
une  once  de  la  prévarication  du  veau  d'or; 
mais  ils  oublient  que  quinzecenis  ans  après, 
leurs  pères  se  sont  rendus  coupables  d'un 
forfait  beaucoup  plus  énorme  et  plus  digne  de 
la  vengeance  divine,  en  mettant  à  morl  le 
Jlessic.  Voy.  Jiifs.  §  6. 

VEILLE.    Voi/.  ViGiLK. 

VENDEURS  bu  TEMPLE.  11  est  rapporté 
dans  les  quatre  évangélistes  que  Jésus  étant 
entré  dans  le  lemple  de  Jérusalem,  en  chassa 
les  marchands  qui  y  vendaient  les  animaux 


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VEN 


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980 


que  l'i'n  devail  offrir  en  sacrifice  ,  et  les 
chaiipcur*  qui  foiiriiivsaienl  d(\  \n  monnaie 
pour  les  offrandes  ;  qu'il  leur  reproc'ia  de 
faire  de  la  maison  de  son  Père  une  caverne 
de  voleurs,  Joan.,  c.  u,  v.  14,  elc.  Les  incré- 
dules, qui  se  s^uil  fail  un  plan  de  censurer 
toutes  les  actions  du  Sauveur,  demandent 
de  quel  droit  il  exerçait  cet  acte  d'autorité. 
Les  niarchnnils,  disent-ils  ,  étaient  irrépré- 
hensibles ;  ils  ne  se  plaçaient  dans  le  temple 
que  pour  l.'i  rommodité  du  public  :  Jésus, 
dans  celti'  circonst.ince  ,  donna  un  exemple 
lie  colère  et  d'emportement  Irès-scandaleux. 
Quel()ues-uiis  ont  ajo\ilé  qu'il  avait  mis  l'ar- 
gent et  les  marchandises  an  pillage. 

Nous  soutenons  que  Jésus  ,  après  avoir 
prouvo  sa  mission  et  sa  qualité  de  I^Jessie 
piir  une  multitude  de  miracles,  avait  louto 
l'autorité  de  législateur  et  de  prophète  sem- 
bltible  à  Moïse  ,  par  conséquent  le  droit  de 
punir  et  de  répiimer  tous  les  désordres, 
lorsqu'il  en  Irouvait.  Or,  c'en  était  un  que 
la  profanation  du  lemple,  dont  les  changeurs 
et  les  marchands  se  rendaient  coupables,  lis 
pouvaient  se  tenir  hors  du  lemple,  la  com- 
modité publique  aurait  été  la  même  ;  en  so 
plaçant  dans  l'intérieur  pour  leur  propre 
commoilité,  ils  y  causaient  un  bruit  et  une 
indérence  ca[ialiles  de  troubler  la  piété  de 
ceux  qui  venaient  y  prier  ;  et  puisque  Jésus- 
Christ  les  traita  de  voleurs  ,  il  s'était  sûre- 
ment aperçu  du  monopole  et  de  l'usure  qu'ils 
exerçaient.  Les  chefs  du  peuple  nel'aui  aient 
pas  souffert ,  s'ils  n'y  avaient  pas  été  inté- 
ressés pour  quelque  chose  ;  le  même  abus 
a  régné  et  règne  encore  dans  tous  les  pays 
du  monde  ;  le  Sauveur  ne  devait  pas  l'auto- 
riser. Mais  il  est  faux  que  ,  dans  celte  cir- 
constance, il  ait  donné  aucune  mai  que  d'em- 
portement ni  (le  colère  ;  de  simples  exhor- 
tations n'auraient  produit  aucun  elTet  sur 
ces  hommes  avides  ,  il  fallait  un  châtiment 
pour  les  intiniiiler,  et  il  n'est  pas  plus  vr.ji 
qu'il  Tiit  mis  les  marchandises  au  pilkige. 
Les  principaux  Juifs  qui  étaient  présents, 
n'osèrent  s'opposer  à  cet  acte  de  sévérité, 
parce  qu'ils  en  sentaient  la  justice  et  la  né- 
cessité, ils  se  bornèrent  à  demander  à  Jésus 
par  quel  signe,  par  quelmir.icle  il  prouviit 
son  autorité.  Détruisez  ce  temple  ,  répondit 
le  Sauveur,  et  dans  trois  jours  je  le  relèverai. 
Probablement  il  toucha  sou  propre  corps, 
pour  faire  entendre  qu'il  parlait  de  sa  ré- 
surrection, Jooh.,  c.  Il,  V.  19.  Mais  il  ne  s'en 
tint  pas  là;  un  autre  évangéliste  ajoute  que 
Jésus,  étant  entré  dans  le  temple,  guérit  des 
boiteux  e!  des  aveugles;  que  le  peuple  s'é- 
cria :  Hosanna,  prospérité  au  Fils  de  David, 
Jésus  fit  donc  tout  ce  qu'exigrai(>nt  les  Juifs, 
et  cela  ne  servit  qu'à  les  irriter  davantage, 
Matlh.,v.  XX  ,  V.  \k.  Quoique  les  incrédules 
aient  défiguré  loules  ces  circonstances  pour 
y  jeter  du  ridicule,  ils  n'y  ont  pas  réussi. 

V  ENGKANGI";,  peine  causée  à  un  olïenseur 
|)our  la  satisfaction  personnelle  de  l'ufferisé. 
il  ue  faut  pas  confondre  ,  comuie  on  In  fail 
assez  souvent,  la  vengeance  avec  la  punition  : 
punir  est  le  devoir  et  la  fonction  d'un  homme 
revêtu  d'autorité,  et  qui  agit  pour   l'intérêt 


public,  pour  le  repos  et  le  bon  ordre  de  la 
société;  la  venr/cance  au  contraire  est  exer- 
cée par  celui  qui  n'a  aucune  autorité  ;  il  en 
use  pour  satisfaire  sont  ressentiment  parti- 
culier, sans  aucun  égard  à  l'intérêt  général. 
Si  les  philoso|ihes  qui  ont  disserté  sur  ce 
sujet  avaient  fait  attention  à  ces  deux  diffé- 
rences, probablement  ils  auraient  évité  les 
erreurs  dans  lesquelles  ils  sont  tombés.  Il 
faut  encore  distinguer  la  vengeance  d'avec 
la  défense  personnelle  :  celle-ci  a  pour  but 
de  nous  préserver  du  mal  qu'un  ennemi  veut 
nous  faire;  la  jiremièrc  se  propose  de  lui 
rendre  le  mal  pour  le  mal  qu'il  nous  a  fait. 
Mais  si  la  peine  qu'il  souffrira  ne  peut  ni 
soulager  ni  réparer  celle  que  nous  avons 
ressentie,  quel  motif  légitime  pouvons-nous 
avoir  do  la  lui  causer?  Uendre  calomnie 
pour  calomnie,  injustice  pour  injustice,  crime 
pour  crime  ,  est-ce  un  moyen  de  rien  ré- 
parer ? 

On  a  enseigné  dans  l'ancienne  Encj/clopé- 
die,  que  «  la  vengeance  est  naturelle,  qu'il 
est  permis  de  repousser  une  véritable  injure, 
de  se  garantir  par  là  des  insultes,  de  main- 
tenir ses  droits,  et  de  venger  les  offenses  où 
les  lois  n'ont  point  jiorlé  de  remède  ;  (ju'ainsi 
la  vengeance  est  une  espèce  de  justice.  » 
Cette  morale  fausse  et  scandaleuse  n'est  fon- 
dée que  sur  un  abus  des  termes.  La  ven- 
geance est  naturelle,  si  l'on  entend  qu'elle 
est  inspirée  par  la  répugnance  naturelle  que 
nous  avons  de  souffrir;  mais  si  l'on  veul 
dire  que  c'est  un  droit  ou  une  loi  naturelle, 
cela  est  faux.  Qui  nous  a  donné  ce  droit,  ou 
imposé  celte  loi?  11  est  permis  de  repousser 
une  injure,  de  nous  garantir  d'une  insulte, 
c'est-à-dire  de  nous  en  préserver,  et  de  les 
prévenir  quand  nous  le  pouvons;  mais  user 
de  représailles  lorsque  nous  les  avons  re- 
çues, c'est  le  vrai  moyen  de  nous  en  attirer 
de  nouvelles,  plutôt  que  de  nous  en  mettre 
à  couvert  ;  cela  ne  sert  qu'à  aigrir  un  enne- 
mi et  à  le  rendre  encore  plus  furieux.  S'a- 
perçoit-ou  que  les  vindicatifs  évitent  plus 
aisément  la  haine,  les  injures,  les  insultes 
que  les  hommes  doux  et  modérés?  Il  est  en- 
core faux  qu'il  soit  permis  de  venger  les 
offenses  auxquelles  les  lois  n'ont  point  ap- 
porté de  remède  ;  la  vengeance  ne  peut  être 
un  remède  dans  aucun  sens,  elle  ne  répare 
rien  et  ne  dédommage  de  rien  :  elle  satisfait 
peut-être  pour  un  moment  la  colère  et  la 
haine,  mais  où  est  la  nécessité  et  la  permis- 
sion de  les  satisfaire  ?  Ce  n'est  point  à  un 
particulier,  à  un  homme  agité  par  le  ressen- 
timent, de  suppléer  au  défaut  des  lois,  de  se 
rendre  juge  dans  sa  propre  cause,  de  pro- 
portionner la  peine  au  délit.  On  ne  voit  que 
trop  souvent  exercer  des  vengeances  atroces 
pour  une  injure  très-légère  ,  ou  pour  un 
affront  imaginaire. 

L'auteur  de  cet  article  scandaleux  n'a  pas 
assez  corrigé  son  erreur,  en  avouant  qu'au 
jugement  des  sages  il  est  beau  de  pardon- 
ner, que  l'on  doit  de  l'indulgence  aux  fautes 
légères,  et  du  mépris  à  ceux  qui  nous  ont 
réellement  offensés.  La  voix  des  sages  ne 
fait  pas  loi,  mais  Dieu  en  a  fait  une  qui  dé- 


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fend  la  vengeance  et  commande  le  pardon  ; 
iion-seuiemcnt  cel;i  est  be  lu,  mais  c'est  un 
devoir  rigoureux.  Le  mépris  pour  un  enne- 
mi peut  consoler  notre  orgueil,  mais  ce  n"est 
ni  une  compensation  ni  un  dédommagement. 
L'auteur  a  raison  de  comparer  les  vindica- 
tifs aux  sorciers,  qui,  en  rendant  malheu- 
reux les  autres  ,  se  rendent  malheureux 
eux-mêmes;  mais  nous  demandons  en  quel 
sens  cette  méchanceté  pcul  être  naturelle  ou 
permise,  comme  il  Vu  dit  d'abord. 

PhisieiTs  païens  ont  donné  de  meilleures 
leçons.  Il  n'y  a,  dit  Juvénal,  que  les  esprits 
faibles,  petits,  méprisables,  qui  trouvent  du 
plaisir  dans  la  vengeance  : 

Miiiuti 

Semper  et  infirmi  est  aniini  exiguique  voluptas 

Uliio 

Sat.  1",  V.  18'). 

Au  jugement  de  Cicéron,  il  n'y  a  rien  do 
plus  louable  et  de  plus  digne  d'une  âme 
honnête,  que  d'être  incapable  de  ressenti- 
ment, et  de  conserver  la  dotici'lir  à  l'égard 
de  tout  le  monde,  De  Offic,  1.  i,  c.  25.  Il 
condamne  un  homme  qui  venge  les  crimes 
par  des  irimes,  et  les  injures  par  des  inju- 
res, in  Verr.,  aci.  3.  Celait  la  morale  de 
Socrate,  de  Platon,  de  Pidlarque,  etc. 

Mais  il  y  a  une  règle  |)lus  sûre  pour  un 
chrétien,  c'est  la  loi  de  Dieu  :  avant  d'être 
écrite,  elle  était  déjà  gravée  dans  le  cœur 
des  justes.  Jaeob  cond.imna  sévèrement  la 
vengeance  cruelle  ((ue  ses  fils  tirèrent  de  la 
violence  faite  à  leur  sirur  par  les  Sichimi- 
les,  Gen.,  c.  xxxiv,  v.  .'JO  ;  il  la  leur  repro- 
cha encort"  au  lit  de  la  mort,  c.  xlix,  v.  5. 
Les  patriarches  remettaient  à  Dieu  la  ven- 
f/eance  des  injures  qu'ils  avaient  reçues. 
Non-seulement  la  loi  de  Moïse  défendiiil  à 
tout  Israélite  de  se  venger  et  de  conserver 
delà  liain.-,  ronire  son  ennemi,  Lcrit.,c.\i\, 
V.  17  et  18  ;  mais  elle  ordonnait  de  lui  laire 
du  bien,  d^"  lui  rendre  service,  de  l'iissisler 
dans  ses  besoins,  £jod.,  c.  xxiii,  v.  i  et 
5  ;  Prov.,  c.  xxv,  v.  21.  etc.  Le  Fils  de  Dieu 
n'a  donc  pas  imposé  une  loi  nouvelle  lors- 
qu'il a  dit  :  Aimez  vos  rniiemis,  faites  du  bien 
à  ceux  qui  vous  haiss^nl,  priez  Dieu  pow 
ceux  qui  vous  perscculcnl  et  vous  calomnimt 
(Mjllh,  v,  h\).  Mais  il  a  réfuté  les  faus- 
ses interprétations  que  les  docteurs  Juifs 
donnaient  à  la  loi  ancienne,  à  la  loi  natu- 
relle imposée  à  tous  les  hommes  depuis  la 
cré;ilioH.  Ceux  t\ui  ont  regardé  le  |)réceple 
de  l'Evangile  comme  une  loi  de  suréroga- 
tion,  ou  comme  un  conseil  de  perfection  , 
se  sont  étrangement  trompés  ;  ceux  (|ui  ont 
osé  soutenir  que  c'est  une  loi  contraire  au 
droit  naturel,  ont  péclié  ciîcor(!  plus  griève- 
ment contre  la  vérité  cl  contre  les  notions 
de  la  justice.   Voy.  Iînnehi. 

Il  est  permis  sans  doute  par  le  droit  na- 
turel de  f.iirc  punir  un  ennemi  (jui  nous  a 
offensés  injuslemeat,  parce  que  l'ordre  pu- 
blic y  est  intéressé;  mais  vouloir  nous  faire 
justice  à  nous-mêmes,  c'est  usurper  l'auto- 
rité des  lois,  ou  plutôt  l'autorilc  de  Dieu 
même. 


Nous  convenons  que  dans  l'Ecriture  sainte, 
aussi  bien  que  ilans  le  discours  ordinaire  , 
les  termes  de  vengeance  et  de  p^tnition  sont 
souvent  confondus  ;  saint  Paul,  Itom.,  c. 
XIII,  V.  '*,  dit  ijuc  le  prince  est  le  ministre 
de  Dieu  pour  exéruler  sa  vengeance  contre 
celui  qui  l'ait  le  mal.  On  dit  d'un  magistrat 
qu'il  est  chargé  do  la  vengeance  publi(iue, 
c'est-à-dire  de  punir  les  malfaiteurs,  mais  il 
ne  liur  inflige  pas  des  peines  par  colère  ni 
par  ressentiment,  il  le  fait  p;ir  justice  et 
souventconlresou  inclinalion.  Au  contraire, 
un  homme  qui  veut  se  venger  de  son  enne- 
mi, dit  i/u'il  le  punira:  de  quel  droit  et  par 
quelle  autorité"?  Ce  n'est  pas  sur  une  équivo- 
que on  sur  un  abus  des  termes  qu'il  faut  éta- 
blir des  maximes  de  morale.  Do  même  Dieu, 
dans  l'Ecriture  sainte,  est  appelé  le  Dieu 
des  vengeances.  Ps.xci,  v.  l,il  dit  :  Cesl  àmoi 
que  la  VENGEANCE  appartient,  je  l'exercerai 
dans  le  temps,  Deut.,  c  xxxii,  v.  35  ;  Ëccli-, 
c.  XII,  v,  k  ;  Rom.,  c.  xii,  v.  19,  e(c.  Il  est 
évident  (|ue,  dans  tous  ces  passages,  venger 
ne  signifie  rien  autre  chose  que  punir;  c'est 
le  droit  inaliénable  cl  la  fonction  essentielle 
lie  la  justice  divine.  Dieu,  qui  ne  peut  être 
blessé  par  aucune  injure  ni  éprouver  au- 
cune passion,  dont  le  bonheur  suprême  ne 
peut  croître  ni  diminuer,  ne  peut  certaine- 
ment se  plaire  à  rendre  le  mal  pour  le  mal; 
il  pnnit,  non  pour  se  contenter  soi-même, 
mais  pour  le  biin  général  de  l'univers. 
Si  riiommc  jouiss.'iil  d'une  paix  et  d'un  bien- 
être  inaltérable  ,  il  n'aurait  jamais  aucun 
désir  de  se  venger  :  le  désir  est  une  preuve 
de  faiblesse.  Celui  qui  veut  se  venger,  dit 
l'aulenr  de  l'Ecclésiasliiiue,  éprouvera  lui- 
rriHmc  la  VL■NGEA^CI!:  du  Seigneur,  et  ses  pé- 
chés seront  mis  en  reserve.  Pardonne:  à  vo- 
tre prochain  l'injure  qu'il  vous  a  faite,  alors 
votre  prière  obtiendra  la  rémission  de  vos 
fautes.  Un  homme  garde  sa  colère  contre  tin 
aulre  homme,  et  il  demande  grâce  pour  lui- 
inéme  ;  il  n'a  point  de  pitié  pour  son  srmbla- 
ble,  et  il  ose  espérer  misiricordi' ;  un  faible 
timas  de  chair  conserve  du  ressentiment,  et  il 
prie  Dieu  de  lui  être  propice!  Qui  voudra 
prier  avec  lui?  .Sourenez  vous  de  la  mort; 
vous  n'aurez  pliis  d'inimitié  contre  personne 
(Eccli.  xxviii,  I).  Cette  morale  vaut  bien 
celle  des  philosophes  ;  .lésus-Cbrist  l'a  ré- 
duite à  deux  mois  :  Pardonnez-nous  nos 
offenses,  comme  nous  les  pardonnons  à  ceux 
(jui  nous  ont  offensés. 

On  a  beau  étaler  les  pompeuses  maximes 
des  sto''ciens,  qu'il  est  d'une  âme  généreuse, 
d'une  grande  âme  de  pardoiiner  ;  qu'en  ou- 
bliant une  injure,  elle  se  lieiid  supérieure  à 
celui  qui  l'a  faite  ;  (]ue  le  idaisir  de  faire 
grâce  est  plus  flatteur  que  celui  de  se  ven- 
ger, etc.  Donnez  donc  à  tous  les  hommes 
dos  âmes  nobles,  généreuses,  sensibles  au 
pi  lisir  délicat  de  faire  grâce,  ils  senlironl  alors 
la  vérité  de  vos  leçons  ;  mais  s'il  en  est  très- 
peu  de  celle  trempe,  de  quoi  servir.i  votre 
morale  aux  autres?  11  eu  faut  une  cepen- 
dant pour  tout  le  monde.  Dieu  seul  a  su  le 
mellrc  à  portée  de  tous,  en  les  prenant  par 
leur  propre  inlérêt,  et  eu   leur  imposant  la 


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loi  du  talion.  —  De  droit  naturel,  la  ven- 
geance et  les  représailles  ne  sont  permises 
qu'à  une  nation  offensée  par  une  autre  na- 
tion, parce  qu'il  n'y  a  point  do  triliunal  su- 
périeur ni  (le  juge  auquel  elle  puisse  recou- 
rir pour  obtenir  saiisfacton  ;  parce  que 
chacune  en  particulier  est  chargée  de  sa 
propre  conservation,  el  parce  que  la  crainie 
est  nialheunnisement  le  seul  frein  qui  puisse 
reteniren  paix  des  voisins  ambitieux.  Lors- 
que le  roi  prophète  demande  à  Dieu  de  ven- 
ger son  peuple  des  insultes  de  ses  ennemis, 
il  implore  la  justice  divine,  non  pour  satis- 
faire son  propre  ressentiment,  mais  pour  la 
sùrelé  el  le  repos  de  sa  nation  :  ce  désir  est 
très-légilime.  Lorsqu'il  semble  demander 
vengeance  conlte  ses  ennemis  personnels  , 
nous  avons  oliservé  ailleurs  que  ce  ne  sont 
ni  des  sentiments  de  haine  ni  des  impré- 
cations, mais  des  prédictions.  Voy.  Impré- 
cation. 

Les  voyageurs  ont  observé  que  chez  les 
peuples  simples  et  non  policés  la  vrngcimce 
est  impiacaljle,  qu'elle  paraît  aggraver  ses 
fureurs  et  sa  cruauté  à  proportion  de  la 
bonté  el  de  la  bienfaisance  de  leur  âme 
lorsqu' elle  est  dans  son  assiette  naturelle, 
qu'il  en  e-t  ainsi  des  sauvages  de  l'Améri- 
que, des  nouveaux  Zélandais,  des  Indiens 
de  Madagascar,  etc.  Ainsi  les  nations  chez 
lesquelles  la  vengeance  est  censée  non-seule- 
ment un  droit,  mais  un  devoir  qui  passe 
des  pères  aux  enfants  ,  et  (|ui  perpétue  les 
haines  entre  les  familles  ,  sont  encore  à  cet 
égard  dans  l'état  de  barbaiie  :  on  dit  que 
tels  étaient  les  Corses,  avant  ciue  la  crainte 
de  la  justice  française  n'eût  étouffé  chez  eux 
celle  frénésie.  Mais  s'il  est  encore  un  royaume 
dont  les  peuples  se  croient  policés  ,  doux , 
instruits,  philosophes  même,  où  l'on  juge 
cependant  qu'il  esi  beau  de  laver  la  plus  lé- 
gère injure  dans  le  sang  de  l'offenseur,  et 
qu'il  y  a  du  déshonneur  à  ne  pas  vouloir 
commellre  ce  crime,  comment  faut-il  quali- 
fler  celle  nation?  Voy.  Dukl. 

il  y  a  néanmoins  un  cas  dans  lequel  la  loi 
de  Moïse  permettait,  ordonnait  même  la 
vengeance  particulière.  Lorsqu'un  homme 
en  avait  tué  un  autre  volontairement,  par 
haine  ou  par  colère  ,  le  plus  pioche  parent 
du  mort  qui  succédait  à  tous  ses  biens,  avait 
droil  de  tuer  le  meurtrier  partout  où  il  le 
trouvait ,  Niim.,  c.  xxxv,  v.  19  et  21.  11  était 
appelé  pour  celte  raison  le  rédempteur,  du 
sang ,  ou  le  vengeur  du  sang.  Celte  loi ,  qui 
a  subsisté  et  qui  subsiste  encore  chez  plu- 
sieurs peuples,  a  eu  pour  motif  de  prévenir 
les  homicides  toujours  très-communs  dans 
les  sociétés  où  il  n'y  a  pas  une  police  exacte 
et  sévère.  Un  meurtrier  volontaire  ne  pou- 
vait guère  espérer  d'échapper  tout  à  la  fois  à 
la  justice  publique  et  à  la  vengeance  des 
parents  du  mort.  Longtemps  auparavant 
Dieu  avait  déjà  dit  à  Noé  et  à  ses  enfants  : 
Si  quelqu'un  répand  le  sang  humain,  son  pro- 
pre sang  sera  versé,  parce  que  l' homme  est 
fait  à  l'image  de  Dieu  [Gcn.  ix,  (5).  —  Pour 
ceux  auxquels  il  était  arrivé  de  tuer  un 
homme  involontairemenl  par  cas  fortuit  et 


sans  dessein  prémédité  ,  Dieu  avait  fait  dési- 
gner des  villes  de  refuge  dans  lesquelles  ils 
pussent  se  retirer  el  demeurer  en  sûreté, 
pendant  que  l'on  examinerait  s'ils  étaient 
réellement  coupables  ou  non.  Si  l'un  d'eux, 
sortait  de  cet  asile,  el  qu'il  fût  rencontré 
par  le  vengeur  du  sang,  celui-ci  avait  droit 
de  le  mettre  à  mori.  Un  meurtrier  même  in- 
volontaire ne  récupérait  la  libi'rlc  et  la  sû- 
reté qu'à  la  mort  du  grand  prêtre,  Num., 
e.  xxxv,  V.  28;  Jaune,  c.  xx,  v.  2.  Quoique 
l'homicide  fortuit  ne  fût  pas  un  crime,  mais 
un  malheur.  Dieu  \oulait  néanmoins  que 
celui  qui  en  était  l'auteur  fût  puni  par  une 
espèce  d'exil.  Selon  nos  lois  celui  qui  se 
trouve  dans  ce  cas,  et  dont  l'innocenee  est 
prouvée,  doit  cependant  obtenir  des  lettres 
de  grâce;  parce  t|u'il  est  essentiel  à  la  siirelé 
et  au  repos  de  la  société,  nue  lout  honmie 
évite  jusqu'à  la  moindre  imprudence  capa- 
ble d'ôler  la  vie  à  son  prochain. 

Quelques  auteurs  ont  ilit  que  le  vengeur 
du  sang  (jui  tuait  le  mrurlrier  involontaire 
sorti  de  son  asile,  n'était  point  innocent 
dans  le  tribunal  de  la  conscience,  devant 
Dieu  et  selon  le  droit  naturel,  quoiqu'il  fût 
à  couvert  de  toute  condamnation  civile. 
Cette  décision  ne  nous  paraît  pas  juste  dans 
cette  circonstance;  le  vengeur  du  sang 
était  censé  revêtu  de  l'autorité  publique  en 
vertu  de  la  loi;  ainsi  ces  paroles  :  Il  sera 
sans  crime,  absque  noxa  eril ,  Num.,  ibid., 
v.  27,  doivent  être  prises  à  la  rigueur;  ce 
n'étail  plus  une  vengeance ,  mais  une  puni- 
tion. Le  meurtrier  involontaire  n'aurait  pas 
dû  violer  la  loi  qui  lui  défendait  de  sortir  de 
la  ville  de  refuge  avant  la  mort  du  grand 
piètre. 

VÉNIEL  fpéché).  Voy.  Péché. 

Vf;i'ltES.    Voy.  Heurei  canoniales. 

VÉKACITÉ  DK  DllîU.  Attribut  en  vertu 
duquel  Dieu  ne  peut  ni  se  tromper  lui-même, 
ni  nous  tromper  lorsqu'il  daigne  nous  parler. 
Cette  perfection  divine  nous  est  connue  par 
la  lumière  naturelle  et  par  la  révélation. 
Moïse  dit  à  Dieu,  Exod.,  c.  xxxiv,  v.  6  : 
Seigneur  ,  souverain  maître  de  toutes  choses, 
vous  êtes  miséricordieux,  patient,  indulgent, 
compatissant  el  vrai,  verax.  Dieu  lui-même 
force  un  faux  prophète  à  lui  rendre  cet 
hommage,  Num.,  c.  xxiir,  v.  19  :  Dieu  n'est 
point,  comme  l'homme,  capable  démentir,  ni, 
comme  un  enfant,  sujet  à  changer;  quand 
donc  il  a  dit  une  chose,  ne  la  fera-l-il  pas? 
lorsqu'il  a  parlé,  naccomplira-t-il  pas  sa 
parole?  Dieu  est  vrai,  dit  snini  Paul,  mais 
tout  homme  est  sujet  à  tromper  {Rom.  m,  4). 
Celui  ci  peut  avoir  une  opinion  fausse  ,  parce 
que  son  intelligence  est  très-bornée ,  et  il 
peut  avoir  intérêt  d'en  imposer  à  ses  sem- 
blables :  Dieu,  dont  la  science  est  infinie, 
voit  toutes  choses  telles  qu'elles  sont;  il  ne 
peul  donc  être  sujet  à  l'erreur  ;  aucun  besoin, 
aucun  intérêt,  aucune  passion,  ne  peut 
l'engager  à  tromper  ses  créatures  :  Dieu  ,  dit 
le  Psalmiste,  est  fidèle  dans  toutes  ses  paroles , 
et  saint  dans  toutes  ses  oeuvres  {Ps.  cxliv, 
13).  etc. 

Sur  cette  perfection  divine  sont  fondées  la 


983 


VER 


VER 


986 


certitude  de  notre  fui,  la  solidité  de  notre 
espérance,  la  soumission  de  noireohéissance; 
c'est  pour  cela  <iuc  nous  dovoiis  croire  sur 
la  parole  de  Dieu  les  choses  mêmes  que 
nous  ne  comprenons  pas.  Dès  qu'il  nous  en- 
seigne UHi^  doctrine,  elle  ne  peut  pas  être 
fausse;  lorsiiu'il  nous  fait  une  promesse,  il 
ne  peut  pas  manquer  de  l'accomiilir  ;  quand 
il  nous  commande  une  action,  ce  nu  peut  pas 
être  un  crime.  Aussi  la  foi,  prise  dans  toute 
son  étendue,  renferme  la  croyance  de  tout  ce 
qu'il  nous  a  révélé,  la  confiance  à  ce  qu'il 
nous  promet,  l'obéissance  à  ce  qu'il  nous 
ordonne  :  lille  est  la  foi  justifiante  doni  saint 
Paul  a  fait  de  si  grands  éloges.  Par  la  même 
raison  ,  Dieu  ne  peut  pas  permettre  que  ceux, 
qu'il  a  envojés  pour  nous  instruire  tombent 
dans  l'erreur  el  nous  y  induisent;  ce  serait 
lui-nu'mi'qni  nous  tromperait  et  nous  tendrait 
un  piège  inévitable.   Celui  qui  vient  du  ciel, 

dit  nutre  Sauveur,  est  fiH-df.«.«!(s  de   tous 

Qtticiinque  reçoit  son  lémoicjniuic  atteste  par 
là  inéme  que  Dieu  est  vrai  [Jonn.  m,  31). 
Cilui  qui  croit  à  ma  parole  ne  croit  pas  en  moi 
[seul),  mais  en  celui  qui  m'a  envoyé  {Joan.\ii, 
44-).  Puisque  vous  croyez  <n  Dieu,  croyez 
aussi  en  moi  [Jonn.  xiv,  1),  e(c.  Dès  que  Dieu 
a  revêtu  un  homme  de  tous  les  caractères 
d'une  mission  surnalurcHe  et  divine,  nous 
devons  croire  à  sa  parole  comme  à  celle  de 
Dieu.  Voy.  .Miss  on. 

L'on  accuse  quelques  théologiens  scolas- 
tiques  d'avoir  enseigné  que  Dieu  peut  men- 
tir et  tromper,  mais  ou  a  mal  pris  le 
sens  de  leurs  expressions,  ils  ont  dit 
que  Dieu  pourrait  mentir  et  trtmiper, 
s'il  le  voulait,  mais  qu'il  ne  peut  pas  le 
vouloir ,  parce  qu'il  est  la  sagesse  et  la 
sainteté  même.  C'est  une  de  ces  fausses 
subtilités  de  logique  auxquelles  les  scolasti- 
ques  se  sont  trop  souvent  exercés,  et  qu'ils 
auraient  dii  éviter  pour  no  pas  scandaliser 
les  faibles.  D'autres  ont  douté  si  Dieu  ne 
peut  pas  mentir  et  nous  tromper  pour  notre 
bii'n,  comme  le  fait  quelquefois  un  père  à 
l'égard  de  ses  enduits,  et  un  médecin  à  1  é- 
gard  (le  ses  malades.  Il  faut  qu'ils  n'aient 
lait  attention  ni  aux  passages  de  l'Ecriture 
que  nous  avons  cités,  ni  aux  perfections  de 
la  nature  divine.  Dieu,  dont  la  puissance  et 
la  sagesse  sont  infinies,  a-l-il  besoin  d'un 
mensonge  ou  d'une  illusion  pour  nous  per- 
suader el  nous  faire  vouloir  ce  qu'il  lui  |)laît? 
Saint  Paul  ne  veut  pas  que  l'on  profère  un 
mensonge  aM.n  de  l'aire  éclater  davantage  la 
véracité  de  Dieu,  ni  que  l'on  fasse  un  mal 
alin  qu'il  en  arrive  un  bien,  Rom.,  c.  m,  v. 
7  el  8;  à  plus  forte  raison  Dieu  en  est-il  in- 
capable. Si  un  père  et  un  médecin  avaient 
d'autres  moyens  de  rendre  dociles  les  enfants 
et  les  malades,  sans  doute  ils  n'auraient  pas 
recours  au  mensonge  pour  y  réussir;  mais 
Dieu  manque -t- il  jamais  de  moyens'?  L'E- 
criture réprouve  celte  comparaison,  en  di- 
sant que  Dieu  n'est  pas  comme  l'homme,  ca- 
pable de  mentir.  En  le  créant,  Dieu  lui  a 
inspiré  l'auiour  de  la  vérité  aussi  bien  que 
celui  de  la  vertu,  il  lui  a  fait  un  devoir  de 
l'un  el  de  l'autre;  il  ne  peut  donc  nous  don- 


ner l'exemple  du  mensonge,  non  plus  que 
l'exemple  du  crime;  jamais  il  n'y  a  pour 
nous  un  avantage  réel  à  être  trompés.  Si 
nous  avions  lieu  de  foi  mer  le  moindre  doute 
sur  la  véracité  infaillible  de  Dieu,  nous  ne 
pourrions  plus  rien  croire  de  foi  divine; 
nous  craindrions  toujours  (jiie  Dieu  ne  nous 
enseignât  une  erreur  pour  quelque  dessein 
que  nous  ne  connaissons  pas.  Nous  serions 
même  tentés  de  nous  défier  de  la  lumière 
naturelle  et  de  la  raison  (|u'il  nous  a  don- 
nées; le  pyrrhonisme  absolu  serait  la  seule 
vraie  philosophie  Ainsi  les  anciens  héréti- 
ques qui  prétendaient  que  le  Fils  de  Dieu  ne 
s'éiait  pas  incarné  réellement,  mais  seule- 
ment en  apparence;  (ju'il  n'avait  pas  eu 
une  chair  réelle,  mais  fantastique  ;  que  Dieu 
avait  lait  illusion  à  lous  ceux  i|ui  avaient 
cru  le  voir,  l'entendre,  le  toucher  en  chair  et 
en  os,  cho()uaient  les  plus  pures  lumières 
du  bon  sens.  (Joanl  aux  passages  de  l'Ecri- 
ture où  il  est  dit  que  Dieu  trompe,  aveugle, 
séduit,  égare  les  pécheurs,  nous  les  avons 
expliqués  plus  d'une  fois;  nous  avons  fait 
voir  qu'en  les  comparant  à  nos  discours  les 
jilus  ordinaires,  il  n'y  reste  aucune  difficulté. 
Voy.  Cause,  Abandon,  AvEUiiLESiENT,  En- 
durcissement, etc. 

*  Véracité  des  lhkes  saints.  C'est  surtout  la  vé- 
racité (|iii  donne  de  l'auiorité  à  un  livre.  Aux  mots 
Evangiles,  I'bntateuque,  Genèse,  etc.,  nous  avons 
prouvé  la  véracité  de  nos  livres  saints. 

VEUBE  DIVIN.  Terme  consacré  dans  l'E- 
criture sainte  et  parmi  les  théologiens  pour 
signifier  la  sagesse  éternelle,  le  Fils  de  Dieu, 
la  seconde  personne  de  la  sainte  Trinité, 
égale  et  consubstantielle  au  Père.  Il  est  à 
remarquer  que,  dans  toutes  les  langues,  les 
mots  qui  désignent  la  parole  ont  une  signi- 
fication très-étendue;  ainsi  en  français  chose, 
qui  vient  du  latin  causa  et  du  grec  z«Jo-ai, 
parler;  en  latin  res.  dérivé  de  fia,  je  parle, 
en  grec  )oyor,  le  d^iscours;  dans  les  langues 
orientales  emer,  el  deber,  la  parole,  sont  les 
termes  les  plus  génériques.  Ils  expriment 
non-seulement  la  voix  articulée,  mais  la 
parole  intérieure,  les  opérations  de  l'esprit, 
la  pensée,  la  raison,  la  volonté,  la  réflexion, 
le  dessein,  une  affaire,  une  action,  etc., 
parce  que  tout  cela  se  montre  au  dehors 
par  la  parole,  et  que  rien  ne  se  fait  parmi 
les  hommes  sans  penser  et  parler.  Comme 
nous  ne  pouvons  concevoir  ni  exprimer  les 
attributs  et  les  opérations  de  Dieu  que  par 
analogie  avec  les  nôtres,  nous  ne  devons 
pas  être  surpris  de  ce  ([ue  emer  et  deber  dans 
le  texte  hébreu,  '/iy,;  dans  les  versions  grec- 
ques et  dans  le  Nouveau  'festameni,  verbum 
dans  la  Vulgate,  signifient  non-seulement  la 
sagesse  divine  el  l'acte  de  l'entendement  di- 
vin, mais  encore  l'objel  et  le  terme  subsi- 
stant de  celle  o[)éralion. 

Les  théologiens  ont  dû  former  leur  lan- 
gage, autant  qu'il  était  possible,  sur  celui  de 
l'Ecriture  sainte,  après  en  avoir  comparé  les 
passages.  Conséqucmment  ils  disent  :  Dieu, 
se  connaissant  lui-même  nécessairement  et 
de  toute  éternité,  produit  un  terme  ou  ua 


J87 


TER 


VER 


9S8 


objet  de  cette  connaissance,  un  Etre  égal  à 
lui-même,  subsistant  et  inllni  comme  lui, 
parce  qu'un  acte  nécessaire,  continuel  et 
coéternel  à  la  Divinité,  ne  peut  pus  être  sem- 
blable à  un  acie  passafçer  et  borné,  ni  stérile 
comme  les  nôtres.  Au'-si  cet  objet  de  la  con- 
naissance de  Dieu  le  Père  est  appelé  dans 
l'.lîcriture  son  Verbe,  sa  Sagrsse,  son  Fils, 
rimage  de  sa  siibstance,  la  splendeur  de  sa 
gloire,  etc.  Les  auteurs  sacrés  lui  attribuent 
les  opérations  de  la  Divinité;  ils  en  parlent 
comme  d'une  personne  distincte  du  Père,  ils 
le  nomment  Dieu  comme  le  Père,  etc.  Les 
théologiens  nomment  génération  cet  acte  de 
l'entendement  divin  par  le(iuel  Dieu  produit 
son  Verbe,  parce  que  c'est  le  mot  consacré 
dans  l'Ecriture  sainte  à  l'exprimer;  Prov. 
c.  VIII,  V.  26  ;  Hebr.,  c.  i,  v.  5,  etc. 

Nous  ne  devons  pas  être  étonnés  non  plus 
de  ce  qu'un  mystère  si  supérieur  à  l'intelli- 
gence humaine,  que  l'on  ne  peut  concevoir 
ni  expliquer  par  aucune  comparaison,  a  été 
combattu  par  un  aussi  grand  nombre  d'hé- 
rétiques. Du  temps  même  de  saint  Jean,  les 
cérinthiens  et  les  ébionites,  cnsuile  les  gno- 
stiques  divisés  en  différentes  sectes,  Carpo- 
crate,  Basilide,  Ménandre,  Praséas,  Noël, 
Sabellius,  Paul  de  Samosate,  qui  tous  ont 
laissé  des  disciples;  enfin  les  ariens  et  leurs 
descendants  l'attaquèrent  de  diverses  ma- 
nières. Dans  les  deux  derniers  siècles,  les 
sociniens  et  leurs  adhérents  ont  fait  tous 
leurs  efforts  pour  anéantir  ce  dogme  essen- 
tiel et  fondamenlal  du  cbrisiianisiiie.  (Quoi- 
que dans  les  articles  Fii.s  de  Dieu  et  Trinité, 
nous  ayons  déjà  traité  plusieurs  questions 
qui  ont  rapport  à  celui-ci,  mius  ne  pouvons 
nous  dispenser  d'examiner  encore  ce  qui  est 
dit  du  Verbe  divin  dans  l'Ecriture  sainte, 
dans  les  oiivrages  des  Pères,  et  la  manière 
dont  les  hérétiques  de  notre  temps  ont  tra- 
vesti celte  doeirine.  Nous  verrons  donc,  1° 
si  le  Verbe  divin  est  une  personne  subsi- 
stante de  toute  éternité;  2'  s'il  est  Dieu  dans 
toute  l'énergie  et  la  propriété  du  terme;  .'5"  si 
les  Pères  des  trois  premiers  siècles  ont  été 
orthodoxes  sur  ce  dogme  de  f  )i;  k"  si  la  no- 
lion  du  Aerbe  divin  est  empruntée  de  Pla- 
ton, ou  de  quelque  autre  école  de  philosophie. 

§  l".  Siiivant  l'Ecriture  sainte,  le  Verbe 
DIVIN  est  uni'  personne  subsistante,  et  non 
une  simple  dénomination.  Getle  vérité  est 
clairement  enseignée  dans  l'Evangile  de 
saint  Jean,  c.  i.  v.  I  -.Au  commencement  était 
le  Verbe;  ce  Verbe  était  en  Dieu{cn\a\vc  Dieu) 
et  il  était  Dieu  :  voilà  ce  qu'il  étnil  avec  Dieu 
et  au  commencement.  Toutes  choses  ont  été 
faites  pur  lui,  et  rien  de  tout  ce  qui  est  fait 
ne  l'a  été  sms  lui.  lin  lui  était  la  vie,  et  celte 
vie  était  la  lumière  des  hommes;  elle  luit  dans 
les  ténèbres,  et  les  ténèbres  ne  l'ont  point  com- 
jirise....  C'était  la  vraie  lumière  qui  éclaire 
tout  homme  venant  en  ce  monde.  Il  était  dans 
le  monde,  le  monde  a  été  fait  par  lui,  et  le 
monde  ne  l'a  pas  connu;  il  est  venu  parmi  les 
si  ns,  et  ils  n'ont  pas  voulu  le  receroir...  Le 
Verbe  s'est  fait  chair,  il  a  demeuré  parmi 
nous,  et  nous  atons  vu  sa  gloire,  la  gloire 
propre  au   Fils  unique  du  Père,   rempli  de 


grâce  et  de  vérité...  Personne  n'a  jamais  vu 
Dieu;  le  Fils  unique,  qui  est  dans  le  sein  du 
Père,  nous  l'a  révélé.  Tel  est  le  témoignage 
que  lui  a  rendu  Jean-Baptiste,  etc.  En  cITet, 
V.  dk,  Jean-Baptiste  rend  témoignage  que 
Jésus  est  le  Fils  de  Dieu. 

Rien  dé  plus  absurde  et  de  plus  impie  que 
le  commentaire  par  lequel  Socin  s'est  atla- 
ché  à  travestir  le  sens  do  tout  ce  passage 
de  saint  Jean;  c'est  un  exemple  remarquable 
de  la  licence  avec  laquelle  les  hér;tiques  se 
jouent  de  l'Ecriture  sainte.  Voici  sa  para- 
phrase -.Au  commencement  de  la  prcdiealion 
de  Jean-Baptiste,  était  le  Verbe  ou  la  pa- 
role, savoir,  Jésus  destiné  à  annoncer  aux 
hommes  la  parole  et  les  volontés  de  Dieu. 
Ce  Verbe  était  enDien.i!  n'était  encore  connu 
que  de  Dieu,  et  il  était  Dieu  par  les  qualités 
divines  dont  il  était  duué.  Toutes  choses  qui 
concernent  le  monde  spirituel  et  le  salul  des 
hommes,  ont  été  faites  par  lui,  et  rien  de  ce  qui 
concerne  cette  nouvelle  création  n'a  été  fait 
sans  lui.  En  lui  était  la  vie  et  la  lumière  sur- 
nalurelle  des  hommes,  il  en  est  !e  seul  au- 
teur ;  mais  cette  lumière  luit  dans  les  ténèbres, 
peu  de  personnes  la  cherchent  et  veulent  la 
connaître.  Le  Verbe  a  été  chair;  quoiqu'il 
soit  appelé  Dieu  et  Fils  de  Dieu,  il  a  élé  ce- 
pendant sujet  aux  faiblesses  de  l'humanilé, 
aux  humiliations,  aux  souffrances,  à  la  mort. 

Quand  un  homme  aurait  lu  cent  fois  l'E- 
vangih»,  lui  viendrait-il  à  l'espril  d'y  donner 
ce  sens?  On  sait,  par  les  témuignages  du  se- 
cond siècle,  rendus  cinquante  ou  soixante 
ans  tout  au  plus  après  la  mort  de  saint  Jean, 
que  cet  apôlre  écrivit  son  Evangile  pour  ré- 
futer Cérinlhe  et  les  gno^tiques,  qui  niaient 
non-seulement  la  divinité  de  Jésus-Christ, 
mais  qui  soutenaient  que  le  monde  n'est  pas 
l'oîivrage  de  Dieu  ;  que  c'est  la  production 
d'un  esprit  très  inférieur  à  Dieu;  que  le 
Verbe  ou  le  Fils  de  Dieu  ne  s'est  pas 
réellement  incarné,  Iren.,  adv.  Uœr.,  I.  m, 
c.ll.n.  1.  Si  le  sens  de  cet  apôlre  était  tel  que 
les  sociniens  le  prétendent,  ce  qu'il  dit  n'au- 
rait servi  de  rien  pour  réfuter  les  héréti- 
ques; il  les  aurait  plutôt  confirmés  dans 
leur  ericur.  ÎSIais  entrons  dans  le  détail. 
1°  il  n'est  point  question  dans  saint  Jean  du 
commencement  de  la  prédication  de  l'Evan-; 
gile,  mais  ûa  commencement  <ic  l'univers;  ni 
delà  naissance  d;i  monde  spirituel,  mais 
de  la  première  création.  Le  mot  de  ce!  évan- 
gélisle  est  le  même  (jue  relui  de  .Moïsi;  :  .Iw 
commencement  Dieu  créa  le  ciel  et  la  terre. 
C'est  ainsi  que  l'a  entendu  saint  Paul,  Hebr., 
c.  I,  V.  10.  !1  adresse  au  Fils  de  Dieu  ces 
paroles  du  Ps.  ci,  v.  20  :  Au  commincement. 
Seigneur,  vous  avez  fondé  la  terre,  et  les  deux 
sont  l'ouvrage  de  vos  mains.  Coloss.,  c.  i,  v. 
16,  il  dit  qu'en  Jésus-Christ  ont  été  créées 
toutes  choses  dans  le  ciel  et  sur  la  terre,  les 
êtres  visibles  et  invisibles...  Que  tout  a  été 
créé  et  subsiste  en  lui  et  par  lui.  Cela  est  con- 
firmé par  un  passage  célèbre  du  livre  des 
Proi\,  c.  viii,  V.  22,  où  la  Sayesso  dit,  selon 
le  leste  hébreu  :  Jéhovah  m'avait  préparée 
pour  Commencement  de  ses  voies  et  pour 
principe  de  ses  ouvrages;  j'y  ai  présidé  de 


989 


VER 


VER 


OM 


toute  éternité,  avant  h  naimance  de  la  terre, 
des  abîmes  de  la  mer,  des  collines,  des  monta- 
gnes, du  globe  entier,  j'étais  déjà  ni'e,  ou  en- 
gendrée. J'étais  présente  lorsqu'il  réglait  l'é- 
tendue des  cieu.r,  gu'il  donnait  à  la  mer  ses 
bornes,  et  à  la  terre  son  é<juiHbre;  j'arran- 
geais tout  avec  l\ti  ;  je  témoi'jnais  ma  joie  de 
pouvoir  hfd)itrr  sur  la  terre  et  parmi  les  en- 
fants des  hommes.  Or,  selon  les  livres  saints, 
le  Verbe  liii-mèine  est  la  sagesse  divine,  et 
voilà  sa  naissance  éternelle  clairement  ex- 
primée par  Salomon. — 2'  S;iinl  Jean  l'a  con- 
çue de  même  ;  il  ilil  qu'au  commencemnit,  ou 
au  moment  de  la  création  ,  le  Verbe  était  en 
Dieu,  ou  aveu  Dieu,  et  (\u'il  était  Dieu.  Il 
était  donc  avant  le  temps,  puisque  le  temps 
n'a  lomniencé  qu'à  la  création  :  or,  ce  qui 
était  avant  le  temps  est  éleinel. — 3°  Le  Verbe 
ne  signifie  point  ici  la  paidle  extérieure, 
mais  ce  qui  était  dans  l'enti  ndemcnt  divin  , 
puisqu'//  était  en  Dieu,  on  avec  Kieu  ;  Jésus- 
Clirist  n'est  donc  pas  appilé  le  Verb  >,  parce 
qu'il  était  destiné  à  annoncer  aux  hommes 
la  parole  et  les  volontés  de  Dieu  ;  avant  lui 
les  prophètes  et  Jean-Baptiste,  après  lui  les 
ajiôtrcs  et  leurs  successeurs  ont  rempli  ce 
ministère;  ils  ne  sont  pas  appelés  pour  cela 
les  lerbcs  oa  les  paroles  de  Dieu  :  cette  ex- 
pression est  inouïe  dans  l'Iicriture  sainte. 
Lorsque  l'évangéliste  ajoute  qu'il  était  avec 
T)iru,  cela  ne  peut  pas  signider  qu'il  n'était 
connu  que  de  Dieu;  avant  la  prédication  de 
Jcan-Bapliste,  Jésus  avait  élé  reconn;-.  comme 
Messie  et  comme  Sauveur  pai-  les  beigcrs  de 
Bethléem,  à  qui  des  anges  l'avaient  annoncé 
comme  tel;  parles  mages,  qui  ciaient  venus 
l'adorer  ;  par  Sirnéon  et  par  la  propliétesse 
Anne  ;  Zacliarie  et  Eiisaiielh  lui  avaient 
rendu  leurs  hommages  lorsqu'il  était  encore 
dans  le  sein  do  Marie.  V°  Le  Verbe  était  Dieu; 
c'est  aux  écrivains  sacrés,  el  non  à  de  ni)u- 
Veaux  docteurs,  que  nous  devons  nous  en 
rapporter  pour  savoir  en  quel  sens  saint 
Paul,  Colons.,  c.  Il,  V.  9,  dit  qu'en  Jésus- 
Christ  habite  toute  la  plénitude  de  la  Divi- 
nité ;  Jlebr.,  Cl,  v.  3,  qu'il  e-t  la  splendeur 
de  la  gloire  el  la  figure  de  la  substame  de 
Dieu  ;  v.  6,  que  Dieu  a  ordonné  aux  anges 
lie  l'adurei-  ;  Pom.,  c.  ix,  v.  5,  qu'il  est  par- 
dessus tout  le  Dieu  béni  dans  tous  les  siè- 
cles; /l/)or.,  c.  XIX,  v.  13,  qu'il  est  le  Verbe 
de  Dieu  ,  /  Joan.,  c.  v,  v.  22,  qu'il  est  le 
vrai  Dieu  et  la  vie  éternelle.  Quelles  que 
soient  les  qualités  divines  dont  une  créa- 
ture puisse  être  revêtue  ,  aucun  de  ces 
titres  ne  peut  être  vrai  à  son  égard.  Nous 
connaissons  toutes  les  finesses  de  grammai- 
re, les  transposili(ms,  les  ponctuations  ar- 
bitraires par  lesquelles  les  sociniens  per- 
>ertissent  le  sens  de  tous  ces  passages  ; 
mais  qui  les  a  établis  arbitres  souverain; 
du  texte  des  livies  saints?  les  lisent- ils 
mieux  que  les  disciples  des  apôtres? — ,ï"  Si 
ces  paroles  :  Toutes  choses  ont  été  faites  par 
lui ,  le  monde  a  été  fait  par  lui,  doivent  s'en- 
tendre du  monde  spirituel  composé  des  ado- 
rateurs du  vrai  Dieo,  il  l'st  absurde  de  dire 
que  le  Verbe  était  dans  le  monde,  et  que  le 
monde  ne  l'a  pas  connu.  Il  ne  pouvait  être 


dans  le  monde  spirituel,  avant  qu'il  ne  l'eût 
formé  lui-même;  ce  monde  n'est  composé 
que  de  ceux  qui  le  reconnaissent  pour  le 
Fils  de  Dieu  et  (]iii  l'adorent  en  cette  qua- 
lité. D'ailleurs,  nous  venons  de  prouver  par 
l'Kcrilure  qu'il  s'agit  ici  de  la  première  créa- 
lion  de  l'univers.  -G" /.e  Verbe  s'est  fait  chair, 
ou  s'est  fait  liomme.  Socin  a  bien  vu  que  ce 
Sens  ne  s'accordait  pas  avec  son  opinion  ;  il 
a  traduit,  le  Verbe  a  été  chair,  c'est  à-dire 
sujet  aux  humiliations,  aux  infirmités,  aux 
souffrances  de  l'Iiumanilé.  ICn  premier  lieu, 
saint  Paul  l'entend  autrement.  Roin.,  c.  i, 
v.  3,  il  dit  que  Jésus-Chi  ist,  Fils  de  Dieu,  lui 
a  élé  fait  de  la  race  de  David  selon  la  chair. 
En  second  lieu,  dans  ([uelques  pa^sages  de 
l'Ancien  Testament,  la  chair  si|,'nifii'  à  la  vé- 
rité les  infirmités  humaines,  la  fragilité  de  la 
vie;  mais  il  n'a  le  même  sens  dans  aucun 
lieu  du;Nouveau  Testament  ;  il  désigne  plu- 
tôt les  faiblesses  humaines  dans  le  sens  mo- 
ral, les  inclinations  vicieuses,  les  penchants 
déréglés  de  la  nature.  Or,  le  Verbe  incarné 
n'y  a  pas  élé  sujet  ;  il  a  été  semblable  à 
nous,  dit  saint  Paul,  par  toutes  sortes  d'é- 
preuves, muis  à  l'exception  du  péché,  Helir., 
c.  IV,  v.  15.  En  troisième  lieu,  l'évangéliste 
ajoute  incontinent  :  Et  nous  avons  vn  sa 
gloire,  telle  que  celle  du  Fils  unique  du  Père. 
Celte  gloire  ne  consistait  cortaincmenl  pas 
dans  les  linmilialiuns  et   les  souffrances. 

Nous  suivons  exactement  la  règle  que  nous 
prescrivent  nos  adversaires,  nous  expli- 
quons l'Ecriture  par  l'Ecriture;  s'ils  fai- 
saient de  même,  ils  n'eu  pervertiraient  pas 
si  souvent  le  sens. 

De  toutes  cps  observations,  il  résulte  (lue, 
dans  le  texte  desaint  Jean,  le  Verbe  n'est  point 
une  simple  dénomination,  ni  un  titre  d'hon- 
neur, ni  une  commission  que  Dieu  a  donnée 
à  Jésus-Christ,  mais  une  personne  subsi- 
stante qui  était  avec  Dieu  le  Père,  qui  agis- 
sait avec  lui  en  créant  le  monde,  qui  exi- 
stait par  conséquent  avant  le  inonde  et  de 
toute  éternité,  flelto  doctrine  de  saint  Jean 
et  de  saint  Paul  n'est  pas  nouvelle  ;  l'auteur 
du  livre  ilo  la  Sagesse  dit  comme  eux,  que 
cette  sagesse  divine  est  Véclal  de  la  lumière 
éternelle,  le  miroir  pur  de  la  majesté  de  Dieu, 
et  l'image  de  sa  bonté  {Sap.  vu,  tîG);  il  dit,  c. 
IX.  v.  1  :  Seigneur  miséricordieux,  qui  avez 
tout  fuit  par  votre  Verbe,  Ihyy,  el  qui  avez 
formé  l'homme  par  votre  sagesse  ;  il  ajoute, 
V.  9,  avec  Salomon,  que  cette  sagesse  était 
présente  lorsque  Dieu  faisait  le  monde. 
Da\id  ne  se  borne  point  à  dire  que  la  pa- 
role de  Dieu  (bébr.  deber,  iir.  lo;0,-)  a  fait  les 
cienx  et  l'armée  des  astres,  qu'elle  a  rassem- 
ble les  eaux  dans  les  mers,  etc.  Ps.  xxxii, 
V.  fi;  il  rejirésente  cette  parole  comme  un 
messager  que  Dieu  envoie  pour  exécuter  ses 
volontés,  l's. CM,  y.  20;  Ps.  cxi.vi,  v.  18.  Dieu 
dit  par  Isaïc,  c.  i.v,  v.  1  i  :  Ma  parole  ne  revien- 
dra point  à  moi  sans  effet,  elle  opérera  toutes 
les  choses  pottr  lesquelles  je  l'ai  envoyée  ,  etc. 

Les  sociniens  ilironl  sans  doute  que  ce 
sont  là  des  hébraïsmes,  des  métaphores,  des 
expressions  hardies,  familières  aux  Orien- 
taux; mais  les  écrivains  du  Nouveau  Tes- 


09 1 


VER 


VER 


99Î 


laraent  n'ont  pas  dû  se  servir  de  prétendues 
métaphores  pour  nous  enseigner  les  articles 
fondamentaux  de  noire  foi;  c'était  le  cas  de 
parler  clairement  et  simplement  ;  les  sim- 
ples Odèies  ne  sont  pas  obligés  d'avoir  au- 
tant de  sagacité  que  les  socinicns,  pour  dé- 
couvrir le  sens  du  langage  oriental.  Il  est 
absurde  de  soutenir  d'un  côlé  que  l'Ecriture 
est  la  seule  règle  de  leur  foi,  et,  de  l'autre, 
que  le  style  en  est  méiaphorique,  lors  même 
qu'il  s'agit  des  dogmes  les  plus  nécessaires 
à  savoir. 

§  II.  Le  nom  de  Dieu  est  donné  au  Verbe 
divin,  non  dans  un  sens  impropre  et  abusif, 
mais  dans  toute  la  rigueur  et  la  propriété  du 
termi'.  Celte  vérité  est  déjà  solidemml  prou- 
vée, soit  par  les  passages  de  l'Ecriture  que 
nous  venons  de  citer,  soit  par  ceux  que 
nous  avons  rassemblés  an  mot  Fils  oeDieu; 
mais  l'opiniâtreté  de  nos  adversaires  nous 
oblige  à  multiplier  les  preuves.  En  premier 
lieu,  il  n'es!  pas  aisé  de  cnnccvoir  eu  quel 
sens  les  socinicns  appellent  Jésus-Christ 
Dieu  et  Fils  de  Dieu.  11  est  Dieu,  iliseut-ils, 
parce  qu'il  règne  daus  le  ciel;  mais,  selon 
saint  Jean,  il  était  déjà  Dieu  avant  d'avoir 
fuit  le  monde,  avant  que  le  ciel  et  la  terre 
fussent  existants.  Un  être  qui  n'est  pas  Dieu 
par  naissance,  ne  peut  pas  le  devenir.  Ils 
ne  (liront  pas  qu'il  est  Dieu,  parce  qu'il  est 
créateur,  puisqu'ils  n'admettent  pas  la  créa- 
lion.  Suivant  leur  doctrine  ,  Jésus  ,  Verbe 
divin,  est  Fils  de  Dieu,  parceque  Dieu  lui  a 
donné  une  àme  qui  est  plus  parfaite  que  tous 
les  esprits  inférieurs  à  Dieu,  et  parci-  qu'il 
a  formé  son  corps  dans  le  sein  de  Marie  sans 
l'intervention  d'aucun  homme.  Mais  Adam 
est  aussi  nonmié  fils  de  Diru  ,  Luc,  c.  m, 
V.  38,  pane  que  Dieu  a  formé  le  corps  do  ce 
premier  homme  de  ses  propres  mains,  et 
lui  a  donné  une  âme  faite  à  son  image  et  à 
sa  ressemblance.  Cependant  Jésus-t^lirist 
s'est  appelé  lui-même  fils  unique  de  Dieu, 
fiovo^EvÀ;,  Joan,,  c.  m,  v.  18,  etc.  Quelle  est 
donc  celle  filiation  singulière  qu'il  s'atirihue 
et  qui  ne  convient  qu'à  lui  ?  11  faut  que  l'âme 
de  Jesus-Christ  soit  sortie  de  Dieu  ou  par 
création  ou  par  émanation,  ou  qu'elle  soit 
éiernelle  comme  Dieu  :  nos  adversaires 
croient  la  créalion  impossible;  les  émana- 
lions  sont  absurdes  ;  Dieu  pur  esprit,  être 
simple  et  immuable,  ne  peut  rien  détacher 
de  sa  substance.  D'ailleurs  une  émanation 
divine  se  serait  faite  nécessairement,  donc 
de  toute  éternité  :  oi'  les  socinicns  prétendent 
que  l'âme  de  Jésus-Christ  n'a  commencé 
d'exister  qu'avant  la  créalion  du  monde;  ils 
ont  bien  senti  que  si  elle  était  coélernelle  à 
Dieu,  elle  lui  serait  consubslanlielle  ,  et  un 
seul  Dieu  avec  le  Père.  Enfin  saint  Jean  dit 
que  le  Fils  unique  ,  qui  est  dans  le  sein  du 
Père,  nous  a  révélé  Dieu,  c.  i,  v.  18;  com- 
ment peut-il  y  élre  encore  .  s'il  en  est  sorti 
par  émanation?  Les  philosophes  qui  ont 
ainsi  conçu  la  naissance  des  esprits  n'ont 
jamais  pensé  qu'en  sortant  du  sein  de  Dieu, 
ils  y  étaient  cependant  restés.  Les  socinicns 
ont  b.eau  faire  ,  ils  n'éviteront  jamais  les 
mystères   révélés    dans    l'Ecriture    sainte, 


qu'en  forgeant  d'autres  mystères  cent  foi* 
plus  inintelligibles. — En  second  lieu,  l'Ecri- 
ture attribue  au  \'erbe  divin ,  au  Fils  de 
Dieu,  à  Jésus-Christ,  non-seulement  de.c 
qualités  divines  ,  mais  les  attributs  de  la 
Divinité  incommunicables  à  une  créature. 
1°  L'éternité,  suivant  le  passage  des  Prover- 
bes, c.  V,  v.  22,  que  nous  avons  cités.  Le 
prophète  Michée  l'a  répélé,  c.  v,  v.  2;  il  pré- 
dit qu'il  sortira  de  Bethléem  un  domioMteur 
d'Israël  dont  la  naissance  est  du  commence- 
ment et  des  jours  de  l'éternité.  L'hébreu  ho- 
lam  signifie  l'éternité  de  Dieu  ,  Gen.,  c.  xsi, 
v.  23;  Ps.  Lxxxix,  v.  2;  Isa.,  c.  xl,  v.28,  etc. 
En  parlant  du  passé,  il  n'exprime  jamais 
une  durée  bornée.  Yoy.  \a  Synopse  des  cri- 
tiques sur  ce  passage.  2°  Le  pouvoir  créateur, 
ou  la  puissance  d'opérer  par  le  seul  vou- 
loir, suivant  le  mot  de  saint  Jean,  toutes 
choses  ont  été  faites  par  lui,  et  selon  l'ex  pres- 
sion du  Psalmisle,  il  a  dit,  et  tout  a  été  créé; 
c'e>l  le  caractère  essentiel  et  définilil  de  la 
divinité.  3"  L'immensité;  nous  lisons  dans» 
saint  Jean,  c.  m,  v.  13  :  Personne  n'est  monté 
au  ciel  que  celui  qui  est  descendu  du  ciel, 
savoir  le  Fils  de  l'homme  qui  est  dans  le  ciel. 
Il  était  donc  tout  à  la  fois  dans  le  ciel  et  sur 
la  terre.  4"  Le  souverain  domaine  sur  toutes 
choses  ;  il  dit  lui-même,  Joan.,  c.  xvi,  v.  15, 
Tout  ce  qu'a  mon  Père  est  à  moi  ;  c.  xvii,  v.  2  : 
Mon  Père,  glorifiez  voire  Fils  auquel  vous 
avez  donné  la  puissance  sur  toute  chair; 
v.  10:  Tout  ce  qui  estùmoi  est  à  vous, et  tout 
ce  qui  est  à  vous  est  à  moi.  S.iinl  P.iul  nous 
assure,  Ilebr.,  ci,  v.  2  et  3,  que  Dieu  a 
établi  son  Fils  héritier  de  toutes  chosis,  et 
que  ce  Fils  soutient  tout  par  sa  puissance; 
c.  II,  V.  8,  que  Dieu  lui  a  soumis  toutes  cho- 
ses sans  exception;  v  10,  que  toutes  choses 
sont  non-seulement  par  lui,  mais  pour  lui  ; 
conséqueminent  Jésus-Christ  dit  dans  l'Apo- 
calypse, c.  XXII ,  V.  12  :  Je  suis  l'alpha  et  l'o- 
méga, II-  premier  et  le  dernier,  le  principe  et 
la  fin.  Dieu  lui-même,  pour  donner  aux  hom- 
mes une  idée  de  sa  grandeur  et  de  sa  majesté 
suprême,  a-l-il  rien  dit  de  plus  fort  dans 
toute  l'Ecriture  sainte?  En  troisième  lieu, 
si  le  nom  de  Dieu  n'était  donné  à  Jésus-Christ 
que  dans  un  sens  impropre  et  abusif,  saint 
Paul  n'aurait  jamais  osé  dire,  Cotoss,,  c.  ii, 
V.  9  ,  qu'en  lui  habile  corporellement  toute 
la  plénitude  de  la  Divinité;  Rom.,  c.  ix,  v.  ^, 
qu'il  est  par-dessus  tout  le  Dieu  béni  dans 
tous  les  siècles;  ni  saint  Jean,  Epist.  I,  c.  v, 
V.  20,  qu'il  est  le  vrai  Dieu  et  la  vie  éiernelie. 
Une  créature  ne  peut  pas  élre  le  vrai  Dieu. 
Le  Sauveur  lui-même  n'aurait  jamais  osé 
prétendre  au  culte  suprême  ,  qui  n'est  dû 
qu'à  Dieu  seul.  Or,  il  a  dit,  Joan.,  c.  v, 
V.  22  :  Le  Père  a  donné  à  son  Fils  le  droit 
déjuger,  afin  que  tons  honorent  le  Fils  com- 
me  ils  honorent  le  Père;  c.  x,  v.  30  :  Mon  Père 
et  moi  nous  sommes  une  même  chose.  Les 
anges  disent  do  lui,  .4poc. ,  c.  v,  v.  12  :  L'a- 
'yneau  qui  a  été  immolé  est  digne  de  recevoir 
la  puissance,  la  divinité,  lu  sagesse,  la  force, 
l'honneur,  la  gloii  e,  la  bénédiction.  Cependant 
Dieu  a  dit  dans  sa  loi  :  Vous  n'aurez  point 
d'autre  Dieu  que  moi  ;  je  suis  le  Dieu  jaloux. 


995 


VrîR 


VER 


9d4 


Exod.,  c.  xx;  et  dans  Jsai.,  c.  xui,  v.  8; 
c.  XLviii,  V.  ll:/e  mis  le  Seigneur,  c'est  mon 
nom.  Je  Jie  donnerai  point  ma  yloire  à  un 
autre.  Le  Sage  soulient  (]uc  le  nom  de  Dieu 
est  inccimmuiiicable.  Sap. ,  c.  xiv,  v.  -il. 
Nous  osons  délier  les  sociniens  de  concilier 
ensemi)Ie  tous  ces  passages  dans  leur  systè- 
me. —  En  quatrième  lieu  ,  suivant  leur  opi- 
nion, il  faut  conclure  que  Jésus-Christ  a 
tendu  aux  Juifs  un  piège  inévitable  d'erreur; 
et  qu'il  a  fait  tout  ice  qu'il  fallait  pour  les 
empêcher  de  croire  en  lui.  On  sait  l'horreur 
qu'ils  avaient  du  polythéisme  depuis  leur 
retour  (le  la  captivité  de  Habylone,  et  ilcpuis 
les  persécutions  qu'ils  avaient  essuyées  de 
la  part  des  rois  de  Syrie  ,  qui  voulaient  les 
forcer  à  embrasser  le  paganiMne.  S'attribuer 
le  nom  de  Dieu  parmi  eux  dans  un  sens  abu- 
sif, sans  faire  voir  que  cotte  denuminatiun 
ne  déiruisait  point  l'unité  de  Dieu,  c'était 
vouloir  jiasser  pour  un  faux  prophète  et  pour 
un  blasphémateur.  Aussi  les  Juifs  voulurent 
au  moins  trois  fois  lapider  Jésus,  parce  ()u'il 
s'égalait  à  Dieu  et  se  faisait  Dieu.  Ce  fui  la 
cause  pour  laquelle  il  fut  condamné  à  mort 
par  I.'  conseil  des  Juifs,  Maltli.,  c.  xxvi, 
V.  G3-C(i.  C'est  encore  le  principal  grief 
qu'ils  allèguent  aujourd'hui  pour  refuser  de 
croiri'  en  lèsus-t^hrist.  \'oyi'/  la  Confcrenee 
du  juif  Orubio  avec  Limborcli ,  le  Cliizzouk 
Eminunac  du  juif  isaac.  etc.  —  Eu  cinquième 
lieu,  suivant  le  même  système,  Jésus-Christ 
et  les  apôtres  se  sont  exposés  à  confirmer 
les  païens  ilans  leur  erreur.  Un  des  ailicles 
de  la  croyance  païenne  était  que  souvent 
certains  dieux  s'étaient  revèlus  d'une  forme 
humaine,  et  étaient  venus  habiter  parmi  les 
houiincs  ;  ils  appelaient //t^o;:<'(a/u'es  ces  vi- 
sites ou  apparitions  des  dieux.  Nous  en 
voyous  un  exemple  dans  les  Acle.i  des  apô- 
tres,  c.  XIV,  v.  10  :  les  habilanls  de  Lystru 
en  Lycaonie ,  ravis  d'admiration  par  un  mi- 
racle que  saint  l'aul  venait  d'opérer,  s'écriè- 
rent :  Deux  dieux  sous  la  forme  de  deux 
hommes  sont  descendus  parmi  nous  ;  ils  prirent 
saint  Barnabe  pour  Jupitrr,  et  saint  Paul 
pour  Mercure,  parce  ijn'il  portait  la  parole, 
et  ils  roulaiini  leur  offrir  un  sacrifice.  Si 
Jlésus-tJuist  n'était  pas  Dieu  dans  toute  l'é- 
nergie du  terme,  les  païens  à  (lui  on  l'aiinon- 
Çiiit  comme  Dieu  ou  Fils  de  Dieu,  ont  dû  le 
prendre  pour  un  de  ces  dieux  bienfaisants 
qui  pren. lient  une  forme  humaine  pour  venir 
converseravec  les  htmiiues,  pour  les  instruire 
et  pour  les  soulager  dans  leurs  [leines.  Uien 
n'aurait  été  plus  absurde  que  de  leur  prêcher 
l'unité  de  Dieu,  et  de  donner  en  même  temps 
à  Jesus-Christ  la  qualité  do  Dieu  dans  un 
sens  impropre;  les  païens  n'étaient  certaine- 
ment pas  en  état  de  comprendre  ce  sens. 
(Juand  il  scr.iit  vrai  que  chez  les  Juifs  le 
mot  l'ils  de  Dieu  signiliait  seulement  Messie 
ou  envoyé  de  Dieu  ,  il  ne  pouvait  pas  être 
entendu  ainsi  parmi  les  païens.  —  (i"  Eiilin, 
toujours  dans  la  même  supposition,  Jésus- 
Christ  et  les  apôtres  envoyés  pour  enseigner 
aux  hommes  la  vérité,  les  oui  plongés  dans 
un  chaos  d'erreurs.  Ils  n'ont  lait  que  donner 
une  nouvelle  forme  au  polythéisme,  qu'ap- 


prendre à  leurs  prosélytes  à  adorer  trois 
dieux,  au  lieu  de  la  mullitude  de  divinités 
païennes.  Vainement  on  dira  que  ce  n'est 
pas  leur  faule,  si  on  a  mal  pris  le  sens  de 
leurs  paroles;  celui  que  les  sociniens  y 
donnent  n'est  certainement  pas  celui  qui 
vient  d'abord  à  l'esprit.  De  concert  avec  les 
protestants,  ils  disent  que  les  disciples  im- 
médiats des  apôtres  étaient  des  hommes  sim- 
ples, d'un  esprit  médiocre,  qui  n'entendaient 
riin  aux  finesses  de  la  grammaire,  aux  sub- 
tilités des  philosophes  ,  aux  discussions  de 
la  critique.  C'est  à  eux  néanmoins  que 
les  apôtres  ont  donné  le  soin  d'enseigner 
aux  lidèles  la  doctrine  de  Jésus-Gliri-,1;  il 
fallait  donc  expliiiuer  clairement  Ions  les 
articles  de  croyance,  éviter  tous  les  termes 
obscurs  ou  ambigus  et  toutes  les  ex|)ressions 
équivoques,  afin  de  reiraneher  tout  danger 
d'erreur.  Ola  était  d'autant  plus  nécessaire 
que,  suivant  la  doctrine  de  nos  adversaires, 
les  ap('itres  ne  laissent  aux  fldèles  point 
d'autre  règle  de  foi  que  leurs  écrits.  Cepen- 
dant, si  les  interprétations  des  soeiiilens 
sont  vraies,  le  Nouveau  Testament  est  le 
plus  obscur  et  le  plus  captieux  de  tous  les 
livres.  (Jui  empêchait  saint  Jean  d'exprimer 
sa  doetriiie  aussi  clairement  que  Socin?il 
n'aurait  donné  lieu  à  aucun  doute  ni  à  au- 
cune méprise. 

A  Dieu  ne  plaise  que  nous  admettions  ja- 
mais un  système  duquel  s'ensuivent  des  coii- 
sé(iuences  aussi  impies;  nous  ne  concevons 
pas  comment  des  hommes  aussi  pénétrants 
que  les  docteurs  sociniens  peuvent  les  mé- 
connaître. 

Ont-i;s  donc  trouvé  dans  l'Ecriture  sainte 
des  passages  assez  clairs  et  assez  décisifs 
pour  avoir  droit  de  tordre  le  sens  de  tous 
ceux  que  nous  leur  opposons  ?  Ils  en  oui 
deux  ou  trois  sur  lesijuels  ils  triomphent. 
Joan.,  c.  XIV,  V.  28,  Jésus-Christ  dit  à  ses 
apôtres  :  Mon  Père  est  plus  grand  que  moi. 
Comment  concilier,  disent-ils,  ces  paroles 
avec  le  dogme  de  la  divinité  du  Fils  et  de  sa 
coégalité  avec  le  Père? —  Fort  aisément, 
lorsque  l'on  n'est  pas  piévenu  :  il  sulfit  de 
lire  le  passage  entier.  Jésus  dit  à  ses  apôtres 
afiligés  de  et;  qu'il  allait  bientôt  les  quitter  : 
Si  vous  m'aimiez,  vous  vous  réjouiriez  de  ce 
que  je  vais  à  mon  Père,  parce  gue  mon  Père 
est  plus  grand  gue  moi.  liela  signifie  évidem- 
ment, parce  que  mon  Père  est  dans  un  état 
de  gloire,  de  majesté,  de  splendeur  bien  su- 
périeur à  celui  dans  lequel  je  suis  sur  la 
terre.  Ainsi  l'ont  entendu  les  l'ères  de  l'E- 
glise, lorsque  les  ariens  ne  cessaient  de  ré- 
péter ce  passage.  Voy.  saint  Hilaire,  lib.  ix, 
de  Triait.,  n.  51,  etc.  Ce  sens  est  confirmé 
par  la  prière  que  faisait  Jésus-Christ  quel- 
ques jours  avant  sa  passion.  Joan.,  c.  svii, 
V.  5  :  Revêtez-moi,  mon  Père,  de  la  gloire  que 
j'ai  eue  auprès  de  vous  avant  que  le  monde  fût. 
Le  Sauveur  devait  désirer  sans  doute  de  re- 
tourner en  prendre  possession.  Les  sociniens 
ne  sont  pas  peu  embarrasses  de  dire  en  quoi 
consistait  cette  gloire  dont  Jésus-Christ  avait 
joui  auprès  de  son  Père  avant  la  création  du 
monde.  Joan.  ,  c.  xx,  v.  17,  Jésus  ressuscité 


995  >'ER 

dit  aux  saintes  femmes  :  Je  monte  vers  mon 
Père  ,  qui  est  votre  Pire,  vers  mon  Dieu  qui 
est  votre  Dieu.  Gomment,  disent  les  soci- 
niens,  le  Père  peut-il  être  le  Dieu  de  son 
Fils,  s'ils  sont  égaux  en  nature  ?  Ils  oublient 
toujours  que  Jésus  -  Glirist  était  Dieu  et 
homme,  et  qu'eu  celte  dernière  qualité  il  de- 
vait penser  et  parler  comme  tous  les  lioin- 
mes,  sans  ((ue  cela  pût  déroger  à  sa  divi- 
nité. Pour  la  même  raison  saint  Paul  a  dit , 
/  Cor.,  e.  XV,  V.  28  :  Lorsque  toutes  choses 
auront  été  soumises  nu  Fils,  il  sera  lui-même 
soumis  à  celui  qui  lui  a  soumis  toutes  choses  , 
afin  que  Dieu  soit  tout  en  tous.  Puis<)ue  le 
Fils  de  Dieu  conserve  sou  humanité  dans  le 
ciel,  el  ne  cessera  jamais  d'être  homme  ,  ja- 
mais à  cet  égard  il  no  cessera  d'être  soumis 
à  son  Père.  Marc,  c.  xiii,  v.  32,  le  Sauveur 
dit  que  le  jour  el  l'heure  du  jugement  der- 
nier ne  sont  point  connus  du  Fils,  mais 
du  Père  seul.  Nous  avons  satisfait  à  celte 
difficullé  au  mot  Agnoètes,  et  à  quelques 
autres  au  mot  Fils  de  Diiîu. 

Dans  la  conférence  de  Limborch  avec  le 
juif  Orobio,  celui-ci  soutient  que  les  Juifs 
n'ont  pas  dû  reconnaître  Jésus  pour  le 
Messie,  parce  qu'il  s'est  fait  passer  pour 
Dieu,  et  qu'il  s'est  fait  rendre  les  honneurs 
de  la  Divinité,  altentat  que  Dieu  avait  sévè- 
rement di'fendu  par  sa  loi.  Comme  Limborch 
était  socinien,  il  répond  que  Jésus-Christ  ne 
s'est  jamais  dmné  pour  le  Dieu  souverain  , 
mais  pour  son  envoyé  ;  que  dans  le  Nouveau 
Testament  il  ne  nous  est  ordonné  nulle  part 
de  croire  que  Jésus  est  Dieu  lui-même,  mais 
qu'il  est  le  Fils  de  Dieu,  c'est-à-dire  le  Christ 
ou  le  Messie  ;  que  l'honneur  et  la  gloire  qu'on 
lui  rend  ne  se  terminent  pas  à  lui,  mais  re- 
tournent à  son  Père.  Quant  à  ce  qui  regarde, 
dit-il ,  l'union  de  deux  natures  en  Jèsus- 
Cbrisl,  c'est  une  question  étrangère  à  la  foi 
que  nous  prescrivent  les  livres  saints,  seule 
règle  de  notre  croyance  ;  Arnica  collalio,  etc., 
p,  389,  5i9,  etc.  Cette  réponse  est  évidem- 
ment fausse;  le  juif  n'aurait  pas  eu  de  peine 
à  lit  réfuter  ;  il  aurait  dit  :  Personne  n'a  i)u 
mieux  savoir  eu  quel  sens  Jésus  s'est  donné 
pour  Dieu  que  ses  disciples  :  or,  ils  disent 
qu'il  est  au-dessus  de  tout,  le  Dieu  béni  dans 
tous  les  siècles,  qu'il  est  le  vrai  Dieu  et  la 
vie  éternelle,  qu'il  était  Dieu  avant  que  le 
monde  fût  créé,  (]ue  c'est  lui  qui  a  fait  le 
monde,  etc.  N'i'st-ce  pas  là  le  Dieu  souve- 
rain? Or,  la  loi  nous  défend  de  reconnaître 
un  autre  Dieu  i|ue  le  Créateur  ;  il  a  dit  cent 
fois  :  Je  suis  le  seul  Dieu ,  il  n'ij  en  a  point 
d'autre  que  moi.  11  nous  est  donc  défendu 
d'admettre  un  Di<'U  souverain  el  un  Dieu  in- 
férieur. 11  est  faux  que  dans  vos  livres  ,  Fils 
de  Dieu,  Fils  du  Très-Haut ,  sigiiilie  seule- 
ment C/jri'si  ou  Messie,  puisqu'ils  y  sont  joints 
avec  tous  les  attributs  de  la  Divinité  et  qu'ils 
appliquent  à  Jésus  des  passages  i\m  dans  nos 
Ecrilures  désignent  Jéhorah  ou  le  Dieu  sou- 
verain. Vous  détruisez  vos  principes,  en  di- 
sant que  le  culte  rendu  à  Jésus  se  rapporte 
à  son  Père,  vous  aai  soutenez  aux  catholi- 
ques (jue  le  culte  rendu  aux  anges  et  aux 
saints  ne  peut  pas  se  rapporter  à  Dieu  ,  que 


VER 


996 


tout  le  culte  religieux,  rendu  à  un  autre  être 
qu'à  Dieu,  esl  une  profanation  et  une  iilolâ- 
trie.  Nous  voudrions  savoir  ce  que  Limborch 
aurait  pu  répliquer. 

Le  seul  moyen  solide  de  réfuter  les  Juifs 
est  de  leur  soutenir  que  Jésus-Christ  n'est 
pas  un  autre  Dieu  que  le  Père,  que  dans  les 
Paraphrases  chaldaïques  le  nom  Jéhovah  est 
souvent  exprimé  par  le  Verbe  de  Dieu,  el  re- 
présenté comme  une  personne  ;  que  Dieu  s'est 
montré  plus  d'une  fois  aux  patriarches  sous 
la  forme  d'un  ange,  et  s'est  donné  sous  cette 
forme  le  nom  de  Jéhovah;  que  Dieu  a  pu  se 
montrer  sous  la  nature  d'un  homme  aussi 
bien  que  sous  celle  d'un  ange,  el  qu'il  doit 
êlre  adoré  sous  toutes  les  formes  dont  il  dai- 
gne se  revêtir  ;  enfin  ,  que  les  anciens  doc- 
teurs juifs  onl  reconnu  que  le  Messie  devait 
être  Dieu  lui-même.  Yoij.  Galatin,  de  Arcn- 
nis,  etc.,  I.  m. 

§  m.  Les  pins  anciens  Pères  de  l'Eglise  ont 
enseigné  clairement  et  constamment  la  divi' 
nité  du  Verbe.  Après  avoir  vu  les  passages 
de  l'Ecriture  sainte  dans  les(|uels  ce  dogme 
esl  si  évidemment  établi  ,  il  y  aurait  lieu 
d'être  fort  étonné  si  les  disciples  immédiats 
des  apôtres  et  leurs  successeurs  n'avaient 
pas  été  fidèles  à  le  conserver  dans  rEj,'lise. 
Cependant  les  prolestants,  u  lis  aux  suci- 
niens  par  leur  intérêt  commun  de  décrédlter 
la  tradition,  soutiennent  que  le  langage  des 
Pèfi'S  qui  ont  précédé  le  concile  de  Nicée, 
tenu  l'an  32j  ,  n'a  été  ni  uniforme  ni  tou- 
jours orthodoxe  ;  que,  pendant  les  trois  pre- 
miers siècles,  la  doctrine  de  l'iîglise  touchant 
les  trois  personnes  de  la  sainte  Trinité  n'é- 
tait pas  fixée,  qu'ainsi  il  élail  libre  à  chacun 
d'entendre  à  sa  manière  les  passages  de 
l'Ecriture  qui  regardent  ce  mystère.  Nous 
devons  néanmoins  excepter  de  ce  nombre  les 
théologiens  anglicans  :  comme  ils  admettent 
communément  la  tradition  des  premiers  siè- 
cles, loin  d'ailopler  le  sentiment  des  autres 
protestants,  ils  onl  Iravaillé  avec  autant  de 
zèle  que  les  catholiques  à  disculper  les  an- 
ciens Pères. 

Inutilement  nous  représentons  aux  autres 
qu'il  y  a  de  l'impiété  à  supposer  que  Jéius- 
Chi'isl,  qui  avait  promis  son  assistance  à 
son  Eglise  jusqu'à  la  consommation  des  siè- 
cles, qui  avait  promis  à  ses  apôtres  l'esprit 
de  vérité  pour  toujours,  ut  maneat  vobiscum 
in  œternum  (  Joan.  xiv,  16),  a  cependant 
manqué  à  sa  parole  ;  qu'immédi.ilemeut 
après  la  mort  des  apôtres  il  a  laissé  son 
Eglise  dans  l'incertitude  de  savoir  s'il  est 
véritablement  Dieu  ou  non  :  ils  n'en  sont  pas 
touchés.  Nous  leur  disons  :  Ou  la  divinilé 
du  Verbe  est  clairen)eiit  et  nellement  révé- 
lée dans  le  Nouveau  Testament,  ou  elle  ne 
l'est  pas.  Si  celle  révélation  esl  claire,  for- 
melle, expresse,  comment  les  pasteurs  de 
l'Iîglise  qui  touchaient  de  plus  près  aux  apô- 
tres, ont-ils  pu  eu  méconnaître  le  sens?  11 
s'agissait  d'un  dogme  que  tout  chrétien  doit 
croire  et  savoir.  Si  celte  révélation  est 
obscure,  équivoque,  ambiguë,  est-il  croya- 
ble que  Diuu  l'ait  donnée  pour  seul  gui,de 
aux  fidèles,  comme  vous  le  soutenez  ? 


997 


VER 


VER 


998 


Avant  d'examiner  si  les  premiers  Pères 
ont  clè  orlhodoxos  ou  non,  il  y  a  quelques 
observations  à  faire.  l"Ouanil  il  sagit  d'un 
dogme  inioniprchensible,  tel  que  I.i  géiiéra- 
liou  du  Verbe,  le  langage  humain  ne  peut 
fournir  des  expressions  assez  claires  ni  assez 
exactes  pour  en  donner  la  même  notion  à 
tous  les  esprits,  et  pour  prévenir  toutes  les 
fausses  inlerprelalions  ;  les  écrivains  même 
inspirés  n'cMi  ont  pas  employé  de  cette  es- 
pèce, parce  qu'il  n'y  en  u  point.  Quand  il  a 
fallu  traduire  leurs  écrits,  l'on  n'a  pas  tou- 
jours trouvé  lies  termes  exaclcmenl  équiva- 
lents et  parrailemenl  synonymes  dans  les 
différentes  langues  ;  le  traducteur  du  livre 
de  l'Ecclésiastiiiuc  s'en  est  plaint  dans  son 
prologue.  Si  donc  il  était  arrivé  aux  anciens 
Pères,  qui  n'ont  pas  tous  vécu  dans  le  même 
pays  ni  dans  le  ménu'  temps,  de  ne  pas  s'ex- 
primer de  la  même  manière  ,  il  ne  faudrait 
pas  en  conclure  qu'ils  n'ont  pas  entendu  de 
même  le  dogme  révèle  dans  Tiicrilure  sainte  : 
autre  chose  est  d'avoir  uni;  idée  nette  dans 
l'esprit,  et  autre  chose  de  la  rendre  nette- 
ment dans  la  langue  dont  on  est  oblige  de  se 
servir.  Une  preuve  que  tous  les  l'èrcs  ont 
cru  la  divinité  du  N'erbe,  par  conséquent  son 
éternité,  c'est  que  tous  se  sont  élevés  contre 
les  héré'.iques  qui  ont  \oulu  l'attaquer.  On 
dit  qu'il  aurait  fallu  s'en  tenir  aux  terines 
de  l'Ecriture,  et  n'y  rien  ajouter  ;  les  Pères 
l'auraient  fait  sans  doute  ,  si  les  hérétiques 
avaient  été  assez  sages  pour  s'en  contenter. 
—  2'  Pour  juger  équitablement  de  la  con- 
duite et  du  langage  des  Pères,  il  faut  suivre 
le  lil  des  disputes  et  des  questions  qui  se 
sont  élevées  de  leur  temps.  Dés  la  fin  du 
1"'  siècle,  les  cérinthlens,  les  valentiniens  et 
la  plupart  des  gnosliques  prétendirent  que  le 
monde  n'avait  pas  été  créé  par  le  Dieu  su- 
prême, mais  par  un  éon  ou  un  esprit  infé- 
rieur à  Dieu  et  ennemi  de  Dieu.  Pour  les  ré- 
futer, les  Pères  s'attachèrent  à  prouver  par 
l'Ecriture  que  la  création  est  l'ouvrage  du 
Verbe  de  Dieu,  sorti  en  ((uelquc  manière  du 
sein  de  son  Père,  pour  lui  servir  de  minis- 
tre et  d'insirumonl  dans  la  production  de 
toutes  choses.  Us  appliquèrent  à  celte  espèce 
de  naissance  temporelle  du  \'erb(!  quelques 
passages  qui,  pris  dans  toute  leur  énergie, 
expriment  sa  génération  éterm-lle.  On  en 
conclut  très-mal  à  propos  que  les  Pères  n'ad- 
mettaient donc  pas  celle-ci  ;  il  n'en  était  pas 
question  pour  lors,  et  il  n'était  pas  néces- 
saire de  la  prouver  pour  réfuter  les  héréti- 
ques qui  dogmatisaionl  dans  ce  temps-là.  — 
Jl  n'en  fut  plus  de  même  à  la  naissance  de 
l'arianismc,  au  iv'  siècle.  Arius  soutint  que 
le  \  erbe  divin  n'a  commencé  à  exister  qu'im- 
médiatement avant  la  eré.ition  du  monde  ; 
qtie  c'est  une  créalure  plus  parfaite,  à  la  vé- 
rité, que  les  autres,  mais  (lui  n'est  ni  égale 
ni  coéternelle  à  Dieu  le  Père  ;  il  se  prévalut 
de  la  manière  dont  les  docteurs  de  l'Eglise 
des  trois  premiers  siècles  avaient  parlé  de  la 
naissance  du  \'erbo  destiné  à  créer  le  monde. 
Il  fallut  donc  alors  examiner  de  plus  près 
tous  les  passages  de  l'Ecriture  dans  lesquels 
il  est  parlé  du  Verbe  divin,  faire  voir  qu'ils 


prouvent  non-senlcmenl  une  génération  tem- 
porelle antérieure  à  la  création  du  monde  , 
mais  une  génération  éternelle  en  vertu  de  la- 
quelle le  Verbe  est  coéteruel  et  consubstau- 
tielau  Père.  Cette  observ.ition  n'a  pas  échappé 
au  savant  Leibuitz  ,  plus  judicieux  et  plus 
modéré  que  les  autres  protestants.  «  Il  sem- 
ble, dit-il,  que  quelques  Pères  ,  surtout  les 
plalonisanis,  ont  conçu  deux  filiations  du 
Messie,  avant  qu'il  soit  né  de  la  vierge  Marie: 
celle  qui  le  f;iit  Fils  unique,  et  tant  qu'il  est 
éternel  dans  la  Divinité,  et  celle  qui  le  rend 
ruiné  des  créatures,  par  laquelle  il  a  été  re- 
vêtu d'une  nature  créée  la  plus  noble  de  (ou- 
ïes, qui  le  rendait  l'instrument  de  la  Divi- 
nité dans  la  production  et  la  direction  des 
autres  natures.  Les  ariens  n'ont  gardé  que 
cette  seconde  filiation,  ils  ont  oulilié  la  pre- 
mière, et  quelques-uns  des  Pères  ont  paru 
les  favoriser  en  opposant  le  Fils  â  l'Eternel  , 
en  tant  {lu'ils  considéraient  le  Fils  par  rap- 
port à  cette  primugénilure  d'entre  les  créa- 
tures, de  laquelle  saint  Paul  a  parlé,  Coloss., 
c.  I,  V.  13.  M;iis  ils  ne  lui  refusaient  pas  pour 
cela  ce  qu'il  avait  déjà  en  tant  qu(!  Fils  uni- 
çueet  consubstanliel  an  Père.  «Delà  Leibnitz 
conclut  avec  raison  que  le  concile  de  Nieée 
n'a  fait  qu'établir  par  ses  décisions  une  doc- 
trine qui  était  déjà  régnante  dans  l'Eglise; 
Esprit  lie  Leibnitz,  t.  Il,  p.  i'J. 

Si  le  P.  Petau,  le  savant  Huel ,  Dupin  el 
d'autres  avaient  fait  celte  réflexion,  ils  au- 
raient parlé  avec  plus  de  circonspection  des 
Pères  des  trois  premiers  siècles  ;  ils  ne  leur 
auraient  pas  attribué  des  erreurs  auxquelles 
ils  n'ont  jamais  pensé  ;  ils  n'auraient  pas 
fourni  aux  protestants  des  armes  pour  atta- 
quer la  tradition,  et  des  motifs  de  se  conQr- 
mer  dans  leurs  prévenlions  contre  les  Pères 
de  l'Eglise  les  plus  respectables.  Petau,  Dogm. 
tlieol.  ,  t.  II,  I.  I,  lie  Trinit.,  c.  S,  ï,  o,  a  ras- 
semblé des  passages  de  .saint  Justin,  d'Athé- 
nagore,  de  l'atien,  de  saint  Téophile  d'Antio- 
che,  de  saint  (]lément  le  Romain,  de  Clément 
et  de  Denis  d'Alexandrie,  d'Origène,  de  saint 
Crégoire  Thaumaturge,  de  'l'eriullien,  de 
Lactancc,  dans  lesquels  ces  Pères  semblent 
ne  point  connaître  la  génération  élernello 
du  \  erbe,  mais  seulement  sa  naissance  avant 
la  création  de  toutes  choses  ;  conséquem- 
ment  ils  en  parlent  comme  d'une  pers  >nne 
très-inférieure  au  Père,  comme  d'une  créa- 
ture qui  lui  a  servi  de  ministre  pour  exécu- 
ter tous  ses  desseins.  Cependant  Petau  a  été 
forcé  de  convenir  que  ces  mêmes  docteurs  de 
l'Eglise,  dans  d'autres  endroits  de  leurs  ou- 
vrages, ont  clairement  professé  la  coélernilé, 
la  coégalilé  et  la  cousubstantialité  du  Fils 
avec  le  Père  ;  HuUus,  Defensio  jidei  Nicœnœ, 
ïioss[\c\,  d' Avertissemenl  aux  protcsl.  ;  doui 
Le  Nourry,  Apparat,  ad  liihtiotli.  l'atrum, 
l'ont  prouvé  encore  plus  solidement. 

Ces  saints  docteurs  se  sont-ils  donc  con- 
tredits ,  ou  ont-ils  été  dans  le  doute  sur  le 
dogme  révélé,  et  sur  le  sens  des  passages  de 
l'Ecriture  qui  l'expriment,  comme  le  prétea- 
dent  les  protestants  ?  Non,  mais  ils  ont  parlé 
relalivemenl^aux  questions  qu'ils  avaient  à 
traiter,  aux  personnes  auxquelles  ils  avaient 


999 


VER 


VER 


1000 


afTaire,  aux  circonstances  dans  lesquelles  ils 
se  trouvaient.  11  est  absurde  de  penser  qu'ils 
ont  nié  un  dogme,  qu'ils  en  ont  doulé,  ou 
qu'ils  ne  le  connaissaient  pas,  parce  qu'ils 
n'en  ont  pas  parlé,  lorsque  cela  n'était  pas 
nécessaire.  On  voudrait  que  tous  les  anciens 
Pères  eussent  donné  une  profession  de  foi 
complète  de  tous  les  articles  de  la  doctrine 
chrétienne,  ou  plutôt  un  catéchisme  de  doc- 
trine et  de  morale,  dans  lequel  toul  fût  en- 
seigné cl  expliqué  dans  le  plus  grand  détail  ; 
cela  nous  serait  fort  comtnode,  sans  doute, 
et  si  les  apôtres  eux-mêmes  l'avaient  (ail  , 
cela  serait  encore  mieux  ;  mais  puisqu'ils  ne 
l'ont  pas  lait,  nous  en  concluons  qu'ils  n'ont 
pas  dû  le  faire. 

Rien  de  plus  simple  que  la  doctrine  des 
Pères  apostoliques  louchant  le  dogme  dont 
nous  parlons.  Saint  Hurnubé,  dans  sa  lettre, 
n.  12,  dit  que  la  gloire  de  Jésus  consiste  en 
ce  que  toutes  choses  sont  en  lui  et  par  lui 
(iiu  pour  lui).  Il  fait  évidi'mnicnt  allusion  aux 
paroles  de  saint  Paul,  Coloss.,  c.  i,  v.  16,  et 
Itebr.,  c.  I,  v.  3,  que  nous  avons  cilées  ci- 
devant,  el  qui  prouvent  la  divinilé  de  Jésus- 
Christ;  saint  Clément  de  Rome,  Epsl.  1,  n. 
3C,  l'appelle  comme  saint  Paul,  la  splendeur 
de  la  majesté  divine;  il  lui  applique,  avec  l'A- 
pôlre,  les  paroles  du  Ps.  ii,  v.  7  :  Vous  êtes 
mon  Fils,  je  vous  ai  engendré  aujourd'hui, 
Epist.  2,  n.  1  :  «  Nous  devons,  dil-il,  pen- 
ser de  Jésus-Christ  comme  étant  Dieu  et 
juge  des  vivants  et  des  morts,  el  ne  pas 
avoir  une  idée  basse  de  notre  s.ilul.  »  Saint 
Ignaco,  Epist.  ad  Magnes.,  n.  7  et  8,  dit 
que  Jésus-Christ  vieut  du  Père  seul,  qu'il 
existe  en  lui  seul,  et  retourne  à  lui  seul, 
qu'il  est  «on  Verbe  éternel  qui  n'est  pas  émané 
du  silence.  Dans  les  adresses  de  toutes  ses 
lettres,  il  f<:it  marcher  de  pair  Jésus-Christ 
et  Dieu  le  Père  ;  il  leur  rend  les  mêmes  hom- 
mages, il  leur  attribue  les  mêmes  bieulaits. 
Saint  Polycarpe,  son  condisciple  et  son  ami, 
a  gardé  le  même  si) le  en  écrivant  aux 
Philippiens  ;  et  dans  les  actes  de  son  mar- 
tyre, l'Eglise  de  Smynie  s'y  est  conlor- 
niée.  Saint  Ignace  est  donc  le  seul  qui  ait 
professé  l'élernilé  du  Verbe  ;  c'est  un  trait 
lancé  de  sa  part  contre  les  cérinthiens,  com- 
me Ruilus  l'a  fait  voir.  Soupçonnerons-nous 
les  autres  Pères  de  n'avoir  pas  pensé  de 
même,  parce  qu'ils  n'en  ont  rien  dit  dans  les 
lettres  de  nmrale  et  d'édification  adressées 
aux  si(nples  tidèles? 

Dés  le  commencement  du  ir  siècle,  saint 
Justin  et  les  Pères  postérieurs  eurent  un  ob- 
jet dilTérent.  11  fallait  faire  l'apologie  du 
christianisme  contre  les  attaques  des  païens, 
et  en  défendre  les  dogmes  contre  les  atten- 
tais des  giiostiques.  Mous  soutenons  que, 
dans  l'un  ni  l'autre  de  ces  cas,  il  n'était  ni 
nécessaire  ni  convenable  de  traiter  la  ques- 
tion de  la  génération  éternelle  du  Vtrhe. 
l''Ce  mystère  était  trop  au-dessus  de  la  cou- 
ception  des  païens;  ils  l'auraient  pris  de  tra- 
vers; ils  n'était  pas  aisé  de  le  montrer  en 
termes  exprès  et  formels  dans  nos  livres 
saints  ;  aujourd'hui  encore  les  sociniens  sou- 
tiennent qii'il    n'y  est  pas  :   il  aurait    fallu. 


pour  prouver  le  contraire,  une  discussion 
dans  laquelle  il  ne  convenait  pas  d'entrer 
avec  les  païens.  11  était  donc  beaucoup  mieux 
de  se  borner  à  leur  prouver  par  nos  Ecri- 
tures que  le  Verbe  était  avant  toutes  choses 
qu'il  est  li'  créateur  du  monde,  par(oii«é- 
quenl  (|u'il  est  Dieu  ;  que  ce  dogme  n'a  rien 
d'absurde,  puisque  Platon,  en  parlant  de  la 
naissance  du  monde,  a  supposé  un  Logos,  un 
Verbt,  une  idée  ou  un  modèle  arcbéiype  de 
ce  que  Dieu  voulait  faire,  et  qu'il  a  suivi 
dans  l'exécution;  en  ajoutant  néanmoins 
que  Platon  l'a  mal  conçu,  puisi|u'il  n'a  pas 
admis  la  création  et  qu'il  a  supposé  la  ma- 
tière éternelle.  Voilà  précisément  ce  que 
les  Pères  ont  fait,  et  il  n'éiait  pas  nécessaire 
non  plus,  en  disputant  contre  les  Juifs,  de 
pousser  plus  loin  les  discussions.  2°  A  l'é- 
gard des  béréti(iues,  nous  avons  remarqué 
qu'ils  prétendaient  (|ue  le  forniileur  du 
momie  n'était  pas  Dieu  lui-même,  mais  un 
esprit  d'un  ordre  inférieur,  et  révolté  contre 
lui  ;  la  question  se  réduisait  donc  à  leur 
prouver  par  l'Eiriture  que  le  Créateur  était 
le  Verbe  de  Dieu,  émané  du  sein  de  la  Divi- 
nité avant  loutes  clioses,  qui  avait  été  com- 
me le  ministre  de  Dieu  el  l'exéculeur  de  ses 
desseins.  Conséiiuemmenl  les  Pères  oppo- 
saient aux  héréiiques  les  passages  que  nous 
avons  cilés:  Dieu  m'a  possédé  au  commence- 
ment de  ses  voifs.  Au  coiiuiieuccineiit  était  le 
Verbe,  toul  a  été  fait  par  lui.  Le  Fils  de  Dieu 
est  le  premier-né  de  toute  créaure,  etc.,  etc. 
Si  les  Pères  ont  eu  tort  de  ne  pas  établir 
dans  cette  dispute  la  génération  éternelle  du 
Verbe,  il  faudra  faire  lomber  la  même  faute 
sur  saint  Jean,  qui,  écrivant  son  Evangile 
pour  réfuter  Cérinthe,  s'est  borné  à  dire  :  Au 
commencement  était  le  Verbe,  au  lieu  de  dire: 
de  toute  éterniié  était  le  Verbe.  Les  Pères 
sont-ils  blâniables  de  s'être  arrêtés  au  même 
terme  que  ce  saint  apôtre?  Il  faudra  con- 
damner encore  le  concile  de  Nicée,  qui ,  vou- 
lant établir  contre  les  ariens  la  consubslan- 
lialilé  du  Verbe,  par  conséqiieni  sa  toéter- 
nité  avec  le  Père,  s'est  contenté  de  dire  qu'il 
est  né  du  Père  avant  tous  les  siècles,  pen- 
dant qu'il  aurait  pu  dire  qu'il  est  né  de  toute 
éternité.  Nous  concluons  que  si  ces  termes, 
au  commencement  ,  avant  tous  les  siècles, 
avant  que  le  monde  fût,  elc,  nu  signifient  point 
expressément  rélernité,  du  moins  ils  la  sup- 
posent, puisque  encore  une  fois  rien  n"a  pré- 
cédé tous  les  temps  ou  tous  les  siècles  que 
l'éternité.  Ainsi  l'a  conçu  saint  Ignace,  lors- 
((u'il  a  dit  que  le  Fils  de  Dieu  est  le  Verbe 
éternel,  qui  n'est  point  émané  du  silence. 
Ce  Père  ét,iil  disciple  immédiat  de  saint  Jean; 
la  doctrine  de  cet  apôire  a-l-elle  pu  avoir 
un  meilleur  interprète?  Or,  il  n'esl  pas  le 
seul  qui  ait  ainsi  parlé;  Ruilus,  Def.  fidei 
Nicœnœ,  sect.  3,  c.  2  et  3,  a  fait  voir  que  la 
coéternilé  du  Verbe  avec  le  Père  a  élé  la 
doctrine  constante  des  docteurs  de  l'Eglise 
des  trois  premiers  siècles. 

Cela  ne  satisfait  pas  encore  nos  adversai- 
res :  ils  disent  que  si  ces  Pères  ont  admis 
l'existence  éternelle  du  Verbe  dans  le  sein 
du  Père,  du  moins  ils  ont  cru  qu'il  n'y  était 


1001 


VER 


VER 


ilf)2 


pasunepersonne,une  hypostase.un  ôlresub- 
sistaiit,  mais  seulement  une  idée,  une  pon- 
sci',  un  acte  de  l'enleiKlemeiil  divin;  qu'il 
n'a  commence  d'avoir  une  existence  propre 
que  quand  il  est  sorti  du  sein  de  son  l'ère 
pour  créer  le  monde.  Rien  de  plus  faux  que 
cette  nouvelle  imagination.  1°  Nous  définns 
ces  critiques  téméraires  de  citer  un  seul  des 
Pères  qui  ail  dit  formellernenl  et  en  termes 
ex-près  (]iie  le  Verbe  dans  le  sein  de  son 
Père  n'était  pas  une  personne,  une  hypo- 
slasc,  un  être  subsistant,  et  qu'il  n'y  avait 
p;is  une  existence  propre.  On  ne  peut  leur 
attribuer  celte  erreur  que  par  voie  de 
conséquence,  en  ajoutant  à  ce  qu'ils  ont  dit, 
et  en  prenant  les  termes  dans  un  sens  faux: 
métlioile  perlide,  de  laquelle  nos  adversaires 
ne  veulent  pas  que  l'on  sn  serve,  même  à 
l'égard  des  hérétiques.  2°  Ces  Pères  avaient 
lu  saint  Jean,  ils  faisaient  profession  de  sui- 
vre sailo(lrine,  et  nous  devons  leur  suppo- 
ser assez  d'inlelligence  pour  avoir  compris 
la  force  des  termes.  Or,  saint  Jean  dil  qu'au 
commencement  et  avant  l'existence  du  mon- 
de, le  Verbe  élait  en  Dieu,  ou  plutôt  avec 
Dieu,  TTfof  0IOV,  et  qu'il  élait  Dieu  :  cela  peut- 
il  se  ilire  d'une  pensée  ou  d'une  idée  telle  que 
celle  que  nous  avons  '!  Quand  tous  ces  Pères 
auraient  clé  entichés  de  platonisme,  jamais 
Platon  n'a  dit  d'une  idée  qu'elle  était  Dieu. 
Sainl  Jean,  c.  xxvn,  v.  5,  rapporte  ces  pa- 
roles de  Jésus-Christ  :  Glorijiez-moi,  mon 
l'ère,  de  la  yloire  que  j'ai  eue  avec  vous,  ou 
auprès  de  vous,  ujùà.  «-ot,  avant  que  le  monde 
fut.  Si  le  \'erbe  n'était  pas  un  être  subsis- 
tant dans  le  sein  de  son  Père,  ce  langage  est 
inintelligible.  3°  Les  Pères  des  trois  premiers 
siècles  l'ont  répété;  ils  ont  dit  que  le  Verbe 
était  non-seulement  en  Dieu,  mais  avec  Dieu; 
que  le  Père  n'a  jamais  été  sans  lui,  qu'il 
élait  comme  le  conseil  du  Père.  Ils  lui  ont 
appliqué  les  passages  du  livre  de  la  Sagesse 
que  nous  avons  cités  :  pour  rapporter  leurs 
paroles,  il  faudrait  copier  deux  ou  trois  eha- 
pllres  de  Bullus.  'i-  Allons  plus  loin.  Quand 
quelques-uns  des  Pères  auraient  dil  que  le 
V  erbe  dans  le  sein  du  Père  n'elait  pas  une 
personne,  il  ne  s'ensuivrait  rien  ;  dans  tou- 
tes les  langues,  ;jer»o/ine  signifie  aspeil,  li- 
gure, apparence  exléiieure,  ce  qui  paraît 
aux  yeux  :  or,  il  est  clair  qu'avant  la  créa- 
tion d'.iucun  être  doué  de  connaissance,  le 
Verbe  n'élait  pas  une  personne  dans  ce  sens  ; 
mais  y  a-l-il  aucun  des  l'éies  qui  ait  dit 
qu'avant  ce  moment  le  \'erbe  n'était  pas  un 
être  subsistant  ?  5"  Puisque  les  Pères  ont  en- 
vi^agé  la  création  comme  une  espèce  d'éma- 
uation,  ou  plutôt  d'apparition  du  Vei  be  hors 
du  sein  de  son  Père,  ces  saints  docteurs  ont 
pu  dire  sans  erreur  qu'avant  cet  instant  le 
Père  n'était  pas  Père,  cl  que  le  Fils  n'elait 
pas  Fils  d'une  manière  sensible,  comme  ils 
l'ont  été  depuis.  On  a  pu  dire  ([ue,  d.ins  ce 
nouvel  état,  le  ^'erl)e  était  inféri(;ur,  subor- 
donné, soumis  à  son  Père,  qu'il  était  son 
ministre,  etc.  Mais  cela  ne  pouvait  pas  êlre, 
eu  égard  à  sa  génération  éternelle,  puis- 
qu'eu  vertu  de  celle-ci  il  est  consubstantiel 
au  Père.  Il  serait  absurde  ^ue  les  Pères  eus- 
DiCT.  DE  Théol.  dogmatique.  JV 


,<;ent  dit  tout  à  la  fois  que  le  Verbe  n'était 
pas  un  être  subsistant,  que  cependant  il 
était  le  ministre  de  son  Père,  etc.  Ces  deux 
accusations  se  détruisent  l'une  l'autre. 
0'  Tertullien  est  le  seul  (|ui  ait  dit  que  Dieu 
n'était  pas  Père  avant  d'avoir  produit  son 
Fils  pour  créer  le  monde;  mais  il  l'a  dit 
seulement  dans  le  sens  que  nous  venons 
d'indiquer,  puisqu'il  ajoute  de  même  que 
Dieu  n'était  pas  le  Seigneur  avant  qu'il  y 
eût  des  créatures  sur  les(|uelles  il  exerçât 
son  domaine,  el  qu'il  n'était  pas  juge  avant 
qu'il  y  eût  des  crimes.  Il  ne  l'était  pas  d'une 
manière  sensihle,  mais  il  était  tout  cela  par 
essence  el  de  toute  éternité.  Bullus  a  fait 
voir,  par  d'aulres  passages  clairs  et  formels 
de  Tertullien,  qu'il  a  enseigné  cjuc  le  Verbe 
est  éternel  comme  le  Père,  (|ue  de  toute  éter- 
nité il  a  été  dans  le  sein  du  Père,  non-seu- 
lement comme  un  attribut  métaphysique, 
mais  comme  un  être  subsistant  el  une  |per- 
soniie;  que  le  l'ère  n'a  jamais  été  sans  lui, 
qu'il  est  Dieu  de  Dieu,  la  sagesse,  la  raison, 
le  conseil  du  Père,  qu'ainsi  le  Père  n'élait 
pas  seul,  etc.,  et  il  le  prouve  par  le  livre  des 
Proverbes  que  nous  avons  cité,  el  par  ces 
mois  de  sainl  Jean  :  Il  était  avec  Dieu,  et  il 
élait  Dieu.  Defens.  fidei  Nicœiiœ,  seet.  3, 
c.  10,  S  3  et  seq.  Il  est  constant  d'ailleurs 
que  Tertullien  s'est  fait  un  style  et  une  mé- 
thode qui  ne  sont  qu'à  lui,  ()u'il  prend  très- 
souvent  les  termes  dans  un  sens  fort  dilTé- 
rcnl  de  leur  signiGcation  commune,  que  par 
celle  raison  même  il  est  très-obscur,  .\iais 
dès  qu'un  auieur  s'est  expliqué  plusieurs 
fois  d'une  manière  orthodoxe  et  fondée  sur 
l'Ecriture  sainte,  il  y  a  de  l'injustice  à  pren- 
dre dans  un  mauvais  sens  des  expressions 
inexactes  qui  lui  sont  échappées  dans  une 
dispute  sur  un  sujet  très-obscur.  Par  celte 
méthode  on  prouverait  que  Tertullien  se 
contredit  dans  toutes  les  pages  de  ses  livres, 
qu'il  est  non-senlcmenl  le  plus  impie  de  tous 
les  hérétiques,  mais  le  plus  insensé  de  tous 
les  raisonneurs.  Il  n'eu  est  rien,  quoi  qu'en 
(Usent  ses  accusateurs,  protestants  ou  autres. 
Voy.  Tertullien.  Mais  ces  critiques  intré- 
pides ne  veulent  écouler  ni  Bullus,  ni  Uos- 
suel,  ni  dom  Le  Nourry  ;  ces  théologiens, 
disent-ils,  n'ont  pas  pris  le  vrai  sens  des  Pè- 
res, parce  qu'ils  ne  conn  lissent  pas  le  sys- 
tème pliilosophi()ue  duquel  les  Pères  étaient 
iinlius.  C'est  un  dernier  reproche  qui  nous 
reste  à  examiner. 

§  IV.  Les  Pèirs  n'ont  pris  ni  dans  Platon, 
ni  dans  les  nouveaux  platoniciens,  ni  dans 
aucune  autre  éC'de  de  philosophie,  mais  dans 
l'Ecriture  sainte,  c  qu'ils  ont  dil  du  Verbe 
divin.  On  n'a  pas  elé  tort  étonné  de  voir  les 
sociniens  soutenir  que  les  Pères  de  l'Kglise 
des  trois  premiers  siècles  avaient  [luisé  dans 
Plaion  leur  doctrine  touchant  le  Luyos  ou  le 
Verbe  divin;  la  licence  de  ces  hérétiques  ne 
connut  jamais  de  bornes.  .Maison  n'a  pu  voir 
sans  scandale  bs  protostanls  appuyer  ce 
même  (laradoxe ,  reprocher  consiamgient 
aux  Pères  de  l'Ivglise  un  attachement  excei- xo^^^>> 
sif  à  la  pliiloso|.hie  de  Platon;  de  là  aonjry^  ->/^ 
partis  quelques  incrédules  pour  affirmer  que  '  ^ 


«003 


VER 


VER 


1UU4 


le  commencement  de  l'Evangile  de  saint 
Jean  a  élé  écrit  par  un  philosophe  platoni- 
cien. Si  celle  ineptie  méritait  une  réfutation 
sérieuse,  nous  dirions  que,  suivant  cet  Evan- 
gile même,  Jésus-Christ  choisit  pour  ses  apô- 
tres de  simples  pécheurs  de  Galilée;  que, 
selon  les  Actes  des  apôtres,  c.  iv,  v.  13,  les 
Juifs  reconnurent  que  Pierre  et  Jean  étaient 
sans  étude  et  sans  lettres  ;  que  les  apôtres, 
remplis  des  lumières  du  Saint-Esprit,  n'a- 
vaient pas  plus  besoin  des  leçons  de  Platon 
que  de  celles  des  philosophes  chinois. 

Sandius  et  Le  Clerc  ont  cru  mieux  rencon- 
trer, en  disant  que  saint  Jean  a  pu  prendre 
l'idée  du  Verbe  divin  dans  le  juif  Philon, 
grand  partisan  de  la  philosophie  platoni- 
cienne. Mais  c'est  principalement  en  Egypte 
que  les  ouvrages  de  Philon  étaient  répandus, 
et  il  n'y  a  aucune  preuve  que  saint  Jean  ait 
mis  les  pieds  en  Egypte  ;  il  a  écrit  son  Evan- 
gile à  Ephèse.  à  cent  cinquante  lieues  au 
moins  des  confins  de  l'Egypte.  11  aurait  été 
plus  simple  d'imaginer  que  saint  Jean  a  puisé 
la  notion  du  Logos  chez  les  Corinthiens, 
qu'il  s'est  proposé  de  réfuter.  Des  critiques 
aussi  habiles  auraient  dû  so  souvenir  que 
l'hébreu  deber  Jehovah,  la  parole  du  Sei- 
gneur, est  rendu  par  Aoyoj  toO  Kupioj  dans 
plus  de  cent  endroits  de  la  version  des  Sep- 
tante; quedans  \ingt  de  ces  passages  celte 
parole  est  représentée  comme  un  cire  sub- 
sistant et  agissant,  couïmeune  pirsonne,  un 
ange,  un  envoyé  qui  exécute  les  volontés  de 
Dieu  ;  il  n'a  donc  pas  clé  besoin  que  Philon 
ni  saint  Jean  allassent  chercher  celle  idée 
dans  les  écrits  de  Platon. 

Dans  les  articles  Tlatonisme  et  Trinité 
PLATON !t>UE,  nous  avons  réfuté  la  chimère 
du  prétendu  platonisme  des  Pères;  mais  il 
faut  démontrer  encore  que  l'idée  qu'ils  ont 
eue  du  Verbe  divin  ne  ressemble  pas  plus 
au  Lorjns  de  Platon   que   le   jour  à  la  nuit. 

1°  Qu'est-ce  que  le  Logos  de  Platon  ?  Déjà 
nous  nous  trouvons  arrêtés  à  ce  premier  pas. 
Suivant  plusieurs  j)latoniciens,  c'est  la  rai- 
son, l'intelligence,  la  faculté  de  |ienser, 
de  raisonner ,  de  saisir  la  différence  des 
choses,  et  d'exprimer  ses  pensées  par  la  pa- 
role; c'est  ainsi  que  Platon  l'a  expli(]ué 
lui-même  dans  le  î"/*  ■ /c<p,  pag.  iH,  E.  Se- 
lon d'autres,  c'est  l'idée,  le  plan,  le  dessein, 
le  iP'^dèle  archétype  que  Dieu  avait  dans 
l'esprit  lors(iu'il  a  voulu  créer  le  monde,  et 
qu'il  a  suivi  dans  l'exécuiion;  et  telle  est, 
dit-on,  la  notion  que  Philon  le  juif  en  a  con- 
çue. Les  Pères  disent  au  contraire  que  c'est 
la  connaissance  que  Dieu  a  de  soi-ménio  et 
de  tous  ses  divins  attributs,  p  ir  conséquent 
de  sa  puissance  infinie,  de  tout  ce  qu'il  peut 
faire  et  de  tout  ce  qu'il  fera  pendant  toute 
la  durée  des  siècles,  ou  plutôt  que  c'est  le 
terme  de  celle  connaissance.  Une  idée  aussi 
sublime  n'a  certainement  pas  pu  venir  à  l'es- 
prit d'aucun  philosophe  privé  des  lumières 
de  la  révélation.  Si  l'on  veut  comparer  ce 
que  Platon  dit  du  Logos  avec  ce  qui  est  dit 
de  la  sagesse  divine  dans  les  Proverbes,  on 
verra  combien  les  notions  du  philosophe 
grec  sont  faibles,  basses,  obscures,  en  com- 


paraison de  celles  de  l'écrivain  sacré.  2°  Pla- 
ton a-t-il  envisagé  le  Logos  comme  un  être 
subsistant  et  distingué  de  l'enten  Jement  di- 
vin? Nouvelle  dispute  entre  ses  interprètes. 
Les  nns  le  prétendent  ainsi,  parce  qu'il  a  dit 
que  le  modèle  archélipe  du  monde  est  un 
Èlre  éternel  et  animé.  Les  autres  soutien- 
nent que  c'est  une  absurdité,  de  laquelle  un 
aussi  beau  génie  que  Platon  était  incapable, 
qu'il  a  conçu  les  idées  de  Dieu  semblables  à 
celles  d'un  homme,  que  ce  sont  des  êtres  pu- 
rement méliiphysiques  et  intellectuels.  Us 
ajoutent  que  quand  le  Logos  serait  l'idée  ar- 
chétype du  monde,  il  ne  serait  animé  que 
raétaphori(]uenient,  en  tant  que  ce  serait  le 
modèle  d'an  être  animé.  Quoi  (ju'il  en  soit, 
Plalon  n'attribue  à  cet  être  prétendu  aucune 
aciion;  les  Pères,  au  contraire,  disent  avec 
saint  Jean  que  le  Verbe  divin  était  avec  Dieu, 
qu'il  était  Dieu,  qu'il  a  fait  le  monde,  qu'il 
s'est  incarné,  etc.  .3°  Plalon  n'a  jamais  dit 
que  le  Logos  est  le  Fils  de  Dieu  ni  le  Fils 
unique;  c'est  le  monde  qu'il  appelle  fiovoy-v/lf, 
unique  production,  seul  ouvrage  de  Dieu.  11 
n'a  pas  dit  que  Dieu  est  le  père  du  Logos, 
n)ais  qu'il  est  le  père  du  monde;  c'est  le 
monde,  et  non  le  Loi/os,  qu'il  nomme  Vimage 
des  dieux  éternels,  il  n'a  point  enseigné  que 
le  Logos  est  sorti  du  sein  du  Père,  ni  qu'il 
a  été  l'ouvrier  de  ce  monde,  ni  que  cet  ou- 
vrier est  la  sagesse  divine.  \  oilà  cependant 
les  expressions  que  les  Pères  ont  copiées 
dans  les  auteurs  sacrés.  Il  n'y  a  donc  rien 
de  commun  entre  leur  doctrine  et  celle  de 
Platon  que  le  mot  Lor/os;  mais  un  moine 
prouve  rien,  il  s'agitdu  sens.  i°  Dieu  dit  :  Que 
la  lumière  soit,  et  la  lumière  fut.  Voilà  le 
Verbe  créateur  que  les  écrivains  sacrés  ont 
révélé,  que  les  Pères  ont  adoré,  et  que  Pla- 
ton n'a  pas  connu,  puisqu'il  n'a  pas  admis  la 
création  et  qu'il  a  supposé  la  matière  éter- 
nelle. Remarque  décisive  qui  efl'ace  toute 
ressemblance  enire  la  philosophie  des  Pères 
et  celle  de  Platon,  et  de  laquelle  nous  ferons 
usagi'  dans  un  moment. 

Beausobre,  Mosheim,  Bruckcr  et  d'autres, 
plus  avisés  que  leurs  prédécesseurs  ,  ont 
imaginé  une  nouvelle  hypothèse;  ils  ont 
avoué  qu'à  la  vérité  les  Pères  n'ont  pas  copié 
servilement  les  écrits  ni  les  idées  de  Platon, 
mais  qu'ils  ont  embrassé  le  système  des 
nouveaux  platoniciens.  Pendant  les  trois 
premiers  siècles,  disent-ils,  la  plupart  des 
Pères  étudièrent  la  philosophie  dans  l'école 
d' .Alexandrie  :  or,  le  nouveau  platonisme 
enseigné  dans  cotte  école  était  un  mélange 
de  la  doctrine  de  Plalon  avec  celle  des 
philosophes  orii  ntaux  :  les  Pères,  imbus  de 
celle  nouvelle  philosophie,  y  sont  demeurés 
constamment  attachés  ,  ils  se  sont  servis  du 
langage  des  nouveaux  platoniciens  pour 
expliquer  les  dogmes  du  christianisme  ;  ils 
ont  ainsi  altéré  la  purelé  de  la  doctrine 
chrétienne  ,  et  ont  causé  des  maux  infinis 
dans  l'Eglise.  Ceux  qui  ont  voulu  justifier 
les  Pères  y  ont  mal  réussi,  parce  qu'ils  n'ont 
pas  connu  ce  nouveau  système  ni  les  opi- 
nions des  Orientaux.  Pour  étayer  cette  nou- 
velle hypothèse,  les  criliques  protestants  ont 


m& 


VER 


VKR 


1006 


prodigué  l'érudition,  les  recherches ,  les 
conjectures;  ils  se  sont  flattés  d'avoir  onlin 
trouvé  la  clef  de  toutes  les  aucienues  dis- 
putes. 

Dans  les  articles  Emanation,  Piatonissik, 
§  2  et  3,  Tbimté  Platonique  ,  §  2  et  3,  nous 
avons  déjà  réfuté  ce  savant  rêve;  nous  avons 
f^it  voir  qu'il  n'est  fonde  sur  aucune  proovc 
positive  ,  et  qu'il  est  contredit  par  des  laits 
certains;  mais  il  est  bon  de  rasscinblei'  ou 
peu  de  mois  ce  que  nous  avons  dit.  1"  D^' 
tous  les  l'ères  accusés  do  platonisme  ancion 
ou  nouveau,  les  deux  seuls  (jui  aient  cerlai- 
nement  étudié  la  pliilosophie  d.ins  l'école 
d'Alexandrii'  sont  saint  (élément  et  Orij^éne  ; 
il  est  très-probable  qu'aucuLi  des  autres  n'y 
a  mis  les  pieds,  el  ne  s'est  informé  de  ce  que 
l'on  y  enseignait.  Ces  l'éros  ciienl  Platon 
lui-même,  jauiuis  ils  n'ont  parlé  des  Alexan- 
drins ni  de  leurs  opinions;  s'ils  y  avaient  été 
attarhés  ,  ce  silence  sirait  surprenant.  Les 
écoles  de  philosopbic  d'Athènes  ont  été  fré- 
quentées par  les  chrétiens  jusqu'au  v' siècle; 
saint  Basile,  saint  (îrégoire  de  Nazianze , 
l'empereur  Juli'U,  fie,  y  avaient  lait  leurs 
éludes.  A  enlendre  nos  criliques,  il  semble 
qu'Alexandrie  ail  été  pendani  trois  cents  ans 
la  seule  ville  où  l'on  ait  pu  apprendre  la 
philosophie;  c'est  une  erreur.  2"  Nous  som- 
mes fondés  à  révoiiueren  doute  le  prétendu 
mélange  de  la  plillosopliie  orientale  avec 
celle  de  Platon  dans  celle  école  ,  avant  l'an 
250;  puisque  c'est  en  2i3  (jue  Plolin  ,  après 
y  avoir  passé  dis  ans,  alla  exprès  en  Orient, 
|jour  savoir  quelle  était  la  doctrine  des 
Orienlaux.  Or,  à  celte  époque  ,  Clément  ni 
Origène  n'élaiont  plus  eu  ligyplc;  le  premier 
était  mort  atanl  l'an  217,  cl  le  second,  qui 
mourut  l'an  2j8  .  avait  quille  Alexandrie 
avant  i'iolin.  3'  De  l'aveu  de  nos  savants 
critiques,  la  base  du  nouv>  au  platonisme  et 
de  la  philosophie  orientale  était  le  système 
diS  émanations  ,  e!  les  philosophes  ne  l'a- 
vaient embrassé  que  parce  (ju'ils  no  voulaient 
pas  adinellrc  la  création.  Or,  de  tous  les 
Pèros  que  l'on  accuse,  il  n'on  est  pas  un  seul 
qui  n'ait  prof 'ssé  hautement  le  dogme  de  la 
créalion,  et  qui  n'ait  blâmé  les  philosophes 
qui  rclusaienl  de  le  recevoir.  Au  mol  Ema- 
nation ,  nous  avons  cité  les  témoignages 
exprès  de  saint  Justin,  d'Athénagore ,  de 
Théophile  d'.\n[ioche ,  de  saint  Irénée  et 
d'Origène  ;  ou  trouvera  celui  de  Tatien  à 
l'arlicle  de  ce  Père.  Comme  nous  y  avons 
oublié  celui  de  Clément  d'Alexandrie,  voici 
ce  qu'il  en  dit,  Exiiorl.  ad  Gtnt.  n.  4,  édit. 
de  Potier,  p.  iio  :  «  Combien  e-l  grande  la 
puissance  de  Dieu,  dont  la  volonté  seule  est 
la  création  du  monde!  Il  a  tout  l'ail  seul, 
comme  étant  seul  viai  Dieu.  P.ir  sa  simple 
volonlé  il  opère,  et  rexislence  suit  son  sim- 
ple vouloir.  »  Sirom.,  c.  li,  p.  G99  :  «  Les 
stoïciens  veulent  que  Dieu  pénètre  toute  la 
nature;  pour  nous,  nous  disons  qu'il  en  est 
le  créateur,  et  qu'il  a  tout  l'ait  par  sa  parole.  » 
Page  701,  il  voudrait  persuader  que  Platon  a 
enseigné  que  Dieu  a  fait  le  monde  de  rien, 
ou  de  ce  qui  n'était  pas.  Pag.  707,  «  Pytha- 
gore,  dit-il,  Socrale  et  Platon  ,  eu  méditant 


sur  la  fabrique  de  ce  monde,  que  la  main  de 
Dieu  a  fait  et  consirve  toujours,  oni  entendu 
sans  doute  cette  sentence  de  Moïse  :  Jl  a  dit, 
et  lotit  a  été  fait,  par  laquelle  il  nous  apprend 
que  l'ouvrage  de  Dieu  est  sa  -ieulo  parole.  » 
Jhid.,  I.  IV,  c.  13,  p.  Cnk,  il  attaque  ceux 
qui  disent  qu'il  \  a  un  Dieu  plus  grand  et 
plus  puissant  que  le  Créateur,  c'étaient  les 
gnosliques.  «  Que  celui-ci,  dit-il,  soit  le  Père 
du  Fils  ,  le  Créateur  e!  le  Seigneur  loul- 
puissaul,  c'est  une  vérité  que  nous  traiterons 
ailleurs.  » 

De  quel  front  les  critiques  protestants 
osent-ils  accuser  les  Pères  des  trois  premiers 
siècles  d'avoir  été  constamimnl  attachés  à  la 
philosophie  des  nouveaux  platoniciens,  pen- 
dant que  tous  uni  solennellement  professé 
le  dogme  opposé  au  principe  fondamental  de 
cette  nouvelle  secte  de  philoso|ihos?  Voilà 
ce  que  nous  ne  concevons  pas. 

4°  Il  n'est  pas  fort  certain  que  les  émana- 
tions aient  été  le  système  commun  des  Orien- 
taux. Bruckcr  convient  que  le  premier  ei  le 
principal  fondateur  de  la  philosophie  des 
Clialdéens  el  des  Perses  a  élé  Znroaslre  : 
or,  celui-ci  n'enseigne  pas  foiîoellemeut  les 
»  manatjous.  M.  Anquciil,  qui  nous  a  donné 
les  ouvrages  de  ce  législateur  lélèbre,  s'est 
attaché  à  faire  voir  (|ue  Zoroasire  admet  la 
création,  (^nand  d'antres  philosophes  orien- 
taux auraient  soutenu  les  ém.inations  ,  il 
faudrait  encore  prouver  que  les  Pères  de 
l'Ejtlise  les  ont  suivis,  p.lulôt  que  de  s'atta- 
cher au  dogme  de  la  créatiim,  formellement 
enseigné  dans  l'Iicritiire  sainte.  Or,  ils  ont 
fait  précisément  le  contraire;  non-seulement 
ils  ont  professé  ce  dogme,  mais  ils  ont  prouvé 
que  c'est  le  seul  vrai ,  el  ils  ont  blâmé  tous 
les  philosophes  qui  ne  voulaient  pas  l'ad- 
mettre. 

Cela  n'a  pas  empêché  Mosip'im  ni  Brucker 
de  nous  peindre  Origène  et  Clément  d'A- 
lexandrie comme  deux  sectateurs  enthou- 
siastes du  nouveau  platonisme,  de  leur  prê- 
ter le  système  des  émanations  avec  toutes 
ses  conséquences  absurde;  ,  et  de  bâtir  sur 
celte  base  chimérique  le  préieudu  système 
philosophique  de  ces  deux  Pères.  Brucker  a 
poussé  l'eniétenieur  jusqu'à  dire  que  le  pa- 
raphrasle  ch<:lléen  a  reçu  des  Orienlanx 
l'idée  du  Loçjos,  Hist.  crii.  philos.,  t.  VI,  p. 
533.  Il  ne  lui  restait  plus  qu'a  diie  que  saint 
Jean  a  emprunté  cette  idée  du  paraphraste 
chaldéen;  qu'ain.vi,  en  dernière  analyse,  les 
Clialdéens  en  sont  créateurs.  La  vérité  est 
que,  dans  tout  ce  qui  nous  reste  de  la  philo- 
sophie chaldéenne,  il  n'est  (las  plus  question 
du  Logos  (lue  du  mystère  de  llncarnation ; 
qu'il  n'est  pas  même  passible  d'en  avoir  une 
idée  telle  que  les  livres  saints  nous  la  don- 
nent, sans  admettre  la  création.  Ainsi,  loule 
celle  généalogie  d'opiiiiuns  philosophiques, 
forgée  par  Mosheim  el  par  Brucker,  n'a  pas 
l'ombre  de  l;i  vraisemblance. 

Nous  soutenons  que  les  Pères  de  l'Eplise 
des  trois  premiers  siècles  n'ont  jamais  admis 
qu'une  seule  éminaiion,  ou  probole,  c'est 
civile  du  Verbe  divin  ,  sorti  de  quehjue  ma- 
nière   du    sein   de  son  Père  pour  créer  io 


1007 


VER 


VER 


1008 


monde;  mais,  encore  une  fois,  celle  émana- 
tion n'a  rien  de  commun  avec  la  génération 
éiernelle  du  Verbe,  de  laquelle  les  l'ères 
n'ont  pys  parlé  aussi  fréiiueminenl ,  parce 
que  l'on  n'en  disputait  pas  pour  lors.  Quel- 
ques-uns même  des  Pères  ,  en  particulier 
Tertuilien  ,  ont  rejeté  le  terme  de  prubole , 
parce  qu'ils  craignaient  qu'on  ne  l'entendît 
dans  le  même  sens  que  les  valenlinicns  en- 
tendaient l'émanation  de  leurs  éons  :  ceux-ci 
sortaient  de  Dieu  et  en  demeuraient  séparés, 
on  ne  pouvait  les  envisager  que  comme  une 
portion  détachée  delà  substance  divine;  au 
lieu  que  le  Verbe,  en  se  manifestant  au 
dehors  parla  création,  est  demeuré  intime- 
ment uni  à  son  Père,  suivant  ces  paroles  : 
Je  suis  dans  mon  Père^  et  mon  Pvre  est  en  moi. 
Le  Fils  unique  qui  est  dans  lesein  du  Père,  <'lc. 
Les  docteurs  de  l'Eglise  ont-ils  encore  pris  le 
sens  de  ces  paroles  dans  le  nouveau  plato- 
nisme ou  dans  la  philosophie  orientale? 

Nous  ne  devons  donc  pas  être  émus  de 
quelque  ressemblance  qui  se  trouve  entre 
les  expressions  de  ces  Pères  et  celles  des  nou- 
veaux platoniciens  :  elle  était  affectée  de  la 
part  de  ces  derniers.  De  l'aveu  de  nos  ad- 
versaires ,  ceux-ci  étaient  des  fourbes  qui 
défiguraient  la  doctrine  de  Platon  ,  qui  lui 
prêtaient  des  opinions  qu'il  n'eut  jamais, 
afin  de  persuader  que  ctic  doctrine  él.iit  la 
même  que  celle  du  christianisme,  et  que 
Platon  avait  aussi  bien  connu  la  vérité  que 
Jésus-Christ.  Quelques-uns  poussèrent  l'im- 
posture jusqu'à  prétendre  que  Platon  avait 
admis  la  création  ,  malgré  l'évidence  du 
contraire.  Ce  ne  sont  donc  pas  les  Pères  qui 
ont  emprunté  le  langage  des  nouveaux  pla- 
toniciens; ce  sont  ceux-ci  qui  ont  copié  ma- 
licieusement celui  des  Pères.  Saint  Clément 
de  Rome,  saint  Ignace,  saint  Polycarpe,  saint 
Justin,  Tatien,  Athénagore,  saint  Irénée, 
saint  Théophile  d'Antioche  ,  etc.,  étaient 
plus  anciens  qu'Ammonius  que  l'on  nous 
donne  pour  auteur  du  nouveau  platonisme. 
La  supercherie  desesdisciples est  postérieure 
au  tenapsauquel  Clémenld'Alexandrieel  Ori- 
gène  enseignèrent  dans  cette  école;  si  elle 
avait  déjà  subsisté  de  leur  temps,  tous  deux 
l'auraient  déjà  démasquée  et  confondue.  De 
même  qu'Origène  a  réfuté  Celse  toutes  les 
fois  que  ce  philosophe  a  voulu  comparer  la 
doctrine  de  Platon  avec  celle  des  auteurs 
sacrés,  il  aurait  aussi  réfuté  Ammonius  s'il 
avait  commis  la  même  infidélité  de  laqurlle 
ses  disciples  se  rendirent  coupables  dans  la 
suite.  —  C'en  est  une  Irès-éviilenle,  de  la 
part  des  critiques  protestants  ,  de  cont'ondre 
les  époques,  de  supposer  sans  preuve  que  la 
philosophie  des  Alexandrins  était  la  même, 
sous  Clément  et  sous  Oiigène  ,  qu'elle  a  été 
depuis  entre  les  mains  de  Plolin,  de  Por- 
phyre, de  Jamblique,  etc.,  tous  païens  en- 
têtés et  fourbes,  dont  le  témoignage  ne  mé- 
rite aucune  croyance.  Voy.  Eclectiques. 

VERGE.  Dans  l'Ecriture  sainte  ce  mot 
a  différentes  significations  :  il  désigne  une 
branche  d'arbre,  Gen.  c.  xxx,  v.  kl  ;  un  bâ- 
ton de  voyageur,  Luc.  ,  >x  ;  la  houlette 
d'un  pasteur,  Ps.  xxii,  v.  k  ;  les  instruments 


dont  Dieu  se  sert  pour  châtier  les  hommes, 
Ps.  Lxxxviii,  V.  32.  Il  signifie  un  sceptre,  qui 
est  le  symbole  de  l'autorité ,  Eslh.,  c.  v,  v.  2; 
un  rejeton,  le  dernier  enfant  d'une  famille, 
Jsa'i.,  c.  XI,  V.  2;  les  restes  ou  les  derniers 
descindants  d'une  nation,  Ps.  Lxxm,  v.  2. 
Par  les  circonstances  dans  lesquelles  ce  mot 
est  employé,  on  en  voit  aisément  le  vrai 
sens. 

VÉRITÉ.  Lorsque  l'Ecriture  sainte  se  sert 
de  ce  terme  à  l'égard  de  Dieu,  il  signifie  non 
seulement  sa  véracité,  perfection  en  vertu 
de  laquelle  Dieu  ne  peut  ni  se  tromper  lui- 
même  ni  induire  les  hommes  en  erreur, 
mais  la  fidélité  et  l'exactitude  infaillible  avec 
laquelle  Dieu  accomplit  ses  i)romesses.  C'est 
dans  ce  sens  qu'elle  répèle  si  souvent  que  la 
miséricorde  et  la  vérité  de  Dieu  sont  éter- 
nelles, que  nous  devons  y  compter  pour  ce 
monde  et  pour  l'autre;  ordinairement  les 
deux  attributs  sont  joints  ensemble.  Vérité 
signifie  aussi  la  justice  ;  lorsque  le  Psalmiste 
dit  à  Dieu  :  Voire  loi  est  la  vérité;  tous  vos 
préceptes  ,  toutes  vos  voies,  tous  vos  juge- 
ments sont  la  vérité,  cela  veut  dire  que  tous 
les  commandements  de  Dieu  sont  justes  et 
avaniageux  à  l'homme,  que  nous  trouvons 
notre  bonheur  à  les  accomplir.  Quand  il  est 
dit,  Jonn.,  c.  I,  que  le  Verbe  divin  est  rem- 
pli de  grâce  et  de  vérité,  que  la  grâce  et  la 
véritéani  été  a|jportées  par  Jésus-Christ,  cela 
ne  signifie  pas  seulement  qu'il  est  venu  en- 
seigner aux  hommes  les  vérités  qu'ils  igno- 
raient, mais  qu'il  est  venu  accomplir  toutes 
les  promesses  que  Dieu  avait  faites,  et  répan- 
dre les  grâces  que  les  prophètes  avaient 
annoncées.  De  même,  quand  il  dit  :  Je  suis 
la  voie,  la  vérité,  et  la  vie,  cela  signifie,  c'est 
moi  qui  montre  aux  hommes  le  chemin  du 
salut,  qui  leur  enseigne  les  vérités  qu'ils  ont 
besoin  de  connaître,  qui  leur  donne  la  vie  de 
l'âme  et  les  conduis  à  la  vie  éternelle.  En 
parlant  des  hommes,  la  v^rtic  désigne  quel- 
quefois la  fidélité  à  observer  la  loi  de  Dieu, 
les  actes  d'une  vertu  sincère,  surtout  de  jus- 
tice, de  charité,  de  miséricorde,  de  piété,  etc. 
Juan.,  c.  m,  v.  21  :  Celui  qui  suit  la  vérité 
vient  à  la  lumière,  etc. 

Lorsqu'il  s'agit  d'un  des  livres  saints,  il 
fautdistinguer  la  véritédes  faitsqu'iicontient 
d'avec  l'authenticilé  du  livreou  de  l'Iiisioire. 
L'Evangile  de  saint  iMatlhieu,  par  exemple, 
pourrait  être  vrai  dans  tout  ce  qu'il  rapporte, 
sans  être  authentique,  sans  avoir  été  écrit 
par  cet  apôtre  ;  il  sufiirait  qu'il  eût  été  écrit 
par  un  auire  témoin  bien  instruit  des  actions 
et  de  la  doctrine  de  Jésiis-Clirisl;  mais  il  ne 
peut  pasêtre  authentique  sansêtre  vr.ii,  parce 
qu'un  témoin  tel  que  cet  apôtre  n'a  pas  pu 
se  tromper  sur  les  faits  qu'il  rapporte  ;  il  n'a 
pu  avoir  d'ailleurs  aucun  intérêt  d'en  impo- 
ser; et  s'il  avait  voulu  le  faire,  il  ne  pou- 
vait manquer  d'être  contredit  par  d'antres 
témoins  aussi  bien  informés  que  lui.  Voy. 
Authenticité. 

VÉRONIQUE,  terme  formé  de  vern  icon, 
vraie  image.  C'est  la  représentation  de  la 
face  de  Notre-Seigneur,  empreinte  sur  un 
linge  ou  un  mouchoir  que  l'on  garde  à  Saint- 


1009 


VER 


VEK 


1010 


Pierre  de  Uonie.  Quelques-uns  croient  que 
ce  linge  est  le  suaire  qui  fut  mis  sur  le 
visage  de  Jésus-Christ  dans  le  sépulcre  ,  et 
dont  il  est  fait  mention  Joan.,  c.  xi,  v.  7. 
D';iu(res  se  sont  piTsuadé,  mais  sans  aucune 
preuve,  que  c'est  le  mouchoir  avec  lequel 
une  sainte  femme  de  Jérusalem  essuya  le 
visage  du  Sauveur,  lorsqu'il  allait  au  Cal- 
vaire chargé  de  sa  croix.  Cetleopinion  popu- 
laire a  pu  venir  de  ce  que  les  peintres  ont 
souvent  représenté  la  vvronù/iie,  ou  la  vraie 
image,  soutenue  par  les  m;iins  d'un  ango,  el 
d'autres  par  les  mains  d'une  femme.  Quoi 
qu'il  en  soit,  le  premier  monument  dans  le- 
quel il  est  parlé  de  cette  image  est  un 
cérémonial  dresse  l'an  1143  par  Benoît,  cha- 
noine de  Saint-Pierre  de  Home,  et  dédié  au 
pape  Célesiin  II,  que  le  père  Mahillon  a 
piililiédansson  M asœnmllaticum,\.  II,  p.12'2; 
mais  il  en  est  l'ail  mention  dans  les  lettres 
ou  dans  les  bulles  de  plusieurs  papes  posté- 
rieurs. On  ne  sait  pas  en  quel  temps  l'ua 
a  commencé  à  l'honorer. 

H  n'est  pas  nécessaire  d'avertir  qu'en 
rendant  un  culte  à  cette  image,  nous  avons 
intention  d'Iionorer  le  Sauveur  lui-même, 
dont  elle  nous  rappelle  le  souvenir,  lien  est 
de  iiiéme  decelui  (|ue  l'on  rend  à  la  sainte  face 
qui  se  garde  dans  la  cathédrale  de  Luc(|ues, 
aux  saints  suaires  de  Turin,  de  Besançon  et 
deColognc,el  à  d'antres  représentations  sen-.- 
blahles.  Les  messes,  les  offices,  les  prières  qui 
ont  été  composées  à  ce  sujet,  ont  pour  objet 
Jésus-Christ,  et  nous  retracent  la  mémoire  de 
ses  souffrances;  elles  n'ont  aucun  rapport  à  la 
prétendue  sainte  femme  de  Jérusalem,  nom- 
mée Véronii/iie,  que  l'iiglise  n'a  jamais  re- 
connue. M  lis  il  y  a  eu  une  sainte  religieusede 
ce  nom  à  Milan,  dans  le  xv°  siècle.  \'oy.  Vies 
des  Pères  et  des  Miirti/rs,  I.  I.  p.  221. 

VKItSCHDUlSTKS.  roy.  Hattém  srss. 

VERSET  DE  L'ECRITURE  SAINTE.   Voy. 

C0NCOHD\NCE. 

VERSION  DE  L'ÉCRITURE  SAINTE.  C'est 

la  traduction  du  texte  dans  une  autre  langue. 
De  to'jt  temps  il  a  été  Irès-difficile  de  don- 
ner du  lexle  hébreu  de  l'Ancien  Testament 
une  version  parfaite,  qui  ne  s'écartât  jamais 
du  sens  de  l'original,  qui  rendit  exactement 
la  valeur  do  tous  les  termes.  Le  traducteur 
grec  du  livre  de  V  Ecclésiastique  l'a  renuirqué 
dans  son  prologue;  l'imperfection  de  la  ver- 
sion des  Septante,  faite  par  les  Juifs  les  plus 
instruits  qu'il  y  eût  pour  lors,  confirme  cette 
observation,  et  l'on  peut  en  ilonnerplusieurs 
raisons.  1*  L'hébreu,  langue  la  plus  ancienne 
dans  la(|uelle  II  y  ait  des  munuinenlii,  est  une 
langue  pauvre  en  comparaison  de  celles  qui 
Ont  été  parlées  par  des  peuples  civilisés , 
instruits,  exercés  dans  les  sciences  el  lesarls; 
nous  l'avons  remarqué  en  son  lu;u.  Les  mé- 
taphores y  sont  donc  très-fréquentes  ;  il  n'est 
pas  toujours  aisé  de  voir  si  une  expression 
est  simple  ou  emphatique,  s'il  faut  l'enten- 
dre dans  le  sens  littéral  ou  dans  un  sens 
figuré.  i°  Lor-que  l'on  a  commence  de  tra- 
duire les  livres  liebreux,  celte  langue  n'était 
plus  vivaulc  depuis  plusieurs  siècles,  ni 
parlée  par  les  Juifs  dans  son  ancienne  pu- 


reté; il  s'y  était  glissé  des  termes  chaldéens 
et  syriaques,  plusieurs  mots  pouvaient  avoir 
changé  de  signification  ;  c'est  ce  qoi  est  ar- 
rivé à  toutes  les  langues,  par  le  mélange  des 
peuples  et  par  le  changement  de  pronon- 
ciation. Il  aurait  fallu  que  le  traducteur  eût 
une  connaissance  parfaite,  non-seulement 
des  deux  langues,  dont  l'une  devait  être 
l'interprète  de  l'autre,  mais  encore  de  la 
litîéralure  orientale  :  un  tel  homme  était 
difficile  à  trouver,  soit  chez  les  Juifs  ,  soit 
elle/  les  autres  n.ilions.  [\  Les  livres  de  Moïse 
traitent  d'une  infinité  de  maiières  différentes 
d-î  théologie  ,  de  géographie  ,  de  physique, 
d'histoire  nalunlle  et  civile  ;  il  y  a  des  dé- 
tails de  mœurs,  d'arts,  de  lois,  de  cérémo- 
nies des  remarciues  sur  les  nations  ^oisines 
de  la  Palestine,  des  allusions  à  leurs  usages, 
des  descriptions  de  lieux  qui  avaient  changé 
de  f;ice,  de  peuples  qui  n'existaient  plus,  ou 
qui  étaient  devenus  méconnaissables.  Moïse 
avait  vu  ce  qu'il  racontait,  ou  il  le  tenait 
de  témoins  bien  instruits  ;  il  aurait  fallu 
avoir  des  connaissances  aussi  étendues  que 
les  siennes  ,  pour  rendre  parfaitement  ses 
idées  dans  une  langue  différente.  4°  Dans  les 
siècles  dont  nous  parlons,  les  sciences  n'é- 
taient pas  aus-i  cultivées  qu'elles  le  sont,  ni 
les  sources  d'érudition  aussi  abondantes;  on 
n'avait  pas  réduit  l'élude  des  langues  en 
méthode;  on  n'avait  ni  dictionnaire,  ni 
grammaire,  ni  concordance;  on  n'avait  pas 
comparé  les  langues  ;  il  étail  rare  de  trou- 
ver un  honmie  qui  en  eiit  appris  plusieurs. 
Les  peuples  se  connaissaieul  moins  ;  on 
faisait  moins  d'attention  aux  idées,  aux 
mœurs,  aux  opinions  des  dilTérentes  nations. 
Les  Juifs  avaient  éprouvé  des  révolutions 
terribles,  ils  étaient  devenus  très-dilîérents 
de  ce  qu'ils  avalent  été  sous  Moïse,  sous  les 
juges  et  sous  les  rois.  Saint  Jérôme  avait 
senti  la  nécessité  d'être  sur  les  lieux,  de 
connaître  la  Palestine  el  les  environs  pour 
traduire  exactement  les  livres  saints  ;  il  y 
donna  tous  ses  soins,  il  a  dû  réussir  mieux 
qu'un  autre.  Mais  il  eut  besoin  des  Juifs 
pour  apprendre  l'hébreu  ;  ses  maîtres  de 
langue  n'avaient  ni  autant  de  génie  ni  au- 
tant de  connaissances  que  lui  :  il  ne  s'est 
pas  Halle  d'avoir  atteint  le  dernier  degré  de 
la  perfection,  mais  il  a  fait  tout  ce  qu'il  était 
possible  de  faire  dans  son  siècle.  Les  crili- 
tiques  piolesiants,  qui  ont  all'i^cté  de  le  cen- 
surer et  de  déprimer  ses  travaux,  n'en  sa- 
vaient pas  assez  pour  les  ap|irécier  ;  ils  ont 
voulu  cacher  par  des  traits  d'ingratitude  les 
obligations  qu'ils  lui  avaient  ;  sa  version  est 
incontestablement  la  meilleure  de  toutes 
celles  qui  onl  paru.  Voy.  Vulgate.  Le  texte 
grec  du  Nouveau  Testament  n'est  pas  non 
plus  sans  difficullés  ;  c'est  un  mélange  d'hél- 
lénismes et  d'hébraïsmes,  mais  ils  n'y  sont 
pas  en  aussi  grand  nombre  que  des  littéra- 
teurs demi-savants  l'ont  prétendu.  Voy. 
Hkllémstique.  Le  grec  et  l'hébreu,  ou  le 
bjriaque  ,  tels  qu'on  les  parlait  dans  la  Ju- 
dée du  temps  des  apôtres,  n'étaient  purs  ni 
l'un  ni  laulre  ;  dans  leurs  écrits,  plusieurs 
termes  grecs  n'ont  pas  exaclement  la  même 


1011 


VER 


VER 


101* 


signification  que  chez  les  auteurs  profanes. 
Il  faU.iil  espiimer  des  idées  qui  n'étaient 
jamais  venues  dans  l'esprit  des  hommes 
avant  Jésus-Chrisl,  leur  apprendre  une  doc- 
trine et  des  vérités  inconnues  jusqu'alors  ; 
les  "p6(res  ne  pouvaient  se  servir  que  des 
mots  communément  usités  dans  le  discours 
ordinaire.  (^uoîV/Ke  je  sois ,  A\i  saint  Faul  , 
ignorant  dans  les  finesses  du  langage,  je  ne 
le  «MIS  point  dans  ta  science  que  j'ensiigne, 
et  je  me  suis  fait  entendre  de  vous  en  toutes 
choses  [Il  Cor.  xi ,  G). 

Conclurons-nous  de  ces  réflexions  que  le 
texte  de  l'Ecriture  est  donc  inirileUip;ible, 
qu'il  est  impossible  d'en  avoir  une  bonne 
Dfrsi'on  ?  Cela  serait  vrai,  si  nous  n'avions 
point  d'autres  secours  que  ce  texte.  Mais, 
en  fiiit  de  dogmes,  les  Juifs  avaient  conservé 
le  sens  de  leurs  livres  par  tradition;  I  Eglise 
chrétienne  est  dans  un  cas  encore  plus  fa- 
vorable. Les  apôtres  ont  inslruil  les  fidèles 
de  vive  voix,  aussi  bien  que  par  écril;  ils 
ont  formé  non-seulement  des  disciples  et 
une  école,  mais  des  sociétés  nombreuses, 
qui  n'oni  jamais  cessé  de  lire  leurs  éi  rits, 
et  qui,  en  matière  de  croyance  et  de  morale, 
ont  toujours  été  d'iiccord  sur  le  sens  qu  il 
fallait  y  donner  :  ce  sens  une  lois  fixé  par 
la  croyance  uniforme  de  i  es  églises  souvent 
Irès-cloignées  l'une  de  l'autre,  par  l'ensei- 
gneciienl  public  qui  y  régnait,  par  le  témoi- 
gnage des  Pères  qui  en  étaient  les  pasteurs, 
quelquefois  p.ir  les  décisions  des  conciles, 
par  les  pratiques  du  culte  qui  y  étaient  rela- 
tives, est  d'une  tout  autre  certitude  que 
lorsqu'il  est  seulement  fondé  sur  l'opininu 
des  grammairiens  et  des  critiques,  à  laquelle 
les  prolestants  trouvent  bon  de  s'en  rap- 
porter. C'est  donc  à  l'Eglise  de  nous  ga- 
rantir la  fidélité  d'une  version  qu'elle  nous 
met  entre  les  mains,  et  d'interdire  à  ses  en- 
fants la  lecture  de  celles  qui  sont  capables 
de  corrompre  leur  foi.  C'est  encore  à  elle  de 
juger  des  circonstances  d.ms  lesquelles  elle 
doit  permettre  ou  défendre  aux  simples  fi- 
dèles l'usage  des  versions  en  langue  vulgaire. 
Jansaisclle  n'a  interdit  à  ceux  qui  eniendent 
le  latin  la  lecture  de  la  Vulgate  ou  de  la 
version  latine  u.-itée  dans  tout  l'Occideul; 
mais  elle  a  réprouvé  les  versions  faites  dans 
cette  même  langue  par  des  écrivains  sans 
aveu,  ou  justement  suspects  d'hétérodoxie. 
Elle  n'a  jamais  trouvé  mauvais  que  des  fi- 
dèles dociles  à  ses  leçons,  prêts  à  recevoir 
d'elle  l'intelligence  de  l'Ecriture,  la  lussent 
en  langue  vulgaire;  mais  lorsque  de  faux 
docteurs,  révoltés  contre  l'Eglise,  ont  voulu 
infecter  ses  enfants  par  des  versions  dai:s 
lesquelles  ils  avaient  glissé  le  venin  de  leurs 
erreurs,  elle  a  en<plo}é  avec  raison  sou  au- 
torité pour  empêcher  cet  abus  et  écarter 
tout  danger  de  séduction. 

Quelques  prolcslanls  ,  quoique  très-pré- 
venus d'ailleurs  contre  elle,  ont  été  forcés 
d'ajiprouvor  sa  conduite.  Ils  sont  convenus 
que  la  lecture  du  Cantique  de  Salomon,  de 
plusieurs  chapitres  du  prophète  Ezé(  hiel,  de 
plusieurs  traits  d'histoire  trop  naïfs  soloii 
nos  mœurs,  des  Epilres  de  saint  Paul  où  il 


traite  de  la  prédestination  et  de  la  grâce, 
pouvait  être  dangereuse  à  un  très-grand 
nombre  de  personnes,  et  il  suffit  d'ouvrir  les 
versions  françaises  publiées  d'abord  par  les 
protestants,  pour  s'en  convaincre.  Après  la 
naissance  de  la  prétendue  réforme  en  An- 
gleierre,  on  fut  obligé  pend;int  un  temps 
d'ôter  au  peuple  les  traductions  de  l'Ecri- 
ture en  langue  vulgaire,  à  cause  des  dis- 
putes et  du  fanatisme  auquel  cette  lecture 
avait  donné  lieu;  D.  Hume,  Hist.  de  la 
Maison  de  Tudor,  Tom.  H,  pag.  4'26.  Ce  n'est 
pas  le  seul  pays  de  l'Europe  où  le  même 
phénomène  soit  arrivé.  Mosheim  a  fait  une 
dissertation  pour  montrer  les  excès  dans 
lesquels  sont  tombés  une  infinité  di?  traduc- 
teurs et  de  commentateurs  protestants,  sous 
prétexte  d'expliquer  l'Ecriture  sainte,  Sijn- 
taijma  Dissert.  i\d  sancliores  disciplinas  per- 
tinentium,  pag.  166.  D'autres  ont  lourné  en 
ridicule  les  bibliomanes  i\{i\,  avec  une  Bible 
à  la  main,  prétendaient  prouver  tous  les 
rêves  qui  leur  étaient  venus  à  l'esprit  : 
quelques-uns  enfin  sont  convenus  que  la 
licence  accordée  aux  ignorants  de  lire  le 
texte  sacré  dans  leur  langue,  avait  été  un 
des  principaux  pièges  dont  les  réformateurs 
s'étaient  servis  pour  réduire  le  peuple  et 
l'entraîner  dans  leur  parti  :  Eptlre  dK  l{. 
Sieele  au  pape  Clément  XI,  pag.  20  et  21. 
Tertullieu  avait  déjà  remarqué  le  même  ar- 
tifice chez  les  hérétiques  du  m'  siècle,  De 
Prœscript.  hœret.,  c.  15. 

Malgré  ces  faits,  toutes  les  sectes  protes- 
tantes s'obstinent  toujours  à  soutenir  que 
l'Ecriture  est  la  seule  règle  de  notie  foi; 
que  tout  fidèle  doit  la  lire  pour  être  solide- 
ment instruit  de  la  doctrine  chrétienne  ;  que 
l'Eglise  catholique  se  rend  coupable  d'in- 
justice et  de  cruauté,  en  ne  permett;int  pas 
à  tous  indistinctement  de  lire  la  Bible  tra- 
duite en  langue  vulgaire.  Y  a-t-il  du  bon 
seus  dans  cette  prétention?  1°  Conformément 
à  leur  principe,  c'est  à  eux  de  nous  prouver, 
par  des  passages  clairs  et  formels  de  l'E- 
criture, cette  obligation  prétendue  imposée 
à  tous  les  fidèles,  et  la  loi  qui  ordonne  aux 
pasteurs  de  leur  fournir  Its  moyens  d'y  sa- 
tisfaire. Souvent  on  les  a  défiés  d'en  citer 
aucun,  ils  ne  sont  pas  venus  à  bout  d'en 
trouver,  parce  qu'il  n'y  en  a  point.  Nous 
verrons  que  ceux  qu'ils  allèguent  ne  disent 
point  ce  qu'ils  prétendent,  que  plusieurs 
prouvent  le  contraire.  —  2°  Aux  mots  Rcrti- 
TCRK  SAINTE  ct  Thadition,  nou8  avons  fait 
voir  que  la  lecture  des  livres  saints  n'est 
point  le  moyen  dont  les  apôtres  el  leurs  suc- 
cesseurs se  sont  servis  pour  établir  le  ciiris- 
tianisme.  11  y  a  eu  des  Eglises  fondées  et 
subsistantes  longtemps  avant  qu'elles  pus- 
sent avoir  aucune  partie  de  l'Ecriture  tra- 
duite dans  leur  langue,  avant  même  que 
tous  les  écrits  du  Nouveau  Testament  fus- 
sent publiés,  et  il  y  a  eu  plusieurs  nations 
chrétiennes  desquelles  on  ne  peut  pas  prou- 
ver qu'elles  aient  aucune  version  de  ces 
livres  en  langue  vulgaire.  Sur  la  (in  du 
u'  siècle  ,  saint  Irénéo  attestait  qu'il  y 
avait  chez   les  barbares   plusieurs  églistrt 


1013 


VÈR 


VFR 


lOU 


qui  n'nvaient  encore  point  reçu  d'Ecriture, 
mais  nui  conservaient  fidèlement  la  doctrine 
chrétienne,  et  gardaient  exactement  la  tra- 
dition qu'elles  avaient  reçue  des  apôlres; 
au  m',  Tertullicn  ne  voulait  pas  seulement 
que  l'on  admit  les  hérétiques  à  prouver  leur 
doctrine  par  l'Hcrilure.  Avant  le  v  siècle, 
nous  ne  vo}'ons  aurun  vestige  de  versions 
de  la  Bil)le,  môme  du  Nouveau  Testament 
en  langue  punique  ou  africaine,  en  espa- 
gnol, en  celle,  en  illj'rien,  en  scyllte  ou  en 
tarlare,  etc.  Opendant  nous  sommes  cer- 
tains par  des  (éinoignages  pusitlTs  qu'au 
IV'  siècle  il  y  avait  dos  églises  établies  chez 
ces  dilTérentes  nations.  Dans  ces  lemps-là 
peu  de  personnes  avaient  l'usaî^i'  des  lettres, 
les  livres  étaient  rares  et  cliers;  li'S  peuples 
n'avaient  point  d'autre  moyen  d'instruction 
que  les  leçons  de  leurs  pasteurs;  ils  n'en 
étaient  pas  pour  cela  moins  attachés  à  leur 
croyance,  ni  moins  réglés  dans  leurs  mœurs. 
Jésus-Christ  avait  ordonne  de  prêcher  l'IÎ- 
vangile  à  toutes  les  nalioiis,  ^ailll  Paul  se 
croyait  également  redevable  aux  Grecs  et 
aux  barbares  ;  il  leur  devait  donc  procurer 
à  tous  des  versions  de  la  Bible  dans  leur 
langue,  si  cela  était  nécessaire.  Avant  de 
travailler  à  la  conversion  des  (Chinois,  des 
Indiens,  des  nègres,  des  Lapons,  des  sau- 
vages de  l'Amérique,  faut-il  corninencer  par 
leur  apprendre  a  lire,  et  par  leur  donner 
une  version  de  la  liible?  —  3°  Pour  qu'un 
chrétien  puisse  fonder  sa  croyance  sur  l'E- 
criture seule,  il  faut  qu'il  soit  assuré  qu'un 
livre,  qu'on  lui  donne  pour  sacré  et  inspiré, 
est  authentique  et  non  supposé  ou  interpolé  ; 
(juc  la  virsiun  qu'il  en  a  est  fidèle,  et  ([u'il 
en  prend  le  vrai  sens  :  or,  il  est  impossible 
qu'un  protestant  du  connnun  soit  certain 
d'aucune  de  ces  trois  choses.  Il  n'est  pas  en 
état  de  décider  les  contestations  qui  régnent 
entre  hs  dilïérentes  sociétés  chrétiennes 
touchant  le  nombre  îles  livres  saints;  il  ne 
sait  pas  si  dans  quelqu'un  de  ceux  qui  sont 
rejelés  dans  sa  secte,  il  n'y  a  pas  des  pas- 
sages contraires  à  ceux  sur  lesquels  il  se 
fonde.  11  ne  peut  être  assuré  de  la  fiilélité  de 
sa  verfion,  pendant  que  plusieurs  autres 
sectes  soutiennent  qu'elle  est  fausse  en  plu- 
sieurs endioits,  et  il  ne  saurait  la  vérilier 
sur  le  texte,  qu'il  n'entend  pas.  H  peut  en- 
core moins  se  convaincre  qu'il  en  prend  le 
vrai  sens,  malgré  la  réclamation  des  autres 
sociétés  proleslanles  qui  l'expliquent  aulre- 
menl.  On  peut  voir  dans  les  iVères  Wallem- 
bourg  vingt  ou  tiente  exemples  de  passages, 
ou  différemment  écrits  dans  le  texte,  ou 
difléremment  traduits,  ou  évidemment  al- 
térés dans  la  multitude  des  Virsions  faites  en 
langues  vulgaires  par  les  protestants.  Uo 
chiélioii  du  commun  ne  préfère  l'une  à 
l'autre  que  parce  qu'on  le  vi  ut  ainsi  dans 
la  secte  dont  il  est  meuibre.  Est-ce  là  un  lon- 
demenldo  fui  fort  solide?  —  On  nous  répond 
gravement  que  toutes  ces  sociétés  s'accor- 
dent sur  les  articles  fondamentaux.  En  pre- 
miiT  lieu,  cela  est  faux  :  les  sociniens  en 
nient  plusieurs,  de  l'aveu  des  protestants; 
leurs  principes  cependant  et  leurs  méthodes 


sont  les  mêmes.  En  second  lit  u,  un  simple 
particulier  est  incapable  de  distinguer  lI  de 
savoir  si  un  article  est  fondamental  ou  non. 
En  troisième  lieu,  nous  soutenons  que  toute 
vérité  révélée  de  Dieu  est  fondamentale  dans 
ce  sens,  qu'il  n'i-st  pas  permis  d'en  douter' 
ou  de  la  nier  dès  que  la  révélation  est  suf- 
fisamment connue.  Nous  dira-t-on  qu'elle  ne 
l'est  pas,  puisque  l'on  en  dispute?  Dans  ce 
cas,  c'est  l'opiniâtreté  des  hérétiques  qui 
décide  si  une  vérité  est  fondamentale  ou  non. 
—  4°  Il  est  constant  que  dans  le  fat  et  dans 
la  pratique  aucun  protestant  ne  fonde  sa 
croyance  sur  la  seule  autorité  de  l'Ecriture 
sainte.  Avant  de  la  lire.  Il  a  été  prévenu  par 
les  instructions  de  ses  parents,  par  les  caté- 
chismes, par  les  sermons  des  pasteurs,  par 
le  langage  uniforme  <le  la  société  dont  il  est 
membre,  et  il  ne  voit  ([ue  la  version  qui  y 
est  en  usage.  Ainsi  un  calviiiisle,  un  luthé- 
rien, un  anglican,  un  anabaptiste,  un  soci- 
nien,  sont  disposés  d'avance  à  voir  dans 
l'Ecriture  le  sens  dont  ils  ont  été  imbus  dès 
l'enlunce;  leurs  préju'^és  leur  tienncTit  lieu 
de  l'inspiration  du  Saint-Esprit.  Chaque  ver- 
sion porte  l'empreinte  de  la  secte  pour  la- 
quelle elle  a  été  faite.  Si  un  homme  s'écar- 
tait de  cette  tradition  ,  il  serait  regardé 
comme  hérétique.  Ceux  qui  ont  suivi  leur 
esprit  particulier,  et  qui  ont  eu  assez  de  ta- 
lent pour  faire  des  prosélytes,  ont  enfanté 
cette  multitude  de  sectes  fanatiques  qui  ont 
déchiré  le  sein  du  protestantisme,  et  qui  font 
la  honte  de  la  prélendue  réforme.  Cepen- 
dant ils  n'ont  fait  (]u'en  suivre  le  principe 
fondamental,  savoir  :  que  l'Ecriture  seule 
est  la  règle  de  la  foi  d'un  chrétien,  et  (ju'il 
doit  croire  tout  ce  qui  lui  p  naît  y  être  clai- 
1  ement  révélé.  —  Nous  avons  donné  ailleurs 
plusieurs  autres  preuves  de  la  fausseté  et 
des  pernicieuses  conséquences  de  cette  mé- 
thode. 

A  la  fin  (lu  recueil  de  leurs  confessions  de 
foi,  les  protestants  ont  rassemblé  au  moins 
soixante  passages  de  l'Ecriture  pour  re- 
layer; mais  leur  choix  n'a  pas  été  heureux; 
il  n'y  en  a  pas  un  seul  i)ui  ordonne  de  s'en 
tenir  à  l'Ecriture  seule,  c'est  cependant  ce 
qu'il  était  question  de  piouver;  cl  il  y  en  a 
plusieurs  qui  enseignent  le  contraire.  Rom., 
c.  X,  V.  17,  saint  Paul  dit  :  la  foi  vient  de 
l'ouïe,  et  l'ouie  vient  par  la  parole  de  Jesus- 
Clvisl;  mais  je  dis  :  Se  l'a-t-on  pas  entendue? 
assurément  la  voir  des  prédicateurs  s'est 
police  par  toute  la  terre,  el  leur  parole  est 
allée  aux  eitréinitcs  du  monde.  S'il  élail  ques- 
tion là  de  la  parole  écrite,  l'Apôtre  aurait 
dit  :  la  foi  vient  de  la  lecture;  mais  non,  il 
est  bien  certain  que  dans  ce  tem|is-là  l'E- 
criture n'avait  pas  été  portée  aux  exlré- 
niilés  du  isionde;  il  y  avait  au  moins  la 
moilié  du  Nouveau  Testament  ((ui  n'était 
pas  encore  écrite.  Mais  les  protestants  n'y 
ont  pas  regardé  de  si  près.  —  /  Cor.,  c.  iv, 
v.  G,  saint  Paul  reprend  les  Corinthiens  de 
ce  qu'ils  s'atlaciiaient  par  (ireférence  à  l'un 
ou  à  l'autre  de  leurs  docteurs,  el  il  ajoute  : 
J'ai  transporté  à  cause  de  vous  touies  cet 
choses  à  uiu  personne  et  à  celle  d'.ipollo,  afin 


1015  VER 

tjue  vous  appreniez  par  notre  exemple  à  ne 
point  vous  élever  l'un  (lu-dessus  de  l'autre 
pour  autrui  et  phi»  qu'il  n'est  écrit.  De  ces 
dernières  paroles,  les  protestants  concluent 
qu'il  ne  faul  pas  vouloir  en  savoir  plus  que 
ce  qui  est  enseigné  dans  TEcrituie  sainte. 
Mais  il  suffi!  de  lire  les  chapitres  précédents, 
pour  se  convaincre  que  par  ces  mots  saint 
Paul  veut  désiiiner  scpl  à  huit  pa^saces  de 
l'Ancien  Testament  qu'il  a  rites,  et  qui  ten- 
dent tous  à  rabaisser  l'orgueil  humain.  II 
n'est  point  question  là  de  curiosité  téméraire 
en  fait  de  doctrine,  mais  de  la  vanité  que 
l'on  veut  tirer  du  mérite  des  maîtres  par 
lesquels  on  a  été  inslmit.  Si  les  protestants 
fiiisaiciil  un  peu  de  réflexion,  ils  verraient 
qu'ils  ont  péché  par  le  même  vice  que  les 
Corinthiens,  el  que  la  réfirimande  de  s;iiiit 
Paul  tombe  diieclcmoul  sur  eux.  L'un  s'est 
attaché  à  Luther,  l'autre  à  CariosladI  ou  à 
MéLinchthon,  celui-ci  à  Calvin,  celui-là  à 
Muncer  ou  à  Socin.  Ils  se  sont  enorgueillis 
de  la  capacité  supérieure  de  leurs  docleurs; 
ils  ont  prclendu  que  ces  hommes  nouveaux 
en  savaient  plus  que  tous  les  Pères  et  les 
pasteurs  de  l'iîlglise.  —  Saint  Pierre,  Epist.  I, 
c.  m,  v.  1.5,  dit  aux  fidèles  :  Soyez  toujours 
prêts  à  satisfaire  quiconiiue  vous  demande 
raison  de  votre  espérance,  mais  avec  modestie, 
avec  respect  et  en  bon)ie  conscience.  Aulre 
leçon  très-mal  suivie  par  les  protestants. 
S.iiiit  Pierre  ne  dil  point  qu'il  faut  rendre 
raison  de  notre  espérance  par  l'Ecriture 
S!ulc;  mais  les  proleslaots  font  celte  addition 
de  leur  chef.  Ue  (luoi  auraient  servi  des 
preuves  tirées  de  l'Kcriture,  contre  des  gen- 
tils qui  n'y  croyaient  pas?  Les  premiers 
cbréliens  en  avaient  de  plus  convenables, 
savoir,  h  s  caractères  surnaturels  de  la  mis- 
sion divine  de  Jésus-Christ  el  des  apôtres. 
Mais  les  prolestants  ne  veulent  point  de 
mission;  sans  modestie,  sans  respect  pour 
ceux  qui  eu  élaient  revéïus,  ils  se  sont  crus 
plus  habiles  qu'eux,  ils  ont  eu  si  |)eu  de 
bonne  conscience,  qu'ils  ont  travesti  et  déû- 
guré  toute  la  doctrine  caHiolique  ,  pour 
avoir  un  mo\en  plus  aisé  de  la  réfuter. 

Cependant  ils  triomphent  sur  deux  ou  trois 
passages,  et  ils  ne  cessent  de  les  répéter. 
Joan.,  c.  V,  V.  39,  Jésus-Christ  dit  aux  Juifs  : 
APPROFONDiS'iEz  les  Ecrîlurps,  pxnsque  vous 
croyez  y  trouver  la  lie  éternelle;  ce  sont  elles 
gui  rendent  témoignage  de  moi.  Act.  xvn.  11, 
il  est  dit  que  les  principaux  Juifs  de  lîérée, 
après  avoir  écoulé  saint  Paul,  approfondis- 
saient lous  les  jours  les  Ecritures,  pour  voir 
si  ce  qu'il  leur  avait  dit  était  vrai.  Donc, 
pour  savoir  si  une  doctrine  est  vraie  ou 
fausse,  il  faut  consulter  l'Ecriture,  et  rien 
de  plus.  Celle  conséquence  esl-ille  juste  ? 
1°  Ces  deux  passages  regardent  les  docteurs 
juifs,  les  principaux  Juifs,  et  non  le  peuple; 
le  texte  y  est  formel.  (Zhez  les  Juifs,  non 
plus  que  chez  les  protestants,  le  peuple  n'é- 
tait pas  capable  d'approfondir  les  Ecritures. 
Jésus-Christ  parlait  diiïércmmcnt  au  peuple, 
^atth.,  c.  xxm,  V.  2  :  Les  scribes  et  les  pha- 
risiens sont  assis  sur  la  chaire  de  Moïse,  ob- 
tervez  donc  et  fctit$s  tout  et  qu'ils i)oui  diront  t 


vi:r 


1016 


triais  ne  suivez  pas  leur  exemple,  car  ils  ne 
font  pas  ce  qu'ils  disent.  2°  Dans  l'endroit 
cité  de  saint  Jean,  le  Sauveur  en  appelle 
aussi  au  témoignage  de  ses  œuvres  ou  de 
ses  miracles  ;  il  est  évident  qu'en  les  com- 
parant avec  les  prédictions  des  prophètes, 
on  devait  se  convaincre  qu'il  était  vérilable- 
nient  le  Messie  ou  le  Fils  de  Dieu,  c'est  la 
seule  chose  dont  il  s'agissait  pour  lors  :  de 
la  divinité  de  ses  œuvres  el  de  sa  mission, 
s'ensuivait  la  vériié  de  sa  doctrine.  3°  L'exa- 
men des  Ecritures  ne  produisit  pas  un  heu- 
reux effet  sur  les  Juifs,  il  n'aboulil  qu'à  leur 
faire  méconnaître  Jésus-Christ.  A  leur  lour, 
ils  disaient  à  Nicodème  :  Approfondis  lei 
Ecritures,  et  vois  qu'un  prophète  ne  vient 
point  de  Galilée  (Joan.,  c.  vu,  v.  52).  k°  Les 
protestants  ont  l'ail  comme  les  Juifs,  el  nous 
leur  répétons  hardimeni  la  leçon  du  Sau- 
veur :  Approfondissez  les  licritures  ;  ne  vous 
contentez  pas  d'en  citer  dos  passages  au  ha- 
sard ;  examinez  ce  qui  précède,  ce  qui  suit, 
les  circonstances  el  le  sujet  dont  il  est  ques- 
lion,  vous  verrez  que  vous  les  entendez  mai. 

Jésus-Christ,  disent- ils,  a  souvent  repro- 
ché aux  Juifs  qu'ils  négligeaient,  qu'ils  vio- 
laient, qu'ils  annulaient  la  loi  de  Dieu  par 
leurs  traditions  ;  cela  est  vrai,  il  ne  reste  plus 
qu'à  prouver  que  l'Eglise  catholique  a  fait  de 
même,  que  son  enseignement  constant,  public 
el  uniforme,  est  une  tradition  aussi  mal  fondée 
que  celle  des  Juifs.  De  noire  côté  nous  prou- 
vons que,  pour  pervertir  le  sens  de  l'Ecri- 
ture el  de  la  loi  de  Dieu,  les  proleslanls  ne 
sont  tondes  que  sur  la  Iradilion  particulière 
de  leur  secte,  el  qu'ils  la  suivent  plus  aveu- 
glément que  nous  ne  suivons  la  tradition 
constante  et  universelle  de  l'Eglise.  Dieu, 
conlinuent-ils,  avait  défendu  de  rien  ajou- 
ter à  sa  loi,  ni  d'en  rien  retrancher;  nous 
en  convenons  encore.  S'ensuil-il  de  là  que 
Jésus-Christ,  les  apôtres,  les  pasteurs  revê- 
tus d'une  autorllè  légitime,  n'ont  rien  pu 
ajouter  au  judaïsme  ?  C'est  ce  que  préten- 
dent les  Juils,  el  c'est  une  des  principales 
raisons  qu'ils  allèguent  pour  ne  pas  croire 
en  Jésus-Christ.  Nous  avons  fait  voir  ail- 
leurs que  les  proleslanls  ont  fait  de  nou- 
velles lois  de  discipline  dont  ils  exigent  ri- 
goureusement l'observation  ,  qu'ils  prati- 
quent des  usages  qui  ne  sont  point  comman- 
dés dans  le  Nouveau  Testament,  et  qu'ils  eu 
omettent  d'autres  qui  semblent  y  être  or- 
donnés. 

Ils  ne  raisonnent  pas  mieux  en  citant  les 
passages  dans  lesquels  saint  Paul  recom- 
mande à  Tite  et  à  Timoihée  l'élude  des  sain- 
tes Ecritures.  Tout  le  monde  convient  que 
c'est  un  devoir  essentiel  pour  les  évêques, 
pour  les  prêtres,  pour  tous  ceux  qui  sont 
chargés  d'enseigner  ;  mais  il  est  ridicule 
d'imposer  la  même  obligalion  aux  simples 
fidèles.  Vu  la  quantité  de  livres  d'instruc- 
tion, de  morale,  de  piété,  dans  lesquels  le 
lexle  de  l'Ecriture  est  expliqué  et  mis  à  la 
portée  de  tout  le  monde,  aucun  chrétien  ne 
peut  avoir  absolument  besoin  de  lire  ce  texle 
même.  Quand  il  s'y  obstine,  on  peut  lui  de- 
mander» Cooimë  tmal  Philippe  à  t'flunuque 


1017 


VER 


VER 


1018 


do  la  reine  Candace,  Act.,  c.  viii,   v.  30  : 

Croljez-vous  entendre  ce  que  vous  lisez  ?  S'il 
est  siiu-èrc,  il  répondra  comme  ce  bon  [iro- 
sélyte  :  Comment  le  pitis-je,  si  personne  ne 
me  l'expliiinef  Les  protesianls  font  aussi 
bien  que  nous  dos  livres  de  morale  et  de 
piété,  des  serinons,  des  commentaires  sur 
l'Ecriture;  nous  pouvons  donc  li'ur  deman- 
dera quel  litre  ils  prctendenl  mieux  expli- 
quer la  paroiiî  de  l)ieu  que  les  auteurs  in- 
spirés, comment  osent-ils  melire  leur  propre 
parole  «  la  place  de  celle  de  Dieu.  Puisqu'ils 
font  ce  reproche  aux  pasteurs  catholiques, 
c'est  à  eux  d'y  satisfaire  les  premiers.  Enfin 
il  ne  sert  à  rien  de  répéter  les  passages  dans 
lesquels  Dieu  ordonne  aux  .luil's  de  méditer 
coulinuellement  sa  loi,  de  l'avoir  toujours 
présente  à  l'esprit  et  sous  les  yeux.  Les 
Juifs  lie  pouvaient  l'apprendre  (lUc  dans  les 
livres  de  Moïse,  ils  n'en  avaient  point  d'au- 
tre pour  lors.  Mais  leur  a-t-il  été  ordonné 
quelque  part  de  lire  tous  les  livres  de  l'An- 
cien 'resiament  écrits  dans  la  suite?  Il  est 
élonnaiit  que  les  protestants,  qui  ont  réduit 
les  vérités  de  la  foi  presqu'ù  rien,  exigent 
des  (hrétiens  tant  de  lecture  pour  les  ap- 
prendre. 

Aux  mois  BiBLB  ,  Guiîcs ,  Pauapurase  , 
Samaiui'ain,  Septante,  Vulgate,  nous  avons 
parlé  des  traductions  de  l'Ecriture  faites 
dans  des  langues  anciennes  ;  il  nous  reste  à 
donner  une  courte  notice  des  versions  vul- 
gaires, ou  écrites  dans  nos  langues  moder- 
nes. Luther  est  le  premier  qui  ait  donné 
une  version  de  la  Bible  eu  allemand,  laite 
sur  l'hébreu  ;  mais  plusieurs  de  ses  auiis  lui 
reprochèrent  sou  ignorance  en  l'ait  de  lan- 
gue hébra'ique,  et  jugèrent  sa  vrrsion  très- 
fautive.  Munster,  Léon  de  Juda.  Casialiou, 
Luc  et  André  Osiander,  Junius,  Tréuiellius, 
etc.,  prétendirent  mieux  entendre  l'hébreu 
que  Luiher.  Cependant  il  n'est  auRune  de 
leurs  versions,  soit  en  latin,  soit  dans  une 
autre  langue,  dans  liuiuelle  ou  n'ait  trouvé 
de  grandes  fautes  qu'il  a  fallu  corriger  dans 
la  suite  ;  il  en  est  de  même  des  versions  lati- 
nes du  Nouveau  Tcstiimenl  composées  par 
Erasme  et  par  lîèzo.  D'ailleurs,  si  l'on  se 
persuadait  que  tous  ces  prétendus  liébraï- 
sants  n'ont  tiré  aucun  secours  des  travaux 
d'Origène  et  de  saint  Jérôme,  ni  des  notes 
et  des  commentaires  des  doi  leurs  catholi- 
ques, on  se  tromperait  beaucoup.  Ils  s'en 
sont  peut-être  vantés,  ih  ont  déprimé  tant 
qu'ils  ont  pu  les  ouvrages  dont  ils  profi- 
taient; celte  charlatanerie  des  écrivains  est 
connue  de  tout  temps,  les  hommes  instruits 
n'en  sont  plus  les  dupes,  tlaspard  Uleinherg 
mit  au  jour  une  nouvelle  version  allemande 
pour  les  calliolii|ues,  à  Cologne,  en  1G30.  — 
Les  Anglais  avaient  une  version  de  l'Ecri- 
ture en  anglo-saxon  dès  le  commenceiiient  du 
VIII'  siècle.  11  n'y  a  guère  d'apparence  qu'elle 
ail  été  faite  sur  le  grec  ni  sur  l'héiireu  ;  il 
est  beaucoup  plus  probable  qu'elle  fut  faite 
sur  la  Yulgate.  Wiclef  en  lit  uni-  seconde, 
ensuite  Tiudal  et  Cowerdal  en  15i(j  et  lo30. 
Depuis  ce  Iquips-là  les  Anglais  u'oiit  pas 
cug»é  de  faire  des  corrcctious  à  lu  Bible  un- 


glaise. —  La  plus  ancienne  traduction  de  l'E- 
criture en  français  est  celle  de  Guiars-.des- 
Moulins,  chanoine  en  1204- ;  elle  fut  impri- 
mée en  1W8.  Raoul  de  l'resles  et  plusieurs 
anonymes  en  donnèrent  d'autres.  Le  lan- 
ga^-e  sans  doute  en  était  grossier  et  barbare, 
mais  nous  ne  voyons  p<'s  qu'elles  aient 
essuyé  aucune  censure.  Celles  qui  ont  été 
faites  à  la  naissance  de  la  rélorfue  n'étaient 
guère  plus  élégantes  ;  la  lecture  n'en  est 
plus  supportable  aujourd'hui.  Tel  est  lin- 
convénient  attaché  ,i  toutes  les  versions  en 
langue  vulgaire,  il  faut  y  loucher  conti- 
nuellement à  mesure  que  le  langage  reçoit 
des  changements  ;  au  lieu  que  la  Vitle/nte 
.laline  est  la  même  depuis  plus  de  douze 
cents  ans  :  on  n'y  a  touché  que  pour  corri- 
ger les  fautes  des  copistes.— Nous  ne  voyons 
p;is  en  quoi  la  version  des  Psaumes  faite  par 
Marol,  et  devenue  barbare,  peut  contribuer 
chez  les  calvinistes  à  l'intelligence  des  psau- 
mes, ni  en  (|uoi  il  est  utile  à  la  piété  de  tu- 
loyer  Dieu  en  français.  —  Abraham  Usque, 
juif  portugais,  fit  sur  le  texte  hébreu  une 
version  espagnole,  qui  fut  imprimée  à  Fer- 
rare  en  1553.  Elle  est  à  peu  près  inintelligi- 
ble, parce  qu'elle  répond  à  l'hébreu  mot 
pour  mot,  et  qu'elle  est  écrite  en  vieux  es- 
pagnol que  l'on  ne  parlait  que  dans  les  sy- 
nagogues ;  on  l'accuse  d'ailleurs  d'être  infi- 
dèle.—  La  première  version  italienne  est  de 
Nicolas  Malhermi,  faite  sur  la  ynlg(ite,et 
mise  au  jour  eu  14.71.  Dans  les  siècles  pré- 
cédents, le  latin  était  la  langue  vulgaire  de 
l'Italie,  il  ne  s'y  est  altéré  que  par  le  mé- 
lange des  éi rangers.  —  Les  Danois  eurent 
une  traduction  de  l'Ecriture  dans  leur  lan- 
gue en  15i4  ;  ce  fut  l'ouvrage  d'un  luthé- 
rien nommé  Jean  Michelsen,  bourgmestre 
de  Mainue,  et  l'un  des  moyens  dont  se  servit 
Christiern  II,  pour  introduire  le  luthéra- 
nisme dans  ses  élats.  Celle  des  Suédois  lut 
faite  par  Laurent  Pétri,  archevêque  d'Dpsal, 
et  parut  à  Holni  eu  1G4G.  Au  mot  Bible, 
nous  avons  parlé  de  la  Bible  des  Russes  ou 
Mosco\  iles. 

Ceux  qui  veulent  connaître  à  fond  tout  ce 
qui  concerne  les  versions  de  l'Ecriture  peu- 
vent consulter  le  R.  Elias  Lévita  ;  saint  Epi- 
|)hane,  de  Ponderib.  et  AJensuris  ;  les  Com- 
mentaires de  soinl  Jérôme;  Antoine  Carafla, 
dans  sa  Préface  de  la  liible  grecque  de  Home  ; 
Korlhol,  de  variis  Biblior.  edit.;  Lambert 
Bus,  dans  les  Prolég.  de  son  édition  des  Sep- 
tante. Parmi  les  Français,  le  père  .Morin, 
Exerc.  Biblicœ  ;  Dupin,  Biblioth.  des  au- 
teurs ecclés.;  Richard  Simon,  Ilisl.  cril.  du 
Vieux  cl  du  Nouveau  Testament  ;  la  Bibtio- 
Ihêgue  sacrée  t]u  P.  Lelong  ;  Calmet,  Dici.  de 
la  Bible,  etc.  Chez  les  Anglais,  Ussérius, 
Pocoli,  Péarsiin,  Piideaux,  Crabe,  Wower, 
de  (îrœc.  et  Latin.  Biblior.  î/ifer/re/.  ;  Mill. 
in  I\'ou.Test.;  les  Proléi/omênes  de  Wallon, 
Hodius,  de  texliù.  Biblior.,  elc.  —  A  la  têie 
du  X\  III'  vol.  de  Vllistoire  de  l'Eglise  galli- 
cane, il  y  a  un  discours  sur  l'usage  des  sain- 
tes Ecritures,  dans  lequel  on  fait  voir  les 
pernicieux  effets  que  produisirent  au  xvi* 
siècle  les  versions  en  langage  Vulgaire^  coûi^ 


1019 


VER 


VER 


1020 


posées  par  des  héréliques  ou  par  des  écri- 
vains suspects  d'hétérodoxie,  et  la  sagesse 
des  mesures  que  l'on  prit  pour  lois  afin  d'ar- 
rêter les  progrès  du  fanatisme  que  la  lecture 
de  ces  versions  allumait  dans  tous  les  esprits. 
Les  protestants  n'affectaient  de  les  répan- 
dre, que  parce  qu'ils  voyaient  que  c'était  un 
des  moyens  les  plus  eificaces  pour  séduire 
les  ignorants. 

VliRTU.  Ce  mot,  dans  sa  signiDcalion  lit- 
lérale,  signifie  la  force  ;  c'est  pour  cela  que 
l'Ecriture,  en  parlant  de  Dieu,  appelle  ver- 
tus les  actes  de  la  puissance,  les  miracles. 
Saint  Paul,  Rom.,  c.  i,  v.  16,  dit  que  l'Evan- 
gile est  la  vertu  de  Dieu  pour  le  salut  de  tout 
croyant,  parce  que  Dieu  n'a  jamais  fait  écla- 
ter davantage  sa  puissance  que  tians  l'éla- 
blissement  de  l'Evangile.  Dans  l'homme  la 
vertu  est  la  force  de  l'âme  ;  il  faut  de  la  force 
pour  faire  le  bien,  à  cause  des  passions  qui 
nous  maîtrisent  et  nous  portent  continuelle- 
ment au  mal;  toute  action  louable  qui  exige 
un  effort  de  noire  part  est  un  acle  de  vertu. 

Nous  avons  fait  voir  ailleurs  que  s'il  n'y 
avait  pas  une  loi  naturelle  qui  nous  est  im- 
posée par  le  Créateur,  le  mot  vertu  serait 
ville  (le  sens.  Il  n'y  aurait  plus  aucun  motif 
constant  et  solide  qui  pût  nous  engager  à 
faire  le  bien  malgré  l'imjjulsion  de  nos  mau- 
vais pcncliauts.  Il  n'est  pas  besoin  de  force 
pour  faire  une  action  utile  à  nos  semblables 
p.ir  le  motif  de  noire  intérêt  présent,  ou 
d'un  avantage  temporel  cerlainement  prévu; 
c'est  une  affaire  de  calcul  et  rien  de  plus. 
Les  philosophes  qui  ne  veulent  point  recon- 
naître un  Dieu  législateur,  rémunérateur  et 
vengeur,  et  p;irlent  sans  cesse  de  vertu, 
sont  ou  de  mauvais  raisonneurs  qui  ne  s'en- 
tendent pas  eux-uiêines,  ou  des  hypocrites 
qui  veulent  en  imposer  aux  ignorants.  N'as- 
signer d'autre  motif  d'être  homme  de  bien 
que  les  avantages  qui  sont  attachés  à  la 
vertu  dam  cette  vie,  c'est  la  dégrader  et  la 
confondre  avec  l'amour-propre.  Il  n'en  est 
pas  de  même,  quand  on  lui  propose  les  ré- 
compenses éti  ruelles  de  l'autre  vie,  il  faut 
de  la  force  d'âme  pour  les  préférer  aux 
avantages  de  ce  t>ionde,  passagers  et  incer- 
tains, mais  qui  tentent  la  cupidité  ;  il  faut 
croire  fermement  à  la  parole  et  aux  promes- 
ses de  Dieu,  dont  l'accomplissement  nous 
paraît  toujours  fort  éloigné  ;  souvent  il  faut 
braver  la  censure  et  le  mépris  de  nos  sem- 
blables, quelquefois  les  tourments  et  la 
mort.  L'homme  n'est  point  dégradé,  mais 
plutôt  ennobli,  en  aspirant  au  bonheur  pour 
lequel  Dieu  l'a  formé  :  il  s'élève  ainsi  au- 
dessus  des  motifs,  des  craintes,  des  faibles- 
ses qui  dominent  les  autres  hommes. 

Ceux  qui  ont  décidé  que  la  vertu  doit  être 
aimée  et  embrassée  pour  elle-même,  sans 
aucun  motif  de  crainte  ni  d'espérance  pour 
une  autre  vie,  étaient  des  diarlatans  qui 
voulaient  nous  séduire  [lar  des  mots  vides 
de  sens  ;  ils  supposaient  que  l'hoinme  peut 
agir  sans  motif  et  sans  raison.  Jésus  Christ 
seul  a  fondé  la  vertu  sur  sa  vriie  base,  eu 
lui  proposant  pour  motif  le  désir  de  plaire  à 
un  Dieu  juste,  rémunérateur  de  la  vertu  et 


vengeur  du  crime.  —  La  seule  notion  de  la 
vertu  suffit  encore  pour  démontrer  l'erreur 
des  philosophes  qui  ont  prétendu  qu'il  n'y 
a  point  d'actions  vertueuses  que  celles  qui 
tendent  directement  au  bien  général  de  la 
société  et  à  l'avantage  de  nos  semblables. 
Nous  avons  certainement  besoin  de  force 
pour  rendre  constamment  à  Dieu  le  culte 
qui  lui  est  dû,  surtout  lorsque  la  religion 
est  méprisée  et  attaquée  par  une  généra- 
lion  d'hommes  pervers  ;  nous  en  avons  be- 
soin pour  résister  à  l'attrait  des  voluptés 
sensuelles,  qui  tourneraient  enfin  à  notre 
destruction. 

Dans  l'ancienne  Encyclopédie ,  au  mot 
Société,  l'on  a  démontré  ((ue  les  vices  oppo- 
sés, tels  que  l'ivrognerie,  l'incontinence, 
l'amour  excessif  do  tous  les  plaisirs,  ten- 
dent directement  ou  indircetement  à  trou- 
bler la  société.  11  y  a  donc  des  vertus  qui  re- 
gardent directement  Dieu,  d'autres  qui  nous 
eoncernent  imméiliatement  nous-mêmes, 
indépendamment  de  celles  dont  le  motif 
principal  est  l'utilité  du  prochain.  Parmi  les 
premières,  il  en  est  qui  ont  Dieu  pour  objet 
direct  et  immédiat,  et  pour  motif  l'une  des 
pprf(>ctions  divines  ;  c'est  pour  cela  qu'on 
les  appelle  vertus  liiéolugales  :  telles  sont  la 
fui,  l'espéranee  et  la  charité  ;  toutes  les  an- 
tres sont  appelées  venus  morales.  En  effet, 
par  la  foi  nous  croyons  en  Dieu,  parce  qu'il 
est  la  vérité  même  ;  par  respcrance  nous 
nous  confions  en  lui,  parce  qu'il  est  fidèle 
à  ses  promesses  ;  par  la  charité,  nous  l'ai- 
mons, parce  qu'il  est  infiniment  bon.  L'ob- 
jet immédiat  de  ces  trois  vertus  est  donc  Dieu 
lui-même,  et  leur  motif  est  l'une  des  perfec- 
tions divines. 

Il  semble  d'abord  q  ue  la  religion  et  l'obéis- 
sance soient  aussi  des  vertus  théologales  ; 
mais  quand  on  y  regarde  de  près,  on  voit 
que  les  théologiens  sont  bien  fondés  à  les 
ranger  parmi  les  vertus  morales.  En  effet,  la 
religion  nous  porte  à  tous  les  actes,  soit  in- 
térieurs, soit  exté;  leurs,  qui  tendent  à  hono- 
rer Dieu,  c'est  là  son  objet  immédiat  ;  son 
molifest  l'honnêteté  ou  la  justice  qu'il  y  a 
de  lui  rendre  nos  adorations,  nos  respects, 
nos  hommages.  Elle  ne  nous  engage  pas 
seulement  à  honorer  Dieu ,  mais  encore 
à  honorer  pour  l'amour  de  lui  tous  ceux 
qu'il  a  daigné  enrkhir  d»  ses  grâces.  De 
même  l'obéissance  a  pour  objet  immédiat 
toute  action  intérieure  ou  exiérieure  que 
Dieu  nous  commande,  et  pour  motif  la  jus- 
tice qu'il  y  a  d'être  soumis  au  souverain 
maître  duquel  nous  avons  tout  reçu,  et  du- 
quel nous  attendons  tout;  par  là  même 
nous  sentons  qu'il  est  juste  d'obéir  non- 
seulement  à  Dieu,  mais  à  tous  ceux  qu'il  a 
revêtus  de  son  autorité. 

On  dit  que  la  charité  ou  l'amour  de  Dieu 
est  la  reine  des  vertus,  parce  qu'elle  le» 
commande  toutes,  qu'il  n'est  aucun  acte  de 
vertu  qui  ne  puisse  être  fait  par  le  motif  de 
l'amour  rie  Dieu,  et  parce  que  c'est  ce  mo- 
tif qui  donne  à  toutes  nos  actions  leur  mé- 
rite et  leur  perfection.  Aussi  l'obéissance  à 
tous  les  commaudeuients  de  Dieu  est  regar- 


iUâl 


VER 


VER 


102-2 


dée  .ivec  raison  comme  l'effet  et  la  preuve 
d'uni!  charité  sincère,  suivant  cnlte  parole 
dfi  Ji-sus-Clirist  :  Celui  (/td  garde  mes  coni' 
mnndewents  est  celui  qui  m'aime  véritable- 
ment iJotin.  XIV,  V.  13.  21,  24,  etc.). 

La  liste  des  vertus  nioralvs  serait  foil 
!<>ii{;ue;  les  anciens  philosophes  les  rappor- 
l.iiciit  à  quatre  prinripales,  que  l'on  a  nom- 
mées pour  ce  sujet  vertus  cardinales;  sa\o\r  : 
la  prudence,  la  justice,  la  force  et  la  tempé- 
rance ou  la  mudéralion;  ils  réduisaient  à 
ces  quaire  cliels  tous  les  devoirs  de  l'homme. 
Mais  les  devoirs  du  chrétien  sont  beaucoup 
plus  étcnilus,  rEvan!;ile  nous  a  enseigné  des 
vertus  dont  les  aiiticns  moralistes  n'avaient 
aucdiie  idée,  qu'ils  rc<;ardaii'nt  môme  comme 
des  défauts  :  l'iiuniilité,  le  renoncement  à 
nous-mêmes,  l'auiour  des  enneniis,  le  d;sir 
des  souffrances,  etc.,  n'ont  jamais  été  mis 
par  les  philosophes  au  ran^»  des  devoirs  de 
l'humuie.  Ils  ne  connaissai'iil  pas  les  moiifs 
surnalurels  que  la  révélation  nous  propose  : 
le  désir  de  plaire  à  Dieu,  seul  juste  estiiiia- 
leur  de  la  vertu,  de  mériter  une  rcconipense 
éternelle,  de  partirijier  aux  mérites  d'un 
Dieu  Sauveur,  etc.  Ils  ne  sentaient  pas  la 
nécessité  d'un  secours  surnaturel  pour  nous 
ai<ler  à  prali(iuer  le  bien.  C'est  donc  avec 
raison  que  saint  Augustin,  dans  ses  livres 
contre  les  pélagiens,  a  déuionlré  l'iiuperfec- 
lion  des  vertus  enseia;nées  et  pratiquées  p.tr 
les  philosophes;  il  a  fait  voir  que  la  plupart 
étaient  infectées  par  le  motif  de  la  vainc 
gloire,  qu'aucune  ne  se  rapportait  à  Dieu, 
ne  pouvait  par  conséquent  n.éri  er  une  re- 
compense èiernclle.  Alais  il  n'a  jamais  en- 
seigné, quoi  qu'en  disent  certains  théolo- 
giens, que  lotUes  les  actions  des  injidiles  si^nt 
des  péchés,  et  c/tie  tnules  Us  vertus  des  philo- 
Siiplies  sont  des  vices.  Cette  proposition  a  été 
justement  censurée  par  l'iiglssc.  Au  con- 
traire, ce  saint  docteur  a  souvent  n  pété, 
conformément  à  I  Ecriture  sainte,  que  Dieu 
a  souvent  inspiré  de  bonnes  actions  aux 
païens,  et  les  en  a  ensuite  récompensés  p  r 
des  bienfaits  temporels.  Ex  id.,  c.  i,  v.  17 
et  20;  Josué,  c.  ii,  v.  11  e(  12;  Ruth,  c.  i,  v. 
8;  Ezecli.y  c.  xxix,  v.  18  et  suiv.;  Bstli.,  c. 
XIV,  v.  13  ;  c.  XV,  V.  11  ;  Esdr.,  c.  i,  v.  1  ;  c. 
VI,  V.  22;  c.  vil.  V.  27,  etc.  Cerlaincmi  nt 
Dieu  ne  peut  inspirer  des  péchés  à  aucun 
homme  ni  l'en  récompenser. 

Queliiues  moralistes  modernes  ont  observé 
que  les  plus  sublimes  vertus  sont  négatives, 
c'est-à-dire  qu'ell.s  consistent  plutôt  à  ne 
faire  jamais  de  mal  à  personne,  qu'à  faire 
du  bien  à  tous;  que  ce  sont  aussi  les  plus 
ditficiles  à  pratiquer,  parce  i|u'elles  sont 
sans  ostentation,  et  qu'elles  ne  nous  procu- 
rent point  le  plaisir,  si  doux  au  cœur  de 
riiomme,  d'en  renvoyer  un  autre  content  de 
nous.  Ce  sont  en  effet  celles  auxquelles  on 
fait  le  moins  d'atleiilioii  d.ins  la  société. Celte 
remarque  est  confirmée  par  le  portrait  que 
David  a  l/acé  dun  juste  ou  d'un  homnic 
vertueux,  Ps.  siv;  c'est  celui,  dit-il,  qui  est 
sans  reproche,  qui  exerce  la  justice,  qui  dit 
toujours  la  vérité,  qui  ne  trompe  ni  ne  ca- 
lomnie son  prochain,  qui  n'est  ni  usurier, 


ni  parjure,  ni  oppresseur  des  innocents,  et 
qui  ne  fait  de  mal  à  personne.  Il  faut  recon- 
naître néanmoins  que  si  ce  degré  de  vertu 
est  suffisant  pour  le  commun  des  chrétiens, 
Dieu  exige  queUiuc  chose  de  plus  de  ceux 
qui  par  état  sont  obligés  de  donner  bon 
exemple,  et  auxquels  il  accorde  des  grâces 
plus  abondantes. 

Parmi  les  théologiens,  saint  Thomas  est 
celui  qui  a  distingué  et  défini  le  plus  exacle- 
ineiit  les  vertus  morales,  et  qui  eu  a  le  mieux 
détaillé  les  devoirs,  dans  la  seconde  partie  de 
sa  Somme  thcologique;  il  en  a  raisonné  plus 
savamment  que  tous  les  anciens  philoso- 
phes, parce  qu'il  connaissait  la  vertu  mieux 
qu'eux,  qu'il  eu  parlait  d'après  l'Evangile, 
et  qu'il  eu  était  lui-même  un  parfait  modèle. 

Au  mot  IWoRALii  des  philosophes,  nous 
avons  fait  voir  le  ridicule  et  la  mauvaise  foi 
des  incrédules  qui  nous  donnent  un  pom- 
peux recueil  de  morale  tiré  des  écriis  des 
anciens  sages  de  toutes  les  nations,  dans  le 
dessein  de  nous  persuader  que  ces  derniers 
ont  donné  des  leçons  déferais  plus  justes, 
(ilus  solides,  plus  raisonnables  que  celles  des 
auteurs  sacrés.  Cet  artifice  peut  en  imposer 
sans  doute  aux  ignorants,  mais  non  à  ceux 
qui  ont  lu  les  ouvrages  des  anciens  tels 
qu'ils  sont,  et  qui  savent  jusqu'à  quel  point 
le  bon  y  est  mélangé  avec  le  mauvais.  Nous 
connaissons  tout  le  méiite  de  ces  prédica- 
teurs de  morale  philosophique,  depuis  que 
quel(iues-uns  d'entre  eux  ont  entrepris  de 
prouver  que  le  vice  contribue  beaucoup 
plus  que  la  vertu  au  bien  de  la  société  et  à 
la  prospérité  des  empires.  Dans  le  même 
article,  nous  avons  répondu  à  la  plupart  de 
leurs  objections  contre  la  morale  chrétienne. 
—  D'autres,  après  avoir  examiné  tous  les 
systèmes  de  moiale  des  différentes  sectes  de 
philosophes  ,  ont  fait  voir  ((u'aucun  n'est 
solide  ni  raisonné,  conséquemment  que  des 
vertus  fondées  sur  une  base  aussi  Iragile  ne 
sont  que  des  illusions;  mais  ils  sont  tombés 
dans  un  excès  non  moins  absurde  que  les 
précédents,  ils  ont  conclu  qu'il  n'y  eut  ja- 
mais de  morale  raisonnable  que  celle  d'Epi- 
cure,  que  lui  seul  a  fondé  la  v(rtu,  sur  sa 
vraie  base,  en  lui  donnant  pour  unique  mo- 
tif l'intérêt  ou  l'utilité  personnelle.  .Mais  il  y 
a  près  de  deux  mille  ans  que  tjcéron,  Plu- 
larque,  Us  stoïciens  et  les  académiciens  ont 
démontré  la  perversité  et  les  pernicieuses 
couKé(|uences  de  cette  prétendue  morale, 
plus  convenable  à  des  animaux  qu'à  des 
hommes  ;  ils  ont  fait  voir  qu'elle  n'a  jamais 
produit  un  seul  homme  vertueux  ni  un  bon 
citoyen.  —  Enliu.  quel(|ues  déistes  ont  été 
d'assez  bonne  foi  pour  convenir  de  ce  que 
nous  avons  établi;  savoir,  que  les  prédica- 
teurs de  vertu  qui  n'admettent  ni  Dieu,  ni 
loi  naturelle,  ni  une  autre  vie  après  celle-ci, 
sont  des  hypocriies  et  des  imposteurs.  Nous 
pou  vous  donc  nous  en  tenir  à  ce  dernier  aveu. 

Sur  le  sujet  que  nous  traitons,  l'on  a  droit 
de  reprociier  aux  protestants  une  impru- 
dence qui  n'est  guère  pardonnable.  lU  ont 
eu  grand  soin  de  remarquer  que  la  plupart 
des  anciens  Pères  de  l'Ëgiise  eroyaieai  que 


1023 


VER 


VEU 


1024 


les  vertus  morales  et  chrétiennes  nous  sont 
inspirées  par  de  bons  anges,  au  lieu  que  les 
vices  et  les  mauvaises  actions  sont  suggérés 
aux  hommes  par  des  démons  qui  les  obsè- 
dent. Cette  opinion,  disent  les  censeurs  des 
Pères,  était  une  conséquence  du  platonisme, 
au()upl  les  Pères  n'avaient  pas  renoncé  en 
se  faisant  chrétiens.  Mosheim,  Notes  sur 
Cudtcorlh,  c.  k,  §  33,  n.  (r).  —  Avant  de  dé- 
cider dans  quelle  source  ces  Pères  avaient 
puisé  leur  sentiment,  il  aurait  fallu  exami- 
ner s'il  n'a  aucun  fondement  dans  l'Ecriture 
sainte.  Or,  il  y  est  souvent  parlé  du  minis- 
tère des  bons  anges,  de  l'assistance  qu'ils 
donnent  aux  hommes,  et  fréquemment  ils 
se  soni  rendus  visibles  pour  ce  sujet.  Ainsi 
Abraham,  Jacob,  Moïse,  Josué,  le  jeune 
Tobie,  Daniel,  etc.,  ont  été  instruits,  dirigés, 
secourus  par  des  anges  revêtus  d'une  forme 
humaine,  et  ils  ont  compté  sur  cette  assis- 
tance, lors  même  qu'elle  n'était  pas  sensible. 
Cette  croyance  est  confirmée  par  plusieurs 
passages  du  Nouveau  Testament.  Matt.,  c. 
xviii,  V.  10;  Joan.,  c.  v,  \.  'i  ;  Act.,  c.  xii, 
V.  15  et  23;  Hebr..  c.  xii,  v.  22,  etc.  C'est 
plus  qu'il  n'en  fallait  pour  persuader  les 
Pères.  Voy.  Ange.  —Ils  n'ont  pas  été  moins 
convaincus  par  lEcrilure  des  malignes  in- 
fluences des  démons,  non-seulement  sur  les 
corps,  en  les  possédant  ou  en  les  obsédant, 
mais  sur  les  âmes.  Luc,  c.  viii,  v.  12,  Jésus- 
Christ  attribue  au  démon  la  stérilité  de  la 
parole  de  Dieu  dans  uu  grand  nombre  d'au- 
diteurs; Jonn.,  e.  viii,  v.  kk,  il  rapporte  à  la 
même  cause  l'incrédulilé  des  Juifs.  H  est  dit, 
Jonn.,  c.  XIII,  v.  2,  que  le  diable  avait  mis 
dans  le  cœur  de  Judas  le  dessein  de  trahir 
son  maître;  //  Cor.,  c.  iv,  v.  k,  saint  Paul 
accuse  le  dieu  de  ce  siècle  d'avoir  aveuglé 
les  païens;  Ephes.,  c.  \v,  v.  27,  il  exhorte 
les  fidèles  à  ne  point  donner  entrée  au  dé- 
mon; et  c.  vi,v.l3,  à  résistera  ses  embûches. 
i  Petr.,  c.  v,  V.  8,  saint  Pierre  les  avertit 
que  cet  ennemi  du  salut,  semblable  à  un 
lion  rugissant,  tourne  autour  d'eus  pour  les 
dévorer,  etc.,  etc.  Voy.  Démon. 

L'on  dira  peut-êtie  que  ces  pass.:ges  doi- 
vent être  pris  dans  un  sens  figuré;  que  les 
auteurs  sacrés  ont  été  dans  l'usage  de  per- 
sonnilier  tous  les  êtres  abstraits  et  métaphy- 
siques; qu'ils  ont  nommé  an(jes  les  vertus  et 
les  inclinations  louables  des  hommes,  et  dé- 
mons les  maladies  cruelles,  les  pécliés  et  les 
vices;  qu'en  cela  ils  se  sont  conformés  aux 
opinions  populaires  et  au  langage  usité  chez 
toutes  les  nations.  Au  mot  Démons,  nous 
avons  réfulé  cette  explication  téméraire, 
empruntée  des  saducéens  et  des  épicuriens; 
nous  avons  fait  voir,  1"  que  Jesus-Cbrist, 
qui  s'est  nommé  la  vérité  par  excellence,  ni 
ses  apôtre^,  n'ont  pu  autoriser  aucune  er- 
reur, quelque  acrréditée  qu'elle  lût  d'ail- 
leurs; 2*  que  les  Pères  n'auraient  pu  donner 
ce  sens  au  texte,  sans  faire  violence  à  la 
lettre,  et  sans  contredire  des  faits  doni  ils 
étaient  témoins  oculaires. 

Ils  n'ont  donc  pas  eu  besoin  de  consulter 
les  philosophes  pour  savoir  ce  qu'ils  devaient 
penser  louchant  le  pouvoir  el  l'actiou  de» 


esprits  bons  ou  mauvais.  Qaan6  ils  en  au- 
raient été  déjà  persuadés  par  la  philosophie, 
avant  d'embrasser  le  christianisme,  il  leur 
aurait  été  impossible  de  renoncer  à  leur 
opinion,  en  la  voyant  aussi  clairement  con- 
firmée par  l'Ecriture  sainte.  Mais  une  preuve 
que  les  Pères  ont  eu  plus  de  confiance  à 
cette  lumière  qu'à  celle  de  la  philosophie, 
c'est  qu'en  traitant  cette  question  ils  ont  cité 
les  auteurs  sacrés  ,  et  non  les  philosophes. 
Au  lieu  de  censurer  les  Pères ,  les  protestants 
feraient  mieux  de  suivre  leur  exemple;  mais, 
en  se  vantant  de  ne  s'attacher  qu'à  la  parole 
de  Dieu  ,  ils  nous  donnent  souvent  lieu  de 
juger  qu'ils  négligent  souvent  de  la  con- 
sulter. 

VKSPEniE.  Voy.  Degré. 

VÊTUUE  ou  prise  d'habit,  cérémonie  par 
laquelle  un  jeune  homme  ou  une  jeune  fille, 
après  avoir  fait  ses  épreuves  dans  un  monas- 
tère, y  prend  l'habit  religieux  pour  commen- 
cer son  noviciat.  Les  prières  qui  acccompa- 
gncnt  celte  cérémonie  sont  difterentes  dans 
les  divers  ordres  ou  congrégations  religieu- 
ses, mais  en  général  elles  sont  instructives 
et  édifiantes;  elles  font  souvenir  ceux  qui 
prennent  l'habit  monastique  des  obligations 
qu'il  leur  impose,  et  des  vertus  par  lesquelles 
ils  doivent  l'honorer.  Quant  aux  formalités 
nécessaires  pour  rendre  cet  acte  authenti- 
que, elles  appartiennent  au  droit  canonique. 

VEUVE.  En  parlant  des  vierges,  nous 
verrons  que,  dès  la  naissance  de  l'Église, 
plusieurs  filles  chrétiennes  se  destinèrent 
par  une  promesse  solennelle  à  garder  leur 
virginité,  et  à  mener  une  vie  plus  régulière 
que  le  commun  des  fidèles;  elles  furent  re- 
gardées par  les  évêques  comme  une  partie 
de  leur  troupeau,  qui  exigeait  un  soin  par- 
ticulier. On  crut  aussi  que  les  veuves  qui 
n'avaient  eu  qu'un  seul  mari  devaient  éire 
admises  à  la  même  profession,  lorsqu'elles 
le  demandaient,  et  qu'elles  renonçaient  à 
uu  second  mariage.  Par  leur  âge,  par  leur 
expérience,  par  la  gravité  de  leurs  mœurs, 
ces  femmes  étaient  les  plus  capables  d'In- 
struire les  personnes  de  leur  sexe,  de  veiller 
sur  les  vierges,  de  soigner  les  pauvres  et 
les  enfants  abandonnés,  de  remplir  les 
fonctions  de  diaconesses.  Voy.  ce  mot.  Par 
ces  considérations,  elles  furent  mises,  comme 
les  vierges,  sous  la  tutelle  spéciale  de  l'Eglise. 
Ou  sait  que  Moïse,  dans  ses  lois,  avait  or- 
donné avec  le  plus  grand  soin  de  consoler, 
de  protéger,  d'assister  les  veuves. 

Mais  on  prit  beaucoup  de  précautions 
dans  le  choix  que  l'on  en  fit  ;  saint  Paul  l'avait 
recommandé,  /  J/m.,  c.  v,  v.  3.  «  Honorez 
les  veuves  qui  sont  vérilnhlement  telles  (ou 
qui  veulent  deujeurer  dans  leur  état).  Si  une 
VEUVE  a  des  enfants  ou  des  neveux,  qu'elle 
s'attache  d'abord  à  gouverner  sa  famille  et  à 
soulager  ses  parents,  c'est  ce  qui  est  le  plus 
agréable  à  Diru.  Pour  celle  qui  est  véritable- 
ment VEUVE  ef  abandonnée,  qu'elle  espère  en 
Dieu,  qu'elle  s'occupe  ()  prier  jour  et  nuit; 
celle  qui  recherche  lis  plaisirs  est  plus  morte 
que  vivante.  Ordonnez-leur  de  se  rendre  irré- 
préhensible. N'en  choisissez  aucune  qui  n'ait 


1025 


VIA 


VIA 


1026 


au  moins  soixante  ans,  qui  n'ait  eu  qu'un,  seul 
mnri,quine.ioil  connue  par  ses  bonnes  œuvres. 
Sachez  si  elle  a  bien  élevé  ses  enfants ,  si  elle 
a  exercé  l'Iiospilalité,  .h  elle  a  lavé  les  pieds 
aux  saints  ,  si  elle  a  soutaqé  les  malheureux, 
si  elle  a  pratiqué  toute  bonne  œuvre.  Pour  les 

jeunes  veuvks,  ne  les  fréquentez  point Si 

un  fidèle  a  dis  vr.ivus,  qu'il  pourvoie  â  leur 
subsistance,  afin  que  VEqlisene  soit  point 
surchargée  ,  et  qu'il  re  te  assez  pour  sMlenter 
celles  qui  sont  véritablement  veuves. 

On  ne  mil  donc  ;iu  rang  des  vruves  adop- 
tées par  l'Kglise,  que  celles  qui  avaient  déjà 
persévéré  dans  le  veuvage  pendant  plusieurs 
années,  et  dont  la  conduite  édifiante  était 
bien  reconnue.  On  n'exigea  cependant  pas 
toujours  l'ât;e  de  soixante  ans;  souvent  on 
les  admit  à  la  profession  du  vc  uvage  à  l'âge 
de  quarante  ans,  mais  non  plus  tôt,  el  l'on 
ne  choisit  pour  diaconesses  que  les  plus 
âgées.  Saint  Paul  voulait  qu'elles  n'eussent 
eu  qu'un  seul  mari;  ainsi  les  bigames  élaieni 
exclues;  vainement  les  protestants  ont  cher- 
ché à  détourner  le  sens  des  ijarolesde  l'Apôtre. 
Il  ne  paraît  pas  que  l'on  ait  observé  d'abord 
pour  leur  consécration  les  mêmes  cérémonies 
que  pour  celle  des  vierges,  mais  cela  se  fil 
dans  la  suite;  Hingham  a  blâmé  celte  iiino- 
vation  très-mal  à  propos,  Oriy.  ccclés.,  I.  vu, 
C.  'i',  §  9,  lom  111,  p.  111.  Ou  trouve  d/ins  le 
père  Mcnard,  p.  173,  les  prières  que  faisait 
î'évéque  dans  cette  circonstance;  ce  sont 
encore  les  mêmes  dont  on  se  sert  à  la  vêlure 
el  à  la  profession  des  religieuses.  L'habit  des 
vierges  et  celui  des  veuves  était  lo  même,  et 
on  le  bénissait  de  la  même  manière. 

Les  veuves,  dit  labbé  Fleury,  étaient 
occupées  à  visiter  el  à  soulager  les  malades 
et  les  prisonniers,  particulièrement  les  mar- 
tyrs et  les  confesseurs,  à  nourrir  les  pau- 
vres, à  recevoir  et  à  servir  les  étrangers,  à 
enterrer  les  morts  ,  et  généralement  à  toutes 
les  œuvres  de  charité.  Toutes  les  feniuies 
chrétiennes  en  général,  veuves  ou  mariées, 
s'y  employaient  beaucoup,  elles  ne  sortaient 
guère  de  leur  maison  que  pour  ces  bonnes 
œuvres  et  pour  aller  à  l'église.  Les  évèques 
et  les  prêtres  avaient  besoin  de  beaucou|)  de 
patience,  de  discrétion  et  de  chaiilé  pour 
gouverner  louies  ces  femmes,  pour  guérir 
et  pour  supporter  les  défauts  communs  à 
leur  sexe,  l'inquiétude,  les  jalousies,  les 
murmures  contre  les  jjasteurs  mêmes,  enfin 
tous  les  maux  i)ui  suivent  ordinairement  la 
faitilcsse  du  sexe,  surtout  quand  elle  est 
jointe  à  la  pauvreté,  à  la  maladie  ou  à  quel- 
ques autres  incouiiuodités.  Alœurs  des  chrét., 
M.  27.  \u  mot  Vierge,  nous  prouverons  que 
les  unes  et  les  autres  faisaient  des  vœux. 

Toutes  ces  observations,  copiées  d'après 
les  monuments  ecclésiastiques,  nous  attes- 
tent que  dès  l'origine  une  charité  sans  bornes 
a  été  le  caractère  dislinclifdu  christianisme, 
et  que  c'est  ce  qui  a  le  plus  contribué  à  le 
rendre  respectable  aux  yeux  même  des 
païens. 

VIANDE.  Moïse  avait  ordonne  aux  Juifs 
rabslineiicc  de  plusieurs  viandes,  il  leur 
avait  défcudu  de  manger  des  animaux  répu- 


tés impurs,  de  la  chair  d'un  animal  mort  de 
lui-même,  de  celle  d'un  animal  élouffé  sans 
quel'on  eneût  fait  coulerle  s;ing,de  celle  d'un 
animal  qui  avait  été  mordu  par  quelque  béte; 
quiconque  en  avail  mangé  par  mégarde  ou 
autrement  était  souillé  jusqu'au  soir,  et 
obligé  de  se  purifier.  Ils  avaient  aussi  grand 
soin  d'ôter  le  nerf  de  la  cuisse  des  animaux 
dont  ils  voulaient  manger ,  à  cause  du  nerf 
de  la  cuisse  de  Jacob  desséché  par  un  ange, 
Gen.,  c.  xxxii,  v.  ,32;  mais  celte  dernière 
abstinence  ne  leur  était  pas  commandée  par 
la  loi.  11  est  certain  (|u'il  y  a  des  pays  dans 
les(iuels  certains  aliments  sont  pernicieux  , 
plusieurs  naturalistes  ont  rem.irqué  que  h; 
sang  des  animaux  el  le  porc  Irais,  d.ins 
quelques  parties  de  l'Asie, causent  des  mala«- 
dies  de  la  peau  à  ceux  qui  s'en  nourrissent, 
et  que  chez  quelques  nations  asi.ili(]ues  l'on 
s'en  abstient  par  police  aussi  bien  que 
chez  les  Juifs.  On  preleud  que  la  pltca,  ma- 
ladie cruelle  ,  vient  aux  Tarlares  qui  se  nour- 
rissent de  sang  et  de  chair  de  cheval  crue  et 
corrompue,  et  qui  boivent  du  lait  de  jument 
aigri;  que  le  mal  vénérien  a  pris  naissance 
chez  les  Américains  qui  avaient  mangé  de 
la  chair  des  animaux  tués  avec  des  llèches 
empoisonnées.  On  sait  d'ailleurs  que  le  ré- 
gime diététique  des  anciens  Egyptiens  était 
pour  le  moins  aussi  sévère  que  celui  des 
Juifs;  ceux  qui  l'ont  attribué  à  des  motifs 
superstitieux  étaient  fort  mal  instruits.  V oij . 

AMiMAUX  PUKS  ou   IMPURS. 

A  la  naissance  du  christianisme,  les  apô- 
Ires  jugèrent  à  propos  d'ordonner  aux  fidè- 
les l'abslinence  du  sang,  des  chairs  sutTo- 
quées  et  des  viandes  immolées  aux  idoles. 
Act.,  c.  XV,  V.  2S  el  20.  Jamais  les  Juifs  con- 
vertis n'auraiuni  consenti  à  fraterniser  avec 
des  hommes  qui  auraient  usé  de  ces  sortes 
d'aliments.  Comme  cette  défense  est  jointe  à 
celle  de  la  fornication,  lernie  qui  signifie 
quelquefois  l'idolâtrie,  certains  critiques  ont 
prétendu  que  toutes  ces  abstinences  étaient 
d'une  égale  nécessité,  et  que  l'on  aurait  dû 
continuer  à  les  observer  de  même,  puisque 
les  apôtres  disent  que  tout  cela  est  nécessaire. 
Mais  ces  dissertateurs  n'ont  pas  fait  ailen- 
lion  que  la  loi  portée  par  les  apôtres  en- 
traîna bientôt  des  inconvénients;  pendant 
les  persécutions,  les  païens  mettaient  les 
chrétiens  à  l'éiirenve  en  leur  présentant  à 
manger  des  riow/es  suffoquées  el  du  boudin, 
Teriullien,  Apulog.,  c.  9.  L'empereur  Julien 
fit  offrir  aux  idoles  toutes  les  viandes  de  la 
boucherie,  et  souiller  les  fontaines  par  le 
sang  des  victimes,  dans  le  même  dessein. 
Voilà  pourquoi  saint  Paul,  ijui  prévoyait 
sans  doute  cet  inconvénient,  ne  défendit  aux 
chrétiens  des  viandes  immolées  aux  idoles, 
que  dans  le  cas  où  cela  pourrait  scandaliser 
leurs  frères.  J  (Jor.,  c.  x,  v.  25  el  32. 

\"iAM)Es  IMMOLÉES.  Voy.  Idolothytes. 

VIATIQUE,  provision  de  vivres  pour  un 
voyage.  On  appelle  ainsi,  parmi  les  catholi- 
ques, le  sacrement  de  l'eucharistie  adminis- 
tré aux  milades  en  danger  de  mort,  a(in  de 
les  disposer  au  passage  de  cette  vie  à  l'au- 
tre. Jésus-Christ  a  du,  Joan.,  c.   vi,    v.  56: 


10Î7 


VlC 


Vie 


402?, 


Ma  chair  est  véritablement  une  nourriture, 
et  mon  ^ang  un  breuvage;  v.  59,  c'est  le  pain 
qui  descend  du  ciel...  quiconque  en  mangera 
vivra  éternellement.  Lorsqu'on  croil  ferine- 
meiil  que  le  S.iuveur  dans  eut  endroit  par- 
lait de  l'eucharistie,  on  conçoit  aisément 
qu'il  n'est  jamais  plus  nécessaire  de  rece- 
voir ce  sacrement  qu'à  l'article  de  la  mort, 
puisqu'il  est  pour  nous  le  principe  et  le 
gapje  de  la  vie  éternelle. 

Comme  les  protestants  soutiennent  que  les 
paroles  de  Jesus-Christ  doivent  être  prises 
dans  un  sens  figuré,  que  son  corjjs  et  son 
sang  ne  sont  point  réi'llement  dans  l'eiicha- 
riïlie,  que  l'on  ne  les  reçoit  que  par  la  com- 
munion, c'est-à-dire  par  une  action  qui  soit 
commune  à  plusieurs  personnes,  ils  en  ont 
conclu  que  leur  réception  faite  par  une 
seule  n'est  pas  une  communion  ;  c  msé- 
quemment  ils  ont  supprimé  l'usage  di.-  por- 
ter ce  sacrement  aux  malades.  Ainsi,  par 
une  fausse  interprétation  de  l'Ecriture,  ils  se 
sont  privés  de  la  plus  puissante  consolation 
qu'un  chréiien  puisse  recevoir  à  l'article  de 
la  mi)rt.  Mais  cet  usage,  si  ancien  dans  l'E- 
glise, de  recevoir  l'eucharistie  en  viatique, 
dépose  contre  leur  croyance.  Nous  appre- 
nons de  saint  Justin,  AiioL  I,  n.  05,  qu'au 
ir  siècle,  lorsqu'on  avait  consacré  l'eucha- 
ristie dans  les  as  cmbiérs  cliiéliennes,  et 
que  les  assistants  y  avaient  participé,  les 
diacres  la  portaient  aux  abs  nts,  par  consé- 
quent aux  malades,  .ous  savons  par  le  té- 
moignage de  Terluliien,  1.  ii,  ad  Uxorem, 
c.  o,  et  de  saint  Gjpricn,  Eplsl.  54,  ad  Cor- 
net., I.  de  Lapsis,  p.  181),  de  Bono  patient., 
p.  231,  de  Sp'Ctnc,  p.  iiil,  qu'au  iir  siècle 
les  fiilèli'S,  toujours  exposés  au  martyre, 
emportaient  avec  eux  l'eucharislie  et  la  con- 
servaient, aGnde  la  prendre  en  viatif/ue,  v[ 
de  puiser  dans  cet  allrai'nl  divin  les  forces 
dont  ils  avaient  besoin  |)onr  confesser  Jésus- 
Christ  dans  les  tourmenta.  L'on  était  donc 
alors  bien  persuadé  que  le  corps  et  le  sang 
de  ce  divin  Sauveur  ne  sont  pas  présents 
dans  ce  mystère  d'une  manière  p.iss;igère,  et 
en  vertu  de  l'aclion  d'y  parliciper  en  com- 
mun, mais  d'une  manière  permanente,  et 
qu'une  réreplion  faite  en  partieulier  dans  le 
besoin  n'est  pas  moins  une  communion  (|ue 
quand  on  la  fait  en  commun.  Or,  dans  ces 
deux  siècles,  si  voisins  d's  apôtres,  on  faisait 
profession  de  ne  rien  changer  à  leur  doc- 
trine ni  à  leurs  usages. 

Il  y  a  des  Pères  et  des  conciles  qui  ont 
nommé  viatique  trois  sacrements  que  l'on 
adminisirail  aux  mourants  pour  assurer  leur 
salul:  1"  le  baptême,  lorsqu'on  le  donnait  à 
des  catéchumènes  qui  ne  l'avaient  pas  encore 
reçu  ;  2"  la  pénitence,  ou  rabs)luiion,  à  l'é- 
gard de  ceux  que  l'on  réconciliait  à  l'Eglise 
à  l'article  île  la  mort  ;  3' l'eucharistie,  admi- 
nislree  aux  fidèles  ou  aux  pénitents  qui 
avaient  reçu  l'absolution;  mais  l'usage  a 
prévalu  de  ne  donner  le  nom  de  viatique 
qu'à  ce  dernier  sacrement.  Voy.  Eucha- 
ristie. 

VICAIRE,  hoiiime  qui  tient  la  place  et 
remplit  les  fonctions  d'un  autre.  Les  évêques 


ont  des  grands  vicaires  auxi^uels  ils  donnent 
le  pouvoir  de  faire  toutes  les  fonctions  de 
leur  juridiction,  mais  non  celles  qui  sont  at- 
tachées à  l'ordre  et  au  caractère  épiscopal, 
comme  d'administrer  les  sacrements  de  l'or- 
dre et  de  la  conûrmalion,  de  sacrer  les  égli- 
ses, etc.  Les  curés  ont  des  vicaires  pour  les 
aider  à  remplir  toutes  leurs  fonctions.  11  ne 
faut  pas  confondre  un  vicaire  avec  un  délé- 
gué ;  celni-ci  n'a  le  pouvoir  de  faire  légiti- 
mement que  la  fonction  pour  laquelle  il  est 
député  nommément,  il  ne  peut  pas  députer 
un  autre  pour  la  remplir  à  sa  place.  Un  vi- 
caire n'est  pas  député  à  une  seule  fonction, 
mais  à  toutes  choses,  ad  omnes  causas,  selon 
l'expression  des  canons  ;  il  peut  donc  délé- 
guer un  autre  prêtre  pour  administrer  le  sa- 
crement de  mariage,  etc.  Nous  faisons  cette 
remarque,  parce  que  nous  avons  vu  plus 
d'une  fois  élever  sur  ce  point  des  doutes  mal 
fondés. 

Vicaire  (1)  [Droit  public,  civil  et  canon,  i), 
du  mot  latin  vicarius,  est  celui  qui  fait  les 
fondions  d'un  autre,  qtti  allerins  vices  gerit, 
ou  bien  c'est  celui  qui  est  établi  sous  un  su- 
périeur pour  tenir  sa  place  dans  certaines 
fonctions,  et  le  suppléer  en  cas  d'absence, 
maladie  nu  autre  empêchement  légitime.  Ce 
titre  fut  d'abord  usité  chez  les  Komains;  on 
le  donnait  an  lieutenant  du  préfet  du  pré- 
toire :  on  le  donna  depuis  dans  les  Gaules 
aux  lieutenants  des  comtes,  et  à  plusieurs 
sortes  d'officiers,  qui  faisaient  les  fonctions 
d'un  autre.  Aujourd'hui,  lorsqu'on  parle 
à'un  vicaire,  sans  y  ajouter  d'autre  dénomi- 
nation, on  entend  nu  prêtre  destine  à  soula- 
ger un  curé  dans  ses  fonctions.  Nous  allons 
expliquer,  sous  autant  de  mots  particuliers, 
les  différentes  espèces  de  vicaires. 

Vicaires  des  abbés,  sont  ceux  que  les  abbés 
titulaires  ou  commendalaires  commettent 
pour  les  aider  et  suppléer  dans  leurs  fonc- 
tions, à  l'exemple  des  vicaires  généraux  des 
évêques.  L'ordonnance  d'Orléans,  art.  5, 
porte  que  les  al)bés  et  curés  qui  tiennent 
plusieurs  bénéûces  par  dispense,  ou  résilient 
en  l'un  de  leurs  bénéfices  requérant  rési- 
dence et  service  actuel,  seront  excusés  de  la 
résidence  en  leurs  autres  bénélices,  à  la 
charge  toutefois  qu'ils  couimettront  Djcaî'res, 
personnes  de  suffisance,  bonnes  vie  et  mœurs, 
à  chacun  desquels  ils  nssigneroni  telle  por- 
tion du  revenu  du  bénéfice  qui  puisse  suffire 
pour  son  entrelenement  ;  autrement  celte 
ordonnance  enjoint  à  l'archevêque  ou  évo- 
que diocésain  d'y  pourvoir,  et  aux  juges 
royaux  d'y  tenir  la  main.  Ce  n'est  pas  seule 
ment  dans  le  cas  d'absence  et  de  non-rési- 
dence que  les  abbés  ont  des  vicaires,  ils  en 
ont  aussi  pour  les  aiderdans  leurs  fondions. 
Voy.  Abbé. 

Vicaire  amovible,  est  celui  qui  est  révoca- 
ble ad  nulum,  à  la  différence  des  vicaires 
perpétuels;  tels  sont  les  vicaires  des  curés 
et  ceux  des  évêques;  on  les  appelle  aussi 
quelquefois  par  cette  raison  vicaires  tempo- 
rets,  parce  qu'ils  ne  sont  que  pour  autant  de 

(1)  .\rticle  reproduit  d'après  l'éiliiioii  de  Licjjti. 


1029 


Vie 


vie 


!0SO 


temps  qu'il  plaît  à  celui  qui  les  a  commis. 
Yoy.  Vicaire  perpétuel  el  Vicaire  tem- 
porel. 

Vicaires  apostoliques,  sont  des  vicaires  du 
sainl-siépe,  qui  l'ont  les  ronctioiis  du  pape 
dans  les  lîglises  ou  provinces  éloigiiérs,  que 
le  saiiit-père  a  commises  à  leurdireclioii.  L'é- 
tablissement de  cessortrs  de  vicaires  est  fort 
ancien.  Àvanfrinstilution  de  ces  vicaires, 
les  papes  envoyaient  que^iuefois  des  légats 
dans  les  provinces  éloignées  pour  voir  ce 
qui  s'y  pass.iil  contre  l.i  discipline  ecclésias- 
tique, et  pour  leur  en  faire  leur  rapport  : 
mais  le  pouvoir  de  ces  légats  était  fort  borné; 
l'auloriié  des  légations,  qu'on  appela  vica- 
rials  apostoliques,  était  plus  étendue.  L'é- 
vêque  de  Thessalonique,  en  qualité  de  vi- 
caire ou  de  légat  du  saint-siége,  gouvernait 
onze  provinces;  il  conlirmait  les  méiropoli- 
lains,  assemblait  les  conciles,  et  décidait 
toutes  les  affaires  difficiles.  Le  ressort  de  ce 
vicariat  fut  beaucoup  restreint  lors  jue  l'em- 
pereur Justinien  eut  obtenu  du  pape  ^'igile 
un  vicariat  du  saint-siéi-'o  en  faveur  de  l'é- 
véquc  d'Acrido,  ville  .i  laquelle  il  fit  porter 
son  nom:  ce  vicariat  fut  entièrement  sup- 
primé lorsque  Léon  l'Isauricu  eut  soumis 
tonte  rillyrie  au  patriarche  d'Antioclie.  Le 
pape  Symmaque  accorda  de  même  à  saint 
Césaire,  arclievéciue  d'Arles,  la  qualité  de 
vicaire  et  l'auloriié  de  la  légation  sur  toutes 
les  Gaules.  Cin(iuanle  ans  après,  le  pape 
V^igilc  donna  le  même  pouvoir  à  Auxanius 
et  à.\urélien,tous  deux  archevêques  d'Arlos. 
Pelage  1"  le  conlinua  à  .Sabandus.  Saint 
Grégoire  le  Grand  le  donna  de  même  à  Vir- 
gile, évoque  d'Arles,  sur  tous  les  Etats  du 
roi  Cliildebert,  et  spécialement  le  droit  de 
donner  des  lettres  aux  évê(iues  qui  auraient 
un  voyage  à  faire  hors  <le  leur  pays,  de  ju- 
gerdes  causes  difficiles,  avec  douze  évoques, 
el  de  convoquer  les  évéques  de  son  vicariat. 
Les  archevêques  de  Ueims  prétendent  ([ue 
saint  Uemi  a  élé  établi  vicaire  apostolique 
sur  tous  les  Etals  de  ^llovis  ;  mais  ils  ne  sont 
point  en  possession  d'exercer  cette  fonclion. 
Les  légats  du  pape,  quelque  pouvoir  (ju'ils 
aient  reçu  de  lui,  ne  sont  toujours  regardés 
en  France  que  comme  des  vicaires  du  pape, 
qui  ne  peuvent  rien  décider  sur  certaines  af- 
faires importantes,  sans  un  pouvoir  spécial 
exprimé  dans  les  bulles  de  leur  légation. 
Yoy.  LÉCAT.  Le  pape  donne  le  litre  de  cicuire 
apostolique  aux  évéques  qu'il  envoie  dans 
les  missions  orientales,  tels  que  les  évéques 
français  qui  sont  présentement  dans  les 
royaumes  de  Tonkin,  de  la  Cochinchine, 
Siam  et  autres,  loi/.  Mission. 

Vicaires  chanoiries,  sont  des  semi-prébcn- 
dcs  ou  des  bénéficiers  institué^  dins  cer- 
taines églises  cathédrales  pour  chanter  les 
grandes  messes  et  autres  offices  :  ce  qui  leur 
a  l'ait  donner  le  nom  de  chanoines  vicaires, 
parce  qu'ils  faisaient  en  cela  les  fonctions 
des  chanoines.  Voy.  le  Gloss.  de  Ducange  au 
mot  Vicarius,  à  l'arlicle  Vicarii  dicti  beneft- 
ciarii,  etc. 

Ficaires  des  curés,  sont  des  prêtres  destinés 
à  soulager  les  curés  dans  leurs  ionctiuns.  et 


à  les  suppléer  en  cas  d'absence,  maladie  ou 
autre  empêchement.  La  première  institution 
de  ces  sortes  de  l'icdirM  est  presque  aussi 
ancienne  que  celle  des  curés.  L'histoire  des 
VI  et  vir  siècles  de  l'Eglise  nous  apprend  que 
quand  les  évêijues  appelaient  aupiès  d'eux 
dans  la  ville  épiscopale  les  curés  de  la  cam- 
pagne distingués  par  leur  mérile,  pour  en 
composer  le  clergé  de  leur  cathédrale  ,  en 
ce  cas  les  curés  commeltaient  eux-mêmes 
des  Vicoires  à  ces  paroisses  dont  ils  étaient 
absents,  et  cel  usage  était  autorisé  par  les 
conciles.  Le  second  canon  du  concile  de 
Mende,  tenu  vers  le  milieu  du  vu'  siècle,  en 
a  une  disposiiion  précise.  Le  concile  de  La- 
tran,  en  1-21S,  canon  ;12,  dit  en  parlant  d'un 
curé  ainsi  appelé  dans  l'égÙse  cathédrale  : 
idonnim  studeal  liabere  vicarium  canonice 
inslitutum.  Les  différentes  causes  pour  les- 
quelles on  peut  établir  des  vicaire/:  dans  les 
paroisses  sont  :  1°  quand  le  curé  est  absent; 
l'évéque,  en  ce  cas,  est  autorisé  par  le  droit 
des  décrélales  à  commettre  un  vicaire.  L'or- 
donnance d'Orléans  confirme  celte  disposi- 
tion. 2"  (Juand  le  curé  n'est  pas  en  état  de 
la  desservir,  soit  à  diuse  de  quelque  infir- 
mité ou  de  son  insuffisance,  le  coik  ile  de 
Trente  autorise  l'évéque  à  commettre  un  vi- 
caire. 3"  Quand  la  |iaroisse  est  de  si  grande 
étendue  et  tellement  peuplée  qu'un  seul  prê- 
tre ne  suffit  pas  pour  l'adminisiration  des 
sacrements  et  du  service  divin;  le  même 
concile  de  Trente  autorise  l'évéque  à  éta- 
blir dans  ces  paroisses  le  nombre  de  prê- 
tres qui  sera  nécessaire.  C'est  aux  évéques 
qu'il  appartient  d'instituer  de  nouveaux  vi- 
caires dans  les  lieux  où  il  n'y  en  a  pas,  ils 
peuvent  en  établir  un  ou  plusienrs,  selon 
l'étendue  de  la  paroisse  et  le  nombre  des 
habitants.  Mais  pour  ce  qui  est  des  places 
de  vicaires  déj.i  établies,  lorsqu'il  y  en  a 
une  vacante,  c'est  au  curé  à  se  choisir  un 
t'icaiVc  entre  les  prêtres  approuvés  par  1  é- 
véque.  Avant  le  concile  de  Trente,  les  curés 
doiinaieut  seuls  à  leurs  vicaires  la  jmidiciion 
nécessaire  pour  administrer  le  sacrement  de 
pénitence  dans  leurs  paroisses  ;  mais  cette 
discipline  est  changée,  et  c'est  à  l'évéque  à 
donner  aux  vicaires  les  pouvoirs  nécessaires 
pour  prêcher  et  ionfesser;  il  peut  les  limiter 
pour  le  temps  et  le  lieu,  et  les  leur  retirer 
lorsqu'il  le  jirge  à  propos.  Opendant  le  pou- 
voir (le  piécher  ne  doit  s'entendre  que  des 
sermons  proprement  dits,  el  non  des  in- 
structions familières,  telles  que  les  piônes, 
les  instructions  familières  et  les  caierhis- 
mes.  Un  curé  peut  commettre  pour  ces  fonc- 
tions tel  ecrlésiasli(]ue  qu'il  juge  à  propos. 
Il  peut  aussi  renvoyer  un  vicaire  qui  ne  lui 
convient  pas.  La  portion  con'.;rue  des  vicai- 
res est  de  i30  liv.,  lorsqu'ils  ne  sont  pas 
fondés.  Les  vicaires  avaient  autrefois,  dans 
certaines  coutumes,  et  notamment  dans  celle 
de  Paris,  le  pouvoir  de  recevoir  les  testa- 
ments, concurreiniiient  avec  les  curés  ;  mais 
ce  pouvoir  leur  .i  élé  ôté  par  la  nouvelle  or- 
donnance des  testaments,  art.  2â. 

Vicaire  de  l'évéque,  est  celui  qui  exerce  sa 
juridiction;  les  évéques  en  ont  de  deux  sur- 


)03l 


Vie 


vie 


1032 


tes,  les  uns  pour  la  juridiction  volontaire, 
qu'on  appelle  vicaires  généraux  ou  grands 
vicaires,  et  quelquefois  aussi  des  vicaires 
forains;  les  autres  pour  la  juridiction  con- 
tenlieuse,  qu'on  appelle  officiai.  Voij.  Vi- 
CAlRK  FORAIN,  Grand  Vicaire,  Official. 

Vicaire- fermier,  étail  celui  auquel  un  curé 
ou  autre  bénéOcier  à  charge  d'âmes  donnait 
à  ferme  un  bénéflce  qu'il  ne  pouvait  ronser- 
ver,  el  que  néanmoins  il  retenait  sous  le 
nom  de  ce  fermier.  Dans  le  concile  qui  fut 
convoqué  à  Londres  parOllon,  cardinal  lé- 
gat, en  1237,  les  1",  8',  9  el  10  décrets  eu- 
rent pour  objet  de  réprimer  deux  sortes  de 
fraudes  que  l'on  avait  inventées  pour  garder 
ensemble  deux  bénéOces  à  <harge  d'âiues. 
Celui  qui  était  pourvu  d'une  cure  comme 
personne,  c'est-à-dire  curé  en  titre,  en  pre- 
nait encore  une  comme  vicaire,  de  concert 
avec  la  personne  à  qui  il  donnait  une  modi- 
que rétribution;  ou  bien  il  prenait  à  ferme 
perpétuelle  à  vil  prix  le  revenu  de  la  cure. 
Ces  abus  étaient  devenus  si  communs,  qu'on 
n'osa  les  condamner  absolument  ;  on  se 
contenta  de  donnera  ferme  les  doyennés,  les 
archidiaconés  et  autres  dignités  semblables, 
les  revenus  de  la  juridiction  spirituelle  et  de 
l'adminislralion  des  sacreuients.  Quant  aux 
vicaireries,  on  défendit  d'y  admettre  per- 
sonne qui  ne  fût  prêtre  ou  en  état  de  l'être 
aux  premiers  Qualre-Temps.  Voij.  le  chapitre 
Ne  cicrici  vel  monuchi  vices  suas,  etc., qui  esl 
un  canon  du  concile  de  Tours,  le  canon 
Prcpcipimus  21,  quœst.  2. 

Vicaire  forain,  est  un  vicaire  d'un  évoque 
ou  autre  prélat,  qui  n'a  de  pouvoir  que  pour 
gouverner  au  dehors  du  cliel-lieu,  et  quel- 
quefois dans  une  partie  seulement  du  terri- 
toire soumis  à  la  juridiction  du  prélat,  comme 
\e  Grand  Vicaire  de  l'ontoise,  qui  est  un  vi- 
caire forain  de  l'archevêque  de  Houen.  Voij. 
Vicaire  générai,.  On  entend  aussi  quelque- 
fois par  vicaire  forain  le  doyen  rural,  parce 
qu'il  esl  eu  cette  partie  le  vicaire  (i>i  l'Evêque 
pour  un  certain  canton.  Voy,  Doyen  rural. 

}  icaire  général  oa  Grand  Picd/re,  esl  celui 
qui  fait  les  fonctions  d'un  évoque  ou  autre 
prélat.  Les  grands  vicaires  ou  vicaires  géné- 
raux des  évéques  sonldes  prêtres  qu'ilseta- 
blissenl  pour  exercer  en  leur  nom  leur  ju- 
ridiction volontaire  ,  et  pour  les  soulager 
dans  cette  partie  des  fonctions  de  l'épiscopat. 
Il  est  parl<"  dans  le  sexle  des  vicaires  géné- 
raux de  l'évêciue,  sous  le  tilre  Ue  officia  vi- 
cirii.  Buniface  Vlll  les  confund  avec  les 
oiflciaux,  comme  on  fail  encore  dans  plu- 
sieurs pays  :  aussi  suppose -t- on  dans  le 
sexle  que  la  juridiction  volontaire  et  la  con- 
tenlieuse  sont  réunies  en  la  personne  du 
vicaire  général  de  l'évêque.  Mais  eu  France 
les  évéques  sont  dans  l'usage  de  confier 
leur  juridiction  conlentieuse  à  des  olliciiiux, 
et  la  volontaire  à  des  grands  vicaires  (1). 
Quand  la  commission  du  grand  vicaire  s'é- 

(1)  Ce  droit  n'est  plus  le  même  :  aujourd'hui  les 
évê(|ues  déterniiiient  les  pouvoirs  qu'ils  accordent  a 
leurs  vicaires  généraux,  lia  plupart  leur  délèguent 
louie  leur  autorité. 


tend  sur  tout  le  diocèse  sans  restriction,  on 
l'appelle  vicaire  général  ;  mais  quand  il  n'a 
reçu  de  pouvoir  que  pour  gouverner  cer- 
taines parties  du  diocèse,  on  l'appelle  vicaire 
général  forain.  L'évêque  n'esl  pas  obligé  de 
nomtner  des  grands  vicaires ,  si  ce  n'esl  en 
cas  d'absence  hors  de  son  évêché,  ou  en  cas 
de  maladie  ou  autre  empêchement  légitime, 
00  bien  à  cause  de  l'éloignemenl  de  la  ville 
épiscopale,  el  enfin  s'il  y  a  diversité  d'i- 
diomes dans  différentes  parties  de  son  dio- 
cèse. La  commission  de  grand  vicaire  doit 
être  par  écrit ,  signée  de  l'Evêque  el  de  deux 
témoins,  el  insinuée  au  greffe  des  insinua- 
lions  ecclésiastiques  du  diocèse  ,  à  peine  de 
nullité  des  actes  que  ferait  le  grand  vicaire. 
Pour  être  grand  vicaire,  il  faut  être  prêire, 
gradué,  naturel  français  ou  naturalisé.  Les 
réguliers  peuvent  être  gfj-anr/.'Ji'(ca«"re»-,  pourvu 
que  ce  soit  du  consentemenl  de  leur  supé- 
rieur. L'ordonnance  de  Blois  défend  à  tous 
olOciers  des  cours  souveraines  el  autres  tri- 
bunaux d'exercer  la  fonction  de  grand  vi- 
caire. 11  y  a  néanmoins  un  cas  où  révé(|ue 
peut  el  même  doit  nommer  pour  son  grand 
vicaire  ad  hoc,  un  cunseiller  clerc  du  par- 
lement ;  savoir  lorsqu'on  y  fail  le  procès  à 
un  ecclésiastique  ,  alin  que  ce  vicaire  pro- 
cède à  l'instruction  ,  conjoiniemenl  avec  le 
conseiller  laïque  qui  en  esl  chargé.  L'évêque 
ne  peut  établir  de  grand  vicaire  qu'après 
avoir  obtenu  ses  bulles  ,  et  avoir  pris  pos- 
session; mais  il  n'est  pas  nécessaire  qu'il 
soit  déjà  sacré.  Il  esl  libre  à  l'évêque  d'éta- 
blir un  ou  plusieurs  grands  vicaires.  Quel- 
ques-uns en  onl  quatre  et  même  plus.  L'ar- 
chevêque de  Lyon  en  a  jusqu'à  douze.  Les 
grands  vicaires  onl  tous  concurremment 
l'exercice  de  la  juridiction  volontaire,  comme 
délégués  de  l'éiêque  ;  il  y  a  cependant  cer- 
taines affaires  imporiantes  qu'ils  ne  peuvent 
décider  ,  sans  l'autorité  de  l'évêque  ;  telles 
que  la  collation  des  bénéfices,  dont  ils  ne 
peuvent  disposer,  à  moins  que  leurs  lettres 
n'en  coiiliennent  un  pouvoir  spécial.  L'évê- 
que peut  limiter  le  pouvoir  de  ses  grands 
vicaires  ,  et  leur  interdire  la  connaissance 
de  cert.iines  afiaires  pour  lesquelles  ils  se- 
raient nalureilemenl  compétents.  Le  grand 
vicaire  ne  peut  pas  déléguer  quelqu'un  pour 
exercer  sa  place.  On  ne  peut  pas  appeler  du 
grand  vicaire  a  l'évêque,  parce  que  c'est  là 
uiôme  juridiction  ;  mais  si  le  grand  vicaire 
excède  son  pouvoir  ou  en  a  abusé,  l'évêque 
peut  le  désavouer  :  par  exemple,  si  le  grand 
vicaire  à  conféré  un  bénéfice  à  une  personne 
indigne,  révê(iue  peut  le  conlérer  à  une  au- 
tre dans  les  six  mois.  Il  est  libre  à  l'évêque 
de  révoquer  son  grand  vicaire  quand  il  le 
jugea  propos,  el  sans  qu'il  soit  obligé  de 
rendre  aucune  raison  ;  il  faut  seuleiuenl  que 
la  révocation  soil  par  écrit  el  insinuée  au 
greffe  du  diocèse  ,  jusque-là  les  actes  faits 
par  le  grand  vicaire  sont  valables  à  l'égard 
de  ceux  qui  les  obtiennent;  mais  le  ^ranrf 
vicaire  doil  s'abstenir  de  toute  fonction,  dès 
que  la  révocâliou  lui  esl  connue.  La  juri- 
diction du  grand  vicaire  finit  aussi  par  la 
morl  de  l'évêque  ,  ou  lorsque  l'évêque  esl 


1055 


Vie 


VIG 


105i 


transféré  d'un  siège  à  un  autre,  on  lorsqu'il 
a  donné  sa  démission  cnire  les  mains  du 
pape.  S'il  survient  une  excommunicaiion, 
su'<ppnse  nu  interdit  contre  l'évéque,  les  pou- 
voirs du  grand  vicaire  sont  suspendus  jusqu'à 
ce  que  la  rerisurc  soit  levée. 

Vicaire  [haut],  est  un  titre  que  l'on  donne 
vulgairement  aux  ecilésinstiques  iiui  des- 
servent, en  i|ualité  de  vicaires  |ierpéluels,les 
caiiunicrits  que  certaines  églises  possèdent 
datis  une  rathédrale,  comme  à  Noire-Dame 
de  Paris,  oii  il  y  a  six  de  ces  vicaires  perpé- 
tuels, ou  hauts  vicaires. 

Vicaire  de  Jésus-Christ ,  c'est  le  litre  que 
prend  le  pape  ,  comme  successeur  de  saint 
Pierre.  Voij.  Pape. 

Vicaire  local,  est  un  f/rand  vicaii'e  de  l'é- 
véque ,  dont  le  pouvoir  n'est  pas  général 
pour  tout  lo  diocèse,  mais  borné  à  une  par- 
tie seulement.  Voij.  Vicaire  forain.  On  peut 
aussi  donner  la  qualité  de  vicaire  local  au 
vicaire  d'un  curé,  lorsque  ce  vicaire  n'est 
attaché  par  ses  roucllons  qu'à  une  porlion 
de  la  paroisse.  Voi).  Vicaire  amovible. 

Vicaire  tié ,  est  celui  qui  jouilde  celle  qua- 
lité, comme  éliiit  atiaché  à  quelque  d'giiité 
dont  il  est  revêtu  ;  tels  sont  les  vicaires  de 
l'empire,  tels  sont  aussi  les  prieurs  do  Saint- 
Denis  en  France  et  de  S.iint-(lermain-(les- 
Prés  à  Paris,  lesquels  sont  grands  Vicaires 
nés  de  rarclievêi|uo  de  Paris  ,  en  vertu  de 
transactions  liomulognées  au  parlement, 
l'un  pour  la  ville  de  S;iiiil-I)enis  ,  l'autre 
pour  le  faubourg  de  Sainl-tiermain  de  la 
ville  de  Paris  ;  l'iinbevéque  ne  peut  les  ré- 
voqner,  tant  (lu'ils  ont  la  qu;iliié  de  prieur 
de  ces  deuK  abbiiyes.  Loi*  ecclésiastiques  de 
d'Héricourl. 

Vicaire  perpétuel ,  c'est  celui  dont  la  fonc- 
tion n'est  point  limitée  à  un  certain  temps, 
mais  doit  durer  loule  sa  vie  ;  tels  sont 
les  vicaires  nés  de  certains  prélats,  les  ecclé» 
siasli(|ue$  qui  desservent  un  cimunicit  pour 
que|(|ue  abbaye  ou  autres  églises,  dans  une 
cathédrale.  Ou  donne  aussi  le  titre  de  vicaires 
perpétuels  aux  curés  qui  ont  au-dessusd'eux 
qu  Iqu'uii  i|ui  a  le  litre  et  les  droits  de  curé 
prinillif.  L'établissement  des  vicaires  perpé- 
tuels ties  curés  ptimitifs  est  fort  tiucien;  les 
lois  de  l'Ivglise  et  de  l  Ktat  l'ont  souveni  con- 
Ormé.  Avant  le  concile  de  Lalran  ,  qui  fut 
tenu  sous  Alexandre  III,  les  moiups  ;iuxqu(l8 
on  avait  abandonné  la  légie  de  la  plupart 
des  paroisses,  cessèrent  de  les  desservir  en 
personne,  s'elTorçant  d'y  mettre  des  prêtres 
;  à  gage.  .'V  leur  exemple,  les  autres  curés  li- 

t  lulaires  donnèrent  leurs  cures  à  fernie  à  des 

chapeJains  ou  vicaires  amovible>,  comme  si 
c'eussiiii  clé  des  biens  profanes,  à  la  cb;irge 
de  certaines  prestaiions  et  cootumes  an- 
nuelles, et  de  prendre  d'eux  tous  les  ans  une 
nouvelle  instilulion.  Ces  espèces  de  vicariats 
amovibles  lurent  défendus  par  le  second 
concile  d'Aix  ,  sous  Louis  le  Débonnane; 
par  le  concile  romain  ,  sous  lirégoire  \'A\; 
par  celui  de  Tours,  sous  .Mexumlre  111;  par 
par  celui  de  Latran,  sous  Innocent  111,  et  par 
plusieurs  autres  papes  et  conciles ,  qui  or- 
donnent que  les  ficaires   choisis  pour  gou- 

DlCT.  DE  ThÉOI..    DOli.MATIQLE.  IV. 


verner  les  paroisses  soient  perpétuels  et  ne 
puissent  être  institués  et  destitués  que  par 
l'cvêque  ;  ce  qui  s'entend  des  vicaires  qui 
sont  nommés  aux  cures  dans  lesquelles  il 
n'y  a  point  d'autres  curés  qu'un  cure  pri- 
mitif, qui  ne  dessert  point  iui-mêiie  sa  cure. 
Le  concile  de  Trente,  scss.  vu  ,  cli.  7,  liisse 
à  la  prudence  des  évê(jues  de  nonuncr  des 
vicaires  perpétuels  ou  des  vicaires  amovibles 
dans  les  paroisses  unies  aux  chapitr<s  ou 
monastères;  il  leur  laisse  aussi  le  soin  de 
fixer  la  portion  congrue  de  ces  vicaires.  L'ar- 
ticle 2'i-  (lu  règlement  des  réguliers  veut  que 
toutes  communautés  régulières  exemples, 
qui  possèdent  des  cures,  comme  cuiés  pri- 
mitifs, soient  tenus  d'y  souffrir  des  vicaires 
perp'luels  ,  lesquels  seront  établis  en  lilre 
par  les  évêques,  auxquels  vicaires  il  est  dit 
qu'il  sera  assigné  une  portion  c  mgrue,  telle 
que  la  qualité  du  bénéfice  et  le  nombre  du 
peuple  le  requenont.  Les  ordoniuinces  do 
nos  rois  sont  aussi  formelles  pour  rétablisse- 
ment des  vicaies  prpélaels  ,  nolammenl  les 
déclarations  do  mois  de  j^inviec  H)8G  ,  celle 
de  juillei  1()1I0,  et  l'article  2'i- d(^  l'édildu  mois 
d'.ivnl  l()!)o.  Les  vicaires  prrpéiuels  peuvent 
prendre  en  tous  actes  la  qualité  de  cure  si  ce 
n'est  vis-à-vis  di  curé  priiiiil  t".  Déclaration 
dua  octobre  1726,  art.  2.  La  nomination  des 
vicaires  amovibles,  chapelains  et  autres  pré- 
Ires,  appartient  au  vicaire  perpétuel,  <'l  non 
au  curé  primitii.  L;i  porlion  ('nugrue  îles  vi- 
caires perpétuels  a  souvent  vaiié;  mais  la 
valeur  en  a  cté  drfinilivemenl  fixée  par  l'é- 
dit  du  mois  de  mai  17(58,  d.iiis  lequel  le  légis- 
lateur a  étendu  sa  prévoyance  sur  cet  objet 
aux  temps  les  plus  reculés.  Voy.  Curé,  Pur- 

T. ON    CONGRUE. 

Vicaire  provincial  ou  local  ,  est  le  vicaire 
d'un  évéque  ou  autre  prélat  ,  qui  n'est  com- 
mis par  lui  que  pour  un  certain  canton.  Les 
curés  peuvent  aussi  avoir  des  vicaires  lo- 
caux. Voy.  ci-devani,  Vicaire  local. 

Vicaire  du  sainl-slége,  est  la  même  chose 
que  vicaire  apostolique.  Voy.  Légat  et  Vi- 
caire APOSTOLIQLE. 

Vicaire  ou  secondaire  ;  c'est  un  second 
prêtre  destiné  à  sou.ager  le  curé  dans  ses 
fonctions.  Voy.  Vicaire  amovible  ,  Vicaire 

DES   CURÉS. 

i>'oMs- 1  icaire,  que  l'on  appelle  aussi  ypo- 
vicaïre  ,  est  un  prêtre  éialili  par  le<  curés 
sous  le  vicaire,  pour  l'aider  lui  et  son  vicaire 
dans  ses  foncliiins  eiiriales.  Un  cure  peut 
avo.r  pliisirurs  sous-vicaires. 

Vicaire  temporel  ,  est  celui  ()ui  est  nommé 
pour  un  temps  seulement.  Voy.  \  icaiheauu- 

VIBLK. 

VICK.  Ce  mot  dans  l'origine  signifie  dé- 
faut, mamiuement  ;  il  »e  dit  dans  le  sens  phy- 
sique et  (tans  le  sens  mural.  Dans  celui  ci, 
il  exprime  une  iiulinatiou  natiiiclie  ou  une 
babiiuile  coiiiraclée  île  faire  ce  que  la  lui  de 
Dieu  dél'eiid.  De  même  qu'un  ieît<ilu  u  'inlire 
(le  bonnes  actions  qu'un  homme  a  f.iiles  ne 
prouve  pas  qu'il  est  né  vertueux  ,  plusieurs 
fautes  dans  lesquelles  il  est  lomiié  ne  prou- 
vent pas  non  plus  qu'il  soit  né  vicieux  ;  c'est 
l'habitude  des  unes  ou  des  autres  qui  décide 
33 


1035  Vie 

de  son  caractère.  Un  homme  peut  être  né 
avec  une  forte  inclination  au  vice,  et  acqué- 
rir cependant  l'habitude  de  la  vertu  pgr  sa 
persévérance  à  coniballre  son  penchant;  se- 
lon la  maxime  reçue,  l'habitude  est  une  se- 
conde nature;  alors  la  vertu  est  plus  méri- 
toire que  si  elle  coûtait  moins.  Quelques 
philosophes  modernes,  très-mauvais  mora- 
listes, ont  soutenu  qu'un  vice  de  caractère 
ne  se  corrigeait  jamais  parfaitement  ;  ils  ont 
eu  lort  :  l'exemple  de  plusieurs  saints  per- 
sonnages prouve  qu'avec  la  grâce  do  Uicu 
et  la  persévérance  à  réprimer  un  mauvais 
penchant  ou  um^  habitude  très-forte,  par  des 
actions  contraires  ,  l'homme  peut  vtnir  à 
bout  de  se  réformer  entièrement ,  la  préten- 
tion contraire  n'est  propre  qu'à  nous  ôlerle 
courage  et  à  endurcir  les  pécheurs  dans  le 
vice.  Voy.  Vertu. 

Dans  les  diverses  laniiues ,  le  mot  vice  est 
souvent  rendu  par  celui  de  péché ,  quoique 
le  sous  ne  soit  pas  exactement  le  même. 
Péché,  dans  l'acception  la  plus  conimune, 
est  une  action  volontaire,  libre,  réfléchie,  et 
coniraire  à  la  loi  de  Dieu  ,  par  conséquent 
imputable  à  celui  qui  la  commet  ;  uu  vice 
naturel  n'est  ni  volontaire  ni  imjiulable, 
surtout  quand  un  homme  s'attache  à  le  com- 
battre et  à  le  corriger.  Lorsqu'il  a  été  con- 
tracte par  habllude  ou  par  des  actes  réité- 
rés, il  est  libre  et  volontaire  dans  sa  cause; 
mais  il  peut  être  devenu  assez  fort  pour  di- 
minuer beaucoup  la  liberté  de  chaque  ac- 
tion qui  en  provient.  Si  l'on  avait  pris  la 
peine  de  distinguer  exactement  ces  deux 
choses,  on  n'auriit  pas  si  souvent  abusé  des 
passages  dans  lestguels  saint  Paul  nomme 
péché  la  concupiscence,  ou  le  penchant  na- 
turel au  mal  avec  lequel  nous  naissons.  Ce 
penchant  est  un  vice,  un  très-grand  défaut 
de  noire  nature  déchue  de  l'innocence  pri- 
mitive, par  la  faute  de  notre  premier  père; 
mais  ce  n'est  pas  un  péché  proprement  dit, 
ou  une  mauvaise  qualité  libre,  imputable  et 
punissable;  saint  Paul  ne  dit  rien  qui  puisse 
la  faire  envisager  ainsi. 

Saint  Augustin  a  très -bien  démêlé  cette 
équivoque,  l.  de  Perfect.  jusliliœ  hom.,  c.21, 
n.  kh.  i<  La  concupiscence,  dil-il,  a  été  ap- 
p-alée  péché  dans  un  autre  sens  ,  parce  que 
c'est  pécher  que  d'y  consentir,  et  qu'elle  est 
excitée  en  nous  malgré  nous.  »  Lib.  i,  Con- 
tra duas  Episl.  Pelag. ,  c.  13  ,  n.  27.  «  La 
concupiscence  est  appelée  péché,  non  parce 
que  c'est  un  péché  ,  mais  parce  qu'elle  est 
l'effet  du  péché,  à  savoir  celui  d'Adam.»  L. 
I  Betract.,  c.  13,  n.  2.  «  Lorsque  l'Apôtre 
dit  :  Je  fuis  ce  que  je  ne  veux  pas,  il  appelle 
cette  disposition  péché,  parce  qu'elle  est 
l'effet  et  la  peine  du  péché.  »  il  le  répète,  lib. 
de  Continent.  ,  c.  3,  n.  8  ;  l.  de  Nupl.  et 
Concept.,  c.  23,  n.  23  :  1.  ii.  Op.  impeif., 
n.  71,  elc.  Si  donc,  dans  le  cours  de  ses  dis- 
putes avec  les  pél;igicns,  il  semble  quelque- 
fois envisager  la  concupiscence  connue  un 
péché  habilu:  1,  iaipulable  et  condamnable, 
il  entend  certainement  par  là  un  vice ,  un 
léJHUt,  une  qualité  qui  n'est  ni  louable  ni 
absolument  innocente  ,  cumme  le  prélen- 


VIC  108(5 

daient  les  pélag^ens.  Dès  qu'un  auteur  s'est 
expliqué  déjà  plusieurs  fois  d'une  manière 
nette  et  précise  ,  c'est  une  injustice  d'argu- 
menter sur  toutes  ses  expressions  ,  et  de  les 
prenilre  à  la  rigueur.  11  est  d'ailleurs  évi- 
dent, par  le  texte  même,  que  saint  Paul  \'a, 
entendu  dans  le  sens  que  nous  lui  donpoqs, 
et  que  notre  versiqn  serait  beaucoup  plus 
claire,  si  au  lieu  (Je  (rqduire  ifta^Tw  ,  parpec- 
catwn,  ïtom.,  c.  yii,  v.  7  el  seq.  ,  on  l'avait 
rendu  par  vitium;  le  terme  gresc  et  le  latin 
ne  signifient  souvent ,  dans  les  divers  au- 
teurs, qu'un  défaut,  une  imperfection  quel- 
conque, soit  volontaire,  soit  involontaire,  et 
il  en  est  *le  même  du  i/ç\Qt  péchçr  ,  en  fran- 
çais. 

VlCf  IME  ,  créature  vivante  offprte  en  sa- 
crifice à  la  Divinité.  Ce  terme  et  celui  d'hos- 
tie, qui  a  le  même  sens,  sont  évidemment 
dérivés  du  latin  hoslis  viçtus,  çnnemi  vaincu  ; 
ils  nous  font  connaître  la  coutume  barbare 
des  Romains  d'immoler  à  leurs  dieux  les  pri- 
sonniers de  guerre;  elle  a  duré  pqrmi  eux, 
au  moins  jusque  dans  les  derniers  temps  de 
lu  république.  Un  général  yicto^•ieux  à  qui 
l'on  accordait  les  honneurs  du  triompl)e 
traînait  après  son  char  les  rois,  les  généraux, 
les  chefs  des  nations  vaincues  ,  encbainés 
comme  ^les  criminels,  et  la  cérémonie  finis- 
sait par  les  mettre  à  mort.  Cet  us^ge  cruel, 
el  qui  peint  l'atrocité  du  caractère  des  llotr 
mains,  ne  subsiste  plus  que  chez  les  nations 
sauvages  ,  et  il  n'eut  jamais  lieu  chez  les 
adorateurs  du  vrai  Dieq. 

La  loi  de  Moïse  ordonnait  de  choisir  (^es 
ani(iiqux  sans  tache  et  sans  défaut  pour  Içs 
olîrir  au  Seigneur,  parce  que  les  hommes 
ont  coutume  de  choisir  ce  qu'ils  oi^l  de 
meilleur  pour  en  faire  présent  à  une  per- 
sonne qu'ils  veulent  honorer.  C'aurait  donc 
été  un  défaut  de  respect  et  de  reconnaissance 
envers  Dieu  ,  si  on  ne  lui  avait  offert  que 
ce  qu'il  y  avait  de  plus  imparfait  çt  de  moin- 
dre prix  parmi  les  animaux.  Dieu  avait  en- 
core défendu  d'immoler  les  animaux  dont 
la  chair  était  malsaine,  parce  que,  dans  plu- 
sieurs sacrifices  ,  une  partie  de  la  vicliïfie 
dL'vait  élre  mangée  par  les  prêtres  et  pur 
ce\ix  qui  l'oiîraient.  1|  est  encore  Irès-prg- 
balile  qu'outre  cette  raison  de  santé,  I\loisi; 
avait  défendu  d'ofTrir  certains  animaux  , 
parcp  que  c'étaient  les  victimes  que  les  ido- 
lâtres immolaient  par  préférence  à  leurs  di- 
vinités. 

Il  est  dit  dans  le  Nouvçau  Teslament ,  que 
Jésus-Chrisl  a  été  noire  victime,  paice  qu'il 
s'est  offert  lui-même  en  sacrifice  à  Dieu  son 
Père  ,  Dour  la  rédemption  du  genre  hu- 
main. De  même  que  les  Juifs  rachetaient 
les  premiers-nés  de  leurs  enfants  par  le 
sacrifice  d'une  liclime,  Jésus-Christ  nous  a 
rachetés  en  se  livrant  lui-même  à  la  mort, 
et  en  donnant  spi^  sang  pour  le  prix  de 
notre  rédemption. 

Los  incrédules  ,  qui  ont  le  talent  de  tout 
empoisonner,  disenl  que  ce  doguie  est  uni- 
quemraent  fondé  sur  la  fausse  idée  dans 
laquelle  ont  été  tous  les  peuples,  qu'il  fallait 
du  sang  hum  lio  pour  apaiser  la  colère  du 


im 


vie 


VIO 


1038 


ciel.  Ils  n'ont  pas  vu  que  cest  au  contraire 
la  mort  de  Jésus-Christ  pour  tous  les  hom- 
mes, qui  a  détruit  pour  toujours  la  funeste 
erreur  que  le  ])aganisme  avait  répandue 
chez  tous  les  peuples.  En  faisant  cesser  toute 
espèce  d'effusion  du  san;;  sur  les  autels  du 
Seigneur,  Jésus-Christ  a  banni  pour  jamais 
d'une  grande  partie  do  l'univers  la  coutume 
tiarbare  d'immoler  des  hommes,  et,  dans  ce 
sens,  il  a  encore  été  le  Sauveur  d'un  très- 
grand  nomhre  de  ces  mallieurcuscs  victimes. 

Saint  Paul,  dans  sa  Lettre  aux  Hébreux, 
c.  IX,  nous  a  donné  de  ce  mystère  des  idùes 
plus  vraies  et  plus  dignes  de  Dieu,  il  observe 
que  l'usage  a  été  de  confirmer  les  alliances 
par  un  sacriTice;  on  attestait  ainsi  la  pré- 
sence de  la  Divinité,  puisque  l'on  n'a  jamais 
offert  do  sacrifice  qu'à  un  être  que  l'on  pre- 
nait pour  un  Dieu  ;  aussi  l'Apôtre  fait  remar- 
quer ((ue  l'alliance  de  Dieu  avec  les  Israé- 
lites fut  cimentée  par  l'effusion  du  sang  des 
victimes,  et  que  sous  l'aiicionne  loi,  celle 
elYusiou  était  le  signe  et  le  gage  de  la  ré- 
mission des  péciiés.  De  là  il  conclut  qu'il 
était  convenable  que  la  nouvelle  alliance, 
bien  supérieure  à  la  première,  fût  aussi  con- 
firmée par  le  sang  d'une  victime  plus  pré- 
cieuse, par  la  mort  du  Fils  de  Dieu  même. 
Loin  de  nous  donner  par  là  aucune  idée  de 
cruauté  de  la  part  de  Dieu,  il  nous  fait  con- 
cevoir l'excès  de  sa  boulé  et  de  sa  clémence. 
C'est  Dieu  qui  a  fait,  pour  ainsi  dire,  tous 
les  frais  du  Siicrificc  ;  il  a  donné  aux  hom- 
mes son  Fils  unique  pour  victime  et  pour 
prix  de  leur  rcdemplion.  Mais  il  n'a  pas 
voulu  que  cette  divine  hostie  péril  pour 
toujours,  il  a  ressuscité  son  Fils  trois  jours 
après  sa  mort,  et  l'a  mis  ainsi  on  possession 
d(;  tous  les  honneurs  el  de  tous  les  apanages 
delà  Di^inité;il  a  fait  cesser  toute  raison 
de  répandre  du  sang  sur  l.'s  autels. 

D'autre  pari,  les  socinions,  en  prenant 
les  termes  d'hostie  ,  de  victime  ,  de  sacrifice  , 
de  réileiiiption,  dans  un  sens  métaphoi  i(|ue, 
ont  renversé  toute  la  théologie  de  saint 
Paul.  Si  Jésus-Christ  s'est  immolé  pour  les 
hommes,  dans  ce  sens  seulement  qu'il  est 
mort  pour  conlirmer  la  vérité  de  sa  docirini", 
pour  leur  donner  l'exemple  d'une  parf.iite 
soumission  à  Dieu,  [jour  inspirer  du  cou- 
rage aux  martyrs,  etc.,  quelle  ressemblance 
y  a-t-il  entre  l'oltjel  et  les  motifs  de  celle 
mort,  et  ceux  de  l'immolation  des  vic'imisY 
Des  leçons  ,  des  exemples  ,  ne  sont  ni  un 
prix,  ni  un  rachat,  ni  un  échange,  ni  une 
ex|iialion.  Dans  celle  liypothèse,  saint  l'aul 
a  parlé  un  langage  inintelligible;  les  juifs 
auxquels  il  l'adressait  n'y  ont  pu  rien  coai- 
p  rendre. 

Nous  savons  que  les  païens,  dans  les  c,i- 
lamiiés  publiques  qu'ils  regrirdaiiMit  comme 
un  effet  île  la  colèie  du  ciel ,  vouaient  aux 
dieux  une  victime  d'expintion.  L'on  cherchait 
dans  toute  la  ville  ou  dans  toute  la  contrée 
riiomuie  le  plus  laid  ,  et  on  le  d  -stiniiit  à 
être  immolé -,  on  le  donnait  en  spectacle  à 
tout  le  peuple,  et  on  le  condui^'ait  ainsi  an 
lieu  où  il  dev.ii;  être  mis  à  mort.  On  lui 
mettait  à  la  main   uu  fromage,  uu  morceau 


de  pâte  et  des  Ggues;  on  le  battait  sept  fois 
avec  un  faisceau  de  verges  fait  de  certains 
arbrisseaux,  on  le  brûlait  enfin  dans  un  feu 
fait  de  bois  d'arbres  sauvages  ,  en  pronon- 
çant celte  formule  :  Que  cette  victime  expia- 
trice  soit  propiliation  pour  nous  :  on  lui  don- 
nait le  nom  de  xj.'Jctfiuc/.,  purification,  ou  ex- 
piation ,  et  de  TzerA-^nya,  uTilure ,  bdlayure, 
raclure  du  monde.  Nous  ne  nous  arrêterons 
poinl  à  relever  l'absurdité  et  la  démence  de 
ce  sacrifice;  mais  nous  demandons  à  tous 
les  incrédules,  si  l'on  peut  faire  quelque 
comparaison  entre  cette  malheureuse  victime 
et  Jésus-t^hrist,  qui  n'a  été  mis  à  mort  que 
par  la  jalousie  qu'avaient  donnée  aux  Juifs 
ses  leçons,  ses  vertus,  ses  miracles,  ses 
bienfaits. 

Un  commentateur  protestant  a  jugé  que 
saint  Paul  faisait  allusion  à  cet  usage  des 
païens  ,  /  Cor.,  c.  iv,  v.  9  et  13,  lorsqu'il  a 
dit  :  Je  pense  que  Dieu  nous  a  fuit  paraître 
les  derniers  des  apôtres  ,  comme  des  hommes 
dévoués  à  la  mort,  puisque  nous  sommes  don- 
nés en  spectacle  au  mnnde,  aux  anrjes  et  aux 

hommes jusqu'à  présent   nous   sommes 

comme  tes  bcdnyures  du  monde,  Tzspt.-aSipiiaTa, 
comme  l'ordure  rejelée  de  tous,  ■Kzpil^YiJ.c.  Si 
cette  conjecture  est  juste,  un  protestant 
n'avait  pas  intérêt  del'adopter.  Saint  Ignace, 
près  de  souffrir  le  martyre,  écrit  aux  Ephé- 
siens,  n.  8:  «  Je  serai  votre  vit-lime  d'expia- 
tion, 7T£fi//r,fic<,  et  une  purification,  /yvr.o-ua, 
pour  l'Lglise  d'Ephèse.  i^  Il  nous  paraît  que 
ces  deux  passages  rapprochés  prouvent  que 
li's  souffrances  des  saints  peuvent  nous  ser- 
vir d'eypiation,  du  moins  par  voix  d'inter- 
cession. Voy.   Saints,  §t);  Sachifices,  etc. 

VICTOUINS,  chanoini-s  réguliers  de  Saint- 
Victor,  tlont  le  chef-lieu  est  l'abliaye  de  ce 
nom,  fondée  à  Paris  par  Loui>  VI,  ou  le  Gros, 
l'an  1113.  Tout  ce  que  nous  savons  de  cer- 
tain de  son  origine,  dit  l'anteu.'  des  liecher- 
ches  sur  Paris,  c'est  (ju'au  commencement 
du  xir  siècle,  il  y  avait  dans  le  même  lii'u 
une  chapelle  de  Saint-Viclor,  uù.  l'on  conser- 
vait des  reliques  de  ce  martyr.  Guill  luine 
dct^hainpeaux,  archidiacre  de  Paris,  maitre 
du  fameux  Abailard  ,  s'y  retira  avec  quel- 
ques-uns de  ses  disciples  et  de  ses  amis,  y 
prit  l'habit  avec  eux,  embrassa  la  vie  de 
chanoine  régulier.  Bientôt  leurs  vertus  et 
les  talents  du  chef  de  celte  colonie  rendi- 
rent leur  maison  célèbre  ;  [)lusieurs  furent 
ajypclés  pour  former  ailleurs  des  congréga- 
tions sur  le  modèle  de  celle  de  Sai[il-V  iclor. 
Elle  a  donné  à  l'Eglise  plusieurs  hommes 
d'un  grand  mérite,  et  recomm.indables  par 
leurs  vertus.  Hugues  et  Hichanl  de  Sainl- 
Victor ,  Pierre  Lombard,  le  poète  San- 
teuil,  etc.,  étaient  de  cette  maison  ;  l'an  11^8, 
on  en  lira  douze  chanoines  pour  réformer 
ceux  de  Sainte-Geneviève.  11  va  dans  la  bi- 
bliothèque, qui  devrait  être  publique,  une 
histoire  des  grands  hommes  de  ce  mona- 
stère, en  sept  vol.  in-fol.,  composée  par  le  P. 
Gourdan,  l'un  des  chanoines.  Voy.  \'ie  des 
Pères  et  des  Mar!.,  t.  VI,  p.  k-29. 

^'IE.  Dan  l'Ecriture  sainle,  ce  moi  signi- 
fie iion-seulemenl  la  vie  temporelle  du  corps, 


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Vie 


VIE 


lf)40 


mais  pncore  la  vie  spirituelle  de  l'âme  ;  la 
vie  pass;igère  que  nous  menons  sur  la  lerre, 
et  la  vie  éleriielle  que  nous  espérons  dans 
le  ciel.  Quelquefois  il  désigne  les  vivres,  les 
moyens  de  subsistance;  ôter  nu  pauvre  sa 
vie,  c'est  le  priver  d'un  secours  nécessaire 
pour  la  conserver.  Plus  souvent  il  exprime 
la  santé,  la  prospérité,  la  joie  el  le  bonheur, 
au  lieu  que  la  mort  désigne  le  deuil,  l'afllic- 
lion,  la  maladie,  la  douleur  ;  citte  mi'la- 
phore  se  trouve  dans  la  plupart  des  langues. 
Pour  saluer  quelqu'un,  les  Latins  disaient 
ave,  anciennement  hâte,  vivez  ;  et  salve  ou 
raie,  porlez-vous  bien  ;  les  Grecs  /aipe,  soyez 
dans  la  joie,  les  Hébreux  sckalom  leca,  la  paix 
soit  avec  vous  :  les  chrétiens,  convaincus 
que  Dieu  est  le  seul  auteur  de  la  vie  , 
de  la  santé  et  du  bonheur,  disent  adini, 
soyez  bien  avec  Dieu  :  loutes  ces  formules 
reviennent  au  même.  Quand  on  crie,  vive  le 
roi,  on  lui  souhaite  la  santé  el  la  prospé- 
rité. Conséquemmenl  dans  les  livres  saints, 
vivifier  se  dit  fréquemment  pour  consoler, 
guérir,  rendre  le  repos  il  la  joie,  nème  pour 
rétablir  une  chose  ininimée  dans  si>n  pre- 
mier élal.  Le  prophète  Habacuc,  d.ms  sa 
prière  à  Dieu  pour  le  rétablissement  des 
Juifs,  lui  dit,  V.  II  :  Seigneur,  c'est  votre  ou- 
vrage, viviFiEZ-/e  (tu  iiitliea  des  temps,  faites 
revivre  leur  ancien  bonheur.  Jiais  dans 
Ezédiiel,  c.  xiii,  v.  11),  où  il  est  dit  que  les 
faux  prophèLs  tuaient  les  âmes  ([ui  n'étaient 
pas  mortes,  et  qu'ils  vivifiaient  celles  qui 
n'étaient  pas  vivantes,  par  les  mensonges 
qu'ils  persuadaient  au  peuple,  cela  signilie 
qu'ils  menaçaient  de  la  mort  ceux  qui  l'au- 
raient évitée,  en  rejetant  leurs  mensonges, 
et  qu'ils  prometlaient  la  vie  à  ceux  qui  ne 
pouvaient  manquer  de  périr  en  les  écou- 
lant. Dieu  est  appelé  le  Dieu  vivant,  pour  le 
distinguer  des  faux  dieux  qui  n'existaient 
pas,  et  de  leurs  idoles  qui  ne  vivaient  pas. 
Une  formule  de  serment,  chez  les  Juifs,  était, 
le  Seigneur  est  vivant,  c'est-à-dire  il  est  vi- 
vant et  présent  pour  me  punir,  si  je  mens. 
La  terre  des  vivants  signilie  quelquefois  la 
lerie  ou  nous  vivons,  o'auires  fois  le  ciel  où 
la  mort  ne  |;eul  plus  avoir  lieu.  L  n'y  a  point 
de  vériiable  ne.  dit  saiiil  Augustin,  qoe  celle 
où  l'on  est  beunux,  où  l'on  ne  cramt  ni  de 
déchoir  ni  de  soulTiir.  Les  eaux  vives  sont 
des  eaux  pures  rt  courantes;  iiia;s  dans  l'E- 
vangile, Jt'sus-Llirisl  a|.ptlle  fontaine  d'eau 
'  vive  sa  doctrine,  qui  donne  a  noro  âuie  la 
vie  spirituelle,  el  iiou>  conduit  à  la  vie 
étemelle.  Dans  le  niême  sens  il  a  dit  :  Je  suis 
la  voie,  la  vérité  et  la  vie  [Joaii.,  xii,  l'i-j. 

Lu  traitant  l.i  (jnestion  Ue  savoir  quel  est 
le  principe  de  la  vie  dans  lis  corps  ani- 
més, les  philosophes  modernes  ue  nous  ont 
débité  que  des  inepties  el  des  mois  qu'ils 
n'entendaient  pas.  Tous  imbus  de  matéria- 
lisme, ilsoiiif.iit  mil.e  tentaiives  pour  prou- 
ver qu'il  y  a  un  principe  de  mouveiuenl  el 
de  vie  dans  la  matière.  Mais,  en  dépit  de 
toutes  les  rêveries  philosophiques,  lous  les 
hommes  sont  convaincus  par  le  seutimerit 
intérieur,  par  la  conscience,  qu'il  y  a  évidem- 
ment dans  la  nature  deux  substances  ;  l'une 


morte,  inerte,  passive,  que  nous  nommons 
la  matière,  l'autre  active,  principe  de  vie,  de 
mouvement,  de  sentiment,  de  pensée,  que 
nous  appelons  Vesprit;  le  voir  dans  la  ma- 
tière, c'est  concevoir  que  la  vie  peut  venir 
de  la  mort  ;  le  mouvement  du  repos  et  de  l'i- 
nertie; la  pensée,  de  ce  qui  ne  pense  pas. 
Depuis  deux  mille  ans  qu'une  secte  d'insen- 
sés y  travaille,  elle  n'a  gagné  que  du  mé- 
pris ;  y  en  employât-elle  encore  autant,  elle 
n'étouffera  pas  le  sens  commun. 

Meilleur  philosophe  que  lous  ces  vision- 
naires, Moïse  a  écrit  dans  un  style  intriiiiri.. 
ble  à  tous  les  hommes,  Gen.,  c.  i,  v.  2'i.  et 
26;  c.  II,  V.  7,  Deu  ilit  :  Que  la  terre  pro- 
duise des  êtres  vivants,  chacun  dans  son 
genre,  les  quadrupèdes,  les  reptiles  et  lotts 
les  animaux  terrestres  selon  leur  espèce.  Il 
avait  déjà  dit  la  même  chose  des  jil.in- 
tes  ,  des  poissons  el  des  oiseaux.  Dieu 
dit  ensuite  :  [•'aisons  l'homme  à  notrv  image 
et  à  notre  ressemblance,  et  qu'il  préside  à 
toute  créature  vivante...  Dieu  forma  donc 
l'homme  du  limon  de  la  terre,  il  souffla  sur 
son  visage  un  esprit  de  vie,  l'homme  fut  un 
être  animé  et  vivant.  Selon  ce  même  texte,  la 
repioduction  de  toutes  ces  créatures  est  l'ef- 
fet d'une  bénédiction  que  Dieu  leur  a  don- 
née, leur  fécondil;''  ne  peut  passer  les  bor- 
nes, ni  transgresser  les  lois  qu'il  a  pres- 
crites, aui  une  ne  peut  se  [lerpétuer  que  se- 
lon'son  ginre  et  son  espèce.  Le  même  ordre 
est  établi  pour  les  végétaux  :  Dieu  y  a  mis 
le  germe  immortel  qui  doit  en  conserver 
l'e-péce  ;  sans  ce  germe,  aucune  reproduc- 
tion n'est  possible;  jamais  on  ne  fera  sortir 
la  vie  d'une  molécule  de  matière  à  laquelle 
Dieu  ne  l'a  pas  donnée.  Toutes  ces  vérités 
deviennent  encore  plus  sensibles,  lors(|u'il 
s'agit  de  la  vie  de  l'homme.  Cette  vie  est 
non-seulement  la  chiine  des  mouvements 
qu'il  reçoit  du  dehors  et  desquels  il  a  le  sen- 
timent ou  la  conscience  ,  non-seulemeiil  la 
suite  des  mouvi'ineiits  spontanés  qu'il  pro- 
duit lui-même,  mais  encore  la  suite  de  ses 
pensées  et  de  ses  vouloirs,  desquels  il  a  éga- 
lement la  conscience  et  le  sentiment.  Les 
|ihilosoplies  qui  ont  cherché  dans  la  matière 
le  principe  de  la  vie  sensitive  ou  animale, 
ont- prétendu  y  trouver  aussi  celui  de  la 
pensée  et  du  vouloir;  ou  conçoit  qu'ils  ont 
encore  moins  réussi  à  l'un  qu'à  l'aulie. 
Vog,  Ame. 
Vie  fuiure.  Voy.  Immortalité  de  l'ame 
Vie  éternelle.  \oy.  Honhelii. 
Vie  ues  saints.  Voy.  Saints  et  Lé- 
gende. 

VILIL  HOMME.  Voi/.  Homme. 
VILUGli,  VlKlilNITE.  Les  Hébreux  dési- 
gnaient une  vierge  piir  le  mol  halma,  per- 
sonne caihée  ou  voilée  et  renfermée,  parce 
que  l'usage  des  Orientaux  fut  touj  mis  de 
retenir  les  jeunes  tilles  dans  un  appartemeul 
séparé,  de  ne  point  les  laisser  sortir  sans 
être  voilées,  ni  paraître  à  visage  découvert 
que  devant  leurs  proches  parents.  11  est  dil 
de  Kébecca,  qu'elle  n'était  connue  d'aucun 
homme,  Gen.,  c.  xxiv,  v.  10  ;  lorsqu'elle 
aperçut  de  loin  Isaac,  sou  futur  époux,  elle 


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se  couvrit  d'un  Toile ,  v.  65.  Cet  usage 
élait  contrnire  à  cv\ui  de  l'Occident  où  les 
filles  paraissent  en  public  à  visage  décou- 
vert, ponilant  nue  les  femmes  se  voilaient; 
chez  les  Romains,  nuhere.  se  voiiiT,  signiGait 
se  marier.  Le  sévère  Terlullien  blâmait  avec 
raison  rette  couluiiie  ;  il  soulenail  que  les 
vierges  devaient  éire  voilées  pluliU  nue  les 
reinines.  L.  de  fdandis  Viiginili. — Nous  ne 
voyons  cbez  îes  Juifs  aucun  exemi^le  de  la 
profession  d'une  rirginité  perpélui'lli',  mais 
seulement  de  la  continence  des  veuves  après 
la  mnrl  de  leur  mari,  el  on  leur  en  fait  un 
méii  e.Juitiihc  st  louée  de  la  reiraile,  du  jeù^ 
ne,  des  morlitications  qu'elle  pratiquait  ilans 
Sun  ïeuvage,  c.  \  M.  v.  5  ;  ie  pièlrc  Ozias  et 
les  anciens  ilu  pi'U|tle  la  nonnnent  une  fi  inme 
sa  nte  et  cri'yniiiit  Dieu,  v.  29.  Le  ^rand 
prê're  lui  dit  :  Parce  (/ne  vous  avez  aimé  la 
Ci'tnxirte,  el  ijur  vous  n'acrz  pas  pris  un  se- 
cond mari,  l.i  main  du  Seifineur  vous  n  for- 
tij:ée  :  vous  m  sccz  liénio  éteinellement,  c. 
'xv.v.'ll.  L'!''.v(in;;ile  donne  à  peu  piès  les 
mêmes  éloges  à  la  proplielesse  Anne,  veuve 
très-àgée,  Luc,  c.  ii,  v.  36.  Dans  les  Acics, 
c.  XXI,  V.  S),  il  est  dit  (]ue  Philippe»,  l'un  des 
sept  diacres,  avait  quatre  filles  viergi-s,  qui 
prophétisaient,  mais  il  n'est  pas  certain 
qu'elles  avaient  voué  à  Dieu  leur  virginité. 
Dès  le  11'  siècle,  rE;{lise  chrétienne  se 
glorifiait  d'avoir  plusieurs  personnes  de  l'un 
el  de  l'autre  sexe  qui  professaient  la  conti- 
nence, et  les  apologistes  du  christianisme  le 
faisaient  remarciuer  aux  païens.  «  Parmi 
nous,  dit  saint  Justin,  Afiol.  1,  n.  15,  un 
grand  iiomlire  di'  personne-,  des  deux  sexes, 
âgées  de  6t)  et  70  ans,  qui  dès  leur  enfance 
ont  été  instruites  de  la  doctrine  de  Jésus- 
Clirist  ,  pi  rsévèrenl  dans  la  chasielé,  el  je 
m'oblige  à  en  montrer  de  telles  dans  toutes 
les  conditions  de  la  société.  »  Or,  des  fidèles 
de  soixante  ans,  au  temps  de  saint  Justin, 
cl  qui  avaient  été  élevés  dans  le  christia- 
nisme dès  l'enfance,  ne  pouvaient  avoir  été 
instruits  que  par  les  apôtres  ou  par  leurs 
disciples  ininiédials  ;  el  ce  Père  prétend  que 
les  fidèles  ont  été  délerminés  à  gariler  la 
continence  par  ces  paroles  de  Jésus-Chrisl  : 
Il  y  a  des  hommes  qui  se  sont  faits  eunuques 
pour  le  royaume  des  cieux,  paroles  que  nous 
exaniincrons  ci-après,  n.  29  :  «  Ou  nous 
nous  marions  seulemenl  pour  avoir  des  en- 
fants, ou  si  nous  fuyons  le  mariage,  nous 
vivons  dans  une  continence  perpétuelle.  » 
—  Athénagore,  qui  a  écrit  dans  le  même 
temps,  s'exprime  de  même.  Légal,  pro  Chri- 
stian.,  n.  3  :  «  Il  y  a  parmi  nous  un  grand 
nombre  d'hommes  cl  de  femmes  qui  vivent 
dans  le. célibat,  par  l'espérance  d'être  plus 
étroilemenl  unis  à  Dieu,  elc...  Notre  usage 
est,  ou  de  demeurer  tels  que  nous  sommes 
nés,  ou  de  nous  contenter  d'un  seul  ma- 
riage. "  —  Hermas,  plus  ancien,  dit  dans  le 
Pasteur,  1.  n,  mand.  '*,  n.  '*  :  «.  Celui  nuise 
remarie  ne  pèche  point;  mais  s'il  demeure 
seul,  il  acquiert  beaucoup  d'honneur  auprès 
du  Seigneur.  Gardez  la  chasteté  et  la  pu- 
deur, et  vous  vivrez  pour  Dieu.  "  Sainl  Épi- 
pbaoe  et  saint  Jérôme  nous  attestent  que 


saint  Clément  le  Romain,  à  la  fia  de  sa  se- 
conde' lettre,  enseignait  la  virginité.  Voyez 
les  Pères  apost.,  t.  I,  pag.  189,  col.  2. 

Nous  pourrions  citer,  au  iii°  siècle,  saint 
Clément  d'Alexandrie,  Terlullien,  Origène  et 
saint  C^yprien  ;  mais  les  prolestanls  ni  leurs 
copises  ne  nient  poini  le  fait  que  nous  prou- 
vons, savoir  que,  dès  la  naissance  de  l'E- 
glise chrétienne,  l,i  virqinllé  y  a  été  singu- 
lièrement estimée,  recommandée  el  pratiquée 
par  un  grand  nomlire  de  personnes.  Il,  sou- 
tiennent qu'en  cela  les  premiers  chrétiens 
se  sont  trompés,  aussi  bien  que  les  Pé  es  qui 
les  inslruisaienl  ;  que  ce  préjugé  u'eiaii  fondé 
sur  aucun  texte  clair  el  formel  de  l'Iicrilure 
sainte,  et  qu'il  a  produii  dans  lecllri^llanlslne 
beaucoup  plus  de  mal  que  de  bien.  Déjà,  au 
mot  t^ÉLiHAT,  nous  avons  prouvé  le  con- 
traire :  mais  comme  il  s'agissaii  seulement 
alors  de  justifier  le  célibat  des  ecelésiasiiques 
el  des  religieux.  Il  nous  reste  à  montrer 
non-seulement  l'innocence,  mais  la  sainteté 
de  la  virginité  parmi  les  laïqu<^s,  à  faire  voir 
que  la  persuasion  dans  ianuelle  ont  été  les 
premiers  cbré'iens,  touchant  le  mérite  de 
cette  vertu,  n'était  ni  un  préjugé  ni  une  su- 
perstition, mais  une  croyance  solide,  fondée 
sur  les  leçons  de  Jésus-Christ  et  des  apôtres. 
1"  Le  Fils  de  Dieu  a  voulu  naître  d'une 
vierge,  et  il  a  passé  sa  vie  mortelle  dans  l'é- 
tal de  virginilé.  De  ce  qu'il  a  pris  pour  mère 
une  vierge  et  qu'il  est  demeuré  vierge  lui- 
même,  tous  ceux  qui  ont  cru  en  lui  ont  ilû 
naturellemenl  conclure  que  cet  état  lui  élait 
agréable,  (]u'il  y  aurait  du  mérite  à  lâ^  her 
de  l'imiter  à  cet  égard  ,  autant  qu'il  elait 
possible.  Ils  ont  été  conlirmés  dans  celte 
pensée  par  les  exhortations  de  saint  Paul  : 
Soyez  mes  imilatews  comme  je  le  suis  de 
JésusCItrist.  Soyez  les  imitateurs  de  Dieu 
l  Cor.  IV,  16;  XI,  1  ;  Ejihes.,  v,  Ij.  Que  la 
grâce  soit  avec  tous  ceux  qui  aiment  Notre- 
Seigneur  .lésus-Chrisl  dans  la  pureté ,  ou 
dans  la  chasteté,  c.  vi,  v.  21.  Saint  Jean, 
dans  son  Evangile,  se  nomme  le  disciple 
que  Je'.sus  aimait;  au  n"  siècle  de  l'Eglise, 
on  élait  persuadé  que  celle  prédilection  du 
Sauveur  venait  de  te  que  saint  Jean  était 
vierge  el  a  continué  de  l'être  toute  sa  vie, 
que  pour  celle  même  raison  Jésus-Christ 
mourant  lui  recommanda  sa  sainte  Mère; 
les  manichéens  mémeis  "étaient  dans  cette 
croyance.  Beausobre  prétend  qu'elle  n'était 
fondée  que  sur  des  livres  apocryphes  ;  mais, 
dans  un  temps  où  plusieurs  disciples  de  cet 
apôtre  vivaient  encore,  avait-oii  besoin  de 
consulter  des  livres  apocryphes,  pour  savoir 
en  quel  étal  il  avait  vécu"?  —  2'  Notre  divin 
Mailre  dii  dans  l'Evangile,  Mailh.,  c.  v, 
V.  8  :  Bienheureux  les  cœurs  purs,  parce 
qu'ils  verront  Dieu.  CeUe  pureté  de  cœur 
consiste  dans  l'exempiion  de  toute  pensée 
criminelle,  de  tout  désir  impur.  Or,  nous 
demandons  qui  sont  ceux  qui  peuvent  les 
écarter  plus  aisément,  ceux  qui  pensent  à 
se  marier,  ou  ceux  qui  y  renoncent  pour 
toujours,  et  qui  se  sé|)arenl  de  tous  les  ob- 
jets capables  de  les  exciter  ?  Nos  adversaires, 
par    opiniàtrelé  ,  soutiendront    sans  doute 


1043 


VIE 


VIE 


1044 


que  ce  sont  les  preibiers,  tttais  ils  auront 
contre  eux  le  tém"ign;ige  de  tous  les  saints 
qui,  nprès  avoir  vécu  dans  l'état  du  mariage, 
ont  voulu  viVIre  darts  la  continence.  Le  Sau- 
veur ajoute,  c.  xxii,  v.  30,  qu'après  la  résur- 
rection il  n'y  aiira  plus  dé  mariage,  que  les 
ressuscites  seront  comme  les  anges  de  Dieu 
dans  le  ciel;  â  t-on  pU  croire  qu'il  n'y  a 
aucun  mérite  à  lâcher  d'être  dans  un  corps 
mortel,  ce  que.i^ous  serons  après  la  résur- 
rection ?  —  3°  Mnttli.,  c.  siv,  V.  10,  lorsque 
Jésbs-Clirist  eut  défelaré  que  le  mariage  est 
indissoluble,  ses  disciples  lui  dirent  :  Si  tel 
est  le  sort  de  ChnmVne  avec  son  épouse,  il  n'est 
pas  eicpedient  de  se  mmï^r.  Jé<us  leur  ré- 
pondit: Tous  ûe'c'omprennent  pas  cette  vérité, 
il  n'y  a  que  ce'àx  qui  en  ont  reçu  le  don.... 
Car  il  1/  a  des  IiôniÀrs  gui  se  simt  faits  eunu- 
ques A  cause  du  rnynume  des  deux.  Que  celui 
qui  le  ^eut  le- comprenne.  Soit  que  l'on  en- 
tende '^■kv  le  rnijaume  d'es  deux  le  bonheur 
éternel,  où  la  profession  de  la  doctrine  de 
Jésbs-Cliriist,  cela  est  égal  ;  il  s'ensuit  tou- 
jours qu'il  y  avait  déjà  de  ses  disciples  qui 
avaieht  renoncé  akl  mariage  pour  se  rendre 
plus  capables  d'.mnôncer  le  royaume  des 
cieux  ou  l'Evangile,  et  que  c'était  un  don 
qu'ils  avaient  reçu  de  Dieu.  EU  effet,  v,  27, 
saint  Pierre  dit  à  son  maître  :  Nous  ok^ons 
tout  quitté  pour  vous  suivre,  que  tioics  en  re- 
vie.ndra-t-il? ...Quiconque,  repond  le  Saliveur, 
aura  quitté  sa  famille,  son  épouse, ses  enfmïts, 
ses  biens,  à  cause  de  mon  noni,  recevra  le  cen- 
tuple et  aura  la  vie  éternelle.  Si  c'était  tiU 
mérite  de  quitter  pour  ce  sujet  une  épouse 
et  des  eiifants,  ii'én  était-ce  pas  un  de  iiiôine 
de  prendre  la  résoluliori  de  n'en  point  avoir, 
et  de  vivre  dans  l'état  de  virginité  ?  Cepen- 
dant les  ennemis  dé  cette  vertu  préteuileiit 
que  par  elle-même  elle  est  sans  aucun  mé- 
rite, et  qil'elle  ne  coritribdeen  rien  au  salùl. 
Ils  diront  sans  doute  que  c'était  un  cas  pai- 
ticulicr  pour  les  apôtres  :  mais  il  était  le 
même  pour  tous  ceux  qui  devaient  comme 
euxahnoncer  l'EVangilcetremplii-les  mêmes 
fonctions  parmi  les  ridéles;et  c'est  prcciséiiient 
à  leur  égard  que  nô9  ailversaires  lilâment  le 
plus  hautement  là  profession  de  la  virginité 
et  de  la  tonlinéiice.  Puisque  ,  suivant  la 
leçon  de  notre  divin  Maître,  c'est  la  disposi- 
tion la  plus  avantageuse  pour  travailler  au 
salut  des  autre*,  il  hous  paraît  que  les  sim- 
ples fidèles  n'Ont  pas  eu  tort  de  penser  qUë 
c'était  la  plus  utile  potir  s'occuper  de  leur 
propre  sanclififcalion.  Ils  n'ont  pas  oublié 
que  c'est  un  ddn  de  Dieu  ;  mais  ils  ont  pré- 
sumé que  Dieu  avait  daigné  le  leur  accorder, 
lorsqu'ils  se  sont  senti  une  forte  incliiialiori 
à  vivre  de  celte  manière.  —  4"  La  doctrine 
de  saint  Paul  est  exactement  conforme  à 
celle  de  Jésus-Christ,  I  Cor.,  c.  vi,  v.  19. 
Après  avoir  détourné  les  fidèles  de  tout 
commerce  illégitime  entre  les  deux  sexes,  il 
leur  dit  :  Ne  savez-votis  pas  qile  vos  membres 
sont  le  temple  du  Saint-Esprit  qui  est  en  vous 
et  que  vous  avez  reçu  de  Dieu,  et  que  voui 
n'i'les  pas  à  vous,  puisque  vous  atez  été  ache- 
tés à  qrand  prix?  Cilonfiez  et  portez  Dieu 
<ians  votre  corps,  c.  vu,  v.  1.  Quant  aux  cho- 


ses desquelles  vous  m'avez  écrit,  il  est  bon,  A 
l'homme,  de  ne  toucher  aucune  femme,  v.  7. 
Je  roudraisque  vous  fussiez  tons  comme  moi; 
mai'  chacun  a  reçu  dé  Dieu  un  don  çut  lui 
est  propre,  l'uii  d'Une  manière,  l'autre  d'une 
aaire.  Or,  je  dis  à  ceux  qui  n»'  sont  pus  ma- 
riés et  aux  veufs  qu'W  leur  est  bon  de  demeu- 
rer dm'' cet  état,  commi-  fij  suis.  S'ils  ne  sont 
pas  continents ,  qu'ils  se  mnrieïit;  il  vaut 
rnieUx  se  marier  que  de  brûler  d'un  feu  iu.i^ 
piïr:...  V.  24.  Que  chacun  demeure  dans  l'état 
dans  lequel  il  a  été  appelé  à  la  foi,  mais  tou- 
jours av  c  Dicfy,  ou  félon  Dieu.  Quant  aux 
vieiges,  je  n'ai  reçu  nUcwi  comm mdement  du 
Seigneiir ,  mais  je  leur  donne  un  conseil  , 
comme  ayant  reçu  miséricorde  du  Seigneur 
pour  lui  être  fidèle.  Je  pense  dune  qu'à  cause 
de  la  nécessité  prochaine  ,  il  est  bon  à 
l'homme  d'être  dans  cet  état....  v.  28  :  si  «ne 
vierge  se  marie,  elle  ne  péchera  point;  inais 
les  conjoints  éprouveront  des  peines ,  H  Je 
voudrais  vous  leS  épargner.  Je  dis  donc,  mes 
frères,  le  temps  est  cotirt;  il  ne  reste  qu'à 
ceux  qui  ont  des  épouses  d'être  comme  s'ils 
n'en  avaient  point....  v.  32.  Or,  je  veux  gue 
VOUS  soyez  Sans  inquiétude....  V.  34.  Une 
femme  gui  n'est  pas  mariée,  oà  une  vierge, 
pense  aux  choseS  de  Dieu,  afin  d'être  sainte 
de  corps  et  d'esprit.  Celle  qui  est  'mariée  s'oc- 
cupe des  choses  de  ce  monde  et  de  la  manière 
de  plaire  à  son  mari.  Je  vous  le  dia  pour  votre 
bien...  et  pour  vOÛs  procurer  la  facilité  de 
prier  Dieu  sans  eiiibàrras....  v.37.  Celui  qui  a 
résolu'de  garder  sa  fille  vierge,  fait  bien; celui 
qui  la  marie  fait  bien,  et  celui  gui  ne  la  marie 
pus  fait  mieux ii.  40.  Elle  Sera  plus  heu- 
reuse, selon  niôn  avis,  si  elle  demeure  ainsi; 
ot,  je  pense  que  j'ai  aussi  l'esprit  de  Dieu. 

Ce  passage  est  Ibrig,  mais  il  faut  absolu- 
ment le  lire  tout  enliél',  pour  préi'enir  et 
pour  réfuter  les  fausses  Interprétations  des 
proteslaiils.  1"  Chacun  a  reçu  de  Dieu  un  don 
qui  lui  est  propre;  donc  Dieu  appelle  les  ans 
à  l'état  de  virginité,  lès  autres  à  l'étal  du 
mariage;  les  premiers  sont-ils  moins  obligés 
ou  moins  louables  que  les  seconds,  d'obéir 
à  la  vocation  de  Dieu  ?  L'ApÔlre,  Gai.,  cap.  v, 
V.  23,  met  au  nombre  des  dohs  dU  Saint-Es- 
prit noti-seulehiéut  la  chasteté  qUi  convient 
à  tous  les  états,  mais  la  continence,  v.  2o. 
Ceux  qui  sont  à  JésAs-Christ  ont  crucifié 
teUr  chair  nvrc  se.s  vices  et  ses  cotivoitises. 
Or,  èont-ce  les  personnes  liiariées  ou  les 
vierges,  gui  sont  le  plus  occupée)!  à  cruci- 
fier les  convoitises  de  la  clidir?  2°  Lorsque 
saint  Paul  dit  qu'il  est  bon  à  l'homme  de  ne 
toucher  aucune  femme,  aux  célibataires  et 
aux  vcéuls  lie  demeurer  dans  ledr  état,  aiux 
vierges  d'y  persévérer,  célrt  ne  signifié  pas 
seuleUienl  qUé  cela  est  plUs  cdtiimdde  et  plus 
avantageux  pdur  cette  vie,  comme  le  préten- 
dent les  protestants  ;  saint  Paiil  en  donne 
trois  autres  raisons  :  la  pretfiière,  parte  que 
nos  corps  sorti  le  temple  dit  Saiiit-Espril;  la 
seconde,  pa^cè  que,  dans  l'état  de  virginité 
et  de  cominence;  ori  ne  pense  qu'à  plaire  à 
Dieu,  à  être  saint  de  totps  et  d'esprit; 
la  troisième,' pàil'cè  (jtte  l'on  à  plus  de  li- 
berté de  prier  Dieu.  .3°  Plusieurs  copimeu- 


mk  VIE 

talcurs  moilornes ,  surlotit  \vs  proli-slants, 
Iraduisenl  pmpler  Instnntcm  necessilatem  , 
par  à  cause  îles  afflictions  présmles,  c'est-à- 
dire  à  causes  <ie^  persécutions  auxquelles 
les  chroticus  allaient  être  exposés.  Fausse 
iiilerprétalion.S.iiutPaul  s'exprime  lui-même 
en  disant,  le  temps  est  court;  il  est  donc  ici 
(juestion  de  la  brièveté  :)<>  la  vii^  et  de  la  ne'- 
cessilé  prochaine  de  mourir.  C'est  pour  cela 
que  l'A|)<5tre,  l'phes.,  c.  v,  v.  26,  exhorte  les 
fidèles  à  racheter  II  temps.  D'autres  ont  ima- 
giné que  saint  Paul  parlait  de  la  fin  pro- 
chaine du  monde  ;  nous  avons  réfuté  ce  rêve 
ailleurs.  Voy.  Monde.  4-°  llsdiseni  qu'il  était 
mieux  à  une  vierge  do  deilieurer  d^ins  cet 
étal,  et  à  un  père  de  garder  sa  fille  vierge, 
que  de  la  marier,  parce  (ju'il  éiait  difiicile 
pour  lors  de  lui  trouver  un  époux  chrétien, 
vu  le  petit  nombre  des  chrétiens,  du  temps 
de  saint  Paul.  Mais  l'Apôtre  no  parle  point 
(le  cet  inconvénient  :  il  est  ridicule  de  vou- 
loir deviner  ce  qir'il  n'a  pas  dit,  lorsque  ce 
qu'il  a  dit  est  clair  et  formel.  Il  aurait  très- 
mal  pourvu  à  l'instruclion  des  iidèles,  si  les 
avis  (ju'il  b'urdiiiinail  n'avaienl  été  justes  et 
utiles  que  pour  quelque  temps,  ot  n'avaierrt 
pas  dû  servir  jiour  tous  les  siècles.  Les  Pères 
des  trois  premiers  ont  entendu  comme  nous 
ces  paroles,  et  les  ont  apportées  en  preuve 
avant  nous.  —  La  cinquième  preuve  que 
nous  donnons  du  mérite  de  la  continence 
et  de  la  virginité,  sont  ces  paroles  de  l'.lpo- 
calypse,  ch.  xiv,  v.  4-  :  Voici  ceux  qui  ne 
se  sont  point  souillés  nicc/cs  femmes,  car  ils 
sont  vierges.//*  suivent  l'agneau  partout  où 
il  va  ;  ils  ont  clé  achetés  d'entre  les  hommes, 
comme  prémices  consacrées  à  Dieu  et  à  l'a- 
gneau. II  nous  parait  que  c'était  une  ambi- 
tion trés-louabie  de  la  part  des  premiers 
fidèles,  de  vouloir  être  du  nombre  de  ces 
prémices  consacrées  à  Dieu  età  Jésus-Christ, 
et  de  ces  bienheureux  si  élevés  dans  la 
gloire  du  ciel  au-dessus  des  autres.  —  Une 
sixième  preuve  de  l'excellence  de  cette  vertu, 
est  le  grand  nombre  de  vierges  chrétiennes 
qui  ont  souffert  le  martyre.  11  est  constant 
que  la  manière  dont  vivaient  ces  saintes 
filles,  la  retraite,  réIoiii;rreuient  du  monde, 
la  fuite  de  tous  les  plaisirs  du  paganisme,  le 
jeûne,  les  mortifications,  le  travail,  la  prière, 
étaient  les  meilleures  dispositions  pour  ob- 
tenir de  Dieu  le  courage  de  mourir  (lour 
Jésus-Christ  ;  c'était,  selon  l'expression  de 
TertuUicn,  un  apprentissage  coiitinircl  du 
martyre.  On  sait  que  les  païens  ne  connais- 
saieni  point  de  moyen  plus  efficace  pour  en- 
gageir  ces  vierges  courageuses  à  l'apostasie, 
que  de  leur  ôter  leur  pudlciié  ,  et  qu'ils  ire 
cro» aient  pouvoir  leur  faire  une  menace 
plus  terrible  que  celle  de  leur  arracher  cette 
fleur  précieuse.  Mais  les  protestants  n'orrl 
jamais  témoigné  beaucoup  plus  d'estime 
pour  le  martyre  que  pour  la  virginité.  — 
Nous  n'insisterons  point  sur  la  manière  dont 
les  païens  eux-mêmes  en  ont  perrsé.  On 
voulait  chez  les  Grecs  que  la  prétresse  d'A- 
pollon fût  vierge,  et  l'on  croyait  que  les  si- 
bylles l'avaieirl  été;  les  Uomairrs  avaieirl 
autaul  de  respect  pour  les  vestales,  que  Us 


W. 


IdiG 


Péruviens  pour  les  vierges  Uu  soleiL  Mais 
les  premiers  chrétiens  n'avaient  pas  puisé 
leur  croyance  dans  une  source  aussi  im- 
pure; ils  la  fondaient  sur  l'Ecritûi-e  siiinlc 
et  sûr  la  tradition  laissée  à  l'Eglise  par  les 
apôtres. 

algré  les  preuves  que  nous  en  avons  ti- 
rées, et  qui  ont  été  allé;,'uées  pai-  les  Pères 
du  ir  et  du  irr  siècle,  nos  adversaires  n'ont 
pas  rougi  d'appr-ler  le  zèle  et  l'estirrre  riue 
l'on  a  (oujouis  eus  pour  la  contineircé  et  la 
viV^î/iHc,  une  fausse  prévehtion,  le  plus  per- 
nicielix  de  tous  les  fanalisures,  une  erreur 
c.iusée  p  ir  d'autres  erreurs.  Elle  est  venue, 
disent-ils,  d'une  admiration  stupidc  pour 
tout  ce  qui  exige  de  nous  un  efl'ort,  de  l'arii- 
biliori  de  se  drstinguer  et  do  recevoir  des 
honneurs,  de  la  rivalité  des  sectes  rpii  divi- 
saierrl  alors  le  chlistiarrisme ,  sUrtoul  de 
celles  nui  admettaient  deux  principes,  l'un 
bon,  l'autre  mauvais  ;  de  la  mélancolie,  du 
climat;  de  l'envie  de  réfut  i-  les  falisses  àr- 
crrsattons  des  païens  ;  du  système  de  la 
préexistence  des  âmes;  mais  pr incipaleiiient 
de  l'opinion  des  nouve;tu\  plalorricièhs  qlli, 
d'après  les  pliiIoso|ilies  orientaux  ,  soiile- 
niiieiit  la  nécessité  delà  continence  et  des 
inortificatioiis  pour  s'unii"  à  t)iou. 

Mais  il  est  fort  singulier  que  les  prertiiefs 
chrétiens  aient  |iréiéré  dérouter  tes  Icçdiis 
de  tous  les  rêveurs  du  l'univers,  pllilÔl  qde 
celles  de  l'Evangile  qui  sont  si  cl.iires  et  si 
persuasives;  il  ire  reslo  plus  à  iros  a  !ver- 
saires  qu'à  dire  que  .lésus  Christ  et  saint 
Paul  ont  tiré  leur  doctrine  de  toutes  les  er- 
reurs dont  on  vicpl  de  nous  parler;  cepen- 
dant il  faut  avoir  la  patience  de  les  c  xatnincr 
en  p;rr  ticiilier.  1°  Il  y  a  bien  de  rirrdcceiicc 
à  iiommer  admiratioû  stupide  le  sentiment 
que  toute  vertu  nous  iirspirc.  Puisrju'enfin 
la  vertu  en  gérréral  est  la  force  de  l'dine,  il 
faut  un  eflort  pour  la  pratiquer  et  poiir  ré- 
primer toute  passion  <iUi  S'y  oppose.  Il  ne 
fallait  pas  peu  de  cour.ige  pimr  être  chrétien 
pendant  l.s  trois  premiers  siècles,  et  fJodr 
être  vei"tucux,  lorsque  le  monde  entier  était 
un  cloaque  de  vices.  lUcu,  dit  saint  Paul,  II 
Tim.,  c.  I,  v.  7,  ne  nous  a  pas  doHn^  un 
esprit  de  timidité,  mais  d''  force,  df  bhariié 
et  d'empire  sur  nous-mêmes.  Saint  Pierre  , 
Epist.  1,  c.  v,  ^ .  8,  exhorte  les  fidèles  à  ré- 
sister aux  tentations  du  démon,  par  la  force 
de  leur  foi  ;  v.  10,  il  leur  promet  que  Dieu 
les  fortifiera  et  lès  affermira,  etc.  A-t-on  pu 
écrire  sans  rougir,  qu'diie  religion  aussi 
douce  et  aussi  compatissante  que  le  christia- 
nisme n'a  pas  pu  nous  défendre  de  suivre  un 
des  plus  forts  penchants  de  la  nature?  .\0- 
tanl  valait-il  dire  qu'elle  n'a  pas  pil  noas 
défendre  la  luxure,  parce  que  c'est  un  pen- 
chant violcrrt  dans  la  plupart  des  horiichës. 
Telle  est  la  morale  scatidaleuse  de  nos  ad- 
\ersaires.  Us  rrous  accusent  de  stupidité, 
parce  qiie  nous  admirons  le  courage  des 
saints  :  mais  il  faut  être  bien  plus  stupide 
pour  n'en  pas  être  louché.  —  2'  Nous  ne 
voyons  pas  où  pouvait  être  l'ambition  de  se 
distinguer  ou  d'ètrë  honoré,  dans  un  temps 
au({ucl  tous  les  chrétiens  fiaient  obligés  de 


1047  VIE 

se  cacher,  se  voyaient  exposés  au  mépris  et 
à  la  haine  publique.  La  vie  ascétique  et  re- 
tirée des  vierqes  fut  celle  de  presque  tous 
les  premiers  chrétiens  ;  il  ne  put  y  avoir  de 
dislinrlion  parmi  eux  que  quand  les  éjjlises 
eurent  pris  de  la  eonsislanre.  et  i|uo  les  as- 
semblées des  fidèles  eurent  aciiuis  de  l'éclat. 
Une  de»  leçons  que  les  pasteurs  répétèrent  le 
plus  souvent  aux  vierqes.  fui  de  leur  recom- 
m  inder  une  humilité  profonde  ,  et  de  les 
avertir  que  ,  sans  ce  contre-poison  de  l'or- 
gneil,  leur  vertu  ne  se  soulir'ndr.iit  p.is. 
Mais  les  incrédules  ont  faii  au  courage  des 
martyrs  le  même  reproche  qu'à  celui  des 
viergi's;  il  ont  di'  que  les  premiers  furent  prin- 
cipalement animés  parl'ambiliond'ohtenirles 
mêmes  honneurs  qu'ils  voyaient  rendre  à  la 
Il  émoire  de  ceux  qui  étaient  morts  pour 
Jésus-Christ.  Vay.  Martyr.  —  3"  Lorsqu'ils 
parlent  de  la  rivalité  des  seclesqni  divisaient 
le  clirisiiiinisme  au  second  siècle  ,  ils  ne 
montrenl  que  de  l'ignorance.  Il  est  certain 
que  ces  premières  sectes  fureni  celles  des 
gnosii(|ues  et  qu'elles  fureni  bienlôl  suivies 
de  celles  des  manioniles  et  des  manichéens. 
Or,  leur  principe  cummun  éiail  que  la  cliair 
élait  impure  par  elle  même,  que  ce  n'élait 
point  l'ouvrage  du  Dieu  bon  et  souver.iin, 
mais  la  production  d'un  mauvais  génie; 
qu'il  fallai'  par  conséquent  en  réprimer  et 
en  comballre  tous  les  penchants  :  est-il 
croyable  que  les  premiers  chrétiens  aient 
voulu  favoriser  celle  erreur  p  r  !a  profes- 
sion de  la  riigiinlé,  de  la  continence,  des 
exercices  de  la  vie  ascétique?  Loin  de  donner 
dans  cet  abus,  le  4."  canon  des  apôtres  [ni. 
52],  excommiinie  tout  ecclésias'ique  et  lout 
laïque  i|ui  s'iibsliendrait  du  mariage,  du 
vin  et  de  la  \i.im)e  par  horreur,  en  haine 
de  la  ciéalion  ,  et  non  par  mortification. 
Ainsi  l'Eglise  garda  le  sage  milieu  entre  les 
deux  excès;  elle  censura  également  ceux 
qui  eomlamnaient  le  mariage,  et  ceux  qui 
blâmaient  la  profession  de  la  virginité,  de 
la  continence  et  des  mortifications.  —  4° Sans 
cesse  on  nous  parle  de  la  mélancidie  qu'in- 
spire le  cliuial  de  rEg\pte,  de  la  Palestine 
et  d'aulres  contrées  de  r.\sie;  selon  nos  ad- 
versaires, c'est  celle  maladie  qui  a  fait  n  iîlre 
tous  les  usages  qui  leur  déplaisent.  Mais  le 
clirnjt  des  montagnes  de  Syrie,  où  l'hiver 
dure  six  mois  ,  ne  doil  guère  ressembler  à 
celui  de  TEg^pte,  où  les  chaleurs  sont  in- 
supportables. On  sail  d'ailleurs  que  le  goût 
pour  la  coiitim  ncc  il  pour  la  vie  ascétique 
s'est  répandu  dans  la  Perse,  dans  l'Asie  Mi- 
neure ,  dans  rilalie,  dans  les  Gaules,  en 
Angleterre  et  dans  tout  le  Nord,  à  mesure 
que  le  christianisme  s'y  est  établi;  ce  goût  a 
donc  élé  plus  fort  que  lous  les  climats. 
M'importe,  i  es  qu'une  fois  nos  adversaires 
ont  imaginé  une  conjecture,  quelque  fausse 
qu'elle  soit,  ils  y  persislenl  et  l'opposent 
comme  un  bou<lier  à  tous  les  faits  et  à  tous 
les  monuments.  —  u°  Nous  convenons  que 
les  chréiieiis  ont  été  très- empresses  de  réfu- 
ter les  calomnies  dos  païens  qui  les  accu- 
saient de  commettre  des  impudicités  dans 
leurs  assemblées;  mais  ces   reproches  inju- 


VIE 


1018 


rieux  n'ont  étéjiasardés  que  oans  le  cours 
du  11'  et  du  iif  siècle  ;  ii  n'en  est  pas  en- 
core question  dans  les  écrils  de  Celse,  qui 
n'a  cependant  omis  aucune  des  plaintes 
qu'il  a  cru  pouvoir  former  contre  les  chré- 
tiens, et  alors  il  s'éiait  écoulé  un  siècle  en- 
tier depuis  que  Jésus -Christ  et  les  apô- 
tres av;iieni  loué  la  rontinence  et  la  vir- 
ginité. Supposons,  si  l'on  veut,  que  le  mo- 
tif ilonl  nous  parlons  ail  influé  sur  la  cou- 
duiie  des  fidèles  du  ii'  et  du  m'  siècle; 
par  la  même  raison  il  faut  y  allribuer  en- 
core la  douceur,  la  charilé,  la  patience,  la 
soumission  aux  puissanees,  l.i  fidélilé,  la 
tempérance,  la  justice,  le  respect  pour  l'or- 
dre public,  et  toutes  les  autres  vertus  dont 
les  chrétiens  ont  fait  profession  ;  en  ()uo| 
peut-on  blâmer  ce  motil  qui  leur  a  élé 
proposé  et  prescrit  par  les  apôtres  mêmes  ? 
1  Petr.,  c.  Il,  v.  12  et  15,  etc.  Plût  au  ciel 
que  le  même  esprit  eût  régné  dans  toutes 
les  secles  hiréti(|ues  !  il  y  aurait  eu  moins 
de  crimes  commis  et  plus  de  vertus  prali- 
(iuèes.  (Jue  diiaient  nos  adversaires,  si  nous 
affirmions  que  ce  qu'il  y  a  eu  d'hommes 
vertueux  parmi  les  prolcslanls  ne  l'ont  élé 
que  pour  taire  honneur  à  leur  secte,  et  pour 
réfuter  les  reproches  des  catholiques  ?  — 
6°  Si  ces  dissertaleurs,  qui  devinent  les  mo- 
tifs et  les  intentions  les  plus  cachées  des 
hommes, avaient  un  peu  raisonné,  ils  auraient 
dit  que  les  chrétiens  ont  compris  l'utilité  de 
la  virginité,  de  la  continence,  des  morlifiea- 
lions,  parce  qu'ils  croyaient,  comme  nous 
croyons  encore,  que  la  nature  humaine  a 
été  corrompue  par  le  péché  de  noire  premier 
père,  et  que  nous  portons  en  nous  un  foyer 
continuel  de  péclié;  cel.i  serait  conforme  à 
la  doctrine  de  saint  Paul.  Mais  il  leur  a  paru 
plus  beau  de  recourir  au  système  absurde  de 
la  préexistence  des  âmes,  de  supposer  que 
les  chréiiens  pensaient,  comme  quelques  hé- 
rétiques, que  les  âmes  avaient  péché  dans 
une  vie  précédente,  avant  d'être  unies  à 
des  cori  s.  Ainsi,  au  jugement  de  nos  adver- 
saires, les  chrétiens  ont  tiré  des  conséquen- 
ces d'une  erreur,  qui,  dans  la  suite,  a  élé 
comtamnée  par  l'Eglise,  et  qui  contredit 
l'Iicriiure  sainte;  et  Ils  n'ont  pas  su  en  tirer 
une  très-naturelle  d'un  dogme  qui  leur  était 
enseigné  par  leur  religion.  —  7  Ont-ils 
mieux  réussi  en  disant  que  le  goùl,  le  pré- 
jugé, le  fanatisme  des  premiers  chrétiens, 
sont  venus  du  système  des  nouveaux  plato- 
niciens, qui  mêlaient  la  doctrine  de  Platon 
à  celle  des  philosophes  orientaux  ?  Brucker, 
après  Mosheiiii,  s'est  eniêlé  de  cette  opinion, 
et  n'a  rien  négligé  pour  la  faire  valoir;  il 
soutient  que  c'est  la  clef  de  toutes  les  an- 
ciennes erreurs  qui  ont  régné,  soit  chez  les 
hérétiques,  soit  dans  l'Eglise,  Hist.  cril.  de 
la  philos.,  t.  III,  p.  3G3,  etc. 

Déjà,  aux  mots  Emanation,  Platonisme, 
Verbe  D.vin,  etc.,  nous  avons  prouvé  la 
témérité  et  la  fausseté  de  celte  savante  con- 
jecture ;  nous  avons  défié  ses  défenseurs 
de  proiiuire  aucune  preuve  positive  de  la 
naissance  do  cette  philosophie  mélangée  en 
Egypte  avant  l'an  250,  et  il  y   avait    plus 


1049 


VIE 


VIE 


1050 


d'un  siècle  que  saint  Justin,  Athénagore  et 
(l'.iiitres  s'i'taient  vjinlés  d(»  la  rnulliiiide  de 
vierges,  do  réiibataires  rcli;i;it'ux  cl  <l';isrèles 
que  le  christianisme  avait  produite  dans 
tous  les  étais  de  la  société.  Quand  ou  suppo- 
sirail  que  tous  les  Pérès  forées  avaient  étu- 
dié la  philosophie  dans  l'école  d'Alexandrie, 
ce  qui  n'e'il  p;is  probable,  prouverait-oii 
enciiri'  que  Hermas,  que  l'on  croit  avoir  été 
fièredu  pape  Sixte  \",  et  qui  a  écrit  à  Uoine  ; 
que  Tertullien  et  saint  Cyprien,  qui  ont 
vécu  iMi  Afrique,  avaient  sucé  les  principes 
du  nouveau  platonisme?  Tnus  les  trois  ce- 
piMidant  ont  lait  le  plus  grand. cas  d(!  1 1  con- 
tinence «t  do  \a  vir(iinili' :  saint  Jérôme  et 
saint  Epi|)bane  attestent  que  saint  Clément 
le  Honiain  pensait  de  même;  il  est  un  peu 
difficile  de  se  persuader  que  tous  ces  Pères 
étaient  autant  d'élèves  de  l'école  d'Aloxan- 
drio;  ils  n'ont  fondé  leur  doctrine  (jue  sur 
riù'rilure  sainte.  Nous  concluons  hirdiment 
que  l'hypothèse  iloiM  Mosheim  et  lirucker  se 
sont  infatués  u'ost  qu'une  pure  vision. 

Encore  une  fois,  il  est  absurde  d'imaginer 
que  les  premiers  chrétiens  ont  puisé  dans 
des  sources  iiil'ertéos  d'erreurs  un  sentiment 
évidcuinienl  fondé  sur  l'Ecriture  sainte  ;  et, 
quand  on  soutiendrait  qu'ils  en  ont  mal  pris 
le  sens,  ce  qui  n'.  st  poini,  il  ne  s'ensuivrait 
pas  encore  qu'ils  sont  allés  le  chercher 
ailleurs.  11  serait  inutile  de  répéter  ce  que 
nous  avons  déjà  représenté  plus  d'une  fois 
aux  proteslinis,  qu'il  y  a  île  l'imi  iété  à  pré- 
tendre que  dès  la  naissance  de  l'I'lglise,  Dieu 
a  permis  qu'il  s'y  répandit  une  erreur  qii  a 
produit  les  plus  grands  maux  dans  tous  les 
siècles.  Vainement  Jésus-Christ  avait  v.iulu 
se  former  une  Eylise  glorieuse,  sans  tache, 
sans  ride,  sans  défaut,  Kphes.,  c.  v,  v.  27; 
il  avilit  si  mal  pris  ses  mesures,  que  son 
dessein  a  échoué  très-peu  de  temps  après. 
11  avait  promis  à  ses  disciples  que  le  Saint- 
Esprit  demeurerait  avec  eus  pour  toujours  ; 
mais  à  peine  le  ilernier  des  apôlres  fut-il 
mort,  que  ce  divin  Esprit  a  quitté  la  terre; 
il  n'est  redescendu  du  ciel  que  quinze  cents 
ans  iiprès,  pour  éclairer  Luther  et  Calvin. 
Voilà  le  blasphème  sur  lequel  a  éfé  fondé 
tout  l'éditice  de  la  réforme;  il  a  été  défendu 
par  tous  les  apostats  qui.  de  létal  ecclésias- 
tique ou  religieux,  ont  passé  au  protestan- 
tisme, et  il  est  encore  soutenu  par  les  plus 
habiles  écrivains  de  cette  religion. 

Pour  savoir  si  Is  profession  de  la  virfjinilf', 
de  la  continence,  de  la  vie  ascétique,  était 
nn  bien  ou  un  mal  dans  l'Eglise,  il  faut  être 
instruit  de  la  manière  dont  vivaient  ceux  (|ui 
s'y  étaient  voués;  Fleury,  Ulcrurs  des  chret., 
n.  26,  eu  a  fiiit  le  tahle.in  d'après  les  monu- 
ments de  l'histoire  ecclésiablique.  u  On  comp- 
tait pour  rien,  dit-il,  la  virginité,  si  elle 
n'était  soutenue  par  la  mor'.ilication,  le  si- 
lence, la  retraite,  la  pauvreté,  le  '.lavail,  les 
j 'unes,  les  V(  illes,  les  oraison-  continuelles. 
On  ne  tenait  pas  pour  de  véritables  vierges 
celles  qui  voulaient  encore  prendre  part 
aux  divertissements  du  siècle,  même  les 
plus  innocents,  l'aire  de  longues  conversa- 
lions,  parler  agréablement,  affecter  le  bel 


esprit;  encore  moins  celles  qoi  voulaient 
paraître  belles,  se  parer,  se  parfumer,  traî- 
ner de  longs  habits,  marcher  d'un  air  affec- 
té. Sain'  (iyprion  recommande  continuelle- 
ment aux  vieri/es  chrétiennes  de  renoncer 
aux  vains  ornements,  et  à  tout  ce  qui 
entretient  la  boaiiié.  Il  connaissait  combien 
les  niles  sont  attachées  à  ces  bagatelles,  et 
il  en  savait  les  pernicieuses  conséquences. 
Dans  les  premiers  temps,  les  vierges  c  .nsa- 
crées  à  Dieu  demeuraient  la  plupart  chez 
leurs  parents,  ou  vivaient  en  leur  particu- 
lier, doux  ou  trois  ensemble,  ne  sortant 
que  pour  aller  à  l'Eglise,  où  elles  avaient 
leur  place  séparée  ilu  reste  des  femmes. 
Si  quelqu'une  violait  sa  sainte  résolution 
pour  se  marier,  on  la  metlail  en  pénitence. 
Les  veuves,  qui  renonçaient  à  de  secondes 
noces,  vivaient  à  peu  près  comme  les  vier- 
ges. ))  \'oy.  \ev\e. 

Mosheim,  llist.  ecclés.  du  iv  siècle,  n* 
partie,  chap.  3,  §  11  et  suiv.,  n'est  pas  dis- 
convenu de  ces  laits;  il  a  seulement  un  peu 
chargé  le  tableau,  afin  de  faire  paraître  ex- 
cessive la  ferveur  des  premiers  chrétiens; 
mais  nous  demandons  toujours  quel  mal, 
quel  désordre,  cet  excès  prétendu  a  pu  pro- 
duire dans  le  christianisme.  «  Telle  a  été, 
dit-il,  l'origine  des  vœux,  des  niorlificalions 
monastiques,  du  célibat  des  prêtres,  des  pé- 
nitences infrui'lueiises  et  des  autres  su- 
perstitions qui  ont  terni  la  beauté  et  la  sim- 
plicité du  christianisme.  »  Mais  si  les  vier- 
ges et  les  ascètes  n'ont  fuit  que  suivre  à  la 
lettre  les  leçons,  les  conseils,  les  exemples 
de  Jésus-Christ  et  des  apolres,  comme  nous 
l'avons  fait  voir  ci-devant  au  mot  Ascète, 
il  s'ensuit  déjà  que  le  christianisme  si 
beau  et  si  siuiplo,  forgé  par  les  protestants, 
n'est  plus  que  le  cadavre  ou  le  squelette  que 
Jesns-Ghrisl  et  les  apôtres  ont  établi;  et 
alors  ce  ne  sont  pas  les  premiers  chrétiens 
qui  ont  eu  tort,  ce  sont  les  protestants.  Le 
préjugé  du  moins  est  en  faveur  des  premiers, 
ils  étaient  plus  près  de  la  source  que  les 
dissertateurs  du  xvr  et  du  xviir  siècle. 
C.omme  nous  traitons  en  particulier  des 
vœux,  des  mortilic.ilions,  du  célibat,  des 
pénitences,  etc.,  nous  renvovons  le  lecteur 
à  ces  divers  articles.  —  D'autres  ont  dit  que 
ceux  qui  se  livrent  à  la  vie  ascétique  font 
consister  toute  la  piété  dans  les  exercices 
exiérieurs,  au  lieu  qu'elle  consiste  dans  les 
sentiments  du  cœur  :  reproche  taux  et  ca- 
loiuneux.  Il  est  impossible  qu'une  personne 
persévère  longtemps  dans  les  exercices  de  la 
piété,  sans  eu  avoir  bientôt  les  sentiments 
dans  le  (œur;  ceux  qui  ne  les  auraient  pas 
seraient  proniptement  dégoûtés  des  pra- 
tiques extérieures;  Ihypotrisie  se  démas- 
<iue  toujours  par  quelque  endroit.  D'.iulre 
part  il  est  impossible  de  conserv  er  longtemps 
une  vraie  piété  dans  le  C(rur,  sans  en  faire 
aucun  exercice  extérieur;  cette  vertu  se 
prouve  par  Us  actions,  au--si  bien  que  la 
charité  ou  l'amour  du  prochain  ;  ceux  qui 
prétendent  en  avoir  les  sentiments,  sans  les 
développer  jamais  .:u  dehors,  sont  des  four- 
bes. Foi/.  Cui.TK.  DÉvorioN. 


losi                         VIE  viG                        iom 

Bingham  ot  d'autres  protestants  ont  sou-  reiice  qu'il  y  ail,  c'est  qu'aujourd'hui,  le 
tenu  que,  dans  les  premiers  temps,  les  virr-  violemcnt  de  ce  vœu  est  un  empêchement 
gef  chrétiennes  ne  faisaient  aucun  vœu,  dirimanl  du  m.iriagc,  et  que  l'on  prrniet  aux 
qu'elles  demeuraient  libres  de  se  marier;  jeunes  personnes  de  le  faire  avant  l'âge  pres- 
ils  citent  en  preuves  ces  jjaroles  de  saint  crit  par  les  anciens  canOns.  Il  est  encore 
Cyprien,  Epist:  G2,  alias  1,  ad  Pompoinnm  i  plus  ci  rtaiii  que  les  vedvesqui  embra-.aaicnt 
(I  Si  par  un  engagement  de  fiilélite,  ex  fi'le,  lélat  de  coniinence,  s'y  engageaient  par  un 
ces  personnes  se  sont  consacrées  à  Jésus-  vœu.  Saint  I'jiuI  le  lémoigne  évidemiiient. 
Christ,  qu'elles  piTsévèrent  en  vivant  dans  I  Tim.,  v.  \,  \.  i\ ,  im  \\  (ii\  :  livitez  Ls  jeunes 
la  pureté  el  la  cliaslett',  sans  faire  p.irier  vcnes.  Coimne  l'Ili-s  ont  vécu  dnns  une  eap  ce 
d'elles,  et  qu'avec  celle  force  et  celte  cous-  de  luxe  par  les  libciuliiés  des  fidi'les,  viles 
tance  elles  allendent  !  i  récompense  de  la  vndent  s"  marier,  et  sont  iléjà  rnndnmnnhles, 
virginité.  Si  elles  ne  peuvent  ou  ne  veulent  parce  qu'elles  ont  viole  leur  ptemicr  engai/e- 
pas  persévérer,  il  est  mieux  pour  elles  de  nient,  piiiiiAM  fidem.  Ce  terme  ne  [}eui  ère 
se  marier  que  de  tomber  daris  le  feu  par  entendu  que  d'une  promesse  solennelle  de 
ieurs  pé<hés.  »  La  question  est  de  prendre  continence  qu'elles  avaient  f.iite,  pour  élre 
le  vrai  sens  de  ce  passage.  1°  Nous  soute-  mises  au  rang  des  veuves  nounies  par  lig- 
nons que  par  fuies,  saint  Cyprien  cnliud  glisc.  Nous  nous  servirons  de  ce  passage 
un  engagement,  une  promesse,  un  vœu,  pour  répondre  aux  déclamations  des  prn- 
comme  saint  Paul  dont  nous  citerons  dans  lestants  contre  les  vœux  en  général.  Voij. 
un    moment   les   paroles,   puisqu'il  ajoute  :  Voeu. 

Chrhto  se  dedicavernnt,  et  qu'il  regarde  H  y  avait  une  cérémonie  établie  pour  la 
l'infidélité  d'une  vierge  comme  un  adultère  consécration  des  vierges.  Dans  l'Occident  , 
commis  contre  Jésus-Gbrist,  tbid.  Cela  est  elles  mettaient  leur  léle  sur  l'autel  pour 
confirmé  par  plusieurs  expressions  de  Ter-  l'offrir  à  Dieu,  et  portaient  toute  leur  vie  des 
tullien,  qui  appelle  les  vierges,  les  épouses  cheveux  longs,  avec  un  habil  très-modeste 
dit  Seigneur,  consacrées  au  siècle  futur,  et  et  sans  aucune  parure.  En  Egypte  et  en 
qui  ont  mis  «n  sceau  à  leur  chair,  etc.  Syrie,  elles  se  faisaient  couper  leurs  che- 
2°  Lorsque  saint  Cyprien  dit  :  Il  est  mieux  vetix  en  présence  d'un  prêtre,  et  cet  usage 
pour  elles  de  se  marier,  il  entend,  avant  de  a  été  aussi  adopté  par  les  Occidentaux  dans 
faire  profession  de  virginité,  et  non  après,  la  suite,  soit  parce  que  saint  Paul,  1  Cor., 
comme  le  prétendent  les  protestants;  C'est  c.  xi,  v.  6,  a  représenté  la  chevelure  comme 
encore  la  doctrine  de  saint  Paul,  que  nous  le  principal  ornement  des  femmes,  et  que 
avons  vue  ci-devant.  Nous  prouvons  ce  sens  les  vierges  voulaient  renoncer  à  tout  orne- 
par  la  discipline  établie  peu  de  temps  après  ment,  soit  parce  que  sous  le  règne  des  bar- 
saint  Cyprien.  Le  concile  d'Ancyre,  tenu  bares  une  longue  chevelure  était  le  signe  de 
l'an  313,  can.  19,  décide  que  toutes  Celles  la  liberté,  et  que  les  vierges  faisaient  le  sa- 
qui  violeront  leur  profession  de  virginité,  crifice  de  la  leur  peur  se  donner  à  Dieu. 
seront  soumises,  comme  les  bigames, a  un  an  Vierge  (La  sainte).  Voy.  Marie. 
pu  deux  il'(  xcommunication.  Celui  de  Va-  VKilLANCiî,  héréiique  du  iv  siècle  de 
ience  en  Dauphiné,  de  l'année  374,  veut  l'Eglise.  11  était  Gaulois,  né  dans  la  capi- 
qu'à  celles  qui  s'étaient  vouées  à  Dieu,  et  laie  du  pays  de  Comminges,  appelée  autre- 
qui  se  sont  ensuite  mariées,  l'on  diffère  la  f"is  Lugilunum  Convenarum  ,  aujourd'hui 
pénitence  jusqu'à  ce  qu'elles  aient  pleine-  Saint-15erlrand-di'-(]omminges.  Il  fil  pen- 
ment  satisfait  à  Dieu.  Si  elles  n'avaient  danl  sa  jeunesse  qucl(|ues  progrès  dans 
point  fait  de  vœu,  il  aurait  été  injuste  de  l''s  lettres  humaines,  mais  il  ne  paraît  pas 
leur  inni;;er  une  peine.  Ces  mêmes  cri-  qu'il  eût  beaucoup  étudié  l'Ecriture  sainte  ni 
tiques  alièi;uent  mal  à  propos  une  loi  des  1^  tradition  de  l'Eglise  ;  il  s'acquit  néan- 
empereurs  Léoii  et  Majorien,  qui  était  moins  moins  l'estime  de  saint  Sulpice-Sévère  et  de 
sévère  ;  elle  porte  :  «  On  ne  doit  point  juger  saint  Paulin  de  Noie.  A3ant  fait  un  voyage 
sflcri/e'g'e  celle  qui  fera  voir,  par  le  désir  d'un  dans  la  l'alesline  pour  visiler  les  saints 
mariage  honnête,  qu'auparavant  elle  n'a  pas  lieux,  il  fut  recouimamlé  à  saint  Jérôme  par 
voulu  ou  n'a  pas  pu  accomplir  sa  promesse,  saint  Paulin.  Il  eut  malheureusement  l'im- 
puisque,  selon  les  règles  et  la  doctrine  chré-  prudence  de  se  mêler  lians  la  dispute  qu'a- 
tienne,  il  est  mieux  de  se  marier  que  do  vail  pour  lors  saint  Jérôme  avec  Jean  de 
violer  pab  un  feu  impui"  la  profession  de  Jérusalem  et  Uuffin  qui  l'accusaient  d'ori- 
cliasleté.  »  liingiiam  observe  lui  même  qu'il  génisme,  et  de  prendre  le  parti  de  ces  der- 
était  question  là  des  t'jfr^e*  qui  avaient  été  niers.  Connue  il  riconnut  sa  faute  quebiue 
forcées  par  leurs  parents  à  prendre  le  voile,  temps  après,  le  saint  vieillard  la  lui  paidon- 
desquelles  par  conséquent  le  vœu  était  nul  na,  el  écrivit  en  sa  faveur  à  saint  Paulin,  à 
de  plein  droit.  Mais  aurait-on  pu  eu  regarder  son  retour  dans  les  Gaules.  A  peine  y  fut-il 
aucune  comme  sacrilège,  si  elle  n'avait  pas  arrivé,  qu'il  renouvela  ses  accusations  con- 
tait de  vœu  ?  Orig.  ccclés.,  I.  vu.  c.  4-,  ^  1  et  Ire  saint  Jérôme,  el  il  répandit  contre  lui  des 
suiv.  Il  n'est  donc  pas  vrai  que  la  discipline  libelles  pour  le  diffamer.  Le  saint  docteur, 
actuelle  de  l'Egli-e  roinaine,  à  l'égard  des  averti  de  ce  Irait  d'ingratitude  et  de  mali- 
vlerges,  soit  fort  différente  de  ce  (|u'elle  était  gnité,  en  réprimanda  l'aulcur  par  une  lel- 
autrefois.  De  tout  temps  le  vœu  de  virginité  tre  sévère  el  sur  un  ton  de  mépris.  Bientôt 
et  de  continence  a  été  censé  nul,  lorsqu'il  n'a  1  igilance,  qui  étail  prêtre  pour  lors,  com- 
pas été  volontaire  et  libre;   la  seule  diffé-  mença  de  dogmatiser  par  l'ambition  de  faire 


1053                                 VIG  v'IG                                  1054 

du  bruil  ;  nol!S  ne  connaissons  ses  erreurs  laquelle  aucun  purliculicr  n'eul  jamais  droit 
que  par  la  réfutalion  que  saint  Jérôme  en  a  de  s'élever.  Mais  puisque  Harbeyrac  voulait 
f.iilf.  Il  blâmait  le  culte  religieux  rendu  aux  attaquer  direct' ment  saint  Jérôme,  il  ne 
martyrs  et  à  leurs  relinues,  comme  un  acte  fallait  pas  tomber  dans  le  même  défaut 
d'idolâtrie  ;  il  traitait  de  fourberie,  ou  de  qu'il  lui  reproche  ;  ce  l'ère  avait  de  très- 
prestiges  du  démon,  les  miracles  .-jui  se  fai-  justes  sujets  de  mécontentement  contre  liiji- 
saient  à  leur  tombeau;  il  condamnait  les  lanci;,  son  censeur  n'en  a  point  eu  d'au're 
veilles  que  l'on  y  célébrait,  l'usage  d'y  alla-  que  le  préjugé  lanalique  de  sa  secte  contre 
nier  des  cierges  et   des   lampes  pendant  le  les  Pères  de  l'Kglise. 

jour  ;  il  niait  que  les  saints  pussent  inter-  Dans    plusieurs   endroits  de  ce    Diction- 

céder  pour  nous  et  que  Dieu  écoulât    leurs  naire,  nous  avons   fait  voir   que   les    diviTs 

prièies.  11  déclamait  contre  les  jeûnes,  con-  articles  de  cro\anre  et  de  pratique,    blâmés 

Ire  le  célibat  des  clercs,  contre  la  vie  mo-  et  condamnés  par  Vi</il(incc  et  par   les   pro- 

nastique,  contre  la  pauvreté  volontaire,  con-  testants,  loin  d'èlre   contr, lires    à  l'Eciitiire 

tre  les  aumônes  que  l'on  envoyait  à  Jérusa-  sainte,    sont    fondés    au   contraire   sur   des 

lem  ;  il  ne  loulait  pas  que  l'on  chantât  aile-  passages  clairs  et  formels  de  ce  livie  ilivin  ; 

luid,  hors  le  temps  de  Pâques.  que  ce   ne  sont  point  îles    snier^tilions    in- 

(Jui'l(|ucs  évoques  furent  accusés  de  s'é-  venlées  au  iv  siècle,  comme  ils  osent  l'af- 
tre  laissé  séiluire  par  ce  novateur,  quoiqu'il  Armer,  mais  des  sentiments  et  des  usages 
ne  soutint  ses  sentiments  que  par  des  décla-  aussi  anciens  que  le  rhrisiianisme,  et  aolo- 
mations  et  des  sarcasmes  ;  mais  il  ne  parait  risés  par  les  apôtres  mêmes.  —  On  trouvera 
avtiir  eu  pour  sectateurs  que  quelques  ec-  une  très-bonne  notice  de  la  conduite  et  des 
clésiasliques  déréglés  ipti  se  lassaient  du  erreurs  de  Vigilaitte,  dans  VHist.  littér.  de 
célibat.  L'inondation  des  barbares,  i]ui  arriva  la  France,  loine  II,  |).  37.  Vpyez  encore 
dans  ce  temps-là  dans  les  (iaules,  produisit  Viiist.  de  l'Jùj.  qnUic.,  tomel,  I.  m,  an  403; 
d'autres  malheurs  plus  capables  d'occuper  'i'illemonl,  Fleury,  l'Iuquit,  etc. 
tous  les  esprits  que  les  égareuienis  d'un  sec-  VIGILK  ou  VElLLli  (lermcde  calendrier 
taire.  On  sait  d'ailleurs  que  \  iijilance  se  re-  ecclesiastii)ue,  qui  signifie  le  jour  qui  pré- 
tira dans  le  diocèse  de  Barcelone,  et  y  fut  cède  une  fêle).  L'origine  de  cette  dénomina- 
chargé  du  soin  d'une  Eglise  ;  de  là  on  pré-  tiou  n'est  pas  dilïicile  à  découvrir.  Dè-i  que 
sume  que  la  réfutation  de  ses  écrits,  faite  le  christianisme  eut  fiit  des  progrès  ,  il 
par  saint  Jérôme,  le  fit  rentrer  en  lui-mcme,  exciia  la  haine  des  juifs  et  <les  païens  ;  ils 
et  arrêta  les  progrès  de  sa  doctrine.  se  firent  un  point  de  religion  de  le  détruire, 

l^omme  les  protestants  l'ont  embrassée  ils  persécutèrent  ceux  (jni  en  faisaient  pro- 
dans nos  derniers  siècles,  ils  ont  fait  de  fession.  Les  chrétiens  forent  doiic  obligés 
Vii/ilnnce.  un  de  leurs  héros  ;  c'était,  disent-  de  cacher  leur  culte,  de  ne  s'assembler  que 
ils,  un  homme  distingué  par  son  savoir  et  la  nuit,  ou  dans  des  lieux  inconnus  à  leurs 
par  son  éloquence,  un  ecclésiastique  animé  ennemis.  Celle  conduite  même  donna  lieu  à 
du  louable  esprit  de  la  rélorinalion  ,  un  des  calomnies,  on  leur  reprocha  ces  asseni- 
lionime  de  bien  qui  aurait  voulu  déraciner  Idées  nocturnes,  on  les  accusa  d'y  lommel- 
les  abus,  les  erreurs,  ia  fausse  pieté,  par  tre  des  crimes,  on  les  appela  par  dérision 
lesquels  la  multitude  ignorante  et  crédule  luiiion  ténébreuse,  et  (jui  fuyait  le  grand 
se  laissait  séduire  ;  mais  les  partisans  de  la  jour,  etc.  Minut.  Félix,  c.  8;  Pliii.,  Epist. 
superstition  se  trouvèrent  plus  forts  que  ad  Trajan.,  Terlull.,  Apolog.,  c.  2,  etc.  A 
lui,  ils  arrêtèrent  les  ellVls  de  son  zèle,  ils  celte  raison  tb'  nécessité  se  joignirent  des 
le  forcèrent  au  silence  et  le  iiiii  enl  au  molil's  de  religion  ;  dès  l'origine,  la  fête  de 
rang  des  hérétiques.  D'autre  part  ils  oui  Pâques  fui  la  principale  des  solennités  chré- 
peinl  saint  Jérôme  comme  un  docteur  fou-  tiennes;  les  fidèles  pissaienl  ia  iiuil  du 
gueux  et  fanatique,  animé  lar  le  seul  motif  samedi  au  dimanche  à  célébrer  les  saints 
d'un  ressentiment  personnel,  qui  iraiia  son  mystères  et  à  y  participer,  à  chanter  des 
adversaire  avec  un  cmporiemenl  scanda-  psaumes,  à  écouler  des  lectures  et  des  in- 
leux,  qui  ne  lui  opposa  que  des  invectives  ,  sliuclions  pieuses,  eldeuieuraieiil  assemblés 
qui  travestit  ses  opinions  pour  les  rendre  jusqu'au  lever  du  soleil,  qui  el;iil  l"heur<'  de 
odieuses,  qui  ne  pul  le  couiballre  pai'  l'E-  la  résurrection  de  Jésus  Clirisl.  Peu  à  peu 
crilure  sainte  ni  par  aucun  argiimeni  solide,  celle  manière  de  célébrer  les  veilles  s'èlen- 
Barbeyrac  surtout  a  vomi  conlre  ce  saint  dit  aux  autres  fêtes  des  mystères  et  même 
docteur  un  torrcnl  de  bile.  I  iiiité  de  la  mo-  aux  anniversaires  des  martyrs.  On  y  joignit 
raie  des  Pères,  c.  lo,  §  Iti  et  'A$.  -  Il  ser.iit  le  jeûne,  comme  à  la  fêle  de  Pâques,  et  tout 
à  souhaiter  s.iiis  doute  que  saint  JérôiiKî  le  monde  convient  (lue  telle  a  été  aussi  1  o- 
eût  écrit  conirt;  Yifjilancc  avec  moins  de  rigiiie  des  offices  de  la  nuil.  De  là  enfin  est 
chaleur,  et  que  sou  ouvr.ige  eût  elé  plus  ne  l'usage  de  commencer  le  jour  ccclésiisli- 
m.  dite,  mais  il  nous  apprend  qu'il  fut  oblige  que  depuis  les  vêpres  ou  le  soir,  jusciii'au 
(le  le  faire  dans  une  seule  nuit  ;  et,  comme  lendemain  à  pareille  iieure,  au  lieu  que  le 
son  adversaire  n'avaU  attaqué  les  usages  de  jour  civil  ne  commence  ((u'à  minuit  ;  et  on 
l'Kglise  que  par  des  traits  de  satire  et  par  a  nommé  vigile  ou  veille  tout  le  jour  qui 
un  Ion  de  mépris,  le  saint  doc'.eur  ne  crut  |jrécède  une  solennité,  pendant  lequel  on 
pas  qu'il  mériiât  une  réponse  plus  sérieuse;  observe  l'abstinence  et  le  jeûne, 
il  se  contenta  de  lui  opposer  la  pratique  .  On  ne  peut  pas  disconvenir  que  celle  pra- 
constaute  et  universelle  de  l'Lglise,  conlre  iique   ue   fût    Irès-pieusc  el  très-édifianle. 


«0S5 


VIG 


VIG 


1056 


puisqu'elle  était  destinée  à  rappeler  aux 
fidèles  le  souvenir  des  mystères  de  notre 
rédemplion,  à  leur  inspirer  une  tendre  re- 
connaissance envers  Jésus-Chiisl  qui  a  dai- 
gné l<"s  opérer,  et  à  renouveler  Li  mémoire 
des  persoculions  et  des  rombiils  par  lesijuels 
notre  sainte  religion  s'est  étatilie.  Il  s'y  mêla 
sans  doute  quelque  abus  dans  la  suite,  lors- 
que 1rs  mœurs  des  eluét'ens  se  furent  relâ- 
chées ;  quelqurs  personnes  [)ieiises,  surtout 
des  femmes,  s'avisèrent  de  pratiquer  par  dé- 
votion des  veilles  part  culières,  de  passer  la 
nuit  à  prier  duns  les  cimetières  ;  le  concile 
d  RIvire  en  Espagne,  tenu  vers  l'an  300,  dé- 
fendit cet  abus,  can.  35:  «  Nous  défendons 
«  aux  femmes  de  passer  la  nuit  dans  les  ci- 
ce  Dietières,  pnrce  que  souvent  elles  rommet- 
«  tent  des  crimes  sous  prélex'e  de  prier.  » 
Aussi  un  concile  d'Auxerre,  de  l'an  578, 
can.  3,  défend  de  célébrer  les  veilles  ailleurs 
que  dans  les  églises.  AcI.  concil  Harduini, 
t.  Il],  pag.  4-43.  —  Sur  la  fin  du  iv  siècle, 
l'hérétique  Vigilance  blâma  hautement  les 
veilles  qui  se  faisaient  an  tombeau  des  mar- 
tyrs, parce  qu'il  n'approuvait  ni  le  culte 
rendu  aux  martyrs,  ni  le  lespect  que  l'on 
av;iil  pour  leurs  reliques  ;  il  soutint  que  ces 
veilles  él.iient  une  occasion  de  débauche  et 
qu'il  s'y  commettait  des  désordres.  S.iint  Jé- 
rôme prit  la  défense  de  tous  ces  usages  et 
écrivit  contre  Vigilance.  11  prouva  la  sainlelé 
des  veilles  par  l'exemple  de  David  qui  se  le- 
vait au  milieu  de  la  nuit  pour  louer  Dieu, 
ps.  cxviii,  V.  62;  par  l'exemple  de  Jésus- 
Christ  même  qui  passait  souvent  la  nuit  à 
prier,  Luc,  c.  vi,  v.  12;  par  le  reproche 
qu'il  fit  à  ses  apôtres  de  ce  qu'ils  ne  pou- 
vaient pas  veiller  pendant  une  heure  avec 
lui,  Mollit.,  c.  xxvi,  V.40;  par  la  conduite 
des  ai  ôlres  et  des  premiers  fidèles,  Act., 
c.  XII,  V.  12  ;  c.  XVI,  V.  23;  par  les  leçons  et  les 
exemples  de  saint  Paul,  //  Cor.,  c.  vi,  v.  5; 
c.  XI,  V.  27,  etc.  Au  sujet  des  désordres  qui 
pouvaient  en  arriver,  il  dit  que  l'on  abuse 
de  tout,  et  que  l'usage  de  ce  qui  est  bon  ne 
doit  pas  être  aboli  pour  cela. 

Comme  les  protestants  ont  retranché  du 
christianisme  tout  ce  ijui  les  incommodait, 
l'abstinence  ,  le  jeûne  ,  les  veilbs,  etc.,  et 
qu'ils  ont  adopté  la  doctrine  de  Vigilance, 
ils  ont  entrepris  de  réfuter  saint  Jérôme. 
Uarheyrac  surtout,  Traité  de  la  Monde  des 
Pères,  c.  15,  §  21,  a  éerit  sur  ce  sujet  avec 
toute  la  hauteur  et  le  mépris  que  ses  pareils 
ont  coutume  d'affecter  à  l'égard  des  docteurs 
de  l'Kglise.  Il  ne  répond  rien  iiux  paroles 
de  David,  il  dii  que  Jésus-Christ  recommande 
la  vigilance,  non  du  corps,  mais  de  l'âme, 
c'est  une  fausse'é  :  les  passages  que  nous 
avons  cités,  et  l'exemple  du  Sauveur,  dé- 
montrent qu'il  recommandait  l'une  et  l'au- 
tre ;  il  eu  est  de  même  des  leçons  et  de  la 
con'uite  des  apôtres.  Siiint  Faul ,  dil-il, 
prêche  seulement  l'assiluité  à  la  prièie,  cela 
est  encore  faux  ;  il  y  joint  le  jeûne  et  les 
veilles,  il  exhoiie  les  fidèles  à  prier  la  nuit 
aussi  bien  que  pendant  le  jour.  —  Les  pro- 
phètes et  les  apôtres,  continue  Beausobre, 
oui  veillé,  ou  pour  des  exercices  particuliers 


de  dévotion,  ou  par  nécessité.  Nous  soute- 
nons que  les  veilles  étaient  pai'^elles-mêmes 
un  exercice  particulier  de  dévotion  ;  elles 
n'avaient  pas  lieu  tous  les  jour-s,  mais  sen- 
lenient  au  jour  anniversaire  de  la  mori  des 
m.iriv's  <'t  aux  fêtes  principales  des  mystè- 
res Voy.  M  ARTvnF,  IAklîques,  Vigilance,  etc. 
Ce  n'esl  donc  point  saint  Jérôme  qui  abuse 
}iorril)lement  de  l'Rcriiure  sainte,  c'est  plu- 
tôt sou  censeur  qui  en  pervertit  le  sens  ;  il 
a  peine  à  retenir  son  indignation,  nou>.  re- 
tiendrons la  nôtre,  quoiqu'elle  serait  beau- 
coup mieux  fondée. 

11  ne  s'ensuit  pas  de  là,  dil-il,  qu'il  est  bon 
que  les  hommes  et  les  femmes  aillent  en 
troupe  veiller  au  lombenu  d'un  martyr,  au 
h;isard  de  mille  infamies,  dont  on  a  une  ex- 
périence cerliiine.  >ons  niois  celle  expé- 
rience prétendue,  et  nous  allons  voir  (|u'elle 
est  Iles- mal  prouvée.  On  nous  cite  d'abord 
le  trente-erniiuième  canon  du  concile  d'El- 
vire,  que  nous  venons  de  rapporter  ;  qu'a- 
t-il  (iéfeuilu?  Les  veî/Zes. particulières  et  ar- 
bilraires  de  quelques  femmes  qui  allaient 
passer  la  nuit  dans  les  cimetières  sous  pré- 
texte de  dévotion.  Mais  il  y  a  de  la  mauvaise 
foi  à  confondre  ces  veilles  de  caprice  avec 
les  veilles  solennelles  qui  se  faisaient  au 
tombeau  des  martyrs  par  les  fidèles  assem- 
blés pour  y  célébrer  les  sainis  mystères,  y 
prier  et  y  louer  Dieu.  Ce  n'est  certainement 
pas  de  ces  dernières  que  le  concile  a  voulu 
parler.  Beausobre  n'a  pas  été  plus  sincère 
lorsqu'il  a  voulu  prouver,  par  le  même  ca- 
non, que  les  femmes  avaient  été  bannies  de 
ces  assemblées  nocturnes;  II i^t. du  Munich., 
I.  Il,  I.  IX,  c.  4,  p.  (iC7.  C'est  ainsi  i]ue  les 
protestants  travestissent  les  monuments  de 
l'histoire  ecclésiastique. —  Ils  allèguent ,  en 
second  lieu,  ce  passage  de  Tirtullien,  ad 
l'xorem,  I.  ii,  cap.  4-  :  «  0"el  mari  souflrirait 
patiemment  dans  les  assemlilées  nocturnes, 
où  l'on  est  obligé  quelquefois  de  se  irouver, 
qu'on  lui  ôlàt  sa  femme  de  son  côté?  Lequel 
enfin  ne  craindrait  pas  île  voir,  à  la  fêle  de 
Pâques,  sa  femme  passer  la  nuit  hors  de  sou 
logis?  »  Mais  ils  savent  bien  que  Terlullien 
parlait  d'un  mari  païen  qui  aurait  épousé 
une  femme  chrétienne  ;  or,  ce  mari  n'.iurait 
pas  pu  savoir  où  allait  son  épouse,  lors- 
qu'elle le  quittait  pendant  la  nuit  pour  as- 
sister à  une  vtille,  soit  à  Pâques,  soit  dans 
un  autre  temps  ;  il  clait  donc  naturel  qu'il 
en  eûl  de  l'inquiétude.  11  est  coiislaiil  que 
Tertullien  a  écrit  ses  deux  livres  à  sa  femme 
pour  la  détourner,  s'il  venait  à  mourir,  d'é- 
pou-er  un  païen  ;  mais  nos  censeurs  mali- 
cieux font  semblant  de  croire  qu'il  parlait 
d'un  mari  chréiien  qui  ne  voulait  pas  ac- 
compagner son  épouse  à  une  veille,  ou  qui, 
s'y  trouvant  avec  elle,  ne  voulait  pas  qu'elle 
quiilât  son  côté.  Si  Tertullien  avait  soup- 
çonné le  moindre  danger  dans  ces  assem- 
blées nocturnes,  lui  qui  était  si  sévère,  il 
n'aurait  pas  dit  que  l'on  pouvait  être  ohlii/é 
de  s'i/  Irouver  ;  il  aurait  tonné  conire  cet 
usage.  —  Ils  piétendenl,  en  imisième  lieu, 
que  saint  Jérôme  lui-même  est  convenu  que 
dans  ces  veilles  il  se  commettait  souvent  des 


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crimes  ;  il  dit  :  «  La  faute  et  l'égarement  des 
jeunes  ^ens  et  des  femmes  débauchéi's,  que 
l'un  reiicoiilre  suuvonl  pendant  la  nuit,  ne 
ddivenl  pas  être  imputés  aux  hommes  reli- 
gieux ;  et  parce  que,  la  vetlte  de  Pâques,  le 
iDéme  désordre  arrive  ordinairemenl,  1,'.  re- 
li;;i<)n  ne  doit  recevoir  aucun  préjudice  du 
libertinage  d'un  f)etil  nombre  de  débauchés 
qui  sans  ces  veilles  peuvent  également  pé- 
cher, ou  chez  eux,  ou  dans  d'autres  mai- 
sons. »  Aduersus  Vigilnnl.,  Op.  t.  IV,  col. 
285.  S'ensuit-il  de  là  que  ces  veilles  four- 
nissaient aux  libertins  des  deux  sexes  une 
occitsion  de  plus  pour  pécher,  comme  le 
soulieiii  Barbeyiac?  Le  même  saint  Jéiôme 
défend  à  une  jeune  vierge  d';iller  à  l'église 
sans  sa  mère  el  de  s'écarter  d'elle  dans  les 
veilles  et  les  assemblées  noeturm-s,  /ipist. 
ad  Lœtam,  ihid.,  cd.  39't.  Cela  se  fait  en- 
core aujourd'hui,  lors()ue  les  mères  sont  vé- 
ritablement chrétiennes  ;  mais  il  est  ridicule 
d'alléguer,  pour  preuve  d'un  désordre,  les 
précautions  niémes  que  l'on  prend  pour 
qu'il  n'arrive  point.  —  On  cite,  en  quatrième 
lieu,  une  lettre  écrite  par  saint  Augustin 
vers  l'an  392,  dans  laquelle  il  se  plaint  de  ce 
qu'en  Afrique  on  se  permet  les  festins  et 
l'ivrognerie,  non-seulement  dans  les  fêles 
des  mariyrs.  mais  tous  les  jours,  et  à  leur 
honneur.  Episl.  -li,  n.  .3  et  h.  Dans  celle 
lettie  même  saint  Angusiin  témoigne  que  ce 
désordre  n'a  pas  lieu  il:ins  llt.ilie  ni  dans  les 
autres  liglises  au  delà  de  la  mer,  qu'il  n'y  a 
jamais  régné,  ou  qu'il  a  été  réiormé  par  les 
soins  et  la  vigilance  des  évèi|ues.  Cioil-on 
que  quant  il  n'y  aurait  jamais  eu  de  fêtes 
des  martyrs,  les  Africains  en  auraient  été 
moins  adonnés  aux  débauches  de  la  table? 
Une  preuve  que  ce  même  vice  n'avait  pas 
régné  pendant  les  quatre  premiers  siècles, 
du  moins  hors  de  l'Afriiue,  c'est  qu'aucun 
des  Pères  qui  ont  parlé  des  veilles  ne  l'a  re- 
proche aux  chrétiens. 

Par  un  nou\eau  trait  de  prévention,  Bar- 
bey rac  prétend  que  ce  fut  pour  anêler  ce 
désordre  que  l'on  ordonna  le  jeûne  pour  les 
t)e»7/es  des  fêtes  ;  c'est  une  fausse  imagina- 
lion  :  le  J!  ijne  a  fait  partie  essentielle  des 
veilles  depuis  l'origine.  Les  prolestants  ne 
peuvent  en  disconvenir,  puisqu'ils  ont  ob- 
servé que  les  veilles  des  martyrs  et  des  au- 
tres fêles  furent  instituées  sur  le  modèle  de 
celle  de  Pâques;  or,  on  jeûnait  certainement 
ce  jour-  là.  Dans  Minuiius  Félix,  e.  8, 
l'accusateur  de-,  chri'liens  leur  reproche  eu 
même  temps  les  assemblées  nocturnes  et  les 
jeûnes  solennels  ;  l'auteur  du  dialogue  in  i- 
lule  Pliiluprttris  l'a  imié.  Est-il  croyable 
d'aillenrs  que  les  premiers  chrétiens  (jui 
jeûnaient  régulièrement  deux  fois  par  se- 
maine, el  que  TcrliilUen  appelle  des  hommes 
desséchés  pur  Ir  jeûne,  ne  l'jiient  pas  prati- 
qué pour  se  préparer  à  la  célébration  d'une 
fêle"?  Saint  Paul,  //  Cor.,  c.  vi,  v.5,j>inl  le 
jeûne  avec  les  veilles.  C'est  de  cette  circm- 
Staiice  mé.ne  que  naquit  l'abus  dont  se  plai- 
gnent les  protestants,  et  qu'ils  exagèrent 
très-mal  à  propos,  il  était  naturel  que  les 
CdiMes   qui   avaient  jeûné  la  veille  et   qui 


avaient  passé  a  nuit  en  prières,  fissent  un 
repas  en  rentrant  chez  eux  ;  et  comme 
c'était  un  jour  de  fête,  on  y  mettait  un  peu 
peu  plus  d'appareil  que  les  autres  jours. 
Ceux  qui  étaient  naturellement  intempé- 
rants s'y  livièrenl  à  des  excès  ;  voilà  ce  que 
déplorait  saint  Augustin  ;  mais  il  ne  s'ensuit 
pas  de  ses  plaintes  que  le  très-grand  nombre 
des  chrétiens  étaient  coupables  de  ce  désor- 
dre ;  il  faut  en  revenir  à  la  maxime  de  saint 
Jérôme  ,  que  le  vice  d'un  petit  nombre 
ne  doit  point  porter  préjudice  à  la  reli- 
gion. 

Qu'aurait  pu  répli<iuer  Harbeyrar,  si  on 
lui  avait  soutenu  que  le  jeûne  solennel  ob- 
servé par  les  protestants  deux  fois  l'année 
est  une  momerie  et  un  abus  ?  11  est  constant 
que,  dans  ces  jours,  les  jeunes  personnes 
vont  au  prêche  plus  parées  qu'à  l'onlinaire; 
qu'avant  d'y  aller,  plusieurs  se  munissent 
d'un  déjeuner  gras  et  se  remettent  à  table  au 
retour  :  nous  avons  été  té'iioin  oculaire  de 
ce  fait,  et  lorsque  nous  en  avons  témoigné 
notre  éionuement,  on  nous  a  dit  que,  selon 
l'Evangile,  ce  n'est  point  ce  qui  entre  dans 
la  bombe  de  l'homme  (|ui  souille  son  âme. 
C'est  ainsi  qu'en  abusant  de  l'Eeriture  sainte 
les  protestants  juslillent  tous  les  autres  abus. 
Lorsque  saint  Jéiôme  répond  à  Vigilance 
que  l'usage  de  ce  qui  est  bon  ne  doit  pas 
être  aboli  à  cause  des  abus  :  «  Fort  bien,  ré- 
plique notre  censeur  ;  mais  il  faut  que  la 
chose  dont  il  s'agit  soit  véritablement  bonne 
et  d'une  nécessite  indispensable.  »  Qu'il  nous 
prouve  donc  que  les  prétendus  jeûnes  lie  sa 
secte  sont  meilleurs  en  eux-mêmes  et  d'une 
nécessité  plus  indispensable  que  les  veilles 
des  chrétiens  du  v'  siècle.  Enfin  il  s'obstine, 
auvfii  bien  que  Beausobre,  à  soutenir  que 
ces  veilles  étaient  une  imitation  de  celles  des 
païens,  une  pratique  venue  du  paganisme, 
et  qui  naturellement  devait  y  comluire.  Il  a 
cilé  en  preuve  Arnobe,  contra  Uentes,  I.  v, 
et  cet  auteur  n'en  dit  pas  un  mot.  Nous  voilà 
donc  réduits  à  croire  que  Jésus-Christ  et  ses 
apôtres  copiaient  les  païens  lorsqu'ils  pas- 
saient les  nuits  à  veiller  et  à  prier,  ou  que 
les  premiers  chrétiens  se  sont  proposé  de 
suivre  plutôt  l'exemple  des  païens  que  celui 
de  Jésus-Christ  et  des  apôtres.  Il  est  du 
moins  bien  certain  ((ue,  dans  les  veilles  de 
Bacchus,  de  Gérés  et  de  \  éiius,  leurs  adora- 
teurs ne  passaient  pas  la  nuit  à  jeûner,  à 
prier  et  à  lire  des  livies  saints,  et  (|ue  les 
occupations  des  chrétiens  pendant  les  veilles 
ne  ressemblaient  guère  à  celles  de  leurs 
ennemis  et  île  leurs  persécuieurs.  Nous  se- 
rions mieux  fondes  à  dire  que  ce  sont  nos 
censeurs  qui  imitent  la  conituile  des  païens, 
qui  répèlent  leurs  calomnies  contre  les  pre- 
miers tidèles,  qui  poussent  même  la  mali- 
gnité plus  loin  ()ue  Cécilius  dans  Minulius 
Félix,  que  Oise,  Porpiijre  el  Julien  dans 
leurs  écrits  contre  notre  religicm ,  et  qui 
fournissent  sans  cesse  aux  incrédules  des 
armes  contre  elle  ;  mais  cela  ne  les  touche 
point  :  Barbeyrac,  après  toutes  les  inepties 
de  sa  diatribe,  s'est  llatté  d'avoir  confondu 
saint  Jérôme.    Voy-    rhomassiu,    Traité  du 


1059 


VFN 


VIN 


1060 


Jeûne,  i"  partie,  chap.  18;  ii"  partie,  c.  14. 
VK.II-ES  DES  MOKTS.  L'on  nomme  ainsi 
les  matines  el  les  laudes  de  roffice  des  morts, 
qui!  l'on  chante,  ou  aux  obsèques  d'un  dc- 
luiil,  ou  ;iu  service  que  l'on  fait  pour  lui. 
Par  un  statut  dressé  l'an  1215  pour  l'univor- 
silé  de  Paris,  on  voit  que  ces  vigiles  se  clian- 
taient  pour  lors  pendant  la  nuit.  Tbuinas- 
sin,  ibid. 

VINCENT  de  Lérins,  Gaulois  de  naissance 
et  moine  du  célèbre  monasièrc  de  Lérins 
près  de  Marseille,  mourut  l'an  450,  on 
ignore  à  quel  âge.  Il  composa,  l'an  kâk, 
trois  ans  après  le  concile  général  d'Ephèse, 
un  très-bon  ouvrage  intitulé  :  Traclatus  Pe- 
reyrini,  pro  calholicœ  fidei  antiquilale,  etc. 
11  est  plus  connu  sous  le  nom  de  Cominoni- 
tiirium,  ou  avertissement  contre  les  héréti- 
ques ;  H  prouve  que  la  règle  de  la  vraie  foi 
est  d'abord  l'Ecriture  sainte,  et  que  le  sens 
de  ce  livre  divin  doit  êlre  déterminé  el  fixé 
par  la  tradition  de  l'Eglise;  ainsi  la  vraie 
doctrine  de  Jésus-Christ  est  ce  qui  a  été  cru, 
enseigné  el  professé  dans  tous  les  temps, 
dans  tous  les  lieux  el  p;ir  tous  les  fidèles, 
quod  uliique,  quod  SPinper,  qnod  (ib  omnibus; 
pour  la  connaître,  il  faut  s'attacher  à  l'an- 
tiquité, à  l'universalité,  à  l'uniformité  de 
l'enseignement  el  de  la  croyance  :  in  omni- 
bus sequamur  anliquilaUm ,  iiniversitatem, 
consensionem.  La  meilleure  èdilion  de  ce 
traité  est  celle  qu'a  donnée  Baluze. 

Ue  tout  temps  on  a  reconnu  le  mérite  de 
cet  ouvrage,  plusieurs  protestants  en  sont 
convenus,  quoique  intéresses  par  système  à 
le  contredire.  Wosheim,  llisl.  ecdés.,  v  siè- 
cle, IV  part.,  c.  2,  §  11,  avoue  que  Vincent 
de  Lérins  s'est  acquis  une  répuiation  im- 
mortelle par  son  pelit,  mais  excellent  traité 
contre  les  secles.  Cave,  Uéeves  el  d'autres 
Anglais  en  ont  parlé  de  même,  maisd'auires 
criiiques  n'ont  pas  été  aussi  équitables.  Le 
traducteur  de  Mosh  im  soutient  que  ee  livre 
ne  mérite  p;is  les  éloges  qne  l'on  en  a  faits  : 
j(!  n'y  vois,  dil-il,  qu'une  vénération  aveugle 
pour  les  anciennes  opinions,  préjugé  funeste 
aux  progrès  de  la  vérité,  et  le  dessein  de 
prouver  qu'il  fan!  s'en  rapp^irter  à  la  iradi- 
lioii  pour  fixer  le  sens  de  l'Ecriture.  Tel  a 
été  en  efl'.'t  le  dessein  de  l'auteur,  el  il  a 
prouvé  celle  vérité  par  des  raisons  aux- 
quelles les  prolestants  n'onl  encore  pu  rien 
opposer  de  solide.  Voy.  Tb41)Ition.  La  mé- 
thode contraire  a  laquelle  ils  se  tiennent, 
loin  de  favoriser  les  jirogrès  de  la  vérité,  n'a 
produit  parmi  eux  que  des  erreurs  ;  témoin 
la  multilude  de  celles  qui  sont  nées  chez 
eux,  el  qui  les  a  divisés  en  une  infinité  de 
secles. 

Uasnage,  Hisl.  de  l'Eglise,  1.  xx,  c.  6,  §  7, 
a  poussé  beaucoup  plus  loin  la  prévention 
contre  ce  mèinu  ouvrage  ;  il  prétend  que 
Vincent  n'a  fait  son  Commonitoire  que  pour 
établir  le  semi-pèlagianisine  duquel  il  était 
imbu  ;  les  preuves  qu'il  en  donne  sont,  1°  que 
c'était  pour  lors  l  erreur  dominante  dans  le 
monaslère  de  Lérins,  où  Vincent  était  moi- 
ne; 2"  qu'il  est  l'auteur  des  objections  con- 
tre la  doctrine  de  sainl  Augustin,  auxquelles 


saint  Prosper  a  répondu  dans  son  livre  in- 
titulé :  Responsio  ad  objecliones  Vicentianas. 
3  Le  sentiment  des  semi-pélagiens  était  que 
l'homme  peut  désirer,  chercher,  demander 
la  grâce,  par  ses  propres  forces  ;  or,  cela  se 
trouve  en  mêmes  termes  dans  le  Commom- 
toire,  c.  37,  oiî  Vincent  tourne  en  ridiculb 
ceux  qui  soutiennent  qu'il  y  a  uni;  grâce 
personnelle  que  l'on  peut  avoir  sans  frap- 
per, sans  la  chercher  et  sans  la  demander. 
4°  H  en  appelait  à  l'antiquité  comme  tous  les 
scmi-pélagiens,  el  il  traitait  comme  eux  de 
nouveauté  la  doctrine  de  saint  Augustin. 
5°  En  f.'iisant  semblant  de  louer  la  lettre  du 
pape  Géleslin  aux  évêques  des  Gaules,  il  en 
travestit  le  sens  pour  le  tourner  en  sa  fa- 
veur. ()°  Plusieurs  auteurs  catholiques  et  sa- 
vants sont  convenus  du  semi-pélagianisme 
de  Vincent  et  l'ont  prouvé. 

Il  n'est  pas  difficile  de  faire  voir  que  tou- 
tes ces  accusations  sont  ou  des  faussetés  ou 
des   soupçons  sans   fondement.  En   premier 
lieu,  Cassien,   que    l'on    regarde  comme    le 
premier  auteur  du  semi-pélagianisme,  était 
abbé   de   Saint-Victor  de  Marseille  ,   el   non 
moine  de  Lérins;  ['"auste  do  Riez,  aulre  dé- 
fenseur de  la  môme  erreur,  n'a  écrit  sur  la 
grâce  (|ue  plus  de  vingt  ans  a[irès   la  mort 
de  Vincent.    Uist.  litt.    de   la   France,  t.  Il, 
pag.  591.  Cassien  ni  Fauste  n'onl  pas  caehé 
leurs  senlimenls;  pourquoi  Vincent  aurait-ii 
dissimulé  les  siens?  11   parle  toul  autrement 
que  ces  deux  personnages,  nous  le  verrons 
ci-après  ;  donc  il  ne  pensait  pas  de  même. 
Cent    fois    les    prolestants    ont    répété   que, 
pour  accuser  un    auteur    d'hérésie,   il   faut 
avoir  des  preuves  formelles  et  positives  ;  où 
sont  celles  que  l'on  produit  contre  Vincent? 
Des  conjectures  malicieuses,  des  interpréta- 
tions forcées,  des  suppositions  hasardées,  ne 
sont  pas  des  preuves. — En  second  lieu,  ceux 
qui   attribuent    les    objections  de  Vincent  à 
celui  de  Lérins,    ne   sont  fondés  que  sur  la 
ressemblance  du  nom,  préjugé  frivole,  el  ils 
pèchent  en  cela  contre  toute  vraisemblance. 
Si  saint  Prosper  aiait  eu  les   mêmes   soup- 
çons qu'eux,  il  aurait  certainement  ménagé 
davantage  ses  expressions.   11   dit,  dans   sa 
prélaco,  que  les  auteurs   de    ces  objections 
n'agissent  que   par   envie  de    nuire,   qu'ils 
forgent   des   meusoUgcs  et  des   blasphèmes, 
qu'ils  les  débilent  en  public  el  en   particu- 
lier, qu'ils  en  dressent  une  liste  diabolique, 
qu'ils  les  font  valoir  afin  d'exciter  la    haine 
contre  lui,  que  les  inventeurs  de  ces  calom- 
nies doivent  êlre  punis.  Il  n'aurait  pis  con- 
venu à  un  laïque,  tel  que  saint  Prosper,  de 
traiter  ainsi  Vincent   de    Lérins,    prêtre   et 
moine  respectable  par  ses  talents  el  par  ses 
vertus.   D'aulre  part,  si  l^incenl  s'élail  senti 
atiaqué  persounellemcnl  par  ces  invectives, 
il  n'aurait  pas  parlé  avec  tant  de  modéra- 
tion des  accusateurs  des  semi-pélagiens,  en 
faisant  menlion  de  l,i  lettre  que  le  papeCé- 
leslin  éci  ivit  aux  évêques  des  Gaules,  à  la 
prière  de  Prosper  el  d'Hilaire.  Enfin,  il  était 
trop  équitable  pour  travestir  la  doctrine  de 
saint  Augustin  d'une  manière  aussi  indigne 
que  l'a   l'ait  l'auteur  des   objections.  -  Eu 


1061 


VIN 


VIN 


lOCî 


troisième  lieu,  il  est  faux  que  l'erreur  des 
semi-pélagiens  se  trouve  en  propres  termes 
dans  \e  Cominoniloire  de  Vincent.  Voici  ses 
paroles  (c.  37,  ni.  26)  :  »  F^es  lii'réti((ues  osent 
pronieltre  et  enseigner  que  dans  leur  Eglisi;, 
c'est-à-dire  dans  le  convenlicule  de  leur  so- 
clt'lé,  il  y  a  une  grâce  de  Dieu  abondante, 
spécialo  et  personnelle,  à  laquelle,  sans  tra- 
vail, sans  élude,  sans  application,  sans  la 
demander,  sans  la  chercher,  sans  frapper, 
tous  leurs  adhérents  participent  de  telle  ma- 
nière que,  portés  par  les  anges,  ils  ne  peu- 
vent ni  broncher  ni  cire  scandalisés.  »  Il 
faut  avoir  perdu  toute  pudeur  pour  suppo- 
ser, 1"  que  Vincent  a  osé,  dans  ce  passage, 
traiter  d'hérétiques  saint  Augustin  et  ses  dis- 
ciples, nommer  conventicule  l'Eglise  catho- 
lique, les  appeler  disciples  du  diable,  faux 
apôtres,  faux  proiilules,  faux  maiire.i,  etc., 
cap.  seq.  ;  2°  ((u'il  a  été  assez  insensé  pour 
les  accuser  d'admettre  une  grâce  spéciale 
donnée  à  tous,  sans  la  chercher  et  sans  la 
demander,  pendant  que  la  plupart  d'entre 
eux  ont  soutenu  expressément  (lue  la  grâce 
n'est  pas  donnée  à  tous.  3"  Il  est  évident  que 
Vincent  ne  parle  point  ici  de  la  gràee  ac- 
luelle,  nécessaire  à  tous  pour  faire  une 
bonne  œuvre,  même  pour  former  de  bous 
désirs;  mais  d'une  grâce  spéciale  accordée 
à  tous  les  hérétiques  pour  ne  pas  tomber 
dans  l'erreur.  Ils  protnellaient,  comme  les 
protestants,  à  leurs  prosélytes,  une  inspira- 
tion particulière  du  Saint-Esprit,  pour  ne  se 
tromper  jamais  dans  l'intelligence  de  l'Ecri- 
ture sainte.  Vincent  la  tourne  en  riili  u!e 
avec  raison  ;  nos  prétendus  illuminés  ne 
peuvent  le  lui  pardonner,  k"  Common.,  cap. 
2'i-,  il  demande  :  «  Avant  le  profane  Pelage, 
qui  présuma  jamais  assez  des  forces  du  libre 
arbitre  pour  penser  que,  dans  toutes  les  bon- 
nes choses  et  dans  tous  ses  actes,  la  grâce  de 
Dieu  n'était  pas  nécessaire?  »  Soutiendra- 
t-on  (lue  les  désirs  de  la  toi,  de  la  conver- 
sion, lie  la  juslificalion,  etc.,  ne  sont  pas  de 
bonnes  choses?  —  En  quatrième  lieu,  les 
semi-pstagiens  avaient  tort  de  citer  pour 
eux  ranli()uité  ;  il  est  prouvé  ((u'avant* saint 
Augustin  les  anciens  i'ères  avaient  enseigné 
conuue  lui  que  toute  grâce  est  gratuite  ;  il 
en  a  cité  plusieurs  Df  douo  persiv.,  cap.  19 
et  20,  n.  iS-ol.  I  i'kcc»<  de  Lérins  ne  pou- 
vaii  pas  l'ignorer;  aussi  n'ai-ii  jamais  eu 
la  léiiiérilé  de  taxer  de  uouve.iulé  cette  doc- 
trine ancienne.  Mais  de  ce  que  les  seuii-pé- 
lagiens  allégu  lient  fausM'ineni  l'antiquité 
eu  leur  faveur,  il  ne  s'ensuit  p;is  i|ue  Vin- 
cent ail  mal  prouvé  la  nécessité  d'y  recourir 
en  matière  de  foi.  —  En  cin  luième  lieu,  c'est 
une  nouvelle  imposture  d  aflirmer  qu'il  a 
tourné  en  ridicule  la  lettre  de  Célestin  aux 
évèques  des  tjaules,  ei  qu'il  en  a  travesti  le 
sens  ;  il  en  a  parlé  au  contraire  avec  le  res- 
pect convenable  ,  Commonil.,  c.  32  et  ,33. 
Après  avoir  cité  les  exe.uples  récents  de 
saint  Cyrille  d'.Vlesandrie  et  du  pape  Sixte, 
il  dit  :  «  Le  saint  pape  Gelesiin  a  pensé  el  a 
parlé  de  même.  Dans  la  lettre  qu'il  a  écrite 
aux  évèques  des  Gaules,  pour  les  reprendie 
de  ce  qu'ils  laissaient  éclore  des  nouveautés 


profanes,  il  conclut  que  In  nouveauté  cesse 
donc  d'attaquer  l'antiquité.  »  Or,  par  ce» 
nouveautés  profanes,  saint  Célestin  enten- 
dait évidemment  les  erreurs  des  semi-péla- 
giens.  «  Quiconque,  ajoute  Vincent,  résiste 
à  ces  décrets  catholiques  et  apostoliques, 
insulte  à  la  mémoire  de  saint  Célestin  el  de 
saint  Cyrille.  »  De  quel  fronl  peut-on  sup- 
poser que  ce  langage  était  une  dérision, 
que,  suivant  l'opinion  de  Vincent,  la  nou- 
veauté était  la  doctrine  de  saint  Augustin, 
qu'il  a  espéré  de  la  persuader  à  ses  lecteurs, 
el  qu'il  méprisait  intérieurement  ces  décrets, 
en  feignant  de  les  respecter?  —  Enfin  nous 
n'ignorons  pas  que  les  partisans  outrés  de 
cette  doctrine,  el  qui  souvent  la  déligurent, 
ont  taxé  de  semi-pélagianisme  tous  ceux  qui 
no  l'ont  pas  entendue  comme  eux.  Mais  le 
cardinal  Noris,  Vossius,  Frasscn,  Lupus, 
Thomassin,  Alexandre,  It.  Simon,  etc.,  ne 
sont  pas  des  noms  assez  imposants  pour 
nous  subjuguer,  lorsque  nous  avons  sous 
les  yeux  des  preuves  positives  de  la  témé- 
rité de  leurs  soupçons.  Ils  ont  suivi  l'exem- 
ple de  Calvin  el  de  ses  disciples,  de  .laiisé- 
nius  et  de  ses  adhérents  ;  ce  n'étaient  pas 
là  lies  modèles  à  iiniier.  Pierre  Pitbou,  Ua- 
luze,  Strumélius,  i^apebrock,  le  savant  Maf- 
fei  el  d'autres,  ont  vengé  la  mémoire  de 
Vincent  de  Lérins. 

Basnage  réiiond  que  le  sentiment  de  ces 
derniers  ne  prouve  rien  ;  qu'ils  étaient  in- 
téressés à  justitier  Vincent  parce  qu'il  est 
honoré  comme  sainl,  parce  qu'il  a  soutenu 
le  principe  de  l'Eglise  romaine  touchant  la 
nécessité  de  la  tradition,  parce  qu'ils  ont 
voulu  étayer  leur  propre  seuii-pélagianisine 
par  le  suffrage  de  cel  auteur,  au  lieu  que 
ses  accusateurs  oui  eu  le  courage  de  résis- 
ler  à  ces  trois  motifs  d'intérêt. 

Conclusion  di'inede  tout  ce  qui  a  précé  lé. 
Basnage  a  donc  igi'oré  queCassien,  premier 
défenseur  du  seini-[)élagianisme,  est  cepeu- 
d.inl  honoré  d'un  culte  religieux  à  Sainl- 
Viclor  de  .Marsi  ille,  eu  vertu  d'un  décret  du 
pape  Urbain  V.  L'erreur  d'un  prisonnage 
irès-vertueux  d'ailleurs  ne  peut  porter  au- 
cun piéjiidice  à  sa  sainteté,  à  moins  que 
celle  erreur  n'ait  été  condamnée  par  l'Lglise 
et  (|u'il  n'y  ail  adhéré  malgré  \i  coiid.nniia- 
lion  :  or,  celle  des  seni-pél  igiens  n'.i  été 
proscriie  qU'-  l'iiii  52)  par  n-  ii  cmiile  d'O- 
range, près  de  Ci-nl  ans  après  la  mort  de 
Cassien  el  de  Y incent.  Nous  coinenons  néan- 
moins que  si  le  dessein  dé  ce  de:  nier  avait 
élé  tel  (lue  ses  accu^aleul■s  le  représentent, 
ce  serait  un  fourbe  dig  le  d'analliéme  ;  a 
Dieu  ne  plaise  que  nous  ayons  jamais  ce 
soupçon.  2"  Quand  Vincent  se  serait  trompé 
sur  le  fait  de  l'anliiiuité  ou  de  la  nouveauté 
du  sciiii' pélagianisMie,  les  principes  qu'il  a 
posés  sur  la  nécessité  de  l.i  tradition  n'en 
Seraient  ni  moins  vrais  ni  moins  solides 
Quoique 'rerlullieu  soil  tombé  dans  de  gran- 
des cireurs,  nous  ne  l'aison-,  pas  moins  de 
cas  pour  cela  de  on  Traité  des  Prescriptions 
contre  les  Itéré  tiques  ;  si--^  principes  sont  les 
mêmes  pour  le  fond  que  ceuv  de  Vincent 
de  Lérins.  Les  protestants  eux-mènies  n'ont 


1065 


VIS 


VIS 


1061 


pas  cessé  de  regarder  Luther  et  Calvin  com- 
nie  de  irès-grands  hommes,  quoiqu'ils  con- 
ïiennenl  que  ni  l'un  ni  l'autre  n'onl  été 
exempts  d'erreurs.  3°  Nous  ne  somnu's  pas 
étonnés  de  ce  que  Basnage  .iccuse  de  semi- 
péhigianisnie  tous  les  apologistes  de  Vincent 
de  Lérins,  puisque  les  protestants  en  accu- 
sent tous  les  catholiques  sans  exception, 
malgré  la  condamnation  que  le  concile  de 
Trenie  a  faite  de  cette  hérésie  ;  Sess.  6,  de 
Justif.,  c.  5  et  6,  et  can.  3.  Nous  sommes 
seulement  lâchés  de  ce  que  ce  même  criti- 
que semble  accuser  aussi  les  détracteurs  de 
la  foi  de  Vincent,  d'avoir  trahi  k's  véritables 
intérêts  de  l'Eglije  caiholique  ;  mais  ce  n'est 
point  à  nous  de  les  disculper.  Dans  un  autre 
endroit,  Basnage  a  directement  attaqué  les 
principes  établis  par  Vincent  dans  son  cdhi- 
moniloire  ;  nous  avons  réfuté  ses  arguments 
au  mot  Tradition,  à  la  (in. 

VIOLKNCK.  Vuy.  Persécution. 

VlRtilNlTÈ.  Voy.  Vierge. 

VISIBILITÉ  DE  L'ÉGLISE.  Voy.  Eglise  , 

§^' 

VISION  BÉATIFK^UE.  Leslhéologiensdis- 

tinguenl  trois  manières  de  voir  ou  de  con- 
naîire  Dieu  ;  la  première,  qu'ils  appellent  vi- 
sion cdisiraclive,  est  de  connaître  la  nature 
et  les  perfections  de  Dieu  par  la  considéra- 
tion de  ses  ouvra(;es  ;  les  attributs  inrisibles 
de  Dieu,  dit  >aiiit  Paul,  sont  vus  et  conçus  de- 
puis la  création  du,  monde  ,  par  ce  qu'il  a  /'ait 
(Rum.,  I,  20j.  C'est  la  seule  manière  dont 
nous  puissions  voir  et  coiinaiire  Dieu  dans 
cette  vie.  IVIais  nous  le  cunuaissons  encore 
mieux  par  ce  qu'il  a  fait  dans  l'ordre  de  la 
grâce,  et  qu'il  nous  a  révélé,  que  par  ce 
qu'il  a  lait  dans  l'ordre  de  la  nature.  La  se- 
conde manière  est  de  voir  Dieu  immédiate- 
ment et  en  lui-môme;  ou  la  nomme  vision 
intuitive  ou  béatilique  ;  c'est  celle  dont  les 
bienheureux  jouissent  dans  le  cil.  Saint 
Paul  nous  en  a  encore  donné  l'idée  lorsqu'il 
a  dit  ,  y  Cor.,  c.  XIII,  v.1-2:  Nous  voyons  à 
présent  comme  dans  un  miroir  et  d'une  ma- 
nière obscure  ;  mais  ulors  (  après  cette  vie) 
nous  verrons  face  à  face.  A  présent  je  ne  con- 
nais qu'en  partie,  mais  alurs  /e  connaîtrai 
comme  je  suis  connu.  Jésus-Chiist  lui-même 
dit,  Jilaith.,  c.  xviîi,  v.  10  :  Les  ani/es  voient 
continuellement  lu  face  de  mon  Père  qui  est 
dans  le  ciel.  La  troisième,  que  l'on  appelle 
vision  compréhtnsice,  ne  convient  qu'à  Dieu 
iutiiii  daiiii  sa  nature  et  dans  tous  ses  attri- 
buts ;  lui  seul  peut  se  voir  et  se  coniiaitre 
tel  i|u'il  est.  H  n'y  a  nièuie  aueune  preuve 
que  Dieu  ait  jamuls  accordé  à  aucun  homme 
dans  cette  vie  la  vision  inluiliveiXe.  lui-même  ; 
Moïse,  Elle,  saint  Paul,  plusieurs  [irophètes, 
ont  eu  des  ravissements  et  des  extases,  dans 
lesquels  il  est  dit  qu'ils  ont  vu  Dieu;  mais 
celii  signilie  seulement  qu'ils  ont  vu  de  la 
majesté  divine  des  figures  et  des  symboles 
pins  angustes,  plus  éclatants,  plus  admira- 
bles que  ceux  sous  lesquels  il  s'est  montré 
aux  autres  hommes.  Voy.  Science  ue  Jé- 
sus-Christ. 

C'est  une  erreur  assez  commune,  et  déjà 
fort  ancienne  parmi  les  Arméniens   et   les 


Grecs  schismatiques,  de  croire  que  les  justes 
et  les  saints  sortis  de  ce  monde  ne  jouiront 
de  la  vision  intuitive  de  Dieu  qu'après  la  ré- 
surrection générale  et  le  jugement  dernier, 
qu'en  attendani  ils  jouissent  du  repos  dans 
l'attente  de  leur  parfait  bonheur.  Celle  opi- 
nion fut  condamnée  dans  le  coneile  de  Flo- 
rence tenu  l'an  li39.  Il  y  fut  décidé  que  les 
âmes  des  justes,  à  qui  il  ne  reste  aucun  pé- 
ché à  expier  .jouissent  de  la  vision  béati/ique 
immédiatement  après  leur  mort.  Voi/.  Bon- 
HEi  R  étermel.  Get'e  déci^ion  a  été  confirmée 
par  le  concile  de  Trenie.  —  La  même  ques- 
tion avait  été  agitée  avee  beauc  'Up  d'éclat 
en  France  au  xiv'  siècle.  Le  pape  Jean  XXII, 
Français  de  nation  ,  et  qui  siégeait  à  Avi- 
gnon, pencha  pour  la  croyance  des  Grecs  , 
parce  qu'elle  lui  parut  l'uiKlee  sur  plusieurs 
passages  des  anciens  Pères;  il  l'avançi  mê- 
me dans  quelques  sermons  ,  et  il  témoigna 
désirer  que  cela  lût  regardé  du  moins  com- 
me une  opinion  problém.itique  ;  mais  il 
ne  décida  jamais  rien  sur  cette  matière  en 
qualité  de  souverain  pontife,  il  ne  rendit  au- 
cun déeret  à  ce  sujei,  il  réiracta  même  aux 
approches  de  la  mort  ce  qu'il  avait  pu  dire 
ou  penser  de  peu  exact  sur  cette  question. 
Tous  ces  fjiils  suni  solideuient  prouvés  dans 
Vllistiiire  de  l'Eylise  gallicane,  loin.  XIII, 
l.xxxviii,  anii.  1333  et  1334,  parles  mé- 
moires du  temps  ei  par  les  pièce»  originales 
de  la  dispute. 

Miis  les  protestants,  toujours  obstinés  à 
caloinnirr  les  papes,  soutiennent  en»  ore  que 
Jean  XXII,  par  sa  doctrme,  encouru'  la  cen- 
sure de  presque  toute  l'Kglise  c  >tliolii|ue, 
que  son  opinion  fut  comlamnéii  unanime- 
ment par  tous  les  théologiens  de  Paris,  l'an 
1333;  que  si,  près  de  mourir,  il  se  rétracta, 
ce  fut  sans  renoncer  entièrement  à  son  opi- 
nion; que  s'il  se  soumit  au  jugement  de  l'E- 
glise, il  n'y  fut  porté  que  par  la  crainte  de 
passer  pour  hérélique  après  sa  morl ,  Mos- 
heim,  Uist.  ecctés.,  xiv'  siècle,  ii'  part.,  c.  2, 
§  9.  Calvin  a  même  osé  l'accuser  d'avoir  nié 
rimiiiort.tlitè  de  l'âme. 

Pour  détruire  toutes  ces  imputations  ,  il 
suffit  d'alléguer  deux  ou  trois  faiis  incoiiio- 
stables.  1"  Il  est  constant  que,  depuis  le  28 
décembre  1333,  jus. ju'aii  2  jiinvier  133i,  ce 
pape  tint  à  Avignon  un  consistoire,  dans  le- 
quel il  protesta  solennelleiueiil  (|ue  «  sur  la 
question  du  délai  de  li  v  sion  béaijique,  il 
n'avait  jaiiiaii  parlé  que  par  foriiie  d<'  con- 
versation, non  avec  volonté  de  rien  déiinir, 
et  qu'on  lui  ferait  plaisir  de  lui  faire  part 
des  autorités  favorables  au  sentiment  con- 
traire; que,  du  reste,  s'il  lui  était  cclia|ipe 
quelque  chose  mal  à  piopos  ,  il  était  prêt  à 
le  révoquer.  »  Le  leiidem.iin  ,  3  janvier,  il 
dicia  la  même  déclaralioii  par-ile\ant  des 
notaires,  il  n'avait  pas  encore  reçu  pourlors 
le  deerei  des  docteurs  de  P.nis.  2'  Dans  l'as- 
sembiee  de  ces  docteur>,  tenue  à  Vincenues, 
deviini  le  roi  et  plusieurs  preiats,  sur  la  fin 
de  décembre  1333,  ils  décidèrent  unanime- 
ment la  croyance  catholique  telle  que  nous 
la  suivons  encore  aujourd'hui.  Cette  décision 
fut  confirmée  dans  une  seconde  assemblée 


lOOS                             VIS  TIS                                4066 

ie;;iie  aux  Malhurins  à  Paris,  !«  26  décem-  fudirs.  Dans  VAporalijpse,  Diou  fitconrtaiiri! 
bro,  et  coiicliée  par  pcril ,  siijnéo  ensuite  el  à  saint  Je.iii  des  vérités  cachées  et  des  ré- 
scellée le  2  janvier  I33'i-.  Les  dixleurs,  après  volulions  (|ui  devaient  arriver  dans  la  suite, 
avoir  protesté  de  leur  respect  et  de  leur  at-  Ci-rlains  critiques  <»iil  pensé  que  i'Iiisluire 
lacliemeiil  au  pape  ,  disent  :«  qu'ils  ont  ail-  de  l;i  lenlalion  de  .lésus-(]lirist  au  désert 
pris  par  des  ténioij;nages  iligiies  de  foi  que  ra[i()ortée  par  s;iinl  /l/rtii/ufi.  c.  iv,  v.  1,  s'est 
tiuit  ce  que  le  saint  Père  a  dit  sui'  la  question  plut(>t  passée  en  i  isio7i  pendant  le  sommeil 
(irésenle,  n'a  été  ni  par  forme  d'assertion  ni  qu'en  fait  et  en  réalilé.  et  que  l'Evangéliste 
d'opinion,  iii.iis  seulement  en  forme  de  n;ir-  l'a  .linsi  enleudii ,  lorsqu'il  a  dit  que  Jésus 
i'.ilion.»  Ils  en  écrivirent  au  pape  lui-même  fut  conduit  au  désert  par  Vespril,  pour  être 
dans  les  mêmes  termes,  en  le  priant  de  con-  tenté  p;ir  le  démon.  Mais  cette  oiiinion  ne 
lirmer  pir  son  autorité  leur  sentiment,  eoiii-  s'accorde  pas  avec  le  texte  île  rEv,in"ile' 
me  étant  celui  de  tout  le  iieuple  chéticn.  ce  n'est  ni  en  sonj^e  ni  en  vision  ipie  Jésus- 
3"  La  déclaratiiin  que  doina  Jean  XXII,  le  Christ  jeûna  pendant  quarante  jours,  qu'il 
•i  décembre  suivant ,  lorsqu'il  se  sentit  près  eut  faim,  que  les  an^;es  vinrent  le  servir,  etc. 
de  mourir,  ou  pluiôl  sa  piolession  de  foi  Ca's  crili(|ues  ont  i  ru  que  le  démon  avait 
«lu'il  fit  en  présence  des  c.irdinaux,  est  en-  transporté  Jésus- Christ  dans  les  airs,  pour 
tiérement  conforme  à  celle  des  docteurs  de  le  placer  sur  une  montagne  et  sur  le  som- 
Paris  ,  et  conçue  diins  les  termes  les  plus  met  du  temple,  mais  ils  n'ont  pas  pris  le  seus 
clairs;  il  y  a  non-seulement  de  la  témérité,  du  texte  s;icré.  Voy.  Tentation. 
mais  de  la  malignité  à  supposer  ()u'i'l|e  ne  «  Nous  connaissons,  dit  Origène,  1.  i,  con- 
fut  pas  sincère,  quece  pape  ne  renoue. 1  point  <rii  Cef.v.,  n.  '*ti ,  plusieurs  hommes  qui  ont 
entièrement  à  son  opinion  ,  qu'il  n'agit  (|iie  embrassé  li>  christianisme  comme  malgré 
par  crainte  de  passer  pour  héréiique  après  eux;  l'esp'it  de  Dieu  les  frappait  par  des  li- 
sa  mort.  Bencit  XII,  sou  -uccesseur,  el  té-  siuns  ou  par  des  songes,  el  cha  igeait  telle— 
Dioin  oculaire  de  ses  dernières  volontés,  lui  ment  leur  ceur,  qii';iu  Heu  de  détester  com- 
reiidil  plus  de  justice,  en  les  publiant  dans  me  auparavant  la  religion  chrétienne,  ils 
une  bulle  datée  du  1"  mars  133.).  Les  c.iloin-  formaient  le  dessein  de  mourir  pour  elle, 
nies  répandues  contre  lui  ,  soit  en  France  ,  Nous  en  avons  plusieurs  exemples  dont  nous 
soit  en  Allemagne,  par  les  partisans  de  avons  été  lèmoin  oculaire,  mais  que  les  in- 
Louis  de  Uavière  ,  son  ennemi,  ou  par  les  cred.iles  regarderaient  comme  des  imnoslu- 
fratncelles,  sectaires  révoltés  c outre  lui,  ne  res  ,  et  tourneraient  en  ridicule  si  nous  les 
prouvent  rien  et  ne  méritent  aucune  ai-  rapportio-is.  Au  reste,  nous  attestons  Dieu 
tention.  Enfin,  quand  il  serait  vrai  que  ce  qui  voit  le  fond  des  consciences,  que  nous 
pape  tenait  à  une  opinion  fausse,  et  qu'il  ne  n'avons  aucune  envie  de  forger  des  fables 
l'a  rétractée  que  par  la  eraii  le  de  scamlaliser  lour  confirmer  la  vérité  de  la  doctrine  de 
l'Eglise,    il    serait  à  souhaiter  que  tous  les  Jésus-Clirisl.  » 

héiésiarques  il   Ions   les  sectaires  eussent  Mais    nous  avons  à  parler  principalement 

fait  comme  lui,  il    n'y  aurait  jamais  eu  de  des  lisionn  proiihéii'.jues.  Or,  on  ne  peut  pas 

schismes,  et  les  maux  qu'ils  ont  causés  n'au-  d.aiter  que  les   dons  miraculeux   du   Saint- 

raieiit  pas  eu  lieu.  Esprit,  el  sorloiit  ci  lui  de  prophétie,  n'aient 

Vision  piiophétique,  dans  les  livres  saints  été  communs   parmi  les  chréùens   du   temps 

et  chez  tous  les  écrivains  e.  elésiasliques,  si-  des  apôtres  ;  saint  Paul  le  témoigne,  /  Cor., 

gnifie    une   révélaiion  qi.i   vient  de  Dieu,  à  <-•   su,    v.  8  et  seq.    Il  règle  l'usage  que   les 

laquelle   rimaginal  on  ni  aucune   cause  na-  fidèles   doivent   f.iire  de   ces  dons  divers  ,   il 

turelle   n'a    pu   avoir  de,   part,    soit  qu'un  pies  ril  les  précautions  nécessaires  pour  que 

homme  l'ait  reçue  en  songe,  soit  aulremeiii.  ces  grâces  ne  leur  inspirent  point  d'orgueil 

Ainsi    la   connaissance  que   Dieu  donnait  à  et   ne  causent    aucune  division   parmi   eux 

ses  prophètes  des  é^énemcnls  futurs  est  ap-  e.    mm    et    xiv.   La  question  est  de  savoir  si 

pelée  vision,  parce  que  Dieu  leur  avait  f.iil  Dieu  a   continue  la   même  assistance  à   son 

voir  l'atenir,  et  c'est   ce  litre  que  plusieurs  Eglise  dans  les  siècles  suivants,  el  pendant 

ont  mis  à  leurs  prophéties.  Mais  loute  tt.siun  combien  de  temps  elle  a 'liire. 

n'est  pas    prophélii|ue  ;  Dieu  a   souvent   ré-  Dodwel  ,   dans  sa  quatrième    Disseriation  ■ 

vêlé  à  ses  saints  des  choses  passées  ou  pré-  sur  suint  Cijpiien,  s'est  attaché    a    prouver 

sentes,  desquelles  ils  u'eiaient  [las  iic^truils,  que  les  level.ilions   prophet.qucs    n'ont  pas 

ou  des  vérités  qu'ils  no  pouvaient  pas  nalu-  ce>sé   dins   le  clirisiiaiiisme  à   la    inoit  des 

rcllemeiit  connaître,  et  il  leur  a  commandé  apôres,  mais  qu'elles  y  ont   duré  jiiS(|u'au 

des  actions  auxquelles  ils  ne  se  seraient  pas  temps  de  C  insianiiii  el  à  la  (laix  qu'il  doima 

portés  d'enx-mèiiies.  Ainsi   Dieu  lit  révéler  à  sou  Eglise;  mais  que  depuis  celle  époque 

par  un  ange  à  saint  Joseph,  pemlanl  son  soin-  il  n'y   en  a  plus  de   vesliges,  parce   que   ce 

111.^11,  la  purolé  de  Marie  ,  la  conception  de  secours  devient  moins  nécessaire  qu'aupa- 

Jesuseiielle  par  l'opération  du  Saini-Espril,  r<iv<tiil  à  la  prop.igalion  de  l'Evangile.  Il    le 

la  rédemption  prochaine  du  monde    par  ce  prouve  par  I  exemple  d'IIermas  ,  dont    le  li- 

diviii  eul'ant;   il  lui  fil  commander  de  même  vre  luiitule  te  Pasteur  est  rempli  de   visions 

de  le  transporter  eu   Egypte  avec  sa  mère  ,  prophétiques;   mais    la  plupart  des   aueurs 

pour  le  soustraire  à  la  cruauté  d'derode,  el  proleslauls   les    regardent  comme  les  rève- 

eusuite  de  revenir  dans  la  Judée.  Nous  ne  sa-  ries  d'un  fanatique.  V  oy.  Hekmas.  Saint  Clé 

vous  pas  si,  lorsque  saint  Paul  fut  ravi  au  ment  de  Uome,  dans  sa  première  lettre  aui 

iroisième  ciel  ,   il  y  apprit   des  événemenls  CortnikieHs,\i.  W,dil  :  «Qu'un  homme  ail  la 

UlCT.  BE  Tli^UL.  OOGMATlyUE.    IV.  3i|. 


lOGX                                VIS  VIS                   ,             10,0?. 

foi,  qu  il  soit  doué  de   connaissance,  qu'il  vra^îes,  pI  çn  ont  donné  des  cxIrAKs.  Us  dii- 

juge  (lesdiscours  avec  sagesse,  qu'il  soit  pur  moillrèrenl  la  différence   essenliCltè  ({.u'il  y 

en  loules  choses;  plus  il  paraît  grand,  plus  avilit  entre  les  vraies  révélations  corlirsintii- 

il  doit  être    humble.   »  Dodwel  soulieiit  que  qiiées  aux  fidèles,  et  1-  s  fausses  visions  dont 

par  la  fui  il  faut  entendre  celle  qui  opère  des  se  vant.iient  les  héiéiiqiics. 

niiracles ,  que  la  connaissance  est  l'inlelli-  Au  iir  siècle,    Dodwel  ne   veut  pas    citer 

gcnce  des  mystères,  que  \ejui]en:ciH  (h s  dis-  TerluUieii  ,  parce  qu'il  se  laissa  séduire  par 

cours-  cslle  discerncuient  des  esprits,  coinnie  les  moiilanistes  ;  mais  il  avait  écrit  son  Apo- 

l'a  expliqué  saint  Paul,  J  Cor.,  c.  xiii,  v.  2,  loyétit/iie   avant  d'avoir  embrassé  l.urs  er- 

autanl   de  dons    surnaliirels  desquels  il   ne  reurs;  or,  il  dit,  c.  23  et  ailleurs,  que    les 

voulait  pas  que  les  lidèlcs  conçussent  di  l'or-  cliréliens  |)ar  leurs  exorcismes  forçaient  les 

gueil.  u  'inons  à  <  imfesser  ,  p.ir  la  bouehe  des  pos- 

Saint  Ignace,  dans  sa  lettre  aux  Phlladel-  sédés,  qu'ils  n'étaient  pas  des  dieux  ,  liiais 
phieiis,  n.  7,  s'exprime  ainsi  :  «  J'allestc  ce-  do  mauvais  esprits,  et  à  rendre  ainsi  témoi- 
lui  ponr  lequel  je  suis  enchaîné,  que  je  n'ai  gu.ige  à  la  crovance  des  chrétiens.  Il  ajoute 
()oinl  connu  ces  choses  de  inui-méme,  niais  qiie  cette  espèce  de  révélation  ne  pouvait 
que  c'est  l'iîsprit  qui  me  les  a  révélées  et  qui.  pas  être  slispecte  aux  [Kifens.  Au  reste,  Do.l- 
m'a  dit  :  Ne  faites  rien  sans  Vécêque.  »  l)ans  Wel  allègue  avec  ci nfinnee  l'aoïeur  des  Ac~ 
la  lellre  circulaire  que  l'Eglise  de  Stnynie  les  du  inarlijre  des  saintes  Perpétue  et  Féli- 
écrivit  au  sujet  du  martyre  de  saint  l'oly-  cil'',  qui  a  ècil  l'an  202,  qui  rjipporte  leurs 
carpe,  il  est  dit,  il.  5  et  9,  qde  ce  s.iint  mar-  visiom  piuphéiiques,  et  qili,  loin  de  favoriser 
tyr  eut  une  vision  |ien(laut  son  sommeil,  ijui  les  montani-iles,,  secnble  argumenter  cnnlre 
lui  fit  comprendre  qu'il  serait  brûlé  vif,  et  eux.  l'eu  de  temps  après  ,  Origène  ,  contre 
qu'en  entrant  dans  le  stade  on  entendit  une  Celse,  I.  i  ,  n.  k\i,  témoignait  ((ue  ,  de  son 
voix  du  ciel  iiui  lui  dit  :  Co.'fror/c,  Po/î/cnr/jg,  temps,  il  restait  encore  chez  les  chréiiens 
sois  constant.  Ewièhc  ,  Hisl.  ecclés.  ,  I.  m,  des  signes  évidents  des  dons  du  Saint-Esprit, 
c.  37,  rapjiorte  <iue  ,  dans  ce  même  temps  ,  qi'iis  ehassaient  les  déinons.  qu'ils  giiéris- 
Quadratus  cl  les  filles  de  Philippe  élaieul  salent  les  m, iladies,  qu'ils  prédisaient  lesévé- 
doués  du  don  de  prophétie,  et  que  les  prédi-  nemculs  futurs,  par  la  volonté  du  Veibe  divin, 
cateurs  de  l'Evangile  avaient  celui  (l'opé;er  îl  dit  e!i  avoir  vu  plusieurs  exemples,  et  il 
des  miracle'-.  —  Siint  Justin  ,  Diol.  cun  prend  Dieu  à  léiuoin  de  11  vériîe  de  son  ré- 
Triph.,  n.  52  el  82,  lait  observer  que  depuis  cil.  Il  cîi  parle  enrore,  l.vii,  n.  8.  Saint  De- 
là venue  de  Jésiis-CInist  il  n'y  a  plus  de  ois  d'Alexjindrie,  son  condisciiile  ,  dans  une 
prophète  chez  les  .Inifs  et  que  l'esprit  pro-  de  ses  lettres  rapportée  par  Knsèbe  ,  Hist. 
phéliiiue  a  éié  cominuni;iné  aux  chréiiens.  ecclés.,  \.  y\,  cap.  40,  proteste  devant  Dieu 
Siint  liénèe  ,  fo«(ra //(cr.,  lib.  ii  ,  c.  32  («/.  (ju'il  n'a  fui  (lendant  la  persécnlion  c!c 
47),  n.  ?|.,  atteste  que  de  son  temps,  Dieu  ré-  Dèce,  que  p,ir  line  inspiration  et  un  ordre 
pand.iit  sur  les  fidèles,  a<ec  abondance,  les  exprès  de  Dieu.  t)n  peut  trouver  au  moins 
dons  du  Saint-Esprit;  ()iie  les  uns  chassaient  dit  exemples  semblables  dans  saint  Cypnen. 
les  démons,  ou  étaient  doués  de  l'esprit  p;o-  11  sufiil  di;  ciier  sa  lettre  neuvième  (  a^ 
phélique;  que  les  autres  giiérissai'nt  les  ÎO  )  ad  Cteriim.u  Dieu,  dit  -  il  ,  ne  cesse 
malades  ou  ressuscitaient  les  mor;s.  o  On  de  nous  réprimander  le  jour  et  la  nuit.  Inilé- 
ne  peut  pas  compter,  dit-il,  le  noj.ibre  des  pemlamnienl  des  viiuns  nocturnes,  des  en- 
grâces  que  l'Eglise  répand  tous  les  jnurs  au  ianls  même,  dans  l'innocence  de  l'âge,  ont 
nom  de  Jésiis-i]lirist  ,  pour  l'avant.ige  de  des  extases  en  plein  jour,  dans  lesquelles  ils 
loules  les  nations.  »  Il  ajoute  que  ces  divers  voient,  enleudenl  et  déclarent  le»  choses 
prodiges  contribuaient  beaucoup  à  couver-  dont  Dieu  veut  lious  iiverlir  et  nous  in*.iriiire. 
tir  les  gentils.  V  ous  saurez  tout  lorsque  je  serai  de  retour, 

Tous  CCS  monuments  regardent  la  Gn  du  par  la  grâce  de  Dieu  qui  m'a  commande  de 

'r  et    le   comiiienrement  du  n°   siècle.    Les  m'éloigner.  »  Ce  saint  niarlyr    fut  averti  de 

écrivains  téméraires  qui  ont  avancé  que  de-  même,  avant  la  persécution  qui  recommença 

puis  les  .ipAlres  il  n'y  avait  point  eu  parmi  sous  Gallus  el  Volusien,  el  il  fut  convaincu 

les   chréti.ns   d'antres   visions  proplutiques  de  sa  propre  mort  prochaine.  Dieu  en  agis- 

ijiie  celles  de   îtlontin   et    de  ses   ilisciples  ,  s;iit  ainsi,  afin  de  préparer   les   fidèles  aux 

n'ont  pas  consulté  les  dates.  Cet  hérésiarque  épreuves  auxquelles  ils  allaient  bientôt  é^re 

n'a  paru  que  vers  le  milieu  du   ,i^  siècle  ,  et  exposés;    et    la    publicité  que  l'on  donniil 

plusieurs  des  témoignages  que  nous  venons  d-'aborJ  à  loijtes  ces   révélations,  leur   uni- 

de  citer  concernent  des  personn.'rges  qui  iint  formité  et  l'événement  qui   s'ensuivait,  con- 

vécu  longtemps  avant  lui.   Ces  sectaires  ne  ciiuraient  à  démontrer  que  l'illusion  ni  l'Iin- 

tireiit  que  s'altribuer  une    parie    des    dons  po  lure  n'y  avaient  aucune  part.  On  .ippor- 

miiaculeux  qu'ils  voyaient  ré(i;indiis  parmi  lait  d'ailleurs  les   plus  grandes   précautions 

les  fidèles.   Mais  à    peine  eurent-ils    publié  pour  n'y  pas   cire  trompe  ;    saint   Paul    les 

liMirs  prétentions    et  leurs   erreurs,    qu'ils  av.-iit  prescriles,  /  6'or.,  c.  xii  et  seq.  1°  L'e.n 

furent  réfutés  p;ir  des   écrivains  eeelésiasii-  ne  faisait  alleiition  aux  «isi'ons  prophéliijues 

ques.  De  ce  nombre  furent  Méiton,  Miliiade,  que  (juand  elles  venaient  de  la  part  des  per- 

Sérapion  ,  év  é(iue  d'Antioche  ,  Apollonius  ,  soiin-s  dont  les  mœurs,  la  piété  et  les  autres 

Aslérius  Urbanos,  Apollinaire  d'Hiéraples  ,  vertus    étaient   connues    d'ailleurs,    (;t    qUi 

Caïus,  prêtre  de  Home,  etc.  ;  Eu^èbe  et  Plio-  avaient    tous    les  caractères   sous    lesquels 

lius  nous  ont  conservé  les  titres  de  leurs  ou-  !;ai:il   !'     i  .w  irt  désiL'ué  la  charité,  ibid., 


10G9  VIS 

c.  XIII,  V.  4.  2°  Comme  les  (idirles  doués  du 
11. éini>  esprit  étaient  on  assez  grand  nombre, 
si  l'un  d'entre  eux  avait  avauré  une  révéla- 
lion  faosse  ou  doulcusi-,  il  aurait  été  con- 
vaincu d'erreur  par'  eeux  qui  avaient  reçu 
de  Dieu  le  disc-erneiiii'iit  des  esprits,  c.  xii, 
V.  10.  3"  L'on  ne  recevait  comme  vraies  pro- 
phéties (|ue  celles  qui  annonçaient  des  évé- 
nements (  onlin>;eiits  et  dépcadanls  du  libre 
aihitre  des  hommes;  lorsqu'il  y  avait  de 
l'obscurité,  elles  pouvaient  être  expli<)uécs 
I  ar  ceux  qui  avaient  le  don  de  les  interpré- 
ter, c.  \iv,  v.  29,  011  l'on  attendait  que  l'évé- 
nement en  eût  conlirmé  la  vérité,  'i-"  (lelles 
qui  ne  pouvaient  servir  à  l'édificatida  de 
ri']<;lisc,  mais  seulement  à  satisfaire  une 
Vaine  curiosité,  no  furent  juiiiais  censées 
êlre  des  révélations  divines,  c.  xiv,  v.  3. 
S"  L'on  rejeta  toujours  celles  qui  avaient 
pour  auteurs  des  hérétiques  ,  parce  qu'elles 
manquaient  des  caractères  exijçés  par  saint 
Paul,  et  parée  que  Jésus-Christ,  qui  a  pro- 
mis le  Saint-Esprit  à  son  lî;;lisc,  ne  peut  pas 
l'aecoriler  aux  sociétés  révoltées  contre  elle. 
Dien,  dit  ce  même  apôtre,  n'est  pan  Is  Dieu  de 
la  dissension,  miis  de  la  pnir,  c.  xiv,  v.  33. 
6"  L'on  voulait  qtie  toute  prédiction  eût  été 
prononcée  de  sang-lriiid,  et  non  dans  les 
accès  d'une  espèce  de  fureur,  comme  les 
prétemlus  oracles  des  païens  ;  saint  Paul  a 
dit  que  l'esprit  îles  prophètes  leur  est  sou- 
mis, V.  32  ;  il  voulait  que  tout  se  fît  avec 
ordre  el  décerice,  v.  'i-'l. 

Dodwela  donc  raison  de  conclure  que  des 
visions  prophétiques  ,  revêtues  de  tous  les 
signes  doirt  nous  venons  de  parler,  ne  peu- 
vent  donner  prise  au  mépris  ni  aux  railleries 
des  incrédules.  Mais  il  n'a  consulté  que  les 
préjuj^es  du  protestantisme,  lors()u'il  a  déci- 
dé que  ce  don  du  Saint- lis  prit  n'a  subsisté 
dans  l'Eg  ise  chrétienne  que  jusqu'au  temps 
de  Coiisiaulirt  ;  et  qu'il  n'y  en  a  plus  de  ves- 
liijes  depuis  celte  époque.  Il  suppose  fausse- 
ment qu'Kusèbe  l'insinue  ainsi,  Hist.  ccdés., 
1.  vil,  c.  32.  Si,  en  exposant  les  talents  et  les 
vertus  des  saints  évèques  de  son  temps,  il 
n'a  rien  dit  de  leurs  révélations  ni  de  leurs 
miracles,  ce  silence  ne  proive  rien,  il  n'a 
rien  dit  non  plus  de  la  plupart  des  faits  qui! 
nous  avons  cités  dans  les  deux  siècles  pré- 
cédents. Il  est  encore  faux  que  les  docteurs 
du  IV'  siècle  aient  été  étonnés  de  cette 
prétendue  cessation  de  l'esprit  prophétique, 
et  (lu'ils  en  aient  recherché  les  raisons  ; 
Dodwel,  ijui  l'al'lirme  ainsi  dans  sa  Dissert., 
§  22,  n'en  donne  aucune  preuve;  c'est  à 
nous  d'en  apporter  du  contraire.  1'  ;\u  mot 
Mi!»\c.t.E,  §  'i.,  nous  avons  fait  voir  qu'il 
s'en  est  opéré  dans  rivalise  au  i\'  siècle  , 
;iu  v  el  dans  les  suivants;  pourquoi  n'y 
aurait-il  eu  plus  de  révélations?  L'un  de 
ces  dons  ne  vient  pas  moins  du  Saint-Esprit 
que  l'autre.  De  même  que  Jésus-Christ  n'a 
mis  aucune  restriction  eu  promettant  le  pre- 
mier à  ceux  qui  croiraient  en  lui,  Marc,  c. 
XVI,  V.  17;  Joan.,  c.  xiv,  v.  12;  il  n'en  a 
point  mis  non  plus  à  la  promesse  de  l'esprit 
de  vérité,  Joan.,  c.  xvi,  v.  i'i;  il  la  promis 
au  coalraire   pour  toujours,  m   œtcrnum, 


VIS 


1070 


c.  XIV,  V.  IG.  Si  l'un  de  ces  dons  élail  capable 
de  contribuer  beaucoup  à  la  conversion  des 
païens,  comment  prouverat-nn  <)ue  l'autre 
n'y  servait  de  rien  ?  2  Puisqu'il  faut  des  faits 
et  des  lémoignaRes,  Tlieotloret,  llisl.  eiclés., 
I.  III,  c.  23  el  2'».,  rapporte  que  la  mr)rt  de 
l'empereur  Julieu  fut  annoncée  [lositivemeiit 
par  des  chrétiens,  plusieurs  jours  avant  que 
l'on  pût  en  recevoir  la  nouvelle.  La  révélation 
faite  à  saint  Ambroise  des  reliques  des  saints 
martyrs  Gervais  el  Pruiais ,  elles  mirai  les 
qui  se  (ireni  à  cette  occasion,  soiil  attestes 
p.ir  saint  Aiifîusiiii,  témiin  oculaire,  el  par 
d'autres.  Les  prédictions  et  les  mir.icles  de 
sailli  .Martin  ont  élééirits  par  Sulpice  Sévère, 
qui  avait  été  son  di  riple,  et  qui  en  aval  vu 
de  ses  yeux  la  plupart.  L'éleclion  des  saints 
évëques  de  ce  même  siè'  le  a  été  souvent  (aile 
en  vertu  (l'une  révélation  divine,  et  pli;S!eiirs 
ont  prédit  distinclem.  ni  le  jour  el  l'heure  de 
leur  mort.  Nous  savons  que  les  proleslanls 
les  plus  hardis  ont  traité  de  fables,  de  frau- 
des pieuses  ,  d'impostures  et  de  fourl.eries 
tout  ce  qui  s'est  fait  dans  ce  {;eiire  au  iv 
et  au  v  siècle,  mais  ils  n'ont  pas  res- 
pecté davantage  ce  qui  est  arrivé  an  ii* 
et  au  III".  Dodwel  et  les  anglicans  ne 
peuvent  faire  aucun  reprochi-  contre  les 
témoins  postérieurs,  qui  n'ait  élé  allégué 
par  les  luthériens,  par  les  calvinistes,  par 
les  sociniens,  contre  les  Pères  de  l'Eglise  les 
plus  anciens.  C'est  doue  aux  anglicans  do 
nous  apprendre  pourquoi  les  mêmes  règles 
de  critique  ne  doivent  pas  avoir  lieu  a  l'égard 
des  uns  el  des  autres.  Aussi  c'est  ici  un  des 
points  sur  lesquels  ils  sonl  accusés  par  les 
autres  protestants  de  ne  pas  raisonner  con- 
séquemmeul.  3"  Il  est  constant  qu'an  iv°  siècle 
et  même  au  v%  il  restait  encore  beaucoup  de 
païens  à  convertir  dans  les  Gaules,  que  les 
vertus  et  les  miracles  de  saint  Martin  et 
d'aiiires  saints  évéqiies  y  ont  iiifiiiiiuent  cm- 
tribiié.  Les  Anglo-Saxons  ne  reçurent  la  loi 
cbretiene.e  qu'au  vr,  el  les  autres  peuples  du 
Nord  encore  plus  lard.  De  quel  droil  peut-on 
supposer  que  Dieu  a  opéré  ces  cou  vers. ous 
par  des  moyens  lout  dilTérents  île  ceux  donl 
il  s'est  servi  au  coaimeneeuient  du  ciiristia- 
nisme'?  Il  n'est  pas  moins  certain  que,  parmi 
ceux  qui  y  ont  travaillé, il  y  a  eu  des  hommes 
qui  onl  imité  le  désintéressement,  la  pau- 
vreté, le  courage  el  la  constance  des  apôtres; 
sur  (|uoi  famlé  souliendra-t-on  que  Dieu  n'a 
pas  coopéré  à  leur  zèle,  comme  il  a  fait  à 
celui  des  premiers  prédicateurs  de  l'Evan- 
gile, par  des  moyens  suriialurels"?  Ce  zèle  a 
produit  les  mêmes  effets,  donc  il  a  eu  les 
mêmes  causes.  Ces  saiiils  hommes  otit  obéi 
au  coinmaiidemeul  de  .lésus-Christ ,  ils  ont 
compté  sur  ses  pioniessos.  ils  se  sont  sacri- 
liés  pour  lui  et  pour  le  salut  de  leurs  frères  ; 
ceux  qui  les  accusent  des  vices  les  plus 
odieux,  manquent  tout  à  la  fois  aux  règles 
de  la  saine  critique,  et  à  la  reconnaissance 
qu'ils  doivent  à  Dieu  pour  la  conversion  do 
leurs  aïeux.  Voy.  Missions. 

Dans  tous  les  siècles,  il  a  pu  y  avoir  trop 
de  crédulité  d'une  part  el  un  faux  zèle  de 
l'autre  ;  mais  il  en  a  été  de  métue  du  lemps 


«on  VIS 

des  apAtres ,  puisque  saint  Jean  ordonnait 
aux  fidèles  de  ne  pas  croire  à  loul  ospiit, 
mais  de  rnelire  les  espriis  à  l'épieuve,  pour 
savoir  s'ils  sonl  de  Diou,  /  Jo  u\.,  c.  iv,  v.  1, 
el  que  sainl  Paul  prescrivait  des  précau- 
tions pour  n'y  pas  êlro  Irouipé.  Plusii-urs 
incrédules  lournaienl  en  ridicule  les  révé- 
lations dont  parlait  saint  Cypriin.  S'ensuit- 
jl  de  là  que  l)i 'U  n  est  l'auteur  d'aucuae  ré- 
vélation ni  d'aucun  miracle?  (^e  n'est  donc 
pas  selon  les  Intérêts  de  système  qu'il  faut 
en  juger,  mais  selon  les  règles  de  sagesse  el 
de  circonspection  prescrites  par  les  apôtres. 
Pour  nous  i\\\\  n'avons  ni  doux  poids  ni  deux 
mesures,  nous  croyons  que  le  bras  du  Sei- 
gneur n'est  pas  raccourci,  qu'il  a  toujours 
voulu  la  conversion  des  peuples,  et  qu'il  n'a 
pas  cessé  d'y  coopérer;  qu'il  ne  vei  le  pas 
moins  sur  son  Eglise  dans  un  siècle  que 
dans  un  autre;  qu'un  auteur  digne  île  foi  i|ui 
atli'sle  un  fait  suni  iturel  doit  ère  cru,  dans 
quelque  pays  el  dans  q  jelque  siècle  qu'il  ait 
vé  u. 

11  est  impossible  que,  pendant  un  espace 
de  dis-sepl  cents  ans,  il  n'y  ait  p.is  eu  une 
iniinité  de  personnes  qui  ont  cru  faussement 
avoir  eu  <les  visions  profité,  iques.  ou  avoir 
reçu  des  révélations.  Souvent  on  ne  s'est  pas 
donné  la  peine  de  les  examiner,  parce  que 
ces  faits  n'avaient  aucune  relation  avec  le 
dogme,  ni  auiunc  iulliience  sur  la  doctrine 
de  l'Eglise;  ainsi  le  laps  des  temps  leur  a 
donné  un  certain  crédit.  Les  protestants  ont 
eu  grand  soin  de  les  recueillir,  d'en  contes- 
ter l'authenticité,  et  surtout  d'y  jeter  du  ri- 
dicule. Ils  en  ont  conclu  ((ue  les  dogmes  et 
les  usages  de  l'Eglise  catholique  qui  leur 
déplaisent  n'ont  été  fondés  que  sur  des  fables 
et  des  impostures.  C'est  comme  si  l'on  di- 
sait :  de  tout  temps  il  y  a  eu  de  faux  mon- 
n  lyenrs  el  de  la  fausse  monnaie  ;  donc  11 
faut  bannir  du  commerce  toute  espèce  de 
monnaie. 

Vision  na  Constantin.  Voy.  Constantin. 

VISlTA'llON,  fête  célébrée  dans  l'Eglise 
romaine  en  méoioire  de  la  visite  que  la 
sainte  Vierge  rendit  à  sa  cousine  Elisabeth. 
Il  est  dit  dans  l'Evangile,  Luc,  c.  i,  v.  30, 
que  l'ange  Gabriel,  en  annonçant  à  Marie 
le  mystère  de  l'incarnation,  lui  apfirit  que 
sainte  Elisabeth,  sa  cousine,  qui  jusqu'alors 
avait  été  stéiile,  était  grosse  de  six  mois; 
que  Marie  s'empressa  d'aller  voir  cette  pa- 
rente qui  demeurait  avec  Zacharie  son  mari, 
Jans  une  des  villes  de  la  tribu  de  Juda.  Il 
paraît  que  c'était  à  Hébron,  ville  située  à 
vinn'l-tinq  ou  trente  lieues  de  Na/aretb.  Ou 
présume  que  la  sainte  Vierge  partit  le  2{] 
mars,  et  arriva  le  30  à  Hébioii.  Elisabeth 
lient  pas  plutôt  enleniu  sa  voix,  qu'elle 
sentit  son  enfant  tressaillir  dans  sou  >ein  : 
^lle  lui  dit  :  Vous  éles  bénie  entre  loules  les 
lenunes,  el  le  [mil  de  los  enlraitles  est  b^ni. 
Ce  fut  alors  que  Marie  pi  ononça  le  cantique 
sublime  qui  commence  par  Matinifical ,  et 
que  l'Eglise  répète  tous  les  jours  dans  l'of- 
fice divin.  Après  avoir  demeuré  environ  trois 
mois  t  liez  sa  cousine,  elle  retourna  à  Na- 
zareth ;  peu  importe  de  savoir  si  elle  partit 


ViS 


1072 


avant  ou  après  ,es  couches  d'Riisabeth.  Il 
est  bon  de  remarquer  que  ces  deux  sainles 
personnes  ont  montré  dans  celte  circons- 
tancf  des  connaissanres  el  des  lumières 
qu'elles  ne  pouvaient  naturellement  avoir. 
Il  est  dit  qu'Elisabeth  fut  remplie  du  Saint- 
Esprit,  elle  s'écria  :  D'où  me  vient  cette  fa- 
veur, que  la  mère  de  mon  Seigneur  vienne  à 
moi  ?  L'enfant  que  je  porte  vint  de  tressaillir 
de  joie.  Vous  éles  heureuse  d'avoir  cru,  parce 
que  tout  Cf  qui  vous  a  élé  dit  par  le  Seigneur 
s'accomplira.  Ain-i  Elisahel'i  sut  par  révéla- 
tion tout  ce  qui'  l'ange  du  Seigneur  avait  dit 
à  Marie,  et  comprit  le  mystère  de  l'incariia- 
tioii.  Elle  ajoute  que  le  mouvement  de  son 
enfant  a  été  un  tressaillement  rfe  joi'e  ;  ce 
ne  fut  donc  pas  un  mouvement  naturel.  On 
en  conclut  que  .lean-lîaplisle,  dans  le  sein  de 
sa  mère,  fut  éclairé  d'une  lumière  divine,  el 
fut  sanctifié  par  la  présence  du  Verhe  in- 
carné dans  le  sein  de  Marie.  La  sainte  Vierge 
de  Sun  côté  loue  le  Seigni'ur  dans  le  style  le 
plus  sublime  des  prophètes,  et  montre  l'hu- 
miiiti'  la  plus  profonde;  elle  rappelle  le  sou- 
venir des  grau  les  choses  que  Uieu  a  faites 
en  faveur  de  son  peuple,  et  reconnaît  en  elle 
l'accomplissement  des  promesses  qu'il  avait 
faites  à  Abraham  et  à  sa  postérité. 

Les  commentateurs  protestants  paraissent 
peu  touchés  de  touies  ces  circonstances;  ils 
semblent  n'y  rien  voir  de  surnaturel  ;  on  est 
scandalisé  en  lisant  les  remarques  toutes 
profines  de  Beausobre  sur  ce  chapitre  do 
sainl  Luc  ;  il  y  affecte  de  comparer  plusieurs 
expressions  de  la  sainte  Vierge  avec  celles 
des  auteurs  païens. 

Quant  à  l'institution  de  la  fêle,  le  premier 
qui  ait  pensé  à  l'établir  est  saint  Bonaven- 
ture,  général  de  l'ordre  de  Saint-François  ; 
il  en  lit  un  décret  dans  un  chapitre  général 
tenu  à  Pise,  l'ai'.  1263,  pour  toutes  l.s  ég'ises 
de  sou  ordre.  Dans  le  siècle  suivant,  le  pape 
Urbain  étemlit  cette  fête  à  toute  l'Eglise  ;  sa 
bulle,  qui  est  de  l'an  13V9,  ne  fut  publiée 
que  l'année  suivante  par  Boniface  IX  sou 
successi'ur.  En  lk3\,  le  concile  de  Bàle  l'or- 
donna de  même  pour  toute  l'Eglise  et  eu 
fixa  le  jour  au  '•?.  juillet.  Quoique  cette  insti- 
tution ne  soit  pas  ancienne,  elle  est  très- 
conl'orme  à  l'esprit  du  christianisme,  qui  est 
de  uoiis  rappeler  souvent  en  mémoire  les 
principales  circonstances  des  mysières  de 
notre  rédemption.  La  sainte  Vierge  «'Ile- 
même  nous  en  adonné  l'exemple,  puisqu'elle 
célèbre  dans  son  cantique  les  bienfaits  que 
Dieu  avait  accordés  à  son  peuple,  mais  qui 
ne  sont  |ias  d'un  aussi  grand  prix  que  ceux 
dont  il  nous  a  comblés  par  rincarnution  de 
son  Fils. 

Visitation  (religieuse  de  la),  ordre  fondé 
l'an  161ii,  à  Annecy  eu  Savoie,  par  sainl 
François  de  Sales,  et  par  sainte  Jeanne- 
Françoise  Frémiot,  baronne  de  Chantai.  Ce 
ne  fut  dans  son  origine  tju'une  congrégatiou 
de  fiilis  et  de  veuves  destinées  a  visiter,  à 
consoler  et  à  soulager  les  malades  el  les 
pauvres,  et  qui  prenaient  pour  modèle  la 
sainte  Vierge  dans  la  visite  qu'elle  Ht  à  sa 
cousine;    elles    ne   firent  d'abord    que    des 


1075 


voc 


voc 


«074 


vœux  simples.  Mais  par  le  cnnsei!  du  car- 
dinal (le  MarqaeinonI,  archevêque  de  Lyon, 
sainl  François  de  Sales  consenlil,  conirc  son 
pieinJer  dessein,  à  ériger  ccUe  fongrcj;atinn 
en  ordre  religieux,  afin  de  lui  donner  plus 
de  solidité.  Il  est  principaloincnl  drstiné  au\ 
personnes  d'un  leuipéraiiicnt  faible,  et  ijui 
ne  pouiraient  p.is  souieiiir  un  réj^iine  aus- 
lùre.  Il  Y  en  a  trois  nijiisons  à  Paris.  Ordi- 
naircnieut  ces  religieuses  prennent  de  jeunes 
personnes  en  pension,  pour  les  élever  dans 
la  crainte  di'  Dieu  et  les  fornier  à  la  piélé. 
Cal  inslilut  a  été  confirmé  par  l'aiil  V. 

VOCATION;  ce  terme,  dans  le  nouveau 
Testament,  signifie  ordinairement  le  bieul'ail 
que  Dieu  a  daigné  accorder  aux  Juil's  et  ;iux 
(lent ils  en  les  appelant  à  cioire  en  Jésus- 
Ciirist  ,  par  la  prcdic  alion  de  l'Evangile. 
Sailli  Paul  nomme  constamment  les  fidèles, 
les  bieu-aiinés  de  Dieu,  appelés  à  la  sainte- 
lé  :  dilectis  Dei,  vocaiis  snnctis,  Rom.,  c.  i, 
V.  7,  eic.  Saint  Pierre,  Epis!.  I,  e.  i,  v.  10. 
les  exiioite  à  rendre  certaine,  par  de  bonnes 
œuvres,  leur  vocation  et  le  choix  que  Dieu 
a  lait  d  eux.  En  second  lieu,  vocation  dési- 
gne aussi  la  deslinaiion  d'un  homme  à  un 
ministère  particulier;  ainsi  saint  Paul  se  dit 
appelé  à  l'apostolat,  vocatus  upostolus,  Uom., 
C.  I,  V.  1.  Il  décide  que  personne  ne  doit 
s'attribuer  l'honneur  du  pontificat  ,  s'il  n'y 
est  appelé  de  Dieu,  coniine  Aarcm,  Flebr.,  c. 
V,  V.  k.  En  troisième  lieu,  il  exprime  l'elni, 
dans  lequel  élail  un  homme  lorsqu'il  a  été 
appelé  à  la  foi.  Voyez  votre  vog\to\,  dii 
l'Afiôtre,  /  Cor.,  c,  i,  v.  2o,  il  nij  a  parmi 
vous  ni  beauciiup  de  satjes  ou  de  savants,  ni 
beaucoup  d'iiommes  puissants,  ni  un  ifriind 
nombre  de  nobles  ;  et  c.  vu,  v.  '20:  Que  chacun 
demeure  dans  la  vocation,  ou  dans  l'etal  de 
vie  dans  lei/uel  il  a  été  appel';  à  la  fi,  cir- 
concis ou  iucirconci^,  libre  un  esclave,  mnrié 
ou  célibataire.  .Mais  il  y  a  quel<|ues  passages 
de  saint  Paul  dans  lesquels  le  mol  de  vuca- 
tion  merile  une  attention  particulière.  Rom., 
C.  viii,  V.  28.  il  dii  ;  Nous  savons  que  tout 
conlriliue  au  bien  de  ceux  qui  aiment  Dieu, 
secunduin  propositum.  Car  ceux  (/u'il  a  pré- 
vus, il  les  a  aussi  prédestinés  à  devenir  con- 
formes à  l'imuije  de  son  Fils...  Ceux  qu'il  a 
prédestinés,  il  les  a  aussi  appelés  ;  ceux  qu'il 
a  appelés,  il  les  a  rendus  jusies,  il  les  a  attssi 
glorifies.  Il  est  question  de  savoir  ce  que 
saint  Paul  entend  par  vocation  selon  le  des- 
sein de  Dieu,  ou  ce  que  signifie  propositum 
dans  le  siyleile  cetapôire.  Rom.,  c.  iv,  v.  5, 
il  dit  :  Au  fidèle  qui  croit  en  celui  qui  justifie 
l'impie,  sa  foi  est  réputée  à  justice ,  selim  le 
dessein  de  la  qrûce  de  Dieu;  c.  ix  ,  v.  11, 
après  avoir  parle  de  Jacob  el  d  Esaù,  il  ob- 
serve qu'a\aiii  leur  naissain  c,  et  avant  qu'ils 
eussent  fait  ni  bien  ni  mal,  il  fut  dit,  non  en 
vertu  de  leurs  œuvris,  mois  d'une  vocation  (/i- 
i'iHf,raîni.'  sera  le  serviteur  du  cMiei, afin  que 
le  dessein  de  Dieu  fût  (.ccompli  stl  .n  son 
choix.  Ephe'i.,  c.  i,  v.  a  :  Dieu  nous  a  pré- 
destinés à  être  adoptés  pour  ses  enfants , 
par  Jésus-Chrisi  et  pour  lui,  selon  le  des- 
sein de  sa  volonté  :  saint  Paul  le  répèle  , 
itfid.,  V.  IJ    Enfin,  //  Tim.,  c.  i,  v.  9  :  Dieu 


nous  a  délivrés  et  nous  a  appelés  par  sa  vo- 
cation sainte,  non  selon  nos  œuvres,  mais  se- 
lon son  (iessi'in  et  sa  grdce  qu'il  nous  a  donnée 
en  Jé>nis  Christ  avant  la  révolution  des  temps. 
Dans  Ions  ces    pass  iges  le  dessein   de  Dieu 
est  exprimé  par  propositum.  Après  les  avo:r 
comparés,  il  nous  paraît  évident  que  par  ce 
terme  saint   Paul  a  entendu   le  dessein  que 
Dieu  a  eu  en  appelant  à  la  loi  ceux  qu'il  lui 
a  plu,  non  à  cau>e  de  leurs  mérites  |  résents 
ou  futurs,  mais   par  un   choix  tiès-libre  et 
très-gratuit,  dessein  el  choix  (jui   sont   une 
vraie  prédestination,  puisque  Dieu  n'exécute 
rien  dans    le  temps,  sans  l'avoir   résolu  de 
toute  éleriiité.  Aussi  saint  Augustin,  liv.  ii, 
contra  duas   episl.    Pelay.,  cap.    9,  n.  22,  a 
cite  ces  mêmes    passages,  el  les  a   ainsi  ex- 
pliqués   contre    les   pélagiens  ,    qui   enten- 
daient  par  propositum,  non  le  dessein  gra- 
tuit el  iiiiséi  icordieiix  de  Dieu,  mais  le  bon 
dessein  ou  les  bonnes  dispusiiiuns  de  l'hom- 
me.   Le   saint  docteur  dii  à   ce  sujet  :  «  Ce.s 
gens-là  igiiorenl   ((ue  quand  il  est  parlé  do 
ceux  ()ui  ont  éié  appelés  selon  le  dessein,  il 
e,>!  question,    non  du    d.  ssein   de   l'homme, 
mais  de  celui  de  Dieu,  par   lequel  il  a  élu 
avant  la    création   du   monde  ceux   qu'il    a 
prévus    el   prédesiinés    à  être   conformes   à 
l'image  de   son  Eils.  Car  tous  ceux  qui  ont 
été  appelés  ne  l'ont  pas  été  selon  le   dessein, 
p  iisqii'il  y  a  beaucoup  d'appelés  et  p'.u  d'é- 
lus ;  ceux  là   onl  donc  été  appelés   selon  l» 
dessein,  (;ui   onl  cté  élus  avant  la   création 
du  monde.  «  Les  partisans   de  la    prédesti- 
nation absolue  ont   trouvé  bon   de  supposer 
((ue,  par  les  élus,   saint  Augustin   a  eniendu 
les  bieubeureux,  et  par  le  dessiinde  Dieu,  la 
prédesiinaiion   à  la  gloire   éternelle.  Il  n'eu 
est  rien.  1'  Il  s'agissait  seulement   dans  cet 
endroil  de  prouver  contre  les  pelagieus  que 
la  prédestination  à  la  grâce  ei  à  la   loi  est 
purement    gratuite,    indépendante    de    tout 
mérite  et  de  toute    bonne  disposition  de    la 
pari  de  l'homme,  jamais  il  n'y  a  eu  aucuno 
dispute  entre  saint  Augustin  et  les  pélagiens 
touchant  la  pré  lesti.iation  à  la  gloire  éter- 
nelle ;  si  donc  le  saint  docteur  semble  con- 
fondre quelquefois  ces  deux  prédestinations, 
cela  ne  peut   pas  obscurcir  le  vrai  sens  des 
paroles  de  saint  Paul.  2"  Il  estéiident  que, 
dans   tous    les  passages  cités  ,  l'apôtre   s'est 
uni({uemeut  proposé  de  prouver  que  la  giàce 
de  11    loi  accordée,   soit  aux  Juifs,  soit  aux 
gentils,  n'a   pas  été  la  récompense  de  leurs 
œuvres  ni  de  leurs  vertus,  mais  une  grâce, 
un  don  gratuit  de  la   miséricorde  de  Dieu. 
A  quel  propos  saint   Augustin  aurait-il  dé- 
tourné ce   sens?   3"  Lorsque    saint  Paul  et 
saint  Augustin    disent  que  les   fidèles   sont 
piédesliiiés  de  Dieu  à  être  conformes  à  l'i- 
mage de  son  Fils,  il  ne  s'agit  pas  d'une  con- 
foruiité  dans   la  gloire  éiemelle  ,  mais  dans 
la  -sainteté  et  la   vertu.  1  Cor.,  c.  xv,  v.  49, 
l'Apo.re  dit  :  De  même  que  nous  avons  porté 
l'image  de  l'hoiiimc  lerr- sire  ,   portons    aussi 
l'image  de  l'honm^e  céleste.  Il  Cor.,  c.  m,  v. 
18,  après  avoir  parle  de  l'aveuglement  des 
Juifs,    il    ajoute  :  Pour  nous  qui   voyons  lu  ^___^ 
gloire  du  Seigneur  à  découvert,  nous  somm&Wç'^^  U^J^ 


j 


1075 


VOEU 


VŒU 


1076 


transformés  en  son  image,  et  nous  allons  de 
clarté  en  chirté,  comme  éclairés  par  l'esprit 
de  Dieu.  Coloss.,  c.  iii,  v.  10  :  Bevi'lez-voiis 
de  l'homme  nouveau  qui  devient  tel  pnr  la 
connaissance,  selon  l'imaqe  de  celui  qui  l'a 
crée'.  Cf  n'psi  point  là  iinr  conformilé  ilans 
ia  floire.  4°  Enfin,  lorsque  saint  Augustin 
dit  que  tous  n'ont  pas  olé  appolés  selon  le 
dessein  de  Dieu,  il  onlend  évidemment  que 
tons  n'iint  pas  corri'spondu  à  ce  dessein;  et 
qu'en  rilanl  le  mi^l  hraucoup  d'appelés,  mais 
peu  d':'lus,  il  a  entendu  comme  l'Eviinpile  et 
comme  saint  Paul  ,  que  peu  de  personnes 
ont  cvirresprinda  à  leur  vocation  à  la  foi  , 
puisque  saint  Paul  nomme  constamment  les 
fidèles,  les  élus  de  Dieu.  Voyez  Prédesti- 
nation. 

L'on  convient  généralement  que,  pour 
embrasser  l'étal  ecclésiastique  ou  l'état  re- 
ligieux, il  faut  y  être  a  pelé  par  une  voca- 
tion spéciale  dé  Dieu.  Comme  ces  deux  élats 
imposent  de-  devitirs  particuliers  e(  souvi  nt 
pénibles  à  ceux  qui  y  sont  engagés  ,  on  ne 
peut  espérer  de  Ips  remplir  à  tni>in->  que  l'on 
ne  reroive  de  Dieu  les  grâces  nécessaires,  et 
il  y  aurait  de  la  témérité  à  les  attendre  ,  si 
l'on  avait  disposé  de  soi-même  contre  In  vo- 
lonté de  Dieu.  Sans  doute  il  ne  révèle  point 
à  chaque  particulier  le  so^t  qu'il  lui  destine, 
mais  il  y  a  des  signes  par  lesquels  on  peut 
juger  prudemment  que  l'on  est  anpe'é  A  tel 
étal  plntAt  qu'à  tel  autre.  Une  inclination 
constante  et  longtemps  éprouvée  à  s'y  cin- 
sacrer,  un  goût  décidé  pour  les  pratiques  et 
les  devoirs  qu'il  impose,  un  Ions;  exercice 
des  vertus  qu'il  esige,  un  délachement  ab- 
solu de  tout  intérêt  et  de  tout  motif  tempo- 
rel, V'ilà  desmariiue<  non  équivoques  d'une 
vocation  solide.  C'est  pour  s'e  i  assurer 
qu'ont  été  établis  les  divers  ordres  de  la 
cléricalnre  et' les  sér,  inaires  pour  l'état  ec- 
clésiastique, les  épreuves  et  le  noviciat  pour 
l'étal  relii'ieux.  Ceux  qui  ont  de  la  peine  à 
s'y  soumetire  doivent  se  défier  l>eaucoup  de 
leur  vocaliiin.  et  craindre  que  les  engage- 
ment-  qu'ils  formeront  ne  soient  pour  eux 
une  source  de  nial'ieurs  pour  ce  monde  et 
pour  l'autre.  Ces  considérations  nous  font 
comprendre  la  grièveté  du  crime  des  parents 
qui  veulent  forcer  la  vocation  de  leurs  en- 
f.iiils,  et  de  ceux  que  séduisent  ces  derniers 
et  leur  pe  suadent  faussement  que  tel  et  it 
leur  convient,  qui  leur  en  représentent  les 
avantages,  sans  leur  en  exposer  les  devoirs 
et  les  inconvénients,  c!c.  Mais,  par  la  vigi- 
lance et  les  précautions  qu'apportent  les 
pasteurs  dans  l'examen  des  sujets,  le  mal- 
iieur  des  fausses  vocntions  est  beaucoup 
plus  rare  qu'on  ne  le  croit  communément 
dans  le  monde. 

VOI'D,  promesse  que  l'on  fait  à  Dieu 
d'une  chose  que  l'on  croit  lui  être  agréable, 
ol  a  laquelle  on  n'est  pas  obligé  d'ailleurs. 
C'est  ce  (|u'enlendenl  les  théologiens,  lors- 
qu'ils disent  que  le  vœu  est  promissio  de  me- 
li';ri  hono.  Promettre  à  Dieu  d'accomplir  tel 
conuiiasiJemeut  qu'il  nous  fait ,  ou  d'éviter 
telle  chose  qu'il  nous  défend ,  ce   n'est  pas 


un  vœu,  parce  que  nous  y  sommes  obligés 
d'ailleurs  par  sa  loi. 

Est  il  permis  et  louable  de  faire  des  va>iix, 
et  lorsiju'on  in  a  fait  est-on  obligé  de  les 
accomplir?  Cela  ne  peut  être  mis  en  ques- 
tioi.  que  parreux  qui  ne  veulent  pas  avouer 
qu'il  y  a  de  bonnes  œuvres  de  surérog.ilion, 
que  Jésus-Clirist  nous  a  donné  des  conseils 
de  perfection  ,  et  qu'il  y  a  du  mérite  à  les 
pratiquer.  C'est  une  erreur  des  protestants  , 
que  nous  avons  réf'itée  ailleurs.  Voi/.OV.v- 
VREs,  CoNSRU.s  liVANGÉLiQiES.  Quaud  le  bon 
sens  ne  suffirait  pas  pour  nous  persuader  le 
contr;iirc,  l'histoire  sainte  nous  en  con- 
vaincrait. En  effet,  Dieu  n'a  pas  dédaigné  les 
Dœua;  que  lui  ont  faits  les  patriarches  ;  Ja- 
cob promet  à  Dieu  de  lui  offrir  la  dîme  de 
tous  les  biens  que  sa  providence  daignera 
lui  accorder,  et  ce  vœu  est  agréé  de  Dieu, 
Gen.,  c.  xxvMi,  v.  22;  c.  xx\i,  v.  1.3.  Ai'  si 
en  avait  agi  Abraham,  en  donnant  à  Melchi- 
sédech  la  dîme  des  dépouilles  qu'il  avait 
reprises  sur  les  rois  qq'il  avait  \ain(us, 
c.  XIV,  V.  20.  David  fait  vœu  de  bâtir  un  tem- 
ple au  Seigneur,  et  Dieu  lui  promet  que  cela 
sera  exécuté  par  s^n  Gis.  II  liefj,,  c.  vu,  v. 
13;  Ps.  cxxxr,  v.  2,  Les  principaux  Israé- 
lites s'obligent  à  contribuer  aux  frais  de  cet 
édifice,  et  ils  accompli^se^t  leur  v(eu,  I  Pa- 
rai., c.  XXIX,  V.  9. 

Les  livres  de  iloïse  contiennent  piusienrs 
lois  louchant  les  différents  vœux  que  l'on 
pouvait  faire,  touchant  l'obligation  et  la  ma- 
nière de  les  accomplir.  Nous  voyons,  Levit., 
c.  xxvii,  V.  1,  qu'un  homme  ou  une  femme 
libre  pouvait  se  vouer  au  servi' e  du  Sei- 
gneur dans  son  tabernacle,  qu'un  père  pou- 
Tail  y  consacrer  un  de  ses  enfants  ou  un 
esclave.  Dans  la  suite  on  nomma  ces  der- 
niers nnthinéens,  donnés  à  Dieu.  Voy.  ce 
mot.  S'ils  n'accomplissaient  pas  ce  vceu,  ils 
devaient  ôt(-e  rachetés  par  un  prix  ((ue  la  loi 
avail  flxé.  Nous  lisons  er.core,  Num.,  c.  vi, 
V.  1,  qu'un  homme  ou  une  femme  pouvait 
faire  le  vœu  du  nazaréal  poqr  un  temps  ou 
pour  toujours,  et  que  ce  vœu  les  obligeait  à 
ceriaines  abstinences  :  il  est  dit,  v.  8,  qu'un 
nazaréen  est  consacré  à  Dieu,  Sanclus  Do^ 
mino  ;  Samson  ,  Samuel,  Jcao-BapUsle,  en 
sont  des  exein|)les.  Voq.  Nazakéat,  Kécua- 
BiTEs.  Nous  avons  parlé  de  la  (iile  de  Je()lilé 
en  son  lieu,  Voy.  Jeputé,  L'obligation  d'ac- 
complir les  vœux  est  cl aireuiei.l  établie, 
Dent.,  c.  xxiu,  v,  21  ;  Job,  c.  xxii,  v.  27; 
Ps.  Lxv,  V,  13  ;  ticcl.,  c.  v,  v.  3,  etc. 

Quoique  les  protestants  aient  beaucoup 
déclamé  contre  les  vœux  en  général,  les 
commentateurs  anglais  de  la  Bible  de  Chais, 
dans  leurs  notes  sur  le  Lévitique  et  sur  les 
Nombres,  ont  très-bien  expliqué  la  nature 
des  vœux  dont  il  y  est  parlé  ;  ils  en  ont  re- 
connu la  sai.itclé  et  l'oliligaiion  de  les  ac- 
complir. Cependant  quelques  incrédules  ont 
prétendu  ((u'un  vœu  comliiionnel  ,  tel  que 
celqi  de  Jricob,  est  indécent  ;  c'est,  diseul- 
ils,  une  espèce  de  marché  fait  avec  la  Drvi- 
nilé,  par  lequel  l'homme  semble  lui  imposer 
des  lois  et  lui  prescrire  des  conditions  :  con» 
duite  intéressée  et  uiercenairu  que  Dieu  ne 


1077 


VŒU 


VOEL 


1078 


peut  pas  npprouver.  Fausse  décision.  Lors- 
que J  col)  (lit  :  Si  le  Seigneur  (Jaignir  me  prc- 
li'ger.  vie  ramener  snin  et  snuf,  et  lu'aci  order 
ses  bienfaits,- je  lui  donnerai  la  Uime  de  tout 
ce  (jue  je  posscderni.  Ce  n'csl  ni  un  marché 
ni  une  iii;ir(]ue  d'.iinbilion,  mais  une  pro- 
messe (le  reconnaissiince  ;  J.icob  se  prescrit 
à  liM-niêiiie,  et  non  à  Dieu,  une  lui  à  lii- 
qu'lle  il  n  ifiail  pas  tenu  d'ailleurs.  S'il  n'a- 
v;iil  reçu  de  Dieu  aucun  bien  lemporrl,  il 
n'auruii  pas  pu  lui  en  pn^er  lu  dime  ;  si 
Anne,  mi^re  de  Samuel,  n'av.iil  pas  obtenu 
«le  Dieu  un  (ils  en  ci)nséi|uence  do  son  tiœii, 
elle  n'auraii  pas  été  dans  le  cas  de  le  consa- 
crer au  Seipiieur;  si  les  compagnons  rie  .lo- 
uas n'avaienl  pas  é(é  sauvés  du  u-iuCiage  , 
ils  n'auraient  p.isélédans  robli'jation  d'ac- 
complir les  rceux  qu'ils  avaicnl  l'ai  s  au  fort 
de  la  lem()ète,  Joan.,  ci,  v.  Kî.  Puisiiu'il 
est  louable  de  témoigner  à  Dieis  de  ta  re- 
connaissance, il  est  louable  aussi  de  le  lui 
proinct'.re. 

Puisqu'il  a  plu  au  Seigneur  d'agréer  ics 
vaut-  des  hommes  sous  la  loi  de  nalure  et 
sous  celle  de  Moïse,  y  a-t-il  des  raisons  de 
croire  i|u'il  n'en  veut  plus  S'ius  celle  de  l'Ii- 
vangili'?Cc  serait  à  ceux  qui  les  blâment  de 
le  prouver.  Ou  ne  peut  pas  les  envi-ager 
comme  des  pr.'.li^iufs  de  la  loi  céiémoiiielle, 
puisi|u'ils  sotit  plus  anciens  qui^  celte  loi,  et 
que  -les  apôtri'S  mêmes  en  ont  l'ail.  Postérieu- 
rement au  concile  de  Jérusalem,  dans  le- 
quel il  avait  été  décidé  (]ue  les  cérémonies 
mosaïques  ne  servaient  plus  île  rien  au  sa- 
lut, Aci.,  c.  XV,  sain!  l'aul  (il  encore  le  vœu 
du  naz.iréal,  et  l'accomplit  à  .lérusalem,  c. 
XVIII,  V.  18;  c.  XXI,  V.  16.  .\u  mot  ('f:LinAT, 
nous  avons  cité  ce  qu'a  dit  Jésus-Christ  de 
ceux  qui  l'ont  embrassé  ;jo«r  le  roijnnme 
des  deux;  qu'ils  l'aient  fait  (lar  un  tœti  ou 
par  une  réso'ulion  ferme  et  irrévocable,  cela 
est  égal.  Puisque  Jésus-Clirist  a  donné  des 
conseils  de  perfertion,  et  qu'il  y  a  du  niériie 
à  les  pratiquer,  il  y  en  a  aussi  à  les  promet- 
tre p.iruu  vœu,  et  c'est  à  quoi  engagent  les 
vœux  sideniu'ls  de  religion. 

Ceux  qui  soutiennent  le  contraire  ont  pré- 
tendu que  ces  vivux  ont  été  inconnus  dans 
ri'^glise  jusiju'au  iv"  siècle,  que  c'est  saint 
Basile  qui  les  y  a  introduits,  ou  du  moins 
qui  en  a  parlé  le  premier.  Ils  sont  dans  l'er- 
reur: 1°  saint  Paul,  /  Tim.,  c.  v,  v.  Il  et  12, 
parlant  des  jeunes  veuves  (jni  veulent  se 
reiuarier,  dit  qu'f//es  ont  violé  leur  premier 
eng  Kjeinenl  :  primum  fi'Iem  irriiain  fecerunt. 
Ni>us  soutenons  que  cela  doit  s'ente/idre 
d'un  vœu  ou  d'une  promesse  solennelle  que 
Ces  femmes  avaient  fait  de  vivre  dans  la  con- 
tinence; ainsi  l'entendent  les  interprèles  ca- 
tholiques et  les  protestants  les  plus  sensés. 
On  ne  peut  pas  prouver  que  les  filles  d'un 
certain  âge  ne  fussent  pas  admises  dès  lors  à 
faire  de  même;  saint  Ignaci-  les  met  de  pair, 
Kpisi.  nd  Smijrn.,  n.  13.  2'  .Vu  m'  siècle, 
Terlullien  appelle  les  vierges,  i  s  épouses  du 
Seigneur,  des  personnes  consacrées  au  siècle 
futur,  et  i|oi  ont  mis  un  sceau  à  leur  chair  ; 
il  (ail  mention  expresse  du  vœu  de  conti- 
nence, de  Virgin,  velandis,  c.  11.  Sainl  Gy- 


prien,  Epist,  01  («/.  4)  ad  Pompon.,  par- 
l.int  des  vierges,  dit  :  «  Si  par  un  eun-a"e- 
ment  de  fidélité,  ex  fide,  elles  se  soni  consa- 
crées <i  Jésus-Clirist,  qu'elles  persévèrent  en 
vivant  dans  la  pureié  et  la  chasteté.  »  (1  re- 
garde rinfilélilé  d'une  vierge  ciumiic  un 
adultère  commis  contre  Jésus-Chri>t.  Cela 
suppose  une  promesse  ou  nu  vœu  qu'elles 
ont  fait.  3"  Le  concile  d'Ancyre,  tenu  l'an 
313,  avant  répiscojial  de  sainl  Hasile,  décide, 
cnn.  1!),  que  toutes  celles  qui  violeront  leur 
profession  de  virginité,  seront  soumises 
comme  les  bigames  à  un  on  deux  ans  d'ev- 
coiiimnnicalion  ;  celui  de  \  aleuce  en  Dau- 
phiné,  l'an  37V,  veut  qu'on  leur  diffère  la 
pénitence  jus(iu';'i  ce  ou'elles  aient  pleine- 
ment salisf.iit  à  Dieu.  11  n'aurail  pas  été  juste 
de  leur  inlliger  une  peine,  si  elles  n'avaipiit 
pas  l'ail  un  vœu.  Cette  discipline  fut  confir- 
mée par  le  concile  général  de  Clialcéiloine, 
et  par  plusieurs  autres  tenus  en  Occident  ; 
elle  était  donc  la  même  chez  les  Crées  et 
chez  les  Latins.  Aussi  la  prati(iue  des  vœux 
monasliqucs  a  persévéré  conslamment  et 
dure  encore  citez  les  nesloriens  ,  chez  les 
eulychiens  ou  jacobites,  chez  les  maronites 
syriens  et  chez  les  Grecs  schismaliques. 

Si  les  prélenlus  réformateurs  avaient  élé 
mieux  instruits,  ils  n'auraient  pas  dé.  lamé 
avec  tant  d'indécence  contre  les  vœux  en 
gén  'i-al,  surtout  contre  les  vœux  solennels 
de  religion,  ils  auraient  res|iecté  les  monas- 
lères,  et  ils  n'auraient  pas  fourni  aux  incré- 
dules les  invectives  que  es  derniers  ne  ces- 
sent de  répéter.  Ils  disent  que  c'est  altenlpr 
aux  droits  de  Dieu,  de  nous  priver  de  la  li- 
berté naturelle  (|u'il  nous  a  donnée;  ((u'il  y 
a  de  la  lémériléà  nous  imposer  nous-mêmes 
une  obligation  perpéiuelle  ,  sans  savoir  si 
nous  aurons  la  force  cl  la  constance  de  la 
rernpiir.  Ordinairement  les  vœux  sont  uit 
clï(!i  de  la  légèreté  de  la  jeunesse,  d'un  accès 
de  mé  ancolie  pass  igore,  de  la  séducijon  ou 
du  despotisme  des  parents,  et  sont  prc-que 
toujours  suivis  d'un  repentir  amer;  loin 
délie  utiles  à  la  société,  ils  la  privent  des 
services  que  i^ourraieut  lui  rendre  des  per- 
sonnes de  l'un  et  de  l'autre  sexequise  vouent 
à  la  clôture  et  à  riuutili:é.  Folle  censure 
s'il  eu  lu;  jamais;  déjà  nous  en  avo;is  dé^ 
montré  l'absurdité  aux  mois  Cklib-vt,  Moine, 
KiiLiG.EiisE  ;  mais  nous  ne  devons  pas  nous 
lasser  di;  répondre  A  des  reproches  toujours 
renaissants  et  varié>  eu  cent  manières,  t^leux 
qui  les  font  devraient  commencer  par  prou- 
ver que  l'honiuie  est  né  avec  une  libcrié  na- 
turelle illimitée,  que  c'est  un  bien  pour  lui, 
par  coii'iéiiuenl  que  tou'e  loi  quelconiue  est 
un  attentat  contre  ce  don  de  la  nature.  .Nous 
soutenons  au  contraire  qu'une  lelle  liberté 
serait  pour  lui  à  tous  égards  le  plus  grand 
de  tous  les  maux.  Comme  la  plupart  de  nos 
semblables  sont  nés  avec  plus  de  penchant 
au  vice  qu'à  la  vertu,  le  plus  grand  avan- 
tage pour  eux  et  pour  la  société  sérail  qu'ils 
fussent  enchiinés  d'abord;  Dieu  l'a  ainsi  dé- 
cidé, eu  di-aut  qu'il  est  hou  à  l'homme  de 
porter  le  joug  des  l'enfance,  Thrcn,,  c.  m, 
V.  27.  Tel  est  devenu  méchaul  et  dépravé, 


1079 


VŒO 


VOEU 


im 


qui  aurait  été  Irès-vertueux  s'il  avait  vécu 
sous  l'empire  d'une  loi  qui  eûl  écarté  de  lui 
les  teiitaiions  du  vice,  linfm,  si  l;i  lilierlé 
est  un  don  si  précieux,  il  t';itil  laisser  à  cha- 
cun la  liberté  de  fhoisir  tel  étal,  et  d'em- 
brasser lel  g;eiire  de  vie  qu'il  lui  plaî'. 

Puisqufi  la  religion  a  le  pouvoir  de  nous 
faire  ainicr  les  lois  qui  nous  smii  imposées 
parles  hoinines,  pourquoi  ne  réussirail-i'lle 
pas  à  nous  lairc  chérir  ci'l'es  (lup  loiis  nous 
sommes  prescrites  par  un  choix  libre  et  i  é- 
fléchi  ?  JcsusCbrisl  dit:  Cliaif/cz-vous  de 
mon  joug,  il  est  doux,  et  mon  lanieau  est  lé- 
gfr;  vous  y  trouverez  le  repos  de  vos  âmes 
(Miilth.  XI,  '29).  Ceux  qui  se  senienl  appelés 
par  u  e  inclination  conslanie  à  se  cl)arger 
du  jou}{  des  coiijpils  é?angeliques,  peuvent- 
ils  se  défii-r  di'  celle  parole  du  Sauveur? 
Quand  il  serait  vrai  qu'un  granil  nombre 
s'en  r  ■penlinl  dans  la  suite,  il  s'ensuivrait 
senleniesil  qu'ils  sont  naturellement  incons- 
tants et  qu'ils  n'auraient  pas  élé  plus  heu- 
reux dans  1. Il  autre  éiat.  La  plupart  de  ceux 
qui  se  si>nt  ei'gaoés  dans  le  mai  ia;;e  s'en  re- 
pentent de  iiiême  ;de  la  nos  philosophes  ont 
CoPciii  que  le  divorce  devrait  être  permis  ; 
ils  ont  aussi  mal  raisonné  sur  un  de  ces  su- 
jets (joe  sur  l'aiilie.  Il  n  e-.t  ceriaiiieu'eot 
pas  d''  l'iutérèl  <le  la  socié'é  de  fivor.ser  l'in- 
constance humaine,  il  n'v  aurait  plus  rien 
de  solide  ni  de  stable  dans  la  vie  civile.  On 
voit  Ions  les  jours  lies  hommes  aussi  en- 
nu)és  de  leur  lilierté  que  les  autres  le  sont 
de  leur  engagement,  mais  ce  ne  sont  pas 
ceux  qii  rendent  le  plus  de  services  au  pu- 
blie. Au  reste  nous  avons  déjà  ol.servé  plus 
d'une  lois  ((iie  celle  prétendue  mullilude  de 
personnes  dégoûtées  de  leur  élat,  repeinan- 
tes  et  malheureuses  dans  les  cloîtres,  sont 
une  fausse  iihagination  des  incrédules. 

On  ne  doit  pas  être  surpris  de  voir  des 
écrivains  sans  religion  condamner  loul  ce 
qui  se  fait  par  religion;  mais  il  y  a  lieu  de 
s'étonner,  lorsque  l'on  en  trouve  qui  se 
donnent  pour  ciirétiens,  et  qui  déclament 
contre  les  vœux  d'une  manièri'  plus  scan- 
da eiise  que  les  incrédules  mêmes.  C'est  ce 
qu'a  f  il  l'aiileur  de  l'ouvrage  intitulé  :  Les 
Inconvénients  du  célibat  des  prêtres,  c.  16. 
Il  a  compilé  toutes  les  objections  cies  pro- 
te^tanls,  il  n'y  a  rien  ajouté  que  des  absur- 
dités et  des  (  ontrnuiclions.  Il  dit  d'abord  qu'il 
est  juste  et  louable  de  vouer  à  Dieu  une  par- 
tie de  ce  qui  noui  appartient,  mais  que  cela 
est  supeiflii,  parce  que  Dieu  n'en  a  pas  be- 
soin, et  que  cela  ne  tourne  qu'au  profit  de 
ses  minisires.  Il  ne  nous  est  pas  donné  de 
concevoir  en  quel  sens  des  ofirandes  super- 
flues peuvent  êlre  justes  et  louables.  (Juoiijue 
Dieu  n'ait  besoin  de  rien,  il  avait  cependant 
ordonné  des  offrandes  dans  l'Ancien  Tesla- 
iTient,  et  Jésus-Christ  les  a  louées  dans  l'K- 
vanuile,  Mallh.,  c.  v,  v.  24;  Luc,  c.  xxi, 
V.  Set  4,  etc.  J  ui  dit  au  Seigneur:  Vous 
êtes  mon  Dieu,  vous  rt'avez  pas  besoin  de  mes 
biens.  C'était  le  langage  de  ï):[\\i\,  psaume  \\, 
V.  2.  Personne  néanmoins  ne  fit  jamais  au 
Seij^iieur  de  plus  riches  olîrandes  que  ce  roi  ; 
Saluuion    sou   fils  s'exprimait  de  même,  cl 


n'en  suivit  pas  moins  son  exemp.e.  Du  moins 
les  holocaustes  ne  tournaient  point  au  profit 
des  prèlres,  puisque  toute  la  uclimc  était 
consumée  par  le  feu  ;  nous  ne  voyons  pas 
non  [ilus  en  quoi  ils  ont  profilé  des  dons 
de  David    et  de  Salomon.    Voy.    Offrande. 

—  Noire  critique  prétend  que  le  nazarcal 
n'obligeait  à  rien  de  gên;mt  ;  il  se  trompe. 
Dans  les  climals  chauds  une  longue  cheve- 
lure est  iniommode;  les  Orientaux  se  s-ont 
toujours  rasé  la  lêie,  ils  le  font  encore  au- 
jourd'hui. L'abstinence  des  liqueurs  fortes 
leur  est  plus  difficile  qu'à  nous;  les  maho- 
niétans,  à  qui  leur  loi  en  interdit  ^u^age,  y 
suppléent  |iar  le  moyen  de  l'opium.  Il  e«l 
proliahle  d'ailleurs  que  les  nazaréens  étaient 
encore  assujettis  à  d'autres  observances  dont 
l'Ecriture   n'a  point    parlé.    Voy.   Nazaréat. 

—  Il  y  a,  continue  le  même  censeur,  des 
vœux  illégitimes,  il  y  en  a  de  téméraires  ; 
notre  volonté  est  trop  inconstante  pour  sup- 
porter des  chaînes  éternelles.  Nous  répon- 
dons qu'il  y  a  aussi  des  mariages  illégiiimes, 
el  un  Irès-grand  iionibre  sont  léi;iéraires  : 
ils  sont  cependant  indissolubles,  dès  qu'ils  ne 
sont  pas  nuls.  Encore  une  fois,  l'on  ne  peut 
(las  faire  une  seule  objection  contre  les  vœux 
perpétuels,  qui  ne  puisse  se  tourner  coiiire 
l'indissolui  ililé  du  mariage.  Un  vœu  témé- 
raire peut  être  commué,  quelquefois  on  peut 
en  êlre  dispensé  ;  on  permet  souvent  à  un 
n-ligieux  mécontent  de  son  ordre,  de  passer 
dans  un  autre,  etc.  Les  personnes  mariées 
n'ont  pas  les  mêmes  ressouices,  parce  que 
l'intérêt  de  la  société  s'y  oppose.  —  Pour 
fixer,  dit-il,  notre  inconstance,  c'est  un  mau- 
vais moyen  d'asservir  le  corps,  en  laissant 
les  désirs  libres,  et  de  mettre  nos  penchants 
en  contradiction  avec  nos  devoirs  :  s'il  avait 
réfléchi  avant  d'écrire,  il  aurait  compris  que 
le  vœu  de  chasteté,  par  exemple,  ne  laisse 
pas  plus  libres  les  désirs  de  l'inconlinence, 
que  le  mariage  ne  laisse  libres  les  désirs  de 
l'adultère,  el  que  tout  désir  réHéclii  d'une 
chose  illégitime  est  criminel  par  lui-même; 
il  auraii  senti  que  toute  la  loi  qui  nous  gène 
met  en  contradiillon  nos  devoirs  avec  nos 
penchants,  et  que  pour  laisser  un  libre 
cours  à  noire  inconstance,  il  faudrait  sup- 
primer tous  les  engagements  et  toutes  les 
lois.  Nous  convenons  (|ue  tout  homme  né 
avec  un  penchant  violent  à  riinpudicilé  agi- 
rait léniéralremenl  en  taisant  le  vœu  de  clias- 
lelé,  iiwiis  il  ne  s'ensuit  rien  :  tous  les  hom- 
mes ne  sont  pas  dans  ce  cas  ;  il  en  est  un 
plus  grand  nombre  pour  qui  la  continence 
n'a  rien  de  pénible.  —  Selon  lui,  tous  le* 
vœux  possibles  ne  peuvent  pas  faire  éclore 
une  nouvelle  vertu  ;  les  règles  monastiques 
ne  comniandenl  que  des  puérilités,  ne  ten- 
dent qu'à  exercer  le  despotisme  des  chefs,  et 
à  fatiguer  inutilement  la  patience  de  ceux 
qui  obéissent.  On  croit  entendre  parler  un 
déiste  qui  soutient  que  toutes  les  lois  posi- 
tives ne  peiiveni  pas  nous  prescrire  une  seule 
virtu  qui  ne  soii  déjà  commandée  par  la  loi 
naturelle,  que  tout  le  reste  m  conlribu'  en  rien 
à  la  perfection  de  l'homme  ni  du  citoyen.  Il 
n'est  pas  Liesuiu  de  créer  des  vertus  nouvelles, 


1081                                   VŒU  VŒl                                 mi 

mais  do  pratiquer  Ips  anciennes;  or,  la  chas-  mieux,  dit  saint  Paul,  se  marier,  que  de 
tetô,  la  pauvreté  volontaire,  l'obéissance,  la  brûler.  »  Nous  soutenons  que  l'on  peut  et 
piété  ,  la  charité  fralernelle  ,  hi  moriifica-  que  l'on  doit  promettre  de  n'avoir  jamais  de 
lion,  etc.,  sont  des  vrrtiis  ,  nous  l'avons  désirs  voloniaires,  réfléchis  el  délibérés, 
prouvé  en  son  lieu.  (Te-it  une  .ibsurdilé  p.ircc  qu'ils  sont  criinini'ls;  qu>>  les  désirs 
d'iiiiaf;inpr  qu'un  supérieur  de  religieux  ne  indélibérés,  involontaires,  el  aux(|ucls  on 
commande  à  ses  inférieurs  que  pour  le  résiste,  ne  sont  pas  des  pèches,  mais  des 
plaisir  (l'exercer  son  despotisme  et  de  l'ali-  épreuves  pour  la  vertu.  Saint  Paul  ne  com- 
giier  leur  patience;  on  le  fer;iil  bieniôl  re-  mande  ni  ne  conseille  le  mariage  à  ceux  qui 
pentir  de  cet  abus  de  son  aulorilé.  P;ir  dé-  oui  des  désirs,  mais  à  ceux  qui  ne  sont  p;is 
cence  ou  par  honte,  l'auteur  ;iurait  dû  continents,  quoil  si  mm  se  anilinenl,  nul)  nt 
s'abstenir  de  répéicr  les  invectives  des  in-  (/  Cor.  vu,  9).  Ainsi  par  brûler  saint  Paul 
crédulis,  d'écrire  que  I(î  vwh  d'uliéissance  n'entend  pas  avoir  des  désirs  iuvoiontiiires, 
est  une  renonciation  à  l'usage  de  la  raison,  ni.iis  y  lonscntir  el  y  snccomber.  Cetie  falsl- 
qni  lait  d'un  être  raisonnable  une  brute  et  ficalion  du  texte  de  l'Apôlre  est  un  vol  que 
un  auiomale.  Ceux  qui  ont  fait  ce  vœu  pour-  l'auteur  a  fait  aux  prolesianls.  Il  ne  sert  à 
ront  répondre  qu'ils  ont  plus  île  raison  el  de  rien  de  rappeler  les  crimes  do  quelques 
bon  sens  que  ceux  qui  leuc  insultent,  puis-  vierges  inlidèles  à  le  ir  vku,  dont  saint  Jé- 
que  ceux-ei  ne  foui  que  déraisonner.  <Jue  rôiue  a  fait  mention  dans  sa  dix-huilième 
sii;ni(ie  en  effet  celle  phrase  :  «  Le  rœn  de  lettre  A  Euslochium  ;  il  n'a  pa<^  rapporté  de 
pauvreté  est  illusoire,  puisqu'il  conduit  à  ne  méoie  loules  les  turpitudes  des  filles  non 
manquer  de  rien  :  l'indigence  et  la  mendi-  mariées  et  des  femmes  adultères,  la  liste  en 
ciié  sont  une  lentaiion  plus  dnigereuse  que  auriiil  été  trop  longue.  Les  vierges  peu 
les  richesses  ?  »  Nous  ne  concevons  pas  chastes  ne  snni  pas  lomliées  dans  l'inconli- 
cumnienl  ceux  ()ui  ne  inan(|ueut  de  rien  sont  nence  parce  qu'elles  avaient  fait  des  vœux, 
néanmoins  dans  l'indigence.  L'auieur  n'a  elles  y  seraient  tombées  encore  plus  aisé- 
pas  vu  (|u'il  lançait  un  sarcasme  contre  nieni,  si  elles  n'en  avaient  point  lait,  il  est 
Jésus-Cbi  isl  même.  Ce  divin  M.iilre  envoyant  absurde  d'atlriliuer  un  crime  aux  précautions 
ses  disciples  prêcher  l'Evangile,  leur  défend  mêmes  que  l'on  avait  prises  pour  s'en  pré- 
de  porter  iivec  eux  de  l'argent  ni  des  provi-  server.  Si  l'on  veut  y  réfléchir,  on  verra 
siens,  Mdllh.,  c.  x,  v.  9  ;  il  leur  demande  qu'une  personne  qui  a  fait  vœu  de  chasielé 
ensuite  :  Loisque  je  vous  ni  envoi/és,  avez-  n'esl  obligée  à  rien  de  plus  ((ue  celle  qui  est 
vous  manqué  de  rien  ?  Ils  lui  répondent  :  Sun,  réduite  à  vivre  dans  le  monde  sans  pouvoir 
Seigneur.  Luc,  c.  xxu,  v.  33.  S'ensuil-il  d(!  se  marier. 

là   que   le    commandement    de  Jésus-Christ  L'âge   auquel   les  lois   ecclésiastiqnes  el 

était  illusoire!  Aux  mois   I'alvbkté  el  Mi'.n-  civiles  permeiienl   les   vœux,  est  assez  mûr 

DiANT,  muis  avons  justifié  ceux   qui   inillent  pour  que  les  jeunes  gens  puissent  savoir  à 

la   conduite  des   apôtres.  quoi    ils   s'engageul  et   de  quoi  ils  sont  ca- 

Oserons-nous  relever  ce  qu'a  dit  ce   crili-  pables  ;  le  lemps  des   épreuves  et   du   novi- 

que  licencieux  contre   le   vœu  de  chasteté?  ciat  est  assez  long   pour  connaître  par  ex- 

a  11  n'est  pas  permis,  dit-il,  de  vouer  ce  qui  périenc*-  les  obli^aiions,  les  peines,  les  in- 

n'est  pas  en  notre  puissance;   or,   l'Kcrilure  convénien's  de  l'élat  religieux.  En  considé- 

nous  assure  que  la  continence  esl  un  don  de  rani  les  communautés  dans  lesquelles  on  ne 

Dieu  :  il  y  a  de  la  lemérilé  à  juger  ()U  il  nous  fail  que  des  rœux  siiuples,  nous  ne  voyons 

l'a    donnée  ou  (|u'il  nous   la  donnera,    et   à  pas  ()u'il  en  sorte  un  plus  gr.ind  nombre  de 

vouloir    l'y    forcer.    »    Morale    scandaleuse,  sujets  qu'il  n'en  sort  du  noviciat  des  monas- 

Toule  autre  verlu  esl  aussi  un  don  de  Dieu,  léres   où   l'on    f.iil  des    vœux    perpétuels.  11 

conclurons-nous  qu'aucune   n'est   en    iu)!re  n'est   donc  pas  vrai  que  ces  derniers  soient 

puissance  '/    Les    disciples    du    Sauveur    lui  des   cachots    dans  lesquels  gémissent  le  re- 

iiieiil  cette  objection    touchant  la  pauvreté  ;  pentir,  le  regrel  ,  le  desespoir.  En  général  , 

il  leur    répondit  -.Cela    est   impossible  selon  plus  les  communautés  observent  une  clAlu.e 

les  hommes,   mais    cela    est   possible    à   Dieu  sévère    et   inviolable ,  plus  elles   sont   régii- 

[Matih.  XIX,  V.  •JG).  Il  nous  assure  que  nous  lières,   paisibles   et   heureuses;   quand   il    y 

obtiendrons  de  son  Père  tout  ce  que  nous  lui  arrive  du  desordre,  il  a  toujours  pour  pre- 

demanderons  avec  conlîance,  c.  vviii,  v.ll)  ;  mière    cause    la    fréquentation    des    sécu- 

c.  XXI,  v.  20  :  il  n'en  a  pas   excepté  la  chas-  liers. 

télé.  Ce  n'est  dune  pas  une  lémériie   que  de  On  ne  cesse  de  répéter  que  les  vœux  mn- 

compter  sur  cette  promesse,  el  il  est  alisurde  nasiiqiies  enlèvent  à   la  société  une  infinité 

de  supposer    que    prier    avec    confiance   el  de    sujets    qui    pourraient  lui    être    ulil.'s. 

persévérance,  c'est   vouloir  forcer  Dieu.  Je-  Nous   soutenons   au  contraire   que   I  du  de 

sus-Christ  nous  exhorte  a  celle  espèce  d'ini-  les   lui   enlever,  ces  vœux   lui    ;issureiil  des 

poriuiiit(^  qui   semble   vouloir  taire  violence  services  qu'  ne   pourraient  pas  lui  être  ren- 

à  Dieu,  Luc,  c.  XI,  v,  8,  elc.   Lorsque  saint  dus  aulreiiieni  d'une  manière  aussi  ellicacc. 

Paul  cuiiifiiandail  la  chasielé  à  tous  les  fidè-  'Irouverait-on   beaucoup  de   personnes  qui 

les,  il  supposiiil   sans  doute  qu'elle   était  en  voulussent  se  consacrer  au  service  des  hô- 

hnr  pi'uvoir,  (|u'ils  pouvaieiii  du  moins  l'ob-  pitaux  ,  au   soul.igemenl  des  naïades  pau- 

leuir  de  Dieu  par  leurs  prières.  — «Peul-on,  vres  ou  incurables,  au  soin  des  (U'piielins  et 

conllnue    notre   disseï  t  lieiir,    pron):'tlre   de  des  enfants  ahanâonnes,  à    rinsliucttun  des 

n'avoir  jamais  de  désirs?  .'^i  ou  les  a,  il  vaut  ignorants,  et  à  d'autres  œuvres  de  charité 


1083 


VOI 


vol 


1081 


auxquelles  le  clergé  séculier  ne  peut  pas 
sulfirc,  s'il  n'y  en  avait  pas  un  grand  nom- 
bre des  deux  sexes  qui  le  font  par  vœu  et 
par  motif  de  religion?  Sans  les  voeux, i\''cun 
des  éta'  lissenn'nls  destinés  à  secourir  l'hu- 
m.inilé  souffrante,  ne  sérail  ni  stable  ni  so- 
lide. Nous  ajou(ons  cncoie  que  les  ordres 
mêmes  qui  g.irdenl  la  clôture  n'ont  j;!niais 
été  plus  nécessaires  qu'aujourd'hui.  Dans 
un  siècle  coi  rompu  par  le  luxe,  par  la  li- 
cence lies  mœurs  et  par  l'irréligion  ,  dans 
lequel  les  revers  de  fortune  sont  Iréq^ionts, 
les  mariages  diflitiles  et  souvent  malheu- 
reux, il  laut  des  asili'S  où  puissent  se  reti- 
rer ceux  qui  n'ont  rien  à  espérer  dans  le 
inonde ,  ou  la  vertu  pauvre  et  méprisée 
puisse  se  cacher  et  trouver  le  repos,  où  la 
simplicité  des  mœurs  fasse  prescription 
contre  la  perversité  publinue,  et  servi'  d'a- 
pologir  à  riivangile.  En  dépit  des  clameurs 
de  nos  politiques  incrédules,  ces  saintes  re- 
traites ,  presque  aussi  anciennes  que  le 
cbrislianisme  ,  subsisteront  autant  que  lui. 
Ce  qui  regarde  la  validiié  on  la  nullité  des 
dispenses,  l'interprétation  ou  la  commuta- 
tion des  vœux,  csi  plus  du  ressort  des  cano- 
nistes  que  des  théologiens. 

Voeux  du  Baptême.  On  appelle  ainsi  les 
promesses  que  fait  un  catéchumène,  lors- 
qu'avant  d'être  bapiisé  il  renonce  à  S;it.'in, 
à  ses  pompes  et  à  ses  œuvres.  Ce  prélimi- 
naire a  été  prescrit  dans  la  rigueur  pour  les 
adultes  qui  lenonçaieiii  à  l'idolâtrie  ou  au 
culte  des  démons  pour  embrasser  le  chris- 
tianisme. Lorsqu'on  b;iptise  un  enfant,  c'est 
le  parrain  et  la  marraine  qui  font  ces  pro- 
messes au  nom  du  baptisé,  alors  elles  ne 
regardent  point  le  passé,  mais  l'avenir. 

Parmi  les  hérétiques  des  derniers  -iècles, 
les  uns  avaient  enseigné  que  les  lœtix  du 
bapléme  annulaient  Ions  les  autres  l'tfua:;  les 
antres,  que  les  voeux  du  bapiisé  m;  l'obli- 
geaient pis  à  obseiver  toute  la  loi  chré- 
lieniie,  mais  seulement  à  croire  en  Jésus- 
Christ;  le  concile  de  Trente  a  condamné  les 
uns  et  les  autres,  sess.  7,  de  Bapt.  can.  7 
61  9. 

Les  Ihéologiens  appellent  aui-si  vœu  du 
hnptéme  ,  la  volonté  ou  le  désir  de  recevoir 
ce  sacrement,  lorsqu'on  ne  peut  pas  le  re- 
cevoir en  elTet  ;  dans  co  sens,  ils  liisenl  que 
le  b.iplème  e»t  absolunienl  nécessaire,  vel  in 
re  vel  in  voto,  pour  êire  sauvé.  Vuy.  Uap- 
T&ME.  D.ins  le  discours  ordinaire,  vœu  si- 
gnifie souvent  (léxir  ou  prière. 

VOIlî  ou  CHlîMIN  ,  se  prend  souvent  dans 
l'Ecriture  sainte  dans  un  sens  Cguré.  En- 
trer  dans  la  voie  de  toute  la  terre  ,  c'est 
mourir;  la  voie  des  nations,  sont  les  usages 
et  la  religion  :  mais,  lorsque  Jésns-Chrisl 
dit  à  ses  di^ciples,  Mattli.,  c.  x,  v.  ^  :  IS'allez 
point  dans  la  voie  des  n-alions,  cela  signiiie, 
n'allez  point  prêcher  l'Evangile  aux  païens; 
le  moment  n'en  était  pas  encore  arrivé. 
Voie  se  prend  encore  pour  la  conduite  :  il 
est  dit,  Prov.,  c.  vi,  v.  G  :  Que  le  paresseux 
nille  à  la  fourmi,  et  iju'il  considère  lis  voies 
de  cet  animal.  Les  voies  de  Dieu  sont  ses 
lois,  ses  volontés,  ses  desseins,  la  conduite 


de  sa  Providence.  Ps.  en,  v.  7,  etc.  hos  voie» 
de  la  paix ,  de  la  justice ,  de  la  vérité  ,  sont 
les  moyens  qui  y  conduisent.  Ce  mol  dési- 
gne aussi  une  profession  ,  une  secte  ,  une 
religion;  Act.,c.  ix,  v.2,  Saul  deniar.da  des 
Icllres  pour  le  grand  prêtre  ,  afin  que  s'il 
trouvait  des  gens  do  la  secte  chrétienne, 
/(u/ms  viœ,  il  les  menât  liés  à  Jérusalem.  La 
voie  large  est  une  conduite  relâchée  qui 
conduit  à  la  perdition;  la  voie  étroite,  une 
vie  vertueuse  et  régulière  qui  mène  au  sa- 
lut. 

VOILE  ,  pièce  de  crêpe  ou  d'étoffe  légère 
qui  couvri"  !a  tête  et  une  partie  du  visage. 
L'usaije  d'avoir  la  tète  couverte  dans  les 
temples  n'a  point  été  le  même  chez  les  dif- 
férenls  peuples,  mène  |iarmi  les  adorateurs 
du  vrai  Dieu  :  mais  la  coutume  la  plus  gé- 
nérale chez  les  anciens  a  été  que  les  sacri- 
Ocateurs  exerçassent  leurs  fonctions  avec 
la  tête  couverte  d'un  pan  de  leur  robe,  afin 
qu'ils  fussent  moins  distraits,  et  qu'ils  ne 
pussent  porter  leurs  regards  ni  à  droite  ni 
à  gauche.  Cornélius  a  Lapide  cl  d'autres  ont 
observé  que  ,  chez  les  Juifs,  les  prêtres  ne 
priaient  et  ne  sacrifiaient  point  à  tête  ilécou- 
veite  dans  le  tabernacle  ni  ilans  le  temple, 
mais  qu'ils  la  convraicnt  d'une  liare  <iui 
était  un  ornement.  Quant  aux  usages  mo- 
deriies,  le  savant  Assémani  rapporte  iiue  le 
patriarche  des  nestoriens  officie  la  tête  cou- 
verte, que  celui  d'Alexandrie  fait  de  même, 
ainsi  que  .les  moines  de  saint  Antoine,  les  co- 
phtcs,  lesAbys>ins  et  les  Syriens  maronites. 
Cela  n'est  point  étonnant  chez  les  Orientaux 
qui  ne  se  découvrent  jamais  la  tête.  En  Occi- 
dent, où  c'est  une  marque  de  respect  de  se 
découvrir  en  présence  d'une  personne  que 
l'on  vi'ui  honorer,  il  a  paru  plus  décent  que 
les  prêtres  fissent  leurs  fonCiioDS  la  tête  dé- 
couverte. 

A  l'égard  du  con>mun  des  fidèles,  saint 
Paul  a  décidé  que  les  hommes  doivent  prier 
à  visage  d,  couvert,  et  il  *eut  que  les  léunnes 
soient  voilées  dans  les  temples,  /  Cor.,  c.  xi, 
V.  10.  En  AIrique,  du  temps  de  Tertnliien, 
les  femmes  allaient  à  l'église  voilées;  ou  per- 
mit aux  filles  d'y  païaîire  sans  voile:  ce  pri- 
vilège lesfiatla,  mais  Terlullien  soutint  <|ue 
c'était  un  abus,  et  fit  à  ce  sujet  son  livre  de 
Yirginibus  velamii^i.  Ceux  qui  en  pren-iient 
la  défense  prétendaient  que  cet  honneur  était 
dû  à  la  virginité;  qu'il  caractérisait  la  sain- 
teté des  vierges  ;  qu'étant  remar(|uabliS  d.ins 
le  temple  du  Seigneur,  elles  invitaient  les 
autres  à  imiter  leur  exemple.  Tertuliieu  ne 
goûtait  point  ces  raisons  :  où  il  y  a  de  la 
gloire,  di(-il,  il  y  a  de  la  vanité,  de  rinteiél, 
de  la  contrainte,  de  la  faiblesse;  or  la  virgi- 
nité contrainte  est  la  source  île  tous  les  cri- 
mes. Clément  d'Alexan  irie  é;nit  d'avis  que 
les  filles  doivent  porter  un  voile  dans  l'église 
aussi  bien  que  les  femmes,  afin  de  ne  pas 
scandaliser  les  justes.  Il  y  a  encore  des  pro- 
vinces en  France  où  les  filles  ne  vont  à  l'é- 
glise qu'avec  un  voile  blanc,  et  les  femmes 
avec  un  voile  noir. 

Parmi  nous,  prendre  le  voile  c'est  se  faire 
relit^ieuse,  parce  que  c'est  une  marciue  di?- 


!o:?5 


VOL 


VOL 


lose 


tiocUve  de  cet  état,  et  cet  usage  est  ancien, 
il  liateau  moins  de  la  fin  du  iv  siècle.  Dans 
VJIisloire  de  l'Académie  des  Inscriptions, 
loin.  V,  i'n-12,  p.  173,  il  y  a  un  iiiémoire 
dans  lequel  il  est  prouvé  que  la  réception  du 
toile  n'éiait  j.iniais  séparée  de  la  profession 
rcligieusi'  ;  qu'aucune  tille  n'en  élail  revêiue 
qu'au  moment  où  elle  prononçait  ses  vœux, 
el  (jue  c'était  l'évoque  qui  faisait  cette  cérc- 
niunie.  —  L'âge  aii(|uel  les  filles  éiaient  ad- 
mises à  prendre  le  voile  a  varié  dans  les  dif- 
férents siècles,  ^■ers  l'an  IIOI»,  saint  Hugues, 
aiilié  'le  i;iuni,  reconiniandanl  à  ses  succes- 
seurs l'abhavede  iMartijjny  qu'il  avait  fondée 
pour  des  religieuses,  les  cxliorleà  n'y  rece- 
voir aurun  sujet  avant  i'àac  de  vingt  ans. 
Deux  cents  ans  après,  sous  Philippe  1;'  Long, 
l'on  cite  une  charte  de  l'an  1317,  paria- 
quelle  il  paraît  qu.'  l'on  donnait  (|ueIquefois 
le  voile  à  de  jeunes  per.sonnts  de  l'âge  do 
huit  ans,  mais  elle»  ne  recevaient  pas  la  bé- 
nédiction solcnnelh'  qui  était  censée  les  at- 
tacher pour  toujours  à  la  vie  religieuse;  le 
voile  n'était  donc  pas  p(>ur  elles  un  engage- 
ment irrévocable.  De  ménie  aujourd'hui  la 
céréuioiiio  île  la  vélureel  le  loile  hlanc,  que 
l'on  «iuuno  aux  novices,  n'est  pas  un  lien 
pour  elles;  c'est  par  la  profession  ou  p,;r 
l'émission  solennelle  dos  vœux  qu'elles  s'en- 
gagent pour  toujours.  Voi/.  Oulats. 

\(»iLii  nu 'I'empli;.  Il  y  avait  dans  le  tetn- 
ple  de  .lerusaleiu  un  voile  d'élolïe  précieuse, 
suspendu  à  deux  rolonnes,  qui  séparait  le 
sanctuaire  ou  te  saint  des  suints,  dans  lequel 
était  l'aiih.'.  d'ailiauce,  d'avec  le  reste  de 
l'enceinte  iioniniée  le  stiini;  il  était  ainsi  en- 
tre l'arche  et  l'autel  sur  lequel  on  brûlait 
les  parfums.  C'est  ce  lùile  qui  se  fi'udit  du 
haut  en  bas,  au  moment  de  la  mort  de  Jé- 
sus-t]lirisl,  MiilJi.  c.  27,  v,  51.  Olle  (irci>n- 
slance  a  paru  reniar(|nalile  aux  Pères  de  l'IÎ- 
};lise;  Dieu,  disent-ils,  léinoignait  ainsi  (lue 
le  temple  tie  Jérusalem  u'élail  plus  le  sanc- 
tuaire dans  lequel  il  voulait  habiter  désor- 
mais, cl  «pie  cet  édifice  serait  bientôt  détruit; 
que  le  cull(!  qu'il  y  avait  reçu  jusqu'alors 
allait  faire  place  à  un  eulle  plus  pur  el  plus 
agréable  à  ses  yeux;  saint  .leaii  Chrysos., 
Humil.  de  Cvemc'..  et  Cruce,  n.  2,  op.,  i,  11, 
p.  40i  ;  saint  Léon,  sernt.  -2  el  8,  de  Pnss. 
J)omini,  etc.  Jésns-ChrisI  lui-mémi-  l'avait 
ainsi  annoncé  à  la  Samaritaine,  Joan.,  c.  iv, 
V.  21. 

Dans  les  églises  chrétiennes  on  a  fait 
usage  de  dilTereules  espèces  de  voiles.  Ou 
appelait  ainsi  le  lapis  dont  on  couvrait  l'au- 
tel hors  du  temps  de  ta  célébiatiou  des  saints 
mystères,  et  celui  que  l'on  meliail  sur  les 
reli(iues  dis  saints.  Entre  le  chœur  el  la  nel, 
il  y  avait  un  voile  étendu  pendan'  l'ofiice 
divin,  el  les  diacres  rouvraient  après  la  pré- 
face, lorsque  le  préire  commençait  le  canon 
delà  messe.  On  conserve  encore  aujourd'hui 
dans  plusieurs  églises  ces  anciens  usanos. 
Voy.  les  Itfinarques  du  Père  Ménuril  sur  le 
Sitrruiiientitire  de  saint  Gréqoire,  p.  203. 

VOIX  HAUTE  ou  BASSK  dans  l'office  di- 
vin. Voy.  SECaÈTiîS. 
VoL;  c'ist  l'atlion  d'enlever  le  bienU'au- 


Iriii,  soit  par  violence,  soit  en  secret  ou  par 
surprise.  Le  premier  cxeuipli'  de  ce  crime 
dont  il  soit  parlé  dans  l'Eci  iture  est  le  vol 
que  fil  Uachel  des  idoles  de  son  père,  et 
nous  voyons  (jue  dès  ce  lemps-là  il  élail  jugé 
digne  de  mort;  Gen.,  c.  xxxi,  v.  1!)  et  32 
Celui-ci  élail  d'.uil.int  plus  condamnable, 
qu'il  parait  avoir  été  fait  par  un  piincipe  d'i- 
dolâtrie, el  quL?  Uachel  se  mil  à  couvert  du 
châtiment  par  un  mensonge.  L'Ecriiure 
sainte  ne  dissin)ule  aucune  faute  des  per- 
sonnages ilont  elle  parle,  afin  de  nous  con- 
vaincre que  Dieu,  dans  tous  les  temps,  a  usé 
de  miséricorde  et  d'indulgence  envers  les 
hommes. 

Mais  a-t-il  commandé  un  vol  aux  Israé- 
lites, en  leur  ordonnant  de  demander  aux 
Egyptiens  îles  vases  d'or  et  d'argent,  el  de  les 
emporter  avec  eux  en  sortant  de  l'Egypte? 
Exod.,  c.  XI,  V.  2;  c.  XII,  v.  35.  Les  incré- 
dules l'assurent  ainsi,  el  ils  en  concluent  que 
les  Israélites  étaient  comme  les  Arabes,  une 
nation  île  voleurs  el  de  brigands.  Nous  sou- 
tenons que  ce  ne  fut  pas  nu  vol,  mais  une 
juste  compensation  ;  qu'il  n'y  eut  de  la  part 
des  Hébieiix  ni  suiprise  ni  violence  ;  que 
quand  il  y  en  aurait  eu,  l'on  ne  pourrait  pas 
encore  les  accuser  d'injuslice.  C'étail  injus- 
tement, et  contre  le  droit  des  gens,  que  les 
Egyptiens  avaient  réiluit  les  Isr.iéliles  en  es- 
clavage, qu'ils  les  avaient  conilamnés  aux 
travaux  publics,  sans  leur  accorder  aucun 
salaire,  el  qu'.ls  avaient  voulu  mettre  à  mort 
tous  leurs  enfants  mâles  :  ceux-ci  étaient 
donc  en  droit  de  les  traiter  comme  des  en.5 
neinis  s'ils  avaient  élé  les  plus  forts.  Cepeu- 
danl  ils  se  bornèrent  à  profiter  de  la  cons- 
ternation dans  laiiuelle  étaieni  les  li;^;3pliuus 
par  la  moi  l  de  leurs  prenner.s-nès,  et  a  leur 
demander  un  dédouimagiNucat  qu'ils  n'o- 
saient pas  refuser,  dans  la  crainte  dépérir 
de  même.  C'est  la  réponse  de  Pliilon,  de  Vita 
Mos'.s,  p.  G2i- ;  de  saint  Ircnée,  <\dv.  Hœr., 
1.  IV,  c.  30;  de 'l'ertiillien,  «(/)'. /l7((rtio;i.,  I.  ir, 
c.  20,  el  I.  iv  ;  de  saint  Augustin,  I.  lxxxiii, 
quœst.,  q.  3a;  contra  Fansl.,  I.  xxn,  c.  72, 
etc.  Ainsi  en  jugeait  l'auteur  du  livre  de  la 
Sagesse,  lorsqu'il  a  dit  que  Dieu  reudil  aux 
justes  la  récompense  de  leurs  travaux,  c.  x, 
V.  17. 

On  se  trompe  encore  quand  on  cite  Jephté 
comme  l'exemple  d'un  chef  de  voleurs,  ijui 
parvint  à  se  mettre  à  la  lêle  de  sa  nation. 
Chez  les  anciens  peuples,  la  profession  des 
aventuriers  braves,  qui  faisaienl  des  excur- 
sions chez  les  ei  iiemis  el  s'enrichissaient  de 
leur  butin,  n'.ivail  rien  de  déshonorant;  les 
anciens  philosophes  grecs  l'envisageaient 
comme  une  espèce  de  chasse,  parce  qu'ils  re- 
ganlaienl  Ls  étrangers  comme  des  ennemis 
avec  lesquels  on  élail  toujours  en  giieire. 
David  en  agit  ainsi  lors(|iril  ,ul  oliii^é  i4e  fuir 
la  persécution  deSatil;  /  lO-y.,  c.  xxvu,  v.  8. 
Les  Israélites  furent  souvent  exposés  à  ces 
irruptions  subites  de  leurs  voiisjiis;  IV  fin/j., 
c.  XIII,  V.  20,  etc.  C'était  un  fléau,  s,ins  dou- 
te, mais  il  ne  faut  pas  raisonner  îles  mceurs 
des  peupk'S  anciens,  sur  celles  qui    régnent 


*0$7 


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aujourd'hui  chez  les  peuples  policés,  surtout 
chez  les  nations  chrétiennes. 

VOLCANS.  Les  incréliiles  du  dernier  siècle 
avaient  luit,  ronire  l'aniiiiniié  attril>iiée»ii  inonde  par 
Mm'se,  nue  nbjcclion  tirée  de--  voirans.  Ils  disnient  qne 
l'éïKprnie  qnanl  lé  (!■•  hve  déposée  au  pieil  dn  Vé- 
suve, de  1  Eina,  elr.,  prouvait qne  ces  volcans  avalent 
vomi  des  nialè  es  enflaniinées  il  y  a  plus  de  six  mille 
ans.  Les  louilles  qui  oui  éié  Faites,  la  découverte  de 
l'oiupéia,  OUI  été  une  réponse  sans  réplique.  Il  n'y  a 
pas  lieux  mille  ans  que  celle  ville  était  florissante. 
Donc  aiiiiaravani  le  sol  qui  reiivirnnnalt  et  qui  était 
ciiliivé  n'etsit  pas  couvert  de  laves. 

VOLONTÉ,  VOLONTAIRE.  Le  mol  Vo- 
lonté signifie  tout  à  la  fois  la  faculté  ni  l'ac- 
lion  de  vouloir;  ce  double  sens  a  toujours 
élé  el  sera  toujours  la  source  ii'une  infinité 
de  sophismes  el  d'erreurs  ;  si  on  veut  les  évi- 
ter, il  faut  nécessaiieinenl  disiingucr  en 
nous  différentes  espèces  d'aclions.  1°  Les  ac- 
tes forcés  par  une  violence  exlérieure  :  tel 
sérail  l'homicide  commis  par  un  homme  au- 
quel un  plus  lorl  que  lui  aurait  conduit  le 
bras,  el  lui  aur;iil  fail  plonger  son  épée  dans 
le  sein  du  morl;  il  csl  clair  que  celle  action 
ne  peut  élre  allribuéeà  relui  quia  soulTert 
la  violence,  mais  à  celui  qui  l'a  faile.  2"  Les 
actions  purement  spontanées  qui  viennent 
de  nous,  mais  sans  connaissance,  comme  sont 
les  mouveiiienls  d'un  homme  plongé  dans  le 
sommeil  ou  dans  le  délire;  on  les  altribue 
plutôt  au  mécanisme  animal  qu'à  la  volonié. 
3"  Les  actes  volonluires  sonl  ceux  qui  parlent 
d'un  principe  intérieur  ou  de  noiis-mêines, 
avec  connaissance  de  ce  que  nous  faisons: 
tel  est  le  vouloir  ou  le  désir  dr  manger  dans 
la  faim,  de  dormir  dans  la  lassitude,  de  l'uir 
dans  la  peur;  nnus  agissons  ainsi,  parce  que 
nous  savons  (lue  ce  sont  des  moyens  de 
nous  délivrer  du  mal  qut>  nous  éprouvons- 
Acquiescer  à  une  vérité  évidente,  aimer  no- 
ire bien  en  général,  sont  des  ailes  v  lon- 
taires  et  non  libres,  ils  ne  sonl  ni  loualtles 
ni  dignes  de  récompense.  4°  Enfin  les  acies 
libres  sonl  ceux  que  nius  faisons  avec  at- 
tention el  réilexion,  par  choix  et  par  un  mo- 
tif, avec  un  vrai  pouvoir  de  résister  à  ce 
Dioiif  cl  de  faire  le  contraire  Si  un  homme 
éprouvoit  une  faim  ou  un  désir  de  mani;er 
tellement  violeni  qu'il  ne  lût  plus  le  maître 
d'y  lésister,  il  ne  serait  pas  libie  de  manger 
ou  de  s'en  abslenir;  il  agirait  moins  par 
un  niolif  réiléclii  que  par  une  impulsion  ma- 
chinale; ou  n  hésiterait  pas  de  diie  qu'il  l'a 
fail  involontairi  nient,  quoique  cette  action 
\inl  de  sa  volonté.  C'est  donc  un  étrange 
abus  des  termes  de  confondre  une  action 
simpli-menl  volontaire  avec  une  action  libre. 

La  volonté,  considérée  comme  lacuUé,  est 
certainement  active  el  agis-anle  par  elle-mê- 
uie;  nous  en  sommes  convaincus  par  le  sen- 
timent intérieur  qui  est  la  plus  invincible  du 
toutes  les  preuves.  Ce  n  esl  donc  [las  le  pou- 
voir de  recevoir  d'ailleurs  des  inclinaiioiis, 
des  délermiiialiuns,  des  vouloirs,  comme  le 
prétendent  les  malerialisles,  mais  la  puis- 
sance de  les  produir-e;  le  sentiment  intérieur 
nous  fait  distinguer  très-clairement  les  cas 
daus  lesquels    nous   agissons,  d'avec  ceux 


dans  lesquels  nous  sommes  purement  passifs* 
Non-seulemenl  nous  sentons  que  cette  fa- 
culté est  art  ve,  cause  efficiente  el  propre- 
ment dite  de  nos  vouloirs,  mais  nous  som- 
mes témoins  à  nous-mêmes  qu'elle  est  libre, 
maîtresse  de  son  choix  el  rie  ses  détermina- 
tions dans  tous  ses  actes  réfléchis  el  délibé- 
rés :  nous  l'avons  prouvé  au  mot  Liberté. 
Celle  véiilé  de  conscience  ne  peni  être  atta- 
quée que  par  des  sophismes  de  métaphysi- 
que, qui,  dans  un  esprit  sensé,  ne  prévau- 
dront jamais  au  sentiment  intérieur.  A  la 
vérité  la  volonté  n'agit  point  sans  motif  ou 
sans  raison  d'agir,  mais  aucun  motif  n'en- 
traîne celle  faculté,  de  manière  qu'elle  ne 
puisse  y  résister  par  un  autre  motif.  Ce  serait 
une  absurdité  d'envisager  un  motif,  qui  n'est 
qu'une  idée  ou  une  réflexion,  comme  la  cause 
(ihysiqne  de  nos  vouloirs,  et  de  lui  attribuer 
l'acliviié  plutôt  qu'à  la  facullé  qui  agit  sans 
cesse  eu  nous,  et  donl  la  conscience  nous 
rend  témoignage  à  chaque  instant,  il  esl  en- 
cure  évidentque  notre  volonlénc  peut  pasétre 
contrainte,  forcée  ou  violentée  par  aucune 
cause  extérieure.  On  peut  nous  forcer  de  dire 
ou  de  faire  ce  que  nous  ne  voulons  pas,  mais 
aucune  puissance  humaine  ne  peut  nous 
contraindre  à  vouloir.  Les  menaces,  la  crain- 
te, les  tourments,  les  supplices,  ne  peuvent 
niellro  dans  notre  âme  une  pensée,  une 
croyance,  un  vouloir  que  nous  n'avons  pas, 
tous  ces  mobiles  n'ont  de  prise  que  sur  nos 
aillons  extérieures  ;  au  milieu  de>  plus  cruel- 
les tortures,  la  faculté  de  vouloir  ou  de  ne 
pas  vouloir  demeure  invincible:  on  l'a  vu 
dans  les  marlyrs.  Ceux  qui  prétendent  que 
nns  vouloirs  sont  libres,  dés  qu'ils  ne  sont 
pas  contraints  ou  forcés,  disent  une  absur- 
dité, pui^qu'ils  ne  peuvent  jamais  l'être. 
Dieu  seul  peut  donc  agir  immédiatement 
sur  notre  volonté,  non  en  lui  faisant  vio- 
lence, |)uisque  cela  esl  absurde,  mais  en 
nous  d  nnant  des  idées  que  nous  n'avions 
pa<,  des  motifs  auxquels  nous  ne  pensions 
pas,  une  force  qui  nous  manquait,  un  alliait 
que  nous  ne  sentions  pas  auparavant;  telle 
est  rinlluence  de  la  grâce,  ("est  dans  ce  sens 
que  Dieu  opère  en  nous  nos  volontés  ou  nos 
vouloirs  el  les  bonnes  actions  qui  s'ensui- 
vent :  ces  actions  sont  donc  tout  à  la  fois 
l'ouvrage  de  Dieu  el  le  nôtre.  Imaginer  (|ue 
sous  l'impulsion  de  la  grâce  notre  volonté 
esl  purement  passive,  c'est  supposer  que 
Dieu  défait  en  nous  ce  qu'il  a  fail  en 
nous  créant,  et  que  la  grâce  détruit  la  nature. 
Lorsqu'il  esl  dit  dans  l'Kcriture  sainte  (iiie 
Dieu  tient  le  lœurde  l'homme  dans  sa  main, 
qu'il  le  tourne  comme  il  lui  plaît;  qu'il 
change  le  cœur;  qu'il  y  met  un  dessein  ou 
une  volonté:  qu'il  crée  en  nous  un  nouvel 
esprit  et  un  nouveau  cœur;  qu'il  opère  eu 
nous  le  vouloir  et  l'action,  etc.  ,  ce  sont  des 
expressions  qu'il  ne  faut  pas  prendre  dans 
la  dernière  rigueur;  cela  signifie  seulement 
que  Dieu  qui  connaît  l'esprit  el  le  cœur  de 
l'homme  mieux  que  l'hornine  lui-même,  peut 
lui  suggérer  des  motifs  assez  puissants  pour 
déterminer  son  esprit,  el  l'aider  par  des  grâces 
auxquelles  sa  t;o/ori^^ne  résistera  pas,  quoique 


1089 


VOL 


cependant  son  csprilcl  son  cœur  sedétermi- 
n(!iitliè"libn'n)enl.  Neililon  pas  d'un  Imminc 
(|iii  a  pris  beaucoup  il'ascendanl  el  d'empire 
sur  un  anire,  iju'il  lui  iail  lalre  tuul  ce  i|ii'il 
vrut  ?  cependant  il  ne  peut  a;;ir  sur  lui  que 
par  persuasion,  par  des  conseils,  des  sollici- 
tations, des  t'xecnples,  elr.  Le  laii(;a^e  hu- 
niiiiii  ne  penl  fournir  des  expr 'ssions  pro- 
pres à  expii(iiier  parfailemeni  les  opérations 
de  Dieu,  non  plus  que  celles  de  noire  âme. 
On  dit  d'un  lioiuuie  ()ui  agit  contre  son  mcli- 
nalion,  ()u'il  se  fuit  violence;  peut-on  pren- 
dre ce  lerine  à  la  rigueur? 

Ce  qu'a  dit  saint  Augnsti»  n'en  est  pas 
moins  vr.ii,  savoir,  que  Dieu  est  plus  maître 
de  nos  volontés  que  nous-mêmes.  En  elTel  , 
nous  ne  som ncs  pas  les  maiires  de  nous 
donner  des  idées,  des  senlimeiits,  des  incli- 
nalioiiii,  des  motifs  que  nous  n'avons  pas  ; 
Dieu  peut  nous  en  donner  qu.ind  il  lui  plail, 
mais  il  le  l'ail  sans  déroger  à  l'aclivilé  de  do- 
tre  àme  ni  à  sa  liberté. 

Il  est  étonnant  que  le  concile  de  Trente 
ait  été  obligé  de  déeidr  celle  vérité  contre 
les  prolesiants,  sess.  6,  de  Justif.  ,  cun.  k  : 
«  Si  quelqu'un  dit  que  le  libre  arbitre  de 
riiomme,  mû  et  excité  de  Dieu,  n'opère  rien 
en  obéissant  a  celte  motion  el  à  celle  voca- 
tion de  Dieu ((u'il   ne  peut  y   résisler  s'il 

le  veut  ;  qu'il  n'agit  pas  plus  qu'un  être  ina- 
nimé, et  qu'il  demeure  purement  passif; 
qu'il  soit  aiiatbcme.  »  Saiiu  Augustin  avait 
di'jà  parle  comme  ce  concile,  serin.  i:i,  in 
PsaL,  c.  ;J,  n.  3  :  «  Dieu  opère  tellemeni  en 
nous,  que  nous  opérons  aussi.  »  Serin,  loi, 
c.  11  ,  n.  11  :  i<  \'ous   agissez  ,  et  vous  èies 

mené  ou  poussé  {agcris) L'esprit  de  Dieu 

qui  vous  pousse  aide  à  votre  ac<ion.  »  Lib.  i 
Reiract.,  cap.  23,  n.  3  :  «  Croire  et  vouloir  est 
de  Dieu  qui  prépare  la  volonlé,  il  est  aussi 
de  nous,  puisque  cela  ne  se  fait  p.is  sans  que 
nous  voulions,  etc.  »  (Jn  doit  donc  eutciulre 
de  même  ce  que  saint  l'aul  a  dit  de  la  con- 
cupiscence, Rom.,  c.  Vit,  V.  8  :  Je  suis  le  maî- 
tre de  vouloir,  mois  je  ne  sais  comment  ac- 
complir le  bien,  cor  je  ne  fais  pus  le  bien  que 
je  veux,  oiais  le  mal  que  je  ne  veux  pus.  Or  si 
je  fais  ce  que  je  ne  veux  pas.  ce  n'est  plus  moi 
qui  le  fais,  mais  le  péché  (ou  le  vicej  qui  est 
en  moi.  Quand  je  veux  faire  le  bien,  je  trouve 
une  loi  qui  me  porte  nu  mal.  Je  me  plais  à 
la  loi  de  Dieu  selon  l'homme  intérieur,  mais 
je  vois  une  autre  loi  dans  mes  membres  qui 
combat  contre  ta  loi  de  mon  esprit,  et  qui  me 
lient  captif  sous  la  loi  du  péché  ,ou  du  vicej 

»a(  est  dans  mes  membres J'obéis  donc  ù 

la  loi  du  péché  selon  la  ch  :ir.  Il  est  évident 
1°  que  la  concupiscence,  c'est-à-dire  l'incli- 
nation au  mil  el  la  dillicu.le  de  l'aire  le  bien, 
•ist  appelée  péché  el  mal,  c'esl-à-dire  vice  ou 
défaut,  parce  qu  elle  porte  au  peclie  el  qu'elle 
\ientdu  pécbé  d'origine,  comme  l'explique 
s  jinl  Augustin; -2  que  ce  vire  est  en  nousmal- 
g.-é  nous, qu'ainsi  il  ne  nous  est  pas  imput.ible 
ù  peclie,  mais  que  quand  nous  y  consc  nions 
et  que  nous  nuus  y  laissons  eniiaîuer.  nous 
le  voulons,  nous  agissons,  el  nous  péclions. 
l'.'est  encore  l'explication  de  sain!  Augustin, 
L.  de  Pcr/ect.  justitiœ,  Uom.,  c.  1 1,  n    28.  Il 


VOL  1090 

l'a  prouvé  par  les  paroles  mêmes  de  saint 
Paul  :  Si  je  fais  ce  que  je  ne  veux  pas,  ce  n'est 
plus  mai  t/ui  le  fais,  etc.  3"  Que  quaid  nous 
éprouvons  les  niouvenienis  indéiibérés  de  la 
concupiscence,  nous  sommes  purement  pas- 
sifs, que  notre  volimié  n'y  a  de  pari  que 
quand  nous  y  conseillons,  (|u'aiusi  C(!s  mou- 
veinenls  sonl  plulôl  involontaires  que  vol  n- 
laires.  Direqu'ils  sonl  vol  ntaires  parceqii'ils 
soûl  venus  de  la  volonté  d'Adam,  c'est  jourr 
sur  une  é^inivoque  el  sur  uue  fausseté  ;  lois- 
qu'Adam  (lécba,  il  ne  sav.iit  pas  seuleuient 
ce  que  c'éiait  que  la  concupiscence,  il  ne 
l'avail  jamais  ressentie  ;  celle  peine  qu'il  en- 
courut ne  lui  était  donc  |)as  volontaire. 

Aussi  avons-nous  deja  observe  que  les 
Pères  de  l'iiglise,  el  même  saint  Augustin, 
u'oni  ap|ielc  volonUnre  (|ne  ce  qui  esl  libre, 
el  qu'ils  ont  c  niendu  par  volun  é.  la  liberté  : 
tel  a  été  l'usage  des  écrivains  sacrés,  el  nous 
le  suivons  encore  dans  nos  discours  oïdi- 
iiaires.  En  elïet,  peul-on  no  iimer  proprement 
volonlaiie  ce  <|iii  se  passe  en  nous  maigre 
nous,  el  lofsquenuiis  so  i.n)es  uiiins  actifs 
que  passifs  ?  Dans  ses  livres  do  Libre  Arbitre, 
saint  Augustin  a  traité  celle  malirre  en  gr.md 
plii  osoplie  et  en  profond  tliéolog  en.  Liv.  i, 
c.  12,  n.  26,  il  dit  :  «Qu'y  a-t-il  de  (dus  vo- 
lontaire que  la  volonté  même  i'  »  L.  ii,  c.  4 
n.  4-  :  «  il  n'y  aurait  ni  bonne  ni  mauvaise 
action,  si  elle  ne  se  faisait  par  voionié ;  les 
peines  et  les  récompenses  seraient  inj  isies, 
si  l'bomme  n'avait  pas  une  volonté  liure.  » 
C.  20,  n.  54  :  «  Le  pecbé  esl  un  déf.iul ,  il  est 
en  notre  pouvoir,  puisqu'il  est  voloitmre;  il 
ne  seia  pas,  si  nous  le  voulons.  »  Coiisé- 
quemment  il  oppose  à  l'idée  Je.  volonté  la  na- 
ture el  la  nécessiié.  L.  m,  c.  1,  u.  1  :  «  Il  n'y 
a  plus  de  faute,  dit-il,  où  dominent  la  nature 
el  la  nécessité.  »  N.  3  :  «  Si  le  inouvemeju  par 
lequel  la  volonté  se  porte  d  un  (ole  ou  d'un 
autre  n'ètail  pas  volontaire,  et  en  notre  pou- 
voir, l'homuie  ne  serait  plus  digne  de  louange 
ni  de  blâme.  »  C.  3,  n.  7  :  «  Ce  n  est  point 
par  l'o/on/e  que  nous  vieillissons  el  que  nous 
mourons.  »  N.  8  :  «  Rien  n'est  en  notre  pou- 
voir que  ce  qui  est  quand  nous  le  voulons. 
Ainsi  notre  volonté  ne  serait  plus  une  vo- 
lonté, si  elle  n'était  en  noire  pouvoir,  mais 
puisqu'elle  y  est,  elle  nous  (  st  libre.  »  C.  Iti, 
n.4t):  «Personne  n'est  (orcé  au  pèche  par  sa 
nature  ou  par  celle  d'un  autre,  et  personne 
n  ■  pèche  en  soulîrani  ou  en  éprouvant  ce 
qu'il  ne  veut  p.is.  »  CM.  17,  n.  4i)  :  «  Ou  ne 
peut  juslemenl  imputer  le  péché  qu'à  celui 
qui  pèche,  par  conséquent  i|u'â  ceiui  qui  le 
veut.  »  Ch.  18.  n.  iiU  ;  «  (Quelle  que  soil  la 
cause  d'une  volonté,  on  lui  cède  sans  pèche, 
si  l'on  ne  veut  pas  y  résisler  ;  car  qui  pèche 
en  ce  qu'il  ne  peut  pas  éviter?  Or  on  pèche, 
donc  on  peut  l'eviiei.  »  L.  De  duobus  Ani- 
mab.,  c.  10,  n.  14  :  «  il  n'y  a  de  pèche  que 
dans  la  volonté.  »  C.  U,  "n.  13  :  «  Il  n'y  a 
point  de  volonté  où  il  n'y  a  point  de  liberié; 
personne  n'esi  digne  de  blâme  ni  de  puni- 
lion  pour  n'avoir  p.is  fui  ce  qui  n'esl  pas  en 

son  pouvoir C'est   la    voix    générale  du 

genre  humain.  »  C.  12,  n.  17  :  «  Dire  que 
les  âmes   pèchent  saii.s  volonté,  c'est 


1091 


VOL 


fïinnde  folie  ;  regarder  comme  coupable  de 
porlié  celui  qui  n'a  pas  f;iit  ce  qu'il  ne  pou- 
vait pas  f.iire,  est  un  Irail  d'injustice  et  de 
démi'ncp.  Ainsi,  quoi  que  fassent  les  Ames, 
si  elles  le  font  par  nature  et  non  par  volonté, 
c'est-à-dire  si  elles  n'onl  pas  le  mouvement 
libre  de  faire  et  de  ne  pas  faire,  si  enfin  elles 
n'onl  aucun  pouvoir  de  s'abstenir  de  leur 
action,  nous  ne  pouvons  reconnaître  en  elles 
aucun  péclic.  »  L.  de  Vcra  Hcliq.  ,  c:ip.  14-, 
n.  17  :  «  Le  péché  est  un  mal  Irllement  vo- 
lontaire, iiu'il  ne  serait  plus  péché,  s'il  n'était 
pas  volontaire  ;  cela  est  si  évident  «ju'il  n'est 
contesté  ni  par  le  petit  nombre  des  sjivants, 
ni  par  la  multitude  des  isinorants.  Donc  ou  il 
faut  nier  qu'il  se  coniiuelie  aucun  péclié, 
ou  il  faut  avouer  qu'il  se  commet  par  vo- 
lonté  S.iiis  cola  il  ne  faudrait  plus  répri- 
mander ni  avertir  personne  ;  et  alors  l.i  loi 
chrétienne  et  toute  morale  religii  u>e  serait 
nécessairement  détruite.  Ou  pèche  donc  par 
volonté  :  et  puisqu'il  est  cert.iiu  que  l'on  pè- 
che, on  ne  peut  pas  douter  que  les  âmes 
n'aient  un  libre  arbitre.  Dieu  a  jugé  (|u'il 
était  mieux  qu'il  tût  servi  librement,  et  cela  ne 
pourrait  absolument  se  faire,  si  on  ne  le  ser- 
vait pas  par  volonté,  mais  par  nccrssilé.  » 

Telle  est  la  doctrine  que  saint  Augusiin  a 
soutenue  constainnient ,  pendant  près  de 
vingt  ans  qu'il  n'a  cessé  d'écrire  contre  les 
niauichéens.  Mais  d'un  côté  les  soeiiiiens, 
pour  décrier  ce  l'ère;  de  l'autre  les  protes- 
tants rigides,  pour  détruire  la  croyance  du 
libre  arbitre  ;  quelques  théologiens  i)rélen- 
dus  citholiques  ,  pour  exalter  la  puissanee 
de  la  grâce,  posent  en  fait  que  s;iiul  Augiis- 
tiu  a  changé  de  sentiment  dans  lasuiie;  qu'en 
disputant  contre  les  pélagiens  il  a  contredit 
et  renversé  les  principes  qu'il  avait  élab.is 
contrt!  les  manichéens  ;  que  l'on  ne  peut  pui- 
ser ses  vrais  sentiments  que  dans  ses  der- 
niers ouvrages. 

Si  ces  divers  raisonneurs  se  bornaient  à 
dire  que,  dans  ses  écrits  contre  les  pélagiens, 
le  saint  docteur  ne  s'est  pas  toujours  expli- 
qué aussi  nellemeut  que  dans  ceux  qu'il  a 
faits  contre  les  manichéens  ;  qu'il  lui  est 
échappé,  dans  la  chaleur  de  la  dispute,  des 
expressions  qui  semblent  contraires  à  ses 
anciens  principes,  nous  en  conviendrions  ai- 
sénienl.  Mais  su^iposer  qu'il  a  totaleineiil 
changé  do  système,  qu'il  est  tombé  d'un  ex- 
cès dans  un  autre,  ou  sans  s'en  apercevoir, 
ou  de  priipos  délibéré  et  sans  en  avertir  ses 
lecteurs,  c'est  une  aicusalion  trop  injurieuse 
à  un  Père  de  l'Iiglise  aussi  respectable.  Déjà 
nous  l'avons  rél'utieau  mot  Saint  Augustin, 
mais  noU'i  ne  pouvons  apporter  trop  de  soin 
à  la  deiruir.'. 

1"  L'on  ne  nous  persuadera  jamais  que  ce 
Père  a  embrassé  sur  la  fin  de  sa  vie  une  doc- 
trine que  vingt  ans  auparavant  il  avait  c;>u- 
damnée  comme  fausse,  Injuste,  absurde,  dis- 
tructive  de  ta  loi  chrétienne  et  de  toute  mo- 
rale religieuse,  et  à  laquelle  il  avait  opposé 
des  principes  dictés  par  le  sens  commun  ; 
((ue,  pour  disputer  avec  plus  d'avantage  con- 
tre les  pélagiens ,  il  a  donné  gain  de  cause 
aux  maaichéens,  et  qu'il  a  renversé  la  plu- 


^OJ.  [092 

part  des  arguments  qu'il  avait  faits  contre 
eux.  Jam;-is  le  pélagianisme  n'aurait  pu 
l'aire  à  l'Eglise  autant  de  mal  que  lui  en  a 
fait  le  manichéisme  ;  à  peine  la  première  de 
ces  hérésies  survécut  elle  à  saint  Augu«titt  : 
la  seconde  a  séduit  une  infinité  de  personnes 
et  a  duré  jusqu'au  xiv  siècle,  malgré  les  im- 
piétés qu'elle  enseignait. 

2°  Il  y  avait  au  moins  dix  ans  que  ce  Père 
écrivait  contre  les  pélagien';,  lorsqu'il  réfuta 
un  manichéen  par  son  ouvrage  conlra  Ad- 
versar.  legis  et  prophelarnm  :  loin  d'>  désa- 
vouer ou  d'y  rétracter  aucun  des  pririrrpes 
qu'il  avait  établis  contre  ces  hérétiiiucs, 
il  y  renvoie  ses  lecteurs  à  la  fin  du  ii*  li»re, 
san.'î  les  avertir  que  ses  premiers  é'rils  ren- 
fermaient dos  paradoxes  on  des  erreurs,  ou 
qu'il  n'était  plus  dans  les  mêmes  sentimenis. 
C'aurait  été  cependant  le  cas  de  les  en  pié- 
venir,  s'il  avait  craint  d'être  accusé  d'in- 
coiislanco  et  de  contradiction. 

3°  H  y  a  plus  :  deux  ans  avant  sa  mort ,  le 
saint  docteur  écrivit  ses  deux  li\r 'S  des  Ré- 
tractations dans  lesquels  il  passa  en  revue 
ses  ouvrages  contre  les  u)  inichéens,  en  par- 
ticulier les  trois  lle^qu!■ls  nous  avo.is  tiré  les 
passages  que  nous  avons  cités;  il  y  rap-  crie 
ces  mêmes  passages.  Voyons  s'il  les  a  rétrac- 
tés. Dans  le  troisième  livre  do  Libre  Artiitre, 
c.  18,  n.  50,  il  avait  dit  :  Qui  pèche  en  ce  qu'il 
ne  peut  jias  éviter  ?  elc.  V «y.  ci-devant.  Dans 
les  Rétract.,  1.  i,  c.  9,  n.  5,  il  fait  observer 
qu'il  avait  ajouté,  num.  51  :  «  Cependant  il 
y  a  ili  s  choses  faites  par  ignorance  que 
l'on  désapprouve  ei  qu'il  faut  corriger;  il  y 
eu  a  de  laites  par  nécessité,  <iue  l'on  doit  dé- 
sapprouver ,  comiue  lorsque  l'on  voudrait 
faire  le  bien,  sans  le  pouvoir.  Mais  ce  sont 
des  suites  de  la  condamnation  du  genre  hu- 
main ;  »  et  il  cite  saint  Paul.  Voilà  dune 
dans  riiomme  deux  vices,  deux  défauts  que 
l'on  doit  dés  ;pprouver  et  qu'il  faut  corriger, 
l'igiior;ince  eu  s'instruisant,  la  concupiscence 
en  y  résistant  ,  improbanda  ,  corrigcnda. 
Saint  Augustin  ne  dit  point  que  ces  défauts 
sont  volontaires,  que  ce  sont  des  péchés,  des 
fautes  condamnables  et  punissables.  Il  dit  le 
contraire;  il  ajoute,  ibid.,  n.  6,  que  quand 
l'ignorance  cl  la  diflicuUé  de  faire  le  bien 
seraient  la  nature  primitive  de  l'homme,  il 
n'y  aurait  pas  lieu  de  blâmer,  mais  plutôt 
do  lou  rDieu.  Serait-ce  un  sujet  de  louange, 
s'il  nous  avait  créés  avec  des  défauts  répré- 
hensibles  et  dignes  de  châtiment  ?  L.  de  duab, 
Aniinnb.,  c.  10,  n.  li,  il  avait  dit  qu'il  n'y 
a  de  péché  que  dans  la  volonté,  etc.  Dans  les 
Réiracl.,  !.  i,  c.  13,  n.  2,  les  pélagiens,  dit-il, 
peuvent  s'autoriser  de  ces  paroles  pour  nier 
le  péché  originel  dans  les  enfants  :  mais  ce 
péché  a  été  certainement  dans  la  volonté 
d'Adam.  Saint  P.iul  appelle  la  concupiscence 
un  péché,  p.irce  (ju'elle  vient  du  péché  et 
qu'elle  eu  est  la  peine,  et  elle  est  dans  la  vo- 
lonté, quand  on  y  consent.  11  répète  la  même 
chose,  n.  3.  L.  De  vera  Itclit/..  c.  IV,  n.  17, 
nous  avons  lu  que  le  péché  est  tellement  un 
mal  volontaire  ,  qu'il  ne  serait  plus  péché 
s'il  n'était  pwsvolonlaire, e\c.Ov,  l.i,  Relruct., 
c.    13,   u.  3,  Saint  Augustin    soutient  que 


i093 


VOL 


VOL 


1004 


celle  définition  est  juste,  1°  parce  qu'il  ne 
s'fisil  p.is  là  ilu  pécl)6  qui  est  Munsi  l,i  peine 
d'un  iiécliô  ;  2"  par<e  que  lelui  (|ui  est  v.iiiicu, 
p;ir  la  coiiciipi'^ceiicc,  y  consent  par  sa  vo- 
loiiti;,  et  'lUi-  celui  ijui  airii  par  ignorance, 
anil  cr'piMnl  Mil  par  sa  vulonlé :  3"  parce  que 
ce  n'est  point  une  absuniilé  d'appeler  lo 
péclié  originel  valnulaire,  puisqu'il  est  venu 
de  la  voloulé  d'Adatn.  Soit  :  mais  si  ce  n'est 
pas  une  absurdité,  c'est  du  moins  un  alius 
du  mot  volantaiie.  Or  ce  n'est  point  sur  un 
pareil  ahiis,  employé  seulement  pour  l'irnier 
la  liouclie  aux  pélaijioiis,  qu'il  faut  ju'j;er 
des  senlinienls  do  saint  Augustin  ;  (e  n'est 
pas  assez  pour  lui  prêter  un  syslèn>e  qu'il  a 
jugé  absurde,  injuste,  destructif  du  clnislia- 
iiisme  et  de  toute  religion.  Les  principes 
qu'il  avait  |)Osés  sur  la  nature  du  péel»é  et 
de  la  liberlé  dans  l'homme,  principes  «liclés 
par  le  sens  commun,  et  confirmés  par  notre 
propre  conscience  ,  n'eu  demeurent  pas 
moins  dans  leur  entier. 

Si  les  pélasii'us,  qui  ne  voulaient  pas  re- 
connaitre  dans  les  enfants  d'Adam  un  péché 
originel,  y  avaient  ailniis  un  vice  originel, 
un  déf.iui  l'hysique  moial,  non  volontaire, 
mais  liéréditaire,  une  dégradation  et  une  dé- 
pravation de  la  natuie  (elle  que  Dieu  l'avait 
créée  dans  Adam,  saint  Augustin  ne  leur 
aurait  cert.'iinetuent  |)as  fait  une  diriiiHiUé 
sur  le  terme  de  péché,  toute  la  dispute  aurait 
été  linie.  Il  est  constant  que  dans  l'i'criiure 
sainte  ce  terme  ne  signilie  pas  seulement  un 
péché  proprement  dil,  mais  un  vice,  un  dé- 
faut naturel  ou  accidinlel,  soit  physique, 
soit  moral,  lîccli.,  c.  m,  v.  IG,  peccala  ina- 
tris,  désigne  les  infirmités  d'une  mère  vieille 
et  caduiiue.  Daniel.,  c.  vm,  v.  13,  appelle 
peccattim  desolatiuuis,  le  Irisle  état  de  Jéru- 
salem et  du  temple.  Juan.,  c.  ix,  v.  31,  les 
Juifs  disent  à  l'avcugle-né,  guéri  par  Jesus- 
Clirist  :  In  pecculis  natas  es  t'ilus,  lu  es  né 
rempli  de  viees  et  <le  défauts;  Rom.,  c.  vin, 
V.  (),  saint  Paul  demande  si  l.i  loi  est  un  pé- 
ché ?  c'est-à-dire  si  elle  est  défectueuse,  vi- 
cieuse ou  pernicieuse  et  cause  du  oéclié,  elc. 
Vûij.  PÉcuii. 

1°  L'on  a  grand  soin  de  nous  faire  obser- 
ver ((ue  l'Eglise  a  solennellement  approuvé 
la  doctrine  que  saint  Augustin  a  soutenue 
contre  les  pélagiens.  Mais  si  cette  doctrine 
est  une  palinodie,  si  elle  est  contraire  à  celle 
que  ce  Père  a  étaldie  contre  les  manichéens, 
l'Eglise  a  ilù  condamner  aussi  solennelle- 
nient  celt(^  dernière  ;  autiement  elle  a  laissé 
entre  les  mains  de  ses  enfants  le  pour  et  le 
contre,  par  conséquent  un  |iiége  inévit  ible 
d'erreur.  Or  que  l'on  nous  montre  la  censure 
qu'elle  a  portée  contre  les  livres  de  ce  saint 
diicteur  qui  attaquent  les  erreurs  des  mani- 
chéens. Ceux  qui,  dans  tous  les  siècles,  ont 
loué   ses  ouvr;iges,  n'eu  ont  excepté  aueun. 

5"  Ce  serait  bien  gratuitement  et  -ans  au- 
cune utilité  que  ce  Pore  aurait  abandonné 
ses  anciens  p!  incipes  pour  réfuter  les  péla- 
giens; cela  n'était  pas  nécessaire.  De  quoi 
servait  à  Pelage  d'aigumentcr  sur  la  notion 
du  péché  en  gésiéral  donnée  par  siint  Au- 
gustin, pour  nier  le  péché  originel  ?  Le  saint 


docicur  avait  défini  le  péché  actuel  et  per- 
sonnel, au  lieu  qu'il  -'agissait  d'un  péelié  ou 
d  un  vice  h.ibituel  et  héréditaire;  la  défini- 
tion (le  l'un  ne  peut  pas  convenir  à  l'autre. 
Toute  la  dilfii  ullé  porl;iit  donc  sur  le  double 
sers  du  mot  péché.  Pelage  n' ivançaii  pas 
davantage  en  insistant  sur  la  notion  du  libre 
arbitre,  tel  que  le  concevait  saint  Augustin. 
Ce  Père  entenilail  pac  là  le  pouvoir  de  ebo  - 
sir  entre  le  l;ien  et  le  mai'?  Pclagi;  voulait 
que  le  lût  un  pi-neli ml  eg;il,  une  espèce  d'é- 
quilibre de  la  volonté  entre  l'un  et  l'autre, 
une  (gale  facilite  de  se  jiorter  à  l'on  ou  à 
l'autre  inlifféremmenl.  D'où  il  concluait  (]ue 
si  la  giâee  imprimait  à  la  volonté  un  mou- 
vement vers  le  bien,  elle  détruirait  le  libre 
arbitre.  Saint  Augustin  soutint  avec  raison 
que  cet  équilibre  prétendu  n'avait  existé  que 
dans  Adam,  que  le  libre  arbitre  ainsi  entendu 
n'avait  plus  lieu  dans  ses  desccndanls,  puis- 
que la  concupiscence  les  poi  te  au  mal  et  non 
an  bien,  qu'ainsi  une  grâce  intérieure  et  pré- 
venante est  nécessair''  pour  conire-balaiicer 
ce  mauvais  penciianl,  et  rétablir  ainsi  le  libre 
arbitre  tel  que  Pelage  le  concevait.  Celui-ci 
ne  raisonnait  donc  que  sur  une  idée  fausse, 
contraire  à  ce  que  rKcritiire  sainte  nous 
enseigne  touchant  la  rorrupiion  de  l'homme. 

Le  saint  docteur  n'en  soutint  pas  moins 
que  le  libre  arbitre,  ou  le  pouvoir  de  choisir 
le  bien  ou  le  mal,  demeurait  toujours  dans 
rhomiiie,  puisqu'il  n'est  entraîné  nôcessaiie- 
ment  ni  par  la  grâce  ni  par  la  concupis- 
cence, et  qu'il  a  le  pouvoir  de  résister  à 
l'une  ou  à  l'autre;  il  demeura  donc  cons- 
tamment attaché  au  principe  qu'il  avait  posé 
contre  les  inanii  héens  ;  savoir,  qu'il  n'y  a 
plus  do  lohnlé  u\  de  liberlé  où  la  nature  et 
la  néeessilé  dominent,  etc.  Aujourd'hui  de 
prétendus  disciples  de  ce  Pén-  enseignent 
que,  suivant  son  système,  la  volonté,  placée 
comme  une  balance  entre  le  bien  et  le  mal, 
est  entraînée  lanlôl  vers  l'un  par  une  grâce 
irrésistible,  tantôt  vers  l'autre  par  une  con- 
cupiscence insurmontable;  et  ils  osent  ap- 
peler cette  alternative  de  nécessité,  le  libre 
arbitre.  On  a  beau  dire  qu'ils  ne  nient  pas 
pour  iela  l'activité  de  la  lolunté,  qu'ils  ne 
prétendent  p.is  faire  de  nous  de  purs  auto- 
mates, qu'ils  n'en  soutiennent  pas  moins  que 
nous  sommes  responsables  de  nos  ac- 
tions, etc.,  un  esprit  sensé  ne  se  paie  point 
de  contradictions;  détruire  d'une  main  ce 
que  l'on  établit  de  l'autre,  heurter  de  front 
toutes  les  notions  du  bon  sens,  accumuler 
des  sophismes  pour  attribuer  des  aiisurilités 
à  saint  Augustin,  ce  n'est  plus  le  procédé 
d'un  théologien  catholique,  mais  d'un  héré- 
tique opiniâtre. 

Volonté  de  Dieu.  Comme  nous  ne  pou- 
vons concevoir  la  nature  et  les  opérations 
de  Dieu  que  par  an.ilogie  a>ec  celles  des 
créatures  intelligentes,  nous  sommes  obligés 
de  distinguer,  dans  cet  être  infiniment  sim- 
ple, l'e  tcn  iement  d'avec  la  volonté,  et  de 
lui  altriboer  des  vouloirs  semblables  aux 
nôtres.  Quoique  cette  volonté  soit  en  Dieu, 
conioie  son  entendement,  un  acte  très-sim- 
ple, cependant,  pour  aider  à  notre  manière 


,095  \0L  VOL  lOSê 

de  concevoir,  nous  sommes  encore  fnrcés  de  qu'il  donne  à  tou';  des  moyens  d'y  parvonir, 
dislinem^r  en    Uieu    dl(îér^•nt(•s   espèces   do  m.iis  absiraciion  faile  du  bon  et  du  muivais 
viilonlés   ou   de  vouloirs,   relalivemeni   aux  usage  que   chaque   parliculicr  fera   de    ci's 
différents  nbjets,  el  celte  dislinclmn  est  né-  moyens.  La  vulonlé  connéiiueUe  csl  celle  tjui 
cpssaire  pour  concilier  un  grand  nombre  de  concerne  ^on  nbjcl  revêtu  de  toutes  ses  <ir- 
passa^cs,  soit  de  l'EiTiltire  sainte,   soit  des  (onstances  tant  générales  qne  parlicnlières; 
Pères  de  l'Kglise.  1°  Li-s  théologiens  dislin-  on  la  n<inime  aussi  volonté  de  juflici':  ainsi 
guent  en  D.eu  la  volonté  <le  signe  el  la  va-  qu()ii|U"    Dieu  veuille  en   général    que  tous 
lonlé  de  bon  plaisir  :i\s  entendent   par   la  les  hommes  soient  sau\és,  lorsqu'il  voit  que 
première    tout  signe    extérieur  qui    semble  tels  on  tels  individus  ahuseroiil  des  moycn< 
nous  annoncer  queDieu  veut  tel  évinemenl,  de  salut  et  y  rési^lerOlll,  il  veut   par  juslico 
quoiqu'il  nele  veuille  pasloujours;cessigne5  les  réprouve    el  les  damner.  —  3   L'on  dis- 
sont le  commandemeiil,  la  défense,  la  per-  lingue  enore  en  Dieu    une    volonté  absolue 
mission,    le  conseil   et   l'opération;  ils  sont  et  une   volonté   condiliimnelle;  la  première 
renfermés  dans  ce  vers  technique  :  ne  dépend  d'aucune  condition  et   n'en   ren- 
Pra:c\pUeivroliibet,vmwnu,co,mda,tmr,.ei.  f'Tme   aucune,  elle   a    lieu   dans  toutes  les 
Il  y   en   a    des  exemples    dans    l'Ecriture  c|'»s«s  q"e    Dieu  fait  seul,  sans   le  secours 
sainic.  Ainsi  D.eu  conm.ande  au  patriarche  «^  ^'"cune    volonté    homa.no  :    telle   a   ete  la 
Abraham   d'imm.der  son  fils   Isaac;  cepen-  colonie  de  Dieu  de  créer   le  monde    de  don- 
danl  D.eu  ne  voulait  pas  qu  Isaac  f..t  .mo.olé  "«■■  a  I  hmnme  un   l.bre  arbitre  el  telles  an- 
en  elïet,  puisqu'il  empêcha  Abraham  de  con-  1res  faculKs,  etc     La  seconde  renferme  une 
so.nmer  ce  sacrifice, ^e«.,  c.    xx.i;  il  voo-  condition;  ainsi   Dwu    veut  s.uver   tous  les 
lait    seuleinct     qu'Ahra'.am   donnât    ceUe  h.mn.  s,  sous  cond.iion   qu  .  s  le  voudron 
preuve  d'obéissance.  Lorsque  le  démon  pro-  eux-mêmes,   c  esl-a-d.re   qu  ils  coopéreront 
José  daller    tromper   le   roi    A,  hah   par   la  l'brement  a  la  grâce   qu.  leur  sera  donnée, 
bouche  des  faux  prophètes.  Dieu  lui  répond:  et  qu  .,s  observeront    an.s.  les  com.na.ide- 
Ya  et  fais  (  III   tieg.    xxn,  22  )  ;  cela    n'ex-  '"«"l'^,  de  Dnu.  Celte  volonlr  est  dans  le  fond 
prime  qu'une  simpe  permission.  Il  en  était  ",  "'«'"e   que    la   volonté  antecedenie.- 4-' 
de  même,  lorsque  Jésus-Ctu  ist  dit  à  Judas  :  ^  ou   appelle  volonté   efficace  en   D.eu  cel  e 
Faites  ce  que  vous  voulez  faire  [Joan.,  xiii,  q"'   a   toujours  son  effe  ,   c  est    le  cas  de  la 
27)  :  le  Sauveur  n'avait  certainement  pas  le  '^"'«"'«   absolue  ;    el  volonté  nief/icace  celle 
dessein  ni  la  volonié  de  confirmer  ce  traître  «l"', .<;^'  pr'vee  de  son   effet  par  la  résistance 
dans    son   crime.    11   conseille   à    un  jeune  de  1  homme  ;  c  ,  si  ce  qu.  arrive  souvent  a  la 
homme  de  vendre  ses   biens  et  de  le  suivre,  «^«'««'^  cond.tioiinelle. 
Malih.,   c.   XIX,  v.;U;il   ne  prétendait  pas  Encore   une   fois   les   théologiens   ont  été 
l'y  obliger   absolum 'ni.   Moïse  dit   à    Dieu,  forcés  de   faire  toutes  ces  distinctions  pour 
Exod,  c.  V,  \.-li:  Pourquoi  avez-vous  af-  accorder    ensemble    plusieurs    passages   de 
fligé  ce  pf ((/')/(■?  L'intention  de   Dieu  n'était  l'Ecriture  ,  et   pour  entendre  le  langage  des 
pas   de    rendre   le  sort  de  son    peuple  plus  Pères  d.'   l'Eglise.   Dans    un   endroit   de  ses 
malheureux,  eu  demandant  sa  délivrance  à  lettres,  saint  Paul  dit  que  Dieu  peut  saover 
Pfiaraon.   mais  c'e>t  ce  qui  était  ainvé,  etc.  tous  les  hommes  ,  et  il  dit  ailleurs  que   Dieu 
—  2°  La  volonté  de  bon  plaisir  esl  celle  que  fait  miséricorde  à  qui  il  veut,  et  qu'il  endur- 
Dieu  a  vérilablemenl,  et  en  vertu  (le  1  iquelle  cit    qui  .1  lui    plaît;   dans    l'un  il  demande  : 
il  agit;  ainsi  Dieu  veut  que  nous  fassions  le  Qui  résiste  à  la  volonié  de  Dieu?  dans  l'aulro 
bien  piisqu'il  .lous  le  commande,  qu'il  nous  il    accuse    les   joiis   d'y    résister;  conmient 
excite  à  le  faire  par  sa  grâce,  qu'il  nous  ré-  concilier  tout  cela  ? 

compense  quand   nous   le  faisons,  et   qu'il  Pour  expliquer  saint  Paul, saint  August.n, 

nous  punit  lorsque  nous  ne  le  faisons  pas  :  I.  de  Spir.  et  Litl.,  c.  33  ,  n.  58,  dit  :  «  Dieu 

aucun  de  ces  signes  n'est  équivoque.  Cepen-  veut  que  lous  les  hom.nes  soient  sauvés  el 

daiit  Bayle  et  d'autres  soutiennent  (jue  c'est  paivien.ient  à  la  connaissance  de  la   vérilé, 

une  absurdité  d'ailn.eltre  en  Dieu  des  vulon-  mais  sans   leur  ôter  le  libre  arbilre,  selon  le 

lés  opposées,  ou  des  événemenis. contraires  bon  ou  le  mauvais  usage   duquel  ils  seio.it 

à  sa  volonié.  La  volonié  de  siijne,  dis(!.it  ils,  jugés   avec  justice.   Aussi   les    infidèles,  en 

supposerait  un  Dieu  fourbe  et  iiie.iteur,  u.ie  refusant  de  croire  à  l'Evangile,  résislent  à  la 

simple  perinissiou  de  sa  part  serait  ridicule;  volonié  de  Dieu  ;  mais  Us   ne   la   siirmunleiit 

à  l'cgard  de  Dieu,  permettre  cl  vouloir  posi-  point,    puisqu'ils   se   privent   du   somerain 

tivement,  c'est  la  même  chose,  etc.  Itép.  au  bien,  et  qu'ils  éprouveroni  da.is  les  supplices 

Prov.,  I.'  part.,  c.  yb  ;  O/'^ww.,  lom.  III,  pag.  la  puissance  de   celui   dont   ils   ont  méprisé 

820  et  suiv.;  Enlret.    de  Maxime,   W  pari.,  les  dons  el  la  miséricorde.»  Encliir.  ad  Lnu- 

c.  2tj,   lom.  IV,    p.  82.  Nous  démonirerons  reul.,  c.  lOi).  «  Quant  à   ce  qui  regarde  les 

ci-après   la  fausseté  de  lous  ces  principes.—  pécheurs,    ils  ont  fait  ce  que    Dieu   ne  vou- 

La  volonté  de  bon  plaisir  se  divise  en  volonté  lait  pas;  quant  à  la  toute-puissance  de  Dieu, 

anlécéuenle   et  volonté  conséquente:   par   !a  ils   n'en    sont  pas   venus   à   bout  :  par  cela 

première  on  e.ilend  celle    qui   lonsidère  un  inê.ne  qu'ils  oui  agi  contre  sa  volonté,  elle  a 

objet  en  lui-même  et  en  général,  aiistractioii  été  accomplie  à  leur  égard....  ainsi  ce  qui  se 

faite  des  circonstances  particulières  el  per-  lait  contre  si  vabinté  ne   se   lait  pas  sans 

sonnelles  ;    on    l'appelle    aussi    volonié    de  elle.»     Lib.   de    Corrept.    de   Grat.,  c.  l't, 

bonté  et  de  miséricorde.  Ainsi  Dieu  veut  en  n.  kl  :  «  Lorsque  Dieu  veut  sauver,  aucune 

général  le  salut  de  lous  les  hommes,  puis-  volonté  humaine  ne  lui  résiste;  car  le  vou- 


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VOL 


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loir  et  le  non  vouloir  sont  de  M\c  manière 
au  pouvoir  de  l'homme,  qu'il  n'cmp^'clie  pas 
)a  volonté  de  Dieu,  cl  ne  surmonli'  point  sa 
puissance  :  ainsi  Dieu  fail  ce  qu'il  veut  de 
ceux  même  qui  font  ce  qu'il  n(î  veut  pas.  » 
Ce  Pure  conclut,  linchir.,  cap.  9a  et  90,  que 
rien  ne  se  fait  à  moins  que  Dieu  ne  le  veuille, 
ou  en  le  perinettanl ,  ou  en  le  faisant  lui- 
même,  et  que  l'un  ou  l'autre  lui  est  égale- 
jmenl  aise.  Si ,  dans  ces  divers  endroits  ,  la 
rolunlé  de  Dieu  était  prise  dans  le  même  sens, 
ce  serait  un  tissu  de  contradictions;  mais 
relativement  au  salul  de  l'homme,  il  faut 
dislinjjuer  en  Dieu  au  moins  quatre  volontés. 
1°  La  volonlé  créatrice,  législative  et  abso- 
lue, par  laquelle  Dieu  a  voulu  et  veut  que 
l'hoinnie  soil  libre  d'obéir  ou  de  résister  à 
la  loi  ,  de  faire  le  bien  ou  le  mal  ;  qu'il  soil 
récompensé  quand  il  faille  bien,  et  puni 
quand  il  fait  le  mal;  aucun  pouvoir  humain 
ne  peut  résister  à  cette  volonté.  2°  La  volonté 
d'affection  générale  et  paternelle  par  la- 
quelle Dieu,  en  considération  de  la  rédemp- 
tion et  des  mérites  de  Jésus-Christ ,  veut 
sauver  tous  les  hommes  ,  leur  donner  et 
donne  en  efl'et  à  tous  des  moyens  de  salut, 
non  des  moyens  égaux  et  en  même  quantité, 
mais  plus  ou  moins,  selon  qu'il  lui  plait, 
de  manière  qu'ils  puissent  parvenir  au  sa- 
lut, s'ils  usent  de  ces  moyens.  Que  l'on 
nomme  cette  volonté  antécédente,  condition- 
nelle, providence  morale,  etc.,  cela  est  égal, 
pourvu  que  l'on  convienne  qu'elle  est  réelle, 
sincère  et  prouvée  par  les  effets.  3°  La  vo- 
lonlé de  choix,  de  prédilection, de  préférence, 
de  prédestination  ,  par  laquelle  Dieu  veut 
plus  efficacement  sauver  certaines  personnes 
que  d'autres,  et  conséquemmenl  leur  donne 
des  grâces  efficaces  qui  les  conduisent  in- 
failliblement au  salut.  A  cette  volonté  l'Iiom- 
mc  ne  résiste  jamais,  quoiqu'il  ail  le  pouvoir 
d'y  résister,  k-"  La  simple  permission,  par  la- 
quelle Dieu  laisse  l'homme  user  de  son  libre 
arbilreel  résistera  la  grtice, quoiqu'il  pourrait 
l'en  empêcher  ;  il  serait  absurde  que  Dieu, 
ayantvoulucréerl'hommelibre,  ne  voulût  pas 
qu'il  fit  usage  de  sa  liberté.  L'une  de  ces  vo- 
lontés dont  nous  parlons  n'est  jamais  opposée 
à  l'autre;  aucune  ne  déroge  à  la  toute-puis- 
sance de  Dieu  ni  à  la  liberté  de  l'homme. 

Lorsque  le  pécheur  résiste  à  la  grâce,  se 
rend  coupable,  encourt  la  damnation,  il  ne 
résiste  ni  à  la  première  de  ces  volontés  ,  ni  à 
la  troisième,  ni  à  la  quatrième  ,  mais  il  ré- 
siste cerlainement  à  la  seconde.  Il  y  aurait 
de  l'absurdité  à  supposer  que,  quand  Dieu 
donne  à  l'homme  la  grâce,  il  ne  veut  pas 
que  l'homme  y  corresponde,  et  que  quand 
celui-ci  y  résiste,  c'est  que  Dieu  n'a  pas 
voulu  qu  il  y  consentît;  il  l'a  permis  et  non 
voulu  positivement.  Saint  Paul  ni  saint 
Augustin  ne  l'ont  jamais  entendu  autrement. 

Ce  qu  ils  ont  dit  l'un  et  l'autre  devient 
clair  et  se  concilie  très-bien  par  les  distinc- 
tions que  nous  avons  failes;  et  si  l'on  avait 
toujours  commencé  par  là,  on  aurait  pré- 
venu un  grand  nombre  de  disputes.  Saint 
Paul  dit  que  Dieu  veut  que  tous  les  hommes 
soient  sauvés  et  parviennent  à  la  connais- 
DiCT.  DE  Théol.  dogmatique.  IV. 


sance  delà  vérité,  parce  que  Jésns-Christ 
s'est  livré  pour  la  rédemption  de  tous,  /  Tint., 
c.  II,  V.  4.  Puisque  c'est  Dieu  lui-même  qui 
nous  a  donné  cette  précieuse  victime,  parce 
qu'il  a  aimé  le  monde,  Joan.,  c.  m,  v.  16, 
la  sincérité  de  celle  volonté  ne  peut  pas  être 
mieux  prouvée.  Mais  celte  volonlé  générale 
ne  déroge  en  rien  à  la  volonté  particulière 
par  laquelle  Dieu  veut  accorder  la  grâce 
efficace  de  la  foi  à  un  certain  nombre  d'hom- 
mes, pendant  qu'il  en  laisse  d'autres  dans 
l'endurcissement  et  dans  l'infidélité;  c'est 
dans  ce  sens  qu'il  fait  miséricorde  à  qui  il 
veut,  Rom.,  c.  ix,  v.  15  et  18.  Mais  cette 
miséricorde  particulière  ne  porte  aucune 
atteinte  à  la  miséricorde  générale  par  la- 
quelle il  accorde  à  tous  des  moyens  de  salut 
par  lesquels  ils  pourraient  parvenir  à  la 
grâce  de  la  foi ,  s'ils  n'y  résistaient  pas.  Ce 
que  Dieu  donne  de  plus  à  l'un  ne  diminue 
en  rien  la  mesure  de  ce  qu'il  réserve  à  l'au- 
tre. Personne  sans  doute  ne  résiste  à  celle  vo- 
lonté  dechoixet  de  prédilectionquesaint  Paul 
appelle  miséricorde;  car  qui  peut  empêcher 
Dieu  de  faire  plus  de  bien  à  lel  homme  ou  à 
tel  peuple  ,  qu'à  tel  autre,  ou  qui  a  droit  de 
contester  avec  Dieu?  ibid.,  v.  20.  C'est  comme 
si  l'on  disputait  à  un  potier  la  liberté  de  faire 
un  vase  plus  beau  ou  plus  précieux  qu'un 
autre,  v.  21.  Celui  qui  reçoit  plus  de  grâces 
n'a  donc  aucun  sujet  de  s'enorgueillir,  et 
celui  qui  en  reçoit  moins  n'a  aucun  sujet 
de  se  plaindre,  parce  que  Dieu  lui  en  accorde 
toujours  assez  pour  qu'il  soit  inexcusable 
quand  il  pèche.  Saint  Paul  donne  pour  exem- 
ple de  cette  conduite  de  Dieu  le  choix  qu'il 
a  fait  de  la  postérité  de  Jacob,  par  préférence 
à  celle  d'tsaù,  pour  en  faire  son  peuple, 
il).,  V.  11.  C'est  la  prédestination  à  la  grâce. 
Aucun  homme  ne  résiste  non  plus  aux  grâ- 
ces de  choix,  aux  grâces  efficaces  que  Dieu 
donne  à  qui  il  lui  plaît,  quoique  tout  homme 
ait  un  vrai  pouvoir  d'y  résister,  parce  qu'en 
les  donnant  Dieu  pré» oit  avec  une  certitude 
infaillible  que  l'homme  n'y  résistera  pas. 
Mais,  selon  saint  Paul,  les  incrédules  résis- 
taient à  la  volonté  que  Dieu  a  de  les  sauver 
et  aux  grâces  qu'il  leur  donne  ,  suivant  ces 
paroles  d'Isaïe,  c.  lxv,  v.  2  :  J'ai  étendu 
tout  le  jour  les  bras  vers  un  peuple  incrédule 
et  qui  me  résiste  {Rom.  x,  21).  Saint  Augus- 
tin n'a  rien  dit  de  plus  que  saint  Paul ,  on 
doit  donc  l'entendre  de  même. 

Mais  certains  théologiens  s'y  opposent;  ce 
Père,  disent-ils  ,  n'a  point  admis  cette  volonlé 
d'alTeclion  générale,  celle  prétendue  volonté 
antécédente,  conditionnelle,  etc.,  de  sauver 
tous  les  hommes,  que  l'on  suppose  en  Dieu 
et  en  vertu  de  laquelle  Dieu  donne  la  grâce 
à  tous  les  hommes.  Lorsque  les  pélagiens 
lui  oui  objecté  le  passage  de  saint  Paul, 
Dieu  veut  que  tous  les  hommes  soient  sauvés, 
etc.,  il  l'd  expliqué.  Cela  signifie,  dit-il ,  que 
Dieu  veut  en  sauver  quelques-uns  de  toutes 
les  nations,  de  toutes  les  conditions  ,  de  tous 
les  siècles,  ou  qu'aucun  homme  n'est  sauvé 
qu'autant  que  Di.-u  le  veut,  i'pi.V.  217  ad 
Vital. ,c.  tj,  n.  19  ;  L.de  CorrepLeiGrut  ,c.  ik, 
n.  44;  Enchir.  ad  Laurent.,  c.  103,  etc.  Il  a 
3â 


tem 


VOL 


VOL 


110» 


regardé  la  volonté  L^énérale  et  conditionnelle 
comme  une  ilclion  des  pélagicns,  el  il  l'a 
réfutée  de  toutes  ses  forces.  Nous  répoTidons 
que  l'on  ne  prendra  jamais  le  vrni  sens  de 
saint  Augustin,  si  l'on  ne  commence  par 
savoir  ce  qu'enseignaient  les  pélagiens.  Par 
les  paroles  de  saint  Paul ,  ils  entendaient 
que  Dieu  veut  sauver  tous  les  hommes  égale- 
ment et  indifféremment ,  sans  aucune  prédi- 
lection pour  les  uns  plutôt  que  pour  les  au- 
tres ;  ils  rejelaient  toute  i)o/onîé  de  choix  et 
depréilestlnation;  les  scmi-pélagiens  faisaient 
dfe  nième;  Epist.S.  Prosp.  ad  August.,  n.  k; 
Carm.  de  Ingratis,  cap.  8;  S.  Fulgenl.,  1.  de 
l'ncarn.  et  Grat.,  c.  29;  Fausle  de  Riez,  I.  1, 
de  lib.  Arb.y  cap.  17.  Ils  en  concluaient  que 
Dieu  offre  donc  la  grâce  également  à  tous, 
et  qu'il  la  donne  en  effet  à  tous  ceux  qui  s'y 
disposent  par  leur  libre  arbitre,  et  qui  n'y 
mettent  point  d'obstacle.  Saint  Augustin, 
Episl.  in  ad  Vital.,  c.  6,  n.  19;  I.  de  Grat. 
Christi,  c.  31,  n.  33  et  3i;  1.  iv,  Contra  Jii- 
lmn.,c.  8;  Epist.  Pelagii  ad  Innocent.  I ,e{c. 
On  sait  d'ailleurs  quelles  grâces  admettaient 
les  pélagiens,  la  loi  de  Jésus-Christ,  sa  doc- 
trine, ses  exemples,  ses  promesses,  et  la 
rémission  des  péchés  ou  la  jusiification; 
jamais  ils  n'ont  admis  de  grâce  actuelle  inté- 
rieure, saint  Augustin  le  leur  a  encore  re- 
proché dans  son  dernier  ouvrage.  Voici  donc 
comme  ifs  raisonnaient  :  Selon  saint  Paul, 
Dieu  veut  snxtver  tous  les  hommes;  donc  il  a 
donné  à  tous  d'es  forces  naturelles,  suffi- 
santes pour  se  disposer  au  salut  ;  donc  il 
accorde  les  grâces  ou  les  moyens  de  salut , 
tels  que  l'a  conn.iissance  de  Jésus-Christ ,  de 
sa  loi ,  de  sa  doctrine,  la  rémission  des  pé- 
chés et  la  justification,  à  tous  ceux  qui  s'y 
disposent  par  le  bon  usage  de  leur  libre  ar- 
bitre, ou  du  ujoins  qui  n'y  mettent  point 
d'obstacle.  Saint  Augustin  rejette  avec  rai- 
son la  volonté  générale  de  Dieu  ainsi  enlen- 
due,  parce  qu'elle  exclut  la  prédestination 
des  élus  enseignée  par  saint  Paul.  Il  soutient, 
1°  que  la  vo/on<e  elficace  d'accorder  la  foi  et 
la  justification  n'a  lieu  qu'à  l'égard  de  ceux 
qae  Dieu  y  a  prédestinés,  par  conséquent 
d'un  certain  nombre  d'hommes  de  toutes  les 
Ballons,  d'e  toutes  les  conditions  et  de  tous 
les  siècles;  el  cela  est  exactement  vrai.  2°  Il 
le  prouve  dans  son  livre  de  la  Prédestination 
des  saints,  et  ailleurs,  par  l'exemple  d'un 
grand  nombre  d'enfants  auxquels  Dieu  n'ac- 
corde ni  le  baptême  ni  la  justification,  quoi- 
qu'ils soient  incapables  d'y  mettre  obstacle 
ni  de  s'y  disposer.  Il  en  conclut  que  la 
volonté  de  Dieu,  telle  que  la  concevaient  les 
pélagiens,  n'est  ni  générale,  ni  indifférente, 
Bi  égale  en  faveur  de  tons  :  cela  est  encore 
évident.  3'  Comme  les  pcFagfens  entendaient 
par  volonté  conditionnelle  la  volonté  de  don- 
ner à  tous  la  foi  et  la  justification  ,  s'ils  s'y 
disposent  par  leurs  forces  natarelles  et  s'ils 
n'y  mettent  pas  obstacle,  saint  Augustin 
rejiMIe  encore  celle  prétendue  condition  ;  il 
soutient  que  la  vocation  à  la  foi  et  à  la  jiis- 
lilicalion  est  un  choix  gratuit  de  Dieu  imté- 
pendant  de  toute  disposition  et  de  tout  mérite 
aalurel  de  l'hoûauje  ;    c'est  un  dogme   ca- 


tholique ,  et   que  nous    professons  encore. 

H  y  a  donc  deux  manières  de  concevoir  la 
volonté  conditionnelle,  l'une  fausse  et  er- 
ronée ,  l'autre  vraie  et  orthodoxe;  la  pre- 
mière consiste  à  dire,  comme  les  pcLigiens  eî 
les  semi-pélagiens ,  que  Dieu  veut  sauver 
tous  les  hommes  s'ils  le  veulent,  c'est-à-dire 
s'ils  préviennent  la  grâce,  s'ils  la  désirent, 
s'ils  s'y  disposent  par  leurs  forces  naturelles; 
voilà  ce  que  saint  Augustin  a  réfuté.  L'autre, 
par  s'ils  le  veulent,  entend,  s'ils  correspon- 
dent à  la  grâce  qui  les  prévient  toujours  ,  et 
qui  leur  est  accordée  gratuitement  en  consi- 
dération de  la  rédemption  et  des  mérites  de 
Jésus-Christ.  C'est  ce  que  saint  Augustin  a 
constamment  soutenu  et  enseigné.  Voy. 
Grâce,  |  3.  Ceux  qui  confondent  malicieuse- 
ment ces  deux  sens  ou  ces  deux  espèces  de 
volontés  conditionnelles ,  et  qui  soutiennent 
que  l'une  et  l'autre  sont  contraires  à  la  doc- 
trine de  saint  Augustin  ,  sont  des  imposteurs. 

Le  saint  docteur  pose  pour  principe, 
1°  que  la  grâce  pélagienne,  c'est-à-dire  la 
connaissance  de  la  loi  et  de  la  doctrine  de 
Jésus-Christ,  la  rémission  des  péchés,  ou  la 
justification,  n'est  pas  accordée  à  tous,  et  il 
le  prouve  par  l'exemple  des  enfants  dont  les 
uns  reçoivent  la  grâce  du  baptême,  pendant 
que  les  autres  en  sont  privés;  qu'ainsi  la 
volonté  de  Dieu  de  donner  cette  grâce  n'est 
pas  générale  et  indifférente  à  Tégard  de  tous; 
2'  que  Dieu  la  donne  par  un  décret  de  pré- 
destination très-libre  et  trôs^graluit ,  et  non 
en  considération  des  mérites  ou  des  bonnes 
dispositions  do  ceux  qui  la  reçoivent,  puis- 
que les  enfants  sont  également  incapables  de 
s'y  disposer  et  d'y  nvettre  obstacle.  Nous  le 
soutenons  de  même.  S'ensuit-il  de  là  que 
Dieu  ne  donne  pas  à  tous  les  adultes  des 
grâces  a'ctuelles  intérieures  purement  gra- 
tuites, qui  préviennent  toutes  les  bonnes 
di'spositions  de  la  volonté  et  qui  les  produi- 
sent, qui  sont  plus  ou  moins  prochaines  , 
puissantes  et  abondantes,  selon  qu'il  plaît  à 
Dieu,  mais  qui  de  prés  ou  de  loin  peuvent 
l«s  conduire  au  saliU?  Si  Dieu  le  fait, 
comme  nous  l'avons  prouvé  au  mot  Grâce, 
§  3,  il  est  exactement  vrai  qu'en  Dieu  la  vo 
lônté  dé  sauver  fous  les  hommes  est  générale, 
puisqu'elle  n'excepte  personne;  qu'elle  est 
sincèi^e,  pui'squ'elle  donne  des  moyens; 
qu'elle  est  antécédente ,  ou  antérieure  à  la 
prévisiort-  dta  bon  ou  du  mauvais  usage  que 
l'homme  fera  de  la  grâce;  qu'elle  est  condi- 
tionnelle, puisque  si  l'homme  résiste  à  ta 
grâce,  il  ne  sera  pas  sauvé.  Nier  cette  volonté 
et  ces  grâces  ,  c'est  soutenir  que  Dieu  ne  veut 
pas  que  le  saint  soit  possible  à  tous,  qu'il 
n'est  pas  le  père  et  le  bienfaiteur  de  tous; 
que  Jésus-Christ  n'a  pas  mérité  el  obtenu 
des  grâces  pour  tous,  qu'il  n'est  pas  le  Sau- 
veur et  le  Rédempteur  de  tous.  Attribuer 
cette  doctrine  à  saint  Augustin ,  c'est  suppo- 
ser qu'au  fieu  de  réfuter  complélement  les 
pélagiens,  il  a  favorisé  une  de  leurs  erreurs; 
Jamais  ces  hérétiques  n'on!  voulu  reconnai- 
\tc  la  nécessité  ni  l'existence  d-e  la  grâce  in- 
térieure; ils  étaient  donc  bien  éloignés  de 
prétendre  que  Dieu  la  donne  à  tons. 


^m 


VOL 


VOL 


1102 


Faule  d'avoir  fait  (outes  ces  oliseivations, 
les  liiéologiciis    c.Uliuliiiiies  d'un   côté,  les 
héréliqin'S  do   l'autre,  se    .sont   p.iilagi'S  sur 
ja  inaiiiùrc  d'eiilendro  cl  d'expliquer  la  vo- 
xonlé    générale   de    Dieu   du   sauver  tous  les 
hommes.  Parmi  les  premiers,  quelques-uns, 
connue  Hii;;,iu'S  du  Saiiil-\'iclor  ,  Uoberl  l'ul- 
lus  ,   etc.,  disi'iU  que  la  votunlé  de  Diru  de 
sauver  tous  h's  lioinmes  ii'csl  qu'une  volonté 
de  i-ii^iie,   |i:irce  qu'ils  n'adinellenl  en  Uieu 
de  volonté  vr.iie  el  réelle   que  celle  (lui   est 
cfficaio  ou  ((ui  s'ac.'oiii jiiit  ;  or ,  disout-ils  ,  la 
volonté  lie  l.uiiiolle  nous  parlons  ne  s'acci)ni- 
plit  pas  ,  puisqu'un  Irès-j^riiuii  no.iil)re  d'iioni- 
mes   ne  sont  pas  sauves  :  cependant  ils  re- 
Connaissenl   qu'eii    vertu   de   celle    volonté. 
Dieu  doiiue  à  tous  les  lioiniiies  des  moyens 
sul'lisants  pour  se  sauver.  Mais  c'est  abu.-er 
des  termes,  d'appeler   volonté  de  Si'yne.v,  on 
seulement  .ippareulu,  celle  qui  produit  deux 
très-grands  elîels  :  le  premier,  de  donner  à 
tous   dc>    ni'  yens  sullisants  pour  se  sauver; 
lo  second,  île  sauver  en  etïet  un  très  gran(i 
nombre  d'hommes.    Cela    ne   s'accorde  pas 
d'ailleurs   avec  la   raison   que  donne  saint 
Paul  de  Citle  volonté  de   Dteu  ,  qui   est  que 
Jésus-Clirist  s'est  livre   pour   la  rédempCiun 
de  tous.  Il  est  bien    plus    simple  de  nommer 
celle  volonté  coi<dUionnetle,  puisqu'elle  ren- 
ferme une  condilidu  ;  mais  elle  n'en  est  pas 
pour  cela  moins  réelle  ni  moins  sincère. — 
D'autres,  comme  saint  Bonavenlure  et  Scol, 
disent  que  celte   volonté  est  en  elïet  vraie, 
réelle  el   de    l)on   plaisir,   mais   qu'elle  n'a 
pour  objet  que  les  moyens  ou  les  grâces  qui 
précèdent  le  salut,  el  non  le  salut  lui-même, 
c'est  pour  cola  qu'ils  l'appellent  volonté  an- 
léeédenlc.  11  ne  reste  pJus   qu'à   nous  faire 
comprendre   comment   Dieu  ,    (jui   veut  les 
moyens  ne    veut    pas  la  tin  :    suiv.int  notre 
Hianjère  ordinaire  de  concevoir,  un  être  in- 
telligent veut  les  moyens   pour   la  tin,  et  la 
Un    avant    les   moyens. — Sylvius  ,    Éstius, 
Bannes  el  d'autres  prétendent  que  la  volonté 
donl  nous    parlons  n'est  pas  proprement  et 
formellement  en  Dieu  ,  mais  seulement  vir- 
(iieliement  el  éminemment,  parce  que  Dieu, 
source  inlinie  de  boute   el  de   miséricorde, 
offre  à  tous   les  honiuies   des  moyens  géné- 
raux el  sulfisanls  de  salut.  Nous    soutenons 
que  non-seulemenl  Dieu  offre   ces   moyens, 
mais  qn'il  les  donne  ;  el   comme    Dieu  veut 
réellement,  proprement  et  formellement  toul 
co  qu'il  l'ail,  sans  doute   il  veut  les  donner: 
el  il  ne  le  vou^lrait  p  is  ,  s'il  ne  voulait   pas 
réellement  et   l'oruiellemenl   la  fin  pour  la- 
quelle il  les  donne.  Le  verbiage  de  Sylvius, 
elc,  ne  peut  servir    qu'à  obscurcir  le  lan- 
gage clair,  net  el  très-iulelliuible  de  l'Ecri- 
ture sainte. —  Vasqnez    et  queli|ues    autres 
distinguent  entre  les  adultes  el   les  enlànls; 
îl  prétend  que  Dieu  veut  réellement  el  sin- 
cèrement, mais  condilionnellemeut,  le  salut 
des  adultes,  el  qu'en  conséquence  il  donne 
à  tous  les  moyens  d'y  parvenir;    mais  (ju'o?) 
ne  peut  pas  dire  la  rneme  chose  des  enfants 
morts  dans  le  sein  de  leur  mère,  et  auxquels 
on  n'a  pas  pu  conférer  le  baptême.  iSossuet' 
semble  avoir  adopté  ce  scntimeiil.  Défense 


de  la  Tradit.  et   des  SS.  Pères  ,   1.  ix,  g.  22, 
t.  Il,  ïn-12,  p.  213.  Quand  on  considère  que 
les  enfants  morts  sans  baptême  dans   les  di- 
vers pays  du  monde,  sont  au  moins  le  quart 
du  genre  humain,  il  est   bien  dur  d'exclure 
de  la  miséricorde  de  Dieu   et  do  la  rédemp- 
tion générale  une  partie   si   considérable  de 
notre  espèce,  malgré    la  généralité   des  ter- 
mes  dont  se  servent  sur  ce  sujet  les  écrivains 
sacrés.  .\  la  vérité  nous  ne  voyons  pas  com- 
menl  se   vérilie  à    leur  égard   la  volonté  de 
Oiciitie  sauver  tous  les   hommes  ,  ni  l'uni- 
Nersalité  de  la  grâce  de  la  rédemption  ;  mais 
nous    lie   la  voyons  guère  mieux  à    l'égard 
des  peuples  barbares  el  sauvages,  qui  n'ont 
jamais  ouï   parler  de   .lésus-Cbrisl.  Faut-il 
pour  cela  contredire    l'iicriture   sainte  ou  y 
donner  des  explications  forcées,   et  s'égarer 
dans  des    systèmes  iiiinielligibles?   Ce  n'est 
pas  là  le  seul  mystère  de  la  conduite  surna- 
turelle de  la  l'roviilence.  Aussi  le  très-grand 
nombre  des  théologiens  modernes  n'hésitent 
pas  de  soulenir  que  Dieu  veut  d'une  volonté 
accidentelle,  réelle,  sincère  el  formelle,  mais 
conditionnelle,  lo  salut  de  tous  les  hommes, 
sans  excepter  les  réprouvés    ni   les   enfants 
morts  sans   baptême  ;   (|ue   Jésus-Christ  est 
mort  pour  tous  ,  el  ((ue    tous   ont  part  plus 
ou  moins  au  bienfait  de  la  rédemplir)n, quoi- 
que  nous    ne  puissions  dire    en    détail   en 
quelle  manière  el  jusqu'à  quel  point  tous  y 
participent.  Ils  conviennent  cependant  que 
Dieu  veut  d'untî  volonté  conséquente   le  sa- 
lut des  seuls   élus  ;   qu'à    leur  égard  Dieu  a 
eu  une   volonté  de   prédilection   en    consé- 
quence de  Uniuelle  il  leur  adonnédes  moyens 
plus  puissants  et  des  grâces   plus  efficaces 
qu'aux  autres.  C'est  la  doctrine   du  concile 
de  Trente  qui  a  djl,  Sess.  o,  cap.  .3  :  «  Quoi- 
que Jesus-Christ  soit  mort  pour  tous  ,   tous 
néanmoins  ne   reçoivent   pas   lo  bienfait  do 
sa  mort,  »  (jui  est  le  salut.  C'est  aussi  celle 
de  saint  Paul  qui  enseigne  ,  /   Tim.  ,  c.  iv, 
V.  10,  que  Dieu  est  le  Sauveur  de  tous,  prin- 
cipalement des  jidèlrs. 

Parmi  les  hétérodoxes,  nous  avons  vu  que 
les  pélagiens  et  les  semi-pélagiens  admet- 
taient en  Dieu  une  volonté  égale  et  indilTé- 
rente  de  sauver  tous  les  honnnes,  sans  dis- 
tinction il  sans  aucune  prédilection  pour 
les  uns  plutùl  que  pour  les  autres;  ils  reje- 
taient par  conséquent  toute  prédestination: 
les  sociniens  sont  dans  le  même  sentiment. 
Les  prédesliualicns  donnèrent  dans  l'excès 
opposé  ;  ils  prétenilireiil  que  Dieu  ne  vou- 
lait réellement  sauver  que  les  prédestines; 
que  Jésus-Christ  n'était  mort  que  pour  eux  ; 
(jue  Dieu,  par  un  décret  aniécédentel  absolu, 
avait  destiné  tous  les  autres  à  la  damnation  : 
Calvin  a  enseigné  cette  même  erreur  avec 
toute  l'opiniâtreté  possible  ,  Jansènius  n'a 
fait  que  de  la  pallier.  Tous  ont  prétendu 
(jue  c'était  le  sentiment  de  saint  Augustin; 
n)ais  nous  avons  f.iil  voir  que  c'est  une  ca- 
lomnie, que  Ions  ont  donné  un  sens  fauxet 
erroné  ans  passages  qu'ils  ont  tirés  de  ce- 
célèbre  Père  de  l'Eglise.  ,  . 
Après  avoir  lu  ses  divers  oovragcs  arec 
toute  l'aUcalion  el  la  droiture   possibles,  il/ 


liOS 


VOL 


VOL 


1101 


nous  a  pani  que  si  les  théologiens  avaient 
examiné  de  plus  près  les  différentes  bran- 
ches de  l'hérésie  des  pélagiens  ,  ils  auraient 
mieux  pris  le  sens  des  expressions  du  saint 
docteur,  et  qu'ils  auraient  moins  embarrassé 
la  queslion  que  nous  traitons.  11  ne  nous 
Teste  qu'à  répondre  aux  sophismes  par  les- 
quels IJayle  et  les  incrédules  ses  disciples 
ont  altiiqué  la  manière  dont  nous  concevons 
les  dilTérenlos  t)o/ont(^»  de  Dieu.  Ils  disent 
que  nous  supposons  en  Dieu  des  volontés 
opposées;  c'est  une  fausseté.  Nous  avons 
fait  voir  qu'il  n'y  a  aucune  opposition  entre 
ces  deux  choses;  savoir,  que  Dieu  veuille 
sincèrement  le  salut  de  l'homme, et  lui  donne 
en  conséquence  les  moyens  d'y  parvenir; 
que  cependant  il  lui  laisse  le  pouvoir  de  ré- 
sister à  ces  moyens  et  d'en  abuser  ,  parce 
qu'il  veut  que  l'homme  demeure  libre,  et 
que  son  obéissance  soit  méritoire.  La  ré- 
plique de  Hayle  est  que  Dieu  ,  sans  nuire  à 
la  liberté  de  l'homme,  peut  le  conduire  in- 
fiiilliblenipnt  nu  salut  par  une  suite  de  grâ- 
ces efficaces.  Dieu  le  peut  sans  doute  ,  mais 
s'il  le  faisait,  il  n'y  aurait  plus  de  différence 
entre  ce  que  nous  ferions  par  l'impulsion  de 
la  grâce,  et  ce  que  nous  faisons  par  instinct; 
or  les  elTets  de  l'instinct  ne  sont  pas  libres. 
Le  seul  signe  que  nous  ayons  pour  distin- 
guer la  nccessilé  d'avec  la  contingence  ou  la 
liberté,  est  que  la  première  est  toujours  uni- 
forme, et  (jue  la  seconde  est  variable.  Nous 
défions  B;iyle  et  tous  les  autres  philosophes 
de  nous  indiquer  une  autre  différence  entre 
l'une  et  l'autre. 

il  prétend  que  la  volonté  de  Dieu  de  sau- 
ver n'est  pas  sincère.  Un  roi,  dit-il,  un  ma- 
gistrat, un  législateur,  ne  sont  pas  censés 
vouloir  l'observation  des  lois,  à  moins  qu'ils 
ne  fassent  tout  ce  qu  ils  peuvent  pour  en  pré- 
venir et  en  etnpêciier  l'infraction  ;  donc  nous 
devons  juger  de  même  à  l'égard  de  Dieu; 
nous  avons  démontré  dix  fois  l'absurdité  de 
cotte  comparaison.  Un  roi  ,  un  législateur, 
etc.  ,  sonl  des  agents  bornés  ,  il  n'y  a  donc 
aucun  inconvénient  à  exiger  d'eux  qu'ils 
fassent  tout  ce  qu'ils  peuvent  pour  venir  à 
bout  (l'un  dessein,  et  pour  prouver  la  siocé- 
rité  de  leur  volonté;  à  l'égard  de  Dieu  cela 
est  absurde,  puisque  Dieu  est  l'infini  et  que 
son  pouvoir  est  sans  bornes.  C'est  le  même 
sophisme  (lue  Bayle  n"a  cessé  do  répéier 
pour  prouver  que  Dieu  n'est  pas  bon  à  l'é- 
gard (le  ses  créatures  ,  puisqu'il  ne  leur  fait 
pas  tout  le  bien  qu'il  peut.  Voy.  Bonté  de 
Dieu,  Mai.,  etc. 

Lorsqu'il  dit  qu  il  est  absurde  d'admettre 
des  événements  contraires  à  la  volonté  de 
Dieu,  il  joue  sur  la  même  équivoque  et  re- 
tombe dans  le  même  inconvénient.  Bien  ne 
peut .  se  faire  contre  la  volonté  absolue  de 
Dieu,  puisque  par  sa  puissance  infinie  il 
peut  disposer  des  événements  comme  il  lui 
plait;  mais  relativement  au  salutdel'homme, 
la  véritable  absurdité  est  de  vouloir  que 
Dieu  l'opère  par  une  volonté  absolue,  pen- 
dant qu'il  veut  que  l'homme  y  coopère  li- 
brement :  c'est  alors  qu'il  y  aurait  en  Dieu 
deux  volontés  op[)osées  et  contr.tdicloires. 


II  n'est  pas  vrai  non  plus  qu'à  l'égard  de 
Dieu,  vouloir  et  permettre  soient  la  même 
chose.  Dieu  veut  sincèrement  et  positive- 
ment que  l'homme  fasse  le  bien  ,  puisqu'il 
le  lui  commande,  qu'il  lui  en  donne  les  for- 
ces par  la  grâce,  qu'il  le  récompense  pour 
l'avoir  fait,  qu'il  le  menace  et  le  punit  lors- 
qu'il fait  le  mal  :  une  volonté  sincère  ne  peut 
être  prouvée  par  des  ell'ets  plus  positifs. 
Dieu  cependant  permet  que  l'homme  fasse 
le  mal,  c'est-à-dire  qu'il  ne  l'empêche  pas, 
et  qu'il  n'use  pas  de  son  pouvoir  absolu 
pour  l'en  préserver.  Gela  ne  signifie  point 
qu'il  lui  en  donne  la  permission  positive  ,  la 
licence  ou  le  congé;  alors  il  ne  pourrait  le 
punir  avec  justice;  c'est  encore  une  équi- 
voque du  mot  permettre  ,  par  laquelle  il  ne 
faut  pas  se  laisser  tromper.  Voy.  Permis- 
sion, Salut  ,  etc.  Enfin  ,  Il  est  faux  que  ce 
qui  s'appelle  volonté  de  signe  su[)pose  un 
Dieu  trompeur  et  menteur  :  ce  ne  fut  jamais 
un  mensonge  de  mettre  la  vertu  et  la  sou- 
mission de  l'homme  à  l'épreuve.  Lorsque 
Dieu  commanda  à  Abraham  d'immoler  son 
fils,  il  sav.iit  déjà  sans  doute  que  ce  pa- 
triarche se  mettrait  en  devoir  d'obéir ,  et 
c'est  ce  que  Dieu  voulait  en  effet  ;mais  Abra- 
hiim,  loin  de  craindre  (jue  Dieu  ne  le  trom- 
pât, crut  fermement  queDieu  lui  ayant  donné 
ce  fils  par  un  miracle  ,  en  ferait  plutôt  un 
second  pour  le  ressusciter,  que  de  manquer  à 
ses  promesses  ;  c'est  le  témoignage  que  lui 
rend  saint  Paul,  Hebr.,c,.  ii,  v.  19.  11  en  est 
de  même  des  autres  exemples  d'une  volonté 
désigne,  que  nous  avons  cités  dans  l'Kcri- 
ture  sainte.  Voy.  Epreuve,  Tentation. 

L'on  nous  saura  peut-être  mauvais  gré 
d'avoir  répété  dans  le  présent  article  une 
bonne  partie  de  ce  que  nous  avons  déjà  dit 
aux  mots  Grâce,  Rédemption,  Salut,  etc.  ; 
mais  le  dogme  catholique  dont  il  est  ici 
question  est  si  imporiaut,  si  nécessaire  pour 
exciter  en  nous  la  confiance  en  Dieu,  la 
reconnaissance  envers  Jésus-Christ,  le  cou- 
rage dans  la  pratique  de  la  vertu,  l'espé- 
rance même  nécessaire  pour  sortir  de  l'état 
du  péché,  que  l'on  ne  saurait  le  prouver  et 
l'inculquer  avec  trop  de  soin  ;  et  puisque 
ceMaiiis  théologiens  ne  cessent  de  l'attaquer 
de  toutes  manières,  nous  ne  devons  pas  nous 
lasser  de  le  défendre. 

♦  VOLdNTÉS  DE  JÉSUS-CIIUIST.  Voy.  Mono- 

TllÉLITES. 

VOLUPTÉ.  Épicure  faisait  consister  le 
souverain  bonheur  de  l'homme  dans  la  fo- 
lupté.  Nous  n'entrerons  pas  dans  la  ques- 
lion de  savoir  s'il  entendait  sous  ce  nom  les 
plaisirs  sensuels  ,  plutôt  que  l'heureuse 
tranquillilé  d'une  âme  vertueuse  ;  la  plus 
grande  grâce  que  l'on  puisse  lui  faire 
est  de  supposer  qu'il  n'excluait  de  l'idée  du 
bonlieur  aucune  espèce  de  contentement  et 
de  bien-être.  Comme  il  n'admettait  point 
d'autre  vie  que  celle-ci,  il  ne  pouvait  guère 
embrasser  un  autre  système  ;  aussi  les  phi- 
losophes qui  ont  suivi  l'une  de  ces  opinions, 
n'ont  jamais  manqué  d'adopter  1  autre  ;  elles 
se  tiennent  nécessairement. 


ilOS 


VOL 


VUL 


1106 


JésQS-Cbrist,  venu  pour  révéler  aux  hom- 
mes la  vie  à  venir  et  l'immorlalilé,  Il  Tim., 
c.  I,  V.  10,  leur  apprend  que  le  souverain 
bonheur  de  l'homme  consiste  clans  la  vertu, 
parce  qu'elle  seule  peut  le  rendre  dipne  du 
bonheur  éternel.  Ainsi  la  vie  présenle  n'é- 
laiil  qu'une  préparation  et  une  (  priune  de 
vertu  pour  la  vii-  à  venir,  ce  n'est  pas  ici- 
bas  qu'il  faut  clien-lier  le  bonheur.  Consé- 
quemnient  Jésus-Christ  nomme  heureux 
ceux  qui  ont  l'esprit  et  le  cœur  détaches  des 
richesses  :  ceux  qui  prali(iuent  la  douceur  , 
la  miséricorde,  la  pureté  do  cœur;  i|ui  pro- 
turent la  paix  ;  qui  souffrent  paliemrneiil  la 
persécution  des  méchants  et  les  aflliclions 
que  Dieu  nous  envoie,  Matlli.,  c.  v,  v.  .'i.  Il 
condamne  donc  la  volupté,  parce  qu'elle 
énerve  l'homme  et  le  rend  incapable  de 
vertu  ;  il  prédit  le  malheur  à  ceux  qui  se 
flallent  d'être  heureux  par  la  possession 
des  richesses,  par  les  plaisirs  des  sens , 
par  les  éloges  et  les  applaudissements  des 
hommes,  qui  font  semblant  d'être  vertueux 
aOn  d'être  admirés,  Luc,  c.  vi,  v.  âV  ;  c.  xi, 
V.  4-2.  Tout  cela  se  suit  ;  l'une  de  ces  leçons 
est  la  conséquence  de  l'autre 

Les  épicuriens,  dont  le  nombre  sera  tou- 
jours très-grand  dans  le  inonde,  ne  peuvent 
goûler  celte  morale,  ils  cherchent  même  à 
la  rendre  odieuse.  Il  est  impossible,  disent- 
ils,  qu'un  Dieu  bon  ait  mis  au  monde  des 
créatures  pour  les  rendre  malheureuses, 
qu'il  leur  ait  donné  li;  besoin  du  plaisir  et 
leur  en  ait  interdit  l'usage,  qu'il  leur  fasse 
acheter  le  boiih(>ur  éternel  par  des  priva- 
tions et  des  soulTrances  continuelles.  Ainsi, 
suivant  leur  opinion,  un  Dieu  bon  devait 
attacher  le  bonheur  à  l'animalité  plutôt 
qu'à  la  vertu  :  aux  plaisirs  des  sens,  que 
l'homme  partage  avec  les    animaux,   plutôt 

3u'à  la  force  de  l'âme,  qui  l'élève  au-dessus 
es  brutes.  Dans  ce  cas,  Dieu  a  eu  tort  de 
donner  une  âme  aux  hommes,  il  ne  devait 
créer  que  des  êtres  purement  sensitifs  ;  la 
raison,  l'intelligence,  le  sens  moral  qu'il  leur 
a  donnés,  sont  les  plus  pernicieux  de  tous 
les  dons.  Ces  philosophes  sublimes  nous 
permettront  de  penser  autrement  ;  de  juger 
qu'un  Dieu,  tel  qu'ils  le  voudraient,  ne  sé- 
rail pas  un  être  bon,  mais  un  ouvrier  insensé 
et  méchant.  Au  défaut  de  la  raison  (]u'ils 
n'écoutent  point,  ils  devraient  du  oioins  con- 
sulter l'expérience  :  elle  date  d  environ  six 
mille  ans.  Peut-on  citer  dans  l'univers  un 
homme  qui  ait  trouvé  dans  la  volupté  le 
bonheur  qu'il  cherchait  ?  Salomon,  (|ui  ne 
s'en  était  refusé  aucune,  atteste  iiu'il  n'y 
a  trouvé  que  vanité  et  afiliclion  d'esprit. 
Ecoles.,  c.  2,  V.  11  :  nous  doutons  ({u'aucun 
épicurien  ait  pu  s'en  procurer  autant  que 
lui.  D'autre  part,  y  a-t-il  jamais  eu  un  hom- 
me qui  se  soit  repenti  d'avoir  été  vertueux, 
ou  qui,  après  avoir  passé  d'une  vie  volup- 
tueuse à  une  vie  cbrélienne,  ait  regrette  son 
premier  état  et  ses  anciennes  lialiitudcs  ? 
Enfin,  il  n'est  pas  vrai  que  Dieu  nous  ait 
interdit  l'usage  des  plaisirs  raisonnables  et 
innocents  :  il  n'en  défend  que  l'excès  et  l'a- 
bus :  il  ne  veut  pas  que  nous  y  cherchioas 


notre  bonheur,  parce  qu'il  n'y  en  a  pas,  et 
parce  que  nous  serions  toujours  en  danger 
d'y  perdre  la  vertu. 

L'homme  n'est  pas  le  maître  d'avoir  du 
plaisir  quand  il  le  veut,  mais  il  ne  tient  qu'à 
lui  d'être  vertueux  quand  il  lui  plaît  :  de 
l'aveu  de  tous  ceux  qui  en  ont  fait  l'expé- 
rience, la  satisfaction  constante  que  nous 
procure  la  vertu  vaut  mieux  à  tous  égards 
que  l'ivresse  passagère  dans  laquelle  nous 
plonge  la  volupté.  La  vertu  ne  paraît  triste 
et  contraire  au  plaisir  que  quand  on  ne  l'a 
jamais  pratiquée  :  l'eriKi,  disait  un  roi  sage, 
venez  éprouver  combien  le  Seiijneur  est  doux, 
combien  est  heureux  l'homme  qui  espère  en 
lui  {Ps.  Lin,  9).  Jésus-Christ  répète  aux 
hommes  celte  invilaiion  :  Venez  à  moi,  vous 
tous  qui  êtes  chargés  et  fatigues,  je  vous 
soulagerai.  Prenez  mon  joug,  apprenez  de 
moi  à  cire  doux  et  humbles  de  cœur,  vous 
trouverez  le  repos  de  voi  âmes  ;  mon  joug  est 
doux  et  mon  fardeau  est  léger  [Matlh.,  xi, 
28).  Vouloir  être  heureux  dans  ce  monde 
par  la  volupté,  et  heureux  dans  l'autre  par 
la   vertu,  sont  deux  désirs  contradictoires. 

Vo\l.   1>LAISIRS. 

VOYAC.EUR.  Ce  terme  se  dit  des  fidèles 
qui  vivent  sur  la  terre,  par  opposition  aux 
saints  (jui  jouissent  du  bonheur  éternel.  La 
vie  de  ce  monde  est  comparée  à  un  voyage 
ou  à  un  pèlerinage  dont  la  félicité  élornelle 
est  le  terme  :  c'est  l'idée  qu'en  donnait  déjà 
le  patriarche  Jacob,  Gen.,  c.  xlvii,  v.  9.  Les 
saints  regardent  le  ciel  comme  leur  vérita- 
ble patrie,  et  toutes  leurs  actions  comme  au- 
tant de  pas  qui  les  y  conduisent. 

(Quelques  philosophes  incrédules,  attentifs 
à  saisir  toujours  le  sens  le  plus  odieux  d'un 
terme,  ont  dit  que  cette  manière  d'envisager 
la  vie  présente  est  pernicieuse,  et  qu'elle 
nous  détache  des  devoirs  de  la  vie  sociale  et 
civile,  et  nous  rend  indilTérents  à  l'égard  de 
nos  semblables  ;  c'est  une  erreur  réfutée  par 
l'expérience.  Il  est  très-permis  à  un  voya- 
geur de  s'arranger  dans  une  auberge  ; 
quelque  court  que  doive  être  le  séjour  qu'il 
se  propose  d'y  faire,  il  ne  se  croira  pas  dis- 
pensé des  devoirs  de  l'humanité  envers  ceux 
qui  y  logent  avec  lui  ;  il  ne  s'avisera  pas  de 
les  inquiéter  ni  de  leur  refuser  ses  services, 
sous  prétexte  qu'il  doit  les  quitter  le  lende- 
main. Les  épicuriens,  qui  n'envisageaient 
que  la  vie  |)résente,  n'ont  certainement  pas 
été  aussi  bons  citoyens  que  les  stoïciens  ()ui 
appelaient  aussi  cette  vie  un  voyage;  sans 
avoir  consulté  nos  livres  saints,  ils  ont  sou- 
vent reproché  aux  sectateurs  d'Epicure  leur 
inutilité  et  leur  indifférence  pour  les  devoirs 
de  la  vie  civile.  Un  chrétien  est  persuadé  au 
contraire  qu'il  ne  peut  mépriser  les  devoirs 
de  la  vie  présente,  et  aucune  loi  ne  les  a 
jamais  prescrits  avec  autant  d'exactitude 
que  l'Evangile. 

VOYELLES.  Voy.  Hébreu,  Langue  hé- 
braïque. 

VULGATE,  version  latine  des  livres  saints, 
de  laquelle  on  se  sert  dans  l'Eglise  catholi- 
que. On  ne  doute  point  dans  cette  Eglise 
que,  dès  la  Gu  du  i"  siècle  OU  âU  comuicu- 


•M? 


VUL 


VUL 


1108 


cément  du  ii*,  avant  même  la  mort  du  der- 
nier des  apôtres  ou  immédiatement  après,  il 
n'y  ait  eu  en  l;i(in  une  version  de  l'Ancien 
et  ilu  Nouveau  Testament,  à  l'iisa^ie  des  fi- 
d(Mes  qui  n'enlendaienl  pas  1p  grec.  Puisque, 
selon  le  lémoijîna^e  de  saint  Justin,  ^4/70/.  1, 
n.  G7,  on  lisait  dans  les  assemblées  chrétien- 
nes les  écrits  des  proi^èles  et  les  ménvoires 
des  apôtres,  on  ne  peut  pas  douter  que,  dès 
l'origine,  le  même  usasse  n'aii  éié  observé  à 
Rome  et  dans  les  autres  Kglises  d'Ii;ilie,  où 
le  grec  n'était  pas  la  langue  vulgaire;  il  fal- 
lut donc  une  traduction  laline  pour  mettre 
ceMe  lecture  à  portée  du  peuple.  Mais  on  ne 
sait  pas  (jui  eu  a  été  l'auteur,  ni  en  quoi 
lemps  précisément  elle  a  été  faite;  on  sait 
seulement  que,  (lour  l'Ancien  Testament, 
elle  a  été  prise  sur  le  grec  des  Septante,  et 
non  sur  l'original  hébreu.  On  l'a  nomniée 
iialiqiie,  itala  vêtus,  parce  (ju'elle  avait  cours 
principalement  en  Italie,  et  Yulgala,  version 
coniiiiune.  — Comme  celte  rro.ance  des 
théologiens  catholiques  nes'acconie pas  avec 
Ic.sjsième  des  proteslants,  ceux-ci  l'ont  atta- 
quée (ie  toutes  leurs  forces  ;  ils  soutiennent 
que,  dans  le  çrand  nombre  de  versions  la- 
tines de  l'Ecriture  ()ni  se  firent  dans  les  pre- 
miers siècles  de  l'Eglise,  il  n'j-  en  eut  aucune 
qui  fût  plus  respectée  el  plus  suivie  que  les 
autres;  que  comme  toul  particulier  avait  la 
liberté  de  traduire  le  texte  sacré,  selon  qu'il 
J'eniendail,  chaque  église  était  aussi  maî- 
tresse de  choisir  et  de  suivre  telle  version 
qu'il  lui  plaisait,  et  qu'il  n'y  eut  jauiais  d'u- 
■niformité  sur  ce  point.  C'est  ainsi  qu'ils  ont 
cherché  à  justifier  la  multitude  et  la  variéié 
de  .leurs  versions,  et  la  liberté  avec  laquelle 
ils  en  useul. 

Pour  savoir  ce  qu'il  en  faut  penser,  nous 
capporlerons,  1"  les  preuves  de  l'autiquité  et 
de  l'aulorilé  de  la  VuUjale;  2°  nous  répou- 
•jlrons  aux  objections  des  prolestants;  3°  nous 
;ex,poserons  ce  qu'a  fait  saint  Jérôme  pour 
•mettre  cette  version  dans  l'élat  où  elle  est 
aujourd'hui;  h"  nous  examinerons  le  décret 
du  concile  de  Trente  qui  l'a  déclarée  au- 
Ibenliquc  ;  5"  nous  dirons  deux  mots  des  cor- 
rections el  lies  éililions  que  l'on  en  a  faiies. 
§  1.  Preui'cs  de  l'antk/tiité  et  de  l'autorité 
de  la  Vvlgate.  Les  critiques  proleslanls  ne 
se  sont  p;is  donné  la  peiiie  de  les  rapporter 
ni  de  les  réfuter;  nous  agirons  de  meilleure 
•foi  avec  eux.  1  .Mal-ré  la  multituile  des 
versions  -.'recques  de  l'Ancien  Testament, 
savoir,  celles  d'Aqnila,  de  Th  odotion,  de 
Symmaque,  et  deux  autres  que  Oi  igène  avait 
rassemblées  dans  ses  Octaplen,  celle  des  Sep- 
tante a  été  coiislamment  suivie  dans  les  Egli- 
ses grecques,  ces  versions  nouvelles  ne  lui 
ou t  rien  fait  perdre  de  son  crédit  ni  de  son 
.autorité;  les  protestants  ont  reproché  plus 
d'une  fois  celte  prévcniion  aux  Pères  de  l'E- 
glise. Voy.  Skptante.  C'est  pour  cela  que  la 
version  des  Septante  a  été  nommée  xohn, 
commune,  par  saiut  Jérôme,  Epist.  ad  Su- 
niam  et  Frele/nm,  Oper.  tom.  Il ,  i"  part., 
col.  C27,  et  sur  le.  lw  chap.  d'Isa'i'e,  il  l'ap- 
pelle ediiioncm  loto  orbe  vulgalam,  tom.  III, 
col.  492.  Donc,  quaud  il  y  aurait  eu  dès  l'o- 


rigine plusieurs   versions  latines  de  l'Ecri- 
ture, cela  n'empêche  point  qu'il  n'y  en  ait 
eu  une  plus  commune,  plus  respectée,  plus 
généralement  suivie  que  les  autres   dans  les 
Eglises  latines  ;  et  c'est  pimr  cela  que  saint 
Jérôme  l'appelle  Vulgntam  editinnemjadnam 
editionem,  laiinus  inlcri>res.  Inlinus  transla- 
tor,  ib.,col.  GSi-,  662,  603;  Comment.  inEpist 
ad  Galat.,  cap.  v,  op.  tom.  IV,  i"  part.,  col 
306  ;  in  Episi.  a'I  Ephes.,  cap  m,  eol.  233,  etc. 
El  saint  Augustin,  itala  interiirelatiu,  l.  u,  de 
Ductrina  christ.,  c.  15,  n.  22  ;  latinus  inter- 
pros,  1.  1  Retracl.,  c.  7,  n.  3.  Ces  expressions 
desi;;nent  évidemment  une  version  plus  cou- 
nue,  plus  populaire,  plus  communément  sui- 
vie (|ue  toute  autre.  S'il  y  en  avait  eu   plu- 
sieurs également  usitées,  on  n'aurait  pas  pu 
deviner  de  laquelle    saint    Jérôme    et   saint 
Augustin    pail.iient  ;   ces    deux   Pères  eux- 
mêmes  ne  se  seraient  pas  entendus  dans  les 
lettres  qu'ils    se  sont  écrites    à  ce  sujet.  — 
2°  Saint  Jérôme,    exhorté   par  le  pape  l)a- 
mase  à  donner  une   nouvelle  édition   latine 
du   Nouveau  Testament,    conformément    au 
texte    grec,   lui    objecte   le   danger  que  l'on 
court    à    réformer  une    version    à    laquelle 
tout  le  monde   est   habitué,  les  réclamations 
et  les  censures  auxquelles  un  nouveau  tra- 
(lueleur  est  exposé.   Jl.iis  si    les  différentes 
Eglises  avaient  élé  accoutumées  à  différen- 
tes versi'ins,  s'il  n'y  avait  eu  entre  elles  au- 
cune uniformité,  rien  de  plus  mal  fondé  que 
les  craintes  de  saint  Jérôme.    J)e  quel  droit 
lui  aurait-on  refusé  au  v'  siècle  le  privilège 
dont    vingt    autours    avaient   joui    pendant 
Irois  cents  ans,  de  traduire  l'Ecriture  sainte 
comme  ils  l'entendaient  ?  Cependant  l'évc- 
ncment  prouva  que  ce  Père  n'avait  pas  tort; 
il  nous  apprend  avec  quelle   aigreur  ou  dé- 
clama contre  lui,  parce  qu'il  avait  osé  don- 
ner sur  le  texte  hébreu  une  version  latine  de 
l'Ancien  Testament,   qui   s'écartait  en  plu- 
sieurs choses  do  celle  des  Seplante.    Il  nous 
a  conservé  les  inve(tives  de  Rufin,  qui  l'ac- 
cusait à  ce  sujet  de  blasphème  et  de  sacri- 
lège. Apolog.  cont'd  lin  fin.,  1.  m,  op.  t.  IV, 
col.  k'ik,  kïG.  Il  est  bien  étonnant  que  pour 
se  défendre  il  n'ait  jamais  allégué  la  variété 
des  versions  suivies  [lar  les  différentes  Egli- 
ses latines.  Saint  Augustin   lui  écrivit  que, 
dans  une  église  d'Afrique,  où  l'on  avait  lu  sa 
nouvelle  version,  le  peuple   s'était    muliné, 
parce  que  dans  la  prophétie  de  Jouas,  c.  iv, 
V.  6,  on  lisait  hedera,  au    lieu  de   cucurbita, 
Epist.  71  ad  Hieron.,  c.  3,    n.  3;  Epist.  82, 
c.  3,  n.  33.  Et  l'on  veut  nous   persuader  que 
ces  Eglises  africaines,  qui  se  cabraient  pour 
le  changement  d'un   seul  mot   très-indiffé- 
rent,   se   permettaient   les   unes  aux  autres 
l'usage  habituel    de  telle   version    qui    leur 
plaisait  davantage.  —  3"  Dans  toute  la  lettre 
de   saint  Jérôme  à   Sunia  et  à  Frelcla,  on 
voit  jusqu'où  il  porte  le  respect  pour  la  Vul 
gale  latine  des  ps.iumcs;  malgré  la  multitude 
des    fautes  qu'il   y  montre,   il  veut  que  l'on 
continue  à  la  chanter  dans  les  églises,  parce 
que  ces  fautes  ne  sont  pas  assez  importantes 
pour   exiger   la  réforme   d'un  usage  si  an- 
cien. En  eflet,  aucune  ne  donne  atteinte  an 


1109 


VUI. 


VUL 


ÎIIO 


dogme  cl  ne  peiil  iiiiluirc  1(^  peuple  en  er- 
reur. Le  saint  docteui'  ajout*!  tjue  ses  cor- 
rections sont  failcs  pour  Ic^  savants,  et  non 
pour  le  peuple.  N'est-ce  donc  i\»'ii  la  (in  du 
IV ■  sièelc  (jii'a  couwnenié  dans  rivalise  latine 
cet  attacluMiienl  opiniâtre  du  peuple  à  la 
î'u/^a<e?  Il  semble  au  contraire  que  les  Kgli- 
ses  jalouses  de  leur  libirté  devaient  courir 
au-devant  d'une  nouvelle  version,  coinine 
ont  fait  les  proieslanls  au  xiii'  siècle;  mais 
dans  les  premiers  siècles  cette  préienilue  li- 
berté aurait  passé  i<our  une  impiélé.  —  4"  En 
effet,  dès  la  lin  du  ir,  Tertnllien  témoigne 
dans  ses  ouvrages  qu'il  y  avait  une  version 
latine  des  licrilures,  universellement  reçue 
dans  toutes  les  lîglises  catholiques.  Pe  Prœ- 
scripi.,  cap.  17,  il  reproche  aux  hérétiques 
leur  audace  à  l'égard  des  Ecritures.  «  Telle 
hérésie,  dit-il,  ne  reçoit  point  certaines  Kcri- 
tures;  si  elle  en  admet,  elle  ne  les  laisse 
point  entières;  par  dos  additions  et  des  re- 
tranchements elle  les  change  selon  qu'il 
convient  à  son  système  ;  si  elle  les  conserve 
telles  (|u'elles  sont,  elle  en  pervertit  le  sens 
par  des  interprétations  arbitraires;  or  il  est 
également  contraire  à  la  véi  ité  de  corrom- 
pre le  sens  ou  le  texte.  »  C.  19  et  20,  il  sou- 
tient que  l'on  ne  peut  trouver  ailleurs  ((uc 
dans  l'Kglise  citholique  la  vérité  des  Ecritu- 
res ,  leur  véritable  interprélalion  el  les 
vraies  traditions  chréliennes.  De  quel  front 
auraii-il  ainsi  parlé  s'il  y  avait  eu  dans 
cette  Eglise  variété  de  versions,  d'interpré- 
tations et  de  traditions  ?  Il  aurait  été  aisé- 
ment confondu  par  les  hérétiques. — S"  Parmi 
un  grand  nomlue  de  traducteurs  lalins,  tel 
que  les  protestants  le  supposent,  comment 
ne  s'en  est-il  pas  trouvé  quelques-uns  qui 
aient  mieux  réussi  que  les  autres,  qui  aient 
réuni  le  plus  grand  nombre  des  suffrages,  et 
qui  se  soient  fait  un  nom  |iar  l'excellence  de 
leurs  versions?Avani  saint  Jérôme  iln'y  ena 
pas  eu  un  seul  duijuel  les  éciivain'S  ecclésias- 
tiques aient  f  lii  uk  iilion  ;  saint  .\ugustin,  qai 
n'en  parle  qu'en  général,  parait  faire  très- 
peu  de  cas  de  leurs  productions  ;  nous  le 
verrons  en  ciiaiit  ses  paroles.  Parmi  tant  de 
sectaires  qui  ont  trouble  l'ijglise  latine, 
comme  les  monlanistes,  les  manichéens,  les 
novaliens,  les  donalistes,  les  ariens,  etc.,  et 
qui  ont  laiit  déclamé  contre  elle,  comment 
ne  s'en  est-il  rencontré  aucun  qui  lui  ail  re- 
proché l'incertitude  que  devait  produire  dans 
sa  foi  et  dans  sa  doctrine  la  variété  des  ver- 
sions de  la  Bible  dont  elle  se  servait?  Voilà 
diHi\  phénomènes  bien  sin„'uliers. — (>"  Gela 
e>t  d'autant  plus  incroyable,  que  nous  avons 
vu  arriver  preciséuu  ni  le  contraire  chez  les 
protestants.  La  variété  des  versions  de  l'E- 
criture sainte,  la  liberté  de  l'enlendre  el  de 
i  expliquer  comme  ch.icun  le  ju^e  à  propos, 
a  produit  parmi  eux  celle  mulitude  de  sec- 
tes (|ui  se  détestent,  et  qui  souvent  se  sont 
tourmentées  les  unes  les  autres,  sans  qu'au- 
cune conférence,  aucune  discussion  amia- 
ble des  passages  de  1  Ecriture  sainte  ait  ja- 
iii.iis  pu  les  reconcilier.  Nous  n'hésitons  pas 
ù'allirmer  que,  si  la  mémo  cause  avaii  existé 
daus  l'Eglise  latine  pendant  trois  siècles, 


elle  y  aurait  produit  le  mè  ne  effet.  Or,  rici 
de  semblable  n'y  est  arrivé.  Quoique  les 
Eglises  de  l'Italie,  de  l'Afrique,  de  l'Espa- 
gne, des  Ijaules,  etc.,  aient  été  souvent  trou- 
bl(?es  par  îles  novateurs,  elles  sont  restées 
réunies  dans  la  profession  de  la  même  foi, 
dans  la  (idèlité  à  suivre  la  même  règle,  dans 
rattachement  à  un  même  centre  d'unité,  et 
elles  l'ont  ainsi  attesté  par  le  nom  de  cathn- 
tiques,  auquel  elles  n'ont  jamais  renoncé 
Aussi  ont-elles  persévéré  dans  leur  attache- 
ment à  l'ancienne  YuUjate,  comme  noos  le 
verrons  ci-après. 

Le  Clerc,  qui  a  senti  celte  vérité,  a  cher- 
ché i\  l'esquiver.  Il  dit  que  les  dissensions 
qui  subsistent  aujourd'hui  eiilrii  les  sectes 
prolestantes,  ne  viennent  point  de  la  diffé- 
rence des  versions  dont  elles  se  servent, 
mais  des  divers  sens  qu'elles  donnent  aux 
mêmes  paroles.  Aninmdv.,  in  EpiH.Tl  snncli 
Ang.,  §  4-,  Défaite  frivole.  La  différence  des 
versions  ne  coiisiste-t-elle  donc  pas  dans  la 
différence  du  sens  que  l'on  donne  aux  mê- 
mes paroles?  Ce  critique  avoue  la  vérité  en 
affectant  de  la  nier.  On  peut  voir  dans  les 
frères  de  Wallembourg.  de  Iintrum.  pro~ 
biindw  fidii,  iiT  part.,  sect.  2  et  seq.,  jusqu'à 
<)uel  point  les  protestants  ont  corrompu  le 
dogme  par  rinfiilelilé  de  leurs  versions. 

il  est  à  présent  question  de  voir  si  les  écri- 
vains catholiques  ont  rêvé  lorsqu'ils  ont  cru 
q-ue  celle  première  version  a  été  faite  princi- 
palement à  Rome,  que  de  là  elle  s'est  lora- 
muni(|uée  aux  autres  Eglises  latines,  dont 
celle  de  Itome  a  été  l.i  mère  el  la  maîtresse. 
Pour  savoir  à  quoi  nous  en  tenir,  nous  ne 
ferons  pas  beaucoup  de  cas  du  témoignage 
de  Itufin,  qui,  dans  sa  seconde  invec'ive 
contre  saint  Jérôme,  t.  IV,  ii"  part. ,  col.  4'r6, 
soulienl  que  c'est  saint  Pierre  quia  donné  à 
l'Eglise  romaine  les  livres  dont  elle  se  sert. 
Quoique  instruit,  ce  critique  était  téméraire 
et  parlait  par  humeur;  les  proleslaiits  no 
l'ont  loué  que  parce  qu'il  était  ennemi  dé- 
claré de  saint  Jérôme  ;  il  nous  faut  d'autres 
preuves. 

Suivant  l'opinion  commune,  aloptée  même 
par  plusieurs  habiles  protr  stauls ,  saint 
Pierre  était  à  Rome  l'an  15,  il  y  écrivit  sa 
première  épître  aux  fidèles  de  l'Asie  Mineu- 
re, el  saint  Marc  >  composa  sou  l'>angile 
conformément  à  la  prédica(io;i  lie  cet  apô- 
tre. L'an  58,  saint  Paul  envoya  de  Corinthe 
sa  Lettre  aur  lioiuniiis  ;  il  vint  Itii-inèmc  à 
Uoiue  l'an  61,  et  y  demeura  de«x  ans  ;  là  it 
écrivit  ses  Lettres  ù  Philémon,  nue  l'hilip- 
piens,  aux  Colossiens,  aux  Hrhretcv,  et  Irin 
03  saint  Luc  fit  dans  cette  même  vilb'  les  .4c- 
tes  dea  apôtres.  Enfin  l'an  6G,  >ainl  Paul,  em^ 
prisoune  à  Rome  avec  saint  Pierre,  adressa 
sa  lettre  aux  Epliésiens,  et  sa  seconds  à  ï't- 
mothée.  Plus  ou  moins  d'exactitude  dans  ces 
d.iles  ne  fait  rien  à  la  vérité  des  événements, 
dès  qu'ils  sont  prouvés  d'ailleurs.  Eusébe, 
Jlist.  ecclcs.,  I.  ir,  c.  13,  et  les  notes.  Voilà 
donc  une  bonne  partie  des  écrits  du  Nou- 
veau Teslament  qui  ont  pu  el  qui  ont  dû 
être  connus  à  Rome  avant  '.'an  67,  époque 
du  martyre  de  saint  Pierre  el  do  saiiil  Paul* 


fin 


VUL 


VUL 


MVl 


pourquoi  n'y  auraient-ils  pas  été  traduits 
en  laiin  dès  ce  lemps-là  même?  Si  les  pro- 
testants supposent  que  ces  deux  apôtres, 
que  saint  Marc,  saint  Luc  et  les  autres  com- 
pagnons de  salut  Paul,  ne  se  sont  donné 
aucun  soin  pour  mettre  la  lecture  de  leurs 
écrits  à  la  portée  des  simples  fidèles,  Bas- 
nage,  Le  Clerc,  Mosheim,  etc.,  ont  tort  d'af- 
flrmer  en  général  que  les  apôtres  el  les  pre- 
miers pasteurs  de  l'Eglise  ont  eu  grand  soin 
de  mettre  d'abord  les  Ecritures  à  la  main  de 
leurs  prosélytes,  de  les  faire  traduire  dans 
toutes  les  langues,  d'en  recommander  la 
lecture,  etc.;  que  c'est  un  des  moyens  qui 
ont  le  plus  contribué  à  l'établissement  du 
christianisme;  il  ne  faut  pas  détruire  d'une 
main  ce  que  l'on  bâlil  de  l'autre.  Mais  nous 
n'avons  pas  besoin  de  leur  avis  pour  former 
le  nôtre.  Saint  Paul,  //  Cor.,  c.  xii,  v.  '28,  et 
c.  XIV,  V.  26,  suppose  que  le  don  des  lan- 
gues et  celui  de  les  interpréter  étaient  com- 
muns dans  l'Eglise  ;  il  veut,  v.  '27,  que  quand 
un  fidèle  parle  dans  une  langue  étrangère, 
un  autre  lui  serve  d'interprète  :  cet  ordre 
sans  doute  n'était  pas  moins  nécessaire  à 
Rome  qu'ailleurs,  pour  les  écrits  que  pour 
les  discours  de  vive  voix.  Nous  présumons 
encore  que  tout  chrétien  a  été  empressé  de 
lire  les  écrits  des  apôlres,  et  que  cette  lec- 
ture leur  a  inspiré  le  désir  de  connaître  les 
livres  de  l'Ancien  Testament  qui  y  sont  sou- 
vent cités.  Nous  en  concluons  que  la  ver- 
sion latine  des  uns  et  des  autres  a  été  en- 
treprise de  bonne  heure,  et  continuée  suc- 
cessivement par  divers  auteurs.  Nous  soute- 
nons encore  que  cette  version  une  fois  trans- 
mise aux  Eglises  latines,  à  mesure  qu'elles 
se  sont  formées,  y  a  joui  de  la  même  auto- 
rité que  celle  des  Septante  parmi  les  (irecs, 
et  qu'aucune  société  chrétienne  n'a  été  ten- 
tée d'en  changer;  cela  sera  prouvé  parce 
que  nous  dirons  ci-après.  11  est  constant 
d'ailleurs  que  l'Eglise  de  Rome  a  toujours 
eu  plus  de  relation  qu'aucune  autre  avec 
toutes  les  Eglises  du  monde  ;  saint  Irénée 
lui  a  rendu  ce  témoignage  avant  la  fin  du 
ir  siècle,  adv.  IJœres.,  1.  m,  c.  3,  n.  2  ;  elle 
a  donc  pu  avoir  plus  promptement  qu'au- 
cune autre  un  recueil  complet  et  une  tra- 
duction des  livres  saints.  Si  les  protestants 
n'en  conviennent  pas,  c'est  par  pure  opiniâ- 
treté; écoutons  néanmoins  leurs  objections. 
§  II.  Réponses  aux  objections  des  proles- 
tants. Mosheim,  Ilisl.  christ.,  sœc.  ii ,  §  6, 
note,  p.  224.  et  suiv.,  cite  saint  Jérôme  qui, 
dans  sa  préf.  sur  les  Evangiles,  dit  qu'il  y 
avait  une  différence  infinie  entre  les  diverses 
interprétations  de  l'Ecriture  sainfe,  et  que 
l'on  trouvait  presque  autant  de  versions  que 
de  copies.  Mais  le  saint  docteur  s'explique  : 
«  Pourquoi  ne  pas  corriger,  dit-il,  sur  l'o- 
riginal grec,  ce  qui  a  été  mal  rendu  par  de 
mauvais  interprètes,  plus  mal  corrigé  par 
des  ignorants  présomptueux ,  ajouté  ou 
changé  par  des  copistes  négligents  ?  »  Voilà 
trois  causes  qui  pouvaient  suffire  pour  faire 
envisager  les  divers  exemplaires  d'une  même 
version  comme  autant  d'interprétations  difl'é- 
rentes.  11  en  était  de  même  des  fautes  énor- 


mes des  manuscrits  de  la  Yulgate  moderne, 
avant  l'invention  de  l'imprimerie,  et  de  la 
version  des  Septante,  avant  que  Origène,  Lu- 
cien, Hésychiiis  ,  Eusèbe  et  saint  Jérôme 
n'eussent  apporté  le  plus  griiiul  soin  à  eo 
corriger  les  différentes  copies.  Wallon,  Pro- 
leg.  9,  n.  21.  Aussi  saint  Jérôme  ajoute,  en 
pariant  de  sa  nouvelle  version  des  Evangi- 
les :  «  Pour  qu'elle  ne  s'écartât  pas  trop  de 
la  manière  ordinaire  de  lire  en  latin,  a  lec- 
lionis  latinœ  consueludine,  nous  avons  telle- 
ment retenu  notre  plume,  que  nous  n'avons 
corrigé  que  les  choses  qui  semblaient  chan- 
ger le  sens,  et  que  nous  avons  laissé  le  reste 
comme  il  était.  »  Lectionis  latinœ  consue~ 
tudo  ne  signifie  certainement  pas  plusieurs 
versions  laites  en  différents  temps  et  par 
divers  auteurs.  Saint  Auu'usiin,  dans  sa  Let- 
tre 71  à  saint  Jérôme,  c.  4,  n.  5,  s'exprime  de 
même  sur  l'énorme  variété  des  exemplaires 
de  l'Ecriture,  in  diversis  codicibus,  et  il  ne 
s'ensuit  rien  de   plus. 

Deuxième  objection.  Plusieurs  Eglises  d'I- 
talie, comme  celles  de  Milan  et  de  Havenne, 
ont  usé  de  plusieurs  versions  différentes, 
avant  et  après  celle  de  saint  Jérôme;  aucun 
savant  ne  peut  en  disconvenir. — Réponse.  Si 
par  versions  différentes  on  entend  dilTérents 
exemplaires  plus  ou  moins  corrects  de  l'an- 
cienne Yulgate,  nous  en  convenons  avec 
saint  Jérôme  et  saint  Augustin,  et  cela  ne 
pouvait  pas  être  autrement,  si  l'on  veut  par- 
ler de  différentes  traductions  faites  par  dif- 
férents auteurs,  et  conclure  de  là  que  c'était 
une  liberté  dont  ces  Eglises  étaient  en  pos- 
session ;  nous  le  nions  absolument,  parce 
que  le  contraire  est  prouvé.  Nous  avouons 
encore  que  quand  la  nouvelle  version  de 
saint  Jérôme  parut,  plusieurs  Eglises  ne 
voulurent  pas  l'adopter,  et  conservèrent 
daiis  l'office  divin  l'ancienne  Vulgale,  par 
respect  pour  son  antiquité  ;  c'est  ce  qui  dé- 
montre la  vérité  de  noire  sentiment  et  la 
fausseté  de  celui  des  protestants.  Mais  ils  ne 
pYouveront  jamais  que,  depuis  celte  époque, 
il  y  eut  encore  en  Occident  d'autres  ver- 
sions que  ces  deux-là,  suivies  dans  aucune 
église  quelconque. 

Troisième  objection.  Entre  les  quatre 
exemplaires  de  la  version  italique  des  Evjin- 
giles,  |iubliés  à  llome  en  1749  par  le  Père 
Blanchini,  il  y  a,  quoi  qu'en  dise  l'éditeur, 
des  différences  qui  ne  peuvent  pas  élre  de 
simples  variantes  de  copistes  :  ce  sont  doue 
des  interprétations  diverses  du  texte,  don- 
nées par  différents  traducteurs.  —  Réponse. 
Jusqu'à  ce  que  l'on  nous  ail  montré  ces  dif- 
férences essentielles,  nous  nous  en  rappor- 
terons plutôt  au  sentiment  de  l'éditeur  qu'à 
l'opinion  des  critiques  prolestants,  toujours 
portés  par  l'intérêt  de  système  à  juger  de 
travers.  En  général  c'est  une  fausse  règle 
de  critique  de  décider  que  les  diverses  le- 
çons des  manuscrits  ne  peuvent  pas  venir 
uniquement  de  l'ignorance,  de  l'inallcnlion 
ou  de  la  témérité  des  copistes,  qui  osaient 
corriger  ce  qu'ils  n'entendaient  pas,  coiunie 
l'a  remarqué  saint  Jérôme.  Dans  combien 
d'occasions  le  changmienl,  l'addition  ou  l'o- 


1113 


VUL 


VOL 


1114 


mission  d'une  syllabe  ou  d'une  seule  ledre 
ne  peuvent-ils  pas  altérer  absolument  le 
sens  d'un  passage  et  présenler  l'erreur  au 
lieu  de  la  vérité  ?  Mour  en  élre  convaincu, 
il  suffit  d'avoir  corrigé «luelquefois  les  épreu- 
ves d'un  imprimeur.  Quelles  fautes  énormes 
n'a-t-ou  pas  trouvées  dms  plusieurs  ma- 
nuscrits des  auteurs  profanes  1  Encore  une 
fois,  Origène,  Uom.  15  in  Jerem.,  num.  5; 
Hom.  10,  n.  10  ;  et  saint  Jérôme,  Pncfut.  in 
lib,  Paralip.,  ont  rcniariiué,  entre  les  divers 
exemplaires  du  grec  des  Septante,  dos  diffé- 
rences pour  le  moins  aussi  considérables 
que  celles  qui  se  trouvaient  dans  les  copies 
delà  VulgaCe  latine;  il  ne  s'ensuit  pas  do 
là  que  les  premiers  venaient  de  diflércnts 
traducteurs  ,  el  (lue  les  Eglises  gr<'cqufS 
avaient  adopté  dilïérenies  versions.  Lorsque 
les  Pères  ont  attriliuc  à  la  malice  des  Juifs 
les  dilTérences  essc'iilielles  qu'il  y  a  entre  le 
texte  hébreu  et  la  version  des  Septante,  les 
critiques  prolestants  se  sont  élevés  contre 
cette  accusaliun;  ils  ont  soutenu  que  tout 
cela  |iouvail  venir  uniquement  du  peu  de 
.«;oin  et  d'habileté  des  copistes;  à  présent 
nous  les  voyons  raisonner  différemment, 
parce  que  leur  intérêt  a  changé. 

Quatrième  objection.  Les  diverses  parties 
du  Nouveau  Testament  n'ont  pu  être  ras- 
semblées avant  le  commencement  du  ii* 
siècle  ;  il  a  dune  été  impossible  d'en  faire, 
avant  cette  épo(|ue,  une  traduction  latine. 
—  Réponse.  Une  traduction  coiii|ilète  et  en- 
tière, cela  est  clair;  mais  pourquoi  n'au- 
rait-on pas  traduit  ces  dilTcrenies  parties  à 
mesure  qu'elles  jiaraissaient  el  que  l'on  en 
acquérait  la  connaissance  ?  Personne  n'a  osé 
afûrmer  que  cette  traduction  a  été  faite  par 
un  même  auteur,  ni  en  fixer  précisément  la 
date;  c'est  assez  pour  nous  d'avoir  montré 
qu'il  n'a  été  nulle  part  plus  aise  (lu'à  Uome 
de  rassembler  lous  ces  écrits  et  de  les  tra- 
duire; il  a  suffi  de  lire  seulement  l'Evangile 
de  saint  Jlallbieu ,  pour  avoir  envie  de 
mettre  en  latin  l'Ancien  Testament  «les  Sep- 
tante. Ici  nous  répétons  encore  que  les  pro- 
testants oublient  ce  qu'ils  ont  éccit  touchant 
l'empressement  des  premiers  prédicateurs  de 
l'Evangile,  de  faire  lire  l'Ecriture  sainte  aux 
fidèles,  et  touchant  la  nécessité  des  Bibles 
en  langue  vulgaire  ;  mais  ils  n'ont  jamais 
£té  constants  dans  aucune  assertion. 

Cinquième  objection. 'siûnV  Augusîin,  lib.ii, 
de  DucC.  christ.,  cap.  11,  n.  Iti,  dit  :  n  Un 
peut  compter  le  nombre  de  ceux  qui  ont 
traduit  les  Ecritures  d'hébreu  en  grec,  mais 
les  interprètes  latins  sont  innombrables. 
Dans  les  premiers  temps  de  la  loi,  luul  écri- 
vain à  qui  le  texte  grec  tombait  entre  les 
mains  et  qui  croyait  enleniire  les  deux 
langues,  en  entreprit  la  traduction.  »  Ibid., 
cap.  13,  n.  22  :  «  Parmi  ces  différentes 
interprétations,  l'on  doit  préférer  l'i/d/i'/ite; 
elle  est  la  plus  liitéiale  el  la  plus  claire  pour 
le  sens.  »  Vainement,  dit  .Moslieim,  veui-on 
tirer  avantage  de  ces  dernières  paroles; 
1"  elles  signifient  seulement  que  parmi  les 
différentes  versions  latines  dont  on  se  servait 
en  Afrique,  il  y  eu  avait  une  que  l'on  uom- 


mail  italique,  soit  parce  qu'on  l'avait  reçue 
d'ilalie,  soit  parce  que  l'auleur  était  italien, 
soit  parce  que  plusieurs  églises  d'Italie  s'en 
servaient  ;  tout  cela  est  incertain  ;  2"  ce  nom 
même  témoigne  que  ce  n'étail  pas  celle  de 
Uome,  autrement  saint  Augustin  l'aurait  ap- 
pelée la  version  romaine:  Û"  puisque  ce  Père 
souhaite  (ju'on  la  préfère,  on  ne  la  préferait 
donc  pas  encore  aux  autres  ;  si  elle  avail  été 
d'un  usage  commun,  il  aurait  dit,  notre  ver- 
sion, la  version  vulgaire,  lu  version  publi- 
que ;  h°  de  ce  qu'il  la  regardait  comme  la 
meilleure ,  il  ni;  s'ensuit  pas  (|u'ellc  le  fût, 
puisqu'il  n'était  jias  en  état  de  la  comparer 
avec  le  grec,  n'a>anl  point  appris  celle  lan- 
gue. —  Réponse.  Il  n'est  pas  question  de  sa- 
voir si  en  Afrique  ou  ailleurs  il  y  avilit  plu- 
sieurs versions  lalines  faites  par  différents 
auteurs,  mais  si  elles  étaient  d'usage  dans 
les  Eglises  ;  .Mosheim  le  suppose  sans  preuve, 
saint  Augustin  ne  le  dit  point,  et  nous  avons 
prouvé  le  contraire.  Ce  critique  reconnaît 
lui-même  que  le  passage  en  question  est  une 
exagération,  et  ((u'il  ne" faut  pas  le  prendre 
à  la  letire.  Croirons-nous  que,  dés  le  com- 
raencenient  du  a'  siècle,  il  y  a  eu  dans  l'E- 
glise un  grand  nonihre  d'hommes  assez  cou- 
rageux pour  entreprendre  une  version  com- 
plète de  l'Ecriture  sainte  de  grec  en  laiin? 
Chez  les  tirées  il  >  avait  au  moins  six  ver- 
sions de  l'Ancien  Teslamenl  bien  connues, 
puisque  Origène  les  avait  rassemblées  dans 
ses  Oclaples;  cela  ne  diminua  point  ratta- 
chement (les  l{glises  grecques  pour  celle  des 
Septante.  Donc  il  en  a  été  de  même  dans  les 
Eglises  latines  à  l'égard  de  l'ancienne  Yul- 
fjate.  11  y  a  de  l'enlélement  à  soutenir  que 
iliila  interpretntio  n'est  pas  la  même  chose 
que  lalinus  interpres,  comme  saint  Augustin 
l'appelle  ailleurs.  Peu  imiiorte  qu'il  l'ail 
nommée  ainsi,  plutôt  que  romuinr,  nfriciiine, 
vulgaire,  etc.,  dès  ((u'il  est  certain  que  les 
églises  n'en  suivaient  point  d'autr<"  dans 
l'usage  ;  lorsqu'il  dit  ((u'elle  est  préférable, 
c'est  un  signe  d'approliaiinn  donné  à  l'usage 
établi,  et  non  un  désir  de  ce  qui  n'élait  [as 
enc<ire.  Puis(]uc  samt  Au.;ustin,  lipisl.  71 
ail  llieron.,  cap.  'i-,  n.  (>,  témoigne  à  saint 
Jérôme  qu'il  a  confronle  sa  nouvelle  Ira- 
duclion  latine  du  Nouveau  Testament  avec 
le  texte  grec,  nous  ne  voyons  pas  pourquoi 
il  n'a  pas  pu  faire  la  même  chose  à  l'égard 
des  Se|)tante  ;  il  a  pu  du  moins  consulter 
ceux  qui  eniendaiiul  le  i^iec.  mieux  que  lui, 
el  s'en  liera  leur  Icmoignage.  Uairs  ses  dis- 
putes contre  les  manichéens,  les  ariens,  les 
donatistes  ,  les  pêlagiens,  il  n'a  jamais  été 
question  de  la  différence  des  versions  de  la 
Bible  ;  il  n'en  est  p;is  de  même  de  nos  disputes 
contre  les  protestants. 

Où  était  donc  le  bon  sens  ordinaire  do 
Alosheim,  lorsqu'il  a  tourné  en  ridicule  les 
soins  que  se  sont  donnés  d(;  savants  catholi- 
ques, tels  que  Nobiliiis,  le  P  Morin,  don» 
Marlianay,  doin  Sabalier,  le  P.  filancliini  et 
d'autres,  pour  rechercher  et  rasseinïiler  les 
restes  de  l'ancienne  Vulyate  ,  telle  ((u'elli'.- 
était  avant  saint  Jérôme,  el  pour  en  donner 
une  édition  complète  ?  11  devait  savoir  que 


îMftS 


VUL 


VUL 


Ht6 


tou«  les  monuments  anciens  sont  précieux  à 
riîplise  cjilholique,  purcc  qu'elle  y  découvre 
,101'jours  de  nouvelles  preuves  de  la  vérité  de 
s.-i  loi  et  de  la  fausseté  de  celle  dos  protes- 
tants. 

Sixième  objection.  En  considérant  les  dif- 
férenies  manières  dont  saint  Cyprien  cite 
l'Ecriiure  sainle,  on  voit  qu'il  avaii  sous 
1rs  yeux  dilTércnles  versions,  et  qu'il  suivait 
taniôl  l'unr  e(  taniôl  l'autre.  C'est  l'oliscrva- 
lion  de  Basn.ip;e,  Jlisl.  île  l'Eglise,  I.  ix,  c.  1 
et  '2.  —  Héponse.  On  voit  plutôt  qii'il  n'en  co- 
piait aucune,  qu'il  citait  l'Ecriiure  d,'  mé- 
moire, et  qu'il  faisait  moins  d'attention  à  la 
lettre  qu'au  sens.  Les  autres  Pères  latins 
ont  souvent  fait  de  même,  et  les  Pères  ijrecs 
n'en  oui  pas  agi  autrement  à  l'égard  de  la 
version  des  Septante;  c'est  un  fait  reconnu 
par  tous  les  savants. 

Septième  objection.  Saint  Grégoire  le 
Grand  (|ui  vivait  à  la  fin  du  vr  siècle,  dans 
sa  Lettre  sur  le  livre  de  Job,  déclare  qu'il  se 
sert  tantôt  de  l'ancienne  version,  et  tantôt 
de  la  nouvelle,  et  que  tel  est  encore  l'usage 
de  l'Eglise  de  l<ome  ;  il  en  a  été  de  même  de 
plusieurs  autres  Eglises  jus(iu'au  ix°  ou  au 
\'  siècle,  preuve  évidente  que  toutes  les 
Eglises  ont  joui  ius(iu'alors  de  laplusgrande 
liberté  sur  le  choix  des  versions  do  l'Ecri- 
ture sainte.  —  Réponse.  Il  aurait  été  de  la 
bonne  foi  d'avouer  aussi  que  saint  Grégoire, 
dans  SCS  Morales  sur  Job,  1.  xx  ,  c.  23,  re- 
connaît que  la  nouvelle  version  de  saint 
Jérôme  étail  généralement  plus  fidèle  et  plus 
claire  que  l'ancienne  Vulgale ;  ainsi  en  ju- 
gèrent tous  les  savants  :  aussi  plusieurs 
églises  l'adoplèrenl  sans  hésiter  ;  nous  le 
verrons  ci-après.  D'autres  conservèrent  l'u- 
sage de  l'ancienne,  et  on  ne  leur  en  fit  pas 
un  crime  ;  les  papes  ne  s'y  opposèrent  point, 
saint  Jérôme  ne  s'en  plaignit  point,  nous 
avons  vu  au  contraire  qu'il  le  trouva  bon, 
surtout  à  l'égard  des  psaumes;  aucun  con- 
cile ne  statua  rien  sur  ce  sujet.  Mais  cet  at- 
tachement constant  de  plusieurs  églises  à 
l'ancienne  Vulgale  prouve -t-il qu'avant  celte 
époque  ces  églises  n'avaient  aucune  prédi- 
lection pour  cette  version,  qu'ici  l'on  en  sui- 
vait une  et  là  une  autre?  Encore  une  fois,  il 
est  absurde  d'imaginer  que  les  églises  d'Oc- 
cident, libres  jusqu'alors  de  choisir  tille  tra- 
duction qu'elles  voulaient,  se  sont  attachées 
tout  à  coup  à  l'ancieune  Vulyate,  préféra- 
bleoient  à  une  version  nouvelle  que  l'on  as- 
surait cependant  être  meilleure  que  l'an- 
cienne, (iela  ne  s'est  jamais  vu;  mais  de 
même  que  l'amour  de  la  nouveauté  est  le 
caractère  dislinctif  de  l'hérésie,  la  constance 
el  l'attachement  à  l'antiquité,  même  dans  les 
choses  indifférenles,  fut  toujours  le  signe 
indubitable  de  la  véritable  Eglise. 

§  111.  Travaux  (le  saint  Jérôme  sur  VEcri- 
luie  sainte.  Il  est  beaucoup  plus  nécessaire 
de  les  bien  distinguer  que  d'en  fixer  préci- 
sément la  date.  1'  Ce  Père,  convaincu  de 
l'impc^rfection  de  la  version  grecqutï  des 
Septante,  par  conséquent  de  la  Vulf/ulr  la- 
ILue  prise  sur  celle-là,  en  entreprit  une  nou- 


velle sur  le  texte  hébreu,  après  avoir  beau- 
coup étudié  celte  langue.,  et  rassemblé  des 
exemidairesà  grands  Irais,  ainsi  (ju'il  le  ra- 
conte lui-même.  2' Comme  le  grec  des  Sep- 
tante était  beaucoup  plus  coi  rect  dans  les 
Jlcxuptes  crOrigène  que  partout  ailleurs,  il 
fit  une  nouvelle  version  latine  des  Septant» 
sur  ce  grec  ainsi  corrigé  ,  Prœfal.  in  lib. 
l'ainlip.  Saint  Augustin  l'y  avait  exhorte  , 
Episi.  71,  c.  i,  n.  (3.  3  Sur  le  Nouveau  Tes- 
tament ,  après  avoir  confronté  plusieurs 
exemplaires,  afin  d'y  choisir  la  meilleure 
leçon,  il  en  composa  une  nouvelle  traduc- 
tion latine,  à  la  sollicitation  du  jiape  Da- 
mase.  .Mais  il  aiteste  qu'il  ne  s'écarta  de 
l'ancienne  Vtilyate  que  dans  les  choses  qui 
semblaient  changer  le  sens,  P rce fat.  in  Evang. 
Oiie  l'on  appelle  ce  travail  une  nouvelle  ver- 
sion, ou  une  simple  correction,  cela  ne  fait 
rien  à  la  chose. 

Comme  l'opinion  générale  était  que  les 
Septante  avaient  été  inspirés  de  Dieu, 
comme  d'ailleurs  les  différentes  Eglises  la- 
tines étaient  accoutumées  et  très^attachées 
à  l'ancienne  Vulgale,  la  nouvelle  version  de 
saint  Jérôme,  prise  sur  le  texte  hébreu,  es- 
suya d'abord  des  censures  atnères  ;  on  accusa 
l'auteur  d'avoir  préféré  les  visions  des  Juifs 
aux  lumières  surnaturelles  des  Septante; 
mais  il  trouva  bientôt  un  plus  grand  nom- 
bre d'approbateurs,  en  particulier  les  sou- 
verains pontifes  ;  saint  Augustin,  qui  avait 
conunencé  par  désapprouver  son  dessein, 
finit  par  applaudir  à  son  ouvrage.  Plusieurs 
Eglises  adoptèrent  la  nouvelle  version,  par- 
liculièroment  celle  des  Gaules;  plusieurs  sa- 
vants, même  chez  les  Grecs,  en  firent  l'é- 
loge. Cependant ,  pour  tâcher  de  contenter 
tout  le  monde,  le  saint  docteur  fit  encore 
une  troisième  traduction  de  l'Ecriture,  dans 
laquelle  il  se  rapprocha  tant  qu'il  put  des 
S<  plante,  par  conséquent  de  l'ancienne  Vul- 
gale. C'est  celte  dernière  version  ainsi  re- 
touchée qui  a  été  adoptée  peu  à  peu  par 
toutes  les  Eglises  de  l'occident,  et  nommée 
pour  ce  sujet  la  Vulgale  moderne.  Voyez  les 
J'rolég.  de  la  Bibliolh.  sacrée  dcsaint  Jérôme, 
Op.  t.  1.  L'on  y  a  conservé  la  prophétie  de 
Bôruch,  la  Sagesse  ,  rEcclésiasti(|ue  ,  les 
deux  livres  des  Macliabées,  el  surtout  les 
Psaumes,  tels  ([u'ils  étaient  dans  l'ancienne 
Vulgale.  Nous  avons  vu  que  saint  Jérôme 
fut  lui-même  de  cet  avis,  afin  d'épargner  au 
peuple  le  désagrément  d'entendre  chanter 
les  psaumes  d'une  autre  manière  que  celle  à 
laquelle  il  était  accoutumé  dès  l'enfance;  on 
y  a  seulement  fait  quelques  corrcciions  ab- 
solument nécessaires,  (letle  conduite  fait 
certainement  honneur  à  la  sagesse  des  pas- 
teurs et  au  désintéressement  de  saint  Jé- 
rôme; elle  démontre  (|ue  ce  saint  vieillard, 
qui  a  mérité  aussi  justement  que  Origène  U 
nom  d'Adamiintius  ou  d'infatigable,  ne  Ira- 
vailbiit  ni  pour  sa  réputation  ni  parambitioa 
de  faire  la  loi  à  personne,  qu'il  n'avait  point 
d'antre  but  que  la  purelé  de  la  foi,  la  per- 
fe(^iion  de  la  piété,  l'édification  des  fidèles  et 
la  gloire  de  l'Eglise.  La  manière  d'agir  bien 
différente  de  tous  les  novateurs  prouve  cvi- 


1117 


VUL 


VUL 


JH8 


demment  qu'ils  étaient  animés  par  des  mo- 
tifs (le  toute  autre  espèce. 

(^ola  n'a  pas  cinpôclié  plusieurs  critiques 
nicdcincs  de  s'atlacher  à  ilé|iriiiior  taut 
qu'ils  oui  pu  le  mérite  des  IravauiL  de  ce 
saiul  ducieur  ;  si  on  les  en  croit,  il  n'avait 
p.is  une  connaissance  assez  parlaitc  de  l'hé- 
breu pour  être  en  état  d'eu  donner  une 
bonne  trailuction.  Ils  ont  apporté  en  preuve 
un  {{rami  nombre  d'élyinolof^ies  de  mots  lié- 
brcux  qu'il  a  données,  et  qui  leur  p;irai$sent 
fausses.  Mais  le  savant  éditeur  des  ouvraj^es 
de  ce  Pérc  a  fait  voir  que  ces  censeurs,  en 
l'accusant  d'i[;norani;e,  n'oni  réussi  qu'à  dé- 
montrer la  l(Mir.  Proleg.  l)  in  II  toni.,  n.  3, 
et  eut.  'iiUl.  Ce  iiu'il  y  a  de  certain,  c'est  c|ue 
Jiaint  .I6r6ine  semble  .ivoir  saisi  la  vraie  clef 
des  élymologies  liél>i;aïques,  en  ciierchant  le 
sens  des  uiols  composes  dans  les  racines 
monosyllabes,  Si  tous  Icshébraïsants  avaient 
fiiil  de  niéiue,  ils  ne  se  seraient  peut-être 
pas  (rompes  si  souvent.  Ajoutons  que,  pour 
donner  une  bonne  version,  il  n'a  mnnqué 
d'aucun  des  secours  que  nous  avons,  et  qu'il 
en  a  eu  plusieurs  que  nous  n'avons  plus.  II 
avaii  sous  les  yeux  les  six  versions  grecques 
rassemblées  et  comparées  dans  les  Octaples 
d'Origène,  et  une  septième  publiée  par  le 
martyr  Lucien;  il  est  dirPicile  de  croire 
qu'entre  sept  traducteurs  aucun  n'avait 
trouvé  le  vrai  sens  du  texte.  Outre  l'hébreu, 
sain!  Jérôme  avait  appris  le  cbaUléen,  le  sy- 
riaque et  l'égyptien  ;  il  ne  peut  pas  avoir  vécu 
si  lon;;lemps  dans  la  Palestine,  sans  avoir 
eu  quelques  notions  de  la  langue  arabe,  et  il 
savait  parf^iitement  le  grec;  il  était  donc, 
pour  ainsi  dire,  une  polyglotte  vivante.  11  a 
été  à  portée  de  comparer  la  prononciation 
des  juifs  de  son  temps  à  celle  que  Origène 
avait  imprimée  dans  ses  Oclaples  par  des 
lettres  grecques.  Il  avait  vu  l'I.'gyple,  et  il 
parcourut  la  l'alesline  pour  voir  la  situation 
et  la  distance  des  lieux  dont  il  est  parlé  dans 
le  lexte  sacré.  Y  a-t-il  aujourd'hui  un  lié- 
braïsant  qui  puisse  se  flutier  d'être  aussi 
bien  instruit?  A  la  vérité  il  n'y  avait  pour 
lors  ni  grammaires  ni  dictionnaires  hébriiï- 
ques;  mais  ceux-ci  ne  sont  que  le  résultat 
d<s  observations  de  ci  us  qui  avaient  appris 
l'hébreu  sans  ce  secours;  c'est  saint  Jérôme 
qui  a  donné  le  premier  modèle  d'un  dic- 
tionnaire de  mots  hébreux.  Il  y  a  donc  au- 
tant d'ingratitude  que  de  témérité  de  la  part 
des  critiques,  qui  ne  lui  savent  aucun  gré  de 
ce  qu'il  a  fait  pour  leur  ouvrir  la  carrière  ; 
le  mépris  que  se  sont  attiré  ceux  qui  l'ont 
attaque  pendant  sa  vie,  devrait  rendre  plus 
circonspecis  ses  détracteurs  modernes. 

§  IV.  Décret  du  concile  de  Trente  touchant 
la  Vulgale.  Il  estconçu  en  ces  termes, sess.'*: 
«  Le  saint  concile,  considérant  qu'il  peutèlre 
très-utile  à  l'Lglisc  de  Dieu  de  savoir  quelle 
esl,  parmi  toutes  les  éditions  des  livres  sa- 
crés qui  ont  cours,  celle  que  l'on  doit  re- 
garder comme  aulhentiqne  ,  ordonne  et  dé- 
clare que,  dans  les  leçons  publi(|iies,  les 
disputes,  les  sermons  et  les  inlerpretalions, 
l'on  doit  tenir  pour  authentique  l'édition 
ancienne  alvulgaie,  approuvée  daosJ'Eglise 


par  l'usage  de  (ant  de  siècles,  de  manière 
que  personne  n'ait  l'audace  ou  la  présomp- 
tion de  la  rejeter,  sous  quelque  prétexte  que 
ce  soit.  » 

Rien  de  plus  faux  ni  do  plus  malicieux 
que  la  manière  dont  les  protestants  ont  tra- 
vesti le  sens  de  ce  décret  :  voici  ce  qu'en  n 
dit  Mosheim,  Ilisl.  ecclés.,  \\i  siècle,  secl 
;i,  I"  pari.,  c.  I ,  iî  2o  :  u  Le  pontife  romai.i 
mit  autant  d'obsiacles  qu'il  pui  à  la  connais- 
sance et  à  l'exiicle  interprétation  des  livres 
-saints,  qui  lui  purtaiiMit  tant  de  préjudice 
Il  fiil  permis  aux  dispuleurs  de  faire  les  ré 
llexioiis  les  plus  injurieuses  à  la  dignité  d'i 
texte  sacré,  d'en  mettre  l'antorilé  au-des- 
sous de  celle  du  .pape  et  de  l.i  tradition.  Kn- 
.siiite,  p.ir  un  décret  du  coneile  de  Trente, 
l'ancieniu'  version  latine  ou  Viilqate,  quoi- 
que remplie  de  faules  grossières,  écrite 
dans  un  style  b.irbare,  el  d'une  obscurité 
impénéirable  en  plusieurs  endroils,  lut  dé- 
clarée mUlientit(ue,  c'esl-à-dire  fidèle,  par- 
faite, exacte,  irrépréhensible  et  à  l'abri  de 
tonte  censure.  On  voit  assez  combien  celle 
d.'claratioii  était  propre  à  dérober  au  peuple 
le  vrai  si  ns  du  lexte  sacré.  » 

Disons  plutôt  que  l'on  voit  assez  combien 
ces  reproches  sont  fans  et  absurdes.  1"  Si 
c'est  une  réllexion  injurieuse  à  la  dignité  du 
texte  s.icré,  de  soutenir  que  souvent  il  n'est 
pas  assez  clair  pour  éire  eut  ndu  par  le  com- 
mun des  fidèles,  qu'il  leur  faut  des  explica- 
tions, les  prolestants  (larlagent  ce  crime 
avec  nous;  depuis  deux  cents  ans  ils  n'ont 
P'is  cessé  d'en  donner  des  versions,  des  com- 
mentaires, des  interprétations  ,  contraires 
en  plusieurs  choses  les  unes  aux  autres.  Ce 
sont  eux  plutôt  i|ui  insultent  à  la  parole  de 
Dieu  en  appelant  texte  sacré  leurs  versions 
erronées,  captieuses  et  contradictoires,  lis 
soutiennent  qu'après  soixante  ans  d'étude 
saint  Jérôme  n'a  pas  bien  entendu  le  lesli- 
sacré,  mais  que  chez  eux  les  ignorants  et  les 
femmes  l'entendent  à  la  simple  lecture  de 
leur  Bible.  2°  Jamais  un  théologien  catiioli- 
-que  n'a  mis  l'auloi  ité  du  lexte  sacré  au-des- 
sous de  celle  du  pape  el  de  la  traditioit  ;  tous 
ont  toujours  fonde  ces  deux  dernières  sur 
l'auloriié  même  du  texte  sacré;  nos  adver- 
saires ne  peuvent  pas  l'ignorer.  Mais  nous 
les  avons  souvent  déliés  et  nous  les  défions 
encore  de  prouver  solidement  l'autorité  di- 
vine du  texte  sacré  autrement  que  par  la  Ira- 
dilion,  c'est-à-dire  par  la  croyance  cons- 
lanle  de  l'Iîglise  juive  et  de  l'Église  chré- 
tienne :  nous  leur  avons  démontré  que  hors 
de  là  ils  donnent  dans  le  fanatisme  de  l'in- 
spiration particulière,  roy.  licKiTLUK  sainte. 
Tradition.  3  11  est  faux  qu'une  version  aa- 
thentique  soit  une  version  parfaite,  exacte 
et  sans  faute  à  tous  égards;  autlienti(/ue,  se- 
lon l'énergie  du  terme,  en  grec,  en  l.ilin  et 
en  français,  signifie  faisant  autorité.  Le  con- 
cile même  l'explique  ainsi,  on  défendant  de 
la  rejeter  sous  aucun  prétexte.  On  sait  que, 
dans  les  disputes  entre  les  catholiques  et  les 
protestants,  ceux-ci  rejetaienl  <ivec  di'daiii 
l'autorité  de  la  Vuhjute,  ils  y  opposaient 
leurs  propres  raisous,   et  tordaient  à  leur 


1119 


VUL 


VUL 


11S0 


gré  le  sens  des  passades;  c'est  celle  aodace 
que  le  concile  de  Trente  a  voulu  réprimer. 
]\i,iis  ces  docteurs  si  hautains  avaienl-ils  plus 
de   droil   de   réprouver  notre     version   que 
nous   n'en  avions  de  mépriser  les  leurs?  La 
Vulgate  était  consacrée  par  le  respect  cons- 
tant de  dix  siècles  entiers,   comme  l'observe 
le  concile  ;  les   leurs   ne  faisaient  que  d'é- 
ciore,  et  il   en   paraissait    tous  les  jours  de 
nouvelles;  à  qui  éiail-ce  de  décider  quelles 
étaient  les  meilleures?  Le  sens  ((ue  Mosheim 
a  donné   au    mol  authentique  est  si  évidem- 
ment f;iux,  que  son   traducteur  anglais  l'a 
réfuté  dans  une  noie,  t.  IV,  p.  216.  '♦"  Il  au- 
rait  fallu  montrer  eu  quoi  l'authenticité  dé- 
clarée d'une  version  est  capable  de  cacher 
au    peuple   le   vrai  sens  du  texte  sacré.  Si 
cela   est,   la  version   de  Luther  a  dû  opérer 
cet  effet  tout  comme  la    Vulgate;  car  enfin 
ce  réformiileur  soutenait  que  sa  version  al- 
lemande était  la  plus  fidèle  et  la   meilleure 
de  toutes  :  il  voulait  qu'elle  fit  autorité  dans 
sa    secte;    il    n'y  en  aurait  pas  souffert  une 
autre  s'il  en  avait  été  le  maître.  Il  lu  décla- 
rait donc  authentique ,  tout  comme  le  concile 
de  Trente  autorisait  la  Vulyate;  et  Calvin  fil 
de  même  à  son  tour  :  aujourd'hui  leurs  sec- 
laleurs  trouvent  mauvais   que   le  concile  de 
Trente    se   soit    altribué    autant    d'autorité 
qu'eux.   5"  Ce  concile,  disent-ils,  a   donné 
par   son   décret  plus  d'autorité  à  la  Vulgate 
qu'aux   originaux   sur   lesquels   elle    a    été 
faite,  afin  de  détourner  tout  le  monde  de  lire 
les    originaux.    Nouvelle  imposture,  contre- 
dite   par   les   termes    mêmes  de  ce  décret.  11 
décide  qu'elle  est,  parmi  loule^i  les  éditions  des 
livres  sucrés  qui  ont  cours,  celle  que  l'on  doit 
regarder   comme   authentiqtte.  Ces    éditions, 
qui  avaient  cours,  étaient-elles  les  originaux? 
Aux    mots   Hébreu    et    Hébkaïsant  ,     nous 
avons    fuit  voir    qu'avant  la  naissance  de  la 
prétendue    réforme    l'étude    des    ancieunes 
langues    était   très-cultivée  en  Europe,  que 
les    conciles,     les    papes,    les     souverains, 
n'avaient  rien  négligé  pour  ranimer  ce  genre 
d'érudition;  que  les  protestants  se  sont  van- 
tés très-mal   à  propos  de  l'avoir  (ait  renaî- 
tre ;  que  ce  ne  sont   point  eux  qui  nous  oui 
donné  ni    les    premières    polyglotles,   ni    les 
premières  concordances,  ni  les  livres  les  plus 
nécessaires  en  ce  genre.    La   polyglotte  de 
Ximénès,  imprimée  trente  ans  avant  l'ouver- 
ture du  concile  de  Trente,  y  a-t-elle  été  con- 
damnée,   ou   les   catholiques    y   ont-ils    été 
exhortés   à  ne  la  jamais  lire?  Depuis   cette 
époque,  l'étude  des  originaux  de  l'iiicrilure, 
loin  de  se  ralentir  parmi  nous,  a  repris  une 
nouvelle    vigueur,    a  reçu  de  nouveaux    en- 
couragements de  la  part  des  souverains  pon- 
tifes; il  suffit  de  savoir  ce  que  Cléinent  XI  a 
fait  en  ce  genre,  pour  être  ludigné  de  la  ca- 
lomnie des   protestants.  Le   cardinal  Bellar- 
min  a  prouvé  dans  une  disseriaiion,  que,  par 
le  décret  du  concile  de  Trente,  il  est  absolu- 
ment décidé  que  la  Vulgate  ne  renferme  au- 
'  cune   erreur   touchant    la    foi  ni  les  mœurs, 
iju'elle  doit  être  conservée  dans  l'usage  pu- 
blic   des  églises    et  des  écoles,  comme  dans 
les  siècles  prccédeuts  ;  il  ne  s'eusuit  pas  de 


là,  dit-il,  qu'elle  ait  plus   d'autorité  que  les 
originaux,  ni  qu'elle    soit   exemple  de  fau- 
tes. Bellarmin  cite   à  ce  sujet  le  témoignage 
des  théologiens    les  plus  célèbres,  dont  plu- 
sieurs avaient   assisté   au  concile,  et  donne    îl 
encore  d'autres  raisons.  Il  a  même  rassemblé    \ 
plusieurs  passages  qui  sont  plus  clairs  <luns 
les  textes  originaux  que  dans  la  Vuli/aie,  et 
qui   ont  été  corrigés   depuis   dans  cette  ver- 
sion;  aucun    pape   ni    aucun  théologienne 
l'en  a  blâmé.  Immédiatement  après  la  clôture 
du   concile,   Payva  d'Andrailu,  dorleur  por-     a 
lugais  qui  y  avait    assisté,   soutint  la  même    | 
chose  contre  Chemnitius  :   à  quoi  sert  de  ré-    " 
péter  aujourd'hui  des  plaintes  auxquelles  on 
a  satisfait   il   y  a  deux  cents  ans?  Voy.  Bible 
d'Avignon,  t.  I,   p.  131.  6°  Il  est  faux  qiio  la 
Vulgate  soit  aussi  défectueu$;e  que  Mosheita 
le   prétend;    d'autres    protestants  plus  judi- 
cieux   l'ont   estimée  comme  elle  le   mérite. 
Hèze  en  a  parlé  avec  modération;  Louis  de 
Dieu,  Grolius,  Drusius,  Paul  Fagius,  Mill, 
Welton,  Louis  Cappel,  etc.,  ont  fait  profes- 
sion   de    la  respecter;   plusieurs  ont  avoué 
que  c'est  la  meilleure  de  toutes  les  versions. 
C'est  le  témoignage  qu'en  rendit  l'université 
d'Oxford,  lorsqu'en  1675  elle  donna  une  nou- 
velle édition  du  texte  grec  du  Nouveau  Tes- 
tament. Mais  Mosheim  avait  plus  étudié  l'his- 
toire  ecclésiastique    que    la  critique  sacrée; 
il  aurait  dû  se  souvenir  du   mépris  avec   le- 
quel   la    plupart   des  réformateurs  reçurent 
la     version    allemande   de    l'Ecriture,    faite 
par  Luther;  plusieurs   lui   reprochèrent  son 
ignorance  en  fait   d'hébreu.  7°   Mais,  dis'-nt 
nos  adversaires,    puisque  la   Vulgate  avait 
besoin  d'être  corrigée,  le  concile  de  Trente 
aurait  dû  attendre   qu'elle   le  fût,  avant  de 
la  déclarer    authentique.    C'est    comme    si 
l'on  disait  qu'avant  d'approuver  un  livre,  il 
faut  attendre  qu'on  en  ait  fait  Verrala.  Parmi 
les  fautes  que  l'on  a  corrigées  dans  la  Vul- 
gate,  sous  Sixte  V   et  sous   Clément  VIII,  il 
n'en  est  aucune  qui  ait  pu  intéresser  la  foi 
ni  les  mœurs  ;  donc  elles   n'ont  pas  dû  em- 
pêcher le  concile  de  décider  que  celte  ver- 
sion était  exempte  d  erreur,  tant  sur  la  foi 
que  sur  les  mœurs  ;  conséquemroent  qu'elle 
était  aulhenlique  ou  faisant  autorité.  Avant 
de  mettre  à  la  main  des  fidèles  de  nouvelles 
versions,  avant  de  les  leur  donner  comme 
parole  de  Dieu,  les  novateurs  n'ont  pas  at- 
tendu qu'elles  fussent  exemptes  de  fautes, 
puisque  l'on   n'a  pas  cessé  d'y    en  corriger 
depuis  qu'elles    ont   paru.   Mais  tout  était 
permis  à  ces  nouveaux  inspirés,  rien  n'élaii 
innocent  de  la  part  des  pasteurs  calboliques. 
8"  Le  concile  défendit  encore  à  tout   inter- 
prète de  l'Ecriture  de  lui  donner,  en  mutière 
de   toi   et  de    mœurs,  un  sens    contraire  à 
celui  que  lient   l'Eglise,  ni  un   sens  opposé 
au  seniinient  unanime  des  saints  Pères.  Loi 
dure,  dit  Mosheim,  procédé  inique  el  tgran- 
nique,  ajoute   son  traducteur.  Nous   disons 
au  contraire,  loi  juste,  sage,  raisonnée,  in- 
dispensable dans  l'Eglise  catholique  :  nous 
allons  le  prouver.  En  premier  lieu,  le  con- 
cile commence  par  déclarer  qu'il  reçoit  avec 
le  même  respect  et  la  même  piélé  tous  les 


1121 


VUL 


VUL 


il2î 


livres  de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Testament, 
et  les  Iradttions  concernant  la  foi  ol  les 
mœurs,  qui  sont  venues  de  la  bouche  de 
Jésus-(jlirist  ou  des  apôtres,  et  qui  ont  été 
conservées  jusqu'à  nous  dans  l'Eglise  catho- 
lique. Or  par  quoi  canal  nous  sont  venues 
ces  traditions,  sinon  par  l'organi-  des  P(Vcs 
qui  ont  été  do  tout  temps  les  |);isteui's  et  li's 
'docteurs  do  l'Kglise?  Uoiic  la  règle  de  I.» 
tradition  une  fois  admise,  le  concile  ne  pou- 
vait se  dispenser  de  détendre  d'intorprcler 
IT'lcriture  sainte  dans  un  sens  contraire  à  la 
tradition  ou  au  sentiment  unanime  des  Pè- 
res. Il  ne  faut  pas  oublier  que  cotte  même 
règle  est  ce  qui  dislingue  essentielletnenl  le 
catholicisme  d'avoc  le  protestantisme;  ainsi 
la  loi  établie  par  le  concile  n'est  autre  chose 
que  la  loi  du  cilholicisme.  Ko//.  Catho- 
LiyiE,  etc.  Kn  second  lieu,  cette  même  loi 
avait  été  déjà  portée  plus  de  mille  ans  au- 
paravant par  le  vi'  concile  général;  ce  n'a 
donc  pas  été  un  nouveau  joug  imposé  aux 
catholiques.  Mais  considérons  la  bizarrerie 
des  protestants  :  cent  fois  ils  nous  ont  re- 
proché de  secouer  le  joug  de  l'Ecriture 
sainte,  pour  nous  on  tenir  uniquement  à  la 
tradition;  ils  sont  convaincus  d'imposture 
par  le  décret  du  concile  de  Trente,  qui  non- 
seulement  professe  son  respect  pour  les  li- 
vres sacrés,  mais  qui  nous  ordonne  de  les 
interpréter  selon  la  tradition,  et  non  selon 
notre  opinion  particulière.  Si  cotte  loi  pa- 
rait dure  aux  protestants,  ça  donc  été  pour 
se  mettre  plus  à  leur  aise  qu'ils  ont  pris 
pour  seule  règle  de  foi  l'Ecriture  sainte,  bien 
convaincus  qu'elle  no  les  incommoderait  ja- 
mais, tant  qu'ils  seraient  les  maîtres  de 
l'entendre  comme  il  leur  plait.  En  troisième 
lieu,  par  représailles,  nous  avons  reproché 
plus  d'une  lois  à  nos  adversaires  de  suivre 
dans  la  praticjue  la  même  règle  que  nous, 
en  affectant  de  la  blâmer.  Un  luthérien,  un 
anglican,  un  calviniste  ,  un  sociuien  ,  n'est 
réputé  orthodoxe  dans  sa  secte  qu'autant 
qu'il  entend  l'Ecriture  dans  le  sens  con)mu- 
nément  reçu  dans  cette  société;  s'il  fait  pro- 
fession publique  de  l'inlerpréler  autrement, 
c'est  un  faux  frère,  un  faux  docteur,  un  in- 
digne pasteur,  etc.,  on  lui  dit  anatlième  : 
témoin  le  synode  do  Donlrecht,  les  confé- 
rences entre  les  luthériens  ol  les  cahiuisles, 
entre  ceux-ci  et  les  sociniens,  etc. 

Ce  n'est  pas  tout  :  le  concile  de  Trente 
ajoute  que  c'est  à  l'Eglise  de  juger  du  vrai 
sens  et  de  l'inlerpréialion  des  Ecritures; 
autre  conséquence  nécessaire  du  principe 
qu'il  avait  établi.  >losheim  travestit  encore 
celle  décision;  il  dit  que  le  concile  assura  à 
l'Eglise  seule,  ou  à  son  chef,  le  pontife  ro- 
main, le  droit  de  juger  du  vrai  sens  de  l'E- 
criture. Ce  trait  no  peut  pas  venir  d'igno- 
rance; tout  le  monde  sait  que,  par  V Eglise, 
la  société  enlière  des  catholiques  a  toujours 
entendu,  non  le  chef  ni  les  membres  seuls, 
mais  les  membres  unis  à  leurs  chefs,  et  le 
pasteur  uni  au  troupeau.  N'impoito,  Mos- 
heim  était  sûr  d'avance  que  plus  une  ca- 
lomnio  contre  nous  est  noire  et  absurde, 
mieux  elle  est  accueillie  chez  les  prolestants. 


Enfin,  pour  comble  de  malignité,  il  affirme 
que  l'Eglise  romaine  continua  de  soutenir 
plus  ou  moins  ouvorlemoni  que  les  livres 
sacrés  n'ont  pas  été  faits  pour  la  peuple, 
mais  pour  les  docteurs,  et  qu'elle  ordonna 
d'enipêchor,  paiiout  où  l'on  pourrait  ,  le 
peuple  de  la  lire.  A'aincmenI  nous  exigerions 
t)ue  l'on  nous  produise  une  bulle  de  queli|ue 
pape,  un  décret  de  concile  particulier,  un 
m.indonient  d'évéquo,  un  statut  synodal,  au 
moins  la  décision  d'un  théologien  dr  marque, 
où  il  soit  question  de  celte  ordonnance;  on 
ne  nous  répondra  rien,  et  les  protestants 
conlinueronl  d'ajouter  foi  à  l'imposteur 
Mosheim.  Il  avoue  néanmoins  ,  dans  une 
noie,  qu'en  France  et  dans  quehjues  autres 
pays  les  la'i'i)ues  lisent  l'Ecriture  sainte  sans 
aucune  réclamation  ;  mais  c'est  ,  dit-il  , 
maluré  les  partisans  du  pape.  Y  a-t-il  donc 
en  France  ou  ailleurs  un  catholique  qui  ne 
soit  pas  partisan  du  pape?  On  ne  concevrait 
rien  à  ce  trait  de  satire,  si  l'on  ne  savait 
d'ailleurs  que  Mosheim  en  voulait  à  la  cons- 
titution UnigeniCus.  Quesnel,  animé  du  même 
esprit  que  les  protestants,  pour  répandre 
parmi  le  peuple  les  erreurs  délayées  de  ses 
réflexions  morales  sur  le  Nouveau  Testa- 
ment, y  enseigna  que  la  lecture  de  l'Ecrilure 
sainte  est  non-seulement  utile,  mais  néces- 
saire en  tout  temps,  en  tout  lieu,  à  toute 
personne;  que  l'obscurité  de  ce  saint  livre 
n'est  point,  pour  les  la'i'ques.  une  raison  de 
se  dispenser  do  le  lire,  que  c'est  une  obliga- 
tion de  le  faire,  surtout  les  jours  de  diman- 
ches; que  les  pasteurs  n'ont  aucun  pouvoir 
de  leur  interdire  la  lecture  du  Nouveau  Tes- 
tament, parce  que  ce  serait  une  espèce  d'ex- 
communication ,  etc.  Prop.  79-85.  Clé- 
ment XI  condamne  ces  propositions  parce 
qu'elles  sont  fausses.  Il  est  faux,  en  effet, 
que  la  leclure  des  versions  de  l'Ecriture 
sainte  soit  nécessaire  en  tout  temps,  puis- 
qu'il y  a  eu  des  temps  de  vertige  dans  les- 
quels cette  lecture  était  dangereuse  et  per- 
nicieuse à  des  esprits  avides  d'erreur  et 
ivres  de  fanatisme;  aussi  a-t-clle  été  dé- 
fendue en  Angleterre  à  la  naissance  de  la 
réforme,  comme  elle  l'a  été  en  France  à  cer- 
taines personnes  à  la  naissance  du  jinsé- 
niscne.  Mosheim  lui-même  a  cité  plusieurs 
exemples  des  mauvais  cITels  (jue  cotte  lec- 
ture a  produits  dans  certains  temps.  Kien 
n'est  donc  plus  injuste  que  la  censure  qu'il 
fait  ici  de  la  sage  conduite  des  pasteurs  ca- 
tholiques. 

§  y.  Des  diffe'rentes  rdilions  et  corrections 
de  la  Vulgate.  Nous  en  avons  parlé  au  mol 
Bibles  latines;  mais  nous  nous  sommes 
trompé  en  disant  qu'il  ne  reste  point  de  li- 
vres entiers  de  l'ancienne  Vulgnle  ou  ver- 
sion latine  italique,  que  les  Psaumes,  le 
livre  de  la  Sagesse  et  l'Ecclésiastique,  puis- 
qu'il reste  encore  les  deux  livres  des  Ma- 
chabées  :  nous  ignorions  d'ailleurs  les  faits 
suivants.  En  1710,  dom  Martiana>  publia  de 
cette  même  versmn  les  livres  de  Job,  de  Ju- 
dith, et  l'Evangile  de  saint  Matthieu  ;  en 
17i8,  le  Père  Hlanchini  ,  de  l'Oratoire  de 
saint  Philippe  de  Néry,  mit  au  jour  à  Kome 


HÎ5 


WIC 


WIG 


1124 


•lualre  exemplaires  des  quaire  Evangiles; 
Luc  de  Bruges,  rnorl  on  1619,  a  témoigne 
(  u'il  avait  vu  dans  l'abbaye  de  Malmédy,  au 
diocèse  de  Liège,  un  manuscrit  conlenant 
toutes  les  épîlres  de  saint  Paul;  enfin  le 
P.  Buriel,  jésuite,  il  y  a  quelques  années, 
annonça  qu'il  avait  découvert  à  Tolède  deux 
iiianus'crils  golhiques  de  l'ancienne  Yulgale. 
Il  y  a  donc  lieu  d'espérer  qu'en  rassemblant 
cl  en  comparant  tous  ces  monuments,  l'on 
pourra  donner  dans  la  suite  une  Bible  la- 


tine complète  telle  qu'elle  était  en  nsage 
pendant  les  quatre  premiers  siècles  de  l'E- 
glise. Cet  ouvrage  est  1res  à  soubailer  ;  la 
conformité  de  tant  de  manuscrits  découverts 
dans  les  diverses  contrées  de  l'Europe  achè- 
vera de  démontrer  la  fausseté  du  sentiment 
dos  proleslants,  qui  soutiennent  que  dans 
ces  temps  anciens  il  n'y  avait  aucune  ver- 
sion généralement  adoptée,  et  que  les  dilTé- 
rentes  églises  avaient  la  liberté  de  choisir 
celle  qui  leur  plaisait  davantage. 


w 


*  WALKÉRISTES.  Le  rêve  de  certains  esprits 
est  de  rsmener  le  clirisli;inisnie  priiiutif.  Les  wal- 
kérisies,  secie  prolestaiile,  se  propciseiit  ce  linl.  Ils 
n'atlmeileiil  pas  de  sacerdoce ,  ils  confient  l'ailini- 
nisliatioii  de  leur  église  aux  anciens.  Ils  ne  liap- 
liseiil  piiinl,  parcK  (pie  saint  Paul  du  dans  son  E[iilre 
aux  Lpliésieiis  ipi'il  sullil  de  bien  élever  ses-eiilaiil-i, 
el  (pi'iliissure  (pi'il  n'a  point  baplisé.  Ils  se  réunissent 
le  preiniei  jour  de  la  semaine  en  inéinnire  de  la  ré- 
surrecliwj,  fent  lin  repas  de  cliariié  el  offrent  le  pain 
elle  vin.  Les  sexes  sont  séparés  dans  les  assemblées 
relis;ii'usesqiii  se  lerinineiiipar  Te  baiser  de  paix.  Dés 
lS(i61es  walkéiisies  forinaienl déjà  iilusieurs-assiocia- 
lidiis  a  Kubliii,  à  Londres,  etc.  Walker,  l'undes  lon- 
daiciirs  de  la  socle,  lui  duima  son  nom. 

WICLEFITES,  sectes  d'hérétiques,  qui  prit 
naissance  eu  Angleterre  dans  le  xiv°  siècle; 
elle  eut  pour  auleur  Jean  Wiclef,  professeur 
dans  l'université  d'Oxford,  et  curé  de  Lutter- 
Avorlh,  dans  le  diocèse  de  Lincoln. 

Durant  les  divisions  qui  arrivèrent  l'an 
13tJ0  d.iiis  cette  université,  entre  les  moines 
mendianis  et  les  prêlres  séculiers  ,  Wiclef 
prit  la  défense  des  privilèges  de  ses  confrè- 
res ;  mais  ayant  été  obligé  de  céder  à  l'au- 
torité du  pape  el  des  évêques  qui  protégeaient 
les  moines,  il  résolut  de  s'en  venger.  Dans 
ce  dessein,  il  avança  plusieurs  propositions 
conlraires  au  droit  qu'ont  les  ecclésiastiques 
de  posséder  des  biens  temporels,  d'exercer 
une  juridiclion  sur  les  laïques,  et  de  porter 
les  censures  ;  par  là  il  gagna  l'alTection  des 
chefs  du  gouvernement ,  dont  l'autorité  se 
trouvait  souvent  gênée  par  celle  du  clergé, 
et  la  faveur  des  grands  qui  ,  ayant  usurpé 
les  biens  de  l'Eglise  ,  méprisaient  les  cen- 
sures portées  contre  eux.  Pour  punir  Wi- 
clef de  cette  conduile  ,  Simon  Langham, 
archevêque  de  Gantorbéry,  lui  ôla,  en  13G7, 
la  place  qu'il  avait  dans  l'université  ,  et  la 
donna  à  un  moine  ;  le  pape  Urbain  V  ap- 
prouva ce  procédé  de  l'archevêque.  Wiclef 
irrité  ne  garda  plus  de  mesures,  il  attaqua 
plus  vivement  qu'il  n'avait  encore  fait  le 
souverain  pontife,  les  évoques,  le  clergé  en 
général  et  les  moines.  La  vieillesse  et  la  ca- 
ducité d'Edouard  III,  jointes  à  la  minorité  de 
lUchard  II ,  turent  des  circonstances  fiivo- 
rables  pour  dogmatiser  iinpuncmeiit  ;  Wiclef 
en  profita.  11  enseigna  ouverlement  que  l'E- 
glise romaine  n'esi  point  le  chef  des  autres 
Eglises;  que  les  évoques  n'ont  aucune  su- 
périorilé  sur  les  prélrcs;  que,  sciwu  ia  loi 


de  Dieu,  le  clergé  ni  les  moines  ne  peuvent 
posséder  aucun  bien  temporel;  que,  lors- 
qu'ils vivent  mal,  ils  perdent  tous  leurs  pou- 
voirs s[iirituels  ;  que  les  princes  et  les  sei- 
gneurs sont  obligés  de  les  dépouiller  de  ce 
qu'ils  possèdent,  qu'on  ne  doit  point  souffrir 
qu'ils  agissent  par  voie  de  justice  el  d'auto- 
rilé  contre  des  chrétiens,  parce  que  ce  droit 
n'.ppariieut  qu'aux  princes  et  aux  magis- 
trats. Ce  novateur,  en  soutenant  de  pareilles 
maximes,  était  bien  sûr  de  ne  pas  manquer 
de  protecteurs.  En  effel,  l'an  1377,  (Irégoire 
XI,  inlormé  de  ces  laits,  écrivit  à  Simon  de 
Sudbury  ,  archevêque  de  Ganlorbéry  ,  elà 
ses  collèp;ues  ,  de  procéder  juridi(]uenient 
contre  Wiclef.  Ils  assemblèrent  un  concile 
à  Londres,  auquel  il  fut  cité;  il  y  comparut 
accompagné  du  duc  de  Lancastre  ,  régent  du 
royaume,  et  de  plusieurs  autres  seigneurs. 
Par  des  subtilités  scolasliques,  des  distinc- 
tions ,  des  explications  ,  des  restrictions  et 
d'autres  palliatifs,  il  réussit  à  faire  paraître 
sa  doctrine  tolérable.  Les  évêiiues,  intimidés 
par  la  présence  et  par  les  menaces  des  sei- 
gneurs, n'osèrent  pousser  plus  loin  la  pro- 
cédure ni  prononcer  une  sentence  :  Wiclef 
eu  sortit  sans  essuyer  une  censure.  Cette 
impunité  l'enhardit  ;  il  sema  bientôt  de  nou- 
velles erreurs.  H  attaqua  les  cérémonies  du 
culte  reçu  dans  les  églises  ,  les  ordres  reli- 
gieux, les  vœux  iiiunastiques  ,  le  culte  des 
saints,  la  liberté  de  l'homme  ,  les  décisions 
des  conciles,  l'autorité  des  Pères  de  l'Eglise, 
etc.  Grégoire  XI,  ayant  condamné  di'i-neuf 
propositions  de  ce  novateur,  qui  lui  avaient 
été  déférées,  les  adressa  avec  la  censure  aux 
évêques  d'Angleterre.  Us  tinrent  à  ce  s^ljet 
un  concile  à  Lambeth,  auquel  Wiclef  se  pré- 
senta escorté  cl  armé  comme  la  première  fois, 
et  en  sortit  de  même  ;  il  osa  même  envoyer 
à  Urbain  VI,  successeur  de  (irogoire  XI, 
les  propositions  condamnées,  et  olîrit  d'en 
soutenir  l'orthodoxie.  Le  schisme  qui  sur- 
vint entre  deux  prétendants  à  la  papauté 
suspendit  pendant  plusieurs  années  la  pour- 
suite de  cette  alïaire  ,  el  donna  le  temps  à 
Wiclef  d'augmenter  le  nombre  de  ses  par- 
tisans,qui  était  déjà  Irès-considérable.  Mais, 
en  1382  ,  tiuillanuie  de  ("ourtenay  ,  arche- 
vêque de  Gantorbéry,  assembla  un  troisième 
concile  à' Londres  contre  Wiclef  :  on  y  con- 
damna vingt-trois,  d'autres   disent  vingt- 


il2â 


WIC 


WIC 


il26 


quairc  de  ses  propositions  ;  savoir  ,  dix 
cutmne  héréliques  ,  el  quatorze  comme  er- 
ronées, contraires  aux  ilocisionset  à  la  pra- 
tique lie  ritglise.  Les  premières  attaquaient 
l'eucharistie  ,  la  présence  réelle  de  Jésus- 
Christ  dans  ce  sacrement ,  le  sacrifice  de  la 
messe,  la  nécessité  de  la  confession  ;  les  se- 
condes, l'excommunication,  le  droit  de  prc- 
chor  la  parole  de  Dieu,  les  dîmes  ,  les  priè- 
res pour  les  morts ,  la  vie  religieuse  ,  et 
d'autres  pratiques  de  riîglise.  Le  roi  Uidiard 
soutint  par  son  autoiilé  les  décisions  de  ce 
concile;  il  commanda  à  l'université  d'Oxford 
de  retrancher  de  son  corps  Jean  Wiclef  et 
tous  ses  disciples;  elle  ohéit.  Quelques  au- 
teurs ont  écrit  que  ce  roi  bannit  Wiolef  et 
le  fit  sortir  du  royaume  :  cela  n'est  |)as  pro- 
l)ahle,  puis()u'en  1387,  cin(|  ans  seulemenl 
aprôssa  condamnation, cet  hérésiarque  mou- 
rut dans  sa  cure  de  Lulterworth,  après  cire 
tombé  en  paralysie  deux  ans  auparavant. 
D'autres  ont  douté  s'il  se  rétracta  dans  le 
concile  de  Londres  ;  s'il  ne  l'avait  pas  fait, 
Itichard  11,  déterminé  à  extirper  ses  erreurs, 
n'aurait  pas  soull'ert  qu'il  demeurât  en  An- 
gleterre, encore  moins  (ju'il  retournât  dans 
sa  cure  après  sa  condamnation.  Nous  avoue- 
rons, si  l'on  veut,  que  sarélraetation  ne  fut 
pa*  fort  sincère,  puisqu'on  mourant  il  laissa 
divers  écrits  infertés  de  ses  erreurs.  On  cite 
de  lui  une  version  de  toute  l'Ecriture  sainte 
en  ani;lai«;  de  gros  volumes  inlilulés  de  la 
Vcrilc  ;  un  troisième,  sous  le  nom  daTiiulo- 
oue  :  un  quatiièiiie,  des  dialogues  en  quatre 
livres,  qui  ont  élé  imprimés  à  Leipsicii  et  à. 
Francfort  eu  175.5;  il  en  est  encore  d'autres 
qui  n'ont  point  été  puliliés;  mais  aucun  de 
Ces  ouvrai^es  n'a  pu  mériter  à  l'auteur  la 
réputation  d'un  sivant  théologien  ni  d'un 
bon  écrivain  ;  le  docteur  \  idel'ort ,  qui  fut 
charge  de  le  réfuter  l'an  l'JiJG,  en  savait  plus 
que  lui  el  écrivait  beaucoup  mieux.  Dans 
cette  même  année,  ou,  scion  d'aulres,  en 
1410,  Thomas  d'Aruii  tel  ,  primat  d'.Vii};le- 
tern-,  fil  de  nouveau  coud<im.n<:r  les  erreurs 
de  Wiclef  dans  un  concile  de  Londres  ,  et 
comme  la  plupart  avaientétéa'ioptées  et  sou- 
tenues de  nouveau  par  Jean  Uus,  en  lïloiie 
concile  de  Constamie,  sess.  S,  proscrivit  loule 
la  doctrine  de  ces  deux  sectaires,  rassem- 
blée en  quaranti'-cin(|  articles,  et  iloidouna 
que  le  corps  de  Wiclef  fût  exhumé  et  brûlé. 
Comme  il  a  plu  aux  protestants  de  mettre 
ces  deux  personnages  au  nombre  des  pa- 
triarches de  la  réformi',  ils  ont  fait  tout  ce 
qu'ils  ont  pu  pourpallier  les  torts  de  Wiclef, 
pour  contredire  ce  qui  en  e:,t  ra|iporté  par 
les  écrivains  calholi(jues,  cl  pour  révoquer 
en  doute  les  plus  grossières  des  erreurs  qu'on 
lui  attribue;  mais  ils  ne  renverseront  jamais 
je  précis  qu'en  a  donné  le  célèbre  Bossuet, 
Hist.  des  Variai.,  l.  xi,  n.  153;  ill'a  tiré  des 
ouvrages  de  Wiclef,  surtout  de  son  Trinr- 
logue.  En  voici  les  principaux  chefs.  «Tout 
arrive  par  uécessiié:  lous  les  péeliés  qui  se 
ciiinnieitenl  dans  le  monde  sont  nécessaires 
et  inévitables.  Dieu  ne  pouvait  pas  empé<  her 
le  ijeché  du  premier  homme,  ni  le  pardon 
wt  SOUS  la  SiUiiifaclion  cU  Jésus-Christ  ;  Dhea, 


à  la  vérité,  pouvait  faire  autrement,  s'il  eût 
voulu,  mais  il  ne  pouvait  vouloir  autrement. 
Rien  n'est  possible  à  Dieu  que  ce  qui  arrive 
actuellement;  Dieu  ne  peut  rien  produireen 
lui  ni  hors  de  lui,  qu'il  ne  le  produise  néces- 
sairement ;  sa  puissance  n'est  infinie  qu'à 
cause  (|u'il  n'y  a  pas  une  plus  grande  puis- 
sance que  la  sienne.  Do  n)éme  qu'il  ne  peut 
refuser  l'èlrcàtoutce  qui  peut  l'avoir, aussi 
ne  peut-il  rien  anéantir.  11  ne  laisse  pas  néan- 
moins d'être  libre,  sans  cesser  d'agir  néces- 
sairement. La  liberté  que  l'on  nomme  de 
cuntradicChn  est  un  terme  erroné  ,  inventé 
par  les  docteurs  ;  et  la  pensée  que  nous 
avons  qui!  nous  sommes  libres  est  une  per- 
péiuelle  illusion.  Dieu  a  tout  déterminé;  c'est 
de  là  qu'il  arrive  qu'il  y  a  des  prédestinés  et 
des  réprouvés  ;  mais  Dieu  nécessite  les  uns 
elles  autres  à  tout  ce  qu'ils  font,  el  il  ne 
peut  sauver  que  ceux  qui  sont  actuellement 
sauvés.»  Wiclef  avouait  que  les  méchants 
peuvent  prendre  occasion  de  celte  doctrine 
pour  commelire  de  grands  crimes  ,  et  que 
s'ils  le  peu veni,  ils  le  font.  «  Mais,  ajoutait-il, 
si  l'on  n'a  pas  de  meilleures  raisons  à 
me  dire  que  celles  dont  on  se  sert,  je  demeu- 
rerai confirmé  dans  mon  sentiment  sans  en 
dire  mot.  »  L'on  voit  ici  toute  l'impiélé  d'un 
blasphémateur  et  toule  la  scélératesse  d'un 
athée. Wiclef  y  ajoutait  l'hypocrisie  des  vau- 
dois  :  il  disait  comme  eux  ,  que  l'elTel  des 
sacrements  dépendait  de  la  vertu  et  des  mé- 
rites de  ceux  qui  les  administraient  ,  que 
ceux  ijui  n'imitaient  pas  Jésus-Christ  ne  pou- 
vaient pas  élre  revêtus  de  sa  puissance;  que 
les  laïques  de  bonnes  mœurs  étaieni  plus 
dignes  d'administrer  les  sacrements  que  les 
pi  êtres,  etc.  Mais  en  quoi  peuvent  consister 
la  vertu,  la  sainteté,  le  mérite,  si  tout  est  la 
conséquence  d'une  lalalité  imni^jabJe  par 
laquelle  Dieu  même  est  entraiiié  '!  C'est  ainsi 
que  de  tout  temps  les  partisans  delà  fata'ilé 
se  sont  plonges  dans  un  chaos  de  contradic- 
tions, et  ont  cru  les  pallier  en  abusant  de 
tous  le^  termes. 

En  condamnant  Wiclef,  le  concile  de  Cons- 
tance lui  attribue  d'autres  impiétés  desquel- 
les les  protestants  ne  veulent  pas  convenir; 
mais  il  ne  s'ensuit  rien  contre  la  justice  de 
celte  censure.  Ou  ces  erreurs  se  trouvaient 
dans  d'autres  livres  de  cet  hérésiarque,  ou 
c'étaient  de  nouvelles  absurdités  que  les  loi- 
lards  et  les  uicléfttes  ajoutaient  à  celles  de 
leur  maître. 

\^jilà  néanmoins  le  personnage  duquel 
Basnage  a  entrepris  de  f  lire  rajiologie  con- 
tre Bo^suel,  liv.  XXIV,  c.  11.  Sa  grande  am- 
bition est  de  prouver  i\ue  la  doctrine  de  Wi- 
clefel  de  ses  disciples  était  parfaitement  con- 
forme à  celle  que  les  prolestanis  ont  em- 
br.issée  au  xvi''  siècle  ;  qu'ainsi  ce  théolo- 
gien est  un  des  principaux  témoins  de  la 
vérité,  qui  a  cunlriliué  à  nouer  la  chaine  de 
tradition  qui  lie  le  protestantisme  aux  prin- 
cipales sectes  qui  ont  (ait  du  bruit  dans  l'iv 
gii-c  :  il  se  fâche  de  ce  que  Bossuet  a  osé 
révoquer  en  doute  cetiu  iuiporlanle  vérité. 

Le  dogme  de  la  fatalité  at>solue  ,  dogme 
destructif  de  toute  religion ,  de  loulc  morale 


1127 


WIC 


WIC 


1128 


et  de  (ouïe  vertu,  était  un  arlicle  fâcheux; 
Basnage  s'en  est  tiré  leslemenl,  en  avouant 
que  la  manière  donl  Wicicfa  voulu  accorder 
la  liberté  de  riiomme  avec  la  présence  et  le 
rcincours  de  Dieu  ,  l'a  jelé  dans  de  grands 
embarras,  mais  que  bien  d'autres  que  lui 
ont  été  arrêtés  par  la  profondt-ur  et  l'obscu- 
riié  de  cette  question  :  trait  de  mauvaise  foi 
palpable.  Wiclel'a  si  peu  pensé  à  concilier 
la  liberté  de  l'homme  avec  le  concours  de 
Dieu  ,  qu'il  n'a  pas  plus  reconnu  de  liberté 
eu  Dieu  que  dans  l'homme.  S'il  a  senti  l'obs- 
curiléde  cette  qucsiion,  de  quoi  s'est-il  avisé 
de  la  décider  par  une  .ibsuniité,  en  disant 
que  ce  qui  se  fait  librement  se  fait  nécessai- 
rement; qu'ainsi  la  nécessité  et  la  liberté 
c'est  la  même  nliosi?  Basnage  prétend  que 
les  disciples  de  Wiclef  ont  sagement  évité  cet 
écueil  ;  ils  ont  donc  éié  plus  sages  que  Cal- 
vin, qui  s'y  est  brisé  de  nouveau  avec  ses 
décrets  absolus  de  prédesiioalion  ,  dont  la 
plupart  de  ses  sectateurs  rougissent  aujour- 
d'hui. Ce  même  critique  soutient  que  ce  n'est 
pas  u!ie  impiéié  dans  la  doctrine  de  Wiclef 
d'avoir  enseigné  que  «  Dieu  n'a  pu  empê- 
cher le  péché  du  premier  homme,  ni  le  par- 
donner sans  la  satisfaction  de  Jésus-Christ, 
et  qu'il  a  été  impossible  que  le  Fils  de  Dieu 
ne  s'incarnât  pas.  »  La  plus  saine  théologie, 
dit-il,  enseigne  qu'il  était  nécessaire  que  Jé- 
sus-Christ mourut,  afin  que  nos  crimes  fus- 
sent expiés  :  nouveau  traii  de  mauvaise  foi. 
La  saine  théologie  a  toujours  enseigné  qu'à 
supposer  que  Dieu  voulût  exiger  une  satis- 
faction du  péché  égale  à  l'offense  ,  il  fallait 
le  sang  d'un  Dieu  pour  l'expier;  mais  elle 
n'a  jamais  nié  que  Dieu  n'ait  pu  pardonner 
le  péché  par  pure  miséricorde.  Cela  est 
prouvé  par  l'Ecriture,  qui  dit  que  Dieu  a 
tellement  aimé  le  monde,  qu'il  lui  a  donné 
son  Fils  unique;  s'il  l'a  itonné  par  amour  , 
ce  n'a  pas  été  par  nécessité  :  le  prophète 
Isaïe,  parlant  du  Messie  ,  dit  qu'il  s'est  of- 
fert parce  qu'il  l'a  voulu,  etc.  Une  troisième 
infidélité  de  Basnage  est  do  soutenir  que  Vi- 
clef,  loin  d'avancer  que  Dieu  ne  pouvait  em- 
pêcher le  péché  (lu  premier  homme,  a  dit  , 
en  termes  exprès  ,  que  Dieu  pouvait  con- 
server Adam  dans  l'état  d'innocence,  s'il  l'a- 
vail  voulu;  il  ne  fallait  pas  supprimer  ce 
qu'ajoute  Wiclef,  (\ue  Dieu  n'a  pas  pu  le  vou- 
loir. C'est  ainsi  qu'en  accumulant  les  su- 
percheries  Basnage  a  réfuié  Bossuel. 

Peu  nous  importe  que  Wiclef  ail  rejeté, 
comme  les  protestants,  l'autorité  de  la  tra- 
dition, la  présence  réi'lle,  le  culte  des  saints 
et  des  imges,  la  confession,  etc.;  nous  pou- 
vons leur  abandonner  sans  regret  la  succes- 
sion des  vaudois,  des  loll  irds,  des  unclé/iles, 
des  hussites,  etc.,  qu'ils  sont  si  empresses  de 
recueillir.  Une  successiond'erreurs,  de  haine 
contre  l'Eglise,  de  séditions  et  de  fureurs 
sanguinaiies,  n'excitera  jamais  l'ambition 
d'une  société  véritablement  chrétienne. 

Pour  leur  assurer  encore  davantage  ces 
litres  d'antiquité  et  de  noblesse,  nous  con- 
sentons à  comparer  la  conduite  de  Wiclef  à 
celle  de  Luther  :  la  ressemblance  est  frap- 
pante. 1°  Ce  dernier  fut  engagé  à  dogmati- 


ser par  une  dispute  de  jalousie  entre  les 
aiigustins  ses  frères  et  les  dominicains,  au 
sujet  des  indulgences;  Wiclef  y  fut  entrainé 
par  ressentiment  contre  les  moines  men- 
diants qui  lui  avaient  fait  perdre  sa  place, 
contre  le  pape  et  contre  les  évéques  qui  les 
soutenaient.  Ces  motifs  étaient  aussi  apos- 
toliques l'un  que  l'autre.  Mais  aujourd'hui 
l'on  peint  ces  deux  prédicants  comme  des 
hommes  enflammés  du  plus  pur  zèle  de  la 
gloire  de  Dieu,  et  qui,  après  avoir  senti  la 
nécessité  absolue  d'une  réforme  dans  l'E- 
glise, ont  conçu  le  généreux  dessein  d'y  em- 
ployer toutes  leurs  forces.  —  2°  Luthern'at- 
taqua  d'abord  que  les  abus  qui  se  commet- 
taient dans  la  concession  et  la  distribution 
des  indulgences  ;  mais  de  ces  abus  vrais  ou 
prétendus,  il  passa  bientôt  à  la  substance 
même  de  la  chose,  à  la  nature  de  la  péni- 
tence, de  la  jusliQcation,  etc.  ;  de  même  , 
Wiclef,  au  commencement,  parut  n'en  vou- 
loir qu'à  l'excès  des  richesses  et  de  l'auto- 
rité temporelle  du  clergé,  et  à  l'abus  qu'il  en 
faisait;  mais  il  ne  tarda  pas  d'aller  plus  loin, 
de  mer  le  fond  même  du  droit,  de  l'autorité 
spirituelle  et  de  la  hiérarchie.  Les  extraits 
qui  furent  dressés  de  sa  doctrine  en  1377  , 
1381,  1387,  1396,  en  1415,  enchérissent  les 
uns  sur  les  autres,  et  contiennent  enfln  des 
impiétés  révoltantes;  en  fait  d'erreurs  ,  la 
témérité  et  l'opiniâtreté  vont  toujours  en 
augmentant,  et  les  disciples  ne  manquent 
jamais  de  surpasser  leur  maître.  De  là  nous 
concluons  que  ces  deux  prétendus  réforma- 
teurs ,  lorsqu'ils  ont  commencé  à  dogmati- 
ser, ne  voyaient  ni  l'un  ni  l'autre  le  terme 
auquel  ils  prétendaient  aboutir,  ni  les  consé- 
quences auxquelles  leurs  principps  allaient 
bientôt  les  conduire.  Il  s'en  fallait  donc 
beaucoup  que  ce  fussent  des  esprits  justes 
ni  de  profonds  théologiens.  —  3"  A  peine 
Luther  eut-il  commencé  de  prêcher  sa  doc- 
trine, que  le  peuple  d'Allemagne,  soulevé 
par  ses  maximes  séditieuses,  prit  les  armes, 
et  mit  des  provinces  entières  à  feu  et  à  sang. 
La  même  chose  était  arrivée  en  Angleterre, 
l'an  1381  ;  les  habitants  des  villages,  excités 
par  Jean  Bail  ou  Vallée,  disciple  de  Wiclef, 
s'attroupèrent  au  nombre  de  deux  cent  mille, 
entrèrent  à  Londres,  massacrèrent  Simon  de 
Sudbury  ,archevêquedeCantorbéry,legrand 
prieur  de  Rhodes,  et  un  seigneur  nommé  Ko- 
berl  Haies;  ils  forcèrent  euGn  le  roi  à  ca- 
pituler avec  eus.  Ils  recommencèrent  a  se 
révolter  sous  le  règne  de  Henri  V,  l'an  14.14. 
Basnage  a  beau  dire  que  la  cause  de  ces  tu- 
multes ne  fut  point  la  religion  ni  la  croyance, 
mais  le  mécontentement  du  peuple  opprimé 
par  les  seigneurs  ;  on  en  a  dit  autant  de  la 
guerre  des  luthériens  et  de  celle  des  anabap- 
tistes. Mais  le  peuple  n'était  pas  mécontent, 
il  ne  se  croyait  pas  opprimé  avant  que  les 
maximes  erronées  de  Wiclef  et  de  Luther 
n'eussent  échaulTé  les  esprits,  et  ne  leur  eus- 
sent fait  envisager  toute  autorité  spirituelle 
et  temporelle  comme  une  tyrannie.  Jésus- 
Christ  avait  envoyé  ses  apôtres  comme  des 
brebis  au  milieu  des  loups,  les  hommes  dont 
nous  parlons  ont  été  des  loups  au   milieu 


H29 


XER 


XEB 


lise 


des  brebis  ;  par  leurs  hurlements  ils  n'ont 
coss^  de  les  exciter  à  la  révolle  contre  leurs 
pasteurs  spirituels  et  temporels.  —  4°  De 
ini'mc  que  Luther  lut  cntloclriué  par  les  li- 
vres lie  Jean  Hus,  ce'ul-ci  l'avait  été  parles 
écrits  do  Wiclof,  et  et  dernier  ne  fit  d'abord 
que  renouveler  les  aneicnnes  clameurs  d'un 
reste  de  vaudois  (|ui  si  bsistaient  em-ore  en 
Angleterre  sous  le  nom  de  lollàrds.  Si  nous 
voulions  en  croire  les  i^  rotestants,  Widcf, 
Jean  Hus,  Luther,  étaient  trois  grands  gé- 
nies qui,  à  force  d'éluilicr  cl  d'approfondir 
récriture  sainte,  y  ont  dc'ouvert  que  l'E- 
glise catholique  était  corrom.iue  dans  sa  foi, 
dans  sou  culte,  d.ms  sa  discipline,  et  qu'il 
fallait  créer  un  aulre  Eglise,  '.a  vérité  est 
que  ces  trois  illuminés  n'ont  eu  Vautre  ins- 
piration que  des  fiassions  mal  réglées,  d'au- 
tre mission  que  la  fougue  de  leui  caractère, 
d'autre  règle  de  foi  que  de  contred  re  l'Eglise 
romaine. 

Le  comble  de  la  malignité,  de  la  part  ries 
protestants,  est  de  vouloir  faire  retomber 
sur  cette  Eglise  tout  l'odieux  des  scènes  san- 
glantes auxquelles  l'hérésie  a  donné  lieu. 
Ils  déplorent  la  multitude  des  wiciéfites  ou 
des  lollàrds  qui  furent  suppliciés  en  Angle- 
terre pour  cette  cause  ;  comme  si  l'erreur, 
disent-ils,  était  un  crime  qui  méritât  la  sé- 
vérité des  lois.  Nous  avons  déjà  répondu 
plus  d'une  fois  que  des  erreurs  sur  des  dog- 
mes purement  spéculatifs  peuvent  quelque- 
fois n'intéresser  en  rien  la  société  civile  ; 
mais  que  des  erreurs  eu  fait  de  morale  et  de 
droit  public,  qui  tendent  à  dépouiller  de 
leurs  biens  des  possesseurs  légitimes,  à  ren- 
verser une  jurisprudence  établie  depuis  plu- 
sieurs siècles,  à  exciter  au  pillage  et  au 
meurtre  une  multitude  toujours  avide  de  bu- 
tin, ne  sont  plus  d''s  erreurs  sans  consé- 
quence, ninis  de  vrais  attentats  contre  l'or- 
dre public.  Or  telle  était  la  doctrine  de  Wi- 
clef.  Une  preuve  qu'elle  fut  principalement 
envisagée  sous  ce  rapport, c'est  qu'il  n'y  avait 
encore  eu  aucun  lollard,  ni  aucun  wicléfitc 
puni  de  peines  afiliclives  avant  l'expédition 
sanguinaire  à  laquelle  ils  se  livrèrent  l'an 
1381.  Quoiqu'il  y  eût  près  de  vingt  ans  que 
Jean  Vallée  prêchât  le  wiclépstne  dans  les 
campagnes,  il  n'avait  essuyé  que  quelques 
mois  de  prison:  mais  lorsque  l'on  vil  l'effel 
terrible  que  ses  discours  séditieux  avaient 
])roduit,  il  fut  condamné,  comme  coupable 
de  haute  trahison,  à  être  pendu,  et  il  le  fut 
en  elTi't  ;ivec  quehiues-nns  do  ses  complice^. 
{",e  ne  lut  poiiil  en  vertu  d'une  sentence  ec- 
clésinvtiquc,  mais  d'une  procédure  crimi- 
nelle f.iile  par  ordre  du  roi.  Wiclefqui  vi- 
vait encore,  quoique  premier  auteur  du  mal, 
ne  fut  point  inquiété  depuis  sa  condamna- 
lion  prononcée  l'an  1382. 


De  quel  front  Basnage  a-t-il  donc  osé 
écrire  queH'Eglise  romaine  altérée  de  sang 
ne  se  borna  point  à  des  dénnitions  de  con- 
ciles contre  les  wiciéfites ,  qu'ils  imitèrent 
la  piété  de  leur  maître,  qu'ils  confirmèrent 
la  vérité  de  leur  doctrine  par  la  pureté  de 
leur  vie,  qu'ils  souffrirent  avec  constance 
des  supplices  redoublés,  qu'ils  sacrifièrent 
leur  vie  à  l'amour  de  la  vérité,  etc.?  Est-ce 
donc  assez  pour  être  martyr  de  se  révolter 
contre  l'Eglise '?  Oui,  selon  les  protestants  ; 
ils  pensent  que  ce  crime  efface  tous  les  au- 
tres: ils  oui  placé  au  nombre  des  témoins 
de  la  vérité  tous  les  malfaiteurs  de  leur 
secte  mis  à  mort  pour  des  pillages  ,  des 
meurtres,  des  incendies,  des  cruautés  de 
toute  espèce  exercées  contre  les  catholiques. 
Nous  avons  prouvé  en  son  lieu  que  les  albi- 
geois, les  vaudois,  les  hussites,  les  protes- 
tants, n'ont  jamais  été  suppliciés  pour  des 
erreurs  ou  des  arguments  théologiques,  mais 
pour  des  attentats  commis  contre  l'ordre 
de  la  société  ;  il  en  a  été  de  même  des  wicié- 
fites. 

Mosheim,  plus  judicieux  sur  ce  sujet  que 
Basnage,  convient  que  la  doctrine  de  Wiclef 
n'était  point  exempte  d'erreur,  ni  sa  vie 
de  reproche.  Il  pense  à  la  vérité  que  les 
changements  que  ce  novateur  voulait  intro- 
duire dans  la  religion,  étaient,  à  plusieurs 
égards,  sages,  utiles  et  salutaires;  Histoire 
ecclés.,  XIV'  siècle,  ri'  partie,  c.  2,  S  19.  Il 
se  trompe;  vouloir  dépouiller  le  clergé  de 
ses  biens,  n'était  rien  moins  qu'un  projet 
sage,  il  ne  pouvait  être  exécuté  sans  bruit, 
et  peut-être  sans  effusion  de  sang.  Tous  les 
laïques  soudoyés  par  le  clergé,  et  qui  tiraient 
de  lui  leur  subsistance,  s'y  seraient  certai- 
nement o|)posés  ;  toutes  les  fois  que  ce  corps 
a  été  dépouillé,  le  peuple  n'y  a  pas  g.igné  une 
obole,  et  il  comprend  très-bien  qu'il  y  a 
plus  à  gagner  pour  lui  avec  les  ecclésiasti- 
ques qu'avec  les  seigneurs  laïques.  Les  au- 
tres changements  ne  pouvaient  être  ni  utiles 
ni  salutaires;  nous  en  sommes  convaincus 
parl'elTet  qu'ils  ont  produit  chez  les  protes- 
tants. D'ailleurs  quand  ils  léseraient,  était- 
ce  ;'i  de  simples  particuliers  sans  caractère  et 
sans  autorité  légitime  de  réformer  l'Eglise  ? 
Les  presbytériens,  les  puritains,  les  indé- 
pendants et  d'autres  sectes  sont  dans  les 
mêmes  sentiments  que  Wiclef  sur  la  hiérar- 
chie ecclésiastique  et  sur  le  pouvoir  des  sou- 
verains; mais  les  anglicans,  non  plus  que 
les  luthériens,  ne  jugent  point  que  leur  ré- 
gime soit  sage,  utile  ni  charitable.  C'est  donc 
uniijuement  l'intérêt  du  système  et  la  res- 
semblance des  principes  qui  ont  engagé 
Basnage  à  prendre  si  chaudement  la  défense 
des  u'idéfiles. 


X 


XÉNODOOUE.  Yoy.  Hôpital. 

XF;R0PHAGIE  ,  régime  de  ceux  qui  vi- 
vent d'aliments  secs;  c'est  la  manière  déjeu- 
ner la  plu»  rigoureuse,  mais  qui  s'observait 

DlCX.  DE  ÏHÉOL.  DOGMATIQUE.  IV. 


assez  souvent  pendant  les  premiers  siècles 

de  l'Eglise.  Ce  nom  vient  du  grec  ^n^of,  sec, 
et  >ày'.),  je  mange.  Ceux  qui  pratiquaient  la 
xérophayie  ne  mangeaient  que  du  pain  avec 
36 


IISl 


ZAC 


ZAC 


552 


du  sel,  et  ne  buvaient  que  de  l'eau.  C'était  la 
iii.Miière  de  vivre  la  plus  ordinaire  des  ana- 
«  iiorètes  ou  des  solitaires  de  la  Thébaïde. 
Plusieurs  chrétiens  fervents  observaient  ce 
jeune  sévère  pendant  les  six  jours  de  la  se- 
maine sainte,  mais  par  dévotion,  et  non  par 
obligation.  Saint  Epiphane,  Èxposit.  fid., 
r.  22,  nous  apprend  que  c'était  un  usage 
assez  ordinaire  parmi  le  peuple,  et  que  plu- 
sieurs s'abstenaient  de  toute  nourriture  pen- 
dant dus  jours,  'l'ertullien,  dans  son  livre 
de  l'Abstinence,  observe  que  l'Eglise  recom- 
mandait la  a'f^rop/iaj/î'e  comme  une  pratique 
utile  dans  les  temps  de  perséculion  ;  elle  dis- 
posait les  corps  à  soulïrir  les  tourmcnis  avec 
constance.  Mais  aussi  l'Ejjlise  condamna  les 
montanistes  qui  voulaient  faire  do  la  xéro- 
pliagie  une  loi  pour  tout  le  inonde,  qui  pré- 
tendaient qu'il  fiillail  l'observer  pendant 
plusieurs  intervalles  du  carême,  et  qui 
av  lient  établi  parmi  eux  plusieurs  carêmes 
par  an.  On  leur  représenta  ((u'il  y  av  lil 
plus  de  jactance  et  de  vanité  dans  leur  cdii- 
duite  que  de  vraie  piété  ;  qu'il  ne  !eur  appar- 
tenait pas  tl^  l'aire  des  lois  de  disciplino  à 
leur  gré,  que  ehaqui'  fidèle  était  le  maître 
d'observer  la  a;^ro/jAai7«e  pendant  toute  l'an- 
née s'il  le  jugeait  à  propos,  mais  que  per- 
sonne ne  devait  être  obligé  à  faire  quelque 
chose  de  plus  que  ce  qui  avait  été  ordonné 
et  observé  par  les  apôtres. 

Philon  dit  que  les  esséniens  et  les  théra- 
peutes pratiquaient  aussi  des  xérophagies  en 


certains  jours,  n'ajoutant  au  pain  et  à  l'eau 
que  du  sel  et  de  l'hysope.  On  prétend  que 
chez  les  païens  mêmes  ks  athièifès  suivaient 
le  même  régime  de  temps  en  temps,  et  qu'ils 
le  regardaient  comme  le  plus  propre  à  leur 
conserver  la  santé  et  les  forces.  —  Les  jeû- 
nes et  les  abstinences  des  Orientaux,  soit 
anciens,  soit  modernes,  nous  paraîtraient 
incroyables,  si  nous  n'étions  pas  instruits 
par  des  témoins  dignes  de  foi  du  régime  ha- 
bituel qu'ils  sont  forcés  de  garder  à  cause 
de  la  chaleur  du  climat.  En  général  la 
viande  et  tous  les  aliments  succulmls  y  sont 
dangereux;  le  peuple  y  est  accoutumé  à  vi- 
vre de  pain  et  de  fruits,  ou  de  légumes; 
avec  une  poignée  de  riz,  un  Indien  peut  vi- 
vre vingt-quatre  heures.  Mais  il  faut  avouer 
aussi  que,  dans  nos  climats  septentrionaux, 
à  force  de  sensualité  et  sous  prélCKle  de  be- 
soin, nous  avons  poussé  à  l'excès  la  mol- 
lesse et  l'impuissance  de  pratiquer  aucune 
espèce  de  mortification.  Cette  impuissance 
au  reste  est  purement  imaginaire  ;  on  peut 
s'en  convaincre  par  les  ai)slinences  forcées 
auxquelles  sont  souvent  réduits  les  pauvres, 
par  le  défaut  absolu  de  ressources.  Non-seu- 
lement ils  demeurent  plusieurs  jours  sans 
manger,  mais  à  la  fin  de  cette  cruelle  absti- 
nence ils  n'ont  pour  toute  nourriluie  flU.'u'i 
pain  grossier  et  insiiiide  ,  plus  propre  à 
exciter  le  dégoût  que  l'appéiit.  Voy.  Jeune. 
XYLOPHORIE.  Voy.  Natuinéens 


YEUX.  Voy.  OEiL. 

YON  (saint).  Voi/.  Ecoles  chrétiennes. 

YVES  DE  CHARtUES.  i:oy.  Ivks. 

YVRESSii,  ou  IVRESSE.  Ce  mot  dans  l'K- 
criture  sainte  ne  signifie  pas  toujours  l'étal 
d'un  homme  qui  a  bu  avec  excès,  mais  d'un 
hoinme  qui  a  bu  jusqu'à  la  satiété  et  la  gaieté 
dans  nn  repas  d'amis;  Geii.,  c.  xi.iii  ,  v.  3'*, 
il  est  dit  que  les  frères  de  Joseph  s'enivrèrent 
avec  lui  la  seconde  fois  (;u'  ils  le  virent  eu 
Egypte;  et  cela  signifie  seulement  qu'ils  fu- 
rent léjjalés  splendidement  à  sa  table.  Une 
sentence  du  livre  des  Prov.  ,  c.  ii,  v.  25  ,  est 
que  celui  qui  enivre  sera  enivré,  c'est-à-dire 
que  l'homme  libéral  sera  libéralement  ré- 
compensé. Il  y  en  a  un  autre,  Dcut. ,  c.  xxix, 


V.  19,  qui  dit  que  l'homme  enivré  détruira 
celui  qui  a  soif;  cela  signifie  que  le  riche 
accablera  le  pauvre.  Lorsque  saint  Paul  dit 
aux  Corinthiens,  Epist.  I ,  c.  ii,  v.  21,  dan;! 
vos  repas  l'un  a  faim  et  l'autre  est  ivre,  il 
enti^nd  (jue  l'un  a  manqué  d'aliments  ,  pen- 
dant ((ue  l'autre  a  été  pleinement  rassasié. 
Dans  le  style  dos  Hébreux, enivrerquelqu'un, 
c'est  le  combler  do  biens.  Pu.  xxxv,  v.  9, 
David  dit  à  Dieu,  en  parlant  des  justes:  Ils 
seront  enivrh  de  l'abondance  de  votre  maison, 
et  vous  les  abreuverez  d'un  torrent  de  délices. 
Mais  quand  saint  Paul  dit  aux  Ëphésiens, 
c.  V,  v.  18  :  Ne  vous  enivres  point  par  l'excès 
du  rin,  l'on  comprend  qu'il  est  auestion  là 
de  l'ivresse  proprement  dite. 


ZABIENS.  Voy.  Sabaïsme. 

ZACHAKIE.  Parmi  plusieurs  personnages 
de  ce  nom  ,  desquels  il  est  parlé  dans  l'E- 
criture sainte,  il  en  est  quatre  qu'il  faut  dis- 
tinguer. Le  premier  est  un  prêtre  ,  fils  di* 
pontileJoîada  ,  que  le  roi  Juas  fit  lapider 
parle  peuple  dans  !e  parvisdu  ti'rnple;  crime 
d'autant  plus  odieux,  que  ce  roi  était  rede- 
vable delà  vie  et  du  trône  à  Joïada,  Il  Parai., 
c.  xxiy,  V.  20  et  seq.  Le  second  est  l'avant- 
dernier  des  douze   petits  prophètes  ;  il  dit 


lui-même  qu'il  était  fils  de  Barachie,et  petiW 
fils  d'Addo  ,  Zach.  ,  c.  i,  v.  1;  l'histoire  ne 
nous  apprend  rien  de  sa  mort.  Le  troisième 
est  le  prêtre  Zacharie,  père  de  saint  Jean- 
Baptiste,  dont  il  est  parlé  dans  l'Evangile, 
Luc,  c.  1,  V.  5.  Enfin  Josèphe,  dans  son/i/s- 
toire  de  la  guerre  des  Juifs,  l.  iv,  c.  19  ,faii 
mention  d'un  quatrième  Zacharie  ,  fils  de 
Baruch,  qui  pendant  le  siège  de  Jérusalena 
fut  tué  par  la  faction  des  zélés.  Il  est  ques- 
tion de  savoir  quel  est  celui  de  ces  quatra 


«35 


ZAC 


ZAC 


1134 


que  Jésns-Christ  voulait  désigner  ,  lorsqu'il 
dit  fiux  scribes  et  aux  pharisiens  ,  Matth., 
c.  \xin,  V.  34  :  Je  vais  vous  envoyer  des  pro' 
phi'tes,  des  sages  et  des  docteurs;  vous  met- 
trez tes  uns  à  mort  et  vous  les  crucifieres, 
vous  flagellerez  les  autres  dans  vos  synaifo- 
gues,  et  vous  les  poursuivrez  de  ville  envitle, 
de  façon  que  vous  ferez  retomber  sur  vous 
tout  le  saug  innocent  qui  a  été  répandu  sur 
la  terre,  depuis  le  sangdu  juste  Abel,  jusqu'à 
celui  ds  Zachtirie,  fils  de  Barachie,  que  vous 
avez  tué  eulre  le  temple  et  l'autel. 

Les  censeurs  (le  l'Evangile,  juifs  ou  in- 
crédules, ont  argumenté  contre  ce  passage; 
ils  ont  dit  :  Jésus-Christ  ne  peut  pas  avoir 
désigné  par  là  le  prêtre  Zacharie,  mis  à  mort 
par  l'ordre  de  Joas,  puisqu'il  n'élait  pas  fils 
de  Barachic  ,  mais  de  Joïada.   D'ailleurs  il 
est  certain  par  l'histoire  que,  depuis  la  mon 
de  ce  prêtre,  les  Juifs  oni  encore  ôlé  la  vie 
à    plusieurs   autres    prophètes  ;    ce    n'élait 
donc  pas  le  dernier  duiiuel  le  sang  devait 
retomber  sur  eux.  II  ne  peut  pus  être  ques- 
tion non  plus  du  prophète   Za-charie,  (ils  de 
Bararhie,  dont  nous  avons  les   prédictions, 
puisqu'il  n'est  dit  nulle   part  qu'il  ait  péri 
par  une  mort  violente.  Kncore  moins  s'agit-il 
du  père  de  saint  Jean-Baplislo  ;  on  ne  peut 
assurer  en  aucune   manière  qu'il  était    lils 
de  Barachie,  ni  qu'il  fut  mis  à  mort  par  les 
Juifs.  11   faut  que   saint  .Matihieu   ail  voulu 
désigner  le  quatrième  Zacharie  ,   fils  de  Ba- 
ruch,  mis  à  mort   par  les  zélés  pendant  le 
siège  de  Jérusalem.  D'où  il  s'ensuit  que  son 
Evangile  n'a  été  écrit  qu'après  celte  époque, 
et  que  saint  iMaitliieu  commet  un  anachro- 
nisme, en  supposant  que  Jésus-Christ  a  dé- 
signé comme  passé  un  événement  qui  n'est 
arrivé  que  trente   ans  après.    Saint   Luc  a 
commis  laméme  faute,  c.  u,  v.  ol.  En  sicond 
lieu  ,  c'aurait  été  une  injustice  de  faire  re- 
tomber surles  Juifs  contemporains  deJésas- 
Chrisl  le  châtiment  de  tout  le  sang  innocent 
npandu  par  leurs  pères  depuis  le  commen- 
cement du  monde.  Ce'.e  vengeance   aurait 
été  contraire  à  la  loi  du    Dealer. .  c.  xxiv, 
V.  16,  qui  porte:  Les  pères  ne  seront  point 
mis  à  mort  pour  les  enfants  ,  »i!   les  enfants 
pour  les  pères;  chacun  mourra  pour  sonpro- 
pre  péché.  Aussi  ,  lorsque  les  Juifs  captifs  à 
Babylone   prétendirent  que  Dieu  les  punis- 
sait dcsfautesdo  leurs  pères,  Jérémic.c.  xxxi, 
V.  29,  et  Ezéchiel,  c.  xvni,  v.  2.   leur  sou- 
tinrent qu'ils  étaient  punis  pour  leurs  propres 
crimes,  et  non  pour  ceux  de  leurs  aïeux.  En 
troisième  lieu,  dans  ce  même  chap.  xxiii  de 
saint  Matthieu,  v.  29,  et  dans  le  chap.   ii  de 
saint  Luc,  v.  W,  le  Sauveur  semble  raison- 
ner fort  mal  ;  il  dit  :  Malheur  à  vous,  scribes 
et  pharisiens  hypocrites,  qui  bâtissez  des  tom- 
beaux aux  prophètes, qui  ornez  les  monuments 
des  justes,  cl  qui  dites  :  Si  nous  avions  vécu 
du  temps  de  nos  pères,   nous  n'aurions  pas 
conspiré  avec  eux  pour  répandre  le  sang  des 
prophètes.    Vous  rendez   témoignage   contre 
vous-mêmes  que  vaus  êtes  le<  enfants  de  ceux 
qui  ont  mis  à  mort  les  prophètes  :  ainsi  rem- 
plissez la  mesure  de  vos  pcres.  Etait-ce  donc 
uu  trait  d'hypocrisie  oa  de  méchanceté,  de 


bâtir  ou  dH>rner  les   tombeaax    des    pro- 
phètes? 

Réponse.  Pour  satisfaire  atonies  ces  diffi- 
cultés, il  faut  entrer  d:ins  quelques  di'<ci)s-> 
sioiis.  1°  Nous  soutenons  que  le  Zaeharie 
dont  Jésus-Christ  a  lait  ntention  est  le  pro- 
phète même  de  ce  nom,  fils  de  Barachie,  et 
dont  nous  avons  les  écrits  :  les  caractères 
par  lesquels  il  est  désigné  ne  peuvent  ron- 
vcnir  à  aucun  des  trois  autres.  1°  Le  nom 
de  leurs  pères  n'est  pas  le  Miéme.  2'  L»  fils 
de  Joïada,  ni  le  père  de  Jean-Baptiste ,  ni  le 
Gis  de  Baruch  ,  n'étaient  pas  prophètes, 
puisque  le  Sauveur  dit,  v.  37:  «  Jérusalem, 
«  qui  mets  à  mort  les  prophètes  ,  etc.  » 
Saint  Etienne,  Act.,  c.  vu,  v.  ri-l ,  demande 
aux  Juifs  :  Quel  est  le  prophète  que  vos  pères 
n'aient  pas  persécuté?  Ils  ont  tué  ceux  qui 
leur  précisaient  l'avènement  du  Juste.  Or,  Za- 
charie est  un  de  ceux  qui  ont  annoncé  le 
plus  clairement  l'avènement  du  Messie. 
3°  Le  nis  de  Joïada  fat  tué  dans  le  temple; 
il  n'est  pas  dit  en  qnel  lieu  tes  Juifs  mi- 
rent à  mort  le  fils  de  Baruch  ;  pour  Za- 
charie, fils  de  Barachie  ,  il  fut  lue  entre 
le  temple  et  l'autel.  Pour  s'en  convaincre,  il 
faut  savoir  que  le  temple  fut  rebâti  et  achevé 
la  sixième  année  du  règne  de  Darius,  el 
que  Zacharie  prophétisait  pemlant  la  qua- 
trième. Or  Josèphe,  Anliq.,  liv.  xi,  c.  4, 
nous  apprend  qu'avant  de  commencer  l'édi- 
fice du  temple,  les  Juifs  dressèrent  un  autel 
pour  y  offrir  des  sacrifices.:  il  y  avait  donc 
entre  cet  autel  et  le  temple  un  espace  dans 
lequel  Zacharie  fut  mis  à  mort,  selon  le 
récit  de  notre  Sauveur  ;  cette  circonstance 
n'a  pu  avoir  lieu  que  pour  lui.  i"  Il  est  très- 
probable  que  ce  qui  irrita  les  Juifs  contre 
lui  fut  la  terrible  prophétie  qu'il  leur  fit, 
cap.  XI.  Le  silence  que  les  historiens  ont 
gardé  sur  ce  sujet  ne  prouve  rien;  Jésus- 
Christ  n'aurait  pas  avancé  ce  fait,  s'il  n'a- 
vait pas  été  bien  avéré.  2»  La  prédiction  du 
Sauveur  ne  renferme  aucune  injustice.  Au 
lieu  de  lire  dans  saint. Matthieu,  c.  xxni,  v.  35, 
de  façon  que  tout  le  sang  juste  retombera  sur 
toi«.v,etc.,  le  texte  grec  peut  très-bien  signi- 
fier, d-  fa':on  que  tout  le  sani/  juste  viendra, 
ou  ne  cessir  .  de  couler  jusf/u'à  vous.  De  même, 
dans  saint  Luc,  cap.  xi,  vers.  50,  où  notre 
version  porte,  de  manière  que  lesang  des  pro- 
phètes sera  demandé  el  redemindé  à  cette  gé- 
nération, le  grec  semble  plutôt  signifier  de 
manière  que  le  sang  des  prophètes  sera  re- 
cherché et  répandu  par  cette  génération.  U 
est  donc  ici  question  du  crime,  et  non  de  la 
vengeance.  Celle  explication  est  très  bien 
prouvée  dans  les  Réponses  critiques  aux  ob- 
jections des  incrédules,  I.  IV,  p.  213,  etc. 
.Mais  prenons,  si  l'on  veut,  ces  deux  passages 
dans  le  sens  que  l'on  y  donne  ordinaire- 
ment ;  les  paroles  de  Jésus-Chrisl  signifieroat 
seulement  que  la  génération  présente  se 
rendra  coupable  du  même  crime  que  ses 
aïeux,  qu'elle  méritera  le  même  châlimeot, 
el  qu'elle  le  subira  ;  l'un  et  l'autre  a  été  vé- 
rifié par  l'événemcat.  Il  ue  s'ensuit  pas  de 
là  que  les  Juifs  aient  porté  la  peine  du  sang 
répandu  par  leurs  pères.  3°  Ce  n'est  point 


1135 


ZEL 


ZEL 


1156 


Jésus-Chrisl  qui  raisonne  mal,  mais  ce  sont 
les  incrédules  qui  l'entendent  mal.  Le  crime 
des  scribes  et  des  pharisiens  ne  consistait 
pointa  bâtir  des  tombeaux  aux  j)rophcles, 
mais  à  imiter  l'incrédulité,  ropiniâtrelé,  la 
méchanceté  deceux  qui  les  avaient  mis  à 
mort,  efà  prétendre  néanmoins  qu'ils  n'au- 
raient point  eu  de  part  à  ce  meurtre,  s'ils 
avaient  vécu  dans  ce  temps-là.  En  effet,  li'S 
Juifs,  loin  de  croire  en  Jésus-Christ,  pour- 
suivaient avec  acharnement  sa  mort  ;  déjà 
plusieurs  fois  ils  avaient  voulu  le  lapider  : 
ils  ne  cessaient  de  lui  tendre  des  pièges,  de 
lui  faire  des  demandes  captieuses,  etc.  Jésus- 
Christ  le  leur  reproche  dans  les  deux  chapi- 
tres mêmes  que  nous  examinons.  Ils  prou- 
vaient donc  par  leur  conduite  qu'ils  étaient 
les  enfants  et  les  imitateurs  de  ceux  qui 
avaient  tué  les  prophètes,  qu'ils  combleraient 
bientôt  la  mesure  de  leurs  pères,  en  mettant 
à  mort  le  Messie  et  ses  apôtres.  Par  consé- 
quent c'était  de  leur  part  une  hypocrisie 
de  bâtir  des  tombeaux  aux  prophètes,  afin 
de  persuader  qu'ils  avaient  horreur  du 
meurtre  de  ces  saints  hommes  ,  et  qu'ils 
étaient  incapables  d'en  faire  autant.  Si  ce 
sens  paraît  embarrassé  dans  la  version  la- 
tine, il  est  beaucoup  plus  clair  dans  le  texte 
grec,  surtout  en  vérifiant  la  ponctuation. 
Bep.  cril.,  ihid.,  p.  195  et  234. 

La  prophétie  de  Zacharie  est  renfermée  en 
quatorze  chapitres;  son  principal  objet  est 
d'encourager  les  Juifs  à  la  reconstruction  du 
temple,  et  de  leur  promettre  par  la  suite  les 
bienfaits  de  Dieu  les  plus  abondants.  Comme 
le  prophète  les  annonce  en  termes  pompeux 
et  sous  des  emblèmes  magnifiques,  les  juifs 
en  abusent,  ils  prennent  tout.à  la  lettre,  et 
soutiennent  que  tout  cela  s'accomplira  sous 
le  règne  du  Messie  qu'ils  attendent,  puisque 
les  événements  n'y  ont  pas  exactement  ré- 
pondu après  le  retour  do  la  captivité  de  Ba- 
bylone.  Mais  Dieu  ne  fera  certainement  pas 
des  miracles  absurdes  ,  pour  contenter  la 
folle  ambition  des  Juifs.  Saint  Jérôme,  dans 
la  préface  de  son  Commentaire  sw  Zacharie, 
convient  que  c'est  le  plus  obscur  des  douze 
petits  prophètes.  —  Quant  à  Zacliarie,  père 
de  saint  Jean-Bapliste,  nous  nous  bornons  à 
dire  que  le  cantique  dont  il  est  l'auteur, 
Luc,  c.  I,  V.  68,  est  vraiment  sublime,  plein 
d'énergie  et  de  sentiment. 

ZÉLATEURS  ou  ZÉLÉS.  C'est  ainsi  que 
l'on  nomma  certains  juifs  qui  causèrent 
beaucou[)  de  tumullejdans  la  Judée,  vers 
l'an  C()  de  notre  ère,  quatre  ou  cinq  ans 
avant  la  prise  de  Jérusalem  parles  Romains. 
Ils  se  donnèrent  eux-mêmes  ce  nom,  à  cause 
du  zèle  excessif  et  mal  entendu  qu'ils  té- 
moignaient pour  la  liberté  de  leur  patrie. 
On  leur  donna  aussi  celui  de  sicnires  ou 
d'assassins,  à  cause  des  meurtres  fréquents 
dont  ils  se  rendirent  coupables  ;  ils  se 
croyaient  en  droit  d'exterminer  quiconque 
ne  voulait  pas  imiter  leur  fanatisme.  Quel- 
ques auteurs  ont  pensé  que  c'étaient  les 
mêmes  sectaires  qui  sont  nomramés  héro- 
diem  dans  l'Evangile,  Mallh.,c.  xxii,  v.  16, 
et  Marc  >  c.  xii,  v.  L3,  mais  celte  conjecture 


n'd  aucune  probabilité.  Aux  approches  du 
siège  de  Jérusalem,  les  zélateurs  se  retirè- 
rent dans  cette  ville,  et  ils  y  exercèrent  des 
cruautés  inouïes  :  Josèphe  l'historien  en  a 
fait  le  détail. 

ZÈLE.  Ce  mot  se  prend  en  plusieurs  sens 
dans  l'Ecriture  sainte;  il  signifie  souvent 
l'indignation  et  la  colère;  ps.  i.xxviii,  v.  5, 
David  dit  à  Dieu  :  Votre  co/èrc  (zelus)  s'allu- 
mera comme  un  feu.  Num.,  c.  xxv,  v.  13, 
Phinées  se  sentit  animé  de  zèle  contre  les 
impii's  qui  violaient  la  loi  du  Seigneur.  Il 
désigne  aussi  la  jalousie  ;  Act.,  c.  xiii,  v.  15, 
il  est  dit  que  les  Juifs  furent  remplis  de  zèle 
ou  de  jalousie,  Ps.  xxxvi,  v.  1,  nous  li- 
sons :  Ne  soyez  point  rival  des  méchants,  ni 
jaloux  de  la  prospérité  des  pécheurs.  Prov., 
c.  VI,  v.  33,  la  jalousie  du  mari  n'épargne 
point  l'adullèrodans  sa  vengeance.  Sap.  c.  i, 
V.  10,  l'oreille  jalouse  entend  tout.  Dieu  s'est 
nommé  le  Dieu  jaloux  (le/oics). Foi/.  Jalousie. 
Dans  le  prophète  Ezéchiel,  c.  viii,  v.  3  et  5, 
l'idole  du  zèle  peut  signifier  ou  la  statue  de 
Baal,  ou  celle  d'Adonis,  ou  toute  autre  idole 
quelconque,  dont  le  culte  excite  l'indigna- 
tion de  Dieu.  Dans  quelques  endroits  cepen- 
dant il  exprime  une  forte  affection,  un  atta- 
chement violent  à  quelqu'un  ou  à  quelque 
chose.  Ps.  i.xviii,  V.  10,  David  dit  à  Dieu  : 
Le  zèle  de  votre  maison  m'a  dévoré.  Le  pro- 
phète Elle.  III  Uerj.,  c.  six,  v.  10  et  14  : 
J'ai  été  transporté  de  zèle  pour  le  Seigneur 
des  armées.  Zachar.,  c.  i,  v.  13  :  J'ai  életrans- 
porté  de  zèle  pour  Sion  et  pour  Jérusalem, 
C'est  dans  ce  derniersens  que  nous  appelons 
zèle  de  religion  l'attachement  que  nous  avons 
pour  le  culte  de  Dieu  qui  nous  parait  le  plus 
vrai,  le  désir  que  nous  témoignons  de  l'é- 
tendre et  d'y  amener  nos  semblables  ,  le 
chagrin  que  nous  ressentons  lorsqu'il  est 
méconnu,  méprisé  et  attaqué  par  les  incré- 
dules. Il  est  évident  qu'un  homme  ne  peut 
être  véritablement  religieux  sans  être  zélé, 
puisque  le;:e/e  n'est  dans  le  fond  qu'une  ar- 
dente charité.  Est-il  possible  d'aimer  sin- 
cèrement Dieu,  d'être  reconnaissant  de  la 
grâce  qu'il  nous  a  faite  en  serévélantà  nous, 
sans  désirer  que  tous  nos  semblables  jouis- 
sent du  même  bonheur?  C'est  le  sentiment 
que  Jésus-Christ  a  voulu  nous  inspirer  lors- 
qu'il nous  a  enseigné  à  dire  tous  les  jours  à 
Dieu  dans  notre  prière  :  Que  votre  nom  soit 
sanctifié,  que  votre  royaume  arrive,  que  votre 
volonté  se  fasse  sur  la  terre  comme  dans  le 
ciel.  Ce  désir  ne  serait  pas  sincère,  si  nous 
n'étions  pas  résolus  d'y  contribuer  de  toutes 
nos  forces.  Il  dit,  Luc,  c.  xii,  v.  49  :  Je 
suis  venu  apporter  un  feu  sur  la  terre,  et  que 
veux-je,  sinon  qu'il  s'allume  ?  Ce  feu  était 
certainement  le  zèle  pour  la  gloire  de  son 
Père  et  pour  le  salut  des  hommes,  et  il  l'a 
|)oussé  jusqu'à  répandre  son  sang,  afin  de 
procurer  l'un  et  l'autre.  Personne,  dit-il,  ne 
peut  aimer  davantage  ses  amis,  que  de  donner 
sa  propre  vie  pour  eux[Joan.  xv,  13). 

Quels  effets  ce  sentiment  sublime  n'a-t-il 
pas  opérés  dans  le  monde  ?  Douze  apôtres 
faibles,  ignorants,  timides,  mais  enflammés 
de  zèle  pour  la  gloire  de  leur  maître,  se  sont 


1157 


ZEL 


ZEL 


1158 


partagé  l'anivers,  ont  porté  son  nom  et  sa 
doclriiie  d'un  bout  à  l'aulrc.  11  lei(|r  avait 
dit  :  Unseifjnez  toutes  les  nations  ;  ils  l'ont 
entrepris  et  ils  en  sont  venus  à  bout.  Dans 
l'espace  d'un  demi-siècle  les  fondements  de 
l'Kglise  ont  été  posés,  et  dès  ce  moment 
rien  n'a  pu  les  ébranler.  Après  avoir  con- 
tinué leurs  travaux  jusqu'à  la  mort,  les 
apôtres  ont  laissé  par  succession  à  d'autres 
leur  zèle,  leur  courage,  leur  mission  ;  Jésus- 
Christ,  qui  leur  avait  promis  d'être  avec  eux 
jusqu'à  la  fin  des  siècles,  n'a  point  man(|ué 
à  sa  parole;  le  fi'U  qu'il  avait  allumé  n'est 
pas  éteint,  le  foyer  en  subsiste  toujours  dans 
son  Eglise,  et  sert  à  la  distinguer  de  toutes 
les  sociétés  formées  sans  l'aveu  de  ce  divin 
Sauveur.  De. siècle  en  siècle  le  zèle  n'a  rien 
perdu  de  son  activité,  les  missionnaires  in- 
trépides n'ont  été  rebutés  ni  par  la  barbarie 
des  peuples,  ni  par  la  dislance  des  lieux,  ni 
par  la  différence  des  climats  ni  par  les  dan- 
gers de  la  uur,  ni  par  les  bizarreries  du 
langage;  ils  ont  également  bravé  les  glaces 
du  nord  et  des  chaleurs  du  midi,  l'orgueil 
des  nations  civilisées  et  la  stupidité  des  sau- 
vages. Ces  derniers,  ans-.!  malheureux  que 
corrompus,  et  plus  semblables  à  des  brutes 
qu'à  des  hommes,  une  fois  instruits,  ont 
presque  changé  de  nature:  la  société,  la  po- 
lice, les  lois,  la  culture,  l'industrie,  les  arts, 
l'abondance,  ont  succédé  parmi  eux  à  la  vie 
purement  animale  ;  en  leur  procurant  un 
état  plus  heureux  sur  la  terre,  TEvangile 
leur  a  encore  donné  l'i'spérance  d'un  bon- 
heur éternel  après  leur  mort.  Ce  ne  sont  ni 
des  philosophes,  ni  des  conquérants,  mais 
des  missionnaires  zélés,  qui  ont  apprivoisé 
successivement  les  Maures  ,  les  Libyens  , 
les  Ethiopiens,  les  Arabes,  les  Perses  et  les 
Parthes,  les  Scythes  et  les  Sarniates,  les 
Danois  et  les  iNurmands,  les  Pietés  et  les 
Bretons,  les  (îermaius  et  les  Gaulois.  Ce  n'est 
point  la  philosophie,  mais  l'Evangile  qui  a 
dompté  la  férocité  des  Huns  et  des  V'anda- 
les,  des  Goths  et  des  Bourguignons,  des 
Lombards  et  des  Francs.  Le  zi'le  a  élé  plus 
hardi  que  l'ambition  des  conquérants,  que 
l'avidité  des  négociants,  que  la  curiosité  et 
l'inquiétude  naturelle  des  peuples;  et  si  les 
missionnaires  n'avaient  pas  commencé  par 
diriger  la  route  des  navigateurs,  la  moilié 
du  globe  serait  peut-être  encore  inconnue 
aux  philosophes. 

Mais  quel  déluge  de  crimes,  de  désordres, 
de  malheurs  le  christianisme  n'a-t-il  pas  fait 
disparaître  partout  où  il  a  pénétré?, Le  meur- 
tre des  enfants  nés  ou  près  de  naître,  l'usage 
de  les  exposer  oudeles  vendre,  de  destiner  les 
garçons  à  l'esclavage  et  les  filles  à  la  prosti- 
tution, l'habitude  de  se  jouer  de  la  vie  des 
esclaves,  de  les  laisser  mourir  de  faim,  lors- 
qu'ils étaient  vieux  ou  malades;  les  provin- 
ces dépeuplées  pour  multiplier  ces  victimes 
du  luxe  public,  l'impudicitè  la  plus  efl'rénée, 
les  combats  de  gladiateurs,  etc.  On  frémit 
en  lisant  le  tableau  des  mœurs  païennes  ; 
notre  religion  les  a  changées,  et  il  n'en  res- 
terait plus  de  vestiges,  si  elle  était  mieux 
connue   et  pratiquée.    Mais   uous   ne   nous 


souvenons  plus  de  ce  qu'étaient  nos  pères 
avant  d'être  chrétiens.  Le  laps  des  siècles, 
l'habitude  du  bien-être,  une  ignorance  alîec- 
lée,  une  philosophie  perfide,  nous  ont  readus 
ingrats  et  injustes. 

Non-seulement  les  incrédules  n'avouent 
point  que  le  zèle  de  religion  soit  une  vertu  ; 
ils  soutiennent  que  c'est  un  vice  odieux,  et 
l'un  des  plus  grands  fléaux  du  «enre  hu- 
main. «  Tant  de  passions  disent-ils,  se  ca- 
chent sous  ce  masque,  il  est  la  source  de  tant 
de  maux,  qu'il  serait  à  souhaiter  qu'on  ne 
l'eût  pas  mis  au  rang  des  vertus  chrétien- 
nes. Pour  une  fois  qu'il  peut  être  louable, 
on  le  trouvera  ctnl  fois  criminel,  puisqu'il 
opère  avec  une  égale  violence  dans  les  reli- 
gions vraies  et  dans  les  religions  fausses.  » 
Quelques-uns  néanmoins  ont  daigné  conve- 
nir qu'un  zèle  doux,  charitable,  patient, 
compatissant,  tel  que  celui  de  Jésus-Christ 
et  des  apôtres,  serait  une  vertu,  mais,  sui- 
vant leur  avis,  il  n'en  est  plus  de  tel  dans 
le  monde  :  les  prétendus  ceV^ji,  conduits  par 
l'orgueil,  par  l'ambition  de  ilominer  sur  les 
esprits  et  d'exercer  l'empire  de  l'opinion, 
s'irrilent  delà  moindre  contradiction;  ils 
regardent  conmic  un  impie  quiconque  ne 
pense  pas  comme  eux  ;  à  leurs  yeux  toute 
erreur  est  un  crime ,  toute  résislance  à 
leurs  volontés  est  un  attentai.  Il  ne  tien- 
drait pas  à  eux  d'exterminer  dans  un  seul 
jour  tous  les  mécréants.  Le  mensonge,  l'im- 
poslure,  la  calomnie,  l'injustice,  la  cruauté, 
leur  semblent  permis  dès  qu'il  est  question 
de  la  cause  de  Dieu;  il  n'est  aucun  crime 
que  le  zèle  de  religion  ne  sanclilie. 

tletle  inveelive  et  trop  violente  pour  être 
juste;  en  voulant  peindre  leurs  adversaires, 
les  incrédules  se  sont  représentés  eux-mê- 
mes; ils  prouvent  que  le  zèle  anli-religieux 
est  plus  redoutable  que  le  sèti- lic  religion  : 
pour  peu  que  nous  comparions  les  causes, 
les  symptômes,  les  effets  de  ces  deux  mala- 
dies, nous  en  serons  convaincus.  I"  Un  chré- 
tien zélé  n'a  pas  tort  de  croire  qu'il  est  du 
bien  général  de  la  société  que  la  pureté  de 
la  foi  et  des  mœurs  y  soit  maintenue,  que 
toute  erreur  et  toute  impiélé  en  soient  ban- 
nies. Lorsqu'il  tâche  d'y  contribuer,  et  qu'il 
désire  que  tout  mécréant  soit  mis  hors  d'é- 
tat de  nuire,  son  intention  est  certainement 
louable,  puisqu'elle  n'a  pour  but  que  la  con- 
servation du  bien  que  le  christianisme  a 
produit  dans  le  monde.  S'il  entre  dans  ses 
sentiments  de  l'humeur,  de  la  haine,  de  la 
colère,  de  la  malignité,  s'il  emploie  des 
moyens  illégitimes  pour  nuire  à  quelqu'un, 
il  est  coupable,  sans  doute  ;  s'il  croit  que  la 
pureté  du  motif  peut  les  sanelilier,  il  est 
dans  l'erreur.  Une  des  maximes  du  christia- 
nisme est  qu'iï  ne  fuiU  pas  faire  du  mal,  afin 
qu'il  en  urrive  du  bien,  Hom.,  c.  m,  v.  8. 
Àlais  lorsqu'une  armée  de  prétendus  jthilo- 
sophes  à  conjuré  la  ruine  du  christianisme, 
a  forge  des  milliers  de  volumes  remplis  d'in- 
vectives, de  calomnies,  d'impostures  contre 
cette  religion  sainte  et  contre  ses  sectateurs, 
a  prêché  le  déisme,  l'athéisme,  le  matéria- 
lisme et  le  pyrrhonisme,  quel  motif  louable 


?  539  tEL 

a-t-elle  pu  nvoir?  quel  effet  salutaire  at-clle 
pu  cspérrr?  Ce  zèle  infernal  ne  pouvait 
aboutir  qu'à  replonger  les  naiions  dans  l'i- 
gnorance,  dans  la  corruption,  dans  l'abru- 
lissement,  d'où  le  christianisme  les  a  tirées. 
Cela  est  démontré  par  l'exemple  decellesqui, 
pour  avoir  renoncé  à  cette  religion,  sont  re- 
tombées dans  la  barbarie.  Il  est  bien  ah- 
snrde  de  louer  en  apparence  le  z'Ie  de  Jé- 
sus-Christ et  des  apôtres,  et  de  tr.ivailler  à 
détruire  tout  le  bien  qu'il  a  produit.  — 
2°  Les  moyens  dont  les  incrédules  se  sont 
servis  pnur  établir,  s'ils  l'avaient  pu,  l'irré- 
ligion dans  l'Europe  entière,  sont-ils  plus 
honnêtes  et  plus  légitimes  que  ceux  qu'ils 
reprochent  aux  croyants  animés  d'un  faux 
zèle?  Cent  fois  nous  les  avons  convaincus 
de  mensonge,  d'imposture,  de  faussi's  ci- 
(alions,  de  Causses  traductions,  de  calom- 
nies forgées  contre  les  personnages  les  plus 
resiectables  de  tous  les  siècles;  ils  ont 
employé  les  invectives  les  plus  fongneuses 
pour  allumer  le  fanatisme  antichrétien  dans 
l'espril  du  peuple,  ils  se  sont  érigés  en 
prophètes ,  en  annonçant  la  chule  pro- 
chaine de  l'empire  de  Jèsus-Christ;  quel- 
ques-uns ont  poussé  la  démence  jusqu'à 
exhorter  les  sujets  à  se  ré\olter  contre  les 
souverains,  et  les  esclaves  à  égorger  leurs 
maîtres.  Avant  eux ,  les  predicants  du 
XVI'  viccle  s'étaient  servis  des  mêmes  cr- 
tnes  pour  faire  embrasser  l'hérésie;  si  ceux 
!ie  nos  jours  n'ont  pas  poussé  comme  les  sec- 
taires ie  aè/e  jusqu'à  égorger  leurs  ennemis, 
c'a  éti'  plulot  par  impuissance  que  par  mo- 
dération. L'on  sait  qne  le  plus  célèbie  de 
leurs  chefs  avait  fait  pendre  en  effigie  ceux 
qai  avaient  érrit  conire  lui  ;  nous  ne  som- 
Hies  que  trop  bien  fondés  à  juger  que,  s'il 
en  avait  eu  le  ])Ouvoir,  il  aurait  substitué  la 
réalité  à  la  représentation.  —  3'  Noas  ne 
savons  pas  si  leur  zèle  est  allé  jusqu'à  sanc- 
tifler  tous  ces  i>\cè,s  à  leurs  jeux  ;  toujours 
ont-ils  osé  soutenir  qne  leurs  motifs  étaient 
louables,  leurs  procédés  irrépréhensibles, 
leurs  fureurs  légitimes;  que  loin  d'être  di- 
gues de  châtiments  ils  méritaient  des  statues. 
Est-ce  à  de  pareils  hommes  qu'il  convient 
de  prêch  r  la  douceur,  la  charité,  la  tolé- 
rance, cl  de  reprocher  des  crimes  au  zèle  de 
religion?  Il  faut,  disent-ils,  honorer  la  Divi- 
nité, et  ne  jamais  songer  à  la  venger.  Si 
cela  signifie  qu'il  faut  permettre  à  tout  in- 
crédule (le  blasphémer  impunément  contre 
Dieu,  et  d'insulter  ainsi  à  tous  ceux  qui  l'u- 
dorciit,  nous  demandons  d'abord  quel  avan- 
tage il  en  pciil  revenir  au  genre  humain  ; 
mais  expliquons  les  termes.  A  proprement 
parler,  la  Divinité  ne  peut  être  ni  outragée 
ni  vengée;  essentiellement  hcu.ouse  et  in- 
dépendante, souveraine  maStiesso  de  toutes 
les  créatures,  inaccessible  à  tout  besoin  et  à 
toute  passion  humaine,  elle  ne  peut  riea 
perdre  de  son  étal  ni  rien  acquérir;  elle  com- 
mande aux  honimi  s  de  la  respecter,  (^e  l'a- 
dorer, do  lui  être  soumis,  non  pour  soirpro- 
pte  bien,  mais  pour  le  leur.  11  est  démontré 
qu'aucune  société  ne  peut  subsister  sans  re- 
ligion;  quiconque   attaque    celle-ci,    sape 


ZEL 


ftiô 


donc,  autant  qu'il  est  en  lui,  le  fondement  de 
la  société.  Lorsqu'on  le  punit  de  ses  blas- 
.phèmes,  on  venge  la  société  et  non  la  Divi- 
nité; elle  saura,  quand  elle  le  voudra,  se 
venger  comme  il  lui  convient. 

On  a  beau  multiplier  les  sophismes  pour 
pallier  les  effets  de  l'impiéié  :  tout  homme 
qui  croit  en  Dieu  et  qui  aime  sa  religion  se 
sentira  toujours  blessé  par  les  invectives,  les 
sarcasmes,  les  insultes  lancées  contre  les 
objets  qu'il  révère.  Un  honnête  citoyen  ne 
sonlTrira  jamais  patiemment  que  l'on  noir- 
cisse ou  que  l'on  méprise  sa  nation,  sa  pa- 
trie, ses  lois,  ses  mœurs,  ses  usages;  com- 
ment serait-il  indifférent  à  l'égard  de  sa  reli- 
gion qui  est  la  pr<^mière  de  toutes  les  lois,  et 
la  base  sur  laquelle  elles  reposent  ?  On  com- 
mence par  nous  outrager,  et  l'on  prêche  la 
tolérance;  c'est  comme  si  un  voleur  prêcliail  le 
désintéressement  à  l'hamme  ((u'il  a  déjio.uillé  : 
la  dérision  est  trop  forte.  Que  les  incrédules 
gardent  le  siLnce,  nous  n'irons  pas  nous  in- 
former de  ce  qu'ils  croient  on  ne  croient  pas; 
mais  ils  veulent  inquiéter  et  provoquer  tout 
le  monde,  et  n'être  inquiétés  par  personne. 

Tant  de  passions,  disent-ils  encore,  se 
cachent  sous  le  masque  du  zèle;  soit.  Elles 
ne  se  cachent  pas  moins  sous  le  masque  du 
bien  public,  de  l'intérêt  social,  <ii',  patrio- 
tisme, du  salut  de  l'Etal,  du  droit  et  de  l'é- 
quité, etc.  Sous  ce  déguisement  perfide  se 
sont  cachés  tous  les  ambitieux,  les  séditieux 
et  les  brouillons  de  l'univers,  les  incrédules 
s'en  servent  eux-mêmes  pour  pallier  l'or- 
gueil, la  jalousie,  l'envie  de  dominer,  (j  ui 
les  agitent,  et  il  ne  s'ensuit  rien.  —  Ce  zèle, 
disent-ils  enfin,  agit  de  même  dans  toutes 
les  religions,  soit  vraies,  soit  fausses.  Qu'im- 
porIc?Tous  les  sentiments  naturels  de  l'hu- 
manité se  retrouvent  aussi  les  mêmes  chez 
toutes  les  nations  policées  ou  barbares, 
éclairées  ou  stupides, heureusement  ou  mal- 
heureusement situéns  sur  le  globe.  Miiis 
puisque  le  zèle  pour  une  religion  fausse  est 
réellement  un  faux  ;è/e, c'est  à  ses  sectateurs 
qu'il  faudrait  aller  prêcher  la  tolérance ,  et 
non  à  ceux  qui  suivent  une  religion  vraie. 

L'on  nous  objecte  les  guerres  de  religion; 
mais  à  cet  article  nous  avons  fait  voir  que 
nos  adversaires  raisonnent  aussi  mal  sur  ce 
point  que  sur  tous  les  autres.  Non  contents 
de  ces  déclamations  vagues,  ils  ont  cité  des 
faits;  voyons  s'ils  sont  assez  graves  pour 
mériter  tant  de  clameurs.  Théodoret , //is/. 
ecciés.  1.  V,  c.  liO,  rapporte  qu'un  évêque  de 
Suze ,  dans  la  Perse,  nommé  Abdns ,  ou 
plutôt  Abdaci,  fit  détruire  un  temple  du  feu, 
l'an  414;  que  le  roi,  informé  de  ce  fait  par 
les  n)ages  ,  exhorta  d'abord  cet  évcquo  à 
rebâtir  le  temple  ;  que,  sur  le  refus  obstiné 
de  celui-ci ,  le  roi  le  fit  mourir,  qu'il  fil  raser 
toutes  les  églises  des  chrétiens,  qu'il  suscita 
contre  eus  une  persécution  qui  dura  trente 
ans,  et  dans  laquelle  il  périt  un  nombre  in- 
fini do  chrétiens,  rhéodoret  convient  que 
Abdas  eut  tort  de  détruire  ce  temple  ou  py- 
rée,  mais  il  soutient  que  cet  évêque  eut 
raison  d'aimer  mieux  mourir  que  de  le  réta- 
blir; autant  vaudrait-il  adorer  le  feu  que.de 


lia 


ZEL 


ZOD 


1143 


lui  bâtir  un  temple.  Bayle,  Barbeyrac,  de 
Jaucourt  et  d'autres  ont  insisté  à  i'envi  sur 
ce  trait  d'histoire  ,  soit  pour  montrer  les  ex- 
cès auxquels  le  zèle  de  religion  est  capable 
de  se  porter,  soit  pour  relever  la  fausse  nio- 
ralo  d'un  Père  de  l'Église,  qui   a  cru  que  le 
zc/e  suffisait  pour  légitimer  une  action  in- 
juste, telle  que  le  refus  de  réparer  le  dom- 
mage   que    l'on    a   causé.   La    brièveté    du 
récit  de  Tlu'odorel  nous  fait  assez  voir  qu'il 
était    mal  informé  de  la  nature  et  des  cir- 
constances   du    fait  ;   s'il    avait    été    mieux 
instruit,  il  aurait  motivé  tout  autrement  sou 
avis.  Assémani ,   liihlioth.   orient.,    toin.  I , 
p.  183 ,  et    lom.  III  ,  p.  371  ,  nous   apprend  , 
sur  le  témoignage  des  historiens  orientaux, 
que  ce  ne  fui  point  Ahdas  qui  Ht  détruire  ce 
pyrée  des  Perses,  que  ce  fut  un  prêtre  de  son 
clergé,  sous  prétexte  que  cet  édifice,  contigu 
à    l'église  (les   chrétiens,   les    incommodait 
dans  le  service  di\in.  La  question  est  donc 
de  savoir  si  i'évéque  devait  être  responsable 
de  l'action  d'un  de  ses  prêtres,  et  en  réparer 
le  dommage.    Nous   présumons  qu'il    ne   le 
devait  pas  ;  que  s'il  l'avait  fait,  dans  les  cir- 
constances où  il  se  trouvait,  les  mages  nii- 
raient   malicieusement    représcnlé   sa    con- 
duite comme  une  apostasie,  et  qjie  c'est  ce 
que  Théodorel  a  voulu  f;iire  enlctulrc.  Assé- 
mani soutient  encore  qu'il  est  faux  que  cotte 
persécution ,  qui  arriva  sur  la  fin  du  rtgne 
d'Isdegerde,   ait  duré    longtemps;   elle    fut 
promptement    assoupie.    Elle    recommença 
sous  le  règne  de  Varane  son  successeur,  non 
pour  punir  aucun  délit  des  chrétiens,  mais 
parce  que  la  guerre  se  ralluma  entre  les  Ro- 
mains et  les  Perses.  Dans  cette  circonstance 
les  mages  ne  manquaient  jamais  de  peindre 
au  roi  les  chrétiens  comme  des  sujets  sus- 
pects, livrés  aux  Uomains  par  inclinalion,  et 
dont  il  fallait  se  délier  :  telle  fut  toujours   la 
vraie  causedes  pcrsécutionsqu'ils  essuyèrent 
de  la  part  des  rois  de  Perse.  Cela  est  si  vrai 
que,  quand   les  ncstoriens  et  les  eutychiens 
eurent  été  bannis  par  les  empereurs,  ils  fu- 
rent  accueillis   par    les   Perses,  parce  qu'on 
les  regarda  comme  des  ennemis  de  l'empire. 
Aussi   Mosheim,  mieux  instruit  de  ces  faiis 
que  les  autres  protestants  ,  n'a  pas  déclamé 
avec  autant  d'indécence   qn'eux  contre    la 
conduite  d'Abdas. 

Karbeyrac  a  cité  en  second  lieu  l'exemple 
de  Marc  d'.\rcthuse,  qui  ,  sous  le  règne  de 
Julien,  refusa  de  reliâtir  un  temple  de  païens 
qu'il  avait  fait  démolir  sous  le  règne  de 
Constance.  Comme  cet  évcque  y  avait  été 
autorise  par  l'empereur,  avant  de  le  con- 
damner, il  faut  faire  vnir  que  Julien  avait 
plus  de  droit  de  faire  rebâtir  ce  lempie  (jne 
Constance  n'en  avait  eu  de  le  faire  liémollr. 
Julien  fat  d'autant  plus  criminel  d  abamion- 
ficr  Marc  à  la  fureur  des  païens  d'Aréihuse, 
que  cet  évèque  lui  avait  sauvé  la  vie  dans 
son  enfance.  Quand  ces  sortes  de  faits  se- 
raient cent  fois  plus  graves  et  en  plus  grand 
nombre,  serait-ce  assez  pour  prouver  qu.>  le 
zèle  de  religion  est  une  des  passions  les  plus 
fatales  an  genre  humain  ?  Comparez,  décla- 
tualeurs  impudents,  comparez  ces  délits  de 


quelques  particunérs ,  avec  les  neureux  ef- 
fets que  le  zèle  des  chrétiens  a  opérés  dans 
le  monile  entier,  qui  subsistent  encore  de- 
puis dix-sept  cents  ans,  et  dont  vous  jouissez 
vous-mêmes  :  comparez  l'étal  actuel  des  na- 
tions chrétiennes  avec  celui  des  peuples 
infidèles  qui  n'ont  pas  voulu  recevoir  l'É- 
vangile ou  qui  y  ont  renoncé  ;  comparez 
enlin  trois  cents  ans  de  persécutions  cruelles, 
pendant  lesquelles  les  chrétiens  se  sont 
laissé  égorger  paisiblement,  avec  ces  instants 
d'un  faux  zèle  dont  un  très-pelit  nombre  ont 
été  saisis  ,  et  osez  encore  exagérer  les  maux 
qu'ils  ont  produits.  Mais  les  incrédules  ne 
sont  pas  assez  raisonnables  pour  faire  au- 
cune comparaison  :  ils  ne  cesseront  jamais 
de  répéter  les  mêmes  invectives;  heureuse- 
ment elles  se  réfutent  par  elles-mêmes;  ils 
n'oseraient  pas  se  les  |)ermelire,  si  le  zèle 
de  religion  était  en  général  aussi  fougueux 
qu'ils  le  prétendent. 

•  ZODIAQUES.  —  Pcndnnt  l'expédition  de  Cnna- 
pariK  en  Egypte,  les  savants  qui  l'avaient  accom- 
pagné dans  sa  grande  expédition  iroiivèreiil  plu- 
sieurs îodia(iiii's  qui  excitèrent  vivement  l'atlenlion. 
On  en  trouva  deux  à  Esneli,  l'un  du  plus  grand,  et 
l'autre  du  plus  petit  de  ses  temples.  Ces  deux  zo- 
diaques, avec  le  zodiaque  reeiangulaiic  de  Dende- 
rali,  soiil  les  seuls  (pii  niérilent  une  atienlion  par- 
ticulière ;  le  planisplière  circulaire  devra  partager 
le  sort  du  Zndiaipie  peint  dans  le  même  leniple.  On 
n'eut  pas  pluiot  publié  des  gravures  de  ces  monu- 
meals,  que  l'hànope,  et  particulièrement  la  France, 
turent  inondées  de  mémoires  et  de  dissertations  (|ui 
en  discniaient  l'aniiiiuité.  Il  fut  généralement  posé 
en  principe  qu'ils  repré'eiilaiont  l'état  du  ciel  à  l'é- 
pncpie  où  ils  avaient  été  formés,  et  (ai  les  édifices 
qu'ils  ornaient  avaient  été  élevés.  Quelques  savanis 
y  apercev:iienl  le  point  où  les  colures  des  solstices 
coupaient  l'écliplique  à  celle  épnqne ,  el ,  avec  liur- 
ckhardi,  atirihiiaient  au  grand  zodiaque  d'Esneli  l'ef- 
frayante antiquité  de  sept  mille,  el  à  celui  de  Den- 
derah,  celle  de  quatre  mille  ans;  mais  Oupuis,  en 
partant  des  mêmes  prémisses,  restreignait  à  trois 
mille  cinri  cent  Miixaniedeus  celle  de  ce  dernier  (a). 
D'antres  préiendircnl  qu'ils  représenlaienl  l'eiat 
du  ciel  au  coinniencemeiit  de  la  période  sotliique,  et, 
comme  sir  W.  Drummond,  assignaient  a  criui  de 
Denderaji  treize  cent  vingt-deux  (ft),  et  à  celui  du 
grand  lenipled'Esneli, deux  mille  huit  cents  ans  avant 
noue  ère  (c).  Une  trois  ème  clause  cnlin  y  vil  le 
lever  liéliaqne  de  Sirins  à  une  époque  donnée,  et 
conclut,  avec  Fiairier,  (jue  les  zodia(|ues  d'Esneh  da- 
taient de  deux  mille  ciiii]  cents,  et  celui  do  Den- 
deralide  deux  mille  ans  avant  .lésus  Christ  (</)  ;  ou 
bien,  avec  Nnnet,  que  le  dernier  était  de  denx  mille 
cinq  cenis,  el  le  plus  grand  des  deux  premiers,  de 
quatre  mille  six  cents  ans  aniériciir  à  cette  ère  (e).  Je 
n'ai  pas  besoin  de  vons  fitigner  plus  longtemps  par 
l'éniMiiéralion  de  pareils  systèmes.  I^a  même  bas'j 
conduisit  les  divers  philosophes  qui  s'en  occupè- 
rent à  des  co!iclu~ic)iis  oppnsees;  ei  c'est  ainsi  que 
l'ei  reiir  se  trahit  elle-inênie  par  la  variété  caraclé- 
ristiipic  de  ses  couluors. 

Dès  te  début  de  W  discussion,  il  y  eut  une  classe 
d'investigateurs  qui  osèrent  proposer  d'examiner, 
non  plus  d'après  les  principes   astronomiques,   mais 

(n)  Voyez  Cuvier. 

b)  Mimmire  sur  l'anliquilé  des  Zodiaques  de  Deiideralt 
cKVE^uU.  I  oiel.,  18il,  p.  IH. 

(C)  Ibid.,  p.  aO. 

(il)  VuMzGin.ïuianl,  p.  919. 

(e)  IU;herclies  iiouveUcf  de  Voliii'y,  ni'  partie.  Paris, 
1814,  p.  030. 


1143 


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IIU 


d'après  des  principes  arcliéologiqnes,  l'alarnianle 
antiquité  accordée  à  ces  curieux  monuments;  de  ce 
nombre  furent  le  vénérable  et  savant  nmnsignor 
Testa,  et  le  fameux  antiquaire  Visconii  (a).  Le  der- 
nier remarqua,  en  particulier,  que  le  temple  de  Den- 
derali,  quoique  d'arcliitecture  égypiieime,  portait 
des  marques caractérisliquesqui  nepouvaient  remon- 
ter au  delà  des  l'l<ilémées,  et  que  des  inscriptions 
jïrecques,  qui  s'y  irouvaient,  avaient  trait  à  un  des 
Césars,  qui,  à  son  avis,  devait  être  Aiigiisieou  Ti- 
bère. Ce  raisonnement  cependant  resta  sans  crédit 
pendant  vingt  ans,  et  les  explicaiions  astronomiques 
furent  seules  admises.  M.  Bankes,  durant  son  voyage 
en  Egypte,  lit  de  cetie  intéressante  recherche  l'objet 
d'une  iirofiind.' attention;  ei,  dans  une  lettre  à  M. 
David  Baillie,  il  li;i  fit  part  des  raisons  qui  le  fon- 
daient à  croire  que  ces  temples  ne  remontaient  pas 
à  une  plus  haute  antiquité  que  les  règnes  d'Adiien  et 
d'Anloniii  le  Pieux  (/<).  H  remarqua  que,  tandis  que 
Jes  chapiieaux  des  plus  anciennes  colonnes  de  Thèhes 
De  se  composaient  que  d'une  simple  campanille, 
snppnriée  par  un  fût  polygone  ou  cannelé,  ceux 
d't.sneh  et  de  Denderah  sont  laborieusemenl  enri- 
chis de  feuillages  et  de  fruits.  Bien  plus,  les  hiéro- 
glyphes qu'on  voit  sur  les  colonnes  ne  sont  cer  tai- 
iienienlpas  égyptiens,  puisque  M.  Bankes  y  a  trouvé 
une  inscripiioii  indiquant  qii'ils  y  avaient  été  tracés 
sous  le  règne  d'Anlonin  (c).  Cependant  les  argu- 
ments arcbéologiiiues  en  faveur  de  la  construction 
moderne  de  ces  tnonunienis  ont  reçu,  de  la  plume 
de  M.  Leiroiine,  leur  entier  développement.  Ce  sa- 
vant érudit  a  puisé,  dans  les  publications  et  les  rap- 
ports des  voyageurs,  tous  les  renseignements  néces- 
saires sur  l'architecture  de  ces  temples,  et  a  ex- 
pliqué les  inscriptions  qu'ils  portaient  encore.  MM. 
ihiyot  et  Gau  lui  fournirent  des  particularités  inté- 
ressantes sur  le  premier  sujet,  l'architecture.  Entre 
autres  laits,  ils  démontrèrent,  d'après  le  style  et  les 
couleurs  employées,  que  le  portique  du  petit  temple 
d'Ësneb,  où  le  Zodiaque  est  peint,  est  de  même  date 
que  le  temple  lui-même.  Or  une  inscription,  la  même 
prohableinent  dont  parle  M.  Bankes,  lut  copiée  par 
ces  artistes  sur  une  colonne  du  temple.  Cette  ins- 
cription porte  que  deux  Egyptiens  lirent  exécuter 
ces  peinluics  la  dixième  année  du  règne  d'Anlonin, 
la  centquarante-sepliiiiie  apièsJésus-Chnst  (d). Telle 
est  donc  la  date  du  petit  zodiaque  d'Esneh,  auquel 
on  avait  assigné  une  anli(|uiié  de  deux  à  trois  mille 
ans  avant  l'ère  chrétienne!  Le  temple  de  Denderali 
a  partagé  le  même  sort  :  une  inscriplion  grecque  qui 
se  trouve  sur  son  portique,  et  à  laquelle  on  n'avait 
pas  fait  allention,  déclare  qu'il  était  dédié  au  salut 
de  Tibère  (e).  Tandis  que  M.  Letronne  était  ainsi 
occupé  à  examiner  les  inscriptions  grecques  dont 
étaient  chargés  ces  prétendus  restes  de  la  plus  haute 
antiquité,  M.  Champollion  mettait  la  dernière  niain 
à  son  alphabet  hiéroglyphique,  et  il  conlirma  bientôt 
par  ses  recherches  les  conclusions  de  son  ami.  Il  lut 
aussi  sur  le  parvis  du  temple  de  Denderah  la  lé- 
gende hiéroglyphique  de  Tibère  (/').  Sur  le  plani- 
sphère circulaire  de  ce  même  temple,  il  déchiUVa 
lés  lettres  ATKPTP,  ou  bien,  en  suppléant  les  voyel- 
les, AïTOKPATûP,  titre  que  prenait  Néron  sur  ses 
médailles  égypiiennes  (g), 
il  ne  reste  plus  que  le  Zodiaque  du  grand  temple 

(«)  Testa  ,  Soprti  due  Zodùici  riovellaniente  scoperti  nell 
EgiUo.  Rome,  1802.  —  Visconli,  dans  l'Hérndole  de  Lar- 
cher,  vol.  H,  p.  S67  et  seqq. 

(6)  Mémoire  de  sir  W.  Drimimond,  p.  56. 

(f)  Ibiil.,  p.  57.  —  Il  s'agit  ici,  je  pense,  du  temple 
siiué  au  nord  d'Êsrieh  ,  connu  sous  le  nom  de  Petit 
Temple. 

(rf)  Recherches  pour  servir  à  ihisloire  de  l'Egypte  pen- 
duui  la  domination  des  Grecs  el  des  Romains.  Pans,  1823 , 
p.  45R. 

(el  IbiU.,  p.  180. 

if)  Leurc  à  M.  Lelroime,  à  la  fin  de  ses  Obseriialions,  etc. 

(g)  Leltre  à  M.  Dticier,  p.  23  ;  Letronne,  p.  3S. 


d'Esneh,  et  M.  Champollion  a  fait  aussi  bon  marche 
de  son  antiquité  et  de  celle  du  temple  sur  lequel  il 
était  peint.  Lors  de  son  séjour  à  Naples,  en  août  1826, 
sir  William  Gell  lin  conununiqua  des  dessins  exacts 
du  Zodiaque  d'Esneh,  tracés  par  MM.  Wilkinson  et 
Cooper,  et  il  découvrit  que  ce  monument  avait  été 
érigé,  non  comme  l'auraient  conjecturé  les  astrono- 
mes, sous  le  régEie  de  quelque  Pharaon  égyptien,  por- 
tant un  nom  barbare,  mais  sous  l'empereur  romain 
Commode  (a).  Déjà  il  avait  prouvé  que  les  sculptures 
de  ce  temple  avaient  été  exécutées  sous  le  règne  de 
Claude  {b}. 

Ce  fut  donc  avec  justice  que  le  ministre  de  l'inté- 
rieur, le  vicomte  de  la  Rochefoucauld,  dans  une  lettre 
adressée  au  roi  de  France  et  datée  du  15  mai  1826, 
attribua  à  M.  Champidliun  le  mérite  d'avoir,  dans 
l'opinion  de  tout  esprit  impartial,  décidé  le  point  en 
litige.  «  Le  suiïrage  public,  dil-il,  des  hommes  les 
plus  distingués  de  l'Europe  a  sanctionné  des  résultats 
dont  l'application  a  déjà  été  très-utile  pour  découvrir 
la  vérilé  en  histoire,  et  pour  aOérniir  les  saines  doc- 
trines littéraires.  Car  Voire  Majesté  n'a  pas  oublié 
que  les  découvertes  de  M.  Cluimpollion  ont  démon- 
tré péreniptoireuient  que  le  Zodiaque  de  Denderah, 
qui  semblait  alaïuier  la  croyance  publique,  est  une 
œuvre  qui  remonte  seulement  au  temps  où  les  Ko- 
mains  possédèrent  l'Egypte,  i 

On  ne  devait  pas  cependant  se  flatter  que  la  rési- 
stance des  ennemis  du  christianisme  céderait  entiè- 
rement devant  ces  vigoureuses  altaqiies.  Trop  de 
science  avait  été  dépensée  à  soutenir  des  théories  soi- 
gneuseuient  élaborées  ;  on  avait  exposé  avec  tiop  de 
confiance  des  systèmes  favoris,  pour  que  ceux  qui 
en  avaient  été  les  auteurs  y  renonçassent  sans  peine, 
et  en  certains  cas  sans  résistance! 

Difficile  est  lougum  subito  deponere  amorem. 

(Catdlle,  Carm.LXwi,  15.) 

Il  était  bien  démontré,  de  l'aveu  même  de  nos  ad  ■ 
vcrsaires,  que  les  temples,  et  par  conséquent  les 
Zodiaques  qui  y  étaient  conienus,  étaient  mudernes  ; 
mais  ces  derniers  devaient  avoir  élé  copiés  sur  d'au- 
tres d'ancienne  date.  Ainsi  le  plan  original  du  Zo- 
diaque circulaire  de  Denderah  devait  avoir  élé  formé  sept 
siècles  au  moins  avant  notre  ère. Tels  furent  les  moyens 
de  défense  mis  en  asant  par  feu  sir  William  L»jum- 
moiid,  dans  son  dernier  ouvrage  (i)  ;  mais  quand  il 
l'écrivit,  il  ne  pouvait  encore  avoir  eu  conaissance 
de  la  savante  dissertation  publiée  quelques  mois  au- 
paravant, dans  laquelle  M.  Letroime  a  perlé  le  der- 
nier coup  à  son  système,  ainsi  qu'à  tout  autre  sys- 
tème qui  aurait  pour  bui  de  défendre  l'absurde 
antiquité  des  Zodiaques  (d). 

L'intrépide  voyageur  Cailliaud,  à  son  retour  d'E- 
gypte, apporta,  entre  autres  rareiés,  une  momie  dé- 
couverte à  Thèhes,  el  remarquable  par  plusieurs 
particularités.  Les  deux  plus  importantes  étaient  une 
légende  grecque  bien  détériorée,  et  un  zodiai|ue  qui 
avait  une  exacte  ressemblance  avec  celui  de  Den- 
derah (e).  Dans  la  dissertation  doni  je  viens  de  par- 
ler, M.  Letronne  entreprend  d'expliquer  ces  deux 
points,  et  (le  les  faire  concorder  avec  les  représen- 
tations zodiacales  des  temples  égyptiens.  11  établit 
l'inscription  avec  un  bonheur  qui  doit  satisfaire  le 
critique  le  plus  pointilleux ,  et  reconnaît  que  la 
momie  est  celle  de  Péiéménon,  fils  de  Suter  et 
de  Cléopàire,  qui  mourut  à  l'âge  de  vingt  et  un  ans, 

(û)  Bulletin  univers,  ut  supra. 

(b)  Lelroniie. 

((•)  Origines  ou  Remarques  sur  foriginc  de  pluttems 
empires,  vol.  Il,  p  2:27.  Loud.,  182S. 

(d)  Ubservations critiques  et  archéutogiques  sur  l'objet 
des  eprésentations  zodiacales.  i'3vii,ii>jTS  1824.  L'éplire 
dWicaloire  de  sir  \V.  Urummoiid  est  datée  du  17  septem- 
bre 1812. 

(e|  Voyage  à  Mérué  au  fleuve  Blanc,  etc.,  Paris,  182.Î, 
in-tol.,  vol.  11,  pi.  71. 


{145 


ZOD 


ZOD 


«Uf 


quatre  mois  ,  vingt-deux  Jours  ,  la  dix-neuvième 
aiÉiice  de  Trajan  ,  le  Imilièine  joui'  île  payiii  , 
ou  ie  2  juin  de  l'an  IIG  de  l'ère  actuelle  (a).  Le  zo- 
diaque qui  se  trouve  à  l'intérieur  de  la  niche  de  celte 
momie,  ressemble,  comme  je  l'ai  déjà  dit,  à  celui  de 
Denderali;  il  est,  comme  lui,  supporté  par  une  ligure 
monstrueuse  de  fcmine  qui  a  les  bras  étendus,  et  il 
présente  les  signes  du  zodiaipie  sur  deux  handes  pa- 
rallèles inoiuaiitel  descendant  précisément  dans  le 
niêiue  ordre,  et  dans  un  nyU:  de  dessin  tout  pareil. 
On  y  découvre  même  la  vaclie  re|iosant  dans  nn 
bateau,  (|ui  est  l'cmlilèine  d'Isis  ou  Sirius.  Un  peut 
donc  affirmer  que  l'identiic  des  deux  représeniatioiis 
zodiacales  est  pleinement  établie.  Mais  le  petit  zo- 
diai|ue  offre  une  particularité  :  le  signe  du  Capri- 
corne ne  se  trouve  pas  dans  l'ordre  des  autres  signes; 
il  est  placé  sur  la  tète  de  la  figure,  dans  nu  lieu  à 
part,  d'où  il  seud)le  dominer  (b).  L'exisleuce  même 
d'un  zudia(|ue  sur  la  niche  d'une  momie  doit  l'aire 
naitre  l'idée  qu'il  a  rapport  à  la  personin'  em- 
baumée ;  en  d'autres  icrmes,  que  c'est  un  ïodiaqne 
aslroioijique,  et  non  un  /.odiaiiue  aslroiiomiqne.  Dans 
ce  cas,  on  peut  supposer  (|ue  le  signe,  détaché  et 
mis  à  pan,  repri'S(;nte  le  signe  sons  lequel  cette  per- 
somie  était  née,  et  dont,  par  coriséqiienl,  devait  dé- 
pendre sa  destinée  pour  tout  le  cours  de  sa  vie.  II 
est  lacile  de  vérifier  cetie  hypothèse.  Nous  avons 
l'âge  exact  de  Péléménon,  ainsi  que  la  date  de  sa 
mort;  en  calculant  d'après  cela,  nous  trouvims  qu'il 
était  né  le  l'i  de  janvier  de  l'an  95  de  l'ère  chré- 
tienne. Ce  jour-là,  le  soleil  se  trouvait  à  peu  prés 
aux  deux  tiers  du  Capricorne. 

Si  au  lien  du  signe  nous  préférons  la  constellation, 
la  conclusinii  sera  la  même  :  car  en  calculant  d'a- 
près la  taille  do  Delambre,  selon  la  précession  an- 
nuelle, nous  trouvons  i|u'à  l'époque  en  (|iiesli(in, 
toute  la  coÊislellation  était  comprise  dans  le  signe,  et 
que,  le  12  de  janvier,  le  soleil  se  trouvait  au  sei- 
zième degré  environ  de  cette  constellalioii  (c). 

M  ne  peut  dune  nous  resler  aui  un  doute  que  le 
zodiaque  ne  lût  l'expression  d'un  thème  natal  ;  et  l'a- 
nalogie nous  conduirait  au  même  résultat  par  rap- 
port à  celui  de  Dendirali,  quand  même  la  présence 
des  décuiis,  reconnus  par  Visconti  et  expliqués  par 
Champolliiin,  (|ui  a  lu  aussi  bien  qu'eux  les  noms  qui 
leur  sont  donnés  dans  Julius  Firmicus,  ne  nous  au- 
toriserait pas  déjà  à  le  considérer  comme  astrologique. 

M.  Letronne,  cependant,  ne  se  contente  pas  de 
cette  conclusion  gi'iiérale,  mais  il  entre  dans  un  examen 
approfondi  de  l'astrologie  des  anciens.  Cette  sciL-nce, 
qui  est  née  en  i^gyptc,  a  passé  en  Grèce  et  à  Home, 
puis  elle  est  revenue  dans  sa  mère  patrie,  ennoblie  et 
consacrée  par  le  patronage  des  Césars  (d).  Au  mo- 
ment précis  où  ces  fameux  Zodiaques  lurent  traces, 
cette  science,  s'il  est  permis  de  l'appeler  ainsi,  avait 
atteint  son  zénilh,  et  planait  au-dessus  de  son  sol 
natal.  Manilins  et  Veiilus  Valens  composèrent  des 
Iraiiés  sur  cette  prétendue  science  :  l'un  sous  le 
règued'Auguste.et  i'aulre  sous  celui  de  Marc-Aurèle; 
mais  les  nombreuses  médailles  astrologiques  d'E- 
gypte sous  Trajan,  Adrien  et  Anlonin,  sont  des  preu- 
ves irrécusables  de  la  vogue  dont  elle  jouissait  alors 
dans  ce  pays  (e).  Celait  aussi  le  temps  des  sectes 
astrologiques,  des  gnosliques,  des  opbites  et  des 
basilidiens,  dont  les  Abruxas,  qui  représenlaieut  di- 
verses combinaisons  astrologiques,  ont  été  pris  sé- 
rieusement par  quelques-uns  de  ceux  qui  ont  entre- 
pris d'expliquer  les  Zodiaques,  pour  des  munuinenls 
aniérieurs  de  trois  mille  huit  cent  soixante-trois  ans 
à  l'ère  cliréliennc  (/').  Ce  concours  de  preuves,  les 
dates  modernes  et  pres(|ue  contemporaines  de  tous 

(a)  l'ag.  50. 
(6)  iiiid.,  p.  49. 
(c)  Pag.  g-.,  SA. 
(rf)  Pag.  m,  8(j. 
«)  Pag.  80,  92. 
(/■)  Itiid.,  p.  70. 


les  Zodiaques,  le  caractère  incontestablement  astro- 
logique de  l'un  d'eux,  les  décans  tracés  sur  un  autre, 
et,  par-dessus  tout,  l'inlluence  des  idées  astrologi- 
i|ues  à  l'époque  même  à  la(|uelle  ont  été  faits  tous  les 
Zodiaques  existant  en  Egypte,  ne  nous  laissent  plus 
aucun  lien  de  douter  que  toutes  ces  représentations 
zodiacales  ne  soient  simplement  des  restes  de  la 
science  occulte,  et  n'expriment  que  des  sujets  géné- 
lliliaques  (a).  Quelle  perte  de  talents,  de  temps  et 
d'érudition  la  vérité  n'at-clle  pas  à  déplorer,  en  re- 
traçant l'histoire  de  cette  mémorable  controverse! 
Sur  (|uel  éclatant  amas  de  systèmes  ruinés  Terreur 
n'a-t-elle  pas  à  gémir  !  Systèmes  oii  tout  était  brillant, 
tout  imposant,  tout  aninii'  de  conliance  ;  mais  uù 
tout  en  n)émi;  teni|is  était  creux,  fragile  et  sans  con- 
sistance! 11  s'est,  il  est  vrai,  trouvé  des  cas  où  l'on  a 
vu  le  génie  et  le  savoir  d'un  antiquaire  devenir  le 
jouet  d'une  fraude  plaisanie  ou  maligne  ;  ou  en  a 
vu,  comme  Scriblerus,  rendre  à  de  la  rouille  mo- 
derne le  respect  et  l'hommage  réservés  à  celle  de 
l'antiquité  (if  );  mais  jamais  auparavant  le  monde 
n'avait  vu  dans  aucun  cas  un  esprit  de  vertiiie  s'em- 
parer si  complètement  d'un  aussi  grand  numlirc 
d'hommes  de  science  et  de  talent,  qu'ils  aient  attri- 
bué des  siècles  sans  nombre  d'existence  à  des  mo- 
numents comparativement  modernes,  et  (|ue,  sans 
se  laisser  effrayer  par  la  chute  de  tant  de  systèmes, 

«  Ils  lultent  encore  dans  la  môme  arène  oii  ils  ont  vu  leurs 
compagnons  toinber  devant  eux,  comme  les  feuilles 
d'uu  même  arbre.  > 

(Cuild-Hahold,  chant  iv,  9  t.) 

Jamais,  en  effet,  l'erreur  ne  s'est  monirée  plus  par- 
faiiement  semlilable  à  l'hydre  de  la  fable.  Chaque 
tète  était  coupée  dès  qu'elle  apparaissail,  mais  il 
s'en  élevait  aussitôt  une  nouvelle  à  sa  place,  égale- 
ment hardie,  el  disant  de  (frandes  choses.  Cette  guerre 
violente  a  continué  pendant  plus  de  vingt  ans  ;  mais 
comme  les  préjugés  se  sont  peu  à  peu  dissipés,  et 
que  la  vériiable  science  a  pris  de  nouvelles  forces, 
les  facultés  vitales  du  monstre  ont  perdu  de  leur  vi- 
gueur, et  les  blessures  qu'il  a  reçues  lui  ont  été  plus 
fatales.  Depuis  longtemps  il  a  rendu  le  dernier  sou- 
pir, les  derniers  efforts  de  ses  mortelles  atta(|ues 
ont  cessé;  et,  n'existant  plus  que  dans  les  annales 
de  l'histoire,  il  ne  peut  pas  plus  aujourd'hui  inspirer 
de  terreur  aux  plus  simples  et  aux  plus  timides,  que 
le  squelette  décharné,  ou  que  les  dépouilles  bien 
conservées  de  quelque  monstre  du  désert,  dans  le 
cabinet  des  curieux.  Toutefois  il  y  a  du  plaisir  à  voir 
le  catalogue  des  noms  illustres  qui  n'ont  pas  courbe 
le  genou  devant  cette  idole  favorite,  et  je  ne  ferais 
que  leur  rendre  jusiice  en  les  citant.  L!n  écrivain, 
dans  un  journal  anglais,  longtemps  après  les  der- 
nières reclierches  dont  j'ai  rendu  compte,  a  en  la 
hardiesse  d'avancer,  que  <  sur  le  coniinent  (et  il 
parle  de  la  France  en  particulier),  l'antiquilé  des 
zodiaques  de  Denderah  a  été  considérée  comme  suf- 
fisamment éiablie  pour  prouver  que  les  Egyptiens 
étaient  un  peuple  savant  cl  iniiié  aux  sciences  long- 
leiiips  avant  l'époque  île  laquelle  notre  croyance  l'ail 
daier  la  création  de  l'homme;  i  tandis  (|n'en  Angle- 
leiTe  cette  opinion  non-seulement  était  rejetée»  mais 
le  contraire  même  avait  été  démonlré  pour  la  pre- 
mière fuis  par  M.  lientley  (c).  Par  un  procédé  lo- 
gi(|ue,  malheureuseiiK'nl  trop  commun  dans  les  pa- 
ges de  ce  journal,  l'écrivain  attribue  la  cause  de  ce 
piiénumène  à  la  religion  des  deux  pays.  «  La  fu- 
neste influence  du  papisme,  dit-il,  pousse  le  philo- 
sophe qui  cherche  la  venté  à  rejeter  loule  révélation 
comme  une  fourberie  inventée  par  les  prêtres;  tau- 

(n)  Ibid.,  p.  lO:;,  108 

(6)  Voyez  les  Curiosités  de  Littérature  de  d'Israéli, 
2'sér.  2'  édit.  J.oiiil.,  18:24,  vol.  III,  p.  49  et  suiv.  Mais 
aux  exemples  cités  par  d'Israéli  on  pourrait  en  ajouter 
beaucoup  d'autres  également  curieux. 

{c)  Briùih  crilic.,  avril  1826,  p.  157 


H47 


ZWI 


ZWI 


H48 


dis  que,  dans  noire  pays  libre,  i'encourngement 
donné  à  un  plein  et  libre  examen  des  preuves  du 
clirisiianisme  en  a  fnit  sentir  loule  la  force  aux  rai- 
sonneurs doués  de  sagacité  (n).  t  Tout  ceci  a  été 
écrit  deux  ans  après  que  le  dernier  ouvrage  «le  Le- 
tronne  eut  mis  fin  au  dél)at  soulevé  à  l'occasion  des 
zodiaques.  Si  dune  ce  critique  avait  été  moins  em- 
porté p:ir  le  désir  de  lancer  îles  traits  contre  le  catho- 
licisme, dans  le  temps  même  qu'il  comlialtait  l'im- 
piélé,  reimemicommim,  il  n'aurait  pas  mampic  assii- 
rémeni  de  se  rappeler  les  noms,  non-senleineni  de 
Letronue  et  dr  Cliampollion,  m:iis  encore  de  Lalande, 
de  Vicnnli,  de  Paravey,  de  Delambœ,  de  Testa,  de 
Biot,  de  Sainl-Marlin,  de  llalma  et  de  Cuvier,  qui 
tous  ont  assigpié  à  ces  monuments  une  date  moderne. 
Or  tontes  les  fois  qu'il  est  question,  non  de  nom- 
bres, mais  de  science  astronomique  ,  des  noms  tels 
que  ceux  de  Lalande,  diî  Debimbie  et  de  Biot  peu- 
vent assurément  en  contre-baliincer  plusieurs  autres, 
et  venger  les  savants  français  de  l'odieuse  incul- 
pation si  injustement  lancée  contre  eux. 

♦  ZOROASTUE.    Voy.  Perses. 

ZWINGLIIÎNS,  secte  de  proteslants,  ainsi 
nommés  de  Ulric  ou  Huldriz  -  Zwingle  , 
leur  chef,  suisse  de  nation,  né  à  Zurich. 
Après  avoir  pris  le  bonnet  de  docteur  à  Bâie 
en  1303,  el  s'élre  ensuite  distingué  par  ses 
talents  pour  la  prédication,  il  fut  pourvu 
d'une  cure  dans  le  canton  de  Glaris,  et  en  - 
suite  de  la  principale  cure  de  la  ville  de 
Zurich.  Dans  le  môme  temps, ou  à  peu  près, 
que  Luther  commença  de  répandre  ses  er- 
reurs en  Allemagne ,  Zwingle  enseigna  les 
mêmes  opinions  contre  les  indulgences,  con- 
tre le  purgatoire  ,  l'intercession  et  l'invoca- 
tion des  saints,  In  sacrifice  de  la  messe,  le 
jeûne,  le  célibat  des  prêtres,  de,  sans  lou- 
cher néanmoins  au  culte  extérieur. 

C'est  une  question  eiilre  les  luthériens  et 
les  calvinistes,  de  savoir  si  c'est  Luther  ou 
Zwingl'^  qui  conçut  le  premier  le  iirojet  de 
la  réi'ormalion.  Comme  cette  disput"  nous 
intéresse  fort  peu  ,  il  nous  suffit  d'observer 
que,  comme  Luther  avait  pris  ses  opinioits 
dans  les  livres  de  Wiclef  et  des  hnssilcs,  il 
n'est  pas  étonnant  que  Zwingle  ait  puisé  les 
siennes  dans  la  même  source  el  se  soil  fon- 
dé sur  les  mêmes  arguments.  Oue  l'un  ait 
commencé  à  les  publier  l'an  15i6  et  l'autre 
l'an  1317,  cela  n'iniporte  en  rien  à  la  v.  ri(é 
ou  à  la  fausseté  de  leur  doctrine.  Une  afi'ec- 
talion  puérile  des  prolestants  esl  de  vouloir 
persuader  que  cette  troupe  de  piélendus  ré- 
formateurs, qui  parurent  tout  à  coup  dans 
les  différentes  contrées  de  l'Europe  au  xv  ' 
siècle,  étaient  ou  autant  d'inspirés  que  Uicu 
avait  illuminés,  ou  autant  de  génies  siip.'- 
rieurs,  qui,  par  une  élude  profonde  et  con- 
stante de  l'Ecriture  sainte,  aperçurent  à  peu 
près  dans  le  mêuie  temps  les  erreurs, Icsahus, 
les  désordres  dans  lesquels  l'Eglise  rom  sine 
était  tombée,  liais  pour  peu  que  l'on  possède 
l'histoire  des  xii",  xiii",  xiv  cl  xv*'  siècles,  on 
sait  que,  pendant  cet  intervalle,  l'Europe  n'a- 
vait pas  cessé  d'être  infestée  par  des  sectaires 
qui,  tantôt  sur  un  article,  tantôt  sur  l'aulre, 
avaient  employé  contre  l'Eglise  catholique 
les  mêmes  objections,  les  mêmes  abus  que 

(a)  Brilisli  eritic,  avril  18^6,  p.  136  et  seq. 


l'Ecriture  sainte,  et  les  mêmes  calomnies 
Les  prétendus  réformateurs  ne  firent  que 
les  rassembler,  et  formèrent  leurs  systèmes 
de  ces  pièces  rapportées.  Le  témoignage 
seul  des  prolestants  suffit  pour  nous  en  con- 
vaincre. Afin  de  prouver  que  leur  doctrine 
n'est  pas  nouvelle,  ils  se  donnent  pour  an- 
cêtres les  albigeois,  les  vaudois,  les  lollards, 
les  wicléQles,  les  hussiles,  etc.  De  quel  front 
veulent-ils,  d'aulre  pari,  nous  peindre  leurs 
fondateurs  comme  des  esprits  sublimes  qui, 
par  lears  propres  lumières,  ont  découvert 
toute  vérité  dans  l'Ecriture  sainte,  et  n'ont 
point  eu  d'autres  maîtres  que  la  puroie  de 
Dieu?  Dans  la  réalité,  c'étaient  de  simples 
copistes  el  de  purs  plagiaires.  On  ne  peut 
voir  sans  indignaliou  les  écrivains  proles- 
lanls  prodiguer  le  nom  de  grands  hommes 
à  une  foule  d'aventuriers  dont  la  pluf.art 
n'étaient  que  des  prêtres  ou  des  moines 
apostats,  qui  avaient  secoué  le  joug  de  toute 
règle  pour  être  impunément  libertins. 

Si  du  moins  ils  s'étaient  accordés ,  on 
pourrai!  être  dupe  de  leurs  prétentions  ; 
mais  à  peine  eurenl-ils  rassemblé  quelques 
prosélytes,  que  chacun  d'eux  voulut  faire 
bande  à  part.  Quoique  Zwingle  convînt  en 
plusieurs  points  avec  Luther,  ils  étaient  ce- 
pendant opposés  sur  deux  ou  trois  articles 
principaux  de  doctrine.  Luther  était  prédes- 
tinaleur  rigide,  il  donnait  tout  à  la  grâce 
dans  l'affaire  du  salut,  il  niait  le  libre  arbi- 
tre de  l'homme.  Zwingle,  au  contraire,  sem- 
blait adopter  l'erreur  des  pélagiens,  tout  ac- 
corder au  libre  arbitre  el  aux  forces  de  la 
nature  ;  il  prétendait  que  Caloti ,  Socrale, 
Scipion,  Sénèque,  Hercule  même  et  Thésée, 
et  les  autres  héros  ou  sages  du  paganisme, 
avaient  gagné  le  ciel  par  leurs  vertus  mora- 
les, l'asnage  néanmoins  a  voulu  le  justifier|: 
il  prétend  que,  selon  la  doctrine  formelle  de 
Zwingle,  personne  ne  peut  aller  à  Dieu  que 
jjar  Jésus-Chiist,  et  que  la  grâce  justifiante 
est  absolument  nécessaire.  Il  pensait  donc 
que  les  philosophes  pouvaient  avoir  eu  quel- 
que connaissance  de  Jésus-Christ,  comme 
Melchisédech,  les  mages  et  d'autres  justes 
qui  étaient  hors  de  l'ancienne  alliance; 
qu'ils  pouvaient  donc  avoir  eu  une  grâce 
intérieure  pour  produire  les  excellents  pré- 
ceptes de  morale  qu'ils  ont  enseignés.  En 
.  cela,  continue  Basnage ,  Zwingle  pensait 
comme  saint  .lustin,  saint  Clément  d'Alexan- 
drie et  saint  Jean  Chrysoslome.  Histoire  de 
l'Eglise,  I.  xxv,  c.  V,  §9. 

Il  y  a  dans  celle  apologie  deux  infidélités 
grossières.  1°  Pour  éviter  le  pélagianisme, 
ce  n'est  pas  assez  d'admettre  la  nécessite 
d'une  lumière  inlcricure  pour  obtenir  le  sa- 
lut, il  faut  encore  confesser  la  nécessité 
d'une  motion  surnaturelle  dans  la  volonté, 
qui  l'excite  à  faire  le  bien  et  à  correspondre 
aux  lumières  de  l'entendement.  C'est  ce  que 
saint  Augustin  a  soutenu  contre  les  péla- 
giens,  et  ce  que  l'Eglise  a  décidé.  Zwingle 
a-t-il  pu  sans  impiété  soutenir  que  des 
païens,  morts  dans  la  profession  de  l'idolâ- 
trie, om  reçu  le  mouvement  du  Saint-Esprit 
et  ont  eu  la  grâce  justifiante?  2    Plusieurs 


1149 


IVfl 


Z,WI 


1130 


Pères  oui  pensé,  à  la  véri(é,  que  Socrate  et 
quelques  autres  païens  ont  eu  quelque  ctin- 
naissancedu  Verbe  divin,  qui  est  la  raison 
souveraine,  et  qu'ils  ont  été  en  quelque  »m- 
iiière  chrélieiis  à  cet  é|^ard  ;  mais  ils  n'ont 
jamais  rêvé,  comme  Zwiugle,  que  colle  cou- 
naissance  a  sufli  pour  les  conduire  au  salut, 
qu'ils  eut  eu  la  grâce  justifiante  et  qu'ils 
sont  placés  dans  le  ciel.  S'il  en  était  besoin, 
nous  citerions  aisément  leurs  paroles,  et 
Ion  y  verrait  que  Basnage  a  voulu  eu  impo- 
ser au\  lecteurs  peu  instruits. 

Le  second  article  sur  lequel  Zwingle 
n'était  pas  d'accord  avec  Luther,  était  l'Eu- 
charistie. Le  premier  prétendait  que,  dans 
ce  sacrement ,  le  pain  et  le  vin  n'etai.nt 
qu'une  figure  ou  une  simple  représentation 
du  corps  et  du  sang  de  Jésus-Clii  ist  ;  au  lieu 
que  Luther  admeitait  la  présence  réelle, 
quoiqu'il  rejetât  la  transsubstantiation.  Zwin- 
gle disait  que  le  sens  figuré  de  ces  paroles, 
ceci  est  mon  corps,  lui  avait  été  révélé  par 
un  génie  blanc  ou  noir  ;  il  conOruiait  cette 
explication  par  ces  autres  paroles,  l'af/neau 
est  la  pdqtie,  dans  lesquelles  le  verbe  est 
équivaut  à  signi/ie.  H  paraît  que  le  génie 
blanc  ou  noir  de  Zwingle  n'était  pas  un 
grand  docteur;  le  vrai  sens  n'est  point  que 
l'agneau  est  le  signe  ou  la  représentation  de 
la  pâque,  ou  du  passage,  niais  qu'il  est  la 
victime  de  la  pàque,  ou  du  passage  du  Sei- 
gneur ;  le  texte  même  l'explique  ainsi,  /iorof/., 
c.  XII,  V.  27.  D'ailleurs  la  circonstance  dans 
laquelle  Jésus-Chiist  prononça  ces  paroles, 
ceci  est  mon  corps,  exclut  évidemment  le 
sens  figuré.  Vuy.  Luchaiustik. 

Vainement,  l'an  lo29,  Luther  et  Mélanch- 
Ihon  d'un  côlé,  OEcolampade  et  Zwingle  de 
l'autre,  s'assemblèrent  à  Marpourg  alin  de 
conférer  sur  leurs  opinion^  et  de  tàilicr  de 
se  rapprocher;  ils  ne  purent  convenir  de 
rien,  ils  se  séparèrent  sans  avoir  rien  con- 
clu, et  fort  mécontents  l'un  de  l'autre.  La 
rupture  entière  cuire  les  deux  |>arlis  se  lit 
en  15ii  et  dure  encDçc  ;  loutes  les  Icnlalives 
que  l'on  a  faiies  depuis  pour  les  réconcilier 
n'ont  abouli  à  rien.  Cet  esprit  de  discorde 
«e  ressemble  guère  à  celui  des  apôtres.  Au- 
cun de  ces  envoyés  de  Jésus-Christ  n'adressé 
un  symbole  pariiculior  de  croyance,  n'a 
établi  un  culte  extérieur  différent  de  celui 
des  autres,  ni  un  plan  particulier  de  gou- 
verni-menl,  n'a  fait  schisme  avec  ses  collè- 
gues ;  ce  que  saint  Paul  avait  prescrit  a  été 
observé  dans  louies  les  Eglises  apostoliques. 
Il  reprit  vivement  les  Corinlhiciis  d'une  lé- 
gère dispute  survenue  entre  eus  ;  il  voulait 
que  tous  ne  fussent  (lu'un  coeur  et  qu'une 
âme,  /  Cor.yC.  i,  v.  10.  Dieu,  dit-il,  n'est  pas 
le  Dieu  de  la  dissension,  mais  de  la  paix, 
comme  je  l'enseigne  dans  toutes  les  hglises  des 
saints,  cap.  xiv,  v.  ',i:i.  Le  roijaume  de  Dieu 
cuiisisle  dans  la  paix  et  la  joie  du  Saint-Es- 
prit; reclierclions  donc  tout  ce  qui  contribue 
(1  la  paix  Itom.  \:\,  17).  Dieu  a  donné  A  son 
Eglise  des  pasteurs  et  des  docteurs...  afin  que 
nous  parvnions  tous  à  l'unité  de  la  fui...  et 
que  nous  ne  soyons  pas  flottants  et  emportés 
à  tout  vent  de  doctrine  comme  des   enfants 


yEphes.  IV,  11).  L'Apôtre  met  au  rang  des 
œuvres  de  la  chair  les  haines,  les  disputes, 
les  jalousies,  les  emportements,  les  dissen- 
sions, les  .^ect.'.s,  (Jalat.,  c.  v,  v.  19  et  20,  etc. 
D'où  l'on  doit  conclure  que  les  fondateurs 
do  la  réforme  n'ont  été  rien  moins  que  des 
docteurs  et  des  pasteurs  donnés  de  Dieu,  et 
qu'en  eux  la  chair  agissait  beaucoup  plus 
que  l'esprit.  En  effet,  parmi  eux,  c'était  à 
qui  l'emporterait  sur  ses  collègues,  ferait 
prévaloir  ses  opinions,  se  formerait  le  parti 
le  plus  nombreux,  prescrirait  le  plus  impé- 
rieusL'mi-nt  ce  qu'il  fallait  croire,  pratiquer 
ou  rejeter.  Lorsqu'il  ne  pouvait  pas  dominer 
par  la  persuasion,  il  faisait  tout  régler  par 
l'autorité  des  magistrats.  Telle  fut  eu  parti- 
culier la  conduite  de  Zwingle;  Calvin  fit  do 
même,  pendant  que  Luther  s'appuyait  de  la 
protection  des  princes  de  l'empire.  Les  pré- 
tondues Eglises  qu'ils  formèrent  ressem- 
blaient moins  à  des  sociétés  de  saints  qu'à 
des  synagogues  de  Satan. 

11  en  arriva  précisément  ce  que  saint  Paul 
voulait  éviter;  tous  se  laissèrent  emporter  à 
tout  vent  do  doctrine,  le  hasard  seul  décida 
de  celle  qui  serait  enfin  suivie.  En  Allema- 
gne, Luther  avait  enseigné  d'abord  des  dé- 
crets absolus  de  prédestination  et  l'anéan- 
lissemeat  du  libre  arbitre  de  rhomiiie; 
Zwingle  professait  en  Suisse  la  doctrine 
toute  contraire  ;  le  premier  tenait  pour  le 
sens  littéral  de  ces  paroles,  ceci  est  mon 
corps,  le  second  pour  le  sens  figuré;  Luther 
et  .  lélanchthon.  auraient  voulu  conserver 
quelques  cérémonies,  Zwingle  et  Calvin 
n'en  souffrirent  aucune,  ils  décidèrent  que 
loutes  étaient  supirstilieuses.  Après  la  mort 
de  Luther,  Mélanchihon  et  d'aulres  adouci- 
rent sa  doctrine  touchaal  le  libre  arbitre  et 
la  prédestination,  ils  admirent  la  coopéra- 
tion de  la  volonté  de  l'h  imme  avec  la  grâce; 
bientôt  les  décrets  absolus  cessèrent  d'être 
enseignés  parmi  les  luthériens.  Au  contraire, 
après  la  mort  de  Zwingle,  Calvin  professa 
C's  décrets  d'une  manière  encore  plus  révol- 
laule  que  Luther.  Les  zwingliens ,  après 
avoir  d'abord  lémoignè  de  l'horreur  |)uur 
celle  doctrine,  l'embrassèrent  à  la  (in  ;  elle 
a  dominé  dans  les  églises  réformées  de  la 
Suisse  presque  jusqu'à  nos  jours  ,  puis- 
qu'elles .idoptèrent  généralement  des  décrets 
du  synode  de  Dordrecht.  Enfin,  le  socinia- 
nisme  qui  s'y  est  glissé  y  a  remis  eu  hon- 
neur le  pélagiaai>me  de  Zwiugle.  —  Il  no 
sert  à  rien  de  dire  que  ces  variations,  ces 
incertitudes,  ces  dispulcs  sur  la  doctrine, 
ne  roulaient  point  sur  des  articles  fonda- 
mentaux. En  premier  lieu,  saint  Paul  n'a 
point  distingué  cnlre  les  articles  île  foi,  lors- 
qu'il a  exigé. entre  les  fidèles  l'unité  de  la  foi, 
et  qu'il  a  condamné  sans  exception  les  dis- 
putes, les  dissensions  et  les  sectes.  En  se- 
cond lieu,  nous  soutenons  que  les  décrets 
absolus  de  prèdestiuation  enseignés  par  Cal- 
vin, sont  une  erreur  fondamentale  ;  il  s'en- 
suit de  ces  décrets  que  Dieu  est  directement 
et  formellemeul  la  cause  du  péché,  qu  il  y 
pousse  positivement  les  hommes,  dans  le 
dessein  de  les  damner  ensuite  :  blasphéma 


IISI 


ZWI 


ZWI 


HSÏ 


horrible  s'il  en  fut  jamais.  On  a  beau  nier 
celte  conséquence,  elle  saute  aux  yeux;  une 
erreur  ne  s'efface  point  par  des  coiitradic- 
lions.  En  troisième  lieu,  les  calvinistes  n'ont 
pas  cessé  de  répéter  que  la  croyance  des  ca- 
tholiques touchant  l'Eucharistie  est  une  er- 
reur fondamentale,  qu'elle  les  entraîne  dans 
l'idolâtrie,  que  cet  article  seul  a  été  un  juste 
sujet  de  schisme  et  de  séparation  d'avec  l'E- 
glise romaine.  D'autre  part  ils  ont  soutenu 
constamment  avec  les  luthériens,  que  si 
l'on  admet  la  présence  réelle,  on  est  forcé 
d'admettre  aussi  la  transsubstantiation  et 
toutes  les  conséquences  qu'en  tirent  les  ca- 
tholiques. Cependant  les  calvinistes  auraient 
consenti  à  tolérer  cette  erreur  prétendue 
chez  les  luthériens,  si  ceux-ci  avaient  voulu 
fraterniser  avec  eux,  tant  il  y  a  d'inconsé- 
quence dansileur  système  et  dans  leur  con- 
duite. 

Quelques  auteurs  ont  écrit  que,  de  tous 
les  prolestants,  les  zwingliens  ont  été  les 
plus  tolérants,  puisqu'ils  se  sont  unis  avec 
les  calvinistes  à  Genève,  et  avec  les  luthé- 
riens en  Pologne,  l'an  1577.  Rien  n'est  moins 
juste  que  cette  observation.  11  est  d'abord 
certain  que  ces  sectaires  n'ont  pas  reçu  de 
leur  fondateur  l'esprit  de  tolérance.  Lorsque 
Zwingle  commença  de  dogmatiser,  il  ne  tou- 
cha pas  au  culte  extérieur;  mais  quelques 
années  après,  lorsqu'il  se  sentit  assez  fort, 
il  eut  avec  les  catholiques,  en  présence  du 
sénat  de  Zurich,  une  conférence  qui  fut  sui- 
vie d  un  édit  par  lequel  on  retrancha  une 
partie  des  cérémonies  de  l'Eglise  ;  on  détrui- 
sit ensuite  les  images,  enfin  l'on  abolit  la 
messe,  et  l'exercice  de  la  religion  catholique 
fut  absolument  proscrit.  Ainsi,  avant  de  sa- 
voir quelle  doctrine  on  suivrait  parmi  les 
zwinfjUens ,  l'on  commençait  par  détruire 
l'ancienne  religion. 

Mosheim,  quoique  admirateur  de  Zwingle, 
avoue  dans  son  Hist.  de  la  Réformalion, 
sect.  2,  c.  2,  §  12,  que  ce  novateur  employa 


plus  d'une  fois  des  moyens  violents  contre 
ceux  qui  résistaient  à  sa  doctrine  ;  que  dans 
les  matières  ecclésiastiques  il  attribua  aux 
magistrats  une  autorité  tout  à  fait  incompa- 
tible avec  l'essence  et  le  génie  de  la  religion. 
Cela  n'empêche  pas  Mosheim  de  l'appeler 
un  grand  homme,  de  dire  que  ses  inlenlions 
étaient  droites  et  ses  desseins  louables.  Où 
est  donc  la  droiture  d'intention  d'un  sectaire 
qui  s'attribue  dans  son  parti  plus  d'autorité 
que  n'en  eut  jamais  chez  les  catholiques  le 
souverain  pontife  ni  aucun  pasteur  ;  qui  dé- 
cide despoliquement  de  la  croyance,  du  culte 
religieux  et  de  la  discipline;  qui  donne  toute 
la  puissance  ecclésiaslique  au  magistrat  ci- 
vil, parce  qu'il  est  sûr  de  la  diriger  à  son 
gré  ;  qui  emploie  la  violence  pour  faire 
adopter  ses  opinions,  et  qui  meurt  les  armes 
à  la  main  en  bataille  rangée  contre  les  ca- 
tholiques? Si  c'est  là  un  apôtre  envoyé  du 
ciel,  que  l'on  nous  dise  comment  sont  faits 
les  émissaires  de  l'enfer.  Malheureusement 
Calvin  se  conduisit  de  même  à  Genève,  et 
Luther  à  Wirtemherg.  Les  traités  d'union 
entre  les  zwingliens  et  les  luthériens  n'ont 
été  ni  solides  ni  de  longue  durée;  ils  n'ont 
subsisté  qu'autant  que  l'a  exigé  l'intérêt  po- 
litique des  deux  partis.  Nous  avoMs  parlé 
plus  d'une  fois  d-es  moyens  violents  que  plu- 
sieurs princes  luthériens  ont  employés  pour 
bannir  de  leurs  états  les  sacramenlaires  cl 
leur  doctrine.  Pierre  Martyr,  zwinglien  dé- 
claré, appelé  en  Angleterre  par  le  duc  de 
Sommerset,  sous  le  règne  d'Edouard  VI,  ne 
sut  pas  établir  la  paix  entre  les  divers  par- 
tisans de  la  réformalion  :  ses  disciples,  nom- 
més aujourd'hui  presbilériens,  puritains, 
non  conformistes,  ne  sont  pas  moins  ennemis 
des  anglicans  que  des  catholiques.  Que  l'on 
dise  tout  ce  que  l'on  voudra  pour  excuser 
cet  esprit  de  division  inséparable  du  protes- 
tantisme, il  ne  fera  jamais  honneur  à  au- 
cune des  sectes  qui  en  font  profession. ^ 


FIN  DU  TOME  QUATRIEME  ET  DERNIER. 


TABLE  DES  MATIÈRES. 


Nota.  Les  arlicles  précédés  d'un  astérisque  *  sont  nouveaux;  ceux  où  il  y  a  des  inlercaialions  ou  des  noies 
sont  précédés  de  cliilîres  (lui  indiquent  le  nombre  des  inlercaialions  ou  dos  notes.  Ceux  qui  sont  précédés 
de  (a)  sont  reproduiis  d'après  l'édilion  de  Liège. 


i\ 


(  I  )  0".''l<''>".  •' 

yuuliliiations    (le    proposi- 
tions, 11» 
Ouarante-Heures,  19 
(Jiiarlo-décimans.  Voi/.  Pà- 

(jues. 
Quasimodo,  19 

Ouatre-Temps,  1',» 

yuesnellisnie.  Foi/.  Unigi;- 

NITLS. 

Ouiéllsme, 


Ouiuisexte  (Concile  de),  2t     Résiineition 


Repas d       arilé.  Toy.  Aga- 
pes. 
Ue|)3s  du  mort,  130 

llépons.  Voii.  Heures  cano- 
niales. 
Réprol)alion,  140 

Iti'iirouvps.  r.  Damnation. 
llriniiliJtiDii.  Vmj.  Divorce. 
Itésuloiico,  142 

Rési;;iialion,  U^ 

Hfsinctioiis  mentales.  Voij. 

Mensonge 
Résnmpte,  14'i 


R 


Rïban-Maor,  i-i 

Rabbin,  2Fi 

Baea,  26 

•  Races  humaines,  26 
Rachat    des    premiers-nés. 

i'oti.  Aillé. 
Kachàl   du   genre   humain. 

roi;.  Rédemption. 
(a)  Rachat  de  l'auiel,       40 
Raillerie,  40 

(2)  Raison,  42 

Raison  (Culte  de  la).  Vofi- 

VHe  de  la  Raison. 
Rameaux,  53 

Ralional  ou  Pectoral.  Foi/- 

Oracle. 
'  Rationalisme,  'H 

'  Ravmonil  Lulle,  GO 

•  Réalistes,  61 
Rebaptisants,  61 
Récliabites,  Co 
Récognilions.  Foi).  Clémeni 

(saint),  pape 

Récollets,  6j 

Réconciliation.  Voy.  Ré- 
demption. 

Reconnaissance,  66 

(1)  Rédempteur,  67 

BédEBQï»»i  i"-»»  captifs.  Foy. 
Merci. 

Réformateur,  Réforme, 

Réforme  de  religieux, 

Reloge  (Mlles  de), 

•  Réyale, 
Régénération, 
Réjjionnaire, 
Règle  de  foi.  Foi/.  Foi 
Rè^le  monastique. 
Reine  de  Saba.   Foi/.  Saba. 
Relaps,  94 
Relation,  94     Saccophores, 
Religieux.  Foy.  Moines.         Sachets, 
Religieuses,  94     " 
h)  Religion,  98 
Religion  ju  laïque.  Foy.  Ju- 
daïsme. 

Religion   clirétieiine.    Foy. 

Clinsliaiiisnie. 
Religion  (Fuisse),  US 

'  Religiosité.  Voy.  Roman- 

lisnie. 
(1)  Reliques,  116 

Réini^siun  126 

Renimcn,  li6 

Remontrants.  F.  Arminiens. 
Reniph.in,  126 

Renégat.  Foy.  Apostat, 


ii:; 

l)HésurrectiondeJ.-C.  149 
(j)  Résuriection  générale, 
16- 
Rélractation, 
Rêve.  Foi/.  Songe. 
(1)  Révélation, 

■  Révélation  primitive, 
'  Révélation  mosaïque.  Foy. 

Loi  Tnosaï(|tie. 

■  Révélaiinii      chrétienne. 
^■()l/.  Clirislianisiiie. 

*  Révoliili  ,ns    (les)   et   VK- 
gllse,  189 

Rliétorieus,  192 

Richard  de  S.-Viclor,  192 

Riilie,  Richesse,  192 

Ri;<iir;snie,  194 
Hiie.  l'oi/.  Cérémonie. 

Rituel,   ■  198 

'  Hobn:im,  193 

Rogalions,  196 
Rogaiistes.  Foy. Donalisles. 

(IHtoi,  197 

Rois  (I  ivres  de.s),  210 

Romains  (Kpltre  aux),  211 

'Rouiantisme religieux,  214 

Rome(fc;"lisede),  217 

Rosaire,  220 

*  Roskolniks,  222 
Riiyannie  des  cieux,  222 
liuljrique, 
Ru 


169 


176 

188 


224 
(!)  Itiissie(Fglisede),  224 


Rulh  (Livre 


230 


Sabaïsme, 

Salihat, 

Sabbalaire'î, 

Saliliati<|ue, 

Sabclliens, 

.Sac, 


Renoncement, 
Réordinaiion, 
'  Réparateur, 
Réparation.    Toy. 

lion. 
Repas, 


233 
239 
241 
241 
243 
247 
247 
247 
Sacerdoce.  Foy.  Prêtres. 
Saciens,  247 

Sacramenlaire,  247 

Sacramentaires,  24S 

Sacre,  Sacré,  249 

(1)  Sacrement,  2.1)0 

Sailli-Sacrement.  Voy.  Eu- 
charistie. 
Saint-Sacrement  (Fête  du). 

Foy.  FAte-Dieu. 
Sacriiicaleur.  Voy.  Prêtrise. 
Saorilice,  264 

Saciiiiés.  Foi/.  I.apses. 
Sacrilège  291 

Saddiicéens,  ,        292 

127  .Sagarelliens,  294 

128  Sagesse,  294 

129  (I)  Saints,  Sainteté,        298 
Restitu-     Saints  des  saints.  Foy.  Sanc- 
tuaire. 

138    •  Sainteté  de  l'Eglise,    ôlb 


339 
342 
344 
34ri 
347 


3r;6 


571 
57."> 
378 


•  Saint-Simonismc, 

Salomon, 

Salvieu, 

(I)  Salut,  Sauveur, 

Salut, 

Salutation  Angélique 

.Samaritain, 

Samaritain  (Texte). 

Samiisalieus, 

Sanipséens, 

(1)  Saiiisiin, 

Saiiinel, 

Saiiotiiication.  Voy.  Saint 

Sanctilicationdeslètes.  Foi/. 

Fêtes. 
Sanction  des  lois,  351 

Sanctuaire,  352 

Sancius.  Voy.  Trisagion. 
Sang,  Sîjô 

S  inguinaires.  Foi/.  Anabap- 
tistes. 
Sapienliaox  (Livres),      XHi 
Sara.  Voy.  Abraham. 
Sarabaités, 
Satan, 
Satisfaction, 

Satisfaction  sacramenlelle , 
362 
Saturniens, 
Saiil, 
Sauvage, 

Sauveur.  Voy.  Saliil 
Sauveur  (Congrégation   de 

Notre),  3t<l 

Sauveur  iSaiut-),  ô8l 

Sauveur  (ordre  de  S.-),  581 
Scandale,  .582 

Scapnlaire,  .î83 

Scéuopégie.  F.  Tabernacle. 
(I  )  Sceplicisme,  583 

'  Schplling,  588 

(t)  Scliisinalique,  Schisme, 
392 
Schisme  d'Angleterre.  Toy. 

Anglelerre. 
Schisme  des  Grecs.  F.  Grec. 
Schisme  d'Occident,       406 
Scholténiens, 
Science  de  Dieu, 
Si-iences  humaines, 
Science  de  J.-C, 
■Scieni-e  secrète, 
Scolasllque.  F.  Théologi 
Scotisies  418 

Scribe,  419 

Secret    de    la  confession. 

Foy.  Confession. 
Seiret  des  mystères,  422 
Secte.  F.  Scijisme,  Hérésie. 
Secundiens.  F.  Valentinieiis. 
Sagaréliens.  V.  Apostoliques. 
Seigneur,  428 

Sein,  429 

Séleuciens.  Foy.  Hermogé- 

nieiis. 
Semaine,  429 

Semaines  de  Daniel.   Voy. 

Daniel. 
Semaine  sainte,  430 

Semi-ariens.  Voy.  Ariens. 
Seniiduliles.     I  oy.    Barsa- 

nieos. 
Semi-pélagianisme,        431 
■  Sens  commun,  439 

Sept,  443 

Septante,  446 

Sépulcraux,  45.') 

Sépulcre.  Foy.  Tombeau. 
Sépulcre  (Saiut),  433 


317  Septu.igésime,  455 

318  Sépuliiire.  Voy.  Funérailles. 
3^1     'Sépulture   ecclésiastique, 
522  458 
333     Séraphin.  Voy.  Anges. 
333     Serment,  loy.  Jurement. 
335     Sermon  Fo|/.  Prédicaleur. 

Sermon  de  Jésus-Clirist  sur 

la  nionlagiie.  Foy.  Morale 

chrétieiiue. 

(I)  Serpent,  43» 

Serpeiil  d'airain,  4.')9 

Servéïi.tes,  461 

Service  divin,  465 

Servîtes,  466 

Serviieursdesmalades.  Voy. 

(!lercs  réguliers. 


Servitude,  466 

Séthiens,  467 

Sévériens,  468 

Sesagésime.  Foy.  Seplua- 

gésinie. 
Sexte.   Voy.  Heures  cano- 
niales. 
336     Sib.vlles,  469 

338     Siège,  Kvêché.  V.  Evêqne. 
Siège  (Saint-).  Foy.  Lglise 

romaine.  • 
Signe  de  la  croix.  F.  Croix. 
Signilicatifs,  476 

Silveslreri  ou   Silvestrins  , 
470 
Sidoine  .Apollinaire,        476 
Simon  (Saint),  476 

Simonie,  476 

Simoniens,  i'D 

Simplicité,  482 

Simulacre.  Foy.  Paganisme. 
Sinai,  483 

Sindon.  Foy.  Suaire. 
Sinistres    Voy.  Sabbatiens. 


4117 


411 

416 
416 


.Socialisme, 
Société, 

*  Sociétés  secrètes, 
Sociniens, 
Soccolanls, 
Soilome,  Sodomie, 
Solennel, 


481 
485 
489 
489 
499 
500 
5Ul 


408     Solitaire.  Foy.  Anachorète, 


Solilaires,     '  302 

Somasques,  503 

Songe,  502 

Sophimie,  506 

Sorlionne,  .307 

Sorbeiiique.   Voy.  Degré  , 

D'ici  eu  r. 
Sorcellerie,  Sorcier,      ,308 
Son,  511 

Sorls  (Fêtes  des)  chez  les 

Juifs.  Voil.  Estlier. 
Sortilège.  Foy.  Sorcellerie. 
S'Uiinance,  516 

Soiillrances  de  Jésus-Christ. 

Foi/.  Passion. 
Souillures.  Foy.  Impuretés 

légales. 
Sous  diaconat,  518 

Sous-inlroduits.F.  Agapéle. 
Spectacle,  320 

Spinosisme,  524 

Spiralion.  Foy.  Trinité. 
Spiritualité.  Voy.  Esprit. 
Spirituel,  329 

Stancariens.  V.  Luthériens. 
Station,  530 

Staurolàtres.   Voy.  Chazin- 

zariens. 
Stercoranistes,  'Jî? 

•  Stéïénisies,  53»* 


H55 

Sligmate'-  S"6 

*  Sloiiili'S,  Sô6 

*  Strauss,  bï7 
Sljlile,  348 
Suaire,  Sb2 
Piililapsaires,  633 
Sulisiance,  5H5 
Sutislaiiliaires,  ^^% 
Succession  des  pasteurs,  KSo 
Succession     inJélinie  des 

èlres,  S60 

gutlisanle  (Grùce).  F.  Urîice. 
(2)  Suicide,  SBô 

Sulpice  Sévère,  570 

*  Pupprnaluralisme,  570 
Siiper^lillon,  570 
Supplices  (les  martyrs.  Voy. 

.  MarlNTS. 
Supraia'psaires.  Voy.  Infra- 

lapsaires. 
Surérogaliori.  F.  OKuvres. 
(1)  Sui'ualur.-l,  578 

Surplis.  Voy.  Habits  sacrés. 
Suspense,  580 

{il)  Suspense,  5S7 

Suzanne.  Voy.  Baniel. 
Symbole,  502 

Sjmma(iue.   Voy.   Seplanle 

et  Version. 
Synagogue,  598 

SynuxarioB,  filil 

Synaxi',  COI 

Syncelle,  601 

Svncrétisles,  602 

Syiidc'ri'se,  608 

Syncrtjistes  'MH 

(0)  Syiiudo,  61.3 
bynousia^les.    F07.   Agolli- 

narisles. 
Syriaques,  Syriens,         Cli 

T 

Tabernacle,  613 

Tabernacles  (Pèles des),  618 
Tabernacle,  Gl9 

Table  de  la  loi.  Voy.  Loi. 
Table  des  pains  de  propusi- 

lion.  Voy.  Pain. 
Tableau.  Voy.  Images. 
Tabnrites.  F  y.  Ilussiles 
Tacodrugiies.'  Voy.  Monla- 

nis;c<. 
Talinud,  619 

Tanchelin,  Tankelin,  Tan- 

quelme.  620 

Targum.  Voy.  Paraphrases 

ohaldaîques. 
Tariares,  621 

Talien,  6i6 

Témoignage,  651 

Témoin,  63-5 

Tempérance,  633 

*  Tempérance  (Société  de), 

636 
Temi.le,  636 

Temple  de  Salomon,  648 
Temple  des  chrétiens.  Voy. 

Eglises. 
Temple  des  païens,       6bi 
Templiers,  653 

Temporel.  Voy.  Bénéfices. 
Temporel  des  rois  F.  Roi. 
Tenii^  66i 

Tétiilirés,  661 

Ténèbres    de    la    semaine 

saiule,  663 

TcMilalion,  663 

TciiLilive.  Voy.  Degré. 
'J  crmiuistes,  660 

Terre,  669 

(1)  Terre  sainte,  669 
TerluUien,  683 
Testament,  691 
Testament  des  douze  pa- 
triarches,                    7,03 


TABLE  DES  MATIERES. 


Tête,  704 

Tétradites,  703 

Tétragammation.F.Jehovah. 
Télraodion,  70b 

Télraples.  Foi^.  Héxaples. 
Texte  de  l'Ecriture  sainte, 

715 
Texte,  711 

Textuaires,  712 

Thaumaturge,  71:2 

Théandrique,  712 

Thaboriles.  Voy.  Hussites. 
Thartac.  Voy.  Samaritains. 
Théanihropiè,  713 

Théatins,  716 

Théatines,  717 

Théisme,  717 

Théocatagnosles,  7-21 

Théocratie,  722 

Théodore   de   Mopsuesie , 

723 
Tbéodoret,  726 

Théodotiens,  729 

Théodotion,  731 

(«)  Théologal,  731 

(1)  Théologale  (Vertu),  733 

(1)  Théologie,  731 
Théologie  mysiique,      743 

*  Théologiens  (De  l'autorité 
dos),  732 

Théopaschites.  Voy.  Pairi- 

passien^. 
Théophanies,  752 

*  Théophilantropie,  753 
Théophile  (Saint),  753 
Thérapeutes,  754 
Théraphim,  IS-i 
Thessaloniciens,  7'i9 
Thomas  (Saii.i),  764 
Thomas  d'Aquiii  (S.),  703 
Thomas  liecqnel  (S.),  767 
Thomas      de      Villeneuve 

(Saint),  770 

Thomisme,  Thomistes,  770 
Thrôue  ou  Trône,  773 

Trône  épiscopal,  774 

Thuriléraire,  774 

Thuriliés(!r/i!(rî/!Ca(!).  Voy. 

Lapses. 
Tiare,  774 

Tierce.  Voy.  Heures  cano- 
niales. 
Tiercelin,  Tierceline.  Voy. 
Franciscain,  Frauciscaiiié. 
Tierciaire,  775 

Timothée,  773 

Tmiolhiens,  776 

Tite,  776 

Tnétopsychîqiies,  776 

ïobie,  776 

Tolérance,  Intolérance,  778 
Tombeau,  Sépulcre,  797 
Tonsure,  800 

(a)  Tonsure,  802 

Torrent,  803 

Toussaint,  804 

Toute-puissance.  Foy.  Puis- 
sance. 
Traditeurs,  803 

(2)  Tradition,  806 
Traducieiis,  846 
Traduction.*  Voy.  Version. 
Trait(de  la  nie.-se),  847 
Transliguralion  (de  J.-C  ), 

847 
(a)  (1)  Translation,  8iS 
Transiatifindeireliques  d'un 

saint,  853 

Transmigration,  860 

Transsubstantiation.      Voy. 

Eucharistie,  §  2. 
Trappe,  860 

Travail.  T'oy.  Oisiveté. 

*  Trembleurs,  862 
Trente  (Coucile  de),       862 


Tré|iassés.  Foi/.  Morts. 

*  Trésor  îles  satisfactions  de 

Jésus-Christ,  874 

Trêve  de  Dieu  ou  du  Sei- 
gneur 875 
Tribu,  876 
Triniiaires,  877 
Trinilaires  (Ordre  des),  877 
(1)  Trinité,  879 
Trinilé(FêtedelaSte),  911 
Trinité  (Confrérie  de   la), 
912 
Trinité  créée  (Filles  de  la), 
912 
Trinisacramentaires,      913 
Trilh'isme,                     914 
Trois  Chapitres.  Voy.  Nes- 

torianisnie. 
Tron)petles  (Fête  des),  916 
Trône.  Voy.  Thrône. 
Tropiquesj  910 

Tropites,  919 

Trnllum.    Voy.    Constanti- 
nople. 

*  Trustées,  919 
Tunique.    Voy.  Habits  s.i- 

crés. 
Turhipins,  919 

Typase,  921 

Type,  923 

Type  (E.lit),  926 

*  Tyranuicide,  926 

0 

Ubiquis'.es  ou  Ubiquitaires , 

923 

(1)  Uniqenitus,  927 

Union  chrétienne,  936 

*  Union  hypostatique.  Voij. 
Incarnation. 

Union  (La  petite),  936 

Unitaires.    Voy.    Socinieiis. 
Unité  de  Dieii.  Voy.  Dieu 

et  INilythfisme. 
Unité  d(UEglise.  Voy.  Egli- 
se, §2. 
Univers.  Voy.  Monde, 
l'niiersalistes,  937 

Université,  9i0 

Urini    et  Thummim.   Voy. 

Oracle. 
Ursulines,  942 

Usages    ecclésiastiques  ou 
religieux.     Vou.  .Obser- 
vance. 
Usure,  943 

*  Utilitaires,  946 

V 

Vache  rousse,  94'a 

Val-dcs-Chonx,  947 

Val-des-Ecoliers,  917 

Valeniiniens,  947 

Valésiens,  9''0 

Vallombreuse,  900 

Variantes,  960 

Vaiiation,  962 

Vase,  963 

Vases  sacrés,  964 

Vaiidois,  963 

Veau,  976 

Veau  d'or,  976 
Veille.  Voy.  Vigile. 

Vendeurs  du  temple,  978 

Vengeance,  979 
^éni^;l  (Péché).  Foi;.  Péché. 

Vêpres.  Voy.  Heures  cano- 
niales. 

Véracité  de  Dieu,  984 

*  Véracité  des  livres  saints , 

986 

Verbe  divin,  986 

Verge,  1007 

Vérité,  1008 

Véronique,  1008 


Verschorisieb.  Voy.  Hatte- 

niistes. 
Verset  de  l'Ecriture  sainte. 

Voy.  Concordance. 
Version  de  l'Ecriture  sainte, 
1009 
Vertu,  1019 

Vespérie.  Voy.  Degré. 
Vélure,  1024 

Veuve,  1021 

Viande,  1035 

Viandes     immolées.     Voy. 

Idolothytes. 
Viilique,  1026 

Vicaire,  1027 

(a)  Vicaire,  1028 

Vice,  10.34 

Victime,  1056 

Victorins,  1038 

Vie,  I1108 

Vie  fcrtOTe.  /jj.  îrtww^a- 

lité  de  rame. 
Vie  éternelle.  F.  Bonheur. 
Vie  des  saints.  Voy.  Saints 

et  Légende. 
Vieil  homme.  Voy.  Homme. 
Vierge,  Virginité,         1010 
Vierg.'(laSte).  F.Marie. 
Vifihini'e,  1032 

Vigile  ou  Veille,  1031 

Vigiles  des  iMorts,  1059 

Vincent  de  Lérins,        1051» 
Violence.  F.  Persécutions. 
Virginité.  Voy.  Vierge. 
Visibilité  de 'l'iilglise.  Toy. 

E-lisp,  §  .3. 
Vision  liéatiGque,  1063 

Vision  prophétique,  1063 
Vision  de  Conslantiu.  Voy. 

Constantin. 
Visitation  (Fête  de  la),  1071 
Visitation  (Ordre  de  la) , 
1072 
Vocation,  1073 

Vœu,  1073 

Vœux  du  baptême,  1083 
Voie  ou  Chemin,  1083 

Voile,  1084 

Voix   haute  ou  basse.  Voy. 

Secrètes. 
Vol,  1085 

*  Volcans,  1087 
Volonié,  Volontaire,  1087 
Volonté  de  Dieu,           1094 

*  Volontés  de  Jésus-Christ. 

Voy.  Monothéliles. 
Voluptés,  1104 

Voyageur,  1106 

Voyelles.    Voy.    Hébreu , 

Langue  hébraïque. 
Vulgate.  1106 

w 

*  Walkéristes,  1123 
Wicléfites,                     1125 

X 

Xénodoque.  Voy.  Hôpit.il.  ? 
Xérophagie,  1129 

Y 

Yeux.  Voy.  OEil. 

Yon  (Saint).   Voy.    Ecoles 

chrétiennes. 
Yves  de  Chartres.  Fog.  Ives 
Yvresse.  Foy.  Ivresse. 

z 

Zabiens.  Foy.  Sabaïsme. 
Zicharie,  1131 

Zélateurs  ou  Zélés,  1135 
Zèle,  1136 

*  Zodi.iqiies,  1142 
'  Zoroastre.  Foy.  Perses. 
Zvvingliens,  1147 


FIN  DE  LA  TABLE 'DES  M.\TIERES. 


TABLE   ANALYTIQUE  ET  METHODIQUE 

POUn  DIRIGER  LliS   LECTEURS 

DANS  L'ÉTUDE  DE  LA  THEOLOGIE. 


ÉTUDE  PRÉLIMINAIRE,  OU   INTRODUCTION   A  LA   TIIÉOLOiilE. 


THEOLOGIE,  professeur  de 
théologie,  iV. 

Th(^ologle  pOMlive,  id. 

Tli(5olOKie    si'liolasiùnie  , 
Piorre  Lombard,  id. 

Tht'ologle  morale,  id. 

Théologie  spéculaiive,  id. 

Ttiéologie   m.vslique  ,   lao- 
gage  typique,  id. 

Tvi'p,  irf. 

Tiiéolo^ie  polémique ,  con- 
troverse, élyinoloKie,!. 

Doutes  religieux.  If.  ■ 

Disputes  religieuses,  id. 

Préjugés  religieux,  III. 

Variation  de  doctriue,  IV. 

Expérience,  II. 

Examen  de  la  religion,  II. 

(a)  Théologal,  IV. 

*  Fai'ultés  de  théologie,  IV. 

*  Théologiens  (de  l'autorité 

dos),  IV. 

*  Conclusion  Ihéologique,  I. 

*  Notes  de  propositions,  III. 
'Hérétique   (proposition), 

*  Impie  (proposition),  id. 

'  Condamnation  des  écrils,!. 

DOCTRIME,  il. 

Boctrlue  chrétienne,  id. 


ÏHÉOLOGIl-:   GÉNÉRALE. 


*  Progrès  (doctrine  du),  III. 
Certitude  morale.  I. 
Crédibilité  morale,  id. 
Dénionalration,  II. 
Kvidenoe,  iU. 
Objections,  III. 
Iiicrovalile,  II. 

Droit  divin  positif,  ni. 

Articles  fondamentaux,  II. 

Dogmes,  id. 

Dogmatiser,  id. 

D()gniatii|iiPf,  faits  dogma- 
ti<|ues,  id. 

Institulion  divine,  id. 

Mol:ipti,\siiiue,  111. 

Opinion,  iù. 

Dillérence  de  religion,  IV. 

Abus  en  fail  dr  religion,  I. 

REi.ir.iON,  preuves,  IV. 

Religion  nalDielle,  id. 

liciigioiL  judaïque  ,  judaïs- 
me, II. 

*  Sous  commun,  IV . 
Descaries,  II. 

'  Croyances (progrès  des), I. 
Révélation  ,     lectures    de 

Boyle,  IV. 
Religion  cUrétienne,  chris- 
<    lianisme,  I. 
Lieux  théologiques,  III. 


Naturel,  siirii;ilurel,  III. 
Antécédent,  consécpient,  1. 
I'"uturs  coudilionnels,  11. 
Fin,  id. 

Fraude-s  pieuses,  id. 
Pnibabili.sme,  III. 
Rigorisnia,  IV. 
Esprit  particulier,  II. 
Droits  généraux. 
Daoïi,  II. 
Droit  naturel, id. 
Droit  des  gens,  id. 
'  liioit  divin  politique,  id. 
'  Tyr.uiiiiciile,  IV. 

*  Egaliié  naturelle,  II. 

*  Ilémocraiie,  id. 

*  Propriété  (droit  de),  III. 

*  Femmes     (  commimauté 
des),  II. 

Société  civile,  pacte  social, 

I  ontral  social,  III. 
Inégalilé  des  hommes,  II. 
Législateur,  IU. 
■Sanction  des  lois,  IV. 
Gouvernement  ,    écoQomie 

politique,  II. 
Roi,  prince,  IV. 
Temporel  des  rois,  id. 
Liberté  POLITIQDE,  III. 
Liberté  de  peuser,  id. 


I.il'crté  do  conscience,  III. 
.Iiiridiclion,  magistrat,  ia. 
Patrie,  III. 
Autorité,   puissance  pater- 

ueile,  politique,  ecclésias- 

iiijiie,  I. 
Pensées,  III. 
Livres,  id. 
Livres  défendus,  liberté  de 

la  presse,  iU. 
Conscience,  I. 

COVJIEBCE,  id. 

Arts,  id. 

Sciences  humaines,  IV. 

Belles- Lettres,  III. 

Galdée,  II. 

PuiLiisopniE,  m. 

Anthropophages,  I. 

Sauvages,  IV. 

liarbaros,  I. 

Nègres ,  traite  des  nègres, 

III. 
Esclaves,  esclavage.  li. 
Serviluil^,  IV. 
Alfranchis,  I. 
*  A>"NÉE ,  année  astronomi- 

cine,  année  civile,  calen- 

aner  républicain,  décadi, 

II. 


PREMIÈRE  PARTIE   DE  LA    THÉOLOGIE. 


1"  DIVISION. 

Religion    chréiicnne ,  son 

objel. 
DIEU,  II. 
Divinité,  id. 
Essence  de  Dieu,  id. 
A TTRinoTS  DE  Dieu,  I. 
Dieu  Père,  111. 
Paternité  de  Dieu,  id. 
Dieu  parlait,  perl'eclioa,  id. 
Cause  première,  I. 
Cause  linale,  id. 
Préexistant,  III. 
Aséilé,  I. 
Créateur,  ul. 
Conservateur,  id. 
Absolu,  id. 
Sa  provideuce,  III. 
Sa  boulé,  bon,  I, 
Sa  miséricorde,  sa  clémence, 
sa  compassion,  111. 

*  Sa  longaoiiuité,  id. 
Ses  promesses,  id. 
Ses  bienfaits,  I. 

Sa  patience,  III. 
Ses  menaces,  id. 
Sa  jii-itice,  punition,  cbàti- 

nients  de  Dieu,  id. 
Son  pardon,  id. 

*  Liberté  de  Dieu,  id. 

Ses    décrets ,    \olonle    de 
Dieu,  prédestination,  id. 
Sa  coiidigiiité,  l. 
Son  éternité,  IL 

*  Prédestinés,  III. 
Sa  gloire,  il. 

Dieu  immatériel,  IL 
Immense,  id. 
Eternel,  id. 
I^nniuab'le,  id. 


Impassible,  II. 

Impeccable,  id. 

Incnnipréhcnsible,  id. 

lulaillilde,  i(t. 

Intelligent,  id, 

Iiilini,  id. 

Sa  sagesse,  IV. 

Sa  science,  id. 

Sa  prescience,  sa  prévision 
future,  m. 

Sa  simplicité,  IV. 

Sa  toute-puissance  ,  puis- 
sance, 111. 

Sa  véracité,  IV. 

Sa  vérité,  id. 

Sa  voliiiilé,  id. 

Sa  coiiiprélieusiiin,  I. 

Parli;ilité  en  Dieu  ,  accep- 
tion de  iiersi.naes,  Ul. 

Choix  de  Dieu,  1. 

Gouveriieiuent  de  Dieu , 
théocratie,  IV. 

Permbsioa  de  Dieu,  III. 

Notions  en  Dieu,  id, 

Eufants  de  Dieu,  id. 

VliRTDS  TUl  OLOOALES,   IV. 

Foi,  accord  de  la  raison  et 
de  la  toi,  analvse  de  la 
foi.  II. 

Profession  de  foi,  ill. 

Foi  explicite,  II. 

Croyance, I. 

Espérance,  II. 

Contiance  en  Dieu,  I. 

Charilé  théologale,  id. 

Adoration,  id. 

Théopsie,  IV. 

£)i/i(*mis  de  Dieu. 

RELIGIONS  FAUSSES,  IV- 

Liberté  d'Iudifférence,  III 


Esprits  forts,  incrédules,  II. 

Scepticisme  ,  Pvrrhouieos, 
IV. 

Livres  contre  la  religiou , 
III. 

M;iléria!isme,  id. 

'  Absolu  des  nouveaux  phi- 
losophes, I. 

Athée,  atuèisme,  I. 

Fat:ilisme,  11. 

Destinée,  destin,  id, 

Fonuii,  fortune,  hasard,  id. 

Esprit  particulier,  id. 

Théisme,  IV. 

Déis.UE.  II. 

PoLVTiiÉisMc  ,  paganisme  , 
païen,  III. 

Tliéanlhropie,  IV 

Anthropologie,  I. 

.4iilhropoputbis,  id. 

Mystères  du  paganisme,  III. 

Fables  du  paganisme,  II. 

Siiiinlacres  des  païens,  IV. 

Temples  des  païens,  id. 

Apothéose, 

Idolâtrie,  II. 

Aslres,  armée  du  ciel,  I. 

Sabaïsnie,  IV. 

Religion  des  Parsis  Guè- 
bres,  III. 

■  liaskirs,  I. 

•  B  daks,  id. 

'  Bouddha,  bouddhisme,  id. 

•  Brahma,  brahnianisiue,  id. 
'  Cxinfutzéens,  id. 

•  C.ôie dOr,  id. 

'  Malgaches,  Ul. 

•  Odin,  id. 

'  Obiris,  id- 

'  Perses  (relig.  des),  iU. 

'  Zoioastre,  IV. 


*  Edda,  IL 

"  Falashas,  id. 
'  Roskolnikes,  IV. 

*  Kalmouks,  id. 

'  Diinkers  ou  Tunkers,  U. 
Panlliéisme,  spiiiosisme,  III 
et  IV. 

*  Aiiios,  I. 
Optimisme,  III. 
Faiiatis.me,  u. 
Désespotr,  id. 
Endurcissement,  id. 
Ap;ithie,  I. 

*  Philosophie  orientale,  m. 

*  Clinslianisme  rationnel,  I. 

*  Physiologie,  psychologie. 
Ul. 

*  MyUie,  id. 

*  Phréuologieoucrauologie, 
crauioscopie,  id 

'  l'Iiilalétlies,  id. 
'  Phalaiislérieiis,  id. 
ll«  DIVISION. 
Religion ,  ses  mustères  el  ses 

dogmes. 
ARTICLES  DE  FOI,  L 
Mystères,  Ul. 
Trinité  ,  Dieu  le  Père,  re- 

latiou  ,  ciL'cumiocessiua , 

IV. 
Trinité  créée,  id. 
Trinité  [ilatoiii  ;u^,  id. 
Trois  lémoin^,  id. 
Personnes  ea  Dieu^  UJt^ 
I  Hat  ion,  id. 
Mssioii,  id. 
Spiratioii,  IV. 
Oiélernité,  I. 
Egalité,  c 'egaliié,  M. 
l'ilsde  Dieu,  id. 


Le  Saint-Ksprit,  procession 

de.l'Esprit-Saint,  II. 
Paraclet ,  avocat ,  avocate, 

ni. 

Opération   du  Saint-Esprit, 

id. 
Dons  dn  Saint-Esprit,  II. 
Pécliés  contre  le"  Saint-Es- 
.  prit,  irrémissiljles,  III. 
Incarnation,  Dei  virilis,  II. 
^ésus-Christ,  divinité  de  Jé- 

sus-Clirisl,  III. 
Verbe  divin,  IV. 
Sauvenr,  saint,  id. 
Génération  du  Verbe,  II. 
CoDsnbstanlialitédu  Verbe, 

consiibslantiel,  I. 

*  Libertés  de  Jésus-Clirist, 

III. 
Humanité  du  Verbe,  II. 
Union  hypostatique,  hypos- 

ts'^e.  Il  et  IV. 
Emanation,  II. 
Idées  Ihéandriques,  IV. 
Communication  d'idiomes,  I 

et  II. 
'Entendement   de   Jésus - 

(".hrist,  II. 

*  Volontés  de  Jésus-Christ, 

IV. 
'  Tré.sor  des  satisfactions  de 

Jésus-Clirist,  id. 
'  Justice  originelle,  III. 

*  Sn|iernaturalisme,  IV. 
liÉDEMPTiON,  réconciliation, 

rachat  du  genre  humain, 
nalure  réparée,  id. 

Verbe  passible,  id, 

l'ropiiiilion,  III. 

*  Iti'paraleur,  IV. 

SOBSTANCES  SPIRITCELLES,  id. 

Esprit,  immatérialisme,  im- 
matériel, II. 

Anges  ,  principautés  ,  ar- 
clianges,  séraphins,  trô- 
nes, chérubins,  domina- 
tions, hiérarchie  des  au- 
ges, chœurs  des  anges.  I. 

Anges  gardiens,  III. 

*  .4ngc  gardien,  I. 
Mauvais  anges,  I. 
Démous,  II. 
Diables,  id. 

An  angélique,  I. 

*  Liberté,  III. 

*  Libené  des  anges,  id. 
Ame,  immortalité,  I. 
Transmigration  des  âmes, 

métempsycose,  IV. 
Homme,  humanité,  II. 
Femme,  id. 

Liberté  de  l'homme,  111. 
Vie,  viviller,  IV. 
Fin  lieruière  de  l'homme,!!. 
La  mon,  III. 

Fin  du  monde,  jngemenl,!f/. 
Pur:;aioire,  peines  purilian- 

les,  id. 
Ilépiobation,  IV. 
Enfer,  feu  de  l'enfer,  dam, 

damnaiion  ,  peines  éler- 

nellps.  11. 

*  Liberté  des  damnés,  III. 

*  Bonheur,  1. 

l'ara  Jis, bonheur  élernel,III. 
■  Liberté  des  bienheureux  , 

III. 
Vision  béalilîque,  IV. 
Vision  intuitive,  il. 
Vie  éternelle,  IV. 
Fidèles,  II. 
Bienheureux,  I. 
Béatihcation  des  saints,  id. 
Canonisation  des  saints,  id. 
Invocation,  intercession  des 

saints.  11. 
Communion  de  loi,  oomniu- 

nion  des  saints,  I. 


TABLE  ANALYTIQUE  ET  METHODIQUE. 


HI-  DIVISION. 

Sacrements  et  secours  de  ta 
Religion  chrétienne. 

SACREMENTS  EN  GÉNÉ- 
RAL, ellicacilé  des  sacre- 
ments, formes  sacramen- 
telles, opus  operalum  en 
matière  de  sacrements , 
IV. 

Application  des  mérites  de 
Jésus-Christ,  III. 

Régénération  spirituelle, IV. 

Caractère  indélébile  de  trois 
sacrements,  1. 

Matière  des  sacrements, III. 

Ministre  des  sacrements 
îrf 

Sacrements  déprécatifs,  II. 

Cérémonie  des  sacrements, 
1 

Sacramenlaire,  !V. 

Baptême,  I. 

Annoliue,  id. 

Péché  originel,  état  de  na- 
ture tombée,  III. 

Imputation  du  péché  d'A- 
dam, II. 

Enfants  punis  des  péchés 
des  pères,  H. 

Parathèse,  111. 

Catéchèse,  I. 

Catéchisme,  id. 

Catéchumènes,  id. 

Scrutin  des  catéchumènes, 
IV. 

Huile  des  calhécumènes,!!. 

Vœux  du  baptême,  IV. 

Fonts  baptismaux,  II. 

Baptistères,  1. 

Pœdobaptisme,  ou  baptême 
des  enfants,  id. 

Immersion  baptismale,  II. 

Ondoiement,  III. 

.Clirême,  myron,  I. 

Chrémeau,  id. 

Nom  de  baptême,  III. 

Parrains  et  marraines,  id. 

Filleuls  et  liUeules,  II. 

Adoption,  I. 

Enfants  de  Dieu  par  adop- 
tion, II. 

Cliniques  ou  baptisés  pen- 
dant la  maladie,  grabat 
res,  1. 

Néophytes,  III. 

Lamprophores,  id. 

Illuniinés,  11. 

CONPmMATlON,  I. 

pénitence,  III. 

Componction,  I. 

Syndérèse,  IV. 

Conversion,  I. 

Contrition,  id. 

Contrition  parfaite ,  amour 
de  Dieu,  id. 

Alirilion,  I. 

Atiriiionnaires,  id. 

Crainte  de  Dieu,  crainte  fi- 
liale, id. 

Bon  propos,  IV. 

Fuite  des  occasions,  II. 

Confession  auriculaire,  1. 

Exomologèse,  II. 

Secret  de  la  confession,  IV. 

Directeur  de  conscience,  1. 

Confesseurs,  id. 

Cas  de  conscience,  id. 

Casuisles,  id. 

Censure, id. 

Irrégularité,  11. 

Suspense,  IV. 

Excommunication,  II. 

Sali.slaclioil,  IV. 

Satisfaction  par  les  mérites 
de  Jrsns-Christ,  id. 

Péuiten^'e  .satistacloire,  id. 

Pi;niienre  [Ubliipie,  pleu- 
rants et  prosternés,  111 


Canons  pénitentiaux,  I. 
Bonnes  œuvres,  IV. 
OEuvres  satisfactoires,  IV. 
Attlictions,  adversité,  I. 
Austérité,  mortilication,  III. 
Jeûne,  III. 
Abstinence,  I. 
Abstême,  id. 
Cilice,.sac,  IV. 
Flagellation,  II. 
Aumône,  I. 
Absoute,  id. 
Absolution,  id. 
Justification  sacramentelle , 

III. 
Indulgence,  IL 
Jubdé,  st.tion  du  jubilé,  id. 
Aveuglemenl  s[iirituel,  I. 
Endurcissement  du  cœur  . 

11. 
Impénitence  finale,  id. 

EUCUABISTIE,  PRÉSENCE  RÉEL- 
LE, espèces  ou  accidents 
•  eucharistiques,  II. 
Holocaustes,  id. 
Victime,  IV. 

Hostie„oblation,  oblalœ,  IL 
Partie  de  l'hostie,  IV. 
Sacrifice  de  la  messe,  IH. 
Consécration,  I. 
Transsubstantiation,  IV. 
Communion  sacramentelle, 

Communion  sous  les  deux 
espèces,  IL 

Communion  pascale,  id. 

Communion  fréquente,  id. 

Communion  laïque,  id. 

Communion  pérégrine,  id. 

\i3iique,  IV. 

Communion  spirituelle,  I. 

Extrème-Onction,  il 

Huile  des  malades,  id. 

Ordre,  IIL 

Ordinand,  id. 

Ordination  ,  réordination  , 
id. 

Consécration,  I. 

Mariage  ,  empêchement  au 
mariage ,  alEnité,  consan- 
guinité, m. 

Dispenses,  IL 

Fiançailles,  id. 

'  Indissolubilité  du  mariage, 
id. 

(n)  limpècliements,  id. 

Grâce,  lumière,  id. 

Assistance  de  Dieu.  I. 

Concours  de  Dieu, id. 

Libre  arbitre,  III. 

Liberté  chrétienne,  id. 

Volonté,  volontaire,. IV. 

Cnaciif,  coaction.  II. 

Prédétermination,  IIL 

Prémotion,  id. 

Mérite,  démérite  de  l'hom- 
me, id. 

Délertaiion  victorieuse,  IL 

Grâce  aciuelle,  I. 

Già -e  prévenante,  IL 

Grâce  concomitante,  I. 

Grâce  ellicace,  el'Gcacité,  II. 

Grâce  luamissible,  td. 

Justice  inhVente,  III. 

Grâce  intérieure.  11. 

Grâce  opérante,  III. 

Grâce  nécessitante,  id. 

Grâce  sufiisanie,  IV. 

Molinisme,  III. 

Congruisnie,  congniité,  I. 
IV'  DIVISION. 

Monde  de  ta  religion  chré- 
tienne; vertus  qu'elle  en- 
seiqne. 

VEItiUS,  IV. 

Vertus  morale^,  id. 

Lois,  loi  orale,  IIL 


1)60 

Lois  civiles,  III. 
Lois  divines,  (rf. 
Décalogu  e,  commandements 

dp  Dieu,  connnandemeuts 

de  l'Eglise,  II. 

*  Promnlgalioii,  II.I. 
(a)  Décrétales,  11. 

*  Peines  canoniques,  IIL 
Raison,  IV. 

Bonté  morale,  I. 
Approbation  de  la  conscien- 
ce, I. 
Scrupules,  IV. 
Acte,  action,  I 
Devoirs,  II. 

*  Perfectibilité  chrétienne . 
III. 

Vertus  cardinales,  I. 

DévDtion,  di'vot,  IL 

Méditation,  m. 

Sagesse  de  1  homme,  IV. 

Reconnaissance  des  bien- 
faits de  Dieu,  id. 

Résignation  i  ^  volonté  de 
Dieu,  id. 

Piété,  III 

Contemplation,  I. 

Abnégaiiim,  renoncemâiit  à 
soi-même,  I. 

Zèle  de  la  religion  (.\bdas1. 
IV. 

■  Abdas,  I. 
Prudence,  III. 
Sainteté,  IV. 

Simplicité  chrétienne,  id. 
Résignation  dans  les  souf- 
frances, soullrances,  id. 

Vœux,  id. 
Virginité,  id. 
Obéi.ssance,  III 
Humilité,  IL 
Persévérance,  IIL 

■  Tempérance,  IV. 
Amour  du  prochain,  chariléy 

prochain,  I. 
Jiisiice,  IIL 
Humanité,  IL 
Amitié,  I. 

Ke.siilution,  réparation,  IV, 
Hospitalité,  hôpital,  11. 
Aumône,  colbcte,  1. 
l'jilanls.  II. 
Fils  et  lilles,  id. 
Enfants  trouvés,  id. 
Iducaiion,  id. 
Tempérance,  IV. 
Forcr^,  H. 
Ab|uration,  I. 

('ONSEILS  ÉVANCÉLIQDES,  M. 

OEuvres    de    surérogation 

III. 
Célibat,  continence,  I. 
Chasieté,  id. 
'  Mysticisme,  III. 
*  Extase,  IL 
Vices  et  péchés  qu'elle  con 

danine. 
Affections  morales,  IIL 
Allèciions  mondaines,  id. 
Passons  humaines,  III. 
C.oiicupisceuce,  H. 
Tentai»  n,,  IV. 
Vires,  id. 
Oinies,  II. 
réelles,  coulpe,  III. 
Défauts,  imperfections,  IL 
Désirs,  id. 

Dessein,  intention,  li. 
Bien  et  mal  moral,  1. 
Ignorance  ,   péchés  d'isjno- 

rance,  11. 
Ollènse,  III. 
Oc  :asioii ,  cause  d'offense, 

id. 
PÉCHÉS  mortels,  id. 
Péchés  véniels,  IV. 
Péchés  d'omission,  III. 


H6( 

Péolif^s  involontaires,  IV. 
Péchés  caimtaux,  J. 
Orgueil,  III. 
Gloire  Imiiiaino,  II. 
Ambillon,  1. 
Amom  ■•propre,  id. 
Flalterie,  II. 
Envie,  iU. 
Jalousie,  III. 
Avarice,  I. 

Kicliesses,  liiens  de  ce  mon- 
de, IV. 
Jen,  passina  du  jeu,  IU 
Gourriiaudise,  11. 
Luxure,  III 
Joie  mondaine,  IV. 
Plaisirs  du  monde,  III. 
Colère,  I. 

Oisiveld,  oisifs,  III. 
Apostasie,  apostat,  I. 
René^'at,  IV. 
Iriipiéii',  irréligion,  II. 
Iiirri'iiuiité,  incrédules,  id. 
Iiilidélaé,  iulidèles,  id. 
Erreur,  II. 
Folie,  id. 
Simonie,  IV. 
Sacrilège,  id. 
Mélancolie  reh'Kieusc,  III. 
Snperslilion,  Iv. 
Pacle  avec  le  démon,  III. 
Théurxie,  IV. 
Energdmènes,  II. 
Nécromancie,  évocation  des 

morts,  III. 
Sorcellerie,  sorciers,  sorti- 
lèges, IV. 
Magie,    niagicions,   carac- 
tères raagi(|\ii's,  III. 
'  Magnéllsnie,  IU. 
Arl  notoire,  1. 
Art  de  saint  Paul,  id. 
Phylactères,  IU. 
Ligaiures,  id. 

Onèirocritie  ,   rêves ,    son- 
ges, id. 
Ordalie,  épreuves  supersti- 
tieuses, pain  coDjuié,  id. 
Ch;trnies,  I. 
Malélices,  III. 
Enchantements,  II. 
Abjuration,  I. 
Conjuration,  id. 
Devin,  divination,  aruspiccs, 

augures.  II. 
Présages,  IU. 
Amuleiies,  I. 
Apparitions,  ut. 
Sorts  des  saints,  sorts  virgi- 

liens,  IV. 
Astrologie  imliciaire,  I. 

1.MPRÉCATI0N,    II. 

Jurement,  IU. 
Sermeni,  IV. 
Parjure,  III. 
M:iJédiclion,  id. 
Klasphème,  I. 
Blasphémer,  id. 
Blasphémateur,  id. 
Blasphématoire,  i(/. 

IllIlÉVÉnENCC   DANS  LES  LIXVX 
SAINTS,   U. 

Bigoterie.  I. 
ll.Vpocrisie,  II. 

Sl'lClDE,  IV. 

Parricide,  III. 
Infanticide,  11. 
Homicide,  id. 
Haine,  II. 
Vengeance,  IV. 
Défense  de  soi-nième,  U. 
Armes,  I. 
Gherre,  II. 

Guerres  de  religion,  id. 
Esprit  de  domination,  id. 
Despotisme,  id. 
Intolérance,  id. 
Eimcwi,  étranger,  id. 


T.VBLE  AN.V.LYT[QUE  ET    .MÉTHODIQUE. 


Glaillatours,  II. 
Duel,  id. 

I.MPtîllICITÉ,    id. 

Impureté,  id. 
Volupté,  IV. 
Obscénité,  III. 
Mquivoiiues,  11. 
Romans,  IV. 
Luxe,  IU. 
Mascarades,  III. 
Danses,  II. 
Spectacles,  IV. 
Fornication,  II. 
Concubinage,  I. 
Polygamie,  IU. 
Bigamie,  I. 
Adultère,  id. 
Répudiation,  divorce,  II. 
Incestt»,  id. 
So  lomie,  IV. 
Vol.  IV. 
l'surc,  irf. 
Procès,  III. 

TÉ.MOmS,     FAUX    TÉMOIO.NACE, 

IV. 

Méchanceté,  III. 
Mensonge,  restriction  men- 
tale, ,d. 
Calomnie,  I. 
Mnlisance.  III. 
liaillerle,  IV. 
Scaiiilale,  id. 

I-IBl  ILIS  DIFPAJIATOmES,  II. 

Etat,  profession,  id. 
V  DIVISION. 
Preuves  de  tu  religion  chré- 
tienne. 

ÉCRITUllE  SAINTE. 
Prolégomènes,  IV. 
Ecriture  sainte,  règle  de 

foi,  analogie,  citaiion  de 

l'Kcriiure  sainte,  U. 
I  ivres  saints,  III. 
Dépt'itde  la  toi,  II. 
Parole  de  Dieu,  IU. 
Inspiration  des  livres sam.„, 

II. 
Leçons,  texte  de  rEcrilure 

sainte,  III. 
Canon  des  livres  sacrés,  1. 
Livres  canoniques,  III. 
Livres  authentiques,  id. 
Livres  deutéro-canoniques, 

II. 
Auteurs  ecclésiastiiiues,  I. 
Ecrivains  sacrés,  II. 
Interprétation    des    livres 

saints,  U. 

*  Herniéneutique  sacrée,  id. 
Chronologie  sacrée,  f. 
Géographie  sacrée,  II 
Hisloire  sainte,  id. 

Sens  lies  Ecrilures,  IV. 
Sens  littéral,  id. 
Senslignré,  U. 
Sens  mystique,  III. 

*  Intégritédes  livressacrés, 

U. 
'  Véracité  des  livres  saints, 
III. 

*  Lecture  de  l'Ecriture  sain- 

te, id. 

Bible.  I. 

Biblique,  id. 

Biblistcs,  id. 

Variantes,  IV. 

Concordance,  versets,  ponc- 
tuation, chapitres  de  la 
Bible,  I. 

Interprètes,  II. 

Traduction  générale,  IV. 

Version  de  l'Ecriture  sainte, 
letlV. 

Bibles  polyglottes,  IIL 

Bible  oclaple,  id. 

He.xapl.>s  d'Origène,  II. 

Bible  hébraique,  I. 


H('breux,  caractère  hébrai- 

i|ue,  II. 
Hf'^braisme,  idiotisme,  id. 
L,ingue  hébraïque,  voyelles 

I  en  langue  hébraïque,  id. 
Hél  raïsaiits,  irf. 
■  lAntilogic,  I. 
Roésie  des  Hébreux,  III. 
T»>xtuaires juils,  IV. 
Tà'xte  samaritain,  id. 
Paraphrases  clialdaïqucSjid. 
Ve^r.iion  des  Septante,  Syiii- 

BiKique,  Théodotion,  l'y- 

«,lion,  IV. 
Bib/e  grecque,  I. 
Ver(<ioiis  grecques,  II. 
HeUénisnie ,   hellénistique, 

hellénistes,  id. 
Bibles  orientales,  I. 
l'hali^éennes,  id. 
Syriatpies,  id 
Cophies,  id. 
Ethio|ii('niies,  id. 
Arméniennes,  id. 
Persanes,  irf. 
Moscovites,  irf. 
Bible  latine,  irf. 
Vulg3te,JV. 

Bible  en  Uiiigue  vulgaire,  I. 
Commentaires,  chaîne,  çom- 

nienialeurs,  irf. 

*  Archéologie,  id. 

■  Ancien  Testament. 
Alliancp.,  I. 
Ociatl'uque,  III. 
Heptateuque,  U. 
Pentaieiiriue,  UI. 
Genèse,  U. 
"  Cosniiigonie,  I. 

*  Géologie,  U. 

*  Firuiameni,  II. 

*  Chaos,  I. 

*  Astri'nomie,  I. 
'  Zodiaques,  IV. 

*  Denderali,  II. 

*  Esiié,  id. 

'  OEuvre  des  six  jours,  111, 

*  Chaleur  du  globe,  I. 

*  Longévité,  ni. 
"Génératiousspontanées,  U. 

*  Ethnographie,  U. 
I  Lingujsiique,  UI. 
"Révélation  primitive,  IV. 

*  Volcans,  id. 

'  Races  humaines,  IV. 

*  Humaine   (unité  de  l'es- 

pèce), U. 

*  Islande,  id. 

'  Minéralogie,  IU. 
Création  du  monde;  palin- 

génésie,  I. 
Antiquité  du  monde,  III. 
Monde,  physique  du  monde, 

cosmogonie,  cosmol'ogie, 

id. 
Hexauiéroii,  ouvrages  des 

six  jours,  semaines  de  la 

création.  11. 
Ciel,lirmainenl,empyrée,id. 
Terre,  IV. 
Ténèbres,  id. 
Lumière,  III, 
Soleil,  IV. 
Animaux,  brutes,  I. 
Adam  ,    protoplasie  ,    Eve, 

état  d'innocence  ,  chute 

d'Adam,  I. 
Paradis    terrestre .    Eden, 

jardin  d'Kden,  UI. 
Nalure,   état  de  pure  na- 
ture, id. 
.\rbre  de  la  scieuce,  I. 
Arbre  de  vie,  lit 
Serpent  tentateur,  lY 
Abel.I. 
Cain,  id. 
lléuuch,  II. 


DiCT.    DE   ThÉOL.    DOGMATIQIE     IV. 


liGS 

Patriarches,  III. 

Loi  naturelle,  III. 

Loi'  traditionuelle,  id. 

péanis.  II. 

Aniédiluvicns,  I. 

Déluge  universel, cataractes 

du  déluge,  U. 
Noé,  III. 
Arche  de  Noé,  I 
Arc-in-ciel,  id. 
Cham,  I. 
Noachides,  III. 
Tour    de  Itabel,   langues, 

confusion  des  langues,  !. 
Dispersion  des  peuples,  H. 
Peuple  de  Dieu,  III. 
Abraham,  Sara,  Mauibré,  I. 
Pain  d'Abraham,  III. 
Palestine,   terre    promise, 

lamine,  IV. 
Egyptiens,  U 
Hiéroglyphes,  IH. 
Lotli,  ul. 
Frères,  U. 
Sodome,  IV. 
Mer  Morte,  Asphalte,  IH. 
Ammonites,  I. 
Moabites,  UI. 
Chaldéens,  I. 
Clianaiiéens,  irf. 
Entants  d'Abraham,  Génite, 

II. 
Tenlaiion  d'Abraham,  IV. 
Circoncision,  prépin'e,  1. 
Abra,siiivantedeUébecca,I. 
Jacob,  Esaii,  Ul. 
Juda,  lils  de  Jacub,  id. 
Joseph,  irf. 
Songe  de  Josepu,  «   . 
Voyageur,  id. 

EXODB,  U. 

■  Révélation  mosaïque,  IV. 

Moïse,  111. 

Aaron  ,    Coré  ,    Dathan  et 

Abiroii,  I. 
Jéhovah,  Adonai,     Tetra- 

grammaton,  III. 
Plaie  d'Egypte,  HI. 
Prodige,  irf. 
Pâiiue  juive,  Phase,  IV. 
Agneau  pascal,  I. 
Aillé,  droit  d'aînesse,  rachat 

des  aînés,  irf. 
Mer  Rouge,  Ul. 
Israélites  dans  le  désert,  U. 
Nuit  hébraïque,  III. 
Nuée,  colonne  de  nuée,  id. 
Tribus  d'Israël,  IV. 
Manne  du  désert,  Ul. 
Tabernacle  d'alliance,  IV. 
Mont  Sinaï,  id. 
Tables  de  la  loi,  H. 
Loi   férémonielle,    Obser 

vaiice  légale,  id. 
Arche  d'alliance,  I. 
Pontifes,  princes  des  prê- 
tres, III. 
Parvis  des  prêtres,  irf. 
Ephod,  rational,   pecloral, 

oracle,  tiare,  U  et  IU. 
Pains  de  proposition,  III. 
Chandeliers  du  temple,  t. 
Sanctuaire,  IV. 
Saint  des  saints,  id. 
Mer  d'airain,  III. 
Huile  d'onction,  H. 
Sabbat  jnil,  IV. 
Année  sabbatique,  id. 
Hostie  pacilique,  U. 
Veau,  IV. 
Veau  d'or,  id. 
'  Lieux  saints,  IU. 
Levitiql'e  ,  cérémonies   m- 

uAÏQUES,  id. 
Feu,  irf. 
Stigmates,  IV. 
Sang, irf. 
Miel,  III. 


1163 

Viandes    immolées,   Idolo- 

thyles,  ir. 
Viclimes,  IV. 
Expiation  judaïque,  11. 
Bouc  émissaire,  Azazel,  I. 
Souillures,  impureté  légale, 

II. 
Mort ,  funéroilles  des  Hé- 

breux,  m. 
Cadavres,  I. 

Animaux  purs  et  impurs,  I. 
Fêle     des     prémices    des 

fruits,  III. 
Moissons,  id. 
Gerbes,  II. 

Fêle  des  trompelles,  IV. 
Frtes  des  tabeinacles,  id. 
Fêles  des  pardons,  III. 
Jubilé  des  Juifs,  iii. 
NoMBnES,  III. 
Lévites,  id. 

Eau  de  jalousie,  jalousie.  II. 
Loi  judiciaire,  III. 
Lapidation,  id. 
Vache  rousse,  IV. 
Serpent  d'airain,  id. 
Balaam,  I. 
Béelphégor,  id. 
Villes  de  refuge,  IV. 
Néoniénie,  III. 
Dectéronohe,  II. 
Jugement  de  zèle,  TH. 
Mézuzoïh,  id. 
Bélial,  I. 
Orphelins,  III. 
Prostitution,  iil. 
Eunuque,  II. 

JOSUÊ,  GAnAOMTES,  II. 

Guerres  juives,  id. 
Jourdain,  m. 
Jéricho,  id. 
Dénombrement ,  énuméra- 

tion,  II. 
Nalhinéens,  III. 
X,ylophorie,  IV. 
Remmon,  fausse  divinité,  id. 
Pierres  de  Josué,  III. 
-Tdges,  Gabaa,  II. 
Baal,  I. 
Baaliles,  id. 
Asiaroth,  Astatté,  id. 
Aod,  id. 
Gédéon,  IL 
Jephté,  III. 
Cliauios,  I. 
Samsou,  IV. 
Lévite,  II. 
KuTu,  IV. 
Les  quatre  livres  des  Rois, 

Id. 
Samuel,  id. 
Idole  de  Uagon,  II. 
Economie  religieuse,  id. 
Saiil,  IV. 
Oint,  onction  des  rois  par  les 

prophètes,  III. 
Agag,  Amalécites,  I. 
David,  H. 

Ob,  Python,  Pythonisse,IV. 
Nathan,. iri. 
Ahias,  Achias,  I. 
Abiathar,  AchiDiélech,  id. 
Salomon,  IV. 

Temple  de  Jérusalem,  id. 
Voile  du  temple  de  Jérusa- 

li  m,  id. 
*  Rol)oam,  IV. 
Elle,  H. 
Mont-Carmel,  I. 
Hauts  lieux,  II. 
Elisée,  enfants  dévorés  par 

les  ours,  id. 
Naaman,  III. 
Josaplial,  id. 
Musach,  id. 
Nergal,  id. 
Nohestan,  id. 
Captivité  de  Babylone,  l. 


TABLE  ANALYTIQUE  ET  METHODIQUE. 


ADllOChuS,  I. 

Pabalipomènes,  Chroniqdes, 

III. 

Astarothites,  I. 

Néoméiile,  III. 

Zacharie,  IV. 

Esdras,  IL 

Néhémie.m. 

Tobie,  IV. 

Sépulture,  tombeau,  id. 

Asmodée,  I. 

Judith,  Sac,  III. 

EsTnEB  ,    Purim,    Phurim, 

Fête  des  sorts,  II. 
Job,  III, 
Béhémoth,  I. 
Léviiuban,  III. 
Uésurreciion,  résurrection 

générale,  IV. 
Psaumes  de  David,  id. 
Nécinloth,  III. 
'  Aigle,  I. 
Livre  des  Proveiides,  IV. 

EcCLÉSIASTE,  II. 

Cantkjue  des  Caniiqhks,  T. 
Livre  de  la  Sagesse,  Pana- 

rète,  IV". 
*  Choléra-Morbus,  I. 

KCCLÉSIASTIOUE,  IL 
PnOPHÈTES,    III. 

Mission  de  Prophètes,  id. 

Visions  prophétiques,  IV. 

Prophétie,  accomplisse- 
ment des  prophéties,  III. 

Isaïe, II. 

Horloge  d'Achaz,  id. 

Jérémie,  III. 

Lamentations  de  Jérémie, 
id. 

Les  Rédiabites,  IV. 

Baruch,  I. 

Repas  du  mort,  IV. 

Ezéchiel,  II. 

Gog  et  Magog,  id. 

Pygmées,  ill. 

Daniel,  Siisanne,  II. 

Eulants  dans  la  fournaise, 
Sidrach,  Misach  et  Abde- 
n.igo,  id. 

Narbuchodonosor,  III. 

Maozim,  id. 

Monarchies  de  Paniel,  id. 

Semaines  de  Daniel,  IV. 

Petits  Propuètës,  id. 

Osée,  III. 

Joël,  id. 

Ani09,  I. 

Abdias,  iil. 
Jouas,  III. 
Michée,  id. 
Nahum,  id. 
Habacuc,  IL 
Sophonie,  IV. 
Aggée,  I. 
ZaclKirie,  IV. 
Malacbie,  III. 
Faux  prophètes,  iU. 
Machab£es,  id. 
Bahim,  id. 
Scénopégie,  IV. 
*  Alexandre  le  Grand,  L 

Scclcs  juives. 
SECTES  JlJIVES,  IV. 
Jdiis,  m. 
Massorèies,  id. 
Assidéens,  I. 
Caraites,  id. 
Dosiihéens,  H. 
Samaritains,    Adramélecb, 

Azima,  Thartac,  IV. 
Héliognosliques,  IL 
Sébuséens,  IV. 
Masboihéeus,  III. 
Hémérobaplistes  " 
Galiléens,  id. 
Saducéens,  IV. 
Scribes,  id. 


Pharisiens,  IH. 

Hérodiens,  II. 

Zélateurs,  IV. 

Esséuiens,  II. 

Thérapeutes,  IV. 

Rabbins,  id. 

Gil.tïUl,  II. 

Cabùle,  Gématrie,  I. 

Talmud,  Gémare,  Misna,  IV. 

Synagogue,  id. 

Oratoire  des  Hébreux^  III. 

Cozri,   livre  juif, 'I. 

Deutérose,  II. 

No'mbre  de  sent  chez  les 

Juifs,  IV. 
Urim  et  Thummim,  id. 
Gaon,  Guéonim,  IL 
Kéry,  Kétib,  III. 
Kijoun,  id. 
Késilah,  id. 
Machasor,  id. 
Médraschim,  id. 
Mégillolh,  id. 
Ibum,  11. 

L'ulSTORfEN  JOSÈPHE,  id. 

Crilique  sacrée. 
CRITIQUE,  I. 
Phili)lo!ïie  sacrée,  III. 
Allégorie,  1. 
Proverbes,  III. 
Abaissement,  I. 
Abandon,  id. 
Abîme,  id. 
Ablulion,  id. 
Doclrine  évangélique,  II. 
Abomination,  I. 
Analhéme,  id. 
Anciens,  id. 
Bénédiction,  id. 
Coupe  de  bénéificlion,  id. 
Chair,  id. 
Clef,  id. 
Climat,  id. 
Cœur,  id. 

Commencement,  id. 
Cordeau, id. 
Feu,  II. 

Génuficxion,  id. 
Huile,  id. 
Jour,  III. 
Jugement,  id. 
Juste,  id. 
Nouveau,  id. 
Observer,  id. 
Odeur,  id. 
Ombre,  id. 
Oreille,  id. 
Os,  id. 
Pai.x,  id. 
Patience,  id. 
Parents,  id. 
Pécheurs,  id. 
Pieds,  id. 
Premier,  id. 
Profanation,  id. 
Pur,  Pureté,  id 
Temps,  IV. 
Tète,  ill. 
Téraphim,  id. 
Torrent,  id. 
Vase,  id. 
Verge,  id. 
OEil,Yeux,nL 
Ivresse,  IV. 
Zèle,  id. 

Nouveau  Teslamtnl. 
EVANGILE  ,      HISTOIRE 

EVANGELIQUE,  H. 
*  Révélation  chrétienne,  IV. 
Evanuélistes,  id. 
S.  Mauhieu,  UI. 
S.  Marc,  id. 
S.  Luc,  id.i 
S.  Jean, id. 
Harmoiiie ,   concordes  des 

Evangiles,  I. 


-^ 

toniexte  oes  Evangiles,  I, 
Paraboles,  III. 
Morale  philosophique,  id. 
Morale'évangélique,  id.   • 
Téuèl)res  évangéliqnes,  IV. 
lîvangiles  a|>ocryphes,  II. 
—  des  E^'vptiens,  Jd. 
ProlévauKile  de  saint  Jac- 
ques, IV. 
Actes  de  Pilale,  Pilate,  III. 
Oracles  S.YbiUins,  IV. 
Iclilvs,  11. 
Jî^sus-Cbrist,  Sauvedb,  Sa- 

•   LUT, jd. 

Sa  nature   divine    et  hii- 

maine,  id. 
Sa  mission.,  III. 
Ses  avènements,  I. 
Loi  de  grâce,  III. 
Divinité  (lu  Verbe,  U. 
Jlessie,  III. 

MvniE,   MiiBE  DE  DiBO,  la 

Sle  Vierge,  Notte-Uame, 

ill. 

Nalivilédela  SI  e  Vicrge.id. 

Assomption    de    la    Sainte 

Vierge,  I. 
Zacliarie ,    |.àfe   de   ■saint 

.lean-Ga|iliiite.,iiy. 
Annojicialion  de  lA  Sainte 

Vierge,  I. 
Visitation    de     la    Sainte 

Vierge,  IV. 
M.agni(icat„JU. 
Généalogie  de,J.-C.,  ,11. 
Génération  4e  J.-C'id. 
Saint  Joseph, id. 
Nais-sanoe  dd  Sauveur,  III. 
Bethléem,  I. 
Crèche  duSauveor,  L 
Circoncision,  id. 
Nom  de  Jésus,  III. 
Emmanuel,  IL 
*  Hluile  miraculeuse,  id. 
Mages,  III. 

Vocation  des  Gentils,  IV 
Massacre  des  InnoceulS,  H. 
Peiithèse,  l'nrilication, Pré- 
sentation au  temple,  III. 
Nazaréens,  id. 
Jean-Baptiste,  id 
Le  royaume  des  cieux,  IV. 
Tentation  dans  le  désert, îd. 
Satan,  IV. 

Voie  du  Seigneur,  id. 
DérollatioLi  de  saint  Jean- 
Baptiste,  II. 
Noces  de  Caua,eaacliangée 

en  vin,  I. 
Parauymphe,amide  l'époux, 

III. 
Métrète,  mesure,  id. 
Disciples  de  J.-C,  IL 
Temple,  IV. 

Vendeurs  chassés  du  tem- 
ple, id. 
Nicodème,  III. 
Obsession,  possession  du  dé- 
mon, démoniaques,  Uada- 
réniens,  id. 
Béelzéhub,  I. 
Capharnaum, id. 
Miracles,  III. 
Thaumaturge,  IV. 
Guérison  des  malades,  H. 
Sermon  sur  la  montagne, 

IV. 
Raca,  id. 
Géhenne,  !.. 
Mammona,  III. 
IMiiison  Oominic.,Pff<cr,W. 
Publicains,  id. 
Pisi'iric  i)rolialique,  id. 
MuUi|Iicalion  des  paius.id. 
Chaiianeeniie,  I. 
Renoncement  à   soi-même, 

IV. 
Translignration,  id. 


HGS 

Femme  adiilière,  I. 

Sein  (J'Abraliam,  IV. 

3ui;oin(Mit  dernier,  IIÏ. 

Elus,  11. 

Résurreclion  de  Lazare,  III. 

Marie-Mailelciue,  id. 

Hosaiina,rr. 

/.:iclKiric,  lils  delîaiiidi,  lY. 

l''imii(M'  inaiidil,  II. 

(Iliaire  do  Miiise,  I, 

Parascève,  III. 

Ciiiie,  I. 

Cénaile,  id. 

LaviiiHMil lies  pieds,  III. 

Judas  Ucaricilp,  id. 

Passiiiii,  suull'iMuces  de  Jé- 

•  s«s-riirisi.!(/. 
Agoiilp  dfi  Josus-Christ,  I. 
San;;  di'  .lésus-t'.lirisl,  IV. 
Calii  (.  de  J ésus-Cluisl,  I. 
("orlian,  id. 

Giil/utlia,  Calvaire,  iU. 
r,roi.\,  i(/. 
Vérouiiiue,  IV. 
(Irucllienicut,  I. 
Heure  à  laquelle  J.-C.  fut 

mis  eu  croix,  IF. 
'  Mon  do  Jésus-Christ,  III. 


TABLE  ANALYTIQUE   El   ÎBÈTHODIQUE. 


Eclipse,  UMu"'bres  à  la  mort 
de  Jt'.sus-Chrisl,  II. 

Voile  du  Teui|)le,  IV. 

Lnubes,  III. 

.Sindoii,  suaire,  IV. 

."^aini  Sépulcre,  id. 

Uésurrccliou  do  Jésus- 
Ciirist,  id. 

Les  trois  Maries,  IH. 

Apparition  do  Jo.sus..Cbrist 
aprt'3  sa  résurrection,  I. 

Ascension  de  J.-C;  id. 

Actes  des  .H'Ûires,  I. 

Apùtres,  id. 

Doi  irine  aiiosloli(|Uo,  id. 

S.  Pierre,  Céplias,  id. 

S.  Jac(|ues  le  Majeur,  III. 

S.  l'iiilipp  ■,  id. 

S.Barlheleniv,  I. 

S.  Tlioinas,  IV. 

S.  Jaciui's  le  Mineur,  III. 

S.  Tliadée,  .S.  Judo,  id. 

S.  .^iinon,  IV. 

Mission  des  apiMrcs,  III. 

Canons  des  apôtres,'!. 

Symliole  desapfilrcs,  IV.  ' 

Dispersion  des  apôtres,  II. 

S.  Matthias,  111. 


I'l-.NTEi;l5lE  (lllBériRNNE,    IH. 

Prosélytes,  id. 

liuLISË  DE  ]ÉltU$.lLB.M,    n. 

Iteriiphaii,  IV. 
Auanie  et  Saphire,  I. 
Communauté  de  biens,  id. 
Veuves,  IV 
Vierges,  id 
Diacre,  II. 

Pruto-iuirlyr.H.  Etienne, IV. 
Conversion  de  S.  l'aul,  III. 
Nations,  id. 

'  Jérusalem  (deslr.  de),  id. 
CuilKrIENS,  Chiusti.vsismk,  I, 
Jlai)iis  des  chrétiens,  II. 
lîei.as  des  chrétiens,  IV. 
liepas  do  charité,  Ag;ipes,  I. 
M(euis  des  chrétiens,  lll. 
Chrétiens  jntlaîsanis,  I. 
Jiglised'Antioclie,  id. 

S.    V.KVL,   III. 

Kpitres  de  S.  l'anl,  H. 
Aux  lîomains,  IV. 
.'lux  Curiulhiens,  I. 
Aux  lialate.s,  II. 
Aux  Cphésieiis,  id.  •■ 
Aux  Fhilippiens,  III. 
Aux  Colossiens,  I. 


14160 

Aux  ThessaloDiciens,  IV. 

ATiinolhée,  id. 

A  Tlie,  id 

A  Philémou,  III. 

Aux  Hébreux,  II. 

Vieil  hounnc,  id. 

Illapse,  Kxtase.id. 

Mur.in-Alha,  III. 

Voile,  IV. 

H  liser  de  paix,  111. 

Pédago^'ne,  id. 

Miuniurc,id. 

Viiiimes,  IV. 

Méilialour   entre   Dieu    ot 

riiumnie,  lll. 
Ki'itnE  DE  S.  Pierre,  id 
Dyscole,  II. 

EriTHcs  DE  S.  Jean,  111. 
Antéchrist,  I. 
iLi'iTni:  DK  S.  jAcyDES,  IU. 
l^i'iTnB  DE  9.  JHde,  id 
Apocalypse,  I. 
Aliaddon,  id. 
Michel,  III. 
Alpha  et  Oméga,  I. 

'J'nADlTIONS,TnAI>lII0M  OBALE, 

IV. 

*  Inscriptions,  II. 


SECONDE   PARTIE    DE   LA    THÉOLOGI 

L'ÉGLISE   CATHOLIQUE. 


r«    DIVISION. 

Piopagnlioa  île  l'Eqlise ca- 

EGLISE,  II. 

■EuMse  triomphante,  id. 
'EKlise  sunll'ianle,  îd. 
'  ICfîlise  militante,  id. 
'  Uévolutions  (les)  cl  l'E- 
L-lise.lV. 

CnUISTIANIS.ME,  I. 

Clirrtieuté,  id. 

lli>rou\E,  II. 

Ilistoiro  ecclésiastique,  id. 

Cui|ierenr,  éditsdcs  empe- 
reurs, 1. 

Pbrsécutcubs,  III. 

Persécution,  violence,  oon- 
ir.iinte,  id. 

Mart^rc,  supplices,  id. 

Martyrs,  id. 

Coulesseurs,  I. 

l'raditenrs,  IV. 

Eglise  d'Asie,  I. 

Eglisk  d'Abarie,  id. 

Eglise  DE  Si  rie,  IV. 

Cliréliens  Orientaux,  III. 

Chrétiens  Maronites,  id. 

Ei-.LISEnE  Ho.ME,  IV. 

E!,'lise  L:itinc,  11. 

ScliismcIV. 

Schisme  d'Occident,  id.  ■ 

Papesse  Jeanne,  III. 

Eglise  Urecoi'e,  U. 

Schisme  des  Crées,  IV. 

Parailéliqup,  lII. 

P;ip:iS  gr.'cs,  id. 

Xéroplia'.;ie,  IV. 

S.vnaxarion,  id 

'l'elraodion,  id 

I.aosynacle,  II. 

l.cclicaires,  III. 

Macarisme,  id. 

Menée,  Ménologe,  etc.,  id. 

Ilorologion,  11. 

l'Morilége,  Anthologe,  I. 

Alphaliel,  id. 

Méiaiioéa,  III. 

Ilafriosiilère,  II.' 

IIo:i  =  --ns,  id: 

lh>li"iiiiie,  id. 

MiMmele.  id. 

îvnaxe,  IV. 

Dfpiyques,  II. 


Eucologo,  III. 
l'erm  ntaires.  id. 
Eullianasio,  id. 
Colyhes,  I. 
Copiate,  id. 
Chérnhiqup,  id. 
Antityiie,  id. 
Aniocéphales,  id. 
Eglise  de  PcnsE,  lll. 

—  d'Ethiupib,  Arissins,  II. 

—  «'Alexandrie,  1. 
Lettres  pascales,  III. 
Eglise  gallicane,  II. 
Pèlerinage,  id. 
Croisade,  saint  sépulcre,  IV. 
Massacre  de  la  Saiiit-Bar- 

Ihélcmy,  I. 
Eglise  «'.Verique,  id. 
Typase,  IV. 

Conveisiiin  des  .\hicains,  I. 
Inlerveiilion   dans    l'Eglise 

d'Alrique.  II. 
Iconoilnli',  iconol;\tre,  id. 
l.éf;ion  rulminaiiie,  III. 
Lé^idii  iliéSétniie,  id. 
Consl:nilin,  II. 
Vision  de  Constantin,  IV. 
Lahai'um,  III. 
L'empereur  Julien,  id. 
Euslathiens  catliolii|ues,  II. 
Eglise  d'Egïpti:,  id. 
Cliréliens  rophles,  L 
Ei:lise  d'I'"spag>e,  II. 
liilesmo/arahes,  III. 

EgLI   E  o'ANGLKTFnRF,   I. 

Suini  '1  hoiiias  Deopiet,  IV. 

Schisme  d'An_leterre,  id. 

Eglise  d'.\llesiacni:,  1. 

Trêve  de  Dieu,  IV. 

Intérim  de  Charles  V,  II. 

Confession  dAu;,'sbonrg,  I. 

Cenluriatcurs  de  Magde- 
bourg,  id. 

Eglise  do  Nobd,  III. 

Eglhe  de  Moscovie,  Russie, 
IV. 

Eglise  de  Sdède,  Goths,  U. 

Eglise  de  Poixigne,  lll. 

Eglise  de 'I'artarie,  IV. 

Eglise  DE  Mingkélie,  IIL 

Eglise  dfs  Indes,  il. 

Br.imes  indiens,  Uramines,I. 

Missi  ms  étrangères,  Para- 
guay, m. 


Eglisejlu  Japon,  III. 
E(jlise"ile  la  Chine,  I. 
Chréiioijs  malaliares,  III. 
Biles  uialaliares,  id. 
Eglise  D'.'VMÉRlgUE,  I. 
Démarcation,  II. 

Il«  DIVISION. 
GovxernemeM  cl   ministres 

de  t'Kfilise  catholique. 
EGLISE  MILITANTE, iiulé- 
fectihilitéde  rEs;lise ,  11. 

*  Sainteté  de  l'Eglise,  IV. 

*  Aposlolicité,  I. 

*  Perpétuité  de  l'Eglise,  III. 
■  GouVernementde  l'Eglise, 

II. 

*  Controverses  (Juge  des),  1. 
'  Infaillibilité  (dépositaires), 

Notes  de  l'Eghse,  III. 

Catholicité  de  l'Eglise  ca- 
tholique, I. 

n^-lise  Jiif;iillib!e,ll. 

Inldillihilistes,  id. 

L>'  papel. ibère,  lll. 

Orllioiloxie  de  l'Eglise,  id. 

Immunités  de  l'Eglise,  II. 

Juridiction   spirituelle,  III. 

EccLKsiASTiQiiES,  id. 

Discipline  ecclésiasiiqoe,  U. 

Conciles,  actes  des  conciles, 
décrets,  caiioni  des  con- 
ciles, 1. 

Conciles  o'cnméniques,  IH. 

Concile  de  Xicce,  id. 

1'  de  Conslantinople,  I. 

D'Epljése,  II. 

De  Ch:ilcédoine,  I. 

Il'  de  (Ainslanlinople,  id. 

Aflaiie  des  5  Chapitres,  id. 

iir  de  Constaaiinople,  id. 

■•Assemlilées  religieuses,  I. 

De  Xioce,  IIL 

IV  de  Conslantinople,  I. 

Les  qiuilre  conciles  géné- 
raux de  Latran,  III. 

Les  deux  conciles  généraux 
de  Lyon,  id. 

De  Coi i.sta lice,  I. 

De  Bàlo,  id. 

De  Elorence,  II. 

De  Trente,  IV. 

Concile  in  ï  rtillo,  id. 


Concile  Quinisexte,  IV. 

Droit  Cauoiiiipie,  II. 

Lctires  canoniques,  III. 

Clémentines,  I. 

(a)  Conciles  nationaux,  I. 

(a)  Synode,  IV. 

Pape,  papai;té,  chef  do  l'E- 
glise, 111. 

Saint-siége,  Eglise  de  Home, 
chaire  de  S.  Pierre,  IV. 

Primauté  du  pape,  IU. 

Tiare,  IV. 

'  Anneau  du  pêcheur,!. 

*  Ceiiire  d'niiilé,  id. 

*  Indéledibilll  ',  II. 

*  Déel.ir.ilii'ii  du   clergé  de 

France,  id. 
'  Infaillibilité  du  pape,  id. 

*  Cathedra  (e.r),  l! 

*  Causes  m^ieiires,  id. 
•Honiface  VIII,  1. 

■  Grégoire  VU,  H. 

*  Ilonorius,  II. 

■  Dogmatiques  (faits),  H. 
(a)  Collège  de  cardinaux,  I. 
Aiitii^apes,  id. 
Succession   des    uasluurs , 

1\. 
Palriarches,  111. 
Collège  de  cardinsiiv,  1. 
Couslitut.  apostoliques,  id. 
Décrétiiles,  II. 
Bulle,  bref,  I. 
Bulle  in  Ctcna  Domiiii,  id. 
Appel  au  fut i.r  concile,  id. 
Appelant,  id. 
Clerc.  Clergé,  id. 
Pontifical  romain,  IH. 
Pasteurs  des  Eglises,  id 
'  Ministère,  llf. 
'   Ii)si|;ulion   des  ministres 

de  la  religion,  11. 
'  Circonscription  diocésain» 

et  paroissiale,  1. 
la)  Translation,  IV. 
EvÈQCEs,  cpiscopat,  U. 
Coévé oue,  I.      » 
Chorévèque,  iiL 
Mécroiomie,  lîl. 
(a)  Primai,  id. 

■  .Méiropole,  id. 
Evèqiies  régioiinair«»,IV.  ] 
Chaire  épiscopale,  L 
Crosse,  i' 


1167 

Mitre,  IH. 

Croix  pectorale,  I. 

Eleclion  des  évêriUPs,  II. 

Siège,  évêclié,  diocèse,  id. 

BésideiiCH,  des  évoques,  IV. 

Introoisalioiules  évêques,H. 

(a)  Arclievi^que,  I. 

(a)  Arclievêché,  Jd. 

'  Appel  comme  d'abus,  id. 

Pallium  épisropal,  III. 

Proloirône  grec,  irôiie  épis- 
copal,  IV. 

Cathédrale, I. 

CoIlL-giale,  id. 

Chanoines,  id. 

Ctiapiiie  en  corps,  id. 

Abbé,  abbaye,  id. 

Ofljcianl,  célébrant,  id. 

Prédicateur,  lieux,  oratoi- 
res, III. 

Sermons,  dominicale,  para- 
nèse,  II. 

Pénitencier,  III. 

C'apiscol,  I. 

Apocrisiaire,  id. 

Kcnnome,  II. 

Eccléslarqne,  id. 

Paroisse,  III. 

Presbytère,  irf. 

Casnel  des  curés,  Iinnonires 
des  ministres  de  l'Eirlise. 
I. 

(h)  Archidiacre,  id. 

(il)  Archiprêtre,  id. 

(a)  Cure,  curé,  id. 

'  Aumôniers,  ik. 

(«)  Vicaire,  IV. 

(n)  Ecolàlre,  II. 

(a)  Chefcier,  I. 

(a)  Déliniteur,  II. 

Vicaires,  IV. 

Prêlre,  préirise,  sacerdoce, 
saci ificatenrs,  III. 

Imposition  des  mains,  kei- 
roionie,  II. 

Couronne   dos  prêtres,  IV. 

Ucnélices,  biens  ecclésiasti- 
ques, 1. 

Diaconat,  H. 

Diaconique,  id. 

Diacre,  id. 

Diaconesse, id. 

Sous-diacre,  I\. 

Epistolier,  II. 

Ordres  mineurs,  III. 

Portier,  id. 

Mansionnaires,  id. 

Acolyte,  I. 

Exorciste,  II. 

Exorcisme,  id. 

Lecteur,  III. 

Thuriféraire,  IV. 

Porte-croix,  III. 

Lampadaire,  id. 

Illuminés,  II. 

Syncelle,  prolosyncelle,TV. 

(«)  Tonsure,  IV. 

•  Liberté  des  Eglises,  III. 

'  Liberté  de  l'Église  galli- 
cane, id. 

'  Articles  organiques,  I. 

(n)  Pragmatique  sanction, 
III. 

Université,  chancelier  d'd- 
.  mver'ité,  iv. 

Ecole,  II. 

Ecoles.de  théologie,  f.nculté 
de  théologie,  bachelier, 
id. 

Sorboniie,  IV. 

Acte  sorbonique,  id. 

Chaire  théologiqup,  I. 

Professeur  de  théol.,  III. 

Paranymiihe,  irf. 

Gradué,  II. 

Licencié,  licence,  III. 

Degré  théologique,  U. 

Tentative  théologique,  IV. 


TABLE  ANALYTIQUE  JET  |METHODIQUE. 


ACle  en  théologie,  IV. 
Aniique,  I. 
Résumpte,  IV. 
Vespérie  iliéologique,  id. 
Majeure  et  mineure   tliéo- 

lotriqiie,  III. 
Censure  des  livres,  I. 
Inquisiteur  ,      inquisition  , 

S.-oUice,  auto-da-fé,  II. 
(n)  Excoraniunioalion,  id. 
(a)  Susprnse.  IV. 
■  Séimiture  ecdéslast.,  id. 
(a)  Kachat  de  l'autel,  id. 
'  Kégale,  id. 

Conà-rcgation  des  Ililes,  I. 
Laïcide,  m. 

Ill«  DIVISION.    - 

Culte  et  Lilnrqie  de  l'Eglise 

cMlioliqiie. 
CULTE  DKDULIE.I. 

*  Culte  de,  Jésus-Christ, îd. 

*  Culte  des  saints,  id. 
Culte  d'hyperdulie.  II. 
Culte  de  latrie,  jd. 

Culte    public,     pompe    du 

culte,  I. 
Férié, 'jour  de  férié,  II. 
Fêtes,  id. 
Pries  mobiles,  id. 
Canon  pascal,  III. 
Pétes  solennelles,  II. 
Sanctilication  des  fêtes,  id. 
Vigiles,  veille,  IV. 
Octaves,  III. 
Dimanche,  II. 
Ouatre-Temps,  IV. 
Aveni,  I. 
Nofd,  IIL 
Circoncision,  I. 
Epiphanie,  'Théophanie,  II. 
Purification   de   la   Vierge, 

Présent.ition,    Penthèse, 

la  Chandeleur,  I. 
Se|>tu3gésime,  Azote,  IV. 
Apocréas  ,      Sepluagéslme 

chez  les  Grecs,  I. 
Sexagésime,  IV. 
yuinquagésime,  id. 
Mercredi  des  Cendres,  I. 
Carême,  id. 
Dim.inche    des    Rameaux, 

Palmes,  IV. . 
Semaine  sainte,   ténèbres, 

id. 
Pâque,  phase,  id. 
Agneau  pascal,  azyme,  I. 
Temps  pascal,  III. 
Ouasimodo,  IV. 
Rogations,  id. 
Ascension,!. 
Pentecôte,  III. 
Trinité,  IV. 

FêieduSiinl-Sacrement.id. 
Transfiguration,  id. 
"  Corps  de  Jésus-Christ,  î. 
'  Cœur  (dévotion  au  sacré), 

id. 

*  Culte  de  la  Sie  Vierge,  Jd. 
Fêle  de  la  croix.  Invention, 

Exaltation  de  la  croix,  I. 

Fête  du  nom  de  Marie,  III. 

Concept  iou  immaculée,  Pa- 
nacraute,  I. 

Visitation,  IV. 

Compassion  de  la  Vierge,  I. 

La  fêle  de  tous  les  saints, IV. 

Coinniémoration  des  morts, 
fête,  mfines  des  morts,  I. 

Vigiles  des  morts,  IV. 

Fuuérailtcs,  obsèques,  pom- 
pe funèbre,  convoi,  cime- 
tière, embaumement,  II. 

Catacombes,  I. 

Dédicace,  encémcs,  consé- 
cration des  églises,  II. 

Encolpe,  brandeinn,  reli- 
ques. cli;\sses.  IV. 


Translation  des  reliques.IV. 

Prières  des  40  heures,  id. 

Fête  de  l'ane,  II. 

Fête  DES  fous,  id. 

Eglises  matérielles  ,  tem- 
ple, ornera.  <l'église,  ià. 

Basiliques,  I. 

Absis,  id. 

Chieiir  d'église,  id. 

Sanctuaire,  IV. 

Chapelle,  chapelain,  I. 

Nef  d'église,  III. 

Nil  he,  id. 

Autel,  table  de  l'autel,  tom- 
beau, I. 

Crucifix,  id. 

Tabernacle,  IV. 

Prothèse  grec,  III. 

Bénédiction  des  cloches  de 
l'église,  I. 

—  des  drapeaux,  II. 

Eau,  libation,  eau  bénite,  id. 

Parfums,  encens,  id. 

Cierge,  luminaire,  cierge 
pascal,  I. 

Vases  sacrés,  IV. 

Ciboire,  I. 

Calice,  id. 

Disque,  patène,  III. 

Habit  clérical,  II. 

Habits  sacrés,  ornements 
pontificaux,  sacerdolaux, 
aube,  férule,  chape,  dal- 
matiipie,  chasuble,  mani- 
pule, élole,  surplis,  H. 

Aumusse,  1. 

Linges  sacrés,  pale,  lavabo, 
autimense,  111. 

Offrande,  pain  bénit,  pain 
azyme,  id. 

Bannière,  I. 

Gonfanou,  gonfalon,  II. 

CÉRÉ.M0NIES  religieuses,  I. 

Rite,  cérémonie,  id. 

Rite  ambrosien,  id. 

Liturgie,  grecque,  III. 

llitiiel,  IV. 

Rubriques,  id. 

l'iières  publiques,  heures 
canoniales,  matines,  lau- 
des, prime,  tierce,  sexte, 
none,  etc.,  II. 

Service  divin,  I-V. 

Olllce  divin,  bréviaire,  diur- 
nal,  occurrence  dans  le 
bréviaire,  lil. 

Chant  d'église,  I. 

Musique  d'église,  III. 

Chant  grégorien.  II. 

Psalmodie,  psalniiste,  psau- 
mes, III. 

Doxologie,  II. 

Hymne,  id. 

Martyrologe,  IH. 

INécrologe.td. 

Messe,  id. 

Missel,  îd. 

Signe  de  la  croix,  I. 

Introït,  II. 

Kjiiie  eleison,  Gloria  in  ex- 
celsis,  etc.,  id. 

Sanclus,  Trisagion,  IV. 

(^aiion  de  la  messe,  1. 

Invocation  dans  la  messe,  II. 

Elévation  de  l'hostie,  id. 

Ayniis  Dei,  biiser  de  paix, 
osculwn  pncis,  I. 

Voix  haute  et  voix  basse 
pendant  la  messe,  IV. 

Messe  des  présauctiliés,  III. 

Saints,  iieuvaines,  111  et  IV. 

Salutation  angélique,  IV. 

Rosaire,  chapelet,  palonô- 
tre,  id. 

'  Ampoiilo  (saintf). 

Oraison,  111. 

Oraison  iiioiitale,  id. 

Oraison  secrète,  IV 


1168 

Oraison  Jaculatoire,  II. 

JV«   DIVISION. 

Ennemis  de  l'Eqiise  railio- 
iique. 

IMPOSTEUIIS,  H. 
Séducteurs,  IV. 
Novateurs,  III. 
Hérésiarque,  U. 
Hérésie,  id. 
Secte,  IV. 
Hérétique,  II. 
Héréticité,  id. 
Erroné,  id. 
Hérétique  négatifs,  ia. 

—  latitudinaires,  id. 

—  relaps,  IV. 
Renégat,  apostat,  I. 
Confession,  symbole  des  hé- 
rétiques, I. 

Conciliabules,  synodes  des 
hérétiques,  id. 

Contradiction  des  héréti- 
ques, id. 

Hétérodoxie,  II. 

Rétractation  deshérétinues, 
IV. 

*  Hyménée,  II. 
Antitrinitaires,  I. 

*  Farcinistes,  id. 
Catabaplistes,  I. 
Simoniens,  IV. 
Ebionites,  II. 
Cérinihiens,  I. 
Nicola'ùes,  III. 
Ménahdriens,  id. 
Apollonius  de  Tyaoe,  I. 
Angélitcs,  id. 
Borhorites,  id. 
Cléobiens_,  I. 
Barules,  id. 
Docètes,  II.    ' 
Entichitps,  td. 
Eleruals,  id.  ■ 

Païens    lapses ,    mittentes 

sacrifiés,  lliurifiés,  III. 
Messaliens,  id. 
Nyclages,  id. 
Sabhataires,  IV.  • 
Tétiadiles,  id. 
Le  philosophe  Cei.se,  I. 
Basilidiens,  id. 
Saturniens,  IV 
Gnostiques,  IL 
Orientaux   lévitiques,  III. 

*  Aristotéliens,  I. 

ChILLIASTES,  mlLLÉNAlRES,  II. 

Carpocratiens ,  harpocra- 
lieiis,  id. 

Adainites,  I. 

Marcionites,  III. 

Cerdoniens,  I. 

Valentiniens,  éons,  secun- 
diens,  IV. 

Théodotiens,  id. 

Colarbasiens,!. 

Ouarto-déciuians,  protopa- 
schites,  IV. 

Bardesanistes,  1. 

Abstinents,  id. 

Tatien,  IV. 

Luciaiiisles,  III. 

Apelli'iens,  I. 

Opiiit.  s,  111. 

MoHTANiSTF.s  ,  pé|iusiens  , 
phrygiens,  calapliry;;ii'ns, 
artnlyriles  ,  quiniiluMis, 
pi'HalorincliitPS,  laliori- 
les,  priscillialiisme,  pris- 
ciihens,  III. 

Caintics,  I. 

Séthiens,  IV. 

Praxéens.  III. 

Ptolêniaîtes,  id 

Alogiens,  I. 

Théo|iaschiles ,  patripas- 
siens,  III. 

Apolacliques,  î.  ' 


1169 

Gnosimaf|iies,  II. 
Floiiiiicns,  iil. 
Barliéliols,  I. 
Elcésaïles,  II. 
EncialUes ,   liydropa- 

rasies,  iil. 
Héracléopites,  II. 

].il)oll.nii|ue's,  III.' 
Heiihiiililes  ,        her- 
iiii(MiS  II. 

MarcosifiLS,  III. 

SaiiipsL'oiis,  IV. 

ï ropiles,  id. 

Sévériens,  id. 

Nazaréens,  III. 

Heliaptisaiits,  IV. 

Heniiogéiiiens   II. 

SC'loiioiciis,  IV. 

Noi^lieiis,  m. 

Valésiens,  eunuques, 
IV. 

Sabellipris,  id. 

Kovalii'iis,  III. 

Sani(isall(Mis,  paulinla- 
iik  les ,  abrahaniis- 
les,IV. 

Manichéisme  ,  dualis- 
me, ilithéisme,  pau- 
liciens ,  sacuuplio- 
res,  poplloaliis,  eon- 
solatinii  maiiicliéeii- 
iie,  III. 

Hiéraciles,  II. 

Aliélieiis,  I. 

Autltacles,  irf. 

Bracliiles,  id. 

Caïaiiisies  nionopliy- 
siles,  id. 

Enllioiisiasles,  il. 

Elh.ycopiosioptes,  id. 

Euoliilfs,  id. 

Meldiisi'ilOcii'u.s,   III. 

Sépulcraux .  IV. 

Méiikii-iis,  III. 

■  Arli'monlles,  I. 

DoNATisTEs,  péiiliens, 
claudiaiiislcs,  ro- 
{.{allstes,  II. 

.^BIANISME,  ariens,  sc- 
ml ,  demi  -  ariens, 
ariens  (ousubsian- 
tiateurs  ,  liétérou- 
slens,  liomoousiens, 
1. 

Colluihiens,  id. 

Eunomlens,  II. 

Eusébiens ,  Macrosli- 
«hc,  id. 

Auciieiis,  I. 

l'Iioliiiiens,  III. 

Aériens,  érieils,  I. 

Macédoniens  ,  pneu- 
matom:iques,  tropi- 
ques, III. 

Apolliu  irisles,  I. 

Diiiiœrllcs,  II. 

llelvidiens,  antidico- 
mariaiiites,  I. 

Cnllyridions,  II. 

Joviiiiauisies,  III. 

•  Ibas,  11. 

V.GILANCE,   IV. 

1  USÈUE  DE  CÉSAKÉE,  II. 

Eudosieiis,  id. 
l'orphyriens,  III. 
Circoiicellions,  I. 

l'RISCILLIANlSME,   III. 

Tsalyriens,  IV. 
Uliéluriens,  id. 
l'atemiens,  III. 
\nlliroponiorphitcs    , 

sacciens,  I. 
Auoméens,  aéliens.îV/. 
Ai-'uiii  tes,  id. 
Euiloxieiis,  II 
lionosiaques,  I. 
Eiiiiuiniu   -    Eupsy  - 

chiens,  II. 


TABLE  ANALYTroUE  ET  MÉTIIOniOUl!:- 

Iloniinicoles,  II.     .         .loacliiniites,  II.  r.aïcophaics   anglais  , 

Ithaciens,  irf.  Orbil)arieus,  III.  ,  III. 

.Sabbataires,  sinistres,     Aposlolniues ,    dûici-     Trisacramentaires.IV. 

lùislalliiens,  II. 
II,\|isisiariens,  id. 
l.ncir'Tiens,  III. 
M;iMiiilainstes,  id. 
M:nvrlli.Mis.  „l. 
M.I:iii^;isinoiiues,  !(/. 


Id. 


nisles,  I. 

Passafjers,  III. 

Aiiianri,  I. 

Condoriiiauls  d'.\lle- 
inaj;ne,  id. 

Flaj;ellaHtsd'U.die,II. 

Capnuiali ,  encapu- 
chonnés, I. 

SaKarelliens,  ségarel- 
liens,  apostoliques, 
IV. 


Cœlicoles,  I. 

SemI  -  PÉLAGIANISMÈ 
MaSSlLIENS,  IV. 

Nestoriexs,  THÉooonE     Turlupins,  id 

de  Mopsueste.cliré-     l'e.^'gards,  I 

lif'iis  de  Saint-Tho- 
mas, III. 
EOTicniENS ,       limo- 

lliiens ,    eaïanites , 

nionopliysiles,     lié- 

iioli<iues.  II. 
Mandaïtes,   chrétiens 

de  Saint-Jean,  III. 
Melchitescalholinui'S, 

id. 
Pacili(]ups,  id. 
Agnniiistiqiies,  I. 
iKniiiaiiisiic's,  II. 
Hésitants,  id. 
Infra  ,    sub  ,    supra 

lapsairns,  id. 
Traduciens     calholi  - 

ques,  IV. 
Parsaniens ,   g.idanai- 

tes,  semi-duliies,  I. 
MoMiiHKMTES,  ivpede 

Zéijoii,  Ixlhéje,  III. 
'i'riihéi-nic,  IV. 


l'riitociisles.  id. 
Arméniens,  I. 
Camoljardiles,  id. 
Jarobil.s,  III. 
l'.lirisldlyles,  I. 
C.'iiKiiiitos,  id. 
Is(ii  hristes,  II. 
Ilélii  ites,  id. 
l'orniplicoles,  I. 

MAnO.MKTlS.ME  ,      AlCO- 

n.iN,  III. 
Aifynnicns,  I. 
Kicètes,  III. 


l'asiuureanx,  III. 
tlotercanx,  I. 
Knsabatés,  II. 

WlCLIllTES,  IV. 

l.uliards,  III. 
llésyehasles,  palami' 
trs,  id. 

•  Uéalistcs,  IV. 
■  Kominaux,  III. 
'  Hayinond  Lulle,  IV, 

*  Jean  de  Poilli,  III. 
FiÈies  picards.  II. 
Adesseiiaiies,  I. 

Danseur.s,  II.  ___  _., 

Eréres  blancs,   prus-     Faind'isles,  irf. 

siens,  m.  Holliiiuiiisies,  id. 

Aucien.s     hernhutes  ,  Adrianisies,  I. 

nioràvos,  id.  A-iii:i(j.jicns,  id. 

Jean  Uns,  Jkbô.me  de  I^uianl^nle,  id. 

l'uAGUE  ,  hussites  ,  HesliusiiMis,  II. 

frères   bohémiens,  Anisdorliens,  I. 

orébites  tliaborites,  Antnioniiuns,  id. 

II.  liorrélisles,  (ri. 

Frères  blancs  d'Italie,  ArrUabonaires,  id. 

11.  Ariiiontique,  id. 

CaiixtinsdcBohème.I.  Socniieu?,  trinitaires. 


l'asloricides,  III. 

Hiiigis,  id. 

Pajonistes,  id. 

Majorisles,  id.    . 

Syncréiistcs,  IV. 

Synerffistes,  id. 

Al)éeéd:iires,  I. 

l';U.'liers,  III. 

Adiapliorisles,  anti- 
iliaphoristes,  I. 

A11MINIAMS.MK  ,  armi- 
nii'iis,  reinonlranls, 
(■(lUtre-rL-nionlranls, 
synode  de  Dor- 
d'reeht,  I. 

Goniarisles,  II. 

Chercheurs  hollan- 
dais, I. 

Coniaristes,  id. 

Dissidents  polonais.  II. 

Illuminés  d'Espagne, 
id. 

Internaux,  id. 

Dayidicpies  ,  dayidis- 
les  ,  géorgiens,  II. 

Energiques,  énergis- 
tes,  II. 


Opiniouisics,  III 

Baiallots,  I. 

Hommes  d'intelligen- 
ce. II. 

'  Al)raliamites, 

LuTiiEii,  luthéranisme, 
stancaneiis  ,  snb- 
stantiaires,  carlosta- 
diens,  impanaleurs, 
iiiip;inalioii,  IletlII. 


■  ino- 


Cliaziiiz irions,  stauro-     Réformateurs,  IV 


hHres,  I. 
Parheriiiéneutes,  III. 
Elliiiophroncs,  11. 
l.anipetiens,  III. 
'I  liéocala^'iiostes,  IV. 
A^iioMNcliles,  I. 
Ii;o.\oi;la.steS,  II. 
Adopliens ,    Elipand, 

Félix  d'L'rgel,  I. 
Alhanai.s,  id. 
lrononia(|ues,  id. 
Bagudlicns,  td. 
Claude  de  Turin,  id. 
Gotesralc,  II. 
Siercoraiiistes,  IV. 
liaaiiites,  I. 
Asiasions.  «/. 
l'M:irins,  III. 

l'.MlIN.;    lUINS,  I. 

Mctaiic  rpliiles,  III. 
Umplialuphjsiques     , 

id. 
Cathares  ,     catliaris- 

Ics,  I. 
lîoiigimiiles,  id. 
PéiroLrusiens,  III. 
Tanchilin,  IV. 
(jiibert  de  la  l'orrée, 

porrélains,  III. 
Eoiiicns,  II. 
Ileiir.ciens,  id. 
ALiiir.Kois,  I. 

>  ALliOlS  ,     ItCKCAinES, 

IV. 
Arnakiisles,  I. 


Univcrsalisles,  id. 

Prulestanls,  !(/. 

Huguenots,  II. 

Particularistes,  III. 

L'iiiiiuislcs,  IV. 

Sacraiiienlaires,  signi- 
hcalils,  IV. 

Islébiens,  11. 

Lulhéi  iens  invisibles, 
III. 

Cohtessionis'es,  I. 

Mélaiiclitlioiiiens,  phi- 
lippistcs,  III. 

ZwiiiKlicns,  IV. 

'  Articles  fondamen- 
taux, I. 

Anaiiaitistes,  Iierhu- 
Ics,  fiircsmoraves, 
gatirli'liles,  anal)ap- 
lisles  libres,  san- 
guinaires ,  inonas- 
lériens ,  nu-pieds 
spirituels,  I. 

Anli-lu!liériens,  id. 

Osiaiidrieiis,  III. 

Calvin  ,  iussacramen- 
TAix,  terniinistes,  I. 

Servélislcs,  IV. 

Collégiens,  I. 

CiiiiiniiiDicants,  id. 

Culte  anglican,  ordi- 
nation des  Anglais , 
épiscopaux,  presby- 
tériens, puritains, 
disscntcrs,  etc.,  id. 


prus- 


niiitaiies,  IV 
Brounisles.  II. 
Homincs  de  la  S 

narchic,  id. 
Meniiouiios,  III. 

■  .4priiies(Kaux), 
Jansénisme  ,     FoRsiu 

LAIRE,   11. 

Préailainitcs,  IH. 
Molinosisiiie,  id. 
yuiétisnie ,  inaction  , 
IV. 

■  Momiors,  III. 

■  Tieiiihleurs,   IV. 
Ilouritriioui^les,  I. 
Piélistes,  III. 
Quakers,  IV. 
Calixtiiislniliériens,  I. 
Kaltéiiiisies,  verscho- 

ristcs,  11. 
Mauil'eslaires 

siens.  II. 
Coccéieiis,  I. 
Erasiicns,  II. 
Cainéroniens,  I. 
Labadisles,  III. 
"  Anticoncordalaires  , 

I. 
'  Eglise  (Petite),   II. 
'  luvonimunicaiils,iri. 
'Achaiuolh(Sophie),l. 

■  Blanehard,  id. 

'  Stévénisles,  IV. 

*  Nouv.  sectaires,  id. 
'  Coiisliliitioii     civile 

dn  clcr;;(-,  I. 

*  Coiistilniionnelle(E- 

Rlise),  id. 
'  Libres  penscurs,III. 
'  Ijiticisine,  I. 

*  Haiioualisiiie,  IV. 

*  Kantisme,  III. 

*  Exégèse  (nouvelle), 
exétjètcsaileniands 
11. 

*  Schel.ing,  IV. 


M  70 

'  Ilermésianisiiie,  II 
Uégélianisnie,  id. 

*  Piiséysiiie,  III. 

■  Clirislu  .vncium,  I. 

*  lllniiiinisme.  II. 

'  Illuminés    uvignoii 

liais,  id. 
'  Eglise   évang('liqi:e, 

id. 
'  Tliéopliilanthrophie, 

IV. 

Strauss,  id. 
'  Klisabelh  ,       rcino 

(rAiigletcrie,  11. 
'Bibliques  (Sociétés), 

*  Romantisme      reli- 

gieux ,    IV. 

*  Beligiosilé,  id. 

*  Missions  protestan- 
tes, III. 

*  l  lililaires,  IV. 

'  Juifs  chrétiens,  111. 

*  Sociétés    secrètes , 

IV. 

*  Socialisme,  IV. 

*  Saint-Simonisme,  id. 
'  Francs-Maçons,   II. 

*  Fouriérisme,  \d. 

'  Béate  de  Cueiiza,  I. 

*  Carboiiari,  id. 

*  Coiigrégaiionalistes 
nrtliO(lo\es,iri. 

*  Marlinisles,  III. 

*  Mutilés  de   Russie, 

m. 

(a)  Catholiques  (Nou- 
yelle»),  1. 

*  Eglise  catholique 
française.  II. 

*  Miséricorde  (  OEii- 
vrede  la),  111. 

*  Darliysuie,  II. 

*  Ju  laisine    réformé  , 

111. 

*  Fialinisles,  II. 

*  Hopkinsians,  id. 

*  Boliéiiiicns,  I. 
',\\all,ér,sn.s,  IV. 

*  Trustées,  id. 
Nécessité  (  Doctrine 

delà),   m. 

*  Néc.'.ssariens,  l'rf. 

OCUSN-ILLISMI:.      liDLI.E 

Uiii(i<nilns,  IV. 
Coiivuisioiiiiairi's,   |. 
Nouveau >.  heriilmles, 

III. 
Méthodistes   anglais  , 

'.''■ 

MÉTHODISTES,  CONVER- 
TISSECBS  I-BANCAIS  , 
III. 

V'  DIVISION. 

Dcfi'iiseiirs  de  i'I'.ifUie 
culliolique  pnr  leurs 

éiTÎf.S. 

HEHMAS  ,     Taslcur 

d'Heiina»,  II. 
Abgare  d'iidesse,  I. 
Abdias  de  Babylone, 

td. 

AOTECnS  ,  É   RIVAINÏ 

tCCLÉSlASTKlCKS,    id. 

Bihiiollicqiie  des  aii- 
tcius  ecclésiasti- 
(pies,   iri. 

Docteurs  ,  Pères  de 
rKKlise,  II. 

lloaiélie,  id. 

Science  secrète  des 
l'ères,  IV. 

Dél'ei  seurs  des  Egli- 
ses, IL 

Platonisme  des  ibe- 
>mns  cunÉTiE.NS , 
philosophie  orienta- 
le, édcclinues  III 


*t71 

S.  Clément,  p»pe,  ne- 

cogiiUioiis    du     S. 

Clùinem,  I. 
S.  fguace  li'Aruioche, 

11. 
Denis     l'Aréopagile , 

aréopagites,  iU. 
Justin,  id. 
Apologie  de  S.  Justin, 

IIOj,'ésippe,  II. 
AlliéïKigore,  I. 
Heniiias,  lU 
Théophile,  IV. 
Iréiiéo,  II. 
ïcrtullien,  IV. 
Apologélique  (Je  Ter- 

tiillien,Prescripliou, 

Onoaichiies,  I. 
Clément      d'Alesanv 

ilrie,  id. 
Miniiihis  Félix,  HI. 
Hippolyte,  H. 
Origène,  III. 
Tétraples  d'Orleène, 

IV. 
Grégoire  de  Néocésa- 

rée,  II. 
Cyprien,  I. 
Ariiobe,  id. 
I.actance,  111. 
Jacfjue^de  Nisibe,  id. 
Alhaiiase,  I. 
Hilairede  Poitiers,  H. 
l'aiien,  111. 
Cyrille  de  Jérusalem, 

l'iihrem,  II. 

lîasile,  1. 

Grégoire  de  NaïiaiHe, 

II. 
Antipodes,  I. 
Kpipliane,  II. 
Ainbrolse,  I. 
l'hilasire,  III. 
Grégoire  de  Nysse,  II. 
Jérôiue ,  III. 
Théophile    d'Alexan- 
drie, IV. 
Jean  Chrysoslome,   I. 
Joaniiites,  disciples  de 

•leau  Clirvsostome , 

III. 
Astérius,  id. 
Augustin ,  id. 
Augustinianism*,  id. 
Maxime,  IIL 
Paulin,  )•(/. 

Sulpice-Sévère,  IV. 
(vrille  d'.41e.\anJrie, 

I. 
riiéodorel,  IV. 
Kucher,  11. 
Sidoine   Apollinaire  , 

IV. 
Cassien,  I. 

\  inconldeLérins.lV. 
Isidore  de  l'éluse,  II. 
Pierre  Clirvsologue  , 

III. 
I.éon,  pape,  id. 
Ililaired  Arles,  II. 
l'rosper,  III. 
S^dvien,  IV. 
C.ésairc  d'Arles,  I. 
I''ulgcnce  de  Huspe, 

II. 
Boëce,  I. 

Grégoirode Tours,  II. 
Grégoire,  pape,  id. 
Isliloio  deSévdle,  IV. 
I.eVénérableBède,  I. 
Jean  Daniascèue,  II. 


TABLE  ANALYTIQUE  ET  MÉTHODIQUE. 


Alciiin,« 

Agohard,  id. 

Rabaii-Maur,  IV. 

l'ascUase  Itadbert,  III. 

Ilincmar,  11. 

Odnii  ,1e  Cluny,  lU. 

Fnllicrt  de  Chartres, 
II. 

Oddoa,  III.  • 

Pierre  Daraien,  id. 

LanIVanc,  id. 

Auselme,  I. 

Art  de  saint  Anselme, 
id. 

OKcuménius,  III. 

Ivesde  Chartres,  II. 

Panoplie,  III. 

liernard,  I. 

Abailard,  id. 

Huguies^de  Saint-Vie- 
t(ir,  H. 

Kichard  de  Saint-Vic- 
tor, IV. 

Tliontas  d'Aquin,  iel. 

Thomistes,  id. 

Scolistes,  id. 

lionaventure,  I. 

Jean  Gerson,  II. 

Saint  Antonio,  I. 

Lis  Uollakdistes,  id. 

IlAolOCRAPHE-i,   II. 

Vies  des  saints,  IV. 
Légende,  III. 
Légenilaires,  id. 
EGLISE,  ses  défen. 
sciirspnrtenrsverlns. 
AGAPKTES ,    SOUS- 
liSTKODUITE.S,  I. 

RelEGIF.UX  ,         MOINES, 

étal  monasti(nie , 
gyrovagnes ,  sara- 
baïtes,  IIL 

Religieuses  ,  nones , 
clûlure  des  religieu- 
ses, IV. 

Ordres  religieux,  reli- 
gieux meudianls  , 
III. 

Fondateur  d'ordre  , 
Ibndalions,  II. 

Institut,  règle  nionas- 
liqne,  id. 

Novice,  noviciat,  III. 

Vocation  religieuse  , 
IV. 

Véture,  prise  d'habit, 
voile,  id. 

Vœux  iiionastitiues  , 
obéissance,  profes- 
sion religieuse,  id. 

Pauvreté  religieuse, 

m. 

Observance,  usages , 
roulunies  religieu- 
ses, id. 

{il}  Archimandrite,  I. 

Couvent,  monastère, 
cloître,  cellule,  I. 

Laure,  11. 

Proseuche  ,  oratoire, 
id. 

Coiilpe  monastique,  I. 

Discipline  des  moines, 
11. 

Mol  tiiieatiou  des  moi- 
nes, III. 

Uabils  monastiques, 
(Oule,   II. 

Malorte,  III. 

Mélote,  id. 

Scapulaires,  IV. 

Ilél"rmes  religieuses, 
id. 


Anachorètes,  I. 
Solitaires,  IV. 
Cénobites,  I. 
Ermites      saint  Paul 

Ermite^  II. 
Acœmètes,  I. 
Stylites,  IV. 
Ascètes,  I, 
Ilégumèoe,  II. 
Frères  convers,  frères 

lais,  id. 
Oblal,  lil. 
Obdbks  jiilit.mreS  ,  id. 

Co.MMU.NAUTÉS  ECCLÉ- 
SlASTIOnES,    I. 

Congkégatioks  de  phé- 
TRES,  de  religieux, 
de  piété,  id. 

Ecole  de  Chabité  , 
S.iint-Yon,  IL 

HôrrL-DiED,  xénodo- 
qup,  id. 

Hospitaliers,  Uospita- 
lières,  id. 

Dames  de  charité,  id. 

Confrérie,  cONtHÈRE, 
id. 

Pliroulistes,  III. 

Parabol  mts,  id. 

Ordre  de  Saint -Ba- 
sile, I. 

Caloj  ers  grecs,  id. 

Panagie  grecque,  III. 

Chanoines  de  Saint- 
Jean-de-Laiian,2d. 

BÉNÉDICTINS,   I. 

Gentil-donnés  d'Italie, 

II. 
Ordre  de  Cluny,  I. 
Chanoines    du   Mont- 
Corbulo,  id. 

Canialdules  ,  ermites 
de  Camaldoli,  id. 

Valloinbreuse,  IV. 

Chartreux,  I. 

A'al-des-Clioux,  IV. 

Filles-Dieu  ,  Font- 
Evr3ud,II. 

Victoiins,  IV. 

Temjjliers,  id. 

Préniontrés,  III. 

La  Trappe ,  réforme 
de  la  Trappe,  IV. 

Chanoines  réguliers , 
Génovéfains,  IL 

Cilbtrtins,  id. 

Croisiers  d'Italie,  Croi- 
siers  de  Bohême,  I. 

Ponliies,  ill. 

Grandmontains,  II. 

Matiiurius,  'Irinitai- 
res,  IV. 

Religieuses  triailai- 
res,  f'd. 

Pauvres  catholiques, 
111. 

Val-des-Ecoliers,  IV. 

Dominicains  ,  Frères 
Prêcheurs ,  Jaco- 
bins, II. 

Dominicaines,  id. 

Les  Clairettes,  1. 

Pères  d  ■  la  Merci , 
Uédemplion  des 
captifs,  III. 

Franciscains,  Conven- 
tuels, Colletants,  IL 

Cordon  de  Saint-Fran- 
çois, I. 

Stigmates  de  Saint- 
Fran,,:ois,  IV 

Cordeliers,  I. 

Porlioucule.IIl. 


Franciscaines,  IL 

Tiercelaiiis,  T'ierceli- 
nes,  Tierciaires,  IV. 

Béguins,  Béguines,  I. 

Annouciade  ,  Annon- 
ciadede  Itome,  An- 

'  iionciade  de  Bour- 
ges, id. 

Silvestrins,  IV. 

Chartreuses,  I. 

Servîtes,  IV. 

Manlellale-!,  IIL 

Fralricelles,  IL 

Cordelières,  Urbanis- 
tes, L 

Augustins  ,  Petits- 
Pères,  Ermites  de 
Saint-.iiigiistin,  I. 

Frères  Sachets  , 

Sœurs  Saclieltes,  IV. 

ErmitesdeS.-Paul,II. 

Ilaudriettes,  id. 

Gulllelinites,  id. 

Bons-Hommes,  I. 

Religieux  du  Corps  de 
Jésus,  I. 

Olivétains,  III. 

Pénitentes  dé  la  Mag- 
delaine,  id. 

Ordre  de  Saint  Sau- 
veur, IV. 

Jésuates,  IIL 

Jéronymites,  ermites 
de  St -Jérôme,  id, 

Chanoines  de  Saint- 
Georges  d'AIga.II. 

Apostolins,  I. 

Frères  et  Clercs  de  la 
vie  commune,  II. 

Congrégation  de  St- 
Sauveur,  IV. 

Col  latines  ,  Oblates, 
III. 

Chanoines  de  Saint- 
Marc,  id. 

Cellite,s,  l. 

Pauvres  \oloulaires, 
IIL 

Minimes,  id. 

Récollets,  IV. 

Frères  Consorts,  L 

Sœurs  de  la  Faille,  IL 

Congrégat.  delN.-D.  L 

Frères,  Soeurs  de  la 
Charité,  If. 

Clercs  réguliers,  Ser- 
viteurs des  mala- 
des, r. 

Théatins,  IV. 

Coloriles,  I. 

Ursulines,  IV. 

Jésuites,  compagnie 
de  Jésus,  Ht. 

Somasques,  IV. 

Observantins,  III. 

Pauvres  de  la  Mère  de 

Dieu,  id. 
Dimesses,  IL 
Théalines,  IV. 

*  Agréda  (Marie),  I. 

*  Propagation  de  la  foi 

(OKuvre  de  la),  IIL 

(a)  C'ingrégàtions,  I. 

(f()  Confrérie,  id. 

'  Constitutions  monas- 
liques,  iit. 

la)  Cloitre,  id. 
(!;hapitre,  assemblée 
de  chanoines  ou  de 
religieux,  id. 

(a)  Augustins  (  cha- 
noines ),  id. 

(a)   Augustins  (  reli- 


tn2 

gieni,,  >. 

(a)  Augustins  (réCot- 
més),  id. 

(n)  Barnabites,  id. 

[a]  lîeruardins,  id. 

(a)  lieriiardines,  id. 

(a)  Capucins,  id. 

(a)  Carmes,  id. 

(«)  Carmes-Déchans- 
sés,  id. 

'  Carmélites,  id. 

(a)  Calvaire  (congré- 
gation du),  id. 

(a)  Célestins,  id. 

[a)  Claire  (religieuses 
de  Sainte-),  iU. 

(a)  Clairettes,  id. 

"  Clémeulins,  id. 

*  Cœur   (  institut    dil- 

Sarré-),  iii'. 
'  C'-Pur  (congrégation 

du  Sacré-),  id. 
(«)  Croix  (  Filles   de 

la),  id. 

*  Maristes,  III 

*  Méchitaristes,  id. 

*  Passionistes,  id. 

"  Oblats  de  Marie  im- 
maculée, id 
Feuillans,  IL 
Confrérie  de  la  Tri- 
nité, IV. 
Clercs  mineurs,  III. 
Feuillanlines,  II. 
Ermites      de     Saint- 
Jean-Bapiistede  la 
Pénitence,  id. 
Chanoines  de    Saint- 

Colomban,  I. 
Picpus,  Pères  de  Na- 
zareth, IV. 
Religieuses  de  la  Vi- 
sitation, id. 
Congrégation  de  l'O- 
ratoire, IIL 
Doctrinaires,  Il 
Jésuilesses,  III. 
Clercs  réguliers  des 

Ecoles  pies,  II. 
Lazaristes,  III. 
Bénédiclines,  I. 
Ordre  de  la  l'réseu- 

tatiou,  m. 
Calvaire,  1. 
Pénilenis,  IIL 
Religieuses   du     Re- 
fuge, IV. 
Congrégation  deN.-S., 

id. 
Barihélemites,  I. 
Eudites,  II. 
Frères    des    Ecoles 
Chrétiennes,  Igno- 
ranlins,  id. 
Filles  de  l'Enfance,  id. 
Josépliites,  Crélenis- 
tes, sœurs  de  Saint- 
Joseph,  III. 
Religieuses  de  la  Tri- 
nité créée,  IV. 
Hospitalières  de    St- 
Thomas-de  -Ville- 
neuve, id 
Pénitentes  d'Orviete, 

III. 
Filles  de  l'Union  Chré 

tienne,  IV. 
Miramioncs,  III. 
Betliléémites,  I. 
Chanceladins,  I. 
*  Archiconfrérie     du 
Saint-Cœur  de  Ma- 
rie, I. 


FIN  DE  LA  TABLE  ANALYTIQUE. 


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