— ,.»,. .. ~ n-'YM
Vv ■■:■ ^\
X/^
5 ,-^' ^
tOv
rity-v^;
ENCYCLOPÉDIE
ÏHÈOLOGIQUE,
OD
SÉRIE DE DICTIONNAIRES SDK ÏODTES LES PARTIES DE LA SCIENCE RELIGIEDSE ,
OFFRANT EN FKANÇAI8
LA PLUS CLAIRE, LA PLUS lAClLE, LA PLUS COMMODE, LA PLIS VAIUÉE
ET LA l'LUS COMl'LÈTE DES THÉOLOGIES.
CES DICTlONNAlKliS SONT :
d'ecbiture sainte, db philologie sacrée, de liturgie, de droit canon, d'hérésies et
DE SCHISMES, DES LIVRES JANSÉNISTES, MIS A l'iNDEX ET CONDAMNÉS, DES PROPOSITIONS
condamnées, de conciles, de cérémonies et DE RITES, DE CAS DE CONSCIENCE,
d'oRORES RELIGIEUX (UOMMES ET FEMMEs), DES DIVERSES RELIGIONS, DK GÉOGRAPHIE
«AGRÉE ET ECCLÉSIASTIQUE, DE THÉOLOGIE DOGMATIQUE KT UORAIE, DE
JURISPIU'DENCE RELIGIEUSE, DES PASSIONS, DES VERTUS ET DES VICES,
d'hagiographie, d'astronomie, de piivsiyiE i.t de météorologie,
DES PÉLE1U>A(;ES RKLIGIEIJX , d'iCONOGI', Al'H lE RELIGIEUSE, DE
CUI.MIE 1:T DE MINÉIIALOGIE, DE DIPLOM ATIQUE , DE SCIENCEf
OCCOLTKS, de géologie, de CHRONOLOGIE, DE
UIOGRAPIllE, ETC., ETC.
PL'BLIÉE
PAU 31. L'ABBÊ MIGNE ,
ÊDilTBn» DE LA BIBLIOTHÈQUE UNIVERSELLE DU CLERGÉ,
ou
DES C00R9 COUPC.ETS SLR ClIAQliE DKAXCIIE DE LA SCIENCE ECCLÉSIASTIQUE.
PRIX : 0 FL. LIi V(U.. l'dUK LE SOUSCIUI'TEUR A LA COLLECTION ENTIÈRE, 7 FR., 8 FR., ET MÊME 10 FR. POUR lE
SOUSCJUI'TEUR A TEL OU TEL UICTIONSAIRE l'ARÏICULIER.
TOME TRENTE-CINQUIEIdE.
DEUXIEME PARTiE.
DICTIONNAIRE DE THÉOLOGIE DOGMATIQUE
TOME QUATRIÈME.
4 VOL. PRIX : 26 FRANCS.
S'IMPRIME ET SE VEIVD CHEZ L'ÊDITEDR,
AUX ATfiUERS CATHOLIOUES DU PETIT-MONTROUGE,
;. BÀ.RRiËRB d'enfer VE PARIS. .
1851
Digitized by the Internet Archive
in 2010 with funding from
Universityof Ottawa
http://www.arcliive.org/details/p2dictionnairede35berg
DICTIONNAIRE
DE
THEOLOGIE
DOGMATIQUE,
UTURGIQUE, CANONIQUE ET DISCIPLINAIRE,
NOUVELLE ÉDITION
MISE EN RAPPORT AVEC LES PROGRÈS DES SCIENCES ACTUELLES;
RENFERMANT TOUT CE QUI SE TROUVE DANS LES ÉDITIONS PRÉCÉDENTES,
TANT ANCIENNES QVZ MODERNES, NOTAMMENT CELLES DE d'aLEMBERT ET DE LIÈGE SANS CONTRED
LES PLUS COMPLÈTES,
MAH DE PLUS ENRICHIE d'aNNOTATIONS CONSIDÉRARLES ET d'uN GRAND NOMBRE d'aRTICLES NOUVEADX SUR LU
DOCTRINES OU LES ERREURS QUI SE SONT PRODUITES DEPUIS QUATRE-VINGTS ANS;
ANNOTATIONS kt ARTICLES
(jUl RENDENT LA PRÉSENTE ÉDITION d'UN TIERS PLUS ÉTENDUE QUE TOUTES CELLES DU CÉLÈBHB,
APOLOCKTE, CONNUES JUSQU'A CE JOUR, SANS AUCUNE EXCEPTION;
PAR M. PIERROT.
AHCIEN PROFESSEUR DE PHILOSOPHIE ET DE THiOlOCIE AU GKAND SÉMINAIRE DB VERBDn,
AOTEOR DU Dictionnaire de TUéologie morale;
PUBLIÉ
PAR M. L'ABBÉ MIGNE,
ÉDITBDR DB I.& BIBLIOTHÈQUE U NIVE R BE LLB DO CLBBaÉ,
OU
DES OOVRB COMPLETS SUR CHAQUE BRANCHE DE LA SCIENCE ECCLÉSIASTIQDB.
k VOLUMES. PRIX : 26 FRANCS.
TOME QUATRIEME.
CHEZ L'EDITEUR,
4UX ATELIERS CATHOLIQUES DU PETIT -MONTROUGE,
BARRIÈRE d'enfer DE PARIS.
1851 '-
Imprimerie d« HIGNE, au r«tit-MeiiUou£e
DICTIONNAIRE
DE
THlOLOGIi D0G1II1TI«IIË.
Q
QUAKER , lorme anglais qui signifie trnn-
blenr : c'est le nom que l'on donne en Aii-
glelerre à une secte de visionnaires enlliou-
siiistcs , à cause du tremblement et des
contorsions (|u'lls font dans leurs assem-
blées , lorsqu'ils se croient inspirés par le
Saint-Esprit.
En 1()'j7 , sous le règne de Charles I", au
milieu des troubles et des guerres civiles
qui agitaient ce royaume , Georges Fos ,
lioinrne sans élude, cordonnier de profession,
d'un caraclère sombre et mélancolique , se
mit à prêcher contre le clergé anglican ,
contre la guerre , contre les impôts , contre
le luxe, contre rusa;;e de faire des serments,
etc. Il trouva aisément des partisans dans
un temps auquel les Anglais , n'ayant rien
de fixe sur la religion , étaient livres à une
espèce de délire et de fanatisme universel.
En prenant dans le sens le plus rigoureux
tous les préceptes et les conseils de morale
do l'Evangile, Fox posa pour première maxi-
me que tous les hommes sont égaux par
leur nature; il en conclut r|u'il fiut tutoyer
tout le monde, les rois aussi bien que les
charbonniers ; (ju'il faut suppiiriier toutes
les marques extérieures de res(iecl , comme
d'ôter son chapeau, de l'aire des révéronce^,
etc. 2" Il enseigna que Dieu donne à tous les
hommes une lumière intérieure, sul'Qsanle
pour les conduire au salut éternd; que par
conséquent il n'est besoin ni de prêtres , ni
(le pasteurs, ni de ministres di' religion ; que
tout particulier, hoaiine ou lémiiie , est ea
éi.ii l't en droit d'enseigner et de prêcher,
dès qu'il est inspiré de Dieu. 3^ (Jue pDur
pai venir an salut éternel il suffit d'éviter le
pcclié et de faire de bonnes œuvres ; qu'il
n'esi besoin ni de sacrements , ni de céré-
monies , ni de culte extérieur. !»■" Que la
piiicipale vertu du cliréiien est la lem^ié-
laoce et la modestie i (ju'il faut donc relran-
c!ier toute supcrliuiié dans l'extérieur, les
boutons sur les halills , les lubans et les
denlelli'S pour les feurnes , etc. j° (Ju'il n'est
pas permis de fa'r e aucun serment, de plaider
en justice, de faire la guerre, de porter les
armes , etc.
Une doctrine qui affranchissait les hom-
mes de tout devoir extérieur de religion,
qui autorisait les ignorants et les femmes à
Dici'. DD TiiÉoL. DaGUATitjut:. IV .
prendre la place des docteurs , n • pouvait
maiiqucr de trouver des partisans ; Fox
quoique ignorant et visionnaire, eut des
prosélytes. Quelques traits di- modi'ratioii ,
qu'il sut affecter lorsqu'il fut puni de ses ex-
travagances , achevèrent de lui gagner la
populaee.
Un des premiers apôtres du quakérisme
fut Guillaume Penn, fils uni(juedii vice-arni-
ral d'Angleterre , jeune homme qui joignait
à une ligure agréable beaucoup d'esprit et
d'éloquence naturelle; il se joignit à Georges
Fox , et préclia comme lui ; ils firent eiiseln-
ble une mission en Hollande et en Allemagne;
mais ils ne purent former en Hollande"què
quelques disciples qui ont été connus sous
le nom de propluHes ou prophrtanis ; ils eu-
rent encore moins de succès en Allemagne,
Après la mort de son père , Guillaume l'enu,
héritier de tous ses biens, obtint pour indem-
nité de ce qui hii était dû par le gouverne-
ment d'Angleterre , la propriété d'une pro-
vint! entière en Amérique, qui de .son nom
a été nommée Peiisylvanie. il y romluisit
une colonie de ses disciples , il y fonda la
ville de Philadelphie, et lui donna des lois.
Quelque aversion que les quakers eussent
pour la guerre , ils ont été cependant obliges
plus d'une fois de prendre les armes contre
les sauvages qui dévastaient leurs posses-
sions, et de les poursuivre comme des bêles
féroces. On ne les accuse point d'avoir refusé
de porter les armes dans la dernière guérie
pour la liberté de l'Amérique, preuve que
ceux d'aujourd'hui ne portent plus le fana-
tisme aussi loin (jue leurs prédéci sseurs , el
qu'iK ont été forcés de se prêier aux cir-
constances. On convii^nt en Angleterre
qu'en général les quakers font prijfcîssio»
d'une exacte probité , et qu'ils ont les mœurs
plu- pures que li' commun des Anglais. Leur
nombre diminue cependant tous les jours ;
parce qu'en qualité de non-cunformistes ils
sont e\clns des cliarg'S et des dig.ilés, cl
parce que le fanatisme s'éteint peu à peu ,
lorsqu'il n'est pas entretenu par la contra-
diction. Les quakers , moins ignorants que
leurs prédécesseurs , et moins entêlés , com-
prennent à la lin que la vertu se rend ridi-
cule par le mépris des bienséanres.
i/eloge de celle secte que l'on a placé
1
11 QUA
dans l'ancienne Encyclopédie , a été copié
des Lettres philosophiques sur les Anglais ,
donl l'auteur est très-connu. On sait que
dans ses ouvrages il ne s'est jamais piqiié
de sincérité, qu'il s'est proposé tilntôt d'a-
muser ses lecteurs que de les instruire.
L'auleur de l'Histoire des établissements des
Européens dans les Indes n'a fait que répé-
Icr et aniplificr les mêmes fables. Moshciin,
mieux iiiloriné et pllis en état que ces écri-
v,iiiis frivoles de juner du qunkérisme , on a
(ail riiistoire. Histoire ecctés., xvir Siècle,
^oct. '2, II' part., c. 3. Son iraducleur anglais
y a joint plusieurs noies imporlantes. Pour
appuyer ce qu'ils disent , ces deux écrivains
citent les livres mêmes des quakers et ceux
des témoins oculaires ; ils sont certainement
plus croyables que nos philosophes aventu-
riers. Or , ils font voir :
1° Que, malgré les éloges pompeux de
Georges Fox et de Guillaume Penn, faits par
leurs partisans, ces deux hommes n'étaienlrién
moins que des modèles de sagesse et de vertu.
Le premierélail un fanatiquesédllieux, qui né
respectait rien, n'était soumis à aucune
loi , qui troublait l'ordre et la (ranquil-
lilé publique ; il était donc punissable.
Cil a voulu persuader qu'il avait soulTert les
châtiments avec une patience héroïque ;
c'est une fausseté : il esi constant que souvent
il a chargé d'oiitrages et d'injures les magis-
trats qui voulaient le réprimer. Des témoins
qui ont cimnu personnellement Guillaume
Penn disent qu'il élait vain , hâbleur , infa-
tué du pouvoir de son éloquence , très niai
instruit en fait de religion. Nous ajoutons
qu'il n'est pas sûr qu'il sdil runi(]ue auteur
dis lois de la Pensylvanie , puisqu'il avait
avec lui des hommes instruits et capables de
l'éclairer.
2" Que ces fjunktrs , i,ue l'on peint comme
des hommes si doux et si paciliques , à qui
l'on donne la gloire d'aVoir posé pour pre-
mier principe de religion la toléianie urti-
verselle , ont été cependant, dès leur origine,
les fanatiques les plus intolérants et les plus
mutins qu'il y eut jamais. « Ils parcouraient,
dit Mosheim , comme des furieux et des
bacchantes, les villes et les villages, décla-
mant contre l'épiscopat , contre le presbyté-
rianisme , contre toutes les religions établies,
ils tournaient en dérision le culte public , ils
insultaient les prêtres dans le temps qu'ils
olGciaient ; ils hiulaient aux pieds les lois et
les magistrats , sous prétexte qu'ils étaient
inspirés : ils excitèrent ainsi des troubles
affreui dans l'i.glise et dans l'Etat. On ne
doit donc pas cire surpris que le bras sécu-
IleT ait enfin sévi contre ces fanatiques lur-
buténts , et que plusieurs aient éié sévère-
ment punis. Cromwel, qui lnlérail tomes les
sectes , aurait exierminé celle-ci , s'il avait
cru [iouvoir en venir à bout. »
Le traducteur anglais confirme ce récit
par des faits incoiUest.ibli-s ; il cite des traits
irimpttdence et de fureur des femmes quake-
resses qui excitent l'indignation Aujourd'hui
cos sectaires et leurs panégyristes passent
ces faits sons silence , ou cherchent à les
QUA la
pallier ; mais ils ne parviendront pas à en
effacer le souvenir.
Le citoyen de Virginie qui vient de publier
ses Recherches sur les Klats-Unis de l'Amé-
rique , vienl à l'appui de Mosheim et de son
traducteur, il prouve , par des mémoires
authentiques , que (Guillaume Penn ne s'oc-
cupa jamais que de ses intérêts personnels ;
qu'il s'exempta des tases i lui et toute sa
postérité , qu'il employa Ibùles les ressourees
de soli esprit à tromper ses frères avant el
après l'émigration ; qii'il leur détendit d'a-
cheter des terres des Indiens , afin d'en faire
le monopole ; que, pendant son séjour en
Angleterre , il entretint la discorde dans la
Pensylvanie par les instructions qu'il en-
voyait à ses lieutenants ; que , rempli d'idées
folles et capricieuses qui le mettaient dans
un besoin continuel d'argent , et abîmé de
dettes, il allait vendre à Georges 1" la pro-
priété de rétablissement , lorsqu'il mourut à
Londres d'utie attaque d'ap()plexie ; qu'enfin
il se rendit Coupable loale sa vie d'une mul-
titude d'mjustices et d'extorsions. Il fait des
quakers eii général un portrait qui n'est pas
fiatteur. Selon lui, leur mérite principal
consiste dans l'économie et dans l'application
aux affaires , et , en fait d'hypocrisie , per-
sonne ne les égale. Mais quant au commerce,
la délicatess(^ et réi)uité ne sont pas leure
vertuii favorites. A la vérité, dit-il, on trouve
quelquefois parmi eux des hommes de la
pr bité la plus scrupuleuse , qui méprisent
l'astuce et l'hypDcrisie: mais ils sont plus
rares que parmi les autres sectes. Il e4 fa-
cile d'êlre la dupe de leur extérieur. Plu-
sieurs fois il e^t arrivé que leur manière
réservée de contracter, fondée sur leur reli-
gion , les a dispensés de tenir leur parole.
3" Dans cette secte, comme dans toutes les
autres, il y a eu des disputes et des divisions
touchant la doc irine. Ceux de la P.iisylva-
nie, absorument maîtres chez eux, ont
poussé la licence des opinions plus loin que
ceux d'Angleterre, parce que ceux-ci ont
toujours été contenus par la religion domi-
nante et par la crainte d(! gouverheraenl.
Or, parmi ces opinions, il y en a de très-
impies, et la religion de plusieurs de ces
sectaires a dégénéré en pur déisme. MoS"
hoim, qui a soigneusement examiné leur
système, l'expose ainsi : La doctrine fonda-
uienlale des qwikers, dit-il, est qu'il y a
dans l'âme de lous les hommes une poriion
de la raison et de la SageSse divine; (|n'il
suffit de la consulter ci de la suivre pour p.ir-
venir au salut éternel. Ils nommrnt celle pré-
tendue sagisse céleste, la parole inleine, le
Christ intérieur, l'opéranon du Saint-lispril.
De là il resuite, 1° (jue toute la religion
consiste à écouler et à suivre les leçons de
celle parole intérieure, qui, dans le fond,
n'est autre chose que le fanatisme de chaque
particulier. 2° Que l'Ecriture sainte, qui
n'est que la parole cxieiieure, ne nous
indique point la véritable voie du salut;
qu'elle ne nous est utile qu'autant qu'elle
nous excite à écouter la voix intérieure, à
prêter l'oreille aux leçons immédiates de
15 QUA
Jésus-Christ lorsqu'il parie au dedans de
nous, 3* Que ceux inêines qui n(? connais-
scul pas rKviiiigiie, lois que los juifs, les
mnhoiliélans, les IndiLMis, li-s sauvages, ne
sont p;ls pour cela hors de la voie du
Siilul, p;irce qu'il leur suflii d'écouter le
Miiilrc ou le Christ iiilérieur (|ui parle a
leur âme. i* Que le royaume de Jésiis-(]hrist
s'él'<nd à tous les hommes, puisque tous
seul à portée de recevoir inlerieuremenl ses
leçons cl de coiuiaîire sa volonté; qu'il n'est
donc pas besoin d'éire exlérieureinetit chré-
tien pour être sauvé. 5" Qu'il faut délourner
notre attention d<" tous les objets exiérieuis
qui peuvent affecter nos sens, afin de nous
.ippliquer uniiuement à écouler la parole
iiiléncure ; qu'il faut donc diminuer l'empire
iiui' le Corps a sur l'âme, afin île nous unir
pins élroiiement à Dieu. G' Il s'ensnil que,
quand nos âmes seront une fois délivrées
d.' la prison de nos corps, il n'est pas croya-
ble que Dieu veui le les y renferniiT une
seconde lois; qu'ainsi l'on doit entendre
dans un sens litiuré tout re (lue l'iùriture
dit de la résurrection future; ()ue si Dieu
nous rend jamais un corps, re ne sera plus
un corps de chair, mais un corps céleste et
spirituel. ConséqUeniitient, 7' les quakers ne
Se croient point absolument obligés à pien-
dre dans uu sens ri'el et historique tout ce
t|ui est dit d.ins l'Iîvangile touciiaut la nais-
sance, les actions, les souffrances, la résur-
rection du Christ, ou l'incarnation du Fils
de Dieu; la piup.irt, surtout en Amérique,
ente dent loul cela dans un sens my>li(|ue
et figuré ; .suivant lUx, c'est senleinenl une
image de ce que le Christ inlëricUi- fait pour
nous sauver ; il naît, il vit, il agit, il soulîre,
il meurt, ressuscite spirituellement en nous,
elc. Kn Europe même, plusieurs, quoique
avec plus de réserve, tiennent encore le
même langage, qui est celui des anciens
gno^liques. 8° Il s'ensuit qu'il n'est besoin
d'aucun culte extérieur de religion, qu'il
suftif de r''ndre au Christ inlc;iur un culte
purement spirituel. Les cérémonies qui af-
l'ect. ni nos sens, telles que le baptême,
l'cucliari^iie, le chant des psaumes, les létes,
etc., ne servent qu'à détourner notre atten-
lion et à nous empêcher d'écouter les leçons
iiilniics de la sagesse divine. Puisqu'elle
parle à toutes les âiucs, on ne doit empê-
cher, ni les hommes ni les femmes de prê-
cher dans les assemblées publiques, lorsque
ri'^prit de Dieu les in^pire. 9' La morale
séïère des qniikcrs découh" encore du inême
principe. Puisqu'il esl nécess.iiro d'affaiblir
l'empire du corps sur l'âme, il faut se pri-
ver de tout ce qui ne sert (lu'à llailer les
ïjoùts sensuels, se réduire au [lur nécessai-
re, modérer le goût pour L s plaisirs par la
raison et par la mcJîlalioii, nu donner dans
ïucuiie es()ècede lUX|'e ni d'excès. De là vient
parmi ces sectaires là gravité de leur exté-
rieur, la simplicité rustii|ue de b urs habits,
le ton alTeclé de leur voix, la rudesse de
leur conversation, la frugalité de leur table,
l'ersuadés que la plupart des usages de la
\ie civile sont uue espèce de luxe, que les
0U.\
\\
démonstrations de politesse sont aes sigtn s
imposteurs, les quakers ne témoignent dti
respect à personne, ni par les formules de
civilité ni |iar les gestes du corps; ils ne
donnent à personne aucun titre d'Iponneiir,
ils tutoient tout le mon le sans exception.
Jls refusent de porter les armes, de faire
serment en Justice, de comparaître à aueuii
tribunal; ils aimeui mieux renoncei- à la
défense d'eux-mêmes, de leur réputation, de
leurs biens, que d'accuser ou d'attaquer
personne.
Mais en Angleterre, les quakers enrichis
par le commerce, et qui veulent jouir de
leur fortune, se réconcilient ai émeut avec
les mœuis de la société et avec les plaisirs
mondains. Ils ont inoil lié, dii-on, et réformé
une partie des o|;inious Iheologiqies de
leurs ancéires, et ils ont lâché de les rendre
plus raisonnables. Mosheuu nous avertit
enfin ((ue pour juger de cette théologie, il
ne faut pas s'en fier à l'exposé qu'en a fait
Robert Barclay, dans son Caléclusme el A^tiis
l'Apologie du qniikérisme qu'il publia eu
16'7G. Cet auteur a passé sous silence une
bonne partie des erreurs de la seele, il en a
pallié et déguise d'autres, ila employé toutes
les ruses par lesquelles uu habile avocat
peut défendre une mauvaise cause.
Celte histoire des quakers nous paraît
donuiT lieu à des réilexions importantes. 1"
La morale austère de laquelle ces sectaires
font profession ne doit en imposera personne.
il en a éié à peu près de m/'m(! de toutes les
sectes naissantes, encore laibles, qui avaient
un vil inlerêt à racheter l'absurilite de h urs
do;;mes par la rigueur de leur morale ei
par la régularilê de leur eonJuite ; sans ci tie
ressource politique , elles n'auraient pas
subsisté lon;,'tenips. L' ur tolérance a eu la
même origine; ils n'y sont venus nu'aprôs
avoir mis tout en usage pour détruire toutes
les autres sectes; par conséquent ils change-
raient une seconde fois de principes et de
conduite si leur intéiét venait à changer. 2'
La naissance du l'yKaAe'n'swi; ne fera jain ;is
honneur aux protestants, puisqu'il est venu
du fanatisme dont la prctemlue réforme avail
enivré tous les esprits. Les apologistes du
celle secte ont fondé leurs opinions sur une
es;;lication arbitraire de l'Écriture sainte,
tout comme les prolestants; il n'est pas une
seule de leurs erreurs qui ne puisse élre
étayée sur quelques passages des livres
saillis : en se tenanl à celte seule méthode,
les protestants ne peuvent pas miens venir
à bout de réfuter les quakers, que de confon-
dre les sociniens. Où esl la différence entre
la partile intérieure des quakers et l'esprit
particulier des protestants? Les seconds,
aussi bien que les premiers, ont beaucoup
mieux réussi à faire des prosélytes par la
violence de leurs déclamations que par la
Solidité de leurs explications de riicriture
sainte. 3° Il esl évideni que les incrédules de
nos jours n'ont pris la défense de celte secte
ridicule, que parce qu'ils ont voulu la donner
pour une société de déistes. Leur auibiliou
était d," prumer, par cet exemple, que le
IS
QIÎA
déhme est très-compatible avec une escci-
lenle morale ; ils voulaient d'ailleurs rendre
le (hrisiiiinisme méprisable, en f.iisant voir
(lue ce qu'il y <" d'excessif dans la morale des
quakers n'est auire chose que la lettre même
(Je l'Evangile ; mais la leilre et le sens ne
sont pas la même chose. 4° Le parallèle que
l'auteur des Questions sur l'Encyclopédie a.
voulu faire entre les quakers ou prétendus
primiiifs, et les premiers chrétiens, est ab-
surde et ne porte que sur des faussetés. Il
dil que Jésus-Christ ne baptisa personne, et
que les associés de Penn ne voulurent pas
être baptisés. Mais Jésus-Christ a ordonné à
ses disciples de baptiser toutes les nations;
s'il n'a pas baptisé ses apôtres, il a violé
sa propre ordonnance : il a dit que quicon-
que ne sera pas bnplisé par l'eau et parle
Saint-lssprit n'entrera point dans le royaume
lies cieux. Il dit que les premiers fidèles
étaient cgaux, comme les quakers ont voulu
l'être. Cela est faux ; les apôtres avaient au-
torité sur les simples fidèles, ils ont établi
lies pasteurs auxquels ils ont transmis celle
autorité, et ils ont ordonné aux laïques de
leur être soumis. Ils ont ordonné aussi
d'être soumis et d'obéir aux princes, aux
magistriits, aux hommes constitués en di-
gnité; les quakers leur ont refusé toute dé-
monstration de respect, et leur ont souvent
insulté sur leur tribunal.
Les premiers disciples, continue l'auteur,
reçurent l'Esprit et parliiient dans l'assem-
blée; ils n'avaient ni temples, ni autels, ni
ornements, ni encens, ni cierges, ni céré-
monies : Venu et les siens ont fait de même.
Mais l'inspiration des premiers chrétiens
était prouvée par les dons miraculeux et
sensibles dont elle était accompagnée : com-
ment les prétendus primitifs ont- ils prouvé
la leur? Saint Paul eut soin de régler l'usage
de ces dons dans les assemblées chrétien-
nes ; il défendit aux femmes d'y enseigner
et d'y parler, il est prouvé par l'Apocaiypse
que du temps des apôtres les chréuens
avaient des autels, des ornements, de l'en-
cens, des cierges et des cérémonies. V oij. L.-
TLRGIE. Nous prouvons encore, contre les
protestants et contre les incrédules, que dès
l'origine de l'Eglise chrétienne on u reconnu
sept sacremenis.
C'est peu de nous dire que les quakers ont
toujours eu une bourse commune pour les
pauvres, et qu'en cela ils ont imité les dis-
ciples du Sauveur; il y a un autre article
non moins essentiel que les premiers ont
très-mal observé, savoir la soumission à
l'ordre public. Jamais les premiers chré-
tiens n'ont msulté en lace les magistrats; ils
ne sont point ailes troubler les ceréuioiiies
des païens; ils n'ont point déclamé contre
les prêtres ni foulé aux pieds les idoles : Fox
l'I ses sectateurs oui commis tous ces désor-
dres à l'égard de la religion anglicane.
Quelle ressemblance y a-t-il donc entre les
uns et les autres? Mais un auteur qui a si
peu respecté la vérité en peignant les quu-
kern , ct*M uieapalile d'y avoir plus d'é-
QUA iO
garu en parlant des premiers chrétiens (1).
* Ol'ALlFICATIONS DE PROPOSITIONS CON-
DAMNEliS. Chargée de diriger le Iroupeaii de Jésiis-
Clirisl d.iiis de bons pàuir:iges, l'Eglise a dû lui faire
connaître ceux qui sont ilangereux ; el, comme c'est
principalemenl d:iiis les écrits que les peuples vunl
puiser les eneurs, elle a été revèliie du pouviiir de
cnnilamner les livres dangereux, coinine il a été dé-
inunlrc au mol Censure des livres. Le danger d'un
livre n'esi pas toujours de même nature; il esl né-
ces^aile de faire coiinailre l'espèce de venin qu'il
renlenne; l'Eglise le fait en qiialiiiant les propo-ii
tioiis qu'il coniieiit. Il y a des notes en usage pnir
cela, (|ii'un ihéolngien ne peut.igiiorer. Bergier les
a ImiI connailre en piulie dans son an. Censure ile$
livres. Son exposé ne nous paraissant pas assez eoin-
plel, nous einpriinloiis à Mgr Gousset une exposiilun
qui nous parait salislaire entièrement.
( Paimi les propositions (pii méritent d'élie con-
damnées, les unes [)euveni éire censurées comnie
liéréiiques, voisines de l'Iiéiésie, sentant i'Iiéiésie,
suspectes d'hérésie ; les autres, comme erronées,
voisines de l'erreur, semant l'erreur, suspectes d'er-
reurs; celles-ci, comme fausses, blaspliémaloires,
impies, dangereuses, pernicieuses, sc:ind.tleuses ;
celles là, coinnie caplienses, malsunnanles, otfensives
des oreilles pieuse^; d'aunes, comme téméraires,
scliismaiii|ues, séditieuses. Voilà les principales cen-
sures ou quiililicaiions que l'Eglise imprime aux
dillërenies pioposilions qu'elle condamne, suivant
(pi'elles s'éloignent plus ou moins de l'enseignement
et du l.ingage cailioliipie.
< On cuudamne comme hérétique toute proposi-
tiiiii qui est directement, immédialenieni contraire à
la foi ; c'est-à-dire à une vérité que l'Eglise enseigne
011 propose comme lévélée de Uieu. Il esl de fui,
par exemple, qu'il y a ln>is personnes en Dieu, le
Père, le Kils et le .Saint -Espill. Il esl de foi ipi'il y
a deux natures en Jésus-Clirisl, la nature divine et
la nalurc lium.iine ; et que Jésus-Cliiisl n'a cepeii-
daiil qu'une seule personne, la personne divine. Il
e^l de loi que le Sauveur du inonde est mort pour
(l'aiiires (|ue les élus. Il est de loi que l'Eglise est
infaillitile dans son eiiseignemenl el ses décisions
dogmatiques. Il est de toi que le pape est le chef de
rEi;lise universelle, qu'il a une prijiiauté non-seiile-
oient d'Iionneur, mais de ji'ridiction dans luiile l'E-
glise. Ainsi, toutes les propositions coiilradicluires
à ces ditl'ereiits articles el aulies points délinis par
l'Eglise sont liéréli'|ues. Une propiisilion est voisine
de l'Iiérésie quand elle esl regardée comnie héréti-
que par le plus grand nombre des docteurs callioli-
ipies; les autres, qui passent pour cire également
orlliodoxfts, ne pensant pas que celte propusiuon,
quoique erronée, meiile ta i|ualilication d'licrélii|ue.
On peui encore dire qu'une proposition esl voisiiiu
de l'hérésie, qu'elle louelie à l'Iiéré^ie, liœresi pro-
xiiiia, lorsque les ciinséquences ipii en Uéiuiilent
naturellenienl conduisenl à l'Iicrésie. Une piupusi-
lion qui seul el favorise l'Iiérésie esl celle qui, sans
eue iore'.ellement hérétique, donne lieu de juger,
eu égard aux ciiconslaiices, que celui qui en esl l'au-
teur ne reconnail point tel ou tel article de loi, el
qu'il pense comme les liéréiiques. Elle e^t suspecte
d hérésie si, sans êire héréiiiue dans les termes
dont elle est conçue, elle donne lieu, par certaines
réiicenees, de soupçonner d'tiérésie celui qui l'a
avancée. Ainsi, du lemps des ariens, ceux qui, tout
en proléssaiil la diviuiié du Fils de Dieu, refusaient
de l'appeler cuiisuLisiantiel au Père, étaient suspects
d'ariani-iiiie.
(Il Nous avons en France une sociéié de quakers
({111 lialiile les environs de Nimes. Ils ^onl moins ri-
goureux <|ue les Quakers anglais. Celle secte ne pré-
sente (r.iill.iirs rien de particulier.
17
OU A
QU\
4i
f Une proposition erronée est celle qui esi dircr-
leinenl contraire à une CMUcInsion ihoologique iiii-
niciliaienienl déduite par le laisoniienieiil de deux
propositions dont l'nne an moins est révélée ; lors-
que d'aillenrs rKglise s'abstient de nous dotuier
celte concinsion comme tni article de foi, encore ([ne
celle-ci soit fondée sur la pratique générale des (i-
(fèles, ou sur l'ensei^netiieni de tons les docteurs
orlliiido\es. On peut voir dans la bulle Aiicioiem fi-
ilci du pape Pie VI plusieurs propositions du synode
de Pisloie qui ont été condamnées comn)e erronéi^s.
I."s propositions qui touchent il l'erreur enori \iro-
xiniœ, qui sentent l'erreur, qui favorisent l'erreur,
qii sont suspectes d'erreur, sont ainsi appelées,
parce qu'elle^ otit plus ou moins d'aflinité avec l'er-
rcnr, ou (|u'ellcs sont telles que, eu é;iard aux cir-
conslances, on a plus un moins de rai;on de juger
on de soupçonner celui qui en est l'auteur imbu de
telle ou telle erreur.
« On entend par une proposition fausse celle qui
nie un fait qu'on ne peut révoquer en dout.^ ; telle
serait, par exemple, la proposili(ui qui nierait que
notre sainl-père le pape Pie IX lût le successeur de
saint Pierre. Elle sentirait d'aillenrs l'iiérésie ou se-
rait suspecte d'Iiérésie, parce (pi'elle tendrait à faire
croire i|n'nn pape légitime ne serait puiui le vicaire
de Jésns-Clirisl. Elle serait de plus schismaiiqne,
ou au nmins suspecte de schisme, car elle nous re-
présenterait le sainl-père comme n'étant pas légiti-
mement élu. Nous voyons dans la huile d'Innocent X,
de l'an 1033, que l'Kglise a condamné comme faus-
ses la qualrièine et la cini|uièiue propusiiicm de
Jansénius : la <iuairiènie, en tant qu'elle énonçait
que les scmi-pélagiens admettaient la nécessité de la
giice intérieure et prévenante pour cliai|ue acte eu
particulier, même puiir le commencement de la foi ;
la cinipiième, en ce qu'elle alliniiail que c'est être
semi-péla;^ien de dire que Jésus-Christ est murt ali-
soluinent pour tous les hommes. Ainsi l'on conçjiit
facilement la différence qu'il y a entre une proposi-
tion lausse et une proposition erronée. La première
est contraire il un lait ; la secuiule, à une vérité dug-
inaii.|ue. Cependdui il n'est pas rare de rencontrer
certaines propositions erronées condamnées Cnmnie
fausses.
« On dit qu'une proposition est blasphématoire
lorsqu'elle renferme quchpie parole injurieuse a Dieu,
l'onr qu'il y ait blasphème, il n'est pas néeCiSaire
que celle parole soit iliieciemenl contre Dieu ; il
sullit qu'elle soit contre les saints, ou contre les
choses saciées, ou contre les créatures considérées
comme reuvies de Dieu. On qualilie comme itnp:u
toute proposition qui tend à iliininuer le culte que
l'un doit à Dieu, ou à affaiblir en nous le sentiment
de la piété chrélieune, de la cniifiame en la bonté
de Dieu. Ainsi , le pape Inuoi enl X a comlaniiié
comme Impies les deux propiisiliuns de Jansénius,
portant, la première, que quelques coinmamlenients
de Dieu siml Impossibles aux justes, faute de la
grâce nécessaire pour les accomplir; la seconde,
prise en ce sens que Jésus-Chrisl n'est mort que
pour le salut des prédestinés, (ies deux propusiiiuns,
i.e pouianl que jeter les lidèles dans le décourage-
ment, soûl par là même évidemment contraires à
la piété.
« Une proposition dangereuse est celle doni les
bérèiiques peuvent abuser pour soutenir leurs er-
reuis; mais ce qui est dangereux d^ns un temps
peut ne l'être pasdms un autre; ainsi, par exemple,
le mot contubstanliel fut rejeté par un concile d'An-
tioclie, parce que les pani>aiis de Sabellius en ahu-
saienl pour confondre les trois personnes divines, et
les réiluire à une seule ; mais lorsque ce danger
n'exista plus, le concile de Nicée consac ra ce mèiiie
lui me pour exprimer la divinité du Veibe, eu le
faisant tomber non sur les personnes qui sont réel-
lement distinctes, mais sur la substance qui est nu-
mériquement une et même substance dans le Père,
le Fils cl le Saint-Ksprii.
« On ipialilie encore de dangereuse ou de perni-
cieuse toii'e proposition qui tend à ditninuer dans
les lidèles le sentiment de la foi, l'horreur du péelp-,
le respect pniir les choses saintes, la soumission po lî-
l'Eglise. Ainsi, par exemple, on doit regarder coiihur
dangereuse la pmposilion pir laquelle on afljnne
que l'Kglisfi a tort de ne pas |)erineitre à tons les
fidèles indistincement d • lire riierilure sainte eu
langue vulgaire, ou de dél'endie l'iisige du uras eu
certains jours, on d'obliger le-i lidèles ,i se confesser
et à communier au moins une lois l'ui. Tonte pro-
position dangereuse ou pernicieuse est nécessaire-
ment scandaleuse, puisqu'une propo-iiion scandi-
leuse est ainsi appelée, parce qu'elle est de iialire à
porter les lidèles au péché, ou à le> détourner de
l'accomplissemenl de leurs devoirs, de la pratiipie
de la piété ou de la verln.
i On note comme captieuse loiite proposition oô,
sous des termes ipie l'on peut prendre en bonne
part, on cache le venin de l'erreur. Les ollvrage^ des
Jansénistes, tant sur le dogme que sur la morale,
soni pleins d'expressions équivoques, de propositions
cuplienses. Aussi la lecture en est-elle daiiuereuse,
même pnur les eeclésiastiqnes qui n'ont pas une
connaissance exacie des décrets du saini-siége sur
li^s matières de la grince, et des écrits de salut Au-
gustin, dont les partisans de Jansénius el de Qnes-
nel OUI tiint abusé. Une proposition mal souiiaule a
beaucoup d'affinité avec une proposition captieuse :
on l'appelle ain-i, parce qu'elle est conçue en ternies
à douille sens, de manière .i ce que le sens hérétique
ou err.iné frappe plus que le sens orthodoxe dont
elle est susceptible. (Nous la disiiiigiiDus de la pro-
position offensive des oreilles pieuses, qui, sans
êire impie ou contraire à la piété, renferme dans
sou énoncé qnehpie cli ise d'inconvenani, qui blesse
les oreilles des âmes penses. Telles seraient, par
exemple, les propositions suivantes : Saint Pierre,
qui avez renié Jésus-Christ, prie/, pour nous; saini
Paul, qui avez persécuté l'Eglise, priez p >iir nous;
saint Augustin, qui avez vécu plusieurs années dan!
le libertinage, priez pour nous. Ou censure comme
téméraire loule proposition qui, hérétiqui? ou nonr
est dénuée de fomlenient. Ainsi on quililie de téiué»
raire une opinion qui, s'écartaiit loiilà la lois et de-
là doctrine généralement adoptée par les l'èies e{:
les tlièologiens, ei de la croyance nu de la pratique
commune de l'Eglise, n'a pour elle aucune autorité
grave, ni aucune raison capable de faire impressiore
OH de coiitre-balaiicer les autorités et les raisons
qui sont en fiveur du senlimeni contraire. Celte qiia-
lilicalion s'encimrralt par un écrivain qui atiaquo-
raii l'imuiacnlée conception de la sainie Vierge.
c Une proposition schismaiiqne est celle ipii tend
à déiourner les lidèles de l'obéissance ou de la sou-
mission que l'on doit au pape, à l'évèque el autre»
supérieurs ecclésiastiques ; mats il ne famliait pas
meure au nombre des schismaliques celui qui dirait
que l'on doit obéir a l'évèque de prélërence au curé,
ei au pape de piélér< nce il l'evéqne ; c.ir si les fidè-
les doivent être soumis à leur ciné, le curé doit être
soumis à l'évcqne, coinine l'èvêque doit l'être au
pape. Une proposition peut être (avorahleau schisme,
sans être schismallque; alors on la censure coiuiiiu
favorisant le schisme.
« On donne'le nom de séditieuse à une propo>ilion
qui porte à la révolte, sidt conire l'autorité ecclé-
siastique, soit contre l'autorité civile.
t Outre ces ipialilic.ilions, nous en trouvons plu-
sieurs autres dans la bulle Àucturein /idei, par les-
quelles certaines propositinns ont élé loi, damnées
comme injurieuses aux papes, au saini-Mége, il l'E-
glise et à >e5 ministies, i» la piété des fi léles; déro-
geantes aux cuiistitntions apostoliques; contraires à
la pratique, aux luis, à l'aulurité, à la pulSMuc« d«
■19
QUA
QUI
20
l'Egliso; pcrtiïrbnlrices du repos des âmes, subver-
sives lie l'orilre hiér.irrliiriue. Ces firlïérenies nnies
(les ceiisiiri'S n'ont pas besc'iii d'explication, il sullit
de Ii's énoncer pour en faire counaître le sens. >
QUAIîANTF-HEURES. Les prières dequa-
ranie-linnes •■oui une dévoiion commune
d;ins iliglise romaine; elle consiste à ex-
poser le sjiinl-sarremenl à l'ailoration des
fidèles I eiid.inl (rois jours de suite, et i)eii-
daiit treize à quatorze heures par jour. Ces
piii'Tes sunl ordinairement accompagnées de
sermons, de saluts, etc. On les fait [leudant
le jubilé, dans les calamités publiques, le
di:!iaiiche de la Quiuquagésimc et les deux
jours suivïiiits. l'Ic.
gUARTO lifiCIMANS. Toi/. PAoriES.
QUASIMODO. Le dimaïuhr de l'octnvc de
Pâqiies est ainsi nommé, parce que l'in-
t oïl (le la messe de ce j^ur commence
piir ces mois : Quasi iixido (jeniti itijanles.
li est aussi appelé dominica in alliis. p.irce
que ceux qui avaient reçu le baptême à
Pâques, jiHaicnt li^ jour de l'octave déposer
ju cérémonii' dans la sacristie de l'église les
rnhes blanches rlont ils avaient été re\êlus
dans leur hapiéme. Les Grecs l'ont encore
non mé dominica nov.i. à cause de la vie
nouvelle que li's baplisés devaient coai-
nvencer à mener dès ce moment.
On sait que, dans les premiers siècles,
Ions les jours de la quinzaine de Pâiues
ét.ii nt rensés jours de fêtes; ainsi l'avaienl
rét;lé les pasteurs de l'Efjlise dans plusieurs
conciles, et les empereurs avaient confirmé
cette discipline. Nous voyot'S par les ser-
mons de saint Jean Chrysoslome et de sainl
Augusiin, que tous ces jours étaient em-
ployés par les fidèles à ré'ébrer l'olfice di-
vin, à écouler la parole de Dieu, à recevoir
la sainte eucharisiic, à faire de bonnes œu-
vres. Biniiham, Orn]. eccléa., 1. xx, c. 5,
§12, lom. IX. p. 118.
QUATUE-TEMPS , jeûne qui s'observe
dans l'Eglise au couiniencemeal de chacune
des quatre saisons de l'année; il a lieu pour
trois jours d'une semaine, savoir, le mer-
credi, le vendreili el le samedi.
Il est certain que ce jeûne était déjà établi
du temps de saint Léon, puisque, dans ses
seiinons, il distingue nettement les jeûnes
il<'s quatre faisons de l'année, el qui s'oh-
iervaient pend, nt trois jours; savoir, relui
du prinleiiips au commencemeni du carême,
celui de l'été à la Peiiteeôte, celui d'auiomne
au .septième mois ou en se|)tembre, et celui
(i'Iiivcr au dixième ou en déceiuhre. Mais ce
saint pape ne parle pa-- de ces jeûnes cornue
d'uu usage nouveau; au con(raire, il les re-
garde (oiiime une Irailition apostolique. Il
étall persuadé que c'eiait une imilalion des
jeûnes de la synagogue, mais il n'y a point
de preuve que les Juifs aient fait trois jours
de jeûne au commencement de chaque sai-
son; aussi saint Thomas n'est point de cet
avis : ou pourrait peui-êire conjoclurcr avec
plus de raison que les ijUalTe-lfoips oui élé
inslilués par opposition aux folies et aux
desoidre» des barthanales, que les praïens
leuouyelaient aualre lois l'anuée.
Quoi qu'il en soi(, on ne pçot pas douter
que ce jeûne n'ail eu pour objet de consa -
crer <à Dieu par la pénitence et' la mortific<J-
tion les qu:itrc saisons de l'année, comme \*
dit saint Léon, el pour obtenir de Uieu sn
bénédiction sur les fruits de la terre. Il s'y
est joint un nouveau motif, lorsi^u'il a été
d'usage de faire dans ce temps-là l'ordina-
tion des minisires de l'Eglise, et c'est un rè-
glement qui date au moins du cinquième
siècle, puisqu'il en est parlé dans la ueu-
vième lettre du pape Gélase. Ou a jugé qu'il
convenait que tous les fidèles d«mandissent,
par la prière et par le jeûne, les lumières
du Sailli-Esprit pour cetie importante action,
afin d'imiter ainsi la conduite des apôlrcs.
Act., c. XIII, V. 3.
On ne doit pas élre étonné de ce que les
quaire-lemps n'ont pas élé observés dans
l'Eglise grecque, puisque les Grecs jeûnaient
lous les mercredis el hs vendredis de l'an-
née, et fêlaient le samedi. I>ans l'Occident
même ce jeûne n'a pas élé pratiqué univer-
sellement dans toutes les Eglises ; il ne l'é-
tait pas encore dans celles d'Espagne du
temps do saint Isidore de Séville, au vi' siè-
cle, et l'on ne peut pas prouver qu'il l'ait été
en France avant le règne de Cliarlemagne.
Mais ce prince en ordonna l'observation par
Un capiliilaire de l'an 709, el le fil eonfir uer
par un ecmcile de Mayence l'an 81.3. Enfin,
dans le xr siècle, le pape Grégoire VU fixa
dislinctement les quatre semaines dans les-
quelles les (/ualre-leinps devaient être ob-
servés, el peu à peu celle discipline s'éta-
blit uiiifuimémeni, telle qu'elle est encore
aujourd'hui. Thomassiu, Traité des Jeûnes,
1° part., c. 21 ; î:' part., c. 18.
OUESNELMS.ME. Vuy. Un gemtus.
QUIÉTISME, doctrine de quelques théo-
logiens mystiques, dont le principe fonda-
Micntal est qu'il faut s'anéantir soi-même
pour s'unir à Dieu ; que la perfection de
l'amour pour Dieu consiste à se tenir dans
un étal (le coniemplation passive, sans faire
aucune réilexion ni aucun usage des facu tés
de noire âme, et à regarder comme indilTé-
rcnl tout ce qui peut nous arriver dans cet
étal. Ils nomment quiétude ce repos absolu ;
de là 11 ur est venu le nom An quiétistes.
On peut trouver le berceau du quiclisine
dans l'origénismc spi"'iluel qui se répamlil
au IV' siècle, el donl les sectaleurs, selon le
témoignage de sainl Epiphane, étaient irré-
préhensibles du côié des mœurs. E>agre,
diacre de Consiaiitino[)le, confiné dans un
désert el livré à la coniemplation, publia,
au rapport do sainl Jércime, un livre de
maftimes dans lequel il prétendait oliT à
l'homme tout sentiment des passions ; cela
ressemble beaucoup à la prétention des
quiélistes. Dans le xr el le xiv* siècle, les hc-
sychnstes, autre vspcce de quiétisles vhi-z les
Grecs, reiiou\elèr<'nl la même illusion el
donnèrent dans les visioas les plus foll.s ;
on ne les accuse po'ut d'y avoir mêlé du li-
bcriinage. ) oy. HÉsvciiAsiTEs. Sur la fin du
xiu' el au cQininenceuient du xiV, les beg-
gards euseignèreiil qut les prétendus par-
2J
OUI
fiiils n'aTaienI plus besoin de prier, de faire
de boniKis œuvres, d'accomplir aucune loi,
cl qu'ils |iouvaii'T>l, sans offenser Dieu nc-
coider ;i ieuiscorps lout ce qu'il (leni<ind;iil.
Voi). Beggaiius. \oil;i donr, deux espèces de
(juictisme, l'un spirituel cl l'aulre Irès-gros-
sier. Le premier fui renouvelé, il y a un
siècle, par Michel Molinos, prêtre e^p;i;;nol,
né d;ins le diiicèse de Saragosse en 1G27, el
qui s'acqiiil à Home beaucoup de considéra-
tion par la pun-ié de ses mœurs, par sa pié-
(é, piir son talecil de diriger les consciiMices.
L'an li;7;i, il publi i un livre intitulé le C((i(i.'
f'iiirituel, qui eul d'abord l'aiiprobalion de
[diisienrs pcrsnnnagesi distingués, el qui a
été traduit en plusieurs langues. La doctrine
que Miiliiius y établissait peut se réduire à
trois chefs : 1" la cunlemplaliun parfaite est
un étal dans leijuel l'âme ne raisonne point;
elle ne réfléchit ni sur Uieii ni sur elle-niénie,
mais elle recuit passivenionl l'inipressiun de
Il lumière céleste, sans exercer aucun acte,
el ilans une inaçHon entière; 2" dans cet étal
l'àme ne désire rien, pas même son propre
salut; elle ne craint rien, pas mémo l'enter;
â" alors ru>ai^e des sacrements et la pratique
des bonnes œuvr: s dcvieunenl indilTérents ;
les represénl.ilions el les impression^ les
plus criminelles qui arrivent dans la partie
sensilive de l'àme ne sont poinl des péchés.
Il est aisé de voir combien celle doclrine
est absurde el pernicieuse. Puisque Dieu
nous ordonne tie faire des acles de foi, d'es-
pérance, d'adoration, d'humilité, de recon-
naissance, etc., c'est une absurdité et une
iinjiiélé de faire consister la perfcciion de la
GOnlemplaliou dans l'abslinence de ces acles.
Dieu nous a créés pour être actifs el non
passifs, pour pratiquer le bien el non pour
le contempler; un éiat purement passif est
un étal d'imbécillité ou de syncope; (-'esl
une maladie et non une pcrf('clion. Dieu
peut-il nous dispenser de désirer notre salut
el de craindre l'enfer? Il a promis le ciel à
ceux qui font de saintes actions, et non à
ceux qui ont des rêves sublimes. Il nous or-
donne à tous de lui demander l'avènement
de son royaume et d'être délivrés du mal, il
n'est donc jamais permis de renoncer à ces
deux sentiments, sous prétexte de soumis-
sion à la volonté de Dieu. Puisque les sacre-
ments sont le canal des grâces el un don de
la bonté de Jésus-Christ, c'est manquer de
reconnaissance envers ce divin Sauveur de
les regarder (^oinnie indiffcrenis. il dit : Si
vous ne mangez la chair du Fils de {'homme
el ne buvez son sanç/, vous n'aurez puint la
vie en vous. De quel droit un prétendu con-
templatif peut il regarder la participation à
l'eucharistie comme indilTérenle ?
Lorsque Mulinus ajoute que, dans l'état
de contemplation et de quiéiude, les repré-
sentations, les impressions, les tnuuvements
des passions les plus criminelles qui arri-
vent dant la partie sensiiivede l'âme ne sont
pas des péchés, il ouvre la porte aux plus
affreux dérèglements, el il n'a eu que trop
de disciples qui ont suivi les conséquences
de celte doctrine perverse. Une âme qui se
QUI 22
laisse dominer par les affections de la partie
sensilive esl cerlainemenl coupable ; il lui
esl toujours libre d'y résisier, et sainl Paul
l'ordonne expressément. Aussi, après un sé-
rieux examen, la doctrine de Muliiios fut
condamnée par le pape Innoc. ni XI on 1087:
ses livres, iiilit"lés la Conduite spirituelle
ou le Guide spirituel, et VOrui^on de t/uié-
tude. furent hrùlés publiiiuement ; Molmos
fut obligé d'abjurer ses erreurs en présence
d'une assemblée de car<linanx. ensuite con-
(lamné à une prison perpéluclli!, où il mon-
rut en 1G8!(. Mais, en censurant sa doctrine,
le pape rendit témoignage de l'innocence de
$es mœurs el de sa conduite.
L'événement a prouvé que l'on n'a pas eu
tori de craindre les consé(iucnces du moli-
nosisme, puisque plusieurs de ses partisans
en ont abusé |iour se livrer au libertioage,
et ont été punis par l'inquisition. Mais il ne
faut pas confondre ce i/uiétisme gr'issier el
libertin avec celui des faux mystiques ou
faux s|)iriluels, qui ont ado|ité les erreurs
de Molinos Sdiis en suivre les periiicipuses
conséquences. Il s'est trouvé en France des
(luiélisies de celte seconde espèce ; et parmi
ceux-ci une femme nonuiiée Bouvii're de lu
Motie, née à Montargis en lliiS, veuve du
sieur fiuyon, fils d'un entrepreneur du ca-
n.il de Ùriare, s'est renlue célèbre. Elle
avait pour directeur un l'ère Lncotnlte, bar-
nahile, du pays de Genève. lUle se retira
d'abord avec lui dans le diocèse d'Annecy,
et elle s'y acquit beaucoup de réputation
par sa piété et par ses auipônps. Mais,
c(i:iime elle voulut faire des c(inférences et
répandre les sentiments qu'elle av^il puisés
dans les livres de Molinos ou de quelqu'un
de ses disciples, elle fui chassée de ce dio-
cèse par l'évêque, avec son directeur. Ils
eurent le même sort à Grenoble, nyi madame
Guyon répandit deux petits livres de sa fa-
çon, l'un intitulé /e Mayta court, l'autre te^
Torr'nls. Ils vinrent à Paris en 1G87, ils y
firent du bruit cl y trouvèrent des partisans.
M. de llarlay, pour lors a^•chevêque, obtint
un ordre du roi pour faire enfermer le Père
Licouibe et mettre madame Guyon dans un
couvent. Celle-ci, ayant été élargie par la
protection de madame de MajnlenoQ, s'intro-
duisit à Saint-Cyr; elle y suivit les confé-
rences de piété que faisait dans cplte mais
son le célèbre abbé de Fénelon, précepteur
des enfants de France, el elle lui inspira de
l'estime el de l'amitié par sa dévotion. Dans
la crainte de se tromper sur les principe^ de
celle femme, il lui conseilla de $e mettre
sous la conduite de M. Posstiet et de lui
donner ses écrits à examiner; elle ol)éit.
IJossnet jugea ses écrits répréheusibles : Fé-
nelon ne pensait pas àe n>éme. Celui-ci,
nommé à l'arcbevêclic de Cambrai en 1693,
eul à Issy, près de Paris, plusieurs confé-
rences à ce sujet avec Uossuct, le cardinal
Ile Noailles et l'abbé 'fronson, supérieur du
séminaire de Saini-Sulpiee. Après de fré-
quentes disputes, Fénelon publia, en 1GU7,
son livrs des ^axiw^ '^^^ iaint^ lyu.çhant la
vie spirituelle ou'^coatcmplalive, dans lequel
5-; QUI
i! crut roclifier lout ce que l'on reprochait
à madame (Inyon, et liislinjjuor n tlement la
<1ortrinn orlliorioxe des iiiysliqnes d'avec, les
erreurs. Ce livre augmenta le bruit au lieu
de le calmer.
Enfin les deux prélats soumirent lours
ô'iils à IVxnmen et à la décision du pape
Innocent XII, et Louis XIV^ écrivit lui-même
à ce piintile pour le presser de prononcer.
La congrégation du saint office nomtna sept
consulteurs ou Ihénlogions pour examiner
ces d.ivers ouvrages. Après Irenlp-sepl coii-
lérencps, le pape censura, le 12 mars 1(599,
vingt-trois propositions tirées du livre des
li/aj-imes des sainte, comme respectivement
téméraires, pernicieuses dans la pratique,
el erronées, aucune no fut qualifiée comme
licréti(iue. L'archevêque de Cambrai tira de
sa condamnation même un triomphe plus
beau que celui de son adversaire ; il se sou-
mil à la censure sans restriction et sans ré-
serve. Il monta en chaire, à Cambrai, pour
condamner son propre livre ; il empêcha ses
amis de le défendre, el il publia une instruc-
tion pastorale pour attester ses sentiments
à tous ses diocésains. Il assembla les évê-
ques de sa province, el il souscrivit avec
eux à l'acceplation pure et simple du bref
d'Innuccnt XII et à la condamnation des
propositions. Il fit iaire pour la cathédrale
un soleil niagnirique pour les expositions et
les processions du s.iinl sacrement ; des
rayons de ce soleil parlciit des foudres qui
frappent des livres posAs sur le pied, l'un
desquels est intitulé Maximes des saints.
Ainsi finit la dispute. .Madame Guyon, qui
avait été enfermée à la l^islille, en sortit
cette même année 16'J'J; elle se relira à
Blois, où elle mourut, en 1717, dans les sen-
timents d'une tendre ilévolinn.
Pendant (jue toutes les personnes sensées
ont admiré la grandeur d'âme de Fénelon ,
qui préférait le mérite de l'obcissance el la
paix de l'Eglise aux firmées de la vaine
gloire el aux délicatesses de l'amour-propre,
des esprits mal faits ont tâché de persuader
que ce jirand homme avait agi par pure po-
litique cl par la crainte de s'attirer des ,if-
faires ; que sa soumission n'avait pas été
sincère. Mosheiiii a osé dire : « On con-
vient généralement que Fénelon persista
jusqu'à la mort dans les sentiments qu'il
avait abjurés el condamnés publiquement
par respect pour l'ordre du pape. » Ui^C.
ecriésiast., xvii' siècle, sect. 2, i" part., c. 1 ,
§51.
N'en soyons pas surpris, un hérétique in-
fatué de ses propres lumières, cl opiniâlré-
Ireiiieiit révolté contre l'autorité de l'Eglise,
ne se persuadera jamais qu'un esprit dioil
peut reconnaître sincèrement qu'il s'esl
trompé , que s'rl n'a pas mal pensé, il s'esl
du moins mal exprimé. IMais dans toute la
vie (le l'arclievêque de Cambrai trouve-t-on
quelques signes d'un caractère hypocrite et
dissimulé? Connait-on quel(]u'un qui ait
montré plus de candeur? Pendant les seize
années qui se sont écoulées depuis la con-
damnation de h'énelon jusqu'à su mort, a-l-
QIU
24
il donné quelques marques d'allachetnent
aux opinions que le pape avait censurées
d;ins son livre? Personne n'a soutenu avec
plus de force l'autorité de l'Eglise et la né-
cessité d'y être soumis ; il n'a donc fait que
confirmer ses principes par sa propre con-
duite. D'ailleurs la i)uestion agitée entre Fé-
nelon el Bossuel était assez délicate el assez
subtile, pour que tous deux pussent s'y trom-
per. Il s'agissait de savoir s'il peut y avoir
un amour de Dieu pur, désintéressé, dégagé
de loul retour sur soi-même : or, il paraît
certain que, du moins pendant quelques mo-
ments, une âme qui médite sur les perfec-
tions de Dieu peut les aimer sans faire al-
tention à sa qualité de bienfaiteur el de ré-
munérateur; qu'elle peut aimer la bonté de
Dieu envers toutes les créatures sans penser
actuellement qu'elle-même est l'objet de cetie
bonté souveraine. Si Bossuet a nié que cet
acte soit possible, comme on l'en accuse, il
avait tort. Miiis ce n'est là qu'une abstrac-
tion passagère ; soutenir que ce peut être
l'étal habituel d'un âme, et que c'est un état
de perfection ; qu'elle peut, sans être cou-
pable, pousser le désintéressement jusqu'à
ne plus désirer son salut, et ne plus crain-
dre 1.. damnation, voilà l'excès condamné
dans les quiétisles, excès duquel s'ensuivent
les autres erreurs que nous avons notées ci-
devant. Voy. Amour de Dieu.
QUINISEXTE (concile). On a ainsi appelé
le concile tenu à Constantinople l'an 692,
douze ans après le sixième général ; il est
aussi nommé souvent le concile in Trutlo ,
parce qu'il fui tenu dans une salle du palais
des empereurs nommée Trullum, ou le Dôme.
11 est regardé comme le supplément des deux
conciles qui l'avaient précédé ; comme l'on
n'y avait point fait de canons touchant les
mœurs ni la discipline, les Orientaux y sup-
pléèrenl dans celui-ci ; ainsi les cent deux
canons attribués au cinquième et au sixième
concile général sont l'ouvrage du concile
quinisexte.
Mosheim en a pris occasion de déclamer
contre les papes, qui ne cessèrent, dit-il,
d'inventer de nouveaux rites superstitieux
et de nouvelles pratiques, comme si leur
principal devoir avait été d'amuser la mul-
titude par des cérémonies dévoles ; cl qui
eurent l'ambition d'introduire le Rituel ro-
main dans toutes les Eglises de l'Occident.
11 met au nombre de ces nouveautés la fêle
de l'Invention de la sainte croix el celle de
l'Ascension, îa loi infâme de Bonitace V, qui
donuiiit à tous les scélérats le droit d'asile
el d'impunité dans les églises, les jirofu-
sions d'Honorius I" pour embellir les lieux
saints, les ornements sacerdotaux pour cé-
lébrer l'eucharistie, flist. ecclés., xvii' si'è-
cle, II" part., c. 4, § 2. Mais Mosheim n'a
pu ignorer que la plupart des rrles qu'il taxe
de nouveautés el d'invenilons des papes sont
suivis par les Grecs aussi bien que par les
Latins ; sonl-cc les papes qui les ont portés
en Orient ? Aux mois Cérémonie, Litijrg'E ,
Habiis saceruotaux, etc., nous avons prouvé
qu-; ces rites prétendus superstitieux datent
25
KAB
du temps des apôtres. Il a du savoir que le
73' cnnoii du concile quinisextc ordonne le
culte de la croix ; que près de quatre cents
ans auparavant l'on célebr.iit déjà, dans l'E-
glise de .Jérusalem , l'Invention de la sainte
croix sous le titre d'Exaltation. Voy. Croix.
Au mot Asile nous avons fait voir que la
loi de Roniface V était nécessaire dans ce
temps-là, et qu'elle n'a rien li'infâme. Il en
est do même de l'empressement (ju'ont eu
les papes de faire recevoir partout le Hituel
romain ; leur motif a été que l'uniformitc
dans le culte et dans la discipline est une
snuvca;arde pour maintenir l'unité de la foi.
Celle ambition prétendue avait aussi saisi les
l'ères du concile quinisexte , puisque, par
leurs canons b5" et 8!V' , ils exigeaient que
l'Kfïlise romaine changeât son usage de jeû-
ner les samedis do carême , parce que les
Grecs ne jeûnaient point ces jours-là.
Au mot Ascension nous avons prouvé que
RAC 36
cette fête est des temps apostoliques ; elle
est célébrée par les Oripntaus aussi bien
que par les Latins ; il faut que Moshoim ait
été étrangement distrait lorsqu'il en a rap-
porté l'institution au vu' siècle.
OUINtJUAGKSIME; c'est le dimanche
avant le mercredi des cendres, et avant h'
commencement du carême. Gomme le di-
manche suivant est le premier de la qua-
rantaine, Ç««(/;fi(;ps!)Hfle, l'on a nommé celui
dont nous parlons le dimanche de la cin-
quaiilaine, Qmnquarii'S'mœ, et ainsi, en ré-
trogradant toujours, on a dit la Sexngénme
ei la Septuagésime, quoiqtie le nombre des
jours ne s'y trouve pas exactement. On ap-
pelait aussi autrefois Quinquagésime le di-
manche de la Pentecôte, parce que c'est I'!
cinquantième jour après Pâques ; mais pour
le distinguer du précédent, on le nommait
QuinqwK/s'sime pascale. ■
(JUINTILIENS. Voij. Montanistbs.
R
RABAN-MAUR, moine de l'abbaye de
Fulde, et ensuite 'irchevéque de Mayeiice,
mourut l'an 856. Il a laissé un graml nom-
bre d'ouvrages qui ont éié recueillis et im-
primés à Cologne en G vol. in-fol. Les prin-
cipaux sont des commentaires sur i Ecriture
sainte, des homélies ou sermons, un martyro-
loge et des écrits contre Gotescalc : mais ils
se sentent de la rudesse du ix" siècle.
UABRIN. Rab, en hébreu , est un doc-
teur; rabbi et »(i6ioni signifient mon maître.
Les disciples de Jésus-t^hrisl lui donnaiciit
ce nom. Comme les docteurs juifs liraient
beaucoup de vanilé de ce tilre, le Sauveur
défend à ses disciples de se l'attribuer. i\,;
prenez point, leur dit-il , le nom de maître',
tous n'en avez qu'un seul qui est le Clii i.it
(Maiik. xxiii, lOJ.
On désigne encore aujourd'hui sous le
nom de rabbins les docteurs juifs, soil an-
ciens , soit modernes. Les divers degrés de
respect que les juifs ont pour eux les ont
parlages en deux secles, l'une de rabbanistes,
(|ui suivent en aveugles les Irailitions i(uu
leurs docleurs ont rassemblées dans le Tal-
mud et dans leurs commentaires sur l'I'.cri-
ture sainte, l'autre de cannles, qui s'en lieii-
nent au lexte seul des livres sacrés. Ceux-ci
passent pour les plus sensés, fuais ils sont
en petit nombre. Voy. Caraïtes.
A la réserve des paraphrases chaldaïrjucs,
dont quebiues parties passent pour avoir ete
faites avant la venue de Jésus-Christ ou im-
médiatement aiTès, les juif, n'ont aucun livre
de leurs docteurs qui oe soit postérieur de
plusieurs siècles à cette époque. Quand ce
divin Maître ne nous aurait pas piéveniis
sur leur attachement opiniàire a leurs tra-
ditions , quand il n'aurait pas prédit l'aveu-
glemenl auquel ils allaient élre livrés {Joan.
i\, ■i9), on reconiialirait encore ce caractère
dans leurs ouvrages. Les labiés, les puéri-
lités , les erreurs grossières duiil ils sunt
remplis, dégoûtent et révolient les lecteurs
les pluf courageux. Mais comme les juifs y
crjient aussi fermement qu'à l'Ecriiure
sainie, on tire de ces livres même des ar-
guments personnels , et des preuves contre
eux auxquelles ils n'ont rien à répliquer.
Quand on leur fait voir que leurs docleurs
les plus anciens ont entendu les prophéties
dans le même sens que nous , que peuvent-
ils nous opposer? C'est ce qu'ont fait plusieurs
auteurs chréiiens , en parliculier Raimond
Martin, dominicain , dans un ouvrage inti-
tulé/'ur/i'o fidei , et Galalin , qui l'a copié,
dans celui qui a pour titre : de .4rc(/nis calho-
licœ veritatis.
KACA, ipiit syriaque usité dans la Judée du
temps de Jésus-Christ; c'était une injure,
une expression du plus grand mépris. Nous
lisons dans saint Matthieu, chap. v, v. 2'2 :
« Celui (|ui dira à son frère raca, sera punis-
sable par le conseil ou en justice. » L'inter-
prète grec de saiut Matthieu, et la plupart
des traducteurs ont lonservé le tenue sy-
riaque ; le Père Houbours l'a traduit par
homme de peu de sens, mais il signifiait plu-
tol en style populaire un vaurien.
♦ RACKS HUMAINES. C'est une vérité inronics-
table dans l'Ecriliire, i|iie loiis les homiiies descen-
diîiil d'un iiiéine père. Cepeiidnnl le luit seinbl« con-
tredire celle :iSserlion. Il y a encore plnsienr» sa-
vants qui adniftileni la pliiralilé des race» liuniaiiies
priinilives. « Vnlujre, ilil Mgr Wiseniaii, est un des
premiers à reinari|iier qu'un aveuijte seut peut douter
Il tes blancs, les nègres, les albinos, les Holientitls, les
Lapons, les (Chinois et les Américains, sont des races enliè-
rement distinctes (a). Desinoiiliiis, dans un essai qui,
pour riionneur de rAcadémie des Sciences, Int re-
jeté par ce cnrps s.ivaiit , ;dlirnie l'exislence de inize
riiiillles indépendantes dans la race liunuiine (/>).
lioiy (le Sailli-Vincent va eiicure plus loin, et ang-
II ente le iinnibre des faiiiilies jusqu'à quinze, rjui se
subdivisent encore coiisidérablemeiit. Ainsi la fa-
(fl) Histoire de Russie snus Pierre le Grand, chap. t ".
{b) Hiitoire naturelle des races humaiitts.
•27
RAC
RAC
28
mill« adamique , ou les desceiidanls d'Aii;mi , cons-
tiiiie seulenienl ia seconde division de l'espèce ara-
liiqup, (le r/iomo arabictis , tandis que , nous au-
iris Ain'lai-; , nqus ap|)arlenons à la variéié leulo-
iii(|ne de la race gerniaiiiqiie , qui n'est encore que
la quatrième fr'icti i|i de la f/fiiis bracc.da , ou famille
porinnt culo'tes, daiis l'espèce japliéiique , le homo
jap/ieticus , qui se divise en deux classes . celle que
je viens de citer, et une autre plus élégamment
noniiiiée la fieiis togata, ou famille portant man-
teau ia).
Virey appartient à la même écol^, quoique ses
ouvrages soient encore plus révnltai^s par la légè-
reté et la Irivoliti" avec laquelle il traite les points
les plus di licais de la morale et de la religion. Non
coulent d'altribner aux Nègnîs ime origine d fférente
de celle des Européens, il vi presque jusqu'à soup-
i;onner une certaine IValernilé entre les lluiienlois
et les tialiouins. Mais sur çc sujet il a piienre été
surpassé pan Lam.>rrk. Cet écrivaiti prétend indi-
quer les lias par le>qnels la natiife procè(ie ou n
procédé dati^ |es (enipN HnÇ'ros , en faisaril sortir
gradiiellenietil une classe iiétres d'itiie autre classe
antéiieure ; de f.içon que , d'après lui, la nature au-
rait suivi une cliaine graduée de trinslorinationg
sttccessives, (|iii al)outit enfin à l'espèce liutnaine paf
des mélimorplioses inverses , il est vrai, mais noii
moins merveilleuses que celles (lue nous lisons dans
l'ancieniie fable, i l'onr donner une sojiiliop du pro-
blème, Itou-» avtms besoin , 1' de (aire connaître les
didéienies espèces de faces; d" n'établir (lu'ellt;^
peuvent teintes procéder d'un même lioinme. Mgr
W'seniiiq est copié plus ou moiiis (idélemeni par les
lliéoliigiei.s (in'i Iraitéjil de celte matière. Nous le i i-
terons textuellement , alin de donner une idée (dos
cotnpiète des questions que nous essayons de ré-
soudre.
I. Des différentes espèces de races humaines. Aiis-
tole, Hyppocraie, Héiodote avaietil fait plitsieur^
^^'malqups sur b s dilférentes espèi es de races hii-
iliaiues. (.e seiîjil npii5 éloigner de notre stijei que de
nous anêter à les examiner. Jnsqu'.à l'es derniers
temps I la classilicaiion natnr' Ile de l'espèce Im-
maine, dit M-;r Wisemati, liasée sur la couleur prédo-
ininante daiis dilTérentes parties dti inonde, Fut suivie
sans beaucoup d'exanieii , eu sorte que l'espèce Int-
niaiue paraissait divisée comme la terre qu'elle lia-
bilait , en iiois classes ou ïones : les bonimes très-
biaacs occupant les çégions les plits froides, loij tiuirs
posséilaiii la zonç torride , et les liilunds habitant la
région tempérée. Telle est, par exempU;, la divlsioii
adoidée par l'IiisKuien aiabe Abolidiaraj (b). Dans
le deitiier siècle, cet oidre si simple fui modilio et
ptit la forme d'un sys'ème compliqué , en consé-
qu.iae de la découverte de plusienis iiuatices inter-
luédi.iires dans la couleur des nations, ({u'iui ne pou-
vait p;;s iactlemenl iiitriidiiire dans cette divisioti
ternaire. Leibnitz, Linnée , linlTm, Kant, llunter,
Zimmermaim, Meiners, Klbgel et d'autres ont pro-
posé (birérente^ ciassiiicaiions qui , étant basées sur
ce même piincipe aiijotiid'lini universellemel rejeté,
n'ont ipie peu d'iiiiérét et ne seraient pas faciles à
reti-nir.
Le premier qui proposa une nouvelle base pour
celte imporlante élude lut le gouvertieur Pnwnall;
quoiqu'il adoptai la couleur connue le londement de
sa classili ation , il remarqua pourtant qu'il fallait
prendre en cousiiléraiion la (orme du crà le dans les
diverses familles liuinaines [c). Mais (jaiaper a le
fql Dicliiimaire classique d'histoire naturelle, lom. MU,
Pans, 1U2S5, pp. 2s7 et S!')3.— « l.'limnuie japli^tiqne ii'i-st
lui-mr-ine qu'une iiivibinn de la leiolérii|ue on race aux
elieveux ronx, «t l'unité d'oriL-ine des oiiiiize races est
niée. Il I'. 3-,l.
(t) Hts/ona (lijnastiarum, Oxf. 1663, p 5.
(c) iVem colleeiion (de voilages). Load., 1767, vo'*. If, p.
mérite d'avoir le premier imaginé une règle pour
comparer les têtes des diUérentes natians de manière
à "bleuir des résultats nrécis el caractéristiques.
Camper a été favorisé d'avantages particuliers poui
cette entreprise ; car il rénpiss ait deux sciences ra
renient cultivées par le iTièuie individu, une connais-
sance parfaite et pratique de l'art , et des études
étendues en physiologie ei en anat'imie cot/i^iarée.
Il voyait avec quelle imperfection b-s meilleurs ar-
tistes (ju'il copiait avaient saisi les tpaits et la forme
dq nègre , cela l'enga ea à exaniiner quelles étaient
les particularités essentielles de sa coiifi;{inaliou (a).
Il étendit ensuite ses recherches aux lêtes des au-
tres nations , et il déeonvrit on cnit déc(nivr r un
canon nu une règle par laquelle ces têtes pouvaient
être mesurées avec des résultats réguliers et cer-
tains. Cette règle consiste dans ce qu'il appelle la
ligne faciale, et s'applique comme il suit : le crâne
est vu de prolil , et l'on tire d'abord une ligne , de-
puis le trou de l'oreille ( mealus audiloriiis ) jusqu'à
la base des narines ; puis une seconde , dit point le
plus proéminent du front , a l'extrémiié de la nià-
clioire supérieure , au point oit les dents prennent
racine (la saillie alvéolaire de l'os maxillaire supé-
rieur). Il est évident (|u'un angle se formera par
l'intersection de ces deux lignes, et la mesure de cet
angle, ou , en d'autres termes , l'inclinaison de la
ligne tirée du sourcil à la mâchoire donne ce qu'on
appelle la ligne faciale, et forme, dans le système de
Camper, le caractère spécifique de cliaque famille
humaine (b). Par l'inspection des planches, vous
concevriez facilement l'application de cette règle.
Vous y verriez que l'angle f icial , dans le singe qui
approche le plus de la forme liuinaine, est d'environ
."îS", que, dans le nègre et le Kalmoutk, il est de 70°
(lig. 2), et dans l'iMiropéen de 80°. Les anciens, qui
sans doute s'aperçurent que l'ouverture de l'angle
était en proportion avec l'avancement dans l'éclielle
intellectuelle, dépassèrent la ligne naturelle, et allè-
renl même, dans leurs œuvres les plus sublimes,
jusqu'à doinier au l'nmt ime saillie proéminente en
surplomb , qui donne à l'angle facial 95 on même
lUO" (c). Bliiihenbacli a nié ce l'ait 1res- positivement,
en disant que toutes les repiésentations de l'art ati-
ciiii , qui offrent un angle aussi ouvert, sont des co-
pies incorrectes (d). Mais je pense que quiconque
examinera les têtes Je Jupiter dans le muséitiu du
Vatican, particulièrement le buste de la grande salle
circulaire , ou les lêtes plus mutilées des marbres
d'Elgin, sera convaincu que Camper est exact sur ce
point.
Blumenbach a fait des objections plus sérieuses
contre ce système de inesure : il observe que Camper
lui-même admet beaucoup de vague en fixant l'ori-
gine de ses ligues ; mais il objecte surtout qpe celle
manière de mesurer est compléiemenl inapplicable à
ces races ou f'anitlles dmit le trait le plus caracté-
ristique consiste dans la largeur du crâne , bien
|iliitôi (|ue dans la projection de sa partie supé-
rieure (e).
C'eii à ce physiologiste si pénétrant et si labo-
rieux que nous devons le système de classilicatimi
suivi presque universellement aujourd'hui , el les
principes qui les dirigent ; son muséutn cunlieut la
Collection la plus complète qui existe de crânes ap-
parluiiant aux membres de presqpe tous les peuples
(a) Dissertation physique de M. Pierre Camper sur les
dilléreucps réelles que présentent les traiis du visage
chez les huinines de dillëreuls pays, eic. Utrechl, 1791,
p. â.
(b) Ibid., p. 55.
(c) voyez la 2» planche de Camper, pp. ii et KS. C'est
dans l'art grec que l'on trouve le plus jjr^Bd de ces deux
angles.
(d) Spccinien liisioria! nafuralis anliquse artis uperilius
illusirata;. Gnlimg., I80.S, p 13.
fe) De qeneris humaiii varieiale nnliva. Golt., 179S, p.
200
99
RAC
RAC
5C
du globe. Non content des résultats que lui a four-
nis leur i'IiiiIp, il a recueilli dans clia(|ue hranclie de
riiisloire naturelle el dans rliamie p:irlie de l» lilié-
laliire , tout ce qui peut jeter quftl(|iio liMiière sur
l'Iiisloire de la race linuiaine , rt rendre compte de
ses variétés. Ses ouvraçjcs sont par le l'ail un niaiia-
sin oii tiius ddivent puiser , el les plus voluniiiniix
ouvrages qui ont paru depuis, sur cette science, ii'onl
giièie l'ait el ne pouvaient faire plus ipie de C(Ui(ir-
incr par des preuves nouvelles ce qu'il avait déjà
prouvé.
La cbssilicalion de Blnnienbach est déterminée
cil premier lien par la forme du cr.ine , el seconde-
ment par la couleur des cheveux , de la peau ei de
l'iris.
Il peut vous sembler d'abord qu'il est nécessaire de
ciMinaiire l'anatomie ou la construction dn crâne pour
liien conipremlre son système ; il n'en est poui tant pas
ainsi ; car lui petit noudire d'observations, avec une
planclie devant vous, vous donnera tonte la science
dinil vous ave/, besoin pour cela. Vous n'avi'z qn'à
renianpier les particularités suivantes. La léie ou le
(T.àne , qnanil on rcjjanle d'en liant , présente une
foru:<' plus ou ni<iins ovale , duncenient arrondie en
arrièn- , mais rnj;ueuse el moins régulière en avant,
à cause des <is de la face. Si nous les examinons,
nous verrons qu'ils se projettent à dilfcrenls degrés
et peuvent être divisés en trois portions : première-
ment, le from qui peut être plus on moins dé()rinié ;
8ec(Miilemenl, les os du ne/. , et an-dessous ceux des
niAcboires avec leurs dents. Il faut n manpier aussi
la manicie dont l'os molaire on de li pommelle
s'adapte avec le temporal ou l'os des oreille-;, par le
nmyeii d'une arcade appel, e zygomaliqne, formée de
inariièie à ce que de forts muscles |Uis^enl passer
par-dessous ei se (ixer à la mai hoiie inlérieure.
Or, la règle de Iîluineid)acli consiste pfécisémeut
i voir le ci âne comme je l'ai décrit, et à remarquer
Ses particularités sur lesquelles j'ai insisté, il Iç
place dans sa position n:it irelle sur une table, puig
il regarde d'en baul el d'aplomb. Les formes relati-
ves cl les proportions des parties ainsi visibles lui
donnent ce qu'il apielle la règle verticale ou norina
verlicnlis. lin suivant cette règle, il divise la race
buui.iine tout entièrt^ en trois lamilles primipales,
a\ee deux antres familles intermédiaires. Des trois
grandes divisions il appelle la première C'aMcusieimi;,
on centrale ; la seconde Elliiopit'iitie, et la tioi.siéme
iloiiijole ; ces deux dcrniéies snul les deux variétés
exlièmes. En exaniinant les plancbes faiiev d'après
ses tmvrages, vous icconnaitrez à rinslanl leurs dif-
férences caractéristiques. Dans la famille cauca-
sienne, ou, comme d'antres l'ont appi-lce, la variété
ciirnssiciiiic, la forme générale du ci âne est plus sy-
métriipii', et les arcad<-s zygoinatiques rentrent itans
la liiîne générale du cniitonr, ei les us des jopes el
des ii-àidiiiires sont enliéienieni cacliés par U plus
grande proéminence du front. Les deux autres fa-
milles s'écarleni de ce tyjie dans des directions op-
posées : le cr.ioe du négie est plus long et plus
étri.it ; celui du Mongol est d'une excessive largeur.
Dans le crâne du nègre, vous reniariiuerez la com-
(irissioti latérale Irès-prouiiKée de la partie anté-
I ienre <lu crâne, compression telle que les arcides
zy^jomaliques, quoique irès-aplalies elles-niêmes,
bini cependant une forlo saillie au delà ; et vous
observerez (lue la p;irtie inférieure du visage se pro-
jette teiieuieni au delà de la partie supérieure, que
noii-s'uleinenl les os des jcnies, mais la lotaliié des
mâchoires et même les dents, sont visibles d'eu
b.iut. La surface générale du crâne est aussi remar-
qnahlemcnt allongée et comprimée.
Le Ci âne mongnl se distingue par la largeur ex-
traordinaire de la face, dans laquelle l'arcade zy-
goitniii|iie est coiiiplélemeul détachée de l.i cil cou-
léieue générale; i pas tant, comme dans le
irènre, à pausa de la dépression du front, que par
l'énorine proéminence latérale de l'ns dej joues,
qui éiant en méine temps aplaties, doiineru une ex-
pression particubère à la face mongide. Le front
est aussi trçs-dépiimé et la màclioire ijuiiérieure
proiiibéranle, de manière à être visible quand yii Ja
regarde vertic;\lement.
Entre la variété caucasienne (-1 chacune des deux
autres, il y a une classe intermédiaire pt|s.sédaui à
un certain degré les caractères disiinclirs des d.-ux
classes exlrci|ies, el formant une lrau.>ilion entre
elles et buir centre. La variété iiilermédiaire entre
les famdles caucasienne et nègre est la race ma-
laise, et le chainon entre les races cai,icaaieuiie et
mongole, c'est la variété américaine.
Outre ces grands et primitifs caractères, il y pu a
d'autres d'une nature secondaire, mais non moins
faciles à distinguer : ils consisieni daus Iç teint, la
chevelure et les yeux des dilTéi.euiçs races. Les
tr(ds fiuiilles principales sont disiingiiée^ par anlant
de Couleurs différentes. La famille eaucas.ieune a le
leint blanc; la nègre, noir; et la mongole, oliv^; au
ji<iine : les races uiterniédiaires oui aussi des nuan-
ces intermédiaires; les Américains sont cnivips el
les Malais basanés. La couleur des cheveux et de
l'iris .siiii celle de la peau d'une manière assez évi-
dente. Même dans la race blonde ou caucasientu: à
laquelle uniis appartenons, les personnes d'un teint
tié— blond ou trés-auimé ont toujoufs les cheveux
roux ou de 1 onlcur claire, ej le^ yeux bleus oi^ d'ime
nuaiice légère ; «m a appelé cette clause la variété
ocanllwjue (zm'io\j;) de la race blan(;he. Dans les per-
sonnes dont la peau est hriiiie, les cheveux sont in-
variablement noirs el les yeux plus foncés. tJelia
classe de personnes est appelée la variété mélnnique.
Celle ciniformité de couleur dans les différentes par-
ties éla l bien connue des ancijus, qui l'observaient
exaeiemeiu dans leifs descripiiuus des persunues.
Ainsi Ausone, dans son idylle sur Dissula, qui ap-
parieiiaii à la iiremlcre classe, dit eu parlant d'elle :
Germ;ma nianeret
lit faciès, ocubis caerula, tlava coniis;
el dans uii auire passage II lui doime le teint cor-
respoiid.iiit :
Puniqeas cnnfunile rosas, et lilia misce,
Qui(|iie eril ex illis color aeris, ipse sit orls (a).
Horace décrit de inéuie un jeune homme de la se-
conde variété :
Et Lycum nigris ocuHs, nigroque
Criiie deewru|n {b).
D'après ces remarques, vous comprendrez facile-
menl que dans les deux races nègre et mongole, chez
lesquelles la peau est foncée , les cheveux doivent
être noirs et les yeux foncés. La chevelure aussi,
outre sa couleur, a un caractère particulier dans
chaque race : dans la race blanche elle est flexible,
flouante, modérément épaisse el douce au loucher;
chez le nègre elle est très-épaisse, forte, courte et
crépue ; chez le Mongol elle est raide, drniie et
rare. Dans chacniie de ces races il s'élève acciden-
tellemeiil une variéié qui doit être mentionnée et
qui parait tenir, au moins dans l'espéec limnaine,
à un état morbide. Je veux parler des Albinos, ou
des personnes chez lesquelles la peau e-l d'une
blancbenr élilouissanie , les cheveux irès lins et
presque sans couleur, el les yeux nniges. Les yeux
ont aussi une extrême seusibilité, el ne leiivenl
suppnrier que très-peu de lumière, ce qui a fiit
suppi>ser au vulgaire que les Albinos vtutnl dans
les ténèbres; leur sauté et leur iniellii;riiee suit
aussi trés-faibles en général. On en troine dans t ms
les p;iys. Dans un village peu éloigne de cette ville
(«) f di;((. vil, 9, el Fragm. aniiex.
[b) uJ. lib. I, Ï7.
st
RAC
RAC
5Î
(de Rome) il y a une lamilie irès-respectable dont
plusieurs enfanis app;\rticniieiU à celle classe. Ab-
dollutiphe, niéileciii aralie plein de siig.icilé, parle
d'un Alliiiins qu'il a vri chez les Copies cumiiie d'iine
Ciiriosiié naturelle (a). M. Ilrawrurd jeile du discré-
dit sipf la dpscri[iliiiii que Simueral avail liiie des
Pnpi'Us de la Nouvelle-Guinée, parce qu'il avait dil
que leurs clicvenx sonl d'un unir brilhml on d'un
roiiç;e ardent (6) ; ceiiendaiii Sonnerai p.iraii avoir
eu en vue quelques Allilnos, demi les chevonv,
parmi les nègres, prennent une couleur rnngeàtre.
Même en Afriii'ie, parmi les raies les plus fniicées,
celte variété est loin d'éiie rare, et Cornie naliirel-
lemenl un contraste lieaiciiup plus fra|)paui par sa
Idaucheur de neige avec le mur d'ébène de ses voi-
sins (cl.
Je passe par-dessus plusieurs autres marques dis-
tinciives de ces races humaine-, pirce qu'elles sont
moins imporiaules : lelles sont la direclion des
dents, la siature ei la (orme du corps. Je vais main-
tenant tracer les liinlies fiéngrapliiques de chaque
grande lamilie.
La caucasienne comprend toutes les nations de
l'Europe ( excepté les Lapims, les Fiidandais et les
Hongrois); les babilanls de l'Asie occideiiiale, en v
comprenant l'Arabie, la l'erse, et en reuionianl
aussi liaut que l'Oliy, la mer Caspienne et le Gange ;
enliu, les peuples du nord de l'Afrique.
La race nègre comprend uuil le reste des habi-
tants de celle partie du niunilu que je viens de nom-
mer.
La race mongole embrasse toutes les nations de
l'Asie min comprises dans les variétés cauiasieniie
ou malaise, ainsi qne les tribus européennes ex-
clues de la première, elles Lsquiuiaux de l'Amé-
rique sepienirionale.
La race malaise comprend les naturels de la pé-
ninsule (le MiiLaci, de l'Australie et de la Polynésie,
désignés en éilmugraphie par le nom de Irilius des
Papous.
Liilin, la famille américaine renferme tous les
aborigènes du nouveau monde, excepté les Esqui-
luanx.
il. Les différentes espèces de race humaine peuvent-
elles descendre dune seule? Voici, dil Mgr VViseman, le
grand problème à rés.mdre : Comment les variétés
que nous venons de décrire onl-elles surgi dans l'es-
pèce huiu;iine? tsi-ce par un cbangemeiit soudain qui
a modilié quelque p(ulion d'un,^ grande famille, de
manière à en former une autre? ou bien devons-
noub supposer nue dégradation graduelle, comme
disent les naturalistes, de^>rad;iliùn eu vertu de la-
quelle quelques nations ou familles ont passé gra-
duellemeut, p.r des nuances successives, d'un ex-
trême à 1 autre ? Lt dans l'un et l'autre cas, quelle
doit étie la souche originaire? Il laul avouer que
l'étal pré-ent de la scien.e ne nous autorise pas à
décidei eupresséiuenlen laveur de l'une ou de l'antre
liypolhé>e, m a en «lise uier les dernières conséquen-
ces. Mais indépendamment di; cela , nous en savcuis
as.-ez pour ne pouvoir plus donier laisounablement
de la en mue origine de toutes les races.
En ellel, après avoir promené nos regards sur
tou. ce i|iii a lié fait p.ir celte science encore dans
reufance, nous pouvons dire, je crois, que les points
suivants, qui embiasseul tous les éléineuts du pro-
blème , ont é é résolus d'une maméie saiislaisauie.
l'iomiéreiiient , il peut s'élever dans une race des
(a) Parmi les merveilles de la nature de ce temps on
don eonquer un euf.nn iio avec une dieelure blaiicbe ùui
lo'ii il^ ressend)lera .'elle des viei lard.s, approchali plmôî
dHa couleur rouge. A». Mirahil.MgypU. Uxon., 1800, p.
{b) un sui)., p. 27.
sifi \^'', "'"î '',!;*"'t"iV'' détaillée d'un nègre blanc du
AuïsL, 178y" ''^0"''''''P'""' <<« '« «ignue, par M. P. D. P.
variéiés accidentelles ou sporndiques, comme on dit.
tendant h y produire les caractères d'une autre race;
secondement, ces variétés peuvent se perpétuer;
iroisiènieinenl, li; climai, la nourriture, la civilisa-
lion, etc. , peuvent i:itlner puissanmient sur la pro-
duction de semblables variétés, ou du moins les
rendre lixes, caractéristiques et perpéinelles. Je dis
que ces iioints , s'ils sonl prouvés, embrassent tous
les éléments du problème , qui est celui-ci : Des va -
nélés lelles que nous eu voyons maintenant dins la
race humaine peuvent-elles è're sorties d'une sou-
che unique ? Lu effet, si nous déinoniroiis ces trois
points nous renverserons la base sur laquelle s'ap-
puient les adversaires de la révéfilion pour nier l'u-
nité d'origine qu'elle enseigne. Ri d'ailleurs , tout
vrai philosophe préférera , si elle est iuatt niuable ,
1 hypothèse la plus simple à la plus complexe. Ko
iraiiaut ces dilVérents points, il sera presque impos-
sible de les tenir cnmpléiemeot isolés , surtout les
deux premiers; mais il n'y aura, j'espère, aucun in-
convénient à les réunir ensemble.
Avanl d'.iborder direciemeul celle recherche,
disons que les écrivains qui ont traité de celle
scieme, ont en général préparé le terrain , en exa-
niiiiaol les lois iiue la nature a suivies dans les rangs
inférieurs de la création. Pour coinmencer , p.ir
exemple , par les plantes , toutes les observations
nous couduisenl de plus en plus à cette ooMclusion :
que chaque espèce prend son origine de quelque
centre commun, dmi elle a éié giadiielleuieul pro-
pagée. Les oi)servalions faites par lluiuboldt et Bori-
plJiid dans rAniérique méridionale, par Pursh aux
LlalsUnis , et par lirowii à la Muuvelle-Hollande ,
ont fourni à Ile Candolle de^ matériaux sullisams
pour tenier avec succès une .lislribulion géogra-
phique des plantes , en inoniraut le ceulre d'où
chacune est probablement paaie. Il a énuméré nue
vingiaiiie de iirovinces botaui(|ues , comme il dil,
habitées par des pjan:es indigènes ou aborigènes 11'
n'est donc pas éionnanl que, quand l'Améiique a éié
découverte, on n'y ait pas trouvé une seule planie
comme dans l'ancien monde , exeepié celles dont
les semences avaient pu êlre transportées à travers
les eaux de l'Océan. Aux Kials-Unis, sur 2,891 es-
pèces de piaules, 385 seulement se relionvenl dans
le nord de l'Europe, et sur .i.lOO espèces décou-
veriesala Nouvelle-Hollande, 1(JG seulemeul sont
comiiiiines à nos (outrées; et de celles-ci, plusieurs
ont été plantées par bs cidons (a). Ceci fuit voir
d'un coup (l'œil combien la nature leu;l à la simplicité
et à l'uniié dans l'origine des ( hoses; tandis que les
variétés qui surgissent dans le inonde végétal ,
sous l'influence des circonsLsmces extérieures , dé-
inontreni l'existence d'une influence modinante
dont l'action est continuelle. Mais l'analogie enlre
les animaux et l'homme est plus étroite et plus ap-
plicable. L'orgaoisaiion physique de ces deux clas-
ses d'éires animés est tellement semblable les
lois par lesquelles leurs individus et leurs races .se
conservent sont tellement idenli(|Ues, leurs sujétions
aux mlliiem es morbides, à I action des causes natu-
relles, et, sous les dilTérenis noms de domeaicité et
de civilisation, à l'influence des combinaisons ar-
liluielles, soni tellement analogues, que nous avons
presque le droit de conclure des modilications ac-
tuelles de l'une , aux modiûcations possibles de
l'autre.
Or il est certain , il est évidenl que les animaux
reconnus pour être d'une seule espèce se divisent
dans des circonstance- parliculièies i.ii variétés aussi
disliMcies (|ue celles de I', spèce humaine, lar exem-
ple, (piant a la forme du ciâne. ceux du matin et de
(n) Voir l'excellent cli.apjtre de lyell sur ce sujet, vol.
11, I . 1.0, et l'ri. hard, \ol. |, e. 2, secl. 2 , p. 2.-). l'oùr les
poiiUs de res.eniblauce dans l'organisation des plantes et
des ammaux , voir l.i dissertatiou de f.aïuper sur ce sujet .
Oi alto de Analoyiu mier ammalia et Uirpes. Gotting 176i
ii
flAC
l:i levrelle ilalic.niie ilifTcri-nt hoaiicrtiip plus entre
eii\ que ceux de l'I.iirupécii et du nègre : et ceiien-
danl toiil critéiiiiiii de res|ié((; devra <(>iiipreiidie les
deux extrêmes entre lesipifls une cliaine de i;raila-
lioiis iiileniiédiaires peul être clairement étililie Le
crâne du siiiRlier , selon l'observation de Klninen-
Icii II, ne dillére pas moins de celui du cochon do-
iiiestii|ne, son descenilaul indniiilalile, (pie ceux
de deux races linniaiiifs ne diffèrent l'nu de l'au-
tre (a). Dans cliaciue espèce d'aniiiiaiix doiiieslii|ues,
on trouvera des variétés aussi Irappantes.
Les clian^enieiits dans la couleur et ilaiis la forme
des pi ils ne sont ni iiiuins onlmalrcs ni moins le-
inanpialdes. Selon ISeï kuian, dans la Guinée , toutes
les vidailles et tous les chiens sont aussi nnirs que
les habiiaiHs (b). Le bœuf de la campagne de Koine
est invariablement gris, tandis que dans quelques
autres parties de l'Italie, il est };énéraleiiieiit roux : les
cochons et les in-utnns sont pre que ions noirs ici,
tanilis qu'eu Angleterre le blanc est leur couleur
prédoininuiie. En Cor.-e, les chevaux, les chiens el
les autres animaux deviennent agrealilcmeul taclie-
ié:.; el le chien de irait , comme on l'a|i()elle , ap-
partient à ce pays. l'Iusieurs écrivains ont alinbué
à certaines rivières la propriéié de iloiiner une cou-
leor au bétail qui vil sur leurs bords. Ainsi Vitruve
observe que les rivières de Uéoiie el le Xaiulie, près
de Troie, donnaient une couleur jaune aux trou-
peaux, d'oj le Xanilie a pris son iinin (c). .M. Sie-
warl Uoss , dans ses Lettres sur le nord de l'Ilutie,
du que l'on attribue encore aii|(iuid'hni au l'o une
seniblahle proprieié (d). Ll plusii-uis de vmis se
rappelleront probablement ici les blancs troupeaux
du beau Cluumnus décrits par le poeie :
Hinc allii, Clltiiiiuie, i;reges, et ni»xinia laurus
Victiina, sxpe luu peilusi nuuinie sacru
Koiiiaiiua aii teuipli deum diixere tiiuiiiphos (c)
La forme du poil subit des ihaiigements analo-
gues. Touies les lenlalives pour obleiiir de la laiue
dans les Indes otcideiilale ont crlinué, je crois,
pirce que les troupeaux que l'un y iraiispnrle per-
dent eiilièrcinent leur laine et se couvrent de
poils (/ ). Il en arrive de ii.èine dans d'aiiiies cli-
nial> cuauds. En Guinée les iiiguious , dit bmilli ,
ont si peu de resseniblunee avec eeux d'Europe, qu'un
étrar.yer , à nwins i.e la entendre bêler, pourrait à
peine dire a quelle espèce ils iippartieniienl ; car ils
sont couverts setileiiicnt d'un poil brun-clair nu noir
comme des cliiens. Aussi un écrivain d'iinaginalioa
observaiiil que, là te nionite semble renversé, car les
moutons oui du poil el les liommes ont de lu lame (y).
lin semblable phenoiiiéne a lieu autour d'.vngoia,
où presque tous les aunnaux, moutons, chèvres, la-
(n) Op. cit. p. 80.
(b) yo:iuqe w uiid (rom Bornéo, Lmidon , 1718, p. U.
(c) Swu eniin Beolia' fhimnii Ccpluisus et Mêlas, Leuca-
Hl'it' EnUiiis, iiotœ Xantnus. eii- l'umpecurasuis U'inpo-
tilius uiiiii piiraiilar ad (Onieplionem poilus, per id leinius
adhjwuui LU ipiu.idie poiuin, ex euque . quidneis suit idbn,
prue-ennl (Uns loeis Uucophwii, alm putta, nliis eoruiiiio
coiiire. l(jUiir ijUdUKiiii in irojauis ptoxunc jlunien arinentu
ni/ 1, et pecora leucopluva nuscuiiiur ; n/tv id ftumen Hien-
ses Xantltwn appe.lucsse (liciiiUui . .•iiclutea. I. viii.c. 111,
p. Ui-i, edit. De Laci âuisl., I(ii9. Aux iiutes sur ce pas-
iajje i-!>i aioutée eu coulniuaiiuii l'auionléde Pline, Tliéu-
plnasle, Slrabou i-l aulnes; cpieiiiues-uucs sout évidnii-
II. eut lies laOïes. Arisioie, ue llistona animal. ,1. m, Uonne
la iiéine eifimoloijie de la rivi re .^uiitlie.
(d) Lellresduinrd de l'Ilulie.Luud., ISl'J, vol. \, p. iô.
Lilee ues inUigèues est que « u iii-seulement les liélea ilu
p^iys SDUl b aiichfS (ou pour iiailei- plus e^acteniL-ui, cou-
lejT de Cl- me), ni.us que uiemc I. s bieul's éiraugers ré-
vèlent la Hièiiie livrée eu buvant les eaux du l'o. »
{e) Virgil. Giurgiques, il, 116.
(/') l'rieUani, ib! p. iio.
(g) Smith. New votjaye lo Guinea. Loiid , 174.'}, p. 147
Neiv yenerat coilectim of voi/anes and travels vol 11
Loud., 17iû, p.7n. ' '
RAC g;
pins el chais sont coiiverls d'un Ion? pcil soyeux
fort célèbre dans les nianulacluies de l'Onenl. D'au-
tres animaux sont sujeis à ces cbaiigemenis, car l'é-
vèque lléher nous apprend que les cliitiis et les che-
vaux conduits de l'Inde dans les maniaques, sont
bientôt couverts de laine comme ta cliéure à duvet de
cliàle de ces climats {a}.
Si nous examinons la forme générale et la slruc-
Inie des animaux, nous verrons ces deux choses sn-
jelies aux plus grandes variations. Aucun animal ne
iiioiitre cela plus <:laireiiieiil que le bœuf, parce (pie
sur aucun autre l'an et la domesticité n'ont été es-
sayes eii laiil de lieux divers, yiiel coiiirasl': n'y a-
l II pas enire cet animal lourd, massif, à loUi^ues
cornes, qui traverse les rues de Kome, el ce bœuf à
peine tète et aux membres agiles que les fermiers
anglais prisent si fort! Selon bosnian, < les chiens
européens dégénèrent à la Ciiie-d'Or en peu de
temps d'une manière étrange ; leurs oreilles devien-
nent longues et droites eonime celles du reiiarj,
vers la couleur duquel ils inclinent pareillement; eu
sorte qu'en trois ou ipiatre ans, ils devieiinenl liés-
laids, et au bout daulant de générations, leur
aboiement se ebange en une sorte de hurleme.ii on
de glapissenieiit. » Uarbol du de même ipie i les
chie.is du pays sont Irès-laids el ressemblent beau-
coup à nos renards. Ils ont les oieil es b.nguei ei
droites, la queue longue, gièle el poniue par le boul,
sans aucun poil ; leur peau est seulement nue el
lisse, taeiieiée ou unie; iU n'aboient jamais, seiile-
inenl ils hurlent. Les noirs les appellenl cabre ile
matlo, ce qni en portugais signide une chêne sau-
vage, el cela parce qu'ils les inangeiil el esliinenl
plus leur chair que celle du iiioulon (ft). i Ainsi il
parait que le climat ou d'autres etrconsiaiices loea-
ies ont, dans ce ca>, le pouvoir de lediiire en peu de
géneiaiioiis une espèce d'animaux amenée d'un aulre
p.ys, à la niêine c >iidilion que la race native; au
point qu'on pourrait a peine reconiiaiirc leur souche
piiniitive, dont ils oui pre-qiie perdu les ciracicies.
Le chameau pré-enie également un exe ii|ile de inu-
dilicaiioiis exlraordtiiaires. « Oaiis i|ueli|ues cara-
vanes que nous avon^ re.icoiitrées, dit un vovagenr
niodeiiie, il y avait des chameaux d'une espèce
beaucoup plus grande que tous ceux que j'.ivais vos
aupaiavaoi; ils ddléraienl aiitaiu du ehaoïeau d'A-
rabie dans leurs formes et leurs proportions qu'un
matin dillere u'uiie levreiie. Ces eliameaux avaient
la leie grosse; de leurs cous épai^ pendait nu poil
brun-fonee, long el rude ; leurs jambes étaient cour-
tes et les joiniures épdsses, le corps el les banclies
él lient al lonuis et charnus; iieannioiiis ils élaieut
d'un pied plus hauts que les chameaux ordinaires
des déserts d'Arabie (c). > Lt m parlant de let ani-
mal, je ferai observer que son caracleie le plus «ail-
lant, la bosse de son dos, qui est double dans la va-
riété bacinenne, est considéré par i|uelques naiura-
listcs eoinine une déviaiiitn accidentelle du lype ori
giiial, provenant u'une inalièie sébacée on grasse,
déposée dans le lissu cellulaiie du dos, par l'aeiion
continue de la chaleur, exaclement comme la bosse
du ^eliu nu bœuf indien ; ou la ijueue des inoutuns
de Ikirbarie et de Syrie; on la lormalion analogue
observée sur les reins des llotientols Bosjn.aiis (d).
Ln vous citant ces exemples, j'ai moins clierthe a
repioduire les laas leciieillis par les autres qu'à ajou-
ter a leurs lecherclies quelques nouvelles preuves.
Mais cela suflit pour déiiiniitrei que des variéies spu-
radiques ou accidrniclles peuvent non-seulemenl se
re|iruduirc, mais, ce qui va mieux à autre sujet, peu-
la) Narrative of a Jouriiey titrouqh itu Upper province»
oflndia,!' êdil. Loud , 1>2S, vol. 11, p ily.
(ft) NeiL' collection al uuijayis, eic, p 71-2.
(e) Veqiiqes en A^^sqriel .ûéaie et Pcrje, par J.S. Buc-
kiii^liain, i« écJil. Loii.l., l«âU, vol. 1, p. 211.
{d) Levaillaiit, Deuxième wijaqe, loui. il, p. 307. Virev,
loin. I, p. ^18.
5c RAC
veut même se propager parmi ^es animaux. 11 ne
seiaii pa- dillicile d<- niiiliiiiller les exemples de ce
ileruier fait; car la grande disséniinalion des aiiimaiix
all)ifios, comme les lapins blancs, ou les chevaux
ronleur de ciême, qui proliablèniem sont venus d'a-
linrd de niahidie, prouve avec quelles laciliié ces va-
riétés actideniellrs peuveni se reproduire. M.ais le
docteur Pnrliaril donne un autre exemple tout à fait
rctiianiuable; c'est celui d'une race de moutons
élevée depuis peu d'années en Angleterre', et conjiue
sons le nom de Ancan, oii race de louue. Elle naquit
d'iinè variélé accidentelle ou, pour mieux dire,
il'uue ditfiirmiié dans un animal qui communiqua
si complètement ses singidariiés à sa progéniluii',
que la race est complètement éiablie e! promet d'être
nerpéuielle; on Teslime beaucoup à cause du peu de
Idiiunt'ur de *es jambes, qui ne lui permet p;is de
lifiiicliiraisénienl les barrières des cliamps (a). Il est
bien reconnu au^si que la race ipii a fourni l'énorme
bœuf de Durham a été produite arliliciellemenl en
cniisani les individus qui semblaient réunir le plus
di' pniiils de perfe( tion de tonle es èce; la base élail
le Kiliië on pente race liçs llighlands, et lout le bé-
(:iil <iui arrive à des dimensions exir:iordinaires est
allié à celle race. Les raisftnnements sanctioimés par
ci'S laits ont une large hase d'analogie applicable à
l'espèce humaine, et il n'est pas aisé de voir pour-
quoi des variétés aussi grandes n'auraient pas pu se
produire et se iransniellie par descendance parmi
les hommes comme parmi les animaux inférieurs. Il
parait cerlaiil, eu effet, que des diversités affectanl
égaleinéntla forme du crâne, la conlenr cl la texture
(les puils, et la forme géncrab', du corps proviennent
parmi les animaux d'une souche unique ; de pins, il
semble démoniré que des différences de retie n.iiure
peuveni originairement surgir de (pielque variété
aitidéntelle qui, sous des circonstances particulières,
devient fixe, caractéristique et tiansmissthle par diS;
ccndaiite. Ne pouvons-nous pas alors considérer
cunnie très-probable, qu 'idans l'espère humaine, les
mêmes ca\ises peuvent opérer d'une manière analo};ne
et produire des effets non moins durables? Et les va-
riations de ce genre qui palais^ent dans notre esj;ècc
n'élaiit pas plus éloignées l'une de l'aulie que celles
qui uni été remarquées parmi les baltes, il n'est pas
l)e^(lin pour les expliquer de recourir à une cause
plus vioienle et iilus exlraordinaire. Mais aboidons
de plus près la difficulté, et serrons-la plus étroi-
leiiiënt.
Il liii; parait clair que, dans chaque famille ou race
de rcs(iêi e hiimane, ds'esi produit atcideiilellcmeiil
des variéii-s icnilant à y établir les cariicléres d'une
antre racé, l'ar exemple, les cheveux ronges paraissent
apparifiiir prescpie ex< Insivement à ia famille can-
casieniie ; ecpendiinl il existé dans presque toutes les
yarielés connues des individus avec cette particula-
rité, (^hailevoix ï'a obsei'vée parmi les Esquimaux,
Snnneial parmi les Papous, Wallis parmi les iahi-
lii'n^, et Lopés parmi les nègres (b). (>ela n'est pas
Jiliis siirprenint que de trouver parmi nous des iiidi-
viilns avec lés cheveux Irisés, et je crois que ceux
<|iii y linl tà\l adeiitioii auront souvent nbseivé lians
ces pi:is(iiinés une lend.incé vers (juel(ine autre Irait
ciiaitéiisiiq le dé la lamillc éiliiopieniie, coinme un
liiiit bincé el des lèvres Cjiaisse-. Dans les spécimens
(!i- ciàne publiés par lilumridiach et provenanl de
s 'Il nin^éiini, il y a celui d'un Lithuanien (|ui, vu de
prcdîl, |ninirail être pi is' pour un ciàiie de nègre; (c).
Mais i'exeinjile le plus curieux que j'aie rencontré de
(Ctte tcniiaiiie s|ior.idii|ue à piojuiie dans une r.iie
bnuraine les cuiaclèns d'une auii^' lace, se l;<)ive
d.iiiS un voyagi'nr récent, (jui, a pres(|iii; le premier
explt/i-é lé }{aUr:ti'i, ou (fièilîct aii delà du Jourdain.
(«) Toi. H, p. SStf.
(6) Bluuienbaclr, p. 169'.
[e) Bedâdis crmiorum, p âfccn. xxii, p. 6.
RAC
58
« La famii.e qui réside ici (à Abu-el-Beady\ dit-il,
ayant charge du sanctuaire, esl remarq.iabli! en ceci :
à l'exception du père, tous ont les tr.nls nègres, inir-
couleur noir-foncé ei des cheveux crépus. J'ai pensé
que cela résultait sans donie de ce que leur inère
était négresse, car on inmve quelquelois (larrni les
Arabes des femmes de cette couleur, soit c<nnn'.e
épouses légilimes, soit comme concnhines; mais en
jnéme temps je ne pouvais douer, d'après mon oli-
servalion personnelle, que le chef actuel de la la-
hiiU" ne ftU un Ar.ibe de pure race, de sang non mé-
langé. On m'assura aussi que les hommes et les
femmes de la génération présenle el des géiieralii>ns
antérieures élaient loiis Ardies purs, par nianagc 1 1
par desceiidauce, et que dans l'histoire de la lamilli-,
on n'avait jiiiiais connu de négresse, ni connue
épouse, ni comme esclave. C'esi une parlicnla! i..é
irès-prononcée des Arabes qui habitent la val'èe du
Jourdain, d'avoir les irails plus apl.itis, la peau ilus
iioire el les cheVeux plus rudes qu'aucune auire
tribu; parliculaiiié qu'il faut, je pense, allribiier à
là chaleur coniinuelle el intense de celle région,
pinlot qu'à aucune autre cause (a), i Si tmis ces lails
el toutes ces lirconslahces sont regardes comme siif-
tisammenl établis, nous avons certainement iti un
exemple bien frappant d'individus d'une famille qui
approche des caraitéres distiiiclifs d'une autre la-
mille, et de la liansmission de ces c.iraclères par
di^scendance.
Il y a même des exemples de variétés beaucoup
plus traiichees il beauccuip plus étranges rpic celles
qui consliluenl les caraclèies spéciliques d'aii. une
race, et, qui plus est, ces variétés oui passé du père
au fils; assuiëmeiit elles aiiraieiil rendu noue pro-
blème beaucoup plus difficile à restnidre ipi'il n'est
à présent, si eibs avaient surgi dans quelque paitie
éloignée du slobe el s'étaient étenilues sur une popu-
lation considérable. La plus remarquable e<it s;ins
doule celle dont on a suivi la irace pendani trms gé-
néi allons, dans la famille de Lambert, connue généra-
Feiiient sous le nom de Cliomme purc-épic. L'auteur
de celle r.ice exlraordinaire lut d'abord, étant jeune
i;aiçiin, montré par son père en I7âi, et venait du
voisinage u'ùnstmi-llall rlans le buiîolk, M. Ma; liiii,
celle même a;inée, le décrivit dans les Truiisactioiis
pliilosopUiques, comme ayant le corps ( ouvert de
verrues de la grosseur d'une ficelle el d'un demi-
ponce de long ; luiilelois il ne le niiiume pas {b). Kn
1755, on le lii voir de nouve.iu sous le même nom, el
il lut décrit p;ir M. tiak.r, dans une notice présentée
Ciunme supplcment de li( preiniéie : mais ce qui est
plus important, c'est qu'ayant alois quarante ans, il
aVail eu six enfants qui ions, à la même époque, neuf
Semaines api es la nai sauce, avaient présenle la
même singularité; et le seul qui sinvécul, garç ui de
h;nt ans, se laisait voir avec s(m père. M. baker
donne une planelie représentant la m.iiu du fils,
C(mime M. M chin av^iii lait pour celle du père (cj.
En 18li-i, les enlanls de ce garçon élauni montrés en
Allemagne par un M. Jnan..y. le.juel préleiidait
qu'ils appartenaient à une r.ice iruiivée uans la Nou-
velle-Hollande ou dans quelque autre pays très-
éloign'é. Le docteur Tilésuis, cependant, b^s examina
irès-scrupulcusemeni, et publia la di:scriplion la plus
exacle que nous ayons de celle singulière lami.le,
avec les figures en pied des deux Iréres, Jnhn, qui
avait "21 ans, et Hi. hard qui en avaii iô (Uj Leur
père, jeune garç:Mi de la notice de M. Uaker, vivait
encore et étaii garde-cbassé de lorJ llunimgfiehl, à
(«y iîucki'ngham, Travels among llte Aiab. Tribes. Lon-
duii, ISib', (1. 14.
(6) John Machin , FliHoiophical Trans. vol. XXXVir,
[1. -iv)i).
((•) IbiU., vol. NLix, p. 21.
{d) Aitifithi tuli, Besclireibiiiifi imd AbbildWig dcr ueiden
w (icnaimlen ^lacluUiiivem-Menschen ans der behamiten
einiUiclien Faut lie. Lambert. Allenburif. I80i, fol.
37
RAU
HAC
S8
JIos .'ninsham-Ilall dans le Siiffolk. Qtiaïul on leur
fit V ir le (Irssiii (iiii représi'iilaU sa iriiiin, dans Us
Tra- sttclions philosophiques, ils la rpcoiiiiurciil ii
l'inslanl tuns Ic'S deux, à cause (l'un hoiil.in d'une
forint! particulière i|iii fermait le pmgnel de la clie-
misi; (u). i.a descripi'Oii de Tilé^iiis, de la page 30
jnsr.ii'à la lin de ce livre, est Irè^-délnillé.; cl corres-
p(niil exacienienl avec celle qn'on avait donnée de
leurs pèies. ti'nt le corps, excepte la patiine deS
ma IIS la planti' des pieds et le visage, était couvert
il'niic ((iiantité d'i'-ÀcrdissaiicfS cornées d'un rouge
linin dures. élasti(pies, d'einiron ml deini-ponee de
ions •"' lirnissant l'un contre l'autre (jiiand on les
frinssait avec la main. Jc^ th- sais à ipioi je pourrais
mieux cniiiparer l'appaience de ce bizarre tégiinienl,
Ici que nous le voyous dans les planches de 'filcsius,
(|u'à une multitude de prismes ha^alliijues, les nus
plus louiîS, les autres plus ciuris, comine ils soiit géiié-
raleuieni groupé-, dans la nature. Tous les aiis, ces ex-
croissances ciirné-sloinhident, et leur chute était tou-
jours ;iccompagnée d'un certain malaise; elles cédaient
auSïi à l'action (|u mercure qui fut essayé dans ce
but; liiais dans l'un et l'autre cas, tout levenait gra-
dut'lleuienl en tiès-peu de temps (h). Les couséi|uen-
ces que M Baker lire de ce pliénouiéne exiraordinairé
sont Iles-justes et ont encore un plus grand poids
niainu'iiaiil <iu"il s'est reiirodtiit dans une autre géné-
ration et dans deux cas di-lincts. i II iiarail donc iii-
diibitiible, dit-il, que cet liomuie punirait propager
une race particulière, ayant la peau hérissée u'iiii
tégument semblable. Si cela arrivait, et qu'on oubliât
l'origine ai cidentelle de celte variél ', on pourrait
fuit bien la prendre pour nue espèce dilîéreiitc de la
noiie. Celte eonsidératinn nous conduirait presque à
imaginer que si l'iiuuiaiiité est suriiu d'une seule et
uièiue souche, la peau noire des nègres et plll^lours
antres différences de mê .e nature, peuvent bien être
dues oiigiii;iiremenl à i|iiel'iue cause accideiilelle (cj.i
Une autre varréle pbis commune c:t qui pievaul
dans des familles entières, consiste en doigts surnu-
méraires. Dans l'ancienne Rome, elle fut désignée par
un nom particulier, et les ieUigiii sont mentinniiés
par l'Iiiie et d'autres auteurs graves. Sir A. Carlisle
a tracé avec soin l'Iiistoiie d'une semblable laimllc
pendaiil quatre générations. Son iioiii etaii Lo biirn,
et cette singularité lut introduite dans la fainille par
la bisaï''iile du plus jeune enfant i|ue l'on examina :
cela n'était pas régujir et se remarquait seiileiiK-nt
chez quelques enla .ts dans cliaque ^énéiaiion. Mau-^
perinis eu a cité d'uitres exemples en Allemagne ; et
un célèbre chirurgien à lierltu, Jacob Knbe, appar-
tenait a nue faniilb- qui avait ci lie pai ticularite par
le coté maternel (d). iNuus avons d(Mie prouvé déjàj
tant par l'analogie que par des exemples divers :
1° qu'il y a une tendance i erpéluelle, je pourrais
dire nu effort dans la nature, pour produire dans
notre és|ièce des variété^ Souvent d'un caractère tiés-
extraoîdinaire, quebpiefois approchant d'une manière
prrinoiicée des caraeières S| éciliques d'une race dif-
li'ieute de celle ilans la.|Uelle naissent ces variétés;
2* que ces particularités peuvent se communiquer du
père au lils dans des généra loiis successives. Nous
avmis donc obtenu ainsi nu puissant motif de présu-
mer que b-s diiïéreuies Ijinilles ou races humaines
peuvent devoir leur origine à (|uelque occurrence
semblable h l'apparition accidentelle d'une variété
(pli, soùs rinnui'iice de circonstances favoiables, par
exemple, l'isolement de l.i ramille d.ms laquelle elb- a
comii-eiicé. et les inti-Tmanaijes qui oui été la consé-
(puiice de cet isniement, est oevenue lixe et indélé-
bile dans les génér.itioas suivantes.
(a) Pa?. t.
(6) Philos. Tramact., vol. XLIX. p. 22.
(c) /M.
(â) l'hilosophical Transactions, vol. lîV, 1814, part i
p. a4. Frichard, vol. 11, p. 357.
Mais vous nie demanderez si nous avons qiicli|'je
exemple de iialions entièies ainsi rhangées, nu, en
d'attirés termes, si lions avons des esenipies que ces
pliciioinciiés se développent sur une Kraiide échelle î
Uépondre îi celle qiiestiuii se>aii, vous ravimerez,
cii Unir d'un Seul c lUp avi-c tomes les difiicuJi s ilti
sujet, et je ne saiiî nfl je pourrai. inleu<( mt- irom-
pre nos recheréhes sur cette tnatiéie iju'au poiiii où
nous sommes arrivés.
En traitant de cette science, nous soiiiities m.il-
henreusement privés de l'itSige d'uu euseinlile d'ar-
guments qui mit une grande influence sur se> i'ésiil-
tals; je veux parler de ces ressemblanc s morales
entre ks houimes de toutes les races, qui pourraient
dildeilement se rencontrer chez des rr attires d'iu'I-
giiie indépendante. J'.d entièrement omis, c'oiulrt(J
peu néciîssalres , les discussions habituelles dtes
zoo'ogistes et des physiologistes Sur ce qui est silf-^
lisaiii ou tiécessiire pour constituer bs diSiiu'ciinnS
des races ; car je pense que, laissant de côté la jJ»' iW
technique d'une pareille reclierche, cimiiiiL" Indtlffi
pour iiiitre b it, nous sdmmeà sullis imiiietit l'iliillé-i h
considérer, comme d'espèces différentes, leS aill-
maiix dans lesquels nous décmtvroiis des haltitnjfes
et des Caractère. , si je puis aiiiSi parler, d'tbie lii-
ture conuiléleinent dill'éretlte. Le loup et r.igliéati
ne sont pas mieiiv disiingués l'un île l'autre p.ir
leur enveloppe extérieure et par leur pliysionomia
différente, que par le contraste entre leurs disposi-
tions. Et si cela vous paraissait une (otnpiraison
d'extrê.ues opposés, je dir.iis i|Ue la sauvage léroi lié
du lou|., et les rue» et les stratagèmes du renard,
l'agression par bandes luiuuliueiises de l'un, et les
lar. ins solitaires de l'atltre, servent plus clairement
à les classer dans notre espiit que la iliffereiiee de
leurs formes. Jlaiiilenaut , si tiiuis considérons
rhonniie dans les états les plus disseinblab es de la
vie S'icule, ijin-l pie abruti ou qiiebpje cultivé qu'il
soit, nous liouveioiis c:erlaiufm(':ii des rapports de
seiiiiiiieiits, une similitude d'affections et une faci-
lité de rappidciienieul et d'union, qui déiuoinr ut
clairement que la ficulté correspondante à l'instinct
des animaux, est ideniiqiie dans la race eiiiéie. Les
Moli.iWks et les Osages, leS liabiiants des îles Saiid-
wieli ou des îles IMIew, par nu coiiimeice liès-
courl avec le- Européens, ont ajqiris, surtout ipiaiid
ils soi'il venus dans iios cou rées, à se confirmer à
tous les usage, de la Vie, comme nous les euie.idoos,
et ont formé des iinious, cou raclé de. aminés inti-
mes et pridoiules ave.; lé. hommes d'une autre race.
La dillérence d'organisatinu dins les animaux est
toujours liée avec une driîérence de caractère ; le
sillon (|u'uu inuscle qnelconqut; impiiiiie sur les os
du lion, lévéle ses liabiiuues el sa iialure ; le plus
pi'til os de l'aniilope montre des lapp iris avec la
disposition timide de cet aniiiiil et sa prom,.litiiile
à fuir. Mais dans riioinme, Soii qu'il :iit pendanl
plusieurs génér.uimis coulé se. jouis à moitié en-
dormi sur nu divan comiiii; l'induleut Asiali |ne , rm
qu'il ait, connue le chasseur ainénciio, d.m. ses
courses infatigables, poursuivi sans lelaclie le dai u
sauvage dans ses forêts vierges, il n'y a rien dans
son organisatiun qui luo itie (ue par l'b.ibilude ou
rédiicatioii il n'ait pas pu échanger une oci u,ialioii
contre l'autre; rien ne prouve ipie la iiaïuie l'.ul
destiné à l'un ou à l'autre de ces élats.
Au contraire, la similitude des ailribiits moraux,
la laculié permanente des atL-ctions (loiuesliques, la
dispositi.iii a fonder et à m.iinienir des intérêt, iiiii-
tiiels, le sentiment générjl sur ce qui toiiclie à la
propriété et sur les inanières de la proléger, l'ac-
cord sur les points liMidimentaut du code moral
iionobstairt les déviation, accidentelles, et, plus que
toui le reste, le don sacré de la parole qui as.ur<
la perpcioiié de tous les autres signes caractéristi-
ques de l'humanilé, pruuyeiil que les liotnuies, sut
quelque partie du globe qu'ils soient ëiablis, queiqus
50 HAC
léqrailés qu'ils puissent paraiire maintenant, ciaienl
cena:neiueiil destinés poiii- le même état, et p:ir coii-
sétiiienl ont du y èire placés originairement. Et
ci-ile considération doit assurément être d'uri urand
poids pour établir l'identité d'origine de tous les
lioninies. comme luie considération parallèle l'a fait
pour les antres animaux. Ce r.iisonnemenl se trouve
en o|)po-,iliiin avei; la théorie vulgaire de la plupart
lies pliilosoplies, savoir que la marche naturelle de
l'iiuinanité est de la barharie à la civilisulion, et
que le sauvage iloii être (ousidéré comme le lyjie
original de la naiure humaine, dont nous nous som-
mes éloignes par «les ellurls graduels. Mais mou rai-
soiinemeiil i;arde sa lorce, et, pour repuiisser l'idée
que l'étal sauvage serait antre chose (|u'iine dégra-
dation, un éhiignemeiil de la destinée orit;inaire de
i'hcmnie, une déchéance de sa position pii nllive, il
suflit de celte réflexion hien simple : (jue la uiitiire
ou plutôt son auli-ur place ses créatures dans l'a;.!
pour lequel il les a destinji-s ; qie si l'homme a été
formé avec nu corps et doué d'un esprit pour une
vie sociale et doinestique, il ne (leul pas plus avoir
éié jeté origan orement dans un désert ou dans une
forél, voue à un élal sauvage et à une ignuraiice ab-
solue , que le coquillage marin ne peut avoir il',.bord
éié piodnil sur le sinnmei des montagnes, on l'élé-
phant créé parmi les glaçons du pôle. Tel est le
point de vue a.loplé par le savant F. Schlégel, dans
un ouvrage piécieux qu'un d.; mes amis a euliii tra-
duit dans mure langue, à ma grande salisraction, et
l'cspèie qu'il recevra asseï d'enconragements pour
.-e décider à cmuiléter sa lâche en traduisant les
d'irnieis ouvrages de ce philosophe.
f Lorsque l'homme, dit-il, fut une fois déchu de
Sa venu première, il ne l'ut plus possible d'assigner
une limite à sa dégiadaiion et de délermiiier iui-
«|u'où il pourrait successivement descendre, en sap-
procliant par degrés dn niveau de la brute ; car
comme il était essentiellement lihiepar son origine,
il était capable de cliaiigemeiU et avait même dins
Ses facultés organiques une Irès-graiide llexihilité.
Nous devons adopter ce principe comme le seul lit
qui puisse nous guiiler d.ms nos recherches, à par-
tir du nègre qui, par sa force et son agilité comme
par son caractère docile et en géiiéial excellent, est
hien au-dessus îles plus bas degrés de l'échelle hn-
inaiiitaire, jusqu'au monstrueux Faiagon.an Pesh-
•werais pres(|ue imbécile et à l'horrible cannibale de
la Mouvelle/iélande, dont le porirail seul excite
riinrreur de celui qui le regarde. Ainsi, loin de cher-
cher avec Kousse.in el ses disciple-i li véritable ori-
gine de l'humanité et les vraies bases du contact so-
cial dans la condition des peuplades sauvages même
les plus avancées, nous n'y verrons au contraire
(in'un étal de dégénérescence el de dégradation (a.)»
Ceci est assurément plus consolant pour l'Iiuma-
niié ipie les théori.'S dégradantes de Virey ou de
Lainiiik, et poiirlant il s'y oiéle encore quelque lé-
gère amertume d'hiimilialiun. Car s'il élut rcvoltanl
je penser que notre belle nature n'est rien de (iliis
que le perreciioimemenl de la malice du suisse, ce
n'esi pas non plus sans quelque honte et qneliine
douleur que nous voyons celte nature, qiii-l(|ue part
«|ii;^ ce soit, tombée ei dégradée de sa beaulé origi-
nelle, et Ci'ia au point ipie des hommes aient pu sou-
tenir avec (juelqiie api>areiice celte odieuse afiiiiité.
'l'onteois ceci peut nous servir à modérer l'orgueil
que nous inspire trop souvent l.i supériorité de notre
clvili^alion. Happelons-noiis le bien, si nous el le
plus abruti des sauv;iges , nous suinmes hères et
niemhres d'une seule lamille, nous sommes comme
euz d'une humble origine; ils sont aussi bien i|iie
nous appelés à la plus sublmte destinée, et, selon les
{a) PhUusopMe de t'hisloire.
RAI
40
p^irole» du divin poète, nous soiniues tous é^jale-
lueni
'Vermi
Nati a .ormarV angelica farfalla,
Clie vola alla giusiizia sensa schermi (a).
El dans l'être compleie de l'Iiomnie, il d ut, ce sem-
ble, y avoir naturellement, nécessairement, quelque
mélange de cette sorte, quelque combinaison pareille
d'existence, pour manifesler la double alliance de
l'homme avec un ininiile supérieur el un monde in-
férieur. 11 faut mie viiriélé de condition telle qu'elle
puisse prouver l'existence de deux forces en lutte,
d'une force qui le l'ait tendre en haut par l'expansion
de ses ficnliés, et d'une autre force qui pèse sur lui
el l'attire en bas, vers les jouissances de la vie pu-
rement animale. Car ainsi, pour conclure avec les
éloi|uenles paroles d'un vrai philosophe chrétien,
€ l'homme se pose comme une individualité vi-
vante composée de matière et d'esprit, d'un être ex-
térieur et d'un être intérieur, de nécessité et de li-
berté ; pour liii-mê iie un mystère, pour le momie
des esprits un objet de protonde pensée; la preuve
la plus parfaite de la tonte-puissance, de la sagesse
et de l'amour de Dieu. Voilé de tous cotés par sa
nature lorporelle, il voil Dieu cnmme à distance, cl
est aussi certain de son existence i|ue les esprits lé-
lestes; le (ils de la Uévélalion et le héros de la foi;
faible, et cependant fort ; pauvre, et pourtant posses-
seur du plus haut ciiipiie île l'amour divin ! (h] •
RACHAT des premiers-nés. Voy. Aîné
Bachat du genre humain. V. Rédemption.
Rachat de l'autel (1) , c'est un droit que
les évêques selfuisaient payer par les moines
ou les laïques qui s'étaient emparés des dî-
mes, à lous les ciiançemenls de vicaires éta-
blis pour la desserte des églises.
Lorsque, vers le xiP siècle, on contraignit
les riîligieux de rentrer dans leurs cloîtres
el d'abandonner Us paroisses aux préires
séculiers, on disliiiguait l'église d'avec Vau-
tel. Par église , on entendait les dîmes, les
terres et les revenus ; par autel , le litre de
l'église exercé par un vicaire, ou bien le ser-
vice iiiêuie de ce vicaire.
Les évéques , ne pouvant pas s'emparer
des dîmes et autres biens, obligeaient les
moines de leur racheter Yaulel tontes les
lois qu'il l'allait nommer un nouveau titu-
laire, sous le prétexe que le droit de pour-
voir à Vaulel leur ap)iartenait : ce droit se
nommait Rachat de l'autel , Altarium re-
demptio. Celait un abus que condamna le
concile deCiermoni. Il considéra cette vente
des autels connue une simonie de la part des
évéques, et il ordonna, en conséquence, que
ceux qui jouissaient de ces autels depuis
Ircnle ans, ne pourraient plus être inquiétés
à l'avenir, et que l'évêque n'exigerait pas
d'eux le droit île rachat. Cette décision fut
confiriiiée par un décret du pape Paschal : cl,
à ce niojen, les monasières et les chapitres
entretenu plusieurs autels qui peut-élrene
leur appartcnaienl pas ; et ils ont été exempts
de payer les droits queles évéques exigeaient
après la mort des vicaires, pour accorder li
libcrlé d'en iiietlre d'autres à leurplace. (Lx-
tr.iil «lu Dictionnaire de Jurisprudence.)
l{AlLLERlE(dèrisioii). Saint Paul, £/)/(«.,
(n) Purfiat. x.
(/)) l'absi, Der Meiisch und seine Gescliiclile , Wien ,
IbSO, p. 30.
(1) Iteprodiiit d'après l'édition de Liège.
41
RA'I
RAI
42
c. V, V. 1, 1.1 défpnd anx rhrélions. « Ouel'on
iroMlcmlr parmi vous, dil-il, ni p.iroles obs-
rtiies, ni iliscouvs insi'iiscs, ni railleries (\m
no conviemieiil point, mais pluUU des dis-
cours obiigi';iiils et •jriicienx. » N'ons n'ai-
mons point voirlpsautr- s riicà nos dépens;
nous ne devons donc jeter sur personne un
ri(îi<'ule que nous n(> voulons pas souiïrir
nons-mém.'S. Siinl Anibroise inlordil celte
licence surtout aux occicsiastiiiiies , 0//j(;.,
I..I, C. 23. « (Quoique les railleries honnêies ,
ilii-il, plaisent souvent et soient agréables ,
elles sont cependant contraires aux devoirs
lies ecclésiastiques ; comnienl pouvons-nous
nous permettre ce que nous ne voyons point
dans 1 Ecriture sainte ? Celte pensée de saint
Ainbroise n'a pas trouvé R.ràce (levant le
critique de la morale des Pères; elle lui a
paru ridicule, « comme si rien n'était permis,
dit-il, que ce qui cnI formellement autorisé
p ir ri-'criture sainte, ou comme si le silence
de 1 Ecriture était équivalent à une défense
formelle. » TmiU de la Morale des Pères ,
c. XI ri, § 10 et siiiv.
Oliseï vons d'abord qu'un protestanl qui
soutient (jue l'Ecriture suinte est la seule
règl'' de croyance et de conduite, a niaii-
v.iise grâce de blâmer un passage qui sem-
ble le l'rivoriser. En second lieu, il y a du
I ilicule à prendre dans les écrits dis Pérès
tous les mots à la rigueur, comme si c'étaient
des paro'es sacrainenlelles. Saint Ambroise
prétend qu'un ecclésiastique cherche princi-
palement dans l'Ecriture sainte les leçons el
les exemptes aux(|uels il doit conformer sa
conduite; nous soutenons qu'il n'a pas tort,
el nous ne voyons dans l'Ecriture l'exemple
d'aucun personnage consacré à Divu qui se
soit permis iies railleries patr se rendre
agréable.
C'est Barbeyr ic lui-même qui est répré-
hensible , lorsqu'il ajoute que la raillerie
n'est condamnée nulle part dans l'Ecriture
sainte comme mauvaise de sa nature; le
passage de saint Paul que nous venons de
citer nous parnit une condamnaiioii assez
formelle. Il allègue des exemples d'ironie el
de raillerie employés par les proidiètes et
lesapolres; il aurait pu en citer même un
(le Ji sus-Christ ; il ob-orve que les Pères s'en
sont servis plusieurs fois conire les païens :
l'un (l'entre eux a fait un ouvrage in itii-
lii : Ir' isiu Philosophoritm genliliam. Ni)us
aV()uons' tous ces faits , mais comnieiU et à
quel dessein ces vénérables peisonnes ont-
elles employé les railleries? Pour cor. iger les
liomiiies de leurs défauts et de leurs 'rreiirs,
diins des occasions où ils espéraient que
cette arme serait plus eificacc que les rai-
soniiemeiils pour les loucher cl les coma n-
cre. Ce niotil', sans doute , peut rendre ia
raillerie jiennise ; mais lorsque saint Paul et
saint Ambroise la dél'cnilcnt , ils parlent de
celle ijui n'a d'autre but (pie de montrer de
l'esprit , d'amuser les aiulileurs, el li'huini-
lier ceux (|ui en soiii l'objel. Si Ba\le avait
considcré cette ditïérence , il n'aurait pis
censuré avec la ni d'à ffecta lion les Pères de l'E-
glise qui ont tourné en ridicule le paganisme.
DlCT. DE TllÉOL. DOGMATKJUE. IV.
Il est des railleries d'une espèce tout op-
posée , C(! sont les railleries cimlre la reli-
gion; elles n'ont pour but que de rendre les
hommes irréligieux cl impies. Les païens
mêmes ont condamné cette licence ; « Dans
des matières si graves, dit Cicéron, ce n'est
pas lo lieu de railler. » De Divin. I. ii. C'est
principalement par des sarcasmes que les
philosophes païen-; ont attaqué le chrislia-
nisme, parce qu'ils manquaient de r.iisonne-
menls solides pour le combaltre; les incré-
dules modernes les ont surpassés dans ce
genre de guerre , par la même raison.
Le sage Leibnitz condamne haiileinent ce
procédé; il réfute directement l'anglais Shaf-
lesbury qui voulait que le ridicule servît de
pierre de louche pour éprouver ce qiii est
vrai ou faux. Leibnilz observe qui" Ici igno-
rants saisissent mieux une pla saiilerie
qu'une bonne raison ; et qu'en général les
hommes aiment mieux rire (jue raisouner.
Esprit de Leibnitz, t. I, p. I'i7.
C 'lui de tous les incrédules modernes qui
a lancé le plus de sarcasmes contre la reli-
gion , el qui n'a pas dédaigné les raillerie»
les plus basses , s'est condamné lui-môme.
« La plaisanterie, dil-il, n'est jamais bonne
dans le g'iiresérieux, parce qu'elle ne porte
jam.'ùs que sur un côté des objes qui n'est
pas celui que l'on considère, elle roule pres-
que toujours sur des rapports faux et sur
des éiiuivoques. De là vient que les plai-
sants de profession ont presque tous l'esprit
faux autant que superiicicl. »-ll ne pouvait
pas mieux peindre le sien. Mélanges de Ut-
tér. et de pliilos., c. 53.
KAISO.'S ^faculté de raisonner). Si nous
étions obligés d'apprendre des pliilosoplies
quel est li^ degré de force ou de faiblesse de
la raisor^ humaine eu lait de religion, nous
serions fort embarrasses. D'un côté, les déis-
tes ont élevé ju-qu'aux nues la pénétration
el l'infciillibililé de cette facullé,a(in de prou-
ver qu'il n'est pas besoin de révélation pour
conuiiilrc Dieu , et pour juger quelle est la
vraie manière de l'adorer. L>e l'autre, les
athées modernes ont répété tous les repro-
ches que les épicuriens ont faits autrefois à
la raison ; ils l'ont rabaissée au-dessous de
l'instinct des brutes. Itayle a lantijt exalté
les forces et les droits ue la raison, lautiU il
les a réduits à ri.n, sons prétexte de soii-
mellre la raison à la foi. Ces dis^ertateurs
auraient [icul-élre évité ce chaos , de conlra-
diclions, s'ils avaient commencé p.ir consi-
dérer les divers étals dans lesquels la ruisun
humaine peut se trouver.
En etïet, il s'en faut de beaucoup que tous
les hommes soient doués du même d'jré île
raisoii et d'intelligence. Cette faculté serait
presque nulle dans un homme qui n'aurait
reçu aucune éducation, qui dès sa naissance
aurait clé abandonné dans U'.s forêts, p^rriii
les animaux. Toutes nos connaissances spé-
cul iiives viennent des leçons (jue nous avons
reçues de nos semblables ; c'e.st |iar la so-
ciélc que nous devenons toul ce que nous
pouvons être. 11 n'y a donc aucu.ie couipa-
laison à fa;re entre la raisin d'un pliiloso-
2
.',3 liAl
olic, cullivée et poifectionnéc par de longues
éludes, el celle d'un .'auvage à peu près stu-
pide el presque réduit au seul instinct; en-
tre l'intelligence d'un homme élevé dans le
sain de la vraie religion, el celle d'un infi-
dèle imbu (lès l'enfance des plus giussii-res
cireurs; entre la manière de penser d'un
persoiuiage naturellement vicieux , et celle
d'une âme née pour la vertu. Argumenter
sur la force ou sur la faiblesse de la raison
en général , en faisant abstraction des cau-
ses qui peuvent l'augmenter ou la diminuer,
c'est faire une spéculation en l'air , c'est
broncher dès le premier pas. A proprement
parler, la raison n'est rien autre chose q:\e
la l'ai ullé d'être instruit et de sentir la vè-
ri!é lorsqu'elle UOU-. est propo>ée ( ); mais
ce n'est pas le pouvoir de découvrir toulo
vérité par nous-mêmes et par nos propres
rélleKious sans aucun secours étranger.
Mallii-uriusiMiienl nous pouvons être aussi
aispmenl égaies par de fausses leçons qu'é-
clairés par des iostiuclions vraies. Nous ne
voyons aucun homme élevé dans de faux
principes qui ne prenne ses erreurs pour des
vciiiés éviileiites (2) , chez les nations igno-
rantes el barbares, les usages les plus ab-
surdes passent pour des lois naturelles et
dictées par le sens commun.
Quand, pour connaîtri! Dieu et son vrai
culte, la révélation divine n'aurait pas été
nécesaire à un esprit sublime tel que relui
(le Platon, de Socrate ou de Cieéron, il ne
s'ensuivrait pus encore (ju'ello a élé super-
llue pour éclairer le canimun des ignorants
av uglés en naissant par les fausses lc(;<)ns
d'une éducation païenne. Tel est cependant
le sopbisiiie ordinaire des déistes, i\i disent :
La [ilupart des anciens pliilos<)p!ies, après
avoir rassemblé les c 'unaissauces acquises
pendant ciu(| cents ans, après atoir voyagé
et cunsullé les sages de toutes les nations,
;i) Le premier sophisme des déisies est d'envisa-
ger lu raison hunudne telle qu'ils In pusscdiMil; de
(laiiir du point de connaissances aiujiiel ils ,=oiil, par-
venus, pour eslniier ce (pie peut faoe li raison ou
la la( ulé de lalsamier dans tons Ns Iidiiiuk^s. Mais
la raisiin (l'un pliilo-o|ilie ii(i dans le sein dn Clii-is-
llalll^nle, d'une iiailiin civilisée, éc^aiiée p.ir la rové-
lalioii, (-iillivce par niiaraiile ans n'éliiae; el la rai-
son'd'un iKiioraiil né cliez te> Tarlares, dans les lei-
le. An.sliales ou da^s les loiêlS de l'AiiKiiiijUc, onl-
ulk'S la inêiiie lacuhé , om-elli;s la inèine I ree , la
niéme étendue, la nêine siigaeiié? Qn .nd il sérail
vrai que le (ueinier piiiil se taire un sys énie de re-
ligion vrai, sensé, r,.i-onnable, s'eiisuii-il ipie le
second puisse en faire autant Y yuan i on pourrait
(lire (pie la lévélalion n'est (las nécessaire au pre-
mier, s'eiisuivraii-i! ipi'elle n'csi pas (dos nécessaire
il l'antie. C'est déjii une ab-urdiié d'al'linner que le
(iliilosoplie (louvail s'en (laiser; il esl redevable il la
léïélauon iiiènie du degié de connaissance dont i!
est doué. (Ttuiié de lavriiie lieligiuii, i III, p. 145.)
(1) L'éailion de Mgr Goussel rappe u; eu note
l'ini|>niNsanci; de la raison panr parvi ini à la cou-
iialssaiice de la veille, l^e'le a.-serliiiu, ciuidann.ee
par Mgr tiousset liii-niéiiie, est l.eaii<uiii> trop ab-
solue, yuoiipie idlaiblie, notre rais(Mi |ienl emore,
à l'aide de ses seules Ini-ccs, |iarveiiii a la connais-
sance de certaines vérités de l'oidre nalurel. Voy.
tl.l\TITliDE.
RAI
44
sont parvenus à se former un plan de reli-
gion pure et irrépréhensible; donc il n'a ja-
mais été bi'soin de révélation pour aucun
peuple. Quand le fait qu'ils avancent serait
aussi vrai qu'il est faux, la conséquence se-
rait encore très -mal dodiiile. Le gros des
nations n'est pas en état de faire les mêmes
éludes que les savants de la Grèce et di-
Rome ; que lui importent les luniières di s
philosophes, si elles ne pénètrent pas jus-
qu'à lui, s'il ne comprend rien à leur iloc-
trine, ou si ces maitres orgueilleux la gar-
dent pour eus seuls ?
Mais les anciens philosophes étaient plus
modestes el de meilleure loi que les moder-
nes ; iis reconnaissaient la nécessité d'une
réiélation surnaturelle pour connaître la-
Divinitéel pour savoir (|uel culte il faut lui
rendre; nous pouri ions rassembler aisément
un grand nombre de témoignages qu'ils ont
rendus à celte vérité. Si ce seiiliinent n'avait
pas (lé celui de tous les peuples, ils n'au-
raient pas ajouté foi si aisément à ceux qui
se sont donnés pour inspirés. Il est d'ailleurs
démontre parle l'ail que, faute de ce secours
surnaturel, les philosophes se sont égarés
en fait de religion aussi grossièrement que
le vulgaire, el ()u'ils ont consacré par leur
suffrage toutes les erreurs et toutes les su-
perstitions qu'ils ont trouvées établies.
Nous avons beau consulter l'h.stoire cl
parcourir l'univers d'un b 'Ut à l'aulre,
pour découvrir ce que la raison a enfanté
de mieux en fait de religion, nous ne trou-
vons partout qu'un polythéisme insensé el
une idolâtrie grossière. Ku raisonnant très-
mal, tous les peuples ont jugé qu'il fallait
adorer les astres, les éléineuts, toutes les
parties de la nature, les âmes des morts,
même les animaux. Voy. Iuolatiue. Les
philosophes, raisonneurs par excellence,
ont décidé qu'il fallait s'en tenir à cette reli-
gion, dés qu'elle était établie par les lois, el
(|u'il y aurait de la folie à vouloir la chan-
ger. Tous ceux qui ont 1 u connaissance de
la religion des Juifs l'ont condamnée, parce
que les Jiufs ne voulaient adorer qu'un seul
Dieu. Kn r.iisonnant toujours de même, ils
ont reprouvé le christianisme lorsqu'il a été
prêche, et ils ont fait des livres entii-rs pour
pioiiver que celte religion nouvelle n'était
pas raisonnable. Tels ont élé les grands ex-
ploits de la raison humaine dans les sièile>
et chez les peuples où elle paraissait avoir
acquis le plus (ie force et de lumière.
Aussi, lors(|ue les deisles viennent nous
vanter la sulfisance de la raisun, nous avons
beau leur deuiamler sur quelle expérience
ils en jugent, iis ne nous répondent rien.
Pour savoir ce que nous devons en penser,
nous avons un meilleur garant que leurs
spéculations, c'est la conduite (]u'a suivie la
di»ine Providence depuis la ( léation. Uieu
n'a pas atiendu que l'homme raisoiuiât,
avanl de lui enseigner une religion ; ii l'a
reK'Iee à notre pi emier père, pour lui et pour
ses descendanis. Dans l'uiiivers entier nous
ne trouvons qu'une seule religion vraie, sa-
voir : celle que Di'.u a révélée aux patriar-
tS RAI II AI 46
chos par Adam, nux Juifs par Moïse, à tous répondrions-nous? Nous lui riirions : Cela
It's peuiiics par Jcsus-lihrisl. J :si|u'à ce esl coiUr;iii<> sans lioule à la faible mesure
jour, après six mille ans croiil'S, toutes les de vos coiinai>s.inces ; mats celU; niesurc cl
naiions (jui n'oiil pas été éclairées par ce la raison ne sont p.is la iiiéine chose. Or,
flamheau sont encure ploi\p;éos dans les quand U eu nous révèle sa nature, ses aliri-
niènies ténèbres (1 ne Irs peuples anciens. Il buts, S( s desseins, ce qu'il a fait, ce qu'il
nou's parait qu'une cxprrienie de six mille voul faire, ne sommes-nous pas à Cet égard
ans est assez lonuMie p<!ui- nous diMiionlrer des aveugles-ni's ?
ce dont II ;y/(so;i humaine esl capable, lors- Les déistes font contre les miracles le
que les déisirs nous |)rése!iieiit la prétendue même sophisme cjuc contre les mystères;
religion natuiolle ()u'ils ont fori^ée comme ceux-ci, disent-ils, sont contraires à la rai-
l'ouvrMpi' de la >viis#h seule, ils nous en iin- Aoa.et les miracles sont contraires à l'expé-
poscnl grossièrement ; raiiraieiit-iis inveU- rience. Par l'expérince, ils enlendent sans
tée, s'ils n'avaient clé élevés dans le sein du doute le léiiioigiiaije ciinslant el uniloriiie
christianisme? pas plus que les philosuplics de nos sens. Si nos sens nous altevl;iieiil
de Uome, di' la (jrôce, de la Chine el des tout ce (jui a été, toul ce qui est, toui ceijui
Indes ; car ils voudront bien nous dispenser peut être, un miracle ser.iil évidriiniicnl
de croire qu'ils ont plus d'espril el de saga- contraire à l'expérience; mais leur leuioi-
cilé que n'en avaient lous ces raisonneurs. gnage s'étend-il jusque-là ? Vous diles à un
Leur prétendue religion naturelle est donc igiioràiit qu'un limaçon auquel on a coupé
dans le l'oiid très-surnaluielle, puisque (lui- la tête en reprend une nouvelle : C'est une
conque n'a eu aucune connaissance de la fable, répoud-il d'abord; une expérience
révélation n'a jamais pensé au système des aussi ancienne que If momie piouve iiu'uii
déistes. animal à qui l'on a coupé la tète meurt, et
Autre chose est de dire que l;i raison hu- ne peut pas tii refaire une autre. Vous affir-
maine, une fols éil.iirée p;ir la revèlalioii, ml>z à un habitHUt di- la Guinée, que par le
est cap.ible de sentir el de prouver la vérité froid l'eiiii peut d venir aussi solide el aussi
(li'S dogmes primilil's professés par les pa- dure qu'un»; pierre : Je n'en crois rien, vous
triarcbes, et autre chose de soutenir que la dit-il ; je sais, par une expérience eonslanie,
raison loulo seule, sans aucun secours elran- que l'eau csl toujours liquide, etc. .Uais que
ger, peut les découvrir. Les déistes coiifon- prouve l'expérience prétendue de ces gens-
dent ces deux choses et fondent lous leurs là? qu'ils n'ont jamais vu ce ((u'oii leurcer-
sojiliisnics sur celle éijuivoque ; e>l-ce inat- tilie ; il eu esl de même de celui qui n'a ja-
teniion de leur part ou mauvaise foi ? Un ni.iis vu di; miracles. Or, appeler ej/jeV/c/tte
homme avec un certain degré d'intelligence le défaut même d'expérience, c'est abuser
esl capable de comprendre le système de des termes aussi grossièremenl nued'apjjelcr
Newton, d'en s^iisir les preuves, d'eu suivre rai:ton le défaut île connaissance el de Iu-
les conséqueiices, lorsque le toul esl mis niière. En confoiidinl ainsi toutes les no-
sous ses yeux; s'cnsuit-il de là qu'il était lions, les incrédules argumenlenl à perle de
en étal de l'inventer, quand môme on ne lui vue, déi l.iment contre la religion el conîre
en aurait jamais parlé? ceux qui la professent. Ils disent que par
On dispute vivetnenl pour savoir si les la croyance des myslèri-s on détruit la r«(-
mysières ou dogmes incompréhensibles que son, et que l'on eu interdit l'usage ; que les
la révélation nous enseigne sonl conti aires tliéologiius la décrient; qu'ils veulent en-
à la raison, ou si l'on doit seulement dire lèvera l'homme le plus beau de ses privilé-
qu'ils sonl suitérieurs aux lumières de li ges, qui est de se conduire par ses propres
raison. M nous paraît qu'il y a encore ici lumières ; qu'ils iusulienlà la sagesse divine
une équivoque. Si la rais m était la ciipaeilé en supposant qu'elle a donné à l'homme
de toul connaîti e, les mysiéres seraient con- dans sa raison un guide faux et trompeur;
Iraires à la raison, puisqu'elle n'y conçoit que sous prétexte de captiver l'Iiomuie sous
rien. Mais si noire raison n'est dans le fond le joug de la parole divine, ils ne cherchent
que la connaissance d'un Irès-petil nombre qu'à le soumelire à leurs propres idées, etc.
d'objets, si nous sommes forcés d'ailleurs de Clameurs insensées. C'est comme s'ils di-
croire une innniié de l'aiis aussi incouipié- saienl qu'en alfirmanl aux ignorants des
hensibies pour nous que les mystères de la faits qu'ils n'onl pas vus, iju'ils ne verront
religion, en quel sens ceux-ci soni-ils cou- peut-être jamais, nous délruisufis l'expe-
traires à la rui4o?» ? (}uand on parle à un rience, nous leur interdisons l'usage de
aveugle -né des couleurs, d'un tableau, leurs yeux et le témoignage de leurs sens;
d'un inirnir , d'une perspective , il n'y que nous insultons à la sagesse divine en
comprend pas plus qu'au mystère de la supposant q^i'elle a donné à l'homme dans
sainte Iriniié ; cependant s'il ne croyiil pas ses sensations un guide faux el trompeur,
au témoignage de ceux q\i\ oui des yeux, il Lors|ue Uieu nous enseigne par ré>éla-
serait insensé. Si cet aveugle s'iivisait de lion des vérités que nous n'aurions jamais
soutenir (|u'il est contraire à la raison aperçues auirement, el que nous ne couce-
qu'uiie superficie plate produise une sensa- vous p;is. loin de détruire nos connaissances,
lion de proloudeur, (|ue l'œil aperçoive aussi il en étend la sphèr ■, comme c dui qui ap-
proiupieinenl une étoile que le laite d une prend aux a\eug)es-nés les phéuoniènes de
maison, que li tch; d'uu homme suit repré- la lumière et des couleurs. Il ne nous interdit
beiUecdaus lu boîte d'une montre, olc, que pas l'usage de noire raison, mais il nous ea
41
RM
RAI
i8
inon'.rc les bornes et l'usage légilime que
nous en (lovons faire. C'est d'examiner avec
soin s'il est vrai que Dieu a parlé; dès que
ce (ail est soliilement prouvé, !a raison elle-
rnéine nous dit qu'il faut rroire, qu'il faut
iiniler l.i docilité de l'aveugle-né et des igno-
ra iils, à l'cuard d'un homme qui leur ap-
prend des choses qu'ils ne voient, ne sen-
tent ni ne comprennent.
D.'s que l'on veut appliquer les arguments
des incrédules à tout autre olijet qu'à la re-
ligion, ils sont d'une alsurdilé rèvoltanie:
vouloir démontrer les forces et les droits sa-
crés de la raison en déraisonnant, ce n'est
pas le mo\rn de persuader les esprits sensés ;
mais ils trouvent malheureusement des es-
prits suiierficiels et peu attentifs qui se lais-
sent étourdir parleurs sophismes.
1° La raison, disent les déistes, est le seul
quide iiue Dieu a donné à l'humme pour se
iiMuluiro, pour diriger ses actions, pour con-
naître Dieu lui-même ; il se contredirait s'il
nou« ord'innail d'v renoncer..
néponse. La fausseté de cette maxime est
déjà demiintrée ; il est fau< que la raison
soit notre seul guide. Pour la plupart de nos
actiiins nauirelles, Dieu nous a donné pour
gu (. ' l'insiincl et le sentiment, parce que la
raisort ne nous servirait de rien à cet ég-ird.
Est-ce la raison qui nous apprend qu'un tel
fruit, qu'un tel aliment, nous est salutaire
ou pernicieux, que l'eau peut éiauclier la
soif, que des habits peuvent nous défendre
des injures de l'air? Cent fois les philoso-
phes ont avoué que si l'homme n'avait point
d'autres guides ((ne la raison, le genre hu-
main périrait bientôt. Dans les quesiions de
l'ail (t d'expérience, le raisonnement ne sert
à rien ; nous sommes for( es de prendre pour
guide le tem()iL;nage, ou de nus propres sens
ou de ceux d'aulrui, de nous fier à la certi-
tude morale ; et celui qui, dans ces circons-
tances, ne voudrait consulter que saraison,
serait un insensé-
A l'égard de la religion, Dieu, dès le com-
mrncement du monde, s'est l'ait connaître à
l'homme par les sens, eu l'insiruisaui de
vive voix, et par conséquent par la révéla-
lion. Quel secours l'homme pouvail-il tirer
alors d(^ sa raison? Il n'aurait pas seule-
ment eu un langage formé, si Dieu ne le lui
avaii donné en même temps que la faculté
di' [)arler. Or. celle religion jinmitive revé-
Ici' à notre premier père a du servir pour
lui et pour ses descendants ; et tous ceux
qui s'en sont écartes, ou par malheur ou
volontairement, et n'ont plus eu d'autre
guide que la raison, sont tombés dans le po-
lythéisme et dans lidolâtrie. Il est donc ah-
.sulument faux ((ue la ruison soit le seul f/itide
que Dieu nous a donné pour le connaître,
pour nous convaincre de son existence, et
pour savoir quel cullc nous devons lui ren-
dre (1).
(I) Quelques philosophes, et parmi eux M. l'abbé
Rantnin, ont eiisci^iié iiu'on ue pciil prouver l'exl-
blence de Dieu pur la nison. Nous empniiilons
Seconde objection. Du moins, disent tes
incrédules, c'est par la raison seule que nous
pouvons savoir si une religion prétendue
aux eonférences de Riyeiix une réponse péremptoire
à et'lle dangereuse erreur :
« Vers la lin du dernier siècle , Emiiiaiiiiel
Kaiil entreprit de remonter jusqu'à la source de tnii-
les les coiiuassances humaines, elde r(;fiirmer l'en-
seignetiienl pliilosopliique des é'oles. Ne voyant dans
If s corps que de simples phénomènes, n'admeuant
d'aulre principe de cerliluile que l'expérience, il
prélendil qu'il n'y a aupune relation nécessaire entre
nus idées et la réalité des choses extérieures i{ui en
sont l'objet. l)e là il conclut que l'existeiice de Dieu
n'appartient point à la science, el que la raison ne
peut nous fournir aucune preuve démonslraiive de
ceue vérité fnniianienlale. i Je suis, dit-il, pleineincnl.
coiivaineii que la raison est impuissante à élahlir
des assenions allinnalives, et qu'elle est plus inra-
pable encore d'alfirmer quelque chose de négatif
sur celle question, i Critique delà raison pure, l. H,
p. 360. OiUle étrange doctiine eut bienlôl un grand
nombre d'adiniraleurs aveusîles et de partisans en-
thoLsiasles. ii^n Allemagne, Ficlile, Schelling, Ib'gel,
en ont fall la base de leurs sys èmes absurdes et
impies, dermes n essayé de la lepro liiiie sons une
tonne nouvelle; il a épuisé toutes les siihlililcs de
la niélaphysiqiie pour apprendre aux hoiinues que
leurs éludes pliilosophiq les et religieuses doivent
nécessairemenl ccnnmencer par le doute pnsiiil,
universel et absolu; que la conscience immédiate
est le piincipe primilif de tome cerlilude , qniiic|ne
cependant nous ne puissions admettre sûrement
comme réelle l'exisience de noire conscience immé-
diate, ni la connaissance de la pensée nécessaire
que nous en avons. Inlroduclion pliilosopliique, p.
I En France, des écrivains catholiques ont voulu
aussi se frayt-r des roules nouvelles; s'ils ont repous-
sé l'idéalisme des phdosophes aileinands, il n'iim
pas ciaint de soutenir que la raison seule ne sau-
rait conduire riiomiue à la connaissance certaine
(l'aucune vérité. L'auteur malheuri:iisement trop cé-
lèbre de l'Essnt sur l'indifférence en nwlière de reli-
gion n'avait pas encore rompu le lien sacré de l'u-
nité, quand il employa toutes les ressources de son
talent à la déteuse de ce dangereux principe. S'il
faut l'en croire, « l'Iiomine ne peut, par ses seules
forces, s'assurer pleinement d'aucune vérité. . . . Es-
sai, I. II, p. 2. Le consentement commun est pour
nous le sceau di; la vérité, el il n'y en a point d'au-
tre lt)id., p. 20.
« Les preuves qu'emploient les apologistes de la
religion cliréienne pour établir l'existence de Dieu
soiil incoiupléles, faute d'un premier principe sur le-
quel elles s'appuienl. Défense de l'Essai, p. 159. D'au-
tres enfin, suhslituant la révélaiion au léinoigiiage
universel du genre humain, oiiiaflirmé que, sans la
lumièie de la foi, nous ne pouvons avoir aucune
cerlilude du rexisieiice de Dieu.
I t;es diliérenls sysièmes , qu'on adopte quelque-
fois avec tant de conliance, méritenl-ils en effet le
suffrage el l'approbation des honnies sages et éclai-
rés'/ Quelles que soient la laihlesse de l'espr.l biimain
et l'incertitude de la plupart de nos opinions, il ya ce-
pendant des vérilés que nous ne pouvons refuser d'ad-
mettre; nous ne sonnnesp is méiiieohligésd'examiner
si elles émanent d'un principe anlérieur ; nous le.
Cro\ oiis malgré nous, lin philosophe peut entasserdans
Ses livres les paradoxes et les sophismes pour les
combattre, chacun des actes de sa vie sera la con-
damnation de ses conceptions bizarres et de ses
théorie^ iiisensé>;s. Ainsi il n'est pas un seul homme
qui puisse diiiiter sérieusement de son existence.
I .l'ai beau vouloir douter de loiiies choses, disait
l''éiieloii, il m'est iinpossible de douter si je suis. Le
49
RA(
RAl
80
rovélée osl prouvée ou non prouvée , pai'
coiiscqnonl vraie ou fuusse ; doue si nous
soaxiics obligés de nous ilcfier de celle lu-
néanl ne saurait doiiler, et qn iiid même j-^ me lioin-
per:ds, il s'eiibiiiviail p:ir mon eireiir même «lue je
Slli^ qiiel(|ue <'liiiBe, puis(nie le néaiil ne peiil se
lri)iii|irr. » Traiié de i'Exisieiice de Dieu. pari, li,
(■li:ip. 1, !; (j. M. de Lnmfniiais avdiie liii-mème ipi'd
lions esi é{;alemeiil impossilile de lévoqiiiT en doiile
l'exisliiiie îles corps (pii nons environiienl. Essiti,
t. Il, p l'J. On dira p.nl-élre ip e rassenlimenl i|ue
nous donnons à ces vériiés n'esi pis raliiurnel; ni lis
cille Inmière intérieure parlaipielle nonsJMjjeons 61
qui niius eniraiiie par nue évidence irrésisiihle, n'esl-
elle donc pas la Inmière de la raison? Qu'est-ce qne
la ceriilnde, sinon rinipnissance de donier, l'ondée
sur la perception claire et ilistiiute de la vérité?
« Voyons loaintenanl si notre esprit ne peut pas, .
par lin encliaiiiemeiil facile de principes incontesta-
lilis et de con^éipieiict's iiéiessaires, s élever de ces
veriiés prinnllves et londanientales jusqu'à la con-
naissance de Dieu.
« 'l'ont èire existe par lui-même et en vertu de sa
propre nature, on doit son existence à une cause
élr'aiigcic. Qui oserait soutenir que tous les élénienis
niaiériels qui romposcHi cet univers existiMit uéces-
saireiiicnt, (|n'il n'y a pas un insecte, une leiiille
d'arlirc, un j^rain île salile, un atome dont on puisse
concevoir raiiéanlissi-iiienl on la iion-exislence? Lu
èire nécessaire ne samaii avoir des piopriélés acci-
dentelles; de qui les aurait il reçues? Pour jiioi au-
rait-il les unes pliilôi que les anire-? La inaliéie qui,
sous la main de riiomine, prend des lornies si dilTé-
reiiies; ces cor|iS que nous voyons naître, se déve-
lopper, décroilre et périr; le monde, en nii nuit,
doit donc son existetne à une cause étraiigèie. A qui
la dnii-il? Au hasard? Le hasard n'est rien, et s'il
n'est rien, si c'est un délant et une priv ition de cau-
se, pluiot i|u'nne cause veiiiable et effective, il s'en-
biiii qu'un nous truinpe quand on nous dit que c'e'^t
le liasard iiui a fait le monde. » Abliadie, de la Vé-
rité de la lietij. cliiéi., se,-t. 1, chap. 5.
I On a supposé mie succession inrinie d'êties con-
liiigenls qui se rcproilnisenl perpétuellement; mais
on a iiiililié lie nous dire qui a dunih' à ces cires la
laioltc de se reproduire, qui a déierminé l'ordie, les
coiidilions, le lenips de cette riproilnclion pcrpé-
luiMli'. D'ailleurs, < adnie.tre mie succession iiifiuie
déires niiialiles et dépendants sans aucune cause
pre I icre, c'est supposer qu'il n'y a rien dans l'iini-
veis qui exis e par lui-iiième et nécessairement. Or,
si rien n'existe nécessairement, par qui et comment
celte succession dètres a t-elle éié de toute éternité
pliiliit déterm née a cire qu'à n'eue pas? > Clarke.
be il'.xiseme de Dieu, cliap. 3.
< I iilin, la matière ti'ii-elle iternelle, nous deman-
derions meure d'oii viennent les lois qui la réj^issenl,
si, inerte el passive de sa nature, elle sVsl donné à
el'e-inéine le nioiiveineiit, i Concevoir, dit .l.-J.
liousseaii, la niatèie productrice du iiiuuvement,
c'est concevoir un ellel sans cause, c'est m: cmicevoir
absoliiini'iil rien. . . . Uilis-nioi si, quand on vous
pai le (l'une lorce aveugle répandue dans toute la na-
ture, ou lorle quelque véritable idée dans voire es-
prit. On croit dire quelque chose par ces roots vaLçiies
de joree universelle, de mottvemeni nécessaire, et l'on
ne du rien du tuul. i Emile, t. III, p. -45.
« La raison de l'honiiue n'est donc pas dans l'ini-
puissance absolue de s'élever jus(|n'à Dieu. Il faut
nécissairenienl admellre l'existence d'un être inlini,
éiernel, iiiu a créé le monde par sa louie-]inissance,
ipii le gouverne par sa sagesse, ou biei-i il faut s'en-
gager dans un vaste iabynuihe d'cgaremeiils el d'er-
reurs. Quelles sont en effet les conséquences de to.iis
ces systèmes qu'a enlanlés la pliilosopliie moilerne?
11 n'eu est pas un seul qui ne doive naturellement
iiiiùre, nous n'avons point d'autre parti à
prendre que le pyrrhonisme ou ie scepli-
cisme en luit de reli|;ion.
liéjxtnse. C'est à la vérité par la rnison
seule que nous devons juger si les preuves
d'une révélation sont réelles ou supposées,
soliiles ou seuleiiicnl iipiiarenles ; mais ces
preuves sont des faits. Or, les faits se prou-
vent par des alleslations cl par des uionu-
nients, el non par tics raisonnemeiils ou par
un examen s|)éculalif de la doctrine révélée.
L'exatueii des faits est à la portée des houi-
uics les plus ignorants, puisque c'est sur des
faits que porte toute la conduite de la vie :
il n'en est pas de même de l'examen de la
doclriiic; il faut discuter pour savoir si elle
conduire au scepticisme ceux qui auraient l'impru-
dence de l'adopii r.
« l* lié'luire tonte la science de riiiunnie à savoir,
non ce que les elioses sont en elles nièoies , mais
seulement ce qu'elles paraissent être: rejeter hors
des bornes de loute connaissance cerlane l'existence
des corps, noire libre arbitre, l.i vie future, et mê-
me ces axiomes ciiiisaeréi par rassentinient univer-
sel, c'est éviiiemment détruire loute vérité et anéan-
tir riiitelligeiK e humaine.
« 2° .M. de Lamennais, qui accuse les philosophes
alleiii inds d'exlravai^aii' e et de IVdie, a-t-il été lui-
même plussa^e? Pour soustraire les hommes au
scepiicisme, il ne snllil pas de leur offrir un principe
de certitude, de leur présenter l'aiilorité comme le
fondemeiil inébranlable de nos croyances, il faut en-
core leur donner les moyens de coniiallre celle aii-
tiii'ilé. Mais s'il est vrai qne souvent les sens ttous
trunipenl, que le sentiment intérieur nous trompe, que
la raison nous tiampe, et que nous n'ayons en nous au-
cun mofien de reconnaître quand nous 7ious sommes
trompes; si nous ne pouvons rigoureusement i.jfirm.er
quoi que ce soil, {Essai sur l'indifférence, t. Il, p. -!:)),
comment coniiaiiruns nous ce conseotemeiil (Minnnuii
hors duquel il n'y a, dit-on, que iloiitc el inceriiiude?
Une vêiilé appuyée sur des témoignages humains ne
saillait être plus i erlaine que l'existence des témoins
qui déposent en sa faveur ; mais si la raiso i ne sait ce
qu'elle est, ni si elle est, si son existence est un problè-
me qu'elle ne peut résoudre qu'à l'aide de l'aittwtté du
genre humain, Ibid. , p. 3^2, ipielle ceriilude pouvons-
nous avoir de l'existence di s humines dont le témoi-
gnage est, dit-oii, la seule lègle itdaillible de nos
jugements?
là" La loi, que quelques-uns ont voulu substituer
à l'auloriié géiiér.ile du genre humain, n'est point une
simple persuasion murale, elle n'est pulnl nno
croyance aveugle, elle doit nécessairemem reposer
sur des principes cerlans. Mais quelle sera pour
chacun de nous la ceitilnde de ces piincipes? com-
ment d'ailleurs pourrons-nous constater, sans crainte
aucune d'erreur, le fait de la révélation divine, pe-
ser la valeur des témoignages qui attestent ce fait, si
notre raison individuelle est f.iillible en tout? Don-
ner la loi loiniiii; la cendiiioii preiniéie de toute con-
naissance, de loute science, de toute phitoioptiie (La
Morale de l'Lvangde comparée à celle des ph loso-
plies, p. •'Js), c'est méritei le reproclie que M. do La-
roennais a lali injusleinenl à Descartes, c'est poser
au milieu des aiis la premièi e pierre de Védijice qu'on
entreprend d'éleier. Aussi .M. de Laiiienuais a réfuté
toutes CCS opii.ions, et il s'est réfnlé lui-même quand
il a dit : < bi la raison miis ordonne de douter de
tout, la nature nous le ilél'eod. ... 11 n'existe pnlnt,
tl n'existera jamais de véritable pyrrlmnieu ; le dou-
te universel, alisolu, auquel nous condamne uiie sé-
vère logique, est impossible aux bommes. E»sai , t.
H, p. 50.
El H Al
est en ello-mémo vraie ou fausse, ol celte
disc.u'-=sion ne peut être faile que par des
lioiiinies irès-inslruiis, encore sont-ils expo-
sés à s'y Ir'niper lourdcniont.
S';| y enl j 'mais une qucslion qui pgrût
élie du ressort de la rnison, c'él.iil d'exami-
ner s'il n'y a (]u'un Dieu ou s'il y en a [)lu-
sieiirs ; ^ii toutes les parties de la nature sont
animées ou non par des inlelligences, par
des esprits, par (les génies niiissnnis et ::rl)i-
Ire? de nos destinées, si c'est à eux qu'il faut
adresser notre culte, et non à un seul Etre,
créateur cl gouverneur du monde : cepen-
dant tous les peuples s'y sont lrom|iéN, et
les phiiosopjies aussi tiien que les peuples.
Les Juifs .seuls et les clirétieiis insiruils par
la révélation se sont préservés de cette er-
reur. Ce n'est point donner dans le pjrilio-
nisMic que de refuser à la raison l'examen
des (]ui'slior.s qui ne sont pas à sa portée,
lorsqu'on lui soumet la discussion des faits
d ni elle peut éire juge com|iétenl ; toute la
dillérenre qu'il y a entre nous et les incré-
ilulcs, c'est qu'eu f lit de religion ils renver-
se;it l'ordre (le l'evamen que la raison doit
faire. Ils veulent que l'on commence par
voir si telle dociriiie est vraie on fausse en
plle-ménie, et qu'au cas (ju'elle paraisse
fausse, l'un eonc ue qu'elle n'est pas révé-
lée. Nous soutenons au contraire ((ue l'on
doit esaniiner d'abord si elle est révélée ou
Diiu, puce que c'est un l'ail; et que si elle
l'esi, on dnit en inféier qu'elle est vraie,
quand ii éme elle nous | aratlrait spéculati-
venienl fausse. Nous n'en demeurons |)as là,
nous prouvons que tel est l'ordre naturel et
légitime, 1° parce que le commun des honi-
oies est plu. en él.it de vérifier un faii (|uc
de iliseuter un dogme ; 2° parce que l'on se
trompe moins souvent dans le premier de
ces examens que dans le second ; 3° [larce
que les preu\es de fait font sur nous beau-
coup i lus (i'impie^sion que les arguments
.spéculaiifs, elc. Yny. Fait.
Triiiniênie objcciion. Si le commun des
hiiiriines n'e-'t pas en éial de discerner par
la raison, seule la religion d'avec la supers-
tiliiiM, le culte vrai d'avec le culte faux, tous
ceux (|ui sont nés dans lepagani-me ont été
excusables; ils n'ont pas pu être justement
punis pour s'être trompés sur la question de
savoir s'il n'y a qu'un Dieu ou s'il y en à
plusieurs.
licponse. Pour juger jusqu'à quel point
les païens ont été excusables ou punissa-
bles, il faudrait connaître les causes rie l'er-
reur de cbaque particulier; jus(|u'à quel
point les passions , la négligence de s'ins-
truire et de réHéehir , l'or^^ui il el l'opiniâ-
trelé, etc. , ont inilué sur son égareiiient :
Dieu seul peut le connaître. Saint Paul a
décidé que (lu moins les pbilosopbes ont été
inexcusables [Uum. i, 20] ; que les autres se
sont laissé conduire ounimc des animaux
Slupides (/ Cor. xii, 2) : il y aurait do la té-
nieriié à s'élever contre celle décision , et il
lie nous importe en rien d'entrer là-dessus
dans aucun examen. En second lieu , celte
objection suppose que les païens n'ont point
eu d'autre secours pour coiutaître Dieu et
la vraie religion que la rainon toute nue ;
c'est une erreur. Dieu leur a (lonné à tous
des !'râces ■•urnaiuroiles el intérieures ; s'rs
avaient été fidi'des à y coi respondre, ils au-
raient reçu des secours plus abondants et
pins prochains pour parvenir à la connais-
sance de la vérité. Ils sont donc inexcusa-
bles, comme saint Paul l'a dcciJé. l'oj/.GRiCE,
§ 3, Infidèles, etc.
Quatrième objection. C'est à la rais'ii
seule (le juger en quel sens il faut prendie
les paroles de l'Ecriture sainte , de voir s'il
faut les entendre dans le sens littéral ou
dans le sens figuré , de choisir entre deux
passages qui semblent se contredire , celiii
qui doit expli(|uer l'autre ; pourquoi ne
serait-elle pas aussi eu état de décider la
question en elle-mêine et indépendamment
de l'Ecriture ?
llépimse. Nous nions absolument ce pi-in-
cipe des déistes , qui est celui des protes-
tants , et (|ui est une des premières sources
du déisme; c'( st donc aux protestants seufs
qu il importe de résoudre cette objection, et
nous n'en connaissons aucun qui s'en soit
d(mné la peine. Pour nous, nous soutenons
que personne ne peut être absolument cer-
tain du vrai sens de l'Ecriiure que par l'en-
sei'jnement de l'Eglise catiioli>|ue , et nous
l'avons prouvé ailleurs. Voy. Ecriture
SAINTE.
S'il était nécessaire , nous n'aurions pas
beaucou|) de peine à démontrer la faiblesse
de la rnison humaine , I inceriitude de ses
jugements et la uiultiiude de ses erreurs en
fait (le iiiorale, de droit naturel, de loii, d'u-
sages cl de coniumes. Hérodote cisail déjà
aulrelois que si l'on demandait à des hom-
mes de dilïerentes nations quelles sont les
meilleures lois et les coutumes les plus rai-
sonnables, chacun d'eux ne manquerait pas
de répo dre (lue ce sont celles de son pays.
Lorsqu'il s'a^;il de dé- ider si une aciion est
bfiniieou mauv.ise, conforme ou contraire au
(Jrpit naturel, un homme désinlére.sséen juge
uidinairtmeiit assez bien : s'il a le moindre
intérêt à la clio>-e, il trouvera vingt sophis-
ines pour justifier ropinion qui lui est la
plus lavoralile. Oui s'avisa jamais de con-
sulter un j'ige qu'ij sail é.re prévenu ou
passinneé? Ct'pendant tous font piofrssion
de suivre el croient suivre eu cITel fes plus
pures lumières de ht raison, parce ((ucious
confondent le diciaineniie la raison avec d lui
de leurs préjugés , de leurs habitudes, de
leur intérêt et d(! leurs passions. Au reste,
ce n'est pas (i'aujotird'hui que les niéeréants
accusent les oithodox.s de degra icr et de
mépriser la raison humaine. « Pour lous,
disait le manichéen Faiisle à sainj A"SUslio,
1. xviii, c. 3, NOUS croyez tout aveugieuicot
et sans exainen, vous coniJamncz dans les
hommes la raison, 1' plus pn cieux des ons
de la nalure , vous vous laites scrupule de
distinguer le vrai d'avec le faux , el vous
redouiez aiitaiil le di cernemeni du bien et
du mal , que les ciilanls craigiieul les es
prits et les lutins. » .Mais 'i'erlullien a liés-
65
RAM
bipn remarfiiié que quand les serlniros pro-
mcllenlci qiiehiu'unflcrpmcllri'toiili's chnsi'S
an jiifçciniMii de s,i raison ,'iis ne rlicrrhont
((u'à 11' srduire |i;ir une Icnlalion d'orymil.
Dès qu'nnc fois ils vous lieimenl , dit il , ils
exigrui ((iTe vous les crii}ipz sur jj.-irole.
Lribnilz n f.ùl à ee snjit des rédi-vions Irûs-
jndicifuses ; il dcniéle lorl bien l'équivcxjie
du mol raison, el il fait voir que , ilans une
infini é de choses, la raison m^me nous or-
donne de recourir à un anlre unide, Esprit
(te l.eibniiz. loin. 1. p. 2.'r{ et suiv.
Ou.Hid la rofAon de l'homnic sérail une
lumière ceiil fois plus pénéirante il plus
infaillible ((u'elie n'est, il y aurait encore
de l'ini^ralilude à dédai;;iier el à rejeler le
scfours précieux que Dieu veut bien y ajou-
ter par la révélalion. Il n'y a eeriaiueinent
pasde lumière plus lirillanle que celle du
soleil ni plus capable de nous écl.iirei-; ce-
pendant lorsqu'il faut descendre dai\s un
soulcj lain, nous sommes forcés de recousir
à un (lanilicau. C'est la compariison dont se
sert saint Pierre; il exliorlc les fiilèlcs à se
rendre alteutif. aux leçons îles piophèlcs,
comme <i une lumière (jui brille dans iiu lieu
oliscur en allendanl que le jour vienne (/
Piir,i,\^^). Yoy. IUtionalisme , Uiivii.i-
TIOV.
*Uaison (Culie de l;i). yoy. Fête de l\ nxisiiN.
RAMKAL'X. Le dinianclie qui cooim nco
la >emaine sainte . et qui est le dernier du
carême, est appelé le dimanche des Rameaux,
(loiiiiiiica Palinnram, à cause de l'u^adeéla-
bli (lès les jireniiers siècles parmi les (Mêles,
(le purler ce jtiuc là en procession el pcn-
danl roffiee divin des palmes on des rameaux
d'arhies.en mèinoire de l'eiiliée triomphante
de Jésus-Clirisl à Jet nsalem huit jours avant
la pàiiue. Il est dit dans les évangélisles,
que le peuple, averti de l'arrivée de Jésus à
Jérusalem , alla au-devant de lui ; que les
uns éienilirriit leurs vêlemeiils sous ses pas,
que les autres couvrirenl le chemin de liran-
ch's de palmier; qu'ils raccom[)a^nèrenl
ainsi jusque dans le temple eu criant: Pros-
J)éiiié au Fils de David ! béni soit celui qui
lient au nom oii Seigneur ! Mallh. , c. xxi ;
.\!aie.,c. XI ; Luc, c. six. C'est ainsi qu'ils
le reconnurent pour le Messie. A r<aisuu de
ceMc eéi éiiiouie , le peuple, dans plusieurs
Ilro^ inces, appelle le dimanche des Itameaux,
Pâ'/ues fleuries.
i.'e.sage de l'Eçîlise est de bénir ces ra-
meaux en priant notre Sauveur d'aifréer
rhommage que leslîdôles lui ren(lenl comme
,i leur mi et à leur Seij!;neur. Le P. Leslée,
dan- ses idoles suf le niisscl mozarabiifuc, ob-
serve que celle bénedietion a été en usage
dans les tiauleg et en Espagne avant la fin
du VII siècle; mais elle peut être beaucoup
plus ancienne, quoique l'on n'en ait pas des
preuves positives, .\icuin. dans sau livredes
O/pces divins, nous ajipren.l que, dans quel-
(lues églises, l'usage était d ■ placer le livre
i)e l'Evangile sur une espèce de fauteuil, i|ui
elail porté à la piocession par deux diacres,
aûu de représenter ainsi le triomphe de Jésus-
RAT 54
Christ. Ce m<*me dimanche a été appelé au-
trefois dnninica cmnpft'nliam , parce que
ce jour les calèehum'nes venaient tous en-
se .ible deuMnder ,1 i'èvéq'ie la grâce du
baptême, qui devait être administré le di-
manche suivant, lit comme, pour les y pré-
parer, on leur lavait la li'le ce u ôme jour,
il fut encore nommé capililnvium. Enfin , la
coutume des ennpereurs et dts palnarebes,
d'acci'rder des grâces ce jour-là, le fit nom-
mer 'e dimanche d' Indnlyenre. Noies de Mé~
nnrd sur le Sacram. d'' S. Grégoire ; Tho-
massin. Traité des Félei , etc.
UA 1 lONAL , ou PECTORAL. Voy. Oracle.
* RATION \LISME. D-pnis le jour on, avide de
cnnii;ds-:iiices, l'Iieîhine a niaiiRi^ du fruit de Tarlire
(le la science du bien el du in;\l, il a voulu jnsîer iniu
pur la r.iisnn. Il a voulu niesuier à son iiilellifîcMici!
les cliiisen divines. De là le désordre (tes idées reli-
gieuses de cprlains peuples, laiil diins rancieu temps
(lu'à noire é|io'i"e. L'Iiisloire tU'. toules les eneirs
humaines est l'histnlre de la raison nui a vnilit s'in-
surger Contre la vérité révélée. Cepeudam le ocnu de
ralionalisiiie a été lés^rvé à ces écilcs (]ui oui sys-
téiualupietneiit ei excliisivcuieiil mis la r:iisoii lour
base de loiiies les crny!\n(!es. Nous pourrions dis-
tinguer irois épiiques principales et'i le ralionalisme
ain-i ciitnpris a dominé. 1° Peiidanl le règne de la
phil.i-opliie greciite, Pytliagore pourrait servir de
po iil de ilép.irl. L'élule des dive.s sysièmes de
pliilosopliie de celle épo pie appartient an D.climi-
iiaiiedo pliildsnpliie f|iii devra exposer ce ipie ces
pliilosep^es lenaie.ii de la tradition et de leur pré-
tendue raison.
La d •uxième époque comprend l'école d'Alexan-
drie, qui mêlait le platonicisme au cliristianisme.
C'est celle écele i{iti a donné naissance à 1 1 mnlliliide
des sectes giiosThiues que nous avons fait connailre
dan- le cours de ce dieiionnaire. Voi;. Gnostujiifs,
Alexaniirie, Valentimens, etc. — {Voy. aussi Dicl.
de Tliéol. tnor., t. Il, Hisioire de la Théolofiie.)
La trois èuie époque, celle qui peut prendre le
nom de rationalisme propremeui dit, est celle de
noire temps. Au siècle dernier il se manire-la sons
le nom de. plijlosopliisme ; il avait pour liiti d'atta-
quer direcienient le chrisiiuiisme et de le détruire.
Nous avons fait connailre celle espèce de rali aia-
lisine dans nu grand nombre d'articles de ce diciiou-
II lire. Bergier semble n'avuir eu d'aulre làc. e que
de le coiiibailre. Aussi il y a fnrl peu d'articles de
.son dietionnaire où le ralionalisme pliilosoplilipie
du xvui" sièele ne soit en cause. Le rationalisme de
notre temps s'est fait clirélien pnur mieux ah-orlier
le cliiisiianisnie. Cesl surtout en Allemagne ipi d a
pris naissance et a débordé sur tous les autres pays.
Nous lui avons consacré un grand nombre d'arlic es.
Voy. KANTISME , (,I\ITIC1SME , LxÉGÈSE NiiUVl t,LE ,
li.\Éi;Èl^S ALLEMANDS, lltCEL , SfatELLING, l'X.LI C-
ïisMË , Ecole ec s-aise, I'k GRiîs (Ductrine du), etc.
La cause du ratiiuialiiine vient de celte maxime
orgiieilliuse, ipie Chomme ne doit a'inieltre qie ce
qu'il comprend ; maxime démeniie par la praliipte
quotidienne, car l'iiutnaie a le senlimeol de son
exisieiiee, de si vie, suis pouvoir les cumprendre.
M. de Itavignan a donné une eonléience qui cnnibat
lepiiniipe fond.unenial du ration liisnie ; nous al-
lons en rapporter les principaux passages.
I On se demande avec elomieiiieiit, dit cet auteur,
coiiiniem il a pu se taire que, dans tout le cniirs des
Siècles, taiil il'incertiiude el lanl d'iiicoliéreuce
soient venues ciiiraver cl nliscurcir les letlientlies
laiiorieuses dans lesquelles l'àiiie s'étudiait elle-
iiiéine : L'Iiisloire de. la pbiio.-opliie est eu grande
partie l'nisioire des travaux entrepris par l'espril
buiiiuin pour parvenir à se connailre. Ce sont aussi
55
RAT
HAT
tit>
les archives non-seiileiiienl les plus cuiiouïes a elii-
dier, miiis aussi les plus iii«lruclives , si l'on sail en
froliier. Qii:iii(l on veiii niùreiiienl y iiio, et résiimer
aiieniivoniiMit les données |il]i!(>sopliJ(|n«s sur i:i na-
ture de ràiiif, snr la piiissanee el le- drnii^ de l:i r^d-
so'i, on tnnive :diirs qne deux syslcnies |iriuci|i;uix
sonl en piCTerice.
I Les uns, frappés di's impressions extérieures et
sensibles (iui atcneillenl l'honiine au herceiiu, qui
l'environnent el rarrouip:ii,'iient dans louics les (dia-
ses du son exlslenrc inoiielle, fr:ippés de ces rela-
tions enirelennes satis ce-se au deliors par l'aclion
des orgmi's ei des sens, les mis, dis-je, ont cru que
le fonilenicnl di; nos oonnais^ances, la puissance
réelle de l'âmi' et les droits de la raison deva ent
êlre surtout placés dans l'exiiérii'uco. (J'esl ce qu'on
a nnninié l'iiiÉpirisme; el parce mot, je ne veu\
pas seulement exprimer ici l'aluis, mai-, encore l'u-
saç;ft de l'observ.ilion et de la sensibililé considé-
rées, selon quelques-uns, comme le principe même
de nos connalS^ances.
« L'autie sysième, d'un spiritualisme plus noble
et plus éie\é, place la nauin' de l'ànie, ses droiis,
son pouvoir premier dans l'idée même purement in-
Iclli ciU' Ile. Ainsi, au moyen de l'idJe pnte, l'âme
conçi.it cl développe la vérité par son énergie propre
et intime. C'est l'iilédisme. l-A \i:\ encore, je ne
vei>'>i pas non pins nonamr seulement un cx'ès.
L't'xi.j^rieni'e donc, l'oxpé.ience seii-ihle el l'iilée
pure, \.Mlà, je crois, les deux bannières distinctes
sous le^qnttl!os on rc:.! ranjjir la pitqiarl des théories
laboriensennnt eif Mitées pour exprimer le principe
de no'- coiiiiai-.sances, la nature me ne de l'àme et
les droiis de la raison. Les uns ont semblé tout rap-
porlerà l'expéiience, les autres .à I idée 11 faut s'arrê-
ter nvec l'œil d'une coiisidéralion allentive snr ces
dispohiions ( xdu^ives et contraires des hommes qui
fuieul iKiiiimés sagi's an sein de l'Iif.iiiaiiité.
i Iles esprits e\(liisifs et tr"p déliants pent-èire à
l'égiird des pures el Iriules spéculations de la perrsée
s'emparirent de la iiialiére el des sens, et s'y établi-
rent .(oinme au siège même de la réalité, ils crnienl
pouvoir y reciieil:ir tons les principes, loules les
conniiis-ances el les idées d.^ toutes choses. Ils adop-
tèrent l'empirisme ; d'immenses abus s'ensiiivireni.
M. de Ravi-iiiaii trace l'Iiisioire de rempirisme ou
de la phiinsophie expé imentaleen Oiient, en Grèce,
en Angleterre et en France. Il expose égilement
l'histoire de l'idéalisme, et rappelle que les plus il-
lustres rejnésenlanis de celt'' philosophie i'urent,
avec les cunlcmplatils de l'Inde, l'ythugoie, les mé-
taphysiciens d'Elbe, Platon , et depuis le christia-
nisme, i-aint Augustin, saiiii Anselme, De-cartes,
Mallebranclie, Bossue i, Fénelon, Lcihnitz. L'école
allemande vint ensuite, et l'oraleiir montre qu'elle
se préciDiia dans tous les abus de l'idéalisme le plus
outré.
« Des hommes, dil-il, qui ne maiiquaienl assuré-
ment ni df force ni d'éiendue dans riolelligence, se
sont un jour séparé- de ions lesenseignemeiils de la
traduis. n. Ils ont mépiisé les travaux des vrais sages
el loutes lis données du sens commun : ils se sont
enivrés de leurs propres priisées. L'orgueil de l'es-
prii el ses illusions, ((u'ils se dissimulaient peut êire
.T cux-iiièmes, les ont cnliainés bien loin, bien loiti
du but. Alors tout a vacillé à leurs icgirds, tout a
paru nionvai.t devaiil leurs yeux ; leur vue s'est oli-
siciiicie. Ils n'iMii plus rien aperçu de slublc ni de
fixe. Ils n'ont plus reconnu de bases el n'ont pliis re-
trouvé d'appuis. I.a loi élail la terre de rédige el de
salu'. (.'e^ bi'irmes n'avaient plus la foi. La pierre
angulaire, jo (jlirist piTinaneut d:iiis l'Kglise, s'était
Uaiisliiiin'c' pour eux en vague phéiioméue, en vaine
éyolmidi. il,, l'idée, pas auire clioni!. Mus alors la
vie v('iii;ihle ■< lui de ces iimes, it elles n'ont eu p 'iir
dernière ci^nsclaiioii el pour dernière esp.'iMiiee
(ju'uii allreux désespoir dans une iiégaliuu univer-
selle et ausoiue. Il faut donc courageusement rester
dans son bon sens, il faut éviter courageu-ement les
extrêmes, il faut respecter les b.ises posées ei réllé-
chir l'ingiemps nvanl de prononcer. Il faut recnnnaî-
ire les iiornes avec lesdioils el l'aclion véritable de
la rai-nn buinaiiie. >
Il y a, srion le grand oraieur, trois sources de
connaissances; l'idée, l'expérience et la foi.
« Si l'on vent n'accepter nue les droils de l'idée
pure, on risipie de s'abîmer dans le gnudre des abs-
iraciions : si l'on veut n'accepter que l'expérience
des sei s loiit seuls, on courbe la dignité de l'inlel-
ligence et de l'esprii sous le joug des. sens et des or-
gHiies, si l'on ne veut en loules choses que l'autnrilé
el la foi, je le dirai avec francliise, on rend l'aiilo-
riié el la foi impossibles .à la raison. Trop générale-
ment, 1 'S philosophes scindent riimniiie ei le divi-
sent violeniinent Si l'on acceptait l'hoinme tout en
lier, tel qu'il est, avec ses lacidlés diverses : si l'on
acceplait l'homme avec sa vue intellectuelle et pure,
avec sa force cxi érimenlale el sensible, avec son
intime et invincible besnin des vérités divines ei ré-
vélées, alors, ou aurait l'homme tout entier, on au-
rait la vraie nalure de l'àine , les conditions et les
droits véritables d.; la raison. Mais ce n'est pas là ce
qu'on fait : on prend une lacnlté, une partie, une
force de rhomme, el l'on y place loule la raison el
toute la philosophie.
€ Un exemple illnslre va éclaircir ce que je viens
d'énoncer, yuand DescartfS parut, il voulut p;iiétrer
loules les prof'ondeuis de l'ànie, sonder la nature iii-
linie de la rai>on. el recommencer mélhodiqueaient
tonte la chaîne de nos connaissances. Ce fut alors
qu'il jironiuiça le mot devenu si célèbre : Je peii?e,
donc je suis, ynanl à nini, il me semble que Des-
carie» aurait pu tout nussi bien dire: Je pense e( je
suis, on j'exisie el je pense, car nous avons égale-
ineiil la cou cieuce el de noire pensée el de notre
exisience. Vous eu conviendrez, je crois : ces deux
vérités soiil siniullanées, elles sont évidenles au
même ilegré pour la raison. C'est par une seule el
iiiêine peiceptinn de l'àme que nous connaissons no-
tre existence aussi bien que noire pensée.
« l'ar où, et c'est lii que je veux en venir, par où
vous (jouvez bien comprendre que, pour avoir la no-
liou vraie do l'àme, les conditinns consiitutives de
la raison, il fnil unir sainemenl l'un avec l'autre l'é-
léiiieiil empiriq'ie et l'éléuienl idéaliste, e'est-à-dire
en d'autres lein.es et en termes Inrl simples, l'idée
el l'expérience; el pourquoi? parce qu'il y a siimil-
lanénieiit dans riiomme ces deux choses, ces deux
facultés, ces deux princi|ies : l'idée et l'expérience.
El c'est ce que j'ai voulu siginlier eu assotiaul ainsi
ces deux mots : je pense et j'existe : expression,
l'une du monde logii|ue ou de la pensée, l'autre du
inonde expérimental el sensible. Voilà donc, si nous
voulons en i:oii\eiiir, le dnuble éléintnt qui cousiilue
d'iibord, à nos regards, la niiture inielleclueile de
riioiume ei la fo ce première de la raison ; l'idée, la
vue intellectuelle el pure du vrai ; et l'expérience,
ou la C' nnaissance que bs sens nous donnent des
objets f x érieurs et sensibles. A la preiniéie des f,i-
cullés, à l'idée, correspomlenl tmites ces notuuis gé-
nérales, spirituelles, qui ne | eiiveul nous venir par
les sens, lelles que les iiolions de l'èlre, du vrai, du
bon, du juste, anxipit Iles il faut joindie l'amour
nécessaire de la béatitude, le besoin d'agir pour une
hn, pour un liui, pour une lin qui soil conipiéie el
dernière. El là, vous avez le lond naturel de mire
inlelligence, et ce qu'on peut nuinmer les premiers
diuil- cuiislilués de la rai-on
« Un'airive-t-il donc et qu'ai-je à dire encore'?
Ah ! la raison impaiienle s'agiie, elle cherche, elle
cherche, elle avance et avance loiijours. Tout à
coup sa vue s'nb-curcil, sa vigueur s'.irréie. Llle
ch ineelie tomme un liomme ivre, l'.lle se ilébai eu
vaiii au i.idieu d'épaisses léncbrei. Uue s'esi-il doiic
87
RAT
KAT
58
passé? C'est que, loin di* la pdiléi', loin de l'œil in-
lelli;;eni de riioiiiine.'iiar delà les liiiiile< naliirelles
de l'exiiéiience el'de l'idée, an ilch'i île lonles les lois
de l'évidence, au delà, liien an de à s'élriidenl en-
core l'S immenses réiiiiins de la vi rilé. Oui, par delà
il y a encoie l'Invisilne, rincuinpiéliensililc, rinfini !
ri vi.ns n'en ponvi'ï (Uniier; car vous savez qne
hien liaiiile la Inniièie inaei essible. El niènie dans
l'ordre liiunain il y a enc'iire loni de nons, hors de
la porlée de iiolre \ue, de nolie InlelIlRi'nce, il y a
les li'inps, les lienx, il y a Ions les fails du passé.
Mais pour nous en leiiir à la eonnais-ance de Oiru
seul, pour en veinr à ce car.iclére dernier qm' je
vous signalais en coinnn'nçanl , ;iprés les premières
n<)lions lr:idili(innelles sur la Divinité, aviiunn--le,
ni l'idée, ni l'expérience, ni l'inlnition, ni leraison-
iienienl, ne peuvent plus ici nons servir davantage,
car il s'agit de sonder les prolondeurs de l'infini, il
s'agit de mesurer l'cternité. Quel lunnuie alors ne
doit trembler? Seigneur! qui viendra donc à notre
aide !
« Nous avons la foi. La foi, elle avance lonjours,
elle ne craint rien, elle ne craint pas de s'ilaricer
dans les régions de l'inlini et de rincoin|iréliensilile.
Enleinlez-le donc, je vous en prie. La lui, glorieuse
exieiisinn de la raison, lui apporte ce qu'elle n'a
pas, lui dmine ce qu'elle ne peui ni saisir ni alïein-
d.e. C'est un don du Seigneur, un bienfait de la
grâce divine.
« Oh ! (uii, vous ne l'avez pas comprise la dignité
diî cette loi, vous qui prétendez qu'elle veut assiT-
vir, étouffer, rusireindre la raison. Vous ne croyez
p:is, peut-être, vous ipii m', cnuicï en ce niomenl ;
penl-êie, dans mie de vos heuios railleuses, vous
avez en piiié ceux qui croient. Mais, pienez garde;
nous n'acciplons pas vore compassion ei votre pi-
llé. Ooyanis, et croyants sincères, nous avons la
raison comme vous ; comme vous, et avec elle, nous
avançons ; et plus que vous peut-êlre, ninis allons
jusipi'à ses limiies ; nous admettons luiit ce qu'elle
aduiel, tout ce que vous adineiiez, et plus einnre,
peruieHez-nioi de le dire. M;iis là où vous vous ar-
rête/., nons avançons encore : là où vous voii> épui-
sez en vain, nous possédons, vainqueurs paisibles ;
là où vous balbutiez, nous ariiiinuns, là où vous
doutez, nous croyons ; ia où vous bingnissez in(er-
lain> et malheureux, nous tiiomphons et nous ré-
gnons heureux. Telle est la loi, et voilà ciinmeot
ede vient relever la dignité de l'Iiouime par les
mystères divins qu'el e révèle. Il est vrai, la foi
Vous soumet à une autorité, à l'autorité de la parole
divine qui daigna un jour se démontrer à la raison
de l'homine, parce que la raison avait, en vertu des
d«.ns du Seigneur, le dmit de demander cetie dé-
monsiration et celle preuve. Un iour, sur cette terre
bénie de la Judée par les miracles et les leçons de
rilumine-Dieii. celle nianilcslaiion de rauiorilê di-
vine s'.icconiplil. La raison l'eniendit, elle la con-
çut, elle la reeunnut, et la lui s'établit : foi éniinem-
iiienl raisonnable, puisque nous renseignons, et
nous le répétons sans cesse, la raison, pour croire,
ne peut, ne doit se snuiiieltre iju'à une aulurllé rai-
boniiiblenienl acceptable el certaine....
« Non, la foi ne vient pas, l'autorité divine ne
vient pas non plus arrêter l'essor de la rai-on. Au
contraire, la foi vient arracher l'esprit vacillant de
riiomnie à l'empire des lénèlires et d'nicertitmles in-
franchissables pour tous ses efforts. Et quand la foi
a ainsi él.ibli son paisible empire, quand elle lègue
au Idiid de lins cœurs, alms la raison peut en sùrelé
paKiiuiir, mesurer, pénétrer, sonder cet univers
iiiiioense. si généreuseinciit laissi' à ses libres iii-
vesligalioiis. Soit donc que recueillie ei. elle-même,
elle descenile prnlondémeni dnis l'àme pour éiuilier
sa nature imiiiie, el lemonier aux principes pre-
miers, à l'essence inéiiie des choses ; soit que, re-
portant ses regards sur ces mondes visibles, elle en
découvre les phénomènes, eue en s.nsisse les lois,
elle inaripie, au milieu du torrent des faits, la liaiilc;
économie du goiiveropiiient du monde, alors ton -
jouis à l'abri liilciaire de la foi, riioinme inlelligeiit
est libre et vraiment grand, il niesurc toute reten-
due de la lerre el des cieux, il ne eoniiaii plus d'ob -
slacles ni lie barrières, assuré qu'il est de marcher
à la suite de la parole el de l'autoriié divine elle-
même, l'.'esl ainsi, el c'est ainsi seulement que l.i
raison s'élève el graudil, garantie coiiipe ses pro-
pre~ écarts ; c'est ainsi ipi'elle s'élève jusqu';iu plus
liant degré de la science véritable; oui, elle a cnn-
(piis tniile sa digiiilé par l'obéissance inèuie iprelie
rend à celle bu, ei elle devient le plus iinlile et le
ilernii T elf u t di. gt^iiie de l'I me, lorsqnp, eu don-
naiil à ses forces loiil leur développement, elle a
respecté aussi les limiies de sa nature, el qu'elle a
niériié de s'unir à la lumière el à la g oire divines.
I .l'ai dit tout ce que je Voulais dire. Il n-e sem-
ble que nous avons, quoique bien en abrégé, livé
ceriaines notions suffisantes sur notre nature iiitel-
ligenle el sur les droits de la raison. Je les résume
en pende mois. Trois états, ou trois espèces de
connaissance eld'a'lirinalion : l'évidence ou intiiilion,
le raisonnement ou dédiiclion, la foi. Ce sont là iiois
actes ou fonctions .Je l'àme, ipii correspundi-nt à aii-
lanl de voies ou moyens d'arriver à une alliiiiiatioii
certaine : l'idée, l'expérieuce, l'autorité. Hors de là,
je ne crains pas de le dire, il n'y a pas de vraie phi-
losophie. Il n'y a pas de n uion vraie de riioiiime, il
n'y a pas de justice rendue à la nature inielli:;eule.
Pour achever, s'il est possible, d'écarter d'iujnsies
répulsions, nous placerons diiecienieui eu présence
la pbilo'opliie et l'antoiité callioli(|iie ou l'tglisc.
NiMis demanderons franchement à la pliilosopliie o.i
à la rai~oii tout ce (pi'elles réclament el exigent de.
l'aïuoriié et de la lei catholique; ei nous recniinai-
Iroiis (pie la plii.osopliie obtient avec le catholicisme
toui ce qu'elle a le droit de réclamer, et que ce
(|n'ellc ii'obiieiit pas, elle n'a aucun droit de le ré-
clamer
c La raison réclame avec justice pour l'homme
quatre choses : le droit des idées el d<?s vérités lire ■
mières ; le droit de l'expérience et des faits ; des solu-
liovs fixes sur les grandes questions relifiieuses; eiilin
un iirincipe jécond de science, de civilisation et di-
piosiiénié. l'ar la foi, et par la loi calholiquo seule,
la raison obtient ici tout ce qu'elle^est en droit
d'exiger.
« 1° La saine philosophie, d'accord en ce point
avec la théologie la plus cnnimnnémenl approuvée,
a de tout temps deuiandé que, dans l'analyse de la
certitude, on vint se reposer en dernier lieu sur les
premiers principes el les premières vérités qui nous
sont évidemment connues el (|ui cuusliluent en ipiel-
(|iie sorte le fond Hiême de l'àme. A ces premiers
anneaux doit nécessairemeul se rallacber la cbaiiie
des vériiés admises, quelles qu'elles soieiii, suis
quoi elles serdent comme des étiangers ipii demeu-
rent en dehors, n'ont point de pho e au foyer do-
ine-tiqni', et ne sniit unis par aucun lien à la I iniillo
iiiêine. Aussi l'Eglise catholique al elle toujours en-
tendu eue ai cepiée raisonnablenienl, avoir lonjours
un lien dans l'intiiiie raison ilc l'homme. L'Eglise n'a
jamais prélendu faire admelire son aulnnlé, inêni<;
infaillible et divine; sans qu'elle se laitachàl avec la
grâce, à un principe iniérieiir de couviciion peisnu-
iielle. Voilà ce qu'il faut savoir.
I Eh bien ! au fuid d« l'àiue vit et demeure un
iiilime besoin d'autorité : il est impossible d'eu dis-
convenir; il foiiiie comme la conscience universelle
du genre humain ; besoin d'auioriié )iour les mas-
ses, iiiènie en des choses accessibles à l'inielligence,
mais qui exigeraient des étions hors de proiioriioii
avec l'élal de la luullitude ; besoin d'aulirté pviur
les esprits plus cultivés el pour lé génie lui-même,
en présence de l'invisible, de riiicuiupréhensible, de
f9
RAT
R/VT
fO
l'iiifini, qui se rencontre sans cesse au-devant des
peiisiies lie ions les hiinimes. Aussi voyez de loiite
paii celle éionniinte propension à croin- le nii-rveil-
leux el rinionini, piopeiision qui exisle (l;ins la ni-
Inre et qui nV.st pas en soi nn Insli ^cl 'i<- cr ihililé
avengle, mais l'ien pliiiôl l:i conscience il'ii'i grand
devciir et d'un grand liesoin, du hcsoin de l'inllui,
qui uiimpie à riioniine, qie riioninie cherclie et
(ju'il doit trouver. L'auioiilé de rE;,'lise, enseignant
et délinis-ant les cliose» divines et inconnue^, est
donc, sous ce rapport, en purlaile liarmonie avec ce
besoin iuiuKnise ei universel de la rai^oll linniaine,
avec le hesoni li'anlorilé, avec le besoin du merveil-
leux ei dn niyslère. Kl n'est ce pas déjà se ratiacher à
un pi'iiicipe iniériem?
c 2" I>e plu-, les fonilemcnis de la certitude mo-
rale on liisloiiqne appariienncnl aux ineniiers p:in-
cipes et aux premières vérilés de l'inlelligcnce.
Quanta l'acceptation Ceriaine des faits, il n'y a rien
dans rame qui soit exigé, sî ce n'e^t uu léinoign.ige
qu'on ne puisse sonpç miuit n; d'illuson, ni d'i:ii-
pnsniie. iVIiis, en vente, nmis prend-on pour des
îiisens, s? ei comment doue croyons-n-nis.' les apô-
tres, les maityrs, les l'éri's, les pri'iniers clii< liens
sont des icnioms de laiis conleiniiiirains on pu cioi-
gnés. Leurs veilns, leur éiiiinente saimeté, leur
Constance, leurs sacnlices, leur noiidjre, I ur c^imc-
lèie et la liante science de plusieurs écarlenl à ja-
mais du iMii >igiia.e le (In par eux aux laits divins
la possitiilitc même de reneiii' et du inensmi^e.
< Kl (|ue voulez viins itonc? (|n'exgi'Z-viins pour
des l'aiis? Si cèi'eineiil, nue tiadilmn liisiorupie [lenl-
elle être plus grave, plus imposanie, plus .-.iiivie,
plus sacrée que ctlU' traditimi calludiipie sur les laits
luênies (pu rtnl loiidé l'Eglise el sou indestructible
antnnté? tjn'y a-l-il ici de vraiment raisonna. iie el
pliilo>o|iliiipie, devant des laits iunnobiles et ceruiiiis
coiiinift un roc? iprés lunl, nous croyons sur un lé-
UKiignage pnsiiif el inécisalile. yue peut demander
de plii> nn(; )lhiio^op de saine et écian'ée ! ille cesse
de l'éire, cpiaml elle ces^e de croire. Donc, >i nous
cniynns, c'e^l autant poar servir les dioiis de la rai-
son que |iOiir en remplir les devoirs, lia foi toute
seule'peut conserver ici la vérité des idées el la
force de l'expérien e, en consicia it ei le^ preuiieis
pnnc.;ies de l'inlidUm'OCe el la certitude drs tails.
Or, tou> les laits dn clirisilanisine sont liés à l'iiisii-
intioii de riigiise et de so» antonlé : un méaie apos-
tolat, un même témoignage, une même origine, une
inéine loi lenioduisenl les uns, étaOïissent l'aniie.
Mous possédons ainsi une logique invuicioe, nous
vivons par la lurce d'nn syllogisine loin divin, lype
snpicine de pliilosopiiie veniaole. Kulendez le ! Ce
que IXen nienie garantit et allir i.e est incontesiali e
et leilain. Oi , Dieu, par les f.als avères de sa loute-
pnlssaine, garain tel i iiiuve l'insuiiiliou delaiilo-
riie (Miliul ipie anno née, établie, exercée; en son
nom. I.'onc i.eile mio ilé esi divtne<iie:il ceriaine.
f Vous le viiV'Z : ia pli.loM)|iliie pouvait iégitime-
mem lécl inei les dnuis di s idées on ventes pre-
iiiièri's, ics lirons de !'< xiieiience ou di:s Ijos ; l'au-
tor.ié calltoliqne les sauve tous et les consacre oar
i,a déiiniuairaiion même.
I l>ien se léconde Ini-inê.ne, et trouve dans sou
e>s. in;e iniiiiie les termes réeU ei idsiiiicts do son
activile iiiliiiir, sans 'pie jamais une création lin ait
é>e néce^sai^e : le do.-^ine de la Trinité nous le mon-
te. La s ig sse luciéee s'incarne po^ir nous servir
de mOiléle el imiis ins iuh -, niiis Mir:oul p mr le
lacliit ilii genre biiinain pirle sang d nu sacriiicu
tuut divin : le bes >iii de réparation ci de raciial est
le m (1(; l'Immaniié... Allez due à saini .Augu^lill,
aile/. dii'<' a saiit riiomas et à ISossuel que les mys-
tères de 11 loi clirétieniieeniravenl ci anéieni l'étaii
lie la raisun ainsi (pie du génie. Ils vous lépinidiint
qu'ils n'ont de lumières que par les mystères, qu'ils
■l'uni connu que par eux le uiuiide, riiuuiiiie cl Dion ;
et dans leurs étonnantes élévalions sur Isi foi, ils
vous raviront d'admiration et vous inonderoni de
clarés divines. .Ainsi, la raison veut et dot vouloir
des sidiit nus sur les pins grandes questions, sur les
plus grands iniéréls : elid ne les trouve que dans
l'autorité cailioliqne seule.
« ô° Lnfin, la pbilosopliie el la raison réclament
avec jusiice un principe fécond de science, di; cii'i-
lisation, m.ds d'ordre également. Pnir la science,
que faut-il? De.-î points de dépari el des données
lixes. Sans ce secmirs, nul moyen d'avancer, innsipie
le^ déi'onvenes sont rares et que l'iiilniiion pnis-
saiiie dn génie n'appai ail qu'a des intervalles éloi-
gnés dans un lii n petit nombre. Ces p'^iuls de dé-
part, ■ es dcinnées fixes, c'est l'an orité catlndique
qui les fournil en définissant, d'une manière cer-
laiiif, l)i.;u, la cr. aiion, l'âme lininaiiie, son ini-
iiiorl.ilité, sa liberté, sa fin «dernière, le désordre
moral et le besoin de réparation. Il en va de inénie
dn priniipe de fiï'i^i.sa'io».
« L'antnriié callioliqiie est un principe civilisa-
le r, préiisenienl parce qu'elle li.xe ei déliml. Elle
pose d. s dogmes, des barrières ; elle établit seule
dans II société linniaine des doctrines arrêtées et
loiidaiurniaies. Kt quand il n'y a plus de loi dé-
finie d.ins le- inii'IligeiK es, quand il n'y a plu^ d'au-
loi lié (pli enseigne souverainemenl les e-prils sur
b;s véniés religieuses, aloisla laison et la pensée re-
liiiinienl à l'eiit sauvage. Je ne voudrais rien due
aS'ii cillent d'oiren-anl pour personne, .roxnrioie nn
fait, la logiq e du libre examen el de l'iudépendaiice
absolue de l'idée buni ine s'est pleinement prmluile
el déveloiH'ée Oe nus jours dan» la pliilosu|)|ii ■ do
Hegel el dans les plidosopliies analogues. .M.iis que
sont ces pliilo»opliies? La siibver^io i euuère de
toute réalité ei, par sniie, de tuuie morale, de louie
religion, de luit ordre social. I.l les peuples remués
jnsipie dois leurs loiideinents. Imite-, les bises in-
tellecliieles et po ithiu's ébranlées, ne signabuit ip^e
trop, dans nn grand n niibre, les lilei? de l'abaiiduii
l'iim-ste iiù l'on a piéleud'i liiS'.cr le pouvoir légil-
lateur dei croyanc 'S et des docliines religieuses...
< Il laul b. irdiine.it pnmoncer (pie l'autorité Ca-
Iboliipie e~tli' pallailnirn vrai et 1.- gardien sauveur
de la liierlé niè ne de penser; carede lui évite la
lolie, ce q d est bien un grami .~ei vice à lui leudre.
C'est donc la raison elle-méiiie qui accepie r.iiiio-
rdé caifioliipie, qui l'accepie et I embrasse élioile-
meiil, parce iprelle la voii évjdeinnient acceptable
eicoriaine... L'I^glie si'ule an moule lui apparaît
reinpli<.sanl réelleuient les conditions de cetl- au-
luriié oéces^aire. Antique, pnre, sainte, te Iront
ceini d s gloires des mailyrs l't du géme, l'Kglise
piiiirsuit ju^.pi'à nous sa iiiarciie majestueuse el
calme, au milieu des o^ciliaiions cl des tempêtes.
ii:^l 0 lient d<;r >u{i;es dans sa m.i n le'i iradidun» sa-
crées de l'Kvangiie el de 1 liisloiie, q.ii ont nian|ué
(In -ceaii de riii-lilnliun divine son origine et sa
durée. L'iiglie pane aux yeux, à la cnnsciuiice, au
bon sens, au cœur, à l'expérience ; elle parle le lan-
ga;;e de.^ lui- el de^ veriiés doli.iie» ipii lenconireul
lonjmirs dan-i les àm.s sincères, ave' le secours
divin, un assenlinicnt géuoreux el p.iisble. Li rai-
(inii, soiilenne i^e la ^ràce, aiiarjie alors SJicnienl
à la c lionne de l'autorilé les premiers aiiuL-aux d^; la
cliaiiie ; ses convictions les pins intiiiies s'unissent
en bien injme a la lui euîCigné.;. L'iiouime, écairé
d'eu liaul. 11. ibiti; alors nue grau. le Iniiiiére, loin du
duiii-, loin des n^i lieiclies et di;s an.viélés pédbles...
Kl c'est aiusi qu'a l'ombre de l'antoiiié c.illiolique
el de la dacinin', la société s'.ivance dans lés voies
ri'giiljéres de la -cieme ei de la civilisation, de la
loice et de l.i prospé ité véritable. »
* KA'jMU-nI) LL)i.LK. Uaymond, surnouinié le
Do'leur llluininé, éi.iii né à Palnia, dans l'ile de Ma-
jorque, en i'ÀM. 11 s'appliqua, avec une ardeur iiila-
tigabb', 9 l'éijtide de la pbilosopliie des Arabes, de la
61 REB RF.B 6î
cliimie, de la méilecine et no l:i i|iéo)ngie. S:i vie (ut chnni le myslôre de la sninio Tiinilé , ot ne
d'.ilioid di'isip'e l'i iiiémo liliiTiiiie ; il se nioiiira en- biipti.siiionl ]],)s au nom des trois piT^diines
siiilc frère liès-fervciil <lii liers ordre de S;i ni Frnn- divines, il y aviiit lien de penser que l.i plii-
c:;s, aiiinieiir d.- I:i sidiindeet sollicioiir assidu dei p^^pl aliéraient la forme du sacrement ; siint
primes (pi'il vil lo», et pre^s:. |.i.<|u'n limporlunite, ^y j^,, aii,>,„„e on el\,.t les n.aieionil.-s nui
inm les h|,re emrer d.„s le plan .1. -^o,, /eje ; .u - ^^ ,j,,,j,.„t ,„, „„,„ ,/^ J^sus-Chrhl ; lipll.
SDi.iiciir diiiie iieiiim (ijiKiiie, auteur lie plus de \o- ,..,',., , ,,., x . < <.• , •.// .
îume- (lu'iiii hdinpie n'en ponnait iranscriie, nu '^- '> <•''>•<.' ">le le (.ape , dans son reseni a
nièiiK' lire dans le tniirs d'une vie ordinaire; ac- saint (.yprien . ne parait pas avoir dislmune
eiisé criiéréMK et iiiarIvriM' elie/, les Musiiliiians, Si enire le bapiê.iie des tiereli(|ues nui en alté-
lont ee cpi'un dit de liii élail vrai , aucun romiri ne raient la loi inc, d'avec eeliii des sectaires
pourrait être comparé à sa vie. Son granil ouvrage qui la suivaient ex^ifteiiienl. De là saint
fiii'IMr(f,^ndr<i/nuler,r<iHi/ Arf.c'éiaiiuiieniéilmde Cyprien coneluait ni.il à propos que ce pape
iclle.ne.il sul.nle, qu'il pre.endail. par I aveu . Unie approuvait le baptême de tous indistimte-
iiroDdv , lin iiui'e un ee hl, amener son adversaire '^' , i ■ , o ■,■ c ir ■.■ -
Zie: er'l!. l! eailedicpie". M f,.r a aussi la "'«"1- '■'"<■ fe^;'PP"M..o,. fausse. I .y. lîeve-
cniva a'c oal)ioliip)e eu propusilious générales, qui •"ul-e .^ur le 30' canon des apôtres, ^ '^.
(leviiireni le lexie des études et des disputes dans les IMusieurs critiques protestants , lîlondel,
diilê e les ('(di's. Basna;;(; . Moslieitn et son Iradueteur , ont
* IJÉALI^'lfcS. Ils prélendaient juger des choses parle de celle dispule avec la pa-sion et l'in-
par elies-inènies; ils étaient les adversaires dé'uilés Jideiiié qui leur sont ordin. lires. Ils disi'iit
dos Nouiinanx. Voy. ce mol. Çc, éeo;es apiiariieu- „ue le paiie saint Elienne auil dans celle
nen. plus i, la pliilnsophie <p. a la théologie, ^ous ci,.,onslance avec beaucoup d'oigueil, de
renv y.ns au Dict. de l'Iitlosopliie. \vxMyitm et d'opiniâtreté. C'est une calom-
HjîBAPTISAN rS. L'on entend sons ce nie ; les Pères des sièi les suivanis , suriout
non! ceux qui ont voulu réiicriM- le baplètne sainl Augustin et Vincent de Lériiis, n'ont
à des peisOiines déjà valideinenl baplisi es. rien vu de réprehensible dans sa conduile.
Au il.'' siècle, l''jriiiiliéii , évèque d^' Césa- Mais quand on commence, comme les pro-
rce en Cappadoce, et quelques évéques <rA- lestants , par préjuger que les pape', n'ont
sic, saint (Cyprien, à )a télé d'un assez grand aueune autorité légitime sur toute l'Itgiise,
nonil re d'evéques d'Alriquc , décidèrent que loul autre évéque leur est alisolument
qu'il lali.iil n baptiser tous ceux qui avaient égal, n'est tenu envers eux à aiicuni' snbor-
l'eçn le baptême de la main des liéréiiques. din,iti()n , il n'est pas éionnant que l'on re-
lis se foiKiaienl sur ce principe , que celui garile leur zèle pour le maintien de la foi
qui n'a pas en lui le Saint-lispril ne peut comme un attentat. Mais nous verrons ci-
pas le donner. INTaxime fausse , de la()Uelle après (]iie les Asiaiiques ni les Africains n'en
il s'ensu vrait (ju'un homme en état de pécjié avaient pas celle idée. Comment des proles-
ne peut ailmiiiislrcr validemcnl a'icuii Siicr- tanis , i|ul blâment avec tant d'aigreur l'a-
me l , ei que refliriicilé de le rite sacré dé- version des Pères de l'Eglise pour les lieré-
pend du l'i.é.ile pcisnnnel du uijnislre. Jîa tiques, peuvent ils excuser celle que Firmi-
second lieu , is al;éi;uifii'n,t en Icijf faveur lieu et saint Cyprien témoignent dans celle
la tradiiionde leurs églises : or, il est cous- occasion contre tous les seclain's ? Nous n'y
tant (|u'en Afrique celle Iradilion ne renion- concevons rien. Mais ces deux évé-iues
lait pas plu» haut qu'à 1 1 lin <lu ii' siècle , resislaieut au pape ; c'en est assez pour
et à l'évéque Agripj'in , ijiii n'avait précédé élie abous de loul pèche aii tribunal des
saint Cyprien que de cinquante ans tout an protestants,
plus. S, mit Cyprien , Episl. 73, wl Jttb iiDi. Suivinl leur avis , il s'agissait d'un point
Aussi le pape sainl Etienne résista d'aiiord de siuip|e discipline, d'un usage indiiîerenl ,
aux Asiat qucs , et ensuite aux Africains, suivi par le grand nombie des évéques ;
a\ec la fermeté qui convenait au ciief de tous et. lient en droit de s'en tenir à ce qu'ils
l'Eulise; il leur opposa une lr..diiion plus trouvaient établi ; ainsi pensaient les deux
anlhenliqnc et pltis constante que l,i leur, évéques de Césaree et de Cartilage. Mais cet
en leurdisani : N'innovoii'' rienjenoiistvjiis- usage entraînait une erreur dans le dogme;
en à 1(1 tradition. Il menaça même les uns il faisait défieudre l'effet des saereinents de
cl les autres (le les séparer de sa coininù- la sainteté du minislre, au lieu qu'il dépend
nion ; mais c'esl une qi eslion de savoir s'il de l'inslitutiou de Jésus-Clirist et des dispu-
proMoiiça en effet contre ei:x rexcommnni- sitioiis de celui qui les reçoit; il augmentait
catioii. Jus(iu'ai.ir.s l'usaiic de l'Eglise av.iit l'aversion des hérétiques pour l'Eglise ca-
é'.é de regarder comme valide le baptême tholiiiiie , cl rendait leur conversion plus
donné par les hérétiques, à moins qu'ils dilhcile. D'autre part, saint Augustin fait re-
n'enssehl altère la forme prescrite par Jésus- marquer le petit nombre des évéques ijui
Christ ; et cela flil ainsi décidé aii iv siftele tenaient ponrcci usage, soit en Asie, soit en
dans le concile d'Arles et dans celui de Ni- Afrique. « Devons-nous croire , dit-il , rin-
cée. Il est donc clair que Firmilien et saint quanle Orientaux, et tout au plus soixanie-
Cyprien avaieni tort dans le fond , puisque dix Africains, préférablemenl à tant de inil-
l'Eglise universelle réprouva leur senti- liers? » L. m , cjjifra t'rescon. , cap. 3. Nos
ment. Il est probable qu'ils auraient eu plus adversaires souiiennent enlin que le pape
d éuard pour la dérision liu pape Etienne , Etienne excunimunia de fait les Asiatiques
s'il n'y avait pas eu du inaleiilendu de leur et les Atricaius; c'est ce qui nous reste à
pari. Comme plusieurs sectes d'héréliques examiner,
lie ce tempslà è ai"nt dans l'erreur lou- Moslicim a traité fort au long cette ques
05 HEB
lion, nist. Christ. , sœc. ii, § 18 , noi. 2 ; il
prétend que los écrivains de l'E;jlise romainn
l'ont embrouillée tant qu'ils onl pu , pane
qu'elle prouye que, dans ce temps-là, i'au-
toritéde l'évênue de Rome éiail très-bornée.
N'esl-ce pas plutôt lui-même qui l'embrouille
assoz maladroitemenl? « Ceux qui pensent,
dit-il, qu Elii'une, en séparant les Asiatiques
et les AIricaiiis de sa communion et de celle
de l'Eglise de Home, les relranclia de la com-
munion de l'Eglise universelle, se trompent
fort. Dans ce temps- là, l'évèque de Home ne
s'attribuait point ce droit, et personne ne se
croyiiit généralement excommunié, parce
que cet évêque ne voulait pas l'admellre à
sa coiDmunion particulière ; ces ipinions ne
sont nées que longtemps apiès. Tout évêque
se (Toyait en droit de séparer de son Eglise
quiconque lui semblait -itteint de quelque
erreur grave ou de quelque faute considé-
rable. )) Que le pape ail en effet privé de sa
communion les Asiatiques et les Africains, il
prétend le prouver par la lettre que P'irmi-
iien, chef des premiers, écrivit à saint Cyprien
qui était à la tête des seconds, et dans la-
quelle il s'emporte violemment contre le
pape: Epist.l^, inter Cyprian. C'est par
cette lettre même que nous voulons réfuter
les imaginations de Mosheim.
Voici les paroles de Firmilien, page 14-8 :
« Quiconque pense que l'on peut recevoir la
rémission des péchés dans l'assemblée des
liérétlques , ne demeure plus sur le fonde-
ment de l'Eglise une que Jesus-Chrisl a éta-
blie sur la pierre, puisque c'est à s^iint Pierre
seul que Jésus-Christ a dit : Ce que vous He-
rtz sur la terre sera lié dans le cirl , etc....
■le suis indiuné de la démence d'Ëlienne,
qui se glorifle du rang de son épiscopal, et
prétend avoir la succession de saint Pierre ,
surlequel l'Eglise est fondée, en introduisant
de nouvelles pierreset de nouvelles Églises...
H ne lui reste plus qu'à s'assembler et prier
avec les liéréliques, à éiablir un autel et un
sacrifice commun avec eux. » Adressant en-
suite la parole à ce punlife, il lui dit, p. 150 :
n Combien de disputes et de divisions vous
avez préjiarées dans les Églises du monde
entier 1 Quel crime vous avez commis en
vous sépaiant de tant de troupeaux....! Vous
avez cru les séparer tous de vous, et c'est
\ous seul qui vous êtes séparé de tous....
Où sont l'humililé et la douceur ordonnées
p;ir saint Paul à celui qui occupe la première
plare (primo in loco) I Quelle humilité ! quelle
douceur, de penser autrement <|ue tant d'i'-
vêques répandus par tout le monde, et de
rompre la paix avec eux! etc. »
Kemar(|uoiis d'abord que Firmilien ne con-
teste point au pape Eiienne la succession à
1,1 primauté de saint Pi;'rre, il juge seule-
ment {ju'il la soutient mal ; il n(> lui dispute
point la première place dans l'Eglise, mais
les vertus qu'elle exige; il ne l'iiccu^e pùint
d'usurper une ;iulori(é qui ne lui appariionl
p;is. mais il lui reproche l'usage qu'il en
fait; il juge (|ue ce pape renoni'e à la qua-
lité de pierre fondamentale de l'Eglise et de
Centre de Vuniié, en voulant que les assem
REB
61
blées des hérétiques soient de véritables
l'^glises, dans lesquelles on peut recevoir la
rémission des péchés. Saint Cyprien , dans
sa lettre à Pompée ser le même sujet, Epist.
74, ne pousse point les prétentions ni les
accusations plus loin. Ces deux évêques pen-
saient donc bien différemment de Mosheim
et des autres prolestanls. 2° Si la sentence du
pape ne séparait ses collègues ((ue de sa
communion particulière, dans quel sens
Firmilien peut-il dire qu'elle préparait des
disputes et des divisions dans les Eglises du
monde entier ? Elle ne pouvait tomber que
sur les évêques censurés. 3' Puisqu'Etienne
avait cru séparer de lui tant de troupeaux, il
est donc faux que les papes ne s'attribuas-
sent pas alors ce droit. 4° Si chaque évêque se
croyait en droit de séparer de sa communion
particulière quiconque lui paraissait cou-
pable, et si le pape n'avait rien fait de plus,
comme le soutient Mosheim, Firmilien avait
grand tort de faire tant de bruit. 5" Dès que
Mosheim convient que cet é»éi|ue était irrité
contre le pape et poussait la vivacité trog
loin, ce qu'il dit n'est pas une forte preuve
de la réalité de l'excummunicalion lancée
par le pa[ie Etienne, et il est faux que ce té-
moignage soit au-dessus de toute excepiion.
11 est donc de la prudence de nous en tenir
à celui de Denis d Alexandrie, auteur con-
tempurain, qui dit qu'Etienne avait écrit aux
Asiatiques quil se séparerait de leur com-
munion, cl non qu'il s'en séparait ; aux ex-
pressions de saint Cyprien , ijui dit de lui
abslinendos pntal , el non abstinet , Epist.
7!r ; à celles de saint Jérôme , qui atteste que
la communion ne fut pas rompue , Dial.
contra Lucifer ; ituda à l'événement, puis-
que les Asiatiques et les Africains conser-
vèrent leur usage pendant ;issez longtemps ,
sans que les successeurs d'Etienne les aient
regardés comme des excommuniés. Notes
de Valois sur Eusèbe. Hist. Ecoles., 1. vu ,
c. 3.
Nous n'insisterons point sur ce que disent
Firmilien et saint C\prien sur l'unité de
l'Eglise, sur l'autel et le sacrifice, sur la
nécessité de suivre les traditions apostoli-
ques, etc., autant de points rejetés par les
protestants ; ce n'est pas ici le lieu d'en
parler.
Dans la note précédente, Mosheim dit
qu'avant Constantin, le petit nombre des
dogmes fondamentaux du christianisme n'a-
vaient pas encore été traites par une main
savanic, déteruiinès par des lois, ni conçus
dans certaines formules, et ((ue cha(|ue doc-
leur les expliquait à son gré. Si cela était
vrai, Firmilien et saint Cyprien avaient grand
tort de témoigner lanl d'horreur des héréti-
ques, de ne vouloir rien avoir de commun
avec eux. ni assemblées, ni prières, ni aulel,
ni sacrifice, ni baptême; le pape Eiienne
aurait eu raison de les traiter comme des
schismatiques ; en s'obslinant à le blâmer,
Niosheim réussit parfaiiement à le justifier.
D'ailleurs, a vaut '^(iistantiii, l'on avait solen-
nelli'iMciK condamné dans des conciles les
cérinlhicns, les gnosliques, les cucratiles ,
6S
RKC
Ips marcionites, les Ihéodolicns, les artémo-
niii's, les manichéens, l.^s noélien-î, les sa-
helliens, P;iul de Samosale, elc., <iiii tons
erraient snr les arlicles fondamentaux du
ciirislianisriie. Enfin, qmii qu'en ilise Mo-
slii'ini, saint Justin, saint Irénce, saint Théo-
pliile d'Anlioclie, Clément (l'Alexandrie,
OrlRène , Terliillien, saint Gyprien, etc.
étaient as^ez instruits pour savoir ee q'ii était
on n'était pas article fondamental de noire
foi. Dans toute celte discussion, ce crili(|ue
semble n'avoir travaillé qu'à se réfuter lui-
même; mais l'enlètement systématique lui
a ôté sa présence d'esprit onlin.iirc.
RÉ(;ilAI!irES, juifs qui menaient un genre
de vie différent de crlni des autres Israélites,
et formaient une espèce de secte à part. Ils
étaient ainsi nommés de Récliab, père de
Jonadab, leur instituteur. Celui-ci leur avait
ordonné trois choses : 1° de ne jamais boire
de vin ni d'aucune liqueur capable d'enivrer;
2° de ne point bâtir de maisons, niiis de vivre
à la campa'^ne sous des tentes; ;i° de ne se-
mer ni lile ni d'autres grains, et de ne point
planter de vignes. Les reV/ia///'<«.v observaient
ce rèïleoient à la lettre; Jére nie leur rend
ce témoignage, c. iiii, v. ù. (>e genre de
vif n'av;iit rien d'extraordinaire dans la Pa-
lestine et dans le voisinage; c'avait éti' celui
des patriarches, c'était en uenéral celui des
Madianiles, desquels les réchnhites descen-
daient; c'est encore celui des Arabes scéni-
tes, ou errants et pasteurs, (jui habitent les
bords de la mer Morte, ancienne demeure
des Madianiles
Gomme les rec/(«&(<es étaient parmi les juifs
en qualilé il'anciens alliés, et pres(]ue déna-
turalisés, on croit qu'ils servaient dans le
temple, qu'ils en étaieni les ministres infé-
rieurs sons les oriires des prêtres. Nous li-
sons °dans les Pariilip., 1. ii, c. xi, v. 5, qu'ils
faisaient l'office de chantres dans la maison
du Seigneur, qu'ils étaient Cinécns d'origine,
descendanis de .lélhro, beau-père de .Moïse,
par Junadab leur chef, et selon quelques-
uns, celui ci vivait sous Joas, roi de Juda,
contemporiiin de Jéhu, roi d'Israël.
Saint Jérôme, dans sa lettfc à Pauline,
appelle les ré'habiies des moines; nous ne
voyons pas en ((uel sens, puisqu'ils étaieni
maries. Quelques auteurs les ont confondus
avec les assideeas et les esséniens, mais ces
derniers cultivaient la terre, hahilaienl des
maisons et gardaient le célibat, trois choses
opposées à la conduite des réchahites. Ceux-
ci subsistèrent dans la Judée jusqu'à la prise
de Jérusalem par Nabuchotlonosor ; mais il
n'en est plus fait aucune mention dans l'his-
toire pendant la captivité de Babylone ni
depuis le retour. Difs. de dotn Calnirt sur les
rechabites, liible d'Avign.. t. X, pag. kii.
HÉCOGNITIONS. \'oy. S. Ci.éuent, pape.
U£COLLETS,ou frères minenis de l'élroitc
observance de saint François. C'est une
rélornne de franciscains posiérieure à celle
des capucins et a celle des religieux du tiers
ordre ou de Picpus. Elle commença en Espa-
gne l'an liSi; elle fut admise en Italie en
1525, et en France l'an 1592. Elle s'établit
REC 6ï
d'abord à Tulle en Limousin el à Mural en
Auvergne, ensuite à Paris en 1C03. Gcs re-
ligieux ont près de cent cinquante couvents
dans le royaume, où ils sont partagés en
sept provinces, et iis n'ont point d'autre
général que relui des cordeliers. Ils ont tou-
jours rendu de grands services, soit dans les
missions des îles, soit dans la tbnetion d'au-
môniers des armées. On les appelle en Italie
franciscnins réformes, en Espagne franeis-
cains déchaussés : ce fut l'an 1.Ï.Î2 (jue Clé-
ment Vil les érigea en congrégation parti-
culière.
Il y a aussi des religieuses récolletles qui
furent établies à Tolède en 138i,par Béalrix
de Sylva, et approuvées par le sainl-siégo
en l.'i8'J. sous la règle de sainte Glaire; elles
ont un couvent à Paris et plusieurs dans les
provinces.
UÉCONGILIATION. Voy. Rkokimption.
RECONN.MSSANCE des bienf.uts de Dieu.
C'est une des vertus qu'il est le plus néces-
saire de prêcher aux ho. unies, et c'est m.il-
heureusemeni une de celles dont nos mora-
listes parlent le moins. Elle est le germe de
l'amuur de Dieu, elle y conduit bien plus
efficacement que la crainte. Si nous étiuus
plus attentifs aux bienfaits de Dieu, nous
serions moins méLontents du passé, plus
satisfaits du présent, moins inquiets de l'a-
venir; notre sort nous paraîtrait meilleur,
nous serions plus soumis à la Provideme.
.Mais environnés, comblés, pénétrés des soins,
des attentions, des faveurs de cette tendre
mère, nous eu jouissons sans les sentir, et
plus elle nous accorde, plus nous croyons
qu'elle nous en doit. Le riche engraissé de
ses dons y est moins sensible que le pauvre
qui mange avec actions de grâces le pain
grossier qu'il en reçoit ; tous en g 'lierai
nous sommes plus portés à murmurer contre
elle qu'a la remercier. Les païens mêmes ont
senti l'excès de celte ingratitude. Le genre
humain, dit l'un d'entre eux, a lorl de se
plaindre de son sorl, faiso gueriiur de nalara
sua genits tiumanum. V» autre dit que la na-
ture nous a traités en enfants gâtes, usque
ad di'licias amati sumus. Les éiiicuriens seuls
blasphéiuaieni contre la naUire ils en exa-
géraient les rigueurs, il< en concluaient qu'il
n'y a point de Dieu; ainsi l'aibeisiiie est tout
à ia fois la maladie et la puniion d'un cœur
ingrat. C'est pour nous en préserver que les
livres de l'Ancien Testament remettent sans
cesse sous nos yeux les bienfaits de Dieu
dans l'ordre de la nature : une p;irtie des
psaumes de D.ivid sont des canti(|iies d'ac-
tions de grâces destinés à célélirer la bonté et
la libéralité du Créateur; Mnïse el les pro-
phètes sont Iraiisportés d'admiration et de
reconnaissance quand ils considèrent les
bienfaits dont Dieu avait comble son peuple;
ils ne cessent de reprocher aux Juifs infidèles
leur ingratitude, lorsque ceux-ci port' nt a
de lausses divinités l'encens qu'ils ne doivent
offrir (lu'du Seigneur. Mais l'Evangile nous
apprend à fonder notre reconnaissance sur
des motifs bien plus sub imes, en nous fai-
sant connaître les bienfaits de Dieu dans
67
ni.D
Tordre de !a j^rncc. K """« représenio que
Dieu a ;iiiné 1" iikhi'^" jusqu'à donner son
Fils ciniqiie, .ifio qi'c c>l!'' TUi <'""'l eo lui
ne périsse pond, rnnis olilieiiiie la vie éiiT-
iielle; il iious moiilre In cïi.irilf infinie de ce
divin Sîiuvrur, qui s'est livré lui-fnême pour
la rédemption et le s;ilut de fous; il relève le
prix de celte icniiiense bonté p ir la niuiliUide
(les secours, d"s biéiifails, des moyens de sa-
lut qu'elle nous àciorde ; il fàil, pour ainsi
dire.rclenlir sans cesse à nos oreilles le nom
de ijiâcp, aliii de lions rendre reconnaissanls
cl de nous attacher à !)ieu par aenour.
En fait d'avanlages personoc's , nous ai-
luotis â nous jii'rsu.idei que la nature noiis
a mieux irail's que les autres; mais relié
opinion notis iiispire plus sou. eut de l'or-
f!;ueil qui' de la reconnuissanre envers l'au-
teur de noire être. Si rous méditions pitJS
souvenlsur les grâces du sàlul, que Dieu a
daigne nous accorder en particulier, iious
Verrions qu" tious lui sommes plus redeva-
bles que beaucoup d'auires personnes, el
celle persuasion nous rendrait humbles et
recuiiiiaissanls.
(]es réllexions, el beaucoup d'autres que
S'on l'ourrail y ajouter, uous sembleul prou-
ver qu'en fait de systèmes lliéolo;;iqui'S ,
nous devons nous délier de ceux cjui lendent
à nous inspirer la crainie pliitôl que la
reconnaissance envers Dieu ; qui, sous pré-
texte il'etaller sa paissince d sa .justice,
nous foui mccunnaîlre sa bon'e , el qui
réduisent à peu près à rien le bieuf ,il de la
rédempUoii duquel nous allons pailer.
RÈDlîMi'TKUK, RÉDEMPTION (I). Dans
î'Eciilure sainte , couuue d lus le slyle or-
dinaire, rédemption cl raciiaC sont syno-
nymes; réilfinptcur est celui qui rarlièle. Or.
riiebreu, goël, rédeinpifur, se dit de celui
qui rachèie ou qui a droii de raclKler l'Iié-
rilage vendu par un de ses parcnis, ou de le
racdcler lui-uièuie de l'esrlavage lorsiju'il y
est tombé; de celui qui rachète une vicliuie
dévouée au sacrifice , ou un criuiiuid con-
damne à mort. Les Juiis ajipelaieut Dieu leur
rédempliur, parce qu'il les avail tir. s ds
l'esclavage île l'Kgyple , el ensuite de la
captniléde Balijlone; ils rachelaieut leurs
premiers- né', en méiooiie de ce (jue Dieu
1rs avail délivrés de l'ange exterminaleur.
L'Ecrilure nomme aussi rédempteur du sun/j
celui qui avait droit de venger le rneurlre
d'un (le ses parents , en metianl à moi l le
iiieui trier.
Nous lisons de même dans le Nouveau
Testament que Jésus-Clii isl <sl le lied mp-
Icur du monde, ((u'il a donné sa vie pour la
rédemption de plusieurs, ou plutôt pour la
rédimptinn de la uiulliluilc des hommes
[Matlli. XX, V. 28); qu'il s'est livré pour la
rédimption de tous (/ Tim. ii. v. 0); que nous
avons élé rachetés par un grand prix {I Cor.
VI, iiOj; que noire rachat n'a point éle fait à
prix d'argent, mais par le sang de l'agiuum
sans laclie qui esl Jésus-Clirisl (/ l'elr. \,
(\) Vol/. ItlirARATEUR.
V. 18). Les bienheureux lui disentdans l'Apo-
calypse, chip. V, V. 9 : « Vous nous avez
rachetés à Dieu par voire sanu. » Saini Paul
explique en quoi consiste celte >'^rfe)/i/J^/i)îl,
en disant que c'est la rémission des péchés,
Ephes.,c. 1, V. 7.
Or, payer un prix pour ceux que l'on
sauve de la inori ou de l'esclavage, el ohte-
liir leur liberté par des prières, ce n'esl pas
la même chose; les sociniens ont très-grand
tort de ne vouloir admettre la rédemption
que dans ce dernier sens.
Déjà le prophète Isaïe avail dit en parlant
du Messie, c. lui, v. 5 : « Il a élé froissé
pour nos crimes; le châlimeiil (|ui doil nous
donner la paix esl tombé sur lui , el nous
avons éle guéris par ses blessures... v. (i ;
Dieu a mis sur lui l'iniquité de iiois tous...
v. 8 : Je l'ai frappé pour les péchés de mon
peuple... V. 10 : S'il donne sa vie pour le
péché, il verra une (loslérilé nombreuse
V. 12 : Je lui donnerai un riche parUige, il
aura les dépouilles des ravisseurs, parce
qu'il s^'esl livié à la mort, et qu'il a porté les
péch''S de la mullituiie. »
il esl étonnanl que, malgré des passages
si clairs , nous soyons encore obligés de
rechercher en quel sens Jé^us-Chrisl est le
Rédempteur du monde, en quoi consiste
celle rédemption. Les pélagiens qui niaient
la propagation du péché originel dans tous
les liomiiies, étaient réduifs par nécessité de
système à prendre celte rédemption dans un
sens niélaphorique; suivant leur opinion,
Jesus-Chrisl esl le Rédempteur des hommes,
jiarce qu'il les a tirés des lénèlires de l'igno-
rance par ses leçons, et de la (orruption des
mœurs par ses exeniples, fiarce q^'il leur
(lardonne leurs péchés .actuels, parce (|u'ii
les excite à la vertu, à la sainteté, à gagner
le cie'l par ses promesses , par ses mena-
ces, elc.
L(^s sociniens et les déistes, qui renouvel-
lenl l'erreur des pélagiens, enlendent aussi
comme eux la rédemption; ils disent que
Jésus-Christ a racheté les hommes de leurs
péchés en les leur pardonnant par le pou-
voir qu'il eu avail reçu de Dieu, qu'il est
mort pour nous, el qu'il a été notie victime,
parce qu'il a confirmé par sa mort la doc-
trine qu'il avait enseignée, parce qu'il nous
a donné en mouiani l'exemple de la parfaile
obéissance par laquelle nous pouvons méri-
ter le ciel, el parce qu'il a demandé à Dieu
pour nous le courage de l'iiniter. Quelques-
uns sont ailes jusqu'à dire qu'il s'i'st oll'ert
à Dieu comme une victime d'expiation, que,
par cette oblalion , il a prie son Père do
pardonner et d'accorder la vie éternelle à
ions les pécheurs qui se repcniiraienl , qui
croiraient en lui, el qui conrornuraient leur
vie à ses préceptes. Le Clerc, Hist. ecclés.,
prolég., secl. 3, c. 3, §8. Suivant lelie doc-
liine , Jesus-tjhrisi esl no re liédempletir
par intercession cl non par sulisfaciion ; et le
bienfait de la rédenip ion se liouve borné à
ceux qui croieul en Jésus-('hi isl.
Il suffit de comparer ce langage avec celui
de l'Ecriture sainte, puur voir que ces sec-
CO RF.D HED 70
lairos font violence à Ions los (ertucs. Nous rie pardonner Icf péchés; sfiiiit Jean, Kpist.
goutoiions, nu contraire, que Jésus-Clu ist 1, e. ii, v. -2, nu'il est 1;; propilialioii pournos
Vil \f liedciiipleur i\n iiiomlo , d.iiis Ions les péchés. Si l'on vcui saroir en (|uei sens, il"
sens cl (liins Iniiie l'énergie que les écriv.ijcis n'y a <|u'à co iipaier rcs (ieu& pass.iges à
s.icrcs altichenl à celte qn.ililc; qu'.iu |)riK celui (l'îsaïe, c. xlim, v. ■'{ cl 4-, où Di u ilil
lie son sanj; il a raciiclé pour nous l'hérilanc au\ Init's : J'ai livré, pour voire vropitiadun,
étirnel perdu par le pcclié d'Ailam; (|ue 1rs lù/i/ptiens, lis l-'lliiopiens et hs Sabcns...
devenn homme par l'incarnalion , il ara- je tlunnercii les hommes à votre plare , elles
chelé ses frère* île l'esdavafçe du démon peupUs pour vdre vie. C'est ici une viclmie
dins leiiuel ils étaient tombés par ce même suhsliluée à une autre, pour le radial de lu
péi hé; qu'il lésa sauvés île la mon étTn<'lle première. Ce n'est iloiiç pis le lien de re-
qu'ils avaient mérilée el à laquelle ils élaienl courir à des m 'laiihorcs ni à des sens figu-
dévoués comme autant de viciines; qu'eiilin rès, ilesijui Is il n'y a ancmi exemple dans
il a été le vengeur de la nainre Imm.iine, l'Ecriiuri! sainte. Foy/. Satisfaction.
qu'il a mis à mort le meurlrier de celle même 3* Nos adversaires ont beau rejeter la
nature eu delruis'int l'empire du démon , et preuve qui! nous liions de la Irailiiiou ; un
en nous rendant l'espéraucede l'inimiirlaliié. homme sensé ne se persuadera jamais que
l]e n'esl poiiit ici une inlerprét.ition arbi- îles disserlali urs du wi'-' ou du xvm'sièile
Ir.-.ire, comme celle des hélerodoxes ; nous eniendent mieux riiiriliire sainte que les
en donnons les preuves. l'ères de l'F.glise, instruits, ou par les apo-
1" Il n'esl pas croyable qu'eu enseignant 1res, ou p ir leurs disciples iminédials. Saint
un dogme, qui est l'article foiidamenlal du Barnabe, dans sa lettre, § 7 el suiv., compare
christianisme , Jésus-Christ et ses apAlres Jésus-Christ aux victimes de l'ancieMiie loi,
aient parlé aiix Juifs en style énigmaliqiie , et son sacrilii e sur la croix à celui du bouc
aient pris les lermes de rcileni;iO w et de immolé sur l'aulcl pour les péchés du peu-
rrdeiiiplion (l.ins un sens toiil différent de pie. S.iiiit Clémeiil, dans sa premièri' éi'iire,
celui qiie leur ont donné les écrivains de § IG, lui applique le 33' chapitre d'isaïe
l'Ancien reslaiiienl; p:ir ci't abus du l.inga'^'e, que nous avons cité. Saint Ignace écrit aux
ils auraient lendu aux fi'lèles, pour tous les Sm3rniens, u. 7, que l'eucharistie est la
siècles, un piège d'. rreur in vitable. Dans chair de noire Sauveur Jésus-Clirisl (|ui a
l'ancienne loi, la r^./c/ii/ja'ort ou iach.it des soutlei l poKC nu*- pce/ie'.i. Saint Justin, dans
premiers-nés consistait en ce que l'oi pay.iit sa 1 " Apologie, n. 50 et suiv., lui appiiijue
un prix pour les ravoir; donc la réde "piion le 53" chapitre d'isaïe, d'un boni à i'auiie;
du !:eiirc humain consisie en ce que Jé^us- dans so.i hial. avec Trypliun, il dit que l'a-
Ciirisl a payé un pris jiour sauver leshomiiies gneau pascil, dont le sang préservait les
cou|iables et dignes de la mnrt étemelle. maisons des Hébreux de l'ange exlcrmina-
2° Jésus-Cbrist el les 3| ôlres se sont clai- tenr, el que les deux boues oll'erls pour les
renient expliqués d'ailleurs, lui insliluaul pècliés du peuple, étaient des ligure- de Jè-
l'euchirislie, le Sauveur dit à ses disci(>les : sus (christ, qu'il a élé lui-oiéme l'oblalioii
Cefi est mon sanj, le snng d'une noitvile al- ou la victime pour tous les pécheurs i|ui
tianc (/ni neia répandu pour la mullittidc i:n venleul faire |)éniteuce, n. 'lO. Nous citerons
RÉMISSION UES PihcHKs. Or, lorsqu'il s'agissait ci-après les Pères des siècles suivants,
de sceller une alliance par le sang il'une 4" Une des raisons par lesquelles les an-
V le lime, il 11 'éi ail question ni de cou fir nation ciens l'ères ont prouvé aux héiéiiqucs la di-
d'une diiclrine, ni d exemple, ni d'inlerces- vinilé de Jesus-Chrisl, est qu'il fallait un
sion; il s'en agissait encore moins, lorsque »'t?(/('«ipfei(?- dont les mérites lussent iuliiiis,
c'était un sacrifice pour le péché : donc ce pour satisfaire à la justice divine, el rac.ie-
l^e^l p lint en ce sens que Je us-Christ a 1er le genre humain. Ainsi le dogme de la
donné son sang pour nous. Saint P lul nous divinité du Sauveur et celui de la rédemption,
f.iil observer que si le « sang des boucs et jiris dans le sens rigoui-eux, sont iniimemenl
des liiureaux , et l'aspersion de la cendre liés ensemble, l'un ne peut pas subsister
d'une victime, purilient les con|»al)les des sans l'antre. Vnilà pourquoi l s suciniens,
transgressions légales, à plus forle rason le qui reji'ltenl le premier, ne veulent pas ad-
sang de Jesus-Chrisl punliera noire âme des mellre le seiond : m is aussi, à proprement
œuvres morles ; » llelir., c. ix, v. 13 el 14. parlir, ils ont cessé d'être chrétiens.
Itonc Jésus-tibrist est noire viilime dans le La f.iiiilesse de leurs objections les rend
mè. ne sens que les animaux ii>,i lohs pour inexcusables. Ils soutiennent, en pieinier
le péché dans l'ancienne loi. LApôlri! le lien, que Iti ride, nption, telle que nous la
nuniine souverain prêtre cl médiateur d'une comevons, serait contraire à la justice di-
nnuvelle alliance, parce qu'il a olTerl en viiic, puisqu'il n'esl pas just» qu'un innocent
sacriliie son propre sang pour la rédi mpiion souffre el meure pour des coupables. L'n roi
£f'rne//e du genre luMiain, ibid., \. 11. Saint passerait pour cruel s'il livr.iit son (ils à la
Pierre, dans le passage que nous avons cilé moil pour expier le ciiine de ses sujets re-
plus li.inl, nous fait enteii Ire que le sang de belles. iNous répliquons qu'il n'y ;iur.iit ni
Jesus-Chrisl e.t le prix de notre ie(/e/Hpacn, injuslice ni cruauié, si ce (ils s'offrail lui-
dans le luênie sens que l'or el l'argeiil sont même pour viclime . s'il élail sûr de ressus-
le prix du rachat d'un esclave. Saint Paul, < iier trois jiurs après sa mort, d'être élevé
Rom., c. 111, V. -là, dit que Dieu a éiabli au plus haut degré de gloire pour réiernil.é,
Jesus-Chrisl victime de propiiialiou alin de recevoir Icj huinmiigcs de tous les iioiii-
7!
RED
RRD
n
mes, Ue'ieur inspirer |i,ir son cxi mple lies
vertus héroïques cl un profond respid pour
l'jiulotilé de son père. Voilà ce qu'a fait
Jésus-Chrisl, et ce qui s'est ensuivi de son
sacrifice. En second lieu, nos adversaires
préiendinl qu'il aurait été plus di;i;ne de la
bonté infinie de pardonner simplement au
repentit' des coupables , que d'e\ii;er une
salisfaclion rigoureuse: C'est d'abord on trait
(îc témérité de leur part, de vouloir savoir
mieux que Dieu lui-même ce qui étail con-
venable à une bonlé infinie. Or, Jésus-Christ
(lOiis fait lemarquer (ine la rédemptinn a été
(!e la part de Dieu l'effet d'une bonté infinie
n l'égaid des hommes : Dieu , dit-il , <i ai-né
le monde jus'ju'à donner son FUsunii/ue, elc.
Si les sociniens croient véritablement à Jé-
sus-ClirisI, comment osent-ils le contredire?
Quant aux déistes et aux athées qui raison-
nent de même, on leur a répondu, il y a
plus de quinze cents ans, qu'il e^t absurde
de trouver à dire à un mystère qui a éclairé,
converti et sanciifié le monde; que le chef-
d'œuvre de la sages-e divine a été de conci-
lier dans ce mysière l'excès de sa l'onté avec
les inlércis de >-a justice, de pardonner ans
hommes d'une manière qui n'autorise point
la licence de pécher, de.
Si Jésus-Christ, disent-ils encore, avait fait
un rachat proprement dit, c'est au dé:non
<]u'll aurait dû pajer le prix de celte rédemp-
tion, puisque c'est sous son empire que le
genre humain était retenu captif; cette idée
seule fait horreui'. Aus^i senions-nous qu'elle
est fausse. Quand il s'agit de racheter la vie
d'un criminel condamné à mort, ce n'est ni
au geôlier ni à l'exécuteur de la justice qu'il
faut payer la lançon, mais à celui qui a droit
de punir ou de faire grâce; donc c'est à
Dieu i-eul qu'a dû élre payé le prix de, !a ré-
demplion du genre humain ; et il n'a reçu
pour rançon que ce qu'il avait donné lui-
même. Enfin nos adversaires objedeiit que
la prétendue rédemption de lanuelle nous
faisons tant de bruit se réduit à peu près à
rien, puisque, malgré la valeur infinie du
prix payé par le rédempteur, le très-grand
nombre des hommes vivent dans le péché,
meurent dans l'impénilencc, sont réprouvés
et damnés pour jamais.
A celte assertion téméraire nous répon-
dons qu'il n'apiiartieiil ni à nos advers, lires
ni à nous d'étendre on de bornera noire gré
le bienlait de la rédemption ; nous ne pou-
vons eu juger que par lu manière dont l'K-
criture sainte et les Pères de l'Eglise en ont
parlé; or, ils conspirent à nous en donner la
plu? haute idée.
1° Suivant le langage des auteurs sacrés
et des Pères , la rédemption est aussi an-
cienne que le péché d'Adam; elle a commencé
à produire son elTet au moment même de la
condamnation du coupable. Dans la malé-
diclioii lancée contre 1-; tentateur, Dieu lui
dit: Lu race de la femme l'éirusera la lêlc ;
c'était une promesse de la rédeinplion ; en
effet. Dieu condauine nos premiers parenis,
non à une peine éternelle, mais à la mort et
aux souffrances dans cette vie. Dans VApo-
cuLipso, c. XIII, V. 8, Jesus-Chrisl est appelé
rAgneau immolé dès l'origine du monde ,
parce que son sacrifice a commenié dès
lors à produire son effet ; dès ce moment, dit
saint Augustin, le sang de Jésus-Christ nous
a été accordé, 1. m, de lih. Arb't., c. '25,
n" 76. De là les Pères ont conclu que 'a sen-
tence prononcée contre Adam a été un Irait
de miséricorde de la paît de Dieu, piulôt
qu'un acte de justice rigoureuse ; et c est
ainsi qu'ils ont ré'ulé les marcionitrs, les
manichéens, Celse et Julien, qui prétendaient
que Dieu avait puni d'une manière trop
rigoureuse le péché de noire premier père.
Nous pourrions citer à ce sujet saint Irénée,
saint Théophile d'Antioche, Terlullien, Ori-
gène, saint Méthode de Tyr, saint Hilaire de
Poitiers, saint Cyrille de Jérusalem, saint
Epluem, saint H'i>ile, saint Epiphane, saint
lirégoire de Ny^se, saint Ainhroise, saint
Grégoire de Naziaiize, saint Jean Chrysos-
tome, saint Augustin, saint Cyrille d'Alexan-
drie, saint Léon, etc. Le P. Péta'i a ras-
semblé un grand nombre de leurs passages.
2' Ces mêmes docteurs de riîglise, tou-
jours appuyés sur i'Kcrituie sainte, soutien-
nent que la rédemption a été non-seulement
entière et complèie, mais surabondante;
qu'elle a pleinement réparé les effets du pé-
ché, qu'elle nous a rendu de plus grands
avfintages que ceux que nous avions perdus.
En effet, Jesus-Clirisl nous fait entendre dans
l'Ewinjiile, qu'il a vaincu le fort armé, et
qu'il lui a enlevé ses dépouilles, conformé-
ment à la prophétie d'isaïe [Luc. x., 12j. Il
dit ()ue le piince de ce monde va en être
chassé (J(ian. xii, 31). Saint Paul nous as-
sure que Jésus-Christ a effacé et mis au
néant l'arrêt prononcé contre nous (Coloss.
i;, H.);que Dieu a tout réconcilié par Jé-
sus-Christ, et létibli la paix entre le ciel
et la terre {Ibid., i, 20); qu'il a rétabli tou-
tes choses dans le ciel et sur la terre on Jé-
sus-Christ [Ephes. I, 10). Dieu, di:-il, était
en Jesus-Chrisl se réconciliant le monde et
pardonnant les péchés des honimes (// Cor.
IX, 10). Où le péché était abondant, la grâce
a été surabundunte (Rom. ix, 20, etc.).
Armés de ces saintes vérités, les Pères ont
confondu les mêmes hérétiques, et les incré-
dules dont nous avons parlé , qui préten-
daient que Dieu n'avait pu, sans déroger à
sa bonté et à sa jnsice, permettre le péché
d'Adam ; ces saints docteurs ont répondu
que Dieu ne l'aurait pas permis, en elVet ,
s'il ne s'était pas proposé de rendre la con-
dition de l'homine meilleure par la rédemp-
tion : c'est ce que disent formellement saint
Jean Chrysostome , ad Slagir., 1. ii, n. 2 et
suiv.; s.iinl Cyrille, Glnphi/r. in Gènes., 1. i;
adv. Julian., p. 92 et 'Ji ; saint Augustin, de
Gtnesi ad lit., 1. xi, c. 11, n. 15, Ils se sont
servis de la même considération pour prou-
ver la divinité de Jésus-Chrisl contre les
ariens et les nestoriens ; il fallait, disent-ils,
un Dieu égal à son Père, pour opérer une
rédemption aussi avantageuse à l'homme et
aussi complète ; pour le réformer, il était
besoin d'un pouvoir égal à celui de la pre-
75 RED
niièr(^ création. C'est un des principaux ar-
guments de s.iinl Alh.inase, aussi bien que
de saint Cyrille et de saint Augustin. Ce
dernier l'a encore opposé aux. pélogions, qui
lui objeclaieni que, suivant son système,
Jésus-Christ n'a pas réparé le mal que nous
a fait Adam. Le saint docteur leur prouve le
contraire. Il cite un passage dans lequel
saint Jean Chrysostome soutient que Jésus-
Christ, par sa croix, a rendu aux hommes
plus (|u'ils n'avaient perdu par le péché de
leur père, I. i, contra Jtil., cap. vi, n. 27.
« Par le péché d'Adam, dit-il, nous avons
encouru la mort temporelle ; en vertu de la
rédemption, nous ressuscitons, non pour
une vie passagère, mais pour une vie éter-
nelle, 1. Il, de Pire, mericis et remiss., c. xxx,
n. '1-9. Nous avions encouru dans Adam la
mort, le péché, l'esclavage, la damnation ;
nous recevons en Jésus-Christ la vie, le par-
don, la liberté, la grâce, serm. 233, c;ip. ii,
n. -i. Le Fils de Dieu, en partageant avec
nous la peine du péché, a détruit le péché et
la peine, non la peine temporelle, mais la
peine éternelle, strm. 25 , n. 7; serin. 2'51,
n. 2; Op. iinperf., l. ii, n. !)7; 1. vi, n.3f), etc.
Saint Léon a répété dix l'ois (jue, par la
grâce de Jésus-Christ, nous avons récupéré
plus qu(' nous n'avions (lerdu par l.i jalou-
sie du démon, serin. 2, de Nul. Domini, c. i;
serm. 13, de Pass., cap. \;seim. i, deAscens.,
c. IV, etc. Les l'ères postérieurs oui pensé
et parlé de même, et leur langage s'est con-
servé dans les prières de l'Iiglise.
3° Les écrivains sarrés témoignent que la
grâce de la rédemption est générale, s'élend
à tous les hommes sans exception, de même
que le péché, et c'est aussi le sentiment
unanime des l'ères. Conséquemment ils en-
seignent, 1° que Uieu veut sincèrement le
salut de tous les hommes, (|ue par ce motif
il a donné son Kils pour victime de leur ré-
demption ; 2° que ce divin Sauveur s'est of-
fert lui-même à la mort dans ce dessein, et
qu'il a répandu son sang pour tous sans ex-
ception ; 3" que par ses m, 'rites, tous les
hommes ont reçu et reçoivent des grâces de
salut, plus ou moins, et que pcrsunne n'eu
est absolument privé. Votj. Salut, Sauveur,
Gracb, § 3, etc.
Déjà nous avons cité plusieurs passages
de l'Ecriture sainte, dans lesquels il est dit
que Jésus-Christ est le Sauveur du monde,
le Rédempteur du monde, l'Agneau de Dieu
qui efface les péchés du monde ; le monde,
sans doute, désigne tous les hommes. L'E-
glise nous fait répéter cette consolante véri-
té dans la plupart des prières publiques.
Dans Isaie, c. lui, il est dit que Dieu a mis
sur lui l'iniquité de nous tous. Lui-même
déclare, Joan., c. m, v. 6, que « Dieu n'a
pas envoyé son Fils dans le monde pour le
juger, mais pour le sauver. Luc., c. six,
V. 10, le Fils de l'homme est venu chercher
et sauver ce qui avait péri. » De là saint
Augustin conclut : « Donc tout le genre tiu-
niain avait péri par le péché d'Adam. »
lipist. 186, ail Patilin., cap. viii, n. 27. C'est
aussi le raisonnement de saint Paul, // Cor.,
DlCT. ut TUEOL. DOGMATIQUE. IV.
RED
74
c. V. V. Ih : « La charité de Jésus-Christ nous
presse, i)arce que si un seul est mort pour
tous, il s'ensuit que Ions sont niorls : or
Jésus-Christ est mort pour tous, etc. » I Cor.,
c. XV, v. 22: «De même (|ue tous meurent
en Adam, ainsi tous recevront la vie par
Jcsns-Clirisl. » On sait combien de fois saint
Augustin s'est servi de ces passages pour
prouver l'universalité du péché originel par
l'universalité de la rédemption. Le même
apôtre veut que l'on prie pour tous les
honunes, « parce que cela est agréable à
Dieu notre Sauveur, qui veut que tous les
hommes soient sauvés et parviennent à la
connaissance de la vérité. Car il n'y a, dit-
il, qu'un seul Dieu et un seul médiateur en-
tre Dieu et les hommes, savoir, Jésus-Christ
homme, qui s'est livré lui-même pour la ré-
demption de tous, comme il l'a témoigné
dans le temps (/ Tim. ii, 1). Il est le Sauveur
de tous les hommes, surtout des fidèles [Ibid.
IV, 10). Saint Jean dit « qu'il est la victime
de propitiaiion pour nos péchés, non-seule-
ment pour les noires, mais pour ceux du
monde entier (/ Joan. ii, 2). Nous ne savons
par (juelle subtilité l'on peut obscurcir des
passages aussi clairs. Il sérail inutile de
prouver que tous les Pères les ont pris à la
lettre et dans toute la rigueur des termes.
Les théologiens même? (]ui s(»nl les plus
obstinés à restreindre l'étendiie de la grâce
de la rédemption, conviennent communé-
ment que les docteurs de l'I'Iglise des quatre
premiers siècles ont été universaHstes, c'est-
à-dire qu'ils ont cru que tous les hommes
sans exception participaient plus ou moins
au bienfait de la rédemption. Mais ils pré-
tendent que saint Augustin n'a pas été de
même avis, qu'il a donné aux passages do
saint Paul différentes explications qui prou-
vent qu'il ne regardait comme véritablement
rachetés ((ue les prédestinés.
Nous pourrions leur demander d'abord si
le sentiment particulier de saint Augustin
devait prévaloir sur une Iradiiion constante
des quatre premiers siècles, pendant que ce
saint docteur fait profession de s'y tenir, et
prouve par là aux pélagiens la propagation
générale du péché originel; mais l'essentiel
est de savoir ce que saint Augustin a vérita-
blement pensé.
1" Au mol Urace, § 2, nous avons fait voir
que, suivant sa doctrine, il n'y a pus un
seul homme qui soit absolument privé de
grâce : or, la grâce n'e.-.t donnée aux hom-
mes qu'en vertu de la rédemption; donc saint
Augustin a pensé que tous y participent plus
ou moins.
2° Jamais il n'a mis aucune restriction à
ces paroles de saint Paul : Jésus Clirist e»t
le Sauveur de tous les hommes, surtout des
fiilèles; ni à celles de saint Jean : Il est la
victime de propitiation non-seulement pour
nos péchés, mais pour ceux du monde entier;
et il est évident que ces deux passages ne
peuvent en admettre aucune.
3" Il a répété au moins dix fois con
pélagiens l'arguaient de saint Paul :
Christ est mort pour tous, donc
7S RED
morts; il a ainsi prouvé l'oniversalité du
péclu'i originel par l'iiniTorsaliié de l:i ré-
demption. Il <■!> pst de même du passnge de
l'Evangile : Le Fils de l'homme, est venu cher-
cher et sauver ce qui avait péri ; cela nous
démontre, dit-il, que toute la nature hu-
maine avait péri par le péché d'Mam, Epist.
186, ad PauHn., c. viii, n. Tl ; donc il a
pensé que Jésus-Christ est venu sauver toute
la nature humaine. 11 cite ces autres paroles
de saint Paul : Dieu et. il en Jésus-Christ se
réconcilianl le monde. « Le monde entier,
dit-il, était donc coupable par Adam, il est
réconcilié par Jésus-Clirist ; I. vi, contra
Julian., c. Il, n. 15. Lorsque vous prétendez,
ajoule-t-ll à Julien, que plusieurs et non
pas tous sont condamnés par Adam et déli-
vrés par Jésus-Christ, vous vous déclarez
par ce trait horrible ennemi de la relision
chrétienne. » Ibid.. cap. xsiv, n. 81. Nous
persuadera l-on que saint Augustin lui-
même s'est rendu coupable de ce trait horri-
ble et a renversé tous ses arguments ? « Se-
lon le psalmistc, dit-il enfin, Dieu jugrra
avec équité le monde entier, non une partie,
parce qu'il n'en a pas acheté seulcnicMi une
partie; il doit juger le tout, parce qu'il a
donné le prix pour le tout. » Enarr. in Ps.
xcv, n. 15, in v. 13. Juda alla rejeter le prix
de l'argent pour lequel il avait vendu le Sei-
gneur, et il ne reconnut point le prix pour
lequel le S: igneur l'avait racheté ; in Ps.
Lxwiii, Serm. 2, n. II.
k" Saint Augustin a pris plus d'une fois
dans la rigueur des termes ces paroles de
saint Jean : Le Verbe divin est la vraie lu-
niirre qui éclaire tout homme qui vient en ce
monde; contra Faust., I. xxii, c. xin; Epist,
'liO, ad honorai., c. lu, n. 8 ; Serm. k, n. 6
et 7; Serm. 183, n. 5; Serm. 78, ileTransfîg.
Domini : Enarr. in Ps. xciii, n. 4; lieiravt.,
]. I, c. 10, etc. Il lui applique ce que le psal-
miste dit du soleil ; que personne ne se dé-
robe à sa chaleur : Serm. 22, n. 4 et 7. Mais
comme les pélagiens abusaient de ces paro-
les pour prouver que Dieu donne la grâce de
la foi et (le la justification à tous également
et indifféremnienl, œqualiter, indiscrète, in-
differenler, à moins qo'iis ne s'en rendent
posilivcnient indignes, Paint Augustin sou-
tint avec raison qne ce n'est point là le sens
de ce passage, et qu'il faut l'entendre autre-
ment. I! fît la nrême chrrse à l'égard de ces
mois, Jésus-Christ est mort pour tous, parce
qae les pélagiens m faisaient le même abus.
En cfTei, ces deux passages ne prouvent
p«tut que L'icu donne également à tons la
grâce de ta foi et de la juslificalion, comme
le \ouiaicnl les pélagiens, mais ils prouvent
qne Dieu donne à tous des grâces actuelles
înlérieures et passagères, pojir les exciter à
faire le bien et à éviter le mal, grâces que
les pélfigicns ne voulaient pas admetire; il
s'ensuit donc que Ions les hommes pariici-
pciit plus ou moins dans ce sens aa bienfait
de la réilemption ; ( t saint Augustin, loin de
nier celle vérité, ia soutient de toutes ses
•- ferçes. Aussi un protestant, quoique Irès-
porl? par inlorèl de système à niéconnaitro
REF
76
le vrai sentiment do ce saint docteur, est
forcé de convenir qu'il est très- difficile de
répondre aux théologiens qui soutiennent
que siint Augnsliu a cru l'universaliié du
bienfait de la rédemption. Basnage, lHst.de
l'Eqlise, l. xi, c. ix, n. 7. 11 agirait mieux fait
de (lire (lue cela est impossible.
RÉDEMPTION DES CAPTIFS. Voy.
Merci.
RÉFOllMATEUR, RÉFORMATION, RÉ-
FORME. Au commencement du xvr siècle,
il s'éleva un nooiltre de prédicants qui pu-
blièrent que l'Eglise catholique avait dégé-
néré et ne professait plus le christianisme
dans sa pureté, que sa doctrine était erro-
née, son culte superstitieux, sa discipline
abusive; iiu'ii fallait la réformer. Sans autre
examen, cette prétention était déjà une in-
jure faite à Jésus-Christ : ce divin Sauveur
a [iromis à son Eglise d'être avec elle jus-
qu'à la consomuiaiion des siècles ; de la
fonder sur la pierre ferme, de manière que
les portes de l'enfer ne puissent pas préva-
loir contre elle; de lui donner l'esprit de
vérité pour qu'il demeure toujours avec
elle, etc.: peut il manquer à sa promesse?
Cependant ces nouveaux docteurs trouvè-
rent des partisans, formèrent des sociétés
séparées, et établirent un nouveau plan de
religion; le schisme qu'ils ont opéré dure
depuis plus de deux siècles. Que doit-on
penser de leur prélendue réforme? Si on
veut les en croire, c'est une des plus éton-
nantes et des plus heureuses révolutions qui
aient pu arriver dans le monde. Nous en
pensons différemment, nous soutenons que
leur prétendue réformatinn a été illégitime
dans son principe , criminelle dans ses
moyens, funeste dans ses (ffels. C'a donc été
l'ouvrage des passions Ifumaines , et non
celui de la grâce divine : nous allons en
donner les preuves.
1. Quels persimnaqes ont été les prétendus
réformateurs? Des hommes sans mission et
qui ont en lous les caractères de faux pro-
phètes. Depuis ((ue l'on a démontré que ces
prédicants n'ont eu ni mission ordinaire ni
mission extraordinaire, leurs sectateurs ont
dit (lu'il n'en était pas besoin, qu'en pareil
cas tout particulier avait le droit d'élever la
voix, de prêcher, de corriger l'Kgtise, de
fiwmer une religion nouvelle, sous prétexte
de rél.iblir l'ao(ienne. .Wais celte prétention
est absolument contraire à la conduite <',on-
slante de la divine Providence. En effet, lors-
que la religion que Dieu avait révélée aux
patriarches fut oubliée et méconnue chez
toutes les nations, il voulut la rétablir chez
les Hébreux et la cimenter par des lois posi-
tives; il donna cette mission à Mo'ise, mais il
lui communiqua aussi \c don d s miracles
pour la pouver; sans cela les HélTeux n'au-
raient pas pu lui ajouter foi sans impru-
dence; Exod., c. IV, v. 1. Cependant Moïse
n'ciait pas chargé de révéler aux Hébreux
de nouveaux dogmes , mais se (liment de
leur imposer de nouvelles lois : Dieu n'e
laissa pas de lui conserver jusqu'à la mort
Je don des miracles et de prophétie.
77
REF
REF
78
De mémp, lorsque le jadaïsme se trouva
beaucoup altéré par do fausses Iraditions, et
pi'u convenable au nouvel état d;; la so-
ciélé civile, Dieu euvnya .lésiis-Clirisl pour
ét^iblir une religion nouvelle, et Jesus-Clirist
coniniuniqua sa propre mission à ses apô-
tres : Comme mon Père m'a envoyé, dil-il, je
vous einoie [Joan. sx, 21). Mais il leur en
donna aussi les niénies signes surnaturels,
le don des miracles, les vertus, les luinièies
du Saiul Fspril, t)Our leur enseigner loule
vérité. Il reronnail la nécessité de ces signes,
en disinl des juils incrédules : Sijo n'avais
pas fait parmi eux des œuvres quamun autre
n'a faites, ils ne seraient pas coupables {Joan.
XV, '2V). Ce sont mes œnvrfs qui rendent lé~
moiynage de moi (v, 3C). Saint Paul dit aux
Coriuiliiens, / Cor., cap. ii, v. 'i- : «Mes
diseours et ma prédication n'ont point clé
prouvés par les raisoniien)ents de la sagesse
humaine, mais par les démoiistralions de
l'esprit et do la puissance de Dieu, alin que
voire lui fût fondée, non sur la sagesse des
hommes, mais sur la puissance divine.» 11
dit des autres docteurs : « Comment préchc-
ront-ils, s'ils u'uul point de missiou? » Rom,,
C. X, V. 15.
Si dune Dieu a véritablement suscité Lu-
ther, Calvin, et leurs adliéreuls, pour ré-
former la religion calholique, il a dû leur
donner les mêmes preuves de mission sur-
nalurelle qu'à Moïse, à Jésus-Chrisl et aux
apôtres. Nous soutenons que ces signes no
leur étaient pas moins nécessaires; que sans
cela la foi de leurs disciples a été unique-
ment fondée sur les raisonnenenls de la sa-
gesse humiiino, cl non sur la puissance de
Dieu. — 1° Il s'agissail de changer la reli-
gion professée dans toute l'étendue de l'E-
glise calholique, d'en corriger la cio^anec,
le culle extérieur, la discipline. Il y a pour
le moins autant de dilTcrenio entre la reli-
gion calholi(iue cl la religion prelendiie ré-
formée, qu'entre le clinslianisuie et le ju-
daïsme, el il y en a beaucoup plus qu'entre
le judaïsme et la religion des patriarches;
donc une mission extraordinaire né ail pas
moins néees^aire aux prétendus réforma-
teurs qu'à .Moïse, à Jésus-Ch: isl el aux a| ô-
tres. Vainement on dira que Luilier et les
autres avaient pour lelires de créance l'Ecri-
ture sainte; c'était aussi par l'Ecriture que
les apôtres argumcntaieul contre les Juifs
(Act. xvu, 2; xviii, 28); et Moïse citait aux
Hébreux les leçons de leurs pères ; cepen-
dant il fallut aux uns et aux autres une mis-
siou divine. — 2 A l'arrivée de Lullier et de
Calvin, il y avait dans l'Eglise un ministère
public établi pour enseigner, un corps de
pasteurs revêtus d'une missiou ordinaire ,
qui, par succession, venait des apôlres et de
Jésus-Christ. Les nouveaux venus soutinrent
que ce cirps avait perdu toute mission et
toute autorité par ses erreurs et par ses
vices, qu'ils avaient droit de se niellre à sa
place. Mais ce corps cnseignait-il des er-
reurs plus grossières, avait-il des vices plus
odieux que les pharisiens, les sadducéens,
les scribes, ks docteurs de la loi? Jésus-
Christ, néanmoins, renvoie encore le peuple
à leurs leçons [Matth. xxiii, 2), parce que la
mission de ses apôtres n'étail pas encore
sultisiiinment établie. Mais à (|uel litre l.u-
Iher pril-il la qualité A'ecdésias'e de Wit-
timberg, el Calvin celle de pastrur de Ge-
nève, après avoir l'ail chasstîr les pasteurs
catholiques ':" Suivant saint Paul, c'est Dieu
qui donne des pasteurs el des docteurs, aussi
bien (|ue des apôtres et des évangélisles
[Kph'S. IV, 11); pour les prédicants, ils se
sont donnés eux-momos ; le seul litre de leur
mission a élé la crédulité de leurs disciples.
— 3' Entre eux cl les théologiens catholi-
ques il s'agis-ail de questions Irès-obscures •
auxquelles le peuple n'entendait rien, da
principe ilc la juslilication, du mérite des
bonnes œuvres, du nombre et de l'effet des
sacrements, de la présence de Jésus-Christ
dans l'eucharislie, de la prédostinalion, de la
gràc:e, etc. Chaque parti alléguait l'Ecriture
s.iinle. (ïui était en étal de décider lequel
des Ar\i\ en prenait mieux le sens? Entre
les docteurs juifs et les apôtres il s'agissait
aussi de décider quel était le vrai sens des
prophéties el de plusieurs préceptes de la
loi de Moïse; c'est par des miracles que les
apôlres terminèrent la conleslalion et per-
suadèrent le peuple. 11 est fâcheux que les
réformateurs n'aient pas fait de même. —
4-° Lorsque les sacramenlaircs el les anabap-
tistes s'avisèrent de prêcher une doctrine
contraire à celle de Luther, il leur demanda
Cèremenl des preuves surualurolles de leur
mission, comme si la sienne avait été au-
Iheiiliquement prouvée. Lorsque Servel ,
Genlilis, Blandaira et d'autres voulurent
dogmatiser à (lenève contre le senlimcnl de
Calvin, il les fil chasser ou punir par l'au-
loritè du bras séculier. Ce n'est point ainsi
qu'en ont agi les apôtres lorsqu'ils eurent
pour contradicteurs Simon le Magicien, Cé-
rinlhe, Ebyon, Elyinas, etc.; ils n'employè-
rent contre eux que les dons du Sainl-Es-
pril el l'ascendant de leurs vertus. Les ré-
formateurs s'altribuaient le droit de piêcher
contre l'univers entier, el ils ne laissaient à
personne la liberté de prêcher contre eux.
— 5" A mesure que la réformation fil des
progrès, la confusion y augmenta; en peu
d'années l'on vit les luthériens, les anabap-
tistes, les calvinistes, les anglicans, les so-
ciniens, former cin.^ secles principales, sans
compter les autres secles qui n'avaient entre
elles non de commun que leur haine contre
l'Eglise romaine. Celle-ci, de sou côté,
malgré leur lureur, est demeurée en posses-
sion de sa croyance. Nous voudrions savoir
quel moiif a pu déterminer des peuplades
d'ignoianls à embrasser l'un de ces partis
pluiôl que l'autre. Il est évident que le ha-
sard seul, les intérêts politiques el les pas- ,
sions en ont décidé. — 6° Le succès à peu
près égal de ces docteurs ne prouve donc
alisolumenl rien; Mahoinel a fait des con-
quêtes plus étendues que les leurs. Jésus-
Christ el les apôlres onl prédit que dans tous j
les temps les imposteurs trouveraient des
partisans; bieniôl nous prouverons que tous
79
REF
REF
80
ont employé les mêmes moyens pour séduire.
Ainsi les uns n'ont pas eu plus de mission
divine que les jiutres.
Ou.inl aux qiiyliiés personnelles des pré-
tendus réformileurs , nous n'oserions en
tracer do nous-mêmes le portrait, on nous
accuserail de prévenlion et d'intidélilé ; mais
il nous est permis de copier celui qu'en ont
fait 1rs protestants eux-mêmes, et en dernier
lieu le célèbre Mosheini et son traducteur,
Hist. ecclés., xvr siècle, secl. 3, n" part,
c. 1 et 2.
Slosheim convient que, pour opérer le
grand ouvrage de la réfornxp, ces grands
hommes ne furent pas inspirés, mais con-
duits par leur sagacité naturelle ; que leurs
progrès furent lents dans la théologie et leurs
vues Ircs-imparfaites; qu'ils se sont instruits
par leurs disputes, soil entre eus, soit avec
les catholiques, ibid., § 12 et 14. Une preuve
qu'ils étaient mauvais théologiens, c'est que
l'on ne suit plus aujourd'hui une bonne
partie de leurs sentiments. Il avoue que,
parmi les commentateurs, plusieurs furent
attaqués de l'anrienne maladie d'une imagi-
nation irrégiilière et d'un jugement borné;
que leurs notions, dans la morale, n'étaient
ni aussi csacti's ni aussi étendues qu'elles
auraient dû l'être; que les controversisles
mirent trop d'amertume et d'animosité dans
leurs actions et dans leurs écrits, § 16, 18.
Voilà cependant les hommes que les protes-
tants soutiennent avoir été suscités de Dieu
pour renouveler la face de l'Iîglise, pour ré-
tablir le christianisme dans sa pureté pri-
mitive, et pour faire la leçon à tous les doc-
leurs de l'Eglise catholique. Le tableau de
leurs vertus est encore plus original. On
sait d'abord que la plupart furent des moines
apostats, sortis du cloître par incontinence
et par aversion de toute règle. Si les monas-
tères d'alors étaient la sentine de tous les
vice^, comme le prétendent les protestants,
il faut que l'apostasie ait eu une vertu mira-
culeuse, pour changer tout à coup en apô-
tres des honmics aussi corrompus. Mais
voyons si cela est arrivé.
Au jugement de notre historien, Luther
était un disputeur fougueux ; il traita ses ad-
versaires avec une rudesse brutale, il ne
respecta ni rang ni dignité. Muncer, Storc-
kius, Stubner, chefs des anabaptistes, étaient
des fanatiques séditieux. Cl;irlostad(, auteur
de la secte des sacraiiientairos, était un es-
prit imprudent, impétueux, violent, disposé
au fanatisme. Schwenckfeldt avait le même
caractère, il manquait de prudence et de ju-
gement, § 19 , 24. Jean Agricola fut un
houiiiie rempli d'orgueil, de présouiption et
de mauvaise foi. Mélanchton manquait de
courage et de fermeté, il craignait toujours
de déplaire aux personnes en place; il por-
tait trop loin l'indilTerence pour les dogmes
et pour les rites, il fut rarement d'accord
avec Luther. Strigélius , disciple de Mé-
lancblun, fut si peu ferme dans ses senti-
ments, que l'on ne sait pas si ou doit le
mi lire au nombre des sectateurs de Luther
ou de Calviu, § 25, 6i. Matthieu Flacius, ad-
versaire de Strigélius, était un docteur tur-
bulent, fougueux, téméraire et opiniâtre.
Osiander , thé ilogien visionnaire , orgueil-
leux, insolent, conlinuellemenl en contra-
diction avec lui-même, se distingua par son
arrogance , par sa singularité et par son
amour pour les nouvelles opinions. Stan-
carus, son adversaire, disputeur turbulent
et impétueux, donna dans l'excès opposé; il
excita qu;intité de troubles en Pologne, où il
se retira, § 31, 36. Calvin fut d'un caractère
hautain, emporté, violent, incapable de souf-
frir aucune contradiction, ambitieux de do-
miner sans rivaux. Bèze , son disciple , et
lui, vomirent toutes les injures possibles
contre Castalion, et le Crenl passer pour un
scélérat, parce qu'il ne pensait point comme
eux sur la prédestination, Uèze en agit de
même contre Bernardin Ochin, c. 2, § 40 et
42; Bayle, Dicl. Crit., art. Castalion, G.
Encore une fois, sont-ce donc là les hom-
mes que Dieu avait destinés à réformer l'E-
glise'/ yuand Mosheim et son trailucleur
auraient conspiré pour couvrir d'opprobre
la prétendue réformalioii dans sou berceau,
ils n'auraient pas pu y mieux réussir. Ils
conviennent qu'entre les divers partis les
controverses furent traitées d'une manière
contraire à la justice, à la charité et à la
modération. Mais ils excusent les combat-
tants, parce qu'ils venaient seulumeat de
sortir des ténèbres de la superstition et de la
tyrannie papale, § 45. Cette excuse est très-
fausse. Il y avait près d'un siècle que Luther
avait commencé a prêcher, lorsque ses sec>
lateurs se livrèrent aux plus grands excès
de haine et de fureur contre leurs adversai-
res. Il est prouvé par là que le nouvel Evan-
gile n'avait pas une grande vertu, puisque
dans un espace de quatre-vingts ans il n'é-
tait pas veuu à bout de guérir l'empurte-
meni de ses sectateurs.
Les mêmes critiques nous feront con-
naître une bonne partie des moyens dont ou
s'est servi pour l'établir, et cette seconde
considération ne contribuera pas à uous en
donner une idée favorat)le.
II. De (juel moyen s'est-un servi pour éta-
blir la prétendue réfurmution oit le protes-
tantisme? Nous les réduisons à trois : savoir,
la contradiction entre les principes et la con-
duite, les calomnies contre la doctrine ca-
tholique et contre le clergé, les séditions et
la violence.
En premier lieu, les réformateurs ont posé
pour maxime fondamentale que l'Ecriture
sainte est la seule règle de croyance et de
morale, et que, dans toutes les choses néces-
saires au salut, ces livres divins sont si
clairs et si intelligibles, que tout homme qui
a le sens commun, et qui possède la langue
dans laquelle ils sont écrits, peut les en-
tendre sans le secours d'aucun interprète.
Mosheim, ibid., c. 1, § 22. Il y a déjà ici de
la fausseté et de la supercherie. Notre au-
teur lui-même dit que les premiers réforma-
teurs ont fait des progrès très-lents dans la
théologie, qu'ils se sunt instruits, non par
la clarté de l'Ecriture Suiule, mais jMr leurs
81
RFF
REF
8J
disputes, soit avec les autres sectaires, soit
avec les calholinues. Si le U\\le de l'Ecrilnre
était si clair que tout homme de bon sens
pût l'entendre, aur;iit-il fallu lant de dis-
putes pour savoir à quoi s'en tenir, ce qa'il
faut croire ou rejeter?
La vérité est que les premiers réforma-
teurs ne commencèrent pas [lar éliidier et
consulter l'Iicrilure sainte, sans préoccupa-
tion et sans préju^'é, pour voir ce qui y était
véritablement enseigné ; ils cominenièrent
par contredire la doctrine ratliolique à tort
et à travers, et ils cherchèretit ensuite dans
l'Ecriture des passap^es qu'ils pussent accom-
moder de gré ou de force avec les nouveaux
dogmes qu'ils avaient forgés. Depuis deux
cents ans leurs disciples ont cuntiuué de
faire de même; il n'est pas étonnant que tous
aient également réussi à élayer bien ou mal
sur l'Ecriture sainte la croyance particulière
de leur secte.
Mosheim dit que les confessions do foi,
telles que celle d'Augsbourg, donnent le sens
et l'explication de l'Ecriture sainte. Mais si
tout homme qui a le sens commun peut en-
tendre les livres saints sans le secours d'au-
cun interprèle, à quoi sert une confession
de foi pour en donner le sens et l'explica-
tion, par conséquent pour l'inlerpréter ? A la
vérité, il dit ((ue ces livres sont clairs dans
les choses nécessaires au su/m/. Mais de deux
choses l'une : ou les questions sur lesquelles
les réformateurs oui disputé entre eux el
contre les catholiques étaient nécessaires au
salut, ou elli!s ne l'étaient pas ; si elles l'é-
taient, il est donc faux que l'Ecriture soit
claire sur toutes ces questions, puisqu'il a
fijilu en donner le sens < t l'explication par
des confessions de foi , et que depuis deux
cents ans et plus elle est un sujet de dispute.
Si elles ne l'étaient pas, il y avait île l'entê-
tement et de la frénésie de la part des refor-
mateurs d'attaquer l'Eglise catholique , de
faire schisnie avec elle, d'allumer encore
le feu de la guerre entre les différentes sectes
pour des queslious qui n'étuienl pas néces-
saires au salut. 11 iijoute que les livres saints
sont intelligibles pour tout homme qui pos-
si:de la langue dans laquelle ils sont écrits;
veut-il parler du texte ou des versions? Le
texte est écrit en hébreu ou en grec; fiiut-il
que tout chrétien possède ces deux langues?
S'il s'agit de versions, qui lui garantira que
celle qu'on lui mol en m.iin rend parfaite-
ment le sens du texte? Les frères de Wal-
lembourg ont prouvé qu'il n'y en a pas eu
une seule sortie de la main des protestants,
dans laquelle on ne puisse trouver au moins
trente falsifications ; de Controv. tract., 1. 1,
p. 713.
Enfin, Mosheim assure que les confessions
de foi, telles que celle d'Augsbourg, n'ont
point d'autre autorité que celle qu'elles ti-
rent de rilcriture sainte. C'est une fausseté
qu'il réfuie lui-même. Il convient, § 5 , que
les ministres luthériens sont obligés de se
conformer au c.ttéchisme de Luther; que
l'an 1568 on dressa un formulaire de doc-
trine pour avoir force de loi ecclésiastique,
§ 27 ; que l'an 1570 l'on employa la prison,
l'exil, les peines afilictives contre ceux qui
penchaient au lalvinisme, § 38 ; qu'en 1570
l'on dressa encore un formulaire d'union
contre les calvinistes ; que l'on excommunia
ceux qui refuseraient d'y souscrire , et que
l'on employa conti e eux l;i terreur du glaive,
§ 39, etc. Voilà dune des catéchismes, des
confessions do loi , des formulaires d'union ,
qui ont eu non-seulement force de loi ecclé-
siastique , mais force de loi civile ; est-ce d(^
l'Ecriture sainte que toutes ces pièces tirent
celte autorité ?
C'est ainsi (juc , pour établir la réforme,
l'on a dupé les ignorants. On conimençait
par protester que l'on ne voulait point d'au-
tre règle de croyance que l'Ecrilurc sainte,
que la pure parole de Dieu ; on promeftail
au peuple , en lui mettant une Bible à la
main, ((u'il serait lui-même le juge et l'ar-
bitre du sens de l'Ecriture sainte , qu'il se-
rait affranchi sur ce point de toute aulorilé
hutnaine. Mais indépeudammcnl des infidé-
lités de la version dont on voulait (ju'il so
servît, s'il s'avisait de l'enlendre dans un
sens' différent de celui des catéchismes et des
confessions de foi ,on lui faisait redouter le
glaive de la puissance séculière. Ainsi , en
voulant s'affranchir de l'autorité de l'Eglise,
il se trouva réduit sous un joug cent fois
plus dur.
Le même prestige a eu lieu chez les cal-
vinistes et chez les anglicans ; Bayle , Locke,
D. Huuk;, IJaxIer , Maiideville, lîousseau et
d'autres le leur ont reprocl)é. Eu 1593, la
reine Elisabeth donna le fameux acte d'uni-
formité, et voulut que l'on employât toute la
sévérité des luis et des châtiments contre les
non-conformisles. La cour de la fiante com-
mission qu'elle établit fut une véritable in-
quisition. Mosheim , ibid., c. 2 , § 18 et 19.
« Les catholiques, dit Richard Stcele, doivent
s'apercevoir aujourd'hui que ce n'était pas
une nécessité pour eux dt; décider contre
nous que l'Ecriture sainte n'est pas la seule
règle de foi, et qu'il faut y ajouter l'autorité
de l'Eglise ; il est évident que l'on peut par-
venir au même but avec |)lus de bienséance.
Car en même temps que nous soutenons
contre eux avec chaleur que les peuples ont
droit de lire , d'examiner el d'interpréter
eux-mêmes les Ecritures , nous avons soin
de leur inculquer dans nos instructions par-
ticulières qu'ils ne doivent pas abuser de re
droit, qu'ils ne doivent pas prétendre être
plus sages que leurs supérieurs , qu'il faut
qu'ils s'étudient à entendre les textes parti-
culiers dans le même sens que l'EJglise les
entend, et que leurs guides , (|ui ont l'ouï o-
rité interprétative, les expliquent.» Ce mémo
auteur fait voir ensuite que chez les angli-
cans les décisions du clergé, chez les calvi-
nistes les synodes nationaux, el en particu-
lier celui de Dordrecht , ont la même auto-
rité que le concile de Trente chez les catho-
liques, et que les formulaires d'union ou les
confessions de foi chez les luthériens.
Un seulexemplosnffit pour détnonlrcrqne,
dans toutes ces sociétés, les motifs et la rè-
83
REF
REP
8«
gle (le croyance sont absolument les mêmes,
qufi c'est l'esprit particulier de chaque secte,
l'espèce de tradition qui s'est formée chez
elle, et non le texte de l'Ecrilure sainte. Dès
le commencement de la réformation il fut
question de savoir comment l'on doit enten-
dre ces paroles de Jésus - Christ touchant
l'eucharistie : Ceci est mon corps. L'Eglise
cathDli(|ue croyait comme elle croit encore
que Jésus - Christ est réellement présent
dans l'eucharistie par transsiihst;inliation ;
Luther et ses partisans décidèrent qu'il y est
présent (lar impanation, d'autres dirent par
ubiquité : Carlostadt, Zwingle , Calvin, sou-
tinrent qu'il n'y est pas présent réellement,
mais seulement en figure et par eflicacilé.
Aujourd'hui les luthériens et les anglicans
prétendent qu'il y est rcelloinent présent
p,jr la foi, mais senlemenl dans l'action de
le recevoir, ou dans la communion. Nous
demandons comment et pourquoi ces pa-
roles, Ceci est mon corps, sont plutôt la rè-
gle et le motif de la foi dans une de ces so-
ciétés que dans l'autre , comment une même
règle peut dicter des croyances si différen-
tes. Un prolestant réponilra sans doute que
ces paroles sont la seule règle et le seul mo-
tif de sa foi, puisnu'il leur donne tel sens,
non parce que Luther ou Calvin le leur ont
aussi donné, mais parce qu'il lui est évident
qu'ils ont eu raison de les entendre ainsi ; au
lieu qu'un catholique les entend de telle ma-
nière, précisément parce que l'Eglise le veut
et les explique de même.
Mais par quelle loi est-il défendu à un
catholii)ue de juger que l'Eglise a eu raison
d'expliquer ainsi les paroles du Sauveur?Si
c'est l'évidence qui détermine un prolestanl,
pourquoi un luthérien entend-il toujours
CCS paroles comme Luther, et un calviniste
comme Calvin ? On se moque de nous, lors-
qu'on veut nous persuader qu'un luthérien
qui ne sait p^is lire juge évidemment que le
vrai sens de ces paroles est celui de Luther
et non celui de Calvin ni celui des catho-
liques. Il est incontestahie que le seul motif
de son jugement est l'iiabilude qu'il a con-
Iraclée dès l'enfance d'entendre les paroles
de l'Ecriture comme on les entend dans la
société dans laquelle il est né ; qu'ainsi ta
véritable règle est la tradition de sa secte, et
non la lettre du texte. Enfin , c'est une ab-
surdité de dire que le texte d'un livre est
ma règle , lorsque c'est à moi seul de juger
par uies propres lumières du sens qu'il faut
lui donner, dans les cas où il peulavoir plu-
sieurs sens.
Un second moyen duquel les prétendus
réformateurs se sont servis pour séduire les
peuples, a éié de déguiser et de travestir la
doctrine catholique. On peut prendre pour
exemple la question même dont nous venons
de parler, la manière d'envisager la règle de
foi. Ue tout temps l'Eglise calholi(|ue a en-
se gné que la règle de foi est la parole de
Dieu, ou écrite ou non écrite; qu'ainsi l'E-
criture sainte n'est pas la seule rcyle de foi,
mais que c'est l'Ecriture expliquée et en-
tendue par la tradition et la croyance de
i'Eglise ; qoe quand un dogme ne serait pas
formellement et évidemment enseigné dans
l'Ecriture sainte, nous sommes cependant
obligés de le croire dès qu'il est enseigné par
la tradition constante et uniforme de rEj^lise.
Par ce simple exposé il est clair que l'E-
criture sainte est toujours la règle de foi
principale, et que la tradition n'en est que
le supplément. Mais qu'ont fait les protes-
tants ? Ils ont dit, et ils le ré()ètent encor(%
que nous [)reuons pour règle de foi, non
V Ecriture sainte, mais la Iraditinn ; (jue nous
mettons ainsi la [>arole des hommes à la
place et même au-dessus de la parole de
Dieu; que nous laissons de côté l'Ecriture
pour ne consulter que la tradition ; que nous
suivons des traditions contraires à l'Ecri-
ture, etc., etc. Au mot Écrithrr sainte, §5,
nous avons démontré la fausseté de tous ces
reproches. î'n autre exemple récent de celte
mauvaise foi est l'accusation formée par
Mosheim contre les caiholiques , ibid., § i25.
Pour excuser les excès de Luther touchant
la justification et le mérite des bonnes œu-
vres, il dit que les théologiens papistes con-
fondaient la loi avec l'Evangile, et représen-
taient le bonheur éternel comme la récom-
pense de l'obéissance légale. Imposture gros-
sière. La loi prise par opposition avec l'E-
vangile est la loi cérémonielle des Juifs;
l'iihéissance légale ne peut s'entendre que
de l'obéissance à cette même loi : or , quel
est le docteur catliolii|ue qui s'est jamais
avisé de confondre la loi cérémonielle des
Juifs avec l'Evangile , ou de représenter le
bonheur éternel comme la récompense des
cérémonies judaïques. Au mot OEuvres,
nous avons f.iil voir la clarté et la sainteté
de la doctrine catholique décidée par le
concile de Trente.
Il n'est pas un seul article de doctrine sur
lequel les prétendus réformateurs n'aient
commis la même infidélité, de laquelle leurs
sectateurs ne se sont pas encore coirigés.
Ceux-ci ont cependant rougi de plusieurs
erreurs grossières de leurs maîtres , ils en
sont revenus aux opinions catholi(|ues et
modérées touchant la prédestination , le li-
bre arbitre, le pouvoir de résister à la grâce,
la nécessité des bonnes œuvres , etc.; opi-
nions contre lesquelles Luther , Calvin et
les autres avaient lancédesanathèmes, qu'ils
avaient représentées comme des erreurs
monstrueuses , et comme un sujet légitime
de rompre absolument arec l'Eglise catho-
lique.
(Calvin lui-même et lîèze exhortèrent les
puritains d'Angleterre à tolérer , dans le
cleigé anglican, les mêmes prétentions et les
mêmes rites qu'ils avaient censurés dans le
clergé catholique comme des opinions et des
usages damiiablcs , Mosheim , c. 2 , § 43.
Jîiiighara, dans son Apologie de l'Eglise an-
glicane, prouve que IJucer , Capiton, Pierre
Jîariyr , Scultet et plusieurs autres rcfur-
ma(fM/s, étaient de même avis; ils disaient
que l'on ne doit p.is se séparer d'une église
à cause de quelques rites et quehjues abus
qui s'y (rouveul, à moins que ces usages ne
«s
BEF
•H&
6G
«oient formellonfifint conlraires à l'Iîcriture
sainte e( iiotoiremoiit mauvais. Ainsi ils re-
prés<'iifaieiil iineop iiitin mi un usajje comme
damnaiile ou coinme (nlérahlu , sniv^ul que
riiilôr*'! (le leur syslènip iliciail leurjuge-
R)fiil. On coiiçDi! <|ni' des ilocieurs si obsti-
nés à t'c'iloiniiitr la docttlne caiiinligue ne
j)Ouvaifnl pas manquer (l« pi'inilre sous les
plus noires couleurs le clergé cliarjjé de l'eii-
seijiner oi de la deroinlre. Au mol (^lekuk,
nous avons vu la manière dont les protes-
tanls nous le représenlent dans tous les
siècles , principalement dans ceux qui ont
imtiiedialement piccédé la rcfunnaiion. Mais
ces satires ne sont encore rien en comp;iraison
des libelles ditlamaloiies et des invectives
sanglantes répandues dans les érrils des pix'-
oiiers èirivains protestants. Bayle et d'au-
tres auteurs les leur ont reprochés plus
d'une fois. Il n'est point d'histoires scanda-
leuses, point de fausses anecdotes, point de
fables malicieuses, (]n'ils n'aient forgées eoii-
Irc les piètres et contre les moines ; c'était
là le sujet le plus ordinaire des sermons de
leurs prédicateurs. Ola éliit bien plusefli-
cace pour émouvoir les peuples que des dis-
sertations sur la i}<)clrine, auxquelles le peu-
ple n'entendait rien. Si on veut les en croire,
le clergé n'était alors composé que d'hom-
mes ignorants et vicieux. Mais ils auraient
dii luius apprendre dans quelles écoles leurs
prédicants, dont la plupart avaient été des
ecclésiastiques ou des moines, avaient puisé
les connaissances sublimes dont ils ont fait
nsagc pour réformer l'iii^lise. [,a profe-sion
de l'hérésie a-t-elledonc eu la vertu detrans-
forn\cr tout à coup des ignorants en doc-
teurs et des hommes corronii)ns en modèles
de sainteté? >'oilà ce dont nous ne conve-
nons pas.
Si l'on veut savoir nu vrai ce qu'était le
clergé catholique , surtout en France , au
coiuuiencemcnt du xvi' siècle, il faut lire le
discDurs fait sur ce sujet, qui se trouve à la
lin du 17 volume de l'Histoire (le l'Eglise
galliianc : on j verra qu'il y avait pour lors
des iliéolo;;iens instruits, et en assez grand
nombre, et que les erreurs des protestants
furent ncloriensemcnt réfutées dès qu'elles
parurent, surtout par la faculté de theoioijie
de Paris , l'an 1321 : Mosheim lui-même a
couiplé plus de vingt théologiens démarque
qui parurent dans ce siècle, dont plusieurs
dis|uilèrent ou écrivirent contre Luther pen-
dant sa vie; ce n'était certainemwit pas lui
qui leur avait enseigné la théologie. On se
convaincra dans c 'itc même histoire, que
le reiàcliemenl dans les mœurs putili(|ues et
dins celles du clirgé n'était ni aussi géné-
ral ni aussi étendu que ses ennemis le pré-
tendent ; qu'il y avait alors une multitude
iré\éqiies %) d'ecclesias iquos très-respecta-
hles ; ol si nous avions un tableau aussi fi-
dèle des autres parties de llîglisf cathodique,
nous sciions convaincus que les réfvrma-
tenis n'ont fait des prosélytes ni par la su-
périorité lift leurs lumières, ni par la force
de leurs raisons, n par l'ascenJaiit de leurs
Yerlus, mais ,!ar l'attrait du libertinage d'es-
prit et de cœur qu'ils ont introduit; nous eu
verrons ci- après les preuves.
Un troisième moyen (jui If ur a très-bien
réussi a été la révolte contre toute autorité,
les séditions, la guerre , les massacres, sur-
tout lie pillage des églises et des monastères.
Aujourd'hui les ennemis de notre religion
publient que c'est h' clergé qui est la cause
de ces désordres, qui a suggéré aux souve-
rains les édits sanglants qu'ils ont portés
contre les protestants, qu'il a ainsi réduit
ceux-ci au désespoir et lésa rendus furieux.
C est une calomnie que nous avons réfutée
au mol CAi.viNisMii. Nous y avons l'ait voir,
par des faits et par des témoignages irrécu-
sables, que le dessein des prétendus réfor-
mateurs, dès l'origine , fut d'abolir entière-
ment la religion catholique , et d'employer,
pour eu venir à bout, tous les moyens pos-
sibles. Ce fanatisme fut la même chez les
luthériens en Allemagne, chez les calvinistes
en Suisse, en France , en Angleterre et en
Eiossc, et chez les anglicans. Ainsi les di-
vers gouvernements de l'Iîurope se sont
Ljouvés dans la cruelle alternative ou de
recevoir la loi de la paît des sectaires, ou de
la leur faire par la terreur des supplices,
d'exlir|)er l'hérésie ou de changer la reli-
gion dominante , de répandre du sang ou
de voir bouleverser la constitution de l'Ktat;
d'autre part, le clergé et le peuple ont été
réduits à choisir d'apostasicr, de fuir ou
d'être égorg'S.
III. Gela suffit déj.î pour nous faire com-
prendre quelles ont été les suites de celte
révolution fatale que les prolestants osent
appeler la sainte et bienheureuse réformalion.
Nous les avons déjù exposées au mot Luthé-
ranisme, § k. Le premier de ses elTets, a été
de produire des disputes furieuses et inter-
minables, des haines nationales el intestines,
des schismes sans cesse renaissants. Dans
les cinquante premières années, on a déjà
compie parmi ces enlants révoltés de l'E-
glise douze sectes dilïércntes ; Mosheim lui-
même en a fait l'énumération; ce nombre
s'est augmenté de jour en jour, el la plu-
part do ces sectaires, de l'aveu du même
auteur , ont été des fanatiques. Vainement
les luthériens el les calvinistes ont eu en-
semble des conférences el ont cherché à se
rapprocher, vainement des théologiens plus
modérés que les autres ont travaillé à les
concilier , jamais ils n'ont pu en venir à
bout. Voy. LcTHÉRiENs.
Pour pallier ce scandale, les protestants
nous «lisent que les athées font cette objec-
tion contre le christianisme en général,
qu'il y a eu des disputes el des sihismes
dans l'Eglise primitive, qu'il y en aura tant
que les hommes ne seront ni iniaillibles ui
impeccables, que l'union et l'unanimité ne
sont point un signe de vérité, que c'est un
mal duquel Dieu tire un bien, comme l'er-
tullien et saint Augustin l'onl remarqué.
Mais nos adversaires sont-ils donc assez in-
sensés pour s'applaudii- d'avoir fourni aux
athées une objection de plus contre la reli-
gion, et d'avoir imité les hérétiques qui s'é-
87
REF
REF
9i
levèrent contre la doctrine des apôtres? En
vériitS ce senliment serait digne d'eux : parce
que Dieu sait lirer le bien du m.il, cela ne
iustitie pas ceux qui fonl le mal, puisque
leur inlenlioii n'est pas de produire le bien
que Dieu tirera de leurs désordres : et quand
ils auraient cette intention, ils seraient en-
core coupables en fais int le mal: c'est la le-
çon de saint Paul. Jésus-Christ a dit qu'il
(';Mit qu'il arrive des scandales; mais il ajoute:
Malheur à celui par qui le scandale vient
[Matlh. XVIII, 7)1 Si, en fait de religion, l'u-
ni(m et l'uiianimiié ne sont pas un car;ictère
lie la vcrii;ible Eglise, Jésus-Glirist a eu tort
de vouloir en faire un seul bercail sons un
seul et même pasteur, de demander à son
Père l'unité ou l'unanimité entre tous ceux
qui devaient croire en lui (Joan. x, 16;
XVII. 20) ; de locommander à ses disciples
l'union et la paix, e(c. Dieu a tiré un bien
de la révolte des protestants, non pour eux,
mais pour l'Eglise catholique, et c'est ainsi
que l'ont enlendu Terl.ullieii et saint Augus-
tin à l'égard des héréiiques en général.
Les iiroti'slanls sont forcés d'avouer que le
socinianisnie n'est qu'une extension de leurs
principes, mais ils disent que les sociniens
les ont poussés trop loin. Qui peut donc
prescrire la limite et planter la borne au
delà de laquelle ces principes ne doivent pas
être poussés '? Dans toutes les disputes qu'ils
ont eues entre eux, les sociniens leur ont
fait voir qu'ils sont mauvais raisonneurs et
qu'ils contredisent le principe fondamental
de Ma réforme: avant de le poser, il aurait
fallu en prévoir les conséquences.
Du socinianisme au déisme il n'y a qu'un
pas, et il a été franchi par la plupart des
protestants qui se sont piqués de raisonner
conséquemment. Au mol Erreur nous avons
montré la chaîne qu'il a fallu suivre, et la
route par laquelle on passe insensiblement
du protestantisme au déisme et à l'Incrédu-
lité. C'est donc à la prélendue réforme que
nous sommes redevables de l'incrédulité et
de l'irréligion répandues aujourd'hui dans
l'Europe entière.
Kn effet, la très-grande partie des objec-
tions que les déistes et les athées font contre
le christianisme en général, sont les mêmes
que les prédicanis ont faites contre le catho-
licisme en particulier, et il n'en a rien coûté
pour les généraliser. Quand on considère le
tableau hideux que les protestants ont tracé
de l'Eglise depuis sa naissance jusqu'à nous,
comment pourrait-on y reconnaître une re-
ligion divine, formée, établie, cimentée par
la puissance et la sagesse de Dieu? C'est
dans ces histoires scandaleuses que les in-
crédules s'abreuvent encore tous les jours
du fiel qu'ils vomissent contre le chnslia-
nisme. Les protestants ont beau s'en défen-
dre, ce sont eux qui ont été les précepteurs
des incrédules. Comment leur conduite n'au-
rait-elle pas produit l'indifférence de reli-
gion, ou l'irréligion alisolue? A force de
changer de principes, on ne tient plus à au-
cun, et, à force de passer d'un dogme ou
d'une opinion à une autre, on devient indif-
férent pour toute croyance. C'est cette indif-
férence même que l'on a honorée du beau
nom de tolérance. Après s'être battues pen-
dant près de deux siècles, après avoir changé
dix fois d'opinion et de doctrine, les difle-
rentes sectes ont vu qu'elles n'avaient au-
cune arme solide pour attaquer, ni pour se
défenilre; elles se sont donc reposées par
lassitude ; elles ont'consenti à se tolérer, à se
laisser mutuellement en paix. Mais cette to-
lérance, que l'on nous vante comme un chef-
d'œuvre de sagesse et de modération, n'est
dans le fond qu'un effet d'Intérêt politique
et d'indifférence de toute religion.
Si l'on imaginait ()ue la prélendue réforme
a contribué à rétablir la pureté des mœurs,
on se tromperait beaucoup ; à la vérité les
novateurs se sont vantés souvent d'avoir
introduit parmi eux des mœurs plus pures
que celles des catholiques; par leurs invec-
tives continuelles contre la conduite da
clergé et contre celle des papes, ils ont réussi
à séduire les ignorants. Mais ce masque
d'hypocrisie n'a pas pu se soutenir long-
temps; l'auteur de V Apologie pour les catho-
liques, t. Il, c. 18, a cité les témoignages de
Luther lui-même, de Calvin, d'Erasme, de
Musculus, de Jacques André, de Capiton, de
Thomas Edoard, tous protestants, qui attes-
tent que les prétendus réformés, en général,
étaient beaucoup plus déréglés que les ca-
tholiques ; qu'ils se persuadaient que la haine
et les déclamations contre le papisme leur
tenaient lieu de toutes les vertus ; qu'enfin
la réformation se terminait à une horrible
difformation. Dans un autre ouvrage intitulé
le Renversement de la morale de Jésus-Christ,
par les erreurs des calvinistes, il ajoute en-
core les aveux de Grolius et de Rivet, I. i,
c. 5. Depuis ce temps-là les voyageurs les
plus récents nous ont appris que les choses
n'ont changé en mieux dans aucun des lieux
où le protestantisme est la religion domi-
nante.
De tout cela nous concluons qu'en exa-
minant cette religion, soit dans les auteurs
qui l'ont forgée, soit dans les moyens dont
ils se sont servis pour l'élabllr, soft dans les
effets qui en ont résulté, elle porte sur son
front toutes les marques possibles d'une re-
ligion fausse el réprouvée de Dieu. Voy.
Anglican, Calvinisaik, Luthéranisme, Lu-
thérien.
REFORME DE RELIGIEUX ; c'est le ré-
tablissement d'un ordre ou d'une congréga-
tion religieuse dans toute la sévérité de son
ancienne règle, de laquelle elle s'est insen-
siblement relâchée; ou c'est la démarche de
quitter cette première règle pour en embras-
ser et en suivre une plus sévère. Ainsi la
congrégation de saint Maur est une réforme
de l'ordre de saint Benoît, parce qu'elle s'est
rapprochée de la règle primitive établie par
ce saint fondateur. Les feuillants elles reli-
gieux de la Trappe sont deux ri' formes de
l'ordre deCîleaux, etc. La néressitéde faire
des réformes dans les ordres religieux lors-
qu'ils sont déchus de leur première ferveur,
ne prouve rien contre cet étal en général^
89
REF
REG
90
Les religieux ne se relâchent ordinairement
qu'à proportion cl par rinflueiice de la cor-
ruption des mœurs piililiqucs ; il n'est pas
étonnant que les vices qui iiifeclenl la so-
ciété pénètrent insonsiblenienl dans les cloî-
tres Mais c'est justement lorsque les mœurs
publiques sont les plus mauvaises, qu'il est
nécessaire d'avoir des asiles où puissent se
réfugier ceux qui craignent de ne pouvoir
échapper au danger de se corrompre.
On dit que les réformes sont inutiles ; que
la laililesse humaine, qui tend toujours au
relâchement, est cause qu'elles ne sont ja-
mais durables; mais elles sont du moins
utiles pcMidantun temps, et c'est autant de
gagné pour la vertu et pour l'édification |)u-
hliquc. C'est mal raisonner que de ne vou-
loir pas l'aire du bien, parce qu'il ne pourra
pas subsister toujours. Un moine qui refu-
serait de se réformer lorsque son ordre en a
besoin, serait certainement coupable et di-
gne de ciiàtimenl. \ aincment il dirait qu'il
n'a fait vœu d'observer la règle que selon
l'usage du monastère dans lequel il fait son
noviciat et sa profession. La règle a dû lui
être communiquée; en l,i lisant, il a dû com-
prendre que tout usage qui y donne (juelque
atteinte est un relâchement et un abus, à
moins qu'il n'ait été permis et approuve par
autorité ecclésiastique ; l'abus ne prescrit
jam;iis contre la règle, et la règle réclame
toujours contre l'abus. Si donc un religieux
avait mis dans ses vœux une restriction con-
traire â la règle, ci; serait un prévaricateur
qui se serait joué de la sainteté du serment,
et cette fraude, loin de le justifier, le ren-
drait plus coupable.
Il est bon de considérer que les réformes
les plus sages ont presque toujours été faites
par un seul homme zélé et courageux :
preuve' que la vertu conserve toujours de
l'empire sur les esprits et sur les cœurs,
lors(ju'elle est solide et constante. Il n'est
donc aucun désordre auquel on ne puisse
remédier, quand on veut s'en donner la
peine. Mais, dans notre siècle philosophe,
on juge ()u'il est mieux de détruire (juc de
réformer. C'est que, pour détruire, il ne faut
ni lumières, ni sagesse, ni vertu; il suffit
d'être dur et opiniâtre : l'homme le plus
borné, lorsqu'il est armé de la force, peut
tout anéantir pour montrer son pouvoir;
pour réformer, il faut de la prudence, de la
patience, le talent de la persuasion, un cou-
rage à l'épreuve, etc.: el ces vertus ne sont
pas communes.
UliFUCE (villes de refuge). Mo'ise, dans
ses lois, désigna six villes de la Palestine,
dans lesquelles pouvaient se retirer ceux
qui, par hasard et sans le voulnir, avaient
tué un homme, afin qu'ils pussent prouver
leur innocence devant les juges, sans avoir
à craindre la vengeance des parents du
mort. Si le meurtrier ne prouvait pas (lue
riiomicide qu'il avait commis était involon-
taire, il était puni selon la rigueur des lois;
s'il était reconnu innocent, il devait encore
demeurer captif dans la ville de refuge jus-
qu'à la mort du grand prêtre; alors il récu-
pérait'sa liberté. Si, avant ce lemps-là, il
sortait de la ville de refuge, \\ pouvait être
mis à mort impunément [lar le rédempteur
du sang, ou par le plus proche parent du
défunt, qui avait le droit de venger sa mort.
Pour inspirer aux Juifs une plus grande
horreur de l'homicide. Moïse crut devoir le
punir p.ir une es()èce d'exil, lors môme qu'il
était involontaire.
UEruGK, religieuses de Notre-Dame du Re-
fuge, ordre on congrégation de religieuses
qui se sont dévouées à la conversion des
femmes et des filles débauchées, et à préser-
ver du désordre celles qui sont en danger
d'y tomber. Ce pieux institut a commencé à
Nancy, en Lorraine, par le zèle d'une ver-
tueuse veuve nommée Mad. de Hanlaig, qui,
avec ses trois filles, eut le courage de se
consacrer à cette bonne (Euvre. Il fut ap-
prouvé par le cardinal de Lorraine, évèque
de Toul, l'an 1629, par le pape Urbain Vill
en lG3't-, et par Alexandre Vil en lOGi, sous
la règle de saint Augustin. Les filles péni-
tentes y sont admises à prendre l'Iiabil et à
faire profi'ssion, lorsque l'on voit en elles
des marques solides de conversion et de vo-
cation ; mais elles ne peuvent remplir les
premières places de la maison. On y reçoit
à pénitence, non-seulement les personnes
qui entrent dans le monastère de leur plein
gré, mais encore celles que l'on y renferme
par autorité des magistrats ou du gouverne-
ment.
Cet ordre n'a que douzemaisons en France,
parce que, dans la plupart des grandes villes,
on a suppléé par d'autres établissements
qui ont le même objet. A Paris, les filles du
Sauveur, rue de Vendômi', au Marais ; celles
de Sainte-Pélagie, au f.iubourg Saint-Mar-
ceau ; celles du Bon-Pasteur, rue du Cher-
che-Midi; celles de Sainte-Valère, rue de
(irenelle; les religieuses de Notre-Dame do
Charité, ou filles de Saint-Michel ; les péni-
tentes de Saint-Magloire font la même chose
que les religieuses do Refuge. Hélyot, Hist,
(les Ordres relig. [Edit. Migne).
* iiÉGALE. C'était nn droit en vertn duquel le;
rois (te Iraiice joinssaicnl du revenu des évétiiés
et des arclievêcliés peiid;ml l;i vacance du siège,
jusqu'à ce que les nouveaux pourvus eussent prélë
senniMit de lidéblé. En vertu de ce droit, le roi
nommait aux béiiélices (pii dépendaient de l'évéïiue.
La régale pouvait être une source de irès-giands
abus : pour jouir plus longieui(is des revenus des
évêchés, les rois retardaiem la nomination aux siè-
ges vacants et tonlialeiil les béiiélices plutôt à des
courtisans qu'à des liuninies sincèrement attacliés à
l'Egli^ie. Aussi Fleiiry remarque (|ue i le roi, quoi-
qu'il n'exerce que le droit de l'évèque, l'exerce bien
plus tiliiemenl que ne le ferait l'évèque lui-niêine ;
tout cela, dii-on, parce (pie le roi n'a point de su-
périeur dans Son royaume, comme si le droit d(!
coiilérer des liénélices éiaii purement temporel. •
Le droii de régale ne s'étendait pas sur toute la
France. Nus rois tonlèreiil de l'y étendre; ce qui
donna lieu aux graves d •mêlés qui s'élevèrent entre
la Gourde France et la cour de Rome, el amenèrent
la laineuse assemblée de ItiSi.
UÉliÉNÉKATION, renaissance, change-
ment par lequel on reçoit une nouvelle vie ;
91
REG
c'est ce que les Grecs ont nommé pnlingi''nc-
sie. Ce lerme ne se (rouve que trois foU dnis
l'ilèriUire s;\inie. Mattli., c. xi'C,v.28, Jé-
sus-Chris! dit à ses apôlres: Au Ifinps rf- la
régéiiéralion, lorsque le Fils de l'homme sera
asHts sur le Irônc de sa majesté, vous serez
aussi assis sur douze siéi/es, pour jnqer les
douze tribus d'Israël. S.iiiil Paul éorilà Tile,
c. II!, V. o, qu(> Dieu nous a samés par li>
bain de la régcnér.uion et du renoiivelli'iiiciil
du Saint-Kspril. » / Petr., c i, v. 3, nous
Jisoiis qui" Dieu nous a régénérés pour nous
donner une ferme espérance par la rùsur-
rcclion de Jésus-Chrisl.
Les in(erprèli'S conviennent que dans ces
deux derniers passages il est question liu
baptême, et qu'il est appelé ré'jénération,
parce que le baptisé duitmener une vie nou-
veiie; mais dans relui de saint Millliieu plu-
sieurs pensent que Jésus-Christ a voulu par-
ler de la résurrection générale el du rang
que tiendront les apôtres au jugement der-
nier ; parce que la plupart des auteurs ec-
clésiasliqiies ont appelé régénéralinn la vie
nouvelle lies corps ressuscites. D'autres sont
d'avis que, dans saint Matthieu, commedans
les deux autres passa2;es, la régénération
est la nouvelle naissance que Jésus-Christ
a donnée à son Eglise par le baptême, et la
vi(! que doivent mener les chrétiens, Irés-
diiîérente de celledes juifs; que Jésus-Christ
fait allusion à ce qu'il avait dit ailleurs,
Jonn., c. III, V. 5: Si quelqu'un n'est pas ré-
yéneré (renalus) par l'eau et pir le Saint -
Esprit, il ne peut pas entrer dans le royaume
de Dieu. D'ailleurs le Sauveur distingue dans
cet endroit la récompense destinée aux apô-
tres d.nis cette vie d'avec celle qui leur est
réservée en l'autre: or, la première est évi-
demment l'autorité qu'il leur a donnée sur
son Eglise et sur tous les fidèles, et non la
fonction de les juger au jugement dernier.
C'est le sens que donnent à ce pjssage saint
Hilaire, dans son Commentaire sur suinC
Mailliieu, c. XX, et l'auteur de l'ouvrage im-
narfiit sur cet évangéliste, attribue autre-
fois à saint Jean Chrysostoine : c'est aussi
l'opinion de la plup.irt des commentateurs
cités dans la Synapse des critiques, sur cet
endroit.
Ainsi, au mot Lois ecclésiastiques, nous
n'avons pas eu tort de citer ce passage pour
prouver que les apôtres et leurs successeurs
ont reçu de Jésus-Chrisl le pouvoir de faire
des lois auxquelles les fidèles sont obligés
(l'obéir, pouvoir communément exprimé
('.ans l'Ecriture sainte par le mal juge et ju-
ger; nous y sommes autorisés par des com-
mentateurs même protestants.
lUiGIONNAlUE, titre «(ue l'on a donné
dans ÏUisi. ecvlés,, depuis le \' siècle, à
ceux au\qu(!is on cnnlialt le soin de quelque
(luarlier ou région, et l'adminislration de
quelques affaires dans un certain district.
Poui- observer plus d'ordre dans la police
ecilésiasliciue, on avait partagé la ville do
Kome en divers quartiers; ou appelait dia-
cres régionnaires ceux qui élaienl chargés
du soin des pauvres et de la distribution des
REI 92
aunnônes dans un de ces quartiers. II y avait
aussi dos sous-diacres et des notaires région-
naires. On appelait encore érêques région-
mires dos missionnaires revêtus du carac-
tère épiscopal, et qui n'avaient point de
siège particulier, mais qui allaient prêeher
en divers lieux, et exercer les fonctions de
leur ministère oii il pu était besoin.
UECLIÎ DE FOL Voy. Foi, § 1; Ecriture
SAINT!!, § k.
IlEtîLE MONASTIQUE, recueil de lois et
de constitutions, suivant lesquelles les reli-
gieux d'une maison ou d'un ordre sont obli"-
gés de vivre, et (\u'ils ont fait vœu d'obser-
ver. Tontes les règles monastiques ont besoin
d'être approuvées par les supérieurs ecclé-
siastiques, et même par le saint-siége, pour
imposer une obligation de conscience à des
religieux : le vœu que l'on aurait fait d'ob-
server uwcrrgle non ap|)rouvée, serait censé
nul. La règle de saint Benoît est appelée par
quelijues auteurs la sainlerègle; celle desaint
Bruno, de saint François el de la Trappe,
qui est l'étroite observance de celle de Cî-
teaux, sont les plus austères. Lorsqu'un re-
ligieux ne peut pas supporter l'austérité de
%di.règle, il est ol)ligé d'en demander dispense
à ses supérieurs, ou au saint-siége la per-
mission d'entrer dans un ordre plus mitigé.
Quand on a médité sur le caractère des
hommes en général, on reconnaît la néces-
sité d'une règle pour rendre leur conduite
constante et leurs travaux utiles. C'est une
erreur decroire qu'il estavanlageux à l'hom-
me de jouir d'une liberté absolue ; il a besoin
d'un joug qui le captive, et la religion seule
a le pouvoir de lui faire aimer le joug qu'il
s'est imposé lui-mén.e. Ce n'est pas un petit
avantage de savoir ce que l'on doit faire à
chaque heure du jour, et d'être enrouragé à
le faire par l'exemple de ceux avec les(iuels
on vil. Il n'est aucun état de vie dans lequel
les moments soient mieux employés que dans
les communautés où la règle est observée et
fait marcher tout le monde. Dans la société
civile, la moitié du temps est perdue à rem-
plir de frivoles bienséances, à s'ennuyer les
uns les autres, à rêver ,i ce que Ton doit
faire, à chercher des amusemeuls puérils. Un
protestant même a fait celte relli-xion ; nous
avons cité ses paroles au mot Coihmu\ai té
KELiGiiiusE. Aussi les uionaslères dans les-
quels la règle est le mieux observée, sont
toujours ceux où règne une paix profonde ,
une société douce et charilable, et où l'ou vit
e plus heureux. Voy. Mol^E.
REINE DU CIEL. C'est le nom que les
juifs prévaricateurs et idolâtres donnaient à
la lune, à laquelle ils rendaient un culte su-
perstiiienx. Jérémie, c. vu, v. 18, le leur re-
prociie : « Les enfants, dit-il , amassent le
bois, les pères allument le feu, < t les fem-
mes mêlent de la graisse avec la farine pour
faire des gâteaux à la reine du ciel. >> Lors-
qu'il lit la même réprimande à ceux qui s'é-
taient enfuis eu Egypte, ils lui répondirent
insolemment, c. xi.jv, G: « Nous ne vous écou-
terons pas , et nous ferons ce qu'il nous
plaira ; nous offrirons à la reine du ciel des
95
RE!
REL
94
sacriGces et des libations, commo nous avons
fait autrefois avec nos pères, nos rois et nos
prin( es ; alors nous ne manquions île rien ,
nous étions heureux, el nous n'éprouvions
point de mai ; depuis que nous avons cessé
de le faire, nous ni;ini|uons de tout, nous pé-
rissons par le glaive et p;ir hi faim. »
il parati que c'est la même divinité qui
est nommée Mi'ni dans le texte hébreu d'I-
Saïe, c. Lxv, v. Il, nom sons lequel l'auteur
delà Vulijute a entendu la Vvrlune. Klle était
aussi appelée his , Asturte, iSlijlUln, Hécate,
Diane, Tiivia, I énus la célesli-, Pliœlié, As-
térie, etc., suivant la lan;;uo des dilTereiits
peuples. On n'est pas étonné du culie puni-
peux ((ue tous lui ont rendu, quand on con-
sidère le pouvoir singulier qu'ils atlribuaienl
à ses iiilluences. Ils lui faisaient honneur de
la plup.irt des phénomènes de la nature et
des événements de la vie. La fertilité des
campagnes, la fécondité des troupeaux, la
naissante et l'heureuse destinée des enfants,
le suciès des voyageurs sur terre ou sur
mer, etc., dépendaient de la lu«e ; sou cours
était distingué en jours heureux et en jours
malheureux. Hésiode, Théogon., v. '»12 et
Suiv. Les travaux et les jntirs, v. 7(Jo. Sou-
venl les juifs adoptèrent ce préjugé des
païens, qui règne encore jusqu'à un certain
point parmi le peuple des campagnes.
Bajle, Dict. Crit. Junon, Rem. M. , pré-
tend (]uc les catholiques, en donnant à la
sainte Vierge le liire de reine du ciel, et en
lui rendant un culte excessif, ont imité la
superstition des | aïens et des juifs ; c'est le
reproi he que nous font communément les
protoslanls. S'ils étaient moins prévenus ,
ils verraient deux dilTérenccs essentielles en-
tre nos idées el celles des païens. 1° La sainte
Vierge est une personne réellement exi-
stante,et que Dieu a placée dans le bonheur
éternel ; la lune est un corps inanimé, au-
quel les païens n'adressaient un culte que
parce qu'ils lui supposaient faussement une
Smeel qu'ils la croyaient intelligente. 2° Les
calhi>lii)ues n'uni jauiais aitribné à la sainte
Vierge d'autre pouvoir (lue d'intercéder pour
nous auprès de Dieu et d'en obtenir des grâ-
ces par ses prières ; les paït'ns. au contraire,
envisageaient la lune comme une divinité
souveraine et indépendante, douée d'un pou-
voir qui lui était propre et personnel : le
culte qu'ils lui rendaient ét:nl donc absolu,
et se terminait à cet astre ; celui que nous
rendons à Marie se rapporte à Dieu dont elle
est la créature, duquel elle a reçu toutes les
grâces el tous les avantages qu'elle possède.
Si quelques écrivains mal instruits ont atta-
ché un autre sens au titre de reine du ciel
donné à celte sainle Méri' de Dieu, s'ils ont
outré les expres'-ions, eu parlant de son pou-
voir auprès de Dieu, s'il leur en est échappé
plusieurs qui ne sont pas conformes aux no-
tions exactes de la théologie , il ne faut pas
en rendre responsable l'Kglise catholique ;
elle a déclaré et expliqué sa croyance au
concile de Trente el ailleurs, d'une manière
qui ne donne lieu à aucun reproche raison-
nable. Voy. Marie.
Reim de Saba. Voy. Saba.
KEFjAI'S, héréiique qui retombe dans une
erreur qu'il avait abjurée. L'Kglise accorde
plus diftieilement l'absolution aux héréti-
ques reliips qu'à ceux qui ne sont tombés
qu'une fois dans l'hérésie; elle exige des pre-
miers de plus longues el de plus fortes
épreuves que des seconds , parce qu'elle
craint avec raison de profaner les sacre-
nients en les leur accordant. Dans les pays
d'inquisition les hérétiques relaps sont con-
damnés au f'u, et dans les premiers siècles
les idolâtres rclnps et lient exclus pour tou-
jours de 11 société chrétienne.
RELATION entre les trois personnes de la
sainte Trinilé. Voy. Trimté.
UKLIIWKUX. toi/. Moine.
UKLLiIRLSIÎ, fiUe ou veuve qui s'est con-
sacrée à Dieu par les trois vœux de cbas-
teié, de pauvreté et d'obéissance, et qui s'est
oldigée à vivre dans un monastère sous une
ccri line règle.
Lorsque le désir de servir Dieu pins par-
faiU'inent eut eng.igé des hommes à se reti-
rer dans la solitude pour y vaquer unique-
ment à la prière el au travail, ils furent bien-
tôt Imités par des personnes de l'autre sexe
qui embrassèrent le même genre de vie. La vie
monastique des hommes avait commencé en
Kgyple au milieu duiii" siècle : dès le iv, saint
Basile parle de coiivenls de religieuses dans
lesquels il y avait une supérieure à laquelle
toutes les autres devaient obéir ; il leur re-
commande les mêmes devoirs el les prati-
ques qu'il avait prescrits aux moines. Serin.
Ascet., 2, n.2, op. , tom. U, p. 326; et saint
Jean Cbrysoslome. Homil. 8 in Matlh., n. 5,
op., tom. Vlll, p. 120, témoigne qu'en Egypte
les assemblées des vierges étaient presque
aussi nombreuses que les maisons de céno-
bites; Iliimil. 30 !/i / Cor., n. k, op., ;om. X,
p. 27V, il loue les veuves qui célébraient les
louanges de Dieu le jour et la nuit. Outre
ces vierges et ces veuves qui vivaient en
commun, il y en avait d'autres sans doute qui
demeuraient chez leurs parents, qui ne se
distinguaient des autres personnes de leur
sexe que par une vie plus retirée, des ha-
biis plus modestes, une piété plus exem-
plaire ; mais il [laraît que dans l'Orient, par-
tout où elles se trouvèrent en grand nom-
bre, on jugea (ju'il était avantageux qu'elles
vécussent en commun dans un même mo-
naslère, sous une règle uniforme.
Il ne serait pas aisé de fixer l'époque pré-
cise à laquelle ces re/Zr/ieiises ont co omencé
à faire profession solennelle de virginité , en
recevant de leur évéque le voile et l'habit
monastique; nous savons seuleinent que
sainle Marcelline, sœur de saint Ambroisc ,
reçut cel habit de la main du pape Libère ,
dans l'éiilise deSaint-l'ierre de Rome, le jour
de Noël de l'an 352, en présence d'une mul-
tilude de peuple. Mais nous ne voyons pas
qu'il y eût déjà pour lors des monastères de
filles dans l'Occident. On prétend qu'en
France les premiers n'ont été bâiis qu'au
vir siècle : cependant il y a un canon du
concile d'Epaone, tenu l'an 517, qui défend
95
REL
REL
96
d'entrer dans les couvents de religieuses; il
y en avait donc d/'jà pour lors.
M. Languet a prouvé contre dom de Vert,
que dès l'origine les religieuses ont eu un
Toile et un habit qui les distinguaient dos
antres personnes de leur sexe ; saint Jérôme,
saint Ambroise, Optât de Milève en parlent.
Ce dernier dit qu'en Afrique elles portaient
une mitre ou une couverture de tête qui
était de laine et de eoulrur de pourpre ; saint
Jérôme, ad Demetriad., l'appelle jlammeum
rirginale. Au iip siècle, Terlullien, dans son
traité de Virginibus velandis, ne parlait pas
seulement des vierges consacrées à Dieu ,
mais de toutes les jeunes filles, lorsqu'il
voulait qu'elles eussent toujours le visage
couvert. Dans les derniers siècles , les difTé-
renles congrégations de religieuses qui se
sont établies ont pris l'habit de deuil des
veuves du pays où elles se sont formées, et
cet extérieur les a toujours suffisamment
disiinguées des filles ou femmes séculières.
Au v" siècle, il arriva que des pères et des
mères eurent la cruauté de contraindre leurs
filles à se (aire religieuses ; pour obvier à ce
désordre, saint Léon 1", l'an '•■58, défendit
de donner le voile aux filles avant l'âge de
quaran'e ans ; l'empereur Majorien confirma
cette défense par une loi, et le concile d'Agde,
tenu l'an 506, l'adopta, can. 10. On cite en-
core en faveur de cette discipline un concile
de Saragosse de l'an 592 ; mais il faut se
souvenir que ces conciles ont éié tenus sous
la domination ries rois visigoths qui étaient
ariens ; d'où nous pouvons conclure que le
désordre auquel ils voulaient remédier élait
une suite de la grossièreté des mœurs et de
l'Irréligion que les Rarbares avaient intro-
duites dans l'Occident. La même discipline
n'a plus été nécessaire lorsque les mœurs
sont devenues plus douces, et que l'abus a
cessé ; conséquemment on a permis dans la
suite la profession religieuse pour les filles
à vingt-cinq ans. Le concile de Trente l'a-
vait fixée pour le plus lot à seize ans ; un
édit du roi, du mois de mars 1768, l'a re-
mise à l'âge de dix-huit ans.
Les lois ecclésiastiques les plus anciennes,
concernant la clôture des religieuses, ont été
très-sévères ; il y a des canons du iv° siècle
qui défendent, même aux évêques, d'entrer
dans les monastères des vierges sans néces-
sité, et sans être accompagnés d'ecclésiasti-
ques vénérables par leur âge et par la gra-
vité de leurs mœurs. Celte sévérité était né-
cessaire surtout en Afrique et dans l'Orient,
où les femmes ont toujours été plus renfer-
mées que dans les contrées du Nord, et où
la moindre familiarité avec les hommes suf-
fisait pour rendre leur conduite suspecte.
Dans nos climats septentrionaux, où les
mœurs sont plus douces et la société plus li-
bre entre les deux sexes, on s'est relâché de
cette austérité , sans qu'il en soit arrivé de
grands inconvénients. Il y a des maisons de
filles non cloitrées, où les mœurs sont aussi
pures que dans celles qui gardent la clôture
la plus sévère. Mais ce n'est point une rai-
son de donner allcinlc à l'ancienne disci-
pline, ni de blâmer les précautions que TE»
glise a toujours prises pour entretenir une
parfaite régularité dans les cloîtres. Les
communautés les plus renfermées, et qui
ont le moins de communication avec les per-
sonnes séculières , sont ordinairement les
mieux réglées, les plus paisibles et les plus
heureuses. On sait qu'il est défendu, sous
peine d'excommunication , aux personnes
séculières d'entrer dans les maisons des re-
ligieuses , sans nécessité et sans la permis-
sion des supérieurs ecclésiastiques.
Dans l'origine, les personnes du sexe qui
ont embrassé la vie religieuse, n'ont fioint
eu d'autre dessein que de servir Dieu plus
parla ilement que dans le monde, et de se sanc-
tifier par la prière, par le silence, par le tra-
vail , par les services de charité mutuelle ;
c'est encore aujourd'hui toute l'occupation
des religieuses dans l'Orient. Mais après les
divers malheurs survenus en Europe, il s'est
formé différentes congrégations des deux
sexes qui se sont consacrées au service du
public. De pieuses vierges se sont chargées
de soigner les pauvres et les malades . soit
dans les hôpitaux , soit chez eux ; d'élever
et d'instruire les enfants abandonnés ou or-
phelins, de tenir les écoles de charité , de
retirer du désordre les personnes de leur
sexe, etc.
Un philosophe de noire siècle, quoique
obstiné à déclamer contre les cloîtres , n'a
pu s'empêcher d'admirer la charité et le
courage des hospitalières. Voy. ce mot. Mais
cela n'empêche pas ses pareils de renouve-
ler sans cesse les mêmes clameurs.
Ils demandent : 1° pourquoi des couvents?
Parce qu'il faut des asiles pour la vertu et
de bons exemples habituels pour soutenir la
piété. 2" Pourquoi des verrous et des grilles ?
Pour mettre les religieuses à couvert des in-
sultes des libertins et leur réputation à l'a-
bri des calomnies des méchants. 3° Pour-
quoi des vœux? Pour fixer l'inconstance na-
turelle de l'humanité et pour donner plus
de mérite aux bonnes œuvres. 4' Pourquoi
un célibat perpéiucl? Parce que les filles qui
pensent à s'établir dans le monde ont d'au-
tres soins que celui de se dévouer à des de-
voirs de charité et d'utilité publique ; l'un
de ces desseins ne peut pas s'accorder avec
l'autre.
On dit cependant et l'on écrit que les re-
ligieuses sont des sujets dérobés à la société
civile et des filles mortes pour la patrie.
Tout au contraire, la plupart se dévouent
au service de la société civile ; elles sont
donc plus utiles à la patrie que les filles qui
vieillissent dans le monde et dans un célibat
volontaire ou forcé. Ces dernières , si elles
sont riches, passent pour l'ordinaire leur
vie dans un cercle d'amusements puérils, et
meurent sans avoir rendu de services à la
société ; si elles sont pauvres, elles n'ont au-
cune ressource et sont exposées à périr de
misère. On ajoute que leur trop grand nom-
bre dépeuple un Etat. La question est de
savoir quel en doit être le nombre; il est
moindre aujourd'hui en France, toute pro-
97
REL
portion gardée, qu'il ne fut jamais. Pendant
que la mullilude des filles noa mariées ex-
cède cille des religieuses, que le nombre ex-
cessif des filles déhauchées corrompl les ma-
riages et pervertit les mœurs, que le luxe
absorbe la meilleure partie de la popula-
tion, il est bien absurde d'attribuer cette di-
minution à la multitude des couvents.
Au jugement de nos politiques réforma-
teurs, la plupart des religieuses ont une vo-
cation forcée; ce sont des victimes de la va-
nité, de l'ambition, de la cruauté de leurs
parents. Imposture grossière. L'Eglise a pris
toutes les précautions possibles pour que la
profession religieuse ne puisse jamais être
forcée. Une novice, avant de la faire , est
toujours examinée ou par l'évéque, ou par
un ecclésiastique député de sa part , qui en-
joint à celte ûlle, sous la foi du serment, de
déclarer si elle a été forcée, ou séduite , ou
engagée par des motifs suspects, à se faire
religieuse, si elle connaît les devoirs et les
obligations auxquels elle doit s'engager
par le» vœux, etc. Pour que cet examinateur
soit trompé , il faut que ce soit la novice
elle-même qui le trompe, aussi bien la com-
munauté et les parents. Si dans la suite il
était reconnu qu'une novice a manqué de li-
berté , ses vœux seraient déclares nuls.
D'ailleurs des parents assez barbares et as-
sez impies pour forcer leur flile à prendre
le voile, ne seraient-ils pas assez impérieux
pour la retenir chez eux dans un célibat pro-
longé jusqu'à leur mort? L'inconvénient se-
rait donc à peu près le même, quand il n'y
aurait point de couvents. Une preuve évi-
dente de la liberté avec laquelle les Ulles en-
trent en religion, c'est que , dans les com-
munautés même oii l'on ne fait que des
v(eux simples et passagers, l'on voit rare-
ment sortir des sujets pour rentrer dans le
monde. Un souverain de l'Europe a évacué
depuis peu un grand nombre de couvents ;ila
f.iit des pensions aux religieuses en leur lais-
sant la liberté de vivre dans le monde ; en
a-l-on vu beaucoup qui aient profite de cette
permission? Les unes se sont retirées dans
les couvents ((ue l'on a conserves ; les au-
tres ont cherché un asile ailleurs ; plusieurs
en ont trouvé un en France sous la prolec-
lion d'une .lugusle princesse qui fut elle-
même l'ornement de l'état religieux.
Nos philosophes disent enfin que l'éduca-
tion des Qlles dans les couvents ne vaut
rien. Nous soutenons qu'elle est préférable
à presque toutes les éducations domesti-
ques. La perversité des mœurs publiques ,
le luxe, la mollesse, la vie dissipée des mè-
res, les dangers de la part des domestiques ,
l'ineptie des parents qui ont manque eux-
mêmes d'éducation, leur folle tendresse, etc.,
seront toujours des obstacles invincibles à
une bonne éducation. Lu général il est utile
que les enfants aient une nourriture simple
et frugale, beaucoup de mouvement, d'ébats,
de gaité ; qu'ils soient dans une eg.ililé par-
faite avec ceux de leur âye ; qu'ils se re-
prennent et se corrigent les uns les au-
tres, etc. ; et cela est peut-être encore plus
REL 98
nécessaire pour les filles que pour les gar-
çons. Nous ajoutons que si l'éducation des
couvents n'est pas plus parfaite, c'est moins
la faute des religieuses que celle des pa-
rents, qui leur font la loi par leurs goiits
dépravés cl par leurs idées gauches.
RELIGION, connaissance de la Divinité et
du culte qu'il faut lui rendre , jointe à la vo-
lonté de remplir ce devoir. Suivant la force
du terme, c'est le lien qui attache l'homme
à Dieu et à l'observation de ses lois par les
sentiments de respect, de reconnaissance,
de soumission, de crainte, de confiance et
d'amour, que nous inspirent ses divines per-
fections et les bienfaits que nous avons re-
çus de lui. Pour décider si l'homme doit
avoir une religion, il sulfit desavoir qu'il y
a un Dieu, et que c'est lui qui a créé l'hom-
me ; il n'a pas pu le faire tel qu'il est, capa-
ble de réilexion et de sentiment, sans lui
ordonner d'adorer son Créateur. D'ailleurs
l'expérience démontre que l'homme sans
religion serait très-peu diiïércnt d'un ani-
mal ; tels sont les Sauvages isolés que l'oa
a trouves errants dans les forêts [Voij. Lan-
gage), et deux castes d'Indiens qui vivent,
dit-on, comme les brutes, qui se mêlent sans
distinction de père ni de mère, de frère ni de
sœur. Voyages des Indes, par M. Sonnerai,
t. I, I. I, c. 5.
11 est bien étonnant qu'il se trouve des
hommes (|ui se piquent de philosophie, et
qui tâchent de se rapprocher de cet état
de stupidiié; qui, peu contents d'abjurer
tout sentiment de religion, voudraient en-
core l'étoulTer dans leurs semblables. Pour
y parvenir, les uns disent que la religion
est née de l'ignorance des causes naturelles
et do la crainte ; les autres, qu'elle est l'ou-
vrage des politiques ou des prêtres ; la plu-
part soutiennent que la religion est fort inu-
tile; plusieurs vont plus loin, ils prélendunl
qu'elle est pernicieuse au genre humain, et
la principale cause de tous ses maux. 11 est
triste pour nous d'avoir à réfuter de pareil-
les absurdités.
Au mot UiiLiGiON NATURELLE ci-après,
nous démontrerons un fait important qui
renverse d'abord toutes ces suppositions:
c'est que la première religion qu'il y ait eu
dans le monde a ele l'ellet des leçons que
Dieu avait données au premier homme en le
créant, et qu'il lui avait ordonne de trans-
mettre à. sa postérité; donc ce sentiment
n'est venu ni de l'ignurauce, ni de la crainte
des phénomènes de la nature, ni de l'inté-
rêt des politiques, ni de l'imposture des
prêtres : puisque la religion est un don de
Dieu, elle n'est ni pernicieuse ui inutile au
genre humain.
Rien de si frivole que des conjectures qui
se détruisent : or, tels sont les arguments
de nos adversaires. L'un dit ; La religion a
pu venir de l'ignorance ou de la crainte,
donc elle en vient cITectivement ; un autre
répond : Elle a pu aussi venir de l'institu-r
tion des politiques ou de la fourberie des
iniposteurs, donc c'est en elTet leur ouvrage.
Quand cela pourrait être, il ne s'ensuit pas
99 REL
(jne cela soit. L'nne de ces suppositions dé-
Iruil l'atilre: à laquelle nous licndroiisndus?
Oïl n'a jamais connu aucune, nation rciinie
en corps di' sociéié qui n'eût une religion;
est-ce la même cause qui l'a lait naîlre par-
tout, ou l'ignorance ra-t-clle produite dans
un pays, la crainte dans un auire, l'intérêt
des politiques chez tel people, celui des prê-
tres chez tel autre, ou toutes ces causes dif-
férentes se sont-elles réunies partout pour
rendre tous les honimes plus ou moins reli-
gieux ? Les alliées n'en peuvent rien affir-
mer, puisqu'ils n'en ont p iiit de preuve. Ils
comiiiencenl par «opposer ce qui est in ques-
tion, savoir, qu'il n' y a point de Dieu, que
toute religion est une chimère; ensuite
ils argumentent à perte de vue pour de-
viner d'où est venue cette imagination. Voilà
une logique bien singulière. Nous ne rai-
sonnons point ainsi, nous ne supposons
rien, el nous prouvons ce que nous avan-
çons.
I. Il est faux que la religion vienne de l'i-
gnorance des causes naturelles. Nous conve-
nons que la vue des phénomènes de la na-
ture el l"ig;norance des vraies causes qui les
produisent peuvent faire naître une religion
fausse. C'est eu effet ce quia produit le po-
lythéisme et l'idolâtrie; nous l'avons fait
voir ailleurs, el nous le prouverons encore.
Mais il ne faut pas confondre l'idée d'un
Dieu et d'une religion en général, avec la
fausse application que l'on fait de celle idée,
le sentiment d'une cause iulelligente qui ré-
git la nature, avec l'erreur de ceux qui sup-
posent plusieurs causes et plusieurs mo-
teurs. Une erreur née de l'ignorance n'a rien
de commun avec une vérité dictée par la rai-
son et par la nature. Or nous soutenons que
la notion d'un Dieu en général el de la né-
cessité d'une religion ne vicnl point de l'i-
gnorance.
En premier lieu , si cela était , plus les
peuples sont ignorants, plus ils auraient de
religion; tout au contraire, chez les nations
sauvages, ignorantes et stupides à l'excès,
l'on a eu peine à découvrir des vestiges de
rdigion; mais à mesure qu'elles se sont in-
struites el policées, leur religion a pris de la
force, de la consistance, de l'éclat extérieur.
Soutiendra-l-on que les Pelages, premiers
habitants delà Grèce, très-sauvages el Irès-
grossiers , ont connu la foule dj divinités
chantées par Hésiode et par Homère"? qu'a-
vant Numa l'on praliiiuailà Rome tout le
fatras d'idolâtrie qui s'y est introduit de-
puis?
lin second lieu, les athées voudraient nous
faire croire que leurs prédécesseurs ont été
les plus savants physiciens et les meilleures
têtes qu'il y eiil dans les écoles de Rome et
d'Athènes, et qu'ils sont eux-mêmes fort ha-
biles dans la connaissance de la nature.
F.iusse vanité. Kpicure était le plus igno-
rant des philosophes en fait de physique;
ce qu'il en a écrit fait pitié, el ou le lui a
souvent reproché; ses disciples n'étaient
pas plus habiles que lui. Parmi les moder-
nes, nos philosophes les plus célèbres, tels
REL
100
que Dïscartes, Newton, Leihnitz , ont été
rel'gieux de bonne foi ; lorsque ceux qui nnl
profo-.se l'alliéisme ont voulu pnl-r de phy-
sique, et toul expli'iuer pir le mécanisme
d"S causes naturelles, ils ont pleinement dé-
voilé leur ignorance et leur ineptie, ils ont
débité un verbiage ininielligible et qu'ils
n'entendaient pas eux-mêmes.
En troisième lieu, si l'on imaginait que
l'athéisine et l'iriéligion sont une preuve el
un effet des progrès que notre siècle a faits
dans la connaissance de la nature, on se
tromperait beaucoup ; c'est plutôt un témoi-
gnage de l'inertie des esprits énervés par le
luxe, el du dégoût que l'on a pris pour les
connaissances solides. Dès le moment au-
quel ré|jicuréisme s'introduisit dans la (îrèce
cl à Rome , quel grand philosophe y a-l-on
vu paraître"? Ce n'est point d.ins un âge
avancé, après avoir acquis beaucoup d'éru-
ditiiin el de lumière, qu'un homme devient
athée el incrédule ; c'est dans la fougue des
passions di^ la jeunesse, avant d'avoir eu le
temps de réfléchir et de s'inslriiire ; aveu-
glé par l'orgueil et par le libertinage, il se
croit plus habile que tous les savants de l'u-
nivers, il ose traiter d'ignorants tous ceux
qui croient en Dieu. Heureux, s'il acquiert
des connaissances en avançant en âgel il
y a lieu d'espérer qu'on sortaat de l'igno-
rance il abjurera l'athéisme.
H. La religion ne vient point de la crainte
qu'inspirent les phénomènes souvent ef-
frayants de la nature; nous convenons que
les ignorants s'épouvantent plus aisément
de CCS phénomènes que les savants, mais
celte crainte n'est point la première cause
des senlimeuls religieux ; il y a des preuves
positives du contraire,
1" Les athées supposent que la première
religion des hommes a été le polythéisme et
l'idolâtrie; elle l'aurait été sans doute si
Dieu n'y avait pas pourvu en les instrui-
sant lui-même. Mais oublions pour un mo-
ment le fait de la révélation primitive, et
pjirlons de la supposition de nos adversai-
res. Selon riiistoire sacrée el profane, la
plus ancienne idolâtrie a élé le culte d^'s as-
Ires, du soleil, de la lune, de l'armée du ciel
et des éléments, parce que l'on supp 'sait
que tous ces êtres étaient animés, et les
philosophes le croyaient comme le peuple.
Vol/. AsTHES, Idolatrik. Or, quels lléaux,
quels m.illieurs les hommes ont-ils éprouvés
de la part des astres"? Aucun: mais ils en
ont admiré l'éclat et la marche, ils en ont
reconnu les services. Les poêles les oui cé-
lébrés dans leurs hymnes, el ne leur ont ja-
mais attribué la colère ou la méchanceté.
C'est don(; l'admiration el la reconnaissance
plutôt que la crainte qui leur ont inspiré ce
culte, el l'Lcriturc sainte le témoigne ainsi
{Deut.yiv, 19; J(j6 xxxi, 2G el 27 ; 5ap. xiii).
il en est de même des éléments : ils sont
ordinairement bienlaisanls , rarement dans
un étal de convulsion ; ils servent à la con-
servation el au bjen-élre de l houime bien
plus souvent qu'à sa destruction. Les hom-
mages que l'on adressait à Jupiter el à Ju-
101 REL
non, niaîlrps du beau temps et de la pluie;
à Vesîa cl à Vulcain, conservateurs du feu ;
à Nepluiie , aux lleuves, aux ii>iiiplics dos
e;)ux, ou aux fontaines, à la terre «oi«r;»-
cière et à Cérès, avaient communément pour
olijel de leur dein inder des bienfaits ou de
les en reinercior, et non d'apaiser leur co-
lère et de ili'plorcr des malheurs.
2" P.irmi la multitude énorme de divinités
chantées p.irmi les poêles, il n'y en a pas la
dixième partie que l'on puisse envisager
coitimc des êtres mall'aisanls par leur n i-
ture ; l'épilliète ordinaire qu'ils donnent aux
dieux est celle do bien faisants, ilii daiores
bitnornm: ils donnent à chacun en parlicii-
lier le nom de pater, ei aux déesses celui do
mntir; ce ne sont pas là des sifjnes de frayeur
ni deddianee. « Nous offrirons, disaient les
Juil's idolâtres à Jérémie, nous oITrirons des
sacrifices et des libations à la reine du ciel,
comme nous avons l'ait aulrel'ois, parce
qu'alors nous ne manquions de rien, nous
étions dans l'abondance: depuis (jtie nous
avons cessé de le faire, nous sommes n)isé-
rabtes, nous périssons par le fer des enne-
mis et par la faim [Jérem. xliv, (>). C'est
donc l'intérêt solide, l'espérance d'obtenir
des biens temporels, et non la frayeur, (|ui
ont présidé au culte des païens. Parmi les
héros a-l-on plus honoré ceux qui se sont
fait redouter par leur niécliancelé, que ceux
qui ont rendu des services à leurs sembla-
bles? « Si tu es un dieu, disaient les Scythes
à Alexandre, lu dois b'ur faire du bien, et
non pas leur ôlrr ce qu'ils possèdent. » Ce
peuple, quoique grossier, comprenait que le
propre (le la Divinité est de ré|iandre des
bienfaits, d'inspirer l'amour et non li crain-
te. Tous les peuples ont pensé de même.
Les Egyptiens ont honoré les iinimjux uti-
les beaucoup plus que les animaux nuisi-
bles, et les plantes salutaires plutôt que les
poisons. Les premiers l'héniiiens adoraient
les éléments et les produclionî de la terre
dont ils se nouiri^saient. Le-! [larsis ren-
dent uneulle au bon principe et non au mau-
vais. La divinité principale des Indiens est
brnlimn, qu'ils prennent pour le Créateur.
Les Péruviens adoraient le soleil et la lune,
les Nèf;res maudissent le soleil parce qu'il
les brûle par sa chaleur ; mais ils rendent
de grands honneurs au dieu des eaux. U'un
bout de l'univers à l'autre, nous voyons
l'espérance et la reconnaissance éclater dans
le culte des ditY;Tents peuples.
3' Les (êtes et les assemblées religieuses
daas les premiers temps et chez toutes les
nations loin d'avoir rien de lugubre, an-
nonçaient le contenteiuent, la confiance et
la joie ; un repas commun, la musique, la
danse, ont toujours l'ait partie du culle
rendu à la diviniié. Ces léics étaieni relati-
ves aux travaux de l'agriculture; on les cé-
lèbr.ilt après les semailles, après la mois-
son, après les vendanges ; elLs avaient donc
ponr but d ■ reconiiailre les bienfaits des
dieux. Vit-on ja.nais la tristesse régner
dans les fêtes de Po.'uone, de Cérès, de Bue-
chus et de Vénus ? Nous ne connaissons au-
REL
102
cune pratique du paganisme qui ait é(é des-
tinée à rappeler la iiiemuirc d'un événement
malheureux; ceu\ de celle espèce étaient
n)arques dans le calendrier par un jour de
jeûne ou de deuil ; mais les fêtes avaient un
tout autre objet. Chei les Uomains, fcstus ci
feslivus signiliuienl heureux et agréable,
infesius, triste et malheureux. .Si l'idulàlrie
avait inspiré la tristesse, les regrets, la
frayeur, il n'aurait pas été si diliicile d'eu
retirer les peuples et de les aineuer à la
vraie reliijion.
Nous convenons que la prospérité con-
stante et le bien-être habiluel pervcrlissent
souvent les hommes , les rendent ingrats ,
leur font méconnaiire le souverain liie.iCii-
teur; c'est le cas de la plupart des athées
et des incrédules : pour les rendre religieux
il faut un revers de fortune, une uiuiadii-,
une afilielion ; ils en concluent que la reli-
gion est un effet de la tristesse, de la mé-
lancolie, de rabattement d"es|)rit causé par
le malheur. Mais ils connaissent m;il le
creur d'aulrui, quand ils en jugent par le
leur, l'arceqnela prospérité excessive rend
aussi riiomme dur, inji:ste, insensible aux
ni.iux d'autrui, il ne s'ensuit pas {|ue ces
vices sont cunl'ormes à la raison, non plus
que l'incrédulilé, el que les vcrlus contrai-
res viennent de faiblesse d'esprit. Jinfin
quand il serait vrai que la religion ne vient
aux humines que quand ils souiïrenl, il s'eii-
suivrail encore qu'elle leur est nécessaire
pour les consoler dans leurs peines ; et puis-
que lous sont exposés à souffrir, (jue le très-
grand nombre souffre en eiïct, il est évi-
dent que croire un Dieu est l'apanage néces-
saire de l'humanité, que les athées sont des
insensés lursiju'ils se flattent de détruire
celte CT03 ance.
111. La rdi<jion n'est point l'ouvrage de
la politique des législateurs ni de la fourbe-
rie des préires.
Ou comprend d'abord que l'Iiypothèse
que nous alta((uons est absolument contraire
aux deux précédentes. S'il est vrai que la
reliijion est venue de l'ignoraîice des peu-
ple-, g.ossiers et barbare*, ou de la crainte
et du souvenir des malheurs auxquels ils
ont élé lous exposés, il n'a pas été besoin
que des politiques vinssent leur suggérer
des sentiments religieux pour les asservir
par là, et il y a cerlaineme.it eu partout de la
reli(ji"n .-ivant qu'il y eùl des prêtres. Si au
contraire il a fallu (]ue des hommes aiiil)i-
lieux et ru>es inventassent la chimère d'un
Dieu pour assujcitir leurs senibbil)les, il
n'est donc pas vrai que ceux-ci l'aient pui-
sée dans l'ignorance des causes nritiirelles
ni dans le sentiment de leurs uiallieurs.
Ceux d'entre les athées qui ont voulu réunir
ces différentes suppositions Si»nt tombes en
contradiction. Mais il y a d'autres preuves
de la fausseté do leur tiioorie.
Ln premier lieu , nos adversaires sont
hors d'élat de nommer un seul d'entre les
législateurs connus ijui ait liitroiluit pour
la première fois la notion d'un Dieu chez un
peuple encore athée; les philosophes lu-
103
REL
REL
104
diens ont fait profession d'avoir reçu la re-
ligion de Brahma: que ce soit un dieu ou
un homme, n'imporle; aucun d'eux n'a dit
qu'avant celle époque les Indiens étaient
athées. Si Brahma est le créateur, il a donné
aux hommes la religion en les créant. Con-
fusiusa protesté qu'il ne faisait que répéter
les leçons des anciens sages de la Chine; il
ne s'est donc pas donné pour auteur de la
religion des Chinois. Zoroastre a forgé son
système pour tirer les Perses et les Chal-
déens de l'idolâtrie, et non pour les gui rir
de l'athéisme. Moïse a enscii^né aux Juifs à
adorer le Dieu de leurs Pères, le Dieu d'A-
dam et de Noé, et non un Dieu inconnu.
Mahomet prétendit renonveler la religion
d'Abraham etd'Ismaël parmi les Arabes, ou
idolâtres, ou juifs, ou chrétiens. Pythagore
ne s'est pas donné la peine de combattre
l'athéisme, parce qu'il ne l'a trouvé établi
nulle part. Où est donc le premier législa-
teur qui a été obligé de commencer par là,
avant de donner des lois ?
En second lieu, l'on a trouvé la notion de
la Divinité et des pratiques de culte établies
chez des peuples qui n'ont jamais eu de lé-
gislateurs, chez des insulaires encore sauva-
ges; l'on n'a même découvert jusqu'ici au-
cune peuplade absolument privée de ces no-
lions. Donc elles ne sont point l'ouvrage
des sagi's, des législateurs, des politiques ni
lies prêtres ; elles sont plus anciennes <|u'eux,
Tous à la vérité ont recommandé la religion,
lui ont donné une forme fixe, ont fonde les
lois sur celte base, mais ils n'en sont pas
les créateurs. Us ont aussi appuyé les lois
sur les sentiments de bienveiilunce mutuel-
le, sur l'amour de la patrie, sur le désir
de la louange, sur la crainte des peines ;
sont-ils pour cela les premiers auteurs de
ces sentiments naturels? La société civile
qu'ils ont établie a développé et lortiGé ces
principes ; mais elle n'en a pas créé le germe,
il en est de même de la religion.
En troisième lieu, ou ces législateurs
croyaient eux-mêmes un Dieu, une religion,
une autre vie, comme ils l'ont témoigné, ou
ils n'y croyaient pas. S'ils y croyaient, com«'
ment la même persuasion esl-elle venue à
l'esprit de tous, dans des temps, dans des
lieux, dans des climats si ditTérents, à la
Chine et aux Indes, en Europe et en Afrique,
au Nord et au Midi? Comment ont-ils jugé
tous que cette croyance serait utile aux
iiommes pendant que, suivant les athées,
elle leur est pernicieuse? Qu'une même vé-
rité ait subjugué tous les sages, cela se con-
çoit; qu'une même erreur les ait tous aveu-
glés, cela ne se comprend plus. S'ils n'y
croyaient pas, tous ont donc été des athées
fourbes, Imposteurs, hypocrites; pas un
seul n'a eu le courage d'être de bonne foi;
ce sont eux qui, en donnant pour leur seul
intérêt une religion aux hommes, ont ou-
vert la boîte de Pandore, source de tous les
malheurs. En vérité les athées fout beaucoup
d'honneur à leurs prédécesseurs. Mais de
quelles raisous ces fourbes se sont-ils servis
pour subjuguer des hommes eucore sauva-
ges, tous jaloux de la liberté et de l'indépen-
dance, et pour leur metlre dans l'esprit les
idées d'un Dieu et d'une religion qui n'y
étaient jamais venues? Quelle cause a pu dé-
terminer tous ces sauvages à embrasser la
mémo erreur, si ce n'est la nature et la rai-
son ?
Disons mieux; aucun législateur no fut
athée, et aucun athée ne fut jamais capable
d'être législateur. Celui qui aurailétabli lureli-
gion par pure poliliqueet pour son seul intérêt
particulier aurait enseigné, comme Hobbes,
qu'elle doit dépendre absolument de la vo-
lonté da législateur, que le souverain doit en
être le maître absolu: au contraire, tous ont
supposé que c'est à Dieu seul de prescrire le
culte qui lui est dû, et c'est pour cela que les
imposteurs mêmes, tels que Zoroastre et
Mahomet, se sont donnés pour inspirés et
envoyés de Dieu. Mais l'imposture en fait
de religion n'est pas une preuve d'athéisme.
La conduite uniforme et unanime de tous les
législateurs démontre qu'il a été impossible
de fonder les lois et la société civile sur
une autre base que sur la religion. Vous
bâtiriez plutôt une ville en l'air, dit Plutar-
que, que d'établir une république sans Dieu
et sans religion. Et puisque l'homme n'a
point été destiné par la nature à vivre
sauvage et isolé, il est évidemment né pour
être religieux ; à moins de changer absolu-
ment la nature humaine, les athées ne vien-
dront pas à bout de faire goiîter leur sysièuie
insensé. Il esl prouvé par les mêmes raisons
que la religion ne fut jamais un effet de l'iui-
poStUTe des prêtres, puisqu'il est absurde de
supposer qu'il y a eu des prêtres ou des mi-
nistres de la religion, avant qu'il y eût une
religion. Avant de former des peuplades, les
hommes ont eu du moins une famille, de la-
quelle ils étaient maîtres absolus. Un père,
avant de donner une religion à ses enfants,
a dû la recevoir lui-même d'ailleurs, ou il a
été obligé da la forger. Quel motif a pu l'y
engager, si ce n'est sa propre persuasion ?
Au mot Paganisme, nous avons fait voir que,
par une impulsion générale de la nature,
tous les hommes ont été portés à croire que
tout ce qui se meut esl vivant et animé ; par
conséquent à imaginer un esprit dans tous
les corps où ils voient du mouvement. De
là ils ont peuplé l'univers entier d'esprits,
d'intelligences, de génies ou de démons qui
produisent tous les phénomènes de la nature,
bons ou mauvais. Comme ces phénomènes
sont supérieurs aux forces de l'homme, et
que son bien-êlreou son mal-êlre en dépen-
dent, il a conclu que, par des respects et
des olTrandes, il fallait gagner l'affection et
prévenir la colère de ces esprits plus puis-
sants que lui, et qu'il a nommés des dieux.
Il n'a donc pas été nécessaire qu'un impos-
teur forgeât des dieux et un culte pour en
infatuer les autres , puisque ces notions
viennent à l'esprit de l'ignorant le plus
grossier. Un père prévenu de ces idées les a
transmises naturellement à ses enfants, sans
aucune envie de les tromper; quand il ne
lus leur aurait pas enseignées positivement,
lOS
REL
REL
(OÔ
ses enfants, en lui voyant pratiquer un culte,
fiiirc (les olîrancies, dos libations, des génu-
llcxions devant le soleil ou la lune, devant
une pierre ou un tronc de bois, ont été por-
tés à l'Imiter : voilà une reli(jion et un sa-
cerdoce domeslique institués, sans que l'in-
Icrél, la politique, l'imposture, y soient en-
trés pour rien.
Lorsque les familles se sont rassemblées
en une seule peuplade, elles étaient déjà
imbues de ces notions et habiluée* à un
cuite quelconque. Au lieu d'clre simplement
domestique, il est devenu public, parce que
tous les usages sont communs dans une
même société. L'on a jugé que le culte de la
divinité devait être confié à l'homme le plus
ancien, le plus icspectalile, et qui était ré-
puté le plus sage; et par la ruèiae raison
l'on s'en est rapporté à lui puur les alîaires
du gouvernement ; de là I uriion du saci;r-
doce et de la royauti; chez Ions lesancit^iis
peuples. Où est ici l'arlifice, la fourbi'rio,
l'inipusture ? elle ne se trouve |)as où il n'eu
est pas besoin. Que, pour maintenir ou aug-
mcîïler son autorité, un prêtre-roi ait dins
ia suite forgé quelque fable ou quelciue
superstition particulière, cela est l.'ès-possi-
ble ; mais (lue dans la première oi'i;,Mne la
religion soit née de l'intércl du sacerdoce,
et non le sacerdoce du besoin de religion,
c'est une absurdité complète.
IV. Les ennemis de la religion n'ont pas
rouni d'assurer qu'elle est très-inutile aux.
hommes, et que l'on pourrait très-bien s'en
passer; nous soutenons au contraire qu'elle
est absolument nécessaire, soit à l'homine
considéré seulcl relativementà son bonheur
particulier , soit à la société à laciuelle
l'homme est destine.
Déjà, au mot Athéisme, nous avons fait
voir que ce système affreux, loin de procurer
le bonheur et le repos à ses partisans, les
remplit de trouble, d'inquiétude, de doules
et d'idées noires; qu'il ne leur laisse aucun
motif solide d'être vertueux. C'est plus qu'il
n'en faut pour prouver ce que nous avan-
çons. Ko)/. Athijisme.
Une autre preuve est la persuasion dans
laquelle sont la plupart des athées, que la
religion est venue à l'homme du sentiment
de ses peines, qu'il a cherché une consola-
tion eu imaginant un Dieu qui peut le se-
courir, et qui tôt ou lard le dédommagera
de ses souffrances. D'où il s'ensuit que toute
consolation, toute espérance est morte pour
les athées, el quelques-uns ont été forcés
d'en convenir. Puisque tous les hommes sont
exposés à souffrir sur la terre plus ou moins,
c'est un trait de démence de renoncer de
sang-froid aux ressources que la raison nous
offre, (^ue l'on compare un athée soulTrani,
avec un personnage tel que Job, rempli de
soumission, de résignation, de conliauce en
Dieu, et que l'on nous dise lequel des deux
est le plus à craindre.
Dès que je suis convaincu que Dieu a créé
le monde, je conçois que sou pouvoir est
infini ; avec ce pouvoir il n'a besoin de rien ;
il n'a donc pas produit les êtres seusibles
DiCT. DE Théol. uoguatique. IV,
pour son bonheur, mais pour le leur. S'il ne
leur accorde pas un plus haut degré de bien-
être , ce n'est ni par impuissance ni par
malice, mais pour des raisons sages, des-
(|uelles il n'est pas obligé de me rendre
compte. Dès lors je comprends que toutes
les objections el les plaintes des athé>'S
contre le mal physique cl moral (ju'il y a
dans le monde sont absurdes, elles ne m'in-
quiètent plus. Si je suis malheurrux moi-
même, c'est-à-dire moins heureux ([ue je ne
voudrais l'être, je me persua<le que Dieu,
qui n'est ni injuste, ni cruel, ni insensé, le
veut ainsi pour le mieux ; qu'il liut répri-
mer mes désirs, supporter mes peines, es-
pérej un meilleur avenir, du moins après
celle vie. Un athée ne sait ()as si d.ms quel-
ques moments l'univers ne retombera pas
dans le chaos, si les hommes ne deviendront
pas tout à coup des monstres de me lianceié,
si lui-même ne se trouvera lias au rornlile
du malheur, l'our moi qui crois uui- Provi-
dence, je compte sur la perp luiié de l'ordre
physique qu'elle a établi, encori; plus sur la
conslancc de l'ordre moral dont Dieu est
l'auteur. La loi et les princiiies de justice,
les sentiments de bienveillance genérab; que
je sens gravés dans mon cœur, sont les
mêmes dans tous les hommes ; c'est le gage
d'une sûreté et d'une confiance mutuelle.
Dès que je connais des hommes qui croient
aussi bien que moi un Dieu juste, une loi
naturelle, une autre vie, je ne cours ,iucun
risque de m'associcr avec eux : au milieu
d'une société d'athées, sur quoi pourrais je
fonder ma confiance ? Nous persistons à
soutenir contre eux qu'il est impossible de
fonder la société humaine sur une autre
base solide que la religion; et déjà ils l'ont
suffisamment avoué, en supposant que la
religion a été une invention de la politique
des législateurs, parce qu'ils en ont senti
le besoin pour réunir pardes lois les hommes
en société. En effet, si l'on en excepte Con-
fucius, philosophe moraliste plutôt que lé-
gislateur, on ne trouvera pas un seul des
anciens sages qui n'ait regardé la volonté de
Dieu, législateur suprême, comme le seul et
unique fondement de toutes les lois et de
tous les devoirs de l'homme. Aux mots Loi et
Morale, nous avons fait voir que l'on ne
peut pas les concevoir autrement.
Pour le démontrer de nou\eau, nous n'a-
vons besoin que d'exposer le système des
athées sur le fondement de la société. Con-
sidérant l'homme comme sorti lortuilemcnt
du sein de la terre, ils disent que par sa na-
ture il n'a aucun droit ni aucun devoir à
l'égard de son semblable, que chacun a droit
à tout ce dont il peut s'emparer par force;
mais comme cet état n'est pas avantageux
aux hommes, ils ont seiui qu'il était mieux
pour eux de vivre en société, et ils y ont
consenti; ils sont convenus d'établir des
règles de justice et d'équilé, des lois de pro-
priété et de subordination, auxquelles ils se
sont librement soumis, .\insi la société est
fondée sur celte convention, et c'est ce que
l'oa appelle le pacte ou contrat social. Uien
BEL
101 KKL
de plos frivole que celte lheoric.-l° Comme
il est absurde d'imaginer que 1 liomme est
né par hasard, il est évidemment la produc-
tion d'une cause intelligente, puissante et
sa°-e puisque sa constitution est un cliel-
d'œuvre d'industrie. C'est donc celle même
cause que nous appelons Dieu, qui a hit
Ihorame de manière qu'il lui est plus avan-
tageux de vivre en société, que de vivre seul
et sans relation avec ses semblables ; donc
Dieu, en créant l'homme, l'a destiné à vivre
en société. Or, il n'a pas pu le destiner à
cet état, sans lui imposer les devoirs et les
obligations sans lesquels la société ne pour-
rait pas subsister, puisqu'il n'a pas pu vou-
loir la Gn sans vouloir les moyens. Donc
c'est celle même volonté du créateur qui est
la loi primitive et fondamentale, la loi na-
turelle, à laquelle l'homuie est soumis en
naissant, qui prévient toute convention libre
de sa part, qui lui assure des droits, pour-
voit à sa sûreté et à son bien-êlre, avant
qu'il soit capable de les connaître, qui oblige
ses semblables à l'aimer, à le conserver, a
ne point !;.i nuire, parce qu'il est homme.
— 2° Quelle force pourrait avoir une con-
vention faite entre plusieurs hommes mu-
tuellement indépendants , s'il n'y avait p£is
une loi antérieure qui oblige chaque parti-
culier à garder sa parole, à exécuter lidèle-
ment ses conventions? U est absurde qu'un
homme s'oblige ou se force lui-même, que sa
volonté s'impose une loi; la même c.use
qui aurait créé la loi et l'obligation, pourrait
la rompre quand il lui plairait. Le mot loi,
ou lien de volonté, exprime un maître, un
pouvoir supirieur à celui qui est lié, con-
traint ou oblige. Ainsi, malgré le pacte so-
cial, tout particulier demeurerait maître de
sou obligation, il ne pourrait donc êlre
contraint que par la force; or, la force des
autres ne nous impose aucun devoir de
conscience ; si nous pouvons nous y sous-
traire ou y résister, cela nous est permis,
à moins qu'une loi suprême ne nous or-
donne d'y obéir. Donc, sans la loi divine, le
pacte soci.U ne peul rien opérer. — 3° Quand
il pourrait obliger celui qtsi l'a fait, il n'o-
bligerait pas ceux qui n'y ont point eu de
liart, CPU»: qui n'claienl pas encore nés. Dès
que l'homme esl supposé indépendant par
nature, qui a droit de contracter pour lui?
personne. Un père n'a pas plus d'autorité
d'obliger ses entants, que les enfants n'en
ont de contraindre leur père. Un enfant
naissant ne doit rien à la société, puisqu'il
«'a p.is conlraclé avec elle, et la société ne
lui doit rien, elle peul le laisser périr ou
réloulTer sans violer aucun devoir. Exé-
crable conséquence, qui devrait laire rougir
les alhées. — t*° Dans cet étal de choses, il
n'y a point de vertus, sinon ce que les lois
civiles commandent, point de vices que ce
qu'elles défendent; les coutumes, les usages,
les habitudes des peuples les plus b.irbares
sont légitimes, dès que leur société les ap-
prouve. U esl aussi beau de tuer ses enfants
pour Si 11 débarrasser que de les nourrir,
aussi louable de manger de la chair humaine
BEI
108
que de vivre de fruits ou de légumes, aussi
conforme à la raison d'imiter les brutes que
de suivre les mœurs des peuples policés.
Dès qu'il n'y a point d'antres lois que celles
de la société, rien ne l'oblif^e à faire telle loi
plutôt que la loi contraire. — 5" Dans celte
même hypothèse l'homme ne peut être en-
gagé à observer les lois que par son intérêt
présent; si son intérêt s'y oppose, s'il peut
violer une loi sans courir aucun danger,
s'il est assez rusé pour s'y soustraire, ou
assez fort poury résister, il en est le maître,
«a conscience ne peut pas le condamner.
Puisque c'est l'intérêt seul qui a dicté le
contrat social, l'intérêt seul peut autoriser
aussi un homme à le violer. — 0° Supposons
môme qu'un membre de la société, en vio-
lant une loi, ait agi contre son intérêt, on
pourra dire qu'il esl insensé, mais non qu'il
est criminel. Dans l'hypothèse d'une loi di-
vine et naturelle, il y a des circonstances où
c'est un acte de vertu héroïque de sacrilor
notre intérêt, de rononcor à ce qui nous
tlatte le plus, de nous faire violence à nous-
mêmes, de résister à la sensibilité physique,
de renoncer même à li vie. Suivant les prin-
cipes des athées, ce seraient là au'anl d'actes
de déuience contr'ires à l'humanité. On
peut pousser à l'infini les conséquences ré-
vollnnles de leur système.
Pour prouver que la reliqion est inutile,
,,s n'ont qu'une seule objection, c'est que la
re^îV/ion n'empêche et ne prévient pas tousles
crimes, et que l'on peul en reprocher à ceux
mêmes qui ont ou qui paraissent avoir le
pins de religion. Conséquerament ils font
l'étalage de tous les désordres qui régnent
chez les nations chrétiennes, aussi bien que
choz les nations infidèles; les mœurs, di-
sent-ils, ne pourraient pas être plus mau-
vaises, quand tous les peuples seraient in-
crédules et athées. Mais il y a bien peu de
réflexion dans celle manière de raisonner.
En premier lieu, lorsqu'un homme religieux
pè"he grièvement, il résiste non-seulement
;i (ont les motifs par lesquels la religion l'en
détourne, mais encore à tous cpu\ que II
raison peul suggérer, tels que l'intérêt bien
entendu, l'amour bien réglé de soi-même, le
désir de l'estime d'autrui , la crainte du
blâme, etc. Les athées soutiennent que ces
derniers motifs suffisent sans la religion,
pour rendre les liommes verlui ux ; cepen-
dant ils ne suffisent pas plus que les molifs
de religion pour détourner un chrétien du
crime, puisqu'il les surmonte tous à la fois.
Si donc il s'ensuit que la religion esl inutile,
il faut en conclure aussi l'inutilité de la
rai-^on.dc 1-n consfience, de l'éducition, des
lois, des réco'openses et dos peines, etc.
L'argument des athées retombe de tout sou
poids sur leur propre système. Par une su-
percherie grossière ils supposent que la
religion étouffe dans un croyant les tnpiifs
naturels par lesquels la raison nous porte à
la vertu ei nous délourne du crime ; c'est
une fausseté : la religionnc. réprouve aucun
de ces molifs lorsqu'ils sont bien réglés ; ils
sont doni' tout aussi puissants sur le cœur
109
REL
REL
440
d'un croyanl que sur celui d'un alliée ; nous
l'avons prouvé ailleurs. Voy. Mohale. Ils
doivent lucmé agir plus puissanmn nt sur le
premier , puisqu'ils sont renforcés par les
motifs de la r clir/ ion ;c est une absurdité de
soutenir l'inutilité des uns plutôt que celle
des autres.
I'!n second lieu, riiomnie doué de réflexion
cl de liberté, mais sujet à mille passions dif-
férentes, n'est pas fait pour agir par force,
p.iur être contraint comme les animaux,
pour tenir comme eux une conduite uni-
forme; il est inconstant par nature, par ( on-
séquenl capable de passer souvent de la ver-
tu au vice, et du vice à la vertu. Plus il a de
tentatiDus et d'oceasions de chute, plus il
a besoin de motifs divers pour s'en préser-
ver; loin de lui ôter ceux de l;t religion ou
ceux do la raison, il fauirait en imaginer
encore d'autres s'il était possible. Autrefois,
en raisoonant comme les alliées d'aujour-
d'hui, les épicuriens s'efforçaient de prouver
l'iiiulililé de la raison dans l'homme, puis-
qu'elle ne le guérit ni de ses passions ni de
ses vices, ils soutenaient qu'il serait mieux
pour lui d'être né semblable aux animaux.
V. La haine aveugle des incrédules contre
toute religion les a p:)rlés <i faire tous leurs
efforts pour prouver que c'est un préjugé
pernicieux à l'humanité, qu'il a été, qu'il
est et qu'il sera toujours la principale cause
des maux et des crimes du genre humain.
Les invectives sanglantes qu'ils se sont per-
mises à ce sujet dévoileut toute la malignité
de leur cœur.
1° Ils disent que la religion tourmente
l'homme par les frayeurs continuelles d'un
supplice éternel et de la justice inexorable
d'un Dieu toujours irrité; que cette perspec-
tive le rend peureux et lâche, l'occupe tout
eniier des choses de l'autre vie cl lui fait né-
gliger les intérêts de celle-ci. Nous leur ré-
pondons que si les hommes n'avaient rien à
craindre, ni dans ce monJo ni da:'is l'autre,
lin grand nombre seraient des malfaiteurs
Irès-redoulablesj avec lesquels il serait im-
possible de vivre en société; que si la vertu
n'avait rien à espérer dans l'autre vie, à
peine se trouverait-il quelques âmes assez
courageuses pour la praliijuer; suivant l'ex-
pression de saint Paul, les saints seraient les
plus malheureux de tous les hommes. Nous
ne douions pas que les incrédules ne soient
souvent elTrayés et no tremblent en pensant
à la justice de Dieu et aux supplices éteruels,
puisqu'ils n'ont aucune certitude que ce
soient là des fables; cela pruuve que leur
conscience n'est pas nette : mais ils ont tort
d'attribuer la même inquiétude aux hommes
sincèrement religieux ; ceux-ri savent que
Dieu est miséricordieux aussi bien que juste,
et quc'l'enfer n'est destiné qu'aux méchants.
En effet, la vraie religion, loir, de nous pein-
dre Dieu comme toujours irrite, le repré-
sente comme toujours apaisé par le repentir
des pécheurs, qu'il les recherche, qu'il les
invite, qu'il ne les punit que pour les ame-
ner à la pénitence. Vo)/. MisÉuiconoE de
DiEL. Nous voudrions que nos adversaires
citassent, parmi ceux qui n'ont aucune reli-
gion, des hommes aussi courageux, aussi
intrépides, aussi zélés pour le bien public,
e! qui aient rendu autant de services au
genre humain que l'ont lait les saints par
pur motif de religion. Suivant le témoignage
de toute l'antiquité, les épicuriens, les scep-
tiques, les pyrrhoniens furent les plus inu-
tiles et les plus ineptes de tous les hommes.
Parfaits modèles de ceux d'aujourd'hui, ils
n'étaient bons qu'à déprimer la vertu et à
tourner en ridicule le zèle du bien public.
La religion nous apprend que le moyen le
plus sîjr d'assurer notre bonheur éternel est
de nous consacrer en ce monde au service
de nos frères.
2° Ils prétendent que la religion divise les
hommes, cause des haines nationales, arme
les peuples l'un contre l'autre, etc. Nous
soutenons que cela e.st faux. Les peuples
sauvages, qui ont à peine quelques notions
religieuses, sont plus divisés entre eux et
plus acharnés à s'entre- détruire que les na-
tions policées et adoucies par la religion.
Pendant que toutes étaient prévenues des
mêmes erreurs, toutes polythéistes et ido-
lâtres, elles se sont fait la guerre avec plus
d'obstination et de cruauté qu'aujourd'hui.
La vraie cause des haines nationales est dans
les passions des hommes, l'orgueil, la jalou-
sie, une ambition insatiable, la manie des
conquêtes, l'intérêt du commerce, etc.; c'est
ce qui les mettait aux prises, lorsque Jésus-
Christ est venu leur prêcher la paix et la
charité fraternelle, les réunir dans son Eglise,
comme des brebis dans iin seid bercail sous
un même pasteur. De quel front peut-on sou-
tenir ()ue celte religion sainte tend à les di-
viser? Si malgré sa morale douce et pacifi-
que, les nations, même chrétiennes, se font
encore la guerre, cela prouve (|ue leurs pas-
sicms sont incurables ; et'cc n'est certaine-
ment pas l'athéisme qui les guérirait. Nous
convenons que la religion dos Juifs tendait
à les séparer des autres nations, parce que
celles-ci étaient parvenues au plus haut de-
gré d'aveuglement et de connpiion. .Mais les
p"uples contre lesquels ils ont eu des guer-
res à soutenir n'étaient pas mieux d'accord
entre eux qu'avec les Juifs. Depuis l'expul-
sion des Chananécns, la loi do Moïse n'a ja-
mais ordonné aux Juifs d'aller troubler le
repos de leurs voisins. La haine que les na-
tions païennes avaient conçue contre eux
venait d'une aveugle prévention, et non
d'aucun sujet de plainte que les Juifs leur
eussent donné.
3" L'on objecte que la religion favorise le
despotisme des princes et commande l'escla-
vage aux peuples. \ l'article Despotismk,
nous avons fait voir la f lusseté de cette ca-
lomnie. Elle ne prouve rien, sinon la haina
des incrédules contre toute espèce d'autorité
aussi bien que contre la religion.
k' Nos censeurs atrabilaires ont fouillé
dans toutes les histoires pour.rassemhler les
crimes (jue le zèle de religion a fait com-
mettre. .\u mot ZiiLE UE RELIGION, nous fe
roiis voir que plusieurs de ces crimes uré-
lendus élaioiit des actions légilimes, que les
autres onl élé suggérés par des passions im-
périeuses el non par amour de \a religion.
Religion natubelle. De nos jours on a
fait un éir.ingc abus de ce terme. LfS déistes
soutiennent que l'on m' doit admettre au-
cune religion rèvéiée; que toutes les révé-
lation- sont fausse-, qu'il faut s'en len:r à
l;i rdiqion «a(urf//6. Pour expliiiuer ce qu'ils
enleidcnl p;ir là, ils disent que la nitijion
iiiilnreUe est le ' ulle que la raison, laissée
à elle-iuèine el à ses propres lumières, nous
appren I qu'il faut ren ire a Dieu. Déjà aux
niii's DiiisMi- et Raison, uous avons lait
voir que celte oélinilion est captieuse el
fausse (1).
(i) Nous en nvons vu d'aulres qui rejH.tleiU loiile
idi e lie religion naiiirelie. Nous cioyniis qu'il- n'y
a qu'une spi le religion qui est loiit à la fois natu-
relle el lé éi 'e. i Kl!e est naUirelle, dit Bergur, eu
ce qi elle es; cMiiloiiie aux lie-oi.is de riiuiiianiié.
à la iiainiei.e Deu et h la uamie de l'Iioimne; el
que, lorsque ii'ius eu s .uiiiiis instruite, nous poii-
vnns, par les l.nnièies de la rai-ou, en sentir el en
déiiioiurer li vériié. Mas elle n'est puint naturelle
d:ius ce sens, qu'aucun lunnine soit parvenu par ses
propres recher. lies à eu lié couvrir tous les dogmes
el tous le- piéeeiiies, el à les professer dans leur
piiielé. l'ersoiini- ne l'a connue que ceux qui l'ont
reçue par tradiiiuii. Le seul moyeu d'estimer ce
que riiHinine peiil faire, esl d'examiner ce qu'il a
lait dins tous les lieux, dans toutes les circonstan-
ces où il s esl trouvé.
I Autre I luise esl de découvrir une vérité par la
seule rélleKioii, autre chose de se la démontrer lors-
qu'elle est connue. Les déistes aCfecteiil île confondre
ces deux ma lières, c'est un parai. igisme; les pliilo-
soplies anciens et modernes ont su eu laire la dis-
tinction. >
I Dès qu'une chose nous esl connue, dit Locke,
elle ne nous parant plus diilicile à comprendre, et
nous croyons que nous lauiions découverte par nous-
mêmes sans le secouis de personne; nous nous en
mettons en posse-siun comme d'un bien qui nous est
propre, quunpie nous ne l'ayons pas acquis par
notre propre industrie.... Il y a quantité de choses
dont la croyance nous a élé ineuli|uée dés le berceau,
de sorte que les idées nous en étant devenues fami-
lières et pour ainsi dire naturelles sous rtv.mgile,
nous les regardons comme des vérités qu'il e-t
aisé devoir et de prouver jusqu'à la dernière évi-
dence, sans considérer que nous aurions pu en dou-
ter ou les ignorer pendant long-lenips, si la révéla-
lion n'en eut rien dil. Ainsi, plusieurs sont redevables
à la révélation sans s'en apercevoir. > (Chrisl. rais.,
l. I, c. 1 i. pag. '■'•U.)
Cicéron a eu la môme pensée sur un autre objet.
< Il n'y a point, dit-il, d'espril assez pénétrani pour
découvrir par lui-inéme des vérités aussi subliincs,
si on ne les lui montre pas; et cependant elles ne
sont pas asseT obscures pour qu'un bon esprit ne les
comprenne parl.iiteuient lorsqu'on les lui monlie. »
(De Oral., I. m, c. 51.)
( Les l,\re^ d'tuclide et les principes de Newton,
dil un déiste anglais, coniieunent sans doute des
vérités naturelles el 'évidentes ; cependant il n'y a
qu'un insensé qui ose prétendre que, sans ces livres,
il aurait tout aussi bien découvert les vérités ipi'ils
runlenneiii, et que nuus n'avons aucune ubàgitioii
à leurs auteurs. Ainsi les leçons de Jésus-Clirlst
nous par;iifseiil des vérités très-naturelles el trés-
raisoniubles, di'puis (|u"il les a placées sous nis yeux
dans le plus grand jour, et lorsque nous voulons les
«xàminer avec une raison dégagée de pi éjugés. Ccpcu-
REL
112
En effel, par la raison laissée à elle-même,
ou l'on entend la raison d'un sauvage élevé
dans les furêls parmi les animaux, qui n'a
reçu ni leçons ni éducation de personne ;
dans ce sens, nous demandons quelle espèce
de religio 1 peut forger celte brûle à ûgure
liumaine : ou l'on veut parler de la i.iisoii
d'un ignorant né dans le seii» du p.iganisine;
nlors nous soutenons qu'il jugera que la re-
ligion pai nue esl la plus naturelle el la
plus raisonnable. Ainsi eu onl jugé Its phi-
losophes mêmes donl la raison était d'à, Heurs
la plus cultivée el la plus éclairée. Lorsqu'on
leur a prêché le culte d'un seul l^ieu, pur
esprit et créateur, ils ont décidé que cette
religion élail fausse el coniraire à la rai-
son.
Si l'on entend la raison d un philosophe
élevé et instruit dans le christianisme, c'est
une absurdité de dire que sa raison a été
lai.fsée à elle-même et à ses propres lumières,
puisque dès l'enfance elle a été éclairée par
les leçons de la révélation : il n'est pas moins
ridicule de noiiMier reliyion naturelle les
dogmes et le culte qu'un philosophe ainsi
instruit trouvera bon d'adopter. Il est donc
évident que la prétendue relifjion naturelle
des dcisles est une chimère qui n'a jamais
existé que dans leur cerveau.
Appellera-l-on religion naturelle celle
dont tous les dogmes et les préceptes sont
démontrables. Nous n'en serons pas plus
avancés. Ce qui est démontrable à un philo-
sophe ne l'esl pas à un ignoranl ; le (jogme
de la création que nous démontrons très-
bien, grâce à la révélation, a paru faux cl
impossible à tous les anciens philosophes.
Faut-il donc bannir du langage théologique
le nom de religion naturelle? Non sans dou-
te, mais il faut en fixer le sens el en écar-
ter l'abus. On peut très-bien appeler aii
la religion primitive que Dieu a prescril
à notre premier père el aux patriarch. ,
ses descendants, puisqu'elle était Irès-coi-
forme à la nature de Dieu el à la nature lU'
l'homme, dans les circonstances où l'hutna
nité se trouvait pour lors. Mais elle étuil
dant le peuple n'en avait jamais ouï parler aupara-
vant, et il n'en aurait jamais lieu su sans le secours
de ce Maître divin. i(Morgaii, Moral philosopher,,
toiii 1, p. lU.)
L'auteur des Pensées sur l'interprétation de la na-
ture, a fait à peu près la iiiéiiie observation.
(!S. .'18, p. 9"2.) Bayle la confirme. (Contin. des pen-
sées div., §.il, (lag. 216.)
f Vainement les déistes disent que les devoirs de
la religion naturelle sont fondés sur des relations
esseiuielles entre Dieu et nous, entre nous el nos
serabl.ibles, et qu'ils sont gravés dans le cœur de
tous les bouiiues. Si l'éducation, les leçons de nos
mailles, l'exemple de nos concitoyens ne nous ac-
coutuinent point à eu lire les caraciéies, c'est un
livre fermé pour nous. Une exi érieiice générale, et
qui date de six mille ans, doit nous convaincre que
la raison bnmaine, privée du secours de la réveia-
liou, n'est qu'un aveugle qui marche à tatous dans
le plus grand jour. > [Traité de la Hetigion, loin. 1,
pag. 78, édit. de Besançon, an 18-20.) Voyeî aussi
les articles Ccrtituue, Eviue.sce, Koi, Langage,
Loi HAUJBliLLE, MÉTAPHYSiaUE, PUILOSOPUIE, ClC.
J13
REL
REL
111
surnaturelle dans un autrn sens, puisqu'elle
<''!,nt révélée, et sans celte révélation, les
liomnu'S n'auraient pa^ été capables de l'in-
venter; nous le prouverons dans un
moment.
L'Ecriture sainte nous a conservé le sym-
bole, les pralii|ues, la morale de cetle reli-
gion ; Joh les enseigne formellement dans
son livre, et Moïse suppose ce catérhisnio
dans les siens. Les palriarclies ont cru que
Dieu est pur esprit, seul créateur, seul gou-
verneur du monde, et souverain législateur;
que l'homme créé à l'image de Dieu a une
âme spirituelle, libre et iainiortelle ; qu'a-
près cette vie il y aura un bonheur éternel
destiné à récompenser les justes, et des sup-
plices éternels pour punir les méchants ;
mais ils ont cru aussi la chute de l'homme
et la venue future d'un médiateur. Moïse n'a
fait que répéter aux Juifs la croyance de
leurs pères, et Jésus-Christ en a confirmé
tous les articles dans son Rvaitgile. Au mot
CiiLTP. nous avons fait voir en quoi consis-
tait celui (les premiers hommes, ei indépen-
d;imment de la morale prescrite dans le déca-
logue et dans les écrits de Joh, les patriar-
ches l'ont enseigné par leurs exemples au-
tant que par les leçons qu'ils ont faites à
leurs enfanis. On ne voit parmi eux ni le
polythéisme absurde, ni l'idolâtrie grossière,
ni les usages barbares, ni les désordres hon-
teux qui ont régné chez tous les peuples du
inonde. Si donc ces anciens justes ont sui-
vi le clictnmen de la raison , c'est qu'ils
étaient éclairés par une lumière supérieure
et conduits par les leçons An Dieu même. Le
fait de la révélation primitive est prouvé
d'ailleurs : 1' Par Ihistoire sainte, qui nous
rcprcsi-nte Dieu conversant avec Adam, avec
Abel et Caïn, avec Noé el sa famille, et les
insln.iîant comme un père insiruil ses en-
fants. Il accorde la même faveur au patriar-
che Abraham, à Isaac et à Jacob. Les in-
crédules n'ont aucune raison solide de nier
on de révoquer en doute ce fait important.
La tradition s'en est conservée chez la plu-
part des peuples ; ils ont été persuadés que
dès l'enfance du monde les dieux avaient
conversé avec les hommes. — 2" les monu-
ments de l'histoire profane s'accordent avec
les écrivains sacrés pour nous apprendre que
la première religion de tous les peuples an-
ciens a été le culte d'un seul Dieu, mais
qu'insensiblement ils sont tombés tous dans
le polythéisme et l'idolâtrie. Voy. Pagams-
MK, § 2 el 3. Si la religion primitive avait été
l'ouvrage de la raison, comment anrail-elle
pu se corrompre par le raisonnement'? Elle
î'urail suivi sans doute la marche naturelle
des connaissances humaines ; elle serait de-
venue plus pure, plus ferme, plus uniforme,
à mesure que la raison aurait fait des pro-
pres : tout au contraire, les peuples qui se
sont le plus avancés dans les autres scien-
ces ont paru les pins aveugles et les plus
Stupides en f.iit de religion. Les Ch ildéciis,
les Egyptiens, les Grecs, les Romains, n'ont
pas mieux pensé sur ce point que les na-
tions les plus barbares.— 3* Les incrédules,
frappés de co phénomène, ont imaginé que
le îiaga:)i«i>ie , avec ses superstitions, était
l'ouvrage de quelques imposteurs qui ont
séduit les peuples : c'est une erreur. Nous
avons prouvé plus d'une fois qu'il est venu
d'une suite de faux raisonnements Voy. Pa-
GAMSMK, § 3 ; UELiGm\, § .3. Nous le voyons
par les livres de Cicéron sur la Nature des
dieux, qui sont le résumé de ceux de Platon ;
par les écrits de Celse, de Julien, de Por-
phyre, qui ont raisonné sur ce sujfl comme
le peuple. Donc, si l.i reUi/ion des premiers
hommes avait élé fondée sur le raisonne-
menl, elle aurait élé la même que celle des
raisonneurs dont nous parlons. — k" Dès que
le polythéisme et l'idolâtrie ont été une fois
établis, aucun philoso|ihe ne s'est trouvé as-
sez habile pour en démontrer l'absurdité, et
pour ramener les hommes au culte primiiif
d'un seul Dieu ; au contraire, ils ont tous
regardé les juifs el les chrélieus comme des
insensés, de^ athées, des imi>ies, parce qu'ils
ne voulaient pas être polythéistes. Donc, à
plus forte raison, dans l'enfance du rn.-nde
et avant la naissance de la philosophie, les
hommes étaient incapables de se former une
vraie noiion de la D vinilé et une religion
raisonnable, s'ils n'avaient pas é'é éclairés
par la révélation. Les déistes s';ihi)seut eux-
mêmes et en imposent aux ignorants, lors-
qu'ils se flattent d'avoir inventé, par leurs
propres lumières , le système de religion
qu'ils appellent la religion naturelle. — 5* En-
fin, les dogmes de la création, de la chute
de l'homme, de la venue future d'un média-
teur, ne sont pas des vérités que la r.iison
humaine puisse découvrir lorsqu'elle est
laissée à elle-même.
11 est donc prouvé jusqu'à la démonstra-
tion que la religion primitive, que l'on ap-
pelle communémi'iit In loi de nature, a élé
une religion révélée, et que, sans cette ré-
vélation, les hommes ne seraient jamais par-
venus à s'en faire une aussi vraie, aussi
pure, aussi conforme à la droite raison.
M.iis à quoi nous exposons-nous? Plus
vous exagérez l'impuissance de la raison,
nous disent les déistes, mieux vous prouvez
que les païens sont excusables d'avoir suivi
une religion fausse el corrompue, et que
Dieu serait injuste de les en punir. Com-
ment accorder celte doctrine avec saint
Paul, qui a décidé que du moins les philo-
sophes ont été inexcusables? Voy. Loi na-
TLRELLÉ.
Nous avons déjà répondu ailleurs à celte
objection. 1° Pour savoir jusqu'à quel point
les païens sont excusables ou punissables,
il faudrait connaître jusqu'à quel degré les
passions volontaires, telles que la négligen-
ce, l'orgueil, l'opiniâtreté, la corruption da
cœur ont contribué à offusquer dans chaque
parliculier les lumières de la raison. Dieu
seul peut en juger, et nous n'avons pas be-
soin de le savoir. 2" Outre ces lumières na-
turelles. Dieu a donné à tous des grâces inté
rieures et surnaluielles pour le connaître;
si les païens avaient été fldèles à y corres-
pondre, ils en auraient reçu de plus ahon-
lis
REL
REL
116
dantes. C'est iine vérité clairement ensei-
gnée dans l'Ecrilure sainte. Il est dit iJoan.
i, 9) que le ^'erbe divin est la vraie lumière
qiii éclaire tout homme venant en ce monde ;
et le reste de ce passage témoigne assez qu'il
est question là d'une lumière surnaliireiie.
Ainsi l'ont entendu les Pères de l'Eglise: ils
ont appliqué au Verbe divin ce ipii est dit
du soleil, ps. xviii, v. 7, que personne ne se
dérobe û sa chaleur. Saint Paul invile les fidè-
les à prier pour tous les hommes, parce que
Dieu veut que tous soient sauvés et parvien-
nent à la connaissance de la vérité ; il le veut,
parce que Jésus-Christ est mé Hateur pour
tous, et qu'il s'est livré pour la rédemption
de tous (/ Tim. n). Cette volonté ne serait
pas sincère, si Dieu ne donnait pas à tous
les grâces nécessaires pour parvenir à la
connaissance de la vérité. Voy. Grâce, § 2;
Infidèle , etc. Les païens sont donc punis-
sables pour avoir résisté à ces grâces.
Religion judaïque Voy. Judaïsme.
Religion chrétienne. Voy. Christia-
nisme.
Religion fausse. C'est à Dieu seul de
prescrire la manière dont il veut être ho-
noré ; dès qu'il a daigné une fois en instruire
les honmies, ils sont tous obligés de s'y
conformer; tout autre culte qu'ils veulent
lui rendre doit lui déplaire ; il est faux,
superstitieux et abusif. Or , nous avons
prouvé que, dès la création, Dieu a prescrit
au premier homme ce qu'il devait croire et
pratiquer ; il lui a ordonné de transmettre à
ses enfants cette religion, et nous la voyons
fidèlement observée par les patriarches.
Mais, après lu dispersion des familles, plu-
sieurs ont oublié les leçons qu'elles avaient
reçues et le culte qu'elles avaient vu prati-
quer à leurs pères ; elles se sont forgé à
elles-mêmes une fausse religion, et l'ont
transmise à leurs descendants. Nous avons
observé déjà plus d'une fois la facilité avec
laquelle les hommes les plus grossiers ont
passé de la croyance d'un seul Dieu au poly-
théisme, par le penchant qu'ils ont tous à
supposer des esprits, des génies, des démons
intelligents et puissants dans toutes les par-
ties de la nature ; dès que l'on a cru qu'ils
étaient distributeurs des biens et des maux
de ce monde, on ne pouvait pas manquer de
leur rendre un culte : toutes les fiassions
d'ailleurs ont contribué à introduire cet abus,
l'intérêt surtout ; l'homme s'est persuade
qu'un seul Dieu chargé du gouvernement
de tout l'univers ne serait pas assez atten-
tif à ses besoins et à ses désirs, ni assez
prompt à y pourvoir ; il a voulu préposer un
Dieu particulier à chaque objet de ses vœux ;
il en a fallu un pour soigner les moissons,
un antre pour la vendange, un troisième
pour le fruit des vergers, un autre pour les
troupeaux, etc.
La vanité : chaque particulier a dit : Mon
voisin a son dieu : pourquoi n'aurais-je pis
le mien? Il a voulu avoir cliez soi un dieu,
un temple, un autel, un appareil de culte;
il s'est natté d'en obtenir des bienfaits, à
piopurlion des honneurs qu'il lui rcodrailct
de la dépense qu'il ferai, pour lui ; nous en
voyons un exemple dans i'iiistoire de Mi-
chas, rapportée au livre des Juges, c. xvii.
Lors(]u'un Chinois cslméconlent de son dieu,
il frappe son idole, la foule aux pieds, la
traîne dars la boue, et lui reproclie les hon-
neurs qu'il lui a rendus sans aucun fruit. —
La j;:lousie : un homme envieux de la pros-
périté de son voisin a imagine que cet heu-
reux mortel avait un dieu à ses gages, il
s'est prorais le même bonheur au même
prix. Il se trouve encore aujourd'hui des
âmes viles, rongées par lu jalousie, qui at-
tribuent à la magie et aux sortilèges la pros-
périté de leurs rivaux. La haine a persuadé
d'ailleurs à un mauvais cœur que le Dieu
de son ennemi ne pouvait pas être le sien.
Cette manière de penser des particuliers
s'est communiquée aux nations ; lorsque
les Romains attaquaient une ville, ils en in-
voquaient les dieux,- ils leur promettaient
des temples, des autels, des honneurs, le
droit de bourgeoisie à Home, mais sous con-
dition qu'ils cesseraient de protéger le peuple
qu'il s'agissait de vaincre. Ainsi les IMiilis-
tins, qui s'étaient rendus maîtres de l'arche
d'alliance, imaginèrent que le Dieu dos Is-
raélites les avait abandonnés pour s'atta-
cher aux Philistins (/ Reg. iv). Les incrédu-
les reprochent à la religion d'avoir produit
les haines uationaKs; tout au contraire, ce
sont les guerres fréquentes entre les nations
encore sauvages, qui ont produit la différence
des dieux et la variété des religions. — La
mollesse et l'indépendance : un culte public,
déterminé, assujetti à des formules inviola-
bles, est gênant : une religion domestique est
plus commode, elle s'arrange comme on
veut, et combien d'absurdités les esprits bi-
zarres ne sont-ils pas capables de mêler
dans le culte divin? C'est pour cela que
Dieu avait défendu aux Israélites de faire des
offrandes ou des sacrifices, et d'immoler des
victimes ailleurs (jue devant le tabernacle
ou dans le temple, de peur ijue le nioindro
changement dans le cérémonial ne donnât
lieu à quelque erreur. — Ajoutons le liber-
tinage d'esprit et de cœur : l'homme a porté
la corruption jusqu'à prêter à ses dieux les
mêmes passions desquelles il était animé, et
à créer des divinités pour présider à ses
vices; la fureur et la vengeance, le vol et
les rapines, hs plaisirs de la table et l'ivro-
gnerie, les plus sales voluptés ont eu leurs
dieux tulélaires. Pouvait-on pousser plus
loin le mépris de la Divinité, et le déli.e en
fait de religion ? Ce n'est pas sans raison que
l'auteur du livre de la Sagesse a dit, c. xiv,
27, (|ue le polythéisme et l'idolâtrie ont été
la source et le comble de tous les crimes.
Quitter une vérité qui gêne les passions,
pour embrasser une erreur qui les flatte,
est un changement très-aisé; renoncer à
cette erreur pour revenir à la vérité, c'est
une conversion pour laquelle il faut toute
la puissance de la grâce divine, et souvent
tout l'appaieil des miracles. Aussi les mrmes
monuments qui nous apprennent que les
peuples ont passé du culluU'un seul Dieu au
417
REL
REL
113
polythéisme, ne nous font connaître aucune
nation qui soit revenue d'elle-même du po-
lythéisme au culte d'un seul Dieu. Ce tait
incontestable démontre, 1° qu'il a fallu né-
cessairement une révélation primitive pour
prévenir les égaremi'nts de l'homme en fait
de religion; 2" que quand ce malheur est
une fois arrivé, et que l'erreur a eu pris ra-
cine, il en a fallu une autre pour ramener
un nouvel orilre de choses et tirer les hommes
de leur aveuglement; 3° qu'excepté l'unique
religion établie de Dieu, toutes les autres
sont fausses, et que Dieu ne pourrait les
approuver sans autoriser tous les crimes.
C'est donc très-mal à propos que les incré-
dules nous accusent de Icuiérilé, d'orj^ueil,
de cruauté, lorsque nous affirmons que tous
ceux qui suivent une religion fausse, à moins
qu'ils ne soient dans une ignorance invinci-
ble, sont exclus du salut.
On a mis en questiuu de savoir si c'est
un moindre mal d'avoir une religion fausse
aue de n'en point avoir du tout : les athées
s'euls sont intéressés à soutenir que les re-
ligions fausses ont fait plus de mal que
l'athéisme, el Bayle a employé toute sa sub-
tilité pour établir ce paradoxe ; mais il n'en
est pas venu à bout, le contraire est trop
évident. En effet il n'est aucune religion
qui ne conçoive Dieu comme législateur su-
prême, déterminé à récompenser la veriu
et à punir le vice, ou en ce monde ou en
l'autre. Or, celte croyance est non-s.eule-
ment très- utile, mais absolument nécessaire
pour fonder la société el maintenir l'ordre
mor.il parmi les hommes. Nous avons prouvé
ailleurs que sans ct^la les passions humaines
n'auraient aucun frein, cl qu'à proprement
parler, il n'y aurait ni obligation morale,
ni vice, ni vertu.
Outre le paganisme, qui est encore au-
jourd'hui la seule religion des peuples igno-
rants, l'on doit mettre au rang des reli/ions
fausses celle de Zoroaslre ou des parsis,
celle des lettrés chinois, celle des Indiens,
le mahomélismc el le judaïsme. Celui-ci a
été autrelois une religion vraie, mais Dieu
ne l'avait établie que pour un temps; elle
ne peut plus lui être agréable depuis qu'il
lui a substitué le christianisme. Nous avons
parlé de toutes ces religions sous leur titre
particulier, et nous avons fait Toir les preu-
ves de leur fausseté. Nous ne plaçons puint
daas le même rang les différentes sectes
protestantes ni celles des schismatiques
orientaux; ce sont des hérésies, et non des
religions absolument contraires au christia-
nisme.
Un habile académicien a fait recerainent
le parallèle dos trois plus célèbres fondateurs
de /"((lisses religions, savoir, de Zoroa-ilre, de
Coul'ucius et de Mahomet. En rendant toute
la Justice qui est due aux talents de l'auteur,
nous croyons avoir vu des défauts essentiels
dans son ouvrage ; 1 11 nous parait avoir
supprimé mal à propos des reproches Irès-
imporlauls que l'oa peut fairo, soit con're
la couduile de ces trois hommes, soit contre
leur doctrine; cepeudant pourrcxactitude du
parallèle, il n'en fallait omettre aucun; et
il semble avoir loué ou excusé des traits
qui sont très-blâmables. 2' il prodigue un
peu trop légèrement à ces personnages fa-
nicux le titre de f/ra»rf.s- hommes; nous ne
voyous pas sur quoi fondé l'on peut le donner
à lies ambitieux qui n'ont cherché à séduire
leurs semblables que pour dominer sur eux,
et qui ont infecté l'univers d'une multitude
d'erreurs très-pernicieuses : tel a été da
moins le caractère de Zoroistre el de Maho-
met. 3' Lorsqu'il est question de Sfoïse, de
ses dogmes, de ses lois, de sa morale, l'au-
teur semble le mettre, sinon plus bas, du
moins à côté des trois autres fondateurs de
religions. Dans un temps où l'incrédulité
prend toute sorte de formes, el se déguise
de toutes les manières possibles, un auteur
ne peut prendre trop de précautions, pour
ne donner lieu ù aucune espèce de soup-
çon.
* Rbligiositë, Voij. Romantisme.
IIELKIUES. Ce mot, tiré du latin reliquiœ,
signifie tout ce qui reste d'un saint après sa
mort, ses os, ses cendres, ses vêlements,
etc., el que ion garde respectueusement pour
honorer sa mémoire (1).
Les proteslaols ont fait un crime à l'E-
glise catholique du culle qu'elle rend aux
■reliques des saints; ils ont dit, el ils répètent
encore, que c'est un culte superstitieux em-
prunté des païens, et qui no s'est introduit
parmi les chrétiens qu'au ly siècle. Le
concile de Trenle a décidé contre eux, sess.
25, que les corps des n)artyrs et des autres
saints qui ont élé les membres vivants de
Jésus-Chrisl el les temples du Sainl-Esjirit,
doivent être honorés par les fidèlos, vene-
randa esse ; que par eux Dieu accorde un
grand nombre de bienfaits aux hommes. Il
fonde sa décision sur l'usage établi depuis
les premiers temps du chrislianisnoe, sur le
sentiment des saints Pères el sur les dé-
crets des conciles. 11 ordonne que dans ce
culle tout abus, tout gain sordide, toute in-
décence, soient absolument retranchés. Il
défend d'exposer de nouvelles reliques sans
qu'elles aient été reconnues et approuvées
pur les évêques; il leur recommande d'ins-
truire soigneusement les peuples de la doc-
trine de l'Eglise sur ce sujet. Comme les
prolestants ne veulent point admettre d'au-
(1) Les fidèles doivent porler respect aux corps
saints îles martyrs et des autres sajius, ijui vivent
avec Jésiis-Clirist, ces corps aynni éti; aiUrefois les
membres vivants île Jésus-Clirisi et le temple du
Saint-Esprit, devant être un jour ressuscites pour la
vie éternelle , el Dieu mcuie faisant beaui"oii|) «le
l)ien aux lionimes par leur moyon. Ainsi ceux qui
soutiennent qu'un ne doit point d'Ii'iniieur ni de vé-
nération aux reliques des saints, ou que c'est inuti-
lement que les lidcles leur portent respect, ainsi
qu'aux autres monuments sacrés, et que c'est en vain
qu'on fréquente les lieux consacrés à leur mémoire
pour en obtenir secours,, doivent être aussi tous
absolument condanmcs, comme l'Ejjlis-' les a autre-
lois comlamiiés, et comme elle les condamne encora
mainieuanl. (C. de Trenle, xxv, sess. de l'i/iw. des
(aliiti.)
119
REL
lorité que celle de l'Ecriture sainle, nous
devons commencer parla leur opposer. JV
Reg., c. siii, 21, il est rapporlé qu'un mort
fut ressuscité p;ir l'allouchement des os du
prophète Elisée. Act., c. xis, 12, nous lisons
que les suaires ou les mouchoirs de saint Paul
çuérissaienl les malades qui les louchaient.
Nous demandons pourquoi il n'est pas per-
mis de respecler et d'honorer des relicntes
par lesquelles Dieu a daigné faire des mira-
cles. Certains commentateurs proteslanis
disent qu'il ne s'ensuit pas de là qu'il y ait
eu dans les os d'Elisée une vertu divine et
miraculeuse, mais que Dieu voulut opérer
un miracle dans cette occasion pour confir-
mer la mission de ce prophèie, pour donner
plus de poids à ses prédiclions, pour affer-
mir parmi les Juifs la foi à la résurrection
future. Soil. Les miracles opérés dans l'E-
glise chrétienne p.ir les reliques des saints
n ont-ils pas dû produire le même effet? Ils
ont prouvé la vertu des saints à laquelle le
monde n'a pas loujours rendu jusiice; ils
ont donné un nouveau p.iids à leurs leçons
et a leurs exemples; ils ont confirmé' les
promesses de Jésus-Christ louchant la ré-
surrecfKin fulure et l'immorlalilé bienheu-
reuse ; Ils ont servi souvent à convertir des
herélKjues et des mécréants. Ces miracles
ne sont donc ni ridicules ni incroyables,
quoi qu'en disent les protestants, et c'est
une preuve eonire eux.
L'Ecclésiastique, c. xlvi, v. 12 par-
lant des juges qui ont été fidèles à Dieu,
dit . «Que leur mémoire soit en bénédiction,
et que leurs os germent dans leur tom-
beau. » Il le réf.ète en parlant des douze
petiis prophètes, c. xux, v. 12. C'était un
témoignage rendu à la résurrection fulure
et c est pour cela même que les chrétiens
ont honoré les reliquesdes martyrs. —Anoc
c. VI, V.9, saint Jean dit:« Je vis sous l'autel
les âmes de ceux qui ont été mis à mort
pour la parole de Dieu et pour lui rendre
témoignage. » Il est certain que de là est
venu l'usage de placer les reliques des
saints sous les autels, et d'offrir les saints
mystères sur leur tombeau. Beuusobre
dans ses remarques sur ce passage, dit
qu on ne se serait pas attendu que cet en-
droit de saint Jean dût servir à autoriser la
pratique d'avoir des reliques des martyrs
sous les autels dans toutes les églises; que
celte coutume supersiilieuse commença dans
le IV siècle. En même temps il avoue quelle
est venue de ce que les chrétiens s'assem-
blaient dans les lieux où étaient les corps
des martyrs, le jour anniversaire de leur
mort; que l'on y faisait le service divin et
que l'on y célébrait l'eucharistie. Or, nous
allons voir que cela s'est fait dès le commen-
cement du ii-^ siècle. Ce n'était donc pas
assez de lémoignor ici de rélonnement il
fjllait prouver que cette coutume des pre-
miers chrétiens était superstitieuse et abu-
sive. D'autres ont dit que ce discours de
samt Jean est figuré, que c'est une vision
qui ne prouve nen ; que l'usage de mettre
ies reliques sous i'autel n'a commencé qu'au
REL
120
iv siècle, que l'on n'en voit aucun vestiee
auparavant. Quand ce fait serait vrai il fau
druil encore faire voir que l.s chrétiens ont
eu tort d'argumenter sur celle prétendue
vision; mais la date de l'usage eu question
est lausse : voici les preuves du contraire
Dans les actes du martyre de saint I-'nace'
arrive l'an 107, nous lisons, c. vi : « Il n'est
resté que les plus durs de ges saints os, qui
ont éle reportés à Aniioche et renfer.nés
dans une chasse comme un trésor inestima-
ble laissé à la sainte Eglise, en considération
de ce martyr. Ch. vu, nous vous avons mar-
que le temps et le jour, afin que, nous as-
semblant au temps de son martyre, nous
allestions notre communion avec ce géné-
reux athlète et martyr de Jésus-Christ »
Dans ceux du martyre de saint Polycarpe
dressés l'an 169, il est dit, chap. xvn • « Le
démon a fait tous ses efforts pour que nous
ne puissions pas emporter ses reliques, quoi-
que plusieurs désirassent de le faire et de
communiquer à son saint corps. Il a donc
suggéré à Nicétas d'empêcher le proconsul
de nous donner son corps pour l'ensevelir
de peur, dit-il, que les chréliens n'aban-
donnent le Crucifié pour honorer celui-ci...
Ils ne savaient pas que jamais nous ne pour-
rons quitter Jésus-Christ, ni en hom.rer
aucun aulre. In effet, nous l'adorons comme
fils de Dieu, et nous chérissons avec raison
les martyrs comme ses disciples et ses imita-
teurs. . . Ch. xviii, cependant nous avons
enlevé ses os, plus précieux que l'or et les
pierreries, et nous les avons déposés où il
convient. En nous assemblant dans le même
lieu, lorsque nous le pourrons, Dieu nous
fera la grâce de célébrer le jour natal de sou
martyre, soil pour conserver la mémoire de
ceux qui ont souffert, soil pour exciler le
zèle et le courage des autres. » Lorsque
nous alléguons aux protestants ces témoi-
gnages du second siècle, ils nous disent froi-
dement (lu'il n'y a là aucun vestige de culte
surtout de culte religieux; au contraire, les
chrétiens désiraient les corps des martyrs
uniquement pour les enterrer, ils les pla-
çaient dans un lieu convenable, c'esl-à
dire dans un cimetière ; ils déclarent qu'ils
ne peuvent honorer aucun aulre personnaee
que Jésus-Christ. °
Nous répliquons, 1° que nos adversaires
devraient commencer par expliquer une fois
pour touies ce qu'ils entendent par culte cl
culte reliqieux. Nous avons observé plus
d'une fois que culte, honneur, respect, véné-
ration, sont exact, ment synonymes; qu'un
culle est religieux lorsqu'il est destiné à re-
connaître dans un objel quelconque une
excellence, un mérite, une qualilé surnatu-
relle qui vient de Dieu, qui se rapporte à la
gloire de Dieu et au salul. Or, nous soute-
nons que les premiers fidèles recoiinaissaienl
dans les reliques des marlvrs une excellence
et un mérite de cette espèce, puisqu'ils les
appellent de saints cnrps, de saints os, un
trésor plus précieux qm- l'or et les pierreries,
elc, et qu'en les chérissant ainsi, ils croienl
communiquer avec les .martyrs mêmes. — ?.'
t2l
BEL
REL
123
Honorer les martyrs comme les disciples
et les imilaleurs de Jésiis-Chrisl, toiiir les
assemblées chrétiennes dans le lieu de leur
sépulture ; célébrer la fêle de leur m;irtyre,
afin de s'exciter à imiter leur zèle et leur
couriige, est-ce là un culte purement civil,
qui n'ait aucune relation à Dieu ni au salut
éternel? Si les chrétiens n'avaient pas rendu
aux martyrs un culle religieux, les païens
ni les Juifs ne se seraient pas avisés de les
croire capables d'abandonnfr le Crucifie',
pour honorer à sa place saint Polycarpe.
Lorsque les prolestants nous objectent que
pendant les trois premiers siècles les Juifs
ni les païens n'ont jamais reproché aux
chrétiens le culte des martyrs, ils en impo-
sent, puis(|ue voilà au ir siècle une compa-
raison entre le culte des martyrs et celui
du Crucifié. Les chrétiens s'en dél'endent
avec raison, et font sentir la différence
entre l'adoration rendue à Jésus-Christ, et
l'honneur rendu aux martyrs. — 3 Beau-
sobre, plus sincère sur ce point que les
autres proleslanis , a blâmé les premiers
chrétiens : On remarque en eux, dit-il, une
alïection pour les corps des martyrs un peu
trop humaine. C'est une petite faiblesse qui
a sa source dans une alTection louable ; il
faut r('\cuser. Du reste, le culte conser-
vait sa pureté; les corps des martyrs n'é-
taient point dans les églises, moins encore
dans les châsses, exposés à la vénération
publique, et placés sur les autels. Hist.
du manich., I. ix, c. 3, § 10, tom. II, p. 6iG.
11 en impose. Les actes de saint Ignace
disent formellement que ses os les plus durs
ont été renfermés dans une citasse. Il n'était
pas besoin de les placer dans une église,
puisque le lieu de la sépulture des martyrs
devenait une église ou un lieu d'assemblée
pour les chrétiens. On nu les plaçait pas
sur l'autel, mais dessons, comme il est dit
dans l'Apocalypse. Pouvait-on leur rendre
un culle plus jirofond et plus religieux, que
d'oflrir sur es relii/iies le sacrifice du corps
et du sang de Jesus-Christ?
Ce critique ne veut pas en croire saint
Jean Cbrysostome, qui dit que les os de saint
Ignace, mis dans une châsse, furent portés
par les fidèles sur leurs épaules depuis
Rome jusqu'à Anlioche;que les chrétiens
des villes par où ils passaient sortaient au-
devaut d'eux, conduisaient en procession et
C'imnie en triomphe les reliques du martyr,
Nom. in S. Ignat., n. 3, O/;. t. H, p. 000.
C'est, dit Heausobre, un or.iteur qui parle,
et (lui pi étft aux siècles précédents les mœurs
et les coutumes du sien. Mais il oublie que
saint Jean Cbrysostome éiail d'Antioche
même, qu'il parle à ses conciio\ens d'un fait
duquel ils étaient instruits aussi bien que
lui, puisqu'il éiait arrivé chez eux moins de
trois cents ans auparavant. Pourquoi cette
tradition ne se serait-elle pas conservée
dans l'Eglised'Antioche pendanttrois siècles?
'l'erliiilien, (jui a vécu sur la fin du ir et
an couKiienceiiient du iir, applique aux
niari>rs les paroles d'isaïe, c. x, v. Il, Sun
tombeau sera (glorieux; voilà, dit-il, l'éloge et
la récompense du martyre, Scorpiace, e, 'î.
Quelle est donc la gloire que Dieu a pro-
mise au tombeau des martyrs, sinon le ciilte
que l'on rend à leurs reHifues? Julien, dans
ses livres contre les chrétiens, avoue qu'a-
vant la mort de saint Jean, les tombeaux de
saint Pierre et de saint Paul étaient déjà
honorés, quoique en secret, saint Ci/rille,
1. X, D. 327. Ce culte datait par conséquent
de la fin du i" siècle. Julien aurait-il fait
cet aveu, s'il n'avait pas été certain du l'ail,
lui qui reproche aux chrétiens d'avoir rem-
pli I univers de tombeaux et de monuments,
d'y in voqiier Dieu et de s'y prosterner ? Ibid.,
p. S.Ti et 339.
C'est donc co'ilre toute vérité que les pro-
testants affirment qu'avant le iv siècle on
ne trouve dans les monninenls du christia-
nisme aucun vestige d'un culte rendu aux
reliques des saints. Ils ont blâmé plus d'une
fois saint Grégoire Thaumaturge d'avoir
souffert des usages païens dans les (êtes des
martyrs : or, ce saint est mort l'an 270, le
culte des martyrs et de leurs reliques était
donc établi au iir siècle, et même au ir,
immédiatement après la mort de saint Jean.
D'ailleurs, quand il n'y en aurait elTective-
ment aucune preuve positive, nous serions
encore en droit de supposer que ce culte a
été pratiqué de tout temps. Au iv° siècle on
a fait profession de ne rien inventer, de ne
rien introduire dans le culte, que ce qui
avait été établi depuis le temps des apôtres.
Peut-on s'imaginer que tous les chrétiens
dispersés [)our lors dans tout l'Orient et
l'Occident, quoique prévenus d'aversion de-
puis trois cents ans contre toute pratique et
tout usage qui sentaient le paganisme, ont
néanmoins emprunté tout à coup des païens
l'usage d'honorer les reliques, comme les
prolestants veulent le persuader? Croirons-
nous encore que tous les évêques du monde
chrétien, également complaisants pour le
peuple, ou plulôlég-ilement lâches et préva-
ricaleurs partout, ont laissé introduire ce
nouveau culte, sans qu'aucun ail réclamé
contre cet abus? Croirons-nous enfin que,
parmi vingt sectes d'hérétiques ou de schis-
maiiques, qui se sont élevées durant le iV
siècle, donatistes, novatiens, quarlodéci-
mans, pholiniens, macédoniens, etc., il ne
s'est pas trouvé un seul sectaire, excepté
Arien Eunomius, qui ait osé réclamer canlre
la superstition nouvelle que les Pères de
l'Eglise laissaient introduire, et à laquelle
ils applaudissaient? L'an '»0G, Vigilance re-
nouvela les clameurs d'Eunomius; pour le
réfuter, saint Jérôme cl les autres docteurs
de l'Eglise alléguèrent non-seulement les
passages de l'iùriture s:!inte que nous avons
cilés, mais la pratique constante et univer-
selle des diff. rentes Eglises chrétiennes. Ce
n'était donc pas un us/ige nouveau introduit
seulement dans quelq'ies-unes, mais géné-
ralement établi partout. Lorsque Neslorius
et Eulychès se séparèrent de l'Eglise au v'
siècle, ils ne censurèrent point let usage ;
aus.si a-t-il subsisté parmi leurs sectateurs;
Perpét. de la foi, tom. V, liv. vu, c. 4; As-
123
REL
REL
m
sémani, Bibliot. orient., t. IV, c. 7, § 18.
Dans ce mémo siècle, Fauste le manichéen
reprochait à saint Augustin que les catholi-
ques avaient substitué le culte des martyrs
à celui (les idoles du paganisme; mais il ne
prétendait pas que cet usage était récent et
n'avait commencé que dans le siècle précé-
dent. Vigilance lui-même ne le disait pas.
Lorsque les protestants nous font cet
argument négatif: Pendant les trois premiers
siècles de rE!4lise, il n'a pas été question du
culie des reliques, donc il ne subsistait pas;
outre la fausseté du fait bien prouvée, nous
leur en opposons un autre plus fort, savoir :
Les sectaires qui, au iv" et au V siècle ont
attaqué le culte des reliques, n'ont pas ob-
jecté qu'il était nouveau, introduit depuis
peu; donc il était ancien.
Pour prouver que Fauste le manichéen
avait raison, el que le culte des reliques était
emprunté du paganisme, Ueausobre a fait un
long parallèle entre les honneurs que les
païens rendaient aux idoles et ceux que les
catholiques rendent aux reliques; ces hon-
neurs, dit-il, sont parfailemcnt les mêmes.
Les catholiques portent en pompe les reli-
ques de leurs SJiinls, ils les couronnent de
(leurs, ils les environnent de cierges allumés,
ils les biii eiU avec respect, ce qui est un
signe d'adoration, ils les placent dans un
lieu éminent, et sur une espèce détrône, ils
célèbrent en leur honneur des fêles et des
festins précédés île veilles nocturnes, ils
leur font des offiandes, ils leur adiesseiit
des prières : voilà prcciséau'nt ce que fai-
saient les païens pour les simulacres de leurs
dieux, Hi.-^t. du miinich., 1. ix, c. 4, § 7. Mais
qu'aurait répondu Bi^ausuhre, si on lui avait
dit : Malgré tuus les relrancliemcnls que les
prott'stauls ont faits dans le cuite religieux,
ils conservent encore des pratiques du pa-
ganisme ; ils chantent des psaumes, ils re-
çoivent le baptême, ils célèbrent la cène;
or, il est constant que les païens chantaient
des hymnes à l'honneur des dieux; ils fai-
saient des ablutions pour se purifier; ils cé-
lébraient des repas religieux que les Ro-
mains appelaient chc.rislia; voilà donc le
paganisme encore subsistant p.srmi toutes
les sectes prulestanles? Beausobre aurait
dit sans doute que les païens eux-mêmes
ont emprunté ces rites des adorateurs du
vrai Dieu et de la religion primitive qui a
précédé le paganisme; qu'il est impossible
d'avoir une religion sans pratiquer un culte
extérieur; que toute la dilTérence qu'il y a
entre le vrai cullc el le faux consiste en re
que le premier est adressé au vrai Dieu el à
des êtres véritablement dignes de respect,
au lieu que le second est transporté à des
êtres imaginaires el indignes de vénération.
C'est ce que nous avons fait voir au mot
Paganisme, § 8.
Vigilance objectait, comme les protestants,
que nous adorons \es reliques des martyrs.
Saint Jérôme lui répond : « Nous ne servons
point, nous n'adorons point les reliques des
martyrs, mais nous !( s honorons, afin d'a-
dorer celui dont ils sont les màrl^rs, »Epist.
37, ad liipar. Cette réponse, dit Beausobre,
est celle des philosophes païens, elle ne peut
servir qu'à justifier tout le paganisme : il cite
à ce sujet un passage d'Hiéroclès, qui dit
que le cullc rendu aux dieux doit se rap-
porter à leur unique Créateur, qui est pro-
prement le Dieu des dieux; Bibliotli. des an-
ciens philos., t. II, p. 6. TUais Beausobre
savait bien que c'était là une imposture de
la part d'Hiéroclès, platonicien du iv siècle;
que jamais Us anciens philosophes païens
n'ont fait la distinction entre les dieux infé-
rieurs el le Dieu suprême; que loin de pen-
ser qu'il fallût lui rapporter le culte exté-
rieur, ils pensaient qu'il ne faut lui en
adresser aucun, et Porphyre le soutient en-
core ainsi, 1. ii, de Abstin., c. 34. Jlosiieim
a très-bien fait Voir que ce que dit Hiéroclès
est une tournure artificieuse inventée par
les nouveaux platoniciens pour justifier le
paganisme el pour nuire ainsi à la religiott
chrétienne, Dissert, de turbala per récent,
platonicos Ecclesia, § 20 el suiv. Au mot
Idolâtrie, § 3 el 4, el Paganisme, § 4-, nous
avons prouvé que jamais les païens n'ont
adoré un Dieu suprême, el que le culte
adressé aux dieux inférieurs ne pouvait en
aucune manière se rapporter à lui. Ainsi la
réponse de saint Jérôme à Vigilance est so-
lide, et l'érudition que Beausobre emploie
pour prouver la ressemblance entre le culte
des catholiques el celui des païens est pro-
diguée à pure perle. Au mot Paganisme,
nous avons fait voir les contradictions dans
lesquelles il est tombé.
Saint Cyrille, disent nos aaversatres, est
convi'nu que le culte des reliques eA d'ori-
gine païenne; Barbeyrac, Traité de la mo-
raie des Pères, c. 15, § 24, ii. 1. Fausseté,
i'our répondre à Julien qui blàmall le culte
rendu aux martyrs et à leurs reliques, saint
Cyrille lui fait un argument personnel; il
lui demande si l'on doil blâmer les honneurs
que les Grecs rendaient à ceux qui étaient
morts pour leur pairie, et les éloges que l'on
prononçait sur leur tombeau ou sur leurs
reliques. Comme Julien n'aurait pas osé cen-
surer cette pratique, saint Cyrille en conclut
que les chrétiens n'ont pas lorl de faire de
même à l'égard des martyrs. Mais avant les
abus et les excès dans lesquels les païens
sont tombés à l'égard de leurs héros, les
Juifs avaient respitté les lombeaux de leurs
pères. Josias, en faisant exhumer el brûler
les os des idolâtres, ne voulut pas loucher à
ceux d'un prophète {IV Reg. xsiii, ISJ. Jé-
sus-Chrisl [Malth. xxiii, 2D) ne blâme pas
les Juifs de ce qu'ils ornaient les tombeaux
des prophètes el des justes, mais de ce qu'ils
le faisaient par hypocrisie, afin de paraître
meilleurs que leurs aïeux., Saint Paul, aussi
bien que l'auteur de V Ecclésiastique, fait
l'éloge des saints de l'Ancien Testament;
est-ce un crime, parce que les païens ont
aussi loué leurs héros? C'est sur les leçons
et sur les faits de l'Ecriture sainte que les
premiers chrétiens ont réglé leur conduite,
el non sur l'exemple des païens. S'il faut re-
Irancher tous les usages dont les païeus out
125
DEL
abuse, il n'esi pas permis de respecter les
rois, parce que les païens ont déifit' les leurs.
Après avoir bien déclamé contre les pompes
funèbres, les prolestants y sont revenus pur
un instinct naturel, et plusieurs ont l'usa(;c
de faire l'éloge funèbre des morts en leur
donnant la sépulture. C'est encore du paga-
nisme, suivant leurs principes. Ils nous ob-
jeclenl que le culte des reliiiiies a donné lieu
à des fourberies sans nombre, à un trafic
lionteux, à une fausse confiance et une
fausse piété de la pari des peuples, à une
superstition grossière. Saint Augustin lui-
même dit dans ses livres de l<i Cilé de Dieu
qu'il n'ose ra])porler toutes les impostures
et les abus cotnmis en ce genre.
Réponse. Sans entrer dans aucune discus-
sion toucbant ces abus, nous soutenons que
la haine des protestants contre le culte reli-
gieux de l'Eglise romaine leur a fait inventer
plus de mensonges, d'histoires malicieuses
cl de calomnies, que les catholiques de tous
les siècles n'ont commis de fraudes pieuses
en ce genre. La différence qu'il y a, c'est
que les pasteurs de l'Eglise ont toujours
veillé et veillent encore avec le plus grand
soin pour prévenir et pour empêcher toute
espèce d'abus dans le culte, au lieu que
chez les protestants personne ne se croit
obligé d'empêcher les impostures, les four-
beries , les reproches calomnieux et les
vieilles fables que l'on renouvelle tous les
jours parmi eux contre les prétendues su-
perstitions de l'Eglise romaine. Dans le fond,
les superstitions, <]Uoique condamnables, ne
nuisaient qu'à c(;ux qui avaient la faiblesse
d'y tomber; mais le zèle furieux dont les
protestants ont été animés pour les détruire,
a produit les profanations, le pillage, les in-
cendies, les violences, les massacres, et a
fait couler des ruisseaux de sang, surtout en
France, pendant près de deux siècles; et si
les calvinistes avaient encore assez de far-
ces, ils recommenceraient ces scènes san-
glantes dont le souvenir nous fait frémir.
Nous ap[ilaudissons volontiers aux sages
réllexions de l'abbé Fleury : qu'il faut user
de prudence et de discernement dans le choix
des reliques, ne pas donner trop de confiance
à celles mêmes qui sont les plus authenti-
ques; ne pas les repardercomme des moyens
infaillibles d'attirer sur les particuliers et
sur les villes toutes sortes de bénédictions
spirituelles et temporelles. Nous disons avec
lui: «Quand nous aurions les saints même
vivants et conversant avec nous, leur pré-
sence ne nous serait pas plus avantageuse
que celle de Jesus-Christ; elle ne sulfirait
pas pour nous sanctifier; il le déclare lui-
même : Vous direz au père de famille : Nous
avons bu et mangé avec vous, cl vous avez
ennei(/né dans nos places; il vous répondra:
Je ne vous connais pas. » Luc, c. xm, v. 26.
C'est aussi l'esjirit des décrets du concile de
Trente louchant le culte des saints, de leurs
images et de leurs reliques. Thiers, Traité
des superstitions, 1" part., 1. iv, c. l, montre
les abus que l'on peut commettre dans l'u-
sage des reliques, [oy. Saint, IUartïr, etc.
REM 12e
REMISSION. Ce terme a divers sens dans
l'Ecriture sainte. 1» Il signifie la remise des
dettes et l'abolition de la servitude, Levit.,
c. xxv, V. 10, il est dit en parlant du jubilé :
« Voiis publierez la rnnission générale à
tous les habitants du pays. » En effet, dans
l'année sabbatique ou du jubilé, les Israé-
lites, parla loi, étaient affranchis do leurs
dettes ; ils rentraient dans la possession de
leurs biens, et la liberté était rendue à ceux
qui étaient tombés dans l'esclavage. Dans
saint Luc, c. iv, v. 18, Jésus-Christ s'est ap-
pliqué ces paroles d'Isaïe, c. i.xi, v. 1 : L'es-
prit de Dieu est sur moi... il m'a envoyé an-
noncer l'affranchissement aux captifs..,, et
Vannée favorable du Seigneur. Dans le style
ordinairec'élait l'année jubilaire; mais dans
la bouche du Sauveur, ces paroles annon-
çaient au genre humain tout entier une ré-
mission ou un alTranchissement bien plus
important que celui qui était accordé aux
Juifs dans l'année du jubilé. Plusieurs au-
tours ont remarqué que l'année de la mort
de Jésus-Christ fut une année jubilaire, et
que ce fut la dernière, parce que Jérusa-
l;m fui détruite, et la Judée dévastée par les
Romains avant la cinquantième année sui-
vante. — 2' Rémission, I Macfinb., c- xni, v.
3'*, signifie remise ou exemption des impôts.
— 3" Ce mot désigne encore l'abolition de
la faute ou de l'impureté légale qu'une per-
sonne avait contractée, et qui s'elTaçait par
des purifications, par des offrandes, par des
sacrifices. Dans ce sens saint Paul dil, Hehr,,
c. IX, V. 22, que dans l'ancienne loi, il n'y
avait point de rémission sans effusion de
sang. — 4° Mais dans l'Evangile, r^in/ssion se
prend ordinairement pour le pardon que
Dieu nous accorde du péché. C'est une ques-
tion entre les protestants et les catholiques
de savoir en quoi consiste cette rémission:
les premiers disent que c'est en ce que Dieu
ne nous impute pas le péché, et nous imi)ule
au contraire la justice de Jésus-Christ. L'E-
glise catholique a décidé contre eux qu'elle
consiste dans la grâce sanctifiante que Dieu
veut bien rétablir en nous, grâce qui est in-
séparable de l'amour de Dieu ; aiusi l'a en-
seigné saint Paul, lorsqu'il a dit : « L'amour
de Dieu a été répandu dans nos cœurs par
le Saint-Esprit qui nous a été donné (Rom.
V, 5). Voy. Justification.
REMMON ou REMNON, nom de la divi-
nité qu'adoraient les peuples de Damas.
Quelques interprètes ont cru que c'était Sa-
turne, dieu révéré chez plusieurs peuples
orientaux ; il est plus probable que c'était
le soleil, que ce nom est formé de rem, élevé,
et on, soleil, en é5;yptien.
REMONTRANTS. Voy. Arminiens.
REMPHAN, nom d'un faux dieu. Pour re-
procher aux Jniis leur iJolâtrie, le Seigneur
leur dit par le prophète Amos, chap. V, v. 25 :
« Alaison d'Israël, ne m'avez-vous pas offert
des dons et des sacrifices dans le désert pen-
dant quarante ans? Mais vous avez porté
les tentes de voire Moloch et les images de
votre Kijun, et l'étoile des dieux que vous i
vous êtes laits. » Les Septante, au lieu de i
m
REN
REO
123
Kijnn, ont mis liœphnn. Dans les Actes des
apôtres, c. vu, v. 'i2, saint Etienne rcpole le
lexle (J'Atnos suivant la version des Sep-
tante; il (lit ans Juifs : « Vous avez porté
la tente de Moloch et l'astre de voire dieu
Bemphan, figures que vous avez faites pour
les adorer. » Spencer et d'autres pensent
que hijun en hébreu, Rccplum en éityp'ien,
désignent Saturne, astre et divinité, il y a
plus d'apparence que Molor.li, Kijun, Kim,
Chevan, Rœplwn ou lîemplian, sont diffé-
rents noms du soleil, li est inconleslable que
cet astre a été la principale divinité des dif-
férents peuples orientaux, comme Job nous
le fait assez entendre ; et l'on ne voit pas
pourquoi ces peuples se seraient avisés d'a-
dorer Saturne, planète qui n'est guère con-,
nue que des astronomes. Voy. la disserC. de
dom Calmet sur VidoUUrie des Israélites
dans le désert; Bible d'Avignon, t. XI, p. 44-7.
RKNÉGAT. Vny. Apostat.
RENONCEMENT. Jésus- Christ dit dans
l'Evangile [Matth. xvi, 24) : Si quelqu'un
veut venir après moi, qu'il renonce à lui-
même, qu'il porte sa croix et qu'il me suive.
Est-il donc possible de renoncer à soi-même,
disent quelques incrédules ? Sans l'amour
de soi, l'homme serait stupide, ou serait
tenté de se détruire. Mais il y a un amour
propre bien réglé et bien entendu auquel
Jésus-Christ ne nous ordonne pas de renon-
cer ; il y a aussi un anionr de soi excessif
et mal réglé, qui tourne à notre propre dom-
mage, et c'est celui dont il faut nous dépouil-
ler. Le Sauveur s'explique assez en ajou-
tant : Celui qui rjoudra sauver sa vie lit per-
dra, et celui ijui la perdra pour moi la re-
trouvera. Pour suivre Jésus-Christ en qua-
lité de son disciple, il fallait être prêt à tout
quitter pour se livrer à la prédication de
l'Evangile, même à souffrir la mort pour en
aliesler la vérité, comme ont fait les apôtres.
Renoncer ainsi aux choses de ce monde et à
l'amour de la vie, ce n'était pas renoncera
l'amour bien réglé de soi-mêoie : au con-
traire, c'était consentir à perdre une vie fra-
gile et passagère pour en acquérir une éter-
nelle (Jonn. XII, 25).
I)è^ la naissance de l'Eglise l'usage s'est
établi que les catéchumènes, prêts à rece-
voir le baptême, étaient obligés de renoncer
solennellement au dcnion, à ses pompes et
à ses œuvres, avant de faire leurs profes-
sions de foi. Par là ils renonçaient non-
seulement à l'idolâtrie, que l'on regardait
connue le culte du démon, mais aux jeux,
aux spectacles, aux plaisirs scandaleux que
se permettaient les païens, à toute espèce
<ie pé< hé, que Jésus-Christ appelle les a?u-
vres du démon. Ttriullien, saint Cyrille de
Jérus.ilem et d'autres Pères de l'Eglise, par-
lent de ce renoncement, et font souvenir les
fidèles des obligations qu'il leur impose.
Saint Jérôme nous apprend que, pour re-
noncer au déii'on, le catéchumène ^e tour-
nait du côté de l'oicidinl, qui est le i ôlé de
la nuit et des ténèbres ; que pour faire la
profe>sion de foi, il se tournait du rôle de
i'urieul, pour adorer ainsi Jésus-Christ, lu-
mière du monde et soleil de justice. C'est
aiu'ii que l'Eglise multipliait les cérémonies
pour instruire les nouveaux enfants qu'elle
recevait dans son sein. Sage conduite, qui
ne méritait pas la censure de ses enfants
rebelles. .Ménard, Notes sur le Sacrament. de
S. r.rég., p. UO.
Il y eut dans les premiers siècles divers
hérétiques nommés apostoliques, apostac-
titis, enstathicns, saccophores. qui enseignè-
rent que tout chrétien, pour faire son salut,
était obligé de renoncer à tout ce qu'il pos-
sédait cl.de vivre avec ses frères en commu-
nauté de biens. Ils furent condamnés par le
concile de Gangres, l'an 323 ou 341, et lei>r
erreur fut taxée d'hérésie. En effet, cette
doctrine ne pouvait servir qu'à rendre la
religion chrétienne odieuse, et à en détour-
ner les païens. Ces hérétiques furent aussi
proscrits par les lois des empereurs, Cod.
Théod., 1. XVI, t. V ; de Uœrel., leg. 7 et 11.
Ils abusaient évidemment de ces paroles de
Jésus- Christ [Luc. xiv, 33) : Si quelqu'un
d'entre vous ne renonce pas à tout ce qu'il
possède, il ne peut pas être mon disciple. On
peut être chrétien et très-attaché à la doc-
trine du Sauveur, sans être son disciple
dans le même sens que le.s a;>ô(res, sans
être destiné comme eux à prêcher l'Kvan-
gile à toutes les nations. Pour remplir cette
vocation, les apôtres étaient obligés sans
doute de renoncer à tout, à leur fortune, à
leur patrie (Matth, xix, 27) ; mais c'était
une absurdité de vouloir obliger tout chré-
tien à faire de même. Dans la suite plu-
sieurs chrétiens fervents, dans le dessein
d'imiter les apôtres, de servir Dieu plus
parfaitement, de se consacrer à l'utilité
spirituelle de leurs frères, ont renoncé à
toutes choses, ont vécu dans la solitude, se
sont exercés à la prière, à la méditation, au
travail ; mais ils n'en ont pas fait une loi
aux autres. Il est constant qu'un Irès-grand
nombre de moines, soit anachorètes, soit cé-
nobites de l'Orient et de l'Occident, ont été
missionnaires et ont contribué beaucoup à
la conversion des païens. Il faut donc louer
le courage avec lequel ils ont renoncé à tout
comme les apôtres, afin de se rendre utiles
à tous.
RÉORDINATION, action de conférer les
ordres à un homme qui les a déjà reçus,
mais dont l'ordination a été jugée nulle.
Selon la croyance de l'Eglise catholique, le
sacrement de l'ordre imprime à ceux qui le
reçoivent un caractère ineffaçable, par con-
séquent il ne peut pas être réitéré; mais il
y a dans l'histoire ecclésiastique plusieurs
exemples d'ordinations dont la validité pou-
vait seulement paraître douteuse, et qui ont
éié réitérées. Ainsi au viii* siècle, le pape
Etienne lit réordonna les évéques (|ui
avaient été sacrés par (Constantin, son pré-
décess(!ur, et réduisit à l'él.it des laï(]ues les
prêtres et les diaeres que celui-ci a» .lit or-
donnés ; il prétendit que celle ordination
était nulle. Quelques tliéoiogiens oi.l cepen-
dant cru que le pape Etienne n'avait fait
autre chose que réhabiliter les évêques dans
IW
REP
REP
130
kuirs fondions. Quant aux ordinations fai-
tes par le pape Formose, par Pliotius, par
lies évéques' schismatiques, intrus, evcom-
inuniés,simuniaques, coaiine il y en eut heau-
roup dans le \i° siècle, il est de principe
parmi les théologiens qu'on ne les a jamais
regardées comme nulles, mais seulement
comme illégitimes et irrégulières ; de ma-
nière que l'on ne pouvait légitimement en
l'aire les l'oiictions. Conséquemment l'Eglise
d'Afrique condamna la conduite des dona-
lislcs qui réordonnaient les ecclésiastiques
en les admettant dans leur société ; mais
elle n'en fit point de même à leur égard, les
évéques donalistes qui se réunirent à l'E-
glise furent conservés dans leurs fonctions
cl dans leurs sièges.
L'usage de l'Eglise romaine est de réor-
donner les anglicans, parce qu'elle prétend
(|ue leur ordination est nulle, et que la forme
eu est insuffisante. Les anglicans eus-mèmes
sont dans l'usage <le réordonner les minis-
tres luthériens et calvinistes qui passent
dans leur communion, parce que ceux-ci
n'ayant reçu leur vocation que du peuple,
l'imposition des mains qui leur a été faite
ne peut élre censée une oniinalion. C'est un
des obstacles qui dctourneiit ie plus les lu-
thériens et les calvinistes de si^ réunir à l'E-
glise anglicane; ils ont de la répugnance à
se soumettre à une réordinntion qui suppose
la nullité de leur première ordination et de
toutes les fonctions ecclésiasti<|ues qu'ils ont
remplies. Les anglicans en usent de même
à l'égard des prèires callioli(|ues qui apos-
tasient, du moins c'est ce qu'assure le père
le Quien ; mais celte conduite n'a aucun
fondement. Car enfin, de quelque erreur
que les anglicans accusent l'Eglise romaine,
ils ne peuvent nier la validité des ordres
((u'elle administre, sans tomber dans l'er-
reur des donalistes et sans se condamner
eux-mêmes, puisque, si leurs premiers évé-
tjues ont été ordonnés, ils ne l'ont pas clé
ailleurs que dans l'Eglise romaine. Ou pré-
tend qu'il y a lieu de doulcr si la succession
n'a pas été conservée parmi les évéques lu-
thériens de Suède et de Danemark.
♦RÉPAlUTEUn. Adam av:iit eniraiiié iC genre
liuiiiaiji dans sa eliuie. Il lallail, puur relever les
ruines ainoinelces, un réparaleiir puis^aut; il hjus
a été donné dans la persoiuie de Jésus-Chiisi. Nous
avons exposé dans divers articles de ee diclioiiii.ur!;
la nature cl rexcellence de la rédenipiion. il y a nu
point que nous Jevoiis loucher ici, c'est la croyance
générale à un libérateur. Il se trouve dans les Dé-
munslrulioiis évanijeliques, un ouvrage bien précieux
sur ce sujet, c'est la liédemplioii aunoucée parles tra-
ditions. L'ouvrage est trop long pour être analysé
ici. Nous nous conlenioiis île citer un extrait de
\'l''.ssai sur rindifféreiice, qui présente parfaitement
la question. No is supposons ici ce que nous avons
consulté au mot Origimll (péché), la croyance du
genre liuinain à la déchéance de riioiiinie.
I Noire premier père ayant intruduii le péché
dans le monde, Dieu lui promit un lihéraienr ipii
devait venir dans le temps pour sauver loiis les
hommes; cette promesse, l'espérance du genre hu-
main, s'est transuMse par tradition, étions Ijs peu-
ples uni uiieuduce uiedialeur, ce personnage iu}S-
térieux et divin, qui devait leur apporter le salut et
les réconcilier avec le Créaleur.
t Malijré l'ignorance et la dépravation introduites
par l'idolâtrie, dit un savani, la tradition de celle
promesse s'est encore assez, conservée, pour que l'on
en aperçoive des traces cheï les anciens. L'opinion
qui a régné parmi tous les peuples, et '/!ii a en cours
chez eux dès le commememeut, ilc la nécessiié d'un
riiedialeur, me parait en être la suite. Tous les
liommes, convaincus de leur ignorance et de leur
misère, se sont jugés trop vils et trop impurs pour
oser se flatter de pouvoir communiipier par eux-mê-
mes avec Dieu; ils ont été universellement persua-
dés qu'il leur lallail un médiateur, par leipiel ils
pussent lui préjenler leurs vœux, en être favorable-
inent écoutés, et recevoir les secours dont ils avaient
besoin. Mais la révélation s'étant obscurcie chez eux,
et les hommes ayant perdu de vue le seul médiateur
qui leur avait été promis, ils lui ont substitué des
médiateur:; de leur propre choix; de là est venu
le culte des planètes et des étoiles, qu'ils (ml regar-
dées coninie les tabernacles et la demeure des inlel-
ligences qui en réglaient les mouvements : prenant
ces intelligences pour des êtres mitoyens enlie Dieu
et eux, ils ont cru qu'elles pouvaient leur servir de
médiateurs; en conséipience, ils se sont adressés à
elles pour entretenir le commerce toujours néces-
saire entre Dieu et sa créature ; ils leur ont ollerl
leurs vœux et leurs prières, dans respéiance que,
par leur canal, ils obtiendraient de Dieu les biiMis
qu'ils lui demandaient. Telles ont été les idé's géné-
ralement reçues parmi les peuples de tout pays et de
ton! temps. Mais ceux qui étaient plus instruits des
premières traditions du genre hiiiiiain ont parfaite-
ment senti rinsulhsance de tels médiateurs ; ils ont
non-seulement désiré d'éire instruits de Dieu, ils ont
môme esjiéré que l'Etre suprême viendrait nn jour à
leur secours, qu'il leur enverrait un ilocteur qui dis-
siperait les ténèbres de leur ignorance, qui les éclai-
rerait sur la nature du ciille (]u'il exige, et qui leur
fournirait les moyens de réparer la nalure corroin-
liue. I (L'abbé Migiiot, Mém. de CAcad. des Jnscrip,,
t. LXV,p. 4et 5.
« Le savant l^iide.iiK leconnait aussi que < la né-
cessité d'un niédiaieur entre Dieu et les hommes
était, depuis le cummenceinenl, une opinion régnanle
parmi tous les peuples. » {Utst. des Juifs, l" part.,
liv. m, tom. I, pag. 593. Paris, iliU.)
t Job, plus ancien <|ue Moïse, et Iduméen de na-
tion, mettait toute SdU espérance dans ce médiateur
nécessaire, i|ui éiait eu même temps le libérateur
promis. I Je sais que mon Kedenipleur esi vivant,
ei que je ressusciterai de la terre au dernier jour, et
(pie je serai de nouveau revêtu de ma cliair, et dans
ma chair je verrai mon Dieu; je le verrai moi-
même et non pas un autre, et mes yeux le contem-
pleronl : celle espérance repose dans mon sein. >
(Job. XIX, iSet 27.) Le tradition du Uédempteur
répandue, comme on le voit, en Orient, dés les pre-
uiieis âges, remoiiiait par Noé cl les patiiarclies,
jnsipi'à l'origine du monde, et pour prévenir l'oubli
où elle aurait pu louibcr peut-être. Dieu la rappe-
lait aux hommes, dans les temps anciens, par des
prophéiies successives. C'est ainsi que le lilsdeiléor
prêtre du vrai Dieu, comme il parait, lévélantaux
nations sa parole, la doctitne duTrés-Haul, et les
viiions du 'fout-Puissanl , s'écriait quinze siècles
avant Jesns-Chri-t : < Je le verrai, mais non à pré-
sent; je le cunteinpleiai, mais non de ptès. L'étoile
s'élèvera de Jacob, et le sceptre d'Israël. De Jacob
sortira celui qui doit régner. > (Numer. xxiv, 15,
lU, 17, 19. Les termes niêines de la propliélie mar-
quent clairement qu'elle se rappurie à une croyance
antérieure et à un personii.a;4e connu, maiscnveioopé
(l'une obscuiité mystérieuse-; car, avant l'accom-
piissemeiit des promesses, les hoiiime^ ne pouvaient
ni ue dcvaieut avoir du Mesaie iiue connaissauco
131
REF
REP
132
aussi parfaite qu'après sa vernie. Cependant Joh l'ap-
pelle Die» très exprcssémenl, et il indique que ce
Dieu sera revêiu d'un coips, puistiu'il le verra dans
saehair, et quasesyeux le eonlempleronl.
I Eu annonçant l'apparition d'un Sauveur victo-
rieux, le Tfès-I!aul, dit Faber, voulait enipêclior que
les nations lomhassent dans le désespoir on dans
l'ignorance. Nous trouvons, en effet, ([u'uite vive
atienie d'un puissant libérateur et rcparaieur, vain-
queur du serpent, et Fils du Dieu suprèu)e, atlonle
dérivée eu partie de la prophétie de Balaani, et en
partie de la tradition plus ancienne d'Abraham et
de Noé, ne cessa jamais de prévaloir d'une manière
plus ou nioins précise et distincte, dans toute l'éten-
due du monde piïen, jusqu'à en que les mages,
guidés par un météore surnaturel, vinrent d'Orient
clierclier Véioile destinée à relever Israël, et h ren-
verser l'idolilrie. • (//orœ .VosflîVa'; or a disserta-
tion on ihe credibility imd llieology of ihe Penia-
leucli ; by George St;inley Faber, vol. Il, sec. i,
cliap. H, p. 9S, seconde éJit., Londnn, 1818).
L'idolâtrie n'était presque tout entière qu'une cor-
ruption, un abus du dogme mêuic de la médiation,
et elle prouve invinciblement la vériic de ce dogme,
lié d'une manière inscparablr à celui de la dégrada-
tion de notre nature, coumie la multitude des remè-
des ridicules et impuissants prouve la réalité des
maladies qui nous aliligenl, et le besoin senti d'un
remède eflicace. Les dieux des païens, dit Beanso-
bre, n'éiaieni autre chosei;ue des médiateurs auprès
du Dieu supiénic, ou tout au plus des ministres
pléiiipoientiaires, charges de dispenser ses grâces à
ceux qui en éiaient dignes. (Beausobre, Hisi. du
Manich-, liv, is, ch. 5, toni. Il, pag. 609.) Les
Zabiens ou Sabéens étaient dl\isés en plusieurs sec-
tes ; mais elles reconnaissaient toutes la nécessité
de quelque médiateur entre l'homme et la Diviniié.
(Urucker, Hisl. crit. philos., liv. ii, cap. 5, tom. I,
p. i-li.) Les Egyptiens enseignaient aussi, suivant
Hermès, cilé \av Jamblique, q(u; le Dieu suprême
avait proposé un autre Dieu comme chef de tous
les cspriis célesies ; que ce second Dieu, qu'il ap-
pelle condiicieur, est une sagesse qui triuisforme et
converiit en elle toutes les intelligences. • (Jam-
bliq., de Mijst. jEgijpl., p. 154, Lugd., 155-2.)
« Il est n)anilesté, observe Hamsay, que les Egy-
ptiens admelt.iient un seul principe et un Dieu nii-
loyeii semblable au Mithras des Perses. L'idée d'un
esprit préposé par la Divinité suprême pour êire le
chef et le conducteur de tous les esprits, est très-
ancienne. Les docteurs hébreux croyaient que l'àme
du Messie avait éié créée dès le coùimencemeni du
monde, et proposée à tous li s ordi'cs des inlellineu-
ces. » {Disc, sur la Slijthologie, p. 23.)
f Parmi les difl'ér. nis Hermès révérés en Egypte,
il y en avait un que les Chaldéens appelaient Dlion-
vanui, c'est-à-dire le Sauveur des liomines. < Ce sur-
nom, obseivc d'ilerbelol, pourrait fort bien convenir
au patriarche Joseph, que les lOuypiiens (|ualilicrenl
Psontlium Pliaiiees, ce qui signilie dans leur langage.
Sauveur du monde; d'où il résulte que ces peuples
attendaient un Sauveur, et qu'ils diunuienl ce litre
d'avance à ceux desquels ils recevaient de grands
bienfaits, ignorant celui qui devait porter ce nom
pur excellence. » (Bibtiotli. orient. , art. Hermès,
lom. 111, p. 197.)
I II y a, dit. Plutarque, une opinion de la plus
li.iute antiquité, et qui a passé des théologiens et des
législateurs aux poêles et aux philosophes ; l'auieur
en est inconnu, mais elle repose sur une foi cou-
slanie et inébranlable, et elle est consacrée non-
seulement dans les discours et dans les iradiiions du
gcnie humain, mais encore dans les inystèies et
dans les sacrilices, chei les Grecs et chez les bai ba-
rcs universellement. > (De Isid. et Osirid., Uper.,
p. ôo:-.)
« Cette opinion, c'est que l'univers n'est point
abandonné au hasard, et qu'il n'est pas non plus
sous reinpire d'une rnisoii unique; mais Mu'il exisie
deux principes vivants, l'un du bien el l'autre du
mal ; le premier qu'on appelle Dieu, e. le second
que l'on appelle dcmoii. (Ibid.) Plularque ajoute que
Zoroasiie donne au bon principe le nom d'Oromaze,
et au mauvais le nom d'Arimane; et qn'enlre ces
deux prineipes est Miihra, que les Perses appellent
le médiateur , el à qui Znroastre ordonne d'offrir des
sacrifices d'impéiration el d'action de eràces. Les
livres Zends cnnliraieni le léinoii.'nage de Plularque.
« J'adresse, y est-il dit, ma prière à Mitlira, ipie le
grand Ormiizd a créé médiateur sur la montagne
élevée en laveur des nonibreus'-s âmes de la terre, i
{liound-Deltcscli, Jescht de Millira, 12» Cardé.)
< Miihra, observe Anquetil, est mitoyen, c'est-à-
dire placé enire Ormuzd et Ahriinan, parce qu'il
combat pour le premier contre le second ; il est
médiateur entre Ormuzd, dont il reçoit les ordres, et
les hommes qui sont confi ;s à sessoins. {Suit, tliée-
logique des Mages, e[ii,, Mém. del'Acad. des hiscript.,
tom. LXI, p. 2;)8.1 Le génie de la droilure accom-
pagne Mitlira. {Ibid., t. LXIX.) Il est appelé dans plu-
sieurs inscriptions Dieu invincible (Spanlieim, ad.
Jttl. Cœs., p. 141). jDieH (ou(-p!tlssnn( (Grnter, p. 54,
n. 6). Les Oracles cliulJoiques, qui contiennent la
doctrine de l'école d'Alexandrie, el oii il est fait une
allusion continuelle aux prin('i;.es de Zoroastre, dis-
tinguent deux intelligences, l'une principe oe toutes
choses, et l'autre engendrée de la première. Celle
seconde intelligence, « ijui le l'ère n donné le goii-
verncmeni de l'univers (Stanley, Hist. Pliitosopli., c.2),
est le Démiurge des Grecs (S. Irénée, lib. n contra
hœrcs., c. 25 et 28), et suivant l'iéthon, le Mitlira
des Perses (Pleth. Comment, in orac. chald.). Mitlira
est en eflét établi par Ormuzd sur le monde pour le
gouverner (Anquetil du Perron, Méni. de l'Acad. des
Inscript., lom. LXI, p. 299): il vient de lui; et l'on
voit dans les livres Zends une parole ipii vient du
premier principe «qui était avant le ciel, avant l'eau,
avant la terre, avant les troupeaux, avant lesarbres,
avant le feu, fus d'Ormuzd ; avant les dews, les kliar-
feslers (productions) des dews, avant tout le monde
existant, avant tous les biens, tous les purs germes
donnés par Ormuzd. i (Idem, ibid., t. LXIX, p. 177.)
Son nom est Je suis, i Je le prononce coniimielle-
ment et dans toute son étendue, dit Ormuzd, el l'a-
bondance se multiplie, i {Ibid., p. 176 et 177.)
< iVhriniaii, balançant un moment entre le bien et
le ma! ; « Quel esi, dit-il à Ormuzd, cette parole qui
doit donner la vie à mon peuple, qui doit l'augmenter,
si je la regarde avec respect, si je fais des vœux avec
celle parole ? i Ormuzd lui répond ; a C'est moi qui,
par celle parole, augmente le behescbt(leciel). C'est
en legardant celte parole avec respect, en faisant des
vœux avec cette parole, que tu auras la vie et le bon-
heur, iihriman, maître de la mauvaise loi. i {Ibid,,
p. I;j2 et lîi5.) Celle parole meV/iafrice (|ni, selon la
doctrine des Perses, aurait pu sauver Ahrimaii lui-
même, et son peuple, s'ils avaient voulu l'invoquer
ou lui obrir; cette parole engendrée de Dieu avant
tons les temps, et dont le nom est Je suis, ressemble
btaucoup au Logos ou au Verbe de Platon, qui a eu
évidemment queiipie notion obscure de la piiiraliié
des Personnes divines, et qui attendait, avec tous les
peu|iles, un Dieu libéraietir qui devait sauver les liom-
nies el leur enseigner le véritable culte. Ce Dieu que,
d.ins le Banquet, il apiielle ('amoiir, el qui, suivant
Parinéniile et les anciens poêles, avait été engendré
avant tous les dieux (Plal., in Conviv., Op. lom. X,
p. i77, éd. IJipon.), participe à la nature de Dieu et
à la nature de l'iiouime, de sorle qu'il est comme
le centre d'union et le lien universel de tou-
tes cbo-es. C'est de. lui ipie proeèdent l'esprit pro-
phétique, le sacerdoce, les sae.ri lices cl les expia-
tions (Biucker, Hist, crit. pliiloi., lom. Il, p. i A).
Plein di! bienveillance pour les hommes, il vient i
«3
REP
RE1>
i34
Imir secours, il est leur médecin ; et qiianii il les aura
guéiis, le genre Ijiiniaiii jouiia du plus liaul degré
debmilieiir. (l'Ial., Coiitii)., oper. toui. X, p. 2U6.)
€ C'est ce Dieu qui, comme il e--ldii dans cerlnins
lers, donne la paix an qeme humain. H inspire la dou-
ceur et chasse l'inimitié. Miséricordieux, bon, révéré
des s:iges, admiré lics dieux, ceux qui ne le possè-
dent pas doivent désirer de le posséder, et ceux qui
le possèdent, le conserver préeii'usenicni. Les gens
de bien lui sont cliers, et II s'éloigne des méolianls.
Il nous soutient d ins nos travaux, il nous rassure
dans nos craintes, !( ijoueerne nos dédis et notre rai-
ton ; il est le SnuVtur par excellence. Gloire des dieux
et des hommes, et leur chef ti es beau et très-bon,
nous devons le suivre toujours, et le célébrer dans
nos hymnes, i {Ibid., p. 218 et 210.) Parlant ailleurs
des sacrifices, des purifications, du culte divin, ISul,
dit-il, ne nous enseignera quel est te vériliibte, si Dieu
lui-même n'est son tjuide (Epinum., Oper. loni. IX,
p. 200). 11 croyait qu'un envoyé de Dieu pourrait
seul réformer les mœurs des hommes. (Apol. Sacral.)
« Dans le second Alcibiade, Soerate, après avoir
montré que Dieu n'a point d'égard à la iniiltipliciié et
à la magnificence des sacrifices, mais qu'il regarde
uidquenient la disposition du cœur de celui qui les
offre, n'ose pas entreprendre il'expliquer quelles sont
ces dispositions et ce qu'il faut demander à Dieu,
f 11 serait à craindre, dii-il, qii'ijn se iroiniâi en
dcmandanl ;< Dieu de viirilables maux, que l'on pren-
drait pour des biens. Il faut donc allendie jusqu'à ce
que quelqu'un nous cnsiigne (|ui;ls doivent èire nos
sentiments envirs Dieu et envers les hojunies. —
Alcibiade. Qacl sera ce maîiie, et (piund viendra-t-il ?
Je verrai avec une gr;inde joie cet homme, quel qu'il
soit. — Sacrale. C'est celui « qui dès à présoil vous
êtes cher; mais pour le connaiire il faut que les té-
nèltres qui ollusqiient votre esprit, et qui vous empê-
chent de discerner clairemeni le bien du mal, soient
dissipées ; de môme que Minerve, dans Homère ,
ouvre les yeux de Diomède, pour lui faire distinguer
le dieu caché sous la ligure d'un homme. — Alcibiade.
Qu'il dissipe donc celle nuée épaisse; car je suis prêt
à faire tout ce qu'd m'urdonnera pour devenir
meilleur. — Sacrale. Je vous le dis encore, celui dont
nous parlons, désire infiniment voire bien. — Alci-
biade. Alors il me semble que je ferai mieux de re-
picilre mon sacrifice jiisipi'au temps de sa venue. —
Sacrale. Ceriainemeiit, cela est plus sûr que de vous
exposer à déplaire à Dieu. — Alcibiade. I£h bien!
nous offrirons des couronnes et les dons que la loi
prescrira, lors.|ue je verrai ce jour désiré; ei j'espère
de la boulé des dieux qu'il ne lardera pas à venir, i
(IMal., AUibiad. '2, oper. toin. V, p. 100, 101, 1(12.)
« On volt, dil r.ibbé Foiiclier, par ce dialngue, que
l'allciiie ceriainc d'un docteur u:iiver-el du geme
I uiiiain était un dogme leçu i|ui ne soull'rait poiiil de
conlr.idictioii. i ( Màn. d.' l'Acad. des Inscripi, ,
tom. LXXI, p. m, noie.) Alcibiade parle de cet en-
voyé célesie comme <run homme; Socraie insinue
cbiiremeui qu'un Dieu sera c:iché sous la figure de
cet homme; et dans le rioi^i', Platon l'appelle Dieu
Irés-expresséineiil ; < Au commencement de ce dis-
'cours, dit-il, invoquons le Dieu Sauveur, afin que,
par lia cnseigiiemenl extraordinaire et merveilleux,
il nuis .>anve en nous iiisirtiisant de la dorlrine véri-
table. I (Plal., Tiin., oper. loin. XXI, iiag. ôil.)
Diucker se demande où Platon avait piiité ces idées,
et il en voit la source dans l'aniiiiue iradilion d'un
M dialciir qui devait réunir en lui les deux natures
diwi c ei humaine. (Uist. crii. pliilos., t. 11.) Il ob-
serve au même lieu, que loiiie la philusopliie éclec-
li'liie éiait fondée sur une fausse théorie de la niédia-
l0:i.
I Piirmi les imms que les anciens doniiaiint à la
D viiiiié, et (iii'Ansioie a recueillis, se Mouvent ceux
i!i; Sauveur et de Libérateur. (De Mundo, c. 8, oper.
I. I.) l'orphvre reeonnaissail la nécessité d'une puri-
fication générale, il ne pouvait croire que Dieu eût
laissé le genre humain privé d'un lel remède, et il
éiait fon é de convenir qu'aucune secle de philoso-
phes, parmi les barbares ou chez les (Jrecs, ne le lui
offrait (S. August., De Civil. Dei, 1. x, c. Ô2, ii. 1;
oper. loin. VII, col 268.) Jamblique, se confouiiant
à l'ancieniie tradition, avoue que nous ne pouvons
connaître ce que Dieu demande de nous, à moins que
nous ne soyons instruits, soit par bd, soit par quel-
que peronnnc avec laquelle il ail conver>é. {De Yiia
Pijtlioqnrœ, cap. 28.)
« On croyait uiiiversellcment, comme l'a prouvé
l'abbé Foiiclier dans une siiile de mémoires fort cu-
rieux, aux lh''oplninit'spe'nmnenies.t\m ne sont autre
chose que la manifestation d'un Dieu dans un corps
réel et tellement propre à lui, qu'il nait comme les
autres liommi";, croit, vieillit et meurt cimime eux,
soit de mort naturelle, snii de mort violeale. « Par
quelle analogie, dil l'auieur que nous venons de citer,
les peuples ont-ils donc éié conduits à l'idée d'un
Dieu qui s'incarne, qui naît comme nous ; qui, malgré
sa puissance, est en bulle à la misère, aux mauvais
Iraiiements, sujet aux mûmes besoins (|ue les autres
hommes, et qui comme eux ilevient enfin vieiime de
1.1 mort?... L'accord de tant de nations, dont plu-
sieurs ne se coniiaissaieal pas nême de nom, prouve
invincibleiiiciil que tontes avaient puisé dans une
source cominime, c'est-à-dire dans la religion primi-
tive, dont la mémoire a pu s'altérer, mais mm se
perdre tout à fail. ) (Sléin. de l'Acad. des Inscriptions,
loin. LXVI, pag. 153, 138.)
I Les païens savaient (|ue ce Dieu-Homme, qui de-
v:iit naître d'une Vierije-Mcre, selon la ir.idilion uni-
verseile (A'p/i«fr. tibeian., loin. I, pag. 50,57; —
J\liietan. Quœsl., lib. ii, cap. 15, p. 237 et sei|.),
n'était aucune des divinités qu'ils adoraieni, puisi|ue
crs dieux, et même les plus grands, Vichnoii, Baai,
Osiris, Jupiter, Odin, devaient être enveloppés dans
la [iroscription générale, quand le Dieu souverain
viendra juger l'univers, et punir ceux qui n'auront
pas profilé îles enseignements du véritable médiateur.
Méin. de l'Acad. des Inscript., tom. L.KXI, p. 407,
noie.) Dans ratienle iierpéiuelle où ils éiaienl de cet
envoyé céleste, les peuples croyaient le voir dans tous
les personnages extraordinaires qui paraissaient dans
le monde. De là celle mnllilude de dieux sauveurs et
libérateurs, que créait partout la loi dans le Sauveur
promis : c mais ces faux libérateurs ne répondant
point aux càpérances et aux besoins des hoi;imes, ils
eu aueiidaieiit sans cesse de nouveaux, i {Mém. de
l'Acad. des Inscript., tom. XXIV, p. 500), et le vrai
Messie éiait toujours, siiiis qu'elles le sussent elles-
mêmes, /u' désiré des naliuns. » (IbiU., tuin. L.WI,
p. 2S2 ; Vid. el Alnet. Qiiœst., I. u, c. 13.) A mes'ire
qii'approcliait sim avènement, une lumière exlraor-
dinaire se répauilait dans le inonde : c'était comme
les premiers rayons de VEtoile de Jacob. Elle va |ja-
raître, et Cicéroji annonce une loi éiemelle, univer-
selle, la lui de toutes les nations et de tous les temps;
un seul maitre commun, (|iil serait Dieu même, dont
le règiieall.iil commencer. (Cicer., de Republ., lib. lii,
ap. Laet., Div. Insl., lib. VI, c. 8.)
« Viigile, rappelant les anciens oracles, célèbre le
retour de la Yiertje, la naissance du grand ordre, que
va bientôt établir < le Fils de Dieu descendu du ciel.
I Li glande époque s'avance; tous les vestiges de
« notre crime étant effacés, la terre sera pour jani;iis
« délivrée de la crainte. L'Enlant divin qui doit
« régner sur le moud • pacifié, recevra pour premiers
I présents les simples Iruiis de la terre, et le serpeni
< expirera pièsdeson berceau. «(Virgile, Erlog.lV.)
l]n deuii-siècle apiès, Suéioiie et Tacite nous mon-
lient tous les peuples les yeux fixés sur la Judée,
d'oit, diseiit-ils, une antiguc el cansianle Iradilion an-
nunç.ait que devait siriir en ce lenips-là le Dominateur
du monde. < l'ercrebiierai Oriente loio velus cl con-
s.l,iiis opinio, esse in faiis, ui eo lempore Judxa pro-
155
REP
REP
136
fecli rernm noiirentur. » (Sueton., vi Vespas.) t Plii-
ribus persiiasio ineral, anliqiiis sacerdotiiin littens
contineri, en ipso lenipme fiire ni valescerel Oneiis,
proffcliqùi^ Jiila'a reriini poliieiUur. » (Tacit., Hist.,
lib. V, II. 13.) Ctille alterne étaii si vive, que, suivant
une irailiiiii!) des Juifs consignée dans le TalmuJ et
dans plii'iieui's antres ouvrages anciens, un grand
nombre de gcnlils se rendireni à Jérusalem vers l'é-
poqne de la "naissance de Jésns-Clirisl, alin de voir le
Sauveur du monde, quand il viendrait racheter la
maison de Jacol). ( Talmud. Babylon., Sanhédrin,
cap. Il, vid. Defensa de la fieligion crisli/ina, par don
Juan Josepli lleydeck, l. Il, p. 79, Madrid, 1798.) H
est parlé dans la inylliologie des Gollis, d'un premier-
né du Dieu suprême, et il y est représenlé comme une
divinilé mmienne, comme toi médialeur ailre Dieu et
l'homme. (Èdda, fab. il, note.) 11 combattit avec la
mort (Ibid., lab. 25), et il écrasa la lèle du grand
serpent {Ibid., fab. 27); mais il n'obhnt la victoire
qu'aux dépens de sa vie. (Ibid., fab. 52.)
€ Le savatit Maurice a iironvc jusqu'au dernier de-
gré d'évidence, que i des traditions iniméiiioriales,
dérivées des patriarches et ré|)aiidncs dans tout l'O-
rient, touchant la chute de riioininc et la promesse
d'un fulur n;édiateur, avaient appris à lont le monde
païen à attendie l'apparilion d'un persoiniage
illustre et sacré, vers le lemps de la venui>. deJésus-
Chrisi. > ( Maurice's Hist. o( Hiiidostan, vol 11,
îiook 4.) Fondés sur une tradilion antique, les Arabes
attendaient également un libérateur qui devait venir
pour sauver les peuples. (Bmilainvilliers, Vie de Ma-
homet, liv. 11, pag. 194.) C'étiit à la Chine une an-
cienne croyance, qu'à la reli;;ion des idoles {Siam
kitto), qui avait corrompu la religion primitive {Tchitn
kiao), succéderait la dernière religion {Moiiiao), celle
qui devait durer jusqu'à la desiruclion du monde.
(De Guignes, ilém. det'Acad. des Inscript., toin. LXV,
p. 543.) Les habitants de l'ile de Ceylan aitendaient
aussi une loi nouvelle qui devait un jour leur être
apporlée des régions de l'Oceident, et qui deviendrait
la loi de tous les Immines.
I Les livres Likiylii parlent d'un temps où tout doit
être rétuhli dans la première splendeur, par l'arrivée
d'un héros nommé liiunlsé, ipii signilie pasieur et
prince, à qui ils donnent aussi les noms de irès-sainl,
lie docteur universel, et de Vérité souveraine. C'est le
Miihra des Perses, l'Orus des Kgyptiens, et le Ijrama
des Indiens, i — c Les livres chinnis parlent même
des soulfrances et des combats de Knmtsé.... Il parait
que la source de toutes ces allégories (les travaux
d'Hercule, etc.) est une irès-aïKiemie tradition com-
mune à toutes tes wilions, que le Dieu mitoyen, à qui
elles donnent toutes le nom de Soter ou Sauveur, ne
délruirait les crimes qu'en sonlfrant lui-même beau-
coup de maux. > (Uamsay, Discours sur la Mythologie,
pag. I;i0 et 151.)
« Confucins disait que le Saint envoyé du ciel sau-
rait toutes choses, et qu^il aurait tout potivoir uu ciel et
iur la terre. [Mmilede Coniuciw-, p. i9().) Qu'elle est
grande, s'écrie-i-il, la voie du Saint! Elle est comme
rUcean; elle produit et conserve tontes choses, sa
su blmiiié louche an ciel. Qu'elle est grande et riche!...
allendoiis un hoiiiuie qui soit lel qu'il puisse suivre
celle voie; car il est dit que, si l'on n'est dimé de la
suprême vertu, on ne peut parvenir au sunimet de la
voie du Sailli, i [L'Invariable Milieu, elc, cliap. 27,
§1,6, p. 94.) Après avoir plusieurs lois rappelé ce
laiut homme qui doit venir {Ibid., ch. 29, § 3 et 4),
il ajoute : i 11 n'y a dans l'univers qii'iiii saini qui
puisse couipiendre, éclairer, pénétrer, savoiret siifljre
pour gouverner; dont la niagnanimilé, l'affabiliié et la
bonté contiennent tnus les liommes; dont réueri;ie,
le courage, la force et la consiaiice, puissent siilliie
pour commander ; dont la pureté, la gravilé, l'éipiité,
la droiture, sulfisent pour aitirer le respect ; ilont
rél"i|i!ence, la régjlarilé, ratienlion, l'exactilude,
bjriiseiil pour tout discerner. Sou c^piit vaste cl
étendu est une source profonde de choses qui parais-
sent chacune en son temps. Vaste et étendu comme
le ciel, profond cominc l'abîme, le peuple, q'nand il
se montre, ne peut n.an mer de le respecter : s'il
parle, il n'est personne ipii ne le croie; s'il agit, il
n'est personne qui ne 1 applaudisse. Aussi son nom et
sa gloire inonderont bientôt l'empire, el se répan-
dront jusque chez les barbares du Midi el du Nord,
partout où les vaisseaux el les chars peuvent aborder,
où les forces de l'hoinme peuvent pénétrer, dans tous
les lieux que le ciel couvre et que la terre snpporie,
éclairés par le soleil et la lune, lériilisés par la lo^ée
et le brouillard. Tous les êtres qui ont du s ing el qui
respirent, l'honoreront et l'aimeront, et l'un pourra
le comparer au ciel (à Dieu), i {Ibid., ch. 31, p. 106,
109.;
I M. Rémusat cite un traité fort curieux de Heli-
(jion musulmane, écrit en chinois par un auieur nni-
snlman, et on on lit ces paroles : « Le niinisire f'hi
consulta Conlïicius, et lui dit ; U maître, n'éles-vous
pas un saint homme ? il répondit : Quelque elîorl que
je fasse, ma mémnire ne me rappelle personne (|iii
soit digne de ce nom. Mais, reprit le ministre, les
irois rois (fondateurs de dynasties) n'ont-ils pas clé
saints ? Les trois rois, répondit Confucius, doués
d'une excellente boulé, ont été remplis d'une pru-
dence éclairée et d'une force invincible. Mais moi,
lihiéou, je ne sais pas s'ils ont été des saiiils. Le mi-
nistre reprit : Les cinq seigneurs n'ont-ils pas été des
saints ? Les cinq seigneurs, dit Confucius, doués d'iina
excellenie bonié, ont fait usage d'une charilé divine
et d'une justice inaltérable. Mais moi, Ktiiéou, je ne
sais pas s'ils oui été des saints. Le minisire lui de-
manda encore ; Les Irois Aiiuusies n'ont- ils pas éié
des saints ? Les trois Augustes, répondit Confucius,
ont pu faire usage de leur temps ; mais moi, Khiéou,
j'ignore s'ils ont été des saints. Le ministre, saisi de
surprise, lui dit eiilin : S'il en est ainsi, i|uel est donc
celui que l'on peut appeler SalnlV Confucius, ému,
répondit pourtani avec dcuicenr à i elle quesiinn : Moi,
Khiéou, j'ai entendu dire quf, datis les contrées occi-
dentales, il y avait { ou il y aurait) un saint homme,
qui, sans exercer aucun acte de gouvernenieni, pré-
viendrait les troubles ; qui, sans parler, inspirerait
une foi spontanée; qui, sans exécuter de change-
ment, produirait naturelle nenl un Océan d'actions
(méritoires). Aucun hoinine ne saurait dire son nom;
mais moi, Khiéou, j'ai enlendu dire que c'était là le
Yérilable Saint. » {L'Invariable Milieu, etc., note,
p. 144, 145.)
I Le P. Iniorcetta rapporte aussi, dans sa Vie de
Confucius, (|ue ce philosophe parlait d'un Saint qui
existait ou qui devait e.ricier dans l'Occident i Celte
parlicularilé, dit M. Kémusat, ne se trouve ni dans
les Kiny ui dans les Tsé chou; el le missionnaire ne
s'appuyant d'aucune autorité, on aurait pic le soup-
çonner de prêter à Confucius un langage convenable
à ses vue». Mais celle parole du philosophe chinois
se trouve consignée dans le Ssé uèn louï thsiii (Mé-
langes d'affaires et de littérature), au cha|i. 35; dans
le Chùn thânq ssè kab tchimj tsi, au chap. l"', et dans
\e Liéi-lseit thsiouàn choii. > {L Invariable Milieu, eic,
iiot., p. 143.) i/anieiir chinnis de la gluse sur le
Tchoung yoûny, dit que i le saint homme îles cent gé-
jiéraiioiis (l'ë ehi) est très-éloigné, el qu'il est dilli-
cile lie se former à son sujet une idée nette. Dans
l'aitenle où il est du saint boiume des cent généra-
tions, le sage se propose à lui-même une do trine
qu'il a sérieusement examinée, et s'il parvient !i ne
commetire aucun péché contre celle doctrine qui est
celle des saints, il ne peut plus avoir de doute sur
lui-même. ) (Ibid., p. lo8, 159.) Selon M. Uémusal,
pé chi, cent générations, est ici une expression indé-
finie qui uiarquc un long espace de temp». i .Mais,
.ijouie-l-il, un c/i! esl l'e-pace de ôOans. Cent i//i lojit
donc 3000 ans, el à l'époque où vivait Confucius, il
serait bien extraoïdiuaird qu'il eùi dit que le saïut
137
REP
REP
158
lininme éiflil allpnrln depuis 3000 ans. J'abandonne
an rpsle aux réHfjiions ilii le<'ienr ce passage, qui. .i
110 le prendre même (ini! dans le s^ens oriliiiaiie,
jirnnvp du moins qiio l'idée di! la venue d'un Saint
elail répandue à la Cli ne .lès le vi« sièile avunl l'ère
vulgaire. > (L'Jnvanable Milieu, noie, p. 1 iO.)
I La dnelrine de Confurius ei des leilrés s'accnr-
Hail, à cet i-gard, avec celle de Fue nu Xaca, adoplée
par le peuple, ncin-senl-nienl à la (dilne, mais au
Tliibel, son siège priiuipal, à la Cochinrhiiie, au
Tmiqiiin, dans le royaume de Siani, à Ceyl 'ii, et
JHsipr'au Japon. Eu ces pays idulâ res on croyaii uni-
versellement qu'un Dieu devait sauver le genre liu-
maiii en salislaisant au Dieu siiprêuie pour les pccliés
des lioiumes. {Alnet. quœsi., lib. il. c. U.) La même
iradilion existait dans le Nouveau-Monde. Les Salives
de l'Améiique disaient que le Puni envoya son (il> du
ciel pour tuer un serpent bnrnble ipn dévorait les
peuples de rOrénoque; que le lils de Pu'U vaiu(|uit
ce serpent et le tua ; qu'alors Pnrn dit au démon :
Va l'en à l'enfer, maudit; tu ne rentreras jamais dans
Uia maison. {Gumilla, toin. I, p. 171.)
c Ainsi l'aiienie d'un libérateur du genre bumaiii,
d'un Ildoime-Dieu, est aussi ancienne que le inonde,
soit que l'on C"iisiilère les emyances des peuples, les
ténxiignages des poêles et des pbilosophes, les insii-
tutions religieuses, les riles expiatoires, il est mani-
feste qu'il n'y eut jamais de tradilion plus universelle.
Malgré sa liaine [lour le cbrislianisme, Boulanger
Ini-mèine n'a pu s'enipéclicr de le reconnaiiro. Il
avoue que les anciens ailendiiicnl des dieux libéra-
leiirs qui devaient régner sous une forme humaine,
et que des imposteurs ont souvent pndilé de celle
disposition pour se faire honorer comme des dieux
descendus du ciel. Il iroiive cette opinion profonde-
inciil enr icinée dans l'e~prii do ton> les peuples, et il
en ciie des exemples frappants. {L'Anliquité dévoilet
panetutages, loin. Il, liv. iv, cli. 5.)i Les Itoiiiains,
dit-il, tiinl républicains qu'ils é aient, altendaieiil, du
temps de Cinéroii, un roi prédit par les sibylles,
lomine on le voit dans le livre de la Divinaiion de cet
orateur phi osoplie; les misères de leur répuhli(|ue
en devaient èirti les annonce^, et la mon irchie uni-
verselle la suile. C'est une aiiecdole de l'hislure ro
niaine à laquelle on n'a pis lait toute ratlenlinu
qu'elle méiile.... Les liébri>ux atlendaient lantùt
lin conquérant et tantôt un éliu indértuissable, hett-
reu\ et malheureux ; ils l'attendent encore....
I L'Oracli: de Delphes, comme on le volt dans
Pliitarque, était dépositaire d'une ancienne et seeièle
prophétie sur la luinre naissance d'un fils d'Apollon,
qui amènerait le règne de la justice; et toul h- paga-
nisme grec et égyptien avait nue inullitude d'oracbs
qu'il ne comprenaii pas, mais qui tous dé< elaieni de
inètne celle chimère iiniversetle. C'était elle qui douuail
lien à la folle Vanité de tant de rois et de princes,
qui préiendaienl se faire passer pour lils de Jupiter.
Les antres clalion^ de la terre n'ont pas nioiu' donné
dans ce- étranges visimis.... Les Cbiiiois altendeut
un Phelo; les Japonais, nu Pfyraniel nu Combailuxi;
les ^^la^■.ois un Sommoiia-Cud ,m.... Tous les Amr-
ricains atlenilaieiil du côié de l'Oi ieni, qu'un pourrait
appeler le p^/e de l'espérance de Ivutes les nalivn$, de»
enlanis du Soleil ; et les Mexicains en particulier at-
tendaient un de leurs anciens rois qui devait les re-
venir voir par le côté de l'aurore, après avmr lait le
tour du luunde. Eiilin il n'y a eu aucun peuple qui
n'ait eu son expectative de cette espèce. » {lieclier-
ches sur l'orig. du despolism. orient., sect, 10, p. 1 ili
et 117.) VoUaiie conliime celte remarque, et ses
paroles méritent une sérieuse aileiilion. < C'était, de
lemps inmiémorial, une maxime cher les Indiens et
Chez les Chinois, que le Sage vien.lrail de l'Occident.
L'Europe, au contraire, disait que le Sai;e viendrait
de l'Orieul, Tomes les nations oui toujours eu besoin
d'un Sage, t {Aiidil. à l'li:sl. qèucr., p. 13, édil.
de 1763.)
DiCT, DE ThÉOL. UOCMATIQUE. IV.
I Et sur quoi reposait celle attente générale? La
philosophie nous rappreudra-t-elle? écoulez Volney :
I Les traditions sacrées cl niytliobigiques des ic ups
anlérienrs avaient répandu dans loilic l'Asie li
croyance d'un iinind Médi leur (]n\ devait venir;
d'un Juge ftnat, d'un Sauveur (ulur, ri'i. Dieu, conijué-
ranl et législateur, qui r.iuiènerait l'âge d'or snr la
terre, et déliverait les hommes de l'empire du mal. >
(La Huinea, ou Médilalioiis sur les révotulions des eni-
pirei, p. '2"2G.)
< (.ieries, on ne trouvera pas ces Icmoignages sus-
pects. Aillai la vérl:é se snscile partout di^s léiiioins
pour confonlre ceux qui refusenl d' la renmnaitre,
quels que soient leur privation et leur .iveu^linienl.
Elle fnr> e les Icvres menLusesi lui tendre iiumiuage,
et l'erriuir à s'.iccuser et à se condamner elle-inèine.
Menlila estiniquitas stbi. (Psal. xxvi, v. 12.)t — Extrait
de VEssai sur l'indifférence, loiu. ill, ch. 28. Xoij.
âUIlNATlJllt:L.
RÉPARATION. Voy. Restitution.
REPAS. La manière doiil les patriarches,
les Juifs el les autres peuples, prenaient
leurs repas ordinaires, ne nous regarde pas;
c'est uu sujet qui appartient à l'histoire an-
cienne. Nous nous bornons à observer qu'il
ne faut pas s'étonner de ce que les Juifs
avaient de la répugnance à prendre leurs
repas chez les païens. Non-seuleinenI ceux-
ci usaient de plusieurs viandes desquelles il
n'était pus permis aux Juifs de manger,
mais ils pratiquaient dans leurs repas plu-
sieurs acles superslilieux et qui tenaient à
l'idolâtrie ; ils invoquaient les dieux, et ils
leur rendaient grâces, ils leur faisaient des
libations, souvent ils plaçaient sur la lable
les idoles des dieuv lares, ou des diiMix pa-
taiqucs, etc. Il y a bien de lapparenco que
les cérémonies reli|;ieuses, toujours mêlées
aux repas dos an(;iens, ont élo la cause pour
laiiuelle dilïéretils peuples adinellaient dil'Q-
cilement des étrangers à leurs repas.
A la vérité lorsque les juifs eurent essuyé
des guerres sanglantes et des vex liions de
toute espi'ce de la part des rois de Syrie, ils
pous-èreiil à l'excès leur aversion pour les
païens. Du lemps de Jésus-Chrisi ils ne vou-
laient pas manger avec des Samaritains
(Juan. IV, 9). Ils lui faisaient un crime de
manger avec des piiblicains et avec des pé-
cheurs (Mallh. IX, 11). Ils firent scandalisés
de ce que saint Pierre avait maagé avec des
incirconcis [Ad. xi, 3i. Mais ce n'est pas
leur loi qui leur avait inspiré celte aversion,
elle leur ordonnait le contraire; elle leur
disait : « Si un étranger se trouve au milieu
de vous, vous ne le rebuterez pas, vous ne
le maltraiterez point, vous l'aimerez et vous
en agirez avec lui comme avec un conci-
toyen : vous avez été vous-uiêmes étrangers
en Egypte. »
Quant aux repas des chréiiens, dit l'abbé
Fleury, ils étaient toujours accompagnés de
frugalilé el de modestie. Suivant la remar-
que de saint GlémenI d'Alexandrie, il leur
étail recommandé de ne p.is vivre pour man-
ger, mais de manger pour vivre ; de ne pren-
dre de nourriture qu'aulanl qu'il en faut
pour la santé et pour avoir la f irce néces-
saire au travail ; de ren;)iirer à loules les
viandes exquises, à l'appareil des grands
5
139
REP
REP
140
repas, et à tout ce qui a besoin de l'art des
cuisiniers. Ils prenaient à la lettre cette règle
de saint Paul : // est bon de ne point manger
de chair et de ne point boire de vin. Ils man-
geaient plutôt du poisson et de la volaille
que de la grosse viande, qui leur paraissait
trop succulente; mais toujours ils s'abste-
naient de sang et de viandes suffoquées,
suivant la décision du concile des apôtres,
qui a été observée pendant plusieurs siècles.
Plusieurs ne vivaient que de laitage, de fruits
et de légumes : quelques-uns se réduisaient
aux simples herbes avec du pain et de l'eau.
Comme l'abstinence des pythagoriciens et de
quelques autres philosophes était fort esti-
mée, les chrétiens se croyaient obligés de
vivre au moins comme les plus sages d'entre
les païens. Leur repas, (juelque simple et
léger qu'il fût, était précédé et suivi de lon-
gues prières, dont il nous reste encore une
formule; et le poêle Prudence a fait deux
hymnes sur ce sujet, où l'esprit de ces pre-
miers siècles est très-bien conservé. Il était
aussi accompagné de la lecture de l'Ecriture
sainte, de cantiques spirituels et d'actions
de grâces, au lieu de chansons profanes dont
les païens accompagnaient leurs festins.
Mœurs des cluéi., § 10. Quel serait l'étonne-
meut de ces premiers fidèles, s'ils étaient té-
moins du luxe et de la profusion qui régnent
dans les )cp«« des chrétiens d'aujourd'hui?
REPAS DE CHARITÉ. Voy. Agapb.
Repas du mort, cérémonie funéraire en
usage chez les an( icns Hébreux et chez d'au-
tres peuples ; c'était la coutume de faire un
repas sur le tombeau de celui que l'on ve-
nait d'inhumer, ou dans sa maison après ses
funérailles. Le prophète Baruch dit des
païens, c. vi, v. 31 : « Ils hurlent en pré-
sence de leurs dieux comme dans le repas
d'un mort. » L'usage de mettre de la nour-
riture pour les pauvres sur la sépulture des
morts était aussi commun chez les Hébreux.
Tobie exhorte son fils à meitre son pain sur
la scpuliure du juste, et à n'en point man-
ger avec les pécheurs. Saint Augustin, Ëpist.
22, observe que de son temps, en Afrique,
on portait à manger sur les tombeaux des
martyrs el dans les cimetières. Cela se faisait
fort innocemment dans les commencements,
mais dans la suite il s'y glissa des abus que
les évê(iues les plus saints et les plus zélés,
tels que saint Ambroise et saint Augustin,
eurent assez de peine à déraciner, lise fai-
sait chez les Juifs deux sortes de repas du
mort : le premier se faisait immédiatement
après les funérailles ; ceux qui y assistaient
étaient censés souillés et obligés de se puri-
Ger comme s'ils avaient louché un cadavre.
Le second se donnait à la Qn du deuil ; Jo-
sèphe. Guerre des Juifs, 1. ir, c. i. La même
coutume règne encore aujourd'hui parmi tes
gens de la campagne, dans quelques provin-
ces où les antiennes mœurs se sont conser-
vées. Toutes les personnes de la famille d'un
mort, qui ont assisté à ses obsèques, pren-
nent ensemble un repas frugal dans la mai-
801) du défunt, et l;i iiicme chose se renou-
velle au bout de l'an après son anniversaire.
^RÉPONS. Voy. Heures canoniales.
»• RÉPROBATION, jugement par lequel Dieu
exclut du bonheur éternel un pécheur el le
condamne au feu de lenfer; c'est le con-
traire do la prédestination. On distingue or -
dinairement deux espèces de réprobation,
l'une négative el l'autre positive : la pre-
mière est la non-élection d'une créature à la
gloire éternelle, la seconde est la destina-
tion ou condamnation formelle de celte
même créature aux supplices de l'enfer. Il
est évident que cette dilférence est purement
métaphysique, puisque la réprobation posi-
tive est une suite infaillible el nécessaire de
la réprobation iiég;itive ; c'est dans le fond
le même décret de Dieu envisagé sous deux
aspects dilTérents.
Sur cette matière, comme sur celle de la
prédestination, il est important de distin-
guer ce qui est de foi d'avec les spéculations
et les opinions des théologiens. Or, il est dé-
cidé dans l'Eglise catholique, 1° qu'il y a
une réprobation, c'est-à-dire un décret de
Dieu par lequel il veut non-seulement ex-
clure du bonheur élcrnel un certain nombre
d'hommes, mais encore les condamner au
feu de l'enfer. Cela est prouvé par lo tableau
que Jésus-Christ a fait du jugement dernier
[Matth. XXV, 34. el 41). De' même que Dieu
dit aux prédestinés : Venez posséder le
royaume qui vous est préparé depuis la créa-
tiondu monde... Il dit aussi aux réprouvés :
Allez, maudits, ait feu éternel qui est préparé
au démon et ii ses anges. 2" Le nombre des ré-
prouvés, aussi bien que celui des prédesti-
nés, est fixe et immuable; il ne peut aug-
menter ni diminuer. Cette vérité est une
conséquence delà certitude delà prescience
de Dieu. Saint Augustin, L. de Corrept. et
Gral., cap. xiii. 3° Le décret de la réproba-
tion n'impose à ceux qui eu soot l'objet au-
cune nécessité de pécher, puisqu'il n'em-
pêche pas que Dieu ne donne à tous des grâ-
ces qui suffiraient pour les conduire au sa-
lut, s'ils n'y résistaient pas ; personne n'est
donc réprouvé que par sa faute libre et vo-
lontaire ; deaxièine concile d'Orange, can. 23.
4' Il est donc faux que le décret de Dieu ex-
clue les réprouvés de toute grâce actuelle
intérieure, même du don de la foi et de la
justification, puisqu'il y a parmi les chré-
tiens des réprouvés qui ont reçu tous ces
dons ; Concil. Trid., sess. 6, can. 17. 5° [a
réprobation positive, ou le décret de con-
damner une âme au feu de l'enfer, suppose
nécessairement la prescience par laquelle
Dieu voit que celte âme péchera, persévé-
rera dans son péché et y mourra ; parce
que Dien ne peut damner une âme sans
qu'elle l'art mérité ; saint AugU'îtin, Op. im-
perf., 1. 111, c. 18; 1. iv, c. 23.0° Conséquem-
menl la réprobation positive des mauvais
anges a eu pour f ndement ou pour motif la
science que Dieu ,t eu des péchés qu'ils com-
metlraient, el dcsqu>ls ils ne se repenti-
raient j imais. Cela des païens suppose la
prévision du peclié originel non effacé en
eux, el celle des péchés actuels qu'ils com-
nicttruut, et dans l'impénitence desquolo
m
HEP
RES
142
ils mourront. Celle dos Odèlcs baptisés no
suppose que la prévision do leurs péchés
aeliiols et de leur itnpéiiilence fln.ile.
Mais on dispute dans les écoles pour savoir
si la réprubalioi} néfjalive est un acte réel,
positif et absolu de Dieu, ou si r'est seule-
menl une négation de tout acte, une espèce
d'oubli de sa pari à l'é-^ard des réprouvés.
Question qui n'est pas lorl inipnrlanle en
e"llc-méme , et sur laquelle il fst difllcile
d'avoir une opinion qui n'entraîne aucune fâ-
cheuse mn^éciuonce. Calvin a soutenu que
la rcprohntion, tant néi;alire que positive,
dépend uniquen)ent du bon plaisir de Dii'u;
qu'antécodemnient .à toute prévision de dé-
mérite , il a destiné un certain nombre de
ses rréaturc's aux supplices éternels. Doctrine
cruelle et impie, qui fut néanmoins solennel-
lement confirmée dans le synode de Dordreclh
et Hil9, mais de laquelle les calvinistes ont
tellement rougi depuis ce temps-l.'i, qu'il
n'est presque plus aucun théologien parmi
cu\ qui ose la soutenir, lîllo était à peu prés
la mèoie dans la confession de foi anglicane,
mais elle a été généralement abandonnée
comme injurieuse à Dieu. Voy. Armima-
• NI9ME.
Ceux qui se nomment augustiniens disent
que dans l'élat d'innocence, Dieu n'a exclu
personne de la gloire éternelle, si ce n'est
conséquemmenl a la prévision (ie ses péchés
aciuels; mais que depuis la chute d'Adam,
le péché originel est une cause éloignée,
mais suffisante, de réprobation néijatlve,
même à l'égard des fidèles dans lesquels il a
été elTacé par le baptême. Doctrine (;ui pa-
rait formellement contraire à celle du con-
cile do Trente , «e.ss. o, can. li, qui décide,
après saint Paul, qu'il ne reste aucun sujet
de coudanmaliou dans ceu\ qui sont régéné-
rés en Jésus-Christ parle baptême , et (jue
Dieu n'y voit plus aurun sujet de haine.
I.cs 'l'homisles enseignent que, quoique
la réprobulion positive suppose nécessaire-
ment la prévision des péchés aciuels non
elïatés, cependant celte prévision n'est pas
nécessaire pour la réprobation négative,
soil à l'égard des anges, soit à l'égard des
hommes , parce que, aniécédemment à toute
prévision , le bonheur éternel n'est dû ni
aux uns ni aux autres; qu'ainsi celte répro-
bation négative n'a point d'autre motif que
le bon pl.iisir de Dieu.
Pour nous, il nous paraît que, dès que
l'on suppose en Dieu un décret positif de la
rédemption générale de toul le genre humain,
une volonté de Dieu sincère de sauver
tous les hommes, et de leur donner à tous des
grâces en vertu de celle rédemption, il n'est
pas possible d'ailmeltre une rcprobuti in ,
soit positive, soil négative, aniécedeute à
la prévision du démérite d'un péciieur; car
enlin, cette réprobation , même purement
Deg.ilive, serait une exception ou une rcs-
Iriclion mise à un décret que l'on suppose
générai et absolu, par conséquent une con-
tradiction dans les termes. Comment con-
cevoir un décret général ou une volonté
sincère de sauver tous les hommes par
Jésus-Christ, si ce n'est pas un décret de
leur donner à tous la gloire éternelle, à
moins qu'ils ne s'en excluent eux-mêmes par
leurs démérites? Il n'est donc pas possible
d'y supposer aucune exception ni aucun
oubli de la part de Dieu, sans se contredire,
el sans affirmer que cette volonté ou ce dé-
cret n'est pas général. Or, saint Paul nous
assure qu'il l'est. Yoy. Salut.
Encore une fois, à quoi servent les spécu-
lalions métaphysiques et les abstractions ar-
bitraires sur ce suj t? lilles ne peuvent ni
changer l'ordre des décrets de Dieu louchant
le salut des hommes, ni iniluer en rien sur
notre sort éternel. Il nous semble que la
meilleure manière de concevoir cl d'arranger
les décrets divins dans notre esprit, est celle
qui est la plus propre à nous inspirer une
reconnaissance infinie envers Jésus-Christ
pour le bienfait do la rédemption , une ferme
confiance en. la bonté de Dieu , el un courage
constant à faire notre salut. Voy. Hédemp-
TION.
, * HÉPROUVÉS. Voij. Damnation, Réprobation,
Elus, Enfer.
RÉPUDIATION. Voy. Divorce,
RÉSIDENCE. Un des premiers décrets da
concile de Trente sur la discipline est celui
qui ordonne la résidence à tous les ecclésias-
tiques pourvus d'un bénéfice ayant charge
d'âmes, de quelque qualité et condition qu'ils
soient. « Qu'ils sachent , dit le saint concile ,
qu'ils sont obli.çés de travailler et de rem-
plir leur ministère par eux-mêmes; qu'ils
no satisfont po'iU à leur devoir, si , comme
des mercenaires, ils abandonnent le trou-
peau qui leur est confié, et ne gardent point
leurs ouailles, du sang desquelles le souve-
rain Juge leur demandera compte, » sess. 0,
de lieform., c. 1. Déjà il les avait avertis
qu'ils sont obligés de prêcher l'Evangile
par eux-mêmes, à moins qu'ils ne soient
légitimement empêchés, sess. 5, can. 2. Le
concile déplore la licence avec laquelle les
anciens canons sont violés sur ce point; il
les renouvelle et statue des peines contre
tous ceux qui s'absenteront sans cause légi-
time. Il répète encore ce môme décret en
termes pins forts, sess. ^2'i, can. 1; il réfute
les interprétations fausses el les limitations
que certains ecclésiastiques y apportaient.
Il déclare que l'obligation de la résidence les
regarde tous, sans exception, même les
cardinaux.
L'an 3*7, le concile de Sirdique, can, 14,
avait déjà défendu aux évéques de s'absenter
de leur diocèse penda'it plus de trois semai-
nes , à moins qu'ils n'y fussent obligés par
une nécesïile grave. Plusieurs conciles célé-
brés dans les divers royaumes de l'Europe,
avant ou après celui de Trente, ont renou-
velé la mé ne loi , et elle a été confirmée par
les edils el les ordonnances de nos rois. Ce
serait s'aveugler volontairement d» préten-
dre que celte loi est de pure discipline ecclé-
siastique, qu'elle peut changer, être limitée
ou abrégée par l'usage, être interpréléo au
gré de ceux qu'elle incommode, il est évident
Uà
RES
RES
144
que la résidence des pasleiirs est de droit di-
Tin, puisque celle obligation est assez clai-
reinenl contenue dans le tableau (jue Jésus-
Christ a fait du bon pasteur el du mercenai-,
re, dans la leçon que saint Pierre fait aux
pasteurs en général (A Petr. v, 1), el dans
celles que saint Paul adresse à Tite et à Timo-
thée. Elle est même de droit naturel, puis-
qu'il est de la justice que celui qui reçoit un
salaire pour remplir une foiiciion person-
nelle y satisfasse exactement.
Une autre erreur serait de penser que
quand un pasieur a des affaires qui peuvent
être faites par un autre , il lui est permis de
s'absenter de son bénéfice pour aller les
suivre, et de faire remplir ses fondions pas-
torales par des vicaires ou des délégués. Il
n'est point d'affaires plus imporianies que
le soin des ànies et les fonctions d'un mi-
nistère sacré; c'est le devoir personnel du
bénéficier; il doit y satisfaire par lui-même,
et confier à d'autres les affaires ou les né-
gociations dans le-quelles un autre peut
réussir aussi bien que lui. On ne dispense
point un militaire ni un magistral de rem-
plir les devoirs de sa ch irge, ni de s'absen-
ter sans une nécessité grave : les fonctions
du pasteur sont pour li' moins aussi impor-
tantes que les leurs. Ici l'exemple, la cou-
tume, les prétextes ne peuvent prescrire
contre la loi : elle réclame toujours contre
les prévaricateurs.
Quoique cet article doive être traité dans
le Dictionnaire de Jurisprudence , il tient
aussi de très-près à la lliéoldgie, puisqu'il
concerne un devoir de murale le plus im-
portant, auquel la religion et le bien de l'E-
glise sont essenliellemenl intéressés.
RÉSIGNATION à la volonté de Dieu.
C'est la disposition d'un chrétien ()ui envi-
sage tous les événements de la vie comme
dirigés par une providence paternelle et
bienfaisante, qui reçoit d'elle les liiens avec
action de grâces, et se croit d'auluni plus
obligé cà la servir par reconn.iissance ; qui
accepte les alllictions sans nuinnure, conirno
un moyen de satisfaire à la justice di\iue,
d'expier le péché et de mériter un bonheur
éternel. C'est la leçon que saint l'iiut donne
aux fidèles, Uebr., cap. xii.ll établit l'otili-
gatioii de la patience sur l'exemple de Jé-
sus-ChrisI, et sur celui des anciens justes.
Celte vertu est plus commune parmi le peu-
ple , exposé à souffrir beaucoup cl souveul,
que parmi les heureux du siècle ; après quel-
ques plaintes que la sensibilité arrache d'a-
bord aux hommes du couKoun, ils se conso-
lent en disant : Dieu l'a voulu. 11 y a dans
le fond plus de philosophie dans ces courtes
pa rôles que dans les léllex ions su 1)11 mes de Se-
nèque el d'Iipiitète. Touies celles-ci se ré-
duisent à dire : C'est une nécessité île souf-
frir; il n'i/ a point dercniède contre les arrêts
du sort ; il al iimiile de couloir y résister on
de s'en plaindre. Un clirélien se console avec
plus lie raison : il sait qu'il n'est aucun
malheur auquel Dieu ne puisse remédier;
que quand il nu us al'Ilige, il nous donne aussi
la force de souffrir, et que s'il ne uuus dé-
livre de nos maux en ce monde, il nous en
dédomma-rera dans une autre vie. Quand
la religion chréiienne n'aurait produit aucun
antre bien dans le momie que de consoler
l'homme dans ses souffrances, elle serait en-
core le plus grand bienfait que Dieu ait pu
accorder A l'humanité. Voy. Patience.
RESTITUTION, réparation du dommage
que l'on a porté au prochain dans ses biens.
Le même principe d'équité naturelle qui fait
sentir qu'il n'est pas permis de dépouiller un
homme de ce qu'il possède, fait aussi com-
prendre que quiconque est coupable de ce
crime, esl étroitement obligé de le réparer;
de rendre à cet homme ce qu'il lui a enlevé,
ou l'équivalent, el que l'injustice dure tant
que la restitution n'est pas faite. Le principe.
Non reiiiittitur deliclum , nisi restituatur
ablutum, est sacré parmi les théologiens mo-
ralistes ; l'impossibilité seule de restituer
peut en dispenser celui qui a fait une injus-
tice.
Les incrédules ont calomnié les prêtres en
leur reprochant d'absoudre les pécheurs cou-
pables de vol, de rapine, de concussiun, sur-
tout au lit de la mort , sans exiger d'eux la
re«/i<iUion di>s injustices qu'ils ont commises,
pourvu qu'ils fassent quelques aumônes ou
quelques legs pieux. Il n'est point de casuisie
assez ignorant pour méconnaître un devoir
aussi évident que celui de la restitution , et
il n'en est point d'assez pervers pour vouloir
se damner en coopérant à l'injustice d'auirui
sans en retirer aucun avaiitige personnel.
Qu'importent à un coiilesseur des legs pieux
ou des aumônes qui ne sont pas pour lui?
Mais puisque l'on voit tant d'injustices ,
pourquoi ne voit-on point de resiitu.ionî
Parce que ceux qui ont eu la conscience assez
pervertie pour se permettre des injustices ,
ne l'ont pas assez droite pour se les repro-
cher, pour s'en accuser et vouloir les répa-
rer. Jamais l'art de pallier et de justifier les
gains illicites n'a éié poussé aussi loin qu'au-
jourd'hui ; l'exemple et la coutume semblent
les autoriser ; l'on n'a plus besoin des prê-
tres pour se trinquilliser à la mort. Plusieurs
incrédules ont poussé l'audace jusqu'à In-
culper Jésus-Ctirist lui-même, [larce qu'a-
près avoir repioclié aux pharisiens leurs
extorsions el leurs rapines, il leur dit : Ce-
pendant fuites l'uuiuônc de ce qui vous reste ,
el tout est pur pour vous {Luc. xi, 41). Jésus-
Christ dispensait donc les pharisiens de res-
tituer, pourvu qu'ils fissent l'aumône.
Remarquons, 1» qu'il ne s'agissait pas ,
dans cet endroit , de prouver à ces hommes
injustes la néressiié de la restitution, mais
de leur montrer que la pureté de l'âme est
plus nécessaire que les purifications et les
ablutions , qui ne peuvent procurer que la
pureté du corps; 2' que les injustices des
pharisiens étaient dos extorsions à l'ég.ird
du peuple, légères, chacune en particulier,
mais multipliées à l'infini; comme il est im-
possible lie restituer de semblables bagatelles
à mille personnes différentes, la seule res-
titution possible est (le donner aux pauvres
Pour faire l'énumération de tous les cas
us RES RES U6
dans lesquels la restitution est ne nécessité os de ce prophète fut ressascité (xm, 21). La
absolue, il faudrait un gros volume. De toutes résurrection Av. Samuel ne fut que niomenla-
Ics qui'stioiis de morale, il n'en est point dii née, ce fui plutôt une, apparition qu'une ré-
plos embarrassantes, pour les casuistes, .«((rrec^ion. Celles (|u'a o|icrées Jé^us-Christ
(liie les rnalièrt's dcjuslice et de restitution. peiulanl sa vie sositaii nombre d(! irois. celle
Il en est de même des réparalions dues au de la lilled'un cliel' de syiiaijogue ( l/aH/i. ix,
procbniii, quand on (ui a faii torldanssa ré- 25); celle du fils de la veuve de Naïin [Luc.
pulaiion par des Médisances ou par des ca- vu, 15); celle de L.izare iJunn. xi, 'li),
ioninies; elles ne sont pas moins iodispen- Comme celle dernière est la plus cilaianle,
sables que les rf.«(iVu(ion.« ; la répulalion est on en verra la preuve au mol Lazahe, 11
le plus précieux de tous les Idens, la perte n'est |)as dit (lue les niorls qui sortirent de
qu'on en peut faire alllige davantage une leiir< tombeaux lorsque Jésus-l'lirisi expira
âme sensible que la perle de sa l'orlune. A sur la croix , et se montrèrent <à plusieurs
la vérité, dans une infinité de circon>-lances personnes, aient continué de vivre {iMntIft.
celle réparation esl à peu près impossible , xxvii. Si iM 5.'i). Ou ne pi'ut pas a|)peler
et souvent elle produirait plus de mal que résurrection l'apparition de Moïse et d'Klie
de bien, en renouvelant le souvenir d'un dis- à la tran-lignraiion de Jésus-Cb, ist. Quadra-
cours injurieux ou d'un injuste soupçon qui tus, disciple des apôtres, qui vivait sous
peut être effacé par oubli. Mais, lorsqu'une Adrien, veis l'an 120, attestait (|ue des mala-
médisance ou une calomnie a porte au pro- des guéris et des morts ressusciiés par Jésus-
cbaiii un préjudice réel d.ins sa foilune, Christ avaient vécu jusqu'à son temps. Dins
lui a fait perdre un bien qu'il possédait, ou Ensrbe, I. iv, c. 3. Saint I' erre ressnscita la
l'a empêché d'acquérir un avantage auquel viuve Tabitlie (Act. ix. 40).S lint Pau! ren-
il avait droit «le prétendre , la justice exige dit la vie à un jeune homme lotnhé du haut
qu'il soit dédommagé par celui (|iii en est la d'une maison el lue par sa chute {Act. xx. 9).
cause. Sur ce point la morale chrétienne est La pln|)art des déistes el des autres incré-
fondée sur les idées les plus pures et les plus dules de noire siè<le ont soutenu que
exactes de la justice naturelle; en ajoutant à quand même un morl serait ressuscité, ce
la défense de toute iujusiice le précepte de miracle ne pourrait pas être constaté ni
la charité ou de l'amour du procl'ain, Jésus- rendu croyable par aucune espèce de preu-
Chrisl a mieux développé nos devoirs que ves. .Mais, puisque la mort d'un homme est
toutes les spéculations des philosophes. un fait très-sensible qui peut être invinci-
lllîSTKlCriONS MENTALES. Voy. Mes- blement prouvé, la vierenduc àcethommo est
SONGF. aussi un l'ait non moins sensible, etqui peut
RÉSUMPTE, terme usité dans la faculté être prouvé de même par le témoignage des
de théologie de Paris ; c'est un acte que doit sens; pourquoi le même nombre de témoins
soutenir un docteur avant d'avoir droit de qui a sufli pour constater la mort d'un horn-
suffrage dans les assemblées de la faculté et me, ne sulfit-il plus pour constater sa ré-
de jouir des autres droits du doctorat, comme snrreclion ou sa vie postérieure ? C'est, di-
de présider aux thèses, d'assister aux esa- senl-ils, parce que le premier de ces faits est
mens , etc. lis ne peuvent y prétendre que naturel, au lieu que le second ne l'est point,
six ans après qu'ils ont pris le bonnet de Pour rendre croyable ce dernier, il faudrait
docteur. L'acte ou la thèse qu'ils doivent un témoignage dont la fausseté fût impossi-
soutenir pour lors dure depuis une heure ble el plus miraculeuse que la résurrection
jusqu'à six ; elle a pour objet loul ce qui même; quelque soit le nombre des témoins,
appartient à l'Ecriture sainte, ou ce que l'on ils peuvent se tromper, el ils sont capables do
apfielle la Cuitique sacuée. Voy. ce mot. nous en imposer. Mais quand il s'agit de cpn-
lIÉSUURECTlOiN, retour d'un mort à une staler le fut naturel de la mort d'un homme,
nom elle vie. On peul ressusciter seulement l'on ne s'avise point de le coniesler, parce
pour un temps et pour mourir une seconde que lus témoins peuvent se tromper ou eu iin-
i'ois : alors cette r^si«//ecOort est passagère, poser; pourquoi donc alléguer ce prétexte
c'est <'e qui est arrivé a ceux aux(iuels Je- pour douter do sa résurrection ? Le surna-
sus-Christ, les apô res et les prophètes ont turel d'un l'ail n'inllue en rien sur les sens
rendu la vie par miracle. La rsurrection pour les rendre inliiléles, ni sur le caractère
perpétuelle est celle par laquelle on passe des hommes pour les rendre imbéciles ou
de la mort à l'immortalité : telle a été la ré- uienteurs. Donc un l'ail surnaturel est loul
surrection (it^ Jésus-Christ; et telle sera celle aussi capable d'être prouve par des témoi-
que nous espérons à la fin des siècles pour gnages qu'un lail naturel; nous l'avons dé-
lions el jiour tous les justes sans exception, montré au mol Ceutitiide.
Pour la rcsurrrclion des ré(n-ouvés , ce sera Nous soutenons que les deux suppositions
plutôt une second ■ mort qu'une nouvelle vie. ou les deux prétextes des incrédules sont
Aprcsavoir parlede la )('.<«»ve,/to/i passagère, plus imp>issibles et plus contraires à l'ordre
nous traiterons de la résurrection générale de la nature que la résurrection d'un mort,
et perpétuelle. — i" Il n'est pas naturel qu'une multitude
Dans l'Ancien Testamenl il est fait men- de témoins, sensés d'ailleurs , croient voir,
tion de irois résurrections ; Elle ressuscita le entendre , toucher un liooime vivant , pen-
fils de la veuve de S irepla ^/7/ /{ey. xvii.22]; danl qu'ils ne voient et ne louchent qu'ua
Eii.sée rendit la vie au fils de i.i Sunamiie homme mort, ou au contraite. il n'est point
(IV Reij. IV, 3^]; un cadavre qui loucha les dans l'ordre du la aature que les sens de
m
UES
RES
148
tonte cette multitude soient fascinés, etqo'un
fantôme leur fasse illusion. 11 n'est point se-
lon le cours ordinaire des choses que deux
hommes soient tellement semblables parles
traits du visage, parla taille, par l'âge, par
le son de la voix, par l'humeur, par les ha-
bitudes, etc., que le vivant puisse être sub-
stitué à la place du mort, de manière qu'a-
près trois ou quatre jours tout le monde y
soit trompé, même sa famille el ses meilleurs
amis : il n'y a point d'exemple d'une erreur
scmblatile. Ce phénomène est donc contraire
à une expérience constante, uniforme, cer-
taine el invariable. Donc c'est un miracle,
suivant la notion même qu'en donnent les
inciédules; mais miracle plus impossil)le
qu'une résurrection. Dieu s iiis doute peut
ressusciter un mort pour prouver la mission
d'un de ses envoyés, pour exciter l'alten-
lion des peuples et les rendre plus dociles à
sa parole ; mais il ne peut pas faire illu-
sion aux sens de tout un peuple pour l'in-
duire en erreur , ni permettre que cela se
fasse par tout autre agent quelconque : cette
conduite répugnerait à sa sagesse el à sa
bonté. 2° Il est naturellement impossible
qu'un grand nombre de témoins aieni le mê-
me intérêt et la même passion de tromper en
pareille circimstance , et il est impossible
qu'ils y réussissent au point de rendre la su-
percherie indémontrable ; depuis la création
il n'est rien arrivé de semblable , et il n'ar-
rivera jamais , à moins que Dieu ne change
le cours de la n;ilure pour établir une im-
posture, el ne viol.' tout à la fois l'ordre phy-
sique et l'ordre moral. Dans l'un et l'autre
de ces deux cas, nous avons donc ce qu'exi-
gent les incrédules pour admettre un mira-
cle, c'est-à-dire un lémoignat;e de telle na-
ture que sa fausseté serait plus miraculeuse
que n'est le fait même qu'il s'agit de con-
stater.
Cet argument ne conclut point, répliquent
les déistes ; dans une résurrection il y a deux
faits successifs, la mort d'un homme, ensuite
sa vie; je puis m'assurer du second, mais
cette assurance même me fait défier du té-
moignage que mes sen? m'ont rendu sur la
réalité de la mort précédente que je ne puis
plus constater. Lorsqu'un malade tombé en
syncope, et qui paraissait mort, revient de
lui-même à lii vie, le second fait démon-
tre que la mort était seulement apparente cl
non réelle; donc il en est de même de la vie
récupérée par une prétendue résurrection;
Il faut raisonner dans l'un de ces cas comme
dans l'autre.
liéponse. Nous soutenons que dans le se-
cond cas , lorsque la mort a été constatée
par les signes ordinaires, il est absurde d'en
douter et de se défier du lémoignaj^e des sens.
Autrement, dans le cas que cet homme res-
suscité viendra t à mourir quelques jours
après , il faudrait douter de même de la vie
dont il a joui [icndanl plusieurs jours , et
de laquelle nos sens ont rendu témoignage.
Pour coni|irendre tout le ridicule de ces dou-
tes, il sulfil de Icsappliiiuerù un phénomène
naturel. La renaissance des têtes do li-
maçons paraissait incroyable et contraire
au cours de la nature , avant que l'ex-
périence en eût démontré la possibilité; le
philosophe qui les a vues renaître pour la
première fois a-t-il été en droit de douter
s'il avait réellement coupé la tête à plusieurs
de ces animaux, lorsqu'il en a vu jjaraitre
une nouvelle, sous prétexte qu'il ne pou-
vait plus constater la réalité de l'amputa-
tion ? aucun homme sensé n'oserait le sou-
tenir. Doue, de même, dans le cas d'une r^-
surreclion , lorsque la mort a été ccmsiatée
par le témoignage des sens , il est absurde
d'en douter, sous prétexte que l'on ne peut
plus vérifier le IViil de nouveau. La seule rai-
son qui inspire de la défiance aux incrédu-
les, c'est que la vie rendue au ressuscité est
un fait surnaturel: or, nous avons déjà ob-
servé que le surnaturel d'un fait n'inilue en
rien sur nos sens ni sur la fidélité de leur
témoignage : donc la défiance à cet égard
n'est fondée sur aucune raison, mais seule-
ment .sur la répugnance d'un incrédule a
croire un miracle.
Dans le cas d'une syncope, la vie recou-
vrée est une preuve certaine de la fausseté
des apparences précédentes de la mort, pour
deux raisons : 1° parce qu'il est évident pour
lors qu'aucune cause surnaturelle n'esl in-
tervenue; Dieu ne ressuscite pas les morts
sans qu'ils le sachent el sans que personne
s'en aperçoive. C'est autre chose lorsqu'un
homme qui se dit envoyé de Dieu opère une
résurrection pour prouver sou caractère. 2°
Parce qu'il n'y a aucun exemple d'une syn-
cope qui ait réuni absolun)ent tous les signes
et les symplômcs d'une mort réelle; si cela
était jamais arrivé , l'on n'oserait plus en-
terrer aucun mort avant la corruption du
cadavre. Donc, lorsqu'une mort a été cons-
tatée par tous les sigms qui peuvent la ca-
ractériser, il est absurde de douter encore si
ce n'a pas éié une. syncope. H faut donc dis-
tinguer avec soin la défiance sage et raison-
nable du témoignage des sens, d'avec une
défiance excessive et affectée qui vient de
quelque passion d'orgueil , d'entêtement,
d'opiniâtreté, de malignité, etc. Celle-ci n'a
point de bornes, elle augmente à proportion
de la force des preuves qu'on lui oppose.
Mais ceux qui se font gloire de leurs doutes
en fait de religion , rougiraient de se con-
duire de même en tout aitre cas. Lorsqu'un
incrédule s'est trouvé dans le cas de voir
porter au tombeau sou père, son épouse ou
son ami, malgré la vivacité de ses regrets, il
ne s'csl pas avisé de douter si leur mort était
bien certaine, ni d'argumenter pour prouver
que c'était peut-être seulement une syn-
cope.
Suivant l'avis d'un de nos plus célèbres
incrédules, c'est un paradoxe de dire que
l'on devrait croire aussi bien toul Paris <|ui
assurerait avoir vu ressusciter un mort,
qu'on le croit quand il publie que telle ba-
taille a élé gagnée ; ce témoignage, dit-il,
rendu sur une chose improbable, ne peut
jamais être égal à celui qui esl rendu sur
une chose probable. Si pur improbable cet
140
»ES
RES
150
autour entendait impossible, il devait com-
menci-r par faire voir que tout inirAcle est
impossible; c'est ce qu'il n'a pas fait. S'il
appelle chose improbable une chose que l'on
ne peut pas prouver, il fallait dénionircr
que nos sens ne servent pli'.s de rien lors-
qu!il s'ag;il de constater un fait surnaturel,
qiM'Ique'sensible qu'il nous paraisse. Nous
voudrions savoir pourquoi il est plus difû-
cile (le s'assurer de la mort d'un homme qui
ressuscitera que de celle d'un homme qui ne
ressuscitera pas ; ou moins aisé de constater
la vil' d'un homme ressuscité que celle d'un
homme qui n'est pas encore mort. Il est évi-
dent qu'un fait siirnaiurel est susceptible du
même dcfiré de certitude qu'un fait naturel;
ainsi un miracle est métaplijsiquement cer-
tain pourcelui qui l'a éprou\é sur soi-même,
il l'est physiquement pour ceux qui l'ont vé-
rifié par leurs sens, il l'est moralement pour
ceux qui en sont assurés par des témoigna-
ges irrécusables. Yoy. Miracle.
UÉSURRECTION DE JÉSUS-ChrIST (1). « Si Jé-
(t) L.1 résurreciinn de Jésus-Clirisi, dit Duvoisin,
csl un fait principal sur lequel repose parllculièie-
meiit 1.1 divinitc de l'Cvaiif^ile : il esi ù propos d'en
parler d'une niaiiiùie parliculière.
On peut réduire à trois chefs les preuves de la
ré^urreciiou iJe Jésus-Christ : hi iradiiloii constante
el la foi publiipu; de Ttlglise chiéiienne, l'autoriic
(les témoins cités dans l'histoire cvaugélique , la
liaison nécessaire de plusieurs faits incoulestablus
avec le fait de la résuj reclion.
I. Il n'en est pas du chrislianisnie coinine de cer-
lliines instiliilious que l'on trouve établies dans le
nionde, sans que l'on puisse dire où, coiuineui, cl
p;ir qui elles ont comiiieiicé. Nous eu avons une
iiisloire suivie qui reniorUe sans interruption jus(|u'à
répo(iue (le sa naissance; et nous apprenons de celte
liisioire, que la résurrection de Jésus-Clirist a tou-
jours été l'objet et le fondement de la fui des chré-
tiens.
Lue fête solennelle, .inssi ancienne que le cbris-
liHnis(ue, est eueore aujoiird liui un monument au-
iheiitiipie de la r surreciiou. Vers le milieu du se-
cond siècle, il s'éleva dans l'Eglise une contestation
sur le jour où cette léte devait se célébrer. Les
Eglises il'Urient prétendaient (pie rap('>tre saint Jean
les avait instruitis à célébrer la Pàipie le même
jour que les Juils, c'esl-à dire le qiiaior/.e de la lune
de mars. L'Eglise de Home et les Eglises d'Occi-
dent se fondaieiil sur l'autorité de saint Pierre, pour
renvoyer la Pàque chrétienne au dimanche (|ui sui-
vait le jour de la l'àiuc judaïque. La pratique de
l'Eglise de Kome a prévalu : le concile de Nicée, en
525, en a tait une loi pour tous les cbrélieas. Cette
dispute, qui lUira luiigieinps, el qui lut siuiieiiue de
part et d'auire avec beiucoup de vivacité, nous
prouve évidi'umient que l'ICglise chréiieune a tou-
jours lait pr(d'ossion de croire la résurrection de Jé-
sus-Christ, et (pi'elle a toujours regardé la commémo-
raison de ce grand miracle comme une panie essen-
tielle (le son culte. Or il est incontestable que la foi
publiipie de la résurrection remonte jiisigu'au temps
de révcoemeiit. L'on ne peut assigner uii seul in-
Slaiil où les chréiiens n'eu aient pas lait profession.
Il est même évident que celte croyance a toujours
été le motif principal et le fondement du christia-
nisme, et (|ue jamais ou ii'atirail vu .se l'ormer une
seule Eglise chrcteiiue, si la résurrection de Jésiis-
Chn^i u'eùi |ias été annuncée et racuiiniic iniuiédia-
tement a,>iè9 sa mort.
i'aperçui» doue dans la iradittoa chrétieuue uu
sus-Christ n'est pas ressuscité, disait saiot
l'aul aux Corinthiens, notre prédication est
vainc, votre foi ne porte sur rien ; nous
premier caractère qui ne me permet pas de la c<s\\ -
fondre avec ces opinions populaires qui s'évaneuis-
senl dès qu'on entreprend de remnn.'er i la source.
Celte loi publique et constante d'une société im-
mense composée de peuples inconnus les uns aux
autres, me parait plus iiiiposanie el plus authenti-
que, à mesure que je me rapproche de son origine.
Si l'on peut dire de chaque génération riu'elle a re-
cueilli la loi de la génér.aioii précédente, je deman-
derai où la première génération a pui^é sa foi , si
ce n'est d.ms la vérité reconinie du lait de la résur-
rection? Je ne puis pas supposer que ce soit par
l'mipiilsion des préjuges et des opinions d'ininan-
les, (jue les premiers chrétiens aient été conduits à
la loi de la résurrection. Ces premiers chrétiens
étaient ou des juifs, ou des idolâtres, ou des philo-
sophes, tous imbus de principes bien contraires à la
nouvelle religion. Le chrisUanisme , combattu par
tous les préjugés de l'éducation el de l'habitude,
méprisé el persécuté dans sa naissance, n'avait au-
cun de ces moyens de séduction qui agissent sur l'es-
prit el sur le cceur humain. Par quel autre motif
que celui de la vérité connue, la loi de la résur-
rection a-t-elle donc pu s'établir? Enlin, la résur-
rection de Jésus-Glirisl n'était pas un l'ail obscur, in-
différent, étranger aux intérêts el aux passions qui
ont .rontume de remuer les liomines. Il ne s'agis-
sait pas, entre ceux ijui la croyaienl el ceux qui ne
la croyaient pas, d'une simple diversité d'opinion sur
un point d'Itisioire. La religion, l'ordre public en
dépendaient. D'une part, les pharisiens, les prêtres,
les chefs de la nation juive ne pniivaient voir sans
effroi que l'on enireprîl de persuader la résurrec-
reclion el la divinité d'un homme qu'ils avaient cru-
cilié. De leur côté, les disciples de Jésus ne |iou-
vaieiit se dissimuler le danger auquel ils s'exposaient,
eu accusant du plus grand des crimes les magistrats
de leur nation. Toute la ville de Jérusalem avait les
yeux ouverts sur une cause si imporlaote. Je ne
puis donc pas supposer que la foi de la résurrection
se soit établie d'une manière imperceptible , sans
discussimi, sans que les hommes éclairés y prissent
intéiél. La nature du fail ne le perinellait pas, et
d'ailleurs, toute l'histoire de ces temps-là me prouve
incontestablement que la loi des clirctiens n'a pris
la dessus qu'après avoir triomphé des contradictions
les plus violente^ el les plus opiniâtres.
La tiadiliou constante el la foi publique de l'Eglise
nous conduit de siècle en siècle, par une succession
ininterrompue, jusqu'aux témoins de la résurrection.
Quels sont les témoins de la résurrection ? Jésus ,
qui l'a prédite ; les apôtres, qui l'onl pul>tiée ; les
Juils, qui l'ont combattue.
II. Je place Jésus-Christ à la lêie des témoins de
la résurredion , parce qu'il l'a prédite, et qu'une
telle préiliction suppose et prouve qu'il avait le pou-
voir de la vérifier. Jésus a prédit sa résurrection pii-
bliqueuienl, el de la manièie la plus lormelle. Celle
race perverse el aduUère demande un siqiie {i\ parlait
aux prclres el auv pharisiens), el il ne lui en seraptis
donné d'tmtre que le signe du prophète Junas. Car, de
mcine que Jonas demeura iroib jours el trois nuits dans
le venlie de la baleine, ainsi le Fils de l'humme tera
trois jours el trois nuils dans le sein de la terre
(Mulili. xii). Celle prédiction n'éiait pas idiscnre;
elle: fut entendue des Juifs, et ils nous l'apprennent
eux>iiiéuies, lorsque après le cruciliemeiit ils disent
à l'ilate : < Nous nous soiivennns que ce séducteur a
dit : Dans trois jours je ressusciterai. > On ne peut
pas soup(;otmer l'évaugéliste de l'avoir imaginée aprèj
coup. Les chefs de la Synagogue en aiiestent l'ajii^
tbeniiciié par les mesures qu'ils prennent pour \»Jmf y
meiitir. (' / x^V^^n]
151
RES
RES
tss
sommes de fiux témoins qui oulragpons
DIpu, en «itlesianl conire la vôriié qu'il a
ressuscité Jésus-Christ (/ Cor, xv, 1i). » Les
Raisonnons mainlenanl dans \n donbls Iiynntlipse
Je ia véiiié el de la fausseté du laiide la lésurrfC-
li.iin, el voyons à laquelle de res deux liypollièses
pini s'ail |)ler la préiliclionde Jé'US-Chii-.i.
Si Jésus est ressuscité , il esi induliiialilement
l'envoyé île Dieu, el s'il ctaii l'envoyé de t»ieu,
il pouvait se tenir assuré de sa résurreetion ; el il
convenait qu'il l'annonçai, el à ses disciples, el à ses
enmniis : à ses disciples, pour soutenir leur loi con-
tre le scandale de la croix ; à ses ennemis, ronr dé-
lier tons leurs efforts , pour donner plus d'éclat au
niirxle ipii devait mettre le sceau à la diviniié de sa
mi sion. Si, au conlraire, Jé-iis li'élal pas nu envoyé
c leste, celte prédiction ne pouvait servir qu'à taire
échouer ses projets, soit eu désabusant les disciples
qu'il avait déduits, soit eu fournissant à ses enneniis
un moyen sûr el facile de le convaincre d'imposture
à la face de rnniveis.
Qu'un homme de génie, par cet ascennani que les
grandes âmes savent prendre sur le vm^jaire, par le
charme de l'éloquence, par des dehors iinpos.iiiis de
vertu, par des prestiges même, si l'on veut, par-
vienne à subjuguer quelques lioiiimes simples et cré-
dules, ou le ciinçiiit, el l'histoire nous en idfre mille
exemples. Mais ce <|u'mi n'a point encore vu, c'<'sl
que l'auteur d'une impustiire, jusque-là si heureuse,
aille de lui-mènie. sans nécessité, sans motif, ouvrir
les yeux à tous ceux qu'il a séduits. Or, loiil autre
que l'arbitre souverain de la vie et de la mort, en
prédi^anl à ses disciples qu'il soriirail du toinbeati,
détruisait par cela seul toute la conliance qu'il avait
su leur in-pircr.
lin ellci. l'interroge l'incrédule, el je lui demande
si 1rs disciples de Jésus, sur l'.iulorité de sa prédic-
tion, croyaient fermement qu'il dut ressusciter, ou si
leur foi, encore faible et vacillame, attendait l'évé-
ment pour se fixer. Qu'il ( boisisse entre ces deux
siippoNilions, el qu'ensuite il m'explique cnmment,
après avoir altendu vainemenl l'exéciiliou de la pro-
messe de leur maître, après s'être convaincus de la
fausseté de sa prédiction, les disciples ont pu se |ier-
suider encore qu'il était le Fils de Dieu. A la vue
d'ime preuve si palpable d'imposinre, la foi des dis-
ciples, quelles que soient icuis préventions, s'éteint
nécessairement pour taire place .à l'iiidigu:itiou el à
la honte de s'être laissé tromper. Loin de songer à
perpétuer une fable dont l'anieiir s'e-.!, trahi si visi-
hleincnl, il ne leur reste qu'à retourner à leurs bar-
ques el à leurs (ilets. Trop heureux si un prompt re-
pentir les déiidie à la vengMiice des lois, ou si leur
obscurité lait oublier qu'ils ont été les complices du
faux prophète ! Une semblable prédiction, dans la
bouche d'un imposteur, ne pouvait donc avoir d'au-
tre eflét (|iie de lorcer ses disciples à rabandonner.
J'ajoute qu'elle eût encore préparé à ses ennemis un
moyen sûr et facile de le convaincre, à la lace de
loul l'univers, de mensonge et d'impiété.
S'il se rencontrait un chef de secte assez téméraire
pour prédire hautement qu'il se nionirera plein de
vie trois jours après sa miui, quel serait l'elîei naiii-
rel et nécessaire d'une si extr.ivaganie prédiction?
Tout ce que peut s'en promettre le prétendu prophète,
t'esi que la fable de sa lésurreclion s'aicrédie el se
répande dans le monde. Mais tous ces moyens de sé-
duction sont ensevelis avec lui, el l'imposture meurt
avec riinposteiir, à moins qu'il ne laisse un parti as-
sez hardi pour venir à bout de persuader que la pré-
diciicii s'est vériliée.
Tout resp<iir de Jésus, dans le système de l'incré-
dulité, reposait donc sur le courage et sur l'habileté
de ses disciples. Vous venez de v<iir si c'i'tait en les
flattant de la fausse idée de sa résurrection, qu'il
pouvait les intéresser à sa mémoire et au succès de
prophètes avaient prédit que le Messie res-
susciterait après sa rnort. hai. c. lui, v. 10,
nous lisons : « S'il donne sa vie pour le pé-
son entreprise. Je le suppo-e toutefois, el je me re-
présente ces hommes si liiuides, si lâches quelques
jour s auparavant, Iraiislorinés tout à coup en conspi-
rateurs iutré|iides, el <léteriiiiués à soutenir la résur-
reciion d'un honime qui les ;i trompés pend ini sa vie,
et qui. en exprani sur une croix, ne leur a légué
que l'aiieute d'une mort semblalde à la sienne. Ils
s'iissemblenl, ils délibèrent, et prennenl la résolu-
tion désespérée d'enlever le corps de leur matire.
Mais liés le premier pas, un obstacle insurmontable
les airêie. C'est la prédiction publique que Jésus
a faite de sa résurrection, lusirniis, parcelle imiirii-
deiite déclaration, du cours qu':illait prendre l'iin-
pnslure, les piêires et les pharisiens ont rompu
d'avance toutes les mesures des (Oiijiirés. Ils ont
placé des gardes auséiiulcre; ils y ont apposé le
sceau puldic : ils sauront bien eiipé'ber qu'on n'en-
lé-e le cadavre; il ne leur sera pas dillicile de le pro-
duire après les trois jimrs révolus. Ce terme expiré,
la fable de la résurrection est éionirée, avant même
qu'elle ait vu le jour.
En deux mots : Jésus a prédit qu'il ressusciterait.
Donc il esi ressuscité.
III. Le fait de la résurrection est attesté, non-seu-
lement par Ions les écrivains du Nouveau Testament,
mais encore par tous les apôtres et les disciples de
Jésus-Christ; el leur témoignage unanime el persé-
vérant ne peut être suspect ni d'illusion ni d'impos-
ture. D'abord la nature du fait, sa continuité, la mul-
tiplicité et la variété îles ap|iaritious qui le Con-ta-
laieiit, ne permelienl pas de croire que les léin ins
aieni été irmiipés. Ce n'est pas en simge, ou d'une
inaeière fugit ve, ce. n'est pas une seule (uis que Jé>us
après sa mort se montre à ses di»ciples : c'est pen-
dant quarmle jours consécutifs, et dans toute l'inti-
niité du coiiimerce le p'ns familier. l'ntbuH seipsunt
viotim in muliis aigiimenlis, per (lies qundraginla, ap-
parens eis, el loquens (Act. i).
Direz-vous que les apôtres étaient préparés par
leurs préventions et leur crédulité, à prendre pour
réels des laits el des discours qui n'existaient (|ue
dans leur imagination?
.Mais, en premier lieu, une pareille illusion suppo-
serait la démence portée à son comble; et la ilé-
inence n'admet pas cette uniiormilé dans les récits,
cette liaison dans les faits, celle (irolonde sagesse
dans les discours que nous ollre l'histoire de Jésus
ressuscité. En second lim, rieu ne parait plus éloi-
gné de l'espril des disciples, que la prévention et la
ciédulité à l'égard de la résurrection de leur maiire.
Ils traitent d'exiravagance le premier rapport qu'on
leur en fait : el visa suiit imte illos quasi deliraiiieiila
verba ista, et non credideitnil illis (Lue, xxiv.) Ils se
sont assurés que le corps n'est plus dans le sépulcre,
el ils ne sont pas encore persuadés. Jé^us se montre
à Madeleine; il lui adresse la parole; il l'appelle par
sou nom : Madeleine le leconnatl eiilin, et court an-
noncer aux disciples ce i|u'elle a vu. Mais sou léinoi-
giuiL^e ne leur suffit pas; il tant que Jésus leur appa-
raisse, qu'il leur montre les cicatrices de ses plaies.
Thomas, qui n'était pas présent lors de ceite pre-
mière apparition, reluse d'en croire ses collègues;
il ne se rend (pi'apié:» avoir vu el louché les trace»
récentes des clous ei de la lance.
Dans ce récit, que je suis forcé d'abréger, mai»
dont tous les détails sont précieux, reconnaissez-
vous Il marche de la (iréventiiui, de la crédulité on
de l'enihous.asine? Ne vous semide-t-il pas, au con-
traire, que les apôtres porient la dcliance jusqu'à
l'excès? Et ii'ètes-vous pas lente de leur adresser le
reproche que Jésus faisaii aux disciples d'Euimaûs,
qui s'entreienaieni avec lui sans le reconnaître : U
IBS
RES
ché, il vivftl, il aura nne postérité nom-
breuse, il accomplira les desseins du Sei-
gneur. Parce qu'il a souffert, il reverra la
inspnsi^s, qui vous roidissez cniiire la foi! 0 imen-
taii et (nrrfi corde ad eredeiidum !
M. lis c'est trop nous arrêter sur une supposition
qui ne S'iulieiil pas le plus It^ger examen. Les té-
inniiis de la résurrection n'ont pu s'en laisser im-
poser : voyons s'il est (lermis de croire qu'ils aient
formé le ilesstin d'en imposer eux -mômes. On les
apôiri'S s'attendaient à voir leur m:iître ressiisciier,
comme \l l'avait annonce si expressément, ou ils ne
s'y aliendaient pas. Dans la première supposition,
ils ont drt se reposer sur lui-même du soin de véri-
fier sa prédiction. Ils n'avaient nul besoin de s'en-
gager dans nne nianœuvre aussi dangereuse ipie
(Timinelle ; et si leur allenle élail trompée, il ne
leur.resiaii, comme je l'ai déjà dit, que d'ab.indon-
rieria cause et la mémoire d'un hinnmeciniles avait si
grossièrcmeiil abusés. Dans la seconde supposition,
nid motif, nul iniérôt, nul e>piiir ne pouvait les en-
gager à concerter la lable de la résurrection. Du
eolé du monde, ils avaient tout à craindre rdu colé
du ciel , ils ne poiiv.iienl attendre que les cliàtiments
réserves au blasplième et à l'impiélé. Le laiialisme
ne les aveugbiit pas sur ce qu'il y avait de criminel
dans leur projet, et le faux zèle ne jiisiili.iit pas l'im-
posture à leurs yeux, i Si le Clirist n'rst pas ressu-
scité, disait saint Paul, nous portons un fauv témoi-
gnage contre Dieu : luvcnimur et futsi testes Dei. i
.'admettons néanmoins que les apôtres eussent
quelquf intérêt à supposer et à divulguer la faille
(le la résurrection, coinin 'ut n'oiii-ils pas élé dé-
couragés à la vue des (ihstacles inniMnt)rables (pii
R'opposaienl h rexécution d'une pareille entre-
prise? obstacles pris île la nature même du projet,
qui demandait que l'un lit disparaître le cadavie dont
les Juifs s'éiaienl assurés par une garde militaire :
ubsiucles de la part des complices qui se trouvaient
en grand iiunibre, et parmi lesquels il ne l'allait
qu'un traître, un second .iudas pour dévoiler la Iraiide,
et en immoler les auteurs à la risée publique et à la
vengeance des lois; obstacles de la part des piéires,
des magistrats, de la nation (ont entière, que la
làble de la résurrection couvrait d'une infamie, éter-
nelle, et qui avaient en main tous les moyens de
droit et de force, |iropres à confondre et à punir les
imposteurs ; obstacles de tous les genres, qui don-
nent à ce projet un caiaciére d'exiravaguice, tel que
riinagin.itioii épouvaniée ne peut se iigiirer qu'il y
ait eu, d'une part, de> biiniiiies assez fous pour en
concevoir l'idée, et, île l'autre, des boinmes assez
stupides pour en perinetire l'exéculion.
IV. iNoiis pouvons compter, parmi les témoins
de la résnireciion, jusqu'aux Juifs qui ont relu?é de
la croire. Leur incrédulité porie avec elle des ca-
ractères si manifestes de mauvaise loi, qu'elle équi-
vaut à un aveu formel. Pour vous en convaincre,
je n'ai besoin que de mettre smis vos yeux ce que
tirent les cbels de la Synagogue avant la résiiriec-
lioii, pour empêclier, s'il eût été possible, que la
prédiciiun de Jé^us ne s'accomplit, et ce qu'ils (ircnt
après la résurrection, pour arrêter l'effet de ta Dié-
dicatioii des apôtres.
Avant la résurrection, les princes des prêtres et
les pliariMcns scellent de leur sceau l'enlrée du sé-
pulcre : ils y placent des satellites pour en défendre
l'accès. Par ces mesures, ils se constituent déposi-
taires et gardiens du corps de Jésus, ils en répon-
dent contre tous les efforts des disciples, et ils s'en-
gagent tacitement à le représenter, après les trois
jours lixés pour la lésiirreciion. Qu'^rrive-t-il, ce-
pendant'!' Dès le malin du troisième jour, les sceaux
du sépulcre sont brises, la pierre énorme qui le fer-
mait est renversée, les satellites sont dissipés, te
RES 154
lumière tîl il sera rassasié de bonhetir. » Jé-
sus lui-même avait répété plus d'une fois h
ses apôlres ijuc trois jours après sa mort il
cadavre a disparu ; il ne reste que les linges qui
renveloppalciit.
D'ipiès ces l'aiis publiés par les apôlres, el non
coiilesiés par les Juifs, il faui admeiire, ou que Jé-
sus est resMiseiié, ou que ses disciples mit enl'vé
le cadavre à force ouverte. Mais, outre nue c'ent
été de leur pan un projet inseiis ', soit (|u'ils crus-
sent, soit qu'ils ne crusseni pas à la divinité de leur
maîire ; outre qu'on ne peut leur supposer ni le cou-
ra^e ni les forces nécessaiies pour l'exéculiou, les
clicfs de la Svnagngne en avaient rendu lo succès
impossible; et ils ne sont plus en droit d'alléguer
cet enlèvement, après qu'ils l'ont prévu, et ipiils
ont pris pour l'empêi lier toutes les mesures ipia
pouvait suggérer la prudence éveillée par la liaine,
et soiileniie de l'autorité et de la force publique. .\
plus f"rle raison ne niériteui-ils pas d'être écoulés,
lorsqu'ils vienneul nous dire i|ue les disciples ont
forcé le sépulcre, peiidanl que les gardes dormaient
tous à la fois, sans que leur sommeil eût élé trou-
blé par le liimulle inséiiarable des efforts el des
mouvements que suppose une piieille ex|icditinn.
Un fait aussi de-titiié de vraisembbnce demande-
rait, comme l'oliserve siint Augnslin, d'autres ga-
rants que des témoins endormis. Tout ce que l'un
(leiil conclure du bruit de renlèvement semé dans
le i>euiile par les cliefs de la Synagossue, c'est que,
de leur aveu, le cadiivre n'était plu- dans le sépulcre
avant la lin du iroisiéme jour; et cet aveu, d;uis
leur boiicbe, est un témoignage forcé en faveur de
la ré nrreclion.
Tandis i|ue, par une fable si mal conceriée, les
prêtres et les pliarisiens s'ellorçaieiit de démentir la
prédiciioii de Jesiis-Cbrist, les apôlres, au milieu de
Jérusalem, se portaient bâillement pour témoins de
son accoinidisseuieiit. Le contraste de leur assu-
rance cl de leur intrepidilé, avec la mollesse et la
tiiiiiilité de la Synigogue, fait assez voir de quel
côté se iroiivent la bonne foi et la vérité.
Pierre et Jean venaient de guérir, à la porte du
temple, el en présence d'une foule innombrable, un
homme boiienx de naissance, connu de toute la
ville. Ils avaient pris occasion de ce prodige pour
annoncer au peuple la résurrection de Jésus. Ils
parlaient encore, lorsqu'il survient des prêires, des
inagislrals du temple et des sailducéens, qui les font
saisir ei jeter dans une prison. Le lendemain, les
prêtres, les anciens, les scribes' assemblés, se font
amener les deux apôtres. Niiront-ils, ou du moins
conlesleront-ilît le miracle de la veille? Non : ils le
reconniiissenl expressément, et se bornent à deiii:iii-
der aux apôtres en quel nom et par la puissance de
qui Ils l'ont opéré : In qua virttite, aut in quo tio-
vtiiie (ecims huc t'os.'(Aci. iv ) Pierre prend la pa-
role et leur dit ; i Princes du peuple, apj.renez, et
que tout Israël sacbe que cet lionime , que vous
vovez sain devant vous, a é'é guéri par la puissance
et au iioni de Noire-Seigneur Jésus-Llirist de Na-
zaretli, que vous avez criicilié, el que Dieu a res-
suscité d'enlre les morts : Quem dos crucifiiisth,
quem Deus suscitavit amorluis > Les in;igisiral.s,
voyant la ferinelé de Pierre ei de Jean, sacbant quo
c'élaienl des bonunes du peuple, et sans letnes,
étaient dans réionnemeni, et connaiss:iient qu'ils
avaient élé avec Jé?us Ils voyaiem aussi devant
eux riioiiiine guéri, ci ils ne pouv;iieiil nier la chose.
Ils firent sortir les apôires de la salle du conseil, el
délibérant entre eux, ils se disnient : < (Jue ferons-
nous de ces bomnies? Le miracle «pi'ils ont fuit est
connu de tous les habiiains de J lusaleiii. La chose
est miinifesie, et nous ne p uivuiis la mer. .Mais afin
que leur doctrine ne se lépaiioe pas d.ivaniage, dé-
fcndoiiB-leiir avec menace d'en parler à qui que ce
ISS
RES
RES
186
sorlirait du tombea». Les Juifs sont encore
persuadés que le Messie, qu'ils allendenl doit
mourir et ressusciter. Koi/. Galaliu, 1. viii,
soii. « Pierre el Jean sont rappelés, on leur intime
l'ordre du conseil : ils sortent en déclarant qu'ils n'o-
béiront pas : « Jugez vous-mêmes, disent-ils, s'il est
juste de vous oliéir pUiiot qu'à Hien. Pour nous,
nous ne pnnvdns taire i e que nous avons vu el en-
tendu : Non enim 'posstimus quœ lidintus et aitilivi-
mus non loifui. > Cités une seconde fois au même
tribunal, tons les apôtres réuid< parlent avec la
même inlrépidilé. Les prêtres, les pharisiens !><;-
missaient de r.'ige et voulaient les faire mourir.
( Laissez ces liomnies, leur dit (îam.iliel ; car si
l'œuvre qu'ils entreprennent vient des hommes, elle
tombera d'elie-uême : mais si c'est l'œuvre de Dieu,
vous ne vieillirez pas à Iciut de la détruire, el voire
résisianre vous rendrait ctuipables d'imp été. i
Avec tant de h line el di' puis<aiiie, pour(|iioi tant
d'incertiinde et de fiildesse? Pourquoi ce» méuage-
nienis pour des liornmes de niant, qui aceoseni eu
face les prinres des prêtres d'avoir crucifié le Messie
des Juifs, quem vos cruàfixistii '! Comment le plus
sase et le plus' accrcdilé des ptiari~iens ose-t-il
avancer en plein conseil, que coniliailrc la prédica-
tion des aiirtlrcs, c'est s'exuoser à eombïittre i'.vuvre
de Dieu? Est-ce là la romluile, est-ce là le fiiigage
co:;veiiablB aux chefs d'une nation, à l'égard U'une
poignée de novalems el de séditieux, qui, par la
plus giossière imposture, déshonorent l;i nation ti>ul
cnlière. et niellent en péril l'étal et la religion?
N'allez pas objecter (|ue ce récit est suspect,
puisque c'est des apolres seuls que nous le lemms.
Les laits qui ont précédé ou suivi imuiédiatemenl la
résurreclion, étaient des faits publics el notoires ipil
appartenaient à la Synagogue, et qu'il y aurait en de
ia démence à lui attribuer, s'ils n'eussent pas élé
vrais el génér:i'enpent reconnus. I<cs aprtires au-
raient-ils inventé que les prêtres allèrent trouver
Pilale, pour lui demander de placer une garde dans
le sépulcre; qu'il se répandit parmi les Juifs que le
corps de Jétiis avait été enievé de nuit par ses disci-
ples, qu'eux-mêmes furent cités devant le conseil,
iiib-rrogés, emprisoonés, réprimandés, et battus de
verges? Non, ces laits ne sftnt pas de l'invention des
apolres : ils avaient pour garant la notoriété pu-
bli(|ue. Viius ne iiouvez raisonnableincnt les ciinles-
ter et de leur réunion il sort une nouvelle preuve
du laitue la résiirreelio:!.
D'abord la piécaoïion de placer une force mili-
taire près du s. piilere ne permet pus de douter que
Jésus n'cilt annoncé puldiquemeni qu'il ressuscite-
niil. J'y trouva même une soilp d';iveii de ses autres
miracles ; car on eût méprisé une semblable pré-
dii tiiin, si des œuvres surnalurelles ne lui eussent
pas don'ié ile la vraisemblance el du puids diins To-
pi!;i(in publique. En sccomi lieu, le bruit qui se ré-
pand de l'eiilèvenieiit du cartavri', prouve dciuons-
Iritivemeiil que le lombeau s'était trouvé vide
iipiès le Iroisièine jour. Or ce lait seul décide contre
•s Jiiils, puisqu'il est certain ip.'ils ont di'i, qu'ils
oui pu, qu'ils «Mil voulu prévenir lo ite teiilalive de
la part des disciiiles. De plus, ce briiil suppose une
/luposlure aveiée, ou de la part des disciples, s'il
est véritable, ou de la pari de la Synagogue, s'il est
faux. Ur, si l'on pèse at entivemeiii rinlérél, les
moyens, le caraclère des uns et des autres, on
avouera que le reproche ne peut Vomber que sur les
chefs de la Synagogue.
Les apolres n'avaient nul intérêt à dérolier le
corps de leur niailre, à moins qu'on ne les sup-
pose assez insensés pour vouloir, au péril de leur
vie, jusiilier l'extravagante prédiction d'un impns-
leur. Mais la Synagogue demenrail coiivamciie du
crttiie le plus lion ilile, si l'mi croyait à la résurrec-
lIoD (l'un lioninic qu'elle avail fait périr du dernier
c. 15 et 22. 11 est donc de la plus grande im-
portance de voir si l'histoire de la résurrec-
tion de Jésus-CI>rist, tracée par les évangé-
siipplice. A s'en tenir à la présomption de droit,
celui-là a commis le crime, à qui le crime est utile,
h fecil sceliis, cui prodesl : il ne se trouve ici de
coupables que les Juifs.
Les apôtres manquaient de tous les moyens né-
cessaires au succès d'une entreprise si liasanleuse.
Mais les chefs de la Synagogue avaient en main
tout ce qui pouvait empéchor l'etfraclimi du sépulcre,
tout ce qui pouvait la cnnslaier après l'exécution.
Or, de leuraveu, ils nel'imt pasempêcliée,et d'après
toute leur conduite, il est évident qu'ils ne l'onl pas
coiislaiée. Ils n'ont pas même pimi les soldats qui,
par un oubli sans exemple de la discipline militaire,
avaient favorisé le vol du dépôt confié à leur garde.
Ils ont souffert ipi'tui les accusât publiquement d'a-
voir acheté à prix d'argent le silence de ces témoins
oculaires de la résurrection.
Les apolres, dans toute la suite de leur vie, ont
donné l'exemple de toutes les venus : ils ont scellé
de leur sang le témoignage qu'ils avaient conslam-
meiit rendu de la résurrection de leur maître. En
est il de mènie de leurs adversaires ? Interrogez, je
ne dis pas les évangélisles, mais l'hiilorieu Joséphe :
il vous dira que telle était la "corruptinii des phari-
siens, des prêtres, des magistrats, qu'elle tût sufli,
sans les armes des Itoiiiaiiis, pour consommer la
ruine entière de la iialion.
Trois, èuiemenl, les chefs de la Synagogue oni nié
le fait de la résurrection ; mais quelles preuves ont-
ils opp jsées au témoignage des apôtres? Le bruit
va-iie de renlèvcmeiit du cadavre n'esl qu'une fable
maladroite, s'il n'est pas soutenu par des inlorma-
lions juridiques. Or, il ne parait nulle Ir.ice d'inlbr-
mations juridiques dans toute l'histoire de ce temps-
là ; et ce qui démontre qu'il n'y en a jamais eu, ou ipie
l'iui s'est cru obligé de les supprimer, c'est que les
apôtres conlinuenl d'enseigner eu public, sans ipie
les magistrats osent les condamner à la mort ; c'est
que, dans le procès instruit tumullu liieiiient contre
le diacie Etienne, on l'accuse, non d'avoir enseigné
la résurrection de Jésus, mais d'avoir blasphémé
contre le temple et contre la loi : c'esl enlin, que la
foi en Jésus ressuscité, i|ue des Infor nations juri-
diques auraient dt'i éioulfer dans sa naissance, s'é-
tab'ii au milieu de Jérusalem, sous les yeux des
prêtres et des magistrats, qui ne savent combattre
la nouvelle religion qu'en la persécutant
V. Le fait de la résurrection esi tellement lié avec
d'autres lails inconleslables, qu'on ne peut l'en dé-
tacher sans tomber dans un abiine d'invraisem-
blances, de coiitr.idiciious et d'absnrdiiés histuii-
ques.
Ln premier fait incontestable, c'est que l'établis-
scmenl du cliristiaiiisine esl moins l'ouvrage de Jé-
sus-Christ i|ue celui de ses apolres. Or, si Jésus n'esl
pas ressuscité, il est mifiossible de cimcevoir com-
ment ses apôtres oui pu suivre et consommer l'en-
treprise qu'il avail commencée. Que l'incrédule se
décide une fois sur le caractère qu'il veut donner
aux apôtres. En fera-l-il des enthousiastes sliipides
qui prêchent de bonne foi les visions dont leur
inaitre les a bercés? Celle siipunsiiion esl détruite
fiar le fait de la résurreition, dont ils se discnl les
témoins. Jusque-là, (pi'ils aient élé séiJuits, à la
bonne heure; mais, dés ce nimuenl, ils devieiineul
cnx-uiémes des itupnsteuis; il ne faut plus nous
parler de leur enthousiasme et de leur bonne foi.
Essayera-t-on de nous les montrer cmniue des four--
bes liabiles qui s'emparent du plan ébauché par leur
m litre, et se chargent de l'exécuiei, au [léril mani-
feste de leur vie? Des fourbes n'auraient eu garde
de coudre à leur plan ia fable de la résurrection.
i57
RES
RES
158
listes, es( à couvert de tout reproche et de
tout soiip<;on do fausseté.
Toute l'a question se réduit à trois arti-
' qui ramenait innt à l'examen d'un fait nnique, où le
iiiciisoiigi! (Icvail percer de loules part'.
Un second fait non moins inciin(eslal)le, cest que
l'Eglise a pris naissanre à Jérusalem, deux mois
après la miMi de Jé-us-Clirisl. La première prédi-
caiion de Pierre enfanie Irnis mille clirc.iens : peu
de jours après "" en ciinipte liuii mille. La persé-
cnliiin qui <d)li^e les apoties de se sénaier, porte le
germe de la foi dans tous les pays voisins. U"i '"'<'''-
plicpiera ce mouvement suhit qui arrache des milliers
de Jnils à leurs préjufïés, à leurs lial)iludes, à tous
leurs inièréls, pour leur taire adorei' un liomine
qu'ils oui vu expiier enlre deux brigands? Les apô-
tres ont pulilic que cet liumiue était ressuscité. Mais
les apoiri'S ont renciuilrédi's contradiileurs, ils n'en
ont pas été crus sur nu tait ajissi extraordinaire, ils
ne l'ont pas avancé sans alléguer quelques pieuve.^ ;
et si le fait était conirouvé, sur (|uellcs preuies
ont-ils pu l'élaldir lorsque t(uit s'élevait contre leur
léinoi;:nage, l'aulorilé, la religion, l'intérêt et les
nassiousï
Que l'on exagère tant que l'on vtindra la crédulité
du peuple, on ne trouvera pas un seul exemple d'une
pariille imposture et d'un pareil succès. Les erreurs
popul;iires prennent leur origine et trouvent leur
api'ui dans les opinions reçues, dms les passions,
dans l'influence des gouvcrntineiils. Uoinulus dis-
parait tout à coup ; les sénateurs publieni (|ne les
dieux i'iuit enlevé au milieu d'un orage : un peuple
imiiecile et superstitieux croit sans peine inie tal)lc
qui s'accorde avec toutes ses idées. Mais ce même
peuple aurait-il (ru, sur la |)arole de quelques in-
connus, ù l'apulliéose d'un liomine obscur, ennemi
de ses lois et de sa religion ?
Aussi, et c'est un troisième fait non moins certain
que les deux précédents, les apolres n'ont pas dit
au peuple de Jérusalem : Croy'Z ((ue Jésus est res-
suscite, parce que nous vnus l'assurons ; ils ont dit :
Croyczen les prodipes que nous cqiérons sous vos
yeux, au nom de Jésus ressuscité. La foi des pre-
miers juifs convertis a donc eu pour motif des taits
écialanls, dont la vérité olait jiéci'ssairciiienl liée à
la vcrilé du fait de la résurrection. Tout se réduisait
pour eux à l'examen facile de ces l'iiis dvuit ilséiaient
le^ téuioiiis oculaires. Tout se réduit pour nous à re-
clierclier s'ils ont recoiiim la vérité des faits al-
légués par les apôtres, et si le jugement qu'ils en
ont |iorlé nou^ oblige nous-mêmes à les admettre.
Mais avant d'entamer cette discussion, je veux vous
faire observer qu'elle répondra pleiueuieut ii une
question que vous eiuendrey. souvent faire aux in-
crédules : Pourquoi Jésus ressuscité ne s'esl-il pas
inonlié aux piètres, aux piiarisiens, à loiiic la ville
de Jérusalem qui l'avait vu expirer? Pourquoi sa
mort ayant été publique, sa résmrectinn n'a-t-elle
pas eu d'autres témoins (|ue ses disciples ?
Je pou rais répondre que la nation entière, repré-
sentée par ses prêtres, ses docteurs, ses magistrats,
avait une preuve convaincante de la résurrection,
dans l'état où l'on trouva le sépulcre trois jours
après ta mort de Jésus-Cbrisl. Je pourrais ajouter
que le témoignage des apôtres, soutenu par des
œuvres sunialurelles , en lonrnissait une autre
preuve certaine, et dés lors siillisanle. Mais je vais
plus loin, et je dis que, par leurs propres miracles,
lesapiilres ressuscitaient ce fait capital, le rcnilaieut
public, et le mettaient en quelque sorte sous les
yeux de la nation. Jésns-Cbrisl en e0ei ne se mon-
trait-il pas au milieu des Juifs toutes les fois que
ses apôtres opéraient en son nom, et par le pouvoir
qu'ils avaient reçu de lui, qtieliju'un de ces prodiges
que nous lisons dans leur bistoire? La Synagogue et
le peuple de Jérusalem ne t'out pas vu après sa ré-
cles, à savoir : si Jésus-Christ est véritable-
ment mort sur la croix, s'il est ensuite sorti
du tombeau lui-même ou si ses disciples ont
fait disp.iraîlre son corps, et si les attesta-
tions de sa résurrection sont suffisantes ;
nous ne pouvons qu'indiquer sommairement
les preuves de la vérité de ces trois faits es-
sentiels.
I. La vérité de la mort de Jésus-Christ est
prouvée par la narration uiiifornw des qua-
tre évaiigélislcs ; on peut comparer leurs ré-
cits dans une concordance : par la longueur
et la variété des lourtiients (ju'on lui avait
fait souffrir : il avait essuyé le malin une fla-
gellation cruelle, la violence et les coups des
soldats ; il avait succombé sous le poids de
sa croix ; le rrucifiemenl mit le comble à ses
douleurs : on est étonné de ce qu'il put vi-
vre encore pendant trois heures sur la croiv.
— Une troisième preuve est le coup de lance
qui lui fut donné par un soldat, et qui fit
sortir de sni côté le sang qui lui restait dans
le cœur avec l'eau du péricarde ; il lui éiait
impossible de survivre à celle blessure. C'est
parce cju'il était mort que les soldats ne lui
rompirent point les jambes, comme aux
deux larrons crucifiés avec lui. Ajoutons la
précaution que Pilale prit avant de permet-
tre que le corps de Jésus fût détaché de la
croix; il interrogea le centurion témoin du
supplice de Jésus, pnur savoir s'il était véri-
tablement mort ; cet officier le lui assura.—
La cinquième preuve est l'embaumement
que firent de ce corps Nicodème et Joseph
d'Arimathie, opération qui aurait sulToqué
Jésus s'il n'avait pas été véritablemetil mort.
Yoy. FuNiJR.ULLES. — La sixième est l'alleii-
lion qu'eurent les juifs de visiter le tombeau
de Jésus lorsqu'il y fut renfermé, de sceller
la pierre qui en fermait l'entrée, d'y mellre
des gardes, de peur que son corps ne fût en-
levé par ses disciples et qu'ils ne publias-
sent qu'il était ressuscité. Enfin, la persua-
sion dans laquelle les juifs ont loujotirs élé
que Jésus avait éié déposé mort dans le tom-
beau, et le bruit qu'ils ont répandu de l'en-
lèvetnent de son corps pendant que les gar-
des dormaiesit. Les juifs ont toujours con-
testé sa résurreclion, mais ils n'ont jamais
nié sa mort. Elle est donc prouvée par tous
les faits et par toutes les circonstances qui
peuvent la rendre indubitable.
surrection ; mais n'ont-ils pas en, dans les miracles
des apôtres, une preuve de la résurrection, équiva-
lente au létuoigiiage immédiat de leurs sens? Et
ceux qui ont relusé de se rendre ii cette preuve si
auibeoii(pje et si éclatante, se seraient-ils montrés
plus dociles il la vue de Jésus ressuscité? Pensez-
vous d'ailleurs que le témoignage uiiauiine de toute
la nation juive lïil capable de fermer la bouche à
nos incrédules modernes? Ne deniaiideraienl-iN pas
encore <pie Jisus, après sa résurreclion, eût pai-
couru toute la terre? Ne vondiai nt-ils pas le vo:r
de leurs propres yeux ? Où trouver des preuves as^ez
convaincantes pour des liomuies bien résolus à ne
pas croiie? L'histoire évangcli(|ue renferme des
motifs de crédibilité qui ^ulii.>ent à la bonne loi, et
l'autorité n'en dl point éb aiiU-e, p;irce que la mau-
vaise fui imagine et dem.mde d'autres preuves qu'elle
saurait bien éluder. — Démonsi. t'ua'ig., édit. Migue.
169
RES
RES
i60
II. Les disciples de Jésus n'ont pas tiré
son corps du tombeau ; second fait à prou-
ver. 1° Us n'diit pas osé l'enlrepreiidri; ; leur
linildilé est connue, ils en foiu eux-mêmes
l'aveu. Ils s'enfuirent lorsque Jésus fui saisi
par les juifs; saint Pierre, qui le siii\il de
loin, n'osa se déclarer son discipli- ; saint
Jean seul osa se nionlrer sur le Calvaire et
se tenir près de sa croix. Pendant les jours
suivants ils s'enfermaient, de peur d'éire re-
chercliés et poursuivis par les juifs. Lorsque
Jésus ressuscité se fit voir à eux, ils le pri-
rent pour un fantôme et furent saisis de
frayeur. Ce ne sont pas là des liornines ca-
pables de vouloir forcer un corps de garde
et de tirer par violence un cadavre du tom-
beau.— 2" Quand ils l'auraient osé, ils ne
l'ont pas voulu. Pour former ce dessein, il
fallait un motif : or, les apôtres n'eu avaient
aucun. Une fois convaincus de la morl de
leur maitre, ils ont diî le regarder ou comme
un imposteur qui les avait trompés par de
fausses promesses, ou comme un esprit fai-
ble qui s'était abusé lui-oiême par de folles
espérances. Quel intérêt pouvait donc les
engager à braver la haine des juifs et le
danger du supplice pour soutenir l'Iionneur
de Jésus, pour persuader sa résurrection,
pour le faire reconnaître comme Messie? Ils
ne pouvaient espérer ni de tromper les juifs,
ni d'éviter le châtiment, ni de séduire le
monde entier. C'eiil été de leur part un crime
aussi absurde qu'inutile. Us ne pouvaient
pas compter assez les uns sur les autres
pour se persuader qu'aucun ne dévoilerait
la conspiration et ne découvrirait la vérité.
A moins qu'ils n'aient été tous saisis par un
accès de démence, le dessein d'enlever le
corps de Jésus n'a pas dû leur venir dans
l'esprit. — 3° Quand ils auraient en trepiis de
commettre ce crime, ils ne l'auraient pas pu.
Le tombeau était gardé par des sold its ;
avant d'y placer cette garde, les juifs avaient
eu soin de visiter, de fermer et de cacheter
le tomlieau [Matlh. xxvii, G6). Celte ojjéra-
tion ne s'était pas faite la nuit ni secrète-
ment, mais au grand jour. On ne pouvait le-
ver une grosse pierre, ni emporter un corps
enduit d'aromates sans faire du bruit. Le
tombeau était creusé dans le roc ; on le voit
encore aujourd'hui ; mille voyageurs l'ont
visité. — k" Enfin, (|uand les apôtrt'S auraient
pu et auraient voulu enlever le corps mort
de leur maitre, ils ne l'oul pas fait. Us ont
élé justifiés de ce vol f)ar les gardes, lorsque
ceux-ci sont allés déclarer aux juifs ce (|ui
était arrivé. Si ces gardes avaient favorisé
les apôtres pour conirneltre ce crime, ils au-
r. lient élé punis, puisiiue ceux qui gardaient
saint Pierre dans la prison fureni envoyés
au su|)plice, quoique cet apôtre eût été dé-
livré par miracle {Acl. xii,29j. Au contraire,
les juifs donnèrent de l'argent aux sullats
afin (ju'ils publiassent ijue le corps de Jésus
avait élé enlevé pendant qu'ils di)r(n;iient.
Mais ces mêmes juifs ont encoie justifie 1rs
apôties (le ce crime prétcinlu. Lorsqu'ils
firent mettre en prison et b,.llre d' verges
saintPierre,sainlJeanel les autres, loi squ'ils
mirent à mort saint Etienne, les deux saint
Jacques et saint Siméon, ils ne les accusèrent
point li'.Tvdir volé le corps de Jésns-Clirist ni
d'avoir publié fausseoieiit sa résurrection,
mais seulement île l'nviiir prêehée mal né la
défense qu'un leur en avait faite. Dîne, les
apôtres siint pleinement ab'.ous du crime
que les juifs cl les incrédules ve.ilent au-
jourd'hui leur imputer. Si donc Jésus-Chrisl,
après avoir é!é déposé mort dans un tom-
beau, a reparu vivant et conver-ant avec
ses apôtres, nous sommes forcés de croire
qu'il est ressuscité.
III. La résurrection d'' Jc'sns (Uirist est at-
testée p ir des témoignages irrécusables. Klle
l'est, en premier lieu, par ions les apôires
qui affirment que pendant quarante jours
ils ont vu et toiiclié Jésus-Cbiist vivant,
qu'ils ont conversé, bu et mangé avec lui
comme avant sa mort, ils ont donné leur vie
en témoignage de ce fait, et leur coniluile
jusqu'à la mort a été telle qu'il f.illail pour
mériter une entière confiance. Voy. Apô-
tres. Cette rcsurrei tion est confirmée, en
seC'ind lieu, par la persuasion de huit mille
hommes ronvertis cinquante jours après
par deux prédications de saint Pierre. Ils
étaient sur le lieu ; ils ont pu interroger les
juifs et les gardes, visiter le tombeau, con-
sulter la notoriété publique, confronter les
témoignages des apôtres avec ceux des en-
nemis de Jésus, prendre toutes les précau-
tions possibles pour n'être pas trom(u'S.
l'ersonne n'a pu se faire chrétien sai\s croire
celle résurrection : c'a toujours été le point
fondamental de la prédication des apôtres et
de la doctrine chrétienne. Il est incontesta-
ble qu'immédiatement après la descente du
Saint-Esprit il y a eu une Eglise nombreuse
à Jérusalem, et (ju'elle y a subsisté pendant
plusieurs siècles sans aucune interrupiion :
or, elle a élé composée d'abord par des té-
moins oculaires de tous les faits qui con-
couraient à prouver la résurrection de Jé-
sus-Christ. Ce fait est confirmé, en troisième
lieu, non-seulement par le silence des juifs
qui n'ont j 'mais accusé les apôtres de men-
songe ni d'imposture sur ce point, mais par
leur aveu formel. Dans les Sepker Tholdoth
Jescliu, ou Vies de Jésus, qui ont été compo-
sées par les rab! lus, ils disent ijue le corps
de Jésus morl fut moniréau peuple par un
certain Taii-(]uma : or, tancuma signifie à
la leiire mirucle de la résurrection. Voyez
y Histoire de l'établissement du chrisliinisiiie,
tirée des juifs et des païens, p. 8'2. Un qua-
trième témoignage positil est celui de Josè-
phe riiisiorien, dans le célèbre passage que
nous avons rapporté à son arlicle, et dont
nous avons prouvé l'authenticité.
La manière dont Celse, de concert avec
les juifs, a cunleslé la résurrection de Jésus-
Christ, est équivalente à un aveu formel. Il
dit que les apôtres ont été trompés par un
fantôme, ou qu'ils en ont imposé. Mais un
fantôme ne fait pas illusion pendant qua-
rante jours consécutifs à lies hommes éveil-
lés; on ne l'entend .(«oint converser. On ne
le voit point boire et manger; -il ne se laisse
161
RES
REfi
163
point loucher, comme n fait Jésus après sa
résnrreclion. Les apfiires n'ont |)ns pu en
impcier nux juifs, de mîinit'TO ;\ Icnr fermer
la douche el à déconcerter leur comluile ; ils
n'ont pas pu fasciner les yeux ni les oreille»
à la mullilude de témoins oculuiies el pla-
cés sur les lieux, qui oui cru à leur prédi-
cation.
Nous demanaons aux incrédules quelle
espèce de |ireuves plus convaincantes ils
exigent pour croire la rcsurreclion deJésixs-
C'hrisl. Dans l'impuissance d'allaqiier direc-
tement celles que nous alléguons, ils se jel-
Icnt sur les accessoires ; ils objcclenl:
1" 0"*-' personne na vu Jésus-I'hrisl sortir
du lomheau. D'abord on ne sait pas si les
gardes ne l'onl pis vu ; l'I'lvanijilo n'en dit
rien, lui second lieu, tous les témoins qii se
seraient trouvés là, fussent-ils an nombre
de mille, aurai. -ni été aussi elTrajés (]iie les
gardes. Un tremblement df (erre, la pierre
du tombeau renversée, un ange assis dessus
avec un regard terrible, un mort qui sort
du tombeau, ne sont pas des objets que l'on
puisse envisager de sang-froid : or, Jésus-
Chiist ne voulait point épouvanter les té-
moins de sa résnrreclion , il voulait au con-
traire les rassurer, et il eut beaucou|) de
peine à dissi[)er leur frayeur les premières
fois (|u'il leur apparut. linfin, qu'imporie
qu'on ne l'ait pas vu sortir du tombeau,
pourvu qu'on l'ait vu, entendu et louché
après qu'il en a été sorti ? Il n'en résulte
pas moins (lu'il a été vivant après avoir été
mort. — 2° Les incrédules disent que la nar-
ration des évangélistes est chargée de cir-
constances difficiles à concilier. C'est juste-
ment ce qui prouve qu'elle est vraie ; si ces
qucitre éci ivains r.iv.iient forgée cl l'avaient
arrangée de concert, ils l'auraient rendue
plus claire. Ils auraient fait sortir du tom-
beau Jésus resplendissant de gloire, cuiioie
les peintres ont cuuiuuie de le représeiiler;
au lieu de placer un ange sur la pierr •, ils y
auraient supposé .lésus-Glirist lui-méuie as-
sis avec un regard menaçant lixé sur les
gardes. Ils auraient dit : Nous y étions, nous
l'avons vu : ce mensonge ne leur aur.iit pas
plus coûte (|ue le leste, et il aurait été plus
imposant. Si au contraire les quatre évan-
gélistes avaient forge chacun en parlicnlier,
et sans s'être concci-iés, une histoire fausse,
il serait impossible qu'il ne se fût pas trou-
vé dans leur récit des circonstances contra-
dictoires et inconciliables ; or, il n'y en a
point, cl elles sont très-bien conciliées dans
les concordances. — 3" Jésus-Clivi^t ressus-
ciié, disent nos adrersaires, devait se mon-
trer aux juifs, à ses juges, à ses bourreaux,
pour 1rs convaincre et confondre leui' incré-
dulité ; Celse le soutenait déjà ainsi, cl celle
objection a été cent fois répelée de nos jours.
Si elle est sensée el raisonnable, Jésus res-
suscilé devait se montrer aussi à toutes les
nations au\(iuelles il voulait envoyer ses
apôtres, afin lie les convertir; il devait se
faire voir aux persécuteurs de ses disciples
et à tous les ennemis de sa religion, afin
d'aïuortir leur fureur. 11 devrait même res-
susciter aujourd'hui de nouveau sous les
yeux des incrédules, afin de les rendre do-
ciles : ils ont meriié celle grâce par leur im-
piété, tout comme les juifs s'en étaient ren-
dus dignes en cruciliant celui qui venait les
sauv(>r. Ne rougira-t-on jamais de cette ab-
stirdilé? Dieu ne multiplie point les preuves,
les motifs de foi, les grâces do salul, au gré
des incrédules el des opiniâires ; il en donne
suffisamment pour les âmes droites el doci-
les ; li'S autres méritent d'être abandonnées
a leur entêtement. Lorsque le mauvais ri-
che, lourmenlé dans l'autre vie, conjurait
Abraham d'envoyer un mort ressusciti' prê-
cher la péiiit(!nce à ses frères, ce patriarche
lui répondit : « S'ils ne croient pas Moïse
ni 1rs prophètes, ils ne croiront pas plus uu
mort ressuscité {Luc. xvi,3i). » De même,
dès (lue le témoignage des gardis joint à ce-
lui des apAtres n'a pas suffi pour convaincre
les juifs, ils n'auraient pas été plus touchés
du iémoigiiage de Jésus-t^hrist lui-même. Ils
avaient dit pendant sa vie : C'est le prince
des démons qui opère les miracles de Jésus ;
ils auraient dit de sa résurrection : C'est ce
vv'me prince des ténèbres qui a pris la figure
de Jésus pour venir nous séduire. N'avons-
nous pas enlenilu dire aux incrédules mo-
dernes : Quand je verrais ressusciter un
mort, je n'en croirais rien , je suis plus sîlr
de mun jugement que de mes yeux. — 4-° Ils
prétendent que le récit des apparitions qui
ont suivi la résurrection du Sauveur esl rem-
pli de difficultés et de contradictions ; c'est
Une fau>seté. Il n'y en a point lorsque l'on
ne cherche pas à y eu mettre, lorsque l'on
n',i|oiite rien à la narration et lorsque l'on
rap|iroehe les évangélistes l'un de l'aulie;
c'est ce (|ue l'on a fait dans les concordan-
ces. Mais les incrédules ne veulent aucune
conciliation ; ils ne veulent que disputer et
s'aveugler. Lorsqu'un des évangélistes rap-
porte un fail ou uue circonstance dont un
autre ne parle pas, ils appellent cette diffé-
rence une conlrndirlion^ comme si le silence
élait une dénégation positive. Vuy. ApeARi-
T.ON. — 5" Ils soutiennent que les apôtres et
les évangélistes sont des témoins suspects,
qui élaient intéressés à frger une fausse
liisloire pour leur propre honneur el pour
Celui de leur maitre. Déjà nous avons dé-
montré l'absurdité de celle calomnie. Les
apôtres n'auraient pu avoir aucun iniérêl à
soutenir l'honueur de Jésus-Clirisl, s'il avait
été fourbe el imposteur et s'il n'était pas
ressuscité ; leur propre honneur les aurait
engagés à reconnaître qu'ils avaient été
lroiii|)és, et à retourner à leur premier étal.
Jésus-Christ , loin de leur promeltre des
lioniieurs.de la cdébrilé el uue gloire tem-
porelle, leur avait prédit qu'ils seraient haïs,
perséculés, couverts d'ignominie et mis à
mort pour son nom ; ce sont eux-mêmes qui
le déclarent : celte sincérité est-elle compa-
tible avec un motif d'intérêt temporel ?
Mais dès que Jesus-Chrisi esl véritable-
ment ressuscité comme il l'avait promis, les
apôtres ont été conduits par le seul intérêt
qui agit sur les âmes vertueuses, par le
163 RE»
désir de faire connaître la vérité, d'éclairer
el lie sanctifier les hommes. C'est justement
cet inlérêt noble et généreux qui rend ces
témoins plus dignes de toi.
Au mot Apôtre, nous avons fait voir
l'embarras dans lequel se trouvent les incré-
dules, et les contradictions dans lesquelles
ils tombent, lorsqu'il s'agit de peindre le -
caraclère personnel, les motifs, la conduite
des apôtres; ils leur altribuent les qualités
U's plus incompatibles et les vices les plus
opposés à la marche qu'ils ont coiislammcnt
suivie.
Si l'on veut voir les preuves de la résur-
rection de Jésus-Christ phis développées, et
touies les objections résolues, il faut lire
l'ouvrage intitulé : La religion chrétienne
déinonCrée par la résurrection de Jésus-
Clirist, et composée par Dittim; Les témoins
de la résurrection de Jésus-Christ examinés
el jugés selon tes règles du barreau, par Shcr-
loli ; les Observations di' liilbert West, sur
l'histoire et sur les preuves de la résurrection
de Jésus-Christ, etc.
RÉsuRRiîCTiON GÉNÉRALE. Lc dogmc de la
résurrection future de tous les hommes à la
fin du monde a élé la croyance des Juifs
aussi bien que des chrétiens ; les patriarches
mêmes n'en ont pas douté : « Jo sais, dit le
saint homme Job, que mou Rédempteur est
vivant, qu'au dernier jour je me relèverai
de la terre, que je serai de nouveau revêtu
de ma dépouille mortelle, que je verrai mon
Dieu dans ma chair; celte espérance re-
pose dans mon cœur {Job. xix, 2o).» Daniel
dit que ceux qui dorment dans la poussière
se reveilleront les uns pour la vie éternelle,
les aulres pour un opprobre qui ne Unira
point, c. XII, V. 2. Les sept frères, qui souf-
frirent le martyre sous Antioclius , firent
profession d'espérer une résurrection glo-
rieuse et une vie éternelle (// Machab. vn,
9 et 14).
Dans la suite, les sadducéens chez les Juifs
attaquèrent le dogme de la vie future et de
de la résurrection; Jésus-Christ le leur
prouva, parce que Dieu s'est nommé le Dieu
d'Abraham, d'Isaac et de Jacob : or, il n'est
pas le Dieu des morts, mais des vivants
[Matih. XXII, 21). Pour les pharisiens, ils ne
se départirent jamais de celte croyance
[Act. xsni, 8). Saint Paul s'en servit avec
avantage pour soutenir devant Agrippa la
vérité de la résurrection de Jésus-t^brist ,
c. XXVI, V. 8 et 23, comme au contraire il
allégua celle-ci pour prouver aux Corin-
thiens la résurrection générale future (/ Cor.
xv); il emploie ce motif pour exciter les
fidèles aux bonnes œuvres, pour les consoler
de la mort de leurs proches et des souf-
frances de cette vie [l Thess. iv, 12). Il ap-
pelle destructeurs de la foi chrétienne ceux
qui disaient que la résiirrection était déjà
faite (// Tim. ii, 18).
Lorsque le christianisme vint à la con-
naissance des philosophes, ils ne purent
soufl'rir le dogme de la résurrection future;
Celse l'attaqua de toutes ses forces. Quelle
est l'âme humaine, dit-il, qui voudrait re-
BES
164
tourner dans un corps pourri? Dieu, quoi-
qiw tout-puissant , ne peut remettre dans
son premier état un corps dissous, parce que
cela est indérenl et contraire à la nature.
Origéne lui répondit que les corps ressus-
cites ne seront plus dans un élat de pourri-
ture, mais de gloire et d'incorruptibilité. Au
lieu de résurrection, les philosophes avaient
imaginé une palingénésie, ou une renais-
sance universelle du monde, prodige plus
contraire à la nature et plus inconcevable
que la résurrection des corps. Il n'est cer-
tainement pas plus difficile à Dieu de rendre
la vie à un corps humain que de le faire
naître du sang d'un homme. Origène, contra
Cels., 1. V, n. 4 et suiv.
Après Ori<;ènc, Tertullien fit un traité de
la Résurrection de lu chair, contre les païens
et contre quelques héréliqiies; il soutint la
certitude de cette résurrection luture, parce
que la dignité de l'homme l'exige, que Dieu
peut l'opérer, que sa justice y est intéressée,
et qu'il l'a ainsi promis.
En effet, 1° c'est Dieu lui-même, dit Ter-
tullien, qui a formé de ses propres mains le
corps de l'Iiomme, qui l'a animé du souffle de
sa bouche, qui y a renfermé une âme faite
à son image. La chair du chrétien est en
quelque manière associée à toutes les fonc-
tions de son âme, elle sert d'instrument à
tontes les grâces que Dieu lui t'ait. C'est le
corps qui est lavé par le baptême pour pu-
rifier l'âme; c'est lui qui, pour la nourrir,
reçoit le corps et le sang de Jésus-Christ,
c'est lui qui est immolé à Dieu par les mor-
tifications, par les jeiines, par les veilles,
par la virginité, par le martyre. Aussi saint
Paul nous fait souvenir que nos corps sont
les membres de Jésus-Christ et les temples
du Saint-Esprit. Dieu laissera-t-il périr pour
toujours l'ouvrage de ses mains, le chef-
d'œuvre de sa puissance, le dépositaire de
son souffle, le roi des autres corps, le canal
de ses grâces, la victime de son culte? S'il
l'a condamné à la mort en punition du pé-
ché, Jésus-Christ esl venu pour sauver tout
ce qui avait péri. Sans cette réparation
complète, nous ne saurions pas jusqu'où
s'étendent la bonté, la miséricorde, la ten-
dresse paternelle de noire Dieu. La chair de
l'homme, rendue par l'incarnation à sa pre-
mière dignité, doit ressusciter comme celle
de Jésus Christ. — 2° Celui qui a créé la
chair, continue Tertullien, n'est-il pas assez
puissant pour la ressusciter? Rien no péril
entièrement dans la n.iture : les formes chan-
gent, mais tout se renouvelle el semble' ra-
jeunir ; Dieu a imprimé le sceau de l'immor-
talité à ses ouvrages. Le jour succède à la
nuit , les astres éclipsés reparaissent , le
printemps répare les ravages de l'hiver, les
plantes renaissent, reprennent leur parure
el leur éclat; plusieurs animaux semblent
mourir et recevoir ensuite une vie nouvelle.
Ainsi, par les leçons de la nature. Dieu a
préparé celles do la révélation, et nous a
montré l'image de la résurrection, avant de
nous en l'aire la promesse. — 3° Sa justice cl
sa fidélité sont intéressées à l'accomplir.
I6S
RES
RES
d66
Dieu doit juger, récompenser ou punir
l'homine lout rnlier; dans cplui-ci, le corps
sert d'inslrumenl à l'àine, soil pour le vice,
soit pnur la vertu; les pensées niètnes de
l'âme se peignent souvent sur le visage;
l'âme ne peut éprouver du plaisir ou de la
douleur, sans que le corps s'en ressente; le
principal exercice de la vertu consiste à
réprimer les convoitises de. la chair. Il est
donc juste que l'âme des méchants soit tour-
mentée par sa léuiiion avec un corps qui a
servi à ses crimes, et que celle des saints
soit récompensée par sa société éternelle
avec une chair qui a été l'instrument de ses
mérites. — h' Dans l'Ancien cl dans le Nou-
veau Testament, Dieu a formellemont an-
noncé et promis la résurrection future des
corps, 'rcrlullien le prouve par plusienrs
des passages que nous avons cilés, cl il ré-
fute les fausses interprétations que les héré-
tiques y donnaient. Il fait voir que les ex-
pressions des prophètes ne sont pas des
figures, et que celles de Jésus-Christ ne
doivent point être prisi's pour des parnholes.
Ce l'ère répond ensuite aux p.issages de
riicrilure sainte, dont les hérétiques abu-
saient. Jésus-Ciirist dit que la chair ne sert
lie rien; snais par la chair il entend le sens
grossier que les Juifs donnaient à ses pa-
roles. Saint Paul nous ordonne de nous dé-
pouiller de l'homme cxte'ricur, ou du viril
homme; mais parla il entend les inclin;itions
vicieuses de la nature et les mauvaises ha-
bitudes contractées dans le paganisme.
Dans le même sens, il dit que la chair et le
sany ne posscderont pas le royaume de Dieu;
mais soutiendra-t-on que la chair de Jé^us-
Christ n'est pas réunie à son âme dans le
ciel? Dans le même endroit, l'Apôtre en-
seigne et prouve la résurrection future.
Tertullieii emploie la seconde partie de sou
ouvrage à exposer l'état des corps ressus-
cites, l'ar les paroles de saint Paul et par
d'autres raisons, il fait voir que ces corps
seront en substance les mêmes qu'ils étaient
ici-bas, mais exempts des défauls et des in-
firtnilés auxquels ils sont sujets dans cette
vie ; qu'ils ne seront privés d'aucun de leurs
membres, mais que ceux-ci ne serviront à
aucun des usages incommodes, douloureux,
honteux, auxquels les besoins de la vie mor-
telle nous assujettissent. Jésus-Christ nous
le fait entendre ainsi, lorsqu'il dit que les
ressuscites seront semblables aux anges de
Dieu {Matih. xxii, 30).
Dans toute cette doctrine de Tertullien, il
n'y a rien que de très-ortln)doxe. Saint Au-
gustin en a répété une bonne partie contre
les païens et contre les manichéens.
(Juelques incréilules ont prétendu qu'en
enseignant la résurrection future , Josus-
Clirisl n'a fait que renouveler un dogme des
Perses ou des Chaldéens; d'autre p^irt quel-
ques Pères de l'Kglisc, i)0ur prouver ce
dogme aux païens, ont dit qu'il n'était (las
lout à fait inconnu aux philosophes. Mos-
heim,daMs ^es Dis<ert. sur l'Hift. ecclésiast.^
t. Il, p. 58l), s'est proposé de réfuter les uns
elles autres; il en a fuit une pour prouver
ce qu'a dit saint Paul, que Jésus-Christ a
mis en lumière la vie et l'immortalité par l'E-
vanrjile (II Tim. i. 11)); (|uo les juifs, ni les
païens, ni leurs philosophes, ni les peuples
barbares, n'ont eu sur ce point une croyance
orthodoxe. Sans doute Mosheim a voulu
parler des juifs modernes; à l'égard des an-
ciens et des patriarches, comujcnt prouve-
rait-il qu'ils n'ont pas cru la résurrection fu-
ture dans un sens orthodoxe? Nous présu-
mons que Job, Daniel, les sept frères Ma-
chabées, n'étaient pas dans l'erreur au sujet
de ce dogme essentiel; Jéssis-Chriat a donc
pu l'enseigner aussi clairement qu'il l'a fait,
sans être obligé de l'emprunter des Perses
ou des Chaldéens. Aussi saint Paul ne dit
pas que Jésus-Cbilst seul a mis on lumière
la vie et l'immortalité, mais il est vrai que
ce divin Sauveur a enseigné l'iiumorlnlité do
l'ànu'.la j"e'5i(rrce(«on deseorps.el la vie future
avec plus le cl.irlé, plus d'énergie, plus d'au-
torilé qu'on ne l'avait jamais fait, qu'il en a
di'veloppé les conséquences, qu'il les a ren-
dues indubitables à tous ceux qui ont ciu
en lui, et qu'il en a écarté toutes les iilées
fausses que les juifs modernes et les philo-
sophes en avaient conçues : c'est évidem-
ment ce que saint Paul a voulu dire.
lui soutenant que ce dogme n'élait pas
tout à fait inconnu aux païens, les Pères
n'ont pas iréteudu que ces derniers en
avaient une idée claire el véritable, ou une
croyance bien ferme, mais seiilement que
quelques-uns d'entre eux en ont eu du moins
une faible notion. Dans les Mém. de l'Acul.
des Inscripl., lom. LXIX, ùi-12, pag. 270,
un savant s'est attaché à prouver que la ré-
surrection fulure des corps est un arlicle de
la croyance de Zoroastre et des Perses. Peu
nous importe de savoir s'ils l'eiitendeut bien
ou mal; puisque c'est un des anciens dogmes
de loi des Orientaux que Job nous a trans-
mis, Zoroastre a pu en avoir connaissance.
Pour excuser les manichéens qui niaient
la résurrection fulure de la chair, lîeau-
sobre prétend que les anciens Pères de l'I*;-
glise n'ont pas été unanimes dans la croyance
de ce dogme, que les uns l'ont nié et que les
autres eu ont eu une fausse idée. Il cite à ce
sujet Origène, qui admettait la résurrection
(les corjjs et non celle de la chair, saint Gré-
goire de Nysse, qui ne voulait pas croire qu'il
y ail à présent dans JésUs-Cbrist rien de
corporel, et Synésius, évéque de Ptolémaïde,
qui dit (|ue la résurrection est Un mystère
sacré el secret, sur le(]uel il est bien éloigné
de penser conuue la multitude, llisloirc du
Munich., I. II, 1. VIII, c. 5, n. 3 et suiv. Ce
critique impute évidemment aux Pères île
l'Eglise des erreurs (|u'ils n'ont jamais eues.
Il est clair qu'Orisjène niait seulement que
le corps ressuscité doive être une chair
grossière el corruptible, comme il l'est au-
jourd'hui, et saint Paul enseigne la même
chose. Quand saint (irtg dre de Nysse aurait
cru qu'il n'y a plus rien de corporel dans
Jésus-Christ depuis son ascension au ciel,
s'ensuivrait-il qu'il a cru de même qu'il n'y
aura plus rieu de corporel daus Ua hommes
m
RES
RES
168
ressuscites? Il ne l'a pas di(, et il y a de Tin-
juslice à lui altribuor colle conséquence.
Sjnésius n'a pas dit non plus ce qu'il <royail
touchant la résurrection, et Boausobre lui-
mêuie est forcé d'avouer qu'il n'en sait rien.
Jïn quoi tout cela peut-il excuser les mani-
chéens?
Les incrédules de tous les temps ont fait
contre la résurrection future des corps deux
objections principales: 1° Les mêmes atomes
de ni;itière, disent-ils, peuvent appartenir à
plu'iieurs corps différenls. Les cannibales
qui vivent de chair humaine, convertissent
en leur propre substance celle des corps
qu'ils ont mangés ; au moment de la résur-
rection, à qui écherront les parties qui ont
été ainsi communes à deux ou à plusieurs
rorps? 2° Par les observatinns que l'on a
faites sur l'économie animale, on a décou-
vert que le corps humain change continuel-
lement, qu'il perd un grand nombre des
parties de matière qui le composent, et qu'il
en acquiert d'autres; après sept ans il est
(olulement renouvelé. Ainsi, à proprement
parler, un corpî n'est pas aujourd'hui en-
tièrement le même qu'il étjiil hier. De tous
ces corps différents qu'un homme a eus pen-
dant sa vie, quel est celui qui ressuscitera?
Réponse. Il résulte déjà de cette objection
qu'un cannibale qui mange un homme ne
mange point les parties de matière dont cet
homme était composé sept ans auparavant;
et lorsque ce cannib.ile ineuit, il ne con-
serve plus aucune des parties du corps qu'il
a mangé sept ans avant sa mort. 11 n'est
doue pas vrai que les mêmes parties aient
appartenu à dt ux divers individus consi-
dérés dans la totalité de leur vie. Or, il est
fort indifférent qu'un homme ressuscite avec
les parties dont il était coniposé lorsqu'il a
été dévoré, ou avec celles qu'il avait sept
ans avant cette époque.
Les plus habiles philosopncs , tels que
Leibnilz, Clarke, Niewtnljt,etc.,onl observé
qu'il n'est pas nécessaire, pour qu'un corps
ressuscité soit le même, qu il récupère exac-
tement toutes les parties de matière dont il
a etc autrefois composé. La chaîne, disent-
ils, le tissu, le moale original {stamen ori-
ginale), qui reçoit par la uuirilion les ma-
tières étrangères auxquelles il donne la
forme, est, a proprement parler, le fond el
l'esseniiel du (orps humain; il ne change
point en acquérant ou en perdant ces parties
de matière accessoire. De là vient, 1' que la
figure et la physionomie d'un homme ne
cliangcnl point essentiellement en se déve-
loppant et en croissant ; 2° que le corps hu-
main ne peut jamais passer une certaine
grandeur , quelque nourriture qu'on lui
Uunne; 3° qu'il est impossible de réparer par
la Dutrition un membre mutilé. Ainsi à l'âge
de trente ans un homme est ceuȎ avoir le
même corps qu'à quinze, parce que le moule
intérieur et la conformation organique n'ont
pas essentiellement changé; chaque corps a
sou moule propre qui ne p«ui appartenir à
un autre. D'ailleurs, l'ideiiliié personnelle
d'un homme cousitte priacipulemenl daus le
sentiment intérieur qui lui ntleste qu'il est
toujours le même individu. San corps a beau
se renouveler vingt fois, il sent à soixante
ans qu'il est la même per-oniie qu'il él.iit à
quinze. Or, c'est précisément la personne
qui est le sujet des récompenses et îles pu-
nitions; il lui suffit donc de ressusciter avec
un corps tel qu'elle puisse conserver avec
lui le souvenir et la conscience de ses ac-
tions, pour sentir si elle est digne d'être ré-
compensée ou punie.
Quelques dissertateurs ont mis en ques-
tion si les enfants ressusciteront avec le
corps de leur âge ou avec un corps adulte, si
les femmes reprendront le corps de leur
sexe; comme si ce corps n'était pas aussi
parfait dans son espèce que celui d'un
homme. Ces questions frivoles ne font rien
au fond du dogme, qui consiste à croire que,
pour rendre la félicité des saints plus par-
faite, et le supplice des réprouvés plus ri-
goureux, Dieu réunira un jour leur âme à
un corps qui sera véritablement le leur ,
avec lequel ils sentiront qu'ils sont les
mêmes individus qui étaient dans ce monde,
et se rendront témoignage des vertus qu'ils
ont pratiquées et des crimes qu'ils ont com-
mis. La résurrection des morts n'est point
une question philosophique proposée pour
amuser notre curiosité, mais un dogme de
foi, révélé pour nous détourner du crime et
nous porter à la vertu.
Chez plusieurs nations barbares ou mal
instruites, la croyance de la résurrection des
corps a fait naître des usages absurdes ei
cruels, tel que celui de brûler des femmes
vivantes avec le cadavre de leur mari, et des
esclaves avec celui de leur raaiire, pour al-
ler le servir dans l'autre monde. Mais Jésus-
Christ, en enseignant ce dogme, en a sage-
ment écarté tout ce qui pouvait le rendre
pernicieux ou dangereux (1).
(1) Il nuus est impossible de nous faire une idée
coiiipléie de l'éiat du corps de l'iiuinnift après la
résiirreciioii, el l:i science, qui a pour objet la
connaissance de l'Iioinine dans son état actuel, ne
sauiaii niuis appieiidie avec certitude quel sera cet
étal futur. C'est la parole divine qui nous apprend
le doi^iue de la résiirreciion ; et, comme il s'agit ici
d'un fait contingent, qui n'a pas de relation néces-
saire avec les vérités primordi.iles de la raison, el
qui ne peui d'ailleurs éire soumis par lui-même à
nos iibseï valions, il s'ensuit que ni le raisoiiiieiiieiit
ni rex|iérieiice ne sjur.iieiii seuls nous instruire à
cet égard. Cepeiulaiil les observations scieiitillques
nous riiuniisseiit des inductions qui confinnenl plei-
nement les divins enseigneuienis de la loi, et qui
nous aident à concevoir la possiliililé de la résurre-
ction ainsi querhamioiiiede ce inysiére avec les véri-
tés acquises par la scieme sur la nature de l'Iiomme.
Ces observations founiissenl en même temps à l'apo-
logisie des armes piiissaiiies contre les incrédules
qui s'attaquent aux vérités révélées, et procurent
aux fidèles de nouveaux niotirs de s'attacher à des
doctrines déjà certaines pour lui, pulsi|U°elles sont
appuyées sur le rundemeiil irrélragable de la révé-
l.itioii. D'ailleurs, la parole divine, en nous révélant
le mystère de la ré>'Urrectioii, ne nous enseigne pas
le mode d'accomplissement de ce niysière ; et nous
pouvons, en marcliant sur le> traces des sainis Pères
el des grands docteurs de l'Egli^ie, cliercher à éclair-
Ibf KET
RÉTRACTATION. Ce terme, tiré du latin
relrnctare , traiter de nouveau , signifie le
travail d'un écrivain occupé à revoir une
cir, par les données «le la raison et de l'expérience,
ce que la foi nons propose d'une manière géni'rale.
Il est fou bien él:dili par de niiinl)reux rapproclie-
nienls que rerciins f:iils pliysioloxiques, en nous ré-
vélaui ce donl l'urganisine tninMln est suscepiilile
liiénie ilans son él:il acuiel, nous iiinénent irrcsisli-
hleinent à ccnirlur.' que cet organisme possède nne
S'anime d'activité et de force dont nous ne pouvons
apprécier la ponée et qui demeurent silencieii^ies
dans la vie présiMite. Quelques exemples prouvent
que, dans ceri^iliis cas, les sens sont suscjpiibles
d'une pénétration extraordinaire. Nous rappellerons
ici un fait semblable cite par M. Brachet, ainsi que
le témoignage de ce savant pliysiologiste sur la mente
quesilon :
< Les sens, dit-il, peuvent acquérir un degré de
fniesse tel, que la chose pnaitiait incroyable si Ton
n'en avait pas des preuves miillipliées. Nous avons
cité, dans noire mémoire sur l'astli'nio, l'observa-
lion d'une daine bypicondriaque, dont l'ouïe était
arrivée an point d'enlendn; la conversalion la plus
basse qui se tenait dans une salle bien él<>igné>- de
sa chambre, à un éiage différent, et à travers quatre
portes ou murs. Elle recmnaissait mèine clia'|ue
personne au son de sa voix. Quelque bruit qu'il se
fit autour d'elle, lout lé.i;er fut-il, elle l'cnteiidait
avec une inconcevable précision. Nons avons vu ,
en 1811, nu inlirmier de liicêlre nons montrer l'é-
tendue (|ue sa vue venait d'acquéiir, en lui permet-
tant de distinguer à une deini-liene les objets les
pins iiiinuiienx. Le soir niènie une aila(|ue d'apo-
plexie foudroyante l'avait enlevé. Ce que imiis avons
vu chez ces deux pi>rsoiiiies et chez beaucoup d'au-
tres, u'esi que la répéiition de ce que les médecins
Ont l'occasion de voir tous les jours. Mais cela n'ap-
partient I as seulement aux oig.uii's de la vu(^ et de
i'ouie, cela se remarque également dans les autres
sens du goùl, de l'odorat el dn loucher. » (Biachel,
Traué lie llujsioloyie. Paris, 1830, p. 1.47. )
Il y a plus de quatorze cents ans, TerluHien et
saint Augustin, pour pr<Jiiver aux incrédules la vé-
rité de I < lésnrreciion, rappelaient ce raisonnemenl.
Il y a quelipies sy>téiiies que nous devons aiiprécier.
IVaprcs M. Devay, ce que le cliiistianisme nous or-
donne de croiie, c'est la survivance de notre con-
science personnelle, revêtue d'iai corps. Mais il y a
qiieli|ue chose de plus. La loi nous enseigne que nous
ressusciterons avec le même curps que nous avons
pendant celte vie, que ce corps subira des cliange-
meiits nolables, et que les coriis des justes en par-
ticulier seront doues de perfections nouvelles. Ainsi,
ideiuité du corps ressuscité el cliangeme ils que su-
bira ce corps, voilà les deux points à l'égard des-
quels nous allons clieiclier quelques échiiicisseinents.
f Scio qiiod itedempior meus vivit, el in novi^simo
die de terra sunecuirns suiii; ei rnisiim circumda-
bur pede iiiea. et in carne mea viilebo Oeuni memn,
quein visnrus suni ego ipse, et ocnli inei coospectiiri
suiil, el non alins {Jvb. xix, ^2o-il). > S. 1 lioni;is,
Sumnta titeol. m p., Siippl. i\.'\), a. 1, établit lonnel-
leineul l'idenliié numérique dn corps dans la résur-
rection. Voyez aussi Vatecliismus Concilii Tritlenlim,
p. 1, a. Il, 7.
Des savants distingués avaient déjà avancé des
opinions diverses pour expli'iuer l'identité des corps
après la léMirrection. Suivant les idées de l'antcur
de la faliiujénéiie philosupliique, l'Ii nnme est essen-
tiellement lonné de corps et U'àme, et ces deux sub-
stances sont, unies d'une in.iniére indissoluble. Ce-
pendant, ce qui esi essenliel à riiomine, ce u'e>t pas
le corps buiiiain lout entier, mais seulement une
partie déieniiinée du cerveau que Bonnet considérait
comme le siège de l'àme. Lorsqu'à la mort le corps
DiCT. DE ThÉOL. DO&MAT1Q0E. IV
H ET
170
question ou un ouvra;;e, afin d'examiner s'il
s'esi trompé ou mal expliqué. Mais, dans le
discours ordinaire, il exprime le désaveu
se dissout, l'àme abandonne le corps ; mais elle de-
meure lonjonre unie à la partie maiérielledu cerveau
dans laquelle elle résid;<ii pendant la vie. La résur-
rection n'était ainsi pour ce savant que le dévelop-
peinenl du germe matniel que l'àme avait toujours
conservé. Leibnilz supposait qu'il y a dans chaque
corps nue certaine fleur de subslimce, que celle sub-
stance se < onserve au milieu de tous les changements
qui arrivent dans le corps et sulisisie dans l'état où [
chacun l'a obtenue eu naissant, et que c'est celte ,
substance qui doit éire rendue à chaqne homme à la
résurrection (Leibnitz, Système de Tliéologie, Lou- .
vain 18 li, p. 202).
Mais la première de ces deux opinions nous paraît
tout à fat inadmissible et contraire au dogme de la
résiirreciion, parce que de cette manière ce ne serait
pas proiireinent le corps mort (jui ressuscite, mais
seulemeni le germe du corps qui se développe et qui
revêt une nouvelle forme. (Nous ne voulons pas
comparer l'hypothè-e défectueuse du savant naiiira-
lisle à l'opinion rid cu'e des ralibins qui enseignent
que Dieu ressusciteia les morts par le moyen d'un
petit os placé dans l'épine du dos, la qui est, disent-
ils, incorruptible et inaltérable. Cet os .sera comme
le Centre de réunion de tous les autres os du corps,
ou coinine un levain qui ranimera tonles les parties
du corps réduites eu poussière, on enliii comme le
grain de fromeni jeté en terre qui produit le fro-
meni. (Voyez Bible de Vence, loin. XXII, p. 273,
Paris, 182').)
Quant à l'opinion de Leibnilz, il serait difficile de
se prononcer à cet é^;ard, parce que nous ignorons
s'il allaciie à sa fleur de subsiance la même notion
que Bonnet, dont il parait avoir partagé les opinions
dans ses premiers ouvrages, ou bien s'il considère
la subsiance comcue quelque clio^e de dynamique,
opinion qu'il a proposée à un âge plus avancé, et
qu'il a suivie dans son Système de tliéologie pourex-
pli<iuer le mystère de la sainte Kncliarislie. Nous
aurons occasion de revenir tout à l'beuie sur celte
dernière inierprétalion.
Voyons mainienant quelles sont les conclusions
que les connaissances que nous avons de la minre
des corps vivants nous autorisent à faire par rap-
port à l'identilé du corps de riiomme ressu^cité. Une
ciiose d'abord qui est hors de loule contestaiion,
c'est qu'on ne peut pas exiger que celle identité soit
plus grande que celle de iris corps pendant la vie.
Or, la science nous montre que les parties maté-
rielles qui composent imlre organisation éprouvent
à chaque instant des chmgeoients très-profonds,
que sans cesse quelques-unes de ces parties se dis-
sipent au dehors, pendant i|ue des parties nouvelles
sont assimilées, el qu'ainsi noire organisme présente
une cS|.èce de flux et de reflux eonlinuel, ei cepen-
dant nous Sommes intimement |iersiiadés que nous
avons ciMisiaminent le iiiénie coipi. Il importe donc
de savo r ce qui consiitne, inênie dans la vie pré-
sente, l'identité du corps, ou ce qui fait qu'aux ilif-
féremes époques de son existence terre-iie, ma gré
les cliangeineiils qu'il subit Incessainment, il re~te le
même corps. Il y a, par rapport au reii'mveileiiient
dn corps dans celle vie, deux opinions iliiféienles.
Quelques physiologistes suppiseni qu'uae ti és-,;raitde
parue des uiolécu;es niiiéielles se renenvellent
constamment; m. is qu'il y a dans l'organisiiie cer-
taines parues esseiilielles i|ui conslitueni en quelque
SOI le la trame oiganiijue du corps, et qui depuis leur
première lormaiion ne snlosseiit plus de changement
iondaïuenlal. Les autres, au couiraire,admeiieiit que
le reiiouvellement est complet et universel, que tous
les organes sans exception perdent snccessiveinent
les molécules matérielles dont ils étaient fo'niés, et
6
ni
RET
RET
172
que fait un auteur de la doctrine qu'il a en-
seignée, en reconnaissant qu'il s'est trompé.
H ne faut pas confondre ces deux sens.
qui sont remplacées par des molécules nouvelles, de
sorte qu'ail Ijout d'un certain temps, qu'il est iinpos-
silile de déterminer exacieinent, toutes les parties
qui composaient le corps à une époque antérieure
ont compléienieni disparu.
Saint Thomas se sert d'une comparaison qui expli-
querait parfaiteiiieiit comment les partisans de cette
opinion conçoivent l'identité dn corps, si, dans sa
comparaiïon aussi bien que dans cette opinion, Wni
trouvaii, au milieu des éléments (|ui se remplacent
sans cesse, un êire réel qui demeure loujonrs phy-
siquement et nnmériiinement le même. Le saint iloc-
teur compare l'identité du corps, telle qu'elle serait
suivant une hypothèse qu'il rapporte, à l'ideiiiité qui
a liL'U dans un état formé de citoyens de différents
rangs et remplissant chacun des finictions diverses.
Là aussi les individus peuvent changer pour éire
remplacés par d'autres; mais les divers ordres de
ciioyens sont toujours représentés, les diverses fonc-
tions sont coiisiainment remplies, l'éiat est et de-
meure toujours le même. Saint Thomas l'ait cette com-
paraison, Suiinna ikeol. m p., Suppl. q. 80, a. i, à
propos de la cpie^tion : i Utruin tulum quoil luit in
« lionitne de veritulo human* natur.-e resurget? > Il
répond à cutie qiie-ii m aflirmaiivemeiit, el rapporte
irids opinions diverses, basi'es sur les notions phy-
siologiques de ses contemporains et devanciers, « ut
I videalnr quid sil illud quud est de veritate liuiiianse
I n^iurse. » D':iprés la première opinion, i quidqiiid
I ad veritatem liumanae naiiir»; pertinet, totum luit
t in ipsa insiitutiune hiiniamenuiurie de viT^taieejus;
( et hoc per seipsum multiplicatur, ut ex eo possit
( senien decidi a generanie, ex quo tiliiis generelnr,
e in quo etium illa pars decis i multiplicatur, ul ad
I perlettani quantitaieni perveniai per augnienium,
I et sic deinceps : et iia multiplicalum est geiius hu-
• manuni. IJnde quid(piid ex alimenio generatur,
t quainvis videatur speciein carnis aul sangiiinis ha-
I bere, non tamen pertinet ad veriiatem humanae
< naturse. » D'après la seconde opinion, « veriias hu-
< luana; naturx piiiuo ei principaliier consistit iii
< liumido radicali, ex quo est prima consiiiuiio hu-
c maiii generis; quod autein converlitnr de alimeiito
t in venin carjiein el sanguinem, non est principa-
< liler de veritate humanae nature liujus iiidividui,
I sed soliiin secundario; scd potesi esse principaliter
« df verilaie human r natuivc alterius iiidividui, quod
< ex seiiiine illius genemtur. » Enlin, suivant les
partisans de la troisième opinion, ■ non est dislinctio
c talis in (orpore huinano, nt aliqua pars materialis
i signata de necessilate per lotain vitani remaneat,
c Otnnus partes fluiint et relluunt materialiter, sed
I manent secuiiduni speciem, ou maneiit fonnaliter. >
Pour expliquer celte opinion, le saint dotteur pré-
sente la comparaison que nous avons rappelée. Ap-
pliquant ensuite ces trois opinions à la thèse propo-
sée, dans la première op nion, dit-il, < nulla neces-
( sitas erit quod resurgat aliquid in hoinine quod ex
< alimenio sil generaïuin, sed resurget tiuitum illud
I quod fuit de veritate hnnruioe iiatune individui, et
I per decisioneni et multiplicalionem ad prjedictain
• perléctionein pervenit in numéro et qnaiitiiate. >
Dans la seconde, i resurget totum illud quod fuit iii
I substaiiiia seininis ; de eo auiem quod poslea ad-
« venil, quant«m est necessarium ad perf ctioncin
< qiiantilatis, et non totum. • Dans la iroisicme hy-
polhèse, ( resuigel eliaiii lotuin illud quod ex seinine
< generaium est, non quia alla raiione perlineal ad
I veritateni human.c natnrae qiiani hoc quod poslea
< advenit, scd qni;i perleclius verilaium speciei par-
< licipai. I En rapportant ces Irois liypoiheses, sans
eH combattre aucune comme contraire au domine,
saint Thomas niuulic évidemment que, selon lui, il
Avant de réconcilier un hérétique à l'E-
glise, on exige de lui une rélractalion,c'csy-
à-dire un désaveu, une abjuration de ses
serait permis, sans blesser la foi, d'exiger beaucoup
moins que nous ne demandons pour rideniité des
corps ressuscites.
Ainsi, dans la première de ces deux opinions, les
parties toujours matériellement identiques du corps
ne constituent en tout cas qu'une portion el n ème
une faible portion de toutes celles qui le composent,
et diiiis la seconde, l'idemiié nnlérielle n'existe en
aucune manière ; le corps à diverses épo(pies est
composé de parties toutes niaiérielleinent diflërenies,
et cependant le corps demeure toujours et constain-
ineiii le même. En deux mots, le corps est différent
matériellement, et substantiellement le même.
Mais en quoi consiste donc, dans celte deri.ière
hypothèse, l'identilé du corps? N'y a-t-il pas de con-
iiadiction à admettre qu'un corps composé de par-
ties matérielles demeure le même alors que toutes
ces parties ont disparu et sont remplacées par d'au-
tres? Celte difUculté, qui est réelle et insoluble, si
l'on envisage avec les atomistes l:i substance des
corps Comme étant essentiellement lorinée d'un agré-
gat (le molécules douées de qualités diverses, dispa-
rait complètement dans le sysième du dynamisme.
Dans ce système, ce qui est essentiel à tous les corps
inorganiques el organisés, ce ipii l'orm» la substance
de chaque corps, c'est un principe particulier imma-
tériel et actif, une force (pii constitue et conserve le
corps et qui se mimifesie à nous par des molécules
sensibles et par les ipialités et les propriétés que nous
pouvons observer dans ces molécules ; mais ces mo-
lécules ne sont pas la substance même du corps,
elles sont seulement les organes de la substance, ses
propriétés naturelles, les conditions néeessuires de
sa isianifestaiion. (Nous raisonnons ici dans la sup-
position qu'on considère les corps dans leur état
ordinaire et naturel. La substance, qui dans cet état
se manifésie par des molécules sensibles, pourrait,
dans un état extraordiimire, par un acte de la toute-
puissance divine, exister aussi indépendamment de
ces molécules, comme Leibniiz, l'un des plus illus-
ties défenseurs dn dynamisme, l'a formellement éla-
bli. < Ëtsi Ueiis per poleniiiim nbsolutam possit sub-
stanliam privare niateria secunda {de ta matière en
tant quélendtie), non pote>l tamen eam privare ma-
lori.i prima (de la ijassivilé ou réceptivité) ; nain face-
ret inde toiuiii puruiu aciuin, qualis esi ipse soins. •
(Leibnitius ad patrem Des bosses, Kpist. 7.) On peut
consulter encore son Système de Tliiototjie, p. \a&,
etc., et sur le dynamisme en général, G. L). Ubughs,
Ontologiœ seu mctupliyticœ genernlis eleiuenla, 1845,
p. 5j ; 11. li. Waterkeyii, La science et la foi sur l'œu-
vre de la création, pag. 7 ; lievue calliolique. W série,
tome 1, pag. 379.)
Dans les corps inertes, les cliangeinenis et les mn-
dilications qu'éprouvent les molécules sensibles ne
détruisent pas l'identité matérielle de ces molécules.
Ainsi l'eau, à l'état liquide, à l'état de glace ou de
vapeur, est toujours la même eau, et chacune de ses
molécules conserve sous ces trois étals différents la
c onposition chimique et les autres propriétés fon-
damentales de ce corps. L'ideniité de subsiance des
corps inertes est accompagnée de l'identité maté-
rielle des molécules.
.Mais dans les êtres organisés, l'hoinme, les ani-
maux el les y gélaus, la imiure de ces êtres exige, à
la vérité, qu'ils soient formés d'organes, c'estàdire
de parues inaiérielles, ayant des pr.ipriéiés physi-
(pies et chimiques particulières, et formani un en-
semble, un tout déterminé ; et ce qui Uniue la subs-
tance de chacun de ces êtres, c'est la force, le prin-
cipe aciit qui relie les diverses parties, qui les anime
t't (|ui demeure un et toujours le même, quoique les
parties priniilives disparaissent successivement pour
173
RET
RET
17i
erreurs. Comme il peut arriver à un écrivain
Irès-catliolique de se tromper ou île s'expli-
(Uier mal, lorsqu'il se rétracle et reconnaît
«011 erreur, ce n'est plus le cas de le censu-
rer comme hérétique : puisque aucun homme
n'i'sl infaillible, nous ne vo.uns pas pour-
quoi l'on allacherail une espèce d'ignominie
a relte marque de bonne foi. Si ceux qui eu-
srigiienl les autres avaient moins d'amour-
propre, il ne leur coulerait rien de se rélrac-
ter (juanil on leur fait voir qu'ils se sont mal
énoncés, et que l'on peut prendre dans un
mauvais sens ce qu'ils ont écrit. L'opinià-
trelé à soutenir une erreur réelle ou ;ippi-
ronte est ordinairement la marque ou d'un
esprit borné, ou d'un cœur dominé par quel-
que passion.
Comuie les pélagiens abusaient de plu-
sieurs choses que saint .\ugustin avait écri-
tes contre les manichéens, il prit, sur la fin
de sa vie, le parti de revoir ses ouvrages, et il
fil deux livres de rt'lractatiuns , noa pour
dé^avouer sa doctrine et pour changer de
principes, m^.is pour evpliquer mieux ce
qui pouvait ê're pris dans un mauvais sens;
S'our justifier niéiue p.ir de nouvelles ré-
exions plusieurs choses que des lecteurs
mal instruiis s'avisaient de blâmir. Ainsi,
l'on se trompe quand on prend en général
les rétractiitions de saint Augustin pour une
palinodie ou pour un désaveu.
Le Clerc, qui cherchait à empoisonner
toutes les iiilentions de ce saint docteur,
prétend qu'il fil cel ouvrage par un motif
eux- remplacées par d'autres. On oonço t d'après cela
que l'iilciitiié subsiaiuiellc de ces êtres pi'rsiste tou-
jours, lors même i|ue leur corps à diverses époques
sérail formé de molécules toutes dlirércuies et dont
aucune n'aurait fait aniérioureinent partie de ce
< orps. Nous iaisoiis ici abstraction dus opinions qui
aJiiieltent dans le-^ êtres vivants plusieurs principes
réelleiueui distincts, dont uii piésideraii ii la vie vé-
gélalive, un auir.^ à la vie sensitive et un Iroisièuie
à la vie raisomialile, ou bien plusieurs principes di-
vers qui auraient chacun des lonctions spéciales,
mais qui seraient couinie les :illiibuts, les lacultcs
d'un seul principe. C\v, pour la solution de la ques-
tion qui nous occupe Ici, il est indillérunt qu'on ad-
moite un ou plusieurs principes :iclirs au fond de
cha |uc cire vivant. (Vuyeî le résUiné de ces difTé-
reiites opinions, G. C. Ubagbs, Anlhropuloijiœ plitlo-
sophicce dementa, p. 3Ut.)
l'our appliquer les oliservalioiis qui précèdent à
ce qui concerne la résurreeiion, ou peut d'abord con-
clure que le corps ressuscité ne reprendra p.is loules
les parties maiérielles qui sont entrées successive-
inunt dans sa composition pcndani la vie, mais qu'il
sullit qu'il reprenne tout an pus celles qui formaient,
par leur réuuic.'D, le coips à une uiéuie époque. Il y
a plus, dans la première opinion, il suliit pour l'i-
tlenliir^ du coi-ps lessnscilé qu'il reprenne seule nt
une certaine portion, une pOJtion minime des molé-
cules qui ont Ciinc'iurn à le (urmef à une même épo-
que; ei dans la seconde opinion, lecoips ressuscité
punirait èire encore suh-lantlellemeiit le niènie sans
avoir une seule des luoléenles qui lui ont déjà ap(iar-
tenu. Ce|iendaiil, si l'oji vimlait ne unir aucun coinjite
des opinions que nous venons d'exposer, o;i peut en-
core concevoir que le corps ressu-ciié poiiria éire
furm ' de parties ii.èm fn.ilériellement identiques à
celles qui l'ont déjà composé. Ln etTel, lorsque l<;
corps se dissout, ses partit' se dé-utiisseni, les élé-
d'amour-propre raffiné, a6n de persuader
qu'il avait réfuté les pélagiens même avant
leur naissance. Il lui reproche d'avoir ré-
tracté des minuties et des principes vrais,
pendant qu'il a passé sous silence ou pallié
de véritables erreurs; d'avoir laissé subsis-
ter dans ses premiers écrits des choses qui
ne s'accordaient pas avec ce qu'il enseignait
pour lurs, etc. Tous ces reproches sont des
calouinies. Sainl Augustin fit ses rétracta
lions, non pour prouver qu'il avait d'avance
réfuté les pélagiens, mais pour répomlre à
leurs objections, pour faire voir qu'il n'avait
jamais enseigné leur doctrine, comme ces
hérétiques le prétendaient, et pour montrer
qu'il ne tenait point opiniâtrement à ce qu'il
avait écrit: il le déclare formellement. Il ex-
pliqua les principaux endroits que les péla-
giens lui objectaient, et laissa subsister les
autres, parce que la même explication ser-
vait pour tous. 11 poussa la bonne foi jusqu'à
convenir que, dans ses Commentains sur
l'/îpître aux Romains, il avait enseigné, non
l'erreur des pélagiens, mais celle des semi ■
pélagiens, et qu'il avait reconnu sa méprise
en examinant la chose de plus prôj. Il a ré-
pété vingt fois qu'il ne voulait point être cru
sur parole, que ses lecteurs ne devaient
adopter ses sentiments que quand ils les
trouveraient bien fondés ; il a même blâmé
ses amis de ce qu'ils montraient trop de zèle
à soutenir sa doctrine. Que peut faire de
plus l'âme la plus simère et la plus mo-
deste? Mais Le Clerc, pélagien lui-même, et
nteiits dont chacune d'elles était formée se séparent,
ils lurmenl des composés nouveaux, mais aucun de
ces éléments n'esi anéanti. Suiv.mi l'expression d'im
savant célèbre (Boerliaave), i la terre est un chaos
de tous les corps passés, présents et futurs, duquel
tous tir.iit leur origine et dans lequel Ions retomljeiii
suecessiveinenl. > Ainsi la main divine, qui forma
du limon de la terre le corps du premier homme,
poiirra-telle à plus forte raison réunir et rétablir
les divers éléments qui oui déjà cousiitu.' ce corps
et qui n'ont pas cessé uu seul iiisliiiit d'élre présents
à sa divine sagese. Voici uu extrait remarquable de
sailli Angiistin : € Non auteni périt Deo lerreiia ma-
( tciies de qiia inorlalium creatur caro : sod In quein-
« libel pulveiem cinerenive solvatur, in quoslibei
I lialitiis aura^qué diiïngiat, in qnamciiiique alioruiii
I corpuruui siilislaiitiam vel in ipsa clementi ver a-
< tiir, in q oruiucunque ^nimalium eti;ini liominum
I eibuni cedat cainenique mulelnr, illi aiilni.e bu-
I inaiiiC liuiicid lempuris redit, ipiie illam priunlus,
€ ui hoino fieiel, viveret, cresceiet, aniniavit. {En-
I cliiridion, c. 8S.) >
Quoique ces explications détruisent compléieinent
la difficulté de concevoir la possibilité de la résur-
reeiion, elles ne suffisent pas pour prouver le fait
même de la résurreeiion ; elles ne prouvent pas que
la résurrection soii un lail nalure!. La n'snrrcction
des corps est un acte libre de la honié et de la touie-
puissaiice divine, qui, malgré tnnies les r.iisons de
convenance que nous pouvons y découvrir, nous
serait luut à fait inconnu, si Dieu lui-même n'avait
pas daigné nous le faire c<uiii.>tlre |iar le moyen de
la révélation positive. Mais une fois cette vérité con-
nue, lions pouvons prouver qu'elle est eu parfaite
iiamionie avec les données de la raison et des scien-
ces naturelles, ei qu'elle présente des analogies frap-
pantes dans la nature.
17£
REV
REV
176
plus que demi-socinien , n'a jamais pu par-
donner à sainl Augustin d'avoir écrasé le
pélagi;inisme.
Malheureuiement, ses accusations so trou-
vent en quelque manière confirmées par
l'imprudence de quelques théologiens, qui
ont voulu persuader que, pour perdre ia
vraie doctrine de sainl Augustin sur la f;râce
il lie faut consulter que ses ouvrages écrits
contre les pélagiens ; qu'il a rétxicté, c'est-
à-dire désavoué et abjuré ce qu'il avait écrit
contre les manichéens. C'est une imposture.
Au contraire, l'an 420 ou 421, après avoir
déjà disputé pendant dix ans contre les péla-
giens, saint Augustin, écrivant de nouveau
contre un manichéen, renvo;, a ses lecteurs
aux ouvrages qu'il avait faits contre le ma-
nichéisme : il était donc bien éloigné de
désavouer les principes et la doctrine qu'il y
avait enseignés, contra advers. Lrgis el Pro'
pfiet., lib. H, à la fin. Dans son deuxième des
Rctract.,c. 10, saint Augustin parle de son
écrit contre le manichéen Secundinus ; il lui
donne la préférence sur tous les ouvrages
qu'il avait fails contre le manichéisme : or,
dans cet écrit, chapitre 9 et suivants, il en-
seigne précisément la même doctrine que
dans ses livras sur le Libre arbitre, et il y
renvoie, chapitre 11. Est-ce là rétracter ou
désavouer ses sentiments? Voi). Saint Au-
gustin.
RftVR. Vo]i. SoNGiï.
RÉVÉLATION. Révéler une chose à quel-
qu'un, c'est la lui faire connaître. Dans ce
sens général, Dieu nous révèle ce que nous
découvrons par les lumières naturelles de la
raison, puisque c'est lui (jui nous a donné
celte faculté et qui la conserve en nous. Mais
il est établi par l'usage que révéler signifie
faire connaître aux hommes des vérités par
d'autres moyens que par l'esertice qu'ils
peuvent faire do leur inlclligeiwe. Demander
s'il y a une réiélation, c'est mettre en ques-
tion si Dieu a enseigné aux hommes une re-
ligion de vive vois, par des Uçons positives,
ou par lui-même, ou par ses envoyés.
Le sentiment des déistes, en général, est
qu'il n'y eut jamais de véritable révélalion
diviDe, que Dieu n'exige des hommes point
d'autre religion que celle qu'ils peuvent in-
venter eux-mêmes : conséquemment , les
déistes regardent comme des imposteurs tous
ceux qui se sont dits envoyés de Dieu pour
instruire leurs semblables. Une révélation,
disent-ils, serait superilue, puisque l'houime
ne peut être coupable en suivant les leçons
de la lumière naturelle et les mouvements de
sa conscience; elle serait injuste, à moins
qu'elle ne fût donnée à tous les hommes;
elle serait pernicieuse, puisque ce serait un
sujet de damnation pour tous ceux qui ne
seraient pas à portée de la c(miiaître. Si cela
était vrai, il faudrait en conclure (juil est
défendu de donner aux hommes aucune ins-
truction, aucune éducation quelconque ; que
tout pbilosoplie qui a voulu enseigner ses
semblables a élé uu insolent. Tous devaient
lui dire : Nous n'avons pas besoin de vos
leçons, puisque Dieu n'exige de nous que ce
que nous pouvons connaître par nous-mê-
mes; vous êtes injuste si vous n'allez pas
endoctriner l'univers entier; votre morale
est pi'rnicieUse, puisqu'elle n'aboutit qu'à
rendre plus coupables ceux qui pécheront
après l'avoir écoulée.
L'absurdité de cette prétention suffit déjà
pour confondre les déistes. Aussi soutenons-
nous contre eux que, puisqu'il y a un Dieu
et (ju'il faut une religion, la révélation a élé
absolument nécessaire pour l'enseigner aux
hommes. Nous le démontrons par la fai-
blesse et la corruption de la lumière natu-
relle, lelle qu'elle est dans la plupart des in-
dividus de notre espèce; par les erreurs et
les désordres dans lesquels sont tombés tous
les peuples qui ont élé privés du secours de
la révélation; par l'aveu des philosophes les
plus célèbres, qui ont senti et reconnu le be-
soin de ce bienfait; par le sentiment de tous
les peuples qui ont ajouté foi aux moindres
apparences de révélation; enfin par ie fait.
Dès que Dieu a daigné se révéler en effet de
la manière la plus convenable aux circons-
tances dans lesquelles se trouvait le genre
humain, il s'ensuit que cette révélation était
nécessaire, qu'elle est avantageuse à l'hom-
me, et non injuste ou pernicieuse.
1° 11 suffit de jeter un coup d'œil sur l'hu-
manité en général, pour voir combien il est
peu d'hommes qui aient reçu de la nature
beaucoup d'intelligence et d'aptitude à culti-
ver leur raison et à étendre la sphère de
leurs connaissances. Quand il y en aurait
un plus graiiil nombre, ils en sont détournés
par la nécessité de vaquer aux travaux du
corps, pour subvenir aux besoins de la vie.
Sans parler des Sauvages, combien de par-
ticulieis, chez les nations même civilisées,
sont à peu près dans le même élat d'igno-
rance et de stupidité ! Autrefois les pyrrho-
niens, les acataleptiques , les académiciens,
les sceptiques el les épicuriens, de nos jours
les athées et les matérialistes, ont exagéré à
l'envi la faiblesse et l'aveuglement de la rai-
son dans le très-grand nombre des hommes;
ils ont eu tort sans doule, mais les déistes
n'ont pas entrepris de les réfuter, et ils y
auraient mal réussi. Que penser en effet des
lumières de la raison, quand on voit l'absur-
dité des lois, des coutumes, des opinions, des
mœurs qui ont régné de tout temps, qui ré-
gnent encore chez les autres nations barba-
res?.Ces peuples, à la vérité, n'ont point
suivi les lumières de la droite raison, mais
ils croyaient el préleudaienl les suivre. Ose-
ra-t-on soutenir qu'ils n'auraient pas eu
grand besoin d'une lumière surnaturelle
pour corriger les égarements de leur raison?
Lorsque les déistes nous vanlenl les for-
ces et la suffisance de la raison en général,
ils nous en imposent évidemment. A proprc-
menl parler, la raison n'est autre chose que
la faculté de recevoir des instructions : si
elles sont bonnes et vraies, elles contribue-
ront à perfectionner la raison ; si elles sont
fausses , elles la dépraveront. Or, malhcu-
reusemcul nous saisissons avec la même
facilité les unes que les autres ; et lorsque
177
REV
la raison est une fois cK^ipiavèe. il faul abso-
iiiiupul une lumiùre surnalurelle pour la re-
dresser. Voy. Raison.
2° Quatre mille ans après la création ,
après cinq cents ans de leçons données par
les philosophes, la raison humaine semblait
devoir êirc parvenue à une nialurilé par-
faiie : on sait quel était l'él.il de la religion
et- de la morale chez les nations même qui
passaient pour hs plus éclairées et les plus
gaees, chez les Grecs el les Romains : point
d'autre ri'li^ion qu'un ()olythéisine insensé
et une idolâtrie f;rossière. [Voi/. iDoi.iTuiE.)
Cette religion, loin de donner aucune leçon
de morale et de fournir aucun motif de vertu,
enseignait tous les viies par l'exemple des
dieux : Platon, Scnèiine el d'antres eu sont
convenus. Elle ne projjosait aucun dogme de
croyance; on pouvait nier impunément l'ini-
niorlalilé de l'âme et la fable des enfers ;
quoique l'on sentît l'utilité d'admettre une
antre vie. cela n'était commandé par aucune
loi. Les philosophes eux-mêmes étaient pres-
que aussi ignorants (|ue le peuple : ils ne
connai>saiont ni la nature de Dieu ni celle
de l'homme ; ils n'avaient aucune idée de la
création, ni de la conduite de la Providence,
ni de l'origine du mal, ni de la manière dont
Dieu voulait être adoré; ils voulaient que la
religion populaire fût conservée, parce qu'ils
ne se sentaient pas la capacité d'en forger
une meilleure. Aussi , quelle dépravation
dans les mœurs puliliques 1 Les combats de
gladiateurs, les amours impudii)ues et contre
nature, l'exposition et le meuitre des en-
fants, les avortements, les divorces réitérés,
la cruauté envers les esclaves, ne parais-
saient point des désordres contraires à la lui
naturelle. Juvénal, Perse, Lucien, en ont l'ait
une satire sanglante; mais les philosophes
n'osaient censurer ces usages abominables,
plu-ieurs mémo les ont autorisés par leur
exemple. Les fausses religions des Egyp-
tiens, des Perses, des Indiens, des Chinois,
n'étaient ni plus raisonnables ni plus pures
que celle des (irecs et des Romains. Celle
des Gaulois et des peuples seplentrionai-x
ne leur inspirait que la fureur guerrière et
riiatiilude du meurtre. Chez la plupart des
nations, l'intempérance, l'impuilieité , les
sacrifices de sang humain, ont été en usage
Comme des cérémonies rcirgieuses. Ce qu il
y a de plus déplorable, c'est que qirand la
vraie reirgion a été préchée, tous ces aveu-
gles, loin d'en bénir Dieu et d'écouler sa
parole, se sont lévoliés, ont traite d'athées,
d'impies, de penurbateurs du repos public,
ceux qui voulaient leur ouvrir les yeux; ils
les ont tourmentés et mis à mort. Est-ce sur
ces faits incontestables (jue les déistes pré-
tendent élever un trophée à la raison hu-
maine, et disconvenir de la nécessité de la
révélation?
3° Les anciens philosophes ont été plus
modestes et de meilleure foi que ceux d'au-
jourd'hui; les plus célèbres ont avoué la
nécessité d'une lumière surnaturelle pour
connaître la nature de Dieu, la manière
dont il veut être honoré, la destinée et les
REV 178
devoirs de l'homme. Il est bon de les enten-
dre parler eux-mêmes sur ce sujet.
Platon, dans VEpinomis , donne pour avis
à un législateur de ne jamais loucher à la
religion, « de peur, dit-il, de lui en substi-
tuer une moins certaine; car ,1 doit savoir
qu'il n'esl pas possible à une nature naor-
ti'lle d'avoir rien de certain sur celle ma-
tière. » Dans le second Alcibinde, il fait dire
;\ Socrate : « Il faul attendre que quelqu'un
vienne nous instruire de la manière dont
nous devons nous conipoiter envers les
dieux et envers les homuies lus(|o'alors
il vaut mieux dilTérer l'ollrande des sacrifi-
ces , que de ne pas savoir, en les oITrant, si
on plaira à Dieu ou si on ne lui plaira pas. »
Dans le iiuatrième livre des Lois , il conclut
qu'il faut recourir à quelque Diu, ou attendre
du ciel un guide, un maître qui nous instruise
sur ce sujet. Dans le cinquième, il veut que
l'on consulte l'oracle louchant le culte des
dieux : « Car, dit-il, nous ne savons rien de
nous-mêmes sur tout cela. » Dans le Phédon,
Socrate, parlant de l'immortalité de l'âme,
dit (|ue « la connaissance claire de ces cho-
ses dans celte vie est impossible, ou du moins
Irès-diflieile Le sage doit donc s'en tenir
à ce (|ui paraît plus probable, à moins qu'il
n'ait des lumières plus sûres, ou la parole de
Dieu lui-même qui lui serve de guide. »
Cicéron, dans ses Tusculanes , après avoir
rapporté ce que les anciens ont dit pour et
contre ce même dogme, ajoute : « C'est l'af-
faire d'un Dieu de voir laquelle de ces opi-
nions est la plus vraie; pour nous , nous ne
sommes pas même en état de déterminer la-
quelle est la plus probabli!. »
Plutarque, dans son Trnilé d'Isis et d'Osi-
ris, p( use, comme Platon et Aristote, que les
dogmes d'un Dieu auteur du monde, d'une
Providence, de l'immortalité de l'âme, sont
d'anciennes traditions, et non des vérités dé-
couvertes par le raisonuemeiil. Il commence
son Traité en disant « qu'il convient à un
homme sage de demander aux dieux toutes
les bonnes choses, mais surtout l'avanlage
de les connaître autant que les hommes en
sont capables, parce que c'est le plus grand
don que Dieu puisse laire à l'homme. » Les
sto'idens pensaient de même. Simpliciiis ,
dans le Munuel d'Epict'te, I. I, p. 2) 1 et 212,
est d'avis que c'est de Dieu lui-même qu'il
faut apprendre la manière de nous le rendre
favorable. Marc-Aurèle Anlonin,dans ses
J{éfi€jioiis morales, t. I, à la fin, attribue à
uns grâce particulière des dieux l'applica-
tion qu'il avait mise à connaître les vérita-
bles règles de la morale; et il se (latte d'a-
voir reçu d'eux, non-seulement des avertis-
sements, mais des ordres el des préceptes.
Mélisse de Sauios, disciple de Parmenide,
disait .que nous ne devons rien assurer tou-
chant les dieux, parce que nous ne les con-
naissons pas, Diug. Laerce, I. ix, § 2V. Celse
rapporte le passage de l'ialon dans lequel il
dit (ju'il esl ilifficile de découvrir le créateur
ou le père de ce monde, et (]u'il est impossi-
ble ou dangereux de le faire connaître à
^ous , dans Orig. , \. yu, n. 4-2. Ce fut aussi
179
REV
REV
180
l'opinion des nouveaux jilaloniciens. Jambli-
quc, dans la Vie de Pythagore, ch. 28, avoue
que « rhorome doit faho ce qui est agréable
à Dieu ; mais il n'est pas facile de le connaî-
tre, dit-il, à moins qu'on ne l'ait appris de
Dieu lui-même ou des génies , ou que l'on
n'aft été éclairé d'une lumière divine. » Dans
son livre de» Mystères, -cet. 3, cap. 18, il dit
qu'il n'est pas possible de bien parler des
dieux, s'ils ne nous instruisent eux-mêmes.
Porphyre est de même avis, de Ahstiii., 1. it,
n. 53. Selon Produs, nous ne connaîtrons
jamais ce qui regarde la Divinité, à moins
que nous n'ayons été éclairés d'une manière
céleste, in Platon. Théol. , c. 1. L'empereur
Julien, ennemi déclaré de la révélation chré-
tienne, convient néanmoins qu'il en faut
une. « On pourrait pe:.t-êlre, dit-il, regarder
comme une pure intelli-îcnce , el plutôt
coninie un Dieu que comme un honinie, ce-
lui qui connaîtrai! la nature de Dieu. »
Lettre à Thémistius. « Si nous croyons l'âme
immortelle, ce n'est point sur la parole des
hommes, mais sur cplle des dieux même, qui
seuls peuvent connaître ces vérités. » Lettre
à Théodore, pontife.
C'est dans cetle persuasion que tous ces
nouveaux platoniciens eurent recours à la
théurgie , à la magie , à un prétendu com-
merce avec les dieux ou génies , pour en
apprendre ce qu'il, ne pouvaient pas décou-
vrir eux-niênii's; mais , par une inconsé-
quence palpable , sis rejetèrent le christia-
nisme, qui leur offrait la connaissance de ce
qu'il leur importait le plus de savoir. Le
simple peuple seut^iit le méaie besoin de ré-
vélntion que les philosophes, et c'est pour
cela qu'il ajoutait foi si aisément à tous
ceux qui se disaient inspirés, et à Ions les
moyens par les(iuels il espérait de connaî-
tre les volontés du ciel. Mal à propos les
incrédules argumentent sur celle c.édulilé
des peuples pour conclure que la confiance
à de préteiidui'S révélations a été la source
de toutes les erreurs et de toutes les super-
stitions possibles, qu'il ne faut donc en ad-
mettre aucune. Puisque le besoin en est dé-
moniié , il s'ensuit seulement qu'il faut
rejeter les fausses révélations et s'attacher à
la seule vraie.
k' Quoi qu'ils en disent , il y en a une ;
elle a commencé avec le monde , elle a été
renouvelée à deux époques célèbres, et Dieu
a toujours proportionné les leçons (ju'il don-
nait aux hommes à leur capacité présente
et à leurs besoins actuels. Une révrlation
dirigée sur un plan aussi sage porte déjà
avec elle la preuve de son origine ; on sent
d'abord qu'elle n'a pu partir de la main des
hommes, qu'elle est venue de Dira seul.
En effet, en donnant l'être à nos premiers
parents, Dieu leur enseigna par lui-même
ce qu'ils avaient besoin de savoir pour lors ;
il leur révéla qu'il est le seul créateur du
oionde, el en particulier de rhomine ; que
seul il gouverne toutes choses par sa pro-
vidence, qu'ainsi il est 1p seul bienfaili-ur et
le seul léijislateur suprême ; qu'il est le ven-
geur du crime el le rémunérateur de la vertu.
Il leur apprit qu'il les avait créés à son
image et à sa ressemblance, qu'ils étaient
par conséquent d'une nature très-supé-
rieure à celle des brutes , puisqu'il sou-
mit à leur empire tous les animaux sans
exception. Il leur prescrivit la manière dont
il voulait être honoré, en consacrant le sep-
tième jour à son culte; Il leur accorda la
fécondité par une bénédiction particulière,
bien entendu qu'ils devaient transmettre à
leurs enfants les mêmes leçons que Dieu
daignait leur donner. Voilà ce que nous
apprenons dans l'histoire même de la créa-
tion, ce qui nous est conGrmé par l'auteur
de V Ecclésiastique, qui dit que nos premiers
parents ont reçu de Dieu non - seulement
l'intelligence et le sentiment du bien et du
mal , mais encore des instructions, des le-
çons , une règle de vie; qu'il leur a ensei-
gné sa loi, qu'ils ont vu la majesté de son
visage, et qu'ils ont entendu sa voîx [Eccli.
xvii, k.9, 11); et nous voyons cette reli-
gion sainte et divine se perpétuer dans la
race des patriarches.
Pouvait-elle mieux convenir aux hommes
pla'cés dans cet état primitif? Alors il n'y
avait encore point d'autre société que celle
delà famille; le bien particulier des peu-
plades naissantes était censé le bien général ;
Dieu y pourvut en consacrant l'union des
époux, l'autorité paternelle , l'état des fem-
mes, les liens du sang, et en inspirant l'hor-
reur du meurtre. En commandant de l'a-
dorer lui-mêmi' comme seul auteur el seul
gouverneur de la nature , il prévenait l'er-
reur dans laquelle les hommes, infidèles à
ses leçons, ne tardèrent point de tomber
lorsqu'ils imaginèrent que tous les êtres
étaient animés par des génies, par de pré-
tendus dieux particuliers , et qu'ils leur
adressèrent le culte religieux, source fatale
du polythéisme et de toutes ses conséquen-
ces. Voy. Pagamsme , § 1. Il aurait été pour
lors inutile de faire des lois pour défendre
des abus qui ne pouvaient pas encore pro-
duire les mêmes effets que dans la société
civile , ou pour prescrire des devoirs qui
ne pouvaient pas encore avoir lieu. C'est
donc assez mal à propos que l'on a nommé
cet état primitif des hommes l'état dénature,
et la loi qui leur fut imposée, la loi de nature,
puisque c'était évidemment une loi révélée
de Dieu. Les déistes ont abusé de ce terme,
mais l'équivoque d'un mot ne prouve rien; il
est aisé lie leur démontier que, si Dieu ne
l'avait pas dictée lui -même , les premiers
hommes auraient été incapables de l'in-
venter.
En effet, de quelles connaissances, de
quels raisonnements pouvait être capable
l'homme naissant, avant d'avoir acquis au-
cune expérience du cours de la nature?
On dira que Dieu avait donné à notre pre-
mier père , en le créant , toute la capacité
d'un homme fait, el toute l'habileté d'un
philosophe consommé ; soit : cette nianière
d'instruire l'homme est certainement surnar
turelle , elle équivaut à une révélation faite
de vive voix. On dira que Adam, qui a vécu
181
REV
REV
U
neuf cents ans , a en tout le temps Jf s'ins-
truire, de méditer sur la nature et de raison-
ner. D'accord : mais alors sa postérité était
très-nombreuse ; comment aurait-elle connu
Dieu et son culte, s'il avait fallu attemlre
jusque-là pour lui iloniier les premières
l(M;ons? l-cs premii-rs enfants d'Adam «ni
adoré Dicti , donc ou c'est leur père qui le
leur a fait connaître, ou c'est Dieu qui les
a inslruiis, aussi tiiiMi que lui, comme l'E-
criture nous l'apprend. Kn second lieu , si
la relision priniilive n'a pas été révélée do
Dieu depuis la création, sous quelle époque,
sous quelle génération des patriarches en
placera-l-on la naissance? Quelque suppo-
sition que l'on lasse, l'embarras fera le mê-
me. Après quatre mille ans de réllexions,
d'expérience, de méditation' philosophiques,
il ne s'est trouvé aucun peuple capable de
rétablir la religion primitive une fois ou-
bliée ; tous se sont plongés dans le poly-
théisme et dans l'idnlâtrie, plusieurs nations
y persévèrent encore depuis leur première
fornialion. Donc il est absurde de supposer
que, dans le premier âge du moniie.les
hommes se sont trouvés capables de se for-
mer une religion aussi sage et aussi pure
que celle qui leur est attribuée parles livres
saints. En troisième lieu, les incrédules ont
si bien senti l'impossibilité de celte supposi-
tion , qu'ils ont dit que le poljthéisnK! et l'i-
dolâlrie furent la première '•eligion du genre
liumain. Ce fait est certainement faux ; mais
les incrédules ne l'ont imaginé qu'après
avoir réiléchi sur les idées qui sont venues
naturellement A l'esprit de tous les peuples,
et sur le pcnehau' général de tous à croire
la pluralité des dieux plutôt que l'unité, cl
nous convenons avec eux que si Dieu n'a-
vait pas instruit les preniiers hommes par
révélation , il y a tout lieu de penser (|u'ils
auraient été polythéistes et idolâtres. Mais
puisqu'il est constant qu'ils ont professé
l'unité de Dieu , sa providence , sa l)onl • cl
sa justice, il s'ensuit que cette croyance 'le
viciU p.is de leur lumière naturelle, mais de
la révélation de Dieu.
Après deux mille cinq cents ans depuis
la création , le genre humain s'élail multi-
plié, les peuplades s'étaient réunies en corps
de nation; il leur fallait des lois et une reli-
gion qui rendît ces lois sacrées ; déjà la plu-
part avaient oublié les dogmes essentiels de
la religion primitive; elles avaient embrassé
le polythéisme , pratiquaient l'idolâtrie , se
livraient à tous les désordres dont cette
erreur fatale est la source. Toutes voulaient
avoir des dieux indigènes et nationaux ,
des protecteurs particuliers enneniis des au-
tres peuples; elles divinisaient leurs rois et
leurs fondateurs. Dieu se Dt connaître aux
Hébreux sous de nouveaux rapports analo-
gues aux circonstances. Non-seulement il
renouvela par Moïse et confirma les leçons
qu'il avail données à leurs pères, mais'il y
en ajout! de nouvelles. 11 leur apprit qu'il
est le fondateur de la société civile , l'auteur
et le vengeur des lois, l'arbitre du sort des
nations, leur seul protecteur et leur roi su-
prême. Continuellement il répète aux Hé-
breux : C'est moi (jui suis vv'.re seul mattre
el votre Dieu : Ego Domina} Deus rester.
Conséqueinment , dans le code mosaïque,
Dieu incorpora ensecnble les lois religieuses,
civiles, politiques el militaires; il imprima
aux unes el aux autres lo sceau de son au-
torité , el leur donna la mène sanction, il
statua les mêmes peines contre les infrac-
teurs , les mêmes récompenses pour ceux
(|ui seraient fidèles à les observer. De là les
lois sévères contre l'idolâtrie, la défense de
sacrifier aux dieux des autres nations, la
peine de mort prononcée contre les préva»-
ricalenrs. Un Israélite coupable en ce genre
était non-seulement criminel de lèse-majesté,
mais traître envers sa patrie; il était censé
rendre hommage à un roi étranger. Ceux
<]ui ont déclamé contre cette lliéocralie ,
contre celle religion locale, nationale , ex-
clusive , sévère et jalouse , n'étaient ni de
profonds raisonneurs ni d'habiles politiques.
Les peuples étaient alors dans l'effervescence
des passions de la jeunesse, ils ne respiraient
que la guerre, les conquêtes , le meurtre,
le briganilage; ils ne goûtaient que les vo-
luplé-, gro sières , ils ne connaissaient d'au-
tre bien que la satisfaction des sens. Il fal-
lait donc un frein rigoureux, une législation
sévère et menaçante pour les réprimer. Idu-
méens, Egyptiens, Phéniciens, Assyriens,
tous étaient possédés de la même fureur.
Dieu plaça au milieu d'eux la république
juive pour leur servir de modèle et pour
leur montrer ce qu'ils auraient dû faire (I). Ils
ont mieux aimé se dépouiller les uns les au-
tres el s'entre-déiruire , nourrir entre eux
des jalousies , des inimitiés , des guerres
continuelles, qui ont été la source de tous
leurs m.ilheurs.
Aux mots Jddaïsme, Lois cérûmomelles,
lloïsii , etc., nous avons fait voir la sagesse,
(1) « La loi mosaïque, dit M. C.erbet.ri'éiait obliga-
loiie ni poin- la plus grande pariic du genre liumuin,
qui ne pouvait la coïniaiire, ni mèine pour ceux des
gentils ipii l'iiuraienl pu. Saint Thomas, en ensfi-
giiaiit cette iloclrine, .ijoul' ; « Qu'en n'adineilait
lies giMitils .i la profession du judaïsme que connue à
un état plus sur et plus parfait, de même qu'on
admet les séculiers à la profession de la vie reli-
gieuse, q«oi(|u'ils puissent' se sauver hors d'elle.»
(A'riïu. «ecHHd., quïsl. 98. ) < Si la loi mosaïi|ne,
dit lui aulre théologien, n'a p.is été donnée à tout le
genre humain, mais à un >eul peuple, c'est qu'elle
n'éiaii pas elle-uiéme nécessaire :iu salut ; car, avant
elle, les hommes pouvaient su sauver, et, pendant
qu'elle a subsisté, les gentds pouvaient se sauver sans
elle. I (Snarez, de Leiiibua, lili. ix, c. 5, ail. 6.) Dé-
posiliiire d'une loi locale, la Synagogue n'était donc
qu'une partie de l'Eglise, dépoiiaire de l.i loi uéces-
saire universellement; mais elle avail cela de parli-
culier, qu'existant sons la loinie de société pnijlique,
fille éiaii le type de la consiiiuiion luiure de l'Kglise ;
ei c'est pour cette raison que, lorsrpie les Pèies et
les ihéologiens, en irailaut de l'Kglise depuis Jé-us-
r.lirist, eherehem des comparaisons dans l'tiglise
ancienne, ils les prennent parliculiéremenl dans la
Synagogue. > — M. Gerbel, dans son excellent ou-
vreL;e (tes Doctrines philosophiques sur ta Ceilùude,
dans leurs rapports avec Us foitdemer'tt de la théolo-
gie, cbap. 3.
185
REV
REV
184
l'utilité , la divinité de ce nouveau plan de
de la Providence, qui est la seconde épo-
que de la révélation, et nous avons répondu
aux objections des déistes.
Dieu avait annoncé son dessein quatre
cents ans .luparavjint , et il l'avait fait con-
naîlreaii palriarchfl Abrahano , en disant :
Venez dnruf le pai/s que je vow monlrerai , je
vous yrendrm père d'une grande nation (Gen.
XII, 2). M, lis en lui ajoutant , toutes lex na-
tions seront bénies en vous, il lui faisait en-
trevoir de loin une troisième époque et un
nouvel ordn» de choses qui ne devait avoir
lieu que quinze cents ans ajirès. Pour y
amener le genre humain , Dii'U s'est servi
de la démence f;énérale des peuples , de la
manie des conquêtes. Vers l'an 4000 du
monde, l'empire romain avait englouti tous
les antres; la plup.irt des habitants <lu monde
connu éiaiciil devenus sujets du même souve-
rain. Par les transmigr.itions, parles voyages,
par les exploiis des guerriers , par le com-
merce, par les arts , par la philosophie, le
genre humain semblait être parvenu à l'âge
mûr. Les peuples étaient devenus cajiables
de fraleniiser , de former ensemble une so-
ciété religieuse universelle ; Dieu a d;iigné
l'établir. Il avait parlé aux premiers hommes
par leur père , aux nations naissantes par
un législateur ; il a parlé à l'univers entier
par son Fils. Jé>-us-Christ , fidèle interprète
des volontés de son Père , n'est point venu
fonder un royaume ni une société temporelle,
mais le royaume des cieux , le royaume de
Dieu, la communion des saints ; tout s'y rap-
porte au salut et à la san et ificat ion de l'homme;
la rédemption générale est VEvan(jile , ou
l'heureuse nouvelle ()u'il a daigné nous ap-
porter. Celte troisième époque de la révélation
est appelée par les apôtres les derniers jours,
la plénitude des temps , la i onsomniatian des
siècles, parce que c'est le dernier état de
choses qui doit durer jusqu'à la fin du monde.
Notre divin Maître n'a contredit aucun des
dogmes révélés dès le commencement ; au
contraire il les a étendus , expliqués , con-
firmés ; il n'a révo(iué aucune des lois mo-
rales prescrites à Adam, à Noé, et renfermées
dans le déjalogue de I\Ioïse ; mais il les a
développées, il en a montré le vrai sens et
les conséquences , il en a rendu la pratique
plus sûre par des conseils de perfection. Au
culte matériel et grossier qui convenait aux
premiers âges du monde , il a substitué l'a-
doration en esprit et en vérité, un culte sim-
ple , mais majestueux, praticable et utile
dans toutes les contrées de l'univers.
Le christianisme est donc le dernier com-
plément d'un ouvrage commencé à la créa-
lion , d'un plan conslamment suivi par la
Providence divine, d'un dessein à l'exéculion
duquel Dieu a fait servir toutes les révolu-
lions de l'univers. Mais ce plan divin n'a été
connu que quand il a été porlé à sa perfec-
tion ; c'est Jésus-Christ qui nous l'a révélé.
11 embrasse toute la durée des siècles ; un
homme n'a pu le concevoir ni le tracer, en-
core moins l'exécuter. Les iiicréilules no
l'ont jamais aperçu : qu'ils le considèrent
enfin , qu'ils en comparent les époques ,
qu'ils en examinent l'unité , les moyens, la
correspondance avec l'ordre de la nature , et
qu'ils nous disent si c'est le hasard qui a
disposé ainsi les événements.
Quand on dit que le christianisme suppose
le juilaï>mo , on ne saisit que deux anneaux
de la rhaîne ; on laisse de côté le premier,
auquel le^ deux autres sont attachés. La révé-
lation faite aux Juifs supposait aussi néces-
sairement celle qui avait été accordée aux
patriarches , que l'Kvangile suppose la loi de
Moïse. Si ce législateur n'avait pas com-
mencé son ouvrage p;ir l'histoire de la révé-
lation primitive , il aurait bàli sur le sable.
Qui aurait pu se persuader que Dieu , après
deux mille ans d'un silence profond , s'était
enfin déterminé à parler aux hommes ?
Mais non , lorsque Moïse alla faire part de
sa mission aux Israélites en Egypte , il le fit
au nom du Dieu de leurs pères , du Dieu
d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, qui avait
donné des instructions à ces patriarches et
leur avait fait des promesses (Exod. m, 6 ,
15, 16). Le souvenir des anciennes espé-
rances de leurs pères, autant que les mira-
cles de Moïse, persuada les Israélites ; ils
crurent à la parole de cet envoyé, et se
prosternèrent pour adorer Dieu ( c. iv , 30 et
31). Dès le commencement du monde, Dieu
a prédit plus ou moins clairement ce qu'il
voulait faire dans la suite des siècles ; au
moment même de la chute d'Adam, il en fit
espérer le réparateur , il ranima la confiance
par les promesses des bénédictions que de-
vait répandre un descendant d'Abraham,
et par la prédiction que fit Jacob d'un envoyé
qui serait Vatlenle des nations. Ainsi la con-
formité des événements avec les promesses
a servi dans tous les siècles à prouver la vé-
n\é iie la révélation. Tel a été, depuis l'ori-
gine du chrisiiauisme, le sentiment de tous
les Pères de l'Eglise ; ils ont allégué l'anti-
quité de noire religion pour en démontrer
la divinité , et ce fait mérite attention.
Saint Justin , Apol. / , n. 7 , ne craint point
d'appeler chrétiens les sages qui ont vécu
chez les barbares , n. 46, tous ceux qui ont
vécu suivant la droite raison, parce que
Jésus-Christ , Verbe divin, est la raison uni-
verselle qui éclaire tous les hommes. Apol.
II , n. 10 , il dit que Socrate a connu en par-
lie Jésus-Christ, parce que celui-ci est le
Verbe qui pénètre partout , qui a prédit les
choses futures par les prophètes et par lui-
même ; n. 13 , il prétend que tout ce qui a
élé dit sagement chez toutes les nations
appartient aux chrétiens. Il ne faut pas
croire que saint Justin ne parle ici que de la
lumière naturelle , puisqu'il compare l'action
du Verbe sur tous les hommes à l'inspiration
qu'il a donnée aux prophètes. On sait d'ail-
leurs que ce Père enseigne l'universalité de
la grâce, qui est une espèce de révélationia-
lérieure.
Saint Irénée, contra Bœr., lib. iv, c. 6,
n. 7, dit: « Le Verbe n'a pas commencé à
révéler son Père, lorsqu'il est né de Marie ;
mais il l'a fait connaître à tous, dans tous
185
REV
REV
18
les temps. Des le commencement le Fils de
Dieu, présent à sa créature, découvrn i\ tous
son Père, quanti et connue ceiui-('i le veut.
Ainsi le même salut est pour tous ceux qui
croient en lui. » C. H, n. 2 : « Il arrange
donc le salut du genre humain de plusieurs
manières... et il prescrit à tous l,i loi qui
convient à leur état et à leur condilioii. »
Saini Clément d'Alexandrie, StromnC, lib. i,
ca|). 7, p. 3'i7, représente J)ieu (■onime un
cultivateur qui ne cesse de confiera la terre,
qui est le genre humain, tics semences nour-
rissantes, et qui dans tous les temps y fait
tomber la rosée du Verbe souverain, suivant
la différence des temps et des lieux.
« Comme il convient, dit Terluliien, à la
honlé et à lajusiice de Dieu, créateur du
genre humain, il a donne ;\ tous les peuples
la ménic loi, et il l'a fait renouveler et pu-
blier dans certains temps, au moment, de la
manière et par qui il a voulu. Kn cffei, dès
le connneniement du monde, il a donné une
loi à nos premiers parents , et dans
celte loi était le germe de toutes celles iiui
ont élé porices dans la suite par Moïse.... :
faut-il s'étonner si un sage instituteur étend
peu à peu ses leçons, et si, après de faibles
commencements, il conduit enfin les choses
à la perfection?.... Nous voyons donc que
la loi lie Dieu a prérédé Moïse ; elle n'a point
commencé au mont Horeb, ni à Sina, ni
dans le désert ; la première a été portée dans
le paradis terrestre, elle a été prescrite en-
suite aux patriarches, et de nouveau impo-
sée aux Juifs, » Adv. Jud., cap. 2.
Lorsque Celse et Julien ont demandé,
comme les incrédules d'aujourd'liui, pour-
quoi Dieu a tardé si longtemps d'envoyer
son Fils et son Esprit aux hommes, Origène
et saint Cyrille ont répondu que Dieu n'a
pas cessé de parler aux hommes i)ar son
Verbe dans tous les temps. Orii/., lib. iv,
contra Cels., n. 7, 9, 28, 30; lib. vi, n. 78;
saint Cyrille, conlra Jnt., lib. m, p. l'.i, 94-,
108. De même, dit Origène, (ju'un sage la-
boureur donne à la terre une culture diffé-
rente, selon la variété des sols et des sai-
sons, ainsi Dieu a donné aux hommes les
leçons qui,tlans les différents siècles, conve-
naient le mieux au bien général de l'univers.
Conlra Cels., 1. iv, n. 69.
Eusèbe, Hist. E celés., 1. 1, c. 2, représente
à ceux (]ui regardent la religion chrétienne
comme étrangère et récente, que l'histoire
peut les convaincre de sou antiquité et de
sa majesté « Tous ceux, dit-il, qui se
sont distln;;ués par leur justice et leur piété,
depuis le commencement du monde, ont vu
le Christ des yeux de l'esprit, et lui ont
rendu le culte qui lui élaii dû même comme
au l''ils de Dieu. Lui-même, en (|ualité de
maitre de tous les hommes, n'a cessé de
donner à tous la connaissance et le culte
de son l'ère. » Eusèbe fait voir ensuite que
c'est le Fils de Dieu qui a parlé à Moise et
aux prophèies, et qui s'est incarné pour par-
ler aux hommes.
Maisaucun des Pères n'a mieux développé
celle vériléqaesaiut Augustin, 1. \,deCivit.
Dei, c. Il : « De même, dit-il,^que l'instruc-
tion d'un homme doit faire des progrès à
mesure qu'il avance en âge, ainsi celle du
genre humain tout entier s'est perfectionnée
par la succession des siècles,» L. i, de Senn,
Doinini in monte : « Lorsque Dieu a donné
peu de piécoples aux premiers hommes, et
qu'il en a augmenté le nombre pour leurs
descendants, il a fait voir que lui seul sait
donner au genre humain les remèdes ((ui
conviennent aux dilTérenIs temps. >< L. de
vera lletig., cap. 16, n. 3i;c. 26, n. 48; c. 27,
n. oO : « La durée du genn- humain tout en-
tier ressemble par proportion h la vie d'un
seul homme, et Dieu li gouverne de môme
parles lois de sa providence, ilepuis Adam
jusqu'à la lin du monde. « Lib. i, Jletracl.,
c. 13,11.3 : « La religion chrétienne était dans
le fond celle des anciens, elle n'a point cessé
depuis le commencement ilu monde jusqu'à
la venue de Jésus-Christ, elc. » C'est le plan
que le saint docteur a développé dans son
ouvrage de lu Ciié de Dieu, depuis le livre xi°
jusqu'à la fin.
Tbéoilorot, dans son x' Discours sur lu
Providence, et, saint (îiégoire, pape, Homil.
31 in Eviing., ont tenu le même langage.
M. Bossuet l'a répelé, Disc. surTHisl. unlv.,
Il' part., art. 1 : « Voilà donc, dit-il, la re-
ligion toujours uniforme, ou plutôt toujours
la même, depuis l'origine du monde : on y
a toujours reconnu le même Dieu comme
auteur, et le même Christ comme Sauveur
du genre humain, etc. «
Si les incrédules avaient été instruits de
ces vérités, ils ne se seraient pas avisés de
demander pourquoi Dieu a dilïérô pendant
qualrc mille ans de se révéler aux hommes,
pourquoi il n'a fait éclorc la révélation que
dans un coin do la Palestine, poiirijuoi il n'a
pas fait pour tous les autres peuples ce qu'il
a l'ail pour les Juifs, elc. il y a plus de quinze
cents ans que ces questions ont été faites par
des philosophes incrédules, et qu'elles ont
élé résolues par les Pères de l'ivglise.
Lorsqu'un imposteur arabe a voulu pu-
blier une quatrième révélation, se p.acer sur
la mène ligne que Moïse et Jésus-t^hrist,
quelle liaison a-t-il mise entre cette préten-
due révélation et les trois ])récédentes'? A
peine les connaissait-il, et il était trop igno-
rant pour en saisir l'ensemble. Le mahomé-
lisme ne tient à rien, il est même positive-
ment opposé à plusieurs des vérités que Dieu
a révélées : or, Dieu ne s'est jamais contre-»
dit. C'est une religion purement nationale,
analogue au climat, aux mœurs el au génie
des Arabes; l'auteur était, comme ses com-
pairiotes, ignorant, mais rusé, fourbe, vo-
luptueux, violent, avide de brigandage et de
rapines ; il a donné a sa doctrine l'empreinte
de son caractère. Si nous remontons plus
haut, nous trouverons le même défaut dans
celle de Zoroaslre. Il ignorait ou il a mécon-
nu ce que Dieu avait révélé aux |iatriarcbes
et aux Israélites, el il l'a contredit dans les
points les plus essentiels, tels que l'unité de
Dieu et sa providence, l'origine de l'ànie, la
bource du mal, elc Voy, Pahsi».
187
REV
REV
188
La comparaison n'est donc pas difficile à
faire entre la vraie révélation et les fausses.
A proprement parler, il n'y en a qu'une ;
elle a commencé avec le monde, et elle
durera jusiiu'à ta fin, p;irc* que l'homme
en a esseiilleilement besoin ; mais à doux
époques difl'crentes Dieu a trouvé bon d'a-
joHler aux iiremirres vérités qu'il avait révé-
lées d'abord, les nouvelles leçons qui étaient
devenues nécessaires au g;enre humain re-
lativement aux nouvelles circonstances dans
lesquelles il se trouvai! , sans contredire
néanmoins aucun des dogmes ni des lois
morales qu'il avait enseignées auparavant.
Par cette observaiion nous réfuions aisé-
ment les .luifs, (\u\ prétendent que Dieu n'a
pu rien ajouter ni rien chanfier par Jésus-
Christ à ce qu'il avait révélé et prescrit à
leurs pères. Par la même raison l'on serait
en droit de soutenir qu'il n'a pu rien ajouter
ni rien chang'er par l'organe de Moïse à ce
qu'il avait révélé et prescrit à Adam et à
Noé. Il ne leur avait pas ordonné la circon-
cision, et il voulut qu'elle fût praiiqitée par
Abraham; il ne leur avait commandé ni
l'olfrande des premiers-nés, ni la pâque, ni
les expiations, elc, et tout cola tut prescrit
par Moïse. Maison s'exprime très-mal quand
on dit que la révélation chréiienne a ren-
versé et détruit plusieurs branches de la ré-
vélation juive; Jésus-Christ a déclaré, au
coniraire, qu'il n'élail pas venu détruire la
loi ni les [irophèles, mnis les acco;:,plir
( Matlh. V, 17 ). On ne peut ciier aucun des
dogmes révélés aux Juifs qui soit contredit
dans l'Evangile, ni aucune des lois morales
qui y soit abrogée. Jésus-Christ a condamné
le divorce, v. 32, mai.s c'était un désordre
lolcrc plutôt que permis par la loi de Moïse :
il a réproui é la peine du talion, v 38, mais
c'était une loi do pure police chez IfS Juifs,
qui ne concernait que les nlagi^trats; il eût
été trop dangereux de permeltre aux parti-
culiers de se faire justice par eux-mêmes
Quant à la permission prétendue di; haïr ses
ennemis, v. 43, elle n'existe ]ioint dans la
loi; c'élaii une fausse interprétation des
Juifs. Pour ce qui regarde les lois cérénio-
nielles, rivili'S et polili(iue>;, sans qu'il ait
été nécessaire de les abroger, Dieu les a
rendues imiiraiicabli's pour la plupart, par
la dispersion des Juifs et par la destruction
de Irur lépublique.
Une religion révélée, disent les déistes,
ne peut pas être destinée de Dieu à tous les
hommes, puisqu'il n'en est aucune qui soit
revêtue de preuves mises à portée de toiis
les homn}es ; aulremiMit Dieu e\ige-rait l'im-
possible. Faux principe et fausse consé-
quence. On prouverait «le même que la r:',i-
son n'est pas destiné*' de Dieu à guider tous
les hommes, puisqu'il y en a beaucoup en
qui elle est à peu près nulle, comme dans
les imliéciles cl les enfants, ei une iiifiuiié
d'autres qui, par leur stupidité, par leur
perversité naturelle, par leur mauvaise édu-
cation el leurs mauvaises habilule, res-
te blent plus a îles brutes plus qu'à des hom-
mes. La religion chrétienne a été révélée
de Dieu el destinée à tous les hommes dans
ce sens que tous ceux qui peuvent la con-
naître et en comprendre la vérité, sont obli-
gés de l'embrasser, et sont punissables s'ils
se refusent de le faire. SI ne s'ensuit pas de
là que Dieu punira de même ceux ((ui ne
l'ont pas connue parce qu'ils n'étaient pas
à portée de la connaître ; l'Evangile, aussi
bien que le bon sens, nous enseigne que
l'ignorance invincible excuse du péché.
Mais nous soutenons que le christianisme
est revêtu de preuves qui sont proportion-
nées à celle capacité de tous les hommes
auxquels elles sont proposées. Vvy. Cré-
dibilité. Conséqnemment tous ceux qui,
nés dans le sein de la religion, y ferment
volontairement les yeux, et se font une pré-
tendue religion naturelle, pour secouer le
joug de la religion révélée, sont très-cou-
pables et très-dignes de punition.
A^ l'article Mystère, nous avons prouvé
que Dieu peut révéler des choses incom-
préhensibles, el quand le fait est prouvé,
nous devons les croire. A quoi sert donc la
révélation, disent les déisti'S, si elle ne nous
fait pas comprendre ce qu'elle nous ensei-
gne ? Autant vaudrait demander à quoi sert
de révéler aux aveugles-nés qu'il y a des
couleurs, des tableaux, des miroirs, des
perspectives, si on ne les leur fait pas com-
prendre. La révélation des mystères sert à
exercer la docilité et la soumission que
nous (levons à Dieu, à confirmer les vérités
démontrables, à réprimer la témérité des
philosuphes, à fonder la morale la plus
sainte et la plus sublime. Voy. Dogsie.
* Révélation primitive. Sons le nom de Hévéla-
tion primitive nous eiilendons celle qui n éié faite au
premier hniiinie :iprès sa naissance. L<'8 philosophes
oui fait de longs écrits pour établir ipiel dut être
réi;u de l'esprii ilu premier lioniaie en soriant <les
mains île In nature, coninicni il est parvenu à s'ins-
truire, quelle lut sa première religion. Les théolo-
giens et liis philosoplies clnéliens leur ont ropoinlu
par de huignes dissertations pour prouver que si
rijouime n'avait pas reçu uni: révélalion priinitivi-,
il n'aurait pu parvenir à créer le Langage {Voy. ce
mot), ni à acquérir la connaissance d'aucune vériié.
Un n'attend pas de nous que nous cnlrioris dans
leurs longues discussions; nous nous contentons de
ciler sur ce point queUiuics lignes de M. île Valroger:
I Quoi! Dieu, crcam l'huinaniié, a-t il pu la con-
damner à croupir pendant nue longue suite de siè-
cles dans une ignorance invincilile des vérilés les
plus essentielles? Seul Ici-lias l'iioinine a reçu les
iacultés nécessaires pour coniiailre et servir son
Crcatoiir ; et son onil n'i'ùl pas élé lait dès l'origine
pour voir, el son cu^ur pour aimer Celui i|iii est la
vérilc el la vie ! Esl-co donc pour rester dans l'om-
bre qu'il avit leçii ces larges ailes qui peuvent le
soulever au-dessus de tiuiles les i lioses qui passent,
et ce regard d'aigle qui clierc lie au loiid des cieiix le
soled divin?... I^'lioinine i ncnre innocent, riiouiaii!
sortant des mains de ceite même Providence ( qui
éiend ses soins maternels sur tomes les créatures),
etil Clé délaissé par elle ! Il n'a pas, lui, reçu en par -
lage des inslincts qui se développent spontanément
comme ceux du castor ou de l'alieille, pour le co i-
duire d'une manière infaillible à l'accomplisseiuent
|iaif.iit de sa desiin e : il est pcrfectilile, mais à la
c;iiulition d'être enseiL;nc. Sans le secours d'une loue
é iucalion religieuse, ses l.icultés les plus sublimes
a
REV
REV
190
demenreni stériles, cl s'airnphieni par les dévi;>tions
Ifts plus nionslnieiKes : el ce secours lui cill man-
qué an iiionioni nièiiie où il en avaii, le plus pressant
licsdin! cl le génie linnmin eût rlé coiidaniné en
ni:issi;, durant de* milliers d'annéo-;, h des erreurs
profondémeul corruiitrices et aux superstitions les
plus ilégrailantes! Cela est-il bien vraisrinhlahle?
l'cut-on le supposer a priori, qu;uul on croit un hiou
lion et sage? Evidemment non! Cela ne saurait pa-
raître possilile qu'au point de vue des ailices et des
pantliéistes. Quand on re-arde le genre liuunin
commit le produit du liasird, <>u comme l'enfant
d'une loi ave ngli' de progrès nécessiiire ; quand on
ne voit en lui qu'une excroissance du cliinipanzc,
oh ! alors je comprends qu'on refuse de croire à la
rcvélaiion. M lis qu'on prélêrc des hypnilièses comme
celles de l'élal de nature et du f lichisnie primitif,
(piand on cmil simérement à la sagesse et à la honié
de lu Providence, c'est ce que je ne comprends
plus (a). »
Nos livres saints lèvent toute dilficullé: ils cons-
tatent l'existence de la révélalinu primitive. Dieu
s'entretient avec Adini et parle à Aliel. Nous le
voyons avoir de IVéqiients eiilrelicns avec les patriar-
ches. Pour suivre celle révélation, il faudrait faire
l'histoire de nos premiers parents el de leurs des-
cendants jusqu'à Moïse. Elle est entre les mains de
tout le monde.
l.a révr'lalion primitive avait donné à nos pre-
miers parents nue notion exacte de D eu ei du ridle
(jui lui est dû, de sa providence divine, de l'exis-
leiice des bniis et des mauvais anges, de la chute de
l'homme, de la prcunesse d'un Liliérateur, de la vie
future. Ci's grandes vérités se sont obscurcies peu à
peu. Cependant il en est resté des vestiges chez tmis
les peuples (|ni peuvent servir de témoin et de
preuve à la révélation primitive. Voij. Diei', Pnovi-
pi NCE, Ani;e, Originel (Péché), ÙÉP.u\ATEim, I.m-
MOKTAI.ITÉ DE L'aMR.
* Révélation mosaïque. Voy. Lot mosaïque et Ju-
daïsme.
* UÉVÉI.ATION CllBÉÏIF.NJil'.. VoiJ. ChIUSTIANIMF,.
■^ lUOVOI.UTiONS (l.sj i;r L'1-,GI.ISL. L'idée du
pouvoir, dit M. [iengnoi, éani pariout ou affaiblie
on méconnue, nous voyons renverser, ici successi-
venieiit et avec méthode, là tout à coupel avec co-
lère, de sages trailiiions, de bonnes et utiles lois,
des institutions anciennes, mais qu'il eiU été facile
de réformer, et envelopper dans une inênie répro-
bation lont ce qui ne date pas d'iiier. L'Europe pré-
!-eiile aujourd'hui l'image d'une grande cité qu'un
ireiildenieni de terre aurait arriciiée soudainement
de ses fondements el jetée sur le sol, où sont Cou-
chées pèle-inêle les ruines des p'iis beaux éd (ires et
des plus modestes hahilalions, des plu> ant tpies pa-
lais ei des plus réeenics conslruclions. La fMice qui
a causé ce désastre était évidemineui une force
aveugle. Cep<'ndant du milieu de ces décombres s'é-
lève une instilutinn ipie rien n'a pu ébranler, car ce
ne Sont pas les bonmies qui l'ont *-ndée. Cette iiis-
liliitiou divine conseive dans ^on sein le principe
dont l'abandon cause les désordres et les révilmiuns
an bruit (lesquelles nous nous éveillons cha(|ue joui',
et c'est » elle que nous lions le redemaiiilei , quainl
nous serons las de poursuivie la s-oliition du pro-
blème insoluble de huiderdes sociétés sans pouvoir,
c'esl-à-(liie sans base.
Le monde nouveau repousse l'unité du pouvoir,
cnnime l'équivalent de la lyrainiie; l'/^glisi; proclame
celte unité el ne Ini est jamais plus dévouée que
quand celui en qui elle se personnifie est méconnu,
trahi et malheureux. Loisquc la raison sera rentré.;
dans nos e-prits, ^on exemple teul suffira pour nous
faire coraprendie les véritables eonditions d'existence
(«) Etudes critiques sur le Kationalisme conlemporain ,
liv. u, c. 4, etc.
de la souveraineté. Elle nous enseignera, ce que nous
sommes fiers d'ignorer, à respecter et à obéir ; pane
que le respect et l'obéissance, sans lesquels il ne
peut pas pins exister de république que de nionar-
cliie, sont chez elles des habitudes innées. Elle nous
dira qu'aucune cunsiiiiition politi(pie, qu'aucune loi
foadainent de ne peut prendre racine et vivre, si les
citoyens ne lui vnnenl pas une sorte de foi qui calme
leurs désirs, modère leurs critiques et les oblige de
croire à la durée de ce qu'ils ont fondé. EiiHii, le
spectacle de cette grande institution, qui trouve dans
une organisation hiérarcliiipie (ileine, de foiee les '•
moyens de mainienir la paix et l'ordre au milieu de
ses nombreux enfants, san* qu'aucun d'eux ne res-
sente la sévérité du commandement ou la pesan-
teur du joug, ce spectacle, dis-je, réconciliera bien
des esprits égarés avec le principe d'une autoriié à la
fois hienveiiiante et inflexible. Les idées vériiable-
nient sociales, celles qui peuvent seules conduire les
hommes vers la portion de bonheur dont il leur est
permis de jouir dans ce monde, sont mises en pratique
sous nos yeux par l'Eglise, dans un but différent, il
est viai, et plus élevé, mais qui ne change point leur
liiture ni leur mode d'action. Malgré tout ce qm;
lions voyons .s'accomplir et toui ce qui est annonce,
il ne laiii donc |ias désespérer de la vérité, de la jus-
tice, du droit. L'Eglise sauvera encore une fois la
civil'saiion.
Il eviste en effet une analogie singulièrement triste
entre les devoirs de l'I'.glise en i e moment et la
lâche immense que Dieu lui imposa le jour où il d'-
cida la ruine de l'Ijnpire romain, nécessaire à l'ac-
coniplissemeiit de ses desseins.
Lorsque les peup'es de la Germanie eurent cou-
vert de leurs flots ce grand empire, l'ancienne so-
ciété, minée par une longue corruption, impuissante
à se d -fendre, et encore plus à réagir sur les mœurs
des vainqueurs, disparu! ; et l'Eglise, gardienne de la
foi catholique, se trouva en méoie temps l'unique dé-
positaire de tout ce qu'il y avait de lion et de grand
d.ins l'aiicienne civilisation romaine. A quoi servi-
rail d'insister sur ce point? Qui ne sut que ce fut
ri'.'glise seule qui, dans ces temps de conquête et
d'épouvante, sauva les sciences, les letlies et les
arts, et ouvrit les larges voies où un monde nonve.iu
iiiarclia pendint tant de siècles avec gloire ? S'il était
possible de ne considérer l'Eglise catholique que
comme une insiiiuiion civilisatrice, .à ce seil liire
elle mériterait l'élernelle reeoiinaissince du genre
humain. Aujourd'hui nous subissons l'invasion non
plus de peuples barbares, mais de doctrines vériia-
bleinenl brrliares. Ce n'est pas ici une frivole oppo-
sition de mots : les doctrines qui se prêchent en
France, en Allemagne, en Italie et ailleurs, si ell s
Venaient à irioniplier, précipiieiaient les peuples de
ces contrées dans un élat de société près duquel ce-
lui des Francs, des iluns et des Vandales, ser.iit de
la hauie civi isaiion. Contre cette invasion qui a pris,
dans notre pays, de redoutables |iroporiioiis, le clergé
a, dès le premiec jour de péril , compris, avec une
ailmirable sagacité, quels étaient ses devoirs. Qu'il
me soit permis dédire comment il les remplit.
Lus barbai es de nos jours ressembleiit fort peu h
leurs ; réiécesseurs du x' siècle : ce ne sont pas des
gueri iers, ce sont des sophi-les que l'envie el l'or-
gue.I poiissenl à réchauffer de vieilles erreurs, moi-
tié politiques, moitié économiques, qui, à toutes les
époques, onUrouvé, pour les préconiser, des esprits
malades ou pervertis. L'antiquité païenne symbolisa
dans le supplice de Promélhée la punition réservée à
ces lêveiirs présomptueux i{ui croient avoir décou-
vert dans certaines eombinaisons philosophico-po-
liliques le moyen assuré de relaire l'homme et le
monde, el de su|ipriiiier l'injusiice, la misère , l'in-
égalité et le vice. Par leur nature même, ces sys-
tèmes semblent se dérober à l'aclion du clergé, dont
la mission n'est pas de combaiire les fausses ihéu-
191
RIC
RIC
19-2
ries sur la réorganisation de la sociclé exlérieiire :
mais coinnie ils hlcsseni d« plus d'un côté la religion
et la morale, comme ils tendent à détruire la fa-
mille, œuvre de Dieu, à semer panrii les lioinmes
d'inexoribles discordes, et que leurs adeptes pré-
tendent les rattacher par une odieuse prof:inaiion
aux doiliiiies que le Christ ;* révélées, le elergé in-
tervifui, selon son droit et son devoir, d;ins ces bril-
lantes discussions, avec l'autorité de son caractère
et la douceur de ses paroles. S'il ne réussit pas à
triompher, si quelquel'o.s il se trouve comhailre seul
pour la cause de la vérité, c'est que la société, af-
laihlie liai- l'oubli du droit et du devoir, par son an-
tipailiie contre le principe d'auioriié, impuissante à
se déleiidre elle-même, semble desiinée à devenir la
proie de ceux qui oseront le plus conire elle.
Il est dans la société, telle que ce sce|ineisnie po-
lilique l'a laile, un nomlire infini de bons ciioyeiis,
d'hommes que les intentions les plus droites ani-
nienl, (|ui aiment sin(èrenn nt leur patrie et reni-
plissenl avec conscii'nce tous leurs devoirs. Ils gé-
missent de tant de mensonges, de tant de désordres
et de rév"lutions, sarrs s'apercevoir qri'ris les auto-
risent ou les provoqrreni par lerrr facilité à coniracler
des |. réjugés qui rendent iorile arriorité inceriaiire,
torrte loi fragile, tout gouvernement impossible. Les
passions populaires soirt sans doute le levier princi-
pal dorrt se serveur les artisans de troubles; mais
combien de geirs réputé-s sages les aiderri, sans le
savoir, à s'en servir! La foi dans l'aulorrlé. la tradi-
tion du comniariilemeirt et de rohéissance n'exisient
phrs nulle pari ailleurs que dans les rangs du clergé
c.ilholiqne, et, on ne saurait trop le redire, il est
appelé, par l'unique effet du grand et irrstructif
exemple qu'il donne arrx nations el qu'il ne ces^era
de leur donner, à les arrêter quand elles serorrl ar-
rivées sur les bords de l'abime. La garde du ilépôt
des docirines véritablement sociales exige de sa
p.irl beaueorjp plus que de bonnes intentions; elle
exige un grand coirrage, car l'ennemi est poissant
el audacieux ; une vigiiarrce de tous les moments,
car il ne sommeille jamais; une p'néiralion vive,
car il. sait se déguiser sous les formes les plus per-
fidement choisies; une erriiére abnégation, car il est
liabilc à séduire jiar se> dons et ses pr-omesses, et
les victirrri's de ses arlilices sont nombreuses, non
pas en Frarrce, grâce à Dieu ! rrrais ailleurs.
Demandez à l'Italie quelle est la main qui agile
sur elle nue lorche rncendiaire, quelle est la voix
i|ui célèbre an son de Rome déchue ei anéantie les
Li'iiilails de la licence! Kt pour par 1er de notre pays,
qui a accepré parmi nous la nnssion d'enseigner à
une populace ignorante la philosophie de la haine el
de l'airarchie? Etait-il donc si dilhcrle à ces grands
coupables et à d'auires moins lameux, de résister
au \ lenlaiions de l'erreur? Hélas! mm. Depuis que
l'esprit révolutionnaire agile les sociéiés européen-
nes, deux causes orrl amerré dans les rangs du clergé
catholi([ue des ihutes à jamais regrettables. La pre-
mière esl une illusion, la Siconde une erreur, ûes
ecclésiastiques dont li; cœur éiail pur et l'espiil
élevé, voyaiii surgir des événement^ qui pnuvaierrt
eomprometlre !es irriérêls temporels de l'Lgl se,
crurent devoir entrer dans le tourbillon des allaires
publiques, se dallant d'y exercer une inlliierice salu-
taire. D'aiilres se laissèrent enirainer à celte pen-
sée ipri-, loul se Irairsformanl dans la société civile,
la disi ipliire de [l'église devait participer à ce mou-
veirienl géoéral de rérormalion. L'expérience a mon-
tré ce ipi'il y avait de darigerrux dans l'iiMe et l'autre
de ces deux idées, ijur rre doiveni pas être cependant
condarnriées avec la même sévérilé.
Le^ institutions de l'Lgli-M', telles qu'elles ont été
fonilées par Jésris-Clirist ei développées par lésa, ô-
Ires ei par leurs successeurs, se prôeiii d'elles-inê-
ines et avec la plus merveilleuse souplesse à toutes
les modilicalionsqiic la société civile peut éprouver.
Ne repoussant aucune forme particulière de gouver-
iiemeril ni de civilisation, constituée pour faire fruc-
tilier la parole de Dieu dans des jours d'orage et de
désordres comme, au milieu du calme et de la paix,
au seirr d'une tribu sauvage comme dans les plus
florissants empires, on ose proposer à l'Eglise de
profiter du trouble passag(T des esprits, d'rrn acci-
(Inut dont le cours des ans eHaeern les irace-, pour
changer les sages lois en vertu desipielles elle n'a
cessé lie grandir, el qui serviront à la sociéié civile
de type pour rééddier ses insiitulions, quand celle-
ci sera lasse de se nourrir de déieplions. Ceirx cpii
Iravaillenl à errtrainer l'Eglise vers le domaine des
nouveautés igrroreiil qu'en lui annonçant qu'elle sé-
rail ciernelle. Dieu lui a ordooiré de rester s Terne et
conliaute au milieu de toutes les agitaiions du monde.
«HÉ'i'ORIENS , spcle d'héréliques dont
parle Philustre, mais qu'il nous f.iit mal
connaîlre. Ils s'élevèrent, dil- 1, en F^yple
au i\' siècle, et ils prirent leur iioui de
Khétorius leur chef ; ils a imellaienl loules
les hérésies qui iiv;iieiil paru jusqu'alors,
et ils prétendaient que toutes étaient éga-
lement soulenabies. Ils éi.sient donc dans
une indilTcrence parfaile au sujet de la
croyance. Ce S3Slèin(' ressemblerait beau-
coup à celui des libertins, des latitudinaires,
des indépendants, etc., qui ont dngmatisé
dans le dernier siècle, et il nous paraît que
tous ces sectaires n'ont guère mérité le nom
di^ chrilien.
RICHARD de Saint-A'ictor , chanoine ré-
gulier et prieur de cette abbaye, fut disci-
ple et successeur de Hugues, dont il égala
le mérite et la réputation; II mourut l'an
1173. La meilleure édition de ses ouvrages
est celle de Rouen, de l'an KioO, en 2 vol.
in-l'ol. 11 y a des commentaires sur l'Iicri-
ture sainte, des traités théologiques et des
ouvrages di piété. On y voil qu'au xii' siè-
cle les sciences ecclc-iasUques n'éiaient pas
aussi tiégligées que certains critiques le pré-
tendent.
RICHE, RICHESSES. Quelques censeurs
de la morale évangélique se sont plaints
de ce que Jésus-Christ semble condamner
absolument et sans re^lriclion la possession
des richesses, puisqu'il fi\\: Mnlhenr à vous,
richeti (Luc. vi 2V) 1 // est moins difficile à
un chameau de passer par le trou d'une ai-
guille, qu'à un riche d'entrer clans le royaume
des deux (Mallh. xix, 23 et 2'i-).
Mais de quels riches parle le Sauveur? de
ceux qu'il avait sous les yeux el qu'il a
peints dans tout son évangile, de riches or-
gueilleux, avares, usurii rs, voluptueux,
durs envers les pauvres, tels que le mauvais
riche [Luc. xvi, 1). De tels hommes n'é-
taient pas disposés à entier dans le royaume
des cieux, dans la sociéié des justes qui
prenaient Jésus-Christ pour leur roi, et se
rangeaient sous ses lois. Il s'explique assez
lui-même, en appelant heureux les pauvres
d'esprit, c'est-à dire ceux (|ui ont l'esprit
et le cœur détachés des richesses (Mattlu,
v, 3). Il dit que l'on ne peut pas servir Dieu
cl le démon des richesses (c. vi, 24), parce
qu'un iioiiniie ne peut pas avoir le coeur
partagé entre deux maîtres, \lai.s un hom-
me peut être riche, sans être attaché servi-
195
RIC
RIG
194
lemeiit à ce qu'il possède, sans en aDuser
pour satisf;iire des passions criminelles,
sans faire injustice à personne , toujours
prêt à perdre ses biens lorsque Dieu voudra
l'en priver, et à les partager avec les pau-
vres. Jésus-Christ aurait-il condamné un ri-
che tel que Jol), duquel Dieu lui-même a dai-
gné faire l'éloge ? Non, sans doute. Aussi,
lorsque saint l'aul prescrit à Timolhée les
leçons qu'il doit donner aux riches, il ne dit
pas qu'il faut leur ordonner de renoncer à
leurs richi-sses, mais de ne pas s'en enor-
gueillir, de lie pas mettre leur confiance
dans des biens périssables, mais en Dieu,
qui pourvoit abondamment aux besoins de
tous (/ Tint. VI, 17). Jésus-Christ lui-même
disait aux pharisiens, auxquels il reprochait
des injustici's et des rafiines: Faites l'au-
màne, et tout tera pur pour vous {Luc.
xl,f^l).
Nous lisons encore, Matth., c. Xix, v. 21,
que Jésus-Chrisi, après avoir dit à un jeune
homme que pour être sauvé il fallait garder
les comniJinilemeiils, ajouta : Si vous voulez
être parfait, allez vendre, ce que vous avez,
donnez-le aux pauvres, vous aurez un trésor
dans te ciel; venez alors et suivez-moi. Les
Pèrrs de l'Eglise et les commentateurs ca-
tholiques disent, à ce sujel, que Jcsus-Christ
ne faisait point un commandement rigou-
reux à ce jeune homme, mais qu'il lui don-
nait un conseil de perleclioii. Harbeyrac,
qui n'admet point de conseils dans l'Evan-
gile, soutient le contraire; il prétend que
Jésus-Christ était en droit d'imposer à ce
jeune homme une obligation rigoureuse de
tout quitter poar se mettre à sa suite comme
les autres apôtres, et qu'il le lui comman-
dait, parce qu'il vojail ipie son attachement
excessif à son bien serait pour lui un sujet
de damnation; aussi est-il dit, v. 22, qu'il se
relira fort triste, parce qu'il était très-riche.
Traité de la morale des Pères, c. xii, § (i'4-,
' De noire part, nous soutenons que c'est
Barbeyrac et non les Pères qui ont tort. Il
ne s'agit pas de savoir si Jésus-Christ était
en droit de faire un commandement rigou-
reux à ce jeune homme, mais s'il le lui fai-
sait en effet; or, rien ne prouve que quand
le Sauveur appelait un homme pour en faire
un apôtre, il lui donnait un ordre rigoureux,
et lui commandait sous peine de damnation.
Il lui faisait une invitation; il lui promet-
lait une récompense spéciale ; nous le
voyons dans cet eiulroil même de l'Evangile,
V. 28. Une conduite plus sévère et plus ab-
solue ne se serait pas accordée avec la bju-
té, la condescendance, li mi-éricordo de no-
tre divin Maître. En second lieu, ces paroles:
Si vous voulez éire parfait, peu\ ent-elles si-
gnifier Si vous ne voulez pas être damné?
ISarbeyrac n'aurait pas osé le dire, et ce-
pendant il le suppose, puisqu'il argumente
sur l'attac hemeiit excessif de ce jeune hom-
me à ses richesses. Il nous parait qu'il pou-
vait avoir quelque répugnance à se dépouil-
ler tout à coup d'une fortune considérable,
sans ctre pour cela taxé d'un attachement
damnable. Ëarbeyrac, qui déclame si sou-
vent contre le rigorisme de la morale des
Pérès, le pousse ici beaucoup plus loin
qu'eux. Par la même raison, il ne veut pas
que les premiers chréiiens de Jérusalem
aient agi par le motif d'une plus grande per-
fection en vendant leurs biens, et en en met-
tant le prix aux pieds des apôtres, pour qu'il
fût distribué aux pauvres {Act. ii, 4i). Il dit
que c'était un effet de leur charité mutuelle,
vertu absolument nécessaire dans le com-
menceuieiit de l'Evangile. Mais ce critique
peut-il prouver qu'il y avait une obligaiion
rigoureuse pour chaque lidèle riche de pous-
ser la charité jusque-là, et que, sans ce dé-
pouillement volontaire, l'Evangile n'atiruit
pas pu s'établir? Le contraire est évidem-
ment prouvé, puisque cette communauté de
bien n'existait que dans l'Eglise de Jéru-
salem; Barbeyrac lui-même est forcé de
convenir que les apôtres ne l'exigeaient pas,
et saint Pierre le dit formllement i //>((/. v,
4); s'ils ne l'exigeaient pas, il n'y avait
donc point d'obligation delà faire; c'était
une œuvre de surérogation qui se faisait
par le motif d'une plus grande perfection.
Voy. CoNSlilLS ÉVâNGÉLIQDKS.
KUiOlUSME , affectation d'embrasser les
opinions les plus rigoureuses, soit en fait
de dogme, soit en fait de morale. Il est à re-
m;»r(|uer que lerigorisine est ordinairement
le travers des hommes sans expérience, des
théologiens qui ont passé leur vie dans
leur cabinet; il se trouve rarement parmi
les ouvriers évan^éliques, chez les pasteurs
et chez les missiunuairis blanchis dans les
travaux du saint ministère. Le zèle de
ceux-ci , réglé sur l'expérience, est doux,
charitable, indulgent; ils sentent la néces
site d'e\cilcr, d'encourager, de soutenir les
faibles, ils craignent toujours de jeter les
pécheurs dans l'abattement et le désespoir.
Jésus-Christ, modèle des docteurs, n'af-
fecta jaoïais le rigorisme; au contraire, il le
reprocha souvent aux pharisiens : ils l'ac-
cusèrent de relâchement, ils le peignirent
comme l'ami des publicains et des pécheurs,
11 répondit avec sa douceur ordinaire: Ce
ne sonC point les personnes saines, mais les
malades, qui ovt besoin de médecin; je ne suis
point venu appeler à la pénitence les justes,
mais (es pécheurs. De même les anciens Pè-
res, qui étaient non-seulement théologiens
et docteurs de l'Eglise, mais (lasteurs et di-
recteurs des âmes, évitèrent les opinions et
les règles de morale trop rigides.
C'est par un rigorisme hypocrite que les
hérétiques ont toujours commencé: les
gnostiques, les montanistes, les manichéens,
les albigeois, les vaudois, Wiclef, Jean Hus,
Luther et Calvin, ont tendu le même piège
aux simples et aux ignorants. Le rigorisme
insensé des novatiens fut l'avant-coureur de
l'arLinisme, celui des Africains semble avoir
présagé l'extinction du christianisme dans
cette contrée; le prédestinatianisiue dans les
Gaules fut immédiatement suivi de la bar-
barie; les clameurs des vaudois contre le
relâchement de l'Eglise romaine ont appelé
de loin le protestantisme. Tant il est vrai
195
RIT
qu'un caractère trop rigide est peu coinpali-
ble avec la docilité de la foi.
UITE. Voy. CÉRÉMONIE.
Kll DEL, livre qui contient l'ordre des cé-
rémonies, les prières, les instructions que
l'on doit faire d;ins l'administration des sa-
cremenls. Il y a lieu de penser qu'autrefois
ce livre n'était pas différent de celui que l'on
nommait Sacramenlaire, puisque nous trou-
vons dans celui de saint Grégoire sion-seu-
Icment la liturgie ou les prières et les céré-
monies de la messe, mais encore celles par
lesquelles on administre plusieurs sacre-
ments. Aujourd'hui les premières sontrea-
fcrmées dans le missel, les secondes sont le
principal objet du rituel. Celui-ci renferme
aussi les bénédicllons et les exorcismes qui
sont en usuge dans l'Kglise cailiolique. Ou-
tre le rituel romain, qui est le fond de tous
les autres, il y en a de propres à divers dio-
cèses. Celui qui vient d'être publié pour le
diocîse de Paris est un des plus instructifs
et des plus propres à tionner aux prêtres une
grande idée de la sainteté de leurs fonctions.
* KOBOAM. Le premier livre des Rois, xiv, 2 i, il le
seconil (les Panilipoméiies, xii,2, iiiiusappreniienii|iie
Sliisliak, roi d'Kgyple, inartlia contre Juda, dans la
ciiiquiéiiie année du règne de Roboani, avec douze
cents cliaiiois, soixante mille lionimes de cavalerie
el une armée innoiiiljrable ; qu'après s être rendu maî-
ire lies places fortes du pays, d s'appruclia de Jéru-
salem pour l'assiéger; que le roi e! le peujile s'Im-
niiliérenl devant le Seigneur ; el que Dieu prenant
pilié d'eux leur promit qu'il ne les détruirait pas,
qu'il les livrerait seulement entre les mains de ce
conquérant p lur être ses esclaves; néanmoinsils seront
ses servileiirs, afin qu'Us so.clteiu ce quec'et.l que île me
servir ou de seruir tes rois des tialioiis. Sliisliak vint
donc, en. porta les dépouilles du leniplc, ei enire
autres les boucliers d'or faits par Salmnon (// ['iiral.
xn, 8). Les exploits île ce fameux comiuéianl el
restauiaieur de la puissance égyptienne sont repié-
senlés en déiail dans la grande cour deKarnnk. Nous
devons nous aileiulre a y trouver comprise celle
coni|uéie de Jiida, il'autant plus que ce royaume peut
être regardé roinmi; étant alors au zéiiilli de sa
grandeur, immédlaiemcnl après que Saloiiioo avait
ébloui par l'éclat de sa magniliceiice toutes les nations
voisines. Voyons s'il en esl ainsi. Dans les peintures
de Karnak, Siiisliak est représenté, suivant une
image irès-faniiliêie aux iiiounuu'nls égyptiens, le-
nanl par les cheveux uile foule de personnes age-
nouillées et entassées les unes sur les autres ; sa
main droite est levée et prêle à les immoler louies
d'un seul coup de sa liaclie d'arniei. Près de là, le
dieu Aimiioii-Ra conduit vers lui une foule decapiils
qui oui les mains liées tierriére le dos. Si le premier
groupe représente ceux (lu'il lit périr, on peut Irés-
î)ien supposer que le second cunlient ceux qu'il fit
seulement ses esclaves ou qu'il vainquit simplement
et assujellil à un triiiut Suivant la promesse qui lui
avait éié faite, le roi de Juda devait éire de ce nom-
bre, el c'est là qu'il nous faut le cheiclier. Llîeeti-
veinenl, (larnii les ligures des rois captifs, nous en
trouvons une dont la pliysionuinie esl parfaitement
juive, ainsi que l'observe Roselliiii. Ce savant n'a
p;is eni'ore donné la copie de ce monumeiil, quoi-
qu'il en ail publié la légende (I); mais alin de nous
convaincre que les traits de ce personnage ne sont
nullenienl égyptiens, ([u'ils sont au contraire tout à
fait bébraîipies, Mur Viseniaii, à qui nous emprun-
ta) / flutiuiiktili dcW Egillo, pane i, Monum.slor. t. Il,
p 7'J.
HIG 196
tons cet article (Disc. V, Arcltéoloqie, dans les Dé-
momt. Ciian9.,cdil. Migne, l. XV) l'a lait copier d'a-
près la gravure qui en a été publiée à Paris, par
Champollion (2). Le profil avec la barbe est enliè-
remeni jinf ; et pour rendre ceci plus apparent en-
core, l'auteur a placé à côté une lête égyptienne qui
exprime très-exactement le type naturel de ce peu-
ple. Cliacun de ces monarques captifs porte un bou-
clier dentelé, comme pour représenter les fortilica-
lions d'une ville; sur ce bouclier est inscrite une lé-
gende hiéroglyplnque, qui, comme il est permis de
le supposer, indique quel esi ce personnage. La
plupart de ces inscriptions, pour ne pas dire toutes,
sont tellement elfacées <|u'elles ne sont plus lisibles;
il faut en excepter cependant le bouclier porté par
la ligure juive, où les caractères se sont conseivés,
c<unme on le voit dans la copie dont il s'agit ici. Les
deux plumes représentent les leities J E ; l'oiseau,
OU; la maiiiouveite, Dou ï; ce qui rious donne Jeouo,
le mot hébreu qui signifie Juda. Le^ cinq autres ca-
racières suivajiis représentent les leilres H A M L R ;
el, en a{outarit les voyelles (pii sont ordinairemenl
omises dans les hiéroglyphes, nous avons le mot hé-
breu IIamei.ek, le roi, accompagné de son article. Le
dernier caractère esl toujours employé pour le mol
kdli (pays). Ainsi il est clairement démontré que le
personnage en question était le roi de Juda, traité
■^bscMument comme l'Kcriture nous dit qu'il le fut,
léduil en servitude par Shishak ou Sliishunk, ni
d'iigypte. INous pouvons dire, en toute vérité, qu'au-
cun des monuments jusqu'alors découverts ne four-
nil une nouvelle preuve aussi convaincante de l'au-
ihenticilé de l'histoire sacrée de l'Ecriture.
ROGATIONS , prières publiques qui se
font dans l'Eglise romaine pendant les trois
jours qui précèdent iminédialemetil la fête
de l'Ascension, pour demander à Dieu la
conservation des biens de la lene,et la grâce
(1 êlre préservés de fléaux et de malheurs.
On attribue l'instilulion des Rogations à
saint Mamerl, évéque de Vienne en Dau-
pliiué, i)ui, en 47i selon quelques-uns, ou
en kiiS selon d'autres , exhoria les fidèles
de son diocèse à faire des prières, des pro-
cessions, des œuvies de péniience pendant
irois jours, afin de fléchir la justice divine,
d'obtenir la cessation des tremblemenis de
terre, des incendies, du ravage des bêles fé-
roces dont ce peuple était allligé. Le succès
de ces prières les fît continuer dans la suite
comme un préservatif contre de pareilles
calamités; et bientôt celte pieuse coulume
s'introduisit dans les autres églises des Gau-
les. L'an 511, le concile d'Orléans ordonna
que les rogations seraient observées dans
Soute la France : cet usage passa en Espa-
gne vers le commencement du vu' siècle :
mais dans ce pays-là l'ou y destina le jeudi,
le vendredi et le samedi après la Pentecôte.
Les rogations ont été uduptécs plus tard en
Italie. Charkmagne el Charles le Chauve
défendirent au peuple de travailler ces jours-
là, el leurs lois ont clé observées pendant
longtemps dans l'Eglise gallicane. On obser-
vait aussi le jeûne ; à présent on se borne à
garder l'abstinence, parce que ce n'est pas
la coutume de jeûner dans le lemps pascal.
Les processions des rogations (ùrenl nom-
mées petites litanies, ou litanies gallicanes,
parce qu'elles avaient été instituées par un
évéque des Gaules, et pour les distinguer
(u) Uaus ses Lettres écrites d'Egjpie.
«97
ROI
ROI
19S
de la grande litanie ou litanie romaine, qui
est la procession que loi» fait le 25 avril,
jeur (le saint Marc, et dont on attribue l'in-
slitulion à saint Grégoire le Grand. Les
Grecs et les Orientaux ne connaissaient
point les rogations. lUIes étaient observées
en Angleterre avant le schisme, et l'on dit
qu'il y en reste encore des vestiges ; que,
dans la plupart des paroisses, c'est la cou-
tume d'en ;iller faire le tour en se prome-
nant pendant les trois jours qui précèdent
l'Ascension: mais si on ne le fait plus par
un motif de dévotion ni de religion, il faut
donc que cela se fasse par un niolifde su-
perstilion, et ce n'est pas la seule que l'on
trouve dans ce pays-là. Voy. Litamiî, Bin-
gliam, t. IX, liv. xxi; c-2; Noies de Ménanl
sur le Sacramenluire de saint Grégoire, p. 153,
'f liomassin , Traité du jeûne, p. IT'i-etWJ.
ROGATISTES. Voy. Do.natistes.
ROI,', souverain. Ce titre, dans l'Ecriture
sainte, signilie en général le chef d'une na-
tion, quel que soit le dejré de son autorité :
il est donné à Moïse (Dnit. xxxiii, 5). Lors-
que les Israélites étaient sans chef, sans un
premier magistral, il est dit qu'il n'y avait
point de roi ilans Israël [Jud. i, •il). Il dé-
signe (luelquefois un guide, un conducieur,
soit parmi les hommes, suit parmi les ani-
maux; conséqucmment on nomme ainsi les
grands d'une nation. David dit (Ps. cxviii,
Itii : a Je parlais d;; votre loi en présence
des rois. » Le roi d'un feslin est celui qui y
préside, qui y tient lu première place (Er-
cli. sxsii, 1). Le roi des enfants de l'orgueil
{Job, XLi, 25) est celui qui Temporle sur
tous les autres par son orgueil. Le. Gdéles
sont appelés rois, mais dans un sens spiri-
tuel, de môme qu'ils sont nommés prêtres;
leur royauté consiste à régner sur eux-mê-
mes et sur leurs passions, à se soumettre
les coeurs de leurs semblables par l'asceu-
daut de leurs vertus, à prétendre dans l'au-
tre vie à un royaume éternel.
C'est une grande question entre les incré-
dules et les théologiens de .savoir de (]ui les
rois tiennent leur pouvoir, quel est le prin-
cipe et le fondement de leur autorité. Les
premiers prétendent que les rois ne sont
que les mandataires du peuple, qu'origi-
nairement l'aulorilé souveraine appartient
au peuple, que c'est lui qui la confère à ses
chefs, (in'il peut l'étendre ou la restreindre
comme il lui plaît, et que si le dépositaire
de l'autorité en abuse, le peuple a droit de
la reprendre et de l'en di-pouiller. El nous,
au contraire, nous soutenons que ce senti-
ment est faux, absurde, séditieux, punissa-
ble : et nous le démontrons dans plusieurs
articles de ce diclionnaire. Au mot SociiirÉ,
nous jirouvons quelle est fondée, non sur
un prétendu pacte ou contrat social que les
hommes aient fait entre eux libreuient cl
par leur pro|)r,' choix, mais sur la volonté
dé Dieu, auleur de la nature, qui a cr;é
l'homme pour la société et non pour la vie
sauvage, et qui le lui fait sentir par le be-
soin dans lequel il l'a mis du seciturs de
ses semblables, par l'inclination qu il lui A .
donnée de vivre avec eux, par les avantages
qu'il éprouve dans l'étal social. Ce n'est
point l'homme qui s'est destiné lui-même à
l'état de société, c'est Dieu.
Or, il est démontré, par le fait aussi bien
que par les principes, iiu'unc société quel-
conque ne peut subsister sans lois ni sans
autorité pour les faire observer. Donc Dieu,
qui ne peut pas se cuntreiiire, en destinant
l'homme à l'état social, lui a iujposé l'obli-
gation d'être soumis aux lois et à l'aulorité
par lesquelles est gouvernée la société dans
laquelle il naîlra. De même (]ue, par la loi
naturelle, Dieu ordonne à toute société de
conserver et de protéger tous les indivi lus
nui naissent dans son sein parce qu'ils sont
hommes et créatures de Dieu, ainsi il or-
donne à tout membre de la société d'en ob-
server les lois et delà servir, parce iiu'ilserail
injuste et absurde que les obligations ne
fussent pas réciproques. Donc le prétendu
contrat social est inutile, puisque la loi na-
turelle l'a prévenu, il n'aurait aucune force,
si la loi naturelle ue commandait pas à
l'homme de tenir sa parole, d'être équitable
et juste ; il serait absurde et nul, si Dieu
avait donné à l'homme naissant une liberté
entière de disposer de lui-même ; l'homma
ue pourrait se dépouiller de cette liberté
sans contrarier sa propre nature. Donc c'est
Dieu, fondateur de la société, qui a donné la
sanction à l'autorité qui est nécessaire pour
la gouverner ; c'est lui (jui ordonne à tout
menibre de la société d'obéir au dépositaire
de cette autorité. Par là il est déjà prouvé
(lue toute autorité cient de Dieu, comme
l'enseigne saini Paul, puisqu'elle est l'ondée
sur la loi naturelle, de laquelle Dieu est l'au-
teur ; nous le faisons voir plus au long sous
le mot AuToiiiTÉ ; et au mot Lois civiles,
nous en concluons évidemment ijui- la force
ou l'obligation morale imposée par celle-ci
est dérivée de la religion. Nous en concluons
encore que le droit divin des rois n'est au-
tre que le droit naturel, et nous développons
cette conséquence au mot Despotisme.
A la vériti-. Dieu a consacré l'autoi ilé des
rois, ii l'a rendue inviolable par des luis
positives coi^chées dans l'Ecriture sainte ;
mais il est faux qu'il leur ait attribué une
autorité illimitée , despotique , arbitraire,
contraire au bien général de la sociéié et a
la liberté légitime des sujets. Nous rappor-
tons ces lois au mol Luierié POLiTi^uii ,
nous en dé.iionlrons la sagesse, et nous
faisons voir qu'elles rendent le droit des
peuples aussi sacré que celui des rois. Dieu
cependant n'a <lonné par ses lois la préfé-
rence à aucune espèce de gouvernement :
qu'il soit républicain ou démocratique, eutre
les mains des grands d'une nation ou aristo-
cratique , conGé à un seul ou monarchi-
que, son autorilé est la même; elle vient de
la même source, elle est sujette aux mêmes
lois, de même qu'elle est aussi exposée à
peu près aux mêmes inconvéuiciits. La con-
venance de l'un ou de l'autre de ces gouver-
nements est relative à rétendue, au nombre,
8U caractère, aux mœurs d'une nation, aux
199
KOI
ROI
200
circonstances dans lesquelles elle se trou-
ve, eic, elc. I*ar ces réflexions nous réfutons
d'une manière invincible les principes, les
objections, les déclaiiialions des incrédules ;
ils les ont poussées sur ce sujel jusqu'à la
fureur et à la démence : si un peuple vou-
lait les croire, il secouerait lejoup;, ilélabli-
rail chez lui l'anarchie, état le plus funeste
de tous, et qui opérerait sa ruine entière en
peu de temps. Heureusement l'excès de leur
délire n'a excité que du mépris.
Ils ont voulu persuader, 1° que la relig;ion
chrétienne est de toutes les religions la plus
favorable au despo'isme des souverains ;
nous avons fait voir au contraire que le
chrislianisme a opéré la plus heureuse ré-
volution dans tous les gouvernements qui
s'y sont soumis; que le despotisme n'est éta-
bli chez aucune nation chrétienne, qu'au
contraire il règne chez toutes les nations in-
fidèles réunies en société. Sans sortir de
chez nous, il est prouvé par l'histoire (]ue nos
premiers rois, nés et élevés dans les préjugés
du paganisme , qui n'avaient encore du
christianisme que la profession extérieure,
ont é'é des tyrans et des monstres ; leurs
successeurs ne sont devenus doux, sages,
équitables, pacifiques, qu'à mesure qu'ils
ont appris à observer les préceptes de l'E-
vangile; Hist. de l'Acnd. des Inscript ., toni.
XVII, in-12, pag. 189. Ils ont dit, ea second
lieu, que c'est le clergé qui, pour son inté-
rêt particulier, a l'ait entendre aux rois qu'ils
tiennent leur autorité de Dieu et non du peu-
ple, et qu'ils ne doivent en rendre compte
qu'à Dieu. Suivant nos adversaires, il y a eu
de tout temps une collusion sacrilège entre
les rois et le clergé : celui-ci a sacrifié au
despotisme des rois les droits essentiels des
sujets, afin d'en obtenir le privilège de do-
miner plus absolument sur les esprits et les
consciences des peuples.
A cette tirade fongueuse nous répondons,
l°que ce n'est pas le clergé chrétien qui avait
dicté à Hésiode que les rois sont les lieute-
nants de Jupiter, et que c'est lui qui les a
placés sur le trône. Ce n'est pas le clergé qui
a instruit les empereurs de la Chine et ceux
du Japon, les rois païi'ns, ou mahométans
des Indes et de l'intérieur de l'Afrique, les
sultans de la Turquie et de la Perse, pour
leur persu.ider qu'ils ont droit de gouver-
ner despoliquement leurs Etals, de disposer
à leur gré de la fortune et de la vie de leurs
sujets. 2° Que l'on i)ourrait intenter la même
accusation, avec plus de probabilité, con-
tre le corps de la noblesse, ((ui a autant
d'intérêt que le clergé à profiter des lar-
gesses du souverain, à en obtenir des charges
et des dignités; contre le corps des militai-
res, toujours chargés d'exécuter les volon-
tés les plus absolues des ro(«; contre le corps
des magistrats, qui ne s'attribuent que le
droit de représentation contre les ortlres
émanés du trône, et non le droit de résis-
tance. 3° Que cette calomnie sera toujours
absurde, quel que soit le corps contre le(|uel
on la dirige. 11 est impossible qu'un corps
très • nombreux , dont les membres épars
ont nécessairement des intérêts et des pré-
tentions souvent opposés, conspire à écraser
les peuples sous le joug de l'autorité suprê-
me, sans prévoir que le contre-coup peut
retomber sur chaque particulier, sur sa fa-
mille, sur ses proches, sur les générations
futures. i° Ce n'est pas lorsque le gouverne-
ment a été entre les mains de quel(|ue mem-
bre du clergé qu'il a été le plus mauvais, et
que les peuples ont eu le plus lieu de s'en
plaindre ; nous pouvons nous en rapporter
sur ce fait à notre propre histoire. Enfin, le
clergé n'a jamais tenu aux rois un autre
langage que celui qu'il a enseigné au peuple
dans ses écrits et dans les chaires chrétien-
nes ; c'est celui de Jésus-Christ et des apô-
tres, que l'on ne peut pas accuser d'avoir
flatté les souverains par intérêt.
En troisième lieu, les incrédules, autant
ennemis de l'autorité des souverains que
de l'empire de la religion, n'ont cessé de
répéter que celle-ci est une barrière trop
faible pour réprimer les passions et la ty-
rannie des rois ; que la crainte est le seul
frein capable de leur en imposer; que des
princes athées ne feraient pas plus de mal
que ceux qui se disent chrétiens; que les
plus religieux et les plus dévots ont été or-
dinairement les plus mauvais.
Nouveau trait de fanatisme antichrétien.
1° Les roî's infidèles, débarrassés du joug de
la morale évangélique, sonl-ils plus sensi-
bles aux motifs de crainte que les souverains
soumis au christianisme? Sous l'empire ro-
main il y eut dans moins d'un siècle plus de
trente empereurs massacrés, cela ne servit à
réprimer le despotisme d'aucun : c'est Cons-
tantin, premier empereur chrétien, qui mit
le premier des bornes à l'autorité impériale.
La Chine a éprouvé vingl-deux révoluiions
générales, sans compter les particulières ,
cela n'y a pas lait cesser le despotisme. Il
serait difficile de compter cumtiien il y a eu
de sultans étranglés ou détrônés : si cela
fait trembler leurs successeurs, cela ne les
corrige pas. Où est donc l'efficacité de
la crainte pour contenir les souverains?
Chez les nations chrétiennes, les rois n'ont
pas le même sort à craindre, et cependant
leur gouvernement est plus modéré, plus
sage, plus équitable que ceux dont nous ve-
nons de parler; donc la religion est plus
puissante que la crainte pour prévenir 1 a-
bus de l'autorité souveraine. — 2° Nous sa-
vons de quels excès sont capables les prin-
ces athées, tels que Tibère, Néron, Cali-
gula, les deux .Maximins, et autres sembla-
bles monstres qui faisaient profession de ne
craindre et de ne respecter aucune divinité;
jamais on ne pourra citer parmi les souve-
rains qui ont professé le christianisme
d'aussi cruels tyrans. — 3° Les incrédules
auronl-ils l'audace d'appeler mauvais rois
ceux que le vœu des peuples et le jugement
de l'Eglise ont placés au rang des saints ?
S'il y a quelqu'un que l'on doive consulter
pour savoir s'ils ont bien ou mal gouverné,
ce sont sans doute les sujets qui ont vécu
sous leurs lois : or, c'est au témoignage de
lOl
ROI
ROI
202
ceux-ci que nous en appelons contre le scn-
linii'iil dépravé des incrédules. Ils ni< rrpro-
«lieiil aux rois pieux el véritableinenl cliré-
lieiis que l'esprit persécuteur, c'est-à-dire
la juste sévérité avec laquelle ik ont fait
punir les blasphémateurs, les impies, les
hérétiques turbulents el séditieux : or,;nous
soutenons que cette conduite, loin de méri-
ter aucune censure, est juste, sage et loua-
ble. Nos adversaires.au lieu dedéclamer avec
fureur contre les nonvernements guidés par
le christianisme, devraient se féliciter d'être
nés sous des souverains aussi modérés, aussi
ipatienis, aussi indulgents que les nôtres :
s'ils avaient vécu sous des rois pa'iens ou
.athées, leurs déclamations fougueuses ne
seraient pas demeurées impunies, ou plutôt
ils n'auraient pas osé élever la voix ; la
crainte leur eût imposé silence.
On leur a reproché plus d'une fois leurs
contradictions louchant les droits et l'aulo-
rilé des rois. D'un côté ils accusent le clergé
d'attribuer aux rois un pouvoir despotique
€l illimité ; de l'autre, ils lui reprochent d'c-
(re toujours prôt à résister à l'autorilé des
princes , sous prétexte qu'il vaut mieux
obéir à Dieu qu'aux hommes; d'avoir sou-
vent usurpé une partie de cette autorité.
Pour prouver qu'il faut tolérer dans la so-
ciété civile toutes sortes de mécréants, ils
posent pour principe que le souverain n'a
rien à voir à la croyance, à la religion, à la
conscience de ses sujets ; qu'ils ne sont tenus
d'en rendre compte qu'à Dieu. S'agit-il do
fixer les droits el les fonctions ilu clergé, ils
décident qu'un roi est maître absolu il'admcl-
Ire dans ses Etals ou d'en exclure telle reli-
gion qu'il lui plaîl, de jugerde ladoctrine qui
doit ou ne doit pas y être enseignée, de per-
mettre ou de défendre telle fonction ou telle
pratique du culte qu'il juge à propos. Ainsi,
suivant leur doctrine, le souverain a une au-
torité absolue et illimitée à l'égard de la vraie
religion -, mais il a les mains liées, et son pou-
voir est nul à l'égard des fausses. Nous leur
avons encore représenté qu'en déclamant à
lout propos conire le despcjtisnie, ils tra-
vaillent à le faire éclore. Un roi, justement
irrité de leurs libelles séditieux, a lieu d'eu
craindre les elTets ; il doit être tenté de ren-
forcer son autorité, d'appesantir le joug pour
se faire redouter, de redoubler la sfveritéde
ses lois afin de prévenir les révoltes. L'inso-
lence des écrits publiés en dilTérénts temps
par les calvinistes de France, lit sentir à
Louis XIV la nécessité de leur imiiuser [lar
la crainte, el de révoquer la liberté qu'ils
avaient obtenue de professer publiquement
leur religion : or, ces écrits renfermaient
précisément les mêmes principes ella même
doctrine que les incrédules veulenl établir
aujourd'hui louchant l'autorité des rois.
Bossuet les a réfutés dans son cinquième
Avertissement aux prolestants, n. 31, 36,
49, etc.
; Barbej rac, Traité de la morale des Pàcs,
c. XVI, I 27, accuse saint Augustin u'avoir
enseigné que tout droit humain vient des
rois, Tract. 6 in Joan., n. lo. C'est une ca
DlCT. DE TUÉOL, UOaUATIQtE. IV.
luinnie. Saint Augustin parlait^ non du droit
que clhKiuc parlirulier a sur ses biens, mais
du droit de propriété que les évêques dona-
lisles réclamaient sur des biens donnés à,
l'Kglise. Il si/ulienl avec raison que ces évê-
ques ne pouvaient les posséder qu'en vertu
des lois des empereurs ; or, ces lois ordon-
naient (jne les heréliijues et les sfhismati-
ques en fussent dépouillés ; elles leur défen-
daient de rien posséder au nom de l'Efjlise,
parce qu'ils s'étaient séparés de l'Eglise.
Quelle conséquence peut-on tirer de là con-
tre le droit de propriété de chaque particu-
lier sur son patrimoine? il eU fâcheux que
nous soyons si souvent obligés de repro-
cher aux écrivains protestants des impostu-
res, des falsifications et des calomnies con-
tre les Pères de l'Eglise.
Comme il n'en coûte rien aux incrédules
pour changer de personnage et se contre-
dire, après avoir voulu anéantir l'autorilé
des rois, malgré les réclamations du clergé,
ils ont affecté de se déclarer les vengeurs de
cette autorité contre les entreprises des pa-
pes. C'est une grande (juestion entre les
théologiens d'Italie, que nous nommons les
ullramontains, el ceux de France, de savoir
si le souverain pontife et même le corps de
l'Eglise, ont un pouvoir soit direct, soiV
indirect, sur le temporel des rois. Les pre-
iiiiers prétendent que la puissance ecclésias-
tique a pour objet, non-seulement le bien
spirituel des nations, maisencorc leur intérêt
temporel; conséquemnient ils attribuent au
pape, qu'ils regardent comme le seul prin-
cipe el l'unique source de la juridiction spi-
rituelle, le pouvoir de disposer de tous les
biens de ce monde, des royaumes même et
des couronnes. Mais ils sont partagés sur la
nalure el l'étendue de cette autorité : les uns
prétendent qu'elle est directe, les autres, en
plus grand nombre, se contentent d'ensei-
gner (lu'elle est indirecte.
Dire que l'Eglise et le pape ont un pouvoir
direct sur !e temporel des rois, c'est soutenir
qu'en vertu de la puissance dont Jésus-
Christ les a revêtus , ils peuvent légitime-
ment dépouiller les rois de leur dignité et
de toute autorité sur leurs sujets lorsqu'ils
en abusent et qu'ils manquent à leur devoir;
1( s partisans de cette o|iiniuii jugent que
celte sévérité est nécessaire pour la tran-
quillité des royaumes. Mais Bellarmin lui-
même, quoique très-zélé pour les droits des
souverains pontifes, rejette cette doctrine et
la combat avec force. Tract, de liom. Ponlif.,
1. V, c. 1. Il se borne à prétendre que l'E-
glise el le pape n'ont dans cette matière
qu'un pouvoir indirect, c'est-à-dire que,
quand le bien de rE;;lisc et le salut dcsânies
paraissent l'exiger, ils peuvent par l'excom-
munication liéclarer un rui déchu de sa di-
gnité, et délier ses sujets du serment de fi-
délité, ibid. c. G, et c'est le sentiment com-
mun des théologiens qui ont quelque inté-
rêt d'exagérer les droits du sainl-siége.
Avant d'examiner les raisons sur lesijuel-
les ils fondent celle opinion, il est à propos
de remarquer qu'on en attribue ordinairc-
7
SOS
ROI
ROI
204
ment l'origine à Grégoire VII, qui vivait
sur la fin du xi" siècle ; mais l'abbé Fleury
obsorTcque licjà, depuis environ doux cents
ans, ses prédécesseurs avaient suivi les
mêmes principes; Grégoire ne fit que les
pousser plus loin. « Ce pape, dit cet histo-
rien, né avec un grand courago, et élevé
dans la discipline monastique la plus régu-
lière, avait un zèle ardent de purger l'Eglise
des scandales dont il la voyait infectée :
mais dans un sièrle si peu éclairé il n'avait
pas toutes les lumières nécessaires pour
fégicr son zèle; et prenant quelquefois de
fauses lueurs pour des vérités solides, il en
lirait sans hésiter les plus dangereuses con-
séquences. Le plus grand mal, c'est qu'il
Voulait soutenir les peines spirituelles par
les temporelles, qui n'étaient pas de sa com-
pétence... Les papes avaient commencé ,
plus de deux cents ans auparavant, à vou-
loir régler par autorité les droits des cou-
ronnes ; Grégoire \U suivit ces nouvelles
liiaxinies, et les poussa encore plus loin,
prétendant que, comme pape, il était en
droit de déposer les souverains rebelles à
l'Eglise. Il fonda cette prétention principale-
ment sur re^communicalion. L'on doit, di-
sait-il, éviter les excommuniés, n'avoir au-
can commerce avec eux, ne pas même les
«aluer, suivant l'apôtre saint Jean; donc
un prince excommunié doit être abandonné
de tout le monde; il n'est plus permis de lui
obéir ; il est exclu de toute société avec les
chrétiens. 11 est vrai que Grégoire VII n'a
jamais lait aucune décision sur ce point,
Dieu lie l'a pas permis. Il n'a prononcé for-
meHemint dans aucun concile ni dans au-
cune déerJtule que le pape adroit de dépo-
ser les rois ; mais il l'a supposé comme une
vérité constante, et il a suivi plusieurs au-
tres maximes aussi mal fondées qu'il croyait
"certaines; par exemple, que l'Eglise ayant
■droit de juger des choses spirituelles, elle a
droit, à plus forte raison, de juger des choses
lemporellcs; que la royauté est l'ouvrage du
démon fondé sur l'orgueil humain, au lieu
que le sacerdoce est l'ouvrage de Dieu ; que
le moindre chrétien vertueux est plus vé-
ritablement roi qu'un roi criminel , parce
que ce prince n'est plas un roi, mais un ty-
ran : mnxime que Nicolas l" av.iit avancée
avant Grégoire Vil, et qui semble avoir été
tirée du livre apocryphe des Constitutions
apottoliqu s, où elle se trouve expressé-
ment... G'esl sur c'^es fondements que Gré-
goire Vil prétendait que, suivant le bon or-
dre, c'était à l'Eglise de dislrihuer les cou-
ronnes et de juger les souverains ; qu'ainsi
tous les princes chrétiens doivent prêter au
chef de l'Rglise serment de fidélité, et lui
payer tribut ; » 3' Disc, sur l'IIist. Ecclés.,
a. i~ cl 18, à la tête du livre G de celte his-
toire.
Bellarmin n'a pas adopté toutes ces maxi-
mes de Grégoire VII; mais, par les raisons
quclui onlopposixis les thé 'iogicns les mieux
insiraiis, on verra que les principes sur les-
quels il a raisonné ne sont pas fondés. —
1° De ce que l'Ëglise exerce une juridiction
spirituelle sur les rois, en tant que chrétiens
et fidèles, il ne s'ensuit pas qu'el e a aussi
de l'autorité siireux en lanl (ju'ils sont sou-
verains; ce m'est point en cette <iualilé qu'ils
lui sont inférieurs et soumis; ils tiennent de
Dieu leuf puissance, aussi bien que l'Eglise,
suivant la doctrine de saint Pau! {Rom. xiii,
1). De même qu ils doivent obéir aux lois de
l'Eglisequi concernent générale nenl tous les
fidèles, les ministres de l'Ef;lise, quels que
soient leur rangelleur dignité, doivent obéir
aux lois civiles des sonvetains; saint Paul ne
les exce|)te point : Oni'is anima potestalibiis
sublimioribus subdita sit. — 2° L'obji'l et la fin
de chacune de ces deux puissances sont diffé-
rents : la première a pour olijel le bien spi-
rituel des Ames et leur salul éternel ; la se-
conde le bien temporel, la prospérité et le
bien-être des nations et des particuliers ; de
même que ces deux objets sont indèpi^ndants
l'un de l'autre, chacune des deux puissances
chargée d'y pourvoir est aussi indépendante
dans son département. De même que le sou-
verain ne doit point géiier l'Eglise dans
l'exercice de ses pouvoirs spirituels, l'Eglise
ne doit point troubler les souverains dans
l'usage do leur autorité temporelle. Si elle
avait droit de les en priver, elle aurait, à
plus forte raison, celui de dépouiller les par-
ticuliers de leurs propriétés; c'est ce que
personne n'a jamais osé soutenir. — 3° Les
pasli urs de l'iiglise ont droit d'employer les
conseils, les exliurlalions, les prières, même
les peines spirituelles, s'il est nécessaire,
pour engager les princes à proléger, à sou-
tenir, à faire respecter et pratiquer la re-
ligion; mais leur pouvoir ne va pas plus
loin ; jamais ils n'ont employé d'autres ar-
mes à l'égaid dos empereurs soit païens, soit
hérétiques , loisque ceux-ci oiil |)ersécaté
l'Eglise. — 4° Tout le monde convient qu'il
n'est pas permis de servir un prince impie
ou hérétique, ni de lui obéir dans des choses
contraires au droit naturel, aux lois divines
ou ecclésiastiques, et c'est dans ce sens que
Tes apôtres ont dit qu'il faut obéir à Dieu
plutôt qu'aux hoiumes. Mais aucune de ces
lois ne commande de leur résister dans les
choses temporelles, qui n'out rapport qu'à
Tordre civil. Les premiers chrétiens ont
souffert le martyre plutôt que d'obéir à des
souverains qui voulaient les contraindre
à l'apostasie, à blasphémer contre Dieu, à
honorer de fausses divinités ; mais ils ont
été en môme temps les sujets les plus soumis
aux lois civiles de ces mêmes primées, ja-
mais ils n'ont trempé dans aucune des con-
spirations lormées pour leur ôier l'empire
ou la vie. — 5" L'excommunication peut
priver un prince, comme un simple fiuèle,
•des biens spirituels attachés à la profession
du christianisme et à la communion des
saints ; mais elle ne peut les dépouiller des
droits de l'autorité, de la puissante tempo-
relle qui leur apparliont en qualité di' sou-
verains, parce que ces droits ne leur sont
point donnés par ia religion ni par l'Eglise,
mais par la loi uaturelle et par la constitu-
tion des Etals qu'ils ont à gouverner. Ils
205
ROI
ROI
206
pourraient être souvcrnins légitimes sans
être chrtljpns, et les princes infidèles qui
ont embrassé le cliristianisme n'onl acquis
ni perdu aucun de Irurs droiis lemporcls.
L'Kfjlise n'a jamais prétendu iiu'il élail f)er-
mis à ses enfanis d'aller délrôner.les souve-
rains infidè'es. — G' Jcsus-Clirisl n'a liomié
à saint Pierre et à ses successeurs, eu qua-
lilé de chefs de l'Éuliso, que les pouvoirs ué-
ce<saires pour paîlre le troupeau 4|u'il a
daigné confier à leurs soins, pour lui ensei-
gner la vérité, le préserver de l'erreur et
des vices. Quanil il serait vrai qu'un droit
sur le temporel des rois pourrait, en certai-
nes circonstances, leur faciliter l'esorcice de
leur pouvoir spirituel cl le rendre plus effi-
cace, il ne s'ensuivrait pas que ce droit leur
appartient, .lamais l'Eglise de .Icsus-Clirist
n'a été mieux gouvernée que quand le pou-
voir temporel de ses pontifes était le plus
borné.
Pour étayer son opinion, Bellarmin a ras-
semblé des f lits , tels que la conduite de
saint Ambroise à l'égard de Théodose, le
privilège accordé par saint Grégoire le tîrand
an monastère de Sainl-Alédard di; Soissons ;
l'exemple de Grégoire II, qui excommunia
l'empereur Léon l'icunoclastc, et défendit
aux peuples d'Italie de lui payer les tributs
accoutumés, la déposition de Childéric, de
Wamba , roi des Gotlis, des empereurs
Louis le Débonnaire, Henri IV, Frédéric II,
Louis de B<ivière. Ibid., I. v, c. 8. Plusieurs
de ces faits ne prouvent point la préicntiou
de liellarniin ; les autres sont é\ id^'ininent
des entreprises illégitimes des j)apes sur la
puissance temporelle, et les ellels n'en out
pas été assez heureux, pour que l'on [)uisse
les regarder comme des modèles à suivre.
Hossuet a solidemiMU répondu à tous ces
l'ails dans sa Dufense de lu dcctaration du
ckrgé de France, laile en 1()82, ouviage qui
a été imprimé en 1728. l'ny- Déclaration du
CLERGÉ DK FlUNCE DE 1GS2.
Aussi riiglise gallicane qui, dans tous les
siècles, ne s'est p^is moins distinguée par sa
vénération et son attachement pour le saint-
siége, que par sa fiJtlilé envers ses souve-
rains, s'est conslaoïment opposée à la doc-
trine de Heilarmin et des ullramontains.
Autant les théologiens français ont été zélés
à soutei ir I' spnviléges réels drs souverains
pontifes, leur prio.auté, leur autorité, leur
juridiction spiriluelli- sur toute l'Eglise, au-
tant ils ont été ailenllfs à cooiba'treles droits
imaginaires que l'on a voulu leur atlriuuer,
el les argumentsiloiit ils se sont servis nous
paraissent sans réplique ^1).
(I) Tous les théologiens fr.inçai-i sont loin d'èlre de
l'opinion de Bert;!' r ; nniis l'avons niuiilié nu mut
Dicl(irati«ii du tlerçjé français. Nous nous CoineiUonS
de rapporter ici le^exprvssionsdncardiiialdM Perron,
I Toiiii'S les antres pariies de l'ivgiise e allioli'pi«, dit
le cardinal du l'erroii, voire mesinc toute l'oi^lise
gallicane, depuis que les éclioles de tliéolugiK y ont
esté insliliiées jusqnes ii la venue dc(jaiviii,lie lient
rariiruialive, à bçavuir, quo quand un piiiice vioiil à
violer le senucui qu'il a fait à Dieu ei à ses s(ii<jcls,
de vivre el niourir en la religion caitioliquo, et iion-
Enprcmier lieu, Jésus-Christ ne peut aroir
donné à ses apôtres et à leurs successeurs
un pouvoir qu'il ne s'est jamais attribué, et
qu'il n'a pas voulu exercer lui-même; il
leur a dit : Comme mon l'ère m'a cnroi/é ^ je
vods envoie {Jomi. xx, 21j; leur mission a
donc eu le même objet que la sienne. Or, il
a témoigné qu'il n'avait aucun pouvoirlem-
pcrol sur les princes ni sur les particuliers,
interrogé par Pilate s'il est véritablement
rui des Juifs, il répond : Mon royaume n'est
pas de ce monde ; s'il en était, mes sujets
comliattruient sans doute pour que je ne fusse
pas licrd aux Juifs ; mais mon royaume n'est
point d'ici iJoiin. xx, 30). Vous êtes donc
roi, reprend Pilate; oui, continue Jésus-
Christ, vous le dites, et cela est vrai; c'est
pour cela que je suis né, et que je suis venu
dans le monde, afin de rendre lémoignaije à la
vérité. Quiconque lient à la vérité écoute ma
voix. 11 ne pouvait expliquer plus claire-
ment en quoi consistait sa royauté. Pendant
sa vie mortelle, pour prouver que l'on doit
payerle tribut, il en donne lui-méoie l'exem-
ple; il dit aux Juifs qu'il faut rendre à Cé-
sar ce qui est à César, et à Dieu ce qui est
à Dieu. Un homme le prie d'être arbitre
seulement se rend arien on mahoméLin, mais passe
jnsipies à déclarer la £;iierre à Jésns-Chrisi, c'esi-à-
dire, jiisnirà forcer ses subjeis en leurs consciences,
el les contraindre irenilirasscr l'ai- anisine ou le rna-
lioiiictisiiie, ou auirc semblable iiiiidéliié, ce prince-
lll piMit cstre déclaré déclieu de ses droicls, nomme
coupable de féloiiiiie envers celuy à qui il » fajct le
serment de son royaume, c'esià-diie envers Jésus-
Clirisi, et ses sulijets e>tre absous en cmiscieiice el
an irilninal siiirilnel el ecelési;islli|ue, du sermeiil de
fidéliié ipi'ils lui onl presié. Ll que ce cas làarrivant,
c'est à l'aulboriiéde l'Eglise, résidente on en son chef
qui est le pape, ou en son corps qui est le concile, de
faire ccsie déclaralioii. Et iion-seuleiuent loul''S les
aulres pariies de l't^glise eathuique, mais inesnie
tous les docleuis qui oui este en !• rance depuis que
les écliolcs (le tliéol.igie y ont esié insliluées, ont ttnu
l'aflirmative, à sçavuir qu'en cas de princes liéréiiques
ou iiiliilelles, et pcrséciiiant le clirisliaiiisme ou la
religion cailioliipie, les subjeispoiivoienleslre absous
du sernieni de lidélaé. Au moyen de quoy, quand la
docirine eonlraiie seroil la pins vraye du monde, ce
que loiili s les autres parties de l'Eglise vous Uispu-
leiil, vinis ne la pourriez tenir lu plus que pour pru-
blêmalique eu matière de foy. J'a|)pelle doctrine
prcii)lémalique en matière de loy, Inule iloitiinc qui
n'est point nccessiiire de néees^ilé de foy, el de
laquelle la coiiiradicloire n'oblige poiol ceux ijui la
croyeni à anailièuje et à perle de euinmuiilon. Au-
trement il laudroii que v mis reeo^jmissiez que la
cominiinion que vous exercez avec les auires parties de
l'Eglise online'' de ladoetrineop;>osile, voire que ce. le
que von» conservez avec la méuioiie de vos propres
prédécesseurs, fiisl illicite el pollué d'Iiérésie et d'a-
naiiième. El de faiel, ceux qui ont entrepris de dé-
feinlre la doctrine iln serniciil d'Angle erre, qui esl
le patron de la vosire, ne la defendi ni que e niine
probléni:ilii|ne. Nenre inlention, drsentils, n'est pas
d'usseurer que l'aune docirine Suil répugnanle à ta foy,
ou au talul, puis quelle a cslé piopufinée par tant et
de si finiiids lliéohgiens, lesquels, ju à Deu ne plaise,
que nous firélenilions conlainiier dun si grand crime.»
Harangue du cardinal du l'Ciron, sur l'article du
Scrnieni, prouoiicce devant le lièrs »\ix Eiats-géné-
raux de 1614.
«07
noi
ROI
208
entre son frère et lui toachant le partage
d'une succession; il répond : 0 homme, qui
m'a établi pour vous juger et pour faire vos
partages {Luc, xii, ik). Toute la puissance
qu'il a donnée à ses apôtres est d'annoncer
l'Evangile, d'opérer des miracles, de bapti-
ser, de remettre les péchés, d'administrer
les sacrements, de punir par l'excommuni-
cation les pécheurs scandaleux et rebelles ;
il n'en ont point exercé d'autre. Il leur dé-
clare que leur ministère n'a rien de com-
mun avec l'autorité que les princes de la
terre exercent sur leurs sujets : Les rois
des nations, dit-il, dominent sur elles ; il n'en
sera pas dt même entre vous [Luc. xxii, 25).
En second lieu, l'Eglise ne peut détruire
ni changer ce qui est de droit divin ; or,
c'est Dieu lui-même qui a donné aux souve-
rains l'autorité sur les peuples, et qui com-
m.'inde à ceux-ci l'obéissance. Nous avons
déjà cité les paroles de saint Paul : « Que
toute personne soit soumise aux puissances
souveraines; car il n'y a point de puissance
qui ne vienne de Dieu, et celles qui exis-
tent sont ordonnées de Dieu ; ainsi quiconque
résiste à la puissance, résiste à l'ordre de
Dieu {flom. xiii,^ 1). Soyez soumis, dit saint
Pierre, à toute créature humaine à cause de
Dieu, au roi comme au plus élevé eu digni-
té, aux chefs comme envoyés par ses or-
dres, et dépositaires de son autorité ( Epist.
1,11,13).» C'était de Néron et des empereurs
païens que les apôtres parlaient de la sorte.
Si la révolte eiît jamais pu être permise,
c'aurait été sans doute contre les persécu-
teurs de la religion ; mais les premiers
chrétiens ne surent jamais qu'obéir et
mourir.
En troisième lieu, la tradition n'est pas
moins formelle sur ce point que l'Ecriture
sainte ; c'est la doctrine constante des Pères
de l'Eglise, lis enseignent, 1° que la puissance
séculière vient de Dieu et dépend de lui
seul. « Un chrétien, dit Terlullien, n'est en-
nemi de personne, à plus forte raison ne
l'est-il pas de l'empereur; convaincu que
celui-ci est établi de Dieu, il se croit obligé
de l'aimer, de le respecter, de l'honorer, de
désirer sa conservation. Nous honorons donc
l'empereur autant que cela nous est permis
et qu'il convient, comme le premier person-
nage après Dieu, qui a tout reçu de Dieu,
et qui n'a que Dieu au-dessus de lui. Ad
ScnpuL, c. 2. Nous invoquons pour la cou- ,
servalion des empereurs le vrai Dieu, le
Dieu vivant et éternel, dont les empereurs
eux-mêmes doivent préférer la protection à
celle de tous les autres dieux. Us doivent
savoir qu'il leur a donné l'empire, et même
la vie, puisqu'ils sont hommes. Us doivent
comprendre qu'il est le seul Dieu sous la
puissance duquel ils sont, qu'il est plus
grand qu'eux, après lequel ils sont les pre-
miers, et supérieurs à tous les dieux qui ne
sont que des morts.» Apolog., c. 30, etc.
Optai de Milève le répèle en deux mots :
« Au-dessus de l'empereur il n'y a que Dieu
qui l'a fait empereur, » contra Parmenian.,
I. III. Saint Àuguslin, I. v, de Civit. Dei,
c. 26 : «N'attribuons quau Dieu vivant le
pouvoir de donner la royauté et l'empire. »
— 2° Oue l'on doit obéir aux iirinccs, lors
même qu'ils abusent visiblement de leur
puissance, et qu'il n'est jamais permis de
prendre les armes contre eux. Saint Augus-
tin le décide ainsi en parlant de la persécu-
tion des empereurs païens. « Dans celte cir-
constance même, dit-il, la société chrétienne
n'a point combattu pour sa conservation
contre des persécuteurs impies. On enchaî-
nait, on maltraitait, on tourmentait, on brû-
lait les chrétiens loin de combattre pour
leur vie, ils l'ont méprisée pour l'amour du
Sauveur. » De Civit. Dei, I. ii, ci. « Julien
fut un empereur infidèle... Les soldats chré-
tiens l'ont servi, malgré son inOdélité. Mais
lorsqu'il s'agissait de la cause de Jésus-
Christ, ils n'ont reconnu pour maître que
celui qui est dans le ciel. Lorsque Julien
voulait qu'ils adorassent des idoles , et
qu'ils leur offrissent de l'encens, ils n'obéis-
saient qu'à Dieu; lorsqu'il leur disait, ran-
gez-vous en bataille, marchez à l'ennemi,
ils marchaient. Ils savaient distinguer le
maître éternel d'avec le souverain temporel,
et ils étaient soumis à celui-ci pour obéir au
premier. » In Psal. cxxiv, n. 7. Saint Jé-
rôme, saint Ambroise, saint Athanase, saint
Grégoire de Nazianze, et plusieurs autres
Pères de l'Eglise tiennent le même langage.
— 3° Que comme les princes ont reçu de
Dieu le glaive matériel pour punir et répri-
mer les méchants, l'Eglise n'a reçu qu'un
glaive spirituel pour gouverner les âmes.
« Jésus-Christ, dit Origène, veut des disci-
ples pacifiques ; il leur ordonne de quitter
i'épée guerrière pourneprendrequele glaive
de paix, que l'Ecriture appelle le glaive «/;«-
rituel. «Comment, in Maltli., Séries, n. 102;
Op. t. 111, p. S07. Saint Jean Chrysostomc,
comparant le sacerdoce à la royauté, dit :
« Le roi est chargé des choses de ce monde,
et le prêtre des choses du ciel.... Le premier
a soin des corps, le second des âmes ; l'un
peut remettre les tributs , l'autre les pé-
chés; l'un peut contraindre , l'autre exhorte
et conseille; l'un a des armes sensibles,
l'autre des armes spiriluelles. » Homil. 4.
m Osiam, n. % et 5, Op. t. VI, p. 127. Lac-
tance ne veut point que l'on ait recours à
la violence, lors même que la religion est
en péril. « Il faut la défendre, dit-il, non en
donnant la mort, mais en la recevant; non
par la cruauté, mais par la patience ; non
par le crime, mais par la foi... Si on la sou-
tient par le sang, par lis tourments, par le
crime, on ne la défend |ioinl, on la viole et
on la déshonore. » Divin Instil., I. v, c. 20.
En quatrième lieu, les souverains pontifes
eux-mêmes ont reconnu .plus d'une fois ces
vérités. « il y a, dit le pape (îélase 1", écri-
vant à l'empereur Anastase, deux puissances
qui gouvernent le monde : l'autorité des
pontifes et la puissance royale... Quoique
vous commandiez au genre humain dans les
choses temporelles, vous devez cependant
être soumis aux ministres de Dieu dans tout
ce qui concerne la religion. Puisque les
S09.
ROI
ROI
ËlO
évêques se soumellent aux lois que vous
faites touchanl le Icmporel, parce qu'ils le-
connaissonl que vous avez reçu de Dieu le
gouvernement de l'empire, avec quelle af-
fection ne devez-vous pas obéir à ceux qui
sont jiréposés à l'àdminislralion des saints
myslùres?» Innocent 111, cap. Vencrabilcm, dit
expressémenlque le roi de Fr/ince ne reconnaît
point de supérieur pour le temporel. Clément
V déclare que \abu]\cUnamS(in<lamdc Boni-
face Vlll ne donne à l'Eglise romaine aucun
nouveau droit sur le roi, ni sur le royaume
de France. On ne peut accuser ces pontifes
d'avoir méconnu ou trahi les droits de leur
dignité. 11 y a plusieurs antres p.issagcs dos
Pères de l'Eglise et des loapes. Libertés de
l'Eyl. Gollic, t. IV, p. SkS et suiv.
En cinciuième lieu, le sentiment des uUra-
monlains entraîne les conséquences les plus
funestes. En suivant leurs principes , dit
l'abbé FIcury, « un roi déposé par le i)ape
n'est plus un roi, c'est un tyran, un ennemi
public, à qui tout homme doit courir sus.
Qu'il se trouve un fanatique qui, ayant lu
dans Plutarque la vie de Timoléon ou de
Brutus, se persuade que rien n'est plus glo-
rieux que de délivrer sa patrie, ou qui, pre-
nant de travers les exemples de l'Ecriture,
se croie suscité comme Aod, ou comme Ju-
dith , pour affranchir le peuple de Diru ,
voilà la vie de ce prétendu tyran exposée au
caprice de ce visionnaire, qui croira faire
une action héroïque el gagner la couronne
du martyre. Il n'y en a eu par malheur que
trop d'exemples dans l'histoire des derniers
siècles. » Troisième Discours sur l'JIist.
Ecctés., n. 18.
, C'est donc avec raison que les plus fa-
nieuses écoles de théologie, celle de Paris,
celles d'Allemagne, d'Angleterre el d'Espa-
gne, ont proscrit comme dangereuse la doc-
trine que nous réfutons. Elle n'est pas même
universellement suivie en Italie. M. Lupoli,
savant jurisconsulte de Naples, dans ses le-
çons de droit canonique, imprimées en 1777,
soutient que la puissance ecclésiastique est
purement spirituelle, et n'a pour objet que
les choses qui concernent le salut, t. I, c. v,
§ 9. De tout temps l'Eglise gallicane a été
dans ce sentiment ; la déclaration du clergé
de 1682 n'a fait que développer et confirmer
celle ancienne croyance. Enfin l'opinion dos
ullramnntains n'a pris naissance que dans
des siècles dans lesquels les révolutions fu-
nestes arrivées en lîurope avaient fait per-
dre de vue les principes et les maximes en-
seignés dans les premiers temps par les
papes et par l'E^^lise. Les princes chrétiens,
encore à demi barbares, voulaient asservir
le clergé et exercer un despotisme absolu
dans toutes les affaires ecclésiastiques; ils
disposaient des évcchés, ils les vendaient au
plus offrant ; ils y plaçaient des sujets inep-
tes el indignes. Les empereurs d'Allemagne
prétendaient disposer de même du sainl-
si'égc. Au milieu de cette confusion, ou plu-
tôt de ce br.'gandage, il n'est pas étonnant
que les papes aient travaillé à étendre leur
aalorilé, aTin de poi:voir remédier au désor-
dre qui régnait dans l'Eglise, cl que plu-
sieurs aient poussé trop loin leurs préten-
tions. C'est une injustice île leur prêter des
motifs criminels , lorsque d'ailleurs leurs
mœurs étaient pures.
On ne peut pas excuser la violence avec
laquelle les protestants se sont emportés
contre Grégoire VII ; ils lui ont prodigué des
épithèles injurieuses, ils n'ont vu en lui
qu'une ambition déréglée de parvenir à la
monarchie universelle; ils ont attribué à ce
motif tous les efforts qu'il fit pour réformer
les désordres du clergé. Ils suivent une con-
duite contraire lorsqu'on leur objecte les
emportements, les fureurs, les séditions
auxquelles se sont livrés les prétendus ré-
formateurs ; ils excusent tout dans ceux-ci,
parce que c'élaii, disent-ils, le zèle pour la
vérité cl le bon ordre qui les faisait agir.
Mais lorsque des papes ont suivi les mou-
Tements d'un zèle mal réglé, ils leur prê-
tent des passions el des motifs odieux. Inu-
tilement nous les rappelons aux principes
de l'cquité naiurelle, l'intérêt de système les
rend sourds el aveugles.
ROIS (livres dus'. II y a quatre livres de
l'Ancien 'l'estamenl qui portent ce nom,
parce qu'ils comprennent les actions de
plusieurs roî'v des juifs, et les détails de leur
règne. Dans le texte hébreu, ces (|ualre li-
vres n'en faisaient autrefois que deux, dont
le premier portait le nom de Samuel, le se-
cond celui des Roix ou des Rrgnes : ce sont
les Septante qui ont donné à tous les quatre
le titre de livres des Règnes ; ils ont été sui-
vis par l'auteur de la Vulgate; mais les pro-
testants ont aiïecté d'appeler les deux pre-
miers, comme les Juifs, \es litres de Samuel,
el les deux derniers les livres des Rois.
On ne peut cependant pas attribuer à Sa-
muel les deux premiers en entier, puisque
sa mort est rapportée dans le vingt-cin-
quième chapitre du premier livre. H ne peut
donc avoir écrit que les vingt-quatre pre-
miers chapitres ; on croit assez communé-
ment que la suite, jusqu'à la fin du second,
est l'ouvrage dos prophètes Gad el Nathan,
parce qu'on lit, / Parai, c. xxix , v. 29:
« Quant aux premières elaux dernières ac-
tions du roi David, elles sont écrites au livre
de Samuel le\'oyanl, et aux livres de Nathan
le prophète, et de Gad le Voyant. » Or, les
dernières actions de David el sa mort sont
rapportées dans le premier et le second cha-
pitre du troisième livre des Rois. De même
il est dit. // Parai, c. ix, v. 29, que les ac-
tions de Salomon onl été écrites par Nathan,
par Abias le Silonite, et dans la prophétie
d'Addo; c. xii, v. 15, telles de Roboani par
Sémeïas le prophète el par Addo ; c. xiii,
V. 22, que ce dernier a fait l'histoire du roi
Abias; c. xx, v. 3i, Jéhu celle de Josaphal;
c. XXVI, V. 22, Isaïe celle d'Ozias ; c. xxxii,
V. 32, cl celle d'Ezéchias; qu'il y avait un
livre des Rois de Juda et d'Israël, où se trou-
vaient les actions de Josias, c. xxxv, v. 27.
Il est donc certain que, sous les rois d,s
Juifs, il y avait des annales écrites par des
211
ROM
ROM
212
auteurs contemporains, et sur lesquelles ont
été faits les quatre livres des Rnis ; qu'ils
aientéléréilifîés pariin seul auleur ou par plu-
sieurs sucressiveineiil, pemlant la captivilé
deBabyioneou peuauparavant, peuinrporle;
cerlains criliques les ont attribués à Jérémie,
d'autres à Ezécliiel, d'autres à Esdra«, mais
aucune de ces conjectures n'est prouvée. 11
nous suffit do savoir que les i]intr(; livres des
Bois ont toujours él6 regardés comme au-
thentiques par les juifs, et qu'ils sont cités
comme Rcriture sainte dans le Nouveau
Testament. On ne pi'ut pas nier que ces li-
vres ne renfernieiit des difllcullés de chrono-
logie, des faiti transposrs et qui ne sont pas
placés suivant l'ordre des temps, des usages
et des coutumes fort éloignées de nos mœurs.
Les incrédules ont eu soin de les recueillir,
de les commenter, d'altérer souvent le texte,
d'en pervertir le sens, afin de persuader (juc
toute l'histoire juive n'est qu'un roman. 11
faudrait un volume eiiNer pour répondre à
toutes leurs objections en particulier ; la plu-
part sont frivoles ou absiirdi!s , et l'auteur
qui a réfuté la Bible erptu/itée par un phi-
losophe incrédule y a solidement satisfait.
ROMAINS (Epître de siiinl Paul aux). 11
passe pour constant que l'Apôtre a écrit cette
lettre de Corinthe, où il était l'an cinquante-
huit de notre ère, la vingt-quatrième année
de son apostolat, deux ans avant son arri-
vée à Rome. Le dessein général de saint
Paul dans celte Epître est de prouver que la
grâce de la foi en Jésus-Christ n'a pas été
accordée aux juifs convertis à cause de leur
fldélité à la loi de Moïse, ni aux gentils de-
venus chrétiens en considération de leur
obéissanre à la loi naturelle, mais que cette
grâce a été donnée aux uns et aux autres
très-gratuitement, par une pure miséri-
corde de Dieu, sans aucun mérite précédent
de leur part. Pour le démontrer, l'Apôtre,
dans le premier chapitre, expose les crimes
dont les païens en général étaient coupables,
et surtout les philosophes, qui passaient
pour les plus sages. Dans le se.ond il repro-
che aux juifs leurs transgressions. Il con-
clut, dans le troisième, que les uns et les
autres ayant été criminels, leur justification
est absolument gratuite, l'ouvrage de la
grâce et non de la nature ni de la loi, et
qu'elle ne doit être attribuée qu'à la for qui
est un don de Pieu ; c. iv, il prouve cette
vérité par l'exemple de la justification d'A-
braham ; c. V, il nous montre l'excellence de
celle grâre; c. vi, il exhorte ceux qui l'ont
reçue à la conserver et à l'augmenter ; c. vu,
il enseigne qu'après la justification, la con-
cupiscence subsiste encore, qu'elle est irri-
tée plutôt que domptée par la loi, mais
qu'elle est vaincue par la grâce ; c. vin, il fait
rénumération des fruits de la foi; il déclare,
c. IX, X et SI, que la justification a été ac-
cordée aux gentils préfèrablement aux juifs,
parce que les premiers ont cru en Jés;is-
Christ, et que les seconds n'ont pas voulu y
croire ; que comme la grâce tle la foi n'éiait
due ni aux uns, ni aux autres, il ne s'ensuit
rien de là contre les promesses que Dieu
avait faites à la postérité d'Abraham, ni
contre la justice divine. Les chapitres sui-
vants, jusqu'au seizième, renferment des
leçono de morale. Ainsi saint Paul, dans
toute sa lettre, ne s'écarte point de son ob-
jet, qui est de prouver que la justification
vieot de la foi et non de la loi ni de la na-
ture; que la foi elle-même est une grâce,
un do!i de Dieu purement gratuit. Dans la
multitude des commentateurs modernes qui
ont e\plii|ué VEptlre aux Romains ; le P.
Piciiuigiii, capucin, est celui (jui nous pa-
raît avoir le mieux saisi le dessein de l'A-
pôtre; il a fait grand usaue du commentaire
de Tolet sur cette môme Epître, et celui-ci
avait suivi saint Jean Clirysostome.
Ceux qui ont voulu fonder sur la doctrine
de saint Paul un système de prédestination
gratuite des élus à la gloire éternelle, nous
paraissent avoir méconnu le dessein de
l'Apôtre, et forcé le sens de toutes les ex-
pressions: ils prétendent y voir ce que les
anciens Pères de l'Eglise n'y ont jamais
aperçu. Origène et saint Jean Chrysostome,
qui ont expliqué VEpltre aux Romains d'un
bout à l'autre, n'y ont pas trouvé ce système.
Cependant les homélies de saint Jean Chry-
sostome sur cette Epître sont un de ses ou-
vrages les plus travaillés, comme l'ont ob-
servé ses éditeurs. En expliquant dans sa
seizième homélie le chapitre ix, sur lequel
les prédeslinateurs insistent le plus, il l'en-
tend tout autrement qu'eux. Il enseigne,
comme l'Eglise l'a décidé depuis contre les
pélagiens, que la prédestination à la grâce
et à la foi, est purement gratuite, parce que
cette grâce n'est la récompense d'aucun mé-
rite. !\Iais il dit aussi positivement que la
prédestination des justes au bonheur éter-
nel, et des méchants au supplice éternel, est
une suite de la prescience de Dieu, qui a
prévu de tonte éternité l'obéissance des uns
et la résistance des autres. Origène l'avait
entendu de même, Commentar. in Epist. ad
Rum., 1. vit, n. 14 et sniv. 11 est à présumer
que ces deux Pères grecs, très-accoutumés
au langage de saint Paul, et familiarisés
avec tous ses écrits, ont été pour le moins
aussi capables d'en prendre le vrai sens que
les inteiprètes latins postérieurs. Or, sui-
vant leur sentiment, lorsque saint Paul,
Rom., c. !x, V. 13, observe qu'avant même
la naissance de Jacob et d'Esaii, Dieu avait
dit: L'aine' sera le serviteur du cadet; j'ai
aimé Jacob et j'ai haï Esaii; l'Apôlre n'a pas
voulu nous faire entendre que Dieu, sans
égard au mérite des hommes, et avant toute
prescience de ce qu'ils feront, prédestine
les uns à être les objets de son amour, et les
autres les objets de sa haine; qu'au con-
traire, cette différence vient de ce que Dieu
avait prévu d'avance ce qu'ils feraient dans
la suite. De même lorsque Dieu dit: Je ferai
miséricorde à qui je voudrai, et que saint
Paul en conclut : Donc cda ne dépend point
de celui qui le veut et qui y court, mais de
Dieu qui a pitié, v. 13 et 16; faire miséri-
corde -n'est point élire quelqu'un à la vie
éternelle, mais lui accorder le don de la foi
213
ROM
et (le la jusiificalion. Cila est prouvé par
l'iiuire coïK-lusioii (le sailli l';iul: Doue Dieu
fait niiséi icii' dp à (fui il lui pinit, et endur-
cit, ou plulôl laisse endurcir qui il veut,
». IS; ici le coiitr;iiro de firire tiiiséricorde
n'esi |);is (IcsIiniT à la (laiiin.ilion, mais lais-
ser (l;iiis remliirci>s('iiie(ii. C.'csl le sens suivi
p.ir saint Augusliii, I. de Pr^vdest. Sancl.,
c. m, 11. 7 ; c. VI, II. 11.
(viiiï^é'iueiii'iieiii On^ène et saint Jean
Chr SdSloiii:' oui lics-bien vu (lue les vusts
d'honneur, les roses de miséricorde, que Dieu
a préparés pour sa gl-iire, v. 21, 22 et 2."}, ne
sont poini les prt'desiiiU'S à la (jloire (iler-
iielle, mais les privjosliiiés à la loi, qui glu-
rilicront Dieu par leurs vertus, et que les
vases d'ignominie, les vases de colère, ne dé-
signent point les réprouvés, mais les incré-
dules, (|ui provoiiucront la colère de Dieu,
mais que Dieu supportera néanmoins avec pa-
tience, ibid. la preuve est encore la dernière
cuncliisioii ipie tire saint Paul, v. 30 et 31,
de tout ce qui a précédé: « Que dirons-nous
donc? Que les {çeiitils, ((ui ne couraient pas
après la Justice, l'^iii cependant aci|uise par
la foi, au lieu (ju'lsr.'iël, eu suivant la loi de
la justice, n'y est pas parvenu, parce qu'il
s'est heurté contre la pierre de scandale. »
Voilà l'explication des vases d'honneur et des
vases d'innonùnic; ainsi l'entend saint Au-
gustin. Jipist. J8G, ad Paulin., c. iv, n. 12 ;
\.de Prced. Sunit., c. viii, n. 13, etc. On lit,
il est vrai, c. viii, v. 30: « Ceux que Dieu a
prédestinés, il les a appelés; ceux qu'il a
appelés, il- les ajnsti'iés, et ceux (]u'il a jus-
lilics, il les a qtorijiés. » Mais celle glorifica-
liuii ne doit pas s'enlernlre de la gloire éler-
nelle, aulrenienl l'Apôtre aurait dit, il les
(jiorifiera. Dieu a (jlorifié sans doute ceux
iju'il a just.Gés, puis(iui', dans le style de
sainl Pau), il en a fait des vases d'honneur
pour sa gloire; ainsi l'inl entendu Origône,
ibid., I. vu, n. 8, Bt saint Jean Chrysoslouie,
Homil. i'ô, n. 2.
On nous objectera peut-éire que saint
Ant;nslin, dans ses livres de Id Prédestina-
tion des Saints et du Don de la Persévérance,
dans sa lettre 180 à saint P.iolin, eic., a en-
tendu saint Paul dans le sens que nous ne
voulons pas admettre ; nous ne le croyons
pas. 1" Il n'est [las probable que saint Au-
gustin qui, pour prouver le péché originel,
a cité souvent les homélies de saint Jean
Clirjsostoino sur VEpUre aux Romains, ait
embrassé un senlimeni dilTérenl de celui de
ce Père sur la prédestination. 2" Il l'esl en-
rore inoias que saint Augusiia ait mécoiin:i
le dessein des.iint Paul, et se soit obsiiné à
donner à ses expressions un sens qui est ab-
solutnent étranger. S" Dans celle fausse hy-
pothèse, les arguments de sjiinl Augustin
n'auraient aucun ripporl à la ()ueslion qui
était agitée enlro lui et les pélagicns, il s'a-
gissait uniquement de leur prouver, comme
dans saint P;iul, ijue la grâce est accordée
graluiie neiit ; par conséquent que la pré-
destination .^i la grâce csl aussi purement
gratuilc ; jamais II n'a été question de savoir
s'il eu était de même de la prédesliualion au
ROM 214
bonheur éternel, k" En lisant attentivement,
sans préjugé, les divers écrits de sainl Au-
gustin, on voit qu'il a pensé dans le fond
comme saint Jean Chrysoslome, mais qu'il
s'est exprimé avec moins de précision. On
peut s'en convaincre par les endroits que
nous venons de citer. Voy. PiiÉniiSTi nation.
ROMAN, histoire fabuleuse, dont le sujet
le plus ordinaire est le tableau de l'amour
profane. On a ((uelqnefois taxé de riiiorisme
les casuistes qui interdisaient absolument
la lecture des romms; mais ils ne sont que
trop bien fondés dans le jugement qu'ils en
portent. Le moimire mal que ces écrits pro-
duisent est de dégoûter les jeunes gens de
toute lecture sérieuse, de leur donner un es-
prit faux, de leur peindre les hommes et les
passions tout autres qu'ils ne sont en cfl'Hl.
Comme le fond de toutes ces narrations fri-
voles est toujours la passion de ra:nour,
plus les peintures en sont vives, plus elles
sont capables d'égarer l'imagination des
jeunes gens de l'un et de l'autre sexe dont le
sang n'est déjà que trop allumé. Bientôt il
leur tarde de réaliser en eux-mêmes le fan-
tôme de bonheur dont ils ont l'esprit préoc-
cupé. Lorsqu'ils ne le trouvent point dans
l'état de mariage, ils le cherchent dans des
amours illégitimes et dans un libertinage
consommé. On ne peut donc pas douter ([iie
ces sortes de lectures ne conliibuent beau-
coup à la dépravation des mœurs. Queliiues
tirades de morale guindée que l'on mêle (îans
les aventures romanesques ne sont pas ca-
pables de réparer le mal que ces livres pro-
duisent.
Sainte Thérèse, instruite par l'expérience
qu'elle en avait faite dans sa jeunesse, ex-
hortait les pères et mères à préserver soi-
gneusement les enfants de la lecture des ro-
mans, et leur en représentait les funestes
conséquences. Mais nous n'avons pas besoin
d'exemples étrangers, lorsque nos mœurs
publiques nous attestent les ravages de ce
poison. Le goût efl'réné pour les romans
est porté parmi nous à un tel excès, que l'on
a vu des personnes qui ne pouvaient plus
suppoiler d'autre lecture; et de prétendus
beaux esprits ont voulu persuader que c'est
là le seul moyen efûcace de donner des le-
çons de morale à la jeunesse ; c'est plutiit le
vrai moyen de la dégoûter de toute morale
sensée et solide.
* rtOMANTlSME RELIGIEUX ou RELIGIOSITE.
Il y a (les âges où l'ircrëdulilé est de mode; il y en
a (l'uiities où la religion parait en faveur. Il ne faut
p;is toujours juger de la religion (lar les paroles ; il
laiite\aii)jiier lefoiid des croyances et les pralifpies.
Le démon n'esl guère moins iiiléressc à voir certai-
ne forme religieuse douiiiier (|u'à voir l'incrédiililë en
vigueur, il y a eu etfet des liiuiiines (|ui ont sans cesse
le mol de religion à la bouclie, (|ui prcnueiu l'Evan-
gile pour leur livre de prédileclioii, ([ui ne jureiii (|ue
par le Christ, qui se préseiitenl comme les deleiiseiirs
du clirisiianisine. Ils piéleuilenl le souleiiir beau-
coup mieux que ses niinlsires; les Iraileui d'iiiiiitel-
ligeiils, le> aceuseiil de compromeUre la foi par leur
zèle exagcié; et cciieiidanl ces zélateurs ne sont pas
de véritables ciirelieus. Mêlions de coié la pralii|ue
pour ue nous occuiicr que de la croyance : jugeons
21'
ROM
ROM
216
leur foi. Ils ne croient p^s loiit ce que l'Eglise croit
et enseigne, et même- parmi les vérités catholiques
qu'ils adiuellenl, ils ne les adraellCMl pas comme l'E-
glise.
Lisez la Démocratie pacifique, il n'y a pas ime
page où il ne soit parlé avec un profond respect du
Clirisi cl de l'Evangile; inierrogez-la sur le mystère
de la présence réelle, sur l'existence de l'enfer, elle
sourira de pitié à votre question. Pour cet autre, le
christianisme n'est que la fraternité, l'égalité, la li-
berlé; tous les passages de l'Ecriture, qui lui rap-
pellent ces maximes sont aduiirables; ne lui parlez pas
d'autre chose ; à ses yeux il n'y a que cela dans l'E-
vanyile. On me dira peut-être que je ne cite que
ceux qui ne sont pas chrétiens en réililé, qu'il y a
des romantiques religieux qui admettent tous les do-
gmes, voire même que la n'Iigion est la démocratie;
oui, mais ces hommes admettent-ils nos dogmes, com-
me nous les croyons' L'édition Leiort présente sur
ce sujet quelques considérations tirées de VArsenal du
catholique qui nous paraissent profondément senties.
I Montrons, dit elle avec M. l'ahbé Kegnault, Ar-
senal (lu catholique , commeut l'homme à religiosité
comprend les trois vertus théologales.
« I. Le respect et l'ailmiraiion qu'il professe pour
l'Evangile ne supposant pas une foi véritible-en Jé-
sus-Christ.— l*On pourrait professer les mêmes sen-
timents, sans voir dans la religion plui qn'im sys-
tème philosophiiue, une œuvre tout humaine. Avoir
la loi, c'est autre chose qu'admirer le moyeu .'ige et
les monuments gothiques; autre chose que recon-
naître l'influence viviliante dn catholicisme sur la
société et sur les arts ; autre chose qu'entrevoir com-
Lien il est approprié aux besoins de l'homme, com-
me il élève l'intelligence et même le génie, comme
il touche les hbres les plus délicates du cœur et ins-
pire la vertu; autre chose que s'extasier sur l'inimi-
table poésie et la simplicité sublime de la bible; au-
tre chose enfin que deviner de magnifiques rapports
de convenante et d'hiirnionie dans les dogmes catho-
liques. — 2- La foi perfei'tionne l'entendement, parce
qu'elle détermine et précise tout ce qu'd laut croire,
parce qu'elle y fait d"nuer un assentiment ferme et
sans crainte d'erreur, parce quelle aponie cet assen-
timent sur le motif infaillible de la véracité et de
l'autorité divine. La religiosité, au contraire, n*a que
des opinions vagues et incohérentes, simples aper-
çus métaphysiques qui ne forment point un corps de
doctrine complet où tout soit coordonné. Ses croyan-
ces, brillantes rêveries de l'imagination, sont varia-
bles et sans la moindre consisiance ; elles s'affaiblis-
sent avec l'exaltation du moment, ou se niodilienl
suivant des impressions uouvelles. Enhn, elles repo-
sent, non sur l'autorité divine, mais sur des concep-
tions humaines ou sur l'engouement de la mode. —
ô" La foi captive la raison et la fait plier sous l'auto-
rité de la parole de Dieu; par elle, l'esprit adore la
vérité inlaillihie et souveraine. La religiosité laisse
errer l'esprit au hasard, sans règle et sans frein :
c'est un simple amusement intellectuel, une véritable
parodie de la foi.
€ II. L'homme à religiosité ne comprend pas mieux
l'espérance chrétienne. 1° Le vr;ii chrétien aspire à
la possession de Dieu ; c'est là le but de sa vie. La
grâce est toute sa ressource, et il l'attend de la bonté
divine, avec une confiance sans bornes, à cause
des mérites de Jésus-Chrisl. Il va puiser la force et
la vertu dans la prière et les sacrements, usant, en
nu mot, de tous les moyens de sanctilicalion que l'a-
mour de Dieu lui a ménagés. L'iioinme à religiosité
envisage la religion, moins par rapport au ciel, que
par rapport à fi terre; il ne voit guère en elle i|ue la
plus puissante et la plus magniliqui- des institutions
sociales, le flambeau de la eivili^ation, le génie des
arts, l'âme et la vie de tout ce qui csi grand, \ivanl
dans l'oubli de ses sublimes destinées, il ne sent p:is
leheso 11 de la grâee, parce qu'il n'aime point ;< mé
diter snr la faiblesse et la corruption de son cœur ;
il ne pense pas à la valeur infinie du sang d'un Dieu,
à la nécessité et à l'eflicacité de la rédemption; il a
la présomption d'un homme content de loi-même,
mais non la conli;\nce d'un enfant qui se jette avec
amour et repentir entre les bras de son père, tour
jiiurs assuré d'y trouver son pardon. Il exalte avec
emphase la sublimité du Pater, du Credo, et il n'en
est pas plus exact à prier Dieu, à lui exposer sa mi-
sère, à lui offrir ses adorations et ses hommages
joiirniliers; il néglige, ou plutôt il abandonne tout à
fait les sacrements, ne sanclihe ni les dimanches ni
les fêles, se met au-dessus des lois du jeûne et de
l'abstinence; et, s'il assiste à la prédication de la pa-
role divine, c'est plutôt par mode ou pour juger du
talent de l'orateur, que pour eu recevoir humble-
ment et docilement les instructions. — 2" L'espéran-
ce ciirétienne nous fait allier la conscience intime de
notre misère avec une ferme coiifi;iiice en la bonté
divine et en la rédemption de Jésus-Christ : nous
tremblons, parce que le saint dépend encore de no-
ire coopération ; mais m)us espérons, parce que nous
attendons de Dieu et la giâce, et la fidélité, et la ré-
compense. Ainsi cette vertu attache tous nos désirs
sur Dieu, comme principe de toute vraie félicité;
par elle, l'âme adore le souverain Dien, en exaltant
sa miséiicorde iiiépuisabl'ï cl toutes les richesses de
sa grâce.
« D'après ce que nous avons dit de la manière dont
l'homme à religiosité envisage la religion, on ne
peut s'étonner que ce romantisme ne l'empêche pas
de perdre conslaniment de vue le but de son exis-
tence, le bonheur infini auquel il peut et doit aspi-
rer ; on ne peut s'étonner que l'homme à religiosité
méconnaisse la vertu toute-puissante de la croix,
qu'il ne comprenne point celte parole du Sauveur :
Sans moi, vous tte pouvez rien {Jean, xv, 5); on ne
peut s'étonner qu'il ne puise dans sa phraséologie et
et sa sentimentalité religieuse ni consolation pour
l'adversité, ni force contre les tentations, ni remè-
des contre les chutes, ni motif efficace pour prati-
quer la vertu.
< III. La religiosité, au lieu de s'élever jusqu'au vé-
ritable anionr de Dieu, en demeure infiniment éloi-
gnée. La charité envers Dieu est à la fois 1' un
amour de coniphiisance, par lequel nous mettons
toute notre joie et notre bonheur dans ses infinies
perlecilons ; 2° un amour de bienveillance, qui nous
inspire un zèle ardent de procurer sa gloire, et nous
pénètre de douleur quand nous le voyons ofl'enser;
5° un amour efléctif, qui, unissant notre volonté à
la sienne, nous rend dociles à ses coinniandements,
à ses conseils, à tontej les inspirations de sa grâce.
La charité est la règle à laquelle nous sommes né-
cess;iiremeni obligés de subordonner tomes nos au-
tres aftéctions; elle nous dévoue tout entiers à la
gloire du Très-Haut, en lui consacrant notre âme et
ses facultés, notre corps et ses sens; elle nous fait
incessamment tendre vers lui, comme à notre lin
dernière; elle place en lui seul noire béatitude; en
nn mot, par elle, la volonté adore la perfection inef-
fable, l'amabilité souveraine, l'excellence incréée de
l'Etre infini.
« A la différence de la charité, i la religiosité ré-
serve ses louanges pour certaine perfection de Dieu,
la bonté et la miséricorde, par exemple; jamais elle
ne met ses complaisances ni dans la sainteté qui hait
nécessairement le péché, ni dans la justice qui ne
peut le laisser impuni; elle conteste ceux des divins
attributs qui contrarient ou ses idées étroites ou ses
passions. 2" L'homme à religiosité -ne s'occupe de la
gloire de Dieu qu'en paroles et d'une manière toute
supcrlicielle , il oublie que, s ms le bon exemple, les
efforts du zèle demeurent infructueux, et font dire
tout bas : Médecin, giiéiissez-vous \ous-niême {Luc.
IV, 23). 3* La religiosité se contente d'une illusion
(le .sentimenialii.é . ei. ne se met pas en peine de don-
;,7 ROM
ner 'i Pieu la seule preuve d'amour qui ne trompe
point, celle lies œuvres ; ou plulôi, elle veul servir
deux maîtres, allier deux choses incompaiibles, I a-
mour de Dieu el la volonlé de \w pas se gêner pour
ohéir à ses lois. L'amour qu'a pour Dieu I homme a
reIi"iosilé esl un hors-d'œuvre qui n'exerce point
d'innuence sur son cœur, qui ne rapporle a la gloire
divine ni les actes de la volonlé m ceux des antres
piiis'iaiices de l'àme; qui laisse sans règle tontes ses
all'eclious.el même tomes ses passions; qm n deve
poinl ses pensées, n'anime point ses venus, ne sanc-
tifie point ses intentions, ne lui inspire aucun sacri-
licc, ne donne aucun prix à ses actions, le ijui P'T-
Jeclionne la v.doulé, ce n'est donc pas la religiosiié,
mais une charité .sincère, efficace el pleine de Oe-
vouenipiit.
I Aux considérations qui précèdenl, nous ajouterons
que la religiosilt-esi une inconséquence maïufesie.
Celui qui s'y horne < fait profession de connaître
Kieu; el cependant il le renie par ses oeuvres. »
TU. , 1, XVI. Or, s'il exaile le catholicisme, pourquoi
dédiigne-l-il de s'a>lrcindie à en observer le-i lois?
el, s'il refuse d'y conformer sa vie, que signilienl
ces louanges que la eondniie désavoue? Jé*us Christ
peut Un dire, comme autrefois i» ses disciples : Si je
vou$ilis la vMié, pourquoi ne me croyez vous pas
(Jonn. viii, 40) ? Car, la [oi sans les œiiurt's est une
loi morte (Jac. Il, "20). La religion n'esl pas une siin-
ple théorie : c'esl une loi csscnliellemenl ohligaioi-
re, une loi émanée de Dieu, cl qui a pour sanction
le paradis cl l'enfer. Noire Dieu ii'csl pas insouciant
ni oisif comme le dieu dEpicure : il exige l'ohés-
sance des èlre^ qu'il a créés, et il rendra à chacun
Selon ses œuvres, i
Celte religion n'est pas h religion qui sauve. Pour
que la foi soit suflisanle, elle doit croire tout ce que
l'Kglisecroil el comme elle croit. Ce n'esl pas qu'en
dehors du domaine de la foi, il ne puisse y avoir des
sysièines. Dès lors que la loi esl sauve, que le dogme
esl admis lulaleineni, que riinagioatioii s'exerce sur
le mode, qu'elle soit ingénieuse pour nous représen-
ter le mystère, il n'y a rien là que de permis et mê-
me de très-louable, quand ou se renferme dans de
justes bornes, mais qu'on veuille fausser la croyance
sous le prétejle de l'embellir ou de la sauver , c'est
ruiner l'édillce tout euiier, loin de le soutenir.
HOME (Eglise de). 11 ne faut pas confon-
dre celle expression avec le litre d'Eglise
romaine; VEylisede Home esl un siège par-
ticulier ou une Eglise bornée à un seul dio-
cèse ; V Eglise romaine, d;ins le langage or-
dinaire des lliéologiens, est l'Egliso catholi-
que ou universelle, qui regarde le siège de
Jiome comme le centre d'unité dans la foi, et
le ponlife qui y esl assis comme le succes-
seur de saint Pierre, le vicaire de Jésus-
Christ, le chef el le pasleur de toute l'Eglise
chrétienne.
A l'article Saint Piehre, nous avons prouvé
sommairement que cet apôtre a élé à Rome,
qu'il a fondé l'Eglise de celle villi; ; qu'il y a
souffert le martyre avec saint Paul, l'an 67 de
Jésus-Clirisl; que, dès le ir siècle, l'usage
était établi d'appeler V Eglise de Rome, la
chaire ou le siège de saint Pierre. Les preu-
ves de ces faits n'ont p.is empêché les pro-
testants de contester aux évéques de Rome
le litre de successeurs de saint Pierre: les
papes, disent-ils, n'ont pas plus de droit à
celle succession que les évéques d'Antioche,
dont saint Pierre avait fondé el occupé le
biége avant de venir à Rome.
. Cependant au ii' siècle nous voyons saint
ï\OM
218
Irénée citer aux hérétiques la tradition
de l'Eglise de Rome, la succession de ses
évéques qui remonte à saint Pierre el à
saint Paul ; la prééminence de celle Eglise
sur les autres, « à laiiuellc, dit-il , toute
l'Eglise, c'est-à-dire les lidèles qui sont de
toute part, doivent déférer. » Adv. Flœr., I.
m, c. 3. Il lui aurait été aussi aisé de citer
l'Eglise d'Aiiliorhe ou celle de Jérusalem,
que saint Pierre avait aussi fondées, si elles
avaient joui du même privilège. Dans tin
temps si voisin drs apôtres, on devait mieux
savoir qu'au xvi' siècle quelle avait élé
leur intention , par conséquent celle de
Jésus-Christ. On ne peut pas accuser saint
Irénée d'avoir été adulateur des jjapes : les
proteslanls ont grand soin de faire remar-
quer la fermeté avec laquelle ce saint mar-
tyr résista au pape Victor au sujet de la
célébration de la Pâque. Us disent que
V Eglise de Rome est devenue la plus consi-
dérable de toutes, parct; que cette ville était
la capitale de l'Empire. Mais les Pères n'ont
poinl allégué celle raison pour lui attribuer
la prééminence ; ils l'ont regardée comme le
centre de la loi catholique, parce qu'elle
était la chaire ou le siège de saint Pierre,
pane que Jésus-Christ avait donné à cet
apôtre une supériorité sur ses collègues, et
parce qu'il l'avait établi pasleur de tout son
troupeau. Voy. Papk. Si celte Eglise n'avait
joui d'aucune prééminence sur les autres,
il serait difficile de comprendre pourquoi la
plupart des auteurs ecclésiastiques du u'
siècle ont \oulu y faire un séjour, et pour-
quoi les hérétiques, tels que Simon, Valen-
lin, Marcion, C'rdon, les disciples de Car-
pocrate, Taiien, Praxéas, etc., étaient si
empressés d'y accourir
Pour en imposer aux ignorants, les pro-
testants affectent quebiuefois de dire qu'ils
sont membres de l'Iiglise catholique ou uni-
verselle, mais non de V Eglise romaine , et
par l'Eglise catholique ils entendent l'as-
semblage de toutes les sectes chrétiennes ,
ou qui font profession de croire en Jésus-
Christ. Au mol Eglise, § 2, el au mot Ca-
THOLiQin:, nous avons l'ail voir que celte
préteiilioii des proteslanls est abusive et
fausse ; l'unilé est un des caractères essen-
tiels de la véritable Eglise ; or, celte unité
emporte nécessairement la profession d'une
même foi, la participation aux mêmes sacre-
ments, la soumission à un même pasteur
universel. Elle se trouve en effet entre les
différentes Eglises ou sociétés particulières
qui composent l'Eglise catholique romaine ;
mais il est absurile de supposer de l'unité
entre différentes sectes qui s'analhémati-
sent el s'excommunient les unes les autres,
qui se regardent mutuellement comme hé-
rétiques, errantes, el hors de la voie du
salul. Cette chimère, forgée parJurieu, a
été solidement réfutée par Bossuet , par
Nicole, etc.
Non contents d'abuser des termes , les
prolestanls, par une contradiction grossière,
conteslenl à \'Eglisc romaine l'unité dans la
foi. 1° (Quoiqu'elle fasse prolession, disent-
2)P
ROM
ROS
220
lis, d'admettre pour règle de foi la parole
de Dieu écrite ou non écrite, c'est-à-dire
l'Ecriture sainte et la tradition, il est im-
possible au vrai de connaître sa doctrine,
parce que ses théologiens ne conviennent
point entre eux quel est le juge auquel il
appartient de fixer le sens de l'Kcriture, et
de déterminer ce qui est ou n'est pas de
tradition. Les uns disent que c'est le pape,
les autres que c'est le concile général. 2°
Ouoiijiie ces théologien? protestent tous
d'adhérer au concile de Trente , cependant
les décrets de cette assemblée ne sont pas
également respectés ni suivis partout, <'t il
y a dis Etat'* dans lesqnels ils n'ont jamais
été solennellement reçus. D'ailleurs des
rédacteurs de ces décrets ont affecté d'en
rédiger la plupart en termes ambigus, et qui
laissent indécises nn très-grand nombre de
questions : c'est pour cela que les papes
ont établi une congrégation pour interpré-
ter la doctrine du concile de Trente. 3* De
là il arrive que les différentes écoles agitent
entre elles à peu près les mêmes disputes
qu'elles avaient auparavant ; et les papes
ont été souvent obligés de donner de nou-
velles constitutions pour décider ce qui était
demeuré douteux , on particulier sur les
matières de la grâce et de la prédestination.
Moshoim, fliat ceci., xvi' siècle, sert. 3, l"
partie, c. 1, §22. Mais cette objection est
réfutée par la conduite même des protes-
tants. Ils connaissent si bien notre doi'Irine,
qu'ils ne cessent de l'atiaquer, sans craindre
un déaveii de notre paît ; lorsqu'ils la fié-
guisent, ils le font malicieusement , et ils
nous allèguent le concile de Trente avec une
enlièce confiance qu'il a pleine autorité chez
nous. Ce serait plutôt à nius de nous plain-
dre de la difficulté qu'il y a de connaître
quelle est la doctrine de chaque secte pro-
testrinle ; quoique toutes fassent profession
de recevoir l'Kciilure sainte comme seule
règle de foi, chacun de leurs théologiens
l'entend à sa manière, et il y a chez elles
presque autant d'opinions que de têtes. Il
serait fort singulier que la doctrine fiit plus
indécise et plus difficile à connaître dans
une société qui reconnaît un tribunal pour
en décider , que dans une qui n'en admet
point. — 1" Il est faux que nos théologiens
disputent pour savoir quel est ce tribunal ;
Ions conviennent qu'un concile . général
confirmé par le pape a pleine autorité de
fixer le vrai sens de l'Ecriture et de la tra-
dition ; que , quand il a prononcé , tout
homme qui ne s'y soumet point est héréti-
que. Tons conviennent encore que le sou-
verain pontife a droit de porter des juge-
ments en matière de foi ; que quand ils sont
confirmés par l'acceptation formelle ou ta-
cite du très grand nombre des évô.:|ues, ils
ont la même autorité que les décrets du
concile général. S'il y a des théologiens qui
en disconviennent, ce sont de faux catholi-
ques, ou plutôt des hérétiques déguisés. La
seule queslin qui reste entre les théolo-
giens est de savoir si avant l'acceptation
même, les jugements du pape eu matière de
doctrine sont irréformables ; mais qu'im-
porte celte question pour savoir au vrai
quelle est la doctrine de VEglise romaine ?
[Voy. Gallican; DÉcLâRAXiofi du clkkgé de
Fkance de 1682.] — 2° Il est encore taux que
le concile de Trente ne soit [)as également
respecté et suivi partout eu ce qui concerne
le dogme ; il n'a pas été besoin d'une accep-
tation solennelle pour donner force à ses
décrets , quiconque y résiste est hérétique.
Quant aux règlemcnls de discipline, il y a
des étals catholiques qui ne l'ont pas reçu ;
mais c'est un trait de mauvaise foi de con-
fondr' le dogme ou la foi, avec la discipline:
la première peut être une, quoique la se-
conde varie. — 3° Parce que ce concile n'a
pas voulu i roiioncor sur des questions de
pure curiosité , sur lesquelles l'Ecriture
sainte et la tradition gardent le silence ou
ne s'expli(iuent pas clairement, il ne s'en-
suit pas que ses décrets sont conçus en ter-
mes ambigus, mais que le concile n'a point
voulu porter de jugement sans motif et sans
fondemeîlt. Ici le reproche des protestants
est encore une contradiction. D'un côté, ils
accnsenl l'Kglise catholi(iue de témérité et
d'impié;é parce qu'elle prétend fixer le sens
de l'Ecriture et de la tradition, et faire ainsi
des décisions en matière de foi ; de l'autre,
ils la blâment de ne vouloir pas décider,
lorsqu'elle ne peut appuyer son jugement ni
sur l'Ecriture sainte ni sur la tradition. —
4"Quelles que soient la clarté et la sagessede
ses décisions, elles ne satisferont jamais les
esprits curieux, pointilleux, inquiets et té-
méraires ; sans cesse ils élèveront de noa-
veiux doutes , ils forgeront de nouveaux
systèmes, ils trouveront de nouvelles ma-
nières de tordre le sens de l'Ecriture sainte,
et d'obscurcir la tradition : les protost.mts
en ont donné l'exemple, et ils auront toujours
des imitateurs. 11 sera donc toujours néces-
saire de faire de nouvelles décisions pour
éclaircir et confirmer celles qui sont déjà
faites. C'est ce qui a forcé les souverains
pontifes à publier des bulles , et à établir
une congrégation pour interpréter les dé-
crets du concile de Trente. Mais ces déci-
sions nouvelles sont dans le fond si confor-
mes aux anciennes, que les protestants ont
fait précisément les mêmes reproches contre
les uni's et les autres. Voy. Catholique, etc.
RO.SAIRE, pratique de dévotion qui con-
siste à réciter quinze fois l'oraison domini-
cale, et cent cinquante fois la salutation
angéli(iue ; ainsi le rosaire est con)posé de
quinze dizaines d'^ce Maria, au lieu que le
chapelet ordinaire n'en a que cinq. Son ins-
tilutinn a pour objet d'honorer les quinze
principaux mystères de la vie de Notre-Sei-
gneur et de sa sainte mère. C'est donc un
abrégé de l'Evangile, une espèce d'histoire
de la vie, des soulTrances, des triomphes de
Jésus-Christ, mise à portée des ignorants,
et propre à graver dans leur mémoire les
vérités du christianisme. On attribue ordi-
nairement l'institution du rosaire à saint
Dominique. Dom Luc d'Achery et dom Ma-
billon, Prœf. ad Acla SS. Ord. liened , sec
m
ROS
H0\
222
. 5, p. 58, se sont att<ich<;s à prouver que rette
f' prali(iue e<t plus nncii-nne, et qu'elle élait
en usage l'an 1100; Moslieim est dans la
même opinloii, Ui-<t. rcclc's., x' siècle, ii"
pari., c. IV, § 2. D'aulres l'ont attribué à
Paul, abbé (lu mont l'hercné eu Libye, con-
temporain de saint Antoine ; d'autres à saint
iienolt, quelques-uns au vénérable Bède ;
Polydore-Virciile prétend quo Pierre l'er-
niile, pour exdtcr les peuple» à la croisade,
sous Urbain 11, en 10110, leur enselRuail le
psautier laïque composé de 150 Ave Maria,
coinitio le psautier ecclésiastique est com-
posé de 150 psaumes, ri que c'était l'usage
des solitaires de l,i Palestine. On a trouvé
dans le tombeau de sainte Gcrtuile de Ni-
velles, déréùee en (iti7, et dans celui de saint
Norbert mort en ll.'Ji-, des grains enfilés qui
paraissaient cire des grains de ciiapelet.
Il n'est pas douteux que les solitaires des
premiers siècles de l'Ej^lise ne se soient ser-
vis de petites pierres ou d'aulres marques
senibiablt's pour compter le nombre de leurs
prières ; nous l'apprenons de Pallade, dans
sou Histoire Lausiaque ; de Sozomène, etc.,
coutine l'a remarqué Iteuoit XIV, de Coro-
nis SS., p. 2, c. 10, u. 11. Ceux qui ne sa-
vaient pas lire, ou qui no pouvaient pas
réciter le psautier par cœur, y suppléaient,
eD récitant souvent, pondant leur travail,
l'oraison dominicale, surtout à chacune des
heures que les ministres de l'Eglise em-
ployaient au chant dos psaumes. Les per-
soitnes du peuple désignaient le nombre de
ces prières par des espèces de clous atta-
chés à leur ceinture, tome Vil ('oncil.,
p. H89. L'usage de réciter la salutation an-
gélique de la même manière n'est pas aussi
ancien. Quoi qu'il en soit de ces faits et des
opinions des divers écrivains , il paraît
prouté ()ue saint Dominique est le véritable
auteur de l'usage do réciter quinze /'aicr
avec ((uinze dizaines i'Ave Maria, à l'hon-
neur des principaux mystères de Jésus-
Christ, auxquels la sainte \'ierge a eu part ;
il l'inlroduisil vers l'an 1208, ou peu aujia-
ravant , pour prévenir les flilèles contre
l'erreur des albigeois et de quelques autres
héréli(^ue8 qui blasphémaient conire le mys-
tère de l'incarnation. Le père Ecliard, do-
minicain a prouvé ce l'ait historique par
des monuments incoiilestaliles. liiblioth.
Scriptor. ordin.Prœdicat., 1. 1, p. 352; t. Il
p. 271.
La fête du Rosaire est d'une inslilulion
plus récente. En actions de grâces de la
victoire reuiportée à Lépaulc par les chré-
tiens sur les infidèles, le premier dimanche
d'octi)bre de l'an lo"i, le pape Pie V insti-
tua une fête annuelle pour ce jour-là sous
le litre de Sainte Marie de la Victoire. Doux
ans après, drégoire XIU changea ce litre eu
celui du Rosaire, et approuva un offi, e pro-
pre pour cette fête. CliMueiil X la fil a.lop-
ter par les Eglises d'Espagne. Eu niii, les
Turcs ayant été biillus p ir l'armée de l'em-
pereur Charles VI, près de Témeswar, le
jour de la fêle de Notre-Dame des Neiges,
et ayant été obligés de lever le siège de
Corfoalcjonr de l'octave de l'Assomption
de la même année, Clément XII rendit uni-
versel l'office de la fête du Rosaire. Vies des
Pères et des Martyrs, t. IX, p. 278.
Il était aisé de présumer que ces nou.vel-
les institutions déplairaient aux prolestants.
Ils disent que le culte de la vierge Marie,
qui, dans le ix" siècle, avait déjà été porté
au plus haut defjrc d'idolâtrie, reçut encore
(le nouveaux degrés d'accroissement dans
les siècles suivants ; que l'on institua des
Diesses, des offices, des fêtes, des jeûnes, des
prières en l'honneur de celle nouvelle divi-
nité. Mosheim, llist. ecclés., %' siècle, a'
part., c. IV, § 2.
Au mot Pagamsme , où nous avons exa-
ni né la nature de Vidoldlrie, nous avons
démontré, § 11, (jue le reproche de ce crime,
sans cesse renouvelé par les prolestants
contre l'Eglise c^ilholique, esl absurde, el
l'effet d'une pure méchanceté. Par les priè-
res mêmes que nous adressons à la suinte
Vierge el aux saints, il est prouvé que nous
les envisageons, non comme des divinités,
mais comme de pures créatures , puisque
nous disons : Sainte Vierge Marie, Mère de
Dieu, priez pour nous ; suints et saintes de
Dieu, intercédez pour nous : prier, intercé-
der, obtenir des grâces de Dieu, est la fonc-
tion d'une créature et non d'une diviniié.
Ces prières faites à Vhonnmr des saints sont
donc, à proprement parler, faites plutôt à
l'honneur de Dieu, puisque c'est à lui que
l'on aitribue toutes les grâces et les bien-
faits ■lue les saints peuvent obtenir. Il en
estd:: même des messes, des offices et de
toutes les autres prières ; elles sont encore
aujourd'iiui lellcs qu'on les trouve dans le
Sacramentaire de saint Grégoire, dressé sur
la fin du vrou au commencement du vir'
siècle, cl dont le fond était le même ((ue
celui du pape Gélase, composé au v°. S'il y
avait d.iiis ces prières de la superstilion ou
de l'idolâtrie, il faudrait en placer la nais-
sance pour le plus tard au iv siècle, époque
à laquelle il y a eu le plus de lumières, de
talents et de vertus dans le corps des évo-
ques. C'est un entêtement fanatique de la
part des protestants de placer dans ce siècle
éclairé le berceau du paganisme de l'Eglise
roiuaine. Mosheim, ibid., iv' siècle, ii'part.,
cap. iii, § 2. Voij. Saints.
♦ ROSKOLNIKSOU KASKOLNIKS. C'esi une secte
russe, i]ui ijrélcmi conserver b doctrine priiiiilive
de-) Russes dans loule s:i puielé. Us suiil au noinhre
de plus de trois cent nulle el possèdent quelques
coiivenis.
ROYAUME DES CIEUX, ROYAUME DE
DIKU. Dans le Nouveau Testament cette
espiessiou signifio très-souvent le royaume
du Messie, par conséquent l'Eglise chré-
tienne composée de tous ceux qui reconnais-
sent le Fils 'le Dieu pour roi, qui sont sou-
mis à Ses lois el à sa doctrine. Comme les
prophètes oui souvent annoncé le Messie
sous le titre de roi, il est naturel que l'as-
semblée de ceux qui lui ohéissent soit
appelée un royaume ; mais ce n'est point un
royaume temporel, comme le commun des
in
RUB
nus
221
Juifs l'entendait, c'est un royaume spiriliiel
desliné à conduire les hommes au bonhour
élernel. Ainsi l'explique Jésus-Chrisl lui-
mémo. (Joan. xviii, 3G,) La mémi* expression
désigne ;iussi quelquefois l'étal dos bien-
heureux dans le ciel , elilosldit qu'ils y
régneront éternellemenl. (Apoc. xxii, 5.)
C'est par les circonslances, par ce qui pré-
cède ou ce qui suit dans l'Evangile , que
l'on doit juger lequel de ces deux sens con-
vient le mieux aux divers passages.
UUnUIQUE. Dans le sens grammatical ce
terme signifie une observation ou une règle
écrite en caractères rouges , et c'est ainsi
qu'étaient écrites les maximes principales
et les titres du droit romain. Parmi nous
on appelle rubriques les règles selon les-
quelles on doit célébrer la liturgie et l'office
divin, parce que dans les missels , les ri-
tuels, les bréviaires ei les autres livres d'é-
glise, ou les a communément écriles en
lettres rougos, pour les distinguer du texte
des prières. Anciennement ces règles ne
s'écrivaient que dans des livres particuliers
appelés (lirecloires, rituels, cérémoniaux,
ordinaires. Les anciens sacramentaires, les
missels manuscrits, et même les premiers
imprimés , contiennent peu de rubriques.
liurcard, niiiître des cérémonies sous les
papes lunoceni A III et Alexandre Xï, sur
la lin du xv siècle, est le premier qui ail
mis au long l'ordre et les cérémonies de la
mes'e dans le pontifical impritné à Rome en
148o, et dans le sacerdotal publié (juelques
Jinnées après. On joignit ces rubriques à
l'ordinaire de la messe dans quelques mis-
sels; le pape Pie V les fit mettre dans l'or-
dre et sous les titres qu'elles portent encore
aujourd'hui. Dès lors on a placé dans les
missels les rubrique* que l'on doit observer
en célébrant la messe, dans les rituels, celles
qu'il faut suivre en administrant les sacre-
ments, en faisant les bénédictions , etc., et
dans les bréviaires relies qu'il faut garder
dans la récitation ou dans le chant de l'office
divin. Lebrun , Explic. des cérém. de la
Messe, traité prélim., art. 3. Ces règles sont
nécessaires pour établir l'uniformilé dans
le culte extérieur, pour prévenir les man-
quements et les indécences dans lesquels
les ministres de l'Eglise pourraient tomber
par ignorance ou par négligence, pour don-
ner au service divin la dignité et la majesté
convenable, et pour exciter ainsi le respect
et la piété du peuple. Il est scandalisé avec
raison, lorsqu'il voit faire les cérémonies
d'une manière gauche, avec précipitation,
avec négligence, avec un air distrait et in-
dévot. Ceux qui regardent les rubriques
comme des règles minutieuses, puériles ou
superstitieuses, sont fort mal instruits. Dieu
avait prescrit dans le plus grand détail les
moindres cérémonies que l'on devait obser-
ver dans le culte mosaïque ; il a souvent
puni de mort des fautes en ce genre qui
nous paraissent légères ; le culte institué
par Jésus-Christ et par les apoires est-il
donc moins fespfctalile cl moins digne d'ê-
tre observé jusqu'au scrupule "
MINCAIRES , nom. que l'on donna aux
Vaudois appelés aussi palarins ou paterins ,
mais abusivement, puisque dans l'origine ce
dernier était un surnom des albigeois ou
manichéens. Voy. Pataiuns. On prétend que
les Vaudois furent appelés runcaires, parce
qu'ils s'assemblaient dans les broussailles,
dans les lieux iricultes et écartés, nommés
dans les bas siècles runcaria. Du Cange, Bun-
cnrii. Voy. Vaudois.
RUSSIE (Eglise de). Jusqu'à nos jours
l'histoire dt- la conversion des Russes ou
Moscovites au christianisme était fort em-
brouillée et peu connue, il n' y a pas long-
temps que l'on est parvenu à en éclaircir les
principaux faits. On sait <à présent que le
christianisme n'a été porté dans ce vaste
empire que sur la fin du x" siècle, par le
moyen des guerres et des relations qu'il y
eut en ce lemps-Ià entre les rois ou giands-
ducs de Russie et les empereurs de Con-
slanlinople. ■ ■
■ Vers l'an 945, Ollia, Olga ou Elga, veuve
d'un de ces souverains, alla à Constantino-
pie, y fut instruite de la religion chrétienne,
y reçut le baptême et prit le nom d'Hélène,
De retour en Russie , elle fit des tentatives
pour y établir notre religion ; elle ne put
persuader son fils Suatoslas qui régnait pour
lors; ainsison zèle ne produisil pas de grands
effets. Mais Wolodimir ou Uladomir, fils et
sucfesseur de Sualoslas , s'étant rendu re-
doutable par ses conquêtes , les empereurs
grecs, Basile il et Constantin, son frère, lui
envoyèrent des ambassadeurs et recherchè-
rent sou alliance. Il y consentit, et il épousa
leur sœur Anne ; il se laissa instruire et re-
çut le baptême l'an 988. Une fille de cette
princesse, nommée Anne, comme sa mère,
fut mariée à Henri I", roi de France, et fonda
l'église de Saint-Vincent de .Senlis. Ceux qui
ont placé la conversion des Russes au ix*
siècle ont confondu le règne de Basile le Ma-
cédonien avec celui de Basile II.
Nicolas II, dit Chrysoberge, patriarche de
Constantinople, profita des circonstances .
il envoya en Russie des prêtres et un ar-
chevêque qui baptisa les douze fils de Wo-
lodimir, et on prétend que dans un seul jour
vingt mille Russes embrassèrent le christia-
nisme. Les successeurs de Chrysoberge con-
tinuèrent à cultiver celte mission ; consé-
quemmenl l'Eglise naissante de Russie se
trouva sous la juridiction de celle de Cons-
tanlinople. Alors les Crées étaient encore
unis de communion avec le siège de Rome ;
ainsi les Russes furent d'abord catholiques.
Ils ne cessèrent pas entièrement de l'être en
1053, lorsque le schisme des Grecs fut con-
sommé par le patriarche Michel Cérularius.
Il est prouvé que l'an H39, époque du con-
cile de Florence, il y avait encore en Rus-
sie autant de catholiques que de schismali-
ques, Acta Sanclor., t. XLI, 2* vol. de Sept.
Ce ne fut qu'au milieu du xv siècle qu'un
certain Pholius, archevêque de Kiow, éten-
dit le schisme dans toute la Russie. L'union
de l'Eglise russe à celle de Constantinople
a duré jusqu'en 1588.
4(23
nus
RUS
226
Aux mots Missions et Allemagne, nous
avons remaniué l'affectation avec laquelle
les protestants ont Jécrié en général tou-
tes les missions faites dans le Nord par
les Latins; ils ont ii>éna;;c un peu davan-
tage les missionnaires grecs, parce que
ceux-ci , en rendant chrétiens les peuples
de la Russie, les soumirent, non à la ju-
ridiction du pape, mais à celle du patriar-
che de Constantinople. Moslieim, Uisl. ec~
clés., IX' siècle , I" part., c. i, § 5 , prétend
néanmoins que l'on cmploja les piésents
et les promesses pour engager (es harbares
à embrasser llivangile. Conjecture témé-
raire , hasardée, sans preuve. Les Grecs
étaient-ils assez opulents pour gagner toute
une nation par un motif d'intérêt? D'ailleurs
l'histoire nous apprend (ju'avant la conver-
sion de Wolodiiiiir, il avait armé une flotte
formidable, et qu'il se proposait de faire
chez les Grecs une expédition semblable à
celle que les Normands faisaient chez nuu».
11 était naturel que Habile II cl <]onstanlin
cherchassent à conjurer cet orage par des
présents et par <les |)ronicsses ; qu'ils dési-
rassent de convenir au christianisme u»
conquérant redoutable. On a fait de même à
l'égard des Normands et avec le même suc-
cès ; il ne s'ensuit pas qu'on leur a planté
la foi par des présents et par des pro-
messes.
Mosheim ajoute que les missionnaires
grecs n'employèrent point, comme les émis-
saires du pape , la terreur des lois pénales
pour convertir les liarbares, luais unique-
ment la persuasion et la puissance victo-
lorieuse d'une vie exemplaire; qu'ils se pro-
posèrent uniquement le bonheur de ces peu-
ples, cl non la propagation de l'empire pa-
pal. Autre trait de partialité. Nous avons
fait voir ailleurs que les prétendues violences
employées par les missionnaires du pape
sont une calomnie ; qu'ils n'ont pas plus
travaillé pour le pape que les Grecs pour
le patriarche de Constantinople ; que la con-
duile des uns et des autres a été parfaitement
semblable. Suivant les préjugés de sa secte ,
il dit que la doctrine des tirées n'était poinl
conforme à celle de Jesus-Christ et des apô-
tres, qu'ils y mêlaient quantité de rites su-
perstitieux et d'inventions absurdes ,' que
leurs prosélytes conservèrent bi'aucou[) de
restes de leur ancienne idolâtrie ; qu'ils nu
firent d'abord qu'une profession apparente
de la vraie religion. Mais il excuse les mis-
sionnaires , parce que, pour attirer dans le
sein de l'Eglise des peuples encore barbares
et sauvages , on était obligé de se prêter à
leur iulirmilé et à leurs préjugés. Pourquoi
donc a-l-il censuré avec tant d'aigreur les
missionnaires latins qui ont agi de même
dans les mêmes circonstances et parle mê-
me molif? ("est ainsi que la passion et l'eu-
téleiuent de système se trahissent. Nous
Voudrions savoir si les missionnaires luthé-
riens qui se sont vantés d'avoir converti
des Indiens on ont fait dans un moment des
chrétiens parfaits. Des plaintes même de
Mosheim il s'ensuit que les Grecs n'ont pas
plus connu ni prêché le prétendu christia-
nisme pur des prolcstinls, que les Latins et
que les Russes, non plus que les autres bar-
bares convertis n'en ont jamais eu la moin-
dre idée.
En loSSou en 1589, Jérémie, patriarche
de (^.onstantinoplc, étant en Russie, assem-
bla les évêqiies do ce pays-là, et d'un consen-
Icmeut unanime l'évêi|ue de Moscou fut dé-
claré palriarche de toute la Russie Ce dé-
cret fut confirmé l'an 159;{ dans un concile
de Constantinople , auquel assistèrent les
patriarches d'Alexandrie , de Jérusalem et
d'Anlioche; ils fondèrent leur avis sur le
28° canon du concile de Chalcédoine. Sous
le règne du czar Alexis Michaëlowitz, pèro
de Pierre le Grand , un patriarche de Mus-
cou, nommé Nicon, déclara à celui de Cons-
tantinople qu'il ne reconnaissait plus sa ju-
ridiction. Il se rendit ainsi indépendant , il
augmenta le nombre des archevêques et des
évéques, et il s'altribua un pouvoir despo-
tique sur le clergé. Comme il voulut se mê-
ler aussi du gouvernement et troubler l'E-
tal, le czar fil assembler en lGt}7, à Moscou,
un concile nombreux composé des princi-
paux prélats de l'Eglise grecque et de celle
de Russie, dans lequel Nicon fut déposé. Ses
successeurs a> anl encoredonnéde l'ombrage
au czar, Pierre le Grand abolit entièrement
la dignité de patriarche, et se déclara seul
chef de l'Eglise russe. En 1720, il établit pour
la gouverner un conseil composé d'archevê-
ques et d'évêques et il'archimaiidriles ou ab-
bés de monastères , du()uei il se réserva la
présidence et le droit d'en nommer tous les
membres. Par un édit du 25 janvier 1721, il
ordonna que l'autorité d<! ce conseil fût re-
connue dans tous ses Etats ; il y fit dresser un
règlement (|ni fixe la croyance et la disci-
pline de l'Eglise russe , il le fit signer par
tous les membres du haut clergé, même
par tous les princes et les grands de l'empire :
il n'est poinl do monument plus authentique
pour s'informer de la religion des Russes,
Cette pièce, peu connue jusqu'ici, a été tra-
duite en latin sous le titre de Slatntum cano-
nicum seu ecclcsiasticum Pelri Mnyni, el pu-
blié par les soins du prince Potemkin à Pé-
tersbourg, de l'imprimerie de l'Académie des
Sciences, 1785, in-4' de l'57 pages.
Quant au dogme, l'on y fait profession de
regarder l'Ecriture sainte comme règle de
foi ; mais l'on ajoute que, pour en prendre
le vrai sens, il faut consulter les décisions
des saints conciles el les écrits des Pères de
l'Eglise, par conséquent la tradition. Tou-
chant les niislères de la sainte Trinité et
de l'Incarnation, l'on renvoie les théologiens
aux ouvrages de sainl Grégoire de Nazianze,
de saint Athanase, de sainl Basile, de sainl
Augustin , de saint Cyrille d'Alexandrie, et
à la lettre de sainl Léon à Flavien touchant
les deux natures en Jésus-Christ; il n'y est
point parlé de l'erreur des Grecs touchant
la procession du Saint-Esprit. Sur ce qui re-
garde le péché originel et la grâce, on s'en
tient à la doctrine de saint Augustin contre
les pélagiens. Il est parléd'une manière 1res-
227 RUS
orthodoxe de la confession auriculaire, de
la péujifuco et de l'absolulion , de l'eucha-
ristie, de la sjiutc messe, du viatique porté
aux lualades, de la bénédidion nuptiale , du
cuHc des saints, dC'* i;iiages, des reliques, de
la prière pour les morts. Il est recomuiandé
aux évoques de veillir à la pureté du culle,
d'eu bannir les fables el toute espèce de
suporsiilioii. Ce règlement reconnaît la hié-
rarchie composée des évoques, des prêtres
et (les diacres, il y ajoute les arcliimamiri-
tes el lis héfçuniLnes. H établit l'autorité
des cvéques, le pouvoir qu'ils ont d'excom-
munier et de réconcilier les [)éi heurs à l'E-
glise : il leur recoimuanJe nî-anmoins d'en
user avec beaucoup de précaution et de con-
sulter le synode ou conseil ecclésiastique
dans toutes les affaires niaJL'ures ou dou-
teuses. 11 statue des peines contre les héré-
tiques el les schismaliques. 11 fait mention
des miiines el des ri-ligieuses, d''S vœux de
la profession monastique, de la clôture, etc.
11 ordonne aux uns el aux autres d'exécu-
ter leur règle, de satisfaire aux jeûnes, à la
prière , à la comiiiunion ; il leur défend de
sortir de chez eux. Il y a des rèt;lemcnls
pailiculiers pour les confesseurs, pour hs
prédicateurs , pour les professeurs des col-
lèges ; il y ( n a pour les séminaires, pour
les cludianis, pour la distribution d^is au-
mônes, pour réprimer la meiiLiicilé ; l'abus
des chapelles domestiques chez les giands
y est expressément condanuié. A tous ces
statuts l'on reconnaît la sagacité , l'expé-
rience, la vigilance et l'aclivilé de Pierre le
Grand.
Le seul article dans lequel ce règlement
s'écarte de la foi catholique, est le refus de
reconnaître la juridiction du pape sur toute
l'Eglise; mais il ne reconnaît pas non plus
celle du |)atriarche de Constanlinople; il
blâme égalemenl l'une el l'autre. A la ré-
serve de cet article, la croyance el la disci-
pline des Russes n'ont aucune ressemblance
avec celle des protestants. Cependant ce
peuple, converti au christianisme depuis
huit cents an s, n'a jamais fait profession de re-
cevoir sa doctrine de l'Eglise romaine, mais
de l'Eglise grecque. P. us d'une fois les lu-
thériens ont cherché à introduire leurs er-
reurs ( hez les Russes ; ils ont toujours trouvé
une résistance invincible de la pari duclergé.
C( l exposé de la croyance de V Eyliae de Rus-
sie est confirmé par le calérhisme composé
en 10i2 par Moghilas, archevêque de Kio-
vie, pour prévciiir son troupeau contre les
erreurs des protestants, el qui fui aidé ^lans
ce travail par Porphyre , mélropolitain de
Nicée, et par Syrigus, docteur de l'Eglise de
Coustanliniple. Ce livre , imprimé d'abord
en langue esclavone , fut traduit en grec et
en latin, el approuvé solennellement par les
quatre patiiarciics grecs. Il fui nomoié d'a-
bord Confession orthodoxe des Russes, cl en-
suite par les Grecs, Confession orthodoxe de
l'Ltjlise orientale. Le P. Lebrun en a (tonné
une notice el des extraits , È'xplic. des céré-
mon. de la messe, l. IV, an. 5, p. 4:27. Il est
constant d'ailleurs que les Russes se servent
RUS
228
de la même liturgie que l'Egliso grecque de
Constanlinople, et qu'ils n'en ont jamais eu
d'autre. Us célèbrent la messe en lan<^ue
esclavone, quoique ce ne soit pas la langue
vulgaire de Russie.
Au vi° siècle il s'est détaché de celle Eglise
une f.ecte de mécré;inls qui se nomment ste-
rauersi, ou anciens fidèles, et qui donnent
aux autres Russes le nom de roscolchiki^
c'est-à-dire hérétiques. Ces sectaires, tous
très- ignorants , enseignent que c'est une
grande faute dédire trois fois Alléluia , qu'il
ne faut le dire que deux fois ; (ju'il faut of-
frir sept pains à la messe au lieu de cinq ;
que, pour faire lo signe de la croix, il faut
joindre le quatrième et le cinquième doigt au
pouce, en tenant le troisièaie el l'index éten-
dus; qu'il faut rejeter loas les livres impri-
més depuis le patriarche Nicon; que les prê-
tres russes qui boivent de l'eau-de-vie sont
incapables de baptiser , de confesser et de
communier; que l'Evangile réprouve l'auto-
rilé du g luvernemenl cl commande la fra-
ternité; qu'il est permis des'ôler la vie pour
l'amour de Jésus-Christ ; qne tous ceux; qui
ne pensent pas comme eux sont des hommes
impurs el des pa'iens avec lesquels il ne faut
avoir aucune communication. Lorsque l'on
a voulu les lontraindre à professer la reli-
gion russe, ils se sont assemblés par centai-
nes dans une maison ou dans une grange,
ils y ont mis le feu , el se sont brûles eux-
mêmes.
Pie. re le Grand élablit dans ses Etats la
tolérance de toutes les religions; ainsi on y
trouve non-seulement des chrétiens de tou-
tes les sectes , mais des juifs , des mahoraé-
lans, des pa'iens ou idolâtres. Ou a lenlé plus
d'une fois de réunir les Russes à l'Eglise ro-
maine; eux-môuK's ont donné des ouvertu-
res et fait des avances, mais sans succès. Ce
projet fui renouvelé en 1717, lorsque le czar
Pierre était en France ; il y eut à ce sujet des
mémoires dressés et des réponses , cela ne
produisit aucun effet ; le principal obstacle
fut sans doute la crainte qu'eut le czar de
perdre quelque degré de son autorité, de la-
quelle il était tiès-jaloux. Ce fui au retour
de son voyage en Ëiauce , en 1719, qu'il se
déclara chef souverain de VEglise de Russie.
L'année précédente 1718, parut à Moscou le
livre d'Etienne Javoshi , archevêque de Re—
zane et de Mijromie, intitulé Kumen ileri ,
le Uoclier de ta foi, co:n|)osé contre les héré-
tiques, el qui eut le ()lus grand succès en
Russie, mais qui déjlut beaucoup aux pro-
leslauls. Musheim prétend que l'auleur a
moins eu pour but do conGrmer les Russes
dans leur loi , que de favoriser l'Eglise ro-
maine. 11 s'est attaché à le réfuter , Syntag-
ma Dissert., etc., p.tl::!. Nous n'examinerons
point s'il y a réussi ou non ; mais >1 eu ré-
sulte du moins que i'. '-église de Russie, dont
la croyance fut toujours conl'oroie à celle
de l'Eglise grecque , regarde aussi bien que
nous les protestants comme des hérétiques;
que ces derniers en ont imposé grossière-
ment lorsqu'ils ont afliruié que les Grecs
pciisaicnl comme eux, que li;s preuves du
S29
RUS
RUT
250
contraire fournies par les catholiques étaient
fausses, que les confessions de foi des (îrecs
avaiciU été exloroiuûes par argent, clc. Le
statut ou rèf,'lein('iit de t'ierre le (irand est
couiie eux une preuve à laquelle ils ne
pourront jamais rien opposer de rai.<onna-
ble. 11 est élonitant que iMosheitu , qui en
avait connaissance, ait encore osé parler
comme il l'a fait de la croyance des Grecs et
de celle des Uiisscs. IliH. ecclés. , xvir siè-
cle, sect. 2, I" partie, chap. u, § 3 et 4. Voy.
Giiiics (1).
(I) L'E'n'Iise onllinliqtie de Russie vient d'être eon-
Sliluée SHV de nouvelles bases. On nous jiaura j!;y île
rapporter ici le riinciird.it passJ' , le ô a<ini 1S;7,
entre noire Saint-Père le pape Pic IX et l'empereur
Nicolas.
ARTICLLS COMVEMJS.
Les soussignés, plèiiipolenliaires du s«inl-siége et
de S. M. l'empereur de Uussi.', roi di; l'olonne, apiès
avoir l'cliangé Icins |ileiiis pouvoirs, «ni, en pi is.|eiiis
séances, examiné et pesé divers chefs de la négieia-
lion conliée à leurs .soins. El toniiiic, sur plusieurs
points, ils sont arrivés à une coneluoinn, tandis ijiiu
d'autres ileniemenl en suspens, sur lesrjuels les mê-
mes plénipolenliuires de S. M. l'empereur prunietlent
d'appeler toute l'aKenlion de leur gouveriiemenl, i Jut
en posant la condition expresse qu'on arrêtera plus
lard, en acte sépaié, les poinis qui doivent d"nner
nialièie à «le n<iuvclles conlërences à tenir dans cette
ville de lUirae, entre les minisires du sainl-sii'ge et
rand)assadeur de S. M. impériale, il a été convenu,
des deux cotés, qu'on (ixera dans le piê.-enl protocole
les points sur les<pieis on est arrivé à un résidlat ,
réservant ceux qui, api es d'ultérieures conlérences,
doivent terminer la néiiociation. Ce.-<1 p<iurquoi, dans
les séances des 19, H et ii5 juin et i" juiilei , les
articles suivants oui élo arrêtés :
I. S'-pt diocèses eailioliques romains sont établis
dans l'enipiie des Knssies : un arelievéclié et six
évèciiés, savoir : t. L'areliidioecse de Moliilew, eni-
lir.assant tontes tes parties ilc l'c-nipire qii ne smit
poiul conteiuies dans les diocèse^ ei-di'ssous nonunés.
Le gr»nd-diiclié de Fiidande est également compris
dans CCI arcliidioeè-e. 2. Le diofè-<e «le Wiliia, ein-
llra.^sanl les gouvernenieuts de Wilna et de Orodiio
dans leurs limites actuelles. 5. Le diocèse de Teisca
ou de Samogilie, einhrassaut les gouvernenieuts de
Conrlandc et d<' Kowiiu dan- les limites ipii leur sont
ai luellemenl assign 'es. 4. Le «liocése de Minsk, eni-
hra-sant le goiivcnicmeiu «le Minsk dans ses liiniies
d'»nj«)urd'hui. 5. Le diocèse «Je Liiceorin et Zyio-
niérie, comiiosé des gonverneiueiits de Kinvie el de
VoUivnie dans leurs limites actuelles. G. Lu dioix'se
de haminieli, embrassant le gonvcriietiienl de Po-
dolie dans ses liantes actuelles. 7. Le nniiveau
di<H.èse de Cliersouèse, qui :>e compo-ede la province
de lies-»raliie, d'.:s gonverueiuents de Ciiersunése,
d'Uiailii'nn'isJaw, de Tanride, «le Saraluvr et d'As-
tracan, et des légitms placées d;i us le gouvernement
gênerai du Cauease.
II. Des lettres apostoliques, sous le see.iu de Plomb,
établiront l'cleiidue el les limites des «Jincèsiss comme
il est lud que dans l'article prèojdent. — Les décrets
d'exèeiitioii coiupreudront le nombre, le «uim «les
paroisses de chaque diocèse , el seioiil souiuis à la
sanction du saiiit-siêge.
JM. Le niMibre des suCTragances qui ont été éia.
blies pal* Lettres aposloliqnes de Pie VI, en l/SU,
revêtues du sceau «le Plomb, est conservé dans lus
six diocèses ain ie.is.
IV. La sulfragance du diocèse nouveau de Clierso-
nèse sera dans la viile «le baïaiow.
V. L'évéque de t:iieisojicee aura u» iraiienient
RUTH (livre de), l'un des livres de l'Ancien
Tcslamctit , qui contient l'hisloire d'uno
femme luoabile , recommandablc pur son
annuel de quatre mille qiiaire cent quatre-vingts
roubles d'argent. Sun snlTraganl jouira du niènie
trailemenl que les autres évèqnes siillraganls de l'em-
pire, c'e.-l-à-dire «le iHmix mille roubles d'argent.
Vl. Le chapitre de l'église calliédiale de Cln-rso-
nèse se «omposera de neuf membres, savoir : deux
préiats ou dignilé.s, le président el rarcliidiafre ,
qiiaire clianoines, doiil Irois rempliront les lonclions
de Uiéoloyal, de péniieiicier et de curé, et irois
niansioiinaircs ou bénéfleiers.
Yll. Dans li; nouvel cvéclié de Cliersonèse il y aur.t
un séminaire diocésain ; des élèves, au nmnbre «le
quinze à vingt-cin(|, y seront enlreleniis anx frais du
gouvenieinenl, comme ceux qui jouissent de la pen-
siuii dans les auires séminaires.
Mil. Jusiiu'à ce qu'un évèque catholique «lu rile
arménien soit noniiiiè , il sera pourvu aux besoins
spirituels des Arméniens callinliipies vivant dans
les diocèses d' Cliersonèse el Kaniinieli, en leur ap-
pliquant les règles du iliap. ix Ju concile de Latrati,
en i2l.ï.
IX. Les évê |ues de Kaminieli et de {^hersonèse
fixeront le nombre îles clercs arméniens cailioliques
«lui devront «ilre élevés dans leurs séminaires aux
finis du giiuvernenieni. Dans chacun desdils sémi-
naires il y aura iiti iirêlre arménien catliiilii|ue pour
insiruiie les.élèves arméniens des céréiuoiiies de leur
propre rit.
\. Tontes les fois que les besoins spiriiuels des
c3llioliqiie.s roiiiains el armiiniens du nouvel évcclié
de t^lieisonèse le demanderont , l'évôipie pourra ,
oiiire les moyens employés jusqu'ici pour subvenir
à de tels besoins, envoyer des prêtres conune mis-
sionnaires, et le goiivenieiuenl fournira les fonds
qui seront nécessaires à leur voyage el à leur iiour-
rilure.
XI. Le nombre des diocèses dans le royaume de
Pologne reste tel qu'il a éié fixé dans les Leitics
apijÀioli cjues de Pie Vil, en date du 30 juin 1818.
Rien n'esl changé ipiant au nombre et à la dénouii-
nali'in des snlTragances de ces diocèses.
XII. La désis'iaiion des évêjues pour les diocèses
et pour les sulifragaiits de l'cmpiie de Russie cl du
r'iyaunie de Pologne n'aura lieu qu'à la suite d'un
concert préalable entre l'einjiereur el le saint-siége
pour chaque nominaliou. L'insiiliilion canonique
leur sera donnée par le Pontife romain selon la forme
accoiiinniée.
XIH. L'évéque est seul juge et a«iniiiiistraieur des
aR'aires eccl. sia»liques di: son diocèse, sauf la sou-
mission canonique due au saint-iéi^^; ai>osloliipie.
XIV. Les a/Tiires <|ui doivent être sonuiiscs préi-
bblenienl aux délibéraiioiis du consistoire diuixisaiii,
S04I1 : — I. Quant auK peisounes ecclésiastiques du
diocèse : 1" Les affaires qui regardwit la discipline
Ci) général, .{Celles toutefois d'iinporianc^ moindre,
qui u'enlraiuenil que des peines l^iférieures à la des-
titution, à la délenliou p!us aiu uioiiis lun;,'ue, sont
jugées par l'cvèquc, sans qu'il ait besoin de consul-
ter le consistoire , mais avec pleine liberté de le
Consu!lx;r, s'il le juge à propos, sur les affaires de
celle nature comme sur les autres.) â" Les atfaires
cunienlieuses eijlre ecclésiastiques , qui regaruenl
li-s propriétés mobilières ou immobilières des églises,
â" Les plantes, les rcclainalions conire ecclésiasl.i-
ques p<;rlées ou par des ecclésiastiques ou par des
laïques, pour injures, dommages ou pour obligations
non tenues el non douteuses, en «Iroit coinine en lail,
pourvu touiefois que le domandeur prélère celle voie
pour déléiidre ses droits, i" Les causes de nulliié
iks vœux iminastiques : ces causes seroui exaiiiinées
et jugées selon les règles éialdics dans les Lettres
apostoliques de liuiioil XtV Si <iaiam.— l\. Quant
251
RUT
RUT
232
altacbement à sa lielle-mère et an culte du
vrai Dieu. En récompense de sa' vertu, elle
devint l'épouse d'un riche Israélite de Beth-
aux laïques : Les causes des mariages, les preuves de.
la lé.ïilimité des mariages, les actes de naissance,
les acies de baptême et de décès, l'tc. — lli. Mixtes :
Les cas (n'i d est nécessaire d'indiger une pénitence
canonique pour crime , contravention ou délit qiiel-
coniiue jugés par les tribunaux laïi|ues. — IV. Eco-
nomiques : Le builget ou la note préalable des sommes
qui sont destinées à l'eniretien du clergé, l'examen
des dépenses, le comple rendu de ces sommes, les
affaires qui regardent la réparation ou la construction
d'églises ou de cbapelles. Il appartiendra en outre au
consistoire de Cornier les lisies des ecclésiastiques et
des paroissiens du diocèse, d'envoyer les encycliques
et les auins écrits qui ne regardent pas les affaires
d'administration du diocèse.
■ XV. Les affaires sus-indiquées sont décidées par
l'évêque , après qu'elles ont été examinées par le
consistoire, qui n'a cependant (|ue voix consultative.
L'évêque n'est nullement lenu d'apporter les raisons
de sa décision , môme dans les cas où son opinion
différerait de celle du consistoire.
XVI. Les autres affaires du diocèse, qualifiées
d'administratives, et parmi lesquelles sont compris
les cas de conscience, de for inlérieur el, comme il
a été dit plus haut, les cas de discipline soumis à des
peines légères et à des avertissements pastoraux ,
dépendent uniquement de l'autorité et de la décision
spontanée de révê(iue.
XVII. Toutes les personnes du consistoire sont
ectiésiasiiques; leur nominaiion et leur révocation
appartiennent à l'évêque; les nominalions sont faites
de manière à ne pas déplaire au gouvernement. Si
l'évêque, averti par sa conscience, juge opportun de
révoquer un membre du consistoire, il le remplacera
immédiatement par un autre, qui pareillement ne soit
piint désagréable au gouvernement.
■ XVIIl. Le personnel de la chancellerie du consis-
toire sera confirmé par l'évêiiue, sur la présentation
du secrétaire dii consisioire.
XIX. Le secrétaire de l'évêque, chargé de la cor-
respondance officielle et de la correspondance privée,
est nommé directement el immédiatement par l'évê-
que ; il peut être pris , selon le plaisir du même
évêque, parmi les ecclésiastiques.
XX. Les fonctions des membres du consistoire
cessent dès que l'évêque meurt ou se démet de l'é-
piscopat , et aussi tiès que l'administration du siège
vacant (inil. ï^i l'évêque meurt ou se démet de l'épis-
copat, son successeur ou celui qui, temporaiieineiit,
tient sa place (soit ([u'il ait un coadjuteur avec future
succession, soit que le chapitre élise un vicaire capi-
lulaire suivant la règle des sacrés canons), rec(ursti-
tuera aussitôt un consistoire qui, comme il a déjà été
dit, soit agréé du gouvernement.
XXI. L'évêque a la direction suprême de l'ensei-
gnemeril, de la docirirre elde la disciplirre de tous les
séminaires de son diocèse, suivant les prescriptions
du concile de Treirte, chap. xvin, sess. xxirr.
XXII. Le choix des recteurs, inspecteurs, profes-
seurs pour les séminaires diocésains, est réservé à
l'évêque. Avarrt de les nommer, il doit s'assirrer que,
soirs le rapport de la conduite civile , ses élus ne
donneront lieu à aircurre objection de la part du
gouvernerrrerrl. Lorsrpre l'évèipie jugera nécessaire
de renvoyer uir recteur, urr inspecteur ou quelqu'un
des professeurs ou des maîtres , il leur donrrera
aussiiôl un successeur de la même manière qui vient
d'être indiquée. 11 a pleine liberté d'irrterroiirpre,
pour un temps, irn ou plusieurs cours d'élirdes dans
son séminaire. Lors(|u'il jugera nécessaire d'inter-
rompre tous les cours d'cludes en même temps et
de renvoyer les élèves à leurs parents, il en avertira
aussi(«^l ie ijouvernerrrcnt.
léem , nommé Booz, qui fut le bisa'ieul du
roi David. Ce livre est placé entre le livre
des Juges, dont il est une suite, et le premier
livre des Rois, auquel il sert d'inlrotïuclion,
et l'on présume qu'il a élé écrit par le même
auteur. Autrefois les Juifs le joignaient au
livre des Juges comme un seul et même
ouvrage, el plusieurs anciens Pères ont fail
de même; aujourd'hui les Juifs modernes,
dans leurs bibles, placent immédiatement
après le Pentateirque les cinq livres qu'ils
appellent Megillolh, savoir le Cantique des
XXIll. L'archevêque métropolitain de Mohiiew
exercera dans l'Académie ecclésiastique de Sairrt-
Pétersbourg la même autoriié que chaque évêque
dans son séminaire diocésain. Il est l'urriqire chef de
celte Académie ; il en est le suprême directeur. Le
corrseil ou la direction de celte Académie n'a que voix
coirsultative.
XSIV. Le choix du recteur, de l'inspecteur et
des professeurs de l'Académie sera fait par l'ar-
chevêque, sur le rapport du conseil acailémique. Ce
qui a élé dit dans l'article xxii est applicable à ces
élections.
XXV. Les professeurs et proCesseiirs-adjoirils des
sciences théoiogiques sont toujours choisis parnri
les ecclésiastiques. Les autres irraitres pourront être
choisis parmi les laïques professant la religion ca-
tholique romaine , el ceux-là devront être préférés
qui auront achevé le cours de leurs éludes dans un
athénée supérieur de l'empire el qui auront conquis
les grades académiques.
XXVI. Les confesseurs des élèves de chaque sé-
minaire et de l'Acadérrjie ne prerrdront aucune part
darrs la direction disciplinaire de l'établissement.
Ils seront choisis et nommés par l'évêque ou arche-
vêque.
XXVII. Après la nouvelle circonscription des
diocèses, l'ari hevêque, assisté du conseil des Ordi-
naires , arrêtera, une fois pour toutes, le nombre
U'éléves que clijque diocèse pourra envoyer à l'Aca-
dérrrie.
XXVIII. Le programme des études pour les sémi-
niaires sera rédigé par les évêques. L'archevèqire
rédigera celui de l'Académie, après en avoir conféré
avec sim conseil académique.
XXIX. Lorsque le règlement de l'Académie ecclé-
siastique de Saint-Pétersbourg aura subi les modifl-
caiions conformes aux principes doirt il a élé convenu
dans les précédents articles, l'archevêque de Mohilev»
enverra au saini-siége un rapport sur l'Académie
comme celui qu'a lait l'archevêque de Varsovie Ko-
romansky, lorsque l'Académie ecclésiastique de cette
ville fut rétablie.
XXX. Partout oi'i le droit de patronat n'existe pas,
ou a été interrompu pendant un certain tenrps, les
curés de paroisse sont nommés par l'évêque; ils ne
doivent poitrt déplaire au gouvernement, et doivent
avoir subi un examen et urr concours selon les règles
prescrites par le concile de Trerrte.
XXXI. Les églises catholiques romaines sont li-
bremeirl réparées aux frais des communautés ou des
particuliers qui veulent bien se charger de ce soin.
Toutes les fois que leurs propres ressources ne suf-
firont pas, ils pourront s'adresser au gouvernernerrt
impérial pour en obtenir des secours. Il sera procédé
à la corrstruction de nouvelles églises, à rauj,men-
talion du nombre de paroisses , lorsque l'Aigeront
l'accroissement de la population , l'éteirdue trop
vaste des paroisses existantes ou la dilficulié des
connnunications.
A Rome, le 3 août 1847.
A. card. Lamhruschini. L. comte de BLOtiucfr.
A. bourEnrEiT,
235
SAB
SAB
234
cantiques , Rttth , les Lamentations de
Jérémie , l'Ecclésiaste , Eslher. C'est un
arrangement de pur caprice , et qui est
contraire à l'ordre chronolojçique. La cano-
nicité de ce livre n'a jamais éié contestL'C ni
par les Juifs ni pir les Pères de rK;i;lise. Le
but de l'auteur a été non-seulement île nous
faire connailre la sénéalosie de David , par
conséquent celle du Messie qui devait des-
cendre de co roi', l'accomplissement de la
prophétie de Jacob qui avait promis la
royauté à la tribu de Juda , mais encore de
nous faire admirer les soins paternels de la
Providence envers les gens de bien. On y
voit les suites heureuses d'un attachement
inviolable à la vraie leligiou, les ressources
de la piété dans le malheur, les avani.iges
de la modestie et dune bonne réputation.
La prudence et la sagesse de Noémi , l'atlcc-
tion , la docilité, la douceur de Ritlli , sa
belle-fillo , la probité et la générosité de
Booz, plaisent, touchent et instruisent.
Cette histoire a donné lieu à quelques
difficultés de chronologie. L;i plus forte n'est
fondée que sur une supposition très-dou-
teuse, savoir que Uahab , qui fut mère de
Booz, suivant sn/nÉ Matthieu, c. i, v. 5, est
la même personne que Uahab de Jéricho ,
qui reçut chez elle les espions des Israélites.
Josiie, c. Il, y. 1. 11 n'y a aucune apparence,
et rien n'oblige d'admettre cette supposition
Les objections que quelques incrédules ont
voulu faire contre celte même histoire , ne
portent que sur la différence infinie qu'il y
a entre nos mœurs, nos lois, nos usages et
ceux des anciens peuples orientaux; ce sont
des traits d'ignorance plutôt que de sa-
gacité.
SABAISME , culte des astres : c'est la
première idolâtrie qui a régné dans le monde,
voy. Astres, mais ce n'est point la première
religion comme l'ont prétendu plusieurs
écrivains mal instruits: [)ieu avait enseigné
une religion plus pure à Adam, à ses enfants
et aux anciens patriarches. Voy. Religion
NATURELLE.
Le .S'(i(*(/ïsmf, aussi appc\ésabéisme,sabisme
c\. zubisnie , e-t encore la religion d'un des
peuplesorienlaux que l'on a nommés saOiens,
Zfibiens, mamlmtes, dire' tiens de saint Jean,
dont on prétend qu'il y a des restes d.ins la
Perse, à Bassora et ailleurs. Il ne faut pas
les confondre avec les Sabéens, ou les bahi-
taiits du royaume de Saba en Arabie. Nous
m avons déjà parlé au mol Mandaïtes ;
mais il est à propos de voir plus en détail
l'incertitude de ce qu'en ont dii les savants
modernes, et de répondre à quelques objec-
tions que les protestants ont faites contre le
culte des catholiques, en le comparant à
celui des sabiens.
Maimonidcs , qui a souvent parlé du
êabisme dans son More Nevocliim , en fait
remonter l'oriuine jusqu'à Seth, fils d'Adam;
il dit que cette idolâtrie était généralement
répandue du temps do .Moïse, que Abraham
même l'avait professée avant de sortir de la
Chaldée. Il dit que les »abiens croyaient que
Dieu est l'âme du monde, qu'ils regardaient
les astres comme des dieux inférieurs ou
médiateurs, qu'ils avaient du respect pour
les bétes à cornes, qu'ils adoraient le démon
sous la figure d'uu bouc, qu ils mangeaient le
sang desanimaux, parce qu'ils pensaient que
les démons eux-mêmes s'en nourrissaient.
Conséquemmeut il prétend que la plupart
des lois cérémonielles de Moïse étaient rela-
tives aux usages de ces idolâtres, et avaient
pour but d'en préserver les Juifs. Spencer a
suivi cette idée et s'est attache à la prouver
dans un grand détail; De Legib. Hcbrœor.
rilual., 1. II. Mais d'aulrcs oui observé que
les faits supposés par Maimonides ne sont
DiCT. DE TuÉOL. DOGMATIQUE. IV.
rien moins que prouvés; il n'a consulté que
des livres arabes qui sont très-récents, et
dont l'autorité est fort suspecte, et plusieurs
de ces faits paraissent contraires à l'Ecriture
sainte. Le culte des astres est sans doute une
des premières espèces de polythéisme et
d'idolâtrie; mais nous voyons {S(ip. xin , v.
2), que le culte des éléments et des autres
parties de la nature n'est pas moins ancien.
D'ailleurs la première idolâtrie de laquelle
l'Ecriture sainte fait mention est celle de
Laban {Gen. xxxi, 19). A la vérilé, Josué ,
c. XXIV, v. 2, dit aux Israélites : « Vos Pères
ont habité autrefois au delà du Meuve, Tliaré,
Père d'Abraham, et Niichor, et ils ont servi
des dieux étrangers. » Mais ce reproche ne
paraît pas tomber sur Abraham lui-même.
Envisager Dieu comme l'âme du monde est
une erreur trop philosophique pour qu'elle
ait pu être populaire du temps de Moïse.
Nous sommes persuadés , comme Spencer,
que la plupart des lois cérémonielles des
Hébreux avaient pour but de les détourner
des superstitions pratiquées par les idolâtres;
mais il ne faut pas pousser trop loin ce
principe, ni supposer que chacune de ces
lois en parliculier est opposée à tel ou tel
usage des sabiens , puisque nous retrouvons
un grand nombre de ces usages supersti-
tieux chez les Grecs, chez les Humains, et
même chez les idolâtres modernes. Moïse
connaissait les différentes superslilions des
ligypliens, des Iduméens , des .Madianites,
des Chaiianéens; il a voulu les bannir toutes
sans exception, et nous ne savons pas si telle
pratique absurde appartenait à lun de tes
peuples plutôt qu'à l'autre.
Hyde, dans son Hiituire de la Religion des
ancieDS Perses , a tâché de prouver que le
sabisme était fort différent du polythéisme et
de l'idolâtrie; il prétend que Sem et Elam ont
été les propagateurs de cetie religion ; que
si dans la suite elle déiliul de sa pureté
primitive, Abraham la réforma et la soutint
contre Nemrod qui l'attaquait; que Zoroasirc
8
833 SAB
vinl ensuite et rétablit le culte du vrai Dieu
que Abraham avait enseigné ; que le l'eu des
anciens Persans était le même et destiné au
même i!sag<' que celui qui était conservé
dans le lemple de Jérusalem, el qu'enfin ces
peuples ne rendaient au soleil qu'un culte
suballerne et subordonné au culte du vrai
Dieu . Rdig. vet, Pers. Hitloria, c. i. Mal-
heureusement tous ces faits sont des visions
desquelles iljde n'a pu avoir aucun garant.
L'on est à présent convaincu, par les livres
même de Zoroastre, que loin d'élre le res-
taurateur de la vraie religion, il en a été le
corrupteur, qu'il n'est point question chez
lui d'un culte subalterne ni subordonné au
culte du vrai Dieu ; nous avons fait voir
ailleurs les défauts de sa doctrine. Voy. Par-
sis. On ne peut pas savoir précisément en
quel temps le sabisme a commencé.
Prideaux a entrepris de nous en donner
une idée encore plus avantageuse que Hjde.
Il soutient que l'unité de Dieu et la nécessité
d'un médiateur ont été dans l'origine une
croyance générale et répandue chez tous les
hommes [voy. Réparateur) ; que l'unilé de
Dieu se découvre par la lumière naturelle,
et que le besoin d'un médiateur en est une
suite. Maïs les hommes, dit-il , n'ayant pas
eu la connaissance, ou ayant oublie ce que
la révélation avait appris à Adam des qua-
lités du médiateur, ils en choisirent eux-
mêmes , ils supposèrent des intelligences
résidantes dans les corps céli sies , et les
prirent pour médiatrices entre Dieu et eux;
conséquemment ils leur rendirent un culte.
Hist. des Juifs, 1" part., 1. m, pag. 110.
Aucune de ces conjectures ne nous paraît
juste. Nous convenons que le dogme de
l'unité de Dieu, et celui de la nécessité d'un
médiateur, ou plutôt d'un rédempteur, ont
clé dans l'origine du monde la croyance gé-
nérale; mais elle venait de la révélation
primitive, et non de la lumière naturelle ou
de la philosophie. Dès qu'une fois le souve-
nir de celle révélation a été effacé (Voy.
Médiateor et Réparatedr) chez un peuple
quelconque , il ne s'est plus trouvé aucun
homme à qui l'ancienne croyance soit reve-
nue à l'esprit, le polylh, isme a pris sa place.
Cette erreur n'est point venue de ce que
les hommes ont senti le bes .in d'un média-
teur, mais de ce qu'ils ont supposé des es-
prits ou des intelligences partout où ils ont
vu du mouvement, et qu'ils leur ont attribué
la distribution des biens et dt-s maux de ce
monde. Aucune nation polythéiste n'a en-
visagé ces êtres imaginaires comme des mé-
diateurs entre nu Dieu suprême et les liom-
mes , mais comme des dieux , conmie des
êtres indépeadauts et m.iîires absolus de
certaines parties de la nature. Le culte qu'on
leur a rendu n'a donc pu avoir aucun rap-
port au Dieu suprême : ou celui-ci a été un
Dieu inconnu, ou l'on a supposé qu'il ne se
riiêlait en aucune manière des affaires de ce
monde Voy. Paganisme, § 1, 2, '^, 5, etc.
£ii(iu , quand toutes les suppositions de
Prideaux seraient plus proi)ai)ies, il faudrait
encore prouverque quelques<uns des peuples
SAB
256
qui ont été appelés sabiens , ont eu dans
l'esprit les idées el la croyance que ce cri-
tique leur prête, et il est impossible d'en
donner aucune preuve positive. Les auteurs
que l'on cile en témoignage sont trop mo-
dernes pour que l'on puisse s'en rapporter
à eux.
Assémani, dans sa Bibliot. orient., t. IV,
c. 10, § 5, dit qu'il y a encore des sabi'ens ou
chrétiens de saint Jean dans la Perse ctdaris
l'Arabie, mais que ces prétendus chreliens
sont plutôt des païens : ainsi en juge Ma-
racci , qui les appelle sabmtes. Ils ont pris
quelques opiuions des manichéens, et ils
ont emprunté des chrétiens le culte de la
croix.
Beausobre, Hist. du Manick., t. II, 1. ix,
c. I, § 14, a mieux aimé s'en rapporter à
Abulpharage, auteur syrien du xnr siècle ,
qui avait lu l'ouvrage d'un auteur sabéen du
ix° el du X', en laveur de celte religion.
Voici ce qu'il en rapporte : La religion des
sitbéens, dit-il, est la même que celle des
Chaldéens. Ils prient trois fois le jour, eu
se tournant toujours du côté du pôle arcti-
que. Ils ont aussi trois jeûnes solennels : le
premier commeuce au mois de mars el dure
trente jours, le second en décembre et dure
neuf jours, le troisième en février n'en dure
que sept. Ils invoquent les étoiles, ou plutôt
les iuieiiigences qui les animent, et ils leur
oiïrent des sacrifices ; mais ils ne mangent
point des victimes, tout est consumé par le
ieu ; ils s'abstiennent de lait et de plusieurs
légumes. Leurs maximes approchent fort de
celles des philosophes. Ils croient que les
âmes des méchants seront tourmentées pen-
dant neuf mille ans , après quoi Dieu leur
fera grâce. Ils ne reconnaissent qu'un seul
Dieu , et ils en di.montrent l'unité par des
arguments très-forts ; mais ils ne fonl aucune
dilficulté de donner le titre de dieux aux
intelligences des étoiles et des planètes, parce
que ce nom n'exprime point l'i ssence divine.
A i'egard du vrai Dieu, ils le distinguent par
le glorieux titre de Seigneur des seigneurs.
Par conséquent Maimouides leur a fait tort,
quand il leur a reproché de n'avoir point
d'autre Dieu que les étoiles, el de lenir le
soleil pour le plus grand des dieux. Ils n'ho-
norent les intclii^ences célestes que comme
des dieux dépendants el subalternes, comme
des médiateurs sans lesquels on ne peut
poiiil avoir d'accès à l'Etre suprême. Ils sont
les ministres par lesquels Dieu distribue ses
bienfaits aux hommes et leur déclare ses
volontés. Leur principe est qu'il y a une si
grande di-lance entre le Dieu suprême el des
hommes mortels , qu'ils nepeuteiil appro-
ciier de lui que par la médiation des sub-
stances spirituelles et invisibles. Consé-
quemment les uns consacrent à celles-ci des
chapelles, les autres des simulacres, dans
lesquels ils supposent que rét^ide la verlu do
ces intelligences, attirée prir la consécration
que l'on en a f.iite. De là Beausobre conclut,
à son ordinaire, (jue si le culte des sabéens
ou sabient, eu une véritable idolâtrie , on ne
peut pas en disculper certaines comuiuuions
257
s\n
SAB
«38
rlirètifinncs, c'est-à-dire les catlioliques.
Déj.i uous avons pleinement réfuté celte
absurde consénuence au inolPAu,\MSME. § -2;
mais il fanl encore démontrer la fausseté des
faits sur lescjucls on veut l'étayer. Ilien de
plus suspect que les tf-moins que l'on nous
ailèjîue. Assi-mani, Bibl. orient., lom. II, c.
&2, nou-f apprend qu'Abulphara^o, quoique
patriarche des jacnbiles, était tolérant, trés-
porté [lar conséquent à excuser toutes les
relijçions; il peut Irés-bien avoir iiiterprélé
dans le sens le plus favorable l'auteur sabéen
ou Sid:ien, duquel il prétend avoir lu l'ou-
vrage ; il n'en rapporte pas les propres
terme;. Kn sec 'Uil lieu, cet auteur qui n'a
vécu qu'au ix' ou au x' siècle, m? peut pas
nous répondre de ce que pensait le commun
des sabiens cinq ou six cents ans auparavant.
Cet écrivain , qui vivait au milieu du cliri-
stianisme, et qui voulait l'aire l'apologie de
sa religion , a pu avoir l'idée d'un Dieu su-
prême et de dieux secondaires ou média-
teurs , d'un culte absolu et souverain, et
d'un culte relatif et subor^lonné; il a cherché
i\ se rapprocher des notions el de la croyance
de^s chrétiens par un système philosophiciue.
Mais si l'on veut persuader que le commun
des sabiens, secte obscure et irés-ignorante,
vivant la plupart parmi les pa'iens datis le
fond de l'Arabie, ont pensé comme un phi-
losophe syrien , on nous suppose aussi siu-
pides qu'<'ux. Pendant que les philosophes
grecs, rom;iins, indiens, chinois, les plus
habiles, n'ont point eu cette idée d'un Dieu
suprême el de dieux médiateurs , de culte
absolu cl de culte relatif, nous fera-t-on
croire que des ignorants perses ou arabes ont
eu cette idée claire el distincto, et qu'ils
l'ont fidèlement suivie dans la pratique? Nous
soutenons qu'elle ne s'est jamais trouvée
ailleurs que dans le christianisme, el nous
l'avons prouvé au mot Paganisme, § 4 el 5.
IJeausobre lui-mêma ose prétendre que ,
parmi les chrétiens, le peuple n'csl pas ca-
pable de celte précision, que ce sont là des
iilées n)élaphysiques et trop abstraites pour
lui ; et il veut que les sabiens les plus gros-
siers en aient été capables.
L'essentiel était de prouver que, suivant la
croyance des sabiens, les esprits médiateurs
qui résident dans les astres sont descréulures
du Dieu souverain , et sont absolument dé-
pendants de lui, qu'ils n'ont d'autre pou-
voir que celui d'intercession auprès de lui ,
qu'il ne leur a point abandonné le gouvt-r-
nemenl de ce monde, mais qu'il dispose de
tous les événements |iar sa providence. Voilà
les dogoies caractérisliqui's qui distinguent
la vraie religion d avec le polythéisme; Beau-
sobrp n'en a pas di! un seul mol. Il pousse
l'entéietiient jusqu'à dire que, s'il faut choi-
sir entre le culte religieux rendu aux saints,
à leurs imag's, à leurs reliques, à celui <|ue
les sabiens cl les manichéens ont rendu au
soleil et à ia !:jne , ce dernier mérite à tous
égards la pré!é. ence; Ibid., I. ix, cap. i, § 15.
Au mol iDOiACRiE, uous avons rél'uié ce pa-
rallèle injurieux ; nous avons lail voir que
Bcausobre ne l'a soutenu qu'eu donnant un
sens faux à tous les termes , et se contredi-
sant lui-même. Par sa méthode, il justifie
tous ies idolâtres de l'univers. Il commence
par faire dire à Abulpharage que la religion
des snbéens eil la mémo que celle des Chal-
déeus : or, les Chaldéens étaient certaine-
ment polylhéisl'S el idolâtres; nous ne con-
naissons aucun auteur qui ait cherché à les
décharger de ce crime : comment donc les
sabéens ou sabiens ne l'étaient-ils pas? Mai»
Beausobre avait entrepris de juslilier loules
les fausses religions aux dépens de la vraie,
et tous les hérétiques au détriment des ca-
tholiques.
. Bruker, plus raisonnable, a pensé tout
différemment au sujet des sabiens oa zabiens,
Ili^t. crit. Philos., t. I, 1. ii, c. 5, § 5. Il ne
voit dans leur religion qu'une idolâtrie et
une superstition grossière, el dans leur his-
toire qu'incertitude et ténèbres. Ou ignore
d'abord si leur nom est venu de l'hébreu
Tseba, qui signiCe l'armée des cieux ou les
astres, dont les sabiens étaient adorateurs ;
ou de l'arabe Tsabin, l'Orient; chacune de
ces étymologies a des partisans et des diffi-
cultés. D'un côté, les sabiens n'étaient pas
plus orientaux que les mages de la Perse ;
d'autre part, le Vnce d'adorateurs îles astres est
applicable à tous les anciens idolâtres. Cou-
séquemmenl Brucker, après avoir consulté
tons ceux qui ont parlé de celte secte, juge
qu'elle se forma quelque temps avant la nais-
sance du mahométisme, par un mélange infor-
mede christianisme, dejudaïsme et demagis-
me; que tout ce que ces sectaires et d'au'res
ont dit de leur origine et de leur antiquilô
est absolument fabuleux; que la prétendue
relation que l'on a cru voir entre leurs rites
et les lois de Moïse est imaginaire. Il ajoute
que les divers articles de leur doctrine n'ont
eoserablc ni liaison ni apparence de raison-
nement; et que les livres sur lesquels ils
préiendaieut les fonder sont absolument faux
et supposés. 11 rapporte leurs dogmes d'a-
près Shareslani, auteur arabe, qui s'accorde
en plusieurs choses avec Maimonides. Il dit
qu'il y a deux sectes de z'ibiens, dont les
uns honorent les temples ou chapelles, les
autres les simulacres, que leur croyance
commune est que les hommes oui besoin
d'intelligences qui servent de médiatrices
entre eux el Dieu, et que ces iuleiligences
résident dans tes astres, comme l'âme dans
Ici corps, qu'ainsi ces médiateurs peuvent
être appelés liieux et seigneur^, mais que le
Dieu suprême est le Seigneur des seigneurs.
Conséquemmeut les zabiens observent avec
grand soin le cours des astres; ils supposent
que ces corps célestes présid-nl à tous les
pliénoraèues de la nature et à tous les évé-
nements de la vie, ils oal grande confiance
auv enchantements , aux caractères magi-
ques, aux talismans. Cenx qui honorent les
idoles ou simulacres des esprits médiateurs,
supposent que ceux-ci viennent y résider,
el que c'est là que l'on peut s'approcher
d'eux. Brueker y ajoute ce que nous avons
rapporté d'après Abulpharage, copié par
Beausobre.
è39
SAB
SAB
240
Encore une fois, pour savoir si les sabiens
et les autres sectaires qui honoraient les as-
tres étaient ou n'étaient pas polythéistes et
idolâtres , le point décisif est de savoir s'ils
reg;ard;iient les esprits qu'ils supposaient
logés dans les corps célestes comme des
êtres créés, absolument dépendants d'un
seul Dieu, qui n'avaient point d'autre pou-
voir que celui que Uicu daignait leur accor-
der, ni d'autre privilège que d'intercéder au-
près de lui ; si par conséquent Dieu régit
l'univers par sa providence, dispose du sort
des hommes et de tous les événements de
ce monde par Ini-mcme, sans en abandon-
ner le soin à de prétendus lieutenants ou
médiateurs. Voy. Anges, Providence. Or, il
est constant que chez les Orientaus aucune
secte ni aucune école de philosophes n'a
jamais admis la création ; toutes ont supposé
que les esprits inférieurs à Dieu sont sortis
de lui , non par un acte libre de sa volon-
té, mais par une émanation nécessaire et
coéternelle à Dieu. D'où il suit qi.e Dieu n'a
pas été le maître d'étendre ou lie borner leur
pouvoir comme il lui a plu, qu'ils le possè-
dent par la nécessité de leur nature, qu'ils
sont par conséquent indépendants de Dieu.
Voy. Emanation. Toutes ont cru que Dieu
est l'âme du monde, mais que ce n'est pas
lui qui le gouverne; que, plongé dans un
éternel repos, il n'a ni prévoyance, ni pro-
vidence ; que tout est à la discrétion des es-
prits émanés de lui. De là il suit qu'il serait
absurde de lui adresser aucun culte, que les
hommages, les offrandes, l'encens, les sacri-
fices, doivent être réservés pour les esprits
ou dieux populaires. Voilà les principes sur
lesquels ont été bâties toutes les fausses re-
ligions anciennes, aussi bien que toute l'i-
dolâtrie moderne. Tant que l'on ne daignera
pas les saisir, ni entrer ilans cette question,
et que l'on voudra parler de polythéisme et
d'idolâtrie, on ne fera que battre l'air et dé-
raisonner.
SABBAT, mot hébreu qui signifie cessa-
tion ou repus ; c'était chez les Juifs le sep-
tième jour de la semaine, pendant lequel ils
s'abstenaient de toute espèce de travail, en
mémoire de ce que Dieu, après avoir créé
le monde en six jours, se reposa le sep-
tième.
Comme il est dit dans la tjenèse, c. u, v. 2,
que Dieu bénit ce jour et le mnclifia, quel-
ques auteurs juifs et quelques Pères de
l'Eglise ont pensé que, dès le moment de la
création, Dieu avait institué le repos du sep-
tième jour; mais comme d'autre part il n'y
il point lie preuve dans lEcriturc que ce
jour ait été chômé ou fêté par les patriar-
cliis avant Moïse, il paraît que les paroles
(le la Genèse signifient seulement que Dieu,
dès la création, désigna ce jour, pour que
dans la suite il fût célébré et sanctifié par
son peuple. En «tfet , dans le Décalogue,
Dieu en fit aux Israélites un précepte lor-
nicl, et ordonna le repos dans ce jour sous
peine de mort (Exod. xx,8; xxxi, 13, etc.).
Pendant qu'ils étaient dans le désert, un
Jiooime, qui avait publiquement violé celle
loi, fut effectivement condamné à mort et
lapidé par le peuple (iVitm. xv, 32). Cette
sévérité ne doit point nous étonner, parce
que la célébration du sabbat en mémoiie de
la création était une profession de foi très-
énergique du dogme d'un seul Dieu créa-
teur, et un préservatif contre le polythéisme.
Un antre motif de cette institution était
d'accorder du repos non-seulement aux ou-
vriers et aux esclaves, mais encore aux ani-
maux; Dieu s'en est expliqué formellement
dans la loi [Deut. v, \h et 15); c'était donc
une leçon d'humanité aussi bien qu'une pra-
tique de religion. C'était enfin un moyen de
rappeler à la mémoire des Israélites la ma-
nière dure dont ils avaient été traités en
Egypte, et le bienfait que Dieu leur avait
accordé en les tirant de cet esclavage (Ibid.).
Un des principaux reproches que Dieu fait
aux Juifs par ses prophètes est d'avoir violé
la loi du sabbat, et il déclare que c'est un
des désordres pour les(iuels il les a punis
par la captivité de Babylone {Jerem. xvii, il
et 23; Ezech., xx, 13 et suiv.). Aussi, après
le retour de cette captivité, cette loi fut oî)-
servée par les Juifs avec la plus grande ri-
gueur (// Esdî'. XI, 31, et xiii, 15). Nous
voyons même , dans les livres des Macha-
bées, UH exemple de respect pour le sabbat
poussé à l'excès. Des Juifs qui fuyaient la
persécution d'Antiochus, retirés dans le dé-
sert, se laissèrent égorger par les troupes de
ce roi sans vouloir se défendre, parce qu'on
les attaquait un jour de sabbat ( / Machab.
H, 3V) ; d'autres, nlus sages, reconnurent
que cette loi n'interdisait pas la défense de
soi-même [Ibid., kl).
Du temps de Jésus-Christ , les docteurs
juifs poussaient aussi jusqu'au scrupule et
à une rigidité excessive l'observation du
sabbat; plus d'une fois ils lui reprochèrent
de guérir les malades et d'opérer des mira-
cles ces jours-là. Le Sauveur n'eut pas de
peine à confondre leur hypocrisie ; il leur
représenta que Dieu n'interrompt pas, les
jours de sabbat, le gouvernement du monde,
et que son Fils devait l'imiter [Joan, v, 16 et
suiv.) ; que les prêtres exerçaient ces jours-
là leur ministère dans le temple comme les
autres jours, sans être pour cela coupables;
que les Juifs mêmes ne se faisaient aucun
scrupule pendant le sabbat de soigner leur
bétail, ni de le retirer d'un fossé dans lequel
il serait tombé; que le sabbat était fait pour
l'homme, et non l'homme pour le sabbat ;
qu'il était donc peimis pendant ce repos de
faire du bien aux hommes, et qu'enfin, en
qualité de Fils de Dieu, il était sei;ineur et
maître du sabbat [Matih. xii, 1 et suiv.).
Les auteurs profanes, qui ont voulu parler
de l'origine et des motifs du sabbat des Juifs,
n'ont faitque montrer combien ils étaient peu
instruits de ce qui concernait cette nation,
'facile a cru qu'ils chômaient le sabbat en
l'honneur de Saturne, à qui le samedi était
consacré par les païens , ou par un motif
d'oisiveté, Hist., I. v. Plutarque, Sijtnpos.,
1. IV, prétend qu'ils le célébraient à l'hon-
neur de Bacchus, parce que ce dieu est sur-
241
SAB
nommé 5«6tos, et quednns ses fêtes on criait
Snhoi : Appioii lu grammairiei) soutenait
(|UP icsJuiis observaient ce jour en mémoire
(Je ce qu'en Hp;yple ils avaient élé guéris
(l'une maladie honteuse, nommée en égyp-
tien anbboni : enfin Perse et Pétrone repro-
clieiil aux Juifs de jeûner le Jour du sabhal ;
or, il est certain (|u'ils ne l'ont jamais fait,
et que cela leur était défendu.
Au lieu du samedi les rhréliens fêtenl le
dimanche, en mémoire de la résurrection de
Jésus-Christ , parce que ce grand miracle est
une des preuves les plus éclatantes de la vé-
rité et de la divinité de la religion chré-
tienne. Celte raison n'est pas moins impor-
laiile que celles qui avaient donné lieu à
l'iiisliiution du sabbat pour les Juifs. Voy.
DiMANcni!. Peu nous importe de savoir com-
ment ceux-ci observent aujourd'hui la loi
du repos ; on sait qu'ils le font pour le moins
aussi rigoureusement que du temps de Jé-
sus-Christ, et qu'ils ont conservé l'usage de
le commencer au coucher du soleil pour le
finir le lendi'uiain à pareille heure.
Lf mol sabbat se prend encore en d'autres
sens diins l'Ecriture sainte ; il dcsigni', I" le
repos éternel ou la félicité (Ju ciel [llebr. iv,
9); 2" pour toutes espèces de f('tes (Levil.
XIX, 3 et 30). ;< Gardez mes sabbats, » c'est-
à-dire les félcs de Pâques, de la Pentecôte,
des Tabernacles, etc. Il signifie aussi la se-
maine ; Jcjuno bis in sabbalo, Luc, c. x,
12, Je jeûne deux fois la seniaine. Una sab-
bali, Joan., c. xx, v. 1, est le premier jour
de la semaine. Dans saint Luc, c. vi , v. 1,
il est parlé d'un .<abb(U second premier, in
snbbato secundo primo; celle expression pa-
rait d'abiird fort extraordinaire. Jlais on
(luit observer que Se^-epoTiporepaj est mis dans
le grec de saint Luc pour !):\jT£por.p-'>-ov; il
signifie un sabbat qui en précéda un autre ;
en effet, dans le v. G, saint Luc parle du se-
cond sabbat dans lequel Jésus-Christ opéra
un niiracle.
SABBAÏAlRES,SAHBATARIENS,ou SAR-
BATHIENS. L'on a désigné sous ces noms
dilïerents sectaires. 1° Des juifs mal conver-
tis, qui, dans le 1" siècle de l'Eglise, étaient
opiniâtrement attachés à la célébration du
sabbat et autres observances de la loi judaï-
que. Ils furent aussi nommés masbntliéens.
Voy. ce mot. 2 Une secte du iv^' siècle, for-
mée par un certain Sabbatltius, qui voulut
intro(luire la même erreur parmi les nova-
tiens, et qui soutenait que l'on devait célé-
brer la pâque avec les juifs le quatorzième
de la lune de mars. On prétend que ces vi-
sionnaires avaient la manie de ne vouloir
point se servir de leur main droite ; ce qui
leur fil donner le nom d"«jK<7T?poi, sinistres ou
gauchers. 3' Une branche d'anabaptistes, qui
observent le sabbat comme les juifs, et qui
prétendent qu'il n'a élé aboli par ancunc loi
dans le Nouveau reslament. Ils blâment la
guerre, les lois polili()aes, les fonctions de
ju;^e cl de magistral; ils disent qu'il ne faut
adresser des i-; ii'res qu'à Dieu le Père , et
non au Fils et au Saint-Esprit.
;, SABKATJQUE. L'observation de l'année
SAB 2i2
sabbatique, ou de l'année du repos des ter-
res, est un des usapes les plus remarquables
(.les Juifs. Dieu leur avait ordonné de laisser
à chaque septième année leurs terres sans
culture, et, pour les dédommager, il leur
avait promis qu'à chaque sixième année
la terre leur produirait une triple récolte
(Exod. xxîii, 10; Levit., xxv, 3 et 20) ; s'ils
y manquaient, il les avait menacés de les
transporter dans une terre étrangère, de
ruiner et de désoler leur pays, de faire ainsi
reposer leurs lerres malgré eux fxxvi, 34).
Celte promesse fut fidèlement exécutée, du
moins sous le gouveinement des juges et
jusqu'au règne de Saiil, et depuis le retour
de la captivité de Babylone jusqu'à l'avène-
ment de Jésus-Christ.
En effet, Josèphe, Ànliq. Jud., 1. xi, c. 8,
rapporle(jue Alexandre étant à Jérusalem, le
grand prêtre Jaddus lui demanda pour toute
grâce de laisser les Juifs vivre suivant leur
loi, et de les exempter de tribut à la septièmo
année, ce qui leur fut accordé. Les Samari-
tains firent de même, parce qu'ils observaient
aussi l'année sabbatique. Il est dit dans le
premier livre des Machabées, c. vi, v. 49,
que Antiochus Eupator ayant tenu assiégée
pendant longtemps la ville de Belhsara dans
la Judée, les habitants furent forcés de se ren-
dre à lui par la disette des vivres , à cause
que c'était l'année du repos de la terre. Jo-
sèphe nous apprend encore, I. xiv, c. 17,
que Jules César imposa aux habitants de
Jérusalem un tribut qui devait être payé
tous les ans, exceptérannéesof)6«<J7Me, parce
que l'on ne semait et l'on ne recueillait rien
pendant cette année. Il ajoute, c. xxviii, que,
pendant le siège de Jérusalem fait par Hé-
ro(ie et par Sosius, les habitants furent ré-
duits à la plus grande disette de vivres ,
parce que l'on était dans l'année sabbatique.
Tacite, Ilist., 1. v, c. 1, atteste aussi le repos
de la septième année observé par les Juifs;
mais comme il ignorait la raison de cet
usage, il l'attribue à leur amour pour l'oisi-
veté. Le fait esl donc incontestable. Or, il
aurait élé impossible aux Juifs d'observer
les années sabbatiques, si Dieu n'avait pas
exécuté la promesse de leur accorder une
triple récolte à la sixième année. On objec-
tera sans doute que Dieu n'était pas fidèle à
sa parole, puisqu'il y avait disette de vivres
pendant l'année sabbatique, et que les Juifs
étaient hors d'état de payer des tributs pour
lors. Mais il faut faire atlenlion qu'en pro-
mettant pour chaque sixième année une ré-
colle suffisante pour faire subsister les Juifs
pendant trois ans, Dieu n'avait pas promis
de la rendre assez abondante pour supporter
encore des tributs pendant ce temps-là. Ce
peuple ne commença par porter le joug
d'un tribut que sous Alexandre, sous ses
successeurs et sous les Romains. D'ailleurs,
dans les temps desquels Josèphe a parlé, la
Judée était remplie d'étrangers , surtout de
militaires, et l'on sait à quel point le pillage
des armées répandait la disette dans les pro-
vinces e";posées à ce fléau.
Quant à la menace de punir l'inubâerra-
34 s
SAB
SAB
244
lion de l'année sabbatique, l'auteur des Pa-
ralipomènes , !. n, c. 36, v. 21, nous l'ait
observer que les soixante-dix ans de la cap-
tivité des Juifs à Babyloue furent un châti-
ment de leur négligence sur ce piinl, et que
pendant tout ce temps-là les terres de la
Judée jouirent du sabbat ou du repos que ses
babi(ants ne lui avaient pas acconlé. Aussi,
au retour de cette captivité, les Juif.s, en
promettant solennellement d'observer tous
les préceptes de la loi du Seigneur, y com-
prirent formellement celui qui rejiardait
l'année sabbatique. Nehem., c. x, v. 31. En
1762, le savant Michaëlis a fait une disser-
tation sur ce sujet. Il observe, 1° que Dieu
n'avait promis une récolte double ou triple
à la sixième année, que sous condition que
les Juifs seraient fidèles à ses lois (Levit.,
XXV, 18 et 19} ; qu'ainsi on ne pouvait pas
compter absolument sur cette abondance
extraordinaire ; 2" que depuis le règne de
Saiil, les Juifs négligèrent l'observation de
cette loi, et qu'ils en furent punis, comme
nous venons de le remarquer ; 3° que cette
loi était très-sage. En premier lieu elle for-
çait chaque laboureur de réserver toutes les
années une partie de sa récolte sans la ven-
dre, afin d'avoir de quoi subsister la septième
année : précaution plus efficace pour préve-
nir la famine que des greniers publics li-s
mieux fournis. En second lien, celte précau-
tion nécessaire empêchait les usuriers de
profiter de la cherté des grains pendant
l'année sabbatique. En troisième lieu, pen-
dant cette année les peuples voisins de la
Judée avaient la liberté d'y amener paître
leurs troupeaux, et il eu résultait un engrais
pour les terres en jachères. En quatrième
lieu, c'était une année de chasse et de gibier
pour les Juils. Iiuiépendamiuent de ces ob-
servalions judicieuses, la punition des Juifs
à Babylone, pendant soixante-dix ans, par
pruporlion au nombre des années sabbali-
qttes qu'ils avaient violées, est une preuve
incontestable de l'esprit prophétique de
Moïse et de la divini'é de sa mission.
Ainsi les soixante-dix ans de la captivité
de Babylone avaient un double rapport, le
premier aux soixante-dix sem<iines d'années,
ou aux quatre cent quaire-vingl-dix ans
pendant lesquels les années sabbattquiS n'a-
vaient pas été observées; le second, aux
qualrecentquatre-vingt-dix ans qui devaient
s'écouler depuis le réliiblissement de Jéni-
salciii jusiiu'à l'arrivée du Messie : double
calcul lrè«-remarquable.Ko(/. Daniicl.
SAliELLlENS , hérétiques du ui' siècle ,
sectateurs de Sabeilius. Celui-ci était né à
Ptolémaïd<A ou B-ircé , ville de la Libye cyré-
naïque;il y répandit ses erreurs vers l'an '260.
Il enseignait qu'il n'y a en Dieu qu'une seule
personne (lui est le Père, duquel le Fils et
le Saint-Esprit sont des aliributs , des éma-
nations ou des opérations, et non des per-
sonnes subsistantes. Uiou le Père, dibaienl
les sabtlliens , est comme la substance du
«oleil, le Fils en est la lumière, et le Saint-
Esprit la chaleur. De cette substance e^t
émané le Verbe comme un rayon divin , et
il s'est uni à Jésus-Christ pour opérer l'ou-
Trage de notre rédemption ; il est ensuite
reriiouté au Père , comme un rayon à sa
source , et la chaleur divine du Père, sons le
nom du S.iint-Esprit, a été communi()uoe
aux apôtres. Ils usaient encore d'une autre
comparaison non moins grossière , en disant
que la première personne est dans la Divi-
nité comme le corps est dans l'homme, que
la seconde en est i'àn c , que la troisième eu
est l'esprit. De là il s'ensuivrait évidemment
que Jésus-Christ n'est point une personne
divine , mais une personne humaine ; qu'il
n'est ni Dieu , ni Fils de Dieu dans le vrai
sens des termes, mais seulement dans un
sens abusif, parce que la lumière du Père
lui a été communiquée et a demeuré en lui.
Si doncS.ibellius voulait admettre aae incar-
nation , il était obligé de dire que c'était
Dieu le Père qui s'était incarné , qui avait
souffert et qui était mort pour nous sauver.
Conséquemment les Pères de l'Eglise qui ont
écrit contre Sabeilius , l'ont mis au rang des
piitripassiens avec Praxéas et les néotiens.
Pour soutenir son erreur , Sabeilius abu-
sait des passages de l'Ecriture sainte, qui
enseignent l'nnilé de Dieu, surtout de ces
paroles de Jésus-Christ , tnon Père et moi
sommes une utcme i:iiose. 11 fut réfuté avec
beau<:oup de force par saint Denis, patriarche
d'Alexandrie, et ensuite par d'autres Itères
de l'Eglise. Cette hérésie fil néanmoir.s des
progrès nou-seulement dans la Cyrénaïque
où elle était née, mais encore daus l'Asie
Mineure , dans la Mésopotamie et même à
Rome; saint Epiphane, liœr. 4-2 ou ()2. Au
iv siècle elle fut renouvelée par Photiu , et
c'est encore aujourd'hui la doctrine des so-
ciniens.
Beausobre, apologiste décidé de tous les
hérétiques et de toutes les erreurs, a ex-
cusé les sa6e//jens ; Quoique leur l'octrine,
dit-il , soit évidemment contraire à TScrilure
saiiile, et qu'elle ait été justement condam-
née, il faut pourtant convenir q.ic l'origine
en fut innocente , puisqu'elle Acnnit de la
crainte de multiplier la divinité ;n de rame-
ner le polythéisme , et il le proucr par divers
témoignaiîes. Ainsi ce critique charitable
n'a pas pu manquer d'excuser aussi les so-
ciniens , qui protestent qu'ils agissent par
le même motif que les sabellierts , ol qui se
servent à peu près des mcm'S i;rgnmenls
pour attaquer les mystères de la Trinité et
de l'Incarnation. Toute hérésie, selon lui,
esl pardonnable, quoique évidemment con-
triiire à l'Ecriture sainte , dès que l'on peut
l'atlribuor à un ujolif innocent et même re-
ligieux. Mais il ne juste pas de même des er-
reurs prétendues qu'il aliribue aux Pères de
l'Eglise et aux catholiques ; celles-ci ne mé-
ritent point de grâce , sans dtmte parce qu'on
ne peut les attribuer à aucun motif innocent
ni religieux. Voilà ce que Beausobre appelle
une impartialité que l'équité demande ; elle
esl plus propre, dit-il, à ramener les héréti-
ques , que des jugements téméraires hasar-
des contre eus sans preuve , et dont l'injus-
tice les révolte. liist, du Maaicli. , 1. ii», ôi vi,
2i5
SAB
SAB
210
§ 8. On sait si l'imparUalilé de Boausobro a
déjà opéré des conversions parmi les soci-
tiiens, les quakers, les anabiiptisies , cic.
Il soulienl que les Pères onl eu lorl de raellre
les sabelliens au nouibre des patripassieiis.
L'erreur sabrllienne, dil-il, consistait à ané-
antir la personnalité du Verbe et du Saint-
Esprit ; dans ce système , la Trinité n'est au-
tre cbose que la nature divine considérée
sous les trois idées de substance , de pensée
et de volonté ou d'action. C'est le pur ju-
daïsme , comme le dit fort bien saint liasile.
Suivant celte même doctrine, 3ésus-Cbrist
est Fils de Dieu, parce qu'il a été conçu du
Saint-Esprit ; que le Verbe ou la sagesse de
Dieu, attribut inséparable du Père, a dé-
ployé sa vertu dans Jés'is , lui a révélé les
vérités qu'il devait enseigner aux bomiiies ,
et lui a donné le pouvoir de faire des mira-
cles. Ainsi l'union du Verbe divin avec la
personne de Jésus n'est point une union
substantielle , mais de vertu seulement.
L'incarnation n'a clé qu'une o[iération de la
Divinité , une effusion de la sagesse et de la
vertu divine dans l'âme de Jéus-Cbrist.
Dans ce système , il C'I impossible de dire
que Dieu le Père, une personne divine, ou
la Divinité, a soulTert en Jésus-Cbrist. En
quel sens peut-on appeler les sabelliens , pa-
tripassiens , eux qui soutenaient (jue la Divi-
nité est impassible ?
Ce reproche lait par Bcausobre aux Pères
de l'Eglise porte sur trois suppositions faus-
ses : la premièie , que les hérétiques ont été
sincères dans leur langage ; la seconde ,
qu'ils onl raisonné conséqucmmeiil et qu'ils
ne sont pas contreilils ; la troisième , que
leurs di>ciples ont élé fidèles à ionserver les
mêmes seuiiiuenls et les mêmes expressions :
voilà ce (|iii n'est jamais arrivé à aucune
«erle, pas plus aux sabelliens qu'aux autres.
— l^Si le Verbe divin n'csi pas une personne,
mais seulement un allribul ou une opération
du l'ère , peut-on , sans aliuser Irauduleuse-
inent de tous les termes , dire du ^"erbe ce
qu'en dit saint Jean : que le Verbe était en
Dieu, qui! était Dieu, qu'il a fait toutes cho-
ses , qu'il est la vraie luuiière qui éclaire
tout homme venant en ce monde, qu'il était
dans le monde, qu'il est venu parmi les
siens, qu'il a été lait chair, qu'il a habifé
en nous , etc. ; ou ce que dit saint Paul, que
Dieu était in Jésus-Cliiist se réconciliant le
monde, etc. ? Il fallait cependant que Sabel-
lius dit tout cela , ou qu'il renonçât au nom
de chrétien : s'il le diviit, on ne pouvait
entendre que du Père tout ce qui est attribue
au Verbe , puisque le Père est l;i seule per-
sonne divine ou le seul principe d'action ,
suivant son système. On eiail donc forcé de
dire que le Père s'est incarné, qu'il a souf-
fi rt , qu'il est mort, etc., comme on le dit
du Verbe. — 2°Théodorel, Hœret. fab., lib. ii,
c. 9, nousapprend que Sabellius considérant
Dieu comme faisant le décret éternel de sau-
ver les hommes , le regardait comme Père ;
lorsque ce même Dieu s'incarnait , naissait,
sculîrjil , niGurait , il l'appelait Fils; lors-
qu'il l'eavisageuil comme saucliUaat les
hommes , il le nommait Saint-Esprit. 11 est
à présumer que Théodorct avait lu les ou-
vrages de Sabellius ou ceux de ses disciples ;
de quel droit récusera-t-on son témoignage?
Voilà toujours le Père qui est censé faire et
soulTrir tout ce que Jésus-Cbrisl a fait et
soulïerl. — 3' Supposons que Sabellius ni ses
partisans ne l'ont pas dit, la question est de
savoir ce que les Pères onl entendu parle
nom depatripassiens; s'ils onl voulu désigner
par là des béréli<iues qui ont enseigné for-
mellement et en propres termes que Dieu le
Père n scii/fert , ces saints docteurs pour-
raient avoir tort ; peut-être aucun hérétique
n"a-t-il afGrmé distinctement celle proposi-
tion ; mais s'ils ont seulement entendu par
ce mot , des hérétiques , de la doctrine des-
quels il s'ensuit clairement et nécessairement
que Dieu le Père a souffert , qui a droit de les
blâmer ?
Beausobre reprend encore Origène d'avoir
dit que les sabelliens confondent la notion de
Père et de Fils, qu'ils regardent le Père et
le Fils comme une senlc hypostase. Comment,
in Mallh., tom. XVII, n. ik. Il fallait dire
continue ce critique, qu'ils regardent le l'ère
et le Verbe, et non le Fils , comme une seule
hypostase; les sabelliens n'ont jamais donné
au Verbe le nom de Fils, puisqu'ils le regar-
daient comme un attribut ou une propriété
de la nature divine. Mais ils ont donné à
Jésus-Cbrisl le titre de Fils de Dieu, dans ce
sens que la sagesse de Dieu résiliait en lui.
Dans ce cas les sabelliens doivent encore ré-
former le langage de saint Jean , qui dit :
« Le Verbe s'est fait chair et il a demeuié
parmi nous, et nous avons vu sa gloiio
comme celle de Fils unique im Père. » Voilà
le Verhe nommé très-clairenient Fils de Dieu,
Est-il bien sûr que les subil iens n'ont jaiu;;is
affecté de parler de même? A la vérité iis se
seraient contrediis ; mais, encore une fois,
il n'y a aucun héréliijue à qui cela ne soit
arrivé. Kien d'ailleurs n'empêche d'enlendie
ainsi la phrase d'Origène. Ces hén-liques
confondent la notion de Père et de Fils ,
puisqu'ils font une seule et même personrie
du Père et du Fei 6c que nous nommons Fils
de Dieu d'après l'Ecriture sainte. Qnant à
ceux que Ceausobre accuse d'avoir dit que
les sabelliens se figuraient un Dieu Père de
lui-même, cl Fil$ de lui-même , 'viôttkt/./j , ils
se réduisent au seul Arius, hérésiarque aussi
CDlélé que S.ibelllus. Déjà nous avous eu
lieu p:us d'une fois de prouver à Beausobre
que ses apologies des hérétiques sont aussi
alisurdi's , que ses calomnies contre les Pères
sont injustes. Aussi a-t-il été réfuté par AIos-
htim , Ilistor. cliristian., sœculo m, n. 33.
Celui-ci a i rouvé (jne Sabellius envisageait
le Verbe et le Sainl- Esprit comme deux éma-
nations ou deux portions de la divinité du
Père ; qu'ainsi la portion qui a été unie à
Jésus-Christ a véritablement souffert avec
lui, d'où il conclut que l'on a lorl de repren
dre les Pères qui ont mis cet hérétique au
nombre des pairipassieus, et que saint Epi-
pbane a tris-bseu exposé son erreur. Voy.
N0ÉT1E>S, P.aAXÉENS, PÂXRiPASSiSNS.
2^7 SAC
SAC. ce mot, qui est le même en hébreu
que dans les autres langues, signifie la même
chose. Outre l'acception ordinaire, il exprime
tin habit simple et grossier , un cilice ; c'est
un signe et un instrument de pénitence. Ce
n'était point l'usage des anciens de s'en cou-
vrir tout le corps , mais de les mettre autour
des reins ( Isa), xx , 2; Judith , iv, 8). On le
prenait dans les moments de deuil, d'affliction,
de calamilé publique, de pénitence (// Reg.
III, 31; m Reg. xx, 32;Esth. iv, 1). On y
ajoutait l'action de se couvrir la tête de cen-
dre ou de poussière. Lorsque l'affliction
était passée , on témoignait sa joie en déchi-
rant le sac que l'on avait autour des reins ,
on se lavait, et on se frottait d'huile parfu-
mée. Voy. Cendres.
SACCOi HORES ou PORTEURS DE SAC.
Plusieurs hérétiques ont été appelés de ce
nom, commeles apostoliquesoaapolactiques ,
les encratites, les manichéens. Voy. ces mois.
Ils se revêtaient de sacs pour avoir un air pé-
nitent et mortifié, et souvent sous cet habit
ils cachaient une conduite très-déréglée. L'E-
glise , qui connaissait leur hypocrisie , n'hé-
slla j.amais de condamner ce vain appareil
de mortification auquel le peuple ne se laisse
prendre que trop aisément.
SACHETS. Les frères sachets, nommés aussi
frères de la pénitence cl frères aux sacs, à.
cause de la forme de leur habit grossier , de
leur vie pauvre et mortifiée, étaient une con-
grogalioii de religieux augustins , différente
de celle des ermites. On ignore l'origine de
cet ordre qui ne remonte pas au delà du xiir
siècle. Ils avaient un monastère à Saragosse
en Espagne , du lemps d'Innocent 111 , et la
direction des béguines de Valencicnnes ; ce
qui les fit nommer frères béguins. Ils étaient
*ort austères , ils s'abstenaient de viande et
tie vin. A la recommandation de la reine
Blanche , saint Louis en fit venir d'Italie ; il
les établit à Paris, à Poitiers, à Caen et ail-
leurs. Mais leur extrême pauvreté, le petit
nombre de ceux qui se vouaient à ce genre
de vie, le décret du concile de Lyon qui sup-
prima les ordres mendiants , à la réserve de
quatre, firent tomber insensiblement l'ordre
des frères sachets. 11 y a eu aussi des reli-
gieuses sachelies qui imitaient la vie des frè-
res de la pénitence ; elles avaient une maison
à Paris, près de Saint-André-des-Arts, et
elles ont laissé leur nom à la rue des Sachel-
ies. Hist. de l'Egl. Gallic, 1. xxxiv , t. XII,
an. 1272.
SACERDOCE. Voy. Prêtre et PRii:TRiSE.
SACIENS , nom donné aux anlhropomor-
philes. Voy. re mot.
SACRAMENTAIRE, ancien livre d'Eglise
■ dans lequel sont renfermées les prières et les
cérémonies de la liturgie ou de la messe et
de l'administration des sacrements. C'est tout
à la fois un pontifical , un rituel , un missel ,
dans lequel néanmoins on ne trouve ni les
inlroïts, ni les graduels, ni les épîlres , ni les
évangiles, ni les offertoires, ni les commu-
nions , mais seiiltmenl les collectes ou orai-
sons , les préfaces , le canon , les secrètes et
les postcommunions, les prières et les céré-
SAC
24S
monies des ordinations , et un nombre de bé-
nédictions; ce que les Grecs nomment un
Eurologe.
Le premier qui ait rédigé un Sacramentaire
est le pape Gélase , mort l'an WO ; c'est du
moins le plus ancien quisoitparvenujusqu'à
nous. Saint Grégoire, postérieur d'un siècle
à Gélase , retoucha ce Sacramentaire , en re-
trancha plusieurs choses , en changea quel-
ques-unes; il y ajouta peu de paroles. Muis
ni l'un ni l'anlre n'ont été les auteurs du fond
de la liturgie ; avant eux elle se conservait
par tradition , et on a toujours cru qu'elle ve-
nait des apôtres. Le Pore Lebrun , Explie,
des Céréin. de la Messe, t. 111 , p. 137 et suiv.,
a prouvé ce fuit essentiel ; au mot Grégoriejj,
nous avons extrait sommairement ce qu'il
en a dit.
Si les critiques protestants qui ont tant dé-
clamé contre la messe et contre les autres
prières de l'Eglise , qui les ont regardées
comme des su|)erstitioiis et des momeries
de nouvelle invention, avaient été mieux
instruits, ils auraient vu que l'Eglise catho-
lique ne fait rien aujourd'hui que ce qu'elle
a fait dès les premiers siècles ; que , dans
tous les temps , elle a fait profession de sui-
vre et d'imiter ce qu'ont lait Jésus-Christ et
les apôtres. Voy. Liturgie.
Sacramentaires. Les théologiens catholi-
ques ont donné quelquefois ce nom à tous
les hérétiques qui ont enseigné des erreurs
touchant la sainte eucharistie, qui ont nié ou
la présence réel le de Jésus-Clirist dans ce sacre-
ment , ou la transsubstantiation , par consé-
quent aux disciples du Luther aussi bien
qu'à ceux de Calvin. Mais les luthériens eux-
mêmes , qui admettent la présence réelle ,
ont nommé sacramentaires les sectateurs de
Carlosladt , de Zwingle et de Calvin , qui re-
jettent la présence réelle, et qui soutiennent
que l'eucharistie n'est que la figure , le si-
gne , le symbole du corps et du sang de Jé-
sus-Christ ; que dans la communion on re-
çoit ce corps et ce sang non réelb^ment ,
mais spirituellement et par la foi. Voy. Eu-
charistie.
Cinq ans seulement après que Luther eut
commencé à prêcher , Carlosladt répandit
celte doctrine à Wirtemberg, et il y trouva
des partisans. Luther ne serait pas venu à
bout d'arrêter les progrès de cette erreur,
s'il n'avait fait chasser Carlosladt , par l'élec-
teur de S.txe ; telle fut la principale cause de
leur rupture. Peu d'années après , d'autres
novateurs prêchèrent la même chose dans
d'autres villes, en particulier à Goslard:après
plusieurs disputes et plusieurs conférences,
la contestation finit de même par l'exil de
ceux qui s'écartaient desopinions de Luther.
Mosheim , dans ses dissertations sur l'His-
toire ecclésiastique, lom. 1, p. 627, en a
placé une touchant cet événement , où l'on
voit qu'il était uniquement question de sa-
voir quel sens on doit donner à ces paroles
■Je Jésus-Chiisl : Ceci est mon corps.
Mais pui.<ique, selon le senliment des pro-
testants, J'Etriluru sainte (^sl la seule règle
de notre foi , nous voudrions savoir pour-
249
SAC
SAC
S>.50
quoi les adversaires dn Lullier avaient
miiins lie droit (l'oiileiuire les paroles do Jé-
sus-Christ, dans un sens figuré, ((u'il n'en
av.iil lui-même de les prendre dans le sens
liKéral et graniinalical ? pourciuoi il notait
pas permis aux catholiques de les entendre
comme on les a toujours entendues depuis
les apôtres. Il est évident ([ue la doctrine do
Luther ne s'est conservée parmi ses secta-
teurs que par les lois que plusieurs souve-
rains ont portées contre les sacramentaires ,
et même par les peines afllictives qu'on leur
a fail subir ; ce sont ces lois et non l'Iîcri-
lure sainte qui ont décidé chez eux de la
croyance des peuples. On ne peut assez ad-
mirer la stupidité du commun des luthé-
riens qui se sont ainsi laissé conduire par
l'autorité civile en fait de religion, après
que l'on avait commencé par leur promet-
tre la liberté entière de conscience, et la fa-
culté de se décider eux-mêmes touchant le
vrai sens de l'Ecriture sainte. On voudrait
savoir encore en quoi les articles de foi, ré-
glés par des prédicants et appuyés par l'au-
torité des souverains, ont été plus dignes
de respect et de soumission que les décrets
des pasteurs de l'Kglise catholique, assem-
blés au concile de Trente. Knfin, l'on ne
conçoit pas comment les erreurs des sa-
cramentaires, des anabaptistes, des sociniens,
sorties des principes de la prétendue ré-
forme, sous les yeux mêmes de ses fonda-
teurs, ne leur ont pas fait sentir la fausseté
de ces principes, et comment ils ont pu s'y
obstiner jusqu'à la mort.
SACKE, SACRÉ. Il paraît que, dans l'ori-
gine, on a nommé sacré ce qui était tiré de
l'usage commun, mis à part ou en réserve,
pour être offert à Dieu et destinée son culte ;
que telle est l'étymologie du latin sucer, et
du grec Upo;- ainsi Deo sacrum est la même
chose que sanctiim Domino, destiné ou ré-
servé pour Dieu. De là est venu le double
sens du mot sacer, qui signitie aussi exécra-
ble, dévoué, destiné, réservé à la mort. On
profane une chose sacrée, quand on la fait
rentrer dans l'usage commun, ou qu'on la
traite avec aussi peu de respect que les
choses communes. On a sacré les rois, les
prêtres, les prophètes : dès re moment ils
ont été censés lires de l'ordre des simples
particuliers, et en quelque façon mis à part
pour remplir des fonctions qui leur étaient
propres. Dans le même sens on a consacré
des lieux, des instruments, des choses d'u-
sage, pour les faire servir au culte du Sei-
gneur. On distingue le sacre ou la consécra-
tion d'avec une bénédiction , en ce que celle-
ci ne tire pas absolu;nent la chose bénite du
rang ou de l'usage des choses communes.
La coutume de sacrer les rois, en les oi-
gnant d'buile sainte, a commencé chez les
Hébreux ; Saùl et David furent sacres par le
prophète Samuei, Salomon par le grand prê-
tre. Quelques auteurs ont cru qu'aucun
prince chrétien n'avait été sncrc avant Jus-
tin H, empereur de Conslantinople, parvenu
au trône l'an 365 ; mais d'autres nous appren-
neut que Xhéodose le Jeune fut couronné ,
par conséquent sacré, l'an 408, par le pi-
Iriarche Proclus. Note» du P. Ménard sur le
Sncram. de s.iint Gréi/oire, p. 307. Cet usage
fut imité par les rois'des Goths et de France.
Clovis fut Sficré par saint llemi. Voi/. Onc-
tion. Plusieurs incrédules ont blâmé cette
cérémonie, comme si elle était établie pour
persuader aux mis qu'ils sont des hommes
divins, d'une nature supérieure à celle des
autres hommes, qu'ils ne tiennent rien de
leurs sujets, et qu'ils ne leur doivent rien.
Si l'on veut se donner la peine do lire les
prières et les cshortalions que fait à on roi
i'évê(iue qui le sacre, on verra si cette céré-
monie n'est pas la leçon la plus énergique
pour lui faire connaître tous ses devoirs, et
si, lorsqu'il lui arrive de les oublier, c'est
la faute de l'Eglise. Ménard, ibid.
Quelques écrivains ont été scandalisés de
ce que l'on appelle les empereurs d'Alle-
magne et les rois d'Angleterre .sacrée majesté;
ils ont regardé ce titre comme on blasphème.
Us ont oublié sans doute que, dans l'Ecri-
ture sainte, les rois en général sont nommés
les oints du Seigneur, et que Dieu n'a pas
dédaigné d'appeler Cyrus, prince inOdèle,
son oint, son christ, son messie, c'est-à-dire
un personnage qu'il avait destiné à cire cé-
lèbre et à délivrer le peuple juif de sa cap-
tivité.
Les anciens regardaient comme sacrés
non-seulement les temples des dieux , mais
les tombeaux des morts, et les lieux sur les-
quels le tonnerre était tombé. Lorsque les
protestants ont décidé en général qu'il est
absurde de regarder un lieu comme plus
saint et plus sacré qu'un autre, c'est comme
s'ils avaient dit qu'il est absurde de respec-
ter un lieu plus iju'un autre, et d'avoir plus
d'égards pour l'appartement d'un roi que
pour une élable d'animaux. Ils ne soutien-
nent cette maxime, quoicjue contraire au
sens commun, que pour pallier les profana-
tions horribles dont leurs pères se sont ren-
dus coupables, en voulant abolir le culte ca-
tholique ; au mot Consiccration, nous avons
répondu aux reproches insensés que les in-
crédules ont empruntés d'eux.
SACKE.MENT (I). Par l'étymologie que
(1) Canons et doctrines sur les sacrements.
Si quelqu'ini dit que les s.icreinents de la noii-
Telleloin'oiit pas éié tous iiisiiiiié-, par iNoire-Seigneur
Jéslls-Cl^li^l, ou qu'il y en a plus ou moins de sept,
savoir le bapléme, h conliiiiialion, l'eucliaristie, la
pénileiice, l'exlrèuie (Miction, l'ordre et le mirlage;
ou (luc queliprun de ces sept n'eNt pas propreineiûet
vériiableiiienl un sacrciiieiit, (iu'il soii anallièiue. Conc.
de Treille, 7'- sess. des sac, e. 1 Si (|uel .u'iin dit
que les sacicnienis de la nouvelle loi nesonldilTérents
de ceux de la loi ancienne, qu'en ce que les céiéinoiiies
el les pratiques extérieures sont diverses, qu'il soit
anatlième. C. 2. — Si quelqu'un dit que les srpl sa-
crcnients sont telleinenl égaux entre eus, qu'il n'y en
a aucun plus digne que l'auiri: en quelque manière
que ce soil, qu'il soil anatlième. C. 5. — Si quel-
qu'un ilii que les sacrements de la /l'iuvdie loi ne
sont pas nécessaires au saint, mais qu'ils sont su<
pertliis, et que sans eux on sans le désir de les re-
cevoir, les liOnniiûs peuvent olitenir de D;eu, par la
seule loi, la grâce de la juslilicalion, bien qu'il soit
33i
SAC
SAC
25Î
nous venons de donner du mot sacré , il est
évideiil que sacrement signifie non-seule-
ment le signe d'une chose sacrée, mais l'ac-
tion par la'iuelle une ciioso est rendue sa-
crée. Aussi les Uomains appelaient sacramen-
tum le serment par lequel un citoyen s'en-
gageait el se dévouait à la milice, la profes-
sion même de soldat , l'argent consigné par
un plaideur, et qui était acquis au lise s'il
perdait son procès, etc. Mais ce mot a cliangé
de signification chez les traducteurs latins
de l'Ecriture sainte : ils ont rendu par sa-
cramentum les termes hébreux el grecs qui
signifient secret, mystère , chose cachée ;
conséquemnient l'on entend par sacrement
le signe sensible d'un effet intérieur et spiri-
tuel que Dieu opère dans nos âmes. Nous
avons à en examiner : 1° l'usag;', 2' le nom-
bre, 3» l'essence, 4-° l'effet, 5" l'instituteur,
6» le ministre, 7° les conséquences.
§ 1. SaintAugustio,lib. xix, conlra Faust.,
c. IV, observe très-bien que les hommes ne
peuvent êire réunis dans la profession d'une
religion vr.iie ou fausse que par le secours
de signes visibles ou de symboles mystérieux
(jui font impression sur nous, el que l'on ne
peut mépriser sans être sacrilège. En elTet,
vrai que tous ne sont pas ncce^Sidres à chaque par-
ticulier, qu'il soit aivitlièuie. C. i. — Si quelqu'un
dii que les sacrements n'ont éié insii'ués que iiour
entretenir seulcmenl la loi , qu'il soit anallièuie.
C. 5. — Si qiiel(iu'un dit que li's sacremenls ne cou-
lienneni pas la griice qu'ils siguKieiit, ou qu'ils ne
coiiféreiii (las celle grâce à ceux qui ir'y meilenl poini
obstacle, connue s'ils éi;iieni seuleineni des signes
extérieurs (le la iusiice ou de la grâce (pii a été reçue
par la foi, ou de simples marques de distinction île
la relifîion chrélienue, par lesquelles on reconnait
dans le tnoude les (Idèles d'avec les inlidèles, qu'il
soil aiiailiènie. C. 6. — Si quelqu'un dit que la
grâce, quMUl à ce ijui csl de la part de Dieu, n'est
pas donnée toujours et à tous par les sacremenls,
encore qu'ils soient reçus avec lonies les cuidilions
requises, mais que cette grâce ji'esl donui-e que quel-
quefois et à (pielques-uns, qu'il soilanalliéme. C.V. —
Si quelqu'un dit que parles mêmes sacrements la grâce
n'esi pas conférée par la vertu et la f"i ce qu'ils con-
tiennent, mais que la seule loi aux promesses de Dieu
suflil pour (ibieuir la grâce, (ju'il soil auailiéme.
C. y. — Si uuelqu'un dit que par les trois sacreuieuts
du baptême, de |;i confirniatiuti el de l'ordre, il ne
s'imprime point dans l'âme un caractère, c'esi-à-
dire, une certaine marque spirituelle et ineffaçable,
d'où vient que ces sacremenls ne peuvent être réi-
térés, qu'd soil atiatlième. C. 9. — Si quelqu'un
dit que tous les chrétiens ont l'auiorité el le pou-
voir d'annoncer la parole de Dieu et d'adminis-
trer les sacremenls, qu'il soit analhème. C. 10. —
Si quelqu'un dit que rmlcnlion, au moins celle de
faire ce que rtiglise fait, n'est pas requise dans les
ministres des sacremenls , lorsqu'ils les font el les
confèrent, qu'il soil analhème. C. II. — Si quel-
qu'un dit que le ministre des sacremenls, qui seliouvi!
en péché niorlel, ipioi(|ue d'ailleurs il observe tonles
les choses essentielles cpii regardent la confection
ou la collation des sacrements, <|u'il soil anathème.
C. li. — Si quelqu'un dit que les cérémonies reçues
el approuvées dans l'Kglise catholique, el qui sml
en usage dans l'adminisiralion solennelle des sacre-
ments, peuvent être sans péché ou méprisées, ou
omises, selon qii'd plait aux ministres, ou être
changées en d'aiUres nouvelles par tout pasleur,
quel qu'il soii, qu'il soil analhème. C. 15.
comment exprimer les sentiments intérieurs
de noire âme dans lesquels consiste la reli-
gion, sinon par des gestes et des cérémonies
extérieures? et de quelle autre manière pour-
rait-on donner une idée de ce que Dieu dai-
gne opérer en nous pour notre saucliGca-
tion ? « La chair, dit 'Tertullieu, est lavée par
le baptême . afin que l'âme soil purifiée ;
elle reçoit une onction , [)our que l'âme soit
consacrée à Dieu ; on lui imprime le sceau
de la croix, afin que l'âme ait une défense
contre ses ennemis ; ou lui impose les mains
pour que l'ânje reçoive les lumières du
Saint-Esprit. C'est le corps qui participe au
corps et au sang de Jésus- Chi isl , afin que
l'âme soil divinement nourrie. » Ainsi s'ex-
priment par des signes sensibles les choses
mêmes qui ne tombent point sous nos sens.
Mais celle nouvelle signification du mot
sacrement n'a pys fait disparaître l'ancienne,
piiisqu'il n'est aucun des signes sensibles
par lesquels Dieu répan 1 ses dons et ses
grâces dans nos âmes, qui ne soit un nou-
veau lien par lequel Dieu nous attache à lui
el nous consacre à son service.
Il y a donc eu des sacrements dans les
différentes époques de la vraie religion : l'on
peut placer d.rns ce rang les sacrifices el les
offriindes des patriarches, l'imposition que
Jacob fil de ses mains sur la tète des deux
fils lie Joseph, par laquelle il les adopta et
leurannonçaleurdeslinée future (Gen.xLviii,
14) ; les bénediotions que donnaient ces an-
ciens justes à leurs enfants, lorsqu'ils les
unissaient par le mariage. Cette cérémonie,
dont nous voyons un cxeiiiple dans le livre
de Tobie, c. vu, v. la, n'était point une nou-
velle inslilulion, puisqu'il n'en est p:s parlé
dans la loi de Moïse. Ajoutons les purifica-
tions dont on usait avant d'olTrir un sacri-
fice {Gen. XXXV, 2, etc.). Tous ces symboles,
aussi anciens que le monde, furent profanés
par les idolâtres, qui les eoiployèrent au
cuite de leurs f;iux dieux. Le Seigneur insti-
tua de nouveaux sacrements pour les Juifs,
comme la circoncision, la consécrr.lion des
pontifes, le repas de l'agneau pascal, les
purifications, les expiations , etc. Il fallait
donc qu'il y en eût aussi dans la loi nou-
velle, et Jésus-Christ n'a pas manqué d'y
pourvoir. Dans cetie troisième époque de la
vraie religion, les théologiens déûnissenl un
sacrement, le signe sensible d'une grâce spi-
rituelle, institué par Jésus-Christ pour la
sanclification de nos âmes. Cette définition,
quoique très-jnste, n'exprime cependant |ias
tous les effels ni toutes les fins des sacre-
ments ; nous le verrons ci-après.
§ II. Les protestants n'admettent que deux
sacrements de la loi nouvelle ; savoir, le bap-
tême el la cène. Les catholiques soutiennent
qu'il y en a sept ; savoir, le baptême, la coti-
(irmation, l'eu( harislie, la pénitence, l'ex-
trême-onction, l'ordre el le mariage. Ainsi
l'a déclaré le concile de Trente, sess. 7,
1 ' can. Nous parlons de chacun en parti-
culier, et nous prouvons qu'il n'en est au-
cun qui n'ait tout ce qui constitnc un sacre-
ment. Les proleslauls avaient avancé que les
255 SAC
Grecs et les autres sectes de chrélions orien-
taux n'admetleiit comme eux que deux sa-
cremejils ; mais le cinitraire a été prouvé
jusqu'à la démonstration dans lo cinquième
loine de la Perpétuité île tu foi : on y a fail
voir que toutes ces seiti-s sans exception
ndinritent sept sacrements aussi bien que
IKSilise romaine. Au lieu du terme de sacre-
ment qui est latin , elles se servent du mot
de«ii/«<r'r(?, qui estéquivalent ; elles nomment
le baplôiTie le bain sncri; ou l;i réi/énéralion ;
la confirmation, le myron ou le clirémc; l'eii-
fharistie, Vol)lation:'\a pénitence, lecnw(»«;
l'extrême - onction , \'oncti'>n des malades;
l'ordre, la consécration des écê'.fiies ou des
prêtres; le mariage, lo couronnement des
épouses; et elles attribuent à toutes ces c6-
rémopiics les mêmes effets que nous.
§ III. Depuis longtemps les scolasliqnes
se sont accoutumes à envisaser le sacrement
comme une espère de composé moral , qui
renferme une action sensible et des paroles :
Accedit verbumad rletnenlum, d'il saint Augus-
tin, et fit sacramenlum. Tract. 80, in Jonn.,
n. .*? : le concile de Florence a répété celte
maxime. L'aclion sensible est envisajfée
comm?' la matière du sacrement, et les paroles
comme la forme, parce qu'elles délerminent
le sens de l'action. A la vérité cetli' liisiinc-
tion ne remonte pas plus liant parmi nous
qu'an xn' siècle; c'esKiuillaume d'jVuxerre
qui la proposa le premier ; elle est copen-
datil utile pour une plus grande précision
dans la lliéolojii^ Elle n'est pas connue des
chrétiens orientaux, quoiqu'elle ail été adop-
léi> par quel(UiPs théologiens grecs. Ils pen-
sent tous qu'il n'importe pas que la forme
des sncrewents s,M\ conçue eu termes indica-
tifs, déclarai ils ou déprécalifs ; ({ue les priè-
res qui arcomiiagnent l'action saciamen-
(elle en sont nne partie essentielle, qu'ainsi
on peut les appeler la forme du sacrement ;
ri'"glise latine n'a pas condamné ce «enliment ;
elle ne rejette poi:it comme nuls les sacre-
ments ainsi administrés p;ir les Orientaux.
Il y a un savant traité sur les paroles des
sept Sttcremenis , fait par le P. Merlin, jé-
suite, dans lequel il prouve que dès l'orisiine
les formes en oni été fix' s, invariables, cour-
tes, aidées A retenir, gardées sous le secret.
Communiquées seulement aux prêtres de
vive voix el par tradition. Rlles ont toujours
indiqué l'effet du sacrement, et à la réserve
de l'exlrêmo-onction, il n'y a poini de preuve
cerl^iinc qu'elles aient élé quehpiefois con-
çues en termes déprécalifs ou par manière
de prière. On les nommaii cependant quel-
quefois invocaliones perfcclivns, (larce (jub
le ministre du sncreme/tl n'agit point en son
nom, mais au nom de Jésus-Christ. Mais au-
cun des Pères de l'Eglisen'a cxprimédistincle-
ment ces formules, el on ne les trouve dans
aucun sacraiiieutaire , à cause de la loi ou
de l'usage (|ni les a fait garier sous le se-
cri'l jusqu'au xir siècle. Alors seulement
I on a disiingué expressément cl forfoelle-
ment l(>s sept sacrements, el l'on en a claire-
menl désigné la matit re et la forme ; les
piotestauts en ont conclu très mal à propos
SAC
2ri4
qu'on ne les connaissait pas auparavant. Les
formes usitées dans l'Iîglise grecque ne sont
pas conçues précisément en mêmes termes
que celles dont se sert l'Eglise laline, mais
le sens en est le même ; on les a confrontées
à l'égard dos sept sicremcnts.
§ IV. Il y a une dispute non moins sérieuse
entre les hétérodoxes et nous, touchant l'efîol
des sacrements. Les socinions enseignent
que ce sont de simples cérémonies qui no
servent tout au plus qu'à unir exlérieure-
meui les fidèles, à les distinguer des juifs et
des païens. Les prolestants n'en ont pas une
idée beaucoup plus avantageuse , en disant
que ce sont des cérémonies instituées par
Jésus -Christ pour sceller el confirmer les
promesses de la grâce, pour so'ilenir nr>iro
foi, et pour nous exciter à la piété. Nous
soutenons contre eux que les sacrements pro-
duisent en nous la grâce sanctifiante et la
rémission des péchés, lorsque nous les rece-
vons avec les dispositions nécessaires, et que
c'est pour opérer cet efl'et que Jésus-Cliri>t
les a institués. C'est encore la décision du
concile de Trente, sess. 7, eau. 6, où il dit
analhèmo à ceux (jui enseignent « qu;î les
sacrements de la loi nouvelle ne contiennent
|ioint la grâce qu'ils signifient, et qu'ils ne
la donnent point à ceux qui les reçoivent,
lors même que ceux-ci n'y mcltent point
obstacle; que ce s-onl seulement des signes
exiérieurs de la grâce ou de la justice (jue
l'on reçoit par la foi, ou une simple profes-
sion de la foi chrétienne par laquelle les fidè-
les sont distingués d'avec les infidèles. « Sui-
vant les |irotestants, c'est la foi du fidèle, et
non le sacrement, qui est la vraie cause de
la grâce et de la sanctification ; le sacrement
n'est (ju'une condition et un signe extérieur
de ce qui se fait par la foi ; c'e>t ce que les
théologiens scolasliques appellent produire
la grâce ex opère operantis; suivant les ca-
tholiques , au contraire, c'e>t le sacrement
qui, en vertu de l'institution de Jésus-Christ,
et en nous appliquant ses mérites, produit
la grâce, el en est la cause immédiate; la foi,
la conliance, la piété du fidèle, sont seule-
ment une condition nécessaire sans laquelle
le sacrement ne produirait pas son effet ;
c'est ce que les théologiens appellent pro-
duire la grâce ex opère opcralo. Nous \er-
rons de quelle manière les prolestants ont
travesti cette doctrine, afin de la rendre ri-
dicule cl odieuse ; mais il faul commencer
par la prouver.
Jésus-Christ déclare [Joan. m, 5), que si
quelqu'un n'est pas régénéré par l'eau et le
Saint-Esprit, il ne peut pas entrer dans le
royaume de Dieu ; suivant ces paroles, l'ef-
fet du baptême est une régénéraiion et non
simplement un moyen d'exciter la fui, de con-
firmer les promesses de Dieu, de réveiller
en nous la piélé. Saint Paul en parle do
même ; il appelle le baptême le bain delà ré-
généraiion et du renouvellement du Saint-Es-
prit ( / Tim. III, o). Lorsque cet apôtre fui
converti, Ananie lui dit : « Recevez le bap-
tême, el lavez vos péchés » {Act. sxii, 16J.
Il est dit; c. VIII, V, 17, que l'imposilioa
2S5
SAC
SAC
256
des mains des apôtres donnait le Saint-Es-
pril ; c'est l'effet de la confirmation. Jésus-
Christ nous liioiitre celui de l'eucharistie en
disant (Jnan. vi, 56) : Ma chair et téritable-
nient tme nourriture, et mon sang un breu-
vage; celui qui les reçoit demeure en moi et
tn'oi en lui Celui qui se nourrit de moi,
vivra pour moi Celui qui mange ce pain
vivra éternellement. Le sauveur ne parle ni
de la foi ni de la conQrnialion de ses pro-
messes.
11 a donné à ses apoires le pouvoir de re-
mettre les péchés par la pénitence el par
l'iibsolution [Joon. xx,23). Saint Jacques,
c. V, V. 14, dit que le fidèle malaile qui re-
co\ra l'onction des prêtres, recevra la ré-
mission de ses péchés. Saint Paul (// Tim. i,
6) fait souvenir son disciple TiiDothce de la
grâce qu'il a reçue par rimpositioii des muins
dans l'ordination. En compariint l'état du cé-
libat avec celui du mariage, il dit que cha-
cun a reçu de Dieu le don (jui lui est propre
(/ Cor. vu, 7) ; il y a donc une grâce parti-
culière attachée au tiiariage. Telle est l'idée
que nous donne l'Ecriture sainte de l'effet
des sept sacrements : c'est la régénération,
la purification de l'âme, la rémission des pé-
chés, le don de la grâce et du Sjiinl-Espril.
De quel droit les protestants veulent-ils per-
vcriir toutes ces idéts, réformer toutes ces
expressions, altrihuir à la fui du Gdèle ce
que l'Ecriture sainte attribue aux sacre-
ments ? Qu'ils nous piodiiisenl un seul pas-
sage dans lequel il soit dit que le dessein de
l'institution des sacrements est d'exciler la
foi, ou qu'ils opèrent p.ir la foi.
Nous n'alléguerons point pour preuve de
notre croyance les passages dans lesquels
les Pères de l'Eglise tiennent le même lan-
gage que les livres saints, et s'expriment
d'une manière encore plus posiiive; il suffit
d'observer qu'en parlant de formes sacra-
menlales, ils les appellent sermo Dei opifex,
operalorius, vivus et efficnx , verba Christi
ejficienlia plena, omnipoteiitia Verbi, etc.
Aucun d'eux ne s'est avisé de dire que c'est
la foi du fidèle qui oi)ère l'effet du sacre-
ment ; ils disent, au contraire, que c'est la
parole de Jésus-Christ prononcée par le prê-
tre, et que cette parole produit son elîet en
vertu de l'instiluiion de Jésus-Christ. 11 est
constant d'ailleurs que, dès les premiers siè-
cles de l'Eglise, on a donné le baptême aux
enfants, à des calcchuniènes tombés dans la
démence ou dans l'imbécillité, à des malades
en syncope ou en délire ; dans tous ces cas
le baptisé était incapabled'avoiractoellement
la foi ; on était néanmoins iiersuadé qu'il re-
cevait l'effet du sacrement. On supposait à la
vérité <)u"il avait eu la foi; mais on a tou-
jours pensé qu'avec la foi il fallait le sacre-
ment pour produire la grâce dans l'âme du
fidèle. Nous avons fait voir ailleurs l'absur-
dité de la foi justifiante des protestants, telle
qu'ils la conçoivent. Voy. Foi, § 5, Justi^î-
CAT ON, Imputation. La fausselé de leur sys-
tème est encore prouvée par la dilTcrence
que saint Paul a mise entre les sacrements
de l'ancienne loi el ceux de la loi nouvelle.
11 appelle les premiers des éléments vides et
impuissants (Gai. iv, 9), qui ne pouvaient
purifier que la chair [Hebr. ix, 10) ; qui ne
pouvaient effacer les péchés (x. H) ■ au lieu
qu'il attribue aux sacrements de la loi nou-
velle le pouvoir de donner la grâce et le
Saint-Esprit, de renouveler l'homme, de le
purifier, de le sanctifier, de le faire partici-
per au corps et au sang de Jésus-Christ, etc.
Cependant les sacrements figuratifs de l'an-
cienne loi pouvaionl exciter dans l'âme des
Juifs la loi au Messie futur el la confiance à
ses mérites; les ablutions ne doivent pas
avoir moins de vertu que le baptême, el le
repas de l'agneau pascal moins d'efficacité
que la cène eucharistique : où serait donc
la difi'érence?
Enfin, de l'opinion des protestants il s'en-
suit qu'un sacrement administré par un in-
sensé et par dérision, peut produire autant
d'effet que s'il l'était par motif de religion;
il peut également exciter la foi de celui qni
le demande, et celle foi supplée à tous les
défauts qui peuvent se trouver dans la for-
me ou dans l'administration du sacrement.
Les proteslanls n'ont point trouvé de meil-
leur cxpéilient pour pallier la fausselé de
leur sysième, que de travestir celui des ca-
tholiques ; ils ont poussé, sur ce point, la
mauvaise foi el la malignité au dernier ex-
cès : on ppul le reprocher non-seulement à
leurs anciens docteurs, mais à leurs théolo-
giens les plus modi-rnes. Mosheim assure
dans son Ilisl. ecclésiastique du xvi" siècle,
sect. 3, 1" part., c. 1, § 3tj, que ceux d'entre
les docteurs catholiiiues qui soutiennent quo
les sacrements produisent la grâce ex opère
operato, pensent qu'il n'est pas besoin de
beaucoup île préparation pour recevoir la
pénitence et l'eucharistie ; que Dieu n'exige
ni une pureté parfaite ni un parfait amour
de Dieu ; qu'ainsi les prêtres peuvent absou-
dre et admettre à la communion sans aucun
délai ceux qui se confessent, quels que
soient les crimes qu'ils ont commis. D'autres,
plus sévères, dit-il, exigent de longues
épreuves, une exacte pureté d'âme, un
amour de Dieu exempt de tout sentiment de
crainte ; de là esl venue la célèbre dispute
entre les approbateurs et les censeurs de la
fréquente communion, dont les uns admet-
tent et les autres rejettent le célèbre opus
opcratum des scolastiques.
Comme nous ne pouvons pas accuser
Mosheim d'ignorance, nous sommes forcé
de le taxer de mauvaise foi. 1" 11 esl con-
stant que les théologiens les plus rigoristes
conviennent, tout comme les plus relâchés,
que les sacrements produisent la grâce ex
opère operato, ou par leur vertu propre et
intrinsèque, et non ex opère opcrantis, par
l'efficacité seule de la foi de ceux qui les re-
çoivent, comme veulent les prolestants. Le
concile de Trente l'a ainsi décidé contre ces
derniers, sess. 7, can. 8. Ainsi, il est abso-
lument faux que parmi nous il y ail des
théologiens qui rejettent le célèbre opus
operaimn. — 2° Tous conviennent qu'il faut
des dispositions, quoique ces dispositions
2S7
SAC
S.\C
25S
ne soient pas la cause productive ou effi-
ciente de la grâce, mais une coiidiliDn sans
laquelle la grâce ne serait pas donnée. Ainsi
le plus ou moins de perfection qu'ils exi-
gent dans ces dispositions n'a aucun rap-
port à la question de savoir si le sacrement
agit ex opère operatn ou autrement, et ce
plus ou moins de perfeclion ne peut être es-
timé que par comparaison ; il n'y a point de
balance pour peser jusqu'à quel point l'âme
d'un fidèle est pénétrée de contriiion, d'a-
mour de Dieu, de piété, etc. — 'J' Nous ne
connaissons aucun théologien catholique qui
ait enseigné qu'il n'est pas besoin de beau-
coup de préparation pour recevoir les sacre-
ments de pénitence et d'eucharistie; que l'on
peut absoudre sans délai un pécheur qui se
confesse, quelque crime qu'il ait commis : si
quelqu'un avait avancé cette doctrine scan-
daleuse, il aurait été certainement comiam-
né. Tous enseignent que, pour être digne
d'absolution, il faut avoir une contrition
sincère et un ferme propos de ne plus pé-
cher ; qu'avant d'absoudre un pécheur d'ha-
bitude ou exposé à l'occasion prochaine du
péché, on doit l'éprouver pour savoir s'il est
véritablement changé. Tous conviennent
que pour parlicii)cr dignement à la commu-
nion, il faut être exempt de péché moriel et
de tonle affection au péché véniel; qu'ainsi
la pureté de l'âme est absolument nécessaire.
De savoir s'il faut que l.i contrition soit ins-
pirée par le motif seul de l'amour de Dieu
pur cl p.irfait, si tel pécheur a besoin d'être
éprouvé plus ou moins longtemps, s'il ne
doit point élre censé conv erli quoiqu'il soit
retombé, etc., ce sont des questions qu'il
n'est pas possible de résoudre par une règle
générale et applicable à tous les cas, et il
n'est pas possible que tous les confesseurs
aient le même degré de lumières, de pru-
dence, d'expérience pour en juger.- 'i-" Il est
faux que la dispute entre ceux qui approu-
vent et ceux qui blâment la fréquente com-
munion ait aucun rapport à l'effet du sacre-
ment ex o/)ere opcralo; jamais aucun d'eux
ne s'est avisé d'arnumenler pour ou contre
la décision du concile de Trente. Tous sont
d'accord que plus les dispositions d'un hom-
me qui approche des sacremenis sont par-
faites, plus il reçoit de grâces et de secours
pour le salut.
Mais il ne convient guère à un sectateur
de Luther, qui pardonne à ce réformateur
d'avoir enseigné que non-seulement la con-
trition, la douleur et le regret du péché ne
sont pas nécessaires pour en oBlenir la rc-
niission, mais qu'ils ne servent qu'à rendre
l'homme hypocrite et plus grand pécheur;
qu'il lui suffit de croire fermement que la
justice de Jésus-Christ lui est imputée; il ne
lui convient guère de reprocher aux doc-
teurs catholiques une doctrine relâchée tou-
chant la réception des sacrements.
Le traducteur de Mosheim ajoute une nou-
velle imposture, en accusant les jésuites et
les dominicains de supposer dans les sucre-
tnents une vertu énergique et efficiente qui
produit daus l'âme une disposition à rece-
voir la grâce, indépendamment de toute pré-
paration et de toute disposition du cœur an-
térieure ; c'est là, dil-il, ce qu'on appelle
Vopus operatuin des faci eincnls : d'où II suit
que la sriencf, la sagesse, l'humilité, la foi
cl la dévotion ne contribuent en rien à l'effi-
cacité des sacremenis, t. I\', note, p. 334.
Voilà comme les prolestants ont calomnié
de tout temps les catholiques, et c'est ainsi
que leur secte s'est établie.
lîncore une fois, lorsque le concile de
Treille a décidé que les sacremenis produi-
sent la grâce dans nos âmes ex opère opera~
la, il a entendu qu'ils la produisent par une
vertu que Jésus-Christ a bien voulu y atta-
cher; (]u'ainsi c'est le sacrement, et non no-
Ire fol ou notre <lévotion qui est la cause
productive de la grâce, quoique cette foi el
celle dévotion soient des dispositions abso-
lument nécessaires. En effet, quelque puis-
sante que soit une cause, elle n'agit point
lorsqu'elle rencontre dans un sujet des dis-
positions opposées à son action. Le concile
s'explique assez lui-même, en disant que
les sacre/nents produisent la grâce dans ceux
qui n'y mettent pas obstacle : or, ceux qui
n'onl ni foi, ni dévotion, ni regret d'avoir
péché, etc., mettent certainement obstacle
à l'efficacité des s icrements. Il est d'ailleurs
évident que le dessein du concile a été uni-
quement de condamner le système protes-
tant suivant lequel c'est la foi du fidèle, et
non le sacrement, qui produit la grâce : de
manière (]ue nous ne pouvons être jusiifiés
par notre foi, sans avoir be.soin des sacre-
ments, et sans avoir aucun désir lie les rece-
voir, puisque ce sont de sim|)les signes de la
grâce acquise parla foi, qui servent tout au
plus à nourrir cette foi et à faire profession
do ce que nous croyons. Ibid., can. k, 3, 6.
Quanti il y aurait eu , avant le concile do
Trente, des théologiens assez mal instruits
pour enseigner la doctrine que les protes-
tants nous prêtent, ce qui n'est point, du
moins dejiuis ce concile, ils n'ont pas pu
ignorer quelle est la doctrine catholique ;
aucun th. ologien n'a osé s'en écarter : donc,
lorsque les protestants la méconnaissent et
s'obstinent à la travestir, ils sont inexcu-
sables.
Outre la grâce sanctifiante que produisent
les sacrements en général, il y en a trois, sa-
voir le baptême, la confirmation et l'ordi-
nation, qui impriment à l'àme de celui qui
les reçoit un caractère ineffaçable : c'est
pour cela même que ces trois sacrements ne
peuvent pas être réitérés. Voy. Cauactkres.
De savoir si les sacremenis produisent leur
effet comme cause physique ou comme cause
morale, il nous paraît que c'est une ques-
tion interminable, parce que l'on ne peut
pas faire une comparaison exacte entre une
cause naturelle, soit phvsique, soit morale,
et les sacrements.
§ V. Qui est l'instituleur des sacrements ?
Jésus -Christ sans doute; lui seul a pu,
comme Dieu, attacher à un rite extérieur la
vertu de remettre les péchés, de donner la
grâce, de sanctifier les âmes. Ainsi, en lu-
259 SAC
slituant le baptême, il dil [Matta. xxviii, 18) :
Toitle puissance m'a été donnée dans le ciel
et sur la terre; alkz donc enseigner toutes
let nations, et baplisez-les au nom du Père, dit
Fils et du Saint-Esprit. En doiin;int à ses
apôtres le pouvoir de remeHre les péchés, il
leur dit (Joan, xx, 21) : Comme mon Père
m'a envoyé, je vous envoie Recevez le
Saint-Esprit ; les péchés seront remis à ceux
à qui vous les remettrez. Nous voyons dans
l'Evangile l'institution qu'il a f;iite de leu-
charislie la veille do sa mort. Quoique nous
n'y trouvions pas expressément la mémo
chose à l'égard des quatre autres sacrements,
nous sommes très-bien fondés à croire qu'il
encst.iussi l'auteur, et qu'après l'ascension
les apôLics n'ont rien fait que ce qu'il leur
avait ordonné de faire. En effet, saint Jean
nous avertit qu'il n'a pas écrit tout ce que
Jésus a fait {Joan. xx,30j. Il est dit dans les
Actes des Apôtres, c. i, v. 3, qu'après sa ré-
surreciion Jésus-Christ demeura parmi ses
apôtres pendant qu iranle jours, leur par-
i.intdu royaume de Dieu, c'est-à-dire de son
Eglise; c'est donc iilors qu'il leur donna ses
dernières instructions et ses ordres. Mais
quoique les apôtres les aient ponctuillement
exécutés, ils ne les ont pas mis par écrit.
C'est p;lr ce qu'ils ont fait que nous devons
juger lie ce qui leur était ordonné. Aussi
saint Paul dit aux iiiièles (/ Cor. iv,l) : «Que
l'homme nou- considère comme les minis-
tres de Jésus-Christ et les d'spensateurs des
mystères de Dieu. » Il ne dit pouil comme
les auleurs. Un fidèle ministre ou serviteur
ne f.iil que ce iiue son maître lui a com-
mandé. Conséqucmment ie concile de Trente
n'attribue point à l'Eglise d'autre pouvoir
louchant les sacrements que celui d'en régler
les rites accidentels sans toucher à la sub-
stance, salva illorum substantia, sess. 21,
c. 2.
C'est donc mal à propos que les protes-
tants argumentent sur le silence que garde
l'Ecriture sainte à l'égard de l'institution do
cinq de nos sacrements. l)ès que nous les
voyons en usage du temps des apôtres, nous
sommes certains que Jésus- Christ en est
l'auteur. Pour eux, qui prétendent que ces
céîémoiiies ne produisent aucun eilet sur-
naturel, ils n'ont pas ijesoin de savoir qui
les a inslilués ; ils pourraient en éiablir eux-
mêmes de nouveaux s'ils le jugeaient à pro-
pos : tout rite extérieur, capable d'exciter
et de réveiller la foi , peut être regardé
comme sacrement, à aussi juste titre que le
ha|)léme et l'eucharistie. De là est venu le
peu d'estime qu'ont les sociniens pour l'un
et pour l'autre : les protestants, en général,
sont assez persuadés que l'on pourrait s-'en
passer; ils ont réduit à peu près l'essence
du christianisme à la prédication de la pa-
role de Dieu.
§ VI. Ce q;ie nous venons de dire suffit
déj.'i pour nous apprendre qui sont les mi-
nistres des sacrements. C'est à ses apôtres,
par conséquent à leurs successeurs, que Jé-
s'us-Christ a dit: Baptisez les nations; les
féchés seront remis à ceux à qui vous les re-
SAC
260
mettrez ; faites ceci en mtmoire de moi, rtc,
Conmie le baptême est absolument néces-
saire au salul, l'Eglise, instruite sans doute
par les apôtres, a jugé que toute personne
r.iisonnable est capable de l'administrer va-
lidement : et tel a toujours été son usage.
Mais nous voudrions savoir comment les
protestants, qui veulent tout voir dans l'E-
criture sainte, y ont vu que telle doit être
en effet la pratique de l'Eglise chrétienne,
et pourquoi ils étendent à tout le monde un
ordre (|uo Jésus-Christ semble n'avoir adres-
sé qu'à ses apôtres seuls. Si ce n'est pas la
tradition et la pratique de l'Eglise qui les
détermine à juger que le baptême admini-
stré par un laïque ou par une femme est va-
lide, ils le pensent ainsi sans raison et sans
motifs. Ils ont encore poussé la témérité
plus loin, en enseignant que tout laï({ue a
autant de pouvoir qu'un prêtre ou un évo-
que pour administrer les sacrements ; erreur
qiiC l(! concile de Trente a cundamnée, sess.
7, can. 10. En parlant de rh.ique sacrement
en particulier, nous avons examiné qui en
est le ministre.
Le même concile, can. 11, a décidé que
pour la validité d'un sacrement, il faut que
celui qui l'administre ait au moins l'inten-
tion de faire ce que fait i'Eglise : ainsi le sa-
crement serait nul s'il était administré par
dérision, par un imbécile, ou par un enlant
incapable d'avoir l'intention de faire ce que
fait l'Eglise. Mais il déclare esi même temps
qu'il n est pas nécessaire pour la validité
que le ministre soit eu état de grâc!t. C'était
une erreur des vaudois aussi bien que des
protestants, de soutenir qu'un prêtre eu état
de péché était incapable d'administrer vali-
deiiient les sacrements de baptême, de péni-
tence, d'eucharistie, etc. Le salut des fidèles
serait trop hasardé, et ils seraient exposés
à des inquiétudes continuelles, si la validité
des sacrements dépendait de la sainteté des
ministres de l'Eglise. Enfin ce même concile
a proscrit, can. 13, la doctrine des prote-
stants qui ont prétendu que dans l'admini-
stration des sacrements, l'on n'est pas obligé
d'observer les rites et les cérémonies qui
sont approuves et qui sont en usage dans
l'Eglise catholique, que chaque société chré-
tienne a l'aulorité de les supprimer ou de les
changer comme elle le juge à propos. On
sait que les prétendus réformateurs ont
poussé l'entêtement jusqu'à dire que ces cé-
rémonies sont des abus et des superstitions,
des usages absurdes empruntés des Juil's et
des païens. Mais en supprimant ces rites an-
ciens, ils sont parvenus à dépouiller le culte
de tout ce qui le rendait respectable, et à
mettre les sacrements à peu près au niveau
des usages profanes. Voy. Cérémonies.
§ VU. Les prétendus réformateurs se se-
raient conduits plus sagement sans doute,
s'ils avaient été mieux instruits, ou s'ils
avaient réllécbi sur les conséquences qui
résultent des sacrements à l'égard de la so-
ciété. Pour le faire comprendre, nous som-
mes obligé du réunir en peu de mots les
261
SAC
SAC
262
réflexions que nous avons faites sur ch<acun
de rfis rilrs on particulier.
Par lo baptême administré aux enfants
dès lotir naissance, l'Eglise professe le dogme
du péché originel, de la nécessiié et de l'ef-
licacité de la rédemption ; la forme du sa-
crement ou les paroles expriment le m3'stère
dn la sainte Trinité; les trois signes de croix
faits au nom des trois personnes attestent
leur égalité parfaite ; et l'on s'en est servi
pour prouver aux ariens la consubstanlialité
du Verbe. La manière dont il étoil admini-
stré autrefois, par iiumcrsion, représenlait,
selon saint Paul, la sépulture et la resuir-
reclion de Jésus-Clirist. Par ce sacremenit,
un enfant devient fils adoptif de Dieu, fièro
de Jésus-Christ , rachrté par son sang ,
membre de sou Eglise, doublemeni précieux
à ses parents. C'est un dé[iôl duquel ils doi-
vent rendre compte à Dieu et à la société,
et qui leur impose des devoirs. Voilà ce qui
a banni du christianisme l'usage barbare
d'oloufler les enfants avant ou après !eur
naissance, de les exposer, de les vendre, de
destiner les uns à 1 esclavage, les autres à
la prosti<ution. Voilà ce qui sauve encore la
vie à une inlinilé de fruits de l'incontinence ;
ce qui a fait élever des asiles pour les rece-
voir et les élever; ce qui inspire à des vier-
ges chrétiennes le courage de leur servir de
mères. Les registres de baptême sont les
titres publics qui constatent la naissance,
les droits, l'état d'an enfant et les devoirs
de ses parents.
La confirmation administrée par l'imposi-
tion des mains des apôîies, donnait aux fi-
dèles le Saint-Esprit ou la grâce nécessaire
pour confesser leur foi, souvent les dons
miraculeux des langues, de prophétie, de
guérir les maladies, etc. Ces derniers ne
nous sont pas nécessaires; mais nous avons
toujours besoin d'un courage surnaturel
pour confesser Jésus-Christ, pour défndre
notre religion coiilie ses ennemis, pour ne
jamais rougir du nom de chrétien devenu
odieux aux incrédules, pour support<'r avec
patience leur mépris et leurs insultes. Ils
n'ont que trop bien réussi à inspirer à un
grand nombre d'honiines une indifférence
pour la religion, qui équivaut à une irréli-
gion déclarée. Fune>te disposition, qui a
énervé les principes de morale, de sociabilité
et de patriotisme. Jesus-t^hrist prévoyait ce
malheur, il l'a prédit, il voulait le prévenir
par l'institution d'un sacrement destiné à (or-
tifier la loi.
Dans l'article suivant, nous ferons voir
l'utilité des sacrifices et les leçons morales
qu'ils nous donnent; c'est pour les perpé-
tuer que notre divin Sauveur a voulu que le
sacrifice qu'il n fait do lui-méaie sur la
croix lût renouvelé sur les autels. Pour par-
ticiper à cette cérémonie, on mangeait la
chair des victimes, et ce repas commun était
un symbole de fraternité el d'hunianilé. Jé-
sus-Christ, en nous donnant dans feucba-
rislie son corps et son sang pour nourrir
notre âme, établit entre les fidèles une fra-
ternité bien plus étroite el des motifs de
charité mutuelle bien plus puissants. A la
vue d'un Dieu victime qui a prie pour ses
ennemis, qui s'est livré à la mort pour des
pécheurs, qui s^^ donne encore à des cœurs
ingrats, les ininiiliés, la jalousie, le resM'u-
liment, la vengeance, n'ont plus d'excuse.
Sur l'autel comme sur la croix sont proscrites
la loi barbare du plus fort, la loi insensée
delà scrviludej la loi d'inégalité fondée sur
des titres chimériques; (uns admis à la
même table, nous sommes nourris du même
pain, nous sommes tous un seul corps en
Jésus-Ch isl (/ Cor. x, 1). Sénèque a déploré
la barbarie des combats de gladiateurs :
L'homme, dit-il, prend plaisir à voir la morl
do son semblable, qui devrait être une tête
sacrée pour lui. Jésus-Christ a 'ait mieux, il
a dit : Haptisez toutes les nations, mangez
ma chair el buvez mon aang. Sénèque, avec
toute sa philosophie, n'a pas fait fermer
l'amphithéâtre : Jésus-Christ avec deux mots
l'a fait démolir.
Dans toutes les religions du monde, on a
compris la nécessité des expiations, ou d'un
moyen qui piît réconcilier Iiï péclieur avec
la justice divine, f^'homme, natuiellcnient
faible et inconstant, sujet à passer lrér;uem-
ment du vir.e à la vertu, el de la vertu au
vice, a besoin d'un pnoyen pour calmer ses
remords et se relever de ses chutes. Que de-
viendrait-il s'il ne lui restait point de res-
source, et s'il se livrait à un sombre di'ses-
poir? Ou a sans doute abuse souvent de la
pénitence, mais l'abus n'ea prouve point
l'inutilité. Pour que les péchés soient remis
par ce sacrement, il faut en avoir un repen-
tir sincère, les confes-er humblement, être
fermement résolu de n'y plus retomber et
d'en réparer les suites autant qu'il est pos-
sible. C'est un pur enlétement de la part des
incrédules, de soutenir que celte pratique
peut produire du mal. Voy. Confession.
II était digue de la charité infinie de Jésus-
Christ de fournir des coiisolalions el des
grâces particulières aux fidèles près de sor-
tir de ce monde; c'est dans ce dessein qu'il
a établi l'extréme-onction, el c'est aussi
pour les prêtres chargés de l'administrer,
l'occasion la plus précieuse pour exercer la
charité, pour ranimer le courage d'un ma-
lade, pour lui suggérer des motifs de pa-
tience, pour l'engager à réparer ses fautes,
pour procurer des secours temporels aux
pauvres, etc. Que les incrédules qui ont
l'ambition de mourir comme les brutes aient
déclamé contre ce sacrement, comme s'il
était fait pour tuer les malades; qu'ils aient
formé à ce sujet contre les prêtres des ac-
cusations contradictoires, en leur reprochant
tantôt la cruauté, el tantôt une molle indul-
gence, cela ne doit point nous émouvoir :
un jour ils se trouveront à ce dernier mo-
ment, el peut-être que Dieu !■ ur fera la
grâce de reconnaître leur démence.
Au mol Clergé, nous avons fait voir que
les ministres de la religion doivent former
une classe particulière d'hommes, que cette
vérité a été reconnue chez tous les peuples
policés. P-uisqu'ils sont tenus à des deveirsi
ses
SAC
SAC
26i
multipliés, fréquents, difGciles, qui exigent
des lumières, de l'élude, de la constance, il
fallait donc un sacrement pour les y consa-
crer et pour leur donner les grâces néces-
saires ; c'est l'effet de l'ordination. Leurs en-
nemis n'ont pas manqué de dire que les
prêtres ont forgé ce sacrement pour se rendre
plus respectables au peuple et pour s'arro-
ger une autorité divine. Jésus-Clirist n'a
consulté personne pour établir une hiérar-
chie ; si c'était un édiOce élevé par l'ambition,
il faudrait en accuser ce divin Maître et ses
apôtres : la consécration des prêtres de l'an-
cienne loi a précédé de quinze cents ans
l'ordinalion de ceux du christianisme. Dans
les fausses religions même, il y avait une
inauguration pour ceux qui étaient agrégés
au collège des pontifes, et chez les Romains
Je sacerdoce était une magistrature. Voy.
le Dictionnaire d'Antiquités. Qui prouvera
que dans l'origine ce sont les prêtres qui ont
voulu être ordonnés ou consacrés, et que ce
n'est pas le peuple qui a voulu qu'ils le fus-
sent? Le fait incontestable est que tous les
peuples sans exception ont eu des prêtres;
donc ils ont voulu en avoir : tous ont re-
gardé le sacerdoce rorame une dignité, tous
y ont attaché de la considération et de l'au-
torilé, tous ont pris pour les fonctions du
culte les hommes qui leur paraissaient les
plus respectables; donc tous ont compris
que cela était convenable et nécessaire. Il
en sera de môme jusqu'à la fin des siècles,
en dépit des ciauieurs des incrédules.
De tous les engagements que les hommes
peuvent contracter, l'un des plus importants
est le mariage; puisque la société conjugale
est le principe de la société civile, ce lien doit
être aussi sacré et aussi indissoluble que le
lien social. Aussi tous les peuples policés
ont senti la nécessité de donner à ce conirat
la plus grande solennité; lous ont pensé
qu'il devait être formé au pied des autels,
sous les yeux de la Divinité, béni par les
ministres de la religion; le sens comuiu!» a
dicté cet usage. Par un trait de sagesse su-
périeure, Jésus-Christ en a rétabli l'indisso-
lubilité primitive, et il l'a élevé à la diguiié
de sacrement. Ceux qui n'ont pas voulu y
reconnaître ce caractère, ont bientôt poussé
plus loin la témériié; ils ont décidé que le
mariage est dissoluble pour cause d'adul-
tère, et ils ont permis au landgrave deHesse
d'avoir deux femmes à la fois.
Comme les sacrements sont la partie prin-
cipale du culte divin établi par Jesus-Christ ,
c'est là que l'on aperçoit le plus distincte-
ment l'utilité du culte religieux en général,
qui est do professer et de perpétuer le dogme,
de multiplier les leçons de morale , d'établir
entre les hommes une société plus étroite
que celle qui vient de l'instinct de la nature.
Il y a donc une témérité inexcusable à
méconnaître dans tous ces rites le caractère
sacré que Jésus-Christ leur a imprimé. On
dira peut-être <}ue, malgré le retranchement
de cinq de nos sacreinenls , la société et les
mœurs ne laissent pas de se soutenir chez
les prolestauts aussi bien que chez les catho-
liques. Sans vouloir convenir de l'égalité,
nous soutenons que cette stabilité vient de
l'exemple des catholiques dont les protestants
sont environnés, de la rivalité qui règne
entre ces derniers et nous , et du ton général
des mœurs que le catholicisme avait intro-
duit dans l'Kurope entière avant la n jissance
du proleslanlisme : une preuve de ce fait,
c'est que, dans leurs catéchismes même, ils
ont soin d'inspirer aux jeunes gens dès l'en-
fance cet esprit de jalousie et d'inimitié con-
tre l'Eglise romaine.
SAINT-SACREMENT. Voy. Eucharistie.
FÊTE DU St. SACREMENT. Voy. Fête-
Dieu.
SACRIFICATEUR. Voy. Prêtrise.
SACRIFICE, offrande faite à Dieu d'une
chose que l'on détruit en son honneur, pour
reconnaître son souverain domaine sur
toutes choses. Par cette définition même il est
clair que le sacrifice est l'acte essentiel de la
religion, l'expression du culte suprême, l'a-
doration proprement dite. Il ne peut donc être
offert qu'à Dieu; l'adresser à une créature,
ce serait lui rendre les honneurs divins.
Aussi n'y eut-il jamais de religion sans quel-
que espèce de sacrifice , sans un acte solennel
destiné à attester le souverain domaine de
Dieu; tous les peuples, par un instinct natu-
rel semblable et principalement par l'effet de
la révélation primitive [Voy. Dict. de Théol.
inor. , art. Sacrifice], ont téuioigné à la
divinité leur soumission, leur reconnais-
sance , leur confiance , de la même manière.
Tous ont-ils eu tort , comme le soutiennent
les ennemis de toute religion? Pour le savoir,
il faut examiner les sacrifices, 1° en eux-
mêmes, 2° chez les patriarches, 3° chez les
juifs, k° chez les chrétiens , 5° chez les païens.
§ I. S'il fallait écouler les leçons des incré-
dules, rien ne nous paraîtrait plus ridicule
que les sacrifices en eux-mêmi's. Les hom-
mes, disent-ils, ont été bien aveugles et
bien insensés de croire qu'ils honoraient
Dieu en tuant, en déchirant, eu brûlant ses
créatures. Ont-ils donc pensé que la divinité
était avide de présents, qu'elle se repaissait
des offrandes, de l'odeur des parluuiSjde
la fumée des victimes? De cette folle idée
sont nées les superstitions les plus grossières
et les plus cruelles. Les prêtres sans doute
en sont les auteurs , parce que c'étaient eux
qui profitaient des victimes offertes à Dieu.
Nous soutenons au contraire que Dieu
lui-même est l'auteur des sacrifices, puisque
nous les voyons pratiqués par les enfants
d'Adam et par les patriarches, avant la
naissance du polytliéisme et de ses abus.
Nous ajoutons qu'indépendamment même
des lumières de la révélation, l'idée de faire
des offraudes à la Divinité a dû venir natu-
rellement à l'esprit de lous les peuples,
qu'elle n'a rien de déraisonnable ni de dan-
gereux en elle-même. Déj>à nous l'avons
prouvé au mot Offrande, mais il faut le
répeter en peu de mots.
Dès que les hommes ont cru un Dieu, ils
l'ont .envisagé comme l'auteur et le distri-
buteur des biens do ce moude; c'est l'idée
205
SAC
SAC
206
qu'en ont eue les païens les plus grossiers :
I)ii dniores bonorum, c'est par ce motif
môme iju'ils lui ont rendu un culie (et par le
bosdin d'expiations). Il n'csl donc pas possi-
ble qu'ils aient imaginé que Dieu avait besoin
de leurs dons. Celui qui fait croître les fruits
de la terre ne peut-il pas les pruduire pour
lui aussi bien que pour les autres , s'il en a
le môme besoin ((u'eus? « J'iii dit au Sei-
gneur : Vous êtes mon Dieu , vous n'avez
pas besoin de mes biens, nous ne pouvons
vous offrir (|ue ce que nous avons reçu de
votre main.» (Ps. xv, 2; / Parai, xxix, Ik; II
Parai, vi, 18, 19.) Ces sentiments de David
et de Salomon sont inspires par le bon sens.
Des voyageurs ont cité l'exemple d'un Sau-
vage qui, en recueillant son maison son
manioc, dl-iail à Dieu : « Si lu en avais besoin,
je t'en donnerais; mais puisque tu n'en as
pas besoin, j'en donnerai à ceux qui n'en
ont pas. » Ce n'est point une absurdité de la
part d'un piuvre de faire de légers présents
à un riclie qui lui a fail du bien; il imagine
que, sans en avoir besoin, ce bienlaiieur
lui saura gré d'un témoignage de reconnais-
sance. Conséi|uemment les homtnes dans
lous les temps ont ofî rt à la Divinité les
aliiMcnts dont ils se nourrissaient, et la na-
ture des sacrifices a toujours été analogue à
leur manière dv vivre. Les peuples agricul-
teurs ont présenté à Dieu les fruits de la
terre; les peuples nomades, le lait de leurs
troupeaux; les peuples chasseurs et pécheurs,
la chair (!es animaux; les habitants île l'Ara-
bie, la fumée de li'ur encns; les Uimains,
la bouillie de riz et les gâteaux qui étaient
leur ancienne nourriture, adoreu dona,
adorea libu, etc. 11 n'est donc pas nécessaire
de chercher plus loin l'origine des sacrifices
de la chair des animaux ou des victimes
sanglantes, ils n'ont été offerts que parles
peuples qui s'en nourrissaient; Porphyre l'a
très-bien vu en examinant cette question,
Traité de l'abstinence, 1. ii, n. 9, 25, 3+, 58.
Le premier exemple incontestable d'un
sacrifice sanglant que l'on trouve dans l'iîcri-
turc est celui que Noé olTril à Dieu en sortant
de l'arche après le déluge , et c'est à ce mo-
ment même que Dieu lui permit, et à ses en-
fants, lie se nourrir de la chair drs animaux
(dencs. VIII, 20; ix,3) : sans cette permission,
l'un ne conçoit pas comment Noé aurait pu
imaginer qu'un lel siicrifice serait agréable
à Dieu, commi'iit il aurait pu croire qu'il
avait le droii do tuer des animaux innocents
et qui ne fuit piiint de m.l aux hommes.
Soii que l'on ait consunié par le l'eu ce que
l'on sacririait à Dieu, soit qu'on l'.iit aban-
donné aux préIres, soit qu'on l'ait donné
aux pauvres, le motif él.iit le même : les
premiers habitants du monde ont olïert des
sacrifices, et ils n'avaient point de préires;
un père de famille nomade n'avait point de
pauviesà coté de lui, il ne pouvait donc témoi-
gner qu'il faisait uneolTrande à Dieu , qu'en
la brillant ou la détruisant à son honneur.
Où est dans ces cas l'absurdité ou la folie?
Par celte cérémonie singulière l'homme a
fait profession d'avoir tout reçu de Dieu,
DiCT. m; TiiÉOL. dogmatique. lA'.
c'est un signe do reconnaissance; d'attendre
tout de lui, c'est une marque de confiance ;
d'être prêt à tout perdre pour lui , c'est un
hnmmage de soumission ; de se punir par une
privation, c'est un sentiment de pénitence
après avoir péché. De là est née la distinction
des divers sacrifices : les uns ont été appelés
hosties pacifiques, pour remercier Dieu et lui
demander des bienfaits; le» autres, sacrifices
CTpiafoîrfs, pouretTarerles péchés; les autres,
holocaustes, ou brûlés tout entiers, pour
reconnaître le souverain domaine de Dieu,
il nest aucun de ces motifs qui ne soit reli-
gieux et louable, et souvent peut-être ils
ont été lous réunis dans un même sacrifice.
Ce rite extérieur attestait, outre la présence
de la divinité partout, sa providence et son
aitenlion à l'égard de tous les hommes; il
était toujours suivi d'un repas commun,
dans lequel le père et sa famille, le maître et
l'esclave, le proche et l'étranger, le riche et
le pauvre étaient réunis; c'était un signe de
fraternité. Avoir participé ensemble au
même sacrifice était un gage d'hospitalité
pour la suite, et une sauvegarde contre les
deliaiices et les inimitiés nationales. Ainsi la
religion a toujours servi à rapprocher les
hommes, à corriger leur caractère brutal et
sauvage.
Quelques savants très-estimables, qui exa-
minaient la question que nous traitons avec
des yeux philosophes , ont été persuadés que
l'idée des sacrifices sanglants ne serait jamais
venue à l'esprit de tous les peuples, si Dieu
lui-même n'en avait pas fait un précepte aux
premiers hommes, dès le commencement du
monde. Nous n'avons garde de révoquer le
fait en doute, puisque nous voyons par
l'Ecriture sainte que c'est Dieu qui a été le
premier précepteur du genre humain , et il
est incertain si les 4aer«/îces qu'Abel oITrail au
Seigneur n'étaient pas des sacrifices sanglants.
Mais il nous paraît que, sans avoir conservé
aucune notion de celte révélation primitive,
les hommes , portés par un instinct naturel à
présenter à Dieu leur nourriture, n'onl pu
manquer de lui offrir la chair des animaux
dès qu'ils ont élé accoutumés à s'en nourrir.
Ils ont pensé que cttte espèce de sacrifice
était la meilleure et la plus agréable à Dieu ,
parce qu ils éprouvaient, comme nous l'éprou'-
vous encore, que col aliment est le plus suc-
culent de tous, celui qui nourrit davantage,
qui est le plus au goût du commiin des hom-
mes. On ne citera j miais aucun jeuple ré-
duit à vivre de végétaux, (jui ;iii offen à
Dieu des victimes san;;laiites; c'est encore
une observation de l'orphyre. Les savants
dont nous parlons disent : « KsI-il Inea
conlorme aux senlimenls de la n^ilure de se
plonger dans le sang d'un animal innocent?
Quoi de plus dégoûtant (|ue de manier des
entrailles fumantes? Comment se persuader
qu'une odeur infecte soit un parfum délicieux
pour la divinité? Comment des temples
liansforniés en boucheries pouvaient-ils pa-
r.iitre augustes et vénérables, etc. » Nous
nous contentons de répondre que quelques
philosophes ont fait à peu nrès les mêmes
9
2«7
SAC
rùflexions sur l'horrible aspect de nos bou-
cheries, sur l'odeur infecte de nos cuisines,
sur le service de nos tables, qui semblerait
irès-dégoûlant à un liomme habitué à vivre
ie fruits. Il est inutile de demander comment
un fait S pu arriver, lorsque nous voyons
sous nos yeux un phénomène à peu près
semblable. Pour en rendre raison, il n'est
pas nécessaire de recourir aux idées ab-
surdes que les peuples polythéistes se sont
formées de liurs dieux, auxquels ils ont
attribué les besoins, les goûts, les passions
de l'humanité. Ces notions f;\usses sont pos-
térieures de longtemps à la naissance de la
véritable religion et des sacrifices offerts au
vrai Dieu. Nous en découvrirons l'origine et
les conséquences dans le § V, ci-après. On se
trompe encore plus évidemment, lorsque
l'on attribue aux prêtres l'invention des
sacrifices et de tous les abus que l'on en a
faits. Dans les premiers âges du monde et
avant la formation de la société civile, tout
père de famille était le sacrificateur de sa
maison , et l'on a trouvé des sacrifices san-
glants chez des sauvages qui n'avaient au-
cune notion de sacerdoce (Ij.
(1) Pour compléter celte idée générale du sacrifice,
nons enipriinloiisà Scliinidl la notion qu'il nous donne
des sacrilices.
I On justifie oïdinairemenl l'origine des sacri-
fices, en avançant que les hommes se croyaient
obligés et rigoureusenuni astreints à offrir à la Divi-
nité leurs htimmages ou quelques présents. Les dieux
nous comblenl de bienfaits; il est doue naturel de
leur consacrer les premiers des biens que nous tenons
de leurs bontés : de là les libations de l'antiquité et
l'offrande des premiers, qui avaient lieu au commen-
cenienl des repas. Cette sorte de sacrifices, usitée
chez tous les peuples anciens, consistait dans l'Iiiim-
niage qu'on fais;iit aux dieux des fruits et des pro-
duits de la terre. Elle était le résultat d'un mouve-
ment spontané, d'une volonté libre; elle iirarrifesiait
la piété, secondait la reconnaissance.
< Quelque satislaisauie que paraisse cette explica-
tion des sacrifices, i|irel(|ue plausible que soit Vo; i-
niim qui les fait dériver du devoir imposé à l'Iiorume
d'ofïrir' à la Diviniié des préseirts, des dons, des pré-
mices ; selon nidi, Crpeiidant, cet hiinmage, d'ailleurs
si naturel, n'est point le motif de rinsirtutlon uni-
versellement répandue des sacrifices. Je crois, au
contraire, comme l'atteste clairenierit l'iiisloire, que
les hommes lurent dans tous les temps pénétrés de
cette vérité: qu'ils livaienl sous fempire d'une puis-
sance iirilée, et que les sacrifices seuls pouvaient fléchir
sa colère. Les dieux sont bienfaisants, c'est d'eux que
nous avons reçu tous les biens dont nous jouissons :
dè> lors, irotre devoir est de les exaller par nos lou^m-
ges, de leur témoigner notre reconnaissance... Mais
les dieux sont justes, nous sommes coupables : dés
lors, il devient nécessaire de les adoucir, d'expier
nos crimes, et le moyen le plus efficace pnur y par-
venir, c'est le sacrifice. — Telle fui U croyance de
l'antiquité, telle est encore, sous des forirres diver-
ses, la croyance ilu inonde erriier. Les premiers
hommes, dont les idées servirerrt de type à celle du
genre humain, se croyaient coupubles. Sur cette
doctrine fondamentale s'élevèrent les institutions re-
ligieuses, en sorte que les liDinmes de lous les temps
ne cessèrent jamais d'avouei une déchéance origi-
nelle et générale, de répéter comme nous, quoique
dans un sens moins rigoureux : Nus mères noui. onl
conçus dans le crime. — L'idée d'un crime et de la
SAC 268
§ II. Sacrifices des patriarches. Nous
voyons, dans l'histoire de la création, les
enfants d'Adam offrir à Dieu des sacrifices;
punition qu'il mérite est généralement la source des
sacrifiies.
< Sacrifices sanqlanis. Les anciens avaient coutume
d'offrir non-seulement des présents, des dons, des
prémices, mais encore la chair des animaux. S'ils
n'avaient voulu p;ir là que reinlre boni mage ii la Oi-
vinilé et lecorrnaître sa suprématie sur louies les
créatures, ils se seraient horirés à lui offrir cette
chair et à la placer sur ses autels. Torriefois les piu-
ples ne se conteulèrent pnint d'une offrande si sim-
ple ; ils inrmolaienl les animaux, ils répandaient leur-
sang en l'honrreur des dieux et pour sceller la ré-
corrcilialion. Le culte exigeait donc nue viclirne
choisie et l'effusion du sang. Orr croyait que c'était
moins l'offrande de la chair que celte effirsiou qui
possédait !a vertu expiatoire , indispensable airx
hoirrmes.
I Les anciens regardaient le sang comme un vivant
fluide, où résidait l'âme; la vie et le sang se trou-
vaient, porrr ainsi dire, les deux termes identiques
d'une éqrration. Delà vient aussi qu'ils pensaient que
le ciel, irrilé corrtre la chair' et le sang, ne pouvait
être apaisé que iiar son effusion, et aucun peuple n'a
douté qu'elle n'eût la propriété d'expier le crinie. Or
ni la raison ni la folie ne donnèrent naissance à cette
idée, et bien moins encore ne la firent adopter si
gérréralement. L'histoire ne nous montre pas dans
l'univers une seule contrée qui lui soii restée inac-
cessible. C'était une opinion uniforme, dorri le règne
embrassait tons les pays, qu'on ne pouvait ubienir
que par le sang la rémi^sioir du crime et le retour
des faveurs célestes. C'^ point une fois admis, la na-
ture des sacrifices païens se dévoile à notre vue, au-
tant, du mnins, qire la faiblesse de nos sens nous
permet de l'apprécier.
I Vniversalilé de la doctrine de la rédemption par
l'effusion du sang. Rien ne frappe plus, dans les lois
de Moïse, que ses constants efforts pour garantir les
juifs des pratiques du paganisme, pour si'parer le
peuple Israélite du reste des peuples, en lui impo-
sant des rites particuliers ; mais, relativement aux
sacrifices, il abandonne son système général : il se
règle d'après les rites fondamentaux des autres na-
tions, et môme, ne se contentant pas de s'y confor-
mer', il ajoute à leur rigueur, exposant ainsi le ca-
ractère national à acquérir uire dureté dont, à coup
sûr, il n'avait |ias besoin. De toutes les cérémonies
prescrites par ce célèbre législateur, il n'en est pas
une, il n'est surtout aucurre purification, même phy-
sique, pour laquelle le sang ne soit nécessaire Je
signale principalement les purificatioirs et les sacri-
fices expiatoires, fixés par les U>\<, et dont le but
était de sanctifier et de réconcilier. Remarquons
surtout la fête de l'expiation solennelle, à laquelle
tout le peuple se purifiait et rentrait en grâce avec le
Seigneur. La purification s'opérait par l'immolation
de certaines viciimes, du sang desquelles on arro-
sait la terre et l'on faisiit îles aspersions; voici quel-
qires circonstances delà fêle solenrrelle: purifié déjà
par le sacrifice d'rrne victrme, le grand prêtre apporta
le sang du bouc, tué pour le p cire du peupfe, au de-
dans du voile; il en arrose la terre devant l'oracle et
purifie le sanctuaire des, impuretés des eirfanls d'Is-
raél, de leurs prévancalions de lous leurs péchés...
Offrarrt alors le bouc vivairl, il met ses deux mairrs
sur sa lête, confesse toutes les iniriuilés des enfatrls
d'Israël, en charge avec' impiécation la lête du bouc,
et l'envoie au désert par un liomme destiin' à ceile
mission {Lév. xvi, 15, 16, 21). A la suiie se trouve
le comnraiiderrrenl fait aux enfants d'israél : i Au
dixième jour du sepiiéme mois, vous affligerez vos
âmes; c'est en ce jour que se fera voire expiation
et la purification de tous vos pécliés ; vous serez pu-
269 SAC
il est dit (Gfin. iv, 3) que Gain, laboureur,
olTr;iil à Dieu les fruits de la leire-, qu'Abel,
pusteur de troupeaux , cit oiïrait les prémices
rifiés (levant le Seigneur. Car cVsi le sshhat el le
gian.l jour du repos. > (Lev. xvi.îi), 31.) Celle expia-
lion ordonnée par Moisc , insépar;ible de l'effusion
du siiDj; des victimes, élait l'image de l'expiation
générale des crimes du genre humain par le sacri-
fice de la croix et par le sang de Jésus-Clii ist.
t l)e même que chez les Julls d'après les lois
mosaïques, riinmolalion des victimes et l'elfusioii de
leur sang, dans le but d'apaiser les ilieuv, étaient
universellement en usage chez les jiaiens. Une mala-
die contagieuse exerçait ses ravages d;uis le camp
des Grecs; Achille veut connaiire c la cause de ce
grand courroux d'Apollon, s'il puuitla transgression
d'un vœu ou le relus de quelque hécatomhe, el si
daignant agréer un sicrilice de viclimes choisies, il
veut écarter loin des Grecs la contagion ei la mon. »
D'après la réponse de l'oracle, « Agamemnoii ordonne
aussitôt aux peuples de se pnrilier : ils se purilieiil,
et jettent l'eau lustrale dans la mer. Ils immolent au
dieu du jour des hécalonihes choisies de taureaux et
de chèvres, près la rive de l'indomptable Océan :
la graisse des victimes s'élève jusciu'au ciel, en tour-
billons de i'umée. >
c Et lorsque Clirysès eut reçu sa lille chérie, c ils
rangent aussiim l'hécatiimbe autour du superbe au-
tel ; ils versent sur leurs mains une eau puie et
prennent l'orge s:icrée. > (Iltiade iCllomère, chant 1,
traduction de P. J. Bilaubc.)
< Horace nous dit :
Et lliure et lidibiis juval
Placare, el vlluli sanguine debito
Custodes Nuuiid;c deos. {Lib. I.)
I Que mon encens, que les sons de ma lyre, que le
sang de lu victime promise acijuittent ma reconnais-
sance envers les dieux qui ont veillé sur les jours de
Numide! > Quiconque a étudié l'aiitiiiuilc coujihU
les lawobvtes ci les ctiobolef, auxquels donna lieu en
Orient le culte de llitlira. L'effet de ces sacrilices
consistait dans une pailaite purilication, dans la dis-
parition de tous les crimes, dans une régénération
morale et complète. Afin de renaître ainsi pour l'é-
ternité (résultai qu'attribuaient les prêtres à ce genre
de sacrifices, quoi(ju'ils recommandassent de les re-
nouveler après un laps de vingt ans), on descendait
nu dans une fosse profonde, recouverte avec une
planche percée d'une b)ule d'ouveruires. Sur C'tte
planche on égorgeait un taineau ou un bi'-liei , de
manière à ce que leur sang, encore liède, jaillit sur
toutes les parties du corps du pénitent. Quand on
immolait un taureau, le sacriliee s'appelait tauro-
bole ; il se nommait, a\i contraire, crjobole. lors-
qu'un employait un bélier. Au lémoign'igo de Gré-
goire de iNaziaiize, Julien l'Apostat se soumit lui-
même à celle biiarre snpersiilion. (àî fut donc la
croyance constante de tous le^ hommes ei de tous
les temps, que l'effusion du sang avait la vertu de
sanciilier et de racheter. Dans sa tonne extérieure,
celle croyance se modilia suivant le caiactère et le
culte des dillérents peuples; mais partout le principe
est visible. Comment, dé» lors, prétendre avec quel-
que droit que le paganisme s'est lait illusion sur
celte idée bnidamentale et universelle , c'est-à-dire
la rédemption au luoyen du sang? S'appuieraiton
sur rini|iossiliiliié où était le genre humain de devi-
Ber la vertu de ce sang , nécessaire à sa régénéra-
tion? sur le que l'bomine abandonné à lui-inê ne,
ne pouvait connaître, ni la grandeur de sa cbuie, ni
l'immensité de l'amour dont il redevenait l'objet?
Nonobstant ces objections, toujours est- il que chaque
petiple, queli|ues notions (lu'il posséilàt sur la dë-
clMsance originelle, i oiÉuaissait et le besoin et la na-
ture ilu moyen de salut. Assurément les lacine;
BAC
270
et la graisse ; que Dieu agréa les oITraudes
d'Abel el non celles deC.iin. Ou ne peut pas
douter que cette conduite n'ait élé le fruit
des leçons que Dieu avait données à leur
père. « C'est parla foi, dit saint Paul {Hcbr.,
XI, 4), qu'Abel oflril à Dieu de meilleures
victimes que Gain. » Quelques savants ont
cru que la faute de Gain consistait en ce qu'il
ne voulait offrir à Dieu que les fruits de la
terre, qui étaient l'offrande propre à l'état
d'innocence , au lieu ijue Dieu avait ordonné
qu'on lui immolât des animaux, )|ui étaient
la victime convenable pour expier le péché
dans l'état de nalure tombée. Cette conjec-
ture est ingénieuse, mais on ne peut pas la
prouver. Il n'est pas absolument certain
qu'Abel ait immolé des animaux. Plusieurs
interprètes ont observé que le mol hébreu
qui signifie /j/cmi'ces ou premiers-nés, exprime
aussi ce qu'il y a de meilleur, el que la
graisse des troupeaux peut signifier le beurre
ou la crème du laitage. Ils traduisent ainsi
les paroles de la Genèse : Abel olfruil à Dieu
le meilleur qu'il lirait de ses troupeaux, le
lait el la crr.iie , parce qu'alors Dieu n'avait
pas encore accordé à l'homme pour nourri-
ture la chair des animaux. Il est dit simple-
ment que Cdin offrit des fruits de lu terre;
mais il n'est pus dil, comme d'Abel, qu'il offrit
le meilleur : c'est peut-être en cela seulement
que coiisisla la différence entre les sacrifices
des deux frères.
Après le déluge , Noé , au sortir de l'arche,
choisit des animaux purs et les offrit à Dieu
en holocauste; i'Ecrilure njouic qac l'odeur
de ce sacrifice fut agréable à Dieu. Ce fut à
celle occasion que Dieu permit à Noé el à ses
cnfanls de manger la chair des animaux,
mais il leur en interdit le sang, afin de leur
inspirer l'horreur du meurtre (Gen. vin, 20;
IX, ;J). L'expression de l'auteur sacré à donne
lieu à quelques incrédules de conclure que
Noé pensait coinuic les païens, que Dieu se
repaissail de la fumée des victimes. Les
Juifs , diseiil-ils , furea! dans 1 1 même erreur,
puisque Moïsr répèle souvent les mêmes
paroles en parlant des sacrifias.
Au mol Odelr, nous avons fait voir que
ce terme se prend souvent chez les auteurs
sacrés dans un sens métaphorique, el cette
métaphore a lieu dans toutes les langues :
la bonne odeur esl ce qui nous plaît, la tnau-
vaise odeur, ce qui nous déplait; nous en
avons cité plusieurs exeuiples, el l'un peut
en ajouter d'autres. 1 i'.eg. xxvi, 19, David
dit à Saiil : «SI c'est le Seigneur qui vous excite
contre moi, qu'il accepte ma mort, adoretur
d'une croyance si extraordinaire, si générale, doivent
être profondes. Si elle n'avait pas eu un fondeineiii
réel et mystérieux, pouiqnoi Dieu même l'aurait-il
consignée dans les luis mosaïques ? Oii les aneiens
auraient-ils puisé l'idée d'une régénération morale?
Pourquoi, dans tous les lieux et à louies les époques^
aiin . l'honorer la Divinité, de se concilier ses laveurs,
de détourner sa colère, aurait-oi choisi une céré-
monie dont l'esprM, isolé de tout secouis étr-anger, ne
saurait donner l'idée? La nécessité nous foici: de i-;-
coiMiaître l'existence de qucl(|ue cause cachée, et celle
cause était bien puissante. > [Uém. tu., éd. Aligne.)
271
SAC
sacrificium. «Saint Paul écrit aux Philippiens,
jv 18 qu'il a roçii leur présent couimc
une victime de boniie odeur et agréable à
Dieu. Flairer de loin , avoir l'odeur de quel-
que chose, c'est la prévoir et la pressentir.
il est dit dans le livre de Job, xxxix, 25,
qu'au son de la trompette le cheval a l'odeur
de la guerre, qu'il sent les harangues des
généraux et les cris des armées. Ainsi , rece-
voir un sacrifice en bonne odeur , c'est
l'agréer ou l'accepter, être touché de cet
hommage. Nous ferons voir les vrais senti-
ments des Juifs dans le paragraphe suivant.
Lorsque Abraham eut remporté une vic-
toire sur quatre rois, Melchisédech, roi de
Salem, offrit du pain et du vin, en qualité
de prêtre du Dieu très-haut, el il bénit
Abraham [Gènes, xiv, 18). Siiint Paul nous
apprend que cette offrande fut un sacri(ice,
et que le sacerdoce de Melchisédech était la
figure de celui de Jésus-Christ [HeOr. vu,
et viii). Pour confiriiier l'alliance que Dieu
contracte avec Ahraham et la certitude des
promesses qu'il lui fait, il lui ordonne d'im-
moler une victime, d'en faire deux parts,
et il fait passer au milieu de ces deux portions
une lumière éclatante, comme s'il y passait
lui-même (Gen. xv, 9). C'était l'usage des
Orientaux qui faisaient alliance de passer
ainsi au travers des chairs de la victime ; de
là leur expression , diviser ou partager une
alliance, pour dire la contracter. De inêuie
Jacob et Laban, pour faire ensemhle un
Iraiié de paix, immolent une victime et fout
un repas commun (Gen. xxxi, 54). Ainsi toutes
les fois qu'il est dit qu'Ahraliam ou Jacob
éleva un autel, on entend qu'il offrit à Dieu
un sacrifice. Job offrait tous les jours un
holocauste pour les péchés de ses enfants
(Job, I, 5). On se disposait à cette cérémonie
par des préparations. Avant d'offrir un sacri-
fice pour sa famille, Jacob assemble toute sa
maison, il ordonne à ses gens de se puriQer,
de changer d'habits, de se défaire de leurs
idoles, et il enfouit sous un arbre ces objets
de superstition (Gen. xxxv, 2). 11 nomme
Bélhel, maison de Dieu, le lieu où Dieu a
daigiié lui parler; il y consacre une pierre
par une effusion d'huile, et Dieu approuve
sa piété (xxxi, 13).
§ 111. Sacrifice des Jxiifs. Par ce que nous
venons de dire touchant le culle religieux
des patriarches, on voit que le cérémonial
prescrit aux Israélites par Moïse n'était pas
absolument nouveau pour eux , puisqu'une
bonne partie avait été déjà pratiquée |)ar
leurs pères. A la vérité rien n'éiail encore
déleruiiué par une loi positive couchée par
écril; mais plusieurs choses étaient déjà
réglées par l'usage et par la tradition reçue
des anciens : la loi de Moïse lixa le tout
dans le plus grand détail.
Il y avait deux sortes de sacrifices, les san-
glants et les non sanglants, el l'on en dis-
tingue trois de la première espèce. 1° L'ho-
locauste : la victime y était lirûlée en en-
tier, sans que personne en pût rien réserver.
(Levit. I, 13), parce que ce sacrifice était ins-
titué pour rpcnim.iilre la souveraine majesté
SAC 2-J2
de Dieu, devant qui tout s'anéantit, et pour
apprendre à l'homme qu'il doit se consacrer
toul entier el sans réserve à celui de qui il
tient toul ce qu'il est. 2° L'hostie pacifi(|ue
était offerte pour rendre grâces à Dieu de
quelque bienfait, pour en obtenir de nou-
veaux, ou pour acquitter un vœu. On n'y
brûlait (jue la graisse et les reins de la vic-
time; la poitrine el ré|jaule droite étaient
donnéi'S au prêtre, le reste app.irtenait à
celui qui avait fourni la viciime. Il n'\ avait
point de temps marqué pour ce sacrifice, on
l'offrait quand on voulait ; la loi n'avait
point déterminé le choix de l'animal, il fallait
seulement qu il lût sans défaut (Levit. m, 1).
3° Le sacrifice, pour le péehé, appelé aussi
sacrifice expiatoire ou propitiatoire. Avant
de répandre le sang de la victiuieau pied de
l'autel, le prêtre y trempait son doigt, et en
touchait les quatre coins de l'autel ; celui
pour qui le sacrî^ce était offert n'en empor-
tait rien, il était censé se punir lui-même
par une privation. On brûlait la graisse de
la victime sur l'autel, la chair tout entière
était pour les prêtres, elle devait être man-
gée dans le lieu saint, c'est-à-dire dans le
parus du tabernacle (Deut. xxvu, 7). Lors-
que le prêtre offrait pour ses propres pé' hés
et pour ceux du peuple, il faisait sept fois
l'aspersion du sang de la victime devant le
voile du sanctuaire, et il répandait le resie
au pied de l'autel des holocaustes (Levit.
IV, G).
On employait cinq sortes de victimes dans
ces sacrifices, savoir, des vaehes, des tau-
reaux ou des veaux, des brebis ou des bé-
liers, des chèvres ou des boucs, des pigeons
et des tourterelles. On ajoutait aux chairs
qui étaient brûlées sur l'autel une offrande
de gâteaux cuits au four ou sur le gril, ou
frits dans la poêle, ou une certaine quantité
de fleur de farine, avec de l'huile, de l'en-
cens et du sel. Celle oblalion, presque tou-
jours jointe au sacrifice sanglant, pouvait
aussi se faire seule sans élre précédée par
une effusion de sang ; alors c'était un sacri-
fice non sanglant, ulTerl à Dieu couime au-
teur de tous les biens. On y ajoutait de«J'en-
cens, dont l'odeur agréable était le symbole
de la prière el des saints désirs de l'âme.
Mais Moïse avait défendu que l'on y mêlât
du vin et du miel, Ogures de ce qui peut
corrompre l'âme par le péché ou l'amollir
par les délices, lie prêlre prenait une poi-
gnée de celte farine arrosée d'huile, avec de
l'encens, les répamiait sur le feu de l'auiel,
et tout le resteetailà lui. 11 devait manger
le pain de celle farine sans levain dans le
tabernacle, el nul autre que les prêtres n'a-
vait droit d'y loucher. Il y avait encore des
sacrifices ou la victime n'éiait point mise à
mort : tel était le sacrifice du houe émissaire
au jour de l'expiation solennelle, et celui du
passereau pour la purification d'un lépreux.
Le sacrifice perpétuel est celui dans lequel
011 immolait chaque jour sur l'autel des ho-
locaustes deux agneaux, l'un le matin, lors-
que le soleil commençait à luire, l'autre le
soir après le coucher du soleil-
875
SAC
SAC
274
Mais il ne faut pas oublier ce qu'enseigne
saint Paul au sujet de cos sacrifices (Ilebr.
x), savoir que le sang des boucs, des tau-
reaux et dis autres victimes ne pouvait pas
efl'iicer les péchés ; que les cérémonies juives
étaient dos éléments vi<les el imiuissants ;
que la loi ne pouvait donner aux bornmes la
vraie justice, elc. Dieu s'en élait cl;iirement
expli(|iié par les prophètes (Ps. xlix, 10;
Isa. I, 11; Lxiii, 2 ; Ji»em. vu, 21; Ezech.
XX, 5 ; Joël., Il, 1-2; Amos, \, 21 ; Mich., vi,
G, elc ). Cent l'ois il avait déclaré aux Juifs
que h; culte grossier el purrmeiit extérieur
ne pouvait lur plaire, qu'il ne le leur avait
prescrit qu'à cause de leur co'ur, qu'il vou-
lait l'obéissanci' el la piété intérieure, la jus-
tice envers le prochain, la charité, les bon-
nes œuvres, la conversiou do cœur après le
péché, elc. H ne s'ensuit pas de là néanmoins
que le culte était vain, superflu, supersti-
tieux o<] absurde en lui nième : s'il avait
été tel, janiiiis Dieu ne l'iiurait ordonné.
Nous avons vu que rien n'était plus naluicl
ni pins légitime que d'offrir à Dieu les aii-
tnenls dont nous sommes redevables à sa
boulé ; qu'un socr(/?ce offert par un vrai sen-
timent de reconnaissance avec une piété sin-
cère, renferme des leçons de morale très-
utiles ; que si les lionimes en ont abusé par
stupidité, par légèreté, par hypocrisie, il ne
s'ensuit rien. Si Dieu n'avait pas prescrit lui-
même un cérémoniiil, les Juifs ne pouvaient
pas manquer A{\ s'en f.iire un, soil p.ir le
penchant naturel qui \ a porté tous les hom-
mes, soit par l'envie d'imiter les autres peu-
ples dont ils étaient environnés : mais celui-
ci, ou\rage de l'erreur el du caprice des
hommes, était absurde el souvent criminel;
celui que Dieu a instiiué était pur, innocent,
capable de rendre solidement religieux un
peuple plus traitabic que les Juifs.
Les p,issai;es de I licrilure sainte que nous
avons indiqués, mil servi aux Pères de l'E-
glise pour réfuter deux sortes d'adversaires :
1° les Juifs, qui prélenilaient, comme ils le
croient encore aujourd'hui, que le culte ex-
térieur prescrit par la loi élait le plus saint,
le plus parfiit, le plus eapable de sanctifuir
l'homme ; que dès (ju'une l'ois Dieu l'avait
établi, il ne pouvait plus l'abolir. Saint Jus-
tin, dans son Uinlogue avec Triphen, lui cita
tous ces passages pour lui prouver le con-
traire ; il lui lit voir que Dieu lui-même
avait promis d'en établir un plus parfait, sa-
voir l'adoration en espril et en veriié que
Jésus-Christ a prescrite. 2' Les gnosli()ues,
les inarcioiiiies. les manichéens, qui soute-
naient qu'un culte aussi grossier que le ju-
daïsme ne pouvait pas être l'ouvrage du
même Dieu qui nous a donné l'Evangile.
Tertuilien , 1. ii conlra Marcion., c. 18;
S. .Vug., I. xxn contra. Fausl., c. 'i ; 1. ii
contra Advers. Legis, c. 12, n. 37, etc., ont
fait usage des mêmes paroles pour montrer
que Dieu n'agréait ce culte qu'autant qu'il
etail sanclilie pur la piété intérieure. Nous
nous en servons encore pour répomlre aux
incrédules lorsiju'iis renouvellent les mêmes
reproches. Voy, Loi eéiiiiMoHiBURj Ces der-
niers disent que des sacrifices el des céré-
monies pour effacer le péché sont un abus ;
cela persuade à l'homme que le péché peut
être réparé par un rite extérieur ou racheté
par une offrande ; c'est un allrait pour en
faire commettre do nouveaux : les païens
ont déploré cet aveuglement et ont censuré
cette pratique.
liétionse. Nous avons déjà observé que ce
serait le plus grand des malheurs, si, après
un premier crime, l'homme se persuadait
que Dieu est inexorable, qu'il n'y a plus ni
pardnn ni grâce à espérer, qu'il est perdu
pour jamais. Un malfaiteur prévenu de ces
idées noires ne pniriait plus être relenu par
aucun frein, ce serait un ligre lâché dans la
société. Mais jamais la vraie religion n'a
dciiiné à l'homme coupable un sujet de pen-
ser qu'il pourrait effac er son péché par les
cérémonies estérienres, sans aucun senti-
ment de regret, de confusion, de résipiscence,
sans avoir la volonté de changer de vie.
Dans la loi de Moïse il n'y avait point de ia-
cri^ce ordonné pour les grands crimes; ils
devaient être expiés par la mort du coupa-
ble. Dieu avait dit aux Juifs en leur donnant
sa loi (Exod. xx, G ; Dmt., v, 10) : Je fais
miséricorde à ceux qui m'aiment. Un des prin-
cipaux commandements de celte loi était
d aimer Dieu i Deut. ix, 5 ; x, 12 ; xi, 13, 22,
ete.). David pénitent disait : « Dieu, si vous
aviez voulu des sacrifices, je vous en aurais
offert ; mais les holoc/iustes ne peuvent vous
plaire : le seul sacrifice digne de vous être
présenté est un cœur brisé de douleur (A's.
L, 18). Dieu faisait dire aux Juifs prévarica-
teurs : B'isez vos cœurs el non vos vêtements
[Joël, II, 12, etc.). Le sacrifice pour le péché
etail donc destiné à faire souvenir l'homme
coupable des sentiments qu'il devait avoir
dans le cœur pour être pardonné. C'était
pour lui une espèce d'amende el une priva-
tion, puisqu'il ne lui était pas permis de se
rien réserver de la victime.
Les incrédules sonl encore plus injustes,
lorsqu'ils prétendent que, dans le christia-
nisme, un pécheur peut obtenir le pardon
par la confession seule, par des actes exté-
rieurs de piété, par des dons faits à l'Eglise
ou aas prêtres, par des messes, sans repen-
tir', sans résolution de se corriger, saus
faire aucune satisfaction au prochain pour
réparer le dommage qu'il lui a causé. Ja-
mais celle morale absurde n'a été soufferte
dans l'Eglise chrétienne. Voy. Expiation,
PÉNITENCE.
Mais les ennemis de la religion n'ont pas
borné là leur malignité ; ils souliennenl que
les Juifs pensaient, tout comme les païens,
que Dieu était nourri ou du moins récréé
par l'odeur el la fumée des victimes. Ils pré-
tendent le prouver par Isaie, qui dit,
c. XXXI, v. 9, que Dieu a son feu dans Sion
et son foyer dans Jérusalem ; par Malachie,
c. 1, V. 12, qui reproche aux Juifs de mépri-
ser la table et la îiourridire du Seigneur ; par
la loi même de Moïse, dans laquelle les sa-
crifices sonl appelés un pain ou un alime>it ;
enlin par le psaume xux, v. 13, dans lequel
27£ SAC
Dieu demandf aux Juifs : La chair des tau-
reaux sera-t-elle donc ma nourriture, et le
sang des boucs mon breuvage ? Ce reproche
suppose évidemment que les Juifs étaient
dans celte fausse idée.
Réponse. Cette objection a été faite antre-
fois par les manichéens ; saint Augustin ;
I. XIX contra Faust., c. 4, y a répondu. 11
est fâcheux que de savants protestants, tels
que Spencer, Cudworth , Mosheira, l'aient
renouvelée, comme s'ils avaient en dessein
de fournir une arme de plus aux incrédules;
Cudworlh, Dissert, de S. Cœna, c. vi, § 6,
noie de Mosheini. Nous n'avons aucun des-
sein de justifier les idées grossières et absur-
des que peuvent avoir eues les Juifs pervertis
par l'idolâtrie de leurs voisins et enlraîiiés
dans les mêmes erreurs ; ils ont dû se former
du Dieu d'Israël la même notion que les
païens avaient des leurs, il ne s'ensuit pas
de là que les ;idoraleurs constants du vrai
Dieu, à plus forte raison Moïse, les propi.è-
tes, les hommes instruits, aient pensé de
même. Il est évident que nos adversaires
abusent des passages qu'ils allèguent, qii'ils
donnent un sens faux à des expressions sus-
ceptibles d'un sens très-orlhodoxe : qui leur
a révélé que ce n'était pas celui des écri-
vains sacrés T
Le feu allumé dans le (emple de Jérusa-
lem a pu élre nommé le foyer de Dieu, non
parce que Dieu venait s'y chauffer et y cuire
ses viandes, mais parce qu'il était allumé
par l'ordre de Dieu, et pour consumer les
sacrifices que Dieu avait prescrits. L'autel
était la table du Seigneur, non parce qu'il
venait y manger, mais parce que l'on y brû-
lait ce qui lui éiail offert : la chaii des vie
times était lu nourriture que Dieu avai( don-
née aux prêtres , elle venait de Dieu, mais
Dieu n'en usait pas. Saint Paul appelle aussi
l'aiitel sur lequel se consacre l'eucharistie,
la table du Seigneur ; sans iloule, il n'a jas
cru que Dieu y venait manger avec les hom-
mes. David a nommé la manne du désert,
le pain des a)i^e< ; s'ensuit-il qu'il a pensé
que les anges en ont mangé ?
Le reproche que Dieu a fait aux Juifs, Ps.
XLix, signifie seulement : « Par l'importance
que vous attachez aux sacrifices sanglants,
il semble que vous ayez dans l'esprit que je
me nourris de la chair des taureaux et (in
sang des boucs. » Ce sarcasme ne suppose
point que les Juifs le croyaient véritable-
ment. Un enfant auquel on ne voulut pas
permettre d'assister ua sacrifice d'un taureau
que voulaient offrir de graves sénateurs,
leur demanda biusquemcnt : Arcz-vous
peur que je n'avale votre taureau ? Il ne faut
pas supposer i' commun des Ju fs plus slu-
pides qu'ils n'étaient en effet. Dieu leur dit
en même temps : Immolez- moi un sacrifice
de louanges. Le sacrifice de louanges m'hono-
rera {Ps. XLIX, 14 et 23). Il ne s'ensuit pas
que Dieu est avide de louanges, ou qu'elles
peuvent contribuera son bonheur. Il dit au
pécheur : 'Tu as cru gue je suis semblable ù
toi (v. 21) ; cola ne prouve pas que le pécheur
a eu véritablement cette idée, mais qu'il se
SAC 2;g
conduit comme s'il l'avait eue. Pour renfor-
cer leur objection, nos adversaires disent
que les Juifs avaient rendu leur temple, les
meubles et les instruments du culte, le ser-
vice divin, semblables à ce qui se fait dans
la maison d'un riche particulier, ou dans le
palais d'un roi. Soit; il s'ei\suit que les Juifs,
comme tous les peuples du monde, ont senti
que l'on ne pouvait témoigner à Dieu du
respect, de la vénération, de la reconnais-
sance, de la soumission, du désir de lui
pliiire, autrement que l'on ne fait pour les
hommes : nous défions les philosophes les
plus spirituels de forger une religion
sur un autre modèle. Qu'on la spiritualiso
tant que l'on voudra, l'on sera toujours
forcé de se servir d'expressinns propres à
désigner des corps pour signifier les idées
spirituelles, d'employer des gestes et les ac-
tions sensibles pour témoigner les senti-
ments de l'âme, eu un mol, d'honorer Dieu
comme on honore les hommes. Les protes-
tants ont cru retrancher absolument tout
appareil ; ils ont cependant conservé le
chant des psaumes, le jeu des orgues, l'u-
sage de s'habiller proprement pitur aller au
prêche, la cène, les prières à haute voix ;
nous voilà donc fondés à leur dire qu'ils oui
cru que Dieu est réjoui par les concerts de
leur musique, qu'il vient manger avec eux,
qu'il n'a pas l'oreille assez fine pour enten-
dre des prières faites à voix basse, etc. Voy.
Cérémonie. Enfin, quelques incrédules mo-
dernes ont poussé l'audace jusqu'à soute-
nir que les Juifs ont offert à Dieu des sacri-
fices de sang humain; ils ont apporté en
preuve l'exemple d'Abraham et celui de
Jcphté, et une loi du Lévilique, de laquelle
ils ont détourné le sens. Au mot Anathème,
nous avons démontré l'injustice et la faus-
seté lie cette calomnie; aux mots Abraham
et jEPnTÉ, nous avons prouvé que l'on a
cité CCS deux personnages très-mal à pro-
pos ; dans le § 3, nous ferons voir que ce dé-
sordre exécrable a une origine très-diffé-
rente de celle que lui donnent ordinairement
le.-, hicréilules, et que Dieu avait pris toutes
les précautions possibles pour le prévenir.
§ IV. Sacrifice des chrétiens. Puisque le
sacrifice est l'acte le plus essentiel de la reli-
gion, et l.' témoignage le [ilus énergique du
culte suprême, il n'était pas possible que
Jésus-Christ, qui est venu mius apprenilre
à adorer Dieu en esprit et en vérité, laiisât
sou Eglise sans aucun sacrifice. Vainement
ses entants rebelles soutiennent que cette
adoration en esprit et en vérité exclut la no-
tion du sacrifice, qui est un acte extérieur et
sensible; si cela était vrai, il faudrait ban-
nir du culte divin dans la loi nouvelle tout
signe ext rieur de respect et d'adoration : la
prière publique, le chant des psaumes, la
céiébraliou de la cène, le baptême, l'action
de se mettre à genoux, etc., seraient aussi
contraires au culte spirituel que l'oblation
d'un sacrifice.
Si nous en croyons les protestants, le seul
sacrifice de l'Eglise chréiiennc est celui que
Jesus-Christ a fait de lui-même sur la croix
277
SAC
SAC
S78
pour la rédcniplion du monde; mais ce sa-
crifice une fois accompli ne peut se renou-
veler, parce qu'il est d'un mérile infini, et
iqu'il a clé offerl pour l'élernité. Dès ce mo-
menl les Giièles ne peuvent célébrer que des
sacrifices improprement dils, qui consistent
à offrir à Dieu les sentiments de leur cœur,
les prières, les louantes, les vœux, les ac-
tions de grâces ; et c'est dans ce sens qu'il
faut entendre tout ce qui est dit dans le Nou-
veau Testament, des sacrifices, des .lutels,
des victimes, du sacerdocede l,t loi nouvelle.
Il est étonnant que les protesl.inls aient
réussi à séduire de bons esprits par un sjs-
lèine aussi mal conçu. 1° Nous pouvons leur
opposer d'abord le tableau de la lilurgie
chrétienne tracé par sainl Jean (Àpoc. v),
oîi l'on voit un autel, un aj^ncau en élut de
victime, des prêtres qui l'environnent, et
tout l'appareil d'un sacrifice réel, auquel il
ne manque rien. - 2" Les victimes spirituel-
les, les louantes, les prières, les actions de
grâces ont été aus>i nécessaires dans la reli-
gion des patriarches et dans celle des Juifs
que dans la religion chrelienni; ; elles sont
la base de tout vrai cuite. Croirons-nous
()u'Abel, Noé, Abraham, Job, Jacoli, et les
Juifs véritablement vertueux se sont borués
à l'extérieur pour faire à Dieu des offrandes
et des sacrifices, sans y apporter les mêmes
sentiments de piéiédont nous devons accom-
pagner les nôtres? Dieu a déclaré dans cent
endroits de l'Ecriture, que sans ces disposi-
tions du ca!Ur, aucun culte ne pouvait lui
plaire. Déjà sous l'Ancien Testament les
prières, les adoiaiions, les louanges, sont
appelées des sacrifices et des victimes {Psal.
XLix, 14-). Immolez à Dieu un sacrifice de
louanges (v. 23); ce sacrifice m'honorera {Ps.
cvi, V. 22j ; qu'ils m'offrent des sacrifices de
louange, etc., vilulos lahtorum {Ose., c. xiv,
V. 3). Cependant Dieu voulut que les patriar-
ches et les Juifs lui oITrissenl des victimes réel-
les et des sacrifices sensibles, et il est dit
qu'ils furenlagréablesà Dieu. A la vérilédans
ce temps-là le sacrifice de Jésus-Christ n'avait
pas encore été réellement offert; mais il
l'était déjà dans les desseins de Dieu, puis-
qu'il est apjielé dans i'.lpocahjpse, c. xin,
v. 8, V Agneau immolé depuis le cnmmcnce-
menl du monde ; ainsi Dieu a voulu qne le
sacrifice fût représenté d'avance di>puis la
création, et ces cérémonies en ont einiirunté
toute leur valeur ; en quel endroit Dieu a-
t-il défendu de le représenter encore aujour-
d'hui, pour en conserver cl en perpétuer la
l'U'uiuicc? Les protestants diront qu'elle est
ïiultisammenl conservée par l'Ecriture sainte :
nous verrons dans un nionienl que cela est
faux, que les socinieus ont perverti le sens
de Ions les passages de l'Ecriture qui con-
cernent le sacrifice de Jésus-Cbrisl sur la
croix. — 3° Suivant la doctrine de sainl Paul,
les sacrifices de l'ancienne loi, les victimes
offertes sur les autels, le sacerdoce des lé-
vites, la dignité île pontife, le sanctuaire du
temple, etc., étaient ainsi nommes dans toute
la propriété des termes, sans aucune méta-
phore, simplement, parce qu'ils représen-
taient le sacrifice, le sacerdoce, le pontificat
et les augustes fonctions de Jésus-Christ. Or,
il est absurde d'imaginer qu'un tableau pro-
phétique est plus agréable à Dieu et a plus
d'efficacité qu'un tableau commémoralif ;
qu'une cérémonie destinée à retracer le sou-
venir du sacrifice de la croix, et à nous eu
appliquer les fruits, ne doit plus être appe-
lée sacrifice, oblation, victime, sacerdoce,
etc. ; que cette commémoi ation déroge à la
dignité du sacrifice de la croix, pendant que
les figures qui l'annonçaient n'y dérogeaient
pas. — .'i^' Saint Paul {llebr. xiii, 10), dit:
« Nous avons un autel auquel n'onl point
droit de participer ceux qui servent aux ta-
bernacles, » c'est-à-dire les prêtres et les
lévites de l'ancienne loi. Or, ils avaient cer-
tainement le droit de participer aux sacri-
fices spirituels, aux victimes improprement
dites, communes à toutes les religions ; au-
cun mortel n'en fut jamais exclu. Il faut donc
que saint Paul ail admis quelque chose de
plus dans lechrislianisme [Uebr. vu et suiv.).
— 5° La source de l'erreur des protestants est
le refus de reconnaître la présence réelle de
Jésus-Chrisl dans i'eiu/(«rî.s7ie ; mais à cet
article nous avons prouvé que c'est un des
dogmes de la foi chrétienne les mieux fon-
dés sur l'Ecriture sainte et sur la tradition,
et qui tient essentiellement à tous les autres.
—6' En Si' donnant la liberté d'expliquer
dans un sens impropre et figuré toutes les
expressions des livres saints concernint le
sacrifice des autels, les protestants ont ap-
pris aux socinieus à interpréter de même
toutes celles qui regar lent le sacrifice de la
croix et le sacerdoce éternel de Jésus-Christ.
Mais en expliquant ainsi dans un sens im-
propre et figuré les expressions des auteurs
sacrés, les protestants ont appris aux soci-
nieus à interpréter de môme ce qui est dit du
sacrifice de la croix et du sacerdoce éternel
de Jésus-Chrisl. Celui-ci, disent les unitaires,
consislecn ce que Jésus-Chiisl continue dan»
le ciel d'intercéder pour nous auprès de son
Père ; sa iiiorl sur la croix n'a été qu'un sa-
crifice improprement dit, en ce que Jésus-
Chrisl mourant a prié pour les pécheurs, et
en ce que, par sa mort, il a confirmé toute
sa doctrine. Ainsi s'accroît la témérité des
hérétiques, dès qu'une fois ils se sont atiri-
biié le privilège de donner à l'Ecriture sainte
le sens qu'il leur plaît.
La fausseté de l'opinion socinienne saule
aux yeux. Sainl Paul [Hebr.. vu, 17), appli-
que à Jésus-Chrisl cis paroles du psaume
cix, v.ktVous ■ les prêlrr pour l'éterniié selon
l'ordre de Melchiscdecli.U compare, v. 23, ce
sacerdoce éternel de Jésus-Chrisl au sacerdoce
passager des enfants de Lévi ; il l'appelle le
pontife saint, innocent el sans tache, qui n'a
pas besoin d'offrir tous les jours des victimes
pour ses propres péchés el pour ceux du
peuple, mais qui l'a fait une fois en s'offranl
lui-même, V. 20 el 27.11 dil,c. vin, v. 6, que le
ministère de Jésus-Christ est plus auguste
que celui des prêtres anciens, en ce qu'il est
médiateur d'une meilleure alliance : il ajoute,
c. IX, V. 7, que ie pontife des Juifs, qui en-
879
SAC
SAC
280
trait chaque année dans le sanctuaire, où il
offrait le sang d'une viclime pour ses fautes
et pour colles du peuple, était la figure de
Jésus-Christ, ponllfe des biens futurs, qui
est entré dans le sanctuaire du ciel, non
avec le sang des animaux, mais avec son
propre sang, pour opérer une rédemp-
tion éternelle , pour racheter par sa
mort les prévarications commises sous l'an-
cienne alliance, etc., v. 15, et s'est montré
une fois pnur ahsorber les péihés par sa
propre viclimo, v. 28. — Or, si le sacerdoce,
les viclimps, les sacrifices de l'aiicicniie loi,
simpli's figures de ceux de Jésus-Christ,
élaient cependant un sacerdoce, des vic-
times, des sacrifices proprement dits, et dans
toute la rigiirur des termes, pourquoi ceux
de Jésus-Christ ne le sont-ils pas à plus
forte raison ? Il est absurde de supposer que
le nom et la notion d'une ('hose conviennent
plus pioprinient à la figure qu'à la réal lé;
donr, c'fstdans le sens le plus propreel le|ilus
rigoureux queJésiis Christ est prètreet pon-
tife, que sa tliairelsonsaiigsonlunevicîinie,
et que sa mort sur la croix est un sacrifice.
En cela saint l'aul n'enseignait rien de
nouveau; déjà le prophèic Isaïe, c. nu,
V. 6 et suiv., iivaildit du Messie: « Dieu a
mis sur lui l'iniquité de nous tous, il sera
conduit à la mort comme un agneau...,; s'il
donne sa vie pour le péché, il verra une
longue postérité..., et il portera leur ini-
quité, etc. » Ainsi le prophète peint le Mes-
sie, non-seulement comme une victime
offerte pour le péclé, mais comme un prêtre
qui s'offrira lui-même ; par conséquent sa
mort est f oiiime un sacrifice expiatoire. Ces
divers passages de l'Eirilure sainte ni' nous
paraissent pas moins forts pour réfuter les
prolestants. Aussi au mol Eucharistie, § 5,
nous a^ons fait voir que Jésus-Chrisi, véri-
tablement présent sur les autels, en vertu
des paroles de la consécration, continue île
s'offrir comme victime à son Père pour les
péchés des hommes, par les mains des prê-
tres; qu'ainsi celte ohlation est un sacrifice
aussi réel que celui qu'il a offert sur la
croix. En effet, les protestants conviennent
que l'offrande des anciennes victimes était
une figure du sacrifie/' sanglant de Jésus-
Christ, qu'elle en lirait toute sa vertu et
toute son efCcacilé, que celte oblation néan-
moins étail un sacrifice proprernent dit.
Donc l'Eucharistie, qu'ils appellent la cène du
SeiyneHr, qui est aussi une commémoration
de la mort du Sauveur, est do même un
sacrifice proprement dit. C'est une absurdité
de vouloir que la figure aniieipée ou pro-
phéticiue de la mort de Jésus-Christ soit un
sacrifice, et que la fij.'ure comniémoralive,
qui n'est pas une simple figure , puisque
Jésus-Christ s'y trouve, n'en soit pas un.
Mais qu'ont fait les protestants? Pour
pervertir toutes les notions, pour ilélourner
l'attention des fidèles du point de la ques-
tion, ils ont cliangé les anciens noms d'euc/m-
rislie, (Voblalion, de sacrifice, û'Iiostie, eu
celui do cine pour donner à entendre que
eclto cérémonie n'est point la commémoration
ni le renouvellement de la mort du Sauveur,
mais la représentation de la cène ou du sou-
per qu'il fil avec ses apôtres la veille de sa
mort. Au mot CiïNE et au mot Eucharistie,
§ 3, nous avons fuil voir que c'est un abus
malicieux. « Toules les fois, dit saint Paul,
que vous mangerez ce pain et que vous
boirez ce calice, vous annoncerez la mort
du Seigneur (/ for. xi, 26). Il ne dit pas.
Vous annoiicerez le dernier souper du Sei-
gneur. En eiïet, lesouper était fini, l'agneau
pascal étail mangé, lorsque Jésus-Christ
prit du p:;in 1 1 du vin, les bénii ou les con-
sacra, les donna à ses apôtres en leur di-
sant • Ce' i est mon corps livré ou froissé pour
vous, ceci est inon sanj versé pour voits.
Donc, celle action représentative île la mort
qu'il devait souffrir le lendemain était déjà
un vrai sacrifice; donc, celle même action
répétée ensuite par les apôlrcs, suivant le
commaiidemeiil de leur divin Mailre, a été
aussi un sacrf/îce. Enfin, les prolestants qui
avouent que les prières, les louanges, les
actions do grâces, les aumônes, sont des sa-
crifices improprement dits, ont poussé l'en-
lêtement jusqu'à ne vouloir pas convenir
que l'euchai islie, rite commémoratif ou re-
préscnlatif de la mort de Jésus-Christ, est du
munis un sacrifice improprement dit; parce
qu'ils ont senti que s'ils le disaient, ils se-
raient bientôt forcés d'avouer que c'est un
sacrifice dans le sens le plus propre et le
plus rigoureux. Mais que prouve celle af-
i'eclatioii ridicule? qu'ils voient la vérité et
qu'ils la fuient !
Beausobre, l'un des plus artificieux, pré-
tend que, dans les premiers siècles, l'on a
nommé sacrifice, non pas seulement le pain
et le vin offerts et consacrés, mais toute
l'offrande de pain et de vin qui éiail faile par
les fidèles, de laquelle on prenait une por-
tion pour la communion, et dont le reslc
servait au clergé et aux pauvres. Il cite, pour
le prouver, la liturgie rapportée dans les
Cons/itutions apostoliques, liv. viii, c. 13,
où l'évêque prie Dieu pour les dons (jui ont
été offerts au Seigneur, afin qu'il les reçoive
comme un sacrifice d'agréable odeur; paroles
semblables à celles de saint Paul (Pliilipp.
IV, 18j, qui appelle ainsi les aumônes des
fidèles. Hisl. du Munich., loin. II, I. ix, c. 5,
§ 4. Mais ce critique confond déjà mal à
propos la liturgie des Constitutions aposto-
liques avec celle de saint Jacques, et il com-
met une falsification : la prière qu'il cite est
prononcée par l'évêque sur la seule portion
des offrandes sur laquelle il vient proférer
les paroles de la consécration : donc c'est
cette portion seule ainsi consacrée qui est
nommée sacrifice; on peut s'en convaincre
en vérifiant le passage. S'il avait consulté et
comparé la liturgie de saint Jacques ou de
Jérusalem avec toules les autres liturgies,
soit des E'glises d'Orient, soit de celles d'Oc-
cident, il y aurait trouvé les noms ^'abla-
tion, de sacrifice, li'autel , d'hostie, ou de
victime, employés de même dans le sens
propre et rigoureux. Le Père Lebrun l'a
>uit voir d'une manière incontestable, Expl'
281
SAC
SAC
282
des cérém. de la Messe, t. VI, 12" disserl.,
art. 1, p. o76 et suiv.
IMoslU'iii) , plus sincère que Bonusohrc ,
conviont que dès le ii" siècle, l'on s'arcoulu-
ma à regiinler l'oblalion ou la coiisécralion
de l'eiicliarisiie comme un sacrifice; mais on
y élail accoutume depuis les apôlres. Qu'y
niamiue-l-il on elTel pour mériler ce nom?
Il y a un prêtre principal, qui est Jésus-
Clirisl, et qui s'ulTre lui-même à sun l'ère
par les mains rl'uii homme qui lient sa place
et qui oflVe en son nom. Il y a une victime,
q'ii est encore .Icsus-tlhrl.st. il y a une inï-
molali'iii, puisque Jésus-Christ y est en état
de mort, et (|ue son corps est représenic
comiiie séparé de son sanp;; la cérémonie est
suivie de la communion ou du repas com-
mun dans It'qucl les assistants se nourris-
saient des chairs de la victime. Quelle dilTé-
renci' entre ces idées, pour exciter la piété
des fiilèles et la frivole représentation d'un
souper I
§ V. Sacrifices des païens. Dès qu'une fois
les peuples ont perdu de vue les leçons de
la révélation primitive {Voy. InoLiraiE) et
sont tombés dans le polythéisme, il leur a
été impossible de conserver un culte raison-
nable, (^omme ils ont supposé des esprits ou
des intelligences logés dans toutes les parties
delà nature, et qu'ils les ont nommés des dé-
mons et (les dieux, la multiiude de ces nou-
veaux êtres a dégradé l'idée de la Divinité.
Les païens les ont conçus comme des per-
sonnages doués d'une connaissance et d'un
pouvoir fort supérieurs à ceux des hommes,
mais comme sujets d'ailleurs ù tous les
goûts, à toutes les passions, aux besoins et
aux vices de l'humanité. Comment auraient-
ils pu l'aire autrement ? Nous-mêmes , mal-
gré les notions pures et spirituelles que la
révélation nous donne du vrai Dieu, sommes
encore forcés, en parlant de ses attributs, de
les exprimer par les mêmes termes (jui si-
gnifient des qualités humaines. Vvi/. Anthro-
roMoiiPiusME. Les pcu[)lcs stupides ont donc
sofiposé des dieux mâles et femelles, qui se
mariaient et avaient dus enfants ; des dieux
avides de nourriture, de parfums, d'offran-
des, d'honneurs et de respects; des dieux
capricieux, jaloux, colères, souvent mali-
cieux et malfaisants, parce qu'ils voyaient
tous ces vices dans les honunes.
Les prêtres babyloniens avaient persuadé
à leur roi, aussi bien qu'au peuple , (jue
leur dieu Bel buvait et mangeait, Dan. ,
c. XIV. Ceux qui n'étaient pas ainsi trom|)és
se persuadaient que les dieux se nourris-
saient de l'odeur des parfunis et de la fumée
des victimes, qu'ils venaient en jouir dans
les temples et sur les autels où ou leur of-
frait des sacrifices. Aussi, lorsque les païens
mangeaient lachairdes >icliines, iiscroyaient
manger avec les dieux, et ils ne prenaient
presque point de repas dont les viandes
n'eussent été offertes aux dieux. De là vient
le scrupule des premiers chrétiens qui n'o-
saient manger la chair des animaux dans la
crainte de participer à la superstition des
païeui* Voy, Il'Oloîhïtesi et lo mol da
saint Paul : « Vous ne pouvez participer à
la table du Seigneur et à celle des démons, »
(/ (.'or. X, :ii. ) Les philosophes même
avaient adopté cette opinion ; l'orphyre, dans
son Traité de l' abstinence, a enseigné que du
moins les démons de la plus mauvaise espèce
aiin .ient à se repaiire de l'odeur des victi-
mes ; il suivait le sentiment commun. Plu-
sieurs Pères de l'Iîglise n'ont pas hésité de
le supposer vrai, parce qu'il leur fournis-
sait un argument pour démontrer la folie des
païens, qui, au lieu d'adoier le vrai Dieu,
rendaient leur culte aux mauvais démons,
Mais les critiques qui ont osé allribucr la
même façon de penser aux juifs à l'égard
du vrai Dieu, ont poussé trop loin la témérité;
ils ont oublié (jue les juifs avaient de Dieu
une idée toute différente de celle (|ue les
païens avaient conçue de leurs dieux pré-
tendus. Cudworlh, SijH. inlcU., t. Il, c. 5,
sect. 2, § 'i'ô, di-sert. de Cœna Domini, c vi,
§ (j. Il n'y a d'ailleurs dans toute TEcriture
sainte .lucun lait ni aucun repruclu! qui
donne lieu àcetle accusation. ] ou. ci-dessus,
§111.
Il n'est que trop vrai, à la honte de l'hu-
manité, que tous les peuples polythéistes ont
eu la barbare coutume d'offrir à leurs dieux
des victimes humaines. Les Phéniciens, les
Syriens, les Arabes, les anciens Egyptiens,
les Carthaginois, et les autres peuples de
l'Afrique, les Thraces, les anciens Scythes,
les Caulois, les Germains, les Bretons,
étaient coupables de ce crime; les tirées et
les Romains, malgré leur politesse, ne s'en
sont pas abstenus. Chez les anciens peuples
du Nord, tels que les Sarmates, les Norwé-
giens, les Islandais, les Suèves, les Scandi-
naves, celte abomination était fréquente; on
l'a retrouvée dans ces derniers siècles parmi
certains Nègres et parmi les peuples de l'A-
mérique, même chez les Mexicains et les
Péruviens, qui étaient cependant les deux
peuples les moins sauvages de cette partie
du monde. La nouvelle Démonstraliun cran-
gélique lie Jean Leland, les Recherches plti-
losopliiqties sur les Américidns, VEsprit des
usayes et des coutumes des différents peuples,
les Recherches historiqaes sur le Nouveau-
Monde, VUisl, de l'Acud. des Inscrip. t. I,
m- 12, p. 57, etc., nous mettent sous les yeux
les preuves de ce fait odieux. Un habile aca-
démicien avait voulu le révoquer en doute,
il s'est trouvé accablé par la multitude et
l'évidence des preuves, ibid., p. 61 (1).
(1) Sacrifices lumains. « Dès les temps les plus
éloi;;nés, dii Stliinidi, où l'Iiisloire nous pernielte de
porter nos reciierclies, nous voyons tous les peuples,
barliares ou civilisés, niiilgré la traricliaiiledilféreni e
de leurs opinions religieuses, se réunir el .se (on-
foiidre en un point, couvainiiis de l'utilité d'un
niéilialeiir, persuailés qu'on adoucit la cnlér.: divine
par les sacrifices, c'esi-à-dire par la subsiiinl
soutlVanies des autres eréaiuies à ce les
coupable. Cette croyani e, raisonnalde dans
cipe, mais soumise à l'action de la puis
s'est partout uiaiiiresiée par de déplorables
produisii, outre les sacrifices d'animaux,
Btition horrible cl trop généruleiucnl ri'pa
lacrlilces humahis. Valnoraent la raitoii ilisaT
285
SAC
SAC
284
Ouelle peut être l'origine de cette barba-
rie ? Les sava; Is sont encore partagés sur
colle question. Un de ceux que nous venons
l'Iininme iiii'il n'avail nnnin droit sur son senibl.ihle,
que mus les jours il coiivotiîiil lui-mèrne soleimelle-
iiieiil (le celle vérité en réim dant le sang des ani-
maux pour rai'heler eeliii de riioiiiitie ; vainement
la douce liiinianilc, le sentiinetii si naturel d(; la
compassion prèlaienl-ils de tionvelle~ forre^ à l'aulo-
rilo de la raison, l'esprit et le cœur se trouvaient
impuissants conire les progrès de <eii • al)omiiial)le
su|ierilition. Ou serait lente de récuser le ténioign;i<;e
de l'Iiislnire, lursqn'elle non-; montre le triomphe île
celle r(Hitniiie révnllante d;ins tous les p:iys de la
terre : iii:dheurc»senienl, et à la honte (Hernelle du
genre iiumalii, ancnn l'ail n'est mieux établi ; jus-
qu'aux monuments de la |)0é-ie, tout dépose conire
ce préjugé général :
A peine son sang coule et fait rouc;ir la terre,
Les dieux font sur l'aiitel enlendre le lonnerre;
Les venis agiieiit l'.iir d'heureux frémisseinents,
El la mer lui n'i nml par îles ningissemeiils,
La rive au loin ;;éinit blancliiss:uile d'écume,
La flaiiinie du bficliecd'elle-môme s'alliim(!;
Le ciel brille d'éclairs, «'enlr'onvre, et parmi nous
Jelle une saiuie lioneiir qui nous rassure lous.
« Ce n'éiîiii point une seule nation, ce n'éiiiie il
point des hordes barbares et gros-icres qui trem-
paient dans 1 ahominaticm de* sacrifices htimains ,
étoulTaiil ainsi les sentiments iiainrels, mais bien
presque lous les peuples de raa!i((uilé; plusieurs
emore se remleni aujourd'hui coupables de ce crime
moiisirueux. Je ne sais si de toutes les grandes na-
tions on en pourrait cler une seule qui se fût
enlièremeiit abstenue de sacrifices humains, exceplé
cependant les Indiens, dont les bramines se consa-
craient spécialement à Wichnou, et les Péruvien*;,
d(ml \x religion remonte à Manco-Capac et à Mama-
Ocollo (Coya-Ocella), sa sœur et sou épouse, qui
appartenaient probablement tous deux à celle caste
de< bramine>: de l'Inde.
« t.'esi à la religion clirétieniie que les sectateurs
de rislanisiiiesoiil rei'evable^ d'être demeurés élran
gi'rs à celle pratii|ue : car le C<iran mê.ne démontre
que Mahomei, sans adorer Jesus-Chrisl comme le
Fils de Dieu, voyait pourtant eu lui le plus grand
des prophèies ; qu'il emprunta à nos livres sacrés
sa religion et sa morale, laissant de côté ce qui
ne cailr.iit poinl avec ses plans, y ajoutant d'ailleurs
des riélails de son invention. Toutelois, an xii'' siè-
cle, du temps du gra id Saladin, on reneonire chez
les malioniélHiis l'exemple d'un sacrihce humain ;
des chrétiens, sous la conduite de liayiiiond de
Cliàtillon, ayant tenté de renverser le tombeau de
llaliomet, lurent eux-mêmes immolés :'i la lête du
Beiram, au lien des brebis qui composent le s icrilice
annuel (Histoire de StiUutin, par M. Marin, loin. /,
;;. 4-28).
« Inde. — Chine. — Perse. Dans l'Inde, les sacii-
lices humains daieiil de l'époque la plus reculée ;
cependant, on ne peui accuser de <'eiie abomiMaiion
que celle lies iicix sectes principales dont les br i-
inines se von deiu spécialement à Siwa ; toute la
partie de celle immense contrée possédée par les
EniO|iéens en est affranchie, elle ne subsiste que
chez quelques peuplades mlépenda nies. — Un des
livres (pie les Indiens nommeiil sacrés, contient un
cliapitre parliciilier que l'on appelle le cliajnlre san-
fjliint, ii'i l'aiileui' fait Intervenir Siwa c\{i|ii{iiaiil à
ses llls les détails des s.icrifices Kali, déesse du
ienins, épouse de Siwa, en éiiii le principal (dijei,
qiioii|ii'ils s'adressassent aussi à Siwa elàd'auires
divinités. Siwa diaermine les sacriliciîs, les praii
ipi s et les iiivoi allons iiidispoiisables ; il lixe l'épo-
<jue des expiations, l'emplui des hoiniues ou des
de citer a cru que l'usage d'immoler des
hommes pouviiit venir d'une connaissance
imparfaite du socn'^ce d'Abniham ; mais les
animaux qui les rend efficaces. Telle divinité pré-
fère un genre d'offrande, telle autre en préfè e un
différent ; toutefois les sacrifices hniii lins sont re-
gardés comme les plus iniporianls. Un seul paralyse
pendant mille ans le courroux de la terrible déesse,
trois l'enciiaîuent pour une époque cent lois plus
longue. Les fonnides nsitéiîs dans ces meurtres reli-
gieux font frémir d'horreur ; un s'écrie, par exe:n-
ple : «Sailli, Kali! Kali 1 salul, Uevi, déesse du
tonnerre ! Saint, déesse au sceptre de fer ! t Ou
bien: «Kali! Kali! Kali ! déesse aux dents terii-
bles ! rassasie-loi, déchire, bro:e lous ces lambeaux !
Mets-les eu pièces avt^c celte liache ! Prends ! prends !
saisis ! arrache ! Bois le sang .à longs traits ! i
« Les Chinois éLialemenl immolèrent autrefois des
hommes, à ce qu'assure William Joncs {Asial. re-
Sf(!rf/i., Il, .S78). Si cet écrivain d'un si grand mi'-
rite eût vécu plus longtemps, il aurait sans doute
confirmé par des exemi les cette asseriiou faite dans
une lecture devant les membres de la société asia-
tiipie.
« Les Perses, dont le culte, comparé à celui des
autres païens, était beaucoup plus pur et plus rai-
sonnable, ne s'absliiir(Mil pas néanmoins des sacri-
fices humains. Dans leurs cavernes consacrées ,i
Milhra, c'est-à-dire au dieu du soleil, ils suivaient
cette barbare coutume, et iirnphéiisaient en cousidé-
ranlles entrailles de la viitime.
t Quoique la rcliiïion de Zerd ichl défendit les sa-
crifices hum lins, l'histoire rapporte que Xeicès ,
dans son expédition contre les Grecs, et dans un
lieu nommé les Nenf -Voies, non loin du (leiive Stry-
mon, fit enterrer vivants neuf jeunes gens et neuf
jeunes filles de la contrée : « Car, nnianiue Héro-
dote, ce genre de supplice est une coutume de la
P(Tse. Je sais qu'Amesiris, épouse de Xercès, pour
témoigner sa reconnaissance du maintien de sa
santé, quoiqu'elle lût avancée en âge, fil enterrer
vivants, en l'Iionnenr du dieu qui habile sois terre,
quatorze fils des plus illustres familles de son royau-
me. ) C'était sans doute di l'honneur de Milhra,
dieu du soleil, i|ii'Uérodole place sous terre, parce
qu'on lui sacrifiait la nuil d iiis des grottes souter-
raine-;.
« Porphyre niuis apprend, dans son ouvrage sur
YAntre des Nymphes, (pie celles de Mitlira avaient
sept cuir 'es qui répondaient aux sepl planètes (d'a-
près lesipielles presipie tous les peuples ont nommé
les jours de la semaine), ainsi qu'aux voyages des
âmes à traveis ces plancles. Les pratiques en usage
dans les grottes de Jliilira se propagèrent hors de
la Perse. Adrien bs proscrivit. L'Egypte même
coiiiiiil les mys'èris de Milhra.
« Chaldée. — Ef/yple. Les Assyriens et les Chal-
déens, dont le cuite ii'élail qu'un inlorme mélange
de superslilions et d'immor;ilité , sacrifiaient des
v-ctiines huinaiiies ; l'ICcrituie sainte lève lous les
doutes à cet égaul : elle nous du que, pour repeu-
pler le pays que rendait désert l'exil des Israélites
du royaume des dix tribus, un roi d'Assyrie y en
voya des colonies des diverses provinces de son
empire. Au niuiibre de ces nouM'aiix habiiauls se
lroiiv;iient des peuples de Sépliarvaini , d'oii l'on
conjecture, avec raison, que le roi était Assarinid
don, (pli n'unit l'empire île Babyione à celui d'-Vs-
syiie, hériliige de ses pères, parce (pie Séidiarv iiin
(la Sipiiara de i'iolémée) relevait de Babyione. Or,
1 Ecriture rapporte de ses habitatils transplan^'s dans
la terre promise : «Ceux de Sépliarvaim faisaient passer
leurs enlants par le leti, el les lir laii-ni pour hono-
rer Adraméicih ilAnnmélech, dieux de pbarvaim.i
(/{ois, IV X S II, 51.) Adrainélecii se confoiid sans
doute aveu le dieu Meloch uii Milecli des AminO"
28S
SAC
Islandais, les Américains, les Nègres, unt-ils
pu avoir une connaissance de l'hisloire d'A-
braham ? 11 faut donc recourir à d'autres
nilcs, (lieu du soleil. — Moloch, Molech, Melchoni,
étiil probablement la iiiéiiie divinité que bel ou
l!a:il. Tous ces noms signineiit roi ou seigneur ; il
csi aussi à présumer qu'ils indiiiuaienl tou-^ le dieu
du soleil. — L'Kcrilure sainte blâme en divers en-
droits la pratique d'après laquelle les parents fai-
saient passer liins enfants dans le feu en riionneur
de Molocli, et même on fait au roi Manassès le re-
proche exprés d'avoir exposé sim lils aux chances
de celle superstition. Probablement cet abus rem-
plaça une coutume plus barbare : i^oiimiieiit de la
crainte, il survécut aux sacrifices conire lesquels se
soulevait la nature. Hérodoti' prétend, il est vrai,
(pic l'Egypte demeura étrangère à ces abominations,
CI un témoignage d'un si grand poiils ferait à coup
sur pencher la balance s'il était londé sur de meilleu-
res raisons, et si un si grand nombre d'écrivains plus
récents, .Manéihon, Diodnre, l'iuiarque, Porphyre,
n'attestaient le contraire. « C'immenl, dit Hérodote,
coMuncnt les l'"gyptieiis auraieiilils sacrilié îles vic-
liincs humaines, puisqu'ils n'inuuulaient même au-
cune espèce d'animaux, exceplé des porcs, d"s tau-
reaux, des veaux et des oies ? » Mais (|ue prouve
l'exclusion de plusieurs soiles d'animaux conin!
l'existence des sacriliees biiuiains? Tout ce (|ue me
parait établir un seniblalile tiinuli^nage, c'est qu'on
n'immolait plus aucun huninic du temps d'Hérodote,
cl que les prêlres, rougissant de l'horrible praliipi.î
à lai|uelle ils avaient renonei', préfé(èrent ne point
l'en instruire. Ilu haine de Typhon, principe du
mal dans leur théogonie, qu'ils se figuraient avec
des cheveux roux, les Egyptiens chnisissaienl, pour
leurs sacriliees, des bomuies dnnt la chevelure avait
celte cotdeiir ; ei comme il s'en rencontrait rare-
ment dans leur p.urie, ils immolaient di's étrangers.
Peut-être celte eironnstaiice lit-elle naître l'aniiquc
opinion que le roi Bnsiris, ayant sa rilié les voya-
geurs qui venaient de débarquer sur ses terres, l'ut
tué par Hercule à qui il destinait le même sort. Ou
trouve des traces de cette touiume sur h; sceau avee
lequel les prêtres égyptiens marquaient les laureaux
à poils roux qu'ils voulaient sacrifier à TyphuM ; il
représente un li(uiime agenouillé, lus maius liées
derrière le dos, un couteau enfoncé dans la gorge.
t Crèce. L'existence des sacrifices humains dans
l'ancienne Gièco nous est allCïtée par l'histuirc ,
peut-èire fabuleuse, de Lyeaun, roi de Panhasia eu
Arcadie ; par le récit d'ilomère, relatif ;'iix donzi;
jeunes nobles Tioyens qu'.Acbille immola aux mânes
de sou ami Palrocle. Cetie praticpie se reproduit
encore à une époque postérieure. Devant un autel
de Itacchus, en Arcadie, plu.Meiirs jeunes filles furent
frappées de verges jusqu'à ce qu'elles siiccombassenl
à ce suji,Mlice. Oiie disette régnant parmi les Mes-
séniens, et l'oracle de Delphes ayant ordoniii' uri'on
immolât une princesse du sang royal, Aristudeme,
niembie de celte famdie, dévoua sa fille. Parvenu .i
la royauté, il sacrifia à Jupiter trois cents l^acédé-
nioiiieiis avec leur roi Théopompe, et lermiua sa vie
en s'immolant, pour obéir au décret d'un oracle, sur
la tombe de sa lille (Eiisèbe, Pia'p. Evniig., IV, 16).
Avant la bataille de Salamlue, Théini-toeie sacrifia,
sur sou vaisseau amiral, trois jeunes prisiuiiiiers
perses, neveux du roi. Celle aciion lui rcpn;^iiaîi ;
mais le devin insi>ta d'autant plus sur sa nocessilé
que la direction élevée et l'éclat des fiamiups de
I aiilel, puis rélemuemeut d'un Grec placé à l.i
dioite de Tbémisiocle (présages tous deux favora-
bles), le confirmaient dans son avis. L'équipage du
vaisseau se pressa alors autour du siénéial, qui, cé-
dant a ce cruel desir, immola les jeunes Perses à
Bacchus Oinesles (liacubus qui dévore la chair pal-
pitante). Coiume les habitants des iles conservent
SAC 28(!
causes, et il en est plusieurs (jui ont pu y
contribuer. l" L'abrutissement dos peu-
plosanlhropopiiages. Comme un instinct na-
leiirs anciennes mœurs plus longlemp? que les au-
tres peuples, celle révoliantc coutume se perpétua
en Crèie, en Chypre, à Uhodes. à Lesbos, à Chios,
a Téiudos, etc., pendant un plus long espace de
temps que dans la Grèce continentale. Les Phocéens
brûlaient des victimes hiimaiiies en l'honneur de
Diane de rauride. Les h:ibit mts do Massilie (Mar-
seille), leurs descendanis, avaient une foiêl d<ml
Liicain donne, dans sa Pharsale (III), nne sombre
description : elle était consacrée aux sacrifices hu-
mains, et lut déiruite par Céar lorsqu'il assiégea la
ville.
< Home. Dès la plus haute anliqiiit -, les Romains
immolaient des enfants mâles à Monia, mère des
dieux dome.^liques. Cette pratique fut abandonnée :
Tarquin, dernier mi de Home, la remit en us:ige sur
la réponse d'Apollon de Delphes. Urutiis. le premier
des consuls, abolit ces sacrifices. Mais Apollnn
ayant encore demandé des têtes, nu lui envoya des
tèles de pavots au lieu d'enfants, et pour cette lois
la leltre sauva la vie que son esprit aurait fait per-
dre. Les livriis sibyllins apprirent aux Komains que
les Grecs et les Gaulois se rendraient mailrcs de
leur eilé. Meiiaeés d'une guerre avec les Gaulois,
l'ail de Koiue HHi, guerre qu'avait provoquée leur
injustice envers les Séiion.iis (pen|ile voisin de la
Seine), la terreur devint générale au souvenir de la
prise de Home par celte nation. Les pontifes ima-
ginèrent un moyen d'apaiser les dieux, et qui, pen-
saient-ils, iKinplirait l'oracle de la sibylle, sans ex-
poser leur patrie à aucun danger : ce Jut d'enterrer
vivants à Rome, dans le forum boarium (marché aux
bœufs), deux [lersonnesde chaque sexe, grecques et
guiloises. Tiie-Live remarque que cei te place avait
déjà été souillée autrefois par des sacrifices hu-
mains, quoique suivant une pratique éirangère aux
Romains. Huit ans plus lard, on renouvela ce sacri-
fice, lorsqu'éclata la seconde guerre punique. Les
Romains regardaient comme un moyen assuié d'ob-
tenir la victoire, que, durant le combat, le général
vouât les ennemis à la terre et aux dieux niàiies, et
qu'en iiièuie temps lui-mêriie, ou du moins l'un des
guerriers de l'année romaine, se consacrât à la mort
en se précipitant dans les rangs opposés.
« Ce n'est que l'an de lioine t;.j7 qu'un sénalus-
con-.ujie défendit les sacrifiées humains. Mais comme
l'ail 70S, dernière année de la vie de César (qua-
rantL-i|uatie ans avant Jésus-Christ), deux viclinips
liuinaines lurent sacrifiées par le pontile et par le
prêtre de Mars, on croit que le s ■naiiis-consull ■ n'.n-
lerdisail ce genre de sacriliees qu'aux particulier.
Si les sacrifices liumains éiaient rares à Rome, l'u-
sage plus répandu des gladiateurs n'est jias moins
•ligne de lilàine; probablement les Romains l'eni-
prnnièreni aux Etrusques. Il ne dale point d'une
époque encore grossière, mais de l'an de Rouie 400,
deux cent soixante-qnaire ans avant Jésus-CInist,
où deux frères, du nom de iJrutiis, rintroduisireiit
aux funérailles de leur père. Ces jeux n'eurent heu
d'abord que dans les ccrémonies funèbre-, di; person-
nages remarquables, et les gladiaieurs coinbaltaienl
sur la tombe pour apaiser les dieux inlëiieiiis par
reiïiisiou de leur sang. Ils reiii|ilacérenl les s icrifiees
liumains que commandait la même circoiisiaiice.
Siiivaiil l'apparence, le sort de la viitinie fut adouci
en ce que le gladiateur défendait ses jours; il en
devint réellement plus déidorable, parce que la rage
du déseipoir eonanima ces ni.ilbeureiix destinés à
être assassins on à périr eux inêuies, et qui, désignés
pour ce speciacle, délices des Romains, y elaient
ioiiglemps préparés par une nourriture choisie et par
de fréquents exercices.
« Cariiiutje. Les londateurs de Cartilage y transpor-
287
SAC
tarel a porté tous les nommes à offrir à
Dieu les aliments dont ils se nourrissaient,
parce qu'ils reconnaissaient les avoir reçus
lèreni de Pliénicie hconl.iimedessncrifices liiimiins,
qui b'y perpétua lanl que subsiMa celle riié, exci-
tant, par la cruauté du supplice, l'horreur des autres
peuples auxquels ou pouvait ailresser un scmhlable
reproche. Les Grecs el les Romains s'élèvent avec
force (ontre le nombre rie leurs malheureuses victi-
mes. Kvirienitnenl les C:iriliaf;inois snivirenl dîtus
l'origine le culte de Moloeli, l'honoranl de celle ma-
nière, que nous transmet Diodnre
« Une slalue de bronze élait élevée à Saturne :
sur ses bras étendus on phiçaii les enfants qui de là
roulaient préi ipiiés dans un énorme et ardent bra-
sier. Diodnre pense (|n'ILuripide avait celte coutume
en vue, lorsiiu'à l,i question d'Oresie :
Quel lombeau me recevra uue fols privée de la vie?
ce poète fait réiiondre à sa sœur Ipbigénie, prêtresse
de Diane en Tauiide :
La terre dans ses cavités profoudes , el les flammes du
feu sacré.
f Comme loul élait vénal à Carilia«e, les parents
vendaient leurs enfants pour cet usage barbare.
Toutefois le marché se coneluail secréieinenl, parce
que la politique avait posé en ra:ixnne que les enlanls
des familles illustres étaient seuls agréables aux
dieux.
I Quand Gélcn, tyran de Syracuse, et Tliéron,
souverain d'Agrigenle, remportèrent en Sicile une
victoire signalée sur les Carlhaginois, penriani le
combat, le général carlhaginois, Hamilcar, fil pré-
cipiter dans le feu une foule innombrable de victimes
humaines, depuis le lever de l'aurore jusiju'à la nuit;
car telle fui la durée de celte bataille qui décidait la
question de rindépendance de lu Sicile. Lorsqu'elle
fut terminée, llamilcar ne se trouva ni parmi les
prisonniers ni parmi les niorls. Les Carthaginois
préiendirenl qu'à la lin il s'était jeié lui-même dans
le feu, comme vicliuie expiatoire (//erod. VII, 11/6-67).
Pour condition de la paix qu'accorda riélon,ce héros
généreux exigea qu'ils ne sacrifiassent désormais
aucun enfant à Saturne. Agatlioclès, tyran de Syra-
cuse, après les avoir complétemenl défaits en Afri-
que, s'avançanl sous les murs de Carihage, ils réso-
lurent d'apaiser les dieu\, ei sacrifièreul à Saturne
deux cents (les enfants les plus distingués de la ville
(Oiod., XX).
« Ils avaient coutume, dit un auteur romain, d'im-
moler des honmies en temps de peste, d'apporter
aux aulels des enfants dont l'âge auiail ému de com-
passiiin même des ennemis, croyant se cuncilier la
faveur des dieux par le sang des êtres pour la cnn-
servaiion desquels on leur adresse ordinairemeni les
plus ferventes prières (n).
« Scylhes. — Gauloif. — Germains. Les Scythes
sacrifiaient toujours la centième partie de leurs pri-
sonniers de guerre au dieu des batailles. Tous les
ans, avec du bois desséché et en qiianlilé siiriisanle
pour remplir cent cinquante chariots, ils élevaient
une sorte de pile, au sommet de laquelle éi;iildressé
un antique cimeterre, emblème du dieu. Ils l'arro-
saient du sang des malheureux qui gisaient aii-
de-^sous. et qu'on avait égorges au-dessus d'iui vase,
de miinière à ee qu'il reçut leur sang. Ils dél.icliaieul
de leur corps l'épaule droite et les deux mains, et les
lançaient en l'air. Partout où tombaient ces membres
ils restaient étendus ; il en était de même du eada-
(n) Cuni inlercsplera malaetiam peste laborareul, cru en-
la sa' roruin religiune el scelere, pro reUKdio usi suut.
yuippe humilies , iil liciiinas iiniiiolabaul; et iinpiilieres
(qua; a-ias e iam hcusiium nuserieordiani provucai) aris ad-
movehani, paceui Oeoruin sanguine eoruin cxposceules,
pro quorum yiia dii rogari ina)iiiD9 solenl (Juslio, Jiviiij 6)<
SAC 288
ne sa main, ceux qui ne vivaient que de
fruits et de légumes, n'ont point connu les
sacrifices sanglants ; ceux qui subsistaient de
vre, qui demeurait à la place où il était tombé
(llcrod., IV, 6-2).
« Les Celtes qui, à l'exception de la Grèce el de
l'Italie, habitaient toute l'Europe, immolaienl des
victimes hiunaines. i Ceux qui .^e trouvent dange-
reusemeul malades, » dit César en parlant des Gau-
lois (Ca'sar, de Bello rjall., IV. I(i), « olîreni ou pro-
mènent des sacrifices humains, et les diuides leur
prêtent leur ministère. » Ils croyaient en effet qu'on
ne pouvait adoucir les dieux, _ qu'on ne pouvait
racheter la vie d'un homme, qu'en offrant celle d'un
antre en échange. Ce.=; sacrifices, consoinmés par
l'entremise des druides, étaieul réglés d'une manière
publique et légale : lorsque les coupables iiiani|uaient,
cm allait jusqu'à faire périr des innocents. Qudli|ue-
fois on enfermait des b"nimes dans des espèces de
statues colossales, tis<ufts d'osier, auxquelles on
metta t le feu, et les malheureux périssaient dans les
flammes. Ces sacrifices se rnainiinrenl dans les
Gaules, comme partout ailleurs, jusqu'à l'époque où
le christianisme prit uue assiette solide. Car nulle
pari ils ne disparurent tout à fait sans l'intervention
de la religion chrétienne; nulle part, non plus, ils
ne subsistèrent eu sa présence.
« Au nord de l'Europe, après le laps de neuf mois,
on apaisait les dieux en leur olfianl, durant neuf
jours, neuf sacrifices d'hommes el d'aniniaux par
jour ; si, pourtant, des circonstances extraordinaires
ne cnmmaiidaient pas plus tôt riminolatioii de victi-
mes humaines.
( En Suède et en Norwége, ces victimes se re-
produisaient également. D'ordinaire, on les étendait
sur une pierre énorme; on les étonffail ou on les
mettait eu pièces. Quelquelois encore on laissait
coubr leur sang : plus il jaillissait avec impétuosité,
plus le présage était favorable {Mallet, Introduction
à fllistoire de Danemark)
i Tacite rapporie des Germains (a) : < lisse réu-
nissent pour honorer la déesse llertii, c'est-à-dire la
terre, mère coiiimuue. Ils s'imaginent que celte di-
viniié vient, de temps en temps, prendre part aux
all'aires des hommes, et se promener de contrée en
conir, e. Dans une ile de l'Océan est un bois qui lui
serl de temple. Ou y garde snn char : c'est une voi-
ture coiiverie, que le prêtre seul a droit de toucher.
Dès qu'il reconnail que la déesse esl entrée dans ce
sanctuaire mobile, il y allèle des génisses et le suit eu
grande cérémonie. L'allégresse publique éclate de
toutes paris. Ce ne sont que fêtes el réjouissan-
ces dans les lieux où la déesse daigne passer ou sé-
journer. Les guerres sont suspendues ; on cesse les
liosliliiés: chacun resserre ses armes; parlnul règne
une paix piofnnde, que l'on neenmia)t,ipie l'on n'aime
que dans ces jours prnilégiés. Eiilin lorsque la
déesse a suffisamnienl demeure parmi lesiiioriels, le
prêtre la reconduit au bois sacré. On lave ensuite,
dans un lac écarlé, le char, les élolfes qui le coii-
viaieni, el la déesse elle-même, à ce (pi'im prélend.
Aussitôt le lac engloutit les esclaves employés à celle
foiiclioii ; ce qui pénétre les espi ils d'une frayeur
religieuse et réprime toute profane curiosité sur un
mystère que l'un ne peut cunnaitre, sans qu'il en
coule la vie à rinstaiit (b). » Le niôine hislorien rap-
porte encore des (iermaius : « Mercure (Odiii, Wo-
dan) est le dieu le plus honoré. A cei tains jours on
lui sacrifie des liuinmes. > Les Normands en France
offraient également, au dieu Thor, des victimes hu-
maines. > {Démonsl. Evaiig., édil. Migiie.)
(«) Tac, de Mor. Germ., 40, trad. de l'abbé de la Blet-
lei ie, édil. de Fronllé.
(b) facil., de More Germ., 10, trad. de l'abbé do li
Bleueriei édit. de Froullé.
289
SAC
SAC
290
lâchasse, delà pêclie, delà garde des trou-
peaux, ont fait l'offrande de l;i chair des
animaux ; ceux qui ont poussé la brutalité
iust)u'4 manger de la' chair humaine, ont
cru nue ce serait un présent agréable à leurs
dieux, parce que c'était un mets reeherché.
— 2° Les fureurs de la vengeance. Parmi les
nations sauvages les guerres sont cruelles,
la vengeance est toujours atroce, et toutes
sont hiibituellemerit ennemies les unes des
autres. Un ennemi fait prisouiier est tour-
menté avec une barbarie qui fait horreur,
mangé ensuite en cérétnoTiie ; les relations
des voyageurs sont remplies de ces scènes
liorribles. (]es peuples sanguinaires se sont
persuadés que les ennemis de leur nalion
étaient aussi les ennemis de leurs dieux, que
ceux-ci en verraient le sang couler sur les
autels avec autant de plaisir ((u'ils en
avaient eux-mêmes à le répandre. Un jour
de massacre est une fêle pour eux; il faut
donc que la Divinité y préside. Les niots
latins fiostia et t^ir^imaont signifié dans l'o-
rigine un ennemi vaincu, par conséquent
dévoué à la mort; l'hébreu zcbacll et le grec
6\ni«, désignent seulement <e c/ni esl tué. —
3° L'abus d'un principe vrai du(]uel on a
tiré une fausse conséquen(e. On a pensé que
celui qui a oITensé la Divinité mérite la
mort, aussi bien que celui qui trouble la
société par ses crimes. Comme ou ôtait la
vie aux criminels pour venger la société, on
s'est persuadé que leur supplice pouvait
aussi apaiser les dieux lors(iu'ils sont irrités.
Puisque les calamités publiques él;iient cen-
sées un effet de la colère des dieux, on a
imaginé qu'eu mettant à mort un coupable
et en le chargeant, par des prières et par
des imprécations, des ini({uilés du peuple,
on apaiserait le ciel irrité. Le mol suppli-
cittin, qui signiHe tout à la fois la punition
d'un criminel et une prière publique, semble
témoigner que l'un ne se faisait pas sans
l'autre ; qu'ainsi dans l'origine l'on ne sa-
crifiait que des coupables. Mais de celle
usage une fois établi, il a élé aisé d'en venir
à celui d'immoler aussi des innocents, du
moins îles étrangers, dès qu'on les regar-
dait tous comme des ennemis et des objets
d'aversion. — ■ k' Le dogme de l'immortalité
de l'àme mal conçu et mal envisagé. Ceux
qui ont pensé que les hommes après la mort
avaient encore les mêmes besoins, les mêmes
inelinalions, les mêmes passions que pen-
dant la vie, onl imaginé qu'il fallait immo-
ler à leurs mânes les ennemis qui les avaient
tués, les épouses qu'ils avaient aimées, les
esclaves qni les avai(>nt servis, afin qu'ils
pussent jouir dans l'autre monde des mêmes
pliisirs et des mêmes avantages qu'ils avaient
eus sur la terre. Par la même raison l'on
enterrait souvent avec eux les armes, les
instruments des arts, les mêmes ornements
dont ils avaient usé pendant leur vie. On con-
çoit tontes les conséquences qui ont dûrésul-
terde toutes ces causes difTérentes suivant les
divers géniesdes peuples, ctquelle quantitéde
meurtres elles ontdù produiredans l'univers.
'\Par les leçons de la révélation primitive,
Dieu avait voulu prévenir toutes les erreurs
et tous les abus. Il y a lieu de penser qu'a-
vant le déluge les hununes ne vivaient que
des fruits de la terre et du lail des trou-
peaux {(ien. I, 29; v, 3 et '••). Lorsque, après
le déluge. Dieu permet à Noé et à ses en-
fants de se nourrir de la chair des ani-
maux, il leur défend encore d'en m:mger le
sang , mais surtout de répandre le sang hu -
main (ix, 3 et G). Aussi Abraham, après
avoir vaincu les rois de la Mésopotamii-,
après leur avoir repris les dépouilles et les
prisonniers qu'ils avaient faits, n'use d'au-
cune vengeance ; il montre au contraire un
désintéressement parfait (xiv, 22i. Lorsque
Dieu eomniande à ce patriarche de lui olïrir
son fils unique, ce n'est ni par colère ni par
venseauce, m.iis pour mettre son obéissance
ta l'épreuve, et tout se termine par le sacri-
fice d'un bélier (xxii, 12 et 13). Moïse ne
propose point expressément le dogme de
i'imrnortalité de l'àme, parce que c'était une
croyance générale. Dans tous les livres
s.iints. Dieu est représenté comme un père
tendre et miséricordieux, qui ne veut point
la mort du pécheur, mais sa conversion, qui
pardonne au repentir, et qui préfère la pé-
nitence du cœur à toutes les victimes. Dans
sa loi [Deut. xii, 30 et suiv.), il défend sé-
vèretneut aus Juifs d'imiter les nations de
la Palestine, qui immolaient leurs enfants à
leurs dieux : Vous ne ferez point de même,
leur dit-il, à l'égard de votre Dieu; vou^ n'a-
jouterez ni ne retrancherez rien à ce que je
vous ordonne. Ainsi, en parlant de cette
nbominaiioii dont les ,Iuifs s'étaient rendus
coupables malgré la défense, en leur repro-
chant les crimes des idolâtres, le psalraiste
dit que ce sont leurs propres inventions;
psaume lxxx, v. 13; psaume xcxviii, v. 8;
psaume cv, v. 29 et 39. -Il n'y avait donc rien
dans la loi qui pût donner lieu à des sacri-
fices de sang humain. Un porte païen a
très-bien remarqué que la première source
des crimes en fait de religion a élé l'igno-
rance de la nature divine :
Heu prinire scelenim causas mortalibns aegris,
Naiuram non nosse Deiim! (Si/. liai., i, i.)
Or, les Juifs avaient du vrai Pieu une idée
toute dilTérente de celle que les païens s'é-
taient formée de leurs dieux imaginaires.
Les incrédules , qui ont voulu voir des
victimes humaines dans l'anaihème dont il
est parlé {Levit. xxvii, 28 et 29) ilans le sac
des Madianites, dans le vueu de Jephié, dans
le meurtre d'Agag, dans le supplice des rois
de la Palestine, ordonné par Josue, clc, ont
perverti le s^nsde tous les termes et se sont
joués du langage, ils ont fait de même lors-
qu'ils ont représenté le supplice des apos-
tats ordonné par l'inquisition, celui des hé-
rétiques turbulents et séditieux, les meurtres
commis dans les guerres de religion, etc.,
comme des sacrifices de victimes humaines.
Ils voulaient révolter tous les esprits contre
la religion, ils n'ont fait que les indisposer
contre eux-mêmes. Yoy. \s\Tni:\iE (tj.
(I) ( Il est donc désormais incontestable, dit
2'>l
SAC
SAD
'j,'j2
SACRIFIÉS (Sacrî/îcaiî). Voy. Lapses.
SACIULÉGK, mot formé de sacra el de
légère; il sigiiilie à la lellre, amasser, pren-
dre, dérober les choses sacrées ; celui qui
coiiiniet ce crime est aussi nommé sacrilège,
sacrilegns. Dans le deuxième livre dos iMa-
chabées, c. iv, v. 39, il est dit que Lysimaque
commit plusieurs sacrilèges dans le temple,
dont il emporta beaucoup de vases d'or. Ce
terme se prend encore dans l'Ecriture sainte
pour la profanation d'une chose ou d'un lieu
sacré, même pour l'iilolâtrie; ainsi est
nommé le crime des Israélites qui , pour
plaire aux filles des Madianites, se laissèrent
entraînera l'adoration de Béelphégor, Num.,
c. XXV. V. 18.
L^ sacrilège n'attaque pas seulement la re-
ligion, mais la société, dont l'ordre, la sû-
relé, le repos, sont fondés sur la religion,
puisque celle-ci est la sauvegarde des lois.
Y cûl-il jamais de société policée sans re-
ligion ? Profaner ce que tout le monde fait
profession de respecter , c'est insulter au
Schmidi , que le seniiment de la déclié.iiice de
rhoininii el de sa ciilpubilité, que la cunvktioii de la
néci'Ssilé d'une salistadion, que l'idée de la subsli-
luiioii (le souffrances expiatoires à celles du vrai cri-
minel, ont conduit les peuples à doner le houleux
et épouvanialile scandale des sacrilices liuuiains.
Lorsipie l'auguste vietiine, sur la(|uelle se concentra
l'iniquité de l'univers, se lui écriée :
« Toui est consommé 1 »
le voile du leniple se déchira, et le grand mystère
du lieu sailli se révéla, autant du moins que les bor-
nes de sa sphère inlelleciuelle permirent à l'hoionie
de le connaître. Un comprend maiiilenanl piiuri|Uoi
il se persuada à toutes les époques qu'une âme pou-
vait être sauvée p;ir une autre, pourquoi il voulut
loujoiirs se régénérer dans le sang. Sans le chrislia-
nisine, l'Iioiume ignore ce qu'il est, p:\rce qu'il se
liouve isolé dans le monde, et i|u'il n'a point de
ternies de comparaison ; le premier service que lui
rend la religion est de lui apprendre quelle est -a
valeur, en lui montrant combien il a coûté
« Vide quanta palior a Deo Deus. »
{j£scnïL., m Protn., v, 92.)
1 Vois quelles souffrances, Dieu moi-même, je sup-
porte de la pi ri d'un Dieu, i
< Que l'on songe à présent que, d'une pari, toute
la doctrine de l'anticiuilë n'était qu'un cri propbéli-
(|ue du genre humain qui désignait le s:ing comme
moyen de salut ; (pie, de l'autre, le christianisme
vint accomplir celle prophétie, remplaçant l'emblè-
me par la ré.ilité, en .sorte que la doctiine primitive
ne cessa jtmiais de désigner l'auguste victime, objet
de la révélation nouvelle ; et que, réciproquement,
telle révélation, rayonnante de tout l'éclat de la
vérité, découvre l.i source divine de la doctrine qui,
|ieiidant la durée des siècles, nous apparaît couiiie
un poiul lumineux au milieu des ténèbres du paga-
nism- , à coup sur, une pareille concordance esj la
preuve la plus irréfragable que l'esprit humain
puisse se créer.
I Dès lors encore il demeure (hidenl que la doc-
trine des sacrilices païens a un rapport intime avec
la doctrine de la réconciliaiion du mimde, par l'eii-
liemise d'un divin Kédempleiir ; et celte proposiiion,
paradoxale au premier abord, savoir : que l'idée
d'une rédempiion opérée par un Dieu sauveur est le
fondement de la fable, se trouve démontrée d'une
m:iMKire com|ilèle, assise désormais sur une base
iuébiaidable. > (Démoiist. lùaiig., (idil. Aligne.)
corps même de la société, et tout le monde
a droit de ressentir celle injure, il n'est donc
pas vrai, quoi qu'en disent pour leur intérêt
les philosophes incrédules, que le sacrilège
ne doive être puni ((ue par la privation des
avantages que la religion procure. Un impie
qui méprise ces avantages insulterait impu-
nément l'univers entier. Lorsque l'on punit
\e sacrilège plus sévèrement que les autres
trimes, on ne prétend pas venger la Divinité,
mais venger la sociélé du préjudice que lui
porte un homme qui ne respecte ni la Divi-
nité, ni la religion publique, ni les lois. Dès
qu'un homme est cap ible de braver les me-
naces el les lerreurs de la religion, il ne peut
plus être retenu par aucune loi. Aussi tous
les peuples policés, (juoique persuadés que
la Divinité punit tôt ou lard les sacrilèges,
ont cru cependant devoir y attacher des
peines très-sévères, et l'expérience prouve
que si ces sorles de crimes demeuraient im-
punis, il n'y aurait plus de sûrelé publique.
Les protestants, qui , pour établir leur re-
ligion, se sont rendus coupables de sacn/^jes
de toute espèce, ont donc mérllé à juste
titre l'exécratiou de tous les hommes sensés.
Jamais les apôtres ni les premiers chrétiens
ne se sont permis de pareils excès contre le
paganisme; lorsqu'il y a eu des temples dé-
iruils, des idoles renversées, de prétendus
mystères mis au grand jour, c'a été par ordre
des empereurs, par autorité publique, et non
par voies de fait de la part des particuliers.
Voy. ZÈLE DE RELIGION.
SADUCÉENS, nom d'une des quatre sec
les principales qui subsistaient chez le
Juifs du temps de Noire-Seigneur; il en est
souvent parlé dans le Nouveau Testament.
L'origine n'en est pas absolument certaine,
les savants les plus habiles n'ont pu former
là-dessus que des conjectures. ()n prétend
qu'elle est née environ 260 ans avant Jésus-
(ihrist, du temps qu'Anligone de Socho était
président du grand sanhédrin de Jérusalem,
et que ce l'ut lui-même qui y donna occa-
sion. Comme il répétait souvent à ses disci-
ples qu'il ne faut pas servir Dieu par un es-
prit mercenaire à cause de la récompense
que l'on en attend, mais purement el sini- g
pleiiiént par l'amour et par la crainte filiale I
qu'on lui doit, Sadoc el Bailhus ou Boélhus, ^
ses élèves, conclurent de là qu'il n'y a point
de récompense à espérer (lans une aulre
vie, que la durée de l'homme se borne à la
vie présente, que si Dieu récompense ceux
qui le servent, c'est dans ce monde et non
ailleurs. Us (rouvèrenl des partisans qui
embrassèrent leur doctrine, el qui formè-
rent ainsi une secte à part ; on les nomma
saducèens, du nom de Sadoc leur fondateur.
Ils dilïéraient des épicuriens, en ce qu'ils
admcltaient une puissance qui a créé l'uni -
vers et une providence qui le gouverne, au
'ieu que les épicuriens niaietillune etl'aulre.
Il ne faut pas beaucoup de réflexion pour
senlir l'absurdité de ce sjsiéi.ne. Si Dieu ne
nous avait créés que pour cette vie, en
quoi nous aurait-il témoigné sa bonté, et
sur quoi seraient fondés l'.imuur el lu craiule
S93
SAD
SAG
291
filiale qu on lui doit? Il est évident que la
verlu n'est pas toujours récoinpenséi', ai le
vice loujours puni en ce monde; il n'y au-
rait donc, à proprement parli'r, aucun moliT
Solide d'èlre vertueux. — On nous dit que
les saducécns se bornèrent à faire coniinc
les carjiïies, à rejeler les Iraililions des an-
ciens, à ne consulter que la piiroie écrite ;
et comme les pharisiens étaient fort atla-
cliés aux traditions, ces deux sectes se trou-
vèrent diamétralement opposées. Mais les
premiers embrassèrent bientôt des .senti-
ments impies 1 1 pernicieux : ils nièrent la
résurrection future, l'csisience des anges
et des esprits, et celle des âmes humaines
après la mort ; j\latlli.,c. xxii, v.23; iMarc,
c. XII, V. 18 ; Act., c. xxiii, v. 8. Celte con-
duite des snducéeiis n'est pas fort propre à
confirmer l'opinion des protestants, qui leur
applaudissent, parce qu'ils rejetaient toute
espèce de tradition, pour ne s'attacher qu';iu
texte de l'Ecriture sainte.
Origène, I. i contra Cels., n. 49, et saint
Jérôme, Commeiil. in Matth., 1. m, c. 22,
t. W Op., coi. 10(5, nous apprennent que les
héréli(|ues , à l'exemple des Samariiains,
n'admettaient pour Ecriture sainte que les
cinq livres de Moïse. C'est pour cela, dit
saint Jérôme, que Jésus-Christ voulant ré-
futer leur erreur touchant la résurrection
future, ne leur oppose qu'un passage tiré
des livres de Moïse, qui ne semble prouver
ce dogme ((u'indirectemcnt, au lieu qu'il au-
rait pu en alléguer d'autres plus exprès ti-
rés des prophètes, auxquels ces sectaires
n'auraient eu aucun égard. Scaliger et quel-
ques autres, qui ont prétendu que les sadu-
pc'en.s- ne rejetaient pas absolument les pro -
phètes ni les hagiograplies, mais qu'ils leur
attribuaient nxjins d'autoriié qu'aux livres,
de Moïse, n'ont rien rép ndu de solide à la
réllexion de saint Jérôm.'. On sait d'ailleurs
(jue la coutume de tous les hérétiques a été
de rejeter tous les livres qui ne leur
éiaienl pas favorables. Brucker, Uist crit.
pliilos., I. II, pag. 721, dit que si les s(if/it-
céens ava\enl rejeté linéiques uns des livres
du canon reçu chez les Jiiils, on les aurait
annthématisés et chassés de la synagogue;
il se trompe. Josèphe, Anliq. Jul., 1. xvm ,
cap. 2, a remarqué (jue les saduccens cons-
titués en autorité ne résistaient point aux
pharisiens; ils ne dogmatisaient donc pas
en public, ils évitaient les éclats et les dis-
putes, c'est pour cela qu'ils étaient tolérés.
D'ailleurs pouvait-on leur prouver Taulo-
rilé du canon des Ecritures auttemenl que
par la tradition? Or, les saducéens n'y
avaient aucun égard. — Ils étaient encore
opposéi aux essenieus et aux pharisiens
louchant le dogme du libre arbitre et de la
prédestination. Les esséniens croyaient que
tout est préiléterminc par un enchaîne-
ment de causes infaillildes; les pharisiens
étaient d'avis que la prédestination a lieu
sans nuire à la liberté de l'homme, et en
laissant le bien et le mal à son choix. Les
saducéens niaient toute prédestination; ils
soutenaient que Uieu a lait l'homme maîire
de .ses actions, avec une entière liberté de
faire à son gré le bien el le mal. Jo<èohe, de
liello Jud., I. II, c. 7, al. c. 12; Anlii/. Jwt.,
1. xviii, rap. 2. — Comme ils étaient per-
suadés que Dieu récompense les bons el pu-
nit les méchants dans cette vie. ils devaient
regarder les heureux du siècle comme les
amis de Dieu, el les pauvre,, les inlirmes
les affligés, comme aiilani d'objels de !a co-
lère du <iel. Celle persuasion devait les
rendre durs el inhumains à l'égard des mal-
heureux, et Josèphe leur reproche en elïel
ce délaul. De là (juclques auteurs ont con-
clu avec assez de probabililé, que dans la
parabole du mauvais riche, l.ur., c. xvi.v. 19,
Jésus-Christ a peint les mœurs d'un sud iceen.
L'ambiguïté d'un terme de Josèphe a
donné lieu à plusieurs criiiques de penser
que les saducéeTH n'admettaient pas la pro-
vidence de Dieu, parce qu'il dit. I. ii de
BelloJud., cap. 7: Ils rejellent ahsnlumenl
le destin; ils placent Dieu hors de toute in -
fluencc ou inspection, l^opinv, sur tout mal.
Mais Brucker fait remarquer que ce mot
grec signiGe non-seulement inspection ou
attention, mais direction et r/om erneinent,
qu'ainsi les .•^aducems ont seulement nié
que les décrets et l'aclion de Dieu eussent
aucune part aux actions des hommes : sen-
timent qui approche moins de celui des épi-
curiens que de l'opinion soutenue dans la
suite par les pélagiens.
La secte des saducéens était la moins nom-
breuse; mais elle avait pour partisans les
plus riches d'enlrc les Juifs, les gens di? la
première qnalilé, ceux qui possédaient les
premiers emplois de la nation. De tout
teuips en effet ceux qui étaient dans la plus
grande abondance des biens de ce monde,
oui été les plus sujets à négliger cl à révo-
quer en doute la félicité de l'aiiire vie. Voyez
Dissertation sur les sectes des Juifs, Bible
d'Avitjaon, I. XUI, p. 218; Prideaux, Hist.
des Juifs, tom. il, I. xiu, p. ICO; Brucker,
iltst. crilii/. philos., t. II, p. 715.
SAIJ.VUliLLILNS. Voy. AposTOt-yuEs.
SAtlESSE. Ce mol, qui, ciies les Grecs
et chez les Latins, se prend pour la philo-
sophie ou pour la capacité dans les sciences,
a encore d'autres signiûcalions dans l'Ecri-
ture sainte. Il désigne, 1 les u!u;res di-
vines du Créateur, l'sal. h, v. 8, elc ; 2 l'ha-
bilité dans un art quelconque, Exod.,
c. XXXIX, v. 3;3' la prudence dans la con-
duite de la vie, m Iteg., c. ii , v.G;
i" l'expérience dans les alTaires, Job, c. x.i,
V. 12; 5° l'assemblage de toutes les vertus;
il est dil, Luc, c. u, v. 52, que Jésus en-
fant croissait en âge et en sagesse devant
Dieu el devant les hommes; 0° la prudence
présom|ilueuse des hommes du monde et
surtout des philosophes; dans ce sens Dieu
a dit: Je cunfondiai leur sagesse, ICor., c. i,
v. 19; 7" la sagesse éternelle est le (ils de
Dieu, ou Dieu lui-même, Luc, c. xi, v. 49 ;
8° en général la vraie sagesse de l'homme
consiste à connaître la Gn à laquelle Dieu
l'a destiné, et à prendre les moyens propres
pour y arriver.
295
SAG
SAG
296
Sagesse de Dieu. Comme nous ne pou-
vons concevoir les attributs de Dieu que
par analiipie à ceux de l'homme, nous ap-
pelons sagesse divine l'intelligence infinie
par laiiuelle Dieu cimnait ses propres des-
seins, voit le plan de conduite qui convient
le mieux à la nature des êtres qu'il a créés,
et prend les moyens les plus propres pour
exécuter ce qu'il a résolu.
Quelques incrédules ont soutenu que l'on
ne peut pas attribuer à Dieu la sagesse,
parce que Dieu, qui n'a besoin de rien, ne
peut pas se proposer une fin, ni choisir
des moyens pour y arriver, puisque sa puis-
sance peut suppléer à tous les moyens. Au
mol Cause finale, nous avons prouvé le
contraire; nous avons fait voir que Dieu
ne se propose pas une fin par besoin, mais
en verlu de la perfection de son être, parce
qu'il est souverainement intelligent, et que
s'il n'agissait pas comme cause intelligente,
il Mgirait en cause aveugle. Lorsque Dieu
agit, il sait donc ce qu'il fait, et pourquoi
il le fait, quels seront les effets et les consé-
quences de son aciion; la raison pour la-
quelle il agit est la fin qu'il se propose; il
emploie des moyens, non par impuissance
de faire autrement, mais parce qu'il est de
l'essence d'un êire intelligent d'agir ainsi.
Nous ne pouvons connaître que très-im-
parf.iitemenl les desseins do Dieu et les
moyens par lesquels il les exécute dans l'or-
dre de la nature, en comparant les effets à
leurs causes ; et souvent les conséquences
que nous lirons de cette comparaison ne
sont que des conjectures: combien de fois
les philosophes ne sont-ils pas trompés sur
la cause des phénomènes les plus connus?
Dans l'ordre de la grâce, nous ne connais-
sons les raisons de la conduite de Dieu
qu'autant qu'il a daigné nous les révéler;
mais malgré la faiblesse de notre intelli-
gence, il nous en a fait connaître assez pour
exciter notre admiration, notre reconnais-
sance et notre confiance en lui. Il sait mieux
que nous de quelle manière nous avons besoin
d'él re cond u Ils; quoi ([u'il nous arrive, nous ne
pouvons mieux faire que de nous reposer
sur sa sagesse et sur sa bonté pour noire
sort en ce monde et en l'autre.
Sagesse (livre de la). C'est un des livres
canoniques de l'Ancien Testament. Les
Grecs l'appellent la Sagesse de Salomon; il
ne s'ensuit pas néanmoins qu'ils ont cru
que ce livre avait été composé par Salomon ;
probablement ils ont seulement entendu
par là que l'auteur avait puisé ses connais-
sances dans les livres de Salomon, et qu'il
avait lâché de les imiter. Quelques anciens
l'ont nommé irKjxfjéro;, trésor de toute verlu;
le but de l'auteur est d'instruire les rois, les
grands, les juges de la terre. On pense com-
munément que ce livre n'a pas été écrit en
hébreu, qu'ainsi le grec est le texte origi-
nal. On n'y voit point, disent les critiques,
les hébra'ismes et les barbarismes presque
inévitables à ceux qui traduisent un livre
hébreu; l'auteur écrivait assez bien en grec,
et il avait lu les bons écrivains en celle
langue; et il en emprunte des expressions
inconnues aux Hébre ix, (elles que l'ambroi-
sie, le fleuve d'onhli, le royaume de Pluton
ou d'Adès, etc. H cite toujours l'Ecriture
d'après les Septante; et lorsque les auteurs
juifs l'ont cité, ce qu'ils en rapportent a tou-
jours été pris sur le grec.
Cependant le savant qui a publié à Rome,
en 1772, Daniel traduit par les Septante,
h' dissert., n. 10, prétend que dans l'origi-
nal le livre de la Sagesse était écrit en vers ;
il faut donc qu'il ail été écrit en hébreu.
Puisque le traducteur parlait bien le grec,
il n'est pas étonnant qu'il ail su éviter les
hébra'ismes, et les barbarismes, qu'il ail em-
ployé les termes familiers aux écrivains
grecs, et qu'il ait suivi la version des Sep-
tante. Quoique l'on ne connaisse pas l'au-
teur de cet ouvrage, qu'aucun ancien ne
dise qu'il a vu le texte hébreu, et que le
traducteur n'en dise rien, ce ne sont là que
des preuves négatives, il ne s'ensuit pas
certainement que ce texte n'a jamais existé;
d'autre? livres hébreux ont disparu de
même : l'auteur prélemlu grec n'est pas
mieux connu que l'auteur hébreu; les cri-
tiques protestants qui ont soutenu qu'il est
l'ouvrage de Philon, n'ont fait qu'une vaine
conjecture. Quoi qu'il en soit, la traduction
latine que nous en avons n'est pas de saint
Jérôme; c'est l'ancienne Vulgate faite sur
le grec, longtemps avant saint Jérôme, et
usitée dans l'Eglise dès le commencement;
elle est exacte et fidèle, mais le latin n'en
est pas toujours pur.
Les Juifs n'ont point mis ce livre dans
leur canon, parce qu'ils n'y ont placé que
ceux dont ils avaient le texte hébreu ; il n'a
pas même été toujours reçu comme canoni-
que dans l'Eglise chrétienne: plusieurs Pè-
res el plusieurs églises ont douté si c'était
l'ouvrage d'un auteur inspiré. Cependant
les auteurs sacrés du Nouveau Testament
semtilent quelquefois y faire allusion : saint
Clément de Rome en a copié quelques paro-
les, Epist. I ad Cor., n. 3 el 27. Il a été cité
dans le ii° siècle par saint Clément d'Alexan-
drie, par Hégésippe et par saint Irénée, sui-
vant le témoignage d'Eusèbe ; au m' par
Origène, par rertullien et par saint Cy-
prien. Des conciles, de Carthage en 337, de
Sardique en 3i7, de Constanlinople in Trnllo
en 692, le xi<^ de Tolède en 675, de Flo-
rence en 1438, enfin celui de Trente, sess. k,
l'ont expressément admis au nombre des li-
vres canoniques.
Comme les protestants ne veulent rece-
voir comme tels que ceux qui sont avoués
par les Juifs, ils ont déprimé tant qu'ils ont
pu le livre de la Sagesse. Mosheim, sur Cud-
worth, Syst. intell., c. k, ^ 16, n. 5, le elle
comme un exemple des fraudes que les Juifs
d'Alexandrie ont commises longtemps avant
la naissance du Sauveur. Mais ici la fraude
n'est pas prouvée. Un écrivain quelconque
a pu faire ce livre, soit en hébreu, soit en
grec, sans avoir envie de passer pour un
auteur inspiré; à la vérité c. ix, v. 7 el 8, il
parle comme aurait pu faire Salomon; mais
2'J7 SAI
c'est une prière que l'auteur fait à Diou, et
qu'il a pu copier dans un livre de Salomon
sans en avertir. Si donc il y a eu «le l'erreur
sur ce point, ce que nous n'avouons pas,
elle est venue de l'admiration que les lecteurs
ont eue pour cet écrit, dont la doctrine leur
a paru digne de Dieu. En effet, les critiques
prolestanls les plus prévenus contre la ca-
nonicité de ce livre n'ont pu y découvrir
aucune erreur, et il y a des pensées et des
vérités dont un auteur opdinaire n'a pas pu
être capable.
lîrucker, en traitant de la philosophie des
Juifs , Uisl. critiq. philos., tom. II, p. 093, a
prétendu que l'auteur du livre de la Sagesse
est un juif d'Alexandrie, iuibu des opinions
de la philosophie grecque, et qu'il y a dans
son ouvrage des niarcjues évidentes de pla-
tonisme. Il apporte en preuve, 1° ce que dit
cet auteur, Sap., c. i, v. 7 : L'esprit du Sei-
gneur a rempli toute la terre, et il contient
toutes choses. C'est, dit Brucker , l'âme du
monde des pythagoriciens et des platoni-
ciens. '2° l*',n effet, c. vu, v. 2-2, il est dit que
cet esiiril est intelligent, unique et cepen-
d;(nt multiplié, subtil cl mobile qu'il ren-
ferme tous les autres esprits, eti-. Ces f.içons
(le parler ne connennenl point au Sainl-
lîsprit, mais à l'àmc du monde, telle que les
pliilosiiphes la concevaient. 3' Ibid., v. 17,
l'auteur dit que c'est cet esprit qui lui a
enseigné la philosophie, et il représente lo
précis des connaissances philosophiques à
la manière des (àrecs. k" Il ajoute, v. 23,
(juc c'est «n souffle delà puissance divine,
une liMANATioJi de ta loi du Tout-Puissant,
un rayon brillant de la lumière. Voilà le
dogme, de l'émanation des esprits suivant
le système de l'ialon. 5° C. i, v, 13 et l't^, il
réfuie les philosophes orientaux qui pen-
saient que le mal qui est dans le monde \e-
nait de la nature même des choses ; il sou-
tient, au contraire, q ue Z>jeM «'a point créé la
mort, qu'il ne se plait point à exterminer les
vivants qu'ils n'ont point en eux-mêmes
la cause de leur perte, et que le royaume de
l'enfer ou de la mort n'est point sur la terre.
C'est le langage de Plalon et de Plolin.
Il n'est pas possible de pousser plus loin
l'abus de la critique ni l'enlètemenl de sys-
tème : avec un peu de réllesiori , Brucker
aurait vu qu'il prête à l'auteur du livre de
la Sagesse des idées ([u'il n'eut jamais, c. i,
V. 'i-. Cet auteur dit (jue la sagesse , qu'il
nomme indifféremment l'Esprit deDieucl le
Saint-Esprit, n'entrera point dans une âme
malfaisante, et (lu'elle n'hahilera point dans
un corps asservi au péché , etc. Les philo-
sophes ne parlaient pas ainsi de l'âme du
monde ; ils pensaient que celte âme était
répandue dans tous les corps vivants. L'au-
teur sacré dit , c. vu , v. 7 , qu'il a invoqué
Dieu, et que l'Esprit de sagesse est venu en
lui ; v. 15, que c'est Dieu qui lui a donné
les connaissadces qu'il possède; v. 22 , que
l'Esprit de sugessp est saint et ami du bien ;
V. 27 , qu'il se répand dans les âmes saintes,
dans les amis de Dieu , et qu'il fait les pro-
phètes; c. IX , v. ^ , il le demande instaui-
DlGT, DS ÏBEOL. DOGUATIQUE. IV.
SAI
898
ment à Dieu ; v. 17, il lui dit : Qui connaîtra
vos desseins, si vous ne lui donnez la sagesse,
et si vous ne lui envoyez du ciel votre Saint-
Espritî II faut élre élrangement prévenu
pour entendre par là l'osprii universel, prin-
cipe de la vie des corps animés , et pour y
voir le système des émanations. Voyez et
mot. — Ce même auteur réfute ceux qui at-
tribuaient l'origine du mal à la nature des
choses ; cependant, c. ii , v. 11, 17 et suiv.;
cap. XII, V. 2, G, 8, etc. , il représente Dieu
comme un juge sévère, mais juste et miséri-
cordieux, qui punit les pécheurs en ce monde,
afin de les amener à ()énitcnci', et qui les
extermine enfin , lorsqu'ils s'endurcissent
dans le crime. Voilà des vérités qoi ne sont
jamais venues à l'esprit de Plalon, de Plolin,
ni des philosophes orientaux, et des expres-
sions desquelles ils ne se sont jamais servis;
l'auteur du livre de la Sagesse les avait donc
puisées ailleurs.
SAINT, SAINTETÉ. Les divers sons dont
ces deux termes sont susceptibles, et l'abus
que l'on en a fait , nous obligent d'en re-
chercher la signification primitive et gram-
maticale. L'hébreu kodesch ou kadosch , !e
grec âyto;, le latin sanctas, dérivé de sunijo,
nous paraissent tous formés de racines qui
signifient un lien, ce qui attache ; de manière
que saint, dans l'origine, signifie sinipleiuoiif
lié, attaché, destiné, dévoué à i|uel'|n'un ou
à quelque chose. De là les expressions des
écrivains sacrés, Jerem.. c. li , v. 28 : Sm-
ctificate contra eam gentes, faites conjurer les
nations contre elle; sanctificate super eam
hélium, vouez de lui faire la guerre, c vi ,
v. k; sanctifica eos in die occisionis, dcvouez-
les à la mort , cap. xi , v. 3 ; Joil , cap. ii,
V. 14. : Sanclipcale jejunium , coniiregale po-
pulum, sanctificate Ecclesiam , C{'léi)rez un
jeûne, convoquez le peuple, formez une as-
semblée , etc. Sancla David, Aci., c. xiii,
V. 3'i., sont les promesses faites à Divil.
Conséquemuient sanctifier une chose ou
une personne , c'est l'attacher à Dieu ei à
son culte. Levit., c. xi , v. W el 43 , le Sei-
gneur dit auï Israélites: Je vous ai séparés
des autres peuples.... vous me serez ait 'chrs
et dévoués , ERiTis Mini sancti. Sanctifica
mihi omne primngemtum , destinez-moi tout
premier-né -.sanctum Domino , consacré au
Seigneur. Dans ce sens, tout homme qui fait
protession d'adorer le seul vrai Dieu est un
saint. Comme c'est parmi ces vrais adora-
teurs que se trouvent ordinairement les
hommes les plus vertueux, qui ont les mœurs
les plus pures, et qui sont les plus Oiléles à
^ remplir tous les devoirs, on a aommc saints ,
tous ceux qui pratiquaient des vertus hé-
roïques , et qui paraissaient exempts des
vices de l'humanité ; mais la profession du
vrai culte n'est pas toujours accompignée
de celle sainteté de mœurs et de conduite.
Souvent Dieu dit aux Israélites : Soyez
SkiNTi, parce que je suis saint; la sainteté
ne peut convenir à Dieu et à l'homme dans
le même sens. La sainteté de Dieu est l'aver-
sion qu'il a pour le crime et pour tout ce
^ qui peut blesser la pureté de son culte , el la
10
299
SÂl
SA!
300
sévérité avec laquelle il le punit ; la sainteté
de l'homme est son exactitude à éviter tout
ce que Dieu défeni, et à faire ce qu'il com-
iiiaude : sans cela, il n'est pas véritablement
dévoué au ciiUe de Dieu. Ainsi , lorsqu'on
partant d'une loi morale, Dieu dit: Soyez
saints, parce que je suis suint , cela signifie :
évilez tel crime ,et pratiquez telle vertu,
parce que j'approuve et je réconi pense cette
conduite, f^oi-squ'il est question d'une loi
purement cérémonielle qui regarde la dé-
cente du culte, la propreté et la santé des
particuliers, ces mêmes paroles signifient :
faites telle cérémonie, évitez telle indécence
ou telle négligence, parce que cela me piaît
ainsi, et qu'autrement vous serez punis. Il
ne s'ensuit pas de là que Dieu approuve au-
tant les cérémonies que les vertus, et qu'il
punit les indécences aussi rigoureusement
que les crimes.
La sainteté est donc altribuée à Dieu par
opposition aux faux dieux du paganisme ;
ceux-ci n'étaient rien moins que des dieux
saints , puisqu'on les supposait sujets aux
mêmes viCcs que les homi.ies , el qu'on
croyait les honorer par des crimes. Elle est
attribuée aux juifs par opposition aux ido-
lâtres, qui coinmettaieul des actions infâmes
pour plaire à leurs dieux. Les Juifs étaient
ainsi la nation sainte , c'est-à-dire attachée
au culte du vrai Dieu , et non à celui des
idoles.
En confondant mal à propos tontes ces
choses, les juifs sont tombés dans plusieurs
erreurs. 1° Ils ont conelu que la loi cérémo-
nielle était plus sainte que la loi morale,
parce qu'elle prescrit toutes les observances
dans le plus grand détail ; ils ont cru qu'ils
étaient eux-mêmes plus sai^nts, plus fidèles
el plus agréables à Dieu en observant des
cérémonies qu'en faisant ce que la loi mo-
rale ordonne , parce que celle-ci est portée
pour les païens aussi bien que pour les juîfs.
2° Que le Messie n'a pas pu établir une loi
plus sainte que la loi de Moïse. 3 Que les
patriarches n'étaient point taché» du péché
originel, puisqu'ils sont appelés saints dans
lEcriture. 4° Que Dieu ne tenait aucun
compte du culte que pouvaient lui rendre
les nations étrangères, qu'il n'avait pas plus
de soin d'elles que des animaux, quoique
les livres saints enseignent formellcmeul le
contraire. Yoy. Ibfiuèles.
Les jours, les lieux, les personnes, les
cérémonies, sont appelés saints, c'esi-à-dire
destinésà honorerDieu ; dans le psaume xlix,
V.5, les siints sont les prêtres elles lévites,
parce qu'ils ét;iient spécialement occupés
au service du Seigneur. L'iiiscriptiou San-
clum Domino , gravée sur la lame d'or qui
couvrait le front du grand piètre , le faisait
souvi nir qu'il étuil consacré au service du
Seigneur, cl elle apprenait au peuple à res-
pficler sa dignité. I^a .Indée éUiit nommée ta
Terre sninle , et Jérusalem la Ville sainte,
parce que l'idolâtrie eu était bai:nie, et que
IJieu seul y était adoré ; mais celle même
contrée ebl encore appelée à plus juste titre
la Terre sainte , depuis qu'elle a élé consa-
crée par la naissance , par les travaux, par
les miracles , p^ir le sang de Jésus-Christ.
Dieu apparai>*sanl à Moïse dans le buisson
ardent, lui dit : La terre nù tu es est sainte
c'e«l-à-dire respectable à cause de ma pré-
sence. Saint Pierre appelle /a )«on<(xywe sainte,
celle sur laquelle élail arrivée la transflgu-
raiion de Jésus-Christ. Voy. Consécration.
Si Itîs hérétiques anciens el modernes, si
les incrédules leurs copistes, avaieni voulu
faire toutes ces rcHesions , s'ils avaient dai-
gné se souvenir que, dans le Nouveau Tes-
tament, les mots saint el sainteté ont les
mêmes sens qu'ils aTaicnt dans l'Ancien , ils
auraient t'ait moins de sophisraes et de re-
proches absurdes. Les manichéens areturaen-
taieut déjà sur les vices et les mauvaises
actions des personnages qui sont appelés
saints dans l'Ancien ïestameni. S. Aug^.,
1. XXII , contra Faust. , c. 5. Les incrédules
enchérissent encore aujourd'hui, comme si,
pour être saint , il fallait être absolument
exempt de lous les vices de l'humanité. Ils
devraient sentir qu'au milieu du torrent gé-
néral qui entraînait tous les hommes dans
l'idolâtrie, il y avait beaucoup de mérite à
s'en préserver , el qoe Dieu a dû attacher
un grand prix à la constance de ceux qui
persévéraient dans son service ; lorsqu'il
a daigné les nouimer ses saints , il n'a pas
voulu donner à enten'lre par là qu'ils pos-
sédaient toutes les vertus, et étaient exempts
de tous les vices. De même saint Paul ap-
pelle saints tous les fidèles, parce qu'ils sont
consacrés à Dieu par le baptême , et qu'ils
sont appelés à la sainteté parfaite , quoique
tous n'y parviennent pas. La communion
des saints est la participation mutuelle des
chrétiens à leurs prières et à leurs bonnes
œuvres. Les Pères de l'Eglise se sont expri-
més de même. Parce qui- saint Augustin a
fait un livre de la Prédestination des suints,
quelques Ihéologiens ont cru qu'il s'y agis-
sait de la prédesiiualion des élus à la gloire
éternelle ; mais on voit évidemment , par la
lecture de ce livre, qu'il y est question de la
prédestination des fidèles à la grâce de la foi
et du baptême. Gelait l'uuiiiue sujet de la
dispute entre saint Auguslinet lespélagiens.
Dans le sens rigoureux, Jésus-Christ est
le .seul Saint ou le Saint des saints, parce
que lui seul a possède toutes les vertus dans
un degré héroïque, et a été exempt de tout
défaut. Ou a donné néanmoins le titre de
saint et de sainteté , non-seulement au sou-
verain pontife , mais aux évéques et aux
prêtres, non pour leur attribuer toutes les
vertus , mais pour les faire souvenir qu'ils
sont consacrés à Dieu , et les prolestants en
ont été scandalisés. On dil la sainte Bible, le
saint Evangile , des lois sahites , k-s sairtl s
jours ilaniiée 4(uiUe, les lieux saints, saintes
huiles , eau sainte , saint-s\é^e , samt Office,
etc., parce (juc lous ces objets ont un rap-
port plus ou moins direct au culte de Dieu
et au but de l.i religion chrétienne. On a
niéme iioumiè guerre sainte la guerre desti-
née à chasser les infidèles de la .terre sainte.
^ous avons expliqué aiUeurs en quoi coa-
Soi
SAI
siste la sainteté de l'Eglise. Voy. EraisE, § 2.
A la véiit'é, dans ud sens plus restreint,
l'on appollt; saint un liuinme qui est non-
seulemcnl irAs-attaché au culte du vrai Dii-u,
mais qui est exempt de t>iul vice considéra-
Me , el qui pratique les vertus ctiréiienncs
dans ui\ degré héroïque; et, cooiioe le bou-
lionr du ciel est iarécompinsecerlaine d'une
telle vie , nous entendons souvent par les
saints Ceux qui jouissent du honlieur éter-
nel. Lorsque l'Kglise est convaincue qu'un
honiine a nicité cette vie suinte el pure, lors-
que l'ieu a diiigné l'attester ainsi par des
niirurios, elle le place au nonilire des saints
par ui! décret de canonisation, elle autorise
les fidèles à lui rendre un culte puMic. Voyez
CiNONiSATroN. lîlle ne prétend pas néan-
iiioios allcsler par là que c'a été un homme
exempt des moindres défauts de l'humanité,
et qu'il n'a jauiais pcclié : la laihlessc hu-
ntaiiia ne comporte point celte petfetlion.
On ne doit pas être étonne de ce que les
compilateurs des act<s des saints les ont
comptés par milliers; depuis dis-sepl cents
ans ijuc le christianisme est fimdé, lu sainte
Eglise u'ajauiais cessé de conduire un ^raud
nombre de ses enfants à la vraie sainteté, et
sans cela nous ne pourrions pas concevoir
eu quel sens saint Paul a dit, Ejihes., c. v,
V. 25 : Jésus-Christ a aimé son Eçilise, et il
s'est livré pour elle , afin de la sancli/ier , de
la rendre glorieuse . sans lâche et sans ride.
Nous pensons cepeiidaul que les saints con-
nus et honorés eor.ime tels ne sont pas le
plus tîrand nombre des bienheureux , que
leur multitude immense est principaleiiKMit
formée des fidèles qui se soûl sanctifiés dans
une vie obscure, dont les vertus ont été igno-
rées ou méconnues, ou qui, après avoir é!é
sujets à des faiblesses pendaut leur vie, ont
eu le bonheur do se purifier par la pénitence
avant la mort.
Mais l'Eglise ne peut reconnaîire pour
saints des hommes qui ont eu peut-être de
graudes vertus, mais qui sont morts dans le
schisme , dius l'hérésie , dans une révolte
Opiniâtre contre l'autorilé de celte sainte
mère. Ce crime seul suffit pour faire perdre
à un homme le mérite de toutes ses vertus.
Kous avons appris de Jesus-Clirisl lui-même
que si quelqu'un n'écoute pas l'Ëglise, il
doit éire regardé comme un pa'i'en et un pu-
blicain. Matlii., c. xvi;i , v. 17.
Les incrédules ont vomi des torrents de
bile non-seulement contre les s a'n/s <le l'An-
cien Testament, mais contre ceus du Nou-
veau ; ils eu ont contesté toutes les vertus,
et lors même que les actions de ces person-
nages respectatJles ont paru inépréiiensibles,
leurs censures en oui noirci les motifs el les
intentions. Si on veut les éci-uler, les pro-
phètes de l'Ancien Testament ont été des
fourbes amliitieux qui ont conduit leur na-
tion à sa ruine ; les prétendus saints Avx chris-
tianisme o:U été des fourbes ignorants; les
uiartyrs, dco iiooimes séduits; les anacho-
rètes et les moines , des atrabilaires cruels
à eux-mêmes ; les docieurs de l'Ej^iise , des
querelleurs séditieux et perturbateurs de la
SAI 505
société. Dès que ces derniers se sont sentis
apiiujes par les cmpi-reurs , ils n'ont plus
montre qu'orgueil, opini.îtreté , vengeance,
intrigue, ambition, rapacité. Les papes et
les évêques n'ont irav iille qu'à se donnée
un pouvoir temporel et à r-ingiiienter sans
cess.' ; les missioniiaires él.iionl d(\s esprits
inquiets, poussés par ie désir de dominer
sur des peuples ignorauls el sédoils. Malheu-
reuseuient, en invectivant ainsi contre les
saints du christianisme, les incrédules n'ont
fait que copier les proleslanls; ce n'est pas
sans raison qu.' Bayie a reproché à ces der
niers de n'avoir respecté dans leurs libelles
diffamatoires ni les vivants ni les morts; el
celle malignité subsiste encore parmi eux.
Mosheim , dans son Histoire ecclésiast., y
siècle, ir part. , c. 2, § 2 , dit que la multi-
tude des saints ne dut ce litre qu'à l'igno-
rance du temps; que, dans ce siècle do
ténèbres et de corruption , l'on regardait
comme des hommes extraordinaires ceux
qui se distinguaient par leurs lalec>!s, par
leur douceur , leur modéiation, l'ascendant
qu'ils avaient sur leurs prissions. Il donne
encore une plus mauvaise opinion de ceux
qui ont vécu dans les siècles suivants.
Aux mots EvÈQUE, Martvr, AlissroNs, Moi-
nes, Pape, Pasteurs , PAres de l'Eglise,
nous avons fait voir l'injusiice de ces accu-
sations générales, et sous le nom de chacun
des principaux personnage? . nous avons
répondu aux reproches particuliers qu'on
leur a faits. Nous nous bornons ici à remar-
quer que c'est la licence effrénée des pro-
testants à calomnier les saints , qui a servi
de modèle aux incrédules pour noircir de
même Jésus-Christ et les apôtres ; qu'en
suivant leur méthode, il n'y a dans l'histoire
aucun homme si vertueux que l'on ne puisse
le peindre comme un scélérat ; qu'après
avoir aiusi traité ceux auxquels les peuples
ont cru devoir rendre un culte , il a fallu
n'avoir plus de honte pour nous représenler
les fondateurs de la réforme comme de
grands hommes.
Mosheim en particulier démontre sa pro-
pre injusiice. Les saints qui onl fini l<'ur
carrière dans le v" siècle , l'avaient com-
mencée dans le iv, siècle de lumière el de
vertu, s'il en lût jamais. Dans l'âge suivant,
a|)rès l'arrivée des barbares , tcn.ps d'igno-
rance, de brigandage , de désordres et de
maux de toute espèce, n'était-ce pas un très-
giand mérite de se distinguer par le> talents,
par la douceur des mœurs , par la modéra-
tion , par l'ascendant sur les passions? Si
cela ne suffit pas pour mériter le nom de
saint, que faul-il de plus ? On nous dit qu'un
humutc ne peut être saint qu'autant (|u'il
est utile , soit : il n'est rien do pics utile et
de plus nécessaire dans tous les temps que
do montrer aux hommes des modèles de
vertu, sans cela ils la croiraient impossible.
On ajoute que l'Eglise a canonise, malgré
leurs vices, des princes qui lui onl fait du
bien, comm.e Chailemagne, Lewigilde, etc.,
et même des moiues qui l'ont enrichie par
des usurpations : tout cela est faux ; les
?,>3
SAl
SAI
501
deux piincfs dont on parle n'ont été cano-
nisés par aucun décret de l'Eglise ; niais si
elle avait voulu le faire, elle se siérait assu-
rée par de bonnes preuves qu'ils avaient
expie leurs vices par la pénitence. Ce sont
les peuples qui , par reconnaissance envers
ces princes dans lesquels ils avaient vu
briller de grandes vertus, se sont délenninés
à leur rendre un culte : comment les en au-
rait-on empêchés ? C'est une injustice d'appe-
ler u«urpafîons les bienfaits dont on a com-
blé les moines dans un temps auquel ils ren-
daient les plus grands services. Vot/. Moine.
Les païens ont divinisé leurs héros, les
inventeurs des arts , les législateurs , les
fondateurs de secte, les devins ou les magi-
ciens célèbres , les guerriers , etc. Quelle
utilité pouvail-il en revenir à la société?
Tous les hommes ne sont pas faits pour être
héros, et la plupart de ceux de l'anliquilé
ont été très- vicieux. L'Kglise chrétienne
canonise les vertus communes , qui con-
viennent à tous les hommes, et que tous
sont obligés de pratiquer, parce que ce culte
est capable de les j' encourager.
Mais c'est justement par haine contre ce
culte que les protestants se sont attachés à
en déprimer les objets. Un des principaux
moyens qu'ils ont fait valoir pour autoriser
leur séparation d'avec l'Eglise romaine, a
été le culte religieux qu'elle rend aux saints;
ils ont soutenu que tout culte relij^ieux
rendu à d'autres êtres qu'à Dieu est une
injure faite à l'Etre suprême, une supersti-
tion, une idolâtrie; ils ont forgé des faits,
des calomnies, de fausses intei prélalions de
l'Ecriture , des sophisnies de toute espèce
pour le prouver, et ils les répètent encore.
Au mot Culte, § 1, nous avons réfuté direc-
tement leur principe et ses conséquences,
par l'Eciitura sainte même; nous avons fait
voir la différence essentielle qu'il y a entre
lu culte suprême n-ndu à Dieu , et le culte
inférieur ou subordonné que nous rendons
aux saints; nous avons répondu aux re-
proches et aux fausses allégations de nos
adversaires. Au mot Ange et au mot Martyr,
§ 6, on trouvera encore à peu près les mêmes
réflexions, il serait inutile de les répéter. Pour
aihevcr d'éclaircir celle question, il faut en-
core prouver, 1* que les saints intercèdent ou
prient pour nous dans le ciel : 2" qu'il est
très-permis de les invoquer, par conséquent
de leur rendre un culte religieux (1).
I. De l'intercussion des saints. Celle
i) Voici l'cxposiiinn de la foi cnilM)li{|iie sur ces
deux points, telle qu'elle nous a été louiiiie parVé-
rou ; t ^olre profession de loi porte ; Je liens coiis-
tamiiieni que les saints qui règneiii ensemble avec
Jésus-Olnisi sont à invoipier. l'aroles extiaiios du
concile tle Trente, sess. 23, qui enseigne de même,
et s'explique en ces leniies : !i est bon cl mile d'in-
voquer les saints et avoir recours à leurs oraisons ,
ailles et secours, pour obtenir do Dieu divers bieu-
fails par son t'ils Jésus-Clirist, qui seul est noir»; Kc-
demptcur et Sauveur. Voilà ce qui est article de foi,
car rKglise universelle nous le propose à croire.
I 1. Mais, bien qu'il soit très-certain que les saints
canonisés que nous invoquons soient saints "uisque
croyance est fondée sur l'Ecriture sainte,
sur le témoignage des Pères, sur l'usage de
l'Eglise : Ics-juiis l'ont eue aussi bien que
l'Eslise, assistée du Saint-Esprit, après une diligente
reclierciiede leur vie et des miracles faits diirani et
après elle, nous les propose tels, néanmoins la règle
par nous proposée des articles de foi citbolique, ila
laquelle nous parlons, démontre que ce n'est pas uri
ar'.icle de loi que les sainis canonisés, sainl Fran-
çois, ou autres, saint Basile, Cliiysoslonie , etc.,
soient saints, ni même que les apôlres André, Tho-
mas, Pliilippe, ou autres, le soient. Car il u'esi de loi
quece que I>ieu a révéléaux prophètes et aux apôlres,
proposé par toute l'Eglise. Or, Dic'i n'a pas révélé à ses
prophètes ou apôtres, par exemple, que saint Fran-
çois ait vécu saintement, ni ail l'ait des miracles, ni
qu'il soil au ciel, et ni même qu'il ait clé jamais au
monde. Ce n'est donc pas article de foi caih6lif|ue.
J'ajoute que ce sont questions de fait, et dépendant
des inl'ormalions qui se font avant la canonisation,
ce qui est bien éloigné d'être révélation faite
aux prophètes et apôtres, et sur ces inlurmations
même rEi;lise peut avoir de faux rapports , et errer
comme j'ai dit ci-dessus, en nos règles générales ,
nombre 1 >, page 32, après liellarmin même et tous
nos docteurs. J'ajoute que ces canonisations ne se
font que par le pape, et que l'Eglise universelle as-
semblée au concile de Trente, ou en quelque autre
général, n'a jamais proposé à tous ses lidèles que
saint François ail vécu saintement et soit saint au
ciel. La chose donc est tiès-ceriaine, comme ap-
puyée sur de très-solides fondeinents, et serait jus-
tement repris qui dirait le contraire; mais aussi ims
principL^s démunirent que ce n'est point article de
lui.
I II. C'est chose Irès-considérable que le concile
de Trente, l'un des plus doctes qui se soient jamais
tenus en l'Eglise, et où se sont trouvés en très-
grand nombre de irés-excellenis ihéolo^ieiis, même
en scolasiique, nous proposant si clairement qu'il
est bon et uiile d'invoquer humblement les saints,
et d'avoir notre recours à leurs prières, ne nous
propose poinl à croire qu'ils entendent nos prières.
Si If concile eut entendu que ce fiU article de Coi,
pourquoi ne l'eûi-il pas enseigné, comme il a défini
qu'il est bon el utile de les itivoquer? Il se taii là-
dessus, se cuiitenlant de définir l'invocation (a).
Ih'ous pouvons donc nous en taire quand nous solli-
citons nos frères séparés à leur retour à l'Eglise.
Mais de plus, celui qui d'après cela el d'après nos
règles de la foi dira : Ni la révélation divine ne l'en-
seigne en termes exprès, ni l'Eglise ou le concile de
Trente, ni mitre profession de foi ne le propose à
croire, ce n'est donc pas juiqn'à ce jour un article «
de loi; celui-là tirera de ces prémisses une induction 9
piiissaule et Iréa-l'orie, et fa réticence d'un tel cou- •
cile, el en telle occasion, est uit suffisant appui pour
dire que l'audition de nos prières par les sainis n'est
pas un article de croyance. Elle suit fort bien de
l'invocation que' l'Eglise a crue de toui temps, et
spécialement à lalaçouque le concile nousda propose
des saints régnains avec Jésus-Christ, el ((ui voient
Dieu face à lace, cuinme j'expliquerai ci-après. L\lais
Connue plusieurs de nos ilocieurs tiennent, ainsi que
j'ai rapporte ci-dessus, page 19, n. 3, que ce qui
suit de l'Ecriture n'est pas ariicle de foi, pour n'être
pas révélé de Dieu expressément, el partant n'est
pas article de lot calholiijue, c'esi-à-dire à laquelle
tous soient obligés de sousirne sous peine d'béré-
sie ; aussi ce qui suit de ce que l'Eglise propose à
croire n'est pas proposé expressément par l'Eglise
à croire, el partant n'est pas article de foi catlioli-
(a) Dans sa mission de Sainlonge, Fénelon suspenlit
l'usage de VAve, Maria, ii la lin de ses sermons, et môme
celui de l'iuvocaiion des saints dans les prières puLitiques.
303 SAI
les chrétiens. Jerem., c. xv, 1 et 5, Dieu dit
à ce prophète : Quand Mo'ise et Samuel se
présenteraient devant moi, je ne puis souffrir
que. lîellarmiii tnéme, iniii. I, conirovtTse 7, liv. i,
cliap. 20 : Celle cnnséinn'iife csl bonne, dil-il ; les
s;iinls sonl à lion ilroil invoiiiiés ; donc ils saviml to
que nous (lem.inJons, el ne sonl pus invoi|iiés en
vain, encore qu'on acconlàt qu'ils n'enlenilenl pas
el ne connaissent pas' nos pncies, car qn.lque aulie
lienl en cela teur place. Coniine non en vain ne pré-
seiile pas sa reiiuêle au roi, qui sait ccriaineineni
que le roi ne la lira pas ( comme on le sait niainlc-
iiaiil duranl la ininorilé ilu roi, el loulefois loiiles
les rei|uêies lui sont adressées : qui oserait blâmer
celle pratique ou s'en moquer '.') , mais quelque au-
tre (lu conseil, et qu'il obtiendra lowlclois ce qu'il
demande, lout de même comme si le roi eût lu sa
re.|uéle. Ceriainemenl saint Auguslin, en son livre
du Soin pour les morts, <b. 10, dit en doutant :
Celle question passe les lorces de mtm esprit, coin
nient les martyrs seoouieiit ceux qu'ils aident Irés-
ceitaineinent; s'ils sont présents par eux-mêmes au
même temps, en lani de dlvirs lieux où on les res-
seni présents, ou si étant retirés de toute cimversa-
tion de» bommcs en quelque lieu proportionné ; à
louis iiiéiiles, el tontelois priant généraleiiienl pour
les besoins de ceux i|ui les supplient, comme nous
prions pour les morts, auxquels nous ne sommes pas
présents en cIVet, el ne savons pas où ils sont ni ce
qu'ils font; Dieu loul-puissanl, qui est parloul prc-
seiit, exaiiçani les prières des martyrs, donne, par
le ministère des anges, aux bomiiies des soulage-
iiienis, et rend recummandables les mérites des
mariyrs, où il veut, et quand il veut, coinnie il veut ;
cela est trop baul cl trop caclié, je n'ose le délinir.
I Mais, ajoute fort bien le même Bellariuiii, en-
core qu'on puisse douter par quelle fiiçun les saiiils
connaissent les tboscs abscnies ■;l nos prières , tou-
tefois il est certain qu'ils les connaissent; attendu
qu'ils veillent sur nous et ont soin de nos affaires. Il
appartient aussi à leur béatitude parfaite de savoir
les clioses qui les regardent, cl principaleineiil qui
sont- à leur tioniieur et gloire.
I 11 faudra donc dénier h l'Iiumanilé de Jésus-
Christ au ciel, et demander si elle entend jusqu'à
nos paroles, si elle a les yiix si perçants qu'ils
piiisseni considérer nos lucessités, comme Cilvin le
demande dessaiiils, liisl., liv. 5, cb.20, § 2 i. Comme
celle sainte àiiiL- de Jésus Cliiisl entend nos prières
au ciel, aussi les i ntendent bs saints ; savoir, voyant
la Divinitr lace à face, en laquelle sont toutes cho-
ses : puisque» cet héritage éternel, dit saint Gré-
goire p.ipe, Dial., liv. 4, ch, 53, tous d'une cnm
iiiune clarté voyant Dieu, qui est-ce qu'ils ignorent
là où ils savent celui qui sait toutes ciioses? Moyen
lacile pour concevoir coimneni l'àme do Jésus-tihiist
et celles des saints voient et connaissenl en Dieu nos
pi iéies. l'oiir ce que saint Augustin et plu^ieurs au-
tre» ont douté, ou peut-èlrc estimé, au rapport de
Vasquez, l,2,disp. l;>,ch. 3, que les âmes sullisam-
ment purinées, et des saints, n'étaient pas aussiiol
nçues en la béatitude, mais qu'elles éiatent jusqu'au
joui du jugement renlermées en (luelque lieu , telle-
nienl que cependant elles ne vissent Dieu, ni ne lus-
sent bienheureuses, el il n'est pas éloiinaut s'il a
douié que les saints trépassés entendissent nos priè-
res. Mais l'Lglise, au concile de l'iorence, ayaiil
enseigné en sa dériiiition ipie les âmes des dé-
funts purifiées de loui péclié sonl aussitôt re-
Çi^ies au ciel, et voient ciaiivuienl Dieu C'imme il csl
en soi ; cela posé, qui csl qu'il se véiilie d'elles dés
ni;iin:en:int ce ipii est dit en sainl Mattueu, x\li,
36, ils siinl ciminie les ai^i^s de Uieii au ciel, cette
audiliiin di' Il s prières est ciaire eu l'fCci ilure saune,
car ri est dit en saint Maiiliieu, xvni. 10 . Ne mé-
prisez pas un de ces pciiis; car je vous dis qu'aux
SAI
366
ce peuple ; qu'on le cliasfe de ma présence e !
qu'il s'éloi(ine Qui aura pitié de toi
Jérusalem? qui s'af/Ugera paur toi, qui prière,
pour te procurer la paix? Dieu donnail îliiisi
à onloiidre que Moïse el Samuel, morts de-
puis limgicinps, auraient pu intercéder au-
près de lui pour les Juifs. Ceuv-ci, captifs
à lialiyhMie, disent à Uieii : Seigneur, vous
éles notre l'ère , Abrahum ne nous connaît
plus, et Jacob nous a oubliés; voui êtes seid
notre Père el notre Bèdempleur (Isai., i.xiii,
16). Ces paroles seraient absurdes , si les
Juifs n'avaient jamais cru qu'Abraham
et Jacol) pouvaient les proléger auprès de
Dieu. //. Mac!), xv, 12 cl ik , Judas Macha-
hée vit en son^e le grand prêtre Onias, mort,
qui priait pour sa nation, el qui, lui mon-
trant le propiièle Jérémio, lui dit : Voilà ce-
lui qui aime toujours ses frères et le peuple
d'Israël, et qui prie beaucoup pour eux et
pour la ville sainte. C'est une des raisons
pour lesquelles les Juifs ne regardent point
les livres des Machabées comme inspirés, et
les prolestaols suivent leur exemple. —
Jésus-Christ, dans l'Evaniiile, Luc, c xvi,
9, nous dit : Faites-vous des amis avec les
richesses périssables , afin que, quand vous
manquerez, ils vous reçoivent dans le séjour
élern'l. Commenl des amis peuvent-iU nous
servir d.ins le séjour éternel, sinon par leur
intercession? ytid., v. 27, le Sauveur peint
un réjirouvé, qui, au milieu des tourments
de l'enfer, s'intéresse au salut de ses frères,
et demande qu'un mort aille les avertir. Il
est A présumer que les saints dans le ciel
ont pour le moins autant de charité pour
les vivants que pour les datnnés. N-otis avons
prouve ailleurs que les anges prient pour
nous cl avec nous, et qu'ils présentent nos
prières à Dieu; donc il en est do même des
saints. — Les Pères de l'Eglise, immédiate-
ment après les apôtres, ont conflrmé cette
cietix leurs anges voient toujours la face de mon
Père qui est dans les cieux ; el Luc, xv, 7 : Il y aura
joie au ciel pour un seul pécheur faisant pénitence.
Les saints eniendent donc nos prières, comme les
anges voiciiÈ le mépris d'un de ces petits, et comme
on voit au ciel le repentir 'd'un pécheur. Qu'y a-t-il
de plus clair? Mais aussi cesse toute difliculté que
l'esprii humain coiinaii, comme ils eniendent cl con-
naissent. Car en la face de Dieu lout se connait ai-
sément, comme j'ai rapporté de saint Crégoire. Ainsi
que l'àme de Jésus-Christ y contemple tout ce qui
le regarde, c'est-à-dire louies clioses : pareillement
les saillis ce qui les regard", coinme sont les prières
qui leur sonl adressées. Quelle dilliciillé en cela,
supposant que les âmes des justes soient au ciel et
y Voient Dieu face à face'/ Ajouirz, eu conlirmation
de celle vérité que les sainis eut nient no» prières,
plusieurs léinoignages des saint» Pères, que nous
rapporterons en ce lieu, et le eonseiiiemeni com-
mun des catholiques, spéiialeinent depuis ladite dé-
finilion. Je n'ajoule pas que ie:ic conséquence, il
les faut invoquer, dune ils oiiiiMident nos prières»
soit f Ole; car saint Augus'iu el tous les l'éres ont
tenu l'invocation; et toutefois le même saint doc-
teur a douté de celle aiidinoii, c inuie j'ai dit. Mais
elle est bonne, su|iposaiit qu'ils voient Dieu , n'y
avant puini ded Iliciilté en cette cuteiile, voyantDieu.
C'est donc maïuienaiit une bonne suite de l'invoca-
tion, c'est en ce sens que 'C l'ai marquée ci-dessiis.
S'!7
SAI
SÂl
508
croyance. Snint Ignace, près de souffrir le
ir.art.vro, écrit aas. Epiiésiens, ii' S: Je serai
une vicHme de piirificalion pour vous, et
d'expiation poisr 1 figlise d'Kpiièse, céU'-bre
dans tous les siècles. » Daillé avait cherché
à obscurcir le sens de ce passage, il a Cté
réfuté par Pearson, Vindic. Ignat. tî* part ,
c. 15. Un martyr peut-il être victime de ;iu-
rificîition et d'txpiation pour les fiilèlo!;,
autrement que par l'iiilercession ? — Hf^gé-
sippe, mo-l sur la fin du ii' siècle, pr;riant
des parents de .lésus-Chrisl qui avaient
souffert h; martyre, dit, sinvant le témoi-
gnage d'Rusèbe, 1. m, c 32 : « Us sont pré-
sents et présiilent à l'Eglise universelle,
comme n.arlyrs et parents du Sauveur. »
Hégésippe les comnare donc n l'évèque qui
préside à l'assinihlée des fidèles, qui prie
p.>ur eux. et offre leurs prières à Dieu. —
Saint Irénce, qui a écrit vers le même temps,
cite un prêtre plus ancien que lui, qui par
conséquent avait pu voir et entendre l'apôtre
saint Jean, et qui disait que les patriarches
et les prophètes de l'Ancien Testriment, par-
donnés et sauvés par Jésus-Christ, se f ïmI
gloire et rendent grâces à Dieu de nttre
salut, Adv. hœr., 1. iv, c. 31. S'ils en renient
grâces, ils prient donc aussi pour cet objet.
Saint Irénée lui-même, 1. v, c. 19, dit quo
Marie a été l'avccaie d'Eve. Les proleslants
ont chicané beoucoup sur ce terme à'nvocate;
l'éditeur de saint Irénée a réfuté leurs fausses
subtilités. — Origène, 1. de Orut., iium. 11,
s'exprime ainsi : « Le pontife n'est pas le
seul qui se joint à ceux qui prient, mais les
anges et les âmes des saints morts prient
aussi avec eux. » Il le prouve par le passage
du livre des Machabées que nous avons cité;
il le répète, in Cant., I. ih, p. 'ïo, et t. Xlll,
in Joan., n. ï>k. Dans sou Exhorlalion au
Martyre, n. .SO, il dit: « Les âmes de ceux:
qui ont été mis à mort pour rendre témoi-
gnage à Jésus-Christ ne se présentent pas
inutilement à l'autel céleste, mais elles ob-
tiennent la rémission des péchés à ceux qui
prient, n. 37 et 30. En haïssant voire épouse,
vos enfants et vos frères, dans la sens que
Jésus-Christ l'ordonne, vous recevrez le pou-
voir de leur faire du bien, en devenant l'ami
de Dieu Ainsi , après votre départ do
ce monde, ils recevront de vous plus de se-
cours q;!e si vous aviez demeuré avec eus.
Vous saurez mieux alors comment il faut les
aimer, et vous prierez pour eux plus sa-^e-
ment, lorsque vous saurez qu'ils soi)t non-
seulement vos enfants , mais encore vos
imitateurs , » n. 50. Le sang des martyrs,
comme celui d'Abel, élève la voix de la terre
au ciel; peut-être que, comme nou.'i avons
été achetés par le sang de Jésus-CiirisI, ....
quelques-uns seront aussi achetés par le
sang des martyrs. Mais Hom. -Ik, in Num.,
n. 1, il avertit que le sang des martyrs em-
prunte tout son [nérile du sang de Jésus-
Christ, et il pense comme saint faul, Hebr.,
c. XII, v. 2'+, que le sang de Jésus-Christ a
iinc voix plus puissante que celui d'Àbel.
Il n'y a donc aucun reproche à faire à ce
Père. Dans sun ouvrage contre Celse, 1. viii,
n. 6'i, il dit : « Dès que nous sommes
agréables à Dieu, nous sommes assurés de
la iiienveillanro des ai^ges ses amis, des âmes
et des esprits bierilieureux ; ils connaissent
ceux qui sont dignes de l'amitié de Dieu, ils
aident ceux qui veulent l'honorer, ils le leur
rendent propice; ils joignent leurs prières aux
nôtres, et ils prient avec nous. » -Saint Cy-
prien écrit à un confesseur de Jésus-Christ ,
Episl. 37, adCoind. : « Si l'un de nous, par
lu grâce de Dieu, sort le premier de ce
monde, que notre charité dure toujours au-
près du Seigneur, et <iue nos prières ne
cessent point .inprès de sa miséricorde pour
nos frères et sneiirs.» Dans son livre (/e /l/or-
t(diialp, à la fin, il dit qu'un grand nombre
de nos parents ef de nos amis no;is désirent
dai'S le ciel, déjà sûrs de leur bonheur, et
qu'ils s'intéressent à notre salut.
Aussi les mieux instruits d'entre les pro-
testants conviennent que les Pères du iv°
siècle ont cru l'intercession des saints, et
nos controversisles l'ont prouvé; mais nous
venons de faire voir aussi que les Pères
des 11' et m' avaient frayé le ciiemin et com-
mencé la chaîne de la tradition, qu'ainsi
elle remonte jusqu'aux apôtres. Saint Je
rôme , en soutenant contre Vigilance la
même vérité an v% ne fit que suivre ses
maîtres. Les fondateurs mêmes du proles-
lanlismc , Jean Hus , Luti'.er et Calvin , ont
avoué que les saints prient pour l'Eglise en
général ; or, les iuê.uesauto; ités qui prouvent
celle intercession généi aie établissent aussi
l'intercession particulière, on ne peut pas
faire plus d'objections coutre l'une que contre
l'autre. H ne faut pas oublier que les sectes
de chrétiens orientaux, les grecs schisma-
tiques, les jacobites, les nestoriens, admettent
aussi bien que les catholiques l'intercession
des saints; vainement les protestants ont
voulu contester ce l'ail, il est actuellement
prouvé jusqu'à la démonstration ; mais ils
ne s'obstment pas moins àsouteinr que l'in-
tercession des saints est un doçiac nouveau,
inconnu aux premiers chrétieiiï.
H. De l'invocation des saints. Quelques
piotestanis ont avancé que, quj;id il serait
vrai que les saints inlercèdenl pour nous au-
près Ile Dieu, il ne s'ensuivrait pas encore
que l'on doit les invoquer; mais le sens
commun suifit pour nous faire comprendre
que si les saints prennent iniôrét à notre
salut , et nous accordent auprès de Dieu le
secours de leurs prières , nous devons les
respecter comme des protecteurs cl des bien-
faiteurs, avoir pour eux de la reconnaissance
et de la confiance. Ainsi ont raisonné tous
les esprits sensés, et c'ebt là-dessus qu'est
fondé le culte que nous rendons aux saints,
culte autorisé par l'Ecriture sainte.
Gen., c xxvui, v. 16, Jacob dit, en bénis-
sant ses petits-Qls : Que l-icu qui m'a nourri
depuis ma jeunesse, que l'ange du Seifjneur
qui m'u dilirrc de tous mes maux, bénisse ces
enfants ; que l'on invoque sur eux mon nom
et les noms de mes pères, Abraham et Isaacl
l'iomarquons d'aboi.d que J'acoii réunit 1^
bonédiclion de l'ange à celle deDieu.SuiviHrt
soo
SAl
SAI
310
le (extc hébreu, disent les protestants, les
pnrole^ suivantes signifient seulement: Que
CCS enfants soient appelés de mon nnm et de
celui de inespérés. Explicnlion fausse, con-
traire à l'histoire : jaraais Ephraïin et Ma-
iiassé n'ont porté le nom {['Abraham ni
d'Isaac ; on appelait ces deux Irihus la
miison de Joseph. Mais lians la suite des
siècles, lorsque les prophètes et les justes
(le l'ancienne loi demandiienl à Dieu ses
grâces, ils lui disa'n'nl: Souvenez-vous, Sei-
gneur, d'.^hraham, d'isnac et de Jacob, cic.
Voilà évidetnmenl riuvocalion de laquelle
ce dernier a parlé. Or, invoquer ces noms
en parlant à Dieu, ou invoquer ces patriar-
ches afin qu'ils demauJeiità Dieu ses grâces,
c'est la même chose, puisque, suivant le
style de l'Ecriture sainte, invoquer le nom
de Dieu, c'est invoquer Dieu lui-même. —
Joan., c. xii, V. 26, le Sauveur dit : Si quel-
qu'un me sert, mon l'i're l'honorera, honori-
jicnbit eum Paier meus. Ordinairement cette
promesse ne s'arcoinplil point sur la terre,
donc elle s'accomplit <lans le ciel. Or, en ((uoi
consiste cet honneur réserva aux saints, si-
non dans le crédit que Dieu leur accorde
auprès de lui cl dans le culte que nous leur
rendons? Cent fois il est dit que les saints
régneront dans le ciel avec Dieu et avec Jé-
sus-Christ : qu'est-ce que régner, sinon ac-
corder des grâces et recevoir des houiniages?
— Joan., c. xvir, v. 20, Jésus-CbrisI, priant
pour ses disciples dit à son Père : Je ne prie
pas seulement pour cw.r, mais pour ceux qui
croiront en moi par leur parole; afin qu'ils
so:ent tous unis comme vous et moi sommes
vn. il s'agit de savoir en quoi consiste cette
tjiiion que nous appelons la communion des
saints, el combion elle doit durer: or, nous
soutenons iju'elle doit être éternelle, comme
celle qui règne entre Jé'us-Clirist el son
Père : doi.c elle subsiste entre les saints et
nous, aussi bien r|u'entre les fidèles vivants.
Donc nous devons honorer et invoquer les
saints, de même qu'ils s'inlércssenl auprès
de Dieu et le prient jjour nous. De quel droit
les proiolants veulent-ils rompre ce lien
sacré, en rejetant toule comnninicalion entre
les saints et nnus? rSon contents d'avoir fait
schisme avec l'Eglise de la terre, ils se sé-
parent encore de celle du ciel.
L'inyocalion des saints est aussi ancienne
que l'Eglise. Au iw siècle, Origène enseignait
déjà que l'on doit invoquer les anges, pari-e
que Dieu les a chargés de nous garder et de
veiller à notrcsalul, el il invoquaillui-mèine
son ange gardien avec confiance, llomil. 1,
in Eiech., n. 7; or, il enseignait aussi que
le> saints prennent soin de notre salut et
nous aident par leurs prières, inC'<nl., I. m,
n. 75, contra Ctls., I. vu , n. (iV, c!c. ; donc
il était d'avis que l'on pouvait el que l'on
devait invofiuer les saints, puisqu'il compare
la charité des uns à celle des antres, ibid.
On peut voir les témoignages de-î autres
Pères de l'Eglise dans les Notes de Feuardent
sur saint Irénée. I. v. c. 1i). Dans les plus
antisnnes lidu^ics grecques, syriaques,
cophtes, élhiopienues, dans les sacraincn-
taires romain, gallican el mozarabique, l'in-
vocation de la sainte Vierge et des saints
fait partie des prièics du saint sacrifice ;
jamais l'Rïlise chrétienne n'a célébré autre-
ment le service divin. Enfin, le reproche que
nous font les protestants de rendre .lus
saints U>. même culte qu'à Dieu n'est pas plus
nouveau; Celse l'a fait au second siècle;
Ennape, Julien, Lil)anius, Maxime de Ma-
daure , l'ont répété; les manichéens, les
ariens, Vigilance, l'ont renouvelé : il n'est
pas fort honorable aux protestants de copier
les caloiiinies des païens el des hérétiques.
111. Objections des protestants. La manière
dont Uasnage commence l'histoire du culte
des saints, lîist. de l'Eglise, 1. xviii, c. 1, est
un chef-d'œuvre de mauvaise foi. « Puisque
Dieu, dit-il, est un être infiniment parfait,
il devrait seul attirer nos hommages et noire
cullc. Si sa puissance était bornée, il fau-
drait recourir à d'autres dieux pour en ob-
tenir l'accomplissement de no, désirs ; mais,
puisqu'il est la source de tous les biens, et
que toutes les créatures lui sont soumises,
pourquoi porlernos vœux àd'aulres qo'àlui?
S'il éloignait de lui les iiéchcurs et les misé-
rables, il fauilrait tourner les yeux d'un aulre
côté; mais il leur crie : Vrnez à moi, vous
tous qui ries chargés, etc. Son trône est un
trône de grâces, accessible à tous. L'homme,
qui n'aime ni la servitude ni la peine, ne
devrait pas s'imposer an nouveau joug, en
cherchant d'autres objets d'adoration que
Dieu ; content de la nécessité qui lui est im-
posée d'adorer et de servir Dieu, il a intérêt
de ne dépendre que de 11 Divinité seule, et
à ne point fléchir le genou devant des hom-
mes qui lui sont semblables. Cependant on a
presque toujours aimé à servir la créaluro
préférablement à Dieu. L'éiévulion el la
puissance de cet Etre infini a servi de pré-
texte pour autoriser l'idôIatrie, on s'est fait
une difficulté d'élever son âme si haut et d'ap-
procher d un Dieu infini. Ou a imaginé que
des hommes semblables à nous seraient plus
sensibles à nos maux qnc Dieu; on a cru
qu'un saint occupé des besoins d'une seule
province, d'un royaume, d'un(! seule famille
ou d'un seul homme, y serait plus altenlilque
Dieu chargé du soin de l'univers; chacun a
choisi son patrtm et son dieu domestique. »
« On ne croit point à Home, dit-il, que Dieu
seul soit adorable: suivant Maldonat , in
Mat th., c. v, p. 118, c'est une erreur et
une impiété de croire que Dieu seul mérite
le culte religieux. Les inquisiteurs ont fait
efiacer dans quelques ouvrages cette maxime,
que l'adoration ne doit êlrc rendue qu'à
Dieu seul, et que les anges ne sont pas ado-
rables; les premiers chréliens soutenaient
précis! ment le contraire, etc.»
Dans ce long passage, il n'y a pas une
phrase qui ne soit reprehensible. 1° Il semble
supposer que le culte est dû à Dieu, parce
qu'il est souverainement parfait; s'il veut
parler des perfections qui n'ont aucun rap-
port aux créatures, il est déjà dans l'erreur;
Ic3 iiomiiiis n'ont jamais rendu des hom-
mages à la Diviniié qu'à cause des bieuiaits
31i
SA!
ÊA!
51S
qu'ils en avaient reçus et qu'ils en atten-
daient. Dieu senl rst digne du culte suprême,
cela es! incontestable; mais les protestants
sopposent faussement qu'il n'y a pas d';iutre
culte que celui-là, ou que Dieu nous défend
de rendre aucun honneur à de saints person-
nages auxquels il a promis cet honneur pour
récompense. Nous avons prouve le contraire
de ces deux suppositions. 2° Il donne à en-
tendre qu'en recourant aux saints nous re-
courons à d'autres dieux; c'est une double
fausselc. Jamais nous n'avons regardé les
saillis comme des dieux, ni comme égaux à
Dieu, ni comme indépendants de Dieu; donc
en les invoquant nous invoquons Dieu lui-
même p;ir leur organe, puisque nous savons
qu'ils ne peuvent i ien sans lui ; nous agis-
sons ainsi, non parce que sa puissance est
bornée, non parce que nous le croyons
moins bon que les saints, mais parce qu'il
a voulu être ainsi invoqué, pour entretenir
entre les saints et nous l'union sainte que
Jésus-Christ a établie entre les membres de
son Eglise. — 3° C'est une impiété d'appeler
une servitude, une peine, uu joug, l'adoration
que nous devons à Dieu seul , et l'honneur
très-ditlérent que nous rendons aux saints;
ce devoir, loin de nous être à charge, nous
console et nous encourage; Dieu ne pouvait
mieux nous convaincre de sa bonté qu'en
nous donnant pour intercesseurs des hom-
mes qui ont été semblables à nous, qui ont
éprouvé les mêmes besoins et les mêmes
fiiiblessps que nous. Ils ne le sont plus au-
jourd'hui, mais ils conservent pottr nous la
charité, qui , suivant l'expression de saint
P.iul, ne meurt jamais. En quel sens cher-
chons-nous à dépendre d'autres êtres que
de la Divinité? L'Eglise, en nous excitant à
prier les saints, ne nous défend p.is de nous
adresser à Dieu lui-même; la prière la plus
commune d'un catholique est l'oraison do-
minicale,qui s'adresse directement à Dieu. —
i" Hasnagc nous calon)nie grossièrement en
nous accusant de servir la créature préféra-
blenient à Dieu. Nous servons Dieu et nous
lui obéissons, lorsque nous prions les saints
de lui présenter nos hommages et nos vœux.
Nous croyons qu'ils lui seront ainsi plus
agréables ; c'est donc à lui seul que nous
cherchons à plaire. C'est une étrange manie
de supposer que , quand nous employons un
intercesseur auprès de Dieu, nous lui témoi-
gnons par là moins de respect et de confiance
que si nous nous adressions direclemenl à
lui. Les protestants oubli; nt qu'ils ont à
réfuter d'abord les sociniens leurs disciples :
ceux-ci soutiennent que, quoique Jésus-
Christ ne soit pas Dieu, nous devons cepen-
dant honorer et prier Dieu par Jésus-Christ.
— 5° Lorsque Basuage ajoute que l'élévation
et la puissance de llilre infini a servi de
prétexte pour autoriser l'iJolâtrie , il se
montre très-mal instruit de la n^ituredece
culte et de son origine. Les païens, même
les philosophes, n'ont pas admis plu-.ieurs
dicuv , p;'rcc qu'ils supi osaiiiit un Dieu
suprême irop grand cl trop puissant pour
8'occuper des créatures, mais parce qu'ils
ne concevaient pas qu'un seul élre fût as-
sez puissant pour gouverner tout l'univers
sans trouliler son repos et sou bonheur.
N'ayant aucune idée du pouvoir créateur,
ils ne pouvaient avoir celle d'une providence
infinie, compatible avec la félicité suprême.
Ils n'ont pas invoqué d'abord des hommes
semblables à eux, mais de prétendus génies
ou esprits qu'ils plaçaient dans toutes les
parties de la nature, et auxquels ils en at-
tribuaient tous les phénomènes, et ils ne les
supposaient dépendants en aucune manière
d'un Dieu souverain plus puissant qu'eux.
Voij. Idolâtrie et Paganisme. Ainsi lorsque
Basnagc appelle les saints patrons des dieux
domestiques, il montre ou une ignorance ou
une malignitf qui ne lui fait pas honneur.
Un intercesseur et un Dieu sont des noms et
des idées dont l'une exclut l'autre. — 6° Il
pèche plus grièvement encore quand il dit :
« Ou ne croit point à i'ome que Dieu seul
est adorable, que l'adoration ne doit être ren-
due qu'à Dieu seul, que les anges ne sont
point adorables; les inquisiteurs font effacer
ces maxiniss dans les li\res, Maldonal en-
seigne que Dieu n'est pas le seul objet du
culte religieux. »
Mais eoiifondre l'adoration, qui signifle
ordinairement le culte suprême, avec toute
espèce de culle religieux, est-ci' un sophis-
me fait de bonne loi? Il est dit, Ps.xcviii,
V. 5 : Louez le Seigneur notre Dieu , ado-
rez l'escabeau de ses pieds , parce que c'est
une chose sainte. Si nous voulions conclure
de là que l'adoration n'est pas due à Dieu
seul, que répondrait Basnage? Il dirait qu'a-
dorer esl un terme équivoque, que souvent
il signifie simplement se prosterner poiir té-
moigner du respect. Nous insistons et nous
demandons si se prosterner devant l'arclie
d'alliance, qui est appelée Vescabiau des
pieds de Dieu, n'est pas un témoignage de
culte, si ce culte esl purement profane, et
non un culte religieux. Nous attendrons
longtemps , avant que les protestants aient
satisfait à celte question
Dire que Dieu seul est adorable, que les
saints ni les anges ne le sont point, que
l'adoration n'esl due qu'à Dieu, ce sont des
vérités que tout chrétien doit admettre, parce
que, dans ces expressions, le mol adoration
signifie évidemment le culte suprême; jamais
ces maximes n'ont été censurées ni à Rome
ni ailleurs. Mais soutenir que Dieu seul est
l'objet du culte religieux, que ce culle ne
peut être adressé qu'à lui, que tout culle
religieux rendu à une créature est une ido-
lâtrie, une superstition, une injure faite à
Dieu, etc., ce sont là autant d'erreurs. Nous
avons prouvé qu'il y a un culte religieux
inférieur et subordonné (jui est dii aux per-
sonnes et au choses auxquelles Dieu a com-
muniqué une excellence et une dignité sur-
naturelles, et qui n'est point l'adoration
proprement dite. \^oy. Culte
Basnagc, ibid., I. xix, c. 4, n. 6, prétend
que le culte des saints est venu des ariens.
Comme ils soutenaient, dil-il, que l'on de-
vait adorer Jésus-Christ, quoiqu'il ne fût
513
SAI
S.U
51i
pas Dieu, il était de leur intérêt tic piétea-
dreciue l'on pouvait sans crime adorer des
créatures ; c'est pour cela que l'empereur
Constance, arien dériaré, se montra si zélé
à rassembler des reliques et à les placer
dans les églises.
Pour que cela fût vrai, il faudrait que les
Pères du ii' et du m' siècle eussent élc ariens
cent ou deux cents ans avant la naissance
de l'arianisme ; nous avons l'ait voir qu'ils
ont approuvé le cultn des sainls. Nous dé-
fions tous les critiques iirotestanls de prou-
ver par aucun monument ([ue les ariens
aient jamais dil qu'il est permis d'(u/orer des
créatures ; quand ces hérétiques auraient
abusé comme eux du terme d'aduralion, cet
abus n'en serait pas pour cela plus pardonna-
ble. Comme les premiers rejetaient aussi bien
que les derniers la tradition cl le sentiment
des anciens Pères, ils étaient pUn intéres-
sés à désapprouver qu'à autoriser le culte
rendu à ces saints personnages, puisqu'il
augmentait le respect que l'on avait pour
leur doctrine. La plupart des évéques qui
condamnèrent Arius en Kgjpte l'an V2'i-, et
à Ni( ée l'an 425, avaient vécu et avaient été
instruits au ur siècle; est-il croyable qu'eu
opposant à ces hérétiques la tradition, ils
l'aient violée eux-mêmes, quant au culte
des saints, et que personne ne le leur ait
reproché? Si les ariens avaient élé les au-
teurs de cette praliiiue, c'aurait été pour les
catholiques une raison de plus de la rejeter.
Busna^e a ou la maladresse de citer George,
intrus ^ur le siège d'Alexandrie, (jui, passant
devant un temple de païens, s'écria : Combien
ce sépulcre subsislera-l-il encore? Il a feint
d'ignorer que ce George était un arien for-
cené ; aurait-il ainsi parlé, s'il avait cru que,
pour l'intérêt de l'arianisme, il était bon que
le-, églises fussent remjilies de lonibeaux et
d'os^em>■nls de morts? Suivant le raisonne-
ment de ce critique, les sociniens, qui pen-
sent comme les ariens, devraient être fort
zéli's pour le culte des sainls, et ils en sont
tout aussi ennemis que les protestants,
Mosheiui faisant à son tour l'histoire du
culte des saints, en place la naissance au
iv'siècli'; il prétend que ce culte est venu
de la philosophie platonique et des idées po-
pulaiies que les Pères de l'Eglise avaient
adoptées. Hist. ccclés., iv siècle, W pari.,
c. 3, § 1. Mais dans son llistoire citrélienne,
i" siècle, § 32, noie 3, il convient que le
culte des martyrs a comiiieueé dès le i" siè-
cle. D'ailleurs, par les monuments que nous
venons de citer, il est prouve que le culte
des sainls date du berceau de l'Iiglise et re-
monte jus(iu'aux a|)ôtres. Comment serait-il
né des idées platoniciennes ? C'est un mystère
que .Mosheim n'a pas expliqué, et duquel il
n'a pas parlé dans la dissertation de lurbala
per PUilunicos Ecdesia. Si, par idées popu-
laires, il entend la vénération que tous les
hommes conçoivent naturellement pour les
grandes vertus, pour le mérite émineni,
pour les dons surnaturels de la grâce et pour
les personnages d;iiis lesquels ils les aper-
çoivent, nous coiiveuoQs que telle esl la orc-
mière origine du culte des saints; mais blâ-
mer cette espèce d'instincts, c'est blesser le
sens commun. 11 ajoute que personne n'osa
censurer ce culte ridicule. Comment oser lo
censurer, pendant que les fondateurs du pro-
testantisme ont été forcés do l'approuver,
en se contredisant eux-mêmes? Ils disent
dans leurs livres : Nous estimons, nous res-
pectons, nous aimons, nous admirons les
saints, non ponr les adorer, mais pour les
imiter. Or, l'estime , le respect, l'amour,
joints à l'admiration et au désir de l'imita-
tion, ne sont-ils pas un vrai culte? Si cela
n'est pas, nous prions nos adversaires de
nous apprendre enfin ce qu'ils entendent
parle mot cu//e. Ouanl à l'équivoque de ce-
lui d'adorer, iious avons assez relevécel abus.
On invoqua, dit Mosheim, les âmes bien-
heureuses des chrétiens déeédés;on crut,
sans doute, que ces âmes pouvaient quitter le
ciel, visiter les hommes, voyager dans les
différents pays, Surtout où leurs corps étaient
enterrés ; on crut qu'en honorant lenr.t ima-
ges on les y rendait présentes, comme les
payens l'avaient pensé à l'égard des statues
de Jupiter et de Minerve, ibid., V siècle, ii"
partie, chap. .'J, § 2.
ProliablenienI ce sont là les idées platoni-
ciennes et populaires que îlloslieim a trouvé
bon de prêter aux Pères de l'Eglise. Mais
admirons l,i justesse de cette supposition.
Pendant les trois premiers siècles de l'Eglise,
temp-. de |ierséeulions de la part des païens,
lorsque les docteurs chrétiens avaient le plus
grau 1 intérêt à ménager leurs ennemis et à
calmer leur haine, ils ont combattu de front
tontes leurs idées, ils ont censuré sans mé-
nagement toutes les pratiques de l'idolâtrie,
ils ont réprouvé tout culte religieux qui n'é-
tait pas adressé à Dieu seul. Au iv siè-
cle, lorsque la paix a été donnée à l'Eglise,
que les païens ont cessé d'être redoutables,
que l'absurdité du paganisme a été pleine-
ment démontrée, la face du christianisme a
tout à coup changé, les Pères ont repris les
idées et les erreurs païennes, ils ont adopté
les visions des platoniciens, même en écri-
vant contre eux ; ils ont abundonné la doc-
trine des fondateurs du christianisme, en
faisant profession d'y être inviolablement
attachés; en approuvant le culte des saints,
ils ont substitué de nouvelles idoles à la
place de celles qu'ils avaient fait renverser.
\'oilà le phénoruène absurde que les proles-
tants onl été obligés de forger pour soutenir
leur doctrine contre le culte des saints ; au
mot Martyr, § C, et au mot Platonisme, nous
l'avons réfutée en détail.
Nous pouvions nous en dispenser, puisque
les accusations des protestants contre les
Pères sont de vaines conjectures, dénuées de
preuves, et sui;gérées par la malignité. Mos-
heim ni ses pareils n'ont jamais pu citer un
seul passage des Pères où il soit dit que les
âmes des bienheureux peuvent quitter le ciel,
visiter les hommes, voyager dans divers
pays, se rendre présentes dans leurs imagos.
Plusieurs Pères l'ont pensé à l'égard dea
démons que les païens prenaient pour des
5l5
SAI
SAI
318
dieus, tuais ils n'ont jamais en Vauiéme idée
à l'égard des âmes de^ Menheurciiï. Noie sur
Oiifjène, Exl'nrt. ad martyr., w. IS.
SAINT Df'lS SAINTS. V'oy. Sanciuaire.
» SAINTETÉ DR L'EGLISE. I. UEijUse de Jé-
sus-Christ doil-elte être sainte? Ailïré par une sorte
d'insiinci, l'hottiiiie vi^iit s'élever \ers les résinns
supérieures; mais la chair, le courbant vers les cho-
ses d'ici-li.is. s'oppose à ses nobles eli'orts. C'est à
la grâie de Jésiis-Clirist à rétablir l'ordie détruit
jiar le péclié. C'est son EgHse (ju'il a reiuliie dépo-
sitaire de sa sainteté. Franchissant les fleuves et
les inoiiiagnes, les déserts el les mers, elle em-
brasse, elle unit, elle civilise et sanctifie ks peuples
les plus divergents de hncrage, de njœiirs et de
préjugés ; si souvent divisés d'intérêts cl de passions.
Elle détruit le péclié, nourrit la vertu, édifie la
maison de ftieu : telle est la noble ioiiciion de l'E-
glise, qui la f:iit nommer sainte. Ce litre glorieux ne
lui est pniut cnuiesté.lIé/élii]uesetoriliodoxes,scliis-
matiijues et liés iiu centre ;le runlié, tous confes-
sent que .lésiis-Chrisl a aimé son l'jglise, qu'il s'est
livré pour lu sanctifier, pour la rendre sans tache,
lïjih. V, 27. Tous répèienl cet article, du symbole :
Je crois In sainte Eçilise. Observon'i qu'on peut con-
sidérer 1.1 Siiiilelé de l'Eglise sous un double rap-
port : 1" dans les moyens qu'elle emploie jiour opé-
rer le salut de ses enbinls ; 2° duns ^e» meiuLres.
Il est înconleslable que Jésus-Christ a établi son
Eglise pour la sanctilic;itioii des bommcs. 11 faut
donc que sa doctrine, sa morale, ses sacrements,
S(ui ministère , tendent à détruire l'Iiomme île péché
pour lui substituer l'homme de la grâce. Il faut que
sa doctrine fase cannaiireaii chrétien la vérité sans
méhnge d'erreur, que sa morale dirige ses pas dans
les sentiers de la justice et l'éloigiieni des chemins
(le l'iniquité. 11 faut que ses sacrements lui donnent
la vie, la soutiennent el la fortifient. 11 faut que le
ministère ecclésiastique soit constitué de manière à
maintenir le dogme dans toute sa pureté, la morale
dans toute sa sainteté, les sacrements dans ituiie
leur vertu. S'il n'en était ainsi, Jésus-Christ aurait
voulu la fin sans les moyens, ce qu'il serait absurde
el impie de supposer. — Tous les moyens que l'E-
glise empb ie pour la sanctification de ses enfants
sont dus moyens moraux ; ils sont libres d'en profiter
ou de les rejeter. Mais il peut arriver que d.ins la
réalité tons soient hors de la sainteté, de sorte que
lous les membres de l'Eglise soient des membres
morts. Nous disons que l'Eglise est sainte non-seii-
lement dans sa doctrine, mais encore dans plusieurs
de SCS mendi' es. —Qu'est-ce que l'Eglise suivant
l'Ecriture et les Pères'? C'e-t une société sainte, c'est
l'épouse de Jésus-Christ ; son union avec le divin
Sauveur doit être le modèle de l'union qui doit
exister entie l'homme el la feimie : c'esl le corps de
Jésus-Chiist. Nous le dem.mderons : Serait-elle
sainte une société dont lous les membres seraient
ensevelis clans le péché? Jcsiis-Christ uimerail-il
comme son épouse nue société composée unique-
ment d'hypocrites? Une Eglise entièrement en ré-
volte ciintie Jés.is-Christ sérail elle im beau modèle
d'union à proposer aux époux? Y a-t il un seul cor(>s
dont tous les inenibres soient morts ei corrompus?
Non, ce serait un cadavre. — Et c'est surtout ce
dernier caractère de sainteté qui doit être regardé
comme une note de l'Eglise, puisque la doctrine
n'eu est pas une. Mais comment connaître les saints?
Dieu seul peut jogcr les consciences. Souvent ce qui
brille au dehors n'est qu'infection au dedans. Ce
<|ui est giand aux yeux des hommes, qui ne jugent
que de l'extérienr, est quelquefois abominable aux
veux de Dieu. iSoiis l'avouons, mais il est une preuve
de sainteté qu'on ne peut contester, c'est le miracle
opéré pour la coiilirmer ; contester sa force probante
dans celte circonstance, c'est ébraaler le fondemeiil
de la religion chrétienne. Et poiii"qu6î Vouloir dis-
tinguer entre les miracles de Jésus-Christ et des
apôtres, et les miracles des âges snivanisî Si ceux-ci
ont les iiiémes caraeières que ceux-là, ils ont Dieu
pour aiileor, la source de vérité. On ne peut donc
contester la sainteté prouvée par des miracles. Voy.
Canomsation.
II. Ltglise romaine est-elle sainte ? Pour con-
naître coo>pléleuienl l'inlluence d'une communauté
religieuse sur ses membres, il faut considérer les
règles qu'elle leur prescrit, et voir ces règles eu ac-
tion. Pour juger de la sainteté de l'Eglise r.imaine,
nons allons donc voir: 1" les principes el les moyens
qui concourent à la sanctilicaiiou de ses membres ;
2" les fruits de salut qu'elle a opérés.
Nous confessons que par le péclié d'Adam les
forces de riioinme ont été affaiblies. Sa liberté n'a
cependant pas été détruite. Bien pins, quoiqu'il
puisse éviter plusieurs fautes par ses propres forces,
"nous avouons que l'homme ne peut rien pour le ciel
sans un secours céleste. Denv forces concourent
donc à la sanctification, l'une divine, el l'autre hu-
maine. Deux aciivités se pénétrent, l'ime de Dieu, et
l'autre del'homme. Trop faible par lui-même, l'hom-
me pourrait se décourager. La lorie divine vient lui
rendre toute son énergie et lui apprendre qu'il n'est
aucun vice qu'il ne puisse éviter, aucune vertu qu'il
ne puisse acquérir. — Appartenant au rannde par
noire corps, nous avons besoin d'un signe sensible
pour savoir ce qui se [lasse dans notre partie spiri-
tuelle. La foi callioliqueiious présente donc des sym-
boles extérieurs oU les sacrements, le gage des vo-
lontés divines, le sceau des promesses évaogéliques.
Les Sacrements conduisent jusqu'à nous la vertu ipii
découle des souffrances du Christ. Ils portent d'au-
taui plus la piélé dans les cœurs qu'ils sont bien
propres à hmuilier l'orgueil de l'homme. Ils nous
font vivement seÉitir qi'ensevelis dans les cliosss in-
férieures, nous ne pnuvons que p:ir leurs uioyens
nous élever au-dessus des choses sensibles. — C'est
ainsi que, tout en lui découvraiit sa faiblesse, sou
néant, noire doctrine monire à l'homme qu'il peut
arriver à la sainteté la plus élev 'C. Est-il une doc-
trine plus propre à nous sanctilier? — Voyons-la
en action.
L'Eglise est destinée à former des sujets au
royaume de Dieu sur la terre. Pour cela elle s'a-
dresse à des iiommes pécheurs, vivant dans un
monde corrompu. i:ile ne peut donc agir hiiis du
cercle du ruai, il faut au contraire qu'elle descende
dans la vie pour le combattre incessamment. Il est
impossible que, dans un tel état de choses, il n'existe
(lu mal dans l'Eglise ; il ne lànl pas même s'éioimer
si à certaines époques il a paru surpasser le bien.
Nous le savons, dans sa longue existence, l'Eglise
n'a pas toujours brillé du même éclat" ; des prêlies,
des évêques, des papes, ont foulé aux pieds les de-
voirs les plus sacrés, ils n'ont que trop souvent
laissé éteindre le feu céleste. !\lais nous dirons que,
comme inslitution divine, l'Eglise n'a jamais défailli,
jamais elle n'a perdu sa première vigueur.
Nous ne ferons aucune consiilérati'in sur les pre-
miers siècles de l'Eglise, elle brillait alors d'un trop
vif éclat, pour oser lévoquer en d(mie sa sainteté.
Dans les âges suivants, elle traversa tjes siècles où
le momie moral, ébranlé jusque dans ses fondements,
semblait menacé d'une mine prochaine. Des hordes
sauvages détruisent l'ancienne civilisation. Ses prê-
tres el ses évêques ne descenilent pas du ciel, il faut
qu'elle les choisi!.se au milieu des Iiommes tels que
la sociéié les lui présente. On ne vil pas sans doute
alors les Clément d'Alexandrie, les Cjrprien, les Ba-
sile, les Grégiiire, les Uilaire, les Jérôme, les Au-
gustin ; hélas! ces hommes puissants en paroles et
en vei lll^ n'avaient point laissé de successeurs. Ce-
pendant, fécondité adnd.able ! dans ses jours muuvaiï
elle Sit encore des prodiges et des miracles. là»
517
SÂl
SAL
318
épiiisablc foyer de clialeiir et de vio, sa docirine
exerça tonjoiiis une iiiflnenoe salnlaiii' sur réiiii-
calidti des peuples, sur la réforme des mœurs ; elle
se développa alors, mais d'une manière diffi'reiiie.
Kllt^ serait trop lon!;iie la liste des sages institutions
qu'elle établit dans tous les temps pui\r la sanciili-
cation des peuples ; nous ne linirinns point si nous
voulions raconter les actions Iréroïijues des saints
qui dans tous les »i;es honorèrent l'Eglise romaine,
qui furent marqués du ^ceau de la divinité. Des pio-
Jlges évidemment divins en confirmant leur sainteté
l'assurèrent aussi à l'Eslisequi les enfanta.
♦ SAIM-SIMOMSME. Secle éphémère qui s'était
présen ée comme devant renouveler le monde. Quel-
ques jours d'une vie agliée, quelques succès panicis,
voilà t'iute l'histoire du saini-simonisnie. Un n'attend
pas de nous que nous entrions dans l'hisioire des
avenliires de Saini-Simon, Eiifanlin, R'ulriKne. etc.,
ce serait trop nous éloigner de notre but. Nous noos
contenterons d'exposer les doctrines religieuses et
morales du saiui-sinionisme. Le panihéisme était le
prineipe fondamenlal de leurs croyances : i Dieu est
tout ce qui est, disait Enfaniin, tout esi en lui, tout
est par lui ; nul de nous n'est hors de lui, mais au-
cun de nous n'est lui. Cliacuu de nous vit de sa vie,
et tous nous communions en lui, car il ottoutco qui
est. I Les saint-simonieus niaieni la déchéance pii-
iiiiiivc de l'homiiie; ils en-eignaient que riiumaniié
a Son enfance, puis son âi;e viril, eoMn son âge mûr,
qui doit conàlammcnt progresser. « Nous' faisons
précisénieiit ce qu'a fait Moï-e, disaient-ils, ce qu'a
f:iit le Christ. Moïse est venu donner au monde une
reliKJon nouveI<e ; le Christ à sou tour en vemi dé-
irul.e l'ancreimo religion par une religion nouvelle,
et remplacer Moïse. Ce sont là des phases qui arri-
vent parfois dans riium.inité. iNous conimcnçons une
de «es ph.ises : nous faisons comme .Moïse et comme
leCliiist; iKius agissons comme agirent les apôtres, i
C'était m.e aiid.ice prodigieuse de se mettre au niveau
de Moïse et du Onrist, ou plutôt supérieurs, car ils
voulaient perfeclioimer leur œuvre. Leur chme, aussi
prompte i|ue icrrihie, dessilla les yeux de plusieurs
d'entre eux, et les ramena au giron de rt,glisc ca-
tholique.
Selon les saint-sinmniens, la femme avait été am-
nistiée et non réhabilitée pir le christianisme; elle
n'est pas encore légale de l'honisne, mais sa suivante;
leur graede mission élait de la rendre libre et indé-
pendante. L'accusation pnrtée contre le christianisme
n';i rien ici de toiÉilé. Nous voyons la religion donner
à II femme une pan égale dans les destinées de l'hii-
niaiiiié. .\ussi les Etats chrétiens lui accurdeiit une
liberté c vile au-si cunipléle que celle de l'hoimue,
tandis qu'elle n'a pas pris d'engagement contraire ;
mais, lorsqu'elle s'est soumise an mari, elle en a
accepté on état qui, par sa nature, lui commande la
siutniission, qu'elle sait, quand elle veut, changer en
un pouvoir S"Hverain. Quant aux droits politiques,
c'est ime question dans laquelle nous ne voulons pas
nous engager.
Une autre grande maxime du saini-siinonisme,
c'était la réhabililation de la ch lir. Selon lui , le
christianisme, se tronv:ini dans la nécessité de com-
battre le sensualisme païen, avait tout sacrifié à
l'esptit; aussi 1- s inasimes de l'Evangile et la pra-
tique de l'Eglise n'ont eu d'autre but que de mortifier
la chair. Ce n'est pas la loi de la nature qui, avant
composé l'homme d'un corps et d'une ftine, a voulu
qu'il travaillât à la satisfaction et au développement
de ces deux parties de lui-même. C'était là complè-
tement ignorer la nature de l'homme : car il e>t d'une
consian c exiéiience que si la chair n'est domptée
et soumise à l'e-prit, elle finit par dominer et par éta-
blir le règne des passions. Vaineiuent un saint-
ciiironien disait i Tanioi le couple sacerdotal calmera
l'ardeur immodérée de riutelligcoce, ou modérera
les appétit* derèjjlés des sens ; tantôt, au contraire,
il réveillera l'intelligence apalbiqtie, ou réchauffera
les sens engourdis ; c^n II connaît toiii !e charme de
la décence et de la piulenr, mais aussi toute la grâce
de l'abandon et de !:i volupté. » C'était complètement
ignorer la lorce de l'appéiit sensuel.
Comme suite de leurs doctrines pantbéistiques, les
saint simoniens rejetiaient looies les peines de l'au-
tre vie ; et, pour couronner leur œuvre, ils mettaient
fleuri Saint-Simon et Enfantin au nombre des pre-
miers-nés de Dieu, ou plut ;t ils en faisaient des dieux.
Si les saint-siinoniens eurent quelques succès, ils
le durent aux maximes du christianisme qu'ils n.èlè-
rcnt à leur système. On ne peut nier qu'ils ne les
aient souvent développées avec beaucoup de talent.
Une fois qu'ils sortaient du domaine de la vérité ré-
vélée, ils tombaient dans des erreurs si grossières
qu'ils faisaient sourire de pitié. Il en sei'a ainsi de
quiconque voudra édifier en dehors de l'Evangile.
SALOMON, fils de David, et troisième roi
des Juifs. Nuits ne louclicrotis point aux
actions de ce roi, dont il est pjirlé dans le
Dictionnaire historv^ue ; nou.s noits bornosis
à satisfaire à plusieurs taux rpprochi's que
les incrédtiles de notre siècle ont faits conJre
lui dans les livres qu'ils oui éc'ils pour dé-
primer l'histoire de rAucoii Jestaincnt.
1" Ils ont dit que Snlomon ^.leil né de l'a-
ditllère de David et de iieitisabée. C'est auo
imposture ; le fruit de cet aduiière mourut
dans l'enfance, II Reg., c. siii, 18. Salnmon
naquit du mariage de Havid avec retîo
femme. C'était une alliance condamnable,
parce qu'elle avait été procurée par un dou-
ble crime, mais elle ii'él.-iil pas nulle ; la
polygamie d(!s rois élait passée en usage. 2*
lis ajoutent tjue Salomon avail usurpé le
trôîie sur Adonias, sou frère aîné, par les
imrigues du prophète Nathan avec licthsa-
béc ; qu'ensuite il fil mourir co frère contre
la foi d'un serment. Nouvelles faussetés.
Chez la nation juive il n'y avait aucune loi
qui déférât le trône au fils aîné du roi ; Saiil
et David y étaient montés parle choix de
Dieu, confirmé par le suffrage dn peuple.
Adonias s'était fait proclamer roi av.mt la
mort de son père et sans attendre son aveu ;
il avait donc mérité par cet attentat de per-
dre la couronne. Salomon, nu contfaire ,
avait été désigné par David pour suecéder
au trône, cl il réuitit à ce choix !c suffrage
du peuple. Le prophète Nathan n'y eut d'au-
tre part que d'avertir David de la promesse
qu'il avait laite, et de l'entreprise d'Adonias,
IJI Reg., c. 1 et II. Sdlomon jura que si sou
frère se conduisait en bon et fidèle sujet, il
no perdrait pas un cheveu de sa tèle ; mais
cet ambitieux detnaiida en mariage Abisag,
concubine de David, el i! ajouta que le trône
lui appartenait, III Reg. ,c. ii, 16. Salomon,
indigné de cette |irétention,et de ce que Ado-
nias entretenait dans son parti le grand prê-
tre :\biathar et Joab, général de l'armée, le
fit mettre à mort, ibid. 22. Il ne pouvait
pas lui laisser la vie sans s'exposer à un
nouvel attentat. 3" On lui reproche encore
la mort de Joab, ancien serviteur de David.
La vérité est q^ie ce général n'était rien
moins qu'un serviteur fidèle ; c'était un sé-
dilietis el un mcurlrior. 1! avi;il tué par tra-
hison Abner et Aoiasa, deux officiers dislia
519
SAL
SAL
520
gués ; il avait appuyé les prétenlions d'Ado-
nias contre lo gré de David ; cnlui-ci en
mourant avait averti Salomon Aq s'en dé-
fier, et sa conduite conlinuait à le rendre
suspect ; sa mort fut donc un acte de jus-
tice. 4* Les mêmes conseurs disent que les
prêtres ont exalté d'abord la sagesse de 5a-
tomon , parce qu'il fit bâtir le iL'mple de
Jérusalem, et qu'il favorisa le clergé ; mais
qu'ensuite ils l'ont décrié parce qu'il toléra
l'idolâtrie : et c'est à cette tolérance que
les incrédules attribuent la prospérité et la
splendeur du règne de Salomnn. Cependant
le témoignage que les iirêtres ont rendu à la
sagesse de ce roi pcndiint sa jeunesse est
confirmé par l'exactitude avec laquelle il
rendit la justice, parla paix qu'il entretint
avec ses voisins, par l'abondance qu'il fit
régner, parle commerce qu'il établit, par
les aris qu'il fit culti\er, par les livres qu'il
a laissés. Dans sa vieillesse il se laissa cor-
rompre par les femmes ; non-seulement il
toléra l'idolâtrie, mais il la pratiqua pour
leur plaire. Les prophètes le menacèrent de
la colère divine ; en etTcl, elle ne tarda pas
d'éclater ; la haine d'Adab, prince de l'I du-
mée; le ressentiment de llazon, roi de Syrie ;
la révolte de Jéroboam, en furent les tristes
effets, III Iteg., c. xi. Ainsi la prétendue to-
lérance de Salomon, loin d'avoir contribué
à la prospérité de sou règne, fut la cause
des malheurs qui arrivèrent sous celui de
Roboam son fils. '6° L'on prétend que le récit
des richesses laissées par David à Snlomon
est incroyable, que, suivant les calculs les
plus modérés, elles se monteraient à vingt-
cinq milliards sis cent quarante-huit mil-
lions de noire monnaie. Mais ces calculs
ne portent que sur une, estimation arbitraire
du talent d'or et li'argent ; or, chez les an-
ciens il y a eu le talent de poids, et le talent
décompte, comme il y a chez nous la livre
de poids et la livre de compte, qui n'est que
la centième parlie de la première. Un savant,
très-e\ercô dans ces malières, a fait voir
que les richesses laissées par David à Salo-
mon se montaient tout au plus à douze mil-
lions et demi de noire monnaie, somme qui
n'csi point exorbitante pour le temps duquel
nous parlons. liechrrclies sur la valeur des
monnaies, par M. Dupré de Sainl-Maur.
Salomon est reconnu pour l'aiileur du
livre des Proverbes, du Cantique des canli-
(jUfs dl de VEcclésiasie , qui font partie des
livres de l'Ancien Teslamentque l'on appelle
sapicntiaux ; quant à celui de la Sarjesse,
qui porte son nom dans la version grecque,
ou ne peut pas prouver qu'il soit véritable-
ment de lui, et plusieurs critiques ont rejeté
celte opinion ; nous avons parlé de chacun
de ces livres en particulier.
L'on a souvent agité la question de savoir
si ce roi célèbre est mort pénitent et con-
verti, ou s'il a persévéré dans l'idolâtrie et
l'incontinence jusqu'à la fin de sa vie. Com-
me l'histoire sainte n'en a rien dit , les
Pères, les auteurs ecclésiastiques, les coin-
menlaleurs anciens et modernes se sont
livrés à des conjectures dirccteincut oppo-
sées ; l'on peut citer pour et contre dès au-
torités respectables. Dans la Bible d'Avignon,
tome IV, p. 472, il y a une dissertation de
dom Calmet, où l'on voit les preuves de l'un
et de l'autre sentiment ; les commentateurs
anglais de la Bible de Chais en ont aussi
donné uu précis, t. VI, pag. 161. Nous ferons
de mémo, sans cependant les copier.
Ceux qui pensent que Salomon est mort
impénitent allèguent, 1° le silence de l'Ecri-
ture sainte : il n'est pas probable, disent-
ils, que l'historien sacré, après avoir exalté
la sagesse et les vertus de ce prince pendant
les bolles années de sa vie, après avoir en-
suite rapporté les égarements de sa vieil-
lesse, eût >.u|iprimé un fait aussi es'^entiel
et aussi édifiant que celui de sa conversion,
si elle était véritablement arrivée. 2° L'on
ne voit nulle part qu'il ait congédié les
femmes idolâtres, qu'il ait détruit les hauts
lieux et les temples qu'il avait bâtis par
complaisance pour elles ; ces édifices scan-
daleux subsistaient encore sous Josias, qui
les fit raser. 3° S'il avait fait pénitence. Dieu
aurait sans doute adouci la sentcnci! qu'il
avait portée contn; lui : au contraire, elle fut
exécutée à la rigueur iniiiiédiatement après
sa mori, par la révolte de dix tribus contre
lloboam son fils. 4° Quoique dans le livre
des Proverbes et dans l'Ecclésiaste il y ait
des réflexions et des maximes qui semblent
caractériser uu prince détrompé de toutes
les vanités du monde, il n'est pas certain
que ces livres aient été l'ouvrage des der-
nières années de Salomon. 5° La multitude
des Pères de l'Eglise et des auteurs qui ont
cru qu'il est mort impénitent surpasse de
beaucoup le nombre de ceux qui ont présu-
mé sa conversion.
Ces raisons n'ont pas paru fort solides
aux partisans du sentiment opposé ; ils en
allèguent de leur côté. 1° Dieu avait dit à
David en parlani de Salomon, // Reg., c. vu,
V. 14- et 15: Je serai sonj)cre et il sera mon fils;
s'il pèche en quelque chose, je le punirai com-
me un homnir par des châtiments humains,
tnais je ne lui ôterai point ma miséricorde,
comme je l'ai fait à Saiil. David a répété
celte promesse, Ps. lxxxviii, v. 31 et suiv.
Si 5a<oj/ioR avait été finalement réprouvé,
ce ne serait plus un châtiment humain,
mais un des plus terribles arréls de la jus-
tice divine. 2" 11 est dit de lui couicne de
David, qu'il dormit avec ses pères; cette
expression semble désigner plutôt la mort
d'un juste ou d'un pénitent, que celle d'un
réprouvé. 3° L'auteur de l'Ecclésiastique,
après avoir reproché à Salomon son incon-
tinence, ajoute, c. xxxxvii , v. 24: Mais
Dieu n'ôlera pas sa miséricorde, il ne détruira
pas ses ouvrages, il ne perdra point la race
de 3on élu, ni la postérité de celui gui aime
le Seigneur. Cela semble tomber également
sur David et sur Salomon. Le prétendu si-
lence de l'Ecriture sur les derniers moments
de ce roi n'est donc pas absolu ; quand il le
serait, cela ne prouverait encore li' n. Dans
les Paralipoménes, 1. II, c. i\, v. ;2!t, ni dans
l'Ëcclésiasle, ibid., il -n'est rieu dit de l'ido-
521
SAL
latrie de Salomon ; cependant il en était
coupable. 4' L'on ne peut pas douter que
i'Ecilésiaste ne soit un des derniers ouvrages
de Salomon ; dans sa jeunesse il n'aurait p.is
pu parler de lui-même cimime il le fail dans
ce livre, cap. ii et ailleurs : J'ui possédé
d'immenses richesses.... Je ne me suis refusé
aucun de mes désirs ni aucune espèce de plai-
sirs.... Lorsque j'y ai répéchi dans la suite,
j'ai vu que tout n'était que vaiiitr et afflic-
tion d'esprit, et que rien n'tst durable sous
te soleil.... J'ui compris combien la saijrsse
est préférable i\ la folie, etc. Ce n'est plus là
le langage d'un prince corrompu par la vo-
lupté et par l'idolâtrie, mais d'un sage dé-
trompé, confus et repentant de ses désordres.
5" Il n'est point ici question de compter les
sulTr;iges, mais d'en peser les raisons; or,
il n'y en a point d'autres que celles que
nous avons vues. Plusieurs l'ères de riîglisc
n'ont parlé ni pour ni contre, quelques-uns
ont été de divers avis, suivant l'occasion.
Nous embrasserions volontiers le senti-
ment le plus doux ; mais il nous parait
mieux de nous en tenir ;\ la sage m.ixime do
saint Au;;uslin, 1. ii, de l'cccat. meriiis et
remiss., c. ^0, n. 50. « Lorsque l'on dispute
sur une chose très-obscure, sans être guidé
par des passages clairs et furmels de l'Kcri-
ture sainte , la présomption humaine doit
s'arrêter et ne pencher ni d'un côté ni d'un
autre. Quoique je ne sache pas comment on
peut décider telle question, je trois cepen-
dant que Dieu se serait expliiiué Irès-clai-
reinent par l'Ecriture , si cela avait été
nécessaire à notre salut. » C'est aussi le
parti (ju'ont pris plusieurs auteurs , tant
anciens que modernes, louchant la dernière
Gn de Salomon.
SALVIEN, prêtre gaulois, né à Trêves ou
à Cologne, et qui a passé la plus grande
partie de sa vie à Marseille, pendant pres-
que tout le V' siècle, il a été célèbre par ses
talents, par la sainteté de ses mœurs , par
les leçons qu'il a données aux autres. Une
partie de ses ouvrages se sont perdus, mais
il nous reste de lui un Traité de la Provi-
dence, quelques lettres, et un Traité contre
l'Avarice. Il composa le premier pour répri-
mer les murmures des chrétiens désolés par
les irruptions des liarbares, et qui, au lieu
de considérer leurs souffrances comme un
juste châtiment de leurs crimes, s'en pre-
naient à la divine Providence et blasphé-
maient contre elle; Salvicn leur souiient
qu'ils sont plus vicieux que les Barbares
mêmes dont ils se plaignent ; le tableau qu'il
trace des mœurs de son siècle est aflligeaul.
Les critiques protestants , forcés de ren-
dre justice à l'éloquence de Salvien, mais
mécontents Je ce qu'il a professé une doc-
trine très-opposée à la leur, ont blâmé la
sévérité de sa morale. Salvien, ditMosheim,
fut un écrivain éloquent, mais mélancolique
et mordant, qui, dans ses déclamations ou-
trées contre /es vices de son siècle, découvre,
sans y penser, les défauts de son propre c.i-
ractère : Mosheim cite pour preuve l'Uist.
liltér. de la France, tome JI, p. 517 ; mais
SAL 322
son Iraduclcur s'élève contre ce jugement.
Les auteurs de cette histoire , dit-il , nous
font un inut autre portrait du caractère de
Salvien. Ils convii'iinent que ses déclama-
tions contre les vices de sou siècle sont vio-
lentes et emportées, mais ils nous le repré-
senleiil cependant comme un des hommes les
plus humains et les plus charitables de son
temps, il faut avouer qu'il poussa l'austérité
à l'excès dans les règles qu'il donna pour la
conduite de la vie. Y a-t-il rien de plus in-
sensé que il'ordonner aux chrétiens, comme
une condiiion nécessaire au s,i!ul, de donner
tous leurs biens aux pauvres, et de réduire
à Id niendiciié leurs enfants et leurs parents'?
Celte sévérité néanmoins de Salvien était
accompagnée d'une modéralion cli;irmanto
envers ceux qui av.iient d'autres sentiments
que lui sur la religion. Hist. ecclés., s' siè-
cle, w part., c. 2, § 11.
.Mais il est encore faux que Salvien ait en-
seigné la morale qu'on lui prêle. (^)uand on
veut se donner la peine de le lire altenlive-
ment, l'on voit qu'il a prescrit, non à tous
les chrétiens en général, de donner leurs
biens aux pauvres, mais seulement à tous
ceux qui ont f.iil pi ot'ession de vouloir mener
une \ie plus parfaite, comme ont fait les évê-
ques, les autres ecclésiastiques , les reli-
gieux, les vierges, les veuves et les gens
mariés qui gardent la continence. Loin do
vouloir que les riches réduisent leurs enfants
et leurs parents à la mendicité, il se défend
expressément do ce reproche ; mais il no
veut pas (jue les pères transmettent à leurs
enfants des biens mal acquis , qu'ils aient
plu-, d'eni|iressement de les enrichir que de
leur donner une éducation chrétienne , qu'ils
oublient les pauvres pour laisser une suc-
cession plus opulente à des parents déj;l
riches ou vicieux. ^If/iersus Avarit., I. i, n.
'3 et suivants ; I. ii, n. k et suiv., etc. Nous
ne voyons pas ce que cette morale peut avoir
de répréhensible. Hist. de l'Eglise Gallic,
tome 11, I. IV, an. 456.
SALUT, SAUVER, SAUVEUll. Dans l'Ecri-
ture sainte, comme dans les auteurs profa-
nes, le salut signifie, 1° la santé, la conser-
vation, la prospérité , l'exemption de tout
mal. 2° La victoire sur les ennemis ;/F Reg.,
c. XIII, V. 17, suijitta salutis, est une flèche
qui sera un gage de la victoire. Luc, c. i,
V. 71, salulem ex inimicis nustris, l'avantage
d'être délivrés de nos ennemis. 3° La louange
rendue à Dieu, Apoc, c. xix, v. 1, Salus et
ghria Deo nostro , louange et gloire à notre
Dieu. V Le salut est l'action de saluer ,
c'est-à-dire de souhaiter à quelqu'un la
santé et la prospérité ; saint Paul exhorte
les fidèles à se saluer les uns les autres par
un saint baiser, salulnte invicem in osculo
sanclo. L'abondance des grâces du Seigneur ;
Luc, c. IX, V. 9, le salut est venu aujour-
d'hui dans cette maison ; et c. i, v.69, cornu
siilutis est la source des grâces qui condui-
sent au salut éternd. 6° Enljn le salut éternel
est le boiiheur du ciel. C'est un dogme de la
foi chrétienne que nous ne pouvons obtenir
ce salut que par Jéaus-Christ, Act., c. iv,
523
SAL
SAL
324
V. li, et que c'est pour nous le procurer
iju'il est venu sur la terre.
Mais une grande question parmi les théo-
logiens esl Je savoir en quel sens Dieu veut
sauver tous les hommes ; en quel sens Jé-
sus-Christ en est le Sauveur pendant que
Ions ne sont pas sauvés. On demande si celte
volonté de Dieu, si souvent atlesléedans les
saintes Ecritures, est sincère, produit quel-
que effet, ou si c'est une simple velléité de
laquelle il ne résulte rien. Coiiséquemmeat
il s'îigit de savoir si Jé^us-Chrisl a voulu
réelleuient le Sdlul de tous les hommes , s'il
est mort pour tous, de manière que tous,
sans exception, aient quelque part au pris
de sa mort ; enfin, si, en vertu de son sacri-
fice, tous les hommes reçoivent des grâces
et des secours par lesquels ils seraieDl con-
duits au sahit, s'ils étaient lidèles à y cor-
respondre. Déjà, au mot Rédemption, nous
avons fait voir que, suivant nos livres saints,
ce bienfait s'étend à tous les enfants d'Adam
sans exception, quoique tous n'en ressen-
tent pas également les elTels. Au mot Grâce,
§ 3, nous avons cité un grand nombre de
passages qui prouvent qu'en vertu des mé-
rites de Jésus-Christ, ce don de Dieu est
accordé à tous, quoique tous ne le reçoi-
vent pas en même abondance. Mais comme
c'est ici la plus consolante vérité qu'il y ail
dans le christianisme, que cependant il y a
encore un bon nombre de théologiens qui
s'obstinent à la miconn^Jtre, on ne doit pas
nous savoir mauvais gré de ce que nous
aimons à en répéter les preuves. Nous ap-
porterons, 1° celles qui concernent la voloiilé
de Dieu ; 2° celles qui regardent le dessein
de Jésus-Christ dans la rédemplion ; 3° la
distribution de la grâce ; 4° nous examine-
rons le sentiment des Pères de l'Eglise, par-
ticulièrement de saint Augustin ; 5° nous
répondrons aux oDjei tions.
I. Dieu a déclaré formellement sa volonté
dans l'Ancien Testament : il est dit dans le
psaume cxxxxîv, v. 8, que le Seigneur est
miséricordieux, indulgent, patient, rempli de
bonté, bienfaisant à l'égard de tous; ses mi-
séricordes sorti répandues sur tous ses ou-
vrages. Or, s'il y a un seul homme que Dieu
n'ait [ias sincèrement voulu sauver, en quoi
consiste la bonté et la miséricorde de Dieu
à son égard? — Snp., c. xi, v. 23: Vous
avez pitié de tous, Seigneur, parce que vous
poitvez tout ; t>0M;s aimes tout ce qui esl ,
vous n'avez d'aversion pour aucun de ceux
que vous avez créés;.... vous pardonnez à
tous, parce que tous sont à vous qui aimez
les dmes. Cap. xii, v. 1 : Que vous êtes bon,
Seigneur, el indulgent à l'égard de tous I V.
13 : Vous avez soin de tous, afin de faire voir
que vous jugez aiec justice. V. IQ : C'est votre
puissance qui est lu source de votre justice,
et parce que vous êtes le souverain Seigneur
de tous, vous pardonnez à tous. V. 19: Par
celle conduite vous avez appris à votre peui)le
à être juste el humain, etc. Voilà un langage
Lieu différent de celui de certains théolo-
giens ; ils disent que Dieu, en vertu de sa
Diiissancc et de son souverain domaine,
pourrait sans injustice dananer le monde \
entier; l'auteur sacré, au contraire, soutient
que c'est en vertu de celte puissance abso-
lue et de ce domaine souverain que Dieu est
bon, patient, miséricordieux à l'égard de J
liius. Les premiers nmis peignent Dieu I
comme un sultan , un despote , un maître
redoutable ; le second nous le représente
comme un père tendre, aimable : il n'est pas
difficile de juger de quel côté esl ici l'i sprit
de Dieu. — Gen., cap. vi, v. 6, nous lisons
que Dieu ressentit de la douleur d.ins son \
cœur, lorsqu'il résolut de faire périr le genre 1
humain par le déluge. Snp., c. i, v. 13, que *
Dieu ne se plaît point à perdre les vivants.
Il punit donc à regrei,ménie dans cemnnde,
à plus forte raison dans l'autre : sa première
volonté est de sauver. Isai., c. i, v. 24, Dieu
semble gémir de ce qu'il esl forcé de punir
les Juifs : Hélas! dll-il , je serai, vengé de
mes ennemis, mais je te lindrni la main , ô
Israël I et je te purifirai. Ezech., c. xviii. v.
23 : Ma volonté, dit le Seigneur, est-elle donc
que l'impie meure, et non qu'il se convertisse
el qu'il vive ? Y. 32 : Non, je ne veux point lu
mort de celui qui péril ; revenez à moi el
vivez. C. xxxiii, v. iî : Par ma vie, dit le
Seigneur, je ne veux point la mort de l'im-
pie, mais qu'il renonce à sa conduite et qu'il
vive. — Saint l'aul enseigne avec encore
plus de force cette même vérité, / Tim., c.
11, V. 1 : Je demande que l'on fasse des priè-
res , des oraisons , des instances auprès de
Dieu pour ( )U.« les hommes C'est une pra-
tique sainte et agréable à Dieu notre Sauveur,
qui veut que tous les hommes soient sauvés et
viennent à la connaissance de la vérité ; car il
n'g a qu'un Dieu, et un médiateur entre Dieu
et les hommes ; savoir Jésus-Christ homme,
qui s'est livré lui-même pour la rédemption
de tous, comme il l'a témoigné dans le temps.
C. IV, v. 10. Nous espérons en Dieu, vivant,
qui est Sauveur de tous les hommes , princi-
palement des fidèles. Il n'est pas ici besoin
d'explication ni de commentaire ; l'Apôtre
s'explique lui-même : Dieu veut sincère-
nieul le salut de lous, puisqu'il veut que l'on
prie puur tous, qu'il nous a donné Jésus-
Christ pour médiateur, elque ce divin Sau-
veur s'est livré pour la rédemplion de tous.
Une volonté démontrée par de si grands
effets n'est certainement pas une volonté
apparente, une simple velléité. Saint Pierre,
dans sa seconde lettre, c. in, v. 9, dit aux
fidèles : Dieu agit avec patience à cause de
vous, ne voulant pas que quelques-uns péris-
sent, mais que tous reviennent à pénitence.
11. Mais, puisque Jésus-Christ lui même a
témoigné dans le temps ses desseins el sa vo-
lonté, il f.HUl voir ce qu'il en a dit, Luc, cap.
IX, v. 56 : Le (ils de l'homme n'est pas venu per-
dre les dmes, mais les sauver ; c. xix, v.lO : Le
Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce
qiti avait péri; or tous les hommes avaient
péri par le péché d'Adam. Joan., c. i, v. 29 ,
saint Jean-Kapliste ditile Jésus-Chrisl : Voilà
l'Agneau de Dieu qui efface le péché du monde;
c. IV, v. 24 : // esl véritablement le Sauveur
dumonde: c. iii,v.l7,ie fils de l'homme n'est
S23 SAL
fds venu au monde pour te juger, mais pour
le sauver ; c. xii, v. 47 ; / Joan., c. ii, v. '2 :
Il rut la victime de propitjation pour nos
iiéchés , non pus seulement pour les nôtres,
vmispour ceux dumondc entier; c. iv, v. 14-,
Le l'ère u envoyé son Fils comme Sauvbub du
monde. Osera- l-on dire que dans ees pas-
sages le monde est le pitil nombre des pré-
destinés, ou le nombre de ceux qui croient
en Jisus-Christ? Lui-même réfuie ce sub-
terfuge, en disant qu'il est venu pour sau-
ver ce qui avait péri; or, Li totalité do genre
humain avait péri. Saint Jean le prévient
encore en disant que c'est le monde entier.
S'il fallait l'entendre autrement , le langage
du Sauteur et des apôtres serait un piège
continuel d'erreur. — Saint Paul conlirmc
le vrai sens do ces pasj.iges ; il dit, / Cor.,
c. XV, V. 22 : De même que tous meurent en
Adam, ninsi tous seront vivifiés enJésus-Clirist.
C'est donc la postérité d'Adam- tout entière.
// (or., c. V, V. 14 : La charité de Jésus-
Christ nous presse en considérant que si un
seul est mort pour tous, donc toussant morts ;
or , Jésus-Christ est mort pour tous. L'Apô-
Ire prouve l'universalité de la mort encou-
rue par .\daui , ou du péché originel , par
l'universalité de ceux pour lesquels Jésus-
Christ est mort; saint Augustin a répété au
moins dix fois ce passage et cet argument
contre les pélagiens. — Le prophète Isaïe
avait annoncé d'avance cette grande vérité,
en disant du Messie, iM.in, v. 6: Le Seigneur
a mis sttr lui l'iniquité de nous tous.
On répliquera sans doute nuil est ait dans
ce chapitre aiéme, v. i2 : /* a porté les pé-
chés de PLUsiEt RS. Malth. , c. sx, v. 28, il a
dit lui-même qu'il est venu donner sa vie
pour la rédemption de plusieurs; c. xxvi,
v. 28 : Mon sang sera versé pour plusieors.
Idem , Marc. , c. xiv. v. 24. Ceux qui con-
naissent léoergie du texte hébreu ne feront
pas celte objection. Nous soutenons que dans
isaïe le mot rahbim est mal traduit par ?«»/(«,
plusieurs ; qu'il signifie lu multitude on les
multitudes. Or c'est autre chose d'aflirmer
que Jcsus-Christ est mort pour la mullilude
des hommes, autre chose de dire qu'il est mort
pour plusieurs ; la première de ces expres-
sions peut signifier la totalité, la seconde ne
désigne qu'un certain nombre. Les écrivaieis
du Nouveau Testament ont évidemment pris
ce terme dans le luômo sens qu'lsaïe. En
voici la preuve. Saint Paul, Rom., c. v, v.l.o,
dit que par le péché d'uu seul plusieurs sont
morts; il est clair que par plusieurs on doit
entendre la totalité; saint Augustin le son-
tieut ainsi contre les pélagiens, lorsqu'ils
voulurent abuser de ce passage pour prou-
ver que le péché originel n'était pas commua
à tous les hommes, I. vi, confra 7»/., cap. 23,
n. 80; 1. u, Op. imperf., cap. 109. La tota-
lité, dit-il, est une multitude, et non un petit
nombre. Si Jésus-Christ n'était le Sauveur
que du pelit nombre des prédestinés, il se-
rait faux de ilire qu'il esi le Sauveur de tous ;
si, au contraire, il est Sauveur de tous, il est
très-vrai qu'il l'est de la multiiudo des
hommes.
SAL
320
ML Knfin, c'est par les effets que nous
pouvons jui;er de la volonté de Dieu et di;
cellede Jésus-Christ; or, au mol Grâce, §3,
nous avons prouvé que ce don de Dieu est
accordé à tous les hommes sans exception,
mais plus ahosulamment aux uns qu'aux au-
tres; de manière cependant qu'aucun homme
ne pèche pour avoir raanqré de grâce. En
effet, l'auteur de l'Ecclésiastique, c.xv, v. 1 1,
ne veut point que les pécheurs disent : Dieu
me manque, per Deum nbest; c'est comme s'ils
disaient •• Dieu me laisse manquer de giâcc
et de force. Le Seigneur, leur repond-il, ne
donne lieu de pécher à personne, v. 21, tie-
mini dédit spalium peccandi. Or, Dieu y don-
nerait lieu s'il laissait mam^uer rh<<mme du
secours qui lui est absolument nécessaire
pour s'abstenir de pénher. De même, Sa;>.,
c. XII, v. 13, l'aulenr tiil à Dieu : Vous avez
siin de tout, afin de démontrer que vous ju-
gez arec justice ; v. 19 : Par votre conduite,
vous aveiappris à cotre peuple qu'il faut éire
juste et humain, et vous avez donné ia plus
grande espérance à vos enfants, etc. Or. si Dieu
punissait des péchés commis |)our avoir
manqué de grâce, il ne démonirerait pas sa
justice, il ne nous apprendrait pas à être jus-
tes, et il ne nous donnerait aucun li<'U d'es-
pérer en sa miséricorde.
Pour ébranler notre confiance, qnel^[ups
théologiens nous répètent sans ctsse que
Dieu ne nous doit ri"n. 0'> i'npo' le, dès qu'il
consent à nous donner ce qu'il ne nous doit
pas? 11 nous doit ce qu'il nous a promis.
«Dieu, dit saint Augustin, Serm. 158, n. 2,
est devenu notre débiltur, non en recevant
quelque chose de nous, mais en nous pro-
mettant ce qu'il lai a pin. » Dieu, dit saint
Paul, I Cor., c. x, v. 13, est fidèle à ses pro-
messes; il ne permettra pas que vous soyez
éprouvés au-dessus de vos forces, mais il vous
fera tirer avantage de la tentation ou de l'é-
preuve même, a finque vous puissiezpersévérer.
Dans toute l'Ecriture sainte, Dieu prend
le nom de Père à l'égard de ses créatures, et
veut qu'on le lui donne; Jésus-ChrisI nous
apprend à le nommer ainsi, alin d'exciler
noire confiance; pour témoigner encore plus
de bonté aux Juifs, ii leur faisait dire par le
prophète Isaïe, c. xiix, v. 1!* : Cette na-
tion dit : Le Seigneur m'a délaissée, il ne se
souvient plus de moi : une mère peut-elle ou-
blier son enfant et n'avoir plus du tendresse
pour le fruit de ses entrailles? Quand elle
pourrait le faire, je ne l'imilerais pas. Depuis
que Dieu a daigné nous donner son Fils
unique pour médiateur et pour Sauveur,
sans doule les entrailles de sa miséricorde
ne se sont pas endurcies à l'égard des hom-
mes.Or, un père paraiirait-il fort teadre, si,
après avoir donné des lois à son 61s, il lui
refusait les secours et les moyen:, nécessaires
pour les accomplir? Il est bien clrange que
l'on ose prêter à Dieu une conduite que l'on
n'oserait pas attribuer à un honiuie, un sup-
posant que Dieu nous commande le bien, et
que souvent il ne nous donne pas la gràcf
sans laquelle nous ne pouvons pas le faire
Vainement on répliquera qu'il n'y a poin'
327
SAL
SAL
3-28
de comparaison à faire entre les droits de
Dieu et ceux de l'homme; nous répondons
qu'il n'est pas ici question des droits de
Dieu, mais de sa conduite, de laquelle il
daigne nous rendre témoignage : c'est lui-
même qui se compare à l'homme, et qui
veut que sa providence nous apprenne à
être justes et humains. 11 n'y a plus lieu
d'argumenter sur la grandeur infioiede Dieu,
lorsqu'il veut bien se rabaisser jusqu'à nous
et nous servir de modèle; le respect n'est
plus qu'une hypocrisie, lorsqu'il est poussé
plus loin que Dieu ne le veut. Or, il atteste
qu'il est plus tendre, plus lib .lal, plus mi-
séricordieux que le meilleur des pères et que
la mère la plus sensible : donc c'est ainsi
qu'il agit. Les écrits du Nouveau Testament
nous en donnent une idée non moins con-
solante. Nous n'y lisons pas que Dieu, noire
Sauceur, est le Dieu de la justice rigoureuse
et des vengeances, mais le père des miséri-
cordes et le Dieu de toute consolation; non
qu'il a fait éclater sa sévérité et ses droits
souverains, mais qu'il a fait paraître sa
bonté et son humanité, TiC, c. m, v. 4;
qu'( n nous donnant son Fils unique, il nous
adonné tout avec lui, Rom., c. viii, v. 'i-2;
que nous devons être miséricordieux, pa-
tients, indulgents pour nos f/-'ères, leur tout
accorder et tout pardonner comme Dieu a
fait à notre égard, Coloss., c. m, v. 3. Ce
langage est bien différent de celui des théo-
logiens qui nous enseignent que Dieu, tou-
jours irrité du péché originel, non-seule-
ment est en droit de nous refuser la grâce,
mais que souvent il nous la refuse en effet.
Saint Jean, c. n, v. 9, appelle le Verbe
divin la vraie lumière qui éclaire tout homme
venant en ce monde. 11 n'est point question
là de la lumière naturelle, de l'intelligence
qne Dieu a donnée à tous les hommes; ja-
mais celle-ci n'«st appelée dans l'Ecriture
la vraie lumière, et ce n'est point ce qu'en-
tendait Jésus-Christ, lorsqu'il a dit : Je suis
la lumière du monde, Joan., c. viir, v. 12; c.
IX, V. 5, etc. H s'agit de la lumière à la-
quelle saint Jean-Baptiste rendait témoignage,
pour faire naître la foi, cap. i, v. 8; donc
c'est de la lumière surnaturelle de la grâce.
Ainsi l'ont entendu tous les Pères, en parti-
culier saint Augustin ; non-seulenient en ex-
pliquant cet endroit de saint Jean, Tract. 1 ,
inJoun., n. 18; tract. 2, n.7, mais dans dix
ou douze autres de ses ouvrages, Helract.,
1. 1, c. 10, etc. Voij. tiKACE, §3. — Le pro-
phète Malachie, c. iv, v. 2, appelle le Messie
le Soleil de justice: saint Luc, c. i, v. 78, dit
que ce soleil s'est levé sur nous du haut du
ciel, pour éclairer ceux qui sont dans les té-
nèbres et dans les ombres de la mort. Con-
séquemment les Pères appliquent au Verbe
divin ce que le Psalmiste a dit du soleil, que
personne n'est privé de sa chaleur; saint Au-
gustin a fait de même; or la chaleur du so-
leil de justice est évidemment la grâce. —
Saint Paul, Rom., c. v, v. 15, compare la
distribution de la grâce à la communication
du péché d'Adam : Si par le péché d'un seul,
dil-il, la multitude des hommes sont morts, à
plus forte raison la grâce de Dieu, et le don
qu'un seul homme, qui est Jésus-Christ, nous
fait de celte grâce, sont-ils abondants sur cette
mullituile? Ou cette comparaison n'est pas
juste, ou il faut croire ((u'aucun des enfants
d'Adam n'est privé de la giâ'e. Ici \à grâce
en général n'est point la ju.^tification ; celle-
ci n'est accordée qu'à ceux qui reçoivent
l'abondance de la grâce, des dons do Dieu et
de la justice,» iind., v. 17; donc saint Paul
parle de la grâce actuelle accordée à tons
pour faire le bien. Suivant l'Apôtre, la grâce
a été surabondante où le péché était abondant,
V. 21; or, celui-ci était abondant chez tous
les hommes et dans l'univers entier, donc il
en est de même de la grâce.
Aux mots Abandon, Endurcissement, In-
fidèles, JuDAÏsnie, § bi, nous avons prouvé
que Dieu n'a refusé jamais et ne refusi' en-
core la grâce ni aux Juifs, ni ans païens, ni
aux grands pécheurs, ni aux pécheurs en-
durcis; donc elle n'est refusée à personne;
et puisqu'elle n'est pas accordée autrement
que par les mérites de Jésus- Christ, c'est à
bon droit qu'il est nommé le Rédempteur et
le Sauveur du inonde ou du genre humain
sans exception (1).
IV. Pour montrer quel a été le sentiment
des Pères de l'Eglise, surtout des plus anciens
et des plus respectables, nous ne répéterons
pas les passages que nous avons déjà cités an
mot RÉDEMPTION, pour faire voir ce qu'ils
ont pensé au sujet de la plénitude et de l'u-
niversalité lie ce bienfait, ce qu'ils Oiil ré-
pondu aux Juifs, aux païens, aux gnostiqaes,
aux marciunites, aux maniciiéens, qui en
méconnaissaient l'étendue, le prix, les effets.
Il en résulte que ceux qui mettent des restric-
tions, des modifications, des exciptions aux
passages de l'Ecriture sainte que nous avons
allégués, contredisent formellement les Pères
de l'Eglise, forgent un système inconnu à
l'antiquité, et renouvellent les blasphèmes
des anciens hérétiques.
Aussi ceux qui contestent la volonté géné-
rale et sincère de Dieu de sauver tous les
hommes, l'application des mérites de la mort
de Jésus-Christ faite à tous, la distribution
générale de la grâi;e en vertu de la rédemp-
tion, ne se sont jamais avisés d'alléguer le
sentiment des Pères des quatre premiers
siècles; ils se bornent à celui de saint Au-
gustin. Suivant leur o|)inion, ce Père est le
premier qui ail examiné avec soin les ques-
tions du péché originel, de la prédestination
et do la grâce, c'est à lui seul que l'on doit
s'en rap|)orler, puisque l'Eglise a solennelle-
ment adopté et conlirmé sa doctrine. Nous
voilà donc réduits à supposer, pour leur
plaire, qu'au v° siècle l'on a vu éclore une
tradition nouvelle, une doctrine inconnue à
toute l'antiquité, et de nouveaux articles de
foi. Si cela est, de quel front pourrons-nous
encore opposer la tradition de l'Église à
(1) Voy. au mot Kglise l'.Trticle où est expliquée
celle m:ixiiiii! : Hors de l'Eijlise point île salut. Nous
avons ilil (|iiaiid el coiiinient les Jiiils, les iiilideles,
les lioiéliqnes apparliemient à l'à'ne ilel'lîglise sans
apjiarienir à sua coriis, el peuvent éiri; sauvés.
S29
SAL
SAL
330
ceux d'entre les protestants qui en appellent .
sans cesse à la doctrine des quatre premiers
siècles?
Mais nos adversaires s'embarrassent peu
des conséquences; le point capital est de
savoir ce que saint Augustin a véritaliiement
enseigné. Déjà nous l'avons fait voir aux
mois (ÎHACE, S 3, et Uédemption ; mais il faut
nous répéter en peu de mots. 1" N'oublions
pas que les pélagiens n'admettaient point
d'autre grâce que la connaissance de Jésus-
Christ et de sa doctrine, la rémission des
pithés et la justiGcation ; nous avons prouvé
ce fait essentiel, au mot I'élagiamsme. Con-
séquemment ils disaient, selon saint Paul,
Dieu veut sauver tous les hommes, el Jésus-
Christ est mort pour tous : donc Dieu accorde
la grâce, c'est-à-dire la connaissance de
Jésus-Christ et la justitication à tous les
hommes qui s'y disposent ou qui n'y mettent
point d'obstacle. Il est clair par ce raisonne-
ment qu'il s'agissait d'une volonté absolue
de Dieu, de l'iipplication eflectivedes mérites
et de la mort de Jcsus-Cbrist, et de la lu-
mière de la foi. Saint Augustin soutient
avec raison que la grâce ainsi entendue
n'est pas donnée à tous, mais seulement à
tous ceux ()ui ont été prédestinés à la rece-
voir; que si saint Paul dit tous les liomnies,
c'est qu'il y en a de toutes les nations, do
tous les temps, de tous les sexes, de tous les
âges ; que l'on doit entoiulrc de même, ce qui
est dit ailleurs, que Dieu les éclaire tous, et
que Jésus-Clirist est mort pour tous ; ou que
quand nous lisons que Di(u veut sauver tous
les hommes, cela signifie que Dieu nous le
fait vouloir. Kncliir. ad Laiir.,c. 103, n. 27;
contra Julian., 1. iv, c. 8, n. kk; I. deCorrep.
el Grut., c. ti, n. '^'^: c. 15, n. U-1, etc. —2"
Les pélagiens disaient que Dieu veut sau-
ver tous les hommes, également, indifférem-
ment, sans aucune prédilection pour per-
sonne, œqualiter, indiscrète , indiffer enter.
S. Prosper, £■/;(«/. ad Auyust., n. i; Carm. de
Ingratis, cap. 8; S. Fulgent., 1. de Incarn. et
Grat. c. 29; Fauslus Reiensis, I. i, de Lib.
Arb., c. 17. C'est de là même qu'ils con-
cluaient que Dieu accorde la foi et la justifi-
cation à tous ceux qui s'y disposent pur leurs
propres forces, ou du moins qui n'y mettent
jioint d'obstacle. Saint Augustin réfute cette
prétention, tout comme la précédente, par
l'exemple des enfants : Dieu accorde aux
uns la grâce du baptême et de la justifica-
tion sans qu'ils s'y disposent, puisqu'ils en
sont incapables ; et il la refuse aux autres
sans qu'ils y aient apporté aucun obstacle.
H est donc faux que cette grâce soit donnée
à tous ceux qui n'y mettent point d'obstacle,
el que la volonté de Dieu de l'accorder soit
générale. Cela est sans réplique. Mais s'en-
suit-il de là que Dieu ne veut point donner,
et ne donne pas en effet à tous les adultes
dos grâces actuelles et passagères, qui les
conduiraient tôt ou tard à la foi et au salut,
s'ils étaient fidèles à y correspondre ; qu'à
cet égard, la volonté de les sauver tous n'est
ni générale, ni sincère, ai efficace, et que
tel a été le sentiment de saint Augustin?
DiCT. OE TbEOL. DOGUITIQUE. IV.
Dans ce cas il aurait très-mal raisonné,
puisque l'exemple des enfants ne prouve
rien à ce sujet. Il serait sorti de la question
agitée entre lui et les pélagiens, puisque
ceux-ci ne voulaient admettre aucune grâce
actuelleintérieure, sous prétexte que l'hoiiime
n'en a pas besoin, et qu'elle détruirait le
libre arbitre. Voy, Péi.agiamsme.
Il est étonnant que les partisans du senli-
mcnt contraire ne voient pas les absurdités
de leur hypothèse, i" Ils supposent que,
pour réfuter plus aisément les pélagiens,
saint Augustin a rétracté et contredit tous
les principes qu'il avait posés contre les ma-
nichéens ; qu'il a énervé toutes les réponses
qu'il avait données à leurs objections, et
qu'il leur a donné lieu de triompher. Etait-il
donc moins nécessaire de réfuter les mani-
chéens que les pélagiens? 2" Us supposent
qu'en refusant d'avouer que Jésus-Christ
est mort pour tous les hommes sans excep-
tion, le saint docteur a renoncé à la preuve
de l'universalité du péché originel qu'il avait
tirée de ces passages de saint Paul, // Cor.,
c. V, V. l'i' : Si un seul est mort pour tous,
donc tous sont morts; or, Jvsus-Christ est
mort pour tons. I Cor., c. xv, v. 22 : De
même que (ous meurent en Adam, ainsi tous
seront vivifiés en Jésus-Clirist. Qu'ainsi saint
Augustin a donné droit aux pélagiens de lui
reprocher une contradiction. 3" ils veulent
nous faire croire qu'en donnant un sens dé-
tourné à trois passages du Nouve.iu Testa-
ment, le saint docteur a détruit la force des
autres, auxquels cette explication n'est pas
applicable. Le Fils de l'homme est venu cher-
cher et sauver ce (jui avait péri.... il est le
Sauveur de tous les hommes, principalement
des fidèles.... Il est la victime de propitiation,
non-seulement pour nos péchés, mais pour
ceux du monde entier... Dieu use de pattence,
ne voulant qu'aiicun périsse, mais que toits
fassent pénitence... Je ne veux point la mort
de l'impie, mais sa conversion, etc. Quelle
entorse donnera-l-on à ces passages pour en
obscurcir le sens? 4° Us supposent que saint
Augustin, en parlant de la volonté de Dieu,
s'est contredit au moins vingt fois. Eu elTet,
1. dcSpirit. et Litt., c. 33, n. o8, il dit : « Dieu
veut que tous les hommes soient sauvés et
parviennent à la connaissance de la vérité,
sans leur ôter le libre arbitre, selon le bon
ou le mauvais usage duquel ils seront jugés
avec justice. Ainsi les infidèles, en refusant
de croire à l'Evangile, résistent à la volonté
de Dieu ; mais ils ne la surmontent point,
puisqu'ils se privent du souverain bien, et
qu'ils éprouveront dans les supplices la puis-
sance de celui dont ils ont méprisé la misé-
ricorde. » Enchir. ad Laur., cap. 100; il
ajoute ; «Quant à ce qui regarde les pé-
cheurs, ils ont f'iil ce que Dieu ne voulait
pas; quant à la toute-puissance de Dieu, ils
n'en sont pas venus à bout : par cela même
qu'ils ont agi contre sa volonté, elle a été
accomplie à leur égard... Ainsi ce qui se fait
contre sa volonté, ne se fait pas sans elle. »
L. de Cor. et Grat., c. ii, n. i3, il dit :
«Lorsque Dieu veut sauyer, aucune volonté
11
3S1
SA.L
SAÎ
S32
liumaine ne lui résiste ; car le vouloir et le
non-voaloir sont de telle manière au pouvoir
de rhoinme, qu'il n'empêche pas la volonté
de Dieu, et qu'il ne surmonte point sa puis-
san'ce. Ainsi Dieu fait ce qu'il veut de ceux
mêmes qni font ce qu'il ne veut pas. » EnGn
il conclut, Enchir., cap. 05 et 96, «que rien
ne se fait à moins que Dieu ne le veuille, ou
en le permettant, ou en le faisant lui-même,
et l'un lui est aussi facile que l'autre.»
Si, pour concilier ces divers passages, on
ne distingue pas en Dieu différentes vulon-
lés, ou plutôt différentes mîinières d'envisa-
ger la volonté de Dieu, il n'y restera qu'un
tissu de contradictions. Mais il faut en dis-
tinguer au moins quatre. 1° La volonté lé-
gislative et absolue par laquelle Dieu veut
que l'homme soit libre de faire le bien ou le
mal à son chois, mais que, quand il fait le
bien, il soit récompensé ; que, quand il fait
le mal, il soit puni. Rien ne peut résister à
cette volonté: saint Augustin le snuiient
avec raison. 2' La volonté d'affeciion géné-
rale par laquelle Diou, en considération des
mérites du Kéderapleur, veut donner à tous
les hommes, sans exception, des moyens de
salut plus ou moins puissants et abondants,
et leur en donne en effet, mais avec beau-
coup d'inégalité; or, qui peut l'en empêcher?
3° La volonté de chois, de prédilection, de
préfén^nce, par laquelle Dieu veut sauver
quelques personnes plus efflcacciaent que
les autres, et conséquemment leur donne
des grâces plus puissantes, plus abondantes,
plus efficaces qu'aux autres; c'est ce que
saint Paul et saint Augustin nomment pr^-
destinalion, et ce que les pélagiens ne vou-
laient pas admettre. Or, personne ne peut
résister à ce choix de Dieu ni à la distribu-
lion de ses grâces, k" La simple permission
par laquelle Dieu laisse l'homme user de son
libre arbitre, et résister aux grâces qu'il lui
donne, quoiqu'il pourrait absolument l'en
empêcher. Cette volonté n'est contraire à
aucune des précédentes, et l'on ne peut pas
dire que l'homme y résiste lorsqu'il use de
sa liberté. Voy. Volonté de Dieu.
S'ensuit-il de là que quand Dieu donne la
grâce, il ne veut pas que l'homme y con-
sente; que quand l'homme y résiste, c'est
que Dieu n'a pas voulu qu'il y consenlîl?
Le dire serait un blasphème; il s'ensuivrait
que. Dieu n'agit pas de bonne foi; jamais
saint Augustin n'a enseigné cette absuidilé.
H s'ensuit seulement que quand Dieu donne
à l'homme la grâce pour faire le bien, il ne
veut employer ni la violence, ni la nécessité,
ni tous les moyens dont il pourrait se servir
pour obtenir de l'homme la fidélité à la
grâce. — Ces mêmes distinctions ne sont pas
moins nécessaires pour entendre plusieurs
passages de saint Paul dans leur vrai sens;
d'un côté l'Apôtre dit que Dieu veut sauver
tous les hommes, de l'autre il enseigne que
Dieu fait miséricorde à qui il vedt, cl qu'il
endurcit ou laisse endurcir qui il lui platt :
comment Dieu veut-il sincèrement sauver
ceux qu'il laisse endurcir? Saint Paul de-
mande : Qui résistt à la volonté 4e Dieu? lit
plus d'une fois il accuse les juifs incrédules
d'y résister : tout cela peut-il s'accorder?
Fort aisément, en envisage.int, comme nous
avons fait, la volonté de Dieu scus ses divers
aspects. Dieu veut sauver tous les hommes,
puisqu'il donne à tous, non toutes les grâces
et les moyens de salut qu'il pourrait leur
donner, mais des grâces et des moyens qui
suffisent pour que tous puissent parvenir au
salut, s'ils veulent en user; ces moyens ne
peuvent partir que d'une volonté réelle et
sincère de la part de Dieu; par conséquent
ceux qui résistent à ces moyens et qui s'en-
durcissent contre la grâce, résistent à la vo-
lonté de Dieu. Mais persounc ne résiste à la
volonté de prédilection par laquelle Dieu
veut donner et donne en effet aux uns des
grâces et des moyens plus puissants et plus
abondants qu'aux autres; cette prédilection,
ce ciioix, cette prédestination, dépendent de
Dieu seul ; l'homme n'en peut connaître et
n'a aucun droit d'en demander la raison :
Homme, qui éles-vous, pour contester avec
Lieu {liom. ix, 20)?
V. Pourquoi la volonté de Dieu de sanver
tous les hommes paraît-elle sujette à des
difficultés et ù de grandes objections? Pour-
quoi nu certain nombre de théologiens ont-
iis de la répugnance à l'admettre? C'est
qu'ils la comparent à la volonté de l'homme;
et à combien de sophismes celte comparai-
son n'a-t-elle pas donné lieu? L'homme
n'est censé vouloir sincèrement une chose ,
que quand il fait tout ce qu'il peut pour en
venir à bout, qu'il emploie tous les moyens
qui dépendent de lui ; sinon l'on regarde
sa volonté comme un désir vague, comme
une simple velléité. A l'égard de Dieu, cette
manière déjuger est absurde; il est impossible
que Dieu fasse tout ce qu'il peut pour sauver
tous les hommes, puisque sa puissance est
inépuisable et infinie. L'homme peut user de
tout son pouvoir, parce qu'il est borné; Dieu
ne peut pas aller au dernier terme du sien,
parce que celui-ci n'a point de terme. C'est
donc assez qu'il donne à tous des moyens
suffisants et qui produiraient leur effet, si
tous étaient fidèles à y correspondre. Or,
Dieu donne effectivement ces moyens à
tous, puisqu'il commande le bien à tous,
qu'il réprimande tous ceux qui pèchent, et
qu'il punit tous les impénitents ; ces com-
mandements, ces reproches , ces châtiments
seraient injustes, si Dieu refusait à quel-
ques-uns le pouvoir et la force de faire ce
qu'il ordonne.
Dieu sans doute veut plus absolument et
plus efficacement le salut de ceux auxquels
il donne des moyens plus puissants, plus
abondants, plus efficaces ; mais il ne s'ensuit
pas que sa volonté soit peu sincère ou une
simple velléité à l'égard de ceux auxquels
il en donue moins.
Mais aucune réflexion ne peut émouvoir
les raisonneurs qui ont une l\>is épousé un
système quelconque; ceux que nous at-
taquons ne cessent de répéter les mêmes ob-
jections, sans vouloir se contenter d'aucune
réponse. Ils allèi|Uont, 1* les divers passages
535 SAL
de l'Ecriture sainte dans lesquels il est dit
((u<! Dieu a lait tout ce qu'il a voulu, et
(lu'ii fait tout ce qu'il veut dans le ciel et
sur la terre; que quand Dieu veut, rieu ne
résiste à sa toute-puissance; qu'il est le
maitre do tourner comme il veut les cœurs
et les voloniés di's Iioinmes, elc. Nous ré-
pondons que, dans la jilUparl de ces passa-
ges, il est question de la volonté de Dieu
<-ibsoliir, p:ir laquelle il a créé le monde,
réglé le soit des créatures, opéré des mira-
clos, fixé la deilinée des nations, etc. ; que
ce' sont là des événements dans lesquels la
volonté des hommes n'est entrée et n'entre
pour rien. Mais, lorsqu'il est question du
salut, au(|uei la volonté de l'homniMloit né-
cessairement coopérer, il ne s'at;it plus
d'une \oloiilé do Dieu absolue; alors il faut
admettre en Dieu au moins doux volontés,
l'une par laquelle Dieu veut sincèrement
accorder le bonheur éternel, l'autre par la-
quelle il veut qutî l'homme le mérite, en
correspondant librement à la grâce qu'il lui
donne. Par conséquent la première de ces
volontés n'est point absolue, elle renferme
nécessairement pour condition la correspon-
dance libre de l'homme.
On dira peut-être que si Dieu voulait sin-
cèrement le salut de l'homme, il ne le ferait
pas dépendre de la volonté de celui-ci, qu'il
l'opérerait lui-même indépendamment de
toute condition, que du moins il disposerait
la volonté humaine par des grâces efficaces,
dont l'elïel, quoique libre, csl néanmoins in-
faillible. Ceux qui voudront soutenir ce plan
de providence ont deux choses ci prouver : la
première, qu'il serait mieux à tous égards
que le salut éternel ne fût pas pour l'homme
une récompense, mais un don purement gra-
tuit, et qu'il ne fallût point de mérites pour
l'obtenir; la seconde, que plus l'homme est
disposé à résister â la grâce, plus Dieu doit
la rendre abondante et puissante pour vain-
cre sa volonté. Nous voudrions savoir sur
quel principe on pourrait appuyer ces deux
suppositions. Ku supposant même qne ce
serait le mieux, il faudrait aucore prouver
que Dieu doit toujours faire ce qui nous pa-
rait le mieux.
•2* Nos adversaires disent que la grâce est
l'opération toute-puissante de Dieu, la mèm.>
qui a tiré le monde du néant, etc.; qu'il est
donc absurde de prétendre que l'homme peut
} résister. Ils ne voient pas qu'ils sont eux-
mômes forcés de répondre à cette objection.
La grâce que Dieu avait donnée aux anges
avant leur chute, et celle qu'il avait donnée
à l'homme pour persévérer dans l'innocence,
était sans doute l'opération toute-puissante
de Dieu, puisqu'il n'y a pas en Dieu deux
puissances différentes ; les anges rebelles et
l'homme y ont résisté. Il ne s'ensuit pas de
là que Dieu ne voulait pas que les anges et
Ibomme persévérassent, que celte volonté
n'était qu'une velléité, que la volonté de
Dieu a été vaincue, que l'homme a été plus
puissant que Dieu, etc. Ces deux exemples
démontrent l'absurdité des reproches que
fout sans cesse les partisans de la prédes-
SAL
ZU
tination absolue et delà grâce irrésistible.
Ils répliqueront sans doute que Dieu n';(
pas voulu faire usage de sa toute-puissance
à l'égard des anges et de l'homme innocent.
Qu'ils prouvent donc une fois pour toutes
que Dieu en use à l'égard de l'homme tom-
bé, malgré les assurances positives qu'il
nous donne dans l'Ecriture sainte qu'il
laisse à l'homme le ,)ouvoir de résister.
Troisième objection. Nous avons tort de
supposer que la volonté de Dieu de sauver
tous les hom.'nes est une volonté condiliou-
nolle, que Dieu veut les sauver, s'ils le veu-
lent. Saint Augustin a rejeté celte volonté
conditionnelle, admise par les pélagiens et
les semi-pélagiens, comme une erreur in-
jurieuse à Dieu.— Réponse. Nous avons déjà
remarqué ailleurs que cette proposition.
Dieu veut sauver tous les hommes, s'ils le veu-
lent, peut avoir un sens hérétique et ua
sens orthodoxe. Dans la bouche dos péla-
giens et des semi-pélagiens, elle signifiait :
Dieu veut sauver tous les hommes, s'ils veulent
se disposer à Iç, grâce et au salut par leurs
propres forces, par de pieux désirs, par des
vœux qui préviennent la <jrûce et qui la méri-
tent. Voilà le sens hérétique, que saint Au-
gustin a rejeté avec raison. Dans te sens
orthodoxe, la même proposition signifie :
Dieu veut sauver tous les hommes, s'ils obéis-
sent auxmouvements de la grâce qui prévient
leur volonté, qui excite en eue les bons désirs
et les porte aux bonnes aitions. Sens très-
différent du premier, sens que saint Augus-
tin n'a jamais rejeté, qu'il a soutenu au con-
traire de toutes ses forces. Il y a, de la part
de nos adversaires, une affectation malicieuse
à confondre ces deux choses et à jouer sur
une équivoque.
Encore une fois , il est constant que les
pélagiens n'ont jamais voulu avouer Ja né-
cessité d'une grâce intérieure et prévenante
pour exciter la volonté de l'homme aux
pieux désirs et aux bonnes œuvres; ils ont
toujours soutenu que cette grâce détruirait
le libre arbitre de l'homme, parce qu'ils en-
tendaient par Zj'6re arbitre une espèce d'équi-
libre de la volonté de l'homme entre le bien
c:f-\Q mal, une égale facilité de se porter à
l'un ou à l'autre. Encore aujourd'hui les so-
cinicns et les arminiens l'entendent de mê^
me, et ils nient, comme les pélagiens, toute
action intérieure de la grâce sur la volonté
de l'homme. Donc, lorsqu'ils disent que Dieu
veut sauver les hommes, s'ils le veulent, ils
donnent à cette condition le premier sens que
nous avons indiqué, et non lo second.
Il est fort étonnant que, malgré la mnlli-
tuie et l'énergie des passages de l'Ecriture
sainte que nous avons cités, malgré la tra-
dition constante des quatre premiers siècles
de l'Eglise que nos adversaires n'oseraient
contester, malgré l'évidence des raisons
théologiques sur lesquelles sont établies les
vérités que nous soutenons, l'on ose ensei-
gner publiquement, dans des Institution»
théologiques, toutes les erreurs contraires.
C'est ce qu'a fait impunément 1 auteur de ce
que Ion appelle la Théologie de Lyon. 11
53S
SAM
sm
336
dit, tom. II, p. 107 et 108, que la volonté do
Dieu de sauver tous les hommes n'est pas
foraielloment en Dieu; pag. 39C, 307, que
Jésus-Christ est mort pour tous, dans ce
sens que le prix de sa mort était suffisant
pour les sauver tous, qu'il est mort pour
une cause commune à tout le genre humain ;
et qu'il s'est revêtu d'une nature commune
à tous; que la grâce actuelle nécessaire
pour faire le bien n'est pas donnée à tous,
t. III, pag. 186, 201, 202. Il ne laisse pas de
soutenir que quand l'homme privé de la
grâce viole les commandements de Dieu, il
est coupable et dij^ne de châtiment, parce
que ces commandements sont possibles en
eux-mêmes, et qu'il a reçu de la nature le
libre arbitre, qui est un pouvoir réel de
faire le bien, pag. 73. Il ne connaît point
d'autre grâce sulfisante que la grâce effica-
ce ; il la compare à l'action par laquelle
Dieu a créé le monde, et a ressuscité Jésus-
Christ, p. 132 et 188. Mais il ne s'est pas
donné la peine de répondre aux preuves que
nous avons alléguées, et il n'apporte, pour
élayer ses opinions, que quelques lambeaux
de saint Augustin, auxquels il donne le sens
faux que nous avons réfuté. Aucun écrivain
ne fut jamais plus habile à forger des sophis-
mes, à jouer sur des équivoques, à tordre le
sens des passages de l'Ecriture sainte, à es-
quiver les conséquences d'un argument.
Dans deslemps plus heureux, cet ouvrage au-
rait été nétri par les mêmes censures que ceux
de Jansènius et de Quesnel, qu'il a copiés.
SALUT, bénédiction donnée au peuple
avec le saint sacrement, à l'occasion de
quelque solennité ou de quelque dévotion
particulière ; cela se fait ordinairement
le soir après Compiles. La Bruyère a fait
une censure sanglante de la manière dont
ces saints se taisaient de son temps dans
quelques églises de Paris; mais cela n'a pas
lieu dans les paroisses où les pasteurs ont soin
de faire régner la décence, le respect, la piété
convenables,
SALUTATION ANGÉLIQUE, prière adres-
sée à la sainte Vierge, qui commence par
ces mois : Ave, Maria. Elle est composée
des paroles que l'ange Gabriel adressa à Ma-
rie lorsqu'il vint lui annoncer le mysière de
rincarnalion; de celles que proféra Elisa-
beth, femme du prêtre Zuchario, lorsqu'elle
reçut la visite de celte sainte mère de Dieu ;
enfin de celles qu'emploie l'Eglise pour im-
plorer sou intercession. On récite fréquem-
ment celte prière dans l'Eglise catholi-
que, et presque toujours après l'oraison do-
minicale, parce qu'après avoir fait notre
prière à Dieu, il nous paraît convenabled'im-
plorer l'intercession de la sainte Vierge, afin
qu'elle appuie nos demandes auprès de Dieu.
II en est à peu près de même de l'anlienne
qui commence par Salve, Regina, par laquelle
on termine l'office divin pendant un certain
tcmpsde l'année. On prétend qu'ellea été com-
posée par Pierre, évêque de Composlelle, que
les dominicains l'adoptèrent vers l'an 1237,
cl que saint Bernard en a vu la On.
; SAMAIUTAIN, habitant de Samarie, ville
de la Judée. On sait par l'histoire sainte, ///
Reg., c. XII, que sous Uoboam, fils et suc-
cesseur de Salomon, dix tribus se retirèrent
de son obéissance, se donnèrent un roi par-
ticulier qui fixa sa demeure à Samarie. Ce
nouveau royaume fut appelé le royaume d'Is-
raël ; les deux tribus de Juda et de Benjamin,
qui demeurèrent fidèles àKoboam, portèrent
le nomdero)/f(ume de Juda. Par une coupable
politique, les rois d'Israël entraînèrent
leurs sujets dans l'idolâlrie, afin de leur
ôler toute tentation d'aller rendre leur culte
au vrai Dieu dans le temple de Jérusalem,
et afin d'entretenir entre les deux royaumes
une inimitié irréconciliable. Ils n'y réussi-
rent que trop bien ; ces deux peuples, quoi-
que sortis d'une même origine, furent conti-
nuellement en guerre, et préparèrent mu-
tuellement leur ruine. Deux cent cinquante-
neufans après ce schisme, Salmanazar et
Assaraddon, rois d'Assyrie, vinrent dans la
Judée, prirent et ruinèrent Samarie, emme-
nèrent les habitants de celte contrée, et
détruisirent ainsi pour toujours le royaume
d'Israël. Pour repeupler ce pays dévasté, on
y envoya des Culhcens, tirés d'au-delà de
l'Euphrate. Ces nouveaux colons, idolâtres
d'origine, portèrent dans la Samarie leurs
idoles et leurs superstitions. L'historien sa-
cré nomme leurs dieux Nergel, Asima, Neba-
haZfTItarlhac, Adramelech el Anamelech; vai-
nement les critiques se sont épuisés en
conjectures pour deviner quels étaient ces
personnages; on n'en sait rien de certain.
Comme Dieu punit les Culhéens de leur
idolâtrie par une irruption de bêles féroces,
le roi d'Assyrie leur envoya un prêtre Israé-
lite, pour leur enseigner le culte et les lois
du Dieu des Juifs ; dès ce moment, ils mêlè-
rent ce culte avec celui de leurs faux dieux,
ly. Reg., c. XVII, V. 32 et 41. Ce n'était pas
le moyen de gagner l'affection des habitants
du royaume de Juda; cependant l'histoire
sainte ne fait mention d'aucune hostilité
exercée entre eux. Ceux-ci, à leur tour,
non moins infidèles à Dieu que les anciens
sujets des rois d'Israël, furent punis de
même cent vingt-trois ans après. Nabucho-
donosor, roi d'Assyrie, irrité contre eux,
assiégea et prit Jérusalem, brûla le temple
du Seigneur, emmena le roi de Juda et ses
sujets captifs à Babylone, et ne laissa dans
la Judée qu'un petit nombre d'habitants
pauvres et misérables. Mais, après soixante
et dix ans. Dieu les rétablitdans leur patrie;
les Juifs obtinrent de Cyrus, roi de Perse,
devenu maître de Babylone, un édit qui
leur permettait de rebâtir Jérusalem el le
temple, de remettre en vigueur leur religion
et leurs lois. Les Samaritains offrirent de
s'unir à eux pour cette reconstruction; mais
comme ils étaient étrangers d'origine, el
que leur religion était fort corrompue, les
Juifs refusèrent celle association; les Sa-
maritains irrités employèrent tout leur
crédit à la cour de Perse, pour traverser
l'entreprise et faire cesser les travaux des
Juifs, et ils en vinrent à bout pendant quelque
temps.
337
SAM
SAM
338
Lorsque Esdras et Néhémie vinrent en
Judée pour achever de fain; rebâtir Jérusa-
lem, et pour faire observer la loi de Moïse
dans la rigueur, les Juifs qui ne voulurent
pas subir la réforme de leurs mœurs S(; re-
tirèrent chez les Samaritains, et auginenlè-
rent la haine qui régnait déjà entre les deux
peuples. Enfin, elle flit poussée à son comble
lorsque les Samaritains bâtirent sur la mon-
tagne de Garizim, voisine de Samarie, un
temple semblable à celui de Jérusalem, et
élevèrent ainsi nulel contre autel. Mais il
paraît que, dès ce moment, ils renoncèrent
absolument à l'idolâtrie, c'est du moins l'opi-
nion commune.
L'aversion mutuelle était excessive lors-
que Jésus-Christ parut dans la Judée, il n'y
avait aucune relation ni aucune société en-
tre Jérusalem et Samarie ; la plus grande
injure que les Juifs pouvaient dire à un
homme était de l'appeler Samaritain ; plus
d'une fois, dans un accès de colère , ils don-
nèrent ce litre à Jésus-Christ ; Joan., c. viii,
v. kS : N'avons-nous pas raison de dire que
tu es ini Samaiutiin et que tu es possédé du
démon? Ces deux injures leur pa''aissaient à
peu près égales. De son côté, le Sauveur,
pour les humilier, a souvent supposé dans
ses parahoirt an Samaritain qui faisait do
bonnes œuvres. Luc, c. x, v. 53; c. xvii,
V. IC.
La croyance et la pratique des Samari-
tains étaient différentes de celles des Juifs en
trois articles principaux : 1° ils ne rece-
vaient pour l'Ecriture sainte que les cinq
livres de Moïso ; 2" ils rejetaient les tradi-
tions (les docteurs juifs, et ils s'en tenaient
à la seule parole écrite; 3' ils soutenaient
qu'il fallait rendre le culte à Dieu sur le
mont Garizim, où les patriarches l'avaient
adoré, au lieu que les Juifs voulaient qu'on
ne lui offrît des sacrifices que dans le temple
de Jérusalem. Ces derniers ont encore accusé
les Samaritains d'adorer des idoles sur le
mont Garizim, et de ne pas admettre la ré-
surrection future ; mais il parait que ce sont
deux calomnies dictées par la haine, et dont
il n'y a aucune preuve.
Mosheim, qui savait bon gré aux Samari-
tains d'avoir rejeté la tradition, comme font
les protestants, pour s'en tenir à la seule
parole écrite, dit qu'il paraît que les idées
qu'ils avaient des fonctions et du ministère
du Messie étaient plus saines et plus confor-
mes à la vérité que celles que l'on en avait
à Jérusalem, parce que la Samariiaine dit à
Jésus-Clirist : Je sais que le Messie viendra et
qu'il nous apprendra toutes choses (Joan. iv,
2o). Cependant il est obligé de convenir que
la religion des Samaritains était beaucoup
plus corrompue que celle des Juifs. Jlist.
christ., c. 2, § 9, p. 59 ; et Jé>us-Christ lui-
même le témoigne, lorsqu'il dit à cette fem-
me, ibid., Y. 22 : Vous adorez ce que vous ne
connaissez pas Dieu est esprit, et il faut
l'adorer en esprit et en vérité. Ce reproche
semble supposer que les Samaritains avaient
de Dieu une idée fausse et lui rendaient un
cuUe purement e^^lérieur; mais il ne prouve
pas que ce peuple mêlait encore ce culte
avec celui des faux dieux, comme quelques
auteurs l'ont pensé. Au commencement de sa
prédication, Jésus-Christ avait défendu à ses
disciples d'aller chez les gentils et d'entrer
dans les villes des Samaritains, Malth., c. x,
V. 5; mais dans la suite il ne dédaigna pas
de les instruire lui-même. C'est dans ce des-
sein qu'il lia conversation avec la Samari-
taine. Joan., c. IV. Il voulut se servir de cette
femme pour apprendre aux habitants de Sa-
marie qu'il était le Messie; l'évangéliste rap-
porte qu'il demeura deux Jours chet eux, et
qu'un grand nombre crurent en lui, ibid.,
v. 30 et 41. '
Un incrédule moderne a prétendu que cette
narration de l'Evangile n'est pas probable.
Suivant lui, il est faux, 1' que les Samari-
tains aient connu le Dieu des Juifs ; 2° qu'ils
aient attendu le Messie; 3' que la loi de
Moïse ait défendu d'adorer Dieu hors du
tcmjile de Jérusalem ; 4" il n'est pas vraisem-
blable que les Samaritains, qui détestaient
les Juifs, aient voulu garder chez eux un
Juif pendant deux jours, et qu'ils aient cru
en lui sur la parole d'une courtisane ; 5° il no
l'est pas que Jésus, qui jusqu'alors n'avait
pas encore déclaré clairement aux Juifs qu'il
était le Messie, le dise positivement à une
Samaritaine : 6* il est étonnant qu'il montre
plus de charité pour des hérétiques que pour
ses compatriotes.
Ces raisons ne suffisent pas pour convain-
cre de faux un évangéliste aussi bien instruit
que saint Jean, et qui rapporte les faits comme
témoin oculaire. 1° Jésus-Christ ne dit point
aux Samaritains qu'ils n'ont aucune connais-
sance du vrai Dieu, mais qu'ils le connais-
sent mal, qu'ils en ont une fausse idée, (ju'ils
ne l'adorent point en esprit et en vérité.
2' Jésus-Christ ne les blâme point d'adorer
Dieu hors du temple de Jérusalem, mais il
prédit que bientôt Dieu sera adoré en tout
lieu. La défense de faire des offrandes et des
sacrifices hors du lieu que Dieu avait choisi
est formelle, Deut., c. xii, v. 5 et 20. 3" Ce
peuple, qui recevait le Pentateuque, a pu
avoir une idée du Messie par la promesse
faite à Abraham, par la prophétie de Jacob,
par celle de Moïse, par celle de lîalaam, par
la persuasion générale qui , suivant Tacite
et Suétone, s'était répandue dans tout l'O-
rient, touchant la venue d'un dominateur du
monde entier. 4° Il n'est pas étonnant que
l'admiration causée aux Samaritains par les
discours du Sauveur ait éloulïé en eux pour
quelques moments leur aversion pour les
Juifs : ils ont dû être flittés de l'.iffeclion
qu'un prophète leur témoignait. Ils n'ont pas
cru en lui sur la parole d'une femme, mais
par leur propre conviction, Joan., c. iv, v.
42. 5° Jésus-Ciirist leur a parlé plus claire-
ment qu'aux Juifs, parce qu'il a vu en eux
plus de docilité. 6° Il est faux qu'il ait eu
moins de charité pour ses compatriotes; à
cette époque, Jésus avait déjà fait plusieurs
miracles dans la Judée; Nailianaël.Nicoiième
et plusieurs autres l'avaient déjà reconn.u
pour le Fils de Dieu. Enfin, c'est mal à {ira-
sno SAM
pos que les inrrédulrs prennent la Samari-
taine pour une coiirlisatic : ce que Jésus lui
(lit prouve seulement qu'elle avnit usé cinq
fois du divorce, et que son mariage avec un
sixième mari était illégitime.
La foi des Samaritains en Jésus-Christ fut
fiiicère et constante. Après la descente du
Saint-Esprit, saint Philippe alla prêcher
l'Evangile dans la Sainarie; saint Pierre et
saint Jean y furent encore envoyés, et un
grand nombre des habitants de celte contrée
reçurent le baptême , ^c<., c. vni, v. 5, elc.
Ouelques-uns, dans la suite, devinrent enne-
mis de l'Eglise par leurs erreurs, comme
Simon le Magicien, Dosithée et MéoanJre,
qui formèrent des sectes hérétiques. D'autres
persévérèrent dans le judaïsme, et c'est chez
eux que s'est conservé le Pentateuque sama-
ritain, duquel nous allons parler.
SAMARITAIN (texte) de l'Ecriture sainte.
C'est le Penlateuque ou les cinq livres de
Moïse, écrits en caractères phéniciens, des-
quels les Hébreux se servaient avant la cap-
tivité de Babylone, et avec lesquels ont clé
écrits tous les livres de l'Ancien Testament
antérieurs à ceux d'Esdras. Comme les Juifs
transportés à Bab\Ionc prirent insensible-
ment l'usage de la langue clialiicenne, et
trouvèrent les lettres clialdaïques plus sim-
ples et plus commodes ijue les leurs, on
pense que ce fut Esdras qui, au retour do
celle captivité, écri\ il les livres saints en
caractères rhaldaïques, que nous nommons
aujourd'hui hébreux, pendant que les anciens
ont pris le nom de car.ictères samaritains,
parce que les peuples de la Samarie n'ont
point changé leur première manière d'écrire.
Mais il peut se faire qu'Rsdras n'ait eu au-
cune pari à ce changement, et qu'il soit
arrivé plus tard. Voy. Texte.
C'est une grande question de savoir de qui
les Samaritains, toujours ennemis jurés des
Juifs, ont reçu ce Penlateuque. A-t-il été
conservé par les habitants du royaume de
Samarie qui ont pu rester dans leur pays
lorsque Salmanazar enleva les principaux et
les transporta en Assyrie? Est-il venu des
sujets du royaume de Juda, à côté desquels
les Samnritains ont vécu pendant plus de
cent quinze ans avant que Nabuchodonosor
détruisît Jérusalem ? A-t-il été apporté par le
prêtre israélile qui fut envoyé à Samarie par
Assaraddon,quaranle-sis ans après l'expédi-
tion de Salmanazar? ou enCn n'a-t-il élé
connu des Samaritains que trois cent douze
ans plus tard, lorsque Manassé, prêtre juif,
gendre de Sanaballat, gouverneur de Sama-
rie, s'y retira pour ne pas se soumettre à la
réforme que Néhémie faisait dans la républi-
que juive? L'histoire ne nous dit rien do
positif sur tout cela ; les savants n'ont pu en
raisonner que par conjecture.
Prideaux a donné une notice de ce Penla-
teuque dans son Histoire des Juifs, liv. vi,
an i09 avant Jésus-Christ. 11 soulienl que ce
n'est qu'une copie de celui qu'Esdras avait
écrit en caractères chaldaïques, copie, dil-il,
où l'on a varié, ajouté et transposé. Il pré-
tend le prouver, 1° parce que cet exemplaire
SAM
3'(0
coi:tienl tous les chnn;îemenfs qui ont été
faits dans le texte hébreu par Esdras ; 2° parce
qu'il porte des variantes qui viennent évi-
demment de ce que l'on a pris urte lettre hé-
braïque ou chaldaïque pour une autre qui
lui ressemble, au lien que, dans l'alphabet
samaritain, elles n'ont aucune ressemblance;
3° si les Cutliéens, envoyés dans la Samarie,
avaient eu le texte de la loi de JIoïso, il n'est
pas probable qu'ils eussent pratiqué une
idolâtrie grossière défendue par cette loi.
Walton, dans ses Prolégomènes sur la Poly-
glotte de Londres, Prolég. 11, n. 12, a judi-
cieusement remarqué que ces raisons sont
bien faibles. La première suppose qu'Esdras
a fait des changements dans le texte hébreu,
et l'on n'en a point de preuve. La seconde
est nulle, parce que les prétendues variantes
causées par la ressemblance des lettres sont
en très-petit nombre, qu'elles ont pu arriver
par hasard, ou être faites à dessein pour
conserver chez les Samaritains une pronon-
ciation différente de celle des Juifs. La troi-
sième est démontrée fausse par l'exemple
des Juifs ; ceux-ci n'ont j.iinais élé privés du
texte de leur loi, et ils sont tombés vingt fols
dans une idolâtrie aussi grossière que celle
des Samaritains. D'ailleurs, Prideaux sup-
pose plusieurs choses qui n'ont aucune vrai-
semblance: 1° que S.ilmanasar dépeupla tel-
lement la Samarie, qu'il n'y laissa pas un
seul Israélile, ou que, parmi ceux qui restè-
rent, il n'y en eul aucun qui eût lu ou qui
voulût lire la loi de Moïse. 11 est cependant
certain que cette loi , impunément violée
dans le royaume d'Israël, en ce «lui regardait
le culte de Dieu, y avait toujours force de loi
civile ; nous le verrons ci-ajtrès. 2° Que pen-
dant plus d'un siècle, quu le royaume de
Juda subsista après celui d'Israël, les pro-
phètes Isaïe, Jércmie , Osée, Joël, etc., qui
parurent, ne |)rirent pas la peine de visiter,
d'instruire ni de consoler les restes malheu-
reux d'Israël , pendant que sous les rois ils
n'avaient cessé de tonner contre les désor-
dres des grands et du souverain. Si la loi de
Moïse avait été perdue, leur premier soin
n'aurail-il pas été d'en reproduire des exem-
plaires et de les répandre? 3" Prideaux sem-
ble penser, comme les déistes, que, dans l'un
et dans l'autre de ces ro>, aumes, les copies de
cette loi furent toujours très-rares et pres-
que inconnues; que si Esdras n'en avait pas
rétabli une après la captivité, le texte de
Moïse aurait élé perdu. Nous avons prouvé
ailleurs la fausseté de celte supposition, qui
n'est qu'une rêverie de rabbins. To!/. Esdras,
Texte, Pentateuque. k" 11 suppose enfin que
le prêtre M.iiiassé, révolté contre les règle-
ments d'Esdras et de Néhémie, et réfugié à
Samarie, eut assez de crédit pour faire adop-
ter par les Samaritains un code de religion,
de lois, d'usages onéreux et gênants, des-
quels ce peuple n'avait pas porté le joug jus-
qu'alors, de l'authenticité duquel il n'avait
point d'iiulrc garant qu'lisdras, son ennemi
mortel? \'it-on jau'ais un p;ireil phénomène
dans aucun lieu du monde?
H est cent fois plus probable que le lexie
341
SAM
SAM
3»3
da Pentaleuquen'a jamais cessé d'exister et
d'élre connu dans le royaume d'Israël, non
plus que dans celui de Juda, et qu'il n'a pas
été nécessaire que le prêlre israélite envoyé
à Samarie par Assaraddon y roporlât un
exemplaire de ce livre. En cfTet, dès l'origine
du schisme des dix tribus, Jéroboam, en éta-
blissanl parmi elles l'idolâlrie, Gt observer
pour les faux dieux le même cérémonial que
Moïse avait prescrit pour le vrai Dieu, 111
Re(j., c. XII, V. 32 : les prêtres idolâtres eu-
rent donc toujours besoin du rituel de Moïse.
Sous les rois d'Israël les plus impies, la loi
de Moïse fut toujours loi civile : par cette
raison , Achab n'osa pas forcer Nabolh , son
sujet, à lui vendre sa vigne; la loi des suc-
cessions, fondée sur les généalogies, fut tou-
jours observée. Elie, Elisée, et les autres
prophètes qui ont reproché à ces rois tous
leurs crimes, ne les ont point accusés d'avoir
laissé perdre le livre de la loi de Dieu. Sans
doute les sept mille hommes qui n'aVaicnt
pas fléchi le genou devant Baal lisaient celte
loi, puisqu'ils l'observaicnl, /// Reg., c. xix,
V. 18. Tobie et Unguel faisaient de uiéme
lorsqu'ils furent transportés par Salmanasar
en Assyrie. Un peuple entier ne fut jamais
disposé à recevoir un code de lois de la main
de ses ennemis , à moins que ceux-ci ne
l'aient subjugué et ne soient devenus ses
maîtres. Concluons donc que les Samaritains
n'ont rien emprunté des Juifs, et que les
Juifs n'ont rien pris dus Samaritains.
Une nouvelle conjecture est que les Sama-
ritains n'ont cessé d'élre idolâtres qu'à révo-
que de l'arrivée du prèlre Manassé, de la
réception de son Pontaleuque, et de la cons-
truction d'un temple sur la montagne de Ga-
riziui; mais cela n'est pas mieux prouvé que
le reste. Il est tout aussi probable que ce
peuple abandonna l'idolâlrie par la terreur
que lui inspira la destruction du royaume de
Juda, par les leçons de Jcrémie ou de quel-
que autre prophète, ou par d'autres causes
que nous ignorons. Plus de qualre-vingl-dix
ans avant qu'Esdras publiât sou exemplaire
des livres saints, les Samaritains diraient à
Zurobabel el aux principaux Juifs : Laissez-
nous bâtir avec vous te temple du Seigneur,
Dieu d'israë!, puisqu'il est notre Dieu aussi
bien que le vôtre; nous lui avons o/J'ert des
victimes depuis le règne d' Assaraddon , roi
d'Assyrie, qui nous a fait venir ici (/ Esdr.
IV, 1). Joséphe, qui a rapporté la retraite de
Manassé et la construction du temple de Ga-
rizim, Antiq.jud., I. xi, c. 8, cl qui ne (latte
point les Samaritains , ne dit rien qui puisse
appuyer la conjecture que nous réfutons.
Le Pentateuque samaritain a été connu de
plusieurs Pères de l'Eglise. Origèiie» Jules
Africain, Eusèbe, saint Jérôme, Diodore de
Tarse, saint Cyrille d'Alexandrie, Procope de
Gaze et d'autres, l'ont cité. Comme la plu-
part de ces auteurs n'entendaient pas l'hé-
breu, on présume qu'il y eu a eu une ver-
sion grecque à l'usage dos Samaritains hel-
lénistes, surtout de ceux d'Alexandrie, mais
qui s'est perdue dans la suite: il n'en reste
que des fragments. Depuis la On du vi* siè-
cle, ce Pentateuque était demeuré entière-
ment inconnu; mais au commencement du
xvir, le savant Ussérius en ftt venir des co-
pies de l'Orient. Presque en même temps,
Sancy de Uarlay, ambassadeur de France à
la Porle, en rapporta un exemplaire avec
d'aulres livres orientaux. Etant entré dans la
congrégation de l'Oratoire, il en Gl présent à
sa maison, et il devint ensuite évéquc de
Sainl-Malo.
Outre le Penlateuque hébreu écrit en let-
tres samaritaines, il y en a une version en
samaritain moderne, parce que ce peuple a
oublié, dans la suite des siècles, aussi bien
que les Juifs, son ancienne langue. De même
que les Juifs ont été obligés de faire les para-
phrases chaldaïques, les Satnaritains ont eu
besoin d'une version dans leur nouveau lan-
gage : c'est ce que l'on appelle la version
samaritaine , qui est plus lillérale que les
paraphrases. Le lexle et la version furent
placés par le P. Morin, de l'Oraloire, dans la
Polyglotte de Paris; mais ils sont plus cor-
rects dans la Polyglotte d'Angleterre. Il y a
eiiûn de ce même Pentateuque samaritain
une version arabe, qui passe pour être fort
exacte. — Entre le texte hébreu des Juifs et
celui des Samaritains, il y a des différences;
la plupart ne sont pas fort considérables : il
est nièiiie étonnant qu'il s'en trouve si peu
enire deux textes qui, depuis plus de deux
mille ans, sont entre les mains de deux par-
tis ennemis mortels l'un de l'autre, et qui
n'ont eu ensemble aucune liaison. Prideaus
en a cité quelques exemples, et toutes ces
variant''S sont rassemblées dans le dernier
volume de la Pulj j;lolto d'Angleterre. Il y en
a quelques-unes qui ont été faites à dessein
et frauduleusement par les Samaritains, pour
autoriser leurs prétentions. Au lieu que Dieu
ordonne aux Juifs, Deut., c. xxvii, v. 4-, d'é-
lever un autel sur le mont Hébal, ils ont mis
sur le mont Garizim, et ils ont inséré celte
falsiGcation , Exod., c. xx, entre les v. 17 et
18. Mais celle altération ne touche en rien
au fond de l'hisloirc.
Les Samaritains , chassés de Samarie par
.Mexandre, se retirèrent à Sichem, aujour-
d'hui Naplouse dans la Palestine : c'est là
qu'ils se sont conservés en plus grand nom-
bre , mais on prétend que celte secte est au^
jourd'hui réduite à peu près à rien. Nous
avons déjà dit deux mois du Penlateu(]ue
samaritain , à l'article Bibles orientales.
Voyez Nouveaux éclaircissements sur l'ori-
gine et le Pentateuque des Samaritains, in-8°,
Paris, 1760. L'auteur de cet ouvraiie préfère
la chronologie du lexle samaritain à celle
du texte hébreu, qui est aussi celle de la
Vulgate, et à celle des Septante, c. 11. Voy.
Chronologie.
SAMOSATIENS, disciples el partisans de
Paul de Samosate , évéque d'Antioche vers
l'an 2G2. Cet hérétique était né à Samosate,
ville située sur l'Euphrale, dans la province
que l'on nommait la Syrie euphrate'sienne ,
et qui conQnail à la Mésopotamie. Il avait de
l'esprit el de l'éloquence , mais trop d'or-
gueil , de présomption , et une conduite fort
343
SAM
SAM
34 i
déréglée. Pour amener plus aisément à la
foi chrétienne Zénobie, reine de Palmyre ,
dont il avait gagné les bonnes grâces, il lui
déguisa les mystères de la Trinité et de l'In-
carnation. 11 enseigna qu'il n'y a en Dieu
qu'une seule personne, qui est le Père ; que
le Fils et le Saint-Esprit sont seulement deux
attributs de la Divinité, sous lesquels elle
s'est fait connaître aux hommes ; que Jésus-
Christ n'est pas un Dieu , mais un homme
auquel Dieu a communiqué sa sagesse d'une
manière extraordinaire, et qui n'est appelé
Dieu que dans un sens impropre. Peut-être
Paul espérait-il d'abord que celle fausse doc-
trine demeurerait cachée, et ne se proposait
pas de la publier ; mais quand il vit qu'elle
était connue, et que l'ou en était scandalisé,
il entreprit de la défendre et de la soutenir.
Accusé dans un concile qui se tint à Anlio-
che l'an 264, il déguisa ses sentiments, et
protesta qu'il n'avait jamais enseigné les
erreurs qu'on lui imputait; il trompa si bien
les évoques , qu'ils se contentèrent de con-
damner la doctrine , sans prononcer contre
lui aucune censure. Mais comme il continua
de dogmatiser, il fut condamné et dégradé
de l'épiscopat dans un concile postérieur
d'Anlioche, l'an 270.
Dans la lettre synodale que les évêques
écrivirent aux autres Eglises , ils accusent
Paul d'avoir fait supprimer dans l'église
d'Antioche les anciens cantiques dans les-
quels on confessait la divinité de Jésus-Christ,
el d'en avoir fait chanter d'autres qui étaient
composés à son honneur. Pour attaquer ce
mystère , il faisait ce sophisme : Si Jésus-
Christ n'est pas devenu Dieu, d'homme qu'il
était , il n'est donc pas consubslantiel au
Père , et il faut qu'il y ail trois substances,
une principale et deux autres qui viennent
de celle-là. Fleury, Hist. ecclés. , 1. viii ,
n. 1. Si Paul de Samosale avait pris le mot
de consubslantiel dans le même sens que
nous lui donnons aujourd'hui , son argu-
ment aurait été absurde ; c'est précisément
parce que le Fils est consubslantiel au l'ère,
qu'il n'y a pas trois substances en Dieu ou
trois essences , mais une seule. H faut donc
qu'il ail entendu autre chose. Saint Alha-
iiase a pensé que Paul entendait trois sub-
stances formées d'une même matière pré-
existante , et que c'est dans ce sens que les
Pères du concile d'Antioche ont décidé que
le Fils n'est pas consubstanliel au Père.
Dans ce cas l'argumenldePaul est encore plus
inintelligible cl plus absurde. Toujours est-
il certain que ces Pères ont enseigné formel-
lement que le Fils de Dieu esl coélernel et
égal au Père, et qu'ils ont fait profession de
suivre en ce point la doctrine des apôtres
el de l'Eglise universelle. Voyez BuUus ,
Def. fidei Nicœn., sect. 3, c. 4, § 5, et scct.
4-,c. 2, §7.
Les sectateurs de Paul de Samosale furent
aussi appelés paulinims, paulianisies oa pau-
liiinisiittts. Comme ils ne baptisaient pas les
caiccliumcnes au nom du Père, du Fils, el du
Saint-Esprit , le concile de Nicée ordonna
que ceux do celte secte qui se réuniraient à
l'Eglise catholique seraient rebaptisés. Théo-
doret nous apprend qu'au milieu du v' siè-
cle elle ne subsistait plus.
De 'ous ces faits il résulte qu'au uv siè-
cles, plus de cinquante ans avant le concile
de Nicée, la divinité de Jésus-Christ était la
foi universelle de l'Eglise. Voij. Consubstan-
TIEL. Tillemont , t. IV, p. 289.
Mosheim , suivant le génie et la coutume
de tous les protestants , aurait bien voulu
pouvoir justifier cet hérétique contre la cen-
sure de ses collègues ; dans l'impossibililé de
le faire , il s'est rabattu à élever des soup-
çons contre les intentions el les motifs de ces
évêques. Il suppose qu'ils agirent plutôt par
passion , par haine , par jalousie , que par
un véritable zèle. Peut-être, dit-il, n'aurail-
on fait à ce personnage aucun reproche sur
sa doctrine, s'il avait été moins riche, moins
honoré et moins puissant. Quelle raison ce
critique peut-il avoir eu d'en juger ainsi ?
Point d'autre que sa malignité. Dans la lon-
gue discussion dans laquelle il est entré lou-
chant les erreurs de Paul, il ne nous semble
avoir réussi qu'à y répandre encore plus
d'obscnrilé qu'il n'y en avait dans ce que
les anciens en ont dit. Hist. chrisl. , sœc. m,
SÀMPSÉENS, ou SCHAMSÊENS, sectaires
orientaux, desquels il n'est pas aisé de con-
naître les sentiments. Saint Epiphane, flœr.
53 , dit qu'on ne peut les mettre au rang des
juifs , ni des chrétiens , ni des païens; que
leurs dogmes paraissent avoir été un mé-
lange des uns el des autres. Leur nom vient
de l'hébreu schemesch , le soleil, parce que
l'on prétend qu'ils ont adoré cet astre ; ils
sont appelés par les Syriens chamsi, et par
les Arabes s/iemsî , ou shamsi , les solaires.
D'autre côté , on prétend qu'ils admettaient
l'unité de Dieu , qu'ils faisaient des ablutions,
el suivaient plusieurs autres pratiques de
la religion judaïque. Saint Epiphane a cru
que c'étaient les mêmes que les esséuiens et
les elcésaïtes.
Bcausobre , Hist. du Munich, t. II, I. ix ,
c. 1 , § 19 , prétend que celle accusation d'a-
dorer le soleil , que l'on intente à plusieurs
sectes orientales, esl injuste ; qu'elle esl uni-
quement venue de l'innocente et louable
coutume qui règne parmi elles d'adorer Dieu
au commencement du jour, en se tournant
vers le soleil levant. Il dit que les sampséena
croient un Dieu , un paradis , un enfer , un
dernier jugement; qu'ils honorent Jésus-
Chrisl, qui a été crucifié pour nous, et qu'ils
se sont réunis aux j.icobiles de Syrie ; qu'ils
sont humains , hospitaliers , et qu'ils vivent
entre eux dans une grande concorde. Tout
cela peut être; mais pour l'affirmer il fau-
drait avoir des preuves. 11 nous paraîtra tou-
jours étonnant que Heausobre , qui ne veut
pas que chez les catholiques le peuple puisse
se défendre de l'idolâtrie en honorant des
objets sensibles, soit obstiné à disculper tou-
tes les sectes d'hérétiques chez lesquelles le
peuple est beaucoup plus ignorant que chez
les catholiques. Ce qu'il y a de certain, c'est
que l'adoration du soleil a clé en usage do
54S
SAM
SAM
310
lout temps chez les orientaux , que les Juifs
en ont été coupables plus d'une fois , et
qu'elle est condamnée dans l'Ecriture sainte
comme un crime, Deut.,c. iv, v. id;Job,
G. xxsi , V. 26 : Ezech. , c. viii , v. 16.
SAMSON, personnage d'une force prodi-
gieuse , né chez les Israélites , de la tribu do
Dan , et qui vengea sa nation subjuguée par
les Philistins ; son histoire , rapportée dans
le livre des Juges , c. xiii et suiv. , a fourni
une ample matière à la critique et aux sar-
casmes des incrédules. La force, disent-ils,
que lui attribue l'historien, est plus qu'hu-
maine , et passe toute croyance. Cet homme,
fort déréglé dans ses mœurs , ne méritait
pas que sa naissance fût annoncée par un
ange; il exerce des cruautés inouïes contre
les Philistins , il finit par un suicide et par le
c.irnage d'un peuple entier ; cependant il est
dit que Samsun était saisi de l'esprit de Dieu:
saint Paul , Uebr. , c. xi, v. 33 , le met au
nombre de ceux qui ont vaincu par la foi,
qui ont pratiqué la justice, et qui ont reçu
l'effet des promesses : tout cela est incon-
cevable.
Nous répondons à ces censeurs qu'il y a
eu d'autres hommes dont la force excédait
de beaucoup la mesure ordinaire, sans qu'il
y eût pour cela du surnaturel; que quand
celle de Samson aurait été un miracle, Dieu
aurait voulu la lui accorder, non pour lui-
même , et comme une récompense de sa
vertu, mais pour la défense de son peuple;
Dieu n'élail |ias obligé pour cela de faire do
lui un modèle de sainteté. Quand on lit qu'il
fut saisi de Vesprit de Dieu, il ne faut en-
tendre par là ni une inspiration surnatu-
relle, ni une ardeur d'amour pour la vertu.
Dans le texte hébreu, Vesprit désigne sou-
vent la colère, l'impétuosité du courage, une
passion violente bonne ou mauvaise ; et le
nom de Dieu se met pour exprimer le su-
perlatif. Glassii Phitolog. sacra, p. 592, 1432.
Ainsi les Hébreux disaient une frayeur de
Dieu pour une grande frajeur, un sommeil
de Dif.u pour un sommeil profond ; des mon-
tagnes ou des cèdres de Dieu pour exprimer
leur hauteur. / Reij., c. xi, v. 6, il est dit
que Saùl fut saisi de Vesprit de Dieu, et qu'il
entra dans une grande colère.
Dans le style de saint Paul, la foi est la
confiance en Dieu: on ne peut pas nier que
Samson ne l'ait eue; la justice est le culte
du vrai Dieu : Samson n'est point accusé
d'idolâtrie ; il a éprouvé l'effet des promesses
que Dieu a faites de proléger ses adorateurs,
rien de plus. Nous ne voyons là rien d'ia-
conccvable.
Quand on lit qu'il enleva les portes de
Gaza, et qu'il les porta à une distance con-
sidérable, il ne faut pas se figurer des portes
semblables à celles que l'on voit aujour-
d'hui dans nos villes murées; c'étaient pro-
bablement des barrières telles qu'on les fait
pour fermer un parc de bétail; le poids en
était considérable, mais non aussi énorme
qu'on se le représente d'abord.
La même hisloirc rapporte que Samson
prit trois cents renards, qu'il les attacha
deux à deux par la queue, qu'il y mit le feu,
et qu'il les lâcha dans les moissons des Plii-
listins. Quelques criti<iues, pour rendre ce
fait plus croyable, ont dit que le même terme
hébreu qui signifie renard, exprime aussi
une poignée, une javelle; qu'il est plus na-
turel d'entendre que Samson lia ensemble
des javelles, qu'il y mit le feu, et qu'il les
jeta dans les moissons des Philistins. Mais il
n'est pas nécessaire de recourir à cette ex-
plication ; Morison et d'autres voyageurs
nous apprennent que la contrée de la Pa-
lestine habitée autrefois par les Philistins
est encore aujourd'hui remplie de renards;
que souvent les habitants sont forcés de se
rassembler pour les détruire, sans quoi ils
ravageraient les campa;;nes. « Le Isctiakiial,
dit Niébuhr, dans sa Description de l'Arabie,
est une espèce de renard ou de chien sau-
vage, dont il y a un grand nombre dans les
Indes, en Perse, dans l'Arack, en Syrie, près
de Constantinople et ailleurs Ils sont
souvent assez hardis pour entrer dans les
maisons ; et à Bombay, mon valet, qui de-
meurait hors de la ville, les chassait môme
de sa cuisine. On ne se donne aucune peine
pour prendre cet animal, parce que sa peau
n'est pas recherchée. » Le renard nommé
schohhal dans le livre des Juges peut très-
bien être le tschahkal des Arabes. Ce livre ne
dit point que Samson ait été seul pour en
prendre trois cents, ni qu'il les ait pris dans
un seul jour, ni qu'il les ait lâchés tous à la
fois dans les moissons des Philistins.
On demande de quel droit il a ruiné et
taillé en pièces les hommes de cette nation.
Par le droit de la guerre, dont celui de re-
présailles fait partie. Dans une république
telle qu'était celle des .luifs sous les juges,
tout particulier avait droit de commencer
les hostilités, lorsqu'il se sentait assez fort
pour venger sa nation et pour l'affranchir
d'un joug étranger. Ainsi en usaient tous les
peuples de la Palestine, et en particulier les
Philistins.
La mort de Samson u'est point un suicide ;
son intention directe n'était point de se dé-
truire, mais de se venger de ses ennemis en
les faisant périr avec lui. On n'a jamais re-
gardé comme suicides les guerriers qui se
sont livrés à une mort certaine dans le des-
sein de faire payer leur vie par le sang d'un
grand nombre d'ennemis. Le temple de Da-
gon renversé par Samson n'est pas non plus
un événement incroyable. Les Philistins
étaient vraisemblablement placés sur une
galerie portée par deux piliers ; Samson les
ébranla et fit tomber la galerie; Schaw,
voyageur très-instruit, en a vu de sembla-
bles dans l'Orient. Eusèbe, Prép. évang.,
1. V, c. 34-, et Pausanins, Voyages d'EUde,
1. II, c. 9, citent un fait à peu près sem-
blable (1).
(1) Nos critiques allemands nous présenient l'Iiis-
toire de Samson comme une simple alléj^nrie sans
réalité. Nous leur répondons, .tvsc les Conférences
de Bayeux : < Il y a di!S logles d'inleriiréuition c|u'il
faut suivre, au risque d'eue cmporié à toui vent de
docirijiû, de deveuir le jouçl de son imagination ou
.'47 SAM
SAMUEL, juge du peuple de Dieu et pro-
plièle, dont l'histoire se trouve dans le pre-
mier livre des Rois. Les incrédules n'ont
épargné aucune espèce de calomnie pour
noircir sa mémoire et pour donner un aspect
odieux à toutes les actions de sa vie; nous
devons nous borner à répondre aux princi-
paux reproches qu'ils lui ont faits.
l' Ils l'accusent d'avoir forgé des songes
et des visions afin de passer pour prophète,
et de pouvoir s'emparer du sacerdoce et du
gouvernement. Faussetés contraires au texte
de l'histoire. Samuel était trop jeune, lorsque
Dieu daigna se révéler à lui, pour qu'il ait
pu forger celte révélation par ambition, il
fut regardé comme prophète, non parce qu'il
eut des songes et des visions, mais parce que
tout Israël reconnut que tout ce qu'il annon-
çait ne manquait jamais d'arriver; c'est donc
par les évcneinenls que l'on jugea que Dieu
se révélait à lui, / lleg., c. m, v. 19 et suiv.
Il ne liéclara point à Héli que Dieu voulait
ôler le sacerdoce de sa maison ; au contraire,
il lui dit de la part de Dieu : Je n'ôterai pas
entièrement votre race du service de. mon autel,
chap. II, V. 27 et 33. Samuel était de la tribu
de Lévi et de la famille de Caath, I Parai.,
0. VI, v. 23; mais il ne pouvait pas aspirer à
la dignité de grand prêtre, et le peuple n'au-
rait pas soulîert qu'il s'en emparât; s'il a
olTert des sacriOces, il l'a fait en qualité de
prophète et non de pontife ; Elie fit de même
dans la suite. Après la mort d'Héli et dejses
deux fils, l'arche fut déposée à Gabaa chez
Abinadab, et son (ils Eléazar fut consacré
pour la garder, / Reg., c. vu, v. I; sous
Saiil, Achias, pelit-GIs d'Héli, portait l'éphod,
qui était l'habit du grand prêtre, c. xiv, v. 3;
dans la suite ce fut Àcbimélecb, c. xxi, v. 1 :
la dupe des rêveries étrangères. C'est une loi de bon
sens, et généralement admise, d'eriieiidre les mois
dans leur acceplion naturelle, de preiulie les récits
à la lettre, quand l'autorité, ni la nature des choses,
ni leurs circoiisiances, ne forcent à recourir au seus
métaphorique. Or, rien n'autorise à ne voir qu'une
allégorie dans l'histoire de Samson : c'est une re-
lation fidèle, auiheiitlque, reçue par les contempo-
rains, tiansuiise jusqu'à nous par une tradition con-
stante de faits merveilleux à la vérité, mais nulle-
ment incroyables. Si la table présente quelques traiis
analogues, c'c-^t un plagiat imputable aux puétes
qui vécurent si longtemps après les événements,
et qui recueillirent dans leurs vny.iges toutes les tra-
ditions merveilleuses des peuples pour en composer
la vie fabuleuse de leurs dieux cl de leurs héros. Les
Juils, au contraire, qui n'avalent aucun contact avec
les gentils , ne cunuurent les emprunts laits à leur
histoire que bien des siècles aprè-i. Voyez Guériu-
fiurocher, Ilist. véril. des temps fabuleux.
I Contrairement à l'auteur (iai'Uennéiieutique sa-
crée, nous ne reconnaissons d'autre principe à la
force surhumaine de Samson qu'un miracle habituel;
c'était un don particulier fait à ce juge dans l'in-
lérêt d'Israël et de la gloire divine, indépendant des
vertus et des mérites de Samwn. La conservation
de ses cheveux était la condition de ce privilège
comme la marque de son i^azarcat, mais nullement
la cause de sa force surnaturelle. Samson e-.t une
noble ligure du chrétien, qui peut tout eu celui qui le
fortifie, qui est faible comme le reste des hommes
quand ii perd la grâce et vit séparé de Dieu. »
SAM
348
il est donc faux que Samuel ait usurpé le sa-
cerdoce. Il a eiicore moins usurpé le gou-
vernement. La nation, de son plein gré, lui
donna une entière confiance; elle respecta
SCS décisions, parce qu'elle reconnut que
l'esprit de Dieu était eu lui, c. m, v. 19.
Elle n'eut pas lieu de s'en repentir. Sous
l'adminislration de ce prophète, le culle de
Dieu fut rétabli, lidolâtrie proscrite, les
Philistins furent vaincus et obligés de resti-
tuer les villes qu'ils avaient prises, Israël
jouit d'une paix profonde, c. vu, v. 3 et 13.
Y a-t-il un titre plus légitime d'autorité que
le choix et le consentement unanime d'une
nation libre? Les chefs ou juges précédents
n'en avaient pas eu d'autres. Après queSaiil
eut été élu roi, le peuple assemblé rendit uu
témoignage solennel de la justice, du désin-
téressement, de la sagesse, de la douceur
du gouvernement de Samuel, c. xii, v. 3. Ce
n'est donc pas là l'exemple que les incré-
dules devaient choisir pour prouver que le
gouvernement des'prêlres est mauvais.
2° Ils disent que la demande du peuple qui
désira d'avoir un roi déplut au prophète,
parce qu'il ne voulait pas que le pouvoir
sortit de ses mains ni de celles de ses enfants ;
qu'il fit ce qu'il put pour dégoûter les Israé-
lites de l'idée d'avoir un roi, mais qu'il fut
obligé de se rendre à leurs instances. Ce-
pendant c'est Samuel lui-môme qui nous ap-
prend que Dieu lui ordonna d'acquiescer à
la volonté du peuple, c. viii, 7; un ambitieux
mécontent n'aurait pas mis cet aveu dans
son livre. Il annonça d'avance aux Israélites
la manière dont leur roi les traiterait; c'est
par la suite de l'histoire que nous devons
juger si sa prédiction fut fausse. Ce peuple
fut-il plus heureux sous ses rois que sous
SCS juges? Samuel fait plus ; lorsque le peuple
se repent d'avoir demandé un roi et craint
d'en être puni, il le rassure : Ne craignez
rien, dit-il, servez fidèlement le Seigneur,
n'abandonnez point son culte, et Dieu accom-
plira la promesse qu'il a faite de vous pro~
léger, c. xii, v. 20. Cela ne montre pas dans
ce prophète un grand regret de ue plus avoir
le pouvoir entre ses mains.
3° Il y a lieu de croire, continuent nos cri-
tiques, que Samuel ']e\.BL les yeux sur Saul,
parce qu'il espéra de trouver en lui ua
homme entièrement dévoué à ses ordres.
Après l'avoir sacré pour contenter la multi-
tude, il le renvoya chez lui et le laissa viire
en simple particulier, pendant que lui>méiiie
continuait de gouverner. Mais l'histoire at-
teste que l'élection de Saiil fut décidée par
le sort, c. X, v. 20. Si ce choix avait été l'ou-
vrage de Samuel, il aurait préféré sans doute
sa propre Iribu, et le sort tomba sur celle de
Benjamin. Une partie du peuple fut mécon-
tente, c. IX, V. 27; c. X, V. 16; c. xii, v. 11;
et Samuel n'approuva point ces murmures.
Saiil vécut en simple particulier pendant un
mois tout au plus, et non pendant plusieurs
années, c. xi, v. 1; et dans ce court inter-
valle il n'est question d'aucun acte d'auto-
rité de la part de Samuel.
k° Les impostures ne coûtent rien à nos
3!9
SAM
saî:
550
adversairos, mais toutes sont réfutées par
l'histoire. 11 est faux que, pour déclarer la
guerre aux AmiDonites, Saùl n'ait pas osé
jigir en son propre nom, el qu'il ait donne
des ordres au nom de Samuel. Celui-ci était
absent, et l'ordre de Saiil était absolu : Si
quelqu'un refuse de suivre Saiil et Samuel, ses
bœufs seront mis en pièces. Ce n'est pas sur ce
Ion que le prophète avait eu coutume de
donner des ordres, c. xi, v. 7. Il est encore
fanx qu'il ait été fâché de la victoire que
Saùl remporta; il en proGta au contraire
pour ent,'ager le peuple à confirmer l'élec-
tion de ce roi, et pour fermer la bouche aux
mécontents. Dans l'assemblée qui se tint à
ce sujet, Samuel rend coiii|)te de sa conduite,
il prend le roi même pour juge, il rassure
le peuple sur les suites de son choix, il
promet au roi et à ses sujets les bénédictions
de Dieu, s'ils continuent à le servir; il borne
son propre ministère à prier pour le peuple
et à lui enseigner la loi du Seigneur, J Reg.
c. XI et xii. Encore une fois, ce n'est là ni
le langage ni la conduite d'un vieillard am-
bitieux. Enfin, il est faux qu'il ait traversé
les desseins de son roi, l'histoire atteste le
contraire.
5" Le roi, continuent les déistes, voulant
marcher contre les Philistins, ne put le faire,
parce que le prophète le ût attendre sept
jours à (lalgala, où il avait promis de se
rendre pour un sacrifice. Les Philistins pro-
filèrent de l'absence de Saùl pour remporter
une victoire complète. Sans doute Samuel
espérait que cet échec rendrait Saùl odieux,
fournirait un prétexte de le déposer et de
donner son royaume à un autre. Cependant
le roi, lassé d'attendre, voyant que l'armée
se mutinait et désertait, ordonna que l'on
offrît le sacrifice sans attendre le prophète.
Celui-ci arriva lorsque tout était fini ; il fit
au roi des reproches sanglants pour avoir
osé empiéter sur les fonctions sacerdotales,
crime pour lequel il le déclara déchu de la
couronne. Saùl ne put jamais apaiser le saint
houuiie, qui lui-même, contre la loi de Rloïse,
usurpait ie sacerdoce. — Tissu de faussetés.
C'e^l Jonalhas, fils de Saùl, qui fit le premier
acte d'hostilité, et Samuel ne le désapprouva
point. 11 ne fil point attendre Saùl au delà
du temps convenu, puisqu'il arriva le sep-
tième jour. S'il y avait des raisons de pré-
venir ce moment, il ne tenait qu'au roi d'en-
voyer chercher le prophète. Les Philistins ne
remporteront aucun avantage; au contraire,
il est dit seulement qu'il sortit trois détache-
ments de leur camp pour faire du «légat,
mais à ce moment même Jonathas, suivi de
son écuyer, pénétra dans leur camp el y ré-
pandit la terreur; ils s'entreluèrent et fu-
rent entièrement défaits, c. 13 et 14. Autant
de circonslances que Samuel ne pouvait pas
prévoir. Saùl n'ordonna point le sacrifice,
mais il l'oQ'ril lui-même. Pourquoi ne pas le
faire offrir par Achias et par les prêtres? Il
n'est pas vrai que Samuel ait déclaré Saùl
déchu de la couronne; il lui dit : Si vous
aviez été fidèle à l'ordre du Seigneur, il vous
aurait assuré la royauté \ perpétuité, mais
elle ne pasi'era point à vos descendants, c. xiii,
V. IH. En effet, Saùl conserva la ro>aulé
jusqu'à sa mort.
C° Saùl vainquit les Amaléciles et fit pri-
sonnier Agag, leur roi ; il osa l'épargner
contre les ordres de Samuel; celui-ci lui ea
fit des reproches amers, il lui déclara que le
Seigneur le rejetait à cause de ce trait d'hu-
manité, el il finit par hacher en pièces le
monarque captif. A ce sujet l'on déclame
contre la cruauté de Samuel. Mais consul-
tons toujours l'histoire. C'est Samuel lui-
même qui avertit Saùl de l'analhème que
Dieu avait prononcé contre les Amaléciles,
V.xod., c. XVII, V. 14, et qui loi ordonna de
la part de Dieu de l'exécuter, l Reg., c. xv,
V., J; il n'était donc pas jaloux des succès
de ce roi. Il lui reprocha, non son huma-
nité, mais sou aviililé pour le butin ; proba-
blement Saùl n'avait épargné Agag que pour
le conduire en triomphe, et peut-être pour
en faire un esclave. 11 avait donc désobéi à
la loi qui dclendait de faire grâce aux en-
nemis dévoués à l'analhème. Aussi recon-
naît-il qu'il a péché, non par motif d'huma-
nilé, mais par complaisance pour le peuple :
faible prélexte. 11 prie Samuel de l'accom-
pagner et de lui rendre en public les hon-
neurs accoutumés; circonstance qui dévoile
ses vrais motifs. Avant de mettre à mort
Agag, Samuel lui reproche ses cruautés, et
lui déclare qu'il va l'en punir. Les déclama-
tions des incrédul<"S à ce sujet ne peuvent
émouvoir que ceux qui ignoreut quelles
étaient les mœurs des peuples dans ces
temps-là, cl comment l'on se faisait la guerre.
7" Samuel, disent-ils, en possession do
faire et de défaire les rois, suscita un con-
current à Saùl; il sacra seciètemenl David,
il introduisit à la cour ce traître, auquel
Saùl donna sa fille en mariage. Mais bientôt
les menées et les projets de David, appuyés
par le prophète, donnèrent à Saùl un cha-
grin mortel el le plongèrent dans la plus
noise mélancolie. Samuel, de son côté, prêcha
la révolte el le désordre au nom du Sei-
gneur, el telle fut la source de la guerre
presque continuelle qui régna dans la suite
entre les rois hébreux et leurs prophètes.
Nous ne pouvons répondre qu'en niant les
faits, parce (ju'ils sont tous faux. Samuel n'a
ni fait ni défait les rois, puisque Saùl fut
élu par le sort et conserva sa royauté jus-
qu'à la mort. Satnucl ne lui suscita point un
concurrent, mais il lui désigna un succes-
seur par l'ordre de Dieu, cl après la mort de
Saùl ce choix fut ratifié d'abord par la tribu
de .luda, el ensuite par les autres tribus,
JI Reg., c. Il, v. 4 ; c. v, v. 3. David n'a ja-
mais tenté de s'emparer de la couronne de
Saùl, il a épargné au contraire les jours de
ce roi, devenu sou persécuteur; il a laissé
régner tranquillement Isbosclh, fils de Saùl,
sur dix tribus. Vog. David. Ce n'est point
Samuel qui iniroduisit David à la cour; ce
dernier y fut appelé à cause de son talent
pour la musique, et ensuite à cause de sa
victoire sur Colialli. La haine de Saùl contre
lui vint de jalousie, et non du ressentiment
551
SAN
SAN
ssa
de SCS menées; il avait été attaqué de mé-
lancolie avant de connaître David, puisqu'il
le fil venir pour élre soulagé par le son des
inslrunienls, / Reg., c. xvi, v. 23. Enfin ce
roi était si peu mécontent de Samuel, qu'il
voulut encore le consulter après sa mort, et
fit évoquer son ombre par la pythonisse
d'Jîndor, c. xxviii, v. 11. Jamais Samuel n'a
prêcl)o ni le désordre ni la révolte; une
jjreuve de son attachement pour Saiil, c'est
qu'il ne cessa de pleurer sa perte, dès îe
moment qu'il sut que Dieu était résolu de
punir ce roi malheureux, c. xv, v. 23;
c. XVI, V. 1.
/ C'est donc sur un tissu d'impostures gros-
sières, et formellement contredites par l'hi-
stoire sainte , que les incrédules ont osé
peindre Samuel comme un fourbe et un sé-
ditieux qui a tout sacrifié à son ambition et
au désir de se maintenir dans un poste
usurpé ; qui, dans le regret d'être déchu de
son autorité, a fait des efforts continuels
pour arracher le sceptre des mains d'un
prince qu'il n'avait mis sur le trône que
pour en faire son propre sujet. C'est ainsi
qu'ils ont entrepris de prouver aux igno-
rants que tous les prophètes ont été des
fourbes, que tous les ministres des auiels
sont des méchants , que tout homtne zélé
pour la religion est un homme odieux. Mais
comment peut-on les regarder eux-mêmes,
quand on connaît l'excès de leur malignité?
SANCTIFICATION, SANCTIFIER. Voy.
Saint.
SANCTIFICATION des FÊTES. Voy. Pè-
tes, § 5.
SANCTION DES LOIS. On appelle ainsi la
raison qui nous engage à observer les lois.
C'est en premier lieu l'autorité légitime de
celui qui les impose, en second lieu les pei-
nes et les récompenses qu'il y allache. Une
loi serait nulle si elle était portée sans auto-
rité; et si elle ne proposait ni peine, ni ré-
compense, ce serait plutôt une leçon, un
conseil, une exhortation qu'une loi. Dieu, en
qualité de souverain législateur de l'homme,
attacha une peine à la loi qu'il lui imposa :
A'^e touche point « ce fruit; ni lu en manges,
tu mourras.
Comme l'expérience nous convainc que
Dieu n'a pas attache une peine temporelle à
la violation de ses lois, ni une récompense
temporelle à leur observation, nous avons
droit de conclure que cette récompense et
cette peine sont réservées pour l'autre vie,
puisque enfin Dieu ne peut pas commander en
vain. Tel est le sentiment intérieur qui tour-
mente le pécheur après son crime, lors même
qu'il l'a commis sans témoins et dans le plus
profond secret. L'idée d'une justice divine,
vengeresse du crime et rémunératrice de la
vertu, a été de tout temps répandue chez
toutes les nations, et vainement les scélé-
rats font tous leurs efforts pour l'élouffer.
Quand ils se cacheraient au fond de la mer,
dit le Seigneur , f enverrai le serpent les bles-
ser par sa morsure [Amos, ix, 3). P. rsonne
n'a peint les inquiétudes el les remords des
méchants avec plus d'énergie que David dans
le psaume cxxxvin.
SANCTUAIRE. C'était chez les Juifs la
partie la plus intérieure et la plus secrète du
tabernacle et ensuite du temple de Jérusa-
lem, qui renfermait l'arche d'alliance et les
tables de la loi, dans laquelle par consé-
quent Dieu daignait habiter plus particuliè-
rement qu'ailleurs. Pour cette raison elle
était encore appelée le iicu saint, sancla, ou
le lieu très-saint, sancta sanclorum. Tout au-
tre que le grand prôlre n'osait y entrer, en-
core ne le faisait-il qu'une seule fois l'année,
au jour de l'expiation solennelle. Ce sanc-
tuaire, selon saint Paul, était la figure du
ciel, et le grand prêtre qui y entrait était
l'image de Jésus-Clirist; ce divin Sauveur
est le véritable pontife qui est entré dans les
cieux pour êlre notre médiateur auprès do
son Père, Hebr., c. ix, v. 24. Quelquefois
cependant le mot de sanctuaire signifie seu-
lement le temple, ou en général le lieu où le
Seigneur est adoré; Moïse dit dans son can-
tiijue, Exod., c. XV, v. 17, que Dieu intro-
duira son peuple dans le sanctuaire qu'il
s'est préparé, c'est-à-dire dans le lieu où il
veut établir son culte. Peser (juelque chose au
poids du sanctuaire signifie l'examiner avec
beaucoup d'exactitude et d'équité, parce que,
chez les Juifs, les prêtres avaient des poids
et des mesures de pierre qui servaient à ré-
gler toutes les autres.
Chez les catholiques on appelle sanctuaire
d'une église la partie du chœur la plus voi-
sine de l'autel, dans laquelle se tiennent le
célébrant et les ministres pendant le saint
sacrifice ; dans plusieurs églises elle est sé-
jiaréo du chœur par une balustrade, et les
laïques ne devraient jamais s'y placer. Cette
manière de disposer les églises est ancienne,
puisqu'elle est calquée sur le plan que saint
Jean a donné des assemblées chrétiennes
dans VApoealypse. On ne s'en serait jamais
avisé, et le lieu de l'autel n'aurait jamais
été appelé sanctuaire, si l'on n'avail pas été
persuade que Jésus-Christ y réside d'une
manière encore plus réelle que Dieu n'habi-
tait dans l'intérieur du leinple de Jérusalem ;
or, les auteurs sacrés disent que Dieu y éiait
assis sur les chérubins. C'en est assez pour
prouver que, suivant la croyance chrétienne
de tous les temps, Jésus-Christ par l'eucha-
ristie est présent en corps et en âme sur nos
autels. Nous ne devons donc pas ôire sur-
pris de la fureur avec laquelle les protes-
tants ont brûlé, démoli, rasé les églises des
catholiques; la forme même de ces édifiées
déposait contre eux, et celles qu'ils ont con-
servées pour en faire leurs ;»"(îf/(e.'i ou lieux
d'assemblée réclament encore l'ancienne
foi qu'ils ont voulu étouller. Voy. Eglise,
Edifice.
Le nom de sanctuaire a été employé dans
un sens particulier cliez les Anglais, poui
signifier les églises qui servaient d'asile aux
malfaiteurs ou à ceux qui étaient réputés
tels. Jusqu'au schisme de l'Angleterre, arrivé
sous Henri VllI, les coupables retirés dans
ces asiles y étaient à l'abri des poursuites de
SS3
SAN
SAN
554
la justice, si dans l'espace de quarante jours *
ils reconnaissaient leurs fautes et se soumet-
taient au bannissement. Un laïque qui les
aurait arrachés de l'asile pendant ces qua-
rante jours aurait été excommunié, et un
ecclésiasiique aurait encouru, pour ce mémo
fait, la peine de l'irrégularité. .Mais Bingliam
a Irès-liien observé (jue, dans l'origino, ce
privilège n'avait pas été accordé aux églises
pour protéger le crime, ni pour ôter aux
magistrats le pouvoir de punir les coupnblcs,
ni pour alTaiblir les lois en aucune manière,
mais pour donner un refuge aux innocents
accusés et opprimés injustement; pour don-
ner le temps d'examiner leur cause dans les
cas douteux et difficiles A juger; pour em-
pêcher que l'on ne sévit contre eux par des
voies de fait, ou pour donner lieu aux évo-
ques d'intercéder pour les criminels, comme
cela se faisait souvent. Nous ne devons donc
pas être surpris si le droit d'asile a com-
mencé depuis Constantin, et s'il a été con-
firmé arec de sages modilications par les em-
pereurs suivants. Orîg. ecclcs., liv. viii,
chap. 11, § 3 et suiv. Vuy. Asile
SANGTÙS. Voy. Trisacioiv.
SANG. Ce mot, dans l'Ecriture sainte, si-
gniOe souvent le meurtre : laver son pied,
ses mains ou ses habits dans le savg, c'est
faire un grand carnage de ses ennemis. Un
homme de sang est un homme sanguinaire.
Un époux (le sanij, ExocL, c. iv, v. 25, est un
époux cruel. Porter sur quelqu'un le sanj
d'un autre, c'est le charger ou le rendre res-
ponsnble d'un meurtre. Leur sang sera sur
eux signiGe que personne no sera responsa-
ble de leur mort. Sang se prend aussi, comme
en français, pour parenté ou alliance; dans
ce sens il est dit par L'zécliiel,c. xxxvi, v.5:
Je vous livrerai à ceux de votre sang qui vous
poursuivront. La chair et le sang signifient
les inclinations naturelles et les passions de
l'humanité, MaU/t,c. xvi, v. 17. Nous lisons,
Gen., c. xLix, v. 11, que Juda lavera sa robe
dans le vin, et son manteau dans le sang du
raisin, pour exprimer la fertilité du terri-
toire de la tribu de .luda. Le prophète H.iba-
cuc, c. II, v. 12, dit: Malheur à celui qui bà-
lil une ville dans le sang, c'est-à-dire en
opprimant les malheureux. David, psaume l,
V. IG, dit à Dieu: Délivrez-moi des sr.rrgs,
c'est-à-dire des peines que je mérite pour le
sang que j'ai répandu. Saint l'aul dit des
juifs incrédules, Act., c. xx, v. 'ili: Je suis
pur du sang de tous, pour dire je ne suis
responsable de la perte d'aucun. Gènes.,
c. IX, V. 'i , Dieu dit à Noé et à ses enfants :
Vous ne mangerez point la chair des ani-
maux avec leur sang;;''' demanderai compte
de votre sang et de votre vie à tout les ani-
maux,à tous les hommes, à quiconque ôlera la
vie () un autre. Celui qui aura répandu le sang
humain sera puni par l'effusion de son pro-
pre SANG, parce que l'hnmme est fait à l'image
de Dieu. Levit., c. xvii, v. 10: Si un Israé-
lite ou un étranger mange du sang, je serai
irrité contre lui, et je te ferai périr, parce que
l'âme de toute chair est dans le sang et que je
vous rai donné pour l'offrir sur mon autel.
comme devant servir d'expiation pour vous.
Ces deux lois donnent lieu à plusieurs ré-
flexions.
On demande, 1° pourquoi défendre aux
hommes de manger du sang? Afin de leur
inspirer del'horreur dumeurire. llest prouvé
que les peuples barbares qui se sont accou-
tumés à boire du sang tout chaud sont tous
très-cruels, et qu'ils ne font aucune distinc-
tion enire le meurtre d'un homme et celui
d'un animal. Il n'est pas moins cert.iin que
l'haliituile d'égorger les animaux inspire na-
turellement un degré de cruauté. La défense
de manger du sang fut renouvelée par les
apôtres, Act., c.xv, v. 20. De là quelques
lhéolo.iiens protestants ont conclu que ce
n'est pas une simple loi dediscipline et de po-
lice, mais une loi morale portée pour tous
les ti'mps, et que l'on doit encore l'observer
aujourd'hui. En eiïet, si l'on s'en tenait à la
k'tire seule de l'Ecriture sainte, comme le
veulent les protestants, nous ne voyons pas
coumient ou pourrait prouver le contraire.
Pour nous, qui pensons que l'Ecriture doit
être inter[)rétée par la tradition et la prati-
que de l'Kglise, nous savons que cette loi
n'était établie que pour ménager les juifs, et
pour diminuer l'horreur qu'ils avaient de
fraterniser avec les païens convertis. —
2° L'on demande à quoi bon rendre respon-
sable d'un homicide un animal privé de rai-
son, sur lequel cette menace ne peut faire
aucune impression? Afin de faire concevoir
aux hommes qu'ils seraient punis sévère-
ment s'ils aitenlaient à la vie de leurs sem-
blables, puisque, dans ce cas, Dieu n'épar-
gnerait pas même les animaux. En elTel, il
fut ordonné dans la suite aux Israélites d'ô-
ler la vie à tout animal dangereux, capable
de tuer ou de blesser les hommes; Exod.,
c. XXI, V. 28. — 3" La loi du Lévitique ne si-
gnifie point que les bétes ont une âme, et
que cette âme réside dans leur sang, comme
quelques incrédules l'ont prétendu, afin de
rendre le législateur ridicule. Le mot dme en
hébreu signifie simplement la vie, dans une
infinité de; passages : or, il n'y a aucune er-
reur à dire que la vie des animaux est dans
leur sa»;/, puisqu'on elTet aucun ne peut vi-
vre lorsque son sang est répandu ; et il n'y a
point de ridicule à défendre aux hommes de
manger ce qui fait vivre les animaux, parce
que Dieu seul est l'auteur et le principe de la
vie de tous les êtres animés. — 4" C'est pour
cela même que Dieu voulait que le sang lui
fût offert, comme tenant lieu en quelque fa-
çon de la victime entière, comme un hom-
mage dû au souverain auteur de la vie, pour
faire souvenir le pécheur qu'il avait mérité
de la perdre en offensant son Créateur. Plu-
sieurs commentateurs ont ajouté que Dieu
l'exigeait ainsi, afin de figurer d'avance l'ef-
fet que produirait le sang de Jésus-(>hrist,
victime de notre rédemption. — 5" Dieu sem-
ble encore avoir voulu prévenir par là chez
les Juifs une erreur très-grossière dans la-
quelle étaient tombés les païens, ot qui a
été pour eux une source de cruautés et d'a-
bominations. £n ctlel, il est certain que les
33S
SAN
SAR
356
païens, et même les philosophes, claicnt per-
suadés que les génios ou démons que l'on
adorait comme des dieux, et auxquels on at-
tribuait une âme spirituelle et un corps sub-
til, aimaient à boire le sang des victimes, et
qu'il en était de même des mânes ou des
âmes des morts quand on les évoquait,. S')/sf;
inielL de Cudworlh, chap. 5, sect. 3, § 21,
notes de Mosheim, n. h. L'on sait que c'a
été là une des causes qui ont donné lieu aux
sacriDces de sang humain. Un très-bon pré-
servatif contre cette absurdité meurtrière
était de persuader aux juifs que le sang
était dû à Dieu seul.
Sang de Jésus-Christ. Comme il y avait
dans l'ancienne loi des sacrifices pour le
péché,et qu'au jour de l'expiation solennelle
la rémission des péchés du peuple élai! cen-
sée faite par l'aspersion du sang d'une vic-
time, saint Paul fait une comparaison entre
ces sacriûccs et celui de Jcsus-ChrisI ; Hebr.,
c. IX et X.. Il observe que les péchés ne pou-
vaient pas être elTacés par le sanij des ani-
maux, que cette aspersion de sang ne pou-
vait purifier que le corps ; mais que le sang
de Jésus-Christ efface véritablement les pé-
chés, purifie nos âmes, et nous rend dignes
d'entrer dans le ciel, duquel l'ancien sanc-
tuaire n'était que la figure.
Si la rédemption faite par Jésus-Christ
consistait seulement, comme le veulent les
sociniens, en ce que ce divin Sauveur nous a
donné d'excellentes leçons, des exemples hé-
roïques de patience, de courage, de soumis-
sion à Dieu, en ce qu'il nous a promis la ré-
mission de nos péchés, et qu'il est mort pour
confirmer cette promesse , quelle ressem-
blance y aurail-il entre le sang de Jésus-
Christ et celui des anciennes victimes, entre
la manière dont les impuretés légales étaient
effacées, et la manière dont les péchés nous
sont remis? Chez les Juifs la rédemption ou
le rachat des premiers-nés consistait en ce
que l'on payait un prix pour les sauver de
la mort; donc il en a été de même de la ré-
demption du genre humain.
Suivant la pensée de saint Paul, de même
que le pontife de l'ancienne lui entrait dans
le sancluoire, en présentant à Dieu le sang
d'une victime pour prix de la rédemption
générale du peuple, ainsi Jésus-Christ, pon-
tife do la loi nouvelle, est entré dans le ciel
en présentant son propre sang à son Père,
pour prix de la réconciliation des hommes;
ce n'est donc pas dans un sens métaphori-
que, mais dans un sens propre et littéral que
le sang de Jésus-Christ edace les péihés, ci-
mente une nouvelle alliance, établit la paix
enire le ciel et la terre, est le prix de notre
rédemption, etc. De même qu'aucun Israé-
lite n'était exclu de la rémission qui se fai-
sait au jour de l'expiation solennelle, ainsi
aucun homme n'est excepté de la rédemp-
tion ou du rachat fait par Jésus-Chrisi ,
quoique tous n'en ressentent pas égulemenl
les eflets. Si celte rédemption n'était pas
aussi réelle et aussi générale que celle de
l'ancienne loi, la ressemblance ne serait pas
complète et la comparaison que fait saint
Paul ne serait pas juste, dn effet, selon les
idées sociniennes, on ne peut conner qu'un
sens très-abusif aux litres généraux de Sau-
veur du monde, de Rédempteur du monde, de
Sauveur rf- tGUS les hommes, de Victime de
projntialion pour les péclu's du monde entier,
que l'Ecrilure donne à Jésus-Christ ; s;i doc-
trine, ses exemples, le gage de la sûreté de
ses promesses, ne regardent que cous qui
les connaissent, et tout cela n'est pas connu
du monde enlier. Si l'on onlend seulement
que ce qu'il a fait est suffisant pour sauver
tous les hommes, s'il était connu de tous, on
pourra dire aussi qu'il est le Sauveur el le
kcdompleur des démons, puisque ses souf-
frances et ses mérites suffiraient pour les
sauver, s'ils étaient capables d'en profiler.
Voy. lîÉDEHPTiiN, Salut.
SANGUINAIRES. Voy. Anabaptistes
SAPIENTIAUX (livres.) C'est ainsi que
l'on appelle certains livres de l'Ecriture
sainlc qui sont ùeslinés spécialement à don-
ner aux hommes des leçons de morale et de
sagesse, et par là on les dislingue des livres
historiques et des livres prophélitiues. Los
livres sapientiaux sont les Proverbes, V Ec-
clésiaste, le Cantique des cantiques, le livre
de la Sagesse et {'Ecclésiastique. Quelques-
uns y ajoutent les Psaumes et le livre de
Job ; mais plus communément ce dernier
est regardé comme un livre historique. Voy.
Hagiographie.
SARA. Voq. Abraham.
SARABAITES, nom donné à certains moi-
nes erranis ou vagabonds, qui, dégoûtés de
la vie cénobilique, ne suivaient plus aucune
règle, et allaient de ville en ville, vivant à
leur discrétion. Ce nom vient de l'Iiébreu
sarab, se révolter. Cassicn, dans sa quator-
zième conférence, les appelle renuilœ, quia
jugum regularis disciplinai renuunt. Saint
Jérôme n en parie pas plus favorablement.
Epist. 18, ad F.ustochium, il les appelle re-
moboth, terme égyptien, à peu près équiva-
lent à celui de sarabaïles; saint Benoîl, dans
le premier chapitre de sa règle, les nomme
girovagiies, et en fait un portrait fort dés-
avantageux.
Les protestants, ennemis déclarés de la vie
monastique, ont encore enchéri sur ce ta-
bleau ; ils (lisent que les sarabaïtes vivaient
en faisant de faux miracles, en vendant drs
reliques, elcn coromcllant mille autres four-
beries semblables; Moshcim, Bist. ecclé-
siasl., iv° siècle, ir partie, c. 3, § 15. Mais il
y avait assez de mal à dire de ces mauvais
moines, sans forger contre eux des accusa-
tions fausses. Saint Jérôme dit qu'ils vivaient
de leur travail, mais qu'ils vendaient leurs
ouvrages plus cher que les autres, comme si
leur métier avait été plus saint que leur vie;
qu'il y avait souvent entre eux des disputes,
parce qu'ils ne voulaient être soumis à per-
sonne, qu'ils jeûnaient à l'envi les uns dis
aulres, et regardaient le silence ou le secret
comme une victoire, clc. Quand on pourrait
leur reprocher d'autres vices, il ne s'ensui-
vrait rien contre l'élat monastique en géné-
ral : ce serait la vérification de la maxime
5K7
SAT
SAT
3o8
commnne, que la corruption de ce qu'il y a
de meilleur est la pire de toutes : Optimi
corruplio pessima.
SATAN, mot hébreu qui signifie ennemi
adversaire, celui qui s'élève contre nous et
lions j)ersécute. Il Reg., c. xix, v. 22 : Pour-
quoi devenez-vous aujourd'htii Satan contre
moi? III Rcg., c. v, v.h : Il ne se trouve
plus de Satan pour me re'sister, Mallh., c.
XVI, V. 23, Jésus-Christ dit à saint Pierre :
Uctircz-voua de moi, Satan, vous vous oppo-
sez à moi. Mais souvent ce terme signifie
l'ennemi du salul, le démon ; il est rendu en
grec par Stùtoloi, celui qui nous croise et
nous traverse.
Il est dit dans l'Ecriture que ceux qui sont
dans les lénèlircs do l'idolâtrie sont sous la
pui'^saucc de Satan. Apoc, c. ii, v. l'i, les
profondeurs de Satan sont les erreurs des
iiicolaïles, qu'ils cachaient sous une mysté-
rieuse profondeur. Saint Paul, I Cor., c. v,
V. 5, livre l'incestueux de Corinthe à Satan,
c'est-à-dire à la haine des fiilèles, parce qu'il
le retranche de leur société et ne veut plus
que l'on ait do commerce avec lui. Enlin les
opérations de Salan, II Thess., c. ii, v. 9,
sont de faux prodiges employés par des im-
posteurs pour séduire les simples cl les en-
traîner dans l'idolâtrie. VO)/. DÉMON.
SATISFACTION, est l'action de payer une
dette OU de réparer une injure : un débiteur
satisfait son créancier lorsqu'il lui rend ce
qu'.il lui devait : celui qui en a offensé un
antre le satisfait en réparant l'injure qu'il
lui a faite. Lorsque le p;iyement est égal à la
dette, et la réparation proportionnée à l'in-
jure, la satisfaction est rigoureuse et pro-
prement dite ; elle ne le serait pas dans le
cas où le créancier voudrait par pure bonté
se contenter d'une somme moindre que celle
qui lui est duc, et où l'honmie offensé con-
sentirait, par un mntif de compassion, à par-
donner l'injure qu'il a reçue par une légère
réparation.
11 y a une dispute importante entre les ca-
tholiques et les sociniens, pour savoir si Jé-
sus-Christ a satisfait à la justice divine pour
la rédemption du genre humain, et en quel
sens. Les sociniens conviennent en appa-
rence que Jésus-Christ a satisfait à Dieu
pour nous ; mais ils abusent du terme de sa-
tisfaction, en le prenant dans un sens im-
propre et métaphorique. Ils entendent par
là que Jésus-Christ a rempli toutes les con-
ditions qu'il s'était imposées lui-même pour
opérer notre salut, qu'il a obtenu pour nous
une rémission gratuite de la dette que nous
avions contractée envers Dieu par nos pé-
chés ; qu'il s'est imposé à lui-même des pei-
nes pour montrer ce que nous devons souf-
frir pour obtenir le pardon de nos crimes ;
qu'il nous a fait voir, par son exemple et
par ses leçons , le cheuiin qu'il faut tenir
pour arriver au ciel ; enfin qu en mourant
avec résignation à la volonté de Dieu, il
nous a fait comprendre que nous devons ac-
cepter la mort de même pour expier nos pé-
chés.— 11 est évident que ce verbiage est
un lissa de contradictioDs qui se réfute par
lui-même. 1° Si l'une des conditions que Jé-
sus-Christ s'est imposées pour opérer noire
saint a été de mourir pour nous, il s'ensuit
qu'en subissant la mort il a porté la peina
que nous méritions : or, voilà précisément
ce que c'est que satisfaire. 2" Comment peut-
on appeler gratuite la rémission de nos dél-
ies, dès qu'il a fallu que Jésus-Christ mou-
rût pour l'obtenir, et qu'il faut encore que
nous souffrions cl nous mourions nous-mê-
mes, pour obtenir le pardon? 3" Si Jésus-
Christ n'est pas mort en qualité de notre ré-
pondant, de noire caution, de victime char-
gée de nos péché;;, il est mort injustement;
alors son exemple ne peut nous servir de
rien, sinon à nous faire murmurer contre
1.1 Providence, qui a permis qu'un innocent
fût mis à mort sans l'avoir mérité, k' Dans
ce cas, quel sujet avons-nous d'espérer
qu'après que nous aurons accepté avec ré-
signation les souffrances et la morl, Dieu
daignera encore nous pardonner? 5° Pour
prouver que Jésus-Christ n'a pas pu être
notre victime, les sociniens objectent qu'il
y aurait de l'injustice à punir un innocent
pour des coupables, et ils supposent que
Dieu a permis la mort de Jésus-Christ, quoi-
qu'il ne fûl ni coupable ni victime, pour des
coupables.
Ces sophistes subtils avouent encore que
Jésus-Christ est le Sauveur du monde, mais
par ses leçons, par ses conseils, par ses
exemples, et non par le mérite ou par l'effi-
cacité de sa mort. En confessant que Jésus-
Christ est mort pour nous, ils entendent
«ju'il est morl pour notre avantage, pour
notre utilité, et non pas qu'il est mort à no-
tre place, en supportant la peine que nous
devions porter pour nos péchés. Ils oublient
que Jésus-Christ est non-seulement le Sau-
veur, mais encore le Rédempteur du monde;
or, sous ce mot nous avons fait voir qu'ap-
peler la morl de Jésus-Christ, ainsi envisa-
gée, une rédemption, un rachat, c'est abuser
grossièrement des termes et prêter aux écri-
vains sacrés un langage insidieux qui serait
un piège d'erreur.
Pour réfuter tous ces subterfuges, nous
disons, conformément à la croyance catho-
lique, que Jcsus-Christ a satislait à Dieu son
Père proprement et rigoureusement pour
les péchés des hommes, en lui payant pour
leur rachat un prix non-seulement équiva-
lent, mais encore surabondant, savoir, le
prix inlini de son sang ; -l- qu'il est leur
Sauveur, non-seulement par ses leçons, ses
conseils, ses promesses, ses exemples, mais
par ses mérites et'par l'efficacité de sa morl;
3' ((u'il est morl non-seulement pour notre
; avantage, mais au lion de nous, à notre
place, en sn|)porlant une mort cruelle, au
lieu du supplice clernelque nous méritions.
En ertel, le péché étant lout à la fois une
d(!lte (lue nous avons contractée en* ers la
juslicc divine, une inimitié entre Dieu et
l'honmie, une désobéissance qui nous rend
dignes de la mort éternelle. Dieu est, à tous
ces égards et par rapport à nous, un créan-
cier à qui nous devons, une partie offensée
5S9
SAT
SAT
560
qu'il faut apaiser, un juge redoutable qu'il
est question de fléchir. La satisfaction ri-
goureuse doit donc être tout à la fois le paye-
ment de la dette, l'expiation du crime, le
moyen de fléchir la justice divine. Comme
nous étions par nous-mêmes incapables
d'une pareille satis [action, nous avions be-
soin, 1° d'une caution qui se charRoât de
notre dette et qui l'acquittât pour nous;
2" d'un médiateur qui obtînt grâce pour
nous ; 3° dun prêtre et d'une victime qui
se substituât à noire place et expiât nos pé-
chés par SCS souffrances. Or, c'est co que
Jésus-Christ a complètement fait : ainsi l'en-
seignent les livres saints.
Nous l'avons déjà prouvé au mot Rédemp-
teur, et nous avons fait voir le vrai sens
de ce terme; nous devons encore démontrer
que la rédemption du monde a été opérée
par voie de satisfaction, et non autrement,
et que les interprétations des sociniens sont
loulès fausses. 1" Le prophète Isaïe, c. Lin,
dit du Messie : Il a été froissé pour nos cri-
mes ; le châtiment qui doit nous donner la
paix est tomlié sur lui, et nous avons été gué-
ris par ses blessures Vieu a mis sur lui
Viniquilé de nous tous Il n été frappé
pour tes crimes rfu peuple // donne sa rie
pour le péché Jl s'est livré à la mort, et
il a porté les péchés de la multitude. 11 n'est
pas ici question d'un maître ou d'un docteur
qui instruit les hommes, qui leur donne des
conseils et des exemples, qui leur fait des
promesses ou qui intercède pour eux, mais
d'uue caution, d'une victime qui porte la
peine due aux coupables, par conséquent
qui tient leur place et qui satisfait pour eux.
— 2" Le langage est le même dans le Nouveau
Testament. Partout où saint Paul parle de
rédemption, il a grand soin de nous appren-
dre en quoi consiste celle que Jésus-Christ a
faite : Nous avons en lui, dit-il, par son
SANG, une rédemption qui est la rémission des
péchés {Ephes^i,T; Coloss. i, 14]. Nous som-
mes justifiés par la rédemption qui est en Jé-
sus-Christ, que Dieu a établi noire propitia-
teur par la foi, dans son sang, pour montrer
la justice par la rémission des péchés [Rom.
m, Si). C'est donc en répandant son sang,
et non autrement, que Jésus-Christ nous a
rachetés, qu'il a été notre rédempteur et no-
tre propitialeur ; et Dieu, en nous pardon-
nant, a montré sa juslice : or, il ne l'aurait
pas montrée si elle n'avait pas été satisfaite.
3° C'est pour cela même qu'il est dit, Matth.,
c. XX V. 28, que Jésus-Christ a donné sa vie
pour la rédemption de la multitude , et,
/ Tim., c. Il, V. 6, qu'il s'est livré pour la
rédemption de tous ; / Cor., c. vi, v. 20, que
nous avons été rachetés par un grand prix.
Ce rachat, dit saint Pierre, n'a point été fait à
prix d'argent, mais par le sang de l'Agneau
sans tache, qui est Jésus -Christ (I Petr. i, 18).
Les bienheureux lui disent, dans VApoc,
c. v : Vous nous avez rachetés à Dieu par vo-
tre sang. Or, celui qui rachète un esclave ou
un criminel, en payant pour lui non-seule-
ment un prix équivalent, mais surabondant,
ne salis fail-i\ pas en toute rigueur? i" L'Apô-
tre ne s'exprime pas autrement en parlant
de la réconciliation ou du traité de paix
conclu par Jésus-Christ entre Dieu et les
hommes. Il dit, Rom., c. v, v. 10 : Lorsque
nous étions ennemis de Dieu, nous avons été
réconciliés avec lui par la mort de son Fils.
Dieu, dit-il ailleurs, était en Jésus-Christ, se
réconciliant le monde et pardonnant les pé-
elles il a fait pour nous victime du péché
celui qui ne connaissait pas le péché (Il Cor.
V, 19 et 21). 11 écrit aux Kphésiens, c. ii,
V. 13 : Vous avez été rapprochés de Dieu par
LE SANG de Jésus-Clirisl ; c'est lui qui eft no-
tre paix // l'a conclue en réconciliant à
Vieu pur SA croix les deux peuples en un
seul corps. Coloss., c. i, '/. l'J : Jl a plu à
Dieu de se réconcilier toutes choses par
Jcsus-Christ, et de pacifier par le sang de sa
CROIS tout ce qui est dans le ciel et sur la
terre ; c. ii, v. ik ; Jésus-Christ a effacé la cé-
dille du décret qui nous condamnait, et l'a
fait disparaître en l'attachant à la croix. H
n'était pas possible d'exprimer en termes
plus énergiques la manière dont Jésus-Christ
nous a réconciliés avec Dieu : ce n'a pas été
seulement en nous rendant meilleurs par sa
doctrine, par ses exhorlalions, par ses exem-
ples, ni en obtenant grâce pour nous par ses
prières, mais c'a été par sa mort, par son
sang, par sa croix ; donc c'a élé en portant
la peine que nous avions méritée et que nous
devions subir. 5° Jésus-Christ est appelé l'A-
gneau de Dieu qui Ole le péché du monde,
Joan., c. I, V. 29 ; 1 Petr., c. i, v. 19 ; Apoc,
c. V, V. 7, etc. 11 est dit qu'il a été fait vic-
time du péché, Jl Cor., c. v, v. 21 ; qu'il est
entré dans le sanctuaire par son propre
sang , et a fait ainsi un rachat éternel ; que
c'est une victime meilleure que les ancien-
nes ; qu'il s'est montré comme victime pour
détruire le péché, etc., Hebr., c. ix, v. 12, 23,
26. Or, les victimes et les sacrifices offerts
pour le péché n'étaient-ils pas une amende
et une satisfaction payées à la justice divine?
6' Si le ministère de Jésus-Christ s'était bor-
né à nous donner des leçons et des exem-
ples, à nous montrer le chemin que nous de-
vons suivre, à nous faire des promesses, à
intercéder pour nous, ce serait très-mal à
propos qu'il serait appelé prêtre et pontife
de la loi nouvelle, que sa mort serait un sa-
crifice, et que ses fonctions seraient nom-
mées un sacerdoce, Ilebr., c. vu, v. 17, 24,
20. Tout pontife, dit saint Paul, est élabli
pour offrir des dons, des victimes et des sa-
crifices pour le péché, c. v, v. 1; c. vu, v. 3.
Or, Jésus-Christ l'a fait une fois en s'offrant
lui-même, c. vu, v. 27. Il n'est pas permis
de prendre les termes de saint Paul dans un
sens métaphorique et abusif, lorsque l'Apô-
tre en fait voir la justesse dans le sens pro-
pre : il ne dit point que Jésus-Christ est
mort pour attester la vérité de sa doctrine et
de ses promesses, mais pour détruire le pé-
ché, pour absorber les péchés de la multi-
tude, pour purifier nos consciences , pour
nous sauctiticr par l'oblation de son corps,
ibid., c. IX et x, etc. Commest, sinon par
voie de mérite et de satisfaction ? Mais les
301
SAT
SAT
5G2
|iioleslanls , en s'obslinant à soutenir que
loul le sarerdoce de la loi nouvelle consiste
à présenter à Dieu des viclinies spirituelles,
des veeux, des prières, des louanges, des ac-
tions de grâces, onl appris aux socinieiis à
prétendre que le sacerdore de Jésus-Chrisl
ne s'esl pas étendu plus loin.
Il serait inutile de prouver que, dès la
n.iissance du christianisme, les Pères de l'E-
glise onl entendu comme nous les passages
de l'Ecrilure que nous venons de citer ; So-
cin lui-même est convenu que, s'il faut con-
sulter la tradition, l'on est forcé de laisser
la victoire aux catholiques ; Petnu , de
Incuin., I. 12, c. 9. Grotius a fait un recueil
des passas'-s dos l'ères, Basuage y a joint
ceux des Pères apostoliques et des docteurs
du second et du troisième siècle. Histoire de
riùllise, 1. XI, c. 1, § 5.
Une preuve non moins frappante de la vé-
rité de noire croyance, ce sont les consé-
quencrs in)pies (|ui s'ensuivent de la doc-
trine des sociniens. l°Si Jésus-Clirisi n'était
mort que pour confirmer sa doctrine, il n'au-
rait rien fait de plus que ce qu'ont fait les
martyrs qui ont versé leur sang pour attes-
ter la vérité de la foi clirelienne : or, per-
sonne ne s'est avisé de dire qu'ils ont souf-
fert et qu'ils sont morts pour nous, ni qu'ils
onl satisfait pour nos pèches, ni que ce sont
des victimes de notre rédemption, etc. Ils
onl cependant soutïert pour notre avantage,
pour notre utilité, pour confirmer notre foi,
pour nous donner l'exemple , pour nous
miMitrer la voie qu'il faut suivre si nous
voulons arriver au ciel. 2' En adoptant le
sens des sociuiens, on ne peut pas plus at-
tribuer notre rédemption à la mort de Jésus-
Christ qu'à ses préilicaliiins, à ses miracles,
à toutes les actions de sa vie, puisque toutes
ont eu pour but nnlre intérêt, notre utilité,
notre instruction, notre salut; cependant
les auteurs sacrés n'ont jamais dit que
nous avons été rachetés par les différentes
actions de Jésus-Christ, mais par ses souf-
frances, par sou sacrilice, par son sang, par
sa croix. 3' Ils attribtieiit constamment no-
Ire réconciliation avec Uieu a cette mort
comme cause efficiente et méritoire, et non
comme cause exemplaire de la mort que
nous devons souffrir pour l'expiation du pé-
clié. Il est écrit (|ue la mort est la peine et
le salaire du péché; mais il n'est dit nulle
part qu'elle l'elT.ice, (]u'ellc l'expie, qu'elle
nous réconcilie avec Dieu : noire mort ne
|ieut diinc opérer cet effet que par une vertu
qui lui vient d'ailleurs, et qu'elle emprunte
de la mort de Jésus-Christ. \° La doctrine
des sociniens attaque directement le dogme
du pe'ché originel et de ses effets à l'egird
Je tous les enfants d'Ad;im. Car enfin, si
DUS les hommes naissent coupables de ce
péché, exclus par conscquenl de la béati-
tude éternelle, il a fallu une rédemption.
Il .0 réparation, une saiisfaclion prése, lée
à la justice divine pour les rétablir dans le
droit et leur rendre l'espérance d'y parvenir.
S'il n'en fallait point, Jesus-Chrisl est mort
en vain; ses souffrances, son sacrifice,
DiCT. deThéol. dogmatiqce. n.
n'étaient aucunement nécessaires; tous ceux
qui ne le conn.iissini point, qui ne peuvent
profiter de ses exemple^, sont sauvés sans
lui, et sans qu'il ait aucune part à leur sa-
lut. Dans cette hypothèse, que signifient tous
les passages dans lesquels il est dit qu'il a
plu à Dieu de tout réparer, de tout réconci-
lier, de tout sauver par Jésus-Christ ; qu'il
est le Sauveur de tous les hommes, surtout
des fidèles; qu'il est la victime de propitia-
tion non-seulemeni pour nos péchés, mais
pour ceux du monde enlier, etc. ? Il s'ensuit
encore que Jésus-Christ n'a rien mérité en
rigueur de justice, que le nom de mérite est
aussi abusif et aussi faux en parlant de lui
qu'en parlant des autres hommes. Ainsi en-
core les protestants, en soutenant que les
justes ne peuvent rien mériter, onl fourni
des armes aux sociniens, pour enseigner
qu'en Jésus-Christ même il n'y a aucun mé-
ri'e proprement dit. 5" Enfin, comme une
des principales preuves de la divinité do Jé-
sus-Chiisl employées par les Pères de l'E-
glise, a été de montrer que, pour racheter le
genre humain, il faillit une sntiafaction d'un
prix et d'un mérite infinis, parconséquent les
mérites et les s lisfactions d'un Dieu; en
niant cette vérité, les sociniens se sont frayé
le chemin à nier la divinité de Jésus-Christ.
Ainsi s'enchaînent les erreurs, et tels sont
les progrès ordinaires de l'impiété. Nous ne
connaissons point d'objections des sociniens
contre les satisfactions de Jésus Christ, qui
n'aient été faites par les prolestants contre
les sa</5/'ac<(0H5 des pécheurs pénilenls : nous
y repondrons par l'arlicle suivant.
Les théologiens mettent en question si
Jésus-Christ, étant un seul Dieu avec son
Père, s'esl satisfait à soi-même en salisf.ii-
sanl à son l'ère; pourquoi non? il snftit
pour cela que Jésus-Christ puisse être envi-
sagé sous différents rapports : puisqu'il y a
en lui deux natures, deux volontés, deux
sortes d'opérations, rien n'empêche de dire
que, sous un certain rapport, il a été salis-
faisunt, et que sous un autre il a été satis-
fnit. En lui ce n'est point Dieu qui a satisfait
à l'homme, mais c'est l'homme qui a satis-
fait à Dieu. Witasse, de Incarn., part, ii,
quœsl. 10, art. 1, section l.eic.
SATISFACTION SACKAMENTELLE. Au
mot PÉNITENCE, nous avons fait voir que,
pour pardonner le péché. Dieu exige des
cuupahles un repentir sincère : or, le regret
d'a\oir olïensé Dieu ne serait p;is sincère,
s'il ne renfermait une ferme résolution d'é-
viler à l'avenir les pèches, et de réparer au-
tant qu'il est possible les suites et les effets
de ceux que l'on a commis, par conséquent
de satistciire à D.eu pour l'injure qu'on lui
a f.ite, et au prochain pour le tort qu'on
lui a causé. Conscquemmenl les théologiens
enleiidenl sous le nom de sal sfaction, uu châ-
timent ou une punition volontaire que l'on
exerce contre soi-même, afin de réparer l'in-
jure que l'on a fdiie à Dieu et le tort que
l'on a causé au prochain ; cl, selon la foi
catholique, celle disposition fait partie esse
tielle du sacrement de péniletice. Les œuv^
12
363
SAT
SAt
364
falisfacioiics sonl la prière, lejeûnn, les
aumô'ies, la morlifiraiioii des sens , loulrs
les pi'.iiiqucs (le pii le el fie religion failes
avec le Mcr.urs de la grâce el par un rnolif
(Je coiilrilinn.
Sur ce piiiiit, le concile de Trente a exposé
la doctrine ca holiinie de la manière la plus
csacle. 11 enseigne que Dieu, en p ordonnant
le ps'clieur el en lui remellant la peine éler-
nellc due au jiéché, ne le dispense pas tou-
jours de subir une peine temporelle. « La
justice divine senible exiger, dil-il, que Uicu
reçoive plus aisément en f;râce ceux qui
ont péché par ignorance avant le baplême,
que ceux qui, après avoir été délivrés de la
serviludc du démon id du périié, ont O'^é
violer en eux le temple de Dieu el conirisler
le Saint Esprit av< c une pleine connais-
sance. Il est de la bonlé divine di' nous par-
donner les péchés, de uianièr(' que ce n ■ soit
pas pour nous une occasion de les regarder
comme des f.iutes légères, d'en comuieiire
biewl t de plus giièvcs, et de nous amasser
ainsi un tré~or décolère. Il est htirsdedouie
que les peines satisfactoires nous détour-
nent forteuienl du péché, ii.elteut un frein à
nos passions, nous rendent plus vigilants et
plus alti nlil's pour l'avenir ; elles délruisenl
lesr<'Sies du péché elles li;^bitudes vicieuses,
par les ades des vertus coniraiies.... Lors-
que nous souffrons l'n salisfaisant pour nos
péi liés, nous devenons coiif MMics à Jé'îUS-
Clirisi qui a satisfait lui-même, el duquel
vient (ouïe la valeur de ce que uiuis lalsons...
Les prêlres du Seigneur doivent donc faire
en surie que la saiiifaclioii qu'ils imposent
ne so:t pas seulement un priscrvalif piiur
l'avenir et un remède contre la faible se du
pécheur, mais encore une pun lion et un
châiinient pour le passé.... La miséricorde
divine est si grande, que nous pouvons par
Jésus Christ s.itisfaii c à Dieu le Père , non-
seulement par les peines (lue nous nous im-
posons pour venger le péché , et par celles
que le prélrc nous enjoint, mais encore par
les fléaux temporels qui nous sont envoyés
de Dieu, et ((ue nous supporlons avec pa-
tience. » Sess. li, de Fœiiit., c. 8 et 9, et
caii. 12.13 elli.
Connue loulecelle doctrine est directement
coniraire à celle des proicsianls, ils l'ont at-
taquée de touies leurs forces ; Daille a fait
sur celte quesliou un traité fort étendu, de
Punis et satisfaciionibu.^ humanis, qui nous
a paru un chef-d'œuvre de l'art soplii licine
et de l'enlêlemeut de syslèuie. il attaque
d'abord le principe sur le<|uel se fonde le
concile de Trenle , savoir, qu'en remetlanl
au pécheur la peine élcruelle qu'il avait en-
courue par ses ci imus, Diea ne le d.sp nse
pas ordin.iiremenl de suhir u e peine tem-
porelle, l'our prouver le contraire, il sou-
tient, I. 1, c. 1, i}ue les souffrances des justes
en celle vie ne sonl ui des |lcille^ proprement
diig.s, m des pniii(,ions , mais d(!.-. i.-i)reiives
de notre loi, des remèiles a notre i.iili . se,
des exercices de notre pieté. Selon lui, les
peiiu>s proj)remenl dites soûl celles qui sont
iaUigcespjur satisfaire la justice vengeresse}
celui qui punit ainsi un coupable n'a aucun
égard a son repentir. Dieu, au contraire, est
toujours loi/ché cl désarmé par le repentir
de l'homme ; les souffrances dont il l'a'nige
soai des peines paternelles et médicinales,
et non une vengeance du péché. Ci pendant,
continue Daillé. on les nomme ;;emr>s dans un
sens impropre, 1° parce qu'elles étaient in-
fligées autrefois comme une vengeance à ceux
qui avaient violé la loi de Dieu; 2° parce
que ce sonl encore des peines vengeresses
pour les impies ; 3" parce qu'elles sont amè-
res aux justes aussi bien qu'aux réprouvés ;
'i " jiarce ((ue c'est Dieu qui les envoie aux
uns el aux autres ; 5° parce que souvent le
péché en a été l'occasion , mêiiie pour les
justes ; ainsi Dieu les châtie de ce qu'ils ont
péché, cl il les instruit pour qu'ils ne pécheut
plus. Celte di rnière raison nous paraît une
contradiclioa formelle avec tout ce qui a
précédé.
D'aulre part, les théologiens catholiques
prouvent la doctrine du concile de Trente,
en premier lieu, par l'exemple du premier
pécheur, d'Adam lui-même. Avant de le
punir. Dieu prononça la malédiction contre
le serpent, cl lui déclara que la race de la
f ijime lui écraserait la tête, Gen., cap. m, v.
15. Les plus habiles inierprètjjs, niénie pro-
testants, ne font aucune difiiculié de recon-
naître dans ces paroles une promesse de la
rédemption, par conséquent le pardon de la
peine éternelle accordé à l'homme pécheur ;
l'auteur du livre de la Sagesse le suppose
ainsi, c. x, v. 2. Cependant Dieu conilamiie
Adam à une peine temporelle, au travail,
aux souffrances, à la mort ; il lui en dit la
cause ; Parce ijue lu ai mangé du fruit que
je t'avais défenilu. N'importe : Daillé sou-
tien!, I. I, c. k. que la mort n'est point une
prine du péché originel dans ceux en qui ce
péché a eie efl'acé par le ba;ilcaie ; c'est, dil-
il, 1" un acte de vertu et de courage comme
dans les mart)rs ; 2° dans ce cas el dans plu-
sirurs autres, c'est un exemple très-utile à
l'Eglise; 3° c'est quelquefois un bienfait,
témoin le juste duquel i'Iîcrilure dit qu'il a
éié enlevé de ce monde, de peur que la ma-
lice el la séduction ne corrompissent son
esprit et son cicur ; 4" c'est aussi quelquefois
Mu châtiment ^ comme dans ceux desquels
saini l'aul déclare qu'ils étaient fr.ippés do
maladie et de mort, pour avoir communié
iiidijnement. I C 'r., ci:, v. 30. Voici en-
core une observation cunlradicloire au prin-
cipe de Daillé.
ISous lui demandons. 1° quelle différence
il [leutinetlre entre un châtiment el nnupeim:
proprement die ; les auieurs sacrés useu:
indilïéreiiimenl de ces deux teiui's; .loli
p.irle des /J''««e.< des inuoee^sts, el nomme
ainsi ses prop.es souffrances, c. iX, \ . 2o ;
c. s, v. 17 ; c. XVI. v. il. Saint Jean d Iqiie
la crainte est une peine, ou est acconij agiu <;
(!'• pnncs, 1 Jnun., c. iv, v. 18, etc. Dans une
iiiiiiiile d'en iroits le» cftdlinientsilen pecneura
sont appelés les vt-ngeances de Dieu, quoi-
qu'ils servent souvent à !cs corriger; dont
lu ilisliacliou que fuit Daillé entre les peine
ÔCS - SAT SAT 566
tenijeiesacs cl les peines médicinales est illu- nos propreinoiit dites ; en effet, elles ont eu
soiie: corrigeia-t-il lelangigc îles écrivains iiour ohjel de venjjer les droiis de la justice
.«acres? !l s'ensuit seulement (|ue Dieu, par divine et de réparer l'injure faite à Dieu par
miséricorde, cli.mgo ses vengeances en rc- le péché , nnssi hicn ipie de corriger les
niè<les, et que l'un n'einpétiie pas l'autre. Iioiumes, de leur donner un grand exemple,
2' Nous lui demnidons : Sujipiise que Adam de les encourager à souffrir, etc. Ce sont
n'eût pas péché. Dieu nous ferait- il mourir (\vs satisfactions ou des peines satisfuvloires
pour nous faire exercer un acle de cnurage, dans toute 1 1 ri^iueur du terme : les proies-
pour donmr un exemple utile, pour empè- lants en conviennent. Pourquoi n'en serail-
clier que nous ne dewnssions mérlianls, il pas de même des souffrances des justes,
cie.'? Daillé sans doute n'osera pas le soute- formées sur le modèle de (elles de Jésus-
nir contre le texte formel de lliciiture : Christ, et qui en empruntent toute leur va-
l'urre ipie tuas uunujé du fruit que je l'uiais leur comme le concile de Trente l'a cn-
l'iéf-ndu, lu seras réduit en poussière. Donc selgné ?
la mirl estnne/J ine propienien! dite et une Un second exemple lire de riicrilure, et
renijenncK du péché, inioii)ue Dieu l'ait allégué par nos théologiens conWe ii s pro-
cliaiigéc en une correction paternelle. Cil re- testanU, est celui de David. Li^rsqu'il se
n.èclc el en exercice de vertu, comme l'oisl fut rendu coupable d'adultère et d'Iiomicide,
r n)arqué les l'ères de l'Eglise. 3" Oi(Mi a eu le prophète Nathan viiit lui dire le la pan
égard au repentir d'Adam, (luant à la [leinc du Seigneur : Parce que vous avez fait le mul
Cicrnelle qu'il ;ivait méritée, mais il n'y a ci ma présence, le glaivdem<>urern sus-
point eu d'égard quant à la peine temporelle pendu sur votre maison.... Je i ous punirai
et à la mort à liquellc il l'a condamné ; donc pir voire famille, etc. David réfioud : J'ai
celle-ci est t'>ul à la l'ois une peine venge- péthé contre le Seigneur. Nathan lui repli-
resse, au>si bien que correctionnelle et nié- que : Le ic(r/neur « transpoU^ roire péché :
dicinale. Ainsi, sous rcl aspect, la différence vos ne mourrez point: mai-, parce que vous
que Daillé veut mettre entre l'une et l'autre avez donné lnu nur em^em'S d i Seijneur de
se trouve encore fuisse. '»•" Si un diâlinicnt blasuhémer contre lui , / enfant i/ni vous est
(luelcoiique n'est plus une peine vengeresse né mourra. Il lie;/., c. xii, v. 9. iùi effol cet
ni une peine proprement dite, dès qu'il peut enfani mourut, cl hieutot après lu S'igneur
servir à l'utilité d'.iutrui, il s'ensuit que 11 exécuta ses menaces par la révolic d'Absa-
niort dont Dieu punit (juciquefois les impies, Ion, c. xvi, v. 12 '> oilà, d.rons-nous, un
ne doit point être regaidée comme une vcn- cas dans lequel Dieu parionne ù un pécheur
geatice ni coinnie une punition pro|ireincnt et lui remet la peine de ruurl, se réservant
dite, pnis(iu'elli' peut servir et qu'elle sert de ie punir par des ja lues temporelles.
Kinveiit à effrajer d'autres péclienr; et à les Mais iiaillé soutient, après Calvin son
retirer du dé-ordri' , que les justes y tr.iu- maître, que les peines dont le Seigneur nie-
vcnl nn motif déplus de |)ersevérer dans le naça David regardaient le futur plutôt que
bi' n. La damnation ménic des réprouvés le passé ; qu'ainsi c'élaient des p. ines pater-
peut produire ces deux derniers effets; il iiell(!s, tueduinale-!, correction ell s, el non
n'y aurait donc plus aucune espèce de pei- des peines vengeresses et propre neut dites,
nés purement vengeresses ni en ce monde liv. i, c. 3. Il lesleà savoir à qui nous dé-
ni en l'autre, o' bupposons pour nu niomeiil vons plu:ôi cio.re,à Daillé el à Calvin, ou
la justesse et la solidité de la distinction sur à l'auteur s.icre qui ne parie que du pa^se :
laquelle Daillé croit se metire à l'aliri ; ac- Parce que vous cvcz fait le mal en via pré~
cnrdiiiis-lui que les afSlic ions pir lesquelles se:ice, que tiui<< avez fut Idasplié i.er les enne-
Dieu éprouve, exerce, corrige les pécheurs mis du Sdijueur, etc. Il ne tenait (|u'à lui de
pardonnes, ne sont pas des peines propre- dire:.!^; d vous rendre plus sage dans la
ment dites ; en seri-l- il moins vrai que ce suite, npn de faire un exemple frappa-U pour
sont des satisfactions, qu'il est utile au pé- vos sujets, afin de mettre voire foi à l'épreu-
chenr pardonne de s'éprouver, de s'exei cer, î^e, etc. ; il n'en est pas question. JIa:s en
de se corriger std-ménie p ir des souffrances appelant toujours à l'Eciilure sainte, nos ad-
vtdontaires , lorscjne Dieu ne le fait pas vers. lires se sont léservé le droit cle ne point
d'ailleurs? Dans cette hypothèse niéuie il écouter ce qu'elle dit, et de lui luire dire ce
n'y aurait encore rien à réformer dans la qu'elle ne dit point.
pra ique de l'Lgiise; il ne faudrait changer il en est de même d'une autre finie que
tout au plus que quelques expressions dans commit liavid en faisant faire le dénomlire-
soii langage , qui est cepeud.int celui des ment de ses sujets : pénétré de repentie, il en
auteurs sacrés ; au lieu de dire salis faclions, demanda pardon à Dieu ; ceiiendaiil il en fut
pcniience^, peines satisfactoires , il f.iudra puni par une contagion de trois jours qui
dire épreuves, corrections, peines médicina- enleva soixante el dix mille âmes, JI lieg.,
/es ; mais l'Eglise ne sera pas moius en r. xxiv, v. 10 et suiv. Daillé raisonne de ce
droit de retenir la chose, en épuraiii sou f.iil comme du précédent, sans donner au-
langage. Celte grande réforme valiit-eile la cune nouvelle raison ; son verbiage n'a pour
peine de faire autant de bruit qu'eu ont fait but que de distr.iiie le lecteur du fond de la
les protestants, cl de donner un scanJule (luestion. Il ne s'agit pas de savoir si la con-
aussi éclatant que l'a clé leur schisme '? G° tagion de laquelle ces milliers d'Israélites
Ils n'oseraient nier que les souffrances et ont été frappés, a été utile à plusieurs, pat
la mort de Jésus-Christ n'aient été des pei- conséquent si elle a été correclionuelle; mai»
5'M
SAT
SAT
368
si elle a cessé pour cela d'être une punition
ou une vengeance du poché. Or, nous soute-
nons qu'elle a été l'une et l'autre, el qu'il en
est de même de la plupart des fléaux que
Dieu fait tomber sur les pécheiirs.
Un troisième exemple, duquel Dailié a
îlierché à esquiver les conséquences, ch. r,
est la punition des Israélites pour avoir ado-
ré le veau d'or. Dieu voulait d'abord les
exterminer, Exod., c. xxii, v. 10, Moïse
demanda grâci' pour eux et l'obtint : Le Sei-
(jneur fut apaisé, et ne fit point à son peuple
le mal dont il l'avait menacé, v. H. Cepi'u-
danl trois mille personnes, ou, selon notre
version, vingt-trois mille personnes furent
mises à mort pour ce crime, v. 28. Et quoi-
que Moïse demandât grâce une seconde
rois. Dieu déclara qu'au jour de la vengeance
il punirait encore ce forfait de son peuple,
T. 3i. Dailié soutient que ce fut une puniiion
proprement dite, une peine vengeresse; qu'il
est faux que Dieu ail pardonné à ces coupa-
bles leur faute ni la peine éternelle qu'ils
ttvaitnl méritée. On a beau lui demander
comment il sait que ces mots, le Seigneur fut
apaisé, ne signifient pas que Dieu remit à
ces idolâtres la peine principale; qui lui a
dit que tous ceux que l'on égorgea furent
damnés? 11 le suppose, parce que cela est
utile à son système. Cependant il y aurait
encore plus de témérité à soutenir que celte
exécution sanglante ne servit pas à intimi-
der le reste du peuple, à lui inspirer du re-
pentir,puisque, sur une nouvelle réprimande
du Seigneur, toute cette multitude fondit en
larmes, se dépouilla de ses habits, et allen-
dit en iremblanl ci- que Dieu lui réservait, c.
m, V. 4. La punition de ceux qui avaient élé
tués fut donc ulile aux autres. Or, Dailié ne
veut pas que l'on nomme peine vengeresse,
peine proprement dite, celle qui peut être
salutaire à quelqu'un ; donc il est ici en con-
tradiction avec lui-même. Ainsi il souiienl
que la punition des murmuraleurs qui vou-
laient retourner en Egypte pluiôl que Je faire
la conquête de la terre promise , Num. , c.
XIV, v. 1, ne fut point une peine vengeresse,
parce qu'elle servit d'exemple à leurs en-
fants et à leur postérité, 1. 1, c. 5. Peut-on
raisonner si différemment dans un même
chapitre, sur deux faits si parfaitement sem-
blables? Il pense de même au sujet de la
mort d'Aaron, rapportée Num. , c. x\, v.
24 ; de celle de Moïse, Dent., c. xxxii, v.
iiO ; de celle du prophète qui fut dévoré par
un lion pour avoir transgressé l'ordre de
Dieu, m Reg., c. xii', v. 24. Ce furent, dit-
il, des châtiments paternels, el non des puni-
lions des fautes que ces divers personnages
avaient commises.
Il pousse encore l'aveuglement plus loin
sur un quatrième exemple tiré de saint Paul,
/ Cor., c. II, V. 30, où il est dit : Celui qui
reçoit Veucharislie indignement , mange el
liuitionjugement, ne discernant point le corps
du Seigneur. C'est pour cela gue planeurs
parmi vous sont malades, languissants el meu-
rent. Si nous nous jugions nous-mêmes, nous
Ht serions pas ainsi jugés ; 'nais lorsque nous
sommes jugés, noiis sommes châtiés par le Sei-
gneur,afin de ne pas être damnés avec ce monde.
L'Apôire n'écrit point, dit Dailié, c. 6, (jue
ces gens-là ont été frappés de mort en puni-
lion de leur péché ; il assure au contraire
qu'ils ont- élé châtiés , aGii de ne pas être
damnés avec ce monde. Que signifie donc ce
mot, c'est pour cela {ideoj? le texte est for-
mel, ât« T«jTo, propter hoc. 11 est absurde do
soutenir que la peine de mort infligée à
cause du péché, n'esi pas une pnniiiun du
péché, que ce n'est pas une peine venge-
resse, parce que c'est une expiation, et do
ne vouloir donner qu'à la première le nom
de satisfaction.
11 est évident, par les exemples mêmes
que nous venons de citer, qu'à la réserve de
la mort en état de péché et de la damiialioa
qui s'ensuit, tout autre châtiment, toute autre
peine que Dieu envoie à celui qui a péclii',
est tout à la fois une punition ou une ven-
geance du péché, ui\e salisfaction ou une ex-
piation, el une correction paieinell.', une
épreuve pour la venu, une occasion de mé-
rite pour le coupable. La distinction forgée
par les proteslants entre ces deux caractères,
comme si l'un était opposé à l'autre, est
absolument chimérique; ils ne l'ont imagi-
née que pour tordre le sens des passages de
l'Ecrilure qu'on leur oppose, et pour en es-
quiver les conséquences. Or, cette distinc-
tion une fois détruite, leur doctrine, touchant
les satisfactions humaines n'a aucun fonde-
ment, el le gros livre de Dailié ne prouve
plus rien. Ils ont encore plus de tort de con-
venir d'un côté que les p.ines que Dieu en-
voie aux pécheurs pardonnes servent à
éprouver leur loi, à exercer leur patience,
à déirnire leurs mauvaises habitudes, à per-
feciionner leur venu, el de soutenir de l'au-
tre, que ce n'est pas pour eux un sujet do
mérite; que l'homuie ne peut rien mériter;
qu'il n'y a point de mérites que ceux de Jé-
sus-Christ. IN'est-ce pas mériter que de se
mettre dans le cas de recevoir une récom-
pense pour avoir t'ait ce que Dieu com-
mande? Mais ici comme ailleurs, les pro-
testants ont voulu rélormer li' langage hu-
main |)our autoriser leurs visions. Vog. Mé-
lUTB.
En cinquième lieu, on leur cite vainement
le mot de Daniel à Nabuchodonosor, c. iv,
v. 24 : Rachetez vos péchés par des aumônes ;
peut-être que Dieu vous pardonnera vos fai-
tes; et celui de Jcsus-Chrisl aux pharisiens,
Luc, c. XI, V. 41 : Faites l'aumône, et tout sera
pur pour vous. Dailié dii que ces paroles
sont seulement une exhortation faite à des
homnus coupables d'injustice el de rapines,
de changer de conduite, afin que Dieu ne
les punisse pas. Mais si l'aumône a la verlu
d'empêcher que Dieu ne puni se le péché,
elle est donc sai(s/(ic<o(re; elle expie le pé-
ché. C est lout ce que nous prétendons con-
iie les protestant'. Ces dispuleurs infatiga-
bles nous opposent une foule d'objections ;
mais ce sont toujours des passages de l'E-
criture sainte dont ils forcent le sens, ou
des termes équivoques dont ils abusent,
Sû9
SAT
SAT
510
l' Suivant l'Ecriture, les péchés nous sont
reniis : or, ils ne léseraient pas si Dieu exi-
geail encore une peine ; il nous ordonne do
reueltro les délies de nos frères, coininc il
nous remet les nôtres : oserions nous dire
((ue nous les reinellons, que nous pardon-
nons, si nous exigeons une sutisfaclion ? —
népoiise. Le péché est vérilahlement remis,
!ors(iue Dieu nous fait grâce de la peine éler-
nelle ; c'est par miséricorde même el par bon-
té qu'il ne nous remet pas toute la peine tem-
porelle, parée qu'il nous esl utile de la su-
bir. Pour nous, simples particuliers, sans au-
torité, il m; nous conviiiit en aucun sens
de nous faire justice à nous-mêmes ; mais
lorsi|u'un roi dit à un coupable : Tu as mé-
rite la mort, je le fais grâce de la vie; ce-
pendant pour le corriger , je te condamne à
six mois de prison, nous soutenons que c'est
un vérilable (lardon, une grâce, une remise
dans toute la propriété du terme. Puiscpie
Daillé reconnaît (|ue les châtiments do Dieu
sont des bienfaits, 1. ii, c. 8 et 0, il esl fort
singulier qu'il les juge inconip.itililes avec
un véritable pardon : pour que le pécln-
nous soit censé remis, faut-il que Dieu nous
prive d'une correction ()ui esi un bienf.iii?
2' Nous lisons dans l'Écriture que Dieu ne
nous impute point nos péchés, qu'il ne s'en
iOHvient plus, que rini(|uiié de l'impie no
lui nuira point dés qu'il se convertira, que
nos pecliés deviendront blancs comme la
neige, ()u'il ne reste aucune coiidainuation
dans c( ux qui sont en Jésus-Christ, que ce-
lui qui est justifié a la paix avec Dieu, etc.
CoM.ment accorder toutes ces expressions
avec la nécessité de subir une peine tem-
porelle après le péché pardonné? — Réponse.
Très-aisément. Dieu ne nous impute poinl
nos péchés quant à la peine éternelle que
nous avons méritée; il change cette peine en
une correction t)alernelle et méritoire : pou-
vons-nous nous plaindre? lîncore une fois,
il est absurde de soutenir que ce n'e-t plus
une peine dès que c'est une correction ,
tout au contiaire, ce n'est une correction
que parce que c'est une peine. Dieu ne se
sou\ient donc plus du péché pardonne,
puisqu'il n'exige plus la grande peine, la
peine éternelle qui était due au péclié. To-
bie le concevait ainsi, c. m , v. 2 : ÎSe vous
soiiveiiei plus, Sei(/neur, de mes péchés, et tie
tirez pus venijeitiice de mes fuules; lou es vos
voies sont miséricorde, équité et jngein ni ou,
justice. C'est donc une autre absurdité de
prétendre qu'une peine exigée de Dieu n'est
plus un acte île jus'ice dès que c'est un trait
de miséricorde.. Dans tous les châtiments
que Dieu exerce en ce monde, il est vrai
de dire avec David, Ps. i.xxxiv, v. 11 : La
miséricorile et l'équité se sont rencontrées, ta
jtistice et la paix se sont emiirnssérs. Dieu dit
aux Juifs dans Isme, c. i, v. IG : Lnvez-ious
et pwifiez-vous, cessez de faire le mal, appre-
nez à faire le bien, soyez éqniiables, souimez
i'oppriiné, faites rendre justice au pupille,
prenez la défense de la veuve; alors venez
disputer contre moi : quand vos péchés se-
raient rouges comme l'écarlate, ils devien-
dront blancs comme de la neige. Dieu n'at-
tend pas toujours que tout cela soit fait pour
pardonner, il tient compte et se contente do
la volonté où l'on est de le faire. Mais lors-
que le pardon a ainsi devancé les œuvres,
esi-ou dispensé pour cela de les accomplir?
Il en est de même des aflliclinns et des souf-
frances ; avant le pardon, c'auraieiit été des
peines : le pardon les rend méritoires, mais
il ne leur fait point changer de nature.
Quelle raison peut-on avoir d'envisager l'o-
bligation de satisfaire ainsi à Dieu, comme
un reste de condamnation qui peut troubler
la paix que nous avons recouvrée avec
Dieu? Ce 'n'est pas sans doute un malheur
pour nous d'être condamnés à devenir des
saiuis, à ressembler à Jésus-Christ souffrant,
à mériter ainsi une augmentation de gloire
et de bonheur dans le ciel ; c'est ce que saint
Jean voulait, en faisant dire à Dieu, Apoc, c.
XXII, V. 11 : Que le juste devienne encore plus
juste, i/ite Cl lui qui est saint se rende encore
plus saint ; je vais venir bientôt, ma récom-
pense est arec moi pour rendre à chacun se~
Ion ses œuvres.
3" Depuis que Jésus-Christ a satisfait pour
nos pèches, disent les protestants, c'est lui
faire injured'exiger que nous ajoutions encore
des satisfactions aux siennes, comme si les
siennes et. lient insuffisantes, et que les nô-
tres pussent y ajouter un degré de valeur.
— Réponse. Les [irotestanis devraient objec-
ter (le plus avec les incrédules : Puisque Jé-
sus-Clirist a pratiqué tant de vertus el de
bonnes œuvres, et qu'il a souffert tant de
tourments pour nous mériter le ciel, il est
fort étonnant que Dieu exige encore que
nous achetions celte récompense par des
vertus, par de bonnes œuvres, par des souf-
frances; cela suppose en Dieu une justice
inexorable qui n'est jamais salisfaiie el qui
ressemble be.iucoupà la cruauié. Notre pré-
tendue sainteté peut-elle ajouter un nou-
veau degré de valeur à celle de Jésus-Christ?
Après qu'il a tant piié, qu'est-il besoin de
prier encore? Il esl dit que Dieu, en nous
livrant son propre Fils, nous a donné tout
avec lui, Rom., c. viii, v. 2. Nous n'avons
donc plus besoin de lui rien demander. Ce-
pendant saint Panl dit, dans ce même cha-
pitre, que Dieu a prédesiiné ses élus à être
confoi ines à l'image de son Fils ; que ce sont
ceux-là qu'il a justifies et qu'il a glorifies,
V. 2'.l el ;J0. Il dit aux fidèles ; « Sojez mes
imitateurs comme je le suis de Jésus-
Clirist , » / Cor., c. iv, v. 16; c. xi, v. 1.
C'est donc parce que Jesus-Christ a soulTert
que nous devons soulTiir, parce qu'il a eu
des vertus et des mérites que nous devons
en avoir, et parce qu'il a saiislait pour les
péchés que nous devons satisfaire pour les
nôtres ; il ne s'ensuit pas de là que nos priè-
res, nos bonnes œuvres, nos niériles, nos
satisficliiins , peuvent ajouter un nouveau
degré de valeur à ceux de Jésus- Chrisl. 11
s'ensuit seulement que marbré les mérites
infinis de ce divin Sauveur, le ciel doit tou-
jours être une récompense, el non un don
purement gratuit; que Dieu veut le donner
571
SA.T
SAT
372
à des S'tinls, el non à des hommos vicieux,
à (le? pécheurs reprnianis, el uoii à des cri-
minels olisiiiiés.
4* Dieu, qui viul ê're adoré en esprit et
en Téri'é, se conlenle de la jiureié du tœur,
il ne deni.inde pas absulinrn-n! de-; moilili-
calions ; i'amendemenl de vie es! la seîile
pénitence néces'-aire. Les pl'is pran-ls liy-
pocriles sitnl ceux qui ci>n*enleiit le pins
aisément à faire des ;iuslériiés, parce (jiic
cel ! est plus aisé que de renonrer aux p;is-
sinns ; l'on croil expier lou^ les péchés s ms
avoir le rcenr chanj;c. Barheyrac, Trait/' de
la mnrali- des Pères de l'Eglise, c. viii, § o3.
— Jtéponse. A ce Irait de satire nous (jou-
vons en opposer d'antres. Les plus grands
hypocrites sont reiix qui, sous prétexte d'a-
dorer Dieu en esprit el en vérité, ne l'aiio-
renl ni inlrrieurement, ni extérieurement ;
qui déj riment toutes les maniues sensibles
decul'e, M qui vouilraii-nt les ;iboiir p.irre
qu'ils sifileiil que ce serait le plus sûr
moyen de détruire loule religion. Tel est le
masque si'iis lequi'l les incrédules ont tou-
jours caché leur impiété ; il n'est pas hniio-
rable aux protestants de faire cause com-
mune avc(~ eux. Il e-t faux que Dieu ne ue-
m.imlc pas ahs!iliime.nl des morlificaiious el
des inarqu' s sensibles de pénitence ; il or-
donne aux Juifs par Lsaïe, non-seuli'nient le
changement du cœur et de la conduite, mais
de bonnes œuvres, des acl( s de justice, decha-
rilé, de coiiipassion envers ceux qui souffrent,
des secoiiis cl des services rendus à ceux qtii
ont besoin; hnï., c. i, v. 10. ,lob faisait péni-
tence sous la cendre el la poussière, c. xi.ii, v.
6; David couvrait de ccnilre sou pain et mê-
lait ses larmes à sa boisson, ps. ci, v. 10 ; Da-
niel ajout. il à ses prières le jeûne, le cilice
et la ceniire, c. ix, v. 3. .lém--Cbr st, ^'alili.,
c. XII, v.4-1, loue la pénitence des Ninivi-
tes, (lui fui accori>pagnée des uiéines sii^ics
extérieurs ; c. si, v. 21, il dit que les T\ riens
et les SiJoniens l'aiiraienl imitée, s'il aviit
fait chez eux les mêmes miracles que dans
la Judée. Saint-Paul, Gn/rt<.,c. v, v. 2i,dc(lare
que cei:x qui sont à Jésus-Christ ont crucifié
leur ch;,ir avec ses vices et ses convili-es ;
il n'est disnc pas vrai que l'amendement de
la viesoit la seule pénitence nécessaire. Prati-
quer des austérités sans avoir la coiuponc-
tiou dans le cœur, el sans renoncer au cri-
me, est un abus sans doute ; ne vouloir s'as-
.sujetlir à aucune mortification, stuis pré-
texte que l'on est repentant dans le cœur,
c'en csl un non moins répréhensible. Ne sait-
on pas que les réformateurs ont blâmé
iiicmo la contrition, le regret el le repentir
du péché? Ils ont ainsi proscrit loute espèce
de pénitence, soit intérieure, soit extérieure.
Voi/. i\IoiiririciTioN.
SATUîlNlENS, héréliques du n' siècle,
disciples de Saturnin ou Salurnil , pliiloso-
p'ie (t'Anlioche. Quelques au'eurs ont cru
qui^ Celui-ci était disciple de Ménanlre ;
mail ce (ail est incertain, puisqm» Ménaii-
dre a vécu sur la fin du premier sièrle,
nu ii^M que S'iturnin n'a pani que vers l'an
l^P ou 130, sous le règne d'Adrien, suivant
le récit d'Eusèbe et de Théodoret. D'ailleurs
le système de ces deux hérésiarques est dif-
fér< ni à plusieurs égards. Aticsin écrivain
m'idfrne n'a examiné de plus près que ,Mos-
heim celui de S iluri.in ; voici comme il l'a
conçu, Hist. christ., sœ--. ii, § 4>et45; et
Histoire erclés., n' siècle, ir partie, c. 5,
§ 0. Ce philosopli!", comme la plupart des
Orientaux, ; dmeit il un Di»u suprême, int, 1-
ligenl, puissant el bon, m.iis inconnu aux
homme- ; cl une matière élernel'e à laq elle
présidait un esprit aussi élei nel. méchant ■ t
malf.isant de sa nature. Du Dieu suprême
étaient sortis, p.ir émanation , se|jl esprils
inférieurs qui, à i'insu du Dieu suprême,
avaient formé le monde cl les hommes, et
qui s'él.iient logés dans h s sept plinétes;
mais ces ouvriers impuissants n'avaient pu
donner aux hommes qu'ils avaient formés
qu'une vie purement animale. Dieu, touché
de coinpasMoii, donna à ces nouveaux êtres
une âme raisonnable, el laissa le monde
s >us le gouverneineîil des sept esprits qui en
ct'iienl les artisans. Un (le ces esprils avait
sous ses ordres la nation juive; c'est lui qui
en régi. lit la destinée, qui l'avait tirée île
l'Egypte, el qui lui avait donné des lois ;
c'est lui que les Juifs adoraient comme leur
Dieu, parce que le vrai DitMi leur était in-
connu. iMais l'esprit tnécli'inl et malfaisant
qui do;: iiiail sur la matière, jaloux de ce
que d'autiTS que lui avaient lait des corps
animés, et de ce que Dieu y avait mis uiieâme
bonne et s;igi> , forma une antre espèce
d'hommes auxquels il donna une âme mé-
cliaiile et scmbl.ible à lui ; sans doute il la
tira de son !>ropre sein, puisqu'il u'av.iit pas,
non plus que le Dieu suprême, le pouvoir
de créi r. De là est vinnc la d fférence entre
les hommes, dont les uns sonl bons, les au-
tres mauviiis. D'autre part, le Dieu suprême,
fâché do ce mélange, et de ce que les esprits
gouverneurs du monde se faisaient adorer
par II", hommes, avait envoyé son Fils, sous
l'apparence d'un honwiie, qui est Jésus-
Christ, et revêtu d'un corps apparent pour
faire c mnaîlie le vrai Dieu aux hommes
doués d'une bonne âme, pour les ramener à
son culie, puur détruire l'empire du donii-
natcur de la matière el celui îles sept esprits
gouverneurs du monde, pour faire enfin re-
monter les bonnes âmes à la source dont
elles élaienl descendues.
Consé(|ueninienl à ces principes, 5a/»cr)»n
recommandail à ses disciples une vie aus-
tère. Persuadé (|uo la m ilièie est mauvaise
par elle-même el que le corps est le princi-
pe de tous les vice»:, il voul it ((ue l'on s'abs-
tînt de manger de la chair el de boire du vin,
nourritures Irop subslanlielles, afin que l'es-
prit (ûl plus léger el plus libre de s'appli-
quer à la connaissance el au culte de Dieu ;
il détournait du mariage p:ir lequel se fait
la proiréaiion des corps. Nous ne savons
pas sur quels livres ou suc quels monu-
meiil.s il fondait sa doctrine ; mëis comme
tous les autres gnosiiques, il rejetait abso-
lument r.''.ncieii TeslamenI, qu'il regardai»
comme l'ouvrage d'un des c.;iiri(s inrulèics à
573 SAT SAT S74
Dieu, ou comme cpIui de l'esprit pervers, do- Sdlnrnin , non plus que les autres philoso--
miiiftleur de la matière. plies orientaux , n';idmeilai( rit point en Dieu
Comme saint Iréiiée, Terlullien, Kusèho, le pouvoir créateur, il étaii lorcé de penser
saint Epiplianc. Théndoret , ne nous ont que les esprits étaient sortis de Dieu par
donné (|u'unc notii e très-suecinc'le d s opi- émanation ; cejjemlanl il disait que Dieu
nions de Snlurnin, il y uianque beaucoup avait mis des âmes s.iges et lionnes dans les
de elioses nécessaires pour les mieux cou- Iio:iimes qui n'avaient encore que la vie ani-
cevoir; et malgré les elïoits ([ue Moslieim a maie. Ces àiiu-s élaieut-elli'S aussi sorties de
l'aiis pour y mettre de la liaison, ce systè- Dieu par éiii.inalion , ou Dieu les av;iii-il
me ressemlilc plulôl à un rc\e qu'à des rai- créées libieineiit et volontairement? Voil;'i
soiiiiemenls philosoplii(jues. On voit qu'il ce qu'on ne nous apfirend p,is. .S'a/iirni/i sup-
avait ete forgé pour rendre raison de l'ori- pose ((ue les sept esprits siibaiiernes jivaieni
t;inedu mal, question qui emiiarrassaii tous form,' le monde à l'insu ilc Dieu, qu'ensuil.'
les raisonneurs ; mais au lieu d'y satislàire, ils s'étaient révollés contre lui , et lui dcro-
il augmentait les difiirultés à l'infini. baient le culte qui lui est dû ; voila un Dieu
1' A l'article .Manichéisme, § l\',nousavons ignorant et impuissant; comment piut-il
fait voir qu'il est alisurde de supposer deux être le Dieu suprême? — 4° Pendant quo
éires éternels, incréés, existants d'cux-mè- Diiu a fait des âmes sages et bonnes , et les
mes, un seul est nécessaire; la nécessité a log es dans îles corps, l'esprit méchant y
d'elle ne peut être alribuee à plusieurs; il a placé des âmes semblables à lui ; ce sont
n'y a pas plus de raison d'en suiipo-er deux deux espèces irhommes, les uns bons, les au-
qiio d'en supposer mille. Une seconde absur- 1res mauvais, ihiis ces espèci-s se mélen: par
dite est d'admettre un être nécessaiie, in- le manag'' ; parmi les enfants nés d'un mémo
créé, exist.iul de soi-même, et dont la na- couple, les uns ont une bonne âme, les ati-
ture est bornée ; rien ne peut être borné sans très une mau\aise. est-ce Dieu, ou le inau-
cause, et un être inrréé n'a point de cause ; vais esprit, qui crée ces nouvelles âmes ? Si
sa nature, ses attributs, sou intellipcnee , le ImIs de Dieu, (|ui est venu pour léfoiuier
son pouvoir, sont donc esseiiliellemeiit inli- les âmes elles conduire à Dieu, ne (leiit pas
nis : il ne peut donc y en avoir deux dont em[iêcber le mauvais esprit do produire lou-
l'uîi soii gêné par l'autre. Une troisième e^t jours des âmes essentiellement mauv,.iscs ,
de supposer la matière éternelle, incréée, sa mission ne peut jamais avoir beaucoup de
nécessaire, de laquelle cependant la forme succès.— 5" L'on ne nous dit pas ce que c'est
n'est pas nécessaire, et peut être ciiangée par que le Fils île Dieu, si c'est un esprit, corn-
un autre être quelconque ; un être éternel et meut il ist né d.> Dieu, en quoi sa naime est
nécessair"» est cssenliellement immuable. — dilTerente de celle de nos âmes. Il ne coiive-
SMjuand ces vérités ne seraient pas démon- nall guère à Dieu et à son Fils de nous faire
Uées, Il y aurait encore du ridicule à l'orger illusion par les apparences d'un corps, de
des supposiiions arbitraires, sans en avoir nous conduire à la vérité par le mensonge;
nu' une preuve positive. On pouvait deinaii- n'y avait-il point d'autre moyen de nous
der à S<:turnin et à ses pareils : Qui vous a instruire et de nous sanclilier, etc.? Ou ne
dit (|u"il y a deux êtres co-élernels, ni plus finirait jamais si l'on voul.iit relever tou-
iii mo;ns , dont l'un est ennemi de l'antre, tes les absurdités de ce monstrueux système,
dont l'un domine sur la matière et l'autre — G" Nous avons fait voir ailleurs qu'il ne
Sur les esprits , desque's vuus réglez le dé- sert à rien pour éclaireir la grande qiiesiion
parlement, les fonctions, le pouvoir, les opé- de l'origine du mal, que les Pérès de lliglise
rations à votre gré? Oui vous a révélé qu'il l'ont résolue p.ir des principes évidents, siin-
y a sept esprits formateurs et gouverneurs pies et solides, et qu'ils ont beaucoup nieux
du monde, et qu'il n'y en a pas mille ; qii'ils raisonné que celte foule de pliiloso(j!;es
son; plulôt logés dans les planètes que dans orientaux qui ont voulu concilier le cliiisiia-
les aulns parties de la nature ; qu'ils se sont nismeavecleursy-lème imaginaire. \ oy. .M*-
aecordcs pour faire le monde, et qu'ils s'en- iMCiiéismiî, § 4 et 6. Celui de Siitunun nous
tendent assez [iial pour le gouverner; ({u'ils fournit cependant plusieurs sujets de ré-
uni pu former des corps, et non faire des flexions.
âmes , etc. Vous diti s que vous ne pouvez Puisque ce philosophe enlélé ne voulait
concevoir autrement la naissance et l'ordre pas être disciple des apôtres, il faut que les
des choses ; mais votre conception est-elle fails publiés piT ces envoyés dé Jésus-Christ
la règle de toute vérité ? Nous ne concevons aient éié d'une certitude Incontestable, pour
pas non plus voire système , donc il n'est que cet hérésiarque ail été forcé d'en admet-
pas» rai. — 3° .\u lieu d'entasser ainsi les tre du moins les apparences. Déterminé à
suppositions, il aurait été plus simple de nier que Jésus-t^hrisl eût un corps réel, qu'il
dire qu'il n'y a qu'un seul être suprême in- fût né, qu'il eût soulTeil, qu'il fût mort et
lelligent et bon ; ((ue c'est lui qui a l'ail le re>suscité réellement , il n'a pas laissé d'a-
monde, mais qu'il n'a pas pu le mieux faire, vouer, comme les autres gnosiiques, que Jé-
parce que l'imperfection de la malière s'op- sus-Clirist a paru faire tout cela, qu'il a ex-
posait à sa volonté et à son pouvoir. Y avait- lérieuremenl ressemblé aux autres hommes,
il plus d'inconvénient à supposer que le puu- qu'ainsi lesapnlics n'en ont publié que des
voir de Uleu était borné par la malière, qu'à fails desquels ils éiaienl convaincus par le
dire qu'ill'élait pai un autre être malfaisant, témoignage de leurs sens. Saturnin cv\)en-
par des esprits subalternes, etc. ? Puisque diiiil, au ir siècle, immedialemenl après la
57c
SAU
mort (lu dernier des apiMrPs, et dans le voi-
sinage de la Judée, était plus à portée que
personne de vérifier los faits qui prouvaient
la mission divine de Jésus-(]hrist et sa qua-
lité de Fils de Dieu. Il n'est donc pas vrai ,
comme le prélendenl les incfédiiles, qu'il n'y
ait point d'autres témoins de ces f.iils que
les apôires, puisque leur témoignage est con-
firmé p ir l'aveu îles hérésiarques contemiio-
rains ou très-voisins de la date des événe-
ments. I oy. Gnostiques.
SAUL, premier roi des Israélites , dont
l'histoire est renfermée dans le premier li-
vre des Rois, depuis le ihapitre i\ jusqu'à
la fin. Les incréilu'es sont scandalisés de ce
que ce prince, placé sur le Irône par le choix
exprès de Dieu, duquel il est dit que Dieu
avait cliangé son cœur et en avait fait un
autre homme, cap. x, v. 9 et 10, a eu néan-
moins une conduiie si peu sage cl une fin si
niallieureuse. Dieu l'a permis ainsi , afin
d'apprendre aux hommes que ses grâces les
plus signalées ne sont point iiiamissihles ,
qu'il les retire lorsque ceux qui les avaient
reçues y sont infidèles, et qu'une grande di-
gi'ilé est toujours un poste dangereux pour
la vertu. Mais les censeurs de l'hisloire
saillie savent y trouver des suji'ts de repro-
che, lors même qu'il n'y en a point; ils ont
entrepris de fjiire lomber sur Samuel et sur
David le Itlâme de toutes les fautes de Saiil ,
et de faire paraîire ces deux personnages
plus coupables que lui. Nous les avons jus-
tifiés, chacun dans son article, et nous avons
fait voir que leur conduite envers Saill fut
irré|Téhensible. Il nous reste à déuionirer
que celle de la Providence à l'égard de ce
roi a élé Irès-conforuie aux règles de la sa-
gesse et de la justice, et à résoudre quelques
difficultés qui se rencontrent dans celle his-
toire.
Sniil n'aurait jamais dû oublier que Dieu
s'était servi de Samuel pour lui déclarer sou
choix et ses volontés : les vertus de ce pro-
phète auxquelles toute la nation rendait té-
moignage, la paix et la prospérité dont elle
avait joui sous son gouvernement, auraient
dû inspirer à un jeune roi une déférence
constante aux conseils et aux leçons de ce
vénérable- vieillard : Saiil fit tout le contraire ;
ce (ut 1,1 source de ses fautes et de ses mal-
heurs. Il fait le premier exercice de son au-
loriié, en ordonnant à tout Israël de s'as-
sembler pour marcher contre les Ammoni-
tes , et il déclare que si quelqu'un ne s'y
trouve pas, ses boeufs seront mis en pièces ,
1 Reg. c. XI, v. 7. Samuel ni David n'ont
jamais donné des ordres sur un ton aussi
menaçant ; celte imprudence n'était pas pro-
pre à concilier à un nouveau monarque l'af-
fection de ses sujets.
Le cliap. xm, v. 1, présente une difficulté
de grammaire. Au lieu dédire que SaiH n'a-
vait encore régné que pendant un an, le
texte semble signifier que Saiil était fils ou
€h(nni d'un an, lorsqu'il commença à ré-
piii'r ; plusieurs versions l'ont ainsi rendu ,
cl les critiques disent que c'est un héhraïsme.
Ils u'ont pas fait attention qu'eu hébreu, le
SAU rm
mot fils ou enfant ne signifie pas seulement
ce qui est né, mais ce qui est sorti. Au mot
Fils, nous l'avons prouvé par plusieurs
exemples, et nous avons f.iil voir qu'en fran-
çais enfant n'est p.is moins équivoque. Or,
il n'y a aucun inconvénient à dire que Saiil
élait sortant de la première année de son rè-
gne, et qu'en tout il régna deux ans. Ce
n'est donc pas là un héhraïsme ou une ex-
pression singulière. Voy. Hébr&Ïsme.
Dans une expédition contre les Philistins,
Saiil défend sous peine de la vie à toute l'ar-
mée de ne rien manger jusqu'au soir, c. xiv,
T. 24 ; défense inutile et imprudente. Il veut
metirc à mort sou fils Jonaihas, principal
aulenr de la victoire, parce qu'il avait goûté
un rayon de miel pour réparer ses forces,
ne sachant pas l'ordre donné par son père,
v. 44.. Le peuple fut obligé d'empêcher cet
acte de cruauté, il est difficile de ne pas
soupçonner là un trait de basse jalousie.
Après avoir reçu de Dieu un ordre exprès
d'exterminer les Amalécites. de ne rien épar-
gner ni réserver, Saiil , avide de butin , fait
mettre à part ce qu'il trouve de meilleur
parmi les troupeaux et les dépouilles, sous
prétexte de l'offrir au Seigneur, et il amène
captif Agag, roi de cette nation. Fier de sa
victoire, il se fait ériger un arc de triomphe,
il veut que Samuel lui rende des honneurs
en présence des chefs du peuple. Probable-
ment il n'avait épargné Agag que pour re-
lever l'éclat de sa conquôle, ou pour en faire
son esclave, selon l'usage des princes orien-
taux. Il soutient néanmoins qu'il a fidèle-
ment exécuié les ordres du Seigneur, c. xv,
v. 20. Pour confondre tout cet orgueil, Sa-
muel lui répond, v. 22 : Dieu veut-il donc
des holocaustes et des victimes, et non que
l'on obéisse à ses volontés ? L'obéissance vaut
mieux que les sacrifices , et il préfère la sou-
mission à la (jraisse des animaux. La rési-
stance au commandement du Seigneur n'est pas
moins criminelle que l'idoldtrie et que la su-
perstition des présages. Vous avez méprisé
ses ordres, et il vous rejette du rang auquel il
vous a élevé.
Y avat-il de la cruauté dans ce comman-
dement d'exterminer un peuple entier ? Non ;
les .\nialéciles avaient attaqué très-injusie-
mentles Israélites sortant de l'Egypte, £'j:cirf.,
c. xvii, V. 8; une seconde fois dans le déserl,
Num., c. XIV, V. i5 ; une troisième fois sous
les Juges, Jud. , c. m, v. 16 ; ils ne cessèrent
de renouveler contre eux les hostilités, c. vi,
V. 3 et 35 ; c'étaient donc des ennemis irré-
conciliables. Dieu avait prédit qu'il les dé-
truirait, Exod., c. xvii, V. 14; Num., c. xxiv,
V. 20 ; beat., c. xxv, v. 19. Saiil en épargne
un grand nombre, puisque peu de lemps
après ils recommencèrent leurs ravages ,
qu'ils brûlèrent deux villes, et que DaviJ les
tailla en pièces, / Rig. , c, xxx, v. 1 et 14.
Sa'ùl fut donc coupable à tous égards. Il sa-
vait (|ue Dieu avait prononcé l'anathème con-
tre tons les Chaniinéens à cause de leurs cri-
mes, et les Amalécites y étaient compris ;
voij. CnANANÉENS. Mais Dieu avait donné
d'ailleurs aux Israélites des lois touchant la
Î77
SAU
SAU
578
guerre, beaucoup plus justes et plus modé-
rées que celles de tous les autres peuples,
Dent., c. XX, et Dioilore de Sicile a reconnu
qu'elles étaient trés-sa;;es. Frw/. de Dioil. ,
1. XI, trad. de Terrasson, t. VII, p. l'iO. Ce
n'était pas faute de vnlonté si les Anialéciles
01 les autres n'avaient pas enlièrcmenl exter-
miné les Israélites : tehi serait arrivé, si Dieu
n'avait pas mis de bornes à leur fureur. 11
avait averti son peuple qu'il laissernil autour
de lui des ennemis donl il se servirait pour
le châtier lorsqu'il serait infid(Me. Jwrfic. c. ii,
V. 3 et 21 ; lors(|ue ces menaces eurent élé
pleinement accomplies, il voulut que la yerge
dont il s'était servi fùi jetée au feu.
Les incrédules n'ont pis manqué de décla-
mer contre Samuel, qui eut la cruauté de
hacher Agag en murce-ius ; ils disent que ce
fut un sacrifice de sang humain, puisque
l'histoire ajoute que cela se fit devant le Sei-
gneur, I Reg., c. XV, v. 33. Cela ne se fit
piiinl devant l'arche qui était pour lors à
Gabaa, ni devant le tabernacle ()ui était à
Silo, ni sur un autel dressé à Galgala ; ces
mots devant le Seiijnpur signiiient donc seu-
lement que Dieu fut témoin de l'exérution
de l'ordre qu'il avait donné. Une preuve que
le suppplire d'Agag él.iit jusie, c'est que Sa-
muel lui déclara qu'il allait le traiier comme
il av.iit traité lui-même ceux qui étaient
tombés entre ses mains , ibid.
Snïd , atiaqué d'une mélancolie noire qui
le mell.iil hors de sens, fait venir David en-
core jeune , mais excellent musicien , afin
que, par le son des instruments, il pût cal-
mer les accès de sa maladie : le succès de
ce remède inspira au roi beaucoup d'affec-
tion pour David ; il le fil son écujer. Cepen-
dant peu de temps après, David ayant coupé
la tète à (loliath, principal brave des Philis-
tins, et procuré la vicioire h Saiil , ce roi
étonné demande à son général qui est ce
jeune homme, et interroge David sur sa
naissance, comme s'il ne l'avait jamais vu ,
c. XVII, T. 55 et 58 ; cela ne prouve autre
chose que les absences d'esjirit auxquelles
Saiil élait devenu sujet. Malheureusement,
en célébrant l'exploit de David, les femmes
Israélites s'avisèrent de chauler : Saiil a tué
mille ennemis, et David dix mille. Ce mot fa-
tal inspire au roi une basse jalousie , son
amitié pour David se change en fureur, il
essaie deux fois de le tuer. Après lui avoir
promis sa fille Mérob en mariage, il la donne
à un autre ; il lui tend des pièges pour le
faire périr, en lui faisant espérer Micbol son
autre fille. Après la lui avoir donnée, il veut
engager Jouathas son fils et ses serviteurs
à se défaire de David, il poursuit ce dernier
à main armée, il passe au fil de l'épée le
grand prêtre Achimélech, quatre-vingt-cinq
prêtres ou lévites, et tous les habitants de
la ville de Nobé, parce qu'ils avaient donné
retraite à David, ne sachant pas qu'il y
avait une rupture entre le gendre et le beau-
père. Deux fois David fut le maiire d'ôter la
vie à Saiil, et l'épargna : deux fois confus
de poursuivre à mort un innocent, Saiil
pleure sa faute el jure de le laisser désor-
mais en repos ; autant de fois il viola son
serment, cap. xviii, xix et suiv.
On ne saii sous quel prétexte il fit mettre
à mon les Gabaoïiiles, reste des Aiuorrliéens,
auxquels les Israélites avaient juré de con-
server la vie, // Reg., cip. xxxi, v. 1 et 2.
Prêt à eoinbaltre les Philisliiis, et se sen-
tant inférieur eu forces, il alla consulter une
pvllionisseou magicienne, pour taire évo-
quer l'àme de Samuel, el ap[)rendre quel se-
rait l'événenient delà bal;iille ; crime ex-
pressément défendu par la loi de Dieu, / Reg.,
c. xxviii. Au mot Pytiiomsse, no.is avons
examiné ce fait ; nous Jivons prouvé (pie
l'ânie de Simuel apparut vénlablement à
Saiil, non par la force des conjurations de
la m gicienne , mais parce que Dieu voulut
punir ce roi par le crime même dont il se
rendait coupable, en voulant , pour ainsi
dire, forcer le Seigneur à lui révéler l'avenir.
Enfin, par un excès de désespoir, ce roi se
tue lui-même, pour ne pas tomber entre les
mains des Philistins, c. xxxi, v. '*.
C'est avec raison que saint Jean Chrysos-
tome, méditant sur cetle histoire, conclut
que Saiil, loin de répondre au choix que le
Seigneur avait fait de lui, fut presque tou-
jours rebelle à sa volonté II aurait été heu-
reux et couvert de gloire, s'il avait su pro-
filer des lésons de Samuel, des talents el des
services de David ; il fut malheureux , el so
précipita de crime eu crime, dès qu'il fut
aveuglé par l'orgueil et par la jalousie,
Hom.a-l, in Mallh., num. 5, Op. tom. VII,
p. G-26.
L'histoire de Samuel, de Saûl et de David
est très-bien discutée par les commentateurs
anglais dans la Bible de Chais, tom. V.
SAUN'AGE. Ou n'entend pas seulement
parla un homme qui, abandonné dans son
enfance, a vécu seul, livré à une vie sembla-
ble à celle des animaux, m.iis on appelle
Sauvages ceux qui vivent par familles ou par
petites peuplades isolé s, sans société civile,
et qui ne connaissent encore ni les ans, ni
les lois, ni les usages des peuples policés.
Quelques-uns de nos philosophes modernes
oui entrepris de prouver que ceux qui vivent
ainsi sont moins malheureux et moins vi-
cieux que nous. Le sage Leibuilz même,
tout judicieux qu'il élait, a donné dans ce
préjugé. Il dit que les Sauimges du Canada
vivent eu paix, que l'on ne voïï presque ja-
mais des querelles, des haines, des guerres,
sinon entre des hommes de différentes na-
tions et de différentes langues ; que les
enfantsmêmes, en jouant ensemble, eu vien-
nent rarement aux altercations. Il ajoute
que ces peuples ont une horreur naturelle
de l'inceste, que la chasteté dans les familles
est admirable, que le sentiment d'honneur
est chez eux au dernier degré de vivacité ,
ainsi que le témoignent l'ardeur qu'ils mon-
trent pour la vengeance, et la consiance avec
laquelle ils meurent dans les tourments, il
dit enfin qu'à certains égards leur morale
pratique est meilleure que la nôtre, parce
qu'ils n'ont point l'avarice d'amasser, ni
l'auibitiou du dominer. 11 conclut qu'il y a
579 SAU
chez nous plus de bien et plus de mal que
chez eux ; Esprit de Leibnitz, tom. I, pag.
433.
Mais ce philosoplie n'nvail pas assez com-
paré les sauvages des différcnies parties de
l'Amérique et des divers climats ; depuis
que l'un en a examiné un plus grand nom-
bre, il résulte des dilTéreiiles relations qu'.n
général les sauvages sont beaucoup moins
heureux «l ont moins tif vertu que b'S peu-
ples policés; plusieurs tie nos écrivains, qui
avaient soutinu le eonlr.iire, ont été forcés
de se dédire ; nous sommes dune (m droit de
conclure avec, l'Ecriture sainte : Il n'est pas
bon t/iie rhoiinne soie setil; (len., c. ii, v. 18.
D'al)ord, quant au hien-clre pliysique, il
est certain que les sauvages necullivani rien,
réiluils à vivre de leur chasse et de leur pè-
ciie, sont souvent exposés à mourir de f.iim,
et que leur vie est Irôs-peu diflérente de
celle des animaux carnassiirs ; cet clat de
disette est un obstacle invincible à la popu-
lation, el c'est ce qui rend désertes les i lus
vastes contrées de l'Amérique, tîn général,
ces peuples sont tristes el mé.'auc cliques ,
naturellement timides, effrayés de loui objet
auquel ils ne sont pas accoutumés ; c'est ce
qui les rend f:irouches et ennemis d s étran-
gers. Il est prouvé qu'un grand nombre de
jeunes sauvages périssent dans leurs courses
par la faim, par la soif, par le froid, par
les fatigues, et que peu parviennent à la
vieillesse. La condition d<'S femmes surtout
e>t la plus humili !nle el la plus cruelle ;
elles sont traitées cotnme des animaux d'une
espèce inférieure à l'humanilé. A moins que
les hommes ne soient réunis et laboretix, ils
ne peuvent jouir des dons do la nature, dé-
ployer leurs facultés ni leur industrie ; quel
iionliour peuvent-ils donc goûier? On nous
dit qu'un s :nrage est plus conlenl dt^ sa
crass'', -le sa vie dure et de sa nudiié, qu'un
voluptueux européen ne l'est do son luxe et
de SI mol. esse ; cela n'est pas sûr : (luand
cela Si rail , nous dirions qu'il en est de
même d'un singe ou d'un pourceau, el cela
prouve que le bonheur d'un animal n'est
pas celui d'en hooune raisonnable. La terre
rendue féconde p;ir la culture fournit le né-
cessaire el souvent le superllu à un poU|ile
immense, l'homme n'est plus réduit à dispu-
ter sa pâture aux lions et aux tigres; six
lieues carrées de terrain cultive peuvent
nourrir plus de ommle que cent lieues de
terre eu friche. Comparons aux fertiles con-
trées de l'Kurope les vastes solitudes de l'A-
ineri()ue coiiveries de foréis, de marais, de
vapeurs pestiienlielles , d'herbes empoison-
nées, de reptiles dangereux, nous \errons
ce que pioiluisent parmi les humutcs le tra-
vail cl l'état de société.
On nous en impose encore, quand on dit
(jue les sauvages sont plus vertueux ou
moins vicieux que nous. Il est difliciL- de
comprendre comment il peut y avoir beau-
coup lie vertu dans un élal où la veMu man-
que d'exercice, el où l'on n ■ trouve pres(|uc
point d'objets capables d'exciter les passions.
La vertu bans doute est lu fjrce de idme, en
SAU
580
faut-ilbeaucoup pour suivre naachinalement
les penchants de la nature animale? Pour
faire un parallèle exact entre les mœurs des
sauvages et les nôtres, il faudrait comparer
mille familles réunies par la vie civile, avec
un nombre égal de familles sauvages, et un
égal nombre d'hommes de pari el d'aiilre;
ca'culer ensuite combien, dans un espace
de vingt ans ou davantage, il s'est fait d'ac-
tes de vertu ou de crimes de chique côié :
nous pouvons affirmer que l'avantage serait
pour le moîns quadruple pour les familles
policées. Un auteur moderne n'a pas hésité
d'écrire que, proportionnellement au nom-
bre des hommes, il se comiiiel au nord de
l'Amérique plus de cruautés et de crimes que
dans l'Eu'Ope entière, il est incontestable
que les sauvages poussent la perlidio et la
cruau é à des excès horribles dans la guerre
et dans la vengeance; on ne peut lire sans
frémir les traits qu'en rapportent les voya-
geurs ; nous ne comprenons pas conitnenl
on peut appeler jia ipijiies des troupeaux
d'hommes qui vivent dans un é'at de jalou-
sie, de défiance, de guerre l'I d'inimitié con-
tinuelle avec leurs voisins, el qui sont tou-
jours prêts à s'cnire-déiruire ulin d'avoir à
leur discrétion pour la chasse un terrain
plus vaste et plus peuplé de gibier. Les (|ua-
licrs de la Pensylvaaie, quoique les p us pai-
sittles des hommes, ont été souvent obliges
de inellre à prix la tête des sauvages, et de
les poursuivre comme des bêles féroces ,
parce qu'ils ne |)ouvaienl avoir avec eux ni
paix ni trêve. Ils n'ont pas besoin d'être fort
irrités pour être crui-ls ; souvent un père
écrase ou étrangle son enfant (!aus un excès
de colère, el la mère ll'o^erait s'y opposer
ni s'en plaindre. Si elle meurt en allaitant
son enfant, on l'enierre avec elle, pour n'a-
voir pas la peine de le nourrir; un fih aban-
donne son père; toute une h irde laisse périr
les vieillards, lorsque ceux-ci manquent de
force et ne peuvent plus suivre les chasseurs
dans leurs cours.ts. Tous ont une surle de
fureur pour les jeux de hasard ; ils y de-
viennent lorcenés, avides, turbulents; ils y
fierdent le repos, la raison et tout ce qu'ils
possèdent ; ce sont alternativement des en-
fants imliécilles e! des hommes lerrildes,
tout dépend du moment. Qu'ils soient chas-
tes par froideur de tempéi anu'nt , ce n'est pas
une merveille ni un grand mérite ; c'est l'effet
naturel île la vie dure el de la faiigue; il n'esf
pas nécessaire d'aller chez les sauvages piui
en trouver des exemples. Vindicatifs à l'ex-
cès, non par le motif du point d'honneur,
mais par la brutalité, ils sup()orienl les loiir-
meiils par une espèce de rage; et en res-
pirant la vengeance, ils insultent à leurs
ennemis, [)arce (lu'ils ne peuvent ni échap-
per à la miirt ni se venger autrement. Ce
n'est point là une \rai(! constance ni une
vertu. Nous ne leur ferons pas non plus un
grand mérite d(^ n'avoir ni l'avarice d'amas-
ser, ni l'ambition de dominer, ces deux pas-
sions ne leuvent avoir lieu dans un élal
où l'eu n'a pas même l'idée du l'une ni de
l'iiuire.
3S1
SAU
SCA
3«2
Quelques déistes ont pr<'fcndii que l'hom-
me dans i'éial fauvnqe est iiicipahle p.ir lui-
Kièdic de s'élever jusi [u'a l.i co:iiiaissanee de
Dieu; i|u'aiiisi, à cel é^aul, il pcui éln- dans
une iirnoranre iiivincihie. S ils avaient dit
que, d.ins cci étal, riioniiiie est incapable de
s'élever par lui-îniMiuï à une cnnriais-ance
de Dieu excniptc de toulc erirur, nous se-
rions <le leur avis, puis(|u'il csl prouvé par
l'expérience que» cela n'est j lUiais arrivé.
Mais (ni'il y ail des saiivayen qui n'aient ab-
solument aucune idée ciaire ou obscure ,
parlaile ou imparfaite de la Divinité, c'est
un autre l'ail coniraireà l'expérience, puis lue
l'on n'en a jamais Irouvé ileleis; ieu\ <|ui
oui cru en avoir vu élaieul mal informés.
Voy. L.vNCAcic.
Cuinme le pencIicTnl naturel des snuvarjes,
au.s.si bien que celui des enfants, est d'ima-
giner qu'il y a un esprit partout où ils voient
du niouveuicut. il leur est impossible de ne
pas jujîer (ju'il y a un ou plusieurs esprts
iuti lligenli) et Irés-puissants, qui donnent le
branli! à toute la nature; de la est né le po-
lythéisme chez Ions les peuples prives di- la
revéialii>n. Voi/. PaGamsme. Alais l'on a ren-
contré, nièuie p;irnii les smirrKjes, des hom-
mes (|ui avaiiMit de Dieu (qu'ils appeliient
le f/rand espiil] des nuliuns capables d'etoii-
iier les philosophes.
SAUVliUU. loy. Saiut.
S>uvRi:u (Gou'iréi^alion de Nothe-). C'est
une association nu un institut de chanoines
réguliers de saint Aujçustiu, réformée par le
hiciilieuri'ux l'i t re Fourier, prêtre de cette
c<uisréi;aliou et curé de iMatincoirt en Lor-
raine, niorl en KiVO. Cette reforme fut ap-
prouvée par Paul V, eu 1615, el par Cré-
goi.e XV, eu 1(121. L'objet de ces chanoines
est de travailler à Tins ruetiuu des jeunes
gens el des habitants de la cam|!agne. Plu-
sieurs possèdent des cures, d ils sont aclui 1-
lenient chaijjés de l'enseignenient de la jeu-
nesse dans les colges de la Lorraine, au-
trefois possédés par les jésuites.
Sawvkur (SAiNr-), autre congrégaiiou de
chanoines re^ulier.s d'il, .lie, appelée Scope-
tini, qui furent institues en l'i08, par le bien-
heureux Ktionnc , religieux de l'ordre de
saint Au;;uslin. lA'ur premier établisseuieut
se fit ilans l'église de Snint-Sauveur pi es do
Sienne, et c'esl de là qu'ils ont lire leur
nom. Celui de Scopetini vient do l'église de
Sainl-Donal de Seopè e , qu'ils oblinrenl à
Fliirence sous le ponlilical de Martin V.
SAUVEUR (ordre de Saint-1, ordre de reli-
gieux et de reliiiieuses fonde par sainte Bri-
i;itte, environ l'an ISi'i. L'opinion commiiui!
dans ce temps-là fut que, dans les révéla-
tions faites à cette sainte, .lesus-(]lirisl lui-
même en avait donné la règle et les consti-
tutions. Les religieuses de ret ordre, que
l'on nomme aussi lirigittines ou Hridijélines,
du mun de leur fondairice, nui pour piînci-
pal objet d'honorer les souffrances de Jésus-
Chrisl et de sa sainte Mère ; les religieux,
lie procurer les secours spirituels, nnn-seu-
tcuiuul à ces filles, mais ei:core à tous ceux
qui en ont besoin. Cette fondation fut exé-
cutée par 1,1 sainte au retour d'un pèlerinage
qu'elle avait fait à saint Jacques de Couipos-
lelle, avec IJIpho ou Cuelphe, son époux,
prince de Xéncie en Suède. I,e premier mo-
nasière fut bâti à Wessern ou WasIein, dans
ce mé!iie royaume ; elle y plara soixante re-
ligieuses, et dans un bàtimeni séparé treize
prêtres, quatre diacres ( t huit frères con-
vers. Klle donna aux nus el aux autres la
rèj;le de saint Augustin et des conslilnliona
fiartieulières ; Urbain V, Martin V el d'au-
tres papes qui les ont approuvées, ne disent
rien d<! la préiendue révélation qui avait été
faite à la sainte fondatrice. Clément \'lll y
fil ()uel(|ues Ci'iangements en KiO.'l, en faveur
de deux monastères que l'on établissait en
Flandie. Il y a encore aciiiellenient en Flan-
dre et en Allecnagiic plusieurs de ces monas-
tères (]i' brit/iltins ou de Vardri; du Sauveur,
dans les()iiels les religieux el les religieuses,
séparés par des cloîtres , se servent de
la même église. Vies di's Pires et des inar-
tyrs, I. IX, p. 491.
SCANDALF. Ce terme, qui est le même en
grec el eu latin, a signifié dans l'origine un
obsiaele qui s'oppose à notre passage, cl
par-dessus lequel il faut passer, tout ce (|ui
peut nous faire trébucher et tomber. Par
analogie, il a exprimé un piège tendu à un
animai ou à un homme; et au sens iiguré,
ce (jui peut être une occasion d'erreur ou
de péché. 11 est pris dans ces divers sens par
les écrivains sacrés. Levit., c. xis, v. 14-,
Md'i'se défend de ciiettre un scandnle devant
l'aveugle, c'e^t-à-dire un ob-tacic qui puisse
le faim trébucher. Mallli., c. xvi, v. 23,
Jésus-Christ a dit à saint Pierre : V uits m'c-
les un scandale, c'est-à-dire, vous vous op-
posez à mes desseins l'I à mes désirs. Lui-
même a été à l'égard des Juifs une pierre
d'achoppement elde scandale, contre laquelle
ils se Sont brisé? par leui faute, parée qu'ils
ont pris de travers les caractères qu\ dési-
gnaient sa qualité de Messie. Ainsi une chose
innocente en cllc-tnéuie peut devenir un scan-
dnle,o» une occasion de chute, à ceux qui ont
la m;ilice d'en abuser el d'en tirer de fausses
conséquences. Lorsiiue Jésus Christ pupniit
de di;nner sa chair à manger el son yng à
boire, les Juifs s'en offensèrent; il deaianda
à ses di'-cipb s : Cela tous scandaliat- l-il ?
c'est-à-dire, prenez-vous mes parulds dans
un sens aussi grossier et aussi fauxjtine les
Juifs? V.w matière île doctrine, une proposi-
tion scandaleuse est celle qui induit en er-
reur, par des conséquences qui s'en-uivent.
La mon! igne du Scandale, l V Urg., c. xxiii,
V. 13, était la montagne des Oliviers, sur la-
quelle Salonion, par com(ilaisance pour ses
femmes, avait éle\é des autels aux faux
dieux, ce qui était pour ses sujets une occa-
sion d'idolàlrie. — Conséquemmenl les théo-
logiens tielinissenl le scanilale, une parole,
une aetioii ou une omission capable de por-
ter au iiéi hé ceux (jui en sont témoins ou
qui en ont l.i connaissance, ils appellent
scandale actif, ou donné, l'action de celui
qui scandalise, et scandale passif ou reçu, le
383
SCa
SCA
384
mauvais effet qu'en ressentent ceux qui se
trouvent par là excités au péché.
Liirsque quelqu'un , par malice, lire de
fausses inductions d'une conduite innicenie
ou louable en elle-même, c'est un srandale
pharisaïque, une imitation de ce que fai-
saient les pharisiens à l'égard de Jésus-
Christ ; ce ii'csl pas à ce sujet que le Sauveur
a dit : Malheur à celui par (jui vient le sraii-
dale (Mutih., xviii, 27), puisque alors celui
qui le donne est innocent et fait ce iju'il
doit. Si c'est par igiioraiîce ou par faiblesse
que quelqu'un tire de fausses conséquences
d'une conduite qui n'a rien de blâmable,
saint Paul ?eut que l'on évite de donner ce
scandale, autant qu'il est possible : Si la chair
gue je mange, dit-il, scartdalise mon frère, je
n'en mangerai de ma vie (/ Cor. viii, 13j. La
veille de sa passion, Jésus-Christ dit à ses
disciples : Vous serez tous scandalisé>: de moi
pendant celle nuit {Marc, xiv, 27) ; c'esl-à-
ilire, en me voyant souffrir, vous serez tous
lentes de croire que je vous ai trompés, et
que je ne suis pas le Fils de Dieu. Mais ce
scandaleain^i prévenu, nedevait pasempécher
noire divin Sauveur d'accomplir la volonté
de son Père. La circonstance du scandale,
donné par une mauvaise action, augmente
certainement la grièvclédu péché; par con-
séquent celle circonstance doit être accusée
d.ins la confession ; plus une personne est
obliiiée par son rang, par sa dignité, par la
sainteté de son étal, à donner bon exemple,
plus le scandale eii criminil de sa part. Lors-
qu'un homme vicieux cache ses désordres
aillant qu'il le peut, on ne doit pas l'accuser
d'hjpocrisie s'il le fait afin d'éviter le scan-
dale ; il est moins coupable que ceux qui
violent toutes les bienséances et bravent la
censtire publique sous prétexte qu'ils ne
veulent pas éire hypocrites.
SC.\PULA1UK , p.iriie de l'habillement de
dilTércnls ordres religieux. Il consiste en
deux bandes d'étoffes, dont l'une passe sur
l'eslomac, et l'autre sur le dos ou sur les é-
paules ; de là lui est venu son nom ; Ifs rcl'»
gieux profès le laissent pendre jusqu'à terre;
les frères lais jusqu'aux fi-enoux seulement.
L'iibbi' iMeury en a iuUique l'origine, A/tt'Uï5
dts chrél., n. o4.« Saint IJenoît, dilil, donna à
ses religieux un sctipu/airc pour le travail. Il
éiait beaucoup plus large et plus lourd qu'il
n'est aujourd'hui ; il serwiit, comme le porte
son nom, à garnir les épaules pour les far-
deaux et à conserver la tunique. 11 avait son
c.ipuce comme la cuculle, et ces deux vête-
ments se portaient séparés ; le scapulaire
pi udant le travail, la cuculle à l'égliite et
iiors de la maison. Depuis, les niuiues ont
reganlé le scnpulaire comme la partie lu
plus e>sentielle de leur habit. Ainsi i;s ne le
quittent point et mettent le froc ou la coule
par-dessus.
Le scapulaire est aussi un signe de dévo-
tion envers la sainle Vierge, qui fut introduit
parmi les fidèles, vers le inilieudu xiii'siècle,
par Simon Stock, carmeanglais, ei général de
son ordre. Ce signe, chez les r<'ligieux, est de
porter leur scapulaire; chez les laïques, c'est
de porter deux petits morceaux d'étoffe sur
lesquels est brodé le nom de la sainte Vierge,
et d'en réciter l'office avec quelques autres
pratiques de dévotion. Simon Stock assura
que, dans une vision , la sainte Vierge lui
avait donné le scupulnire comme une marque
de sa protection spéciale envers tous ceux
qui le porteraient, qui garderaient la virgi-
nité, la continence ou la chasteté conjugale,
selon leur étal , et qui réciteraient le petit
office de Noire-Dame. — Le docteur de Lau-
noy a fait un ouvrage dans lequel j| ;i re-
gardé celte vision comme une imposture, et
a traité de pièces supposées les bulles des
papes que l'on cite eu sa faveur. H prétend
que les Carmes n'ont commencé à fiorter le
scapulaire ((ue longtemps après la date de la
vision prétendue. Le pape Paul V, en retran-
chant quelques abus (|ui s'étaient glissés
dans celle dévotion, l'a cependant approu-
vée , de même que Pie V, Clément VllI et
Clément X ; Benoît XIV^ a réfuté l'ouvratje
de de Launoy, de Canonis sanct., tome IV,
w part., c. 9; de Festis B. M. Virginis, 1. ii,
c. (i. — Moshuim , en zélé protestant, très-
prévenu contre le culte de la sainle Vierge,
a traité la prétendue vision de Simon Stock,
de fable riclicule et impie, de fraude notoire,
de sottise superstitieuse. .< Les Carmes, dit-il,
ont publié ((ue la Vierge avait promis à ce
religieux que tous ceux qui mourraicntavec
l'habit des C armes ou avec le scapulaire. se-
raient à couvert de la damnation éternelle.»
11 témoigne son élonnemenl de ce que plu-
sieurs papes, et eu particulier Benoît XIV,
ont fait l'apologie de celte superstition. His-
taire ecclés. du xui' siècle , ir part. , c. 2,
§ 29.
Pour avoir droit d'accuser Simon Stock de
fraude et d'imposture, il faut être en état de
prouver qu'il n'a eu ni révélation, ni vision,
ni rêve; qu'il a forgé malicieusement cette
histoire pour tromper les fidèles; où en sont
les preuves? Ce religieux austère , mortifié,
dévot, fortement occupé du dessoin d'aug-
!!l!",l!er la piété envers la sainte \'ierge, a pu
rêver qu*eiie lui Jipparais^ail ; c! iJ n'çsl pas
le premier qui ait pris ae Donne foi un rêve
pour une réalité. Il n'a point publié que tous
ceux qui mourraient avec le scapulaire se-
raient sauvés : si quelque Canne ignorant a
écrit Cette erreur dans la soile , Mock n'en
est pas responsable. Aucun des papes qui
ont approuvé la dévolion du scapulaire n'a
affirmé la vision de ce religieux et n'a or-
donné de la croire : aucun n'a donnéauiuiic
espèce d'ap|)roliation à l'erreur que Moshelm
met sur le compte des Carmes. Autre chose
est d'approuver une dévotion qui parait utile
et salutaire, sans en rechercher l'origine, et
autre chose de confirmer les faits sur les-
(juels <les visionnaires voudraient l'appuyer.
IScnoîl XIV a pu réfuter les preuves et les
suppositions sur les(iuellcs de Launoy avait
raisonné, sans juger vrai le fait que ce doc-
teur allaquail. Toute la question se réduit
donc à savoir si la dévotion de porter le sco-
pulaire est bonne ou mauvaise, pieuse ou
abusive et superstitieuse : or , nous soute-
38S si;e
noos qu'elle est utile et salutaire, puisqu'elle
porie les fidèles à honorer l.i Mère de Dieu,
à imiler ses vertus , à réiiler des prières, à
fréiiuenler les sacrements, à fraterniser en-
semble pour faire de bonnes (inivres. Donc
les papi'S oui bien fait de l'approuver, sur-
tout dans un temps où il était iiceessaire de
prévenir les fidèles contre les clameurs des
iicreliques , et de les affermir dans 1 1 piété ;
mais il est faux que , par celte approbaiion,
ils aient donné aucune sanction à la vision
vraie ou fausse de Simon Stock , ni aux er-
reuis que les Carmes ont pu débiter sur
l'eflicacilc du scnpulnire. Au contraire, Paul
V a donné une bulle ex[ircs pour proscrire
toute conséquence erronée que l'on peut
tirer de là, et tout abus que l'on peut en
faire.
SCÉNOPÉfilIÎ. Toy. 'l'AHi-RNACi.rs.
SCliPTIClSME eu fait de religion. C'est
la disposition d'un philosophe qui prétend
avoir <'xaminé les preuves de la religion,
qui soutient qu'elles sont insuffisanles ou
biilan<'ées par des objeciions d'un poids égal,
et qu'il a droit de dimcurer dans le doute
jusqu'à ce qu'il ailirou\é îles arguments
invincibles auxquels il n'y ait rien à uppo'
ser. Il est évident que ce doule rétléclii e<t
une irréligion formelle; un incièdulM ne s'y
tient (lue pour être dispensé de rendre à Dieu
aucun culte, et de ne remplir auiun devoir
de religion. Nous soutenons que c'est non-
seulement une impiété, mais encore une
absurdité. 1" C'en est une de regarder la re-
ligion comme un procès entre Dieu et
riiumme ; comme un combat dans le(|uel
celui-ci a droit de résister tant qu'il le peut,
d'envisager la loi divine comme un joug con-
tre lecjuel nous sommes bien fondés à dé-
fenilre notre liberté, puisque celte liberté
preii'iidue n'est autre chose que le privilège
de suivre sans remords l'inslinit des pas-
sions. IJuicoiique ne pense pas que la reli-
gion est un bienfait de Dieu, la craint et la
déleste déjà ; il est bien sûr de ne la trouver
jamais sullisamuient prouvée , et d'être tou-
jours plus affecte par les ol)jociions que par
les preuves. 2° Il n'est pas moins contraire
au bon sens de demander pour la religion
des pieuves de même genre que celles qui
démiinirciil les vérités de géométrie; l'exis-
tence même de Dieu, quoique démontrée, ne
porte pas sur ce genre de preuves. Les dé-
monstrations métaphysiques que l'on en
donne, quoique très-solides, ne peuveiil
guère faire impression que sur les esprits
exerces et inslruiis; elles ne sont point à
portée des ignorants. 3° La vérité de la re-
ligion chrétienne est appuyée sur des faits,
il en doit être ainsi de toute religion révé-
lée. Puisque la révélation est un tait, il doit
être prouvé coiiiuie tous les auires falls par
des témoignages, par l'histoire, par les mo-
numents ; il ne peut et ne doil pas l'èlre au-
trement. N'esl-il pas aussi demo::iré eu son
genre que dsar a existe , qu'il y a eu un
peuple romain, (jue la ville dé Home subsiste
encore, qu'il l'est «lue les trois angles d'un
triangle soûl égaux à deux angles droiis ?
5CE "Sfi
Un esprit sensé ne peut pas p.usuouter d'une
de ces vériiês que de l'autre. 11 y a plus:on
peut être indifférent sur la dernière , ne pas
se donner la peine d'en examiner et d'en
suivre la démouslritiDn, parce qu'on n'a pas
l'esprit accoutumé à ces sortes de spécula-
tions ; l'on passera tout au plus pnur un
ignorant ; mais si l'on montrait la même in-
dilTérence sur la vérité des faits , si on refu-
sait d'avouer que César .i existé et que Kome
subsiste encore , ou serait certainement re-
gardé comme un insensé. Ces faits sont donc
rigoureuseinenl démontrés, pour tout homme
sensé, par le genre de preuves qui leur con-
viennent, et il n'est point d'ignorant assez
slupide pour ne pouvoir pas les saisir. 4" La
preuve de la religion la plus convaineanio
pour le commun des hommes est la con-
science ou le sentiment intérieur. Il n'en est
aucun qui ne sente qu'il a besoin d'une reli-
gion qui l'iiislruise, qui le réprime, qui le
console. Sans avoir examiné les autres re-
ligions, il seul par expérience que le cliris-
lianisme produit en lui ces trois effets si
essentiels à son bonheur; il en trouve donc
la vérité au fond de son creur. Ira-t-il cher-
cher des doutes, des disputes, des objections,
comme font les sceptiques? Si on lui en op-
pose, elles feront peu d'impression sur lui;
le sentiment intérieur lui lienl lieu de toute
autre démonstration (1). 5° Y a-t-ii du bon
sens à mettre en question pendant toute la
vie un devoir qui naît avec nous, qui fait le
bonheur des âmes vertueuses , et qui doit
décider de notre sort éternel? Si nous venons
à mourir sans avoir vidé la dispole, aurons-
nous lieu de nous féliciter de notre habileté
à trouver des objections? 11 n'est que trop
prouvé qu'un sophisme est souvent plus sé-
duisanl qu'un raisuniiciiienl solide, et qu'il
est inutile de vouloir persuader ceux qui
ont bien résolu de n'être jamais convaincus.
C° Les scepliqiies prétendent qu'ils ont cher-
ché des pieuves, qu'ils li's ont examinées,
que ce n'est pas leur faute si elles ne leur
ont pas paru as^ez solides. N'en croyons
rien ; il n'ont cherché el pesé que des oiijec-
lions. Ils ont lu avec avidité tous les livres
éirits contre la religion ; ils n'eu oui peut-
être pas lu un seul composé pour la défen-
<ire ; s'ils ont jeté un coup d'ieil rapide sur
qucUju'un de ces derniers , ce n'a été que
pour y trouver à reprendre et pour pouvoir
se \ an ter d'avoir tout lu. Dès qu'il esi ques-
tion d'un fait qui lavorise l'inciedulilé , ils
(I) L'ol.il du sceplii|iie a élé p.Trfailenienl carac-
térisé dans les lignes suivantes : i Les iimlirs qui
reliciinenl les scepliiiiics smit (uéeisénieiil les inc-
lues i|iic ceux qui déleiinineiU les alliées, l'orgueil,
l'iiMlépeniliiiice, la répngii;ince rie se snunieiire à
destins iiicocuiiiodes. Dans les doutes qu'ils (iropo-
seiit ou viiii de quel côté peiielie leur lœiir ; t't'i|ui-
lilire :i|ipiirent dans lequel ils se lieiiiienl (■e^seralt
liii'inni, SI le^ |la^sll>lls ne soiileiiuieiit l'un îles lias-
SI115 de la h.ilance. Ils iiisislciil sur les olijeetions ,
jaiiiiiis sui les pieuves; Imii d'avoir aueun regret de
leur incerliiuile ils se léliiileiil d'éire convaincus.
Un malade qui itioiUrerail la inéine lraii(|uillllé lorsque
les médecins cuiisnltent sur suh état, ne paraîtrait
jias faire grand tas de la vie. >
387 SCE SCH 588
!o croient sur parole et sans cxainon ; ils le (juolque autre passade df rEcritin'e;'2'' pnrce
(•ojiieiit , ils le répèlciil sur le (on Ip plus (lu'il n'y a aucune nueslioii conlrnversce en-
;inircnaiif. Vainement on le réfulcra vingt Ire les différcnles secics sur la()Uelle chacune
foi-, ils ne laisseront pas d'y revenir l<;nj'iur.>i. n'allègue des pas'ajjcs de l'Ecnlure pour
On les a vus se fâcliei- contre des criliques élayer son opinion; que li' sens de rKcriluro
i|ui ont déuionlrc la fausseté de certains éiaul ainsi l'objet de toutes les dis])ules , il
iaiis souvent avancés par les inciéduU's ; ces est ahsurde de le regarder comme le moyeu
écrivains sinrèies ont élé forcés de l'aire k'ur de les décider.
apologie, pour avoir ose enfin découvrir la Sans prendre la peine de répondre à ces
vérile et confondre le mensonge, et c'est raisons, les protestants oui rèjdiqné qu'en
ainsi que nos sce/jiir/ites ont chcrclié de bonne appelant à l'autorité de l'iiglise , Icscaitio-
foi à s'instruire ; les plus incrédules en l'ail liqucs relombcnl dans !■; même niconvénienl;
df preuves sont loujours les plus crédules qu'il es! aussi difficile de savoir iiuelle est la
en fait d'object ous. vér. table Eglise, que de discernor quel csl le
Vous ne croyez à la religion, nous disent- vrai sens do l'Ecrilure ; qu'il n'est pas plus
ils, ()uc par préjugé ; soit pour un moment, aisé de se convaiuire de l'infaillibilité de
Il u'.uis paraîi que le préjugé de la relig iou l'Eglise , que du vrai ou du facix de loue
esl moins blàm .ble que le préjugé d'incré- autre opinion. Les im rédules n'ont pas m in-
dulite ; le preuiier vient d'un amour sincère que de juger qu- les doux partis ont raison,
pour la vertu, le second d'un pem liant dé- ([ue 1 un n'a pas un meilleur fondement de
cidépoMi' le vice. La religion a été le pré- sa fji que l'autre. Mais nous en avons dé-
jugé de tous les grands hommes (jui ont vécu montré l.i diilerence. 1" Nous avons fait voir
depuis le commencemenl du monde ju(in'à que' lu véritable Eglise se fait disrernerpar
nous; l'inciédulilé , qui n'est qu'un liiurli- uncai actère évident et sensible à tout hooiiue
nage d'esprit , a éié le travers d'un petit capable de réllexion ; savoir, par la callio-
nombre de raisonneurs très-inutiles et sou- licite, caractère qu'aucune secte ne li:i cou-
vent très pernicieux, (|ui ne se sont fait un teste , et (jne toutes lui reprochent même
nom (jue chez les peuples corrompu ;. comme un opprobre. Il n'est dans la sein de
Dieu, disent encore les sce/)(/(/iie« , ne pu- l'Eglise aucun ignorant qui ne sente que
nira pas l'ignorance ni k' doute involontaires, rouseigneinent universel de cette Eglise est
Nous en sommes persuadés ; mais la dispo- un nioyen d'instruclion plus à ha portée ()iio
sition des sce/jfi'/Mcs n'est point une iguonuce l'Ecriture sainte, p lisijue souvent il ne sait
involontaire ni un douie iuuo ent, il est ré- pas lire. Voy. Catuolique, GtTHoLierrÉ, tlà-
llé bi et délibéré , ils l'ont recherché avec tholicis.me. i" Nous avons prouvé que l'in-
tout le soin possible, et souvent il ne leur faillibililé de l'Eglise est une conséi|u<Mice
en a pas peu coûté pour se le piociirer. S'il directe et immédiatr de la mission divine des
y a eu uu cas drins la vie où la prudi'nce pasteurs, mission (]ui se démontre par deux
nous dicte de prendre le parti le plus sûr faits publics, |)ar leur succession et jia'- leur
malgré nos doutes, c'est certainement celui- ordination. Les proti'slauls ont supposé l'.ius-
ci ; or. le parti de la religion esl évidemment seuii ntque cette infaillibilité ne pouvaitétrc
le plus sûr. prouvée autn ment que par l'EcritUie sainte;
David Hume, zélé pariisan du scepticisme enc >ri: une fo s, lujus leur avons denioniré
philosopbii|ue , après avoir étalé tous les le contraire. î o^. Eulise, § 5.
^ophisiues qu'il a pu forger pour l'établir, C csl par révcnement qu'il faut juger le-
est forcé d'avouer iju'il n'en peut résulter quel des deux systèmes conduit au tcepli-
aucun liien, qu'il est ri liculc de vouloir dé- cisme et à l'incréduliié. Ce n'est pas e:i sui-
Iruiie la raison par le raisontienienl ; (jue la vaut le principe du catholicisme, mais celui
nature , plus forte que l'orguril phlloso- de la prétendue réforme que les raisonneurs
phique, maintiendra toujours ses droits con- sont devenus sociniens, déistes, scept quis,
Ire toutes les spéculations alistraites. Disons incr 'adules. Da^ s vingt artirles de ce Dic-
hardiment (lu'il en sera ue même de la leli- tionuaire, nous avons fait voir que tous sont
giuu , puisqu'elle est entée sur la nature; partis de là, et n'ont fait que pousser les
que si nos mœurs publiques lievcuaient cousequences de ce principe jusqu'où elles
meilleures , tous les incrédules, m-epliqucs pouvaient aller. Les incrédules de toutes les
ou autres, seraient méprisés et délestés. sectes n'oni (iresqui! luil autre chose (|U(!
Dans les disputes qui ont régné entre les tourner conire le clirisiia lisme en général
Ihéologiens catholiques et les prolestanls, les objections ijue les protestants ont laites
ils se sont iccuses mutuellement de favoriser contre le c itholicisme. Ce n'est donc pas à
le scepticisme en fait de religion. Les pie- ces deri.iers qu'il convient de nous repro-
miers ont dit qu'en voulant décider toutes clier (pie notre système ou notre méthode
les questions par l'Ecriture sainte, sans un conduisent au doute universel eu fan de re-
aulre secours, les protestants exposaient les ligion. Voy. Enuiii r.
simples fidèles à un doute universel, l'paicu
que le très gr.ind nombre sont incipables '^ SCIlELLINt,. Sclielling est l'un des gnnds nLii-
de s'assurer par eux-mêmes si tel livre de "'''s >J« ,!" I'IuU'so|.I,ib allemand.'. L'expos.iiui, de
,,., ., ' ,, ,, . ., „o.,/%.,; ..... ;, ses systèmes :i|i|iarueiil :iu dictiMiiinuie ue pluloso-
l Ecriture est au hentiquc , _canoni,|ue , ins- ,,,,i,/No,is no.ls co:.ientc,-.n, dune de parler ici des
pire, ousilne 1 esl pas : s il est lidelement Uoeiriiiesde Sclieiling dans lenr nppnrl aveclalhéo-
traduil, s'ils eu prennent le vrai sens, si ce- i„g,e. Un peni diviser sou enscaiiemeni en deux
lui qu'ils y dotineul n'est pas contredit pur parties distinctes.
38)
se H
SCll
390
M. (I(! Viili'Oi;pr les qualifie d'ancien ei de nou-
veau sysième. l/;iiicien sysiènie dt; Sciielling rcit-
reriiiaii un p mlliéisiue pur, eq^riuié sou-, lu nom
d'ABSOiu (voij. ce mol), l/nlisulii qui esl suuveul
dccoro du Il de Dieu, U'Elre suprèuie à qui ou
donne une providiiice, esl la snh.s(ance universelle
soumise ù des lois iniciieuies el i é''es»it mies. Si Dieu
esl qiieUiue clrnse, il n'e^i que l'àuie du niondi', il
se développe lalaleincni p;ii' ^a naïuie et dins su
naiure; riiuina ilé, l'un doses développemenis, a
révélé sou exislence personnelle, que l'on iloil dis-
luiguer deses iiiodilicaiiciiis. C'est (le là qu'.in doit
partir pour avoir uii' noiion exacte de nus niysières.
4 Sur ce lonilsde doclilnesiiiiptes, diirédiii<iii Lel'ort,
d'a|irés M d' Valroi;er, Selielling éiemlail pru.leui-
ment un voile de l'onnules cliréinui les. Il n'y a pa-i
ilaus noire symbole un seul oiysièiB qu'il ne pié-
lemlil éclairer et iradiiir<! scienliliquemeol : la lii-
nllé, le péciié oiii;iiiei, rincaniai.on, la réileinplioii,
devenaienl des mélapliin-s ou des allégiries paii-
llié sliqiie- ;•■' lous les faits de l'iilsloire rehi;ieiise
suliissiiieiil les Iranslurnialioiis les plus inaleuiluns
sous la ba^uriic puissanle de ce inagicieii. Essayons
rapidemenl d'en dojiiier quelipicidée.
< Déchéance. Notre aclivilé, suivant ScheUhig, ne
peui déiiver de liieu lnnl enlièie ; elle doit avoir
nue r.icine iii.léiicmKinle, nu moins fit ic ijm coiuer-
ne la lineité de Itiirc le nittl. Mais d'o;i pciil venir cel-
le uiaiivaiae muilté dt; riinmnie, si tdie ne virnt pis
de Die.i ? A ceiie i|ue>li'iii, voici la lépo si- du plii-
liisujilie : l.e munde pii niiil ci ^UmiI i élnl loui eu
Dieu; inal> le monde auuul et relalil, n'esi pa-> tel
qu'il él.iil, el s il ne l'c-il plus, c'e5l picri>cuient
parce qu'il esl devenu i|ui-linie cliose eu s"i (a. La
réaliic du ui.il apji.iiul av<:e le pieiiiier acle de la
volonté liuiiiaine, ro^ée iiniopinidanie ou diirérenie
de la volonté d.viiie, ci le pieniier acte a cié l'ori-
giuf de loui le mal ijui des le le mnude. Ici ou eii-
Irevnit conluséineut deux svsléme;- lieu dill'.ienls :
suivant l'un, la cliuleorijjinelle, sonice <le tout mal,
c'est rimlivuliiallié, lu persoiiualiié; ïiiiviiil l'aulie,
le péclié priiniur a elé un acle de la voloulo humai-
ne uppo.-e à la volonté divine. Le premier de ces
sysicmes a é.é inspiré p.ir le panlhéisme, bien qu'au
liuid il ne p d>se s'iiccorder avec lui. Quant au se-
cond, il est II. en elaireinent encore en contiadieliou
avcc le priiit'ipe île t'idiuililé absolue. Comuie les
giiosliqiies Cl J.icub Bnelimc, dont d eiupriinie snu-
veni II s i.lées et îiièine le lanj;age, Sclielliiui pié-
leiid r.ill.iclier ^es méories les plus bigarres aux tex-
tes de nos livres saints ; mais il donne, bien enleii-
dti, il (es lexles une si;^ti.Ucaii ui dont persunne ne
s'elaii jamais avisé. — foursuivons noire expusi-
tiuti.
I Réliabitilalioii. La chute de riionime ne bri-
sa pas seulemeiil le lien ipti rallacliail ses facultés
à leur centre ; elle eut dans le monde des résultais
iiiiineiises. Le mniide lut eu elIVt en Ueliors île Dieu,
de D eu irimitil, de Dieu le I ère. Il ai;!t dé-ormais
coiiiine être à pari, à peu piès coiiiiiie dans le^ tliéii-
ries gno»iiiiques, c7o-fr.a, l'àiuedii nmnde, el le> gé-
nies émanés de son >eiii. Mais un Sauveur devait ra-
iinncr au péie ce i|ui était éiiiané du père ; second
Adam, il assemiila les puissances diSSetninées, il
rendit il leur primitive hariiioiiie la conscience du
(fl) M. Maltcr ajOHie qne, suivant Solielling, l'absolu a
cmi luil le ir.oniJe de telle sorte qu'il rieciiU i/iiei/ui' cliose
pur nui; luns alors ee^l doue l'alisulu qui est cuii|iable nu
pèche O; ij;niel. l'uir Maitur, p. ô2, .îo. ScUelling a-ail dit
ilaus boii llnmo : t s>'il arrive i(ue tes très que nuus imiii-
II. Uns ludivMiieU |i.irviciiQeiiL a nue cmiseieiau iiidivi-
il..rile, l'esl loiMpi ils se si'iiarenl de Uieu , ei qu'ils vi-
venl ainsi dans le péilK'. M ns la vertu lonsi-ie à faire
abuégaiiou de soi ii.diudu.dilé, el h retuiiruer ainsi à
Dieu, source éternelle des iiidividualiies. » Bjwi;, p. otJ
k6S.
mninlc, cl la .sienne, celle de l'idenlilé ; il redevint
lit t'ih lie Iheu, se soumit au l'ère, ei réialdii ainsi
dans l'uiiilé p imilive el d vin • inUl ce <|ui • st. (l'est
ainsi (|ue l'inliiii, D en, est rentre d uis le liiii, le
inoiidi!. Aussi Dieu, devenu li.nii ne, le (.iirisl. ;i été
l'CceSsaireinent la lin lies (lienv du piigiiiiisiiie. > Mat-
1er, p. oi, I L'imite réiablie, l'i mi: m- peiii néan-
inoill^ se sauver que nar l.i niiri de I é^ni-me, el en
paiiii'ipant au sacrilice du Cliiint. Ui, ii I ml la puis-
sance divine, le Saint Esprit, pour laie cesser la
(livisinii de la vuloiilé et de la pensée liunialne. i
Ibid.
< llhlohe de la Religion. — Telle esl eu sulis aiiee
la tliénrie de la cliiiie et de la relialiilii .liiii ima;;!-
iiée par Svliellnig. 11. Bdlanclie, M. Co ism, (!i ur-
loul i\L Leinux ont iuiilé ce nouveau guosticisme
d'une façon jilus ou muins timide, plu- ■■u m dus
liéléioduxc. Mais les vues du pliilosnplie allemand
sur le pagatiisme oui exercé parmi nous une inllnen-
ce licaucniip plus i refonde. Lniiguement développée
dans la cuiupilaiioii d -. M \L Creus-r el Gn'giiiaiit,
elles apparaissent soiiveni dans M.M. Cousin, E.
Qiiiiiet, Leroux, el une niuliitude d'autres éciivains
inuiiis inipoi lanls. iSou^ allons donc les résumer.
Dans l'intervalle entre, la cliiiie et la réliabilitation,
« les laeultés de l'Iiomnie agissaient insliiicliveuient
dans le Siuis des puissances de la nature, et lisaient
pour ainsi dire daus leurs secrets. » ("est lii ce qui
explique la divination et le propliélisine, les oracles
el les myllioliigies. Maller, ibid.
« Toute la substance delà religion cliréiientieélait
cacliee dans le syuibobsine des niysières païens; elle
se l'aisaii grailneilemenl m vertu de la loi du progrès,
et. dans les derniers siècles qui uni précédé notre
ère, elle elail il peine enveloppée de quelques voiles
Iranspiients. AiiiM ce n'est pas seulemenl chez les
Jiiils et les patriarches que l'on doit clierclier Im
or gnes de nos croyances. Chaque peuple de l'an-
tiquité a cuiilrilmé pour sa part à la lormaiiuii de
nulle symbole el le iintre culte. Toutes les religiniis
païennes étaient coiiiine les divers chapitres d'une
vasle et nécessaire inirodin linii au chrisiianis ne.
Diip is esl l'un des li mes >pii ont le mieux enten-
du l'iiistoire des religions, i
.M. Selielling avait fait sa théorie a priori sans te-
nir ancnu conplH des f.iils anlérieiirs. Lorsqu'il eut
éliidié les fails. comparé ses théories aiix données
que nous loiirnlsseni la croyance el les iradiiinus
de tiins les peuples, il déclara que, jugeant de-i clio-
Si s cxiérieiires el i éi-lles, on n'empiny.iil (pj'iin moyeu
de eonniîlre la vérité; que, négligeant les autres, on
en avait une idée lorl ineoiiiplèie. i Nous sentons,
en coiiiemplant les ch 'ses de ce inonde , ipi'edes
ponniieiil ne pas être, qu'elles pnuriaient eue aii-
liement, (|u'el!es sont aceldeiilelles. L'hiimaniié té-
iiioigne en noire faveur : le Dieu qu'elle adore est
nu Dieu per»oniiel el lihre. Nous avons encore, pour
préférer la méthode historique, lous les iiisiiiicis
qui proies eut eu nous eonire le pantiiéisine. Nous
avons les sonver.iines cerliiiides de 1 1 morale qui
suppose la liberté de i'Iiomiiie et la persounalié de
Dieu. >
Cette idée était vraie et féconde ; on espéra enfin
que le iliilnsophe embrasserait loule la vérité ehré-
lienne. Les prniestants le jugèrent catholique déci-
dé ; il lui sulfi^ait eu ellét de suivre la roule dans
la.|uelle il venait d'entrer pour le devenir. Il lenlu
de donner une apologie transcendante du < lni.sii i.
nisiiie; il oublia le princip- du véiilé qu'il avait le-
connn el donna à riiiia;tiiiatinn el il re?prit de sys-
tème beaucoup plus qu'il ne fallait.
f L'an.ilyse, dit l'édiiion Lcfori, d'après M. de Val-
roger, s'avoue impuissante à donner une idée un
peu coiiiplèie des ^péenlatious inaccessibles dois
Il sqiietles s'enfonce l'audacieux penseur. Eu voici
seulement les principales conclusions : 11 y a trois
391
SCIl
SCH
392
principes on facteiirà de I exislence (a). D'ahord un
principe de l'exis ence alisolue, iiidélei minée, en
queli|Ui- sone :ivf'ngle el chaotique, puis une éner-
ge rivale qui lui résisie el la resireinl. La lnlle de
ces deux puissances et le irininphe progressii de la
seconde oui produit la variéié des êtres et le déve-
loppement toujours plus parlait de la création. Ce
du.ilisnie est dominé pai' un troisième principe, qui
appafHÎi dans le monde avec riioinrne, lorsque l'exis-
len(tii aveugle a éié vaincue. L'Iioniuie, IVsprit, pos-
sède tous les principes de rexistence ; mais la nia-
lière aveugle e>t enliérenn'nt transligurée en lui.
T(nit en lui e»t lumière el harmonie, il est l'image
lidéle de Dieu. A l'exemple de Dieu, il est libre
atiNSi, il est maîire de rester uni à Dieu, ou de s'en
détacher, de demeurer ou non dans l'harmonie.
< Chiile primitive. — « L'expérience seule rîous
apprend ce qui s'esi p;issé. L'étal de l'homme atleste
la chute. li)ncore ici le décrei est libre, mais il se
réalise d'après des lois nécessaires. L'homme tomba
en s'asservissaiil au principe de la matière. Un con-
flit pareil à celui qui produisit la matière dui alors
se remiuveler. Seulement celle guerre, au lieu de
remplir de son trouble les espaces de l'univers, n'a-
gita plus ((ue les profondeurs de la conscience hu-
maine. Pendant de longs siècles rhonime lui, pour
ainsi dire, dépossédé de lui-même ; il n'élait plus
l'hôte de la raison divine, mais celui des puissances
Tiluiiiques, désordonnées, qui renonvehiient en lui
leurs anciennes discordes. > — Alors il dut lui ap-
paiailre des dieux étranges que nous ne pouvons
plus concevoir; el il ne pouvait s'affruicbir de celle
lumultuetiÂe vision, La Unie ipii avait une première
fois produit le monde, produisit les mythologies. La
marche de celle Intie fut la mène qii'auirei'ois, et le
principe de la matière lut à la lin entièrement domp-
te. Api es ces vastes préliminaires, le christianisme
parut, créa l'Iiomnie, pour ainsi dire une seconde
lois, el le rendii à lui-même el an vrai Dieu.
I Du pugaiiisuie. — Ainsi, suivant Schelling, les
mylliulogies étaient pour l'hoinme déehn une iiéces-
siié. iNotre nature étail alors dans un état très-diffé-
rent de Son état actuel ; il ne faut donc puinl con-
damner le paganisme ; il était une conséquence fa-
tale de la chute, el en inènic temps une réiiabililation
progiessive. Les cultes idolàtiiques rormeiil une
tcrie ascendante d'iiiiiiations de plus en plus luiui-
iieu-es el pures
• Ue la révélation. — Ici Si helling arrive à sa
thé ne de la révélation, application assez bizarre
et presque inintelligible des hypotnèses ontologi-
ques qui servenl de point de dépari à tout le systè-
me. En voici le résumé. — La suite natuiello de la
cliule était la ruine de riiQinine. Mais la volonté di-
vine intervint pour nous sauver, et réduisit de nou-
veau le principe de la matière La force rivale, qui
avait déjà Iriumplié de ce principe dans la création,
pouvait seu e la soumettre de nouveau. Celle force,
qui est le Démiurge, apparut donc soumise à Dieu,
el en nièn)e temps unie à une race coupable; elle
devint le Verbe niéiliaieur. Dans sa luiie contre la
matière aveugle, celte puissance divine avait pro-
duit d'abord les mytlwlûgies ; mais c'était pour elle
un chemin et non le but. Les dieux des inyihulogies
n'existaieni que dans rimaginalion de rhonime. Le
Verbe du ciiristianisiiie, au coniraire, apparut dans
une chair réelle, et se mêla aux hommes, comme
une personnalilédistincle. Le christianisme n'est point
la plus parfaite des mythologies ; il les abolit, au
contraire, en réunissant l'homme à Dieu, en le fai-
sant, comme aiiirelois, souverain, non plus esclave
de la naluie. H parait que Schelling admet l'incar-
nation, la résurrection, rascension ; seulement il les
(a) Nous soupçonnons que Schelling ne préleiiJ pas
trouver ces trois principes seulement dans le mouJe, nuis
aussi dans l'essence divine. Cela fait une singulière tri-
Hité.
explique à la façon des gnosiiques. L'I'^vanjîile est à
ses yeux une histoire r elle. La religion, dit-il, ne
sera point dépossédée par la pliilosoi-liie ; mais le
dogme, au lieu d'être imposé par une autorité exté-
rieure, sera libreiU'iit compris et accepté par l'iniel-
ligence. De ii"uveaux temps s'annoncent. Le eatbo-
licisine relevait de saint Pierre ; la réforme, de saint
Paul ; l'avenir relèvera du disciple préféré, de saint
Jean, l'apotre de l'amour ; nous verrons enfin l'Iinm-
me affranchi de toutes les servimdes, el, d'un bout
de la terre à l'autre, les peuples prosleniés dans une
même adoration, unis par une nièine chanié.
< Schelling parait considérer ces rêveries comme
une apologie l:anscendaiiie du christianisme. Mais
assiirémenl, si celte religion ne poiiv^'il ê re sauvée
que par de semblables transformalions, il y aurait
fort h craindre pour son avenir; Ciir Schelling ne
formera pas même une secte aussi nombreuse que
celle de Valentin ou de Swedenborg. Comment en
cllet le vent du doute, qui ébranle tout en Allema-
gne, n'emporlerall-il pas ce fragile édifice d'ab-
sir.iclions lantasiiqiies? Tout cela ne pose sur rien,
ni sur la raison, ni sur la révélaiion. Si le christia-
nisme, ce lirmament du inonile moral, menaçait ja-
mais de s'écrouler, ce n'est pas avec de p.ireils écha-
faudages d'hypothèses arbitraires qu'(ni poiirraii le
soutenir, et ein|)ècher sa ruine! Si Sehelling re-
nonce au panthéisme, il s'efFoiee encore de main-
tenir quelques-unes des erreuis qui en étaient la con-
séquence dans ses anciennes ihéiries.
« Fatalisme. — L'idée de la liberté est le point
capital qui dislingue les nouvelles opinions de
Schelling de ses opinions ancienins. Mais ne seni-
blc-t elle pas oubliée et même détruite dans les dé-
tails, el ne peut-on pas encore trouver à côté d'elle
leUUalisine? L'Iiomnie, en effet, est après sa chute
soumis au mouvement mythologique, el ne peut pas
s'y soustraire ; il n'est plus libre. Le redevient-il
avec le christianisme? Nullement. L'esiril humain
se développe dès lors dans la philosophie, comme
autrefois dans la mythologie, sous l'empire d'une loi
inflexible. Les systèmes se succèdent pour une rai-
son nécessaire, el eliaeun apporte avec lui une mo-
rale différente. Le bien el le mal varient sans cesse ;
ou mieux, il n'y a ni bien, ni mal ; tout a raison d'èlre
en son temps. Plus de règle éternelle du jii-le, et
par con-é luent plus de conscience, plus de lespon-
sabilité. La liberté n'a donc pu se trouver que dans
l'acte de la ciinie.... Le fatilisine pèse sur tout le
reste de l'histoire ; el sommrs-nous bien loin avec
lui des conséquences morales du paniliéisme?
< Le christianisme, d'après Schelling. se distingue
des mythologies, mais il ne les coniredit pis; sans
elles. Il ii'aiirail.pu s'accomplir. Elles ont été com-
me lui inspirées par le Démiurge, ou le Verbe ré-
dempteur ; elles le préiareiit, elles en sont, pour
ainsi dire, les propylées. Evidemment ce n'est pas
là ce que pense le clirislianisnie ; l'idolâtrie et le pé-
ché sont pour lui même chose; il n'excuse d'aucu-
ne manière la niy.h logie. — Schelling n'est pas
plus onhodoxe dans ses vues sur le judaisine. A vrai
dire, on ne sait guère à quoi demeuie bon un peu-
ple élu, une fois que les mythologies annoncent el
piéparenl le christianisme. Schelling se montre fort
embarrassé de ce qu'il en doit faire.
< Conclusion. — Ce n'est là qu'une philosophie apo-
cryphe du clirislianisnie : elle ne peut salisf.iire ni
les philosophes rationalistes, ni le^ Ihéologieiis or-
thodoxes. Aussi Schelling ne fait pas école'à Berlin.
Le roi lui témoigne loujours une haute laveur; mais
son succès ne va pas plus loin. »
SCHISMATIQUIÎ , SCHISME. Ce dernier
lerme, qui est grec d'origine , signiCe divi-
sion , séparation , rupture, el l'ou appelle
ainsi le crime de ceux qui, étaut membres
de l'Eglise calholique , s'en séparent pour
595
SCIl
faire bando à part, sous prétexte qu'elle est
dans l'erreur, qu'elle autorise des désordres
et des abus, etc. Ces rebelles ainsi séparés
soiil (les srh.ismutiques ; leur parti n'est plus
l'Ejîlise, mais une secte particulière. Il y a
eu de tout temps dans le christianisme des
esprits légers , orgueilleux , ambitieux de
dominer et de devenir chefs de parti, qui se
sont crus plus éclairés que l'Eglise entière,
qui lui ont reproché des erreurs et des abus,
qui ont séduit une partie de ses enfants , et
qui ont formé entre eux une société nou-
velle ; les apôtres mêmes ont vu naître ce
désordre, ils l'ont condamné et l'ont déploré.
Les schismes principaux dont parle l'histoire
ecclésiastique, sont celui des novatiens, celui
des donatistes , celui des lucil'ériens , celui
des Grecs qui dure encore, enfin celui des
pnitestanls ; nous avons parlé de chacun
sous son nom parlicuii°r. Il nous reste à
donner une notion du grand scliisme d'Occi-
dent, mais il convient d'examiner aupara-
vant si le schisme en lui-même est toujours
un crime, ou s'il y a quelque motif capable
de le rendre légitime. Nous soutenons qu'il
n'y en a aucun, et qu'il ne peut y en avoir
jamais ; qu'ainsi tous les sr/iismaliqnes sont
hors de la voie du salut. Tel a toujours été
le sentiment de l'Eglise catholique ; voici
les preuves qu'elle en donne.
1° L'intention de Jésus-Christ a été d'éta-
blir l'union entre les membres de son Eglise;
il dit , Jnnn., c. x , v. 15 : Je donne ma vie
pour mes brebis; j'en ni d'aulres qui ne sont
pas encore dans te bercail : il faut que je les
y amène, rt j'en ferai un seul troupemi sous
un même pasteur. Donc ceux qui sortent du
bercail pour former un troupeau à part vont
directement contrel'iniention de Jésus-Christ.
Il est évident que ce divin Sauveur, sous le
nom do brebis qui n'étaient pas encore dans
le bercail, entendait les gentils : malgrél'op-
position qu'il y avait entre les deux opinions,
leurs mœurs, leurs habitudes et celles des
Juifs, il voulait en former, non deux trou-
peaux dilïérents, mais un seul. Aussi, lors-
que les Juifs convertis à la loi refusèrent de
fraterniser avec les gentils , à moins que
ceux-ci n'embrassassent les lois et les mœurs
juives, ils furent censurés et condamnés par
les apôtres. Saint Paul nous fait remarquer
qu'un lies grands motifs de la venue de Jésus-
Christ sur la terre a été de détruire le mur
de séparation qui était entre la nation juive
et les autres, de faire cesser par son sacri-
fice l'inimitié déclarée qui les divisait , et
d établir entre elles une paix éternelle,
Ephes., c. II, V. 14, De quoi aurait servi ce
traité de paix , s'il devait être permis à de
nouveaux docteurs de former de nouvelles
divisions, et d'exciter bientôt entre les mem-
bres de l'Eglise des haines aussi déclarées
que celle qui avait régné entre les juifs et
les gentils?
2° Saint Paul, conformément aux leçons de
Jésus-Christ, représente l'Eglise, non-seule-
uient comme un seul troupeau, mais comme
Une seule famille et un seul corps, dont tous
DlCT. I>t ThÉOL. UOliMATIQLE. IV,
SCIl 39»
les membres unis aussi étroitement entre eux
que ceux du corps humain, doivent concou-
rir mutuellement à leur bien spirituel et
temporel; il leur recommande d'être atten-
tifs à conserver par leur humilité, leur dou-
ceur, leur patience, leur charité, Vunilé d'es-
prit dans le lien de la pnix, Ephes., c. iv, v.2 ;
à ne point se laisser entraîner comme des
enfants à tout vent de doctrine, par la ma-
lice des hommes habiles à insinuer l'erreur ,
ibid., V. 14. De même qu'il n'y a qu'un Dieu.
il veut qu'il n'y ait qu'une seule foi et un
seul baptême .'C'est, (lit-il, pour établir celte
unité de foi que Dieu a donné des apôtres et
des évangélistes,des pasteurs et drs docteurs,
V. 4 et 11. C'est donc s'élever contre l'ordre
de Dieu que de fermer l'oreille aux lei;ous des
pasteurs et des docteurs qu'il a établis, pour
en écouter de nouveaux qui s'ingèrent d'eux-
mêmes à enseigner leur [iropre docirine. Il
recommande aux C irinthiens de ne poin'
fomenler entre eux de schismes ni de dispu-
tes au sujet de leurs apôtres ou de leurs
docteurs; il les reprend de ce que les uns
disent : Je suis à Paul ; les autres : Je suis du
parti d'Apollo ou de Céphas ; I Cor., c. i,
V. 10, It, 1-2. Il blâme toute espèce de divi-
sions. 5t c/ue/'/u'Mrt , dit-il , semble aimrr la
dispute, ce n'tst point notre coutume ni celle
de l'Eglise de Z>ei<...,- â la vérité il faut qu'il
y ail des hérésies, afin quel'on connaisse parmi
vous ceuxqui sont â l'épreuve; c. xi, v. 16.
On sait que l'Iiéresie est le choix d'une doc-
trine particulière. Il met la dispute , les dis-
sensions, les sectes, les inimitiés, les jalou-
sies au nombre des oeuvres de la chair , Ga-
lat., c. v, V. 19. — Saint Pierre avertit les fi-
dèles qu'il y aura parmi eux de faux proplièles,
des docteurs du mensonge, qui introduiront
des sectes pernicieuses , qui auront l'audace
de mépriser l'autorité légitime, qui, pour leur
propre intérêt , se feront un parti par leurs
blasphèmes..., qui entraîneront les esprits in-
constants et légers... en leur promettant lu U-
herlé, pendant (/u'eux-mémes sont les esclaves
delà corruption. {Il Pétri, ii,l, iO, i't, 10.)
Il ne pouvait pas mieux peindre les schisma-
liques, qui veulent, disent-ils, réformer l'E-
glise. — Saint Jean parlant d'eux les nomme
des antechrisls. Ils sont sortis d'entre nous ,
dit-il, mais ils n'étaient pas des nôtres; s'ils
en avaient été , ils seraient demeurés avec
nous (1 Joan., Il, 18). Saint Paul en a fait un
tableau non moins odieux, II Tim., cm
et IV.
3° Nous ne devons donc pas être étonnés
de ce que les Pères de l'Eglis', tous remplis
des leçons et de la doctrine des apôtres , se
sont élevés contre tous les schismatique'!, et
ont condamné leur témérité ; saint Irénée en
attaquant tous ceux de son temps qui avaient
formé des sectes, Tertullien dans ses Pres-
criptions contre les hérétiques, saint Cyprien
contre les novatiens , saint Augustin contre
les donatistes, saint Jérôme contre les luci-
fériens , etc., ont tous posé pour principe
qu'il ne peut point y avoir de cause légitime
de rompre l'unité de l'Eglise : Prœscinjendœ
unitatis nulla votesl essejusta nécessitas; tous
13
595
SCH
SCH
596
onl soutenn que hors del'Egiise il n y a point
de salut (I).
k' Pour peindre la grièvelé du crime des
(1) Nous avons besoin de fortifier celte preuve
d'autorités imposantes. Saint Clément, évêqiie de
Rome, dans sa première letlre aux Corinthiens, leur
témoigne qu'il gémit sur la division impie et délcsia-
ble (ce sont ses mots) qui vient d'éclater parmi eux.
Il les rappelle à leur ancienne piélé, au temps où,
pleins (riimiiililé, de soumission, ils étaient aussi in-
capables de faire une injure que de la ressentir,
f Alors, ajonie-t-il, toute espèce de schisme était
une abomination à vos yeux. > Il termine en leur di-
sant qu'il se presse de faire repartir Fortunaïus,
t auquel, dit-il, no\is joignons quatre députés. Ren-
voyez-les-nous au plus vile dans la paix, afin que
nous puissions bientôt apprendre que l'union et la
concorde sont reveunes parmi vous, ainsi (pie nous
ne cessons de le demander par nos voeux et nos
prières, et afin qu'il nous soit donné de nous réjnuir
du rétablissement du bon ordre parmi nos frères de
Coriuihe. » Qu'aurait dit ce pontife apostolique des
grandes défections de l'Orient, de l'Allemagne, de
l'Angleterre, lui qui, au premier bruit d'une contes-
tation survenue dans une petite pai'tie du troupeau,
dans une seule ville, prend aussitôt l'alarme, traite
ce mouvement de division impie, détestable; tout
schisme, d'abomination, et emploie l'autorité (le son
siège et ses instances paternelles pour ramener les
Corinthiens à la paix et à la concorde. — Saint Ignnce,
discii>le de saint Pierre et de saint Jean, parle dans
le même sens. Dans son éi itre aux Smyrniens, il
leur dit : n "Evitez les schismes et les désordres.
Source de tous les ninux. Suivez votre évêque comme
Jésus-Christ, son Père, et le collège des prêtres
«onime les apôtres. Que personne n'ose rien entre-
prendre dans l'Kglisc, sans l'évêque. t Dans sa lettre
àPolycari'C, t Veillez, dit-il, avec le plus grand
soin, à l'unité, à la concorde, qui sont îles premiers
de tous les biens. > Donc les premiers de tous les
maux sont le schisme et la division. Puis dans la
même lettre, s'adre-.sant aux fidèles : « Ecouter votre
évéque, afin que Dien vous écoute aussi. Avec cruelle
joie ne doimerais-je pas ma vie pour ceux qui sont
soumis à l'évêque, aux prônes, aux diacres! Puissé-
je un jour être réuni à eux dans le .Seigneur ! » Et
dans son épilre à ceux de Philadelphie : « Ce n'est
pas, dit-il, que j'ioe trouvé de schisme parmi vous,
mais je veux vous prémunir comme des enfants de
Dieu. > Il n'attend pas qu'il ail éclaté de schisme;
il en prévient la naissance, pour eu étoullér jusqu'au
germe, j Tous ceux qui sont au Christ, tiennent au
parti de leur évêque, mais ceux iiui s'en séparent
p(Mir embrasser la communion de gens inaudiis, se-
ront retra^ichés et condamnés avec eux. t Et aux
Ephésiens : t Quiconque, dit-il, se sépare de l'évê-
que et ne s'accorde point avec les preuilers-iiés de
l'Eglise, est un loup sous la peau de brebis. ElTor-
cez-vous, mes bien-aimés, de rester attachés à l'é-
vêque, aux prêir.'S et aux diacres. Qui leur obéit,
obéit au Christ, par lequel ils ont été établis ; qui se
révolte ccinire ei;x, se révolte contre Jésus. > Qu'au-
rait-il donc dit de ceux qui se sont révoltés depuis
contre le jiigemenl des conciles œcuméniques, et
qui, au mépris de tous les évèques du inonde entier,
se sont attai hés à quelques moines nu prêtres lé-
fraclaires, ou à un assemblage de laïques ? — Saint
Polytarpe, disciple de samt Jean, dans sa lettre auK
1*11111 (ipiens, léiiioigiie lnule Sdii boiieur contre ceux
^iii enseJgneni des opinions liét'éiii|ues. Or l'Iiérésie
attaipie à la lois et l'unité de doctrine, qu'elle cor-
toinpi par ses erreurs, et l'unité de gouvernement
auquel elle se soustrait par opiniâtreté, i Suivez
l'exemple de notre Sauveur, ajoute Polycarpe; res-
tez fermes dans la foi, immuables d:ins l'unaniinilé,
vous aiinat>t les uns les autres. > A l'âge de quatre-
schi!:)natiques , nous ne ferons que copier
ce que Bayle en a dit, Suppl. du Comment.
philos. ,Vcé(.,OEuv., lova. 11, pag. 480, col. 2.
vingts ans et plus, on le vit partir pour aller à Rome
conférer avec le pape Anicet sur des articles de
pure discipline : il s'agissait surtout de la célébra-
tion de la Pâque, que les asiatiques soleiinisaient,
ainsi que les Juifs, le quatnr/.ièuie jour de la lune
équinoxiale, et les Occiilentaux, le dimanche qui
suivait le quatorzième. Sa négociation eut le succès
désiré. On convint (pie les Eglises d'Orient et d'Oc-
cident suivraient leurs coutumes sans rompre les
liens de communion et de charité. Ce lut durant
son séjour à Rome , qu'ayant renc(mlré Marcion
dans la rue, et voulant l'éviter : « Ne me reconnais-tu
pas, Polycarpe, lui dit cet hérétique? — Oui, sans
doute, pour le fils aîné de Satan. » Il ne pouvait
contenir sa sainte indignation contre ceux i|ui, par
leurs opinions erronées, s'attachaient à pervertir et
diviser les chrétiens. — Saint Justin, qui de la phi-
losophie plalonicieniie passa au christianisme, le
délendit par ses apologies, et le scella de son sang,
nous apprend que rE.(lise est renfermée dans une
seule et unique communion, dont les hérétiques
sont exclus. « 11 y a en. dit-il, et il y a encore des
gens (fui, se couvrant Ou nom (le ebrétiens, ont en-
seigné au monde des dogmes contraires à Dieu, des
impiétés, des blasplicmes. ^'ons n'avons aucune
communion avec euit, les regardant comme des eii«
neinis de Dieu, des impies et des mé< hauts, t (Dia-
logue avec Tryphon. ) — Le Krand évêque de Lyon,
saint Iréiiée, disciple de l'olycaipe, et manyr ainsi
qiH3 son fliaitre, écrivait à Florimis, qui lui-même
avait souvent vu Polycarpe, et qui commençait à
répandre ceruines hérésies : i Ce n'est pas ainsi
que vmis avez été instruit par les évèques qui vous
Ont précédé. Je pourrais encore vous montrer la
pbice où le hienheurenx Polycarpe s'asseyait pour
prêcher la parult; dfe Dieu. Je le vois encore avec
cet air grave (|ni ne le (piittait jamais. Je me sou-
viens, et de la saintelé de sa conduite, et de la ma-
jesté de son port, et de tout son exiérieiir. Je crois
l'eiiiendre encore (tous raconter comme il avait con-
versé avec Jean et plusieurs autres qui avaient vu
Jésus-Christ, et quelles paroU^s il avait entendues
de leurs bouches. Je puis vous protester devant
Dieu, que si ce saint évêque avaii entendu des er-
reurs pareilles aux vôtres, aussitôt il se serait bou-
ché les oreilles en s'écriani, suivant sa coiiiunie :
Bon Dieu ! à quel siècle m'avez-vous réservé pour
entendre de telles clio^es? et à l'instant il se senit
enfui de reiulmit. > (Euseh., Ilist. cculés., liv v. )
Dans son savant Ouvrage sur les Hérésies (liv. iv),
il dit en parlant des sehisniaiiques : t Dieu jugera
ceux qui ont occasionné des scliisnies , hommes
cruels, qui n'ont aucun amour pour lui, et qui, pré-
férant leurs avantages propres à l'unité de l'Eglise,
ne balancent point, sur les raisons les plus frivoles,
de diviser et déchirer le grand et glorieux corps de
Jésus-Christ, et lui donneraient volontiers la mort,
s'il était en leur pouvoir... Mais ceux qui séparent
et divisent l'unité de l'Eglise, recevront le cliâli-
nieiit de Jérubuatn. > — Saint Denis, évêcpie d'A-
lexandrie, dans sa lettre à iNovat ipii venait d'opérer
un scliisnie à Rome, oii il av;iit fait consacrer IVova-
tlen éii opposition au légitime pape (.orncille, lui
dit : • S'il est vrai, comme tu l'assures, que tu sois
fSdié d'avoir donné dans cet éc:iit, montre-le-iinus
par un retour prompt et volonliiire. Car il aurait
fallu souffrir tonl pliitiit que de séparer l'Eglise de
Dieu. Il serait aussi gloiieiu «l'être inarlyr, pour
sauver l'Eglise d'un schisme et d'une séparation,
que pour ne pas adorer les dieux, et beaucoup plus
glorieux encore dans mon opinion. Car, dans le der-
nier (^,as, on est martyr pour son àiiic seule ; daiig
le premier, pour l'Eglise entière. Si donc tu peux,
337 SCH
« Je ne sais , dit-il , où l'on trouverait un
crinie [ilus grief quo relui do décliirer le
curps luyslique de Jésus-Cliri&t , do son
par d'atiiirales porsiinsioiis ou iiar une coniiiiitc
mâle, ramener les frères à l'uiiilé, cpllu b"iiii« ac-
lioii ser.i plus iinpoiianie qir^ ne l'a élè la f:iiiie;
cell(!-ri ni! scr.i plus à la «liari^e, ii'ai< l'aiilre àla
liiiKiiiiçe. Que sMs reln--cnl de le suivre cl d'iiriiler
lun reliiui-, sniivp, sauve ilii moins Ion unie. Je tté-
sire que lu prospères lonjours el que la paix du
Se snenr puisse reulrcr dans ion cieur. i (Kuseb.,
Iliit. ecclés., liv. vi.) — Sainl (!ypr:en : < Cflui-là
n'aura poiui Dieu pour péri', rpii n'aura pas eu l'K-
plisc pour mère. S'unaginenl-ils doni: (les scli snia-
liqiies) (pie Jésus-Olirisl soil avec eux qu'iul ils
s'as-enil)leul, eux qui s'asseiuhlenl liors de TRi^lise?
Qu'ils sadifiil que. luêine on dunnanl leur vie pour
confesser le nom de (Jlirist, ils n'elfaceraii.'ut point
dans leur sang la laclie du scliisnie, allendu i|Ui! le
crime de disconlo esl au dessus de loule espialioii.
Qui n'esl poini dans l'Kglise ne saurait èlre martyr.»
(Vwre de ru niic. ) Il nioiilre ensuite l'énoruiiié de
ee crime par l'cITrayanl supplice des premiers siliis-
matiqiifts, doré, Dailian, Abiron, e'. de leurs deux
ceiil cinqiianle complices : t La terre s'ouvrit sous
leurs pieds, les engliulil vifs cl debout, et les ab-
sorba dans ses euirailles brûlantes. » — Saint lli-
laire, évoque de l'oiliers, s'exprime ainsi sur l'u-
nilé : « Kiicore qu'il n'y ail qu'une K«li.se dans le
monde, cbaque ville a nijannioins son é.(lise, quni-
qn'elles soient en grand nombre, parce qu'elle est
toujours une diiis le gr.ind miuibre. i ( Sur le
Psaume XIV.) — Saini Opiai île Mi cve eilc le même
exemple pour moinrer que le crime du scliismc est
au-dessus même du parricide et de ridolànie. il ob-
serve que Gain ne lut point imni de mon, que les
Miiiiviles ubiMireni le temps de mériter grâce par la
péiillence. .Mais dès i|uc Curé, Uathan, Alùron, se
porlèrenl à diviser le peuple, « Dieu, dit-il, envoie
nue faim dévorante à la terre : aiissUol elle ouvre
une gueule énorme, les engloiiiii avec avidiié, ei >e
retenue sur si proie. Ces miséralles, pliiiiii ense-
velis que nions, tombent dans les alùmes de l'en-
lêr Que (lirez viiiis à cei exemple, vous qui
iiunirissez letibisuie el le défendez iuipuiiémeiiiï >
— Saint Clirysosliune : < Itien ne provo.pie autant
le ciiurroiix de Dieu, que de diviser son l'jglise.
Quand nous aurions fait un bien innombrable, nous
n'en payerions pas moins pour avoir rompu la coin-
niunion de l'Ejjbse, et décliiré le corps de Jésus-
Clirisl. ( {lloml. sur l'Epil. aux Epliés.) — Saiul
Auiius'in : « Le sacrib'ge du sclii^me ; le crime, le
sacrilège plein de cruaiilé; le crime souveraiiie-
meiil atroce du S('liisiue ; le sacnlége du sctiisine
qui oiilr('-,ia^se lous les l'o( faits. Qiiiconi|ue, dans
cel univers, sépare un bomme et l'attire à un parii
quelcunipie, e l convainc i (nr là d'être ills des dé-
mons el homicide. > ( l'ussim.) Les donalisles. dit-il
encore, guéiisseiit bien leuxipi'ils baptisent di; la
plaie d'iJul:urie,,mais en les rragipanl de la plaie
plus fatale du S(iliisine. Les idolâtres ont été (juel-
quefiiis mnissouncs par le g'aive du Seigneur; mais
les si'liismatiques, la leire les a englouiis vils dans
son sein, i ( Liv. i contre tes rionul, ) « Le sibis-
lualique |ieut bien verser son sang, mais jamais ob-
tenir la couronne. Hors de l'I'^îlise, et après avoir
brisé les liens de eliarilé el d'unité, vous n'avez
plus à allendre ipi'iin cliàtimenl éierml, lors itiènie
que, pour le inim de Jésus-Cbri^t, vous auriez livré
Votre corps aux flammes. » ( £/;. à Douai. )
Nous pourrions nmliiplier les cita:ioiis , donner
des extraits de 'J'eriullien, Origcne, Ciéiiicnl d'.V-
lexandrie, Firmilieii de Césarée, Théopliile d'Au-
liuche, Lactancc, Eii»èbe, Ainbroise, etc., et npiès
taiii d'illustres teiuoiiis, citer les décisions des évê-
ques réunis en corps dans les conciles pariiculiers
SCH
398
épouse qu'il a rîich(>(é<» de son propre sanj»,
dp relie mère qui nmis engendre à Dieu ,
qui nous nourrit du l;ut d'iiilelligencp , qui
est sans fraude, 'nii nous conduit à la béa-
lilude élernelltj. (juel crime plus grand (juo
de se soulever eonlre uni- telle mère, de la
dilïamer par tout le monde; de faire rebeller
tous ses enfants contre elle ; si on le peut,
de les lui arracher du sein par milliers pour
les enirainer dans les ILimines éternelles,
eux et leur postérité | our tdujours ? Où sera
le crime de lèse-majesté divine au premier
chef, s'il ne se trouve là'/ Unéiioux qui aime
son épouse et (|ui connail sa veitu, se lient
plus murteilcmenl oITeiisé par des libelles (pii
la font passer pour une prostituée que par
d'Rlvire, en S''!'» ; d'Arles, en 314 ; de Oangres, vers
3 0 ; de Saragosse, 581 ; de (I.irtiiage, 598 : de Tu-
rin, 59 1; de 'l'ulèile, -400 ; dans les conciles géné-
raux de Nicée, •'ïâ.') ; de Conslanliiiople, 3S1 ; d'E-
plièse, 'i 1 1 ; de Clialcédoiiie, 431; nous aimons
mieux recueillir les aveux de nos adversaires. La
confession d'Aiigsbnurg ( art. 7 ) : t N.ius ensei-
gnons que l'Kglise une, saiiiie, subsistera toujours,
l'oiir la vraie unité de l'F.glise, il siiflil de s'accor-
der dans la doctrine de l'Evangile el radministralion
des sacremenis, comme dit saint Paul, une foi, un
bapième, un Dieu, père de tous. » — La confession
helvélique {(irl. l'a), parlant des assemblées que les
lidcles ont leiiues de tout temps depuis les apoires,
ajoute : « Tnusceux qui les méprisent et. s'en sépa-
rent, méprisent la vraie religion, et doivent êlre
pressés par les pasienrs et les pieux niagisirais, de
ne point persister opiniàlrémenl dans leur séjiira-
tion. » — La confessinii gallicane (art. Mi) : « Nous
croyons qu'il n'esl permis à personne de se sous-
traire aux assemblées du eiille, mais que lous doi-
vent garder l'unité de l'Eglise..., et que (piicoiiqiie
s'en écarte, résiste à l'ordre de Dieu. > — La con-
fession écossaise (nr(. 27): « Nous croyons conslam-
nieiit que l'Eglise est une... Nous délestons enliè-
remcnt les blasphèmes de ceux qui pvéleinleot (jiie
toui hnmme, en suivant l'éipiilé, la justice, (| lelipie
religion (pi'il professe d'ailleurs, sera sauvé. Car
sans le Christ, il n'esl ni vie, ni salut, et nul n'y
peut participer s'il n'a été donne à Jesiis-Chrisi par
son Père. » — La confe.-sion belgique : «Nom croyons
et confessons une seule Eglise callioli((ue Qui-
conque s'éloigne de celte v<;ritable Eglise, se révolle
manifesiemenl contre l'ordre de Dieu. > — La con-
fession saxonne (ail. 12) : < Ce nous e«t une grande
considaliou de savoir qu'il n'y a d'héritiers de la
vie éternelle que dans rassenihlée des élus, suivant
celle parole : ('.eus qu'il a clioisis, il les a appelés, i
— La conIVssIon lioliéinieniie {art. 8) : « Nous avons
appris que lous doivent garder l'uniié de l'Eglise...,
ipie nul no doit y inuoduue de sei les, exciier de
séditions, mais se montrer un vrai membre de l'E-
glise dans le lien de la paix et runaiiiniilé de sen-
liinenl. » Etrange et déploralile aveuglement dans
ces iioiiimes , de n'avoir su faire l'application de
ces p;iiieipes au jour ipii précéda la prédication de
Luther ! Ce i|ni élait vrai, lorsqu'ils dressaient leurs
coolessions di; loi et leurs catéchismes, t'était bien
sans iloiile aulanl alors.
Calvin Iniiiicme enseigne < que s'' loigiier de
l'Eglise, c'est renier Jésns-Cbrist; qu'il faui biau se
garder d'une sé|.'araiioii si ciiminelle ..; ipruii ne
saurait imaginer atiemal plus atroce, (pie de violer,
par une perîidie sacrilège, l'alliance qm; le Fis .uni-
que de Dieu a daigné conlracter avec iious.i (Imlit,,
lib. IV.) M.ilheureux! (piel an et est sorti de sa bou-
che! Il sera éiernellemeul sa propre condainitation.
— Discussion aiiiiculc, etc., t. I.
509
se H
SCII
400
toutes les injures qu'on lui dirait à lui-mê-
me. De tous les crimes où un snjet puisse
tomber, il n'y en a point de plus horrible
que celui de se révolter contre son prince
légitime, et de faire soulever tout autant de
provinces que l'on peut pour tâcher de le
détrôner, f,iilût-il désoler toutes les provin-
ces qui voudraient demeurer fidèles. Or, au-
tant l'intérêt surnaturel surpasse tout avan-
tage temporel, autant l'Eglise de Jésus-Christ
l'emporte sur toutes les sociétés civiles ,
donc autant le A'c/iisme avec l'Eglise surpasse
l'énormité de toutes les séditions. »
Raillé, au commencement de son Apologie
pour ies réformés, c. 2 , fait le même aveu
louchant la grièvelédu crime de ceux qui se
séparent de l'Eglise sans aucune raison
grave; mais il soutient que les protestants
en ont ou d'asspz fortrs pour qu'on ne puisse
plus les accuser d'avoir été schismaliques.
Nous examinerons ces raisons ci -après.
Calvin lui-même et ses principaux disciples
n'ont lias tenu un langagi; différent.
5° Mais, avant de discuter leurs raisons ,
il est hou de voir d'abord, si leur conduite
est conforme aux lois de l'équité et du bon
sens. Ils disent qu'ils ont été en droit de
rompre avec l'Eglise romaine, parce qu'elle
professait des erreurs, qu'elle autorisait des
superstitions et des abus auxquels ils ne
pouvaient prendre part sans renoncer <iu
salut éternel. .Mais qui a porié ce jugement,
et qui en garantit la cerlilude? eux-mêmes,
et eux seuls. De quel droit ont-ils fait tout
à la fois la fonclioii d'accusateurs et de ju-
ges ? Pendant que l'Eglise catholique, ré-
pandue p;ir toute la terre, suivait les mê-
mes dogmes et la même morale, le même
culte , les mêmes lois qu'elle garde encore ,
une poignée de prédicanis, dans deux ou trois
contrées de l'Europe, ont déciilé qu'elle était
coupable d'erreur, de superstition , d'idolâ-
Irie ; ils l'ont ainsi publié; une foule d'igno-
rants et d'hommes vicieux les ont crus ( t se
sont joints a eux; devenus assez nombreux
et ;issez forts, ils lui ont déclare la guerre et
se S'int maintenus malgré elle. Nous deman-
dons encore une fois qui leur a donné l'au-
torité de décider la question, pendant que
l'Eglise entière soutenait le contraire ; qui
les a rendus juges et supérieurs de l'Eglise
dans laquelle ils avaient été élevés et ins-
tiuits, et qui a orilonné à l'Eglise de se sou-
nictlre a leur décision , pendant qu'ils ne
voulaient pas se soumettre à la sienne ?
Lorsque les pasteurs de l'Eglise assemblés
au concile de Trcnicou dispersés dans les
divers diocèses, ont condamné les dogmes
des protestants, et ont jugé que c'étaient des
erreurs, ceux-ci ont objecté que les évéqaes
catholiques se rendaient juges et partie.
Mais, lorsque Luther et Calvin et leurs ad-
hérents ont prononcé du haut de leur tri-
bunal que l'Eglise romaine était un cloaque
de vices et d'erreurs, ét;iit la Babylone el la
prostituée de l'Apocalypse, etc., ii'étaient-ils
pas juges et parties dans cette contestation ?
Pourquoi cela leur at-il été plus permis
qu'aux pasteurs catholiques? Ils ont fait de
gros livres pour justifier leur schisme; ja-
mais ils ne se sont proposé cette question ,
jamais ils n'ont daigné y répondre.
L'évidence , disent-ils , la raison , le bon
sens, voilà nos juges et nos titres contre l'E-
glise romaine. Mais cette évidence prétendue
n'a été et n'est encore que pour eux, per-
sonne ne l'a vue qu'eux ; la raison est la
leur et non celle des autres; le bon sens
qu'ils réclament n'a jamais été que dans leur
cerveau. C'est de leur part un orgueil bien
révoltant de prétendre qu'au xvi" siècle il
n'y avait personne qu'eux dans toute l'E-
glise chrétienne qui eût des lumières, de la
raison, du bon sens. Dans toutes les disputes
qui, depuis la naissance de l'Eglise , se font
élevées entre elle et les novateurs, ces der-
niers n'ont jamais manqué d'alléguer pour
eux l'évidence, la raison, le bon sens , et
de défendre leur cause comme les proles-
tants défendent la leur. Ont-ils eu raison
tous, et l'Eglise a-t-elle toujours eu tort?
Dans ce cas, il faut soutenir que Jésus-
Christ, loin d'avoir établi dans son Eglise
un principe d'unité , y a placé un principe
de division pour tous les siècles, en laissant
à tous les sectaires entêtés la liberté de faire
bande à part, dès qu'ils accuseront l'Iîglise
d'être dans le désordre et dans l'erreur.
Au reste , il s'en faut beaucoup que tous
les protestants aient osé alarmer qu'ils ont
l'évidence pour eux ; plusieurs ont été assez
modestes pour avouer qu'ils n'ont que des
raisons probables. Grotius et Vossius avaient
écrit que les docteurs de l'Eglise romaine
donnent à l'Ecriture sainte un sens évidem-
ment forcé, dilTérent de celui qu'ont suivi les
anciens Pères, et qu'ils forcent les fidèles
d'adopter leurs interprétations, qu'il a donc
fallu se séparer d'eux. Bayle, Dict. Cril.,
art. Nihusius, Rem. H, observe qu'ils se sont
trop avancés. « Les protestants, dit-il, n'al-
lèguent que des raisons dispulables, rien de
convaincant, nulle démonstration ; ils prou-
vent et ils objectent, mais on répond à leurs
preuves et à leurs objections ; ils répliquent
et on leur réplique; cela ne finit jamais :
était-ce la peine de faire un schisme ?» Deman-
dons plutôt : En pareille circonstance, était-
il permis de faire un schisme , et de s'expo-
ser aux suites alTreuses qui en ont résulté?
Les controverses de religion , continue
Bayle , ne peuvent pas être conduites au
dernier degré d'évidence ; tous les théolo-
giens en tombent d'accord. Jurieu soutient
que c'est une erreur très- dangereuse d'en-
seigner que le Saint-Esprit nous lait con-
naître évidemment les ventes de la religion ;
selon lui, l'àme fidèle embrasse ces vérités
sans qu'elles soient évidentes à sa raison, et
mêuie sans quelle connaisse évidemment que
Dieu les a révélées. On prétend que Luther,
à l'article de la mort, a lait un aveu à peu
près semblable ; voila donc où aboutit la
prétendue clarté de l'Ecriture sainte sur les
questions disputées entre les protestants et
nous.
6° H y a plus : en suivant le principe sur
lequel les protestants avaient fondé leu-
•iOl
SCFl
SCH
40Î
schisme ou leur séparation d'avec l'Eglise
romaine, d'aulres docleurs li>ur ont résisté,
leur ont soutenu qu'ils étaient dans l'erreur,
et ont prouvé qu'il fallait se séparer d'eux.
Ainsi Lullier vit éclore parmi ses p^oséi;, -
tes la secte des anaiiaplistes et celio des sa-
crarnentaircs , et Calvin fit sortir lU- son
école les sociniciis. En Angleterre, les pu-
ritains ou calvinistes rii^ides n'ont jamais
voulu fraterniser avec les épiscopaus ou
anglicans, et vin|,'t autres sectes sont succes-
sivement sorties de ce fo^cr de divi>ion.
Vainement les chefs de la prétendue réforme
ont lait à ces nouveaux scliismalit/Hcs les
mêmes reproches que leur avaient fails les
docleurs calholiques , on s'est moque d'eux;
on leur a demandé de quel droit ils refu-
saient aux autres une liberté de la()uelle ils
avaient trouvé bon d'user eux-mêmes, el s'ils
ne rou;.'issaient pas de répéter des arguments
au\()ucls ils prétendaient avoir solidement
répondu.
Bayle n'a pas manqué de leur faire encore
celle objection. Un catholique , dit-il, a de-
vant lui tous ses ennemis, les mêmes armes
lui servent à les réfuter tous; mais l'os pro-
testants ont des ennemis devant et derrière,
ils sont entre deux feux , le papisme les at-
taque d'un côié el le socinianisuie de l'au-
tre ; ce dernier emploie contre eux les mê-
mes arguments desquels ils se sont servis
conlre l'Eglise romaine, Dict. Crii., Ni-
husius , H. Nous démontrerons la vérité de
ce reproche on répondant aux objections
des protestants.
1'" Objection. Quoique les apôtres aient
souvent recommande aux fidèles l'union cl
la paix, ils leur ont aussi ordonné de se sé-
parer de ceux qui enseignent une fausse
doctrine. Saint Paul écrità Tite, c. m, v. 10:
Evitez un hérétique, après l'avoir repris une
ou deux fois. Saint Jean ne veut pas même
(lu'on le salue, II Joan. , v. 10. Saint Paul
dit analhènie à quiconque prêchera un Evan-
gile difl'éreiit du sien, lûl-cc un ange du ciel,
Galat-, c. 1, V. 8 el 'J. Nous lisons dans l'A-
pocalypse, c. xviii, V.4-: Sortez de Ilabylone,
mon peuple, de peur d'avoir part à ses crimes
et à son chdtimenl. » Dans ce même livre,
c. Il, V. 0, le Seigneur loue l'évêque d'Epbèse
de ce qu'il hait la conduite des nicolaïtes;
el V. 15, il blâme celui de Pergame dece qu'il
souffre leur doctrine. De tout temps l'Eglise
a lelranché de sa société les hérétiques et
les mécréants; donc les protestants ont dû
en conscience se séparer de l'Eglise romaine.
Ainsi raisonne Daillé, Apolog., c. ni, el la
foule des proleslants. — Réponse. Eu pre-
mier lieu, nous prions ces raisonneurs de
nous dire ce qu'ils ont répondu aux ana-
baptistes, aux sociniens, aux quakers, aux
latiiudinaires, aux indépendants, etc., lors-
qu'ils ont all.'gue ces mêmes passages pour
prouver qu'ils étaient obligés en conscience
de se séparer des proleslants et de faire bande
à part. — En second lieu, saint Paul ne s'est
pas borné à defondro aux fidèles de demeu-
rer en société avec des hcrcliqucs el des mé-
créants mais il leur ordonne de fuir la com-
pagnie des pécheurs scandaleux, / Cor., c. v,
V. 1 1 ; 7/ Thess., c. m, v. C et ik. S'ensuit-il
de là que tous ces pécheurs doivent sortir
de l'Eglise pour former une secte particu-
lière, ou que rK;;lise doit les chasser de son
sein? Les apôlres en général ont défendu
aux (idèles d'écouler et de suivre les séiluc-.
leurs, les faux docleurs, les prédicants (l'une
nouvelle doctrine; donc tous ceux ((u: ont
prêté l'oreille à Luther, à Calvin el à leurs
semblables, ont lait tout le contraire de ci!
(|ue les apôlres ont ordonné. — Eu troisième
lieu, peut-on faire de l'Ecriture sainte un
abus plus énorme que celui ((u'eii font nos
adversaires ? Siinl Paul cominaude à uu
pasteur de l'iî^lise de repieiidre un héréli-
que, de l'éviter ensuite, cl de ne plus le roir
s'il est rebelle et opiniâtre; donc cet héré-
tique fait bien de se révolter contre le pas-
teur, de lui débaucher ses ouailles, de for-
mer un troupeau à pari; voilà ce qu'ont fait
Lullier el Calvin, et, suivant l'avis de leurs
disciples, ils ont bien fait ; saint Paul les y a
autorisés. Mais ces deux prétendus réforma-
teurs étaient-ils apôtres ou pasteurs de l'E-
glise universelle, revêtus d'autorité pour la
déclarer hérétique, et pour lui débaucher ses
enfants? Parce (ju'il leur a plu de juger que
l'Eglise calholique était une Babjlone , ils
onl décidé qu'il fallait en sortir ; mais ce ju-
gement niênie, prononcé sans autorité, était
un blasphème ; il supposait que Jésus-Christ,
après avoir versé son sang pour se former
une église pure el sans tache, a permis, mal-
gré ses promesses, qu'elle devînt une linhy-
lone, un cloaque d'erreurs el de désordres.
Toute société, sans doute, est en droit déju-
ger ses membres; mais les proleslants qus
voient tout dans l'Ecriture n'y ontpas trouvé
qu'une poignée de membres révoltés a droit
déjuger el de condamner la société entière.
Ils peuvent y apprendre qu'un pasteur, un
évêque, tels que ceux d'Ephèse et de Per-
game, est autorisé à bannir de son troupeau
des nicolaïtes condamnés comme hérétiques
par les apôtres ; mais ellt\ n'a jamais ensei-
gné que les nicolaïtes ni les partisans de
toute autre secte, pouvaient légitimement
tenir léle aux évêques, cl former une église
ou une société schismalique. De ce que l'E-
glise calholique a toujours retranché de soa
sein les hérétiques , les mécréants, les re-
belles, il s'ensuit qu'elle a eu raison de trai-
ter ainsi les protestants, et de leur dire ana-
thènie ; mais il ne s'ensuit pas qu'ils ont biea
fait de le lui dire à leur tour, d'usurj)er ses
litres , et d'élever autel contre autel. Il est
étonnant que di's raisonnements aussi gau-
ches aïeul |iu faire impression sur uu seul
esprit sensé.
Seconde objection. Les pasteurs elles doc-
teurs calholi'ques uese contentaient pas d'en-
seigner des erreurs, d'autoriser des super-
stitions, de maintenir des abus; ils forçaient
les fidièles à embrasser toutes leurs opinions,
et punissaient par des supplices quiconiiue
voulait leur résister ; il n'élail >Jonc pas possi
ble d'enlrelenir societéavec eux ; il a fallu né-
cessairement s'en séparer. — Réponse. 11 es!
403
SCH
SCH
Mi
faux que l'Eglise calholique ait enseigné des
erreurs, etc., et quelle ait forcé par des sup-
plices les fidèles à les professer. Kninre une
fois, qui a convaincu l'Egliso d'^^lrodans nu-
cunc erreur? Parce que l^ulher cl Calvin l'en
ont accusée, s'ensuit-il que cela est vrai ?Ce
sont eux-mêmes qui enseigiinienl des erreurs
et qui les ont fait eui'nras^er à d'aulies. De
même qu'ils alléguaient des passages de l'E-
rrilure sainte, les docteurs callidliquc^s en
citaient aussi pour proiivcr leur docirino ;
es premiers disaient : Vous eniondez mal
'Ecriture; les seconds répliciuaient : C'est
Yous-mêuies qui en pervertissez le sens. No-
tre explicalion est la même que celle qu'ont
donnée de tout temps les Pères do l'E^ilis ', et
((ui a toujours été suhie par tous les fidèles;
la vôtre n'est fondée que sur vos prétendues
lumières , elle est nouvelle et inouïe; <lonc
elle est fausse. Une preuve que les réforma-
teurs l'entendaient mal, c'est qu'ils ne s'ac-
cordaient pas, au lieu que le senlimeni des ca-
tholiques était unanime. Une autre preuve
que_ les premiers enseignaient des erreurs,
c'est qu'aujourd'hui leuis disciples et leurs
successeurs ne suivent pas leur doctrine.
Vuy. Protestant. D'aill 'urs autre chose est
de ne pas croire et de ne pas professer la doc-
trine de riîglise, et autre chose de l'altaquer
publiquement et de prêcher le contraire. Ja-
mais les protestants ne pourront citer l'exem-
ple d'un seul hérétique ou d'un seul incré-
dule supplicié pour des erreurs qu'il n'avait
ni publiées ni voulu faire embrasser aux
autres. C'est une équivoque frauduleuse de
confondre les mécréants paisibles avec les
prédicanis séditieux, fougueux et calomnia-
teurs, tels(iu'ont été les fondateurs de la pré-
tendue réforme. Qui a forcé Luther , Calvin
et leurs semblables de s'érijjer en apôtres, de
renverser la religion et la croyance ét;ildies,
d'accabler d'invectives les pasieurs de l'Eglise
romaine? Voilà leur crime, et j.imais leur sec-
tateurs ne parviendront à le justifier.
Troisième objection. Les protestants ne
pouvaient vivre dans le sein de 1 Eglise ro-
maine, sans pratiquer les usai^es supersti-
tieux qui j étaient observés, sans adorer l'eu-
charistie, sans rendre un culie religieux aux
saints, à leurs images et à leurs reliques ;
or, ils regardaient tous ces cultes comme au-
tant d'actes d'idolâtrie. Quand ils se seraient
trompés dans le fond, toujours ne pouvaient-
ils observer ces pratiques sans aller contre
leur conscience ; donc iîs ont été forcés de
faire bande à part, afin de pouvoir servir
Dieu selon les lumières de leur conscience.
— Réponse. Avant les clameurs de Luther,
de Calvin et de quelques autres prédicanis,
personne dans toute l'étendue de l'Eglise
catholique ne regardait son culte comme
une idolâtrie ; ces docteurs même l'avaient
pratiqué pendant longtemps sans scrupule;
ce sont eux qui, à force de iléclamalions et
de sophismes, sont parvenus à le persuader
à une loule d'ignorants; ce sont donc eux
qui sont la cause de la fausse conscience de
leurs prosélytes. Quand ceux-ci seraient in-
Uoceuls d'avoir fait un schisme, ce qui n'est
pas, les auteurs de l erreurn'ensont que plus
coupables; mais saint Paul ordonne aux
fidèles d'obéir à leurs pasteurs et de fermer
l'oreille à la séduction des faux docteurs :
donc ceux-ci et leurs disciples ont été com-
jjliees du même crime.
vQuand on veut nous persuader que la pré-
tendue réforme a eu pour premiers partisans
des âmes timorées, des chrétiens scrupuleux
et pienx , qui ne demandaient qu'à servir
Dieu selon leur conscience , on se joue de
noire crédulité. Il est assez prouvé que les
prédicanis étaient ou des moines ilégoûtés du
cloître, du célibat 1 1 du jong de la règle, ou
des rrclésiasiiques vicieux, déréglés , entêtés
de leur prétondue science , que la foule de
liMirs partisans ont été des hommes de mau-
vaisse mœurs et dominés par des passions
fougueuses. Voy. Iîéi-obmation. il n'est pas
moins certain que le principal motif de leur
apostasie fut li' désir de vivre avec plus de
liberté, de piller les églises elles monastères,
d'humilier cl d'écraser le clergé, de se ven-
ger de leurs ennemis personnels, etc. : tout
était permis contre les papistes à ceux qui
suivaient le nouvel Evangile.
On nous en impose encore plus grossière-
ment, quand on prétend qu'il falhiit du cou-
nige pour renoncer au catholicisme, qu'il y
avaitde grands dangers à courir; que les apo-
stats ris(]uaient leur fortune cl leur vie, qu'ils
n'ont donc pu agir que par motif de con-
science. 11 est constant que dès l'origine les
prétendus réformés ont travaillé à se rendre
redoutables. Leurs docteurs ne leur prê-
chaient point la patience, la douceur, la ré-
signation au martyre, comme faisaient les
apôtres à leurs disciples, mais la sédition ,
la révolte , la violence , le brigandage et le
meurtre. Ces leçons se trouvent encore dans
les écrits des rélormiteurs , et l'histoire at-
teste qu'elles furent fidèlement suivies. Etran-
ge délicatesse de conscience d'aimer mieux
bouleverser l'Europe entière que de souf-
frir dans le silence les prétendus abus de
l'Eglise catholique ?
Quatrième objection. A la vérité les Pères
de l'Eglise ont condamné le schisme des no-
vations , des donatistes et des lucifériens,
parce que ces sectaires ne reprochaient au-
cune erreur à l'Eglise calholique de laquelle
ils se séparaient ; il n'en était pas de même des
protestants, à qui la doctrine de l'Kglise ro-
maine paraissait erronée en plusieurs points.
— Réponse. 11 est faux que les schismatiques
dont nous parlons n'aient reproché aucune
erreur à l'Eglise catholique. Les donatistes
regardaientconune une erreur de penser que
les pécheurs scandaleux étaient membres de
l'iiglise ; ils soutenaient l'invalidité du bap-
tême reçu hors de leur société. Les novatiens
Soutenaient que l'Eglise n'avait pas le pou-
voir d'absoudre les pécheurs coupables de
rechute. Les lucifériens enseignaient que
l'on ne devait pas recevoir à la communion
ecclésiastique les évêqucs ariens, quoique
pénitents el convertis, et que le baptême ad-
ministré par eux était alisolumeni nul. Si,
pour avoir droit de se sciiarer de l'Eglise,
40o
se 11
SCIl
406
il siifCisail de lui iinpuler des erreurs, il n'y
aurait aucune seclo aiii-ieniio ni moderne
que l'on pùl juslenienl accuser de schisme, les
prulestauts eux-niêuM-s n'osoraioiit hlàuier
auf une des sectes i|ui se sont séparées d'eux,
puisque toutes sans exceplion leur ont re-
proché des erreurs . et souvent des erreurs
Irès-grosstèi es. En effoi, lessociniens les accu-
sent d'introduire le pol\ théisme et d'adorer
trois dieux, en souleuanl la divinité des trois
personnes divines; les .inabaplisles, de pro-
faner le baptême, en radmiiiislrant à des en-
fants i]i»i ^ont encore incapables de croire;
les (Quakers, de résister au Saint-Esprit, en
einpû'baiit les simples (iJèles et les remnies
de parler (laui les assemblées de religion,
lorsi|ue le'i uns ou les aulres sont iiispnés;
les anglicans, de méronnaîlre rinsiilulion
de Je.-us-Obiist, en refus.iiit de reconnaître
le caraclèrf divin des é\èquçs : tous de con-
cert r<'prochent aux calvinistes rigi.les de
faire Dieu auieur du péché en admettant la,
prédestination absiilue, elc. ; donc ou toutes
ces séries onl raison dt' vivre séparéi'S les
unes des auiros et de s'anaihcinaliser muluel-
loment, on loulesonleu lorl de faire »c/u's/)ie
d'avec rKs;li<e ealholii|ue ; il n'en est pas
une seule qui n'allèj^ue les mêmes raisons
de se sépiier de loule autre communion
quelciHique.
Un de leurs contFoversisIcs a cité un
passage de Vincent de Lérins , qui dit ,
Comiiionil., ehap. k et 20, que si une erreur
est prèle à infecter toute IKglise, il faut s'en
tenir à ranti(|iiité-, quesi l'erreur est ancienne
cl étendue, il faut la combattre par l'Ecriiure.
Celle cilalitin est fausse; voici les paroles de
cet auteur : « C'a toujours été, et c'e^l encore
aujourd'hui la coutume des catholiques de
prouver la vraie foi de di'ux manières, 1° par
l'aulorilc de l'Ecriture sainte , 2" par la
Iradiiion de l'Eglise universelle ; non que
l'Ecriture soil insufrisaiite en elle-même ,
mais parce que la plupart inlerprèleiit à leur
gré la parole divine , el fori;ont ainsi dus
Ojiinions et des erreurs. 11 faut donc entendre
l'Erriliire sainle dans le sens de. l'Eglise,
surtout dans les questions t\ui seivent de
l'oiïdement à tout le dogme calholique. Nous
avons dit encore que daiis l'Eglise mémo il
faut avoir égard à l'univers. due et à l'anli-
quité: à l'universalité, alin de ue pas rompre
l'unité par nn schisme; à ranli>|uilé , afin de
ne pas préférer une nouvelle hérésie à
l'ancienne religion. Enfru nous avons dit que
dans l'antiquité île l'Eglise il faut observer
deux choses, l," ce qui a clé décide autrefois
par un concile universel; 2' si c'est uue
question iiuuvelli' sur laquelle il n'y ait point
eu de décision, il faut consulter le sentim.'ut
dos Pères qui onl toujours vécu el enseigné
dans la communion de l'Eglise, el tenir pour
vrai et catholique , ce qu'ils ont professé
d'un consentement unanime. » Celte règle ,
convtamment suivie dans l'Eglise depuis |)lus
de dix-sept si'ècles , est la condamnaiiuu
roniicllc du schisme et do touie la conduite
des proteslaals , aussi bien que des aulres
sectaires.
Quelques théologiens ont oisdngue le
schisme fio/i'/" d'avec le schisme passif: par le
preniier ils entendent la sépai alion volontaire
d'une partie des membres de l'Eglise d'avec
le corps , et la résoluiion qu'ils prennent
d'eux-mêmes de ne plus faire de société avec
lui; ils appellent .sc/ii's»(c/Kj.«.«i'/' la séparation
involontaire de ceux que l'Eglise a rejciés
de son sein par l'excommunication. Quel-
quefois les coiitroversislcs protestants ont
voulu abuser de cette distinclion; ils onl dit :
Ce n'est pas nous qui nous sommes séparés
de l'Eglise romaine , c'est elle qui nous a
rejet es el condamnés ; c'est donc elle qui esl
coupable de schisme, el non pas nous. Mais
il esl prouvé par tous les monuments histo-
riques du leiups, el par Ions les écrits des
calvinistes, qu'avant l'anatlièiue prononcé
conire eux par le concile de Trente , ils
avaient publié el répété cent fois que l'Eglise
romaine élail la B.ibylone de l'Apocalypse,
la synagogue de Saian, la société de l'Anle-
chri^t; qu'il fallait alisoUmient en sortir pour
faire son salut; en conséquence ils tinrent
d'abord des assemblées parliculières, ils évi-
tèrent de se trouver à celles des calboliques
et de prendre aucune part à leur culte. Le
ichisme a donc été actif et t^■ès-vo^onlaire de
leur part.
Nous ne prétendons pas insinuer par là
que l'Eglise ne doit point exclure prompte-
mentde sa communion les novateurs cachés,
hypocrites çl perfides, qui, eu enseignant
uue doctrine contraire à la S'ieune, s'obsli-
nenlà se dire catholiques, enfants de l'Eglise,
défenseurs de sa véritable croyance, malgré
les décrets solennels (pii les lléirissent. Une
triste expérience nous convainc que ces hé-
réliques cachés cl fourbes ne sont pas moins
dangereux el ne font pas moins do mal que
des ennemis déclarés.
On appelle en théologie proposition schis-
maiique celle qui tend à inspirer aux fidèles
la révolte conire l'Église, à introduire la
division entre les églises parliculières et celle
de Rome, qui esl le cenlre de l'unité calho-
lique.
Schisme d'Anuletebbe. Voij. Angleterre.
Schisme des (ïrecs- 1 o.V- Iîbçc.
ScuisME d'Occioenx. C'est la division qui
arriva dans l'Eglise romaine au kiv siècle,
lorsqu'il y eut deux papes placés eu même
temps sur le saint siège, de manière (|u'il
n'était pas aisé de distinguer lequel des deux
avait été le plus canonuiuemenl élu.
Après la mort de Uenoît XI en 130'^ , il '
eut successivement sept papes français d'ori
giuc; savoir, Clément V, Jian XXII, Be
noit Xll, Clément VI, Innocent VI, Urbain '
et Grégoire XI, qui t'iurenl leur siège à
Avignon. Ce dernier ayant fait un voyage à
Rome y tomba malade et y mourul le 13 mars
ISTS. Le peuple romain, très-séditieux pour
lors, et jaloux d'avoir chez lui le souverain
pontife, s'assembla lumultueusemcut, et d'un
ton menaçant déclara aux cardinaux réunis
nu conclave, qu'il voulait un pape romain
ou du moins italien de naissance. Consé-
qucmniLiil les cardinaux, a[:rès avoir pro^
»(37 SCIl
(esté contre la vio.ence qu'on leur faisait et
contre l'élection qui allait se faire, élurent,
le 9. avril, Barthélemi Prignago, archevêque
do Bari, qui prit le nom d'Urbain VI. Mais ,
cinq mois après, ces mêmes cardinaux, reti-
rés à Anagni et ensuite à Fondi , dans le
royaume de Naples, déclarèrent nulle l'éîec-
lion d'Urbain Vl, con)me faite par violence ,
et ils élurent à sa place Roberi, cardinal de
Genève , qui prit le nom de Clément VU.
Celui-ci fut reconnu pour pape légilime par
la France, l'Espagne, l'Ecosse, la Sicile, l'île
de Chypre, et il établit son séjour à Avignon;
Urbain VI, qui faisait le sien à Rome, eut
dans son obédience les autres étals de la
chrétienté. Celte division, que l'on a nommée
le grand schisme d'Occident , dura pendant
quarante ans. Mais aucun des deux partis
n'étnit coupable de désobéissance envers
l'Eglise ni envers son chef; l'un et l'autre
désiraient également de connaître le vérita-
ble pape, tout prêts à lui rendre obéissance
dès qu'il serait certainement connu.
Pend.-inl cet intervalle, Urbain VI eut pour
successeurs à Rome Bonifaee IX , Inno-
cent VU , (îrégoire XII , Alexandre V et
Jean XXIII. Le siège d'Avignon fut tenu par
Clément VII pendant seize ans , et durant
vingi-trois par Benoît XIII son successeur.
En 1409, le concile de Pise , assemblé pour
éteindre le schisme, ne put en venir à bout;
vainement il déposa Grégoire Xli, pontife de
Rome, et Benoît XIII, pape d'Avignon; vai-
nement il élut à leur place Alexandre V;
tous les trois eurent des partisans, et au lieu
de deux compétiteurs il s'en trouva trois.
Enfin 1 e scandale cessa l'an 1417; au concile
général de C^n'lance , assemblé pour ce
sujet, Grégoire XII renonça au pontificat,
Jean XXiil.qui avait remplacé Alexandre V,
fut forcé de même, et Benoit XIII fut solen-
nellement déposé. On élut Martin V,qui peu
à peu fut universellement reconnu, quoique
Benoît XIII ait encore vécu cinq ans , et se
soit obstiné à garder le nom de pape jusqu'à
la mort.
Les prolestants , très-attenlifs à relever
tous les scandales de l'Eglise romaine, ont
exagéré les malheurs que produisit celui-
ci ; ils disent que pendant le schisme (ont
sentiment de religion s'éteignit en plu-
sieurs endroits, et fil place aux excès les
plus scandaleux; que le clergé perdit jus-
qu'aux appart-mes de la religion et de la
décence; que les personnes vertueuses furent
tourmentées de doutes et d'inquiétudes. Ils
ajoutent que celle division des esprits pro-
duisit cependant un bon eflel , puisqu'elle
porta un coup mortel à la puissante des
papes. Mosheim, Hist. ecclés., xiv* siècle,
M' part., c. 2, § 15. Ce tableau pourrait pa-
raître ressemblant , si l'on s'en rapportait à
plusieurs écrits composés pendant le schisme
par des auteurs passionnés et satiriques, tels
que Nicolas de Cléinengis et d'autres. Mais,
en lisant l'histoire de ces temps-là , on voit
que ce sont des dccl.itnaiions dictées par
l'humeur, dans les(iuelles on trouve souvent
le blanc et le noir suivant les circonstances.
SCI
i08
Il est certain que le schisme causa des scan-
dales, Gt naître des abus, diminua beaucoup
les sentiments de religion ; mais le mal ne
fut ni aussi excessif ni aussi étendu que le
prétendent les ennemis de l'Eglise. A cette
même époque il y eut chez toutes les nations
catholiques, dans les diverses obédiences
des papes et dans les différents él.its de la
vie, un grand nombre de personnages distin-
gués par leur savoir et pnr leur vertus ;
Mosheim lui-même en a cité un bon nombre
qui ont vécu , tant sur la fin du xiv' siècle
qu'au commencement du xV, et il convient
qu'il aurait pu en ajouter d'autres. Les pré-
tendants à la papauté furent blâmables de
ne vouloir pas sacrifier leur intérêt particu-
lier et celui de leurs créatures au bien géné-
ral de l'Eglise; on ne peut cependant pas les
accuser d'avoir élé sans religion et sans
mœurs. Ceux d'Avignon , réduits à un re-
venu très-mince, firent, pour soutenir leur
dignité, un trafic honteux des bénéfices ; et
se mirent au-dessus de toutes les règles ■,
c'est donc dans l'Eglise de France que le
désordre dut être le plus sensible : cependant,
par VHisloire de l'Eglise gcdiicane , nous
voyons que le clergé n'y était généralement
ni dans l'ignorance ni dans une corruption
incurable, puisque l'on se sert des clameurs
même du clergé pour prouver la grandeur
du mal. D'ailleurs, en l'exagérant à l'excès,
les protestants nous semblent aller directe-
ment contre l'intérêt de leur système ; ils
prouvent, sans le vouloir, de quelle impor-
tiince est dans l'Eglise le gouvernement d'un
chef sage, éclairé, vertueux , puisque quand
ce secours vient à manquer, tout l()mbe dans
le désordre et la confusion. Les hommes de
bon sens, dit Mosheim, apprirent que l'on
pouvait se passer d'un chef visible , revêtu
d'une suprématie spirituelle ; on peut s'en
passer sans doute, lorsqu'on veut renverser
le dogme, la morale, le culte, la discipline,
comme ont fait les protestants; mais quand
on veut les conserver tels que les apôtres
les ont établis, on seul le besoin d'un chef;
une expérience de dix-sept siècles a dû
suffire pour nous l'apprendre.
* SCHOLTÉNIENS. Au milieu de la décomposition
générale du protesiantisme, on voit de leiiips eu
temps des cliréiiens essayer de lutter contre le lor-
renl qui les entraîne. Qnoiqu'en Hollande la profes-
sion de foi du synode de Dordreclil de tGl8 soit la
base de l'Eglise nationale, le synod« de 181(i permit
à chaque niinisire d'eu retraiiclier ou d'y ajouter ce
qu'il voudrait. Quelques ministres, à la télé desquels
figura Scliollen, s'uisur^jèrent contre le synode de
1816 et voulurent faire revivre inlégialementladcic-
Irine du synode de Dordiechl. Bientôt les dissidents
formèrent secte, eurent des églises, reçurent le nom
de Vrais Reformés. Eu 1854 le gouvernement lixd-
landais leur enleva leurs églises par force, ils se
réunirent dans des maisons particulières ; on lit va-
loir les disposilions de l'art. "i'Jl du code pénal Irau-
çais, encore eu vigueur dans ce pays: toute réunion
de plus de vingt personnes fut sévèrement puide.
Les persécutés trouvèrent appui auprès des protes-
tants des antres pays. Un ne puile plus aiijourd'liui
de persétuiion. Nous ignorons où en est la secte.
SCIENCE DE DIEU, c'est l'uUribul par
409
scr
SCf
410
lequel Dieu connait toutes choses. Nous ne
pouvons concovoir Dieu autrement que
cotnine une inlelli|ieiice infinie , par consé-
quent qui connnit tout ce <|ui est et tout ce
qui peut être; telle est l'iilée que nous en
donnent les livres saints. Nous y lisons. Job,
c. xwiii, V. 2'i- : Dieu voit les extrémités du
monde, et considère tout ce qui est sous le
ciel; cap. xlii, y. 2 : /e sais, Seigneur, que
vous pouvez tout , et qu'aucune pensée ne
vous est cachée ; Haruch, c. m , v. 32 : Celui
qui sait tout est l'aUeur de la sagesse;
l's. cxxxMii , V. 3 : Vous connaissez , Sei-
gneur, ce quia précédé et ce qui doit suivre...
Votre sciiîNCK est admirable pour moi , elle
est immense, et je ne puis y atteindre , etc.;
I l{e\i., c. Il, V. 3 : Le Seigneur est le Dieu
(le la sciKNCK, et les pensées des hommes lui
sont connues d'avance; Uoni., c. xi, v. 33 :
(J profondeur des trésors de la sagesse et de
la .sciENCK de Dieu, etc.
Saint Augustin, 1. ii ad Simplic, q. '2 ,
■observe fort bien que la science de Dieu est
Ires-différente de la nôtre, mais que nous
sommes forcés de nous servir des mêmes
termes pour exprimer l'une et l'autre ; nos
<'onnai$sances sont des accidents ou des mo-
difications qui nous arrivent successivement
et qui produisent un changement en nous;
Dieu de loute éternité a tout vu et tout connu
pour toute la durée des siècles; aucune pen-
sée, aucune connaissance ne peut lui arriver
de nouveau; il ne peut rien perdre ni rien
acquérir, puisqu'il est iuimuatile.
Dieu, disent les Pères de l'Eglise, a prévu
tous les événements, puisque c'est lui qui les
a dirigés comme il lui a plu; il n'a pas lait
les créatures sans savoir ce qu'il taisait, ce
<iu'il voulait et ce qu'il pouvait faire; s'il ne
connaissait pas toutes choses, il ne pourrait
pas les gouverner, nous aurions tort de lui
attribuer une providence : // appelle, dit
saint Paul, les choses qui ne sont point comme
celles qui sont (Rom., c. iv, v. 17],
Dans les objets de nos connaissances nous
distinguons le passé, le préseul et le futur;
à l'égard de Dieu tout est présent, rien n'est
passé ni futur, parce que son élernilé cor-
respond à tous les instants de la durée des
■créatures. Mais, pour soulager notre faible
«niendemeni, nous distinguons en Dieu au-
tant de sciences différentes que nous en
«prouvons en nous-mêmes. Conséquemnicnt
les théologiens distinguent en Dieu : 1' la
science de simple intelligence , par laquelle
Dieu voit les choses purement possibles qui
n'ont jamais existé et qui n'existeront ja-
imïis. Comme rien n'est possible que par la
pui.».sance de Dieu , il suffit que Dieu con-
naisse toute l'étendue de sa puissance pour
connaître tout ce qui (jcut être. 2" La science
de vision, par taiiuelle Dieu voit tout ce qui
a existé, tout ce qui existe ou existera dans
le temps, par conséquent toutes les pensées
et toutes les actions des hommes, présentes,
passées ou à venir, et le cours entier de la
nature, tel ((u'il a été et tel qu'il sera dans
toute sa durée ; et c'est cette connaissance
<ciaire et distincte qui dirige la providence
de Dieu tant dans l'ordre de la nature que
dans l'ordre de la grâce. Cette science , en
tant qu'elle regarde les choses futures, est
appelée précision ou prescience. Nous en
avons parlé en son lieu. Voy. Piiksoience.
3" Quelques théologiens admettent encore en
Dieu une troisième science qu'ils appellent
science moyenne , parce qu'elle semble tenir
un milieu entre la science de vision et la
- sciencedesimpleintelligence.il y a, disent-ils,
des clio<es qui ne sont futures que sous cer-
taines conditions ; si les couJItions doivent
avoir lieu , l'événement qui en dépend de-
viendra futur absolument, et, comme tel, il
est l'objet de la science de vision ou de la
prescience. Si la condition d(^ laquelle cet
événement dépend ne doit point avoir lieu ,
il n'existera janiais; alors c'est un futur
purement conditionnel; il ne peut donc pas
être de la science de vision qui regarde les
futurs absolus , ni de la science dt! simple
intelligence qui a pour objet les possibles.
Cependant Dieu le counait, puisque souvent
il l'a révélé : il faut donc distinguer cette
science divine d'avec les deux précédentes.
Que Dieu ait révélé plus d'une fois des
fu'.urs purement conditionnels, c'est un fait
prouvé par l'Ecriluie sainte. / Tîei/., c. xxiii,
v. 12, David demande au Seigneur : Si je
demeure à Ceila. les habitants jne livreront-ils
à Suill? Dieu répondit : Us vous livreront.
Conséquemment David se retira, et il ne fut
point livré. Sap.,c. iv, v. Il, il est dit du
juste que Dieu l'a tiré de ce monde, de peur
qu'il ne fût perverti par la contagion des
mu'urs du siècle; Dieu prévoyait donc que
si ce juste eût vécu plus longtemps, il aurait
succombé à la tentation du mauvais exem-
ple. .1/n<t/i., c. XI, V. 21, Jésus-Christ dit aux
Juifs incrédules : Si j'avais fait à Tyr et à
Sidon les mêmes miracles qu* j'ai faits parmi
vous, ces peuples auraient fait pénitence suus
le cilii e et sous la cendre. Luc, c. xvi, v. 31,
il est dit des frères du mauvais riche : Quand
un morC ressusciterait pour les instruire, ils
ne le croiraient pas. Voilà des prédictions
de futurs conilitionnels qui ne sont pas ar-
rivés, parce que la condition n'a pas eu lieu.
Les Pères de l'Eglise ont r.iisonné sur ces
passages, pour prouverque Dieu voit ce que
ier.'iient toutes ses créatures dans toutes les
circonstances où il lui plairait de les placer;
saint Augustin surtout en a fait usage pour
prouver contre les pelagiens et les seini-pé-
lagiens que Dieu n'est point déterminé à
donner la grâce de la foi par les bonnes dis-
positions qu'il prévoit dans ceux à qui
l'Evangile serait prêché; ni déterminé à pri-
ver de la grâce du baptême certains enfants,
parce qu'il prévoit leur mauvaise conduite
future s'ils parvenaient à l'âge mûr. loi/.
Petau, Duym. thcnl., t. 1 , I. iv, c. 7. Ainsi
raisonnent les théologiens que l'on appelle
niiilinistes et congruistes. Voy. Conguuistes.
Mais les thomistes et les augustiniens
soutiennent que cette science moyenne in-
ventée par Molina, est non-seulement inu-
tile, mais d'un usage dangereux dans les
questions de la grâce et de la prédestination-
A\l
SCI
Ou la condition, disent-ils, de laquelle dé-
pend un événement aura lieu, ou elle n'ar-
rivera pns : dans le premier cas, le futur est
absolu, et pour lors il esl-l'objet de la science
de vision ou de la prescience; dans le second
cas, ce futur prétendu conditionnel est sim-
plement possible , et Dieu le voit par la
science de simple intelligence. Ces mômes
théologiens accusent leurs aihersaires de
donner lieu aux mcaies conséquences que
saint Augustin a ccmballues, et que riîglise
a condamnées dans les pélagiens et les semi-
pélagic'.is.
On conçoit bien que les congruistes ne
demeurent pas sans réplique. Cette question
a été ilébaliue de part et d'autre avec plus
de cbaleur qu'elle ne mériiait; il y a eu une
immeiisilé d'écrits pour et contre, sans que
l'un ou l'aulre d( s deux pariis ail avancé (lU
reculé d'un seul pas. 11 aurait été mi-ux
sans doute de renoncer à tout système, de
s'en tenir uniquement à ce qui est révélé, et
de consentir à ignorer ce que Dieu n'a pas
voulu nous apprendre.
SCIKNCES HUMAINES. De nos jours les
incrédules ont poussé la prévention con're le
christianisjue, jusqu'à souienir que son éia-
blissement a nui au progrès des sciences;
déjà nous avons réfuté ce paradoxe au mot
Lettres ; il est bon d'ajouter encore quel-
ques réilexions. Il est incontestable que de-
puis dis-sepl siècles les sciences n'ont |ires()ue
été cultivées ni connues quecbez les nations
chrétiennes , que les autres peuples sont
plongés (tans l'ignorance et dans la barbarie,
i'eut-on comparer la fdilde mesure de con-
naissances que possèdent les Indiens et les
Chinois, avec ce qu'en ont acquis les peuples
de l'Europe? Lorsqu'au x" et au xii" siècle
les mahométans ont eu quelque teinture des
fcicnces, ils l'avaient reçue des nations chré-
tiennes, et ils ne l'ont pas conservée long-
temps : ils ont fait régner l'ignorance par-
tout où ils se sont rendus les maîtres; sans
les efforts qu'on leur a opposés par principe
de religion, les sciences auraient eu en Eu-
rope le même sort qu'en Asie; quelques in-
crédules uidius entêtés que les autres ont eu
la bonne foi d'en convenir. A la vériié, depuis
le IV' siècle de l'Eglise, les sciences n'ont
plus été cultivées chez les Grecs et chez l 'S
Humains avec autant d'éclat et de succès
(ju'au siècle d'Augusle; mais ceux (jui eu
ont cherché la cause dans l'éiablissement du
christianisme, ont affecté d'ignorer les évé-
nements qui ont précédé et qui ont suivi
cette grande époque de l'histoire. En effet,
depuis le règne de Néron jusqu'à celui de
Théodose, pendant un espace de trois cents
ans, les payssoumisà la domiualiuu romaine
furent désolés par les guerres civiles entre
les divers prétendants à l'empire. Déjà les
Barbares avaient commenié à y faire des
irruptions de toutes |)arts; les Germains, les
Sarinates, les Quades, les Marcomans, les
Scythes, les l'aithcs, les Perses en avaient
démembré ou dépeuplé des parties ; les vic-
toires de quelques empereurs n'opposé, eut
à ce torrent qu'un obstacle passager. Dès
SCI 412
l'an 275 l'on vit fondre sur les Gaules uu
essaim de peuples d'Allemagne, les. Lyges,
les Francs, les Bourguignons,' les Vandales;
ils s'emparèrent de soixante-dix villes, et en
de:neurèrenl les maîtres pendant deux ans.
Probus ne vint à bout de les en chasser,
l'an 277, qu'après leur avoir lue quatre cent
mille homme-. Ils ne lardèrent p.is d'y re-
venir avec d'autres Barbares eu plus grand
nombre. Tillemont , Vie des enip. , t. III,
pag. h1^ et sniv. Au v° siècle, les Golhs, les
Francs, les Bouru;uignons, les Huns, les
Lombards, les Vandales, vinrent à bout de
s'y établir, et s'emparèrent peu à peu de
tout l'Occident ; au vir siècle, les Arabes ra-
vagèrent l'Orient pour établir le mahomé-
lisme. Les invasions n'ont cessé dans nos
climats que par la ronversion des peuples
duNord. Est-ce au milieu de celte désolation
continuelle, dont l'histoire fait frémir, que
les sciences pouvaient lleurir et faire des
progrès '? Les pest^'S, les famines, les lrem~
blemenis de terre joignirent leurs ravages à
ceux de la guerre; ceux qui ont calculé les
perles que la population a faites par ces
divers flé.iux, prétendent que, sous le règne
de Justinien, le nombre des hommes était
réduit à moins de moitié de ce qu'il était au
siècle d'Auguste. Des temps aussi malheu-
reux n'étaient pas propres aux spéculations
des savants, ni aux recherches curieuses;
mais le christianisme n'a pu iniluer en rien
dans les causes de ces révolutions. Loin de
mettre obstacle aux études, cette religion
engageait ses sectateurs à s'instruire, par le
désir de réfuter, de convaincre, de convertir
les philosophes (jui rattaquaient ; les persé-
cutions mêmes enflammèrent le zèle des
Pères de l'Eglise. Connaît-on, dans les trois
premiers siècles, des auteurs profanes qui
aient mieux possédé la philosophie de leur
temps que les apologistes de notre religion 1
Au IV*, lorsque la paix eut été donnée à
l'Eglise par Constantin, il fut aisé de voir si
les savants du paganisme avaient des con-
naissances supérieures à celles des docteurs
chrétiens. Julien, ennemi déclaré de ces
derniers, ne sentait que irup bien leur as-
cendant, lorsqu'il souhaitait que les livres
des tjaliléens fussent détruits, Lellre 9 à
Ecdicius , et qu'il défendait aux chrétiens
d'étudier et d'enseigner les lettres. Aucun
philosophe de ce temps-là n'a montré autant
de connaissances en matière de physique et
d'histoire naturelle, que saint Basile dans
son Hexaméruti, Lactance dans son livre de
Opificio Dei, Théodorel dans ses Discours
SU7- la Providence, etc.
Le meilleur moyen de perfectionner les
sciences naturelles était d'établir la C(mimu-
nicalmn entre les dilTérentes parties du
globe, d'apprendre à connaître le sol, les
riciiesses, les mojurs, les lois, le génie, le
langage des divers peuples du monde ; nous
jouissons actuellement de cet avantage, mais
à qui en sommes-nous redevables? Est-ce
aux philosophes zélés pour le bien de l'hu-
nianilé, ou aux missionnaires enflammés du
zèle de la religion? Le christianisme qu'ils
iK
SCI
sci
m
oui, porté dans le Nord y a fait naître l'a-
griculture , la civilisiilion , les lois , les
siieucos; il a rendu llorissantcs des régions
qui n'elaient autrefois couvertes que de fo-
ri'ls, de marérases, et di- quelques troupeaux
de sauvages. Ce sont les missionnaires, et
non les philosophes, qui oui apprivoisé les
barbares , qui nous ont fait connaître les
coniréi'S et l"s nations des extrémités de
l'Asie, qui ont décrit le caractère, les mœurs,
le genre de vie des sauva «es de l'Amérique.
Si leur zèle inirépide n'avait pas commencé
jiar frayer le chemin , .lucun philosophe
n'aurait osé entreprendre d'y pénétrer. C'est
donc à eux que la péographic et les dilTé-
renles parties de l'histoire nalurellcsont re-
devables des progrès immenses qu'dlcs ont
fails dans ces derniers siècles. S'ils avaient
tr;ivaillé dans le dessein d'inspirer de la
reconnaissance aux philosophes, ils auraient
aujourd'hui lieu de s'en repentir.
l'onr bien connaître les peuples modernes,
il fallait les comparer aux peuples anciens;
or, il ne nous reste aucun monument pio-
fane qui nous donne une idée aussi exacte
des anciens peupli's et des premiers âges du
monde que nos livres saints. Les savants
qui ont voulu remonter à l'origine des lois,
des sciences et des arts, ont été forces de
prendre l'histoire saiiile p^iur base de leurs
reclnrches. Ceux qui ont suivi une route
opposée ne nous ont débité, sous le nom
li'hisloire plnlusophique cl de Philosophie ilc
l'hisloire, i\uc les lêves d'une imagination dé-
réglée, et un chaos d'erreurs et d'absurdités.
Partout où le christianisme s'est établi, au
milieu des glaces du Nord, ausi bien que
sous les feux du Midi, il a porté les sciences,
les mœurs, la civilisation ; partout où il a
été détruit, la barbarie a jiris sa place. Les
peuples des côtes de l'Afrique et ceux de
i'iigypte oiil vu la lumière, pendant que
l'Evangile a lui parmi eux ; dès que ce
flambeau a cessé de les éclairer, une nuit
profonde y a succède. La Grèce, autrefois
si féconde en savants, en artistes, en philo-
sophes, est devenue stérile pour les sciinces;
la nature el le climat sont-ils changés ? Non,
le génie des Grecs est toujours le iisônie,
mais il est étouffe sous la tyrannie d'un gou-
vernement aussi ennemi dos scienc s (|uc
du chrislianisnie. Il adonc fallu perdre toute
pudeur pour oser écrire que cette religion a
retarde les progrès de l'esprit humain, et a
n)is obstacle à la perfection des sciences; sans
elle au contr,:ire l'Europe entière ser.iit en-
core plongée dans l'ignorance qu'y avaient
apportée les barbares du Nord. Nous sommes
bien mieux fondés à reprocher aux philoso-
phes incrédules que leur entèlement et leur
méthode ne tendent à rien moins qu'à l'ex-
tinction de toutes les sciences. En eflel, si
l'on veut y donner une base solide, il faut
partir des lumières acquises par ceux (jui
Duus ont précédés, il faut connaître leurs
erreurs, aûu de nous en préserver; mais ce
procède exige des recherches pénibles; pour
s'en dispenser, nos écrivains modernes ont
décrié tous les genres d'érudition, sous pré-
texte que ceux qui les ont cultivés n'étaient
p.is philosophes : l'étude des langues, de
la critique, de la littérature ancienne et mo-
derne, leur paraît superilue; tous se flattent
de tirer tonte vérité de leur cerveau ; ils veu-
lent être créateurs, et ils répèlent, sans le
savoir, les absurdités philosophiques des
siècles passés.
,\ quoi sert le raisonnement, lorsque l'on
ignore les premiers principes de l'art de rai-
sonner? Vainement on chercherait ehe/ nos
littérateurs inciédules quelque teinture de
to.:iqueetde métaphysique ; ces deux sciences
leur déplaisent, elles mettraient des entraves
à l'impélunsilé de leur génie; à l'exemple
des anciens épicuriens, ils en ont secoué le
joug. Au lieu de raisonner ils déclament, ils se
contredisent, ils ne savent ni de quel prin-
cipe ils sonl partis, ni à quel terme ils doi-
vent aboutir.
Notre siècle sans doute a fait do grandes
dérouvertes dans la physbpie et dans l'his-
toire naturelle ; mais combien d'expériences
douteuses ne nous a-t-on p is données pour
des vérités incontestables? Le goût des sys-
tèmes ne règne pas moins qu'autrefois, et les
plus hardis sonl toujours les mieux ac-r
cueillis; l'hypothèse des atomes et celle de
la divisibililé de la matière à l'infini se suc-
cèdent et subjuguent les esprits tour à tour;
les termes inintelligibles d'attraction , de
gravitation, d'électricité, de magnétisme, ont
remplacé les qualités occultes des anciens :
une imagination nouvelle paraît sublime dès
qu'elle peut servir à combattre les vérités
révélées; et si l'on pouvait parvenir à sub-
stituer l'idée de la matière à celle de Dieu,
nos philosophes croiraient avoir tout gagné.
Entre leurs mains, l'histoire n'est plus (ju'un
tissu de conjectures, un système de pyrrbo-
nisme, un suite de libelles diffamatoires. De
tous les fails, ils n'admettent que ceux qui
s'accordent avec leur opinion, ils ne font cas
que lies auteurs qui paraissent avoir pensé
comme eux, ils noircissent tous les person-
nages dont la vertu leur déplaît ; ils appel-
lent grands hommes des insensés chargés du
mépris de tous les siècles. Leur grande ani-
bilion est d'être législ.ileurs, politiquis, ar-
bitres dti sort des nations ; mais en attaquant
l'idée d'un Dieu légi^Ialeur, ils ont sapé la
b ise de toutes les lois ; au lieu de la morale
des hommes , ils nous prescrivent celle des
broies, et ils fondent la politique sur les
principes de l'anarchie. Dans un état bien
police, le citoyen qui déclamerait contre les
lois serait puni comme séditieux; parmi
nous, c'est un litre pour prétendre à la célé-
brité. Si cette philosophie meurtrière durait
encore longtemiis, que deviendraient donc
enfin les sciences? On sait déjà où eu est
Tcducation de la jeunesse depuis que les
philosophes ont voulu la réformer, et si,
dans l'état où ils l'ont mise, elle est fort
propre à créer des hommes laborieux, sa-
vants, utiles à leur patrie.
Un des principaux faits qu'ils allèguent
pour prouver que le ciiristiaiiisine est eu
Demi des jcte')ces,esUa prctunducpersécutiou
415
SCI
SCI
41(i
qu'essuya Galilée à cause de ses découvcrles
aslronomiques, et sa condamnation au tribu-
nal de l'inquisilion romaine. Heureusement,
il est actuellemenl prouvé par les lettres de
Guichardin et du marquis Nicolini, ambassa-
deurs de Florence, amis, disciples et prolec-
teurs de Galilée, par les lettres manuscrites et
par les ouvrages de Galilée lui-même, que
depuis un siècle on en impose au public sur
ce l'ait. Ce philosophe ne fut point persécuié
comme bon astronome, mais comme mauvais
théologien, pour avoir voulu se mêler d'ex-
pli(iuer la Bible. Ses découvertes lui susci-
tèrent sans doute des ennemis jaloux ; mais
c'est son entêtement à vouloir cnncilier la
Bible avec Copernic qui lui donna des ju^ies,
et sa pétulance seule fut la cause de ses cha-
grins. En ce temps-là vivaient le Tasse,
l'Ariosle, Machiavel, Bembo, Toricelli, Gui-
chardin, Frapaolo, etc. ; ce n'était donc pas
pour l'itiilie un siècle barbare.
En 1611, pendant son premier voyage à
Rome, Galilée fut admiré et cijniblé d'hon-
neurs par les cardinaux et par les grands
seigneurs auxquels il montra ses décou-
vertes: il y retourna en 1(J15; sa seule pré-
sence déconcerta les accusations formées
contre lui. Le cardinal det Jl/on^e et divers
membres du Sainl-Olfice lui tracèrent le
cercle de prudence dans lequel il devait se
renfermer; mais son ardeur et sa vanité
l'emportèrent. « 11 exigea , dit Guichardin
dans ses dépêches du k mars 161C, que le
pape et le Saint-Olfice déclarassent le sys-
tème de Copernic fondé sur la Bible. » II
écrivit mémoires sur mémoires; Paul V, fa-
tigué par ses instances, arrêta que cette
controverse serait juiiée dans une congré-
gation. « Galilée, ajoute Guichardin, met un
extrême emportement dans tout ceci ; il l'ail
plus de cas de son opinion que de celle de
ses amis, etc. » Il fut rappelé à Florence au
mois de juin 161G. Il dit lui-même dans ses
lettres : « La congrégation a seulement dé-
cidé que l'opinion du mouvement de la terre
ne s'accorde pas avec la Bible. Je ne suis
point intéressé personnellement dans le dé-
cret. » Avant son départ il eut une audience
très-gracieuse du pape; Bellarmin lui fit
seulement défense, au nom du saint-siége,
de parler davantage de l'accord prétendu
entre la Bible et Copernic, sans lui interdire
aucune hypothèse aslroiiomii|ue. Quinze ans
a près, eu lG3îi, sous le pontifical d'Urbain VIII,
Galilée imprima ses célèbres dialogues. Délie
due viassime sysleme del mondo. avec une
permission et approbation supposée, et con-
tre laquelle personne n'osa réclamer, et il
lit reparaître ses mémoires écrits en 1GI6,
où il s'efforçait d'eiiger en question de
dogme la rotation du globe sur sou axe. On
prétend que les jésuites excitèrent contre lui
la colère du pape. « 11 faut traiter celte af-
faire doucement, écrivait le marquis Nico-
lini, dans ses dépêches du o septembre 1C32 :
si le pape se pique, tout est perdu; il ne
faut ni disputer, ni menacer, ni liraver. »
C'est ce que faisait Galilée. 11 fut cité à Kojiie,
et y arriva le 3 février 1633. Il ne fui point
logé à l'inquisition, mais au palais de l'en-
voyé de Toscane. Un mois après, il fut mis,
non dans les prisons de l'inquisition, comme
vingt autours l'ont écrit, mais dans l'appar-
tement du fiscal, avec la liberté de corres-
pondre avec l'ambassadeur, de se promener,
et d'envoyer son domestique au dehors.
Après dix-huit jours de détention à la Mi-
nerve, il fut renvoyé au palais de Toscane.
Dans ses défenses, il ne fui point question
du fond de son système, mais toujours de sa
prétendue conciliation avec la Bible. Après
la sentence rendue et la rétractation de Ga-
lilée sur le point contesté, il fut le maître de
retourner dans sa patrie. L'année suivante
1(333, il écrivit au père Keceneri, son dis-
ciple : « Le pape me croyait digne de son
estime.... Je lus logé dans le délicieux palais
de la Trinilé-du-Mont.... Quand j'arrivai au
Saiiit-Ofiicc,deux jacobins m'invitèrent très-
honnêlemeiit de faire mon apologie... J'ai
été obligé de rétracter mon opinion en bon
catholique. (On a vu ci-dpsius de quelle
opinion il était question. ) l'our me punir,
on m'a détendu les dialogues, et congédié
après cinq mois de séjour à Rome. Comme
la peste régnait à Florence, on m'a as-
signé pour demeure le palais de mon meil-
leur ami, monseigneur Piccolomini, arche-
vêque de Sienne, où j'ai joui d'une pleine
lran(]uillilé. Aujourd'hui je suis à ma cam-
pagne d'Arcêlre, où je respire un air pur
auprès de ma chère patrie. » Voyez le Mer-
cure de France du 10 juillet 1784, n'29.
Mais vingt auteurs, surtout parmi les pro-
testants, ont écrit que Galilée fut persécuté
et emprisonné pour avoir soutenu que la
terre tourne autour du soleil; que ce sys-
tème a été condamné par l'inquisition
comme faux, erroné, et contraire à la Bi-
ble, etc. Cela est répété ou supposé dans
plusieurs dictionnaires historiques; nos in-
crédules modernes l'ont affirmé les uns
après les autres, et malgré les preuves irré-
cusables du contraire, ils le répéteront jus-
qu'à la fin des siècles. C'est ainsi que les
philosophes travaillent à l'avancement des
sciences.
* Science de Jésus-Christ. Jésus-Christ, Dieu et
lioiiinie tout ensemble, avait une Inleiligence divuie
el uue intelligence liuiiiaine. Son intelligence divine,
u'éuiil autre que celle de Dieu, possédait une science
inlinie. Sun inleiligence liuuiniiie possédait toutes
les connaissances que peut coinporler une créalnre
raisonnable, car saint Paul nous apprend que tous
/es trésors de la sagesse el de lu science ont été lenfvr-
més en lui {Col. ii, 3). Dés le premier inslaiit de sa
création l'allie linmaine de Jésus-Clinsl possédait
donc Ulule science. Toutefois, pour mieux se con-
loriiier au monde qu'il était venu instruire, elle pa-
raissait grandir avec les années, el ne se mollirait
au deliiirs ipie dans une certaine mesure.
Jésus-Clirist, selon l'opiiii m commune des lliéo-
logiens, comme lionime, joiiil dès sa création de la
vision béatifique; cependant sa science, la connais-
sance ()u'il avait de Dieu, était nécessairement limi-
tée, parce qu'il n'y a qu'une inteliigeuce inlinie qui
puisse connaître rinfnn.
Science SECuÙTE, ou Doctrine secrète.
Certains critiques proleslauls , prévenu»
H7
SCI
contre les Pères de l'Eglise, ont accusé saint
élément d'Alexandrie d'avoir voulu intro-
duire parmi les chrétiens la méthode d'en-
seigner des philosophes païens, qui ne révé-
laient pas à tous leurs disciples le fond de
leur doctrine, mais seulement à ceux dont
ils connaissaient liiiitelligence et la discré-
tion, et qui n'instruisaient les autres que
par des emblènies, par des figures énigma-
li(jiies, par des sentences obscures. Cette
méthode, continuent les censeurs de ce Père,
n'est point celle de Jésus-Christ, ni des
apôtres, ni des dodeurs chrétiens les plus
sages; Jésus-Christ ordonne à ses apôtres
de pulilier au grand jour les choses (ju'il
leur a enseignées dans le secret, et de prê-
cher sur les loits re qu'il leur a dit .à l'oreille,
Maltli., c. X, V. 27. Saint Paul fait profession
de n'avoir rien dissimulé dans ses iiislruc-
lions, d'avoir enseigné la même chose en
public et en particulier, Acl., c. x\, v. -^0
et 27. Saint Justin et les autres apologistes
du christianisme protestent qu'ils ne caclient
rien de ce nui se fait et de ce qui est ensei-
gné chez les chrétiens.
Celte censure nous parait injuste et témé-
raire. Si l'on veut se donner la peine de lire
le V livre des Stromates de Clément d'Alexan-
di ie, c. 4, 9 et 10, on verra, que ce Père en-
tend seulement (lu'il y a dans la doctrine
chrétienne des choses (|ui sont au-dessus de
la portée des commençants, que l'on ne doit
pas enseigner par conséquent indifféremmeiit
à tous, mais seulement à ceux qui sont en
état de les comprendre, et qui ont déjà fait
des progrès dans la connaissance des mys-
tères de la loi : or, nous soutennns que toile
a éié la méthode de Jcsus-Clirist, des apôtres
et des docteurs chrétiens. J'ai encore beau-
coup (le choses d vous dire, mais vous ne
pnurez les comprendre à ce moment. Ainsi
parlait Jésus-Christ à ses disciples, Joan.,
c. XVI, V. 12. Saint Paul disait de même aux
(^.orintliiens, /. Cor., c. iir, v. l : Je n'ai en-
core pu vous parler comme à des hommes spi-
rituels, mais comme à des hommes charnels;
;e vous ai donné du lait, comme lî des enfants
en Jésus-Christ, et non une nourriture solide,
parce que vous ne pouviez pas la suppor-
ter; cous en êtes même encore incapables à
ce moment. Il est constant que l'on n'aurait
pas permis à un païen d'éire témoin de la
célébration de nos saints mystères, on ne le
permettait pas même aux catéchumènes
avant leur baptême; on ne les instruisait
d'abord qu'avec beaucoup de réserve. Voy.
Secret oes mystères. D'ailleurs, en quoi
consistait, selon Clément d'Alexandrie , la
doctrine prétendue secrète des chréliens?
Celait l'explication mystique et allégorique
des faits, des lois, des cérémonies de l'an-
cien Testament et des endroits obscurs des
prophètes. Celle connaissance élail-elle fort
nécessaire au commun des fulèles? L'impru-
dence des protestants, qui veulent que l'on
mette une Rihie entière entre les mains des
ignoraulsetdes jeunes gens, qu'on les expose
à lire eu langue vu|i;aire leCantiquedes can-
tif/ues el certains chapitres du prophèie Ezé-
SCO il 8
chiel, n'est pas un exemple à suivre. Cela
n'est propre qu',i engendrer le fanatisme;
l'expérience ne l'a que trop prouvé, et plu-
sieurs protestants ont eu la bonne foi d'en
convenir.
Au mot Secret des MYSTi*:nES, nous ver-
rons que le reproche fait par les protestants
à Clément d'Alexandrie, est directement con-
traire à l'intérêt de leur système.
SCOLASTKJUK. Voy. Tuf:oLOGiE.
SCOTISI'ES. On appelle ainsi ceux d'entre
les théologiens scolastiques qui se sont at-
tachés au sentiment de Jean Duns, religieux
franciscain, surnommé .'^cot , parce qu'on
le croyait i<!cossais ou Irlandais, mais qui
était né à Dunstone en Angleterre ; ce n'est
qu'au xvr siècle qu'on l'a supposé originaire
d'Ecosse et d'Irlande. Au commencement du
XIV' siècle, ce docteur se distingua dans
l'uiiiversiié de Paris par la pénélralioii et
la subtilité de son génie, ce (|ui lui fit donner
le nom de docteur subtil ; d'autres l'ont ap-
pelé le docteur réso'utif, parce qu'il avança
plusieurs opinions nouvelles , et qu'il ne
s'nssujoltil point à suivre les principes des
théologiens qui l'avaient précédé. M se pi-
qua surtout d'embrasser les sentiments op-
posés à ceux de saint Thomas : c'est ce qui
a fait naître la rivalité entre les deux écoles,
l'une des thomistes, l'autre des scotistes; la
première est celle des Dominicains, la seconde
des Franciscains. Dans les questions de philo-
sophie, l'une et l'autreont ordiiiairementsuivi
les opinions des péripatéticiens ; quant à la
théologie, .Sco< se lil beaucoup d'honneur en
sotiieiiaiit l'immaculée conception de la
sainte Vierge contre les dominicains qui la
niaient. Kxcepté cet article, sur le(|iiel au-
cun catholique ne conteste plus aujourd'hui,
CCS deux écoles ne sont plus divisées que
sur des i;uestions problématiques très-peu
importantes et fort obscures, telles que la
manière dont les sacrements produisent leur
elTet, la manière dont Dieu coopère par
sa grâce-avec la volonté de l'homme, en
«luoi consiste l'identité persoiiiielle , etc.:
aucune de leurs disputes ne peut intéresser
la loi. C'est donc for'i mal à propos que les
proleslanis nous objectent ces divisions sco-
lastiques, lorsque nous leur reprochons les
coinliats des dilîéreiites sectes nées parmi
eux ; celles-ci ne conviennent point entre
elles de la même profession de foi , elles se
reprochent mutuellement des erreurs consi-
dérables, elles ne fraternisent point entre
elles dans uu même culie. Il n'en est pas
de même des thouiistes et des scoliste<; les
uns et les autres se reconnaissent pour bons
catholiques, ils souscrivent à toutes les dé-
cisions de l'Kglise, il ne leur est jamais
arrivé de se dire anathème.
Il ne faut pas confondre Jean Duns Scot,
dont nous venons de parler, avec Jean Scol
Eriijène ou Irlandais, qui a vécu et qui a
l'ait du bruit au ix» siècle, sous le règne de
Charles le Chauve. Les proleslanis ont af-
fecté de peindre celui-ci comme un philo-
sophe érainent et un savaiii iheologien, qui
joignit à une érudition profonde beaucouo
419
SCR
SCR
420
de sagacité et de génie, qui acquit «ne ré-
pulalion brillante et solide par différents
ouvr.igi's. C'est ainsi qu'en parlo Moiihfiiin,
Hist. ecclés., w siècle, ir part., c. 1, S 7 ;
c. 2, § 1'», à la tin ; c. 3, § 10 et 'iO; il n'est
aucun Père de l'Eglise, duquel il ait fait un
pareil éloge. La raison est que Jean Scot
krigèîie attaqua la foi catholique touchant
l'eucharistie, et soutint que le pain et le
vin sont de simples signes du corps et du
sang lie Jésus-Christ. C'est dans ses écrits
que Bérenger, deux cents ans après, puisa
la même erreur, et (ut condamné pour l'avoir
soutenue. — Mais, suivant le lénioignago des
auteurs contempor.iins, Erigène ne l'ut(|u'uu
sophiste subtil et hardi, un vain discoureur
qui lie connaissait ni flicriture sainte ni la
tradition, qui n'avait qu'une érudition pro-
fane, qui donna dans les erreurs de Pelage,
dans les visions d'Origène, dans les impiétés
des collyridiens; la plupart de ses ouvrages
ont été censurés et condamné^ au feu. Il ne
reste rien de celui qu'il avait composé sur
l'eucharistie ; ainsi l'on ne peut en juger que
par l'opinion que l'on en eut dans le temps ;
or il fut réfuté sur-le-champ par Adrevald,
moine de Fleury ; il excita les plaintes du
pape Nicolas , qui en é( rivit à Charles le
Chauve ; il fut proscrit par le concile de
Verceil en 10)50, et par celui de Kou>e en
1059. Hisl. Un. de la France, I. V, p. 416 el
suiv. Voilà où se réduit la réputation bril~
lanle et solide que les protestants ont voulu
faire cà cet écrivain.
SCKIBE , nom commun dans l'Ecriture
sainte , et qui a diflérentes significations.
1° Il se prend pour un écrivain ou un sicré-
laire; cet emploi était considérable dans la
Cdur des rois de Juda ; Saraïa sous David,
Elioieph et Ahia sous Salomon , Sobna sous
Ezécliias, etSaphan sous Josias, en faisaient
l'^s fonctions, il Reij., c. viii, v. 17; c. xx,
25; IV lie(j.,c. XMX, v. 2; c. xxxn, v. 8 et 9.
2° il désigne quelquefois un commissaire
d'armée, chargé de faire la revue et le dé-
nombrement des troupes et d'en tenir re-
gistre; Jérémie , c. l;i , v. 23, parle d'un
officier de cette espèce qui fut emmené en
captivité par les Clialdéeus ; il en est encore
fait meiilion, / Much., c. v, v. iiJ, et c. vu,
V. 12. 3° Le plus souvent il signifie un
homme habile , un docteur de la lui, dont
le ministère éiait de copier et d'expliquer
les livres saints, (juelques-uns placent
l'origine de ces scribes sous Mo'ise, d'au-
tres sous David , d'autres sous Esdras
après la captivité. Ces docteurs étaient fort
estimés chez les Juifs; ils tenaient le même
rang que les prêtres et les sacrificateurs,
quoi(]ue leurs fonctions fussent dilîérenles.
Les Juifs en distinguaient de trois espèces,
savoir, les scribes de lu loi, dont les décisions
étaient reçues avec le plus graud respect;
les scribes du peuple, qui étaient des ma-
gistrals; enfin les scribes coininuiis , (]ui
étaient des notaires publics ou des secré-
taires du sanhédrin.
SaiiU Epiphane et l'auteur des Récor/ni-
(jons attribuées à Saint Clément, comptent
les scribes parmi les sectes des Juifs; mais
il est certain que ces docteurs ne formaient
pas une secte particulière. Il paraît néan-
moins probable que , comme du tetniis de
Jésus-tlhrisl toute la science des Juifs con-
sistait principalement dans les traditions'
pharisiennes et dans l'usage de s'en servir
pour expliquer l'Ecriture, le plus grand
nombre des scribes étaient pharisiens; on
les voit presiiue toujours joints ensemble
dans l'Evangile; Jésus-Christ reprochait
aux uns cl aux autres les mêmes ^ices et
les tncmi's erreurs.
SCRUPULES. Peines d'esprit , anxiété
d'une âme qui croit offenser Dieu dans tou-
tes ses actions, et ne s'acquitter jamais de
ses devoirs assez parfaitenwnl. Celte dispo-
sition fâcheuse, à laquelle il est souvent
très-dilficile de remédier, [leut venir de trois
causes : 1° d'une fausse idée que l'on se
formo de Dieu, de sa justice, de sa conduite
envers ses créatures. Il se trouve quehjuefois
des moralistes ati'abilaires (jui, loin de nous
porter à espérer en Dieu et à l'aimer, sem-
blent n'avoir d'autre dessein que de nous lo
faire craindre. S'ilsavaient plus d'expérience,
ils sauraient que la crainte excessive dé-
courage , dégoûte du service de Dieu, jette
si.uviMit une iinie dans le désespoir ; 2° d'une
timidité nalurelle, do la faiLilesse d'un esprit
qui se frappe des vérités de la religion ca-
pables d'intimider les pécheurs, et qui ne
fait aucune attention aux vérités consolantes
de.-linèes à encourager et à consoler les
justes; 3° d'un fonds de mélancolie qui of-
fusque la raison et lui fait voir les objets
autrement qu'ils ne sont. C'est une vraie
maladie, à laquelle les femmes sont plus
sujettes que les hommes. Pour la guérir, il
faudrait y apporter les secours de la méde-
cine eu même temps que ceux de la religion,
procurer à ceux qui en sont atteints, du
mouvement, de l'exercice, de la dissipation,
de la gaîté. Mais la plupart des personnes
qui sont dans ce cas, se trouvent engagées
dans un état de vie qui ne leur permet pas
ce soulagement.
C'est un inconvénient, sans doute, qui
rend la piélé pénible et en quelque manière
dangereuse à certaines personnes; mais ce
n'est pas un juste sujet de la décrier et de la
proscrire, de prêcher l'impiété et l'irréligion.
Dans tous les genres, il y a des tempéraments
sujets à do;uier dans l'cxcè-s ; tel qui porte
la dévotion jusqu'au scru/jule , pousserait
le libertinage jusqu'à l'athéisme, s'il avait
le malheur de s'y livrer, t^'est l'affaire île
ceux qui sont char^jés de la coiiduile des
âmes , d'examiner la cause des scrupules
dans les dilïérentes personnes, el d'y oppo-
ser des réllexions propres à les calmer On
doit leur représenter en général que Dieu
n'est point un maître dur, sévère, impitoya-
ble, mais un père, un bienfaiteur, qui nous a
mis au monde, non pour nous tourmenter,
mais pour nous sauver. S'il avait eu besoin de
noire fidélité, de notre amour, de nos servi-
ces, il nous aurait créés sans doute avec plus
de perfections et moins de défauts, il n'aurai!
42!
SCR
pas permis le pérhé qui nous n fait perdre
la jusiici! originelle, el qui est la oaiise de
nos passions et de nos faililessfs. Mais qiiel-
((ue iiiulilcs que nous soyons A son honlieur,
il.ailaip;nc donner son Fils unique pour
noire réleniption , el pour qu'il fût l'.iuUnir
de noire salul. Notre sort ôtemel n'est donc
plus une afi'aire de justice rigoureuse, mais
de grâce cl de miséricorde. Nous devojis
espérer d'être sauvé-i, non parce que n'ius
le méritons, mais parce que Jésos-Ciirist Ta
nrerilé pour nous. C'est ce divin Sauveur qui
doil être notre juge, cl il s'est fail hoinnie,
afin d'être plus cm lin à nous faire grâce, il
a fallu , dit siiinl Paul , qu'il fût semhlaiile
en toutes choses à ses frères, afin qu'il fut
misn-ivonlieaz et f/n'il fût le propiliateur
de$ péchés du peuple (llebr. ii, 17). il dit lui-
niénie que Dieu son Pôie ne l'a pas envoyé
dans le nioiido pour conilanincr le momie,
mais pour le sauver, ioa»., cm, v. 17, Voij.
MisÉnicoiiui<: de Dîhu.
De q-«ioi sert donc aux scrupuleux d'araru-
menler toujours sur la justice île Dieu? Kilo
serait terrible sans doule, si elle n'était pas
tempérée par une miséricorde infinie, et si
elle n'était déjà pas satisfaite par les niérites
et par le s icrilice de Jésiis-Chrisl ; mais il
est la victime de propitialion pour nos pé-
chés, non-seuUmcnt pour les nôli es, mais pour
ceux du monde eniicr 'Joun.u, 2). Ce Sauveur
charitable ne peut se résoudre qu'avec peine
à perdre une àmc qu'il a rachetée au prix
de son sang. Voy. Justiciî du D eu.
11 peut se faire que les scrH/j.j/e« d(! cer-
taines âmes viennenl, quelquefois d'un fonds
d'anvour-propre el d'un secret orgueil ; elles
voudraient être plus parfaites, afin d'étro
plus conlenies d'elles-mêmes, de pouvoir
s'applaudir de leurs vertus, de leurs bonnes
œuvres, de leur ferveur, de goûter plus de
douceur, de consolai ion dans le service de
Dieu. 'N'oilà justement ce que Dieu ne veut
pas, parce que celte disposition habituelle
serait plus propre à les perdre qu'à les
sauver. 11 veut que la vertu soit huiuble, et
que la persévéïance suii courageuse; quel-
ques efforts qu'il puisse nous eu coûter, il
n'y aura jamais de proportion entre les souf-
frances de cette vie, el la gloire éternelle
qui nous est promise, l'om., c. viii, v. 18.
SCKUTIN, examen des caiccliumènes qui
Se faisait quelque temps avant le baptême;
on appelait aussi scrutin l'assemblée du
clergé dans laquelle on procédait à cet exa-
men. C'étaienl ordinairement les évê.iues
qui se chargeaient d'achever d'insU-uire les
compétents ou élus quelcjnes jouis avant
leur baptônn*. On leur donnait alors par écrit
le symbole et l'oraison dominicale, afin
qu'ils les apprissent par cœur; on les leur
faisait réciter dans le scrutin suivant, et
quand ils les savaient parfaitement, on re-
tirait l'écrit «le leurs mains, de penr qu'il ne
tombât entre celles des infidèles. Enliu l'on
eoilipreuait sous le no.n de scrutin les cére-
Aïonies qui précédaient le baptême , les
éxorcismes, les onctions sur la poitrine et
s\jr les épaules , l'actioa de loucher les
SEG .129
oreilles et les narines avec de la salive, en
disant : Ourrez-vous, etc.
I.e P. Ménard, dans ses notes sur le Sa-
cramentdire de suint tlréiioire, p. 133 et suiv.,
a rapporté un traité de Riiibus baptismi,
écrit au i\' siècle par Tbéodulpho, cvêque
d'Orléans , où les cérémonies du scrutin
sont exposées et expliquées en détail. Voi/.
CATÈcuuMii>f\T. On prétend qu'il y a encore
quel<)iies resies de cet ancien ouvrage à
Vienne en Daupliiné et à Liège.
SliBUftlîNS ou SfiliUSÉKNS, secte de Sa-
maritains dont paile saint Epiphanc; il les
accuse d'avoir changé le temps prescrit
par la loi pour la célébration des grandes
fêtes des Juifs, telles que Pâ(iues, la Pente-
cote, la fête des 'l'abernacles. On prétend
que, pour se distinguer des Juifs, ils célé-
braient la première au commencement de
ranlomne, la seconde à la lin de la n>cme
saison, el la dernière au mois de mars. Par-
mi les critiques, les uns disent qu'ils étaient
appelés sébusi'ens, parce qu'ils faisaient la
pâque au septième mois appelé sébu; les
autres, qu'ils liraient ce nom du nwl sébuu,
la semaine , |)ai ce qu'ils fêtaient le second
jour de chaque semaine, depuis Pâques jus-
qu'à la Pentecôte; d'autres enfin, que leur
nom était celui de leur chef appelé Sébaïa.
Tout cela n'est que des conjectures touchant
une secte obscure dont l'existence n'est pas
trop certaine.
SECKET DE LA CONFESSION. Vo!/. Con-
fession.
SiiCRET DES MYSTÈRES, OU discipline du se-
cret. C'est une question entre les catholi-
q.nes el les |iroteslants de savoir si, dans les
premieis siècles de l'Eglise, l'usage a été do
cacher une partie de la doctrine et du culte
des chrétiens, non-seulement aux païens,
mais encore aux caléchumènes ; en quel
temps cette discipline a commencé ; jusqu'où
elle s'est étendue, lorsqu'elle a été établie.
Les protestants prétendent qu'elle n'a eu lieu
qu'au iif ou au iv siècle, nous soutenons
(lu'elle date du lemps des apôtres.
Si, par doctrine secrète, dit ^losheim, l'on
entend que les docteurs chrétiens ne révé-
laient pas tout à la fois et indistincleincnt â
tous les néophytes les mystères sublimes de
la religion, il n'y a rien en cela que l'on ne
puisse justifier. Il n'aurait pas convenu d'en-
seigner à ceux qui n'étaient pas encore con-
vertis au christianisme , ou qui commen-
çaient seulement à s'instruire, les doctrines
les plus difficiles de l'Evangile, qui sont au-
dessus de l'intelligence humaine. On ne leur
apprenait d'abord que les articles les plus
simpli s et les plus évidents , en attendant
qu'ils fussent en élat de cooiprendre les au-
tres. Ceux qui donnent plus d'étendue à la
doctrine seCrèle confondent les pratiques su-
perstitieuses des siècles suivants , avec la
simplicité do la discipline établie dans le i"
siècle. Ifist. ccclés., V siècle, ir part., c. .?,
§ S. !1 répète la même chose, lus'.hist. christs
maj., 1 sœc, II' part., § \-2. Jamais, dil'il, oa
n'a caché aux fidèles les dogmes nécessai-
res au salut, ni les livres saints; jamais on
433
SEC
SEC
494
n'a célébré les rites prescrits par Jésns-
Christ, de la manière dont les païens célé-
hraienl leurs mystères. Il y a bien de la dit
fèrcnce entre le silence philosophique des
pythagoriciens et des autres écoles de la
Grèce, entre l'affectalion des valenliiiions et
des autres gnostiqiiesà cacher leurs dogmes,
et la discipline du secret, telle qu'elle élaU
observée, même au m' et au iv" siècle de l'E-
glise. Il y a eu chez les philosophes une
double doctrine : l'une qu'ils communi-
quaient seulement <i leurs disciples afiidés,
et qu'ils regardaient comme la seule vraie ;
l'autre qu'ils divulsîuaicnt en public, et qu'ils
croyaient utile, quoique fausse et fabuleuse.
On a conservé dans le paganisme, sous le
nom de mystères, des rites impies et déshon-
nétes qui avaient été autrefois pratiqués en
public. A Dieu ne plaise que l'on attribue
aux chrétiens une pareille discipline du se-
cret.
Il y a quelques réflexions à faire sur cet
exposé de Mosheim ; nous les ferons ci-
après.
Bingham, quoique intéressé à soutenir le
même système, a poussé plus loin la bonne
foi, et a fait des aveux importants, Orirjin.
ecclés., 1. X, c. 5. Il prétend que, dans les
premiers temps, la discipline du secret ne
fut pas ri|,'Oureusement observée, et il se
fonde sur ce que saint Justin expose aux
empereurs païens, dans le plus grand détail,
la manière dont on consacrait l'eucharistie
dans les assemblées chrétiennes, Apol. 1,
n. 65 et 66. Suivant Bingham, le secret des
mystères n'a commencé que du temps de
Tertullien ; il est le premier qui en ail parlé,
Apoliiget., c. vu, et de Prwscripl., c. lxi.
Le Clerc le soutient de même, Hisl. eccl.es.,
an. 14-2, § k, et prétend que cette discipline
a été introduite à l'imitation des uiystères
des païens.
Or, on cachait aux païens et aux caté-
chumènes, 1° la manière d'administrer le
baptême ; 2° l'onction du saint chrême ou la
confirmation ; 3" l'ordination des prêtres ;
k' la liturgie, ou les prières publiques ; 5' la
manière dont on consacrait l'eucharistie;
6° on ne leur révélait pas d'abord le mystère
de la sainte Trinité, on ne leur enseignait
qu'après un certain temps le symbole et l'o-
raison dominicale. On <'n agissait ainsi, con-
tinue Bingham, afin de ne pas exposer nos
dogmes au mépris et à la dérision de ceux
qui les entendraient mal ; en second lieu,
afin d'en donner une haute idée, et de les
rendre respectables ; en troisième lieu, afin
d'inspirer aux catéchumènes plus d'em-
pressement de les apprendre. Ce même cri-
tique cite des preuves positives de ce qu'il
avance, le fait est donc incontestable. On
peut le voir encore dans Fleury, Mœurs des
chrct., § 15 ; dans un traité de l'abbé de Val-
mont, sur le secret des Mystères, et dans un
autre du P. Merlin, jésuite, sur les Paroles
ou le» Formes des sacrements ; il fait voir que
l'un s'est abstenu pendant très-longtemps
de mettre ces formules sacramentelles par
écrit, el que le eecret des mystères a été ob-
servé à certains égards jusqu'au xir siècle.
Sur tons ces faits nous observons, 1° (jne
Bingham et Mosheim, quoique protestants et
instruits l'un el l'autre, s'accordent assez
mal. Le premier dit que l'on ne révélait pas
d'abord aux catéchumènes le mysière delà
sainte Trinité , qu'on ne leur enseignait
qu'après nn certain temps le symbole et l'o-
raison dominicale; l'autre soutient que Ton
n'a jamais caché aux fidèles les dogmes né-
cessaires au salut, ni les livres saints. Cer-
tainement les dogmes renfermés dans le
symbole, el en particulier celui de la Tri-
nité, sonl nécessaires au salut, el si l'on
avait mis d'abord l'Evangile à la main des
catéchumènes, ils y auraient appris l'orai-
son dominicale. Cette différence d'opinions
entre nos deux savants, montre que les pro-
testants ne voient les faits de l'histoire ec-
clésiastique que conformément à leurs pré-
jugés. Mosheim , dans un autre ouvrage,
convient du même fait el le prouve, Hist.
ecclés., ne siècle, § 3i, p. 304 el 305. Mais il
trouve mauvais que l'on ait tenu cette con-
duite à l'égard des caiéchumènes. Elle est en
effet directement contraire à celle des pro-
testants, qui veulent que l'on mette d'abord
une bible à la main d'un prosélyte, que la
liturgie soit célébrée en langue vulgaire, que
les simples fidèles y aient autant de part que
les ministres de l'Eglise, etc. — 2° Comme on
ne peut plus contester la pratique des pre-
miers siècles, nous concluons que le secret
des mystères est une des raisons pour les-
quelles les anciens Pères ne se sont pas ex-
pliqués clairement sur l'eucharistie, sur les
autres sacrements, sur le coite des saints,
et sur les autres dogmes contestés par les
prolestants. De même qu'il y aurait eu du
danger à exposer aux yeux des païens nos
mystères, il y en avait aussi à les rendre
témoins de notre culte ; ils n'auraient pas
manqué de juger qu'il était à peu près le
même que le leur. Si les premiers chrétiens
avaient eu de l'eucharistie la même notion
que les protestants, il n'y aurait eu aucune
raison J'en faire un mysière aux païens.
Nous ne savons pas ce qu'a entendu Mos-
heim, lorsqu'il a dit que les chrétiens n'ont
jamais célébré leurs mystères comme les
païens faisaient les leurs ; s'il a voulu dire
que l'on n'y a jamais gardé le même secret,
il a certainement tort. — 3° Il n'en impose
pas moins, lorsqu'il prétend que celte obser-
vation du secret a dégénéré en pratique su-
perstitieuse dans la suite, et a produit du
mal dans l'Eglise; c'est une imagination de
sa part qu'il est important de réfuter. Dans
son Histoire chrétienne, ii"^ siècle, § 34-, note,
p. 303 et suiv., il dit que comme les chré-
tiens cherchaient à confirmer par l'Ecriture
sainte les opinions des philosophes qui leur
paraissaient vraies, ils avaient aussi l'ambi-
lion d'expliquer par les opinions des philo-
sophes la doctrine simple des livres saints,
afin d'attirer plus aisément les philosophes
au christianisme, mais qu'il y eut plus de
prudence el de précaution chez les uns que
chez les autres. Quelques-uns, dit-il, eu-
425
SEC
renl la témérité de publier leurs explications
cl de vouloir les introduire dans l'Iiglise,
c'est ce que firwil Praxéas, Théodote, Her-
iiu)f;('ne, Arténion ; les autres, plus réservés,
se iioriièrenl à enseigner au peuple les dog-
mes du clirislianisine simplement tels qu'ils
sont dans l'Ecriiure, et jugèrent ()u'il ne fal-
lait en conrier l'explicalion sublile el philo-
sophique qu'à ceux qui étaient plus intelli-
gents et d'une fidélité à l'épreuve. De là est
née, continue Mosheini, celte théologie mys-
térieuse et sublime des anciens chrétiens,
que nous appelons la discipline du sccrel,
que Clément d'Alexandrie nomme (jiiose oti
connaissance, et qui n'est différente que par
le nom de la tliéotogie mijstique.
Selon lui, Clément d'Alexandrie est le pre-
mier qui mit en vogue celle prétenJuo
science; il l'avait reçue du juif Philon, el il
la transmit à Origène son disciple. Elle con-
sistait en explications philosophiques des
dogmes du christianisme, touchant la Tri-
nité, l'âme humaine, le monde, la résurrec-
tion future des corps, la nature de Jésus-
Christ, la vie élernelle, etc., el en interpré-
tations allégoriques et mystiques de l'Ecri-
ture sainte, qui pouvaient servir à ces mê-
mes ex|)lications. Ce que prétend Clément
d'Alexandrie, savoir, que Jésus-Chrisl lui-
même avait communiqué celle science se-
crète & saint Jacques, à saint Pierre, à saint
Jean et à saint Paul, el qu'elle venait d'eux
par tradition, est une fable ; mais les doc-
teurs chrétiens , imbus de la philosophie
égyptienne et platonicienne, ne se faisaient
point de scrupule de forger ces sortes de
contes pour faire valoir leurs opinions.
N'est-ce point Mosheim lui-même qui
forge un ruiuan pour décrier les Pères de
l'Eglise ? Nous allons le voir.
1" Voici dans le fond à quoi se réduit tout
le système de Clément d'Alexandrie : à pré-
tendre que toute vérité n'esl pas bonne à
dire à toul le monde ; que les docteurs de
l'Eglise doivent en savoir davantage que les
simples Gdèles ; qu'une manière d'enseigner
mystérieuse et allégorique excite davantage
la curiosité et l'altention des auditeurs, el
leur inspire plus d'attention pour la vérité.
11 le soutient ainsi, Strom., I. v, c. k el 10,
parce que telle a été la méthode, non seule-
ment des philosophes Grecs et des barbares
ou des Orientaux, mais encore des prophè-
tes, de Jésus-Christ et des apôtres. Il le
prouve par plusieurs passages de l'Ancien
Testament, des Evangiles el des Epîlres de
saint Fnul ; avant de lui faire un crime de
cette opinion, il faut en montrer la fausseté,
faire voir qu'il n'y a point d'allégories dans
les prophètes, point de paraboles dans les
Evangiles , point d'explication mystique
dans saint Paul ; il faut prendre à partie
Jésus-Chrisl lui-même, qui dit à ses apô-
tres : H vous est donné de connaître les mys-
tères du royaume de Dieu, et aux autres de
les concevoir en paraboles {Luc. vin, 10;
Matth, xiv). J'ai encore beaucoup de choses
à vous (lire,. mais vous ne pouvez pas les sup-
porter à présent (Voa/i. xvi, li). Il faut blà-
DlGT. DE TuÉOL. DOGMATIQUE. IV,
SEC iiO
mer saint Paul, qui dit aux Corinthiens qu'il
leur a donné d'ahord du lait et non une
nourriture solide, qui veut qu'un évêquc
9oil le docteur des fidèles, par conséquent
plus instruit qu'eux, etc.
2" Il est absurde de comparer en quelque
chose les opinions el la conduite des héré-
siarques avec celle des Pères de l'Eglise ;
les premiers onl puisé des erreurs chez les
philosophes, el ils les ont enseignées comme
des vérités ; les Pères se sont élevés contre
eux et les ont réfutés. De quel front peut-
on supposer que ces derniers ont pensé in-
térieurement comme les hérétiques, mais
qu'ils ont été plus dissimulés ; qu'ils onl ré-
servé pour eux el pour un petit nombre de
disciples affidés la doctrine erronée qu'ils
ont prise chez les philosophes 7 Une accu-
sation aussi grave demanderait des preuves
démonstratives ; Mosheim n'en donne au-
cune qui ne se tourne contre lui. En effet,
il prétend que Clément d'.\lexandrie, Strom.,
1. V, c. 14, p. 710, explique le mystère de
la sainte Trinité de manière à le concilier
avec les trois natures ou hypostases que
Platon, Parménides et d'autres onl admises
en Dieu ; qu'il en agit de même touchant la
destruction future du monde par le feu, et
la résurrection fuiure des corps. Ce sont là
trois impostures. Dans loul ce chapitre.
Clément d'Alexandrie se propose de montrer
que les philosophes ont dérobé dans nos
livres saints les différentes vérités qui se
trouvent éparses dans leurs ouvrages ; entre
une infinité d'exemples qu'il en apporte, il
cite ce que Platon a dit de trois êtres en
Dieu, qu'il appelle le premier, le second cl
le troisième; ce qu'il a dit de la résurrec-
tion de quelques personnages et de la des-
truction future de toutes choses par le feu.
Mais loin de prendre dans Platon ou ailleurs
l'explication de ces dogmes, il soutienl en
général que les philosophes qui onl pris des
vérités dans nos livres saints, les ont mal
entendues, et n'en ont vu, jjour ainsi dire,
que l'écorce , parce que l'on ne peut en
avoir la véritable intelligence que par la
foi.
Déjà il l'avait ainsi soutenu dans son
Exhortation aux Gentils, c. 6 el 8, et il le
répète, Strom., I. vi. 11 dit, c. 5, que les plus
sages des Grecs n'ont eu de Dieu qu'une
connaissance très-imparfaite, parce qu'ils
n'ont pas reçu la doctrine de sou Fils ; c. 7,
que c'est par lui eC par les prophètes que
Dieu nous a donné la sagesse, lu gnose ou
la connaissance solide des choses divines et
humaines ; c. 8, que la philosophie est à la
vérité une connaissance qui vient de Dieu,
mais qu'en comparaison de la lumière île
l'Evangile, saint Paul en a fait peu de cas ;
qu'il ne veut point i)ue celui qui a reçu la
vraie gnose par les leçons et la tradition de
Jésus-Chrisl données aux apôtres, ait en-
core recours à la philosophie, qui n'est
qu'une connaissance élémentaire; c. 18, il
dit qu'un vrai gnostique ne touche qu'en
passant à la philosophie, et qu'il cherche à
s'élever plus haut, c'csl-à-dire à la doctrine
li
427 SEC
chrétienne qui est la source de toute sa-
gesse, etc. Comment donc ce Père aurait-il
voulu prendre dans les philosophes rinlelli-
gence el l'explication des dogmes du chris-
tianisme ? Dans ce qu'il a cité de Platon,
SIrom., 1. V, ch. 14, p. 710, il n'y a pas un
mol d'explication. « Lorsque ce philosophe,
dit-il, parle ainsi : Toutes choses sont près
du Maître de l'univers ; tout est pour lui, il
est le principe de tous les biens ; mais les cho-
ses qui sont du sepond ordre sont, auprès du
second, et celles qui sont du troisième ordre
sont près du troincme ; je ne puis entendre
ce discours que de la sainte Trinité. J'en-
tends donc par ce qu'il appelle le. troisième,
le Saint-Esprit, et par ce qu'il nomme le
second, le Fils par lequel toutes choses ont
été faites selon la volonté du Père. » Clément
d'Alexandrie, sans autre explication, passe
à ce que Plalon a dit de la résurrection de
Zoroastre, et ensuite de l'embrasement futur
du monde. Est-ce là expliquer la sainte Tri-
nité selon les idées de Plalon ? C'est simple-
ment appliquer à un objet connu par la foi,
le discours très-obscur d'un philosophe.
3" Une autre imagination ridicule de Mos-
beim est de penser que les interprétations
aliégpriques de l'iîcriture sainte sont une
p.irlio il(! la doctrine secrète des Pères. Rien
de moins secret que celte méthode de l'en-
tendre. Nou-seuleinent Clénjent d'Alexan-
drie a rempli ses livres des Strotmitss de ces
sortes d'interprétations, in;MS Origène les a
prodicuées dans ses Homélies, qui étaient
des discours faits pour lu jjeuple ; tous nos
critiques le lui ont reprochii cent fois. Ce
n'é'ail donc pas là un mystère ou une doc-
trine secrète.
k° Mosheim a encore rêvé, quand il a jugé
que Clément d'Alexandrie avait reçu cette
doctrine de Phiion; Clément n'allègue ni
l'exemple ni l'autorité de ce juif, t^erlainc-
menl il n'en avait pas reçu 1 intelligence des
dogmes du christianisme auxquels les Juifs
ne croient pas, ni le sens des jirophétics qui
prouvent contre eux la venue du Messie. 11
nous apprend qu'il avait eu d'abord deux
maîtres, l'un dans la Grèce, l'autre en Si-
cile ; qu'en Orient il eu avait eu deux au-
tres, l'un Assyrien, l'autre Hébreu, ne dans
la Palestine ; que tous deux gardaient fidè-
lement la tradition el la doctrine que les
apôtres Pierre, Jacques, Jean et Paul avaient
reçue de Jésus-Christ, Stroin., 1. i, c. i,
p. '3i2. Uien de tout cela ne peut être appli-
qué à Philon.
5° Clément d'Alexandrie a nommé par
préférence les quatre apiîlres desquels nous
avons les écrits , mais il n'a pas rêvé que
Jésus-Christ .ivait donné à ces quatre une
doctrine secrète qu'il n'avait pas enseignée
aux antres apôtres, ni aux soixante el douze
disciples. Jésus -(christ avait dit à tous : //
vous est donné de connaître les mystères du
roi/'inme de Dieu; je vous ai fait counn'itre
tout ce que j'ai appris de mon Père; l'Esprit
consolateur vous enseignera toute vérité, elc.
Clément n'a pas pu l'ignorer, et il n'a pas
coutume de contredire l'Ecriture sainte. Il
SEl
428
n'y a donc ni fable ni imposture dans ce qu'il
dit. Mais les protestants ne lui pardonneront
jamais d'avoir enseigné que !a véritable in-
telligence des mystères du christianisme était
donnée aux fidèles , non-seulement par l'E-
criture sainte, mais par la tradition; il a
fallu défigurer sa doctrine, afin de décréditer
son témoignage.
6° Quant à la théologie mystique , nous
ferons voir en son lieu qu'elle ne consiste
ni en explications philosophiques de nos
mystères , ni en interprétations allégoriques
de l'Ecriture sainte; qu'elle est par consé-
quent fort différente de la science secrète dont
Mosheim attribue l'usage à Clément d'A-
lexandrie.
■ Une autre question est de savoir si l'usage
des oraisons secrètes, ou la coutume de ré-
citer à basse voix le canon de la messe et
quelques autres prières, comme on le fait
aujourd'hui , est une pratique ancienne, ou
si autrefois l'on récitait tout à haute voix ,
de manière q>ie les assistants pussent enten-
dre el répondre au prêtre. Dom de Verl avait
avancé cette dernière o|)ii!ion ; mais .M. Lan-
gue! a soutenu contre lui l'antiquité de l'u-
sage actuel, par divers monuments du ly
sièrie , ['Esprit de ŒgHfc dans l'usage
des céréin., § 41. Le P. Lebrun, dai'S son
Explic. des cérém. de la messe , lom. VIU, a
fait une dissertation pour prouver la même
chos" , et il répon;! en détail à toutes les
olijccti:;ns que l'on a faites conlre la disci-
pline actuelle. Ceux qui ne veulent pas s'y
coiîfornier, semblent se rapprocher des pro-
testants , et s'ils étaient les maîtres , peut-
être décideraient - ils comme eux qu'il faut
célébrer la mess^ en langue vulgaire , el que
les simples fidèles consacrent l'eucharistie
avec le prêtre. Le concile de Trente a pros-
crit ce fanatisme; il a dit analbème à ceux
qui osent blâmer la coutume établie dans
l'Eglise romaine , de prononcer à basse vois
une partie du canon et les paroles de la con-
sécration. Sess. 22, can. 9.
SECTE. Voy. Schisme , Hérésie.
SÉCUNDIENS. Voy. Valentiniens.
SÉDUCTEUR. Voy. Imposteur.
SÉtiAUÉLIENS. Voy. Apostoliques.
SEIGNEUR. Ce mol qui, dans l'origine,
signifie celui qui est élevé au - dessus des
autres, est rendu en hébreu pnrAdon, en
grec par Kùpio? , en latin par Dominiis ; il
convient à Dieu par excellence; mais, dans
l'Ecriture sainte, il est aussi donné aux an-
ges, aux rois, aux grands, au souverain
sacrificateur , aux maîtres par leurs servi-
teurs , aux maris par leurs épouses , et en
général à tous ceux à qui l'on veut témoi-
gner du respect. Nous ne voyons point que
les Grecs ni les Latins aient donné à aucun
de leurs dieux le litre de seigneur, parce
Qu'ils n'accordaient à aucun le souverain
omaine sur toutes choses; les Hébreux,
mieux instruits , qui n'admettaient qu'un
seul Dieu créateur et souverain maître de
l'univers, lui oat donné ce litre aui;uste avec
raison. Mais ils eu avaient un autre plus
sucré, qui n'est jamais douiié à aucune créa-
429
SEM
SEM
430
turc, c'est le nom Jéhovah, celui qui est
l'Eire p.ir excellence, ou qui existe de soi-
même. Yoti. Ji;novAU.
SKIN. Cf mot dans l'Ecriture a plusieurs
significalions. Il se prend pour la partie du
corps renfermée dans l'enceinte des bras ;
de là sunl venues difTérentes expressions :
tenir lu main dans son sein , c'est ne point
agir, et c'est l'altilude ordinaire des gens
oisifs ; porter dans son sein, c'est aimer ten-
drement, comme font les mères et les nour-
rices ; Vépouse du sein est l'épouse légitime ;
dormir dans le sein de quilqu un, c'est dor-
mir auprès de lui. Il est dit, Luc. , cap. xvi,
V. 22, que Lazare fut porté dans le sein
d'Abraham, et Joan. , c. xiii, v. 23, que
l'apôtre bien-aimé reposait sur le sein de
Jésus pendant la cène. Pour entendre ces
façons de parler, il faut savoir que les an-
ciens prenaient leurs repas, couchés sur des
lits, la tête tournée vers la table, et appuyés
sur le coude gauche; ainsi , pendant là der-
nière cène , saint Jean , qui était au-dc<sous
de Jésus, avait la léte [irès de lui et comme
dans son sein. D'ailleurs la béatitude éter-
nelle est souvent représimtée dans l'Evan-
gile comme un festin dont les anciens pa-
triarches sont les convives; ainsi, dire que
Lazare fut porté dans le sein d'Abr.iham,
c'est exprimer qu'il fut admis au festin des
bienheureux, et plicé à coté d'Abraham.
Sinus eu latin signiQc aussi le repli du
pan d'une robe. Comme les anciens |)or-
taient de longues robes , pour tirer au sort ,
ils mettaient les billets dans un des pans
qu'ils repliaient; de là il est dit, Prov.,
c. XVI, v. 33, que l'on met les sorts dans le
pan de la robu , in sinui:i , mais ()ue c'est
Dieu qui les arrange. Exculere sinum siium,
secouer le pan de sa robe, est une marque
d'horreur pour quel(|uc cliose ; abscondire
ignem in sinu, cacher du feu dans le pan de
sa robe , c'est nourrir secrètement des sen-
timents lie vengeance.
SÈLEUCIENS. Voij. Hermogémens.
SEMAINE, espace de sept jours qui re-
commencent successivement; ce mot est la
traJuction du latin seplininnn, du grec «SSo-
fjMifde l'hébreu sc/(a6(i/(. Ainsi cette manière
de compter par sept jours , et de chômer le
septième, a été commune a presque tous los
peuples, elle est de la plus haute antiquité,
et c'est un monument de la création. Dans
l'histoire que Moïse en a faite , il est dit que
Dieu lit le monde en si>( jours, qu'il bénit le
si'ptiè'iie et le sanclilia , parce qu'il cessa ce
j«iur-là défaire de nouveaux ouvrages, Gen.,
c. Il , V. 3. Après le déluge, Noé attendit sept
jours avant de sortir de l'arche, les noces
de Jacob durèrent sept jours et ses funé-
railles de inèmi.', Geu., c. viii, v. 10 et 12;
e. XXIX, V. 27 ; c. L , v. 10. Avant la sortie
d'Egypte, Dieu commanda aux ls<.'aéli>te$ de
célébrer la fête de Pâques pendant sept jours,
Exiid., c. XXII, V. 15. La même chose se
faisait dans la plupart des solennités des
Juifs ; c'est ce qui rendit sacré parmi eux le
nombre septénaire. Yoy. Sept, Sabbat. L'u-
sage de compter par semaines a régné chez
les anciens Chinois , chez les Indiens , les
Perses , les Chaldéens, les Egyptiens , même
chez les peuples du Nord, et on l'a retrouvé
chez les Péruviens , Histoire du Calendrier ,
par M. de (Jébelin , page 81 ; Histoire de
l'ancienne astronomie, t'claircis., § 17, p. 4-08,
Plusieurs savants ont voulu rapporter cet
usage aux phases de la lune et au nombre
des planètes; mais, puisqu'il a eu lieu chez
des peuples qui n'avaient aucune connais-
sance de l'astronomie ni des sept planètes ,
il doit avoir eu une autre origine, et l'on ne
peut en imaginer une plus vraie que celle
qui nous est indiquée par l'histoire de la
création. Malheureusement elle a été ou-
bliée chez les nations qui ont perdu de vue
la tradition primitive ; elles en ont conservé
l'usage, sans connaître le dogme essentiel
auquel il fait allusion ; mais Dieu a eu soin
de le conserver chez les patriarches et chez
les Juifs leurs descendants, parce que le
dogme d'un seul Dieu créateur a toujours
été la base de la vraie religion.
SEMAINES DE DANIEL. Voy. Daniel et
SàlIBATIQUE.
SEMAINE SAINTE. On appelle ainsi la
semaine qui commence au dimanche des Ra-
meaux , pt qui précède immédiatement la
fête de Pâques; on l'appelle- aussi la grande
semaine , à cause des grands mystères que
l'on y célèbre. Il est incontestable que,
dès le temps des apôtres , celte semaine a
été consacrée à honorer les mystères de la
passion , de la mort et de la sépulture de
Jésus -Christ, à les retracer aux yeux et à
l'esprit des fidèles par les offices que l'on
y chante et par les cérémonies que l'on y
observe. Dans l'Eglise primitive on y pra-
tiquait un jeûne plus rigoureux que pen-
dant le reste du carême; on s'y imposait la
xérophagic , c'est-à-dire que l'on ne man-
geait que des fruits secs; on s'abstenait des
plaisirs les plus innocents, même du baiser
de paix que les fidèles se donnaient à l'é-
glise; tout travail était défendu, les tribu-
naux étaient fermés, on délivrait les prison-
niers , on pratiquait des mortifications et
d'autres bonnes œuvres; les princes mêmes
et les empereurs en donnaient l'exemple.
Saint Jean Chrysostome nous fait ce dé-
tail dans une homélie qu'il a composée sur
ce sujet. Op., t. V, pag. 525. « Nous appe-
lons , dit-il , ces jours la grande semaine , à
cause des grandes choses que Notre-Seigneur
y a faites. Il a fait cesser la longue tyrannie
du démon, il a détruit la mort, lié le fort ar-
mé, enlevé ses dépouilles, effacé le péché,
aboli la malédiction ; il a ouvert le paradis
et l'entrée du ciel, réuni les hommes aux
anges, démoli le mur de séparation, déchiré
le voile du sanctuaire; le Dieu de paix l'a
rétal)lie entre le ciel et la tnrre C'est
pour cela que les fidèles redoublent leur
attention; les uns augmentent leur jeûne,
les autres prolongent leurs veilles , multi-
plient leurs aumônes, s'occupent de bonnes
œuvres et de pratiques de piété, pour témoi-
gner à Dieu leur reconnaissance du grand
bienfait qu'il a daigné nous accorder Ce
431
SEM
SEM
432
n'esl pas une seule ville qui va au-devant
de Jésus-Christ , comme après la résurrec-
lion de Lazare, mais, dans le inonde entier,
de nombreuses Eglises se présentent à lui ,
non avec des palmes, mais avec des œuvres
de charité , d'humanité , de courage , avec
des jeûnes, des larmes, des prières, des veil-
les el des pratiques de piété. Nos empereurs
mêmes honorent exactement ces saints jours;
ils font cesser les affaires publiques, afin que
leurs sujets , libres de tout autre soin , ne
pensent qu'au culte du Seigneur. Que l'on
cesse, disent-ils, les occupations du barreau,
les procès , les disputes , la vengeance pu-
blinue, les supplices. Les souffrances et les
grâces du Sauveur sont pour tous ; que ses
serviteurs fassent aussi du bien à leurs frè-
res. On délivre les prisonniers. De même
que noire Sauveur descendant aux enfers a
mis en liberté tous ceux que la mort rete-
nait captifs, ainsi ses serviteurs , selon la
mesure iJe leur pouvoir, el pour imiter sa
miséricorde, brisent les chaînes corporelles
des coupables , ne pouvant les délivrer de
leurs liens spirituels. » Binghani , Orig.
ecclfs. , I. Il , c. 1 , § 2i ; Thomassin, Traité
des FiHes , I. ii . c. 14.
SEiMl-AUlENS. Voy. Ariens.
SEMIDULITES. Voij. Barsamens.
' SEMI - PÉLAGIAMSME , système sur la
grâce et la prédestination , peu différent de
celui de Pelage , et qui fut embrassé par
plusieurs théologiens gaulois au cominen-
ceinent du V siècli; ; ils furent réfutés par
saint Augustin aussi bien que les pélagiens,
et condamnés dans le siècle suivant par le
II' concile d'Orange, l'an 529
On attribue les premières semences du
semi-pélagiiiriisme à Cassien , moine célèbre
qui avait passé une partie de sa vie parmi
les solitaires de la 'l'héliaïde , qui avait en-
suite été fiiil diacre de l'église de Constan-
tinople par saint Jean Chrysoslome, et élevé
à la prêtrise dans celle de Rome. 11 était
venu demeurer à Marseille, où il bâtit deux
monastères, l'un pour les homines, l'autre
pour les femmes. Devenu abbé de celui de
Saiiit-Vicior, il se fil une grande répulation
par sa vertu- En écrivant ses Conférences
spviiueHes pour l'instruction de ses moines,
vers l'an 42tj , il enseigna dans la treizième
que l'homme peut avoir de soi-même un
coriinienccment de foi et un désir de se con-
verlir; que le bien que nous faisons no dé-
pend pas moins de noire libre arbitre que
de la grâce de Jésus-t^hrist ; qu'à la vérité
celle grâce est graluile en ce que nous ne
la méritons pas en rigueur; que cependant
Dieu la donne , non arbitrairement par sa
puissance souveraine, mais selon la mesure
de foi qu'il trouve dans l'homme, ou qu'il y
a mise lui-même ; qu'il y a dans plusieurs
une foi ([ue Dieu n'y a pas mise , comme il
paraît, dit-il, par celle que Jésus-Christ a
loaee dans le centurion de l'Evangile.
Cassien ne niait pas, comme Pelage, l'exis-
leiue du péché originel dans tous les hom-
mes, ni ses effets qui sont la concupiscence,
la cundainnatioR à la mort, la privation du
droit à la béatitude éternelle; il n'enseignait
pas, comme cet hérétique, que la nature hu-
maine est encore aussi saine qu'elle l'était
dans Adam innocent; que l'homme peut,
sans le secours d'une grâce intérieure, faire
toutes sortes de bonnes œuvres , s'élever au
plus haut degré de perfection, el consommer
ainsi par ses forces naturelles l'ouvrage de
son salut. Mais il soutenait que le péché d'o-
rigine n'a point tellement affaibli l'homme,
qu'il ne puisse désirer naturellement d'a-
voir la foi, de sortir du péché, de recouvrer
la justice ; que, quand il est dans ces bonnes
dispositions , Dieu les récompense par le
don de la grâce ; ainsi, selon lui, le commen-
cement du salut vient de l'homme et non de
Dieu, il ne prétendait pas , comme Pelage,
qu'une grâce intérieure prévenante détrui-
rait le libre arbitre.
Sa doctrine fut reçue avec empressement
par plusieurs membres du clergé de Mar-
seille , qui ne pouvaient pas goûter la ri-
gueur des sentiments de salnl Augustin lou-
chant la grâce et la prédestination ; aussi
les semi - pél.igiens sont souvent appelés
Massilienses, les Marseillais. Saint Prosper
cl un aulre laïque nommé Hiiaire , alarmés
des progrès que faisaient ces restes de péla-
gianisme , en écrivirent à sainl Augustin,
el le prièrent de les réfuter. C'est ce que fit
le sainl docteur dans ses deux livres de la
Prédeslinalion des saints el du Don de la
persévérance. Ainsi, pour savoir au juste en
quoi consistaient les erreurs de Cassien et
de ses partisans, il faut comparer les lettres
de Prosper et d'Hilaire à sainl Augustin,
avec les réponses qu'il y a faites dans ces
deux livres. Cela est d'autant plus néces-
saire , que certains théologiens , prétendus
disciples de saint Augustin , ne manquent
jamais d'accuser de semi-pélagianisme qui-
conque ne pense pas comme eux.
1" Les semi - pélagiens soutenaient que,
malgré le péché originel , l'homme a autant
de pouvoir de faire le bien que de faire le
mal ; qu'il se détermine avec autant de faci-
lité à l'uu qu'à l'autre. Lettre de sainl Pros-
per, ii'i', entre celles de saint Augustin,
n" 'i. C'est en cela même que les pélagiens
faisaient consister le libre arbitre. Saint
Augustin, Opus imperfectum , lib. m, n. 109
et 117. Dans ces deux livres, le saint doc-
teur ne s'attache point directement à com-
batire cette notion de la liberté humaine ,
mais il l'avait réfutée dans ses ouvrages
précédents ; il y avait fail voir que , par le
péchéd'Adam, nous avons |)erdu cette grande
et heureuse liberté, cet équilibre prétendu
de notre volonté entre le bien et le mal ;
que, par la concupiscence, nous sommes en-
traînés au mal ei non au bien; que , pour
rétablir en nous une égalité de pouvoir en-
tre l'un el l'autre, il faut l'impulsion de la
grâce. 11 réfute de nouveau celte notion pé-
lagienne de la liberté. Op. imperf., ibid.
Elle était détruite d'ailleurs par le dogme
capital que saint Augustin avait établi dans
tous ses ouvrages ; savoir , que , pour tout
bon désir, comme pour toute bonne action,
453
SEM
SEM
nous avons besoin d'une grâcp intérieure
prcvenonte ; or , il ne serait pas nécessaire
que la graco prévînt notre volonté , si nous
avions naturellemenl autant de pouvoir
pour faire le bien que pour faire le mal.
VO)/. LiBEKTé.
2' Selon les semi-pélagions, l'homme, par
ses forces naturelles, par se« pieux désirs ,
par ses prières , peut mériler la Riâce de la
foi et de la jusiificalion ; quiconque s'y dis-
pose ainsi, l'ohlient pour réroinpense de sa
bonne volonlé : d'où il s'ensuit que le com-
mencement du salul vient do l'homme, ri
non de Dieu; .S. J'io.ip., n. 4- et 9 ; Lettre
(VHiUiire, I'2(i% n. 2 et .'i. Saint AuguMin ré-
fuie celle doclriiie, de Prœilest. Saïut., c. 2 ,
n. 3 et suiv. Il prouve par l'Kcrilure et par
les Pères que le commencement de la foi
vient de Dieu, et que la grâce de la foi est
gratuite comme toute autre grâce , vérité ca-
pitale qui détruit tout le sj slème de Cassien
et de ses adhérents.
On no conçoit pas de quel front Jansénius
a osé dire dans sa i' proposition coudamnce:
Les semi-pélaqient admettaient In nécessiié de
la grâce intérieure prc've^ianle pour toute
bonne action, même pour le commencement
délit foi: mais ih étaient hérétiques, en ce
qu'ils disaient que celte grâce était telle que
l'homme pouvait y résister ou y cansentir.
3" Ils disaient que Dieu veut sauver tous
les hommes indifjéremment, que Jésus-Christ
est mort pour tous également ; qu'ainsi le
salut cl la vie éternelle sont offerts à tous,
accordés à eeu\ qui s'y disposent, refusés
seulement à ceux qui n'en veulent pas.
.S". I>rosp., n. i. C, 7 ; Hilnire, n. 7. Saint
Augustin ne s'arrête point à ce chef; il avait
suflisamment expliqué dans ses autres ou-
vrages en quel sens Dieu ycut sauver tous
les hommes. Il ne le veut pas indifférem-
ment, puisqu'il y a des hommes auxquels il
fait plus do grâces, auxquels ils accorde des
moyens de salul plus puissants, plus pro-
chains, plus abondants qu'aux autres. L. iv,
con/)Yi Julian., c. 8, n. .'i.2 et H. Jésus-Christ
n'est pas mort pour tous également, puisque
les uns reçoivent plus de fruils de sa mort
que les autres. On voit encore ici la mau-
vaise foi de Jansénius, qui a taxé de semi-
pélaginnisme ceux qui disent que Jésus-
Christ est mort pour tous les hommes; il fil-
lait ajouter ég, dément et indifféremment.
Voy. K^nEMniox, Sauveur.
Il est faux que le salut ne soit offert et ac-
corde qu'à ceux qui s'y disposent, puisque
c'est Dieu mémo qui donne ces dispositions.
Souvent sa miséricorde convcriit des âmes
qui, loiu de s'y disposer, se révoltent ronlre
lui ; témoin saint Paul, changé de persécu-
teur en apôtre, lib. de Grat., et lib. Arb.,
cap. 5, n. 12.
'^• Les semi-pélagions prétendaient que
toute la dilïerence entre les élus et les ré-
prouvés vient do leurs dispositions naturel-
les; que Dieu prédeslino à la foi et au salut
ceux dont il iirévoit les bons désirs, la bonne
volonlé. l'obéissance; qu'il réprouve ceux
43*
dont il prévoit la résistan-îe; 5. Prosp., n. 3;
llilnire, n, 2. Saint Augustin prouve au
contraire (jiie la ditTérenre vient do ce que
Dieu appelle les uns par miséricorde, et
laisse les autres par justice, sans les appe-
ler; de Prœdest, sanct., c. 6, n. 11 ; c. 8,
n. 14. Mais il ne faut pas oublier ce que lô
saint docteur a enseigné ailleurs, savoir,
que ceux qui no croient point et ne viennent
point, résistent à la vocation de Dieu et à sa
volonlé , et méprisent la misérieorde de
Dieu dans ses dons, de Spir.el Litt., c, .33,
n. 38; c. 3'i, n. GO. Ils sont donc appelés,'
mais non de la manière la plus j^ropro à
vaincre leur résistance, Mb. i, ad Simplic,
q. 2, n. 13; vocation que saint Augustin
nomme ailleurs secundum propnsHum. .Mais
si la vocation, telle qu'ils la reçoivent , ne
leur donnait pas un vrai pouvoir d'obéir,
elle ne serait pas sincère; or, soupçonner
Dieu de manquer de sincérité, ce serait un
blasphème.
3° Ces mêmes raisonneurs concluaient que
Dieu fait annoncer l'Evangile aux peuples
dont il prévoil la doi ililé, et non à ceux
dont il prévoil l'incrédulité : S. Prosp., n. 3;
Ihluire, n. 3; ils p; étendaient que saint Au-
gusliu l'avait ainsi enseigné lui-même,
Expos, quarumd. q. Kp. ad. Romanos, prop.
GO; Epist. iO-2, ad Deogratias, q. 2 , n. i.
C'est une erreur, répond le saint docteur;
Jésus-Christ assure dans l'Evangile que si
les Tyriens et les Sidoniens avaient éto lé-
moins dos miracles qu'il opérait dans la Ju-
dée, ils auraient fait pénilence. Matih.,
c. XI, V. 21; lue, c. I, V. 13. Dieu pré-
voyait donc que ces peuples auraient été
plus dociles que les Juifs; cependant l'E-
vangile éiail annoncé à ceux-ci, et ne l'était
pas à ceux-là; de Prœdest. sanct., c. 9,
n.l2ell8;rfe Dono persev,, c. 14, n. 3;i.
Aussi saint Augustin avait corrigé dans ses
Rétractations, liv. i, c. 23 , n. 2, les passages
desquels les somi-pélagiens voulaient se pré-
valoir.
l)°Ouand on leur citait l'exemple des en-
fants dont l'un reçoit avant de mourir la
grâce du baptême, l'autre meurt privé de
ce bienfait, sans qu'il y ail eu aucun mérite
ni démérite de part ni d'autre, ils disaient
que Dieu acconie au premier la grâce de la
justiDcation et du salut, parce qu'il prévoit
que cet enfant, s'il parvenait à l'âge mur,
serait fidèle; qu'il refuse celle faveur à
l'autre, parce qu'il prévoil que si celui-ci
grandissait , il serait indncile et rebelle.
S.Prosper. n. 3; llilaire, n.8. Saint Augustin
répond (|ue c'est une absurdité ; Dieu serait
injuste, s'il jugeait ses créatures, non sur ce
qu'elles ont fait, mais sur ce qu'elles au-
raient fait dans d'autres circonstances, et
s'il avait égard à des mérites et à des dé-
mérites qui n'existeront y,\mA\<,, de prœdest.
sanct., c. 12, n. 2i ; c. l't, n.29; de Dono
persev,, c. 9, n. 22. Le saint docteur sou-
lionl que toute la dillérence de la conduite
de Dieu à l'égard de ces enfants est l'effet
d'un décret ou dune prédestination gratuite
de Dieu, et il le prouve par plusieurs pas-
4-05
SEM
SEM
436
sages de sainl Paul. On voil assez de quelle
prédeslinalion il esl ici question.
7» Les semi-pélagiens raisonn;iient de
même sur le don de la persévérance ; ils re-
jetaient la difîcrence que saint Augustin
avait mise entre la grâce de persévérance
donnée à Adam, et celle que Dieu donne
aux saints, entre ce qu'il avait appelé adju-
torhim quo, et adjutorium sine quo, lib. rie
Corrept. et Grat., c. 11 et 12, n. 2<> —38.
Cette doctrine, disaient-ils, n'est propre qu'à
jeter tout le monde dans le désespoir; si les
saints sont tellement aidés-par la grâce qu'ils
ne puissent déchoir, et si les aulrcs sont
abandonnés de manière qu'ils ne puissent
vouloir le bien, c'en est fait de l'espérance
chrétienne, les exhorlnlioiis et les menaces
sont inutiles et absurdes. Quelle que soit la
grâce finale accordée aux prédestinés, il dé-
pend toujours d'eux d'y obéir ou d'y résis-
ter, S. Prosp. n. 2 et 3 ; Ililaire, n. 2, h, 6.
Ces gens-là, répond saint Augustin, ne
s'entendent pas eux-mêmes, lorsqu'ils pré-
tendent que l'homme peut résister à la grâce
de la persévérance finale. « On ne peut pas
dire que la persévérance jusqu'à la fin ait
élé donnée à un homme avant que la lin
soit venue : or, quand cette vie est finie, il
n'est plus à craindre que l'homme perde la
grâce qu'il a reçue, ou qu'il y résiste; » de
Dono persev., c. 6, n. 10; c, 17. n. il. Si
telle esl la seule différence qu'il y a entre la
grâce d'Adam et la grâce finale des saints,
les semi-pélagiens avaient tort delà rejeter;
Dieu en effet n'a pas tiré Adam de ce monde
pendant qu'il était encore innocent, au lieu
qu'il fait mourir les saints en état de grâce.
Il est donc vrai dans ce sens que l'homme
ne peut pas résister à la grâce de la persé-
vérance finale, puisqu'il ne dépend pas de
lui de sortir de ce monde quand il le veut, ni
d'être rebelle après sa mort, et puisque c'est
dans ce sens seulement que la grâce finale
meut la volonté d'un sainl d'une manière in-
vincible, insurmontable, irrésistible, de Cor-
rept. et Grat., c 12, § 38, il y a de la mauvaise
foi à vouloir appliquer à toute grâce inté-
rieure actuelle ce que saint Augustin dit de
la grâce finale seulement, et c'est une absur-
ditéde vouloir lirer de là tine prétendue clef
de tout le syslème de saint Augustin sur la
grâce, comme foui certains théologiens.
8° Les semi-pélagiens disaient que la ma-
nière dont saint Augustin expliquait la pré-
deslinalion secunditm propositum , était
inouïe dans l'Eglise, contraire au sentiment
des anciens Pères, inutile pour réfuter les
pélagiens; que, quand elle serait vraie, il ne
faudrait pas la prêcher, S. Prosper, n. 2
et 3; Hilaire, n. 8. Ils ajoalaienl : Si nu
homme ne peut croire qu'autant que Dieu
lui en donne la volonté, celui qui ne l'a pas
ne peut être blâmé; tout le blâme doit re-
tomber sur Adam, seule cause de notre con-
damnation, IJiluire, n. 5. La réponse de
sainl Augustin est que les anciens Pères
n'ont pas eu besoin d'examiner la question
de la prédestination, au liiu qu'il s'est
trouvé forcé d'y rentrer pour réfuter les pé-
lagiens, et démontrer que la grâce est ab-
solument gratuite, ùe Prœdesl. sanct., c. V*,
n. 27. Jlais dans le livre de Dono persev.,
c. 19 et 20, n. 48, 51, il fait voir que les an-
ciens Pères ont suffisamment soulenu la
prédestination gratuite, en enseignant que
toute grâce de Dieu est gratuite. Cela esl ex-
actement vrai, puisque dans les anciens,
non pins (|t;e dans saint Augustin, il ne fut
janiais question d'une prélendue [irédeslina-
lion gratuite à la gloire éternelle. Hossnet,
Défense de la Tradition et des saints Pères,
I. xii, c. 3't; Muffti, Ilist. TheoL, I. xi,
p. 173 cl seq.
A ee que l'on ajoutait qu'il fiudrait blâ-
mer Adam seul, et non ses descendants, le
sailli docteur ne répond rien ; mais il avait
dit, 1. de Corrept. et Grat., c. l'r, n. 43, qu'il
faui toujours réprimander les pécheurs,
afin (]ue celte correction soit un remède
pour ceux qui sont prédestinés, une punition
et un tourment pour ceux qui ne le sont pas.
IMais, si ces derniers no recevaient point de
grâce, et s'ils se trouvaient dans une impuis-
sance absolue de sortir du péché, de quoi
mériteraient-ils d'être pnnis? Nous verrtms
ci-après que ce n'est point là le sentiment
du sainl docteur.
9° Sainl Prosper le prie d'expliquer com-
ment la grâce prévenante et coopérante ne
détruit point le libre arbitre, n. 8. Saint
Augustin n'y satisfait point; il jugea sans
doute que tout l'embarras venait de la
fausse idée que les pélagiens et les semi-pé-
lagiens se faisaient du libre arliitre, et que
nous avons vue ci-dessus, n. 1. Il avait dit,
]. i Retract., c. 22, n. 4; 1. ii, c. 1, n. ■2,que
rien n'est autant en notre pouvoir que notre
propre volonté ; que cependant elle est en-
core plus au pouvoir de Dieu qu'au nôtre.
Si nous n'avions pas un vrai pouvoir de
résister lorsque Dieu meut notre volonté
par la grâie, ces deux maximes de saint Au-
gustin seraient contradictoires.
10" Saint Prosper le prie encore de déci-
der si, dans la prédeslinalion secundum pro-
positum, le décret de Dieu n'est rien autre
chose que la prescience, ou si au contraire
la prescience esl fondée sur un décret, n. 8.
11 observe que, selon le sentiment unanime
des anciens, le décret de Dieu et la prédesli-
nalion sont dirigés par la prescience;
qu'ainsi Dieu choisit les uns et réprouve les
autres, parce qu'il a prévu quelle serait la
fm de chacun, et quelle volonté il aurait
sous le secours de la grâce. Il parait (ju'ici
sainl Prosper voulait parler de la prédesti-
nation à la gloire éiernellu. Saint Augustin
l'a compris, sans doute ; cependant il se con-
tente de penser et de parler comme les an-
ciens. «Dieu, dit-il, donne la persévérance
finale ; il a su, sans doute, qu'il la donnerait;
telle est la prédestination des saints que^
Dieu a élus en Jésus-Christ avant la création
du monde , (/« Dono persev., c. 7, n. 15.
Osera-l-on dire que Dieu n'a pas prévu à
quels hommes il donnerait la foi et la per-
sévérance? S'il l'a prévu, il a donc prévu
aussi les bienfaits par lesquels il daigne les
437
SEM
SEM
i38
sauver. Telle est la prédestination des saints,
rien autre chose: savoir, la prescience et la
préparation des bienfaits par lesquels Dieu
délivre avec une ccrliludc entière ceux qui
sont délivrés, » c. i'*, n. 33. Si saint Augus-
tin a supposé nn décret de prédestination à
la gloire, antérieur à la prescience, c'était là
le cas d'eu parler, puisque c'était le sujet de
la demande de saint l'rosper; cependant il
n'en dit rien, il borne la prédeslinalion à la
préparation des {jriu'cs ou des moyens, sans
faire aucune ;iitcntion à la fin dernière pour
laquelle ils seul donnés.
11" Knfin, saint Prosper le prie de mon-
trer cotnuitMit le décret de Dieu ne nuit ni
aux exliorlations ni à la nécessité du travail
de ceux ((ui itéscspèrent de leur prctiesiiua-
lion, n. 8. l'.'est ici le point capital sur le-
quel saint .\uf;ustin s'étend li- plus. Il ré-
pond (lue saint Paul, en tnseigu.nil la pré-
deslinalion, n a pas laissé d'exhorter ses au-
diteurs à la fui; que Jésus-CJirisl, en appri-
nant aux hounues que la foi est un don de
Dieu, n'a pas moins (Tdoniié de croire en
lui, de Dovo persev., c. l'i, n. 'A'i; donc Jé-
sus-Christ cl sanit Paul ont supfiosé que
Dieu donne la grâce pour croire, et ils or-
donnent à l'homuie de correspondre à cette
grâce. Ainsi l'a entendu saint Augustin,
puisqu'en expliquant et s paroles de l'Evan-
gile, les Juifs ne pouvaient pas croire en
Jésus Christ^ parce que Dieu avait aveuglé
leurs yeux et endurci leur cmtr, Joan., C. xii,
v. 39, le saint docteur dit (ju'ils ne le pou-
vaient pas, parce qu'ils uc le voulaient pas.
Tract. S8, in Joan., n. k et seq. Nous di-
sons de même, cet hoinuie ne peut se résou-
dre à faire telle chose; et nous entendons
qu'il manque de volonté et non dn pouvoir.
Ainsi, lorsqu'il est dit que Dieu avait aveu-
glé les yeux et endurci le cœur des Juifs,
cela signifie que Dieu les avait laissés s'a-
veugler et s'endurcir, qu'il ne les en avait
pas empêchés. Voy. Éndlucissejif.nt. Donc,
lorsque saint Augustin ajoute que, quand
ceu\ qui écoutent la prédication n'y obéis-
sent pas, c'est que l'obéissance ne leur a
pas été donnée , de Dono persev., c. li,
n. ;}7, il faut entendre qu'ils n'ont pas voulu
correspondre à la grâce qui leur donnait le
pouvoir de croire.
Ou il faut, dit le saint docteur, prêcher
la prédestination coniuic l'enseigue l'Ecri-
ture, ou il faut soutenir ave'" les pélagiens
que la grâce de Dieu est donnée selon nos
mérites, de Dono persev., c. IG, n. 41 ; cela
est exactement vrai de la prédestination à
la giûce, qui seule est enseignée dans l'Ecri-
ture; mais cela ne touche point à la prédes-
tination à la gloire. Il faut encore se sou-
venir que, suivant la doctrine Irès-vraie de
saint Augustin, la gloire éternelle, quoique
récompense de nos mérites, est cependant
une glace, parce (lue nos mérites sont un
effet de la grâce. Op. imp^rf., 1. i, n. 133,
etc. On peut donc dans un sens dire la mê-
me chose à l'égard de la persévérance finale,
puisque saint Augustin cun>ienl qu'on peut
la mériter ou du moins l'obtenir par des
prière^, de Dono persev., c. C. n. 10.
Quand on lui objecte que la prédestina-
tion est plus propre à désespérer qu'à en-
courager les fidèles, il répond: « C'est
conune si l'on disait que noire salut serait
plu^ sûr en'renos m;iins qu'entre 1< s mains
de Dieu, » ihid. c. (i, n. 12; c. 17. n. 'i8 ;
c. 22. n. G2. Cette réflesinu est juste, si Dieu
donne à tous les i-râces et le pouvoir de
persévérer jusqu'à la fin; mais il y aurait
lieu de désespérer, si ces grâces élaieul re-
fusées au plus grand nombre des hommes
à cause du péché originel, ou à cause d'un
décret que Dieu a fait de les laisser dans la
masse de perdition. Aussi le saint docleur
ne veut pas qu'un prédicateur aposlropho
ainsi ses auditeurs : « Pour vous qui croyez,
c'est en voriu de la [)rédestinatiou divine
que vous a\ez reçu la grâie de la loi: quant
à vous, à qui le péché plaît encore, vous
n'a>ez pas reçu la même grâce. Si vous totis
qui obéissez à présent n'êtes pas prédesti-
nés, les forces vous seront ôtéea, afin que
vous cessiez d'obéir. » Parler ainsi, dit saint
Augustin, c'est prédire aux auditeurs un
malheur, et leur insulter en l'ace . Il veut
quî l'on parle à la troisième personne, et
que l'on dise : « Si ceux qui obéissent ne
sont pas prédestinés à la gloire, ils ne sont
que pour un temps, ils ne persévéreront
pas dans l'obéissanci' jusqu'à la fin;» c. 22,
n. 38 et suiv.
Cette tournure ne changerait pas le sens,
et ne serait pas plus consolante, si le mot
fatal n'était pas retranché : les forces vous
seront ôlées. Donc saint Augustin a senti la
nécessité de les supprimer, et de là saint
Prosper conclut avec raison que le saint
docleur n'a point pensé ce qu'elles expri-
ment. Resp. ad excepta Genuens., n. 9. Au-
trement il aurait manqué de sincérité et se
serait contredit exprès, chose dont nous ne
le soupçonnerons jamais. Il a donc eu raison
de soutenir, contre les semi-pélagiens, que
la prédestination, telle qu'il l'entend, ne
peut désespérer ni décourager personne,
puisque ceux mêmes qui ne sont pas pré-
destinés, ne sont pas pour cela privés de
grâces à la mort, non plus que du pouvoir
de se convertir. Au reste, voici le seul en-
droit oîi saint Augustin a employé le terme
de prédestination d la gloire, et cela n'est
pas étonnant, puisqu'il Iraiiait de la persé-
vérance finale : or, on ne peut pas douter
que quiconque est prédestiné à cette per-
sévérance, ne soit aussi prédestiné à la
gloire éternelle.
Mais lorsque de prétendus augusliniens
osent affirmer que ceux qui n'admettent
pas la prédestination gratuite à la gloire
éternelle, sont semi-pelagiens, et conlredi-
sent la doctrine de saint Augustin, ils en
imposent grossièrement aux hommes peu
instruits; parles pièces originales de la dis-
pute entre lui et ces préires gaulois, il est
évident que toute la question roulait sur la
prédestination à la grâce, et non sur la pré-
destination à la gloire éternelle, et qu'entre
4S9
SEN
SEN
440
l'nne p1 l'aiilre il y a une différence infinie.
Voy. Pbkdestixatioiv.
L'on est encore hien plus étonné lorsque
l'on voit cps mémps théologiens accuser de
semi-pélagianisme ceux qui soutiennent que,
sous l'impulsion de la grâce, la volonté hu-
maine n'est pas purement passive, mais
qu'elle agit avec la grâce, et qu'elle y coo-
père. Il est certain, 1° qu'entre saint Augus-
tin ei (es scmi-pélagiens, il ne s'est jamais
agi de celte question ; 2" que le saint doc-
teur a répété plus d'une fois ((ue, consentir
ou résister à la vocation divine, est le fait
de notre volonté, 1. de Spir. et LUI., c. 34,
n. 60, etc. 3° Pour étayer cette imputation,
ils donnent malicieusement au sentiment
catholique un sens absurde ; ils disent que,
suivnnt ce sentiment, les forces naturelles
de la volonté humaine ou du libre arbitre
concourent avec la grâce à la conversion du
pécheur. Comment pent-on nommer force
naturelle celle qui est donnée à la volonté
p.ir la grâce? Ils ont emprunié cetic inter-
prélnlion ridicule des luthériens et des cal-
vinistes; en effet, ceux-ci accusèrent île se-
mi-pélngianisine\es synergisles ou lesdisciples
de ^Mélan<hlhon , parce qu'ils soutenaient
conire Luther et Calvin que la volonté hu-
maine mue par la grâce n'est pas purement
passive, mais qu'elle agit et coopère à la
grâce. Voy. Syneugistes. Ces mêmes héré-
tiques n'ont pas cessé depuis ce temps-là
de renouveler le même reproche contre
l'Kglise catholique tout entière. Il est cepen-
dant certain que le concile de Trenle, sess.
6, (le Jiislif., 0. 5 et G, can. 3, a professé so-
lennellement le dogme opposé au semipéla-
fjinnisme.
On voit par là de quelle imporlance il est
de connaître exactement les opinions des
pélagiens et des semi - pélagiens , si l'on
veut distinguer la vraie doctrine de saint
Augustin d'avec celle qui lui est faussement
imputée ; et la doctrine catholique d'avec les
erreurs des hérétiques : il y a d'autant plus
de danger d'y être trompé, que les protes-
tants n'ont jamais fjit un tableau fidèle de
l'une ni de l'autre. Basnage, dans son His-
toire de l'Eglise, 1. xii,c. 1 et suivants, a
fait tous ses efforts pour persuader que la
doctrine de saint Augustin est la même que
celle (les calvinistes, et que celle des catho-
liques ne diffère en rien de celle des semi-
pélagiens. Mosheim et son traducteur n'ont
pas été de meilleure foi. HisI, ecclés., y siè-
cle, 11" partie, c. 5, § 2G et 27; Jurieu et
d'autres leur avaient frayé le chemin.
SIÎNS DE L'ECKlTUllIi; SAINTE. Voy.
Ecriture sainte, § 3.
* SENS CO.MMUN. Le sens commun a toujours
joui, dans les écoles de tliéologie, li'iine irés-hiiute
aiiiorllé : il est, on cITet, l'expression de la raison
ilu (Onmiiin des homm<'S. Prétendre qiiVn dehors
ilii s.ns commun il n'y a pas de certitude, c'est
iiiinlier iliins une grave erreur qui a cli- adoiitée par
l\I. lie Lamennais et sisdisciplos. GroKoire X VI a ainsi
I iiiliinmé cette doctrine : i II est bien déplorable <le
\i n ilans quel excès de délire se précipite la raison
iiuniaiiie, lorsqu'un hoinnie se laisse preiivlro à l'a-
motir de la nouveauté, et que, malgré l'avertissement
de l'Apôtre, s'effnrçunt d'être plus saqe qu'il ne fnut,
trop connant aussi en Ini-mênie, il pense que l'on
doit chercher la vérité hors de l'Eglise catholique,
où elle se trouve sans le mélange inipiii- de l'erreur,
même la plus légère, et qui ist par là nièjue appelée
et est en effet la colonne et l'inébranlable soutien rie
la vérité. Vous comprenez li'és-hien , vénérables
frères, qu'ici nous parlons aussi de ce fallacieux
système de philosophie récemmei t inventé, et que
ri'ius devons tout à fait improuver ; système dans
lequel , entraîné par un amour sans frein des nou-
veautés, on ne cherche plus la vérité où elle est
certainement, mais dans lequel, laissant de côté les
traditions saintes et apostoliques, on introduit d'au-
tres doctrines vaines, Iniiles, incertaines, qui ne sont
point approuvées par l'Eglise , et sur lesquelles les
liomnies les plus vains pensent faussement qu'on
puisse établir et appuyer la vériié. «
.M. l'abbé Bautain, dans sa Psychologie expérimen-
tale, a parfaitement développé les vices de la doctrine
du sens commun.
I Et d'abord, dit M. I^autain, qu'est-ce que le sens
commun dans le langage de cette école? Le sens
commun, dit-on. Catéchisme du sens commun, p. Il,
est le sens ou le sentiment commun à tous les
hommes, ou du moins au plus grand nombre ; ce
qui retient à dire que le sens commun est le sens
commun. Qu'est-ce qui prouve que le sentiment du
plus grand nombre soit toujours le bon sens ; ou
autrement, que la manière de voir et de juger de
la niuliitude soit dans tous les cas la meilleure ?
L'expérience montre-t-elle que la vérité et la sagesse
aient toujours été le partage du grand nombre ?
Les iiiinorilés auraient-elles toujours et nécessaire-
ment loi t, par cela qu'elles ne sont pas la majorité?
Dins ce cas , et dans tout conflit de l'opinion du
plus grand nombre et de l'opinion du nombre moin-
dre, ne serait-ce pas la majorité qui, à la fois juge
et partie, se décernerait à ellc-niéine, et de plein
droit, le triomphe ? Ne serait-ce pas, en délinitive,
le sens commun qui s'adjugerait la gloire du sens
comiiiuii ?
I On appelle aussi sens commun. Essai sur rindif'
fércnce, etc.; Catéchisme du sens commun, p. II, la
raison générale ou universelle qu'on oppose à la
raison privée, laquelle, dit-on, parce qu'elle est
faillible, est incapable d'avoir pour elle seule la
certitude d'aucune vérité; tandis que, la raison gé-
nérale étant nécessairement (Essai sur l'indifférence,
etc., vol. Il, p. 81) infaillible , c'est par elle seule-
ment que nous pouvdiis obtenir science et certitude.
Mais tout en reconnaissant qiie la raison individuelle
est faillible , qu'elle se trompe souvent, s'ensuit-il
qu'elle se trompe toujours, nécessairement et sur
toutes clioses ? De ce qu'elle peut errer, faut-il
qu'elle erre sans cesse ? De ce que l'homme a par
sa liberté le pouvoir de faire le mal, est-ce une né-
cessité qu'il ne fasse que le mal ? La raison humaine
pourrait-elle dévier, si elle n'était capable de recti-
tude ? Mais à quel signe l'homme reconnaitra-t-il
qu'il est dans le vrai ? tjui lui dira que ce qui lui
parait vrai n'est pas une illusion ; que ses sens, son
esprit propre, son sentiment intime, ne l'abusent
pas? Qui le lui dira? La lumière naturelle qui le
met en rapport avec les objets naturels, les lois de
la raison qui président à sa pensée , la conscience
qu'il a de son sentiment intime : qui vous assure
qu'il lait jour en plein tnidi, si ce n'est votre œil et
la lumière? Atlendez-vous, pour l'atlirmer, que vous
ayez consulté le grand nombre ? 'tout cela, dit-on,
ne donne pas de certitude absolue; j'en conviens.
Mais vous-même qui croyez avoii cotte certitude,
(|ui vous tenez assuré du moins de n'être point dans
l'erreur, quel est votre garant, quel est votre criio-
rinni de vérité ? Le témoignage de la raison générale,
cni, diies-viius, ne peut tromper. Qire5;-ce donc
u\
SEN
SEN
m
quft celte raison gén^rnle à laquellfi vous aocordeï
si libériiloinenl le |irivilé:;e de l'iiilaillibililé ? Esl-ce
la raison de tout le monde, on au nioini; du plus
grand nombre ? Elle se compose donc de la totalité
(Ml de la majorité des raisons parlicnlières. Mais
relles-ci, vons les reconnaissez faillibles, el dn plirs
vous les déclarez incapubles de science, de vérité,
de certitude. Est-ce donc que dvs raisons faillibles,
ou se réunissani, constiiueraienl une raison infailli-
ble ? Esl-ce en rassemlilant lonles les incerlitudes
des raisons privées que vons obtiendrez une ccrlilude
générale; el la collection des erreurs de loiis les
bommes finirait-elle par former la vérité? F.ncore une
fois , qu'est-ce que la raison générale iufaillllde ?
N'est-ce qu'une abstraction . un être de raison ?
Alors elle n'a qu'une valeur individuelle ; elle est le
produit de l'esprit propre, le fruil d'une peiiS(''e liu-
u)aine. Est ce une réalilé, une entité , un èlre s!(i
generis , une idée à la Plaloii , uji prototype de la
raison liumaiue, (|iii plane au dessus de tout''s les rai-
sous privées, les éclaire, les anime, les dirige, etc. ?
Alors on demandera comment vous êtes arrivé à la
counaissaiice de cet être mysiérieux, par quel moyen
extraordinaire vous recevez ses illummalions, et sur-
tout comment vous pouvez cire assuré qui; cette rai-
son idéale vous parle et vous instruit?
« La raison générale , Essni sur Cindijfi'rence ,
vol. Il, p. 81, 9(), I2'J, dit-on, se manifesic par le
témoignage du genre humain. C'est par la parole
de tous les hoiumes qu'elle déclare ses oracles. Le
conscnleinent conmiun ou le sons commun est pour
nous, lb\d., p. 20, le sieau de la vérité. Ce (pii a
éié cru par tous, partout et toujours, est nécessai-
rement vrai. Soit ! Il ne s'agit plus que de constater
ce témoignage du genre bumain sur les vérités les
plus importantes pour l'Iunnuie, sur les vérités qui
sont au-dessus des faits naturels et humaine ; il ne
s'agit plus (|ue de bien établir ce que tous les hom-
mes ont cru toujours et partout. Qui fera ce relevé?
Quel sera l'individu qui, se portant devant ses sem-
blables connue l'organe du sens coiunmn, comme le
témoin et l'interprète des croyan<:es générales de
riiumauilé, osera leur dire: Voilà ce que tous les
hommes ont cru el ce ipie vous êtes obligés de croire?
S'il parle en son propie nom, c'est une raison privée
qui infirme par le vice de sa faillibiliié la manifes-
tation de la raison générale; s'il parle au nom d'une
puissance surhumaine, il n'a que faire d'aller quêter
des voix à travers les siècles : il n'a besoin ni de
la majorité , ni de la généralité du genre humain.
Qu'il prouve sa mission extraordinaire par des
moyens, par des faits extraordinaires, et alors qu'il
annonce à la terre avec auioiiié ce qu'il a vu et
eniemlu.
« Kh oui ! dit-on , c'est justement ce que rmus
voulons. Essai sur fiiitlifféreiicc, vol. Il, p. 89 ; une
autorité universelle à laquelle tous les hnmmes
obéissent, en (jui lous doivenl avoir fol, et qui soit
tout ensemble l'uniiiue fondement de vérité et l'u-
nique moyen d'ordre et de bonheur. Entendons-
nous ici sur les mots sacrés li'a.ilurité el de foi.
Voulez-vous dire que c'est la Vérité elle-même qui
parle par ce que vuus appelez le sens commun ?
S'il cil est ainsi, il n'y a pas à hésiter; il faut croire.
.Mais jusqu'à présent ceux qui se font gloire d'être
clirélieus étaient persuadés qu'ancieimeinent Dieu
av.iil parlé aux hommes par ses proplièles, et, dans
les derniers temps, par son Fils unique; ils oui cru
qu'ils ne devaient recevoir comme paiole auiljentl-
(|ueinent divine que celle qui leur était proposée
par l'autoriié instituée divinement à cet elfet; ils ont
léservé leur foi pour l,a' parole de la vie éternelle,
ainsi proclamée depuis dix liuil siècles. La Tm-
vidence aurait-elle changé de voies ei de moyens?
L'I'glise ne serait-elli; puis dé|iosilaiie des oiacles
divins, et seule infaillible ? Le genre humain loul
eotier seraii-ll investi de lu même .puissance, aurait-
il les mêmes droits à noire foi ? C'est donc une
nouvelle autorité que vous proposez , un nouveau
genre de foi que viuis nous dciiiandcz ; el , comme
voire crilérium de la vérité vous parait plus général
el pins sur, vous atlirmcz aussi que le léinoignage
de l'Eglise lire sa force de son accord avec le léinoi-
gnage humain, ou anlreuient, que la foi catholique
n'est que le sens coiniiiuu dans les choses de Dieu.
Caléchismc du sens commun, p. GG.
t L'autorité de la raison générale n'est-elh' qu'une
anloriié humaine , coiistaïaiit des fails naturels et
humains? Alors nous souiuies pleinement d'accord.
Tiiules les raisons sont de la inêiiie nature, soumi^es
aux niêuies lois; toutes rei;oiveut les élénicius de
leurs pensées d'un même monde , par des sens et
des organes semhlablrs : il est donc clair que chaque
raison doit, dans sou état normal, s'accorder avec l.i
pluralité des raisons , juger eu geniual des mêmes
choses de la même manière. L'avis du grand nombre
a donc une autorité respectalile dans tous les cas où
il ne s'agit que de fails naturels, d'intérêts sociaux.
Mais qu'on ne me donne point celte autorité comme
infaillible, pas même dans sa sphère. Qu'on se con-
leiiie de ma croyance , mais qu'on ne réclame pas
ma foi pour une opinion humaine. La croyance est
un acquiescement de ma raison à la parole de mon
semblahle , et elle peut se former de toutes sortes
de manières; c'est une afi'aire de couliauce ou de
discussion. Le ténnùgnage d'un grand nomlire d'hom-
mes, de lous les liouiines, si vous voulez le suppo-
ser, peut lue porter à admeitre telle proposition,
dont encore, par ce moyeu seul , je n'aur.ii pas la
science. .Mais la conviction ou la certitude qui peut
«iii résulter n'est point de la foi , car la foi vient de
Dieu et ne se rapporte i|u'à Dieu ; elle est divine
dans sou (iriiicipe coinuie dans son objet. Si donc
vous voulez que j'aie foi , présentez-moi une anlo-
riié qui ne s(ut celle ni d'un homme, ni d'un grand
nombre d'hommes, ni de lous les hommes, car ce ne
serait jamais que de l'huinain ; mais une autorité
surhuiiiaino qui porte en elle-même le caractère au-
thentique de sa supériorité, et qui, à ce titre, s'im-
pose légitimement à l'hoinuie comme nianirestation
de Dieu iiiêiiie. C'est, au reste, ce ipi'oii a senti
quand , pour élayer la raison générale, ou a tenté
de la raitiicher à Dieu el de la confondre avec ce
qu'on appelle la liaison suprême. Par là, on a voulu
lui commiiniijuer l'autoriic infaillible qu'elle ne peut
puiser en elle même, si générale qu'elle soit. Il ne
restait donc qu'à diviniser la raison de l'homine pour
pouvoir légilimeuieut imposer la foi en la parole de
l'homme ; el , entraîné par l'esprit de système, on
n'a point reculé devant cette apoihéose ! Voilà doue
encore une fois la raison placée sur l'aiiiel ! Ses
dictées sont proclamées coimiie des oracles ; et
tous, sous peine de folie ou il'impié;é, nous devons
lui apporter riiouimage de notre loi ! C'est encore
une prostituée qu'on présente à notre adoration ;
mais cette fois c'est la prostituée des siècles , celle
qui a enfanté , dans son commerce adultère avec
l'esprit d'erreur, toutes les doctrines bâtardes, tous
les systèmes monstrueux , toutes les opinions dés-
ordonnées qui ont troublé le monde; hideuse pio-
géniiure de ineusonge qui a infecté l'esprit humain
au moment funeste de sa séduction et de sa dégra-
dation. El c'est cette raison séduite el dégradée que
nous confondrions avec ce qu'on appelle la laisoii
de Dieu ! Car on lit quelque part. Essai sur ['indif-
férence, vol. il, p. 9.5, celte pnrase inconcevable :
I iNoble émanation de la subsiauce de Dieu, notre
raison n'est que sa raison, notre parole n'est que
sa parole. > bi c'est là le dernier mot du système,
certainement son auteur ne l'a pas compris : il
aurait reculé devant l'ahuminatioii du paiillicisinc
Vuii. ce mot. C'est à cel aliîuie que sa doctrine
aboutit , aillai que l'échctisine. Voij. ECLECTIQUES
Criniiie lui, elle fait peu de cas de l'Iioiir.uç ini'ivi-
445
SEN
SEN
iU
duel, elle déprime la raison pariiculière pniir exaller
la rai<;iin générale; ciuiiine lui, elle déclare absolue,
nécessaire, iiitaillihle feue id<ile de l'esprii propre ;
comme lui aus<i, elle prétend I' m poser aux lioinines
fonune ïiiniquf foiiihmeiH , le seau de la vérité.
Efsni sur l'indiffércnc,-, vol. Il, p. III cl iO, cm ne
le priiii i|ie de la science el de la cerlilnde. Ce'l la
voix de Dieu se révélam inrillildemi'iit, par la raison
générale! C'est Mien Ini-mème iMnariic, pour ainsi
dire , d;ins le sens commun de tous les hommes !
Alors , je le demande, qu'est re qne Dii'ti, qu'oU-
ce que rhimime , que sont ils rnn pour l'airtie?
Onblions-nou> donc 'lue rimmuie d'anjouririini n"e-t
plus riirinidie primi'ir , que snti àiu • et son es|iril
ont éié pervertis, (pi'il naît ilé^radé par un vice ori-
ginel ? Kt c'est cette inli'lliijoiice londiée, c'est celte
ralfon esclave du temps el de l'espace » jom-l de
toutes les vicissitudes du monde, qn'(jn ideniilie
avec la Sagesse éiernelle !... c'est la parole d'une
telle raison qu'on met au niveau de la [larnle de
Dieu I El qu'on ne nous accuse pas d'almser des
expressions de l'anleur, pour lui imputer ce qui ne
lui a|)parlienl pas ! Non ; car on lit lextuellemeul
dans son livre les propositions suivantes : < Notre
raison est la raison de Dieu, notre parole n'csl i|ue
sa parole. » Essai sur l'indifférence, vol. Il, p. 95.
On y lit : c Qu'est-ce que la laisun, si ce n'esl la v -
rilé connue, t Ib., p. 9-2. On y lit : « Dieu est, parce
que tous les hommes alteslenl qu'il est. » Ib., p. 77.
Donc, c'est la raison qui fait Dieu p;ir son attesta-
tion ! On y lit : I (lue seietice esi nu ensend)le
d'idées et de faits dont on convient. » Ibid., p. 21.
Diinc, ce sont les conventions de la raison qui fint
la science et la vérité ! On y lit : c La raison privée
ne peut avoir que des opinions : les dogmes appar-
tiennent à la société. > Ibid., p. Ii9. Donc, c'est la
raison générale qui fait les donnics, comme la ^ai^on
privée f.iit les (qiiuions ! Or, je le demande, n'est-
ce pas là f(ire l'apnihéose de la raison liuniaine ?
N'est-ce pas la déclarer la source du bien, du vrai,
du juste , de tout ce qui est sacré, infini, éternel ?
N'est-ce pas la mettre ii la place de Dieu même ?
Non, encore une fois, il n'est pas possible que l'au-
tenr ail vu tome la portée de son système. Il a
voidu donner aux bonmies du siècle une pliilosopliie
universelle on calliidique ; et, faute d'une science
profonde de Dieu et de rh-muie, i> laquelle rmiai;i-
natiou la plus brillanli' el le talent le plus admirable
ne peuvent suppléer, il leur a présemé une doctrine
vaine el dangereuse, qui n'esi en vérité ni pliiloso-
pbique, ni calludique.
« Llle n'esl point pbilosopbique, car il n'y a point
en elle de principe de science, el elle ôte tout moyeu
d'en acquérir, puisque, interposant sans cesse un
ténioignai^e liumain entie l'homme el la vérité, elle
lui en ferme l'accès. Elle détruit la possibilité de
l'évidence, puisque le léumiguage général, qui est
déclaré le moyen nécessaire. Essai sur l'indifférence,
vol. Il, p. 81, pour parvenir à li connai-sance de la
vérité, peut nous porter .^ cmire , mais ne peut en
ancuti cas nous faire voir. Or, (|u'(;st-te que la science
sans l'évidence ? Elle dégrade rinlelliijente humaine,
laiti; pour contempler la vérité; elle l'aveugle, pmir
ainsi dire, eu la réduisant au témoignage , comme
principe unique de la cerlilude. Imposant ce témoi-
gnage comme infaillible , comme une autorité su-
prême et sans appel , à lai|uelle chacun est tenu de
se fonmellre sans léscrve et dans tons les cas, sous
peine d'eue déciarc, Essai sur l'indifférence, vol. Il,
p. ^2q, fou, ignorant, iu»ple, elle attente à la plus
noble préio^alive de l'homme, à sa lilierlé, par la-
quelle il aie pouvoir d'accorder ou de refuser son
assenlimenl à ce (lu'on lui propose. Ainsi, la doc-
trine du sens commun détruit le moyeu de la science,
rend l'évidence impussihle, dégiade l'intelligence,
fari violence à la liberté murale... Et-ce là une
doctrine philosophinue ?
« Elle n'est non plus callinllque ; car d'abord ,
comme doctrine spécnliUive , elle tend à substituer
à la seule autorité vraiment infaillible , qui est celle
de Dieu, une autorité liumaine ; celle du sens com-
mun ou de la raison générait;. Elle réclame, pour
cette aiilorité purement humaine, la foi lui n'est
due qu'à 11 parole divine: et ainsi ells tend à is ler
riiomme liu ciel , eu suhsiilunnl à la pc itiière de
toutes leseertus sllrnalurelles, la Un en Dieu fondée
Sur la parole de Dieu, im^. croyanci; humaine en la
parole humaine. Elle tend à confondre les révéla-
iioiis spéciales et les iradiiidns sacrées avec inie
préiendiie révélation générale, que Dieu aurait faite
de lui-même dans tous les temps, dans tous les lieux,
à tous les hommes; en sorte que cette révélation
générale, ipn' se fait constamment par le sms com-
mun, pir la raison de tous, serait le critérium pour
juge de la révélation spéciale, laquelle serait estimée
en raison de sa conlormité avec le sens cuinniur. ,
dont elle tirerait sa valeur et sa sanclion. La foi
culliulique, a-ton dit, n'est que le sens commun dnns
les choses de Dieu. Cutécliisme du sens commun ,
p. fifi.
I Comme doctrine pratique, elle ne s'accorde pas
mieux avec la morale chrétienne; car, bieii loin que
roiiselgnemeut évangélique donne rassenlimeut
commun pmir règle de conduite, il recommande au
conirane d'éviier 1.1 voie large oii marche le plus
grand nombre. Il aflirme que la sagesse du siècle
(et c'est bien là le sens commun ou la raison géné-
rale), il allrrme que cette sagesse est folie devant la
Sagesse éternelle, comme aussi la Sagesse d'en haut
est folie aux yeux du monde. Il parle de la croix ,
scandale aux juifs , folie aux gentils ! La doctrine
de la croix était donc contraire au sens commun,
puisqu'elle lui paraissait une folie; elle révoltait la
raiîdu du grand nombre , puisqu'elle loi était un
scandale ! Et ceux qin ont professé la foi chrétienne
en face des nations et l'onl scellée de leur sang, les
martyrs, les martyrs ([ui, si nombreux qu'ils soient,
étaient encore en mimirilé au milieu de la foule des
païens , ils n'auraient donc été que des insensés !
Eiifln , le divin Maître demande à ses disciples si ,
daiis les derniers temps, il trouvera encore de la
foi sur la terre. E-.i-ce que tant qu'il exisiera des
hommes sur celte terre, le sens commun peut man-
quer, la raison générale <léfaillir ? Son autorité ne
doit-elle pas plulôl augmenter avec les généralions
et les siècles ? fS'aura-t-ulle pas ai teint son plus liant
point à la lin des temps? Et te|iendant, suivatit la
parole évangélique , la foi alors sera au plus bas
degré ! La loi catholique n'est donc pas le sens
commun ; ou, si elle l'est, il viendra un temps où,
la pie.-quc totalité des himmies ayant perdu la foi ,
il n'y aura plus de sens commun; son autorité, du
moins, ne sera plus infaillible; il ne sera plus le
sceau de la vérité.
« 11 est à regretter que le célèbre auteur de l'Essai
sur l'indifférence en matière de religion , en nous
monlrant avec tant de force que celle imlifférence
est devenue aujourd'hui presque universelle dans le
monde, se soit été à Ini-même le moyen de la blâ-
mer et de la coiiibaitre. De quel droit sa raison
privée s'oupose-i-elle à la raisoii générale du siècle ?
Prélend-l-il que sou sens particulier prévale contre
le sentiment du grand nombre ? S'il le prélend, que
devient son système? Et, s'il ne le prcieiid pas ,
pourquoi a-i-il fait son livre ? Du reste, celle doc-
trine, malgré le talent remarquable avec lequel elle
a été présentée, malgré le luxe d'érudition dont elle
est chargée, el tous lesdiarmes du style dont on l'a
ornée, a excité peu d'intérêt, a trouvé peu de sym-
pathie dans les hommes du siècle, qui veulent de
l'évidence et non de l'aulorilé , qui veulent voir la
vérité par eux-mêmes el non la recevoir sur le lé-
nioigiiage d'aiilrui. Ils n'onl point cru qu'on put faire
de la philosophie par commission, que le sens coin-
4i3
SEP
SEP
446
miiii dispensât de savoir, et que la raison de tout le
monde dit cliarfe'ée de penser pour la raison de olia-
ciin. C'est dans les éi oies ecclésiasiiiines qu'elle a
produit le plus d'cITet. Kllc annonçait nne pliiloso-
pliie lojidre sur le priitcip.- d'nulorné, sur l:i (oi, nne
p'iilosopliie e«(/in".7»e ; et cilie pliilosopliie de foi
dev;iit f'.lrii en niênie leinos l'expression de la raison
universelle; et. on pouvait l'acipiérir par nn moyen
simple, facile, à la porK^e de toos, le sens conminn.
Kt ee sen< cominnn , nni apiiarlienl à tons, et qui
est donné s:ins travail à cliaciui , était proclamé la
source unique de la science, de la ceriiiude , le
critérium iidailldile, le sceau de la vérité ! Ces ma-
goill(|Ues piiiMiesses étaient faites avec assuriinco
par nu lioiniiie d'un {;rand talent, d'une raisoii forte,
il'niu' iiiriginaliou ardeule, dont la parole est cner-
gi(|ue, t'clainolc, souvent passiomice !... Est-il éton-
nani (|u'i'lles aient entraîné inie jeunesse simple,
peu expcri.iicniée, Sans connaissance des hommes
et du monde ? i
SEPT, noiibre septénaire. Ce nombre
élait en quelque manière sacré chez les
Juifs, à cause du snlibal qui revenait le sep-
tième jour; la sepliùtne aimée était consa-
crée au repos de la terre, et les sept semai-
nes de sept années, (|ui laisaieiil quarante-
neuf ans, précédaient Ii- jubilé que l'on cé-
lébrai! la cinquantième; il y avait .«e/j< se-
maines à compler entre la fêle de Pâques et
celle de la Peiilecôle, elc. De là le nombre
»ept se trouve continuellement dans l'Écri-
ture; il y est parlé de se/)< Eglises, de sept
chandeliers, de sept branches au cliandelier
d'or, de sept lampes, do sept étoiles, de sept
sceaux, de sept anges, de sept trompettes,
etc. Ainsi ce nombre sept se met pour tout
nombre indétern)iné. Ou lit, Ruth. c. iv,
V. 15 : Cela vous est plus avanlagaix que
d'aroir sept /t'.v, c'est-à-dire un grand nom-
bre de tils. Prov-, C. xxvi, v. IG : Le pares-
setix croit être plus habile que sept hommes
qui parleraient par sentences, c'est-à-dire
que plusieurs personnes éclairées. Saint
Pierre demande à Jésus-Christ: Sei'/neur,
lorst/ue mon frère aura péché contre moi,
combien de fois faut-il que je lui pardonne î
jusqu'à SEPT fois? Le Sauveur lui répond:
je ne vous dis pas jusqu'i) sept fois, mais jus-
qu'à septante fois skpt fois, c'est-à-dire sans
fin et toujours [Maith. xviii, 12). Il n'est
donc pas étonnant que ce nombre ait élé af-
fecté dans les cérémonies de religinn ; les
amis de Job oITrirent en sacrifice sept veaux
et sept béliers; David, dans la translation
de l'arche d'alli.mce, fil immoler ce même
nombre de victimes; Abraham en avait
donné l'exemple en faisant à Abimilech un
présent de fept brebis pour être immolées
en holocauste sur rauicl à la face duquel il
avait fait alliance avec ce prince.
Le nombre sept était aussi observé chez
les païens, tant a l'égard des autels que des
viciimes ; ce rite parait avoir élé affecté par
allusion aux sept planètes, et les magiciens
prétendaient que ce nombre avait la vertu
d'évoquer les génies planétaires, et de les
faire descendre sur la terre pour opérer des
prodiges. Chez les païens c'était une super-
slilioii, puisiiue ce nie était fondé sur la
même erreur que le polythéisme; il n'ea
était pas de même chez les Juifs ; il n'y avait
ni erreur, ni abus, ni indécence à rappeler le
souvenir de ce qui est dit dans l'histoire de
la création, que Dieu bénit le septième jour
et le sanelilia: c'était un préservatif contre
le polythéisme et- contre l'idolâtrie, de même
que la célébration du sabbat. Ou ne nous
accusera pas sans doute de superstition,
parce (|u'au lieu de compter par sept nous
complons par dizaines, en nous servant
des dix'doi^ls de nos mains.
Au mot SEMAiNiii, nous avons vu qu'il
n'est pas certain que cetic manière de
compter les jours par sept, observée chez
les païens, ail lait allusion aux sept planè-
tes puisqu'elle a eu lieu citez les peuples
(|iii n'avaient aucune connaissance de l'as-
Ironomie. Peut-éire (|ue chez tous c'a élé un
reste de la tradition primitive que les na-
tions tombées dans l'ignorance ont conservé,
apiès en avoir oublié l'origine.
SKPTAN TE. La version des Septante est
une lra<luclion grecque des livres de l'Ancien
Testament, à l'usage des Juifs de l'Egypte
qui n'entendaient plus l'iiélireu; c'est la plus
ancienne et la plus célèbre de loules. Il est
à propos d'en connaître, 1" l'origine, 2" l'es-
time que l'on en a faite, 3" les autres ver-
sions grecques auxquelles elle a donné lieu,
h' les principales éditions qui en ont été
faites
1. Le plus ancien auteur qui ait fait l'his-
toire de cette version se nomn>e Aristée, et
se qualifie officier aux gardes de Ptolémée-
Phiiadelphe, roi d'Egypte; on prétend qu'il
était de l'ile de Chypre, et juif prosélyte. Il
raconte en substance <iue Ptolémée-Phila-
delphe , voulant enrichir la bibliothèque
qu'il formait à Alexandrie dos livres les plus
curieux, chargea Démétrius de Plialère, son
bildiolhécaire, de se procurer la loi des
Juifs. Déméirius écrivit de la part de sou
mailre à Eléazar, souverain sacrificateur de
Jérusalem, lui envoya trois députes avec des
présents magnifiques; il lui demanda un
exemplaire de la loi de Moïse, et des inter-
prètes pour la traduire en grec. Aristée pré-
tend avoir été lui-même un des trois dépu-
tés. Il ajoute que la demande leur fut accor-
dée, qu'ils rapportèrent un exemplaire de la
loi de Moïse écrit en lettres d'or, et qu'ils
ramonèrent avec ec.x soixante-douze anciens
pour le traduire en grec ; Piolémée les plaça
dans l'ile de Pharos près d'Alexandrie, avec
Démétrius dePhalèrc, et l'ouvrage fut achevé
en 72 jours. Cela se fil, suivant plusieurs
chronologistes, 'in ans avant Jésus-Christ,
suivant d'aulres 290 ans. Arislobule, autre
juif d'Alexandrie, philosophe; péripatéticien,
qui vivait cent vingt-cinq ans avant notre
ère, et dont il est parié dans le second livre
des .Macliabées, c. i, v. Kt, rapportait la
même chose dans un commentaire qu'il avait
fait surli'S cinq livres de Moïse. Cet ouvrage
est perdu, il n'en re^te que des fragments
cilés par Clément d'Alexandrie et par Eu-
sèbe. Origène parle de cet Arislobule, fait
cas de ses écrits et de ceux de Philon, 1. iv.
contre 6'e/s«, n. 51. Philon, autre juif d'A-
447
SEP
SEF
448
lexandrie, qni vivait du (emps de Jésns-
Clirist, dit Ips mêmes choses qu'Aristée, 1.
Il, (le Vita Mosis; il paraît persuadé que les
soixante-douze interprètes étaient inspirés
de Dieu; il cite ordinairement l'Ecrilure
selon leur version, et non selon le texte lié-
breu. Josèphe, qui a écrit vers la fin du i '
siècle, ne chançte presque rien à la narration
d'Aristée, Préamb. des Antiquités judaïques,
1. XII, c. 2. N'crs le milieu du iT siècle, saint
Justin était allé à Alexandrie, où les Juifs
lui raronlèrenl la même chose ; ils ajoutèrent
que les soixante-douze inlerprèles avaient
été logés dans soisante-douze cellules diffé-
rentes, et avaient écrit séparément ; mais
qu'après le travail fini, leurs versions, par
un prodige singulier, se trouvèrent parfaite-
ment conformes. On lui fil voir, dil-il, dans
l'ilede Pharos, les ruines ou les vestiges de
ces soixante-douze cellules. Saint Irénée,
Clément d'Alexandrie, saint Cyrille de Jé-
rusalem, saint Epipliane et d'autres Pères de
l'Eglise ont adopté cette tradition, et quel-
ques-uns y ont ajouté de nouvelles circons-
tances; mais aucun n'a cité d'autres monu-
ments que ceux dont nous venons de parler.
Saint Jeiôine, convaincu par lui-même des
défauts de la version des Septante, n'ajouta
aucune foi à la narration d'Aristée ni à la
tradition des Juifs.
Que celte narration ait renfermé des cir-
constances fabuleuses, c'est un point dont
on ne peut pis disconvenir. La dépense que
cet auteur suppose faite à ce sujet, et qui
se monterait a près de cinquante millions de
noire monnaie; ^e^emplai^e de la loi écrit
en lettres d'oi', le nombre précis de soixante-
douze interprètes, les cellules dans lesquelles
on les renferma, la conformité miraculeuse
de leurs versions, etc., s-ont évidemment des
fables inventées après coup par les Juifs
d'Egypte, pour donner du crédit à leur ver-
sion grecque d<'s livres saints.
Plusieurs critiques, surtout parmi les pro-
testants, sont partis de là pour révoquer en
doute le fond même de la narration. Ils ont
regardé Aristée et Aristobule coanne deux
auteurs supposés; ils ont conclu que l'on ne
sait ni par <]ui, ni comunent, ni en (|uel temps
la version grecque de l'Ancien Testament a
été faite en Eijjpte; que les Pères de l'Eglise
se sont laissé tromper par le roman que les
Juifs ont forgé; que Philon et Josèphe ne
méritent aucune croyance, que ni l'un ni
l'autre ne se sont pas fait scrupule d'en im-
poser pour donner du relief à leur nation.
C'est le sentiment de Hody, professeur en
langue grecque dans l'université d'Oxford ;
de Dupin, qui a fait un extrait du livre de
Hody ; du docteur Prideaux, Hist. des Juifs,
1. IX, t. I, p. •372 et suivantes; il a élé suivi
par la plupart des autres écrivains, mais ils
ont trouvé des contradicteurs.
En 17"2, on a donné à Rome la version
grecque de D.iniel faite par les Septante,
LO|iiee autrefois sur les Tétrapics d'Origene,
c( tirée d'un manuscrit du cardinal tlliigi,
(juj a plus de huit cents ans d'antiquité; l'é-
dilcur,dans de savantes dissertations placées
à la tête de l'ouvrage, s'est attaché à prou-
ver : 1" Que la loi de Moïse a élé certaine-
ment traduite en grec la septième année du
règne de Plolémée Philadelphe, 290 ans
avant Jésus-Christ, et par les soins de Démé-
trius de Phalère; qu'ainsi la narration d'A-
ristée est vraie quant au fond : que cet au-
teur n'est point un personnage supposé, non
plus qu'Aristobule. 2» Que p ir la loi on ne
doit pas seulement entendre les cinq livres
de Moïse, mais la plus grande partie de l'An-
cien Testament; que le passage tiré du pro-
logue des Antiquités judaïques de Josèphe,
où il semble dire le contraire, a élé mal en-
tendu et mal traduit, 3" Que les autographes
de cette version des Septante furent vérita-
blement déposés dans la bibliolhèiiue d'A-
lexandrie ; qu'ils y étaient encore non-seule-
ment du temps de saint Justin et de saint
Irénée qui en parlent; savoir, le premier,
Apol. 1, n. 31; le second, adv. Hœr., I. m,
c. 25; mais encore du temps de saint Jean
Chrysoslome, qui en fait mention, arfu. J^rf.,
oral. 1, n. 6, que l'incendie de cette biblio-
thèque, arrivé sous Jules-César, n'en con-
suma qu'une partie. 4" Que l'on se trompe
quand on assure que cette traduction est
écrite dans le dialecte d'Alexandrie, qu'elle
peut très-bien avoir été f.iile par les Juifs de
Jérusalem; qu'ainsi Aristée a pu dire qu'elle
est l'ouvrage de soixante-douze interprètes,
c'est-à-dire du sanhédrin composéde soixante-
douze juifs. 5° 11 fait voir que les historiens
grecs ont eu, beaucoup plus tôt qu'on ne le
croit communément, une connaissance suf-
fisante de l'histoire juive, non-seulemenl de
la partie renfermée dans les livres de Moïse,
mais des événements rapportés par les écri-
vains suivants, soit avant, soit après la cap-
tivité, et il le prouve par des témoignages
irrécusables. 6" Que si les Pères ont été trop
crédules en ajoutant foi aux circonstances
dont les Juifs ont embelli l'histoire de la tra-
duction des Septante, leur témoignage n'en
est pas moins fort sur la réalité du fait et
sur l'authenticité de cette version. On voit
par le Talmud que, dans la suite, les Juifs
ont institué un jour de jeûne pour déplorer
cet événement, comme si la traduction de
leurs livres dans une autre langue avait
élé une profanation. Mais c'est qu'ils ont
compris que cette version mettait à la main
des chrétiens des armes contre eux. Les hé-
rétiques, qui, tians les temps postérieurs,
ont fait en grec d'autres traductions du texte
hébreu, n'ont jamais révoqué en doute l'au-
thenticité de la version des Septante.
Mais soit qu'elle ait élé faite en Egypte
ou en Judée, qu'elle ait élé placée ou non
dans la bibliothèque des Ptolémées, toujours
est-il certain qu'elle existait avant la venue
de Jésus-Chrisl ; que les Juifs hellénistes s'en
servaient communément; que les apôtres
mêmes en ont fait usage, et lui onl ainsi
imprimé un caractère d'authenticité, sans
avoir dérogé pour cela à l'autorilé du texte
original; les autres questions, touchant l'o-
rigine de celle version, ne sont cas fort im-
portantef.
449
SEP
SKP
-450
H. A mesure que la relifjion clirélienne
fit (les progrès, la version des Septunte fui
aussi plus reciierchée et plus estimée. Les
évaiigéiisles et les apôtres qui ont cerit en
grec, à la réserve de saint Alallhieu, oui fait
usage de cette versiou, do inéiiie que les
Pères de la primitive Kglise. 1! estj;epen-
danl à remarquer que, dans une cilalioii que
saint Paul a laite du psaume sxxi, llebr., c.
xsxii, V. 1 et 2, il a conservé le tour de la
phrase hébraïque, et non la lettre de la ver-
sion grecque; Rom., c. iv, v. 0. David., dit-
il, a nommé la bkatitude de l'hommi:, à qui
Dieu tient compte de la justice sans les œu-
vres, etc., au lieu de lire comme dans le
grec : Heureux l'homme à qui Dieu, etc.
Toutes les Eglises grecques se servaient de
cette version, et Jusqu'à saint Jérôme les
Eglises latines n'ont eu qu'une traduction
faite sur celle des Septante. Tous les coin-
mentaleurs s'attachaient à cette version sans
consulter le texte, et ils y ajustaient leurs
explications. Lorsque d'autres nations se
sont converties au cliristiaiiisuie, on a fait
pour elles des versions sur celle des Sep-
tante, comme l'ill^rienne, la gothique, l'a-
rabique, l'éthiopique, rarnicnicnne, et l'une
des deux versions syriaques. On regardait
même cette traduction comme inspirée, soit
parce que l'on croyait au prétendu prodige
arrivé aux soixante-douze interprètes, en
vertu duquel toutes leurs versions s'étaient
trouvées semblables; soit parce que les
écrivains sacrés, en la citant dans leurs ou-
vrages , semblaient lui avoir imprimé le
sceau de leur approbation. Ce préjugé a duré
jusqu'à saint Jérôme; et, lorsque ce Père
voulut faire une nouvelle traduction sur le
lexle hébreu , plusieurs regardèrent cette
entreprise comme une espèce d'attentat; le
saint docteur s'est plaint plus d'une fuis de la
persécution (|u'il eut à essuyer à ce sujet.
Proley. 1, in Biblioth. divin. S. Hieron., §
4, Op. t. 1.
Les prolestants ont reproché avec amer-
tume cette préoccupation aux Pères de l'E-
glise, et l'opinion qu'ils ont eue de l'inspi-
ration Aci Septante. Celle version, disent-ils,
est, de l'aveu de tnul le monde, très-impar-
faite et Irés-l'aulive ; pour y avoir eu Irop
de confiance, les Pères, d'un consi'ntenieiil
unanime, ont douuc dans plusieurs erreurs.
Cela suffit pour renverser de fond en comble
toute l'auloritc des Pères et de la tradition,
que les catholiques osent égaler à celle de
l'Ecriture. Barbeyrac, Traité de la Morale
des Pères, c. 2, § 3. Disons plutôt que ces
censeurs eux-mêmes , aveuglés par leurs
préjugés, ne voient presque jamais les con-
séquences fâcheuses de leurs objections. Si
Dieu n'a donné à son Eglise point d'autre
règle de foi ni point d'autre guide que l'Ecri-
ture sainte, comment, pendant l'espace de
quatre siècles, ne lui a-l-il pas procuré une
version de l'Ancien Testament plus correcte
que celle des Septante? Dans un temps au-
quel Dieu faisait tant de miracles en laveur
du christianisme, ctail-il si diflicile de sus-
citer dans l'Eglise un homme capable d'en
faire une meilleure? Dieu aurait prévenu ce
déluge d'erreurs dans lesquelles les protes-
tants prétendent que les pasteurs de l'Eglise
sont tombés, et dans lesquelles ils n'ont pas
manqué d'entraiuer tous les fidèles, puisque
aucun de ces derniers n'a réclamé. Il est
encore plus étonnant que, parmi les apôtres
et parmi les disciples immédiats de Jésus-
Christ, tous duuis du don des langues, au-
cun n'ail eu le courage d'entreprendre une
version grecque du lexte hébreu, dans la-
quelle il aurait corrigé les fautes des Sep-
tante, et qui aurait servi de canevas pour
toutes les versious à fiire dans d'autres
langues. Tous ont été certainement coupa-
bles de n'avoir pas du moins averti les fi-
dèles du danger qu'il y avait pour eux d'être
induits en erreur par cette version perfide,
et de la nécessité d'apprendre l'hébreu pour
s'en préserver; plus coupables encore de
confirmer la confiance générale à celte
même version, par l'usage qu'ils en faisaiint
cnx-mémcs. De deux choses l'une, ou la
version des Septante n'est pas aussi fautive
que les protestants le prétendent, ou Dieu
a donné un préservatif contre le mal qu'elle
aurait pu produire si l'on n'avait point eu
d'autre guide. C'est en effet ce que Dieu a
fait, en ordonnant aux fidèles d'éi outer l'en-
seignement de l'Eglise, el de suivre la tradi-
tion conln- laquelle les protestants sont si
prévenus. Aussi est-il faux que les Pères de
l'Eglise, trompés par la version des Septante,
soient tombés, d'un consentement unanime,
dans des erreurs grossières, et qui pouvaient
avoir de dangereuses conséquences; nous
les avons justifiés ailleurs de la plupart de
celles que les protestants oui voulu leur im-
puter. Voy. Pères ue l'Eglise.
Le Clerc a porté l'i-ntêtemenl encore plus
loin que Barbeyrac. Sup|iosé, dit-il, qu'il y
eût des fautes dans la version des Septante,
et que l'on ne pût pas s'y fier entièrement,
c'en était fait de la répuiation de tant d'é-
crivains ecclésiastiques qui avaient disserté
sans fin sur des passages mal entendus et
qu'eux-mêmes étaient incapablesd'entendre,
faute de savoir l'hébreu. Saint Augustin le
sentait, vnilà pourquoi il voulait détourner
saint Jérôme de faire une nouvelle version
sur riii'breu. Animadv. in ep. 71 sancti Auij.,
§ k. Fausse réflexion : 1" nous soutenons
qu'il n'y eut jamais dans les Septante aucune
erreur touchant le dogme ni les mœurs ; on
pouvait donc disserter sur les passages bien
ou mal traduits, sans courir aucun risque
dans la foi. 2' Les Pères avaient sous les
yeux cinq ou six versions grecques difl'e-
renles; ils pouvaient les comparer, el en
faisant attention au sujet, au temps, au lieu,
aux circonslances, découvrir quel était le
traducteur qui avait le mieux pris le vrai
sens. 3 II ne servait à rien de savoir l'hé-
breu, pour entendre les livres dont le leste
hébreu ne siibsislail plus. Esl-il ridicule do
faire des commentaires sur saint Matthieu,'
parce que nous n'avons plus son lexte ori-
ginal? 4° Les plus habiles hébraïsants ne
sont pas encore venus à bout de faire dispa-
451
SEF
SEP
45Î
raîlre (ouïes \es obscurités du texte hébreu ;
il s'en est trouvé plusieurs parmi eux qui
semblent avoir travaillé à augiuenler les
doutes plutôt qu'à les diminuer. Le Clerc
lui même, dans ses Commentaires, n'a pas
toujours réussi au mieux; on lui reproche
des corrections téméraires, dus inttrpréla-
Ijou'i fausses , des explications socinien-
nes, etc. o' Saint Jérôme a jugé que les
fautes qu'il apercevait dans les Septante ne
pouvaitnl porter aucun préjudice à la répu-
tation des anciens Pères, ei l'événement a
prouvé que Us inquiétudes de saint Augus-
tin sur ce sujet étaient mal fondées; lui-
même l'a reconnu, puisqu'il a fini par ap-
prouver le travail de saint Jérôme. Voy. Vul-
G4TIS, § 3. Le Clerc, qui blâme souvent saint
Augustin très-mal à propos, lui applaudit
dans le seul cas où il avait évidemment tort.
Une autre raison qui nous fait juger
qu'une version grecque plus parfaite que
celle des Septante n'était pas fort nécessaire
à l'Eglise, c'est que celles qui sont venues
après ne sont pas exemptes de défauts, et
que les motifs par lesquels elles ont été faites
n'étaient ni purs ni respectables ; nous le
verrons ci-apiès.
!>armi les modernes, il n'est aucune ques-
tion de critique sur laquelle on ait disputé
davantage que sur l'autorité et le mérite de
la version des Septante. Quelques auteurs
ont poussé la prévention jusqu'à la préférer
au texte hébreu, et à vouloir qu'elle servît à
le corriger; d'autres n'en ont (ait aucun cas
et en ont exagéré les défjuts. N'y a-t-il donc
pas un milieu à garder entre ces excès?
Des rahbins, fâchés de l'avant^ige que les
cbiétiens tiraient de celle version contre les
Juifs, ont avancé qu'elle a été faite, non sur
un texte hébreu, mais sur une traduction
ou paraphrase chaldaïque ou syriaque;
d'atilres critiques, même chrétiens, ont pensé
que les Seiitante ont traduit le Pentaleuque
sur un texte samaritain. Aucune de ces sup-
positions n'est prouvée ni probable; la ver-
sion des Septante est plus ancienne que
toutes les paraphrases chaldaïques et que la
version syriaque; et il y a toujours eu une
antipathie trop forte entre les Juifs et les Sa-
maritains, pour que les premiers aient voulu
se servir des livres des seconds. 11 y a d'ail-
leurs presque autant de dilTereiice enere les
Septante et le samaritain qu'entre les Sep-
tante et le pur hébreu. Plusieurs ont
imaginé que celte version a été corrompue
nialicieustMnenl parles Juifs ; autre soupçon
sans fondement. Quand les Juifs auraient
voulu le faire, ils ne l'auraient pas pu; il
leur aurait été impossible d'eu altérer tous
les exemplaires qui ont été répandus de
bonne heure parlout où il y avait des Juifs.
En second lieu, quel aurait été leur motif?
d'ôter aux chréiiens les textes dont ceux-ci
se servaient contre eux? mais ils les y ont
laissés. Ils se seraient attachés principale-
ment sans doute à corrompre les prophéties
qui caractérisent le Messie : or, nous les y
trouvons encore en leur entier, et il n'est
pas moins aisé de réfuter les Juifs par les
Septante que par le texte hébreu. Les deux
principaux passages dans lesquels on accuse
les Septante de s'être beaucoup écartés du
sens de l'hébreu, est le premier verset de la
Genèse, où ils ont dit que Dieu fit et non
qu'il créa le ciel et la terre, et le v. 22 dq
chapitre* vi H des Proverbes, où l'hébreu dit
de la Sagesse éternelle : Di'f» m'a possédée
ou commencement de ses voies ; et les Septante,
Dieu m'a créée; traduction qui attaque la
divinité du Verbe. Mais nous ne voyons pas
que les Juifs aient jamais nié la création
proprement dite, ni (|u'ils aient disputé
contre la divinité du Verbe, et l'on ne peut
pas dire qu'ils ont absolument forcé le sens
littéral des mots hébreux. Un parli plus sage
est donc de convenir, comme a fait saint
Jérôme, (jue la version des Septante est
d'une très-grande autorité, tant à cause de
son antiquité que do l'usage que les écri-
vains sacrés en ont fait ; que cependant elle
ne doit ])as prévaloir au texte original.
m. A mesure que cette ancienne version
acquérait du crédit parmi les chrétiens, elle
en perdait parmi les juifs. Ces derniers, sou-
vent incommodés par les passages des Sep-
tante qu'on leur opposait, pensèrent à se
procurer une version grecque qui leur fût
plus favorable. A(]uila, juif prosélyte, né à
Siiiope, ville du Pont, se chargea d'en faire
une. Il avail été élevé dans le paganisme,
d:iiis les chimères de l'astrologie et de la
magie. Frappé des miracles que faisaient
des chrétiens, il embrassa le christianisme,
dans respérance d'en opérer à son tour :
comme il n'y réussissait pas, il reprit la
prati(iue de la magie. Après avoir été inuti-
lement exhorté par les pasteurs de l'Eglise à
renoncer à cette abomination, il fut excom-
munié : par dépit il se fil juif; il étudia sous
le rabbin Akiba , fameux docteur de ce
temps-là, et il se rendit très-habile dans la
langue hébraïque et dans la connaissance
des livres sacrés. Il entreprit donc une tra-
duction grecque de l'Ecriture, et il en donna
deux éditions, la première en l'an 12 de
l'empire d'Adrien, 128 de Jésus-Christ ; la
seconde, plus correcte, quelque temps après.
Les juifs hcliéniïtes l'adoptèrent au lieu de
celle des Septante ; aussi, dans le l'almud, il
est souvent fait mention de la première, et
jamais de la seconde.
Au vr siècle de l'Eglise, quelques juifs se
mirent dans l'esprit qu'il ne fallait plus lire
l'Ecriture sainte dins les synagogues que
suivant l'aucien usage, c'est-à-dire en hé-
breu, avec l'explication en chaMéen ; d'au-
tres voulal'Mit que l'on conservât l'usage ac-
tuel de la lire en grec, et cette diversité do
sentiments causa des disputes qui ilégéncrè-
renl en guerre ouverte. L'einp<'reur Justi-
nien fit vainement une Oidonnance qui lais-
sait à l'un et à l'autre parti la lilierté de
faire ce qu'il voudrait : le premier l'iinpor-
ta, et depuis ce temps-là l'usage a prévalu
parmi les juifs de ne lire l'Ecrilure sainte ilans
les synagogues qu'en liébreu et en chuldéen.
Environ cent ans après cette version d'A-
quila, il en parut deux autres, l'une faite
455
SEP
par Thôodotion sous l'empereur Commode,
l'antre par Syrninaque, sous Smère el Cara-
calla. Le premier, suivant (]u<'!i|iio<-uiis,
était né dans le Pont, et dans la même ville
qu'Aqiiila ; le second était Samarilaii), et
avait été élevé dans celle secte ; tous deux
se firent chrétiens ébiouiles ; de là on a cru
qu'ils étaient juifs prosélytes, parce que les
ébiunitt's observaient les cér. munies jmlaï-
ques aussi scru|iuieuseini'nt (|ue les Juil'j.
Ils entreprirent leurs versions pir le même
motif qu'Aquila, pour favoriser leur secte ;
mais ils ne suivirent pas la même mélliutle.
Aquila s'allachait servilement à la lettre el
rendait mol pour mul le tesl(\ aut ml ()u'il
le pouvait: de là fa \er$ion était plutôt uu
dicliiinuaire propre à indiquer la si;^nilica-
lion des lermcs hébreux, qu'une ex|)licalion
capable de donner le sens des phrases. Sym-
maque donna dans l'excès opposé; il lit une
paraphrase plutôt qu'une version exacic.
Théudolion prit le milieu, il lâcha de donner
le sens du te&le hébreu par des mots grecs
correspondants, autanl que le génie des
deux langues pouvait le permettre. Aussi sa
version a-t-elle élé beaucoup plus estimée
par les chrétiens que les doux autres. Coiiimo
la version de Daniel par les Si'ptaiilf parut
trop fautive pour êlre lue dans l'Iiglise, on
y substitua celle de Tbéodotion, et on la
conserve encore. OU'ind Origène, dans ses
Uexaples, est obligé de suppléer ce qui man-
que chez les Spp(uiite, el qui se Irouve dans
le texte hébreu, il le prend ordiiiairement
dans la version di; 'l'héodolion.
Outre CCS quatre versions grecques, on en
découvrit encore (rois autres au (commence-
ment du iir siècle, mais qui n'étaient pas
complètes, et desquelles on n'a jamais connu
les auteurs : l'une fut trouvée à Nicopolis,
près d'Aetium en Epire, sous le régne do
Caracalla, l'autre à Jéricho en Judée, .«oiis
celui d'Alexandre Sévère ; on ne sait d'où
venait la troisième. Origène les avait toutes
rassemblées et mises en parallèle avec le
texte dans ses Ilexnples ; mais ce précieux
travail a péri, il n'en reste que des frag-
ments. Voi/. Hexaples.
iV. Il nous reste à parler des principales
éditions anciennes et modernes de la version
des Septante. Sur la fin du iii= siècle, le mar-
tyr Pampbile en fit une copie sur l'exem-
plaire des Uexaples d'Origène, déposé à la
bibliothèque do Césaréc dans la Palestine ;
il ne pouvait la prendre dans une meilleure
source. Origène avait apporté le plus grand
soin à eu corriger toutes les fautes, en com-
parant les dittérentes copies qu'il pul ras-
sembler. Aussi colle édition de Pampbile fut
adoptée par loules les Eglise-; de la Palestine
depuis Antioche jusqu'à l'Egypte. Lucien,
prêtre d'Anlioche, en fit une autre qui devint
commune aux Eglises de l'Asie mineure et
do Pont, depuis Conslantiiiople jusiiu'à An-
tioche. La troisième eut pour auteur Hésy-
chius, évêque d'b'gyple. qui la n)it en us ige
dans tout le patriarcal d'Alexandrie. C'est ce
qui a fait dire à saint Jérôme que ces dilTê-
reules éditions partageaient le moadc en
SEP 454
trois, parce que de son emps on n'en con-
naissait point d'autres dans les Eglises d'O-
rienl. Si l'on excepte les fautes des copistes,
il n'y avait entre ces trois éditions aucune
différence considérable, puisque saiiil Jérô-
me n'a donné la (iréférence a aucune, el les
cojiies qui en restent encore attestent leur
ressemblance entière.
Par une singularilé assez remarquable,
depuis l'invention de l'imprimerie, il y a eu
aus>i trois principales éditions de la version
des Scplanle, donl toutes les autres ne sont
que (les copies. On place au premier rau"
celle du caidinal Xiaionès, imprimée en 1515°
à Complute ou Aleala de Hènarès en Espa-
gne, dans sa polyglotte appelée vulgaire-
ment llihie deCuiiiplute. Cette édition a servi
de modèle à celles des polyglottes d'An-
vers et de Paris, et à <eile de Gommelin,
imprimée à lleidelberg en lo9;), avic le
commenlaire di; Valable, lu//. Polyglotte.
La seconde édition est celle d'Aldus, faite à
Venise en 1578; .4ndré Ausculanus, beau-
père de l'imprimeur, en prépara la copie en
confrontant plusieurs anciens manuscrits.
De celle-ci ont élé tirées loules les éditions
d'Allemr.gne, excei^té celle de Hi idelberg,
dont nous venons de p;irler. La troisième,
que la plupart des savants préiércnt aux
deux autres, el que l'eu appelle Védition
sisline, est celle que le pape Sixte V' fil im-
primer à Kome, l'an Jo87. Il avait f.iil com-
mencer celle iuipression ètaul encore cardi-
nal d(! Monialle ; il en avait chargé Antoine
Carafl'a, savant italien, qui fut ensuite bi-
bliothécaire du Vatican et cardinal. Vossius,
qui regardait celle édition des Septante
conmie la plus mauvaise do loules, a élé
seul de cet avis. Elle fut faite sur un ancien
manuscrit qui était eu lettres capitales, sans
accents, sans points el sans distinction de
chapilies ni de v» rsels. On croil qu'il est du
temps de saint Jeiôaie. L'année suivante, il
parut a Home une version laline de celle
édition a>ec les notes de Eliminius Nobi-
lius. Morin les impiima toutes deux ensem-
ble à Paris, l'an Hi-IS. L'on s'en est srrvi
dans toutes celles que l'on a imprimées en
Angleterre, soit à Londres, in-S", en IGoî,
soit dans la polyglotte de Wallon en ltJ57,
soit à Cambridge en 1GG3, où se trouve la
savante préface de l'évéque Péarson.
Si l'on voulait en croire les critiques an-
glais, le plus ancien cl le meilleur de tous
les manuscrits des Sc/^fan/e est celui d'Alexan-
drie, qui lut envoyé en présent à Charles l"
par Cyrille Luar, patriarche de Cnnslanli-
nople, qui avait été auparavant placé sur le
siège d'Alexandrie. Il est écrit en lettres ca-
pitales, sans distinction de mots, de versels
ni de chapitres, comme celui du Vatican.
L'on y voit une apostille en latin de la main
de Cyrille, qui porte que cet exemplaire
du Vieux et du Nouveau Testament a élé
écrit parThécla, femme de qualité d'Egvple,
qui vivait peu de tc^ips après le conciie de
Ni( ée, par conséquent plus de 1460 ans avant
nous. Cela est uu peu difficile à croire. Le
docteur Grabe en avait publié la moitié ea
455
SEP
SEP
456
deux volumes en 1707 et 1709; le reste l'a
été en 171'J el 1720. Hreilinaer fit réimpri-
mer le tout à Zuricii en 1730, avec des va-
riuiles tirées de lédition de Uome, el de
savantes préfaces. Mais d'habiles journalistes
se sont élevés contre l'enthousiasme avec
lequel il a vanté l'excellence du manuscrit
alexandrin; ils prétendent que le texte des
Septante n'y est pas pur, mais souvent
interpolé, el ils en donnent des preuves. De
là nous devons conclure que l'édition la plus
parfaite de la version des Seplanle serait
celle dans laquelle on comparerait les quatre
dont nous venons de parler , el où l'on en
noierait toutes les variantes qui peuvent
mériter attention. Si l'on veut voir la mul-
titude d'ouvrages qui onl été faits au sujet
de cette version célèbre, on peut consulter
le P. Fabricy, Titres primitifs de la révélation,
t. I, pag. 192 et suiv., où il en fait une très-
longue énumération. Yoy. Bibles Grecques.
SEPTUAGÉSIMI' , septième dimanche
avant la quinzaine de Pâques. Comme b- pre-
mier dimanche du carême est appelé Quadra-
ge'siVne, parce qu'il est le premierde laçuara»»-
tuine, ceux qui commençaient à jeûner huit
jours plus tôt appelèrent Quinquagésime ou
cinquantaine le dimanche auquel le jeûne
commençait; par la môme raison, ceux qui
commençaient à l'un des deux dimanches
précédents, nonmièrent l'un Sexagésime el
l'autre Septuagésime, en rétrogradant tou-
jours; et ce dernier est en elîet le septième
avant le dimanche de la Passion. L'origine
de cette variété dans la manière de commen-
cer le jeûne du carême est aisée à découvrir.
L'on s'est toujours proposé de jeûner qua-
rante jours avant Pâques; comme on ne
jeûne point le dimanche, alin de parfaire la
quarantaine on commença de jeûner à la
Ouinquagésime ; c'est depuis le ix' siè-
cle seulement que l'on ne commence plus
qu'au mercredi des Cendres. Ceux qui ne
jeûnaient pas les jeudis, commencèrent à la
Sexagésime, et ceux qui s'abstenaient encore
du jeûne le samedi de chaque semaine, com-
mencèrent à la Septuagésime.
Ce dimanche est appelé par les Grec Azote,
parce qu'à la messe de ce jour ils lisent l'E-
vangile de l'enfant prodigue. "A^mto,- en grec,
discinctus en lalin, homme sans ceinture,
ou dissolu, signiQe un débauché. Ils appel-
lent encore ce dimanche Prosphonésiine,
parce qu'ils annoncent au peuple ce jour-là
le jeûne du carême et la fête de Pâques. Ils
nomment la Sexagésime, 'A7r6/;3i«f , parce
que dès le lendemain ils s'abstiennent de la
viande; ils donnent à la Quinquagésime le
nom de Tupifayo;, parce qu'ils usent encore
de laitage el ii'ujufs pendant celle semaine,
au lieu qu'ils s'en abstiennent pendant tout
le carême. Thomassin, Traité des Fêtes, I. ii,
c. 13; Traité des Jeûnes, n' part., c. 1.
SÉPULCRAUX, hérétiques qui niaient la
descente de Jésus-Christ aux enfers. Voy.
Enfer, § i.
SÉPULCRE. Voy. Tombeau.
SÉPULCRE ( Saint ), tombeau creusé dans
le roc, dotus lequel Jésus-Christ a été euse-
veli. On sait que l'an 70 de Jésus-Christ,
trente-lrois ans après sa mort et sa ré-
surrection, la ville de Jérusalem fut prise
par l'empereur Titus, et réduite en un mon-
ceau de ruines; cependant les Juifs y ré-
t>iblirenl quelques édifices, et continuèrent
d'y habiter avec les chrétiens jusques à
l'an ISi'. Â cette époque, les Juifs, qui
s'étaient révoltés deux fois contre les Ro-
mains, furent exterminés de la Judée par
l'empereur Adrien; Jérusalem fut prise,
ruinée de nouveau, et, rendue inhabitable.
Trois ans après, ce prince la ût rebâtir sous
le nom dV£/m Capitolina; pour en écarter
les chrétiens aussi bien que les juifs, il fit
bâtir un temple de Jupiter à la place de
l'ancien temple du Seigneur, il fit placer une
idole de Vénus sur le Calvaire, et une de
Jupiter sur le tombeau du Sauveur. Les
choses demeurèrent en cet état jusqu'en l'an
327; alors Constantin avait embrassé le
christianisme. L'impératrice Hélène sa mère
voulut par piété visiter les saints lieux sur
lesquels s'étaient opérés les mystères du
Sauveur ; elle fit déterrer la vraie croix des
ruines sous lesquelles elle était ensevelie, et
construire une église sur le tombeau dans
lequel il avait été déposé après sa mort. Dès
ce moment ce lieu commença d'être fré-
quenté par les chrétiens; l'on y vint en pè-
lerinage de toutes les ()arties de l'empire.
Saint Jérôme, dans Vépitaphe de sainte Paule,
dit que celte pieuse veuve étant entrée dans
le sépulcre du Sauveur, en baisait la pierre
par respect. Saint Augustin, 1. xxii, de Civil.
Dei, c. 8, nous apprend que les fidèles en
ramassaient la poussière, la conservaient
précieusement, et qu'elle opéra souveol des
miracles.
Basnage, Ilist. de VEglise, 1. xviii, c. 13,
§ 9, désapprouve ce culte; pour en donner
une idée désavantageuse, il observe qu'il
n'a commencé (|u'au iv" siècle; que saint J
Jérôme lui-même, Episl, i9, alias 13, ad I
Pautinum el saint Grégoire de Nysse, dans
un discours fait exprès contre ceux qui vont
à Jérusalem, condamnent ceux qui croient
que ce pèlerinage les rend plus saints. Mais
autre chose est de blâmer une dévotion en
elle-même, et autre chose de désapprouver
la confiance excessive que l'on y met; les
Pères onl censuré ce défaut, mais non le
culte rendu aux lieux saints, puisque au
contraire saint Jérôme approuve celui que
leur rendait sainte Paule. Il dit que ce. n'est
pas le lieu que nous visitons ou dans lequel
nous demeurons qui nous sanctifie, et cela
est vrai; mais ce lieu peut exciter en nous
la piété par les souvenirs et les sentiments
religieux qu'il nous suggère.
Il n'est pas étonnant que le saint sépulcre
n'aitcommencéàêtre honoré qu'au iv' siècle,
puisque jusqu'alors il avait été inaccessible ;
mai^ dans ce siècle éclairé, où la tradition
apostolique était encore toute récente, on
ne s'est pas avisé de forger tout à coup une
nouvelle foi, un nouveau culte, un nouveau
christianisme; on y a fait au contraire pro-
fession de s'en tenir à ce qui avait été cru,
457 SEP
enseigné et professé auparavant. C'est donc
raisonner Irès-nial que de dire, comme font
les proleslanls :"Nous ne voyons qu'au iv*
siècle les preuves positives de telle croyance
ou tel usage, donc il n'a pas commencé plus
tôt. 11 serait impossible qu'une doctrine qui
aurait été inouïe jusqu'à cette épi)(]ue, fût
devenue tout à coup l'opinion générale des
fidèles répandus dans toutes les parties du
monde chrétien. Lrs hommes ne changent
pas si aisément d'opinions, de mœurs, d'ha-
bitudes, à moins ()u'il n'y ait une cause
puissante qui les y délcrmine.
Le respect pour le saint sépulcre et pour
les autres lieux consacrés par nos mystères,
est le même chez les catholiques et chez les
Grecs schismaliques, les Syriens, les Armé-
niens, les Cophtes et les Abyssins. Il serait
fort étonnant qu'un usage superstitieux,
inconnu dans les trois premiers siècles, se
fût communiqué sans raison à tant de na-
tions différentes, divisées d'ailleurs par la
croyance, par le langage et par les mœurs.
Dans la suite des siècles, il s'est répandu
par toute la chiélienié un bruit constant (|uc
le samedi saint de chaque année, il se faisait
un miracle sensible dans l'église du saint sé-
pulcre; qu'avant le service divin toutes les
lampes qui étaient éteintes se rallumaient
tout à coup par un feu descendu du ciel ;
c'est la croyance des difl'érentes sectes de
chrétiens orientaux, que ce prodige s'y opère
encore aujourd'hui.
Mosheiin a lait une dissertation exprès
pour prouver que ce prétendu miracle est
faux et imaginaire, qu'il a été d'abord in-
venté par les Latins, et ensuite imité gros-
sièrement par les Grecs. Il observe que l'on
n'en aperçoit point de vestiges avant le ix'
siècle; que Guibert, abbé de Nogeiit, mort
l'an 112i, est le premier qui en ait parlé
d'une manière positite dans son histoire
intitulée (resta Dei per Francos. Conséqiiem-
nient il conjecture (lue cette Iraude pieuse a
commencé sous le règne de Charlemagne ou
immédiatement après. On saii que ce prince
acquit beaucoup de considération à Jérusa-
lem; quelques auteurs ont écrit que les clefs
du saint sépulcre lui avaient été envoyées
par le calife Aaron Al-Rascbild, ou plutôt
par Zacliarie, patriarche de Jérusalem; les
Latins y jouirent d'une pleine liberté pen-
dant sa vie; mais, après sa mort, les Sarra-
sins recommencèrent à vexer cruellement
les chrétiens de la Terre sainte. C'est alors,
dit Mosheim, que, pour soutenir la pieté, le
courage et la liberté des pèlerins, les prépo-
sés du saint sépulcre trouvèrent bon de con-
trefaire un miracle qui fui bientôt divulgué
et cru dans toute la chrélienié. Il ac(iuil un
nouveau crédit, l'an 1099, lorsque les Fran-
çais se furent rendus maitres de Jérusalem
et de la Palestine. Lorsqu'ils en furent chas-
sés à la lin du xii' siècle, les lirecs trouvè-
rent bon de continuer la même frauib', et en
ont souvent voulu tirer avantage contre les
Latins. Dissert, ad Uist. eccl. periin., t. II,
p. 214-. \'olney, dans son Voyaije de Syrie,
dit nue les Français ont découvert que les
DlCT. UE Théol. dogmatiqde. IV.
SER
458
prêtres, retirés dans la sacristie, rallument
le feu par des moyens très-naturels.
Comme cette opinion n'est qu'une conjec-
ture, et qu'elle n'est fondée sur aucune preuve
positive, ce serait perdre le temps que de
s'occupera la réfuter. Pour en juger saine-
ment il faudrait avoir des narrations du fait
mieux circonstanciées que celles que nouy
en donnent les écrivains des bas siècles.
D'ailleurs, que ce miracle ait été toujours
faux, ou vrai dans l'origine, et contrefait
dans la suite, c'est une question qui ne tou-
che pas d'assez près à la religion, pour nous
en mettre en peine. Que les chrétiens des
différentes sectes qui vont à Jérusalem soient
trop crédules, il ne s'ensuit rien contre le
respect dû aux lieux saints consacrés par
les mystères du S luveur.
SÉPULTURE. Voy. Funérailles.
♦SÉPULTURE ECCLÉSIASTIQUE. Nous avons
irailé de la sépulture ecclé^iasliciiie dans notre Dic-
lionii.iire de Tliéologiii morale. Nous nous coiilen-
tons d'observer ici que, coiisidirées sous le rapport
religieux, les sépultures sont exclusivement du res-
sort (le l'autnrité ecclé~iasiii|ue, qui a le droit de
régler tout ce qui les concerne.
SÉRAPHIN. Voy. Ange.
SERMENT. Foi/'. Jurement.
SERMON. Voy, Prédicateur.
Sermon DE Jésus-Chiiist suu lv montai.ne.
Voy. Morale Chrétienne.
SERPENT. Voy. Adam (1 .
(1) Le fait le plus important de l'Iilsioire de l'Iiu-
maniié est sans aucun doute la chute du pr^'inier
des mortels. La lèpre du péché remplaça la ju-.lice
el la sainteté ; nn fatal entr.iiuenient vers le mal
affaililit la pleine et emière liberté. A la féliciii^ la
plus parfaite succédèreul les maux les plus effroya-
bles, et par-di'ssus tout la terrible mort qui nous fait
frémir d'horreur, contre laquelle toute notre nature
se révolte. Elle est hiin naturelle la curiosiié de
riioiniiie nui veut savoir comment arriva ce irjsla
événement (|ui eiUraiua la ruine de l'IinmarMlé.
L'Ecnture nous ap|ireud que la féliciié des anges
rebelles fut changi'e en la irisie consolation de se
faire des compagnons de leur leisère, e.i leur bien-
heureux exercice au miséralile emploi de (enter les
hommes. L'homme, que Dieu avait mis un peu au-
dessous des auges, devint au plus parfait de tous un
olijet de jalousie. Il voulut l'enlrdner dans la ré-
bellion, pour easuite l"onvelopp,-r dans sa perte.
Dieu, pour faire sentir à Adam qu'il av.iii un maître,
lui avait délendu de manger du fruit de l'arhre de la
science du liien et du mal. L'es|irit de ténehres ré-
sdiit de le faire violer ce précepte. 11 arrime un ser-
pi'iit, l'adresse à t.ve comme à la plus (aihle, et lui
dit : Pourquoi Dieu vous a-l-il lait dclense de man-
ger du Iruii de l'arbre de la science? S'il vous a faits
raisonnables, vous devez savoir la raison de tout.
Ce Iruil n'est pas un poison ; vous n'eu mourrez
pas ; vous serez comme des dieux, lilires et iiidé-
peirdanis ; vous saurez le bien et le mal. Eve. à
demi gagnée, reganle le Iruil, dont la bearilé pro-
nieilail irn goiit excellerrt. Après avorr m.Érrgéde ce
beau Iririt, elle eu présente eile-inênie à son mari.
Le voilà dangereu-.emenl aitai|ué. L'exerirple. h
complaisance loriiiieui la terrulron • il succombe.
En même leirrps tout ch mge poirr lui. I.a malôdic-
lioii de Dieir tombe rl'anord sur le serpeirt, qu'il
corrdaurrre à rairrper, à se rrourrir de terre, à élre
uir objet d'exécraiion pour les niorlels ; ensuite il
(rappe Ihomme et toute sa postérité. — Telle est en
4.9
SER
SER
460
SERPENT D'AIKAIN. Nous lisons dans le
livre des Nombres, c. xxi, v. 6, que, pour
punir les murmures des Israélites dans le
peu de mois la lenlalioii de nos premiers parents,
ciiniine elle nous est racontée dans nos livres b:imiIS.
Il laiii avouer qu'elle renferme quelque chose d'énig-
iiKUique. Faul-il la prendre à la lellre, on bien sous
lo voile de l'allégorie? Moïse antail il voulu nous
indiquer la vérité plutôt que nous la montrer tout
enliére? Les interprètes ne sont point d'accord sur
ce point. Quelques-uns oui snulenu le sens allégo-
ri(|ue; la presque lolulité a embrassé le sens litté-
ral. Nous allons exposer les deux opinions.
Ire OPINION. — Système altéyorique. Lorsqu'on sort
de la simple vérité pour embrasser d'ingénieuses
lictions, on abaniloime celte confonnilé de senti-
ments qui caractérise le vrai. Chacun crée son sys-
lèine, le développe, l'appuie sur des motifs qui,
ordinairement, n'ont de réalité que dans la folle
imagination qui les invente. Celle observation peut
s'appliquer à ceux qui ont enlemlu dans un sens
allégorique le passage de l'Ecriture qui nous occupe.
—Le juif l^hilon ne vit dans la prétendue inlervenlion
du serpenl que le lang;ige de la concupiscence. Des
écrivains du xvm" siècle développèrent ce syslèiue :
Adam et Eve si^ rrgaidèient avec complaisance ; les
désirs suivirent de près, ils les salistirenl. Voilà ce
qui explique la h inie dont ils l'nriut saisis, el q'ii
s'est perpétuée d'âge en âge. Celle inlerprétaiion
repose sur un fûiideiuent ruineux ; elle suppose la
concupiscence exisianl avant lu cliuie de nos pre-
miers parents; ce qui est conlraiie à l'Ecriture, qui
nous dit que la connainsance du mal ne fui que la
suite du péché d'Adam. Tel est aussi la croyance de
tous les docteurs. — Le juif Aberdauie a niodiûé le
seutimentde Philnn. Il dii qu'un serpenl, poussé par
le démon, iiionla sur l'arbre de la science du bien
et du mal. Il mangea du fruit défendu. Eve le vil.
S'élant aptrçue qu'il ne lui arrivait aucun mal, elle
fut lenti e de l'uniier ; ce qu'elle hi eu etfel. Dans
celle opinion, le colloque rap; orié dans l'Kcrilure
serait une pure fiction de Moïse. — Cajéian adniei
toute la narraiioii; mais, selon lui, le drame se passe
en songe. A sou réveil, poursuivie par les illusions
de son sommeil, Eve s'y abandonna et prit du fruit
défendu. Dans celle supposition, Il n'y a donc dans
la tentation aucune cause morale et agissante, comme
l'admet l'écrivain sacié. Kosen Muller, suivi des
rationalistes allemands, entend d'une lenlaiiou ordi-
naire la tentation de nuire mère Eve. Pour rendre
ciunple du texte sacré, il croit que Mnîse écrivit ce
passage en hiéroglyphe. Le iraduclenr prit pour
une réalité ce qui n'éiait que symbolique. Mais, où
Rosen Muller a-i'il vu que le l'enialeuque fut écrit
primitivement en hiéroglyphes? Ureiiiéié; si le
traducteur fût tombé dans une erreur aussi gros-
sière, quelle confiance puurrail-on avoir aux faits
contenus dans le Peuiaieuque? Celle assenion, pous-
sée jusque dans ses dernières conséquences , ne
tendrait à rien moins qu'à détruire le foudemeni de
la foi. — Pour recourir à des inierpréiaiions aussi ar-
bitraires, y a-i-il impossibilité absolue d'entendre
dans le sens liltéral le passage de l'Eciiiure qui
nous occupe? Le sens littéral est il évidemnieiit
contraire à quelque vérité dogmatique ou morale?
A-l-il été rejeté par les Pères et par les interprèles ?
Nous allons voir qu'il n'en est rien.
li« OPINION. — Scm liltéral. Les Pères ont (lé una-
niines pour entendre dans le sens littéral le passage
qui nous fait connaître les circonstances qui accoinpa-
gnèrenl la chule de nos premiers parents. Ceux mé.nes
qui se sont alliré le blàuie pour leur amour excessif
des allégories, \ irent un véritable serpent qui (ul l'in-
Blrumcnl du démon. Le célèbre Origénu s'exprime
ainsi ; Veriis serpens a dœmoiie inspirutns. L'Eglise,
dans sa liturgie, ne pense pas anlremeiu. Voici
désert, Dieu leur envoya des serpents dont
les morsures en firent mourir un grand
nombre; qio, pour guérir ceuK qui étaieiit
Messes, Moïse, par l'ordre do Dieu, fit faire
un serpenl d'airain, et que lous ceux qui le
regardaient étaient guéris. Les incrédules
qui ne veulent point reconnaître de miracles
dans l'histoire sainte, onl contesté celui-ci;
ils ont dit, '1° que cette guérison a pu se f.iire
par la force de l'imagination des malades;
2° que l'espérance d'être guéri en regardant
ce serpent était un culte superslilieus, un
acte d'idolâtrie et de magie ; 3° que le roi
Ezécliias en jugea ainsi, puisque eu faisant
détruire tous les objets d'idolâtrie , il fit bri-
ser cette figure (|ub l'on avait conservée jus-
qu'alors; 4" que ce culte dure encore au-
jourd'hui dans l'Eglise romaine.
Ces réflexions sont trop absurdes pour
exiger de longues discussions. 11 est certain,
en premier lieu, qu'il y a dans l'intérieur de
l'Afrique des serpeats ailés dont la morsure
est Irès-venimeuso, surtout pendant les
grandes chaleurs ; que non-seulement il est
impossible d'en guérir par la force de l'ima-
(,'ination, mais que l'on ne connaît encore
point de reirtède naturel capable de soulager
ceux qui en i-onl atteints : la guérison des
Israélites opérée par des regards jetés sur
le serpmit d'airain, était donc évidemment
surnaturelle et miraculeuse. En second lieu,
il e3i faux que l'aclion de le regarder avec
ommeiil elle s'exprime dans la préface pour le
temps de la passion : Qiti saiutem humani generis
in ligne crucis constituisii , lit ur.ûe mors oriebatur,
iiide l'ila ^'esurgeret, et qui in ligno vincebut in tigno
(luoq'ue viiiceretnr. Certes, pour abandonner une in-
lerprétaiion appuyée sur de pareils motifs, il l'auilrail
des raisons bieii puissantes. Que sont donc celles
qu'on nous oppose? Ou nous demande, 1" coinnient
Eve a osé converser avec le serpent? La réponse
est facile : les animaux éiant alors soumis à l'hom-
me , Eve savait qu'elle n'avait rien à craindre.
2" (Comment pul-elle se laisser prendre à un piège
aussi grossier? iSaini Augustin lépoiid que, sans la
concupiscence, la 'enime put être étonnée de voir
que Dieu perm< liait à un animal de l'outrager. La
complaisance avec laquelle elle écouta le <liscours
qu'il lui liiil, lui lit commellre un péché véniel qui
l'entraîna à la terrible chine que nous déplorons.
5' Mais esl-il croyable qu'un serpent ail pu parler?
Le démon put agiter sa langue de manière à pro-
duite des sous iiui fiisseni entendus d'Eve. A" Puis-
que le serpent ne fui que l'instrument dont se servit
le démon, la punition que Dieu lui iiiQigea d'il pa-
raître injuste. Saint Jean Chrysoslume s'était pro-
posé cette dillicnlté. De même, dit ce saint docteur,
qu'un père tendre punil celui qui a frappé son fils,
ei brise eu même temps l'épée qui a l'ait la bles-
sure, ainsi le Seigneur, en l'aisani tomber une nou-
velle iii;d(^di('iion sur le démon, retendit au serpenl
liii-iiièuie. Celle puniiion ai-elle changé (|uelque
chose à la nature du serpent ! Quelques ailleurs ont
pensé qu'avant la i linie d'Adam le -erpeiil marchait
droit, que depuis il fut condamné à ramper el à
manger la terre. La plupart des comineotalenrs
croient qu'il n'y a rien de changé dans la nature du
serpenl, qu'il rampait sur la terre el s'en nourris-
sait. Dieu a choisi celle particularité dans la nature
du serpent pour nous rappeler la p.irl qu'il a eue à
notre malheur. Ainsi il désigna l'arc-en-ciel c-ooitue
un signe de confiance.
(onfiaiicc l&l un culte ; les Israélites avalent
éift mslrnils par Moïse que coite fi;^'urc (l'ai-
riin n'avait la vertu de guérir l,i morsure
lies serpents que par une volonté parlicu-
llèiede Dieu : or, Il n'y a ni superstition,
ni nta|{ie, ni idolâtrie à faire ce qu'il est
certain que Dieu a ordonné. 3° il n'en était
plus de même sous le rèyiied'Ezéchias, près
de 800 ans après AIoïsc; le serpent d'airain
ne pouvait plas servir que de nionutncnt au
miracle opéré dans le désert. Alors li's Israé-
lites qui étaient tombés plus d'une luis dans
l'idolâtrie, étaient accoutumés à honorer
comme des dieux des idoles de toute espèce ;
ih ne pouvaient attribuer au serpent d'airain
aucune vertu, à moins de supposer qu'il
était le séjour ou 1 instrument d'un dieu pré-
tendu, d'un génie, d'un esprit invisible et
puissant qui voulait y recevoir des liom-
luages : idée fausse, mais qui a été celle tie
tous les idolâtres. k° Nous nu savons pas sur
quel fondement Prideau\ a osé dire : « .Mal-
gré lelémoign.ige formel de l'Ecriture sainte,
les catholiques romains ont l'impudence de
soutenir que le serpent d'uirain , gardé â
Milan dans l'église de Saint-Ambroise , et
exposé A la vénération du peuple, est le même
que celui qui fut fabriqué par Moïse dans le
dé>ert; et on lui rend encore aujourd'hui un
culte aussi grossièrement superstitieux (]ue
celui que les Israélites lui rendirent sous le
règne d'Ezéchias. » Hisl. des Juifs, lib. i,
t. I, p. 10. Aucun auteur connu ne s'est
avisé d'assurer celle identité, et n'a imaginé
qu'on rendait un culte à celte figure. (Juand
on conserve un ancien objel par curiosité,
ce n'est pas pour lui rendre un culte; l'ori-
gin(! du serpent d'airain de Milan n'est pas
ilillicile à deviner.
Jésus-Christ a dit dans l'Evangile, Joan.,
c. m, \.k: De m me r/iie Muïse a élevé le ser-
pent d'aibaim dans le désert, ainsi il faut que
le Fils de l'homme soit élevé, afin que quicon-
que croit en lui ne périsse pas, mais obtienne
la lie éternelle. Dès ce moment la ligure du
serpent d'uirain a été le symbole de Jésus-
Christ crucifié. Conséquemment dans les bas
siècles, lorsque l'on représentait les mystè-
res, surtout celui de la passion, l'on :iiil sous
les yeux des spectateurs un serpent d'airain,
par allusion aux paroles de l'Evauiiile. Cette
ligure a été conservée dans l'église de Milan,
comme le monument d'un ancien usage, et
non comme un objet de vénération ou de
culte, il faut être aussi malicicusemenl pré-
venu que le sont les protestants pour ima-
giner que l'on rend un culte au serpent d'ai-
rain fabriqué par Moïse, par imitation des
juifs idolâtres.
SEllVÉTISTE.S, quelquesauteurs ont ainsi
nommé eeux qui ont soutenu les mêmes er-
reurs que Michel Serval, médecin espagnol,
chef des anli-triiiitaires, des nouveaux ariens
ou des sociniens. Ou ne pcul pas dire exac-
tement que Servel ait eu des disciples de
son vivaut; il fut brûlé à Génère avec ses
livres l'an 155J, à hi sollicitulion de Calvin,
avant que ses erreurs sur la Trinité eussent
pu prendre racine, Mais i'uu a nommé ser-
SI'.R
4Ce
vttistes ceux ((ui dans la suite ont soutenu
les mêmes sentiments. Sixli> de Sienne a
même donné ce nom à d'anciens anabaptis-
tes de Suisse, dont la doctrine était conforme
à celle de Servet.
Cet homme, quia fait tant de bruit dans le
monde, naquit à Villanova, dans le royaume
d'Aragon, l'an 1500 : il montra d'abord beau-
coup d'esprit et d'aplilude pour les sciences ;
il vint étudier à Paris, et se rendit habile
dans la médecine. Dès l'an lo.31, il donna la
première édition de son livre contre la Tri-
nil:'", sous ce titre: De Trinitatis erroribtis
libri septem, per iMichaelem Servetum, alias
Jteves, ab Araiionia Hispunum. L'année sui-
vante, il publia ses Di.ilnpues avec d'autres
traités, qu'il intitula : Dialoqorum de Trini-
lalc libri duo ; de Jusiilia regni Christi capi-
tula quatuor, per Michalem Servetum, etc.,
anno 1532. Dans la préface de ce second ou-
vr.ige, il déclare qu'il n'est pas coulent du
premier, et il promet de le retoucher. Il
voyag a dans une partie de l'Europe, et en-
suite en France, uù après avoir essuyé di
verses aventures, il se fixa à Vienne en
Danphiné, et il y exerç la médecine avec
beauei)up de sui ces. C'est là qu'il forge.i une
espèce de système thiologique, auquel il
donna jiour litre : Le rélaliiissemtnl du chris-
tianisme, Christianismi restiiutio, et il le fil
imprimer furtivement l'an 1553. Cet ouvrage
est divisé en six parties : la première r-on-
tienl sei)t livres sur la Tiinité; la seconde,
trois livre, de Fide et Justitia reijni Christi,
leijis justitiam superanlis, et deCUariiale; la
troisième est divisée en quatre livres, et
traite de liegeneralione ne Manducutione su-
perna, elde Regno Anlichristi; la quatrième
renl'ermo tiente lettres écrites à Calvin ; la
cinquième donne soixante marques du règne
de l'Antéchrist, et parle de sa manfestalion
comme déjà présente; enfin la sixième a
pour titre: De mtjsteriis Trinilatis cxvelerum
disiiplinu, ad Philippum M clanchthunem et
ejus collegas Apologui. On lui atlrihue encore
d'autres ouvrau;cs. Vog. Sandius, Bibliot.
Antilrinilar., p. 12. Pendant (|u'il faisait im-
primer sou Christianismi rcstitutio, Calvin
trouva le n»oyen d'en avoir des feuilles par
trahison, cl il les envoya à Lyon avec les
lettres qu'il avait reçues de Servei ; celui-ci
fut arrête et mis en prison. Comme il trouva
moyen de s'échapper, il se sauva ù GcMièvc,
poir passer delà en Italie. Calvin le fit sai-
sir, et le déféra au consistoire comme un
blasphémaleur; après avoir pris les avis îles
magistrats de Bàlc, du Benie, de Zurich, de
SehalThouse, il le fil condaainerau supfdice
du feu par ceux de Genève, et la sentence .
fut exécutée avec des circoustanccs dont la
cruauté fait frémir.
C<'lle conduite de Calvin l'a couvert d'op-
probre, lui et sa prétendue reforme, malgré
les palliatifs dont ses partisans su sonl ser-
vis pour l'excuser. Ils ont dit que c'était dans
Calvin uu reste de papisme dont il n'avait
encore pu se défaire; que les loix portées
contre les hérétiques par l'empereur Frédé-
I le il élaieul encore observées à (lenève. Ce^
465
SEK
SER
464
deux raisons sont nulles et absuroes. l" Ser-
vet n'était justiciable ni de Calvin ni du ma-
gistral de Genève ; c'était un étranger qui ne
se proposait point de se fixerdans celle ville,
ni d'y enseigner sa doctrine; c'était violer le
droit des gens que de le juger suivant les lois
de Frédéric II. 2° Calvin avait certainement
déguisé à Servet la haine qu'il avait conçue
contre lui, et les poursuites qu'il lui avait
suscitées; autrement celui-ci n'aurait pas
été assez insensé pour aller se livrer entre
ses mains : C'ilvin fut donc coupable de tra-
hison, do perfidie, d'abus de confiance et de
violation du secret naturel. Si un homme
constitué en autorité parmi les catholiques
en avait ainsi agi contre un protestant, Cal-
vin et ses sectaires auraient rempli de leurs
clameurs l'Europe entière, ils auraient fait
des livres de phiinles et d'invectives. 3" H
est fort singulier que des hommes suscités de
Dieu, si nous en croyons les protestants, pour
réformer l'Eglise et pour en détruire les er-
reurs, se soient obstinés à conserver la plus
pernicieuse de toutes, savoir, le dogme de
l'intolérance à l'égard des hérétiques: c'est
la première qu'il aurait fallu abjurer d'a-
bord. Cela est d'autant plus impardonnable,
que c'était une contradiction grossière avec
le principe fondamental de la réforme. Ce
principe est que la seule règle de notre foi
est l'Ecriture sainte, que chaque pnrliiulier
est l'interprète et le juge du sens qu'il faut
y donner, qu'il n'y a sur la terre aucun tri-
bunal infaillible qui ait droit de déterminer
ce sens. A quel litre donc Calvin et ses par-
tisans ont-ils eu celui de condamner Servet,
parce qu'il entendait l'Ecriture sainte aulre-
menl qu'eux ? En France, ils demandaient la
tolérance ; en Suisse, ils exerçaient la lyryn-
nie. 4-° Quand les catholiques auraient con-
damné à mort les hérétiques précisément
pour leurs erreurs, ils auraient du moins
suivi leur principe, qui est que l'Eglise ayant
reçu de Jésus-Christ l'autoriié d'enseigner,
d'expliquer l'Ecriture sainte, de condamner
les erreurs , ceux qui résistent opiniâtre-
ment à son enseignement sont punissables.
Mais nous avons prouvé vingt fois dans le
cours de cet ouvrage, que les catholiques
n'ont jamais puni de mort des hérétiques,
précisément pour leurs erreurs, mais pour
les séditions, les violences, les attentats con-
tre l'ordre public dont ils étaient coupables,
et que telle est la vraie raison pour hiqueile
on a sévi contre les protestants en particu-
lier. Voy. HÉRÉTIQUE, § 1, Calvinisme, To-
lérance, etc. Or, Servel n'avait rien lait de
semblable à Genève.
Mais, en condamnant sans ménagement la
conduite de Calvin, le traducteur de ïlJis-
toire ecclésiasti(jue i\e Moslieim a très-mau-
vaise grâce de nommer Servet un savant et
spirituel martyr: Mosheim n'a pas eu la té-
mérité de lui donner un titre si respectable ;
tous deux conviennent que cet hérétique
joignait à beaucoup d'orgueil un esprit ma-
lin et contentieux, une opiniâtreté invinci-
ble et une dose considérable de fanatisme,
Hist. ecclés., xvr siècle, sect.3, ii' part.,c. 4,
§4-; c'est donc profaner l'auguste nom de
martyr, que de le donner à un pareil in-
sensé.
Quelques sociniens ont écrit qu'il mourut
avec beaucoup de constance, et qu'il pro-
nonça un discours tres-sensé au peuple qui
assistait à son supplice ; d'autres écrivains
soutiennent que cette harangue est suppo-
sée. Calvin rapporte que, quand on lui eut lu
la sentence qui le condamnait à être brûlé
vif, tantôt il parut interdit et sans mouve-
ment, tantôt il poussa de grands soupirs,
tantôt il fit des laîoenlations comme un in-
sensé, en criant miséricorde. Le seul fait
certain est qu'il ne rétracta point ses er-
reurs.
Il n'est pas aisé d'en donner une notice
exacte ; la plupart de ses expressions sont
inintelligibles : il n'y a aucune apparence
qu'il ait eu un système de croyance fixe et
constant; il ne se faisait aucun scrupule de se
contredire. Quoiqu'il emploie contre la s.iinte
Trinité plusieuri» des mêmes arguments par
lesquels les ariens attaquaient ce mystère,
il proteste néanmoins qu'il est fort éloigné
de suivre leurs opinions, qu'il ne donne
point non plus dans celles de Paul de Samo-
sate. Sandius a prétendu le contraire, mais
Mosheim n'est pas de même avis. Suivant ce
dernier, qui a fait en allemand une histoire
assez ample de Servet, cet insensé se per-
suada que la véritable doctrine de Jésus-
Christ n'avait jamais clé bien connue ni en-
seignée dans l'Eglise, même avant le concile
de Nicée, et il se crut suscité de Dieu pour
la révéler et la prêcher aux hommes; con-
séqueniment il enseigna « que Dieu, avant
la création du momie, avait produit en lui-
même deux représentations personnelles, ou
manières d'être, qu'il nommait économies,
dispensalions, dispositions, eic, pour servir
de médiateurs entre lui et les hommes, pour
leur révéler sa volonié, pour leur faire part
de sa miséricorde et de ses bienfaits; que
ces deux représentations étaient le Verbe et
le Saint-Esprit; que le premier s'était uni à
l'homme Jésus, qui était né de la vierge Ma-
rie par un acte delà volonté toute-puissante
de Dieu ; qu'à cet égard on pouvait donner à
Jésus-Christ le nom de Dieu; que le Saint-
Esprit dirige et anime toute la nature, pro-
duit dans l'esprit des hommes les sages con-
seils, les penchants vertueux et les bons sen-
timents ; mais que ces deux représentations
n'auront plus lieu après la destruction du
globe que nous habitons, qu'elles seront ab-
sorbées dans la Divinité d'où elles ont été
tirées. » Son système de morale était à peu
près le même que celui des anabaptistes, et
il blâmait comme eux l'usage de baptiser les
enfants.
Par ce simple exposé, il est déjà clair que
l'erreur de Servet touchant la Trinilé était
la même que celle de Pholin, de Paul de Sa-
mosate et de Sabellius, et qu'il n'y avait rien
de différent que l'expression. Suivant tous
ces sectaires, il n'y a réellement en Dieu
qu'une seule personne ; le Fils ou le Verbe
et le Saiul-Esprit ne sont que deux diffé-
46S
SER
SEK
4«6
rentes manières d'envisager et de concevoir
les opérations de Dieu. Or, il est absurde
d'en parler comme si c'étaient des substan-
ces ou des personnes distinctes, et de leur
atlribuer des opérations, puisque les préten-
dues personnes ne sont que des opéralions.
Dans ce même système, il <'st absurde de dire
que le Verbe s'est uni à l'bumanilé do Jé-
sns-Christ, puis(ju« ce Vcrhc n'est autre
chose que l'opération niéme par laquelle
Dieu a produit le corps et l'àmn de Jésus-
Christ dans le sein de la sainte Vierge, lin-
fin, il est faux que dans cette hypothèse Jé-
sus-Christ puisse être .'ippelé Dieu, sinon
dans un sens très-abusif; celte manière de
parler est plutôt un blasphème qu'une vé-
rilé.
il n'est pas étonnant que cet hérétique ait
répété contre les orthodoxes les mêmes re-
pioches que leur faisaient déjà les ariens ;
il disait comme eus que l'on doit mettre au
rang des athées ceux qui adorent couime
Dieu un assemblage de divinités, ou qui font
consister l'essence divine dans trois per-
sonnes réellement distinctes et sulisistatites ;
il soutenait que Jésus-Christ est Fils de Dieu,
dans ce sens seulement qu'il a été engendré
dans le sein de la s.iinte Vierge par l'opéra-
tion du Saint-l!!sprit, par conséquent de
Dieu même. Mais il poussait l'absurdité plus
loin que tous les anciens hérésiarques, en
disant que Dieu a engendré de sa propre
substance le corps de Jcsus-ChrisI, et que ce
corps est celui de la Divinité. Il disait aussi
que l'âme humaine est de la substance de
Dieu, qu'elle se rend mortelle par le péché,
mais que l'on ne commet point de péché
avant l'âge de vingt ans, etc. Sur les autres
articles île doctrine, il joignit les errt'urs
des luthériens et des sacramentaires à celles
des anabaptistes, Hist. du Socin., \v part.,
p. 221.
Il est donc évident que les erreurs de
Servel ne sont qu'une extension ou une
suite nécessaire des principes de la réforme
ou du protestantisme ; il argumentait con-
tre les mystères de la sainte Trinité et de
l'Incarnation, de la même manière que Cal-
vin et ses adhérents raisonnaient contre le
mystère delà présence réelle de Jésus-Christ
dans l'eucbarislie, et contre les autres dog-
mes de la croyance catholique qui leur dé-
plaisaient ; il se servait, pour entendre l'E-
criture sainte, de la môme méthode que sui-
vent encore aujourd'hui tous les prolestants.
S'ils disent qu'il l.i poussait trop loin et qu'il
en abusait, nous les prierons de nous tracer
par l'Ecriture sainte la ligne à la(|uelle5er-
vel aurait dû s'arrêter. Ouoi qu'ils disent,
il est démontré que le protestantisme est le
père du servélisme et du socinianisme, et que
les réformateurs, en voulant le détruire,
ont vainement lâché d'étoulTer le monstre
qu'ils avaient eux-mêmes nourri et enfanté.
Vul/. SOCINIANISMIÎ.
SERVICE DIVIN. Ce sont les prières, le
saint Siicriflce, les offices et les cérémonies
qui se célèbrent dans l'Eglise chrétienne, et
dans lesquels consiste le culte extérieur du
christianisme, que l'on appelle aussi la Li-
Ti'iiGiE. Voy. ce mot. Dès le temps de Ter-
tullien, le service divin se nommait le sacri-
fice, de Cttltu feinin.,\. ii, c. 11, parce que la
consécration de l'eucharistie en fut toujours
la partie principale. Nous en avons suffisam-
ment parlé aux mots Heures canoniales,
LiTiiRGrE. Messe, Office divin, etc.
SERVITES, ordre de religieux ainsi nom-
més parce ((u'ils font profession d'être ser-
viteurs de la sainte \ierge; ils observent la
règle de saint Augustin et plusieurs prati-
ques différentes de celles des autres ordres.
Celui-ci fut institué par sept marchands flo-
rentins qui renoncèrent au négoce, l'an 1223,
et se retirèrent à Monle-Senario, à dix lieues
de Florence, pour v;iquer aux exercices de
piété et de mortific.ilion: l'an 1239, ils reçu-
rent de leur évêque la règle de saint Augus-
tin ; ils prirent un habit noir, afin d'hono-
rer particulièrement le veuvage de la sainte
^'ierge ; ils élurent pour leur général Bon-
filio-Monaldi, l'un d'entre eux. Cet ordre fut
redevable de ses prinripaux accroissements
dans la suite à saint Philippe Bénizi, leur gé-
néral, dont les vertus et le zèle édifièrent
l'Europe entière pendant une bonne partiedu
XIII' siècle. Il futapprouvé par Alexandre IV,
confirmé au concile général de Lyon-par
Grégoire V et par Benoît XI ; daus le xv
siècle, Martin V et Innocent VIII le mirent
au nombre des ordres mendiants. L'an 1593,
le relâchement s'y étant introduit, une par-
tie des religieux se réformèrent et rétabli-
rent l'observance rigoureuse de Icurinstitat
dans les ermitages de Monte-Senario; ces
réformés prirent le nom de serviles-ermites.
Le frère Paul Sarpi, trop connu par l'his-
toire qu'il a donnée du concile de Trente,
était religieux servile avant la réforme. Cet
ordre n'est point établi en France, mais il
est très-connu en Italie et ailleurs ; il est au-
jourd'hui divisé en vingt-sept provinces. Il
\ a aussi en Italie des religieuses servîtes
qui observent la même règle que les reli-
gieux.
SERVITEURS DES MALADES. Toy.
Clercs réguliers.
SERVITUDE. Ce terme dans FEcriture
sainte ne doit pas toujours être pris à la ri-
gueur ponrl'esclavage proprement dit; sou-
vent il signifie seulement l'état d'un peuple
tributaire et assujetti à un autre. L'état des
Israélites en Egypte est communément ap-
pelé servitude; Dieu leur ordonne de traiter
leurs esclaves avec humanité, en se souve-
nant qu'ils ont été eux-mêmes esclaves
[Servi] en Egypte. De même ils ont nommé
servitU'tes les temps où ils furent assujettis
par quelques-uns des peuples de la Pales-
tine, après la mort de Josué. Néanmoins
dans ces différentes circonstances ils n'é-
taient pas réduits à l'esclavage domestique,
dépouillés de toute propriété, exposés à être
vendus à des étrangers, etc. Pendant qu'il»
étaient le plus mallrailés en Egypte, ils pos-
sédaient la contrée de Gessen, où ils étaient
exempts des lléaux que .Moïse faisait tomber
sur les Egyptiens, Exod., c. ix, y. 26, atc.
iC7
SET
SEV
468
Lorsque par une victoire ils avaient secoué
le joug des Philistins, des Moabites, ou des
Chananéens, toute servitude cessait. Les in-
crédHles qui ont abusé de ce terme pour en
conclure que les Hébreux ont toujours clé
esc/ai'es, ont cherclié à en imposer aux igno-
rants. Quant à la servitude domestique on à
l'esclavage proprement dit, nous avons
prouvé ailleurs que Moïse n'a point prêché
contre le droit naturel, lorsqu'il l'a toléré
parmi les Israélites. Voy. Esclavagd. Ou ne
doil pas prcmlre non plus à la rigueur les
passages de l'Ei^riture sainte, dans lesquels
il est dit que par la coiicopisconce l'homme
est esclave du péché, captif ou réduit en ser-
vitude .sous la loi du péché, elc. S linl Paul,
qui se sort de ces expressions, nous déclare
que par esclavnçje et servitude il entend une
obéissance volontaire. Ne savez-vous pas,
dit-i'l, Rom., c. vi, v. 16, que vous voxis ren-
dez ESCLAVES de celui à qui vous vous présen-
tez pour obéir, ou du péché pour en recevoir
ta mort, ou de la justice pour en S'ivre les
mouvements?. ...A pr'seiit, délivrés du péché,
vous êtes devenus esclaves de la justice.
C. VII, V. 23 : Jt' vois dans m<'s membres une
loi qui combat contre ce'le de mon esprit, et
qui me captive sous la loi du péché l'o-
béis donc {^iervUt^par l'esprit à la loi de Dieu,
et pur la chair à la loi du péché, etc. Ceux
qui ont conclu de là que l'homme n'est pas
libre, qu'il est assujetti à la nécessité de pé-
cher, que Dieu lui impuie des péi hés dont
il n'est pas le niaîlre de s'abs'enir, etc., ont
étrangement abusé des termes. On doil donc
entendre dans le même sens que saint Paul
ce que disent communément les théologiens,
que par li- péché originel l'homme naît es-
clave du démon. Cette expression ne se trouve
point dans l'Ecriture sainte, et le concile de
Trente a seulemiMit décidé (\u'Adam par son
péché a encouru la mort, et avec la mort la
captivité sotfi la puissance de celui qui a eu
l'empire de la mort,c'efl-â-dire du démon ;seas.
6,de Pec. orig.,can. l.Or, ces mêmes paroles
dans saint Paul, Hebr., c. n, v. ik, ne si-
gnifient rien autre chose que la nécessité de
mourir. Il est absurde de les entendre dans
ce sens, qu'un eiifani qui vient de naître est
possédé du démon tant qu'il n'est pas bap-
tisé, et d'ouhlier que Jésus-Christ par sa
mort a détruit l'empire et le pouvoir du dé-
mon. Ibid.
SÉÏHIENS ou SÉTHITES, hérétiques du
II' siècle, qui honoraient particulièrement
le |ialriarche Silh, lils d'Adam; c'était une
branche d. s valentinicns. Ils enseignaient
que deux anges avaient créé, l'un Caïn, et
l'autre Abd; qu'après la mon de ceiui-ci la
grande vertu avait (ail naître Seih d'une pure
semence. Sans doule ils entendaient par la
grande vertu la puissance de Dieu; mais on
ne nous dit pas si c'est elle qui avait produit
les anges, dont les uns élaieiil ho s et les
autres mauvais. Ces sectaires ajoutaient que
du mélange de ces deux espèces d'anges
était née la race d'hommes vii ieux (jue la
grande vertu fit périr par le déluge, qu'une
partie de leur mé bancelé pénétra dans l'ar-
che, el de là se répandit dans le monde.
Cette hypothèse ab urde n'avait donc élé
imaginée que pour rendre raison du bien el
du mal qui se trouvent dans l'nnivrrs; il en
était de même du système des différentes
secles de frnosliques.
Théoiloret a confondu les séthieis avec les
ophites, et peut-être n'y avail-il entre eux
d'autre différence que la vénération supers-
lilieuse des premiers pour le patriarche
Selh; ils disaient que son â:ne avait passé à
Jésus-ChrisI , et que c'était le même per«on-
n.!ge; ils avaient fo-gé plusieurs livres sous
le nom de Seth et des autres patriarches.
Saint Irénée, alvers. Hœres., 1. i, c. 7 et
seq.; Teriullien, de Prœscrip., c. 47; saint
Epiidvine , Hwr. 31.
SÈVÈRIKNS, branche des encratiles, héré-
tiques du W siècle, qui avaient eu Taiien
pour premier auleur; un certain Sct'-'r» lui
succé la et se fil un nom dans la secte. On
no sait s'il suivit exactement la doctrine de
son maître; il est probable qu'il y ajoula du
sien. Pour rendre raison du hieii et du mal
qu'il V a dans le monde, il imagina qu'il
était gouverné par une troupe d'espriis ilonl
les uns sont bons , les autres mauvais : les
premiers, disait-il, oui mis dans l'homuic
ce qu'il y a de bien soit dans le corps soit
dans l'âme, comme la raison, les penchasils
louables, les parties supérieures du corps;
les seconds y ont faii ce qu'il y a de mauviis ,
la sensibilité physique, les passions, source
de toutes nos peines , les parties inférieures
du corps, etc. On doit de même attribuer
aux premiers les aliments nlilesà la santé et à
la conservation de l'homme, l'eau et toutes
les nourritures saines; aux seconds, tout ce
qui nuit à la bonne constitution du corps,
comme le vin et les femmes.
Quelques-uns des auteurs qui ont parlé
des s'vériens disent que, selon ces hérétiques,
tes bons e! les mauvais anges qu'ils adinet-
laient étaient .lubordonnés à l'Etre suprê:!ie;
n)ais il serait bon de savoir en quoi consis-
tait cette subordination. S'ils en dépendaient
po\ir agir, si l'Etre suprême pouvait les en
empêcher, il était responsable de tout le mal
produit par ces agents secondaires , el leur
action prétendue ne servait de rien pour
espliiiuer l'origine du mal. S'ils étaient
indépendants, ils bornaient donc la puissance
de l'Etre suprême; ils y mettaient obstacle,
ils étaient plus puissants que lui, et l'on ne
voit plus en quel sens on peut l'appeler
YEtre suprême. Tout ce système était inutile
et absurde. — Eusèbe et Théodoret nous
apprennent que les sévériens admettaient la
loi, les prophètes et les Evangiles; qu'ils
rejetaient les Actes des apôtres el les Lettres
de saint l'aiil. Saint Augustin dil qu'ils
rejetaient l'Ancien Testament, et qu'ils
niaienl la résurrection de la chair, quoique
la pluparl des encratiles pensassent autre-
ment. Cela prouve qu'il n'y avait rien de fixe,
de constant, d'uniforme parmi ces sectaires,
non plus que parmi les autres hérétiques;
chacun d'eux dogmatisait à son gré.
Il ne faut pas confondre ces sévériem
469
sm
du ir siècle avec les partisans de Sévérm ,
patriarche d'Antioche, qui, au vr siècle,
forma un parti considérable parmi les euty-
chiens on monophysites. Fojr. Ekcratites ,
EUTVCHIENS.
SKXAGftSlMK. Yoy. SiîPTUAGfesiMB.
SEXTI''. Yoij. IIkuuks canoniales.
SIBYLLES, prophélessps que l'on snp-
pose avoir vécu dans le p;ig;anisme, el avoir
cependant pn'dit la venue de Jésus-Christ
el l'élahlisscmont du christianisme, leurs
prétendus, oracles , composés en vers grecs ,
sont appelés oracles sibijllins. Ce que nous
allons en dire v^i tiré, pour la plus grande
partie, li'un Mémoire de V Académie des Inscrip-
tions, lom. XXIH, ùi-i"; t. XXXVIll, m-i2,
composé par M. Frérel, sur les recueils de
prédiclions, etc. Cette collection est divisée
en huit libres; elle a été imprimée pour la
première fois en 15'i3 sur des manuscrits ,
el publiée plusieurs fois depuis avec d'am-
ples commentaires. Les ouvrapcs composés
pour el contre r.uillienticité di- ces livres
sont en très-grand nombre ; quelques-uns
sont très-savants, mais écrits avec peu d'or-
dre et de critique. Fabricius , dans le pre-
mier livre de sa Bibliothèque grcctjue, en a
donné une espèce d'analyse, à laquelle il a
joint une notice assez détaillée des huil livres
sibyllins. Après de longues discussions il est
demeuré certain que ces prétendus oracles
sont supposés, el nu' ils ont été furgés vers
le milieu du u' siècle du christianisme par
un ou par plusieurs auteurs qui l'aisaient
profession de notre religion; mais il est pro-
bable qui! d'autres y ont fait des interpola-
lions, cl qu'il y en a eu plusieurs recueils
qui n'étaient pas entièrement conformes.
On sait iiu'avant le chrislianisuie il y avait
eu à Rome nu recueil d'oracles sibyllins,
ou de prophéties concernant l'empire ro-
main ; il y en avait eu môme dans la Grèce
du len)ps d'Arislote el de i'ialon; raiis les
uns ni les autres n'avaient rien de commun
avec ceux qui ont paru sous le christianisme :
Celui qui a composé ces derniers s'est [iroposé
i'imiter les anciens , el de faire croire que
tous étaient de la mémo date , pour leur
donner ainsi du crédit; mais la différence
est aisée à démontrer. 1' Les oracles sibijllins
modernes sonl une compilation informe de
morceaux détachés, les uns dogmatiques ,
cl les autres propliéliqnes, mais toujouis
écrits après les événements , e! charges d'
détails fabuleux ou très-incertains. 2° lis
sont écrits dans un dessein diamétraicneni
opposé à celui qui a dielé les vers sibyllins,
que l'on gardait .1 Rome. (>eux-ci prescri-
vaient les sacrifices, les cérémonies, les
lêles qu'il fallait ob'-erver pour apaiser li>
courroux des dieux lorsqu'il arrivait ijuclque
événement sinistre. Le recueil moderne , au
contraire, est rempli de déclamations contre
le polythéisme et contre l'idolâtrie , el par-
tout on y établit ou l'on y su[>pose 1 unité de
Dieu. II n'y a presque aucun de ces mor-
ceaux qui ail fiu sortir de la pluie.e d'un
païen ; quelques-uns peuvenl avoir clé fails
par des juifs, mais le plus grand nombre
SIB 470
res;iirent le christianisme, et sont l'ouvrage
des hérétiques. 3° Selon le témoignage de
Cicéron, les vers des sibylles conservés à
Rome, el ceux qui avaient cours dans la
Grèce, étaient des prélictions vagues,
conçues dans le stylo des oracles, applicables
à tous les temps el à tous les lieux , et qui
pouvaient s'ajuster aux événements les plus
opposés. Au conlraire, dms la nouvelle
collection, tout est si bien circonstancié, que
l'on ne peut se méprendre aux faits que
railleur voulait indiquer, k- Les anciens
élaieiii écrits de telle sorte, qu'en réunis-
sant les lettres initiales des vers de chaque
aniele, on y retrouvait le premier vers de
ce même article; rien de semblable n'esl
dans le nouveau recueil. L'acrostiche inséré
dans le huitième livre, et (|ui est tiré du
discours de Constantin au concile de Nicée ,
est d'une espèce dilTérenle; il consiste eu
Ircnle-qu.iire vers, lionl les lettres initiales
forment le 'loToûf Kpirvà; , o-oO n.ôç , lur-np,
a-cmpôç, mais ces mots ne se trouvent point
dans le premier vers. 5' La plupart des
choses que contiennent les nouveaux vers
sibyllins n'ont pu être écrites que par un
chrétien ou par un homme qui avait lu
l'histoire de Jésus-Chrisf dans les Evangiles.
Dans un endroit l'auteur se dit enfant du
Christ; il assure ailleurs que le Christ est le
Fils du Très-Haut; il désigne son nom par
le nombre 88S, valeur numérale des lettres
du mot 'lyiTOJ,- dans l'alphabet grec. 6» Dans
le cinquiéiiie livre, les empereurs Anlonin,
Marc-Aiirèle , el Luciiis Vérus sonl claire-
ment indiqué^; d'où l'on conclut que celte
couipilalion a été faite ou achevée entre les
années l.'ÎS et lli7; d'antres disent entre 169
el 177. lille renferme encore d'autres remar-
ques clir inologi({(ies qui nous indiquent
C'Ile même époque.
Josèphe, dan^ses Antiquités judaïques,l.\\ ,
r. 16, ouvrage composé vers la treizième
année de Domilien , l'an 93 de notre ère,
cite des vers de la sibylle, (ui elli> parlait de
la tour de Babel et de la confusion des lan-
gues, à peu près comme dans la Genèse; il
faut donc (lu'à cette époque ces vers aienl
déjà passé pour aniiens, puisque l'historien
juif les elle en confirmation du récit de
Moïse. De là il résulte déjà que les chrétiens
ne sont pas les premiers auteurs de la sup-
position des oracles sibyllins. Ceux qui sonl
ciiés par saint Justin, [iir saint Tiiéophile
d'.Anlioche, par Cleiiu ni d'Alexandrie cl
par d'antres l'ères , ne se trouvent point dans
notre recueil moderne, el ne portent point
le caractère du christianisme; ils peuvenl
donc être l'ouvragi' d'un juif platonicien.
Lorsque l'on Gl sous .Marc-Aurèle la com-
pilation de ceux que nous avons à présent,
il y avait déjà du temps que ces préieudus
oracles avaient acquis un certain crédit
parmi les clirelicns. Celse, qui é< rivait qua-
rante ans auparavant sous Adrien el ses
s^cees^enrs , parlant des différentes sectes
qui pariageaienl les c'iréliens, supposait
une secte de sibyllisles. Sur quoi Origène
observe. I. v, u. Gi, qu'à la vérité ceux
471
SIB
d'enire les chrétiens qui ne voulaient pas
regarder la sibylle comme une prophétesse,
désignjiient par ce nom les partisans de
l'opinion contraire, mais qu'il n'y eut jamais
une SI cte particulière de sibylUsles. Celse
reproche encore aux chrétiens, 1. vu, n. 55,
d'avoir corrompu le texte des vers fibyllins,
et'd'y avoir mis des blasphèmes. Il entendait
par là sans doute les invectives contre le
polythéisme et contre l'iilolâtrie; mais il ne
les accuse pas d'avoir forgé ces vers. Origène
répond en défiant Celse de produire d'anciens
exemplaires non altérés. Ces passages de
Celse et d'Origène semblint prouver, 1° que
l'authenticité de ces prédictions n'était point
alors mise en question , et qu'elle était éga-
lement supposée par les païens et pjir les
chrétiens; 2° que parmi ces derniers il y en
avait seulement quelques-uns qni regar-
daient les dbylles comme des prophétes^es ,
et que les autres, blâmant celte simplicité,
les nommaient les sibylUsles. Ceux qui ont
avancé que les païens donnaient ce nom à
tous les chrétiens, n'ont pris le vrai sens ni
du reproche de Celse ni de la ré()onse d'Ori-
gène. C'est l'erreur dans laquelle est tombé
l'auteur d'un antre mémoire, dont l'extrait
se trouve dans VlJtst. de l'Acad. des Inscrip.^
tom. Xlll, ni-12, p. 150; il dit que les païens
s'aperçurent de la supposition des vers sibyl-
lins; qu'ils la reprochèrent aux premiers
apologistes, et qu'ils leur donnèrent le nom
de sibylUsles. Ces trois faits sont également
faux. On ne pouvait leur reprocher rit n
autre chose que de citer une collection de
ces oracles différente de celle qui était gar-
dée à Rome par les pontifes; mais il n'est
jamais venu à l'esprit de personne de les
comparer pour voir en quoi consistait la
différence.
Peu à peu l'opinion favorable aux sibylles
devint plus commune parmi les chrétiens.
On employa ces vers dans les ouvrages de
controverse avec d'autant plus de confiance,
que les païens eux-mêmes qui reconnais-
saient les sibylles \)Our des femmes inspirées,
se retranchaient à dire que les chrétiens
avaient falsiûé leurs écrits : question de fait
qui ne |-ouvait être décidée que par la com-
paraison des différents manuscrits. Constan-
tin était le seul qui eût pu faire cette con-
frontation, puisque, pour avoir permission
de lire le recueil conservé à Uome, il fallait
un ordre exprès du sénat. H n'est donc pas
étonnant que saint Justin , saint Théophile
d'Antioche , Athéiiagore , Clément d'Alexan-
drie, Lactance, Constantin dans son dis-
cours au concile de Nicée, Sozomène , etc.,
aient cité les oracles sibyllins aux pa'ens,
sans craindre d'être convaincus d'imposture;
il y eu avait un recueil i]ui était plus ancien
qu'eux. Comme les auteurs de ces oracles
supposaient la spiritualité, l'infinité, la
touie- puissance du Dieu suprême, que
plusieurs blâmaient le culte des intelligences
inférieures et li'S s.icrifices , et scmhlaient
faire allusion à la trinité platonicienne, les
auteurs chrétiens crurent qu'il leur était
permis d'alléguer aux païens celle oulorité
SIB 472
qu'ils ne contestaient pas, et de les battre
ainsi par leurs propres armes. Nous conve-
nons que, pour en prouver l'authenticité,
les Pères alléguaient le témoignage de Cicé-
ron , de Varron et d'autres anciens auteurs
païens, sans s'informer si le recueil cité par
les anciens était le mémo que celui que les
Pères avaient entre les mains, sans exami-
ner si celui-ci é'ait fidèle ou interpolé;
mais, puisque cet examen ne leur était pas
possible, nous ne voyons pas en quoi les
Pères sont répréhensibles. Les règles de la
critique étaient alors peu connues; à cet
égard les plus célèbres philosophes du paga-
nisme n'avaient aucun avantage sur le
commun des auteurs chrétiens. Plutarque,
malgré le grand sens qu'on lui attribue , ne
paraît jamais occupé que de la crainte
d'omettre quelque chose de tout ce que l'on
peut dire de vrai ou de faux sur le sujet qu'il
traite. Celse, Pausanias, Philostrate, Por-
phyre, l'empereur Julien, etc., n'ont ni plus
de critique ni plus de méthode que Plutarque.
Il y a de l'injustice à vouloir que les Pères
aient été plus défiants et plus circonspects.
Comme la nouveauté de la religion cliré-
tienne est un des reproches sur les(iuels les
païens insistaient le plus, parce que cette
espèce d'argument est à portée du peuple,
c'est aussi celui que nos apologistes ont le
plus d'ambition de détruire. Pour cela ils ont
allégué non-seulement des morceaux du
faux Orphée, du faux Musée, et des oracles
sibyllins, mais encore des endroits d'Homère,
d'Hésiode et des autres poètes, lorsqu'ils ont
paru contenir quelque chose de semblable
à ce qu'enseignaient les chrétiens. L'usage
que les philosophes faisaient alors de ces
mêmes autorités rendaient cette façon de
raisonner tout à fait populaire, et par cod-
séquent très-utile dans la dispute. Aujour-
d'hui de fâcheux censeurs en blâment les
Pères; mais eux-mêmes ne se font pas scru-
pule d'observer la même méthode, puisqu'ils
nous objectent souvent des lambeaux tirés
des auteurs pour lesquels nous avons le
moins de respect. — Lorsque le christia-
nisme fut devenu la religion dominante, on
fit beaucoup moins d'usage de ces sortes de
preuves; Origène, Tertullien, saint Cyprien.
Minutius Félix , n'ont point allégué le témoi-
gnage des sibylles; Eusèbe, dans sa Prépara-
tion évangélique , où il montre beaucoup
d'érudition, ne le cite que d'après Josèphe;
lorsqu'il rapporte quelques oracles favora-
bles aux dogmes du cliristi/inisme , il les
emprunte toujours de Porphyre , ennemi
déclaré de notre religion. La manière dont
saint Augustin parle de ces sortes d'argu-
ments, montre assez ce qu'il en pensait.
« Les témoignages , dit-il , que l'on prétend
avoir été rendus à la vérité par la sibylle,
par Orphée et par les autres sages du paga-
nisme que l'on veut avoir parlé du Fils de
Dieu et de Dieu le Père, peuvent avoir quel-
que force pour confondre l'orgueil des païens;
mais ils n'en ont pas assez pour donner quel-
(lus autorité à ceux dont ils portent le nom. »
Contra faust., 1. xv» c. 15. Dons la Citi! de
473
SIB
SIB
474
Dieu , I. XVIII, c. 4-7, il convient qne tou(cs
ces prédictions attribuées auK païens peu-
vent à la rigueur être rej^arcjées comme
l'ouvrage des chrétiens, et il conclut que
ceux qui veulent raisonner juste doivent
s'en tenir aux prophéties tirées des livres
conservés par les juifs nos ennemis.
Les controverses agitées dans les deux
derniers siècles sur l'autorité de la tradition,
ont jeté les critiques dans deux extrémités
opposées. Les protestants, dans la vue de
détruire la force du téinoigna;;e que portent
les l'ères touchant la croyance de leur siè-
cle, ont exagéré les défauts de leur manière
de raisonner, la faiblesse e( même la faus-
seté de quelques-unes des preuves qu'ils
emploient ; plusieurs catholiques au con-
traire se sont persuadés que c'en serait fait
de l'autorité des Pères lorsqu'ils déposent do
ce que l'on croyait de leur temps, si on ne
SDUtennit pas la minière dont ils ont tr;iilé
des questions indilTéreiites au fond de la re-
ligion. Consé(iuemment ils ont défendu avec
chaleur dc'i opinions dont les Pères eux-
n)èmes n'étaient peut-être pas trop persua-
di s, mais desquelles ils ont cru pouvoir se
servir contre les païens, comme d'un argu-
mi'iil personnel; telle parait avoir été celle
du surnaturel des oracles. Cela n'est certai-
nement pas nécessaire pour conserver à
l'enseignement dogmatique des Pères tout le
poids qu'il doit avoir.
Mais comment excuser la témérité des
protestants, qui, pour rendre raison de la
nuiltitiiile des livres sup|)osés dans le ic et
le ur siècle de l'Eglise, ont dit que, suivant
le sentiment commun des anciens Pères, il
était permis de se servir de mensonges,
d'impostures, de fraudes pieuses, pour éta-
blir la vérité, qu'ils ont suivi ce principe
dans le» disputes qu'ils ont eues avec les
païens ; qu'ils l'avaient puisé chez les Egyp-
tiens et dans les leçons des philosophes de
l'école d'Alexandrie? Déjà nous avons réfuté
celle calonuiic dans les articles Economie et
FuAiDE PIEUSE, avec toutes les preuves dont
les protestants veulent l'éiayer; mais ils la
répètent si souvent et avec lant de confian-
ce, que l'on ne peut trop la détruire. 1 " Nous
ne concevons pas comment des maîtres qui
auraient l'ait professiim de tromper leurs
disciples et leurs auditeurs, auraient trouvé
quelqu'un qui voulût les écouter : à tout ce
qu'ils auraient pu dire pour persuader, on
aurait été en droit de repondre : Vous ne
vous faites point de scrupule de mentir, de
forger des faits, des dogmes, des livres ; ou
ne peut et on ne doit pas vous croire. Si les
Pères avaient été dans ce principe, il serait
étonnant qu'aucun des héréiii|ues contre
lesquels ils ont disputé ne leur eût fait cette
réponse. Nous n'eu voyons cependant au-
cune trace dans les anciens monumenis. — ■
2* Il serait tout aussi étonnant que les Pères
(le l'Eglise, en disputant contre les philoso-
phes, eussent eu le front de leur reprocher
un caractère fourlie et imposteur , s'ils
a valent clé eux-mêmes infectés de ce vice,
cl si on avait pu les convaincre de quelque
supercherie. Nous défions leurs accusalr urs
de citer aucun fait duquel il résulte qu'un
des Pères ou un de nos apologistes a pu être
convaincu d'une imposture. — 3° La con-
fiance avec laquelle plusieurs ont cité les
fibi/lles ne prouve rien ; un argument per-
sonnel ou ud hominem fait aux païens, ne
sera jamais regardé par les hommes sensés
comme un trait de mauvaise foi. Les païens
se vantaient d'avoir des oracles pour le
moins aussi respectables que les prophéties
des Hébreux ; Celse, dans Or'ujène , I. vu,
n. 3; .lulien, dans saint Cyrille, 1. vi, p. lOl,
198, citent nommément ceux delà sibylle;
le recueil de ces derniers était connu par-
tout. Les Pères profilent de ce préjugé, sans
examiner s'il est vrai ou faux ; ils font voir
aux païens que ces oracles sont favorables
au christianisme ; où sont ici la dissimula-
lion, l'imposture, la mauvaise foi, les frau-
des pieuses ? — 4° Ce sont des chrétiens,
nous réplique-l-on, qui ont forgé ces ora-
cles : voilà la fourberie. D'abord Celse, qui
pouvait mieux le savoir que nos critiques
modernes, accuse seulement les chrétiens de
les avoir inlerpolés et d'y avoir mis des blas-
phèmes ; il ne les soupçonne pas d'en être
les premiers auteurs. Eu second lieu, qui
sont ces chrétiens ? Sonl-ce les Pères eux-
mêm<'S,ou leurs disciples, ou les hérétiques?
Nous soutenons que ce sont les gnosiiques,
et nous le prouvons, 1' parce que c'étaient
des pbiio-ophes sortis de l'école d'Alexan-
drie, et qui conservaient sous l'écorce du
clirislianisiiie le caractère fourbe et menteur
des philosophes ; 2° parce que les Pères,
surtout Origènc, leur ont reproché la har-
diesse avec laquelle ils forgeaient de faux
ouvrages ; Moslieim lui-même est convenu
de leurs impostures en ce genre, et Beauso-
bre en a cité plusieurs exemples ; 3° parce
qu'il est incroyable que les Pères aient
poussé l'audace jusqu'à produire en preuve
du christianisme de fausses pièces dont ils
auraient été eux-mêmes les fabricaleiirs, ou
dont ils auraient connu l'origine. Ce sont
donc nos adversaires eux-mêmes qui se
rendent coupables de fraude, lorsqu'ils met-
tent la supposition des oracles sibyllins sur
le compte des chrétiens en général, sans dis-
tinction, afin de donner à entendre que les
Pères en ont été ou les partisans ouïes com-
plices, o" Une autre affectation qui ressem-
ble beaucoup à la mauvaise foi, est de coii-
fomlre les différents recueils de vers sibyllins,
au lieu qu'il faut en distinguer au moins
trois. Le premier est celui que l'on gardait
à Home dans la base de la statue d'.\pollon
Palatin ; les Pères n'ont pas pu le voir, puis-
qu'il fallait pour cela un décrut du sénat, et
qu'il était défendu de le lire sous peine de
mort : saint Justin, ApoL 1, n. 44. .\urélien
fit consulter les vers fibyllins l'an 270, Ju-
lien l'an 363, sur son expédition contre les
Perses; on les consulta encore ran3G3, sous
le règne d'Honorius ; nous ne savons pas si
ces vers étaient les mêmes que ceux (jui
avaient eu cours dans la Grèce du temps
d'Arislote et de Platon, ils n'étaient cepeii'
ilh
SIB
SiM
47 fi
(lant pas absolument inconnus au public ,
puisque Cicéion en a expliqué la strucinro,
el N'irjçile paraît rn avoir tiré ce qu'il a dit
dans sa quatrième églogne touchant l'arri-
vée d'un nouveau règne de S;itunrie, ou d'un
nouveau siècle d'or. C'^ recueil, fait par des
païens, renferm;iit-il d'autres chnses favora-
bles à la nligion chrélicniie que ce l.iblenu
d'uii nouveau siècle, qui a clé pris poui' une
prédicllon du règne du Messie? Nous n'i'H
savons rien ; on ne peut former sur ce sujet
que des conjectures. — La seconde colleciion
des oracles sibyllins est celle qui a été ci ée
par Josèplie, par saint Justin et par les Pères
du II" siècle. 11 n'est pas probable que
Cl' fut la même que celle de Rome , puis-
qu'elle conlenail des chose: qui paraissent
avoir été tirées de l'Ecrilurc sainte , et des
préiliclions favorables au clirislianisme.
Celle-ci était très connue, puisque saint Jii----
lin dit qu'elle se trouvait (•arlou!. 11 resie à
savoir si le fond de ce recueil était le même
que la collection de Rome, à laquelle les
Juifs el les chrétiens avaient fuit des inter-
polalions. Encore une fois, cela ne pouvait
é(re coiislalé que par une exacte confronla-
lion des exemplaires , el pirsniiiie ne s'est
avisé de faire cet examen. — Enfin, l.i troi-
sième édition des oracles sibyllins était celle
qui fut faite ou achevée sous le règne de
Marc-Aurèle, vers l'an 170 ou 180; on n'y
retrouve pas les endroits cités par nos an-
ciens Pèrci ; mais nous ne savons pas jus-
qu'à quel point elle était conforme ou dis-
semblable aux deux collections précédentes,
en quel temps ni par quelles mains avaient
été faites les additions ou les reirancheinents
que l'on aurait pu j remarquer.
Cela posé nous demandons, avant d'allé-
guer aux pa'i'ens le lénioifçnage des livres
sibyllins, les Pères ont-ils été obligés de
s'informer s'il y en avait divers exempl.ii-
res, si quelques-uns avaient été falsifiés, (]m
étaient les auteurs do la fraude, etc. ? el
doit-on les taxer de manvai.se foi pour ne
l'avoir p:is fait ? Psul-êtr>' qu'entre dix co-
pies de ces prétendus oracles, il n'y en avait
pas deux qui fussetit conlbnnes. Mais Blon-
del el les autres critiques protestants ont
tout confondu afin de calomnier les Pères
plus commodément, ^■oyez Codex Can.
Ecoles, primil. illustmltts a Bevcregio, c. 14,
n. 4 el seq. ; PI'. Aposl., l. ii, part, ii, p.
58; Mosheim, Hist. christ., .ssec. n, §7, etc.
— 6* Nous avons déjà remarqué ailleurs que
les apôtres du proleslaulisme on? été beau-
coup moins scrupuleux que les Pères de
l'Eglise ; pour exciter la haine des peuples
contre l'Eglise romaine, il n'est pas de fa-
bles, de calomnies, de faits scandaleux,
d'erreuis grossières, qu'ils ne soient allés
chercher dai)s les écrivains les plus sus-
pects ou les plus ignorants, el qu'ils n'aicni
déhités avec confiance comme des choses
incontestables. Tons les jours encore nous
prenons leurs successeurs en flagrant d;lll ;
c'est une contagion qui subsiste toujours
parmi eux, et ils se flattent de la cacher en
prolestant toujours une exacte impartialité,
lors même qu'ils calomnient les Pères.
SIDOINE APOLLiNAlKE, évêque de Cler-
monl en Auvergne, mort l'an 482, fut célè-
bre dans le V siècle, par sa naissance qui
était trèS' illustre, par ses talents pour la
poésie el pour l'éloquence, et pins encore
par ses vertus. 11 reste de lui un recueil de
poèmes sur divers sujets, dont le plus grand
nombre a été composé avant son épiseopat,
et neuf livres de lettres. On lui reproche de
l'afîectaiion, de l'enflure et de l'obscurité
d.iiis son style; mais il nous a conservé plu-
sieurs faits de l'histoire civile et ecclésiasti-
que que l'on ne trouve point ailleurs ; et on
peut le regarder comme un évêque très-ins-
truit de la tradition. La meilleure édition de
ses OF.uvrcs esl celle qu'a donnée le P.
Sirmond l'an 1632, in-4°. II a élé placée juste
litre au rang des saints, et l'Eglise gallicane
l'a toujours regardé comme un de ses prin-
ci[:aux ornements.
SlÉr.K, ÉVÊCHÉ. Vny. Évêque.
SlÉCiE (saint). Fo)/. Églisk lunuiNE.
SIGNE DE LA CHOIX, loy. Croix.
SIGNIFICATIFS. Quelques auteurs ont
ainsi nommé les sacramenlaires, parce qu'ils
enseigneat que l'eucharistie est un simple
signe du corps de Jésus-Christ. Yoy. Sacra-
MENTAIBES.
SILVESÏRERI ou SILVESTRINS , reli-
gieux institués l'an 1231, par saint Silvestre
tiozzollni , dans la Marche d'Ancôno, sous
l'étroite observance de la règle de saint Be-
noît. Gel ordre fut approuvé, l'an 1248, par
le pape Innocent IV.
SIMON (saint), apôtre, surnommé le Cha-
nanéen ou le Zélé, pour le distinguer de
Simon fils de Jean, qui est saint Pierre. Nous
ne savons rien de certain sur les travaux ni
sur la mort de ces ainl apôtre, et il n'a rien
laissé par écrit.
Sl.ViONIE, crime qui se commet lorsqu'on
donne ou (|ue l'on promet une chosi' tem-
porelle, comme prix ou récompense d'une
chise spirituelle, telle que les sacrements,
les prières de l'Eglise, les bénéfices, la pro-
fession religieuse, etc. Dans ce cas celui qui
donne el celui qui reçoit sont également
coupables. En eflel, Jésus Christ parlant à
ses apôtre^ des dons surnaturels qu'il leur
accordait, leur dit : Vous les avez reçus gra-
luitemenl, donnez-les de même {Mallli. i, 8).
Simon le Magicien, témoin de ces mêmes
dons (]0e répandaient les ap 4res, leur ofl'rit
de l'argent pour qu'ils lui conférassent aussi
le pouvoir (le donfier le Saint-lispril. Que
ton argent périsse avec toi, lui répondit saiiii
Pierre, piiist/uc lu n< ru que le don de Dieu
t'ac(iuéraii pour de l'argent (Act. viii, i8).
C'est l'a\eugiemenl de cet impie qui a fait
donner au crime dont nous parlons, le no n
de simonie. Saint Paul f lii remarquer aux
fidèles qu'il leur a prêché l'Evangile gra-
luilemenl, sans en espérer aucun avantage
temporel, H Cor., c. xi, v. 7. Le crime de
la simonie consiste en ce que l'on met, pour
ainsi dire, une chose temporelle sur la ba-
lance avec une chose spirituelle, qui est un
477
SIM
don de Dieu ; Von regarde l'une comme l'*'»-
quiviilonl do l'/iutre, puisque l'on si- sert de
l'une pour obtenir ou pour compenser l'au-
tre ; c'est one profanation. — Oinime dans
un i)('Miénce, le droit de percevoir un retenu
est essentiellement atlachr à une fonction
sainte, ne fùl-ce que de prier Dieu, le firoil
au revenu ne peut être délaché de la fonc-
tion ; l'on ne peut acheter ou vendre l'un
sans acheter ou vendre l'autre; toute con-
vention ou promesse, toute espérince don-
née expressément ou tacitement d'obtenir un
bénéfice par le moyen d'un av.inlap^o tempu-
rel, ou au contraire, sontce!iséssi/non(fi'///e.s'.
C'est aux canonistes plutôt qu'aux lliéolo-
giens de traiter des dilTcrentes espèces de
simonie, des diverses manières dont on peut
la commettre , des peines aKachées à ce
crime, etc. Il nous suffit d'oi)server que ce
désordre étant proscrit par la loi naturelle
qui nous oblige à respecler tout ce qui a
rapport au culte divin , par la loi divine
positive sortie de la bouche de .Icsus-("hrist,
et par les lois de l'Egli^^e sous les peines les
plus sévères, l'usiige, la (outume, les pré-
textes, les tournures, les sopliismes par les-
quels on vient à bout de le pallier, ne
peuvent en diminuer la lurpitude. N'ou-
blions pas néanmoins que Jésus-Christ, qui
a commandé à ses apôtres d'accorder gra-
tuitement les choses saintes, leur a dit que
tout ouvrier est digne de sa nourriture,
MaUft., c. X, V. 10. Saint Paul a répéic la
même chose, / Cor., c. ix, v. k ; / Tim., c. v,
V. 18. Ainsi l'honoraire que l'on donne à
un ministre de l'Eglise pour les fonctions
qu'il remplit, n'est point censé un achat, un
prix ou une récompense de ces fonctions
saintes, ni une compensation de leur valeur,
ni le motif pour lequel il s'en acquitte ; mais
c'est un moyen de sulisistance légilimemenl
dû de droit naturel à celui qui est occupé
pour un auire, quelle que soit la nature de
son occupation. Ainsi un homme riche qui
fonde un bénéfice ou u i m!>iiaslcre, qui s,;
dépouille d'une parde de ses biens pour ali-
menter ceux i>u celles qui prieront pour lui,
n'est point simoniaque, non plus que ces
derniers, parce que la subsi.stauce, la solde,
l'honoraire ne leur est point aciordé, et ils
ne le reçoivent point comme prix ou com-
pensation des prièies qu'ils disent ou des
fonctions qu'ils remplissent , mais comme
une pension alimentaire ou une rétributio i
qui leur est due par justice à cause de l'oc-
cupation qui leur est enjointe ; tel est le
'sens de la maxime du Sauveur : L'ouvrier
est digne de au nourriture. De mène, on bé-
néficier auquel ou arcorde une pension ali-
mentaire sur le bénéfice dont il se démet ,
n'est point censé pour cela vendre son béné-
fice ni tirer un paiement du droit (ju'il cède
à un autre. Enfin, un moniisière pauvre qui
reçoit la dot d'une reii;;ieuse pour subvenir
à sa subsistance, ne pc il être accusé de
vendre la profession leligieuse. .Mais cette
faculté de receioir une dot n'est accordée
aux monastères qu'à litre de pauvreté ; si
tel couvent est suffisamment fondé el dolc
SIM 47S
d'ailleurs pour fournir la subsistance à ton.
les les personnes qui y font profession, il
n'a plus le droit d'exiger une dot comme
moyen nécessaire de subsislance.
Si ces principes avaient été connus d
r.iulcur qui a donné, en 1749 el 1757 , une
longue dissertation sur l'honoraire des mes-
ses, il aurait mieux raisonné ; il n'aurait pas
décidé, comme il l'a fait, que tout honoraire
reçu pour d s messes autrement qu'à titre
d'offrande, que tous les droits curiaux per-
çus pour des fonctions ecclésiastiques, sont
si:no7iinqueK et illégitimes. On voit qu'il a
confondu eiiseiniile les notions' de prix ou
de paiemeni, d'honorairi", de solde, de sub-
sistance, d'olTr;nde et d'auiiiôn{! ; nous en
avons fait voir la différence au molCAsuEi..
H ne veut pas qu'un ecclésiastique dont
toute la fonclio;i est de dire la messe et de
réciter son bréviaire, soit mis au nombre des
ouvriers auxquels l'Kvangile veu( que l'on
accorde la nourriture. Suivant cette grave
décision, tous les simples chapelains et au-
môniers sont condamnés à servir gratuite-
ment et sans aucune rétribution ; tous ceux
qui tirent les rétributions d'un bénéfice sim-
ple, sont coupables de simonie; tous les
religieux des deux sexes doivent être réduits
à mourir de faira. Sûrement ils appelleront
de celle scnlence au tribunal du bon sens ;
avani de s'exposer à de pareilles conséquen-
ces, il faudrait y penser plus d'une fois.
Vofj. Casuel.
l'cniani le x"" el le xr siècle , l'Eglise fut
déshonorée parl'audice avec laquelle régnait
1 1 simonie dans l'ivurope eniière; on ne rou-
gissait pas de vendre el d'acheter publique-
ment , par des actes solennels, les évéchés ,
les abbayes et les autres béni'fices ecclésias-
tiqu's. Ce désordre fut toujours accompagné
d'un autre non moins odieux, du concubinage
et de l'inconlinence, des clercs. Mais il faul
se souvenir que l'un et l'auJri' furent une
sui le des ravages qu'a valent faits les Normands
pendant le sic -le p-écédent Les prêtres et
les moines , chassés de leurs demeures, obli-
gés de luir sans état fixe el sans subsislance,
oublièrent leur élat, t imbèrent dans l'igno-
rance et dans le dérèglement des mœurs. Les
seigneurs to jours armés , ne connaissant
d'autre loi que celle du plus fort, s'emparè-
rent des bénéfices, les vendirent au plus of-
frant, y p! icèrenl leurs enfints ou leurs do-
mestiques, el les Irailèrent comme leurs fer-
miers. Daascelte confusion, comment la disci-
pline ecclésiastique aur>iit-elle pu se con-
server ?
Il est incontestable que pendant plus d'un
siècle les papes ne cessèrent de faire leurs
efforts pour empêcher ce scandale ; enfin ,
^ .rs l'an 107i , Grégoire VII , plus ferme que
ses prédécesseurs , assembla un concile à
Rome , ■. fil porier une condamnation rigou-
reuse conlre les coiipabliis , et la i\- exécuter.
Les prolcslanls mêmes c inviennent qu'il réus-
sit ; mais ils t\[ b àme les moyens qu'il em-
ploya, il se comporia , disenl-iis, avec trop
de hauteur, il traita avec une rigueur égale
les prêtres el tes moines concubinaires , et
479
SIM
SIM
480
ceux qni avaient contracté un mariage légi-
time ; il ordonna aux magistrats de sévir
également contre pux. Cette conduite impru-
dente fut la cause de la résistance qu'il
éprouva et des troubles qui s'ensuivirent.
Mosheim , Hisl. ecclés., x' siècle , u' part. ,
c. 2,§10; xr siècle, ir part. , c. 2, § 12.
Une seule réflexion suffit pour justifier Gré-
goire VII. Ses délrarteurs conviennent que
les remèdes employés jusqu'alors par les
pontifes précéilents n'avaient rien opéré;
donc ce pape fut forcé de recourir à des
moyens plus violents ; une preuve qu'il n'eut
pns tort , c'est qu'il eut plus de succès qu'eux.
C est une dérision de prétendre que des prê-
tres et (les moines avaient contracté un ma-
riage légitime, en dépit de la discipline ecclé-
siastique qui leur interdisait le mariage. Ja-
m.iis la nécessité de la loi du célibat ne fut
mieux démontrée que dans ces temps mal-
heureux , où l'infraciion de cette loi entraîna
la vente et l'achat des bénéfices pour avoir
de quoi nourrir une femme et des enfants ,
le dérèglement et l'avilisseiiienl du clergé,
le choix du concubinage par préférence à
une apparence de iiiarir.tj.e, la négligence des
fonctions ecclésiastiques , etc. Il fallut insti-
tuer des chanoines réguliers , pour rétablir
la discipline et la décence parmi U clergé.
Traiter avec ménagement les prévaricateurs,
c'eût été un moyen sûr de perpétuer le scan-
dale , la résistance qu'ils firent , les clameurs
et les troubles qu'ils excitèrent , prouvent la
grandeur du mal , et non l'Imprudence du
remède. Voy. Célibat.
SIMONIENS, sectaires du i" siècle de
l'Eglise , attachés au parti de Simon le Ma-
gicien, duquel il est parlé dans les Actes des
apôtres , c. viu , v. 9 et suiv. Ce personnage
était de Samarie et juif de naissance ; après
avoir étudié la philosophie à Alexandrie, il
professa la magie , folie assez ordinaire aux
philosophes orientaux , et il persuada aux
Samaritains , par de faux miracles , qu'il
avait reçudeDieuun pouvoir supérieur pour
léprinier et pour dompter les esprits malins
qui tourmentent les hommes. Lorsqu'il vit
les prodiges que l'apôtre saint Philippe opé-
rait par la puissance divine, il se joignit à
lui dans l'espérance d'en faire aussi de sem-
blables, il embrassa la doctrine de Jésus-
(>hrist et reçut le baptême. Ayant vu ensuite
que saint Pierre et saint Jean donnaient le
Sainl-lisprit par l'imposition de leurs mains,
il leur offrit de l'argent pour obtenir d'eux
le même pouvoir, afin d'augmenter ainsi ses
richesses, son crédit et sa réputation. Mais
saint Pierre lui reprocha sévèreinenl la mé-
chanceté de ses intentions et la vanité de ses
espérances, et le menaça d'un châiiment ri-
goureux, Simon , piqué de celte réprimande,
abandonna entièrement le parti des chrétiens,
reprit la pratique de la magie , et, loin de
prêcher l.i foi en Jésus-Christ, il s'opposa
tant qu'il put aux progrès de l'Hlvangile , et
il parcourut plusieurs pays dans ce dessein.
Ainsi on doit moins le regarder comme un
hérésiarque que comme un des imposteurs
ou fies faux messies qni parurent en Judée
après l'ascension de Jésus-Christ.
Presque tous les anciens qui en ont parlé,
ont cependant présenté Sî>non comme le chef
ou le premier auteur de la secte des gnosti-
ques; mais ceux-ci peuvent avoir suivi le
même système et les mêmes erreurs , sans
les avoir reçus de lui et sans avoir été ses
disciples ; ils jieuvcnt les avoir pris dans la
même source que lui , à savoir dans l'école
d'Alexandrie. 11 eut cependant des partisans
en assez grand nombre ; Eusèbe et d'autres
auteurs nous apprennent que la secle des
simoniens dura jusqu'au commencement du
V siècle. Comme ces sectaires ne se faisaient
point de scrupule de l'idolâtrie, et ne s'ex-
posaient point au martyre, les païens ne les
reg.irdèrent point comme chrétiens, et les
laissèrent en repos.
Il y a beaucoup de variété et même d'op-
position entre ce que les anciens ont dit des
actions de cet imposteur et de ses opinions;
c'est ce qui a porté quelques savants moder-
nes à imaginer qu'il y a eu deux personnages
nommés 5imow, l'un magicien et apostat, du-
quel les 4cfes des Apôtres (ont mention, l'autre
hérétique gnostique. C'est le sentiment que
Beausobre s'est efforcé d'établir, Hist. du
manich., lom. II, I. vi, c. 3, § 9, surtout dans
sa Dissertation sur les adamiles. Mosheim qui,
dans ses divers ouvrages , a examiné dans
le plus grand détail ce qui concerne Simon,
ses sentiments et sa secte , juge que cette
conjecture de Beausobre n'est ni prouvée ni
probable; Dissert, ad Hist. cccles. , I. II,
p. 60; Inslit. Hist. christ., scec. i, iv part.,
cap. 5 , § 12, — Saint Epiphanc rapporte
que Simon conduisait avec lui une femme
perdue nommée Hélène , de laquelle il ra-
contait des choses prodigieuses, à laquelle
il attribuait la même vertu qu'à lui , et lui
faisait rendre par ses partisans les mêmes
honneurs. Beausobre, toujours porté à faire
l'apologie de tous les hérétiques , prétend
que saint Epiphane s'est trompé grossière-
ment par prévention ; que sous le nom de
la prétendue Hélène , Simon entendait l'âme
humaine, de hniuelle il peignait allégori-
quement l'origine, l'état, la destinée, sous
l'emblème d'une femme qu'il était venu sau-
ver , Hist. du manich. , t. I , 1. i , c. 3 , § 2 ;
t. II , 1. VI , c. 3 , § 9. Mosheim soutient en-
core que cette imagination , toute ingénieuse
qu'elle est , n'a aucun fondement ; qu'il n'est
pas possible de rejeter le témoignage formel
de saint Irénée et des autres Pères plus an-
ciens que saint Epiphane, qui ont parlé
aussi bien que lui d'Hélène, comme d'une
femme véritablement vivante. — D'autres
anciens auteurs ont dit que Simon , étant
venu exercer la magie à Borne, sous le règne
de Néron, y rencontra saint Pierre avec le-
quel il eut de vives disputes , qu'ayant pro-
mis aux Bouiriins de voler, il s'éleva effecti-
vement par magie dans les airs , mais qu'il
fut précipité eu bas par les prières de saint
Pieire. t^omrne cette histoire n'a point d'au-
tres garants que des auteurs très-suspects et
des monuments apocryphes , il n'est guèr€
481
SIM
SIM
482
possible d'y ajouter foi. — Saint Justin ,
Apol. 1 , II. 26 et 56 , parlant auv empereurs,
dit que Simon est honoré par les Hoinains
comme un dieu ; qu'il a vu dans une SIe du
Tilire sa statue avec cette inscription : 5î-
nion/ «nnc^o. Aucun des anciens n'avait ré-
voqué en doute cette narration de saint Jus-
tin ; mais sous le pontificat de Grégoire XIII,
l'on déterra dans une île du Tibre le piédes-
tal d'une statue avec l'inscription Simoiii
Sanco deo Fidio sacrum; l'on a conclu que
saint Justin , trompe par la ressemblance du
nom, et faute d'entendre la langue latine,
avait pris la statue de Senio Sancus, dieu de
la bonne foi , pour i'imnge de Simon le Ma-
gicien. Le savant éditeur dos œuvres de saint
Justin soutient que cette erreur n'est pas
possible ; que saint Justin a demeuré assez
longtemps à Uoine pour corriger sa méprise
s'il avait été trompé , et qu'après tout la con-
jecture des modernes peut n'être qu'une ima-
gination.
Quoi qu'il en soit , voici , selon Mosheim,
à quoi se réduisaient les opinions de Simon.
Il admettait un Être suprême , éternel , bon
et bienfaisant do sa nature ; mais , comme
tous les philosophes orientaux , il supposait
aussi l'éternité de la matière. Il pensait
comme eux. que la matière, mue de toute
éternité par une activité intrinsèque et né-
cessaire , avait produit par sa force ignée ,
dans un certain temps et de sa propre subs-
tance, un mauvais principe , un être intel-
ligent et malfaisant qui exerce toujours son
empire sur elle. Est-ce celui-ci qui a produit
une infinité d'éons , de génies ou d'esprits
inférieurs qui ont arrange la matière pour
former le monde , qui le gouvernent et dis-
posent ici-bas du sort des liommi's ? ou est-ce
le Dieu bon qui a tiré de sa substance des
anges et des âmes dans le dessein de les
rendre heureuses et parfaites , mais des-
quelles le mauvais principe et ces éoiis sont
venus à bout de se rendre maîtres, de les
enfermer dans dt-s corps m;itériels, de les y
asservir aux misères et aux faiblesses insé-
parables de la mitière? Cela n'est pas aisé
à décider , parce que les anciens qui ont
parlé des rêveries de Simon et des simuniem,
ne se sont pas expliqués assez clairement
là-dessus ; mais l'une et l'autre de ces sup-
positions sont également absurdes. Nous sa-
vons seulement par leur témoignage que,
suivant ce que prétendait Simon, le plus
partait des divins éons résidai! dans sa per-
sonne, qu'un autre eo« , de sexe féminin ,
haliitait dans sa maîtresse Hélène; que lui
Simon était envoyé de Dieu sur la terre pour
détruire l'empire des esprits qui onl créé ce
monde matériel , et pour délivrer Hélène de
leur puissance et de leur domination.
Il n'est pas ncces>aire de nous arrêter à
remarquer toutes les absurdités de cette hy-
pothèse , nous les a»ons déjà l'ait apercevoir
eu parlant des dilîerenies sectes de gnosti-
ques ; nous avons montré que tous les sys-
tèmes de philosophie orientale ne servent à
rien pour expliquer l'origine du mal ; qu'en
voulant é\ iter une difficulté, les philososphes
en ont fait naître de plus grandes ; que le
seul dogme vrai , démontrable et qui satis-
fait à tout , est celui de la création. Voy.
Marcionites, Manichêkms , JMiïnandbiens ,
CÉRiNTUiiiNs , etc.; nous y reviendrons en-
core au mot Valetjtiniens. Il nous suffit
d'observerque, suivant l'opinion de tous ces
anciens hérétiques , aucune de nos actions
n'est libre , puisque nous sommes sous l'em-
pire tyrannique de prétendus éons auxquels
nous ne sommes pas maîtres de ré-i^ter ;
qu'ainsi, à proprement parler, aucune n'est
moralement ni bonne ni mauvaise; que la
chair et toutes ses opérations sont nécessai-
rement impures, mais qu'en cédant au mou-
vement des passions nous ne péchons point.
On voit d'abord combien est détestable cette
morale ; elle ne pouvait pas mamiuer d'être
suivie dans la prati<|ue par la plupart de ceux
qui l'enseignaient : ainsi nous ne devons p,is
douter des desordres que les Pères de l'Kglise
ont imputés aux anciens hérétiques , et en
particulier aux simoniens.
SIMPLICITÉ , attribut de Dieu par lequel
nous le concevons comme parfaitement un ,
comme un Etre qui non-seulement n'est
point composé de parties , mais auquel il ne
survient aucune modification nouvelle qui
change son étal; ai isi la simplicité parfaite
renferme nécessairement l'iiiimutabilité aussi
bien que la spiritualité ou la notion de pur
esprit. Un esprit créé est aussi un être sim-
ple, exempt de composition et de parties ;
mais il lui survient des modifications , des
pensées , des connaissances , des désirs , des
volontés qu'il n'avait pas ; dans ce sens il
ch.uige , il n'est pas toujours le même. En
Dieu tout est éternel : il a connu et il a
voulu de toute éternité ce qu'il connaît et ce
qu'il veut aujourd'hui , et tout ce qu'il con-
naîtra et voudra jusqu'à la fin des siècles ;
il ne peut rien perdre ni rien acquérir : Je
SUIS, dil-il , CELUI QUI est; je ne change
point [Mulach. m, 6).
Les philosophes qui n'ont point été éclairés
par la révélation n'ont jamais eu cette idée
sublimede la Divinité, mais les juifs l'avaient
puisée dans les leçons que Dieu avait données
à leurs ancêtres ; un liistorien latin leur a
rendu ce témoignage : « Les juifs, dit-il, con-
çoivent Dieu par la pensée seule , comme un
Etre unique , souveiain , éternel, immuable
et immortel.» Judœi meule sola unumque
Numen intelligiint summum illud et
u'ternum, nequt- mulabile, necjue interitmum,
Tacite, Uisl., 1. v, cap. 3. Mais il n'est pas
possible d'avoir cette notion pure de Dieu,
que l'on n'ait aussi celle Ue la création, Voy.
ce mot et Spibitualité.
Simplicité , vertu chrétienne , que l'on
appelle aussi candeur, ingénuité ; c'est l'op-
posé de la duplicité , de la ruse , du carac-
tère soupçonneux et défiant. Une âme simple
dit naïvement ce qu'elle pense , croit aisé-
ment ce qu'on lui dit, ne se défie de personne,
présume toujours le bien plutôt que le mal ;
c'est le propre de l'innocence. Un homme
vicieux et tourbe ne s'ouvre jamais, il se
défie de tout le monde , il croit que les autres
485
SIN
SOC
4"«
sont encore plus pprvers que lui. Atjez , dit
Jésus-Chrisl , la prudence du serpent et la
siMPLiCîTÉ de la colombe [Matth. x , 16). La
simplicité n'exclut donc pas la prudence ni
les précautions , m;iis elle bannit la finesse ,
la dctiance excessive et mal fondée. Aucun
des anciens philosophes n'a recommandé
cette vertu ; tous l'auraient regardée corame
un défaut plutôt que comme une bonne qua-
lité; elle n'entrait point dans leur caractère,
elle ne se trouve point non plus dans leurs
livres ; chez les nations devenues philoso-
phes , la simplicité est ])resque une injure ,
elle passe pour imbécillité.
Si.MOLACUE. Voy. Paganisme.
SINAI , nionlagne voisine de l'Arabie et de
la mer Rouge , slm' laquelle Dieu donna sa
loi aux Israélites aprèsleur sortie de l'Egypte.
Il est dit dans VEjode, cap. \ix et xx, que
dans cette circonslaiice toute la montagne
de Sinai éiiit couverte d'une épaisse nuée ,
qu'il en sorl;iil des écl.iirs accompagnés du
bruit du tonnerre et d'un son de trompettes
qui inspirait la leireur ; que tout le peuple
se tint au b.is et autour do la montagne ,
sans oser en approcher ; (jue Uieu lui-même
prononça les commandi inentsdu Décalogue,
et que tout le peuple renlcirlil. Nous ne
connaissons aucun incrédule q;;i ail entre-
pris de prouver que tout cet appareil fût une
illusion et un effet de l'art. Les Israélites
étaient au nombre de deux millions , puis-
qu'il y en avait !^ix cent mille eu étal de por-
ter les armes. Aucun art humain ne peut
rendre fumante une montagne aussi étendue
que le mont Suiaii, en faire soriir le ton-
nerre et des éclairs capables d'efîrayer une
aussi grande multitude; Moïse seul et Aaron
son frère osèrent entrer dans la nuée et
s'approcher du lien où Dieu parlait. D'ail-
leurs on n'a januiis vu sur ci tle monlagne
aucun vestige de volcan. — Dira-t-on que
c'est une fable? Moï^e prend à iéuioin de ce
prodige les Israéliles eux-mêmes quarante
ans après, Deut.,c. v, v. 5 , 22 et seq. Le
visage de ce législateur orné de rayons de
lumière depuis ce moment , était un autre
prodige habituel qui f^iisail souvenir dupre-
niier. Exod., c. xxxiv,v.29. Enfin, il ciablil
pour monument la léte des Semaines ou de la
Pen'ecôte , et cette fête fut célébrée par ceux
mêmes qui avaient été spectateurs de ces di-
vers événements, ibid., v. 22. Deux millions
d'hoiiimes n'ont pas pu c onseiiiir à célébrer
contre leur consci. nce une léte de laquelle
ils auraient connu l'imposture. Le miracle
seul de Sinai su. fit pour attester la divinité
de la loi de Moïse.
On peut faire une objection contre son
histoire. Exod., cap six , il répète plus
d'une fois que cela s'est passé sur le mont
Sinai, et Ueut., c. v, v. 2 , il dit que c'a
été sur le mont Horeb. Mais les voyagi-urs
et les géographes anciens et modernes nous
apprennent que Horeb et Sinai sont deux
sommets de la même montagne, dont l'un
regarde Tldumée et l'aulre l'Arabie, et que
celui-ci li'i le plus élevé. 11 y a aujourd'hui,
el depuis plusieurs siècles , un monastère et
une église de Sainte Catherine sur le mo;.i
Sinai , dans le lieu où l'on croit (lue Die u
lui -même a dicté ses lois.
SINDON. Voy. Suaiuiî,
SINISTRES ou GAUCHERS. Voy. Sabba-
TIENS.
* SOCIALISME. I Le grand problème soci:d, dit
M. Maupied, est en ce nioment l'objet du travail de
l'iiiiivers ; c'est priiici|ialemeiil l'ohjet de toute l'ac-
tivité française. Chacun le médite, cliaciin clierclic
à le résoudre, et tous ces elTcins sont lou.ililes. Bii n
plu-i, il y a obligation pour chacun de laire part à
ses fières des élémenls de solution que Dieu lui a
inspirés, c'est un devoir de cli.Triié socia'e. L'ioiii-
viiiu peut se tromper, et nul ilouie (|ue lieaiicoiip
s'éj^areronl en croyant avoir donné une siiiition,
qui ne sera au fo id que li négation ou l'alisurdc.
Leurs cITorts n'en seront pas moins louables, pourvu
qu'ils ne piéteiident point exercer le dcs!>oti$nic
sur la liherlé de leurs frères en cliercliaiu par des
miiyciis coupables à laire prcvalnir leur pensée con-
tre le vœu général, et conire les prim ipes éternels.
Il n'en est pas d'mi problème social comme d'un
pioblème île inatliéiiiatiipie. Dans eelui-ei, les don-
nées sont simples, elles sont de> nécessités de lo-
gique, et la solulidii ne s'applique qu'à des êtres
brutes ou ii des liées abolues. Dans le problènit!
social au contraire, les ilonnées ^ont exlrêaiement
complexes, la lilierlé de l'homme en exclut les né-
cessiiés, la solution s'applique à des aires vivants,
libres et moraux, el à des idées sociales toujours
relaiives à I eiat de l'iiumaiiité des peuples et des
nations. Cetie immense dillérence repousie d >iic de
priine-abi4'il toute S(dutiou du problème social qui
su prétendrait nialliémalique, quel que soit d'ailleurs
le nom sous lequel elle te déguise. Hrluuie soluii'u
sera au fond géomciriiiue ou maliiéinatiqne, luute^
les lois qu'elle exclura une partie des d nuées so-
ciales, ou qu'elle scindera la nature 'de l'homme
pour ne la considérer que sous une seule face, pu ce
qu'alors elle considérera l'homic comme une cho e
brute, comme un être sans vie, sans liberié. f
Si les socialistes prenaient li nature Iminaine dans
toute son étendue, qu'ils cou iiiérassent l'honime
comme un élre composé d'un corps et d'une ûmu
iuimo telle, destiné à vivre en société sur ceite lene
pour parvenir, par raccomplissemeiit des devoirs de
la véritable religion, au bonheur éternel, nous n'au-
rions pas tant à redouter de loiis les sysièmes i|ui
se produisent, qui veulent mettre l'Iiuiunie à la place
de Dieu pour r.géiiéier le monde. L'Anglais Ovven
fut le premier champion du sucialisme. Après avu r
été repou5,-é de l'.Aiigleterre, Il passa en Amérique
vers IS'25. Il y fit une profonde sensation. Revenu
dans sa pairie, il fut ceiie fois ndeux écouté, il foriua
une école qui s'est répandue sur tout le contiiien;.
Voici coniineni Mgr iiouvier résume ses doctrines :
f 1° L'homme, en paraissant ilaiis le uioiide, n'e-l
ni bon ni mauvais : les circonstances u:i il se trouve
le font ce qu'il devient par la suite. -1" Com;i>e il ne
peut niodilicr son organisation ni changer les cir-
constances qui reniuureni , les seiitiiiieiits qu'il
éprouve, les idées el les cuiniclions qui naissent en
lui, les actes qui eu résultait sont des faits néces-
saires contre lesquels il reste désarmé : il ne peut
donc en être responsable. 5" Li' vrai bonheur, pro-
duit de l'édiicaiion et de la santé, consiste principa-
leineni dans l'associalion avec .'■es semblables, dans
la bienveillance mmiielle et dans l'absence de toute
superstition. 4° La religion rati. iinelle est la religion
de la charité : elle admet un Dieu ciéaieur, éternel,
iiilini, mais ne leconiiail d'autre culte que la loi na-
turelle, (|ui ordonne à t'iiomme de suivre les impiil-
sioiis de la nature et de tendre au but de son exis-
tence. Mais Owen ne dit pas quel el ce bit. .^''^u:llll
à la suciélc, le gouvernement didl proclamer uuo
ina
soc
soc
48Ô
lilierié absolue de conscieiici,', l':il)iiliiioii complèie
(II! peines el lie lécompeiiies, cl VinesponsabUHé de
l'iiiilividii, puisqu'il nVsl pas lilire dans ses acles
()" Un lionime vicieux oii conpalili' n'csl qn'u'i m,\-
IihIi', piiis(pi'il ne peul être lespou^nble de ses ac-
les : en cniiséqnenfe, on ne doit pas le piinif, mais
rcnIciMieicoinine un fou, s'd est dangereux. T Toii-
IfS clK.ses doiveul olre irglées iIiî lelle sorle giie
I liaipie m: mine de la ( oniinunaulé suit pourvu des
meilleurs objets de ciuisominalinu, en travaillant
selmi ses iiioyins el son indusliie. S" L éducation
doil être la inéiue pour loii-, et dirigée de telle sonc
(lu'elle ne fasse ccloie eu mms i|ue des scniiuieuis
C(MifornR'S aux 'ois évidentes de noire nature. '.)" L'e-
galilé parfaite et la communaulo ahsolue sont les
seules règles possil)les de la société. 10° Chaque
< (Mumuiauié sera de deux à trois mille âmes, el les
diverses communautés se liant ensemble, se forine-
loiit eu congrès. 11» Dans la coininunaute.il n'y
aura qu'une seule liiérarcliie, celle des foneliims,
la(|uelle sera déiciniinée par l'âge. 12» Oaiis le sys-
tème actuel de société, cliacun est eu lutte avec ions
et conire ions : dans lo syslèine proposé, l'assislance
de tous sera acquise à chacun, el l'assistance de cha-
cun sera acquise à lous. >
Cette formule du socialisme n'est pas celle de
toutes les écoles. Il y a bien de^ degré> dans le so-
cialisme. Quoii|ue l'inllexible logicpie fasse abuuiir
assez aiséinenl le^ divers nyslcmes ù une nièiiie ab
surdité, lius cependant au premier aspect ne révol-
lent pas également le bon sens et la murale. Disons-
le même, queli|ues-iins de nos nioderiles réforma-
teurs, amis sinccre-i de l'hunianiié, el croyant de
bonne foi aux rêves de félicité qu'ils enfantent pour
elle, oui dans leur langage quelque chose de singu-
lièrement séduisant pour les à'iies simples el géné-
reuses, tluinnie les anciens supliisljs d'Alexandrie,
qui mêlaient dans leur ensei^iemciil la langue de
riatou et celle de l'iivaugile, ils enipiunleiit au
christianisme quelques-uns de ses dogmes el de ses
préceptes, n'aspirant, disent-ils, qu'à les compléter
pour en mieux assurer le lègiio sur la lerrc. Déiio-
silaircs de la plénitude de la vérité sociale, ce sont
eux (|ui duivenl ôler à l'homme le dernier anneau
de sa cliaine, el laiie fruciilier ici-bas celle grande
doctrine de l'égalile et de la fratemiié humaine don-
née au monde par Jésus- (Christ, mais dont le gemie
mal fécondé a besoin de recevoir son partait épa-
Iiouisseiuent.
Le mal n'est loiul eonsommc; il est seuleuicnl à
sa iiaissancc, e: grâce à Dieu, il est encore temps de
le conjuier. Soii qu'il s'agisse de léiablir quelques
point-, de dogme obscurcis par l'erreur; soil qu'il
iaille s'expliquer la vérué sociale lelle iiue le cliris-
iianisme l'a piomuLuèc à travers les siècles, inter-
préter le sens légiiimo des préceptes évaugéliques
dans leur application à l'oiganisaliuu des sociétés
humaines, nous avcus nos é\é.)ues, gardiens incor-
ruptibles de la vérité do„iiiaiique et morale ; c'est à
eux qu'il appartieni de prendre en main le flambeau
de la vérité el d'eclairer les cunscieuces.
SOCIÉTÉ. L'on coiivioul assez ijue l'hom-
uie esldesliiié par la nature à vivre en so-
ciélé avec ses semblables ; que, réduit à une
suliludu absolue, il serait le plus nialheu-
reuv de tous les animaux. Ceux d'entre nos
|iliilusuplics iiioderues qui se sont avisés de
soutenir le contraire, n'ont persuadé per-
sonne ; le sciiliinent tulérieur, plus fort que
tous les sopliiswes, suflit pour faire oublier
leurs paradoxes.
L'homiiii', dit Irès-bien un aulcui moder-
ne, rtioiiiiiie ne connailrail rien s'il n'avait
pas besoin d'apprendre ; nous ne savons
bien que ce que nous avons eu de la peine
à rechercher, < t le plus stupide des peuples
serait celui dont tous les besoins seraienl
satisfaits sans aucun travail. Celui à qui la
subsistance serait donnée sans peine, la rc-
fovrail sans plaisir. Nulle volupté sans désir,
et nul désir sans besoin. Tant que les peu-
ples iciityophages pourront vivre de la péclie,
el tant que les piîuples ch:isseurs trouveront
du gibier, ils demeureront dans lo même
élai, la sphère de leurs connaissances sera
toujours également bornée. Quand le soleil
rouler^iil encore pendant vingt iitillo ans son
orbe enllainmé sur la zone lorriile, le noir
habitant de ces contrées resterait toujours
dans le même état d'ignorance ; il n'a be-
soin ni de se loger ni de se vêtir. C'est le
peuple agriculteur qui éprouve C(;s besoins
el qui doit par coii>>équenl chercher el dé-
couvrir les moyens <le les satislaire. Les
champs qu'il a défrichés le lixenl auprès
(l'eus ; le taureau qu'il a subjugué, le che-
val qu'il a doiupié, demandent un asile con-
tre les injures de l'air : de là naît la première
arciiileclure. Il retire sous son toit les bre-
bis qu'il a rassemblées, leur lait le désallère,
et leur loison lui fournil des habits.
C'est donc, chez les peuples agricoles qu'il
faut chercher l'oiigine de la civilisation ;
c'est chez eux que nous trouverons le ber-
ceau des sciences. .Mais toul climat n'csl p is
propre à rendre l'agriculture nécessaire
aus peuples qui rhaliitenl, ni à la favoriser:
lant que les Arabes du désert haiiileront
celle contrée, iU seronl bergers ; les h.ibi-
lanls de la Pouille et de la Calabre seront
toujours agriculteurs. Mais la civilisation et
la société ne sont pas la même chose; quel-
(juc grossier et sauvage que soit l'homme, il
recheiche du moins la société d'une é|iouse;
sa cuDstiluliun, ses besoins, ses inclinations,
prouvent la vériléde cette parole du Créa-
teur : Il n'est pas buti que l'homme soit seul.
Malgré la ferlililé du paradis, l'Ecriture
nous dit que Dieu y a7jit placé l'homme
pour qu'il en fii; le cultivateur el le gardien,
Gen., c. H, V. lo. Cependant le senlimeul du
besoin que nous avons de la société ne sul-
liruit pas pour nous en rendre les devoirs
respectables et sacrés, si nous nr. savions
d'ailleurs que tel est l'ordre établi par la sa-
gesse el la bonté du Créateur ; (ju'en don-
nant à riiomuie le droil de jouir des avan-
tages delà société, il lui a imposé l'obligation
d'être ulile à ses semblables, el de leur ren-
dre les mêmes services qu'il a droit d'exiger
d'eux.
Les philosophes modernes, qui ont rêvé
que la société humaine est fondée sur nu
contrat libre que les hommes ont formé en-
tre eux pour leur utilité mutuelle, n'ont pas
seulement compris le sens des termes duiit
ils se sont servis. 1° lis ont supposé qu'avant
toute convention un hom.ae ne doit rieu à
un antre homme ; c'est une erreur : il lui
doit rhum;inité, el l'Iiumanilé consiste eo de-
voirs récipriiques. Pour penser le contraire,
il faut penser que le genre humain esl né
lorluilemenl, sans qu'aucun être intelligenl
el sage ait présidé à sa naissance; c'est
437
SOC
SOC
4X8
l'alheisme pur. Mais il est démonlré que
î'hoiîime a un Créateur. Or Dieu, in créant
l'homme, n'a pas pu, sans se contredire, lui
donner le be.soin de vivre en société sans lui
imposer les obligalions de la vie soriale.
C'est donc l'inlenlion et la volonté du Créa-
teur qui est le principe des lois de la société;
le besoin en est le signe, mais il n'en est pas
le fondement. 2° S il n'y a pas une loi anté-
rieure qui oblige l'homme à tenir sa parole,
à exécuter ce qu'il a promis, un contrat li-
bre, une conïenlion réciproque ne peut im-
poser une obligation à ceux qui l'ont for-
mée ; la convention ne durera qu'autant que
la même volonté subsistera ; l'homme de-
meurera le m^iîlrc de maintenir la conven-
tion ou de la rompre quand il le voudra ; la
même cause qui a formé le lien ou l'enga-
gement sera toujours en droit de l'anéaniir;
ainsi le prétendu pacte social est une absur-
dité. 3° Les premiers auteurs de la conven-
tion n'ont pas pu contracter pour leurs des-
cendants ; ceux-ci naissent avec la même
liberté naturelle que leurs pères. S'ils se
trouvent blessés ou gênés par la société éta-
blie sans eux, qui les empêchera de la dis-
soudre, d'y renoncer et d'en violer les lois?
La force, sans douie ; mais la force et le de-
voir ne sont pas la même chose ; la loi du
plus fort est l'anéantissement de toute so-
ciété. !*■■ Indépendamment de toule conven-
tion, un père est obligé de conserver et d'éle-
ver les enfants qu'il a mis au monde; autre-
ment le genre humain serait bientôt détruit :
les enfants à leur tour sont obligés de res-
pecter et d'aimer ceux qui leur ont donné la
vie et 1 éducation ; autrement les pères et
mères seraient tentés de les détruire, pour
se décharger du soin très-pénible de les
nourrir et de les élever. Puisque les enfants
naissent avec le droit d'être conservés, ils
naissent aussi avec le devoir d'être recon-
naissants et soumis. En toutes choses droit
et devoir sont corrélatifs, voyez ces deux
mots ; l'un ne peut subsister sans l'autre.
Celle théorie, déjà évidente par elle-mê-
me, est aulhenliquement conflrmée par la
révél.ition ou par l'histoire de la création.
Dieu dit au premier homme et à son épouse:
Croissez, multipliez, peuplez la terre (Gen. i,
28); ils ne pouvaient la peupler qu'en con-
servant les fiuits de leur union. Aussi, en
menant au monde son premier- né, Eve
s'écrie par un senlimenl de reconnaissance:
Je possède un homme pur la grâce de Uieu,
c. IV, v. 1. Ainsi, sans consulter les hommes.
Dieu, auteur de leur être, de leurs inclina-
tions, de leurs besoins, a établi entre eux la
société naturelle et domestique en sanctifiant
le mariage, en le rendmt indissoluble, en
les faisant naître tous d'un seul couple, l'ous
sont donc frères et unis par les liens du
sang. Dieu leur a prescrit leurs devoirs à
l'égard de leurs parents, ou direets ou colla
téraus; l'Ecriture nous le fait sentir en don-
nant les noms de père et de fière à tous les
degrés de parenté, et le nom de prochain à
Inut homme quel qu'il soit. Toute la reli-
gion des patriarches avait oour objet de leur
inculquer celte grande vérité, que Dieu est
le père des familles, le vengeur des droits
du sang, qu'il a fait prospérer les peupla-
des qui lui ont été fidèles, qu'il a puni celles
qui, en violant ses lois, ont résisté à la voix
de la raison et de la nature.
Lorsque les familles ont été assez multi-
pliées pour se réunir en corps de nation.
Dieu a fondé la société nationale et civile, il
a exercé d'un^ manière encore plus écla-
tante l'auguste fonction de législaleor. Il
n'était pis possible de les réunir toutes dans
une seule société ; la dislance des lieux, la
différence du langage, les variéiés de leur
manière de vivre, s'y o[)posaient. Mais, en
choisissant un seul peuple, Dieu a montré à
tous les autres ce qu'ils auraient dû faire ;
c'est une des raisons pour lesquelles il a
établi la législation des Hébreux par des
prodiges dont le bruit a dû retentir chez
toutes les nations voisines. Les leçons el les
lois qu'il a données par Mo'ise aux descen-
dants d'Abraham, tendaient à leur appren-
dre que Dieu est le fondateur, le protecteur,
le chef et le roi de la société civile; tous les
devoirs de juslice, d'humanité et de police
leur étaient prescrits comme des devoirs de
religion, parce qu'il n'y avait point de motif
plus capable de les y rendre fidèles. Consé-
quemment le législateur ne cesse de leur
répéter que c'est Dieu qui place les nations
elles déplace, (|ui les élève où les humilie,
qui les récompense de leurs vertus par la
prospérité, ou qui les punit de leurs vices
par des malheurs, qui leur donne la paix
ou la guerre, qui meta leur tête des sages,
ou des hommes insensés el vicieux. Le pa-
triotisme est donc un sentiment que Dieu
approuve, lorsqu'il n'est pas poussé à l'ex-
cès el qu'il n'est pas opposé au droit des
gens. Dieu n'a pas fondé la société civile
pour détruire la société natwelle, mais pour
la renforcer; les droits de l'une bien enten-
dus ne nuisent point aux droits de l'autre,
puisque tous sont égaleinenl fondés sur la
volonté et la loi de Dieu. Ceux qui ont pré-
tendu que les ordres donnés aux Israélites
de détruire les Cliananéens étaient contrai-
res au droit des gens cl à l'humaniié, ont
très-mal raisonné ; nous avons prouvé le
contraire au mol CuiNàNÉENs.
i^orsque des temps plus heureux sont arri-
vés et que les peuples ont été capables de
fraleiniser. Dieu a envoyé son Fils unique
pour fonder entre eux une société relii/ieuse
universille. En Jésus-Christ, dit sainl Paul,
il n'y a plus ni juif, ni gentil, ni grec, ni
barbare, nous sommes tous par lui un seul
corps el une même famille; il a ordonné à
ses Apôtres de prêcher l'Kvangile à toutes
les nations, il s'est proposé d'en faire un
seul troupeau, de les rassembler dans un
même bercail, sous lin seul pasteur. Cette
société sans doute ne déroge ni au droit na-
turel el civil, ni au droit d.s gens, elle les
confirme au contraire el les fait mieux con-
naitre ; jamais ils n'ont été mieux aperçus
qu'à la lumière de l'Evangile. 11 suffit de
comoarer l'étal des nations chréliennes avec
m soc
celui des infidèles, pour sentir les obliga-
tions qu'ils ont tous A Jésus-Christ, sau-
veur du monde et législateur universel. La
s;igesse divine a pu seule dicter des leçons
aussi conformes aux besoins et aux circon-
stances dans lesquelles se trouvait le genre
humain, lorsque Jésus-Christ a paru sur la
terre. De faux politiques, des moralistes
corrompus ne pouvaient manquer de cen-
surer ses leçons divines, mais ils n'ont con-
nu ni la véritable origine'du droit naturel,
ni celle du droit national et civil, ni le vrai
fondement de loute société ; con)ment en au-
raient-ils aperçu, distingué et concilie les
devoirs? La religion, disent-ils, rend les
hommes insociables, elle inspire un zèle in-
quiet, injuste et souvent cruel. Mais la so-
ciété nationale et civile inspire aussi sou-
vent un patriotisme ambitieux, conquérant,
dévastateur et oppresseur; témoin celui des
llomains : s'ensuit-il que toutes les familles
doiyent demeurer isolées et sauvages, que
c'est le mieux pour l'intérêt général du
genre humain? Voy. Religion, Zi<:i.E, etc.
Un auteur anglais a tiùs-bien observé que
la société huiiiaine et les devoirs de la mo-
rale sont fondés sur quatre penchants natu-
rels à l'homme; savoir, le désir de la véri-
té, l'amour de la société, le sentiment de
l'honiKur, l'estime de l'ordre. Or, la religion,
beaucoup mieux que la raison, nous fait
sentir le jirix de la vérité et le vice du men-
songe ; elle nous rend plus chers les hom-
mes avec lesquels nous sommes obligés de
vivre; elle met entre eux et nous de nou-
veaux liens; elle nous montre en quoi con-
siste le véritable honneur ; elle nous fait res-
pecter l'ordre comme l'ouvrage de Dieu
même ; en quel sens peut-elle nuire à l'es-
prit social ? — La société civile, parvenue au
plus haut degré de perfection, est voisine
de .sa dégradation et de sa dissolution : triste
vérité confirmée par l'expérience de tous les
siècles. La religion seule peut arrêter, ou du
moins retarder le cours du torrent de la
corruption; elle doit donc rendre la société
civile plus stable, et l'on doit certainement
attribuer à celle cause la durée plus longue
des sociétés modernes que celles des an-
eiennes
• SOCIÉTÉS SECRÈTES. H J a une vieille
iii.ixinieqni nous du que celui qui luil le mal liait la
liiiiiiéri'. Les sociéiés secréies voulant se soustraire à
l:i cuiiiMJssance et à l'action du public, on peut sans
lémérilé présumer qu'elles ont de mauvais desseins.
Elles n'ont pas sans douie louies le iiiéuie liul : les
unes veulent renverser les pouvoirs temporels, les
.luires détruire la religion, toutes poussent à quelque
désoidre. Nous ne pnuvous entrer ici dans le détail
ilfs sociétés secrèies. Mous avons parlé des (rancs-
mafoiis cl des caibunari aux arlitles qui les concer-
nent. L■Egli^e ne pouvait demeurer imlillérente à la
vue des maux causé, p:ir les société, setréie< :
l'ie Vit, dans sa bulle Ecclesi„m a Jesu C/iris.o, les a
Irappées d'anallième; Léon XII a renouvelé la coii-
(lio.iialioii d'S sociéiés secrèt.'s e i généial , et en
pariicnli.r de celle ijiii étaii c iiiine s .us le nom
d'iiniiiersilaire.
SOi;iNIENS, secte dheréliques qui rejet-
tent tous les mystères du chiislianisme ; ou
J)iCT. i)K Théol. dogmatique. IV.
SOC
i!)K
les nomme aussi unitaires, parce qn'ils n'ail -
mettent en Dieu qu'une seule personne. Ses
chefs sont des tliéologiens, ou plutôt des
philosophes qui, en raisonnant sur lis dog-
mes du christianisme, se sont attachés à les
détruire l'un après l'autre, et sont ainsi
tombés dans une espèce de déisme ; plusieurs
ont poussé les conséquences jusqu'au maté-
rialisme et au pyrrhonisme. Un écrivain mo-
derne, après avoir suivi le (il de leurs er-
reurs, a très-hien dit que leur méthode est
Vart de décroirt. Il est constant que le so-
cininnisme est né de la prétendue réforme
de Luther et des principes sur lesquels ce
novateur se fonda. Cette secte n'a pas eu
pour premier auteur Fauste Socin dont elle
porte aujourd'hui le nom ; elle avait com-
mencé à éclore plusieurs années avant lui.
En elTel, Luther commença de dogmatiser
en 1317; dès l'innée 1321 'il se trouva aux
prises avec Thomas Muntzer ou Muncer,
Menno, et d'autres chefs des anabaptistes;
plusieurs de ces derniers donnéfent dans
l'arianisme, nièrent la divinité de Jesus-
Christ, rejetèrent conséquemment les mys-
tères de la sainte Trinité et de l'incarnation.
On cite en particulier Louis Heizer, Jean
Campanus, un certain Claudius, etc.
Ceux d'entre les socinicns qui ont écrit
l'histoire de leur secte et en ont recherché
l'origine, disent que l'an 154i> un nombre de
geniilshommes italiens, qui a aient goûté la
doetrine de Luther et de Calvin, turent en-
semble des conférences à Vicence dan« les
états de Venise, et qu'ils formèrent le projet
de bannir du christianisme tous les mystères-
que liernardin Ockin, Lélio Sozzini ou So-
cin, Valentin, Genlilis, Jean-Paul Alciat et
d'autres, furent formés à cette école. Mais
Mosheim, qui a examiné avec soin c tte his
toire.dit qu'en su|iposant le fait de ces con-
férences, Uckin ni Lélio Socin n'ont pu y as-
sister, que d'ailleurs on ne put y tonner au-
cun point fixe de doctrine, Hisi. écries., xvi"
siècle, sect. 3, ir pirl., c. 4, § 7, noies. On
sait aussi que ce n'est point Lélio Socin,
mais Fauste son neveu, qui a doniiéà toute la
secte son nom et le système auquel elle s'est
principalement attachée. En 1331, quinze
ans avant l'époque des conférences, Michel
Servel publia ses premiers ouvrjges contre
le mystère de la sainte Trinité; en 1533 II
vint disputer à Genève contre Calvin sur ce
même dogme, et il lui en coûta la vie. \'oy.
Sertétispes. Mais Mosheim prétend qu'à
proprement parler il ne forma point de dis-
ciples, et que son système pariieulier mou-
rut avec lui. (^uoi qu'il en soil, ticntilis, Al-
ciat, et d'auties qui pensaient couiine eux,
se retirèrent en Pologne où les i rreurs de
Luther ei de Calvin avaient lait de grands
progrès. Ils y lurent joints par George Blan-
dral, disciple de Luther, et ils y trouvèrent
deux puissants protecteurs. Ils firent des
prosélytes, ils formèrent de- églises, ils lin-
r(Mit lies synodes, ils eurent des collèges et
des imprimeries à leur usage, jusqu'à lo58.
qu'ils furent bannis par un. décret de la diète
de Pologne. En 1303, Blandrat trouva le
16
491
SOC
SOC
49-2
niojcn d'iiitroJuiro le socinianisme en Tran-
sylvanie, où il suhsisle encore aujourd'hui.
Ainsi, Luther el Calvin oui vu. avant de
mourir, les cousétiuences auxijnclles leurs
prificiprs devaient inraillibleint'iil aboutir.
Pendant un siècle, celle secte a produit
dans la Pologne une mulliludL- de savants.
Outre ceux dont nous venons de parler,
Oi'Ilius, Su)alicus, Volki-elius, Slichlingius,
Wolizogeii, Wissowals, Lubiénielzki, etc.,
ont été (élobres. Indépendamment du recueil
de leurs ouvrages, intitulé : Bibliolheca fra-
Irtim Polonoruiit, en dix volumes in-l'olio, ils
ont tant écrit <iue, si tout était rassemblé et
imprimé, il j aurait de quoi faire une biblio-
thèque très-nombreuse. Sand us, un de leurs
écrivains, en a donné la liste sous le titre
de Bibliolh'Ca Anti- Trinilariorum ; mais
tout n'j est pas compris.
On conçoit <iu'il n'a jamais pu y avoir
beaucoup d'unirurmilé dans les s;'nlimeiiis
d'une multitude de raisonneurs qui s'attri-
buaient tous le droit d être les seuls arbitres
de leur croyance, et d'entendre la doctrine
de Jésus-Christ comme il leur plaisait. Pour
s'établir dans la Pologne, ils couimencèrent
par s'unir à l'extérieur aux luthériens el
aux calvinistes, qui avaient de nomlireuses
églises; mais la dilîérence de senlif.ienls et
la rivalité ne tardèrent |ias de les désunir:
ils eurent ensemble de fréquentes disputes
dans lesquelles les protestants n'eurent pas
l'avantage, parce qu'on les battait par leurs
propres armes. Enfin, les unitaires ayant
trouvé des protecteurs dans plusieurs des
grands seigneurs polonais, qui leur doniè-
rent asile dans leurs terres, ils romiiirent
toute société avec les prolestants l'an IoGd,
el firent bande à part. Le principal siège de
leur secte lui Racow ou Kacovie, dans le
district de Sandomir.
Ce lut vers l'an 1S79 que Fansie Socin,
neveu et héritier des sentiments de Létio
Sucin, arriva en Pologne. Il y trouva les es-
prits divises en autant de sectes qu'il y avait
de docteurs : toutes ces prétendues églises
n'étaient réunies q^'en unseul point, savoir,
l'aversion contre le dogme de la divinité de
Jésus-Christ. A force de disputes, d'écrits,
de ménagements, de souplesse, Socin vint à
bout de les «approcher el de les amener à
la même opinion, du moins à l'extérieur; il
devint ainsi le iirincipal chef de ce troupeau
qui a retenu son nom. Il mourut en ICO'».
Mais il ne faut pas croire que tous aient ja-
mais pu convenir d'une même profession de
loi : jamaisil n'y eut entre eux d autre; union
que celle de l'inlèrét et de la poliiiiine. En
l^l'i, ils avaient pub.ié à Ciacovic une es^
pèec de formulaire derroyanc, sous \c titre
de Catéchisme ou de Confissiun des Unitaires,
dans lequel, eu parlant de la nature et des
perfections de Dieu, ils gardaient un profond
silence sur tous les attributs Juins qui sont
incompréhensibles. Ils y euseignaionl que
lesnsChiisl , notre médiateur au|i:ès de
Dieu, est un homme promis anciennemenl à
nos père» par les propliètes, el par lequel
Dieu a créé le nouveau ni'inde, c'esl-a-dire le
rélablifseinent du genre humain. Ils y re-
présentaient le Saint-Esprit, non comme
une personne divine, mais comme une qua«
lité et une opération divine ; ils parlaient du
baptême et de la cène à peu près comme les
calvinistes, etc. Lorsque Fauste Socin eut
acquis du crédit parmi eux, il en composa
un nouveau plus étendu et arrangé avec plus
il'arl; il le fil revoir et corriger par les do'-
teurs les plus habiles do son parti; il le
publia sous le titre de Calé.hisme de Racoir;
el les sociniens supprimèrent, tant qu'ils
purent, tous les exemplaires du catéchisn:o
pi'écédent. Au reste, celte confession de foi,
la plus authentique qu'il y ait eu parmi eux,
n'était faite (|ue pour le peuple; aucun îles
savants ne prétendait s'y assujettir. Par le
principe même de leur secte , ils étaienl
forcés de tolérer entre eux la diversité de
croyance; nous verrons que siii' le seul ar-
ticle de la nature de Jésus-Christ, ils élaienl
de trois ou quatre sentiments différents.
Pourvu qu'un docteur n'alferlàt pas de dog-
matiser publiquement et de censurer le sen-
timent des autres, on consentait de frater-
niser aveclui ; et l'on nous vante aujourd'hui
cc'tte tolérance forcée comme un chef-d'œu-
vre de sagesse. .Mais il est prouvé par des
laits incontestables, (|ue partout où les uni-
taires se trouvaient les maîtres, ils ne furent
pas plus tolérants que les autres seclis. Une
fois établis en Pologne, ils envoyèrent des
émissaires prêther sonrilemenl leur doctrine
en Allemagne, en Hollande, en Angleterre.
Ils n'eurent pas beaucoup de succès l'U Alle-
magne; les protestants el les calho iques se
réunirent pour les démasquer. En Hollande,
ils se mêlèrent parmi les anabaptistes ; en
Angleterre, ils trouvèrent des partisans
parmi les difl'érenles sectes qui partageaient
les esprits dans ce royaume. Ainsi dispersés,
ils forent désignés sous différents noms ; en
Polngne, on les appela d'abord pinczowiens,
racoviens, sandomiriens, cujaviens, Irères
polonais, ensuite nouveaux ariens, unitaires,
anli-trinilaires, monarchiques, etc.; eu Al-
lemagne, anabaptistes el mennoniles ; en
Hollande, laiiludinaires et tolérants; eu An-
gleterre, arminiens, coccéiens , quakers ou
trembleurs, parce qu'on les confondait avec
ces dei niers; enliii, on les a nommés partout
unitaires el sociniens, el ce nom esl devenu
commun à tous les sectaires qui nient la
divinité de Jésus -Christ.
Il esl constant (|ue la plupart des arminiens
sont devenus sociniens, sans faire ouverte-
ment profession de cette hérésie; ils ont fa-
vorise tant qu'ils ont pu les opinions et les
explications de l'Eciture sainte, imaginées
par les unitaires. Comme l'arminianisme
s'est beaucoup répandu parmi les calv.nisles,
maigre la rigueur des décrets du synoile de
Dordreci.h. le socinianisme a fait parmi eux
les mêmes progrés. Au co iJinencemenl de ce
siècle, il a été soutenu assi z ouverleineut en
Angleterre par le docteur Whiston, dé:,'iiisé
cl mitigé par le docteur Charke, embrassé
par une infinité de membres du clergé an-
glican ; la liberté de (lenser qui règne dans
493
SOC
SOC
i'A
ce pays lui osi favornblo ; ili'jà, dans plusù'urs
éjjlisos, on a rolraiiclié de rolfico le symbole
de saint AihaiMse. De nos jours le so.ini-aria-
nisnii'aélé souienu à (leiu've dans des thèses
piibll(|U(s. Voy. AuiAMSME, § 4;AfrABAP-
TisTES, etc.
iVlosheiin convient dans son Uisloireecclé.,
que le socitiianisme a coiniiiencé en même
temps (|ue la rcformalion ; s'il avait voulu
éire de hotine foi, il aurait avoué qui' les
opinions des unitaires ne suit qu'une cilen-
sion de celles de Luther et de Calvin, ou
plutôt (les conséqueiiies trùsdirectes du
principe fondainent il duquel ces deux réfor-
mateurs sont paitis. Les s 'cinietis eux-
inôines eu convieniienl;rauteurde Vllistoire
du socinianistne imprimée à l'aris en 172'J,
in-'*, le fait voir clairement ; il rapporte,
1' part., ch;ip. .'{, plusieurs expressions de
Luiher et de Calvin très- peu orllioloxes, et
conformes à telles des seuii-ariens touclMut
le mystère de la sainte Trinité. A la vérité,
Moshcim ne fait aucun cas de cette histoire;
ce n'est, dil-il, qu'une misérable compila-
tion des hisioricns les plus triviaux; elle est
d'ailleurs reui|ilie d'erreurs, et chargée d'une
foule de choses qui n'ont aucun rapport ni
av' c l'histoire de Sociii ni avec la doctrine
qu'il a enseignée. Alais ces historiens tri-
viaux sont les iociiiicHs mêmes, et ces choses
prétendues élrani;éres au sujet sont la gé-
néalogie des erreurs sociniennes , qui dé-
montre que les réformateurs en sont les
premiers pères ; il est aisé de s'en convaincre
par le détail, lin effet, si l'on cousnlie le
Catéchisme de ftacoio, dressé par Socin.el
l(s écrits (les principaux chefs de la secte,
on voit qu'ils ont enseij:;né : i" Que l'Ecri-
ture sainte est la seule et uiiuiuc règle
de notre croyance; que, pour eu prendre le
vrai sens, il faut consulter les lumières de la
raison; or, la première de ces deux propo-
siiions est la maxime l'ondamcntule du pro-
testantisme. Quant à la seconde, elle ne se
trouve point, à la vérité, dans les confessions
de foi des protestants, l/i plupart ont gardé
le silence sur le guide que nous devons
consulter pour prendre le vrai sens de llî-
ciilure sainte; mais c'est justement ce (lu'il
aurait fallu d'abord établir. Plusieurs disent
que la vériial)le interprétalion de l'Ecriture
doit être tirée de l'iùriture inôiu', mais c'est
un verbiage absurde. Lorsqu'après avoir
rassemblé tous les passages de l'Ecriture
qui concernent une question, et après les
avoir comparés, il reste encore du doute
sur le sens dans lequel il faut les prendre,
et que deux partis contestent encore sur ce
point, nous (leoiandons à ((nelle lumière il
faut .ivoir recours, selon l'opinion des pro-
te.siiuils. Quelques-uns ont avoué qu'alors
c'est l'esprit particulier dechaquo fidèle qui
le guide ; or, cet esprit est-il autre chose
que la droite raison, comme le veulent les
suctniens f U'.iutres ont dit qu'alors Dieu
leur accorde la lumière du Saint-Esprit;
mais on leur a représenté cent fois que cette
confiance est un enthousiasme et un fàoa-
t.'-'V" ru!-; (pi'iii) protestant n'a ;ms plus
r.Mson Je se croire inspiré, du S^ainl-Espril
qu'un sociiiien ou que tout autre sectaire.
iMosheim fait très-bien sentir les cun-é-
(luences funevtes du principe des soci'dens.
Par lu droite raison, dil-il, ils entendent la
portion G intelllgeme et de discerneuienl
(lue la nature a donnée à chaque particu-
lier; d'où il s'ensuit qu'une docirine ne doit
être reçue comme vraie et divine, qu'autant
i]u'elle est à portée de celte mesure d'intel-
ligence toujours très-bornée. Et, comme le
degré de celte lumière n'est point le même
dans tous les hommes, il doit y avoir à peu
près autant de religions que de lôtes; l'uu
.iilojitera comme divine uin! docirine que
l'autrer<îgardera comme m jargon iniuielli-
gible. .Nous en convenons, et c'est ce que
nous ne cessons d'objecter aux proteslants.
De même que chez les socinieti'! c'est le de-
gré d'intelligence naiurele de chaque par-
ticulier qui décide du sens de l'Ecriture,
parmi les proteslauls c'est le degré d'.nspi-
r.ition préieuduo que chaque particulier se
flatte d'avoir rei^-ue. Aussi l'on sait comment
ces derniers se sont tirés de toules les dis-
putes qu'ils ont eu 'S avec les socintens ;
lorsi(u'ils se sont bornés à leur alléguer -es
passages de l'Ecriture sainte, leurs adver-
saires leur en ont oppos;; de leur crtlé.
Lorsque les protestants, pour en prouver le
vrai sens, ont eu recours à l'ancienu tradi-
lion, à la manière dont les Pères de l'Eglise
Tout entendue, les socinie)is leur ont de-
mandé par dérision s'ils étaient redevenus
papistes. Voy. Ec.rituke sàiNTii, § 'i.. — 2°
Conséquemment à leur principe, les suci-
niiiis oui n jeté de leur profession de foi tous
les mystères, tous les dogmes qui leur ont
paru incompréhensibles, non-seulem •ut la
sainte l'riniié, la divinité de Jésus-Clirist,
lincarnatiou, les sati-facti ms de ce divin
Sauveur, la communication du péché origi-
nel, les effets des sacrements, l'operaliin de
la grâce, la justification, eic, m.iis tous les
altriiiuts de la Divinité que notre faible
raison ne peut concevoir, comme l'cterniié,
l'inlinité, la toute puissance, et tous ceux
qu'il est difficile de concilier ensemble ,
comme l'immensité avec la spiritualité, ta
liberté avec l'immutabiliié, la justice avec la
misérico.de, etc. i'our justifier celte lémé-
rile, il n'ont pas uianqué d ■ répoler, contre
les mystères en général, les objections que
les protest uits ont laites contre celui do la
présence réelle de Jésus-Chriil dans l'eucha-
ristie et de la Iranssubstanliatiou ; c'est un
fait qu'il ne faut pas oublier. — 3' Ils n'ad-
inetleiit point la création prise en rigueur,
parce qu'ils ne conçiivenl pas, disent-ils,
(jue Dieu puisse donner l'existence à des
substances par le seul vouloir; et ils assurent
gravement que ce dogme n'est pas claire-
ment révélé dans l'Ecriture sainte. Us refu-
sent à Dieu la prescience des futurs contin-
gents, cl ils prétendent ((u'ellc ne peut pas
se concilier avec la liberté de l'homuie.
Quelques-uns oui poussé l'iuipiété jusqu'à
nier la Providence, et rejeter la notion de
pur esprit. Ou ne -ail pis trop qucll' id
ios ^ '^i' ' soc ■ ^ •
ils se sont formée de la nature divine ; si
Dieu est corporel , il rst nécessairement
borné. — ^' Us ne sont pas mieux d'accord
sur la nature de Jésus-Christ; quoiqu'ils
consenlent à l'appeler le Verbe divin, le
Fils de Dieu, Dieu manifesté en chair, comme
s'expriment les écrivains sacrés, ils ne pren-
nent point res titres dans le même sens que
les autres chrétiens, cl ils se réunissent tous
à nier que le Verbe nu le Fils soit coéternel,
cgaletconiubslanliel au Père. Les uns pen-
sent que Dieu a formé l'âme de Jésus-Christ
avant la création, qu'il lui a donné uhc sa-
gesse et une puissance sui)érieures à celles
de toutes le* créatures, et qu'il s'est servi de
loi pour fiibriquer le monde. D'autres en-
tendent par le monde, non l'univers maîériel,
mais le monde spirituel, et, comme ils di-
sent, le nouveau monde, c'est-à-dire la répa-
ration du genre humain. Plusieurs disent
que Jésus-Christ est appelé le Verbe, par. e
que Dieu a parlé aux hommes par la bouche
de ce divin Maitre; Fils de Dieu, pane qu'il
a été formé miraculeusemenl dans le sein de
Marie, par le Saint-Esprit, c'est-à-dire par
l'opération de Dieu. Quelques-uns sont allés
jusqu'à dire qu'il est né comme les au-
tres hommes, qu'il est fils de Joseph et de
Marie, mais que c'est un grand prophète;
d'autres ont enseigné qu'il ne faut ni adorer
ni invoquer ce divin Sauveur, et on prétend
que Socin lui-même ne blâmait pas ce sen-
timent. Comme ils n'admettent pas le péché
originel, ils pensent que la rédt mplion con-
siste en ce que Jésus-Christ nous a donné
des leçons cl des exemplts de sainteté, et en
ce qu'il e'^l mort pour confirmer sa doctrine;
ainsi l'enlendaienl les pélagiens.— S-Comme
les protestants, ils u'admetteni que deux sa-
crements, le baptême et la cène, et ils ne
leurattribuent point d'autre vertu que d'ex-
citer la foi ; conséquemiiH ni ils ne turptisent
(es enfants <)ue quand ils sont p;irvenus à
l'âge de raison et qu'ils soni instruits des
vérités chrétiennes ; souvent ils ont réitéré
le baptême à ceux qui entraient dans leur
société. — 6° Les soriniens nient la possibi-
lité d'une résurreciion générale et rélernilé
des peines de l'enfer; ils croient que les
âmes des méchants seiont anéanties , mais
(jne celles des justes jouiront d'un bonheur
(•lernel. — 7° Socin prétend qu'il n'est pas
permis de faire la guerre, de poursuivre en
justice la réparation d'une injure, de jurer
ilevanl les magistrats, d'exercer la fonction
(le juge, suitout dans les procès criminels ;
de tuer un assassin ou un voleur, mcme en
se défeudan!; il a emprunté cette morale
rigide des anabaptistes. — 8 Ces sectaires
ont renouvelé toutes les accusations, les in-
veclives, les calomnies que les prétendus ré-
formateurs avaient forgées contre les Pères
rie l'Eglise, contre les papes, les conciles, le
rlergé catholique, î'Lglise romaine en gé-
néral; ils lui ont reproché l'i lo àtrie, l'in-
loléraiice, la tyrannie en fait de religion,
fie. Mais ils n'ont pas ménagé davantage
lis protestants , lorsque ceux-ci les ont
;onsurés, excommunies, persécutis, et les
koc
490
ont fait proscrire par la puissance séculière.
11 nous paraît inutile de pousser plus loin
le détail des erreurs sociniennes ; un auteur
allemand les a portées au nombre de 229
articles, et nous en avons déjà parlé au mot
Fils de Dieu. Comme il n'y a parmi ces sec-
taires aucune règle de foi qui les gêne, on
ne trouverait peut-être pas deux sociniens
parfaitement d'accord dans leur croyance.
A force d'employer des règles de critique,
des observations de grammaire, des ponc-
tuations arbitraires, des variantes ou des
fautes de copistes , des confrontations de
passages, des subtilités de dialectique, ils
font dire aux écrivains sacrés tout ce qu'il
leur plaît ; l'Ecriture pour laquelle ils af-
fectent de témoigner le plus grand respect,
ne les incommode jamais. C'en est a-isez
pour démontrer ((ue le socinianismc n'est
. dans le fond qu'un d isme mitigé ou pallié.
En effet, il y a des déistes de plusieurs es-
pèces : les uns rejettent absolument toute
révélation; ils soutiennent qu'en l'ait de re-
ligion, comme en toute autre chose, l'homme
ne doit suivre aucun autre guide que les
lumières de sa raison. Les autres ne font
aucune difficulté d'avouer que Jésus-Christ
a été suscité de Dieu pour donner aux
hommes de meilleures leçons que celles
qu'avaient données les sages qui l'avaient
précédé. Quelques-uns ont dit qu'il ne le-
jel'ent ni n'avouent positivement la révé-
lation ; que s'il y a des preuves de ce fait,
il y a aussi des objections qui lecombattenl ;
qu'il faut donc se tenir dans le doute à ce
sujet, et en revenir toujours à consulter la
raison pour savoir si un dogme est révélé
ou non ; que si, dans les livres que nous re-
gardons comme les titres de la révélalion,
il y a des choses que l'on peut croire révé-
lées, il y en a aussi d'autres que l'on ne
peut aiiinellre sans blesser la r.iison. Dès
lois ces livres n'ont pas plus d'autorité que
tout auire livre; nous devenons les maîtres
d'en retenir ou d'eu rejeter ce que nous ju-
geons à propos. Telle est évidemment la
manière de penser des sociniens. Aussi
voyons -nous par les écrits des déistes mo-
dernes, qu'ils ont pris chez les sociniens la
plus grande partie de leurs objections con-
tre les dogmes que nous soutenons révélés;
de même que les sociniens ont empiunté
leurs principes et la plupart de leurs
dogmes des protestants. Puisque les pre-
miers ne refusent point de reconnaître
ceux-ci pour leurs maîtres, les protestants
ont mauvaise grâce de ne vouloir point
avouer les sociniens pour leurs disciples.
Mais nous avons Tait voir ailleurs que le
déisme lui-même est un système inconsé-
quent dans lequel un raisonneur ne peut
pas demeurer ferme ; que de conséquence eu
conséquence, il se trouve bientôt entraîné
à l'alheisme , au matérialisme , enfin au
pyrrhonisine absolu, dernier terme de l'in-
crédulilé; nous en sommes convaincus ,
non-seulement par les arguments que les
malcrialisles ont oficosés aux déistes, mais
«ncore par le l'ait, puis(|ue nos plus célèbre*
497
SOC
àuC
ai
incrédules, après avoir prêché pendant quel-
que temps le déisme, en sont venus à ensei
gner liaulemenl le matérialisme. Kien ne
prouve mieux la liaison des vérités qui com-
poscni le syNtèrne de la religion clirélii'nne
et callioliquc, que l'eiifhalnpnient des er-
reurs diins lesquelles lniiibent néc'-ssaire-
ment tous ceux qui s'écarlenl du principe
sur ItMiuel celte religion divine est fondée,
Vof/. EllRlîUR.
Il n'est pas nécessaire non plus de rap-
porter et de réfuter tous les sopliismes par
lesqirls ils ont attaqué les dogmes de notre
foi ; nous l'avons fait dans différents ai licles
de noire ouvrage. Nous nous horneionsà
réiioudre une olijection qu'ils ont faite aussi
bien qiie les déistes, louchant leur manière
d'user de l'Ecrilurc sainte.
Malgré les reproches de nos adversairrs,
disent-ils, eux-mêmes sont forcés de recou-
rir aux lumières de la raison pour exiilicjuer
riicrilnre sainte, et pour concilier les pas-
•;igi'S qui semblent so conlrediie. Si d'un
côié il esi dit dans ce livre que Dieu est es-
prit , nous y lisons au'^si qu'il a un corps,
des yeux, des mains, des pieds, qu'il a toutes
les passions de l'humanilé , la haine, la co-
lère, la vengeance, la jalousie. Si les .lUteurs
sacrés nous ensi ignent que Dieu défend le
péciié, qu'il le déteste, qu'il le punit , ils ne
nous disent pas uioins clair<'meiU qu'il le
Cummande, qu'il trompe , qu'il aveugle, qu'il
endurcit les péchi-urs, qu'il leur tend dis
pièges, qu'il met le mensonge dans la houche
des faux prophèies, etc. Pour savoir , enlre
ces divi'is passages , quel), soni ceux aux-
qui'is il faut s'en (( iiir el dont nous demns
uoQs servir pou.' v^ilijui::' !.ï a, .lies, n'esl-
ce pas aux lumières i>e la raison et du bon
sens que nus censeurs onl recours? Pour-
quoi ne vouloir pas que nous en usions de
même toutes les fois que nous trouvons des
passages qui udus paraissent exprimer des
choses fausses, absurdes, indignes de la ma-
jesté divine? L'Ecriture repète cent fois que
Dieu est unique , et celte vérité est démon-
trée d'ailleurs; donc, lorsqu'elle semble en-
seigner qu'il y a trois personnes divines, le
l'ère, le Fils et le Saint-Esprit, la droite rai-
son nous dicte qu'il faut expliijuer ces der-
iiiei s passages par les premiers, et non au
contraire , puisqu'il est évident que trois
personnes, dont chacune est Dieu , seraient
Irois Dieux ; ainsi du reste. — Réponse. Au-
cune secte chrétienne n'a jamais soutenu
que, pour expliquer l'Ecriture sainte, il faut
renoncer aux lumières de la raison , même
à l'égard des vérités démontrables. Or, il est
démontré que Dieu , êire étemel et mi es-
saire, existant de soi-même , et un esprit,
et non un corps ; qu'il est intelligent et sa^e,
par conséquent incapable de se contre. lire,
de défendre le crime et de le faire commettre,
de le punir et d'en être la cause , etc. il est
donc très-permis de consulter alors les lu-
mières de la raison , piur prendre le sens
;les passages de l Ecriture qui doivent lixer
iit>tre croyance sur ces divers articles.
JUais il n'est pas prouvé que Dieu ne peut
nous révéler que ce que la raison peulcona-
prendre, et dont elle peut démontrer la vé-
rité. Au contraire , il est évident que Dieu
existant de soi-même est infini ; et, puisque
nous ne pouvons comprendre l'infini , c'est
une absurdité de ne vouloir admettre dans
la nature de Dieu que ce que nous pouvons f
comprendre, par cuiiscquent de rejeter la: •
trinilé des piTsoiines , qui lient à l'essence
même de Dieu. Elle ne nous parait opposée
à rnnilé de Dieu que parce (juc nous com-
parons la nature et les personnes divines à
la nature et aux personnes humaines ;com-
paralsDii évidcinment fausse. Ce n'est donc
pas ici le cas de consulter la raison ou la
lumière naturelle , puisqu'elle n'y peut rien
voir: nous sommes forcés de nous en tenir
à ce que nous en dit la révélation.
La vérité de cette théorie est démontrée
par l'exemple des aveugles-nés ; incapable»
de comprendre par eux-mêmes si ce qu'on
leur dit des couleurs , d'un miroir , d'une
perspective, est vrai ou faux, ils sont forcé»
de s'en tenir au témoignage de ceux qui ont
des yeux ; et c'est la raison même ou le bon
sens qui leur prescrit cette conduite. Les »o-
chiiens ni les déistes n'ont jamais eu rien à
répondre à cette comparaison. — En second
lieu, il est faux qu'à l'égard môme des véri
tés démontrables que l'Ecriture sainte seii»-
ble quelquefois contredire , la raison soit
notre seul guide pour prendre le vrai sen»
des passages , puisque nous ne manquons
jamais de consulter la tradition. Ainsi, pour
entendre, comme nous faisons, les texte»
qui concernent la spiritualité de Dieu, sa
sainteté , sa justice , nous sommes guidé»
non-seulement par la raison, mais par l'en-
seigiicmenl constant, univer-.el, uniforme de
l'Eglise chrétienne , depuis les apôtres jus-
qu'à nous ; el cette même règle nous apprend
que la trinilé des personnes divines n'est
point opposée à l'unilé de nature. Quant à
ceux qui rejettent t'auturiléde la tradition,
comme font les proleslants , c'est à eux de
voir ce qu'ils ont à répondre à l'objeclioD
des sociniens. Jamais la nécessité de ce guide,
pour interpréter l'Ecrilure sainte, n'a été
mieux démontrée que par l'excès des éga-
rements de ces derniers.
Le célèbre Leilmilz parlant d'eux , dit
qu'il semble que les auteurs de cette secte
aient eu envie de rafliner , en matière de
réformation, sur les .Vllemands et sur les
Français, mais qu'ils ont presque anéanti
la n^ligion, au lieu de la purifier. 11 sentait
que ces sectaires n'ont fait que pousser plus
loin les conséquences du principe des pro-
testants. Mosheiin a donc eu beau vanter
le zèle de ceux-ci à s'opposer aux progrès
du iociuianisme , eux-méiocs avaient frayé
le chemin que les unitaires ont suivi, et il
ne leur a pas été possible d'arrêter le cours
du mal dont ils ont été les premiers auteurs.
Leibiiitz nous app'cml ijis'un ministre du
P.ilailnat voulait établir une intelligence
entre les anti-trinitaires et lus m^tiouiélans;
qu'un Turc .lyant entendu ce que lui disait
un iocinien polonais, s'ctouua de c,e qu'il d«
4B9
SOC
SOL
jiO
se fnisail poinl circoncire. En effet , Abadie
a irès-bicn (vroiivé que si Jésus-Christ n'est
pas Dieu , c'est le ni;ihomi'(isme qui est la
vérilahle religion. Il semble môme, continue
leilinilz, (lui' les Tuics, en rcfusanl de ren-
dre un ruile à .lésus-Chrisl , agissent plus
conséquemiiient (pie les sociniens , puisque
enfin il n'est pas permis d'ailorer une créa-
ture. Ces derniers poussent encore l'iiudace
plus loin <]ùe les mahoniélans dons les pninis
de (toclri'.e; car, non contents de comba!tre
!e nijslère de la Trinité, ils affaiblissent jus-
qu'à la tliéologie naliirclle, lorsqu'ils refu-
sent à Dieu la prescience des chos'S contin-
geiUes , 1 rsqu'ils c 'uibatlent l'iinmorlalilé
de riiomme, et qu'ils s'oublient jusqu'à ren-
dre Dieu borné; au lieu qu'il y a <les doc-
teurs inahoaiélans qui ont de Dieu des idées
dignes de sa grandeur. Esprit de Leibnilz,
loni. 1, p. 32i.
La réfutation la plus ingénieuse que l'on
ait faite du socinianisme, est une iMsserla-
tion dans laquelle on a fait voir qu'en sui-
vant Il nvélliiide selon la(]Uelle les socinirns
perver lissent le sens îles passages qui prnu-
venl la divinité de Jésus-Gbrist, l'on peut
prouver aussi que les femmes ne parlicip 'nt
point à la nature humaiiie : Disserlatio in
qunprobalur inutiereu homine- non rsse. No ! v.
delà Képubi. des Lettres, ju(7/«t i&\i&, r.rt.9.
La naissance, les progrès, les divisions,
l'inconslance de la seele soeinienne, démon-
trent plusieurs vérités très - importantes :
l°Qu'en fait de philosophie, il fai.t consulter
priiicipalenienl le sentinvnt inléi leur qui est
le souverain degré do l'évidence, plutôt (juc
les notions abstraites de la métaphysique,
puisciue la plupart des prétendues déimms-
tralioiis fondées sur ces idées alislraites sont
de pures illusions , et conduisent presque
toujours un raisonneur au pyrrhoni:^me ou
au doute universel. 2° Qu'en fait de religiin,
il faut nécessairement une révélation; que
sans ce guide il est impossible de ne pas re-
tomlx^r dans les mêmes ténèbres et les mê-
mes erreurs dans lesquelles les iihilosophes
païens ont été plongés. 3» Qu'en admettant
une révélation, il faut qu'elle nous soit trans-
mise par une autorité visible toujours sub-
sistante , pour prendre le vrai sens de la
doeirinc révélée et des livres dans lesquels
elle est renfermée; (lue si ou laisse aux
hommes la liberté de lis imerpréler comme
il leur plail , il y aura toujours autant de
relig oiis particulières que de (ôies ; qu'ainsi
la révélation ne servira plus à rien qu'à
fournir matière à de nouvelles disputes.
4° Que lesyslèmede l'Eglise catholique e-t
par conséquent le seul vrai, le seul solide,
le seul qui soii lié et conséquent dans toutes
.ses parties; que hors de là il n'y a plus de
vrai ehristianisme.
SOCtiOLANS, congrégation de religieux
franciscains, d'une reforme particulière éia
blie par saint l'aulet de Foligny, eu 13li8.
Celui-ci était un ermite qui, voyant que les
lialiitaiits des nuintagnos voisines île son
ermitage iioitaienl des socques ou des san-
dales de bois, prit pour lui-uiêiue cette chaus-
sure, et elle fut adoptée par ceux qui vou-
lurent imiter sa manière de vivre ; de là ils
furent appelés soccolanti. Los récollels et
les carmélites ont été chaussés de mêmp.
Histoire des Ordres religieux, par le P.
Héhol, I. A'II, c 9.
SODOME , SODOMIE. L'histoire sainte,
Gen., c. XIX, représente les habitants de Sy-
dome, ville de la Palestine, comme un peu-
ple aboniinable,adonné aux désordres coni re
nature, et que Dieu extermina en faisant
tomber le feu du ciel sur eux et sur leurs
voisins. Quant aux circonstances dont cet
événement terrible fut précédé, accompagné
el suivi, voy. les art. Lot, Miîr Morte, cl la
dissert, de dom Calmel sur la ruine de So~
dôme, Bilile d'Avignon, 1. 1, p. 593.
Les philosophes qui oui réfléchi sur les
progrès des passions humaines, ont observé
que l'habitude de l'impudicilé avec les fem-
mes conduit souvent aux crimes contre na-
ture , el cela n'est que trop prouvé par
l'expérience. Sainl Paul accuse de ce désor-
dre les païens en général, et surtout les phi-
losophes du paganisme, Rom. c. i , v. 26 et
27. La vérilc de ce reproche est confirmée
par Lucien, par d'auties auteurs profanes
et par les Pères de l'Ei'Jise. Plusieurs incré-
dules modernes en ont parlé d'une manière
qui prouve qu'ils n'avaient pas de ce crime
toute l'horreur qu'il mérite. Nos lois, aussi
bien ([ue celles des Juifs, le condamnent au
supplice du feu ; mais, à moins que le scan-
dale ne soit public, on juge qu'il vaut mieux
le laisser ignorer que de le punir.
SOLEIL, il n'est pas nécessaire d'avertir
que, dans les livres saints, la lumière du
soleil, ou le soleil levant est quelquefois le
symbole de la prospérité , et que le soleil
obscurci désigne l'adversité; celte méta-
phore est si naturelle qu'elle ne peut sur-
prendre personne. Ainsi, quand Isaïe prédit
que la lumière du soleil sera sept fois plus
grande, et que celle de la lune égalera celle
du soleil, que le soleil ne se couchera plus
sur Jérusalem, etc., on comprend qu'il an-
nonçait aux Juifs que leur prospérité serait
[larfdite et constante. Le Messie est appelé
le Soleil de justice, parce qu'il a montré par
ses leçons et par ses exemples en quoi con-
siste la vérilalile jusliceoula parfaitesaiuteté.
Il y a dans l'iiistuire sainle un fait qu'il
est iiiiportanl d'examiner, c'est le miracle
du soleil, ou plutôt delà lumière de cet as-
tre arrêté par Josué pendant l'espace d'un
jour entier, Jos., c. x, v. 11 ; Eccli., c. xlvi,
V. 5. Cela est impossible , disent les incré-
dules ; suivant les déouverles de Newton,
les mouvements des corps célestes sont telle-
ment liés les uns aux autres , qu'un seul
globe ne peut être arrêté sans que ie reste de
la machine s'en ressente, et qao le loul soil
détraqué. Elait-il nécessaire de fiire autant
de miracles qu'il y a de corps célestes pour
diinuer au chef de la horde juive le temps
d'exterminer de m;tlheureiix fuyards? etc.
A etilendre ce langage , il temlile que les
Sjio» ulations de Newton soient des arrêts
[iroiionccs contre la puissance divine ; auo
:in
SOL
SON
5()5
Dieu, quia fail le inonde tel qu'il C3l,nc
soit pas assez puissant pour le fuiie aller
auireuienl qu'il ne va , que vingt miracles
lui coâteni i^ilus qu'un seul. Celui qui a fuit
taules choses p.ir le seul vou^oii-, esl-itcui-
liarrassé on fatigué pour faire ce que nous
ne rouiprenons pas? C'est aux philosophes
incrédul 'S di' dcniontrer que Dieu n'a pu ar-
rêter ni ralenlir le ninuvenient de la terre,
sans que celui de tous les autres globes cé-
lestes iûl (!éraM;;é.
Le repos delà lerre pendant ilouze heures
a dû arrèler le cours de la lune, l'Kcrilure
le remarque cspressénient ; voilà tout l'iu-
convpiiienl, si cependant c'en est un. 11 est
dit que le suleil s'est arrêté, comme nous
disons qu'il se couche, ((u'il se lève, qu'il se
nuinlre sur l'horizon, etc. Ce langage popu-
l.iirc , conforme aux apparences , u'esl ni
faux ni ahusif. Par le moyeu de la réfraclion
des rayons de la lumière , nous voyous le
suleil levant plusieurs minutis avant qu'il
soii sur l'horizon, et à son coucher nous le
voyons encore plusieurs minutes après qu'il
est au-dessous. Dieu , sans bouleverser la
nature enlière, n'a-t-il pas pu prolonger ce
phôiiooièno perulanl douze heures? Au lieu
de faire décrire aux ra\oiis de cet aslre une
ligne droite, il a suffi de leur laije décrire
une ligne courbe. Il n'est pis dit dans l'E-
criiure suinte que la nuit suivante fui aussi
longue que les autres nuits.
Quelques philosophes obligeants , pour
éviter le déraiigemeiil de la nature, ont ima-
giné que la piolongaliou du jour fut l'effet
d'un parclie; comme si on paréiie de douze
heures et subsistant après le soleil couché
n'eût pas élé un miracle. Celui dont nous
jjarlons ne fut point opéré pour achever
d'exterminer les tîhauanéens , mais pour
convaincre les Hébieux que Dieu les pro-
tégeait, et pour faire ccminendre à tous les
peuples de la Palestine qu'ils claieul iuseu-
iéj de vouloir lutter contre la puissance
divine. C'est à Dieu et non aux incrédules,
de juger en quelle occasion il est ou u'esl
pas à propos de faire des miracles , el si tel
jirodige convient mieux qui; tel autre au
desse n i(ue Dieu se propose. Voy. \aDisser(,
lie domCalmel sur ce sujet, Bible d' Avignon,
tome 111 , pag. 308. Quant au miracle de
l'ooibie du so/diV qui retarda de dix degrés
sur le cadran d'.\chaz, à la parole d'Isaïe,
nous en avons parlé au mol Houloge.
SOLENNEL, so dit des fêles ou des céré-
monies qui se font avec plus d'appareil que
les autres, elqui atlirenl un plus grand nom-
bre de peuple ; ainsi, nous disons olTice,
messe, procession so/oioe/Zf. L'âi|ues,la l'en-
Iccole, Noél, la fêle du patron d'une paroisse,
de la dé licace d'une église , sont des fêles
soteunelles. Dans les divers diocèsss, les de-
grés de siilennitis n^: se dislinguent pas de
la mêuv^ manière; dans celui de Paris, par
cxfuiple, les |<lus grands jours sont les un-
nueh ; vienuenteusuile les solennels majeurs,
les solennels mineurs, les doubles, elc. Dans
d'aulri's,on disiinguc dos annuels et des scmi-
annuels ; dans (luelques-uns on les distribue
en doubles de première, de soionde, de troi-
sième classe, etc., et l'offire de chacune de
ces fètt'<) a quehiuc chose de particulier.
SOLITAIKI'^. Vol/. Anacuohète.
Solitaiubs. Nom de (|uelques religieuses,
en particulier de celles du monastère de
Faiza en Italie, fondé par le cardinal Har-
berin; cet institut fut anprouvé par un bref
de Clément X, l'an 1070. Les Biles qui l'ont
embrassé observent une clôture, un silence,
une retraite plus sévères que toutes les au-
tres religieuses. Elles ne portent point de
linge, vont pieds nus, s ins sandales, comme
les clarisses ; elles ont pour habit une robe
de bure ceinte d'un(\ grosse corde, mènent
à tous égards une vie très - dure el très-
austère. H n'est pas nécessaire sans doute
qu'il y ait un très-grand nombre de ces re-
ligieuses, mais il est bon qu'il y en ait quel-
ques-unes , afin que cet exemple nous ap-
prenne ce que peut faire la nature la plus
faible avec le secours de la grâce, et qu'il
démontre aux incrédules que ci' que l'on ra-
conte des anciens solitaires n'est pas fabu-
leux. Souvent il a f:iil rentrer en eux-mêmes
des i)echeurs très-endurcis, et a fiit sentir
à des âmes mondaines le ridicule el le crime
de leur luxe el de leur mollesse.
SO.MASQIIES, clercs réguliers ou religieux
de la congrégaliou de saint .NlaleuL qui sui-
vent la règle de saint Augustin. Ils ont tiré
leur nom de la ville do Somusque, située en-
tre Mil.in et Bergame, (lui est leur chef-lieu.
C<'t institut, qui n'est guère connu qu'en Ita-
lie, eut pour fondateur .Jérôme Amiliani, no-
ble vénitien; if fut coufirmé l'an 1540 et 1503,
par les papes Paul lll et Pie IV. Leur prin-
cipale occupation est d'instruire les igno-
rants, et suriout les epfan'ts, des principes et
des précei'tes de la religion chrétienne, et de
pourvoir aux besoins des orphelins. Il est
probable qu'ils ont pris pour patron saint
Maïeul, nbhé de Cluni, mort l'an 994, à cause
du zèle qu'avait ce sainl religieux pour l'a-
vancement des sciences, dans uu sièile où
elles n'étaient guère cultivées. Les clercs
réguliers de, la doctrine chrétienne, ou doc-
trinaires, fout en France ce que les somas-
qurs font en Italie.
SONGE, Il est parlé, dans l'Ecriture sainte,
de plusieurs songes prophétiques qui ve-
naient certainement de Dieu; ceux d'Abimé-
lech, de Jaeoli, de Laban, de J(iseph, de Pha-
raon, de Salomon , de Nabuehodonosor, de
Daniel, de Judas Machabee, de saint Joseph,
époux do la sainte Vierge, étaieul de vérita-
bles inspirations par lesquelles Dieu faisait
connaître ses volont^'s à ces divers person-
nages, ou les instruisait d'événements futurs
que lui seul pouvait prévoir. L'exactitude
avec laquelle les événements ont répondu à
toutes les circonstances de ces songes , ne
nous laisse aucun motif de juger que c étaient
des effets naturels ou des illusions. Dieu,
sans di4Ule,est le maître d'instruire les hom-
mes de ciueile manière il lui plail, ou par lui-
niême, ou par ses anges, ou par des causes
naturelles dont il dirige le cours; el quand il
le fail, il a soin d'y joindre des circonstances
5ii3
SON
SON
304
et des molifs de persuasion en vertu desquels
on ne peut p.is douter que ce ne soil lui qui
agit. Cette vérité ne peut élre révoquée en
doute que pjir ceux qui ne croient ni Dieu ni
providence. Mais, par celle conduite, Dieu
n'a point autorisé la confiance aux songes en
général. Dans le Lévilique, c. xix, v. 26, et
dans le Drutéranome, c. xviii, v. 10, il déten-
dit aux Israélites d'obs<'rver les songes. L'im-
pie Manassès donnait dans celte supcrsti'ion,
cl cela lui est repmché comni'e un crime,
7/ Parnlip., c. xxxiM , v. 6. L'Ecclcsiaste dit
que les songes peuvent causer de grands
chagrins, c. v, v. 2, et l'auteur de VKcclé-
sHisli(/ue observe (ine ça été pour plusieurs
une source d'erreurs, c. xsxiv, v. 7. Is.iïe
accuse les faux prophètes de désirer des son-
ges, c. Lvr, V. 10; Jérémie les tourne en ridi-
cule, c. xxiii, v, 25 et 27, et il défend aux
Juifs d'y ajouter foi, c. xxix, v. 8, etc.
Les rèies de l'Eglise, comme saint Cyrille
de .lérusalem, saint Grégoire de Nysse. saint
Grégoire le Cirand, le pape Grégoire II, ont
ré(M té ces leçons aux chrétiens; un concile
de Paris, en 82fi,dil que la confiance aux
lonyes est un reste du paganisme; dans les
bas siècles, Jean de Salisbéry, évêque de
Chartres, Pierre de Blois et d'autres, ont tra-
vaillé à dissiper celle erreur, Tliiers, Traité
des Supersl., l. 1, 1. ii, ch. 5. Ce n'est donc
pas faute (l'instruction, si, dans tous les siè-
cles, il s'est liouvé des esprits faibles qui
ont ajouté foi aux songes.
Un sav.inl acadé:iiicien, Hist. de VAcndé~
mie des Inscript., t. XVIII, p. 124, în-12, a
fait un mémoire dans lequel il prouve que ce
préjugé a élé commun à tous les peuples :
les Egyptiens, les Perses, les Mèdes, les
Grecs, les Romains, n'en ont pas été plus
exempts que les Chinois, les Indiens et les
sauvages de l'Amérique. Plusieurs philoso-
phes les plus célèbres, tels que Pylhagore,
Socrale, Platon, Chrysippe , la plupart des
stoïciens et des péripaiéticiens, Hippocrale,
Galien, Porphyre, Isidore, Damascius, l'em-
pereur Julien, etc., étaient sur ce point aussi
crédules que les femmes, et plusieurs ont
cherché à étayer leur opinion sur des rai-
sons philosophiques. D'autres, à la vérité,
ont eu assez de bon sens pour se préserver
de cette erreur : on met de ce nombre Aris-
tote, Théophrasle et Plularque. Cicéron l'a
combattue tie toutes ses farces dans son w
livre de la Divination, mais il ne l'a pas dé-
truite.
En parlant des sauvages, qui sont souvent
tourmentés par les songes, un de nos incré-
dules niodernes dit que rien n'est si naturel
à l'ignorance que d'y attacher du mystère
et de les regarder comme un avertissement
de la Divinité, qui nous inslruil de l'avenir;
que de là sont nés, chez les peuples policés,
les révélalioMS. les apparitions, les prophé-
ties, le sacerdoce et les plus grands maux;
que rêver est le premier ras pour devenir
prophète, etc. Il aurait dû faire attention que
les philosophes (jui onl rai>^onné sur les
songes n'étaient pas des ignorants, et que tous
ceux qui en onl eu, auxquels ils oui ajouté
toi, ne se sont pas pour cela érigés en pro-
phètes. L'homme le plus sensé et le moins
crédule peut être fort ému par un songo
bien circonstancié et vérifié ensuite par l'é-
vénement ; il peut sans faiblesse l'envisager
comme un pressentiment, et l'article des
pressentiments n'a pas encore été éclairci
par les plus savants philosophes. S'il arrivait
quelque chose de semblable à un incrédule,
toute sa prétendue force d'esprit pourrait
bien en être déconcertée. Les prophéties
pour lesquelles nous avons du respect ne
ressemblent point à des songes, et elles onl
souvent élé faites dans des circonstances qui
ne laissaient pas le temps de rêver.
Bayle, que l'on n'accusera pas de crédulité
ni de faiblesse d'esprit, a fait à ce sujet des
réflexions très-sensées. « Je crois, dit-il, que
l'on peut dire des songes la même chose à
peu près que des sortilèges : ils conliennent
infiniment moins de mystères que le peuple
ne le croit, et un peu plus que ne le croient
les esprits forts. Les historiens de tous les
temps et de tous les lieux rapportent, à l'é-
gard des songes et à l'égard de la magie, tant
de faits surprenants, que ceux qui s'obsti-
nent à tout nier se rendent suspects, ou de
peu de sincérité, ou d'un défaut de lumière
qui ne leur permet pas de bien discerner la
force des preuves. Si vous établissez une fois
que Dieu a trouvé à propos d'établir certains
esprits, cause occasionnelle de la conduite
de l'hoïKme à l'égard de quelques événe-
menlîi , toutes les difficultés que l'on fait
contre les songes s'évanouiront. » Bayle s'at-
tache ensuite à développer les conséquences
de celle hypothèse, et il fait voir qu'en la
suivant, les raisons par lesquelles Cicéron a
combattu contre les songes n'ont plus au-
cune force, « Or, continue-l-il, il suffit à ceux
qui croient aux songes de pouvoir répondre
aux objections : c'est à celui qui nie les faits
de prouver qu'ils sont impossibles; sans cela
il ne gagne point sa cause. » Dicl. Crit. Majus,
Rem. D. Nous n'avons aucune intention d'a-
dopter la théorie de Bayle : nous ne la citons
que pour faire voir aux incrédules qu'en
décidant de tout avec tant de hauteur, ils
ne connaissent ni les réponses que l'on peut
donner à leurs objections, ni les difficultés
que l'on peut leur opposer. Vainement, pour
se tirer d'embarras, ils se rcirancheni dans
le système du matérialisme : Bayle a fait
voir, dans l'article Spinosa, que, même en
suivant ce système, ils ne peuvent' nier ni
les esprits, ni leur action, ni la magie, ni les
démons, ni les enfers. Il ne leur reste donc
que la ressource du pyrrhonisme, et ce phi-
losophe en a encore démontré l'inconsé-
queuce cl l'absurdité à l'urlicle Pyrrhun.
Quoiqu'il y ait dans les livres saints une
défense générale d'aj"uier foi aux songes, et
que les Pères de l'Eglise aient répète aux
chrétiens la même déténse, il ne s'ensuit pas
que les personnages dont nous avons parlé
aient eu tort de prendre les leurs pour des
avcrtisseuienis du ciel; Dieu, qui les leur
envoyait, les accompagnait de signes inté-
rieurs ou extcricuis desquels ou pouvait
505
SON
conclure avec certitude quR ce n'élaient point
de simples illusions de l'imagination.
Ceux qui ont raisonne' sensément sur la
Tacilité avec laquelle on so laisse émouvoir
par les sonqf», ont avoué qu'elle a souvent
été très-paritonnable.
Il est arrivé à une infinité de personnes
d'avoir di's songes suivis, rirconslaiiriés, qni
semblaiint rédéchis et raisonnes, qui regar-
d.iieiit l'avenir, et qui ont été exactement
vérifiés par l'événement. Comme celte cor-
responilance ne pouvait pas être prise pour
!'( ffet du hasard, on en a conclu qu'il y av;iil
quol(|nc chose île divin et de surnaturel. Ce
phénomène, devenu assez conimun.a fait
croire qu'il en était de même de tous les
tonges, et que c'était un moyen par lequel la
Divinité voulait faire pressentir l'avenir : il
n'y a là ni imposture ni Tiurberie. Le com-
mun des hommes n'est pas obligé d'être phi-
losophe, ni de faire à tout moment des ré-
llexions profondes, pour savoir si tel événe-
ment est naiurel ou surnaturel. Comme les
païeu'; étaient persuadés que le monde était
peuplé d'esprits, d'inlelli;;ences , de génies,
qui opéraient tous les phénomènes de la na-
ture, qui étaient la cause do tous les événe-
ments, de tout le bien et de tout le mal qui
arrive aux hommes, ils ne pouvaient man-
quer de leur attribuer tous les songes bons
ou mauvais. C'est ditnc encore ici un fait qui
prouve, contre les incrédules, qu'il n'est pas
vrai que touies les erieurs, les superstitions,
les abus et les absurdités en fait de religion,
soni venues delà fourberie des imposteurs et
de ra.-.luce de ceux qui vnul lient en profiter.
PreM)ue tous ont trouvé plus de la muilié de
la l'csogne faite. Plusieurs, sans doute, ont
su en tirer parti pour leur intérêt, puisque
plusieurs s'aliribuérenl le talent d'interpré-
ter les songes; ils en firent une science ou
un art sous le nom A'unéirocritie ou oniro-
criiie, terme grec composé û'ô^tipiç, songe, et
xpi-:ri; , juge : c'était une des espèces de divi-
naiion. Nous voyons même, par le témoi-
gnage des Pères de l'Eglise, qu'il y avait
chez les païens des honimes nui se vantaient
de pouvoir envoyer aux autres des so7iges
tels qu'il leur plaisait. Saint Justin, Apol. 1,
n. 18: Trrtull., Apolnget., c. 20.
L'art dont nous parlons commença, dil-on,
chez les Egyptiens ; du moins, il fut en hon-
neur parmi eux. Waiburlhon prétend que
les premiers interprèles des songes ne furent
ni des fourbes ni des imposteurs : il leur est
seulement arrivé, dit-il, de même qu'aux
premiers astrologues, d'être plus supersti-
tieux que les autres hommes, et de donner
les premiers dans l'illusion ; la confiauce
aux songes était généralenieiil établie, ils
n'en so.t pas les auteurs. (Juand nous sup-
poserions qu'ils oui été aussi fourbes que
leurs successeurs, du moins leur a-t-il fallu
des matériaux pour servir de base à leur
prétendue science ; et ils les ont trouvés tout
formés dans le langage hiéroglyphique des
Egyptiens. Dans ce langage, un dragon si-
gnifiait la royauté, un serpent indiquait les
maladies, une vi^jèiu désignait de l'argeot,
des grenouilles marquaient des imposteurs,
le ( iiat était le symbole de l'adultère, eli-,
tjes divers objets conservèrent la mcme si-
gniliealion dans l'interprétation des songes.
Ce fondement , continue Warburthon , d in-
nail beaucoup de crédit à l'art, et satisfaisait
également celui qui consultait et celui qui
répondait, puisque dans ce temps-là les
Egyptiens regardaient leurs dieux comme
auieiirs de la science hiéroglyphi(jue : rii ii
n'était donc plus naturel que de supposer
que ces mêmes dieux, qu'ils cKiyaieiic au-
teurs des songes, y c mpUiyaii'nt le inéme lan-
gage que dans les biéruglyphes. Il est vrai
que Vonéirocritie une fois en honneur, cha-
que siècle introduisit, pour la décorer, de
nouvelles superstitions qui la surchargèrent
à la fin si fort, que l'ancien fondement sur
lequel elle était appuyée ne fut plus connu
du tout.
Ces conjectures peuvent être aussi vraies
qu'elles sont ingénieuses ; mais nous n'a-
vouerons pas que Joseph se servit de Vonéi-
rocritie, et en suivit les règles pour inter-
préter les deux songes de Pharaon. Lorsque
ce patriarche eut dans la Palestine, et dans
sa première jeunesse, deux songes qui présa-
geaient sa grandeur future, il ne connaissait
pas les Egyptiens, et Jacob son père, (|ui
pénétra très-bien le sens de ces deux rêves,
n'avait jamais vu l'Egypte, Gm., c. xxxvii,
v. G. Lorsqu'il expliqua le songe de l'écban-
son de Pharaon et celui du panetier, Gen.,
c, XL, il ne fut pas question d'hiéroglyphes,
et il leur déclara que Dieu seul peut inter-
préter les songes, v. 8. QU'ind •' serait vrai
que, dans le langage hiéroglyphique, les épis
de blé étaient le symbole de l'abondance, ci
que les vaches étaient celui d'Isis, divinité de
l'Egypte, cela n'aurait pas beaucoup servi à
Joseph pour prédire sept années d'abon-
dance, suivies de sept années de stérilité; les
ii:lerprètes Egyptiens n'y avaient rien com-
pris, Gen., c. XLi, v. 8. Il fit voir, dans la
suite, que Dieu lui révélait l'avenir autre-
ment que par des songes, c. l, v. 23.
Les mages chaldéens faisaient aussi pro-
fession d'expliquer les songes, et il n'est pas
pidbable qu'ils fussent allés étudier cet art
en Egypte. Nous ne connaissons ni leur mé-
thode ni les règles qu'ils avaient imaginées ;
mais, par la manière dont le prophète Daniel
expliqua les songes de Nabuchodonosor, on
voit évidemment que ces songes étaient sur-
naturels, aussi bien que la science de l'in-
terprète : aussi, pour les connaître et les
expliquer, Danii'l eut recours à Dieu, et nOn
à la science des Chaldéens, Dan,, c. ii, v. 18.
(Inelques dissertateurs ont prétendu qu'il
y avait de l'erreur dans la manière dont ces
songes sont rapportés dans les ch. ii et iv de
ces prophètes ; nous avons fait voir qu'ils se
sont trompés. Voy. D\niel.
SOIHONIE, est le neuvième des petits
prophètes; il nous apprend lui-même qu'il
était fils de Chusi, de la tribu de Siméoii. Il
commença de prophétiser sous le règne de
Josias , environ six cent vingt-quatre ans
avant Jésus-Christ, et probablemeal avant
m
SOR
SOR
508
que ce pieux roi eût réformé les di'sordres
di- sa na'ion Les pré(!iclioiis de ce propliète
son! reiifirmées dans inii:. rli;!pilies. Il y
exiiorli' les Juifs à Iti pénitence; il prédit la
ruine de Mnive, el, après avoir fait des ine-
naies lenilUes à Jémsaletn, il finit par des
promesses consolanles sur le rolour de la
captivité de Babv loue, sur rélabli-isement de
la lui nouvelle, sur la vocalion des gentils et
sur les pro!;rès de l'Rglisi' rhrélicnne. So-
phonir a écrit d'un sljle véhément et assez
seniblaLie à celui de Jérémie, dont il paraît
n'cire (lue l'atirévialenr.
Il esi fort éloiinanl ((u'après avoir enleudu
tant (le pro[ilicles prédire la captivité de Ba-
bylone, annoncer les mêmes malheurs, tenir
tous le même langagp, les J lifs en aient été
si peu touchés et se soient obstinés à persé-
vérer dans l'idolâtrie; \\ ne Test pas moins
qu'ils s'opiniàlreiit encore aujourd'hui à
méconnaître le sens de ces prophéties, tou-
chant t'avénement du Messie, la nature de
sou régne, l'étaliHîSeincnt de sa doctrine.
Dix-sept siècles de ui.illieurs n'i^nl pas suffi
piiur les changer; mai» leur endurcissement
même leur a été pré. lit. Ce phénomène suffit
pour nous faire coin|irendre combien il a été
difficile d'en convertie un cerlairT nombre, et
quelle a été la puissance de la grâce qui les
a ch.mgés.
SORliONNE, célèbre école de théologie de
Paris. Cette mai-on, qui devait être pendant
plusieurs -siècles ce qu'elle est encore au-
jourd'hui, l'un des plus fermes soutiens de
la religion, a eu, conimc la plupart des éta-
blissements utiles el dur.ibles, de faibles
commencements. Ce ne fut, dans l'origine,
qu'un collège destiné à nourrir de jeunes et
pauvres ecclésiastiques, et à leur procurer
les moyens de faire leurs études de théolo-
gie. Il eut pour premier fondfileur un (irètre
nommé Robert, né dans le village de Sor-
bonne. près de lîhélel en Champagne, don!
îl porta le nom. tssu de parents pauvres, il
eut beaucoup de peine à faire ses études el
à parvenir au degré de dorteur; mais sa
constance, Son assiduité au travail et ses
snc(ès. le firent bientôt connaître. Il se dis-
tingua par ses sermons et par ses conféren-
ces de piélé. Saint Louis, qui se faisait un
devoir de reihercber el de récompenser le
n:érile, voulut l'entemlre; charmé de ses ta-
lents, il le fit son (hapelaiu ou son aumô-
nier, <■! dans la suite il le prit pour son con-
fesseur, lloberi, nommé a un canonicat de
Cambrai, vers l'an 12S0, conçut dès ce mo-
ment le projet (le fonder un collège [>oiir y
réunir de jeunes clercs peu favorisés par li
fonune, el pour leur procurer gratuitement
des leçons de théologie. Il commciiça à l'exé-
cuter dès l'an 125.'}. Saint Louis voulut y
concourir par ses bienfaits, el partager ainsi
avec son chapelain la gloire dt; celte fonda-
lion. Par divers échanges faits avec le roi,
Roberl acquit le terrain sur le(iuel soiil ac-
tuellement bâties l'église, la maison et les
écoles de Soiboiine. 11 y pi ça d'ab ird seize
pauvres cl( rcs, et il leur donna pour maîtres
trois célèbres docteurs de l'université, liuil-
fanmè dé Saint-Amour, Fudes de Ponai et
Laurent Langlois ; pour lui, fl ne retint que
le litre de proviseur. Ainsi l'on transporta
dans ce cidlége les leçons de théologie, qui
aiifiaravant se faisaient à l'évéché. Le pape
Ciémenl IV, Fr inçais de nation, et qui avait
été secrétaire de saint Louis, confirma cette
fondation, sauf les droits de l'évèque, par
une bn'lo datée de la quatrième année de
.son ponlifieal, par conséquent de l'an I'i68.
Elle est adressée nu proviseur des pauvres
maîtres el élurli'ints en théologie, vivant en
commun. Ce collège a servi do modèle à tous
ceux que l'on a formés depuis. Avant ce
temps- là, il n'y avait en Rompe aucune
commonauté où les ecclésiastiques séculiers
vécussent et enseignassent en commun. Le
f(m(lalrur était devenu chanoine de l'Kglise
de P;iris en 1258. Dans son leslamenl , daté
de lan 1270, il légua à son collège lout ce
qu'il lui avait donné juscin'alors, ei le reste
de sa succession, (lui était considérable, à
Geoffroy de Bar, autre chanoine el son ami.
Celui-ci, élu doyen en 1274, et fidèle aux in-
tentions (lu testateur qui venait de mourir,
transporta cet héritage au collège de Sor-
bonne.
Koherl a laissé plusieurs ouvrages, dont
qutl(|ues-uns ont été im|irimés dans la Bi-
bliotlièque des Pères ou ailleurs; les autres
sont en manuscrit dans la biblioiliè(|ue de
Sorhonne. Les statuts qu il dressa pour son
collège en 38 articles, subsistent encore, el
sont en quelque manière l'âme de la sociéié
qu'il a fondée. Une égalité fraternelle entre
les membres qui la composenl, un respect
C(miStant pour tes anciens usages, un esprit
vraiment ecclésiastique, semblent en assurer
la perpétuilè. De là sont sortis depuis plus de
quatre siècles une multitude de savants théo-
logiens, aussi dislitigués par leur piété que
par leurs talents, qui ont contribué el qui con-
tribue ni encore à la défense de la foi, au main-
tien de la saine morale, à l'édification des fidè-
les, à l'instruction de la jeunesse, à l'honneur
du clergé de France, el à la consolation des
prisonniers. Cette société s'est chargé(> du
triste et pénible, mais ch.;ritable ministère
d'assister les criminels condamnés à la morl.
Le cardinal de Richelieu s'est immorta-
lisé, en faisant rebâtir l'an 1629, l'église, la
maison , les écoles de Sorbonne, avec une
inagnificenee digne de la place qu'il oçcii-
pail, et eu y plaçant une riche bibliothèque ;
il en est ainsi devenu le second fondateur.
Son tombeau, qui est dans l'église, est un
chef-d'œuvre de la scu!()lure française. Oa
peut dire de celte société, sans adulation,
que c'est une des plus belles institutions
qu'il y ail dans l'Eglise, Hist. de t'Eylise
gnllic, t. XII, 1. xxsiv, sous l'an 1272; Vies
des Pères et dea Martyrs, t. Vil, p. 625 ; Diit.
hist. (le l'Aioral, etc.
^ORBONIOUE. Voy. Degré, DocTBun.
SORCEI.LEIUE, SORGIKR, SORTILÈGE.
Ces leri!:es sigiiilieiil ordinairement la niême
chose que '"Jagh:, Magiciev ( Voyez cfS deux
mots), mais le nom de sorcier se prend dans
trois sens diflérenls. L'on entend par là ,
«(i9 soit SOR îilO
1* ceux qui devinent les choses CMctipes, qui il n'est donc au pouvoir (rniirun hoiiitiie
déiouvriMil les nuteurs d'un vol ou les Iré- d'avoir commerce quaiKl il lui plaît avec
sors enfouis , qui se vantent de connaîiie l'enni-nii du genre lniiu,'iin. Elle nous ap-
l'nvenir, de,, et alors ce terme est synony- pr^ n I d'ailleurs que son empire a été dé-
nie à celui de (/eriu. Vo//. Divination. 2° Ci'us Iriiil par ,l6<usCtirisl.
qui 0| èreitt des choses siirpreiiaïUes et i|ui Les anciens Pères de l'Eiflise en parlicu-
paraisent surnalur<'lles dans le dessein de lier, les apologistes du christianisme, ont
faire du mal, comme d'exciter des orages, éprit dans un temps où le paganisme et l'ido-
de causer des maladies aux hommes ou aux latrie subsistaient encore, où la magie étiil
animaux, par des p.iroles, par des cérémo- en usage, où les philosophes même, surtout
nies, par des pratiques superstitieuses. Dans les nouveaux platoniciens, la prali(iuaicnt
ce sens, la sorcellerie est la même chose «juc sous le nom de théurgie. t'c n'était p is là
la mn.jifi noire et malfais.inte ; un sort, un un moment favorable pour discuter tous les
snrtildi/e signifient un maléfice. 3" Le peuple faits, pour en rechercher les causes, pour
entend par sorciers ceux qui ont le pouvoir en démontrer l'illusion. La philosophie ré-
de se transporter dans les airs pendant la gnante, loin de donner quelques lumières
nuit, poui' aller dans des lienx écartés adorer sur ce sujet, n'était pro|)re qu'à enlieleoir
le diable, et se livrer aux excès de l'intem- l'erreur et à la rendre incurable. Les Pères,
pérance et de l'impudicilé. On sait que cette sans contester les faits, se sont bornés à
erreur n'a aucun fondement, que le prétendu soutenir que, s'il y avait quelque chose de
sahlmt des sorciers est l'effet d'un délire et réel dans les opérations des magiciens ou
d'un tiéréglemcnt de l'imagination, causé par des sorcier.?, cela ne pouvait venir que du
certaines drogues des(|iielles se servent les démon : peut-on faire voir qu'ils raisuu-
mnlheureux qui veulent se procurer ce dé- naieiil mal?
lire. Ce fait est prouvé par des expériences Cette matière est traitée avec exactitude
irrécusables. Walebranche , /fer/ferr/irs (h' lu dans le corps du droit cnnon. DecreCi, u^
Vérité, t. I, I. II, c. 6. Parmi tous les faits part., caus. 2G, q. 2. L'on y a distingué les
rassemblés par les divers auteurs qui ont dilîércnles prati<jues superstitieuses dési-
écrit sur ce sujet, il n'y en a aucun de bien gnées sous le nom général de sorlilérje ou de
avéïé, et qui protne (|u'il y a eu un pacte sorcellerie ; l'on y a rapporté les passages
réel et elTeclif entre le démon et les préten- des Pères et les décrets des conciles qui ont
dus sorciers. condamné ttmtes ces impiétés absurdes, et
Ce qui entretient la crédulité populaire, ce qui les ont délendues sous peine d'excom-
sonl les lécits de quelques particuliers peu- munication ; sans attendre les recherches
reux, qui, se trouvant égarés la nuit dans les des pliiloso] lies modernes, plusieurs auteurs
foréis. ont pris p<iur le sabbat des feuv allu- ecclésiasli(|ues ont très-bien com|iris que le
niés par des bùiherrns et des charbonniers, sabhal des sorciers n'i'sl qu'un délire de l'i-
et les cris qu'ils leur ont entendu faire, ou niaginatioii ; ils n'ont cependant pis eu tort
qui, s'elaiil endormis dans la peur, ont cru d'ajouter que cetle illusion méoie est un ar-
entendre et voir le sabbat dont ils avaient tilice du démon ; lui seul a pu suggérer à
l'imagination frappée. des (hrétiens une malice assez noire pour
Ouelques philosophes incrédules, conilui!s Vouloir entrer en commerce aver, lui, se dé-
par leur seule prévenMi>n, se sont persuade vouer à son service et lui rendre un culle.
que ces sortes d'eircurs sont venues des A la vérité il n'y a aucune notion du sahbat
idées ()ue la religion nous donne du démon, chez les anciens Pères de l'Eglise; il est pru-
de ses opérations, de son pouvoir sur les bable que c'est une imagination qui a pris
hommes, des possessions et obsessions, de naissance chez les barbares du Nord, ((ue ce
l'elficaciié des cxorcismes , etc. Aux mots sont eux (|iii l'ont apportée dans nos cli-
MvG!Cii:m et .Magii:, nous avons fait voir mits, et qu'elle s'y est accréditée au milieu
«lue cela est faux, qu'il n'y a rien dans l'E- de l'Ignorance dont leur irruption fut suivie,
criture sainte, dans les Pères de I Eglise, Dans les décrets des conciles qui ont défendu
dans les lois des conciles ni dans les rites sous peine d'à laihùme la div inaimn par les
erclésiasli(iues, qui ail pu servir à autori'-er sorts, les sortilèges ou uialélic s, etc., il n'y
ce préjugé ; qu'au contraire les pasteurs et en a poml qui regarde les prétendus tor-
ies docteurs idirétiens n'ont rien négligé ciers qui vont ou qui croient aller au sab-
pour le détruire. I^es faits que l'on lire île ba' ; preuve évidente que l'on a toujours
1 l'.cnture sainte, comme les prestiges des méprisé cette imagination populaire. Ces
«nagiciens de Pharaon, la pythonissu d'Eo- décrets condamnent tout pacie avec le dé-
dor, les maris de Sara, liile de Kaguel, lues mon ; mais il est évident qu'il faut eiiteiidio
par le démon, les n> aux envoyés au saint tout pai le réel ou imaginaire, puisque la
homnie Job par cet esfirit iorernal, les pos- volonté seule de le former e.sl un crime.
session> dont il est parlé dans l'Evangile, elc, Biiigham , Orig. eccles., I. xm, c. o, § 4 et
ne proivent point qu'il y ait jamais eu de suiv.; Thiers, 2'rait^ de« 5i/pers(., i" partie,
convention réelle entre l'êspril de lénèhres 1- n, c. (i.
et ceux qui avaient recours à lui, et qu'il Leibnitz nous apprend que le P. Spée, jé-
aif pu agir au gré de ces derniers. .\u cou- suite allemand , est l'auteur du livre iiili-
Iraire l'Ecriture sainte suppose et enseigne tulé : Caatto criminalis cirai processus con-
formcilcmenl que le démon ne peut agir '''« .^a^di-; (|ue ce Père, qui avait accompagné
que par nue permission expresse de Dieu ; au supjdice un grand nombre de criminels
su SOR
condamnés comme soj'ciers, avouait qu'il
n'en avait pas trouvé un seul duquel il eût
lieu de croire qu'il était vérilaldement sor-
citr; mais ce l'ère n'en concluait pas que
ces Miallieureux avaient été injusiemenl pu-
nis. S'ils n'avaient point fait de pacte avec
le démon, ils avaient eu du moins la volonté
de le faire; ils avaient commis dans ce des-
jSein des profanations et des sacrilèges ; leur
dessein n'avait pas été de faire du bien,
mais de faire du mal ; il est de l'intérêt pu-
blic de purger la société de pareils mons-
tres. Voilà ce que n'ont jamais considéré
ceux qui tournent en ridicule les lois por-
tées et les arrêts prononcés contre les sor-
ciers. Bajie, (lui n'était ni ignorant ni mau-
vais philosophe, a très-bien prouvé ce que
nous soutenons ici, Réponse aux Qiiesl. d'un
Prov., V part., c. 35. Au mot Magie, § 3,
nous avons fait voir que les cxorcismes, les
bénédictions , les prières de l'Eglise, loin
d'entretenir les erreurs populaires touchant
le sujet dont nous parlons, ^ont au contraire
le remède le plus convenable et le pliis sûr
pour les détruire et pour calmer les esprits
faibles.
SORT, manière de décider par .e hasard
les choses incertaines et pour lesquelles on
ne voit aucune raison de préférence. Les
théologiens distinguent trois espèces de snrl,
celui de partage, celui de consultation et
celui de divination. Le premier se fait lors-
que plusieurs coparlageants tirent au sortie
lot qui leur écherra, lorsque entre plusieurs
personnes qui méritent la même lécum-
p<'nse, on l'adjuge à celle qui l'obtient par
\ti sort , ou lorsque l'on fait tirer au sorl
plusieurs criminels pour savoir lequel d'en-
tre eux subira la peine. Celte manière d'a-
gir n'a rien de répréhensible, lorsque l'on y
observe une égalité parfaite, et qu'il n'en
peut résulter aucun préjudice au bien pu-
blic. Les exemph'S en sont fréqucnis dans
riùrilure sainte ; la terre promise fut par-
tagée au sorl ; les lévites reçurent de uiéme
leur lot par le sort. David distribua par ce
moyen les rangs aux vingt-quatre bandes de
prèires qui di'vaient servir dans le laber-
nacle et dans le temple. Au jour de l'expia-
tion, l'on jetait le sort sur les deux boucs
qui étaient offerts, pour savoir lequel des
deux serait immolé, et lequel serait conduit
dans le désert, etc. De là le sorl de quel-
qu'un signiGe quelquefois dans l'Kcrilure la
poit.on qui lui est arrivée par le sort, ou le
bien qu'il possède. Salomon dit dans les
Proverbes, c. xviii, v. 18, que le sort pré-
vient ou termine les conteslations. Celui qui
faisait tirer au sort mettait les noms ou les
billets dans le pan de sa robe, et on les en
tirait au hasard : Les torts, dit le même au-
teur, sont jetés dnns le pan de la robe (in si-
niim), mais c'est Dieu qui les arrange ou les
distribue, c. xvi, v. 33; il était per.suadé
que la providence de Dieu \ intervenait. On
ti'H niellait aussi ((uelquefois dans un vase
on un calice, et de là est venue l'expression
do David, Ps. xv, v. 5 : Le Seigneur esl la
pari de mon héritage et de mon calice. 11 ne
SOK
M3
parait nulle part que l'on y ail employé
d'autres cérémonies. — La seconde espèce
de sort est celui de consultation ; l'on y avait
recours lorsque la prudence humaine ne
fournissait aucun moyen de découvrir la
vérité, lors<iu'il s'agissait, par exemple, de
découvrir un coupable ou de connaître le
sujet qu'il fallait élever à une dignité ; par
le sorl, on croyait consulier Dieu. Ainsi
Saiil fut choisi pour être le premier roi du
peuple de Dieu , mais il avait déjà été dési-
gné à Samuel par une révélation divine; ce
prophète ne recourut au sort que pour con-
vaincre le peuple du choix que Dieu avait
fait. Saiil lui-même , convaincu que l'on
avait violé une défense qu'il avait faite, (il
jeter le sort pour connaître le coupable, et
le sort tomba sur son fils Jonathas. Josué
avait découvert par la même voie le larcin
qui avait été commis par Achan, dans le sac
de Jéricho. Il n'y a pas lieu de juger <|ue
dans ces occasions l'on a tenté Dieu contre
la défense de la loi ; puisque Dieu permet-
tait aux chefs de la nation d'attendre de lui
des oracles en pareilles circonstances , à
plus forte raison trouvait-il bon qu'ils lui
demandassent de faire connaître sa volonté
par le sor^ El Dieu en agissait ainsi pour
empêcher les Israélites d'employer les pra-
tiques superstitieuses et les différentes es-
pèces de divin ition par lesquelles les idolâ-
tres prétendaient consulter leurs dieux. Yoy.
Divination.
Dans le Nouveau Testament nons ne
voyons qu'un seul exemple du sort de con-
sultation , Act., I, V. 33. Lorsqu'il fallut
donner un successeur à Judas dans l'apos-
tolat, on en proposa deux, Barsabas et Aial-
thius. Saint Pierre, pour ne point montrer
de urédileclion , pria Dieu de désigner par
le sort celui des deux qu'il fallait choisir, et
le sort tomba sur saint Matthias. — Quel-
ques auteurs, à qui cette manière de choisir
un apôtre paraissait être d'un exemple dan-
gereux, ont cherché des raisons pour l'ex-
cuser ; mais nous ne voyons pas en quoi
saint Pierre et ses collègues ont besoin d'ex-
cuse. Les apôtres, à qui Jésus-Christ avait
promis d'envoyer le Saint-Esprit , et qui le
reçurent en effet quelques jours après ,
étaient bien fondés sans doute à espérer que
Dieu se déctiarerait dans cette occasion, el
l'événement a prouvé qu'ils ne se trompaient
pas. 11 était à propos que le choix d'un
apôtre partit venir immédiatement de Dieu
et non des hommes. Ce qui était autrefois
en usage parmi les Juifs n'est pas nécessaire
pour justifier la conduite du collège aposto-
lique.
Pourquoi ne jugerions-nous pas de même
de l'élection de quelques saints personnages
qui ont élé élevés à l'épiDCopal de la même
manière, dans les premiers siècles de chris-
tianisme? Dans un temps auquel Dieu ac-
cordait à sou Eglise les dons miraculeux, ce
n'était pas tenter sa puissance que d'en at-
tendre un signi- surnaturel en pareille cir-
constance ; lor^iju'il se trouvait plusieurs
sujets é|;uleuienl dignes de l'episcopat, el
513
SOR
rgalcDient capables d'en remplir les devoirs,
le anrt étail un moyen de prévenir les ttri-
j^ues, les murmures, les prédileclion^ ()nrmi
les fidèles pour leurs pasteurs, et d'éviter
l'inconvénient (|ui étail arrivé du temps de
saint l'anl.dans ri'"glise de Corinlhe, / Cor.,
c. r, V. 11. Mais, dans les siècles suivants,
lorsque l'elTusion des dons niiraciileux eut
cessé, c'était un abus de vouloir encore ()ue
le sort décidât du choix des événui's ; il
pouvait loinlier sur dos sujets très-peu pro-
pres à remplir celte dignité. Dieu n'avait
pas promis de déclarer toujours ainsi sa vo-
lonté, et il n'y avait plus aucun motif rai-
sonnable de l'espérer. Nous ne devons donc
pas être surpris de ce que cette manière
d'élire, qui avait été formellemenl approu-
vée par un concile de Barcelone, en 599,
pour des raisons que nous ignorons, fut ex-
pressément défendue dans la suite. Il ne
s'i'usuit pas cependant que l'on doive con-
damner de même toutes les élections qui,
dans quelques républiques, se font par le
sort, pour les magisiralures et pour d'au-
tres charges civiles. On n'y suppose rien de
surnaturel, et l'on en use ainsi à l'égard
d'un ordre de citoyens qui sont censés tous
également capables de remplir les devoirs
([ue l'on veut leur imposer.
Enfin, l'on appelle sort de divination celui
qui a été souvent mis en usage pour cou-
nuitre l'avenir. Comme Dieu s'est réservé
cette connaissance pour des raisons tres-
sages, Isai., c. xLi, v. 22 et 23, qu'il ne l'a
prcmiise à personne, et qu'il ne serait pas
utile aux hommes de l'avoir, c'est attenter
à ses droits que de la chercher par des
moyens qu'il n'a pas établis pour cela, et
qui n'ont par eux-mêmes aucune vertu. Le
crime est beaucoup plus grand quand on
em|)loie pour ce sujet des moyens absurdes
ou impii's, et qui ne peuvent avoir aucun
elTet que par l'entremise du démon. C'est
surtout contre celte dernière espèce de divi-
nation que plusieurs conciles ont lancé des
anathèmes. On peut les voir dans Ducange,
au mol Sorts, et dans Tiiiers, Traité des Su-
persiitions, t. I, i" part., I. m, c. 6, etc.
C'est sur ces principes, admis par tous
les Ihéologiens, que l'on doit juger de l'é-
preuve que l'on a nommée les sorts des
saints, dont nous allons parler.
Sorts des saints. On sait que l'usage
étail établi chez les jia'ïens d'ouvrir au ha-
sard rilliade d'Homère ou les poésies de
^'irgile, et de regarder comme un pronostic
certain de l'avenir les premières paroles qui
s'olTraient aux yeux du lecteur; c'est ce que
l'on appela les sorts d'Homère ou de Virgile.
\prè8 la destruction du paganisoie , des
chrétiens mal instruits crurent sauclitier
:elte pratique superstitieuse en consultant
le la même manière les livres sacres, et en
lommant cette espèce de divinaliou les soi ts
les saints. Ou en peut voir un long détail
lans les AJémoiris de l'Acad. des Inscrip-
li(ins,l. XXXI, iii-12, p. 98, et dans Ducange,
au mot Sortes snnclorum. Cela se faisait de
deux muuiàr«g. La premicra consistait à
SOR h\i
ouvrir au hasard l'un des livres de l'Ecriture
sainte, mais après av(»ir imploré aupara-
vant le secimrs du ciel par des jeûnes, des
prières et d'autres pratiques de religion, et
à prendre pour règle de ce que l'on devait
l'aire le premier passage que l'on rencon-
trait. La seconde était de recevoir comme
un oracle les premières paroles que l'on
entendait lire ou ehaiiler en entrant dans
l'église, après avoir lait les mêmes prépara-
tions. Les auteurs que nous venons de citei*
rai>porteiit plusieurs exemples de l'une et
de l'autre.
On se servit quelquefois de la première
pour le choix d'un évêque; c'est ainsi que
saint Aignan fui désigné pour succéder à
saint liuverte sur le siège d'Orléans, vers
l'an 3i)l, et que l'élection de saint Alarlin à
révêche de To:irs fut confirmée, l'an 374-,
malgré l'opposition d'un parti considérable
formé contre lui. Ce sont là les deux seuls
exemples anciens que l'on connaisse; saint
Grégoire de Tours, mort l'an 59j, en a cité
plusieurs autres, mais ils concernaient des
affaires purement lempoi elles, et il y eu a eu
dans ri!.glise grecque aussi bien que dans
l'Kglise latine. — Saint Augustin a blàmé
cette pratique, Epist. 5o , ad Januar.,
cap. 20, n. 37 : « A l'égard, dit-il, de ceux
qui tirent des sorts des livres des Évangiles,
quoiqu'il soit à désirer qu'ils en Usent ainsi
plutôt que de consulter les démons, cepen-
dant cette pratique me déplaît; je n'aime
point que, tandis que les oracles divins ne
[larlenl que des choses de l'autre vie, un les
applique au néant de celle-ci, m aux alTaires
de ce siècle. » Le saint docteur comprenait
que cet usage sentait encore le paganisme.
11 est reconnu que, depuis environ le
viii' siècle, les exemples de cet usage ont
été très-rares; la raison est qu'il avait été
condamné et sévèrement dolendu par les
canons de plusieurs conciles. i;elui de Van-
nes, tenu sous le poiiiilicat de saint Léon,
l'an 4G5, défend aux clercs, sous peine d'ex-
communication, d'exercer la divination que
l'on appelle le son d<s saints, et de pré-
tendre découvrir l'avenir par aucu le Lcri-
lure que ce soit. Ce concile ne l'autorise
pour aucune espèce d'affaires. Ceux d'Agde
l'an 50(5, d'Orléans l'an 511, d'Auxerre en
595, un capilulaire de Charlemagne en 789,
font la même défense, et elle a clé insérée
dans le Peuitenliel romain.
Nous convenons que ces lois ne firent
point cesser l'abus dont nous parlons, puis-
qu'il fallut encore les renouveler dans la
suite ; le désordre même fut poussé plus loin.
On s'avisa, lorsqu'un evêque était sacré, et
après qu'on lui avait mis 1 Evangile sur (es
épaules, d'ouvrir le livie et de prendre le
premier passage qui s'offrait pour une pré-
diction de la conduite future du nouvel
évêque; bientôt on fit la même chose à l'é-
lection des abbes et à la réception des cha-
noines. Cette coutume, à laquelle la mali-
gnité eut ordinairement beaucoup plus de
part que la superstition, produisit souvent
d« très-mauvais eUsls; plus d'un* fois lu
515
SOR
soi
^i«
fâcheux présage tiré des paroles de l'Evan-
{Tile ii\disposa d'avance les peuples contre
leur nouve.Hi pasleur, el servit à rendre
odieuse la conduite de queliiues-iins (jui ne
iiioritaienl pas celle espère d'opprobre ; sou-
veul aussi les espéiances favorables que l'on
avait conçu s de quel(|ues prisonnagcs, sur
l(- même l'réjugé, furent trompées par l'c-
vénenienl. Il est évident que le sort de divi-
nalion él.iit proscrit par les canons, qui dé-
pendaient en général le sort des saints. Nous
nu pensons pas néaninoins ([ue cet abus ait
duré aussi longtemps que nos littérateurs le
prétendeni. Quoiau'il soit encore condamné
par des décrits du wW ou du xiv siècle,
cela ne prouve pas qu'il ait encore été com-
mun pour lors. Il y a encore de vieux Ki-
tucls dans lesquels on excommunie au prône
dcs paroisses les magiciens, les sorciers et
les ilevins ; il ue s'ensuit pas pour cela qu'il
y ait paiini nous un grand nombre de ces
insensés.
L'autre manière de pratiquer le sort des
saints, qui consistait à prendre pour une
prédiction de l'avenir les premières paroles
que l'on entendait lire ou chanter en entrant
dans l'église, n'était pas moins digne de
censure. IMais on attribue cette superstition
à de saints personnages qu'il n'est pas dif-
ficile de justifier. Autre chose est de faire
attention à une rencontre fortuite analogue
aux objets dont on a l'esprit occupé, et d'en
être ému; autre ch se de la regarder comme
un présage certain de ce qui arrivera : le
premier de ces sentiments n'est qu'une fai-
blesse, le second serait une superstition.
Sur la seule autorité de Métaphrasie, au-
teur très-suspect, on dit que saint Cyprien
faisait beaucoup d'attention aux premières
paroles qu'il entendait en entrant dans l'é-
glise, et qu'il les prenait pour un présage
lors(iu'elles se trouviiient analogues aux
pensées ou aux desseins qu'il avait dans
l'esprit. Ce fait aurait besoin d'être mieux
prouvé; on sait que saint Cyprien n'était
rien moins qu'un esprit faible.
On a tort de citer pour exemple saint An-
toine, qui, entendant ces paroles de l'Evan-
gile : Si vous voulez être parfait, allez vendre
ce (jue vous possédez, et donnez-le aux pau-
vres, etc., se fil l'application de ce conseil et
alla l'exécuter; saint Augustin, qui, pour
fixer ses irrésolutions, ouvrit les lipîtres
de saint Paul, et y trouva des paroles qui le
déterminèrent enfin à se convertir; saint
Louis, qui, après avoir accordé la grâce d'un
criminel, la révoqua, parce qu il tut dans le
Psautier (es n»ots : Heureux ceux (jui exer-
cent la justice en tout temps. Ces saints n'a-
vaient pas cherché exprès tes reiicoiitres
fortuites pour en tirer un présage ou une
leçon, ii n'y a pas plus de superslltiou dans
leur conduite que dans celle d'un pécheur
qui entre par hasard dans une église, et qui
entend un prédicateur dont les exh >ria(ioii$
le touchent et le font rentrer en lui-même.
Sur tous ces faits et autres semlilaiilcs, il
y a des réllexions à faire. Lu premier lieu,
on De peut pas citer beaucoup d'excnuilcs
d'évôques élus par le sort des saints; ce qui
se fit à l'égard de saint .Martin et de saint
Aignin avait moins pour objet de désigner
le sujet qu'il fall ;il élire que de confirmer
lin choix déjà l'ail, et de vai:icre l'obstina-
tion du peuple ou celle de quelques chefs de
parti, et ce moyen n'est pas louable. En se-
cond lieu, le sort des saints mis en usage
pour savoir quel serait l'évéïiemenl d'une
affaire quelionque, o\i quelle serait la con-
duite d'un nouvel évêque , éliiit évidem-
ment une divination superstitieuse; aus-.i la
voyons-nous condamnée par les canons dès
sa naissance; elle ne prit faveur qu'à l'abri
de l'iL^norance que les barbire^ amenèrent
à leur suite, en se répandant d'un bout de
l'Europe à l'aulre; elle faisait pirtie des
épreuves superstitieuses, et ces absi;rdilés
ti'auraient pas duré si longtemps, si les pas-
sions humaines, qui ne respectent aucune
loi, n'y avaient pas trouvé un moyen de se
satisfaire. En troisième lieu, l'attentijn (|ue
l'on fait aux rencontres fortuites n'est point
une superstition, quand on ne les a pas
cherchées exprès pour en tirer des présa-
ges, quand on n'y suppose rien de surna-
turel, quand on n'y ilonne pas une entière
confiance. En quatrième lieu, les auteurs
qui nous ont représenté le sort des suints
praiiqué au sacre des évoques comme une
partie de cette cérémonie, comme un rite de
l'office sicré, comme une circonstance près»
crite par le Rituel, se sont joués de la crédu-
liié dt s ignorants, puisqu(! toute espi"'(C de
sort dci sain's était expressément défendue
par les canons. C'est une absurdité de ciier
ce qui s'est fait en Angleterre sous le règne
d'un t;, ran, tel que Guillaume le Houx, et
sous les autres rois normands qui lui res-
semblaient; il vendit tous les bénéfices, il
chassa les évoques les plus respectables
pour mettre des brigands à leur place, etc.
Le docteur Prideaus a trouvé bon d'argu-
menter sur ces désordres pour montrer
quelle était la corruption de l'Eglise romaine
dans le xi"" et le xii' siècle, et pour faire
Voir comment se sont introiluits les autres
abus que les protestants nous reprochent ;
Histoire des Juifs, I. \iii, sous l'an 2i) de
Jesns-Christ. Mais l'état de l'Eglise d'An-
gleterre sous le joug de conquérants impies
et brulaux, n'a rien de commun avec l'otat
de l'Eglise romaine dans les auires parties
du monde; ce temps de désordre n'a pas
duré longtemps, et il n'en était plus q'ies-
tion lorsque les prétendus réformateurs sont
venus au monde. Le concile d'Enhani en
Angleterre, tenu l'an 1009, avait proscrit
ceux qui exerçiiient le sort des suints, tout
comme les sorciers et les magiciens ; de quel
Iront peut ou dire que, dans ce te'ii(is-là, ce
sort laisaii. partie de l'olfice divin '/ Mais les
prolestants ne se sont jamais fait scrupule de
calomnier lEgiise ro. naine.
Fête des sukts chkz lks Juifs. l'i>i/.
ESTHl'.R.
SORTILÈGE. Voy. Sorcellerie.
SOUEFKANCE. Ce n'est point à nous
dexatuiuer lu valeur des arguments, ou
tl7 SOU SOU .'ils
pUiU'il des sophisines par lesquels les sloï- vieniiont de Dieu, ol qu'en souffrant pa-
ciens préltMid.iieiit prouver que la douleur liiMiiiniMit il pi'ut niérilcr une éternité de
ou les sonfj'rances ne sont p;is un mal; plu- bonheur. Ici l'on pool s'en rapp irter à l'ex-
sieurs moralistes eu ont démouiré le peu de périenco. Comme l'onlûieMienl des épicu-
solidité. Les pompeuses maximes du sr>ï- riens ne les met pas à couvert de soulTrir,
cisme ont pu faire impressinn sur (|ueli|uc$ Iirsuu'ils se Iroiivent aux prises avec la
âmes fortes, leur inspirer un nouveau degré douleur, ih convienuent (jue la religion est
de constance, les euipêchiT de se livrer une ressource plus puissante nue la pliilo-
anx (ïéniissemenls et au désespoir lors- sopliie. Mais en bonne santé ils ar(,Miniea-
(ju'elles souffraieul; quel(|ues pliilosoplios, tent. Les souffrances, disent-ils, ne peuvent
liaiis les mêmes circonstances, ont pu af- être une punition du péihé, puisqu'elles
ferler par dP^ueil un air d'insensibilité : tombent sur tous les hciuiines, et que les
mais une preuve que ci's liomiiies vains ne plus coupables ne sont pas toujours ceuv
regardaient pas \i's soiifj'rnnccs comme un qui souffrent le plus. Il est in^ligne d'un Dieu
bien, c'e-t que plusieurs ont ch' relié à s'en bon d'affliger ses créatures; un père ne peut
délivrer iii se donnant la mort. Il u'appar- |'''S 'e plaire à voir soulTrir ses enfants; les
tenait qu'il un Dieu revêtu des faiblesses de souffrances ne peuvent être un bienfait dans
riiumaiiiié, de faire envisager, même au aucun sens.
commun des hommes, les sou//V(/iu'c»' comme Toutes ces maximes épicuriennes sont
une expiation du péché, comme un moyen évidemment fausses. Puisnue tous les lioiu-
ilc purifier la vertu et de mériter nue ré- nies sont pécheurs, il n'est pas éionnant (|ue
compense éternelle, par conséquent comme tous soient condamnés <i souffrir plus ou
an bienfait de la Providence : Heureux ceux moins ; mais comme les souffrances servent
7i(( pleurent, p rce qu'ils seront consolés; encore à purifier la vertu et à la rendre digne
hfurruT ceux qui souffrent perséc ition pour d'une récompense, les hommes vertueux
la jtislii.e, parce que le royaume des aeix est qui souffrent plus (|ue les autres, ont une
(} eux. Ces maximes de Jésus-Christ, souii'- espérance -bien fondée d'êire récompensés
nues par ses exemples, ont rendu des mil- plus abondamment dans l'autre vie; il est
tiers d'hommes capables, non-seulement de donc f.iuv qu'à leur égar<l les afflictions ne
soulTi'ir sans faiblesse et sans oslenialiou. Soient pas un bienfait. Un père n'aimerait
mais de désirer les souffrauc. s , de les re- pas sans doute à voir souflrir ses ei.fants
chercher, d'y goûter de la joie, cl d'en re- sans aucune utilité, mais il se féliciterait
mercier Dieu. Que des épicuriens, qui ne ccrlaiiiement, s'il savait que par leur coiis-
connaissent point d'antre bicii que le (daisir lance ils parviemiront au plus haut degré de
des sens, soient scandalisés de celte cou- gloire et de bonheur; s'il était clirélien, il
(liiiie, qu'ils 11 regardent comme un fana- iniiierait à ce moment l'exemple de la mèie
lisi.ie Cl une folit-, cela n'est pas étonnant, des Machahées.
L'//o//i(»(e «ji/m«/, dit saint Paul, ?ie cj»ipre;id P(]isqu'il est prouvé par une expérience
ri'cK à ce qui vient de l'esprit de Dieu, il le constante que la prospérité et le plaisir sont
reijurdc comme une folie (/ Cor. ii, 14). De une source infaillible de corruplion et nu
prélendus philosophes, ([ui ne savent goûter écueil certain pour la vertu, les souffrances,
d'autre félicité que celle «es animaux, ne par la raison contraire, sont un préservatif
doivent envisager les souffrances qu'avec el un remède contie le vice ; les philosophes
horreur. — Lorsque Jésus-Christ |)arui sur anciens l'ont compris et ont établi celte vê-
la terre, l'épicuréisme prati(iue awiil infecté rit> p:ir leurs maximes. Voy. Affucxi ^n.
loules les nations ; les affliciions leur pa- Mais elle e-t inQniment mieux déiuontrée
r.'iissaient un effet de la colère da ciel et un par l'exemple des saints formés el instruits
caractère de réprobiilion ; c'était l'opiniou à l'école de Jésus-Christ. — Soit, iliseni en-
générale. Un des arguments que les philo- core nos raisonneurs ; quand cela serait
sophes ont employé le plus eommuiiémeut vrai à l'égard des affliciions qui nous ani-
conlre le christianisme, fut de soutenir que vent malgré nous, où est la i,coessilé d'y
si celte religion était agréable à Dieu, il ne ajouter des souffrances volontaires, (tes lua-
permeltrail pas que l'on lourineutàl et que cérations insensées , des austérités esces-
i'on mit à mort ceux qui l'embrassaient, sives (|iii ne peuvent aboutir (|u'à nous de-
Celse et Julien ont répète dis fois cetl'' ob- Iruire? Ici les incrédules ne sont que les
jeelion. La question clail donc alors, comme échos des prolestants ; nous avons réfuté les
e le est encore aujourd'hui, de savoir si uu uns el les autres à l'article Mortifiu ^tion.
Dieu sage el bon doit atlacb< r le bonheur à Nous ajoutons seulement que l'excès n'esl
la paiiiiire plutôt qu'à la faiblesse, à la louable dans aucun genre, et que s'il y eu
veilii plutôt qu'au vice, (iar enfin, puisque eut j.iioais dans celui dont nous parions,
la vertu est la force de l'àme, s'il n'y avait l'Kglise ne l'a point approuvé. Voy. Flagel-
nen à souffrir dans ce monde, la venu ne lvnts.
nou. serait pas nécessaire; les philosophes SOUFFRANCES DE JESUS-CHRIST. Voy.
moralistes auraient eu tort d- mettre la Passion.
force au nombre des vertus. La question est SOUILLURE. Voy. Impureté lég/vle
encore de savoir si celui qui envisage les SOUS- DIACONAT , SOUS-DIACRË. Le
souffrances comme l'effet d'une aveugle fa- sous-diaconat est un ordre ecclésiastique
lalité, est mieux disposé à les supporter inférieur à celui de diacre, comme son nom
avec courage, que celui qui croit qu'elles l'exprime, mais qui e.si regardé dans l'Eglise
M 9 SOU
laline comme un ordre sacré, et comme l'un
des trois ordres majeurs. Saiiil Cjprien et
le pape s.iin' Corneille en ont fail menliDO
au m' siècle. Dans l'Kglise grecque, le sous-
diacre, nommé ÙTroSiàzovof, esl ordonné par
riinposilion des mains, avec une prierai >\ue
l'évèqup récite, el qui exprime la saiiiieié des
fonctions de cet ordre. Dans l'Eglise laiiue ,
l'évêque, après avoir invoqué pour l'ordi-
nand prosterné l'intercession des saints , et
lui avoir représenté les devoirs auxi|ucls il
vil être assujetti, lui fail loucher le calice el
la patène vides, l'avertit des vertus iiii'il doit
avoir, et fait une prière par laquelle il de-
mande à Dieu pour lui les dons du Saint-
Esprit ; il le revél ensuite de la dalmatique,
et lui mel en main le livre des Epîtres que
l'on chante à la messe; celle dernière céré-
monie n'est jpas ancienne. Celle différence
d'ordination a fait penser à plusieurs scolas-
li(iues que le sous-diaconat, non plus ((ue
les ordres mineurs, ne sont pas des sacre-
ments ; mais la plupart des théoloj;iens pen-
sent le ciinlraire, et nous en avons dil les
raisons au mot On»nE. — Chez les Grecs, les
fonctions du sous diarre sont de préparer les
Tdses sacrés nécessaires pour la célébra-
tion du saint sacrifice, et qui doivent être
portés sur l'autel par le diacre, de garder
les portes du sanctuaire pendant, cette célé-
bration , d'en écarter les caléchuuiènes et
tous ceux qui ne doivent pas y assister.
Chez les Latins, c'est à lui de préparer non-
seuleiiienl les vases sacrés, mais encore le
p iin et le vin pour le saint sacrifice, de les
présenter au diacre, de recevoir les obla-
tions des fidèles, de chanter l'épître à la
messe, de purifier les vases et les linges
après le sacrifice, el dans plusieurs églises ,
de porter la croix à la procession. — Dans
l'Eglise grecque les sous- diacres ne sont
point astreints à la loi du célibat ; dans
l'Eglise laline ils y ont été obligés, au moins
depuis le vr siècle, el à la récitation du bré-
viiiire <iu de l'office divin.
(Quelques auteurs prétendent qu'autrefois
les sous-diaeres étaient les secrétaires, les
messagers el les commissionnaires des évé-
(|ues ; qu'ils étaient chargés des aumùnes el
de rad(ninislration du temporel de l'église ,
conjoinleinenl avec les diacres.
Au mol Ordue, nous avons fait voir que
le motif de l'institution du soiis-diaconal et
des ordres mineurs n'a pas été la négligence,
la mollesse, le faste ni l'ambition des cvê-
ques, comme les proleslanis l'ont imaginé ,
mais le respect pour le saint sacrilice des
autels, el la haute idée que l'on voulait en
donner aux fidèles. Pour cela il fallait des
cérémonies, un extérieur pompeux, un nom-
bre de ministres subordonnés les uns aux
autres, et chargés de difl'érentes fonctions.
Si on avait eu de la consécration de l'eucha-
rlslie une idée aussi basse que celle qu'en
ont les protes'anls,onne seserail jamais av isé
il'.y mettre tant d'appareil ; si rmi avait cru
comme eux que c'est la simple représenta-
lion de la dernière cène de Jesus-Christ, on
l'aurait célébrée d'une manière aus^i simple
tsPE
mo
qu'eux ; le retranchement qu'ils ont fail de
tout le cérémonial atteste la nouveauté de
leur doctrine.
SOUS-INTRODUITE. Voy. Agapète.
SPECTACLE. De savoir s'il esl permis ou
non de fréquenter les spectacles du théâtre ,
c'est une question qui lient à la morale chré-
tienne ; nous ne pouvons donc nous dispen-
ser d'en dire noire avis, ou plutôt de rap-
porter ce qu'eti ont pensé les sages de tout
temps, fv'influence du ihéâtre sur les mœurs
publiques esl alleslée par des témoignages
irrécusables. Tile-Live , Tacile, Séiièque,
Lucien, Pétrone, Zozime , nous apprenncnl
que les spectacles de l'amphilhéâlre et les
combats des gladialeuis acc.>uluinèrenl les
Romains à l'effusion di sang; c'est là que
les empereurs apprirent à se faire un jeu
de le répandre : ainsi le peuple romain porta
pendant longtemps la peine de sa fureur
pour ce cruel amusement. Or, si des specta-
cles sanglants uni été capables do familia-
riser les hommes avec le meurtre, pour le-
quel ils ont naturellement de l'horreur, des
scènes licencieuses et lascives auront-elles
moins de pou^oir pour leur inspirer le goiit
de l'impudicilé ? Nous nous en rapportons
encore au jugement des auteurs païens ,
même des poêles. Ovide, que l'on ne pren-
dra pas pour un casuisle fort sévère, nous
montre ce qu'il pensait de la cotnédie. « Qu'y
voit-on, dit-il, sinon le crime paré des plus
belles couleurs ? c'est une femme qui trompe
son mari el se livre à un amour adultère.
Le père el les enfanis, la mère et la fille, de
graves sénateurs, se plaisenl à ce spectacle ,
repaissent leurs \eux d'une scène impudi-
que, oui les oreilles frappées de vers obscè-
nes. Lorsque la pièce est conduite avec art,
le théâtre leteiilll d'acclamations ; plus elle
est capable de corrompre les mœurs, mie
le poêle esl recompensé : les magistrats
payent au poids de l'or le crime de l'auteur.»
Trisl. 1.11, Jufénal ne s'exprime pas u»ec-
moins d'énergie. — On sait que, chez les
Romains , les lois déclaraient infâmes les
acteurs du théâtre. Cicéron, chargé de dé-
fendre dans un procès Roscius, acieur célè-
bre, fut obligé (l'employer toule son élo-
quence pour écarter le préjugé qu'inspirait
contre cel homme la turpitude de sa profes-
sion. Il dit, Tuscul., I. IV : Si nous n'ap-
prouvions pas des crimes, la comédie ne
pourrait subsister. L'empereur Julien en
parle avec le dernier mépris ; il défendit
aux prêtres du paganisme d'assister à aucun
spectacle. Devons-nous être surpris de la cen-
sure sévère que les Pères de l'Egiise en ont
laiie ? Tatien, contra Grœcos, n. :i:i; C ément
d'Alexandrie, Pœday., I. ïii, c. 1 ; Terlul.,
Apulug., c. 6 cl 3i , de Specluculis, pasiim;
suint Cyprien, Kpisi. 1, ad Donalum, et l'au-
teur d'un Traité des Spectacles publié sous
son nom ; Lactancc , 1. vi, c. 20 ; saint Jean
Chrysusioine dans plusieurs de ses homélies ;
saini Augustin in ps. l\xx, etc., déci lent
iju'uii chrétien ne peut assister aux specta-
cles sans abjurer sa religion, sans violer la
promesse qu'il a faite dans son baptême du
524
SPE
srE
S22
renoncer au démon , à ses pompes et à ses
œuvres. On refusait ce sacrement aux ac-
teurs dramatiques qui ne voulaient pas quit-
ter leur profession, et ou les excommuniait,
si, après l'avoir quittée, ils y retournaient.
A mesure que le christianisme s'est établi, les
théâtres sont tombés, el il n'y a pas encore
trois siècles que l'on a commencé parmi
nous à les relever.
On nous répond que chez les païens les
spectacles étaient beaucoup plus licencieux
qu'ils ne sont aujourd'hui ; que les Pères
ont parlé principalement des jeux du cirque
et dos combats de gladiateurs , dont il ne
reste plus aucune trace. C'est une fausseté.
Tertullien ne condamne pas avec moins de
rigueur la comédie et les pantomimes que
les autres spectacles; il demande aux chré-
tiens par dérision, si c'est en respirant par
tous leurs sens les attraits de la volupté,
qu'ils font l'apprentissage du martyre. Du
temps de saint Jean Chrysoslome el de saint
Augustin, sous le règne de Théodose et de
ses enfants, les spectacles sanglants ne sub-
sistaient plus ; Constantin , premier empe-
reur chrétien, les avait défendus, et sa loi
fut exécutée.
Bayle . dans ses Nouvelles de la Républi^
que (les Lettres, avait fait beaucoup valoir
cette prétendue corrertion du théâtre mo-
derne ; mais, ouire qu'il est prouvé que les
pièces di- l'iautc et de Térence ne sont pas
plus licencieuses que plusieurs drames que
l'on joue aujouril'liui , l'on a répondu que
les obscénités déguisées sous un voile trans-
parent n'en sont que plus dangereuses;
ÎBayle lui-même en est convenu ailleurs. Le
P. Porée , jésuite , dans un discours latin ;
l'auteur d'une lettre sur l'article Genève de
l'Encyclopédie; l'Iîspion chinois, dans ses
lettres, elc. , ont fait voir que la comédie,
en corrigeant des ridicules , a fait naître des
vices, et qu'elle est une des principales cau-
ses de la corruption des mœurs actuelles.
De même que la peinture des mœurs devient
plus pernicieuse, à mesure que celles-ci se
dépravent , ainsi à leur tour les mœurs se
corrompent à l'imitation des modèles que
l'on présente sur le théâtre. Un drame de
nos jours a été justenjent censuré par tous
les sages, précisément parce qu'il a peint
les hommes tels qu'ils sont. Pour se dédom-
mager d'un reste de décence que nos au-
teurs dramatiques sont encore forcés d'ob-
server, ils se sont permis de lancer des sar-
casmes contre la religion, el c'est le plus
célèbre de nos incrédules qui en a donné le
premier l'exemple.
Si l'on nous demande en quel endroit de
l'Evangile les spectacles sont expressément
défendus, nou> citerons hardiment ces pa-
roles de Jésus-Christ, Matth., c. v , v. 28 :
Quicomjue regardera une femme pour exciter
en lui un désir impur, a déjà commis l'adul-
tère dans son cœur. C. xv.ii, y. 7 : Malheur
au monde, par les scandales qui y régnent;
et par celles do saint Paul, Ephes. , c. v, v. 3
€l i : Que l'on n'entende jamais parmi vous
de railleries , de paroles boujj'unnes ou ol}-
DtCT. DE TllKOL. DOGMA riyUE. IV.
scènes ; elles ne conviennent point à des hom-
mes destine's à être saints. Le gotjt, la cou-
tume, les prétextes, l'exemple, quelque gé-
néral qu'il soit, ne prescriront jamais con-
tre ces lois.
Le P. Lebrun avait écrit d'une manière
très-sensée contre les spectacles, et en avait
fait connaître tout le danger; c'était un prê-
tre, on n'avait point de raisons solides h lui
opposer ; on ne lui a répondu qu'en affec-
tant de le mépriser. Mais M. de Boissy n'é-
tait ni prêtre, ni théologien, ni casuiste, et
ses lettres contre les spectacles en sont à la
sixième édition. Boileau a peint l'opéra
comme une école de libertinage ; on ne s'en
est pas dégoûté pour cela. Un déiste célèbre
a démontré que la comédie ne tant pas
mieux, il n'a eu pour contradicteurs que des
auteurs dramatiques engagés par intérêt à
soutenir l'innocence de leurs ouvrages ; on
lui a répondu par des personnalités, par des
sarcasmes, et non par des raisons.
Pour braver tous ces écrivains, on a dou-
blé et triplé le nombre des spectacles; les
plus grossiers ont été protégés ; on a tra-
vaillé les jours de fêles et de dimanches à
corisiruire et à décorer ces templesdu vice;
aucune ville ne peut plus s'en passer : ainsi
la victoire est demeurée du côlé des poêles
et des acteurs. A en juger par le degré de
considération dont ils jouissent déjà, nous
devons nous attendre à leur voir accorder
bientôt des lettres de noblesse, pour les con-
soler de l'infamie qui leur était imprimée
par les lois romaines el par les canons de
l'Eglise. Dès à présent, parmi ceux que l'on
appelle honnêtes gens, la fréquentation des
théâtres est censée faire partie essentielle de
l'éducation de la jeunesse.
i- Mais on a de grandes objections à nous
faire, il faut les écouter. 1 Nous avons be-
soin de délassement ; un homme de cabinet,
fatigué par le travail et par les affaires, ne
peut pas se procurer un amusement quand
il le voudrait ; il en trouve un tout prêt à
une heure marquée ; lui fera-t-on un crime
de s'y livrer? Non, si c'est un amusement
honnête, et dans lequel il n'y ait aucun dan-
ger pour la vertu; mais il faut commencer
par prouver que les spectacles sont de ce
genre. Siècle malheureux , dans lequel de
grands enfants ne savent plus se distraire
innocemment I Comment faisaient nos pè-
res lorsqu'ils n'avaient pas des troupes d'his-
trions à leurs ordres? Nous voudrions sa-
voir de quel délassement ont besoin des
hommes oisifs toute leur vie; ce sont là les
prinripaux piliers des spectacles. Tertullien
répondait, il y a quinze cents ans, que le
spectacle de l'univers fournit à un homme
sensé des objets plus dignes de l'occuper et
de le distraire, que tout te qu'il peut voir u-t
entendre au théâtre. Toute celle objcciion
dans le fond se léduit à dire : Nous sommes
ignorants , désœuvrés , dépravés ; donc il
nous faut des speetacles. Corrigez- vous, et
vous n'en aurez plus besoin. Tel qui s'en
est fait un oesoin par l'habitude, laisse de
côté les affaires les pins essentielles, les de-
IT
523
SPE
voirs les plus sacrés de son emploi, les inté-
rêts du prochain les plus précieux, pour ne
pas manquer à l'heure du spectacle. — 2° Un
homme , dil-on , paraît singulier et bizarre,
lorsqu'il n'y assiste pas. Heureuse singula-
rité que celle qui nous distingue d'une gé- ^
nèration corrompue 1 Un homme de bien, un
bon chrétien fut toujours remarquable dans
un siècle pervers. Mais viendra le jour au-
quel les esclaves de la mode et de la cou-
tume diront en parlant des justes : Voilà
ceux dont nous nous sommes aulrefois mo-
qués, et que nous aiwns couverts de riditiule.
Insensés que nous étions I nous regardions
leur conduite comme une folie et comme un
travers méprisable : les voilà aujourd'hui pla-
cés parmi les enfants de Dieu, et leur sort est
avec les saints. C'est donc nous qui nous- som-
mes égarés, qui n'avons connu ni la vérité ,
ni la justice, etc., etc. (Sap. v, 3). — 3' Je
ne reçois, nous dit-on encore, aucune im-
pression fâcheuse de ce que je vois ni de ce
que j'entends au spectacle. Cela peut être ;
l'habitude du poison peut en diminuer in-
sensiblement les effets : la question est do
savoir s'il est jamais louable de s'y accou-
tumer. Mais une conscience délicate s'y
trouverait sauvent blessée. Gomme la plu-
part des spectateurs ont contracté d'avance
les mœurs dont ils voient le tableau , ils
n'en sont pas fort émus. Us se trouvent là
comme chez eux ; le langage de la scène est
à peu près celui de leurs conversations, et
ils ne reconnaissent dans les acteurs que les
hommes de leur société. Si le vice, devenu
presque général , perd euGn toute sa noir-
ceur, nous serons forcés d'avouer qu'il est
désormais inutile de vouloir en détourner
les hommes. Mais nous voyons en eux le
monde tel que Jésus-Christ l'a représenté,
le monde qui n'a pas voulu le reconnaître ,
Joan., c. I, V. 10; qui a fermé les yeux à la
lumière, c. m, v. 19 ; qui ne peut pas rece-
voir son esprit, c. xiv, v. 17, duquel il a
séparé ses disciples , et duquel il a encouru
la haine, c. xv, v. 18 et 19 ; qui a regardé
son Evangile comme une folie, / Cor., c. i ,
y. 18, etc. — 4' Plusieurs drames renfer-
ment une très-bonne morale païenne sans
doute ; pour la morale chrétienne, elle y se-
rait très-déplacée. Quelques tirades de mo-
rale sont le palliatif nécessaire pour faire
passer les maximes fausses et pernicieuses,
les obscénités et les images du vice qui vien-
nent à la suite. Dans le siècle dernier, pour
rendre le théâtre moins odieux, l'on mil sur
la scène des tragédies tirées de l'Ecriture
sainte ; aujourd'hui que l'on ne veut plus
entendre parler de Dieu ni de ses saints , on
n'aura plus recours à cet expédient, les spec-
tacles universellement accrédités n'en ont
plus besoin, et ce sera une profanation de
moins. 11 reste toujours à savoir si des chré-
tiens seront jugés de Dieu selon la morale
du théâtre, ou selon les règles de l'Evangile.
Quant à ci'ux qui ne croient plus de Dieu ni
d'autre vie, nous n'a» uns rien à leur dire ;
nous ne parlons ici qu'à ceux auxquels il
reste encore quelques principes de religion
sri .'>n
et de crainte de Dieu. — 5° 11 y a ceocmlant
des c isuisles et des confesseurs qui permet-
tent la fréquentation des spectacles; on est
en droit de les écouler plutôt que ceux qui
l.'i défendent. Si cela était vrai , nous nous
contenterions de répondre avec l'Evangile ,
que ce sont des aveugles qui conduisent
d'autres aveugles, et que tous doivent tom-
ber dans le précipice, Matlli., c. xv, v. 14..
Mais c'est une calomnie ; on ne peut citer
aucun casnisle qui ait décidé sans restric-
tion que la fréquentation des spectacles est
permise et innocente. On a peut-être tiré
cette fausse conséquence des principes po-
sés par quelques uns ; mais ils l'auraient
désavouée s'ils avaient prévu l'abus que l'on
en fait. 11 n'est point de règle plus fausse
que de juger de la morale des confesseurs
par la conduite des pénitents. Sait-on ce que
les premiers ont fait pour ouvrir les yeux à
des aveugles volontaires, et pour ramener
au bien des mondains obstinés, les prétextes
qu'on leur oppose , les difQcullés qu'on leur
;illègue , les fausses promesses qu'on leur
fait, etc. ? Au milieu d'une dépravation gé-
nérale et incurable, ils voient que plusieurs
moniains renonceront plutôt aux sacre-
ments et à toute profession du christianisme
qu'à l'habitude des spectacles ; est-il aisé de
choisir entre ces deux extrémités'? Us gé-
missent, ils exhortent, ils tolèrent, ils espè-
rent une résipiscence future, etc. On conclut
de là très-mal à propos qu'ils approuvent ou
qu'ils permettent la fréquentation des spec-
tacles : ils sont forcés de tolérer bien d'au-
tres désordres auxquels personne ne veut
renoncer. Ce qu'il y a de certain , c'est que
tous les pénitents qui veulent sincèrement
revenir à Dieu, commencent par s'interdire
pour toujours ce pernicieux amusement ;
donc il n'est pas vrai que les confesseurs le
permettent.
Nous objectera-t-on enGn qu'au mépris
des canons, des lois, des censures, il y a des
ecclésiastiques qui ne se font pas scrupule de
fréquenter les théâtres ? Nous disons hardi-
ment que ces prévaricateurs n'ont rien d'ec-
clésiastique que l'habit, et qu'ils ne le por-
tent que pour le déshonorer; que si les pre-
miers pasteurs jouissaient encore de leur an-
cienne autorité, ils les puniraient elles for-
ceraient d'observer les bienséances de leur
état. Mais dans un temps de vertige auquel
les incrédules ont répandu de toutes parts
une morale pestilentielle, où l'on ne connaît
point de plus grande satisfaction que de bra-
ver les lois, ou les mondains ne font accueil
qu'à ceux qui se conforment à leurs mœurs,
il n'est pas étonnant que le poison ait infecté
plusieurs de ceux qui étaient destinés par
leur état à en arrêter les funestes influences.
Voy. Discipline et Lois ecclésiastiques (1).
SPINOSISME, système d'athéisme imaginé
par Benoit Spinosa, juif portugais , mort eu
Hollande l'an 1(577, à 4i ans. Cesyslènie est
aussi nommé panthéisme, parce qu'il consiste
a soutenir que l'univers, zônâj, est Dieu, ou
(1) Vny. le Bictioiniaire de Tliéulugie murale
«25
SPI
sri
52G
qu'il n'y a (lOinl d'autre Uieu que l'universa-
liié tics êtres. D'où il s'ensuit que tout ce qui
arrive esl l'effet nécessaire des lois éternelles
et iiumual)les de la nuiare, c'est-à-dire d'un
élre infini et universel, qui existe et qui agit
oécessiiiremenl. Il esl aisé d'apercevoir les
conscqueuces absurdes ei impies qui nais-
sent de ce système. On voit il'aburd qu'il
consiste à réaliser des absiractions, et à
prendre tous les termes dans un sens fiiux
et abusif. L'être en général, la substance en
général, n'existent point; il n'y a dans la
réalité que des individus et des natures indi-
viduelles. Tout être , toute substance, t. mie
nature, est ou corps ou esprit, et l'un ne
peut être l'autre. Mais Spinosa pervertit tou-
tes ces notions, il prétend qu'il n'y a qu'une
seule substance, de laquelle la pensée et l'é-
tendue, l'esprit et le corps sont des modifica-
tions ; que tous les êtres particuliers sont
des modifications de l'èlre en général. 11
suffUde consulter le sentiment intérieur, qui
est le souverain degré de l'évidence, pour
être convaincu de l'absurdité de ce langage.
Je sens que je suis moi et non un autre,
une substance séparée de toute autre,
un individu réel , et non une modiQ-
cation; que mes pensées, mes volontés, mes
sensations, mes affections, sont à moi, et
non à un autre, et que celles d'un autre
ne sont pas les miennes. Qu'un autre soit
un être, une substance , une nature aussi
bien que moi , cette ressemblance n'est
qu'une idée abstraite, une manière de nous
considérer l'un l'autre , mais qui n'élablit
point Videnlité ou une unité réelle entre
nous. Pour prouver le contraire, Spinosa ne
fait qu'un sophisme grossier. « Il ne peut y
avoir, dit-il, plusieurs substances de même
attribut ou de différents attributs ; dans le
premier cas, elles ne scraieut point différen-
tes, et c'est ce que je prétends ; dans le se-
cond, ce ser.iient ou des attributs essentiels
ou des attributs accidentels : si elles avaient
des attributs essentiellement différents , ce
ne scraieut plus des substances ; si ces attri-
buts n'étaient qu'accidentellement différents,
ils n'empêcheraient p <int que la subst ince
ne fût une et indivisible.» On aperçoit d'aburd
que ce raisonneur joue sur l'équivoque du
mot m'Hne et du mot digèrent, et que. son
système n'a point d'autre fondement. Nous
soutenons qu'il y a plusieurs substances de
même attribut, ou plusieurs substances dont
les unes diffèrent essentiellement, les autres
a cidentelleinenl. Deux hommes sont deux
substances de même attribut , ils ont même
nature et même essence, ce sont deux indi-
Tidus de même espèce, mais il ne sont pas le
fn^'me; qu int au nombre, ils sont différents,
c'est-â-dire distingués. Spinosa confond
l'identité de nature ou d'espèce , qui n'est
qu'une ressemblance, avec l'identité indivi-
duelle, qui est l'unité; ensuite il confond la
distinction des individus avec la différence
des espèces : pitoyable logique ! au contrai-
re, un homme et une pierre sont deux subs-
tances de différents attributs, dont la nalure,
l'essence, l'espèce, ne snnt point lesméuiesou
ne se ressemblent point. Gela n'empêche p is
qu'un homme et une pierre n'aient l'attribut
commun de substance; tnus deux subsistent
à part et séparés de tout autre être; ils n'ont
besoin ni l'un ni l'autre d'un suppôt, ce ne
sont ni des accidents ni des modes ; s'ils ne
sont pas des substances, ils ne sont rien.
Spinosa et ses partisans n'ont pas vu que l'on
prouverait i)u'il n'y a qu'un seul mode, une
seule modification dans l'univers, par le mô-
me argument dont ils se servent pour prou-
ver qu'il n'y a qu'une seule substance; leur
système n'est qu'un tissu d'équivoques et de
contradictions. Us n'ont pas une seule réponse
solide à donner aux objections dont on les
accable.
Le comte de Boulainvilliers, après avoir
fait tous ses efforts pour expliquer ce sys-
tème ténébreux et inintelligible, a été forcé
de convenir que le système ordinaire qui
représente Dieu comme un Etre infini, distin-
gué, première cause de tous les êtres, a de
grands avantages et sauve de grands incon-
vénients, il tranche les difficultés de l'infini
qui parait divisildc et divisé dans le spino-
sisine : il rend raison de la nature des êtres;
ceux-ci sont tels que Dieu les a faits, non
par nécessité, mais par une volonté libre ;
il donne un objet intéressant à la religion,
en nous persuadant que Dieu nous lient
compte de nos hommages ; il explique l'or-
dre du monde, en l'attribuant à une cause
intelligente qui sait ce qu'elle fait; il fournit
une règle de morale qui est la loi divine, ap-
puyée sur des peines et des récompenses;
il nous fait concevoir qu'il peut y avoir des
miracles, puisque Dieu cstsupérieurà toutes
les luis et à toutes les forces de la nature,
qu'il a librement établies. Le spinosisme au
contraire ne peut nous satisfaire sur aucun
de ces chefs, cl ce sont autant de preuves qui
l'anéantissent.
Ceux qui l'ont réfuté ont suivi différentes
méthodes. Les uns se sont attachés principa-
lement à en développer les conséquences ab-
surdes. Hayle en particulier a très-bien
prouvé que, selon Sjiinosa, Dieu et l'étendue
sont la même chose ; que l'étendue étant
composée de |iar(ies dont chacune est une
substance particulière, l'unité prétendue de
la substance universelle est chimérique et
purement idéale, il a fait voir que les moda-
lités qui s'excluent l'une l'autre, telles que
l'éieudue et la pensée, ne peuvent subsister
dans le même sujet; que l'ioi nutabilité de
Dieu est incompatible avec la division des
parties de la matière et avec la succession
des idées de la substance pensante; que les
pensées de l'homme étant souvent contraires
les unes aux autres, il est impossible que
Dieu en soit le sujet ou le suppôt. Il a montré
qu'il est encore plus absurde de prétendre
que Dieu est le suppôt des pensées criminel-
les, des vices et des passions de l'humanité ;
que, dans ce système, le vice ellu vertu sont
des mots vides de sens ; que, contre la possi-
bilité des miracles, Spinosa n'a pu alléguer
que sa propre thèse, savoir la nécessité de
toutes choses thèse non prouvée et dont on
SS7
SPl
SPI
528
ne peut pas seulement donner la notion;
qu'en suivant ses propres principes, il no
pouvait nier ni les esprits, ni les miracles, ni
les cnfert; Dict. ait. Spinosa.
Dans l'impuissance de rien répliquer de
solide, les spinosistes se sont retranchés à
dire que Bajle n'a pas compris la doctrine
de leur maître, et qu'il l'a mal exposée. Mais
ce critique, aguerri à la dispute, n'a pas été
dupe de cette défaite, qui est celle de tous les
matérialistes; il a repris en détail toutes les
propositions fondamenliiles du système, il a
défié ses adversaires de lui en montrer une
seule dont il n'eût pas exposé le vrai sens.
En particulier, sur l'article de l'immutabilité
et du changement de la substance, il a dé-
montré que ce sont les spinosistes qui ne
s'entendent pas eux-mêmes ; que, dans leur
système, Dieu est sujet à toutes les révolu-
tions et les transformations auxquelles la
matière première est assujettie selon l'o-
pinion des préripatéticiens ; Ibid. rem.
ce. DD.
D'autres auteurs, comme le célèbre Féne-
lon, et le P. Lami, bénédictin, ont formé une
chaîne de propositions évidentes et incon-
testables, qui établissent les vérités contrai-
res aux paradoxes de Spinosa ; ils ont ainsi
construit un édifice aussi solide qu'un tissu
de démonstrations géométriques, et devant
lequel le spinosisme s'écroule de lui-même.
Quelques-uns enfin ont attaqué ce sophiste
dans le fort même où il s'était retranché, et
sous la forme géométrique, sous laquelle il
a présenté ses erreurs; ils ont examiné ses
définitions, ses propositions, ses axiomes,
ses conséquences ; ils en ont dévoilé les
équivoques et l'abus continuel qu'il a fait
des termes ; ils ont démontré que de maté-
riaux si faibles, si confus et si mal assortis,
il n'est résulté qu'une hypothèse absurde et
révoltante ; Hook , Relig. natur. et revel.
Principia, i part., etc. On peut consulter en-
core Jacquelot , Traité de Vexislence de
Dieu; Le Vassor, Traité de la véritable reli-
gion, etc. — Plusieurs écrivains ont cru que
Spinosa avait été entraîné dans son sys-
tème par les principes de la philosophie de
Descartes ; nous ne pensons pas de même.
Descaries enseigne à la vérité qu'il n'y a que
deux êtres existants réellement dans la na-
ture, la pensée et l'étendue ; que la pensée
est l'essence ou la substance même de l'es-
prit; que l'étendue est l'essence ou la subs-
tance même de la matière. Mais il n'a ja-
mais rêvé que ces deux êtres pouvaient être
deux attributs d'une seule et même subs-
tance; il a démontré au contraire que l'une
de ces deux choses exclut nécessairement
l'autre, que ce sont deux natures essentiel-
lementdifférentes, qu'il est impossibleque la
même substance soit tout à l.i fois esprit et
matière. — D'autresont douté si la plupart des
philosophes grecs et latins, qui semblent
avoir enseigné l'unité de Dieu, n'ont pas
entendu sous ce nom l'univers ou la nature
entière; plusieurs matérialistes n'ont pas
bésité de l'affirmer ainsi, de soutenir que
tous ces philosophes étaient panthéistes ou
spinosistes, et que les Pères de l'Eglise se
sont trompés grossièrement, ou en ont im-
posé , lorsqu'ils ont cité les passages des
anciens philosophes en faveur du dogme de
l'unité de Dieu, professé par les juifs et par
les chrétiens.
Dans le fond, nous n'avons aucun intérêt
de prendre un parti dans cette question ;
vu l'obscurité, l'incohérence, les contradic-
tions qui se rencontrent dans les écrits des
philosophes, il n'est p:is fort aisé de savoir
quel a été leur véritable sentiment. Ainsi
l'on ne pourrait accuser les Pères de l'E-
glise ni de dissimulation, ni d'un défaut de
pénétration, quand même ils n'auraient pas
compris parfaitement le système de ces rai-
sonneurs, (^eux que l'on peut accuser de
panthéisme avec le plus de probabilité sont
les pythagoriciens et les stoïciens, qui en-
visageaient Dieu comme l'âme du monde, et
qui le supposaient soumis aux lois immua-
bles du destin. Mais quoique ces philosophes
n'aient pas établi d'une manière nette et
précise la distinction essentielle qu'il y a
entre l'esprit et la matière, il paraît qu'ils
n'ont jamais confondu l'un avec l'autre ;
jamais ils n'ont imaginé, comme Spinosa,
qu'une seule et même substance fût tout à
la fois esprit et matière. Leur système ne
valait peut-être pas mieux que le sien, mais
enfin il n'était pas absolument le même.
Voy. Ame dc monde.
Toland, qui était spinosiste, a poussé plus
loin l'absurdité ; il a osé soutenir que Mo'ise
était panthéiste, que le Dieu de Moïse n'était
rien autre chose que l'univers. Un médecin,
qui a traduit en latin et a publié les ouvra-
ges posthumes de Spinosa, a fait mieux en-
core ; il a prétendu que la doctrine de ce
rêveur n'a rien de contraire aux dogmes du
christianisme, et que tous ceux qui ont écrit
contre lui l'ont calomnié, Mosheim, Hist.
eccL, XVII' siècle, sect. 1, § 24, notes t elw.
La seule preuve que donne Toland est un ^
passage de Strabon, Georg., I. xvi.dansie- î
quel il dit que Moïse enseigna aux Juifs que x
Dieu est tout ce qui nous environne ; la terre,
la mer, le ciel, le monde, et tout ce que nous
appelons la nature. Il s'ensuit seulement que
Strabon n'avait pas lu Moïse, ou qu'il avait
fort mal compris le sens de sa doctrini'. Ta-
cite l'a beaucoup mieux entendu. Les Juifs,
dit-il, conçoivent par la (lensée un seul Dieu,
souverain, éternel, immuable, immortel,
Judœi, mente sala, unumque Numen inielli-
gunl, summum illud et œlernnm, ner/ue muta-
bile, nei/ue interiturum. Hist., 1. v, c. 1 et
seq. En effet. Moïse enseigne que Dieu a
créé le monde, que le monde a commencé,
que Dieu l'a fait très-libremenl, puisqu'il l'a
fait par sa parole ou par le seul vouloir;
qu'il a tout arrangé comme il lui a plu, elc.
Les panthéistes ne peuvent admettre une
seule de ces expressions; ils sont forcés de
dire que le monde est éternel, ou qu'il s'est
fait par hasard ; que le tout a tait les punies,
ou que les purties ont fait le tout, elc. Moïse
a sapé toutes ces absurdités par le fonde-
menl. Il n'est pas nécessaire d'ajouter que
529
SPI
STA
630
les Juifs n'ont poinl eu d'autre croyance que
celle do Moïse, et que les chrétiens la sui-
vent encore.
Il ne sert à rien de dire que le spinosisme
n'est point un athéisme formel ; que si son
auteur a mal conçu la Divinilr, il n'en a pas
pour cela nié l'existence, qu'il n'eu parlait
même qu'avec respect, qu'il n'a poinl cher-
ché à faire des prosélytes, etc. Dès que le
spinosisme entraine .ibsolument les mêmes
CDnséquences que l'athéisme pur, qu'im-
porte ce qu'a pensé d'ailleurs Spinosa? Les
contradictions de ce rêveur ne remédient
point aux fatales inlluences de sa doctrine;
s'il no les a pas vues, c'était un insensé stu-
pide, il ne lui convenait p.is d'écrire. Mais
l'empressement de tous les incrédules à le
visiter pendant sa vie, à converser avec lui,
à rccufillir ses écrits après sa mort, à déve-
lopper sa doctrine, à en faire l'apologie,
font sa condamnation. Un incendiaire ne
mérite pas d'être absous, parce qu'il n'a pas
prévu tous les dégâts qu'allait causer le feu
qu'il allumait.
SPIRATION. Voy. Trinité.
SPIRITLI.VLITÉ. Voy. Esprit.
SPIRITUEL. On nomme substance spiri-
tuelle tout être distingué de la matière, qui
a la faculté de se sentir et de se connaître,
faculté dont la matière est incapable : dans
ce sens, l'âme de l'homme est une substance
spirituelle ou un esprit. Voyez ce niot. On
appelle encore spirituel ce qui appartient
à l'esprit ; ainsi l'intelligence el la volonté
sont des facultés spirituelles, qui ne peuvent
appartenir à des corps. Penser , réflécliir,
vouloir, choisir, sont des opérations spiri-
tuelles, desquelles la matière ne peut pas
être le principe, etc. — Le désir de recevoir
Jésus-Christ dans la sainte Eucharistie est
appelé communion spirituelle, par opposi-
tion à l'action de le recevoir réellement et
corporellement. Les protestants, qui ne
croient point la présence réelle de Jésus-
Christ dans ce sacrement, n'admettent
qu'une niauducation ou une communion
spirituelle. Voy. Gommdnion. — On appelle
lecture spirituelle, cantiques, exercices spiri'
luels, ceux qui excitent la piété ou la dévo-
tion, et qui servent à l'entretenir. La vie
spirituelle est l'habitude de la méditation ou
delà contemplation, l'exactitude à rélléchir
sur soi-même, à pratiquer tous les moyens
qui peuvent conduire une âme à la verïu et
à la perfection chrétienne : c'est ce que l'on
nomme encore la vie intérieure. Un bouquet
s/}trt(ue/ est une sentence, une maxime, une
rcllexion sainte , un passage de l'Ecri-
ture, etc., que l'on a retenu dans la médita-
lion, et que l'on se rappelle de temps en
temps pendant la journée.
En parlant de la simonie, on distinguedans
un bénéGce le spirituel d'avec le temporel.
Par le premier, l'on entend les fonctions
saintes qu'un liénéQcier est obligé de rem-
plir, comme prier, célébrer l'ofûce divin ,
administrer les sacrements, etc., non-seule-
ment parce que l'esprit doit avoir plus de
part k ces fonctions que le corps» mais en<
core parce qu'elles ont pour objet l'avan-
t.ige des âmes et leur salut éternel. Voy. Bé-
néfice.
STANCARIENS. Vo,/. Luthéranisme.
STATION est l'action do se tenir debout.
C'est dans celle altitude que les chrétiens
avaient coutume de prier le dimanche, el
depuis Pâques jusqu'à la Pentecôte inclusi-
vement, en mémoire de la résurrection de
Jésus-Christ. C<t usage est attesté par les
Pères de l'Eglise Ie< plus anciens, tels que
saint Iréiiée, Tertullien , Clément d'Alexan-
drie, saint Cyprieu, Pierre, évéquo d'Alexan-
drio, etc., et par les autres auteurs des siè-
cles suivants; ils en parlent comme d'une
tradition apostolique. Du temps du concile
do Nicée, tenu l'an 325, celte pratique était
négligée dans plusieurs endroits ; les chré-
tiens priaient à genoux pendant le temps
pascal comme pendant le reste de l'année;
le concile ordonna dans son 20° canon d'ob-
server l'uniformité et de prier debout, sui
vaut l'ancien usage. Il jugea sans doute
qu'un rite destiné à rappeler le souvenir
d'un des plus importants mystères de notre
rédemption ne pouvait paraître indifférent;
ainsi, après avoir fixé le jour auquel la Pâ-
que devait être célébrée dans toutes les
Eglises sans exception, il détermina encore
la manière dont on y devait prier. Il ne pa-
raît pas néanmoins que ce 20 canon du
concile de Nicée ait été observé dans l'Occi-
dent avec autant d'exactitude que dans les
Eglises d'Orient. Pendant le reste de l'année,
surtout les jours de jeûne et do pénitence,
on priait à genoux, ou prosterné, ou pro-
fondément incliné. Bingham, Orig. ecclés.,
t. V, 1. XIII, c. 8, § 3. C'était encore la cou-
tume de se tenir debout pendant la lecture
de l'Evangile, pendant les sermons, et du-
rant le chant des psaumes. On ne se don-
nait poinl alors dans les églises les commo-
dités que la tiédeur, la mollesse, la vanité, y
ont introduites dans la suite des siècles.
Tom. VI, pag. 22, 80, 183. Probablement
c'est pour la même raison que, dès le m*
siècle, l'on a nommé station ou jours sta~
tionnaires, le mercredi et le vendredi de
chaque semaine, parce que, dans ces dcm
jours, les fidèles s'assemblaient aussi bien
que le dimanche, pour célébrer l'officedivinet
pour participer à la comuiunion. L'on y ob-
servait aussi un demi-jeûne , c'est-à-dire
que l'on s'abstenait de manger jusqu'après
l'office qui finissait ordinairement à Irois
heures après midi. Tom. IX, pag. 254.. Ces
demi -jeûnes, qui étaient de précepte en
Orient, et qui y sont encore observés au-
jourd'hui, du moins parmi les moines, n'é-
taient que de dévotion en Occident, et dans la
suite la station du mercredi fut transportée
au samedi dans l'Eglise romaine. Mais les
montanistes, qui affectaient en toutes choses
une rigueur outrée, faisaient un crime à
tous ceux qui ne gardaient pas le jeûne ces
jours-là, ou qui se bornaient à un demi-jeûne.
Thomassin , Traité des jeûnes, i" partie
c. 19. '
Comme l'intealion de l'Eglise ne fut ja-
531
STA
mais de faire iolerrompre par des pratiques
de piété les iravaus des arts et de l'agricul-
ture dont le peuple a besoin pour subsis-
ter, l'on présume avec raison que la disci-
pline donl nous parlons regardjiit principa-
lement le clergé el les habitants aisés des
villes é|jiscopales ; et il en est de même de
plusieurs autres anciens usages.
Par analogie, l'on a nommé station, dans
l'Eglise de Rome, l'office que 1- pape, à la
léte de son clergé, ailail célébrer dans diffé-
rentes basiliques de cette vill<?; « t comme il
les visitait ainsi successivement^ l'on a mar-
qué dans le Missel romain les jours aux-
quels il devait y avoir station dans telle
église. A la fin de chaque office l'archidia-
cre annonçait à l'assemblée le lieu où il y
aurait station le lendemain. On croit que ce
fut saint Grégoire qui fixa et distribua ainsi
\es stations à Rome; aussi sont-elles mar-
quées dans son Sacramenlairc. On appelait
diacre stationnaire celui qui était chargé de
lire l'Evangile à la messe que le pape de-
vait célébrer. A présent il n'est presque au-
cun jour de l'année auquel le saint sacre-
ment ne soit exposé dans une des églises de
Rome, avec une indulgence accordée à ceux
qui iront prier dans cette église où il y a sta-
tion; et à moins qu'il n'y ait quelque obsta-
cle, le pape ne manque jamais d'aller la vi-
siter et y faire sa prière.
Pendant le jubilé, lorsque l'indulgence est
étendue à toutes les Eglises de la chrétienté,
on désigne les églises pnrliculières dans
lesquelles les fidèles seront obligés d'aller
faire leurs prières ou leurs stations, pour
gagner l'indulgence.
On appelle encore station les prières que
les chanoines ou les prêtres d'une église
vont faire en procession d.ins la nef, devant
l'autel de la sainte Vierge, avant la messe
et après les vêpres. Enfin, l'on nomme quel-
quefois station la commission donnée à un
prédicalenr de faire des sermons pendant le
carême dans une église particulière.
Quand on remonte à l'origine des usages
ecclésiastiques et religieux, on voit qu'ils
ont été tous établis sur des raisons solides
el analogues aux circonstances ; ceux qui
les trouvent ridicules ne montrent que de
l'ignorance. On demande si les prières sont
meilleures dans une église que dans une
autre et si Dieu n'est pas disposé à nous
écouter parloat. 11 l'est, sans doute ; mais
Jésus-Christ, qui nous a recommandé de
prier toujours, nous a dit aussi que, quand
plusieurs sont rassemblés en son nom, il
est au milieu d'eux. Il a donc voulu que les
fidèles priassent en commun, afin qu'ils se
souvinssent qu'ils sont tous frères, tous en-
fants d'un même père, tous destinés au
même héritage éternel, et qu'ils prissent in-
térêt au salut les uns des autres. Voy.
Prière, Communion ues saints. Lorsque,
dans une grande ville, il y avait des églises
éloignées les unes des autres, il était de la
ciiarité des évêques d'y aller fiiire les sta~
'!ons ou les ofGee^ divins, afin de donner
aux divers membres de leur troupeau la
STE S3-2
commodité de se rassembler , pour ainsi
dire, sous la houlette du pasteur. A présent,
si cela est moins nécessaire qu'autrefois, il
est encore utile de conserver les anciens
usages, parce qu'ils nous rappellciitloujours
les mêmes vérités, et parce que les dévo-
tions particulières, qui n'ont point d'autre
règle que le goût el le caprice, ne manquent
jamais d'entraîner des abus et des er-
reurs.
STAUROLATRES. Voy. Chazinzariens.
STERCORANISTES. On a donné ce nom
à ceux qui soutenaient que le corps de Jé-
sus-Christ dans la sainte eucharistie, reçu
par la conimnnion, était sujet à la digestion
et à ses suites, comme tous les autres ali-
n)ents. La question est de savoir s'il y a eu
réellenient des théologiens assez insenrés
pour admettre cette absurdité.
Mosheim, plus modéré sur ce point que
d'autres protestants, convient qu'à propre-
ment parler le stercoranisme est une hérésie
imaginaire. Dans le xT siècle, les théolo-
giens qui soutenaient que la substance du
pain et du vin est changée dans l'eucharis-
tie au corps et ;iu sang de Jésus-Christ, im-
putèrent à ceux qui tenaient le contraire
cette odieuse conséquence, que ce corps et
ce sang adorables sont sujets dans l'esto-
mac à la digestion el à ses suites. Ils argu-
mentaient sur ces paroles du Sauveur : Tout
ce qui entre dans la bouche descend dans le
ventre, et va au retrait. Ceux qui niaient la
transsubstantiation ne manquèrent pas de
rétorquer l'objection contre leurs adver-
saires et de prétendre que, puisque le corps
et le sang de Jésus-Christ avaient pris la
place de la substance du pain et du vin, ils
devaient subir les mêmes accidents qui se-
raient arrivés à cette substance, si elle avait
été reçue par le communiant; Hist. ecclés.,
i\' siècle, II' part., c. 3, § 21.
Nous ne ferons point de recherches pour
savoir si ce ne sont pas les ennemis du
dogme de la présence réelle qui ont été les
premiers auteurs de cette odieuse objection,
plutôt que les défenseurs de la transsub-
stantiation ; cela est d'autant plus probable
que les successeurs des premiers la répè-
tent encore : nous nous contenions de l'aveu
de Mosheim ; il convient que, dans le fàil,
cette imputation n'était applicable ni aux uns
ni aux autres, que les reproches venaient
plutôt d'un fond de malignité que d'un vé-
ritable zèle pour la vérité. On ne peut sans
impudence, dit-il, l'employer contre ceux
qui nient la transsubstantiation, mais bien
contre ceux qui la soutiennent, quoique
peut-être ni les uns ni les autres n'aient ja-
mais été assez insensés pour l'admettre ;
ibid.
Il ne fallait pas affecter là un peut-être, il
fallait avouer franchement que ce reproclie
était alisurde dans l'un et l'autre parti. Plus
équitable que lui, nous allons faire voir qu'il
ne peut avoir lieu contre aucun des senti-
ments vrais ou faux qui sont suivis d,:ns les
différentes sectes chrétiennes touchant l'eu-
charistie ; nous ne refusons jamais de rendre
5-3
STE
STIC
534
jastico, même à nos ennemis. 1° Le repro-
che lie stercornnisme ne [lent être fail aux
calvinistes qui nient l;i présence réelle de
Jésus-Chrisl dans ce sacrement, ni contre
les lulhériens qui prétendent aujourd'hui
que l'on y reçoit à la vérité sou corps el son
Aang, non en vertu d'une présence réelle et
corporelle ilu Sauveur dans le pain el le vin,
mais en vertu de l.i coniinuiiion ou de l'ac-
tion de recevoir ces symboles. Voy. lùciu-
nisTïE, § 2. 2° Luther et ses disciples , qui
admeliaieiit l'impanatioii ou l'union du
corps et du sang de Jésus-Christ avec la
substance du pain et du vin , ne donnaient
pas moins lieu à l'accusation de slercora-
nisme que les défenseurs de la Iraussuhslan-
ti.'ilion ; Alosheim ni Iiasnai;e n'en ont rien
dit, parce qu'ils n'en voulaient qu'aux ca-
tholiques. M;iis il n'est pas difficile de justi-
fler ces impanateurs; ils enseignaient sans
doute que le corps de Jésus-Christ ne de-
meure sous le pain ou avec le pain, qu'autant
que cet aliment conserve sa forme et ses
qualités sensibles ; que le pain, devenu du
chyle dans l'estomac, n'est plus du pain,
qu'ainsi \e corps de Josus-Christ cesse d'y
être uni. 3" Il i'aut être enlètoà l'excès pour
soutenir que celte accusaiiou est mieux l'on-
dée à l'égard des catholiques qui admullenl
la Iranssubslantiation. Jamais ils n'ont pense
que le corps de Jésus-Christ est encore sous
les espèces ou sous les qualités sensibles du
pain, lorsque cesqualiiés ne subsistent plus.
Au moment que les espèces sacramentelles
sont descendues dans l'estomac, elles sont
mêlées ou avec les restes d'aliments, ou avec
les hutneurs (|ui doivent concourir à la di-
gestion. Dès lors ces espèces ou qualités sen-
sibles sont altérées ; elles ne subsistent plus
du tout lorsqu'elles sont changées en chyle ;
le corps de Jésus-Christ n'y est donc plus.
Comment prétendre que ce corjis adorable
est sujet au.r suites de la dhjesiiun, dès qu'il
cesse d'exister par la digestion mémo des
espèces sacramentelles.
Basnage, qui a fait une longue disserta-
tion sur lu stercoranisme, Ilist. de l'Ëijlise,
1. XVI, c. C, a manqué de jugement, lors(|u'il
a dit que les aci'idents qui peuvent arriver
au corps de Jésus-Christ dans l'eucharistie
embarrassent fort les Iheoligiens qui admet-
tent la présence réelle ; ils ne sont embar-
rassants que pour ieu\ qui ne rcllédiissent
pas. Ils incommodent peut-être ceux qui
commencent par argumenter sur la sub-
stance des corps ; mais nous demandons ce
que c'est que celle substance séparée ou ab-
straite de toute qualité sensible, et si on
peut eu donner une notion claire ; si on ne
le peut pas, de quoi servent les arguments ?
Voici le plus fort : Les Pères de l'Eglise
ont dit que l'eucharistie nourrit nos corps
aussi bien que nos âmes ; or, c'est la sub-
stance d'un aliment et non ses qualités sen-
sibles qui jieut produire cet effet : puisque
la substance du pain, scion nous, n'est plus
dans l'eucharistie, il faut que ce soit la sub-
stance du corps de Jésus-Christ qui y sup-
plée. —Celle objection est-elle doncinsoluble?
Nous demandons ce que c'est que nourrir
notre corps ; c'est sans doule en augmenter
le \olanie. Que l'on nous dise commeni une
substance corporelle, dépouillée de tonte-
ses qualités ^ensibles, par conséquent de
co/Mme, peut augmenter celui de notre corps.
Les Pères ont dit que l'eucharistie, le pain
eucharisli(]uc, l'aliment consacré, etc., nour-
rit notre corps ; mais ils n'ont pas dit que
c'est le corps de J. sus-Christ, lU la substance
de ce corps adorable , ou la substance du
pain, (jui op^re cet effet. Tous croyaient ,
comme nous, que la substance du pain n'y
est plus, et 'tous comprenaient que la sub-
stance du corps de Jésus-(]hrist , dépouillée
de toule qualité sensible , ne produit point
un efl'el physique et sensible. Peu nous im-
porto ce qui a été tlit dans le ix' et le xi'
siècle, et ensuite par les scolasliques , lou-
chant celte dispute. Quand nous serions
forcés d'avouer que tous ont mal raisonné el
se sont mal exprimés, il n'en résulterait au-
cun préjudice contre la croyance catholique.
On a eu très-gran<l tort d'attribuer le ster-
coranisme à Nicétas, à Amalaire, à Raban-
Maur, il Héribalde,à Ratramne, etc., et
<(uand il serait vrai que tous se sont mal
défendus, il ne s'ensuivrait encore rien. I!
aurait été mieux de ne point appliquer à la
sainte eucharistie des notions de physique
our de méta|ih3sique très-obscures, très-in-
cerlainos, et qui ne pouvaient servir (ju'à
euîbrouiller la question ; il aurait été mieux
de lie pas entreprendre d'expliquer par ces
notions fautives un mystère essentiellement
inexplicabb'. .Mais l'atTcctation des protes-
tants de ramener ces disputes sur la scène
no prouve que leur malignité. Il a fallu (|uc
iiasnage s aveuglât augrand jour pour affir-
mer, dans le titre du chap. G, que VEylise
grecque micienne et moderne était stercoru-
nisle, puisque les Grecs soutenaient que la
réception de l'eucharistie rompt le jeûne. Il
avait perdu toute pudeur quand il a ose at-
tribuer l'origine du stercoranistne à saint
Justin, parce que ce Père a dit, Apol. i, n.
(i6, que l'eucharistie est un aliment duquel
notre chair et notre sang sont nourris, et à
saint Irénée, parce qu'il enseigne, adv. Hœr.,
I. V, c. 2, n. 2 et 3, que notre chair el notre
sang sont nourris et augmentés par ce pain
el par cette nourriture qui est le corps de
Jésus-Chrisl. Iiasnage a falsifie ce passage,
en menant i^U! est appelé le corps de Jésus-
Clirist. Il a poussé (ilus loin la turpitude, en
■ ijoutanl queOrigèue n été stercoraniste pu-
blic, [luisqu'il a dit que l'aliment consacre
par la parole de Dieu el par la prière, dans
ce qu'il a de matériel, passe dans le ventre et
va au reliait, in Matlh., t. ii, n. 14 ; quil
laul uiellre au même rang saint Augustin et
l'Eglise d'Afrique, puisque nous lisons ces
paroles, Serm. 57, c. 7, n. 7 : « Nous pre-
nons le pain de l'eucharistie, non-seulement
afin que notre estomac en soit rempli, mais
afin que notre âme en soil nourrie ; » entin
l'i^glise d'Es|)agne, parce qu'un concile de
Tolèle, au vir siècle, a décidé qu'il ne faut
consacier que de petites hosties pour la com-
S55
STE
STO
536
niuaion, de peur que l'eslomac du prêtre
qui en consommera les restes n'en soit trop
chargé. Nous rougissons de rapporter ces
odieuses accusations , mais il est bon de
montrer jusqu'où l'enlêtemenl et l'esprit de
vertige peuvent pousser un prolestanl. Bas-
nage a fait tout son possible pour prouver
que les anciens Pères de l'Eglise n'ont cru
ni la présence réelle ni la traiissubsianiia-
tion ; et le voilà qui leur attribue la consé-
quence la plus fausse et la plus révoltante
que l'on puisse tirer de cis deux dogmes.
Origène est le seul que nous prendrons
la peine ite justifier. Lorsque ce Père parle
d'aliment consacré (/nn<! ce qu'il y a de ma-
tériel, de la substiince du pain, ou il n'a pas
cru la présence réelle, ou il a supposé l'im-
panalion ; et nous avons fait voir que, dans
l'un eldiins l'autre système, le slercoranisme
ne peut pas lui être imputé. Si Origène a
seulement entendu les qualités matérielles
et sensibles du pain, comme nous le pensons,
l'accusation est encore plus absurde, et nous
l'avons prouvé. Voy. les notes des éditeurs
d'Origène sur cet endroit.
Les protestants se fâchent, lorsque nous
attribuons des erreurs aux hérétiques an-
ciens et modernes, par voie de conséquence,
et ils ne cessent de recourir à celle méthode
pour imputer aux Pères de l'Eglise entière
non-seulement des erreurs, mais des infa-
mies. Basnagc avait avoué qu'aucun trans-
substantialeur n'a jamais été assez insensé
pour admetire le slercoranisme, non-seule-
ment à cause que le respect qu'il a pour le
corps du Fils de Dieu s'oppose à cette pen-
sée, mais encore parce que ce corps adora-
ble étant dans l'eucharistie invisible, indivi-
sible, impalpable, insensible, il est impossible
de croire qu'il est sujet à la digeslion et à
ses suites, ibid.,c.&, § 3. S'est-il repenti de
ce trait de bonne foi ? non ; mais il a voulu
prouver que les Pères n'admettaient point
la transsubstantiation, puisqu'ils admettaient
le slercoranisme- Encore une fois, ceci res-
semble à un délire. Si les Pères n'ont pas
cru la transsubstantiation, il faut du moins
qu'ils aient cru la présence réelle, autrement
l'accusation de slercoranisme est absurde.
S'ils ont supposé la présence réelle, que l'on
nous dise comment ils l'ont conçue, et alors
nous prouverons que celle odieuse imputa-
tion est toujours également opposée au bon
sens.
Si c'est à Basnage que Mosheim en vou-
lait, lorsqu'il a dit que \e slercoranisme n'est
qu'une imputation maligne, il n'avait pas
tort. Les incrédules en ont profité pour vo-
mir des blasphèmes grossiers et dégoûtants
contre le mystère de l'eucharistie.
♦ STEVENISTES. Stevens , vicaire général du
diocèse de Naniiir au inoinent du Concordat, perdit
ses pouvoirs lorsque les sièges de Liège et de Namur
furent remplis. Il s'était acquis une grande estime
piiriui tous les prêtres belges. Il comiiiun, comme
docteur particulier, à éclairer et i\ diri;;er beaucoup
d'entre eux. La petite Eglise faisait alors du bruit.
Elle eut de l'éclio dans la Belgique. Plusieurs prê-
itres, se couvrant du html de Siev«ns> (iKHt DtJi VUa
opposition au Concordat. Stevens les condamna et
leur donna l'exemple d'une" entière soumission aux
voloniés du souverain pontife. Il sut toujours distin-
guer les actes qui émanaient de l'autorité ecclésiasti-
que de ceux qui procédaient uniquement de l'autorité
civile. Il attai|ua les articles organiques; il blâma le
serment prescrit :iiyx membres de la Léuioii d'honneur;
il déclara en 1809, birsque le pape l'eut e\commnuié,
qu'aucun prêtre ne devait pins prier pcnir Nipnlénn.
tous ces actes lirt-nl regarder Stevens comme si^c-
tateur par les partisans de l'empereur; il était ce-
penilant dans le vrai. Il se montra toujours soumis
au saint-siége, et mourut plein de vertu en 1828.
STIGMATES, marques ou incisions que
les païens se faisaient sur la chair, en l'hon-
neur de quelque fausse divinité. Cette su-
perstition était défendue atix Juifs, Levil.,
c. XIX, v. 28 ; l'hébreu porle : Vous ne vous
ferez aucune écriture de pointe, c'est-à-dire
aucun caractère ou aucun stigmate imprimé
sur la chair avec des pointes ; c'était un sym-
bole d'idolâtrie.
Ptolémée Philopalor ordonna d'imprimer
une. feuille de lierre , plat»te consacrée à
Bacclius , sur les juifs qui avaient quitté
leur religion pourembrasser celle des païens.
Saint Jean, Apoc, c. xiii, v. 16 et 17, fait
allusion à cetie coutume, quand il dit que
la bête a imprimé son caractère dans la
main droite et sur le front de ceux qui sont
à elle ; qu'elle ne permet de vendre ou d'a-
cheter qu'à ceux qui portent le caractère de
la bête ou son nom. Philon le juif, de Mo-
narch., 1. i, observe qu'il y a des hommes
qui, pour s'attacher au culte des idoles d'une
manière solennelle, se font sur la chair, avec
des fers chauds, des caractères qui mar-
quent leur engagement. Saint Paul, Galat.,
c. VI, V. 17, dit, dans un sens fort différent,
qu'il porte les stigmates de Jésus-Christ sur
son corps, en parlant des coups de fouet
qu'il avait reçus pour la prédication de
l'Evangile. Procope de Gaze , in Isaï. , c.
XLiv, V. 20, remarque qu'un ancien usage
des chrétiens était de se faire sur le poignet
et sur les bras des stigmates qui représen-
taient la croix ou le monogramme de Jésus-
Christ, pour se distinguer des païens. On
dit que cet usage subsiste encore parmi les
chrétiens d'Orient, surtout parmi ceux qui
ont fait le voyage de Jérusalem. Les cophtes
d'Egypte impriment avec un fer chaud le
signe de la croix sur le front de leurs en-
fants, afin d'empêcher les mahoinétans de
les dérober pour en faire des esclaves. On a
cru mal à propos qu'ils employaient cette
précaution pour tenir lieu de baptême.
Les historiens de la vie de saint François
d'Assise ont rapporté que, dans une vision,
ce saint reçut les stigmates des cinq plaies de
Jésus-Christ crucifié, el qu'il les porta sur
son corps le reste de sa vie. On peut voir
ce qu'eu a dit Fleury, Histoire ecclésiastique,
t. XVI, I. Lxxix, n. 5, et les preuves que l'on
en donne, Vies des Pères et des Martyrs, tom.
IX, p. 392.
* STONITES. C'est l'une des mille sectes qui pul-
lulent en Amérique. Sione, son fondateur, se donna
comme l'ami des lumières. Il renouvela l'Iiérësie de»
arieu^i
837
STR
STR
S38
* STRAUSS. Sirauss est l'un des plus dangereux
ennemis du christianisme des temps modernes. Après
avoir été un anleiii illumine, il tomha dan-; une in-
crédulité complète. Ce fut la nouvelle exégèse alle-
irande qui l'y conduisit. Il ne put entendre sans
pitié l'inlerpréialion donnée à l'Ecriture par les nou-
veaux exésèles : il fiiut avouer, en olïet, qu'il n'y a
rien de plus ridicule que les explicilions qu'ils dai-
gnent nous donner Selon ces savants interprètes ,
I l'arbre du l>ien et du mal n'est rien qu'une plante
vétiéneuse, prcdiablemenl un mancenilier sous lequel
se sont endormis les premiers liommes ; (|ue la fi-
pure rayonnante de Moïse desccmlaut du mont Sinaï
était un proiluit naturel de l'électricité ; la vision de
Z:uliarie, l'effet de la fumée des candéLibres du tem-
ple; les rois mages, avec leurs offrandes de myrrhe,
d'or et d'encens, trois marchands forains qui anpor-
taient quelipie quincaillerie à l'enranl de lîethléLiui ;
l'étoile qui marchait devant eux, nu domestique por-
teur il'uM Ûjuibeau : les anges dans la scène de la
tentation , une caravane qui passait dans les déserts
chargée de vivres. Dans le fait, il faut èirc possédé
de la manie du système pour débiter sérieusement
que, si Jésus-Chrisl a marelié sur les Ilots de la mer,
c'est qu'il nageait on marchait sur ses bords ; qu'il
ne conjurait la tempête qu'en, saisissant le gouvernail
il'iine main habile ; qu'il ne rassasiait miraculeuse-
ment plusieurs milliers d'hommes que parce qu'il
avait des magasins secrets, ou que ceux-ci consom-
Miérenl leur propre pain qu'ils tenaient en réserve
(bris leurs poches ; enfin, qu'an lieu de monter au
ciel , il s'était dérobé à ses disciples à la faveur d'un
brouillard, et (|u'il avait passé de l'antre côié de la
moniagne : explications étranges, qui n'exigent pas
une foi moins robuste que celle qui admet les mira-
cles (n). > Uu esprit tant soit peu logique devait sor-
tir de celte voie misérable, ou pour embrasser fran-
chement la vérité, ou pour donner complètement
clans l'incrédulité. Sirauss se laissa entraîner dans
ce dernier parti. L'i^vanj-ile l'embariassail avec les
miracles et la vie prodigieuse de Jésus-Christ. Il ré-
solut d'en faire un mythe, ou une histoire naturelle,
ordinaire, embellie de prodiges.
€ Parce que, dit M. Guillon , notie foi chiéiienne
repose sur les Evangiles où sont consignées la vie
et les doctrines du divin Législateur, M. Strauss a
cru que, cette base renversée, noire foi restait vaine
et sans appui , el-il a conçu le dessein de la réduire
à une ombre fantastique. Dans celle vue , il com-
mence par saper l'aulhenticité des Evangiles, en la
combattant par l'absence on le vide des icmoignages
soit externes, soit internes, qui déposent en sa l:i-
veur. Selon lui, la reconnaissance qui en aurait été
f.iile ne remonte pas au delà de la lin du 11° siècle.
Jésus s'était donné pour le Messie promis à la na-
tion juive : quelques disc.ples crédules accrédilérent
celle opinion. Il fallut l'étayer de laits miraculeux
qu'on lui supposa. Sur ce lype général se l'nrma in-
sensiblement une histoire de la vie de Jésus, (jui, par
des modilicalions successives, a passé dans les livres
que, depuis, on a appelés du iinni d'Evangile. Mais
poiul de monuments cuulemporains. La tradition
orale est le seul canal (pii les ail pu iraiismettre à
une époque déjà trop loin de sou origine pour mé-
liler quelque créance sur les faits dont elle se com-
pose. Ils ne sont arrivés jusqu'à elle que chaigés
d'un limon étranger. Le souvenir du fondateur
n'a plus été que le fruit pieux de l'imagination,
l'a'uvre d'une école appliquée à revêtir sa doctrine
d'un symbole vivant. Toute oetle histoire est donc
sans réalité; tout le Nouveau Testament n'est plus
qu'une longue liction mythologique, substituée à
celle de l'ancienne idolàlrje. Toutefois, ce n'est en-
core là que la umitié du système. Dans l'ensemble
de l'histoire cvangélique, M. Strauss découvre un
(m) Ldilion Lefort, art. Stravss.
grand myllie, un myihe philosophique, dont le fond
est, dit-il, l'idée de l'humaniié. A ce nouveau lype
se rapporte tout ce que les auteurs sacrés nous ra-
content du premier âge de l'Eulise chrétienne, à sa-
voir : l'iiumaiiiié, ou l'union <lu principe humaiu et
du principe divin. Si cette idé'e apparaîi dans les
Lyan;jiles sous l'enveloppe de l'histoire, et de l'his-
toire de Jésus, c'est que, pour être lemlue intelli-
gible et populaire, elle devait èlre préseniée non
dune manière abslraile, mais sous la forme coii-
ciele de la vie d'un individu. C'est qu'ensuite Jésus
cet être noble, pur, respecté cimime un dieu aviiiit
e premier fait comprendre ce qu'était l'Iiomule et le
but ou il doit tendre ici-bas, l'idée de l'humanité de-
meura pour ainsi dire altachée à sa personne. Elle
élan sans cesse devant les yenx des premiers chré-
tiens, lorsqu'ils écrivaient la vie de leur chef. Aussi
reporlèrenl-ils, sans le savoir, tous les atlrilmls de
celte idée sur celui qui !'av;iii fait naîire. En croyant
rédiger l'histoire du fondateur de leur religion', ils
firenl celle du genre binnain envi,agé dans ses rap-
ports avec Dieu. Il est clair que la vérité évangélique
disparaît sous cette interprétation ; que les œuvres
surnaturelles dont elle s'appuie restent pioldémaii-
ques et imaginaires; que, même dans l'hypoiliése
d'une existence physique, Jésus-Chrisi ne fni qu'un
simple homme, étranger à son propre onvra-e et
dépouillé de tous les caractères de mission divine qui
lui assurent nos adorations. >
C'était montrer une audace extrême , heurter de
front lonles les croyances, briser la certiimle liislo-
nqiie; car, coiiime nous l'avons démmitré au mol
Evangile, contesler la vérité de ce livre, c'est ané-
aiilir l'autorilé de toute espèce d'histoire ancienne.
Sirauss apporte-l-il de noiividles raisons? a-l-il dé-
couvert de nouvelles objections ? produit-il des écrits
inconnus jii.squ'alors, qui montrent la fansseié de nos
saints livres? l'oint du tout. Il réunit toutes les ob-
jections qui oui été faites contre la véracité des ré-
cits des faits merveilleux qui se lisent dans les pre-
mières histoires profanes ; il présente sous un nmi-
veau jour les objections qui ont été vingt fois réfutées
par les apologistes de la religion, et il en conclnt
qu'on doit juger de la vie de Jé-us-Christ comme de
la vie des piemiers fondateurs des fausses religions :
il y a des faits naturels, mais qui oui élé embellis
par la renommée et admis p ir la créilnlilé. Nous ne
pouvons rentrer ici dans une longue discussion qui
a été épuisée dans le cours de ce Dictionnaire.
Nous nous conlenierons de p^é^enler quelques con-
sidérai ions de M. Tlioluck, qui a réfulé l'ouvrage
de Strauss.
I Où commence, d'après le critii|ue de la Vit'
de Jésus, l'histoire de celui que le monde clirctien
adore cuniine son sauveur et son Dieu ? — Au loin-
beau t lillé dans le roc par Joseph d'.\rinialliie. De-
bout sur ses bords, les disciples Ireuiblaiits , éper-
dus, ont vu leur espérance s'engloutir dans s.oii
sein avec le cadavre de leur maîlre. Mds quel évé-
nement vint se placer enire celle scène du sépulcre
et le cri de saint l'ierre et de saint Jean : iNoiis ne
pouvons pas laisser sans icmoignage les choses que
nous avons vues ei entendues. Acl. aposl., iv, 20. 1
— < Quand on embrasse d'un coup d'œil, dit le doc-
teur Faulus, l'histoire de l'origine du christia-
nisme, pendant cinqnaïue jours, à partir de la
dernière céue, on est IVircé' de re oniiaitre que
quebpie chose d'extraoïdinaire a ranimé le courage
de ces hommes. Dans (elle nuit, qui fut la dernière
de Jésus sur la terre, ils étaient pusillanimes, em-
pressés de fuir ; et , alors qu'ils sont aliandonnés,
ils se Irouyeiil élevés au-dessus de la crainte de la
mon, el répèleiil aux ju^es irrités qui ont condaiiiiié
Jésus à mort : < Un doil plutôt olieir à Dieu qu'aux
hommes. > Docleur faulus Kummeiiiar, etc., lli. 5,
8li7. Ainsi, le ciitique d'ileidelberg le reconnaît,
il.doil s'être passé quelque chose d'extraordinaire ;
539
STR
SIR
340
le.docteur Sir.iiiss en ronvienl liii-mênio. « M;iin-
leiianl encore, dil-il, ce n'est pas sans londenicnl
que le^ apologistes snuiieniient qne la iransilinn
siiMie ilu désespoir qui saisit les disciples à la mort
tic Jésus et de leur allaitement, à la foi vive et à
l'.irdenr avec laquelle, cinquanle jours apics , ils
proc aiuéreni qu'il était le Messie, ne peut s'expli-
quer, à moins de reconnaître que quelque Jiose
vraiment extraordinaire a , pendant cet intervalle ,
ranimé leur courage. > Oui, il s'est passé quelque
ciiose ; mais quoi ? n'allez pas croire que ce fut un
miracle. On sait commeut les rationalistes, précur-
seurs de Strauss, posant en principe que les léthar-
gies étaient très-fréquentes dans la Palestine , à
répoque 011 vivait Jésus, ont fait intervenir la syn-
cope et révanoiiissement, afi" d'expliquer sa mort
apparente, et par suite sa résurreciiin. Depuis 17811,
le rationalisme n'a pas suivi d'autre tactique, et,
s'il eiilevait au monde chrétien le vendredi saint, il
lui donnait cependant encore un joyeux jour de
Pâques. — Strauss se présente : il admet aussi ,
cnrnine nous l'avons vu, quelque chose, mais peu de
chose. — La résurrection éail trop ! Contrairement
à ses précurseurs, il arrache donc par fragments
aux chrétiens le jour de Pâques , et leur laisse le
vendredi saiui. Voici cummcnt : Les apôtres, des
femmes, les cinq cents Galiléeiis dont parle saint
Paul, / Corinth. , xv, 6, s'imaginèrent avoir vu
Jésus ressuscité, et ce sont ces visions qui, dans
la vie des apôtres, déterminèrent la transition sou-
daine du désespoir a la joie du triomphe. Pour ren-
dre raison de ces visions , on a encore recours aux
explications naturelles données déjà des miracles ;
on veut bien même, par condescendance, Das Lebeti
Jesu, th. 2, p. 057, faire intervenir les éclairs et le
lonucrro; mais le mieux serait de s'en débarrasser.
Saint Paul, il est vrai , dont le témoignage pré-
sente un certiin poids, parle de la résuiMection
eomiTie d'un fait ; mais ee [ait n'existe que dcins son
imagination et celle de ses compagnons. Il faut bien
ce(iend:inl admettre aussi dans sa vie quelque cho-
se, si l'on veut comprendre l'impulsion qui lui est
imprimée; on ailmel alors ces visions , au moins
Comme quelque chose de provisoire, qui fera l'efTel
d'un p'riit volant pour i asser de VEvangite aux
Actes des apôtres, jusqu'à ce que la criti(|ue, se
plaçant dans une réi^ion plus élev. e , puisse, suis
intermédiaire, franchir cet ahime. Passons donc
sur ce pont volant, bâti ou ne sait si c'est par
l'iniagination de l'orientaliste novice, ou par celle
du crniqiie allemand ; passons de l'histoire évan-
géllque aux Actes des apôtns. Suivant alors, dans
l'examen de l'hypothèse de Strauss, la loi proposée
p:ir Gieseler, Giescler, Versuch vber die Enislrhung
der Kvamjelien , s. I'i2, aOn de juger l'hypothèse
sur l'origine des Evangiles, nous demandons : Quelle
conclusion riiisloire qui nous reste du corps de Jésus-
Christ, c'est à-dire de son Eglisi- , )ioi',s fait-elle por-
ter sur celte de son chef? — Deux voiis dilféientes,
dit-il, se présentent à quiconque regarde l'histoire
des miracles évaiigéliqnes comme le produit de l'i-
magiiialion de l'Iglise primitive, produit qui fut dé-
tetniiné p:ir le caractère de cette liglise elle-même.
Peut-être jiigera-i-il (pie, frappés par les visions
léceutcs et par la croy^mce que ce ressisoité éciit
le Messie d'Israël , les chrétiens se mirent à l'ctn-
vie, recueillirent ce qui avait paru extraordinaire
dans sa vie et parvinrent ainsi à fid)riquer nue his-
toire merveilleuse. Toutefois si, tomme le prétend
Strauss, la vie de Jésus ue présenta rien d'exlraor-
liinaire, (ui ne conçoit pas trop comment les disciples
pnienl s'imaginer avoir remarqué dans leur inailre
ce iju'ils n'avaient jamais vu. Mais voici une autre
opinion qui lève cette difliculti'. L'Eglise primitive
alla chercher dans l'Ancien 'lestamenl toutes les
piopiicties relatives au Messie, les léiiiiit afin d'oi-
(ici avec elles quatre canevas do la vie de Jésus ;
elle se mit ensuite à les broder à l'aide d'arabes-
ques miraruleiix Contente de son œuvre, elle ter-
mina là son travail , 3n(|uel elle ajouta cependant
peut-être encore quelques volutes isolées. Celte
prétendue conduite de l'Ejlise chrétienne sert de
point de déiian à Strauss. Le grand argument sur
lequel 11 s'appuie pour juslider son interprétation
mythique de la vie de Jésus, c'est qu'où ne pourra
j rmais démontrer « qu'un de nos Evangiles ait été
attribué à l'un des apôtres et reconnu par lai. »
Il pense que, pour cette composition mythique, ils
ont dû réunir leurs forces. Quant aux détails qu'ils
ne réussirent pas à faire entier dans la vie de leur
maître , ils les réservèrent pour la leur. De là ces
aventures dans des îles enchantées, ces tempêtes
qui le* jetèrent enfin sains et siufs sur un rivage
loriuné ; en un mol, toutes les r/niiniscences pro-
saïques des anciens lemp-, la vi ■ des compagnons
du Sauveur nous les préseule. IleureuseineiH nous
avons l'histoire des apôtres écrite par un compa-
giion de saint Paul, et plusieurs letti es apostolique?
que les critiques, même protestants, regardent, en
général, comme lutbentiques. Le caracière de ces
écrits nous permet de porter un jugement sur ces
deux opinions, et parlant sur l'hypothèse relative
au caracière mytliique do \'Evangile. Si la première
opinion est vraie, les Actes des apôtres, ainsi que
leurs Epiires, nous les représenteront comme des
hommes aveuglés, guidés par le fanatisme, et qui
iranslormenl en miracles des faits naturels. Si la se-
conde est fondée, ces documents nous montreront
dans les apôires des hommes qui sortent si peu de
Tordre ordinaire que le miracle n'occupe aucune
place dans leur vie. Or, le caractère de leurs Actes
et de leurs Epitres renverse ces deux hypoihèses.
Nous y trouvons, il est vrai , des miracles ; mais la
conduite de leurs auteurs est si prudenie et si sage,
qu'il nous est impossible de concevoir le moindre
doute sur ta modération et la véracité de leur té-
moignage. D'un autre côté, toute leur vie se passe
au milieu d'un inonde que nous connaissons déjà ;
nous voyons des personnages, des événements qui
ne nous sont pas éirangeis ; mais, de plus, ils opèrent
di s miracles qui semblent jaillir comme des éclairs
du sein d'un monde plus élevé.
« Nous avons à dénioulrer d'abord le caracière
historique des Actes des apôtres. Ou est forcé de re-
connaître, et l'auteur lui-iiiêiue le déclare formelle-
ment , qu'ils ont été composés par un ami et uii
compagnon de l'apôtre saint Paul : pour prétendre
le contraire, il faudrait soutenir que l'ouvrage tout
entier e.^t supposé, ce à quoi ou n'a pas encore
songé. D'ailleurs, l'impression qu'il laisse dans l'es-
prli du lecteur est assez, décisive, et, si elle s'était
effacée de sa mémoire, il lui suffirait de lire le c. xvi
depuis le verset 11 jusqu'à la fin, pour ne conser-
ver aucun doute sur ce point, et se convaincre que
le narrateur a dû vivre sur les lieux où les faits se
sont accomplis. Souvent même, notaminenl quand
il fait la relation du trajet vers l'Italie, on éprouve
une impression semblable à celle que fait naître la
lecture d'un jOurnal de voyage. On suit les stations,
on mesure la prid'ondeiir de la mer, on sait combien
d'ancres ont été jetées ; en un mot, tous les évé
iieinents sont r.ipportés avec tant d'ordre que l'on
peut demander à tout historien : Est-il vraisembla-
ble qu'après plusieurs années une description aussi
détaillée eût pu être composée d'après drs docu-
ments transmis oralement? Ou saint Luc, favorisé
par une heureuse mémoire, doit avoir écrit la rela-
tion (le ce voya;^e aussitôt après l'avoir achevé ; ou il
doit avoir eu entre ses mains un journal de voyage (a).
Il n'a pas été lénioin des événemeuls consignés
(a) Meyer, dans son Commentaire sur les Actes de:
apôtres , p. 33S , fait aussi la remarque suivante : « L?
chulé qui règ e clans tout le récit de cette navigation, soi
étendue, porleal li croire que saint Luc écrivit celle rela-
iil
STR
STR
nu
dans la premièro paiiio des Actes den nfiolres. yiioi
une prélundeiil Schleierin:icli«r el. Roliin (dans de
Fondims Acloruni iipost.), I« style, toujours le môme,
qui- ''on remarque dans lout cel onvras^e, rend in-
admissible, ainsi que pour \'Evaii(iile, une collection
de documenis inallérés. Mais Wolil ne parle pas
seiilfinent dn caractère liisuiriqiie de la première
pariie , il examine aussi le caranère dn style, el il
soiilienl qne saint Lnc a employé des notes écrites,
on s'esl allaclié à reproduire assez exaclemenl les
relations des Juifs; car, dit-il, il est inégal, moins
classique ipie dans les autres morceaux, depn'S le
chapitre x\, nn l'anleur paraît avoir élé aliandonné
à Ini-mcme. Bleck, dans l'examen de l'ouvrage de
Mayerhoff, a embrasse la même opinion, et il clier-
clie à prouver que saint Lnc doit s'être servi d'une
relation écrite, Siiiilicii und krilikt'ii , 1850. 11. l.
C'est aussi te sentiment <l'lllri( li , ll'iJ., I.SÔ?, 11. 2.
I Examinons maiiiieiianl le caractère liiiiorii]ne
ries Actes des apoires. l'Iiisionrs points difliciles à ac-
corder, et notamment desdiiï rencs chronologiques
se présentent à nous, il e^t vrai , quand nous les
comparons avec les Lellres^in saint Paul ; mais aussi
nous y trouvons une concordante si IVappanio, ipie
ces dcu% monuments de l'aniiipiilé clirélieniie four-
nissent des preuves de l'authenticité l'un de l'aulre.
Que l'on considère surtout les Actes des apôtres ilans
leurs nombreux points de contact avec l'Iiistoire, la
géographie et rantiquilé classiques, on ne lardera
pas à voir ressortir les qualités de saint Luc comme
historien. La scène se passe tour à tour dans la Pa-
lestine, la Grèce et l'Italie. Les erreurs commises
par un myiliographe grec, sur les usages et la géo-
graphie des Juifs , et. à plus l'orie raison, par un
myihographe juif sur les coutumes des païens, n'eus-
sent pas manqué de trahir leur ignorance. — Ici la
vie est pleine d'incidents div/rs dans les Eglises de
la Palesiine, dans la capiiale de la Grèce, an milieu
des séries philosophiques, devant le trd)unal des
proconsuls romains, eu piésence des rois juifs, des
gouverneurs des piovinces païennes , au milieu des
flois liouleversés par la lempéie ; parioni cependant
nous trouvons des indicaiions exacies, dans l'hisioire
et la géographie, des noms et des événements que
nous connaissons d'ailleurs ; ce serait là surtout
que l'on pourrait découvrir le mythographe fanati-
que. Nous avons déjà eu l'oceasion {Claiibifùrd'ujkeil
lier cv Gesch. , s. 160 ) île soumettre à un examen
approfondi les détails donnés par saint Luc sur les
gouverneurs juils et romains iiui vivaient de son
temps ; il a résisté victorieutcment à celle épreuve.
Elle a lait ressortir la vérité hisloriipie de sou Evan-
gile, il nous reste à parler < ncore de quelques anii-
qirités. Il nous srrflira de parcourir trois chapitres de
l'ouvrage de saint Luc, les capiires xvi à xviii, où il
se présente à nous nimme le conrpagnon de voyage
de l'Apôtre. Noirs trouvons dans ces chapiiri'S, com-
m«' dans tous les autres, des indicaiions gcngraplii-
«]ues exacies, conformes aux connaissances que nous
pnssédorrs d'ailleurs sur la topographie et sur l'his-
toire de cette époqrre. Airrsi la ville de Phi:i|ipes
nous est représentée comme la prerrrièrc ville d'triie
partie de la Macédoine, et comme une colonie,
irpwTij Tnç (xioioo; tw» MKxjûovta? Tzoki; , xt\6>\ii«.
Nous pouvons laisser les exégéles disputer quant
à la manière d'eucliairrer tt^wt/î dans le corps du
discours. Il suit de là, 1* que la Macédoine élail di-
visée en plusieurs parties : or, Trte-Live nous ap-
prend qu'Ainelrirs Paulu> avait divisé la Macédoriio
en quatre pariies. Liviiis, xLv, 29.— 2" ipie Philippes
était une colonie. Celle vill,' fut, en effet , colonisée
lion intéressante anssilôt après son débarquement, pen-
dant l'hivtr qu'il passa a Malle. Il n'eut qu'a consult(;r .-.es
impressions récentes encore, consignées peut-èlie dans
son Journal de voyage, il où elles pa'ssèrenl dans sou his-
toire. » Kappelons-nous rrraintenaiit que l'écrivain qui
moutre laut d'exactitude est aussi l'auteur de l'Evuiigile. p. 598.
par Octave, et les parlisarrs d'Antoine y furent trans-
portés. Dio Cnss. lib. i.i , pag. .US ; Pline , Histoire
naturelle, iv, Il ; Diqes. teq., 36, SO. D'après le ver-
sel lô, dans cette ville se' trouvait , près d'une ri-
vière , un orainire , npos:v-/yi. Le nom de la rivière
n'est pas indiqué, mais nous' savons qrre le Sirymon
coulait près de Philippes. L'oratoire étail placé sur
le bord de la rivière ; nous savons que les .luifs
avaiorrt coutirme de laver leurs mains avant la
prière, et, pour celle raisorr, ils élevaient leurs
oratoires sur le boni des eaux (n). Au vcrseï 14,
il parle d'une femme pai iiinc dnnl les Juifs avaient
fart une prnsélyie. Josèphe nous apprend que les
femmes paieimes, mécorrtenie> de leur religion,
cherchaient uir alimerrl pour leur inlelligeuee dans le
judaïsme, et ini'à Damas, par exempl ■ , plusieurs
l'avaient embrassé. Celte femme s'appelait LyJia ;
ce nom, d'après Horace, ciait usité. C'était une
vendeuse de pourpre de la ville de Tliyatire. Tliya-
lire se trouve ilaiis la Lvdie ; or, la coloration de la
porrrpre rendait la Lydie célèbre. Val. Flacciis, IV,
568; Claudieii, Rap. Proserp., 1, 27i ; Pline, His-
toire naturelle, Vil, 57; Elien , Histoire animal., IV,
i6. Due inscription trouvée à Thyatire allesre (|u'il
y avait des corps de leinturiers. Spunius, Miscell.
enid. antiq., III, ',)5. — Le verset 16 fait menlion
d'me fille possédée d'un esprit de Python , tzvbù;^»
nJÇr.jvoj. lliJOwv esi le norrr d'Apollon , le dieu des
prophètes, appelés pour celte ra son r.-j9'jviy.oi , el
TTuOoXyjrrToi ; les veniriloipies recevaient aussi le
même nom lorsqu'ils s'occirpaieiit de la divination,
Plulurch., De oracul. defeclu , c. 2. On lii , ver-
set 27, qrre le geélrer de la prison dans laquelle se
trouvait saint Paul voulut se mer, croyant que les
prisonniers s'étaient enfuis. Le ilioii romain con-
damnait à ce chàtimerii le geôlier ipii laissait les dé
tenus s'échapper. Spnnlieiu, De msh et prœst. munis-
mal., t. 1 , diss. 9 ; t. Il , disserl. 13; Casauhon , sur
Athénée, V, 14. — ^ . .'55. Les magisirals de la ville
sont appelés o-r/iKT/iyot. C'est, en elfet, le nom qu'on
leur donnait à celte époque, surtout dans les villes
colonisée*. Ces magisirals n'envoyèrent pas des ser-
viteurs O'dinaires, les Û7ri)i5£TO( , par exemple, que
le sariliodrin de Jérusalem (Aet. aposl., c. \,f . 22)
envoya dans la prison de s.iint Pierre; mais, d'après
la corrluine des Romains, ils envoyèrent des licleurs
peSoiJ/ouf. — $' . 38. Les magisirals furent saisis
de craiiiie en apprenant que les prisonniers étaient
citoyens romaiirs. On se rappelle ce- mots de Cicé-
ron : « Celle parole, ce cri loiichaiu , je suis citoyen
romom, qui secourut tant de fois nos concitoyens
(n) Carpzov, Apparat, antiq , p. 320. — Philon , décri-
vant la condiriie des Juifs d'Alexainlrre dans ceriarns iour-s
soliMinels, raconte que, « dp ffrand malrir , ils .soitaieiil en
t'orrie hors lies portes de la vrile pour :iller aux rivages
voisins (car les proseiiques élaienl détruits), ei 15, se pi>
çaril dans le lieu le pins convenable, ils élevaient leur voix
U'uii conrinun accord vers le ciel. » l'hilo, in Place, p. 382
Idem, De vila Mos , I. m, el De le(jut. ad Caiwn , passim.
— Ce.s sortes d'oratoires se nommaient en grec «ponuri,
«fo^cv.Tijft-.v, el en latin proseuelia :
Kde, ubi con.'yislas, iii qua te quœro Proseitclia.
JuvEN. Sal. ."5, '29li.
Au rapport de Josèphe, Antiq., I. xiv, c. 10, § 2^, la
ville d'Halicarnasse permrl aux .luifs de bàlir des oratoi-
res : « Nous ordonnons que les Juifs, boinnies ou feriiiires,
qui voudront observer le sabbai el s'acquiUer des riies
sacrés prescrits par la loi, puissent bdtir des oratoires sur
te bm-d de la mer. « Terlullien ad Nul., I. r, <•. 15, parlairt
de leurs riies et de leurs usages, ii Is que les léies , sab-
bats, jertnis, ( aliis s ms levain, etc., lueHiioriDe les prières
faites sur le burd de l'eau. orn(io»cs liitoralen. Nous ajoute-
rons i|ue lesSainarilairrseuK-inèiiicsavaieni.d'aprèssaiot
Epipliaiie, Mares. 80, cela de cnniiiiun avec les Juifs. On
peiil voir dans la Sijtmqotjuc judiiique de Jean Buxlorf les
prescrii'iiuus des rabbins , qui délendaienl aux Juifs de
vaquer a la prière avant de s'être purifiés par l'eau. Voir
H. labbè Glaire, Introduction à l'EcrUm
rUure sainte, t. V,
545
STR
ST
KU
chez des peuples barbares el aux exirémilés du mon-
de. Cicero, in Verrem, oral. 5, n. 57. » La loi Va-
Icria défendait d'infliRor à un citoyen romain le sup-
plice du fouei el de la verge.
I Nous arrivons au thapitre xvii. Au commence-
ment de ce chapilie nous voyons placée'; près l'une
de l'autre les villes d'Ainpliipolis et d'Apollinie,
puis Thessalouiqne. — Le verset 5 rapiielle celte
foule des àyopaïoi, subroslrani, subbasilicam, si C"m-
muns chez les Grecs el les Roraiins ; dans l'Orient,
les gens de celte sorte se rassemlilent au\ portes de
la ville. V. 7. Nous trouvons un exemple des accu-
sations de démagogie portées si fréquemuient alors
devant les empereurs soupçonneux. V. M. Nous
voyons de nniiveau un certain nomlire de femmes
grecques qui embrassent la croyance des apôtres.
Mais ce qui surloul est remari|u;ible et caractéristi-
que, c'est la description du séjcmr do grand apôire
dans Athènes. Comme tout se réunit alors pour nous
persuader que nous sommes au sein même de celle
ville! Il parcourt le-s rues, il les trouve pleines de
monuments de l'iduLàlrie, et remarque une multitude
iniinnibruble de slnines et d'autels ( au temps des
empereurs , ils encombraient Rome, au point (pi'on
pouvait à peine traverser les rues de cette ville ).
Isocraie, Hiuiérius, Pausanias, Aristide, Siraliou ,
parlent de la superstition, ÔEiirtSaeuovîa , des Athé-
niens, et des offrandes sms iromlire, àv«0»ia«T«, sus-
pendues à la voiUe des lemples de leurs dieux. Wel-
slein. Sur la place pulilique, oit se rasseuiblaieni les
philosophes, il rencontre des épicuriens et des stoï-
ciens ; des paroles de dédain sortent de leur hou-
che. Mais le nombre des curieux est encore plus
grand que celui de ces hommes hautains. Ou se
rappelle le reproche ailressé autrefois aux Aihéuiens
par Démosihène et Thucydide, et renouvelé par
saint Luc : Vous demandez loiijours quelque cliose de
uouvèau. Il p;irail devant l'aréopage ; iiiais quel fut
le discours de saint l'aul ? Quel mylliograplie juif
eut pu mettre dans la bonclie du grand apôtre des
paroles si propres à peindre son caracière ? Il a vu
un autel élevé à un dieu inconnu. Pausanias et Phi-
lostrate parlent de ces autels (a); son discours nous
(a) Pausanias, qui écrivait avant la fin du ti' siècle, par-
lant dans la descri|iiiou d'Aihénes d'uu autel élevé à Jiipi-
tei Olympien, ajouie : t"( près île là se trouve un autel de
dieux inconnus. npi« «itû $■ titiv d^»*""' S'"» P"i*»! •' !• v,
c. 14, n. 6 Le iiiènie é rivain parle dans un autre endroit
(i'mitels de dieux appelés incomus- Buimi Si ©tsv xs (ivo;ji«!;o|»i-
VO.V opiiii»,. L. 1, c. 1 , n. 4. Phd'isiiaie , qui (Inrissait au
ciimineiiceinenl du ni' siècle, faii dire à ApLPilonius de
Thyane, « qu'il élail sage d>; parler avec respect de tous
les dieux, surloul a Atliènts, où, l'on élevait des autels aux
génies inconnus. » Pila Apoll. Thyini., I. vi, c. ô. — L'au-
teur du dialo„'ue PliilopiUris, ouvrage altribiié par les uns
à Lucien, qui écrivait vers l'an 170, el par d'autres à un
païen anonyme du iv« siècle , faii jurer Criiias par les
dieux inconnus d'Athènes, et sur la liii du djalojjiie il s'ex-
pi'iuiK ainsi : « Mais lâchons de détouvrir le dieu in onnu à
Athènes, et alurs levant nos mains au ciel, oUVous-lui nos
louanges el nos actions de gr:\ces. » (Juant a l'oilroduction
de ces dieu s jncnnnus dans Athènes , voici coinment Dio-
gèiie Laëice raconte le fait. Au temps d'Epiméiiide (c'est-
à-dire, comme on le croit comniuuément , vers l'an 600
avant .lésus-Clirisl), une peste ravageant eetle ville, et
l'oracle avant déclaré i|iie.pour la f.iire cesser, il fallait la
puritier ou l'expier («««y.pai), on envoya eu l^rèle pour faire
venir ce phi osuphe. Arrivé il Athènes, Epiraénide prit
des brebis blanches et des bretiis noires , et les conduisit
au haut île la ville où était i'Aréopaije; de la il les laissa
aller, ayant eu soin toutefois de les faire suivre , partout
oii elles voulurent aller. Il ordonna ensuite Oc les immo-
ler lorsqu'elles se seraient arrêtées d'elles-mêmes, au
dieu le plus voisin ou au dieu qui convie]utiait; il parvint
ainsi à faire cesser la peste. Uioi^ène ajoute : « De là vient
qu'encore aujourd'hui on voit dans les fjubourgs d'Alhè-
nei des aulels.sans nom de dieu (eivuvV<">i) , érigés en mé-
moire de l'expiati'Mi qui lai faite alors. >' Dioge». Laert.
in l'.pimen . ,\. i, § Ui. D'après ces téniuisuages divers, est-
il [lermis de douter qu'à l'époque où saint l'aul se trouvait
^ Aihèues., il y eOt des autels portant celle inscription?
présente le commencemeni de l'hexamètre d'un
distique grec, el nous trouvons jusqu'au yùa lui-mime
dans un poëme composé par un compatriote de l'Apo-
tre, Aralus de Cilicie, Phœnomena , v, 5. tin grand
nombre d'bimimes ne se convertirent pas à ce
discours, comme des mylhogiaphes n'eussent pas
maïupié de l'imaginer, afin de relever davantage la
première prédication de saint Paul dans la capitale
de la Grèce; quelques-uns seulement s'attachèrent à
lui. Ijuaut aux philosophes, les uns se retirèrenl avec
le dédain des épicuriens sur les lèvres ; les auires,
véiitables sio'iciens, coniems d'eux-mêmes, dirent :
i Ni'iis vous entendrons une autre fois, i Sommes-
nons sur le terrain du mythe ou sur celui de l'his-
toire'.' Chip, xviii. Le 'i" verset rapporte uu fait
historique: l'expuMon des juifs de liome, par l'em-
pereur Claude , et Suétone dit : Judœos impulsore
Cliresto assidue tuniullantes Itomâ eipulil Claiidius
(Suel., in Ciaud., ch. ïi5). Le 3' nous rappelle une
coutume des Juifs , chez lesipieis les savants s'occu-
paient à faire des lentes. Cette profession n'eût pu
s'allier dans nu philnsophe grec avec l'enseiiîne-
ment ; parmi les juils, les savants avaient coutume
de l'exercer ; les rabbins se livraient alors aux ou-
vrages manuels, Neryl., Winer, Realworlerbuch, u.
d. W. llandwtrke. L'apôtre saint Paul avait même
un motif particulier pour choisir celte prolession.
Dans la Cilicie, sa patrie, on l'exerçait générale-
ment, parce qu'un y trouvait une espèce de chèvres
dont on employait le poil dans la fabricaiion des
toiles appelées pour cette raison xàixia.. Plinius, Ilisl.
nat. 25. S«riii«s, rem. sur Yirqile, Georgica, 3, 313.
Les versets 12 et 13 présentent aussi avec l'histoire
un rapport frappant.... Nous avons examiné quel-
ques passages seulement de l'ouvrage de saint Luc ;
sur lous les points les résuliats seraient les mê-
mes Si niius passons aux derniers chapiires des
Actes des apôtres, il est impossible de ne pas ad-
meiire que riiéophile connaissait l'Italie , quand on
voit l'auteur, lorsqu'il parle, cli. xxvii, des rivages de
l'Asie et de la Grèce, indii|uer avec soin la situation
et la dislance relative des lieux qu'il mentionne,
tandis qu'à mesure qu'il s'aiipruche de Tiialie, il les
suppose lous ciumus; il se contente de nommer
Syracuse, Khégium , Pouzzoles , et même le petit
marché d'Appius dont parle Horace, Horat., Sal. 1,
5, 5, et les 'l'rois Hôielleries (très tabeniœ ) que Ci-
céron nous fait connaiire. Ad Atticum , i , 13. Lors-
que Josèphe el Philon nomment la ville de Pouz-
zoles, ils n'emploient pas, il est vrai , la dénomina-
tion romaine noTio),oi. Josèphe, racontant dans sa
Vie, ch. 5, son piemier voyage à Rome, cite cette
ville et lui donne le nom iirec ^ly.a.la.o-/j.a. , mais il
ajoute : i5j iioTto/.ou; 'iTa),ot 7.«),oûo-tv. Le même nom
se prisenle encore deux lois dans ses Antiquités ,
Aniiq. , I. xvii, ch. 12, § 1, et xvui, 7. Il en est de
même de Philon , Vhilo xn Flaccum , 1 , 2 , p. 521 .
V. 12.
e Et remarquons comme tout rappelle exactement
les Usages de celle époque. Saint Paul, transporté
par un vaisseau d'Alexandrie, débarqua à Pouzzo-
les. Or, nous savons que les vaisseaux d'Alexandrie
avaient coutume d'aborder dans ce port, Strab.,
I. XVII, p. 793, édit. de Casaubon. — ■ Seiieca, Epis-
tola, 77, in principio, d'où, an rapport de Slrabon,
ils dislrihuaieul leurs marchanilises dans toute l'I-
lalif. Il dut aussi se diriger de là vers liome. « Ses
amis, remarque llug, l'aitendaieul, les uns au mar-
ché d'Appius {[orum Appii), les autres aux Trois-
Hôtelleries. U s'embarqua apparemment sur un ca-
nal que César avait creusé au travers des marais
Pontins, alin de rendre le trajet plus facile; il dut
par cela luêiiie passer au Marché d'Appius, qui, à
Comme, d'un autie côté, aucun monument historique ne
ninnlre ailleurs l'existence d'un autel semblable , peut-on
concevoir qu'un laussaire ei1t saisi nue circonstance aussi
extraordinaire'^ Von. M. Glaire, ibid., p. 579-100.
545
STR
STR
S40
l'exircmilé de ce canal, en élaii le port (a). » Une
pallie de ses amis raltendait aux Trois-llôlellerips.
Elles élaieiit simées à dix milles romains plus près
de Wonic, Antoniiii, lliiierar.édii. Wesseliiig, p.'i07,
npiid. Hiuj, ibid, à peu piès à l'endioii où la roule
de Velleiri alioiiiissait aux marais Poiilliis. La foule
y élail moins nomhrense et moins remuante ; les
embarras y étaient moins grands qu'au Marché d'Ap-
pins, Horut., Sai. i, sat. 5, 3; aussi parait-il qne
là se trouvait une liôtelli'rie pour les classes élevées,
Cker., ad Allie, i, 13. Voilà pourquoi celte partie
des amis de saint Paul l'altcndail à cette station (ilus
conveii;il)le :'i sou rang. Ainsi, tout se trouve exac-
tement conforme aux circonstances lopograpliiques,
telles qu'elles étaient alors, Hiig, Einieii, tli. I,
ieil. 21. D'après ces documents, il est impossible
de douter encore si, en parcourant les Actes des apô-
tres, nous si'mmes sur le terrain de l'iiistoire; et
nous devons reconnaître que saint Luc se trouvait
placé, pour écrire l'histoire, dans des circonstances
aussi favorables qu'un Josèplie. Si ce rapport frap-
pant qui existe entre sa narration et les connaissan-
ces que nous possédons sur l'histoire et la géngra-
pliie des juifs et des païens, paraissait à (pielqu'uii
d'un faible poids, qu'il se représente la vive impres-
sion qui nous saisirait si. entre les mille points que
nous pouvons comparer à d'autres documents, et où
nous croyons découvrir des contradictions, nous
allions découvrir la même harmonie.
Or, cette liisioire qui se trouve, sur tous les points,
conforoje aux faits et aux usages que nous connais-
sons d'ailleurs, nous présente des miracles sans
nombre. Plusieurs lois des critiques de la irempe et
du génie du docteur Paulus ont désiré cpie deux
clauses de personnes (nu assesseur de la justice dé-
signé ad hoc cl un doctor medicina;) eussent pu faiie
rinstruction des miracles du Nouveau Testament. Il
saiisfait à ceite double exigence. L'histoire de l'a-
veugle-né, rapportée par saint Jean, ch. ix, fut exa-
minée par les assesseurs du sunliédrin de Jérusalem;
et quel fut le résultat de l'enquête '.' Cet livmme est
né aveugle, et Jésus l'u guéri, (jiiant au doctor medi-
cinœ, chargé d instruire les miracles, les Actes des
api'itres nous le présentent. Saint Luc fut le témoin
oculaire de tous les miracles opérés par saint Paul,
cl personne assurémi;nt ne l'accusera d'une trop
grande propension pour les miracles. Un jeune
homme appelé Eulyiph-, accablé par le sommeil,
étant tombé du lioisièiiie étage, lut emporté comme
mort ; on s'attend peut-être à le voir ressusciter avec
pompe ; mais saint Paul se contente de prononcer
ces paroles consolantes : ^e vous troublez point, car
ta l'te est eu lui (Act. xx, lU). Plus de ipiaranie juifs
réunis à Jérusalem ilrenl le vœu de ne bmre ni man-
ger qu'ils n'eussent tué saint Paul ! Un s'attend peul-
ètre qu'une apparition va descendre du ciel pour
aveilir l'Apotre et le défendre ; loin de là.: le fils de
sa sœur se présente pour lui révéler la coospiraiinn,
et Paul trouve un proiecteur dans le iribun de la
ville, Act. ap., c. xx, v. li et suiv. Poussé par la
tempête sur les bords de l'ile de Malle, il y débar-
qua et une vipère s'c lança sur sa main ; on s'allend
peiii-étie à le voir proncincerdes paroles magiques :
< .Mais Paul, d.l saint Luc, ayant secoué la vipère
dans le feu, n'en leçnl aucun mal, ibid., ch. xxmi,
V. 5. I Toutefoi^ nous saxons, par le témoignage de
cet historien et de ce médecin prudent, que t Dieu
faisan de gran Is miracles par les mains do l'aul, et
qu'il lui suflisait de pl.icer .sur les mairies les mou-
choirs Cl le linge qui avaient touché son corps, et
(n) Acron, ad Horat., Serin. 1. 1, sal. S, v. U. « Quia ab
Appii foro per paludes navigaliir, quas paludes Cœsar de-
rivavil. j Porpliyi ion, ai/ rers. 14. « Perveiiisse ad forum
Appil indicat, ubi lurba esset naiitai'um, item c^iupomini
iUi raoranlium. » Acron, ad vers. U. a Per paludes navi-
garunt, quia via inlerjacens durior. » Apud Huy. Eiuleit
tli. I, seil. 2S.
aussitôt ils étaient gui ris de leurs maladies, et les
esprits impurs s'éloignaient, ibid., ch. xix, v. 12. >
A Malle, il guérit p.ir ses prières et par l'imposition
des mains, le père de riiomme le plus iniluent sur
celle ile, et beaucoup d'autres s'approchèrent (îe lui
et recouvrèrent la sanlé. Ibid. 28-9.
« S:iiiil Pierre et saiiil Jean furent traduits devant
le Sanhédrin pour avoir guéri un malade. Saint
Pierre eut le courage de reprocher aux puissants du
peuple le mcurlre du Messie; l'homme qu'ils avaient
guéri élait debout au milieu d'eux, et les membres
du Sanhédrin s'étonnèrent ; ils furent saisis de
crainte, voyant que ses disciples poss d. dent encore
la puissance qu'ils croyaient avoir anéaniie en tuant
Jésus, et qu'ils pouvaieni rendre la vie aux morts.
Ils n'essayèrent pas de réfuter l'accusaiioii portée
contre eux par saint Pierre; ils ne purent nier le
prodige qu'ils avaient vu, et condamner à mort ceux
qui l'avaient opéré. L'impression de la miiltilnde
avait été si grande, qu'à la suite de ce miracle cing
mille hommes embiassèrent la foi nouvelle, et il ne
resla d'autre moyen aux membres du Sanhédrin que
de faire saisir les deux disciples de Jésus et de leur
conimander le silence, Actes des apôt., c. !V. El tous
les miracles qu'ils opéraient, ils les f.iisaieni au nom
d'un seul. < Je n'ai ni or, ni argent, disait saint
Pierre, mais ce que j'ai je vous le donne ; au nom
de Jésus-Christ de Nazareth, levez-vous et marchez,
Ibid., c. lit, V. 6. I Nous le voyons, celui qui avait
promis à son Eglise de rester avec elle jusqu'à la lin
du momie a tenu sa promesse. D'après les cioyanls,
l'action cré.itrice et conservatrice de Dieu dans le
gouvernement de rimivers est absolument une; il
en est de même dans sou Eglise. Jésus-Christ ne fut
pas coiniiie le so'eil des tropiques, qui parait à l'ho-
rizon sans être précédé de l'aurore et se dérobe aux
regards sans laisser aucune trace après lui. L'aurore
des propliéiies l'avait annoncé an monde mille ans
avant sa naissance, les mincies opérés dans son
Eglise longtemps après sa dispariiion fiireni comme
le ciépiiscule qui coiistaia son passage. Celle puis-
sance de produire des mincies sans cesse agissante
dans l'Esîlise de Jésus-Christ, peut-elle avoir man-
qué à son fondaienr?
< Dans les Actes des apôtres, saint l'aiii iiniis est
apparu comme un homme qui ravit l'admiration aux
esprits les plus froids. Qui peut la refuser à son cou-
rage en présence de Fcstus, alors qu'il est devenu
si imposant au gouvernement romain lui-même que
le roi Agrippa veut connaître cet homme extraordi-
naire. Actes des apôt., c. xxv, v. 22. Qui peut s'em-
pêcher d'admirer le courage et l'adresse qui écla-
tent dans son discours au roi Ag ippa, Ibid., 26,
Vgl. Tlioluck's Abhand lung in den studien und kri-
tiken, 1855. b. 2.; le courage, la prudence, la mo-
dération qu'il (il païaîire alors que le vaisseau sur
lequel il se trouvait était si violemmenl battu par la
tempête, /lc(es des npo(., c. xxvu. Quand une fois
l'histoire de saint Paul, ses paroles qui nous ont été
transmises par une main étrangère, nous l'ont l'ait
connaitre, comme on éprouve un dé-ir pressant de
l'entendre lui-même! Ce caracière plein de courage
n'est pas celui d'un fourbe; cette modéraiiou, ceite
prudence, n'iiidi<|uent pas un fanatique; les faits du
christianisme, le fond iteur de celle Eglise, doivent
èire réellement tels qu'il nous les pré-ente. Nous
avons de saint Paul treize Epitres (n) qui nous révè-
lent snllisaniment ses pensées. La nouvelle critique
a reconnu l'authenlicit»; des principales d'entre elles.
Or, qm I rapport présentent-elles avec les Actes des
apôtres? Coniiriiient-elles le jugement que nous por-
tons d'après les Actes, sur le caracière de l'Iiisioire
évangélique? Elles nous montrent saint Paul toujours
(a) Tout le monde sait que les Epitres que nous avons
dans nos Bibles, sous le nom de saint Paul, sont au nom-
bre de quatorze ; nous ne prétendons nullement adopter
lopioioD de Tholuck qui semble ici les réduire à treize.
W7
STK
STV
Si8
.emême dans toules les circoiisiaiices : inébranlable,
plein de courage el de joie au milieu des cbaiiies.
Que l'iiii parcoure en parliculii;r la lellre aux Pliitip-
piens, el que l'on se rappelle que l'Iionime qui écri-
vait : « Réjouissez-vous, mes bleii-airnés frères; ré-
jouissei-vous sans cesse dans le Seigneur; je le dis
encore une fois yréjouissez-vous, Epilre aux PliiUpp.,
c. IV, V. 4 ; » que cttl lionnne avait alors tes mains
charijées de. chaînes, Actes des apôt., c. xxviii, v. 20.
Sa inodéraiion, sa prudence, son uciiviié, paraissent
dans toutes ses Lettres et surtout dans celles aux
Corinlliiens, tandis que, dans son Epitre aux Culot-
siens, Epitre aux Coloss., c. il, v. IG et 23, on voit
éclater son indignation contre une piété exl^'rieure
et des observances superstitieuses. El ce même
boiinne, plein de modération, nous représente les
prodiges, les miracles et les prophéties tomme des
événements qui ont marqné presque tous les instants
de sa vie. Les Actes des apôtres avaient pailé des
visions pendant lesquelles Jésus-Cbrist était appiiru
à cet apôtre ravi en extase, Actes des ap6i., c. xmi,
V. 17 ; c. xxm, v. 11. il rapporte lui-niènn' ces ap-
paritions miraculeuses et ces e.\las<'s, "i" Epîi. aux
Corinili., c. XII, v. 12, et nous voyons encore ici une
preuve de sa luodiraiiou, puisqu'il n'en parle que
dans ce passage. Les Actes des apôtres lui ont attri-
bué le pouvoir de faire des miracles ; il parle lui-
même < des œuvies, de la vertu des miracles ei des
prodiges qu'il a opéiés aliii de propager l'Evan-
gile (a). — Les Actes des upôlrcs rapportent le don
miraculeux des langues accordé aux premiers disci-
ples du Sauveur, et samt Paul rend grâces à Dieu
de te qu'il possède ce don dans un degré plus élevé
que les autres, {'^'Epit. aux Coritillt., c. xxiv, v. 18.
D'après ses discours rapporiés d.iiis les Actes des
apùtres, l'apparitioii de Jésus-Cbrisl détermine toute
sa conduite, Act. des apôt., c. xxii, v. 10; c. xxvi,
V. 1.') ; dans ses lettres il parle de cet événement
comme du plus important de sa vie, — tantôt avec
un noble orgueil, car il fonde sur lui son droit à l'a-
postolat, l"'" Epilre aux C.orintli., c. ix, v. 1, — tan-
tôt avec l'expression de la douleur que lui inspire le
souvenir de ses persécutions contre le Fils de Dieu
lui-nième, Ibid., c. xv, v. 1, 9. Il comnieiice presque
toutes ses Epiires en déclarant qu'il a été appelé à
rapostulal non par la votuiité des liomines, mais
par un décret miraculeux de Dieu. Les Actes des
apôtres nous le montrent toujours le même au mi-
lieu des alQictions, toujours sous la protection mi-
raculeuse de Dieu ; tel il nous apparaît dans ses Cpi-
(«) Epit. aux Rom., c. xv, v. 19; // Epit. aux Corint.,
c. xxiiî, V. 12. « yue l'anlipalhie pour les miracles lasse
rejeter en niasse, conmie mm liislorinues, tous les passages
de l'Iivaiigile et des Acies des apùtres dans lesquels ils
nous apparaissent, plulôj que de céder à 1 évidence de la
vérité, devotts-iious eu être surpris, quand nous voyons
les exégèies attaquer avec leur lime tous les points de
cette œuvre miraculeuse qu" les armes tranchantes de la
trilique ont été impuissantes à renverser ? Ainsi , d'après
Miche, les prodiges (<r(,niia), et les miracles (Ttpa™) dont
saint Faiil atiirnie être l'auteur, n'étaient que dts lèves
des nouveaux convertis. Le docteur de Weiie n'a pas cru
pouvoir approuver cette prétention des exégôtes; il re-
conuiit (pie saint l'aul, dans ces deux passages , parle de
ses miracles; inulefois il se liile d'ajouter: « Mais pour
déïciininer la \aleur de son témoignage dans un fait per-
sonnel, et m(5ine la signillcatiun exacte des miiwî», mijota,
les moyens nous inanqueul, vu que les données sont trop
peu considérables. » Mais quoi I le même apôtre ne fait-il
pas une longue énuinéraliou des prodiges et des miracles
opérés dans l'Kglise.' Celte indication précise ne répand-
elle aucune lumière sur ce point? n'est-un pas forcé d'.i-
vouerque les miracles retranchés par la critique du corps
des Evangiles reparaissent dans les Actes des apùtres, et,
quani on les en a arrachés avec beaucoup de peine, ne
lautilpas recounaiire encore que les Epîtres de saint Paul
nous les préseulent eu si grand nombre qu'ils délient et
la lime des exégètc» et les armes tranchantes de la cri-
tique? •
1res aux Corinlhiens, 2"' Epit. aux Corinth,, c. vi,
V. 4; c. IX, v. 1 1 ; c. xiii, v. 2S. F'Iusieurs fois les
Acte.'i des apôtres parlent du pouvoir de faire des mi-
racles accordé à l'Eglise, et saint Paul présente
comme un fait bien connu celle puissance dont jouis-
saient les premiers chrétiens, l'" Epit. aux Corinth.,
c. XII, v. 8, 10, 14. Et ce qui est le plus grand des
miracles, c'est qu'alors même qu'il les montre s'o-
pérant ainsi conlinuclleiieiit, il ne compte sur la
production d'aucun. Il sait qu'une apparition céleste
a lait lombtM' les chaînes des mains de saint Pierre;
il n'a pas oublié qu'à Philippes, pendant un iremhle-
meiil de terre, les portes de sa prison s'ouvrirent,
et les fers de tous les prisonniers furent bri-és, Act.
des apôt., XVI ; et cependant, à Rome, il porte les
chaînes sans songer à l'interventinn d'aucun événe-
ment extraordinaire, — il ne sait pas s'il sera mis
à mort ou rendu à la liberté, Epit. aux Philipp., c. i,
V. 20. Dans tous ses discours, depuis Césarée jus-
qu'à Rome, dins les lettres qu'il écrivit pendant sa
cai)iivilé, on ne trouve pas un seul mol qui indique
qu'une apparition miraculeuse le délivrera peut-
être... Cet homme ne pouvait-il pas, aussi bien que
les juifs, consialer l'existence d'un miracle'? Tho-
luck, Glaubw. der ev. Gesch. 2(e aufl., p. 370, 394.
€ Nous avions donc raison de dire, en commen-
çant, que l'on peut, imlépendamnieut des Evangiles,
reconstruire l'histoire de Jésus. Voyez, en effet :
Strauss' les rejette, et, avec lui, nous les retranchons
pour un instant du canon des livres saints; puis
nous plaçons les Actes en tête du Nouveau Testa-
ment. Leur caractère historii|ue une fois prouvé,
nous les ouvrons, et une nouvelle série de miracles
opérés par les apôties se présente à nous ; et, si nous
leur demandons qui leur a donné le pouvoir de se-
mer ainsi les prodiges sur leurs pas, ils nous répon-
dent : Jésus de Nazareth. Leur demandons-nous
alors quel est ce Jésus de Nazareth, ils proclament
que « c'est un ho:nme à qui Dieu a rendu témoignage
par les merveilles, les miracles et les prodiges qu'il lui
a donné de (aire {:\cies, xi, 22) ; puis ils nous racon-
tent sa naissance merveilleuse, sa vie, sa mon sur
une croix, sa résurrection, son ascension dans les
cieux. I
STYLirE, nom que I'oq a donné à cer-
tains solitaires qui ont passé une partie de
leur vie sur le sommet d'une colonne dans
l'exercice de la pénittnce et de la contempla-
lion : ce mol vient du grec, uxvloç, colonne ;
les Laliiis les ont appelés sancti columnares.
L'histoire ecclésiastique t'ait mention de plu-
sieurs stjjliies : on dil qu'il y en a eu dès le
SP: ond siècle, mais ils n'ont jamais été en
grand nombre. Le plus célèbre de tous est
saint B'\u)éoi\ Sr.ylile, moine syrien qui viv;iit
dans le cinquième siècle et près de la ville
d'Antioche ; il demeura pendant un grand
nombre d'années sur le sommet d'une co-
lonne haute de Quarante coudées, dont la
plate-forme n'avait que trois pieds de dia-
mètre, de manière qu'il lui était impossible
de se coucher. Elle était seulement environ-
née d'uni- espèce d'appui ou de balustrade
sur laquelle le saint se reposait lorsqu'il
était accablé de lassitu le el de sommeiL Ce
genre de vieextraordinaire le rendit fameux,
non-seulement dans tout l'Orient, mais dans
les autres parties du monde. U mourut l'an
^59, âgé de soixante-neuf ans.
Les protestants ne pouvaient pas manquer
de se donner carrière sur ce sujet, et de
tourner les slylites en ridicule; leurs sarcas-
mes ont été fidclemenl répétés par les incrc-
5W
STÏ
STT
.N.'iO
(liiles.Binghnm, Orig. ccelés.,]. vii,c. 2, S 3,
t'o a copeiui.iiit parlé av(>c modération ; il
>.'est conlciité de rapporliM- brièvement ce
qu'en ont (lil les anciens, sans approuver et
sans hlàiniT cettii m.inièrc de vivre. Mosheim
avait d'abord fait de même, Hisl. ecclés., \°
siècle,!" part., c. 1, t^ 3. Il était convenu,
sur la foi des historiens, que les Libaniotes,
voisins d'Antioche, avaient été délivrés d"iine
ironpe de bëtcs féroces en cnibrassanl le
christianisino, suivant l'exhortation et la
promossi' ((ue Siméon lenr en avait faites ;
qu'il converlil aussi à la foi chrotii-nne les
liabitanis d'un cintonde l'Arabie: conse-
quemnient il n'avait pas hésité d'appeler ce
sti/lile un suint homme. Mais, iT part., c. 3,
ij 1-2, lia changé de langage; il a nommé le
genre de vie de Siméon et de ses sembla-
bles une superslilion, une sainte folie, une
forme insensée de reHijion. Son traducteur
anglais a beaucoup enchéri sur ces expres-
sions, il s'est servi des termes les plus inju-
rieux que la passion puisse su|;gérer. Bar-
bey rac, Traité île la MuruU des Pères, c. 17,
§ ii, n'a pas été plus retenu ; il a nommé
Siméon un moine fanalique, et il l'a comparé
à Diogèno. Il lui reproche d'avoir engagé
l'caiiiereur Théodose le Jeune à révoquer la
loi par laquelle il avait condamné les chré-
tieus à rétablir les synagogues des juifs,
liasnage, dans son llisloire de l'Eglise, s'est
borné à tourner en ridicule les miracles de
Siméon Slylite le Ji une, qui a vécu t)rès de
Constantinople au sixième siècle.
Kxaniinons de sang-froid le jugement do
tous ces critiques : 1' le genre de vie de Si-
méon était extraoïilinaire, singulier, ridi-
cule même si l'on veut ; mais il a produit de
grands elTets qu'une conduite ordinaire et
commune n'aurait certainement pas opérés.
Ëtail-il indigne de la sagesse divine; de se
servir d'un grand spectacle pour convertir
les païens, ou refuserons- nous à Dieu la li-
berté d'atta -lier des grâces de conversion à
tel moyen qu'il lui plaît, d'amener des peu-
ples à la foi pur l'admiration plutôt (|ue par
le raisonnement ? Outre les Libaniotes et les
Arabes convertis par Siméon, il amena en-
core au christianisme un grand nombre de
Perses, d'Arn»éuiens, d'ibériens, de Lazes,
habitants de la Colchide. qui étaient venus
par curiosité pour le voir et pour l'entendre.
Les princes et les grands de l'Arabie accou-
raient pour recevoir s.i bénédiction. \ arane
V, roi de l'erse, quoiiiue ennemi déclaré liu
nom chrétien, ne put s'empêcher de le res-
pecter. Les empereurs Tliéodose H, Léon,
.MarcicD, eurent lieu plus d'une fois de s'ap-
plaudir d'avoir écouté ses conseils. L'impé-
ratrice Eudoxie, qui avait embrassé l'euty-
chiaiiisme, y renonça lorsqu'elle eut prêté
l'oreille à ses exhortations. Tous ces faits
sont rapportes et attestés par des conlem|JO-
rains dont plusieurs ciaient témoins oculai-
res. Quand on serait venu à bout de nous
persuader qu'au \' siècle toute l'Asi/ n'était
peuplée que d'esprits faibles et d'imbécile-,
nous en conclurions encore qu'il fallait un
exeiuple tel (|ue celui do Siaiéou pour faire
impression sur eux ; nous dirions avec saint
Paul, que Dieu a choisi des insensés et îles
hommes méprisables selon le monde, pour
confondre les sages et les philosophes ; /
("or., c. I, V. 27. Les prolestants devraient
faire attention que les sarcasmes qu'ils ont
lancés contre Siméon Sti/lite ont été tournés
par les incrédules contre les anciens pro-
phètes ; Isaïe marchant nu au milieu de
.liTusaleni, à la manière des esclaves ; Jéré-
mie, portant des chaînes à son cou, et qui
les envoie ensuiie aux rois voisins de la
Judée ; Ezéchiel, qui se tient couché pen-
dant quarante jours sur le coté droit, et qui
brûle la Uentedes animaux pour faire cuire
son pain ; Osée, qui, par ordre de Dieu
épouse une prostituée, etc., n'ont pas paru
plus sages à nos beaux esprits que Siméon
perché sur sa colonne.
iMosheim obs rve (|u'un certain Vulsilai-
cus ayant voulu faire auprès de Trêves le
personnige de siglile, les évêques l'obligè-
rent de descendre de sa colonne, ils firent
très-bien ; cet imposteur n'avait ni les
mœurs, ni les vertus, ni la foi pure de
Siméon ; le climat de Trêves n'est point
celui de la S rie, le plus beau de l'univers,
où l'on couche sur les toits et sur le pavé
(les rues ; \ti slylite du iMord aurait peut-être
vécu pendant 1 été ; il aurait péri pendant
l'hiver. Nous nous croyons sages , parce
que nous ne vivons cl no pensons pas comme
les Orientaux ; ceux-ci nous méprisent et
nous délestent, parce que nous ne leur res-
semblons pas.
2* (juel motif a fait agir Siméon ? était-ce
l'humeur sauvage, la singularité de carac-
tère, l'ambition de faire parler de lui, la
vanité de voir arriver au pied de sa colonne
les plus grands personnages de son siè-
cle, etc. Ces vices ne sont pas compatibles
avec la douceur, la docilité, la patience,
l'humilité du stylite d'Aulioche. Les moines
d'Egypte, indignés do sa manière de vivre ,
lui envoyèrent signîGer une excommunica-
tion, il la souffrit sans murmure ; mieux
informés de ses vertus dans la suite, ils lui
demandèrent sa communion. Il s'était d'a-
bord attaché à sa colonise par une chaîne ;
l'évêque d'Antioche lui représenta que
quand l'esprit est constant, le corps n'a
pas besoin d'être enchaîné ; Siméou ne ré-
pliqua point : il fit venir un serrurier el fit
rompre la chaîne. Les évêques et les abbés
de Syrie lui firent commander de descen-
dre de sa colonne, il se mit en devoir d'o-
béir ; on se contenta de sa docilité. Infor. ué
par des voyageurs des vertus de sainte
Geneviève, il se recommanda humblement
à ses prières. Ce ne sont point là les symp-
tômes du fanatisme ni de l'orgueil. — On
nous demande quelle différence il y a en-
tre ce stylite el Uiogène. La même qu'entre
la charité chrétienne et la maligniié d'un
cynique. Diogène dans son tonneau mépri-
sait l'univers entier, il insultait aux pas-
sants, il ne voulait corriger les vices quf
par des sarcasmes, il violait les bienséan-
ces, il ne rougissait d'aucune impudicité
.N5f
STÏ
SUA
552
peut-on reprocher aucun de ces défauts à
Siméon ? Puisque c'est un protestant qui
fait ce parallèle, nous lui disons hardiment
que Luther et les autres prédicanls fou-
gueux de la réforme ressemblaient beau-
coup plus au cynique d'Athènes que le
styltle de Syrie.
3° Les conversions et les miracles opérés
par ce personnage célèbre sont-ils imagi-
naires et fabuleux, comme les prolesîants
le supposent ? Us sont rapportés non-seule-
ment par des contemporains, mais par des
témoins oculaires. Théodorel, évêque de
Cyr , ville voisine d'Anlioche, avait vu
Siméon plus d'une fois, il avait conversé
avec lui ; il est un des plus savants et des
plus judicieux écrivains ecclésiastiques, ses
ouvrages en font foi ; il n'attendit pas !a
mort du saint sUjlite pour dresser la rela-
tion de ses actions, de ses vertus et de ses
miracles ; il la publia quinze ou seize ans
auparavant pour en instruire les contem-
porains et la posiérilé. Le moine Antoine,
disciple de Siméon, fit la sienne immédia-
tement après la mort de son maître. Un
prêtre chaldéen, nommé Cosmas, l'écrivit
en chaliiaïque, à peu près dans le même
temps. Evagre, habitant d'Anlioche, magis-
tral et oflicier de l'empereur, fit son his-
toire dans le siècle suivant, après avoir in-
terrogé les témoins oculaires. Ces quatre
auteurs, qui ont vécu en différents lieux, et
qui n'ont pas écrit dans la même langue, ne
se sont pas copiés. D'autres contemporains
ont confirmé leur lénioignage, en traitant
d'aulres sujets. Sur quoi donc peut être
fondé le pyrrhonisme historique affecté par
les protestants? L'ignorant le plus slupide
peut être incrédule, un vrai sayanl ne l'est
jamais.
4° L'on a fait contre la vie des ascètes, des
moines , des solitaires, des pénilenis de
tous les siècles, la même objection que
contre celle des slylites. Jésus-Christ, dit-
on, n'a point onlonné ce genre de vie, il ne
l'a point autorisé par son exemple, ses apô-
tres n'y ont exhorté personne. Si c'était une
pratique louable en elle-même, tout chré-
tien serait obligé de l'embrasser, la vertu
sans doute est un devoir pour tout le
monde : que deviendraient la société et le
genre humain tout entier? etc., etc.
Est-il bien vrai que la vie de Jésus-
Christ et celle de ses apôtres a été une vie
ordinaire et commune ? Saint Paul aurait
eu ton de dire, / Cor., c. iv, v. 9. Nous
sommes devenus un spectacle aux ijeux du
momie, des anges et des hommes ; nous pa-
raissons insensés à cause de Jésus-Christ. Il
est faux que toute verlu soit faite pour tout
le monde ; Jésus-Christ a décidé le con-
traire, lorsqu'il a dit, Matlh., c. xix, v. 11 :
Tous ne comprennent pas ce que je dis, mais
ceux à qui ce don a été accordé. Et saint
Paul l'a répété, / Cor., c. vif, v. 7 : Chacun
a reçu de Dieu un don qui lui est prophe,
rien d'une manière, l'autre d'une autre. C'est
pour cela même que le Sauveur n'a com-
mandé à personne la vie des anachorètes,
mais il l'a louée aans Jeau-Baptiste, et saint
Paul dans les anciens prophètes. C'est donc
un acte de vertu de l'embrasser lorsque
Dieu y appelle, et qu'aucun devoir de jus-
tice ou de charité ne s'y oppose. Ne crai-
gnons rien pour la société ni pour le genre
humain, Dieu y a pourvu par la variété de
ses dons. Mais comme les protestants ne
veulent point entendre parler des conseils
évangéliques, ils soutiendront plutôt des ab-
surdités que de les admettre. Voy. Con-
seils ÉVàNGÉLIQUES.
SUAIRE. Ce terme, tiré du latin sudarium,
signifie dans l'origine un linge ou un mou-
choir donton se sert pouressuyer le visage;
le grec ao-jôàptov qui exprime la même
chose, ne se trouve que dans les évangélis-
tes. Il ne faut donc pas le confondre avec
«rivSo'iï ; celui-ci était un linceul, et il dé-
signait quelquefois un vêtement, j^il tenait
lieu de chemise. Dans les pays chauds
l'on voit encore pendant l'été les jeunes
gens pauvres couverts d'un simple linceul
ou morceau de toile carrée ; ils le passent
sur leurs épaules, ramènent les deux coins
sur la poitrine, croisent le reste sur leur
corps et l'attachent par une corde ; ils n'ont
point d'autre vêtement. Dans la saison du
froid et des pluies l'on met un manteau par-
dessus. Il est dit dans l'Evangile, Marc, c.
xiv, v. 51, qu'un jeune homme qui suivait
Jésus-Christ, lorsqu'il fut pris au jardin des
Olives, n'avait qu'un sindon sur sa nudité ,
que les soldats voulurent l'arrêter, qu'il
laissa son sindon et s'enfuit. Judic, c. xiv,
V. 12 et 13, Samson promit trente sind,)ns,
hebr. sidinim, et autant de tuniques aux
jeunes gens de sa noce, s'ils pouvaient ex-
pliquer l'énigme qu'il leur proposa. Prov.,
c. xxii, v. 24, il est dit que la femme forte
fait des sindonscl des ceintures, et les vend
aux Chananéens ou Phéniciens, haï., c. m,
V. 23, parle des sindons des filles de Jéru-
salem.
Nous lisons dans l'Evangile que Joseph
d'Arimathie, pour ensevelir Jésus-Christ,
acheta un linceul, sindonem, et en enveloppa
le corps du Sauveur. Il parait que ce lin-
ceul fut coupé en bandelettes, pour serrer
autour du corps et des membres les aroma-
tes dont on se servait pour embaumer les
morts ; Joseph y ajoute un suaire ou mou-
choir, pour envelopper la tête et le visage ;
saint Jean, c. xx, v. 6, dit qu'après la ré-
surrection de Jésus-Christ, saint Pierre en-
tra dans le tombeau, qu'il n'y trouva que
les linges ou bandelettes , oî iâdvai placés
d'un côié, et de l'autre le suaire qui avait
été mis sur la tète de Jésus. Il dit de même,
c. XI, V. hk, que Lazare ressuscité sortit du
tombeau ayant les pieds et les mains liés
de bandelettes, et le visage couvert d'un
suaire. De là on conclut que le corps de
Jésus-Chrisl ne fut point enveloppé d'un
linceul entier, mais seulement avec des
bandelettes comme Lazare. Ainsi les lin-
ceuls ou suaires que ï't>n montre dans plu-
sieurs églises ne peuvent avoir servi à la
sépulture du Sauveur, d'autant plus que le
5S5 SUB
tissu de ces suaires est dun ouvrage assez
moilerne.
Il est probable que, dans le xii' ol le xtii*
siècle, lorsque la coiitumn s'iiitroihiisil de
roprésenicr les mysièrcs d.ins les églises, on
représenta, le ji>ur de Pài|ues, la icsiirrec-
li m de Jésiis-C'irist. On y chantait la prose
Viclimœ pnscliiili , etc., dans laquelle on
fait dire à Matçdcleinc : Sepulcnim Chrisli
vivetilis et gloriam vidi resuryeniis, (inrjeli-
cns telles, fwlariam et vestes. Au mot suda-
rittm on monlrail au peuple un linci^ul em-
preint de la figure de Jésus-Gtirist enseveli.
Gi'S linceuls ou suaires, conservés dans les
trésors des églises, pour qu'ils servissent
lunj lurs au même usa^e, ont été pris dans
la suite pour dus linges qui avaient servi à
la sépulture de noire Sauveur ; voilà pour-
quoi il s'en trouve dans plusieurs églises
(lilTérenles, à Cologne, à Besançon, à Turin,
à IJrioude, etc. ; et l'on s'est persuade qu'ils
avaient été apportés de la Palestine dans
le temps des cioisades.
Il ne s'ensuil point de là que ces suaires
ne méritent aucun respect, ou que le culte
au'on leur rend est superstitieux. Ce sont
(l'aneiennes images de Jésus-tMirist enseveli,
cl il parait certain que plus d'une fois Dieu
a récompensé par des bienfaits la foi et la
piélé des fidèles qui honorent ces signes
commémoralifs du mystère de notre ré-
demption.
SUBLAPSAIRES. Voy. Infralapsaires.
SUBSTANCE. Ce terme philosophique a
donné lien à plusieurs disputes entre les
catholi(|ues et les hèerodoxes. Il y eut, dans
les premiers siècles de l'Kglise, de la diffi-
culté à savoir si l'on pouvait dire, en par-
lant de la saillie Trinité, qu'il y a d ins la
nature divine trois substances ou trois hy-
postases, parce que l'on doutait si par le
mot de substance on devait entendre (rois
essences ou seulement trois personnes. Voy.
Hypostase.
Depuis la naissance de la prétendue ré-
forme, il y a dispute entre les prolestants et
les callioliqucs pour savoir si la substance
du pain et du vin est encore dans l'eucha-
ristie après la consécration. Suivant la foi
catholique, en vertu des paroles de Jésiis-
(^hrist. Ceci est mon corps , ceci est mon
sang, la substance du pain et du vin est
cliangée au corps et au sang de ce divin
Sauwur, de manière qu'il ne reste plus que
les apparences ou les qualités sensililes de
ces deux aliments ; cette action de la puis-
sance divine est nommée transsubatantia-
tion. Voyez ce mot. Les protestants sou-
tiennent que ce miracle est impossible, que
Dieu ne peut pas ciianger une substance en
une autre, sans que les i|ualilés changent ;
qu'ainsi les qvialites sensibles du pain et du
vin ne peuvent demeurer dans l'eucharis-
tie, sans que la substance de ces deux corps
n'y demeure. Mais avant de mettre des bor-
nes à la puissance divine, dans un sujet
aussi o'.iscur, il faut y penser plus d'une
fois. Eu elTet , lorsqu'il est question des
corps ou de la matière, le mot substance ne
■DiCT. 0E ThKOL. DOGMATIQtE. IV.
SUB
fl-)l
présente nucnne idée clain? ; nous ignoroii!
absolument eu tpioi consiste l'essence ou Ij
substance de la matière ahslraiie de toutj
qualité sensible : comment donc pouvons-
nous en raisonnei' °?
Par substance en général, on entend un
être individuel (jui p rsévère et demura
essemie lemenl le mè.ne, malgré le change-
ment des modifications ou des ((ualités ([ni
lui surviennent successive.u'eiU , et c'est
dans le sentiment intéri'-ur que nous pui-
sons cette notion. Je sens iiue, maLré le
changement des idées, des volouiés, des af-
fections, des sensations qui m'arrivent, je
suis tonjiurs moi; ces modifie itiuns ne peu-
vent subsister sans moi, iniis je; puis être
sans elles, elles ne sont pas moi. Je sens que
je suis moi, et non un autre, et qu'un autre
n'est pas moi. Je suis donc une substance,
un être individuel et permanent, (|ui conii-
nue d'être essentiellement le même ^ons une
succession et une variété continuelle de mo-
difie liions différentes. Ainsi le mot sub-
stance attribué à l'esprit me donne une idée
claire, esciiée par un sentiment intérieur
qui est invincible. — Mais dans chaque
■nasse ou portion de matière, dans un corps,
y a-l-il de mèrae un ou plusieurs êtres in-
dividuels et permanents , qui demeurent
foncièrement les mêmes, lorsijue son éten-
due et ses qualités changent ? Crande ques-
tion. Dans le système de la divisibilité de la
matière à l'infini, nous ne trouverons jamais
un être indivitluel ; or, peut-on concevoir
une substance où il n'y a point d'individu ?
Il n'est pas étonnant qu en suivant cette
opinion, Lock ni ses partisans n'aient ja-
mais pu comprendre ce que c'est qu'une
substance, mais il ne fallait pas la chercher
dans la matière, pendant qu'i's pouvaient
la trouver en eux-mêmes. — Si nous reve-
nons au système des atomes, des monades,
des points idiysiques, nous ne serons pas
plus avancés. En supposant qu'un atome
indivisible de matière est une substance,
nous n'y voyons rien d'essentiel que l'iner-
tie ; c'esl, à proprement parler, un être
sans attributs. Un atome ne peut pas seule-
ment être supposé étendu par lui-mê ne,
puisque l'étendue et toutes les qualités dont
elle est la base résultent de l'union de plu-
sieurs atomes. Que faut-il pour que ces
atomes soient censés essentiellement chan-
gés ■/ Nous n'en savons rien. Nous ne sa-
vons pas seulement si les atomes (|ui com-
posent les corps sont homogènes ou hété-
rogènes, si un corps est différent d'un autre
coips autrement que par ses qu.iliiés sensi-
bles ; ainsi, eu parlant des corps , nous
ignorons absolument en (inoi consiste l'i-
dentité de substance et le changement de
substance. Il nous est donc impossible de
savoir ce qu'il faut pour que des atomes
qui étaient pain deviennent le corps do Je-
sus-Chrisl ; nous ignorons si Dieu .inéantit
ou transporte ailleurs les atomes du pain
pour y s ibslitucr d'autres atomes , sans
toucher aux qualités sensibles, ou si le mi-
racle s'o[-)ère auireinenl. Que [euvent dotu
5PS SUB
prouver toutes .es argumenlalions? — Les
voyageurs disent que la pulpe du fruit de
Varbre à pain ressemble à la mie d'uu pain
blanc et tendre, quelle en a la figure, la
couleur, la saveur et l'odeur. Supposons
que la ressemblance soit assez parfaite
pour tromper tous nos sens , faudrait-il
affirmer que ce fruit est une même aij6-
slance que le pain, ou que c'est une sub-
stance différente? Un philosophe ne peut
sans témériié soutenir le pour ni le contre.
Que fuurtriiil-il pour que du pain commun
devînt le fruit de cet arbre, ou- pour que ce
fruit fût de vrai pain? Autre question in-
soluble. Et ri>n ne cesse d'argumenter pour
prouver que du pain ne peut pas être changé
au corps de Jésus-Christ, sans que ces qua-
lités sensibles ne changent 1 c'est opiniâ-
treté pure.
On dira : Pourquoi donc l'Eglise s'esl-elle
servie des iaol6 siibslance et. tcanssubstnnii't-
lion, qui ne présentent aucune idée claire?
Parce que les hérétiques, aussi mauvais
philosophes que mauvais théologiens, s'i'U
servaient pour soutenir leur erreur et pour
pervertir le sens des parole-» de I liciilure
sainte touchant l'eucliarislie ; on ne pouvait
les réfuter et les condamner qu'on us.int de
leur propre langajie. — Le^ luthériens, qui
alniirenl d'abord ïimpanalion ou la consub-
stcinliation, n'étaient pas mieu\ londés. Il est
aussi impossible de concevoir comment deux
substances distinctes peuvent se trouver
unies sous les mêmes qualités sensibles, (jue
comment l'une peut y prendre la place de
l'autre. En niant la possibilité de ce second
miracle, les calvinistes ont préparé des
armes aux inciédules pour attaquer tous
les mystères cl tous les miracles. Ouelques-
uns ont soutenu que les apôtres n'ont pas
pu croire celui-ci, quand même Jésus-
Chrisl l'auraii opéré ot le leur aurait affirmé.
Les apôtres, disent-ils, étaient certains par
les yeux, par le goût, par l'odorat, par le
tact, que ce qu'ils mangeaient el;iit du p.iin;
ils étaient sûrs seulement par l'ouïe que
Jésus-Chiist leur donnait son corps; voilà
quatre téiHoignages contre un : pouvaienl-ils
se fier à un seul plutôt qu'à tous les autres ?
Nous demandons à ceux qui font celte
objection, s'ils croient ou non la divinité de
Jésus-Christ. S ils ne la croient pas, nous
n'avons rien à leur dire. S'ils la croient,
nous répondons que, quand un Dieu parle à
nos oreil eseï à noire esprit, ce témoignage
est préférable à celui de nos sens; car enfin
qualteslaii nt les sens aux apôires? Que ce
<iu'ils mangeaient avail toutes les qualités
sensibles du pain; mais ces sens ne pou-
vaient leur allesler que c'él.iit la substance
du pain et non la substance du corps de
Jésus-Christ, (juisque cetli.' subsitinr- ab-
straite des ((ualites sensibles ne tu.nlje point
sous les sens. C"e>t encore la réponse que
nous donnons au fameux argument de La
l'Iacelle, qui parait aux calvinistes un rai-
!;oniien)ent invincible. Nous avons, disent-
ils, une certitude physique par nos sens que
l'eucharistie est du pain, el nous n'avons
SUC
S.^(5
qu'une ccrliiude morale, fondée sur les mo-
tifs de crédibilité, que c'est le corps de Jésus-
Christ; or, une certitude morale ne peut
pas prévaloir à une rerlitade physique. —
Faux principe. Si par ces mois c'est du pain,
l'on entend ((ue c'est la substance du p^iin,
il esi faux que nos sens nous donnent sur
ce point aucune certitude quelconque. En-
core une fois, les sens nous attestent les
qualités sensibles des corps, rien de plus;
cela est démontré par la comparaison que
nous avons faite entre le pain usuel el le fmil
de l'arbre à pain. Par ce même argument l'on
prouverait que les apôtres n'ont pas pu
croire que Jésus-Christ fûl vrai Dieu et vrai
homme, car enfin ils étaient sûrs, par le
lémoitcnage de leurs sens, que Jésus-Christ
était homme, par conséquent une personne
humaine, el ils n'étaient assurés que par sa
parole que c'était une personne divine. On
prouverait encore que les aveugles-nés sont
physique^iient certains pir le tact qu'une
perspective et un miroir ne peuvent produire
une sensation de profondeur; que la tête
d'un hoiiiirie ne peut être représentée dans
la boîte d'une montre; que l'on ne peut pas
apercevoir une étoile aussi promplenent
ijue le faîte d'une maison, etc. ; qu'ils doi-
vent par conséquent récuser le témoignage
do tous ceux qui ont des yeux et qui leur at-
testent le contraire. Voy. M racle, § 2.
SUBSTANTIAIKES, secte de luthériens
qui prétendait que Adam, par sa chute, avait
perdu tous les avantages de sa nature;
qu'ainsi le péché originel avait corrompu en
lui la substance même de l'huinanilé, et que
c<^ péché était la substance même de l'homme.
Nous ne coneevons pas comment des seelai-
res, qui ont prétendu fonder toute leur doc-
trine sur l'Ecriture sainle, ont pu y trouver
de pareilles absurdités. Voi/. Synëboistes.
SUCCESSION des pasteurs de l'Eglise. Les
tbéoloïiens catholiques soutiennent contre
les protestants que l'ordination établit entre
les pasteurs de l'Eglise une succession con-
stante, de manière <\ae le caractère, les pou-
voirs, la juridiction du prédécesseur passent
et sont coaimuniquéssans aurune diminution
a» successeur; que sans cette succession
l'Eglise ne pourrait subsister. Cette vérité
est fondée sur les mêmes raisons qui prou-
vent la nécessité de la mission. Voy. ce niol.
Ainsi les apôires ont transmis aux évêques
et aux pasteurs qu'ils ont ordonnés leur ca-
ractère, leur pouvoirs, leur juridicti in sur
les troupeaux qu'ils av.iient rassemb'és, ou
sur les églises qu'ils avaient fondées, et ilont
ils conliaient le gouvernement à ces mêmes
pa -leurs; couséquemment saint Pierre a
transmis à ses successeurs la juridicti m el
l'antorilé qu'il avait reçue de Jésus-Christ
sur l'Eglise universelle.
Suivau' la doctrine de Jésus-Christ et des
apôtres, il n'est point d'Eglise sans pasieur,
point de pasteur sans mission, poiut de mis-
sion que pa»- voie de succpssion, et la suc-
cession se fail par l'ordination : sur colle
chaîne indissoluble est établie la perpétuité
de l'Kg!;se.
8S7
SUC
SUC
SSS
Ainsi l'enseigne saint Pnul, /s'/j/fe'.; c. iv,
V. 1 1 . Il dil que Jésus-Christ a donné les uns
pour iipâires, les autres pour prophètes : ceux-
ci pour évangélisles, ceu.r-là pour pasteurs
et docteurs; que leur ministi're et leur tra-
vail est pour la perf ction des saints et
pour l'édipcation du corps de Jé^us-f'hrist,
jusqu'à ce que nous soyons tous arrivés à l'u-
nité de la foi et à la connaissance du Fils de
Dieu, et afin que nous ne soyons pas emportés
ù tout cent de doctrine. L'Apôtre met les
fonctions et le ministère des pasteurs et des
docteurs au même rang que celui des apôtres
et des prophètes. Il dit de mô:ne , / ('or.,
c. XII, V. 28 : /)(>« a étalili dans l' Fylise,
d'abord des apôtres, ensuite des prophètes,
en Iroisinne lieu des docteurs, enfin les dons
d s miructes, et il met au nombre de ceux-ci
la fonction de gouverner, gubernatioues ;
il suppose f|ue tous ces dons viennent éga-
lement (le Dieu ; ce n'est point aux hommes
qu'il appartient de se donner des pasteurs
et des docteurs. Celle docti ine est cx((li(|ii6e
et ronfirmée p;ir la conduilc do' apôtres.
Après la mort tragi()iie de .ludas, saint Pierre
,dit là l'assemblée des disciples qu'il faut que
l'un d'entre eux soit subrogé à la place de
cet apôlre inQilèle. Conséquemment tous
prient Dieu de faire connaître par le sort
celui qu'il choisit |)()ur siieccder à lu pbici',
au ministère et à l'apostolat duquel Juilas est
dci liu par sa prevaric.ition, Ad., c. i, v. 2o.
Le son loinhe sur saint Matthias, et il est
mis au nombre des apôtres , sans aucune
diflcriiice ('iiire eux et lui. Ils n'en mettent
aucune entre eux et les évéqnes qu'ils éta-
blissent coiiiinc jiasteurs. Saint l'aul dit à
ceux d'Iîphèse, .4c/., c. xx, v. 20 : Veillez
sur vous el sur tout le troupemi, sur lequel le
Saint-Esprit vous a établis ÉvÈyi;Ks ou sur-
veillants pour gouverner IJi^/ii^e de Dieu,
V. >ii : Je vous recommande à Dieu el et sa
grâce; lui seul peut édifier et donner l'héritage
(on la succession] à tous ceux qui sont sanc-
tifiés. La mission, l'iiposlolut, le gouverne-
riienl de l'Eglise, telle est la succession qui
a passe des uns aux autres. Saint Pierre dit
aux lidèles. 1 Pilr., c. v, v. 1 : Je prie les
ancens ou les prêtres qui sont parmi vous, en
qualité de leur collègue [consenior) el de té-
moin des sonffiances de Jésus-Christ ; paissez
le troupeau de Dieu qui vous est confié, el
pourvoyez à ses besoins, etc. Le caractère cl
la charge des apôtres oui donc été Iransaiis
aux pasieurs. Saint Paul dil aux Hébreux,
c. I, v. 7 : Souvenez-vous de vos puÉeosÉs
qui vous ont annoncé la parole de Dieu , et
en ronsiilérnnt In fin de leur vie imitez leur
foi : il parlait des apôtres, lîiisuile, il ajoute,
V. 17 el 24. : Obéissez à vus prkposks, et soyez-
leur soumis, paicc qu'ils veillent sur vous
Comme devant rendre compte d'' vos âmes
Saluez tous vos puiil'osi s et tous les saints.
Ces préposés sont évidemment les pasteurs,
ou les successeurs des apôires. Par quel
moyen s'est établie celle saccessùm ? Saint
Paul nous l'apprend encore, il dil à Timo-
Ihée, Epist. I, c. i, v. i'*: Ne négligez point
la grâce qui est en voits, et qui ii>«s « été
donnée par révélation, avec l'imposition des
mains des prêtres. Il Tim., c. i, v. (i : Je
vous avertis de réveiller la grave de Dieu ijui
est en vous par l'imposition de tne< mains
Persiinne ne disioiivieiit que celle imposi-
liiiii des mains ne soit l'ordinalloii. Coiisé-
quemiiient il charge riiiiollrée de faire tout
ce que poi.'va t l'aire un apôtre. Il écrit à
'Pile, c. I, V. 5 ; Je vous ai lai'^sé en Crète
afin que vous corrigiez ce qui manque encore,
et que vous établissiez des prêtres dans les
villes, comme je l'ai fait pour vous-même.
Et il lui expose les qualités que doit avoir
Un évêque.
Ce sont donc les apôtres eux-mêmes qui
se sont donné des successeurs , qui les ont
regardés connue leurs collègues et leurs
coopérateurs , et qui les ont chargés de
Ir/insineltre coMc succession à ci'ux qui vien-
dront après eux. C'est ce qu'ils ont fait; celte
cliainc successive dure depuis dix-sept siè-
cles, et elle coutinoera jusqu'à la fin des
temps. Ainsi l'a promis Jésus-Christ, lors-
qu'il a dil a ses apôties : Je suis avec vous
tous les jours jmiqu'à ta consommation des
siècles (Matlh. xxvii,20j. Je prierai mon
l'ère, el il vous donnera un a itre (Consolateur,
afin qu'il demeure avec vous pouii toljoubs.
C'est l' Esprit de vérité, que le monde ne peut
pas recevoir (Joan. xiv, Hi). Celle venté est
onfirmée par le témoignage de saint Clé-
nienl de Kome, disciple immeilial des apôtres,
cl qui a été témoin de leur conduite. Il dit
que Jésus-Christ a reçu sa mission de Dieu,
et « que les apôtres ont reçu la leur de Jé-
sus-Christ ; qu'apiès avoir reçu le Saint Es-
P'il, et apiès avoir prêché l'Evangile, ils
ont établi évèques ou diacres les plus éprou-
vés d'entre les fidèles, et qu'ils leur ont
donné la même charge qu'ils avaii'nl reçue
de Dieu ; qu'ils oui établi une rèj;le de suc~
c ssion pour l'avi'nir, afin qu'après la mort
des premiers, leur charge el leur miiiislèro
fussent dounés à d'anires hommes éprouvés.»
Epist. 1 , n. 42, W, hk.
Noas ne cessons de répéter aux proles-
taiils: Vous qui voyez lout dans l'Ec.ilure
sainte, comment n'y voyez- vous pas la per-
pétuité de la r-uccession et du ministère apos-
toli(iue? L intérêt de secte el de syslème
lent- liouclh' les yeux. Les prétendus relor-
lualjui'S voulaient établir une nouvelle doc-
t.iue, nue nouvelle Eglise, une nouvelle
religion : comment le j'.iire sans mission?
el s'il en fini uue, de qui pouvaicnl-iis la
recevoir? Il a donc fallu soutenir ou (|ue la
mission n'était pas nécessaire, ou que leur
mission élait extraordinaire et iniracub'usc,
ou que la mission ordinaire qu'ils avaient
reçue dans l'Eglise catholique était sul'fi-
saule. Nous avons réfuté ces trois préten-
tions au mot Mission. — il esl évident que ces
nouveaux docteurs, en faisant schisme avec
l'Eglise catholique, en niant la mission et
le caractère de ses pasieurs, et en rejetant
l'ordination, ont rompu la chaîne de la suc-
cession et du ministère apostolique, et ont
voulu en établir uue nouvelle qui a com-
mencé par eus, et qui ne reoionte pas plui
550 SUC
iiaiit. Lorsqu'ils onl soutenu qu'il n'es! pas
certain que le ponllfe romain soit le succes-
seur (le sailli Pierre, ils auraient dû citer au
moins un pape qui ail renoncé comme eux
à la succession du piime des apôtres, qui
ail excommunié ses prédécesseurs, comme
Lullier excommunia Léon X, parce que ce
pontife l'avait condamné. Noii-sfulement
tous les évêques de l'Eiilise catholique font
profession par leur ordin-ilion de tenir tous
leurs pouvoirs par droit de succession, mais
ils sont reconnus par toute l'Ejjlise pour
successeurs légitimes de ceux qui les ont
|irécédés ; et c'est par ce fait éclatant que
nous sommes assurés du caractère, de l'au-
torité et de la juridiction du ponlife romain.
Lorsqu'il y a eu des schismes pour la papau-
té, il s'agissait seule. iient de savoir quel
était le vrai successeur du ponlife précédent;
dès qu'une lois ce fait a été éclairci, toute
l'Eglise s'est réunie à i'obédiente de celui
dont la succession a été reconnue légitime.
Loin d'accusiT les piipes d'avoir j imais re-
noncé à la siiccessinn de saint Pierre, les
prolestants leur reproi hent d'en avoir tou-
jours voulu porter les droits trop loin.
Un incrédule anglais s'est atlai hé à prou-
ver que les pasteurs de l'Eglise n'oit point
succédé aux apôtres; il en voulait principa-
lement aux évêques anglicans, qui s'attri-
buent cet honneuraussi liien que les évê(iu(S
callioli(iues; mais comme ces objedions
attaquent également les uns et bs autres,
nous devons y répondre. Si la rtligion, dit-
il, avait eu besoin d'une succession non in-
terrompue, de pasteurs elle aurait eu pareil-
lement besoin d'une succession de la ents ,
de connaissances, de miracles et de grâces
d'en haut, supérieurs à ceux que Dieu donne
aux laïques, et semblables à ceux qu'il avait
communiqués aux apôtres ; or, c'est ce que
non» ne voyons pas dans le clergé. Les apô-
tres étaient inspirée, ils avaient le don des
miraclis el le discernement drs esprits : ils
pouvaient sonner le S linl-Espril ; il leur
était ordonné île conveitir toutes les nations
el c'est pour les en rendre capables que les
dons miraculeux avai nt été dé|iai lis. Or ce
grand ouvrage est exécuté, l'Eglise de Jésus-
Christ est établ.e ; donc il n'est plus besoin
d'apôtres ni de successeurs de ces homoics
extraordinaires; el l'événemeat prouve
qu'en i ITet il n'y en a point.
Nous répond >ns que pour être vériiable-
ment successeur des apôtres, il n'est pas
nécessaire d'avoir reçu de Dieu tous les
dons surnaturels qu'il leur avait communi-
qués, qu'il sulfil d'être destiné à continuer
l'ouvrage qu'ils ont commencé, d'avoir reçu
la même mission et la mesure de grâces né-
cessaires pour exercr le même ministère;
autreiiunt il faut soutenir que tous ciux qui
onl prêché l'Evani;ile aux iiiliilèles depuis
la morl des apôl'es onl été des téméraires,
que l'o .'a pas dû lis écouler, que les apô-
onl eu tort de iiiaii;er leurs disciphs de
celle loncliun, pui>qu'ils n'ont pas pu leur
donner la plénitude des dons du Saint-Esprit,
telle qu'ils l'avaient eux-mêmes reçue. Ces
SUC
E5Q
dons étaient nécessaires pour prouver la
llli^sion divine des apôtres; mais cette mis-
sion une fois prouvée, il n'est plus besoin
de miracles pour la communiquer à leurs
successeurs; elle s'étend à tous les siècles,
puisque .lésus-Christ ne l'a limitée ni au
temps, ni aux lieux, ni aux personnes:
Prêchez i Erani/ile à toute créature, enseignez
toutes les nations; je suis avec vout tous les
jours jusqu'à la consommation des siècles,
etc. Jésus-Christ savait bien que ses apôtres
ne vivraient pas longtemps ; donc il a donné
la mission non-seulement pour eus, mais
pour leurs successeurs jusqu'à la On des
siècles. Nous ne prétendons pas néanmoins
avouer à l'auteur de l'objeclion. qu'il ne se
fait plus de miracles dans l'Eglise, et que
les successeurs des apôtres ne reçoivent plus
de grâces ni de dons surnaturels par l'ordi-
nation; c'est Irès-mal à propos qu'il le sup-
pose.
Il est encore faux que le grand ouvrage
delà conversion des peuples soil exécuté;
il n'était pas fort avancé lorsque les apôtres
onl cessé de vivre; ce sont leurs succes-
seurs qui l'ont continué; il reste encore uo '
très-grand nombre de nations qui ne croient
pas en Jésus-Christ, auxquelles il veut ce-
pendant que l'Evangile soil prêché; donc,
suivant sa promesse, il leur donne la mis-
sion, l'apostolat, les giâces et l'assistiince
dont ils ont besoin pour s'en acquit, er avec
succès. Mais les protestants ne veulent ni
ordination, ni caractère, ni mission surna-
turelle, ni grâces <iui y soient attachées;
c'est à eux de répondre aux incrédules qui
argumentent sur leurs pro[ires principes.
» succi:ssioN indéfinie: des ètiîks. piu-
sieurs snvanls oiil élidili en |iijiici|ie qu'il y a un dé-
veloppenienl progrer-sil de la vie organique, depuis les
(urines les plus simples jusqu'aux filus cumplhjui'es.
L.es incié'liiles ont lire de ce;ie (orniule des consé-
quences (ffiayaiiles pour la loi. 1° Que la seieiice
foiiiredil la narialion de Moise, i|iii nous présente la
crcaliiiii siinnllanée ou dans l'esp^ict; de six jours ;
2" que la nalure .i en ellemcnie i.i imissMiice de pro-
duire graduellement de nouveaux èires s^nis élre
olili^iéi! de recourir à une puissance créatrice. Comme
roiisé'iuence de celle dernière alliniialiuii un conclut
au paiiiliélSMie.
Cuvier a remarqué le premier que dans les ani-
maux fossiles du monde primilil il y a un dévelnp-
peincnl graduel d'org^imsalion ; ainsi les couclies les
plus inlcrieiires coiiueinieia les animaux les plus
iinparlails, mollusques el lesiacés ; viennenl eii>inle
les repliles el ce-i nioiislrueiix animaux raiiii>:iiils i|ui
se raliacheiii aux liabilaiils de l'air par ic lé/,aid vo-
lain, ei qui >onl avec raison clas es par l'iiisloiien
inspiic eiilre les pioduciiniis inariues. Puis la leire
nous lounnt des èires à son lour, ei on Iroire di's
quailrupé'les, inai^ d'espèces qui pour la plupart
Il eMSieiii plus. Pin> vieiuieiil cnsnite les terrains
nu'uiiles d'IIS lesquels un tmuve les dépiils du déluge
raconté par Moi^e. Voy. Délice:.
Voila les laits qui onl engagé les incrédules à tirer
les coiijéqueiiees ijue nnus avons expo.>ées. Soiil-
elle» logilniiemeiit dédiiples? D'abord ces laits n'ont
rien de ciiiiraire à rtcrilure. Le géologue moderne,
dit Uo' Wiseman, doit leeoniiailre el reconnail vo-
loMilers l'exactitude de celle asserlloii : qu'après i\ue
toutes choses eureui été faites, la terre doit avoir étt
dans un état de confusion el de chaos ; en d'autre;
$61
SUC
suc
862
termes, que les élément?, dont la combinaison de-
vait plus i;iril former rairangenient acliiol du glnhe,
doiveoi avoir clo lolalem''nt bouleversés et proba-
bleiiient dans un étal du lutl(^ et de roidlit. Qui-lle a
élé la durée (le ci'Ue anarchie? quols traits rarlicu-
liers I ffrail-elle'Eiaii-ci' nii iié^oidre euntinuetsins
inndidralions, ou bien ce désordie é ait il iuterr(im|Mi
par des intervalles de paix el do repos, d'cNisierice
\0!;éiale et animale ? U'Ixiliure l'a oarhé à notre
i'oniiai'«ance ; mais eu tnètne temps elle n'a rien dit
pour déeciurager l'investigation qui p^nrrut nous
co idui e à (pielque bviioilièse spéciale sur ces ques-
tions. Kl même il seud.dorait que celte période indé-
fiiiii! a été ni niionnée à de sein, (lour laisser car-
rièie à la inéditalioo et à riuiagmat cm de riioniuie.
Les paroles du texte n'exprimeol pas siui|ileinenl
une pause momentam'e enire le premier fiât de la
création •'! la proiluctimi de la lumière; car la forme
grammaiicalo du verbe, le participe, par le.|uel l'es-
prit de Oieu, l'énergie créatrice, est rcprésemé cou-
vant rabluie, et lui communiquant la venu produc-
trice, exprime iialurellemeot une action continue,
iiiillemenl une aciioii passagère. L'ordre inème
observé dans la crcalion des six jours, qui se rap-
porte à la di position préseule des diodes, semble
indiq ler que la puissance divne aimait à ^e iiiani-
^feslcr i>ar des d veloppcmcnls graduels, s'élevanl,
pour ainsi dire, par nue échelle mcsiiréi^ de l'ina-
nimé à l'oigaui>é, de riiisensihlft à l'insiiiictif, el de
riiraiioiiol à l'nonime. Et ipielle répn>>nance y a-i-il
à .supposer que, depuis la première cnation de
remhryon gjossier de ce monde si beau, jusqu'au
liiomciii où il fut levèlu de tons ses oriiiMiienls el
proporiiouué mx besoins et aux liabiiudes de l'hom-
me, la l'rovideiice ait aiissi voulu conserver une
marche el une giadaliou semblables, de manière à ce
que la vie a^ainàt pro^ressiveinenl vers la pert'cc-
lioii, et dans sa puissance intérieure, et dans ses
instruments extérieurs? Si les apparences découver-
tes par la géologie venaient à manifester l'exislence
de linéique plan semblable, qui o.serait dire qu'il ne
s'accorde pas, par la plus énoiie analogie, avec les
Voies de Dieu dans l'ordre physique el inoial de ce
monde? Uu qui osera aflirmer que ce plan rouuedit
la parole sacrée, lorsi|u'elle nous laisse dans ime
Compléie obs( unie sur cette période iudélinie daus
laquelle l'œu\re du déveiopiiemenl est placée? .l'.à
dit que l'Ecriture nous l;ii-se sur ce point dans l'ob-
Eciiiiié, à moins toutefois que nous ne supposions,
avec un persouna<;e qui occupe maiulcnanl une hanie
position dans l'Eglise, qu'il est fait allusion aies
révolutions primitives, à ces destructions et à ces re-
prodiiciions, dans le premier ch.ipiire de 1 Ecclé-
siaste (a), ou qu'avec d'aulies, nous ne pienions dans
leur sens le plus littéral le~ passages où tl est dit que
des mondes ont élé crées [b).
Il est v> aiment singulier que toutes les anciennes
cosiiii g >nics conspirent à nous suggérer la iiiéuie
idée, et cuiiservenl la tradition d'une série piimilue
de révélation» successives par lesquelles le m nde
fut déirnii et renouvelé. Les lusliiules de Meuoii,
l'ouvrage iiiOien qui s'accorde le plus éiioilemcnl
avec le récit de l'Ecritnre toucaaul la créalioii, nous
disent : Il y a des créalious tt des de.\inutwns de
vtuiidfs innombrables ; ( Eli e suprême fini tout Cfln avec
autant de (acih é que si c'était un jeu; il crée el il
crée encore ludélinimeul pour ré ninUre le bonli ur (r).
Les liiinians Ont ues tiaiiitions semhlahles ; el l'on
peut voir dans l'inléressanl ouvra.e de S.ing ruiaiio,
Irailuil par mon aiiii le ilocleui i auily, une esquisse
de leurs diverses Jeslruciious du monde par le feu
(a) Ricerche sidla ficologia. Roverelo, \SH, p. 65.
(/') Hétir. I, i. — hi- 01 iii-. UN des tiiresile Dieu dans
(e Ko'-aii esl : le S iiincur di.'!> m.nies. sira 1.
(c) Inslitutes o( iiinUa luiti. Loiid. 1825, ch. 1 , u. SO
f. 13, Côsip. n, 57, 74, etc.
et l'eau (n). Les Egypiieos aussi avaient consacré
une pareille opinion par leur grand cycle ou période
sothiqiie.
Mais il est beaucoup plus important, je pense, et
pins intéressant d'observer que les premiers Pères
de l'Eglise ehréiieiiiie paraissent avoir eu des vues
exaelement semblables ; c.ir saint Grégoire de Na-
zianze, après '^aiiil Jusiiii, martyr, supiose une pé-
riode iiidéliui' en re la création et le premier arran-
gement léjulier de tontes choses (6). Sami Rasile,
saint Césaire et 0, ijiè le sut encore idiis explieiies ;
car ils cxpliqneiii la créalioii de la lumière anlérieure
à celle du soleil, eu supp isanl que ce luminaire avait
déjà exis é aup;iravant, mais que ses rayons ne pou-
vateiii pénéirer jiisi|u'à la terre, à cause de la densité
de r.il iiosplicre pendant le chaos, et que cette ai-
mospliére fut assez raiéliée le premier jour pour
laisser passer des rayons du soleil sans uiron put
nanmoins distinguer encore son disque, qui ne lut
complélementitévoilé que le troisième joiir(c). lionbée
adopte celte liypoihèse comme pirfaiieinenl coii-
lonne à la théorie du léu centnl, el par c inséqueol
à la ilis.so luiuo dans l'a mosphère de sibsiaiiees qui
se sont pi ce pitées gradiiellemenl, à mesure que le
milieu dissolvant Se refroidissait (d). Ceiles si le
docteur Croly s'indigne si forl contre queb|iies géo-
logues parce qu'ils considèient les jours de la ciéa-
ti II comiiie lies [lériodes inléiiuies, bien ne le m il
eiii iloyé signilie, selon son éiymoloi:ie, le temps qui
s'écoule entre deux couchers de soleil, que dirait-il
donc o'Ori^ene qui, dans le passa;;e doiit j'ai parlé,
s'écrie : Quel homme de sens p' w penser qu'il y eut u«
premier, un secund tt un tro » èine jour sa/is soleil, ni
lune, )ii éluiles? Assnrcinenl le temps enlre deiu
coiiciiers de soleil sei ail une grande anomalie s'il n'y
avait pis de soleil.
Les faits venaiil si exaclemenl conrinner la Bible
ont oliienu les aveux di s plus célèlires géologues.
1 Nous ne pouvons trop remarquer, dit Ùemersoii,
cet ordre admirable si parlaitement d'accord avec les
plus saines notions qui birment la base de la géologie
positivi;. Quel hommage ne devons-nous pas lendie
à riiisioiieii iiisp ré (ej! i — i Ici, s'écrie lloiibée,
se présente une cous derali>in dont il serait diflicile
de ne p.is être frappé. Puisqu'un livre écrit à une
époque où les sciences naturelles élaieiil si peu avan-
cées renferme ce|ieiiilanl eu quelques lignes le soin-
inaire de> conséquences les plus remari|ualiles, aux-
quelles il n'était possinl.^ d'arriver qu'.ipiès les im-
menses pro;;iès amenés dans la science par le xviit*
et le xix» Siècle, pu sque ces conclusions se trouvent
en rappoit avec des fans qui n'éiaieot ni connus ni
même soupçonnés à cetie époque, qui ne l'avaient
jamais ete jusqu'à nos jours, el que les philosophes
de tous les leinps ont toujours considérés coniradic-
toirement el sons des point» de vue erroné.; pu'S-
qn'enliu ce livre, si supérieur à sou siècle sous le
rapport de la science, lui esl également supérieur
Sous le rapport de la moi aie et de la philosophie iia-
Inrelle, nous sommes ohligé» d'admettre qii il y a
dans ce livre quelque chose de sup.n eur a l'homme,
quelque clio^e qu'il ne voit pas, qu'il ne comprend
pas, mais qui le presse irl'é^i^lihleltlellt (/'). >
La premièie conséquence de nos adversaires est
etilièiemenl détruilu ; la seconde tombe d'elle-même,
(rt) A desrr plion of Ihe Burni'se empire , imprimé pour
la londaliou des iracluciious orieuules , k Rome, 1»33,
p. 29.
(b) Oral. 2, t. I, p. 51, edii. Beued.
(Cl S. lijsil. Hejamer. ilom 2. Paris, IGI8, p. 23;
S. Caesarms, Dial. 1, B.bliotli. Pair, (.albinh. Veu. 1770,
t. VI, p. 37; Origeu. F^narch. lib. iv, c. Iti, t. 1 ; p. 174,
edil. tleiied.
(d) Géoloiiie élénifiituire à la portée de tout te mi/^i.,
Paris, 18.J.5, |i. .)7.
(e) La Gtoloqie cmeignée en 22 leçons, etc. Paris 1829
(f) Géologie éténteniaire.
566
SUI
SUI
set
par suite de la destruction de la première. Nous
l'avons ronibaliue diredeniei-t au iiini Générations
gpoNriNÉES. ^(lllS nous contPiitons (le piést'iuer ici
une léOexion de M. Cuvier, qui prouve quM n'y a paâ
en généralioMS gra^lu^es, mais ( réaliou priipi'iiii'ul
diie poui (haqiii' es|iècH. i Si les esièce-; oui rliangé
par ileiîics, dil-il, un ilevraii trouver de* Iraics tie
ces uioilili<-:iiiou» {îiailiieiles; ou (devrait décMivrir
quel.|iR'S firme- iilBruiédiaies entre le palœolhe-
riiuu cl lesespèct^s iraujourd'hui, et jus tu'à prési-nt
ccli n'i'St poi4it :irrivé. j^mrquni les entrailles île la
lerre n'nni-iMles po ni l'onservé le- nionurneu(s duue
gémi'lo-iesi curieuse, si ce n'est parce que les esiié-
tes d'iiulrelni^ élaieni aussi ronflâmes que les nô-
tres. I Cuvier, Discours sur les révolutions du globe,
6" éilil. p. 12:. l-U.
SUFFISANTE fgrâcp). Voy. Grâce.
SUICIDî-., action de se luei soi-même pour
se délivrer d'un uiul que l'ou n'a pas le cou-
rage de supporter (Ij. De nos jours l'abus
(1) «Ecoulons sur ceRUJPlIe rélèbre Rousseau • «Tu
veux cpsser de vivre; mais je voudrais bien savoir
si tu as conimeufé. Qu"i ! fus-lu placé sur la terre
pour n'y rien Cairi' ? Le ciel ne l'impose-l-il P' int
avrc la vie une liii lie pour la remplir ? Si lu as lait la
journée avant lesoir, repose-loi le rfsie du jiuir, lu
le peux ; mais vi vous Ion ouvriiLse. Quelle réponse
tiens-iu pi été au .luse suprême qui demandera
coinpie de inn temps? Mallieureux ! ironvé-nii>i ce
juste qui sft viuite d'avoir assez vécu ; que j'apiuenne
de lui ciinuiieni il laul avoir porté la vie pour être
eu droit de la quitter. Tu comptes les maux de l'Iiu-
miinilé, et lu dis : La vie est un nml. Mais regirde :
clierche dans l'ordre des choses si lu y trouves quel-
ques biens qui ne snieni point mêlés de maux. Est-
ce donc à dire qu'il n'y ait aucun bien dans l'univers,
et peus-lH ciMi oniire <e qui est mal par sa na'iire
avec ce qui ne soutfre le mal que par accident? La
vie passive de l'houm e n'esl rien, et ne reijarde
qu'un corps durit il sera bienlôl délivré ; mais sa
vie active el mmale (]ui doit influer sur loiil sou être
consisle dans re\ercice de sa volonté. La vie esl un
mal piiur le niéchanl qui prospère, et uh bien pour
nioiiiête homme iulorluiié : car ce n'est pas nue
niodilicaiiou passagère, mais son rapport avec son
objet, qui la rend bonne <ui mauvaise. Tu l'ennuies
de vivre, et tu dis : La vie est un lual. Tôl ou tard
lu seras consolé, et tu diras : La ve esi un bien. Tu
dirasplus vrai, siins mieux raisonner : car rien n'aura
changé que toi. Change donc dés aujourd'hui, et
pi.'sque c'est diiiis la m uivaise (iis(iositiou de ton
âme (pi'est un;i le mal, corrige tes atfeciions déié-
gUes, et ne brûle pas la luaiscui pour n'avoir pus la
peine de la rauj^er. Que font dix, viiigl, lienlc ans,
pour un cire iuiuioriel? La peine et le plaisir passent
comme une omlre; la vie s'écoule m uii instant ;
elle n'est rien par elli-nième, siji prix ilépend de
son emploi. Le b en seul qu'on a lail dennure, et
c'est par lui qu'e'le est que que chose. Ne dis donc
plus que c'est un mal pour loi de vivre, puisqu'il
dépenil de tij seul que ce son uii bien, et que si c'est
un mal d'avoir vécu, u'est une lai^on de uliis pour
vivre encore. Ne dis pas non plus qu'il l'esl permis
de n I ir ; c.ir auiaut vaudrait dire qu'il l'irsi permis
de n'éire pas humilie, qu'il l'est permis de te révol-
ter contre l'Auteur de ton être, cl de tromper la
destination. Le suicide est une mort furiive el hou-
leuse. C'est lin vol lail au genre humain. Avant de
le quitter, rends-lui ce qu'il a fait pour loi. — Mais
je ne liens à rien. Je suis inutile au monde. — Phi-
Ion. i|, lie d'un jour ! ignores-tu que lu ne sau( ais laii e
un pas sur la terre sarrs trouver quelque devorv à
reiiiidir, et ipie loiii hoinnie est mile à i'Iiuinauiié,
par cela seirl qu'il e.xisie? Jeune insensé! s'ille
icslc uu fond du cœur leiiiuindresenliuieiUde vertu.
de la philosophie a été porté jusqu'à vouloir
faire l'apolopie de ce crime. En partant des
principes de l'athéisme, plusieurs incrédules
ont avancé que le suicide n'esl défendu
ni par la loi naturelle ni par la loi divine
po.silive, qu'il seinhle même approuvé par
plniieurs exemples cilés dans les livres
saints, par le courage de plusieurs martyrs,
et par les éloges qu'en ont faits les Père* de
riiïlise. Niuis sommes obligés de démontrer
la fausseté de toutes ces allégations.
I. Le s'.ùcide est contraire à la loi natu-
relle. 1° Dieu seul esl l'auleur de l,i vie, lui
seul a droit d'en disposer; el quoi qu'en di-
sent les raisonneurs alrabiLiires , c'est un
bienfait. Nous le sentons par l'horreur na-
turelle que nous avons de noire destruction,
et par l'inslinct naturel qui nous porte à
nous conserver. C'est là-dessus qu'est fondé
le droit que nous avons de défendre noire
vie contre uu agresseur injuste, el de lui
ôler la sienne si nous no pouvons sauver
aulremenl la nôtre. Nous défions les apolo-
gisles du suicide de concilier le droit de la,
juste défense avec le prétendu droit de nous
ôler la vie quand il nous plail. 2° Dieu ne
nous a pas ilonné la vie pour nous seuls,
mais pour la soriélé de laquelle nous faisons
partie. La même loi naturelle qui commande
à la société de veiller à la coiiservalion de
tous les meuibres qui naissent dans son sein
ordonne à chacun de ces membres de lui
rendre ses services, et de contribuer aulant
et aussi longleiîips qu'il le peut au bien géné-
ral de la société. Dans cette oidigalion mu-
tuelle consisle le prétendu pncte social ima-
giné par nos philosophes, mais ce ne sont
point les himmes qui l'ont formé par une
volonté libre; c'est Dieu, auteur de la na-
ture, qui a stipulé pour eux au moment de
leur naissance, uu plutôt au moment de la
création. Loy. Société. Vainement on dit
qu'un malheureux est un membre inutile et
à charge à la société ; il n'en est rien : quand
il n'y servirait qu'à donner un exemple
de patience, ce serait beaucoup, et rien ne
peut l'en dispenser. 3" (ju'est-co que la ver-
tu ? Suivant l'énergie du terme, c'est la force
de l'âme. Si uu lionime ne veut ou ne peut
rien souffrir, de quelle force, de quelle vertu
csl-il capable'? Dirons nous que par- la loi
naliirells uu hommi! esl dispensé d'avoir do
la vertu? Ce n'éiail pas l'avis des slo'iciens;
ils pensaient qu'un homme sans vertu n'élait
pas un homme, et il n'est que trop prouvé
que de toutes les verlus la patience est la
plus nécessaire. A la vcrilé, ces philosophes
se contredisaient eu exallanl d'un côté la di-
gnité de l'homme aux prises avec la douleur,
viens, que je t'apprenne à aimer la vie. Cli3f|ue fois
que lu seras leulé d'en sortir, dis en loi-mèine: Que
je fusse encore une houne uclion avant que de mourir;
puis va chercher quelque indigeul à seeinrrir, ipielqiie
irrinrluné :i consoler, quelipie (qi|U'iiiié à déleudre.
Si ei'lle corrsidéruliou le reiieni anjourM'ii ir, elle le
relieiiilra encore ilemaiii, a|M"s dnri du, lonlelavie.
Si elle lie le relienl pas, lueurs, lu n'es (pi'iiii nié-
chant.» {Esprit, Hlaxiiues et Principes deJ.-J, lioui-
scau.)
S65
SUI
SlII
fiC6
etqui se montiMit supérieur dans celle espèce
do cuiiibal, en loiiani de l'autre le courage de
cens (|ui se doiiiiaient la iikh l pour se sous-
traire à la douleur ou au regrel du n'avoir pas
réussi dans une entreprise. Celle coiilradic-
lion nu'mc anrail dû ouvrir les v<'ux à nos
raisonneurs nioderiies. '••"lis déclament con-
(rc toutes les inslilulions qui seniblenl nuire
à la population ; c'est pour cria qu'ils ont
Tait tant de dissertalioiis coniro le célit'al;
or, celui-ci est certainement n)oins contraire
à la population que \o suicide. Il y a plus de
domtnagc pour la société à perdre un lioiume
fait (|ui est actuellemeot en étal de la servir,
qu'à être privé de quelques cufauis qui
n'existent pas encore, et dont la plupart
auraient péri avant de parvenir à l'âge viril.
Suivant la remarque d'un déiste, dès qu'un
homme est assez iorcené pour s'ôter la vie,
il est le maître de celle d'un autre, quelque
bien gardé qu'il puisse être. 5" Un incrédule
même a tourné en ridicule les motifs pour
lesquels les insensés do nos jours ont cou-
tume de renoncer à la vie. « Les (irecs et les
llomaiiis , dit-il , se tuaient a; rès la perte
d'une bataille, ou dans iiu désastre de leur
pairie, auquel ils ne voyaient point de remè-
de. Nous nous tuons aussi, mais c'est lorsque
nous avons perdu notre argent, ou dans
rc\ccs d'une folle passion pour un objet qui
n'en vaul pas la peine, ou dans un accès de
mélancolie. » Ç(/e.</i'o»t sur V Encyclopédie ;
De Colon et du Suicide. Kn eiïel, nos papiers
publies ont rendu compte dt; la multitude
de suicides qui sont arrivés dans noire siè-
cle ; à peine en trouvcra-t-on un seul qui
ne soit venu de près ou de loin du liberti-
nage, ils ont montré les tristes efl'els qu'ont
produits les diatribes absurdes et les princi-
pes tneurtriers de nos philosophes ; ce n'est
pas là un trophée fort honorable à la piiilo-
sophie moderne. 6' Les plus sagesdes anciens
philosophes, Pjthagore , Socrale , Cicéron,
condamnent le suicide, comme un crime,
comme une révolte contre la Providence,
Théoloijie pa'ienne, t, 11, p. 316. Si les épi-
curiens ut le cuumuju des stoïciens ont pensé
dilTéreniment, c'est qu'ils n'admettaient pas
la Providence. iMais il est faux que lipiclèle
ait été dans la sentiment de ces derniers,
comme on l'a dit en nous donnant la morale
de Sénèque. Epictète pose des primipes di-
roclement contraires, A/anue/, §2a, i2, etc.;
nouveau Manuel fail par .Vrrien, 1. i, § 8
et 38 ; 1. m. § V2 ; 1. iv, § 38, etc. — Toutes
ces preuves ilemanderaient à être dévelop-
pées, mais nous ne pouvun& faire que les
indi(|uer.
11. Le suicide est défendu par la loi divine
positive. Dès le commencement du monde
Dieu a interdit l'homicide, et il l'a puni
sévèrement dans la personne de Caïn.GpKe*-.,
c. IV, V. 10. 11 eu a renouvelé la défense
après le déluge. Si quelqu'un répand le sany
hwniiin, il en sera puni pir l'cp'usion de son
propre sang , ;;(irce que l'homme al fail à
l'image de Dieu , c. ix , v. G La loi du
dècalogue, Vous ne tuerez point , n'est i]ue
la lépétilion de la loi primitive. Or, il n'est
pas plas permis à l'homme de détruire
limage de Dieu dans sa personne que dans
celle d'un autre.
On dit que cette loi souffre des exceptions
elle n'en admet aucune que quand le bien
général de la société l'exige. Or, c'est à la
société même de juger dans quel cas sou
intérêt exige (pie l'on condamne à mort un
malfaiteur. Ce n'est point à tout particulier
qu'il ap|iarlieut d'en décider, aucun n'a le
droit de se eondamncr lui-même ;'i la mort;
la société même n'aurait pas ce pouvoir, si
Dieu ne le lui avait pas donné. Il faut doue
prouver que le suicide est coiilbrme aux
intérêts de la société. Sap., cap. xvs, v. 13 :
C'est vous , Seigneur, qui avez la puissance
de la vie et de lamort... Vn Immine peut ôter
la vie à un autre pur méclinnceié : mais il ne
peut la luivindre, et il lui est impossible de
se soustraire à votre main. » Isai., cap. xi.v,
V.9 : Malheur à celuiquirésisteA son Créateur!
Un vase de terre dira-t-il au potier : Qu'avrz-
vous fait? suis-jedonc l'ouvrage de vos mains?
etc. Or, c'est résister à Dieu que de s'ôler
la vie avant qu'il l'ait ordonné.
Cependant, répliquent nos dissertaleurs ,
il y a dans l'histoire sainte plusieurs
oseniples de suicides qui ne sont ni blàmi-s
ni condamnés ; ils citent Abimélech, Samson,
Saiil, .Achitophel, Zamtiri, Eleazar et Uazias.
Il faut les examiner en détail. 1° Il est faux
qu'aucun de ces personnages ne soit blâmé.
Il est dit d'.\bimélecli, (lue Dieu lui rendit le
mal qu il avait tait à sa famille en égorgeant
ses frères au nomiiro de soixante et dix ,
Jiidic, e. IX, v. 30. Saiil est représente
coiiiiiie, un roi réprouve de Dieu, que la ven-
geance divine poursuivait, et à qui l'ombre
de Samuel avait prédit une mort prochaine,
Il licg., c. 1 , V. lo. Al hitopliel est point
comme un traître, infidèle à David, son roi,
appliqué à confirmer Absaion ilans sa ré-
volte, et à lui suggérer des crim 's, 11 Reg.,
c. XVI et xviii. Za(nbri était un usurpateur
de la royauté ; l'écrivain sacré dit qu'il
mourut dans son péché, IV Reg-, c. xvi,
v. 18 et 19. Ce ne sont là ni des éloges ni
des approbations. 2" Samson et Kléazar ne
lurent point .«utcicies ; en se livrant à une
mort ccitaine, leur principal dessein n'était
point de se détruire, mais de venger leur
nation do ses ennemis. Samson prie Dieu do
lui rendre la force , pour tirer vengeance
des outrages des Philistins , Jadic, c. xvi,
V. 2S. Il e-t dit d'Jiléazar qu'il se livre à la
mort afin de ilélivrer son peuple , Machab.,
c. VI, v. 'il. L'on n'a j.imais ti ailé de suicides
les dévouements si célèbres dans l'histoire,
ni le courage de ceux qui se sont livrés à
un vainqueur irrité afin do sauver leurs
concitoyens , ni l'intrépidité des guerriers
qui se sont jetés au milieu des bataillons
ennemis, dans lo dessein d'insp rer 1 1 même
valeur à leur soldats. 3' Les éloges qui sont
donnés à Kazias dans le second livre des
Machabées, c. X!v, v. iO et seq., font une
plus granJo .tiinculté. Ce Juif se tua pour
éviter de tomber entre les m lins des satel-
lites qui le poursuivaient, cl pour se sous-
tl67
SUl
sut
»G8
Iraire aux toarments qu'on lui préparait
dans 1<' de.ssoin île lui faire chan{»er de reli-
gion. On ppul l'excnser par l'intention et
par le défaut de réflexion dans une détresse
aussi cruelle. Sa conduite est louée comme un
îraitde C"'ira^'e, ei non connue l'elTet d'un
ïèle éclairé. Ainsi en a jugé sfiint Augustin,
.1. II, contra e.pisl. Gnudnnl., v. '23 Ce n'est
point ici un liypocondre qui se lue do sang-
âroid (lour se délivier du fardeau de la vie;
c'est un iiotnme troublé à la vue du péril , et
qui de deux maux inévitables choisit celui
qui lui parait le moindre. Il en a été de
même de plusieurs niariyrs dont on nous
objectera bientôt l'exemple.
III. Les apologistes du sitiride ont poussé
plus loin la témérité, en affirniant que ce
crime n'est point tléfendu dans l'fîvangile.
Nous pourrions nous borner à répondre
qu'aucune loi positive n'a j imais défendu ni
la démence ni la frénésie; mais nous soute-
nons que celle dont nous p,irl;)ns est défen-
due p^ir tons les pass.iges de l'I^lvant^ile qui
commandent |,'i patience dans les aiflictions,
et qui pronieiteiit à c tte vertu une réoni-
pense cti ruelle. Saint Paul, après avoir raj)-
pele aux (idèles tout ce qu'ont soulTert les
anciens justes, leur dit : A la vue de celle
nuén de tnnoins, ronrons par la patience nu
combat qui nous ntlend, en fixant nos re/jards
sur Jésus , auteur et conxomutaleur de notre
foi, qui a souffert la mort de la iroix , et a
bravé les iiinominies en considération de la
gloire qu'il altemlnit , et qui est assis à la
droite de Dieu {llebr. x;i, I). II leur repré-
sente que Dieu les aime, puisqu'il les châtie
conmie un père corrige ses enfants. Si un
furieux, déterminé à trancher le fil de ses
jours, était capable de faire attention à celle
morale, il sentirait le crime qu'il commet
en voulant se soustraire aux châiimeiils que
Dieu lui envoie, cl qu'il n'a que trop méii-
lés DU par son imprudence ou par son li-
bertinage.
Un clirelien qui s'est livré à des passions
déreg ées , et qui y trouve son malheur,
rentre en lui-même, s'écrie avec un roi pé-
nitent : Vous êtes juste, S igniur, et dos ju-
gements sont l'équité même. Un incrédule se
seul puni par où il a péché, brave la justice
divine, et prétend :ui échapper en s'ôtant la
vie; elle salira s'en venger.
Que dire à un insensé ()ui a osé écrire que
s'il est vrai que le Mes ie des chrétiens est
mort de son plein gre, il a évidenwnent été
suicide? Jésus Chii:;! n'a point excité les
Juifs à le faire mourir, il leur a reproché
d';ivance le crime qu'ils allaient commettre.
Il s'est livré à la mort non par dégoût de la
vie m par impatience dans la d.iuleur, mais
pour raclieler le genre humain de la mort
é Cl iielle, pour le salul de ceux mêmes qui
l'ont crucifié. 11 s'est oITert pour victime
de notre réde(uplioii , avec plein pouvoir de
donner sa rie et de lareprendre (Jonn. x , v.
18), el avicune cerlilude entière de ressus-
citer iroi^ jours après. H a ain^i coiininié sa
doctrine parson exen)|ile,il u inspircîemcme
courage à des milliers de martjrrs, et pdr s%
croix il a converti le monde. Encore une
fois, s'exposer à une mort certaine pour sau-
ver la vie à un nombre de citoyens, ce n'est
point un suicide , mais un trait de courage
héro'ique; faire ce sacrifice pour sauver le
monde entier d'un supplice éiernel, c'est la
charité d'un Dieu.
Mais, au jugement denos dissertaleurs, la
plupart des martyrs ont été des fanatiques;
les uns sont allés en foule se présenter au
fer des perséenteurs ; c'est ce que fit une
troupe de chrétiens d'Asie, à l'arrivée du [iro-
consul Arrius Anioninus; d'aulres ont sauté
eux-mêmes dans le bûcher allumé pour les
intimider, comme fit sainte Apollonie, l'an
249; d'aulres se sont précipitées pour ne pas
tomber entre les mains des soldats et de peur
de perdre leur chasteté; on cite à ce sujet
l'exemple de sainte Pélagie, jeune vierge de
quinze ans, qui en agit ainsi l'an 311. l.,es
Pères de l'Kglise, samt Jérôme, saint Am-
broise, saint Jean Chrysoslome, ont donné
à celle dernière les plus grands éloges; ils
ont décidé qu'il n'est pas permis de se faire
mourir soi-même , ercepté quand on court
risque de perdre sa chasteté. Saint Augustin
n'excuse ces marl.rs qu'en supposant gra-
tuilemenl, aussi bien que saint Jean Chry-
soslome, qu'ils ont agi par une inspiration
divine; mais Dieu n'inspire point une action
mauvaise par elle-même et contraire à la loi
naturelle. De là Barbeyrnc est parti pour
faire une éloquente déclamation contre les
Pères de l'Eglise, et pour prouver qu'ils ont
enseigné une fausse morale , Traité de la
morale des Pères deV F.glise, c. 15, § 7, pag.
243. Un déiste , prenant le ton d'oracle , a
prononcé celle maxime : Le vrai martyr at-
tend la mort, l'enthousiaste y court.
Examinons tous ces faits. 1° Nous soute-
nons que, dans ces difTércnls cas, les mar-
tyrs n'ont point péché. Les chrétiens d'Asie,
sainte Apullonie et auties semblables , n'a-
vaient point pour but de se détruire, mais de
convaincre les persécuteurs de rinutillté des
menaces et de l'appareil des supplices pour
intimider les chrétiens et [)0ur détruire, le
christianisme; leur dessein était donc d'ar-
rêter les fureurs île la perse, ution , et de
sauver la vie de leurs frères en exposant la
leur : nous répétons pour la troisième fois
que ce n'est point là un cITel de la frénésie
dps suicides , mais un trait de charité hé-
ro'ique. Ainsi pensait saint Paul, lorsqu'il
disait, // Cor., c. xii, v. 15 : « Je donnerai
volontiers tout, el je me donnerai encore moi-
même pour le salut de vos Ames. <> Ces chré-
tiens ne se irompaient pas ; Tertullien nous
fait entendre que Arrius Anioninus sentit à
quels hommes il avait aHaire ; il répond avec
éionneiiienl et avec indignation : Malheu-
reux, n'avez-vous donc pus des cordes et des
précipices pour vous détruite? 'rertullien cite
cel exemple à Scapula, gouverneur de Car-
thage , pour le détourner de poursuivre les
chréiiens par des supplices. L. ad Scupul.
On sait que Dioclétiin alléguait le même
motif pour i.c pas recommencer la persoLU-
liun, l'uu 303; Lactant., de Mort, persec, S
6G9
sut
SUP
570
11. Libanius, dans l'Oraison funèbre de t'em-
S\erenr Julien, n. 58, nous a|i|irpiiJ que ce
lit encore la rai-ion qui ptnu<"'clia ce prince
de piililicr des cdits san^laiils conirc les
thréliens. Avons nous à rougir de ce que
leur courage iiilrépide a enlin désarmé les
Ijrans? — 2" Nous soulenons emure nue
gaiiile Pélagie et ses semhlaliles n'oiil piiiul
élé suicides, et (lue les Pèr^s non! p.is eu
lorl d'en faire l'élupe. Il ii'esi p;is qui-siion
de savoir si une lirulale violence, eiulurée
malgré soi, fait périr ou non la chasteté. iu;iis
de savoir si, dans cette épreuve lerriiile , il
n'y a aucun danger de consentir an péché
Il de succouiher à la f îihiesse de la nature.
Qui est la personne veriuense qui oserait
répondre d'elle-mêine en pareil cas? Or,
préférer la mort à une tentation violente et
à un danger immiu' ni d'olïenser Uii'U , ce
n'csl point un crinie, mais un trait d'amour
pour Dieu porté au plus haut degré. C'est
ainsi que saint Paul a conçu la chasteté
parfaite, lîom., c. 8, v. 3o. Nous ne craignons
pas de défier Barbeyrac et ses copistes de
prouver le contraire. Nous n'avons donc pas
besoin, pour jusiifier sainte Pélagie et ses
imitatrices, de leur supposer ou un excès de
crainte qui leur a ôte la réflexion , ou une
espérance mal fondée d'échapper à la mort
en se précipitant , ou une inspiration de
Dieu qui l<'s a fait agir; les Pères savaient
sans doute qnc Dieu n'inspire point une
action critninelle; ils n'ont supposé cette
inspiration (jue parce qu'ils élaient persua-
dés que le inolifde ces saints martyrs était
non seulement innocent, mais louahle et
héroïque, et nous le pensons (omme eux.
Il n'est donc pas vrai que les Pères ont été
séduits par une estime excessive et aveugle
de la ehas'elé, comme Barbeyrac le prétend;
c'est lui qui est aveuglé par le préjugé des
protestants, qui alTectent de déprimer celte
vertu; elle a été ailmirée par les païens
mêmes dans les femmes cl les vierges chré-
lienne'^. Les pio'estants ont mis au nombre
de leurs prétendus martyrs , et ont loué à
l'excès des forrenés doiii le fanatisme était
mieux caractérisé que celui qu'ils allribuent
aux martyrs du cbrislianisiiie. S lint Justin ,
Apol. Il, II. 4, répond aux païens qui deuian-
daieni : Puurqnoi ne vous tuez vous pas tous,
afin de nous déharrasser de vous? « Dieu nous
orduniie ae nous conserver pour l'honorer,
le servir, et le faire connailre à tous ceux
qui ne le connaissent pas. » — 3" Nous ré-
pondons aux déistes que les Diart\rs dont
nous parlons n'ont point couru à la mort ,
mais qu'ils ont élé forcés de s'y livrer par
la fureur impie des tyrans : que d'ailleurs
toute espèce d'enthousiasme n'est pas un
vice; c'est une veitu , lorsqu'il porte à des
actions louables et héroïques, et c'est l'ea-
tliousiasmc prétendu des niariyrs qui a
conveiti les païens. Voy. .Martyks.
Il serait inutile de réfuter en délai! les
sophismes sur lesquels les apologistes du
suicide uni londé leur doctrine; tous portent
ou sur l'hypotliè-e absurde de l'ailiéisme et
(le la fatalité, ou sur ce luux principe, que la
vie nous a été donnée pour nous seuls, que
nous no devons rien à nos semblables , et
que nous ne sommes obligés de rendre
compte de nos aclioiis à personne 1).
suLPiCEsÉvÈiu-:, ou sfiv(;iin: suLPici',
auli ur ecclésiastique, né dans r.\quilaine,
et qui est mort au commenccoienl du v"
bièrle. H est certain qu'il était prêtre, qu'il
a vécu et qu'il est mort en odeur de saiiiteié.
Il a écrit dins un latin très pur un abrégé
de l'hisioire sainte, la Vie de saint Martin ,
auquel il fut alla hé pendint plusieurs an-
nées; des di.ilogues et di'S lettres. L'édition
la plus récenle de ses ouvrages a été faite
à Vérone en 1712, en 2 vol. in-lolio. On
prétend qu'il donna dans l'erieur des millé-
naires, et qu'il se laissa surprendre par les
dehors de la vertu que montr. lient les péla-
giens : mais on assure qu'il se détrompa
dans la suite. Il ne faut pas confondre cet
écrivain avec saint Snipice, archevêque de
Bourges, qui a vécu au vT ou au vu" siècle.
Voy. Histoire litlf'r. de la France , t. 11 ,
p. 95 ; Fies des Pères et des Murlyrs, t. 1 ,
p. G80; Histoire de l'Eglise gallicane, 1. m ,
an 39'».
♦SUPERNATURALISME. Le raiion^lisnie :ivaii
ffliié.iiili tous les diigmes el loiis les iiiysiéres ( Voy.
IUtioxalismë, Kantisme, Crétinishe, I'.xécète, elc. ).
Il se préseiila îles cliampiuiis piiiirsoiileiiirrnrieiiieiit
ta doctrine du siirn tnrel. Au iinlieii de la iiiéli e des
coiiiliallaiils se présenia un pacilicaleiir. Sclileier-
inacher prélendit salisl.iire les deux partis. Il dit
aux ratiniia istes : Adnieiiez les dngin<s cl les mira-
cles elirélieiis, iiiHi coiiiiiie ditiiieineiii iiiaiiileslés,
ni;iis comme liisKiriipiemeiil consialés, el vnlie rai-
son sera pleiiiement saiisfaiie ; il iniuilra aux
seconds le sumalurel déciiulanl de la vérité liisUiri-
qiie. Ce sysième, laii 6l raiionalisie, taiiioi do;;iiia-
tiipie, fui leimnié avec iiié|iris le Snpernaturalisme.
Viveineiii aiiaipié par les deux parus, il succomba
bieiiiôi sous leurs coups.
SUPERSTITIEUX, SUPERSTITION. Ces
deux termes sont dérivés du latin suiierstare,
synonyme de superesse , éire surabondani ;
par conséquent la supers tVion est un culte
excessif et supeiflu. Les (iiecs l'appelaient
îi'o-i5ztuo.i«, la crainte des démons ou génies,
qu'ils pr<'iiaient pour des dieux ; conséquem-
uieiil quelques pliilosophes du jour disent
que la superstition est un trouble de l'àiue
causé par une crainte excessive de la Divi-
nité. La crainte est, sans doute, une des prin-
cipales causes de la superslilion , mais ce
n'est pas la seule, il n'est aucune passion
de l'hoiiime qui ne puisse le rendre supersti-
tieux; d'autres écrivains mieux insLuits en
Sont convenus.
Est-ce la crainte seule ijui a fait imaginer
aux premiers polythéistes la multiiude d'es-
prits, de génies, de démons, par lesquels ils
ont cru que toute la nature était .iiiiraé • , et
auxquels ils ont attribué tous les pliéiio-
méiies bons ou mauvais qui y arrivent ? Non,
puisque les philosophes mêmes ont généra-
iemeiK suivi celle opinion. C'était la difliculté
de concevoir le mécanisme de la nature , la
(I) Vol/. Ditiiuaiiaire de Tliéologie morale, art.
Si'itiii^.
571
SUP
SUP
57-2
liaison descausosphysiquesavec leurs effets,
la contrariété drs phénomènes qui y arrivent,
et de romjirendrc qu'un seul esprit pût être
assez puissant pour loul faire et i.our tout
con hiirc par un seul acte de sa volonté. La
révélation seule pouvait apprenlrc aux
hommes cette vérilé sublime , qui était la
conséquence naturelle de la création : Dieu
l'avait en effet révélée aux premiers hom-
mos; mais leurs descfodants ne lardèrent
pas de l'oublier, et ils se trouvèrent pIon';;és
dans la même ignorance que si Dii u n'avait
jamais parlé. Si la crainte seule avait été la
cause de leur erreur, ils n'auraient im?iginé
que des divinités terribles et malfaisanlos ;
or, il est constant que l'on en avait forgé
pour le moins autant de bonnes que de mau-
vaises, et qu'en général on croyait les dieux
plus enclins à faire du bien que du mal : dii
dalorrs bnnorum, c'est ainsi qu'on les nom-
mail ordinairement. Voy. Religion, § 2.
Lorsque le laboureur inventa vingt divi-
nités pour présider à ses travaux et pour
veiller sur ses moissons, lorsqu'il leur pro-
digua les respects et les offrandes , il élait
moins conduit par la crainte que parl'inli^-
rél et par la cupidité. Les mères et les nour-
rices, qui en forgèrent un plus grand nom-
bre pour protéger la naissance et l'éducaiioii
des enfants , agissaient par une folle ten-
dresse et par vanilé, c'était pour donner plus
d importance à leurs occupations. Ceux qui
étiiient dominés par la frénésie de l'amouf
mettaient en usage les philtres, les enchan-
lemenls, les conjurations, pour engager une
divinité à toucher le cœur de la personne
qu'ils idolâiraienl. Les vinJicatifsen faisaient
anianl par le désir île nuire à leurs ennemis.
Les voleurs mêmes se llaliaient de réussir
en adressant des vœux à Mercure et à La-
verne; la crainte n'élait pas le principal
ressort qui les l'.ilsait agir.
Aliribuons-noiis à ce motif la confiance
que les stoïciens avaient à la divinoiion ,
aux augures, aux pronostics? C'étaient de
mauvais raisonneurs qui liraienl de fausses
conséquences de (|uelques phénomènes na-
turels. Les épicuriens supersliliiux étaient
dés hjpocriles qui voulaient tromper le
peuple, et se ju'itifier du reproi he d'irréli-
gion. Les Ihéurgisles des m' et iv° siècles
furent des philosophes orgueilleux qui se
croyaient dignes d'avoir un commerce ira-
mé«lial avec li's dieux. Nous pourrions pous-
ser ce détail beaucoup plus loin; mais c'en
est a^sez pour démontrer que toute passion
quelconque portée à un certain degré est
capable d'altérer dans l'homme les liées et
les senlimenls de religion, de lui inspirer de
fausses notions de la divinité, et de le ren-
dre sujjeistilieux; et nous pourrions confir-
mer ce fait par l'aveu formel de plusieurs
incrédules. Nous convenons cependant que
l'exeès en fait d'auslérités, de pénitences, de
mortifications, vient souvent d'une crainte
c\cessive de la Divinité, d'une mélancolie
naurelle, ou des remords d'une conscience
alaroiée. Mais lorsque les pythagoriciens, les
or.phi(iues, les stoïciens, les platoniciens, les
épicuriens même ont exhorté leurs disciples
à dompter les appétits du corps , ils n'ont
point donné pour molif la crainte de la Di-
vinité ; ils ont dit que la dignité de l'homme
exige qu'il se rende maître de lui-nième et
(|u'il ne ressemble point aux animaux. D'ans
cette matière, l'excès seul peut être taxé do
siiperstition, parce Dieu commande à l'hom-
me, imu de se détruire lentement, mais de
se conserver; ainsi où la superstition com-
mence, la religion finit. Foj/. MoRTlFlCATlo^.
Lorsque nos incrédules ont décidé que le
culte divin doit être réglé par la raison, ils
ont supposé sans doute que la raison n'est
jamais obscurcie ni égarée par les passions;
mal heureusement l'expérience prouve qu'elle
l'a été dans tous les temps. Janiais il n'y eut
de peuple plus supersliCieux que les Grecs et
les Romains , c'étaient cependant ceux diî
tous les hommes qui paraissaient les plus
raisonnables, les mieux policés et les mieux
instruits; elles philosophes, malgré la su-
périorité de leur raison, avaient augmenté
le mal, au lieu d'y remédier. De là même
nous concluons qu'il élait absolument né-
cessaire que Dieu prescrivît lui-même dès le
commen; emenl du monde toutes les prali-
ques du cul'e qui devait lui être rendu, et
qu'il défendît toutes celles qui pouvaient
être une source d'erreurs et de crimes. Sans
Cela l'homme, toujours dominé par les pas-
sions, aurait été superstilieux et non reli-
gieux. Aussi Dieu y avait pourvu. Il enseigna
lui même aux patriarches la manière dont il
voulait être honoré , et les praiiques qu'il
leur prescrivit étaient analogues à l'état
dans lequel le genre hutnain se trouvatt
pour lors. Cet étal avait beaucoup changé
lorsqu'il donna aux Juifs par Moïse une loi
cérémonielle, et celle-ci l'ut de même rela-
tive aux circonstances du temps , des lieux
cl du caract:'re pariiculier de ce peuple.
Knfiii, il a établi par Jésus-Chrisl et par
ses apôlies le culte en esprit et en vérilé ; et
comme celui-ci convi ut à toutes les nations
et à tous les lemps, il doit durer jusqu'à la
consommalion des siècles. Voy. Culte, Ré-
VÉL4TI0N.
C'est donc abuser des termes que de pré-
tendre qu'il y avait de la superstition dans
le culte des patriarches, ou dans celui des
Juifs; il ne peut y avoir rien d'excessif, rien
d'inutile ni de superflu dans ce que Dieu a
prescrit; on ne doit appeler superstitieuses
que les pratiques ((ue Dieu n'a ni comman-
dées ni approuvées, ni par lui-même ni par
ceux qu'il a chargés de déclarer ses volontés
aux hommes. Ces mêmes réflexions suffi-
sent pour démontrer la fausseté d'une autre
imagination des incrédules : ils disent que
toutes les superstitions et les erreurs en fait
de religion sont venues de la fourberie des
imposteurs ou des prétendus inspirés, et de
l'inlérél des prêtres. U n'y avait point do
prêtres , lorsque le polythéisme el l'idolâtrie
oui commencé, le père de famille él.iil pour
lors le seul minisire de la religion, e! il est
difficile de croire qu'aucun père ait pu avoir
intérêt de tromper ses enfants, à moin»
575 SOP SUP 874
qu'il n'ai! commeiK é par s'aliuser lui-niêtnn. sont roiises lois lorsque Dieu ne les a ni
Dr, 1(> polythéisme et l'idoiâlric ont é(,' la ci>:nm.indps ni approuvés ; or, moiilrez-notis
premiùrc source de tontes les suprrslitions d;ins l'Rcriture sainte que Dieu a commande
possibles. Quand l'Kcrilure sainte ne nous eu ou formellement ;ipprouvé tout ce que pra-
assnrerait p.-is, Sap,c. xiv, v. 27, nous en tiqtiel F^lise romaine.— 7f^/;o»sc. Nonsavons
seiioiis encore convaincus par la nature des déjn satisfait à cette demnndeauxarticli-s Bt-
clmscs et par l'expérience. Lorsque les irn- NÉniCTKiN, Cékémotiie. Exoucismk, LiTi'Rr.iiî,
pos'eurs sont arrivés , le mal était déjà ONCriox , Sacre>ii:\t, etc., et nous avons
fait, il» n'ont eu besoin que de suivre le prouvé que ces rites, taxés de suptrslilioiis
chemin qui avait égaré les liommrs ; plu- parles prnipstants, sont espressément fon-
sieiirs incre.iulesoni encore fait Cft aveu. dés sur l'Ecriture sainte. 2° Nous avons fait
La plu- od euse de toules les sit/;c/-s<(7ions, vnir que les cérémonies qu'ils prétendent
les satrilicos des victimes liumaincs, est VI- avoir été empruntées des païens, ont été
nue de la ven;;eance des <;uerriers et de la consacrées au culte du vrai Dieu, avant que
cruaniédes anthropophages ; la sorcellerie et les païens les eussent profanées par le culte
la maiïie sont mes du désir de se guérir d'une des fausses divinités ; il n'a donc pas été né-
maladie, de se procurer un bien, ou de faire cessairc de les emprunter d'eus. Jésus-
du mal aux antres; la confiance aux son- Christ a t-il fait cet emprunt en instituant
gcs , aux présages, aux aruspices , fut le bapléme et l'eucharistie , en faisant des
l'ellet d'une curiosité elTrénée de conîiaiire exorcistiics , en imposant ses mains sur des
l'avenir; en pailanl de toutes ces pratiques enfants , eu soufflant sur ses apôtres pour
nous en avons montré l'origine. Quand nous leur donner le Saint Esprit ? Ceux-ci ont- ils
parcourrions tout le rituel du paganisme copié le paganisme, eu ordonnant des évé-
ancien et moderne, nous verrions partout les qnes et des préires, en donnant le Sainl-Es-
niémes causes produire les mêmes effets. Les pril par l'imposilinn des mains, en faisant
iniposicurs qui sont survenus ont su profi- d.'s (Giclions sur les malades, en recomman-
ler des passions, de la faiblesse et de la cré- dant les cantiques cl les offrandes? Les pro-
dulité des hommes, pour se donner de la lestants n'ont pas vu que leur reproche re-
répulation, du crédit, des richesses; les uns tombait sur Jé<us-Chrisl et sur les apAires.
se >onl vantés de guérir les maladies, les au- oslieim, qui accuse les pasteurs de l'Eglise
très de connaître l'avenir, ceux-ci de [lou- d'avoir adopté plusieurs rites des p lïens, n'a
voir changer le cours de la naluie et d'en- cité pour garants que des sectaires aussi en-
voyer des iléaux, ceux-là d'avoir les esprits télés que lui, et il est forcé d'avouer que la
ou les démons à leurs ordres : ils sivaieiit plupart ont poussé Irop loin le par.illôlo
que des ignorants, avilies de merveilleux, qu'ils en ont fait; il s'attache à prouver au
étaient très-dispovés à les croire ; mais ils contraire que les défenseurs du paganisme ,
n'ont pas été les auteurs de la crédulité po- les éclectiques du quatrième siècle, ont co-
pulaire. pié plusieurs pratiques et plusieurs dogmes
Est-il vrai, comme on l'a écrit cent fois , des chrétiens. Disserl. sur l'hisl. ecclés., 1. 1 ,
que les sonveiains ont plus à redouter les p. 230. Rien de plus ridicule que de le voir
elTels de la siipcrslilion el du lanalisme que répéter à chaque siècle dans son Hist. ecclés.
ceux de l'incrédulilé? C'est comme si l'on que les siiperstilions furent angminlées,
disait que les passions des hommes qui onl poussées à l'excès, substituées partout à la
une religion capable de les réprimer sont vraie piété, etc., sans qu'il ail jam lis dai-
plus red.iutables que les passions de ceux gné dire quelles sont ces superstitions nou-
qni n'ont point de frein. Nous fera-l-on com- velles dont on n'avait pas ouï parler dans
prendre ce paradoxe ' Des courtisans sans les siècles précédents. 3° Les protestants
religion pourront ijcut-élre le persuadera nous en imposent quand ils disent qu'un rito
un souverain qui ne réfléchit pas; mais ceux est superstitieu-i lorsque Dieu ne l'a tii rom-
qui onl lu l'histoire n'en conviendront ji- trimidé ni «/(/îrouce, il fallait aj.iuter, jii /îar
mais. A la vérité, ceux qui croient en Dieu lui-m<hne, ni par ceux qu'il a chargés de prcs-
piuvenl couviir leurs passions du manteau crire ses vulontés aujr liommes. Ils supposenl
de la religion; mais ceux qui n'y croient pas que Dieu n'a jamais parlé que pur l'Kcrilnre,
ne manqueront jamais de pr, texte pour pal- que loui ce qui n'est pas écrit dans le Noc-
li' r les leurs : l'intérêt général de riininanilé, veau Testament ne vient ni de Jésus-Chri-i
le 7èlc du bien public, le patriotisme , le ni des apôtres. Nous avons réfuté dix fois ce
maintien des luis, etc., ont été plus souvent faux principe. S'il était vrai, il n'aurait pas été
allègues parles factieux que le zèle du re- besoin qne.lésus-t^hiist promîld'ètre avec les
ligion. Que l'on nous di,e en quel temps les prédicaieurs de son Evangile jdSf/n'r) la cou-
grands de Uome ont fait le plus de mal , si smnmation des siècles, et d'envoyer à ses apô-
ç'a été Ior()u'ils etaienisKpprs^i'neur, ou lors- 1res l'I'^sprit de vcriiépour toujours, in œter-
qu'ils ne croyaient plus ni Dieu, ni enfer, ni niim. Voij. Eciutlre s mnte, EGi-isr , I'hadi-
auire vie. t. on, etc. Nous avons fait voir ailleurs qu'il
Pour avoir un prétexte défaire schisme élail impossible qu'un rit. tKpc'Aff'ieKa;, incon
avec l'Eglise, les prétendus réformateurs ont nudu temps des apôtres, pût être universelle-
soutenu que son culte était supcrslitieux , ment adoplédans toute l'Ejlise et dan toutes
leurs descendants le répètent encore. Sui- les parties du monde chrétien , pendant quo
van; la notion même que vous donnez de la tonte l'Eglise faisait profession de s'en lenii
n(pf»s«i<|y«,nousdiscnl-ils,unrite,unusase, à la doctrine et à la pratique des apôtres
tf7S SUP SUP 67â
Lorsque l'esprit de verlipe et In goût de la taies prêcher l'Evangile à d'autres idolâtres,
nouveauléa saisi une partie do l'Europe, au Aurail-il été possible de leur faire rmbrasser
xvi« siècle, sous le nom de ré formation, il un christianisme purement spéculalif, sans
n'a pas pénétré dans toutes les parties du cuKe et snns cérémonie 7 On sait comment
monde, et il n'a été rien moins qu'uniforme les protestants y ont réussi , lorsqu'ils ont
p;irmi ceux qui s'y sont livrés, i" Supposons voulu établir des missions par rivalité con-
que les pnsicurs et les docteurs de 1 E;;lise Ire l'Eglise romaine? mais ils ont trouvé plus
aient établi en effet dans les piemiers siècles aisé de pervertir des catholiques que de con-
quelques rites que les apôtres n'avaient ni verlir des infi.lèles. Jusqu'à pr sent ils ne
pratiqués, ni commandés, ni approuvés for- nous ont pas l'ail concevoir en quel sens on
mellernent. Nous soutenons que l'Eglise en peut appeler superxiitions des usages pieux
avait le droit dès qu'elle les a jugés néces- destinés à faire oublier les superstitions du
saires. Eile y a été autorisée par l'exemple pa>;auisine. Des comparaisons fausses , des
de Dieu même : |)Ouvail-elle suivre un meil- inter()rétations malignes, des consé<|uenccs
leur modèle? De même que Dieu avait aug- tirées sans fondeiiieni, ne suffi'^enl pas pour
aienlé le rituel des Juifs, à cause des super- changer la nature des choses. Nous verrons
slitions dont ils étaient environnés, et pour ci-apiès si les prolesinnls, en retranchant
lesquels ils n'avaient que trop de penchant, les prétendues superstitions de l'Eglise ca-
Ezeih. , c. XX, v. 7, 20 : ainsi l'i glise fut tlioliiiue, ont su pré^erver leurs prosélytes
obligée, au iV siècle, de rendre son culte des sa/iersa'/ions du paganisme,
plus pompeux, alin d'empêcher l'idolâtrie do Une autre raison de rétablissement de plu-
rcnaître «le ses cendres. Mosheim l'a bien sieurs rites, sur laquelle les protestants fer-
aperçu, et il se sert de ce motif pour excii- ment les yeux , a été la nécessité de pré-
ser l'es Pères de l'Eglise; mais il n'est pas riiiinir les fidèles contre les erreurs des hé-
besoin d'excuse pour ceux qui n'ont fait que reliques. Au mot Céuémonies , nous avons
ce qu'ils devaient faire. Dissert, sur l'hist. fait voir que telle fut évidemment la desti-
eccles., t. 1, p. 231, et c'est une absurdité île nation d'un grand nombre de ces signes ex-
prélendre qu'une conduite aussi sage a été térieurs. Les apôtres auraient-ils blâmé cette
la sonne de toutes les erreurs el de tous les conduite? Par un travers inconcevable, les
abus qu'il plaît aux proiestanls de trouver protesiants prennent pour des sources d'er-
dans l'Ej;li-e catholique. En elTet, au iv' sii'- reurs les leçons destinées à préserver les
de, les philosophesdéfenseursdu paganisme, chrétiens de l'erreur. Aussi en les su'{Vi>ri-
Julien, Jamblique, Plotin, Porphyre, etc., (i- n)iiit ils ont laissé à tous les sectaires la li-
rcnttous leurs efforts pour élayer les restes berté de faire eclore tous les jours de nou-
chancelants de l'idolâtrie, pour en pallier les vêles absurdités.
erreurs cl les usaaes impies, pour les rappro- 5° Comment pourrions-nous contenter les
cher des dogmes et des pratiques du chris- divers ennemis de notre religion? Suivant
tianisme, dont les ptogrès les alarmaient; l'opinion des athées , toute religion quel-
c'est l'opinion de Mosheim. Il lallul donc conclue est superstilicune et absurde, il n'en
multiplier les leçons, les précautions, les ri- faut autune ; si nous écoulons les déistes,
tes, pourirémunir les fidèles récemment croire aux révélaiions est une sa/jersti/ion ,•
Conve^lis contre le piège qui leur était temlu; loulc autre religion que la religion natu-
iiiais il ne s'ensuit pas que ce qui fui prul;- relie est fabuleuse; les sociniens et les pro-
qué pour lors était absolument inouï dans lestants qui admettent une religion révélée,
les .siècles précédenls , ou était contraire sont des raisonneurs pusllanimes qui n'ont
à ce que les apôtres avaient prescrit. Au v pas osé pousser les conséquences de leurs
siècle les barbares du nord,(|ui se répandi- principes jusqu'oii elles devaient aller. Les
renl dans tout rOccident , y rapportèrent sociniens et les calvinistes soutiennent que
toutes les erreurs el 1. s superstitions d'un les luthériens el les anglicans ont retenu
paganisme grossier; ou comprit que l'on une pjilie des «MjOfrs/(<io/i« de l'Eglise ro-
avail besoin des mêmes préservatifs desquels maine. Tous se réunissent à enseigner que
on avait usé contre l'idolâtrie des (Irecs et le culle des saints, des images, des reliques,
des Romains; il lallut accoutumer les bar- de l'eucbarislie, est sa/;er««i/ieax, el un reste
tares convertis à des usages pieux et iiino- de pagani-nie. Nous avons prouvé le con-
cents, pourtour faire quitter absolument traire en son lieu ; mais nous sommes fon-
leurs coutumes absurdes et impies. A la fin dés à leur dire que c'est leur propre culle
du vi% les missionnaires envoyés dans le qui est super, titieux, puisqu'ils en ont été
Nord se trouvèrent encore dans le même les seuls arbitres , el que chaque secte pro-
cas , el leurs Iravaus apostoliques furent testante l'a régie , augcnenlé ou diminué
continués dans les siècles suivants. Au xii^ suivant son caprice.
el au xiii', on fut obli.é de défendre les ce- Ils nous reprochent qu'il y a cependant
rémonies de l'Eglise contre les attaques des parmi nous , du moins parmi le peuple, un
albigeois, des vaudois, des henriciens, elc. ; très grand nombre de superstitions païen-
il n'esl pas furl honorable aux protestants nés; ils le prouvenl par les traités mêmes
de répéter les clameurs de tous <:es sectaires qui ont été composés contre ces absurdités
ignorants el fanatiques Au commencement par des théologiens cailioliques, par J.-B.
0.U XV ", iuimédi Uemenl avant la naissance Thiers, par le P. Leirun et par d autres ; ce
de la prétendue réiorme , les missionnaires désordre, disenl-ils, ne peut venir que du
allèrent eu Amérique et daus les Indes orien<- défaut d'iustructiou de la part des pasteurs ,
577
SUP
SUR
S78
pt los philosophes incrédules en concluent
ijiic la pliilosipliie , ou la connaissame de
la iialure, csl le seul remède capable de gué-
rir celle maladie populaire.
Nous répondons d'ahord que le'* mêmes
Ir.iilés (;ni nous inslruisenl des dilTerenles
espèces d<^ superslitions qui ont régné par-
mi le peuple, nous rapportent aussi les I lis,
les décrets des conciles et les statuts syno-
daux des évè()ues qui ont condamné tous
ces abus , le irès-grand nombre de ces ab-
surdités ne sont plus connues aujourd'hui
que par les lois qui les ont proscrites. Com-
ment donc peut-on les attribuer à la négli-
gence des pasteurs? En second lieu, ce re-
proche prouve que les censeurs des prêtres
manquent absolument d'expérience et rai-
sonnent au hasard. Kn général, les igno-
rants sont opiniâtres ; ils n'écoutent m les
raisonneoients ni les faits qui conlrcdisenl
leurs erreurs, ils tiennent aveuglément aux
préjugés do l'enfance. Le-, fables i)opiilaires,
les contes de >ieilles, font plus <rinipres-
siou sur eux que les leçons des pasteurs ,
parce qu ils sont plus analogues à leurs
idées , parce que ceux qui 1rs débitent le
font d'un air imposant et peisu idé, et jurent
queli)uefois qu'ils ont vu ce qu'ils ont rc\é,
et parce que la crédulité vient ordinaire-
ment de la peur : or la peur ne raisonne
point , et les arguments ne la guérissent
pas. Plusieurs pasteurs ont essuyé des ava-
nies et une espèce de [icrséiMiiion , p:irce
qu'ils ne voulaient pas se prêter aux folies
idées de leurs ouailles. Us n'en son! pas moins
obligés d'inslriiirr, d'exhorter, de reprendre
à temps et i) contre- timpx, avec toute Ut pa-
tience et l'assiduilé | ossib!es : saint Paul le
leur ordonne, lin troisième lieu, les minis-
tres protestants , qui se flattent d'instruire
leurs prosélytes avec tant d'exaciiiude et
d'érudition , sont-ils venus à bout d'exiir|)er
parmi eux toutes les siipirstilions païennes?
Au lieu de croire aux prières, aux liénéilic-
tions , aus cérémonies de l'Eglise romaine ,
ils croient comme autrefois aux devins, aux
sorciers, à la magie, aux prophètes (|ui les
bercent de folles espérances, il y a des su-
perstitions populaires en Angleterre, il y en
a chez les prolestants d'Allemagne ; Hayle
prouve par plusieurs exemples ipie les cal-
vinistes, ;iussi bien que les luthériens, ont
retenu la superstition des présag. s, Pensées
diverses sur la comète, § 93, OEuvres, t. III,
p. 62. Un déiste, témoin oculaire, a écrit que
les habitants du pays de Vaud, tous calvi-
nistes, sont Irits- superstitieux ; les monta-
gnards le sont encore davaniage : ceux du
canton de lierne , voisins de (Irindehvald ,
emploient un sorlilége pour faire reculer les
glaces. Ne sait-on pas que les athées anciens
ei niodernis, qui ne croyaient point en Dieu,
croyaient à la magie? En quatrième lieu,
les conversions opérées parmi nous par la
philosophie ne nous paraissent pas indubi-
lâbles; ,i la vérité, on ne croit plus guère
aux revenanisni aux sorciers, maison croit
fermement aux prodiges de physique , au
uiagnétisme animal, au somnambulisme, etc.
Le peuple a droit de rire à son tour des fo-
lies philosophiques du siècle des lumières.
D'ailleurs , le peuple n'est point fait pour
être physicien ni natuialisie; malgié les
progrès immenses de la physi^|ue dans nos
académies, il ne paraît pas que les habitants
des Pyrénées, des Céveiines, des br lyères du
IJerry, des Alpes , des Vosges et du Jura,
soient plus habiles en fait de naturalisme
qu'ils ne l'étaient il y a un siècle.
Enfin , un incrédule même est convenu
qu'il y a des superst lions ou des croyances
populaires qu'il serait dangereux de vouloir
détruire; il est d'avis qu il faut les tolérer
lor squ'elles sont innocentes , qu'elles ne nui-
sent ni a la pureté des mœurs ni a la irin-
qtiillitL- pubii(iue , ajoutons ni à l'imégrité
de lu foi ; à plus forte raison -i elles contri-
buent à ces divers avantages, et nous sont •-
nous qu'alors ce ne sont plus des supersti-
tions. Il dit que la superstition est à la reli-
gion ce que l'astrologie est à l'asironomic- ,
une fille très- folle d'une mère très-sage;
mais il se trompe encore dans cette geoea-
loifie ; nous avons fait voir, et d'autres l'ont
observé avant nous, que la supirstition est
venue beaucoup plus de la crainte des maux
de la vie présente que de ceux de la v e à
>enir, et de la médecine plutôt (jne de 1 1 re-
ligion. L'on peut prédire que tant qu'il y
aura sur la lerre des malheureux impatients
de \oic linir leurs peines, il y aura des es-
pii;s faibles, crédules et supi-rs'iiieux. La re-
ligion, qui nous inspire la patience et sou-
tient notre cour ige par l'espérance , est le
seul remède efficace contre ceile maladie.
SUPl>LlCE5 UES MAin'YllS. Voi/. AIar-
TYKS.
SUPRALAPSAIUES. Voij. Infralapsaires.
SLIŒUOUA I ION. Voij. OEijvres.
SI ilNArUUEL, selon la force du terme,
signilij ce qui est au-dessus de la nature;
mais le mot de nature se prend en plusieurs
sens dilTerents, comme nous lavons oliservé
dans son Heu. Il parait ()ue surnaturel se
dit relativement à trois objets : 1° a noscon-
n.iissauces; 2' a nos forces pliysiq les et mo-
rales ; 3" a notre dernière lin. Gonsequeui-
ment nous disons que la révélation est une
lumière surnaturelle , parce ([u'elle nous
donne des connaissances et nous enseigne
des vérités auxquelles les hommes ne se-
raient jamais parvenus par leurs réllexlons.
Nous le voyons par l'exemple des peu, des
qui n'ont pas eu le secours de celte lumière,
ou qui, après l'avoir reçue, I ont laissé étein-
dre; par l'exemple même des pnilosoplies ou
dos hommes i]ui avaient cultivé leur rais >n
avec le plus de Si>in. Un miracle est une
opération surnaturelle, parce qu'il est au-
dessus des forces humaines. La béatitude
que nous espérons est surnaturelle , soit
parce que Dieu aurait pu d'abord destiner
l'homme à un bonheur moins parfait, soit
parce que nous en étions déchus par le pé-
ché d'Adam, et que le pouvoir, les moyens
et l'espérance d'y parvenir nous ont clé ren-
dus par la rédemption.
Le secours de la grâce aclaelie que Dieu
sn suft
nous donno pour faire de bonnes œuvres est
surnninrel il;ms ces trois sens : c'est une lu-
mière <iMns l'enlenJement, que nous n'au-
rions pas (le nous-mêmes, qui nous montre
des inolifs que la raison seule ne sug^èie
point; c'est un mouvement dans la volonté
qui nous rend les forces perdues parle pé-
ché, et supérieures à celles du libre arbitre;
ceserours ne nous est point dû en veclu de
la création : il est le prix, des mérites de Jé-
sns-l'Jiri-t, enfin il nous fait agir pour ga-
(jner un bonheur éternel. Les actions faites
Dîir ce secours sont par conséquent des œu-
vres surnnlitrellei. il en est de même de la
grâce sanrtifianlp, des vertus infuses, des
dons du Saint-Esprit, etc. La foi est donc
une vertu sumnlurelle, puisqu'elle suppose
non-seulement la révélation, mais une grâce
actuelle intérieure qui nous dispose à croire;
elle nous lait envisager une béatitude sur-
nahuelle à laquelle nous devons aspirer.
L'espérance, la charité et les autres vertus
chrétiennes sont de même e«p^ce; il en est
plusiours dont les païens n'ont pas seule-
ment eu l'idée, et qui leur semblaient des
défauts.
Tout ce qui est miraculeux est surnatitrel,
mais tout ce qui est surnaturel n'est pas mi-
raculeux ; la jnslification du pécheur est un
effet swniitirel de la grâce, mais ce n'est
pas un miriide, parce qu'elle se fait suivant
l'ordre commun et journalier de la provi-
dence. Dans 11 conduite de cette Providence
divine nous distinguons l'ordre naturel éia-
l)li par la création, el qui n'a aucun rapport
direct à notre dernière 6n, et I o'dre surna-
tureL c'est-à-dire les desseins de Dieu el les
niojens par lesquels il conduit bjs boiomcs
au salut éternel ; celui-ci est une suite de la
rédemiition. Le mot swr«afure/ ne se trouve
point dans l'Ecriture sainte, mais nous j en
voyons ie sens; ce qui ne vient point de la
chair et du sang, ce qui n'est point do
l'homme ni selon l'homme, ce qui est grâce,
ce qui vient de Dieu et de Jésus-Christ, etc.,
est la même chose que surnaturel. Yoy. Na-
TiRi; et Etat de Nature (1)
(1) Ily a pende qnesiimis qui aient éié l'objet
(l'aïuques pins vives ipio le surnaiiiiel. Dans ses
savantes conlérences laites dans la chaire de Nolre-
banie, M. de Kavigiian en a fait l'ohjel d'un de ses
entreliens. Aux nioisGiiACE, Oiuginei, (péi;lié), nous
en avons cilé ce qui concerne ces points, nous al-
lons rapiuiler ici ce qui a rappoilau snrnalnrel |iro-
premenl dit. « On sent inévilabli'nicnt que l'iioninic
à liesoin de -olnliuns supérieures à sa n uure el à sa
ruisoii. La pliilosopliic, la science, ont clicrclié,
clierclirnl encore à cette heure, el n'ont trouvé,
apiè six nulle ans, que le désespoir ou li; doute sur
les laits iiiiéi leurs de la conscience, sur les rapports
de l'àme avec Oieu, sur la lin dernière ; on ne vent
pas il la laible^se impuissante de la raison joindie la
foi nécessiiiii' el révélée, qni seule a tout résolu el
loul coniplélé. I^e désordre étrange du momie mo-
ral el tin cœur de l'honnne, les fails étranges aussi
qui se seul prisses à la naissance du cliristianisiuu
pour réyériiTcr riiumanilé, uiontreul évideminent
ie liesold et la présence au-dedans de nous d'une
action divine surimlurflle; on ne veut (|iie la nature,
Cl avec elle ou s'onlonce dans d'épaisses ténèbres el
SUR
SSfi
URPLIS. Voy. Habits sacrés ou Saceh
DOTAUX.
SUSPENSE, censure ou sentence par la
(Uns un enroyible (lians. La religion calltolique
s>'iilc éclaire, coordonne, complète paisildenient
l'iiomine, insoluble el inconiplcl saris elle ; or ce ré-
sultat n'est dû qu'à la foi incine du surnaiurel.
Voilà poiiriuoi nous en parlons. >
Le grand orateur s'allaclie à donner une notion
du snrnilurel. àdétniiieles préjnsés conlre le sur-
naturel ; à l'aire connaitre la destinée snrnaliirclle
de riKuniiie el à développer l'éconouiie de l'ordre
surnaturel. Nous allons suivre M. dn RaviL'iiaii ''aiis
les positions de cliacun de ces points. ■ 1. Smion
du surnnlurel. Le iialnrel, c'est 11 propriété esscn-
lielle el nécessaire d'une nalure créée ou possible,
on bien ce qui eu découle imuiédaieineot ; ce qui,
p:ir conséipietit, lui appaiiieni, !ui estdù pourcnns-
l tuer sou eue vrai, primitif et oniier. Ce que nous
appe.loiis ainsi naturel, isl opposé au surnaturel dont
nous allons nous occuper.
( Le surnaiurel, c'e^i ce qui dépasse les forces et
les condiiions de toutes \e< natures créées nu même
possibles ; car une naiure sumalurclle, on le conçoit,
rénngnerail dans les tenues; e,i Dieu, iioii pas en
lui-niême sans donie, mais par rapiiori à tomes les
créatures, (leui seul êlre nonnué l'Elre subslanliel-
leinent surnaturel, comme l'écile le nomma quelque-
fois, parce que seul il dépasse inlinimcnt tmites les
nalures créées ou pos ihles. Telle est donc la uoiicui
première du surnaturel qu'une saine pliilO'-o|)liii»
doit admettre. Klle doit voir, en elT l, ipie imlle
puissanee ne saurait encliainer la liliéralile divine,
ou déle idre de verser sur sa eréalure des dons sur-
abondants que la nature n'avait nul droit de réd.v
nier. Mais celle noiim pbdosopbiijiie .seii'e esl in-
coiiiplèie et né.; itive ; elle s'ariêle à la surface des
nalures créées on possibles; l'existence intime du sur-
naiurel lui deiiieiire Inconnue. La snence de la foi,
la théologie, |ieiil seule nous dévoiler smi existence.
Qu'esi-ce donc que le siirnalnrel, d'après la notion
lliéoogiqiie'? Cet 1°, comme la ihilosopliie elle-
même renseigne, celle valeur siiiénii ente qui dé-
passe les forces ei les exigences quelromines do loii-
les les natures créées ou possibles ; c'est de plus une
relation spéciale avec Dieu ecinme aiiienr de la
grâce e' de la gloire ; relation qui coiisi>ie dans une
ceriaine union inliine et inerveilleuse avec Dieu tel
qu'il es' en lui-même, et non pas tel seuleuieni (|ue
nous |)iuivoiis le eimnaîire par la raison naunelle.
Celte union avec Dieu a i onr effet ilernier, suivant
la loi, d'el vei et de perfectionner excellemment,
an-de-sus de sa nal :re , les làcullés de la nature
ralsonuahie eu la béaiifiani ; uninti consoniinée et
parfaite dans la vis ou iuluilive après la vie; union
commcneée, quoique vraie el réelle, dans les dons
de la giàec départis à l'homme ici-has. i
Ces notions précises du surnaiurel répomlenl
déjà aux principales ohjeciions élevées coiilre cet
ordre de connaissances.
I Déjà ne suis-je pas en dioil de demander si
l'on a toujours eu soin de bien coiinaîlie ce qu'on
voulait comhattre; si, en repoussant le surnaiurel,
on s'adressait à sa notion précise, à celle relation
inlinie de l'âiue avec l'être même divin '! Que do
fois encore parmi nous on outrage ce qu'on ignore,
elcomhien de piéjiigés et d'erreurs acciétlilés coniic
la loi par l'ignorance el les plus fausses préoccu-
pations! Il y a aussi je ne sais quel dédain el quel
dégoût injurieux qui s'allaclie à la science positive
cl ibéologi<|UC du chrisiianisine. Kl pourquoi donc?
Crain Irait-on, en éiudiant la fol dans ses sources
augustes et vénérables, de poser des bornes trop
élroilcs à l'élau de l'invesligatioii el du génie? Li
c'est la foi toute seule qui ouvre les champs du sur-
naturel et du possible au delà de toutes les lliniies
SSI
SUR
SUR
'M
qiu'lie un clerc est privé ou pour un temps
ou pour toujours, di' l'exerciie dos ordres,
des fruits de son bénéfice et des tondions de
lie la iiaiiiie. C'est avec la Inniièie &eiile de la foi
que nous parcoiiri lis J'uii pas fi'imt! el sur le* mon-
des iiivisililes, qne lions s( riit'iis lont, iin'iiie les
prolonileiirs de Ueii. Cmi la loi scii'e i|iii nons fait
aspirera lu vision de Dieu tel ipi'il est en lui-iiièiiie.
Je l'avotieiai avec fiiinrliise : l;i pliilosoplile sans la
foi, fûi-elle j'iinle aux dmis li-s pins précieux de la
seience ei dn génie, n'est pour ni»! qu'une lerie
liasse, obscure, froide el siénie; la loi m'élève et
me porlu parmi les splendeurs des (icn)i. Tout alors
est ouvert devant moi, et si je ne puis nusiiier et
coiiipiendre l'inlini, je puis du moins en approcher
sans crainte, en mieux contempler les inelldiles
beautés, et m'éiancer, appuyé sur un guide infail-
lilile, vers les régions de la vérité, de la gloire et de
la perriM'tion divines. >
II. l'réjugés contre le surnaturel. — Premier pré-
juqé , le ^ATUR\LISME nii les iroits he la iiaison.
I Réd isani la qiiesilon ù SiS tcrmi'S les plus simples,
et fidèles à renselgueioenl tcadillounel el commun
des Pères cl des lliéologims ciiilioliques, nous disons
encore co qu'ils oui dit loiijiuirs, liieo av:int Des-
carlcs comme depuis : Une eliose, (|uuii)iie sunia-
tiiri'lle, peut, avec Talde du raisonnement et des
lumières naturelles, devenir évidemment croyable,
par b's miracles, ou p:ir il'aiiirrs moyens seiisildes ;
parce que la crédulité (qui n'est p;is la fui) juovient
don mo\en ou s giie exlérienr qui peiii élie évidem-
ment Il nalniellenieiit connu, t Ce sont les propres
p.iroles de Siianz, dans si>n Traité de la Fui ; elles
leprodoisenl à peu près celles du saint Thumas sur
la iiièine matière, i
Deuxième préjvfié, progrès de l'uuma.nité. c Le pro-
giès adresse à l'Iiiiinaniié son cuHe el ses lioinmages.
L'Iinmanilé serait donc le terme mattiipic. qui tiendrait
lieu dés"riiiais de toute vérilé de lait, de raison et
de foi. On dit : L'Iininaiiité est l'ôire collectif, la vé-
ritable imniorlalité. Klle se reiHuivtlIe, avance tou-
jours, el réalise ainsi progressivement le perfec-
tioiiiieiiientsaiiscessepoiirsuivi.il y a perpétuité,
ideuiiic en liiéiiie icmps que progrés. On ne vent
point qu'il y ait là une expression de panlli: isine :
soit ; in^iis que ser.t-ce donc ? Esi-ce religion, liisloire,
pliiiosoplile ? Au bas de chaque page élaborée par
ces penseurs inalenrontr ux, écrivez : Asserlioii
gratiiile, allégation sans preuve. A chaque parob-,
répondez hardimeiii : Non. Vous avez tout renver.sé
par des raisons au moins égales, je vous assuie ; car
vous n'avez devant vous aucune doctrine tant soit
pcii Idgi |ue, aucun fui appuyé. Qu'est-il besoin de
itpiMidre alors? Nous répondons cependant: Les
faits et la logique sont di imélralemeui opposée à la
théorie du |iru.;rès continu, produit bizarre de cer-
veaux en soullrance et de coeurs niolailes auxquels
je compatis sineèrenient. Dans la langue de l'histoire
y eut-il progrés durant 4000 ans au sein de l'iiiiina-
niio, parles extravagances honteuses du polythéisme
succcdint au iiionulhéisine priuntir ? Y eulil pro-
grès quand il fallut ensevelir, sur queli|iies rares
points du globe, nu reste de croyance à l'unité di-
vine, dans l'ombre de ces mysieres interdits au
Cummuii des boinines et dans l'enseignciiieiit des
pin osophes, s:ins compter encore les coniradielions
aoieies et les aheii allons innombrables de celle iii-
liime ph Insophie? tlut-ee donc progrès? ou plu-
tôt n'était-ce pas la dégradatinn subie jusiju'an lond
de l'abiuie? Comment donc venir de sang-iroid nous
donner le progrés iiidélini coin me la loi universelle
et absolue? Lus mois signilieni-ils le contraire des
choses ? (jiii. Souvent dans ce siècle. Le cbristia-
iiisine lut nu progrès; oh! oui : mais lequel? Ce fut
le renverscineni le plus étrange de toutes les idées,
lie louies les opinions reçues; «e fut le combat le
Son office ou de sa disnilé. Il est Ju bon or-
dre qu'un clerc réfr.ict.iiro aux lois de l'K-
glise ci de ses supérieurs, puisse cire puni
plus acliiirné contre mules les inflMences philnsophi-
ipies non moins que contre Ions les préjigés popu-
laires, contre toutes les tr iditions chéries de j;loire,
de patrie, de famille et de plaisir ; ce fut la folie de
la croix, viclorieiise dans b'S mains des bateliers ga-
lili'cns. Voilà le progrès ilii i liristianisme. »
III La tiestiiiée. de Clinmme est surnalurclle.
« L'homine se sent ciitraine detonle l'éneigie de son
être vers une béaliliide entière que sans ( esse il
poursuit, sans jamais ralleiiidn; ici-bas. Uira-t-oii
(ju'il esleiilr iié vers riiiipnssible, néeessaireinent
el toujours? que c'est une inci iiaiion sans objet, un
besoin sans ri'alisation possible? Mais alors ancniie
raison sulli^auie du pliénoinèiie moral |i: plus ('(i:|.
.staiit, le plus inévitable, qui cala tendanne vers la
biatitnde. Appelé au boolienr souverain et pailait,
l'iioiiime doit pouvoir le posséder; el cependant il
en est privé dès le premier instant el pour toute la
durée de son exislence. Celle destinaiion si lorie et
si puissante, avec le bien souverain pour ivrine né-
cessaire, ne saurait être évidemmenl que l'ieuvre
de riùre même supérieur à tout, pouvant et von-
liiiit comiouniquer à riiomme re bien qui le béi.ilie.
Fiver la destinée liiimaine est certaiiienient l'acte
toiil-piiissanl du niailre ; la réaliser dins son acroui-
pli'Seineiit dernier ne peut non plus être que iVll'et
lie la loiite-piiissance. Mous devons attendre, coin-
baitrc, vaincre conquérir, il est vrai; mais que
ponrrions-iious donc coiii|uérir, si U;eu colin n'a-
vait décrété de nous donner le bien siipiéine et pir-
fait au terme de la cirriere; et ipi'esl-ce que le bien
suprême el parlai , sinon Dieu lui-mêine qui peut
S' ni, en se donnant i\ riiomine, le béailier? Lu
S' rie qu'il ne landrait guère !ogii|iiemeiil d'autre
lireiive el 'o l'exisience de Uieii ei de l'union divine
desl'iue il riiomiiie, que le besoin nécessaire de la
béatitude, tel que notre état pn seul le porte avec
soi. Donc Dieu existe, el riionime esi laii pour Dieu,
pniir être heureux par la coinmimicalion même du
bien divin. Eu vain riiomiiie s'épuiserait il .n clier-
I lier ailleurs (pi'en Dieu seul celle béalitiide par-
fdle ; il lui faut un bien au delà dii(|iiel il n'y en
ail plus d'autre, un bien sans mélange de négation
et de néant, nu bien i|ui ne lais-e pas étei ncllcmi'oi
la canière ouverte à nos vastes désirs. Ce besoin
perpé iiel, ce vide niimense de bonheur, décèle en
riiomnie un être encore incomplet, qui réclame son
pcrfectioiinenieiit ; mais Dieu seul est eu liii-mèiue
la pléiiilude et la periectiou de l'être: donc l'noinme
ne peut recevoir la bé.ililude. peilèclion el plé iiiide
de l'être, que de Dieu seul. Ainsi, nue plidosoplno
loiile hiioiame, qui prétend isoler l'homo.e de Oieu ,
scinde et innide la vérité, tronque el divi-e la na-
ture, présenie nu lait, un membre séparé, oublie
raiigusle ensemble du cliel-d'œuvre de la création
et (les desseins de s mi auteur.
« Le bonheur parfait de Ibomine, sa destinée
véritable, est de voir ineii liii-mêiiie l'ace à la/ e ;
d'èire égal aux anges, qui voient toiijrinrs la lace de
Dieu dans leciil, œqiiiiles aiuielis suiil, Luc. e. xv, v.
56 ; (infjeli seiip.'r videnl jnciem l'alris mei qui in
cœlis est, .Mattli. c. xmii, v. 10; de connai re Dieu
comme nous en sommes connus, lune aulein c^gnos-
cam sicut et cngiitlus sum, I Cor., c xni, v. 12; do
lui devenir si iniiineinenl unis, qne nous lui serons
semblables, que nous serons iileniillés eu quelque
siirle avec lui, en le v yaiit lel qn'il est; similes ei
eriiuus, quoniam vidediiiius ei'in iieuli est, t Joan, c.
III, v. i. Telle est la doctrine de l'E^llse ; telles
Sont les expressions des ap ures et du Sauveur lui-
même ; Voila ce que tout le christianisme croit et
enseigne: voilà ce qu'atteste la tradition de dix-
huit siècles. Fait iuiioense, concert unanime des
885 SUR
parla privation des avanl.iges et des privi-
lèges qu'il a reçus de l'Eglise ellc-riiênift ;
cela esl nécessaire pour le conlenir dans
héro* , des pontifes et des dncienrs rlircliens. —
S:iiiii Iréiiée, a w sicile, disait euii»^ autres ;
( Voir la lumière. cVsl èlie dans la lumière el se
i-eiil r l"iit liéiiélré rie s;i clarlé ; ainsi ceux qui
voieiil U ii'ii son> en ileib s «le D en nicnie el tout
pciié rés (le ses claiiés Iniinies : cet ériat divin est
la vie mè i-e d vine d'un un se remplit en voyant
Dieu, i Saint Anjinsiin, dans sa lelire l4S«, n° 7,
cite les pamles mê nés de saiiii Jérôme el se les ap-
proprie comme celles irnn ami en ces ternies :
< L'Iinmine ne lient V(nr main'enanl Dieu lui-même.
Les anges les plus i-etits dans l'Eglise voient ton-
jours la lace de bien : inainlenaiil mms voymis
dans l'image el dans l'énigme ; mais pnnr lors nous
verrons f.ice :i l'ace, (pianil d'hnmines que nous
éli"iis, iiousseions oevenii> des anges. > Je ne cile
pln^ Mlle le génie si ardeoiiiient uni sons le soleil de
la Grèce à toutes les pensres de la foi et à tontes
les etpéiai'i es dn ciel ; saint Jean-Clirysnslome, s'a-
dressaiil à Tliéodore tmiilté. loi disait. « ^Jue sera-ce.
qnand la vérité même des choses seia présente'?
quand, an milieu de scni palais ouvert, il sera pi-r-
inis de contempler le roi lui même, non pins dans
l'oinlire et dans l'é ignie, mais lace à f.ice; non
plus p<r la loi, mais pai l.i vision el dans la léallié
même'/ Ainsi le^ Pères disliiignaienl-ils pleiiieineiit
l:i vision (I s cieiix de la lumière de la loi ; la réaliié
ma. if. siée an cel, des oinlires de la terre. Nous
cmynns ici-bas, lions venons titi jour ; et tous ces
niois sacrés delà langue lévéïée, passés liilèlenient
dans la traditimi, ont coiisUininieiit inaintenn les e-.-
prils et les cunirs dans la loi el l'espoir d'une inlui-
li Ml fniure el parfaite de l'essence nièine divine.
Aussi l'r.glise, an concile œenméniiiue de Florence,
session :ib, dans le décret d'nnimi avec les Grecs,
a-i-elle fomielleinent di Uni qnaiircs la vie, les
âmes eniièiemeni poriiiées sont à l'insianl re(;ues
au ciel ei voient clairemeiit Hieu inêine, la Trioilé
el riinité. ISeiioil Xll, an mv^ siècle, l'avaii également
deliiii. On l'avait cni lonj.oirs.
I lelle e>t donc la loi invariable de l'Eglise;
riioiuine a p ur desiinée et pour liiidernié e la vi
s;on iiitnitue de bi'iii api es la vie. C. lie destinaiioii
de riioniiiie, celte vision d Uieii réservée an jtisic,
esl sninainielle ; Dieii ne la devait point leile, il l'a
donnée. La naliire ne saniail y parvenir par ses
propres lorces; il faut les secours siirnatmels, il
faut la grâ' e ; mais Dien la promet ci l'olfre .i Ions.
I La vie éiernelle, glace de Dieu, dil saint l'aiil ;
Crutm Oei, vila iiienia, Hom., c. vi, v. 23. » l'aride
répéiée par l'Eglise, dans les conciles et dans les
coiidamnaiions des iiéiésies. Mais ce qui esl conve-
nable a la raison el si posiiivemenl enseigné par la
foi, devient aussi une venté bistonque i|uand ou
émdie aiieniivenieni riioinme liisioiiipie et réel.
I Qu'est ce doue que riiomnie'? Iliie giande cliose,
ré|ioiid un l'éri-, mai/./u res usl liomu : élre nialérel
et spiiiinel, eue du temps et de réternilé, clierebaiit
paitoiii le bon eur, ne le cliercliant plus cependant
sur la leire dans les nionients de force et de di-
giiilé vciiable; le dejiiandaol alors au ciel. Job
paie'itilans l'adversité s'éenait ; « Je sais que mon
li. il(;iiipieur vit ; au dernier jour je nie lèverai du
sein Je la terre... el dans ma eli.iir je veir.il niun
Dieu ; Scio qiiud licitemplor meus iiu!', et in ni'Vis-
iiiii) die du terra surriCluriis siint... il m carne inea
viilebo Ocuiii iiieuiii [Jvb, xix, v, '.iîi, -2b). D.ivid et
S.iioiiiOii, aux jours 'le gloiie Cnnnie aii\ jours d'in-
lorutne, appeiaienl de Ions leurs voe;ix le repos de
la palne; s.iiul l'aul, an milieu des Iriomplies ac-
cnimilésde la paiole évaiigélupie, iiti|iliir.>il l'Iieure
de sa délivrance et de sa réunion avec Jésns-Gliiist;
Desideiiitm httbens dissolvi et esse cum Clirislo (J'/ii.'i;).
SUR
S34
son devoir, pour réparer le scandale qu'il
peul avoir doiuio, et pour l'etopôcher de le
continuer; telle a été la discipline de l'E-
I, 23). Saint Etienne, le iireniier des rtianyrs ,
voyait en mourant I s cienx ouverls et le Fils de
I) en deli' ni pour le recevoir à la i.ro le de son
Père; Video cœlos apetoi, ri Filinm liominis slaiiien
a dcxtris Oei {Ad. vu, v. 5.i). Jésns-Glii si en (piit
tant la lerie 'lisait à ses apôtres ; < Je vai^ voui
préparer votre place; Vado parure vobiilocmn (Jouit,
XIV, 2). I Puis se smcèdenl d'innombrables et lidè-
les généiatioiis que la pensée dn ciel enllamniait
de ramoiir des plus liér.'ïqnes vertus et iies plus
brùl mis dés rs d'aiieindre à l'éieriKlIe gloire ; le
martyr la clianlait sur le bûcher coninie le prix
réservé à ses soiilTrances : les lénèbres sacrées
des catacombes préparaenl les premiers cbréiiens
à soutenir l'éc at du dernier jour en les péné-
trant, loin dn iiionile, des impressions dn lélesle
amour. T'Uij lurs les saints vécurenl d'espérances
élerne les, et ils disaient ; Que la terre est vile
quand je regarde le l'iel ! Les pins sages, les plus
veitiienx, les pus calmes, les plus instriiiis parmi
les lioniines aspirèrent an ciel et à la possession de
Dieu. Fait iinmense, universel, aussi ancien que le
inonde, el dont les pai liarclies furent les léiiiO'iis ,
ils ne parlaient que de leur pèlerinage, dies peregri-
tiationis meif ; faii que les traditions des p "êtes ont
el e^•lllêlnes conservé ; fait que, nous retrouvons
par ont où appiiail la vertu, fait ipii est le fond
même de noire aine, car nous soutenons que noire
âme a reçu avec la connaissance de Dieu le désir et
le besoin de Dieu, el celle faculté d ms nous s'é-
tend el s'élève uar la grâce jusiin'à la vue de l'in-
liiii.
« Qu'exprime donc ce fait, qui tient une si gr.inde
place dans l'iiistoire de l'hoinnie, sinon eu ore sa
deslinaiion unique el dernière, divine et suriialu-
relle, la gloire ei la vision des cienx'? »
IV. Economie de l'ordre surnaturel, t Une doii'etir
sinière et prolonde se renouvelle au lonJ de l'âine
du cbrétieii, lorsque, recueilli dans sa pensée, il
con-idère la position que se foni elles-mêmes de
nobles iiitell geiices à l'égard de l'éiat surna-
liirel et révélé de rhonime. D.ins cetie classe d'es-
pnls à plaimlre, on s'est dépouiilé (leu à peu des
inclinations Je la fn première, el on est arrivé à ne
plus giièr.: legarder comme exislaiil que ce qui
irapiie le^ sens, ou paraît dit moins rentrer dans
les appréciaiions naitirellfs et arliilraires d'une
r non pré eiidue, Tiop souvent on commence par
s'ali.imloniier aux désirs et aux jouissances de la
vie piéienie; ou accepte et on suit les inipnlsioiis
de la nature ; de là un naiuralnme pratique : on iia
sait plus lever les yeux en liant. Le naliiralisnie spé-
culatif vient ens'iite. Il est a'Inii^ d avance qu'il nf,
peul se passer rien que de naturel el de compris
dans rhonime. Fort légéremenl p"ur ronlinaire el
avec nu dédain lacile , on él 'igiie de soi toute
croyance à un ordre surnalnrel ; ou rejette loule
pensée d'une dispensation et d'une bonté 'luine, qui
dès l'origine aurait destiné l'iK'iiiiiie à la participa-
tion surbuinaine de l'iiiiuiti'in béaiili'iuc, el qui
l'auraii reieve déchu.
I GepenJaiit des éludes conscion;ieuses, entre-
prises ue nos jours, avec l'amonr de la vériié, el
souvent sans aucun dessein Je jnstitier la loi, nous
ont montré dans les traditions aniiipns de l'un et
de l'autre liéniiS|dière des traces é\ideiiles de
croyaiii ei priiniiives sur l'.'tal heureux d'innocence
originelle, el sur la tliite ijui commença la cbaiiie
funeste des riaux de l'humanité, et iiiéine sur la ré-
paraiion i|iti devait suivre. Ges explorations diver-
ses, poussées avec un courage persévérant, ont mis
en (pieique sorie à la portée et dans les mains do
tout le muiiile les mumiinenls religieux des anciens
S8S
SUR
SUR
r;8c
glise dès les pretoiers siècles. Dans les dé-
crets que l'on appelle canons des apôtres, qui
onl été faits par les conciles du tr et du iii°
peuples. Chacun pcul les lire ; il serait fastidieux
(le les éniiniérer ici. A moins de fermer les yeux à
In luuiière du jour, ou ne peut nier les iraiis frap-
pants de rcssemhlaiice, ou plutôt d'ideniiié, entre
cerlaiiis dogmes callioIi(|nes et les points saillants de
CCS traditions primitives et universelles des peuples :
c'est que la source en fut la même.
< Or, pour tout esprit sérieux, il y a ici un Rrave
objet (le rédexions. Parmi les hommes, suivant tontes
les lois nior.iles, et d:ins cette inlinie varicté de
mœurs, de coiiimiies, d'institutions, de temps, de
lieux, de croyances, de religions et de préjng(!s qui
distinguent les nations, il n'y a que deux causes pos-
sibles d'un conscntetncut commun du genre humain:
la v(;ril(Mles faits sur lesquels on s'accorde, s'il s'a-
git de laits ; ou l'irrifragalile existence des premiers
principes et de leurs conscSquences essentielles, vi-
vantes comme eux dans la nature même de l'intel-
ligence humaine. Des faits certains, ou des vériiés
essentielles, voilà les seules sources de l'iiniié dans
les jugemenis communs de tons les hommes. C'est
un édiliee qui ne peut avoi' d'antre base.
€ Toutes les fois que l'iniiié se lenconlre dans
les traditions, dans les jugements d(; l'humaniKi
tout entii-re, on ne peut y voir le fruit de l'erienr :
l'erreur n'engendra jamais que la varit;t(5. « Quod est
apitd dmiies tinum, disait Tertullicn, n(jn est invenlum,
scd irnditum. Or, quels peuples, (|uelles générations,
:iu milieu de ces fables si diverses qu'ils se plaidaient
h créer sans cesse pour embellir le berceau de leur
religion et de leur histoire, n'ont iiKÎlé leurs voix ;iu
concert unanime du genre humain pour C(il(^brer
l'innocence et le bonheur des premiers jours du
monde naissant, et déplorer la faute du père des hom-
mes qui ouvritia carritl'reà tous les crimes cl h toutes
les douleurs? Les tradiiious religieuses des peuples
antiques, mieux connues de nos jours, grâce aux in-
fatigables travaux de la science, ont achevé de dis-
siper tous les doutes. Dt'jà, de leur temps, Ploton
et Diodore de Sicile l'atiesiaient comme recnnnu chez
les Egyptiens; Plntarque, chez les Perses; Sirabon,
dans i'Iude. Quant aux Grecs et aux Bomains, leurs
pliiloso|ilics, leurs aiinalisies et leurs pnëles nous
l'ont redit mille fois; et les voyageurs les pins ac-
crédités des temps modernes S(nit venus joindre aux
témoignages anciens les traditions des races récem-
ment connues. Soiil-ce là des symboles et des my-
thes? Un symbole universel exprime nécessairement
la vérité. Le sacrilice universellement admis est de
ce genre, si on le eonsidèie comme un simple signe ;
car le sacrifice est bien un cidte réel aussi de dépen-
dance et d'immolation entière à l'égard de Dieu.
Sont-ce des fictions poétiques enfantées par l'amour
du merveilleux? Un merveilleux partout et coii-
stainincnt le même ne peut être que vériié. Dt puis
cette première idée d'un étal snrnainrel, comment
serait-elle entrée dans le domaine de nos connais-
sances? Placée an-dessus de l'IiDinme qui de lui-
même ne pouvait l'atteindre, elle a du nous être
d()niiée par Dieu, et cette origine seule possible de
l'état suriialurel en prouve la réalité primitive.
« Mais c'est surtout an sein des traditions calho-
li(|nes elles-mêmes et sous l'égide tulélaire de \'l\-
glise qu'il faut chercher la vérité. Là se manifeste
dans iiiute sa majesté l'admirable économie des
desseins de Die» sur riiomme ; là se retrouvent les
phases diverses de l'état suriialurel, le dog:ne pré-
cis sur l'intégrité, la chute et la réparation, dont
nous allons enlin esquisser le tableau fidèlement
catholique.
I L'homme primiiif. Par la grâce sanciilianle, di-
gnité première SHrnaliirelIe de son âme, l'hoinme
était l'ami, renfani de Dieu, établi dans la justice
DlCT. BE ïnÉOL. D0G11AT1(,>UE. IV,
- siècle, la mapense est exprimée par lo mot
segregnre, qui sipnilie séparer ou écarter, et
un clerc pouvait l'encourir par une faute
et la sainteté, comme s'exprime le concile de Trente
après saint Paul. Pour ses œuvres, ses pensées et
ses désirs, la coopération divine la plu? douce el la
pins poissante lui était préparée ; et, diins tout son
être, privilège à jamais regreitable, le bien!àil divin
maintenail mic p:irr;iite sonmissicm de la chair et
des sens à l'espnl, de la raison el du cœur à la grâce.
Ni l'ignorance, ni la concupiscence ne venaieiu ja-
mais altérer cet ordre inlérieur et admirable. Tel
était, quant à l'âme, autant que nous le savons par
la révi'lation, l'éiai surnaturel de justice originelle.
Alors donc rintelligence, éclairée des plus vives lu-
mières et unie pleinement à l'inielligeiice divine,
étiiii pour l'homme le guide sûr et la science lou»
jours acquise. Alors les passions du C(eur ne lui ao-
porlaient ni trouble, ni obscurité. Ce cœur entiè-
rement droit et pur étaii établi, fixé eu DiiMi.pour se
complaire en Dieu seul, et pour l'aimer lui seul.
Au dehors sur tonte la nalnre, comme au dedai:s
siir lui-même, par le glorieux privilège de l'état
d'innocence, l'homme exerçait un souverain empire.
Dieu l'avait établi roi de l'univers : tous les ani-
maux obéissaient à sa parole, et reconnaissaient en
lui le maître qui les avait vus amenés â ses pieds
pour leur imposer des noms. Prodiguant à la nature
les prérogatives et les grâces qui ne lui étaient dues
à aneun litre, le Créateur avait eue )ie alïranclii
riiomme du pouvoir naturel de la mon et de la loi
d'une dissolutiiin à venir. Lecorps était pour jamais,
si riiomme l'avait voulu, associé à li vie, à l'immor-
taliié de l'âme, et leur union ne devait être ni l'oc-
easion ni la cause de déplaisirs ou de douleurs. Alors
aussi tons nos maux étaient inconnus : nulle souf-
france, nulle maladie, nulle crainte; mais seulement
commençait une vie de paix, d'espérmice, de bon-
heur et d'amour, ([iii devait bientùt se consommer
dans l'éternelle et iniime pariicipation de la béatitude
même divine. Voilà, du moins en partie, ce que nos
saintes Ecritures et les traditions catholiques nous
apprenneiit sur le premier âge de riiomine, sur cet
heureux ('tal de justice originelle dans lequel Dieu
l'avait établi en le créant, et dont les traces les plus
ineoniestables se retrouvent parmi les religions an-
tiques de l'un el de l'autre hémisphère.
< L homme déchu. Quelle dégradation l'homme a
subie 1 et i|u'il en va bien anirenieut p inr nous ! Mais
il faut concevoir que loule l'essence de la nalnre de-
meurait avec ses propiiéiés consiiuitives sius cette
transformation surnaturelle primitive. La destina-
tion finale, la grâce sanctifiante, la parfaite soumis-
sion des sens, en nn mol, tout cet étal admirable
de justice originelle, avec le don d'imiunrtaliié et
d'impassibilité pour le corps même, claieul autant
de richesses ajoutées libremenl à la nature humaine
par la munificence divine, richesses ijui pouvaient
être par conséquent reliancbées sans i|U(! riiomme
naturel, quoii|iic puni el dégradé, snnllrit d'alieinle
ni d'altéraiioii propreniont essen;ielle. Or, c'est pré-
cisément là l'idée exacte à se former des effets de la
chute originelle en l'homme : il fut dépouillé, sni-
vanl l'arrêt divin, de luus les dons surnaturels, privé
par sa faute de l'éniinenie et du bonheur de sa di-
gnité première, marqué d'un signe héréditaire de
dédié mce. La nature lui resta seule, pauvre, dé-
nuée, laborieuse, mais entière, à proprement parler,
dans ses facultés et dans sa c.instiiniiou essentielle,
ce qu'il ne ne faut point oublier, quand ou veut sai-
ncmi'nt apprécier l'état de l'homnii; déchu par le
péché originel.
I Quelle différence CNiste donc entre l'état dij
simplenature et celui de rbommedéchu parle péché
originel? La môme qui distingue celui qui était im
de celui qu'on a dépouillé, répond le cardinal Bel-
19
881
SUS
SUS
SS8
Irès-légère, par exemple, pour s'être moqué
d'un estropié, d'un sonrd ou d'un aveugle,
('an. 49, «'• S8, etc. La suspense perpétuelle
était nommée déposition ou dégradation, et
alors un clerc était censé réduit à l'étal de
simple laïque. Celte peine avait aussi diiïé-
rents degrés ; quelquefois on privait seule-
ment un clerc pour qui'lque temps des dis-
tributions manuelles qui se faisaient pour
fournir aux ecclésiastiques leur subsist.mce,
et que l'on appelait divisio mensurna ; d'au-
tres Ibis on lui interdisait seulement l'exer-
cice d'une fonction particulière, sans lui
ôter les autres ; si le cas était plus grave, on
le privait de toute fonction. Enfin, lorsqu'il
était coupable d'un crime, on le déposait ;
on l'obligeait à la pénitence publique, et s'il
n'y avait point d'espérance de correciion,
l'on prononçait contre lui l'excomniuaici-
tion. Cett'! discipline sévère conserva pen-
dant longtemps une régularité exemplaire
dans le clergé ; mais les révolutions qui ar-
rivèrent au V siècle et dans les suivants
la rendiren! bientôt impraticable. Bingham,
Orig. ecclesiasl., 1. xvii, c. 1, t. Vlll, p. 1
et suiv.
SUSPENSE (1) {Droit canonique) est une
Jarniiii ; et c'est de la iierie seule des dons surna-
turels dépailis iiu père du genre liumain que dérive
la triste corruption de noire nature ; ex sola doni su-
pcriittturalis ob Adœ peccatum amissione profluxit.
Ti:llft esi la dnclrine des Pères, l'enseignement des
llRologiens, le dogme de l'Eglise universelle. La
voilà donc celle redoutable ilnclrine sur les effets du
pérlié origiiiel : quand onTaitaiiue, quand on la mau-
dit avec tant de violenic et île mépris quelquefois,
la connaît-on? Dieu n'a fait que retirer à l'homme
des (Ions qu'il lui avail prodigués dans l'origine,
mais qu'il ne lui devait pas. Ces dons, l'enfant qui
nieurl prive delà gràre du baptême ne les possé-
dera jamais ; mais rien dans le dogme catholique
nedélinit qu'il doive subir d'autre peine éternelle (pje
le manque négatif de la vision intuitive surnalureilc,
sans douleur sentie. Telle est, en propres termes,
l'enseignement de saint Thomas et de saint Augustin.
Le dogme demeure assurément tout entier, et avec
lui un grand mystère, j'en conviens. Oui, nous nais-
sons pécheurs; oui, dans notre premier père, nous
avons tous péché.
4 L'homme réparé. A cette connaissance du bonheur
primitif et de la déchéance du genre humain trans-
mise d'âge en âge par les traditions antiques, la loi
catholique ajoute le dogme de la réparation divine
de riiomine par le sang de Jésus-Christ.
( Coupuble.-i par la désobéinsunce d'un seul, dit saint
l'aui, nous sommes justiliés et sauvés par l'obéissance
d'un seul. Le samjice de la croix, ajoute le même
apôtre, a payé notre dette, et des feuves de yrâ e sur-
abondent oit le ciiine avait abondé (liom. v, v. VJ,
20). La grâce sanclifianle a él- rendue à l'homme, cl
il peut, en Jésus-Christ, lendce à la fin surnaturelle,
à la vision intuitive de l'titre divin. Au roi déchu
lin tronc fut re.-tilué, trône conquis par l'effusion
du sang divin ; mais des ennemis utiles lurent laissés
pour combattre et pour vaincre. L'Iiumme relevé,
jiiiissant et libre, dut unir ses efforts à ceux d'un
chef généreux, pour partager avec lui les Irnits de
la \icioire. Maître encore, s'il le vciii, de lui même
et du monde, esclave s'il consent à l'être encore,
l'enfant régénéré d'Adam apparaît sur la terre, comme
le gucn ier tout armé pour le combat est sur de bOn
triomphe en celui qui l'assiste cl le fonilic. >
(1) Cet article, reprùduii d'apiès l'édition deLiéi;e,
censure ecclésiastique par laquelle an clerc
qui a commis quelque faute considérable est
puni par la privation de l'exercice de son
ordre ou de son office, ou de l'adminislra-
tioii do son bénéQce, c'est-à-dire de ce qui
regarde la jouissance ou la perception des
fruits qui y sont attachés, soit en tout ou en
partie, soit pour un temps, soit pour tou-
jours. Cependant lorsque la suspense doit
élre pour toujours, il est plus à propos de
procéder par la déposition. Avant que les
revenus de l'Eglise lus'^eut séparés, et que
les bénéfices fussent érigés en titre, la sus-
pense al) ordine emportait la suspension de
percevoir les fruits qui dépendaient de
l'exercice de l'ordre : ainsi on ignorait cette
distinction de sns'pense a bénéficia.
On distiiigi^ie aujourd'hui trois sortes de
suspenses : celle de l'ordre, celle de l'offlce ,
et celle du bénéfice. La première prive des
fonctions actuelles des ordres que l'on a re-
çus ; la seconde, de l'exercice de la juridic-
tion et de toutes les autres fonctions qui
appartiennent à un clerc, à raison de quel-
que bénéfice ou de quelque charge ecclésias-
tique ; la troisième le prive des fruits, tant
de ceux que l'on appelle gros et dîmes, qae
de ceux qui cotisistent en distribution et en
offrandes, comme aussi des autres avanta-
ges qui sont attachés à ce bénéfice ou à cette
charge. — La suspense est ou totale, ou par-
tielle. Si elle est totale, elle le prive tout à
la fois de l'exercice de son ordre, et de son
office, cl de son bénéfice. La partiellfr, au
contraire, ne prive que de l'exercice de
l'ordre, ou seulement du bénéfice, ou de
l'ordre clérical. Ces deux sortes de suspense*
sont l'une et l'autre une pure peine, parce
qu'elles n'ont pour objet principal que la
punition du crime de celui sur qui elles
tombent. Elle doit être exprimée par le droit,
ou prononcée par le supérieur légitime.
Dans le premier cas, on l'appelle canonis
ou a jure; dans le second, judicis ou ab lio-
mine. Lorsque la suspense est sans addition
ou, comme on dit, sans queue, elle est cen-
sée totale.
Une suspense d'un ordre supérieur, ab or-
dine superiore lanluin , n'a pas d'eUet à
l'égard des ordres inférieurs. Aussi un prê-
tre suspens de la célébration de la messe
peut licitement exercer les fonctions de dia-
cre et de sous-diacre. Tel est l'ancien usage
de l'Eglise, qui, dans plusieurs conciles, ré-
duisait les prêtres, en punition de leurs fau-
tes, aux siiuples exercices des ordres infé-
rieurs. La suspense d'un ordre inférieur a,
au contraire, son effet à l'égard des fonc-
tions de l'ordre supérieur ; de sorte qu'un
ecclésiastique suspens du diaconat ne petit
exercer aucun ordre supérieur; autrement
il encourt l'irrégularité; ce qui est fondé sur
celle règle de droit : oui non licet quod mi-
nus est, nec ei licere débet quod est majiis,
renferme pltisieurs décisions qui sont plus en rap-
port avec notre ancienne ju:i»pruilenre qu'avec la
saine thêiilogie. Voij. noire Dictionnaire de Théo-
logie morale, art. So-rENE.
589
SUS
SUS
«0
surtout lorsqu'il ne peut exnrcor l'ordre su-
périeur sans faire quelque acte iIp l'ordre
inférieur, comme de lire l'Kpîlro ou l'Evan-
gile à la messe, qui sont des fonctions pro-
pres au sous-diaconat et au diaconat.
Polin.Tn pense qu'un prêtre suspens du dia-
conat seuli'inent peut exercer les fondions
do la prêtrise qui n'y (int point de rapport ;
qu'ainsi il peut prêcher, administrer le bap-
tême solennel, la pénitence, la communion
e' l'cxlrênie-onction.
La suspense étant attachée à la personne,
elle suit celui qui l'a encourue, en quelque
diocèse qu'il se retire. Lo concile d'Antioche
menace de peines très-sévères l'évèque qui
permet au suspens d'exercer dans son dio-
cè:ie les fonctions des ordres sur lesquels
porte \a suspense prononcée par son évéque.
Celui qui a été déclaré suspens a beneficio
l'est, parcelle raison, à l'égard des bénéfi-
ces qu'il possède dans un autre diocèse,
parce que ce bénéficier étant sujet, à raison
de son domicile, de l'évèque qui l'a déclaré
suspens, et celte si(s/)ensc étant attachée à la
personne, suivant la reni.irque ci-dessns, il
n'a pas plus de droit d'administrer les béné-
fices qu'il a en d'autres diocèses que ceux
qu'il a dans le diocèse où il réside.
Il faut observer, comme une conséquence
de ces principes, que. comme la résignation
suppose nécessairement un droit au béné-
fice, le bénéfiiier suspens ne peut, selon les
canons, résigner ni permuter, vu qu'il ne le
peut sans exercer un droit de l'usage duquel
il est privé par la sitspense; mais il faut
pour cela qu'il y ait un jugement déûnilif.
Jusi]u'à ce jugement , il peut résigner et
même disposer des fruits, s'il n'y a contre
lui qu'une sentence dont il soit appelant.
Un ecclésiastiiiue devient suspens ipso ju-
re, principalement dans neuf circonstances;
la première, lorsqu'il se fait ordonner sous
Je titie d'un faux bénéfice, ou sous un titre
patrimonial feint. 11 faut cependant observer
que ceci ne s'entend que des diocèses où les
évêques ont statué celte peine, et non pas à
l'égard des autres, la bulle Romani ponlifi-
cis n'étant pas reçue dans le royaume. La
seconde, lorsque l'on reçoit les ordres avant
l'âge requis, ou hors le temps prescrit par
les canons, ou sans le démissoire de l'évè-
que. La troisième, en recevant un ordre sa-
cré avant d'à voir reçu l'autre ordre sacré qui
lui est inférieur, comme le diaconat avant le
sous-diaconat, ou la prêtrise avant le dia-
conat. De même ceux qui, étant frappés de
rexcomn\unicalion ou coupables de simo-
nie, reçoivent quel |ue ordie. La quatrième,
en recevant dans un même jour plusieurs
Jrdres sacrés. La cimiuièine, lorsqu'un clerc
substitue à sa place à l'examen une autre
pers luie et se fiit ensuite ordonner. La
sixiè.ae, en se faisant ordonner par un évé-
que que l'on sait être excommunié, suspens
ou interdit dénoncé. La septième, en rece-
vant les onlrcs d'un évéque qui s'est démis
de son évêclié. La liuiiièmo, en recevant uu
ordre après avoir contracté mariage, sans
distinguer si le mariage a été consommé. La
neuvième, lorsqu'un prêtre séculier céli lue
un mariage ou donne la bénédiciion nuj)-
tiale à des personnes d'une autre paroisse,
sans 1.1 permission du curé ou de l'évèque
des contractants.
Au surplus, les cas où la suspense est en-
couriie par le droit sor.t presque infinis. H
n'y a point d'abus ou de mépris des fonc-
tions ecclésiastiques qui ne soil puni par
une suspens,^ proportionnée à la nature de
la faute. Mais le cas ne peut être arbi-
traire; il faut qu'il suit spécifié par les ca-
nons ou par les statuts du diocèse. Sur quoi
il faut examiner ce qui a été dit au mot Cen-
SCBK.
Outre la peine qu'encourent ceux qui vio-
lent /(( susp'Hse (le l'exercice des ordres, ou-
tre ce qui reijarde purement le for intérieur,
ils encourent encore l'irrégularité. 11 n'en
est pas de même de la suspense de la juridic-
tion conlenlieuse , elle n'est pas punie de
l'irrégularité, parce qu'un clerc qui n'a re-
çu aucun ordre peut l'exercer. Il m est de
même de ceux qui, étant suspens a beneficio,
ne laissent pas d'in percevoir les fruits et
d'en passer des baux.
On voit qu'il y a une distinction à faire
entre la suspense de l'ordre et la suspense de
la juridiction. Celte distinction naît de la
différente qu'il y a, suivant le droit, entre
l'ordre et la juridiction. Celui qui est sus-
pens de l'un n'est pas censé l'élrede l'auire.
parce <|u'en matière canonique les peines
sont odieuses, et par conséquent ne peuvent
soulTiir d'extension ; et l'on doit tenir pour
principe que celui qui e.a suspens ab ordine,
n'est jamais censé l'être a jurisdic.lione, et
vice versa. Il faut cependant excepter le cas
où la Juridiction est nécessairement attachée
à la fonction de l'ordre, comme elle l'est
dans le sacrement de pénitence, laquelle pir
conséquent un prêtre suspens ab ordine ne
peut pas exercer : ainsi un évêiiuc suspens
ub ordine ne peut célébrer poulificalemcnt,
ni conlérer les ordres, ni consacrer les égli-
ses ni les autels, parce que ces fonctions
appartiennent à la puissance de l'ordre ;
mais il peut exercer les actes de juridiction
épiscopale, c'est-à-dire présenter aux béné-
fices, conlérer ceux qui sont à sa collation
approuver les confesseurs, prononcer la sus-
pense, l'interdit, l'excommunication, et eu
absoudre au for extérieur seulement, ces
fonctions étant des actes de juridiction, et
non pas des actes d'ordre. Si, au contraire,
il a été déclaré suspens a jurisdictione seu-
lement, il peut exercer toutes les fondions
qui sont de la puissance de l'ordre, sans
pouvoir en exercer aucune de celles qui ne
lui ai)partiennent qu'à raison de sa juridic-
tion ; sur quoi on observe, 1" qu'un évéque
suspens o pontifîciUiO'is , ne peut célébrer
cwn appnralu pontificali, quoiqu'il le puisse
aulrement ; c'esl-a-dirc, sans aucune céré-
monie pontificale et de la même manière que
les prêtres ont coutume de célébrer, sans
mitre, sans pallium, ni aucun autre orne-
ment propre aux évêques. On cite pour
exemple celui de l'évèque do Naoles, dépos6/C!
591
SUS
S\M
S92
comme simoniaque au concile do Reims,
sous le poiilincat de Léon IX, el à qui les
Pères permirent d'exercer sciilemeril l'office
de préire; 2° qu'il ne peut conférer la con-
firmation ni aucun ordre, ni consacrer les
églises, les autels, pas même les calices. On
voit par cet exemple cclèhre que les pre-
mières puissances de l'Eglise sont soumises
à celte cençiire ; mais il faut observer qu'au-
cune suspense ne peut lomlier sur un évè-
que, à moins qu'il ne soit expressément
Dommé.
L'ignorance qui n'est ni affectée ni coupa-
ble excuse de loulo censure, et par consé-
quent exempte de la suspense. On ne distin-
gue pas si cette ignorance est de (ait ou de
droit. Ainsi, un i cclésinslique étranger à un
diocèse, en violant les staUils qui ne sont
pas d'usage dans le sien, n'est pas exposé à
subir celle peine. Les canonisiez en donnent
pour raison, que l'on n'encourt jamais celle
censure sans en avoir été au moins averti
auparavant, l'Eglise n'ayant eu in vue que
de punir les conlmnaces ; et plusieurs pa-
pes, entre autres Innocent 111 el Innocent IV,
ont établi pour maxime que la moiiilion doit
précéder la censure.
Quant à ceux qui ont droit de la pronon-i
cer, tous ceux (jui ont droit d'excommunier
ont celui de suspendre. Sur quoi l'on oliserve
qu il est bien des prélats qui peuvent suspen-
dre el ne peuvent excommunier. On tient en
général, que les chapitres, les supérieurs ré-
guliers, les abbcsses, les archiiliai res, les
archiprèlres, et même les doyens ruraux,
peuvent ordonner des suspenses momenta-
nées, au lieu qu'il n'y a que l'évéque qui ait
droit de prononcer l'excommunication. On
conteste aux curés le droit de prononcer la
suspense contre les clercs de leurs p;iroisses.
La forme de la sentence démontre que le dé-
lit qui donne lieu à la suspense doit être prou-
vé ; il faut que celte sentence énonce en
avoir une entière conviction. Quia constat le
commisisse o te suspendimus. Tout ec-
clésiastique à qui le bruil public aitrihuc un
crime qui mérite la déposition, doit cire sus-
pendu jusqu'à ce qu'il se soit justifié : ainsi
le décret de prise de corps et le décret d'a-
journement personnel font encourir cette
peine ; usais elle cesse par la conversion de
ces décrets en celui d'assigné pour être
ouï.
Nous avons observé plus baut que le mé-
pris de la suspense, marqué par la continua-
lion à faire, pendant la suspense, les fonc-
tions dont elle prononce la privation, doit
être puni par l'excommunication majeure ;
elle l'est ijuelqnefois ipo jure, el enirainc
toujours Vin égutarilé. }\ld\s ai\ verra par les
principes qui ont été posés ta ce mol, qu'elle
doit être prononcée par un jugement. La
suspense finit par l'absolution qui s'accorde
sur la sitisfaction de la part de celui qui l'a
encourue, par le laps du temps pour lequel
la suspense a été portée ; par la cessation et
par la révocation, el même par la dispense.
Toutes les fois que la durée de la susfieiise
qui s'encourt par le seul fait est laissée à la
volonté du supérieur, la suspense finit quand
il permet les fonctions défendues par la sus-
pense.
11 y a plusieurs suspenses réservées au pa-
pe, dont on trouve les espèces dans les corps
de droit canonique, cap. 35, X, l'e lempor.
orclln. 10 de apost. 2, ne clerici vel mo-
vific etc.
SOZANNE. Voy. Daniel.
SYMBOLE. Ce terme grec a signifié dans
l'origine, assemblage ou contribution, en-
seigne à laquelle plusieurs se rassemblent
el se réunissent, marque par laquelle ils se
reconnaissent et se distinguent des autres,
tout ce que les Latins appelaient signa et in-
signia. Par analogie, il a exprimé tout signe
extérieur qui indique une chose qu'on ne
voit pas. Dans ce dernier sens, les Ihéolo-
giens et les auteurs ecclésiastiques ont nom-
mé symbole la matière ou l'action extérieure
des sacrements : ainsi , dans le baptême,
l'iiction de laver est le symbole de la purifi-
cation de l'âme ; dans l'eucharistie le pain
el le vin sont les symboles du corps el du
sang de Jésus-Christ, réellement' présents,
mais qu'on ne voit pas ; dans la confirma-
tiivn, l'oiiciion du front désigne la grâce for-
tifiante nécessaire au chréiien, etc. Ainsi
toutes les cérémonies du culte divin sont des
symboles, puisqu'elles indiquent les senti-
meiils intérieurs du respect que nous vou-
lons rendre à Dieu. Dans le sens le plus lit-
téral, on a nommé symbole la profession do
foi du chrétien, soit parce que c'est l'assem-
blage des principales vérités qu'il faut croire,
soit parce qu'elle sert à distinguer les
croyants d'avec les infidèles el les héréli-
(jues. 11 y a dans l'Eglise chréiiennc qualrc
symboles principaux, celui des apôtres, ce-
lui du concile de Nieée tenu l'an 32o, celui
du concile de Constantinoplc tenu l'an 431,
et celui de saint Atlianasc.
Le symbole des apôtres est la plus ancienne
profession de foi (jui ail été en usage dans
l'Eglise. Quelques auteurs ont cru que les
apôtres, encore assemblés à Jérusalem,
avaient dressé d'un commun accord cet
abrégé de la foi chrétienne, pour qu'il fût
appris et professé par tous ceux qui voû-
taient recevoir le baptême; mais ce fait n'a
été écrit que par des auteurs du iv siè-
cle, qui n'ont cité aucun témoin plus an-
cien qu'eux, et il y a d'autres faiis qui ren-
dent celui-là très-douteux. 11 est seulement
constant que, dès la naissance de l'Kglise,
on a exigé de ceux qui embrassaient le
christianisme une |>rofession de foi, avant
de leur adminisUN'r le baptême ; mais il ne
parait pas que dès lors on les ait assujctlls
tous à réciter préciséaicnl la même formule
ni à s'exprimer dans les mêmes termes. H
ne s'ensuit jias de là que l'on a eu torl d'ap-
peler symbole des apôlres la formule que
nous connaissons aujourd'hui sous ce nom,
puisqu'elle renferme esaclement les princi-
paux articles de la doctrine enseignée par
les apôlres. Quoique le fait de la composi-
tion de celle profession de foi jsurles apôtres
eux-mêmes ne soit pas prouvé, il ne fallait
S93
SYM
SYM
594
pas l'attaquer par Je mauvaises raisons,
comme ont fait quelques priilestuits. Ils di-
sent que si les apôlros l'aviiiout tlresséo.elle
aurait 6lé mise au raiin des Ecritures ca:io-
iiiquos, que l'on n'aurait pas o.=é y ajouter
certains articles (jui n'y out et;! mis que
dans II suite, lorsqu'il s'est élevé de nou-
velles erreurs; cjuc comme nous ne connais-
sons pas les circonslaiiccs dans lesquelles
li's addiiions ont élc faites, nous ne pouvons
pas en prendre exactement le sens. Mos-
heiin, Ilist. christ., stec. i, § 19; sa!c. ii, § 36.
— (]es réllexions nous paraissent Tinsses.
1° C'est la manie des protestants de vouloir
que tout ce qui vient des apôtres soit écrit
dans le Nouveau Teslanient, et que tout ce
qui n'est pas formellement écrit dans ce li-
vre ne mérite aucune croyance; nous prou-
verons le contraire au mot Tuadiiion.
2" Puisque l'on a su|)posé que les apôtres
avaient f,,it un symbole pour fixer la croyance
chrétienne, on a dû présumer aussi ()ùe s'ils
avaient encore vécu lorsiiu'il s'est élevé de
nouvelles erreurs, ils auraient ajouté au
Sjjmholela docirine cimlrairc; on a <lonc fait
ce que l'on a jugé qu'ils auraient fait eux-
mêmes. Quoique les prolestants aient lou-
j lurs fait profession de ne vouloir point
d'autres règles de foi que l'Hcrilnre sainte,
cela ne les a pas empêchés de dresser des
confessions de foi, d'y employer d'autres
termes que ceux de l'Ecriture, d'y .ijouter
ou d'y retrancher ce qu'ils ont jugé à pro-
pos, li' Quoiqu'ils ne .■■achent pas, iion plus
(jue nous, quelles sont les dilTérentes cir-
constances dans lesquelles les apôtres ont
écrit, qui sont les mécréants qu'ils eut vou-
lu réfuter, quelles étaient les erreurs (ju'ils
ont attaquées, ils n'en soutiennent pas moins
que nous pouvons prendre exactement le
sens de ce qui est écrit ; donc il en est de
mènic des additions faites au symbole îles
apôlres. D'ailleurs, quelles sont ces addi-
tions? Les critiques protestants n'en con-
viennent point. Bingham et Grabo les rédui-
sent à trois, savoir, la descente de Jésus-
Christ aux enfers, la communion des saints,
la vie éternelle, Orly, ccclcs., 1. x, c. 3, § 5.
Or, le premier de ces articles est enseigné
par saint Pierre, Act., c. ii, v. 2i et seq.;
Jîpisl. I, c. m, V. 19; et par saint Pau!,
Lphes., c. IV, V.9; le second par saint Paul,
Rom.,c. XII, V. 5; / Cor,, c. x, v. 17; // Cor.,
c. IX, V. 13, 14, etc. On convien ira sans
doute que tous ont parlé de la vie éternelle.
Episcoj)ius, trop ami du socinianisme, a osé
dire que la divinité de Jésus-Christ n'était
pas professée dans les anciens symboles; on
n'a pas eu de peine à le réfuter. Est-il bien
Cl riaiii d'ailleurs que les auteurs des pre-
:iilers siècles qui ont parlé du symbole des
apolns, l'ont ra|)porté eu entier? Saint .h'-
rôinc, L'pist. 38 ad Pammack., dit qu'on
l'apprenait par cœur et qu'on ne l'écrivait
pas ; il n'est donc pas étonnant qu'on ne l'ait
pas tonjours cité de même.
Nous ne nous arrêterons pas à réfuter l'i-
magination d'un Anglais copié par Mos-
lieim, qui a prétendu que le nom de symbole
était tiré des mystères du paganisme; nous
avons fait voir l'absurdité de cette vision
au mol Mystère, à la lin. On croit que saint
Cyprien est le premier qui se suit servi du
mot de symbole pour exprimer l'abrégé de
la doctrine chrétienne; il ne pensait guère
aux mystères du paganisme. Mais ce nom
n'est pas le seul cjui ait été donné à la pro-
fession de foi, on l'appelait encore canon
ou rèi/le de foi, définilion ou exposition de
foi, sainte leçon, écriture, etc.
Bingham, ihid., c. 4, a recueilli avec le
plus grand soin les divers symboles qui ont
été en usage dans l'Eglise avant le Qoncile
de Nicée. il y en a un de saint Irénée, iidv.
Uœr., I. I, c. 2; un d'Origène, dans la pré-
face de son Traité des Principes; un de Ter-
lullien, de velandis Vin/iii., c. 1; un de
saint Cyprien, tiré do deux de ses lettres ;
uii de saint Crégoirc 'l'haumaturge, qui est
encore dans les ouvrages de ce Père ; un
du martyr Lucien, prêtre d'Antioche, rap-
porté par snint Atliaoase, par l'historien
Socrate et par saint Hilaire de Poitiers. H
y en a un dans les Constitutions apostoli-
ques, 1. vu, c. 'i-l, qui est cité comme la pro-
fession de foi d'un catéchuiuène. Celui de
l'Jiglise de Jérusalem est expli()ué par
saint Cyrille, évéque d" cette ville, Cutécfi. 6.
Celui de l'Eglise de Césarée dans la Pales-
tine lut récité par Eusèbe au concile de Ni-
cée, et il se trouve dans Socrate, Hist. éc-
oles., 1. I, chap. 8. Cet historien rapporte
celui de l'Eglise d'Alexandrie, î6i'rf.,c. 26; Cas-
sien, de Incarn., l. vi, expose celui de l'E-
glise d'Aniioehc. On prétend (|ue, dans celui
da l'Eglise de Piooie, qui était appelé com-
munément le symbole (h-s apôtres, il n'était
point fait mention de la descente de Jésus-
Christ aux enfers, ni de la coomiunion des
saints, ni de la vie éternelle; mais le pre-
mier de ces articles se trouvait dans le sym-
bole de l'Eglise d'Aquilée, et Rulin, qui l'a
expliqué, pensait que la vie étemelle était
comprise dans ces mots la résurrection de
la chair. Expos, in symb. aposl., n. kl.
En comparant ces divers symboles , on
voit que tous expriment la même croyance,
quoique l'ordre des articles et les termes
par lesquels ils sont exprimés ne soient pas
exactement les tnêmes. .\ucnn ne renferme
un seul dogme duquel l'Eglise se soit écar-
tée dans la suite, et si tous ne conàenneut
pas le mêin;> nombre d'articles, il ne s'en-
suit pas qiie l'on ne croyait point encore
ceux qui ne sont pas formellement exprimés.
L'on croyait sans doute tout ce qui est
enseigné dans l'Ecriture sainte, mais il
n'était pas nécessaire de mollre dans un
abrégé de la docirine chrétienne les articles
qui n'avaient pas encore été contestés par
des hérétiques. Lorsque ceux-ci ont atta-
qué un dogme que l'on croyait déjà, on l'a
inséré dans le symbole, on l'y a exprimé plus
clairement, afin de distinguer -la vérité d'a-
vec l'erreur, et les orlhoiioxos d'avec les
mécréants. — V'ainement les protestants
ont affecté de remarquer la variété qui se
sas
SYM
SYM
598
trouve dans les divers sipnholes, el en ont
conclu que l'on a lort de leur reprocher
les chnngemenis qu'ils ont faits dans leurs
différentes confessions de foi ; Basnyge, Hisl.
(le VEgh, 1. XXV, c. 1. Ces changements al-
lérairnt la croyance et le fond même de la
doc'rine. Les luthériens n'oseraient soute-
nir qu'ils tiennent encore aujourd'hui dans
le sens litléral ce qui est enseigné tou-
chant l'eucharistie dans la confession
d'Aiigsbourg, ar<. 10, et dans celle de Wir-
lemberg, et qu'ils croient la présence réelle,
telle que Lullier l;i défendait. Les calvinistes
se sont dégoiités des décrets absolus de pré-
destination établis d.ins leurs premières cou-
fessfons de foi, dans les livres de Calvin et
dans les décrcISidu synode de Dordreiht.
Tout catholique leconnaît que Us a.cims
li/mboles ne contiennent que <les vérités ; si
ses protestants étaient sincères, ils avoue-
raient que leurs premières confessions de
foi rcnfer lient des faussetés. 11 ne sert à
rien de dire, comme Basnage, que ces con-
fessions de foi espriuienl la même doctrine,
grtanl à l'essentiel. Qui délerminera ee qui
es! esscniicl et ce qui ne l'est pas ? Toutes
les vérités que Dieu a révélées sont essen-
tielles, el il n'est p;\s plus permis de nier
l'une qje l'autre. Les pruleslants ont tou-
jours soutenu que les ariicie.^ sur lesquels
ils disputaient contre l'Rg^ise romaine
élnient essentiels, puistju'ils les ont allégués
comme un juste m;lif de faire schisme avec
elle; c'est ceperulaul sur ces arlicles que
leurs confessions de lui ont varié.
En 32.3, lorsqu'Ariuj eut nié la divinité
du Verbe, el eut enseijiné que le Fils de
'^)ieu est une créature, les évêques assom-
ûlés à Nicée, au nombre de 318, ùressè-
rent un symbole pour déterminer quelle
était la foi de l'Eglise. Il s'agissait d'expli-
quer le sens du second article du si/mbolc
des apôtres : Je croif. . en Jésm-Clirist, Vils
uni'ine de Dieu et Noire-Seigneur. L était
donc question de savoir en quoi consisiait
celle filiation, si c'était une création, une
(ilialiou adoplive, comme le voulait Arius,
ou si c'était i:ne génération proprement dite,
si le Fils de Dieu avait été engendré dans
le temps ou de toute éternilé. Le concile
exprima netlemenl sa croyance par ces pa-
roles : « Nous croyons en un seul Seigneur
Jésus-Christ, Fils unique de Dieu, engendré
du Père, c'est-à-dire de la substance du
Père, Dieu do Dieu , lumière de lumière,
vrai Dieu de vrai Dieu, engendré el non fait,
consubstantiel au Père; par lequel tout a
été fait dans le ciel et sur la terre. » Elaii-
ce là une nouvelle doctrine? Les sociniens,
plusieurs prolestants , et les in;crédules
leurs copistes, le prétendent. Jlais le titre
<le Fj7»Mrt!g'i(edeDieu, donné à Jésus-Christ
i; ins l'Ecriture et dans le symbole, des apô-
tres, attesic le contraire. Dieu est le Père
de toute créature, tout chrétien est son fils
adoptif ; donc Fils unique ne peut signifier
ni une création ni une adoption. Les soci-
niens ont imaginé vingt subtilités pour tor-
dre le sens de ce mot; mais les premiers
chrétiens n'étaient pas aussi habiles sophis-
tes qu'eux, ils prenaieni te titre augusie
dans le sens propre et liltéral ; le concile
de iSicée n'a fjit qu'en développer l'énergie.
II y a plus. Les expressions dont il se
sert sont toutes tirées des anciens symboles.
Le Verbe est appelé dans celui de saint Gré-
goire Thaumaturge, Fils unique. Dieu de
Dieu, Eternel de l'Eternel; dans celui du
martyr Lucien, FilsuniijW. engendré du Père,
Dieu de Dieu, qui a toujours été en Dieu, et
Dieu Verbe; dans les Conslitutions aposto-
liques, Fils unique engendré du Père avant
les siècles, et non créé; tlanii le symbole de
Jérusalem, Fils de Dieu unique, engendré du
Père avant tous les siècles, vrai Dieu par le-
quel tout a été (ait; dans celui de Césarée,
Verbe de Dieu, Dieu de Dieu, lumière de lu-
mière, Fils unique, engendré de Dieu le Père
fivant tous les siècles ; dans celui d'Anlioche,
Fils unique du Père, né de lui avant tous les
siècles, et non fait; vrai Dieu de. vrai Dieu,
consubstantiel au Père: ce dernier mot peut
y avoir été ajouté depuis le concile de Ni-
cée, le reste est ancien. Mais c'est contre le
terme consubstantiel que les ariens se révol-
tèrent, el que leurs descendants s'élèvent
enciire. Ce n'est cependant qu'une con-
sé(iuenco de la génération éternelle l'u Ver-
be, proiessée dans les symboles. Sans doute
il uy a pas eu en Dieu de toute éternité
deux substances dilTérentes; si donc le Fils
a été engendré du Père, vrai Dieu de vrai
Dieu, Eternel de l'Etemel, comme s'expri-
ment les .lîiiniijo^es, peut-il être d'une autre
substance que de celle du Père ? Donc la
génération divine emporte la coélernité, la
coégalité et la consubslantialilé. Les ariens
mêmes n'ont jamais osé soutenir que ce ter-
me exprimait une erreur; ils ont dit seule-
ment que c'étaii un mot équivoque, duquel
on pouvait abuser pour établir le subellia-
nisme, etc. Voy. Consi dstantiel.
De quel front les socinicn-^ el leurs amis
viennent-ils nous dire i]u'avant le concile
de Nicée la divinité du Verbe ou du Fils
n'ciail pas un article de foi, que sur ce
point la croyance de l'Eglise n'était p:is
fixée, que les Pères de ce concile ont < u iorl
d'employer des termes qui ne sont pas dans
i'l'>crilure,etc.? 11 s'agissait de déterminer le
vrai sens du mol Fils unique ilimnii ii Jésus-
Glirisl dans l'Ecriture, ./oa/i., c. i, v. ik et
18 ; c. m, v. 10 el 18 ; / Jvan., c. iv, v. 9 ;
les ariens y donnaient un sens f.iux, il fal-
lait fixer le vrai ; on l'établit, non par des
arguments métaphysiques ni lar des subti-
li'és de grammaire, mais par le langage
uniforme des anciens symboles; les évéques
arrivèrent au concile munis de celte seule
arme, ils n'en eurent pas besoin d'autre.
Il en lut de meuic au concile de Constanli-
nople, l'an 381 ; M.icédonius, évéquc de cette
ville, s'avisa de nier la divinité du Saint-Es-
psil,; il fut condamné comme Arius par la
teneur des anciens symboles. Le concile de
Nicée s'éîait borné à dire : Nous croyons
aussi au Sainl-Esprit, parce que cet articlo
n'était point attaqué pour lors. Oo u'i-
597
SYM
S\N
598
gnorait pas qu'il est dit dans la profes-
sion de foi de saint Grégoire Thaumaturge,
i)ui fui toujours celle de l'Eglise de Néocésa-
rée, que « le Sainl-Ksprit existe de Dieu,
qu'en lui sont uianifostés Dieu le Père et
Dieu le Fils; que, dans celle Trinité par-
faite, il n'y a point de division ni de difl'é-
rence en gloire, en élernilé, en souverai-
nelé; qu'il n'y a rien de créé, rien d'infé-
rieur, riin de survenu et qui n'ait pas
existé auparavant; que le Pire n'a jamais
été sans le Fils, ni le Kils sans le Saint-Es-
prit ; que celle Triiiiléderncore toujours la mê-
me, immuable et invariable. » Les socinieus
ont fait inutilement des efforts pour fairedou-
ler deraulhenticité de ce si/mbolc; Bullus l'a
prouvée sans réplique, Defetis. fidei Nicœnœ,
sect. Il, c. 12.
On savait que, dans la profession de foi
du martyr Lucien, ((ui était celle de l'Eglise
d'Antioche, il est dit que « les noms de Pè-
re, de Fils cl de Sainl-Esprit ne sont pas
seulement trois sioiplcs (IcnomInaliuDs ,
mais qu'ils signifient la substance propre
des trois personnes , leur ordre et leur
gloire, de manière qu'ils sont trois par sub-
stance, et un par ressemblance. » Le sym-
bole de l'Eglise de Césaréc, cité par Eusèbe,
porte. « Nous croyons au Père... au Fils...
et au Saint-Esprit, el que chacun dos Irois
subsiste véritablement. » En écrivant à sou
troupeau, cet cvéque proteste que telle est
la fui qu'il a reçue de ses ])rédécesseurs et
dès son enfance, qu'il y persévère el y tien-
dra loujdurs. Socrale, Hist, ecclés., L i,
chap 8. D'ailleurs, saint Epiphane qui écri-
vait l'an 373, huit ans avant le concile de
Constanlinople, nous apprend que, depuis
le concile de Nicéc jusqu'alors, il s'était
élevé de nouvelles erreurs; que pour eu
préserver les fidèles ou faisait apprendre et
réciter aux catéchumènes un si/mbole plus
ample que celui de Nicée, dans lequel il est
dit que le Sainl-Esprit est incréé, qu'il pro-
cède du Père et qu'il reçoit dit, Fils. Le sym-
bole même que ce Père aous donne pour
symbole de Nicée est augmenté dans ce qui
regarde le Saint-Esprit; il est eutièreaient
cuuforme à celui que l'on récite encore ac-
tuellcuient à la messe; ainsi le concile de
Conslanlinoplc ne fit que l'adopter. C'est
pour cela même qu'il porte toujours le doui
de symbole de Nicve. La conduite des conci-
les a donc toujours clé uniforme; on y a
décidé, non ce qu'il fallait commencer à
croire, mais ce qui avait toujours été cru;
les évéques ne se sont point arrogé l'auto-
rité d'introduire une nouvelle doctrine, mais
de rendre témoignage do celle qu'ils ont
trouvée établie dans.li;ur église; s'il ne s'é-
tait jamais trouvé d'hérétiques déterminés à
faire changer de croyance aux fidèles, l'E-
glise n'aurait jamais eu besoin de faire
de nouvelles décisions. Yoy. Dépôt, Evè-
gi'E, etc.
11 est constant, el Bingham l'a prouvé,
que depuis le concile de Nicée la plupart
des Eglises d'Orient ont fuil réciter aux caté-
chumènes avant le baptéaic le symbole de
ce concile avec les additions adoptées par
celui de Constanlinople. Celui d'Ephèse ,
tenu l'an 431, défendit sévèrement d'en in-
troduire un autre, ad. G. Mais les savants
conviennent communément que l'on n'a com-
mencé à le réciter dans la liturgie que vers
le milieu du \' siècle dans les F'glises d'O-
rient, et un peu plus lard dans celles do
l'Occident. On croit que Pierre le Foulon
inlroiluisit le premier cet u.sage dans l'E-
glise d'Antioche, l'an 471, et qu'il lut imité
dans celle de Constanlinople l'an 511. Le
premier vestige de celle coutume en Espa-
gne se voit dans le iii' concile de Tolède vers
l'an 589; elle ne fol suivie dans les Gaules
que sous Charlemagne, et on ne la trouve
solidement établie dans l'Eglise romaine
que sous le pontidcat de Benoit Vlll, l'au
lOl'i-. Bingham, ibid., c. 4, § 17.
On convient encore à présent que \e sym-
bole qui porte le nom de saint Alhanase n'a
pas été composé par lui, mais par un auteur
latin beaucoup plus récent, qui l'a tiré des
écrils de ce saint docteur. La première fois
qu'il en est fait mention esl dans un concile
d'Autun, tenu l'an 670; Aylon, évéque de
Bâie vers l'an 800, prescrivit aux clercs de
le dire à prime. Ualhérius, évéque de Vé-
rone vers l'an 9.30, voulait que les prêtres
de son diocèse sussent par cœur le symbole
des apôlres, celui (jue l'on dit à la mcs-se, et
celui qui esl ailribué à saint Alhanase. Les
anglicans le disaient autrefois dans l'office
du dimanche aussi bien que les catholiques ;
mais depuis que les sociniens se sont mul-
tipliés en Angleterre, ils sont venus à bout
d'en faire cesser la réciiaiion dans quel-
ques églises. Bingham, i//irf.; Lebrun, Ex-
plicat. des Cérémon. de la Messe, w part.,
art. 8.
SYM.MAQUE. Voy. Septante el Vebsion.
SYiNACiOGUE, mot grec qui signilie as-
semblée; il est pris dans ce sens général dans
plusieurs passages de l'Ancien Testament, il
se dil indifféremment de l'assemblée des
justes el de celle des méchants. Dans les li-
vres du Nouveau, il a un sens plus éiroit ;
il signifie une assemblée religieuse, ou le
lieu destiné chez les juifs au service divin;
or, ce service, depuis la destruclion du tem-
ple, ne consiste plus que dans la prière,
dans la lecture des livres saints et dans la
prédication ; c'est à quoi se réduit aussi
celui de plusieurs sectes protestantes.
Ce que nous allons dire des synagogues
est lire de Heland, Antiq. Sacr. velcrum' lie-
brœor.,i" pari., c. iO, cl <ie PriJeaux, Uist.
des juifs, 1. VI, l. Il, p. 230, et peut servir à
l'inlelligcDce de plusieurs passages du Nou-
veau Testament; mais, comme ces deux au-
teur» ont tiré des rabbins une partie do ce
qu'ils disent, on ne peut pas y ajouter la
même foi qu'à ce qui nous esl indiqué dans
nos livres salais. On ne trouve dans ceui
de l'Ancien Teslamcnl aucun vcsiige des
synagogues, d'où l'on conclut qu'il n'y en
avait point avant la ca[ilivité de Babylone.
Gomme une des parties principales du ser-
vice religieux des Juifs est la lecture d? la
599
STN
S\N
CûO
loi ils ont établi pour maxime qu'il ne peut
poi'nt y avoir de synagogue où il n'y a pas
un livre de la loi. Or, pendant un grand
nombre des années qui précédèrent la cap-
tivité, les Juifs, livrés à l'idolâlrio, négligè-
rent sans doute beaucoup la lecture de leurs
livres saints, et les exemplaires durent en
être assez rares. C'est pour cela que Josa-
phal envoya des prêtres dans tout le pays
pour instruire le peuple dans la loi de Dieu,
// Parai., c. xvii, v. 9, et que Josias fut si
étonné lorsiiu'il entendit lire cette même loi
trouvée dans le temple, // Reg., c. xxvii.
Il ne s'ensuit pas de là qu'il n'en restaitque
ce seul exemplaire; les livres qu'on ne lit
point sont comme s'il n'existaient pas. —
Suivant les notions actuelles des Juifs, on
ne peut et on ne doit point établir une sy-
nagogue dans un lieu, à moins qu'il ne s'y
trouve dix personnes d'un âge mûr, libres
il'assisler constamment nu service qui doit
s'y faire. Il n'y eut d'abord qu'un petit
nombre de ces lieux d'assemblée, mais dans
la suite ils se multiplièrent ; il paraît que du
temps de Jésus-Christ il n'y avait point de
ville de Judée oii il ne se trouvât une syna-
gogue. Suivant l'opinion des Juifs, on en
comptait 480 dans la seule ville de Jérusa-
lem; c'est évidemment une exagération. Le
service de la synagogue consistait, comme
nous l'avons déjà remarqué, dans la prière,
la lecture de l'Ecriture sainte avec l'inter-
prétation qui s'en faisait, et la prédication.
La prière des Juifs est contenue dans les
formulaires de leur culte ; la plus solennelle
est celle qu'ils appellent les dix-neuf prières;
il est ordonné à toute personne parvenue à
l'âge de discrétion, de la faire trois fois le
jour, le matin, vers le midi et le soir; elle
se tlit dans la synagogue tous les jours d'as-
S( mblée. Il n'est pas certain que cet usage
ait toujours été observé. La seconde partie
du service est la lecture de l'Ancien Testa-
ment. Les Juifs la commencent par trois
morceaux détachés du Penlateuque; savoir,
le v. h du sixième chapitre du Deutéronome,
jusqu'au v. 9; le v. 13 du chap. xi de ce
même livre, jusqu'au v. 21; le quinzième
chap. du livre des Nombres, depuis le v. 37,
jusqu'à la fin. Us lisent ensuite une des sec-
tions de la loi el des prophètes qu'ils ont
marquées pour chaque semaine de l'année
et pour chaque jour d'assemblée. La troi-
sièmepartie du serviceestrexplicationderE-
criture et la prédication ; la première se fai-
sait à mesure qu'on lisait, la seconde après la
ledure finie. Jésus-Christ enseignaitbs Juifs
de l'une et de l'autre de ces manières. Un jour
qu'il vint à Nazareth où il demeurait ordinai-
rement,on lui fit lire la section des prophètes
marquée pour ce jour-là ; quand il se fut
levé el qu'il l'eut lue, il se rassit et l'expli-
qua, Luc, c. XVI, V. 17. Dans les autres en-
droits, il allait toujours à la synagogue le
jour du sabbat, et il prêchait l'assemblée
après la lecture de la loi el des prophètes,
Luc., c. iv, V. 16. C'est ce que fil aussi
saint Paul dans la synagogue A' Aiitioclm de
Pisidie, Act., c. xiii, v. It). Ou s'assemblait
trois jours de la semaine, le lundi, le jeudi
et le samedi, jour du sabbat, et chacun do
ces jours il y avait assemblée le matin,
après midi et le soir. Les prêtres n'étaient
pas les seuls ministres de la synagogue ; les
plus distingués étaient les anciens, nommés
dans l'Evangile principes synagogœ ; on \\e
sait pas quel était leur nombre; à Cérinthe
on en voil deux. Crispe et Sosthène. Le mi-
nistre de la synagogue était celui qui pro-
nonçait les prières au nom de l'assemblée ,
on prétend qu'il était nommé l'ange ou le
messager de l'Eglise, que c'est à l'imitation
des Juifs que saint Jean dans l'Apocalypse a
donné le nom d'ange aux êvéques des sept
Eglises d'Asie, auxquels il adresse la pa-
role, mais ce n'est là qu'une conjecture.
Après le minisire étaient les diacres ou ser-
viteurs de la synagogue; ils étaient chargés
de garder les livres sacrés, ceux de la litur-
gie el les autres meubles; ainsi il est dit
que quand Notre-Scigncur eut fini la lec-
ture dans la synagogue de Nazareth, il rendit
le livre au ministre inférieur ou au diacre. Il
est évident que les fonctions de celui-ci n'a-
vaient aucune ressemblance avec celles des
sept diacres qui furent établis parles apôtres
dans l'Eglise de Jérusalem, /Ic^.c.vi, v.o. En-
fin, il y avait l'interprète, dont l'office consis-
tait à traduire enchaldéen, ou plutôtcn syro-
chaldaïque, ce qui avait été lu au peuple en
hébreu, il fallait par conséquent que cet
homme sût parfaitement les deux langues.
Cependant il n'est point fait mention de ces
interprètes dans l'Evangile, et il csl difficile
de croire qu'il y ait eu chez les Juifs un
assez grand nombre de ces hommes in-
struits pour en pourvoir toutes les synago-
gues. Comme il n'est pas certain que du
temps de notre Sauveur la paraphrase
chaldaïque d'Onkélos, qui est la plus an-
cienne, ait déjà été faite, odus ne savons
pas si ce divin Maître lut à Nazareth le texte
(lu prophète Isaïe en hébreu, on s'il le tra-
duisit en le lisant dans le dialecte de Jéru-
salem, qui était un mélange d'hébreu, de sy-
riaque et de cbaldéen. Voy. Parapiirise. On
croit encore qu'avant la fin de l'assemblée,
le prêtre qui s'y trouvait, ou à son défaut le
minisire, donnait la bénédiction au peuple,
et qu'il y avait pour cela un formulaire par-
ticulier. Etait-ce celui que composa Moïse,
lorsqu'il bénit les Israélites avant sa mort,
Deut., cap. xxvm, ou en était-ce un autre?
Personne n'en sait rien. La seule chose cer-
taine, c'est que les Juifs, dans leur service
actuel , s'écartent en plusieurs points du
plan que nous venons de tracer ; mais, en-
cors une fois, celui-ci n'est qu'un assem-
blage de conjectures qui ne porlenl sur au-
cune preuve positive. Quand on voit la
confiance que les îiébraïsants protestants
donnent aux traditions des rabbins, el le ton
de cerliluile sur lequel ils en parlent, on est
étonné de l'incrédulité el du mépris qu'ils
témoignent pour toutes les traditions de l'E
glise chréii: nne ; les juifs sont-ils donc des
savants mieux instruits, plus judicieux, plus
dignes de foi que les Pères de l'Eglise.
601
SYN
SYNAXARION. C'est un livre ecclésias-
tique des Grecs, dans ieijuel ils ont recueilli
eu abrégé les A'ies des suinls,cl où l'on voit
en peu de mots le sujet de chaqiu^ fête. Ce
livre est imprimé, <ion-sculciiient en grec
pur, mais aussi en grec vulgaire, afin que le
peuple puisse le lire. Dans les dissertations
que Léon Allatius a composées sur les livres
ecclésiastiques des Grecs, il dit que Xan-
iiiopule a inséré beaucoup de faussetés dans
le Synaxarion ; aussi, l'auteur des cinr/ cha-
pitres du concile de Florence, attribués au
palriarclic Gennade, rejette ces additions,
et assure qu'elles ne se lisent point dans
riîglise de ConsCaiitinople.
On trouve au coiiinicnceinent ou a la fin
de quel(|ues exemplaires grecs manuscrits
du Nouieau Teslamenl, des tables qui in-
diquent les évangiles qu'on lit dans les
églises grecques cliaque jour de l'année;
ces tables se nomment encore Synitxitria.
SYNAXE, assemblée; les auteurs grecs
ont ainsi nommé en particulier les assem-
blées chrélienncsdans iesquclleson célébrait
le service divin, où l'onconsacraitl'eucbaris-
tie, oùroncbanlait les psaumes, ou l'on priait
en cimimun. i'oy, Lituugie, Office divin.
SYiNCLLLIi , compagnon, celui qui de-
meure dans le même appartement ou dans
la même chambre. Dans les premiers siècles,
les évêques, pour prévenir tout soupçon dé-
savantageu\ sur leur conduite, prirent avec
eux un ecclésiasiique qui les accompagnait
partout, qui était témoin de toutes leurs
actions, qui coucbait dansja mêmechambre ;
c'est pour cette raison qu'il était appelé le
syncelle de l'évéquo. Le patriarche de Con-
stantlnople en avait plusieurs qui se succé-
daient, et le premier de tous était nommé
pro(osyiicelle. La confiance que le patriarche
avait en eux, la part qu'il leur donnait dans
le gouvernement, le crédit qu'ils acquirent
à la cour, rendirent bientôt la place do pro-
tosyncelle très-considérable; c'était un litre
pour parvenir au [lalriarcat, de même qu'à
ilome la dignité d'arcbidiacre. P.ir celte
raison, l'on a vu quelquefois des fils et des
frères des empereurs occuper celte place,
surtout depuis le ix" siècle , les évêques
mêmes et les métropolitains se tirent un
honneur d'en être revêtus. Peu à peu les
protosyncelles se regardèrent comme le pre-
mier personnage après les patriarches; ils
se crurent supérieurs aux éiêques et aux
métropolitains , et se placèrent au-dessus
d'eux dans les cérémonies ecclésiastiques.
Leurs prérogatives, quoique fort restreintes,
sont encore aujourd'hui très-grandes. Dans
lcs>noilo tenu à Coustantinople contre le
patriarche Cyrille Lucar, qui voulait répan-
dre dans l'Eglise grecque les eneurs de
Calvin, le prutosyncelle parait comme la se-
conde dignité de l'Eglise de Constanliiiople.
Quant aux syncelles, il y a longtemps qu'ils
n'existent plus en Occident, et que ce n'est
plus qu'un vain titre en Orient. Zonaras,
Annal., t. 111; Thomassin, Uiscipt. eccl.,
\" part., I. I, c. 4G; m" part., 1. i, c. 51;
ïV pari., 1. I, c. 76c
SYN CO?
SYNCRÉTISTES, conciliateurs. On adonné
ce nom aux philosophes qui ont travaillé à
concilier les différentes écoles et les divers
systèmes do philosophie, et aux théologiens
qui se sont appliqués à rapprocher la
croyance des différentes communions chré-
tiennes. Peu nous importe de savoir si les
premiers ont bien ou mal réussi : mais il
n'est pas inutile d'avoir une notion des di-
verses tentatives que l'on a faites, soit pour
accorder ensemble les luthériens et les cal-
vinistes,soit pour réunir les uns elles autres
à l'Eglise romaine; le mauvais succès do
tous ces projets peut donner lieu à des ré-
flexions.
Basnage, Ilisl. de l'Eglise, I. xxvi, c. Set
9, et Mosheim, IlisC. ecclés. du %\iv siècle,
u° section, ii' part., en ont fait un détail
assez exact ; nous ne ferons qu'abréger ce
qu'ils en ont dil. Lulher avait commencé à
dogmatiser en 1317; dès l'an 1529, il y eut
à Marpourg une conférence entre ce réfor-
mateur ( t son disciple Mélanchlhon d'un
côté, OEcolampade et Zwingle, chefs des sa-
cramenlaires, de l'autre, au sujet de l'eu-
charistie, qui était alors le principal sujet
de leur dispute ; après avoir disputé la (jues-
lion assez longtemps , il n'y eut ricîu do
conclu, cliacnn des deux pariig demeura
dans son opinion. L'un et l'autre cependant
prenaient pour juge l'Ecriture sainte , et
soutenaient que le sens en était clair. En
1536, IJucer, avec neuf autres députés, se
rendit à Wirlemberg, et parvint à faire si-
gner aux luthériens une espèce d'accord ;
Basnage convient qu'il ne fut pas de longue
durée, que l'an Vôkï Luther commença d'é-
crire avec beaucoup d'aigreur conlre'les sa-
cramenlaires, et qu'après sa mort la dispute
s'échauffa au lieu de s'éteindre. Eu 1330, il
y eut ,une nouvelle négociation entamée
entre Mélanchlhon et Calvin pour parvenir
à s'entendre; elle ne réussit pas mieux. En
1538, Béze et Farel, députés des calvinistes
français, de concert avec Mélanchlhon, fi-
rent adopter par (|uelques princes d'Alle-
magne (lui avaient embrassé le calvinisme,
et par les électeurs luthériens, une expli-
cation de la confession d'Auijsbourg , qui
semblait rapprocher les deux sectes ; mais
Flaccius Illyricus écrivit avec chaleur contre
ce traité de paix ; son parti grossit après la
mort de Mélanchlhon ; celui-ci ne remporta,
pourfruitde son esprit conciliateur, que la
liaine, les reproches, les invectives des théo-
logiens de sa secte. L'an 1370 et les années
suivantes, les luthériens et les calvinistes ou
réformés conférèrent encore en Pologne dans
divers synodes tenus à cet effet, et convin-
rent de quelques articles; mal heureusement il
se trouva toujours des théologiens entêtés et
fougueux qui s'élevèrent contre ces tentatives
de réconciliation ; l'arlicle de l'eucharistie
fut toujours le principal sujet des disputes
et des dissensions, quoique l'on eût cherché
toutes les tournures possibles pour contenter
les deux partis. — En 157'7, l'électeur de
Sase fit dresser par ses.lhéologiens luthé-
rieus le fameux livre de la Concorde, daus
C03
STN
SYN
60i
lequel le senliment des réformés était con-
d.imné; il usa de violence et de peines afflic-
lives pour (aire adopter cel écrit dans tous
ses Etats. Los calvinistes s'en plaijînirent
amèrement; cous de Suisse écrivirent con-
tre ce livre, et il ne servit qu'à aigrir da-
vantas»' les esprits. L'an 1578, les cilvi-
nistes de France, dans un synode de Sainle-
Foi, renouvelèrent leurs instances pour
obtenir l'amitié et la l'ratcrnilé des lulhé-
riens; ils envoyèrent des députés en Alle-
magne, ils ne réussirent pas. En 1631, le
synode de Charenton fit le décret d'admetire
les luthériens à la participation de la cène,
sans les obliger à faire abjuralioii de leur
croyance. Mosheim avoue que les luthériens
n'y furent pas fort sensibles, non plus qu'à
la condescendance que les réfiiruics curent
pour eux dans une conférence tenue à
Leipsick pendant celle même année. Les
luthériens, dit-il, naturellement timides et
soupçonneux , craignant toujours qu'on
ne leur teudît des pièges pour les surprendre,
ne furent satisfaits d'aucur.e offro ni d'au-
cune explication. Hist. ecdés., ibid., c. 1,
^ 4., _ Vers l'an 1610, Georges Calixte,
docteur luthérien, forma le projet non-seu-
lement de réunir les deux principales sectes
protestantes, mais de les réconcilier avec
l'Eglise romaine. U trouva des adversaires
miplacables dans ses confrères, les théolo-
giens saxons. Mosheim, ibid., §20 et suiv.,
convient que l'on mit dans celle conlroviTse
de la fureur, de la malignilé, des calomnies
des insultes; que ces thcologiens, loin d'élra
animés par l'amour de la vérité et par le
zèle de la religion, agirent par esprit d(3
parli, par orgueil , par animosité. On ne
pardonna point à Calixte d'avoir enseigné,
1° que si l'Fglise romaine était remise dans
le même état oîi elle était durant les cinq
premiers siècles, on ne serait plus en droit
de rejeter sa communion ; :î° que les callio-
liques qui croient de boiine foi les do-mos
de leur liglise par ignorance, par habitude,
par préjugé de naissance et d'éducation, ne
sont point exclus du salut, pourvu qu'ils
croient toutes les vérités contenues dans le
symbole des apôtres, et qu'ils lûchent de
Tivre conformément aux préceptes de l'E-
vangile. Mosheim, qui craignait encore le
zèle fougueux des théologiens de sa secte, a
eu grand soin de déclarer qu'il ne prétendait
point justifier ces maximes.
Nous sommes moins rigoureux à l'égard
des hérétiques en général; nous n'hésitons
point de dire, 1° que si tous voulaient ad-
mettre la croyance, le culte, la discipline
qui étaient en usage dans l'Eglise catholiiiue
pendant les cinq premiers siècles, nous les
regarderions volontiers comme nos frères ;
2" que tout, hérétique qui croit de bonne foi
les dogmes de sa secte, par iréjugé de nais-
sance et d'éducation, par ignorance invin-
cible, n'est pas exclu du salut, pourvu qu'il
croie toutes les vérités contenues dans le
symbole des apôtres, et qu'il lâche de vivre
selon les préceptes de l'Evangile, parcequ'un
des articles du symbole des apôtres est de
croire à la sainte Eglise catholique. Yotj.
EfiLis!;, § 3 et h. Ignorance, etc. Pour nous
récompenser de cette condescendance, on
nous reproche d'être intolérants.
En 1645, Uladislas IV, roi de Pologne, fit
tenir à Thorn une conférence entre les théo-
logiens catholiques, les luthériens et les ré-
formés ; après lieaucoup de disputes, Mos-
heim dit qu'ils se sép'irèrent tous plus pos-
sédés de l'esprit de parti, et avec moins de
charité chrétienne qu'ils n'en avaient aupa-
ravant. En ICGl, nouvelle conférence à Cas-
sel, entre les luthériens et les réformés :
après plusieurs contestations, ils finirent
par s'embrasser et se promettre une amitié
frateriielic. Mais celte corai)laisaiice de
quelques luthériens leur attira la haine et
les reproches de leurs confrères. Frédéric-
Guillaume, électeur de Brandebourg, et son
fils Frédéric 1", roi de Prusse, ont fait inu-
tilement de nouveaux efforts pour a,llier les
deux sectes dans leurs Eials. Mosheim ajoute
que les syncrélistes ont toujours été en plus
grand nombre chez les réformés que parmi
les luthériens ; que tous ceux d'entre ces
derniers qui ont voulu jouer le rôle de con-
ciliateurs, ont toujours éié victimes de leur
amour pour la paix. Sou traducteur a eu
grand soin de faire remarquer cel aveu. Il
n'est donc pas étonnant que les luthériens
aient porté le même esprit d'entêtement, de
défiance, d'animosité, dans les conférences
qu'ils ont eues avec des théologiens catho-
liques, il y en cul une à Ualisbonne en 1601,
par ordre du duc de Bavière et de l'électeur
palalin ; une autre à Nî'ubourg en 1013, à
la so'iicitaion du prince palalin; la troi-
sième fut celle d:; Thorn en l'olognc, de
laquelle nous avons parlé; toutes furent
inutiles. On sait qu'après la conférence que
le ministre Claude eut à Paris avec Bos-
suel en 1G83, ce ministre calviniste, dans
la relation qu'il eu Ut se vanta d'avoir
vaincu son adversaire, et les proteslanls
en sont encore anjourd'liui persuadés.
Cependant, eu 168i, un ministre luthé-
rien nommé Pralorius fit un livre pour prou-
ver que la réunion entre Ses catholiques et
les prolestants n'est pas impossible, et il
proposait plusieurs moyens pour y parve-
nir ; ses confrères lui en ont su très-mau-
vais gré, ils l'ont regardé comme un papiste
déguisé. Dans le même leuips un autre écri-
vain, qui [laraîl avoir elé calviniste, fit un
ouvrage pour soutenir que ce proiei ne
réussira jamais, et il en donnât différentes
raisons. Bayli; a fait un extrait de ces deux
produclion.s. Nouv. de la J'.épubl. des Lettres,
décembre 1685, art. 3 et k.
Le savant et célèbre Leibnilz, luthérien
très-modéré, ne croyait point à l'impossibilité
d'une réunion des protestants aux catholi-
ques ; il a donné de granis éloges à l'esprit
conciliateur de Mélanchlhon et de Georges
Calixte. Il pensait que l'on peut admettre
dans l'Eglise un gouvcrnemenl monarclii-
quc lempéré par l'ar-stocralie, tel que l'oa
conçoit eu France celui du souverain pou-
603
S\N
SYN
(03
, life; il .ijoulait que l'on peut tolérer les mes-
ses privées cl le culle des iiiuiges, en re-
tranchant les abus. Il y eut une relation in-
directe entre ce grand homme et Bossuet ;
mais coiDiiie Leibiiitz prétendait fausse-
ineiit que le concile de Trente n'était pas
reçu en France, r/uant à la doctrine ou aux
définitions de loi, liossuct le réTuia par une
réponse ferme et déci'iive. Esprit de Leib-
nilz, toni. 11, pag. (i et suiv., p. 9", etc. On
conçoit aisément que le gros des luthériens
n'a pas applaudi aux idées de Leil>niiz. —
En 1717 et 1718, lorsque les esprils étaient
en fernienialion, surtout à Paris, au sujet
de la bulle Uniyenitus, et que les appelants
formaient un parti très- nombreux, il y eut
une correspondance onlre deux docteurs de
Sorbonne et (juillaume Wake, archevêque
de Cantorbéry, loucliani le projet de réunir
l'Eglise anglicane à lliglise de iVance. Sui-
vant la relation qu'a lailc de cette négocia-
tion le traducteur anglais de Xlosheiui, tom.
VI, p. 6't de la version française, le docteur
Dupin, principal agent dans cette afl'uire, se
rapprochait beaucoup des opinions angli-
canes, au lieu que l'archevêque ne voulait
céder sur rien, cl demandait pour prélimi-
naire de coneilialion que l'Eglise gallicane
rompît absolument avec le pape et avec le
saint-siégc, devint par conséqu ni scliisma-
tique et hérétique, aussi bien que l'Eglise
anglicane. Comme, dans celle négociaiion,
Dupin ni son confrère n'étaient revêtus
d'aucun pouvoir, cl n'agissaient pas par des
motifs assez purs, ce qu'ils ont écrit a été
regardé comme non avenu, lùifin, en 1723,
Chrislophe-.Mallhieu l'Iall', théologien luthé-
rien et chancelier de l'université de Tubinge,
avec quel(]ues autres, renouvela le projet de
réunir les deux principales secles protes-
tantes ; il fil à ce sujet un livre intitulé :
Collectio scriptorua Irenicorum ad unionvm
inler i,ro!tsl(intes fuciendam, imprimé à Hall
en Saiic, in-k°. Mosheim avertit que ses
confrères t.'opposèrenl vivement à ce psojel
pacifique, et <|u'il n'eul aucun eiTel. Il avait
écrit en l"ioo que les luthériens ni les ;irn»i-
niens n'ont plus aujourd'hui aucun sujet de
controverses avec l'Eglise réformée. Uisl.
ecclés., \\i.n' siècle, § 22. Sou Iraduclciir
soulient que cela est faux, que la doctrine
des luthériens touchant l'eucharistie est re-
jetée par toutes les l'iglises réformées sans
exception ; que dans l'Église anglicane, les
Irente-ncuf articles de sa confession de fui
conservent tonte leur autorité ; que dans tes
Eglises réformées de Hollande, d'Allemagne
ei de la Suisse, on regarde encore certaines
doctrines des arminiens et des luthériens
comme un juste sujet de les exclure de la
communion, (luoiquc dans ces différentes
contrées il j ait une infinité de particuliers
qui jugent qu'il faut user envers les uns et
les auues d'un esprit de tolérance et de cha-
rilé. Ainsi le foyer de la division subsiste
toujours prêt à se rallumer, quoi(iue cou-
vert d'une cendre légère de tolérance el de
cliarilé.
Sur tous ces faits il y a matière à ré-
(lexion. 1° Comme la doilrine chrétienne est
révélée de Dieu, cl que l'on ne peut pas
être clirélien sans la foi, il n'est permis à
aucun parliciilicr ni à aucune société de mo-
difier cette doctrine, de rex()rimer en ter-
mes vagues susceptibles d'un sens ortho-
doxe, mais qui peuvent aussi favoriser l'er-
reur, d'y ajouter on d'en retrancher quel»
que chose par complaisance pour des sec-
taires, sons prétexte de modération et de
charité. C'est un dépôt confié à la garde de
l'IÇglise, elle doit le conserver et le Irans-
mellre à tous les siècles tel qu'elle l'a reçu
et sans aucune altération, / ï'i'w., c. vi,
V. 20; II Tim., Cl, v. 14. .\ous n'agissons
point, dit saint l'aul, uvec dissimulation, ni
en altérant la parole de Dieu, mais en décla-
rant la vérité ; c'est par là que nous 7ious
rendons recommandables devant Dieu à la
conscience des hommes. Nos adversaires ne
cessent de déclamer contre les fraud(;s pieu-
ses ; y en a-l-il donc une plus criminelle
que d'envelopper la vérité sous des expres-
sions captieuses, capables de tromper les
simples el de les induire en erreur? çà été
cependant le manège employé par les sec-
taires toutes les fois qu'ils ont l'ail des ten-
tatives pour se r'approeher. Il est évident
que ce que l'on appelle aujourd'hui tolé-
rance cl charité, n'est qu'un fond d'indiffé-
rence pour les dogmes, c'est-à-dire pour la
doeirine de Jésus-Christ. — 2" Jamais la faus-
seté du principe fondamental de la réforme
n'a mieux éclaté que dans les dis()utes el les
conférences que les protestants ont eues en-
se-.ble : ils ne cessent de répéter que c'est
par 1 licriture sainte seule qu'il faut déci-
der toutes les controverses en matière de
foi : et depuis plus de deux cent cinquante
ans qu'ils contestent entre eux, ils n'ont pas
encore pu convenir du sens qu'il faut don-
ner à ces jiaroles de Jésus-Christ : Ceci est
nion corps, ceci est mon sang. Ils soutiennent
que chaque particulier est en droit de don-
ner à l'Ecritnre le sens qui lui parait vrai,
et ils se refusent mutuellement la commu-
nion, parce que chaque parti veut user de
ce privilège. — 3° Lorsque les hérétiques pro-
posent des moyens de réunion, ils sous-en-
lendenl toujours qu'ils ne rabattront rieu
de leurs sentiments, el qu'il est permis à
eux seuls d être opiniâtres. Nous le voyons
par les prétentions de l'archevêque de Can-
torliérj ; il exii'cail avant tontes clioses quo
l'Eglise gallicane comcnençâl par se con-
damner elle-même, qu'elle leronnût que
jusqu'à présent elle a eii dans l'erreur, en
attribuant au souverain pontife une pri-
mauté de droit divin el une autorité de ju-
ridiction sur toute l'Eglise. Otte proposi-
tion seule était une véritable insulte, el ceux
à qui elle a été faite n'auraient pas dû l'en-
visager autrement. 11 est aisé de fortncr un
schisme, il ne faut pour cela qu'un moment
de fougue et d'humeur ; pour en revenir,
c'est autre chose :
Facilis descensus Avertit,
Sed revocare graduni
607
SYN
4° Le caraclère soupçonneux , déGanl ,
obstiné des lier- tiques, est démonlré, non-
sculemcnt par les aveux forcés que plu-
sieurs d'entre eux en ont faits, mais pur
toute leur conduite. Mosheim lui-môme, en
convenant de ce caractère de ses confrères,
n'a pas su s'en préserver. Il soutient que
toutes les méthodes employées par los ihéo-
logiens catlioliques pour détromper les pro-
lestants, p:)ur leur exposer la doctrine de
l'Enlisé telle (]u'eile est, pour leur montrer
qu'ils en ont une fausse idée et qu'ils la dé-
guisent pour la rendre odieuse, soûl des piè-
ges et des impostures; mais des hommes qui
accusent tous les autres de mauvaise foi,
pourraient bien en être coupables oux-
méines. Comment traiter avec des opiniâtres
qui ne veulent pas encore convenir que
l'Exposition de ta foi catholique p.irBossuet
présente la véritable croyance de l'Eglise
romaine, qui ne savent pas encore si nous
recevons les déGnitions de foi du concile <le
Trente, qui semblent même douter si nous
croyons tous les articles contenus dans le
symbole des apôtres"? S'ils prenaient au
moins la peine de lire nos catéchismes elde
les comparer, ils verraient que l'on croit et
que l'on enseigne de même partout ; mais ils
trouvent plus aisé de nous calomnier que
de s'instruire. — 5° Comme chez les protes-
tants il n'y a point de surveillant général,
point d'autorité en fait d'enseignement,
point de centre d'unilé, non-seulement cha-
que nation, chaque société, mais chaque
docteur particulier croit et enseigne ce qu'il
lui plaît. Quand ou parviendrait à s'enten-
dre avec les tliéologieus d'une telle univer-
sité ou d'une telle école, on n'en serait pas
plus avancé à l'égard des autres ; la ccti-
vention faite avec les uns ne lie pas les au-
tres. L'esprit de contradiction, la rivalité,
la jalousie, les préventions nationales, les
petits intérêts de politique, etc., suffisent
pour exciter tons ceux qui n'ont point eu
de part à cette convention, à la traverser de
tout leur pouvoir. C'est ce qui est arrivé
toutes les fois qu'il y a eu quelque espèce
d'accord conclu entre les luthériens et les
calvinistes ; la môme chose arriverait en-
core plus sûrement, si les uns on les au-
tres avaient traité avec des catholiques. La
confession d'Augsbourg préscatée pompeu-
sement à la diète de l'empire ne plut pas à
tous les luthériens ; elle a été relouchée et
changée plusieurs fois, et ceux d'aujour-
diiui ne la reçoivent pas dans tous les points
de doctrine. Il* en a été de même des confes-
sions de foi des calvinistes : aucune ne fait
loi pour tous, chaqueEglise réformée est un
corps indépendant qui n'a pas même le droit
de fixer la croyance de ses membres. — G"
îiossuet, dans l'écrit qu'il a fait contre Leib-
nilz, a très-bien démontré que le principe
fondamental des protestants est inconcilia-
ble avec celui des catholiques. Les premiers
soutiennent qu'il n'y a point d'autre règle de
foi que l'Ecriiure sainte, que l'autorité do
l'Eglise est absolument nulle, que personne
ne peut être obligé en conscience de se sou
SlfN 608
mettre a ses décisions. Les catholiques au
contraire sont persuadés que l'Eglise est
l'interprète de l'Ecriture sainte, que c'est
à elle d'en fixer le véritable sens, que qui-
conque résiste à ses décisions en matière
de doctrine, pèche essentiellement dans la
foi, et s'exclut par là même du salut. Quel
milieu, quel tempérament trouver entre ces
deux principes diamélralement opposés ?
Par conséquent les stjncrélistes, de quelque
secte qu'ils aient été, ont dû sentir qu'ils
travaillaient en vain, et que leurs efforts de-
vaient nécessairement être infructueux. Les
éloges que les protestants leur prodiguent
aujourd'hui ne signifient rien ; le résultat de
la tolérance que l'on vante comme l'héroïs-
me de la charité, est qu'en fait de religion
chaque particulier, chaque docteur, doit ne
penser qu'à soi, et ne pas s'embarrasser des
autres. Ce n'est certainement pas là l'esprit
de Jésus-Christ ni celui du christianisme.
Voy. Tolérance.
SYNUÉKÈSE. Ce terme grec signifie quel-
quefois chez les théologiens la sagacité de
l'esprit qui voit l'ensemble des divers pré-
ceptes de morale, qui les compare, qui ex-
plique l'un par l'autre, et qui en conclut ce
que l'on doit faire dans telle ou telle circon-
stance ; ainsi ce mot parait dérive de (jwoip'.j,
je dévoile ensemble. A proprement parler,
c'est la conscience droite, dirigée par un en-
tendement éclairé. D'autres fois il signifie
les remords de conscience, ou le jugement
par lequel nous rassemblons et comparons
nos actions, duquel nous concluons que
nous sommes coupables. Il est évident que
ces remords sont une grâce que Dieu nous
fait, puisqu'un des elTels du péché est de
nous aveugler. Un scélérat qui n'aurait plus
de remords serait redoutable dans la société,
il n'y aurait aucun crime duquel il ne fût
capable. Cette syndi'rîse est représentée
dans ITxriture samle conmie un ver ron-
geur attaché au cœur du pécheur, et qui ne
lui laisse point de repos.
SYNEUGISTES, théologiens luthériens,
qui ont enseigné que Dieu n'opère pas seul
la conversion du pécheur, et que celui-ci
coopère à la grâce en suivant son impulsion.
Le nom de synergisles vient du grec u-unpyéM,
je contribue, je coopère.
Luther et Calvin avaient soutenu que par
le péché originel l'homme a perdu toute ac-
tivité pour les bonnes œuvres ; que quand
Dieu nous fait agir par la grâce, c'est lui
qui fait tout en nous et sans nous; que,
sous l'impulsion de la grâce, la volonté de
l'homme est purement passive. Ils ne s'é-
taient pas bornés là : ils prétendaient que
toutes les actions de l'homme étaient la
suite nécessaire d'un décret par lequel Dieu
les avait prédestinées et résolues. Luther
n'hrsilail pas de dire que Dieu produit le
péché dans l'homme aussi réellement et
aussi positivement qu'une bonne œuvre,
qu'il n'est pas moins la cause de l'un que
ue l'autre. Calvin n'avouait pas cette consé-
quence, mais il n'en posait pas moins le
principe.— Telle est la doctrine impie que lo
609
SVN
SYN
filC
concile de Trcnle a proscrite, Sess. vi, de
Justif., can. 4, 5, G, en ces lerrin's ; « Si
quelqu'un dit que le libre arbitre de
l'Iiomuie excité et mû dv Dieu ne coopère
point, en suivant cette impulsion et celle
vocation de Dieu, pour se disposer à se pré-
parer à la justification ; qu'il ne peut y ré-
sister, s'il le veut ; qu'il n'agit point et de-
meure puremenl p.issif ; qu'il soit aiiathèino.
Si quelqu'un enseigne que par le péché d'A-
dam le libre arbitre de l'homme a été perdu
et anéanti, que ce n'est plus qu'un nom sans
réalité ou une imagination suggérée par Sa-
tan ;qu'ilsoilanalhèine.Siquelqu'un soutient
qu'il n'est pas au [louvoir de l'homme de
rendre mauvaises ses actions, mais que c'est
Dieu qui fait le mal autant que le bien, en le
permettant non-seulement, mais réellement
et directement, de manière que la trahison
de Judas n'est pas moins son ouvrage que la
conversion de saint Paul ; qu'il soit ana-
thème. » Dans ces décrets, le concile se sert
des propres termes des hérétiques. Il parait
presque incroy.ible que, de prétendus rél'or-
niateurs de la foi do l'Eglise aient piussé la
démence jusque-là. et qu'ils aient (ruuvé
des sectateurs ; mais lorsque les esprits sont
une fois échauffés, aucun blasphème ne leur
fait peur.
Mélancbthon clStrigélius, quoique disci-
ples de Luther, ne purent digérer sa doc-
trine ; ils enseignèrent que Dieu al'.ire à lui
et convertit les adultes, de manière que l'im-
pulsion de la grâce est accompagnée d'une
certaine action ou coopération delà volonié.
C'est précisément ce qu'a décidé le concile
de Trente. Cette doctrine, dit Moslieim, dé-
plut aux lulhéiieiis rigides, surtout ù Flac-
cius lllyrieus et à d'antres ; elle leur parut
destructive de celle de Luther touchant la
ser\itude .ibsolue de la volonté humaine et
l'impuissance dans laquelle est l'homme de
se convertir et de faire le bien ; ils attaquè-
rent de toutes leurs forces les sijnergislts.
Ce sont, dit-il, à peu près les mêmes que
les scmi-pélagiens. Jlist. Eccle's,, xvr' siè-
cle, sect. 3, n' part., c. 1, § 30. .Mosiioim
n'est pas le seul qui ait taxé de semi-pôla-
gianisme le sentiment calholi(nie décidé par
le concile de Trenlo ; c'est le reproche que
nous font tous les protestants, et que Jansé-
nins a copié ; esl-ii bien fondé ?
Déjà nous en avons prouvé la fausseté au
mol Sesii-pklaoianisjie. En effet, les semi-
pélagicns prétendaient qu'avant de recevoir
la grâce, l'homme peut la prévenir, s'y dis-
poser et la mériter par de bonnes affections
iiuturellcs, par des désirs de conversion, par
des jirières, et que Dieu donne la grâce à
ceux qui s'y disposent ainsi ; d'où il s'en-
suivait que le commencement de la conver-
sion et du salut vient de l'boiume et non de
Dieu. C'est la doctrine condamnée par les
huit premiers canons du second concile d'O-
range, tenu l'an 529. Or, soutenir, comme
les semi - pélagiens , que la volonté de
Ihonime prévient la grâce par ses bonnes
dispositions naturelles, et enseigner, comme
le concile de Trente, que la volonté, préve-
nue, excitée et mue par In grâce, coopère à
cette motion ou à cette impulsion, est-ce la
même chose ?
Le concile d'Orange, en condamnant les
erreurs dont nous venons de parler, ajoute,
can. 9 : i< Toutes les fois que nous faisons
quelque chose de bon, c'est Dieu qui agit en
nous et avec noit^ afin que nous le fassions. »
Si Dieu agi! avec nous, nous agissons donc
aussi avec Dieu, et nous ne sommes pas pu-
rement passifs, il csl évident que le concile
de Trenle avait sous les yeux les décrets du
concile d'Orange, lorsqu'il a dressé les siens.
C'est ce qu'enseigne au^si saint Augustin
dans un discours contre les péhigiens, serm.
15G, de Verhis A;,oftoli, cap. 11, n. 11. Sur
ces paroles de suint Paul: Tous ceux qui
sont mus par l'esprit de Dieu, Rom., c. viit,
V. ik, les pélagiens disaient: « Si nous som-
mes mus ou poussés, nous n'agissons pas.
Tout au contraire, réjiond le saint docteur,
vous agis-ez et vous êtes mus ; vous agissez
bien, lorsqu'un principe vous meut. L'es-
prit de Dieu (fui vous pousse, aide à votre
action ; il prend le nom d'aide, parce que
vous faites vons-inèmes quelque chose
Si vous n'éliez pas agissants, il n'agirait pas
avec vous, si non esses operator, illenon esseC
cooperator. » Il le répète, cap. 12, n. 13:
« Croyez donc que vous agissez ainsi par
une l)onne volonté. Puisque vous vivez, vous
agisse? sans doute ; Dieu n'est pas voire
aide si vous ne laites rien, il n'est pas coo-
péraleur où il n'y a point d'opéialion. » Di-
ra-t-on encore que saint Augustin suppose
la volonté de l'hom'iie purement passive
sous l'impulsion de la grâce? Nous pour-
rions citer vingt autres passages sembla-
bles.
11 nous importe peu de savoir si Mélinch-
thon et les autres syncrejistes ont mieux mé-
rité le reproche de semi-pélaginnisme ; mais
nous aimons à connaître la vérité. Dans une
leltre écrite à Calvin, et citée par Bayle,
Diclionn. ait. Sijnergistes, A, IMéianchlhon
dit: « Lorsque nous nous relevons d'une
chute, nous savons que Dieu veut nous aider,
et qu'il nous secourt en effet dans le combat.
Veillons seulement, dit saint Basile, et Dieu
surtout. Ainsi noire vigilance est excitée, et
Dieu exerce en nous sa bonté infinie ; il a
promis le secours et il le donne, mais à ceux
qui le demandent. » Si .Mélanchtiion a entendu
que la demande de la grâce ou la prière se
fait par les forces naturelles de l'homme, et
n'est pas l'effet d'une première grâc;! qui
excite l'homme à prier, il a véritablement
été semi-pélagien, il a été condamné par le
deuxième concile d'Orange, can. 3, et par
celui de Trenle, can. k. Voilà ce que .Mos-
heim aurait dû remarquer; mais les théolo-
giens hétérodoxes n'ont ni des notions clai-
res, ni des expressions exactes sur aucune
question.
Le fondement sur lequel les protestants et
leurs copistes nous accusent de semi-péla-
gianisme, est des plus ridicules. Ils suppo-
sent qu'en disant (|iic l'homme coopère à la
grâce, nous entendons qu'il le fait par ses
611
StN
SYN
OIS
forces naturelles. Mais comment peut-on ap-
peler forces naturelles celles que la volonté
reçoit par un secours surnaturel? C'est une
coiilracliction palpable. Si les synergistes lu-
thériens y sonl tombés, nous n'en sommes
pns responsables. Supposons un malade ré-
duit à une extrême faiblesse, qui ne peut
plus se lever ni marcher ; si on lui donne un
remède qui ranime le mouvement du sang,
qui remet en jeu les nerfs el les muscles, il
pourra peut-être se lever et marcher pen-
dant quelques moments. Dira-t-on qu'il le
fait par ses forces liaturcllcs.ct non en vertu
du remède? Dès que cette vertu aura cessé,
il retombera dans son premier état. Voy. Se-
nii-PÉLAGiàMSMiî, à la fin.
Bayie, dans le même article, a voulu très-
inntilemenl justifier ou excuser Calvin, ( n
disant (jue, quoiqu'il s'ensuive de la doctrine
de ce novalL'ur que Dieu est la cause du pé-
ché, cependant Calvin n'admettait pas cette
conséquence. Tout ce que l'on en peut con-
clure, c'est qu'il était moins sincère que Lu-
ther qui ne la niait pas. Qu'il l'ait avouée ou
non, il n'en était pas moins coupable. Son
sentiment ne pouvait aboutir qu'à inspirer
aux hommes une terreur stupide, une ten-
tation continuelle de blasphésner contre
Dieu elde le maudire au lieu de l'aimer. 11
est singulier (ju'un hérétique obstiné ail eu
le priviUge de travestie la doctriniî de l'E-
glise, d'en tirer les conséquences les plus
fausses, malgré la réclamation des catholi-
ques, et qu'il en ait été quille pour nier cel-
les qui découlaient évidemment de la sienne.
S'il avait trouvé quelque chose de semblable
dans ses adversaires, de quel opprobre ne
les aurail-il pas couverts?
Le traducteur de Mosheim avertit dans
une note, t. IV, p. 333, que de nos jours il
n'y a presque plus aucun luthérien qui sou-
tienne, louchant la grâce, la doctrine rigide
de Luther ; nous le savons : nous n'ignorons
pis non plus que presque tous l«s réformés
onl abandonné aussi sur ce sujet la doctiine
rigide de Calvin. Ils reconnaissent donc tm-
fîn, après deux cents ans, que les deux pa-
triarches de la réforme ont été dans une er-
reur grossière, et y ont persévéré jusqu'à la
niorl. 11 est difficile de croire que Dieu a
voulu se servir de deux mécréants pour ré-
former la foi de son Ei^lise : pas un seul pro-
lestant n'a encore daigné répondre à cette
réHexion, Miis ces mêmes réformés sont
tombés d'un excès dans un autre. Quoique
le synode de Dordrecht ait donné en 11)18
la sanction la plus authentique à la doctrine
rigide de fiomar, qui esl celle de Calvin,
quoiqu'il ait proscrit celle dArminins, qui
est le pélagianisme, celle-ci a été embrassée
par la plupart des théologiens réformés,
même par les anglicans. Tracl. de Mosheim,
I. yi, p. 32. Conséqucmmenl ils ne recon-
naissent plus la nécessité de la grâce inté-
rieure ; «lu lieu que Calvin ne cessait de ci-
ter saint Augustin, les réformés d'à présent
regard'ent ce l'ère comme un novateur.
Yoy. AlUIlNIENS, PÉLAGIANISJIE, etC.
SYNODE, assemblée ecclésiastique; c'est
le mot grec qui désigne nn concile. Main,
p;irmi nous, cuncik se dit principalement de
rassemblée des évêques d'une province ,
d'un royaume ou de l'Eglise universelle;
«ynode est l'assemblée des ecclési,isliques du
second ordre, sous la présidence de l'évê-
qiie, ou de ceux d'un district particulier,
sons les yeux d'un officiai ou d'un archi-
diacre. Le but de ces assemblées est de faire
des statuts ou règlements pour réformer ou
prévenir les fautes conire la discipline, soit
parmi les ecclésiastiques, soit parmi les sim-
ples fidèles. 1
Dans cet article de l'ancienne Encyclopé'
die on a décidé que c'est au souverain seul
d'ordonner ou de permettre les assemblées
ecclésiastiques, de fixer les matières des-
quelles on y doit traiter, d'en examiner, d'en
approuver ou d'en casser les décisions et les
règlements; l'on .ippuie cette doL-lrine sur
l'autorité irréfragable de quelques proles-
tants. Celte jurisprudence est bonne en An-
gleterre, où le roi se donne le titre de chef
souverain de l'Eglise anglicane. Henreuse-
mint les souverains catholiques connaissent
mieux l'étendue et les bornes de leur auto-
rité que les protestants ; ils ne sont pas du-
pes du zèle hypocrite qu'affectent certains
auteurs pour agrandir le pouvoir monar-
chique ; dès que ces derniers y ont le moin-
dre intérêt, ils remettent les rois sous la tu-
telle du peuple. — Avant la conversion des
empereurs au christianisme, il y avait eu
p lurle moins trente-six conciles ou synodes,
dont plusieurs avaient été assez nombreux,
et formés par les évêques de plusieurs pro-
vinces de l'empire. Nous ne voyons pas que
CCS assemblées aient été tenues en vertu des
éiiits des empereurs païens, ni que ceux-ci
aient donné des lettres patentes pour en con-
firmer ou pour en casser les décisions. Ce
sont cependant ces anciens décrets qui ont
toujours été les plus respectés dans l'Eglise
On voit dans le Dictionnaire de Jurispru~
dence, art. Conciles provinciaux, que par les
lois du royaume les métropolitains sont au-
torisés à tenir tous les trois ans le concile de
leur province, à plus forte raison les évê-
ques à tenir des synodes dans leurs diocèses.
Nous voudrions du moins que ceux qui ont
soutenu le contraire fussent mieux d'accord
avec eux-mêmes. Lorsque les protestants de
France eurent obtenu par l'édit de Nantes
la liberté de tenir des synodes, nos rois ne
prirent jamais le soin de leur prescrire les
matières qui devaient y être traitées, d'en
examiner les décisions, de les confirmer ou
de les casser, cela aurait été cependant plus
nécessaire qu'à l'égard dos synodes diocé-
sains; et nos adversaires n'ont point accusé
le gouvernement d'avoir péché en cela con-
tre la politique. Une autre inconséquence
est de déclamer contre les désordres da
clergé, et de lui ôter en même temps la li-
berté de tenir des assemblées destinées à ré-
tablir et à maintenir la discipline. Par là on
fait retomber sur le gou.vern;'ment lout l'o-
dieux des dérèglements réels ou supposés
du clergé.
615 SYN
SYNODE (1) {Droit Cfinon) signifie en gé-
iiéral une assemblée de VEglisr. Quelquefois
le lernic de synode est pris pour une iissem-
blée (Je l'Iîglise universelle on concile œcu-
niénique, quelquefois pour un concile natio-
na! ou provincial.
11 y a plusieurs sortes «le synodes.
Synode de l'archidiaire, esl la convocalioa
de i'archidiacre Tailc devant lui de tous les
curés de la campagne dans le diocùse de Pa-
ris ; il se lient le mercredi d'après le second
dimanche de Pâques.
Synode de l'archeiêque, est celui que lient
l'arch vèque dans son diocèse projire, comme
chaque cvè(|ue dans le sien.
Synodi- du yrand chantre, est celui que le
chantre do la cathédrale lient pour les maî-
tres ei maîtresses il'ecole.
Synode diocésain, est celui auquel sont
convoqués tous les curés et autres ecclésias-
tiques d'un même diocèse.
Synode épiscopal ou de l'évéque, est la
même chose que synode diocésain ; l'objet
de ces assemblées est de f.iirn quelques rè-
glements et quelques reformations pourcon~
server la pure(èdes mœurs.
Les conciles d'Orléans et de Vernon or-
donnent la convocation des synodes tous les
ans, et que tous les prêtres, mémo les abbés,
seront tenus d'y assister. Le concile de
Trente ordonne aussi la tenue du synode
diocésain tous les ans, auquel doivent assis-
ter les exempts (sui ne sont point sous cha-
pitres généraux, cl tous ceux qui sont char-
gés du gouvernement des églises paroissiii-
l(îs, ou autres séculières, îuémc annexes.
Ces assea)blées se faisaient anciennement
deux fois r.innoe, au mois de mai et au»;
calendes de noveLnl>re. La manière de les te-
nir n'est pas nnilorme : chaque diocèse a ses
usages à cet égard, ei il faut s'y confoi mer,
ainsi que le prescrit le concile de Hordeaux
delSSV. Les curés des paroisses qui dépen-
dent des abbiiyes et ordres exeu)pts ne sont
pas dispensés d'assister au synode de l'évè-
que, n'étant pas exempts de sa juridiction.
Le règlement de l'assensblée de Melun, en
1579, ordonne aux curés qui viennent au
synode, de «iél'érerà l'évéque le nom de leurs
paroissiens coupables de crimes publics, afin
que le synode y pourvoie. Voy. les .Mémoires
du clergé. Ou traite dans les synodes ce qui
conceine le gouvernement du diocèse, la rc-
formation des mœurs el la discipline. l}iiaud
les hialuls synodaux contiennent des règle-
ments qui peuvent inli resscr l'ordre public,
ils ne lonl loi en France que quand ils ont
clé enregistrés d:in^es cours, ou i|u'ils ont
été revêtus de lettres patentes dûuienl en-
rcgislrées. S'ils renferiuaien! quelque chose
de contraire aux lois de IKgliseoude l'Etal,
le iiiinislère public pcul les faire réformer
par la voie de l'aj pel comme d'abus.
Synode national, esl celui qui comprend
le clergé de loutc une nation.
Synode de l'official, esl celui que tient l'of-
(icial, où il convoque tous les cures de la
(I) Arùcle reproduii d'après l'édition de Litige
SYR
G14
ville, faubourgs el banlieae à Paris : ce .çy-
Mot/e se tient le lundi Av. Qitanmodo .
Synode des religionnaires. Les Eglises pré-
tendues réformées avaient leurs synodes pour
entretenir leur discipline : il y en avait de
nilionaux el de provinciaux. Le synode de
Uordrechl, pour la condamnation des armi-
niens, est un des plus fameux. Les assein'*
blées de l'Eglise anglicane s'appelaient aussi
du nom de synode.
SYNOUSIASTES. Vni/, Apoi.i.inakistes.
SYlUAOUr-, SYRIENS. L'Kj^lise syrienne
renfermait dans son sein, pendant les qua-
tre premiers siècles, tous les peuples dont la
langue vulgaire était le syria(jue ou le syro-
chaldaïque : or, cette langue était parlée
non-seulement dans la P.ileslinc et dans la
Syrie proprement dite, mais encore dans une
partie de l'.irménie et dans la Mésopotamie.
Nous ne pouvons p.'.s oublier (jue cette
Eglise a été le bercenu du chrislianisme,
puisque c'est d^ins la Palestine qu'ont été
opérés les mystères de noire rédemplion, et
dans la ville d'Auîioche, capitale lic la Syrie,
que les premiers Gdèles ont reçu le nom de
clirrliens, Act.,c. \\, v. 2().
Pendant ces quatre siècles, la foi s'y est
Ciinservée assez pure, les iTCniières héré-
sies n'y jetèrent pas de profondes racines,
et l'arianisme n'y causa pas plus de (rou-
bles (lu'aiileurs. Mais au v, lorscjue Neslo-
rius eut été condamné par le concile d'E-
pbèse, les nesloriens bannis du patriarcat
de Constanlinople se retirèrent dans la Mé-
sopotamie et dans la Chaldée, y établirent
leurs erreurs, et enlevèrent ainsi à l'Eglise
iSyrirnne une partie des peuples qui lui
(étaient soumis. Voy. Nestoriens. Sur la fia
/de ce fiiêmc siècle et au commencement du
VI', les eutychiens proscrils par le con-
cile de Chalcédoine et par les lois des em-
pereurs, eurent un très-grai;d nombre de
partisans dans la Syrie ou dans le patriar-
cat d'Auîioche, que l'on appelait le diocèse
d'Orient, parce que les Grecs de Conslanli-
nople étaient plus à l'occident. Mais d'autre
part, les Nestoriens de la Cbaldee et de la
.Mésopotamie se nommèrent les Orientaux,
el appelèrent les Syriens d'Anlioche les Oc-
cidentaux. Ainsi l'Eglise syrienne se trouva
divisée eu trois parts. Les orthodoxes calho-
liiiues furent nommés par leurs adversaires
7)if/t7ie7ei ou royalistes, parce qu'ils retinrent
la même croyance que les empereurs, et
dans la suite ils prirent le nom de maronites,
qu'ils portent eiicore aujourd'hui. Les euty-
chiens prirent celui i\e. jacuOite , à cause que
leur chef principal était un moine nommé
Jacijues Haradée ou Zanzalc, et qu'ils fai-
saiciil profession de rejeter l'opinion d'Eu-
(ychès. Les partisans de Nestorius aimèrent
mieux se nommer Clialdécns cl Orientaux,
que nestoriens. Voy. tous ces (;oms. Au
Ml*' siècle, les mahomélans s'emparèrcnl de
la Syrie el des pays voisins, et ils furent tou-
jours favorisés dans leurs conquêtes, tant
p.ir les nesloriens que par les jacobites. Ces
iiérétiques ;;iiMèreul mieux subir le joug des
barbares que d'être soumis aux empereurs
61^
TAB
TAn
6lf
de Cons(anlinoplc, dans l'espérance d'acqué-
rir la supériorité sur les ortliodoxcs, cl ils
ne négligèrent rien pour rendre cos der-
niers suspects à leurs nouveaux maîtres,
afin d'en être mieux traités. Bonne leç m
pour les gouvernements qui fomcnlent dans
leur sein une secte révoltée contre la reli-
gion dominante; ils ne voient pas que ce
sont des ennemis domestiques, qui seront
toujours les premiers à secouer le jou;^ dans
le ras d'une révolution, et tout prêts à se-
conder les desseins d'un conquérant, sur-
tout s'il est de leur religion. — Quoique les
niahométans aient toujours traîné à leur
suite l'ignorance, la barbarieet l'oppression,
ils ne vinrent pas à bout d'étouffer d'abord
parmi les chrétiens syriens l'étude des lettres
et des sciences. On peut voir dans la Biblio-
thèquc orientale d'Assémani,que danstous les
temps il y a eu des écrivains qui ont fait des
ouvrages dans leur langue, soit parmi les or-
thodoxes, soit parmi les hérétiques. Dans un
catalogue des auteurs s/yr/e/t*, fait par Abd-
jésu ou Ebodjésii, patriarche des ncstoriens,
mort l'an 1318, on trouve le nom de 180 écri-
vains au moins, d(jnt les deux tiers étaient
nestoriens, et Assémani en ajoute encore
71 omis dans ce catalogue. Il y a parmi eux
des théologiens, des commentateurs de VVj-
criture, des historiens, des écrivains ascé-
tiques, des controvcrsistes, etc. Bibliolh.
orientale, tonj. 111, p. 5 et suiv. Les écoles
d'Edesse, de Nisibect d'Amide, tenues par
les ncstoriens, ont subsisté jusqu'au xii' siè-
cle ; mais il y a longtemps qu'il n'en est
resté aucune dans la Syrie proprement dite;
le gouvernement oppresseur des Turcs a tout
détruit. Les moines sont les seuls qui aient
quelque littérature; c'est la religion qui a
conservé ce faible reste de lusnière ; il se
ranimerait, sans doute, s'il y avait plus de
liberté, et si les dévastations n'étaient pas
toujours à craindre.
Au mot BiBi.E, nous avons donné une
courte notice des versions de l'Ecriture
sainte en langue syriaque; cl au mot Litur-
gie, nous avt>ns parié de celles qui ont été et
qui sont encore en usage parmi les Syriens,
soit orthodoxes, soit hérétiques. Par cos di-
vers monuments et par les savantes recher-
ches d'Asséniani, il est prouvé que ni les uns
ni les autres n'ont jamais eu la même
croyance que les protestants sur les diffé-
rentes questions controversées entre ces der-
niers et l'Eglise romaine. — Parles travaux
des missionnaires de celte Eglise, le nombre
des catholiques a beaucoup augmenté dans
ors contrées, et celui des hérétiques a dimi-
nué en inèine proportion; la secte des jaco-
bites est réduite à peu de chose, et celle des
nestoriens paraît près de s'anéantir. Un
voyageur moderne dit que les peuples des
montagnes de Syrie, devenus catholiques,
sont de bonne foi, de bonnes mœurs, et très-
soumis à l'EgTise iomaine,i]uoiqu'ils n'aient
pour toutes études que l'Ecriture sainte et
leur catéchisme. Voi/nt/cs autour du monde,
par M. de Pages, en 1707-1770, t. I, p. 352.
TABERNACLE, lente ou temple portatif
dans lequel les Israélites, pendant leur sé-
jour dans le désert, faisaient leurs actes de
religion, offraient leurs sacrifices et ado-
raient le Seigneur. Cet édifice pouvait se
monter, se démonter et se transporter où
l'on voulait. I! était composé d'ais, de peaux
et de voiles ; il avait trente coudées de long.
sur dix de haut et autant de large, et il
était divisé en deux parties. Celle dans la-
quelle on entrait d'abord s'appelait /fA\n'»U;
c'est là qu'étaient le chandelier d'or, la table
avec les pains de |)roposilion ou d'offrande,
et l'autel sur lequel on brûlait les paifums.
Cette première partie était séparée par un
voile de la seéonde nommée le sanctuaire
ou le Saint des saints, dans laquelle était
l'arche d'alliance. L'espace qui était autour
du tiibernacle s'appelait le parvis; dans ce-
lui-ei, et vis-à-vis l'entrée du tabernacle,
étaient l'autel des holocaustes sur lequel on
brûlait la ciiair des victimes, et un grand
bassin plein d'eau, nommé la mer d'airain,
où les prêtres se lavaient avant de faire les
fonctions de leur ministère. Cet espace, qui
avait cent coudées de long sur cinquante de
large, était fermé par une enceinte de. ri-
deaux soutenus par des colonnes de bois
revêtues de plaques d'argent, dont le chapi-
teau était de même métal, et la base d'airain.
Tout ce tabernacle était couvert d'éloffes
précieuses, par-dessus lesquelles il y en
avait d'autres de poils de chèvres pour les
garantir de la pluie et dos injures de l'air.
Roland, Anliq. sacrœ vet.Hehr., i part., c. 3
et seq.; Lami, Introd. à l'étude de l'Errilure
sainte, c. 10 ; Wallon, Prolég., c. 5, etc. Les
Juifs regardaient le tabernacle comme la de-
meure du Dieu d'Israël, parce qu'il y don-
nait des marques sensibles de sa présence;
c'était là qu'on devait lui offrir les prières,
les vœux, les offrandes du peuple et les sa-
crifices ; Dieu avait défendu de le faire ail-
leurs. Pour celle raison le tabernacle fut
placé au milieu du camp, environné des
lentes des lévites, et plus loin de celles des
différentes tribus, selon le rang qui leur
était marqué. Ce tabernacle fut dressé d'a-
bord au pied du mont Sina'ï, le premier jour
du premier mois de la seciinde année après
la sortie d'Egypte, l'an du monde 251'f-. Il
tint lieu de temple aux Israélites, jusqu'à
ce que Salomon en eût bâli un qui devint
le centre du culte divin, et ce temple fut
bâti suivant le même plan <|ue le tabernacle.
Voy. Tkmpi.e. Dans la Vulgalc celui-ci et
appelé tabernaculum leslimonii, la tente du
témoignage; mais le mot hébreu désigne
plutôt la tente de l'assemblée, et ce sens con-
vient «lieux à la dcslinalion de cet édilice.
817
TAB
TAB
S\»
Après la conquête de la Palestine, l'arche
d'alliance ne fut pas toujours renfermée
dnns le tabernacle ; elle en fut ôtée plus
d'une fois et déposée ailleurs ; on ne voit pas
dans l'histoire sainte que Dieu on ait fait un
reproche aux Juifs; lleland, ibiii.
Spencer, de Lcgib. hebr. rilual,, 1. m, 2'
pari., c. 3, a imaginé que Moïse avait con-
struit le labcrnade à l'imilation des peuples
dont il était environné; c'est une conjecture
sans fondement. H n'y a aucune preuve po-
sitive qu'à l'époque dont nous parlons, les
Egyptiens, les Cliananécns ni les nations
qui étaient à l'orient de la Palestine, aient
eu des temples portatifs pour y adorer leurs
dieux; ces nations étaient déjà pour lors sé-
dentaires; elles aviiient des villes et des ha-
bitations fixes : une des principales atten-
tions de Moïse fut d'éviter toute ressem-
blance entre le culte du vrai Dieu et celui
des fausses divinités.
Un incrédule de nos jours, qui s'est atta-
ché à rassembler des objections contre l'his-
toire sainte, prétend qu'il est impossible
que, dans un désert où les Israélites man-
qujiienl d'habits et des choses nécessaires à
la vie, ils aient été assez riches pour fournir
à la construction d'une lenle si magnifique,
et à faire des meubles aussi précieux que
ceux qui sont décrits par.Moïse; il en conclut
que le tabernacle fui seulement commandé
cl projeté dans le désert, m.iis qu'il ne fut
exécuté qu'après la conquête de la Palestine.
Ce critique imprudent n'a pas voulu se
souvenir que les Israélites étaient sortis de
riigypte chargés des dépouilles de leurs
hôtes, et que les Egyptiens leur avaient
donné ce qu'ils avaient de plus précieux,
Exod., c. XII, V. 3G. D'ailleurs l'évaluition
qu'il fait des métaux est purement arbitraire
cl fautive ; on ne sait pas au juste ce que
pesait ni ce que valait le talent ou le lingot
d'or de ces temps-là; le poids et la valeur
en ont varié chez les dilTérenls peuples.
Ce même écrivain soutient que les Israé-
lites n'ont rendu aucun culte au vrai Dieu
dans le désert ; si donc ils ont construit un
tabernacle, ce n'a pas été pour lui, mais
pour quelque fausse divinité. Il prétend lo
prouver par ces paroles du prophète Atnos,
c. V, v. 'la: Enfants d'Israël, m'avez-voxts
offert des dons et des sacrifices dans le dé-
sert pendant quarante ans? Vous avez porté
les tentes de votre Moloch et les images de
votre Kium, et les étoiles des dieux que i>ous
vous êtes faits. Les Septante, au lieu de
Kiuni, ont mis Itœptian. Saint Etienne, dans
les Actes des apôtres, c. vu, v. 42, suit les
Septante, cl dit ; Vous avez porté la tente de
Moloch. et l'éloile de voire Dieu Rempuam,
figures que vous avez faites pour les adorer.
— .Nous répondons que l'interrogation qui
est dans le texte hébreu emporte souvent
une négation, et qu'il faut traduire : Ne m'a-
vez-voKS pas offert des dons et des sacrifi-
ces, etc.? on peul en citer plusieurs exem-
ples. H eu est de même de l'interrogation,
ii-r,, dans les Septante et dans les écrivains
grecs. Ce qui précède et ce qui suit exige
DlCT. DE TuiiOL. DOGMATIQUE. IV.
absolument ce sens. Dieu dit aux Juifs qa'il
connaissait leurs crimes, qu'ainsi il n'ac-
ceptera point leurs sacrifices; il compjire
leur conduite à celle de leurs pères, qui
dans le désert ont mêlé son culte à celui des
faux dieux, mélange abominable que Dieu
déteste. En traduisant autrement, l'on fait
déraisonner le [iropliète. Moïse n'a jvis passé
sous silence cette idolâtrie des Israé itos
dans le désert, puisqu'il leur reproche d'a-
voir sacrifié aux déuions, à des dieux nou-
veaux que leurs pères n'avaient pas connus.
Dent, c. xxxii, V. 16 et seq. — Il n'est pas
certain que Moloch, Kium et Ua-phan ou
Rempham, aient été trois dieux diilérents :
plusieurs savants ont pensé que c'était Sa-
turne, astre et divinité, appelé Moloch par
les Ammonites, Kium par les Chananéens,
Rœphan par les Egyptiens. Mais comme la
planète de Saturne ne peut pas avoir été
fort connue des peuples qui n'étaient pas
astronomes, il nous est pei'mis de croire
que c'élail plutôt le soleil, (|ui a été cons-
liimmenl adoré sous diilérents noms par les
Orientaux. Vo\j. Astres.
Tabernacles (fête des). C'était une des
trois grandes fêtes des Juifs; Dieu leur avait
ordonné de la célébrer en mémoire de ce
que leurs pères avaient demeuré pendant
quarante ans sous des tentes dans le désert,
Levit., c. xxiii, V. 3i, 43. L'objet des fêtes
juives, en général, était de rappeler à ce
peuple les principaux événemenis de son
histoire, et de le faire souvenir de la pro-
tection et des bienfaits que Dieu lui avait
accordés dans tous les temps. La fêle dos
Tabernacles commençait le quinzième jour
du septième mois, nommé lisri, par qui ré-
pond au dernier de septembre, après la ré-
colte de tous les fruits de la terre; elle du-
rait sept jours. Pendant cette solennité, les
Juifs demeuraient sous des cabanes faites de
branches d'arbres. Comme il leur était or-
donné de la passer dans la joie, ils faisaient
pendant ces sept jours, avec leur famille,
des festins de réjouissance auxquels ils ad-
mettaient les lévites , les étrangers , les
veuves et les orphelins, suivant l'ordonnance
de la loi.
Dans ri''vangile, celte fête est nommée
scennpegia, du grec a/n-.n, tente, et nn-/vjfit,
je construis, je bdtis. Le premier jour et le
dernier étaient les plus solennels ; il n'était
permis de s'occuper d'aucun travail; les
Juifs devaient se présenter au temple, y
faire des offrandes, remercier Dieu de ses
bienfaits. Comme cela se faisait immédiate-
ment après les vendanges, les païens, té-
moins de ces cérémonies, et qui n'en con-
naissaient pas l'objet, en prirent occasion
de dire que les Juifs rendaient un culte à
Bacchus. Dans la suite les Juifs ajoulèrent
à ce qui était prescrit par la loi d'auiros cé-
rémonies, comme de porter des palmes à la
m;iin en criant liosanna, d'aller le dernier
jour de la fête puiser de l'eau à la fontaine
de Siloé, pour en faire des libations, etc. Il
paraît que ce dernier usage était déjà établi
du temps de Jesus-Ghrist, et qu'il y fil alla-
20
619
TAL
TAN
m
sion lorsque se trouvant à Jérusalem dans
ce iiiênie jour, il cria aux Juifs : Si quel-
qu'un a soif, qu'il vienne à moi: lorsque quel-
qu'un croira en moi, comme l'Ecriture l'or-
donne, il sortira de son sein (les eaux vives
{Joan., vu, 37). Voy. Hosanna; Ueland,
Antiq. sacrœ vêler. Hebr., \\' part., c. 5;
Lami, Introduction à l'étude de l'Ecriture
sainte, c. 12.
Tabernacle. On appelle ainsi dans nos
églises une pelile armoire dans laquelle ou
renferme la sainte eucharistie, cl d'où on la
tire pour l'exposer à l'adoration du peuple
ou pour la porter aux malades. Voy. Ci-
Boirl:.
TABLE DE LA LOL Voy. Loi.
Table des p :ins de proposition ou d'of-
frande. Voy. Pain.
Table du Seigneur. Voy. Adtel.
TABLEAU. Voy. Image.
TABOIUTES. Fo)/. HossiTEs,
TACODRUGITES ou TASCODRUGITES.
Voy. MOMANISTES.
TALMUD, mol hébreu qui signifie doc-
trine. Les Juifs modernes appellent ainsi
une compilation énorme des traditions de
leurs docteurs, qui est contenue en 12 vol.
in- fol. Cet ouvrage est de la plus grande
autorité parmi eux ; ils croient que c'est la
loi orale que Dieu donna à Moïse et qui
est l'explication du texte de la loi écrite ;
que Moïse la fit apprendre par cœur aux
anciens, et qu'elle est venue d'eux par tra-
dition, d'âge en âge, pendant un espace
d'environ seize cents ans, jusqu'au rabbin
Juda Jlaccadosch ou le saint, qui la mil en-
fin par écrit sous le règne d'Adrien, environ
l'an 130 de Jésus-Christ. Voy. Loi orale.
Le Talmud contient deux parties, savoir, la
Mischna ou seconde loi, qui esl le texte, et
la Gémare ou complément, qui est le com-
mentaire. Mais il y a deux Talmud : l'un est
celui de Jérusalem, duquel nous venons de
parler, dans lequel la Mischna ou le texte
esl du ra'jbin Juiia Haccadoscli ; la Gémare
ou le commentaire est l'ouvrage de divers
rabbins qui ont vécu après lui. 11 ne fut
achevé que vers l'an 300 de Noire-Seigneur:
il est renfermé dans un vol. in-folio. Comme
il est fort obscur, les Juifs en font trèi-peu
d'usage ; cependant, comme il a été fait dans
les siècles voisins du temps de Jésus-Christ,
et qu'il est écrit dans le langage qui était
encore usité pour lors dans la Judée, Lighl-
foot, savant Anglais, très-exercé dans la
langue hébraïque, en a tiré un grand nombre
de remarques qui peuvent servir à l'intelli-
gence du Nouveau Testament. Le second
Talmud est celui de Biibylone ; il n'a été
composé qu'environ deux cents ans après
le premier, vers la fin du cinquième siècle
ou au commencement du sixième; c'a été
l'ouvrage de plusieurs rabbins qui, après
la dispersion des Juifs, sous le règne d'A-
drien, se retirèrent dans la Jîabyloiiic, et y
tinrent des écoles pendant quelques siècles,
probablement jusqu'aux incursions et aux
conquêtes des mahomélans. C'est ce dernier
Talmud dont I(» Juifs font le plus de cas,
qu'ils étudient avec le plus de soin, pour le-
quel ils ont pour le moins autant de respect
que pour les livres saints; toutes les fois
qu'ils p.irlent du Talmud, de la Mischna, ou
de la Gémare, ils entendent l'ouvrage fait,
comme nous l'avons, dit à Babylone, et en
12 vol. in-folio. Ce n'est cependant qa'ua
amas de fables, de rêveries et de puérillités,
sous lequel les Juifs ont étoufté la loi et les
prophètes, et pour lequel les Juifs caraïtes
ont beaucoup de mépris. C'est, comme s'ex-
prime le docteur Prideaux , l'Alcoran des
Juifs; c'est là qu'ils puisent toute leur
science, leur croyance et leur religion. De
même que l'un est rempli d'impostures que
Mahomet a données comme apportées du
ciel, l'autre contient aussi mille absurdités
auxquelles les Juifs donnent une origine
céleste.
, Maimonide, savant juif espagnol du xii°
siècle, a fait un extrait de ce Talmud, où,
laissant de côté les disputes et les choses
ridicules, il ne donne que les décisions des
cas dont il y est parlé. 11 a donné à cet ou-
vrage le titre de lad Ilachazacha, maia
forte. C'est, dit-on, un digeste de lois des
plus complets, estimable, non pour le fond,
mais pour la clarté du style, la méthode et
l'ordre des maiières; Prideaux, Histoire des
Juifs, 1. V, an kkQ avant Jésus-Clirisl.
TANCHELIN, TANKELIN, ou TANQUEL-
ME, hérétique qui fit grand bruit dans le
Brabant, dans la Flandre, et surtout à An-
vers, au commencement du xii'^ siècle. Il
enseignait que les sacrements de l'Eglise
catholique étaient des abominations ; que les
prêtres, les évêques et le pape n'avaient
rien de plus que les laïques ; que la dîme
ne leur était pas due; que l'Église n'était
composée que de ses disciples. 11 séduisait
les femmes, il en abusait pour satisfaire sa
lubricité; il extorqua beaucoup d'argent de
ceux dont il avait fasciné l'esprit. Fier de se
voir à la tête d'un parti nombreux et d'avoir
communiqué son fanatisme à une multitude
ignorante, il affecta l'extérieur et la magni-
fii;ence d'un souverain; il ne parut plus en
public qu'environné de gardes et de soldats
armés; il poussa l'impiété jusqu'à prétendre
que, puisque Jésus-Christ est adoré comme
Dieu parce qu'il a eu le Saint-Esprit, on de-
vait lui rendre le même culte puisqu'il avait
aussi reçu la plénitude de l'Esprit saint.
C'est ce que le clergé d'Utrecht écrivit à l'ar-
chevé(jue de Cologne, qui avait fait arrêter
cet imposteur itiseusé. Mais Tanquelme,
échappé dosa prison, recommença ses pré-
dications impies et séditieuses; enfin, dans
un de ces tumultes (ju'il avait coutume d'ex-
citer, il fut tué par un prêtre, l'an 1115. Sa
secte, qui lui survécut, fut dissipée par les
instrurtions et par les exemples de saint
Norbert et de ses chanoines réguliers. Hist.
de l'EijIise gallic, tom. VIH, 1. xxir, sous
l'an liOo.
Comme un hérétique qui déclame contre
le clergé ne peut jamnis avoir lorl au juge-
ment des protestants, Mosheim dit que si les
crimes imputés à Tanquelme étaient vrais
C«i
TAR
TAR
622
('aurait été un monstre d'iinposluic ou un
fou à lier, mais qu'ils sont iiicroyalilcs, par
conséquent faux, qu'il y a (oui lieu lîo croire
qui3 le clergé lui imputa des blasphèmes
pour se venger do lui. Hisl. eccL, xir siècle,
2* pari., c. 5, § 9. — 11 nous paraît qu'il y a
tout lieu de penser le contraire. 1° Il est plus
naturel de cruire qu'un sectaire ignorant et
fanatique, enivré de ses succès, est devenu
impie ei iusciisc, que de juger sans preuve
que tout le clergé de la ville d'Ulreclit était
composé d'j calomniateurs. '2° Les tiiitoriens
de la vie de saint Norbert, témoins contem-
porains, oui allesté la même cliose que le
clergé d'Utrocht. 3' La miiKitude d'impos-
teurs do même espère qui parurent au xn"
siècle, tels que les cathares, nommés aussi
patarins et albanais, espèce de manichéens,
Pierre de Bruys et Henri, Arnaud de lîresse,
Pierre V'aldo et les vaudois ses disciples, les
pasap;inieiis ou circoncis, les capuciali, les
aposloliques, lion, etc., desquels l\loslieim
a rapporté les erreurs et les impiétés, quoi-
qu'il en ait dissimulé plusieurs, ne prouve
que Irop (|ue, dans ce siècle do vertiges,
rien n'est incroyable de la part des faux
illuminés. h-° Si l'on ramassait toutes les
grossièretés, les propos de taverne, les traits
de folie répandus dans les livres d(! Luliier
écrits en ullemaml, on serait tenté de dire
qu'il méritait pour lo moins autant d'être
mis aux petites maisons que d'être condamné
comme hérétique. Mais on les ignore; per-
sonne ne les lit plus, pas même les lulliù-
riens ; cela sauve l'honneur du patriarche
de la réforme. S'ensuit-il qu'il n'en est pas
l'auteur, que c'est le clergé catholique, irrité
de ses déclamations, qui les a forgés?
ÏAIUIUM. Ko!/. Paraphrases cualdaï-
CUKS.
TAIITARES. Nous ne parlons de ces peu-
ples que pour exposer les différentes tenta-
tives que l'on a faites pour les convertir et
les amener à la connaissance du christia-
nisme. Toujours \agabonds , adonnés au
pillage et à la rapine, les Tarlares étaient
connus des anciens sous le nom génériÉl de
Scyihes, et ils ont été représentés, il y a deux
mille ans, tels à peu près qu'ils sont encore
aujuurd'liui. Il n'est |)oint de nation qui oc-
cupe une aussi grande étendue de terrain
sur le globe : la grande Tarlarie a pour
bornes au septentrion la Sibérie , au midi
les Indes et la Perse, à l'orient la mer du
Kamischacba et la Chine, à l'occident le
grand fleuve du Volga et la mer Caspienne:
c'est pour le moins le double de l'Europe.
Ses habitants sont aussi les hommes de l'u-
nivers dont les mœurs sont le plus opposées
au christianisme ; l'aversioa pour la vie sé-
dentaire, pour le travail, pour l'agricull jre;
l'amour du pillage , la cruauté , les débau-
ches contre nature , sont des vices aussi
anciens qu'eux. Mais enfin Jésus-Christ, en
ordonnant de prêcher l'Evangile à toutes les
nations , n'a pas excepté celle-là, et s'il est
très-dilticile de lui fjiro embrasser celle doc-
trine, l'evéneuienl a prouvé plus d'une fois
que cela n'.esl.pas ioipussible.
En faisant l'histoire du nestorianisme,
nous avons observé ([ue les partisans de
celte hérésie , proscrits par les empereurs
de Constantinople au v si-cle, se retirèrent
dans la Mésopotamie et dans la Perse et
s'étendirent du côté di; l'Orient ; que , pon-
dant le vi° , ils portèrent leur doctriiîc aux
Indes, sur la côte de iMulabar, sur les bords
de la mer Caspienne et dans une partie de
lagrandeTarlarie;qu'au vu, ils péiiélrèrenl
dans la Chine et y tirent dos progrès. Quoi-
que l'on ne sache pas précisément jn^qu à
quoi point ils allèrent au noni de la Tarla-
rie, il est prouvé par des catalogues que les
nestoriens ont drossé des évôehés soumis à
leur patriarche, qu'il y en avait plusieurs
situés dans la Tartarie'. H est certain (ju'a-
vantcelteépoque il y avait en déjà dos chré-
tiens dans cotte partie du monde , puisque
des écrivains du iv siècle ont parlé du chris-
tianisme établi chez les Sères , qui sont ou
les Chinois ou les Tarlares orientaux ; mais
On ne sait pas positivement par qui ni com-
ment ils avaient clé convertis. Au vu' siècle,
les Arabes mahométans s'emparèrent de la
Perso et s'y établirent ; depuis celle révolu-
tion, les nesloriens lurent souvent troublés
dans l'exercice de leur religion , dans leurs
missions, et maltraités par ces ennemis du
nom chrétien.
Dans une Histoire ecclésiastique des Tor-
tures , composée sous les yeux du savant
Mosheim par un de ses élèves, et imprimée
à Helmstadt en 174-1, l'auteur nous apprend
que, sur la fin du vin" siècle et au commen-
cement du IX', Timolhée, patriarche des nes-
toriens , qui demeurait au monastère de
Belh-Aba dans l'Assyrie, envoya successi-
vement plusieurs de ses moines prêclier l'E-
vangile chez les Tarlares voisins de la mer
Caspienne, qu'ils furent écoutés, cl qu'ils
fondèrent plusieurs églises , non-soulemenl
dans celte conirée, mais au Cathaï, dans la
Chine et dans les Indes. Il le prouve par des
monuments tirés de la Bibliothèque orien-
tale d'Assémani, t. III et IV.— Au commen-
cement du XI* siècle, toute l'Europe retentit
du bruil de la conversion au christianisme
d'un personnage célèbre nomiié le Pre'ire-
Jean, s;fns que l'on sût posilivcmoiit dans
quelle partie du monde il était. Il est prouvé
que c'était un prince tartare qui dominait
sur la partie orientale de la Tarlarie la plus
proche de la Chine, et que l'on appelle au-
jourd'hui le royaume de Tangulh. Il paraît
encore que ce nom de Prêtre - Jean a été
donné à plusieurs autres kans ou princes
tarlares (jui avaient embrassé le chrislia-
nisme, puis(iu'il en est encore fait mention
au milieu du xip siècle. Le dernier de ces
princes, nommé Ung-Kan, fut vaincu et dé-
trôné par Gengis ou Zengis-Kan, l'an 1203.
On prétend que le pape Alexandre JII lui
avait écrit l'an 1177, pour l'engager à se
réunir à l'Eglise roîuaine , et que la posté-
rité do ce dernier /*r^f;'('-/ea« subsista encore
longtemps après lui, et continua de conser-
ver la foi chrétienne. — Gengis-ivan, dévasta-
teur de l'Asie, mort l'an 1226, uc fut jamais.
623
TAR
TAR
621
chrétien ; on ne sait pas même s'il avait udc
religion : mais il passe pour constant que
Zagataï, l'un de ses fils, qui cul le royaume
de àamarcande, fit profession du christia-
nisme. L'an 1241 et les suivants , un essaim
de Tarlares vint ravager la Hongrie , 1^ Po-
logne, la Russie, et pénétra jusque dans la
Silésie. C'est ce qui engagea le pape Inno-
cent IV à envoyer , l'an 12't5, des mission-
naires en Tartarie, pour tâcher d'adoucir la
férocité de ces peuples ; il choisit pour cela
des dominicains et des franciscains. L'histo-
rien que nous copions prétend que les pre-
miers manquèrent de prudence et réussirent
mal, que les seconds furent mieux reçus,
mais qu'ils ne flrenl pas grand fruit. Il y a
cependant lieu de penser le contraire, puis-
qu'on 1246, Gajuch-Kan et d'autres chefs
des Tarlares avaient embrassé le christia-
nisme et avaient épousé des femmes chré-
tiennes. Assémani , Bibliotlièque orientale,
t. IV, p. 101, etc. En effet , André de Lonju-
mel , l'un de ces dominicains , revenant de
son voyage cette même année , trouva dans
l'île de Chypre le roi saint Louis, qui était
en marche pour la terre sainte. Sur le récit
de ce religieux et d'un ambassadeur tarlare
qui arriva en même temps , le saint roi les
renvoya en Tartarie avec des présents pour
le grand kan. Si les dominicains avaient été
mal accueillis dans ce pays-là , il n'est pas
probable qu'André de Lonjumel eût voulu
y retourner sitôt; et s'il n'y avait eu aucun
succès à espérer pour la religion, saint Louis
n'aurait pas hasarJé celle ambassade. Mais
les Tarlares, ennemis déclarés pour lors des
Sarrasins ou mahométans, étaient instruits
et charmés de l'expéJition des princes croi-
sés, et ils savaient que le meilleur moyen
d'êlre en bonne intelligence avec eus , était
de permettre en Tarlarie la prédication de
l'Evangile. Aussi, l'an 12i9 , Mangu - Kan,
souverain puissant parmi les Tarlares, cl un
autre prince nommé Sarlack, se firent chré-
tiens à la sollicitation d'un roi d'Arménie.
Saint Louis , informé de co fait dans la Pa-
lestine , exhorta de nouveau Innocent IV à
envoyer des missionnaires en Tartarie ; il fit
partir avec eux Guillaume de Kubruquis,
religieux franciscain, qui écrivit la relation
de son voyage. Celte mission ne fut pas in-
fructueuse, puisque Sartack-Kan écrivit des
lettres respectueuses au pape et à saint
Louis, par lesquelles il faisait profession
d'être chrétien. — L'an 1236, le même Mungu-
Kan envoya Halack , l'un de ses généraux,
avec une grande armée , pour délivrer la
Perse du joug des mahométans. Halack les
battit, prit Bagdad et se rendit mailre de la
Perse. 11 traita les chrétiens avec douceur
et leur rendit la liberté de professer et de
prêcher leur religion. En 1259, les Tarlares,
sous un autre chef, firent encore une irrup-
tion dans la Hongrie, la Pologne et la Russie,
pendant que Halack continuait de pour-
suivre les Sarrasins dans la Mésopotamie
et la Syrie. C'est ce dernier qui , en 12G2,
extermina la nation des Assassins et leur
chef, que l'on nommait le vici4,x de la mon-
tagne. Cette horde de brigands s'était empa-
rée de plusieurs châteaux dans la Phénicie,
d'où elle faisait trembler les environs par
les rapines et les meurtres qu'elle exerçait.
Il est donc constant que l'expédition de saint
Louis dans la Palestine était concertée avec
les Tarlares, et qu'il était assuré d'en être
soutenu , circonstance que les historiens
n'ont pas assez remarquée.— En t274.,Abaka,
successeur d'Halack dans le gouvernement
de la Perse , envoya un ambassadeur avec
ceux du roi d'Arménie à Grégoire X et au
concile de Lyon, pour demander du secours
contre les Sarrasins. Il en renvoya encore
d'autres, deux ans après, au pape Jean XXI,
aux rois de France et d'Angleterre , pour
réitérer la même demande, en assurant que
Copiai, grand kan de Tartarie, avait em-
brassé le christianisme et demandait des
missionnaires : ce fait ne s'est pas vérifié.
Depuis cette époque, jusqu'en 1304.,les chré-
tiens dans la Perse furent tantôt en paix et
tantôt maltraités , suivant que les mahomé-
tans y eurent plus ou moins de pouvoir.
Mais les papes ne cessèrentpoint d'yenvoyer
successivement des missionnaires, et ceux-ci
vinrent souvent à bout de réconcilier des
nestoriens à l'Eglise romaine.
Mosheim, Hisl. ecclés., xiii'et xiv" siècles,
1" part. , c. 1 , § 2, convient que ceux qui
allèrent en Tarlarie à la fin du xiri" et au
commencement du xiV siècle , y firent les
plus grands progrès, qu'ils convertirent au
christianisme une infinité de Tartares, et ra-
menèrent à l'Eglise un grand nombre de
nestoriens ; qu'ils érigèrent des églises dans
différentes parties de la Tartarie et de la
Chine, de laquelle les Tarlares Mongols s'é-
taient rendus les maîtres. L'un de ces mis-
sionnaires francisciiins , nommé Jean de
Monl-Corvin , exerça dans ce pays-là pen-
dant quaranle-deux ans les fonctions d'un
apôtre. Il parcourut non-seulement la plus
grande partie de la Tarlarie, mais il alla dans
les Indes; il traduisit en langue tarlare le
Nouveau Testament et les psaumes de Da-
vid. L'an 1307 , Clément V érigea en sa fa-
veur un archevêché dans la ville deCambalu,
que l'on croît être la même que Pékin. Tant
que les Tarlares Mongols demeurèrent maî-
tres de la Chine, la religion chrétienne y fut
florissante. Mais l'an 1369, les Chinois vin-
rent à bout de chasser les Tartares et de re-
mettre sur le trône un prince de leur nation;
la religion chrétienne fut bannie de la Chine
avec ceux qui l'y avaient portée. A celte
même époque la Tartarie fut troublée par
des guerres intestines; les divers kans tra-
vaillèrent à se dépouiller les uns les autres,
et ces divisions donnèrent à Timurbec ou
Tamcrian la facilité de les subjuguer tous.
Sur la fin du xiv siècle , ce conquérant fa-
rouche porta le fer et le feu dans presque
toute l'Asie; il dévasta la Perse, l'Aruiénie,
la Géorgie et l'Asie mineure ; il pril Bagdad
l'an 1392 ; par lui a commencé le règne des
Turcomans ou des Turcs ; partout il établit
le mahométisme sur les ruines de la religion
chrétienne. Depuis cette fatale époque, il n'a
C&5
TAR
TAT
G2G
pas été possible de la rétablir dans la grande
Tarlarie; cependant le zèle des missionnaires,
surtout dos capucins, ne s'est pas ralenti; ils
n'ont presque pas cessé de faire des tenta-
tives pour rentrer dans cette vaste région;
en 1708, deux de ces religieux essayèrent
encore d'y pénétrer par la (>hinc, d'autres y
sont allés par la Perse ; on ne voit pas que
leurs efl'orts aient eu du succès. D'ailleurs,
la découverte de l'Amérique faite à la fin du
xv*sièc'e,et la navigation des Européens
aux Indes, ont fait tourner d'un autre côté
les courses apostoliques. A présent la Tar-
tarie est divisée entre deux fausses religions;
les Tartares occidentaux, voisins de la mer
Caspienne et de la Perse, sont mahométans;
ceux qui touchent à la Chine et qui s'éten-
dent vers le nord, sont idolâtres ; leurs prê-
tres, nommés lamas, ont à leur tête un chef
souverain appelé le dalaï-lama, ((ue tous les
Tartares honorent comme une espèce de di-
vinité.
Quand on considère la persévérance des
missionnaires catholiques pondant plus d'un
siècle à travailler à la conversion des Tar-
tares, les fatigues qu'ils ont supportées , les
cruautés auxquelles ils ont été exposés, la
multitude de ceux qui y sont morts , on ne
peut refuser des éloges à leur courage. Mais
les protestants en parlent froidement; on ne
sait s'ils l'approuvent ou s'il leur déplaît;
ils en dépriment le succès pour vanter ceux
des nestoriens. Cependant on ne peut faire
aux missionnaires catholiques, surtout aux
capucins, aucun des reproches que les pro-
testants et leurs copistes ont faits contre la
plupart des autres missionnaires. La vie pau-
vre et dure de ces religieux ressemblait à
celle des apôtres ; elle imprimait le respect
aux Tartares. Ils n'ont travaillé ni à se pro-
curer des richesses, ni à fonder une souve-
raineté, ni à étendre le pouvoir du pontife
romain ; l'épiscopat dont plusieurs ont été
revêtus, n'a rien changé à leur manière de
vivre. On ne voit pas qu'ils aient croisé les
travaux des nestoriens, qu'ils aient disputé
contre eux ; et ceux-ci étaient moines aussi
bien que les catholiques. Cependant , à la
réserve du seul Jean de Mont-Corvin , au-
quel les protestants n'ont pu refuser des
éloges , parce (ju'il traduisit le Nouveau
Testament en turlare , ils n'ont pas dit un
mot des autres. Mais le travail de ce francis-
cain est une censure sanglante de la négli-
gence des nestoriens ; pendant sept cents
ans que ceux-ci ont prêché dans la Tartarie,
aucun n'a pensé à traduire la Bible ; il a
fallu que ce fût un catholique et un religieux
qui prît cette peine. Cela nous parait démon-
trer que les nesloriens ne croyaient pas,
comme les protestants, que l'Ecriture sainte
est la seule règle de noire foi, et que l'on
n'est pas vrai chrétien quand on ne lit pas
la Bihie. Lorsijue des nestoriens se sont réu-
nis à l'iîglisc romaine, on n'a pas exigé d'eux
une abjuration de leur croyance sur aucun
des points de doctrine contestés entre les
protestants et nous ; ce fait nous paraît prou-
Tcr encore que les nestoriens n'ont jamais
eu la même croyance que les protestants.
(Juand on n'envisagerait les choses que
ilu côté politique et à l'égard du bien tem-
porel de l'humanité , l'extinction du chris-
tianisme dans la Tarlarie est un très-grand
malheur. C'est de cette région funeste que
sont sorties la plupart des hordes do barba-
res qui ont ravagé l'Europe et l'Asie, les
Huns , les Alains , les \'andales , les armées
de (îengis-Kan, de Mangu-Kan , de Tamcr-
lan.etc. Si notre religion s'était établie dans
celle partie du monde, elle y aurait produit
sans doule les mêmes effets que chez les au-
tres barbares du Nord ; elle les a civilisés,
rendus sédentaires, laborieux, raisonnables.
Quand les papes n'auraient point eu d'autre
dessein en envoyant des missionnaires chez
les Tartares , il faudrait encore bénir leur
zèle , et reconnaître du moins à cet égard
l'utilité de leur juridiction : mais dès qu'il
est question des papes et de l'Eglise romaine,
les protestants n'entendent plus raison.
VojJ. JMiSSIONS.
TATIEN, écrivain ecclésiastique du ir siè-
cle, était Assyrien d'origine et né dans la
Mésopotamie. Il fut disciple de saint Justin,
sous lequel il apprit à Uome pendant plu-
sieurs aniiées la doctrine chrétienne. Après
la mort de ce saint martyr, il retourna dans
sa patrie, et , privé de son guide, il adopta
une partie des erreurs des valentiniens, des
autres gnosliques et des marcionites. Il est
accusé par les Pères de l'Eglise d'avoir en-
seigné, comme Marciun, qu'il y a deux prin-
cipes de toutes choses , dont l'un est souve-
rainement bon ; l'autre, qui est le créateur
du monde, est la cause tic tous les maux. Il
disait que celui-ci a été l'auteur de l'An-
cien Testament, et que le Nouveau est l'ou-
vrag:e du Dieu bon. Il condamnait l'usage du
mariage, de la chair et du vin, parce qu'il les
regardait comme des productions du mau-
vais principe. Il soutenait, comme les docè-
tes, que le Fils de Dieu n'a pris que les ap-
parences de la chair; it niait la résurrection
future et le salut d'Adam. Il voulait que l'on
traitât durement le corps , et que l'on vécût
dans une parfaite continence. Cette morale
rigide séduisit plusieurs personnes ; ses dis-
ciples furent nommés encratites ou conti-
nents , hijdroparastes ou aquariens , parce
qu'ils n'olTraienl que de l'eau dans les saints
mystères : tatianisles , à cause de leur chef;
apostoliques, apolactiques,elc. Voy. cns mots,
'fous les anciens s'accordent à dire que Ta-
tien avait beaucoup d'esprit , d'éloquence et
d'érudition; il connaissait parfaitement l'an-
tiquité païenne. Il avait composé beaucoup
d'ouvrages; presque tous ont péri. Il reste
seulement de lui un Discours contre les paims,
qui mamiue d'ordre et de méthode : le style
en est diffus et souvent obscur , mais il y a
beaucoup d'érudition profane. Talien y
prouve que les Grecs n'ont point été les in-
veilleurs des sciences, qu'ils ont emprunté
beaucoup de choses de-- Hébreux , et qu'jls
en ont abusé. Il la parsemé de réflexions
satiriques sur la théologie ridicule des
païens, àuc la cualradiction de leurs dog-
627
ÏAT
TAT
628
mes, sur les actions infâmes des dieux, sur
les mœurs corrompues des philosophes. On
trouve cet ouvrage à la suite de ceux de
saint Justin, dans l'édition dos Bénédictins.
Il y en a eu aussi une très-belle édition à
Oxford en 1700, in-8°, avec des notes, et qui
a él6 donnée parWorlh,archidiacrede Wor-
ccster. — Tatien avait ausii composé une con-
corde ou harmonie des quatre Evangiles,
intitulée Diatessaron , par les Quatre : cet
ouvrage a souvent été nommé l'Evangile de
Talien ou des encratites , et il a encore eu
d'autres noms ; il est mis au nombre des
évangiles apocryphes. On n'accuse piHiYt
l'auteur d'y avoir cité ou copié de fiiirx évan-
giles; aussi cet ouvrage fut goûlé par les
orthoiioses aussi bien que par les héréti-
ques. Ti.éodorct qui en avait trouvé plus de
ticnx cents exemplaires dans son diocèse,
les ôtades mains des fidèles , et leur donna
en échange les quatre Evangiles, parce que
l'auteur y avait supprimé tous les passages
qui prouvent que le Fils de Dieu est né de
David, selon la chair. On a été longtemps
persuadé que cet ouvrage n'existait plus;
celui qui a été mis sous le nom de Talien
dans la Bibliothèque des Pires, a été fait par
un auteur latin bien postérieur au ii* siècle:
mais le savant Assémani découvrit dans l'O-
rient une traduction arabe du Diatessaron,
et la rapporta àRome,2?ît//joiftcV/Me orientale,
t. 1, à la fil!. On pourrait vérifiir si ce livre
est conforme à ce que les anciens ont dit
de celui de Tatien.
Jusqu'à présent les plus habiles criti-
ques avaient pensé que son Discours contre
les païens ava\[ été t'crit vers l'an 168, et
avant que l'auleur fùl tombé dans l'hérésie;
ils n'y voyaient aucun vestige des erreurs
des encratites ni des gnosliques, mais plu-
tôt de la doctrine contraire. Le Clerc, qui l'a
examiné avec des yeux criliqucs, Hist. éc-
oles., an. 172, § 1, p. 7.3o; l'éditeur dOxford,
qui en a pesé toutes les cx|iressions ; les
Bénédictins, qui en ont fait l'analyse; BuUus,
Bossuet, le père Le Nourry, etc., en ont
ainsi jugé. Mais Brucker, dans son Hist.
crit. de la philos., 1. 111, p. 378, soutient que
tous se sont trompés, que ce discours ren-
ferme déjà tout le venin de la philosophie
orientale, égyptienne et cabalistique, de la-
quelle Talien était imbu; qu'il y enseigne
évidemment le système des émanations, qui
est la base et la clef de toute celte philoso-
phie; que les apologistes de cet auteur ont
perdu leur peine, en voulant donner un
sens orthodoxe à ses expressions.
Pour contredire ainsi des hommes aux-
quels on ne peut refuser le titre de savants,
i! faut de fortes preuves; voyons s'il y en
a : 1° Tatien, dit Bruciier, avertit qu'il a re-
noncé à la philosophie des Grées, potir cm-
l)rasser celles des barbares; or celle-ci était
évidemment la philosophie des Orientaux. —
Si Brucker n'avait pas commencé par suppo-
ser ce qui est en question, il aurait vu que,
par la philosophie des barbares, Tatien a
entendu la philosophie de Moïse et ries
ciiréiicDs, parce que les Grecs nommaient
barbares tout ce qui n'élait pas grec. Il s'en
est clairement expliqué f^dit. Paris., n. 29;
edit. Oxon. n. 4G, il di! : « Or^outé des fa-
bles et des absurdités du paganisme, incer-
tain de savoir comment je pourrais trouver
la vérité, je suis tombé par hasard sur des
livres barbares, trop anciens pour être com-
parés aux sciences des Grecs, trop divins
pour être mis en parallèle avec leurs erreurs ;
fy ai ajouté foi, à cause de la simplicité du
style, de la candeur modeste des écrivains,
de la clarté avec laquelle ils expliquent la
création {izoinat;) de l'univers, de la connais-
sance qu'ils ont eue de l'avenir, de l'excel-
lence de leur morale, du gouvernement
universel qujls attribuent à un seul Dieu,
n. 31 (48) ; il est à propos de faire voir que
notre philosophie est plus ancienne que les
sciences des Grecs. » 11 prend pour termes
de comparaison Moïse et Homère; il prouve
par l'histoire profane que le premier a de-
vancé de longtemps le second. Peut-on re-
connaître à ces traits la philosophie des
Orientaux et des gnolisques?
2° Talien, continue Brucker, a enseigné
le système des émanations, c'est-à-dire que
la matière et les esprits sont sortis de Dieu
par émanation, et non par création ; c'était
le dogme favori des Orientaux. Le contraire
est déjà prouvé par la profession de foi que
cet auteur vient de faire, en disant q.î'il a
cru aux livres barbares, à cause de la clarté
avec laquelle ils expliquent la naissance de
l'univers : or les écrivains sacrés n'ensei-
gnent point les émanations, mais la créa-
tion; voyez ce mot. Il y a plus; au mot Gnos-
TiQUiîs, nous avons fait voir que ces héré-
tiques admettaient non l'émanaiion, mais
l'éternité de la matière. Ils pen;aient sans
doute que les deux preu'.iers éona ou esprits
étaient sortis de la nature divine par émana-
tion ; mais l'un était mâle et l'autre femelle,
et c'est de leur mariage que la famille des
éons était descendue. Il est donc faux que
l'hypothèse dos émanations soit la clef de
tout le système théologique des gnostiqnes
et des Orientaux.
Mais il faut entendre parler Tatien lui-
même, et voir les passages dont Brucker et
tant d'autres ont abusé. N. 4 (G), il dit :
« Notre Dieu n'est pas depuis un temps; il
est seul sans principe ou sans commence-
ment, puisqu'il est le principe de tout ce qui
a commencé d'être. 11 est esprit, non mêlé avec
la matière, mais le créateur {v.KTKc/.înagTnt]
des esprits matériels et des formes de la ma-
tière. II est invisil)le et insensible, père de
tous les êtres visibles ou invisibles.» N. 5 (7) :
« Je vais exposer plus clairement notre
croyance. Dieu était au commencement, et
nous avons appris que le commencement ou
le principe de toutes choses est la puissance
du Verbo. Lorsque le nionde n'était pas
encore, le Si ligueur de toutes choses était
seul ; mais comme il est la toute-puissance
et la subsistance des êtres visibles et invi-
sibles, tous étaient avec lui. Le V^erbc, qui
était en lui, était aussi avec lui par sa pro.-
pre ])uj?ç.aflce. Par un acte de yplonlé de
6S9
TAT
TAT
osa
celle naluio simple, lo Verbe esl sorli oa
s'est montre; il ncst pas sorti du vide, c est
le premier acte de l'Esprit. Nous savons que
c'esl lui qui a fait le monde. Or, il est né
p ir participation et mm par retranchement.
Ce qui esl relranclic-esl séparé de son prin-,
ripe, ce qui en vient par parlicipalion et
pour une fonction ne diminue en rien le
principe duquel il procède. Ue même qu'un
flambeau en allume d'autres, sans rien per-
dre de sa substance, ainsi le Verbe naissant
de \a puissance du Pure ne le prive pas de
sa raison ou de son intcllip;ence. Quand je
vous parle et que vous m'entendez, je no
suis pas privé pour cela de ma parole ; mais,
«en vous parlant, je me propose de produire ,
un changement en vous, lit de même que le
Verbe engendré au commencement a pro-
duit noire monde, uprès m avoir fait la ma-
tière, de même moi, réjîénéré à Timitaliou
du Verbe, et éclaire par la connaissance de
la vérité, je donne une meilleure forme à
un homme de même nature que moi. La ma-
lière n'est pas sans commencement comme
Dieu, et n'étant point sans principe, cUu n'a
pas le mémo pouvoir «luo Dieu, mais elle a
été l'aile; °l!o est venue non d'un autre,
mais du seul ouvrier de loules choses. » N. 7
(10) : « Le Verbe céleste, esprit engendré du
réie , intelligence née d'une puissance
inlelligenle , a l'ail l'iioninie à la rcEseni-
blanco do son Créateur, et image de sou
immortalité, afin qu'ayant reçu de Dieu une
portion de laDivinilé, il pût participer aussi
à l'immorlalilé qui est propre a Dieu. Avant de
faire l'homme, le Verbe a produit les anges. »
Kemarquoiis d'abord que Talien ne donne
point ce qu'il dit du Verbe et de ses opéra-
tions, comme une opinion philosophique,
mais comme une doctrine apprise par révé-
lation : Nous avons nppris, nous savons que
c'est lui qui n fait le monde. Il est évident
qu'il avait dans l'esprit les premiers versets
de l'Evangile de saint Jean, et qu'il se sert
des mêmes expressions.
3* L'on dira sans doute que dans tout ce
long passage il n'y a point de terme qui si-
gnilie proprement et en rigueur \i\ création;
mais il n'y en a point non plus dans saint
Jean , parce que le grec, non plus que les
antres langues, n'avait point de terme sa-
cramentel pour rendrecelle idée. Voy. Créa-
tion. Personne cependcinl ne s'est avisé de
penser que saint Jean admettait les émana-
lions. Ceux qui les ont admises n'ont ja-
mais dit que la matière a eu un commen-
cement, qu'elle a élé faite ou produite,
qu'elle est l'ouvrage de celui qui a lait tou-
tes choses, comme s'exprime Tatien. Encore
une fois les gnosliques ont supposé, comme
Platon, la matière éternelle. Pour qu'elle lût
.sortie de Dieu par émanation, il aurait fallu
qu'elle fût en Dieu de toute éternité : or
l'atien nous avertit que Dieu ne fut jamais
mêlé avec la matière. Selon sa doctrine, la
production de la matière a été un acte de la
puissance du Verbe : suivant le sentiment
des philosophes, les ém::nations se l'aisaieut
par Bécessilé de nature ; ils étaient nersua-
dés que Dieu n'a jamais existé sans rien pro-
duire. Tatien enseigne le contraire. Voy.
EMAN4T10N. 11 dit que c'est le Verbe qui a
fait ou produit les anges et les âmes humai-
nes, et c'a été encore un acte de puissance ;
ces êtres ne sont donc pas sortis de lui par
émanation. Bruckerlui reproche d'avoir ap-
pelé ces esprits matériels; en quel sens Ta-
lien et d'autres Pères ont cru que Dieu seul
est esprit pur, toujours séparé de (ouïe ma-
tière, au lieu que les esprits créés ne sub-
sistent jaaiais sans êlre revêtus d'une es-
pèce de corps subtil. Celle erreur n'est ni
grossière ni dangereuse. Mais l'hypothèse
des émanations est-elle compatible avec la
notion d'esprit pur, de nature simple, que
Tatien allribue à Dieu? Voy. Ange, Es-
prit, elc.
k" S'il est question dans son lexle d'une
émanation, c'est de celle du Verbe, avant la
création, ou plutôt par la création du monde.
Jl dit en elTet que le Verbe est émané, sorti,
né, provenu du Père. Mais on a prouvé cent
fois contre les ariens et les sociniens, que
dans le style des anciens docteurs do l'Eglise,
lorsqu'ils parlent du Verbe divin, émaner,
sortir, naître, procéder, etc., signiiieiit seu-
lement se produire au dehors, se montrer,
se rendre sensible par les œuvres de la créa-
tion.
Quoi qu'en dise Brucker , ceuï qui ont
soutenu que Talien a enseigné l'élernilé et
la divinité du V'erhe, n'ont pas eu torl. Eu
effet, Tatien dit que Dieu est sans commen-
cement, qu'avant d'émaner de lui pour créer
le inonde, le Verbe était en lui et avec lui,
non en puissance comme lemon<leqni n'exis-
tait pas encore, mais avec une puissance pro-
pre, par conséquent subsisiant en pi"rso:inc.
11 dit que le Verbe est émané de Dieu par
participation ; à quoi a-t-il p.irlicipé, sinon
à la puissance et aux altributs de Dieu ? 11
dit qu'en sortant du Père, il ne s'en esl pas
séparé, parc- que Dieu n'a jamais pu être
sans son Verbe, sans sa raison ou son in-
telligence éternelle. Si ce langage n'exprime
point la divinité du Verbe, aucune profes-
sion de foi ne peut suffire; mais il est bien
différent de relui des philosophes orientaux,
des gnosliques, des cabalistes, de celui des
ariens.
5" Le Clerc, Ilisl. Ecoles., an. 172, p. 378,
§ 3, dit que tonte celte doctrine de Talien est
fort obscure, que les païens n'en pouvaient
rien conclure , sinon que les chréliens ad-
mettaient deux dieux, l'un supérieur et par
excellence, l'autre engendré de lui et nommé
le Verbe, créateur de loules choses; qu'il
aurait été mieux de s'en tenir aux paroles
des apôtres , et de ne point entreprendre
d'expliquer des choses inexplicables. Cela
eût été bon, si les païens eussent voulu s'en
.contenter, mais ils répétaient sans cesse que
la doctrine des chrétiens n'était qu'un amas
de fables et de coules de vieilles, bons tout
au plus pour amuser des enfants. Talien
voulait leur faire voir que c'était une doc-
trine profonde et raisonnde, une philosophie
plus vraie et plus solide que toutes les vi'
031
TEU
sions des prétendus sages du paganisme. La
manière dont il expose l'émanation du Verbe
au moment de la création, ne ressemble en
rien aux généalogies ridicules des dieux,
admises par les païens, ni aux émanations
des éons, forgées par les gnostiques.
6° Origène et Clément d'Alexandrie re-
prochent à Tatien d'avoir dit que ces paro-
les de la Genèse, Que la iumicre soit , ex-
priment plutôt un désir qu'un commande-
ment et qu'il a parlé comme un athée en
supposant r)ue Dieu était dans les ténèbres.
0r, dit Brucker, c'était un dogme de la phi-
losophie orientale, égyptienne et cabalisti-
que. Mais ce n'est point dans le Discottrs
contre les (jentils que Tatien a ainsi parlé ;
peu nous importe de savoir ce qu'il a rêvé
lorsqu'il est devenu hérétique , et qu'il a
embrassé la plupart des visions des gnosti-
ques.
7° Nous ne nous arrêtons point à prouver
que , dans ce discours, il n'a enseigné ni la
matérialité ni la mortalité de l'âme; l'es édi-
teurs de saint Justin l'ont justifié à cet égard,
Préf:, 3f pari., c. 12, n. 3. Il a du moins
déclaré positivement que l'âme humaine est
immortelle par grâce ; cela nous sufDt.
8° L'éditeur d'Oxford prétend que Tatien
y a réprouvé le mariage ; il dit, n. 34 (35) :
« Qu'ai-je besoin de cette femme peinte par
Périclymèiie, qui mit au monde trente en-
fants dans une seule couche, et que l'on
prend pour une merveille"? Cela doit élre
regardé plutôt comme l'effet d'une intempé-
rance excessive et d'une lubricité abomina-
ble. B Mais autre chose est de condamner
l'usage modéré du mariage , et autre chose
de blâmer l'intempérance dans cet usage.
9" Enfin, Brucker prétend que Tatien a
emprunté de Zoroastre et des Orientaux le
système des émanations et l'opinion que la
chair est mauvaise en soi. (Cependant nous
voyons par le Zend-Avesta que Zoroastre
n'a enseigné ni l'un ni l'autre; on ne con-
naît aucun autre philosophe oriental dont
on puisse prouver les sentiments par ses
ouvrages.
11 serait inutile de pousser plus loin l'a-
pologie du discours de Tatien; nous ne pré-
tendons point soutenir qu'il est absolument
irrépréhensible, mais il y a de l'injustice à y
chercher des erreurs qui n'y sont point.
Brucker a commencé par supposer sans
])reuve, ou plutôt malgré toute preuve, que
cet auteur était déjà pour lors imbu des opi-
nions de la philosophie orientale ; ensuite il
part de celle supposition fausse pour en ex-
pliquer toutes les phrases dans le sens des
gno.tiques. Dès que son principe est faux,
toutes les consé(iuences qu'il en tire, toutes
les interprélations qu'il donne , sont illu-
soires. Au mot Gnostiques , nous avons fait
voir que le \Aai\ de philosopliie orientale ,
forgé par les critiques prolestants , n'est
qu'un système ronjeclural imaginé pour tra-
vestir la doctrine des Pères de l'Eglise. Voij.
Philosophie, Platon ismr, etc.
TC.MOlliNAGE. Ce mot, dans le sens pro-
pre, signifle l'altcslaiion que fait un homme
TEM 632
en justice de ce qu'il a vu et entendu ; ainsi
le (émoignage ne peut avoir lieu qu'à l'égard
des faits- Mais ce terme , dans l'Ecriture
sainte, a d'autres significations. 1° Il dési-
gne un monument; ainsi, Gen., c. xxi, v.
43, Laban et Jacob, après s'être juré une
amitié mutuelle, érigent pour monument de
cette alliance un monceau de pierres,
comme un témoin muet de leur serment :
Lnban le nomme galaad, le monceau témoin,
et Jacob, le monceau du témoignage. Après
le partage de la terre promise, les tribus
d'Israël placées à l'orient du Jourdain, élè-
vent de même un grand las de pierres en
forme d'autel, pour attester qu'elles veulent
conserver l'unité de religion et de culte avec
les tribus placées à l'occident. Josué, c. xxii,
V. 10. 2° 11 désigne la loi du Seigneur, parce
que Dieu témoigne ou atteste aux hommes
ses volontés par sa loi. 3° Dans l'origine ,
testament et témoignage sont synonymes ,
parce que le testament d'un mourant est le
témoignage de ses dernières volontés ; il en
est de même en hébreu; et comme une al-
liance se conclut toujours par des témoi-
gnages e's.téneuTs de fidélité mutuelle, l'ar-
che qui renfermait les tables de la loi , est
appelée indifféremment Varche du testament,
Yarche du témoignage , Varche de l'alliance.
Le tabernacle est aussi nommé la tente du
témoignage, parce que c'est là que Dieu an-
nonçait ordinairement ses volontés à Moïse
et au peuple. 4° H signiûe quelquefois une
prophéiie, parla même raison; Dieu dit à
Isaïe, c. vin, v. 16 : « Tenez secrète cette
« prophétie, cachetez ma loi pour mes dis-
« ciples : » Ligatestimonium, signa legem in
discipulis meis.
TÉMoiGNAGiE (faux). Cc Crime est proscrit
non seulement par le second précepte du dé-
calogue, qui défend de prendre le saint nom
de Dieu en vain, mais encore par le neu-
vième en ces termes : «Tu ne porteras point
u faux témoignage contre ton prochain.»
Suivant la loi, un faux témoin était con-
damné à la peine du talion, ou à subir la
même peine qui aurait été décernée contre
l'accusé, si celui-ci avait été jugé coupa-
ble. Deut., c. XIX, V. 19. Il est irès-évident
que ce crime est contraire à la loi naturelle.
Les lois civiles ont toujours condamné les
faux témoins ; les lois ecclésiastiques n'ont
pas élé moins sévères ; par le 74' canon du
concile d'Elvire , un homme convaincu de
faux témoignage est privé de la communion
pour cinq ans, dans le cas ou il ne s'est pas
agi d'une cause de mort; dans le cas con-
traire , le témoin était censé homicide , et
comme tel privé de la communion jusqu'à
l'article de la mort. Les conciles d'Agde , en
306, et de Vannes, en 465 , le soumettent à
la même peine, jusqu'à ce qu'il ait satisfait
au prochain par la pénitence ; le premier et
le deuxième concile d'Arles conûrmentcelte
discipline, le dernier néanmoins laisse la
longueur de cette pénitence au jugement de
révL-quc. Bingham, Orig. ecclés., I. xvi, c.
13, § 1, t. Vil, p. 510. Les docteurs de l'E-
glisu pensent à peu près de même de la ca-
635
TEM
TKM
634
lomnic réfléchie et préméditée, quoiqu'elle
ne soit pas appuyée par un faux serment.
TEMOIN. L'ou sait assez ce que ce terme
signifie. La loi de Moïse défendait de con-
damner personne à mort sur la déposition
d'un seul liommc, mais le crime était censé
prouvé par l'attestation de deux ou trois
témoins: Deut., c. xvii, v. G. Lorsqu'un
homme était condamné à mort, les témoins
devaient frapper les premiers , lot jeter la
première pierre, s'il était lapidé. Jésus-
Christ fit allusion à cet usage, lorsqu'il dit
aux pharisiens qui lui présentaient une
femme surprise en adultère : Que celui de
vous qui est sans péché lui jette la première
pierre (Joan., vin, 7). J'o//. Adui.tèiie.
L'Iîcrilure appelle aussi témoin celui qui
publie une vérité ;dans ce sens Jcsus-Christ
dit à ses apôtres : Vous sere: mes témoins
(Ad. I, 8); parce que leur prédication con-
sistait à rendre témoignage de ce qu'ils
avaient vu et entendu, / Joan., c. i, v. 1. Ils
se donnent eux-mêmes pour témoins de la
résurrection de .lésus-Ctirist, Act., c. ii, v.
32. 11 est dit que saint Jean-Baptiste avait
aussi rendu temoi^Miage au Sauveur, parce
qu'il avait vu le Saint-Esprit descendre sur
lui au moment de son baptême, Joan., c. i,
V. 15, 19, 32. Dans ce même sens l'on a
nommé marti/rs ou témoin», ceux qui ont
donné leur vie pour attester la vérité de
notre religion ; saint Etienne est le premier
qui ait été ainsi appelé, Act., c. xxii, v. 20.
Voj/. Martyr.
Puisque la doctrine de Jésus-Christ a été
d'abord annoncée par des témoins, nous con-
cluons qu'elle a dû se Iransmetlre de même
aux générations suivantes; une doctrine
révélée de Dieu ne peut ni ne doit se perpé-
tuer autrement. C'est ce que nos controver-
sistcs ont appelé probuiio fidei per testrs;
Wallembourg, tract. 5. En elTel, de même
que 1rs apôtres ont été capables de rendre
un témoignage certain et irrécusable de ce
qu'ils ont ei\tendu de la bouche de Jésus-
Christ et de ce qu'ils lui ont vu faire, les dis-
ciples immédiats des apôlres, qui en ont
reçu la mission ou la charge d'enseigner les
fidèles, ont été capables aussi d'attester avec
certitude ce qu'ils ont ouï dire aux apôlres,
et ce qu'ils leur ont vu faire. Si les apôtres
ne les eu avaient pas jugés capables, ils ne
leur auraient pas confie une fonction aussi
importante. Ces seconds <(-'woms doivent donc
être crus, lorsqu'ils attestent qu'ils ont reçu
des ai)ôtrcs la doctrine qu'ils enseignent eux-
mêmes aux fidèles. Comme plusieurs de
ceux-ci avaient entendu prèclier les apô-
tres, il n'a [las été possible à leurs pasteurs
d'en imposer sur ce fait éclatant et public.
11 ne servirait à rien de dire que les apô-
tres avaient reçu la plénitude des dons du
Saint-Esprit, et que leurs disciples n'ont pas
été favorisés de la même grâce. Nous sommes
convaincus, par les écrits mêmes des apô-
lres , qu'ils donnaient le Saint-Esprit par
l'imposition de leurs mains, cérémonie que
nous appelons ['ordination; ils nous disent
que les pasteurs qu'ils ont préposés au gou-
vernement des églises ont été établis par le
Saint-Esprit; que c'est Jésus -Christ lui-
même qui a donné à son Eglise des pasteurs
et des docteurs, aussi bien que des apôtres
et des évangélistes, pourinaiutenir l'unité de
la foi; que Jésus-Christ a envoyé le Saint-
Esprit pour toujours, etc. Donc les pasteurs
choisis par les apôtres ont aussi reçu le
Saint-Esprit pour remplir avec succès le mi-
nistère dont ils étaient chargés. Nous ajou-
tons que, s'il avait été nécessaire pour main-
tenir l'unité de la foi, que les [)asteurs re-
çussent le Saint-Esprit avec la même pléni-
tude que les apôtres , Jésus-Christ le leur
aurait certainement donné : car enfin ce di
vin Sauveur n'a pas établi son église pour
la laisser bientôt défigurer par l'erreur; il
n"a pas apporté la vérité sur la terre pour la
laisser bientôt étoulîer par des inlenlions
humaines ; il lui a proniis au contraire son
assistance jusqu'à la Un des siècles. On ne
gagnera pas davantage en disant que les
apôtres ont mis par écrit la doctrine de Jé-
sus-Christ, que c'est dans leurs livres qu'il
faut la chercher. 1° Les livres ne sont d'au-
cun usage pour les ignorants, et les vérilés
de la foi sont faites pour tout le monde. 2 11
est faux que les apôtres aient écrit toute la
doctrine de Jésus-Christ, sans en rien omet-
tre; du moins on l'affirme sans preuve , et
nous ferons voir le contraire au mot Tu v-
DiTioN. 3' Le plus grand nombre des apôtres
n'ont rien écrit, du moins on n'a jamais
connu aucun de leurs ouvrages ; tous cepen-
dant ont fondé des églises, et ont laissé après
eux des pasteurs pour enseigner les fidèles.
4" Les apôtres ont écrit dans une seule lan
gue (jui n'était en usage que dans l'empire
romain, et ils ont fondé le christianisme
chez des peuples qui ne l'entendaient pas ;
nous ne voyons point qu'ils leur aient or-
donné de l'apprendre, ni qu'ils aient fait
traduire leurs écrits dans toutes les langues :
donc ils ont jugé que leur doctrine pouvait
être connne, professée et conservée autre-
ment. o° Plusieurs peuples ont été chrétiens
pendant fort longtemps, sans avoir dans
leur langue une traduction des livres saints;
cl quand ils l'auraient eue , ils n'auraient
pas dû s'y fier, à moins qu'ils n'eussent été
certains de la fidélité de celte version.
G" C'est sur le sens do ces mêmes livres que
sont survenues toutes les disputes, et ((u'ont
été fondées toutes les erreurs en nialière de
foi ; vingt sectes différentes nont pas man-
qué d'y trouver à point nommé toutes les
opinions f.iusses qu'il leur a plu d'adopter.
Jl a donc toujours fallu un guide, un ga-
rant, une règle, pour saisir avec cerliluile
le vrai sens de ces livres, et il n'y en a ja-
mais eu d'antre que le témoignage, l'ensei-
gnement, la tradition des pasteurs. De même
que les apôtres ont donne aux pasteurs du
i" siècle leurs écrits, et le sens dans lequel
il faut les entendre, ces pasteurs ont trans-
mis l'un et l'autre à ceux du ir siècle,
ceux-ci à ceux du m , et ainsi de sui.te jus-
qu'à nous. 11 est absurde de consentir par
nécessité 9. recevoir par ce témoignage la
655
TEM
TEM
636
connaissance des écrits aathentiqnes des
apôtres, et de ne vouloir pas recevoir parla
niêtnc voie le sens (ju'il faut leur donner. Si
les pasteurs de l'Eglise sont croyables lors-
qu'ils attestent que telset tels écrits sont vé-
ritablement des apôlres , pourquoi ne le
sont-ils plus lorsqu'ils attestent que les apô-
tres leur ont appris à y donner tel ou tel
sens? Nous cherchons vainement dans les
livres de nos adversaires une réponse solide
à ce raisonnement. Voy. Ecriture sainte,
Egmse, Tradition, etc.
TÉMOINS 'trois). Voy. Saint Jean l'Evan-
GÉLISTE.
TEMPÉRANCE , vertu morale et chré-
tienne qui consisteà éviter les plaisirs exces-
sifs, défendus ou dangereux. Elle a été louée
et recommandée par les philosoplirs païens
les plus sages, aussi bien que par les au-
teurs sacrés. Mais c'est à tort que les cen-
seurs de la morale chrétienne prétendent
qu'elle nous défend tous les pl;iisirs sans
exception. Il y a nécessairement du plaisir
è satisfaire les besoins du corps et à exercer
les facultés do i'âmc ; Dieu a voulu par cet
allrait engager l'homme à se conserver et
à regarder la vie comme un bienf\it; il ne
lui eu fait donc pas un crime. Mais l'expé-
rience prouve que l'usage immodéré des plai-
sirs opère notre destruction, nous les rend
bientôt insipides, et que l'abus des plaisirs
innocents nous conduit à rechercher les
plaisirs criminels. Il est d'ailleurs si ordi-
naire à l'homme de rechercher le plaisir
pour lui-même et d'en abuser, l'épicuréisme
était si généralement répandu dans le monde
du Icmps de Jésus-Christ, plusieurs philo-
sophes avaient enseigné des maximes si
scandaleuses et avaient donné de si mauvais
exemples, que ce divin .Maître ne pouvait
pousser trop loin la sévérité pour réformer
les idées des hommes et le relâchement des
mœurs. De là ces maximes austères de
l'Evangile : Heureux les pauvres d'esprit,,.;
heureux ceux qui pleurent; heureux ceux qui
souffrent persécution pour la justice, elc.
(Multh. v). Si quelqu'un veut me suivre, qu'il
porte sa croix tous les jours de sa vir. (Lmc.îx,
23). Ceux qui sont à Jésus-Christ crucifient
leur chair avec ses vices et ses convoitises.
{Galat. v, 4), etc. Telle est la destinée à
laquelle devaient s'attendre les disciples d'un
Dieu crucifié, au milieu d'un monde livré à
l'amour effréné des plaisirs. jMais comment
ne pas écouter un maître qui a confirmé ses
leçons par ses exemples, qui a promis à ses
disciples dociles le secours de sa grâce, et
qui leur assure une récompense éternelle ?
Avec de pareils encouragements, un Dieu a
droit d'exiger de l'homme des vertus qui
paraissent au-dessus des forces de l'huma-
nité. Une preuve qu'il n'y a rien dans tout
cela d'excessif, c'est que les saints l'ont pra-
tiqué et le font encore ; loin de se croire
malheureux, ils disent comme saint Paul :
Je suis content et je suis transporté de joie
au milieu des afflictions et des souffrances.
(//Cor. vu, 4.)
Si cette morale avait besoin d'apologie ,
elle se trouverait justifiée parle spectacle
de nos mœurs ; il suffit de regarder ce qui
se passe parmi nous , pour voir les désor-
dres que produit lamour excessif des plai-
sirs dans tous les ordres de la société. Les
profusions insensées des grands qui renver-
sent leur fortune, une ambition que rien ne
peut assouvir , les productions <les deux
mondes rassemblées pour satisf ire letjr
sensualité, la négligence des devoirs les
plus essentiels delà part de ceux qui occu-
pent les premières places , la rapacité des
liommes opulents , la fureur d'accumuler
par h's moyens les plus bas cl les plus m;il-
honnélos, pour finir ensuite par une ban-
queroute frauduleuse , les talents Irivoli^s
honorés et enrichis aux dépens des arts uti-
les , la paresse et le faste introduits dans
toutes les conditions, la bonne foi bannie de
tous les états , l'impudence du liherlinage
érigée en vertu, la jeunesse pervertie dès
l'enfance, etc., etc., voilà les tristes effets
d'un goût effréné pour les plaisirs, il n'est
pas étonnant qu'avec un esprit el un cœur
gâtés on ne puisse plus souffrir la morale
de I Evangile, et que les anciens philosophes
partisans du stoïcisme soient regardés comme
des rêveurs atrabilaires. Voy. Morale cuuii-
TIENNE, MORTJFICATION, PlaISIRS, CtC.
* TIÎMPÉRANCE (Société de). L'intemiiér.inca
avait élé poussée 5 des excès liorribles anx Etals-
Unis, en Angleterre, en Irlande. Les méiliodisti-s
avaient plusieurs fois lenié il'éialjlir des sociétés de
Tempérance; leurs tentatives avaient éelioué. 11 se
trouva un religieux carme qui devait avoir plus de
succès. L. V. ThéobaUl Mailiew eut d'ahoid beau-
coup d'adhérents dans la ville de Coik; il y établit
une société de Teni[iéraiice dont les membres pre-
naient l'engagement suivant : Je promets de in'jb-
slenir de toute li'iueur enivrante, à moins qu'elle ne
nie soit commiindée par ordonnance du médecin,
et de contribuer par tous les movens qui seront en
mon pouvoir à enipêclier l'inieni|iôrance cliez les
autres. L'association (it bientôt de grands progrès ;
la foule accourut des pays lointains pour contracter
un engagement entre les mains du P. .Maiiicw. Il
parcourut lui-même les diCférentcs parties des lles-
liriianniques pour piêclier l'associativn et recevoir
les associés. La société de Tempérance s'estéiendiie
aux Etats-Unis, au C:niada,à la Nouvelle-llollaiide,
h la iN'iuvelle-Ecosse et dans les Indes orientales.
On dit qu'il y a très-peu d'exemples de violation de
l'engagement contracté. M. O'Sidlivan écrivait au
P. Malliew en 1845 que sur mille associés qu'il
comptait dans sa paroisse, six seulenjent avaient
élé parjures dans l'espace d'ini an. Commencée
en t!J38, l'association de Tempérance comptai l, en
1842, 5,348,433 personnes.
TEMPLE, édifice dans lequel les hommes
se rassemblent pour rendre leurs hommages
à la Divinité. La censure que les incrédules
et d'autres critiques téméraires on! faite de
cet usage, nous donne lieu d'examiner plu-
sieurs questions : 1° s'il y a eu des temples
chez les païens avant qu'il y en eùl aucun
destiné au culte du vrai Dieu ; 2° si l'usage
en est répréhensi.ble ou dangereux ; 3" si
Dieu n'a permis aux Juifs de lui en élever
un que par condescendance pour lejir gros-
sièreté ; 4.° si la magnificence de ces édifices
est un abus.
(;37
TEM
TEM
t;38
§ I. T.rs païens ont-ils construit des temples
uvant les ajorateurs du vrai Dieu ? Nous
convenons d'abord qu'nvanl l'éiiction du
laboinacle fait par Moïse , l'histoire sainte
no fait mention d'aucun édifice destiné au
cuite du Seigneur. On conçoit aisément qno
les premières peuplades n'ont pas pensé à
bâtir des temples, tant qu'elles ont été erran-
tes et bornées à la vie pastorale ; jnais il no
s'ensuit pas qu'elles en ont eu dès qu'elles
sont devenues sédentaires. Les critiques qui
se sont livrés aux conjectures ont imaginé
que les peuples ont voulu avoir celle com-
modité pour le culte religieux aussitôt qu'ils
ont habile des maisons solides et qu'iU ont
bàli des villes ; mais quelque vraisemblable
que soit cette opinion, elle nous pariiît dé-
truite par la narration des livres saints. Il
est dit, (^en., cap. iv, v. 17, que Caïn, fils
aillé d'Adam, bàlit une ville ; peu de temps
après le déluge il est parlé de Babylone et
d'Arach, d'Arh.id , de Chalane , de Ninivc ,
comme de viiios déjà existantes, ou qui ne
tardèrent pas >\\'':-'.- bâties, c. x, v. 10 et 11.
lly avait des wl;es dans la Palestine, lors-
qu'Abrahaui y arriva vers l'an 2100 du mon-
de ; mais il n'était pas encore question de
lieux fermés et couverts destinés au culte de
Dieu. On voit, c. xii, v. 7 et 8, qu'Abraham
éleva des autels au Seigneur ; Noé avait fait
de même au sortir de l'arche après le déluge,
c. VIII, V. 20; cela ne prouve point qu'ils
construisirent des édifices pour continuer
d'y exercer le culte religieux. Il est dit, c.
XXV, V. i2, que Rébecca , épouse d'Isaac,
alla consulter le Seigneur; nous ne savons
ni en quel lieu ni de quelle manière. Jacob
son (Ils appela Bélhel, maison de Dieu, l'en-
droit dans lequel il eut un songe prophéti-
que, et dans lequel il consacra une pierre
par une onction ; c. xxviii, v. 17 et 22. A son
retour de la .Mésopotamie, il y éleva un autel
et y offrit un sacrifice avec toute sa maison,
et nomma de nouveau ce lieu l<% maison de
Dieu, ou plutôt le séjour de Dieu ; c. xsxv,
V. 3 et 7. Or, un autel n'est pas un temple. Il
en agit de même dans tous les lieux où il
s'anèta,et il continua de mener une vie er-
rante et pastorale , jusqu'à ce qu'il allât
rejoindre Joseph en Egypte.
11 paraît donc certain qu'avant l'entrée de
Jacob et de sa famille dans ce royaume, il
n'y avait encore eu aucun temple consacré
au Seigneur par les patriarches. .Mais on ne
peut pas prouver que les Egyptiens en
avaient déjà pour lors, ni que les Israélites
y en aient vu aucun pendant tout leur sé-
jour. Il y a donc lieu de croire que le lab:*r-
niide construit par Moïse dans le désert fut
non-seulement le premier temple consacré
au vrai Dieu, mais le premier cdillco de cette
espère dont on eût jamais ouï parler. Dans
les premiers temps le mot temple no signi-
Gait qu'un enclos, un terrain consacré.
. Ce n'est point l'opinion de Spencer; il a
fait tous ses efforts pour persuader qu'avant
l'érection lie ce tabernacle , les Egyptiens,
jes Ghananéens et les autres peuples voisins
de la Palestine, avaient déjà des temples des-
tines an cnlte do leurs faasses oivmités, et
que Moïse les a pris pour modèle ; de Letji^
lins Hebr. ritwil., lit), m, dissert. 6, c. 1."
Pour établir un fait aussi essentiel, malgré
lo silence profond et constant des écrivains
sacrés, il faudrait des preuves positives et
solides ; Spencer n'en apporte que de très-
faibles, et nous espérons de lui eu opposer
de meilleures; déjà des savuits l'ont fait
avant nous ; Mém. de l'Acad. des Inscript.,
t. LXX, iH-12,p. 50ct suiv.La premièrequ'il
allègue est un passage du Lévitique, chap.
XXVI, V. 27 et suiv., dans lequel Dieu dit
aux Israélites : Si vous-vous révoltes contre
moi, je détruirai vos lieux élevés et vos lieux
consacrés ausolil. La question est de savoir
si ces lieux où l'on adorait le soleil étaient
des temples. D'ailleurs ceci est une menace
contre ce qui devait arriver dans la suite, et
non un reproche di; ce qui se faisait déjà
pour lors. Dieu ajoute : Je réduirai vos villes
en solitude ; il ne s'ensuit pas que les Israé-
lites dans le désert habitaient déjà des villes.
— La seconde est que, dans le DiUléronome,
c. xxsiv, V. G, il est parlé de Belh-Péor, ou
Iieth-Phogor,la maison ou le temple i\o. Pho-
gor. Mais lorsque Jacob nomma liéthd , la
maison de Dieu, le lieu dans lequel il avait
consacré une pierre, était-il question d'un
temple? Nous avouons que, dans le premier
livre des Rois, c. v, v. 2, il est parlé du tem-
p/e de Dagon, mais il y avait pour lors plus
de quatre cents ans que le tabernacle était
construit. Dans ce même livre, c. i, v. 7 et
*.), lo tabernacle qui n'éliit qu'une lente, est
aussi appelé la waiso/( ou le temple du Sei-
gj'.eur. — La troisième est que les auteurs
profaues ont dit que les Egyplieiis sont les
premiers qui aient bâti des temples. Malheu-
reusement ces écrivains sont trop moilernes,
et ils connaissaient trop peu les Juifs pour
avoir pu savoir ce que l'on faisait dans les
temps dont nous parlons ; le plus ancien de
tous est Hérodote qui n'a vécu que mille ans
après Moïse. Il ne savait sur les antiquités
de l'Egypte que ce que lui en avaient dit les
prêtres, et leur téiu)ignage n'était pas fort
digne de foi, puisqu'ils prétendaient que les
Egyptiens étaient les premiers qui avaient
élevé aux dieux des autels, des statues et des
temple'i, Hérodote, I. h, § 4 : fait contredit
par récriture sainte, qui nous apprend que
Noé, au sortir de l'arche, après le déluge,
érigea un autel au Seigneur.
Quand il serait prouvé que les idolâtres
ont eu des tabernacles ou des temples à peu
près en même temps que les Israélites, il
serait encore question de savoir lesquels ont
servi de modèle aux autres. H y a pour le
moins autant de probabilité à soutenir que
les Ghananéens et les autres peuples voisins
ont imité les Juifs, qu'à supposer que Moïse
a copié les usages de ces nations idolâtres.
En tout genre la vraie religion a précédé les
fausses. Les écrivains qui ont imaginé que
les temples sont aussi anciens que l'idolâtrie
n'ont fait qu'une fausse conjecture. En effet,
il e.a constant que la plus ancienne idolâ-
trie a été le culte des astres; voyez ce mot.
659
TEM
TEM
«40
Or, il n'est pas aisément venu à l'esprit des
hommes que le soleil et la lune qu'ils
voyaient dans le ciel pouvaient en descen-
dre pour venir habiter dans un temple. Il
est très-probable que les païens n'ont com-
mencé à en bâtir que quand ils se sont avi-
sés d'adorer comme des dieux les âmes des
héros, culte qui n'est pas de la plus baute
antiquité, et de les représenter par des sta-
tues qu'il fallut mettre à l'abri des injures
de l'air; Mém. de l'Acad. des Inscript., ibid.,
pag.59.
Au mot Tabernacle, nous avons vu que
le prophète Amos a reproché aux Juifs d'a-
voir fait dans le désert un tabernacle ou une
tente à Moloch, dieu des Ammonites et des
Moabitos ; mais le tabernacle consacré an
culte du vrai Dieu était déjà construit. 11
n'est pas prouvé que ces deux peuples
avaient aussi pour lors des tentes senjbla-
bles, ou des temples pour y exercer l'idolâ-
trie. Le crime des Israélites a donc pu con-
sister en ce qu'ils firent pour Moloch une
tente semblable au tabernacle que Moïse
avait élevé au vrai Dieu. Ce n'est point ici
une conjecture hasardée comme les imagi-
nations de Spencer ; nous avons pour nous
des preuves positives. 1° Dcut., c. iv, v. 7,
Rloïse dit aux Israélites : // n'y a aucune na-
tion assez previlégiée pour avoir ses dieux
près d'elle, comme le Seigneur se rend présent
à toutes nos prières. Quel est le peuple qui
puisse se glorifier d'avoir des cérémonies ,
des lois, une religion, semblables A celles que
je vous prescris aujourd'hui ? Si les Egyp-
tiens, les Chananéens, les Madianites, les
]\Ioabite-, etc., avaient eu pour lors des ten-
tes ou des temples qu'ils eussent regardés
comme le séjour de hMirs divinités, s'ils
avaient pratiqué pour elles les mêmes céré-
monies que Moïse prescrivait aux Israélites,
i'I n'aurait pas été assez imprudent pour
faire cette comparaison. L'on aurait pu lui
répondre que Moloch, Chamos, Béelphégor,
etc., habilaiont dans des temples construits
pour les adorer, tout comme le Dieu d'Israël
habitait dans le tabernacle; que l'on prati-
quait dans leur culte les mêmes ccrémonies
qui éiaient prescrites pour honorer le Sei-
gneur. 2' LeuL, c. XII, V. 30, il dit aux Is-
raélites : Gardez-vous d'itniter les nations
que vous devez diîlruire dans la terre qui vous
est promise, de pratiquer leurs cérémonies, et
dédire: Comme ces nations ont adoré leurs
dieux, ainsi f adorerai le mien; vous ne ferez
rien de semblable pour le Seigneur voire Dieu.
Si Jloïse n'avait fait qu'imiter dans ses lois
cérémoniellos ce qui était en usage chez les
nations idolâtres, de quel front aurait-il osé
faire cette défense ? On aurait été eu droit
de lui reprocher qu'il faisait le premier ce
qu'il défendait aux autres de faire , et les
Israélites toujours mutins et réfractaires n'y
auraient pas manqué. — S' Ibid., v. 13 et
14, il leur défend d'offrir leurs sacriûces,
leur encens, leurs prémices, dans tous les
lieux indifféremment, mais seulement dans
le lieu que le Seigneur aura choisi, par con-
séquent dans le tabernacle. Donc un des
usages des idolâtres était de faire leurs sacri-
Bces, leurs offrandes, leurs cérémonies par-
tout où il leur plaisait, et non dans un
temple destiné an culte de leurs divinités.
Spencer lui- même a été forcé de reconnaître
qu'un très-grand nombre des lois cérémo-
niclles de Moïse avaient pour objet de leur
interdire les pratiques qui étaient en usage
chez les nations idolâtres. En recherchant
avec tant de soin dans les livres saints les
passages qui semblent favoriser son système,
il ne devait pas omettre ceux qui le détrui-
sent. Nous savons que plusieurs auteurs
respectables semblent l'avoir adopté; mais,
dans une question de fait, il faut s'en tenir
non à des conjectures, mais à des témoigna-
ges. Aucune autorité ne peut prévaloir à
celle d'un historien aussi bien instruit que
l'était Moïse. On aura beau fouiller dans
toute l'antiquité, on n'y trouvera rien qui
prouve qu'il y a eu des tabernacles plus
anciens que celui qu'il a construit, ou des
temples solides qui aient précédé celui de
Salomon.
§ II. L'usage des temples est-il dangereux
et répréhensible en lui-même ? Spencer le pré-
tend ; c'est une des raisons dont il se sert
pour prouver que Dieu n'avait permis qu'oa
lui en construisît un, que par condescendan-
ce pour la grossièreté des Juifs. Il a été suivi
par la foule des incrédules modernes ; ils
soutiennent comme lui, que la coutume de
bâtir des temples esireffet d'une erreur gros-
sière et qui contribue à l'entretenir. « Les
hommes, dit un déiste, ont banni la Divinité
d'ciilre eux, ils l'ont reléguée dans un sanc-
tuaire ; les murs d'un temple bornent sa
vue, elle n'existe point au-delà. Insensés
que vous êtes, détruisez ces enceintes qui
rétrécissentvosidées, élargissez Dieu, voyez-
le partout où il est, ou dites qu'il n'est pas. »
Un autre prétend qu'un culte simple rendu
à Dieu à la face du ciel, sur la hauteur d'une
colline, serait plus majestueux que dans un
temple où sa puissance et sa grandeur pa-
raissent resserrées entre quatre colonnes.
Ces réflexions sublimes sont-elles solides ?
1' Il serait fort étonnant que les peuples bar-
bares qui pratiquaient le culte divin sur les
montagnes ou dans les plaines, à la face du
ciel, eussent été plus sages que les nations
policées, et que le genre humain dans son
enfance eût eu plus de lumières et de philo-
sophie que dans son âge mûr. Nous vou-
drions que ceux qui admettentce phénomène
eussent pris la peine de l'expliquer. Nous
savons très-bien que les patriarches ont
ainsi rendu leur culte au vrai Dieu dans les
premiers âges ; nous l'avons prouvé par
l'Ecriture sainte. Dieu a bien voulu agréer
celte manière de l'honorer . parce qu'elle
était analogue à la vie errante et pastorale
que menaient ces saints personnages. Mais
si cette manière était la meilleure et la plus
conforme aux notions du vrai culte, nous
soutenons que jamais Dieu n'aurait permis
à ses adorateurs de le changer, que jamais
il n'aurait ordonné aux Israélites de lui bâtir
uu tabernacle el ensuite un temple. Dieu,
641
TEM
TEM
6i3
qui est la sagesse infiaie et la vérité par es-
sence, n'a jamais tendu aux liomines ua
piège d'erreur. — 2" Il est iiicoiileslablu, et
plusieurs savants l'ont prouvé, (jue la plus
ancienne idolâtrie a été le culte des astres ;
Moïse l'a défendue aux Israélites, Deut., c.
IV, V. 19 ; et c'est la seule dont il soit parlé
dans le livre de Job, c. xxxi, v. 2G. Par cette
raison, l'une des plus anciennes supersti-
tions a été de pratiquer le culte religieux
sur les montagnes, que l'Ecriture sainte ap-
pelle/e5 hauts lieux ; les païens croyaient
par là se rapprocher du ciel ou du séjour
des dieux ; iVi<m., c. xxii, v. 41 ; c. xxui, v.
l.cic. ; Mém. de rAcadémic, ibid., p. 03.
Croirons-nous que Dieu voulait autoriser
celte superstition, lorsqu'il ordonna à Abra-
ham de lui immoler son fils Isaac sur une
montagne, et lorsqu'il parla aux Israélites
sur le mont Sinaï ? Non, sans doute ; Dieu
choisit ces lieux de préférence, parce que
l'on ne pouvait pas voir , comme en rase
campagne, ce qui s'y passait. Mais Moïse
défendit expressément cette pratique aux Is-
raélites ; Levil., c. xxvi, v. 30. Il leur or-
donna de détruire tous ces hauts lieux des
idolâtres ; Num., c. xxiii, v. 52 ; Deut., c.
XII, v.2,elc. Lorsque, dans la suite, les
Juifs retombèrent dans cet abus, ils en furent
blâmés par les écrivains sacrés ; /// Keg.,
c. III, v. 2 et 3 ; c. xii, v. 31, etc. 11 est donc
très-probable qu'une des raisons pour les-
quelles Dieu voulut que l'on contruisit le
tabernacle, fut de convaincre ce peuple qu'il
n'était pas nécessaire d'aller sur les monta-
gnes pour s'approcher de Dieu, et qu'il dai-
gnait lui-même s'approcher de son peuple
en rendant sa présence sensible dans le
temple portatif érigé en son honnuur. Ainsi
ce que l'on prend pour une source d'erreur
en était justement le préservatif. 11 n'est
donc pas vrai qu'en bâtissant des temples,
les hommes aient banni la Divinilé d'entre
eux, puisqu'ils ont cru au contraire <iue,
par ce moyen, ils serapprochaientd'elle. — 3"
Quel est, en effet, le dessein qui a présidé à
la construction des temples ? (j'a été, en pre-
mier lieu, de s'acquitter plus commodé-
ment du culte divin ; cela convenait aux
Israélites rassemblés dans un seul camp ;
le tabernacle fut placé au milieu. C'a été, on
second lieu, de rassembler dans une seule
enceinte les symboles de la présence de
Dieu, afin de frapper davantage l'imagina-
tion des hommes. Aucune de ces deux inten-
tions n'est blâmable : c'est pour cela même
que Uiou a daigné s'y prêter ; l'une et l'au-
tre furent remplies par la construction du
tabernacle et du temple de Salomoii. Ils ren-
fermaienl l'arche d'alliance dans laquelle
étaient les tables de la loi, le couvercle de
celte arche ou le propitiatoire était surmonié
de deux chérubins dont les aîles étendues
formaient une espèce de trône, symbole de
la majesté divine. On y voyait un vase rem-
pli delà manne dont Dieu avait miraculeu-
sement nourri les Israélites pendant qua-
rante ans ; la verge d'Aaron , l'autel des
parfums, la table des paias doffraude, l'autel
sur lequel on brûlait la chair des victimes,
le chandelier d'or. Tous ces objets rappe-
laient aux Juifs les miracles et les bienfaits
dont le Seigneur avait favorisé leurs pères,
et les cérémonies du culte i oncouraient au
même but: le peuple ne pouvait avoir trop
souvent sous les yeux ces signes comméino-
ratifs, et ils ne pouvaient être rassemblés
que dans un temple. — V 11 est faux que
celte conduite ait donné lieu aux hommes
de penser que la Divinité est renfermée dans
les murs d'un édifice , et qu'elle n'existe
point au-delà. Si les païens l'ont pensé
lorsqu'ils se sont fait des dieux semblables à
eux, il ne s'ensuit rien contre les adorateurs
du vrai Dieu. Moïse, après avoir construit
le tabernacle, continue de dire aux Israéli-
tes : Sachez donc et n'oubliez jamais que le
Seigneur est Dieu dans le ciel et sur la terre,
et qu'il n'y en a point d'autre que lui {Deut.,
IV, V. 19). Salomon , après avoir achevé le
temple, dit à Dieu: Peut-on croire, Seigneur,
que vous habitiez sur la terre? si toute l'éten-
due des deux ne peut vous contenir, combien
moins screz-vous renfermé dans ce temple
que je vous ai bdli 1 (/// Reg. viii, v. 27.)
Nous savons très-bien que, malgré ces le-
çons, les Juifs devenus idolâtres ont sou-
vent pensé comme les païens , et qu'ils en
ont été repris par Isaie, c. lxvi, v. 1 ; mais
il ne s'ensuit point que c'était l'usage du
temple qui leur inspirait ces idées fausses.
Puisque les Juifs grossiers, aussi bien que
les païens , abusaient égalenKuit du culle
rendu à Dieu sur les montagnes et de celui
qu'on lui rendait dans le ïf;»!/;/», nous deman-
dons lequel de ces deux culies il valait le
mieux choisir. — o' Dieu, Ezeclt., c. xx, et
ailleurs, reproche aux Juifs captifs à Baby-
lone, toutes les prévarications de leurs pè-
res, surtout leur fureur à imiter les super-
slilions de l'Egypte, mais il leur promet de
les purifier et de les en préserver, lorsqu'il
les aura rétablis dans la terre promise. 11 les
y fait revenir en effet, et à leur retour il les
exhorte par ses prophètes à rebâtir le tem-
ple. Si cet édifice avait été par lui-même une
pierre de seandale et un piège d'erreur, Dieu
i'aurait-il l'ait reconstruire après la capti-
vité? H pn,'dit que toutes les nations vien-
dront y adorer Dieu, Isai. , c. lvi , v. 7 •
Jerem., c. xxxii, v. 12. Sans doute, il n'a
pas voulu tondre un piège à toutes les na-
tions. Il y a plus: saint Paul, // Cor., c. vi,
v. IG, dit au>i fidèles qu'ils sont le temple de
Dieu, et il leur applique ce qui a été dit du
tabernacle et du temple. Il ne s'ensuit pas de
là que Dieu est renfermé dans l'âme d'un
fidèle, qu'il n'habite point ailleurs, et qu'il
n'est pas présent partout. — 6' Un culte
rendu à Dieu, à la lace du ciel, sur la hau-
teur d'une colline \ pourrait peut-être sem-
bler plus majestueux aux yeux d'un philo-
sophe très-instruit, fiabitué à contempler les
beautés de la nature ; mais il ne paraîtrait
pas tel aux yeux du /peuple accoutumé an
spectacle de l'univers ; il le voit sans émo-
tion, au lieu qu'il est .frappé d'admiration à
la vue d'un temple richemcul et décemmeu;
643
TEM
TEM
GU
orné. Or, ce n'est point au goûl des philo-
sophes qu'il faut rcglor le culte divin. Ces
censeurs bizarres ne doivent point être
écoutés, lorsqu'ils s'élèvent contre ce que le
sens commun dicte à tous les iiorames. Qui
les empêche d'adorer Dieu à la face du ciel,
après l'avoir adoré dans les lempksl Mais ils
ne l'adorent d'aucune manière ; ils vou-
draient retrancher tout exercice public de
religion, parce qu'ils savent que, suis le
culte extérieur, bientôt elle ne subsisterait
plus.
§ m. Dieu n'a-l-il permis de bâtir d's tem-
ples que par condescendance pour ta grossiè-
reté de son peuple? C'est encore l'opinion de
Spencer. S'il s'était borné à dire que Dieu a
voulu qu'on lui érigeât des temples afin de
pourvoir au besoin des hommes en général,
de réveiller et de conserver en eux des sen-
timents de religion, et même de leur rendre
son culte plus aisé, nous serions de son avis.
Mais supposer que les temples ne leur sont
nécessaires qu'à cause de leur grossièreté,
de. leur ignorance en fait du vrai culte, et
que c'est un goûl emprunté des idolâtres,
voilà ce que nous n'avouerons jamais, parce
que cela est évidemment faux. Nous n'igno-
rons pas que Dieu n'a pas besoin de nos
hommages extérieurs; mais nous avons be-
soin de les lui rendre, non-seulement au
fond de notre cœur, mais en public et en
commun, parce que la religion est un lien
de société, el que sans cela les peuples se-
raient bientôt abrutis. Puisque c'est Dieu
qui a créé les hommes avec ce besoin, il
était de sa sagesse et de sa bonté d'y pour-
voir d'une manière analogue aux difl'érentes
situations dans lesquelles le genre humain
s'est trouvé. Voilà pourquoi il a daigné pres-
crire pour les patriarches un culte domesti-
que, el qui n'était fixé à aucun lieu; pour
les Israélites, un culte national et uniforme;
pour les chrétiens, mieux instruits, un culte
universel et commun à toutes les nations.
C'est sans doute une condescendance de la
part de Dieu ; mais ce n'est, de la part des
hommes, ni grossièreté, ni preuve d'igno-
rance, ni penchant à l'idolâtrie. Aussi le pa-
radoxe de Spencer est-il très-mal prouvé. Il
suppose, 1* que les peuples ont commencé à
bâtir des temples dans le lemps qu'ils étaient
encore grossiers el slupides. Nous avons fait
voir le contraire dans le § 1. Il y aurait de la
démence à soutenir que les temples ont été
plus communs chez les nations barbares cl
chez les sauvages que chez les nations poli-
cées, et que les premiers on ont bâti pour
leur commodité , avant d'avoir connu par
expérience les commodités de la vie. Pour
élayer un rêve aussi incroyable, il faudrait
des preuves démoiistralives, et il n'y en a
pas seulement d'ap[iarcntes. — 2° L'idée de
Lâlir des temples, dil-il, est venue de ce que
les hommes ont cru par là se rapprocher de
la Divinité, et avoir un accès plus facile au-
près de leurs dieux : erreur grossière, s'il en
lut ;amais. Nous soutenons, en premier lieu,
que' celte idée bien entendue n'esl point une
(.licur, el que Dieu lui-même l'a donnée aux
hommes : nous le verrons dans un momcnl ;
en second lieu, qu'ils ont voulu multiplier
autour d'eux les symboles de la présence
divine, et s'acquitter du culte religieux plus
commodément : deux motifs qui n'ont rien
de répréhensible, comme nous l'avons déjà
observé. Encore une fois, il no faut pas con-
fondre les idées absurdes des païens avec
celles des adorateurs du vrai Dieu. — 3" Dieu,
continue Spencer, n'avait pas commandé,
mais seulement permis aux Israélites de lui
construire un temple. S'il est dit assez sou-
vent que c'est la maison de Dieu et que Dieu
y habile, il est dit aussi ailleurs que Dieu
n'habite point sur la terre, /// Reg., c, viii,
V. 27; Isai., c. Lxvi, v. 1. 11 faut que ce cri-
tique n'ait pas pris la peine de lire l'Ecriture
sainte. Exod., c. xxv, v. 8, Dieu dit à Moïse :
Les Israélites me feront un sanctuaire , et
j'habiterai au milieti d'eux. H prescrit à Moïse
le plan de cet édifice et le détail de tout ce
qu'il doit renfermer; il lui en montre le mo-
dèle sur la montagne, et lui ordonne do s'y
conformer, ibid., v. 9 et 40. Est-ce là une
simple permission? A moins d'accuser Moïse
d'avoir forgé toute cotte narration, l'on est
forcé d'y reconnaître un ordre formel. Salo-
mon,dans sa prière à la dédicace du temple,
s'exprime ainsi , III Reg., c. vm, v. 18 : Le
Seigneur a dit à David mon père : Vous avez
bien fait de vouloir me bâlirun temple; mais
ce ne sera pas vous, ce sera votre fils qui exé-
cutera ce projet. Le Seigneur a vérifié sa pa-
role. Dieu, en effet, lui apparaît el lui dit ;
J'ai exaucé votre prière... J'ai sanctifié cette
maison... J'y ai placé la gloire de mon nom
pour toujours ; mes yeux et mon cœur y seront
ouverts à jamais; c. ix, v. 3. Ce n'est point
ici une permission, mais une approbation
très-expresse. Dieu enseignait-il à Salomon,
par ces paroles, une erreur grossière? Lors-
que ce roi dit au. Seigneur, c. viii, v. 27 :
Est-il donc croyable que vous habitiez sur la
terre! il est évident que c'est un sentiment
d'admiration, el non un désaveu de celle
vérité. — 4' Spencer s'obstine à soutenir que
le tabernacle et le temple ont été faits à l'imi-
tation de ceux des Egypliens.il oublie deux
choses essentielles : la première, que Dieu
lui-même avait tracé le plan el fait le modèle
du tabernacle. Avait-il eu besoin de copier
les Egyptiens? La seconde était de prouver
que les Israélites avaient vu des temples en
Egypte. Le silence absolu des écrivains sa-
crés sur ce sujet est du moins une preuve
négative el très-forte du contraire, et il y en
a des preuves positives, même dans les au-
teurs profanes. Mém. de l'Acad. des Inscript.,
ibid., p. 35. Il est absurde d'y opposer le té-
moignage de Diodore de Sicile, qui n'a vécu
que sous Auguste, 1500 ans après l'érection
du tabernacle. — 5* Zenon, Sénèque, Lucien
et d'autres, ont désapprouvé la coutume do
bâtir des temples aux dieux ; Hérodote nous
apprend que les Perses et les Scythes n'en
avaient point ; saint Paul et les apologistes
du christianisme ont tourné en ridicule les
païens, qui prétendaient renfermer la ma-
, jeslé divine dans l'enceinte d'un édifice
645 TEM
couimc s'ils avaionl voulu la tneltre à cou-
VI it des injures de l'air, on persuader qu'elle
n'o.4 pas parloiit. Déjà nous avons répondu
que les folles idées des païens n'ont rien de
rommun avec la croyance des Juifs; ((u'ainsi
la censure lancée coniro les premiers ne
doit point retomber sur les seconds. Si l'er-
reur des païens avait été une conséquence
nécessaire de l'érection dos temples, Dieu
n'aurait jamais ordonné ni permis de lui en
faire un. D'autre part, si cet usage avait été
un effet de l'i'^norance et de la grossièreté
des hommes, les Scjihes, qui sont aujour-
d'hui les Tarlares, auraient dû avoir plus de
temples qu'aucune autre nation. Il en faut
dire aulaiil des Germains et des autres peu-
ples errants. — 0- Spencer cite un passage
de saint Jean Chrjsostome , dans lequel co
l>ère de l'Eglise, dit que Dieu accorda un
temple nus Israélites, parce qu'ils avaient
été arcouluiiics à en avoir en Kg, ptc. Nous
répondons qu'une simple conjeciurc de co
respectable auteur ne peut pas prévaloir
aux preuves que nous avons données du
contraire : il a pu être trompr par les témoi-
gnages d'Hérodote et de Dioilore de Sicile,
comme Spencer l'a été lui-même. David
n'était certainement pas un Juif grossier ;
l'on sait avec quel enlhousiasmc il parle,
dans ses psaumes, du tabernacle, du sanc-
tuaire, lie la maison du Seigneur, de la mon-
tagne sainte sur laquelle. elle est placée, etc.;
combien de fois il se félicite de pouvoir y
renilre à Dieu ses hommages, et y invite
toutes les nations; Nous ne voyons pas com-
ment l'on peut accorder cette piété d'un roi-
prophè'.e avec les idées de Spencer et de ses
copistes. Par entêtement de système, ce cri-
tique veut tourner en preuve de sou opinion
la magnificence du tabernacle et du temple.
C'était un abus, selon lui ; et l'on ne peut,
dit-il, en imaginer aucune raison, sinon que
l'usage des autres peuples, la grossièreté
des Juifs l'exigeaient ainsi. Ce sentiment est
celui de tous les protestants, et ils sont en
cela d'accord avec les philo>ophes incrédu-
les. C'est ce qu'il nous reste à examiner.
IV. La magnipcence des temples est-elle un
o6i(s ? L'irréligion seule peut faire adopter
cette manière de penser. Au mol Gllti;, ^ 3,
nous avons observé que l'homme, en géné-
ral, veut être pris par les sens; cette dispo-
sition est commune aux savants cl aux
ignorants, aux peuples policés et aux sau-
vages. Jamais on n'inspirera au peuple une
haute idée de la majesté divine, à moins
qu'il ne voie employer au culte du Seigneur
les objets pour lesiiuels il a naturellement
de l'eslime, et qu'il ne voie rendre à Dieu
des hommages aussi pompeux que ceux que
l'on rend aux rois et aux grands de la terre.
C'est donc le sens commun qui a inspiré à
toutes les nations le goijl pour la magnifi-
cence dans le culte religieux. Que l'on nom-
me, si l'on veut, ce goût une faiblesse et une
grossièreté, elle vient de ce que nous som-
mes composés d'uo corps cl d'une âme, et de
ce que celle-ci, dans ses opérations, dépend
beaucoup des organes du corps. En alTectaat
TEM
6i6
de déprimer nos penchants naturels, fiia-
t-on de nous de purs esprits? Vainement
quelques philosophes, pir vanité, se croient
exempts de ce faible : souvent ils sont plus
hommes que les autres. Tel qui ne veut
point d'ornement dans les temples i\. de
pompe dans les cérémonies religieuses ,
trouve très-bon que l'on en mette beauc;iup
dans les spectacles profanes, dans les (êtes
publiques, dans les assemblées formées pour
le plaisir : il juge donc qu'il est mieux de
prodiguer les richesses pour corrompre les
hommes que pour les porter à la vertu, pour
en faire des épicuriens que pour les rendre
religieux. C'est pousser trop loin le philoso-
pliisme, que de joindre l'hypocrisie à l'irré-
ligion. Mais à un protestant tel que Spencer,
nous avons d'autres arguments à opposer.
1' Dieu lui-même ordonna les ornements et
la magnificence du tabernacle. Exod., c.
XXV, v. 'J : Vuici, dit le Seigneur, ce que les
Israélites doirent m'o/frir : l'or, l'argent, le
bronze, les étoffes en couleur d'hyncintlie et
de pourpre, Vécarlatc teinte d'ux fois, le fn
lin, etc. Voilà ce que l'on connaissait alors
de plus précieux. Dirons-nous que parcelle
conduite Dieu fomentait dans son i)OUp!e la
grossièreté, le goût du luxe, l'amour des ri-
chesses?— 2° .lésus-Chrisl, descendu sur la
terre pour nous enseigner à aiiorer Dieu en
esprit et en vérité, n'a blâmé nulle part la
magnificence du temple ni l'appareil des cé-
rémonies. SI a nommé le temple, comme les
Juifs, la maison de Dieu, le lieu saint; il dit
que l'or et les autres dons sont sanctifiés par
le temple dans lequel ils sont offerts, Matth.,
c. xxni, v. r? : il ne désapprouvait donc p is
les richesses de cet édifice. — 3° Ce divin
Maître a Irouvé bon de recevoir les mêmes
honneurs que l'on rendait aux personnes do
la première distinction. Lorsque Marie, sœur
de Lazare, répandit sur sa tête un parfum
précieux, quelques-uns de ses disciples blâ-
mèrent celle profusion, sous prétexte qu'il
aurait mieux valu donner aux pauvres le
prix de ce |)arfum. Jésus-Christ les répri-
manda; il loua la conduite de Marie, et il
soutint qu'elle avait fait une bonne o:uvre,
Matth., c. sxvi, v. 7; Joan., c. xii, v. 3. Il y
a bien de l'iniprudence à répéter aujourd'hui
la censure peu réfléchie des disciples du
Sauveur, à blâmer ceux qui emploient leurs
richesses à orner les temples dans lesquels il
daigne habiter en personne. Y est-il donc
moins digne d'être honoré qu'il ne l'était
pendant sa vie mortelle? Que les proles-
tants, qui ne croient pas à la présence réelle
de Jésus-Christ dans l'eucharistie, argumen-
tent sur leur erreur, cela ne nous surprend
pas; mais la magnificence des églises chré-
tiennes, aussi ancienne que le christianisme,
dépose contre eux.— 't°En effet, dans {'Apo-
calypse, où. la liturgie chrétienne e<t repré-
sentée sous l'image de la gloire éternelle,
il est parlé de chandeliers d'or, de ceintu-
res d'or, de couronnes d'or, d'encensoirs
d'or, etc., c. ii et seq. Voilà le modèle tracé
par un apôtre, auquel les premiers fidèles se
sont conformés dans le culte religieux. —
047
TEM
TËM
G48
5" Lorsque Constantin, devenu chrétien, fit
bàlir des églises , aurait-il convenu qu'il y
épargnât la dépense, qu'il en fil des chau-
mières, pendant qu'il habitait un palais,? 11
dit sans doute, comme David, // Reg., c. vu,
V. 2 : Je suis logé dans une maison de cèdre;
faut-il que l'arche de Dieu soit sous des tentes?
cl il raisonna bien. — G' Spencer a dévoilé
lui-même le motif de son opinion : il n'df-
fecle d'exagérer la grossièreté des Juifs et de
comparer leur culte à celui des païens que
pour déprimer d'autant celui des catholi-
ques. \'oici la conclusion de sa Dissertation
sur l'origine des temples : « Ce que j'ai dit
démontre évidemment l'imprudence, pour ne
pas dire le paganisme, de la piété des papis-
tes, qui, pour orner les temples, surtout
ceux des saints, prodiguent l'or, l'argent, les
pierres précieuses, les dons de toute espèce,
afin d'éblouir le peuple. » Quand on lui ob-
jecte la m;igniGcence du tabernacle et du
temple de Salomon, il répond, avec Hospi-
nien, que Dieu l'avait ainsi ordonné à cause
du penchant que les Juifs avaient à l'idolâ-
trie, et afin de prévenir les effets de l'admi-
ration qu'ils avaient conçue pour le culte
pompeux des idoles, dont ils avaient été
frappés en Egypte; que cette cause ayant
cessé, l'effet ne doit plus avoir lieu.
Mais si son système est faux, que devient
la conclusion qu'il en tire ? Il y a d'abord
de la mauvaise foi à supposer que nous
consacrons des temples aux saints ; il doit
savoir que nous les dédions à Dieu, sous
l'invocation des saints. En second lieu, co-
pier pour les Juifs le culte des païens au-
rait été le moyen le plus sûr d'autoriser et
de nourrir leur penchant à l'idolâtrie ; il
aurait fallu plutôt leur prescrire un cullc
tout opposé, tel que celui qu'il a plu aux
protestants d'imaginer. En troisième lieu,
il est singulier que ces réformateurs se
croient plus sages que Dieu; suivant leur
avis, pour giiéiir les Juifs de leur goût pour
l'idolâtrie, Dieu a trouvé bon de faire imiter
par Moïse le culte de» idolâtres; mais quand
il a fallu amL'ner au christianisme les Juifs
et les païens, accoutumés à un culte pom-
peux, l'Eglise chrétienne a fait une impru-
dence de mettre du la magnificence dans
son culte. Pour détruire ce nouveau paga-
nisme, les réformateurs ont cru devoir faire
main-basse sur tout cet appareil, profaner
les églises et les autels, les brûler, en faire
des étables d'animaux, etc. En quatrième
lieu, nous les défions de prouver que les
Juifs avaient vu en Egypte les mêmes choses
que Moïse insiitua. Pour établir ce fait, il a
fallu contredire l'hisloirc sainte, brouiller
les époques, hasarder des conjectures, et
c'est sur ces visions que Spencer argumente
contre nous. Il a néanmoins été forcer d'a-
vouer que dans ce genre, il y a un milieu
à garder, qu'il ne conviendrait pas que les
églises des chrétiens ressemblassent à l'éta-
ble dans laquelle Jésus-Christ est né. Les
protestants ont-ils trouvé ce milieu? l'un
d'entre eux convient que cela n'est pas aisé.
Les anglicans se flattent d'y être parvenus;
ils blâment également la somptuosité des
églises catholiques et la nudité des temples
des calvinistes. Ceux-ci répliquent que les
églises des anglicans se rapprochent trop
de celles des calh()li()ues, que les Anglais
sont encore à moitié papisti^s, que Saint-
Paul de Londres a été bâti par rivalité con-
tre Saint-Pierre de llome. Qu'ils commen-
cent par s'accorder avant de nous attaquer.
Ils peuvent se féliciter tant qu'il leur plaira
d'avoir inventé la religion des anges ; nous
nous contentons d'avoir reçu de Jésus-Chris*,
et des apôtres la religion des hommes.
Il était d'autant plus nécessaire de réfuter
Spencer, que son ouvrage est regardé com-
me un livre classique par les protestants, et
les incrédules ont employé la plupart de
ses arguments pour déprimer le culte exté-
rieur en général. Le P. Alexandre l'a ré-
futé dans ses Dissert, sur l'Hist. ecclés.,
tom. I, p. kOk.
Temple de Salomon ou de Jérusalem.
Nous avons vu dans l'article précédent que
Dieu approuva la construction de cet édifice
comme il avait ordonné celle du tabernacle.
David en ressembla les malériaut, et Salo-
mon son fils le fit construire sur le mont
de Sion, lieu le plus élevé de la ville de Jé-
rusalem, iifin que l'on pût l'apercevoir dfi
loin, et il l'acheva en deux ans avec des dé-
penses prodigieuses. Celte masse de bâti
ment, en y comprenant seulement le temple
propiemenl dit, que l'on appelait le Saint,
et, le sanctuaire nommé le Saint des saints,
ou le lieu saint par excellence, avec cent
cinquante pieds de long et autant de large,
ce qui est au-dessous de plusieurs de nos
églises modernes. On ne concevrait pas
qu'un édifice d'une gr.indeur aussi médiocre
eût occupé cent soixante mille ouvriers pen-
dant deux ans comme quelqui-s auteurs le
rapportent ; mais il faut se souvenir que les
deux cours ou parvis qui environnaient
le temple était censées en faire partie, que la
cour extérieure qui renfermait le tout, était
un carré de 1750 pieds de chaque côté,
qu'elle était entourée en dedans d'une galerie
soutenue de trois rangs de colonnes dans
trois de ses côtés, et de quatre rangs au
quatrième; que c'était là qu'étaient les
a|ipartements destinés à loger les prêtres et
les lévites pendant le temps qu'ils exerçaient
leurs fonctions, et à renfermer les vases ,
les meubles et les provisions nécessaires au
culte religieux. L'auteur des Paralipomènes,
1. 1, c. m, dit que la seule dépense des dé-
corations du Saint des saints, qui était un
édifice de trente pieds en carré et de trente
pieils de haut, montait à six cents talents
d'or. Mais il faut faire attention qu'il est ici
question du talent de compte, et non du ta-
lent de poids. Ainsi toutes les supputations
que l'on a faites pour évaluer les énormes
richesses amassées par David et employées
par Salomon pour la construction du temple,
peuvent être bien fautives. Les incrédules,
qui en ont conclu que cette quantité de ri-
chesses est incroyable et impossible, ont
raisonné sur une fausse supposition. Nous
Gi9
TEM
TE M
050
voyons seulement par l'Ecriture que l'or
était prodigué dans ci* temple. Le sanctuaire
ou Saint des saints occupail la partie orien-
tale (lu temple proprement dii; au milieu
était l'arche d'alliance. l'".llo était surmon-
tée de deux chéi uliins de quinze pieds de
haut , leurs ailes étendues remplissaient
toute la largeur du sancluaire. Comme il est
souvent dit dans l'Ecriture que Dieu est as-
sis sur les chérubins, on présume qu'ils Ibr-
iiialent une espèce de trône; m.iis l'hébreu
clieriibim ne signifie pas toujours les chéru-
bins de l'arche. Voy. CiiÉRUiiiiN. Nous avons
dit dans l'article précédent, § 2, ce que
renfermait le Saint, nu le reste de l'espace
du temple intérieur. L'auteur des Paialipo-
mènes, I. Il , c. vu, v. 1, pour exprimer l'é-
clat et la maf-nificence de cet édilice, dit (]ue
la miijesié du Seiijneur remplissuit son tem-
ple, et qu'au moment de sa dédicace les prê-
tres mêmes , frappés d'élonnemont , n'o-
saient pas y entrer. L'aniliition de Salomoa
avait été que ce temple n'eût rien de sem-
blable dans l'univers; plusieurs auteurs
profanes sont convenus qu'il était très-beau:
ils n'avaient cepenilant vu (lue le second
temple, rebâii après la captivité de lîaby-
lone, dont la magnificence n'approchait pas
de celui de Salomon, quoiqu'il fût recons-
truit sur les mêmes fondements.
Plusieurs auteurs se sont appliqués à
donner la description de cet édifice célèbre;
Reland, Antic/. sacice ret. Ilebr.^ i" part.,
c. 6 et 7; l'rideaus, Ilist. des Juifs, sous
l'an 535 avant Jésus-Christ, t, I, p. 88; le P.
Lami, Jntrod. à l'é(ude de V Ecriture sainte;
dom Calmet, Dissert, sur les temples des an-
ciens, n. 18; Bible d'Avignon, t. IV p. /i-22,
iiiiiis surtout Villalpand, dans son Comment.
sur Ezér.hiel, dont l'ouvrage est extrait dans
les Prolégomènes de la Polyglotte île Wallon:
c'est ce dernier qui a servi de guide aux au-
tres. Comme ce (|ue les rabbins en ont dit
est tiré du Talmud. qui a été composé long-
temps après la ruine du temple, ou ne peut
pas y donner confiance. Il n'est pas éton-
nant que ces divers écrivains ne s'accordent
pas dans tous les détails; il y a beaucoup
île choses qu'ils n'ont pu deviner que par
conjecture.
Mais ce bâtiment superbe essuya depuis sa
construction plusieurs malheurs ; il fut pillé
sous le règne di' Koboam, fils de Salomon,
par Sésac, roi d'Egypte. L'impie Acliaz, roi
de Juda, le fit fermer ; .Man.issès son fils en
tu un lieu d'idolâtrie; enfin, l'an .'>98 avant
Jésus-Christ, sous le règne de Sédécias, Na-
buchodonosor , roi de Babylune, s'étant
rendu maître de Jérusalem, ruina entière-
uicut le temple de Salomon, eu enleva toutes
les richesses , et les transporta à Habylone.
Cette destruction avait été prédite aux Juifs
par Jéréiuie; mais ces insensés se persua-
daient que Dieu ne consentirait jamais à la
ruine d'un édilice consacré à son culte; cl à
tontes les menaces du prophète ils ne répon-
daient autre chose que le temple de Dieu, le
temple du Seigneur, Jereui.. c. vu, v. à,
comme si ce temple avait dû les mettre à
UiCT. 1>E ThKOL. DOliMATiyUE. IV.
couvert de tous les châtiments. Cependant
il demeura enseveli sous ses ruines pondant
52 ans, jusqu'à la première année du règne
de Cyrus à Babylone. Ce prince, l'an 530,
avant Jésus-Chrisl, permit aux Juifs captifs
dans ses Etats de retourner à Jérusalem, de
rebâtir le temple, et leur fit rendre les ri-
chesses qui en avaient été enlevées; cette
reconstruction fut <'nlreprise par Zoroba-
bel, et ensuite interrompue; cependant le
temple fut achevé el la dédicace s'en ût l'an
51(j avant Notre-Seigneur, la septième année
du règne de Darius, fils d'IIystispe. Ce se-
cond temple fut pillé et profané par Antio-
chus, roi de Syrie, l'an 171 avant notre ère;
il en enleva là valeur de dix-huit cents ta-
lents d'or; trois ans après, Jud.is .Machabée
le purifia et y rétablit le culte divin. Pom-
pée s'étant rendu maître de Jérusalem,
G3 ans avant la n;iissancede Jésus-Christ,
entra dans le temple, en vit toutes les ri-
chesses, et se fit un scrupule d'y toucher.
Neuf ans après, Crassus, moins religieux,
en fit un pillage qui fut estimé à près de
cinquanic raillions de notre monnaie. Hé-
rode, devenu roi de la Judée , répara cet
édifice qui depuis cinq cents ans avait beau-
coup soulïi'rt, soii par les ravages des enne-
mis des Juifs, soit parles injures du temps.
Enfin il fut réduit en cendres et rasé à la
prise de Jérusalem par Titus. Ainsi fut ac-
complie la préliclion de Jésus-Christ, qui
avait assuré qu'il n'en resterait pas pierre
sur pierre, Malth., c. xxm, v. 38, etc., et
celle de Daniel, o. ix, v. 27. Les Juifs entre-
prirent de le rebàlir sous le règne dWdrien,
l'an t3V de Jésus-Christ ; cet empereur les en
en)pêcha, et leur défendit d'approcher de Jé-
rusalem et de la Judée. Ils recommencè-
rent vers l'an 320 sous Constantin ; ce
prince leur fit couper les oreilles et impri-
nur une marque de rébellion, et renouvela
contre eus la loi d'Adrien. Enfin ils y furent
excités par l'empereur Julien, l'an 363, et
ils furent forcés d'y renoncer par des
tourbillons de feu qui sortirent de terre et •
renversèrent leurs travaux. Ce miracle est
rapporté en ces termes par Ainmien Mar-
cellin, officier dans les troupes de Juiien,
contemporain de l'événement, et qui n'était
l)ris chrétien: « Julien, pour éterniser la gloire
de son règne par quelque action d'eciat, en-
treprit de rétablir à grands frais le fa-
meux temple de Jérusalem, qui, après plu-
sieurs guerres sanglantes, n'avait été pris
qu'avec peine par Vespasien et par Titus.
Il chargi-a du soin de cet ouvrage Aly-
pius d'.Vnlioche, qui av.iit gouverné antre-
fois la Bretagne à la place des prélets.
Pend ml qu'Alypius et le gouveriti ur de la
province employaient tous leurs efforts à le
faire réussir, d'eliroyables tourbillons de
flammes, qui sortaient par élancements des
endroits contigns :iiix fondements, brûlèrent
les ouvriers et rendirent la place inaccessi-
ble. EnGii, ce feu persistant avec une espèce
d'opiniâtreté à repousser les ouvriers, on
fut forcé d'abandonner l'entreprise. » llist..
I. xxm, chap. 1. Cette n;irration ne peu
2i
Oui
TEM
être suspeclo à aucun ogard. Julien lui-
même coiiviont de ce fait dans le fragment
d'un de ses discours, qui a été recueilii par
Spauheim, Juliani Op., p. 293, où cet empe-
reur pariant des Juifs s'exprime ainsi :
«Que diront-ils de leur temjjle, qu\, après
avoir été renversé trois fois, n'a pas encore
été rélal)li? Je ne prétends point par là leur
faire un reprociie, puisque j'ai voulu moi-
même rebâtir ce temple, ruiné depuis si
longtemps, à l'honneur du Dieu qui a élé
invoqué. » Il n'est pas élonnaal que Julien
garde le silence sur l'événement qui l'a em-
pêché d'exécuter son dessein. Les Juifs
l'ont avoué plus clairement. Wagenseil,
Tela iijnea Satanœ, p. 231, rapporte le té-
moignage de deux rybbins célèbres. L'un
est K. David Ganz-Zemach, iv part., p. 36,
qui dit: « L'empereur Jalicn ordonna de ré-
tablir le saint temple avec mugniGcence, et
en fournil les frais. Mais il survint du ciel
un empêchement qui lit cesser ce travail,
parce que cet empereur périt dans la guerre
des Perses. » Ce juif dissimule le miracle,
mais un autre a été de meilleure foi ; U.
Gedaliah Schalschelet-Hakkabala , p. 109,
dit: « Sous rabbi Glianan et ses collègues,
vers l'an 4J37 du monde, nos annales rap-
porlent qu'il y eut un grand tremblement
de terre dans l'univers, qui fit tomber
le temple que les Juifs avaient bâti à Jéru-
salem par onlre de l'empereur Julien l'A-
postat, avec une grande dépense. Le lende-
main il tomba beaucoup de feu du ciel, qui
fondit lis ferrements de cet édiflco, et qui
brûla un Irès-granil nombre de juifs. » Ce
récit est coiifcsrme à celui d'Ammien i\ïar-
cellin. Le célèbre P. Morin de l'Oratoire,
Exercit. Bibl., p. 333, rapporte un troisiè-
me passage des juifs, tiré du Beresilh rabba,
on du grand Co i mentaire sur la Genèse. Li-
banius, sophiste et orateur païen, prétend
que la moit de Julien fut présagée par des
tremblements de terre arrivés dans la Pales-
tine, de Vila sua. Trois Pères de l'Eglise,
coiiiemporaiiis de l'empereur Julien, rap-
portent le miracle arrivé à Jérusalem, com-
me un fait public, connu île tout le monde
elinilubtiable. Saint Jean Chrysoslome, dans
ses Homélies contre les Juifs, qu'il prononça
à Anlioclie l'an 287, 2'i- ans après l'événe-
ment, prend ses auditeurs à témoin de la
vérité ; il invile ceux qui voudraient en dou-
ter, à en aller voir les vestiges sur le lieu
même. On n'avait pas pu ignorer à Anlio-
clie ce qui s'était passe à Jérusalem vingt-
quatre ans auparavant. Saint Ambioise, l'an
388, en rappelle le souvenir à l'empereur
'J héoduse , pour l'empêcher d'obliger les
chrétiens à rebâtir un temple des païens,
Episl. 40. Saint Grégoire de Nazianze, Omt.
k, raconte ce miracle avec toutes ses cir-
conslanies ;il vivait dans l'Orient, et il avait
pu les a|iprcndre dc" témoins oculaires;
son discours sur ce sujet peut avoir élé écrit
avant ceux de sain! Jean Chrysoslome. Ku-
fin, Socrale, Sozoméne, Théodoret, qui ont
vécu dans le siècle suivant, en parlent com-
me d'uu fait duquel persouue n'avait jamais
TEM 052
douté; une infinité d'autres historiens plus
récents n'ont fait que copier les anciens.
Parmi les écrivains modernes, plusieurs se
sont attachés à prouver ce miracle et à faire
voir que le témoignage des contemporains
que nous avons cités est à l'abri des objec-
tions de la critique; mais aucun ne l'a fait
avec autant d'exactitude et de succès que
Warburthon, dont l'ouvrage a été traduit en
français sous ce litre: Dissertation sur let
tremblements de terre et les éruptions de feu
qui firent échouer le projet formé par l'empe-
reur Julien, de rebâtir le temple de Jérusalem,
Paris, 17G4, 2 vol. in-12. Cet auteur exa-
mine en particulier chacun des témoignages
que nous avons cités, et répond aux objec-
tions de Basnage.qui a voulu rendre dou-
teux ce fait iiiiporlanl. Il aurait résolu avec
autant de facilité celles que le docteur
Lardner a faites en dernier lieu contre ce
même événement. Il n'est pas étonnant que
quelques incrédules de nos jours l'aient at-
taqué; ils n'y ont opposé que des conjectu-
res el des piul-être. Si l'on est surpris de ce
que deux protestants leur ont fi)urni ces fai-
bles armes, il faut faire attentioi) que le mi-
racle arrivé sous Julien est presque aussi
incommode aux uns qu'aux autres. Eu ef-
fet, s'il était vrai qu'au iv° siècle le christia-
nisme avait beaucoup dégénéré, que les suc-
cesseurs des apôtres en avaient altéré la doc-
trine et le culte, qu'il était déjà infecté d'ido-
lâtrie par les honneurs rendus aux saints,
aux images et aux reliques, comme le pré-
tendent les proleslauls, Dieu aurait-il fait
un miracle éclatant eu faveur de cette reli-
gion ainsi corrompue, miracle qui confir-
mait les chrétiens dans la croyance que l'E-
glise professait pour lors? Nous ne concevons
pas comment les écrivains protestants qui
ont soutenu la réalité de ce prodige, n'ont
fait aucune réflexion sur ses conséquences.
Nous ne nous arrêterons pas loiiglemps
à réfuter les objections des incrédules el des
critiques pointilleux; la plupart ne méritent
aucune attention. Hs objectent, l°que l'E-
criture n'a pas dit que le temple ne serait
jamais rebâti; Jésus-Christ ne l'a pas dé-
fendu : qu'importait à Dieu qu'il le fût ou
non? — Réponse. Jésus-Christ avait prédit
qu'il n'en resterait pas pierre sur pierre, et
Daniel avait prophétise que la désolation
ou la ruine de ce sanctuaire durerait jus-
qu'à la fin ; il ne faut pas séparer ces deux
prédictions. Il importait à Dieu de les véri-
fier pleinement, de confondre les efl'orls d'un
empereur apostat qui voulait les rendre
fausses, de confirmer ainsi la foi des fidè-
les, et de renverser les folles espérances des
Juifs. Socrate, Hisl. ecclés., I. m, c. 20, rap-
porte que saint Cyrille, évêque de Jérusa-
lem, voyant commencer celte entreprise, as-
sura les chrétiens, sur la foi de la prophétie
de Daniel, que ce projet ne réussirait pas,
et sa prédiction fut accomplie la nuit sui-
vante.
2° Ammien Marcelliu était un militaire
peu instruit et crédule à l'excès : il a rap-
porté plusieurs autres faits évidemment fa-
fio5 TEM
l)ulcu\; d'ailleurs ce (|u'il a dit du luiraclu
de Jérusalem est peul-êlre un.! interpolation
des chrétiens. — Réponse. Il n'était pas né-
cessaire d'être fort instruit pour rapporter
un éténenieut éclalaiit, pulilic, sensible,
frappaiil, tel que celui-ci, les fables que
cet historien raronte un sont pas de cette es-
pèci-; ce ne sont pas des laits aussi aisés à
constater. Si les chrétiens ont interpolé son
histoire, il faut <|u'ils aient altéré aussi le
fragment de Julien, le récit de LIbanius et
celui de deux auteurs Juifs ; que saint Jea:i
Chr\ sostome ait perdu toute pudeur en pre-
nant ses auditeurs à témoin du fait, et en in-
vitant ceux qui en douteraient ù eu aller
voir les vestiges.
3° Saint Jérôme , Prudence , l'historien
Orose, n'eu parlent pas ; il j eut dans ce
Iciiips-là des tremblements de terre ailleurs
(lue dans la P.ilesline, et ce n'étaient pas des
miracles. — Réponse. Le silence de trois
auteurs ne prouve rien contre le témoignage
nosilif de dis ou douze autres qui étaient
bien itifuruié^ , et dont plusicuis avaient
intérêt a n'en rien dire, lels ((ue Julien et
les Juifs que nous av.ns cilés. Suivant le ré-
cil d'AmiuJen Marcellin, les autres tremble-
nieiils de lirre n'arrivèrent que ()uiiize ou
dis-huit mois après celui de Jéiusale n, ils
ne furent point aecomp ignés d'éru,tliuns de
flammes sorties du sein de la terre, ni d au-
tres circonstances que Ion remarque dans
celui-ci, et ()ui prouvent que ce prodige ne
fut ni un événeuienl naturel ni un cas for-
tuit.
4" Il est vraisemblaitie qie Julien, qui
avait besoin d'argent pour faire la guerre
aux I*et-es, en reçut des Juifs pour qu'il
leur permit de rebâtir leur temple, ((u'illeur
promit Si ulement d'y faire travailler après
son retour ; ce projet devait naturellement
périr avec lui; un miracle ne l'ut donc pas
nécessaire. Celui-ci ne servit à rien, puis-
qu'il ne convertit ni les Juifs ni les païens.
— Réponse. Un l'ail n'est plus vraiseuiblabic
dès qu ii est contredit par le tén>oignage de
plusieurs écrivains lileu informés, et entre
lesquels il n'a point pu y avoir de collusion.
Les Juifs n'aliendircul pas l'éviii' ment de
la guerre des Perses pour commencer les
travaux, et Jolien ne leur avait pas f.iil une
simple promesse, puisqu'il avait chargé
Al^plns du soiu de celte enln^prise, et que
le miracle précéda la nouvelle (]ue l'on re-
çut de la mort de Juliei:, co.iime Lilianius
l'a remarque. Ce ire>i point à nous de juger
dans quelle-, circoiisiances Dieu doit ou
lie do t pas faire iies miracles, et II n'est
pas vrai (|u'ils soient inutiles, dès qu'ils ne
servent pas à convertir des incrédules opi-
niâtres, il est constant que celui-ci servit à
augmenter les progrès du christianisme
après la mort de Julien. Vainement l'on
ajoute que les chréiieiis l'ont surchargé de
circonstances fabuleuses; Warbiirthon a
fait voir que les circonstances rapportées
par les écrivains occlésiasliques étaient des
etVets assez ordinaires de la chute de la fou-
dre et des éruptions de feux souterrains.
TKM
6Si
Les soupcjons, les conjectures, les accusa-
tions hasardées des incrédules ne sont donc
fondées que sur leur entêtement et sur Icu;-
prévention contre les miracles en général.
Temple des Chrétiens. Voy. Eglise, Ba-
silique
Temple des pa'i'iîns. Au mol Temple eu
général, nous avons fait voir que les païens
n'ont coiuinencé à en bâtir de solides et de
couverts, que quand ils ont pris la coutume
de représenter leurs dirux par des statues
ou des idoles. La plupart de ces simulacres
n'étant faits que de terre, de plâtre ou de
bois, il fallut, pour les conserver, l.es met-
tre à l'abri des injures de l'air. Comme les
païens étaient persuadés que ces statues
étaient animées par le dieu qu'elles repré-
senlaient, et qu'il venait y habiter dès qu'el-
les étaient consacrées, les apologistes chré-
tiens et les Pères de l'Kglise n'ont pas eu-
tort de dire aux païens que leurs dieux
avaient besoin de maison et de couverture,
pour ne pas être exposés aux intempéries
des saisons Foy. Idolatuie. Ces temples,
loin d'être propres à inspirer la vertu, la
piété, le respect envers la Divinité, sem-
blaient uniquement destinés à porter les
lioinmes au crime. La plupart des idoles
étaient des nudités scandaleuses, les dieux
étaient représ ntés avec les symboles des
aventures et des vices que les fables de;
poètes leur attribuaient; Jupiter avec l'aigle
qui avait enlevé tianymède, Junon avec L-
paon qai caractérisait l'orgueil, \énus avec
tout l'appareil de la lubricité, Mercure avec
la bourse qui tentait les voleurs, etc. Athé-
née nous apprend que les artistes grecs, pour
peindre les déesses, avaient emprunté les
traits des plus célèbres courtisanes. Dans
plusieurs temples, la prostitu'.ion et le cri-
me contre nature étaient pratiqués pour
honorer les dieux; ou y exerçait les diffé-
rentes espèces de divination, l'on y olTiait
souvent des saerifices cruels et abominables.
Ce sont des faits attestés non -seulement
par les écrivains sacrés et p ir les Pères de
l'Eglise, mais encore par les auteurs profa-
nes. Mém. de l'Acad. des Inscripl., tome
LXX, in 12, pag. 90 ei^uiv. Voy. àîys-
TÎiRES DES PAÏliNS, PAGANISME, SACHIFiCES,
§ 3, etc.
Constantin , converti au christianisme. Ht
détruire les principaux temples dans lesquels
se commettaient ces desordres , il lais-a
subsister les autres. ïhéodose le Jeune,
parvenu à l'empire l'an i08 , les fil démolir
tous dans l'Orient; Ilunorius, son oncle, se
contenta de les faire fermer dans I Orcident ;
il crut qu'il fallait les conserver comme des
monuments de la magniiiccnce romaine.
Dans plusieurs endroits ces édifices fnrenl
purifiés et changés en églises; le culte du
vrai Dieu y fut substitué au culte impur des
idoles. Ainsi en agirent Théodose le tîrand
à l'égard du temple d'ileliopo is , l'an 379 ;
Valeus , vers ce même temps , au sujet du
leiuple d'une ile dont tous les habitants s'é-
taient convertis. L'an 39:) , sous le règne
d'ilonorius , l'évê juo de Carthago , Aurélius,
est)
TEM
TEM
6b()
fil un pareil usage du temple d'Ui anie , et en
108, ce même empereur défendit de détruire
les temples dans les villes , parce qu'ils pou-
vaient servir à des usages publics. Bingham,
Orig. ecclés., l. viii, c. 2, § k. Lorsque les
Saxons Anglais se convertirent, saint Gré-
goire le Grand écrivanl au roi Kihelbcrt ,
l'exliorla à détruire les temples des idoles,
I. II , Epist. 66. Mais dans une litlre posté-
rieure qu il écrivit à saint Mellit, il permit
de les changer en églises , Ëpist. 7G. Déjà
l'an 607 le pape Boniface IV avait fait puri-
fier à Home le Panthéon, et l'avait dédié à
l'invocation de la sainte Vierge et de tous les
martyrs; c'est encore aujourd'hui l'un des
plus somptueux édifices de Rome. 11 en a
élé de même du temple de Minerve , de celui
de la Fortune virile et do quelques autres.
Pendant les trois premiers siècles , les
païens objectèrent souvent aux chrétiens
qu'ils n'avaient ni temples, ni autels, ni sa-
crifices, ni fêtes ; nos apologistes répondaient
que toutes ces choses matérielles n'étaient
pas dignes de la majesté divine ; que le vrai
temple de la Divinité était l'âme d'un homme
de bien , que les chrétiens offraient en tout
temps et en tout lieu des sacrifices de louange
sur les autels de leurs cœurs allunjcs par le
feu de la charité; que les vrais chrétiens
étaient toujours en fête par le repos de la
bonne conscience , et par la joie que leur
donnait l'espérance du ciel. Clem. Alex.
Stromat., liv. vu, ca|). 3, 6, 7. Il ne s'ensuit
pas de là que les chrétiens n'avaient pas en-
core des églises ou des lieux d'assemblées ,
mais ces églises ne ressemblaient en rien
aux temples du paganisme ; ils avaient des
autels , puisque saint Paul le dit , et qu'il les
nomme aussi la table du Seigneur ; ils of-
fraient un sacrifice qui est l'eucharistie ; ils
célébraient des fêles, surtout celle de Pâques,
tous les dimanches et le jour de la mort des
martyrs. Mais il aurait élé inutile , et c'au-
rait été une imprudence d'entrer dans ce dé-
tail avec les païens, ils n'y auraient rien
compris; tout cela ne fut mis au grand
jour qu'au iv° siècle , lorsque Constantin
eut donné la paix à l'Eglise et autorisé la
profession publique du christianisme. Voy.
Autel , Eglises , Eucharistie , Fêtes , etc.
TEMPLIERS , chevaliers de la milice du
temple. L'ordre des templiers est le premier
de tous les ordres militaires et religieux , il
commença vers l'an 1118 à Jérusalem. Hu-
gues de Paganès ou des Païens , et Geoffroi
de Saint-Adémar ou de Sainl-Omer, en
furent les fondateurs ; ils se réunirent avec
six ou sept autres militaires pour la défense
du saint sépulcre contre les infidèles , et pour
proléger les pèlerins qui y abordaient de
toutes parts. Baudouin 11, roi de Jérusalem,
leur prêta une maison située auprès de l'é-
glise que l'on croyait être bâtie au même lieu
que le temple de Salomon ; c'est de là qu'ils
prirent le nom de templiers: de là vint aussi
que l'on donna dans la suite le nom de tem-
ple à toutes leurs maisons. Ils furent encore
nommés d'abord , à cause de leur indigence,
les pauvres de la suinte cité; conmie ils ne
vivaient que d'aumônes, le roi de Jérusalem,
les prélats et les grands leur donnèrent à
l'envi des biens considérables. Les huit ou
neuf premiers chevaliers firent entre les
mains du patriarche de Jérusalem les trois
vœux solennels de religion , auxquels ils en
ajoutèrent un qu:iti ième , par lequel ils s'o-
bligeaient à défcîîdre les pèlerins , et à tenir
les ciiemins libres pour ceux qui enlrepren-
dr^ii-nt le voyage de la terre sainte. Mais ils
n'agrégèrent personne à leur société qu'en
1128. Il se tint alors un concile à Troyes en
Champagne , présidé par le cardinal Mat-
thieu , évêque d'Albe et légat du pape Hono-
rius II. Hugues des Païens , qui était venu
en l''rance avec six chevaliers pour solliciter
des secours en faveur de la terre sainte , se
présenta à ce concile avec ses frères , ils de-
mandèrent une règle ; saint Bernard fut
chargé de la dresser : il fut ordonné qu'ils
porteraient un habit blanc ; et l'an 1146 Eu-
gène 111 y ajouta une croix sur leurs man-
teaux. Les principaux articles de leur règle
portaient (ju'ils entendraient tous les jours
l'office divin ; que quand leur service mili-
taire les en empêcherait , ils y suppléeraient
par un certain nombre de Pater ; qu'ils fe-
raient maigre quatre jours de la semaine ,
que le vendredi ils n'useraient ni d'œufs ni
de laitage, que chaque chevalier pourrait
avoir trois chevaux et un écuyer , et qu'ils
ne chasseraient ni à l'oiseau ni autrement
Cet ordre se multiplia beaucoup eu peu
de temps ; il servit la religion et la terre
sainte par des prodiges de valeur. Après la
ruine du royaume de Jérusalem , arrivée
l'an 1186 , la milice des templiers se répandit
dans tous les Etats de l'Europe, elle s'accrut
extraordinaireuient , et s'enrichit par les
libér;ililés des souverains et des grands.
Matthieu Paris assure que dans le temps de
l'extinction de cet ordre en l.'il2 , par consé-
quent en moins de deux cents ans, les tem-
pliers avaient dans l'Europe neuf mille cou-
vents ou seigneuries. De si grands biens ne
pouvaient manquer de les corrompre ; ils
commencèrent à vivre avec tout l'orgueil
qu'inspire l'opulence, et à se livrer à tous
les plaisirs que se permettent les militaires
lorsqu'ils ne sont pas retenus par le frein de
la religion. Dans la Palestine ils refusèrent
de se soutnetlre aux patriarches de Jérusalem
qui avaient été leurs premiers Pères ; ils en-
vahirent les biens des églises , ils se lièr(!nt
avec les infidèles contre les princes chrétiens,
ils exercèrent le brigandage contre ceux
mêmes qu'ils étaient chargés de défendre.
En France, ils se rendirent odieux au roi
Philippe le Bel , par leurs procédés insolents
et séditieux ; ils furent accusés d'exciter la
mutinerie du peuple et d'avoir fourni des
secours d'argent à Boniface VllI diins le
temps de ses démêlés avec le roi. Conséciuem-
ment ce prince résolut de les délruire , et il
en vint à bout , de concert avec le pape
Clément V qui résidait en France. Ceux qui
voudront voir le détail et la suite des procé-
dures faites contre les templiers, peuvent
consulter V Histoire de VEijlise gallicane,
TEM
6.18
t. XII , I. XXXVI, sous l'an l.'}11 ; elles y sont
rapporléos avec fiJélilc el avec l'oxlrail des
actes originaux ; l'auteur paraît avoir ob-
servé la plus exacte impartialité.
Le plus célèbre des iiicrédulos de notre
siècle , qui a voulu juslllicr les templiers,
n'a pas at;i avec autant de circonspection ;
il s'est contenté de copier Villani , auteur
florciilin , ennemi déclaré de Clément V el de
tous les papes français, el non moins irrité
contre Philippe li' Bel, à cause de ses démê-
lés avec Honiface VIII. Aussi a-l-il commencé
par laiie le portrait le |ilus .lésavanta^eux
de ce roi. l'Jssai sur rHist.,c. 62. C'était,
dit-il, un prince vindic:itif, lier, avide, pro-
digue, qui cxtorquaii de l'ar gent par toutes
sortes de moyens; il fut donc animé par la
venffeance et par le désir de mettre dans ses
coffres une partie des ri liesses des leinpliers.
La vérité est que Philippe le Bel ne profita
poinlile leurs dépouilles; nous le prouverons
par des témoignages irrécusal)les ; la lenteur
et les précautions que l'on mil dans les pour-
suites faites contre les chevaliers prouvent
que ce roi ne se conduisit point par passion.
L'apologiste des templiers donne à entendre
que leurs accusateurs étaient préparés d'a-
vance ; c'est une imposture : ils se (rouvèreul
par hasard. '
On convient que ce furent deux criminels
détenus dans les prisons , dont au moins
l'un était un templier apostat , qui furent les
premiers délateurs , el qui espérèrent par là
d'obtenir leur grâce ; mais il est faux que ,
sur cette accusation seule, le roi ait donné
l'ordre secret d'arrêter les templiers dans
tout son royaume : un auteur du temps rap-
porte qu'auparavant Philippe le Bel lli arréicr
et inlerrogci' plusieurs templiers, qui confir-
mèrent la déposition des ueux accusateurs
dont on vient de parler, el qu'il consulta
des théologiens. Son dessein n'était plus se-
cret, puisqu'avanl le 24 août 1307 , le grand
maîtreel plusieurs des principaux chevaliers
en avaient porté des plaintes au pape, et
avaient demandé que le procès leur fût fait
en règle. L'ordre d'arrêter tous les templiers
ne fut exécuéque le 13 octobre suivant. En
supprimant des circonstances essentielles et
ru fylsKiant les dates , il est aisé de dénaturer
tons les faits.
Le roi ne pouvait se dispenser de prendre
celte précaution ; sans cela les templiers au-
raient pu exciter une sédition , les piles cou-
pables se seraient évades , et l'on n'aurait
pas connu les vrais motifs qui déterminaient
le roi à détruire cet ordre qui n'était plus ni
soumis au souverain ni religieux Le lende-
main de l'emprisonnement des templiers, le
roi fil assembler le clergé de Paris , el le 1.5
il fit convoquer le peuple, et l'on rendit
compte en public des accusations formées
contre ces chevaliers; la passion n'a pas
coutume de procéder si régulièrement. Ils
étaient accusés , 1' De renier Jesus-Christ à
leur réception dans l'ordre, el de cracher
sur la croix. 2° De commetlre entre eux dos
impudicités abominables. 3° D'adorer dans
leurs chapitres généraux uue idole à tête
dorée et qui avait quatre pieds. 4 De prati-
quer la magie. 5' Uc s'obliger à un secret
impénétrable par les serments les plus af-
freux. 11 est certain, disent les historiens,
que les deux premiers articles furent avoués
par cent quarante des accusés , à la réserve
de trois qui nièrent tout.
Comme Clément V agit dans toute cette
affaire de concert avec le roi , l'apologiste
des templiers fail observer que ce p.ipe était
créature de Philip(ie le Bel , et cela est vrai;
cependant il s'op|)osa d'abord aux poursui-
tes commencées contre ces religieux militai-
res , et il écrivit au roi des lettres très- fortes
à ce sujet ; il ne consentit à la continuation
des procédures qu'après avoir interrogé lui-
même à Poitiers soixante-douze chevaliers
accusés , el ce n'est que d'après leur confes-
sion qu'il fut convaincu de la vérité des faits.
Mais il est faux qu'il ait disputé au roi ,
comme le dit l'apologiste, le droit de pu-
nir ses sujets. Il abandonna le jugement et
la punilion des particuliers à des commis-
saires , et il se réserva de statuer sur le sort
de r(.rdre entier , parce que c'était le droit
du saint siège. Jusque-là nous ne voyons
rien d'irrégulier. Ln conséquence il y eut
des commissaires nommés et des informations
faites , non seulement à Paris , mais à
Troyes , à Uaycux. , à Cacn , à Kouen , au
Pont-de-l'Arclie , à Carcassonne , à Ca-
hors , clc. , et l'on entendit plus de deux cents
témoins de divers étals. Les bulles du pape
furent envoyées aux divers souverains de
l'Europe , pour les exhorter à faire chez eux
ce qui se faisait en France.
Avant d'examiner les raisons alléguées
par ra|)ologiste des templiers, il y a quelques
réflexions à faire. 1" il est impossible que la
multitude des personnages qui ont eu pari à
celte affaire, cardinaux, évoques, ini)uisi-
teurs, officiers du roi, magistrats, docteurs,
témoins, ele., aient tous élé des scélérats et
de vils instruments des passions de Philippe
le Bel ; quand cela aurait été possible en
France, cet esprit de vertige n'a pu être lé
même en Angleterre , on Espagne , en Sicile
et ailleurs. 2° Il parait que le plus grand
nombre des templiers coupables des abomi-
nations qu'on leur reprochait . était en
France, et surtout à Paris, ville qui a tou-
jours élé le centre et le foyer de la corruption
du royaume ; il n'est donc pas étonnant que
ce soit là que le plus grand nombre ait élé
livré au supplice. 3' Le grand maître et les
principaux chevaliers ont pu n'avoir aucune
pak"t au désordre , ignorer même jusqu'à
quel excès il était porté; ce pouvait être une
raison de les épargner , mais ce n'en était
pas une de conserver un ordre essentielle-
ment gâté, et qui ne servait plus à rien,
puisqu'il n'était d'aucune utilité hors de la
terre sainte, k" Les templiers tenaient à ce
qu'il y avait de plus grand dans le royaume ;
si l'on procédait injustement contre eux,
comment le corps de la noblesse , très-inté-
ressé à la conservation de cet ordre , n'a-t-il
fait aucune réclamation? cela est inconce-
vable.
6S9
TEM
L'apologisle convient que ces supplices
dans lesquels on fait mourir lant de riloj ens ,
d'ailleurs respeclables, cotte foule de témoins
contre eux , ces aveux de plusieurs accusés
même, (il fallait ajouter celte suite de procé-
dures continuées pendant sis ans tout rnliers,
en divers endroits et p;ir-devant différenls
commissaires) semblent <!es preuves de leurs
crimes et rie la justice de leur perte. Mais
aussi , dit-il , que de raisons en leur faveur 1
Voyons ces raisons.
«Premièrement, de Ions ces lénioins qui
déposent contre les templiers, In plupart n'ar-
ticulent que de vagues accusations. » Cela
peut être vrai à l'égard de plusieurs qui n'a-
vaient jamais été à portée de savoir certaine-
nemenl ce qui se passait dans cet ordre.
Mais le fondement de la procédure n'était
point ces accusations vagues ; c'était la con-
fession formelle de cent quarante thevaliers
interrogés d'alord à Paris par l'inquisiteur,
en présence de plusieurs gentils hommes ,
et répétée par soixante- douze d'entre-eux à
Poitiers par-devant !e pape. Les dépositions
des autres témoins , quoique vagues , pou-
vaient servir à confirmer la preuve.
« Secondement , très-peu disent (lue les
templiers reniaient Jésus-Christ. Qu'auraienl-
ils en effet gagné en maudissant une religion
qui les nourrissait et pour laquelle ils com-
battaient? » On pourrait demander de même
ce que gagnent les impies à blasplicmer con-
tre Jésus-Christ et contre la religion dans la-
quelle ils ont été élevés. Ils le font cepen-
dant ; l'apologiste devait mieux le savoir
qu'un autre. Alors les templiers ne combat-
taient plus pour la religion , du moins en
France. Il est (aux qu'il y ait eu très-peu de
témoins qui aient déposé de ce fait odieux ;
les insultes faites à Jésus-Christ et les impu-
dicilés furent les deux faits les plus généta-
lemenl avoués et prouvés.
« Troisièmement , que plusieurs d'entre
eux , témoins et complices des débauclics
des princes et des ecclésiastiques de ce temps-
là , eussent marqué quelquefois du mépris
pour les abus d'une religion tant déshonorée
eu Asie et en Europe , qu'ils en eussent
parlé avec trop de liberté , c'est un empor-
tement de jeunes gens dont certainement l'or-
dre n'est point cumptable. » Nous soutenons
que l'ordre en était comptable , puisque les
chefs avaient l'autorité de punir les cheva-
liers ; l'apologiste aurait raisonné tout diffé-
remment à l'égard de tout autre ordre reli-
gieux. D'ailleurs les lempUers n'ont point
été condamnés pour des discours contre la
religion , mais pour des actions abominables.
Enfin ce n'était point à des complices du dé-
sordre qu'il convenait de le blâmer ; on
pouvait leur dire casliyat turpia lurpis. Mais
on comprend que l'apologisle était intéressé
à'excuser toute espèce d'emportement contre
la religion.
« Quatrièmement, cette tête dorée qu'on
prétend qu'ils adoraient et qu'on gardait à
Marseille, devait leur être représcnlce ; ou
ne se mit pas seulement en peine de la cher-
cher. » Il s'ensuit seulement de là que celle
TEM 660
accusation ne parut pas sufOsamment prou-
vée , et que l'on ne cherchait pas à multi-
plier les crimes imputés aux templiers.
X Cinquièmement ,1a manière infâme dont
on leur reprochait d'être reçus dans l'ordre,
ne peut avoir passé en loi parmi eux Je
ne doute nullement que plusieurs jeunes
templieis ne s';ibandonnassent à des excès
qui de tout temps ont été le partage de la
jeunesse , et ce sont des vices passagers (ju'il
vaut mieux ignorer que punir. «Ici rauleur
confond très-mal à propos deux espèces de
réeepiioM. Il est à présumer que celle qui se
faisait en public par le grand maître , ou par
d'autres , était décente ; mais il y en avait
une autre secrète imaginée par les libertins
de l'ordre , qu'ils faisaient subir aux nou-
veaux chevaliers , et dans laquelle se com-
mettaient les abominations et les profanations
dont on a parlé ; cela est d'autant plus pro-
bable , que plusieurs dirent qu'on les y avait
forcés par la prison et les tourments. L'on
sait assez que l'ambition des scélérats est
d'avoir des complices de leurs crimes. Il en
était de même de ces statuts secreis , dressés
pour forcer les coupables au silence. La plu-
part de ceux qui lurenl exécutés n'étaient
pas des jeunes gens ; leurs désordres n'étaient
donc plus des vices passagers. Il n'est que
trop vrai que les vieux libertins sont encore
plus adonnés aux excès de la lubricité que
les jeunes gens. C'est une grande question
de savoir s'il vaut mieux ignorer que punir
un crime détestable , lorsque le nombre des
coupables est très grand.
« Sixièuiemenl , si tant de témoins ont dé»-
posé contre les templiers, il y eut aussi beau-
coup de témoignages étrangers en faveur de
l'ordre. » Nous avons déjà remarqué que
probablement l'ordre n'était pas également
corrompu partout ; mais les témoignages
endos en laveur des chevaliers étrangers
ne pouvaient serviràjustifierceuxde France.
:i Septièmement , si les accusés, vaincus
par les tourments qui font dire le mensonge
comme la vérité, ont confes-é lant de cri-
mes, peut-être ces aveux sont-ils autant à la
honie des juges qu'à celle des chevaliers.
On leur piometlait leur grâce pour extor-
quer leur confession. » C'est une pure ca-
lomnie d'avancer (jue ceux qui ont confessé
des crimes y ont été forcés par des tour-
ments. Les cent quarante chevaliers inter-
rogés à Paris par l'inquisiteur, eu présence
de quelques gentilshommes, ne furent point
mis à la question, non plus ((ue ceux (,;ui fu-
rent interrogés à Poitiers par Clément V, au
nombre de soixante-douze ; leurs <iveux se
trouvèrent conformes. Il n'est pas prouvé
qu'on leur ait promis à tous leutijrâee pour
les engager à faire cette conl/fssion ; il ne
l'est pas non plus que l'on ait envoyé au
supplice aucun de ceux à qui l'on avait pro-
mis sa grâce.
« Huitièmement, les ciuquantenenf que
l'on brûla vifs prirent Dieu à témoin de leur
innecence, et ne voulureiU point de la vie
qu'on leur offrait à conJiîion de s'avouer
coupables. Quelle plus giande preuve, non-
C(il
TEM
TE M
66%
seulement d'innocence, mais d'honneur? >-,
Ce n'est point là une preuve; on a vu plus
d'une fois des criminels convaincus par les
preuves les plus évidentes, persister jusqu'à
la mort à nier leurs crimes; celle opiniâ-
treté ne doit point étonner dans des impies
et des incrédules décidés.
« Nenvièmetiient , soixante-quatorze tem-
pliers non accusés entreprirent de défendre
{'ordre, et ne fuient point écoulés. » Cela est
alisoluiiicnt taux. L'apolopisie a cité ailleurs
l'Histoire des lemjiliffs par Pierre Dupuis ;
or, cet historien rapporte que les soixante-
quatorze défenseurs de leur ordre furent en-
tendus par des commissaires, pour la pre-
mière fois le samedi li mars 1310, qu'ils
nommèrent quatre d'entre eux pour parler
nu nom de Ions. Non-seulenirnt ils furent
écoutés, mais ils présenlèreiit des reiinètes
cl des mémoires par érrii, les procès-ver-
baux de leur dire furent exactement rédigés,
l'auteur de Histoire de l'Egl. giillicane les a
copiés. Ils s'inscrivirent en faux contre les
confessions faites par les accusi'S, ils dirent,
comme l'apologiste, ou (juc cesavrux avaient
été extorqués par promesses, par men.ices ,
ou que ceux qui les avaient faits étaient des
scélérats ; ils dirent qu'ils demandaient à
être jugés par le pape et par le concile de
Vienne qui devait bientôt se tenir. Que ré-
sulle-t-il di' celte défense ? 11 s'ensuit que ces
soixante-quatorze templiers étaient inno-
cents, puisqu'ils n'étaient pas accusés, qu'ils
avaient ignoré jusqu'alors les crimes qui se
commettaient par leurs confrères , et qu'ils
avaient de la peine à les croire. Mais ce n'é-
lait là qu'une preuve négative ; l'ignorance
ne prouve rien, ils n'alléguèrent aucun fait
positif qui fût capable de dilruire la con-
fession des accusés.
« Dixièniement, lorsqu'on lut au grand
maître sa confession rédigée devant trois car-
dinaux, ce vieux guerrier, qui ne savait ni
lire ni écrire, s'écria qu'on l'avait trompé ,
que l'on avait écrit une autre déposition que
la sienne ; que les cardinaux , ministres de
cette perfidie , méritaient qu'on les punît
conune les Turrs punissent les faussaires ,
en leur fendant le cor|is et la tète en deux. »
Que s'ensuit-il encore? que ce grand maître,
nommé Jacques de iMolay, était fort mal
instruit de ce qui se passait dans son ordre;
que quand il fut interrogé à Chinon en Tou-
raine, le 18 et le 20 août 1308, par les trois
cardinaux commissaires nommés parle pape,
il fut étonné et étourdi par la déposition de
la multitude de ses chevaliers qui avaient
avoué leurs crimes à Paris et à Poitiers, et
qu"il n'osa pas s'inscrire en faux contre
celte preuve. Le procès-verbal poiio qu'il
avuua formellement le premier article des
accusations, savoir, le renoncement à Jésus-
Christ. Interrogé de nouveau à Paris le ^(5
décembre 1309 et quelques jours a|irès, il
désavoua celte confession , et accusa les
conunissaires de falsification; pour la dé-
fense de son ordre, il ne dit (jue des choses
vagues et qui n'allaient point au fait ; il fln-
nianda d'être jugé par le pape. Lesquels de-
vons-nous plutôt soupçonner de fausseté, les
trois cardinaux commissaires, riu Jacques de
Molay ? Les premiers ne pouvaient avoir au-
cun motif; l'intention du pajjc n'était point
que l'on usât de supercherie ; dans ses bulles
de commission, il recommande l'équité et
l'observation des formes. Ce n'était pas non
plus celle liu roi , puisqu'il consultait le
clergé de Paris, les universités, les parle-
ments, et se conduisait avec toutes les pré-
cautions |)0ssibles : nous verrons qu'il n'a-
vait pas besoin de falsifi ation ni de suppli-
ces pour obienii' l'exlinclion de l'ordre des
templiers. Deux des cardin.iux lui écrivirent
pour lui rendre compte de leur commission;
ils lui mandèrent qu'ils avaient accordé l'ab-
solution des censures à Jacipics de Molay et
à cinq autres chevaliers repentants ; ils sup-
plièrent le roi de les traiter iavorablemenl.
Ce ne sont p:;s là des marques de perfidie.
Quant au grand maître, il n'est pas le seul
criminel qui ait varié dans les inleiroga-
toires, et qui ait rétracté les aveux qu'il avait
faits d'abord.
« OnzièoiemenI, on eût accordé la vie à co
grand maître et à Gni, frère du dauphin
d'.Vuvergne, s'ils avaient voulu se reconnaî-
tre coupables publiquement, et on ne les
brûla que parce ((u'appelés en présence du
peuple sur un i cliafaud i>our avouer les cri-
mes de l'ordre, ils jurèrent que l'ordre était
iunocent. Cette dèclaiation , qui indigna le
roi, leur attira leur supplice, et ils mouru-
rent en invoquant en vain 1 1 vengeance cé-
leste contre leurs persécuteurs. » Nous avons
déjà fait remarquer que cette déclaration no
prouve rien, sinon que ces deux chefs do
l'ordre avaient ignoré jus(iu'alors les crimes
qui s'y commettaient, cl qu'ils ne pouvaient
se les persuader; leurs serments étaient
donc téméraires, ils juraient de ce ((u'ils ne
savaient pas. Encore une fois, ces protesta-
tions ne pouvaient pas détruire les preuves
positives tirées de l'aveu des coupables cl de
la déposition des témoins. 11 y a plus : le
pape s'était réservé le jugement de ces deux
personnages et de deux autres chefs da
l'ordre ; ce ne fut qu'après le concile de
Vienne, et après la publication de la huile
qui supprimait les templiers, qu'il nomma
de nouveaux commissaires pour achever
leur procès. Ces contmissaires furent trois
cardinaux , l'archevêque de Sens, plusieurs
évêques et plusieurs docteur-. Par-devant
eux le grand maître , le frère du daiiphin
d'Auvergne et les deux autres confessèrent
de nouveau les crimes dont ils étaient ac-
cusés ; en conséquence, le 18 mars 1314, ils
furent condamnés à une prison perpétuelle,
!/on dressa un échal'aud au parvis de .Notre-
Dame, pour qu'ils fissent leur confessio!i
publique , et c'est là que les deux premiers
la rétractèrent. Le roi, informé sur-le-champ
de cet événement, assembla soi conseil qui
les condamna à être brûlés vifs, et cet arrêt
fol exécuté le soir même. Dans cette cir-
constance, Philippe le Bel ne pouvait plus
agir par vengeance ni par une autre passion;
l'ordre des templiers avait été supprimé et
CG5
TEM
délruil au concile général de Vienne, deux
ans auparavant : ce roi était donc satisfait ;
le supplice du grand maître ni celui de Gui
d'Auvergne ne pouvait lui procurer aucun
nouvel avantage ; il fut indigné de leur cou-
dnile, et voilà pourquoi il les fil condamner
el punir.
Leur apologiste ajoute que le pape abolit
l'onlre de sa seule autorité, dans un consis-
toire secrt t pendant le concile de Vienne.
Nouvelle imposture. La bulle fut dressée
le 22 mars 1312, dans un consistoire secret,
mais elle fut publiée en plein concile le 3
avril, en présence de Philippe le Bel el de
ses trois fils ; le pape y déclara, de Tasré-
menl du concile, sacro approbante concilio ,
l'institut des templiers proscrit et aboli; il
réserva au sainl-siége la destination des per-
sonnes el des biens. En second lieu, il y a
eu depuis ce temps-là plusieurs insliluts
religieux supprimés par un simple bref du
souverain pontife ; personne ne s'y est op-
posé el n'a prétendu qu'il fallait pour cela
le décret d'un concile. Ce même criliiiue en
impose encore, en disant que Philippe le
Bel se fil donner deux ceni mille livres, et
que Louis le Hutin, son fils, prit eneore
soixante mille livres sur les biens des irm-
pliers;i\ ne cile aucune autorité ni aucun
Boonument de ce lait, el il y a des preuves
du contraire. Dès l'an 1307, le roi avait dé-
claré au pape, dans une lettre du 21 décem-
bre, qu'il s'élail saisi des biens de^ templiers,
et qu'il les faisait garder pour être employés
totalement au secours de la terre sainte; c'é-
tait leur première destination. Il renouvela
cette déclarylion dans une autre lettre du
mois de m.ii 1311 , où il priait le pape de
fai-re en soi te ()ue ces biens fussent employés
à un autre ardre militaire destiné pour la
terre sainte, promenant de f.ire exécuter
tout ce qui serjiit réglé sur cet article ; il ne
s'opposa point à la bulle par laqoelle le pape
s'en réserviiit l.i disposition. De là Dupuy et
Baluzc concluent avec raison que les histo-
riens qui ont accusé ce roi d'avoir voulu
s'approprier les biens dos templiers , sont
dis calomiiialeurs. Enfin notre autour lui-
même est forcé d'avouer que ces biens fu-
rent donnés aux chevaliers de Rhodes, au-
jourd'hui chevaliers de Malle, dont la desli-
Duiion était la même que celle des templiers.
« J'ignore, continuc-l-il, ce qui en revint au
pape... Je n'ai janiais pu découvrir ce qu'il
recueillit de celle di'iiouille. » La vérité est
qu'il n'en recueillit rien, et qu'il n'en a été
accusé par aucun écrivain dijjne de foi. Nous
ne doutons pas que les frais des procédures,
qui furent failes pendant cinq ou sis ans
contre les templiers dans dilTérenls endroits
du royaume, n'aient été immenses; cela ne
pouvait se faire autrement.
Qu'un prolestant tel que Mosheim ait peint
Clément V comme un pontife avare, vindi-
catif el turliulont ; qu'il ail dit que Philippe
le Bel joua cette sanglante tragédie pour sa-
Itsfciire son avarice el assouvir son ressenti-
monl, Uist. ecclés. , xiv siècle, u' partie,
c. 5. § 10, cela n'est pas étonnant : mais il
TEN 004
l'est qu'un philosophe, qui aurait dû se met-
tre au-dessus des préjugés vulgaires, u'a4t
fait que copier des auteurs prévenus el se
rendre écolier des protestants. Il est con-
venu lui-même que les templiers vivaient
avec tout l'orgueil que donne l'opulence, et
dans les plaisirs effiénés que prennent les
gens de guerre ; que Philippe le Bel eut lieu
de penser qu'ils lui étaient infidèles, et qu'ils
fomentaient des séditions parmi le peuple ;
n'en était-ce pas assez pour autoriser ce
prince à demander et à poursuivre l'estinc-
lion de cet ordre, sans agir par vengeance
ni par avarice.
TEMPOUEL DES BÉNÉFICES. Voij. Béné-
fice.
Temporel des rois. Voy. Roi.
TEMPS. Ce mot dans l'Ecriture signifie or-
dinairement la durée qui s'écoule depuis un
terme jusqu'à un autre ; mais il se prend
aussi dans d'autres sens. 1° Pour les saisons;
Gen., c. I, V. ik, il est dit que Dieu a fait les
astres pour marquer les temps, les jours el
les années. 2° Pour une année; Duniel ,
c. VII, v. 25, prédit que les saints seront per-
sécutés pour un temps, deux temps el la moi-
tié (l'un temps; ce sont les trois ans el demi
de la persécution d'Anliochus. 3° Pour l'ar-
rivôç de quelqu'un; tsnïe., c. xiv, v, 1:
Prope est ut veniat tempus ejus . son arrivée
est prochaine. 4° Pour le moment favorable
de faire quelque chose. Pendant que nous en
avons le temps, fa'sons du bien à tous {G<i-
lat., c. VI, v. 10). 5° Dnn.,c. ji, v. 8, racheter le
temps, c'est demander du délai ; mais dans
saint Paul, Ephes., c. v, v. 16, c'est prendre
patience en atlendant un temps plus heureux.
6° Ezech , c. xxii, v. 3, son temps viendra,
c'<'st-à - dire le moment de sa punition.
7' Saint Paul appelle les temps des siècles pas-
ses, cens, qui ont précédé la venue de Jé-
sus-Christ, Tit., c. I, V. 2. 11 les nomme
aussi les temps d'ignorance, Act, , c. xvii ,
V. 30. Voy. Jocn.
TÉNÈBItES. La signification de ce terme
varie beaucoup chez les écrivains sacrés.
1° De même que la lumière exprime souvent
la prospérité, les ténèlres désignent l'alflic-
tion el l'adversité, Eslh., c. vin, v. 16 ; c, xi,
v. 8. 2" 11 signifie la mort et le tombeau,
Ps. Lxxxvii, V. 3 : Connaîtra- t-on les ner-
veilles de Dieu dans les TÉ^Èl^RES ? 3" L'igno-
rance ; Joan., c. m, v. 19 ; Les hommes ont
mieux aimé les ténèbres que la lumière.
4-° Saint Paul appelle les péchés les œuvres
des ténèbres, soit parce qu'ils sont souvent
commis par ignorance , soit parc e que l'on
se caihc pour les commettre. De là ce même
apôtre appelle souvent l'idolâtrie tes ténèbres,
par opposition à la lumière du christianisme
el de l'Evangile , Ephes., c. v, v, 8 : Vous
étiez aiUrefois ténèbres, f) présent vous êtes
lumières duns le Seigneur. 5° 11 signifie le se-
cret, Matth., c. X, V. 27 : Ce que ]e vous dis
dans les TÉNÈBRES , dites-le au grand jour.
()" Sailli Jean , Epist. I, ci, v. 5, dit (luo
Dieu est la lumière, el qu'il n'y a point en
lui lie ténèbres , parce que c'esl de^lui que
viennent toutes nos connaissances ; cl qu'il
CCS
TEN
TEN
Cf.O
n'est jamais la cause de l'ignorance, des er-
reurs clde l'avouglcincnt des hommes; Jé-
sus-Chrisl a dit de lui-même, ./oa»., c. vin,
V. 12 : 7e sui^ la lumière <lu monde; celui qui
me suit ne marche pas dans les viiyi.uRES ,
mais il aura la lumivre de la vie. 7" De même
qu'il représenle le tioiilicur élcriicl sous l'i-
ni.'ige d'un festin qui se Tiil d.ins un salon
bien éclairé, il appelle l;i dnmn.ilion les té-
nèbres extérieures où il y a des pleurs et des
griiicenuMil< de dents, si(;ni's île regrets et de
déses| oir. Ces métaphores, qui nous sem-
blent extraordinaires au premier aspect , ne
sont poinl inconnues aux auteurs profanes,
surtout aux poêles. Dans la Tliéoij mie d Hé-
siode, les parques, le destin, la mori, les
mallieurs, le chagrin, les douleurs et les
crimes, sont enfants de la nuit ou des ténè-
bres, l'endant la nui(, les chagrins sont plus
cruels, 1rs passions plus violentes, les dou-
leurs plus aiguës, les idées plus noires ; la
/luil ne pouvait donc. man<|uer d'être regar-
dée do mauvais (eil, et de désigner tout ce
qu'il y a de plus fâcheux. Dans le langage
des peuples de (luehiues provinces, quand
on veut dire ((u'un homme n'est bon à rien,
que c'e.sl un mauvais sujet, l'on dit c'est la
nuit. Les manichéens qui admettaient deux
principes de toutes choses, l'un bon , l'antre
mau^ais , plaçaient le premier dans la ré-
gion de la lumière le second dans le séjour
des ténèbres.
TÉNI'liRES ARRIVÉES A LA MORT DE JÉSUS-
CnUIST. VoiJ. liCI.IPSE.
TicNKRiiKs lie la .seniainc sainte. C'est ainsi
que l'oii nomme vulgairement les matines
du jeudi, du vendredi et du samedi de la se-
maine sainte, qui se cliantenl la veille de ces
trois jours sur le soir. Ces offices sont trop
connus parmi les callioli()ues , pour qu'il
soit nécessaire d'en parler plus au long.
TKNTATION , épreuve. Lorsqu'il est dit
dans l'Iicriture que Dieu tente les hommes,
cela ne signifie poinl qu'il les séduit ou qu'il
leur tend des piège» pour les faire tomber
dans le péché, le mol tenter n'a point ce sens
dans les livres de l'Ancien Testament ; mais
cela vent dire qu'il met leur vertu à l'é-
preuve , soit par des conmiandemcnls diffi-
ciles , soil par de grandes aflliclions. Tenter
Dieu, ce n'e>t pas vouloir l'exciter au mal,
mais c'est vouloir mettre sa toute-puissance
et sa boulé à l'épreuve, en attendant de lui
un miracle sans nécessité, ou en s'exposant
témérairement à un danger duquel on ne
peut pas sortir sans un secours miraculeux
que Dieu ne doit et n'a prorais à personne.
11 a défendu sévèrement cette folle présomp-
tion, Dent., c. VI, v. 18: Vous ne tenterez
point le Seigneur votre Dieu. Ainsi , lors-
qu'il est ilii , Gen. , c. xxii , v. 1 , que Dieu
tenla Abraham , cela signifie qu'il mil son
obiissance à l'épreuve , en lui ordonnant
d'immoler son fils. Saint Paul dii , Hebr. ,
c. XI, V. 19, qu'Abraham obéit, parce qu'il
crut que Dieu |ieut ressusciter un morl; ce
n'était plus là tenter Dieu, puisque Dieu lui
avait formellement promis qu'lsaac serait
la lise de sa postérité, Gen. , c. xxi , v. 12 ,
comme l'Apôtre l'observe au même endroit.
Parce que vous étiez agréable à Dieu, dit
l'ange à Tobie , î7 a fallu gue /a tentation
vous éprouvât Dieu permit , ajoute l'écri-
vain sacré , gue celte teniation survint à
Tnbie, afin de donner à la postérité un e i emple
de patience , aussi bien r/iK de celle du saint
homme Job [Tob.,c.i\, v. 12; c. xii, v. i;)j. A la
vérité Dieu n'a pas besoin de nous éprouver
pour savoir ce que nous ferons , il le sait
d'avance ; mais nous avons besoin nous-
mêmes d'être mis à l'épreuve, 1" afin d'ap-
prendre par expérience ce dont nous som-
mes capables; 2° afin que nous donnions des
exemples héroïques de vertu ; exemples très-
nécessaires au monde ; 3'aliii (]ue nous so^ ons
ou encouragés par notre fidélité a Dieu, ou
humiliés par nos chutes, et que nous sen-
tions le besoin de la grâce. Aussi Dieu a-l-il
recompensé d'une manière éclatante la foi
d'Abraham, la soumission de'l'obie et la pa-
tience de Jol);ce sont là les gramls traits
qui frappent les hommes et leur font sentir
qu'il y a une Providence. — Dans le Nou-
veau reslamcnt, tenter signifie quelque-
fois exciter ou solliciter au mal; mais ten-
tation signifie aussi épreuve, comme dans
l'Ancien, parce que toutes les fois (|ue nous
sommes e.xeités ou sollicités à pécher, c'est
une épreuve pour notre veriu. Lorsque nous
disons à Dieu dans l'oraison dominicale :
Ne nous induisez point en tentation , cela
ne signifie pas : Ne nous tendez point de
piège pour nous faire pécher, puisque nous
ajoutOiis : Ddicrez nous du mal; mais cela
veut dire : Ne mettez point notre faiblesse à
de Uop fortes épreuves, et donnez-nous la
grâce nécessaire pour nous [iréserver du
m;il. Lhrsque quelqu'un est iiiNrii, dit saicU
Jacques, cap. i, v. 13, qu'il ne dise point
que c'est Dieu gui le tentic; Dieu ne porte
point au mal, il ne tente personne; miis tout
homme est tenté par sa propre concupiscence
qui le séduit et le porte au péché.
Une des questions qui furent agilées entre
les Pères de l'Eglise et les pélagiens était de
savoir si l'homme peut résister aux tenta-
tions sans le secours de la grâce divine; ces
hérétiques le soutenaient, et leur erreur fut
unaniuiement condamnée par l'Eglise. Elle a
été proscrite de nouveau par le concile de
Trente, Sess. G, deJustif., en ces termes,
can. 2 : « Si quelqu'un dit que la grâce di-
vine est donnée par Jésus-Christ , seulement
afin que l'Iiomme puisse [tlus facilement vi-
vre dans la justice et inenler la vie éler--
nelle, comme s'il pouvait faire l'un et l'au-
tre, mais dillicilement et avec peine, par le
libre arbitre , sans la grâce . qu'il suit ana-
Ihème. « Can. 3 : « Si quelqu'un enseigne
qu'il peut pendant toute sa vi<! éviter tous
les péchés, même véniels, sans uu privilège
Spécial de Dieu, tel que l'Eglise le soutient
à l'égard de la sainte V'icrge, qu'il soil ana-
thème. »
Cela n'a pas empêché Basnagc de calom-
nier à ce sujet les ihéologiens catholiques ,
ilist. de l'Eglise, Lw, cap. 2, § 3; il prétend
qu'ils sont partagés eu cinq opinions diiïé'-
C67
TEN
renies. 1° « Les uns ont dit qu'on pouvait
sans la f/rdce évKcr toutes los tentations
contraires an droit naturel , et observer
toute la loi de nature, non-SPu!cnient pen-
d.int quclciuc temps , mais diiinnl le cours
entier de la vie. » Coniinc c'est là le pur pé-
lagianisme formellement condamné par le
concile de Trente, Uasnage , pour son hon-
neur, aurait dû citer au moins un théologien
catholique qui ail enseigné cette doctrine,
et nous soutenons hanlimenl qu'il n'y en a
aucun. 2° « Les antres, continue B.isn.ige ,
ont cru (lue l'on pouvait vaincre quelque ten-
tation pnrticuliêre , et éviter queiqiies pé-
cliés, mais qu'on ne pouvait les vaincre tou-
tes , ni ol)scrver tous les prércptes , sans le
secours de la grâce. 3' Les autres n'ont ac-
coidé à rhomme <!uc la lorce de surmonter
quelques légères tentations , et non eelle de
résister à des tentations violentes cl d'obser-
ver les préceptes dilficiles. » Il est riiiicule
d'abord de disiinguer ces deux opinions ,
puisque l'une rentre dans l'autre ; les par-
tisans de la première n"ont jamais soutenu
que, sans la grâce, l'homme pouvait vaincre
quel(/ue tentation particulière violente, ou
observer quelque précepte diliicile. !1 fallait
encore observer que les uns ni les autres
n'ont jamais enseiii;né que la léMstance à
une tenlation quelconque, cl l'observation
d'aucun précple faite sans la grâce, pussent
contribuer au salut ni mériter la grâce ; et
c'est en cela (lu'ils se sont éloignés du péla-
gianisme. k° « On pourrait former une lon-
gue liste des seolastiques qui ont cru que
l'on pouvait faire une œuvre nioraleiiienl
bonne, s.ins la grâce, par un simple concours
de Dieu qui donne le mouveuienl et l'action
aux eréatuies. » Nous ne voyons point en-
core en (juoi ce sentiment est dilTérent drs
deux, précédents , puisque les seolastiques
n'ont jimais cru qu'une œuvre moraieiueiit
bonne, ainsi faite, pouvait conlrihucr au
s.ilul. 5" " Il y en a d'autiesqui ont soutenu
la nécessité de la grâce, soit pour vainc: c
toutes les tentations , soit pour éviter le
péché, soit pour faire le bien. » Il était en-
core de la bonne foi d'ajouter que ce senti-
ment est le plus commun et presque uni-
versel parmi les théologiens eat!ioli(]uos.
H est donc clair qu(î tontes ces opinions
se réduisent à deux , savoir à la dernière
i]ui est [iresque générale; l'autre est celle
de quelques seolastiques qui ont cru que
riioinme, par ses seules forces naturelles et
avec un secours de Dieu qu'ils regardent
comme naturel , peut éviter quelques légères
tenlaiions, observer quelques préceptes fa-
ciles delà loi naturelle, faire quelques œu-
vres oioralemenl bonnes, mais qui ne peu-
vent contribuer au salut , ni mériter la '^çrâ-
ce , et que Uieu peut cepenilai;t récompen-
ser par quelque bienfait temporel. Opinion
Irès-indili'érente à la doctrine du concile de
Trente, et qui n'est point un péLigi.inisme ,
quoi qu'en disent Hasnage et d'autres; mais
opinion Ir'ès-superllue , puisque Dieu donne
aux infidèles et à tous les hommes des grâces
pour faire le bien ; nous l'avons prouvé au
TEN tjos
mot Infidèles. On voit par cet exemple , et
par mille autres , combien peu l'on doit se
fier aux assertions des protestants. — Bas-
nage n'a pas été plus équitable à l'égard des
Pères de riîglise; il prétend (ju'ils ont varié
sur celle question tout couime les théolo-
giens; l'on peut se convaincre du contraire
en consultant le père Pelau, de Incurn,, I. ix,
C.2 et 3 : l'uniformiié de leur langage prouve
qu'ils ont eu tous les mêmes notions du
libre arbitre, de ses forces, ou plutôt de sa
faiblesse.
Tentation de Jésus-Christ au désert. Les
incrédules , qui ne lisent l'Kvangile qu'avec
des yeux critiques , sont .«caïuhilisés de ce
que le Sauveur a permis au démon de le
tenter: C'était, (iisciil-ils , acconler â l'en-
nemi du salut un pouvoir injurieux à la di-
gnité de Fils de Dieu. Les l'èies de l'Eglise
onl répondu qu'il n'était pas plus indé-
cent ;iu Sauveur du monde d'être tenté,
que d'être revêtu des faiblesses de l'hu-
manilé, d'être injurié, outragé et cruri-
fié par les Juifs. Il voulait nous apprendre
que la tentation par elle-même n'est pas un
crime; que, quand on y résiste, la veitu en
leçoit un nouveau prix et un plus grand
mérite. Il voulait rassurer les âmes liuiides
et scrupuleuses , qui se croi nt coupables
parce qu'elles sont tentées, et qui se décou-
ragent dans le cheuiin de la \ertu ; il vou-
lait leur montrer par quelles armes l'on ré-
siste au tentateur. (;'e>t par la prière , par
le jeiîne, i ar les leçons de la parole de Dieu.
// a fallu, dit saint Paul , que le Fils de Dieu
fût semblable en toutes cliosis à ses frèrrs ,
(ij'in qu'il fut ntise'rn-orcli ut et fidèle pontife
aui)iès de Dieu, pour obtenir la rémission
des fléchés de son pctiple : parce qu'il a éprouvé
des TENTATIONS et des souffrances , il a acquis
le pouvoir de secourir ceux qui sont tentés...
Nous n'avons donc pas un pontife incapable
de compatir à nos infirmités, puisqu'il tes a
éprouvées toutes, à l'excepli ,n du péché ; ap-
prochons donc avec confiance du trône de sa
grâce , pour y recevoir miséricorde et tous les
secours dont notis avons besoin (llebr., c. ii,
V. 1"; c. IV, V. 15).
Les censeurs de, l'Evangile ont imaginé
que le démon trunsporlu Jésus-Chrisl sur
le sommet de teuiple , et ensuite sur
une haute munlagne, Math., c. iv,
v. 5 et 8 ; mais le grec ;r«,oa),«ftS«v;i et le
latin assumpsit ne signifient |)as toujours
f/"f(((s/}or/eî*; ils veulent dire souvent prendre
avec soi, conduire; nous lisons, c. xvii, v. 1,
que Jésus-Christ ])rit avec lui, assumpsit,
trois de ses disciples, et qu'il les conduisit
sur une montagne; c. xx, v. ^7, il prit avec
lui ses douze apôtres, assumpsit, pour aller
à Jérusalem. Ouand nous disons qu'un
homme s'est transporté dans tel endroit,
cela ne signifie pas qu'il y est allé en l'air.
L'évangéliste ajoute que du sommet d'une
haute monlagne le démon montra à Jésus-
Christ tous les royaumes du monde el leur
gloire, c. iv, v. 8; m;iis les montrer, ce n'csl
pas les faire voir à r<Bil ; c'est en indiquer
la situation, l'étendue, les richesses, etc. ; il
009
TKR
TER
670
u'pst pas besoin pour cela de voir toute la
surface du globe. Ceux qui ont pensé que la
tenlation de Jésus-Christ au désert ne s'est
point passée en réalité, mais seulement on
songe ou en vision, se sont embarrassés
mal, à propos; la narration de l'Iîvangile
n'ailriirl point cette explication.
TKNTATIVK, thèse de théologie. Voij.
Bec, ni:.
TIÏRMINISTKS. On a ainsi nommé cer-
tains calvinistes qui mettent un terme à la
miséricorde «le Uieu. Ils eiist'i;,'ni'nt, 1' qu'il
y a be;iucoup de personnes dans l'Egl'se, et
hors de l'Iîglise, à (jui Dieu a fixé un cer-
tain tiMiiie av;int leur mort, après lequel il
ne veut plus les sauver, quelque long (\i\c
soit le temps pendant lequel ailes vivront
enciire sur l.i terre; 2" qu'il l'a ainsi résolu
par un décret impénétrable et irrévocable;
3''(iue ce terme nue fois expiré, Dieu ne leur
donne plus les moyens de se re[)e[ilir et de
se sauver, qu'il ôte même cà sa parole tout
pouvoir de les conveiiir; i° que l'haraou,
Saiil, Judas, la plupart des Juils, beaucoup
de gcniils, ont été de ce uoiiibre ; o" que
Dieu soulîre encore aujourd'hui beaucoup
de réprouvés de cette espèce; que s'il leur
accorde encore des grâces après le terme
qu'il a marqué, ce n'est pas dans l'intention
de les conv( rtir. Les autres pruleslanis, sur-
tout les luDiérieus, rejettent avec raison
ces sentiments, qui sont autant de consé-
(luences des décrets ;ibsolus de prédestina-
tion soutenus par Calvin et par les gomaris-
tes ; à proprement parler, ce sont autant de
blaspbèiues injurieux à la boulé iutluie de
Dieu et à la grâce de la rédemption, destruc-
tifs de l'espérance ehrétiiMine, l'ormelleinenl
contraires à l'Iù'riture sainte. Voy. Endck-
CISSESIENT, KfcPROBATION, Salut, elc.
TEKltli. Ce mol dans l'Ecriture sainte a
diiïérentes significations. Il signifie, 1" le
globe encore iiilorme i^t mêlé avec les eaux,
tel qu'il fut créé d'aboril, (ren., c. i, v. l ;
2" ce même globe, tel qu'il l'ut arrangé en-
suite, a\ec tout ce qui s'y trouve, les plan-
tes, les animaux et les hommes, Ps. xxiii,
Y. I ; 3" les habitants de la terre, Gen., c. \i,
V. Il; 4' un pays ou une contrée particu-
lière, comme (juand il est dit: Bethléem terre
de Jnda ; li" nous lisons dans l'Kxode qu'eu
Egypte les sauterelles dévorèrent la terre,
c'est-à-dire ses fruits et ses productions; (i'
le tombeau, Joli, c. x, v. 22 ; 7" la terre
(les virants signifie quelquefois la Judée,
d'autres fois le séjour des liienhenreux ; 8"
toitie la terre ne désigne quelquefois que la
Judée, comme Luc., c. ii, v. l,ou l'empire
romain seulement. Act., c. xi, v. '28. Faute
de faire attention à ces divers sens, les ccii-
seursde l'I'xriture sninle ont souvent fait des
objectionà ridicules contre plusieurs passages.
Tkrhr puomisk ou Ti:nuE saintk. C'est
aujourd'hui la Palestine. Celte partie a sou-
vent changé de nom, et sou étendue a varié
en iliflérenls temps, suivant les révolutions
qui y sont arrivées. Elle fut d'abord appelée /a
terre ou le pays de Cluituian, parce que les
dcscendauls de ce petit-fils de Noés'j établi-
rent ; terre promise ou terre de })romission,
parce que Dieu promit â Abraham de la don-
nera ses descendants; terre d'Israël, lorsque
leslsraéliles. enfants de Jacob, en furent en
possession ; terre suin'z, parce que Dieu seul
y était adoré. Lorsque les Israélites furent
nommé-; Juifs, après leur retour de la cap-
tivité de Babylone, on appela leur pays Ju-
dée, 11 iiar.iîl que ce sont les Romains ijui lui
ont (!onné le nom de Pulestiii'', parce que
cette contrée est moins moiiluetsse que 5,i
Syrie dont elle était censée faire partie.
Mais c'est à juste titre que les chrétiens l'ont
appelée la terre sainte, dep'iis qu'elle a été
santtifiée par la naissance île Jésus-Christ
et par les mystères da notre réieuiptiin. —
Moïse, parlant de ce pays aux Israélites
dans le désert, en fait une de>cri;iliou pom-
peuse, Dtut., c. vm, 7 ; il dit que c'est une
terre exe llente, où les ruisseaux, les fon-
taines et les eaux coulent en abondance;
où naissent le froment, l'orge, les fruits de
la vigne, les figues, les grenades, les olives,
le îuiel; où ils ne manqueront de rien; où
l'on trouve le fer parmi les pierres, et le
cuivre dans les montagnes, il répète sans
cesse que c'est une contrée dans laquelle
coulent le lait et le miel; les autres écri-
vains sacrés s'expriment de même.
Plusieurs incrédules se sont inscrits en
faux contre cet éloge : 11 n'y avait pas lieu,
diseut-ils, de tant vanter ce pays, ni de le
protuettre avec tant d'emphase à la postérité
d'Abraham; il a tout au plus vingt-cinq
lieues d étendue ; il est sec, [lierreux, stérile,
surtout dans les environs de Jérusalem ; on
y chercherait vainement les ruisseaux de
lait et de miel promis aïK Juifs. D'ailleurs
ils ne l'ont jamais possédé tout entier selon
les limites qui lui sont assignées dans les
livres de.MoVse. Uu célèbre incrédule anglais
oppose au récit des auteurs sacrés celui de
Slrabon, qui dit, Geoijr'., I. xvi, que ce pays
n'a pas de quoi exciter l'ambiiiou rti la jalou-
sie, qu'il est rempli do pierres et de rochers,
sec et désagréable dans toute son étendue.
Ce léiuoiguage, selon lui, doit prévaloir à
tout ce qu'en disent les auieurs juifs. Ou y
ajoute celui de saint Jérôme qui y demeurait
et qui l'avait parcouru; dans une lettre à
Dardanus il parle très-désavantageuseuient
de la Palestine, et il en n-sserre beaucoup
les limites. Enfin l'Ecriture sainte môme
atteste (juc ce pays était souvent alfligé par
la disetie des vivres lït par la famine.
Tout cela mérite un examen. 1' Selon la
topographie de .Moïse la terre promise devait
avoir pour bornes à l'iirienl l'Euplirate, à
l'occident la Méditerranée, au septenliion le
mont Liban, au midi le torrent de l'Egypte
ou de Rhinucorure; cela fait une étendue ilu
quatre-vingts lieues de long sur trente-
cinq de large, les cartes en font foi. Or, par
le second livre des liais, ch. viii; par le
troisième, c. iv ; par le second des Parulipo-
mènes, c. vm et ix, il est prouvé que David
et Saloiuon l'ont possédée dans loule cette
étendue sans esct-|Hiou. 11 n'était pas néces-
saire que leslsraéliles en fusse») les maîtres
671
TER
TER
<J72
plus tôt, ils n'étaient pas encore assez multi-
pliés pour l'occuper.
2° Au sentiment de Strabon, nous pour-
rions opposer colui des auteurs grecs et ro-
mains, tels qu'Hécatée, Diodore de Sicile,
Pline, Solin , Tacite, Ammien-Marccllin;
mais cela n'est p.'is nécessaire. Ce géographe
n'avait pas vu le pays dont il p;irle, et il se
contredit, puisqu'il ajoute que celle contrée
est bien arrosée, cmSp'.v. 11 dit que la Tra-
chonite, qui était la partie la plus pierreuse
et la plus remplie de rochers, puisqu'elle en
avait tiré son nom , avait cependant des
montagnes grasses et fertiles. On sait d'ail-
leurs que les vins de Gaza et de Sarcpl ont
été célèbres chez les aniiens. Que la Jud.'e
fût arrosée par la nature ou par l'art, cela
est égal ; Moïse n'avait pas laissé ignorer
aux Israélites que ce pays demandait une
culture assidue, Deut., c. xi, v. 10. Lu terre
(jne vous allez posséder, leur dit-il, nest
point comme celle de l'Egijple, d'où vous êtes
sortis, que l'on sème comme un jardin, et qui
est arrosée par elle-même, mais elle est coupée
de montagnes et de plaines, elle attend les
pluies du ciel ; le Seigneur voire Dieu la visite
continuellement, et ses yeux y sont ouverts
d'un bout de l'année à l'autre. Si vous lui êtes
fiilèles, il vous donnera des pluies â propos,
et vous accordera des récoltes abondantes..,..
Si vous adorez des dieux étrangers, te ciel
sera fermé, vous éprouverez la sécheresse et
la stérilité. La suite de l'hisloire atteste que
ces promisses et ces menaces ont été tidèle-
mcnl accomplie'-.
3" Pour prendre le vrai sens du passage
'de saint Jérôme, il faut le rapporter tout
entier. Dans sa lettre à Dardanus, Op. t. ii,
col. 609 et 010, il voulait prouver que les
éloges pompeux donnes à la terre promise
n'étaient que l'emblème du bonheur élernol
promis aux chrélieiis ; voici comme il s'ex-
prime : « Que l'on me dise cotnbien les Juifs
sortis de l'Egypte ont possédé de la terre
promise; ils l'ont tenue depui; Dan jusqu'à
Bersaliée; c'est tout au plus cent soixante
milles en longueur J'ai honte d'eu fixer
la largeur, de peur de donner liiu aux
pa'iens de blasphémer. Depuis Joppé jusqu'à
notre petite ville de Bethléem, il y a qua-
rante-six milles, après lesquels est un vaste
désert rempli de barbares féroces (c'étaient
les Sarrasins, aujourd'hui les Arabes Bé-
douins) Si vous envisagez, ù Juifs, la
terie promise telle qu'elle est décrite dans le
livre des Nombres, ch. xxxiu j'avouerai
qu'elle vous a été promise, mais non livrée,
à cause de vos infulélilés et de votre idolâ-
Irie Lisez le livre de Josué et celui des
Juges, vous verrez combien vous avez été
resserrés dans vos possessions Je ne dis
point ces choses pour déprimer la Judée,
comme un hérétique imposteur m'en accuse,
ou pour ataquer la vérité de l'histoire qui
esi le fondemeiii du sens spirituel, mais pour
rabattre l'oigueil des Jnils. » Itcmarciuons
d'abord que saint Jérôme parle de la pos-
session des Juifs , toile qu'elle était sous
Josué et SOU8 les Juges, et il est vrai qu'ello
ne s'étendait alors que depuis Dan jusqu'à
Bersabée; mais il y avait au delà du Jour-
dain les tribus de Ruben et de Gad, et la
moitié de la tribu de Manassé, et elles n'é-
taient point resserrées pour lors par les
Arabes ou Sarrasins. Puisque saint Jérôme
ne veut point attaquer la vérité de l'histoire,
il ne prétend pas nier que David et Salomon
n'aient poussé leurs conquêtes jusqu'à l'Eu-
phrale, au delà de la mer Morte et au tor-
rent de l'Egypte. La ville de Palmyre, bâtie
p.ir Salomon à peu de distance de l'Euphrate,
en était un monument subsistant. Ainsi
lorsqu'il dit (]ue retic étendue ne leur a pas
été livrée, il entend qu'elle ne leur a pas été
accordée d'abord, cl qu'ils ne l'ont pas tenue
pendant long-temps, puisque cette posses-
sion n'a duré que pendant soixante ans ; et
il est vrai que c'est en piniiliin de leur ido-
lâtrie et de celle de leurs rois qu'ils en ont
été dépossédés.
4" Le point capital est de savoir si la
Judée était un bon ou mauvais pays. Voici
comme saint Jérôme en parle dans son Com-
mentaire sur Jsaie, I. ii, c. 5, Op. l, 111, col.
4-3 et 4-6 : « Aucun lieu n'est plus fertile que
la terre promise, si, sans avoir égard aux
montagnes et aux déserts, l'on considère son
étendue depuis le torrent de l'Egypte jus-
qu'au fleuve de l'Euiibrate, et au nord jus-
qu'au mont Taurus et au cap Zéphyrioii en
Cilicie. » C. xxxvi, v. 17, I. xi, col. 287:
« Le roi d'Assyrie fait dire aux Juifs qu'il
les transportera dans un pays semblable au
leur, qui ahonile en blé et en vin; il ne
nomme point ce pays, parce qu'il n'en pou-
vait point trouver de semblable à la terre
promise. » Sur Ezéchiel, 1. vi, chap. 20,
col 832 : « On ne peut plus douter que la
Judée ne soit le plus fertile de tous les pays,
si on la considère depuis Khinocorure jus-
qu'au mont Taurus cl à l'Euphraie. » Or ce
n'était pas la parlie la plus voisine du mont
Taurus et de l'Euphraie qui était la plus
fertile, puisque c'est là que se trouvent les
plus hautes montagnes du Liban. Il faut ob-
server encore que saint Jérôme écrivait au
commencemeni du v' siècle; or, avant cette
époque, la Judée avait été ravagée succes-
sivement par les Assyriens, par les rois de
Syrie, par les Romains sous Pompée, par les
télrarques qu ils y avaient établis, par h'S
armées de Titus cl d'Adrien. Un pays moins
bon n'aurait jamais pu subsister après tant
de ruines ; et s'il avait été mauvais, tant de
conquérants n'auraient pas eu l'ambition de
s'en saisir. Strabon, qui écrivait sous Au-
guste, dit qu3 la Judée était pour lors op-
primée par des tyrans ; c'était sans doute les
létrarques; il n'est pas étonnant qu'il l'ait
jugée peu digne d'exciter l'ambition dans
ces circonslances.
5" Les famines dont l'Ecriture sainte fait
mention n'ont été rien moins que fréquentes ;
on en connaît cinq; la première arriva sous
Abraham; la seconde, cent seize ans après,
du temps d'Isaac ; la troisième, au bout de
quatre-vingt seize ans, pendant la vieillesse
de Jacob; la quatrième, plus de vingl-cinq
07r, TER
ans après, sous les juges, el dont il est parlé
dans le livre de Ruth ; enfin, la cinquième
sous David, après un intervalle d'environ
cent ans. Ce sont cinq années de disette
pendant un espace de plus de huit cents ans.
Quel est le pays de l'univers dans lequel il
n'en soit pas arrivé davantage dans un in-
tervalle aussi long?
6" Pour satisfaire à l'objection des incré-
dules, on leur a représenté qu'il ne faut pas
juger de l'aiicieune fertilité de la Palestine
par l'élat de stérilité et de dévastation d;ins
lequel elle est aujourd'hui. Un pays ne peut
être bien cultivé cju'autant que les habitants
jouissent de la liberté, sont protégés par un
gouvernement doux el sap;e, cl sont sûrs de
ne pas être privés du fruit de leurs travaux;
nialh(!uri'iisenient les peuples de la Pales-
tine n'ont plus aucun de ces avantai^cs. Ce
n'est pas dans cette terre seule que le gou-
verneinenl dur , oppressif el slupidc des
Turcs, a porté la stérilité, la misère et la
dépopulation, il produit le inéine ell'et dans
tous les lieux de sa ilomination.
1° indépendamment de cette observation
qui est évidente, les voyaseurs modernes
alleslenl (jue la Palestine montre encore au-
jourd'hui les preuves de son ancienne lerli-
lilé. Nous ne citerons point ceux qui ont
écrit avant notre siècle, comme > illamont,
Pietro délia ^"alle, Kugène lïoger. le moine
Brocard , Saiidis , Maundrell , Tliévenot ,
Schaw , Morison , Gemolii-Careri , Pocok ,
}lassel(|uisl, clc; nous nous bornons au lé-
moi{;na;;e de ceux qui oui écrit plus récem-
ment. Miébuhr, qui a voyagé en ligyptc el
en Arabie en IToi et 171)3, met au rang des
plus fertiles contrées de l'Orienl les environs
d'Alexandrie en Egypte, une p irtie do l'Vô-
nien en Arabie, plusieurs cantons de la Pa-
lestine, les terres voisines du mont Liban
et celles de la Mésopotamie. « Cependant,
dil-il, en Egyple, à Babylone, en Mésopo-
tamie, en Syrie cl dans la Palestine, l'on ne
s'applifjue pas beaucouji à l'agriculture; il
y a si peu de monde dans ces provinces,
que plusieurs bonnes terres sont en friche.
Les in^-lrainents du labourage y sont très-
mauvais, aussi bien qu'en Arabie et dans
les Indes. » Il ajoute que, dans ces contrées,
le ilutra, espèce de millet dont on fait du
pain, rend au moins cent pour un ; qu'ainsi,
lorsqu'il est dit, Gen., c. xxvi, v. 12, Isaac
moissonna le centuple, il est probable qu'il
avait semé du durra. Descript. de rArabie,
chap. 2'i^, urt. k.
M. de Pages, qui a fini ses voyages eu
1776, dit (|u'iiprès avoir vu presque tous les
climats de l'univers, il n'a point trouvé de
position plus favorable que celle du sud de
la Syrie, c'est précisément celle de la Pales-
tine. La Syrie, selon lui, réunit les produc-
tions des climats chauMs et celles des pays
froids; le blé, l'orge, le coton, la vigne, le
figuier, le mûrier, le pommier et les autres
arbres d'Europe y sonl au>si communs que
le jujubier, les figuiers-bananiers, les oran-
gers , les limoniers doux el aigres el les
cannes à sucre. Les productions communes
TER
fîTi
aux deux climats pour les jardins s'y trou
vent de même. L'industrie des habitants f
fertilisé le sol des montagnes el en a fait uv
jardin très- agréable. \ oijarjes auloitr dv
munde, etc., t. I, p. 373-375. Ces hibitanlf
sont principalement les Druses et les Maro-
nites, qui se sont rendus indépendants des
Turcs; il n'est donc pas étonnant que les
Juifs aient fait autrefois de même, puisque
chez les Druses on reconnaît encore les an-
cieimes mœurs et les usages dont jiarle l'E-
criture sainte. Ibid., p. 38(). ^ Le baron de
Toit, qui a côtoyé la Palestine à peu près
dans le même temps, dit cjue l'espace enire
la mer et Jérusalem est un pays plat d'en-
viron six lieues de large, de la plus grande
fertilité. Mi-m., t. IV, p. 10. — M. \ olney,
qui a examiné ce pays avec un soin parti-
culier en 1783-83, conlirme le témoignage
de M. de Pa^ïès; il est persuadé que, sous un
gouvernement moins oppressif el moins in-
sensé que celui des Tuics, la Syrie serait le
séjour le plus délicieux de l'univers. Voyage
en Syrie et en Egypte, loin. I, p. 288 et suiv.
Si, malgré tant d'obstacles (lui s'opposent
à la culture de la terre promise, elle con-
serve encore des restes lie sou anciiMine fé-
condité, que devait-elle cire lorsque la Judée
était habitée par un peuple immense, libre
el laboiieux? Le lait et le miel devaient y
couler, selon l'expression de l'Ecriture
sainte, vu le nombre des troupeaux, la
quantité des abeilles et des plantes odorifé-
rantes dont elle était couverte (I).
(I) La Palestine n'él.iit au temps des Oois-ides,
ilisent les incrédules (a), que ce (|u'elle est aujour-
d'Iiiil, le plus mauvais pays de tous ceux qui sonl
habiles dans l'Asie. Celle petite province e.«t dans
sa longueur d'environ qiiaranie-cinq lieues, el de
lrcnle-cini| en largeur; elli; esl couverle piesq le
partout (le rocliers arides, sur lesquels il n'y a pas
une li^ne de terre : si celle peine proviii(;e élait
culliv('e, on pourrait la comparer à la Suisse. La
rivière du Jourdain, large d'environ cinquanle pieds
dans le milieu de son cours, ressemble à l.i nvière
d'Aar chez les Susses, qui coule dans une vallée
moins stérile que le reste. La luer de Titiériade peut
éti'c coiiiparce au lac do Genève. Cependant les voya-
geurs qui oui bien examiné la Suisse cl la Paleslme,
donneiil tous la préiéreiice à la Suisse. 11 esl vrai-
seiiilil.ihle que la Judée lui plus culiivéc auiiefois,
quand elle élaii possédée p;ir les Jiiils. Ils avaient
éié forces de porter un peu de lerre sur les rochers
pour y piailler des vignes ; ce peu de terre liée avec
les éclals des rochers, élail souleiiu par di; petits
iiiiirs dont on voii encore des lesies de distance. en
distance. La Palestine, malgré tous ses eflorls, n'eut
jamais de quoi nourrir ses hahiiains; el de mèuie
que les treize cantons envuieiil le supeillu de leurs
peuples servir dans les années des princes qui peu-
vent les payer, les Juifs allaient faire le niéiier de
courtiers en Asie el en Alrique.
Tel esl le lahleau (|ue Vuliaire, marchant sur les
traces de l'impie Servet, nous faii de la Judée, pour
iiisuller à l'iicrilure sainte ipii en relève si soukîui
la lerlililé : purlrail infidèle, s'il en lui jamais, ain:,i
que imiis allons le faire voir par les lénioignages les
plus cerlains.
Ilécalée, aiileur grec, qui eut riionneur d'être
élevé avec Alexandre le Grand, parle ainsi delà fer
(li) Histoire universelle, t. I, p 537. , it
0/à TER
Les incrédules, qui ne raisonnent qu'an
liasnrd et sans avoir rien examiné, deman-
dent pourquoi Dieu ne donna pas à son
lilité de la Judée, dans son Histoire des Juifs ; i Les
Juifs po>sèdeiii environ Irois mill oiis d'arpenls ,
d'nne terre excclli-nte et abonilanle on toutes sortes
de Iruils. i (liépoyise de Josèphe à Appion, 1. 1, c. 8.)
Pline dit i|iie !;> Jiulée, (|ui esl renoiniiiéfl par
plusieurs de ses prnduclions, l'est priiicipalenient
dans ses palmiers : Judda vero inctijta est vel magis
palmis. (L. xiii, c. i.) Il iiji.iile nn peu phis lias que
la Judée, non partoul, mais principalement dans le
territoire de Jéiicho, l'enipoiie sur louies les con-
trées de la terre pour la bonté de ses palmier-.
Selon Solin , la Judée, est cilebre par ses eaux...
Le Jourdain, dont l'eau est excellente, arrose des
contrées tiès-cli;irmanles Celle terre est la seule
oii se irouve le baume. /iirfa'a i//«s(ris est nr/iiis
Joidniiis amnis exi uiœ suaeilalis regiones piœlerfluil
aiiiŒnissimas... In hue terra tantum balsamum nasci-
tur. (C. 48.)
'l'acile dit que la Judée est un pays abomlanl,
qnoiiiii'il pleuve peu ; qu'd produit les mêmes Iruils
que l'Italie, el outre cela le liauiue ei les dalles, liuri
imbres, ulicr sohun, exuberiml [rucje$ noslriim ad ino-
rem, pncleniue eas balsamum el publia. (Uist., lilj. v,
II. 1.)
Animieii Marcellin écrit que la Palestine c-t ort
clendiie, ()ii'elle a une grande quautiié île terres cul-
tivées 1 1 lériiles, (|u'elle cnnlient des villes considé-
rables, qui, ne se cédant point les nues auv autres,
gardeui entre elles une parfaite cgibté. Pulœstiiia
per inlervalla ma ina prolenla, ciillis abundmis lerris et
nitidis civilalt-s linbeiis qiiasduni egre^iiis, nullumiiulli
cedeiuem, sed sibi vicissiin letut ad perpendicuiuiu
œmul''s. (Ld). xiv, c. 8.)
Saint Jérôme connaissait bien la Judée, puisqu'il
y a passé nue grande partie de sa vie, et qu'il a tra-
duit el augmenté la descri|ilioii géograpliique de ce
pays, composée par Kn>èl)e; ainsi son témoignage
doit èlre du plus grand pends. Voici comme il parle:
€ Rien o'e.>l plus fertile que la terre 'promise, si,
sans f:iire attention aiiji lieux iiiontnenx et désunis,
ou considère toute sa largeur, depuis le ruisseau de
l'Egypte jusqu'à lEnpInale du côlé de l'orient, et
sou élendue au nord jusqu'au mont Tanrus et au
pronioninirc Zépliirium, qui estsiirla merileCicilie.)
Niliil lirra promissiunis pinguius, si non moiiliiiia
quœ\iie aigiie déserta, sed oiiinem illius latitudinein
considères, a r vo /ligijpii usque ad (lumen mugu uni
Eupbralem contra orientent : et ad seplentriunalem
piiigam usque ad Taiirtim uionl m et Zepbiriuni, Ci-
iiaœ quod mari imminet. (Coin, in Isai., c. 5.) Le
même sainl docteur, après avoir rapporté que Kab-
sicès, général de Sennacliérib, disait aux iiabitanls
de Jérusalem, pnur les engager à se soumettre au
roi d'Assyrie : Je vous transporterai dans une terre
semblable" à la vôtre, cl aussi féconde en blé, vin,
builo , ajoute que cet oflicier ne nomme pas celle
terre, parce qu'il n'en pouvaii trouver aucune qui
fût égale à la terre promise. Transferam vos in ter-
rant ijuœ similis est terrce vestric frunieiili, vini cl olea-
rum; nec dicit nomen regionis,'iuia œqualem terr.e
repromissionis invenire non poterat, (Ibid., c. ôj.)
Voilà de quelle manière les anciens auteurs ont
célébré les avantages de (a Judée : les modernes
sont parfiitemeiit d'accord avec eux sur ce point.
Villanionl, dans ses voyages faits sur la liii du
XM" siècle, rend léuioigmige à la fertilité de la Pa-
lestine. '■ La ville de Jalfa était sur une petite mon-
tagneiie, environnée d'un enté de la mer, cl de
l'aniie, vers lîama, d'une belle plaine (pie les Mau-
res et Arabes n'ont inilttslriedeculiiver, pour n'avoir
la counaiisance de la vertu d'une terre si grasse et
lertile. (Page -20;.) Après avoir monté la petite col-
line de Jafl'.i, nous cuiisidéràiiies encore davantage
TER
676
peuple le riche et le fertile pays de l'Egypte,
plutôt que la Palestine. Il n'y a qu'à com-
parer ces Jeux climats , pour en voir la
le pays, qui est presque désert, principalement du
côlé (le Jalfa où la terre est si bonne qu'elle produit
l'herbe de trois pieds de haut, le iliyui, leiioul et
autres lierbes odorantes, au lieu de la bruyère et de
la fougère qui croissent ordinairement dans les lan-
des désertes, Iclleuieut que cela démcniire assez que
c'était autrefois une terre, laquelle, ciltivée rappor-
tait aboudammeiit toutes sortes de fruits pour la
nourriture de ses liabiiaiils. (P. 'inO.) Continuant
toujours notie chemin, nous continuâmes toujours
de plus en plus i voir la plaine mieux labourée et cul-
tivée que devant, savoir en grmde quantité de con-
combres, d'angonries, de melons, blés, ognons et
autres biens, tous lesquels ils sèaient à l'aide de
deux bœuls, sans qu'ils cullivent la terre d'engrais,
fumier, mirne ou antre chose, ainsi que nous lai-
SUIS : ainsi ils jeiteiit la semence en la campagne,
et la laissent venir. (P. 2iO.) J'allai voir la inou-
lagiie ou les lieux montueux de la Judée, que l'E-
vangile appelle monlana Judœ'ce. Nous sorlinies donc
de Jérusalem et pas-âiiies par des clieniiiis âpres el
rudes, étant au demeurant la terre assez ferlile,
semée en bl ■ et plantée de vignes, oliviers el li-
guiers. (P. 529.) Le territoire d alentour le château
des Pèlerins esl très-beau el fertile, comme au^si
est tout celui de Jalfa jusqu'en Tripoli, ne me res-
sonven.int avoir jamais vu côte de marine plus belle
et plaisanie. (P. 353.) La siiuatiui de Barutli esl sur
le bord de la mer, comme les autres, en un pays plai-
sant et fertile, lequel pour son aménité ne ( ède à
nul auiie, conmie (saus meniir) tome la côte de mer
(jue l'on voit depuis Jalfa jiisipi'à Tripnli, est d'une
des plus agréables et fertiles, voire les plus belles et
rii lies du monde. » (f. 57ti.)
Pielro délia Valle décrit ainsi la route qu'il fil de
Bethléem à llébron : «Le pays que nous traversâmes
était parfaitement beau. Ce ne sont que collines, que
v.illées et petites inoiilagnes très-liTtiles, mais dé-
sertes, parce ipie les babiuuits des villages, ne pou-
vant plus se soutenir ni se délendre des eouises con -
tinnellis des Arabes qui descendent des montagnes
voisines lorsqu'on y pense le moins, ont entièrement
abandonné cette contrée, f'iirin , c'est une chose
digne de compassion, de vnir tant île villages disper-
sés de côlé et d'autre, qui él dent autrefois Irès-peii-
plés, sans habitants aujourd'hui, et ensevelis dans
leurs ruines. Nous viines aupiè- la plaine deMauibré,
lanl de fois cilée dans I Kei itiire sainte, et qui est
comme tous les autres paya de là autour, d'autant
plus fertiles qu'ils sont montueux et pierreux : eu-
ti'autres ils produisent encore aujourd'hui de très-
beaux rai-ins, dont les grappes sont de la grosseur
de celles que les espiuis de Josué rapportèrent
autrefois de la Terre promise : les habit mis d'au-
jourd'hui qui y viveni, sans m.iisous cependant, dans
les trous et les ruines de ces bàiiuients anciens, ne
se servent pas du raisin pour l'aire du vin, parce que,
comme Arabes scrupuleux el qui sont grands obser-
vateurs de la loi de iMahomet, ils n'eu tiuivent point;
mais ils les font sécher, el entre tous les aulres ils
sont excellentissimes, ei pariiculièremeiit en (;e pays.
(T. Il, p. 9,).) Pour aller à Na/,aielu nous trouva nés
toujours de petites nnnilagiies, mais lertiles, el tel-
lement chargées d'arbres, qu'il y a du plaisir à les
voir. La ville est sur la cime d'nne belle colline, si-
tuée fort agrèablemi'iit et fort commodément à cause
de l'eau ipii y est, el qui contribuait à sa beauté ;
mais elle est toute ruiné', el il n'y reste que quel(|ues
cabanes pour les babilants. » (P. 17G.)
Le père Eugène Roger, dans son Voyage de la ler-re
sainte, imprimé à Paris chez Bertliier, en 1046, s'ex-
plique ainsi : < Il y a certains arpenis de terre dans
la Palestine, qu'en cultive encore aujourd'liui, el l'on
677
TER
TER
678
raison. La fertilité de l'Egypte est excessive
lors((iie la crue du Nil se fait au point néces-
saire; alors la culture se réduit à remuer
est étonné (le la proiligiense (luantité de blés et do
vins qu'ils rapporleiit. En 1C5i, le seiier de fnimenl,
mesure de Paris, ne valait en 1 1 terre sainte qne
quarante-cinq sons rie noire moiinaii', et l'ahomlance
en fut si grande, qne les Véniiions en cliargèrcnt
pliisienrs vaisseaux. Les vignes d'Ilrbroii, île Detli-
léein. de Sorec et de Jériisalein portent pour l'ordi-
naire des raisins du poids de sept livres ; et en l'an-
iic-e qne nous avons indiquée, il s'en ironvn un du
poids (le vingt" cinq livres el demie dans la vallée de
Soree.i Le inèine auleur dil qui; le miel cl le lau sont
si conunuiis encore aujourd'hui dans la Pale<line, (pie
les lial)i:ariis en mandent à ions leurs repas, et eu
assaisonnent tontes leurs noiirriinres.
Mauruirell, Anglais, (il le voyage ri'Alep à Jérusa-
le:n eu 1697; il dil ipie Sani:irie est située sur une
ciniiieiice, et (|u'il y a une vallée fertile tout aiitnur.
(I'. !)7.) Il ajoute que lorsqu'ils furent à siv ou sept
lieues de .lérnsalcni, le pays leur paru! eiilièrement
dilTéreni de celui qu'ils maieut vnjusqne-l;i. {IM67.)
< iNous ne vîmes, eonlinne-t il, qne rochers nus, ipie
nioniagnes el (pie préeipices dans la plupart dis
lienv. Cela siiipreiid d'ali ml les pèlerins (pii s'en
étaient formé une si belle idée, par l,t deseription ■ine
la pinde lie l>ien en donne. (lelie vue est capable
d'ébranler leur fol; ils ne sauiaienl s'imaginer qu'un
pays couiine relni-là ail pu subvenir aux niMCssilés
d'un si gianil nombre d'Iiabilaiils que celui qui y fnl
nninliré dans les ilmize iribu-i en même leuips, et
que Joab l'ait iiiuiiler, :iu Ih I. de Sam., c wiv, à
treize cent mille i ouiiiatlaïus, outre les lemnies el
les eiilanls : cependant 'il est certain qne ceux qui
n'iml pnint de préjugés en faveur de l'inlidélilé,
iriinvenl eu passant assez de raisons pour soutenir
leur loi ciui re de pareils scrupules. Il est visible à
cen\ qui veulent se donner la peine d'observer les
cliiisos, qu'il faut ipie ces rochers et ces inoiiiagnes
aient aiilrefois été couverts de terre cl cultivés ,
pour coniribuer à l'euiretico des habitants, aiiiam
que si ce pays eût été uni, el niè uo peui-êire davau-
lige, parce qne les luoniagnes et les surfaces inéga-
les oui une plus grande éteiuine de lenainàculliver,
qne n'aurait ce pays-là s'il élalt réduit il un lerrain
é:al. Ils avaieni ac>ouiunié, pour la culture d^: ces
numlagnes, d'ama-ser lonies les pierres el de les
placer en lignes (blfér. iilcs sur les cotes des mon-
lagnes, en forme de murailles. Ces bordures empè-
cbaieni la lerre de .s'éhi.uler ou d'élre cmijoriéepar
la pluie; ils funiKiienl par C' lie manière plusieuis
couelies de terre admirables, les unes au dessus des
autres, depuis le b.is jusqu'au haut des nonlagiies.
L'on voit encore des traces évidentes de celte loruie
Je culture, pat itiul où l'on passe dans la Palestine.
Par ces moyens ils rendaient les ruclicrs mêmes
léitiles, et peiii-élre (pi'il n'y a pas un pouce de lerre
dans ce pays lii dont ou ne se servit :iutreroi> piiir
la pruiluetion de quelque chose d'utile à l'enlrelien
de la vie bnmaini:; car il n'y a rien au inonde de
plus feriile que les plaines el les vallées pour la
proiliK lion des bl s el du liéiail. Les nionagiies iIh-
posée< eu conciles, comme il a été dil, proiluisaient
du blé, bien (|u'elles ne riis»eiu pas propres pour le
bétail. Les pariies les plus pierreuses ipii n'étaient
pas biiiiiies à la produeliuii des bus, servaient à
piauler des vignes et des oliviers, qui se plaisent
dans les lieux secs el pierreux, et les itran les plai-
nes le long de la cote de la mer, ipii n'éiaieni pro-
pres, à cause du sel de cet éléuienl, ni pour les blés,
. ni pour les oliviers, ni pour les vignes, ne laissaient
I ' pas de servir pour la iiourriiure des abeilles el pour
la production du miel, coiiiine le remarque Josèpbc
dans son livre des Guerres des Juifs, livre v, cb. i :
j'en suis d'auiaiit plus persuadé, que, lorsque j'ai
un peu le limon formé par le fleuve, pour y
jeter les semences, el le peuple demeure
dans l'indolence et dans l'inaction; mais à
passii dans ces lieux-là, j'y ai trouvé une odeur de
miel et de cire, comme si l'iui ci'itéii' proche d'une
ruche ou d'un essaim d'abeilles. Pourquoi donc ce
pays-là n'aïuait-il pu siilivcnir aux nécessités du
grand nombre de ses habitants, puisqu'il produisait
partout du lait, des blés, des vins, de l'huile et du
miel, qui sunt la principale nourriture de ces nations
orientales ? Car la conslilniion de leurs corps et la
nature de leur climat les porK'iit à nue man ère de
vivre plus sobre qu'en Angleterre la dais d'autres
pays plus fioids. La plaine délicieuse de '^ cbulon,
C'imme à S ''pliaria, nous filniei nue Ihmiio el demie
à la traverser; et une lieun^ el demie après nous pas-
sâmes à droite par un village désolé que rouiiiiiiinie
Satyra ; nue demi-heure après iiims entraînes dans
la plaine d'Acra, cl enrorc une lieureel demie après,
à la ville, Mièiiie; nous ne fîmes environ (|ue sept
lieues ce juir-là, dans un pays très-lertile ci liés-
agréable. » (P. lï>7.)
Tbévenot, liv. ii du Votjaçje du Levant : i Nous
arrivâmes à Irois heures après-midi à llhaiis.doud,
ayant toujours cbeiniiié, depuis (laza jusqii'.iu dit
llbansedoiid, dans une fort belle plaine cnriidiie de
blés et ornée de (|uanlilé d'arbres el d'une iiifinilé
de Heurs (pii reiideul une odeur iiieneillense. Celte
plaine est toute t ipissée de tulipes et d'anémones,
qui passeraieiii eu France pour belles quand c'es>
la saison ; mais quand nmi-. y passâmes, elb s élaicnl
loules passéiS. (P. 570 ) Eu revenant de liama,
après avoir quitté les mnnta^ues qui durent environ
six on sept nulles, mais ipii sont tnutes couveries de
bois l'on épais el de quantité de ileurs ei de pâtura-
ges, nous cbeminâines dans des plaines assez bonnes.
(!'. 575.) U'Elbiron ou va ciiiicber à Napluuse, pis-
sant presque toujours par des mnnlagnes el des val-
lée-i qui sunt néanmoins feriile'< et sont chargées en
divers endroits de qiiaiiiité d'oliviers. Naplmse, qui
est raneienue Sicbein, est pnsce au pied d'une mon-
tagne, partie sur le pencbanl, partie dans la pl.iiiie.
La terre y est feriile, produisant des olives à foison;
les jardins sont remplis d'orangers iH de citron-
niers, qu'une rivière et divers ruisseaux arroseui. >
(P. bSI.)
Morisuii, qui a parcouru la Palestine en cuiniupu-
çaiil par la Galilée, a décrit avec soin la (pialité ilu
sol des divers lieux piroiiila passé. Voici quel-
ques-unes de ses (d)scrvaliiius : i La pbrne de Za-
buliiii ('lait un trésor ) oiir la tribu (tu mène iiini,
qui sans donie avait soin de la inlliver ; ru- quoi-
qu'elle soit à préseni négligée, ou juge aiséuieul de
la bonté de ce bmds qui, sans être cniiivé, imusse
par une f coiulilé ipii lui est iialundle, d s piaules,
des (leurs champêtre- el des herbes eu alioiidance ;
ou (ail même passer sou terrmr pour le meilleur de
la lerre sainte. (P. 178.) Toutes les leires que le
Jourdain arrose en deçà soin irès-fertiles. (P. 201.)
La plaine d'Esdrelon est très-célèbre, «on-seuleuienl
(lar sou cleiiilurt prodigieuse, mais encore par son
admirable ferlililé; elle a bix lieues de longueur et
quatre de largeur : sou territolr est si gras elde soi-
même si fertile, ({u'elle sullir.iit, à ce (pi'nu dit, elle
seule, si elle était cullivée, pnur (ounir des grains
à tome la Galilée, ipiand même cette province serait
peuplée coiniiie e le le fut anirefois ; mais elle est
presque enliéreuienl inculte, el l.i nature se contente,
par la verdure qu'elle y eulrelieiit sans cesse, de
taire voir de quoi elle serait capable si l'un secon-
dait tant soit peu ses desseins. ( P. 2-2U. ) Je n'ai
rien à ajouter à ce ipie j'ai dil de la -plaine d'Esdre-
lon, sinon que j'y trouvai en beaucoup d'endroits
grand nombre de melons el d'arlicliauts sauvages,
aussi beaux et aussi gms que la plupart de ceux qin:
nous cultivons dans nos jardins avec tant de soins,
679
TEIl
TER
CSC
quel péril la nation entière n'est-elle pas
oxposée, lorsque, pendant quelques années
de suite, ce qui n'est cas rare, le Nil, ou se
<>i que j'y vis des loriues fort grosses, qu'on notûîiie'
lorUies de lerre, pour les distinguer des tortues de
nier qui sont de iiièuie espèce, mais beaucoup plus
grosses. (P. 2"23.) Lu province de Sainarie, située
eiitre la Judée et la Galdée, est un pays de nidiita-
gnes, mais très fertile ; les plaines et les vallées sont
arrosées île plusieurs ruisseaux qui r.ontribueni à
leur fécimdilé; elles sont peuplées d'arbres, mais
siirloul d'oliviers qui y surpassent inlinimenteu nom-
bre les plantes d'autres espèces. Les bêtes s mvages,
connue les sanglieis, les clievreuds, les loups, les
reiKirds, les lièvres et autres animaux, n'y sont pas
rares. Les perdrix rou;;es y sont encore pins com-
munes qu'en Galilée. (P. 2'27.) La Judée est un pays
encore pins moiituenx que la Saniarie à laquelle elle
conline : circnustance (|ui n'ôle rien h la boulé de
son terroir (pii est d'une culture facile, et qui est
souvent arrosé par les pluie» qui y toud)ent, el qui
font que les montagnes ne sont p;\s nmins fcriiles
que les vallées siuit abondâmes dans les endroits
qu'on a soin de cultiver. Les arbres les pins com-
muns sont les oliuers, qui y sont en proillgieux
nombre ; les grenadiers, les orangers, les citron-
niers, les (iguiers et les carcuibiers y sont beaucoup
moins communs. Les cbreDens de tout rit qui sont
établis en Judée, y piaulent et cultivent des vignes
dont ils n'ailacbent pas comme nous les ceps à des
éclialas pour leur servir d'appui, mais ils IfS lais-
sent ramper nonebalamuieni -ur la lerre, et enipê-
cbenl au plus (|u'ils ne la louchent iinmédi:ileuieut
par le moyen de ipiel|ues pierres qui les en séparent,
de crainte que les ceps ne pourrissent par un excès
d'bniuidilé; le vin en est purl'.diement bmi, il est
tout de couleur rouge, el le raisin étant toujours
nourri de chaleurs, il n'est pas possible que le via
n'ait une force agréable. L'eau des lontames est
excellente et fort saine; mais les sources n'y sont
pas en lort grand nombre; la fontaine scellée de
Salomon, dont je parlerai en son lieu, est la plus
considéiable de toutes. (P. 245.) De Jérusalem à
Bethléem on n'a presque qu'une seule vallée de deux
lieues de longueur à passer; elle commence au pied
du mont Sion, et linii près de Betliléem. Celte val-
lée, qui peut avoir une lieue de largeur, est très-
fertile. (P. 453.) La ville de Thécué est sur une liau-
teur, et elle voit à ses pieds des campagnes fertiles,
des vallées toujours riantes et des loréts fort éten-
dues. (P. -187.) La v;\llée de Sorec, qui a plus de
quinze lieues de longueur, est assez profonde, et
sa largeur est médiocre. Les montagnes dont elle est
formée du coté du coucbaot ne S(mU presque que des
rochers escarpés, dans lesquels il parait qu'(m a autre-
fois coupé des colonnes d'une grosseur et d'une lon-
gueur extraordinaires. Les montagnes qui regardent
rOrienl sont plus basses, mais riantes, toutes ilc verdu-
re; elles sont très- bien cultivées, et sont partie en vi-
gnes, partie en terres labourables, et plantées d'idi-
viers et de liguiers... Cette vallée porte le nom de
Sorec ou de la Vigne, et le toi renl (|ui est au fond
s'appelle le torreotdu ilaisin; celte contrée est sans
doiiie celle ou les espions députés par Moi,>e cou-
pèrent celtes grapiie de raisin si extraordinaire qu'ils
rappoilèrent au camp. Cet endroit u'e->t plus ei vigne,
et ou n'y voit (pi'un assez grand nombre d'oliviers,
qui en loni une espèce de verger. On s'étonne que
ce rai>iu ait ete assez pesant pour laire la charge
des deux iiommes qui le rapportaient avec sou cep
altaciié à un bois appuyé aux deux bouts sur leurs
épaules; mats outre cpie cette ma. liére do loi ter ce
raisin était nécessaire pour le conserver dans touie
sa perfection el sa beauté, les religieux de la terve
sainte, qui voient tous les ans des raisins des mon-
lagnes de Judée, que les Grecs elles Arméniens cul-
débortle trop, ou ne croît pas assez? L'inon-
dation de ce fleuve, si nécessaire à l'Egypte,
est pour elle une source de maladies pesti-
livent, sont fort éloignés de regarder comme une
exagération ce que l'Ecriinre dit de ce raisin, puis-
qu'ils en voient qui pèsent six, huit et souvent jus-
qu'à dix livres. Ceux que j'ai vu'i et goûtés inoinième
dans les îles de Cypre, de Rhodes, de Scio, et dans
plusieurs endroits de la Thrare ou ils sont d'une
grosseur prodigieuse, ne nie permettent |)aî non
p'us d'être surpris du poids de celui dont il s':igit. Le
vin de la contrée de Sorec csl un des meilleurs île
Innle la terre sainte; il est d'un blanc un peu cliargé
quant à la couleur, elil e^t très-délicat et très-déli-
cieux. (P. .l'J^.) Le dé-ert de s.iint Jean-liaplisle,
non plus que les montagnes et les vallées qui le com-
posent, n'a rien d'affreux ni de sauvage, selon la
fausse idée que ceux qui ne l'onljims vu iieuvenl s'en
former. C'est une agréable solitude dont l'air est
extrêmement pur et le terroir purfaiiemeit bon ; el
qiioiipie le pays soil très-peu peuplé, on n'y voit
guère d'endroits qui ne soient cultivés, et qui ne
produisent de liés-bon froment et du vin exquis, i
(P. 474 )
Guillaume, arelievèque de Tyr, dit dans son hi-
stoire que Jéricho était, sous les rois français de
Jérusalem, nue ville nini-senlement célèbre, mais
puissante, riche et pleine de biens qu'elle tirait de
celle feriile et vaste iilaiue dan> laquelle elle est
située. (I'. -^-20.) (Toute cette vaste campagnt qui
s'étend depuis Haine et Liddi jusqu'à JaIfé, et de
Jaffé jusqu'en Césarée de Palestine, s'appelle dans
l'Ecriture, Sarone, du nom d'une ville située dans
le milieu , sur une éiuinence on l'on voit encore
anjouid'hiii un chéiif et petit village nommé Suion.
Uien n'était plus cbarmimt que li vue de cette cam-
pagne, lorsque nous la traversâmes : la variété des
fleurs ehampéires et surloui de-, tulipes qui y crois-
sent d'elles-mêmes et sans êtie cultivées, les prai-
ries ornées d'une verdure riante, et les champs semés
de diverses sortes de légumes et chargés surtoiii de
melons d'eau on de |iasiè pies, et dont on a grand
débit spr les côtes de Syrie. (P. 5i5.) Les coteaux
du Carmel, en qui Iqiies endroits et particulièrement
du cdié de Sartonra, sont chargés de vignes qui
fournissent du vin qui passe pour excellent ; et si
peu que les soins de l'art se joignent à ceux de la
nilnre; les cani|iagiies lont coiinaiire par une abon-
daiiie récolte, qu'elles ne sont stétiles que lorsqu'el-
les sont incultes. 5 (P. 5S8 )
Sliaw est avec rai-otile plus estimé des voyageurs :
antiquaire, littérateur, géngraplie, physicien, chi-
niisie, botaniste, niailie dans toutes les parties de
l'iiistoire iiatuieile, il observe tout, rien ne se dé-
robe à ses yeux, rien n'échappa à ses recherchis :
avec des rebitioiis semblables à la sienne, on peut se
procurer toute l'uiiliié qu'on retire des voyages sans
en essuyer les tatigiies. Voici comuienl cet illustre
auteur s'exprime sur la qualité de la Palestine : t Si
la lerre sainte était aussi peuplée et aussi bien cul-
tivée aujourd'hui qu'elle l'était autrelois, elle serait
encore (dus feriile que la plus belle contrée de Syrie
et de la l'héincie. Le terroir en est meilleur par
lui-même, et à tout prendre, son rapport en est pré-
férable. Le colon qu'on renieille dans les plaines de
Hain.ih, d'l!.sdraéloii et de Zibiilim, est plus estimé
que celui ili; bdon et de Iripon, el il ne saurait y
' avoir de niilleur grain ni de meilleurs herbages de
(pielque espèce que ce soit ipie ceuxq l'on acomuiu-
nénieirt à Jérnsaleui. La stérimé du it quelques au-
leuis se plaiguenl, soit par ignorance ou par malice,
ne vient pas de mauvaise consiituliuii et de la na-
ture même du terroir, mais du peu d'habitants qu'il
y a dans ce pays, el de leur paresse à taire valoir
les terres qu'ils possèdent : outre cela , les petits
piinces qui partagent ce bt>au pays sont toujours en
681
TER
lenlielles, lorsque ces eaux viennent à crou-
pir (liiiis les terrains bas. De là une uiulli-
tude d'insectes qui tourmentent jour et nuit
une espèce de guerre les mis contre les autres, se
pillent rëciproquftinent ; de sone que, quanil même
le piiys serait mieux peuplé (pi'il ne l'est, il n'y au-
rait pas beauciiup d'encouragement à cultiver les
terres, parce q'ie personne n'est as-urc du fruit de
son travail. U'ailleurs le lays est fort bnn par lui-
même, et pouirait fournir à ses voisins du blé cl de
riiuile, loin connue il faisait du temps de Salomon.
(lom. XXV, p. 5(i.) Le pays, est snrioul celui des
environs de Jérusalem, étant rempli de rocs et de
moiilagnes, on s'est mis eu léle qu'il devait être in-
grat et stérile. Quand il serait aussi vrai qu'il l'est
peu, il est certain que l'on ne saurait dire que tout
un royaume est ingrat ou stérile parce qu'il l'est en
quelipies endroits seulement : ajoutons à ceci que la
bénédiction priunise à Juda ne lut pasdu mêuie ordre
que celle qui rej;ard.iit Aser ou Issacbar. Ces der-
niers devaient avoir nu pays plaisant et un pain gras;
mais il fut dit de l'^iuire, qu'il aurait les yeux ver-
meils de vin, et lesdenlsblaueliesde lait. Or, comme
Moïse fait consister la gloire de toutes ces terres
dans l'abomlance du lait et du miel, qui lurent en
effet les mets lus plus délicieux et les aliments les
plus ordinaires des premiers temps, comme ils le
sont encore parmi les Arabes bédouins ; tout cela se
trouve encoie acluellement dans les lieux assignés
à la portion de Juda, ou du moins pourrait s'y trou-
ver, si les haliitants travaillaient à se le procurer.
L'aiiondance de vin est la seule qui y mauiine au-
jourd'hui; cependant le peu que l'on en fait à Jéru-
salem et à Ilébiou, est si excellent, qu'il par.iît par
là que ces rochers, qu'on dit si siér.les, eu pour-
raient donner beaucoup davantage, si l'abstinence
des Tnres et des Anbes permeitail que l'on piaulât
ei que l'on cultivât plus de viiiues. Le miel sauvage,
que l'Ecriture dit avoir fail p:irlic de la nourriure
de saint Jean-IJaptisie, nous iiidirpie la grande quan-
tité (ju'il y en avait dans les déseris de la Judée, et
par conséquent la facilité qu'il y aurait à le multi-
plier considérablement, si l'on avait soin de préparer
des ruches pour les abeilles, et de les mieux cultiver.
Si d'un côté les montagnes de ce pays sont couvertes
en certains endroiis de thym, de romarin, desauge
et d'autres piaules aromatiques que cherchent siii-
gulièremenl ces industrieux animaux, de l'autre il
y a aussi des endroits qui sont remplis d'arbustes el
de celle herbe courte et délicate que les besiiaux
prélèrenl à tout ce qui croit dans les pays gras el
dans les prairies. La manière d'y taire pailre les
troupeaux n'est pas si singulière d ms ce pays qu'elle
ne suit connue adleurs; elle est encore en usage sur
tout le mont Lihan, sur \e- montagnes de Castravan
el dans la Rarbarie, où l'on réserve pour cet usage
les terrains les plus élevés, pendant que l'on laboure
les plaines el les vallées. Outre que l'on niel ainsi
à profil louie la terie, on en lire encore cet avan-
tage que le lait des bestiaux nourris de la sorte est
beaucoup plus gras el plus d licieiix, comme la chair
en e>l beaucoup plus douce el plus nom rissanle.
Kleiiant néanmoins à part les prulits que l'on pou-
vait tirer du pâturage, sou le beurre, le lait, lalai^ic
ou le grand nombre de béies qui devaient se vendre
tous les jours à Jérusalem pour la nourriture des
liabil mis et pour les sacrifices ; outre cela, dis-je,
ces caniuiis momagneux poiivaicni êire iiès-uilles
par d'auties eniiroit-, surtout par la grande quantité
d'oliviers qu'on y av.iil autrefois, el dont un seul ar-
pent bien cultivé rapporte plus que le double de celle
étendue mise en labour. Il est aussi à présumer que
l'on ne négligeait pas les vignes dans un terroir et
dans une exposition qui leur était si favorable. Mais
comme ces dernières ne durent pas en effet aussi
longtemps que les olivier?, qu'elles deinaiidenl aussi
DlCT. UL TilÉOI.. UO«JMAilQUE. l'y.
TER 682
les hommes et les animaax. Le sable m^me
déposé par le Nil, et soulevé ensuite par le
vent d'est, bmie les jeux et les éteint; dans
plus d'aitenlion et plus de travail, que d'ailleurs les
mahomélans se font scrupule de ciihiver un fruit
qui peut être mis à des usages que leur religion in-
terdit, tout cela ensemble peut bien avoir fail qu'il
reste peu de vestiges des anciennes vignes du pays,
si ce n'est à Jérusalem el à Uébron. Les oliviers, au
contraire, étant d'une util. té générale, el d'ailleurs
d'une vie longue et d'un bois ferme, il y eu a plii-
siers milliers qui subsistent ensemble, et qui ayant
passé ainsi jusqu'à nos jours, nous moiiireui la pos-
sibilité qu'il y ait en autrefois et qu'il pourrait encore
y en avoir une plus grande quantité de plantages.
Or, si à ce produit des montagnes nous joignons
plusieurs ceniaines d'arpenls de terre labourable qui
se trouvent par-ci par-là dans les vallons et dans les
entre-deux de ces montagnes de Juda et de Uenja-
niin, il se trouvera que bi pnniou de ces tribus là
nièine auxquelles on prétend qu'il u'i-clint qu'ii., pays
presque lout stérile, fut une bonne lerre ei un pré-
cieux héritage. Tant s'en fallait que les endroits mon-
tagneux de la terre sainte fussent inliabilaliles ,
infertiles, ou le rebut du pays de Chaman. que dans
le partage qu'il s'en fit, la montagne Hébron fut
cédée à Caleb comme une faveur singulière. Nous
lisons de plus que, sous le règne d'Asa, Juda et Ben-
miii fournirent cinq cent quatre-vingl mille combat-
lants; ce qui prouve d'une manière incontestable
que le pay, pouvait les nourrir, et par conséquent
en pouvait nourrir deux fois autant, puis(|ue l'on
n'en peut pas moins compter à pnqioriion pour les
vieillards, pour les lemines et pour les enfanls. Au-
jourd'lmi même, et quoiqu'il y ail déjà laiit de siè-
cles que l'agriculture a été si négligée, les plaines et
les vallées de ce pays, quoiqu'aussi ferli'es que ja-
mais, sont presque enlièremeni désertes, pendant
qu'il n'y a point de petite montagne qui ne regorge
d'iiabilants. S'il n'y avait donc dans celte pariie de
la terre sainte que des rochers tout purs et que des
précipices, comment se ferait-il qu'elle soit plus
remplie que les plaines d'Estraêloii, de Ramach, de
Zabiilon ou d'Acre, desquelles on peut dire, comme
l'a lait M. Mauudrell, que c'est un pays très-agréable
et d'une fertilité qui passe l'imaginatioii? On ne peut
pas répoudre que cela vient de ce que les habitants
y sont plus en sûreté que dans les plaines, car leurs
villages et leurs campements n'ayant ni murailles ni
fortilicaiioiis, et n'y ayant presque pas un endroit qui
ne soit aisémeul accessible, ils ne sont pas moins
exposés dans un lieu que dans l'autre aux courses
et aux insultes du premier ennemi. La raison de
cette préférence est donc uniquement que, trouvant
sur les muotagoes assez de coiiiinodit(>s pour euv-
iiiémes, ils y eu Irouveul aiis.si de plus grandes pour
leurs besiiaux; y ayant assez de pain pmir les hom-
mes, le bétail s'y nourrit d'un meilleur pâturage, et
les uns et les autres ont ra^rénieut irun gnnd nom-
bre de soHices dont l'eau est excellente, et ipii ne se
rencoiitrent guéiesen été, ni dansées plamesni inêine
dans celles de» autres pays di même climai. i
Voyez encore les Voyages de Geuielii-Careri ,
loin. I, p. 125-178; du péie Ladoire, u. 258; de
Tollol el de La Condaiiiioe, p. Mo-
Réunissons à présent sous un coup d'oeil lous les
traits dont les anciens el les moileriies se sont servis
pour former le taideau de la Palesiiiie. C'est un pays
si fécond en blé, qu'une de ses pentes piriie- sufli-
rait seule pour fournir des grains à des radiions
d'habitants ; son sol produit natureltemeni des her-
bes en quantité, qui croissent jusqu'à nue excessive
bailleur, les moiitai^nes, aussi fertiles que les vallées,
sonl les unes couvertes d'excellents pâturages, les
autres chargées de vignes dont les raisins qui pèsent
sis, huit et souvent jusqu'à dix livres, dunneiil un
22
6tiS
TER
TER
QU
aucun pays du inondo il n'y a autant d'a-
veugles qu'en Egypte. Ce même sable infecte
les aliments, quelque soin que l'on prenne
de les renfermer; il trouble le repos de la
nuit, jyarce qu'il pénètre jusque dans l'inté-
rieur des lits, malgré toutes les précautions.
L'Egypte ne produit" point de vin, et les
olives y sont bien inférieures à celles de la
Syrie ; dans la haute Egypte les chaleurs de
l'été sont insupportables. La Palestine n'est
point sujette à ces inconvénients ; elle abonde
en plusieurs productions dont l'Egypte man-
que absolument. On peut juger de la diffé-
rence de ces deux climats par la taille avan-
tageuse des Maronites que nous voyons en
Europe, en comparaison desquels les Egyp-
tiens ne sont que des pygmées difformes. Or,
Tacite reconn.iit que les Juifs étaient sains,
robustes et laborieux, corpora hominum sa-
lubria el ferenda luhorum. 11 n'est point
d'homme instruit qui ne préférât la position
de la Palestine à celle de l'Egypte, quoi
qu'en disent quelques écrivains modernes,
qui ne nous ont fait des descriptions pom-
peuses et riantes de l'Egypte que pour con-
tredire ceux qui avaient écrit avant eux.
Volney, plus judicieux, représente l'Egypte
comme un pays malsain, désagréable, in-
commode à tous égards, dans lequel les
voyageurs ne cherchent à pénétrer que pour
en visiter les ruines.
TERTULLIEN, prêlfe de Carlhage et cé-
lèbre docteur de l'Eglise. On croit commu-
nément qu'il est né vers l'an 160, et qu'il
est mort vers l'an 2io; quoique ces dates
ne soient pas absolument certaines, tout le
monde convient quil a écrit sur la fin du
II" siècle et au commencement du 111°. Il a
laissé un grand nombre d'ouvrages, dcit la
meilleure édition est celle que Higaud a fait
imprimer à Paris en 1634 et 16i2, in-folio.
En général le style de TerlnUien est dur et
obscur, il faut y être accoutumé pour l'en-
tendre; il s'est fait, pour ainsi dire, un lan-
gage particulier; c'est pour cela que l'on a
mis à la On de ses ouvrages un dictionnaire
des mots qui ne se trouvent que chez lui,
ou qu'il a pris dans un sens qui n'est pas
commun. Voyez Index glossarum Tertulliani.
11 nous apprend lui-même qu'il était né et
qu'il avait été élevé dans le paganisme, el il
vin délical et très-iiéllcieux ; plusieurs sont petipl-es
d'oliviers, de liguiers, d'orangers et de citronniers;
le miel et le lait seul si communs dans cette province,
que les lialiitaiils en mangent à tous leurs repas et
en assaisonnent toutes leurs noiirriturt-s ; on y trouve
du gibier en abinidance. Enliii la l'alestiiie est si
avaniageusemenl comblée des ricliesses delà nature,
qu'an rapport de Sliaw, qui l'a examinée avec soin,
si ell'! était aussi peuplée et aussi bien cultivée uu-
joiiid'liui qu'elle l'étiiit antrelDis, elle serait encore
plus iertile que la plus belle cniitrée de la Syrie et
de la Pliéiiicie, Qu'on juge quelles doivent être les
productions et les agréments d'une province qu'un
connaisseur aussi habile que cet Anglais prélère au
délicieux territoire de Damas, qu'on appelle le pa-
radis detla Syrie. Qu'on la compare à piésent, si on
l'ose, avec la Suisse, qui, loin d'accorder à ses ha-
biiauis les délices de la vie, leur reluse le nécessaire.
HépoMescniique»,^lc.. par'Bullet, t. I.
avoue les détauts et les vices auxquels il
avait été sujet avant sa conversion ; de Pm-
nit., c. 4 el 12. Mais il embrassa la religion
chrélienne avec pleine connaissance de
cause ; et, pour rendre raison de son chan-
gement, il composa son Apologétique pour
défendre le christianisme eonire les repro-
ches et les fausses accusations des païens; il
l'adressa aux magistrats de Carthagc et aux
gouverneurs des provinces; il présenta dans
la suite un mémoire à Scapula, gouverneur
de Carthage, pour le même sujet. On re-
trouve le canevas et la première ébauche de
ces deux écrits dans celui qu'il a iiitilulé
Ad Naliones. Son Apologétique et son Traité
des Prescriptions contre les hérétiques sont
les principaux et les plus estimés de ses ou-
vrages ; nous avons parlé de l'un et de
l'autre sous leur titre particulier. — Comme
Tertultien était d'un car;ictère naturellement
dur et austère, il se laissa séduire sur la fin
de sa vie par les maximes de morale sévère
et par les apparences de vertu qu'affectaient
les montanistes; il en adopta les rêveries et
les erreurs : triste exemple des travers dans
lesquels [leut donner un grand génie, dès
qu'il ne veut plus se laisser conduire par les
leçons de l'Eglise, et qu'il se fie trop à ses
propres lumières. Les écrits qu'il a com-
posés après sa chute n'ont pas autant d'au-
torité que les précédents, et on les reconnaît
surtout au ton de sévérité excessive qui y
domine; cela n'empêche pas (|ue ce Père ne
tienne un rang distingué p.irmi les témoins
de la tradition sur tous les dogmes qui n'ont
point de rapport à ses erreurs.
il n'est aucun des écrivains ecclésiastiques
duquel on ait dit autant de bien et aniant de
mal, et l'on a pu le faire sans blesser abso-
lument la justice ni la vérité. Saint Cyprien,
qui a vécu peu de temps après lui, en taisait
tant de cas qu'il l'appelait son maître; en
demandant ses ouvrages, il disait : Da um-
gistrum. Au v* siècle, Vincent de Lérins,
Commonit., c. 18, édit. Baluz., en fait le plus
grand éloge. « De même, dit-il, qu'Origène
a été le plus célèbre de nos écrivains chez
les Grecs, TcrluUien l'a été chez les Latins.
I^ui fut jamais plus savant que lui, ou plus
exercé dans les sciences divines el humai-
nes? 11 a connu tous les philosophes et leur
doctrine, tous les chefs de sectes et leurs
opinions, toutes les histoires et leurs va-
riétés; il les a comprises avec une sagacité
singulière. Son génie est si fort et si solide,
qu'il n'a rien attaqué sans le détruire par sa
pénétration, ou sans le renverser par le
poids de ses raisonnements. Comment louer
dignement ses écrits, dans lesquels il y a
une telle connexion de raisons et de preu-
ves , qu'il force l'acquiescenient de ceux
même qu'il n'a pas pu persuader? Chez lui
autant de mots, autant de sentences; autant
de rétiexions, autant de victoires. On peut
interroger à ce sujet Marcion , appelé
Praxéas ; Hermogène, les juifs, les païens,
les guosliques et les autres, dont'ila écrasé
les blasphèmes par ses livres comme par
autant de foudres. Cependant, après luut
C8S
TEH
TER
G8G
cela; ce même Terluluen , peu ûdèle au
dogme catholique, c'esl-à-ilire à la croyance
aiicicniie et universelle, cl moins lieureiix
qu'él')(|ucn(, a changé <le senlimenls; il a
vérifié enfin ce que sainl Uilairo a dit de lui,
que par ses dernières erreurs il a ôlé l'au-
torité à ceux de ses écrits que l'on approu-
vait le plus. » Aussi Tertullien a eu des cen-
seurs sévères parmi les l'ères de l'Kglise et
parmi les auteurs modernes, chez les catho-
liques aussi bien que chez les hérétiques et
chez les incrédules; iiidépendaininent des
erreurs de la secte qu'il avait embrassée, on
lui eu a reproché de très-graves, tan' sur le
dogme que sur la morale. S il nous est
permis d'en dire noire avis, il nous parsft
que souvent on l'a jugé avec trop de sévé-
rité, cl. qu'on ne s'est pas donné assez de
peine pour prendre le vrai sens du langage
particulier qu'il s'était lormc. On ne peut
pas le disculper en tout; mais plusieurs
écrivains judicieux el modérés sont venus à
bout de dissiper une partie des accusations
dont on le charge, el nous voudrions pou-
voir ctie de ce nombre. Pourquoi prendre
dans un mauvais sens des expressions sus-
ceptibles d'une signilicalion très-orthodoxe,
surtout lorsqu'un auteur s'est expliqué ail-
leurs plus clairement et plus d'une fois?
1° L'on reproche à Tertullien d'avoir en-
seigné que Dieu, les anges et les âmes hu-
maines sont lies corps. Le passage le plus
fort que l'on objecte est tiré de son livre
co»(re i*rnj;t'(is , qui prétendiiil qu'il n'y a
en Dieu qu'une seule ]iersonne, savoir le
Père ; que c'est lui qui s'est incarné, qui a
soulYerl pour nous, et qui a élé nommé Jé-
$us-Christ; ainsi Praxéas fut l'auteur de
l'hérésie des patripassiens. Voyez ce mot.
Conséquemmenl il disait que le Verbe divin,
dans récriture sainte, signilie simplement la
parole de Dieu ; que ce n'est ni une substance
ni une personne, non plus que la parole
humaine, qui n'est qu'un son ou une réper-
cussion de l'air. Aclvers. Prax., c. 7. Voici
comme Tertullien argumente contre lui,
ibid. « .!e vous soutiens qu'un néant et un
vide n'ont pas pu émaner de Dieu, comme
si Dieu lui-même était un vide et un néant ;
que ce qui est sorti d'une si grande sub-
stance et qui a fait tant d'êtres subsistants,
ne peut pas être sans substance. H a fait lui-
même tout ce que Dieu a fait. Comment peut
être un néant, celui sans lequel rien n'a été
fait?.... Appelon<-nous un vide et un néant
celui qui est appelle Fils de Dieu, Cl Dieu lui-
même? Le Verbe était en Dieu, et le Verbe
était Dieu Qui niera que Dieu ne soit un
corps, quoiqu'il soit un esprit? L'esprit est
un corps dans son genre et dans sa forme
(ou dans sa manière d'être ); toules les cho-
ses invisibles ont en Dieu leur corps et leur
forme, par lesquels elles sont visibles à
Dieu ; à combien plus forte raison ce qui
vient de la substance de Dieu ne sera-l-il pas
sans substance? Quelle qu'ait été la sub-
stance du >'erbe, je dis que c'est une per-
sonne, et, en lui donnant !e nom de Fils,
je le soutiens second après le Père.
Il nous paraît évident que Tertullien a
confondu le terme de corps avec celui do
su'/slanee, puisqu'il les oppose l'un el l'autre
au vide et au néant, et que par forma, ej'fi-
(jies, il entend la manière d'être des esprits,
rien autre chose. Le savani Huel n'est point
de cet avis: Teriullien, dil-il, n'était ni as-
sez ignorant en latin ni assez dépourvu de
termes, pour n'avoir pu exprimer un être
subsistant, autrement que par le mot de
corps; Oriijen. quœst., 1. ii, q. I, § 8. Beau-
sobre cl d'autres se sont prévalus de celle
réllexiiin. Sauf le respect dû au docte Huet,
elle n'est pas juste. Tertullien parinit le lalin
d'Afrique el non celui de Home; on ne peut
pas nier qu'il n'ait donné à une infinité de
raols latins un sens tout différent de (elui
des écrivains du siècle d'Auguste. Cicéron
lui-même, obligé d'exprimer d.ins sa langue
les matières philosophiques qui n'avaienl
été traitées jusqu'alors qu'en grec, fut forcé
de se servir de termes grecs, ou de donner
aux termes latins une signiflcation très-dif-
férente de celle qu'ils avaient dans l'usage
ordinaire. Tertullien, aa second siècle, s'est
trouvé dans le même cas à l'égard des ma-
tières théologiques ; avant lui personne ne les
avait traitées en latin, son lan^'agc n'a donc
pas pu être aussi exact, ni aussi épuré qu'il l'a
élé dans la suite. D'ailleurs iluel n'ignorait
pas que Lucrèce a dit corpus aquce pour la sub-
stance de l'eau, parce que, dans l'usage ordi-
naire, suùj^ant/a signifiait autre chose qu'un
être subsislaul, ce lerme est une métaphore.
Quand nous disons le corps d'une pensée,
pour distinguer le principal d'avec l'acces-
soire, nous n'entendons pas pour cela qu'une
pensée est for|iorelle ou matérielle.
Tertullien a soutenu contre Hermogène
que Dieu a créé la matière et les corps, donc
il esl impossible qu'il ail cru que Dieu est
un corps. Dans le livre même contre Praxéas,
chap. 5, il (lit : « Avant toules choses Dieu
élail seul, il était à lui-méuie sou niunde,
sou lieu, son univers; » Ipse sibi et inundus,
et locus et omnia. Une idée aussi sublime
est-elle compalible avec l'opinion d'un Dieu
corporel ? Enfin, au iv siècle, saint Phébade,
évéque d'Agen , dont la doctrine esl bien
connue d'ailleurs, a donné comme Tertullien
le nom de corps à tout ce qui subsiste. Voyez
[lisl. litt. de la France, tome i, ir" part.,
p. 271. Par ces mêmes réflexions l'on pour-
rail justifier ce qu'il a dit des anges et de
l'âme humaine, mais celle discussion nous
mènerait trop loin. 11 nous paraît qu'il a seu-
lement cru (ju'un esprit créé est toujours
revêtu d'un corps subtil pour pouvoir agir
au deiiors, opinion très-inJifférenle à la foi :
il ne s'ensuil pas que Tertullien n'ait eu au-
cune noiion de la parfaite spiritualité.
2° L'on prétend qu'il n'a pas élé orthodoxe
sur le mystère de la sainte Trinité; mais il
a élé justifié sur ce point par Bullus el par
Bossuet. Dans le livre contre Praxéas, c. 2,
il y a une profession de loi sur ce mystère,
qui nous parail irrépréhensible, quoique
conçue dans des termes dont on ne se sert
plus aujourd'hui ; ou sail que, pour l'expli-
687
TER
quer avec plus d'exactitude, les scolastiques
ont élt' obligés d'employer des termes bar-
bares inconnus auv anciens auteurs la-
lins.
3° C'est surtout en fait de morale que l'on
a imputé les erreurs les plus grossières à
Tertiillien; Barbeyrac, Traité de la Morale
des Pères, c. 6, l'accuse d'avoir condamné
alisolniiient l'étal militaire et la profession
de soldat, la fonction de faire senlinelle de-
vant un iempie d'idoles, la coutumedallumer
des lampes et dos flambeaux dans un jour
de réjouissance, l'usage des couronnes, les
fondions de juge et de magistrat, la fréquen-
tation (les spectacles, surtout de la comédie,
la dignité d'empereur, les secondes noces,
la fuite dans b's persécutions, la juste dé-
fense de soi-même, etc. Dans divers articles
(Je ce Dictionnaire nous avons fait voir l'in-
justice de la plupart de ces reproches. Ter-
lullien a regardé la profession des armes
comme défendue à un chrétien, non-seule-
ment à cause du brigandage auquel les sol-
dats romains se livrèrent dans les séditions
que l'on vit éclore sous Niger et Albin, mais
à cause du serment militaire que les soldats
prêtaient tn présence des en>eignes chargées
de fausses divinités, et du culte idolâtre que
l'on rendait à ces mêmes enseignes ; Teriul-
lien s'en est expliqué clairement dans son
Apologétique et ailleurs. Vu l'excès de la
superstition qui régnait pour lors, il n'était
guère possible de faire sentinelle devant un
temple d'idoles, sans participer en quelque
manière au culte qu'on y pratiquait. 11 en
était de même des couronnes que l'on distri-
buait aux soldats. Les fêtes et les jours de
réjouissance étaient célébrés à l'honneur
des divinités du paganisme; un chrétien de-
vait-il y prendre pari? Ce Père a douté si
les empereurs pouvaient être chrétiens, ou
si un chrétien pouvait êire empereur, dans
un temps où l'un des points principaux de
la politique rom;iine était de persécuter le
christianisme; il a pensé de même de la ma-
gistrature, lorsque les juges et les magistrats
étaient obligés tous les jours à condamner
des chrétiens à mort : avait-il tori? 11 n'en
avait pas plus de réprouver les spectacles,
lorsque la scène était ensanglantée par les
combats de gladiateurs, et souvent par le
supplice des chrétiens, et les comédies ordi-
!nairemenl très-licencieuses. 11 a blâmé la
défense de soi-même pour cause de religion,
' dans des circonstances oii il fallait aller au
martyre; et les secondes noces, dont la plu-
part se faisaient en vertu d'un divurce que
les chrétiens n'ont jamais dû approuver.
Pour savoir si des leçons de murale sont
vraies ou fausses, justes ou répréhensibles,
il faut commencer par connaîiic le ton des
mœurs qui régnaient et les abus que l'on se
permettait ; jamais les protestants n'ont pris
celte précaution avant de blâmer les Pères
de l'Eglise. Quant à la fuite dans les persé-
cutions, Jésus-Christ l'a formellemenl per-
mise, Matlh., c. X, V. iJ3; Tertullicn ne l'a
condamnée (ju'après s'être laissé séduire par
la morale outrée des montanistes ; son livre
TER 688
de Fur/a in persecutione est un de ses der-
niers ouvrages.
Mais il y a une diffiruKé touchant l'état
militaiie : Tertiillien semble le condamner
absolument , de Idololat. , c. 19 ; cependant
il dit dans son Apologétique , cap. 37 et i2,
que les armées romaines étaient remplies de
soldats chrétiens. Suivant l'opinion d'un in-
crédule moderne, cela ne fut vrai que sous
Constance-Chlore, soixante ans après Ter-
tullien; il ne parlait ainsi qu'.ifin de faire
paraître son parti redoutable. Ce grand cri-
tique ignorait sans doute que déjà sous les
Antonins et sous Marc-Aurèle, immédiate-
ment après la n;iissanee de Tertiillien, le fuit
qu'il avance était connu et incontestable. Il
passait pour constant que sous Marc-Aurèle
était arrivé le miracle delà légion fulminante,
composée principalement de soldats chré-
tiens, miracle que Tertiillien affirme coniine
certain, c. 5. Voyez Légion fulminante. Il at-
teste qu'aucun d'eux n'a jamais trempé dans
les séditions que l'on vit arriver sous Alhin,
sous Niger, sous Cassius, ibid., 35, ad Sca-
pu/., c, 11 ; il ne craignait donc pas d'être
contredit. Il est probable que ces soldats
avaient prêté le serment militaire sans être
astreints aux cérémonies accoutumées ; et
n'avaient fait aurun acte d'idolâtrie, puis-
que, sous les empereurs suivants, plusieurs
souffrirent le martyre plutôt que de se ren-
dre coupables de ce crime.
4° Plusieurs protestants ont soutenu que
Tertiillien n'attribuait aucune autorité à l'é-
vêque de Rome, et (|u"il ne croyait pas la
présence réelle de Jésus-Christ dans l'eucha-
ristie ; par reconnaissance ils ont parlé de ce
Père avec plus de modération que des autres.
Mais ils se sont vainement flattés de son suf-
frage. Dans son Traité des Prescriptions contre
les hérétiques, c. 22, il demande si la doctrine
de Jésus-Christ a ôlé ignorée par saint Pier-
re , « qui a été nommé la pierre de l'édiflce
de l'Kglise, ()ui a reçu les clefs du royaume
des cieux et le pouvoir de lier et de délier
dans le ciel et sur la terre. « C. 36, il dit :
« Si vous êtes à portée de l'Italie, vous avez
Rome dont l'autorité est près de vous. Heu-
reuse Eglise, à laquelle les apôtres ont livré
avec leur sang toute la doctrine de Jésus-
Christ 1 Voyonsce qu'elle a appris, ce qu'elle
enseigne : or, elle est d'accord avec les
Eglises d'Afrique... . Puisque cela est ainsi,
nous avons la vérité pour nous tant que
nous suivons la rèirle qui a été donnée à
l'Eglise par les apôtres , aux apôtres par
Jésus-Christ, à Jésus-Christ p ir Dieu lui-
même; et nous sommes fondés à soutenir
que l'on ne doit pas admettre les hérétiques
à disputer par les Ecritures, puisque nous
prouvons, sans les Ecritures , qu'ils n'ont
rien à y voir. » Que les protestants pensent
et parlent comme 7'e/7»//(en, qu'ils attribuent
à la seule Eglise apostolique qui subsiste
aujourd'hui, ia même autorité que ce Père
lui attribuait, nous serons satisfaits. Mais
ils se sont élevés contre ce Traité des Pres-
criptions, et nous avons répondu à leurs
plaintes. Voyez ce mot.
689
TER
TER
690
A l'arlicle i^lchakistiiï, nous avons fait
voir que Terttillieii a enseigné très-claire-
ment la présence réelle de Jésns-Christ dans
ce sacremenl, et que les proleslanls rendent
mal le sons des passages de ce Père qni
semblent prouver le contraire.
5° Quelques incrédules ont dit qu'il vi fait
un raisonnement absurde d.ins son livre de
Corne Chrisli , c. 5; il argumente contre
Marcion.qui ne voulait pas croire (|ue le
Fils de Dieu s'est véritahlenient incarné et
qu'il a réellement soufferi ; il dit : « Le Fils
de Dieu a été crucifié, je n'en rougis point,
parce que c'est un sujet de honte. Le Fils
de Dieu est mort, il faut le croire, parce que
cela est iiuiécenl; il est sorli vivant du loin-
beau , cela est certain , parce que cela est
impossible. » On ne peut pas , disent nos
censeurs, déraisonner plus complètement.
Pour en juger sensément il ne fallait pas
supprimer ce qui précède; il dcmandu à
M.ircion : « Dircz-vous qu'il est honteux à
Dieu d'avoir racheté l'homme, et jugeroz-
vous indignes de lui les moyens sans lesquels
il ne l'aurait pas racheté? Par sa naissance
il nous exempte do la mort et nous régénère
pour le ciel ; il guérit les maladies de la
chair, la lèpre, la paralysie, la cécité, etc.
Cela est-il indigne de Dieu et de son Fils,
parce que vous le croyez ainsi? Que cela soil
insensé, si vous le voulez ; lisez saint Paul :
Dieu a choisi ce qui paraît une folie pour con-
fondre la sagesse des hommes. Or, où est ici
la folie? Est-ce d'avoir amené l'homme au
culte du vrai Dieu, d'avoir dissipé les erreurs,
d'avoir enseigné la justice, la chasteté, la
patience, la miséricorde, l'innocence? Non,
sans doute. Cherchez donc les folies dont
parle l'Apôtre.... C'est évidemment la nais-
sance, les souffrances, la mort, la sépulture
du Fils de Dieu.... V'ous vous croyez sage
de ne pas croire tout cela, mais souvenez-
vous que vous ne serez véritablement sage
qu'autant que vous serez insensé selon le
monde, en croyant de Dieu ce qui paraît in-
sensé aux mondains.... Saint Paul l'ail pro-
fession de ne savoir que Jésus crucifié
Hcspectez, ô Marcion , l'unique espérance
du monde entier, ne détruisez point l'igno-
minie inséparable de la foi. Tout ce qui pa-
raît indigne de Dieu est utile pour moi; je
suis sûr de mon salut, si je ne rougis point
de mon Dieu. Je rougirai, dit-il, de celui qui
roiiijira de moi ; telle est la confusion salu-
taire que je veux avoir, ou plutôt, en la bra-
vant, je veux me montrer impudent avec
raison, et insensé pour mon bonheur. Le
Fils de Dieu a été crucifié, je n'eu rougis
point, parce que c'est un sujet de honte; le
Fils de Dieu est mort, il faut le croire, parce
que c'est une indécence; il est sorti vivant
du tombeau, cela est certain, parce que cela
est impossible. » Impossible, selon Marcion
et selon le monde, mais non selon les lu-
mières de la foi. Il est évident que le dis-
cours de Tcrtullien n'est autre chose que le
commentaire de ces paroles de saint Paul :
Quœ stulla sunt mundi elegit Deus ut confun-
dat sapientes, etc., / Cor. , c. i, y. 27 ; aussi
les incrédules en ont fait un reproche à saint
Paul de même qu'à Tertullien.
G" L'un de ces critiques imprudents dit
que, dans son livre de Pallio, ce Père débite
une morale qui le dispensait des devoirs de
1a société, et que c'était l'esprit du christia-
nisme. Un autre est scandalisé d'avoir lu ce
passage. ApoL, c. :i2: « Nous avons encore
un plus grand inlérél à prier pour les etnpe-
reurs, pour tous les éiats de la société, pour
la chose publique, parce que nous savons
que la prospérité de l'empire romain est une
espèce de garant contre la révolution terrible
dont le monde est menacé, et contre les hor-
ribles lleaus par les(iuels l'ordre présent des
choses doit finir. » De là le censeur conclut
que les chrétiens n'auraient pas prié pour
leurs maîtres s'ils n'avaient pas eu peur de
la fin du monde.
^ oilà comme raisonnent îles écrivains sans
réflexion. Dans le livre rfe Pallio, Tertullien
répondait à ceux qui le tournaient en ridi-
cule, parce qu'il affectait de porter le man-
teau des philosophes au lieu de l'habit com-
mun ; il n'était donc pas question des devoirs
de la sociélé, mais des modes, des coutumes,
des usages indifférents. Tertullien se défend
en jetant du ridicule à son tour sur la plu-
part de ces usages ; c'est une satire très-
vive, pleine d'esprit et de sel un peu caus-
tique. 11 n'est presque aucun de nos philo-
sophes qui n'en ait fait autant à l'égard de
nos mœurs et de nos usages ; lorsque leur
censure a paru ingénieuse, on s'en est amusé,
et on ne leur en a pas su mauvais gré. Quant
aux devoirs de la société civile , Tertullien
atteste , dans son .Apologétique, que les chré-
tiens les remplissaient avec la plus grande
exactitude , et il défiait leurs ennemis de
leur rien reprocher sur ce sujet. — Dans le
chap. 31 , il avait cité les paroles de saint
Paul , qui ordonne de prier pour les rois,
pour les princes, pour les grands , afin que
la sociélé soil tramiuille et paisible. « Lors-
que l'empire est ébranlé, dit-il, nous en sen-
tons le contre-coup , comme les autres ci-
toyens. » Chapitre 32, il ajoute le passage
que nos adversaires lui reprochent. Or , il
n'y est pas question de la fin du monde,
mais d'une révolution terrible que l'on pré-
voyait, et qui arriva en effet au commence-
ment du V siècle par l'irruplioii des barbares
dans l'empire. Déjà dès le iir, vu la conti-
nuité des guerres civiles, le fréquent mas-
sacre des empereurs , les dissensions des
grands , l'indiscipline des soldats , on pré-
voyait que les barbares , toujours prêts à
fondre sur l'empire et qui le menaçaient de
toutes parts , viendraient à bout de le ren-
verser ; l'on craignait les malheurs dont
celte catastrophe serait nécessairement sui-
vie , et l'événement n'a que trop vérifié ces
tristes présages. Tertullien elles autres Pères
qui ont parlé de même n'avaient pas lort,
c'est mal à propos qu'on leur reproche d'a-
voir annoncé la fin du monde. Comment la
prospérité de l'empire romain aurait-ellelpa
être un garant contre la fiu du monde ? Yoy.
Monde.
691
TES!
TES
692
7° Parmi les proieslanls, l'un soutient que
Tertullien et Justin le Martyr no pouvaient
se tirer avec honneur de leur controverse
avee les Juifs , p.irce qu'ils ignoraient leur
langue , leur histoire', leur littérature , et
qu'ils écrivaient avec une légèreté et une
inexaclitude que l'on ne saurait excuser.
Un autre dit que ce Père s'est trompé lour-
dement en attribuant toutes les hérésies à
la philosophie des Grecs ; qu'il n'a point eu
de connaissance du système des émanations
et de la philosophie des Orientaux , de la-
quelle les gnosiiqups avaient lire toutes
leurs erreurs.— Ne sont-ce pas ces critiques
Blêmes qui écrivent avec un pou trop de
Tégèreté? Il n'était pas besoin de savoirl'hé-
breu pour disputer contre des Juifs hellé-
nistes qui ne l'entendaient plus eux-naéaies,
et qui ne lisaient Tiicriiure sainte que dans
la version grecque des Septante ou dans
celle d'Aquiln. Les Juifs n'ont repris (lu'au
IX' siècle la coutume générale de ne lire la
Bible dans leurs synago^^nes qu'en hébreu
et en chaUléen ; c'est un fait constant. Ils ne
connaissaient leur propre histoire que par
l'Ecriture sainte, par les écrits de Josèphe,
de Philon et de Juste de Tibériade ; et tous
étaient composés en grec. Depuis que nos
savants ont appris l'hébreu, ont-ils converti
beaucoup plus de Juifs que les Pères des
trois premiers siècles ? Ceux-ci avaient deux
grands avantages , savoir , la mémoire des
faits toute récente , et les dons mir.iculeux
qui subsistaient encore dans l'Kglise; nous
ne croyons pas qu'une grande connaissance
de la lann;ue hébraïque puisse les compen-
ser. Tertntlien connaissait les émanations,
puisque, dans son livre co?!/re Praxéns, c.8,
il distingue la génération du Fils de Dieu
d'avec les émanations des valentinions, et
qu'il en montre la différence. Dans les arti-
cles Emanation et Platonisme , nous avons
fait voir que les gnostiques ont pu emprun-
ter leur système de la philosophie de Platon,
tout aussi bien que de la philosophie des
Orientaux, et que la prévention des critiques
protestants en faveur de cette dernière n'est
fondée sur rien.
Encore une fois , nous ne prétendons pas
justifier tout ce qu'a écrit Tertullien; il y a
des crri^urs dans ses ouvrages , m;iis beau-
coup moins que ne le prétendent certains
critiques prévenus et pointilleux qui se co-
pient les uns les autres sans examen. Nous
persistons à croire que souvent il a été jugé
et condamné trop sévèrement , parce qu'on
ne s'est pas donné la peine d'étudier son
style coupé, sentcnticux , plein d'ellipses et
de rélicences , ni sa manière de raisonner
brusque, impétueuse, qui passe rapidement
d'une pensée à une autre , et qui laisse au
lecteur le soin de suppléer à ce qu'il ne dit
pas. Ce n'est point un moièle à suivre, mais
c'est un écrivain qui donne beaucoup à pen-
ser 01 qui tnérilo d'être lu plus d'une l'ois.
TES l'AMKNT. En latin et en français ce
terme signifie proprement l'acte par lequel
un homme près de mourir déclare ses der-
nières volontés ; mais il n'est pas employé
dans ce sens par les écrivains hébreux. Le
seul exemple que l'on trouve chez les patri-
arches d'un testament proprement dit est
celui de Jacob, qui au lit de la mort fit con-
naître à ses enfants ses dernières volontés ;
mais c'était plutôt une prophétie de ce qui
devait leur arriver , et de ce que Dieu avait
décidé sur leur sort, qu'une disposition libre
et arbitraire de la part de Jacob. Quant aux
dernières paroles de Joseph , de Moïse, de
Josué, de David , on ne peut leur donner le
nom de testament que dans un sens assez
impropre. L'hébreu hérith, et le grec SiaBoxYi
qui y répond, signifient en général disposi-
tion, institution, traité, ordonnance, alliance,
aussi bien qu'une déclaration de dernière
volonté ; de là les traducteurs latins ont
rendu communément ces deux termes par
celui de testament, quoiqu'ils désignent plu-
tôt à la lettre une a</tance, un traité solennel
par lequel Dieu déclare aux hommes ses vo-
lontés, les conditions sous lesquelles il leur
fait des promesses et veut leur accorder ses
bienfaits.
Au mot Alliance, nous avons observéqne
Dieu a daigné plus d'une fois faire ces sortes
de traités avec les hommes ;il a fait alliance
avec Adam, avec Noé au sortir de l'arche,
avec Abraham; mais on ne donne point à
ces actes solennels le nom de testament ; il
est réservé aux deux alliances postérieures,
à l'une que Dieu conclut avec les Hébreux
par le ministère de Moïse , à l'autre qu'il a
faite avec toutes les nations par la médiation
de Jésus-Christ. La. première est nommée
Vancienne alliance , le Vieux Testament ; la
seconde est la nouvelle alliance , le Nouveau
Testament. Saint Paul , Hehr. , c. is » v. 15
et seq. , a donné à l'un et à l'autre le nom
de testament dans le sens le plus propre, il
les fait envisager comme des actes de der-
nière volonté. Jésus-Christ, dit-il, est le mé-
diateur d'un TESTAMEVT nouvmu , afin que
par la mort qu'il a soufferte pour expier les
iniquités qui se commettaient sous le premier
TESTAMENT , ceux qui sont appelés de Dieu
reçoivent l'héritage éternel qu'il leur a pro-
mis. En effit, où il y a un testament , il est
nécessaire quelamortdu testateur intervienne,
parce que le testament n'a lieu que par la
mort, et n'a point de force tant que le testa-
teur est en vie. C'est pourquoi le premier
même fut confirmé par te sang des victimes,
etc. Jésus-Christ, en instituant l'Eucharistie,
dit aussi : Ceci est mon sang, le sang du nou-
veau testament, qui sera versé pour plusieurs
en rémission des péchés [Mullh. xxvi , 28).
Saint Paul avait dit dans le .c. viii.v. G:
Jésus-Christ est revêtit, d'un ministère d'au-
tant plus awjuste, qu'il est médiateur d'ttn
testament plus avantageux et fondé sur de
meilleures promesses ; car si le premier avait
été sans défaut , il n'y aurait pas litu d'en
faire un second.
Faol-il conclure de ces paroles que Vkn-
c\cn Testament était unealliante défectueuse,
imparfaite , désavantageuse aux Hébreux,
un fléau plutôt qu'un bienfait ? C'est l'erreur
qu'ont soutenue Simon le Magicien et ses
dO".
TES
TRS
«94
ilisfi|itos, les inarcionites , Ips manichéens,
et après eux les incrétlulcs modernes. Vingt
fois, pour réfuter leurs sophisraes , nous
avons été obligés d'observer que les mots
bon, mauvais, bien, mut , parfait, imparfait,
etc. , sont des tormes purement relatifs et
qui ne sont vrais que par comparaison. L'an-
cienne alliance était sans doute à tous égards
moins parfaite et moins avantageuse que la
nouvelle , en ce sens elle était défectueuse;
mais ce défaut était analogue au génie, au
caractère, au\ habitudes des Juifs, à la si-
tuation et aux circonstances dans lesquelles
ils se trouvaient. Saint Pau! lui-même sou-
tient, liom., c. m , v. 2 , que la révélation
qui leur avait été adressée était un grand
bienfait ; c. ix , v. 4 , que Dieu leur avait
donné le litre d'enfants adoptifs , la gloire,
l'alliance, des lois, des oriiounances , des
promesses ; c. xi, y. 28, qu'ils sont encore
chers à Dieu à cause de leurs pères , etc.
Dieu ne fait rien de mauvais en lui-même,
ses leçons, ses lois, ses promesses, ses châ-
timeuls même sont toujours des grâces ;
mais il ne doit point les accorder toujours
aux liommcs dans la même mesure; souvent
ils sont incapables de les recevoir et d'en
profiter; il les dispense avec sagesse , et la
réserve au'il y met ne déroge en rien à sa
bonté.
D'autre part , les Juifs ont donné dans
l'excès opposé , en soutenant que Dieu ne
pouvait donner aux hommes une loi plus
sainte, un culte plus pur, une religion plus
parfaite que celle qu'il avait prescrite à leurs
pères. Dieu avait-il donc épuisé en leur fa-
veur tous les trésors de sa puissance et de
sa bonté? Voij. Judaïsme, § %.
Beausobre, IJist. du Manich.,\.. I, I. i, c. 3
et i, après avoir rapporté sommairement les
objections que faisaient les manichéens con-
tre l'Ancien Testament, prétend que les Pè-
res tie riîglise y ont fort mal répondu, qu'i's
se sont sauvés par des allégories desquelles
ces hérétiques ne devaient faire aucun cas;
il cite pour exemple Origèno et saint Augus-
tin , et il se flatte de répondre beaucoup
mieux qu'eux à ces mêmes diflîcullés. Nous
n'attaquerons pas ses réponses , quoiqu'il y
en ait quelques-unes qui auraient besoin de
correctif : m;iis nous défi'ndrons les Pères.
Il est absolument faux qu'ils se soient bor-
nés à des explications allégoriques , pour
satisfaire aux reproches des manichéens.
Saint Augustin, qui en avait f.iit l)cau( oup
d'usage dans son livre de Genesi conlra ma-
nichceos, et qui comprit que c<'la ne suffisait
pas, en écrivit un autre de Genesi nd litle-
ram, dans lequel il s'attacha principalement
au sens littéral. En parlant du manicltéisine,
§ 6, nous avons fait voir que ce Père a tiès-
bien saisi les principes (|ui résolvent la
grande question de l'origine du mal, et il
nous serait facile de montrer que , dms di-
vers endroits , il a donne aux maniché' ns
'os mêmes réponses que Beausobre ; mais
cette discussion nous mènerait trop loin.
Il nous paraît plus nécessaire de justifier
Origène. puisque noir"? savant critique dit
que saint Aui;nstin n'a fait qu'imiter cet
ancien docteur: voyons s'il est vrai qu'Ori-
gène a mal défendu le vieux Teslament , el
s'il n'a résolu les dilficullés que par dcsallé-
gories. Celse avait fait contre les livres des
Juifs à peu près les mêmes objection» que
répétèrent les raarcioniles, les gn istiques et
les manichéens; pour y répondre, Origène
pose trois principes qu'il ne faut pas perdre
de vue : Le premier est que , dans les ou-
vrages de la création, ce qui est un mal pour
les particuliers peut êlre utile au bien gé-
néral de l'univers : t>l6e lui-même en con-
venait; d'où il résulte que iiien et mal sont
des termes purement relatifs, et qu'il n'y a
rien dans les ouvrages du Créateur qui soit
un bien ou un mal absolu ; conlra Cels.,
I. IV, n. 70. Le second est que les besoins de
l'homme que l'on regarde comme des maux
H)nt Ja source de son industrie^ de ses con-
naissances, et pour ainsi dire, la mesure de
son intelligence; il confirme celte réflexion
par un passage du livre de l'Ecclésiastique,
c. XXXIX. V. 21 et 26; ibid.. n. 76. Le troi-
sième qui concerne les leçons , les lois , le
cnlle prescrit aux Israélites, est que comme
un laboureur sage donne à la terre une cul-
ture différente selon la variété dos sols et
des saisons , ainsi Dieu a donné aux hommes
L's leçons et les lois qui , dans les différents
siècles, convenaient le mieux au bien géné-
ral de l'univers, ihid., n. 69. Nous soutenons
que ces trois principes , adoptés par saint
Augustin et qui ne sont point des allégories,
suffisent déjà pour résoudre une bonne par-
tie des objections des manichéens. Mais ve-
nons au détail.
1° Ils disaient que les livres de l'Ancien
Testament donnent des idées fausses de la
Divinité en lui attribuant des membres cor-
porels et les passions humaines, comme la
colère, la jalousie , etc. Beausobre leur ré-
pond que le langage des écrivains sacrés est
un langage populaire , et qu'il devait l'être;
que les ilées métaphy'^iqne? de la Divinité
sont au-dessus de la portée du peuple ; que
quand ces mêmes écrivains attribuent à Dieu
des passions humaines , ils ne lui en attri-
buent au fond que les effets légitimes. Or,
c'est précisément la même réponse qu'Ori-
gène donne à Celse, 1. iv, n. 71 et 72. « Lors-
que nous parlons à des enfants, dit-il , nous
le faisons dans les termes qui sont à leur
portée, afin de les instruire et de les corri-
ger.... L'Ecriture parle le langage des hom-
mes, parce que leur intérêt l'exige. Il n'eut
pas été à propos que Dieu, pour instruire le
peuple, employât un style plus digne de sa
majesté suprême Nous appelons ro/eVe
de Dieu , non le trouble de l'a me , dont il
n'est pas susceptible, mais la conduite sage
par laquelle il punit et corrige les grands
pécheurs, etc.» Origène prouveces reflexions
par des |)assages de riîcriture sainte.
2^ Les manichéens objectaient que les pré-
ceptes moraux existaient avant Moïse , et
qu'il les avait défigurés par d'autres lois et
par des promesses et des menaces qui ne
convenaient pas au vrai Dieu ; que la cou-
f95
TES
TES
696
duile de plusieurs patriarches était scanda-
leuse et donnait un Irès-mauvais exemple.
Beausobre observe avec raison que, quoique
la loi morale soit aussi ancienne que le
monde, Dieu a dû la faire écrire dans le
Décalogue, et la munir, en qualité de légis-
lateur, du sceau de son autorité; que l'iiis-
toin- sainte , en rapportant les fautes des
patriarches, ne les approuve point, etc.
Otigène, de son côlé , convient que la loi
morale est écrite dans le cœur de tous les
hommes , selon l'expression de saint Paul,
Rom., c. II, V. 15; que cependant Dieu en
donna les précepias par écrit à Moïse , con-
tra Cels., 1, I , c. 4; c'est ainsi qu'il répond
àCelse, qui objectait que la morale des chrc
tiens et des juifs n'était pas nouvelle , et
qu'elle avait été connue de tous les philo-
sophes. Touchant les lois de Moïse , il dit
qu'à la vérité plusieurs ne pouvaient conve-
nir aux autres peuples, mais qu'elles étaient
nécessaires aux Juils dans les circonstances
où ils se trouvaient , et que , sans ces lois,
leur république n'aurait pas pu subsister,
I. VII, n. 26. 11 soutient et il prouve que par
ces mêmes lois Moïse a formé une république
plus sagement réglée que celles qui. ont été
fondées par des philosophes, même que celle
dont Platon avait imaginé la conslitution;
que ce philosophe n'a pas eu un seul secta-
teur de ses lois, au lieu ()ue Moïse a éiésuivi
p;ir un peuple entier , I. v , n. 42. 11 ajoute
que plusieurs préceptes de Moïse, entendus
grossièrement à la manière des Juifs , peu-
vent par;iître absurdes, qu'Ezéchiel le témoi-
gne en disant de la part de Dieu : Je leur ai
donné des préceptes t/uine sont pas bons,c.%x,
V. 25 ; mais que celle législation bien en-
tendue est sainte, juste et bonne, comme l'en-
seigne saini Paul, Rom., c. u , v. 12. Qu.mt
aux aclinns répréliensibles des patriarches,
telles que l'inceste de Lot avec ses filles, etc.,
il observe, aussi bien queBeausobre, qu'elles
ne sont point approuvées par les écrivains
sacrés ; 1. iv, n. 4-5.
3° Les manichéens étaient scandalisés de
ce que Moïse dans l'ancienne loi ne faisait
aux Juils que des promesses temporelles,
conduUe contraire à celle de Jésus-Clirist,
qui ne promet aux justes que les biens éter-
nels. Cette objection n'avait pas échappé à
Celse. Pour justifier les promesses tempo-
relles de la loi mosaïque, Beausobre nous
renvoie à Spencer, qui prouve par des rai-
sunssolidi's que Dieu devaitenagjrainsi : l°à
cause de la grossièreté des Juifs, qui se sont
souvent livrés au culte des fausses divi-
nités dans l'espérance d'en obtenir l'abon-
dance des biens temporels ; 2° ])arce qu'il ne
convenait pas d'allai her une récompense
éiernelle à l'observation de la loi cérémo-
nielle comme à celle de la loi morale;
3° parce qu'il était à propos que les récom-
penses de l'autre vie lussent proposées aux
hommes sous une espèce d'enveloppe, afin
do réserver au Messie le soin de les expli-
quer plus clairement; k'- parce que, les lois
cérémonielles étant un fardeau très-pesant,
il était juste d'y attacher les Juifs par l'appât
des biens temporels; .'> parce que Dieu
faisant les fonctions de législateur temporel,
il était de sa sagesse d'imiter la conduite des
autres législateurs, te Legib. Hebr. riliial.,
lib. 1, c. 3.
Un Incrédule ni un manichéen ne trouve-
raient peut-être pas ces raisons péremploires
et sans réplique, mais nous ne disputerons
pas là-dessus. Aussi Beausobre y ajoute que
les justes de l'ancienne loi ont certainement
espéré une récompense éternelle de leurs
vertus, et il le prouve par ce que dit saint
Paul, i/ebr., c. xi.
Sans entrer dans un aussi grand détail,
Origène se borne à soutenir que les biens
temporels promis par l'ancienne loi n'étaient
en effet qu'une ombre, unefigure, uneenve-
loppe, sous laquelle il faut nécessairement
eniendre les biens spirituels et éternels que
Jésus-Christ nous fait espérer. Il le prouve,
1° parce que plusieurs des promesses de
Moïse ne pouvaient être accomplies à la
lettre, il en donne des exemples ; 2° parce
que la plupart des justes de l'Ancien-Tesla-
ment, loin d'avoir ressenti aucun effet de
ces promesses, ont été affligés et persécutés,
comme saint Paul le fait remarquer ; 3° parce
que ces mêmes justes n'ont fait aucun cas
des biens temporels, qu'ils leur ont préféré
les récompenses futures de la vertu. Ori-
gène le fait voir par plusieurs passages
de David et de Salomon , surtout par le
psaume xxxvi. Sans cela, dit-il, à quelle
tentation les Juifs n'auraieut-ils pas été
exposés d'abandonner leur loi, en voyant
que ses promesses étaient vaines et sans
effet ? 4° Parce que saint Paul dit formelle-
ment que la loi était Vombre des biens fu-
turs. Que les fidèles sont les vrais enfants
d'.\braham et les héritiers des promesses
qui lui ont été faites, Galat., c. m, v. 29.
(iela serait-il vrai, si ces promesses n'avaient
renfermé que des biens temporels ? Il nous
semble que ces raisons d'Origène, fondées
sur des faits et sur l'autorité des livres
saints, valent bien les savantes conjectures
de Beausobre cl de Spencer.
4° Le culte cérémoniel prescrit aux Juifs
paraissait aux manichéens grossier, ab-
surde, indigne de Dieu; ils blâmaient sur-
tout les sacrifices sanglants et la circonci-
sion. Beausobre leur représente que ces
sacrifices n'avaient pas été ordonnés de Dieu
comme un culte qui lui fût agréable par
lui-même, mais pour empêcher les Israélites,
accoutumés à ce culte, de sacrifier aux faux
dieux : saint Augustin, dil-il, l'a très-bien
remarqué. Quant à la. circoncision, s'il est
vrai quelle était pratiquée chez les Egyp-
tiens, Dieu a dû la prescrire aux Israélites,
afin qu'ils fussent moins désagréables aux
Egyptiens. — Que répliquerait Beausobre,
si nous lui montrions ces deux réponses mot
pour mot dans Origène? Ce Père les a faites
non dans ses livres contre Celse, qui ne blâ-
mait pas les sacrifices sanglants, mais dans
ses extraits du Lévitique, c. i, v. 5. « Comme
les Juifs, dil-il, étaient accoutumés en Egypte
à voir des sacrifices, et qu'ils les aimaient
697
TES
Dieu leur permit de lui en offrir, iifln de ré-
primer leur goût pour le ruili^ des faux
dieux, et les détourner de sacrifier aux dé-
nions. » Il ajoute, c. VI, v. 18 : « Ces sacri-
fices servaient encore à nourrir ks prêtres
et à honorer Dieu; ils empêchaient les Juifs
de penser, comme li'S Egyptiens, iin'iiii ani-
mal que l'on immole est un dieu, et ([u'il
fcuit l'adorer. » Op.. I. Il, p. 181 el 182.
Quant à la circoncision, que Celse n'ap-
prouvait pas, Origèiie renvoie à ce qu'il en
avait dit dans son Commentaire sur l'Epilre
aux Romains. Or, dans ce commentaire,
lib. Il, Op., t. IV, p. 495, il répond aux mar-
cionites, aux autres hérétiques et aux phi-
losophes qui regardaient la circoncision
comme un rite honteux et indécent, qu'en
Egypte c'était une marque d'honneur, que
non-seulement les prêtres, mais tous ceux
qui faisaient profession de science la rece-
vaient. Origène devait le savoir, puisqu'il
avait étudié el enseigné dans l'école d'A-
lexandrie. Il ajoute que ce rite avait éié pra-
tiqué de même chez les Arahes, chez les
Klhiopiens et chez les Pliéiiiciens, (|u'il n'a-
vait donc rien d'indécent ni de honteux eu
lui-même. Il dit aux hérétiques qu'avant cjiie
le sang de Jésus-Christ eût été versé pour
notre rédemption, il était juste que tout
homme, qui vient au monde souillé du péché,
répandît en naissant quelques gouttes de
son sang pour en être purifié el pour rece-
voir une espèce de prcs;ige de la réilenipiion
future. Il Si (jnelqu'un, dit il, im;igine quel-
que chose de meilleur et de plus raisonimbla
sur ce sujet, on fera bien de le préférer à
ce que nous disons. » Ibid., p. i'J!5. Déj.i il
avait réfuté les jciifs qui voulaient que les
chrétiens fussent assujettis à la circoncision,
et il leur avait opposé la lettre formelle des
livres saints, qui n'y obligeaient que la pos-
térité d'Abraham. Il ajoute : « Nous avons
discuté cette question sans avoir recours à
aucune allégorie . afin de ne donner aux
Juifs aucun sujet de plainte ni de murmure.»
Ibid.. p. i-tS, col. 1.
OrigèiiC a donc clé plus prudent que Beau-
sobre, qui osa écrire qu'il n'y a rien de
honteux dans le corps humain, si ce n'est,
selon le système insensé des fanatiques,
la production des hommes, llisl. dn i}lanich.,
I. I, c. 3, § 7 ; t. I, p. 279. Il d^ vait se sou-
venir (|ue les livres siiinls appellent vereHf/a,
pmlenda, turpiiudo, la partie du corps à la-
quelle on imprimait la circuncision.
5- L'histoire de la création et celle delà
chute de l'homme fournissaient aux mani-
chéens une ample matière de criliiiue ; ils
disaient que Moïse Ole à Dieu la piescience,
en supposant que Dii'U a fait à l'homme un
commandement qui fut violé bientôt après,
en supposi'.nt que Dieu a appelé Adam dans
le i)aradis, et (ju'il l'en a chassé, de peur
tju'il ne mangeât du fruit de l'arbre de vie,
etc. Beausobre répond que le législateur
doit commander ce qui est juste, iors môme
qu'il prévoit que son commandement sera
viulu ; que tout ce que l'on peut exiger, c'est
qu'il ne couiuiaude rien d'injuste ni d'impos-
TES C98
sible. Il observe que Dieu appelle Adam
pour lui faire sentir qu'il se cachait inutile-
ment, et pour lui infiiger la peine qu'il méri-
tait; que Moïse, qui a parlé si dignement de
la majesté divine, n'a pas pu lui attribuer
deux passions aussi basses ((ue la crainte et
la jalousie. — Ceisc av.iit l'ait à peu près
les mêmes reproches que les manichéens,
contra Cels., I. iv, n. 36. Origène n'y répond
qu'en passant, il renvoie au commentaire
qu'il a\ait fait sur les premiers chapitres de
la Genèse; malheureusement cet ouvrage ne
snbsisie plus. Une preuve qu'il ne s'y était
pas borné à îles explications allégori(iues,
c'est qu'il fait contre Celse la même réllexion
que Beausobre sur la conduite du législateur,
n. 4-0; il soutient que la chute du premier
homme a été non-seulement très-réelle, mais
que son jiéché a passé el se transmet à tous
ses descendants ; il a souvent fait remarquer,
aussi bien que Beausobre, la dignité , l'é-
nergie, les expressions sublimes par les-
quelles Mo'i'sc représente la grandeur de
Dieu.
C° Les manichéens soutenaient qu'il n'y a
dans les prophètes hébreux aucune pro-
phétie qui regarde proprement et directe-
ment Jésus-Christ, que sa qualité de Fils de
Dieu est suffisamment prouvée par ses mi-
racles et par le témoignage formel de son
Père; ils détournaient le sens des prophéties
selon la méthode des juifs. Beausobre ne
s'est pas attaché à réfuter leurs explications ;
il s'est borr»é à dire que les Pères, par leur
affectation de tourner tout en allégories, fa-
vorisaient infiniment les prétentions des
manichéens. Mais, puisqu'il a cité l'extrait
de l'ouvrage d'Origène intitulé Pkilocalia,
il a pu y voir, p. 4 et suiv., que ce Père
soutient le sens littéral de plusieurs pro-
phéties qui regardent directement Jésus-
Clirist, et desquelles les juifs s'altachaieut
à donner de fausses explications. Avant de
censurer avec tant d'aigreur le goût excessif
d'Origène pour les allégories, il aurait du
moins fallu examiner les raisons par les-
quelles il prouve la nécessité de recourir
souvent au sens figuré. C'est 1° parce que
les auteurs du Nouveau Testament en ont
donné l'exemple; 2" parce que telle a été la
méthode de tous les anciens sages el des
philosophes; 3° parce que Dieu a voulu
laisser à Jésus-Christ le soin de développer
ce qu'il y avait de cache et de mystérieux
dans la loi; 4" parce qu'il y a non-seulement
dans l'Ancien Testament, mais encore dans
le Nouveau, des préceptes et des expressions
que l'on ne peut prendre à la lettre, sans
tomber dans des absurdités grossières; 5"
parce qu'en s'aliachaiit trop au sens gram-
matical, les juifs détournent les conséquen-
ces de toutes les prophéties, et que les hé-
rétiques y trouvent de quoi autoriser toutes
leurs erreurs. Il nous i)araît qu'aucune do
ces raisons n'est absolument fausse ni ab-
surde.
L'on y oppose, 1° que par la licence d'al-
légoriser, il est encore plus aisé aux juifs
et aux hérétiques de pervertir le sens des
699
TES
Ecritures. Soit pour un moment ; que s'en-
suivra-l-il ? Qu'il faut g;arder un sage mi-
lieu ; mais qui le fixera, si i'Ei^lisc ne jouit
à ce sujet d'aucune autorité, couime le sou-
tiennent lesprotoslJinis ? 2° Que lesécrivains
du Nouveau Teslamenl étaient en droit de
donner des explications alié^oriques, parce
qu'ils étaient itisjjirés de Dieu, .ju lieu que
les Pères ne l'élaicnt pas. La question est de.
s.-ivoir si une inspiration était nécessaire aux
Pères pour juger qu'il leur était permis,
qu'il était même louable d'iiniler la manière
d'inslruiie des apôtres et des évangélisles;
les protestants prouveronl-ils cette néces-
sité? 3' Que par des allégories forcées les
philosophes venaient à bout de donner un
sens raisonnable aux fables les plus absur-
des. Origène a ré| ondu solidement a cette
objection ; il fait voir que les fables païennes
tournées eu allégories étaient toujours des
leçons scandaleuses et pernicieuses aux
mœurs, au lieu que les allégories tirées de
l'Ec rilure sainte sont toujours édifiantes et
destinées à porter li>s hommes à la vertu,
contra Cels., I. iv, n. 48. Lui-même n'en a
jam;iis fait que de celle espèce. 11 s'en faut
donc beaucoup qu'Origène ait jamais auto-
risé la licence excessive en fait d'allégories.
En premier lieu, il ne veut pas que l'on en
use lorsque la lettre n'olTre rien qui soit
absurde, impossible, indigne de Dieu, Plii-
local., \i. 15. lîn second lieu, il veut que l'on
expose d'abord au\ plus simples la lettre de
l'Kcriture qui en est comme l'écorce, et que
l'on réserve la connaissance du sens le plus
profond à ceux qui ont le plus d'intelli-
gence ;il se fonde sur l'autorité et surl'exem-
ple de saint Piiul, p. 8. Eu troisième lieu,
il exiije i\ue toute explication allégorique
tourne à l'édification des nia?urs. Avec ces
trois précautions, qu'y a-l-il de répréheu-
sible dans la méthode d'Origèiie ?
Mais Beausobre voulait absolument le con-
damner; il lui reproche l'ignorance et la
présomption, pour avoir dit que les deux
animaux nommés grypsci iraijelaphqs n'exis-
tent pas dans la nature. Tout ce que l'on en
peut conclure, c'est que ces deux animaux
n'étaient pas connus du temps d'Origèue, et
que Bochart, qui les a connus, était plus
habile naturaliste que ce Père. La découverte
de l'Amérique, les voyages au Nord, aux
terres australes, aux Indes et à la Chine,
nous ont fait connaître une infinité d'objets
dont 1rs anciens ne pouvaient avoir aucune
idée; mais n'est-ce pas un juste sujet d'in-
dignation de voir des écrivains modernes
traiter les anciens d'ignorants, parce qu'ils
ont sur eux l'avantage d'être nés quinze ou
dix-huit cents ans plus tard ? — Si les mar-
cionites et les manichéens , dit Beausobre,
avaient eu affaire à nos savants modernes,
leurs hérésies n'auraient pas fuit tant de
progrès, Mo'ïse et les prophètes auraient été
défendus avec plus de succès. C'est ici que
l'on voit la présomption. Nos habiles mo-
dernes ont-ils converti plus d'hérétiques que
les Pères de l'I'glise ? Un homme à sys-
tème, un bérétique ignorant, un dispuleur
Tt:s 7(u,
obstiné, ne cèdent à aucune raison , ils ne
veulent être ni détrompés ni convaincus ;
nous le voyons par l'exemple des protes-
tants. Ceux-ci ont beau déprimer les Pères
de l'Eglise; les ouvrages de ces grands houi-
njcs inspireront toujours à un lecteur sensé,
et non prévenu , de l'admiration pour leurs
talents, de la reconnaissance pour les ser-
vices qu'ils ont rendus à la religion, et de
la vcnéraiion pour leurs vertus.
Comme dans les desseins de Dieu l'Ancien
Testament était un préliminaire et un prépa-
ratif du Nouveau, il a été très-convenable
que Dieu en fît mettre par écrit les disposi-
tions , les conditions , les promesses , et
(lu'clles nous fussent transmises par Mo'ïse
lui-même et par les autres hommes qu'il
avait choisis pour aniioncer ses volontés.
Dieu S'a fait, et leurs livres sont au nombre
de quarante-cinq ; savoir, ceux que les Juifs
ont nommés /'( loi , qui sont : la Genèse ,
VExode, le Lévilique, les Nombres, le Deit-
tëronome ; Moïse en est l'auteur, nous l'a-
vons prouvé au mot Pentatelquiî. Les li-
vres historiques sont: Josué,\es Juges, Rutli,
les quatres livres des Rois, les deux livres
des Paralipomcnes, les deux livres â'Esdras,
Tobie, Judith, Esllier, les deux livres des
Alackabées. Les livres moraux ou sapientinux
sont : Job, les Psaumes, les Proverbes, ['Ec-
clésiaste, le Cantique, la Sagesse, VEcdé--
siasliijue. Les quatre grands proplièlés sont :
Jsaïe, Jérémie et Ihiruch, Ezéchiel, Daniel.
Les douze petits prophètes sont : Osre, Joël,
Amos, Abdias, Jouas, Michée, Nnhum, Hn-
bacuc, Sophonie, Agye'e, Zncharie et Mnla-
cliie. Nous avons parié de chacun de ces ou-
vrag.s sous son nom particulier. — Les
Juifs n'admettent pour authentiques et ne
regardent comme parole de Dieu que ceux
qui ont été écrits en hébreu, préjugé qui n'est
fondé surrien: carenfin Dieu a pu sans doute
inspir'erdes hommes pour écrire engrecou en
toute autre langue. Miiis , comme les juifs
sont encore aujourd'hui persuadés que Dieu
n'a jamais parlé qu'à eux et pour eux, ils
ne veulent recevoir pour livres sacrés que
ceux qui ont été écrits dans la langue de
leurs pères. Si telle avait été l'intention de
Dieu, sans doute il aurait conservé cette
langue toujours >ivante et toujours usitée
parmi eux: c'est ce qui n'est pas arrivé; il
était prédit par les prophètes que toutes les
nations seraient amenées à la connaissance
du vrai Dieu par les leçons du Messie;
mais il ne leur a été ordonné nulle part
d'apprendre l'hébreu.
Nous sommes d'autant plus étonnes de
voiries protestants confirmer le préjugé des
juifs, f|ue quand il s'agit de savoir comment,
en quel temps et par qui a été formé le
canon ou le catalogue des livres reçus
comme diviiis par les juifs, on ne trouve
rien d'absolument certain. Foy. Canon, § h.
Comme les livres de l'Ancien Testament
contiennent les seules véritables origines du
genre humain et une infinité de détails his-
toriques sur les premiers âges du monde,
ces livres intéressent essentiellement toutes
;(ii
TES
TFS
70i
les nations. Quand on voudrait oublier qu'ils
s(,nl les seuls qui nous apprennent avec cor-
liluile la naissance, les progrès, les divers
périoiles de la vraie religion, l'on serait en-
core oblijié de les lire, ponr remonter à
l'origine des nations anciennes, pour eon-
n-n'lri" leurs mœurs, leurs usiges, la déri-
vation des lanjzucs, les divers états de la sn-
ciélé civile et dos sciences humaines, etc.
Hors de là on ne trouve que des ténèbres,
des fables, des systèmes frivoles, qu'il est
aussi aisé de renverser qu'il l'a été de les
construire. Voij. Histoire sainte.
Testament (Nouveau). L'on appelle ainsi
le nouvel or Ire do choses qu'il a plu à Dieu
d'établir par Jésus-Christ son Fils, ou la
nouvelle alliance qu'il a voulu contracter
avec les honiuies par la médiation de ce
divin Sauveur. Ce Testament n'est pas nou-
veau dans ce sens que Die u en ail f')rmé le
dessein récemment , sans l'avoir annoncé
dans les siècles précédents, sans en avoir
prévenu le genre humain et sans l'y avoir
préparé ; nous avons prouvé le contraire
dans divers articles de notre ouvra^^e, et
nous allons le confirmer p :r le témoignaqa
formel des apôtres. Mais ce Testament était
nouveau dans ce sens que Dieu nous a don-
né par Jésus-Christ des leçdns plus claires,
des lois plus parfaites, des promesses plus
avantageuses , une espérance plus ferme,
des motifs d'amour plus louchants, des grâ-
ces plus abondanles qu'aux Juifs, et qu'il
exige de nous des verius plus sublimes. En
effet, saint Paul appelle cette nouvelle al-
liance VUvanijile ou l'heureuse nouvelle
que Dieu avait promise auparavant par ses
prophèies dans les saintes Ivritures, linm.,
C. I, v. 3 : il dit que c'est la révélation du
mystère que la sagesse de Dieu avait tenu
c.iché, mais qu'il avait prédestiné avant
tous les siècles ponr notre gloire, / C^or.,
c. II, V. 7; que dans la plénitude des temps
Dieu a fait connaître les mystères de ses volon-
tés, et le dessein qu'il a eu de tout rétablir
en Jésus-Christ, dans le ciel el sur la terre,
Eplies., c. I, V. fi. el 9 ; que les fidèles sont
les vrais enfants d'Abraiiam et les héritiers
des promesses qui lui ont été faites, Gnial.,
c, III, V. 29. Saint Pierre lient le même lan-
gage, EpUl. I, c. I, V. 10 et 20. Saint Paul
ajoute que la loi ou l'Ancien Tesltiment a
été notre pédagogue ou notre instituteur
en Jésus-Christ, aiin que nous fussions jus-
tifiés par la foi ; Galat., c. m , v. i'*. Com-
ment cela? Parce que les prophélies qui dé-
signaient Jésus-Christ nous disposaient à
croire en lui, en voyant qu'il portait les
caractères sous lesquels il avait élé an-
noncé ; en seconil lieu, parce qu'il nous
montrait dans les anciens justes un modèle
de la foi qui doit animer (ouïes nos actions.
Hebr., c. si et xii.
Par là nous comprenons ie vrai sens de la
doctrine do saint P.iul lorsqu'il fait la com-
paraison des deux JVs/amcH^s et qu'il oppose
l'un à l'autre, Gtilnt., c, iv, v. '22 et seq. H
dit que nous en voyons la figure dans les
deux ealauls d'Abraham, que l'uu était lils
dune esclave, l'autre dune épouse libre;
que le premier élai! né selon la chair, le se-
cond en vertu d'une promesse. Il dit que le
Testament donné sur le mont Sinaï engen-
drait, comme Agar, des esclaves; que le
nouveau, publié à Jérusalem, fait naître des
enf;in(s libres et des héritiers de la promesse
divine; que nous ne sommes plus des es-
claves depuis que Jésns-Christ nous a mis en
liberté, etc. Si l'on prend lotîtes ces expres-
sions à la lettre et dans on sens absolu, on
mol l'Apôtre en contradiction avec l'Hcriturc
sainte cl avec lui-même. Kn elTel , Isaac ,
quoique enfant d'une épouse libre, était né
d'Abraham, selon la chai^, tout conune Is-
maël, et celui-ci était venu au monde, en
vertu d'une promesse aussi bien qu'Isaac,
Avant la naissance du premier, Dieu avait
dit à Abraham, Gen., c. xii v.âel 3 -.Je vous
rendrai père d'un ijrand peuple... Toutes les
nationsde la terre seront bnues en l'oits.Dieu
lui donna en effet par l^maël une posiérilé
nombreuse et qui na jamais élé esclave,
mas le plus indépendant de tous les peu-
ple.. A la vérité, la seconde partie de la pro-
messe ne regardait pas Ismaél; ce n'est pas
de lui, mais d'Isaac, que devait descendre le
Messie, auteur des béiiédidions que Dieu
destinait à toutes les nations. Saint Paul lui-
même dil, Rom. c. ix, v. 4, que les Juifs ont
reçu Vadoplion des enfants, ou le lilre d'en-
faiils adoplifs. Uegarderons-nous comme des
esclaves Moïse, Josué , Gédéon , Barac,
Samsun , Jeplité, David, Samuel et les pro-
phètes, qui par la fui ont conquis des royau-
mes, ont pratiqué la justice, ont reçu les pro-
messes, ont fermé la gueule des lions, etc.?
[Hebr., XI, v. 32). Saint Paul dil dans ce pas-
sage qu'ils ont reçu les firomessos, et, v. 39,
qu'ils ne les ont pas reçues ; est-ce une con-
tradiction? Non sans doute : ils les ont re-
çues, puisqu'ils y oui cru, qu'ils en ont es-
péré et désiré l'accomplissement ; mais ils
n'en ont pas reçu entièrement les effets qui,
DC doivent cire plci; eoienl accomplis que
sous l'Evrn^ile. Il est donc évident qu'il ne
faut pas prendre dans la rigueur des ter-
mes tout ce que dit saint Paul au désavan-
tage de l'Ancien Tcslaioenl , qu'il faut ie
comparer av>c ce»-qu'il dil ailleurs en faveur
de celle même alliance, qu'entre les grâces
de la nouvelle el celles de l'ancienne il n'y a
de différence, à proprement parler, que du
plus au moins, puisque les unes el les au-
tres soûl également l'effet des mérites de
Jésus-Christ. Nous répétons celle reOexion,
parce que, malgré l'évidence de la chose, il
se trouve encore dos théologiens el des com-
moiilatours qui s'obslinenl à déprimer l'An-
cien Testament, afin de relever les avanta-
ges du Nouveau, comme si Dieu n'eiait pas
l'autour de l'un et de l'autre, c:»nirae si Jé-
sus-Christ n'était pas le grand objet de tous
les deux, comme >i le second avait besoin
de conlrasler avec le premier pour exciter
notre foi el noire reroimaisanee. Au mot
Ji baÏsme, § '*, nous avons fait voir que saint
Augustin ne leur a pas donné l'exemple d^
celle cooduile.
705
TES
TET
704
Dès que Dieu avait fait mettre par écrit
l'histoire, les promesses, les conditions, les
privilèges de l'Ancien Testament, il était en-
core plus convenable qu'il en fût de même
à l'égard du Nouveau, parce qu'à l'avène-
ment de Jésus-Christ les lettres et les con-
naissances humaines avaient fait beaucoup
plus de progrès qu'au siècle de Moïse. Ce-
pendant ce divin maître n'a rien écrit lui-
même, il en a laissé le soin à ses apôtres et
à ses disciples ; nous ne voyons pas même
qu'il leur ail ordonné de rien écrire. Aussi
ces envoyés du Sauveur ne nous ont pas
laissé un aussi t;rand nombre d'ouvrages
que les écrivains de l'Ancien Testament.
Ceux qui ont été déclarés canoni(]ues par
le concile de Trente sont au nombre de
vingl-sepi ; savoir : les quaire Evangiles, de
saint Mallhicu, de saint Marc, de saint Luc,
de saint Jean; les Actes des apôtres; qua-
torze Lettres et E|)îtres de saint Paul ; savoir,
aux Homuins, I" et iTaux Corinthiens, aux
Galales, aux Ephésiens, aux Philippiens,
aux Colossiens , 1" et ii" aux Thessaloni-
ciens, i" et ii' à Timoihée, à Tile, à Philé-
mon, aux Hébreux ; les Epîtres c.inoniques,
savoir : une de saint Jacques, V et ii' de
saint Pierre, i", n° et m' de saint Jean, et
une de saint Jude, enfin l'Apocalypse de
saint Jean. Nous avons parlé dlechacun deces
écrits en particulier ; aux mots Apocryphes
et Evangile, nous avons fait mention des li-
vres de l'Ancien et du Nouveau Testament
qui ne sont pas canoniques ou que l'Eglise
ne reconnaît point comme sacrés.
Testameht des douze patriarches. Ou-
vrage apocryphe, composé en grec par un
juif converti au christianisme, sur la fin
du i" ou au commencement du ii" siè-
cle de l'Eglise. L'auteur y fait parler l'un
après l'autre les douze enfants Ap Jacob ; il
suppose (]u'au lit de la mort, à l'exemple de
leur père, ils ont adressé à leurs enfants
les prédii tions et les instructions qu'il rap-
porte. Celte fiction n'a rien de blâmable, il
n'y a aucune raison de penser que cet au-
teur a eu le dessein de persuader à ses lec-
teurs que les douze patriarches ont vérita-
tablement tenu les discours qu'il leur prête.
Platon dans ses Dialogues fait parler Socrate
et divers autres personnages de son temps ;
Cicéron a fait de même dans la plupart de
ses livres philosophiques ; on a donné de
nos jours les Entretiens de Phocion et d'au-
tres ouvrages de même genre, personne n'y
a été trompé et n'a été tenté d'accuser d'im-
poslure ces divers écrivains. On ne peut pas
douter de l'anliijuité du Testament des douze
patriarches. Origène, dans sa première Ho-
mélie siir Josui', témoigne qu'il avait vu cet
ouvrage et qu'il y trouv.iil du bon sens;
Grabe est persuadé que Terlullien l'a aussi
connu ; il conjecture même que saint Paul
en a cité quelque paroles, mais ce soupçon
est peu fondé. Pendant longtemps ce livre a
eié inconnu aux savants de l'Europe et
même aux Grecs; ce sont les Anglais qui
nous l'ont procuré. Robert Grosse-Tesle,
Évéque de Lincula, en avant eu connais-
sance par le moyen Je Jean de Basingesta-
kes, archidiacre de Légies, qui avait étudié
à .Mhènes, en fit venir un exemplaire en
Angleterre, et le traduisit en latin par le se-
cours de Nicolas, Grec de naissance , et
clerc de l'abbé de Sainl-Alban , l'an 1252.
Depuis il a élé donné en grec avec la tra-
duction, par Grabe, dans son Spicilége des
Pères, en 1698, et ensuite par Faliricius
dans ses Apocri/phes de l'Ancien Testament.
L'au'eur de ce livre rapporte dilTéren-
tes parlicniarilés de la vie et de la mort
des patriarches (lu'il fait parirr, mais des-
quelles il ne pouvait avoir aucune certitude ;
il l'ait mention de la ruine de Jérusalem, de
la venue du Messie, de diverses actions de
sa vie, de sa divinité, de sa mort, de l'obla-
lion de l'eucharistie, de la punition des Juifs,
des écrits des évangélistes, d'une manière
qui ne peut convenir qu'à un chrétien. Trois
ou quaire plissages dans lesquels il ne s'ex-
prime pas assez corredement touchant la
naissance et la mort du Messie, el sur la
voix du ciel qui se fit entendre à son bap-
tême, nous paraissent susceptibles d'un sens
orthodoxe. Mais on ne peut pas nier qu'il
n'ait encore été imbu des opinions el des pré-
jugés qui régnaient de son temps parmi les
Juifs hellénistes. Voy. Spicileoium Pafrum
sœculi I, p. 12!) et seq
Il y a encore eu plusieurs autres Testa-
ments apocryphes cités par les Orientaux :
tel est celui des trois patriarches, ceux d'A-
dam, de Noé, d'Abraham, de Job, de Moïse,
de Salomon ; la plupart avaient élé composés
par des hérétiques pour répandre leurs er-
reurs.
TÈTE. Ce mot en hébreu se prend dans
plusieurs sens figurés et métaphoriques ,
aussi bien qu'en français. 11 signifie, l°-le
conjmenceaienl; Gen. c. ii, v. 10, il est dit
d'un fleuve qu'il se divisait en quatre télés
parce qu'il donnait la naissance à quaire
bras. 2° Le sommet, la partie la [ilus élevée
d'un lieu ou d'une chose. 3° Un chef, celui
qui commande aux autres, cl l'autorité qu'il
exerce, la capiUile d'un empire, k" Le prin-
cipal soutien d'un édifice, Ps. cxviii, v. 22,
etc. La tête de l'angle, ou la pierre angulaire,
désigne Jésus-Chrisl, Matth., c. xxi, v. 42,
etc., parce qu'il est le seul chef, le fonde-
ment et le soutien de son Eglise. 5° Ce
qu'il y a de meilleur; Exod., c. xxx, v. 23,
les parfums de la tête sont les parfums les
plus exquis. G° Le total d'un nombre que
nous appelons la somme, Exod., c. xxx, v.
12, ou la répétition sommaire de plusieurs
choses, que nous nommons récapitulation,
1' Les dilTérenls corps ou bataillons dont
une armée est composée, Jud., c. vu, v. 16,
parce qu'ils se subdivisent en plusieurs par-
ties. Dans un sens à peu près semblable nous
appelons chapitre, capita, les divisions d'un
livre qui contiennent plusieurs articles ou
sections. 8" Dans le Ps. xl, v. 8, et Hebr.,
c. X, V. 7, nous lisons : In capite libri scri-
plum est de me; caput ne signifie pas là im
chapitre, mais la totalité des Ecritures sain-
tes. 9° Caput et cauda signifie les premiers
705
ÏEX
TEX
700
et les derniers, Deut., c. xxviii, v. 13, etc.
10* f.a Ifle des aupics. Job. c. xx, v. 16,
est le poison des serpents. Ce mot se trouve
dans plusieurs phrases |iroverbi;iies dont il
est aisé d'apercevoir le sens. Marcher la
télé baissée, c'est gémir dans la tristesse, Je-
ren).,c. ii, v. 10; rouiber la tête, c'est affec-
ter un air mortifié ; Jsaïe, c. Lviii, v. .'i. dit
que le jeûne ne consiste point à baisser la
télé et à la tourner comme un cercle; c'é-
tait un gejite des Juifs hypocrites. Lever la
léte, c'est leprendre courage, Eccli., c. xx,
V. 11, ou s'enorgueillir. Elever la télc de
quelqu'un, c'est le tirer de l'Iiuniiliatioii et
le remettre en honneur. IV Reg., c. xvii, v.
27; lui parfumer la léte, c'est le combler de
biens, Ps. xxii, v.5; lui raser la léie, decnl-
vare capul, c'est le couvrir (rignoininie ,
Jsaie, c. III, v. 17, etc.; secouer la tête est
quelquefois un signe de mépris, 71' lldj., c.
XIX, d'autres fois une marque de joie et de
feiicitalion ; les parents de Job, après sa
guérison et apiès le rélablissemenl de sa
fortune, vinrent le féliciter, et secouèrent la
télé sur \m, Job, c. xlii, v. 11; se raser la
léte élaii une marque de deuil, Levit., c. x,
V. G ; il n'était permis aux prêtres de le faire
qu'à la mort de leurs plus proches parents,
c. xsi, V. 5. Quelquefois aussi on se cou-
vrait la tête dans des inoinents d'aflliction.
Il lieg., c. XIX, V. V. Il éiail naturel de ca-
cher l'altération qu'un chagrin violini pro-
duit dans les traits du visage. Donner de la
télé à quelque cliose, c'est s'y obstiner; les
Juifs, dit Esdras, c. ix, v. 17, se mirent dans
la tète, dcderunl capul, de retourner à leur
ancienne servitude. On peut voir dans le
Dictionnaire de l'Académie que la plupart
de ces manières de parler ont lieu dans no-
ire langue, ou y sont remplacées par d'au-
tres semblables.
TÉTHADIl'ES. t^e nom a été donné à plu-
sieurs sectes d'hérétiques, à cause du res-
pect qu'ils atfeclaieni pour le nombre de
quatre, exprimé en grec parxsT/jK. On appe-
lait ainsi les sahbataires, parce qu'ils célé-
braient la pàque le quatorzième jour do la
lune de mars, et qu'ils jeûnaient le mer-
credi, qui est le quatrième jour de la se-
maine. On nomma île même les manichéens
et d'autres qui admettaient en Dieu quatre
personnes au lieu de trois; enfin les secta-
teurs de Pierre le Foulon, parce qu'ils ajou-
taient au tris.igion quelques paroles par les-
quelles ils insinuaient que ce n'olait pas
une seule des personnes de la sainte Tii.iiié
qui avait souffert pour nous, mais la Divi-
nité tout entière. Voy. Patripassiens, ïui-
SAGION, etc.
TÉTUAC.AMMATION. Voy. JÉuovAn.
'l'ETKAODlON, hymne des Grecs compo-
sé de quatre parties, et qu'ils chantent le sa-
medi.
TÉTRAPLES d'Origène. Voy. Hexaplks.
TEXTE DE L'ÉCKITURE SAINTE. Ce
tenue se prend en différents sens. 1° Pour la
langue dans laquelle les livres saints ont
été écrits, par opposition aux traductions
ou versions qui ont été faites. Ainsi le texte
hébreu de l'Ancien Testament et le texte grec
du Nouveau sont les originaux sur lesquels
les traducteurs ont fait leurs versions, et
c'est h ces sources qu'il faut recourir pour
voir s'ils en ont bien rendu le sens. 2* Pour
cette même Ecriture originale, par opposi-
tion aux gloses ou aux explications que l'on
en fait, en quel(|ue langue qu'elles soient
écrites : par exemple, lors()ue le texte porte
que Dieu se fâcha, ou qu'il se repentit, la
glose avertit (lu'il faut entendre que Dieu
agit comme s'il eût été fâché ou comme s'il
se fût repenli.
Le texte original de tous les livres de l'An-
cien Teslanirnt compris dans le canon ou
catalogue des Juifs est l'hébreu : mais l'E-
glise chrétienne reçoit aussi comme canoni-
ques plusieurs livres de l'Ancien Test.iment
qui passent pour avoir été écrits en grec, ou
dont l'original hébreu ne subsiste plus : tels
sont les livres de la Sagesse, de l Hcclésias-
tique, Av Tobie, de Judith, des Macluibées,
une partie du chapitre m de Daniel, depuis
le V. 2'* jusqu'au v. 91, les chapitres xiii et
XIV de ce même prophète, et les additions
qui se trouvent à la fin du livre iVEsther. Il
paraît cerlain que Tobie, Judith, VEvclé-
siiislique et le premier livre des Machabées
ont été originairement écrits en hébreu tel
qu'on le parlait pour lors parmi les Juifs; il
n'en est pas de même du livre de la Sagesse
et du second des Machabées. Nous avons
parlé de ces divers ouvrages sous leur titre.
Pour les livres du Nouveau Testament, le
texte original est le grec; quoiqu'il soit cer-
tain que saint Matihieu a écrit son Evangile
en hébreu, nous ne l'avons plus dans celle
langue. Quelques-uns onl cru que celui de
saint Marc et l'Epître de saint Paul aux Ro-
mains avaient été d'abord écrits en latin ;
mais il y a des preuves du contraire. L'opi-
nion de ceux qui ont imaginé que l'Epilre
aux Hébreux leur avait été adressée dans
leur langue, et que l'Apocalypse de saint
Je m avait été composé en syriaque, n'est
pas mieux fondée. Celle du P. Uaidouin,
qui a soutenu que le latin est la langue
originale du nouveau Testament, et que le
grec n'est qu'une version, n'a entraîné per-
sonne.
On ne peut pas méconnaître un Irait sin-
gulier de la Providence divine dans la con-
servation du texte hébreu de l'Ancien Testa-
ment, malgré les révolutions terribles arri-
vées chez les Juils. Depuis qu'ils eurent été
divisés en deux royaumes, plusieurs de leurs
rois , devenus idolâtres , semblaient avoir
conjuré la ruine de leur religion, aucun ce-
pendanl n'est accusé d'en avoir voulu dé-
truire les livres ; les adoralcurs du vrai Dieu
el les prophètes, qui ont vécu sous l'une ou
l'autre domination, les ont toujours gardés
el en onl f.iit la règle de leur conduite. Na-
buchodonosor brûla le temple el la ville de
Jérusalem; mais les livres saints furent con-
servés dans la Judée par Jérémie, et furent
emportés par les saints personnages que
l'on conduisit en captivité ; Ezécliiel et Da-
niel ne les perdirent jamais de vue. -Vorès le
m TEX
retour, les rois de Syrie résolurent d'abolir
le juJ;iïsme, tnnis les livres saints furent
préservés de leurs attentats ; cent ans aupa-
ravant ih avaient été traduits en grec et dé-
posés dans la bibliothèque d'Alexandrie. Le
plus grand danger qu'ils aient couru a été
pendant la captivité de Babylone ; aussi
quelques juifs mal instruits ont prétendu
qu'ils avaient absolument péri. L'auteur
iv" du livre d'Esdras, ouvrage apocryphe
et fabuleux, dit, chap. xiv, v. 21 et suiv.,
que les livres saints avaient été brûlés, et
qu'Esdras fut inspiré de Dieu pour les écrire
de nouveau : au mot PuNTàTEugiE, nous
avons fait voir l'absurdité de cette imagina-
tion. Cependant l'on accuse les Pères de lE-
glise de s'éire laissé tromper par ce juif vi-
sionnaire, d'avoir ajouté foi à ce qu'il dil, et
de l'avoir répété; Prideaux cite à ce sujet
saint Irénée, Clément d'Alexandrie, Terlul-
lien, saint Basile, saint Jean Chrysostoine,
saint Jérôme et saint Augustin. Ce fait nié-
riie un moment d'examen, voyons s'il est
vrai.
Nous trouvons dans saint Irénée , odv.
Hœr., 1. III, c. 21 {al. 23), n. 2, que les Ecri-
tures ayant été corrompues, SiCj-Oup-u^rû-j,
Dieu, sous le règne d'Artaxerxès, inspira
à Esdras de rétablir, «votrK/czo-Cai, les livres
des prophètes, et de rentire au peuple la loi
de Moïse. Clément d'Alexandrie semble avoir
copié saint Irénée; Strom., 1. i, é lit. de Pot-
ier, pag. 302, il dit qu'Esdras, de retour dans
sa patrie, rétablit le peuple, fit la recon-
naissance ou le recensement, «•jay^ipiaij.o; , et
le renouvellement des Ecritures divinement
inspirées ; p. 410, il dit que les Ecritures
ayant été corrompues, rîiaySafttawv, pendant
la captivité, Esdras, prêtre et lévite, les
renouvela par inspiration. Or, des livres
corrompus par des fautes de copistes ou au-
trement ne sont pas pour cela des livres
brûlés ou détruits ; pour les rétablir, il faut
les corriger et non les composer de nou-
veau. S'ils avaient été anéantis, il n'y aurait
eu ni reconnaissance ni recensement à faire.
Saint lî;;silt' écrit, Episl. h-2, ad CInlonem,
n. 5 : « Ici est la cainpagnc dans laquelle
Esdras lira de son sein, llYipvjf)i.zo, par or-
dre de Dieu, tous les livres divinement ins-
pirés; » à la vérité, le terme dont se sert
saint Basile est fort, mais ne peut-il pas si-
gnifier tirer de la poussière ou do lobscu-
rité? Un seul mot ne suffit pas pour nous
instruire de l'opinion d'un Père de l'Eglise.
Saint Jean Chrysostonn', Hnm. 8, in Ejiist.
(id llebr., n. 4, Op. t. XII, p. 96, s'exprime
ainsi : « 11 survint des guerres, les livres fu-
rent brûlés ; Dieu inspira un autre homme,
savoir, Esdr;is, pour les exposer et en ras-
sembler les restes. Toutes les copies ne fu-
rent donc pas brûlées, puis<]u'il en restait.»
Voilà ce qu'ont dit les Pères grecs.
Tertullien, de Cullu femin., 1. i, c. 3, rap-
porte qu'après la ruine de Jérusalem par les
Babyloniens, Esdras rétablit tous les monu-
ments de la littérature des Juifs. Saint Jé-
rôme, contra Ilelvid., Op. I. IV, col. I.î4 :
« Dites, si vous voulez, que Moïse est l'au-
TEX
708
teur du Pentaleuque, ou qu'Esdras en est le
restaurateur; je ne m'y oppose point. » Or,
un restaurateur n'est pas un nouveau créa-
teur.
Prideaux devait s'abstenir de citer le livre
de Mirahilib. sacrœ Scrîplurœ, où il est dit
que les livres saints ayant été brû es, Esdras
les refit par le même esprit par lequel ils
avaient été écrits ; les savants éditeurs des
ouvrajjes de saint Augustin ont fait voir que
celui-ci n'est pas de lui, mais d'un auteur
anglais ou irlandais qui a écrit au vii*^
siècle.
Tout cela ne nous paraît pas suffisant
pour prouver que les Pères se sont laissé
tromper par le iv livre d'Esdras, et qu'ils
y ont ajouté foi ; aucun d'eux ne l'a cité,
et peut-être qu'aucun ne l'avait lu : il
nous paraît plus probable qu'ils se sont co-
piés les uns les autres, et qu'ils ont parlé
d'après l'opinion des juifs. Mais supposons
ce que veut Prideaux : il s'ensuit que, sur
le fait en question, le témoignage des Pères
ne prouve rien ; dans ce cas, nous lui de-
mandons oîi il a puisé ce qu'il dit des tra-
vaux d'Esdras sur l'Ecriture sainte. Il pré-
tend que ce Juif ramassa le plus grand nom-
bre d'exemplaires qu'il put des livres sacrés,
qu'il les confronta, qu'il en corrigea les fai-
tes, qu'il rangea les livres par ordre, qu'il
eii fit le canon, et qu'il en donna une édition
très-correcte. Les juifs, dit-il, et les chré-
tiens s'accordent à lui en faire honneur.
Mais ces chrétiens ne peuvent être autres
que les Pères dont nous venons de parler,
et il a commencé par ruiner leur témoi-
gnage; reste celui des juifs seuls, et nous
ne lui trouvons point d'autre fondement
que; le iv" livre d'Esdras, qui n'a aucune
autorité. Il fallait donc mieux avouer que
nous no savons pas ce qu'Esdras a fait ou
n'a pas fait, puisqu'aucun monument au-
thentique no peut nous en instruire; il n'en
dit rien lui-même dans son livre, et Josèphe,
qui l'a copié, n'en dit pas davantage. Pri-
deaux ajoute qu'admettre le miracle sup-
posé par les Pères est un moyen très-propre
à ébranler la foi, les pyrrhoniens ne man-
queraient pas de dire qu'Esdras, prétendu
inspiré, n'a été qu'un imposteur qui a don-
né aux Juifs comme livres divins des ou-
vrages qu'il a forgés. Déjà ils le disent en
effet. Mais ils demandent aussi quelle certi-
tude on peut avoir qu'Esdras a été inspiré
pour discerner les livres qui ont dû être pla-
cés dans le canon, d'avec ceux qui n'ont pas
dû y entrer, pour choisir entre les variantes
des copies celles qui méritaient la préfé-
rence, et pour attester aux Juifs que ces li-
vies, et non d'autres, étaient la parole de
Dieu; Prideaux ne satisfait point à cette dif-
ficulté. 11 fournit encore des armes aux in-
crédules en supposant que, sous le règne de
Josias, il ne restait que le seul exemplaire
des livres de Moïse, qui était gardé dans le
temple, et que le roi, non plus que le pon-
tife Helcias, ne l'avaient jamais vu. Au mot
PENTATEDQtE, uous avous réfuté cette fausse
supposition.
709
TKX
TEX
710
Il nous paraît beaucoup plus rimpio de
peiispi' que les livres iaiiils n'on', jamais été
oubliés ni négligés parmi "es. Juifs, parce
que ces livres renfarmaieiit riiistoire, les
lois, les lilres (îo. posseijion, les généalo-
gies, aussi bien que la croyance et !a reli-
{^ion (Je toute la nation ; que les -îujots iJu
royaume d'Israël, eniiueiiés en captivité par
Saiuianazar, cil avaient em; ^ileavoc eux
lies exemplaires en Assyrie, de Mér.ie que
Groiit ceux du royaume de Juda transpo<"lés
à Babylone par ÎSabucliodonosor. Les pre-
miers ne revinrent point dans la Judée sous
Cyrus, ils conservèreut au delà de l'Eu-
ptirale les élablissemenls qu'ils y avaient
formés ; Josèplu' altesle (ju'ils y étaient en-
core de son temps, Aniiq, Jiid., I. xi, c. 5.
Ces Juils de la iiabylonic et de la Méilie ont
continué à suivre leur rrligion cl leur loi,
ils oui conservé des relations avec ceux de
la Jiidée, il n'y iivail entre eux aucun sujet
d'inimilié. Après la prise de Jérusalem sous
\'espasien et la dispersion des Juifs sous
Adrien, ceu'ff qui se reliièrenl dans la l'erse
savaient bien qu'ils n'allaient pas dans un
pays iiiconnu ; ils élaienl sûrs d'y trouver
leurs frèies. S'il nous esl permis de former
des conjectures, ce sont ces Juifs d. venus
Ch.ildcens qui, les premiers, ont adopté les
caraclères clialduïques, qui les ont commu-
niqués aux nouveaux venus, et insensible-
ment à toute 11 nation juive. Mais les juifs
uiodernes se sont obstinés à meltre .sur le
compic d'Ksdras tout ce qui s'est fait chez
eui. depuis la captivité , et les protcslanls
ont adopté la plupart de leurs visions.
Ui.e nuire queslou est de savoir si, de-
puis la venue de Jésus-Ciirisl, les juifs ont
currotniju malicieusement le lexle liébreu
de rVnci'in Teslamenl, afin d'esquiver les
lueuyes que les docteurs clnéi.iens en ti-
raient contre eux. (Juelques anci 'ns Pères,
comme saint Justin, Tertullien , Ori;;ène,
saint Jean Cliiysoslome, eu ont accusé les
juifs ; mais ce soupçon n'a jamais été prou-
vé. Ces pères, qui ne connaissaient pour
ai'thentique que la version des Septante et
qui iî: croyaient inspirée, imaginèrent que
tous les passages du texte hélireu qui n'é-
taient pas exactement confornies à cette
version avaient élé altérés ; ils étaient por-
tés à le penser par les fausses csplicalions
que les juifs donnaient aux prophéties, et
qu'ils pielondaienl fondées sur le texte. Mais
cette en jur se dissipa lorsque saint Jérô-
me, après avoir appris l'hébreu, (il voir que
les Septante n'avaient pas toujours rendu
le vrai sens du texte. Jo>èplic, 1. i, rontre
Appion, proteste qu'aucun juif n'a jamais
eu la lém rite de faire la moindre alléralion
dans la lettre des livres sainls, parce que
tous sont persuadés, dès l'enfance, que c'est
la parole de Dieu. Saint Jérôme les a sou-
vent accusés de détourner le si'ns dos pro-
phéties, iiiais il ne. leur reproche point d'a-
voir touché au texte. Saint Augustin observe
que Dieu a dispersé les Juils, afin qu'ils
rendissent témoignage partout de lauihen-
ticilé des prophéties, dont la lellre les con-
damne et a servi plus d'une fois à les con-
vertir, (il! Civil. Dei, 1. XVIII, c. 46, il sup-
pose par conséquent leur fidélité à la con-
server. — Celte question a élé renouvelée
entre les savants du siècle passé. Doin l'ez-
roii, bernardin célèbre, publia en JC87 un
livre intitulé VAnthjuitê des temps rétublie
dans lequel il soutint que, depuis la destruc-
tioii de Jérusalem, les Juifs ont abré"é à
•iessein la chronologie du trxle hébreu de
plus dt; 1500 ans, pour se défendre co.itre
les chrétiens, qui leur prouvaient par rE<ri-
lure et par les Ira iitions juives que le Mes-
sie devait arriver dans le sixième millénaire
du monde, et qu'il éiait venu en iffet à cette
épo(iue. « Pour se tirer de cet arguinenl, dit
dom Pezron, les juifs ont abrégé les dates
du texte hébreu, ils ont donné au monde
près du deux mille ans de durée de moins
(juc les Septante, afin de pouvoir soutenir
que le Messie n'était pas encore arrivé, puis-
que l'on venait seulement de finir le qua-
trième millénaire depuis la création. » De là
cet auteur ciuicluail qu'il faut suivre la
chronolof^ie des Septante, et non celle du
texte hébreu qui est aussi celle de la Vul-
gate ; et il en donnait des preuves qui ont
fait impression sur plusieurs savants. Une
des principales est que, par ce moyen, la
chronologie de l'iicriiure sainte s'accorde
aisément avec celle des nations orientales,
des Chaldéens, des Egyptiens et des Chi-
nois. Dom rUartianay, bénédictin, et le P. Le
Quien, dominicain, ont attaqué le livre de
dom Pezron, ils ont défendu l'intégrité du
texte hébreu et la justesse de la chronologie
qu'il renferme. Il y a eu des répliques de
pari et d'autre, et celte dispute a élé soute-
nue avec beaucoup d'érudition. Si l'on peut
en juger par l'événement, elle esl demeurée
indécise. On a continué depuis à suivre la
chronologie de l'hébreu et de la Vulgate
tomme auparavant, quoiqu'il y ail encore
des savants qui préfèrent celle des Septante.
Au mol Chronologie, nous avons fail voir
que celle contestation ne donne aucune at-
teinte à la vérilé de l'histoire, qu'elle n'in-
téresse donc en rien la foi ni la religion.
11 reste enfin à savoir si le texte hébreu,
tel que nous l'avons aujourd'hui, est assez
pur pour que l'on puisse s'y hier, ou s'il
esl considérablement altéré par les fautes
des copistes. On esl tenté de croire qu'il esl
très-fautif, quand ou a vu l'aveu (ju'en ont
fait les rabbins, les correciions fréquentes
que le P. HoubiganI, de l'Oratoire, a tenté
d'y faire, el les disserlalious cjue le docteur
Kennicoit a publiées sur ce sujet en 17o7 et
1759. C'est pour cela même qu il a donné de-
puis, eu 2 vol. iu-fol., l'édition du texte hé-
breu la plus correcte qu'il lui a élé possible,
avec toutes les variantes que l'on a pu trou-
viT-dans la uiuililudc des manuscrits que
l'on a confroiilés. (Ju'eu est-il arrivé? la
même chose (jui arriva au cominenceinent
de ce siècle, lorsque le docteur .Mill annonça
une nouvelle édition du texte grec du Nou-
veau Testameiil, avee, toutes les variantes
qui se montaient, seloa lui, au nombre de
71
TEX
ÏHK
712
trente mille. On crul d'abord que dès ce mo-
ment le sens du texlc allait devenir incer-
tain, et qne l'on ne saurait plus à quelle.le-
con il fallait s'aliacher. L'événement nous a
convaincus que celle énorme quantité de va-
riantes minutieuses n'a pas jeté de doute
sur un seul passage important. Déjà nous
voyons qu'il en est de même des variantes
du texle hébreu. 11 y a quelques fautes sans
doute dans les manuscrits, et par conséquent
dans les éditions qui y sont conformes ; il a
été impossible que des livres si anciens, et
dont on a fait tant de copies dans les diffé-
rentes parties du monde, eu fussent ai)solu-
menl exempts ; mais elles ne sont pas en
très-grand nombre ni de grande importance,
elles ne louchent pas au fond des choses. Ce
sont quelques dates, quelques noms propres
d'hommes ou de villes, altérés ou changés,
quelques conjonctions ajoutées ou suppri-
mées, quelques pronoms mis l'un pour l'au-
tre, quelques fautes de grammaire vraies ou
apparentes, quelques différences de pronon-
ciation ou d'orthographe, etc. Mais ces dé-
fauts se trouvent dans tous les livres du
monde; il est aisé de les corriger par la com-
paraison des manuscrits ou des anciennes
versions. Si l'on nous permet de dire libre-
ment notre avis, nous pensons que la plupart
des fautes que l'on a cru remarquer dans le
texte hébreu sont imaginaires. Les traduc-
teurs, les commentaieurs, les critiques, les
philologues, ont supposé des fautes comme
ils ont créé des hébraïsnies, parce qu'ils ne
comprenaient pas les dilTérentes significa-
tions d'un mol ou ses différentes prononcia-
tions, parce qu'ils ont fait des règles arbi-
traires de grammaire, parce qu'ils ont cru
que la langue hébraïque a élé immuable
pendant plus de deux mille ans, malgré les
dilTérentes migrations des Hébreux, et mal-
gré les relations qu'ils ont eues avec diffé-
rents peuples. Avant d'ajouter foi à ce mi-
racle, il aurait fallu commencer par le prou-
ver. Yolj. HÉBRAÏSME. Eléments primdtfs des
langues, 6' dissertation. — Au mot Bibles
HÉBRAÏQUES, nous avons parlé des plus an-
ciennes copies et des plus célèbres éditions
du texte hébreu ; et dans l'article suivant,
nous avons donné une courte notion des Bi-
bles grecques.
Texte se dit encore , dans les écoles de
théologie, des passages de l'Ecriture sainte
dont on se sert pour prouver un dogme,
pour établir un sentimenl, ou pour résou-
dre une objection. Dans nos contestations
avec les hétérodoxes, nous ne manquons ja-
mais de citer les textes de l'Ecriture sur les-
quels la croyance de l'Eglise catholique est
fondée.
Dans les sermons, l'on appelle texte un
passage de l'Ecriture sainte, que le prédica-
teur se propose d'expliquer, par lequel il
commence son discours, et duquel il tire son
sujet; suivant la règle, un s. rinon ne doit
être que la paraphrase ou l'explication du
texte. Mais il arrive trop souvent qu'un ora-
teur choisit un texte singulier, qui n'a nul
rapport à la matière qu'il veut traiter, qu'il
y adapte par force en lui donnant un sens
qu'il n'a pas; cela se fait surtout quand on
veut qu'il y ait du rapport entre le sermon
et l'évangile du jour; mais il n'est pa*; défen-
du de prendre un texte dans quelque autre
livre de l'Ecriture sainte. Cela vamlrail peut-
être mieux; l'Eglise, dans son office, fait
usage des livres de l'Ancien Testament aussi
bien que de ceux ilu Nouveau, et les Pères,
qui sont nos modèles, expliquaient égale-
ment les uns et les autres.
TEXTUAIRES. Quelques auteurs ont aus-
si nommé les caraïîes, secte de juifs qui s'at-
tachent uniquement aux textes des livres
saints et qui rejettent les traditions du Tal-
mud et des ratibins. Voi/. Caraïtes.
THABORITES. Voy. Hussites.
THARTAC. Voij. Samaritain.
THAUMATURGE, terme compo«é du grec
e«Oft«, merveille, miracle, et i'pyov, ouvraqe,
action. L'on a donné ce nom, dans l'Eglise,
à plusieurs saints qui se sont rendus célè-
bres par le nombre et par l'éclal de leurs
miracles. Tels ont été saint Gr;'goire de
Néocésarée qui vivait au commencement du
m" siècle, saint Léon de Calanée qui a paru
dans le viii% saint François de Paule, saint
François-Xavier, etc. L'on a souvent objecté
aux protestants que si l'Eglise de Jésus-
Christ était tombée dans des erreurs gros-
sières contre la foi, dès le m" ou le iv" siècle,
comme ils le prétendent. Dieu n'y aurait
pas conservé, comme il l'a fait, le don des
miracles; que, vu l'impression que font sur
tous les hommes cesmerveilles surnaturelles,
il aurait tendu par là aux fidèles un piège
d'erreur. Comment se persuader qu'un hom-
me qui opère des miracles enseigne une
fausse doctrine, pendant que Dieu s'est servi
principalement de ce moyen pour convenir
les peuples à la foi chrétienne? Les protes-
tants ont pris le parti de nier tous ces mi-
racles, de soutenir qu'aucun n'est vrai ni
suffisamment prouvé. On a beau leur repré-
senter que les moyens par lesquels ils les
attaquent servent aussi aux incrédules pour
combattre la vérité des miracles de Jésus-
Christ et des apôtres ; sans s'embarrasser
de cette conséquence, ils persistent dans leur
opiniâlrelé. Yoy. Miracles, § k.
THEANDRIQUE. Du grec etht, Dieu et
v.-.SfiMTToç, homme, l'on a fait théanthrope, qui
signifie Jlomme-Dieu, nom souvent donne à
Jésus-Cliiist par les tbéoloniens grecs, et ils
ont appelé théandriques les opérations di-
vines et humaines de ce divin Sauveur,
terme que les Latins ont rendu par deiviiiles.
Voij. Incarnation. L'on ne sait pas qui est
le premier des Pères de l'Eglise qui a com-
mencé à se servir de ce mot.
Dans la suite les eulychiens ou monophy-
siles , qui n'admettaient en Jésus-Christ
qu'une seule nature composée de la divinité
et de l'humanité, soutinrent aussi qu'il n'y
avait en lui qu'une seule opération, et ils la
nommèrent théandrique, en attachant à ce
terme le sens conforme à leur erreur. Mais
à parler exactement, selon leur opinion, la
nature de Jésus-Christ n'était plus la nature
m
THE
THE
714
divine ni la nature hiim,iinc, c'est une troi-
sième nalure composée ou mclaiigée de l'une
et de l'autre. Par la même raison son opé-
ration n'était ni divine ni humaine; elle ne
pouvait élro appelée Ihénndrique ((ue dans
un sens abusif et erroné. Ce ii'esl pas ainsi
que l'av lient entendu les Pères do rKglise.
Saint Alhanase, pour donner une notion
juste des actions du Sauveur, citait pour
exemple la guérisou de l'avcugle-né et la
résurrection de Lazare; la salive (lUc Jésus-
Christ ût sortir de sa bouche, et de laquelle
il frotta les yeux de l'aveugle, était une opé-
ration humaine; le miracle de lavucremfue
à cet homme était une opération divine : de
même, en ressuscitant Lazare, il l'appela
d'une voix forte en tant qu'homme, et il lui
rendit la vie eu lant que Uicn.
Le nom et le dogme des opérations lliéan-
(lriqii.es furent examinés avec soin .m concile
de Latran, tenu l'an 6'i-!)à l'occasion de l'er-
reur dos monotliélites, qui n'admettaient en
Jésus-Christ qu'une seule volonté. Le pape
Martin I", qui y présidait, e\pli(iua nulle-
ment le sens dans lequel les Pères grecs
avaient employé le mol théandrique , sens
fort différent ile celui qu'y donnaient les
monoiihysites et les mouolhélites; consé-
qucmment l'erreur de ces derniers fut con-
damnée. Mais l'abus qu'ils avaient l'ait d'un
terme n'a pas dû empêcher les théologiens
de s'en servir dès qu'il est susceptible d'un
sens très-orthodoxe.
THÉANTHKOPIE, erreur de ceux qui at-
tribuent à Dieu des qualités humaines; c'é-
tait l'opinion dos païens. Non-seulemml
plusieurs étaient persuadés que les dieux
n'étaient autre chose que les premiers liom-
nu'S qui avaient vécu sur la terre, et dont
les âmes avaient été transportées au ciel,
mais ceux même qui les prenaient pour des
esprits, pour des génies d'une nature supé-
rieure à celle des hommes, no laissaient pas
de leur prêter tous les besoins, les passions
et les vices de l'humanité. Les docteurs
chrétiens n'ont pas eu tort de leur reprocher
que la plupart de leurs dieux étaient des
personnages plus vicieux et plus méprisa-
bles (jue les hommes, que Platon méritait
mieux d'avoir des autels que Jupiter.
Pour décréditer toute espèce de religion et
de notion de la Divinité, les incrédules nous
reprochent d'iniiler le ridicule des païens.
Ils disent que supposer en Dieu l'intelli-
gonce, des connaissances, des volontés, des
desseins; lui attribuer la sagesse, la bonté,
la justice, etc., c'est le revêtir de qualités et
de facullés humaines, c'est faite de Dieu un
homme un peu plus parfait que nous. D'ail-
leurs nos livres saints lui prêlLMit les pas-
sions de l'Iiumanité, l'amour, la haine, la
colère, la vengeance, la jalousie, l'oubli, le
repentir; en.quoi ces notions sont-elles dif-
férentes de celles des païens? Nous soute-
nons que la différence est entière et palpable.
En effet, nous commençons par déuiontrer
que Dieu est l'Etre nécessaire, existant de
soi-même, qui n'a point de cau->e ni de prin-
cipe, puisqu'il est lui-même la cause et le
' DiCT. DE ThKOL. DOGlIATiyUE. IV.
principe de tous les êtres, qu'il ne peutdone
être borné dans aucun de ses attributs ,
puisque rien n'est borné sans cause. 11 est
doue éternel, immense, inlini, souveraine-
ment heureux et parfiit dans tous les sons
et à tous égards, exempt de besoin et de fai-
blesse, à plus forte raison de vi^es et de
passions. L'homme, au contraire, être créé,
dépendant, qui n'a rien de son propre fonds,
puisqu'il a tout rec u de Dieu, ne possède
que ties qualités et des facullés l.cs-iuipar-
faites, parce que Dieu a été le maître de les
lui accorder en tel degré qu'il lui a plu. II
est donc évident que Dieu est non-seulement
un Etre infiniment supérieur à l'homme,
mais un Etre d'une nalure absolument dilTé-
renle de celle de l'homme. D'oij il s'ensuit
que quand l'Ecriture sainte nous dit que
Dieu a fait l'homme à son image, elle veut
nous faire entendre que Dieu lui a donné
des facultés qui ont une espèce d'analogie
avec les perfections qu'il a de lui-même et
de son propre fonds, et dans un degré infini.
Voy. Anthropologie, ANTnnopoPATHrE. Mais
comme notre esprit borné ne peut concevoir
d'infini, et comme nous ne pouvons pas
créer un langage exprès pour désigner les
perfections divines, nous sommes forcés de
nous servir des mêmes termes pour les ex-
primer et pour nommer les qualités de
l'homme; il n'y a là aucun danger d'erreur,
dès que nous avons donné de Dieu l'idée
d'Etre nécessaire; idée sublime, qui le ca-
ractérise et le distingue éminemment do
toutes les créatures.
Cela ne suffit point, répliquent les incré-
dules; les païens ont pu se servir du même
expédient pour excuser les turpitudes qu'ils
attribuaient à leurs dieux. Si le peuple n'a
pas poussé la sagacité jusque-là, du moins
les sages el les philosophes ne s'y sont pas
trompes; ils ont rejeté les fables forgées par
les poêles et crues par le peuple. Mais chez
les juifs et chez les chrétiens le peuple n'est
pas moins grossier ni moins stupide que
chez les païens: il a toujours pris à la lettre
le langage de ses livres ; jamais il n'a été
capable de se former de la Divinité une no-
tion spirituelle, métaphysique, différente de
celle qu'il a de sa propre nature; l'erreur
est donc la même parlout. — 11 n'en est rien.
1 Nous défions les incrédules de citer un
seul philosophe qui ait désigné Dieu sous la
notion d'Etre nécessaire, existant de soi-
même, el qui en ait tiré les conséquences
qui s'ensuivent évidemment; ils ne le pou-
vaient pas, dès qu'ils supposaient la matière
éternelle comme Dieu ; conséquemment au-
cun n'a reconnu eu Dii-u le pouvoir créateur;
ils ont cru Dieu soumis aux lois du destin
el gêné dans ses opérations par les défauts
irréformables de la matière. Us n'ont donc
attribué à Dieu qu'une puissance très-bor-
née; ils ne l'ont supposé ni libre ni indé-
pendant; cette erreur en a entraîné une in-
finité d'autres. Voy. Ckéation. 2° Aucun
philosophe n'a reconnu expressément vu
Dieu la prescience ou la connaissance des
futurs contingents ; ils n'ont pas mémo
23
715
THE
TFir
7i?
compris qu'elle pût s'accorder avec la liberté
lies créatures. Par la mêinc raison, ils lui
ont refusé la providence; loin rie penser que
J)ieu s'occupe à gouverner le monde, ils ont
jugé qu'il n'a pas seulcraeiii pris In peine de
le faire tel qu'il est. Suivant leur opinion,
ce double soin aurait troublé son repos et
son bonheur. 11 s'en est déchargé sur des
esprits subalternes qui étaient sortis de lui ;
ainsi les dc=fauis de l'univers sont venus, soit
des imperfections de la matière, soit de l'im-
puissance ou de l'incapacilé de ces ouvriers
malhabiles. Voilà la tliéaiithropie. Or, comme
l'a très-bien observé Cicéron, un Dieu sans
providence est nul , il n'esisle pas pour
nous. De là les païens n'ont reconnu pour
dieux que ces génies secondaires, fabrica-
teurs et gouverneurs du monde. Commeiit
aurait-on pu leur attribuer d'autres qualités
ou d'autres facultés que celles de l'homme?
3" Quand les philosopiies auraient eu des
idées plus saines de la Divinité, elles n'au-
raient été d'aucune utilité pour le peuple;
ces prétendus sages étaient d'avis que la
vérité n'est pas faite pour le peuple, qu'il
est incapable de la comprendre et de s'y
attacher, qu'il lui faut des fables pour le
subjuguer et le retenir dans le devoir. C'est
pour cela qu'ils ont décidé qu'il ne falhiit
pas toucher à la religion populaire, dès
qu'elle était établie par les lois. Afnsi, en
rejetant les fables pour eux-mêmes, ils leur
ont donné pour le peuple une sanction in-
violable; telle était l'opinion de l'académi-
cien Solta, rapportée par Cicéron, de Nal.
deor., lib. m, u. h.
Ce n'est point ainsi qu'ont enseigné les
dépositaires de la révélation ; la première
Térité que Moïse professe au commencement
de ses livres, est que Dieu a créé le ciel et
la terre, qu'il opère par le seul pouvoir,
qu'il a tout fait par une parole, avec sagesse,
avec intelligence et avec une souveraine li-
berté. Non-seulement il nous apprend que
Uieii est le seul auteur de l'ordre physique
de la nature et qu'il le conserve tel qu'il est,
mais qu'il y déroge quand il lui plaît, comme
il l'a fait par le déluga universel, il nous
fait remarquer la providence divine dans
l'ordie moral, en rapportant la manière dont
Dieu a puni la faute d'Adam, le crime de
Caïn, les désordres des premiers hommes,
et dont il a récompensé Eiios, Noé, Abra-
ham ; toute l'histoire des patriarches est une
attestation de cette grande vérité. Cette doc-
trine n'est ni un secret ni un mystère ren-
fermé dans l'enceiîUe d'une école et réservé
à des disciples afûdés; Jloïse parle pour le
peuple ;;ussi bien que pour les [)r6tres et
pour les savants, il adresse ses leç )ns à sa
nation tout entière. Ecoute, Israël. Dieu
lui-ntéujc, du sommet de Siiiaï, publie ses
lois à tous les Hébreux rassemblés, avec
î'ap;iareil le plus capable de leur inspirer
le respect et la soumission. De niéinc que les
patriarches ont été GJèles à transmettre à
leur famille les vérités essentielles de la ré-
vélation primitive, ainsi Dieu ordonne aux
Israélites d'enseigner soigneusement à leurs
enfants ce qu'ils ont appris eux-mêmes.
Chez les païens il n'y eut jamais d'autres
catéchismes que les fables; chez les adora-
teurs du vrai Dieu, l'histoire safnte, soit
écrite, soit transmise de vive voix, fut la
leçon élémentaire de toutes les générations
qui voulurent y prêter l'oreille. U leur a
donc été impossible de donner dans la the'aU'
thriipie des païens, à moins qu'elbs n'aient
voulu s'aveugler de propos délibéré.
Lorsque nos adversaires disent que chez
les juifs et chez les chrétiens le peuple est
encore aussi grossier et aussi stupide que
chez les païens, ils ne font voir que de la
malignité. Le chrétien le plus ignorant a
reçu pour première iiislruclion dans l'en-
fance que Dieu est tin pur esprit, qu'il est
partout, qu'il connaît tout, et que de rien il
a fait toutes choses.
THÉATINS, ordre religieux, on congré-
gation de prêtres réguliers, institué à Hume
l'an 1524-. Leur principal fondateur fut Jean-
Pierre Caraffa, archevêque de Tlieato, au-
jourd'hui Chieti dans le royaume de Naples,
qui fut dans la suite élevé au souverain
pontificat, sous le nom de Paul IV. 11 fut
secondé dans cette entreprise par Gaétan de
Thienne, gentilhomme, né à Viceuce en
Lombardie, que ses vertus ont fait mettre
au rang des saints, par Paul Consigliari et
Loniface Colle, noi^les Milanais. Leurs pre-
mières constitutions furent dressées par le
même Pierre Caraffa, premier supérieur gé-
néral de cette congrégation; elles ont été
augmentées dans la suite par les chapitres
généraux, et approuvées par Clément YUl
en 1608. Plusieurs auteurs ont écrit que les
tliéatins faisaient vœu de ne posséder ni
terres ni revenus, même en commun, de ne
point mendier, mais de subsister unique-
ment des libéralités des personnes pieuses :
la vérité est qu'ils ne possédèrent rien pen-
dant le premier siècle de leur institut; mais
leurs constitutions disent que ce fut volon-
tairement et sans avoir contracté aucun en-
gagement à ce sujet, et il est prouvé par les
faits que ces religieux ont toujours monlré
beaucoup de désintéressement dans tous les
lieux où ils se sont établis. Leur habit est
une soutane et un manteau noir, avec des
bus blancs; c'était l'habit ordinaire des ec-
clésiastiques dans le temps que leur ordre
a commencé
L'objet qu'ils se sont proposé a été d'ins-
truire le peuple, d'assister les malades, de
combattre les erreurs dans la foi, d'exciter
les laïques à la piété, de faire revivre dans
le clergé, par leur exemple, l'esprit de dé-
sintéressement et de ferveur, l'étude de la
religion et le respect pour les choses saintes ;
c'est à qiioi ils ont travaillé constamment cl
avec courage. Aussi cet ordre a donné à
l'Eglise un grand nombre d'évéques, plu-
sieurs cardinaux et plusieurs personnages
recommandables par leur sainteté aussi bien
que par leurs talents. Dès le ii' siècle de
leur institut, ils ont eu des missionnaires
dans l'Arménie, la Mingrélie, la Géorgie, la
Perse et l'Arabie, daus les îles de Bornéo
747
HE
Tiir,
et de Sumaha, et ailleurs. Plusieurs prêtres
indiens ont été dopnis peu reçus à la profes-
sion chez les théntins de Goa, ol forment
une congrégation de missionnaires.
Le cardinal Mazarin (U vcnirces rcligienK
en France en l(i'i-4-, cl leur achi'ta la maison
qu'ils possèdent vis-à-vis les g;\leries du
Louvre. 11 leur légua par son testament une
somme de cent mille éons pour bâtir leur
église, qui a été achevée par les soins de
M. lîoycr, un d/ leurs confrères, lequel de-
vint cvéquc (le Mirepoix, ensuite précepteur
de M. le dauphin, et administrateur de la
feuille des bénéfices. Les tliéalins n'ont en
France que la seule maison de Paris, mais
ils se sont étendus ailleurs. Ils ont actuelle-
ment quatre provinces en Italie, une en Al-
lemagne, une en Espagne, deux maisons eu
Pologne, une en Portugal et une à Goa.
Hélyol, tlist. des Ordres monnst., t. IV, p.
7; Vies des Pcres et des Martijrs, t. Vil, p.
19G, etc.
THEATINES, ordres de religieuses qui
sont sous la direction des théatins. Elles
forment deux congrégations qui ont en pour
fondatrice la vénérable Ursule Bénincaza,
morte eu odeur de sainteté eu 1618. Les re-
ligieuses de la première ne font que des
vœux simples ; elles furent t.islituées à Na-
plcs en 1383 ; elles sont appelées theatines
de la conffrégratioii. Les autres, nommées
theatines de l'ermitage, font des vœux solen-
nels, se consacrent à une vie austère et à
une solitude continuelle, à la prière et aux
autres exercices de la vie religieuse. Leur
temporel est administré par celles de la pie-
miôre congrégation ; aussi leurs maisons se
touchent, et la communication est établie
entre elles par une salle intermédiaire. Leurs
constitutions furent drossées par la fonda-
trice et confirmées par Grégoire XV. Hélyot,
ibid
THÉiS.ME, système de ceux qui admettent
l'existence de Dieu : c'est l'opposé de l'a-
théisme. Comme nous appelons déistes ceux
qui font profession d'admettre un Dieu et
une prétendue religion naturelle, el qui re-
jettent toute révélation, et qu'il esldémo.itré
que leur système conduit directement à l'a-
théisme, ils ont préféré de se nommer </(e'/s-
tes, espérant sans doute qu'un nom dérivé
du grec serait plus honorable et les rendrait
moins odieux qu'un nom lire du 1 itin : r.a
mot Déisme, nous avons démasqué leur hy-
pocrisie.
Il n'est pas fort difficile de prouver que le
théisme est préférable à tous égards à l'athéis-
me ; qu'il est beaucoup plus avantageux pour
les sociétés, pour les princes, pour les par-
ticuliers, de croire uu Dieu que de n'en ad-
mettre ai;cun ; il faut pousser l'entêlement
de l'impiété jusqu'au dernier période pour
contester une vérité aussi palpable.
1' Les raisonneurs de cette espèce, qui ont
répété cent l'ois que le diclamen de la raison,
le désirée la gloire et d'une bonne réputa-
tion, la crainte des peines infligées par les
lois civiles, sont trois motifs sullisants pour
tôprimer les passions des hommes, pour
régler les mœurs publiques, pourmainlcnli
l'ordre el la pais de la société, en o.'it im-
posé grossièrement. Au nvtl Atuéisme, nous
avons fait voir l'insufiisance ou plutôt la
nullité de ces motifs, à l'égard de la plupart
des hommes. Un trùs-granJ nombre sont nés
avec des passions fougueuses, qui souvent
étouffent eu eux les lumières de la raison ;
d'autres ne font aucun cas de l'eslimc de
leurs sejublables, et celte estime no peut
quelquefois s'acqacrir qu'aux dépens de la
vertu; les lois civiles ne peuvent punir que
les crimes publics, et souvent il se trcruvc
des scélérats assez habiles pour couvrir
leurs forfaits d'un voile impénélrable. L'ex-
périence confirme ici la théorie; ou n'a ja-
mais vu une sociélé formée par des athées,
et on n'en verra jamais. Dans tout l'univers
et dans tous les siècles, l'ordre social a tou-
jours été fondé sur la croyance d'une Divi-
nité ; aucun législateur n'a cru pouvoir
réussir autrement : que prouvent les spécu-
lations et les conjectures contre uu fait aussi
ancien et au.ssi étendu que b' genre humain î
Quand on pourrait citer l'exemple do quel-
ques athées reconnus pour bons citoyens, H
ne prouverait rien; ces hommes singuliers
vivaient au milieu d'une sociélé cimentée
par la religion, ils étaient forcés d'eu suivre
les mœurs et les lois, et de contredire con-
linuellemcat leurs principes par leur con-
duite.
Quand il serait vrai que la crainte d'un
Dieu vengeur et le frein de la religion ne
sont pas absolument nécessaires pour en-
chaîner les hommes à la règle des mœurs,
on ne peut pas nier du moins que ce lien ne
soit utile et qu'il ne soit le plus puissant de
tous sur le très-grand nombre des individus;
il y aurait donc encore de la démence à
vouloir le rompre. Au lieu de retrancher
aucun des motifs capables de porter l'homme
à la vertu, il faudrait en imaginer de nou-
veaux, s'il était possible.
2° Les princes, les chefs de la société, ont
plus d'inicrêt que personne à maintenir
parmi leurs sujets la croyance d'une Di-vi-
nite suprême qui impose des lois, qui veut
l'ordre social, qui récompense la vertu et
punit le crime; les athées même en sont si
convaincus, qu'ils disent que cette croyance
est l'ouvrage des politiques, cl qu'ils ont
voulu par là r. ndre sacrée l'obéissance due
aux souverains ; que les rois se sont ligués
avec les prêtres, parce qu'il était de leur
intérêt mutuel de mettre les peuples sous le
jnug de la religion, alin de les rendre plus
souples et plus dociles, etc. Mais il est évi-
dent qu'il n'importe pas moins aux [)euples
d'avoir pour cheis et pour souverains des
hommes religieux et craignant Dieu; sans
C!" frein salutaire, les souverains ne vou-
draient dominer que par la force, et pour
être plus absolus , ils travailleraient sans
cesse à rendre les peufilcs esclaves; ils les
regarderaient comme un troupeau de brutes,
qui ne peut être conduit que par la crainte.
3' Il n'est pas moins évident que l'homme,
exposé à taul de maux et de souffrances eu
710 THE
ce monde, a besoin de consolation, et que
poar la plupart il n'en est point d'autre que
la croyance d'un Dieu juste, rémunérateur
de la paiieiice et <îe la vertu. Snns l'espé-
rance d'une vie future et d'un meilleur ave-
nir, où en seraient rédui's le pauvre souf-
frant et privé de secours, l'homme vertueux
calomnié et persécuté par les méihanis, le
bon citoven puni pour n'avoir pas voulu
trahir son devoir, etc. î il n'y aurait point
de ressource pour eu\ qu'un sombre déses-
poir. La mort, ce moment si terrible, que la
nature n'envisage qu'avec < ffroi, est pour
l'homme juste et religieux le commencement
du bonheur aussi bien que la fia de ses
peines. Qu'espère alors un athée? un anéan-
tissement absolu; mais il n'en est pas cer-
tain, et le simple doute pour lors est In plus
cruelle de toutes les inquiétudes. S'il s'rst
trompé, qu'a-t-il gagné ? Rien, puisque le
passé n'est plus; et il ne lui reste pour l'a-
venir qu'un souverain malheur. Quand le
juste serait trompé dans son espérance, il
n'a rien perdu, puisqu'il n'a pas tenu à lui
d'être heureux. Ola nous fait comprendre
que si l'athéisme peut être le partage de
quelques heureux insensés, le théhme ou la
religion doit être celui du très-grand nombre
des hommes, puisque ce très-grand nombre
ne peut jouir du bonbeur en celte vie. Voij.
Religion , § '••. Mais y a-t-il du bon sens à
vouloir s'en tenir au simple théisme ? Autre
question. Si nous consultons les athées, cela
est impassible, et ils le prouvent. 1° La Di-
vinité, disent-ils, n'existant que dans l'ima-
gination d'un théiste, cette idée prendra né-
cessairement la teinte de son caractère ; Dieu
lui paraîtra bon ou méchant, juste ou in-
juste, sage ou bizarre, selon qu'il sera lui-
même gai ou triste, heureux ou malheureux,
raisonnable ou fanatique ; sa prétendue re-
ligion doit donc bieiUof dégénérer en fana-
tisme et en superstition. 2° Le théisme ne
peut manquer de se corrompre; de là sont
nées les sectes insensées dont le genre hu-
main s'est infecté. La religion d'Abraham
était le pur théisme; il fut corrompu par
Moïse; Socrato fut théiste, Platon son disci-
ple mêla aux idées de son maître celles des
Egyptiens it des Ghaldéens, et les nouveaux
platoniciens furent de vrais fanatiques. Bien
des gens ont regardé Jésus comme un sim-
ple théiste, mais les docteurs chrétiens ont
ajouté à sa doctrine les superstitions judaï-
ques et le platonisme. Mahomet, en combat-
tant le polythéisme des Arabes, voulut les
ramener au théisme d'Abraham et d'Ismaël,
et le mahoraétisine s'est divisé en soixante-
flouze fcclcs. .3" Les théistes n'ont jamais été
d'accord entre eux; les uns n'ont admis un
Dieu ijue pour fabriquer le monde, ils l'ont
déchargé du soin de le gouverner ; les autres
l'ont supposé gouverneur, législateur, rému-
nérateur et vengeur. Entre ceux-ci, les uns
ont admis une vie future, les autres l'ont
niée. Plusieurs ont voulu qu'on rendît à Dieu
tel culte particulier, d'autres ont laissé ce
culte à la discrétion de chaque individu. A
force de raisonner sur In nature de Dieu, il
TIÎE
720
a fallu peu à peu souscrire à toutes les rê-
veries des théologiens. Il a donc été impos-
sible de fixer jamais la ligne de démarcation
entre le tlœ'isme et la superstition. k° Il est
évident que le théisme doit être sujet à autant
(le schismes et d'hérésies que toute autre re-
lis^ion, qu'il peut inspirer les mêmes passions
et la même intolérance. \ l'exemple des
protestants qui, en rejetant la reli^rion ro-
maine, n'ont trouvé aucun point fixe pour
s'arrêter, n'ont formé qu'un tissu d'inconsé-
quences, ont vu multiplier les sectes et sont
devenus intolérants, les déistes, avec leur
prétendue religion naturelle, ne savent ce
qu'ils doivent croire ou ne pas croire. Ainsi,
en fait de religion, tout ou rien, si l'on veut
raisonner conséquemmeiit. Système de la
Nature, t. II, chap. 7, p. 216 et suiv.
Ce devrait être aux déistes de répondre à
ces objections, mais ils savent mieux atta-
quer que se défendre; aucun n'a pris la peine
de réfuter les athées, parce qu'en général ils
sont beaucoup moins ennemis de l'athéisme
que de la religion. Pour nous, les arguments
des athées ne nous embarrassent pas beau-
coup. 1° Ils prouvent ce que nous soutenons ;
savoir, qu'il n'y eut jamais et qu'il ne peut
point y avoir sur la terre de religion véritable
que la religion révélée; que, sans la révéla-
tion, aucun homme n'aurait eu de Dieu une
idée juste et vraie; que si l'on ferme une fois
les yeux à celte lumière, chaque peuple,
chaque particulier se fera infailliblement de
la Divinité une notion conforme à son propre
caractère, à ses mœurs, à ses passions. L'ex-
périence n'a que trop confirmé celte vérité;
à la réserve des patriarches et des Juifs leurs
descendants, toutes les nations de la terre
ont été polythéistes et idolâtres, et ont attri-
bué à leurs dieux les vices de l'humanité.
Pour prévenir cet égarement. Dieu s'était
révélé à nos premiers parents ; il leur avait
fait connaître ce qu'il est, ce qu'il a fait, ce
qu'il exigeait d'eux, le culte qu'ils devaient
lui rendre. Si ces notions se sont effacées
chez la plupart des anciennes peuplades, ce
n'est pas la faute de Dieu, mais celle des
hommes, ce sont leurs passions qui les ont
égarées. F. Paganisme, §2; Révélation, etc.
— 2° H n'est donc pas vrai que la religion
d'Abraham ait été le pur théisme; les notions
qu'il a eues de Dieu et de son culte ne lui
sont point venues naturellement, mais par
une révélation expresse;!/ a cru à Dieu,
dit saint Paul, et sa foi Ta rendu juste. Il ne
l'est pas non plus que Moïse ait corrompu
le théisme d'Abrahajii; il n'a point fait con-
naître aux Hébreux d'autre Dieu que celui
de leurs pères. Mais Dieu l'instruisit de vive
voix, il lui dicta les lois qu'il fallait pres-
crire à celle nation ; la religion qu'il lui don-
na était pure et sage, conforme au caractère
de ce peuple, au temjis, au lieu, aux cir-
constances dans lesquelles il se trouvait;
nous l'avons fait voir au mot Judaïsme. H
est constant que Socrate fut polythéiste aussi
bien que Platon; ils adorèrent l'un et l'autre
les dieux d'Athènes, et ils décidèrent qu'il
fallait s'en tenir à la religion établie par les
721
THE
THE
m
lois. C'est abuser des termes que de ronfon-
dre le théisme avec le polylliéisnie. Un plus
grand abus encore esl d'appeler théisme la
religion de Jésas-Chribl ; ce divin Maître s'est
dit envoyé du ciel pour enseigner* le culte de
Dieu en esprit et en vérité; il nous a fait
connaître dans la Divinité le Père, le Fils et
le Sainl-Kspril, le mystère de l'incarnatiou
et do la rédemption du genre humain, etc.
Les athées se vaiiteronl-ils de mieux savoir
que les apôtres la vraie doctrine de Jésus-
Christ? Enfin, il s'en faut beaucoup qu(!
Mahomet ait été un vrai théiste; il n'a eu
de Dieu que des idées très-grossières et très-
Causses, encore les avait-il empruntées des
Juifs et de quelques hérétiques. Fti//. Maho-
MÉTisME. — 3" Quant à la diversité de senti-
ments qui a toujours régné et qui règne
encore parmi les déistes, aux schismes, aux.
hérésies, aux disputes, à l'inlolér.ince que
l'ou peut leur reprocher, c'est leur alTaire
de se jusliûer, nous n'y prenons aucun in-
térêt. Nous avouons cepend;!nl qu'ils peu-
vent user de récrimination contre les athées.
En elïet, l'on ne voit pas parmi C(>s derniers
uu concert beaucoup plus parfait que chez
les déistes : les uns croienl le monde éter-
nel, les autres disent qu'il s'est fait par
hasard ; quelques-uns pensent que la ma-
tière est homogène, lis autres qu'elle est
hétérogène; en fait de lois, de coutume, de
mœurs, les uns blâment ce que les autres
approuvent. Le Gel, la m.ilignilé, l'emporte-
menl, la haine (]u'ils montrent dans leurs
écrits, prouvent assez qu'ils ne sont pas fort
tolérants; lorsqu'ils poussent la démence
jusqu'à dire qu'il faut, à quel prix que ce
soit, bannir de l'uuiviTS la funeste notion
de Dieu, ils nous font comprendre ce que
nous aurions à craindre d'eux, s'ils étaient
en assez grand nombre pour nous faire la
loi. — 4.° A notre tour nous disons aux pro-
testants et aux autres liérétiques : Kn l'ail de
religion révélée, tout ou rien; tout ce i|ue
Dieu a enseigné, soit par écrit, soit autre-
ment, ou incrédulité absolue; point de mi-
lieu, si l'ou ne veut pas déraisonner. Cet
axiome est prouvé non-seulement par la
multitude de sectes insinsées nées du pro-
testantisme, mais par le nombre de ceux qui,
eu partant de ces principes, sont tombés
dans le déisme et dans l'irréligion. Vvy. Eii-
WEiiR, Protestantisme, etc.
THEOCATAGiNOSTES. C'est le nom que
saint Jean Damascène a donné à des héréti-
ques, ou plutôt à des blasphémateurs qui
blâmaient des paroles ou des actions de Dieu,
et plusieurs choses rapportées dans l'Ecri-
ture sainte; ce pouvaient être quelques res-
tes de manichéens; leur nom est formé du
grec 0£o,-, Dieu, et /.uTuyuii-jy.:), je ju(je, je con-
damne. Quelques auteurs ont placé ces mé-
créants dans le vu' siècle: mais saint Jean
Damascène, le seul qui en ail parlé, ne dit
rien du temps auquel ils parurent. D'ailleurs,
dans son Traité des Hérésies, il appelle sou-
vent hérétiques des liounues impies et per-
vers, tels que l'on en a vu dans tous les
temps et qui n'ont formé aucune secte. Ja-
mais ils n'ont été en plus grand nombre que
parmi les incrédules de notri; siècle; s'ils
étaient moins ignorants, ils rougiraient peut-
être de répéter les objections de Celse, de
Julien, de Porphyre, des marcionites, des
manichéens et de queli|ues autres héréti-
ques.
THÉOCRATIE, gouvernement dans lequel
Dieu esl censé seul souverain etseul législa-
teur. 11 y a des écrivains ({ui ont prétendu
que, dans l'origine, toutes les nations qui
ont commencé à se policer ont été sous le
gouvernement (/*^ocra<i(/ite ; que les Egyp-
tiens, les Syriens, les Chaldécns, les Perses,
les Indiens, les Japonais, les (irecs et les
Komains ont conmiencé par ce gouverne-
ment, parce que chez ces différents peuples
les prêtres ont eu grande part à l'autorité;
mais il nous paraît que ces auteurs n'ont
pas vu la vraie raison de ce phénomèm^ po-
litique, et qu'ils ont confondu des choses
qu'il aurait fallu distinguer.
On ne peut pas douter que le gouverne-
ment paternel ne soit le plus ancien de tous :
quelle autre autorité pouvait-il y avoir lors-
que les familles étaient encore isolées et
nomades? Comme le père était en môme
temps le ministre de la religion, le sacerdoce
el le pouvoir civil se trouvèrent naturelle-
ment réunis. Lorsque plusieurs familles se
rassemblèrent dans une. ville ou dans uu
même canton, el s'associèrent pour su rendre
plus fortes, il leur fallut un chef, et son
pouvoir fut réglé sur le UKidèle de celui
qu'avaient exercé auparavant li!s pères de
famille; ainsi la puissance civile et l'.iulorilé
religieuse continuèrent d'être cntie les mains
du même chef. C'est ainsi que l'Ecriture,
sainte nous représente ftlelchiscdech et Jé-
thro, que Virgile nous peint Anius, et Dio-
dore de Sicile les premiers rois. Lorsqu'une
nation devint plus nombreu.se, les fonctions
de la royauté et celles du sacerdoce se mul-
tiplièreat; ou sentit la nécessité de les sé^-
parer. La principale affaire du roi fut de
rendre la justice civile et de marcher à la
tète des armées; celle du prêtre fut de pré-
sider au culte divin. Mais, comme ou choisit
ordinairement pour le sacerdoce les anciens,
les hommes les mieux instruits et les plus
sages de la nation, ils devinrent les conseil-
lers des rois, et ils eurent toujours une
grande part au gouvernement. Po.ur conce-
voir les raisons de ces divers états de choses,
il <'st absurde de les attribuer à l'a aliilion,
à l'imposture des prêtres, à leur affectation
défaire intervenir l'autorité divine partout;
de même que les rois n'exercèrent pas d'abord
les fonctions du culte religieux eu vertu de
leur autorité civile, ainsi les prêtres ne fu-
rent point admis à |,artager les fonciions
civiles en qualité de ministres de la religion,
mais par considération de leur capacité per-
sonnelle. Dans la suite des »iècl<:s, les rois,
trouvant leur attention trop partagée entre
les seins de !a poliii i-:" et ceux ùa rendre
par eux-mcî;)es la jui.tice aux peuples, so
sont déciiargés de cette dernière tonclioa
sur des compagnies de magistrats. Soupçon-
72Î THE
nrrons-noiis ces oerniers d'élre parvenus à
partager ainîiiFautorilé souveraine par am-
bilion, par nrliiifice, parimpontiire, en sédui-
sant et en Irnnjpant les peuples el les rois?
Kon sans dont». En consullant le bon sens
et non la passion, l'on voit que la nécessilé,
l'utiljlé, la commodité, l'intiTêt public bien
ou mal conçu, ont élc les motifs de prcEf^iue
toutes les institutions sociales. Mais de niôme
que l'on abuserait des termes en nommant
aristocratique 'an gouvernement dans lequel
un corps de m.igistrature exerce une partie
(!e l'autorité du souverain, on n'en abuse pas
moins en supposant théocratique tout gou-
vernement dan'S lequel les prêtres ont beau-
coup de crédit et d'influence dans les affai-
res. Posons donc pour principe que la vraie
théocratie est te gouvernement dans lequel
Dieu lui-même est immédiatement l'auteur
des lois civiles et politiques, aussi bien que
des lois religieuses, et daigne encore diriger
«ne nation dans les cas auxq.uels les lois
n'ont pas pourvu. Suivant celte notion, l^on
ne peut pas disconvenir que le gouverne-
ment des Israélites n'ait été thcocratiqae.
Spencer, De Ugib. Hebrœor. rilual., 1. i,
p. 174, a fait une dissertation pour le prou-
ve r; mais il semble avoir oublié la raison
principale, qui est que la législation mosaï-
que veniit immédiatement de Dieu ; il nous
p.iraît avoir poussé trop loin la coiiiparai-
son entre la contluiteque Dieu a tenue à l'é-
gard drs Israélites et celle qu'un roi a cou-
tume de tenir à l'égard de ses sujets. 1" II
observe très-bien que Dieu gouvernait les
Juifs, non-seulement pir ses lois, mais en-
core par les oracles qu'il rendait au grand
prêtre, et par les ,iu;j;es qu'il établiss vit lui-
même; il l';i!lait ajouter encore, par les pro-
phètes qu'il suscitait de temps en temps,
comme il l'av.iil promis; Detit., c. xvm, v.
13. Dieu est appelé le Roi d'Israël, maiï il
en est aussi nommé le père, le pasteur, le
rédempteur, le sauveur; el tous ces titres
conveiiaiciit également à Dieu ; i! ét;;il donc
inutile de remarquer que sa royauté à l'é-
gard des Israélites avait été formée et ci-
mentée par un traité solennel conclu dans
toutes les formes, par lequel ils s'étaient
engagés à être obéissanfs et iidèies à Dieu :
quand il n'y aurait point ru d'e trai'é, ce
peuple n'en aurait pas été moins tenu à l'o-
béissance et à la soumission; ce lr;iité n'é-
tait jius encore conclu, lorsque Dieu leur
intima ses lois. Nous ne pensons pns non
plus qu'en cela Dieu ait eu aucun égard à
la coutume dos autres peuples qui regar-
daient leurs dieux comme rois, et qui ado-
raient leurs rois morts comme des liieux ;
aucun de ces dieux |irétendus n'avait clé lé-
gislateur de la nation (jui l'adorail, et n'a-
vait fait pour elle ce que Dieu fiisait pour
les rsraélites; les folles imaginations des ido-
lâtres n'étaient pas un modèle à .suivre.
2' Nous applaudissons à Spencer lo.squ'il
dit que ce ;;ouverncnienl paleinel de Dieu
était doux, paci(i(iue, avantageux ai!\ Israé-
lilcs à tous égards, et que dans les diJéren-
fcB circonstances oik ils se trouvèrent , sur-
THE
724
tout dans le désert, il aurait été impossible
à un homme de les gouverner, puisqu'ils n'y
pouvaient subsister que par miracle. Aussi
ne furent-ils heureux qu'auiant qu'ils furent
soumis à ce gouvernement divin; toutes les
fois qu'ils manquèrent de fulèlité à Dieu, ils
en furent punis par des fléaux, et lorsqu'ils
s'avisèrent de vouloir avoir à leur léte un
roi comme les autres nations, ils eurent
bientôt sujet de s'en repentir, et, comme.
Speuccr le remarque, ce changement fatal
lut la cause des mallicur.s que les Isr.iéliles
attirèrent sur eux, el enfin de leur ruine en-
tière. Mais nous ne voyons pas pourquoi il
juge qu'.à l'élection d'un roi le gouvernement
theocraiiqne cessa cliez cette nation, puisque
le code de lois que Dieu av~ait donné conti-
nua toujours d'être suivi. Quelque vieietx,
quelque impics qu'aient été plusieurs do
leurs rois, aucun d'eux n'est accusé d'avoir
voulu l'abroger. Souvent ils ont violé les
lois religieuses, en se livrant à l'idolâtrie et
eu y entraînant les peuples, mais les lois ci-
viles et politiques conservèi'eut toute leur
force ; les unes et les autres furent établies
après la captivité de Babylone. — Lorsque
Spencer envisage le tabernacle comme le
palais du roi d"l>raêl, les pré'res comme ses
officiers, les sacrifices comme sa table, l'ar-
che comme son trône, etc., ces comparai-
sons sont ingénieuses, mais peu justes. Dieu
ne cessa pas de gouverner les Israélites lors-
que le temple fut détruit par Nabuchudono-
sor, et que les sacrifices furent interrompus.
Il dit que, sous ce gouvernement Ihéucrali-
que, i'idolàtrie devait être punie de mort,
parce que c'était un crime de lèse-majesté;
mais, indépendamment do la loi positive,
l'idolâtrie était un attentat contre la loi na-
lurelle ; on sait de combien d'autres crim.es
elle était la source ; elle méritait donc par
elle-même le plus rigoureux châliaicnt. La
violalinn publique du sabbat était aussi pu-
nie de mort, sans être cependa'.it un crime
de lèse-majesté. Ainsi, quoique la disserta-
tion de Spencer sur la Ihéocralie des Juifs
soit savante et ingénieuse, elle n'est certai-
nement pas juste à tous égards.
Un de nos philosophes modernes qui a
raisonné de tout au hasard el sans réflexi'on,
a voulu l'aire voir que la théocratie est un
mauvais gouvernement, puisque sous ce ré-
gime il s'est commis une infinilc de crimes
ciiez les Juifs ,, el q,u'ils ont éprouvé uno
suite pres(;ue coiilinuellc iW', nudiieurs. Mais
c'est une étrange manière de jjrouver que
des lois sont mauvaises , parce ((u'elles ont
été mal observées el que les infracleurs ont
toujours été punis. Dieu n'avait pas laissé
ignorer aux Juifs les malheurs qui ne man-
queraient p.is de leur arriver lorsqu'ils se-
raient infiilèles à ses lois; Moïse les leur
avait préiiit.s d.ins le plus gran<l détail, Dent.,
c. XXVIII, v. 15 et seq., cl ses prédictions
n'ont été que trop bien accomplies. Pour
démontrer (jue le gouvernement théocrati-
que éiait vicieux e.i lui-mé',e, il aurait fallu
faire Vî-ir (jne lei Juifs furent malheureux
dans lo temps niêiae .auquel ils furent le plus
725
THE
TIIE
7-28
soumis à leurs lois, c'est ce que noire dis-
srrl.ileur n'a ou garde d'unlropri-ndre. El
comme il est ordinaire à un philosophe ir-
réli;^it'ux do déraisonner, celui-ci finit sa
diatrihe en disant que la théocratie devrait
être pnrlout, puis(|ue tout homme, ou prince,
ou batelier, doit ohéir aux lois naturelles et
élernelles (juo Dieu lui a données : or, ces
lois naturelles et étemelles sont les pre-
mières que Dieu avait intimées aux Juifs ;
elles sont dans le code de Moïse <à la télé do
loules les autres, cl toutes les autres ten-
daient à faire olisorvcr exactement celle-là ;
ce code ne pouvait donc pas être nuiuvais.
Voy. Juifs, § 3.
THÉODORE DE MOPSDESTE , écrivain
célèbre qui a vécu sur la fin du iV et au
commencement du v* siècle de l'Eglise. Dans
sa jeunesse il avait été le condisciple et
l'ami de saint Jean Clirysostoine, et il avait
embrassé comme lui la vie monastique. Il
s'en dégoûta ((uclque temps après, reprit lo
soin des affaires séculières et forma le des-
sein de se marier. Saint Jean Chrysostomn,
aflligé de cet'e inconslance, lui écrivit deux
lettres très-loucliantcspour le ramènera son
premier genre de vie. Elles sont intitulées ad
Thendorum lapsum. et se trouvent au com-
mencement du premier tome des ouvrages
du sninl docteur; ce ne fut pas en vain :
Théodore céda aux vives et tendres exhor-
tations de son ami, et renonça de nouveau
à la vie séculière; il fut dans la suile promu
au sacerdoce à .\niioclie , et deiint évèque
de la ville de Mopsuesle en Gilicie. On ne
])cut pas lui refuser beaucoup d'esprit, une
grande érudition, et un zèle très-actif conirc
les hérétiques; il écrivit contre les ariens,
contre les apollinaristes et contre les cunn-
niicns ; l'on préicnd même que souvent il
poussa ce zèle trop loin, et (jn'il usa plus
d'une fois do violence contre les hétéro-
doxes. Mais il ne snl pas se préserver lui-
même du vice qu'il voulait réprimer. Imbu
de la docirinc de Diod ire de Tarse, son mui-
tre, il la fit goûter à Nestoi ius, et il répan-
dit les premières semences du pélagianisme.
On l'accuse en elTot d'avoir enseigné qu'il y
avait deux personnes on Jésus-Clirisl, qu'en-
tre la personne divine et la personne hu-
maine il n'y av.iil qu'une union morale ;
d'avoir soutenu que le b>aint-Esprit procède
du Père et non du Fils; d'avoir nié, coinii;e
Pelage, la communicaiion et les suites du
pèche originel dans tous les hommes. Le
■savant Illigins, Disse;/. 7, § 13, a l'ail voir
qi!C le pél,;gianismo de Théodore de Mop-
fitesle est sensible, surtout dans l'ouvrage
qu'il fit contre un certain Artim ou .Ijawiis,
cl que sous ce nom , qui signifie Syrien, il
voulait désigner saint Jérôme, parce que ce
Père avait passé la plus grande partie de sa
vie dans la Palestine , et qu'il avait écrit
trois dialogues conire Pelage. De plus Assé-
mani, Bihîiotli. orient., l» IV, c. 7, § 2, re-
proche à Théodore d'.ivoir nié réierniic des
peines do l'enfer, et (i'avoir retranché du
canon plusieurs livres sures. Il flt un nou-
veau symbole et une liturgie dont les nesto-
riens se servent encore.
Il exerça aussi sa plume contre Origènn
cl contre tous ceux qui expliquaient l'Écri-
tnre sainte comme ce Père dans on sens al-
légorique. Ebedjésu, dans son Catalogue des
écrivains vestoricti!^, lui allribue un ouvrafo
en cinq livres, confra Allegoricos. Dans ses
Commentaires sur l'Ecriture sainte, qu'il ex-
pliqua, dit-on, tout entière, il s'attarha cons-
tamment au seul sens lilléral. Il en a é(é
beaucoup loué par Mosheim, HiH. ecclés., v
siècle, II- part., c. 3, § 3 et .5, et celui-! i
blâme d'autant les Pères de l'Eglise qui eu
ont agi aulremcnt. Voij. Allk(;orie. Mais
s'il faut juger de la bonté d'une mélhode par
10 succès, celle de Théodore et de ses imita-
teurs n'a pas toujours été heureuse, puis-
qu'elle ne l'a pas préservé de tomber dans
des erreurs. Il donna du Cantique des canli-
çKcsune explication toute profane qui scan-
dalisa beaucoup ses contemporains ; en in-
terprétant les prophètes, il détourna le sens
de plusieurs passages que l'on avait jusqu'à
lors appliqués à Jésus-Chrisl, et il favorisa
l'incrédulilé des juifs. On a fait parmi les
modernes le même reproche à Grotius, elles
sociniens en général ne l'ont que trop nié-
rilc. Le docicur Lardner, qui a donné une
liste assez longue des ouvrages de Théodore
de MopsHcste, Credibility oflhe Gospel Ifis-
tonj, t. XI, p. 399, en rapporte un passage
tiré de son Commentaire sur l'Evangile de
saint Jean, qui n'est pas favorable à la divi-
nité de Jésus-Christ; aussi les nestoricns
n'admellaicnt-ils ce dogme que dans un sons
Irès-impropre. Voij. "Ncstouiaivis-,ie. C'est
donc une affectai iou très-iiiiprndonte de la
part des critiques protestants de douter si
Théodore a vérilablement enseigné l'erroitr
de Nosloriiis, s'il n'a pas été calomnié par
les allégoristcs contre lesquels il avait écril.
11 n'est pas besoin d'une aulre preuve de
-sou hérésie, que du respccl que les nosto-
rions ont pour sa mi^moire ; ils le regardent
comme un de leurs principaux doclears ,
ils l'honorent comme un saint , ils font lo
plus grand cas de ses écrits, ils célèbrent sa
liturgie. II est vrai que cet évêque mourut
dans la coriimunion de l'Eglise, sans avoir
été n^'lri par aucune censure; mais ran3"3,
lo II" concile de Coiist.inlinople condamna
ses écrits conmic infectés du noslorianisme.
Le plus grand nombre est perdu, il n'en
reste que des fragments dans Pholius et ail-
leurs; mais on est persuadé qu'une bonna
partie de ses commcnlaircs sur rEi:ritiiro
sont encore entre les m.iins des nesloriens.
On ajouio que son Commentaire snr les doiizn
pitlils prophètes est cins.t'rvé dans la bihlio-
ihèque de l'empereur, cl M. ie duc d'Or-
léans, mort à Sainte-Geneviève en IToS,
a prouvé, dans, une savante dissertation, que.
le commentaire sur les psaumes qui porlo
le nom de Théodore d'Antiochc dans la
Chaîne du Père Cordicr est de Théodore do
Mopsoesle.
TH.IlOUOnET, évêque de Cyr, (la^^lij^K
province cuphralésicnne, né à Antio;maii('?c-*"N^
727
THE
TilE
728
Ion les uns en 386, selon d'aulres en 393, et
mort l'an 4o8, a été l'un des plus savants et
des plus célèbres Vèics de l'Eglise. A la con-
ïiaiss/iiice des langues grecque hébraïque et
syriaque, il joignit une grande érudition
sacrée et profane, et beaucoup d'éloquence.
Prévenu d'estime et d'amitié pour Neslorius,
il eut pendant longtemps de la répugnance
à le croire coupable d'hérésie ; il crut qu'il
pensait mieux qu'il ne parlait, et il l'exhorta
j)lus d'une lois à s'expliquer, mais il ne put
rien obtenir de cet opiniâtre. Indisposé d'ail-
leurs contre saint Cyrille d'Alexandrie, anta-
goniste deNestorius, il crut apercevoir dans
ses ouvrages les erreurs d'Apollinaire , et il
écrivit contre lui avec beaucoup d'aigreur;
mais, détrompé dans la suite, il se réconcilia
avec saint Cyrille, et reconnut la oalholicilé
de sa doctrine. Attaqué personnellement à
son tour par les eutychiens, comme parti-
san de Nestorius, et appelé au concile gé-
néral de Chalcédoine, il présenta dans la
septième session , tenue le 26 octobre 451,
une requête pour demander que l'on exa-
minât ses écrits et sa foi ; ou lui répondit
qu'il suffisait qu'il dit analhème à Neslorius ;
il le Ol, et on le déclara catholique ; il n'y
a aucun lieu de douter que cet anathème
n'ait été sincère , la conduite de Nestorius
l'avait détrompé sur le compte de cet héré-
siarque.
Mais les écrits de Théodorel contre saint
Cyrille subsistaient , et en les composant
dans les premières chaleurs de la dispute, il
ne s'était p;is toujours exprimé avec assez
d'exactiluite. Aussi l'an 553, quoiqu'il fût
mort dans la p.iix de l'Eglise cl absous par
le concile de Chalcédoine , ses mêmes écrits
furent examinés avec rigueur dans le deu-
xième concile de Constantinople , et con-
damnés avec ceux d'Ibas et de Théodore de
Mopsueste ; c'est ce que l'on a nommé les
trois CliapHres. Voy. Constantinople.
Outre V Histoire ecclésiastique de Tliéodo-
ret, qui est la continuation de celle d'Eu-
sèbc, on a de lui des Commentaires sitr l' E-
criture sainte, V Histoire des Hérésies, ]es
Vies de trente solitaires , la Tiiérapeutique
en douze discours destinés à puérir les pré-
jugés des païens contre le christianisme, dix
sermons ou discours sur la Providence, des
dialogues contre les eutychiens , des let-
tres , etc. Ces ouvrages furent publiés par
le P. Sirmond, à Paris , eu 1642, en quatre
volumes in-fol. Le P. damier y en ajouta
un cinquième en 1684. Ce nouvel éditeur,
dans ses dissertations , a traité Tliéodoret
avec trop d<" rigueur; il lui a imputé des
erreurs desquelles il est facile de le discul-
fier. Il pousse l'inju-tice de ses soupçons
jusqu'à crdire que Théodorel n'a fait son
Histoire des Hérésies que pour avoir occa-
sion de rendre suspecte la foi de saint Cy-
rille et des orthodoxes, en faisant l'apologie
de sa propre croyance et de celle de Nesto-
rius. CDiiiiiie dans le quatrième li-vre, c. 11,
il condamne absolunicnt le nestoriaiiisiue,
'c 1*. Carnier soupçonne encore que ce cha-
pitre a été ajouté par une autre main. C'est
pousser trop loin la prévention. Aussi le P.
Sirmond, le P. Alexandre, Tillemont, llti-
gius, Graveson et d'autres critiques, ont été
plus équitables ; ils ont justifié Théodorel.
On pcul voir une bonne notice de sa vie et
de ses ouvrages , Vies des Pères et des Mar-
tyrs, t. I, p. 464, et d;ins Lardner, Credibi-
lity,elc., t. Xlli, c. 131.
Il y a d;ins l.i Bibliothèque germanique,
t. XLVlll, une dissertation de M. Baralicr,
savant précoce , mort avant l'âge de vingt
ans, dans laquelle il a entrepris de prouver
que les Dialogues contre les eutychiens et
les Vies des solitaires ne sont pas de Théo-
dorel ; Lardner juge (ju'en effet ces Dialo-
gues sur l'Incarnation sont supposés; quant
aux Vies des solitaires , intitulées Philotée,
il pense qu'elles ont pu être interpolées,
qu'il y a des méprises indignes d'un savant
tel que Théodorel, et des faits qui ne s'ac-
cordent pas avec ce qu'il a rapporté dans
son Histoire ecclésiastique. Mais ces criti-
ques auraient dû faire attention qu'un sa-
vant très-laborieux, et qui a beaucoup écrit,
a pu oublier dans ses derniers ouvrages ce
qu'il avait dit dans les premiers, et corriger
des fautes qu'il avait commises , sans se
donner la peine de les efficerdans ses écrits
précédents. Pour en juger avec certitude, il
faudrait savoir exactement les dates des
différents ouvrages de Théodorel, et peut-
être avoir ceux qui nous manquent ; sans
cela les conjectures peuvent toujours être
fautives.
Dans ses Discours sur la Providence, ce
Père fait paraître une connaissance de la phy-
sique et de l'histoire naturelle plus étendue
que son siècle ne semblait le comporter.
Après avoir montré la sagesse et les atten-
tions de la Providence dans l'ordre de la na-
ture et dans l'ordre de la société, il montre
dans le dixième cette même sagesse dans
l'ordre de la grâce , et il y donne la plus
haute idée du bienfait de la rédemption. La
Thérapeutique est une excellente apologie du
christianisme, et une démonstration coui-
plète des erreurs, des absurdités et des dé-
sordres qui régnaient dans le paganisme ; on
y voit que Théodorel était parfaitement ins-
truit de tous les systèmes de la philosophie
païenne ; il semble y avoir eu le dessein de
réfuter les calomnies et les sophismes de
l'empereur Julien.
En rendant compte do cet ouvrage, Lard-
ner, après avoir donné de grands éloges
aux talents et à l'éloquence de l'auteur, lui
sait gré de l'apologie qu'il a faite, dans le v.ii"
livre, du culte rendu aux martyrs; il lui
reproche d'avoir dit aux païens que Dieu a
mis les martyrs à la place de leurs di\inilés.
L'Ecriture, dit-il, ne nous a poitit enseigné
ce culte , les martyrs des premiers temps de
l'Eglise n'ont jamais ambitionné cet honneur;
ils détestaient toute espèce d'idolâtrie, ils
ont donné leur vie plutôt que de rendre leur
adoratiou à d'autres qu'à Dieu seul et à son
Christ. — C'est au moins pour la centième
fois que les protestants répètent contre nous
celle accusation d'idolâtrie, et nous en
729
THE
THE
7-.O
avonsdémontrérinjusliccaii mol Pac.anisme,
§ f). t° Il est faux que Tliéodorel dise que les
' martyrs ont été mis à la place des divinités
du paganisme; il déclare au contraire que
les martyrs ne sont ni des {génies ni des
dL'moiis_, comme les païens le pensaient à
l'égard de leurs dieux; il montre la diffé-
rence qu'il y a entre le culte que les chré-
tiens rendent aux martyrs , et celui que les
païens rendaient à leurs héros. 2' Il est à
présumer que TItéodoret , très-instruit de la
doctrine do riîcrilure sainte et de l'histoire
des premiers temps de l'Eiçlise, était pour le
moins aussi capahie qu'un protestant du
dix-huitième siècle de juger si un culte
était ou n'était pas idolâtre, et s'il avait ou
n'avait pas été pratiqué dès la naissance du
christianisme. Voij. ^lAUTVI^ , § 0.
Barheyrac, Traité de la moride des l'cres,
c. 17, § 3, blâme Thcodoretd'iwoir approuvé
le refus que fit un évéque do Perse de rebâtir
un temple du l'eu qu'il avait brûlé, et d'avoir
donné pour raison que, dans cette circons-
tance , rebâtir un temple au feu eût été un
crime éç;al à celui de l'adorer comme les
Perses, llist. ecclés., I. v, c. 39. Déjà au
mol Mauïvu, § 3, nous avons fait voir que
l'Iiéodorct n'a pas exactement rapporté le
fait dont il s'agit. Assémani, liibliolh. orient.,
t. III, p. 371, a prouvé, par le témoignage
des auteurs syriens, que le temple du feu
n'avait pas été brûlé par cet évéque nommé
Abdasou Abdaa, mais par un prêtre de son
clergé. TItéodoret, après avoir blâmé ce
Irai! de faux zèle, a donc pu approuver le
refus de cet évoque, 1" parce qu'il y avait
de l'injustice à le rendre responsable du fait
d'autrui; 2° parce que les chrétiens auraient
pu être scandalisés de ce qu'il rebâtissait un
temple de la destruction duquel il n'était pas
coupable, et que les ennemis du chrisiia-
iiismc en auraient triomphé. Une circon-
stance de plus ou de moins suffit pour chan-
ger absolument la nature d'un fait. C'est
donc mal à propos que Hayle et la foule des
incrédules ont tant insisté sur celui-ci . pour
faire voir les excès auxquels le zèle de
religion a coutume de se porter; pour prou-
ver que les chrétiens ont souvent été des
séditieux qui méritaient d'être punis, et
que les Pères de l'Eglise ont quelquefois
donné de mauvaises leçons de morale. C'est
presque le seul trait d'un faux zèle qu'ils
aient pu citer dans toute l'antiquité ecclé-
siastique.
THÉODOTlEiNS, sectateurs de Théodote
de Byzance, surnommé le Corroijeur à
cause de sa profession , hérétique qui forma
un parti sur la fin du ir siècle. Lrs auteurs
ecclésiastiques qui en ont parlé s'accordent
à rapporter que, pondant la persécution
que souffrirent les chrétiens sous Marc-.Vu-
rèle, l'Iirodotc arrêté avec plusieurs autres
n'eut pas le courage d'être martyr, qu'il
renia Jé>;us-Christ pour échapper au sup-
plice. Couvert d'ignominie dès ce moment,
il crut éviter la honte en se sauvant à Uome;
mais il fut reconnu et autant détesté des
«brétieos que dans sa patrie. Pour pallier
son crime, il dit que, suivant l'Evangile,
celui qui a blaspliémr contre le Fils de l'homme
sera pardonné; il osa même ajouter qu'il
avait renié un homme et non un Dieu , que
Jésus-Christ n'avait rion au-dessus des autres
hounnes qu'une naissance miraculeuse, des
dons de la grâce plus abondants et des ver-
tus plus parfaites. Il fut condamné et ex-
communié par le pape \'ictor, qui, suivant
les ( hronologistes , tint le siège de Rome
depuis l'an 185 jus(|u'en 197. A peu près
dans le même temps , un certain Artémas ou
Arlomon répandit encore à Uome une doc-
trine semblable, et trouva aussi des disci-
ples qui furent nommés Arlémonites. Il
disait que Jésus-Christ n'avait commencé à
recevoir la ilivinité qu'à sa naissance. On
comprend que pir la divinité il entendait
seulement des qualités divines, et que,
suivant son opinion , Jésus-Christ ne pou-
vait être appelé Dieu que dans un sens
impropre.
Il est difficile de .savoir précisément en
quoi la doctrine de ces deux hérétiques s'ac-
cordait ou se contredisait, les anciens ne
nous l'apprennent pas assez clairement. Il
est seulement probable que les partisans
de l'une et de l'autre se réunirent et ne for-
mèrent (ju'une seule secte, qui ne fui ni fort
nombreuse ni de longue durée. En effet, un
ancien auteur que l'on croit être Caïus, prê-
tre de Home, qui avait écrit contre Artémon,
et duquel Eusèbe a rapporté les paroles,
Hist. ecclés., I. v, o. 28, semble confondre
ensemble les Ihéodoliens cl les arlémonites;
il leur fait les mémos reproches. Ces sectaires,
dil-il , soutiennent que leur doctrine n'est
pas nouvelle, qu'elle a été enseignée par
les apôtres, et suivie dans l'Eglise jusqu'au
pontifical de Victor et de Zéphyrin son suc-
cesseur, mais que la vérité a été altérée
depuis ce temps-là : or, on les réfute non-
seulement par les divines Ecritures, mais
par les écrits de ceux de nos frères qui ont
vécu avant Victor, par les hymmes el les
cantiques des premiers fidèles qui attribuent
la divinité à Jésus-Christ, enfin par la cen-
sure portée par Victor contre Théodote. Ce
même auteur les accuse, non-seulement de
pervertir le sens des Ecritures par des sub-
tilités de logique, mais d'en avoir corrompu
le texte, et il le prouve par la confrontation
de leurs copies avec les exemplaires plus
anciens qu'eux , et par la diversité de leurs
prétendues corrections, de rejeter même la
loi et les prophètes, sous prétexte que la
grâce de l'Evangile leur suffit.
S'il était certain que les extraits de Théo-
dote , qui se trouvent à la suile des ouvrages
de Clément d'Alexandrie, sont de Théodote
le Corroyeur , il faudrait lui attribuer encore
d'aulres erreurs; mais il y a eu un second
Thoodole, surnommé le Changeur ou le Ban-
quier , disciple du premier, el qui fut le chef
de la secte des melchisédéciens; on en con-
naît un troisième de même nom. qui était
disciple de Valont.in. Or, l'auteur des extraits
enseigne que le Fils de Dieu, les anges, les
âmes humaines et les démous soûl corporels,
731
THE
TIIE
732
que les anges sont de différenls, sexes , que
Jésus-Christ aviiit besoin de rédemption, et
qu'il l'olitinl lorsqu'une colombe descendit
sur lui après son baplème; que Dieu le Père
avait souffert en Jésus-Christ, avait diux
âmes, l'une matérielle, l'autre spirituelle et
divine, qui se sépara de lui avant sa ijassion ;
que les choses de ce monde, et même les
actions humaines, sont déterminées parle
cours des astres, etc. Ces rêveries semblent
plus analogues aux erreurs des valenliniens
qu'à celle des théodotiens.
Quoi qu'il en soit, on peut faire sur ces
. .nnciennes hérésies des réflexions impor-
tjintes. 1" Théodnle, intéressé pur son sys-
tème à déprimer Jésus-Chrisl , avouait cepen-
dant sa naissance miraculeuse et son émi-
nentes;iintelé; il jugeait donc que la narration
des évangélistf s était inattaquable. 2° U
s'ensuit qu'au ii' siècle la divinité de Jésus-
Christ était un dogme universellement cru
dans l'Eglise, et regardé comme un article
fondamental du christianisme; sans cette
r;iison, l'apostasie n'aurait pas été considé-
rée comme uii crime si énorme. 3° L'on
élail convaincu que ce dogme était claire-
ment enseigné dans l'Ecriture sainte et même
dans les prophéties, l'on y donnait donc pour
lors le iiièrae sens que nous y donnons, puis-
que , pour soutenir leurs erreurs , les lltéo-
dotiens élaieiii réduits à corrompre les unes
et à rejeter les autres, k" L'on était persuadé
comme aujourd'hui que saint Justin , ïatien,
Miltiade, saint Iréuée, Clémentd'Alexandrie,
Jlelilon, etc., avaient formellement professé
la divinité de Jésus-ChrisI, puisqne l'on op-
posait leur témoignage à ceux qui la niaient ;
de quel front les socinicns peuvent-ils
aujourd'hui soutenir le contraire? o" Pour
réfuter les hérétiques, on ne se bornait pas
à leur citer l'Ecriture sainte; on leur allé-
guait encore la tradition, la doctrine des
Pères, les cantiques de l'Eglise, la prédica-
tion publique et générale, comme nous
faisons encore. C'est aux hétérodoxes de
voir les conséquences que nous sommes en
droit de tirer contre eux de tous ces faits.
Voy. Tilleraont, tom. III, p. G8; Pluquel,
Dict. (les Hérésies, etc.
THÉODOTIOM, traducteur du texte hé-
breu. Voy. Septante, § 3; Version, etc.
THf:OLOi;AL ( Droit canon [i] ) est un
chanoine dont les fonctions consistent à prê-
cher et enseigner dans une église cathédrale
ou collégiale. L'établissement des théologaux
remonte au concile de Lalrati , tenu en 117!)
sous Alexandre Jll. Il y fut ordonné qu'on
établirait un théoloyal dans chaque église
métropolitaine, pour enseigner la théologie
aux ecclésiastiques de la province qui se-
raient en état de l'étudier. Ce décret demeisra
néanmoins sans exécution dans plusieurs
églises jusqu'en H31, qu'il fut ordonné par
le concile de lîâle, qu'il y aurait un théolo-
yal dans toutes les églises cathédrales; que
quelque collaleur que ce fût serait tenu,
(1) Ancienne jurisprudence. — Article reproduit
«i'iiprès rédiiion de Liège.
sitôt que l'occasion s'en présenterait, de
nommer pour chanoine un jjrêtre licencié
ou bachelier formé en théologie, qui eût
étudié dix ans dans quelque université pri-
vilégiée, pour faire des leçons deux fois, ou
au moins une fois par semaine , et qu'au-
tant de fois qu'il y manquerait, il pourrait
être privé, à l'arbitrage du chapitre, des dis-
tributions de toute une semaine. I,c concile
de Trente approuva cet établissement des
théùloynu.r, et il a pareillement été autorisé
par les ordonnances de nos rois. L'article 8
de celle d'Orléans porte que dans chaque
église cathédrale ou collégiale , il sera ré-
servé une prébende affectée à un docteur eu
thélogie, à la charge qu'il prêchera et an-
noncera la parole de Dieu chaque jour de
dimanche et de fêle solennelle, et qu'il fera,
trois autres jours de la semaine, une leçon
publique de l'Ecriture sainte. L'ordonnance
de Blois ordonne l'exécution des dispositions
précédentes , excepté pour les églises où il
n'y a que dix prébendes avec la principale
dignité; et l'édit du mois d'avril iGOa veut
que les théoloyaux puissent , ainsi que les
curés , prêcher dans les églises où ils sont
établis, sans qu'il leur faille aucune per-
mission plus spéciale. Les patrons et colla-
leurs ont la disposition des prébendes tlieo'
loyales comme des autres prébendes, pourvu
toutei'ois qu'ils en disposent en faveur des
personnes qui aient les qualités rccjuises. Les
lois qui ont établi les théologaux n'ont donné
aucune atteinte à ce droit des patrons et
collateurs, et l'on trouve dans les Mémoires
du clergé , que l'évêque de Vabres, ay.int
voulu contester à son chapitre la coUatioa
de la prébende théoloyale, fut déboulé do
sa prétention par un arrêt du parlement de
Toulouse , qui maintint le chapitre dans le
droit de nommer à cette prébende. Mais
comme l'emploi des théologaux esl une prin-
cipale partie du ministère des évêques, ils
ne peuvent faire aucune des fonctions atta-
chées à leur état avant d'avoir obtenu, pour
cet effet, l'approbation et mission canoni-
que. C'est ce qui résulte particulièrement
de l'édit du mois de janvier 1G82.
Si l'on s'en tenait aux termes des décrois
des conciles, de la Pragmatique et du Con-
cordat, il suffirait d'être bachelier formé eu
théologie, pour être pourvu d'une prébeii<lo
théologale. Telle esl l'opinion de l'éditeur
des Mémoires du clergé, mais celte opinion
est une erreur. Les ordonnances d'Orlé.ins
et de Blois ont affecté li'S prébendes théolo-
gales aux théologiens, c'csl-à-dire aux doc-
teurs en théologie, sans qu'elles pussent être
conférées à gens qui ne seraient pas de cette
qualité. C'est d'ailleurs ce qu'ont jugé deux
arrêts, l'un du 17 août 1721, rendu pour la
prébende théologale de Ueauue, et l'autre du
11 février l(i2(j. rendu pour celle de Sentis.
Le parlement de Paris a même jugé, par un
arrêt du 17 avril 1651, qu'il y avait abus
dans une signature de cour de Home accor-
dée par le pape au sieur de Gest , pour la
prébende théologale do l'é^lis-e de Toulouse,
à cuaditiou qu"(7 prendrait le bonnet de rfoc-
753
THE
THE
7:51
leur dans l'unnée , et le dévolutaire fui inniii-
l<>nu. Il suit (le cet arrêt que lo dc^rc do
d'jcicur est requis dans le temps de la pro-
vision de cour de Rome, et qu'il ne suffit
pas dc'l'avoirau moment du visa. Les reli-
gieux sont incapnbles de posséder des pré-
beîides Ihéolognles, quand mémo ils seraient
docteurs en théolo;;io et bons prédicateurs.
Soëfve rapporte un arrêt du 17 avril 1GC3
qui l'a ainsi jugé contre un JTCobin. Des-
noyers, sur les déniiilioiis canonunics, cite
un arrêt du 8 juillet 1(190, par lequel il a été
jugéconlrc le chapilrc d'Angnuléme , ([ue
quand révêquo avait conlcré la prébende
théologale, le cbapiire n'était pas partie ca-
pable d'opposer l'incapacité du sujet ; mais
cela no doit s'entendre que de l'incapncilé
relative aux mœurs ou à la doctrine, et non
de celle qui concerne les degrés ou la qualité
de séculier.
Quoique , par les ordonnances d'Orléans
et do Blois, les Ibéologiens aient été chargés,
comme on l'a vu , de prêcher tous les di-
manches et fêtes solennelles, et de faire trois
fois la semaine des le^-ons sur l'Ecriture
sainte, il y a des églises , couvno celle de
Paris, où les théolofjaux ne sont obligés qu'à
faire trois ou quatre sermons par année,
sans être tenus de faire aucune leçon, at-
tendu que dans ces églises il y a des sei-
mons fondés, et des univr.sités où l'on en-
seigne la théologie. Dans d'autres églises, la
modicité du revenu des prébendes Ihéologa-
les, la clause des actes d'établissement de ces
prébendes, et d'autres circonstances parti-
culières , ont également fait diminuer les
obligations des thcologauT.
Suivant le concile de Bâle , la Pragmati-
que et le Concordat , le Ihéoloijal qui rem-
plit ses devoirs , est tenu présent à l'office
divin, et quoiqu il n'y ait pas assisté, il peut
percevoir généralement tous les fruits de sa
prébende comme les chanoines qui ont été
assidus. Les ordonnances d'Orléans et de
Blois sont conformes a ces dispositions, il a
de plus été jugé , par arrêt du parlement
de Toulouse, du 3 décembre U>7fi , que l 's
théologaux devaient être réputés présenis ,
n)ême pour les obits et autres distributions
nianiK'llcs; et UebulTe, sur le Concordai, cite
deux arrêts du '1 janvier lo2! et 20 janvier
15Vi , qui ont déclaré abusifs les statuts
contraires à ce privilège des lh'ologaxtx.O\>-
scrvez néanmi-.ins que les ordonnances
n'ayant établi le principe dont il s'agit en
faveur des théolognitx qu'en considération
de leurs obligations de prêcher et d'ensei-
gner , il ne doit point avoir lieu dans les
églises où ils sont déchargés de ces devoirs.
Dans ces églises , l'étendue du privilège du
théologal peut être réglée par les statuts du
chapitre. l'In arrêt du parlement d'Aix, du
2(î mars 1083, a jnué qu'un théologal ne de-
vait point être député pour aller poursuivre
d s. procès hors du lieu de sa résidence. La
prébende thé'Aogule est sujellcàla régale
et aux expectatives qui ont lieu dans le
royaume.
THÉOLOGALE (vertu). On ap,pelie ver-
tus théologales celles qui ont pour objet Dieu
lui-même, et pour motif une de ses peifec-
lions. Ainsi la foi, par laquelle nous croyons
à Dieu et à sa parole, parce qu'il est la vé-
rité mène, incapable de se tromper , ou de
nous induire en erreur ; l'espérance, par la-
qu.'lle nous nous confions à ses promesses,
parce qu'il est fiJèle à les remplir ; la cha-
rité, par laquelle nous aimons Dieu à cause
di' sa bonié infinie, sont les trois vertus
théologales : nous avo!is parlé de chacune
en particulier. On appelle vertus morales
celles qui ont pour objet immédiat, non
Dii'u lui-même, mais les actions que Dieu
commande, et pour motif la justice qu'il y a
d'obéir à Dieu. Les pa'i'ens ont été capables
de ()uelqnes vertus morales , mais ils n'a-
vaient aucune idée des virius théologales,
parce qu'elles supposent la révélation et une
connaissance surnaturelle des attributs de
Dieu. Voij. Vertu.
11 faut beaucoup de précision pour com-
prendre que la religion est une vertu mo-
rale et non une vertu théologale. Coînœe
l'acte essentiel de la religion est l'adoration
intérieure qui a Dieu pour o'ujet et sa gran-
deur suprême pour motif , il semble d'abord
qu'il n'y a aucune différence entre cette vertu
et les trois dont nous avons parlé. M lis il
faut faire attention que la religion peut être
uni> vertu naturelle, quoique très-im|)arfaite,
et toujours abusive lorsqu'elle n'est pas éclai-
rée et dirigée par la révélation; au lieu que
la loi , l'espérance et la charité supposent
nécessairement une connaissance surnatu-
relle de Dieu.
TlIiiOLOGlE. Suivant l'énergie du terme,
c'est la science de Dieu et des choses divi-
nes, par conséquent la plus nécessaire de
toutes les connaissances; elle ne peut pa-
raître indifférente qu'à ceux qui ne veulent
ni Dieu, ni religion (1). L'on a coutume de
la distinguer en théologie naturelle et théo-
logie surnaturelle, et l'on eniend par la pre-
mière la connaissance de la Divinité , telle
qu'on peut l'acquérir par les seules lumières
de la raison. Cette distinction paraît fondée
sur ce qu'a dit saint Paul, Rom., c. 1, v. 20,
que ce (ju'il 1/ a d'invisible en Dieu est devenu
visible depuis In création , par les ouvrages
qu'il a faits , tnéme sa puissance clerncUe et
sa divinité, de manière gue ceux qui ont connu
Dieu, et ne Vont pas glori/ié connue Dieu, sont
inexcusables. Mais le même apôtre nous aver-
tit aussi, / Cor., c. 11, v. Il, que comme ce
qui est de l'homme ne peut être connu que par
l'esprit de l'homme , ainsi ce qui est de Dieu
ne peut être connu que par l'esprit de Dieu.
Or, par l'esprit de Dieu , saint Paul entend
ccrtainementia lumière surnaturelle acquise
par révélation. Par là il nous fait compren-
dre que la connaissance de Dieu et do ses
desseins, qui vient des seules lumières na-
turelles , est toujours Ircs-bornée et très-
faulivo. Nous en sommes convaincus par les
(I) Voy.'a l;i fin du Diclioniiaire de Tlit'ologie mo-
rale, où lions (loMiKiiis, siècle par siècle, l'étal de la
science iliéologique, .
755
THE
THE
756
erreurs grossières dans lesquelles sont tom-
bi's sur ce sujet les philosoplies païens, qui
étaient cependant les meilleurs génies de
l'iTiiliquité. Aussi les premiers docteurs
chrétiens ont soutenu contre les païens que
les écrivains hébreux, surtout les prophètes,
éclairés par la révélation, ont été beaucoup
meilleurs ihéologiens que tous les sages et
les philosophes du paganisme
Comme c'est uniquement de la théologie
chrétienne que nous avons à parler , nous
entendons sous ce nom la science on la con-
naissance de Dieu et des choses divines, qui
nons a été donnée pir Jésus-Christ, par ses
apôtres, par les iirohètes et par les autres
per-onnages que Dieu a chargés de nous en-
seigner. C'est donc une science qui, fon-
dée sur des vérités révélées, en tire des con-
clusions sur Dieu , sur sa nature , sur ses
attributs, sur si s volontés et ses desseins, et
sur tout ce qui a rapport à Dieu. D'où i!
s'ensuit que la théologie réunit, dans sa ma-
nière de procéder, l'usage de la raison à la
certitude delà révélation, rt qu'ella est Gui-
dée en partie sur les lumières do la foi, et
en partie sur celles de la nature ou de la
philosophie.
Il s'est trouvé des critiques assez peu sen-
sés pour blâmer ce mélange. En fait de reli-
gion, disent-ils, il faudrait s'en tenir préci-
sément aux vérités révélées . tellrs qu'elles
sont énoncées dans la parole de Dieu ; dès
que l'on se permet d'en raisonner, c'est une
source intarissable de faux systèmes, de dis-
putes et de divisions. Cette fureur des théo-
logiens n'a servi qu'à défigurer la doctrine
de Jésus-Christ et des apôtres, à l'aire naî-
tre des schismes et dos hérésies , à mettre
aux prises toutes les sectes chrétiennes les
unes contre les autres, etc.
S'en tenir à la pure parole de Dieu est un
très-beau projet en spéculation; mais est-il
possible? C'est la question. 1° Les philoso-
phes païens ont attaqué le christianisme dès
sa naissance: saint Paul s'en plaignait déjà;
sulfisait-il d'opposer le texte des livres saints
à des adversaires qui n'en reconnaissaient
point la divinité , qui soutenaient que la
doctrine de ces livres était opposée au sens
commun et aux plus pures lumières do la
raison ? Ou il fallait les laisser dogmatiser en
liberté, séduire les fidèles, détruire enfin le
christianisme , où l'on était obligé de leur
démontrer que la doctrine de ces livres était
plus raisonnable que la leur; donc il fallait
absolument se servir contre eux du raison-
nement et de la philosophie. Que les apô-
tres, qui prouvaient la vérité de leur prédi-
cation par des miracles, n'aient pas eu be-
soin d'autres arguments, cela se conçoit ;
mais Dieu n'avait pas promis le même se-
cours à leurs successeurs ; ceux-ci ont donc
été obligés de battre les philosophes par
leurs propres armes : c'est ce qu'ont fait nos
anciens apologistes. 2° Les premiers héré-
tique, ont suivi la même uiarchi; que les
philosophes ; tous ceux qui ont pris le nom
de gnosliqucs attaquaient nos m\ stères par
des arguments philosophiques; ils fuisaieul
profession d'en savoir plus que les apôtres
et que tous les auteurs sacrés. On était donc
forcé de leur prouver par des raisonnements
l'absurdité de leurs principes, la contradic-
tion de leur doctrine , l'opposition de leurs
sentiments à ceux des meilleurs philosophes,
et de leur faire voir que ceux-ci avaient en-
seigné plusieurs vérités confirmées par la
révélation. Les marcioniteset les manichéens
admettaient deux principes , l'un du bien,
l'autre du mal; ils rejetaient l'Ancien Tes-
laiîient eli'histoire de la création; il ne ser-
vait doue à rien de la leur opposer, on no
pouvait les réfuter que par les arguments
qui démontrent l'unité de Dieu et la sagesse
du Créateur. 3" Dans tous les siècles, la
même chose est arrivée, et nous nous trou-
vons encore aujourd'hui dans le même cas
que les docteurs chrétiens du i" et du
II' siècle. Non-seulement les incrédules ré-
pètent toutes les objections des anciens hé-
réiiques, et soutiennent que la doctrine de
nos livres sacrés choque de front les lu-
mières de la raison, mais les protestants at-
taquent le mystère de l'eucharistie par des
raisonnements philosophiques ; à l'exemple
des ariens, les sociniens se servent des mê-
mes armes pour combjittre le dogme de la
'J'rinité et tous les autres mystères. On a
beau leur opposer le texte de l'iîcriture
sainte, ils en éludent toutes les conséquen-
ces par des interprétations arbitraires. Les
déistes ne veulent admettre aucune révéla-
tion. Réfutera-l-on tous ces mécréants sans
raisonner avec eux, et sans mêler la philo-
sophie à la théologie? Ceux même qui blâ-
ment celte méthode sont forcés d'y avoir
recours. Ils diront peut-être qu'à la vérité
elle est absolument nécessaire , mais qu'elle
doit être contenue dans de justes bornes ;
nous y consentons, il ne reste plus qu'à sa-
voir qui posera ces justes bornes qu'il ne
sera plus permis de passer. Voy. I'hiloso-
PHIE et MÉTUAPHYSIQUE.
Une question communément agitée entre
les théologiens est de savoir quel est le degré
de certitude des concUisions théologiques.
On appelle ainsi les conséquences évidem-
ment déduites de deux prémisses qui sont
toutes deux révélées, ou dont l'une est révé-
lée, et l'autre évidemment connue par la lu-
mière naturelle , et l'on demande, 1° si ces
conclusions sont aussi certaines que les pro-
positions de foi ; ^'si elles sont plus ou moins
certaines que les conclusions des autres
sciences; 3° si elles le sont autant que les
premiers principes de géométrie, de phi-
losophie, etc.
On convient généralement que la révéla-
tionimmédiale de Dieu, proposée parl'Eglise,
est le motif qui nous fait actiuiescer aux vé-
rités de foi, et que la connexion évidemment
aperçue entre la révélation et la conclusion
théoiogique qui s'ensuit, est le motif qui
nous fait ac(iuiescer à celle-ci. De là il est
aisé d'inférer, 1" qu'une vérité de foi est,
plus certaine qu'une conclusion théoiogique,
parce que la première est fondée sur la ré-
vélation immédiate de Dieu et rinfaillibiliic de
757
THE
THE
73à
l'Egliso qui nous l'altcsle, nu lieu que la
socondc est fondée sur une liaison npcrçuc
par la lumière naturelle, luinièro qui n'est
pas aussi infaillible que la véracité de Dieu
cl que le témoignage de l'Eglise. 2' Que les
conclusions théologiques sont plus certaines
que colles des autres sciences en général,
parce que ces dernières sont souvent fondées
sur de simples conjectures, et que leur
iaison avec les principes n'est pas aussi
évidente que la liaison des conclusions théo-
logiques avec la révélation immédiate do
Dieu. 3" Plusieurs anciens théologiens ont
soutenu que ces mêmes conclusions sont
plus certaines que les premiers principes de
nos connaissances, parce que ceux-ci ne
.•iont pas aussi infaillibles que la révélation de
Dieu. Mais la plupart des modernes [lensent
le contraire; la première raison qu'ils en
donnent est que nous aquicsçons aussi
promplement et aussi l'orteuu-nt à ces axio-
mes (1) : Le tout exi plus grand ijue la partie,
deux choses égalnà M»te troisième sont égales
entre cllrs, etc., qu'à celui-ci : Dieu est la
vérité même. La seconde est que Dieu est éga-
lement l'auteur de la raison et de la révéla-
tion, et que l'une nous est au-si nécessaire
pour connaître les vérités naturelles, que
l'autre pour connaîtr(! les vérités surnatu-
relles. La troisième est que c'est la raison
qui nous conduit à la foi ; nous croyons fer-
mement les vérités révélées, parce que nous
savons par la raison que Dieu ne peut ni se
tromper ni nous tromper nous-mêmes lors-
qu'il daigne nous parler; nous sommes cer-
tains qu'il nous a parlé, par les motifs de
crédibilité dont il a revêtu sa parole ou la ré-
vélation ; et c'est encore à la raison de peser
la valeur de ces motifs. Donc, disent-ils, il est
impossible que le jugement par lequel nous y
adhérons soit plus infaillible ((ue celui par
lequel nou? acquiesçons aux premiers prin-
cipes du raisonnement. Holden. de Résolut,
pilei, 1. I, c. 3.
Comme toutes les vérités dont la théologie
se propose l'examen sont ou spéculatives ou
pratiiiues, elle se divise à cet égard en Ihéo-
togie spéculative et en théologie morale. La
première est celle qui a pour objet d'expo-
ser cl de prouver les dogmes qu'il faut croire,
et de les défendre contre ceux ((ui les atta-
quent. Parmi ces dogmes, les anciens Pères
grecs appelaient spécialement itn'ulogie ceux
qui regardent Dieu en lui-même, sa nature,
ses attributs ; c'est pour cela qu'ils a|ipe-
laienl l'évangéliste saint Jean, \{^ théologien
par excellence, parce qu'il a enseigné la di-
vinité du \'erbe plus clairement que les au-
tres apôtres, et que «'est parla (ju'il a com-
mence son Evangile. Par la même raison
saint drégoire de Na/ianze fut aussi sur-
nommé le théologien, pareil qu'il avait dé-
fendu avec beaucoup de force la divinité du
\'erbe contre les ariens. Dans ce sens les
(jrecs distinguaient la théologie d'avec ce
qu'ils apiielaient l'economic , c'est-a-dire la
partie de la doctrine chrétienne qui traite
(1^ Voij. Cer/itude, Science, Méth.\ph\siûije.
du mystère do l'Incarnation, de la rédemp-
tion (lu monde, etc.
La théologie morale ou pratique est celle
qui s'occupe à déterminer les devoirs que
Dieu nous impose, et à montrer le vrai sens
dos préceptes de l'Evangile, qui traite des
vertus et (les vices , qui fait voir ce qui est
juste ou injuste, permis ou défendu, qui en-
seigne aux fidèles leurs obligations dans les
différents états, charges ou conditions dans
lesquels ils peuvent se trouver. Les théolo-
giens moraux se nomment aussi casuistes.
Voy. ce mot.
Quelques ennemis de la religion n'ont pas
rougi d'aflinner que la théologie a dénaturé
les sciences et en a retardé les progrès ; nous
avons fait voir le contraire aux mots Lettres
et Sciences hcsuinf.s.
Quant à la manière de la traiter, on dis-
tingue la théologie positive, la théologie sco-
laslique et la titéologie mgstique ; il est bon do
parler (le chacune en |)ariiculier.
Théologie positive. C'est la méthode de
prouver les vérités de la religion par l'Ecri-
ture sainte et par la tradition ; elle suppose
conséquemmeat la connaissance de la ma-
nière (lonl les dogmes révélés ont été atia-
qués par les hèréliques et di'fendus par les
Pères de l'Eglise ; on ne peut la posséder par-
faitement sans savoir l'histoireecclsiaslique,
sans avoir une notion des dilTérentes hérésies
qui se sont élevée^ successivement, sans être
familiarisé avec les ouvrages des Pères
Puisque la doctrine chrétienne est une doc-
trine révélée de Dieu, la théologie n'est point
une science d'invenlion, mais do tradition ;
par conséquent la théologie positive est la
seule vraie théologie. C'est ainsi que les Pè-
res, (jui, après les écrivains sacrés, sont nos
maîtres, l'ont traitée. Ils ne se sont pas bor-
nés ta prouver par l'Ecriture sainte les dog-
mes contestés, mais ils ont fondé le vrai
sens de l'Ecriture sur la manière dont elle
avait été entendue dans l'Eglise depuis les
ap(')tres jusqu'à eux, et dont elle avait été
expli(|uée par les apôtres qui les avaient
précédés. Comme la plupart de ces saints
personnages étaient recommandables par leur
éloquence aussi bien que par leur érudition,
ils n'ont pas négligé d'en faire usage, ils se
sont servis des lettres humaines et des scien-
ces profanes [lour la défense de nos saintes
vérités.
Aujourd'hui les ennemis de l'Eglise catho-
lique ne sont pas moins habiles à travestir la
doctriiie des Pères qu'à tordre le sens de l'E-
criture sainie; les f/u'o/o^/iens sont donc obli-
gésdc chercherégalemenldans cesdenxsour-
ces la véritable intelligence des dogmes ré-
vélés. Après dix-sept siècles de combats con-
tre des adversaires do toute espèce, on doit
comprendre de quelle immense étendue est
la carrière que doivent parcourir ceux qui
se consacrent à l'élude de la théologie.
Les monumcnls de la révélation sont écrits
dans deux langues, dont l'une a cessé d'être
vivante depuis deux inille cinq cents ans,
l'autre ne fut jamais commune dans nos
climats. Dans toutes le disputes, les hétéro-
739
Tt!E
THE
740
doxos, souvent incommodés j)ar les versions,
en appellent aux originaux, et noussommes
obligés de les consulter; nous ne nous en
plaindrions pas, s'ils se bornaient à exiger
cette précaution. Mais lorsque, pour détour-
ner le sens d'un ])assage et pour en esquiver
les conséquences, ils ont recours à des subs-
lilitésde grammaire et de critique, à des chan-
gements de ponctuation, aux variantes des
manuscrits, à l'ambiguïté d'un terme grec
ou hébreu, à la diflerenco des anciennes
versions, etc., ils prouvent assez qu'ils sont
bien résolus de n'être jamais conv.ii nous; mais
il serait honteux pour un tliéulogien de ne pas
être aussi exercé à défendre la vérité qu'ils
le sont à soutenir l'errcur-
Un nouveau genre de travail nous est sur-
venu depuis environ un siècle. Pour atta-
quer la vérité de l'histoire sainte, les incré-
dules ont fouillé dans les annales de tous les
peuples et dans les écrits de livus les auteurs
profanes; il a donclallu vérifier tous ces témoi-
gnages, en peser la valeur, les comparer à ce-
lui des auteurs sacrés; et ceux qui en ont pris la
peiney ont souvent trouvé des avantages aux-
quels ils ne s'attendaient pas. Pour renverser
la chronologie de l'Ecriture sainte on a eu re-
cours aux calculs astronomiques; mais cette
nouvelle tentative n'a pas mieux réussi aux
incrédules que la précédente. On a entrepris
dejusliQer toutes les fausses religions auxdé-
pensdela nôtre; parun parallèleinjurieus on
nous a opposé les livres des Chinois , le Zend-
Avesla de Zoroastre,lcsS('hastcrsdes Indiens,
l'Alcoran do Mahomet : les défenseurs du
christianisme ont donc été obligés d'entrer
dans toutes ces discussions, et jusqu'à pré-
sent il ne paraît pas qu'ils y aient eu le des-
sous. A présent c'est la physique, l'histoire na-
turelle, la cosmographie, dont on implore le
secours ; après avoir interrogé les cicux, l'on
descend dans les entrailles de la terre, dans
le sein des mers, dans les débris des vole ins,
pour y trouver des preuves de l'antiquité du
mondeet delà fausseléde la cosmographie des
livres saints. On a forgé sur ce sujet des
systèmes et des conjectures de toute espèce;
beureusement des physiciens plus sensés et
plus habiles que les incrédules ont renversé
tous ces édifices frivoles et ont fait voir que
jusqu'à présent la narration des auteurs sa-
crés n'a reçu aucune atteinte. Ainsi, grâces
à l'opiniâtreté des incrédules, aucune science
ne peut être désormais étrangère aux ihco-
logiens ; et, sans être obligés à aucuiie re-
connaissance, ils ont reçu de leurs adversai-
res même des armes pour les vaincre.
Depuis que la théologie a fait de si grands
progrès, il peut être permis de proposer,
sans prétention , un plan pcul-èire plus
convenable et plus régulier que celui que
l'on a suivi jusqu'ici , pour former une
théologie complète. Puisque c'est Dieu , ses
ai tributs , ses desseins, ses opérations dans
l'ordre de lu nature et de la grâce, qui sont
l'unique objet de cette science, il serait à
souhaiter que le nom de Dieu fut à la tète
de tous les traités théologiques. Ainsi l'on
parlerait, 1° de Dieu en lui-même, de ses
attributs, soit absolus, soit relatifs; 2" da
Dieu créateur et conservateur, par consé-
quent de ses divers ouvrages; 3° de Dieu
législateur, rémunérateur et vengenr de ses
diiîérontes lois, soit naturelles soit positives;
h° de Dieu Rédempteur et Sauveur; titre qui
comprendrait la mission de Jésus-Christ, ses
divins caractères, et l'économie générale du
christianisme; 5° de Dieu sanctificateur, et
des moyens que sa bonté emploie pour
opérer ce grand ouvrage; G° de Dieu der-
nière fin de toute choses. Il nous paraît que
l'on pourrait aisément pl.Tccr sous ces titres
divers tous les objets dont les théologiens ont
coutume de s'occuper. Mais ce n'est point à
nous de prescrire de nouvelles méthodes;
nous sommes f;)ils pour recevoir la loi de
nos maîtres el no.i pour la leur donner.
Dans un recueil de dissertations thcolo-
giques, publié par Mosheim en 1733, il y en
a trois de Thcohgo non contenlioso , et un
discours de Jesu Christo unice theologo imi-
tando. On y trouve de bonnes réflexions et
des leçons très-sages ; mais l'auteur I ui-même
ne les a pas exactement suivies. Il y montre
tous les préjugés de sa secte; il y renouvelle
des reproches contre les théologiens calho-
li(jU('S dont on a cent fois démontré l'injus-
tice; il y fait paraître une prévention incu-
rable contre les Pères de l'Eglise; il tourne
en ridicule le respect que nous avons pour
eux. Le résultat de ses dissertations est ((u'il
faudrait qu'un théologien tûl un ange exempt
de tous les défauts de l'humanité. S'il y en
eut jamais de tels parmi les luthériens, chose
de laquelle il nous est très-permis de douter,
ils ne ressemblaient guère aux fondateurs
de la réforme. Plus d'une fois Mosheim a été
forcé de convenir des excès dans lesquels
ils sont tombés, el parmi les défauts qu'il a
relevés, il n'en est aucun que l'on ne puisse
leur reprocher avec justice. H semble n'a-
voir fait son discours surl'obligation d'imiter
Jésus-Christ , seul parfait théologien , que
pour prouver qu'il ne faut pas imiter les
l'ères. Certainemeut Jésus-Christ ne lui a
donné ni cette leçon ni cet exemple; ainsi la
prière par laquelle il lui demande la grâce
de l'imiter ne paraît pas avoir été exaucée.
N'y a-l-il pas de l'indécence et du ridicule
à prêcher aux théologiens la douceur, la
modération, la patience., le sang-froid dans
les disputes, pendant que l'un s'étudie à
émouvoir leur bile par des impostures, par
des calomnies, par des sarcasmes sanglants?
C'est ce que font tous les jours les protes-
tants fidèlement copiés par les incrédules.
Par ces exliorlalions pathétiques , ils sem-
blent nous dii'e : Soyez modérés , paisibles ,
doux el patients, afin (lue nous puissions vous
insulter et vous tourmenter inipuné.nent.
L'on peut dire, malgré tous les reproches
contraires, que si la théologie n'est pas en-
core portée au dernier degré de perfection ,
elle est du moins exemple , surtout dans
l'université de Paris , de la plupart des dé-
fauts (jue l'on a reprochés aux théologiens
scolastiques, desquels nous allons parler.
Tuùologil; scolastique, uiélbodo d'ensci-
gncr la théologie ou de trailcr les matières
de k-eligioii , qui s'intioduisK dans l'Eglise
poiidunt le XI' et le su siècU'. Elle consistait,
1' à réduire toute la tliéolo(/ie en un seul
corps, à distribuer les questions par ordre,
di' manière que l'une pût contribuer à cclair-
cir l'autre, à faire ainsi du tout un système
lié, suivi et complet; "2° ù observer dans les
raisonnements les règles de la logique, à se
servir des notions de la uiétapliysi(|ue , ù
concilier ainsi, autant qu'il est possible, la
foi avec la religion , et la religion avec la
philosophie. Jusque-là celte manière de prq-
céder n'a rien de répréhensible , e.t l'on ue
peut pas diie que, dans le xr siècle , ces
deux méthodes fussent absolument nou-
velles. En effei, au vu" siècle, suivant ( c que
dit Mosheim, Tayo de Saragosse avait tenté
de réduire la théoloyie en un seul corps;
saint Jean Damaseène y réussit mieux au
VIII', dans ses quatre livres de la Foi ortho-
doxe, et il se servit, pour éclaircir nos dog-
mes, de la philoso|jhie d'Aristote. Longtemps
avant lui nos anciens apologistes s'étaient
attaches à faire voir que plusieurs vérités
révélées avaient été, du moins confusément,
aperçues par les meilleurs philosophes. Mais
comme cet exemple n'avait pas été suivi pur
les théologiens latins, on regarde saint An-
selme, archevêque de Cantorbéry, mort l'an
1109, comme le premier qui ait donné un
système complet de (laéolocjic. Lanfranc sou
mall.re, dans ses disputes contre Bérenger au
sujet de l'eucharistie, avait montré la mé-
thode de concilier nos mystères avec les
principes de la philosophie. On prétend ijue
l'ouvrage de saint Anselme fut surpassé par
celui d'Hildeberl, archevêque de Tours, mort
l'an 1132, qui, sur la lin du xr siècle, donna
un corps complet et universel de théolotjie.
Mosheim convient que ces premiers au-
teurs ne tombèrent dans aucun des défauts
que l'on a justement reproches à ceux qui
sont venus après eux. Us prouvèrent les vé-
rités de la foi par des passages tirés de l'E-
criture sainte et des Pères de l'Eglise, et ils
répondirent aux objections que l'on pouvait
faire contre ces mêmes vérités par des ar-
guments fondés sur la raison et la philoso-
phie. Hist. ecclés., xr siècle, ii'' part., c. 3,
§ 5 et 6. Malheureusement cet exemple ne
fut pas suivi. Pierre Lombaid , docteur de
Paris, et ensuite évoque de cette ville, mort
l'an llOi, composa aussi un corps de théolo-
gie, dans lequel il disliibua les questions
avec méthode ; il rassembla sur chacune, des
Sentences ou des passages de l'Ecriture sainte
et des Pères; c'est en qui lui fil donner le
nom de Maître des Sentences. S'il est vrai
qu'il ait copié l'ouvrage d'Hildebert, il ne
lut pas aussi sage. Ou lui reproche d'avoir
traité beaucoup de ((uestions inutiles et d'en
avoir omis d'essentielles, d'avoir appuyé ses
raisonnements sur des sens ligures ou allé-
goriques de l'Ecriture sainte qui ne prouvent
rien , et d'y avoir mêlé sans nécessité une
Irès-mauvaise philosophie. Son recueil est
(livi'è on quatre livres , et chaque livre en
jiUiiicurs paragraphes. Comme les écoles de
THE
742
théologie de Paris étaient des plus célèbres ,
les Sentences de Pierre Lombard devinrent
un livre classi.jue et firent oublier l'ouvrage
d'Hildebert. Pendant longlenjps les théolo-
giens ne firent autre chose que des commen-
taires sur le Maître des Sentences ; c'est ce
qui l'a lait regarder comme le père de la
théologie scolaslifjue. 11 n'est que trop vrai
que, dans la suite, ses disriples enchérirent
beaucoup stir ses défauts. Non-seulement ils
Irailèrenl une infinité de questions inutiles,
frivoles et souvent ridicules, mais ils pous-
sèrent à l'excès les subtilités de la logique et
de la métaphysique; ils préfèrent de prouver
les dogmes de la foi par des maximes d'A-
ristote plutôt que par l'Ecriture sainte et par
la tradition ; ils forgèrent des termes barbares
et inintelligibles pour exprimer leurs idées;
plusieurs s'altachèrcnt à rendre lotîtes les
questions problématiques, à soutenir le pour
el le contre, alin de faire briller la subtilité
de leur génie, etc.
Dès le xir siècle, plusieurs théologiens
très-sciisés, comme saint Bernard, Pierre lo
Chantre, Gauthier de Saint-^'iclor cl quel-
ques autres, s'opposèrent de toutes leurs
forces aux progrès de la nouvelle méthode ,
cl déclarèrent la guerre aux théologiens phi-
losophes; ils ne purent arrêter le torrent.
Dans le siècle suivant , les sectateurs de
Pierre Lombard avaient prévalu ; ceux qui
s'attachaient à l'Ecriture bainle et à la tra-
dilion furent appelés doctores biblici, les
autres se nommàrenl dactores sententiarii ;
ceux-ci avaient toute la vogue et attiraient
à eux la foule, pendant (juc les premiers vi-
rent souvent leurs écoles désertes. Le désor-
dre s'accrut au point que les souverains pon-
tifes en furent alarmés ; Grégoire IX en
écrivit de sanglants reproches aux docteurs
de l'université de Paris, et leur ordonna
rigoureusement d'en revenir à la méthode
des anciens. Du Boulay, Uist. Acad. Paris.,
t. III, p. 129. Nous ne devons donc pas être
étonnés des déclamations qui ont été faites
contre les théoloiji(ns scolasliquen, non-seu-
lement par les protestants, qui ont évidem-
ment exagéré le mal , mai'i par plusieurs
écrivains catholiques. Plusieurs ont con-
fondu mal à propo.i les vices, les défauts, les
travers personnels de quelques théologiens
avec la méthode même, qui était susceptible
de correction, puist|u'ellc a ; té corrigée en
effet. Jlais nous n'avouirons pas aux pro-
testants que ce sont eux qui ont opéré celte
révolution : elle était commencée longtemps
avant la naissance de leur prétendue réfor-
malion. .\u xiv siècle, Nicolas de Lyra, le
cardinal Pierre Dailly, tîrégoire de Uiaiiui,
etc.; au xv, Gerson , Tostat , le cardinal
Bessarion el d'autres, ne ressemblaient plus
aux scolastiquesdu xiir, où s'étaient formés
Wiclef et Luther, que l'on nous vante comme
des hommes d'un mérite supérieur et comme
des savants du premier ordre, sinon dans les
écoles de théologie telles qu'elles étaient de
leur temps? Le dernier, dès qu'il parut,
trouva des antagonistes qui en savaient pour
le moins autant que lui, et qui pouvâieut le
7iS
THE
THE
•}U
lui disputer dans tous les genres d'érudition.
Aussi plusiours écrivains très-capables d'en
juf;cr ont-ils fait l'apologie do la théologie
scolastique. « Ce qu'il y a, dit Bossuet , à
considérer dans les scolasliqm-s et dans saint
Thomas, est ou le fond ou la luélhode. Le
fond, qui sont les décrets, les douilles, les
maximes constantes de l'école, ne sont autre
chose que le pur esprit de la tradition des
Pères ; la méthode, qui consiste dans cette
manière conlentiense etdialcctique de traiter
les questions, aura son utilité, pourvu qu'on
la donne non comme le but de la science,
mais comme un moyen pour y avancer ceux
qui commencent, ce qui est aussi le dessein
de saint Thomas , dès le commencement de
sa Somme, et ce qui doit être celui de ceux
qui suivent sa méthode. On voit aussi par
cxp;Tience queceux qui n'ont pas commencé
par là, et qui ont mis tout leur fort dans la
critique , sont sujets à s'égarer beaucoup
lorsqu'ils se jettent sur les matières de la
théologie. Los Pères grecs et latins, loin d'a-
voir méiirisé la dialectique , se sont servis
souvent et utilement de ses définitions , de
ses divisions, de ses syllogismes, et, pour
tout dire en un mol, de sa méthode, qui n'est
dans le fond que la scolastique. » Défense de
la tradition et des saints Ptres, I. m, c. 20.
Si ce fait avait besoin de preuve, on pourrait
le confirmer par l'exemple de saint Jean Da-
mascène, qui fit un traité de logique afin
d'apprendre aux théologiens a démêler les
sophismes des hérétiques , et par l'opinion
de Barbeyrac, qui prétend que saint Augus-
tin est le père de la scolastique; Traité de la
morale des Pères de l'Église, prêt'., p. 38 et
39. Leibnitz, protestant plus modéré que les
autres, n'a pas imité leur prévenliDU contre
les scolastiques; voici comme il s'en expli(iue:
« J'ose dire que les plus anciens scolastiques
sont fort au-dessus do. quelques modernes,
en pénétration, en solidité, en modestie , et
agitent beaucoup moins de questions inuti-
les, » II cite pour exemple la secte des no-
minaux. « Les scolastiques ont tâché d'em-
ployer utilement pour le christianisme ce
qu'il y a-vait de passable dans la philosophie
des pa'i'ens. J'ai dit souvent qu'il y a de l'or
caché dans la houe de la barbarie scolastique,
cl je souhaiterais que quelque habile homme
versé dans cette philosophie eiît l'inclination
et la capacité d'en tirer ce qu'il y a de bon;
je suis siir qu'il trouverait sa peine payée
par de belles et importantes vérilés. » Esprit
de Leibnitz, t. II, p. hï cl 48.
Quand on est capable d'en juger sans pré-
vention, l'on ne peut pas nier que la scolas-
tique ne nous ait rendu un très-grand ser-
vice : nous lui sommes redevables de l'ordre
et de la méthode qui régnent dans nos com-
positions modernes, et que nous ne trouvons
l)as dans les anciens. Définir et expliquer
les termes , poser des principes desquels
tout le monde convient, en tirer les con-
séquences , prouver une proposition , ré-
soudre les objections , c'est la marche des
géomètres : elle est lente, mais elle est sûre ;
(•Ile amortit le feu de l'imaginai ion , mais
elle prévient les écarts; elle déplaît â un
génie bouillant , mais elle satisfait on espril
juste ; les hérétiques et les incrédules la dé-
lestent, parce qu'ils veulent déraisonner en
liberté, séduire et non persuader. — Si du
moins ils étaient d'accord avec eux-mêmes,
on pourrait excuser leur prévention ; mais
d'un côté ils blâment les aitciens auteurs
ecclésiastiques, parce qu'ils manquent d'or-
dre, de méthode, de précision, et ils censurent
les scolastiques , parce que ceux-ci en ont
trop à leur gré, ils leur reprochent d'avoir
négligé l'Ecriture sainte et la tradition, et,
quand nous leur opposons l'une et l'autre,
ils tordent la première et rejettent la seconde.
Que faudrait-il pour les contenter? Un peu
de la logique de l'école ne serait pas ici de
trop. Cependant, si l'on veut juger du mérile
d'un discours ou d'un traité écrit avec art,
dans un style brillant et séduisant, il faut
nécessairement en faire l'analyse, et celle
analyse n'est autre chose que la forme sco~
lastique. Si, avant de le composer, l'auteur
n'a pas commencé par en dresser le canevas,
l'on peut déjà présumer qu'il a fait des
phrases et rien de plus. Si l'ouvrage est
considérable, nous voulons ou une analyse
exacte îles livres et des chapitres , ou une
tahle raisonnée des matières, qui nous nielle
en état de voir au premier coup d'œil ce qu'il
contient ; c'est encore le réduire à la forme
scolastique. Que l'on dise si l'on veut, que
ce n'est là que le squelette de l'ouvrage,
qu'ainsi \a tcolastique n'était que le squelette
de la théologie; nous pourrons en convenir,
mais sans cetlecharpente, l'ensemble ne peut
avoir ni corps ni solidité
Fra-Paolo , prolestant sous l'habit de
moine, et son commentateur, aulre apostat,
ont trouvé mauvais qu'au lieu de condamner
les hérétiques, le concile de Trente n'ait pas
commencé par condamner les scolastiques ,
qui avaient fait de la philosophie d'Aristole
le fondement de la religion chrétienne, qui
avaient négligé l'Ecriture, qui avaient tour-
né tout en problème, jusqu'à révoquer en
doute s'il y a un Dieu , et à disputer égale-
ment pour et contre : Hist. du conc. de
Trente, I. ii, § 71, note 98. 11 est évident que
ce trait de satire est une pure calomnie. Il
suffit d'ouvrir la Somme de saint Thomas,
pour voir que, quand il s'agit d'un dogme ,
ce saint docteur ne manque jamais d'apporter
en preuves des passages de l'Ecriture et des
Pères, avant d'y ajouter des raisonnements
pliilosophiques. Or, on sait quel degré d'au-
torité ce grand théologien a toujours eu
parmi les scolastiques ; le très-grand nombre
l'ont suivi comme leurmailre et leur modèle.
Lorsqu'ils ont mis en question s'i/i/ a un Dieu,
ce n'est pas qu'ils en aient doulé, ni pour
tourner celte question en problème : c'était
au contraire pour la prouver et pour résou-
dre les objectmns des athées , et parce qu'ils
ont rapporté ces objections, il ne s'ensuit pas
qu'ils ont disputé pour et contre. On suit
encore aujourd'hui celte méthode dans les
écoles; il y a autant de démence que de ma-
lignité à la blâmer. Si parmi la foule dca
745 TIIË
scolàstiqùes il y en eut queiqufis-uns qui
|;oussèieiit tmp loin roiUèlcmi'ni pour Aris-
tole el pour sa ilialo('lii)ue, cuimiiu Âbailard
el ses disciples, ils furent coiidainiies. Nous
avons vu qu'au xiii" siècle Grégoire IX. cen-
sura cel excès; mais il ne regiiail plus du
temps du concile de TrenU-; il n'y availdonc
aucune raison de le proscrire de nouve lu.
Ce sainl concile a fondé ses décisions sur
l'Ecrilure el sur la Iradiiion, el non sur l'au-
torilé d'Arislole.
Pendanl plusieurs siècles, le nom de sco~
laslitjue a si|;nilié un docliur, un lioinme
charge d'enseigner; écoldtre en esl la iraduc-
lion. Dans la plupart des chapitres, celle
fonction a passé au théologal.
Théoldgie mystique. Ceux qui en ont
traité disent que ce n'est point une halntude
ou une science acqiiisi', telle que la Idéolo-
gie spéculiitive, mais une CDUiiaissaiice ex-
périmeniali-, un goût pour Uieu, qui ne s'ac-
quierl point cl qu'on ne peut obtenir par
soi-même, muis que Uieu communique à
une âme dans la prière et dans la conlein-
plaliou. C'est, disent-ils, un clat surnatu-
rel tit^ pnère passive, dans le(|uel une âme
qui a étouffé en elle toutes les afTecl.ons ter-
restres, qui s'est dégagée des choses visih.es,
e( qui s'est accoutumée à converser dans le
ciel, esl tellement élevée par le Seigneur,
que ses puissances sont Gxées sui' lui sans
raisonnement et sans images corporelles re-
présentées par l'imuginaiion. Dans cel éial,
par une prière tranquille, mais très-fervente,
et par une vue inierieure de respiil,elle
regarde Dieu comme une lumière immense,
élernolle, et, ravie eu exliise, e'Ie contem-
ple sa honte inlinie, son amour sans humes
el Ses aulres perleciinns adorables, l'ar cotte
opération, toutes se.s aileclions el toutes ses
puissances semhlenl Iriinsformées en Dieu
par le pur amour ; ou ctlle âme reste Iran-
quillemenl dans la prière de la fui, ou elle
emploie ses aiiecl;ons â produire les actes
enlianiiués de louange, d'adoration, etc. Par
celle description lueine on nous fait enten-
dre que cel étal n est pas aisé à concevuir,
el qu'il faut l'avoir éprouvé pour s'en for-
uier une juste idée. L'on ajiuie qu'il ne faut
Di le rechercher, ni le désirer, ni s'y com-
plaire , parce qu'une pareille disposition
conduirait ù l'orgueil el jetterait dans l'illu-
sion.
Nous ne douions pas que Dieu, pour ré-
compenser les vertus et la ferveur de cer-
taiiits âmes, leur liJelilé à son service et
leur constance à s'occuper uniquement de
lui, ne poisse les i lever â ce liaui digre de
coiilemplaliou, et qu'il n'ait accorde eu elTel
cette grâce a plusieurs saints. Mais il fiiul
aviiuer aussi que les disposition» <lu tenipo-
ramenl, la chaleur de l'iuiaginaiion, un
mouvement secret d'orgueil, cei laines ma-
laiiies même, ont pu persuader faiisscmeiil
à plusieurs personnes qu elles élaienl par-
venues à cel étal sulillm •, el (jue les direc-
teurs les plus habiles peuvent èlre quelque-
fois sujets à s'y tromper. Votj. Contempla-
tion, llXTAsE, OltAISON MENTALE, etC.
DicT. DE Théol. dogmatique. IV.
TilE 746
rr Laissons donc de côlé les opérations mer-
veilleuses de la grâce, puisqu'elles sont au-
dessus de nos faibles conception-; ; horiions-
nous à juslilier la vie coiitcmplitivo eu elle-
même, la conduite de ceux qui s'y livrent,
leurs principes, leurs m.iximes, leur lan-
gage qui est la théologie mi/stijue; on peut
le faire sans donner lieu a aucune erreur
ni a aeicun abus.
11 esl aise de comprendre que celle théo-
logie ne peut pas plaire aux proieslaiits.
Comme ils ont iuterèi de persuader que la
doctrine d^' Jésus-Christ, ou le vrai cliris-
lianisme, a commencé à dégénérer dè< le
second siècle, el que le mal esl allé toujours
en empirant jusqu'à lii naissance de l.i ré-
formalion qu ils y ont laite, ils ont cru trou-
ver une dis causes de celle corrupiiuu dans
les iiiiaginalions de la théologie my. tique,
et ils se so.it donné carrière pour lu i ouvrir
de ridicule. Moslni.ii en particulier, dans
son Histoire chrétienne el dans son Histoire
ecciésuisligue, u a rien néglige pour y réus-
sir. Il u'esl presque pas un seul siècle s.jus
lequel il n'ait lancé des invective^ conire la
vie des conieuiplatils ; il l'appelle inéianco-
lie, démence, fiuuUisme, extravagance, délire
de l'imagi nation, aie. On esl piesiiue lente
de douter s il n'a pas été lui-même atteint de
la maladie dont il a voulu guérir les aulres.
Avant d'examiner l'hisloire satirique qu'il
en a faite, voyons si les principes el les mo-
tifs qui ont diiige la conduite des contem-
platifs sont aussi chimériques el aussi mal
tondes qu'il le prétend, ^ous croyons les
trouver dans l'Kciiture sainte; et puisque
les protestants ne veulent point d'aulre
preuve, nous avons de quoi les satisfaire.
1° Jesus-Christ dit dans 1 livangile qu il fuul
toujours prier, el jamais se lasser, Luc,
c. xviii, V. 1. H ;i conlirnié celle leçon par
son exemple; nuus lisuiis qu'il pas's.iil les
nuits eiiiièresa prier, e. vi, v. 12. Lorsqu'il
demeura peudani quarante jouis et pendanl
quarante nuils d.ins le deseri, nous pre-
suiiioiis qu'il employa pruieip ilemenl ce
temps ù lu prière n à la contemplation.
Peudjiil la nuit qui précéda sa passion,
H se retira, suivant sa coutume, dans le
jardin el sur la monlague ds Oliviers;
il y recommença s.i prière jusqu'à trois
lois, il repiit ses apùlres de ce qu'ils ne
pouvaient veiller el prier pendanl une
lieure avec lui, Matlh. c. xxvi, v. i'i- ; Luc,
c. XXII, v. 3,). Saint Paul repele aux lidèies
les leçons de iioiie divin maitre ; il h s
exhoiie à prier en tout temps, a multiplier
leurs oraisons et leurs deiuiudes, à veiller
et à prier surloul en epril, Jipiies., c. vi,
V. 18: a prier sans relâche, / Thess., c. v,
V. Il ; Hum., c. XII, V. ll;à joind.e les
veilles et les actions de grâces a leurs priè-
res. Coloss., c. IV, V. 2 ; a prii r jour el nuit,
1 Tan., c. V, V. 5. Il faisait lui-.mème ce
qu il piescrivail aux autres, / Th ss., c. lu,
V. 10. Saïut Pierre tient le même langage,
Episl. 1, c. IV, V. 7. — 2° Quant à la manière
de (trier, Jésus-Christ nous enseigne à re-
chercher la solitude : pour le faire, il se re-
24.
/47
THE
THE
748
lirait dans Ips lieux, déserts, Luc, c. v,
V. 10; il allait sur les montagnes, c. vi,
V. l'i ; c- IX, V. 28 ; il jiriail clans le silence
de la nuil. Lorsque vous voulez prier, dii-il,
entrez dans votre chambre, feimez ta porte,
et priez votre Père en secret [Mat th. vi, G).
— 3° II nous fait entendre que la [irière infé-
rieure, la prière mentale est la meilleure,
puisqu'il dit : Lorsque vous priez, ne parlez
pas beaucoup (Matth. vi, 7). Saint Paul, de
son côté, nous donne la même insiruclion :
Priez en tout temps et en esprit {Kphes. vi,
18). Je prierai et Je louerai le Seiijneur in'
te'rinirement et en esprit (/ Cur. xiv, 15).
— 4° L'Ecriture nous apprend encore que ia
prière doil être accompagnée du jeûne ;
c'est l'avis du saint homme Toliie, c. xii,
V. 8. L'Evangile fait l'cloge d'Anne la pro-
phéles^e, qui ne sortait pas du temple, ijui
s'exerçait à la prière et au jeûne le jour et
la nuit.. Lue., c. n, v. 37. Nou-i ne répéle-
rons pas la loule des passages que nous
avons rites à l'art. Mortification, dans les-
quels Jésus-Christ ei les apôires font l'éloge
de la vie retirée, austère, pcnitonte et morti-
fiée. — 5° S'il éiail besoin de consulter encore
l'Ancien Tcsiaineni, nous y verrions que les
psaumes de David sont remplis d'oxboria-
lions à la prière, non-seulement à la prière
vocale, mais à la prière mentale, à la prièriî
de fespril « t du cœur, à la me(i;tati')n d à
la contemiilatiou ; que ces leçons divines
sont confirmées par les exemples de D.ivid
lui-même, de Tobie, de Judith, de Daniel et
des autres prophètes, aussi bien (jue par
ceux de saint Jean-Haplisie, d'Anne la pro-
phétesse , des apôtres dans le Cénacle, du
centurion Corneille, etc.
Nous ne demandons pas si les protestants
trouveront des explications et des subterfu-
ges, pour tiinlre le sens de tous ces passa-
ges et pour en esquiver les conséquences,
ils n'eu manqnent jamais ; mais nous de-
mandons si les chréiiens du ir et du iii° siè-
cle, qui n'étaient pas aussi habiles, ont eu
tort de prendre l'Ecriture à la lettre, et d'en
copchire, 1° qu'une vie cousacrée en grande
partie à la prière est agréable à Dieu ; 2°
que la meilleure prière est l'oraison men-
. taie, ia médilaiion ou la coulemplalion ; 3"
que comme il est à peu près impossible d'y
cire assidu dans le niondi-, il vaut mieux
se relir-er dans la solitude pour y vanuer
avec plus de liberté ; 'i-" qu il faut joindre à
la prière une vie austère et niortitiee. S'ils
se sont Ironipés, c'est Jésus-Chiist, ce soiil
les apôtres cl les autres écrivains sacrés
qui les ont induits eu erreur, comme le sou ■
tiennent les incrcdu'es. S ils ont eu raisoji,
il y a d(! l'impieié à déclamer sans aucune
retenue contre les ascètes, les anachorètes,
les moines, et contre tous les coutenipla.if<.
Leibuitz, |)lus sensé que le conimun des
protesiauls , n- blâme point lu ihevl-gie
mi/stiq ie. « Celte Ihéotofjie, dit-,1, ( si à la
lhnolo(jie ordinaire, à p -u près ce qu'tsi la
poésie à I'» loquence, c'est-a-dire elle émeut
davantage ; uiais il faut des bornes et de la
modération eu tout. » b'spr-it de Leibniiz,
toni. H, p. 51. Pour les autres qui ont eu
peur sans doute d'être trop éinus par le lan-
gaiie de la pieté et de l'amour de Dieu, ils
n'ont pas pou^sé les réllexions si loin ; ils
ont trouvé plus aisé d'avoir recours au ridi-
cule, aux railleries, aux sarcasynes, et d'ob-
jecter de prétendus inconvénients. Si tout
le inonde embrassait lu vie solitaire et con-
tempUitire, que deviendra l la suciété ? Nous
avons déjà répondu plus d'une fois que I4
Providence y a pourvu ; Dieu a tellement
diversifié les talents, les goûts, les inclina-
tions, les vocations des hommes, (ju'il n'est
jamais à craindre qu'un trop grand nombre
embrassent un genre de vie extraordinaire.
Mais la question est toujours de savoir si
Dieu n'a [las pu donner à un certain nombre
de personnes du goût cl d.' l'attrait pour la
vie eonlemplalive, et s'il n'a jamais pu ré-
compenser par des grâces particulières celles
qui ont été fidèjes à suivre cette vocation de
Dieu, qui se sont occupées conslamment à
méditer ses perfections, à exciter eu elles le
feu de son amour, à étouffée toutes les affec-
tions qui auraient pu alTaiblir ce sentiment
sublime, l ml exaliépar saint Paul. Nous dé-
fions nos adversaires de le prouver jamais.
Après ces préliminaires, nous pouvons
examiner en sûreté les imaginations de Mos-
heim. il rup;iorle l'origine de la théoloyie
mystique au ii'' siècle et aux principes de
la philosophie d'Ammonius, qui sont les
mè.nes ijuc ceux de Pylbagore et de Platon.
Comme ceux-ci ont vécu longtemps avant
Jésus- Christ, il en résulte déjà que cette
théologie est plus ancienne que le christia-
nisme. Aussi Moslieiin suppose que les essé-
niens cl les thérapeutes en étaient déjà im-
bus, et i|ue Philon le juif a contribué beau-
coup à la répandre. Elle était d'ailleurs, dit-
il, analogue au clim.it de l'Egypte, où la
chaleur et la sécheresse de l'air inspirent na-
lurellemenl la luélaiicolie, le goût pour la
solitude, pi)ur l'inaction, le repos et la con-
teinplaiion. Il déplore les conséi|uences per-
nicieuses que celle disposition des esprits a
produites dans la religion chrétienne. Hist.
christ., sipc. 11, § 33 ; Hist. ecciés., sœc. 11,
part. Il, t. 1, § 12. Nous avons réfuté toutes
ces visions aux mots .\;cîiTEs, Anachorètes,
jM'ii.^E, Mortification, Platonisme, etc. Il
est bien ridicule de supposer que le commun
des chrétiens du 11' ci du m' siècle éiaient
des savants et des philosophes imbus des
principes de Platon, d'Aimuoiiius et de Phi-
lon, el qu'ils les oui suivis plu.ôi que l'Ecri-
ture sainte; il ne restait plis à Mosheiui
qu'à dire, couiuie quelque s incrédules, que
Jésu»-Clirisi lui-méuie et sou précurseur
étaieiii prévenus des mêmes erreurs, qu'ils
n'uni fait qu'iaii.er les essenieus el les thé-
rapeutes. — A l'époque du m' siècle, il pré-
len I (lu'Ori^eiie adopta le sentiment de ces
philo^oph; s, qu'il le ie;;arda comme la clef
de lonicsles \eriles révélées, qu'il y chercha
les raisuus de chaque doctrine ; il imagina,
couiuie Ptaion, que les âmes avaient été pro-
duites et avaient péché avant d'être unies à
des cirps, que celle union é^ait un cliâti-
ï!9 THF. riiE r;o
lupiit pour elles; que pour les f;iiro ro(our- Uixl.de l' Ei/li^c, w" sii^clo, ii' pfirt.. c. .'î,
iior (>l les unir A Dieu, il fallnit les délaclicr § !2. — Nous ropomlons qu'il n'y avait rien
. o l<i clwiir et de ses iiiciinalions, les puri- de c»ininun entre la scienei- si'crèle ili-s
fii'r par des auslérilés, par le silcme, p ir la écleeliiiuc;, fouJci- >ur un p.i^jnis ne «'"'>''-
couii'inpl.illon. Sur celle fausse liy pi'llii'se, sier, el la tliéiilugif inijitii/ur les lioeleurs
rjoslieiin pré'.e à Origèiie un pl.in de llicolo- chréliens, si ce n'est quelques termes ou
(;ie qu'il a (br;;c lui-nièrue, et dont l'absur- quelques expressions que les p'euiiers i/mi-
dite est révoltante, llisl. rhrisl., sujc. m, [iruntèrent du cliri^tiauisuu! pour trouipcr
^ '29 ; liiH. ecclénlast., m siec., ^ part., e. 5, les i;;noranl$. A celle époquo la rclii'i')!!
§ 1. Si Origôue en était véritablement l'au- chrétienne cl.iit clablii? nuii-seulcnent chez
leur, il faudrait le regarder non-seiileiHcnt l«s Arabes, chez les Syriiuis, les Aruiéiue 's
(•oinine un visionnaire insensé, mais comme et les Perses, mais en Italie, eu li-iiia^çup, sur
uu' apostat du riii'istianisme. Heureusement les c:')tes d'Afrique, dans le-, (laub^s el eu
i n'en rsl rien. 1" Il est faux que ce l'ère ait Ani;leterre. Nous l'era-l-ou croire! que le-
ng.rdé le système rie l'Iaion comme la clef plaioniciens d'Alexandrie ont euvoyé des
de touti's les vérités révélées. Après avoir émissaires dans ces dilîerenlcs régions, dont
pro[)osé l'opinion de ce philosophe tourhant les langues leur élaien étrangères, pour y
la [iréexistence des âuie-, de Princip., 1. ii, répandre leurs principes et leur science se-
e. 8, il dit, n. 4 : « Ce que nous venons de crête, pour y introduire les super-litious et
dire, qu'un esprit est devenu une âme, el tout les abus dont Moslieim preieud qu'elb: a été
ce qui peut tenir à celle opinion doit être la cause? Nous persuadera-t-on <iue Lac-
soigneusemenl examiné et discuté par le lee- tance, Jitlius Firmicn.t Mateiniis, Ku èh- et
leur ; que l'on n'imagine pas (|Ui' nous l'a- Arnobe, i|ui dans ce siècle ont écrit contre
vançons comme un dogme, mais comme une les philosophes pa'iens, qui en ont coml)ailu
question à traiter et comme une recherche les principes et les conséquences, qui ont
à faiie. » H !•• réfièle, n. 6. 2" Origène a for- démontré les absurdiié-i, les supersitions,
mellemeni admis le péché originel, Homil. les abus auxiiuels la doctrine de ces rêveurs
S in Levit., n. 4 ; llitmil. 12, n. 4-; Contra av.iit donné lieu, el qui n'ont pas mieux
Ctls., I. IV, n. ÏO ; llomil. 1 j. ni Lucam: Com- traité Platon que les autres, ont cepend lut
ment, in lîpist. nd liom., I. v, pag. .ï46 et vu de sang-froid introduire dans ie rhiisiii-
5'»7. Il a pensé que ce péché avec sa peine nisme ces mêmes abus sans en témoigner
a passé dans tons les hommes, p irce que aucun regret ni aucun éiounemeul? V'oiià
loules les âmes étaient r<Mil'i'rmées d lus ci'lle le phénomène absurde que les [iroiestaiits
d'Adam, opinion incompalibii^ avec celle de ont entrepris de prouver. Aux mots lici.Ec-
Plalon. 3" il fonde la nécessité <le morlifier tisme et Platonismk, nous en avons déjà l'ait
la chair, non sur la raison (ju'en donnaient *'oii' la fausseté, el nous avons réfuté la sa-
les idatonicions, mais sur celle qu'en ap- vante dissertation Je Mosheim sur les trou-
porte saint Paul, savoir, que les inclina- blés prétendus que les nouveaux platoni-
tions lie la chair nous portent au péché, et cieus ont causés dans l'Iîglise.
il cite à Cl' stijel plusieurs passages de cet II est fort incertain si les ouvra;,'es du
apôtre, Comment, in Episl. ad Rom.. 1. vi, faux Denis l'Aréopagilt; oui élé faits au
n. 1. 4° Origène a eu, pendant sa vie et 'V siècle, puisqu'ils n'ont été conn is que
après sa mori, des partisans et des ennemis, deux cents ans après. Cet écrivain ne p'ut
des accusateurs et des apologisles; ni les uns cire traité d'impoUeur, à moins qu'il n'ait
ni les autres ne l'ont regardé comme l'auteur pris lui-même le siirnoui d'A'éopagile, et
on le propagateur de la théotorjie mijftiijue; qu'il ne se soit donné pour disciple imuié-
Moshoim le sait- il mieux qu'eux '? o° D'au- dial de saint Paul. On prétend qu'il l'a fait
Ires critiques ont altiilmé celle invention à dans une lellre qui se trouve A la suite de
Clément d'Alexandrie, sans lui prêter pour si>s traités sur la théoloqie miistique; mais
cela loules les rêveries que Moshium veut celle lellre peut élrc supposée ou interpolée,
nicllre sur le couipte d'Origène. Son pré- H n'est pas de l'inlérêl des protestants de
tendu plan de ta theol gie de re Père est regarder cet auieur coniiue fort ancien, puis-
d 'lie faux à tous égaras. Voij. OniiiiCNn. 6" que, dans ses livies de lu Iliérnrchin ecilé-
Enlin il se réfute lui-même, (mi disant que sinslvjue, il représente la discipline et les
les csséniens et les thérapeutes avaient usages île l'Eglise tels à peu près nu'ils sont
puisé leurs principes dans la philosophie aujourd'hui.
urieulalc, que les solitaire> et les nioi.ies Moshiùin renouvelle au v siècle, ir part.,
n'ont fait que les iuiilcr, llist. christ., l'ro- e. 3, § 11, ses plaintes et ses iuveilivcs coii-
/eiy., c. 2, § 13. Ire la multitude de moines contemplatifs qui
Au iv siècle, suivant son opinion, les phi- fuyaient la société des hninmes et qui s'e\-
losophes éclectiques ou les nouveaux plalo- lénuaient le corps par des mac; raii uis ex-
nicieus de l'école d'Alexandrie culiivèrcut cessives; cette pesle, dil-il, se répamiii de
la //("'0/07/e m!j:fliq'ie sous le nom de science toutes paît-. Ce n'elail donc plus la chaleur
secrète. Un fanatique imposteur, qui ^rii le de l'atmosphère de l'Egypte <)ui produisait
nom de saint Denis rArôo|)ag,te, la réduisit cette contagion. Klle .ivàit déjà pénéiré chez
eu sy-tème el eu prescrivit l.'s règles. Noire les Latins, puisque Julien l'omère, abbé et
critique déplore d • nouveau les erreurs, les professeur de rhetoruiue à Arles, écrivi; un
superstitions, les abus que celte prétendue irailc de Vita contemplativa ; et bientôt elle
science introduisit dans le chrisîianisino ; gagna les pays du Nord. Koy. MoRTiFiCà-
lai THE
TioN, Stylites, e(c. — Nolrfi s^vèro censeur
avait oublié ces faits, lorsqu'il a dit qu'au
IX' si("'(lo les Latins n'aviiieiil pas eiici>re été
séduits par les charm s illnsiires do la <lé-
voiioii mystique, tii.iis qu'ils le furenl, Inrs-
qu'en 824 l'empereur grec Michel le Bègue
envoya à Louis le Débonnaire une copie des
ouvr;iges de Denis l'Aréopagile, ix° siècle,
II" pari., c. 3, § 12. Il e^l cependant ceilain
(]u'au VI' et au vu'' les moines des Gaules et
lie l'Anglclerie étaient pour le moins aussi
ap|ili(iiiés à la vie conlemilative que ceux
(lu IX' et du X'. Un des abus (pie ce critique
fait remarquer dans les théologiens du xii'
est leur .ilTedalion de rechercher dans l'E-
crilure sainte des sens mystiques, et d'allé-
rcr ainsi la simplicité de la parole de Dieu,
ir pari., c. 3, § 3. Mais les lettres de saint
liarnabé et de saint Clémenl, disciples des
.ipôlrcs, sont toutes remplies d'explications
inysliques et allégoriques de l'Ecriture
siiinte ; Mosheim lui même le leur a repro-
ché comme un dél'.iul. Ils exhiirlcnl les fi-
dèles à la médiiiilion et à la mortifiialioii :
étaieni-i!s platoniciens? Il reconnaii, § 12,
que l('swi(/W/qiiips di^ ce même siècle ensei-
gnaient mieux la morale que les scolasli-
(jucs; que Irur discours était tendre, persua-
sil cl touchant; que leurs sentiments sont
souvent be.iux et sublimes, m.iis qu'ils écri-
vaie;it sans méihoile, et qu'ils mêlaient sou-
vent la lie du platonisme avec les vérités cé-
lestes. Fausse accusation. S'il y eut au
sir siècle un excellent mailre de théologie
inys ique, c'est inconleslablecnent saint lier-
iiuril; mais il puisait ses leçons dans l'Kcri-
lurr s.iinte, et non dans Platon ; ce philoso-
phe était profondémeul oublié pour lors, les
siolastiques mêmes ne comiaissjMcul qu'A-
rislote. Au xiii% ii' part., c.3, §9, noire his-
torien sadoticil un peu à l'êgarU de^ my.ui-
(jues; comme il avait dit beiincoup de mal
(les scolasliques, il a su bon gre aux pre-
m'ieis de leur avoir déclaré la guerre, -l'a-
voir travaillé à inspirer au peuple une dévo-
lion tendre et sensible, de s'êire fait gnûter
au point d'engager les scolastiqucs a se ré-
concilier avec eux. Mais saint Thora is d'A-
quin ne fut jamais dans ce cas; pendant
toute sa vie il sut allier à une élude assidue
la piété la plus pure et la [dus tendre, et il
eut au plus haut degie le lalenl de l'inspirer
aux auires. .Mosheim pari.- a pi u près de
même des inystitines au xiv ; il semble leur
accordrria victoire au xv et au commenci'-
meiit du xvr, parce qu'alors 1 1 bai barie et le
pliilosophisiiie ries scolasliqiics avaicni beau-
coup diminué, comme nims l'avons remar-
qué en p.irlani d'eux; mais ce censeur ma-
licieux n'oublie jamais de laacer contre les
premiers quelque trait de haine et de mé-
pris.
Enfin l'on vil éclore à celte époque la
biillanle lumière de la réformati m, et l'on
sait les elTels qu'elle produisit; elle étoulîa
la (liélé jusque dans sa racine, en déri édi-
tant toutes lis pratiques «jui peuvent la
nourrir, enoiciipant tous les esprits de con-
troverses Ihéido^iques, en allumant dans
THE
75-2
tous .es cœurs le feu de la liaine et do la
dispute, 'r.iiit le monde voulut lire l'Ecti-
lure sainte, non pour y recevoir d's leçons
de morale el de vertu, mais pour y Irouver
des armes oîTensives contre l'Eglise catholi-
que, el le moyen de soutenir loules sortes
d'erreurs. Vainement, après tous ces orages,
quelques proleslams, honteux de l'aiiéau-
tissemont de la piété parmi eux, ont voulu
la ranimer; ils ont été forcés de faire banle
à pari ; comme ils agissaient sans règle et
(ju'i's marchaient sans boussole, tous ont
donné dans le fanatisme; lels ont été les
quakers, les piélisles, les méthodistes, les
hernbutes, etc., et tous sont regardes par
les autres protestants comme des insensés.
Ils affectent de supposer, contre toute, vé-
rité, que les solitaires, les moines, les reli-
gieuses, se sonl uniquement voués à la con-
lemplalion, qu'ils ont mené une vie absolu-
meiil oisive el inutile. Il est constant que les
aucicns solitaires, à la réserve d'un très-p •-
til nombre, ont joint à la prière el à la mé-
ditation le travail des mains; ils ont < iillivé
des déserts, el ils sont sortis de leur relraile
loules les fois que les besoins et le salut ilu
proch.iiii l'onl exige. Ils ont converti des
nations barbares, et c'est ainsi qu'ils ont hu-
manisé et policé les peuples du Nord. Dans
les siècles d'ignorance ils oui cultivé les let-
tres et les sciences, et ce sont eux (|ui les
ont conservées en Europe. Tous les iiistiliils,
qui se sont formes depuis cinq cents ans,
ont eu pour principal objet l'utilité du pro-
chain; mais les fondateurs ont compris qu'il
était impossible de conserver la constance,
le courage, les vertus nécessaires pour reoi-
plir constamment les devoirs pénibles cl
souvent rebutants , à moi.-s i]ue l'on no
s'occupât beaucoup de Dieu, et que l'on en
obtînt des grâces dans la prière, dans la me-
d. talion, dans de fréquentes léllexions sur
soi-même, etc. lis se son.t donc proposé de
reunir la vie conteuiplalive à une vie Irès-
active et très-laborieuse. Emore une fois, il
y a de la frénésie à les blâmer, à les ra-
loiinier, à les tourner en ridicule. Voy.
Moine, etc.
♦ TlIt'.OLOGIENS (de i.'autokité des). Les lliéo-
Ioniens peiiveiil avnir autorité on par leur science
per-Oiiiielle «ni par lîur .iccind |ii>ur enseigner une
«liiciriiie. On coiiiiirend que nous ne pinivoiis ici
parler lie l'aiilorilé d'un lliéniogien pris isolénieiil.
L'iipinion (l'un iloi leur, quelle ipie soii sa tcience ,
ne peiii avoir granile inilinilé, à iiinins qu'il ne ral-
lie le> autres autour d(; lui. Liirsijue les lliL>i>b<t;ieilS
siiiil niuiiiiines pniir enseigner nue (Inclriiie, el que
ce le, nnanmmé s'est soiileniie dois I'Mis lis temps,
c'esl une preuve que telle (li)clrine e-l certaine el
p.iit même appaileinr à la iiailitinii. (iel enseigne
nient ile^ ^lleolllgien^ n'est alnr. que la eroyane ■ de
l'I'.glise, confuiinéiiient à ce qui a êié établi uu mol
l'kllES.
THÈOf ASCHITES. Voy Patripassiens.
THEOPH A.NIES , nom que l'on a donné
aulielois à ['h'pi/jhm e ou à la lèt ■ des rois ;
on l'a nommée aussi Théopsif, el ces deux
noms signilieut également apparition ou
m(inifcsiulio7i de Dieu. Voy. Ep'phanik. Les
païens étaient persuadés que leurs dieux se
735
TUE
Tlll':
754
montraient quelquefois à eus, soil en songe,
soil dans les mystères ; et ils appelident cette
faveur ihéiipaif , vue des dieux. O'ielques sa-
vants ont ausii pi'n<é que les (Irrcs et les
Egyptiens oiita<linis de>i Iheophnnie^ dans un
aiiire sens ; ils <>nl cru qu'un de leurs grands
(lieu\, Jupiter, par exemple, s'était en quel-
que manière incarné daiis nn roi de C'ète
(|iii s'attrihua ce nom. voulut en avoir Inus
les honneurs, el les ohtini de la crédulité des
pen|iles. Par celle supposilion l'on parvient
assez heureusement a concilier les a( tiiins
de Jupiter, roi de (liéle, avec celles de Ju-
piter, dieu. H y a là-d<'ssus dcu\ savants
mémoires dans h- recueil de VAcnd. des Ins-
cript., lom. LXVI, in-12, pa». ()2. Ce n'est
point à nous de ju^er si ce sentiment est
hicn ou mal fondé ; crile question ne tient à
rien à la théologie. Nous craignons cepen-
dant que, contre l'intention de l'auteur, les
inciédules n'en prenueul occasion de dire
que la croyanre de l'incarn tinn du Fils de
I')ien n'est qu'une anci' une iina.:iiiation dis
païi'ns. D'autre pan, si les païens ont véri-
tahlcmenl ctu aux t'icuplicmies, ça éié peul-
étre une des raisons pour lesquelles Dieu
n'a point révélé firmell' ment et clairement
aux anciens Juifs le mystère de rincarnuliun
future.
* TIIÉOPIIILANTIIROPIE. C'éiaii une espèce de
religion inviiiiée |ieiiil.iiit l;i lévoliiiioii pour réunir
en lin spiil faisoeni loiiles les relig ons cinniiies.
Pour svnilmlc (!■■ elle iinioii, en vil (l.ins nue eéré-
ni' me |iiilili<|iie biiller l:i lianniè^e du calliDlicisiiie,
celle (In judaïsme, celle du prolesiam suie, celle île
1.1 relijjKMi en gcnér.il, enfin celle de la ninr.ile,
siiiu lai|uelle devaienl se «roiiper Ions les lioiinnes
sans leliiiioii. Le Diellmn dre des Keli};iuiis a Irailt:
spécia eineiil de coue forme religieuse; nous y ren-
voyons.
THftOPHlLE (saint), évèqne d'Auiiodio,
fut placé sur ce siège l'an 1(58, el mouint
vers l'an 190; c'est l'un des plus savants
Pères de I Eglise du ii' siée e. Il ne nous
reste de lui que trois li\res à .\ulolique. qui
S"nl ime apoUigie de la religion chiéiienne
cl une réiutation du paganistn?. L'auteur y
fail grand usage des poêles el des philoso-
phes païens; il dénionire l'absurdil de leur
docirine, la vérité, la sagesse, la sainteté de
celle de l'Evangile. Cel ouvrage se trouve ;\
la snile de ceux de saint Justin, de l'edilioii
dos Bened clins. Saint Thcophile i'w aViiil f.iit
piusieurs .lultes, d ii.l il ne reste que quel-
ques fragments, el dont il y a lieu de le-
grilier la peile; il est le premier qui se
soil servi du mot de Trinilc pour dési-
gner les trois personnes divines. (]e Père a
été accusé mal à propos d'avoir employé d(>s
expressions fa^oiablisù l'arianisme; Itul-
Ins. dom Le Nouny, doiu Prudent M.irand,
éi.'ileur de saint Justin, el d'autre^, oui lait
VI ir que sa diH Inné est li es-or hodove. loi/.
Tillenionl. t. III, p. 88; D. Ceilli.T, l. Il,
p. 103; Yiis dm Pèns el dea marlyrs, t. XI,
p. Gi)5,ctc. Il ne fiut pas cnnlonilio ce saint
évéqiie d'.\nlii)clie usée Tlié pliile, palridr-
c!ie d'Alexandrie, oncle et prédécesseur de
salut Cyrille; celui-ci n'a vécu qu'au iv siè-
cle, et il se rendit céléhre par son arerdon
contre la docirine d'Origène.
THÉKAPEL'TES, nom formé du grec
BEfan^t-Ow, qui signifie éi^alement guérir et
svi'i' ; par conséquent l'on a nommé théra-
peutes des hommes ((ui Irav 'illaienl à se
guérir des maladies de l'nme.etdoul l'exem-
ple pouvait servir à eu guérir les autres.
Pliildii. il.'ihs son premier livre île In Vie con-
t iiiplntive. dit qu'il y avait eu Egypte, sur-
tout aux environs d'Alexandrie, un grand
noiiihre d'hommes el de lenmi s qui me-
naieni un genre de vie particulier. Ils re-
noi Client à leurs biens, à leur famille, à
toutes les affaires temporelles; ils vivaient
dans la solitude; ils avaient chacun une ha-
liitalion séparée,;'! quelque distance les uns
des antres, ils la nommaient .«f»inee ou mo-
nnslère. c'<'sl-à dire lieu de solitude. Là, con-
tinue Phil'in, ils se livraient enlièrement aux
exercices de la prière, de la coniemplalion
de la présence de Dieu; ils faisaient leurs
prières ensemble le soir el le malin ; ils ne
mangeaient qu'après le coucher du soleil;
quelques-uns demeur.iient plusieurs jours
sans manger; ils ne vivaient que de pain el
de sel, .issaisoniiés quelquefois d'un peu
d'hysope. Ils lisaient, dans leurs jfe/)in(^e.s-, les
livres de Moïse, des prophèies, des psaumes,
dans lesquels ils cherchaient des sens niys-
liqucs el allégoriques, persuadés que l'Ecri-
ture sainte, sous l'ecorce de la lelire, ren-
fermait des sens profonds el cachés. Ils
avaient aussi quelques livres de leurs an-
ciens ; ils (Oiiipi)saienl des hymnes el des
cuiliques pour s'exciter à louer Dieu ; les
hom'iies el les femmes gardaient la i onti-
neuce; ils se rasseinblaieul tous les jours de
sabbat pour couférer ensemble el vaquer
aux exercices d' religion, etc.
Le recii de Philou a loiirni une ample ma-
tière aux conjectures et aux disputes des sa-
vanls : on demande si les ihéiaprutes étaient
chrétiens ou juils : S'ils étaient chrétiens,
étaient ils moines ou laïques? S'ils étaient
juifs, éiait-ce une branche des ciiséuieus ou
une secte dilTérruio ?
1" Eusèlie, Histoire écriés,, I. ii, c. 17,
saint Jciôiue, Snzomèiie, Cassien, Nicéphore,
parmi les anciens; liaronius, Petau, Codeau,
le P. de Montlaucon, le P. Alexandre, le
V. Flelyol, elc, parmi les modernes, même
quelques au'eurs anglicans, ont cru (]ue les
tit rapeutes étaient des jnils convertis au
christianisme par saint iMarc ou par d'autres
prédicateurs de l'Itvaiigile. Plioiius, au coii-
Iraire, de \ alois, d.ins ses !\i)!es sur Eusèhe,
le préside;. l Uouhier, le P. ()i si, douinicain,
dom t^alinei et la foule des criliiiues proles-
laiiis, siiutienneui que les thérapeutes étaient
juifs el non chrétiens. \'oici les principales
r. lisons (lu ils (ipposi ni ;i ce. les qu'Eu-èbe a
données pour prouv r Sun seiiiimenl. En
pieniier lien, si les (hérnp''itt's a\ aient élé
les premiers cliéliens île l'Eglise d'.\lexan-
drie, il serait élonnant qu'aueuii auteur ec-
clésiastique n'en eût parlé avant le iv* siè-
cle, el qu'Eusèbc ne les eût couuus que par
75S
THE
THE
756
la nnrration de Philon. Origciie et Clément
d'Alrx.'indrie, qui avaient p;issé une parti;'
(le li'ur vie dans les écoles de celte ville, aii-
raieiil dû les coiinaitie, et le second les eût
mis sans doute au nomlne de ceux qu'il ap-
pelle les vrain (jnoslkjues. PliiMiurs peui-
élrc l'iiJiriissèrent le christianisme sur la fin
du 1" sièc!e. mai-^ il n'y en a aucune preuve
posilive. Kn second lieu, Philon fait en-
icndre que cette secte élnil déjà ancienne,
et qu'elle avait de livres de ses fondateurs;
qu'elle était répandue de toutes parts, quoi-
que le plus grand nonihre des thrrapeulcs
lussent en Kgypte : or, cela ne peut pas
s'entendre d'une secte chrétienne. L'an 40
de JesusClirisI, lorsque Pliilon fut envoyé
eu junhas'-iide à 15ome, l'ii^lise de cette ville
n'étnil (las encore fondée, il n'y avait encore
aucun des livres du Nouveau Ti slanient pu-
hlié qce l'Iîvangile de saint ilatlhi u ; le plus
tôt que l'on poisse placer la fondation de
l'Ej.'lise d'Ale.\andri(r est à l'an 50; et prui-
éire ne s'(Si-ille faite que heaucoup plus
lard. Quand Philon aur.iit encore vécu qua-
ranle ans après son amhassade, il n'a | as
pu dire que des thér pentes chrétiens él.'iient
une secte ancienne, ni qu'elle avait, des li-
vres (le ses anciens. Il esl d'ailleurs constant
que le chrisii.niiso e, qui av-iit commencé à
Jérusalem, se répandit d'ahord dans la .'u-
dée cl dans la Syrie, à Antiochc et dans les
environs; c'est là, et non en lîgypie, que se
Iroiiv.iieni le plus jirand notnbre des chré-
tiens. Ih se mullipi èrent dans l'Asie Mi-
neure, ilan- la (îicce, dans la Macédoine et
PU lia i , parles travaux de saint Pierre et
lie saini Paul : lUnts le Nouveau Teslamenl
it n'est parié l'Ulle ] arl des chrétiens de l'E-
gypte. L'.im nr de la solilule, la vie ausière,
le (ielacj.emeipl de loiiies choses, la contem-
ptatiou,l>i conilneoee même des thérapeutes,
lie sont pas (tes preuves infaillit)les de leur
chri lias isnie ; les esséniens de la Judée pra-
tiquaient à peu près le même genre de vie,
pe;>oniie cependant ne croit plus que les cs-
séniens aieui été cluétiens. I! y a hien de
l'apiiarence qne rc!aliiis>'emenl de noire rc-
lifjon codlr hua lieiiucoup à l'exlinclion de
CCS deux sec es de j ifs. D'r.nlre (lart, les
tliériii.ent'S avaient des observauc'S judaï-
<)ues d<'yqnelles les chiéîiens ont dû s'al^s-
lenir; ils g.irdaicnl le sahhat, ils ne faisaient
usa;ie ni ilu vin ni di' l.i viande, ils célé-
; raieni les fêles juives, pariiculièreuienl la
Pentecôte; ils pratiq' aient de fréquentes
ahlnlions, elc. Les clirénens, au conlraire,
dès leur origine, ont ohsMvé le diinatulie;
saint Paul leur prescrivait de manger de
lool indilTéremmeeil : II reprit sévèrement
les Cialates, parce qu'ils voulaient jnd ïser ;
les a|iôties av.nenl condannè celte condnilè
ilans le concile de Jérusalem ; il n'es! pas pro-
halde que saint Marc eût voiilii l,i tolérer
(laes l'Iif'lise d'Alexandrie. E lit', le repa^
rellgietîx des lit. rnpeites u'ét il pOMii la co-
léhraiidii de l'oucliari^tie, c '"ime Kusèhe se
le per iiailail ; ( e repas coesisiàit à m.inget'
«lu pain, du sel et de l'IlNSOpe, et il élait
suivi d'uau dausc où L;s hduiujes et la fem-
mes étaient réunis ; rien de tout cela ne se
faisait dans les assemblées des premiers
chrétiens. Le parallèle qu'Eusèbe a voulu
faire entre ceux-ci et les thcrapeutes n'est
donc ni juste ni exact.
2° Beaucoup moins peul-on soutenir que
ces derniers étaient des moines. La vie soli-
taire el monastique n'a commence en Egypte
que l'an 230, sons la persécution de Dèce,
lorsque saint Paul, premier ermite, se relira
dans II' désert de la Thebaïde; saint Pacôme
n'iniro liiisit la vie cénohilique que plus de
cin(iuanie ans après ; depuis longtemps il
n'élait plus question d'esséniens ni tie théra-
peutes. Ceux-ci avaient des femmes parmi
eus, les moines n'en eurent jamais ; les pre-
miers n'observaient pas tous la continence,
les moines la gardèrent toujours ; le mol de
monastère, do!)l se sert Philon, ne prouve
rien, puisqu'il signifie simplement une de-
meure solitaire. Uien n'est donc plus mal
fondé que l'imagination des protestants, qui
prétendent que ce sont principalement des
moines qui ont accrédité l'opinion du chris-
tianisme et du monachismc des thérapeutes,
el qu'ils l'ont fait par intérêt afin de persua-
der la haute antinuité de leur état ; Eiisèhe,
saint Jérôme, Baroiiius, les anglicans, n'é-
tîiient pas des moines; en soutenant que les
thérapeutes étaient chrétiens , ils n'ont pas
dit (jue leur vie était monasiique. Personne
n'a plus fortement attai|ué celle opinion
que le Père Orsi, dominicain, et dom Cal-
mel, bénédictin. Des savants, tels que dom
Montfaucon et le P. Alexandre, étaient trop
instruits pour mettre aucun inlé êl à l'anti-
quité de leur état; ils n'oct p.is eu besoin de
suppositions fausses ou douteuses pour en
prouver la saintele et le veiigiT des calom-
nies des prolestants. Ceux-ci n'ont pas
mieux réussi, eu di.^ant que les cénobites
ont imiié la vie f|ue menaient les essénieus
dans la Palestine, et que les anachorèies
ont suivi l'exemple des théiapcutes. Encore
une f'iis, il y avait longtemps que ces deux
secies juives élaicnl oubliées, lorsque saint
Paul el saint Pacôme ont paru; il y a cent
à pari, r contre un que ni l'un ni l'autre
n'eu avaient jamais entendu parler, qu'ils
n',iva:cnl jaoi;ij< lu les ouvrages dé Josèphe
ni de Philon. Nous .avons lait voi^ ailleurs
([uela seule Iccluredo l'Evangile leur a suffi
pour concevoir une haute estime de la vie
qu'ils ont embrassée. Yoij. 'J'ukologiiî uïs-
TIQUi;.
3' Les opinions des critiques n'ont pas
moins varié sur ta (|Ueslion de savoir si les
thérapenles éiaienl un-' Lr.inche des essé-
nieus, ou sic'elait une secte diiîérente, parce
qne l'on en est réduit sur ce point à de sim-
ples conjeclures. Piideiux, qui a rapport ■
et comp )ré <e que Josèphe a dit des essé-
nieus d.' la Palestine, avec ce que Phil n en
a écrit, cl .ivec ce qu'il laconte des ihéx pen-
tes «le l'Iv.'yple, fait voir que ces ileux au-
teurs sont d accord (onchant les opinions,
1rs moeiiis, la manière di' vivre des essé-
nieus, Siiit de la 'iidée, soit de rE.iy|ilo, où
il s'en trouvait ui".ss' } quo les thérapeutes
Î57 THE THE 758
n'on él.iient différents qu'en ce qu'ils renon- Emanation, Philosoi-iuk orientale, etc. En
çaiciil à loul pour se livrer à la coiiicMipla- p.irlicnlier, sur la quc^iliitii q!ie nous trai-
liou. Cesl pourquoi il uoimno les premiers Ions, il ilnique toute vraisfiublaiicc. Il Psl
esséiiiens pratiques, et les sei-iiiiils eiiséniens fort ineciiaiu si, à l'époque de la retraite
coHlcmiilalifs, ilist. dis Juifs, I. siii, an. 107 d(;s essiMiiens eu l'^jjjple, il y avait des py-
avaiil Ji'sus-ChrisI, t. II, p. IGti. C'en est tliafîoricicns, s'ils y eu-ei';;uaient, s'ils y ré-
asseZ pour réfuter quelques auteurs eu petit pamiaieiil leur doctrine. Nous persuadera-
nniiibre, qui oui imaginé (]ne les <//(//v(/)en<e« t-on que smis les indignes successeurs de
éiaient des pitïcns jud.risaiiis; et Jahleiiski, Ptoléméc l'Iiiladelphe, prinre dont les dé-
qui a soutenu que celaient des prêtres bauches, la rapacité, la cruauté, la lyran-
ésjyplieiis appliqués à la médecine, aussi nie, sont connues, les sciences étaient fort
I) en que leurs femmes. Consequeuiment, cultivées en L'g\pie, et que l'on avait la
ri>|iiiiiiin commune des crili(|ues est (|ue les conimoililé de s'y livrera la philosophie ?
iln'ia/jiutcs sont Une branche de la secte des On n'a recouimencé à s'en occu|ier que sous
isséiiiens. le gouvernement des Uoinains. L'école d'A-
'*' En quel temps celle secte a-l-elle coin- Icxandrie n'a vu renaître sa réputation
niencé? où avait-elle puisé sa doctrine et les qu'au temps il'Ammonius, el au pins tôt sur
motifs de sa manière d(! vivie? Nouvelle la lin du ii' siècle, eut ans a^i moins après
maliè'e à coiijeclures. Itruclier, ///»7. c» i<. Philitn ; parce (jue (elui-ci était philosophe,
de la philos., t. Il, p. 71)3 etsK]., pense qu'en- il ne s'ensuit pas qu'il \ avait pour lors des
viron trois cents ans avant Jésns-Clii isl, écoles publiques de philosophie ; Phiion n'a
plusieurs Juifs, pour se dérober aux trou- jamais connu (jue la philosophie des (jrccs.
blés et aux désastres de leur patrie, se rcti- Nous persuadeia-t-on encore que, pemianl
rèrent les uns dans les lieux écartes de la les trois cents ans qui ont précédé la nais-
Judée, les autres en Eg\p(e, el emi)ias.>.è- sauce de Jesus-Chrisi, les Juifs île la Pales-
renl chacun de leur côte un genre de vie Une, successivement pill s el louniientés
particulier; (|u'ils y adoptèrentles sentiments par les armées des rois d'Egypte ou de Sy-
dcs philosophes pylhagor cieiis qui y ensei- rie, ensuite par les Humains el par les Hc-
gn.'iient (lonr lors; (ju'ils puiscreni dans rode, onl eu la liberté d'étudier ia pliiiosu-
cette |hiloso()hie l'amour de la solitud', du pliii', soit des Orientaux, soit des tirées? On
détachement de toutes cIk ses, des austéri- sait l'aversion qu'ils avaient conçue pour les
tés, de la contemplation et des explications païens pendant tout ce période, et combien
allégori(|iips de l'Ecriture sainte. Il ajoute, ils étaient éloignés d'en recevoir des leçons.
t. \ 1, p. 4.')7 el 438, que ces Juifs élaienl En second lieu, Brucker convient que les
■Jans les sentiineiils des cabalisles et des Juifs qui se retirèrent, soit dans les déserts de
philosophes oi'ientaux, analogues à ceux de la Judée, soil en Egypte, étaient des familles
Pytliagore. Mosheim, Uist. ciil., proieg , du commun ; cela est prouvé par la culture
c 2, si 13 cl suiv., pense de même. Néan- de la terre, par les arts mécaniques, par les
moins, dans son Hist. eccle's., premier siè- métiers (|u'exerçaienl les esséniens de la
cle, pre/nièr(! part., c. 2, S 10, il dit qu'il Judée, sel m le tcmoignaije de Plnlon et de
ne voit rien dans la narration de l'Iiilou ni Josèphe; Phiion ajoute que les esséniens eu
d.insles mœurs des iltériiiicutes, qui puisse trénéral dédaignaient la philosophie, la lo-
eiigager à les regarder comme nue branche gique, la physique et la métaphysique; qu'ils
des esséniens, que ce pouvait être une secte ne s'occnpaienl que de Dieu et de l'origine
particulière des Juifs luélancoluines et en- de toutes choses ; or, ils la trouvaient dans
(housiastes. Probablement il n'a p is coni- Moïse mieux que partout ailleurs. Il dit ea-
paié ce que dit Phiion dans son [iremier li- lin ((ue la seule élude des esséniens était la
vre de V Ua conteinplativa, avec ce ((u'il a morale, d'oi'i il s'ensuit que les sens mys-
éciildans son ouvrage intitulé C/nnis ;;»o- tiques et allégoriques, qu'ils recherchaient
bus liber; 11 y aurait vu que cet auteur dis- dans l'Ecriture sainte, étaient des leçons de
lingue lielU'meiil les esséniens en deux morale. Enfin nous avons fait voir que ,
branches, l'une d'esséiiii'ns pratiques, l'an- pour concevoir de l'estinie el du goàt pour
Ire d'c-séniens contemplatifs, nommés (/ie)°fi- la vie solitaire, pauvre, austère, canlem|ila-
peu es. live, il suflit de connaître les leçons el les
l'ius d'une fois nous avons eu occasion exemples des prophètes et des justes de l'An-
dc faire remarquer l'alTeclalion de Mosheim cien Teslament; que leurs livres nes'expli-
et de liriicker de loul rapporter à b ur sys- queiil pas moins clairement sur ce sujet que
tèiiic favori, t(iuch ',nt te mélange qui s'est ceux du Nouveau, et que salnl Paul les a
lait dans l'école d Alexandrie, de la philoso- proposes pour modèle aux chrétiens. Il n'a
pliie de Pylliagore el de Platon avec celle donc pas été nécessaire que les lliérapeutes
des orieiitiiuv eta\ec la cabale des Juifs, cou.^uliassenl des philosophes païens pour
système par leiiuel ils se sont Haltes de tout embrasser le genre de vie qu'ils ont suivi.
eSpli.iutr, el de donner la clef de toutes les C'est plus qu'il n'en faut pour conclure que
erreurs. Mais nous avons fut voir que ce l'opinion de iMosheini, de Hrucker el des au-
syslèiiie est non-seulement une p.ure coiijec- Ires protestants, n'est qu'un rêve syslemali-
Itire dénuée de toute lueuve.mais qu'il est que, qui n'a ni preuve ni solidité. Vay. Es-
ab olument fuis, qu'il lonfond toutes les sémens.
époques, et qu au lieu do rien éclaircir, il l'HÉllAPlllM, mol hébreu qui, dans les
ue sert qu'a loul bruuiilcr. Vvy. Cxume, versions de r£cnlurc, esl traduit par (({o^;*,
769
THE
statues, sculptures, mais dont il est difficile
de connaîlre l;i vrnie signification grammati-
cale, (leiiu'eii a ilit Spciirer, de LeijVi. Helir.
rituel., I. m, flisscri. 7, c. 3, nous apprend
peu (le chose. Les ralibins, qui préleiident
que c'él/iicnl des statue* qui i arl.iient et qui
j)ié:!isaieiil I avenir, et qui ont eiiseii;né la
manière d iit on les f.nsait, ne mérilenl au-
cune croyance; toutes les idoles que les
païens consult.rieiit pour connaître l'avenir
ne parlal'iil pas pour <el.i; en hchreu, comme
en français, partir signifie souvent indi-
qiier, fmre connaître par un signe qui'lcon-
qne. Oux qui ont assuré que les théruphim
é^iirnt une invention des K?.yptiens, ()ue
c'étaient des figures du dieu Sémpis, adoré
e[i Eirypli', ne peuvent en donner aucune
preuve; laban, (jui vivait dans la Clialdée,
n'élail cerlainem ni pas allé chercher ses
theraphimcn Kgypie l)'aulies,qui ont pensé
que ce mut est le ménie que sérapliim, des
serpents ailés, que c'étaient des talism.ins,
tels que le serpent d'airain fiil par l'ordre
de Uoïse, ne sont p/is mieux fondés. Enfin
Juricu, q'ii a décidé que lis theraphim de
Lîiitan étaient ses dieux pénales et les ima-
ges de ses ancêtres, a voulu deviner au ha-
sard. Du leiiips lie I.abau, l'ido âtrie ne lai-
saii que commencer chez les Chaldéens, elle
n'élail pas encore portée au p(iint de divi-
niser des hommes moris. 11 vaut donc mieux
iivoiier notre ignorance que de nous livrer
à dis conjectures frivoles: le nom géné-
ral ii'idolrs suffit pour entendre tous les pas-
sagi s dans lesquels le mol Theraphim est
cuipl'vé.
THIiSSALOMCIENS. Suivant l'opinion
coinm!iue, à lai|uelle on ne peut rien oppo-
ser de solide, les deux lettres de saint Paul
aux ThesHtldDiciens sont les deux premières
qu'il ail écrites aux fidèles qu'il avait con-
vertis. On les rapporte aux années 52 et 53
de l'ère vulgaire, pendant lestiuelles il paraît
que l'apôtre demeura constaumicni à t"o-
rinthe. I.e.liut de ces d(Mix lettres est de con-
firmer ces nouveaux chrélieus dans la foi,
dans la pr;ilique des bonnes ii'uvres, dans
1.1 patience au milieu des persécutions aux-
quelles ils élaient exposés. La seconde con-
tient plusieurs choses touchant le second
avènement de Jé-us-Christ ; saint Paul, c. ii,
y p.irle d'un homme pécheur, d'un fils de
peniition, d'un adversaire ((ui s'élève au-
dessus de tout ce que l'on appelle A>/ea, et que
l'on adore, qui se place dans le teiuple de
Di^u, comme s'il était Dieu Ini-méine... Ce
ini/stère d'iniquité, dit il, s'opère déjà... et
l'on cunnuilra dons le temps ce coupuh'e i/ue
Jésus'Vlirist tuera du soujjle de sn bouche, et
détruira par l'éclat de son arénement, etc.
(A' cliapitre a beaucoup exercé les commen-
tateurs; chacun l'a entendu selon ses pré-
jugés. Plusieurs ont cru y leconnaîlre l'An-
( lirisi eni doit venir à ta fin du monde.
GcMX e,ai ne cher' I) nt point de mystèies
sans néces.sile, ont observe que, dans loiil
cechapiire ni même dans toute t; lellre, il
n est point question de la fin du inornte, mais
de la fin de la religion et de la république
THK '00
des Juifs; que par homme ne péché, fils cfe
perdition, etc., l'Apôtre entend les Juifs iu-
ciédules, ennemis jurés du christianisme,
obsiinés à persécuter les fidèles, et de la part
desquels les Thesstdoniriens avaient éprouvé
plusieurs avanies. Celle explication simple
aiquiert la plus grande probabilité, lorsque
l'on compare le mystère d'iniquité qui s'opé-
rait déjà pour lors, suivant saint Paul, avec
ce qui se passait en ce temps-là dans la Ju-
dée, où divers imposteurs se donnaient pour
messies, séduisaient le peuple par des pres-
tiges, ei finissaient par être exterminés avec
leurs adhérents; où les Juifs par leur esprit
séditieux cl turbulent préparaient l'orage
qui fondit sur eux quelques années après.
Les protestants, aveuglés par leur haine
contre l'Kglise romaine, ont cru voir , dans
celte prédiction de saint Paul, la chute de
l'empire romain , la domination des papes
établie sur s< s ruines, l'antichristianisme
ou l'idolâtrie catholique fondée sur des pres-
tiges ou de faux miracles opérés par l'inter-
cession elles reliques des saints, etc. Cette
imagination, sortie de quelques cerveaux
fanatiques, a trouvé des approbateurs, même
parmi les savants ; Beausobre n'a pas rougi
de l'appuyer par son suffrage, mais sans se
mettre trop à décuuverl, dans ses Remarques
sur la seconde Kpllre aux Thessaloniciens,
c. Il, V. 8. — Pour eu voir l'absurdilé, il
sullit de remarquer, 1° que la ruine de l'em-
pire romain n'est arrivée dans l'Occident
que quatre cents ans après l'année 53 de Jé-
sus-Christ; 2° que, suivant sainl Paul, v. 3,
elle de\ail être précédée d'une rébellion,
àTram:a<jia.,discessio ; Be.iusobre lui-même l'en-
tend ainsi : or, la chute de l'empire romain
n'(st point arrivée par une rébellion, mais
par l'inondation des barbares. 3" La grande
autorité des papes et leur pouvoir temporel
n'ont commencé que plusieurs siècles après
celle révolution. 4° Sainl Paul dit aux 2'hes-
saloniciens, v. 6 : V ous savez ce qui retient
ou ce qui retarde sa manifestation dans son
temps: je vous l'ai dit lorsque j'étais avec
vous. Etrange charilé de la part de l'Apô-
tre, d'avertir les Thessaloniciens d'un évé-
nement duquel ils ne pouvaient pas être
témoins, et de ne donner aucun signe qui
pût prémunir ceux qui devaient y être pré-
seuls et de s'y laisser tromper? 5° Saint Paul
ajoute que Dieu leur enverra une opération
d'erreur, afin (ju'ils croient au mensonge,
parce qu'ils ont refusé de croire à la vérité ,
V. 10 ; l(S fidèles du v* siècle élaienl-i!s des
opiniâtres qui avaient refusé de croire en
Jésus- (Christ ? 6" Le mi/slère d'iniquité s'opé-
rait déjà, V. 7; il laut donc que l'idolâtrie
de l'Eglise romaine, le culle des saints, des
images, des reli(jues, aient commencé du
temps de saint Paul; ce n'est pas là ce que
veulent les proii slanis. 7° Pour compléter
le tableau, Beausobre devait nous appiendre
en quel temps Jésus-Cbiisi doit arriver pour
tuer le niéihant par le sotiffle de sa bouche
et par l'éclat de son aréneuienl. v. 8 ; nous
auiious m s sa p.'opbolic à côlé de celle do
Joseplr-N;èile, de Sancblus, de Jurieu et des
TOI
THE
fanatiques des Cévennes. Voy. Antéchrist.
— On comprend que ces paiolos <le snint
Paul, Dieu lew enrerra une opération d er-
reur, etc., ne sigiiifienl point qm- Uieu trom-
pera le* incrédules, ((u'il le- aveugleri, qu'il
les enilurcira positivement dans l'erreur;
■ mais qu'il les lais'-eia se tromper cl s'aveu-
gler eux-(néiiies : celle prédiction ne s'est
que trop bien accomplie à l'égard des Juifs,
puis()ui> la destruction de leur ville el de
leur lemple, les massacres el la dispersion
de leur nation ne furent pis capables de leur
ouvrir les yeux. Ou est teiilé de croirequ'une
partie de cet esprit a passe n\i\ prolesiants,
lorsqu'ils abusent aussi indignement de l'K-
crilure sainte. Voy. Aveuglement, liNoun-
CIS«EMENT.
Il ^ a. dans \'Hist.de l'Arad. des Inscriiil.,
t. XVlll. in-12, p. 208, une histoire abré-
gée, ni;iis curieuse, de Tessaloniqne; il y
est parlé de la fond 'lion de l'Kglise de celle
ville par saint l'aul. des révolutions qu'el'e
a subies, des grands hommes qui l'ont gou-
vernée ou qui y ont reçu la n^iissancc. Au-
jourd'bui, sous l;i dominaliou des Turcs, l'Iv
glise grecque scliism'ili(]ue, qui y subsiste
encore, déchoit sensiblenieul, et semble lou-
cher de piés à sa ruine euliére.
TIlÉUliGIK, art de parven r à des connais-
sances surnaluiell. s, el d'operei-des miracles
par le secours des esprits ou génies que les
païens noinmaient des dieux, et que les
Pères de l'Kglises ont ap[o>lés des démons.
Cet art imaginaire a toujours élé recherché
et pratiqué par un bon uou>bre de philoso-
phes ; mais ceux des iir et iv siècles de
l'E^îlise, qui prirent le nom A'éclecliques, ou
ài! nouveaux platoniciens, tels que Porphyre,
Julien, Jambli<|Ui', Maxime, etc., en furent
priiicipaleoienl entêtés. Ils se persu idaient
que pur des formules d'invocation , par cer-
taines |)ratiques, on jiourr.iil .ivuir un com-
merce familier avec les esprits, leur com-
mander, coiinai re el opérer par leurs se-
cours des choses supérieures aux forces de
la nature.
Ce n'était dans le fond rien autre chose
que \.\ mauie ; mais ces philosophes en dis-
tinguaient deux espèces, satoir, la magie
noire et mal!ais;iiile, qu'ils nouiniaieiit ijoé-
lie, et dont ils ailribuaienl les elTeis aux
mauv.iis démons, et la magie bienf lisante,
qu'ils appelaient ihéurgie, c'est-à-dire opé-
ralioi\ divine, par laquelle on invoquait les
bons ' éuies. Il n'est pas possible de démon-
trer l'illusion et l'impiété de cet art délesla-
ble, el nous l'avons déjà dit à l'article .M^gie.
1° L'existence des prétendus génies, moteurs
de hi nature, ()ui eu anim;iient toutes les
parties, était une erreur ; elle n'élail [irouvée
par aucun raisonnement solide ni par aucun
f.iil cert.iin : c'él.iil une pure iui.iginaliuu
l'ondée sur l'ignorance des causes pbysi(|ues
el du mécanisme de la nature ; voila néan-
moins toMl le fondement du polythéisme i-t
de l'idol;'' rie. Voy. I'ag*n smb;. Le peuple
aveugle ailribuaii faussement à des inlvlli-
gences particulières, à des esprits icpiidus
partout, les phénouièues que Dieu, seul au-
TIIE 7iii
leur el gouverneur de l'univers, opère ou
par lui-même ou par les lois générales du
mouvement qu'il a éiibliesel qu'il ^onserve;
el malheureu-emeiit les philosoidies, au lieu
de rombatire ce préjuge, l'adopièrenl el le
rendirent plus im niable. Mais comment
savaient-ils que ce n'est point le Créitenr
du monde qui le gouverne , qu'il s'est ilé-
chargé de ce soin sur des esprits inférieurs'?
Celte opinion déroge é>idemmenl à la puis-
sance, à la sagesse, a la bonté de Dieu. Les
plus sensés convenaient que Dieu a fait le
monde par im linalion à (aire du bien; et
ils se coniredisaient en supposant qu'il en a
confié le gouvernemenl à des esprits qu'il
savait être très-capables de laire du mal, ou
par impuissance, ou par mauvaise volonté.
Telle a été la cause pour laquelle on a rendu
à ces esprits le culte suprême, le culte d'ado-
ration et de confiance que l'on n'aurait dû
rendre qu'à Dieu seiil;el les philosophei
confirmèrent encore cet abus, en deci lant
qu'il ne faiait rendre aucun culte au Dieu
suprême, mais seulement aux esprits; Por-
phyre, de Abstin., I. ii, n. 3i. Celse reproche
conlinuellemeiil au\ chrétiens leur impiété,
parce qu'ils no voulaient point adorer des
génies distributeurs des bienfaits de la na-
ture. Dans Origèue, I. viii, n. 2, etc. —
2" Comineul savaii-on que telles paroles ou
telles pratiques avaient la vertu de subju-
guer ces prétendus esprits el de les rendre
obéissants? Les lltéurgistes supposaient que
les mêmes esprits avaient révélé ce secret
aux hommes; mais quelle preuve avait-on
de cette révélation? (Quelques imposteurs,
qui s'avisèrent de le croire, osèrent aussi
l'aflirmer, pour se donner du relief el se
faire respecter; ils éblouirent les ignorants
par des tours de souplesse, ou par quelques
secrets naturels qui parurent merveilleux;
on les crut sur leur parole, et l'erreur se
perpétua par iraditiou. L'on put savoir que
certains hommes avaient opère des miracles ;
mais ils les avaient l'ails par l'invocation el
par le secours de Dieu , el non par l'entre-
mise des génies. Lorsiiue Jésus-Christ eut
paru dans le monde, on fut convaincu qu'il
avait opéré dos miracles, el que ses disciples
eu faisaient encore ; mais les juifs aveuglés
par la haine, les païens fascinés par leur
croyance, se persuadèrent que ces prodiges
étaient faits par l'intervention des es]iriis.
Celse accuse les chrèiiens d'en upeier par
l'invocation des démons, J. i, n. (». Par une
contradiction grossière, il jugea que ces es-
prits bons ou mauvais obéissaient à des
hommes qui refusaient de leur rendre aucun
culte, el qui faisaient tous les elïoris pour
en détoufner les païens. C'est ce qu'Origène
lui reproche continueilemeni : nous ne de-
vons iionc pas nous étonner de ce que la
f/ipi/ry/e devint si commune apiès rétablis-
sement du christianisme; les phil'>so;ilies
païens voulaient détruire par là l'impression
qu'avaient faite sur tous les esprits les mi-
r des de Jésus-Clinsl , des apôtres et dos
premiers cliréliens. — 3" Plusieurs pratiques
des tliéuvijisies étaient des crime*, tels nue
705 THE THO 7G4
Ips strrifices de sanp: humain, et l'on ne pent laqueUe Jésus-Christ a promis son es[)rit,
pns dduli-r que les vi-ionuairps n'en aient son secours et son assistance ; et, loin (l';i voir
oiTcri; riiisloire en dépose, et les inrréilnles ru aucune inlonlion d'imiter les païens,
iiiêiiies de nos jours n'ont p.ÉS osé le nier. l'Kglise a eu dessein au coniraire Je dclour-
l'iAJsieurs eurent la témérité de consulter ner e( de préserver ses enfanis des aiius ei
leurs dieux l'unlasiiques sur la vie et la des- des supersiilioUs du ()agaiiisini'. Un préire
linée des emppr' ui s ; cette curiosité fut rc- dans ses fonctions ûc préleiid donc point
•fardée avec raison comme un crime d'étal, commander a Dieu, inais lui obéir; il n'y
capahie d'émouvoir les peuples el d'éhranler met rien du sien, il sC Confo me exiiclemeiit
leur fidélilé: aussi quelques-uns furent pu- à ce qui lui est prescrit de la part de Dieu,
nis de mort pour cet allenlat. Kii général la et il est convaincu que Dieu l'a ainsi ordon-
llii'urfiie était criminelle, puisque c'était un né, par toutes les preuves qui déinotiirent
acte lie polylhéisme el d'idolâlrie; ceux qui la divinité du christianisme. 3" Aucune céré-
s'y livraient éiaienl donc (ont à la fois insen- monie chrétienne n'est lin crime, une pro-
ses, iiiipo>leurs el méchants, faiiation ni une indécence; toutes respirent
Dans l'impuissancedeles juslifier.queliiues la piété, le respeci, la confiance eu Dieu;
incndules modernes ont dit que la plupart lors(jue l'on en prend l'esprit et que l'on en
des cérémonies du chrislianisme ne sont pas Conçoit la signifie iliou, toutes sont des le-
dilTer nlis, dans le fond, de la Ihéiuqie; que, çoiis de morale et de vertu. Il n'y a pas plus
iar les sacrements, les bénédiclious, les dé ressemhlanee entt-e les rites Cl la «/uiirçie
exorcismes, etc., un prêtre prétend cnmman- qu'entre l'idolâtrie el le cuite du vrai Dieu,
der <à la Divinité, couimc les theurgistes se Nous concevons qu'avec un ospr;t faux, avec
flattaient de commander aux esprits. Ma'.hou- de la malignité et de l'impiéié, oii peut les
reusemeiit les protestants sont les premiers tourner en ridicule; ma s oii ne réussit pis
auteurs de celle calomnie : .Mosheim et Bru- moins à l'égard dos usages, des firmules et
cker souiieiineiit qu'un grand nombre des des cérémonies les plus respèctabirs de la
cérémonies de l'Kgli-e calhoique sont ve- vie civile : des ralleries et des traits de sa-
niies des idées de platonisme suivies par les lii'e ne sont pas des raisons, ils amusent les
éclectiques; Beau obre nous reproihe d'at- sols et font pitié ;lux sages. Foy. Ci^hémomiï.
Iribuer à des cérémonies cl .1 certaines coni- THOMAS (saint), apôtre. Nous savons
po.ilious, telles (jue le chrême, une espèce par l'Evangile que cet apôlre était tendre-
de verlu divine; La Croze prétend que le nient attaché à son divin Maître. Lorsque
mt/ron des Grecs et le chrême des Latins ne les autres disciples, dans la crainle que Jé-
soiit (ju'une imitation du Icyplii dont les sus-Christ ne lui mis à mon p r hs .luifs,
Chaldécns el les Egyptiens se servaient dans voulurent le détourner d'aller à Bélhanie,
les iuilialions. ressusciter Lazare, Thomas leur dit : .1// ns
Si la ma'ignilé n'avait pas ôlé à ces cri- aussi, nous autres, afin de mourir avec lui
tiques protestants toute réflcxinn, ils auraient {Jonn. xi, IGj. l'endunt la dernière cèn.', le
ciuripris qu'ils donnaient lieu à un incrédule Sauveur ayant dil qu'il allait retourner à
(le leur re|>roclu'r que le baptêrnè et la cène son Père, cet apôlre liii dematula : Seigneur ,
qu'ils adiuellent cimime deux sacrements, nous ne savons oà vous allez ; comment pmi-
que le siu'iie de la croix et les formules de vuns-nous connailrc la voie? Jésus lui ré-
prières qu'ils ont conservées, sonl des céré- pondit : ./e su/s là voie, la vérité et la vie;
moules llu'uryi ue<; m.iis pourvu ([ue les personne ne va à mon Père (jue par moi [Joan.
protestants salislasseut leur haine contre xiv, b, lij. Thomas ne s'éianl point trouvé
rEgli>e romaine, ils s'embarrassent forl peu avec les autres apôtres, lorsque Jésus-
des ei)iisé(|uences ; c'est donc à iious de ré- Christ leur apparut pour la preuiière lois
pondre aux incrédules. 1" Par les cérémonies après sa résurrèclion, refusa de c.oire à leur
cliréliennes un prêtre ne s'adresse ni aux leisioignage, et ajouta qu'il né croir.iii pas,
esjiiits ni à (raulr<s êtres iiiiàginaires; Il à moins qu'il ne vît et iie louchai les plaies de
iM\()(iue Dieu seul , et croit que c'est Dieu sou Maître, Le Sauveur eul la toudescemlance
seul i)ui opère : or, Dieu esl saiis doute le de le salisl'aire; alors Thomas convaincu
maître d'atacher ses giâces et ses do.is spi- s'écria: Mon Seiijnur et mon Dieu {Joitn.
ri'uels à tels rites et à telles formuli's qu il ^'^ , 28). Profession de foi retuarqualile ;
Ini platl. Comme l'homme a besoin de signes saint Pierre s'était borne de dire dans une
exi rieurs pour exciter sou atleuiiou , pour autre circonslance : Vous êtes le Christ,
exprimer les sentiments de son âme, et pour i'i/s du Dieu vivant (Mallh. xvi, 10); mais
les iiisp.rer aux autres, il était de la sagesse Jesiis-Clirisl voulut que sa di\inité fût ex-
et de la bonté divine ile prescrire les céré- primée clairement et sans é()uivoque par
munies qui pouvaient lui plaire, afin de pre- saint Thomas, C'est co qui a fait dire à saint
server rliommc i!cs abus, des absurdités, tîré;;oire le Grand, Homil. 2(j in Evang.:
(l'es profanati6;is . dans lesquels sonl tombes « Nous sommes plus alTeriuis dans notre
tous ceux qui n'ont pas été guides parles foi par le doute de saini Thomas que par la
leçons de la révélation. Aussi Dieu a daigné loi prompte des autres apôtres. »
prescrire, dès le commencement du nioiide, Quant aux travaux apostolicjues de celui-
le culte exil rieur qu'il d, lignait agréer, f o/y. ci, ce que nous avons de plus certain est le
CÉRÉMoMi;.-2° trest Dieu lui-même qui a témoignage d'Origène , qui a écrit dans le
prescrit les cérénionies cliréliennes \.:iv Je- iir' livr(î île ^iou Coinmenlaire sur In (ir)icsr,
susChiist, par les apôtres, par l'Enïise, à que saint TI)ome\s alla prêcher l'Evangile
7ta
TIIO
TIIO
7or.
chez les Parllies; témoignage conservé par
F.nsèhe, Uist. eccli's., 1. m, c. I, cl confirmé
p.ir- la Iraditioii du m' ei du n' siîcle, sui-
vant la(iuollc le corps de ci'l apôlre reposait
dans la ville d'l>;<lesse en Mésopotami''. On
sait ()ue, du temps d'Origètie, les Parllies
élaieiil cil possession de la l'erse et des ()ays
voisins qui coiirineiit aux Indes; d'où l'on a
conclu que saint Tliooias avait établi l'Iîvan-
gile dans loutcs ces contrées. Cida est d'au-
tant plus probable, qu'il y a eu de luiiino
heure des chrétiens dans ces parties de l'A-
sie, et (ju'ils ne connaissaient point d'autre
orii;inc de leur christianisme iiue la prcdi-
caliiin de saint Thomas ou de ses disci|iles.
A la véiilé il s'est établi une tr,:diiiou plus
récente, qui porte (|ue cet .-ipôire élenilit sa
uiission jusi|u<- dans la presi)u'ile des Indes,
en deçà du Gange, qu'il 9oi;ITrit le maiiyre
dans la ville de ('.ahimine , nommée ensuite
Siiin'-Thoiiié , cl aujourd'hui Miiliapmir, et
que l'on y avait son lombcau. M. lis celle
croyance ne paraît pas assez bien l'ondée
pour lui donner la préicrcnce sur l'opinion
des premiers siècles. I.es peuplades de chré-
tiens (|ue les l'oruijiais ont trouvées sur la
c'jle de Malabar en arrivant dans les Indes,
vers l'.in 1300, et (|ui se nommaient rliié-
liena de Sinnl-Tliomas, y avaicitété établies
par les nestoricns, et ils en avaient embrassé
les erreurs. Voy. NEsroRiivisMK, § 4.; Tille-
monl , Mi'in., I. I, p. 230; Vies des Pères et
des mnrtyis, t. XII , p. "i'iO.
'l'uoMvs u'Ayi IN (saint), célèbre docteur
de rii^jlise et reliijieiix doiriinicain, naquit
l'an {-liit, cl mourut l'an 127'i.. (i'csl un mal-
heur qu'il n'ait vécu (jne qu.iranle-huil ans,
puisiiue toute sa vie l'ut consacrée à l'élu le
et au service de rivalise, et que ses vertus
ne furent pas moins eclatanlcs (|ue ses la-
lenls. Il est appelé le doctnnr a)u/eli(/He, ou
l'iinye de l'éiole, parce qu'.mcun autre n'a
traité la théologie scolasiique avec aut.int
de clarté, d'ordre et de solidité qi:e lui; jiussi
aucun autre n'a eu autant de réputation,
suit pendant sa vie, soll après sa mori ; d.uis
quel(\uc siècle qu'il eût paru, il aurait élé
un i;raMd homme. Ceux même qui ont clier-
ché à diminuer son mérite et sa i^loire, ont
élé forcés de convenir que, s'il avait pu réu-
nir à i'etendne et à la pénélraiion de sou
fléiiie l(s secours que nous avons à présent
pour acquérir de 1 é' uli^ioii , il n'y aurait
aucune espèce d'éloge doni il ne ût digne.
Sa Siimme lliéoloyi'iue qui est l'aliiéf^é de ses
ouvia!;cs de ce genre est encnre regardée
avec raison comme un chet-d'œuvre de mé-
thode cl de dialectique. Mais il en a fait beau-
coup d'autres; tous oui été recueiilis et [lU-
bliés; la meilleure édition est celle de Home,
faite l'an 1570, en i!ix-sepl voluiin s iu-fol.
lilie cunlieni, 1" ses ouvrages pbilosophi-
(|ues, ()ui Sont des commentaires sur toute
la plnlosophie d'Aristole; 2' des commen-
taires sur les quatre liv r -S du Maîire des
sentence^ ; 3° un volume des questions dispu-
lt l's e-i iliéo^oijie ; '4" la Somme contre lis yi'n-
tils, divisée en (\nalre livres; 6' la Soiitme
Ihéolotjique, (Je laquelle nous « enoiis de par-
ler : on prétond que saint Thomas l'a com-
posée dans l'espace de trois ans; G° des ex-
plications ou commenlaircs sur plusieurs
livres de l'Ancien et du Nouveau rostatuenl;
7" un volume d'upuscules et (r(euvres mêlées
sur différents sujets, au nombre de soixante-
treize , mais dont iiuelqucs-uiis peuvent
n'être pas de lui, au jugement des critiques.
L'écrivain le mieux instruit de la vie de
saint 'l'homas, et qui avait vécu avec lui,
dil avec raison que l'on ne conçoit pas com-
ment, dans un intervalle de vingt ans, à da-
ter du moment auquel ce saint docteur com-
mença d'enseigner, jusqu'à sa mort, il a [lU
faire un aussi grand nombre d'ouvrages et
sur autant de matières différenlcs. Léton-
iiement redouble, quand on se rappc'le (jne la
prière et la méditation , la préciicalioii de la
parole de Dieu, les affaires dont c • grand
homme tut chargé, les voyages qu'il a faits,
ont dû occuper jirés de la moiiié de sou
temps. Aussi disait-il qu'il avail plus appris
au pied du crucifix que dans les livres. —
Depuis que l'on a négligé l'élu le de la sco-
lasii(/\ie pour s'at:acher principalenieni à la
tliculoyie positive, les ouvrages de saint Tho-
mas sont tieaucoup moins lus qu'autrefois,
mais un théologien qui veut s'iiislruiri- soli-
dement ne regrettera jamais le temps (|u'il
aura mis à consulter la Somme tliéuloyiiiue ;
il y trouvera sur chaque queslion les pi cuves
et les lépoiises à l^iutes les objections que
l'on peut tirer du raisonnement.
Les prolestanls, qui mépiiseul beaucoup
les scolaslufues, ettiiii en ont dit tout le mal
possible, n'ont pas plus respecté saint Tbo-
mas (|ue les autres: ils lui accordent a la
vérité plus d'espril et de pénétiation; mais
ils (lisent qu'au lieu de tr.ivailier à corriger
la mauvaise metliode et le respect supeisti-
tieux pour Anslote , qui régnaient de son
temps dans les écoles, il a rendu cet abus
plus incnrabL- par l'admiration ((u'il a inspi-
rée à son siècle; qu'il y a beaucoup à rab ti-
tre (l-s é'Oges (jue l'on a donnés à ses talents.
Oiiel(]ues-uns prétendent (|uo ses déUiiitious
sont souvent vagues et oh-cures ; que ses
plans el ses divisions, quoi()ue pleins d'art,
manquent souvent de clarté el de justesse;
que sa meliiode ne sert fréquemment qu'à
brouiller les questions au lieu de les éclair-
cir. D'autres ont affecté de renouveler les
accusations ijui furent formées contre ce
sai.it docteur |)ar des ennemis jaloux, pen-
dant les Iroub es de l'université de Paris.
Ils n'ajoutent aucune foi. à ce (jue ses histo-
riens racontent de ses vertus el de ses mi-
racles.
Jamais la prévention des protestants n'a
éclaté d.ivantage qu'à celte occasion. PimiI-ou
blâmer saint 'l'homas de n'avoir pas entre-
pris de changer absolument la méthode qui
régnait de son temps dans toutes les écoles
de la ehrcticuiij? ;Sos advers.iires convien-
nent que ceux qui s'attachaient principale-
ment à l'Ecriliire sainte et à la tradition , et
(jue l'on appelait les docteurs liihlti/iies, ne
jouissftieiil d'aucune estime ni d'aucune con-
s.dcraiio;j, el voyaient leurs écoles déserlcs '
767
TliO
un docleur sage élait donc forcé de se con-
former au goût général el dominaiil. Mais
saint Thomas n'a pas négligé l'élude de
l'Ecriture sainte, puisqu'il en a expliqué el
cotnuienlé plusieurs livres, et qu'il a fait
plus d'usage de la tradiiion (juc les autres.
Qu.'ind on n'est pis au fait du lanj^age sco-
Uislique usiié pour lors, il n'est pus étonnant
que l'on trouve obscures la plupart des dofi-
nilions de ce grand tliéulogi n ; mais il suffit
de jeter seulemi'nl un coup d'o'il sur la ta-
ble des livres el îles chapitres de sa Somme
1 our èlrc couvaincu qu'il y règne un ordre
infini dans la distribution des nialièri's : il
s'en faul beaucoup qu'il y en ail autant chez
la plupart des lliéologii'us protestants. Ceux-
ci ont très-bien compris que la précision
avec hiquelle ce savant scolnslique a traité
les questions qui les divisent d'avec nous a
fait leur cO''d;imnalion d';ivance. Leur incré-
dulité louchant les vertus héroïi|ues el les
mira' les de saint Thomas ne prévaudront
jamais sur l'alleslalion des témoins ocul :ires
de sa vie ni sur les informallons juriiiiques
qui en ont été failes. On n'a pas pu en im-
poser sur les actions et sur la conduite d'un
personnafje aussi célèbre, qui a été vu cl
cnnnu dans toute la France el dans toute
l'Italie. Voy. ScoL4STiyuE.
Thomas Bkcoi;et (saint), archevêque de
Canlorhéry, naquit l'an 1117 et fut mis à
mort l'an 1170, sous le règne de Henri II, roi
d'Angleterre. Quoique ce saint ne soit pas
au nombre des écrivains ecclésiastiques, il
nous paraît ijiiporlant de réfuter les calom-
nies que l'on élève aujourd'hui contre sa
mémoire, calomnies qui retombent sur l'E-
glise catholii|ue, par le jugement de laquelle
il a été mis au rang des saints.
Elevé d'abord à la dignité de chancelier
d'Angleterre, il rendit au r(ji el à la nalion
les plus iuiport;ints service*. Placé ensuite
sur le siège de Canlorhéry, l'an IKiO, il en-
cuurut la disgrâce de son siuverain et des
grands du royaume, par sa fermeté à défen-
dre les droits de l'I'gliso contre les enlre()ri-
ses et les usurp;ilions de l'un el des autres.
Obligé de se retirer en France, il y fui ac-
cueilli par le roi Louis VII et par le pape
Alexandre III, qui y était pour lors Après
plusieurs lentalives et de longues négocia-
tions, l'un et l'aulre parvinrent à le réconci-
lier avec son roi et à le faire rétablir sur son
siège. Mais comme il continuait de s'opposer
aux abus qui régnaient, et à deinander la
reslituliou des biens enlevés à sou Efjlise, il
excita de nouveau la colon' du roi ; quatre
courtisans crurent se rendre agréables à ce
prince en assassinant ce vertueux prelal au
pied des aulels. H fut mis au rang des saints
trois ans après sa mort.
Avant le schisme de l'Angleterre et l'inlro-
duction du proleslantisme dans ce royaume,
tous les Anglais remlaienl un culte religieux
à saint 'I hom.s Becquet, et le regard ieni
cuainie un des grands hommes de leur na-
liuii;m;iis ils ont changé M'idécs en clian-
geanl de leligiuii. Plusieurs de leurs écri-
vains se soûl emportés eu invectives contre
TIW 7i;8
ce personnage ; jugeantoe sa conduite comme
si au su* siècle leur roi s'était déjà déclaré
chef souverain de l'Eglise anglicane, ils ne
voient plus dans le saint archevct[iie qu'un
fanatique ambitieux, un brouillon, un sédi-
tieux, un opiniâtre frénélique, révolté contre
son roi et son bienlalleur. C'est ainsi qu'il
est traité par le iraduclenr anglais de l'Ùis-
toire ecctésidstque de Musheim, \iv siècle,
11' part., c. 2, § 12, note. Mosheim en avait
parlé avec décence et avec modération; quel-
ques incrédules français ont encore enchéri
sur les termes injisrieux du traducteur.
Pour juger si l'arehevêiue de Canlorhéry
a élé innocent ou coupable, digne de louange
ou de blâme, il faul savoir plusieurs faits
historiques rapportés par les contemporains,
el que l'on ne peut pas révoi|uer eii' doute.
1° Henri II était un souverain non-seulement
Irès-absolu , mais très-violent, sujet à des
transports fréquents de colère, peu tant les-
quels il ne se possédait plus; il oubliait ses
engagements les plus solennels, et ne voulait
plus d'autre loi que sa volonté. Accoutumé
à disposer de tous les bénéfices, contre le
droit commun établi partout, il s'appropriait
les revenus pendant l;i va'ance,et négligeait
pendant longtemps de nommer un succes-
seur, afin de prolonger sa jouissance. A sou
exemi)le, les seigneurs envahissaient les
biens ecclésiastiques, el se réunissaient pour
dépouiller le clergé. Le même désordre avait
régné en France pendant plusieurs sècles.
2° Lorsque ce prince voulut placer Thomas
Becquet sur le siège de Canlorliéry, celui-ci
lui déclara que s'il était une fois revêtu de
celle dignité, il ne pourrait plus tolérer ce
brigindage, que son devoir le foicerait de
s'y opposer, qu'il encourrait infailliblement
la disgrâce du roi, qu'il le suppliait de le dis-
penser d'accepter cette charge. Henri II in-
sista : il eut donc lort de s'étonner de la ré-
sistance de r.irchevcque ; il devait s'y atten-
dre. 3° Les abus ausquels Thomas s'opposait
n'étaient pas des lois, le roi lui-même les
appelait des coutumes. Il les fil rédiger en
lois dans une assemblée tenue à Clarendim,
l'an IIG* : il crut acquérir ainsi le dioii de
dépouiller le clergé, non-seulement de ses
biens, mais encore de sa juridiction. La plu-
part des evêques se soumirent. L'archevêque
de Cautorbéry, pour ne pas se rendre odieux,
consentit à signer avec les autres; mais,
après rellexion faite, il s'en repenti! ; il en
demanda pardon au pape, et se fil absoudre :
de là le nouveau méconlenlement du roi et
l'origine de la rupture. 4° l^es constitutions
de Clarendon furent exaininèes en Franco
par le pape, dans une assemblée tenue à
Sens ou ailleurs. De seize articles qu'elles
contenaient, on jugea qu'il y en avait seule-
ment sept (|ue Ion pouvait tolérer, que tous
Il s autres elaient conirairc s au droit géncra-
lemeni reçu dans l'Iiglise el aux décrets des
conciles. On blâma la laihlesse i|n'a«ail eut)
d'aliord l'arclievêcine de Canlorhéry et les
autres évéqucs anglais de les signer. Les
anglicans répondent que le pape ui l'Eglise
n'avaient rien à voir aux loit civiles d'Au?
5G9 TIIO TIIO 770
plrtcrre; nue c'étail an roi spiil .le les faire cession d'une victoire qu'il romporla sur ii'
;i son grc'-. S;in!( es.iininrr le l'oiid île ce ilioit, roi il'Kcnssf d.iiis ce lenips-là. Le Iraducirur
nous non», horiions à observer qu'il est ab- de Moshcim n'.i |)as trouve bon de ripporter
surde de jn^'er une ((ueslion du xii' siècle celle «ircoii^iance. I,rs meurtriers de leur
sur les iiriiK ipes du xv" ou du xviir, cl non c6té, ch.irfjés de l'exécration publique, ren-
siir ci'ux qui étaient univrrsclb inenl reçus Irèrenl eu eus-iuèiiies et niuurureul péni-
el suivis pour lots; de v<iuloir i|ue Tlioiiias tenta
Bec(iiiel se soil cru plus obligé de se sou- Les richesses accuntjulées au tombeau de
mcitie aux volontés arbitraires de Henri II saint Thomas IJrcquet, pendant ijualre cents
qu'au jugement du souverain pontile et de ans, fuient pillées par les émissaires de
loule i'Kgli e. Une preuve (ine le droit du Henri \lll. et ses os furent biûlés. Hist. de
su' siècle n'était pas aussi absurde qu'on le l'Eglise (jnllic, I. IX, liv. xxvii, an. 1IC3 et
prétend, c'est que, malgré la préiendue ré- suiv.; Vies des Pères et des mirti/rs , I. XII,
formation, l'ai chevéïiue de Caiitoibery jiuit p. 371. On y trouve les citations des auteurs
encore de l;i plupart des privilèges (|ue saint oiii;iiiau\.
T-liomas réclamait, et que riinmunllé des TiioMis de 'N^illenelvk (saint). Les ho^pi-
clercs subsiste encore en Angleterre, sous le lalicres de Snint-Thumas de Villencave ont
nom de bénépce de clcnjif, Londres, loui. lil, été insliliiées en Brel^igne par le P. Ange Le
p. 74 el 75. 5° Dans toutes les ambassades Proust, aiigustin rélonné, en ICGl. Cet éta-
ei négociations ()ui eurent lieu à ce sujet eu blissement a é é conliriné par des lettres pa-
France et à Home, Henri II se ci>ndui>ii avec ten es en 1660. Klles le font que des vœux
une inconstance, une dupli ité, une mau- sim|iles ; elles sont occupées non-seuleu.cnt
vaise foi, qui ne lui lirenl pas honneur. au soin des malades, mais encore à l'instruc-
Lorsqu'il était de sang froid, il promenait et lion de la jeunesse, et suivent la règle de
accordait tout ce qu'on voulait ; dans le pie- saint Augustin; elles ont trois maisons à
ntiier m 'uvemcnt de colère. Il se rétractait et Paris. Lorsqu'elles fout profession, une pau-
ne vonlail plus ri<'n enlendre. Peu s'en fiillut, vre femme les e.nb asse et leur met une ba-
nlus d'une f)is, qu'il ne formai contre rKglise gu<; au doigt, en L ur disant : Souvenez-
le même sihhiue {]u'n c\('i:u{c II' ur'i \'\ll eu ruus, tua elle: e sœur, que vous devenez la
lo3'i-, 6" Ses apologistes preieuilenl que le roi servanle des p itvres. Ou sait que suint Tho-
de France, Louis VU, ne lavorisa Thomas mus de Ki/Z^neurp, archevêque de \alence en
Becquet qui- par haine contre Henri II, son l'spagne, mort l'an 1555. se rendit principa-
cnnenii, (|ui possédaft pour lors nos proviii- leuient recommandable oar sa char. lé envers
ces occidentales. La lauselé de ce soupçon les malheureux.
et prouvée par un fiil incontestable : c'est THOMISME, THOMISTES. On appe'le ^/to-
que Louis Vil n'acc()rda une protection dé- misme la doctrine de saint Thomas d'Aquiu
clarée el conslanle à l'archevêque de Can- touchant la grâce et la p' édestination , et
torbéry qu'après avoir eu une longue onfé- thomistes ceux qui font prolessiou de la sui-
rence avec Henri II, près de Mouinnriil, vre. particulièrement les dominicains. Voici
dans le l'ercbe, l'an IlliO, et après .ivoir en- comme ils ont coutume de l'exposer,
tendu les reproches de ce |irince el les répou- D. eu, disent-ils, est li cau--e piemière ou
ses du prélat, que Louis VII avait conduit le premier moteur à l'égard de loulcs ses
avec lui pour le f;iire lentrer en grâce. C'est créatures : comme cause pretnière, il doit
après son celoiir que noire roi fil a un en- influer sur toutes les actions, parce qu'il
voyé de Henri 11 la réponse qui est devenue n'est pas de sa dignité d'allendre la délermi-
célèbre : Dites à votre maître que je ne veux nation de la cause seconde ou de la créa-
poinl renoncer à l'ancien droit de ma cou- luro; comme premier moteur, il doit impri-
ronne : la France a éti- de tout temps en pos- mer le uiouvemenl à lontes les facultés ou à
session de protrger les innocenis opprimés, et toutes les puissances qui en sont sU'Cepii-
de donner retraite à ceux qui sont exilés blés. Voilà la base de tout le sys ènie. De là
pour la justice. Avant de laisser retourner les thomistes concluent : 1° One dans quel-
Thomas Hecquel en Angleterre, Henri II ne que état que Ion suppose l'homme, soit
lui fit point promelire cju'il renoncerait à la avant, soii a|)rès sa chute originelle, el pour
défense des droits de .sa dignité et de son queli)ue action que ce soil, li pré notion de
Eglise. 7" Nous n'accusons point ce roi d'à- Dieu est néeess lire. Ils appellent celle pré-
voir consenti au meurtre de l'arcluM éque. motion piédéti-rminalion physique, à l'égard
Fr;ippè de terreur et de regret à la première des aclions naturelles, ei qrdce efficace par
nouvelle qu'il reçut de ce crime, il juia el elle-même, quand il s'ajiil des œuvres siirna-
prolesla qu'il n'y avait point de pari ; (|u'en liirelles et miles au saliil. Ainsi, cou inuenl-
se plaign<ini imprudemment de ce (|ue per- ils, la grâce cilicace par elle-même a été
sonne ne voulait le délivrer de cet homne, il neces>aire aux anges ei a nos premiers pa-
n'avait eu aucune intention n'inspirer à des renis, pnur l'aire des œuvres surnaturelles
assassins le dessein d'atleuler à sa vie. il fil et pour persévérer dans letat d'innocence,
de sa faute une pénitence exemplaire , sans H n'y a donc aucune différence entre la
attendre que le pape la lui enjoignii, comme grâce efficace de l'clat d innocence et celle
quelques-uns le supposent. Peu d'années de la nature tombée ou corrompue. En cela,
après, il alla se prosterner au tombeau du le sentiment des thomistes est opposé à celui
saint, y répandit lies larmes, implora sa pro- des augusliniens. Voy. ce mol. 2° La grâce
lecliou, el rt crut être redevable à son inler- efficace lut refusée à Adam el aux anges nu
771
THO THO 772
sont déchus de leur état , mais ils en furent soutiennent le contraire ; ils disent , 1° que ,
privés par leur faute. 3° Dans l'état raomc par la pri'<moiion. Dieu ne donne atieinie à
d'innocence, il. faut adinelire en Die<i des aucune des facullés de riioinme , parce qu'il
déocls absolus, efficaces et anli céilf'iits à venl qm- riioniine ngisse lilirciiicn! ; que la
(ouïe déieriiiiiialion libre des volontés créées, prémolion, loin d'éire un ol)sia<:le au choix,
puisque la prescience de Dieu o'es( l'ondée ou à l'action, esl au contraire un coiiiplé-
que sur ces décrets. Ainsi, dans cet élit, la ment nécessaire jionr agir; 2 qu'aucun ob-
prédestinalion à la gloire élernolle a élé an- jet créé n'olïrant à l'Iionime un allrail invin»
lércilente à la prévision des mérites. Par cible, la raison lui fait toujours apiTcevoif
conséquinl, il en.a élé de même de la répro- diversobjets entre lesquels il peut choisir,
l)aiion négative ou de la non-éledioii à la cl que cela suffit pour la liberté. — On doit
gloire; elle esl uniqui'meut venue de la vo- rnnveoir d'abord que ce sylèine ne renferma
lonlé de Dieu. Quelques thomiaies, ce[)en- aucune erreur ; il n'a jamais essuyé aucune
daiit, pensent que le péché originel est la censure : il esl donc irès-permis de le sou-
cause de la réprobation négative. Quant à la tenir, et il esl assez commun dans les écoles
réprobation positive, ou à la destination aux de théuloijie. Ceux (jui ont voulu le confon-
peines éternelles, elle a élé conséquente à la dre avec celui de .lanséiiius se sont grossie-
prévision du démérite futur des réprouvés, renient trompés, ou ils ont voulu en impo-
k" Notre premier père ayant péché, tous ses sor. Les thomistes soulienncnl que .lésus-
dcsceii lanls ont péché en lui ; ainsi, tout le Christ esl mort pour le salut de tous les
gi me humain e t devenu une masse de per- hommes ; qu'en conséquence Dieu donne
dition. Dieu, sans injustice, aurait pu l'ab/in- des grâces intérieures à tous; que l'homme
donner tout emier, comme il a délaissé les résiste souvent à ces grâces, quoiqu'elles lui
angi'S prévaricaieuis ; mais par pure miséri- donnent un vrai pouvoir de faire le bien;
corde, pai- un décret antécédent et graïuit, il que, quand il faii le mal, ce n'est pas parce
a voulu le racheter. En conséquence, Jésus- qu'il manque de la grâce, mais parce qu'il y
Christ est mort pour tous les honunes; et. en résiste; que la grâce effica :e ne lui impose
vertu de sa mori. Dieu a préparé des grâces aucune nécessité d'agir, parce que celte né-
sulfisautcs |)our le salut de l lUS, et en donne cessité serait incompatible ;ivec la liberté.
à tiuis plus ou moins. 5° Par un nouveau Autant de vérités diamétralement opposées
Irait (le miséricorde antécédente et graluile, aux erreurs condamnées dans Jansénius. 11
Dieu a élu et prédestiné efficacement à la n'y a pas moins d'injustice à leur attribuer
gloire éternelle un certain nombre d'âmes, celles-ci qu'à taxer les congruistes de semi-
préférablement à tout le reste. Ce choix esl pélagianisme.
appi le, par les ihothi^tes, décret d'intention. Lorsque l'on dit aux thomistes que leur
eu conséquence duquel Dieu accorde aux grâce prétendue suffisante n'est suffisante
élus des grâies efficaces, le don de la perse- que de nom, puis.|u'avec elle l'homme ne
vérance et la gloire dans le leo.ps, au lieu fait jamais le bien, ils répondent que c'est
qu'il ne donne à tous les autres que des giâ- sa faute, et non celle de la grâce, puisqu'elle
ces sulfi--anles pour opérer le bien et y per- lui donne tout le pouvoir nécessaire pour
sévérer. G" Dans l'état de nature tombée, la agir; que dans la grâce suffisante Dieu lui
grâce efficace esl nécessaire à toute créature offre une grâi e efficace, et (lue si Dieu ne lui
raisonnable, pour deux raisons : 1* à liire de accorde pas celle-ci, c'est qu'il y met obsla-
dépendance, parce qu'elle est créalure; 2° à de par sa résistance. Ainsi l'enseigne saint
cause de sa faiblesse. Quoique la grâci' suf- Thomas, in 2, dist. 28, qawst. 1, ai I. k, liv.
fisanle guérisse la volonté et la rende saine, m, contra Gtnt., c. 159. Ils ne soutiennent
cependant l'homme éprouve toujours une pas pour cela que leur système est sans au-
giande difficulté à faire le bien surnaturel ; ciine dilficulté : ceux qui ne le goûtent
quiiiriu'il ait avec cette grâce un pouvoir vé- point leur eu opposent un grand nombre. 1'
riiable, proihain et complet de faire le bien. Suivant leur opinion, il serait difficile de
néanmoins il ne le fera jamais sans une trouver dans saint Thomas toutes les pièces
grâce efficace. 7* Il s'ensuit, de tout ce qui duut les (/(ohcs^'S composent leur hypollièse;
précède, que la prescience des bonnes œu- il en esl plusieurs (lue l'on ne peut tirer des
vres de l'homme esl fondée sur un décret expressions du s lint docteur que p.ir dei
eflic.ice, absolu et anlécéiient, de lui aecor- conséquences éloignées et peut-être forcées,
(ier la grâce eflicaie, et que la prescience du 2 Que, dans le principe sur lequel ils se
péché est également fondée sur un décrel de funilenl, les mots Cfiuse première, premier
permission, par lequel Dieu a résolu de ne molnir, attendi e ht détermination descausis
point lui accorder celte même grâce néces- secondrs, imprimer le mouvement, sont équi-
saire pour éviter le péché. 8" Dieu voit, dans v0i|ues, et que les thoinistis les prennent
ses décrets, qui sont ceux qui persévéreront d ns un sens tiiut ilifférent des autres Ihéo-
dans le bien, (jui sont ceux au contraire qui logiens ; iiue Dieu ne doit point imprimer le
finiront dans le mal : en conséquence, il ac- mouvement à des êtres essenliellemeul ac-
corde aux premiers la gloire éiernelle po ir tifs ni à des facullés actives, comme si
récompense, et »' condamne les autres au c'étaient des choses pureineul passives, 'â'
supplice de l'enfi r. C'est ce que les f/(omi5!e5 H leur païaît peu convenable dédire que,
nomment rfecrr^ d'exécution. dans l'elat d'innocence, une partie des anges
Quand ou leur objecte que ce système et le premier hunmie ont été privés de la
s'accorde mal avec la liberté humaine, ils griirccfCicc. a par leur faute. Outre l'incoii-
773
TIIR
TIA
i7]
vétiieiU d'iulmeltre une faute dans l'ôlat
d'innoicnce. oi'<rollc f'Ule était grièvc, ou
ellf cia;i li'fjère : dans le premier cas, elle a
fail [loiùre rinnocene.e avant la cliule; dans
le sccttii'l, elle ne tiiénlall pis une |iein.e
aussi terible (lue la priv.ilioii de la càce
efficace nécessaiie pour persévéïer. i° L'oif
ne conçoit pas coinnx'iil un décret anlécé-
dent et alisolu d' répiobalion uégalive peut
s'accorder avec le décret ant 'cédeut et ab-
solu de sauver tous les liomines el de les
racheter par Jésus-Christ. Ce^ deux décrets
paraissent coulradirtDires. Il en est de même
de la [irédcslin.ition absolue d'un petit nom-
bre d'àmes, après la chule d'Ad.itn, el inal-
l^ré la rédeuiptiou si''>i'''ale, pendant que
l)ieu laisse de côté le plus i;rand nombre.
5' L'on conçoit encore moins comrieut la
jïràce suKisante yutf/f'f la volonté el la rend
saine, pendant qu'elle lui laisse une (/ronde
difficulic à faire le bien; cette dilllculté pa-
raît une fîramle maladie. Supposer qu'afec
celle grâce l'honime a un vrai pouvoir, un
pouvoir prochain el comph't de faire le bien,
el que cependant il ne le fera jamais sans
une grâce efficace, c'est admettre un pou-
voir sans preuve et par pnre nécessité de
système. G" Un décret de permission, par
.leiiucl Dieu a résolu de ne point ac' order la
grâce efficace, est un mot inintelligible. Per-
mellre signifie simplement ne point empê-
cher, ce n'est donc point un décret positif;
si on l'entend autrement, l'on suppose que
Dieu v("Ul |iosilivtment le pécné.
Ce n'est point à nous de terminer cette
dispute (jui dure déjà depuis | lusicurs siècles,
el qui probablement durrra encore plus
long-temps ; nous n'y prenons aucun intérêt.
Nous voudrions seulenicnt que, quand il est
question de systèmes arbitraires sur un
niys'èie incompréhensible, tel que la pré-
destination, l'on y mil moins de chaleur,
que l'on s'abstint do termes durs et d'accusa-
tions téméraires ; il est mieux pour un théo-
logien de réserver son temps, ses talents
et ses peines pour défendre les vérités de
notre foi contre ceux qui les attai|nent.
TllUONli: ou TltONI';, siège elevj au-des-
sus des autres. Les prophètes, dans leurs
extases, ont souvent vu le Seigneur assis
sur un trdne éclatant de lumière, environné
des ange s prêts à recevoir ses ordres et à les
exécuter; Dieu daignait leur donner par ces
visions une faible i !ée de sa grandeur et de
sa majesié. .lesus-t^hrisi, Matlli., c. v, v. 32,
défend de jurer par le ciel, parce que c'est
le ir'ne de Dieu. Etre jjlacé sur un siège
élevé dans une assemtdée est un signe de di-
gnité et d'autorité ; de là le trône est devenu le
'sMubo'edela royauté, el souvent il la signifie
dtos rKcriiure sainte ; Proi'., c. xx, v. "28 :
Ajfermisscz par la clémence voire tuônk, c'est-
à-d.re voire règne et votre autorjiè. H y a dans
le troisième livre des liois, chap. x, v. 2S). une
description magnifique du Irone de Salomon.
Ce qui e-,\. dit dans les prophèies des anges
qui environnent le trône de l)ieu, leur a
fait donner ce nom. Saiut-l'.iul, Colons., cap.
I, v. IG, dit que toutes choses visiulcs ou
invisibles, ont élé créées de Dieu, soit les
troncs ou les dominations, les princip iutés
on les puissances; les Pères de l'I'glise ont
pensé que l'apôlie désignait (lar là quatre
divers ordres des au'^es, el que les trônes
sont les anges du premier ordre. Voy.
Angk.
Thône épiscopal. Jésus -Christ dit dans
l'Evangile, Matlli., cap. xix, v. 28: Aurnmu-
vellement de toutes cluses, lorsi/ue le Fils dr
niomtne sera placé sur le siéfje ou sur le tiiônk
de sa majesic, \wus serez aussi assis sur douze
sièges et vous jugerez les douze tribus d'Israël.
Dii\isrApocnlijpse,(h. iv et suiv.,où saint Jean
a représeï;!;' les assemblées chrétiennes s<ius
l'emblème de la gloire éternelle, le président
est as is sur un ti(iHe,et vingl-quaire vieillards
ou prêtres occupent ausssi des trôms !\uiottr
de lui. De là s'est inirodnite la coutnme gé-
nérale d'élever dans les églises un siège au-
dessus des autres, pour y placer l'évêque.
liingham, Orig. ecclés., t. III, 1. viii. c. 6,
§ 1, observe que le mot grec eÀfio: signifiait
tantôt l'autel, tantôt l'ambon ou le pupitre,
quelquefois le trône épiscopid, souvent le
chœur entier dans lequel toutes ces parties
étaient rassemblées ; en efi'et c'est un lerme
générique qui signifie simplement un lieu où
l'on monte. Eusèbe, llisl. ecclés., liv. vu,
c. 30, rapporte que l'un des reproches que
l'on fit à Paul deSamoiate, au concile d'Au-
tioche, l'an 270, fut qu'il s'élait fait cons-
truire un trône ou tribunal fort élevé, et
qu'il l'appelait sz/ifUTov comme les magistr^ils
séculiers ; mais il n'est pas nioiiis certain
que, dès la naissance de ri'glise, les èvêques
oui eu dans le choeur un sié^e distingué,
plus élevé que celui des simples prêtres, et
qui marquait leur dignité. On lit d.ins un
ancien auteur que l'ieire, successeur de
Théonas sur le siège d'Alexandrie, prenant
possession, refusa par modestie de s'asseoir
sur le trône de saint Marc, qu(; l'on gardait
précieu'eaieut dans cette église. — On ap-
pela, dans les premiers siècles, prolotrône
ièvèque d'une province dont le siège était
le plus ancien. \'oy. Cuare.
ïHUKIFÈHAIRIî est un clerc qui porte
l'encensoir et qui est chargé d'encenser
dans le chœur.
THUIUFIÉS, rnURIFlCATI. V. Lapses.
TIAUE, ornement de tète des prêtres juifs;
c'était une espèce de couronne de toile do
byssHs ou de fin lin, Exod.,v. xxviii, v. 40;
c. XXXIX, V. 20. Le grand prêtre en portait
une dilTérente, qui était d hy.icinlhe, envi-
ronnée d'une triple couronne d'or et fjarnie
sur le devant d'une lame d'or sur laquelle
était gravé le nom de Dieu. La lune est
aussi l'ornement de tête que porte le souve-
rain ponlife de l'Iîglise chrétienne , pour
mar(|ue de sa digniie. C'est un bonnet assez
élevé, environne de trois couronnes d'or, et
surmonté d'un globe avec une croix, avec
deux pendants qui tombent par derrière,
comme ceux de la mitre des évèques. Celte
tiare n'avait d'abord i]u'une seule couronne,
Boniface \\\\ y en ajouta une seconde, et
lienoît XII une (roisième. Le pape la porle
sur sa léie lorsqu'il duiiiie la bénédiction
au leuplft.
1 IKHCE. Vny. HEt'RES canoniales.
TIEUCKLIN. TlhKCKLlNE. Voy. Fran-
ciscain, Franciscai\e.
TIEHCIAIRE, hommp ou femme qui est
d'un tiers ordre de religieux. (>oi»imi^ la plu-
p;ir'l des ordres monastiques ont subi des ré-
formes, les réformés ei les anciens ont été
leiiscs deux ordres différent-*, lis ont nom-
mé tiers ordre ceux qui formèrent dans la
suit(>, pour quel(|ue nouvelle r;iis<in, une
iroi>ièine coiifçrégation. Mais l'on a d'inné
le même nom a nue association de pieux
laïques ou de gens mariés, qui contr^ictent
avec un ordre religieux une espèce d'affili.i-
lion, afin de pariieiper aux prières ei aux
bonnes oeuvres qui se font dans cet ordre ,
et d'en imiter les pralnines de dévoiion,
aulani que leurs oceupiilions et les devoirs
de li'ur elal peuvent le leur permettre. Ils
ne foni point de vœux ; leurs diiccteurs leur
prescrivent seulement un règlement de vie
propre à les snutenir dans la piété et la pu-
reié des mœurs. La plupart des ordres
religieux ont eu des tiers ordres. Comme
tous on! commencé par la ferveur et par
une vie exemphiire, un grand nombre de
laïques, édili. s de leurs vertus, ont désiré
de les imiter et de j-'assoiier à eux en quel-
que manière. Ceux qui ont fait le plus de
bruit dans le mond'' sont les frères et sœurs
du /iVrs oïdre de Saint François. Lorsqu'une
partie des religieux de cet ordre eurent l'ait
un scliisme avec leurs frères, dans le xiii'
et le xiv' siècle, sous prétexte d'obsirver
plus étroitement la règle de leur fondateur,
ils se révoltèrent contre toute espèce d'au-
torité, refusèrent d'obéir uiême au saint-
siège, tonilièrenl dans des désordres et dans
des erreurs : on les nomma fralricelles. Les
tiercidires laïques, qui s'etuienl mis sous
leur conduite, se lièrent d'intérêt avec eux
et donnèrent dans les mêmes excès ; ils fu-
rent nommés beggards et béguins ; l'on fut
oblige de sévir contre les uns et les autres,
et de les exterminer. Voy. Beggards, Fra-
TRICEI.LES, eic.
Tl.MUTHÉE, disciple et compagnon des
voyages de .--ainl Paul, pour lequel cet apô-
tre avait une affection singii.ière. Il le sacra
évéi|ue, et !.• cbargea de gouverner l'Kglise
d'Eplièse, avant que s.iint Jean l'Evangeliste
pûi fixé sa demeure d.ms celle ville. Les
deux lettres de saint Paul à Tiinulhée sont
un m>>iiu:iient prétieux de l'esprit apotoli-
que ; elles renferment en peu de mots les
devoirs qu'un pasteur doit remplir, les ver-
tus qu'il doit avoir, les délauls qu'il doit
éviter, les instructions qu'il doit donner aux
Gdèles dans les divers états de l.i vie ; il
parait qu'elles furent éci ites dans les an-
nées 64 et ô5, peu de temps avant le martyre
de Siiint Paul, que l'on rapporte communé-
ment à l'an 6S. Les Pères de l'Eglise reeora-
iniindent à tous les ministres des autels la
lecture assidue de ces deux lettres, aussi
bien que de la lettre à Tite, doal nous
TOB
174
allons parler, et ils en ont eux-mêmes donné
l'exemple.
Dan» VApocnlypse, c. ii, V. 1, si'nl Jean
reçoit l'ordre d'écrire à l'éiêque l'Epbèse,
de louer ses travaux, sa pa'ience, son zèle
contre les méchants, sa vigilance à démas-
quer les faux apôtres, son courage à souf-
frir pour le nom de Jésus-Cbrisi, mais de
l'avertir qu'il s'est relâché de son ancienne
charilé. Si cette leçon regardait Timothée ,
ce qui est incertain, il en profita certaine-
nieni, puisqu'il y a des preuves qu'il souf-
frit le martyre. Tillimont, tome 11 , pag.
142 ; Vies des Pères et des martyrs, tome 1,
pag. k'.ii.
TIMOTHIENS. L'on nomma ainsi, dan»
le v' siècle , les partisans de Timolh'e
JE\ure, patriarche d'Alexandrie, qui, d;ins
un écrit adressé à l'empereur Léon , avait
soutenu l'erreur des eutychiens ou mono-
physites. Voy. Ectycbianisme.
iriE, disciple de saint Paul, le suivit
dans une partie de ses courses apostoliques.
Comme l'Apôtre n'avait fait que passer dans
Tile de Crète et jeter les premières semen-
ces de la foi, il y laissa Tile qu'il ordonna
évêqui> de celte Eglise naissante, afin qu'il
achevât de la former, et lui recommanda
d'éiablir des pasteurs dans les villes, en lui
désignant les qualités que devaient avoir
ceux qu'il choisirait pour cet important mi-
nistère. Telles sont les inslruclious qu'il lui
donna dans la lettre i|u'il lui écrivit l'an Gï.
Elle est parfaitement semblable aux deux
qu'il adressa à Tiraoïhée, l'utilité en est la
niênie. En les comparant, l'on est convaincu
de l'erreur des protestants, qui affecleni de
supposer que du temps des apôtres les évo-
ques lie s'attribuaient aucune autorité sur
leur troupeau, que tout se réglait dans les
assemblées des Fidèles à la pluralité des voix,
que ce gouvernement était purement dé-
mocratique. Voy. EvÊQUE , HlÉRARCHIK ,
Pasteur, etc.
TNETOPSYCHIQUES, héréliques qui sou-
tenaient la morlaliié de l'âme ; c'est ce que
signifie leur nom. Voy. Arakiques.
TUBIE, saint homme, juif de la tribu de
Nephtliali , emmené en caplivité avec les
autres sujets du royaume d'Israël, par Sal-
maiiazar, roi d'Assyrie, sept eeuls et quel-
ques années avant Jésus-Christ. Le livro
qui porte son nom a élé déclaré canoniciue
par le concile de Trente, mais il est regardé
comme apocryphe par les protestants, parce
qu'il n'est point renleritié dans le canon des
Juifs. Il fui d'abord écrit en chaldaïque ;
saint Jérôme le traduisit en latin, et sa ver-
sion est celle de noire Vuigale. Mais il y en a
une version grec(|ue beaucoup plus iincieiine,
dont les Pères giecs se sont servis dès le
ir siècle. L'original chal(laï>|ue ne sub-
sisie plus; quant aux versions hébraïques
qui en ont été faites, elles sont modernes ;
la traduction syriaque a élé prise sur le
grec. La version laiine esl dilTérente de la
grecque en plusieurs choses ; mais les savants
donnent la préférence à celle-ci, parce que
saint Jérôme avoue qu'il fit la sienne eu
777
TOIJ
TOL
778
îrès-peu de temps, par le secours d'un juif ,
et lorsqu'il n'cnieiidail pas encore purfaile-
nuMit le th.ildaïque.
En général, les juifs et les chrétiens re-
gardent le livre de Toliie comme une his-
loire véritable ; mais les protestants sou-
tiennent qu'il renferme plusieurs circon-
stances fabuleuses, et des choses qui n'ont
pas pu être écrites par un auteur inspiré de
Dieu. Un théologien d'Oxford, nommé Kay-
nolil, qui a l'ail deux gros volunies contre
les livres apocryphes de l'Ancien Testament,
pour réfuter Bi'llarniin, a rassemblé cinq o*
six objections contre celui de Tobie. — 1° 11
observe (jne, dans le ch. m, v. 7, il est dit
que Sara, tille de Kaguel, habitait à Uagôs,
ville de Médie ; et, eh. ix, v. ^i, le jeune
Tobie, après l'avoir épousée, envoie l'ange
qui le conduisait à liages, ville de MéJie,
chez Gabélus, qu'il amène aux noces de
Tobie, et le voyage dura plusieurs jours.
Cela ne nous paraît pas impossible à conci-
lier. S. ira et son père pouvaient être à Ra-
ges, lorsque arriva ce qui est rapporté ch. m,
et ils ont pu venir habiter dans une au-
tre ville près du Tigre, où Tobie les trouva,
c. IX. — 2° L'ange qui est rencontré par les
deux Tobie, leur dit : Je suis lsr<iélite,jesuis
Azarias, fils dugrand Anaiiiiis, p.. v, v. 7 et
18, c'était un mensonge. Point du tout, l'ange
avait pris la figure de ce jeune- homme, et le
représenlait. D'ailbMirs l'erreur des deux
Toliie, que Dieu voulait leur rendre utile,
ne fut pas longue, puisque l'ange leur dé-
couvrit ensuite 1 i vérité, c. xii, v. 6. — • 3°
C. VI, V. 5, 8 et 9, lange attribue une vertu
médicinale et merveilleuse aux entrailles
d'un poisson ; il dit qui; la fumée du cœur
de cet anim^il chasse toute espèce de dé-
mons, et que le foie fait tomber les taies des
yeux. Cela ne peut p;is être. Mais que s'en-
suil-il ? que Dieu voulut attacher à ces deux
signes exiérienrs les deux miracles qu'il
voulait opérer en faveur des lieux Tobie. Il
en fut de méiiie lorsque Jésus-t^ilirist se ser-
vit de boue poui' rendre la vue à un aveu-
gle. — k" C. XII, V. 12, ce même ange dit au
vieux Tobie: Loi se/ne vous faisiez des priè-
res ei de bonnes œuvres, fui présenté voire
prière au Seigneur, Voilà une hérésie, selon
les protestants ; il n'appartient, diseni-ils,
qu'à Jésus-Christ de présenter nos prières à
Dieu. Au mot Ange, nous leur avons fait
Voir le contraire : nous avons prouvé, par
un passage de l'Apocalypse et par un autre
du prophète Zacharie, outre celui-ci, que
Dieu a chargé ses .inges de lui présenter
nos prières; l'erreur contraire, dans la-
quelle les pioleslants s'obsiinent, n'est pas
une juste raison de rejeter un livre de l'E-
criluie sainie. — 5° Dans le ch. xiv, v. 7, le
vieux T('bie prédit que le temple du Sei-
gneur, qui a été brûlé, sera bâti de nou-
veau : or, dans ce temps-là, le temple de Jé-
rusalem n'avait pas encore été incendié par
les Chaldeens ; il ne le fut que quelques an-
nées après la mort de Tobie. Cela est vrai ,
suivant la supputation commune; mais on
sait que la chronologie de ces temps-là n'e.tt
DiCT. UK TuÉOL. DOGMATIQUE. IV.
pas infaillible, que les arguments fondés
sur ces sortes de calculs ne sont pas des
démonstrations, et que les chronologisles
ne s'accrdenl presque jamais. Il y a de pa-
reilles difticultés dans plusieurs autres li-
vres de l'Ecriture que l'on ne rejette pas du
canon pour cela. Au reste la version grec-
que ne parle de l'incendie du temple que
comme d'un événement futur.
Ce n'est pas sans raison et sans preuve
que le concile de Trente a mis l'histoire de
Tobie au nombre des livres canoniques.
Ce livre a été cité comme Ecriture sainte
par saint l'olycarpe, l'un des Pères aposto-
liques, par saint Irénée, par Clément d'A-
lexandrie, par Oiigène, par saint Cyprien ,
par saint Hasile, saint Ambroise, saint Hi-
laire, saint Jérôme, saint Angusiin, etc.
Dès le iv8 siècle, il a été placé dans le cita-
logue des livres sacrés par un concile d'Hip-
pone et par le m" de Carihase.
TOLÉHANCK, INTOLÉUANCE, en fait de
religion. Il n'est peut-être pas de termes dont
on ail abusédavantage, depuis plus d'un siè-
cle, (|ue de ces deux mots; il n'en est aueun
qui ait donné lieu à d'aussi violentes décla-
mations. Il faut donc commencer par en fixer,
s'il est possible, les différentes significations.
1° Dans un état où il y a une relisiion do-
minante, qni e-t censée faire partie des lois,
on a|ipelle tolérance virile et politi.fue , la
permission que le uon vernement accor.le aux
sectateurs d'une religion diflerente. d'en faire
l'excrciee plus ou moins public, d'avoir des
assemblées particulières et des pasteurs pour
les gouverner, de faire des règlements de
police et de discipline , et sans encourir au-
cune peine. On comprend que celle tolérance
peut être plus ou moins étendue , suivant
les circonstances, suivant qu'elle paraît plus
ou moins compatible avec l'ordre public,
avec la tranquillité, le repos , la prospérité
do l'Etal et l'intérêt général des sujets. Sou-
tenir que , chez une nation policée , toute
religion quelconque doit être également per-
mise, qu'aucune ne doit être dominante ou
plus favorisée qu'une antre, que chaque par-
ticulier doit être le maître d'eu avoir une ou
de n'en point avoir, c'est une absurdité que
l'on a osé soutenir de nos jours, et qiie nous
réfuterons ci-après.— 2" Parmi les différeu-
t('s sociétés chrétiennes, on appel!.' /o France
ecclésiastique , religieuse on ihé dogii/ue . la
profession que fait une seite de croire que
les membres d'une aotn; secte peuvent faire
leur salut sans renoncer à leur co\ance ;
que l'on peut sans danger fraterniser avec
eux , et les admettre aux mêmes pratiques
de religion. Ainsi les calvinistes ont oITert
plus d'une fois la tolérance ihéologique aux
luthériens, mais ceux-ci ne l'ont pas accep-
tée ; les uns et les autres l'ont toujours re-
fusée aux sociniens , avec les(iuels ils n'ont
jamais voulu entrer en communinn. Quel-
ques protestants modérés sont convenus que
l'on peut faire son s.ilut dans la religion ca-
tholique : la (ilupart souticnnentl.' coniraire
On leur a fait voir qu'ils n'ont aucun prin-
cipe fixe ni aucune raison solide pour affir-
25
7-79
TOL
TOL
780
mer ou pour nier la possibilité du salut dans
une société chrétienne plulôt ijue dans une
autre , qu'ils en raisonneiit suivant le degré
de prévention et d'aversion qu'ils ont con-
çue contre tille ou tellesociélé particulière,
et selon l'intérêt du moment, puisqu'ils n'ont
jamais eu sur ce point un langage ni une
conduite uniformes. — 3° L'on entend sou-
vent par tolérance en général, ia charité fra-
ternelle et riiumanilé qui doivent régner
entre tous les hommes , surtout entre tous
les chrétiens, de quelle nation et de quelle
société qu'ils soient. Cette tolérance est l'es-
prit même du cbrislianisme ; aucune antre
religion ne commande aussi rigoureusement
la paix, le support mutuel , la charité uni-
verselle. JésuSi*Christ l'a prêchée aux Juifs à
l'égard dis Samaritains, même à l'égard des
gentils ou païens ; et il leur en a donné
l'exemple. 11 a ordonné à ses disciples de
souiïrir patiemment la persécution , et non
de l'exercer contre qui que ce soit. Les apô-
tres ont répété ces mêmas leçons, et les pre-
miers chrétiens les ont fidèlement suivies;
leurs propres ennemis leur ont rendu celte
jusiice, nous l'avons f;iil voir ailleurs : c'est
par trois siècles de douceur , de patience,
de chari(é, et non par la force , qu'ils ont
vaincu enfin et subjugué les persécufeiirs.
Mais de ce que celle condaite est rigoureu-
sement commandée aux particuliers , il ne
s'ensuit pas que la même chose est ordon-
née aa\ chefs des sociétés , aux pasteurs,
aux magistrats, acrx Souverains, à tous ceux
qui sont revêtus de l'autorité civile onecclé-
siastiqne. Les princes et leurs officiers sont
tenus de droit naturel à maintenir l'ordre,
la tranquillité , l'union , la paix , la su-
bordin.'ition parmi leurs sujets ; à écarter,
à réprimer et à punir tous ceux qui , sous
prétexte de religion , cherchent à troubler
la société. Jésus- Christ a chargé les pas-
teurs de veiller sur leur troupeau, d'en éloi-
gner les loups et les faux prophètes , d'y
maintenir l'union dans la foi , de ne point
laisser mêler l'ivraie avec le bon grain, etc.
Ses apôtres se sont conformés à ses ordres ;
autant ils ont été patients à supporter los
injures personnelles , la violence, les ou-
trages et les tourments di)nt on us^iit à leur
égard par autorité publii|ue , autant ils ont
été attentifs à démasquer les faux docleors,
à 1rs cxcture de la société des (idèles, à em-
pêcher toute communie iiion religieuse avec
eux. Ils n'ont établi aucune règle , aucune
maxime, aucun principe , duquel on puisse
concinre que les princes, en se fiiisant chré-
tiens , se sont privés du droit de réprimer
et de punir les séditieux , qui, en troublant
la paix d'e l'Kglise , travaillent par là niême
à désonir la société civile, (juoi que l'on en
dise, ces dilïérents devoirs ne sont pas in-
compatibles, les princes véritaldernent chré-
tiens ont très-bien su les concilier. L'affec-
tation de nos ennemis de brouiller toutes ces
notions démontre qu'ils décident les ques-
tions sans y rien entendre. — k" Dans le style
des incrédules, iit lole'rancee.sl l'indilîérence
à l'égard de toute religion. Sirns s'embar-
rasser de savoir si toutes sont également
vraies ou également fausses, si l'une est plus
avantageuse que l'autre à la société civile,
ils disent qu'un doit les regarder tout au
plus comme de simples lois nationales, qui
n'obligent ((u'autant qu'il plaît au gouver-
nement de les protéger, et aux sujeis de s'y
soumettre; que le meilleur parti est de n'en
rendre aucune dominante , et de mettre (li-
tre elles une parfaite égalité. D'autres plus
hardis ont soutenu qu'il n'en faut aucune,
que toutes sont fausses et pernicieuses ; que,
ftour rendre la société civile heureuse et
parfaite , il faut en bannir toute espèce de
culte et toute notion de la Divinité; que si
l'on permet au peuple de croire et d'adorer
un Dieu, il faut du moins que ceux qui gou-
vernent se gardent bien de favoriser un
culte aux dépens de l'autre ; que tout par-
ticulier doit être le maître d'avoir une re-
li .;ion ou de n'en point avoir. Gonséquem-
menl, en demandant à grands cris la tolé-
rame pour eux -mêmes , ils ont entendu
avoir la liberté de déclamer et d'écrire con-
tre toute religion, de professer hautement le
déisme, l'athéisme, le matérialisme, le scep-
ticisme , suivant leur goût ; d'accumuler
les impostures , les calomnies , les injures
grossières pour rendre odieux le christia-
nisme, ceux qui le professent , ceux qui le
défendent ou le protègent. Pour prouver que
ce privilège leur .ipparlenait de droit nalu-
rd , ils ont commencé par s'en meitro en
possession, ils n'ont épargné ni les prêtres,
ni les magistrats , ni les ministres , ni les
souverains. Enfin, pour comble de sagesse,
ils ont soutenu gravement que tous ceux
qu'ils attaquent sont obligés, de droit divin,
de le souiïrir ; ils ont cité les leçons de l'E-
vangile, ils ont conclu que tons ceux qui se
sont opposés à leurs attentats sont des per-
sécuteurs. Si l'on nous accusait de trop char-
ger ce tableau , nous soinines prêts à en
montrer tous les traits dans leurs livres,
surtout dans Ya.nc\^\\nQ Encyclopédie , aux
mots Tolérance, Intolérance, Persécution, elc.
Tel a été le progrès lies principes , des
conséquences , des raisonnements des pré-
dicateurs de la tolérance; les protestants les
avaient posés, les incrédules n'ont fait que
les lépéter et en suivre le fil, et il les a con-
duits à l'excès dont nous venons de parler,
llayle les a étalés avec beaucoup d'art dans
son Commentaire philosophique sur ces pa-
roles de l'Evangile : Contrains-les d'entrer ;
Barbeyrac les a compilés assez maladroite-
ment dans son Traité de la morale des Pères,
ch. i-2, § o et suiv. Nos philosophes plagiai-
res les ont copiés dans l'un ou dans l'autre;
l'auteur du Traité sur la Tolérance n'a fait
que les ressasser : tous se sont vantés d'avoir
fermé pour toujours la boucheatix/n/o/f-'ra)j/«.
Avant d'examiner si leur victoire est réelle
ou imaginaire , il y a quelques vérités à
établir et cert:'.ines questions à résoudre.
1' Aux mots Religion , § 4 , Autorité , Loi
MOiiàLB, Société, etc., nous avons démontré
que la religion est absolument nécessaire
pour fonder la société civile, et que cela ne
781
TOL
TOL
78-2
peut pas se faire auliemenl. Celle vérité est
conlirmée par le fait, puiscjuo dans l'univers
entier il n'y eut jamais un poui)le réuni en
sociélc sans avoirunc religion vraicou fausse.
On bàlirail pliilôt une ville en l'air, dit PIu-
tarqne, qu'une république sans reîigion.
Tel a été le sentitiieul un.ininic de tous les
législateurs, de tous les sages , d<" Ions les
philosophes à l'exception des épicurietis;
aussi aucun de ces derniers ne s'est trouvé
Cipable d'èlrc législaleur. Mais les peuples
n'ont pas attendu les leçons de la philoso-
phie pour avoir une religion, puisque les
sauvages mémos en ont une. Les Ibndaieurs
on les premiers chefs de société n'ont donc
pu faire antre chose que de confirmer la re-
ligion par les lois, ou plutôt de la mettre à
la léte de toutes les lois; aucun n'y a man-
qué. On dira sans doute que, pour fonder la
société , il faut à la vérité une religion en
général , savoir , la croyance d'un Diou, de
sa providence , de sa justice, qui punit le
crime et récompense la vertu; mais qu'il ne
faut point de religion particulière assujettie
à tel lormulairc de do 'trine et de culte ; que
chaque citoyen doit être le maître de l'ar-
ranger à son gré, qu'en cela mi-me consiste
la tolérance. Nous répondons qu'une religion
ainsi conçue n'est plus qu'une irréligion vé-
ritable. La notion d'un Dieu, aini abandon-
née au caprice des hommes, a dégénéré en
polythéisme et en idolâtrie , est devenue un
chaos d'erreurs, de superstitions , de désor-
dres les plus contraires au bien de l'huma-
nilé , et à quelques égards pire que l'a-
théisme. Pour prévenir ce mallieor , Dieu
avait donné aux hommes dès le commen-
cement du monde une révélation , une reli-
gion déterminée, assujettie à un formulaire
de doi trine et de culte: c'a été la religion
des patriarches; tousceuxqoi s'en sontécar-
(és sont retombés dans le même élat que les
sauvages : les fondateurs de la société ont-
ils dû l'y replonger? — 3" Un de ces sages,
bien convaincu de la nécessité d'une religion
particulière, mailre d'en former le plan et
de l'établir, aurait été 'in insensé ou un mé-
chant homme, s'il n'avait pas choisi le for-
mulaire qui lui paraissait le plus vrai ,
le plus raisonnable, le plus propre à pro-
curer la paix, l'ordre , le bonheur de la
société; s'il n'avait pas pris toutes les pré-
cautions pour rendre cette religion inviola-
ble; s'il n'avait pas statué des peines contre
ceux qui entreprendraient d'y donner at-
teinte. 11 aurait été aussi absurde de ne pas
choisir la meilleure religion possible, que
de ne pas préférer les meilleures lois, et de
ne pas la rcmlre aussi sacrée que les lois.
Ainsi, la nécessitéd'une religion particulière,
dominante, soutenue par le gouvernement,
commandée sous certaines peines ; n'est
qu'une conséquence naturelle de la néces-
sité d'une religion en général. Soutiendra-
l-oii que toute religion particulière est in-
différente, que le paganisme, le judaïsme, le
niahomélisme, le christianisme , sont égale-
ment propres à ri'ndre la société paisible,
florissante et heureuse? Quelques incrédules
ont poussé la dé uence jusque-là ; mais il
suffit de comparer l'élat des nations qui sui-
vent l'une ou l'autre de ces religions, pour
voir au premier cDup d'œil ce qu'il en est.
— '3- Lorsqu'un souverain trouve dans son
empire une ancienne religion qui lui paraît
fausse et pernicieuse, cause des désordres
et des malheurs de l'Etat , et qu'il en voit
naître une autre qui lui semble revêtue de
tous les caractères de vérité, de sainteté, de
divinité que l'on peut désirer, ncduil-il pas
laisser à tous ses sujets la libert,'; de l'em-
brasser , ne peut-il pas l'adopter pour lui-
même et en favoriser la propagation, pourvu
qu'il observe â l'égard des sectateurs de
l'ancienne tous les devoirs de justice, d'hu-
manité el lie modération , (lue prescrit le
droit naturel? Si l'on répond que non, c'est
comme si l'on disait que, quand il trouve de
vieilles lois abusives et pt'rnicieuses , il ne
lui est p is permis d'user de son pouvoir lé-
gislatif pour les abroger et leur en substituer
de meilleures. — 4° Quand il y a plusieurs
religions établies dans un royaume, le sou-
verain, pour gouverner sagement, ne doit-il
en i)rofesser aucune, vivre dans l'athéisme
et dans l'irréligion, ou ne pas préférer celle
qui lui paraît la plus vraie. (Ju'il suive celle
qu'il voudra, diront sans doute les prédica-
teurs de la tolérance, pourvu qu'il no la fa-
vorise pas aux dépens des autres : qu'il
laisse à tous ses sujets pleine liberté de con-
science , qu'il ne léuioi;j;ne point à ceux de
sa religion plus d'affection qu'aux autres.
Mais si les sectateurs de sa religion lui pa-
raissent plus soumis, plus fidèles, plus ver-
tueux, plus capables de remplir les charges
importantes , doit-il leur prélorer ceux qui
lui semblent moins capables? Quand Userait
athée et incrédule, il serait également dan-
g'reux qu'il n'eût plus d'affection pour ceux
qui penseraient comme lui , que pour ciux
qui croiraient en Dieu. — 5" Supposons que
dans un Etat il n'y ait (ju'unc seule religion
ancienne qui fait partie des lois, sous laquelle
une monarchie subsiste depuis plusieurs
siècles, de la vérité et de la sainteté de la-
quelle tout le monde est intimement per-
sua ié ; ;.'il survient des préJicants dans le
dessein d'en établir une autre qui paraît
fausse, pernicieuse, capai)le d'émouvoir tous
les es()rits, de les révolter contre toute au-
torité . d'allumer le feu de la guerre entre
les divers membres de l'Etat, el qui ne peut
s'établir i|ue p.irladestruction de I amienne,
quel paru doit prendre le souverain ? Doit-il
laisser à ces nouveaux docteurs la liberté
de faire des prosélytes, exposer ses sujets
au danger d'être séduits, risijuer lui-même
de recevoir bientôt la loi des cect lires, d'être
réduit à choisir entre la perte de son irJne
et l'apostasie? Aucun des apôtres de la to-
lérance n'a encore pris la peine d'examiner
et de prescrire la conduite la meilleure à
suivre en pareil cas. 11 leur a été fort aisé
de blâmer tout ce qui s'est l'ait; la question
était de dire ce qu'il aurait fallu faire. —
6' Enfin, lorsqu'un parti de sectaires s'est
rendu assez fo; t pour ob':'nir à main armée .
783
TOI,
TOL
78i
la liberté de conscience, c'est-à-dife l'exer-
cice public d'une nouvelle reiigio/i , et que
le gouvernement s'est trouvé forcé de céder
à la nécessité des circonstances, s'il survient
dans la suite un nouveau souverain plus
|)uissantque ses prédécesseurs, qui regarde
ces sectaires comme des sujets dangereux,
toujours prêts à se révolter et à renouveler
les anciens troubles, esi-il tellement lié par
les concessions qui leur ont été fuites, qu'il
ne puisse légitimement les révoquer? Ne lui
est-il pas permis de remettre les choses
dans leur ancien étnt ? Non, répondent tout
d'une voix nos adversaires; si la parole d .s
rois D'est pas sacrée, si les lois et les édils
ne sont pas inviolables, aucun citoyenne
peut jamais être assuré de son étal.
Voici une jurisprudenre bien étrange;
parviendrons-nous à en découvrir les fon-
dements? Depuis la naissance de notn^ mo-
narchie, ou à peu près, il y avait des lois
qui déclaraient la religion catholique seule
religion de l'élat, et qui proserivaient toutes
les autres : lois portées, acceptées et jurées
dans les asseniblées générales de la nation,
confirmées par un usage de huit à neuf
siècles ;iu moins; elles existent encore dans
les capitulaires de nos rois. Henri IV a pu
néanmoins y déroger légitimement, par un
édit qui accordait l'exercice public d'une
nouvelle religion, parce que le bien général
du royaume semblait l'exiger: et cent ans
après," Louis XIV n'a pas pu légitimement
révoquer cet édit, et remettre les choses
dans l'ancien état, quoique le bien général
du royaume lui partit l'exiger, p.irce que la
parole des rois doit être sacrée et leurs édits
inviolables? Nous cherchons vainement la
raison pour laquelle la loi d'Heini IV a dû
être plus sacrée que celles de Charlemagne
ou de Louis le Débonnaire. Peut-être la trou-
verons-nous d/ins les arguments de nos ad-
versaires : il faut les examiner.
1° La liberté de penser, disent-ils, est de
droit naturel; en fait de religion, comme en
toute autre chose, aucune puissance hu-
maine ne peut me faire croire ce que je ne
crois pas, ni vouloir ce que je ne veux pas :
elle n'a aucun droit sur ma conscience;
puisque c'est à Dieu seul de nous prescrire
une religion, c'est à lui seul que nous de-
vons en rendre compte. — Réponse. Si la
liberté de penser et la liberté de parler,
d'enseigner , décrire et d'agir, étaient la
même chose, nous n'aurions rien à répliquer
à celte doctrine; mais peut~i>n confondre de
bonne foi deux choses aussi dilîerentes ?
Qu'un citoyen pense bien ou mal louchant
les lois, qu'il les approuve ou les blâme in-
térieurement, cela ne peutafl'ecter personne;
mais s'il déclame, s'il écril, s'il agit contre
les lois, il est certainement puiiissaole; il
en est de mêms de la religion, puisque c'est
une loi, ".i la plus nécessaire de toutes. La
religion que Dieu nous prescrit ne consiste
pas seulement en pensées, mais en actions :
or, la puissance humaine a un droit incon-
testable sur nos actions; nos adversaires
mêmes sont forcés d'en convenir, puisqu'ils
disent que tous ceux qui troublent ta tran-
quillité publique doivent être punis, qu'elle
qu'ait été leur conscience ; nous le verrons
ci-après.
2° Tout homme est jaloux de sa liberté el
de ses opinions, surtout en matière de re-
ligion ; c'est une injustice atroce de punir
les erreurs comme des crimes; l'intolérance
est encore plus absurde en fait de religion
qu'en fait de science. — Réponse. Nous con-
venons ((u'un Irès-grand nombre d'hommes
poussent la jalouiiie de leur liberté jus()u'à
vouloir être déistes, athées, matérialisles,
incrédules, impunément; que, peu contents
de penser pour eux-mêmes, ils veulent pro-
fesser, enseigner, propager leurs opinions
et les inspirer aux autres. Dieu leur a-t-il
accordé cette liberté, et les chefs de la so-
ciété sont-ils obligés de la souffrir? C'est
pour réprimer celte funeste liberté, ou plutôt
ce libertinage d'esprit, de cœur el de con-
duite, que Dieu a prescrit une r<'ligion, el
qu'il a mis le glaive à la main de la puis-
sance séculier''. Autre chose est de punir
l'erreur, et autre chose de punir la pro-
fession et l'enseignement de l'erreur ; tant
qu'un hornme renferme ses erreurs en lui-
même, elles ne peuvent affecler personne ;
dès qu'il les produit au dehors, elles inté-
ressent la société, il est coupable et digne de ■
châtiment à proportion des mauvais effets
que peut produire sa témérité. Si la profes-
sion de l'erreur en fait de science pouvait
avoir des suites aussi funestes que la pro-
fession de l'erreur en matière de religion,
l'on serait en droit de la punir de même. On
nous répliquera sans doute qu'il y a bien de
la différence à mettre entre la profession
publique de l'athéisme ou de l'incrédulité,
et la profession d'une religion chrétienne
différente de la religion catholique. Nous
soutenons qu'il n'y en aurait aucune, si les
maximes générales de nos adversaires élaienl
vraies; savoir, que la liberté de penser est
de droit naturel, qu'aucune puissance hu-
maine n'a droit de gêner les opinions, etc. Ce
n'est pas notre faute, si, pour prouver la
nécessité de tolérer une secte chrétienne, ils
se fondent sur les mêmes axiomes dont se
servent les athées pour prouver la nécessité
de tolérer l'incrédulité et l'Irréligion. Aussi
allons-nous voir nos dissertateurs forcés de
se rétracter et de se contredire.
3' Les hommes, dit Harbeyrac, ne sont
point réunis en société pour professer une
certaine religion, mais pour se procurer le
bien-être temporel ; tel est le seul objet de
la puissance civile: la religion n'est donc
point de son ressort, elle n'a point le droit
de la gêner, elle doit laisser à chacun la li-
berté de croire et de professer ce qui lui
paraît vrai en matière de religion. — Ré-
ponse. Nous avons prouvé que les hommes
ne peuvent être réunis en société, sans avoir
une certaine religion , une religion fixe,
déterminée , assujettie à un formulaire de
doctrine et de culte ; donc celte religion est
absolument nécessaire au bien lenipor.e] de.
1.1 société, donc la puissance civile chargée
78.^ TOL
de procurer ce bien temporel est essentielle-
ment obligée n proté^jer la religion, à la dé-
l'endre, à réprimer les attentais de ceux qui
l'att.iquent. Harbeyrac l'a senti malgré lui,
en exigeant que la puissance civile laisse à
chacun la liberté, il ajouie, à moins que cela
ne nuise à la trnnquiÛilé publiiine. Traité de
la morale des Pères, c. 12, § 27. Ildil qu'il ne
l'anl poini toléicrdans une société lesc/T'wr»
fondamentales, S -11; que ceux qui insultent
les st'claifurs d'une aulre religion sont pu-
nissables, § 52. A-l-il vu lis conséquences de
ces resl ridions? — Bayle à son lour convient
que les princes peuvent fairi' des lois coac-
lives par politi/ueoa fait de relij;ion, Com-
inenl. philos., i'° part., c. 6, p. 383 ; qu'il
faut réprimer les factieux, ir pari., c. 6,
p. 4!(>; (|u'il faut punir tous ceux qui
iroubleiil In repos public, quelle qu'.iil élé
leur conscience, c. 9, p. 431. Ainsi voilà tous
les granils piiiicipes des pailisans de la tolé-
rance renvcr-és par eux-mêmes. — Pour en
venir à l'objet qu'ils se sont proposé, ose-
ront-ils soutenir ((ue leurs prédicanls n'ont
pas été des factieux, qu'ils n'ont point in-
sulté les sectateurs de l'an'cieime religion,
qu'ils n'ont pas tioublé la Iranquillilé publi-
que ? Le contraire est prouvé par iiurs
propres historiens. D'autre côté, s'il est vrai
que la puissance civile n'a rien à voir à la
religion , la prétendue réforme s'est faite
coùlre tout droit et toute justice, puisque
partout elle s'est établie par l'autorité de la
puissance civile uu par les armes ; c'est en-
core un fait incontestable. Mais aucun prin-
cipe n'a jamais incommodé les prolestants;
quand il leur a fallu s'établir, ils ont attri-
bué aux souverains et aux n)agistrats un
pouvoir despotique en fait de reli;;ion ; lors-
qu'ils se sont sentis assez forts pour ré-
sister, ils b ur onl soutenu en l'ace que la
religion n'est pas de leur ressort.
4° La persécution en matière de religion
n'éclaire pomt les esprits, elle ne sert qu'à
les révolter, les sectaires en deviennent plus
opiniâtres, ils s'attachent à leur religion à
proportion de ce qu'ils soufflent pour elle :
la violence excite la pitié pour les persé-
cutés et la haine contre les persécuteurs,
elle n'aboutit qu'à produire de fausses con-
versions, à multiplier les menteurs et les
hypocrites. — • liéponse. Supposons pour un
moment la vérité de tout cela. Lorsqu'une
troupe de séditieux et de malfaiteurs s'opi-
niâircnt dans leur révolte, deviennent plus
furieux par les cliâtimenis et par les sup-
plices, laut-il les laisser faire et cesser de
les punir ? L'opiniâtreté, en quelque genre
que ce soit, est un viccj et un vice de plus
ne donne pas droit à l'iinpunité. Si l'on a
pitié de ceux que l'on voit souffrir en pareil
cas, c'est un mouvement macliinal qui ne
prouve rien; le plus grand scélérat soulTrant
peut pruouire cette sensation sur les spec-
tateurs. Quand on em[)loic la contrainte, ce
n'est pas pour persuader les esprits, mais
pour réprimer leur audace, pour les em-
pécaer de semer leur doctrine, de s'échauffer
les uns les autres, et de communi(]uer leur
TOL
78(i
fanatisme. Si le supplice ne sert de rien à
celui <iui le subit, il intimide ceux qui se-
raient tentés de suivre son exemple ; mais il
est faux en général que la contrainte ne
produise aucune conversion sincère, l'his-
toire fuiirnit mille preuves du contraire, el
sans sorlirdu royaume, l'on en a vu un très-
giand nombre; dès que l'on est venu à bout
de forcerles sectaires à se laisser instruire,
les conversions se sont ensuivies.
?)° N'importe, répliquent nos adversaires,
ce moyen est odieux , il peut autant contri-
buer à établir l'erreui- qu'à faire triompher
la vérité. Comme chacun se croit orthodoxe,
chacun s'attribue le droit de persécuter; un
souverain sera donc autorisé à faire em-
brasser par force une religion fausse aussi
bien qu'une religion vraie. Ainsi se trouvera
jnsliliée la conduite des empereurs païens
envers le christianisme, et le supplice des
martyrs ne sera plus un crime. Ici la vraie
religion n'a aucun ])rivi ége sur les reli-
gions fausses, les droits de la conscience
erronée sont les mêmes que ceux de la con-
science droite. — Réponse, Suivant cette
belle doctrine, il ne faut pas employer les
raisons, les instructions, les exhortations
pour enseigner la vérité aux hommes, puis-
que l'on s'ensert également pour les conduire
à l'erreur. Il faut supprimer les lois, puis-
qu'il y a souvent eu des lois qui, loin de
procurer le bien de la société, lui ont porté
beaucoup de préjudice. Il faut abolir les
suppliées, parce qu'ils servent à faire périr
des innocents aussi bien que des coupables.
Il faut enlin détruire toutes les institutions
de la société desquelles on peut abuser; de
là les incrédules ont victorieusement conclu
qu'il faut anéantir toute religion , parce
que l'on a souvent commis des crimes par
motif de religion.
Si le christianisme avait été capable par
lui-même de troubler la paix de la société
ou de nuire à ses intérêts temporels, si ceux
qui le préehaientavaient employé les mêuies
moyens que les prédicanls de la prétendue
réforme, nous conviendi ions que les empe-
reurs pa'iens ont été en droit de sévir contre
eux. .Mais nos apologistes ne sont pas
allés dire à ces princes : 'Vous n'avez
rien à voir à la religion de vos sujets,
la liberté de conscience nous afipartient
de droit naturel. Ils leur onl dit : « Vous
avez tort de tourmenter pour cause de reli-
gion des sujets qui puisent dans leur religion
même les principes de la paix, do la sou-
mission, de l'obéissance à vos lofs , d'une
fidélité inviolable; votre intérêt seul devrait
vous engager à nous protéger ; si nous
péchons contre l'ordre public , punissez-
nous; mais nous sommes les plus paisibles
et les plus innocents de vos sujets, pourquoi
nous persécuter? » Tel a été le langage de
saint Justin, de Clément d'.Vlexandrie, de
Tertullien, de Miniitius Félix, etc. A la vé-
rité quelijues incrédules ont eu l'audace de
comparer les apôtres et leurs successeurs
aux prédicanls du protestantisme, de les
mettre sur la même ligne, de soutenir que le
78T
TGL
TOL
788
christianisme est plus nuisibiC â a société
que le paganisme, etc. Mais nous présumons
que Bayl'" et Baibeyrac, qui professaient la
religion chrélienne, n'ont pas poussé la fré-
nésie jusqiie-ià. Quoi qu'il eu soil, personne
n'a éfé plus intéressé à celte qursiion, ni
plus en élal d'en juger que Conslanliu ; il
n'était ni prévciin, m aveugle, ni supersti-
tieux; il comprit (jne le christi;in!snie était
plus avantageux au souveriiin et à ses sujets
que le pa|j,anisine, il ren)brassa et le |)ro-
téi^ea. Les Incrètlulcs mêmes, qui lui savent
mauvais gré de sa conversi m, soutiennent
qu'il se conduisit par politique plutôt que
par religion.
Il est donc absolument faux qu'ici la reli-
gion vraie n'ait pas plus de privilège que
les fausses ; jam.'.is une religion fausse ne
sera auçsi avantageuse au bien lemporel de
la société que la vraie religion. S'il fallait sou-
tenir le piirallèle rp.lre la religion catbolique
elle prol'eslauiisiue, nous n'y serions pus fort
eenbdrrassés. I<'ran«;ois I", qui n'était rien
moins que superstitiepx, conipril d'abord
que les seclair! s étaient ennemis diéclarés de
toute aulorilé temporelle aussi bien que de
toute puissance spirituelle. Il s'en expliqua
hauteuienl, et la suite n'a que trop prouvé
qu'il en jugeait bien. Bayle ei] particulier
leur a fait voir qu'ils ne se ^ont établis nulle
part que par des révoltes et des guerres
civiles, (ju'en moins de deux siècles ils ont
déirôné plus de rois que jam.iis les papes
n'en ont excommunié, elc. Itéponse d'un nou-
veau conierli, et Qvis aux réfugiés, OEitv.,
t, II, p. 552 et 589.
Vainement on nous objectera que les Etats
protestants, par le cbangement de rc'.igioi),
sont parvenus à un plus haut degré de pros-
périté qu'auparavant; s;m^ entrer dans
l'exaniei) des causes de cette révolution, il
est certain que les royaumes qui ont persé-
véré dans le catholicisme sont aussi montés
à un degré de puissance fort supérieur à
celui dans lequel ils étaient au xvi' siècle.
Enfin, il est fiiux que les droits de la con-
sci( lice erronée soient les mêmes que cepx
de la consciente droite : celle maxime que
Bayle s'est obstiné à soutenir, et que Bar-
beyrac n'a pas manqué d'adopter, s 55, ne
leud pas à moins qu'à justifier tous les f.ina-
tiques qui ont commis des crimes, sous pré-
texte que la conscience les y obligeait; nous
l'avons réfutée ailleurs. Voy. Gonscie.nci: et
Liberté de conscience.
C° Ce n'est point, dit Barbeyrac, la diver-
sité des religions qui produit des ttoubics,
c'est l'intolôrauce; la liberté de conscience,
loin de multiplier les sectes, prévient les
nouvelles divisions; dans les pays où la to-
lérance est établie, il n'y a pas un plus grand
nombre de socles qu'ailleurs. — Réponse.
Le contrairo est démontré par l'exemple de
l'Anglelerre et de la Hollande; il n'est aucun
pays du monde où l'on trouve un aussi grand
nombre de sectes; non-sculemeut la plu-
part des mécréants de l'Europe entière s'y
sont retirés : mais le fanatisme a pris toutes
sortes de formes parmi les naturels du pays.
Cela n'est pas arrivé en Ecosse, où le calvi-
nisme dominant exerce une ii)toléranc(! plus
despotique qu'aucune autre seclc chréiiehne.
On sait au reste à quel prix la tolérance
s'est établie dans les deux pays dort on nous
vante le bonheur : c'a été par des torrents de
sang ; les divers partis, las de s'enir'égorger,
se sont enfin reposés ils ont consenti à se
supporter, parce qu'ils n'avaient pas pu
venir à bout de s'exterminer.
7° Du moins toutes les sectes chrétiennes
devraient se tolérer , puisque toutes font
profession de croireàrEcriluresainle comme
à la parole de Dieu. Comme elles disputent
entre elles sur plusieurs points de doctrine,
il y a lieu de présumer qu'ils ne sont révé-
lés que d'une manière obscure, et que les
deux partis peuvent être également dans
l'erreur. Dieu, sans doiite , n'a pas voulu
l'uiiiformitéde senliments sur ces questions,
puisqu'il ne s'est pas expliqué plus claire-
ment. Saint Paul dit qu'il faut qu'il y ait
des hérésies ; c'est donc un mal inévilatile,
pourquoi ne pas le supporter ? D'ailleurs les
préjugés et les passions se glissent p;irlou(,
On doii donc toujours craiiuirc Je persécuter
la vérité et d'agir par un faux zèle. Dieu n'a
point établi de tribunal ni de juge visible
revelu d'aulorité absolue et d'infaillibilité
pour prononcer définiliveraent sur toutes les
contestations, et mettre les disputants d'ac-
cord. — Réponse, (j'est un malheur que
Bayle , Barbeyrac et leurs copistes ne se
soient pas trouvés à propos pour faire celte
leçon aux prétendus réformateurs. Ils leur
auraient représenté que ce qu'ils croyaient
voir dans l'Ecriture n'y est pas fort claire-
ment, puisque pendant quinze cents ans per-
sonne ne l'y avait vu avant eux ; qu'en accu-
sant d'hérésie et d'idolâtrie l'Eglise romaine,
ils étaient peut-être eux-mêmes dansl'erreur;
que Dieu ne les avait revêtus ni d'autorité
ni d'infaillibilité pour prononcer despotique-
ment sur tant de questions, elc. Peut-être
leur auraient-ils inspiré la tolérance : ils les
auraient rendus plus timides ; il ne serait
pas arrivé tant de bruil, de séditions cl de
malheurs dans l'Europe entière. Mais nous
sommes étonnés de ce que nos deux sages
prédicateurs n'ont pas mieux profilé de leur
propre morale : ils persistent à condamner
i'Kglise rorjiaine avec autant de hauteur que
Luliier et Calvip; il faut donc que Dieu leur
ait donné l'autorité et l'infaillibilité que n'a-
vaient pas ces deux fondateurs de la réfor-
me.
Saint Paul dit qu'il faut qu'il y ait des hé-
résies, mais il ajoute aussi qu'un hérétique
QSi condamné par son propre jugement ; nous
en avons la preuve sous les yeux, puisque
nos adversaires prononcent leur propre cou-
damnation. Jésus Christ avait dit de même
qu'il faut qu'il y ait des scandales, mais il
avait ajouté aussi, malheur à celui par qui le
scandiiïe arrive. H faut donc qu'il y ait des
hérésies, comme il faut qu'il y ail des cri-
mes, parce qu'une infinité d'hommes sont
insensés et méchants; il ne s'ensuit cepen-
dant pas qu'il faut pardonner à tous. Dieu
789
TOL
TOL
790
sait liror le bien oe ces deux espèces de
maux, mais il n'en punira pas moins les
auteurs. De là môme nous concluons que
Dieu a établi un tribunal et uu juge en ma-
lièrc de foi, qu'il l'a revêtu d'autorité et
d'infaillibilité pi)ur condamner les hérésies,
comme il a établi une puissance civile avec
autorité souveraine pour punir les crimes.
Ce juge, ce tribunal est riîf^lise; Dieu s'en
est expiii]ué clairement, nous l'avons fait
Toir à l'article Eclise, § 5. Inutilement il y
aurait des lois, si chaque citojcn avait le
droit de les interpréter et do lès appliquer
suivant ses intérêts; inutilement aussi Dieu
aur.iit donné une révélation écrite, ou non
écrite, si chaque particulier était le maître
de l'entendre et de l'expliquer comme il lui
platl.
Il est faux que Dieu n'ait pas voulu l'uni-
formité des sentiments entre les fidèles ; saint
Paul dit au contraire que Dieu a donné des
apôlres, des prophètes, des évangélistes, des
pasteurs et des docteurs, afin que nous ar-
rivions tous à l'unité de la foi, et que nous
ne soNons pas emportés à tout vent de doc-
trine, Ejihes., cap. iv, v. Il; donc s'il y a des
choses obscures dans les écrits des prophè-
tes, des apôtres et des évangélistes. Dieu a
voulu que cette obscurité fût dissipée par
l'enseignement toujours subsistant des pas-
teurs et des docteurs. Mais, dans cette ques-
tion comme dans toutes les autre-, les pro-
testants disent et se contredisent suivant
l'intérêt du moment. Quand ils veulf-nt
prouver que l'enseignement de l'Eglise n'est
pas nécessaire, ils affirment que l'Ecriture
c^l claire, sans nuage et sans difficulté sur
tous les dogmes de foi : s'agil-il de soulenir
que l'on a tort de les condaimier, ils repré-
sentent que plusieurs choses ne sont révé-
lées,que d'une manière obscure. S'ils dis-
putent contre nous, l'Ecriture est toujours
claire pour eux : s'il y a entre eux des con-
testations, c'est que l'Ecriture n'est pas assez
claire ; avec cet expédient ils ne sont jamais
embarrassés.
8" Voici encore un trait de la sagesse pro-
fonde de nos adversaires. Ils nous prêchent
la tolérance, et en niôme temps ils nou^ font
entendre qu'elle est impossible, qu'elle n'aura
jamais lieu entre les dilTérentes sectes chré-
tiennes. Ils avouent que les protestants ne
sont pas plus tolérants que les catholiques,
et Bayle a prouvé qu'ils le sont nioins. Ils
conviennent que leurs différentes sectes ne
s'accordent pas mieux entre elles (lu'avec
nous, que l'antipathie et la haine sont à peu
près égales de toutes parts. Mais ils soutien-
nent que les protestants sont plus excusa-
bles que nous, parce que leur intolérance
est contraire à tous les principes, au lieu
que chez nous c'est une conséquence néces-
saire du catholicisme. Aussi, suivant eux,
on ne doit nous tolérer nulle part, parce
que l'on ne peut jamais espérer de nous la
même condescendance. — liéponse. Si du
moins ces graves docteurs nous disaient :
Tolérez-nous, et nous vous rendrons la pa-
reille, cela serait supportable; mais non, ils
disent impérieusement : « Sf«uffrez- nous ,
vous le devez en conscience, mais n'espérez
pas que nous vous souffrions jamais. Notre
intolérance est excusable, parce qu'en l'exer-
çnnt nous contredisons tous nos principes;
la vôtre n'est pas pardonnable, parce ((u'clle
découle nécessairement de votre système, et
qu'en cela vous raisonnez conséqueinment. »
Il n'est guère possible de pousser plus loin
l'esprit de vertige. Co;iimenl nous ae. orde-
rions-nous avec des sectaires qui ne peuvent
s'accorder, ni entre eux, ni avec eux-mê-
mes? Aussi un déisie célèbre, né parmi eux,
leur a reproché durement cette contradic-
tion toujours subsistante entre leur conduite
intolérante et la masiuie fontiamcnlale de la
réforme, savoir, qu'il n'y a sur la terre au-
cune autorité visible à laquelle on doive se
soumettre en matière de religion, que la
seule règle de foi est l'Ecriliîre sainte en-
tendue sdon le degré de lumière et de capa-
cité de chaque partieulier. Il leur demande
de quel droit ils osent condamner un homme
qui jure et proteste qu'il pnnd l'Ecriture
sainte dans le sens qui lui parait le plus
vrai, et ils n'ont eu rien à lui répli(iu(!r.
9° Mais Barbey rac n'a pas voulu reculer;
il soutient qu'aucune société n'est moins
en droit de persécuter les ;!utres sectes que
les catholiques, puisqu'ils ne les condam-
ueut que parce qu'elles ne veulent pas re-
noncer à l'Ecrituri' sainte, pour s'en tenir
à ;ie prétendues traditions, § 19. — Réponse.
Ici l'absurdité va de pair avec la calomnie.
No ;s n'avons jamais dit aux sectes hétéro-
doxes : Renoncez à l'Eeriture sainte; mais
renoncez aux explications fausses, abusives,
arbitraires que vous donnez à ce livre divin.
Nous prenons aussi bien qu'i'lles l'Ecriture
pour règle de notre foi, nous la leur oppo-
sons de même qu'elles nous l'opposent ; mais
fîuand elles en tordent le sens, nous leur
soutenons que ce n'est ni leur jugement ni
le nôtre qui doit décider, que c'est celui de
l'Eglise ou des pasteurs auxquels Dieu a
donné mission pour enseigner. Lorsque l'E-
criture garde le L<ilence sur une question,
ou ne paraît pas s'expliquer assez claire-
ment, nous ilisons (|u'il est absurde de nous
opposer ce silence comme une règle ou
couime une loi, (]ue Dieu ne nous a défendu
nulle pai t de cro;re quelque chose de plus
que ce qui est écrit, (]u'au contraire il'nous
a ordonné d'écouter Tliglise à laquelle il a
pr.inis le Saint-Esprit pour lui enseigner
îoiile vérité, etc. Voy. Ecritcre sainte, S 5;
Eglise, § 5; Trariti n, etc. Nous faisons
plus : nous alléguons les passages de l'E-
criture sainte, qui nous c.rdonnent de re-
garder celui qui n'écoute pas l'Eglise comme
un païen et un puhlicain, Matth., c. xviii,
V. 17; de secouer la poussière de nos pieds
contre ceux qui n'écoutent pas les envoyés
de .lésusChrivl, Luc, ex, v. 16; dédire
anathème à celui qui nous annonce un autre
Evangile, Galat., c. i, v. 10; d'éviter les faux
docteurs, / Tim., c. ni; de fuir un hérétique,
après l'avoir repris une ou deux Ibis, Til.,
c. III, V. 10; de nous garder des faux pro-
791
TOL
TOL
7!»-2
phètes el des séducteurs, //. Petr., c. m,
V. 3 et 17; de ne point recevoir, de ne pnihl
saluer même celui qui ne persévère point
dans la doctrine de Jésus-Christ, II Joan.,
V. y < t 10. Mais à quoi sert de citer l'Ec ri-
turo sainte ;iux protestants? A force de sub-
tilités, de gloses d'interprétations arbitr.ii-
res. ils viennent à bout d'en tourner le s< ns
en leur faveur; et ils conGrment ainsi la
néce'Silé absolue de recourir à l'enseigne-
ment de riglise et à la tradition pour ex-
pliquer l'Ecriture sainte.
10° Autre chose est, disent-ils, d'exclure
d'une société ceux qui tiennent telle opinion,
el autre chose de les persécuter pour la leur
faire quitter ou pour les empêcher de la
professer. Si l'on ne doit pas tolérer dans
une sorièlé les erreurs fondamentales , il
f;int encore avoir pitié de ceux qui les sou-
tiennent, et ne pas traiter leur erreur comme
un crime. Barhei/rac, § 21 et 22. — Réponse.
Il faut en avoir pitié, sans doute, lorsqu'ils
sont doux et paisibles, qu'ils respectent les
[ •iH5>i"in("'s élablit'S de Dieu, e' qu'ils ne
Ironb'eni le l'ppos de personne. Mais est-ce
là le ton sur le(iii?! se sont annoncés les
prétendus rél'iirmaleui>? Us ont peint la re-
ligion catholique comme «!)? détestable ido-
lâiiie, l'Eglise cou me la piosliluée de Ba-
bylone, ses pasteurs comme des loups dé-
voiants;ils ont exhorte les peuples à les
poursui\reà feu et à sang, à se révolter
contre les puissances qui entrepreniifaicnt
de les soutenir, etc. Ces furenrs sont encore
consignées dans leurs écrits, ils les ont cc^a^-
nmniqnées à leurs prosélytes; ceux-ci en
ont suivi l'impulsion partout oh ils ont pu.
Voy. Lutuébanisime, Calvinisme, etc. Les
tolère' , c'était se mellie dans la nécessité
d'aposlasier ; plusieurs de leurs écrivains
en sont i onvenus. Leurs descendants méri-
teraient plus d'indulgence , s'ils n'étaient
plus animés du même esprit; mais ils nous
déclarent sans détour qu'ils ne nous souf-
friront jamais ; autant vaudrait nous dire
qu'ils nous extermineraient s'ils le pou-
vaient. Bayle leur reprochait cette frénésie
en 1688 et IC'JO; elle n'est pas guérie. Plu-
sieurs de leurs ratéchismes sont remplis de
calomnies contre nous, afin de fiiire passer
dès le berceau dans l'âme de leurs enfants la
haine qu'ils ont jurée à l'Eglise romaine ; tel
est en particulier le catéchisme de Heidel-
berg, qui a été lradi;il dans toutes les lan-
gues de l'Europe et qui est entre les mains
de la plupart d< s calvinistes. Les livres de
leurs écrivains les plus récents ne sont pus
plus modérés; nous y retrouvons les mêmes
accusations que l'on a réfutées il y a deux
cents ans : comment l'esprit des prolestants
n'en serait-il pas nmpli? El voil.i, selon
leur prétention, ce que nous devons leur
permettre de professer chez nous. Poussons-
nous jusqu'à ce point l'antipathie, la haine,
l'iniolérfince contre eux.
11° Les Pères de l'Eglise ont blâmé toute
persécution pour cause di" rcligioii ; ils ont
dit que la foi doit être libre el volontaire,
que c'est une impiété de vouloir l'inspirer
par la violence, etc. Mais ces Pères ont été
infidèles à leur propre dodrine, ils ont im-
ploré le bras séculier contre les hérétiques,
ils ont applaudi aux lois des empereurs qui
les punissaient, ils ont trouvé bon que l'on
employât la contrainte pour faire rentrer les
errants dans le sein de l'Eglise. — liépome.
Nouvelle calomnie. Les Pères ont constam-
ment enseigné ce que nous enseignons en-
core, qu'il ne faut ni persécuter, ni aigrir,
ni inquiéter bs hérétiques, lorsqu'ils sont
paisibles et qu'ils ne troublent point la tran-
quillité pubique; qu'il faut les instruire
avec douceur et charité, et lâcher de les ra-
mener uniquement par la persuasion. Par
celte raison même les Pères se sont plaints
de la persécution que les païens exerçaient
contre les chrétiens, persécution d'autant
plus injuste, que ceux-ci étaient les sujets
les plus soumis de tout l'en pire, el les plus
allenlifs à respecter l'ordre public. Mais les
Pères ont ajouté, et nous le disons après eux,
que quaud les hérétiques sont turbulents,
violents, séditieux, ils doivent être réprimés
par le bras séculier, qu'autrement la société
sei ait en combustion ; conséquemment ils ont
ap|)laudi aux empereurs qui ont porté des lois
pénales contre les ariens el contre les dona-
tistes, parce que ces secl.iires usaient de vio-
lence pour faire adopter leurs erreurs. Nous
défions nos adversaires de citer un seul Père
de l'Eglise qui ait approuvé, conseillé ou
demandé la contrainte contre les hérétiques
qui ne donnaient aucun sujet d'inquiétude
au gouvernement, ni aucune loi des empe-
reurs sollicitée par le clergé contre les mé-
créants de cette espèct;. Dès le second siècle
de l'Eglise, saint Irénée a prescrit celle règle
contre les hérétiques : « Détournez, dit-il, et
c'onnez de la confusion à ceux qui sont doux
el humains, afin qu'ils ne blasphèment plus
contre leur Créateur ; mais écartez l(fin de
vous ceux qui sont féroces, redoutables ,
privés de raison, afin de ne plus entendre
leurs clameurs, » Adv. Hœr., 1. ii, c. 31, n. 1.
Le Clerc, dans ses remar(|Ues sur les ou-
vraijes de saint Augustin, a voulu prouver
que l'on punissait les donalisles eu Afrique
pour leurs erreurs seules, et non pour leurs
crimes; nous l'avons réfuté au mot Dona-
TisTES, el nous avons fait voir le contraire,
tant par les lois des empereurs que par les
écrits de saint Augustin et des témoins ocu-
laires. Au mol HÉRÉTIQUE, on trouvera ce
même fait vérifié par un détail de loutes les
hérésies proscrites par des lois.
12" Enfin, l'on ose nous dire que les an-
ciens peuples étaient toléranls, qu'ils n'em-
ployaient ni lois pénales, ni persécution, ni
guerres, ni supplices, pour faire adopter ou
pour maintenir leur religion; qu'en cela ils
ont été plus raisonnables et plus humains
que les chrétiens. — Réponse. Ceux qui ont
avancé ce fait ont supposé sans doute que
leurs lecteurs n'auraient aucune connais-
sance de l'histoire; c'est à nous de démon-
tri r l'excès de leur témérité. Commençons
par le témoignage d.s auteurs sacres. Eiech.,
c. XXX, v. 10 cl 13, Dieu prédit que Nabu-
795
TOL
TOL
794
chodonosor subjuguera l'Egypte, qu'il y dé-
truira les idoles et les sirnulaires, et cela
fut exécuté. Unn., c. m, v. 20, rc- même roi
fit jelei dans une fournaise ardente trois
jeunes Israélites, parce qu'ils n(? voulaient
jias adorer la statue d'or qu'il avait fait
élever. Cap. vi, v. 1(1, sous Uarins le .Mède,
iJaniel fut jeté dans la fosse aux lions, parce
qu'il avait prié Dieu >^clon sa coutume. 7m-
ciitli, c. m, v. I.'!, Nabuchodonosor ordonne
à Sun général d'exti'rminer tous les dieux
des nations, afin de se faire adorer lui-même
connue seul dieu par tous ses sujets.
Ziir^aslre, pour élahlir sa religion, par-
courut la Perse et l'Inde à la télé d'une ar-
mée, et arrosa par des torrents de sang ce
qu'il appelait ïnrbre de la Ici. Cambysc et
Darius Oclius, qui ravagèrent l'Kgyple, dé-
molirent les temples et détruisirent tous les
moi\uuients, agissaient par zèle pour la re-
ligion de Zoroastre. Plus d'une fois les Perses
parcoururent l'Asie Mineure et la Grèce,
brûlèrent les temple*, mirent eu [lièces les
statues des (lieux, par le méun; motif; les
drecs laissèrent subsister ces ruines, afin
d'exciter cbez leurs descendants le ressen-
timent contre les Perses; Alexandre ne l'a-
vait pas oublié, quand il [lersécuta les ma*
ges. Les Antiochus voulurent détruire la
religion juive, afin d'assujettir plus efficace-
ment les Juifs; on sait combien il y eut de
sang lépandu à cotte occasion.
Chez les tîrecs, le zèle de religion ne fut
pas moins vif, Cbarondas, dans ses lois, met
au rang des plus grands crimes le mépris
des (lieux, et veut qui^ l'on défère aux ma-
gistrats ceux qui en sont coupables. Za-
leucus, dans le prologue des siennes, exige
(]ue chaque citoyen honore les dieux se-
loii les rites de sa patrie, et regarde ces
rites comme les meilleurs. Platon , dans
son dixième livre des Lois, dit que c'est un
des devoirs de la législation et de la m;:gi<-
Iraturc , de punir ceux qui refusent de
croire ;i la divinité, selon les lois ; que dans
une ville policée, on ne doit pas souffrir que
quelqu'un blaspbèniecontre les dieux. Avant
d'être adrhis au rang de citoyen, les jeunes
Athéniens étaient ibligés de promettre par
serment qu'ils suivraient la religion de leur
pallie, et qu'ils la défendraient au péril do
leur vie. La condaiiiiiatiou de Socrate accusé
(l'impiété, le danger que coururent Anaxa-
gore et Stipou, pour avoir dit que le Soleil et
.'.îincrve n'étaient pas des divinité-:, le décret
de mort porté contre Alcibiade pour avoir
lil isphemé dans l'ivresse contre les mystères
de Cerès, le sup|ilice de plusieurs jeunes
gens qui avaient mutilé les statues de Mer-
cure, la tète de Diagoras mise a prix pour
cause d'alhéisir.e , Théodore rondainné à
li.ort par l'aréopage pour le même fait, Pro-
tagoras obligé de fuir pour é\ iter le même
s;ut, prouvent assez que les Athéniens n'é-
taient pas fort toléranls en fait de religion.
Aspasie, accusée d'impiété, ne fut sauvée
(lie par l'éloquence, les prières et les larmes
(le Periclès. ()n fit mourir une prêtresse ac-
cusée de rendre un cuite à des dieux étran-
gers; quiconque aurait tenté d'introduire
une nouvelle croyance, était menacé de la
même peine. La guerre sacrée, entreprise
pour venger une profanation, dura dix ans
entiers , et causa tous les désordres des
guerres civiles.
Trouverons-nous plus de tolérance chez
les Komains? Une loi des douze tables dé-
fendait d'introduire des dieux et des rites
étrangers sans l'aveu des magistrats. Cicé-
ron fait la même défense dans un projet de
loi; il regarde comme un crime ca[)ilal le
refus d'obéir aux décrets des pontifes el des
augures, et il fait remonter celle discipline
jusiiu'à Numa. Dans sa harangue pour
Sextus, il met la religiim, les cérémonies,
les auspices, les anciennes coutumes, au
rang des choses que les chefs de la répu-
blique doivent maintenir et faire observer,
même sous des peines capitales. Dans Dion-
Cassius, Mécène conseille <i Auguste de ré-
primer toute innovation en fait de religion,
non-seulemenl par respect pour les dieux,
mais parce que celte témérité peut causer
des troubles et des séditions dans une mo-
narchie. La pratique élail conforme à ces
principes. Plusieurs consuls furent punis,
d'autres mis à mort pour avoir méprisé les
auspices et les augures; une victoire ne les
mettait point à couvert du supplice. L'an o:?6
de Uome, les édiles furent cliarijés de veiller
à ce que l'on n'adorât point d'autres dieux
que les anciens, et que l'on n'inlrodiiisît
aucun nouveau rite. L'an o68, le consul Post-
humius fit renouveler cet ancien décret.
L'an (JOo, on alialiit les temples d'Isis et de
Sérapis, dieux égyptiens, un consul leur
donna le premier coup : on chassa de Uome
ceux qui voulaient y introduire le culte de
Jupiter Sabazius. Même sévérité l'an 701.
Sons Tibère, les Juifs furent bannis de l'Ita-
lie, coiidaoïnés à quitter leur religion ou à
être réduits en servitude, et les rites égyp-
tiens furent défi-ndus. Les édiis portés contre
les cliréliens sous Néron et ses successeurs
étaient une suite des anciennes lois et de
l'usage constamment observé à Home; on
sait combien de sang les empereurs ont fait
couler pendant près de trois cents ans pour
exterminer le christianisme. La même poli-
tique leur fit détruire dans les Gaules la re-
ligion des druides.
L'ancienne inlolérance des Perses n'avait
pas diminué depuis mille ans : sous le règne
de l'Empereur Héraclins , t.bosroès 11, l-^ur
roi, jura qu'il poursuivrait les Komains jus-
qu'à ce qu'il les ei"U forcés de renoncer à Jé-
sus-Chiist et d'adorer le soleil ; dans l'irrup-
tion qu'il fit en Palestine, il exerça sa fureur
contre tous les monuments de nuire reli-
gion. Sous le règne de ses prédécesseurs, il y
avait eu des milliers de chrétiens m irtyrisés
dans la Perse. Niera-t-on que, quand les
mahométans ont parcouru les trois parties
du monde connu, l'epée dans une main et
l'Alcoran dans l'autre, il n'aient été possé-
dés du fanatisme de religion?
On peut voir les preuves des faits que
nous avançons dans plusieurs ouvrases mu-
79S
TOL
TOL
796
(lerne.-i. Bist. de l'Acaâ. des Inscript., t. XVI,
iii-12, pag. 202 ; Lettres de quelques Juifs
portugais, etc., 1. 1, Ict. 3, p. 270 ; Traité hist.
et doq. de In vraie religion, l. IV, p. 1; I. X,
p. 'i90, etc.
Quel jiigcmenl pouvons-nous donc porter de
reiilêtpmenl de nos ;idversnires ? Il n'y a
dans leurs écrits ni bonne foi ni bon sens.
lis disent que l'intolérance est une passion
féroce qui porto à haïr et à persécuter ceux
que l'on croit être dans l'erreur; ils préten-
dent que celle passion est plus violente
chez les clircticiis que chez les païens, chez
les calholi(iues que chez ceux que l'on
nomme hérétiques , chez; les ministres de
la religion que chez les laïques. Nous prou-
vons au contraire que cette passion ainsi
conçue a existé chez toutes les nations
païennes sans exception, qu'elles sesont per-
sécutées les unes les autres sans autre mo-
tif que la dift'érence de religion ; que la nôtre
au contraire nous ordonne de conserver la
paix avec tous les hommes, Matt., c.v, v. 9;
RoDU, c. x:i, V. 18 ; Jlebr., c, xii, v. 18; de
faire du bien à ceux qui nous haïssent,
Matt., c. V, V. 44, etc. , et l'en ne prouvera
jamais qu'une nation chrétienne en ait alta-
i|ué une autre uniquement pour cause de re-
ligion. En second lieu, nous sommes en
étiil de faire voir que les catholiques n'ont
usé de représailles ni envers les ariens, ni
envers les donatislos, ni envers les hussiles,
ni à l'égard des calvinistes mêmes, lorsque
ceux-ci ont consenti à demeurer en paix,
que jamais nous n'avons poussé contre eux
la haine et la cruauté aussi loin qu'ils l'ont
poussée contre nous; qu'actuellement encore
nous serions très-làchos d'avoir à leur égard
les mêmes sentiments d'animosité et d'aver-
sion qu'ils montrent contre nous dans tou-
tes les occasions. Bajle a prouvé sans ré-
plique que les lois portées contre les catho-
liques dans la jilupart des pays protestants,
sont plus durescl plus rigourcuscsqu'aucune
de celles que les princes cati'oliques oui pu-
bliées contre les protestants. Avis aux
réfugiés, etc. En troisième lieu , il est con-
stant que les minisires de la religion catho-
lique n'ont jamais cru qu'il leur fût permis de
haïr ni de persécuter ceux qui sont dans l'er-
reur ; c'est un trait de malignité d'ap|jeler
haine et persécution les mesures qu'ils ont
prises pour se mettre à couvert des atlentats
des hérétiques. 3,iais puisqu'on la pousse
jus(iu'à empoisonner les motifs de leur cha-
rité et de leur zèle à convenir les infidèles et
les barbares, on peut bien encore noircir leurs
intentions lorsqu'ils font les mêmes efforts à
l'égard des mécréants rebelles à l'Eglise. Il
est arrivé plus d'une fois à des ecclésiasti-
ques d'être insultés par des prolestants, à
cause de leur habit ; nous ne voudrions
pas faire la même avanie à leurs mi-
nistres.
11 ne convient guère à des hommes toujours
dominés par la passion, de prêcher la tolé'
rance ; le meilleur moyen de l'inspirer aux
autres serait de couunencer par l'escrcer ;
mais iusqu'à présent il ne parait pas que
nos adversaires aient compris celte vérité;
à la manière dont ils s'y prennent, on dirait
qu'ils ont plus envie de nous aigrir que
de nous persuader. Voy. Persécutelb.
Ils posent pour maxime que tout moyen qui
excite la haine , l'indignation et le mépris ,
est impie ; si cela est vrai , ils sont
eux-mêmes coupables d'impiété, puisqu'ils
font tout ce qu'ils peuvent pour nous
inspirer ces passions contre eux; mais c'est
une fausseté. Souvent le zèle le plus pur, la
charité la plus douce, a excité la haine et
l'indignation d'un hérétique violent et fu-
rieux ; la plupart s'oflénscnt du bien qu'on
voudrait leur faire. Us disent que tout moyen
qui relâche les liens d'affection naturelle ,
qui éloigne les pères des enfants, qui sépare
les frères d'avec les frères, qui divise les fa-
milles, est impie ; cela est encure faux : Jé-
sus-Christ a prédit que son Evangile pro-
duirait ce funeste elVct, non par lui-même,
mais [)ar l'opiniâtreté des incrédules, et
cela est arrivé en elîel, il ne s'ensuit pas
pour cela que la prédication de l'Evangile
est une impiété. 1 s ajoutent que punir l'er-
reur comme un crime est encore une impiété;
nous leur répondons pour la dixième fois
que cela n'est jamais arrivé, et qu'il leur
ist impos^ible d'en citer un seul exemple
parmi les catholiques. Ils disent que quicon-
que veut décider du salul ou de la damnation
de quelqu'un, est un impie : nous répliquons
qu'il n'y a point d'impiété à répéter ce que
Jésus-Christ a dit : or, il a dit que quicon-
(|ue ne croira pasà l'Evangile sera condam-
né, Marc, c. xvi, v. 16. Nous ne finirions
jamais s'il nous fallait réfuter en détail tou-
tes leurs fausses maximes; nous avons fait
voir qu'elles n'aboutissent qu'à autoriser la
profession publique de l'athéisme et del'ir-
réligiau, et d'autres l'ont fait voir avant
nous. L'on a démontré que les prédicateurs
de la tolérance n'ont aucun principe certain
ni aucune règle pour fixer le point où elle
doit s'arrêter; (]ue la tolérance tsi une in-
conséquence, M elle n'est pas générale et
absolue ; qu'elle est due à tous les mécréants
sans exception, ou qu'elle n'est due à per-
sonne. Si on la doit a tous ceux qui pren-
nent l'Ecriture sainte pour règle de foi, c'est
une injustice de ne pas tolérer les sociniens
qui font profesion de s'y tenir. Si on dit
qu'il ne f.iul pas tolérer ceux qui nient des
ariiilcs londamcntaux, les sociniens sou-
tiennent qu'aucun des articles (ju'ils rejet-
tent n'est fondamenial, et qu'on ne peut pas
leur prouver le contraire par l'Ecriture
sainte. Aussi un très-grand nombre de pro-
ies tanis oui lioiivé ces raisonssi solides qu'ils
sont devenus sociniens eux-mêmes.
Dès que nous aurons accordé la tolérance
aux sociniens, de quel droit en exclurons-
nous les déistes? La plupart disent qu'ils
admettront volontiers l'Ecriture , pourvu
qu'il leur soit permis de l'intendre confor-
mément au diclainen de la raison, comnic
font les sociniens, cl qu'on ne les lorce pas
à y voir des myslèrcs qui révoltent la rai-
son ; ils ajoutent que, contents de croire ce
797
TOM
TOM
TJS
qu'ils compreniienl, ils laisseront do côté ce
qu'ils n'entendent pas, que dans le fond c'est
déjà ainsi qu'rn assissent un Irt's-i^rand nom-
bre de protestants. Les athocs à lenr tour
Soutiennent <]ue Dieu ne peut pas punir ceux
qui suivent les lumières de la dioi;c raison,
puisque, suivant la maxime de leurs adver-
saires ménies, l'erreur ne doit pas être pu-
nie comme un crime. Suiv.int une autre
maxime on ije doit eiopèchcr personne de
professer ce qu'il croit vrai ; nous Noilà donc
réduits à tolérer la profession il>> ralliéisme,
à n'oser luênie iir.mimcer sur le salut ni sur
la ilannation des alliées, de p'ur de com-
niellre une impiété.
Ainsi les déislis et les athéis ont rétorqué
contre les protestants toutes les raisons Sur
lesquelles ceux-ci exigent lu toKiance pour
eu* , sans vouloir l'accorder aux atitres ; et
ni'iis n'avons vu dans les écrits des protes-
lanls aucun argument qui prouve l'injustice
de ccUl' rétorsion. Nous ne soumics donc pas
surpris de cr que tous nos inircdules ont
tant vanté les diatribes de Bajle et de Çar-
bcyrac sur liji tolérance ; ils y ont trouvé leur
propre apologie, ^'ilais IJnjJe est convenu
ailleurs qu'il n'est point de question qui
fournisse autant ilc rais mis pour et contre,
il sentait que les siennes n'étaient pas sans
réjilique ; il avoue qu'il faut autre cliose que
des raisons pour retenir les peuj les dans la
religion, par conséquent, une autorité, des
lois coactives et des peines ; Dicl. crft. Lii-
hiéniezlii; rem. E. et G. Nos adversaires,
loin de nous avoir fermé la bouche , comme
ils s'en vantent, nous ont donné dcijouvelles
armes pour réfuter tous leurs sophismes.
Voy. AcToniTÉ liCCLÛsusTiQui:, Excommuni-
cation, JxELIGION, etc.
TOMBEAU , SÉPUl CUE, lieu dans lequel
un mort est çnlerré. Ce terme et quelque-
fois employé par les auteurs sucrés dans un
sens figuré. 1° Lorsque Job dit, c. xvii, v. 1 :
Il ne me reste plus (pte le touiueau , cola si-
gnifie , je n'attends plus que la mort dans le
triste élat où je suis. 2° Ezéchiel, c, xxxvn,
v. 12, promet aux Juifs cnptifs à IJabylone ,
que Dieu les tiri ra de leurs lombcrtx , c'esl-
à-diie de la misère à laquelle ils sont réduits.
3' David, ps. v, v. Il ; ps. xiii, v. 3, et saint
r lul, Ihim., c. m, v. 13 , disent (]ue la bou-
che des impies est un lomheuu ouvert, parce
qne leurs discours empoisonnés corrompent
li's âmes, comme la vapeur infecte d'un tom-
heau peut tuer les corps. 4° Le même mot
hébicu signifie le tombeau et le séjour des
morts, que les (irecs ont nommé àhs et les
Latins, itifcnni^. î)e là quelques incrédules
ont conclu trè< faussement (]ue les Hébreux
ne connaissaient |)oinl d'autre enfer que le
tombeau : c'est comme si l'cm souli'nait que
les Latins n'admeliaienl pour les âmes des
mirts aucun autre séjour que la fosse dans
laquelle ils éla'Ciit enterrés , puisque infer-
nts signifie simplement uii lieu bas et pro-
fil» i. Voy. Eneer.
En général, le soin de donner aux morls
une sépulture honorable , l'usage de respec-
ter les tombeaux el de les regarder comme
un asile sacré, est une attestation ccriaine
de la croyance de l'immortalité de l'âme. Sur
quoi en effet serait foiulée celte coutume
géuérale, si l'on r.vaii pensé que l'homme
meurt tout entier, qu'il n'en reste rien lors-
que son corps est diiruit par la corruption ?
Or. nous voyons le respect pour les tnmr
beiiHX éiMi dès les premiers â^es du monde,
cl chez toutes les nations desquelles nous
avons quelque connaissance. Ceux de Sara ,
d'Abraham, de Jacob, de Joseph, sont célè-
bres dans nos livres saints ; les Egyptiens
einbauinaienl les morts [)arce qu'ilç espé-
raient la résurrection ; l'on a trouvé, même
chez les sauvages , ce sentiment de l'huma-
nilé : quand on a voulu les transjilanter
d'une contrée dan? une autre, ils ont ré-
pondu : Nos pcrts ensevelis dans celte terre
se Icveronl-ils pour venir avec nous ? Les pa-
triarches voulaient dormir avec leurs pères,
el pour exprimer la mort , ils disaient, se
réunir à son peuple ou fl sa famille; un des
motifs qui faisaient désirer au\ Juifs captifs
à Babyloue de retourner dans la Judée, étail
la consolation d'aller revoir les lambeaux de
leurs pères, Esdr., 1. II, c. ii, v. 3. De là na-
quit chez les nations idolâtres la coutume
d'aller dormir sur les tombeaux , afin d'a-
voir des rêves de la part des morts, de les
évoquer, de les interroger, d'oiTrir des sacri-
Oces aux mânes, etc. Celte superstition étail
sévèrement liéléndue aux Juifs, Dcui.jC. XVI il,
V. 11 : mais ils y touibèicnt souvent ; Isaïe
le leur reproche, c xxxv, v. 4.
Lorsque les incrédules oui parcouru l'his-
toire pour trouver l'origine du dogme de
riiiimorlalité de l'âme, pour savoir chez quel
peuple il a commencé , ils ont pris une peine
inutile. Il aurait fallu remonter à la créa-
tiin> et interroger tous les peuples. Celte
croyance était gravée en caractères i lelTa-
çables sur tous les tombeaux, sur les caver-
nes dans lesquelles on enterrait les membres
d'une même famille, sur les pyramides de
l'Egypte, sur les monceaux de pierres accu-
mulées da;!s les campagnes ; un monceau ,
iumulus , désignait un tombeau. Un usage
universeilcment répandu atl sie ::necroyance
aussi ancienne que li- mou .'e. La crainte
d'être privé de la sépulture était un frein
pourContenir les malfaileiirs, et prévenir
les primes ; la plus grande injure que l'on
pût faire à un ennemi, étail de le menacer
de donner son corps à dévorer aux oiseaux
el aux animaiix carnassiers. / Reg., c îtvii,
V. ii et VG.
Les Hébreux enterraient ordinairement
les morls dans dés cavernes ; et lorsqu'ils
n'en trouvaient pas de naturelles, ils en creu-
saient dans le roc : l'on en trouve encore
plusieurs dans la Palestine, qui ont servi à
cet usage. Lorsque leurs tombeaux étaient
en plein champ, ils mettaient une pierre
taillée p.ir dessus, afin d'avertir que c'était
la sépulture d'un mort , et que les passants
n'y louchassent point de peur de si; souiller.
Ils les enduisaient aussi de cli.nix, pour (|u't)u
les aperçût de loin, cl tous les ans, le 15 dii
mois Adar, on les reblancfaissail. Voilà pour-
799
TOM
TON
800
qnoi Jéâns-Cbrist comparait les pharisiens
hypocrites, qui couvraient leurs vires d'un
bel extérieur , à des sépulcres Manrhis,
Matth., c. XXIII, V. 27. Il est à présumer que
Ja souillure légale qui se conlrnclail p.ir l'at-
toucheiiieiit d'un cadavre ow A\\n lombenu ,
avait pour objet non-seulement de délourner
les Juifs de la superstition des païens qui in-
lerrogeaii'Ut les moris, mais eiicure de ré-
primer la cupidité des brigands ()iii fouil-
laient dans les tombeaux pour en enlever
quehjucs dépouilles, crime qui fut toujours
regardé par les anciens comme une impiété
détesiable.
Au sujet de ce respect des Juifs pour les
sépulcres , il y a dans l'EvaDgile un passage
qui fait difGculté et duquel les inciédules
ont voulu se prévaloi -, Matth., c. xiii, v. 29,
et Luc, c. XI, V. 't7, Jésus-Chnsl dit : Mal-
heur à vous, scribes et pharisiens hi/pocritcs ,
qui bâtissez des tombeaux aujr prophètes, et
gui ornez les ntonunienls des justes, et qui di-
tes : Si nous eussions clé du temps de nos pè-
res, nous n'eussions pas été leurs vompnqnons à
répandre le .'■anq des prophètes. Ainsi vous vous
rendez témoignage à vous-mêmes que vous êtes
les enfants de cettx qui ont tué les prophètes.
Achevez donc aussi de combler la mesure de
vos pères. Jésus-Christ, disent les inrrédules,
reproche aux Juifs une action louable, et qui
ne prouvait en aucune manière qu'ils claieiil
les enfants ou les imitateurs des meurtriers
des ])ropl)ètes , ni qu'ils comblaient la me-
sure des crimes de leurs pères. Mais si l'on
veut faire attention à tout ce qu'avaient fait
les Juifs contre Jésus-Christ avant celte ré-
primande, et à ce qu'ils Drent dans la suite,
si d'ailleurs l'on considère les divers sens des
conjonciions grecques que l'on a traduites
par et, ainsi, aussi, etc., on verra que le rai-
sonnement du Sauveur est très-juste. Déjà
les Juifs avaient résolu de le faire mourir, ils
l'avaient tenté plus d'une fois, et ils étaient
encore à ce moment dans le même dessein ;
c'était donc de leur part une hypocrisie de
bâtir et d'orner les tombeaux des prophètes,
et de se vanter qu'ils n'aur, lient pas imité
leurs pères qui les avaient mis à iiiort; ils
prouvaient assez d'ailleurs qu'ils leur res-
semblaient parfailement , et qu'ils allaient
bientôt combler la mesure de leurs crimes.
Ce sens est évident par la prédiction qu'a-
joute le Sauveur au reproche qu'il leur fait,
ibid., Luc. , v. 31; Je vais vous envoyer des
prophètes, des sages et des docteurs, vous les
mettrez à mort, vous les crucifierez, vous les
flaqelhrez dans vos synajogues , et vous les
poursuivrez de ville en ville, etc. C'est ce qui
airiva. Voyez Rép. crit. aux questions des
incréd., t. IV, p. 19i.
Parmi le peuple des campagnes, les pla-
ces (les sépultures dans les cimelièros sont
séparées ; chaque famille a la sienne : il y a
des jours oîi les enfants vont s'aliendrir et
prier sur le tombeau de leur père, se rappe-
ler le souvenir de leurs parents, se consoler
par l'espérance de les revoir dans une autre
vie; c'est ainsi qu'en agissaient autrefois
nos ancêtres. Le même usage subsiste en-
core dans toute sa force chez les Grecs ; rien
de plus touchant que l'exactitude avec la-
quelle ils vont de temps en temps pleurer
sur les tombeaux de leurs parents et de leurs
amis, et surtout dans l'une des fêles de Pâ-
ques, Voilage litt. de lu Grèce, 19' lettre,
pag. 311. Ils ont ainsi conservé les ancien-
nes mœurs et les sentiments de la nature.
L'auteur, témoin de ce spectacle, déplore l'af-
fection avec laquelle nous nous sommes écar-
tés de celte coutume si honorable à l'huma-
nité, surtout dans les villes ; nous redoutons,
dit il, tout ce qui peut exciter notre sensi-
bilité naturelle.
NoUi n'avons garde de blâmer la précau-
tion (]ue l'on a prise de transporler hors
des villes les cimeiières et l.i sépulture des
morts ; mais si nous y gagnons du côté de
la pureté de l'air, il est à craindre que nous
n'y perdions beaucoup du côté des mœurs.
A'ainement on censure le luxe insensé des
jionipes funèbres et des tombeaux, le style
fastueux des épitaphes, le goût dépravé des
artistes qui ont chargé les mausolées des
figures des divinités païennes. C'est un Ira-
vers d'esprit inconcevable, de chercher <à sa-
tisfaire l'orgueil dans des objets qui sont
destinés à l'humilier, de graver sur le mar-
bre! des mensonges contredits p;ir la noto-
riété publique, de placer des symboles d'ido-
lâtrie et d'impiété sur des monuments ér gés
pour attester notre foi à l'imuiortalité et no-
tre conGance aux mérites de Jésus-Chrisl.
Mais la folie humaine bravera toujours les
leçons du bon sens et de la religion. Voy. Fu-
nérailles.
TONSUKE. Couronne cléricale que l'on
fait aux ecclésiastiques sur le derrière de la
tête, en y rasant les cheveux en forme orbi-
culaire. Cette cérémonie se fait par l'évèque;
il coupe un peu de cheveux avec des ciseaux
à ceL i qui se piésente pour être reçu dans
l'état ecclésiastique, pendant que le nouveau
clerc récite ces paroles du psaume xv, v. 5 :
Le Seigneur est mon partage et mon héritage :
c'est vous , Seigneur, qui me le rendrez. En-
suite l'évèque lui met le surplis, en priant
Dieu de revêtir du nouvel homme celui ijui
vient de recevoir la tonsure. Celle cérémonie
n'est point un ordre, mais une préparation
pour recevoir les ordres. C'est l'entrée de la
cléricjiture, elle rend un sujet capable de
pos.sésier un bénélice simple, et le soumet
aux luis qui concernent les ecclésiastiques.
11 serait difficile d'assigner la première
origini' de la tonsure : on sait qu'avant la
naissanci! du christianisme, les drecs et les
UomaiD'S portaient leurs cheveux très-courts;
saint P.diil faisait allusion à cet usage, lors-
qu'il écrivait aux Corinihicns, qu'il était
ignominieux à un homme de porter de longs
cheveux ; c'était l'ornement des femmes.
Pendant ,les trois premiers siècles de l'Eglise,
les clercs ne se distinguèrent des laïques ni
par les habits ni par la chevelure, de peur
d'attirer sur eux tout le l'eu des persécu-
tions. Au iv' ou ne voit encore aucun chan-
gement bii>a marqué dans leur extérieur.
Fleury, dan^ sou Institut, au droit ccclésias-
801
TON
TON
8(12
lique, a observé que, même dans le v, l'an
4-28, le pape sainl Céleslin a témoigné que
les évoques dans leur habit n'avaient rien qui
lesdistinguàl du pfuple,et saint Jérôme sem-
ble conlirmer ce fait dans sa lettre à Sépolien.
Voj/. Habit ecclésiastique. Le même l'ère
inkzfch., 1. XIII, c.W, Op. t()m.lll,col.l()-29,
ne veul pas que les clercs se rasent la tête,
comme f lisaient les prêtres et les adorateurs
d'isis et de Serapis, mais qu'ils aient les che-
veux courts, afin de ne pas ressembler aux
laïques fastueux, aux Barbares et aux sol-
dais, qui portaient des cheveux longs. De là
Bingham a pris occasion de blâmer la ma-
nière dont les ecclésiastiques de l'Eglise ro-
maine soni tonsurés, parce qu'elle est con-
traire à Tancien usa^e, et qu'elle est vaine-
ment fondée sur des raisons mystiques ; il
ajoute qui' les clercs étaient nommés coro-
nati, non ;\ cause de leur tonsure, mais par
honneur; Orig. ecclés.^ toin. II, I. vi, c. 4,
§ IG. Biiii^hain aurait dû remarquer, 1" que
porter une tonsure , ce n'est pas avoir la
ïèle enlièrenieni rasée ni absolument chauve,
seule manière blAniée par saint .léiô;ne. 2" Ce
Père veut que les clercs soient distingués
des Barliarcs, des soldats et des laïques effé-
minés, par leur chevelure et par leur babil ;
discipline de laquelle les ministres protes-
tanls se sont dispensés. 3° H atteste que les
minislres des autels ne {lorlaient point ilans
leurs fonctions les mêmes habits que dans
la vie commune, mais qu'ils avaient des
oriieraeiits particuliers, autre usage respec-
table, rejeté par les proleslants. 4-" Nous sou-
tenons que le nom coronali fait allusion à
ce qui est dit dan.-, l'.^pocalypse, c. iv, v. k ,
des vingt-quatre vieillards ou prêtres (lui
environnaient un pontife, et i|ui avaient des
couronnes d'or sur la têle. Nous avons re-
marqué ailleurs que saint Jean, dans ce clia-
pitr>' el dans les suiviinls. peint la manière
dont la liturgie chrét enne était célébrée pour
lors. Vi>y. LiTUKciE. Il n'est donc pas éton-
nant que dans les siècles suivants l'on ait
trouvé bon (lue la tonsure des clercs repré-
sentât ces couroiiiies.
Quoi ()u'il en soit, saint Jérôme nous en
indique à peu prés l'origine, en disant que
les clercs doivent se distinguer des barbares.
En effet, l'on sait que les birrbares du Nord
qui se répandirent dans tout I Occident au
commencement du v' siè< le, avaient des che-
veux longs, un habit court et militaire, au
lieu que les Uomains portaient un habit long
et des cheveux courts. Les clercs, tous nés
sous la domination romaine, conservèrent
leur ancien us.ige, et se trouvèrent ainsi dis-
tingués des barbares. Lorsqu'un de ces der-
niers était admis à la cléricature, on com-
mençait par lui couper les cheveux, et le re-
vêtir de l'habit long ; Il est probable que l'u-
sage delà ti'nsure commença en même temps,
lin elTet , Grégoire de Tours et d'autres au-
teurs du vr siècle parlent de cet usage com-
me dé|à établi au V. Le k' concile de Tolède,
l'an 633, c. 4-1, ordonne que tous les cIitcs
el les |)rêlres aient le dessus de la tête rasé,
cl ne laissent qu'un tour de cheveux sem-
blable à une couronne. Notes du P. Ménard
sur le Sacram. de saint Gri'g., p. 219. Il est
constant par le canon 33 du concile in Trullo,
tenu l'an ti90 ou 692, que ce même usage
était déjà établi pour lors dans l'Eglise grec-
que. Aîais les écrivains de ce siècle et des
suivants, qui ont voulu faire remonter l'ori-
gine de la tonsure jusqu'à l'apôtre saint
Pierre, ou à un décret du pape Anicel de
l'an 108, n'avaient aucune preuve de leur
sentiment. En fait de discipline ecclésiasti-
que, on ne doit pas blâmer un nouvel usage,
lorsqu'il est fondé sur de bonnes raisons re-
latives aux mœurs , aux circonstances , aux
besoins du temps auquel on l'introduit, et il
y a toujours du danger à le supprimer, lors-
que cette réforme ne peut produire aucun
bien.
Le concile de Trente, sess. 23, de Reform.,
c. 4, exige que celui auquel on donne la ton-
sure ail reçu le sacrement do conrirmation ,
soit instruit des principales vérités de la foi
clirétieime, sache lire el écrire, el donne lieu
de penser qu'il i hoisit l'état au()uel il se des-
tine dans la résolution d'y servir Dieu avec
fidélité. Plusieurs conciles postérieurs ont
condamné la témérité des parents qui (ont
tonsurer leurs enfants uni(|uement par l'am-
bition de leur procurer un bénéfice, sans
s'informer s'ils ont la vocation et les qualités
nécessaires pour remplir les devoirs de l'élal
ecclésiastique, quelquefois parce qu'ils sont
dilïornies et peu propres à réussir dans le
monde. D'autres conciles ont (i\é l'âge au-
quel on peut recevoir la tonsure; dans les
diocèses les mieux réglés on ne la donne pas
avant l'âge de quatorze ans. Si celle sage
discipline est souvent violée, c'est l'ambiiion
des grands et des riches du siècle qui en est
la cause.
ToNsuiiE (1) (Droit canon.), est la cou-
ronne cléricale, que l'on fait derrière la tête
aux ecclésiastiques, en rasant les cheveux
de celle place. Tous les ecdésiasliques sécu-
liers el réguliers doivent porter la tonsure;
c'est la marque do leur état. Celle des sim-
iiles clercs, qu'on appelle clercs à simple
tonsure, c'est-à-dire qui n'ont d'autre carac-
tère de l'état ecclésiastique que la tonsure,
est la plus petite de toutes. A mesure que
l'ecclésiasliiiue avance dans les ordres, on
fait la tonsure plus grande ; celle des prêtres
est la plus granile do toutes, si l'on en ex-
cepte les religieux, dont les uns ont la tête
en:ièrenienl rasée, el d'autres une simple
couronne de clp'veux plus ou moins large.
La sim|de tonsure (]ue l'on donne à ceux
qui entrent dans l'elai ecclésiastique, n'est
point un ordre, mais une préparation pour
les ordres, et, pour ainsi dire, un signe de
la prise d'habil ecclésiastique. Quelques-
uns prétendent que l'usage île tonsurer les
clercs a commencé vers l'an 80. L'auteur de
VInslitution au Droit ecclésiastique dit au
coniraire que, dans les premiers siècles de
l'Eglise, il n'y avait aucune distinction entre
(l)Cel article est reproduit d'après rédiliuii de
«05'
TOR
TOU
8!)i
les Clercs et <es laïques, quant aux cheveux;
à riinliil et à tout l'extérieur. Quoi qu'il en
soil, ilMUS les premiers temps où la tonsure
fut pratiquée, on ne la conférait qu'avec les
premiers onires; ce ne fut que vers la fin da
vr siècle que l'on commença à la conférer
séparément et avant les ordres. L'évéque est
le seul qui puisse donner la tonsure à ses
diocésains séculiers et réguliers. Quelques
al)ltés ont prétendu autrefois avoir le droit
de la donner à leurs religieuK : on trouve
quelques canons qui les y autorisent, entre
autres le chap. Abhates qui est du pape
Alexandre IV, et qui est rapporté dans les
Décrélales, tit. de Privilegiis. Mais s'ils ont
joui autrefois en France de ce droit, on peut
dire qu'ils l'ont perdu par prescription, les
6v6(iues de France s'étant maintenus dans
le droit de conférer seuls l;i tonsure, même
aux réguliers. Pour recevoir la tonsure, il
faut avoir é!é confirmé; il faut aussi élre
instruit au moins (les vérités le; plus inté-
ress;inlcs nu salut; il faut encore savoir lire
et écrire. Le concile de Narbonne, en 1551,
ne demumle que l'âge de sept ans pour la
tonsure; celui de Bordeaux, en I62't, exige
douze ans; dans plusieurs diocèses bien ré-
glés, on ne la donne p:is avant quatorze
ans. On exige dans le royaume que ceux
qui possèdent des bénéfices soient tonsurés,
qu'ils produisent même leurs lettres de ton-
sure. Cependant on lit dans les Mémoires du
clergé, que M. l'avocat général Talon, por-
tant la parole en 1639, établit pour maxime
qu'on pouvait élre présenté par le patron à
un bénéfice sans être clerc tonsuré, et qu'il
suffisait de l'être et d'avoir les qualités re-
quises dans le temps des provisions. L'ar-
ticle 32 de la Déclaration du 9 avril IT36,
porte qu"i7 serti tenu aux archevcchcs et dvé-
chés des registres pour les tonsures et ordres
mineurs et sacrés, lesquels seront cotés par
premier el dernier, et paraphés sur chaque
feuillel par l'archevêque ou écérjue.
TOUKI'^NT. Il n'y a dans la Palestine qu'un
seul ileuve qui est le Jourdain ; mais il y a
plu Ku'itorrents ijiii coulent dans les vallées
avec abondance, après les pluies et pendant
la fonte des neiges du Liban, et qui se des-
sèchent pendant les chaleurs de l'été. Los
écrivains s;icrés en parlent souvent, et met-
tent quelquefois le nom de toi reni pour ce-
lui de vnlée; Gen., c. xxvi, v. 17, il est dit
que Isaac vint an torrent deGérare, c'est-à-
dire dans la vallée où coulait ce torrent.
L'Ecriture donne aussi ce nuin aux fleuves
du Nil et de l'Euphrate. Ci-mmo les torrents
de la Palestine s'cnllcnt souvent, ce mot si-
gtiifie quilquefois abondance, comme dans le
ps. ixxv, v. 19, un torrent de délices; Isuï.,
C. XXX, v. 33, un torrent de soufre : et parce
qu'alors ils c lu.seiU des ravages, ils si>nt le
symbole du malheur, de l'alfliclion, de M
pcrsétulinii : // Reg., c. Xxii, v. 5, tes dé-
ire-ises de la mort m'ont environné, les tor-
rents de isélial m'ont épouvanté. Dans lé ps.
cix, v. 7, il est dit du Messie qu'il buira l'eau
du torrent en passant, qu'ensuite il lèvera
la tête; co passage semble faire allusion à
ce qui est rapporté, Jnd., c. vu, ▼. 5, que
Dieu commanda à Gédéon de ne mener au
combat que ceux de ses soldats qui, près
d'un ruisseau, s'étaient contentés de prendre
de l'eau dans leur main, et de renvoyer tous
ceux qui s'étaient couchés ou mis à genoux
pour boire plus à leur aise. Le Psalmiste
représente donc le Messie comme un de ces
soldats courageux qui ne burent qu'en pas-
sant; et qui ensuite marchèrent au combat
la tête levée el d'un air intrépide. Ps. cxxv,
V. 5, les Juifs, de retour de la captivité de
Babylone, disent à Dieu : Faites revenir ,
Seigneur, le reste de nos captifs, comme cou-
le.s t les eaux du torrent du midi. Il est pro-
i)able qu'ils entendaient par là le torrent de
Cédron, qui coule au midi de Jérusalem, et
retourne vers l'orient se jeter dans la mer
Morte.
TOUSSAINT, fête de tous les saints. La
dédicace que fit, l'an C07, Le impe Boniface
IV de l'église du Panthéon ou do la Rotonde,
à Home, a donné llou à l'établissement de
cette fête. Il dédia cet ancien temple d'idoles
à l'invocation de la sainte Vierge el de tons
les martyrs ; c'est ce qu: lui a fait donner le
nom de IS<)lre-Dame des Martyrs: ou de la
Roloniie, parce que cet édifice est en forme
d'un f.'enii-globe. Boniface suivit en cela les
ititcnlions de saint Grégoire le Grand, son
prédécesseur. Vers l'an 731, le pape Gré-
goire m consacra une chapelle à l'honneur
de tous les saints dans l'église de Saint-
Pierre; il augmenta ainsi la solennité de la
fêle : depuis ce temps-là elle a toujours été
célébrée à Rome. Grégoire IV étant venu ctl
France l'an 837, sous le règne de Louis le
Débonnaire, Cette fête s'y introduisit è( y fat
bientôt généraleuient adoptée ; mais le P.
Mônard a prouvé qu'elle avait déjà Heu au-
paravant dans plusieurs églises, quoicju'il
n'y eiit encore aucun décret porté à Ce sujet ;
Notes sur le Sacrant, de saint Gréa., pag. 132;
Thomassin, Traité des Fêtes, etc. Les Grecs
la célèbrent le dimanche après la Pentecôte.
L'objet de cette solennité est non-seule-
ment d'honorer les saints comme les amis
de Dieu, mais de lui rendre grâces des bien-
faits qu'il a daigné leur accorder, el du bon-
heur éternel dont il les récompense, de nous
exciler à imiter leurs vertus, d'obtenir leur
intercession auprès de Dieu ; de rendre un
culte à ceux (lue nous ne connaissons pas
en parli( ulier, et qui sont certainement le
plus grand nombre.
A l'occasion de l'établissement de celte
fête en France an rx siècle, Mosheim a dé-
clamé à sdn ordinaire contre le culte rendu
aux saints dans l'Eglise romaine ; il dit que
cette superstiliin y a étouffé toute Vraie
piélé. S'il avait voulu expliquer, une fois
pour toutes, ce qu'il euleml par vraie piété,
il nous serait plus aisé de voir si ce reproche
est vrai ou faux. Pour nous, nous disons
quelle consiste dans un profond respect
pour la majesté de Dieu, dans un souvenir
habituel de sa présence, dans une grande
estime de tout ce qui a rapport à son culte,
dans un vif sentiment de ses bienfaits, dans
805
TRA
TRA
806
une parfaite confiance en sa bonté et aux
mérites de Jésus-ChrisI, en un mot, diins
l'amour de Dieu. A (irésent nous demandons
en quoi l'honneur que nous rendons aux
saints peut détruire ou diminuer aucun de
ces sentiments, qui ont été ceux de tons les
saints, et par lesquels ils se sont sanctifiés.
11 nous par.iît que leur exe nple est très-ca-
pahle de nous excilor à imiier les vertus et
les pratiques par lesquelles ils sont parve-
nus à la sainteté et au bonhenréternel. Nous
sommes beaucoup mieux fondés à diie que
c'est la prévention des prolivsl.mls conire le
cnlte des saints qui a étouffé la piété parmi
eux. Y trouvc-t-iin beaucoup d'âmes saintes
qui, dé!;agées des alTaires de ce monde,
s'orcupont à niédiler les graniieurs de Dieu,
à lui rendre de fréquents hommages, à s'en-
flammer du feu de son amour, et à faire des
œuvres de charité ? Presque toute leur reli-
gion consiste à s'assembler assez rarement,
à réciter ensemble quelques prières, à chan-
ter des psaumes, à entendre d>>s instructions
souvent fort sèches et très-peu capables de
toucher les cœurs. Voi/. Dévotion, Piété,
Saints, etc.
TOUTE-FUISSANGE de Dieu. Voij. Puis-
SANfE.
ÏRADITEURS. On donna ce nom, dans le
iir et le iv siècle de l'Eglise, aux chrétiens
qui, pend.nit la persécution de Dioclélien,
avaient livré aux païens les saintes Ecritures
pour les brûler, afin d'éviter ainsi les lonr-
mcnls et la mort dont ils étaient menacés.
Ce n'est pas la première fois qne les païens
avnicnl fait tons leurs ciîorts pour anéantir
les livres sacrés. Dans la cruelle perséculion
excitée contre les JaUi par Aniidchus, les
livres de leur foi furent recherché:, déchirés
et brûlés, et ceux qui refusèrent de les livrer
fnrent mis à mort, comme nous le voyons
dans le premier livre des Marhibérs, c. i,
V. JJC. Dioclélien renouvela la même impiété
par un élit qu'il fit p; blicr à Nicômédie 1 an
303, par lequel il ordonnait que tous les livres
des chrétiens fussent brûlés, leurs églises
(Ictruilcs, et qui les privait de tous leurs
droits civils et de tout emploi. Plusieurs
chrétiens faibles, on ajoute même quelques
évéques et quelques prêtres, succombant à
l.i crainte dos loarmenis, livrèrent les saint(;s
Ecritures lUX persécuteurs ; ceux qui eurent
plus de fermeté les regardèrent comme des
lâches, et leur donnèrent le nom ignominieux
de trcditeurs.
Ce malheur en pruluisit bientôt un autre:
nn gr.in'l nombre d'cvêqu"S de Nomidie re-
fusèrent d'avoir aucune société avec ceux
qui étaient accusés de ce crime : ils ne vou-
lurent pas reconnaître pour évéque lie ("lar-
Ihage, Cécilien, so^is prétexte que Félix,
évéque d'Aplonge, l'un de ceux qui avaient
sacré Cécilien, é'ail du nombre des Iradi-
/ffirs; accusation qui ne fut j.imais prouvée.
Donat, évéque des Cases->Joire~, était à la
tôle de ce parti; c'est ce qui fil duiner le
nom .le donatistes à tous ces schismatiqnes.
Voij. Do.Vat^stes. Le concile d'Arles tenu
\'an 31i, par ordre de Constantin, pour exa-
miner celte affaire, décida que tous ceut qui
se trouveraient réellement coupables d'avoir
livré aux persécuteurs des livres ou des
vases sacrés, seraient dégradés de leurs or-
dres et déposés pourvu qu'ils en fussent con-
vaincus par des actes publics, et non accu-
sés par de simples paroles. H condamna
ainsi les donatisles, qui ne pouvaient pro-
duire aucune preuve du crime qu'ils repro-
chaient à Félix d'Aplonge et à quelques
autres.
TRADITION, dans le sens théologique, est
un témoignage qui nous atteste la vérité
d'un fait, d'un dogme ou d'un usage. On ap-
pelle tradition orale, ce témoianage rendu
de vive voix , (jui se transmet des Pères aut
enfants, et de ceux-ci à leurs descendants ;
Iradilion écrite, ce même témoignage couché
dans l'histoire ou dans d'autres livres ; gé-
néralement parlant , cette dernière est la
plus sûre, mais il ne s'ensuit pas qui' la prêt
niière soit toujours incertaine et fautive ,
parce qu'il y a d'autres monuments iiue les
livres, capables de Iransmellro à la postérité
la mémoire des événements passés.
Quant à l'origine, la tradition peut venir
de Dieu ondes hommes ; dans ce dernier cas,
elle vient ou des a|iôtres, ou des pasteurs de
l'Eglise ; c'est ce qui fait la différence entre
les traditions divines, les traditions aposto-
liques et les traditions ecclésiasli /ues. Les
secondes peuvent être justement appelées
traditions divines, parce que les apôlres
n'ont rien enseigné que ce qu'ils avaient ap-
pris de Jésus-Christ lui-même, ou par inspi-
ration du Saint-Esprit ; et l'on doiL nommer
traditions apostoliques (.elles que nous ont
transmises les disciples imu)édiats des apô-
tres, parce qu'à leur tour ils ont fait profes-
sion de n'enseigner que ce qu'ils .ivaient
reçu de leurs maîtres. Les traditions pure-
ment humaines sont celles qui ont pour au-
teurs des hommes sans missioii cl sans ca-
ractère. Quant à l'objet , une tradition re-
garde ou la doctrine, ou la discipline, ou des
faits historiques, mais celte ditïérence n'en
met aucune dans le degrédecertitudc qu'elles
peuvent avoir , comme nous le prouveront
dans la suite.
La grande question entre les protestants
et les caliioli(iacs est de savoir s'il y a des
traditions divines ou apostoliques touchant
le dogme, qui ne sont point contenues dans
t'Ecri'ure sainte, et qui sont cependant rè-
gle de foi; les prolestants le nient, et nous
soutenons le contra ire.Conséqaeni ment nous
disons que la tradition est la parole de Dieu
non écrite, que (es apôires ont reçue de la
bouche de Jésus-Christ, qu'ils ont transmise
de vive voix à leurs disciples ou à leurs suc-
cesseurs, et qui est venue à nous par l'en-
seignement des pasleuis, dont les premiers
ont été instruits par les apôtres. En d'aulros
termes, c'est renseignement co\islant et per-
pétuel de l'Eglise universelle, connu par la
voix uniforme de ses pasteurs , qu'elle
nomme les Pères, par les décisions des con-
ciles, par les pratiques du culte public, par
les prières et les cérémonies de la liturgie,
807
TRA
par le témoignage même de quelques auteurs
profanes el dos hérétiques.
L'autorité el la nécessité de la tradition ,
ainsi conçue, est déjà prouvée par les mêmes
raisons p.ir lesquelles nous avons fait voir
que l'Ecriture sainte ne peut pas être la
seule règle de notre foi. Voy. Dépôt, Doc-
trine CHHÉTrENNE, ECRITDRE, EgLISE , PÈ-
RES, etc. Mais, comme c'est ici le point capi-
tal qui dislingue les catholiques d'avec les
sectes héléioiloxes, el en particulier d'avec
les protestants, il est essentiel de répéler les
principales de ces preuves , d'en montrer
i'en( haînemeiit et les conséquences, d'y en
ajouter d'autres, et de résoudre quelques
objections auxquelles nous n'avons pas en-
core salislail.
Première preuve. L'Ecriture sainte. Saint
Paul écrit aux Thcssalouiciens, Epist. Il,
G. u, V. 14, Demeurez fermes , mes frères, el
gardez les TRAniTi0NS7»(« voiis avez apprises,
soit par mes discours, suit parwia lettre. Aux
Corinthiens. Epist. I , c. xi, v. 2 : Je vous
lotie, mes frères, de ce que vous vous souwnez
de moi dans toutes les occasions, et de ce que
vous gardez mes préceptes comme je vous les
ai donnés. Au lieu de mes préceptes, le grec
porte mes traditions. Il dit, / Tim., c. vi,
V. 20 : 0 Timolhét, gfcrdez le dépôt, évitez
les nuuveautùs profanes et les contradictions
faussement nommées science. Il Tim. C. i, v.
13. Ai/ez une formule des vérités gue tous avez
entendues de mu bouche ...., gardez ce bon
dépôt par le Saint-Esprit; c. ii, v. 2, ce que
vous avez appris de iimi devant une multitude
de témoins, confiez-le âdis hommes fjd cl es qui
seront capables d enseigner les autres. Il dit
aux Hébreux, c. vi, v. 1, qu'il ne veut pas
leur parler de la pénitence, des œuvres mor-
tes, de la loi en Dieu, des différentes espèces
de baplênie, de l'imposition des mains, de la
résurrection des morts et du juj^ement
éternel , mais qu'il le fera, si Dieu le per-
met.
Nous ne voyons point que saint Paul ail
Irailé toutes ces matières dans ses lettres ;
il en a donc instruit les fidèles de vive voix.
Or, il met de pair les vérités qu'il a ensei-
gnées dans ses discours, et celles qu'il a
écrites, les unes et les autres formaienl le
dépôt qu'il confiait à Timolhée, et (ju'il lui
ordonnait île Iransraellre à ceux qui seraient
capables d'enseigner. S'il n'avail voulu i)ar-
1er que de vérités écrites, il aurait dit : Faites
un recueil de mes lettres , gardez-les , el
donnez-en des copies à des hommes capa-
bles d'enseigner; jamais saint Paul n'a
nommé l'Ecriture sainte une formule de vé-
rités. Les protestants répondent que les apô-
tres écrivaient les mêmes choses qu'ils prê-
chaient. Assurément ils n'onl pas écrit des
choses contraires à ce qu'ils ensei;^naient de
vive voix ; mais la question est de prouver
qu'ils oui uiis par écrit toutes les vérités
qu'ils ont prêcliées , sans exception ; or ,
saint Paul témoigne que cela n'est point; il
serait impossible que cet apôtre eût reu-
feraié en quatorze lettres tout ce qu'il a en-
seigné pendant trente-trois ans.
TRA 808
Seconde preuve. Pendant deux mille qua-
tre cents ans, Dieu a conservé la religion
des patri.'irches par la tradition seule, et
pendant quinze cents ans celle des Juifs, au-
tant par la tradition que par l'Ecriture;
pourquoi aurait-il changé de conduite à
l'égard delà religion chrétienne? Moïse,
près de mourir, dit aux Juifs, D ut., c. xxxu,
V. 7 : Souvenez-vous des anciens temps, con-
sidérez toutes les générations. Interrogez vo~
tre père, el il vous enseignera; vos aïeux et
ils vous instruiront. U ne dit pas : Lisez mes
livres, consultez l'histoire des premiers âges
du monde que j'ai écrite el que je vous laisse.
Ils le devaient, sans doute; mais sans le se-
cours de la tradition de leurs pères , ils
n'auraient pas pu entendre parfaitement ces
livres. Moïse ne s'était pas contenté d'écrire
les prodiges que Dieu avait opérés en faveur
de son peuple, il en avait établi des monu-
ments , des rites commémoratifs , pour en
rappeler le souvenir, el il avait ordonné aux
Juifs d'en expliquer le sens à leurs enfants,
afin de les leur graver dans la mémoire,
Deut., c. VI, V. 20, etc. Pourquoi ces précau-
tions, si l'Ecriture suffisait? David dit, Ps.
Lxxvii, v. 3 : Combien de choses n'avons-
nous pas apprises de la bouche de nos pères...?
Combien de vérités Dieu leur a ordonné d'en-
seigner à leurs enfants, afin de les faire con-
naître aux générations futures? Ils en use-
ront de même à l'égard de leurs descendants,
afin qu'ils mettent en Dieu leur espérance,
qu'ils n'oublient point ce qu'il a fait, et qu'ils
apprennent ses commandements. A qu<ii bon
ces leçons des pères, s'il suffisait de lire les
livres saints ? Nous ne voyons point de lec-
tures publiques établies chez les Juifs avant
le retour de la captivilé, et il s'étail pour
lors écoulé mille ans depuis la mort de
Moïse. Ce législateur, ni aucun des pro-
phètes, n'a ordonné aux Juifs d'apprendre à
lire.
Troisième preuve. Dieu a établi le chris-
tianisme principalement par la prédication,
par les instructions de vive voix, el non par
la lecture des livres saints. Saint Paul ne dit
point que la foi vient dn la lecture, mais de
l'ouïe, cl que l'ouïe vient de la prédication ,
Fides ex audilu, auditus aulein per verbum
Chrisli (Rom. x, 17). il y a sept apôtres des-
quels nous n'avons aucun écrit ni aucune
preuve qu'ils en aient laissé. Cependant ils
ont fondé des Eglises qui ont subsisté après
eux, et qui ont conservé leur foi très-long—
lemps avant qu'elles aient pu avoir l'Ecri-
ture sainte dans leur langue. Sur la fin du
ir siècle, saint Irénée a témoigné qu'il y
avait chez les l)arb;ir s des l'^glises qui n'a-
vaient point encore d'Ecriture , mais qui
conservaient la doctrine du salut, écrite dans
leur cœur par le Saint-Esprit, et qui gar-
daient soigneusement l'ancienne tradition,
Conlra Hœr., I. m, c. k, n. 2. Aucune ver-
sion n'a été l'aile par les apôires, ni de leur
temps; ce que dirent les protestants de la
haute antiiuiié de la version syriaque
est avancé sans aucune preuve. Voy. Ver-
sion.
809
TRÂ
TRA
810
Pour la commodité de leur svsième, ils
supposent et ils iissurent que, dôs le temps
des jipiMres , l'iicrlture sainte fut traduite
dans les langues de tous les peuples qui
avaient emhrassé le christianisme; nous
pouvoiK le nier hardiment. A la réserve de
la tr.uiuclion j^rec(iue desSeplante, nous ne
connaissons la dale précise d'aucune des
anciennes version».. Les proteslaiits ne ces-
sent de ré|iéter (|ue celle di'S Seplanle est
tiès-l'aulive, qu'elle a été la cause de la plu-
part des erreurs qu'ils roproehent aux Pè-
res de l'Eglise ; c'est néanmoins sur cette
version que la |>lupari des autres ont été
faites. Ils disent que le grec éiait entendu
partout ; cela est (aux. Dans la plupart des
provinces romaines, le peuple n'avait pas
filus l'iulelligence du grec qu'il n'a celle du
atin parmi uous, et hors des limites de l'em-
pire cette langue n'étail d'aucun usage. Il y
a eu des nations chrétiennes dans le langau;e
desquelles l'Ecriture sainte n'a jamais été
traduite. On sait d'ailleurs combien l'usage
des lettres était rare chez la plupart des na-
tions dans les temps dont nous parlons. A la
vérité, Théodoret, Thérupeut., liv. v, dit
que de son temi>s les livres des Hébreux
étaient traduits dans les langues des \\o-
mains, des Egyptiens, des Perses, des Indiens,
des Arméniens, des Scythes et des Sarmates,
en un mot, dans toutes les langues dont les
différentes nations se servaient pour lors. Si
ce passage inconmiodait les protestants, ils
demanderaient comment Théodoret a pu le
savoir ; ils diraient (|ue c'est un fait hasardé
et certainement exagéré , que l'Ecriture
sainte n'a été traduite ni en langue punique
Usitée à Malte el sur les côtes de l'Afrique,
ni en ancien espagnol, ni eu celte, ni eu an-
cien breton, qiioi(|ue ces peuples fussent
déjà chrétiens. Nous ne doutons pas qu'au
ciuiiuième siècle il n'y ait eu quehjucs li-
vres hébreux traduits dans les différentes
langues dont parle Théodoret ; mais on ne
prouvera jamais qu'ils l'étaient tous, et ce
Père ne parle point du Nouveau Testament.
D'ailleurs il y avait pour lors près de quatre
cenis ans que le christianisme était prêché ;
le IV siècle qui avait précédé, avait été un
temps de lumières, de travaux apostoliques,
décrits de toute espèce faits par les Pères
de l'Eglise , au lieu que les trois premiers
avaient été un temps de souffrance el de
persécution.
Malgré ces faits , nos adversaires soutien-
nent gravemeut que Jésus-Christ et les apô-
tres n'auraient pas agi sagement , s'ils
avaient coiiQé les dogmes de la loi à la faible
et trompeuse mémoire îles homu>e$, à l'in-
certitude des événements , à la vicissitude
continuelle des siècles, et s'ils n'avaient pas
mis par l'Ecriture ces vérités divines sous
les yeux des hommes ; Mosheim, Hist.
christ., w part., sec. 3, c. 3, § 3. Ces criti-
ques téméraires ne voient pas qu'ils accu-
sent réellement Jésus-Chrit:i et les apôtres
d'avoir manqué de ?agesse. Car enCii ' oici
des faits positifs (|ui ne se détruisent point
par des présou.plious , savoir, qucJésus-
Picx.de TacQL pqghatiquc, IV.
Christ n'a rien écrit, qu'il n'a point ordonné
à ses apôtres d'écrire, que sept d'entre eux
n'ont rien laissé par écrit, que les autres
n'ont fait Ir.iduire aucun livre de l'Ecriture,
que la plupart des versions n'ont été faites
que longtemps après eux, à mesure que les
églises sont devenues nombreuses dans les
divers pays du monde. Il est singulier que
des dispuleurs qui exigent que nous leur
prouvions tout par écrit, forgent si aisément
les la-ls qui peuvent élayer leur système. Ils
en imposent grossièrement, lorsqu'ils prc-
tcndeul que les dogmes de foi prêches pu-
bliquement et tous les jours, enseignés au
commun des fidèles dès l'enfance , exposés
aux yeux de tous par les pratii|ues du culte,
lépétés et inculqués par les prières de la li-
turgie , sont contiès à la mémoire trompeuse
des hommes. Nos mœurs, nos usages, nos
droits, nos devoirs les plus essentiels, sont
confiés au même dépôt, et il n'en est point
de plus incorruptible. Dieu a-t-il donc man-
qué de sagesse en négligeant de faire écrire
avant Moïse les dogmes qu'il avait ensei-
gnés aux premiers hommes deux mille
quatre cents ans auparavant? Faut-il abso-
lument savoir lire pour être capable de faire
des actes de foi el d'obtenir le salut.
L'on a vu des personnes ignorantes, des
femmes, des esclaves, faire des conversions.
C'est par des vertus , par des miracles , et
non par les livres seuls, que Dieu a converti
le monde. D'ailleurs les apôtres savaient que
l"urs disciples écriraient; ils ont donc pu se
reposer sur eux de ce soin , aussi bien que
de celui d'enseigner les fidèles : or, ce (jue
ces disciples ont écrit n'est plus confié à la
seule mémoire des hommes, quoiqu'il ne soit
pas dans l'Ecriture sainte.
Quatrième preuve. Si Jésus-Christ et les
apôtres avaient voulu que la doctrine chré-
tienne fût répandue et conservée par l'Ecri-
ture seule, il n'aurait pas été besoin d'éta-
blir une succession de pasteurs et de doc-
teurs, pour en perpétuer l'enseignement;
les apôtres se seraient contentés de mettre
l'Ecriture à la main des fidèles, el de leur en
recommander la lecture assidue. Ils ont fait
tout le contraire. Saint Paul dit que c'est
Jésus-Christ qui <t donné des pasteurs et des
docteurs , aussi bien que des apôtres et des
prophètes, afin ijuils travaillent à la perfec-
tion des saints, aux fondions de leur minis-
tère, à l'édification du corps mystii/ue de Jé-
susChrisl, jusqu'à ce que nous parvenions
tous à l'imité de lu foi et de la connaissance
du Fils de Dieu [Ephes., iv, llj. Il décide que
personne ne doit prêcher sans -mission ,
Jiom., c. X, v. 15. Est-ce le peuple qui la
donne? Non, c'est le Saint-Esprit qui a éta-
bli les évéques pour gouverner l'Eglise de
Dieu, Act., c. xx, v. 28. Celte mission se
donne par l'imposition des m lins, / Tim.,
c. IV, v, 14 ; et quand un pasteur l'a reçue,
il peut la donner à d'autres, c. v, v. 22. L'A-
pôire recommauile la lecture de l'tù'riture
$;iiute, uon aux siiii|>les fitièles , mais à ua
.eur, parce qu'elle est utile pour ensei-
</««»", pour reprendre, pour corriger, pour
20
811
TM
TRA
812
instruire dans Injustice, pour rendre parfait
un homme de Dieu, ou un ministre de Dieu,
Il Tiin., c. IV, V. 16. Il n'ajoute point qu'elle
est utile à tous les fidèles pour apprendre
leur religion. Saint Pierre les averlit au con-
traire qu'il ii'apparlirnl pas à tous de l'in-
térpréler, que les ignorants et les esprits lé-
gers la pervertissent pour leur propre perte,
11 Petr., c. I, V. 20; c.- m, v. 16. Mais les
protestants, plus éclairés sans doute que les
apôtres, prétendent que tout fidèle doit lire
l'Ecrilure sainte pour y apprendre ce qu'il
doit croire , et que tous sont capables de
l'entendre.
Loin de convenir que les pasteurs et les
docteurs ont travaillé à la perfection des
saints et à l'unilé de la foi, ils soutiennent
que ce sont eux qui l'ont corrompue, et
qu'ils s'y sont appliqués depuis la mort des
apôtres jusqu'au xvi" siècle. Cependant Jé-
sus-Christ avait promis d'être avec ses apô-
tres jusqu'à la (in des siècles , Matth., c.
XXVIII, v. 20 ; de leur envoyer l'Esprit de
vérité pour toujours, Joan., c. xiv, v. 16;
mais, selon l'opinion des prolestants, il n'a
pas tenu parole. Il avait aussi promis d'ac-
corder aux fidèles le dondes miracles, Marc,
c. xvi, V. 17, et nos adversaires conviennent
qu'il a exécuté celle promesse, du moins
pendant les trois premiers siècles de l'E-
glise ; quant à la première, qui n'était pas
moins nécessaire , elle est demeurée sans
exécution; la seule grâce qtie Jésus-Christ
ait faite à son Eglise a été d'y conserver k'S
saintes Ecritures sans altération, entre les
uiains de dépositaires fort suspects. Mais
sans l'assislanco du Saint-Esprit , à quoi
cette dernière grâce a-t-elle pu servir ? C'est
sur le sens des Ecritures que la plupart des
disputes, des schismes , des hérésies, sont
arrivés dans l'Eglise. Si Jésus-Christ lui a
conservé l'esprit de vérité pour déterminer
et fixer ce sens, toute dispute est finie, il
s'ensuit que l'Eglise a conservé pure la doc-
Irine de son divin Maître et qu'elle a eu
droit de condamner les hérétiques. Si cela
n'est point, l'Etrilure est la pomme de dis-
corde qui a divisé tous les esprits ; faute do
la consulter ou de la bien entendre, les pas-
leurs de l'Eglise ont altéré la doctrine chré-
tienne, les hérétiques ont bien fait de mé-
priser ses analhèmes, il y a autant de pré-
somption en faveur de leur doctrine qu'en
faveur de la sienne. Cependant Jésus-Christ
a détruit le très-grand nombre des hérésies
et a conservé l'Eglise ; où est l'équité, où est
la sagesse de ce divin législateur? C'est aux
protestants de nous expliquer ce phcno-
inèae.
Cinqtwme preuve. Toulle monde convient
que la certitude morale , fondée sur le té-
moignage des hommes, est lu base de la so-
ciété civile, elle ne l'est pas moins à l'égard
d'une religion révélée, puisque celie-ci
porto sur le fait de la revélaiion; ol ce fait
général en renferme une infinité d'autres.
Tous sont prouvés par des témoignages, et
l'on démoutru aux déistes que la certitude
(^ii\ en résulte doit exclure toute espèce de
doute raisonnable, et prévaloir sur tout ar-
gument spéculatif. En effet, lorsqu'un fait
sensible est attesté par une multitude de té-
moins qui n'ont pu agir par collusion, qui
étaient de dilTérenls âges el de divers carac-
tères, dont les intérêts, les p^is^ons, les pré-
jugés nepouvaienlêtre les mêmes, quiétaient
de différents pays, et qui ne se parlaient pas
la même langue, il est impossible que tant
de témoignages réunis sur un fait soient su-
jets à l'erreur, il ne sert à rien de dire que
chaque témoin en particulier a pu se trom-
per ou vouloir tromper, qu'aucun n'est in-
faillible; il n'est pas moins évident que
l'uniformité de leur attestation nous donne
une certitude entière du fait dont ils dépo-
sent. Ils méritent encore plus de croyance,
lorsque ce sont des hommes revêtus «de ca-
ractère pour rendre témoignage du fuit dont
il s'agit, bien persuadés qu'il ne leur est pas
permis de le déguiser ni d'en imposer, qu'ils
ne pourraient le faire sans s'exposer à être
contredits, couverts d'opprobre, dégradés et
dépossédés de leur état. Or les pasteurs de
l'Eglise sont autant de témoins revêtus de
toutes ces conditions pour rendre témoi-
gnage de ce qu'ont enseigné les apôtres, de
ce qui a été cru , professé et prêché publi-
quement dans toutes les Eglises qu'ils ont
fondées.
S'il y a dans le christianisme une question
essentielle , c'est de savoir quels sont les li-
vres que nous devons regarder comme Ecri-
ture sainte et parole de Dieu ; les protestants
sont forcés d'avouer que nous ne pouvons
en être informés que par le témoignage des
anciens Pères, pasteurs des églises, déposi-
taires et orgines de la tnidition. Mais si ces
Pères ont été ignorants , crédules , souvent
trompés par des livres apocryphes, tels qu'ils
sont peints par les protestants, quelle cer-
titude peut nous donner leur témoignage?
Pour fonder noire foi, il faut être assuré
que ces livres ont été conservés dans leur
entier, et non altérés et falsifiés ; qui nous
le certifiera, si les Pères ont élc capables
d'user de fraudes pieuses? On dira qu'il ne
leur était pas possible d'altérer les livres
saints, parce que ces livres étaient lus pu-
bliquement et journellement dans les as-
semblées des fidèles, et parce que la con-
frontation des exemplaires aurait découvert
la fraude. Nous en convenons. Mais les au-
tres points de la doctrine chrétienne n'y
étaient pas prêches moins publiquement ni
moins assidûment ; s'il y était survenu de
l'altération quelque part , la comparaison
de celte doctrine avec celle des autres églises
aurait fait le même effet que la confron-
tation des din'érenles copies des livres saints.
Un protestant célèbre et irès-prévenu con-
tre la tradition l'a compris. Beausolire, dans
son Discours sur les liins npocryjiltis, Uist.
du Munich., icnn. I, p. 4V1 , du (ine pour
discerner si un livre c ait apocr\plie ou au-
thentique, les i'ères en ont compare la doc-
trine avec celle que les apôtres avaient préf
chée dans toutes les églises, et qui était uni-
forme. Donc ilrecoiinuilque la tradition do
gis TRA
ces élises éiail un léiaoignnge irrécusable ,
et que ics Pèros oui élé cap.ihles de le rei»«
tire sans aucun (liiua;i;r il'i'ricur. « La tra-
dition, dil-il, ou lo loinoijj;naf;c de riîglise ,
lorsqu'il est bien vérilié, est une preuve so-
liile de la certitude dos laits et de la Cf.rli-
tudc de la doctrine. » Cet avi'u est remar-
quable. Il ajoulo , en seeond lii'U, que les
Pores ont pu savoir ceriaiiieinent (juels
étaient les livres donnés aux i!!;{lis<'s par les
apôtres et par les iiuuinies apustoli(|ues, dès
le conimencenuMil , parce (lu'il y a eu dans
l'Eglise une succession couiinue d'évéquea,
de prèlres , d'écrivains ecclésiaslii]ui's qui ,
de|)uis les apôlres, ont instruit les Ei^llses ,
et dont on no pouvait pas récuser le témoi-
gnage. Il dii enfin que les Pères ont comparé
les livres qui venaient cerlaiuerueut des apô-
tres avec les aulres , pour savoir si ceux-ci
ressemblaient aux premiers, que c'est la rè-
gle et la maxime de tous les critiques.
Voilà donc les anciens Pères reco n nus capa-
bles de confronter la doctrine desKglises avec
celle des livres sainls, capahles de porter un
témoignage irrécusable sur la conformité de
l'une avec l'aulie, caijables d'user de li cri-
tique pour comparer le ton, le sljle, la ma-
nière des écriis inconteslablemenljaiposloli-
ques, avec la manière de ceux desquels
raulhenlicilé n'était pas encore universelle-
ment reconnue. Si Beausohre et les autres
protestants avaient toujours rendu la même
justice aux Pères de l'iilglise , nous leur en
saurions gré. Or, puisque ces Pères sont di-
gnes de foi lorsqu'ils disent ; Voilà les litres
que les apôtres nous ont laisses comme divins,
ils ue le sont pas moins lorsqu'ils disent :
Telle est la do<trine que les apiUres ont en-
seignée à nos l<!glises, et tel est le sens qu'ils
ont donné à tel ou tel pissage. Ainsi, loriqu'en
3'2o, au concile de Nicéo, plus de trois cents
évéques , rassemblés non-seulement des dif-
férentes parties de l'empire romain , mais
encore d'autres contrées, rendirent unifor-
mément témoignage que le do^me de la di-
vinité du Verbe avait été enseigné par les
apôlres, toujours cru et professé dans les
églises dont ces évéques eiaienl pasteurs;
que par ces paro'es de l'iivang le : AJon Père
et moi sommes une même chose, ou avait tou-
jours entendu que le lils était consubslan-
tiel au Père: ()ue manquait-il à cette altes-
talion pour donner de ces faits une certitude
murale, eniièi e cl cnuplèie ? Oiiand ce même
témoignage aurait été rendu p.ir les évéques
disperses dans leurs sièges, et consigné dans
leurs écrits, il n'aurait été ni moins fort ni
moins inconlestahle. Jusqu'à présent nous
D'avons vu dans les ouvrages de nos adver-
saires aucune réponse à celte preuve. Ils di-
ront peut-être qu'en fait de dogme et de doc-
trine la preuve par témoins n'est pas admis-
sible. Pure équivoque. Lorsqu'il s'a;^il de
jugrr par iious-niéines si un dogme est vrai
ou taux, cunl'oi nie ou contraire à la raison,
mile uu pi'rnicieu\, ce n'est plus le cas de
Consulter des témoins ; mais quand il est seu-
lenieut question de savoir si tel dogme a été
enseigné aux fidèles par les apôlres, s'il a
TBâ
814
élé prêché et professé eonstammenl dans les
égli^eB, c'esl un f.iil sensible, public, écla-
tant, qui ne peut être constaté que p;u' des
lémoigiiagcs. Or, dès qu'il est certain qu«
It's apôlres l'ont enseigné, toute autre ques-
tion eit superlliie.
Dans les Iribunanx de nmgistrature on in-
terroge également les lenioins sur ce qu'il»
oui vu et sur ce qu'ils ont entendu; leur dé-
position f.iil loi sur l'un et sur l'autre de ces
deux faits. Les apôlres luix-mêmes nous ont
donné l'exemple de celle méihode : Nous ne
puHiwns nous (/(s/;f«ser, disent suint Pierre
et sailli Jean, de publier ce (/ne nous avuns
vu el entendu (Art. iv, '20.) Nous vous annon-
çons et nous vuus attestons ce que nous avons
entendu, ce que nous avons vu, ce que nous
avons louché de nos mains, au sujet du Verbe
vivant (/ Juan,, i). Iminédiaieuienl après la
mort des apôlres, Cériulhe, lîbion, Saturnin,
lî.isiliile el d'autres nièrent la création , la
iliviuilé de Jésus-Cbrisl, la réalité de sa cbair,
de sa mort, de sa résurrection, el le doguie
de la résurrection future. Que leur opposè-
rent saint Starnabé, saint Clémenl, saint Po«
Ij'carpe, saint Ignace'? la prédiralion des
apôtres i\{x\ avaient été leurs maîtres. Pour
préserver les fidèles de l'erreur, ils leur re-
commandent de se tenir allacliés à la tradi-
tion des apôlres cl à la doctrine qui leur est
enseignée par leurs pasteurs; nous citerons
ci-après leurs paroles. Donc au n= et au iir
siècle, lorsqu'il est survenu d'autres héréti-
ques, les Pères ont dû leur répondre de mê-
me : Votre doctrine n'est p.is celle (]ui nous
a élé enseignée par les successeurs immédials
des apôlres. Saint Irénée, d;ii\s liusèhe, Hist.
ecclés., I. v, c. 20. — Si l'on prétend que celte
preuve de fait a perdu sa force par la suc-
cession des temps, il faudra soutenir aussi
((u'elle est détenue caduque à l'égard des
aulres faits sur lesquels le clirisiianisme est
fondé, et en particulier à l'égard de la ques-
tion de savoir quels sont les livres qui nous
ont été donnés par les apôlres comme Ecri-
ture sainte.
Sixième preuve. Des réflexions que nous
venons de faire , il s'ensuit déjà que l'iicri-
ture seule n'aurait pas ele un moyen sulG-
sanl pour répandre et (lour conserver la
doctrine de Jésus-C.brist, s'il n'y avait pas
un ministère, une mission, un enseignement
publie pour altesler aux fidèles l'aulbcnli-
cile, l'iutégrilé, la divinité des livres saints,
pour les leur exp iquer el leur en donner le
véritable sens. Mais celle vérité est encore
conliruiéepard'autres raisons. 1" Dans les pre-
miers siècles, peu de personnes avaient l'u-
sage des lettres, et l'ignorance devint encore
plus générale après l'inondation des peuples
barbares. Avant l'invention de l'imprimerie,
une Bible était un livre très-cher, et les exem-
plaires n'en étaient pas communs. Il est évi-
dent que pendant quatorze cents ans les
trois quarts et demi ties chrétiens étaient ré-
duits aux seules insiruelions des p.isteurs ;
nous ne croyons pas pour cela que le salut
leur ait été beaucoup plus difQcile qu'à nous.
Dieu ne l'a jamais attaché à des moyens ra*
815
TBA
TRA
816
res , (iisppndieux . presque impraticables;
Moïso le fnil remarquer aux Juifs, Beat.,
e. XXX, V. 11 ; il n'y a pas lieu de penser que
Dieu en agil avec moins de bonté envers les
chrétiens : nous avons fait voir ailleurs que
dans riiglise catholique la foi des simples
et des ignorants , fondée sur la mission des
pasteurs qui les instruisent, et sur la tradi-
tion, est Irès-sage et très-solide. Nous exa-
niinerons ci-après si celltî du commun des
protestants est plus certaine et mieux ap-
puyée. 2° Le très-grand nombre des vérités
de loi , comme la sainte Trinité, l'incarna-
tion, la rédemption du monde, la résurrec-
tion future, la nature du bonheur éternel ,
les supplices de l'enfer , la communication
du péché originel, l'effet des sacrements, ce-
lui de l'eucharistie en particulier, la prédes-
tination, refficaciic de la grâce, etc., sont
des mystères iiicompréheusibles. De quel-
que manière qu'ils soient couchés par écrit,
il nous restera toujours des doutes sur le
sens des termes, parce que le langage hu-
main ne peut nous en fournir d'assez clairs.
L'oubli <les langues originales, la variété
des versions, l'inexactitude des copies, l'é-
quivoque des mots, lechangementdes mœurs
et des usages, la bizarrerie des esprits , les
subtilités de grammaire, les sophismes des
hérétiques, laisseront toujours des inquié-
tudes au cttmmun des lecteurs. Quand il y
aarait beaucoup d'hommes capables de sur-
monter tous ces obstacles, s'ils n'ont ni ca-
ractère, ni mission, ni autorité divine, à quel
litre pourrons-nous leur ajouter foi ? 3° Les
protestants ont beau répéter que l'Ecriiure
sainte rst claire sur tous les articles essen-
tiels du christianisme, il n'en est pas un seul
que les hérétiques n'aient attaqué par l'K-
critnre même. Jamais deux sectes ojiposées
n ont manqué d'y trouver chacune des p is-
sages favorables ; point d'absurdité que l'on
n'ait étayée p:irlà : cet abusa commencé avec
le christianisme, et il dure encore. Dieu nous
a-l-il donné, pour seul moyen d'apprendre,
notre croyance , la pierre d'achoppcmont
contre laquelle se sont heurtés tous les mé-
créants.
Mais ces réflexions , quelque évidentes
qu'elles soient, paraissent aux protestants
autant de blasphèmes : ils nous accusent de
déprimer l'Ecriture ou la parole de Dieu, de
la faire envisager comme un livre inutile
dont la lecture est dangereuse; de mettre la
tradition, qui n'est que la parole des hom-
mes, au-dessus de celle de Dieu , comme si
Dieu ne savait pas mieux parler que les hom-
mes , etc. Pures calomnies cent lois réfutées.
Ce n'est point déprimer l'Ecriture sainte, que
de la représenter telle que Dieu nous l'a
donnée: en la faisant écrire par des hom-
mes inspirés , il n'a pas changé la nature du
langage humain ni l'essence des choses. Les
protestants eux-mêmes conviennent que ,
pour l'entendre, il faut l'assistance du Saint-
Esprit, et ils disent que Dieu ne la refuse
point à un fidèle docile, qui cherche sincè-
rement la vérité. De no'recôté, nous soute-
nons que Dieu !i'a poiut ])rouiis cette ussis-
tance à chaque fidèle , mais à son Eglise ,
aux apôtres et à leurs successeurs, aux pas-
leurs chargés d'enseigner; que quiconque
refnse de les écouter n'est plus ni Gdèle, ni
docile, ni sincère, puisqu'il résiste à l'ordre
de Dieu, et que , par un orgueil téméraire,
il se croit mieux inspiré que l'Eglise entière ;
qu'il y a du fanatisme à nommer parole de
Dieu le sens qu'il plaît à chaque particulier
de donner à l'Ecriture sainte, sons prétexte
que c'est Dieu qui le lui fait connaître. Loin
de rejeter l'Ecriture sainte, nous la mettons
toujours à la tête de toutes nos preuves
théologiques ; et lorsque 1er. hétérodoxes en
dél 'uriienl le sens, lorsqu'ils disent que les
passages que nous citons sont obscurs, et
que nous en lirons de fausses conséquences,
nous leur répliquons que ce n'est ni à eux
ni à nous de juger définitivement cette con-
testation , que c'est à l'Eglise , au corps des
pasteurs auxquels Dieu a donné mission et
autorité pour enseigner, par conséquent,
pour expliquer le vrai si^ns de l'Ecriture.
Nous ajoutons que si l'Ecriture garde un si-
lence absolu sur un point de doctrine, et s'il
est enseigné néanmoins par l'Eglise ou par
le corps des pasteurs, nous devons y croire,
parce qu'ils ont toujours fait profession de
n'enseigner que ce qu'ils avaient reçu , par
tradition , des apôtres, et que la parole des
apôtres, qui est la parole de Dieu, n'est pas
moins respectable non écrite que quand elle
est écrite. Nous avons donc pour cette divine
parole un respect plus sincère que les pro-
testants.
• Pour nous rendre odieux, ils nous repro-
chent de favoriser le déisme et le pyrrho-
nisme. En effet, les déistes ont fait ce rai-
sonnement : D'un côté les catholiques prou-
vent que l'Ecriture seule ne peut donner
aux chrétiens une entière crrlilude de leur
croyance, de l'autre les protestants soutien-
nent que la tradition peut encore moins
produire cet eflét; donc 1rs chrétiens n'ont
aucune preuve de leur fui. Il nous paraît
d'abord fort aisé de retourner l'argument et
de dire : D'un côté les catholiques |)rou\ent
que la tradition leur donne une certitude
entière de la vraie doctrine île Jé^us-Chrisl,
de l'autre les prolestants soutiennent que
l'Ecriture seule suffit pour opérer cet effet;
donc l'Ecriture et la tradition réunies don-
nent une certitude encore plus complète.
Que peuvent répondre les déistes?
Au lieu de les réfuter ainsi, les protestants
ont jugé qu'il était mieux de faire retomber
ce sophisme sur nous seuls. Ils disent : Nous
prouvons évidemment que la tradition est
souvent fausse et trompeuse ; donc , si vous
venez à bout de démontrer que l'Ecriture
est insuffisante , vous ôlez tout fondement
aux vérités de la foi, vous donnez gain de
cause aux incrédules. — Outre le ridicule
qu'il y a de leur part à s'attribuer la vic-
toire, lorsque le combat dure encore, nous
lenr demandons si la certitude de notre foi
est fondée sur deux preuves, savoir, l'Ecri-
ture et la «rad/Hon , lequel des deux partis
lui porto le i>lus de préjudice, celui qui veut
817
TRA
TR\
818
qu'on les réunisse et que l'on soutienne l'une
par l'autre, ou celui qui rejette atjsolament
l'une des diux? L'entêtement do nos adver-
saires est de supposer toujours que nous re-
jetons l'Ecriture comme ils rejellent la tra-
dition; fausseté notoire. Encore une fois,
nous disons que l'Ecriture sainte expliquée
et suppléée par la tradition est une règle
sûre, divine, infaillible, à laquelle tout chré-
liin doit se soumellre sans hésiter; mais que
l'Ecrilure sainte sans la tradition, et livrée
à l'interpiéliilion arbitraire de chaque par-
ticulier, est une source inlaillible d'erreur;
nous no rejetons donc que la méthode pro-
testante d'user de l'Ecriture, et non l'Kcri-
lure elle-même.
Ils insistent cependant encore, et ils disent:
Malgré l'efficucilé que vous attribuez «ivoire
double règle, elle n'a p.is empêché parmi
vous les erreurs de naître et les disfiutes de
continuer; donc vous n'êtes pas plus avan-
cés avec deux règles que nous ne le sommes
avec une seule. Nous répondons qu'il ne
peut naître parmi nous aucune erreur, tant
que tout théologien demeurera également
soumis à l'Iîcrilure sainte et à la tradition:
s'il y en a qui s'écartent de l'une ou de l'au-
tre, ils lomberoiil dans l'erreur sans doute;
mais alors ce sera leur faute, et non celle de
la règle. Quant aux disputes des théologiens
catholiques, elles n'intéressent en rien la foi
ni les mœurs; tous reçoivent la même pro-
fession de croyance, il n'y a point de schisuie
entre eux. Parmi les hérétiques, au con-
traire, malgré leur déféreiue apparente à
l'Ecriture, il s'en est trouvé plusieurs qui
ont nié des articles essentiels au christia-
nisme, et dès qu'ils ont eu un certain nom-
bre de partisans, ils ont fait bande à part,
.lamais ils n'ont pu dr<'sser une confession
de foi qui ait réconcilié deux, sectes, quoi-
qu'ils l'aient souvent tenté.
On nous detnandera peut-être si la néces-
sité de la tradition , que nous regardons
comme un article fondamental, est couchée
dans le symbole. Nous soutenons qu'elle y
est dans ces paroles: Je croisla sainte Eijlise
catholique; aux mots Catholique et Catho-
licisme, nous avons lait voir que cet article
signifie : Je crois que la sainte et véritable
Eglise est celle qui prend pour règle de foi
la catholicité, c'est-à-dire la tradition, la
croyance, l'enseignement constant et uni-
forme de toutes les églises dont elle est com-
posée. Au besoin, nous trouverionsencore le
même sens dans ces mots : Je crois la com-
munion des saints; il n'\ a plus île commu-
nion entre des sectes qui n'ont pas la même
croyance.
« t>s mots, dit le savant Rossuet, Je crois
l'Eglise catholique, ne signifient pas seule-
ment, je crois qu'elle est, mais encore, je
crois ce qu'elle croit; autrement ce n'est
plus croire qu'elle est, puisque le fond et,
pour ainsi dire, la substance de son être,
c'est sa foi qu'elle déclare à tout l'univeMs. »
\'oy. Esprit de Leibnitz, t. Il, p. 10.
Sepliime preuve. Personne n'a pu mieux
savoir de quelle manière il faut acquérir et
conserver la foi, que ceux qui ont été char-
gés par les apôtres de l'enseigner : or, ils
recommandent l'attachement à la tradition,
et non l'étude de l'Kcriture sainte. Saint
Barnabe, Epist., ii. 5, dit aux fidèles : « Vous
ne devez point vous séparer les uns des au-
tres, en vous croyant justes : mais tous ras-
semblés, cherchez ce qui est utile et conve-
nable à <les amis de Dieu ; ( ar l'Ecriture dit :
Malheur à ceux qui se croient seuls intelli-
gents, et se llallent intérieuroiiient d'être sa-
vants. » Le Clerc, dans une note sur ce pas-
sage, croit que l'.iuleur fait allusion à l'or-
gueil des pharisiens , mais il condamne
encore plus évidemment l'orgueil des héré-
tiques, (jui se croient plus intelligents et plus
savants que l'église universelle de laquelle
ils se sont séparés. — Saint Clément, pape,
dans sa première lettre aux Corinthiens, les
réprimande de leurs divisions et du peu de
respect qu'ils avaient pour leur clergé. Il
leur représente, n. 12, que ce sont les apô-
tres qui, animés de l'esiirit de Dieu, ont éta-
bli les évêques et les ministres inférieurs el
qui ont réglé leurs fonctions: or, une de
leurs fonctions est certainement d'ensei-
gner. Il les exhorte, n. 57, à être soumis aux
prêtres, à n'avoir ni orgueil ni arrogance.
Ce saint pontife ne pensait pas qu'un laïque,
une Bible à la main, lût en droit de faire la
leçon à ses pasteurs. — Saint Ignace, sui-
vant la remarque d'Eusèbe, llist. ecclés.,
1. III, c. 36, exhortait les fidèles, dans toutes
les villes où il passait, à se précautionner
contre les erreurs des hérétiques, et à se te-
nir fortement attachés aux traditions des
apôtres ; c'est en effet la morale que ce saini
martyr enseigne dans toutes ses lettres. Ad
Matjnes., n. (i, il exhorte les fidèles à la con-
corde,;! être soumis à l'évêque qui préside
à la place de Dieu, aux prêtres qui repré-
sentent le sénat apostolique , aux diacres
chargés du ministère de Jésus-Christ, à tenir
unanimement avec eux une doctrine invio-
lable. Il le répète, ad Trait., u.'.i, et il ajoute
que sans eux il n'y a point d'Eglise. Il dit
aux Phil;Hlel|)hieus, ii.-2et3:« Kuyez toute
division et toute mauvaise doctrine, suivez
voir»! pasteur comme des brebis dociles ; ii
y a des loups qui paraissent ilignes de foi,
mais qui tieiineiU les fidèles captifs, après lus
avoir séduits par de belles apparences....
Tous ceux qui sont à Dieu et à Jesus-Chrisl
demeurent attachés à leur évêque... Si quel-
qu'un suit un schismatique, il n'héritera pas
du royaume de Dieu ; si queliiu'un a des
sentiments particuliers, il renonce à la pas -
sioii du Sauveur. » — Saiiil Polycarpe, dans
sa Lettre aux Philippiens, n. 10, les exhorte
à demeurer fermes et constants dans la foi,
dans l'amour fraternel, dans la paix et dans
la profession des mêmes vérités. » Or, cela
ne se peut pas faire lorsque chaque particu-
lier veut former lui-même sa propre foi et
entendre l'Ecriture sainte comme il luiplait ;
l'exemple des sectes hétérodoxes le dérudii-
tre. Ainsi ont pensé les disciples immédiats
des apôtres.
Au II' siècle, Hégésippe, selon le rappo
819
TRA
TRA
820
d'Eu<ièbe, liv.iv, c. 22, fit un voyage àRome ;
il'coiisulla un graiiil nombre d'éviHiues, il
Iroiiva la même docîrine dans loules les
éRlises des villes par lesquelles il passa.
Mais à quoi bi>n ces iierqulsilinns, s'il soffi-
6;iil de coiisul'er l'Eiriiure pour connaître
la vraie foi ? Dans le même siècle on lisait
dans les asseinlilées chrétiennes les lellres
des saints évêiiues, aussi hien que celles des
ai'ôlres, ibid., c. 23: chose fort inutile, sui-
vant l'opinion di- nos adversaires. — Saint
Justin, dans sa Lettre â Diof/nèle, n. 11. dit
que 11' Fils de Dieu accorde des lumières à
ceux qui li»s demandent, qui ne fr.inchissent
ni les bornes de la foi, ni crlles qui ont été
posées par les Pères... ; qu'ainsi l'Evangile
s'établit, la tradition des apôtres est jranlée,
et l'Eplise comblée de grâces. — Saint Théo-
phile, évêqiie d'Aiitioche, (irf Autolic. ,\iVi. n,
n. 14-, compare les saintes Eglises dans les-
quelles se conserve la doctrine des apôtres,
à des ports dans lesquels les navigateurs
sont en sûreté, et les hérétiques à des pira-
tes, leurs erreurs à des écueils contre les-
quels les vaisseaux font naufrage. Selon
l'avis des protestants, les fidèles ne sont en
sûreté que quand ils consultent l'Ecrilure
sainte.
Saint Irénée ne pensait pas comme eux,
Contra Har., lib. m, c. 4, n. 1. « 11 ne faut
point, dit-il. chercher ce qui est vrai ailleurs
que dans l'Eglise, dans laquelle les apôtres
ont rassemblé toutes vérités comme dans un
riche dépôt, afin que quiconque veut élan-
cher sa soif puisse y trouver ce breuvage
salutaire. C'est là que l'on reçoit la vie, tius
les autres docteurs sont des larrons et des
voleurs. 11 faut donc les éviter, et consulter
soigneusement les Eglises, pour y trouver la
\raie tradition. Car enfin, s'il y avait une
dispute sur la moindre question, ne faudrait-
il pas recourir aux églises les plus ancien-
nes dans lesquelles les apôtres ont enseigne,
et savoir d'elles ce qu'il y a de vrai et de
certain sur ce sujet? et quand même les apô-
tres ne nous auraient [loint laissé d'Ecritu-
res, ne faudrait-il pas encore suivre l'ordre
de la /rarf?7!(m qu'ils ont donnée à ceux aux-
quels ils confiaient les lîglises? » Il montre
cette nécessité par l'exemple des Eglises fon-
dées chez les barbares, qui n'avaient encore
aucune Ecriture sainte, mais qui suivaient
fidèlement la tradition. Dans le chapitre pré-
cédent il réfute les hérétiques par la tradi-
tion de l'Eglise romaine; et liv. i, c. 10, il
atteste que, malgré la distance des lieux et
la diversité des langues, la tradition est
uniforme partout. Dans une lettre rapportée
par Eusèbe, 1. v, c. 20, il rend témoignage de
l'attention avec laquelle il écoutait les leçons
de saint Polycarpe, disciple immédiat de l'a-
pôtre saint Jean. Cependant un [iroleslant
célèbre prétend que ce Père ne faisait aucun
cas de la trailitiun. Carpocr.ile, dit-il, Va-
lenlin, les gnostiques, les marcioniles, fon-
daient leurs erreurs sur de .prétendues tra-
ditions; ils disaii'ut que Jésus-(]ln ist n'avait
pas prêché publiquement toute sa doctrine,
mais qu'il avait confié plusieurs vérités à
quelques-uns de ses disciples, sous condi-
tion qu'ils ne les révéleraient qu'à ceux qui
seraient capables de les entemlre et de les
conserver. Saint Irénée rejette ces traditions
flvec raison ; il dit que si les apôtres avaient
appris de Jésus-Christ des vérités cachées,
ils les auraient transmises à ceux auxquels
ils confiaient le soin des Eglises. 11 dit aux
marcionites : Lisez ex.ic(emeni les prophè-
tes, lisez les évangélisles, vous trouverez
dans ces écrits toute la doctrine de Jésus-
Cbrisl. Ce n'est donc qu'au défaut des Ecri-
tures que ce Père dit qu'il f;iudrait reeourir
à la tradition, Basnage, flist. de l'Eglise,
I. IX, c. 5, et sniv. — Jlais quelle ressem-
blance y a-t-il entre les prétendues tradi-
tions cachées des hérétiques, desquelles il
n'y avait point de témuins, et l'enseignement
public, constant, uniforme des pnstcurs aux-
quels les apôtres avaient confié les Eglises,
enseignement que saint Irénée appelle tra-
dition 't C'est à cette règle qu'il veut que l'on
s'en rapporte en cas de dispute sur la moin-
dre question : or, lorsque l'Iicrilure garde le
silence, n'est-ce pas la mime chose que si
l'on n'avait point d'Ecriture pour savoir ce
qu'il y a de vrai et de certain? Il soutient avec
raison que s'il y avait eu des vérités cachées,
les apôtres les auraient enseignées aux pas-
teurs par préférence, puisque de tous les
fidèles c'étaient les plus capables de com-
prendre ces vérités et de les conserver. Mais
ce n'est point là l'idée que les protestants
nous donnent de ces hommes apostoliques ;
ils les peignent comme des hommes simples,
ignorants, crédules, qui n'avaient ni discer-
nement, ni capacité. — Quant aux marcio-
niles, le cas était tout difi'érent ; ils soute-
iiaieni que l'Ancien Testament et le Nouveau
n'étaient pas l'ouvrage du même Dieu: pour
prouver le contraire, saint Irénée leur dit :
« Lisez exactement l'Evangile que les apô-
tres nous ont donné, lisez ensuite les pro-
phètes,vous trouverez que toutes les actions,
toute la doctrine, toutes les souffrances de
Notre-Seigneur y sont prédites, I. iv, c. 34,
n. 1. S'ensuit-il de là que, dans toute ques-
tion de doctrine, il suffit, comme dans celle-
là, de confronter les évangélisles avec les
prophètes? Saint Irénée veut que l'on s'en
tienne à la tradition.
Au iir siècle l'on n'avait pas changé do
principes. Tertullien, de Prœscripl., c. 15 et
seq., ne voulait pas que l'on admît les hé-
rétiques à disputer par l'Ecriture sainte, il
soutient que c'est une complaisance inutile
et déplacée, parce que l'Ecriture sainte n'a
pas été donnée aux hérétiques, mais à l'E-
glise, et pour elle seule, parce qu ils en re-
jetaient ce qui leur déplaisnit, parce qu'ils
en mutilaient ou altéraient les passages, et
parce qu'ils en détournaient le sens, ibid.,
c. 19. « L'ordre exige, dil-il, que l'on s'in-
forme de qui, par qui, quand et à qui a été
donnée la doctrine qui nous rend chrétiens*
où sera la vraie, là se trouvera aussi la vé-
rité des Ecritures, d( s explications et de tou-
tes les traditions chréiicnnes. >> Ainsi ce
Père veut que l'on établisse par la tradition,
821
TRA
TRA
8Î.Î
non-sculnment l'authenticiléet l'inlcgrilédc
l'Kcriliire, mais encore le sens et les pxpli-
cnlioiis ; ch;ip. 32 'l ."JS, il renvoie les héré-
liiiucs à 1.1 tradition des Kglises aposloli-
qiii's; il souliciil que celles qui se lor/nenl
tous les jours ne sonl [.as moins apostoli-
ques que li'S pus anciennes, paire qu'elles
liennenl la même doclrine, el qu'elles sont
en communion les unes avec les antres. —
Cela n'a pas einpêché nos adversaires de
nous opposer 'rrrlullii-n. L. de Resurr. car-
nis, e.3, il veut ()ue l'on 6le aux héréliques
les sentiments païens, qu'ils prouvent les
leurs par les Ecritures seules; alors, dit-il,
ils ne pourront plus se soulenir. Mais il
ajoiiie que rinslruilion divine ne consiste
juiint il.ins la superfK'ie, mais dans la moelle,
et qu'elle paraît souvent contraire à l'évi-
dence. Il le ré|)èle, ilc l'rœscrij)!., c. 9. « Il
faut comhaltre, ilil-il, par le seu'i des Ecri-
tures, sous la direction dure interprétation
sûre, /aucune parole de Dieu n'est assez
étendue ni assez exemple d'embarras p'>ur
en soutenir les mots, el non ce qu'ils sii^ui-
(lent. » £,. adv. Hermogen., c. 22, après avoir
cité ces paroles: An commencement Dieu a
fuit le ciel el In tirre, « J'adore, dit-il, la
plénitude de l'Ecriture, qui nie montre l'ou-
vrier el ce qu'il a lait. Je n'y ai vu nulle part
qu'il a tout lait d'une manière préexist.inte.
Qu'Htirmogène me fasse voir que cela est
écrit; s'il ne l'est pas, qu'il craiijne celle
menace: Malheur à ceux qui ajoutent ou qui
rtlranchenl. » Il csi évident que ce Père liis-
putait contre les licréticiues dont l'un niait
la création, l'autre la résurrection de la
chair, et qui opposaient à ces deux doy:mes
les raisonnements el l'auiorilé des philoso-
phes pa'ïens. 'rcrtullien vent d'.ibord qu'ils
renoncent à ces principes du paganisme, et
qu'ils prouvent leur sentiment par l'Ecri-
ture ; mais pour en lii er la moelle et pour eu
prendre le vrai sens, il veut que l'on soit
dirigé par une interprétalion sûre. Où la
trouver, sinon dans l'E^ilise ou dans la Ira-
(lilion ? Il n'y a ni obscui ité ni contradiction
diins les principes de ce Père.
Clément d'Alexandrie, SOom. 1. vu, c. 16,
p. 891, reproche aux héréliques les mêmes
alius de l'Ecriliire sainte que Tertullicn.
l'uid., I. I. c. 1, p. 322, il atteste que les niai-
Ires p;ir lesquels il avait été instruit gar-
daient fidèlement la doctrine reçue des apô-
tres par tradition, et il la met par écrit, afin
d'en conserver le souvenir. Pour savoir si
une doctrine est vraie ou fausse, orthodoxe
ou hérétique, il veut que l'on en juge noii-
s< iiUnient par l'Ecriture, mais par la tradi-
tion de rKi;lise. Il lait voir, I. vii, c. 17,
p. 898it 899, que l'Eglise catholique est plus
ancienne que toutes les hérésies, qu'elle
est une dans sa dncirine el dans sa foi,
qu'elle les lire du 'reslamenl ijui appartient
à elle seule ; que comme la doctrine des
apôtres a été une, il en est de nicinc de la
tradition qu'ils ont laissée. Potier et Beau-
sobre ont lâché de travestir le sens du mot
tradition dans ce passage et dans celui de
saint Paul, II Thess., c. ii, v. 14; ils n'y ont
p.is réussi.— Origène, dans la préface de ses
livres des Principes, n. 2, prescrit la même
régie. « Comme ily ena plusieurs, dit-il, qui
croient suivre la doctrine de Jésus-Christ,
el qui sont cependant de divers sentiments;
comme d'ailleurs l'Eglise conserve la prédi-
cation qu'elle a reçue des apôtres par suc-
cession, et que celte doctrine y subsiste en-
core aujourd'hui, on ne doit tenir pourvérité
que ce qui ne s'écarte en rien de la tradition
ecclésiastique et apostolique. » Cette profes-
sion de foi est si claire, qu'elle rend toute
anire citation inutile. — Saint Denis d'A-
levandrie, disciple d'Origène, était dans le
mémo sentiment; il est cité par saint Alha-
nase cl par saint Basile. — Lorsqu'au
iir siècle il y eut contestation louchant la
validité du ha()tème donné par les héréti-
ques, le pape saint Etienne n'opposa aux
évèques d'Afrique que ce seul mot : A'inno-
voiis rien; suirons la tradition. Saint Cy-
prien ne niait point la solidité de ce prin-
cipe, mais il croyail que la tradition, que le
pape lui opposait, n'était ni certaine, ni an-
cienne, ni universelle, et qu'elle était ojipo-
sée à l'Ecriture sainte; en quoi il se trom-
pait, Epist. Ik ad Pnmpeium, elc. Aussi la
tradition prévalut-elle à tous les arguments
de ce Père.
A toutes ces autorités les protestants
répondent que l'on pouvait suivre en sûreté
la tradition des trois premiers siècles, parce
qu'elle était encore toute fraîche , qu'elle
n'avait pas encore eu le temps de se <'or-
rompre, et que la croyance chrélieune était
réduite à peu de dogmes, mais qu'il n'en a
pas été de même des siècles suivants, parce
que celle tradition s'est altérée peu à peu ,
et que les dogmes se sont multipliés. Ils
disent , en second lieu , que les anciens
parlaient de la tradition eu l'ait «i'usages et
de pratiques, et non on fait de dogmes et de
doclrine. — Bien n'est plus faux que cette
réponse. 1° Il suffit de lire les passages quo
nous avons cités pour voir qu'il y cstquestion
de tradition en matière do doctrine, et non
en matière d'usage. 2° Lorsque nous prou-
vons, par la pratique du second siècle le
culte rendu aux martyrs et à leur reliques,
à la hiérarchie, la présence réelle de Jésus-
Christ dans l'eucharistie, etc., nos adver-
saires ne font pas plus de cas de cette tradi-
tion que de celle dos siècles suivants. Ils
disent même que la doctrine de Jésus-Christ
a commencé a se corrompre immédiatement
après la mort des apôtres. Ils placent dans
ce même temps les causes des prétendues
erreurs qu'ils attribuent aux Pérès de l'E-
glise, savoir, leur ignorance, leur défaut de
critique, la confiance esci'ssi\.' qu'ils ont
eue à la version des Septante, trop de com-
plaisance pour les Juifs et pour le» pa'iens ,
afin de les attirer à l.i foi, trop d attachement
à la philosophie pa'ienne, etc. '5" Il est faux
que, dans ces premiers lemi. s , la cl'oyance
chrétienne ail été réduite à p: u de dogmes;
cette croyance n'a jamais augmenté ni dimi-
nué : nous prouver mis ci après que non-
seulement il ne s'y est introduit aucun nou-
«25
TRA
vel article, mais qn'il a été impossible d'y
en introduire. k° Nous avions déjà fait voir
qu'en supposant que ia tradition peut perdre
de son poids par le laps des siècles, l'on atta-
que la certilude des faits fondamentaux du
christianisme. Enfin la nécessité et l'autorité
de la tradition en matière de foi est ou une
vérité ou une erreur; si c'est une vérité, le
protestantisme est renversé par le fonde-
ment; si c'est une erreur, elle date du se-
cond siè<'le, elle vient des disciples Immédiats
des apôires; c'est liur exemple qui a égaré
les siècles suivants.
Quant au iv' siècle, nous avons déjà va ce
que pensait Eusèbe au sujet de saint Ignace
et d'Héjiésippe, ei l'on est frappé , en lisant
son Histoire ecclésinstitjue , de l'exactituile
avec laquelle il rapporte les sentiments des
Pères des trois siècles précédents , et copié
leurs propres termes. Dans les disputes qui
survinrent entre les ariens et les catholi-
((ues, l'on opposa toujours aux premiers la
tradition, le sentiment des dorteurs qui
avaient vécu depuis les apôtres. C'est l'ar-
gument qu'opposaient à Arius et à ses par-
tisans, Alexandre, son évêque, et ceux de
son patriarcat qu'il avait assemblés pour
juger ces hérétiques, ils leur reprochaient
de se croire plus savants que tous les doc-
teurs de l'Eglise, qui les avaient précédés ;
ïhéodoret , Hist. ecclés., \. i, ci, p. 17.
On fit de même au concile de Nicée. Ainsi
en agirent encore les évêques du concile de
Rimini, soit avant, soit après avoir été sé-
duits par les ariens. Voyez les Fragments
(le saint Hilaire de Poitiers , col. 13il et
1345. A la vérilé les ariens mêmes voulurent
se couvrir du manteau de la tradition pour
rejeter les termes di; substance et de consub-
stantiel, en parlant du Fils de Dieu, desquels
ils prétendaient que l'on ne s'était pas servi
jusqu'alors. Jbid., col. 1308 et 1319. Ils
appelaient ainsi tradition le silence des
siècles précédents, pendant que les catholi-
ques entendaient par là le témoignage for-
mel et positif des docteurs de l'Église : ce
sophisme est encore aujourd'hui renouvelé
par les protestants. — En 383, au v concile
de Constanlinople , les ariens refusèrent
encore d'être jugés par le sentiment des
anciens Pères. Sorrate, Hist. ecctés., 1. v,
cap. 10. Saint Alliariase les renvoyait conti-
nnelleinent à celte Irndition , toujours res-
pectée et toujours suivie dans l'Eglise.
Orat. 3, contra Arian., n. 18, p. 568; Epist.
1, ad Serap., n. 28, p. (J76, n. 33, p. 682; L.
deSynodis, n. 5, p. 719; Eijist. adJov., n. 2,
p. 781, etc. Saint Basile l'oppose à ces mêmes
hérétiques et aux macédoniens ou pneu-
matoma<iues, L. de Spir. sancto, c. 7 et 9 : il
leur reproche leur alîectation de recourir à
l'Ecriture sainte , comme si les Pères des
trois siècles précédents ne l'avaient pas
consultée aussi bien qu'eux; il prouve par
saint Paul la nécessité de s'en tenir à la
tradition, et il soutient que sans cette sau-,
vegarde on renverserait bientôt toute la
doctrine, ibid., c. 19. — Nous pourrions ciier
saint Grégoire de Naziauze, saint Ambroise.
fRA 824
saint Jean Chrysostome , saint Jérôme et
saint Augustin, quoique les trois derniers ne
soient morts qu'au commencement du v*
siècle; mais les protestants font peu de cas
du sentiment de ces Pères (1). ils se plai-
(1) Le cardinal de la Luzerne .i fortifié celte
preuve dans sa dissenalioii sur les Eglises ratlioli-
que el pndeslanle. Viiici coniineiit il s'exprime ;
< Saint Justin rapporte la précipie de ce ébrer le di-
manche en s'asscniblaiit dans l'église à une Iradilioi»
donnée par Jcsns-Glirist à ses apôires et à ses
disciples dans une de ses apparitions {Apol. i ,
cap. 67). Dira-t-on que ce snini martyr ignorait ce
dont il parlait? Dira-t-on que .lésns-Chrisl n'avait
pas en etiel donné ce précepie? Dira-l-on que ce
préceple fait partie de la tradition écrite ? Que nos
adversaires choisissent entre ces assenions al)surdi's
celle qui leur plaira le plus. — Saint Irénée élaliiit
raulonlé de la tradition dans plusieurs endroits,
c Quand nous appelons, dit-il, les hérétiques .a la
iraiiiiion qui vient des apôtres, el qui se conserve
dans l'Eglise par les successions des évêques, ils
conibatlenl la iradiiion. Ceux qui dans toute l'Kgli^e
veulent voir la vérilé, n'ont qu'à considérer la tradi-
tion des apôlres manifestée dans le inonde entier.
Km iiionlranl la tradition que l'I^glise a re(;ue des
apôlres el la foi annoncée aux hommes, laquelli*
parvient jusqu'à nous par les successions des évê-
ques, nous confondons tous ceux qui, de (pielque
manière (iiie ce soii, moissoimeni où ils ne doivent
pas.... par l'ordiiiatiou divine el par la succession,
la tradition et la prédication de la vérité qui, dans
l'Eglise, vient des apoires, arrive jusqu'à mous ; et
c'est la marque certaine que la même el unique foi
vivilicaUice se conserve dans l'Eglise dept.is les
apôtres jusqu'à présent, transmise avec vérité. >
(Contra Hœres., lib. m, cap. 2). Deux choses sont
ici certaines : la première, que saini Iréiiée combat
les hérétiques par la tradition, el qu'il la donne
comme une régie de foi ; la secoiiile, que, la tradition
dont il parle est la trailition noii écrite, el non pas
l'Ecriture sainie. C'est la iradiiion qui découle des
apôtres, par les successions des évêques, c'esl-à-
dire celle qui s'est transmise <le bonclte en bouclie,
el qui s'esi ainsi conservée dan- les différents sièges.
Si ce Père avait eu vue riicrilure sainte, il s'expri-
merait autrement, il l'indi iiierail clairement. — «J'é-
talilis, dit Teriuliien, eeiie prescripliim, qu'on ne
doil pas prouver ce que les apùlres ont prêché,
c'est-à dire ce que Jésus-tJMist leur a révélé, autre-
ment que par les églises que les apôtres ont fondées,
eu leur prichant, soit de vive voix, suit ensuite par
leurs épitres. Cela étant, il est certain que toute
doctrine qui s'accorde avec ses églises-mères el ori-
ginaires de la foi doil être regardée comme la vé-
rité.... Ce qui est trouvé le même |iarloul n'est pas
une erreur, c'est une Iradiiion. > (Oe frœscripl. ,
cap. 21). 0"C Teriuliien entende ici la tradition
écrite, on ne peut pas le coniester. D'abord il en
fait une menliou expresse, en parlant de la prédica-
tion fane de vive voix par les apôtres; ensuite, s'il
voulaii parler de l'Ecriture saime, pourquoi ne la
nommerait-il pas expressément ? — Saint Clément
d'Alexandrie, après avoir parle de ilill'érenls saints
personnages qu'il avait vus, qui étaient dans une
haute esiimc el considération, spécialement d'un
qu'il avait recherché eu Egypte, qu'il dii être une
véritable abeille de Sicile, recueillant le suc des
fleurs de la prairie pro|diéliquc et aposloliipie ,
ajoute : Ces hommes cunservaient la vraie tradition
de la bienheureuse doctrine donnée pir Pierre ,
Jean, Paul el les saints apôtres, de mêiiie qu'un fils
Il recevrait de sou père. Ellessont parvenues jus-
qu'à nous par la volonté de Dieu, les semences apos-
toliques données par leurs ancêtres, et dont ils oui
88K
TRA
gnent dn ce que depuis cette <''poque les com-
inenlaipiirs de ri'xrilure sainte n'ont fait
;iulre cliose que compiler les explications
élé les (ii'positaires. > {Slromnt., jib. i, cap. i.) II ne
peut pas y avoir de doiile que le sdIiii dooleiir ne
parle de la irailillon non «'crile, (iiilrc que loin le
corilexie rannoiici', outre cpie c'est une tradition
reçue coninie du pèie au (ils; saint Clonienl dit
qu'elle vient des apuires, dont plusieurs n'ont pas
Irtissé d'éiiiis parmi les livres canoniques. — c Nous
dénioiilrous, dit saint Atlianase aux ariens, que no-
tre doctrine a été transmise de pèies en pères ,
comme par la itiain. Mais vous, nouveaux juifs, dis-
ciples de Caiplie, quels pères, quels ancêtres nion-
4rez-voiis de vmre eiiseigm nient ? Vous ne pouvez
en riler aucun auteur parmi les hommes doctes et
prudents. » {De Derrvl. i\ic. syiioclic, n. 27.) —
krouions saint liasile, établissant l'aulorité do la
tradition aiis.si positiveinenl qu'il soit possible. < Ce
qui a clé dit par nos ancêtres est ce que nous di-
sons.... Entre les dogmes oX le-; institutions (|!ie l'on
prêche dans l'Kglise, nous en avons qui'lqiies-iins
qui sont de la doctrine produite par écrit; nous en
recevons quelques antres de la tradition des apôtres,
transmise avec plus de secret. Les uns et les antres
ont une égale force pour établir la piélé , et ils ne
s<iiit contredits par aucun de ceux i|ui savent le
moins du inonde (pndles sont les lois de l'li(;lise.
Car si lions entreprenons de rejeter, comme élsnl
de pen de poids, les comiimes (|ui ne sont pas écri-
tes, nous portons un grand préjudice à l'IivangiJe
même, ou pluiot nous réduisons à un pur nom la
•prédication de la foi Un jour ne suiTir;iit pas
pour lapporler tous les dogmes transmis autrement
que par éiril. Que cen\ qui veiilenl rejeter notre
manière de gloriher le Seigneur, comme n'étant pas
prescrite par écrit, nous montrent et la profession
<tc foi, et les autres choses que nous admetloiis,
•pronvées par les Ecritures... Contre ce qu'on allègue,
•que la glorilicaiion avec le Saint-Esprit manque de
témoignage, et n'existe pas dans les Ecritures, nous
Tépoiidons : S'il n'est rien reçu que ce qui est dans
iee Ecritures, nous consentons que cela même ne le
soit pas. Si au coniraire un grand nombre de choses
sont reçues sans être ciunprises dans les Ecriinres,
naus recevons celle-là avec beaucoup d'autres. .Mais
je suis persuadé qu'il est dans la docli iiie apostnli-
ique de nous attacher même au\ traditions non écri-
les. Saint Paul dil : Je vous lnue de vuus être souve-
nus des Irndilions que je vous ai ap|iO)(ées; et ailleurs :
Conservez les Iradittom que voui urez refties, soit par
mes discours, soit par iiton éiiitre. l)e ce nombre est
celle que nous traitons ici, que ceux qui ont prêché
dans le coiomercemenl ont transmise à leurs succes-
seurs, et que par le laps de icnips un long u.-.age a
enracinée dans les églises, i (De Spir. saucto, c. 7.)
i\ peut paraître étonnant d'entendre saint tiasile dire
qu'en rejetant la tradition non écrite on porte préju-
dice à l'Evangile même. Mais il laiit faire atlention que
la tradition est d'abord l'inlerprèle le plus lidéle de
l'Evangile, et ensuite le seul garant de son aullien-
licilé,; ipi'ainsi la rejeter, c'est se priver du moyen
le plus sûr d'en connaitre le vrai sens, el du seul
moyen d'être assuré qu'il est véritablement des au-
teurs sacrés dont d porte le nom. — Saint Epipliane
«lit : ( La tradition est aussi nécessaire, car on ne
peut pas tout chercher dans les Ecritures. C'est
pour cela que les saints ai)c)lre3 nous ont laissé des
choses par écrit, et d'autres par tradition. Saint
Paul l'assure en ces termes : Comme je vous /'. i
transmis, et ailleurs : Ainsi je l'enseigne, ainsi je l'ait
transmis dans l'Eglise... .le dis que l'Eglise doit né-
cessairement observer le riie qu'elle a reçu, transmis
par ses ancêtres. (Juelqu'un peut-il enlieindre la
sanction inalernelle, ou la lui paiernelle, selon ce
t]iK dil Salomon ; Ecoulez, mon fus, les discours de
TRA 826
des Pcrcs , et que l'on s'en est tenu à leur
lémoiKiiap;e pour prouver les dogmes de la
foi. Ils diseni que c'est principalement au
voire père, el ne rejetez pas la loi de voire mère, t
(llœres. 61, c. (i.) Ce serait obscurcir des textes
aiis>i clairs que ceux de saint Epi|)hane, que d'en-
treprendre de lescomiiienier. — Saint Jéiome n'est
pas moins formel el moins cliir, et cela dans plu-
sieurs endroits. Képondant à des questions qui lui
avaient été laites, il donne cet avis géni'ral que les
traditions ecclésiastiques, et sunniit celles qui ne
pcirtent aucun préjudice à la loi, doivent être obser-
vées de la manière (pi'elles ont él.> transmises par
les ancêires, et que la coutume d'un pays n'est pas
inlinnée par l'usage coniraire des antres pays. Dans
une autre épitre il dit que c'est d'après la tradition
des apolres ipie nous jeûnons pei.danl le Carême et
d.ins le cours de raiinée aux jours convenables. Il
répond aux Incileiiens que, quand même il n'aurait
pas l'autorité de la sainle Ecriiure, le consentcmeni
de l'univers entier aurait la force du précepte; car
beaiicioup d'autres choses, qui sont observées par la
tradition dans b s églises, ont acqiiis l'autoriié de la
loi écrite (Epist. 78 , ad Luciniiim). — Saini Jean
Chrysostoine s'exprime sur notre ohjet aussi forte-
ment que les précédents, i Ce n'est pas seulement
par ses lettres, c'est aussi par ses paroles que saint
l'.iul ilédare à Son discipe (Timotliée) ce qu'il doit
faire. Il le montre en plusieurs endroits, disant :
Soit par nuire parole, soit par l'épilre que nous vous
avons envoyée. Pour que nous n'imaginions |.as que
nous avons une doctrine moins étendue, il a transmis
à ce disciple beaucoup de choses sans les écrire, et
il les rappelle à son souvenir, en lui disant : Con-
servez la l'orme des saintes paroles que vous avez en-
tendues de moi. t Expli(piaiil dans une antre homé-
lie le litre de l'Epitre aux 1 hessaloniriens, que j'ai
cité, il s'exprime ainsi : < C'est pourquoi, mes (rères,
soyez ferme-u et conservez les Irudiiious i/hc vous avez
apprises, \oU par mes discours, soit par mon Epitre. Il
esl c l.iir par l;i cpie les apciires n'ont pas tout ensei-
gné dans leurs Epiires, mais qu'ils ont transmis
beaucoup de choses sans écritures; et celles-là doi-
vent avoir aussi notre croyance. En conséqui'iice,
nous devons regarder aussi la tradition de l'Eglise
comme digne de foi. C'est la iradition ; ne.cheicbez
rien ne plus, i (Homil. 5, in Eiiist. ad Tim.) — Ce
serait un irés-long ouvrage de rapporier tout ce
qu'on lit dans les ouvrages de saint Augustin, sur
l'autorité de la traililion non écrite, liornons nons à
quelques passages, où sa doctrine est bien neltemenl
exprimée. Il oppose au pélagien Julien l'autorité des
l'èies qui l'ont précédé, et il la fonde sur le mêine
nio.if ipie nous, i Ce qu'ils ont trouvé dans l'Eglise,
ils l'oiii conservé; ce cpi'ils ont appris, ils l'ont en-
seigné; ce qu'ils ont reçu des Pères, ils l'ont trans-
mis aux enfants, t Parlant dans le même ouvrage
du pi ché originel : i Quoiqu'on ne puisse, dit-il, dé-
couvrir ce dugine par aucune raison, quoiqu'on ne
puisse rexpli(|uer |iar aucun discours, ce qui est
prêché de tnuie aiiiiipuié (dinine la loi calholiipie,
et cru p.ir tonte l'Eglise, esl nue vérité. » Traitant
de ruiiité du bapièine : i INous faisons ainsi, dit-ii ,
nous l'avons reçu de nos pères, nous le conseivons
dans l'Eglise catholique répandue par toute la terre,
contre les images de la subtilité iNe nous objec-
tez pas l'autorité de Cyprieii sur la réilératioii du
baptême, mais suivez avec nous l'exemple de Cv-
prien pour la conservaiion de l'unité. Cette question
sur le baptême n éiaii pas encore snffisaininrnt ap-
proloiidie, mais cepiîiidant l'Eglise observait la sa-
lutaire coutume de corriger dans les hérétiques et
les se liis.iiaticjues ce qui est mauvais, de ne point
réitérer ce qui a été nonné, de guéiir ce qui a be-
soin de l'être, de ne pas tiaiter ce qui est sain. Je
regarde cette coutume coinine venaiii de lu tradition
827
TRA
IV' que se sont faites les prétendues- inno-
vations dont ils se plaignent. Voyons si cela
est possible.
Huitième preuve. Les Pères ont consîam-
des apôtres, .linsi que beniiconp d'autres choses
qu'on ne liouve ni diins leiir-i épilres, ni dans l«s
çno' lies pnsiérieirs; el cependant, cnmme elles
siinl ol)sei'vées dans lonle i'Iiglise, on tienl qu'elles
ont élé irnnsinises el rec(>mniandées par les apô-
tres. I Snr le liiiplèinc ries enfants, il s'exprime
ainsi : i La cnnlunie de l'Kjjlise, noire mère, rclaii-
venient au bapiême des petits enfants, ne doit être
ni méprisée ni aiirnnemenl leRardée comme super-
fine, et on ne sérail pas obligé d'y cmirc, si ce n'é-
lail p;is nnn tr.nlition apo-loli(|ne. Si nnus pouvions,
dil il, d:ins nii auire onvraiie, coiisnlier f:icilenienl
le dorie Jérôme, combien il nous citerait il'écrivaiiis
de l'un.' el de l'uilre langue, qui onl Ou interprété
les Ecriinris, ou discnié les vérités du clirisliaiiis-
nie, qui, depuis l'origine de l'Eglise, n'ont eu d'au-
tre doctrine que eel!e qu'ils avaient reçue de leurs
pères, et qu'ils uni en-eiiJuée à leurs desoemlanis I
Nous autres, cialilil-il aille irs. professons la foi ca-
lludique, qui vient de reusei'^uement des apôlres,
plaiiiée parnii imiis, reçue par une suite de succes-
sions, et que mous ilevnns iransmefre pure à la
posiérilé. > Il développe dans iilusienrs endroits les
principes surl'oiigine des iradiiions non écrites,
sur l'oliligation d'()li>erver coutine veiiaul des apô-
tres celles (|ni sont nuiver^elles, sur la convenance
de pratiquer les iis:iges qui se pratiquent dans le
pays où on se trouve. Je n'en citerai qu'un seul
passage relatif à notre objet : Ces clmses que nous
ob-ervons, qui sont, non pas écrite-, iniis iransini-
ses, el qui .'-oui pratiquées dans tonte la lérre, nnus
devons comprendre qu'elles onl éié instituées, ou
par les apôlres lux-mèmes, ou |iar les conciles,
dont l'auiorilé salutaire s'élend sur toute l'Eglise, i
{Contra Ju(., I. Il, c. 3i.) -^ Saint Cyrille d'Alexan-
drie veut que, pour réloriner ses erreurs et pour
revenir à la vraie foi, on étudie avec soin les écrits
des saints Père^ , qui sont universellenienl loués
pour l'exactitude et la cerliiude du dogme. Tous
ceux qui ont le cœur pur s'efforceul de se coiirur-
iner à leurs opinions. La raison qu'en donne ce
l'ère, est que ces grands docteurs s'étaiil pénétrés
de l'esprit de la tradition apostolique et évan;;éli-
qiie, et ay;int traité d'après l.'S sainle- Ecritures les
pandes de la fni avec vérité et sans reproche, sont
devenus les lumières du ntonde, reiifermanl dans
eux, ainsi qu'il esl éciit, la parole de vie (Arfu.
Orient., sive liber apologeticus, aiiatlieina 8). INous
viiyons ici d'abord l'auionlé des saints Pères établie,
ensuite la dislinclion laile eiiire la triidiiion évangé-
lique et apostolique, enlin l'usage de la iradilion
pour rintelligence de l'Ecriiure. — Vincent de Lé-
rins établit de la manière la plus formelle la néces-
sité de joindre l'autorilé de la tradition à celle de
l'Ecriture, pour connaître la vraie foi. i Souvent,
avec un grand soin et avec une grande alleniiou, je
lue suis informé auprès île beaucoup de personnages
distingués par leur sainteté et leur science, (oin-
menl el par quelle règle certaine et générale je puis
discerner la vérité de la foi catholique de la lausselé
de la criniiuelle hérésie. J'ai reçu ciuistamment de
pres(|ue (nus celte réponse : Qiiicunque, soit moi,
soit tout autre, veut découvrir les fraudes des héréti-
ques, éviter leurs pièges et deimuirer pur et entier
dans la loi, doit, avec l'aide de Dieu, munir sa foi
de deux manières : d'abord par l'anlnriié de la foi
divine, ensuite par la tradition de l'Egli-e catholi-
que. (.Iiiclipi'un (irniaudera peut-éire: Si le canon des
Ecriiures est parldl, s'il se snllil .siirabondammeiit,
qu'est il liesiiin d'y jciiiidre l'autorité de l'iirielligence
ecclesiastupie'.' (/est parce que, ii raison même de sa
hauteur , iLcritum n'cbt pas entendue par tous dins le
TRA 828
mexti soutenu qu'il n'élaif permis à personne
de s'écarlcr de la trud lion on de l'enseigne-
ment public el constant de riîjjlisp, donc ils
ne l'ont pas fait el n'ont pas pu le faire sans
même sens; mais ses expressions sont inlerpr lées
diversement par les nus et par b's autres; eu sorte
qu'.'iulaut il y a d'Iioiiinies, autant ou peut en infé-
rer d'opinions dillénuites. Novatien , Pholiu, Sabel-
lius, etc., l'entendent ions de diverses manières. Et
par celé raison, à cause des détnurs si mnilipliés
et si variés de l'erreur, il esl né ress lire que l'inter-
préi;iii()n de la doctrine prophétique el apostolbiue
soil dirigée selon le sens ecclésiastique et catholi-
que. Dans l'Eglise catholique, il faut avec le plus
grand soin tenir ce ipii partout, ce qui toujours,
ce qui par tiuts a élé cm... ("est ce qui arrivera, si
nous suivons l'universalité, l'antiquité, le consente -
meut... Nonssuivriinsl'autiquité.si nous ne nous écar-
tons nuUeiuenl dessenlinicnls ipi'il esl inanifesie i|ue
les Pères onl publiés. Nous suivrons le consentement,
si dans raiitiquiié nous nous atlach )iis aux senli-
menls et aux déHnitioiis de Ions ou de presque Inus
les évêques el les niaitres. > {Comm., c. 1,2, 3.)
- — Au conciliabule appelé vulgairement le br gan-
dage d'Ephèse, Dioscore, chef de l'hérésie euty-
chienne, invoqua eu faveur de sa cause l'autorilé
des saints Pères. Tout le concile, et les évêques ca-
llioli(|ues comme les antres, reconnurent celle auto-
rité, dirent anallièiiie à qui voudrait innover, et dé-
clarèrent qu'ils conservaient la loi des sainis Pères.
(Inier Acla cane. Clmtcccl., aci. 1, Collect. Ilnrdiiini,
t. VIII.) Ainsi c'était nu principe recounu uuiversel-
lemeni, et par les hérétiques, el par les catlioliipies,
que la tradition est une règle de foi. — Saint Léon re-
connaît et établit diserleinenl l'aulurilé des siints
Pères, que les liéréiii|ues seuls conirediseni. « Pour
que votre piété sache que nous sommes d'accord
avec les instruelioiis des vénérables Pères, j'ai cru
devoir ajouter à ce discours quelques-unes de leurs
maximes. Si vous daignez y faire altentiou, vous
verrez que nous ne professons que ce que nos Pères
ont enseigné à tout l'univers , el que personne ne
diffère d'eux, sinon les impies hérétiques. Voire
sollicitude doit exhorter au progrès de la loi le peu-
ple, le clergé el toute la Iraternilé, de manière à
montrer que vous n'enseignez rien de nouveau, mais
à l'aire pénétrer dans tous les cœurs ce que les Pères
de vénérable mémoire onl enseigné par une prédi-
cation unanime, et auxquels noire épilre est con-
forme eu tout point. Vous devez, el par vos propres
discours, et par la récitation et l'exposition des
écrits aiilériciirs, (aWi: cnnnaitrc au peuple que, dans
la ducirine actuelle, ou lui proche ce que les saints
Pères avaient reçu de leurs piédé- esseurs, el ont
transmis à leurs successeurs. Après avoir lu d'ahurd
les euseignenientg de ces anciens évêques, li.sez-letir
ensuite mes écrits, aliiide leur prnuverji|uenousn'en-
seignons pas autre chose que ce que nous avons reçu
de nos auteurs: qu'en toutes choses doue, et dans la
règle de la foi, el dans l'observation de li discipline, le
langage de l'ami piilé soil conservé, i (Episl. 103, ad
Proieriiim, Alex.episc, e. 'i et 3.) — Les successeurs
des divins apôtres, dit 'riiéodurul, furent des hoinines
donl (|uclques-niis ont entendu leurs vols sacrées,
et ont eu le bonheur de vivre dans leur :idniirable
soci ié. Beaucoup d'entre eux aussi ont été décorés
de la couronne du martyre. Vous est-il donc permis
d'agiter contre eux une langue lilaspliéimiloire. >
(Dial. 1, Immutaliilis.) QiH'.\ mal y aurait-il donc,
quel blasphème, de combattre la diictrine des suc-
cesseurs des apôlres, si ce n'était pas celle des apô-
lres qu'ils avaient reçue el transmise?
I Voilà nue longue suite de saiiiis docteursdes pre-
mier^ cl des plus beaux siècles du christianisme et
des temps où nos adversaires reconnaissent qiie'la
toi de ^l'>gli:^c était pure, qui établisseul d'une ma-
SS9
TRA
TRA
830
exciler contre eux l'indisnafion des fidèles,
el suriDiil lie leurs coll("';;ti('<. A entendre
nos ,'i(lvpr<aites, il senibli' (|ui' les Pères do
l'l'>'lise aient élè des docienrs i<nlé< et sans
Con8é()uence,(iui pouvaient imaginer, écrire,
ensei;:i)er itiipuiiénieni loutre qui leur pl.ii-
sail, ou des fotirl>es (jiii ronlreilisaienl d iiis
leurs livres ce qu'ils prêchaient eu public.
C'est pousser trop loin la prévention el la
malignilé. 1° Celaient presque tous des pas-
teurs qui instruisaient un troupeau noui-
breiix;les premiers p.irlaienl à des assem-
blées de fidèles qui avaient élé enseignés
par les apôtres mêmes; leuis successeurs
étaient environnés d'un cler;;é et d'Iiommes
avancés en âf;e qui avaient appris dès l'en-
fance la doctrine cliréiienne, et dont plu-
sieurs lisaient sans doute l'Kcrilure sainte.
Croirons-nous que si leur évêque leur avait
proposé une doctrine nouvelle, contraire à
celle des a|)ôlr('S, aucun d'eux n'aurait ré-
clamé? Nous veirons bientôt des preuves du
coniraire. 2" Plusieurs de ces Pères alla-
quaient dos héréticiues et leur opposaient la
tradition; ceux-ci ne l'auraienl-ils pas in-
voquée à leur tour, si elle avait été pour eux.
lis ne l'ont pas fail; par les écrits des Pères
nous voyotis comment ces entêtés se défen-
daient; les uns faisaient profession de re-
garder les apôtres comme des ignorants, les
autres prétendaient que les Pères entendaient
mal la doctrine des apôtres ; la plupart allé-
guaient l'Kcriturc sainte, la falsifiaient et
produisaient des livres apocryphes; presque
tous fondaient leurs erreurs sur des raison-
nenicnls philosoplii(|ues. Au milieu de ces
ennemis il n'était pas aisé d'introduire de
nouveaux dogmes jusqu'alors inconnus.
3" L'on sait ce qui est arrivé lorsqu'un évê-
que a eu cette lémerilé, quels qu'aient été
ses talents, son crédit, son rang dans l'Eglise,
il a élé censuré et dépossédé. S'il y eut jamais
des hommes capables de changer la croyance
commune, ce sont Paul de Samosate, Théo-
dore de Mopsuesie, évêque d'Anlioche, et
Nestorius, patriarche de Conslantinople. On
ne peut contester ni leur cipacilé, ni leur
réputation, ni l'aulorilé qu'ils s'étaient ac-
quise; dès qu'ils voulurent dogmatiser, ils
furent condamnés sans ménageuienl. Paul
fui accusé p.ir son troupeau, Nestorius par
son clergé ; Théodore déguisa ses sentiments,
sans quoi il aurait eu le même sort. Si tous
les trois avaient (idèlement suivi la tradition,
ils seraient au rang des Pères de l'Eglise.
Comment ceux-ci, toujours surveillés par les
fidèles, par leurs collègues el par li's héréti-
ques, ont-ils pu altérer l'ancienne croyance?
Jls l'ont fait , disent les prolestanls ; donc
ils l'ont pu, n'importe coiinnenl. Au iv siè-
cle nous trouvons des dogmes universelle-
ment crus, desquels il n'avait pas élé ques-
tion pendant les trois précédents, desquels
nière cl.iire el tranchante l'aulorilé sacrée de la ira-
diliun. S'ils avaienl piévn l'erreur des prole-iiinls
sur ce snjel, qu'aiuMieul ils pu dire de plus ciieigi.
que pour la eombatlre ? i — La Luzerne, Disscrla-
tivn sur les Eiitnes callioliquc et vrolestanie.
môme on avait enseigné le contraire; contre
ce fait positif et prouvé il est absurde d'allé-
guer de prétendues impossiliiJiiés. Lorsque
nous demandons aux proleslanls quels sont
ces dogmes, ils en citent qnel(]nes-nns au
hasard, sans s'accorder jamais sur l'époque
de leur naissance. Comme en parlant de
chacun de ces dogmes prétendus nouveaux,
nous en avons prouvé l'antiquilé, nous nous
bornons ici à des réflexions générales. 1'
C'est un abus dos termes de nommer fait
positif, preuve positive , le prétendu silence
des trois premiers siècles ; ce n'est (ju'nnc
preuve négative qui ne conclut rien. Il nous
reste très peu de monuments de ces temps-
là , nous n'avons pas la dixième partie des
ouvrages laiis par les auleurs chrétiens
pendant toute la durée des persécutions ;
l'on peut s'en convaincre par les catalogues
des écrivains ecclésiastiques el de leurs ou-
vrages. De (jucl front peut-o:i soutenir (jue
dans cette multitude de livres perdus il
n'a jamais été fait mention des dogmes et
des usages crus el pratiqués au iv^ siè-
cle? Une preuve positice qu'il y en élait
parlé, c'est que les Pères de ce siècle , qui
avaient ces écrits entre les mains, ont pro-
teslé qu'il ne leur était pas permis de s'éi ar-
tcr de ce qui avait été enseigné dans les
trois siècles précédenls. Contre ce témoi-
gnage universel et uniforme, quelle force
peut avoir une preuve purement négative?
— 2° Au IV' siècle il y avait des églises éta-
blies non-souleuicnt dans tijules les provin-
ces de l'empire romain, mais hors des limi-
tes de cet empire, en Afrique loin des côtes,
dans l'inlérieur de l'Arabie , dans la Méso-
potamie et dans la Perse, chez les Ibères et
chez les Scythes de la petite Tarlarie, chez
les Goths et les Sarmates. Cela est prouvé
par le témoignage des écrivains de ce siè. le,
et par les évéques de presque toutes ces
contrées qui se trouvèrent au concile de
Nicée l'an 325. Or, ces Eglises avaient été
fondées pendant les deux siècles précédenls,
et quelques-unes par les apôtres mêmes.
A-t-il pu y avoir de la collusion enire les
évéques dont les sièges étaient si éloignés
les uns des autres, dont les mœurs et le lan-
gage étaient si dilTerenls? Quel intérêt com-
mun a pu les engager à recevoir des dog-
mes opposés à ceux qui leur avaient été en-
seignés parleurs fondateurs ? On nous dira
sans doute que cela s'est l'ait insensiblement
et sans que l'on s'en soila|ierçu. Mais outre
l'absurdilé de ce sonimeil général qui aurait
Ti gué d'un bout de l'univers à l'autre, un
changement positif arrivé dans la docirine,
prêché publiquement, a dû être sensible,
éloniier les esprils, réveiller l'altenlion. Où
a-l-il commencé? où en sont les témoins?
Le fait positif el certain es! que toute inno-
vaiion a fait du bruii, a exciié des réclama-
tions et des censure^ ; donc le fail coniraire
avancé par les prolestanls est un rêve et
une absurdité. — 3" De Ions les siècles, il
n'en est aucun pendant lequel il ,iit pu
le moins arri\er un changement dans la
croyance qu'au ■¥«. Dès que la paix eut
51
TRA
TRA
852
élé donnée à l'Eglise en 313, la communi-
cition devint plus libre el plus fréquente
entre les différentes sociétés chrétiennes
dispersées ; c'est alors qu'il fut plus aisé de
savoir ce qui était enseigné dans ces diver-
ses Eglises; c'est donc alors que la tradition
universelle parut avec le plus d'éclat. Ja-
mais aussi la foi chrélienne n'eut un plus
grand nombre d'ennemis qu'à celle époque ;
il y avait des marcioniles, des manichéins,
des novaliens, des donalistes, des ariens de
trois espèces, des montanistes, etc., qui ne
pardonnaient rien aux catholiques en fait
de dogme, de culte ni discipline : était-ce là
le moment d'introduire impunément quel-
que chose de nouveau? Il est d'ailleurs ri-
dicule de croire qu'un dogme n'a commencé
que quand 11 s'est trouvé des hérétiques
pour le combatire. Mais il y a un fait singu-
lier; jamais l'on n'a travaillé avec plus de
zèle que dans le ni* et le iv siècle, à tra-
duire les livres saints, à les mettre à la por-
tée des fidèles, à les expliquer, et jamais le
nombre des erreurs n'a été plus grand ; grâ-
ce aux proteslanis, ce phénomène s'est
nnouvelé au xvi' siècle. — h° Quand un
siècle commince, il n'eftace pas le souvenir
du précédent ; le iv» était composé d'a-
bord d'une grande partie de la génération
née dans le cours du Ill^ Il y avait parmi
les évêqucs, comme parmi les fidèles, des
vieillards qui en avaient vu écouler plus
de la moitié, qui avaient assisté à plusieurs
conciles, qui ne pouvaient ignorer ce qui
avait été enseigné jusqu'alors. Plusieurs
avaient été confesseurs de Jésus-Christ pen-
dant la persécution de Dioclétien ; ont-ils
souffert que l'on changeât la doctrine pour
laquelle ils s'élaJent ix|)0sés au martyre?
Les évéques du ivi= étaient leurs disci-
ples, el l'on juge aisément combien ceux-
ci devaient être attachés aux leçons do
maîtres aussi vénérables. C'était donc, à
proprement parler, le m" siècle qui fjar-
iait, enseignait ^et écrivait au ivs et ainsi
de suite. 11 y a de la démence à mcllre une
ligne de séparaiion entre la tradition de
ces deux siècles. L'enseignement do l'Eglise
est un fleuve majestueux qui a coulé et qui
coule sans interruption depuis les apôtres
jusqu'à nous ; il a passé d'un siècle à l'autre
sans laisser troubler ses eaux; et si quel-
ques insensés ont entrepris d'y tuettre olista-
cle, ou il les a entraînés dans son cours, ou
il s'est détourné pour aller couler ailleurs.
Neuvième prmve. Nos adversaires auraient
voulu persuader que le respect pour la tra-
dition est un préjugé propre et particulier à
rE}{lise romaine; que les sectes de chrétiens
Orientaux , les Grecs schismaliques , les
cophtes et les Sj riens jacobites ou euty-
chiens, et les nesloriens ne reconnaissent
point d'autre règle de foi que l'Ecriture
sainte; c'est une fausseté. On a l'ait voir que
toutes ces sectes admettent les décrets des
trois premiers conciles œcuméniques, et
font profession de suivre la doclriiK! des
l'ères grecs des quatre premiers siècles;
qu'ils en ont traduit plusieurs ouvrages dans
leurs langues. Les nesloriens rejettent le
concile d'Ephèse, parce qu'il les a condam-
nés , et sous le prétexte que ce concile a
établi un nouveau dogme, au lien que Nes-
torius soutenait l'ancienne doctrine, ils ont
le plus grand respect pour les livres de Théo-
dore de Mopsueste, de Diodore de Tarse el
de Théodore! ; ils regardent ces trois per-
sonnages comme les plus saints Pères de
l'Eglise. Les jacobites au contraire reçoivent
le concile d'Ephèse et rejettent le com ile de
Clialcédiiine ; il prétendent que celui-ci a
contredit la doctrine du précédent ; ils sont
très - attachés aux écrits de saint Cyrille
d'Alexandrie. Le principal grief des Grecs
schismaliques contre l'Eglise latine est
qu'elle a ajouté au concile de Consiantino-
ple le mot Filioque, sans y être autorisée
par un autre concile général. Toutes ces
sectes orientales ont des recueils de canons
des preniiers conciles louchant la discipline,
et les suivent; leur croyance et leur con-
duite ne ressemblent en rien à celles des
protestants, Perpétuité de la foi , l. V, I. vu,
c. 1 et 2.
Dixième preuve. L'exemple de ces der-
niers pourrait suffire pour démontrer que la
doctrine ne peut se perpétuer dans une so-
ciété quelconque, sans le secours de la tra-
dition, i" Les luthériens disaient dans la
Confession d'Augsbourg, art. 21 : « Nous ne
méprisons point le consentement de l'Eglise
cailiolique ; nous n'avons point dessein d'in-
troduire dans cette sainte Eglise aucun
dogme nouveau et inconnu, ni de soutenir
les opinions impies et séditieuses que l'Eglise
catholique a condamnées. » On sait qu'ils
n'ont pas persévéré longtemps dans ce lan-
gage. 2" Quoique les anglicans, dans leur
confession de foi, c. 20 el 21, rejettent for-
niellemenl la tradition ou l'autorité de l'E-
glise, el déclarent qu'elle ne peut rien dé-
cider que ce qui est enseigne dans l'Ecri-
ture sainte; néanmoins dans le plan de leur
religion dressé en 1719, i" part., c. 1, ils font
profession de recevoir comme authentiques,
ou com me faisant autorité, les quatre premiers
conciles et les sentiments des Pères des cinq
premiers siècles. La raison de celle contra-
diction est aisée à découvrir. En 1562, lors-
que leur confession de foi fut dressée, le so-
cinianisme n'était pas encore prêché en An-
gleterre; mais en 1719, et même dans le siè-
cle précédent , il y avait fait beaucoup de
progrès. Les théologiens anglicans , dans
leurs disputes avec ces sectaires, avaient
éprouvé qu'il était impossible de les con-
vaincre par l'Ecriture sainte; ils sentirent
donc la nécessité de recourir à la tradition,
pour prendre le vrai sens de l'Ecriture ,
aussi ont-ils fait grand usage de l'autorité
des Pères pour expliquer les passages dont
les sociniens abusaient. Nous leur deman-
dons pourquoi les conciles el les Pères pos-
térieurs an v siècle n'ont plus la même au-
torité que les précédents , et pourquoi ils
n'admellent pas tous les dogmes el tous les
usages qui sont prouvés par la tradition des
cinq premiers siècles ? Aussi les luthériens
855
TRA
TRA
834
el les calvinistes reprochenl-ils faux angli-
cans celle inconséquence ; ils disent que la
religion de ces derniers n'est qu'un demi-
papisme. 3° Mais eux-Qiémes n'ont pas pu
éviter cet embarras ; toutes les fois qu'ils se
sont trouvés au\ prises avec les sociniens ,
ils ont vu qu'ils ne gagnaient rien en citant
riicriiure sainte à des adversaires auxquels
ils a\aient appris l'art de se jouer de tous
It s passages. Lorsqu'ils ont voulu alléguer
le sens que les l'ùres y ont donné en dispu-
tant contre les ariens, les sociniens leur ont
demandé si, après avoir rejeté la tradition ,
ils la reprenaient pour régie de leur foi. So-
cin lui-même convenait (jue, s'il fallait la
cunsuller, les catholiques avaient gain de
cause, L'pisl. adltudecium; il est donc prouvé
que, sans cette sauve-garde , les hérétiques
renverseraient bientôt les articles les plus
essentiels du christianisme. « Nous recoii-
oaissons, dit Basnage, que Dieu ne nous a
point donné de moyen infaillible pour ter-
miner les controverses i|ni naissent... Jl faut,
selon saint Paul, (lu'il y ait des hérésies , et,
par la même raison , il faut que ces héré-
sies subsistent,» Uisl. del'lùjlise, liv. xxvii,
chap. 2, § 17, p. 1377. k" l'our terminer les
disputes (|ui s'étaient élevéesen Hollande en-
tre les arminiens et les goniarisles, les cal-
vinistes convoquèrent à Uordrecht, en 1618,
Du synode de tontes les églises réformées,
afin de décider, à la piuralilé des voix, quelle
était la doctrine qu'il fallait suivre, et quel
sens il fallait donner aux passages de l'Ecri-
ture sainte que chacun des deux partis allé-
guait eu sa faveur ; ils ont donc rendu boin-
mage à la nécessité delà (r(/di7(on pour bien
entendre l'Ecriture sainte, o' Ainsi , après
avoir méprisé hautement la tradition de l'E-
glise universelle, les protestants se sont mis
sous le joug de la a(i(/(<ion particulière de
leur secte ; à proprement parler, elle est leur
seul guide. En effet , avant de liie l'Ecri-
ture sainte , un protestant, soit luthérien,
soit angliean , soit calviniste , a déjà sa
croyance toute formée par le catéchisme
qu'il a reçu dès l'enfance , par les instruc-
tions de ses parents et des ministres, par les
discours dont il a eu les oreilles frappées.
Lorsqu'il ouvre l'Ecriiure sainte pour la
première fois, il ne peut manquer de trou-
ver dans chaque passage le sens que l'on y
donne communément dans sa secte; les opi-
nions dont il est imbu d'avance lui tiennent
lieu de rinspiration du Saint-Esprit. S'il lui
arrivait de l'entendre autrement et de sou-
tenir son interprétation particulière, il se-
rait excommunié, proscrit, trailé comme
hérétique. Telle a été la conduite de tous
les sectaires depuis les premiers siècles.
« Ceux qui nous conseillent les recherches,
ditTertullien, veulenlnous attirerchezeux...
Dès qu'ils nous tiennent, ils érigent en dog-
mes et prescrivent avec hauteur ce qu'ils
avaient feint d'abord de soumettre à notre
examen.» de PrœscripC, cap. 8 et seq. On
dirait qu'il a voulu peindre les prcdicanis de
la reforme treize cenis ans avant leur nais-
Jttucc. Luc autre preuve de la croyauce pu-
rement traditionnelle des protestants , c'est
qu'ils répètent encore aujourd'hui les argu-
ments, les impostures, les calomnies des pré-
tendus réformateurs, quoiqu'on les ait réfu-
tés cent fois , et ils y croient comme à la
parole de Dieu.
Unziime preuve. Ils conviennent comme
nous ({u' un ignora ni est obligé de faire des actes
de loi , qu'un enfant y est tenu dès qu'il est
parvenu à l'âge de raison; les sociniens ne
donnent point le baptême avant cet âge,
parce qu'ils soutiennent que la loi actuelle
est une disposition nécessaire a ce sacrement.
Or , nous ne concevons pas comment l'un ou
l'antre peut fonder sa foi sur l'Ecriture sainte.
Qu'il la lise ou qu'il l'entende lire, il n'en-
tend toujours qu'une version; ce n'est point
la langue des auteurs sacrés : comment sait-
il que cette version est (idèle? Il n'en a point
d'autre preuve que le témoignage des théolo-
giens de sa secte; c'est toujours la tradition,
mais qui n'est pas celle de I Eglise univer-
selle, et (lui même y est contraire. C'est
nèanmuius le cas dans lequel se sont trouvés
les trois quarts et demi de ceux qui ont
embrassé le protestantisme dans les commen-
cements; c'était une troupe d'ignoranis
conduits à l'aveugle par les prédicanls de la
réforme. Bossuet, dans sa conférence avec le
ministre Claude , a fait voir qu'un protestant
ne s'entend pas lui-même, lorsqu'il dit en
récitant le symbole : Je crois la sainte Eglise
catholique. Si par là il entend la secte parti-
culière dans laquelle il est né, c'est une er-
reur, et il y croit sans aucun motif raison-
nable. S'il entend, comme la plupart, l'as-
semblage de tous ceux qui croient en Uieu et
eu Jesus-Christ , il se contredit en ajoutant :
Je crois la communion des saints, puisque
encore une fois il ne peut y avoir de commu-
nion entre ceux qui n'ont pas la même
croyance. Au mot Foi, en faisant l'analyse
de la fui d'un catholique ignoraiil ou enfant ,
nous avons fait vuirqu'il a un motif très-solide
de croire a l'Eglise catholique.
Douzième preuve. La cliaine des erreurs
qu'a fait naître la méthode des protestants
démontre qu'elle est fausse; non-seulement
elle a donné lieu à cette multitude de sectes
qui les divisent, mais elle conduit directe-
ment au déisme et à l'incrédulité. Eu effet,
pour décréditer la tradiiion, les protestants
ont noirci, tant qu'ils ont pu, les Pères de
l'Eglise; ils ont attaqué leur capacité, leur
doctrine, leur morale, leurs actions, leurs
intentions, leur bonue foi. Cependant les
plus anciens des Pères étaient les disiiples
immédiats des apôtres; il est diflicile d'avoir
une haute opinion de maîtres qui ont formé
de jiareils élèves et qui les ont choisis pour
successeurs. Aussi plusieurs protestants ont
parlé des uns à peu près comme des autres.
Si les apôtres eux-mêmes, disent-ils, ont été
sujets à des erreurs et à des faiblesses,
faut-il ^'étonner que leurs disciples les plus
zélés en aient été susceptibles? Barbe\rac,
Traité de la morale des l'èrrs. c. 8, § 39;
Chillingwoi .i: , / < R'iujion prolestante, voie
assurée du salui, eiç. iisl-il croyable u'uilleurs
835
TRA.
TRA
836
que Jésus-Christ ail Teille sur son Eglise, en
permellaiit qu'elle tombât eiilre les mains
de pasteurs si capables Je l'égarer ? On con-
çoit tout l'avantage que ces accusations
téméraires ont donné aux déistes; ils n'ont
pas raan(ioé de tourner contre les apôircs les
mêmes objections que les protestants ont
faites contre la personne et contre les écrits
des Pères ; bionlôt ils ont osé les lancer con-
tre Jésus-Christ lui-nicnie. Quand on deman-
dait : esl-il possible que des iiommes tels ((ue
Luther, Calvin et les autres, emportés par
les passions les plus fougueuses, <iui ont
donné dans des erreurs dont leurs secl.ileurs
rougissent aujourd'hui , aient été suscités de
Dieu pour réformer l'EglisL'? Ceux-ci, plutôt
que de demeurer muets, ont répondu que les
fondateurs mêmes et les propagateurs du
christianisme oui été sujets à des erreurs et
à des faiblesses.
Lorsi]ue nous soutenons qu'un fidèle doit
user de sa raii'-on pour connailre quelle est
la véritable Eglise, et pour peser les preuves
de son infaillibilité, mais que dès qu'il la
connaît, il doit déférer à celte autorité, ils
disent que ci'tie conduite est absurde , que
nous attribuons à l'Eglise le droit d'ensei-
gner toutes sortes d'erreurs, sans qu'il nous
soit permis d'examiner si uous devons les
admettre ou les rejeter; qu'il n'est pas plus
difficile à la raison de juger quelle est la
vérit.ible doctrine , que de discerner quelle
est la véritable Eglise. Nouveau sujet de
triomphe pour les déistes : Selon vous,
ont-ils dit , nous ne pouvons juger de la
mission de Jésus-Christ, de celle des apôtres,
de l'inspiration des livres saints , que par la
raison ; donc c'est encore à elle do juger si
la doctrine iju'ils enseignent est vraie ou
faus-e : il n'est pas plus difficile de porter ce
jugement que de voir ti leur mission est
divine ou humaine, si tels livres sont inspi-
res ou n 111. (^onséquemment les déistes ont
attaqué l'Iicrilure sainte en général par les
mêmes arguments que les protestants ont
faits contre certains livres qu'ils ont rejelés
du canon. Au uiot Erriîuu nous avons fait
voir la maltiiude de celles qui sont nées les
nues des autres sur chacune des questions
controversées entre les protestants ei nous;
toutes sont venues de l'opiniâireté à rejeter
la tradition : dès qu'une fois les protestants
ont eu posé pour ]jrincipe que nous ne
devons croire que ce qui est expressé. nent et
formellement révélé dans l'i-crilure sainte,
et que c'est à la raison d'en déterminer le
vrai sens, les sociniens ont conclu d'abord :
Donc nous ne devons croire révélé que ce
qui est conforme à la raison ; et les déistes
ont dit de leur côté : Donc la raison suffit
pour connaître la vérité; nous n'avons pas
besoin de révélation. Nos adversaires nous
répondront sans doute qu'il n'est aucun
principe si inconieslable, que l'on ne puisse
en abuser et en tin r d.' lausses conséquences.
Soil. Il f.illail donc commencer par cvaminer
si leleur'élail incontestable; mais ils Tout
posé sans prévoir oii il les conduirait : or,
uous avons prouvé qu'il est non-sculcmeut
très-sujet à contestation, mais absolatnent
faux et destructif du christianisme.
Dans les divers articles relatifs à la ques-
tion présente, nous avons répondu aux
principales objections des protestants; mais
la manière dont ils s'y sont pris pour décré-
diter les témoins de la tradition mérite un
examen particulier.
Le Clerc, Ilisl. ecclc's., n' siècle, an 101,
commence par observer qu'à dater de la
mort des apôlros, l'on entre dans des temps
où l'on ne peut pas approuver tout ce qui a
été dil et lout ce qui a été fait ; ((ue cependant
Dieu a veillé sur son Eglise , et qu'il a empê-
ché que le fond du christianisme ne fût
changé. Les apôtres, dit-il, avaient puisé
leurs connaissances dans tros sources : d.ins
les livres originaux de l'Ancien Testament,
dans les leçons de Jésus-Christ , dans des
révélations im.nédiates ; le Saint-Esprit leur
enseignait toute vérité, et ses dons miracu-
leux en étaient la preuve, avantages que
n'ont point eus ceux qui leur ont succédé.
Ciux-ci étaient des Juifs hellénistes ou des
iîrccs; comme ils n'entendaient pas l'hébreu,
ils se sont souvent trompés. Ils ont cru que
les Septante avaient été inspirés de Dieu, et
ils n'out pas vu que ces interprètes ont sou-
vent très-mal traduit le texte sacré. Les
apôlres n'ont cité cette version que pour se
prêter au besoin des Juifs hellénistes qui ne
savaient pas l'hébreu. D'où l'on voit que les
Pères grecs ont été de mauvais interprètes
de rEcritur(!, à plus forte raison les Pères
latins qui n'avaient qu'une mauvaise version
faite sur celle des Septante. Une autre source
d'erreurs est venue des traditions reçues de
vive voix des apôlres, comme l'opinion que
Jésus-Christ a vécu plus de quarante ans ,
son règne futur de mille ans, le temps de la
célébraiion de la pâque, etc. Atiachés à la
philosophie de Plaion , ils ont cherché à eu
concilier les dogmes avec ceux du christia-
nisme; ainsi ils ont adapté la Trinité chré-
tienne à celle de Platon , ils ont cru Dieu et
les anges corporels. Ignorants dans l'art de
la dialectique et dans celui delà critique , ils
ont souvent raisonné faux, ils ont admis
comme vrais plusieurs écrits supposés. Em-
pressés d'amener les pa'icns à la foi chré-
lieiiiie, ils se sont Iréquemment rapprochés
des 0|i!iiions vulgaires, ils ont pris dans le
sens le plus commun des termes qui en
avaient un très-dlITércnt dans les écrits des
apôtres, comme celui de mystères en parlant
des sacrements , et celui d'oblalion pour dési-
gner l'eucharisiic. De là soui nés une multi-
tude de dogmes qui ne sont point dans le
Nouveau Testament; mais comme c'étaient
des subtilités qiie le peuiile n'entendait pas,
il a eu des mœurs plus pures et une religion
plus saine que ceux qui étaient chargés de
l'enseigner.
Le Clerc couronne cet exposé perfide,
moitié socinicn et moitié cal vmisti!, eu dismi
que la siiiccnte d'ua his.onen I uliii;ie a la'ie
ces aveux, mais ceiie sinceriie n'est qu'une
hypocrisie malicieuse, il laul la démasquer.
1° Ce parlrail des Pères du ii' siècle est
«57
TRA
TRA
838
bien diffi rcnl de celui qu'en a tracé Beau-
sohre, lorsqu'il a re'fvé rintclligcnce , la
capacité, la sago critique, avec lesquelles
ces l'rics ont procède pour distinguer les
livres atilhciiliquos de l'Kcrilure saiiile d'avec
les livres apocryphes ; eo//. ci-dessus notre
cinriuii'ine preuve. Le Clerc n'a pas vu ((u'en
dépriniaiil les qualités el le caractère per-
sonnel de ces témoins, il atîail)lissail d'au-
tant la certitude du jugetnciil ((u'ils on! porté
sur le canon des livres saints. .Mais un iiié-
créaut n'est presque jamais guidé dans ses
écrits que par l'interét du moment. —
2° Puisque les mir.icles opérés par les apôtres
prouvaient qu'ils étaient inspirés par le
Sainl-lîspril, nous demandons pourquoi les
miracles laits, pendant le i/ et le m" siè-
cle, par les fidèles et par les pasteurs, ne
prouvaient pas qu'ils étaient aussi remplis du
Saint-Ksprit , quoi(|irils ne l'eussent pas reçu
avec la mcine plénitude que les apôtres?
Jésus-Christ n'avait pas promis à ces derniers
l'Efprit de rcritc pour eux seuls ni pour un
temps, mais /(our toujours, Joan., c. mv, v.
It;, 17, 23. Il leur avait dit, c. xv, v. 16;
« Je vous ai choisis aliu que vous alliez faire
du fruit; et que ce fruit soit durable, » ul
fructus rester numeul ; m;\is ce fruit n'a été
que passager, suivant l'upinion de notre
dissertateur; il a commencé à se détruire
immédiatement après la mort des apôtres.
— 3" Si ce qu'il dit est vrai, il ne l'est pas
que Dieu ait conservé sain el satif le fond ou
le capital du chrisliani-.me. Comme Le Clerc,
soeinien déguisé , ^l admet ni la création,
ni la Triniié, ni l'incarnation , ni la rédemp-
tion dans le sens propre , ni la transmission
«lu pèche originel, ni relcrnilé des peines de
l'enler, etc., le l'ond tie son clirislianisme
se léiiuil presque à rien: l'unile de Uieu,
l'immortalité de l'ânie, le bonheur futur des
justes, la Miissiou de Jésus-Christ , la sulû-
sance de l'Ecriture interprétée à sa manière,
voilà tout son Sjmbole. Or Dieu, selon lui,
n'en a pas conservé purs tous les articles
dans le If siècle, puisque l'on y a commenté
à enseigner la irinité îles pei sonnes en Uieu,
la nécessité do la tradition , le culte des mar-
t}rs, etc. : autant d'erreurs «lesiruclives du
christianisme soiinien. Nous ne conteste-
rons pas au critique que les apôtres n'aient
reçu avec le don des langues la faculté
d'entendre et de pailer l'ancien hébreu. Cette
connaissance leur était nécessaire pour
convaincre les docteurs juifs qui auraient
pu leur opposer les oracles de l'Ecriture
suivant le texte original. Mais alors les
apôtres en paraîtront plus coupables aux
jeux de Le Clerc el de ses pareils. Ci iivaiu-
cus de la nècessilé de savoir l'hébreu, les
apôtres n'ont commandé à personne de
l'apprendre; connaissant toute l'imperfec-
tion de la version des Septante, ils n'ont
chai j;é personne d'en faire une meilleure; en
Se servant de celle-là, ils lui ont conciie un
respect que sans cela un n'aurait pas eu pour
elle. S'ils ont bi<'n l'ait de se prêter ainsi au
besoin des hc'llenislcs , pourquoi leurs disci-
ples ual-ils mal fuit au ii', siècle de suivre
leur exemple? Nous ne le concevons pas. —
k" On nous cite avec emphase ces paroles
de saint Paul à 'l'imothée, // Epist. c. m,
V. lo : Comme vous conmiisscs dès renfonce
les saintes Ecritures, elles peuvent vous ins-
truire piiur le salut , par la fol en Jesus-Christ.
Toute Ecriture divinement inspirée est utils
pour enseigner, pour reprendre , pour corri-
ger, pour instruire dans la juslire, pour
' rendre parfait un homme de Dieu, et le ren-
dre propre à toute bonne a-iiire. Alais on ne
fail pas attention que l'imothée, né en
L>caonie, d'un père gentil, élevé par une
mère et par une aïeule juives, n'avait pu
lire l'Ecriture sainte que dans la version des
Septante; ccjjendiint cela sullisail, selon
saint Paul , pour lui donner la science du sa-
int , pour le melire en élat d'enseigner, pour
faire de lui un [lastiîur parf,iit ; comment cela
ne sullisait-il plus aux Pères du ir siècle?
Autre mystère. Disons liardiiiient qu(> s'il
av.iit paru pour lors une nouvelle version
grecque de l'Ancien Testament, elle aurait
été n jelèc par lisjuil's helU'uisles , prévenus
d'estime pour celiC îles Septante, el accou-
tumés à la lire; qu'elle aurait été suspecte,
nicme aux gentils converiis, «'es qu'ils au-
raient su qii il y en avait une plus ancienne.
C'est ce qui arriva au iv' siècle, lorsque
saiiU Jérôme entreprit de donner une nou-
velle version latine sur l'Iiéhieii. — 5° Du
moins les Pères greis du iT siècle et du m*
entendaient le lexle grec du Nouveau Tes-
tament, el il est à presurm r (lu'ils lo lisaient
encore plus souvent que l'Ancien. (Comment
cette lecture no les a-t-elle pas détrompés
des erreurs qu'ils puisaient dans la iraduc-
lion de celle-ci, l'aile [lar les Septante?
Plusieurs protestants ont dit que, quand il
ne nous resterait que le seul Evangile de
sailli Matthieu , c'en serait assez pour fonder
noire foi ; il est bien étonnant que le Nou-
veau Testament tout entier n'ait pas pu
préserver de toute erreur les disciples des
apôtres et leurs successeuts. — 6' Suivant
le senliiiicnl des prolestants saint Paul a
encore très-grièvemciil péché en recomman-
dant aux lidèles de garder la tradition; il
devait au contraire leur défendre d'y avoir
égard, puisque c'a été une source intarissa-
ble d'erreurs. .Mais laquelle des fausses tra-
ditions citées par Le Clerc a-l-elle passé
en dogme dans l'Eglise, et a-l-elle été géné-
ralement adoptée? car c'est ici le point
de la question. Jamais on ne s'est avisé
d'appeler tradition le sentiment particulier
d'un ou de deux Pères de l'Eglise, mais le
sentiment du plus grand nombre, confirmé
et perpétué par l'enseignement de l'Eglise.
Saint Irénée est le seul qui ait cru que Jé-
sus-Christ avait vécu plus de quarante ans,
el il fondait celte opinion sur l'Evangile,
Joan., c. vur, V. 57; les millénaires ap-
puvaical la leur sur l'Aporaly pse, et les
quartodéciinans pouvaient se piévaloir de
ce que Jesus-t^hrist avait dit, Luc, c. xxii,
V. tG : Je ne tnaugerai plus cette pâque
jusqu'à ce fjuclle s'accomplisse dans le
. royaume de Dieu; or, il l'avait mangée le
839 TBA
quatorzième de la lune de mars. Lorsqu'un
proU'slant vient nous dire : Fiez-vous après
cela aux traditions ; un déiste peut ajouter
sur le même Ion : Fiez-vous après cela à
l'Ecriture sainte , sur laquellp un a e'tayé
toutes les erreurs possibles. — 7° Si les Pères
du il* siècle elaieiil en général i^'noraiils,
crédules, mauvais raisonneurs, incapables
d'eniendre el d'interpréter l'Kcrilure sainte,
les apôtres oui été bien mal inspirés par le
Saint-Esprit, lorsqu'ils ont choisi de tels
hommes pour leur succéder; n'y en avail-il
donc point de plus capables? Saint Irénée
nous en donne une idée fort différente,
contra Hœr.. \iv. i\i, c. 3, n. 1; il devait
les connaître, puisqu'il avait vécu avec. eux.
Le Clerc convient cependant, n. 22, que le
christianisme fit de grands progrès dans ce
siècle, par les restes de miracles opérés par
les disciples des apôtres, par la réfutation
des erreurs des païens, par la constance
des martyrs, par la pureté des mœurs des
chrétiens Quoi! Dieu a employé ces moyens
surnalurels pour propager une doctrine qui
se corrompait déjà, et dont les erreurs
allaient croître pendant quinze siècles en-
tiers? C'est une supposition non moins ab-
surde qu'impie. Enfin, nous prions Le Clerc
de nous dire où les fidèles du second siècle,
instruits par les pasteurs de ce temps-là,
avaient puisé des mœurs plus pures el une
religion plus sainte que celles de ceux qui
étaient chargés de les enseigner : est-ce en-
core dans le texte hébreu de l'Ecriture
sainte? On est tenté de croire que Le Clerc
était en délire lors(|u'il a écrit toutes ces
inepties.
Mosheim n'a été guère plus raisonnable ;
il soutient i|ue les chrétiens ont été imbus
de plusieurs erreurs, dont les unes venaient
des juifs, les autres dus païens ; ilonc il ne
faut pas croire, dit-il, ({u'uiie opinion tient
à la ductrine chrétienne, parce qu'elle a ré-
gné dès le premier siècle et du temps des
apôtres. 11 met au rang des erreurs judaï-
ques l'opinion de la fin prochaine du monde,
de la venue de l'Aniechrist, des guerres et
des forfaits dont il serait l'auteur, du règne
de mille ans, du feu qui purifierait les âmes
à la fin du monde. Il attribue aux païens ce
que l'on pensait des esprits ou génies bons
ou mauvais, des spectres ei dos fantômes, de
l'état des morts, de l'eflicacité du Jeune pour
écarter les mauvais esprits, du nombre des
cieux, etc. 11 n'y a rien de tout cela, dit-il,
dans les écrits des apôlres ; c'est ce qui
prouve la nécessité de nous en tenir à l'E-
criture sainte plutôt qu'aux leçons d'aucun
docteur, quelque ancien qu'il soit, Inslit.
hist. christ, majores, c. 3, § 17. — Ce criiique
avait-il réfiéchi avant d'écrire? l°S'il entend
seulement que, parmi les premiers chré-
tiens, quelques particuliers ont retenu des
opinions juives ou païennes qui n'étaient
contraires à aucun dogme du christianisme,
nous no disputerons pas ; nous n'avons au-
cun iiilérèl à savoir quels ont été les senti-
ineiiis de chaque individu converti par les
ti^JoUcti OU pue ieuis SUCG09$CUrS< b'U Vl^Ut
TRA
649
que ces opinions indifférentes aient été assez
communes pour former une tradition parmi
les docteurs chrétiens, nous nous inscrivons
en faux contre cette supposition. 2° Si elle
était vraie, et que les apôlres ne se fussent
pas ait.ichés à réfuter ces erreurs, iis en se-
raient responsables, et ce serait à eux qu'il
faudrait s'en prendre. Aussi les incrédules
ont-ils attribué aux apôtres mêmes toutes
les erreurs dont Mosheim veut charger les
premiers chrétiens, et ils ont prétendu les
trouver dans les écrits du Nouveau Testa-
ment. Ils ont soutenu que la fin prochaine
du monde est enseignée par Jésus-Giirist,
Matlli., c. xxiv, v.3i; par saint Paul, IThess.^
c. IV, v. 14. ; par saint Pierre, Epist, H, c. m,
v. 9 et seq. La venue et le règne de l'Anté-
christ sont prédits, // Tliess., c. ii, v. 3; /
Joan., c. II, V. 18. Le règne de mille ans est
promis, Apoc, c. xx, v. ti et seq.; // Petr.,
c. m, V. 13. Saint Paul a parlé du feu puri-
fiant, I Cor., c. m. V. 13, el saint Pierre, ibid.,
V. 7 et 10. La distinction entre les bons anges
el les mauvais est enseignée clairement dans
les livres de l'Ancien el du Nouveau Testa-
ment ; on a jugé des inclinations des mau-
vais ani;es par ce qui en est dit dans le livre
de Tobie, c. iv, v. 8, et c. vi, v. 8, etc. Il est
parlé de fantômes, Matth., c. xiv, v. 26, et
Luc, c. XXIV, v.37. On a raisonné sur l'état
des morts d'après la parabole du mauvais
riche, Luc, c. xvi, v. 22, d'après un passage
de saint Pierre, FJpist. I, c. m, v. 19, et
d'après ce que dit saint Paul de la résurrec-
tion future. L'efficacité du jeûne est fondée
sur l'exemple de Jésus-Christ, de saint Jean-
Baplisle, des apôtres et des prophètes ; il est
fait mention du troisième ciel, II Cor., c. m,
V. 2 el 4. Ouoique parmi ces opinions il y en
ait de vraies, de fausses ou de douteuses,
nous défions les protestants de les réfuter
par l'Ecriture seule. Une preuve que les an-
ciens Pères, qui ont suivi les unes ou les
autres, les ont puisées dans l'Ecriture, et
non ailleurs, c'est qu'ils client l'Ecriture, et
point d'autres livres. La fureur de nos ad-
versaires est d'attribuer toutes les erreurs
aux fausses traditions; nous soutenons q'ie
quand il y en a eu, elles sont venues de
fausses interprétations de l'Ecriture, et que
c'est la tradition seule qui a décidé, entre
les différentes interprétations, quelies étaient
les vraies et quelles étaient les fausses. Ils
cherchent à tromper, en disant qu'ils s'en
tiennent à l'Ecriture : encore nne lois l'Ecri-
ture el l'interprétalion de l'Ecriture ne sont
pas la même chose. 3" Mosheim lui-même,
en réfutant le système erroné d'un auteur
moderne sur le mystère de la sainte Trinité,
lui oppose le silence de l'antiquité. Dissert,
sur l'hisl. ecclés., tom. 11, p. 504-. Si le témoi-
gnage des anciens ne prouve rien, leur si-
lence prouve encore moins. Il y a plus : ce
critique, réfulanl l'ouvrage de Toland, inti-
tulé Mazarenus, en 1722, blâme en général
la mauvaise foi de ceux qui, pour se débar-
rasser du témoignage des Pères, coniineu-
ceiil par leur reprocher des f.Tuurs, des in-
liticiilés, du rij^aurctncu, elc. . il dit qu'eu
R'II
TRA
TRÂ
S42
suivant celte méthode il ne reste plus rien
de certain dans l'histoire; et c'est justement
celle qu'il a suivie dans tous ses ouvrages,
Vindiciœ antiquœ christianorum discipli-
nœ, etc., sect. 1, c. 5, § 3, p. 92. k' Ce criti-
que n'est pas pardonnable d'attaquer, par de
simples probabilités, ce que nous lisons dans
les anciens touchant l'innocence et la pureté
des mœurs des preciiiers chrétiens ; plusieurs
auteurs païens en sont convenus, cl Le Clerc
avoue que c'est une des causes qui ont con-
tribué à étendre les progrès du christianisuic
pendant le second siècle. Mosheimdil qu'en
y ajoutant foi, nous nous exposons à la dé-
rision des incrédules : que nous importe le
mépris des insensés? C'est lui-même qui
livre notre religion au\ sarcasmes de ses
ennemis, en voulant prouver que, dès l'ori-
gine, c'a été un chaos d'erreurs empruntées
des juifs et des païens.
11 a montré peu de sincérité en parlant de
la règle de loi de l'Eglise romaine. Ses doc-
teurs, dit-il, prétendent unanimement quu
c'est la parole de Dieu écrite et non écrite,
ou, en d'aulres termes, que c'est l'Ecriture
et la tradition; mais ils ne sont point d'ac-
cord pour savoir qui a droit d'interpréter
ces deux, oracles. Les uns prétendent que
c'est le pape, les autros que c'est le concile
général; qu'en attendant, les évéques et les
docteurs ont droit de consulter les sources
sacrées de l'Ecriture et de la tradition, et
d'en tirer des règles de foi et de mœurs pour
eux et pour leur troupeau. Comme il n'y
aura peut-être jamais de juge pour concilier
ces deux sentiments, nous ne pouvons espé-
rer de connaître jamais au vrai les doctrines
de l'Eglise romaine, ni de voir acquérir une
forme stable et permanente à cette religion ;
Uinl. ccclés., xvr siècle, sect. 3, i" part.,
c. 1, 5 22; Tlicse sur la validité des Ordin.
atu/licanes, c. 3, § 3 et suiv.
On voit ici, dans tout son jour, le génie
artificieux de l'hérésie. — 1° Aucun catho-
lique n'a jamais nié que la décision d'un
concile général touchant le sens de l'Ecri-
ture et de la tradition, en fait de dogmes et
de mœurs, ne soit une règle de loi inviola-
ble : ainsi toutes les décisions du concile de
Trente sur ces deux chefs sont incontesta-
blement reçues par tous les catholiijues sans
exception, et quiconque oserait les attaquer
serait condamné comme hérétique. Sur tous
ces points, les protestants sont donc bien as-
surés de connaître au vrai la doctrine de
l'Eglise romaine, l'oiy. Tukntiî. En y ajou-
tant le symbole placé à la léte de ce concile,
quel dogme y a-l-il sur lequel un protestant
puisse Ignorer ce que nous croyons? Hos-
suet. Réponse à un mémoire de Leibnilz ton-'
chant le concile de Trente; Esprit de Leib-
niti, tom. II, p. 9" et suiv. 2° Tout théolo-
gien catholique reconnaît qu'une décision
du souverain pontife en matière de foi et de
mœurs, adressée à tohte l'Eglise, reçue par
tous les évéques ou par le très-grand nom-
bre, soit par une acceptation formelle, soit
par un silence absolu, a autant d'autorité
que si elle était portée daas un concile gé-
DlCT. UE ThÉOL. UOGMATrQlE IV.
néral, parce que le consentement des pas-
teurs de l'Eglise dispersés dans leurs sièges
n'a pas moins do force (jue s'ils étaient ras-
semblés, il ne fait pas moins tradition. Toute
la différence, c'est que, dans le premier cas,
ce consentement est moins solennel et moins
pro'iiplement connu que dans le second. En
vertu de son caractère et du serment qu'il a
fait d'ensei;.,'ner et de défendre la foi catho-
lique, tout évêque est essentiellement obligé
de réclamer contre une décision du pape qui
lui paraîtrait fausse. Si dans ce siècle il y a
eu quelques théologiens qui ont contesté
ces |)rincipes, c'étaient des demi-protestants;
ils sont regardés par l'Eglise universelle
comme des hérétiques. Les protestants l'ont
si bien compris, que depuis les dernières dé-
cisions des papes sur les matières de la grâce,
ils n'ont pas cessé de répéter que l'Eglise
romaine professe hautement le pélagianismc;
cependant ces décisions n'ont pas été don-
nées dans un concile général. 3' 11 n'importe
en rien de savoir s'il y a des docteurs ca-
tholiques qui portent plus loin l'autorité du
pape et qui soutiennent que sa décision a
force de loi, indépendamment de toute ac-
ceiitation ; ces docteurs n'en sont pas moins
soumis à une décision acceptée, ni à celle
d'un concile général ; ils n'en sont pas moins
persuadés de la nécessité de consulter l'E-
criture sainte et la tradition des siècles pas-
sés. Y a-l-il aujourd'hui une décision des
papes en matière de foi ou de mœurs, de la-
quelle on puisse douter si elle a été accep-
tée ou rejetée? 1° C'est nous qui som'iies ré-
duits à ignorer quelle est la croyance de cha-
cune des sectes protestantes ; tout particu-
lier y jouit du droit d'entendre l'Ecriture
sainte comme il lui plait ; pourvu qu'il ne
fasse pas de bruit, aucun n'est obligé de
se conformer à la confession de foi de sa
secte ; toutes en ont changé plus d'une fois,
elles peuvent bien en changer encore. C'est
donc à nous d'assurer que leur religiou
n'aura jamais une forme stable et perma-
nente; elles ne subsistent que par la rivalité
qui règne entre elles, et par la haine qu'i-lles
ont toutes jurées à l'Eglise romaine. La
forme de la nôtre est stable et permancnlo
depuis les apôtres ; les divers conciles tenus
dans les diltérenls siècles n'ont rien décidé
que ce qui était déjà cru auparavant; ils
n'ont point établi de nouveaux dogmes,
puisqu'ils ont tous fait profession de s'en
tenir à la tradition : cette règle invariable
assure la perpétuité et la stabilité de notre
religion jusqu'à la fin des siècles.
liasnage, dans son Uistoire de l'Eglise,
1. IX, c. 5, (} et 7, a fait une espèce de traité
très-long et très-confus contre l'autorité de
la tradition : il prétend que l'ancienne KgJise
n'admettait des traditions (ju'en matière de
f.iiis, d'usages et de pratiques ; nous avons
prouvé le contraire, et nous avons f.iit voir
qu'en matière même de doctrine la tradition
se réduit à un fait sensible, éclatant et pu-
blic. II nous oppose un grand nombre de
Pères de l'Eglise, en particulier saint Irénée
et Terlullien ; nous avons montré qu'il n'en
27
Si3
TRA
T(\A
8U
a pas pris le sens. 11 en allègue d'atilres qui
disenl, comme saint Cyrille île Jii'rusalera,
Catech. k, en parlant du Saint-Esprit, qu'on
ne doit rien expliquer louchant nos divins
mystères qu'on ne l'établisse par des témoi-
gnages de l'Ecriture. Ce Père ajoute : « Ne
croyez pas même ce que je vous dis, si je
ne vous le prouve par l'Ecriture sainte. »
Saint Cyrille avait raisou, et nous pensons
encore comme lui. 11 parlait à dos fidèles do-
ciles, il était assuré qu'ils ne lui conteste-
raient pas le sens qu'il donnait aux paroles
de l'Ecriture. Mais si ce Père avait eu pour
auditeurs des s 'dateurs de Macédonius, qui
niaient la divinité du Saiut-Esprit, qui au-
raient disputé sur le sens de tous les passa-
ges, qui lui ei> auraient opposé d'autres, etc.,
comment aurait-il prouvé le vrai sens, si-
non par la tradition! Lui-même recom-
mande aux fidèles de garder soigneusement
la doctrine qu'ils ont reçue par tradition ; il
les avertit que s'ils nourrissent des doules,
ils seront aisément séduits par les héréti-
ques, Catech. 5, à la fin. — Lactance, Divin.
Inatit., lib. VI, c. 21, argumente contre les
païens qui ne faisaient aucun cas de nos
Ecritures, parce qu'ils n'y trouvaient pas
autant d'art ni d'éloquence que dans leurs
poêles et dans leurs orateurs. « Quoi donc,
dit-il, Dieu, créateur de l'esprit, de la parole
et de la langue, ne peut-il pas parler? Par
une providence très-sage il a voulu que ses
leçons divines fussent sans fard, afin que
toiis entendissent ce qu'il disait à tous. »
Sur ce passage les protestants triomphent.
Mais lasimplicilé du style de l'Ecriture met-
elle les vérités qu'elle enseigne à la portée
de l'intelligence de tout le monde ? Si cela
était, pourquoi tant de disputes sur les pas-
sages mêmes qui paraissent les plus clairs?
Pourquoi tant de commentaires, de noies,
d'explications chez les protestants mêmes ?
Le seul premier verset de la IJlenèse a donné
lieu à des volumes enliers, et le sens en est
encore contesté aujourd'hui par les soci-
nions. Ces courtes paroles de Jésus-Christ:
Ceci est mon corps, ceci est mon sang, sont
entendues par les protestants dans trois sens
différents. Lactance n'avait à justifier que
la simplicité du style de l'Ecriture ; il n'est
point entré dans la question de savoir si
tout le monde pouvait entendre l'hébreu,
s'assurer de la fidélité des versions, saisir le
vrai sens de tous les passages ossealiLls,
sans danger de se tromper. Vainement on
nous répélcra ces paroles : Dieu ne peut-il
donc pas parler ? 11 le peut sans doute, puis-
qu'il l'a luit : mais encore une lois, il u'a
changé ni la nilure du langage humain ni
la bizarrerie de l'esprit des homiues ; il a
parlé aux uns en hébreu, aux autres en
grec; donc il a voulu qu'il y eût des inter-
prètes pour les peuples qui n'entendent ni
l'un ni l'autre. Le seul interprète infaillible
est l'Eglise, tout autre est suspect et sujet à
l'erreur.
Basu.igc observe que les Pères se ser-
vaient ciinlre les hérétiqui s de l'arguii.ent
négatif et leur i-jjposaicul le lileiice do l'E-
criture dans les disputes, mais que ceux-ci
le rélorquiiienl aussi contre les Pères. 11 éta-
blit neuf ou dix règles pour discerner les
cas dans lesquels cet argument est ou solide
ou sans force. Comme ces prétendues règles
ne si^rvenl qu'à embrouiller la question,
nous nous bornons à soutenir que cet argu-
ment était soliile contre les hérétiques qui
en appelaient toujours à l'Ecriture, comme
font encore les protestants, et qui ne pou-
vaient citor aucune tradition certaine en
leur faveur, mais qu'il ne prouve rien con-
tre les Pères ni contre les catholiques, parce
que chez eux la tradition de l'Eglise a tou-
jours suppléé au silence de l'Ecriture ou à
son obscurité. Il entreprend de réfuter la
règle que donne Vincent de Lérins, savoir,
que ce qui a toujours été cru partout doit
être regardé comm > véritable; qu'il faut
consulter l'antiquité, l'universalité et le con-
sentement de tous les docteurs : Quod uhi-
que, quod semper, quod nb omnibus creditum
est sequamur universitalem, antiquilatem,
consensionem ; Commonit, c. 2. Basnage y
oppose, 1" que si l'on doit mettre au nombre
des docteurs les apôtres et leurs disciples, il
faut donc en revenir à consulter leurs écrits.
(lui en doute ? Mais la question est de savoir
si, lorsqu'ils gardent le silence ou ne l'ex-
pliquent pas assez clairement, on ne doit
pas suivre le sentiment de ceux qui leur ont
succédé et qui font profession de n'enseigner
que ce qu'ils ont appris de ces premiers
fondateurs du christianisme. Nous soutenons
avec Vincent de Lérins qu'on le doit, et nous
l'avons prouvé. 2° Il dit que l'on ne peut ja-
mais connaître le sentiment de l'universa-
lité des docteurs, puisque ceux qui ont écrit
ne sont pas la millième partie de ceux qui
auraient pu écrire et dont on ignore les
opinions. Nous répondons en premier lieu
que quand un concile général a parlé, ou ne
peut plus douter de l'universalité de la
croyance; en second lieu, que ceux qui
n'ont pas écrit pensaient comme ceux qui
ont écrit, puisqu'ils n'ont pas réclamé. Tou-
tes les fois qu'un évéque ou un docteur s'est
écarté du sentiment général de ses collègues,
il a été accusé et condamné, ou pendant sa
vie ou après sa mort ; l'histoire ecclésiasti-
que en fournit cent exemples. 3° Il objecte
que, parmi ceux qui ont écrit, il n'y en a
souvent que deux ou trois qui aient (raité
une question, et encore n'en oul-ils parlé
qu'eu termes obscurs; que s'ils faisaient au-
torité, les hérétiques en auraient pu citer de
leur côté; «lu'enfin ce petit nombre a pu se
tromper. Nous répliquons que, quand trois
ou quatre docteurs de réputation, placés
quelquefois à cent lieues l'un de l'autre, se
sont exprimés lie même s<ir un dogme, sans
exciter nulle part aucune réclamation, nous
sommes certains que tous les autres ont été
de même sentiment. Tuut évéquc, tout pas-
leur, s'est toujours cru essentiellement obli-
gé à veiller sur le dépôt de la foi, à élever
la voix contre quiconque y donnait atteinte,
à écarter de son troupeau tout danger d'er-
reur ; les apôtres le leur avaient fonuellc-
S4j
TRÂ
TR.\
Su]
jiienl noiumandé et leur en avaient donné
l'cxetnplo. Aujourd'hui, li s pro(esl.inls leur
font un critiie de ce zèle toujours alteiitif et
prévoyant; ils disent que les Pères étaient
des hommes in(|uiels, soupçouncuï, jaloux,
querelleurs, toujours prêts à taxer d'hi-résie
quiconque ne pensait pas coinine eus. T.inl
mieux, pouvoiis-iious leur répoivlre, c'est
ce qui ri-nd la Iradilion plus certaine ; au-
cune erreur n'a [tu naître inipunénuMit. De
là même il s'ensuit que les héiéliques n'ont
jamais pu citer des docteurs qui aient pensé
cumnio eUK, sans avoir fait du bruit cl sans
avoir été notés. Qac chacun des docteurs
catholiques ait été capable de se tromper,
cela ne fait rien à la question ; nous som-
mes sûrs qu'ils ne se sont pas trompés, dès
qu'ils n'ont pas été blâmés et censurés. Quel
docteur mérita jamais mieux d'être ménagé
qu'Oriiçène ? Non-seulement on ne lui a pas-
sé aucune erreur, mais on ne lui a pas par-
donné ses doutes. Si donc quelques-uns
n'avaient parlé qu'en termes obscurs, on
les aurait forcés de s'expliquer.
Uasnage en impose, lorsqu'il dit que saint
Au;;;ustin donnait 1 1 même réponse que lui
an\ semi-pélagiens qui alléj^uaient en leur
faveur le seutiment des anciens Pères. Uien
n'est plus faux. Ce saint dortenr a toujours
fait profession de suivre la doctrine des Itè-
res qui l'avaient précédé, et il le prouve en
citant leurs ouvrages. Lorsque saint Pros-
per lui objecta leur auloriié touchant la
prédestination, il répondit d'abord que ces
saillis persoimagcs n'avaient pas eu besoin
de traiter celle (lueslion, au li<'u qu'il avait
été forcé d'y entrer pour réfuter les piMa-
giens, L. de Prœdest.f c. 14, n. '27. Mais,
après y avoir mieux pensé, il fit voir que
les anciens Pères ont su!Ti-;ammenl soutenu
la prédestination gratuite, en enseignant
que toute jjràce de Dieu est gratuite. Sanct.
L. de Dono Pers., c. 19 et 20, n. 18-51. Par là
même nous voyons de quelle prédestination
il s'agissait. Donc sainl Augustin était bien
éloigné de vouloir s'écarter de leur senti-
ment ; et quand il serait vrai qu'il s'est ex-
primé autrement qu'eux, nous serions en-
core en droit de soutenir qu'il a pensé
Comme eux. « Ils ont gardé, dit-il, ce qu'ils
avaient trouvé établi dans l'Kglise; ils n'ont
enseigné que ce qu'ils avaient appris, el ils
ont été attentifs à enseignera leurs enfants
ce qu'ils avaient reçu de leurs pères, Contra
Jul., lib. II, n. 3'i. » Voy. PRÉDESTiNàxioN,
Siîmi-Pélagianisme.
Lorsque certains théologiens déclarent
qu'ils s'en tiennent au seniimenl de saint
Augustin seul, sur les maliè^es de la grâce
el de la pr.^destinalion, ils i!<ériU'nt qu'on
leur demande s'ils sont soudoyés par les
proteslinls, pour annuler la tradition des
quatre premiers siècles de l'iiglise, el pour
supposer que ce saint docteu/ en a établi
une nouvelle qui a subjugué toute l'Iiglise :
c'était ce que voulaionl Luther et Calvin.
Que Uasnage et ses pareils taxent de se-ni-
pélagiunisme \'inceiil de Lèrins , cela ne
nuu:> surprend pas ; ils ne lui parduiuieront
jamais la netteté, la force, la sagacité avec
laquelle il a établi l'autorité do la Iradilion;
in:iis que des théologiens qui se disent ca-
tholiques appuient cette accusation et n'en
voient pas les conséquences, cela est Irès-
élonnant. — Si nous avions trouvé des ob-
jections plus fortes dans quelque auteur pro-
testant eu ailleurs, nous ne les aurions pas
passées sous silence; mais ce (|ue nous
avons dit suffit pour démontre:- que nos ad-
versaires, en attaquant la tradition, n'ont
pas seulement compris le véritable étal do
la question (1).
TIxADUCIENS, c'est le nom que les péla-
giens donnaient aux catholiques par déri-
sion, parce que ceux-ci soutenaient que le
péché originel passe el se communique des
pères aux enfants, tiaditcitur; el que plu-
sieurs, pour concevoir cette communication,
avaient imaginé que l'âme d'un enfant émane
de celle de son père, et naît ex iraduce. Pen-
dant longtemps sainl Augustin pencha vers
cette opinion, parce qu'elle lui semi)lait la
plus coinmo le pour expliquer la transmis-
sion ou la transfusion du péché originel,
mais il ne l'embrassi jamais positivement;
il semble même l'avoir abandonnée daus
son dernier ouvrage contre les pélagiens.
Ces hérétiiiues avaient évidemment tort,
quand ils exigeaient qu'on expliquât com-
ment cela se fait : dès qu'un dogme est clai-
rement révélé par l'Ecriture sainte et par la
tradition, il est absurde d'examiner si nous
pouvons ou si nous ne pouvons pas le com-
prendre : c'est supposer que Dieu ne peut
pas faire plus que nous ne concevons, et
que notre intelligence très-bornée est la
mesure de la puissance, de la sagesse et de
la justice divine. On ne doit cependant pas
blâmer les Pères de l'Eglise, parce qu'ils ont
tenté d'expliquer jusqu'à un certain point
nos mystères et de les accorder avec les no-
tions de la philosophie, afin de satisfaire
aux reproches et aux objections des héréti-
ques et des incrédules. Voy. Péché Origi-
HBI., PÉL4GIENS.
Quoique l'Ecriture sainte n'enseigne pas
positivement que Dieu crée les âmes en dé-
tail à mesure qu'il se forme de nouveaux
corps, c'est cependant le sentiment le plus
probable. En effet, il n'y a aucune raison de
penser qu'à la naissance du monde Dieu a
exercé tout son pouvoir créateur , et (lu'il a
résolu de ne plus en faire aucun usage. Il
n'est donc pas étonnant que le seniimenl dont
nous parlons soit devenu la croyance çéné-
(I) Il y a qiiiue sources princ;p;des de tnditions :
\" 1,1 rroyiiiice el la pratique gén raie el universelle
de tonte l'Ejlise (Voi/. Croïances cé.néralcs) ; 2° la
liturgie enleiidiie dans son acception la plus géné-
rale, c'esl-ii-ilire les prières, les hymnes, le culte
prescrit suit pour la cé^cbraiion des saints mystères,
soii pnur radmiiiisiraiion des sacrements {Voy. Li-
turgie) ; 3° les écrits des Pères, lorsqu'ils sont una-
nimes pour nnns pré-enter une docirlne comme ré-
vélée {Votj. Pères); 4° les décisions dogmatiques de
l'hglise : l'Eglise ëlaiU infaillible, lorsqu'elle nous
enseigne une vérité comme rév. lée, nous devons
croire qu'elle'l'e-t cerlaineaieiu. (Voy. (Constitutions
DOGUATIUUES.)
847
TRA
raie de l'Eglise. Beausobre a fort mal rai-
sonné, lorsqu'il a oit que l'hypothèse do la
préexistence des âmes fait honneur à Dieu,
parce qu'elle suppose que sa puissance et
sa bonté n'ont jamais été sans agir ^ l sans
se communiquer aux créatures , Ilist. du
Manich., 1. vi , c. 1 , § 15. C'est justement
pour cela qu'il y a lieu de croire que Oieu
agit encor{> en créant de nouvelles âmes.
TRADUi;T10N. Voy. Version.
TRAIT de la messe. Suite de plusieurs
versets qui se chantent à la messe , et qui
succèdent au graduel. Autrefois ces versets
étaient chantés, tantôt sans inicrruplion,
tractim, par un seul chantre , et tantôt par
plusieurs alternativement.Comme un psaume
avait quelque chose de plus triste quand il
était continué par une seule personne que
quand plusieurs chantres se répondaient,
l'usage s'est établi, dans les temps consacrés
à la pénitence ou à la mémoire de la pas-
sion du Sauveur , et dans les messes pour
les morts, de faire chanter en Irait les ver-
sets, par un seul ou par deux chantres aux-
quels le chœur ne répond point. Dans les
jours de l'êtes consacrés à la joie, au lieu de
irait on chante alléluia, et il est répété par
le chœur. Lebrun, Explic. des cérémonies
delà mosse, tome I, pag. 203.
TBANSFIGUIIATION de Jésus - Christ.
Nous lisons dans saint Matthieu , c. xvii,
dans saint Marc, c. IX , et dans saint Luc,
c. IX, que le Sauveur conduisit ses disciples,
Pierre, Jacques et Jean , sur une montagne
haute et écartée ; nue pendant s-i prière son
visage devint rpsplendissanl comme le soleil,
et ses vêlements d'une blancheur éblouis-
sante ; que Moïse et Elie apparurent et s'en-
tretinrent avec lui de ce qu'il devait souffrir
à Jérusalem; qu'ils furent environnés d'une
nuée lumineuse de laquelle sortit une voix
qui dit: « Voil() mon Fils bien-uimé, en qui
f ai mis mes complaisances; écoa!cz-le. Les
évangélistes ajoutent qu'à la vue de ce spec-
tacle, ricrre s'écria : Scir/ncur, nous somines
bien ici, faisons-y trois tentes, une pour roiis,
une pour Moïse, et une pour Elie, ne sachant
ce qu'il disait ; que les trois disciples effrayés
tombèrent sur leur visage; (]ue Jésus les
releva, les rassura et leur défendit de pu-
blier ce miracle avant sa résurrection. Oa
conjecture qu'il arriva environ deux ans
avant sa mort. Pour le révoquer on doute,
quelques incrédules ont dit que ces trois
disciples dormaient, saint Luc le remarque
expressément ; qu'ainsi ce fut un rêve. Mais
trois hommes ne rêvent pns de môme; lorsque
ces trois disciples tombèrent par terre, que
Jésus les releva et leur parla en descendant
do la montagne , ils ne rêvaient pas. Pour-
quoi leur défendre de publier pour lors ce
qu'ils avaient vu, s'il avait voulu les retenir
dans l'erreur ? Toutes les circonstances dé-
montrent que Jésus-Christ ne recherchait
ni sa propre gloire ni à tromper ses disci-
ples ; que par des prodiges de toute espèce
il voulait les convaincre pleinement de sa
mission ,, et les prémunir contre le scandale
de -ses souffrances et de sa mort. Une preuve
TRA m
que les apôtres ne pensaient pas non plus à
multiplier ses miracles, c'est que saint Jean,
qui avait été témoin de celui-ci , n'en parle
point dans ses écrits; saint Pierre en a fait
mention très-brièvement , Epist. II , cap. i,
V. 17.
La fête de la Transfiguration est ancienne
dans l'Eglise, puisqu'au v" siècle, saint Léon
a fait un sermon sur ce sujet. Saint llde-
fonse, é\8êque d'Espagne en 845, en parle
comme de l'une des grandes solennités de
l'année ; Barouius en a trouve la mémoire
dans un martyrologe de l'an 850. Ainsi,
lorsque l'an 1132, Pothon , prêtre de Prum,
la regardait comme une nouvelle fête établie
par des moines , il était mal informé. En
l'i37, le pape Calixte III ordonna qu'elle fût
célébrée par un ofûcc propre, et avec les
mêmes indulgences que la fête du saint sa-
crement ; cela prouve qu'elle n'était pas alors
solcnnisée partout , mais non qu'il en fût
l'instituteur, comme quelques-uns l'ont cru.
Vie des Pères et des martyrs , t. VII, p. 172;
Thomassin, Traité des fêtes, 1. n, c. 19, § l'i.
et 13.
TRANSLATION (1) [Droit canonique] est
l'acte par lequel on transfère un ecclésias-
tique ou un bénéûce d'un lieu à un autre.
Ainsi l'on distingue deux sortes de transla-
tions , l'une des personnes , et l'autre des
choses ou bénéfices.
§ I". Delà translation des bénéfices. — Celle
translation est à temps, ou à perpétuité. La
translation à temps est moins une transla-
tion qu'une desserte de bénéfice. Elle a lieu,
par exemple , lorsqu'une Eglise paroissiale
est transférée à une église voisine ou à une
succursale de la même paroisse, soit à cause
de la ruine de l'édifice , soit à cause du dé-
faut d'habitants. Elle se fait par l'autorité
de l'évéque, et n'apporte aucun changement,
quant au litre , soit de l'église abandonnée,
soit de celle oii se fait la translation. La pre-
mière n'est point privée de son titre d'Eglise
paroissiale , et l'autre reste toujours telle
qu'elle était auparavant. Il n'en est pas de
même des translations à perpétuité ; c'est à
leur occasion que s'appliqucMit ces paroles
de saint Denis, pape: Ecclcsias singulas sin-
f/ulis pres'jyleris dedimus , et cœmetcria eis
dividimus, et unicuiqne propriam habere sta-
tuimus. Ces translations ne font parla sup-
pression du litre de l'église que l'on veut
quitter , et par la nouvelle création de ce
même titre dans l'église que l'on veut occu-
per. Leur eilet est de changer l'état du bé-
néfice transféré , et de lui l'aire perdre ses
privilèges. Elles ne peuvent se faire sans do
grandes causes : le concile de Trente en a
spécifié plusieurs, Sest:. xxi, de Réf., cap. 4;
savoir, la distance des lieux, le mauvais état
des chemins, et les dangers pour arrivera
l'église. Les causes pour les translutions d'c-
l'échés , sont: 1" la petitesse du lieu; 2" lo
mauvais état des bâtiments, ou leur étal do
ruine; 3" le petit nombre du clergé séculier
et régulier ; k" le défaut de population en gé
(I) Article reproduit d'aoros l'cdilion de Liège,
- 849 TRA
néral; 5" la méchanceté dos hnbilanls avec
qui l'évoque ni son clergé ne pourraiciil vi-
vre ; la coinniodilé de la ville où le siéi;edoit
élre Iransfcré, et l'ulililé qui en revient au
diocèse. Les causes pour les Irunslalions de
paroisses sont également le mauvais état du
lieu, et le danger où les paroissiens seraient
de manquer des sacrements , soit par rap-
port à réioignemei'.t de la paroissi; , soit par
rapport au mauvais état des ebemins, soit
enfin au trop grand nombre des paroissiens
auxquels un curé ne pourrait suffire pour
administrer les secours spirituels , et sur
lesquels il ne pourrait également étendre la
sollicilude pastorale, (juantaux translations
des maisons religieuses, on donne pour mo-
tifs, le trouble apporté au service divin par
les hérétiques voisins du monastère, les in-
cursions fréquentes des voleurs qu'on ne
saurait empêcher , et en général l'avantage
des religieux. Sur quoi nous devons observer
que, dans les translations, on n'est pas tou-
jours déterminé par une nécessilé absolue,
mais presque toujours pour le plus grand
bien de l'Eglise. La translation d'un évêcbé
a cela de particulier, qu'elle ne se peut faire
que d'un lieu à un autre ayant le litre de
ville suivant l'état politique. Non in castellis,
non in villis, ubi minores sunt plcbe.s, tnino-
resque conciirsus, ne vilcscat diynitas episco-
pulis. Aussi est-il d'usage que le pape, dans
les bulles, érige en cité , civilateni , le lieu,
oppidum, où le siège épiscopal doit être si-
tué; ce qui, suivant les derniers annota-
teurs de l'auteur du Traité de l'abus , paraît
n'avoir lieu que pour la cour romaine , et
pour lever toutes les difficultés qui pour-
raient survenir à la chambre apostolique,
où les requêtes ne donnent pas le nom de
villes à tous les lieux qui , dans l'état poli-
tique des différents royaumes, ont cette qua-
lification.
Suivant le droit nouveau, le roi et le pape
doivent concourir dans la translation des
évôchés. Dans l'ancien droit , il suffisait do
l'autorité du roi ou de celle du primat. Le
droit du roi, dans les translations , vient de
ce qu'il est présumé de droit patron et fon-
dateur des églises do son royaume : il est
d'ailleurs de l'intérêt de l'Etat, comme le re-
marque Fevret , que , par la multiplication
des sièges épisco|)aux , la juridiclion ecclé-
siastique ne prenne trop d'accroissement;
et c'est au roi, comme protecteur de la police
extérieure de l'église, de faire en sorte que
ces changements n'apportent aucun préju-
dice au droit des évêques sullraganls et ù
celui des métropolitains (1).
Le grand différend de Boniface "VIII avec
Philippe le Del fut occasionné par l'entre-
prise du pape, qui, contre le gré du roi, avait
transféré une partie du siège archiépiscopal
de Toulouse à l'amiers, où il avait érigé un
évéché en faveur de Bernard Faisset , son
(I) Sous le rapport spirituel le pape est absolu-
ment maine de créer des cvéclics.L'anicle que nous
rapporlons respire cvideuniicni un esprit trop par-
lemeulaire.
TRA
850
inliiiie ami , qui , suivant l'expression de
l'auteur du Traité de l'abus , fut assez hardi
po;ir souleiiir publiquement qu'il ne tenait
rien du roi, et qu'il était sujet du pape, tant
|)0ur II- temporel que pour le spirituel. —
Lorsque le p.ipe Pascal entreprit d'ériger
l'église de Touniay en évêché , de sa seule
autorité, Louis le Gros ne manqua pas de
s'y opposer, et il eut pourdéfenseur des droits
de sa couronne lecélèlire Ives de (Chartres,
qui fit sentir au pape qu'il ne pouvait risquer
de semblables ciitrepiises sans s'exposer à
introduire un schisme dans le ro\auine. —
Les bulles de la translation de l'évêché de
Maguelone à I^lontpellier font mention qu'elle
se fit à la réquisition et du consentement de
François 1" ; et enfin , lors de l'érection de
l'évêché de Paris en archevêché, en confor-
mité de la demande qu'en avait faite le roi,
il y eut des lettres patentes , ensuite des
bulles, lesquelles lettres patentes contenaient
le consentement de distraire de l'archevêché
de Sens, Chartres, Orléans et Meaux , pour
les rendre suffragantsde la nonvclin métro-
polo. On remarque que Grégoire XV , qui
expédia les bulles pour celle translation,
ayant mis les mots motu proprio , le parle-
ment , en les vérifiant, déclara que c'était
sans approbation de cette clause , et qu'il
serait dit au contraire que c'était à la réqui-
sition du roi que ces bulles avaient été expé-
diées.
In erectionibus , dit Rebuffe sur celte ma-
tière, et translalionibus ecclesiaruin episco-
pulium, rcx débet consentire, cum ejns intersit
tanquam fundatoris. Aussi , dit encore Fe-
vret à ce sujet, qui voudrait douter que le
roi ne dût jouir des mêmes privilèges que les
patrons laïques, sans le consentement des-
quels il ne peut rien être innové au bénéfice
de leur patronage ?
Le consentement du roi n'est pas seul
suffisant dans la translation des évéchés , il
faut encore celui des métropolitains et des
évêques sulîragants, mênic celui des chapi-
tres et aulres ecclésiastiques qui peuvent y
avoir quelque intérêt. Innocent 111 recon-
naît ce droit des évêques, à l'occasion de la
luétropole qu'il s'agissait d'établir dans la
Hongrie, qui jusqu'alors avait dépendu de
celle de Mayence. Ce pape, après avoir mon-
tré de quelle conséquence était cette de-
mande, ajoute qu'il fallait avoir le consen-
tement de l'archevêque de Mayence, métro-
politain, «t celui de son chapitre : i'rœlerea
convcnienda et commonenda super hoc cccle-
sia Mogunlinensis. — Le consentement des
peuples est encore à considérer. Une ville
jiourrait avoir de légitimes motifs pour ne
pas recevoir de siège épiscopal ; le défaut
de moyens pour en soutenir la dignité en
serait un déterminant. D'ailleurs, dit Fevret,
les évéchés pourraient être éloignés l'un de
l'autre d'une si grande distance, qu'il serait
nécessaire d'en établir un en qui;l(|ue cité
intermédiaire , ce qui obligerait de prendre
l'avis cl le consentement des peuples, pour
* savoir quelle commodité ou dommage cela
pourrait causer aux uns ou aux autres. '^
'y^wi]
SSl
TRA
IRA
85t
multum distant episcopatus vel civitates inter
se, débet inlocis interinediis episcopatus con-
slitui habita consideralione siCus , qualitas
regionis, populurum et difficiiltatis viarum,
qui sont toutes circonstances qui obligent
d'ouïr les peuples en telles affaires , de
peur de leur donner sujet d'appeler comme
d'abus. On voit que, d'après Fcvret, le refus
de consenteiiicnt des peuples n'csl point un
refus qui doive procéder de l'iiulorité , mais
seulement de la raison et de l'équité ; et dès
cet instant, il ne peut arrêter , si d'ailleurs
les deux puissances concourent pour la
translation des .sièges.
Les translations des cures et des monas-
tères se font par l'autorilc des évéques, qui,
d'après le canon 37 des apôtres , ont loule
intendance et toute juridiction sur les églises
de leurs diocèses ; ils peuvent faire dans
toutes les paroisses de leurs ressorts tous les
changements qu'ils jugent nécessaires et
convenables ; mais ils doivent toujours se
faire autoriser par le roi et par les personnes
intéressées : il en est rie même des monas-
tères. Sans ces précautions, il y aurait lieu
à l'appel comme d'abus.
Célestin 111 (Ch, de Eccles. œdif.) renvoya
à l'évêque diocésain les habitants d'une pa-
roisse qui s'in voulaient séparer, et lui de-
mandaient la permission (te bâtir une iglise
pour leur en tenir lieu. Aussi, lorsijue les
habitants du faubourg Sainl-Honoré à Paris,
qui originairement étaient de la collégiale
de Saint-Germain l'Auxerrois, voulurent se
bâtir une chapelle sous le titre et l'invoca-
tion de saint Ruch, ils présentèrent leur re-
quête à l'évêque, qui , par son ordonnance
du 18 août 1578, leur permit d'ériger celte
chiipelle pour leur tenir lieu de paroisse,
mais à la cliarge de reconnaître toujours
l'église de Saint tîermaiu. Cet usage s'est
pratiqué de tout temps dans l'Eglise, et s'il
arrivait que des paroissiens , de leur auto-
rité et à linsu de leur évoque, se fussent fait
bâtir uni! église avec les marques d'une
église paroissiale, il y aurait lieu à l'appel
comme d'abus, tant par révè(|ue que par le
curé de l'église paroissiale.
Fevrot cite à cette occasion l'exemple de
l'évêque de Monlauban. Ce pré al ayant ac-
cordé à des religieuses de \'illemur la per-
mission de s'établir dans l'hôpital de Saint-
Louis, les adrjiiuislrateurs de cet hôpital
émirent appel comme d'abus de l'ordoiuiaiice
de l'évêque diocésain contenant celte per-
mission. Le parlciiienl de Toulouse , sans
s'y arrêier, ordonna qu'elle serait exécutée
par provisioa à la forme dos arrêts précé-
dents , alteniiu qu'il apparaissait, tant de
l'autoriléde l'évêque diocésain que de la per-
mission du roi , et que d'ailleurs le peuple
n'y contredisait point.
s 11. Be la triinslation des personnes, et pre-
mièrement d'S évéques. — Dans la primitive
Eglise, tout ecclésiastique était allaché à son
Ef;lise, el les évéques surloul. Aussi nous
voyons que la <ro»i7aa'on d'uu évê(;ue,d'un
sié;^e à MU aulre, est réprouvée par les au-
cieus canons el par loub les Pèrcj, lorsqu'elle
est faite sans nécessité ou utilité pour l'E-
glise, parce que , disent saint Cyprien cl le
pape Ëvariste , il se contracte on m;iriage
spirituel entre l'Evêque et son Eglise, telle-
ment que celui qui la quitte facileiiienipour
en prendre une autre , commet un adultère
spirituel. Le concile de Nicée défiN\d aux
évéques, prêtres el diacres, de passer d'une
Eglise à une autre; c'est pourquoi Constantin
le(]rand loue Eusèl)e,évèquedeCésarée, d'a-
Toir refusé l'évêché d'Antioche. Le concile
de Sardique alla même plus loin, car, voyant
que les ariens méprisaient la défense du
concile de Nicée , et qu'ils [)assaienl d'une
moindre Eglise à une plus riche , Osius le
Grand , qui y présidait, y proposa que dans
ce cas les évéques seraient privés de la com-
munion laïque i ême à la mort. 11 y a un
grand nombre d'autres canons conformes à
ces deux tonciles. — L'Eglise romaine était
leilemeiit attachée à celle discipline , que
Formose fut le premier qui y contrevint,
ayant passé de l'Eglise de Porto à celle de
Rome, vers la On du ix' siècle, dont Etienne
VII lui fit un crime après s.i mort. Jean !X
fit néanmoins un canon pour autoriser les
translations en cas de nécessilc, ce qui était
conforme aux anciens canons qui les per-
mettaient en cas de nécessilé ou utilité pour
l'Eglise.
C'était au concile provincial à délcrminer
la nécessité ou utilité de la translation; c'est
ainsi qu'Eusèbe fut transféré sur le siège
d'Alexandrie, et Félix sur celui d'Ephèse.
Tel fut l'usage en France jusque vers le x*
siècle On voit en effet, par les capilulaires
de Charlemague, que de son temps la trans-
lation des évéques se faisait par la seule
autorité des évéques, et celle des clercs,
d'une Eglise à une autre, par la permission
de l'évêque diocésain. Parla suile des temps,
les patriarches elles primats, dans l'étendue
de leur patriarcal ou primatie , s'arrogèrent
le pouvoir de statuer sur les translations des
évéques d'une cité à une autre. Les papes
en uèretit de même dans leur patriarcat, et
bientôt dans toute riîglise latine , en sorte
que ces translations lurent mises au nom-
bre des causes majeures réservées au saint-
siége. — Suivant le droit des Décrétales et
la discipline présente de l'Eglise, les tranS'-
lotions des évéques sont toujours réservées
au pape, et ne peuvent même app.irienir aux
h g.ils a /a<e)c , sans un induit sp;cial du
pa; e. On observe aussi toujours que la trans-
lation no peut être faite sans née; ssité ou
ulililè pourl'Eglise. Il faut de plus en France,
que ces translations soient faites du consen-
tement (lu roi, cl i ur sa nouiinaliun, et qu'il
en .'oit fait mention dans les bulles de pro-
vision, autrement il y aurait abus.
§ m. De la translation des religieux d'un
ordre dansun attire. Dans l'origine de l'élat
monasîique, les religieux pouvaient passer
d'un monastère dans un aulre , même d'un
ordre dill'érenl, el se mettre successivement
SI. us la direction des différents siip: rieurs.
L'aiiit Ih'i'.oîl joignit au vœu d'obéissance
perpétuelle, celui de stabilité , c'est-à-dire.
855
IRA.
IRA
S&i
de résidence perpétuelle dans .0 monaslère
où les religieux avaient fait profession. La
rè;;le de saint lîcnoît étant devenue la seule
qui fut observée dans l'occident, le précepte
de stabilité devint un droit cummun pour
tous les réguliers. Ccpciuiant comme le vœu
de stabilité n'avait pour objet que de pré-
venir la légèreté el l'inconstance, et non pas
d'empêcher les relij;ieux de tendre à nue
plus grande perfection , on leur permit do
passer de leur monastère dans un autre plus,
austère; et pour cela , ils n'avaient besoin'
que du consentement de l'abbé qu'ils quit-
taient. Depuis l'élablissemeiit des ordres
mendiants, plusieurs religieux de ces ordres
se retirant chez les bénédictins , ou dans
d'auires congrégations , pour y obtenir des
bénéFices , on régla d'abord que les men-
diants, ainsi transférés, ne pourraient tenir
aucun bénéfice sans une permission parti-
culière du pape. Ces sortes de permissions
s'accordaiil trop fucilemrnt , on régla dans
la suite que les translations di's Mendiants
dans un autre ordre (excepié celui de Char-
treux, où l'on ne |iossède point de bénclice)
ne seraientvalablrsque quand elles seraient
autorisées par un bref exprès du pape. —
Un religieux peut aussi être transféré dans
un ordre plus ruitigé, lorsque sa santé ne lui
permet pas de suivre la règle qu'il a em-
brassée ; mais l'usage de ces sortes de trans-
talions est beaucoup plus moderne. On a
mieux aimé alTranrbir totalement un reli-
gieux infirme de l'austérité de sa règle, et
lui permettre d'en choisir une plus douce,
que d'admettre en sa faveur une exception
continuelle , (jui pourrait devenir pour les
autres une occasion de relâcbemenl. Pour
passer dans un ordre plus austère, un reli-
gieux doit demander la permission de son
supérieur; mais si le supérieur la refuse, le
religieux peut néanmoins se retirer. A l'é-
gard des .Mendianis, il leur est défendu, sous
peine d'excommunication , de passer dans
Un autre ordre , même plus austère , sans
un bref du pape; etil est défendu aux supé-
rieurs , sous la même peine , de les rece-
voir sans un bref de translation : on excepte
seulement l'ordre des Chartreux. Le pajie
.est aussi le seul qui puisse transférer un
religieux dans un ordre moins ausière, lors-
que sa santé l'exige. Le bref de trunslalion
doit être fulminé par lofiicial , après avoir
entendu les deux supérieurs; el si la trans-
lation est accordée à cause de quelque in-
Grmité du religieux, il faut qu'elle soit con-
statée par un rapportde médecins. Les brefs
de translation, pour être exécutés eu France,
doivent èire expédiés en la Daleric do Rome,
et non par la congrégaliou des cardinaux,
ni par la Pénitencerie. L'usage de la D ate-
rie, qui est suivi parmi nous , oblige le reli-
gieux transféré, de faire un noviciat et une
nouvelle profession , lorsqu'il passe dans
un ordre plus austère , ou qu'il passe d'un
ordre où l'on ne po^ sèdc (as de béoéûce
dans un oidreoùl'ou en pe:U tenir. Sans
cette profession, il ne peut devenir membre
du nouveau monastère; c'«sl par elle que
le nœud réciproque qui attache le religieux
à l'ordre, et l'ordre au religieux , se forme
et devient indissoluble. Klie est même né-
cessaire lorsque la (rans/o^i'on se fait dans
un ordre moins ausière , par la raison que
le sujet a droit d'examiner si la maison lui
convient , et la maison celui d'examiner si
elle peut s'arcommoder dn sujet. On observe
les mêmes règles pour la translation des re-
ligieuses d'un monastère dans un autre,
c'esl-à-dire, qu'elles ne peuvent passer d'un
monaslère à un autre plus austère , sans
avoir demandé la permission de leur supé-
rieure, et si celle-ci la refuse, la religieuse
no peut sortir du premier monastère, sans
une permission par écrit de l'évéque.
Tout ce que nous venons de dire des trans-
lalions des religieux , doit s'entendre des
translations d'un ordre dans un autre, c'est-
à-dire des cas où le religieux change d'ob-
servance el de discipline, et non do celles où
il change seulement de monastère et non
pas d'observance. Cette dernière s'opère par
la seule autorité des supérieurs réguliers,
sans solennité ni formalité, et elle n'exige
ni noviciat ni profession. Elle a même lieu
par la collation d'un bénéfice dans un autre
monastère que celui dans lequel le religieux
avait fait ses vœux.
Les rescrits de translation des religieux,
contenant dispense du saint-siége, pour pas-
ser d'un ordre dans un autre, ne soufl'rent
pas d'extension, et s'interprètent comme
étant de droit étroit : c'est pourquoi le reli-
gieux simplement transféré no peut aspirer
aux bénéfices de l'ordre dans lequel il est
passé; il lui faut une dispense particulière
et spéciale, sans laquelle la provision devient
îiulle. C'est ce qui a été jugé au parlement
de Paris, le 30 juin 1GV2, contre un religieux
cordelier qui s'é.ait l'ait Iranslércr dans l'or-
dre de Saint-Augustin, et qui y aval tété pourvu
d'un prieuré qui on dépendait , sans clause
de dispense particulière pour tenir des béné-
Gces de l'ordre.
Lorsque le religieux transféré retourne à
son premier iionastère , on distingue si la
translation était dans un monastère du même
ordre, ou si elle était dans un monastère
d'un ordre dilTérent : dans le premier cas, il
reprend sa place et son ring d'ancienneté,
lei qu'il l'avait avant sa iîï/n.</(j/io>i. Si au
contraire il est transféré dans un monastère
d'un ordre différent, etijoe la translation
ail été effecluét' , il perd son riiig d'ancien-
neté: tel est l'avis de Fevret. C'est pourquoi,
dit cet auteur, si par quelque considération
ce religieux relou; nail à son premier habit,
il ne reprendra pas son rang d'ancienneté,
mais marcherait d'après les reçus depuis sa
translalion ; de même qu'un officier de quel-
que siège, lequel se serait fait pourvoir de
quelque office en une autre compagnie; si,
après l'avoir exercé , il retournait au siégo
auquel il était premièrement officier , il ne .
reprendrait plus le rang qu'il y tenait, par
l'argument do la loi, Scd ti manente , ff. de
prccar., sauf la limitation de la loi 3, De di-
onit. lib. X, où il est.dit que celui qui quitte
855
^R^.
TR\
856
uue charge pour entrer dans le sénat, s'il
retourne au premier 'corps où il élail ofli-
cier, reprenil sa première place, idque jure
singulnri; et par la même raison, qu'un
relijfieux transféré à une autre religion, ul
in ea esset pnelatus finito officia , scdcbil in
primo loco post prœlatum in memorium pri-
stinœ difiinlatis :mi\is hors ces cas singuliers,
on suit la glose de la loi 21, de Decnr., qui
veut que celui qui est sorti de l'ordre des
décurions, si fuerit resliCutus, euindem ordi-
nem non rethxeat quem pi ius habebut , sed
quem tune adipiscilur mm novus in ordinem
redit.
TRANSLATION dos reliques d'un saint.
L'usage de transporter d'un lieu à un autre
les reliques d'un martyr ou d'un autre saint
dont on chérissait la mémoire, est venu d'un
sentimcnltrès-nalurel ettrès-religicux. Lors-
qu'un saint évêque avait soufl'crt la murt
pour Jésus-Christ dans un lieu éloigné de
son siège , il n'est pas étonnant que ses
ouailles aient désiré de posséder ses reliques,
aient demandé que du lieu de son martyre
elles fussent porices dans son Eglise. Ainsi,
l'an 107, les restes des os de saint Ignace,
martyrisé à Rome, furent transportés d;ins
sa ville éf:iscop;ile d'Antioche , et reçus par
les fidèles comme un trésor inestimable , sui-
vant l'expression des actes de son l'nartj re.
Or, à celle époque , il y avait certainement
encore dans cette Eglise un bon nombre de
chrétiens qui avaient été instruits dans la
foi par les apôtres mêmes. Lorsqu'un laï(iue
avait reçu la même couronne, le respect et
l'amour inspiraient le même empressement
à ses concilo} ens ; et quoi que l'on en puisse
dire, c'est un effet naturel de la vénération
qu'inspire la vertu. Cezèleauguienla lorsque
l'on vit qu'il se faisait des miracles au tom-
beau des martyrs ; on regarda leurs reliques
comme un gage assuré des faveurs du ciel,
et dans chaque Eglise on fut jaloux de s'en
procurer. Dans la suite des temps , l(irs(|ue
les Baibari'S firent des incursions dans nos
provinces , brûlèrent les églises et les rili-
ques des saints, l'on s'empressa de dérober
à leur fureur ces précieux dépôts , on les
porta dans des lieux où l'on avait sujet de
penser que les barbares ne pénétreraient
pas, surtout dans les monastères écartés. Il
y a plusieurs exemples de reliques ainsi
portées de l'un des bouts de la France à
l'autre ; quelques-unes furent ensuite repor-
tées dans les lieux où elles avaient reposé
d'abord. — Quand on examine cet usagesans
prévention, l'on n'y voit rien quede louable;
mais ce n'est point ainsi que l'ont envisagé
les protestants. Obstinés à soutenir que le
culte des reliques des saints est une super-
stition imitée des païens, ils ont trouvé beau,
lorsqu'ils avaient les armes à la main, de
suivre l'exemple des barbares, de fouiller
dans les tombeaux des saints, d'en enlever
les ornemenis, de profaner et de brûler les
rt'liijues; leurs écrivains ont ensuite dé-
ployé Icuréloquence pourjusiitier ces excès,
et pour jeter du ridicule sur toutes les pra-
tiques des catholiques à cet égard.
Basnage, Ilist. de Vlùjlise, 1. xviii, c. 14,
s'est beaucoup étendu sur ce sujet ; il a fait
tous ses efforts pour prouver que, pendant
les trois premiers sièiies, ou ne s'était point
avisé de loucher aux tombeaux des martyr.s,
d'en tirer leurs os, ni de les placer dans les
églises ou sur les autels ; que cet abus n'a
commencé que vers la fin du iV siècle , et
que ce sont les ariens qui ont le plus con-
tribué à l'introduire. Au mot Saint, § 3, nous
avons réfuté celle imagination ridicule; aux
mots MâiiTïRS el llELiyuiis, nous avons fuit
voir que leur culte est aussi ancien que le
christianisme, et que dés le roinmencemenl
c'a été une espèce de profession de fui de la
résurrection future. S'il s'y est glissé des
abus dans les siècles d'ignorance , ils n'ont
jamais été aussi grands ni aussi fréquents
que les prolestants le prétendent , cl il en
est résulté beaucoup plus de bien que de
mal. Une infinité de pécheurs ont été péné-
trés de componction en visitant le tombeau
des saillis. Dieu y a souvent récompensé par
des miracles la loi des fidèles, ils y ont reçu
du soulagement dans leurs maux; la fureur
même des barbares a respecté plus d'une
fois ces sanctuaires de la piété. Quoi que l'on
en dise, il est bon que les enfants de l'Eglise
conservent ces objets de consolation et de
confiance, desquels ses cunemis se sont vo-
lontairemenl privés.
TRANSMIGRATION des âmes. Plusieurs
anciens philosophes , comme Empédocle ,
Pythagore et Platon , avaient imaginé que
les âmes , après la mort , passaient du corps
qu'elles venaient de (luiller, dans un autre
corps, afin d'y être purifiées avant de par-
venir à l'état de béatitude. Les uns pensaient
que ce passage se faisait seulement d'un
corps humain dans un antre de même es-
pèce , d'autres soutenaient que certaines
âmes entraient dans le corps d'un animal ou
dans celui d'une plante. Celle frans»»iy?at«07i
élail nommée par les lirccs métempsycose ou
me'iensomalose. C'est encore aujourd'hui uu
des principaux articles de la croyance des
Indiens. Nous n'avons aucun intérêt à re-
chercher l'origine de cette vision , ni la
manière dont elle est venue à l'espril des
philosophes ; les conjectures des savants sur
ce point ne s'accordent pas ; mais nous nous
trouvons obligés de faire voir que celte er-
reur n'est fondée sur aucun principe certain
ni sur aucun des dogmes de la foi chrétienne,
qu'il est faux que plusieurs docteurs chré-
tiens l'aient adoptée , ni qu'elle soit plus
raisonnable que le sentiment de l'Eglise ca-
tholique louchant le purgatoire ou la purifi-
cation des âmes après la mort. On voit assez
par quel motif quelques protestants ont
trouvé bon d'avancer tous ces paradoxes.
Peu nous irjiportc^ encore de savoir si parmi
les .luifs les pharisiens ont cru la iransmi-
(jruiîun des âmes , si c'est encore aujourd'hui
un dos dogmes des cabalisles , si c'a olé l'opi-
nion commune des Egyptiens, ou seulement
celle de quelques-uns de leurs philosophes ;
nous nous bornons à examiner si elle a pu cire
tirée de quoique vérité contcnuu daas lu ré-
8S7
TRA
TRA
8o3
vélalion, et si cllcacontribuécn quelque chose
à corrompre la pureté de la foi dans l'iîffliso
clirétieriiie , comme cerlains critiques lo
prclondeiil.
IJeausobre est celui île tous les protestants
qui a pousse le plus loin la lémérilé à ce su-
jet..//ii/. (lu Munich., I. vu , c. 5, S 5 , t. Il,
|). VM. Il soulieat , t" qu'Ori;;èiic a cru la
iransmigration des âmes , qu'il a seulement
douté si celles des pécheurs passent du corps
d'un homme dans celui d'un animal. Il cite
en preuve le témoignage d'un auteur ano-
nyme dans Photiiis, qui accuse Origôiic d'a-
voir pense que l'âme de notre Sauveur était
celle d'Adam , cl celui de saint Jérôme ,
Epist. 9ï ad Avituin. (^uant an premier de
ces témoins, lieausohrc se rend d'ahord cou-
pable d'imposture. L'anonyme dont parle
i'Iiotius , CoJ. 117, était un apologiste et
non un accusateur d'Origène ; il avait en-
trepris de le défondrc sur quinze chefs il'ac-
cusation , dont le quatrième était d'avoir sou-
tenu que les âmes de (luelqnes hommes
passent après leur mort dans le corps des
brutes , et le si.viùine d'avoir dit que l'âme
de Jésus-tJlirist était celle d'Adam. (Jnc cet
autour ait réussi ou doq à justifier Origène,
cela ne lait rien à la question ; il en résulte
seulement que les anciens ennemis de ce
l'ère n'ont épargné aucune calomnie pour
le noircir. — Saint Jérôme n'accuse point
Origèned'avoirassuréque l'âme des pécheurs
en général peut passer dans le corps des
brutes, mais d'avoir dit qu'à la fin du monde
un ange , une âme, un démon peut devenir
une bruto el le désirer , dans la violence des
tourments et des ardeurs du feu qu'il endure.
11 est donc ici questinn d'un damné, et non
d'un autre pécheur , et il est à croire qu'Ori-
gène avait seulement dit (ju'un damné peut
désirer le soit d'une brute, et non qu'il peut
l'oblenir. On sait assez que saint Jérôme n'a
pas toujours pris lapeinedovérifier les passa-
ges cités par les ennemis d'Origène. D'ailleurs,
il avoue qu'Origène ajoutait : « 'Tout ceci ne
sont point des dogmes , mais des doutes et
des conjectures hasardées , pour ne rien pas-
ser sous silence. » S. Ilieron., t. l\ , eo!. 7G2
et 71)3. lieausobre convient que ces passages
allégués par saint Jérôme ne se trouvent
plus dans Oi igène ; sur quoi donc fondé ose-
l-il avancer iju'il est certain et qu'il n'y a nul
doute que ce Père n'ait admis la iransmif/ra-
tion des âmes ? C'est le contraire qui est cer-
tain , et Beausobre n'est pas pardonnable de
l'avoir dissimulé. En effet, dans huit ou dix
endroits de ses ouvrages , Origène a formel-
lement réfuté non-seulement les philosophes
qui prétendaient que l'âme d'un homme peut
passer dans le corps d'un animal , mais en-
core ceux qui supposaient qu'elle peut entrer
dans le corps d'un autre homme. 11 dit que
cp dernier sentiment est contraire à la foi de
l'iiglise , qu'il u'est ni enseigné par les apô-
tres ni révélé dans l'Ecriture, qu'il est même
opposé à plusieurs passages de riivaiigile, et
il cite ces i)assages, t. XHI, in Mcllh. ,
n. 1 , etc.; on en verra quelques-uns ci-après.
Il est donc l'aus qu'Origèue u'ait pas cru que
le ilogme de la mélempsyrose blessât en au-
cune sorte les fundemenis de la fui , comme il
plaît à IJeausobre de l'assurer. Mais en co-
piant dans lluet tout ce qu'il a dit au désa-
vantage de ce l'ère , il a laissé de côté ce ()ui
sert à le justifier , Oriijeniun., liv. ii , q. G ,
n. I!)et20.
La même accusation intentée contre Syné-
sius est également injuste. Cet évéque dit
dans ses poésies, hymn. 3 , v. 725 : « O l'ère,
accordez que mon âme réunie à la lumière
ne soit plus plongée dans les ordures de la
terre 1 ■> Pour changer le sens , Beausobre a
mis rcplonyée. lîntiii il cite Cbalcidlus : mais
on sait que c'était un philosophe éclectique
du IV' siècle , cnlélé du système de Platon ,
qui a donné beaucoup plus de preuves d'at-
lachementau paganismequ'au christianisme;
il ne mérite donc pas d'être placé parmi les
philosophes chrétiens d'un grand mérite et
d'une haute vertu, (jui, selon lîeausobre, ont
enseigné le dogme de la Iransmii/ration des
âmes. Voilà déjà trois ou quatre infidélités
qui ne faut pas honneur à l'accusateur des
Pères
2 Pour en pallier la turpitude , il prétend
que les principes sur lesquels était fondée
l'opinion de la métempsycose , n'avaient rien
de fort dcraisonnablo ; elle tira, dit-il, son
origine de l'hypothèse de la préexistence des
âmes, comme M. Huet l'a prouvé. Nous
avouons (]ue M. lluel l'a dit, mais nous nions
qu'il l'ait prouvé , et nous défions son copiste
de nous montrer aucune liaison entre ces
deux erreurs ; jamais les Pères de l'Eglise
ne l'ont aperçue. Eu efiel, quand il serait
vrai que l'âme a existé avant lo corps, il s'en-
suivrait seulement qu'elle peut exister en-
core sans lui après la mort , et non qu'elle
doit entrer dans un autre corps.
3' L'une et l'autre de ces deux opinions ,
continue notre critique, parurent nécessaires
pour maintenir l'immortaliléde l'âme. Autre
fausseté; aucun des Pères n'a connu celte
nécessité. Convaincus de l'immortalité de
l'âme par la révélation , ils n'ont eu besoin
ni de deux erreurs ni d'une fausse logique
pour soutenir ce dogme. Dès que l'Ecrilure
sainte nous apprend que Dieu a créé l'âme
immurleile, qu'importe qu'il lui ait donné
l'être avant de former le corps, ou en mémo
temps, qu'après sa séparation du corps, elle
entre dans un autre, ou qu'elle aille incon-
tinent recevoir la récompense ou la punition
qu'elle a méritée? Si un philosophe niait
tout à la fois l'immortalilé de l'àmc , sa
prée\istence et sa transmigration, nous vou-
drions savoir lequel de ces trois points il
fauilraii prouver d'abord, afin d'eu conclure
les deux autres.
4' Reausobre ajoute que la nécessité de
la piirilieation des âmes avant d'être reçues
dans le ciel, est un sentiment qui ne fait
point de déshonneur à la raison ; il a paru
conforme à l'Ecriture, il a été embrassé par
plusieurs Pères, mais il a fourni à la su-
perstition le prétexte d'inventer le purga-
toire. — Il est fort singulier de voir un
protestant zélé recoaaailre la justesse et ta
8sg
TRK
TRA
S'JO
solidilé du principe sur lequel est fondé le
dogme du purgatoire, pendant que ses pa-
reils ont fait des livres pour prouver que c;
principe est faux et contraire à l'Fîcriture
sainte. Mais, pour ne pas paraître infuièle
à, sa secte, il soutient que lo purgatoire des
philosophes, qui consist.iit dans la transmi-
gration des âmes, l'emporle infiniment sur
celui de l'Eglise romaine, et du côté de la
raison, et par l'ancienneté, et par la plura-
lité des sufl'rai^es ; qu'il vaut mieux à ious
égards, et qu'il ne pouvait pas produire les
mêmes abus.
A toutes ces absurdités nous répondons
d'abord, qu'en fait de dogmes révélés la rai-
son n'a rien à y voir; ce n'est point à elle de
juger s'ils sont vrais ou s'ils sont faux ; tout
ce qui est clairement révélé est certaine-
ment vrai, tout ce qui est opposé à la révé-
lation est nécessairement faux. : vouloir en
juger pi-r une aulre méthode, c'est établir
le déisme. Voy Kxamen. Or, le. purgatoire
CMtbolique est enseigné dans l'Ecriture
sainte, nous l'avons prouvé dans son lieu,
et la IruHsmigralion des âtnes y est contre-
dite. Nous lisons dans saint Luc, c. xvi, v.
22, que le pauvre Lazare mourut et fut porté
par les anges dans le sein d'Abraham, que
le mauvais riche après sa mort fut enseveli
dans l'enfer, lieu de tourments; ces deux
âmes ne passèrent point dans d'autres corps.
Voilà ce qui a foiidô les décrets du u" con-
cile de Lyon et de cilui de Florence, |)ar les-
quels il est décidé que la récompense des
juttes et la punition dos méchants ne sont
point retardées jusqu'au jugement dernier.
' L'hypothèse des irunsmiyraCinns est opposée
-à ce qui est dit dans l'Ancien et le Nouveau
Testament, des résurrections miraculeuses ;
dans cette hypothèse, pour ressusciter un
homme, il aurait fallu en tuer un autre. 11
s'ensuivrait qu'aucun pécheur ne serait
damné, parce que tous seraient punis par
des transmigra/ions ; Jésus-Christ dit au con-
traire que les méchants iront au supplice
éternel , et les justes à la vie éternelle.
Matlfi., c XXV, V. 46. Origèno a très-bien
vu cette conséquence, t. XIH , in Mullh.,
n. 1. Eu second lieu, l'antiquité ne donne au-
cun poids aux erreurs, mais elle rend la
vérité plus respectable ; or, la foi des pa-
triarches qui désiraient et qui espéiiaient de
dormir avec leurs pères, Gen., xlvii, v. 30,
est beaucoup plus ancienne que les rêveries
des philosophes Iranspiantateurs des âmos.
Après bien des transmigrations, ceux-ci ne
pouvaient rien espérer de mieux que d'être
absorbés dans l'essence divine, oîi ils ne
sentiraient plus rien. La pluralité des suf-
frages prouve encore moins, et elle est ici
faussement supposée ; la métempsycose n'a
pour elle que les suffrages des philosophes
païens et des Indiens, le purgatoire a celui
des écrivains sacrés, des Juifs, des Pères et
de toute l'Eglise catholique. Enfin il est
faux que ce dogme ait produit d'aussi mau-
vais eiïels que l'erreur précédente. La trans-
migration des âmes, admise parles Indiens,
leur fait envisager les maux de cette vie,
non coimne une épreuve utile à la vertu,
mais comiui: la punition des crimes commis
dans un autre corps ; n';iyant aucun souve-
nir de ces crimes, leur croyance ne peut
servir à leur en f;iire éviter aucun. Elle fait
condamner les veuves à un célibat perpé-
tuel, elle inspire de l'horreur pour la cas!e
ou la tribu des /jnrjas, parce que l'on sup-
pose que ce sont d^s hommes qui ont com-
mis des crimes affreux dans une vie précé-
dente. Elle donne aux Indiens pins de cha-
rité pour les animaux, même nuisibles, que
pour les hommes, et une aversion invincible
pour les Européens, parce qu'ils tuenl les
animaux et en mangent la viande. La mul-
titude des transmigrations fait envisager les
récon)penses de la vertu dans un si grand
éloignement, que l'on n'a plus le courage
de les mériter, etc. Au mot Purgatoire,
imus avons fait voir que ce dogme n'a jamais
produit les mauvais effets que les protes-
tants lui attribuent.
Si l'on demande à quel dessein Beausobre
a rassemblé tant d'impostures et tant d'ab-
surdiiés à ce sujet, il l'a fait assez connaî-
tre : il voulait, aux dépens des Pères de
l'Eglise et des catholiques, justifier les ma-
nichéens et les autres hérétiques qui onl
enseigné la transmigration tlas âmes.
Les Juifs ont appelé transmigration de
Babylone, leur retour dans la Judée après
la captivité : mais il est faux qu'ils aient fait
du dogme que nous venons de réfuter, la
base de leur religion, comme quelques demi-
philosophes tros-mal instruits l'ont dit au
hasard dans les relations récentes, en par-
lant des Indiens.
TlUNSSOBSTANTIATION. Voy. Eucha-
ristie , § 2.
TRAPPE, célèbre abbaye de l'étroite ob-
servance de Citcaux, située dans le Perche,
aux confins de la Normandie, à quatre lieues
de Morlagne, vers le nord. Elle fut fondée
l'an 1140, sous le pontifical d'Innocent II et
sous le règne de Louis VU, par Kotrou,
( omte du Perche, et fut d'abord de l'ordre
de Savigny. L'an 1148, cet ordre se réunit à
celui de Giteaux, à la sollicilatiou de saint
Bernard. Cette maison fut d'abord distinguée
par la sainteté de ses religieux : quoiqu'elle
eût été saccagée plusieurs fois par les An-
glais pendant les guerres que nous avions
pour lors avec eux, les moines eurent le
courage d'y demeurer encore pendant quel-
que temps ; enfin la continuité du danger
auquel ils étaient exposés les en Ht sortir.
La guerre ayant cessé, ils \ revinrent tous ;
mais ils avaient eu le temps de se relâcher
dans le monde, et de perdre leur première
ferveur. En lo2G la Trappe eut des abbés
commendataires ; en 1602 l'abbé Armand
Jean Le Bouthiilicr de l'.ancé, qui la possé-
dait, entrepril d'y mettre la réiorme, et il en
vint à bout; il y lélablit rélroile obser-
vance do la règle de saint Bernard en l'em-
brassant lui-même, et depuis ce temps-là
elle s'y est soutenue jusqu'à nos jours. Si
l'on veut voir un détail abrogé et très-édi-
Gaat de la vie de ces religicuik, ou le trou-
801
TfiA
ÏUE
8G2
vera (inns les Vies des Pcres et .<e.« mnrtyrs ,
t. III, |iap;e 722, Vie de saint Robert, abbé
de Molesme. Coinine leur règle est trùs-
iiustère, les épicuriens de noire siècle, co-
pistes des proleslants, oui fail ce qu'ils ont
pu pour en empoisonner les motifs, et pour
en l'aire craindre les effets. lis ont dit que
la Trappe est' la reiraile de ceux qui ont
commis de grands crimes dont les remords
les poursuivent, ou qui sont tourmentés par
des vapeurs mélancoliques et religieuses.
Quand cela serait vrai, on devrait encore
leur applaudir; il est mieux d'expier les
crimes que d'y persévérer ; ceux qui ont
succombé aux dangers du monde, l'on! bien
de s'en éloigner-; il n'est pas nécessaire ((uo
les mélancoliques ennuient la société. Mais
c'est une pure calomnie. La plup;irl de ceux
qui se retirent à la Trappe sont des hommes
qui ont mené dans le monie une vie très-
régulière, et qui se sentent appelés de Dieu
à en embrasser une encore plus parf lite. La
paix, la séréiiiié, la douceur, la charité, qui
régnent parmi ces cénobites, ne sont p.is
des marques de mélaneolic ni d'un carac-
tère sauvage. Ce sont, dit-on encore, des
hommes qui ont de Dieu des idées terribles,
qui se (ignienl qu'il aime à voir soulTrirses
créatures, (jui oublient sa miséricor<le, et qui
semblent se délier des mérites do Jésus-
Ohiisl. S'ils avaient ces idées, ils se livre-
raient au désespoir comme les maU'aileurs.
C'est au contraire parce qu'ils comptent
sur la miséricorde de Dieu et sur les méri-
tes de Jésus-Christ, qu'ils embrassent une
vie pénitente, puisque sans ces mérites elle
ne servirait de rien ; mais ils se souviennent
que pour avoir part à sa gloire, il friut
souffrir avec lui, Rom., c. vm, v. 17; //
Cor,, c. I, V. liPhiltpp., c. i.i, v. 10; / l'elr.,
c. IV, V. 13, etc. Ils ont une très-grande
idée de la miséricorde de Dieu, puisqu'ils
riniplorent, non-seulement pour eux-mêmes,
mais pour tous les pécheurs, et qu'ils prient
pourceux même qui leur insultent et les cu-
iomnienl. Dans les pratiques d'une morlili-
Cation et d'une solitude continuelles, ils trou-
vent la paix qu'ils n'ont pu goûter dans le
tumulte et dans les plaisirs du moude; déli-
vrés des passions qui sont la source de pres-
que toutes nos peines, ils vivent sans trou-
ble et meurent avec conGance. La plupart
de ceux qui les ont vus de près ont été len-
tes de les imiter.
On dit enfin que ces religieux pratiquent
des austérités qui abrègent la vie et font
injure à la Divinité. Cependant il se trouve
beaucoup de vieillards à la Truppe; et à
Sept Fonds, où l'on vit de même, il y a
moins de malades qu'ailleurs; il eu meurt
moins à proportion par l'excès des austé-
riles, qu'il n'en périt ailleurs par les suites
d.' I intempérance, de la débauche, d'un ré-
ginie absurde et contraire à la nature. Ce
n'est point la pénitence qui f.iil injure à
Dieu, puisqu'elle le sui^pose miséricordieux;
c'. SI p.utJl l'i-picureisnie spéculatif et pra-
ti<iiie lies [liiilosopbes qui je persuadent que
Dieu 1)0 fait aucune attention ù la conduito
de ses créatures, qu'il voit d'un œrl égal le
vice et la vertu. Pendant qu'ils travaillent à
corrompre l'univers entier, il est bon qu'il
y ait encore des asiles où lu fragilité humaine
puisse se réfugier, et des boii!mes(]ui prou-
vent par leur exemple que la nature se con-
tente de peu, et que les vertus des anciens
solitaires ne sont pas des fables.
Il faut <|ue ce genre de vie ne soit pas si
terrible, puisque les deux monastères dont
nous venons de parler sont toujours fort
nombreux, et que des filles ont le courage
d'embrasser la même règle. On sait que les
religieuses des Clairets, qui sont sous la di-
rection de l'abbé de la Trappe, imitent la
solitude, le silence, le travail, la pauvreté,
les mortifications des religieux.
TRAVAIL. Voy. Oisiveté.
* TREMBLEURS. Le qiinkérisine, par sa sévérité,
(•tait de n:inirc à ex.ilier les lèies et Ix donner rials-
s.Ttirt! à de nouvelles sectes. Aiuie Lée poussa le qua-
kéri'iiiie jusinranx rêves du délire. Elle eut liienliJt
beaucoup de /él.ileiirs ipii la reganlérenl comme la
lenniie incariite. Voici le symbole des irenibleurs.
II y a en Dieu deux persoinies, homme el femine.
Le, Père est du genre ninsculin, le S.iint-Lsprii est
du t;cnre féminin. Le Père se coninnmiqua iiilime-
nient nu Vetbe divin, et le S;unt- Esprit le leii au
monde; il prit le nom de Jésus. Connue il n'y av.iit
que la moitié de l'espèce divinement lormée, leSaiiil-
l'spril se coununniqua à Anne Lée. De ce munient
la ndeniption fui entière. On voit par ce court ex-
posé que le symbole des irembleurs n'est (lue le rêve
d'une imagin;ition malade. Pour eux il n'y a pas de
T rirdié, de maiernilé de la Vierge, de résurrection,
etc. Les irembleurs ont pris leur nom de leur culte
qui consiste principalement duis des danses. Le
immveinenl est d'abord modéré, il s'anime bientôt
jusipi'à la convulsion ; les hommes se dépouillent de
leurs habiis, les femmes de leurs robes; viennent
les saisisseinenis de l'I'.sprit-Saint, les discours in-
sensés, etc. lirons le voile sur les suites de ce celle.
On les comprend trop sans que nous ayons besoin de
les faire connaîire.
TRENTE (concile de). Le concile tenu
dans celte ville d'Italie est le dix-huitième
et le dernier des conciles généraux ; il com-
mença l'an 15i5, sous le pontificat de Paul
III ; il continua sous ceux de Jules lil et de
Paul IV^, et finit sous celui de Pie l\', l'an
1303. Jamais concile ne fut assemblé pour
un sujet plus important ; il ne s'agissait pas
seolenient de condamner une ou deux héré-
sies, mais de proscrire la multitude des er-
reurs que les protestants avaient répandues
dans une grande partie de l'Europe ; d'y ex-
pliquer la croyance de l'Eglise catholique
sur les divers puinis de doctrine qui étaient
contestés; de justifier son culte que les hé-
rétiques trailaient de superslilion et d'idolâ-
trie ; enfin de réformer les abus qui s'é-
taient introduits dans la discipliae pendant
les siècles précédents. Aussi jan)ais assem-
blée ecclésiastique ne fut plus célèbre; plus
de deux cent cinquante évéques ou prélats
des (iiiTérentes nations catholiques, les plus
savants théologiens, les plus hal)iles juris-
coiisiilles, les ambassadeurs dos divers sou-
verains, y assistèrent. Quand ou en exami-
ne les décrets sans prévention, l'on recon-
8G3
TRE
naît qu'ils ont été formés avec toute la
clarté, la précision et la sagesse possibles,
après les discussions et les examens les plus
exacts fails par les théologiens et les cano-
nisles. Ceux qui regardent le dogme sont
fondés sur l'Ecriture sainte et sur la tradi-
tion, sur le sentiment des Pères, sur les dé-
cisions des conciles précédents , sur la
croyance constante et universelle de l'E-
glise. Les règlemeuts de discipline, après
avoir excité d'abord des récliimalious, ont
été pour la plupart adoptés par les souve-
rains catholiques ; un grand nombre sont
observés parmi nous, en vertu des ordon-
iiancesde nos rois ; la prévention et l'attache-
ment aux anciens usa;;es ont cédé peu à peu
à la sagesse ijui les a dictés.
On conçoit aisément que les prolestanls
n'ont rien' omis pour décrier la conduite et
les décisions d'un coneile qui les a condam-
nés ; mais leur procédé à cet égard met au
grand jour l'esprit dont ils ont toujours été
animés. Lorsque Luther eut été censuré pur
Léon X en 1320, il appela de celle sentence
au concile général. En 1330, les princes In-
thériens d'Allemagne présentèrent à la diète
(i'Augsbourg leur confession de foi, dans la-
quelle ils appelaient de nouveau à la déci-
sion du concile. Jusqu'en 1340 ils ne cessè-
rent de déclamer contre le pape, parce qu'il
ne se pressait pas assez de convoquer le
concile. Mais à peine la bulle de convoca-
tion eut-elle été donnée l'an 1342, que Lu-
ther publia divers écrits pour prévenir ses par-
tisans, et pour les indisposer d'avance con-
tre tout ce qui pourrait} être décide. En 1347,
après les sept premières sessions , Calvin
composa son Antidote contre le concile de
Trente, dans lequel il déclama avec toute la
fuuf^ue et l'indécence que Luther aurait pu
se permettre, s'il avait encore vécu. En
13'i9, dans une seconde diète d'Augsbourg,
lorsque l'on demanda aux princes luthériens
s'ils se soumeltraient aux décrels du concile,
Maurice, électeur de Saxe, ne promit d'y
acquiescer que sous trois conditions, siivoir,
1" que l'on discuterait de nouveau les points
de doctrine qui avaient élé déjà décidés ; 2^
que les théologiens luthériens seraient ad-
mis à cette assemblée , (ju'ils y auraient
voix délibérative , et que leurs suffrages
seraient comptés avec ceux des évoques ; 3"
que le pape n'y présiderait plus ni par lui-
même, ni par ses légals. L'on prit avec rai-
son cette réponse pour un refus formel. En
effet, l'an 1560, lorsque Pie IV eut donné
la bulle qui ordonnait la reprise et la con-
tinuation des séances du concile de Trente,
les princes luthériens d'Allemagne publiè-
rent leurs griefs contre les décrets de ce
concile et les raisons qu'ils avaient de les
rejeter. Elles sont rassemblées dans un ou-
vrage qui paru! pour lors en allemand, et
qui ensuite a élé traduit en latin siuis ce ti-
{ic:Coiici(ii Tridenlini decretis opposita gra-
vamina. Depuis ce temps-là ces mômes giiefs
ont été rejetéi par une foule d'auteurs pro-
testants et par leurs copistes, Heidegger, Ana-
lome concilii Trident.; par liasnage, Hist.
TRE
de l'Eglise, l. vu, c. 5 ; par Mosheim, Hist.
écriés., s.vi' siècle, section 3, i" part., c. 1,
§ 23; par son traducteur et par d'autres An-
glais ; par Fra-Paola, dans son Histoire
du concile de Trente, et dans les notes de
Le Courayer sur celte Histoire, etc.
Oa sait d'abord que Fra-Paolo était un
religieux vénitien de l'ordre des servîtes,
qui était protestant dans le cœur, qui avait
des ressentiments personnels contre la cour
de Rome, qui, eu exhalant sa bile contre le
concile de Trente, crut faire sa cour au sé-
nat de Venise brouillé pour lors avec Paul
V. Lorsque ce différend eut élé lerminé par
la médiation d'Henri iV, l'auteur n'osa faire
imprimer son livre en Italie; il le remit à
Marc-Anloine de Domiuis, autre apostat qui
alla le faire imprimer en Angleterre. Pour
réfuter cette Histoire, le cardinul Pellavicini
en fil une autre plus sincère el justifiée par
les actes originaux du concile : elle parut
vers l'an 1G63. Le Courayer, autrefois cha-
noine régulier de Sainte-Geneviève, retiré
aussi en Angleterre, y fil réimprimer en
français l'histoire de Fra-Paolo avec des no-
tes aussi peu orthodoxes que le texte ; il
était déjà connu par d'autres ouvrages qui
avaient attiré sur lui sa condamnation par
le clergé de France. Cette histoire et les no-
tes ont élé réfutées dans un ouvrage inti-
tulé : L'honneur de l'Eglise catholique et des
souverains pontifes défendu contre l'histoire
du concile de Trente, par Fra-Paolo, et les
notes du P. Le Courayer, 2 vol. in-12, im-
primé à Nancy en 1742, et que l'on attribue
à dom (iervais, ancien abbé de la Trappe. Ce
livre aurait élé plus recherché, s'il élail écrit
en meilleur style, avec moins d'humeur et
plus de précision, mais le fond en est solide.
Une partie des plaintes des protestants a été
aussi réfutée dans l'Histoire de l'Eglise gal-
licane, l. LUI el Liv, an 1345 et suiv. Il y a
lieu de regretter que celte histoire n'ait pas
été continuée jusqu'à la fin du concile.
Quoi qu'il en soit, voici les griefs allégués
par les protestants, tels que nous avons pu
les recueillir dans les divers ouvrages donl
nous venons de parler. Ils disent, 1° que le
pape n'a aucun droit de convoquer les con-
ciles, ni d'y présider; qu'il s'était rendu
suspect en condamnant les protestants d'a-
vance; que c'était à l'empereur d'assembler
le concile dont on avait besoin ; qu'il fallait
le tenir en Allemagne où était le princi^ial
foyer des disputes. — Réponse. Au mol Con-
cile, nous avons fait voir que depuis que le
christianisme est établi chez différentes na-
tions, et dans divers royaumes, le pape, en
qualité de chef et de pasteur de l'Eglise uni-
verselle, peut légitimement et convenable-
ment convoquer un concile général ; peu im-
porte que les protestants lui contestent ce
droit, dès que l'Eglise catholique le lui ac-
corde. Aucun souverain particulier ne peut
se l'allribuer. La cause des protestants n'in-
téressait pas l'Allemagne seule, elle concer-
nait toute l'Eglise. Leurs erreurs faisaient le
plus grand bruit en France ; ils avaient fait
i des efforts [wur les introduire en Espagne
8GS
TRF.
TUlî
8G6
et on Kalie ; bientcU elles pcnélrèrenl en An-
gleterre et en Hollande. Quand l'empereur
aurait convoqué un concile en AllciDagne,
rommcnl aurait-on pu cnn;an;pr les évcMiues
et les théologiens des autres conirées de
l'Furope à y assister ? Les souverains s'y
seraient opposés avec raison. En condam-
nant cl excommuniant Luther avant tous ses
adhérents, l>éon X avait fait son devoir. Lu-
ther lui-niénie avait appelé à ce jugement,
et toute l'Kglise avait a|)idauili à la sentence
du pape; mais les prolislanls, déjà tiers de
leur multitude et de leurs forces, se
croyaient en droit de tenir tétc à l'Eglise ca-
tholique.
2' Le concile de Trente n'a pis élc géné-
ral ou œcuménique, il n'a jamais été com-
posé que d'un pelit nombre d'évêques, pres-
que tous italiens et dévoués an pape; les
protestants n'y ont pas été entendus, ils ne
pouvaient même s'y rendre en sûreti', mal-
gré les sauf-conduils qu'on leur accordait,
parce qu'il esi décidé dans l'Eglise romaine
que l'on n'est pas obligé do garder la foi aux
hérétiques. — lieponsa. Ce concile a été vé-
ritableii'cntcecnménique. puisque les bulles
de convocation et de continuation élaient
niiresséos à tous les évéques, à tous les sou-
verains, en un mol, à toute l'Eglise. La plu-
part des évéques étaient chargés de la pro-
curation de leurs confrères, parce qu'il ne
s'agissait pas de créer une nouvelle doctrine,
mais de rendre témoignage de ce qui était
déjà cru et professé dans les Eglises des
diiiéreiites nalions. Osera-t-on soutenir que
le cardinal de Lorraine, le cnrilinal Polus,
les évéques espagnols les plus célèbres, etc.,
n'étaient pas en élat d'attester ce qui élait
cru, prêché et professé en France, en An-
gleterre et en I^spagne, avant que Luther
lût venu au monde 7 Quand ils auraient pu
l'ignorer, du moins les théologiens les plus
habiles iiu'ils avaient amenés avec eux ne
l'ignoraient pas. Pour connaître les senti-
ments, les preuves, les olijeclions des pro-
testants, il n'était plus nécessaire de les en-
tendre, on avait sous les yeux leurs livres,
ils en avaient inondé l'iiurope enlicre, plu-
sieurs princes d'Allemagne avaient envoyé
au concile leur profession de foi, qui avait
été dressée par leurs théologiens. On n'y a
jugé personnellement ni Luther, ni Zwin-
gle, ni Calvin, ni aucun autre sectaire ; on a
prononcé sur les erreurs contenues dans
leurs écrits, elles y sont encore ; ces titres
subsistent toujours et justifient la censure
du concile; si depuis ce temps-là les proies-
tanis ont changé de croyance, les Pères de
Trente n'étaient pas obligés de le prévoir.
Suivant leur prétention il aurait fallu eii-
lendre non-seulement les lulhériens, mais
les anabaptistes, les zwingliens, les mélanch-
liioniens, les calvinistes, etc.; nous n'.ijou-
tons pas les anglicans, leur religion n'était
pas encore née. Qu'aurait-on pu décider au
loilieu de cette cohue de disputeurs, qui
n'ont jamais pu s'entendre ni s'accorder
lorsqu'ils se sont assemblés pour compa-
rer lour doctrine ? Le concile de Trente n'eu
a pas établi une nouvelle, il a rendu témoi-
gnage de ce qui élait déjà cru dans l'Eglise
catholique avant celte époque; cette foi est
encore la même, et elle ne changera jamais.
Au mot Hi'ssrriiS, nous avons réfuté la ca-
lomnie des protestants au sujet des sauf-
conduits et de la foi donnée aux hérétiques.
Apri'S avoir déclaré cent fois à la face do
riùirope entière qu'il n'y a point d'autre règle
de foi que l'Ecriture sainte ; qu'aucun concile
n'a le droit de décider de la doctrine, et que
])er5onne n'est obligé de se soumettre à ses
décrets ; après avoir i)rotestô d'avance con-
tre tous ceux qui se feraient à Trente, nos
adversaires n'ont-ils pas bonne grâce de se
plaindre de n'avoir été ni appelés ni enten-
dus au concil'^ ?
3° Les opinions n'y élaient pas libres ; le
pape y dominait drspoliquement par ses lé-
gats ; les Italiens, tous dévoués au pape, sub-
juguaient les autres ; les évéques élaient or-
dinairement réduits à dire leur avis par un
placet. A proprement parler c'a été un con-
cile du pape, et non une assemblée de l'E-
glise. Les disputes y furent souvent poussées '
jusqu'à l'indécence et ti la violence ; c'était
une coliue dans laquelle on ne s'entendait
pas. — Réponse. La contradiction entre ces
deux reprocliei est déjà sensible : s'il y eut
quelquefois trop de chal:'iir dans les dispu-
tes, tout le monde avait donc liberté d'y dire
son avis ; mais les protesiants et leurs co-
pistes, qui ont voulu tout brouiller, ont con-
fondu les examens dans lesquels on pre-
nait l'avis des théologiens, et où on leur
permetlail de disputer, les congrégalioiis
dans lesiuelles les légats recueillaient les
sufl'rages des évéques , et où les décrets
étaient rédigés à la pluralité des voix, cl
les sessions dans lesquelles ces décrets é-
taient lus el publiés. Qu'il y ait eu souvent
trop de vivacité dans la manière dont cer-
tains Ihi'ologiens soutenaient leur senti-
ment, cela est très-probable; c'est un dé-
faut qui n'a que trop souvent paru dans les
disputes des protestants aussi bien que dans
celles des calboliques, el duquel les pre-
miers sont convenus plus d'une fois. Il leur
sied donc très-mal d'en faire un reproche
à ceux du concile de Trente. .Mais que, dans
les congrégations où il s'agissait de rédiger
les décisions , les évéques n'aient pas osé
direce qu'ils pensaient, qu'ils aient élégénés
par la crainte de déplaire au pape ou à ses
légats, c'est une supposition non-seulement
fausse, mais absurde. Qu'importait à l'au-
torité du pape qu'un dogme quelconque fût dé-
cidé d'une manière ou d'une autre ? Le pape,
les légats, les évéques, élaieni tous catholi-
(jues, sans doute ; ils avaient donc tous le
môme intérêt ou plutôt la même obligation
de veiller à ce que la croyance callioliquc no
fût altérée en rien, et que le dogme fût con-
servé cl exprimé tel qu'il était. Si donc l'in-
térêt du pape était capable d'intimider les
évéques, ce no pouvait être que dans les
matières de discipline, dans lesquelles le
pape voulait conserver le même degré d'au-
torité dont il avait joui jusqu'alors, le pou-
867
TRE
TUE
868
•voir de disposer dos bénéfices, de restrein-
dre la juridiction dfts évêques, de dispenser
des canons, etc. Cependant i! est prouvé,
soit parles actes dn concile, soit par les re-
lations dj'S ambassadeurs, soit par les aveux
de Fra-Paolo et de son coninK-ntateur, que
les évêques de France et d'Espagne opinè-
rent souvent sur ces matières avec une fer-
meté qui devait déplaire beaucoup à la cour
de llome et aux ultramonlains. Quand ils
auraient clé plus complaisants ou plus timi-
des sur ce point, lu pape n'y aurait rien
gagné, puisque les rôglomints de discipline,
qui ont paru trop favorables à son aiKo-
rilé, n'ont point été reçus en France, non
plus que dans quelques autres royaumes,
comme nous le verrons ci-après.— Dans les
sessions où les léyals demandaient l'avis
des Pères par le mot placetne vobis, il n'é-
tait question ni de dogme ni de discipline,
mais lie fixer le jour de la session prochaine,
d'interrompre ou de continuer les ses-
sions, etc. Nous défions les détracteurs du
concile de citer un seul artich; de doctrine
sur lequel les évêques aient opiné sur un
simple ;;/acf<, ou sur lequel les théologiens
aient continué de disputer, après (ju'il avait
été examiné , décidé à la pluralité des voix,
rédigé par écrit et publié par une session.
V' Le très-grand nombre des évêques était
non-seulement des ignorants, niais des hom-
mes vicieux, coupables de simonie, d'abus
dans la possession et l'administraiion des
bénéfices, de taxes et d'exactions à l'égard
des fidèles, el d'autres désordres qui les
avaient rendus odieux. Les théologiens qui
les guidaient n'étaient que de plats scolasti-
quesqui n'avaient étudié ni l'Ecriture sainte,
ni la tradition, ni la morale chrétienne. —
lieponse. La ressource ordin^irede plaideurs
condamnés par un tribunal quelconque est
de calo:îinier leurs juges. Il est constant
qu'un grand nombre des Pères du concile
de Trente étaient des hommes recomman-
dables par leurs talents, par leurs vertus,
par leur capacité dans les sciences ecclésias-
tiques. Le cardinal Polus, archevêque de
Cantorbéry; le cardinal Hosius, évêque de
Waruiie en Pologne; Antoine Augustin,
évêque de Lérida et ensuite archevêque de
Tiirragone; dooi Rarthélemi des Martyrs,
archevêque de Brague; Barlhtlemi Caranza,
archevêque de Tolède; Thomas Campége,
évêque de Feltri ; Louis Lippoman, évêque
de Vérone; Jean-François Coinmend()n ,
évêque de Zacynthe , et ensuite cardi-
nal, etc., etc., ont fait honneur à leur siècle,
cl ont laissé des ouvrages qui attestent leur
mérite. Les prélats français qui parurent à
Trenle n'étaient ni des ij':>oranîs ni des hom-
mes vicieux; les légats témoignèrent plus
d'.une fois le cas qu'ils faisaient de leurs lu-
mières el de leur capacité. Parmi les cent
cinquante théologiens qui parurent succos-
sivcment au concile, il en est peu qui n'aient
joui pour lors dune très-grande célébrilé,
et qui n'aient composé de savants ouvrages;
plusieurs avaient eu des disputes avec les
Ijroteitanls, dans lesquelles ces derniers n'a-
vaient pas eu l'avantage. Mais parce que
ceux-ci faisaient beaucoup de livres daas
lesquels ils répétaient les mêuies sophismes,
les mêmes plaintes, les mêmes déclamations
que Luther el Calvin, ils se croyaient les
seuls savants de l'univers, et ils avaient ins-
piré le luême orgueil aux parlicoliers les
plus ignorants. Il suffit de lire, à la fin du
17° vol. de i'Hist, de V EijUse Gall., le dis-
cours sur l'étal de cette Eglise, à la nais-
sance des hérésies du xvi* siècle, pour se
convaincre qu'il n'était point tel que les pro-
testants ont affecté de le représenter.
3° Dans le concile de Trenle les questions
controversées n'ont point été décidées par
l'Ec-rilure sainte, mais plutôt contre le texte
formel de ce livre divin; les évêques et les
théulof^iens se sont uniqueaieiil fondés sur
de prétendues traditions, sur les cat\ons, et
souvent sur les fausses décrélales des papes.
— Réponse. Le contraire est prouvé par la
simple lecture des décrets de ce concile.
Dans les chapitres qui précèdent les canons
ou règles de doctrine, Il n'y a pas un seul
dogme clair et précis de l'Ecriture sainte; à
la vérité on n'y a point affecté d'accumuler,
comme font les protestants, d"S lestes de
l'Ecriture qui ne prouvent rien, el qui sou-
vent sont absolument étrangers à la ques-
tion ; quelquefois l'on n'en a cité qu'un ou
deux, lorsqu'ils sont décisifs et sans répli-
que. Mais parce que le concile n'a pas
donné le sens faux et erroné qu'y donnent
les protestants, ils disent qu'il a contredit
l'Ecriture sainte. Lorsciue ce livre divin
garde le silence sur un dogme ou sur un
usage qui a toujours été observé dans l'E-
glise, ou qu'il ne s'exprime pas assez claire-
ment, le concile a décidé qu'il faut le con-
server en vertu de la tradition, c'est-à-dire
de l'enseignement per[)étuel et général de
cette sainte société. Au mot Tradition nous
avons f.iit voir que cela ne se peut et no se
doit pas faire autrem 'nt, que cette méthode
est fondée sur l'Ecriture même, et que les
protestants la suivent en affectant de la
blâmer. Quant à la discipline, elle ne pou-
vait être mieux réglée que sur les anciens
canons; mais il est faux que le concile ait
fait aucun usage des fausses décrélales.
G" L'on y a Iravesli en articles de foi plu-
sieurs opinions de scoiasiiques sur lesquelles
on avait jusqu'alors disputé avec pleine
liberté; ce sont donc autant de nouveaux
dogmes inconnus auparavant, à l'occasion
desquels le concile a prodigué très-injuste-
ment les analhèmes. D'autre part, il a omis
de décider plusieurs articles qui sont cepen-
dant crus et professés dans l'Eglise romaine.
— Réponse. Nos adversaires se plaignent
donc Je ce que le concile a décidé trop d'ar-
ticles de fui, el de ce qu'il on a décidé trop
peu; mais l'un de ces reproches est aussi
tr.al fondé que l'autre. Avant celte époque
aucun théologien n'avait examiné l'Ecriture
sainte et la tradition avec aulaul d'exacti-
tude el de soin qu'on l'a fait au concile de
Trenle; aucun n'avait eu autant de facilité
que là de comparer le seutimenl des doc-
860
TRE
TUE
87Û
Icms des différentes écoles catholiques et
des (lifl'érentes nations, et d'en compter les
voix; aucun n'avait pu pr: voir les fausses
rou9Ciiiie«<'es que les hérétiques tireraient
(l'une telle explicition df l'Ecriliire sainte,
ou d'une telle opinion qui paraissait inno-
cente; il av.iil donc pu être permis jusqu'a-
lors de disputer l'i-des^us, lautc de lumière
sul'fisanle. Mais dans le concile tout fut mis
au i^rand jour : l'on examina, l'on disputa,
l'on coiiip.ir.i toutes les rais!)ns et tous les
sentiments, l'on vit de quoi côté était la tra-
dition la plus constante; on aperçut les con-
séquences par la mullilude même des erreurs
des protestants, et par la témérité avec la-
<{U('lle ils adoptaient les sentiments les moins
prohables de quelques théologieiis trop har-
dis. On sentit donc la nécessité de terminer
ces disputes par une décision l'ornie!le. Ainsi
l'on en avait agi dans tous les conciles pré-
cédents, à commencer depuis celui de Nicée
jusiju'à celui de Florence, qui était le der-
nier. Ce sont donc les protestants qui sont
la cau'C de la multitude de décrets et d'ana-
Ihèmes qu'ils osent reprocher au ccrcilo de
Trente. —Ce concile n'a point parlé des au-
tres articles de foi que nous croyons, soit en
vertu de passages clairs et lormels de l'E-
criture sainte, soit parce qu'ils ont été dé-
cidés par les conciles précédents : à quel
propos y aurait-on traité des points de doc-
trine dont il n'éiait pas question pour lors?
t.'ette plainte est aussi ridicule que celle des
sociniens et des déistes, qui savent mauvais
gré au concile de Nicée de n'avoir pas décidé
la divinité et la procession du S lint-Esprit,
qui ne furent contestées que soixante ans
après. En accusant celui de Trente d'avoir
forgé des articles de foi nouveaux et incon-
nus jusqu'alors, ils prennent soin de l'ab-
soudre et d'établir le lait contraire, puisqu'ils
disent que nous croyons les dogmes décidés
par ce concile, non par respect pour son
autorité, mais parce qu'on les croyait déjà
auparavant. Voijiz le discours de Le Cou-
raytr sur la réception du concile de Trente,
pag. 7'JO, et un écrit de Leibiiilz, dont nous
parlerons ci-après. Nous ne concevons pas
en quel ser;s les dogmes que l'on croyait
déjà étaient des dogmes nouveaux cl in-
connus.
7° La plupart des décrets de ce concile
sont obscurs et ambigus, suscc|itiblcs do
ditlerenls sens; il parait même que cette
ohsciiriié est souvent affectée, parce qu'il ne
voulait pas condamner certaines opinions
des théologiens. L'on a si bien senti cet in-
convénient, que le pape a établi une con-
grégation de cardin,iu\ et de docteurs, pour
interpréter les décisions du concile de Trente.
Aussi, loin de terminer les disputes, ses dé-
crets en ont fait naître de nouvelles, et,
pour suppléer à leur insuffisance, les papes
ont ele obligés de donner plusieurs bulles
pour décider ce qui ne l'était pas, en parti-
culier sur les matières de la grâce, etc. —
Réponse. Si le concile avait proscrit toutes
les opinions douteuses et sur lesquelles on
peut disputer, ou lui leprocherait celte sé-
vérité avec encore plus d'aigreur. Quelle
nécessité y avait-il de condamner des opi-
nions qui ne touchent point au fond da
dogme, et dont les défenseurs font profession
de croire tout ce qui est oxpressémenl déci-
dé? Exiger qu'un concile ait fait cesser
toutes les disputes, c'est vouloir qu'il ait fait
un miracle que l'Ecriture n'a pas opéré de-
puis dix-sept cents ans. Quelque clair que
puisse éire un livre ou une décision, il se
trouvera toujours des esprits subtils et bi-
zarres qui, par des interprétations forcées,
parviendront à en obscurcir le sens et à en
esquiver les conséquences. Voilà ce que
nous répondent les protestants eux-mêmes,
lorsque nous leur objectons l'insufflsance
de l'Ecriture sainte pour terminer les con-
testations en matière de foi. Mais il y a une
très-grande dilïérence entre les disputes qui
refluent entre eux touchant les divers sens
de l'Ecriture, cl celles qui ont lieu entre les
théologiens calholiiiues sur les points de
doctrine non déridés Celles-ci ne les divi-
sent point dans la foi, ne causent entre eux
aucun schisme, ils ne se regardent pas mu-
tuellonieut comme liérétiques dignes d'ana-
thènu< ; tous ceux qui sont sincèrement ca-
tholiques seraient prêts à renoncer à leur
sentiment, s'il intervenait une décision de
l'Eglise qui le condamnât. Chez les premiers,
au contraire, il y a un schisme et une sépa-
ration absolue entre les différentes sectes,
elles n'ont ni la même croyance sur des ar-
ticles qu'elles jugent ccpciidant nécessaires,
ni le môme culte Cilèrieur, ni la même dis-
cipline, et l'on sait qu'elles ont les unes
contre les autres autant de haine que contre
l'Eglise catholique. — 11 n'aurait pas été
besoin de bulles des papes touchant les der-
nières contestations sur la grâce, si ceux
qui les ont élevées avaient été sincèrement
soumis aux décisions du concile de Trente;
mais on sait qu'ils en ont quelquefois parlé
avec aussi peu de respect que les protestants,
que sur les passages de l'Ecriture sainte et
ceux de saint Augusiiu qui semblent les fa-
voriser, ils ont adopté le sens et les explica-
tions des protestants, et qu'ils nous accusent
de semi-pélagianisnie , comme les prole-
htants en accusent le concile de Trente. C'est
donc assez mal à propos que ces derniers
se gloritieut de ce levain de protestanlisme
que le concile n'a pas pu extirper; s'il avait
pu le prévoir, il l'aurait condamné d'avance.
8" Plusieurs de ces décrets qui sont conçus
en termes Irès-étudiés, et qui, pris à la let-
tre, sont assez raisonnables, ont un tout
autre sens dans la pratique; tels sont ceux
qui regardent le purgatoire, l'invocation des
saints, le culte des images et des reliques;
les théologiens les prennent peut-éire dans
le même sens que le concile; mais le peu-
ple, en les suivant, se livre évidemment à
l'idolâtrie. — Jtépunse. Une calomnie cent
fois réfutée ne fera jamais honneur à ceux
qui la répètent. Les catéchismes destines à
instruire le peuple sont entre les mains de
tout le monde; que nos adversaires nous y
luoutrenl quelque chose Je plus ou de moius
«71
TRE
TRE
«72
que ce qu'il y a dans le concile de Trente.
Le peuple est donc instruit chez nous de la
même manière et dans les mômes termes
que les théologiens. Le concile a expressé-
ment ordonné aux évoques de veiller à ce
qu'il ne se- glisse dans les pratiques dont
nous parlons, aucun abus, aucune supersti-
tion, aucune fausse dévotion; les évcques y
veillent en effet, puisque ce sont eux qui
donnent les catéchismes à leurs diocésains.
Si, malgré ces précautions, le peuple, par
stupidité, par opiniâtreté, par indocilité à
l'égard des pasteurs, tombait dans le crime
que les protestants s'obstinent à nous repro-
cher, eà qui pourrait-on s'en prendre? Ose-
raient-ils nous répondre que parmi eux le
peuple entend, avec la même subtilité que
leurs théologiens, les dogmes de la foi justi-
fiante, de l'inamissibilité de la justice, de la
nullité de nos mérites et de nos bonnes œu-
vres, de la prédestination absolue, etc., et
que jamais il n'en tire de fausses consé-
quences? S'ils avaient cette témérité, nous
les confondrions par les aveux de leurs pro-
pres docteurs. — Puisque les décrets du con-
cile touchant les pratiques dont nous parlons
leur paraissent assez raisonnables, qu'ils les
adoptent et les enseignent tels qu'ils sont,
en coniîamnant les abus tant qu'il leur plai-
ra : on ne leur en demande pas davantage.
9' A l'égard de la discipline, les légats du
pape s'opposèrent à la réforme de plusieurs
abus; ceux même que l'on condamna ont
continué comme auparavant, et plusieurs
durent encore. — Réponse. On doit faire at-
tention qu'eu matière de discipline il n'était
pas aisé de dresser des règlements qui pus-
sent s'accorder avec les lois des divers sou-
verains, et avec le droit canonique suivi
chez les différentes nations. De même que
leurs ambassadeurs étaient très-attentifs à
protester contre tout ce qui pouvait y don-
ner atteinte, on ne doit pas être surpris de
ce que les légats refusaient de restreindre les
droits dont lé souverain pontife jouissait de-
puis un temps immémorial. Au mot Pape,
nous avons fait voir que ces droits n'étaient
ni aussi abusifs, ni aussi préjudiciables au
bien général de l'Eglise, que les protestants
le prétendent. Il est aisé de déclamer contre
les abus ; la difficulté est de voir si les re-
mèdes que l'on veut y apporter n'en feront
pas naître d'autres. Les passions humaines,
seules causes de tous les désordres, savent
souvent tourner à leur avantage le frein
même par lequel on a voulu les réprimer.
On ne peut pas nier que les règlements faits
par le toncile de Trente n'aient été très-sages
et n'aient fait cesser plusieurs abus : les au-
tres auraient été mieux suivis, s'il n'y avait
pas eu des hommes puissants intéressés à
en empêcher l'exécution. Il est absurde de
soutenir d'un côté que l'I'lgliso n'a aucun
droit de faire des lois, que c'est une usur-
pation de l'autorilé des souverains, et de
l'autre de lui reprocher qu'elle n'a pas le
pouvoir de les faire exécuter, lin secouant
le joug de l'autorité de l'Eglise, les prote-
stants ont fait semblant de se liiellre sous
celui de la puissance dos souverains; mais
ils se sont révoltés contre elle toutes. les fois
qu'elle leur a paru trop gênante. On dirait,
à les entendre, qu'il n'y a plus d'abus parmi
eux; y en a-l-ii un plus grand que la liberté
de dogmatiser et de former des schismes
toutes les fois qu'un prédicant trouve le se-
cret de se faiie des partisans? Lorsqu'ils
avaient en France le privilège de tenir des
synodes, ils ont fait des lois de discipline,
oseraient-ils soutenir au'aucune n'a jamais
été violée?
10° Le concile de Trente n'a été reçu ni
en France ni en Hongrie, il ne l'a été en
Espagne et dans les Pays-Bas qu'avec des
restrictions; son autorité prétendue a donc
été regardée comme nulle par les catholi-
ques mêmes. — Réponse. Il n'a point été
reçu quant à la discipline, pour les raisons
que nous venons d'exposer, mais quant aux
décrets de doctrine et aux décisions de foi,
il n'est aucun pays catholique où l'on so
permette d'enseigner le contraire, et qui-
conque oserait le faire serait regardé comme
hérétique. Le Gourayer a été forcé d'en con-
venir dans son Discours sur la réception du
concile deTrenle, particulièrement en France,
qui est à la suite de son histoire de ce con-
cile, § 27. Il observe, § 11, que quand le
nonce de Grégoire XllI demanda au roi
Henri 111 la publication du concile, ce prince
répondit qu'il ne fallait point de publication
pour ce qui était de foi, que c'était chose
gardée dans son royaume; mais que pour
quelques autres articles particuliers, il fe-
rait exécuter par ses ordonnances ce qui
était porté par le concile; il le fit en effet
dans rordounance deBlois, publiée l'an 1579.
Lorsque l'assemblée du clergé, tenue à Me-
lun pendant cette même année, renouvela
les mêmes instances, le roi répondit, «Que
quant à la réformation qu'on prétendait tirer
du concile, il estimait n'y être pas tant né-
cessaire qu'on dirait, étant averti (ju'il y
avait en d'autres conciles plusieurs canons
et décrets auxquels on pouvait se confor-
mer, et d'où même les statuts du concile
étaient pris,» Ibid., § 12. Dans les vingt-
trois articles que les jurisconsultes trou-
vaient contraires aux maximes et aux li-
bertés de l'église gallicane, il n'y en a pas
un seul qui regarde le dogme ou la doc-
trine, § 20. C'est donc (rès-mai à propos que
LeCourayer insiste sur le préambule de l'é-
dit de pacification que Henri 111 accorda
aux calvinistes l'an 1577, dans lequel il dé-
clara, «(Ju'il donnait cet édit en attendant
(lu'il eiJt plu à Dieu de lui faire la grâce,
par le moyen d'un bon, lilire et légitime con-
cile, de réunir tous ses sujets à l'Eglise ca-
tholique,» et qu'il en conclut que le concile
de Trente n'était donc pas regardé comme
tel dans le royaume. On sait que dans ce
moment le gouvernement, devenu très-faible
et réduit à tout craindre de la part des hu-
guenots, était forcé de les ménager beau-
coup, surtout à cause de Henri 1\ qui était
alors à leur tête. Leur réunion à l'Eglise ca-
tholique pouvait-elle se faire sans l'acccp-
872
TKE
TRE
874
lation de la doctrine du concile de Trente?
Les inslaiices rcilcrccs du cleigé pour faire
accepter de même les règlemeiils de disci-
pline, ne prouvent rien, sinon qu'il désirait
la réformation de tous les alius.
Il ne sert à rien de dire que quant à la
doctrine, elle n'a élé reçue que Cncitement et
implicitement , cl uow sulcnncllcmenluu dans
les formes ordinaires. Ce crili(|ue se réfute
lui-même, en avouant que, dans toutes les
disputes qui se sont élevées en France, l'on
a toujours pris pour règle les décisions du
concile de Trente; que la professinn d- foi
do Pic IV y a élé ailopléo par Ions les évê-
ques; que les prélats de ce royaume, soit
dans leurs concilis provinciaux ou diocé-
sains , soit dans les assemblées du clergé,
ont toujours fait profession de se soumcllre
à sa docirine, et que, dans les oppositions
même que les étals ou les parlements du
royaume ont formées à l'acceptation de ce
concile, ils ont toujours déclaré qu'ils em-
brassaient la ftii contenue dans ses décrets,
ibvL, § 27. Est-ce là une acceptation incite?
Nous voudrions savoir quelle est la forme
ordinaire dans laquelle ont élé acceptés les
articles de foi décidés dans les autres con-
ciles généraux tenus depuis la /ondatiou de
la monarchie, et s'ils ont eu liesoin de let-
tres patentes du roi , enregistrées dans les
cours souveraines.
Le Courayer pousse plus loin la témérité,
en ajoutant qu'à l'égard nié. ne de la doc-
trine, le concile avait peut-être autant be-
soin de inodificalions qu'à légard des dé-
crets de discipline : il tenait le langage
des protestants; aussi Moslieim et sou tra-
dncteur ont-ils cité ce discours avec éloge,
Bist. Ecclés., xvi* siècle, sect. 3, \" part.,
chap. 1, ij 23, et en général les protestants
voudraient persuader que le concile de
Trente n'a élé reçu en France, ni quant au
dogme ni quant à la discipline.
Ainsi le prétendait Lcibnitz dans un mé-
moire qu'il dressa sur les moyens de réunir
les catlioliques aux prolestants ; il aurait
voulu que pour préliminaire l'on commen-
çât par regarder ce concile comme non
avenu. Bossnet réfuta ce mémoire avec la
force ordinaire de son raisonnement ; il pose
d'abord les principes fondamentaux de la
croyance catlio.iqne touchant l'infaillibiliié
de l'Eglise en matière de foi; il fait voir
qu'elle énonce sa foi par l'organe de ses
pasteurs, et que leur consentement unanime
dans la doctrine n'a pas moins d'autorité
lorsqu'ils sont dispersés que lorsqu'ils sont
asseiiiblés. Il prouve que ce consentement
des évéques est unanime dans toute l'E-
glise catholique touchant l'œcuménicité du
concile de Trente et touchant l'autorité iu-
fuillibie de SOS décisions eu matière de foi;
qu'il n'y eut jamais de doute sur ce point en
Franco, non plus qu'ailleurs. 11 en conclut
que toetlre en question si l'on recevra ce
concile, ou si on ne le recevra pis, c'est
vouloir délibérer pour savoir si l'on sera ca-
tholique ou si l'un sera hérélique. Voyez
VEsprit de Leibnitz, 1. 11, p. G;> etsuiv.
DlCT. dë Tuéol. dogmatiqub. IV.
Après ces vérités incontestables, peu im-
porte de savoir la manière dont le concile a
été reçu dans les autres pays catholiques.
Nos adversaires avouent qu'en Italie , en
Allemagne et en Pologne, il l'a été sans ré-
serve; que dans les états du roi d'Espagne
il a élé reçu sans préjudice des druits et des
prérogatives de ce monarque : or, un des
droits du roi catholique n'est certainement
pas de rejeter les décisions de foi d'un con-
cile général. On sait que le clergé de Hon-
grie est dans les mêmes principes et suit les
mêmes maximes que le clergé de France;
il n'est donc pas étonnant qu'il ait gardé la
même conduite. De tout cela il résulta
qu'aucun concile général n'a été reçu plus
aulhentiquement ni plus solennellement ,
quant à la docirine, dans toute l'Eglise ca-
tholique, que le concile de Trente; les pro-
testants n'y ont opposé aucune objection
qui ne puisse être tournée contre tous les
autres conciles. Lorsqu'en 1619 les armi-
niens les alléguèrent contje le synode de
Dordrecht, qui les avait condamnée, les cal-
vinistes n'en tinrent aucun compte, et trai-
tèrent ces sectaires comme des rebelles
Vuij. Araiiniens.
TRÉPASSÉS. Vorj. Morts.
* THÉSOK DES SATISFACTIONS n:. Jésus-Christ
ET DES SAINTS. H est de foi qu'il y a un iré-or des
mérites de Jésus-Clirisl. En eslil de niènie du tic-
sur des mérites des saints? Véioii répond ainsi à
cette question : < Ce n'est point article de foi catli i-
lique qu'il y ait nu lel liésor eu l'Eglise: ni parlant,
couiiiie je dirai peu après, que les iiidul-ences se
d >niieni par la distribution de ce trésor. Je le montre
par notre rè^le généiale; car le concile de Trente,
sess. 23, qui est des imlulgeiice*, ni aucun autre
universel ne nous prop ise ceito doctrine. Il est vrai
qu'elle est contenue ilaiis la bulle Uiiigeniius, de Clé-
ineiil VI, De pœml. et rciuiss. Mais 1" elle n'est con-
tenue que dans son di.<positif; 2» le papo ne produit
rien (pie son opinion particulière ; 5^ ii ii'éeril là
qu'à un particulier, et ne propose rieu à croire à
toute l'Eglise; 4° bref, ki déliiiitloii d'un pape ue
sul'litpas pour faire un article de foi catlioliipie. Re-
voyez sur tout cola nos lègles générales, ci-dessus
pag. 27, '2% 50, n. 7, 10 et 12. Ma seciuide preuve
est prise de ce ipie j'ai dit; car imisque ce n'est pas
article de toi qu'un juste puisse satisfaire pour la
peine des cécliés d'autrui, soit vivanl, soit trépassé,
ce trésor ne peut plus être article de foi ; la troi-
siôine, Su irez, tome IV, disp. ol. qui est de ce tié-
S(ir, rapporte e» sa sect. 2 : Eiiire les tliéulogiens,
oaiie Mayrou, Durand a nié ce liésor de l'Eglise
composé des méiiles on satisfaclions des taints; et
il en rapporte deu.t raisons : la première e,-.t ia
luèiiie avec la raison de Mayro;i, parce que les œu-
vres des justes sont réiiiiiiierées con-li^neinent en la
propie pers unie des saiuis ; la seconde, ceux-ci n'ont
point de mérite qui leur soit superUu; car tous leur
sont utiles et elficaccs pour quel iiie rdcoinpeuse ; il
ne reste donc plus aucun mérite des saints pour éire
mis en ce trésor; et plus bas : Quelques-uns ont dit
(louime nous avons vu ci-dessus, trailanl des suf-
Irages) que les œuvres, quant à la vertu de satis-
faire, sont tellement propres du juste même uui
Opère ou endure, que itnl juste, e.\cepicJésns-Clirist,
ne peut les do!:ner sous celte raison à auirui, ou
payer pour autiui, ou satisfaire. Selon la(|uelle opi'
iiiuu il faut dire conséquennncni que le trésor de
l'Eglise n'est pa^ coiiiposé des satisfactions des
saillis, et que rien d'elles n'est appliqué par les in-
28
875
TRE
TRI
876
diligences pour paiement des ilelles (einporelles. U
est vrai que Suarez, là même, enseigne que la com-
mune sentence des lliéologieiis roconiiaît ce trésor,
nun-seuleiiieiit des mérites, mais aussi des salisfac-
lioiis des saints, dispensé par les indulgences, etc.
El. il le prouve fort au long en la susdite sect. 2.
Mais ce qu'il ajoute est remarquable au nom de ceux
([ui nient ce trésor : J'avertis qu'il-^ ne nient pas que
les œuvres des justes demeurent en quelipie façon
dans le trésor de PEglise, quant à la force d'impé-
trer et mériiei pour nous de congriiito quelques
biens. Mais qui niera ce trésor en ce sens? Nos sé-
parés même ne nieront pas ce tréior ainsi entendu ;
présupposé ce que j'ai remarqué ci-dessus, § lU,
page 50, n. 1, que quelques théologiens ne so.a pas
d'avis d'user de ces termes de mérite de cougruiié,
ni partant de satisfaction de congruité, ni même
pour soi; beaucoup plus seront-ils d'avis ipron n'use
pas de semblables termes de mériie ou salislaciion
de congruité pour autrui ; et j'ai dit que ce n'est pas
article de foi qu'on puisse mériter pour autrui, ni
même par congruité, ni aUïSi satisfaire, ce que j'ai
démontré. Au fond donc ce trésor, selon l'avis de
ces tliéologiens, rapporté par Suarez, des mérites
et satisf.iCtio:is des saints, ne sera rien autre, sinon
que leur bonne vie et bonnes œuvres ont la force
d'impétrer de Dieu pour nous plusieurs biens, et que
la bonté divine communique plusieurs laveurs aux
vivants à leur considération. ISos séparés ne nient
pas cela, ni la commuiiiraiion de tel trésor : aussi
est-il clairement en l'Ecriture eu mille lieux. Geii.
XXVI, 24, Dieu dit à Jacob : Je le bénirai à cause
d'Abraham mon serrileur. Ils admettent aussi l'inter-
cession des saints au ciel, et que Dieu par elle nous
fait plusieurs grâces. C'est, en effet, admettre ce tré-
sor des œuvres saintes des lidèles morts expliqué
comme ci-dessus.
TRÊVE DE UlEU OU DU SEIGNEUR.
Pendant le cours du xi' siècle , lorsque les
seigneurs ne cessaient de se faire la guene
entre eux , el ne coiiuaissaienl d autre voie
que les artues pour venger leurs injures
réelles ou imaginaires , les évêques cher-
chèrent un moyen d'arrêter ce brig.indage,
qui rendait les peuples malheureux. 11 l'ut
ordonné dans plusieurs conciles, sous peine
d'excommunication, à tous les seigneurs et
chevaliers, de cesser toutes hostilités depuis
le mercredi au soir de chaque semaine jus-
qu'au lundi suivant, et pendant l'avenl et le
carême. L'on oblinl ainsi pour les peuples
quelque, temps de repos et de sûreié. L'épo-
({uc la plus ancienne à laquelle on puisse
rapporter cette iuslilution, est l'an 1032 ou
Î034. Peu à peu elle fui adoptée en France
, el en Angleteire, mais non sans résistance ,
surtout de la part des Normands. Elle fut
confirmée par le pipe Urbiin 11, au concile
tenu à Clermonl l'an 10;)5. Ainsi les motifs
de religion produisirent sur des âmes féroces
l'effet qu'auraient dû faire la raison el les
principes de jusiice. C'est aux historiens de
rapporter les époques de cet éiablissement
dans les différentes contrées , les variétés
que l'on y introduisit, les infractions qu'il
essuya, etc. Autant les seigneurs cherchaient
à le restreindre, autant le clergé travaillait
a retendre et à l'augmenter. Le grand no:n-
brc dos conciles assemblés à ce sujet dans
l'Aiîuiiaiiie ,daiis les Gaules, en Alleuiagne,
en Espagne et en Aiifjlelerre , pour confir-
cner celle institution salutaire, nionire assez
la grandeur des maux qui affligeaient les
peuples, et les obUacles qu'il y avait à sur-
monter pour établir en Europe une espère
de police. Les plus zélés prédicateurs de la
trêve de Dieu furent saint Odilon , abbé de
Cluni, et le bienheureux Richard , abbé de
Vannes , auxquels se joignirent les plus
saints personnages qui vivaient pour lors,
so1l dans le clergé, soit parmi les laïques ;
el l'application avec laquelle plusieur- sou-
verains vertueux travaillèrent à celte bonne
œuvre, n'a pas peu contribué à eur faire
décerner un culte après leur niorl. Les
croisades entreprises sur la (in de ce même
siècle contribuèrent encore plus efficace-
ment à éteindre le feu des guerres particu-
lières. Voy. Du Gange, au mol Treva Dei.
TRIBU, famille, (es Israélites fi*rmèrenl
entre eux douze tribu', selon le nombre
des enfants de Jacob ; !;inis ce patriarche
ayant adopté en mourant les deux fils de
Joseph , Kphra'im et Manassé, il se trouva
ainsi treize chefs de iribus, tavoir, Ruben,
Siméon, Lévi, Juda, Issachar, Zabulon, Dan,
Nephiali, Gad, Aser, Benjamin, Ephraïm et
Manassé. Cependant la Palestine ou terre
promise ne fut partagée qu'entre douze tri-
bus; celle de Lévi n'eut point de part au
partage , parce qu'elle était consacrée au
. service religieux. Mais Moïse avait pourvu
à sa subsislanci-, en assignanl aux différen-
tes familles de lévites leur demeure dans les
villes des douze autres tribus, avec une pe-
tite étendue de territoire, et en leur attri-
buant la dîme des fruits, les prémices el les
oblalions du peuple. Jacob au lit de la mort
avait prédit à celle tribu qu''Jle serait dis-
persée dans Israël, Gen., c, xlix, v. 7. Son
sort n'était donc pas capable d'excil' r la ja-
lousie (les autres. Voy. Lévite.
Après la mort de Saiil leur premier roi,
dix tribus demeurèrent attachées à Isboselh
son fils. David son successeur ne régna d'a-
bord que sur les deux tribus de Juda et de
Benjamin ; mais après la morl d'Isboselli ,
toutes se réunirent sous l'obéissance de Da-
vid. Autant que l'on en peut juger par coii-
jeclurc, l'origine de telle première sépara-
tion fui la jalousie des autres tribus contre
celle de Juda ijui élait la plus nombreuse,
et à laquelle le sceptre de la royauté avait
été promis par le lestanienl de Jacob, ibid.
Elles retardèrent tant qu'elles purent l'exé-
cullon de celte promes-e. Ce fut aussi le
germe du schisme qui se fit entre elles sous
le règne de Robojim, fils de Salomon : dix
tribus se révoltèrent , se donnèrent un roi
particulier, el furent nommées le royaume
d'Israël, dont la capitale était Samarie; les
deux seules Irilius de Juda et de Benjamin
demeurèreni fidèles à Roboim et à ses suc-
cesseurs; elles furent appelées le. royaume
de Juda , dont le chef-lieu était Jérusalem.
Il y eut des dissensions el des guerres prcîs-
que continuelles entre les souverains de
ces deux royaumes ; presque tous les rois
d'Israël tombèrent dans l'idolâirie et y en-
traiiièrenl leurs sujets; ceux de Juda retin-
r<nl ordinairement les leurs dans l'observa-
877
TItl
lion (le la loi du Sei(;neur. Celle division con-
tinua jusqu'à la captivité de Babyiune.
( Il nous parait qu'à n'envis (jcr i|ue l'inté-
rêt politique, la distribution de la nation
entière en diflércnles tribus , dont les pos-
sessions étaient sépirées , et qui ne for-
maient entre elles aucune alliance , devait
produire de très-bons effets, fille attachait
chaque tribu au sol qui lui était tombé en
parla;j;e , elle niellait chaque chef de famille
dans la nécessité de faire valoir sa portion,
et de conserver ainsi l'héritage de ses pères.
Elle prévenait l'agrandissetnent dcsfaniillrs
ambitieuses, parconsé<iuent les usurpations
qu'elles auraient pu faire , et entreti nait
l'égalité entre tous les membres de l'ElMt. Il
ne pouvait en résulter le raéinc inconvé-
nient que cause parmi les Indiens la distinc-
tion des castes ou des tribus : la séparation
de celles-ci, fondée sur des idées fausses et
sur une croyance absurde, proiluil la haine,
le mépris, l'aversion des castes î^upérieures
à l'égard des antres ; la distinction des Juifs
en différentes familles toutes égales les fai-
s lit souvenir qu'ils étaient tous nés du sang
de Jacoli, et obligés de se regarder comme
frères. Voy. Juifs.
THINITAIHES, terme qui a reçu diffé-
rentes signilicalions arbitraires. Souvent
l'on s'en est servi pour désigner toutes les
sectes hérétiques qui ont enseigné des er-
reurs louchunl le mystère de la sainte Tri-
nité, en particulier les sociniens ; niais il est
beaucoup mieux de les appeler unitaires,
comme on le fait aujourd'hui. Ce sont eux
qui ont coutume de donner le noiii de Irini-
taircs et dialltanuciens aux calholiqui s et aux
protestants, qui reconnaissent un sluI Di 'u
en trois personnes, et qui professeni le sym-
bole de saint Athanase. Voy. Soc;inii;ns.
ÏRiNiTAiRES, ordre religieux , institué à
l'honneur de la sainte Trinité , pour la ré-
demption des chrétiens réduits à l'rsclavage
(liez les infidèles. On les appelle en Frauce
mailmrins , parce que la piomicre église
qu'ils ont eue à Paris, et qui leur fut donnée
par le chapitre de la cathédrale , était sous
l'invocation de saint Malhurin. Ils sont ha-
billés de blanc ot portent sur la poitrine une
croix mi-partie de rouge et de bien, fin fai-
sant profession ils s'engagent à travailler au
rachat des chrétiens détenus i ii esclavage
dans les républiques d'Alger, de Tripoli, i.'e
Tunis, et dans les royaumes de Fez cl do
Maroc; ils emploient à celte bonne œuïre le
lii.ra du revenu de lc::rs maisons et les au-
mônes qu'ils peuvent recueillir dans les dif-
léienles provinces. Us sont sous une règle
particulière, quoique plusieurs auteuis aient
cru qu'ils suivaient celle de saint Augustin.
Cet ordre prit naissance en France , lan
1198, sous le pontificat d'Innoccnl Hi; ses
fondateurs furent saint Jean de Matlia et
saint Félix de Valois. Le premier était né à
Faucon en i'rovence; le second ét.iit proba-
blement originaire de la petite province de
Valois dans la Urie, ^i non de la f.imille
royale de Valois, qui ne commcii(;a ([ue plus
d'un siècle après. Gauthier de Cliâtilloii leur
TKI 873
donna dans ses terres un lieu nommé Cer-
froid, dans la Hrie , au diocèse de Mcaux,
pour y bâtir un couvent qui est devenu le
chef-lieu do tout l'ordre. Ce nom paraît être
une corruption des mots celtiques snrla
fréta , terrain défriché. Voy. le IHct. de
Ducangc. Honoré III confirma leur règle qui
était très-austère dans l'origine : les reli-
gieux ne devaient manger ni viande ni pois-
son, excepté les jours de grandes lêles ; ils
vivaient d'iïufs, de laitage, de légumes assai-
sonnés d'huile, il leur était défendu de voya-
ger à cheval. Mais en 12G7, Clément IV
comprit (ju'il était moralement impossible à
des religieux obligés de voyager souvent et
de séjourner parmi les infidèles d'observer
constamment un régime aussi austère : il
leur accorda un adoucissement en leur
jjermettant de se servir d'un cheval, de man-
ger du poisson et de la viande.
Les trinitaires possèdent environ deux
cent cinquante maisons distribuées en treize
provinces, dont six sont en France, trois en
fispagne, trois en Italie, et uhj; on Portugal.
Ils ont en autrefois quarante-trois m;iisons
en Angleterre, neuf en Ecosse, el cinquante-
deux en Irlande. La prétendue réfonnation,
en détruisant ces établissements inspirés
par la charité, a fait cesser dans ces royau-
mes la bonne œuvre à laquelle ils étaieut
consacrés.
En 1573 et en 1576, dans les deux chapi-
tres généraux tenus pour lors, il se trouva
un nombre de religieux assez fervents pour
souhaiter do reprendre l'observation de la
règle dans toute la rigueur primitive, comme
l'avaient déjà fait plusieurs en Portugal,
l'an i43V. On leur en laissa la liberté, el on
leur assigna des maisons où ils pouiraient
exécuter leur dessein; Grégoire Xill el
Paul V approuvèrent celle réforin •. Le frère
Jérôme Hallies, religieux français, l'établit
dans le couvent de Uome, et trois ans après
dans celui d'Aix en Provence. Il ajouta aux
anciennes austérités la nudiié des pieds; do
là l'origine des trinilnires déchaussés. Ct;
nouvel institut fut introduit en Espagne,
l'ail 15'J4, par le P. Jean-Kaptisl.- de la
Conception , morl en odeur de sainteté l'an
1G13; l'on design I dans chaque pro>ince
deux ou trois mai-ons pour ceux qui vou-
draient s'y astreindre, en leur laissant néan-
moins la liberté de retourner dans leur an-
cien cou\ent quand bon leur semblerait.
Peu à peu celte réforme fit des progrès en
Italie, en Allemagne et en Pologne, fin 1670,
les réformés eurent assez de maisons en
France pour en former u'ic province, el
dans cette même année ils tinrent leur pre-
mier chapitre général.
En 1635, Urbain VllI commit par un bref
le cardinal de la Rochefoucauld pour établir
plus de régularité dans les maisons <!e trini-
taires dans lesq elles il y avait du relâche-
ment. Conséqucmment ce cardinal rendit un
décret par lc()uel il fut ordonné aux reli-
gieux d'observer la règle primitive, telle
qu'elle avait élé mitigée par ClémcMt IV.
Cela fut éxécu'.é dans la plupart de^ cou-
879
TRI
TRI
880
venis , en parliculifir à Cer-troid , chef-lieu
deror'tlrc. Ceux qui s'y conforment ne por-
tent point de linge, disent matines àminiiil,
ne font gras que le dimanche, etc.
Une laul pas confondre avecles trinUaires,
les Pères de la Merci, ou de la Rédemption
des Captifs, institués dans le mémo dessein
à Barcelone l'an 1223 , par saint Pierre No-
lasque , gentilhomme français ; nous en
avons parlé au mot Merci.
• Un célèbre incrédule de notre siècle n'a pu
s'empêcher de donner des éloges à celte ins-
titution. Après avoir parié de plusieurs
congrégations dévouées au service du pro-
chain : « Il en est, dit-il, une autre plus hé-
roïque : car ce nom convient aux irinitaires
de la rédemption des captifs , étahlis vers
l'an 1120, par un gentilhomme nommé Jean
de Malha. Ces religieux, se consacrent depuis
cinq siècles à briser les chaînes des chré-
tiens chez les Maures. Us emploient à payer
les rançons des esclav.-s leurs revenus et les
aumônes qu'ils recueilient et qu'ils porlent
eux-mêmes en Afrique. » Essais sur rUist.
gén-, c. 135.
Trinitaires , religieuses. Saint Jean de
Matha avait établi d'abord en Espagne une
congrégation de filles de la sainte Trinité,
qui n'étaient que des oblates, et qui ne fai-
saient point de vœux; en 1201, l'infanle
Constance, fille de Piene II, roi d'Aragon,
leur lit bâtir un monastère, les engagea par
son exemple à y faire la profession religieuse,
et elle y fut la première supérieure. Vers
l'an 1612, Françoise de Uomero , fille d'un
lieutenant-général des armées d'Espagne,
voulant se consacrer à Dieu, rassembla des
compagnes ; elles se mirent sous la direction
du P. Jcan-Bapliste de la Conception, qui
avait établi les trinitaires déchaussés, elles
prirent l'habit , et embrassèrent l'institiil de
cet ordre. Les religieux, ayant refusé de se
charger du gouvernement de ces Dlles, elles
s'adressèrent à l'archevêque de Tolède, qui
leur permit de vivre suivant la règle qu'elles
avaient choisie. On ne nous dit point à quelle
bonne œuvre particulière elles se destinè-
rent. — Enfin il y a encore un tiers-ordre
de trinitaires. Voy. Tiers-Ordre.
TRINITÉ. Le mystère de la sainte Trinité
est Dieu lui-même subsistant en trois per-
sonnes, le l'ère, le Fils et le Saint-Esprit,
réellement distingués l'un de l'autre, et qui
possèdent tous trois la même nature divine,
numérique et individuelle (1).
(1 ) Nous avoiiséludié les trois personnes divines dia-
cune en particulier, aux mois Pèke, Fils, esprit
(Saint-) : mais pour avoir de la Triniié une idée aussi
cumplèle qu'il est donné à la nature Inunaine de la
posséder, il laul encore les niellre en rapport les
unes avec les autres, donner de cliai|ne personne
une nolion qui puisse la faire connaîire siifllsani-
mtnt; entin reclierclier si une persoinie divine pos-
sède sur une autre personne divine (luclque droit :
il se inanilcbie suiiout par la mission. l)e là les
Oucsiions que nous avons à examiner. Elles con-
cernent les relations, lus uolions et les missions di-
vines.
lielaiioni divines, — Qu'il y ail des lelalions
Il n'y a qu'un seul Diou; cette vérité est le
fondement de Ut foi chrétienne ; mais cette
même foi nous enseigne que l'unité même de
entre les personnes divines, c'est ce qui résulte évi-
demment de la génération du Verba et de la pro-
cessiflti dn Saint-Esprit. Qui oserait nier qu'il y ait
entre le Père et le Fils des rapports de paternité
et de libation ? entre le Saint-Esprit et les deux au-
tres personnes un rapport de spiration ? Personne,
sans donte ; car contester la réalité de ces rapports
ce serait nier la Trinité elle-même. Prétendre
qu'ils ne sont qu'une idéalité, ce serait ùter toute
réalité a la Trinité. Erreur monstrueuse , que nous
avons combattue ailleurs, et que nous nous croyons
dispensé de réfuter de nouveau. L'existence des re-
lations divines est donc, pour tout bon catlioliqiie, un
point de doctrine bors de toute espèce de doute.
Quel en est le nunibre ? Pour établir le nombre
des relations divines, il suffit de réfléchir un insiant
sur le fondement qui leur sert d'appui. Les motifs
que nous avons développés en établissant leur exi-
sience, ont déjà fait comprendre que les relaiions
divines sont fondées sur l'origine des personnes.
Or, toute espèce de procession emporte nécessaire-
ment deux relations ; l'une, de la puissance géné-
ratrice à l'être engendré, et l'autre de l'èire engeii-
dié à la puissance génératrice. Mais en Dieu il y a
deux processions, l'une dn Fils et l'autre du Saint-
Esprit. Il doit donc y avou' quatre relations, l'une
dn l'ère au Fils, c'esi le rapport de paternité ; la se-
conde du Fils au l'été, c'est un rapport de liljaiion ;
la troisième da Père et du Fiis au Saint-Espril, c'est
un rapport de spiration active; la (|uatriénic du
Saint-Esprit au Père ei au Fils : c'est un rapport
de spiration passive. Voilà les seules relaiions essen-
tielles que nous puissions apercevDir entre les per-
sonnes divines. ISuus les résumons en deux mots :
la paternité, la filiation, la spiration active et la
spiraiton passive.
Ici une question se présente naturellement. Que
sont en Dieu ces relations ? Méritent-elles le nom de
vérilaijles perl'eciions ? Quoi qu'en aient dit quel-
ques tbéologiens, nous ne craignons pas de nous
déclarer poar l'alfirniaiive. Les Pères, nos maîtres
dans la loi , nous assurent que le Père est parfait,
non-senlement parce qu'il est Dieu, mais encore
parce qu'il est Père (S. Cyril., Tliesaur., lib. i, c. (!);
que le mode d'existence d'une personne divine, on
la relalion, est une perfection (S. Damasc, de Fid.,
lib. 1, c. 11). Ces autorités sont trop vénérables poar
que nuus osions les contrediie. Ecoutons encore la
raison sur ce sujet ; que nous dit-elle? Elle nous
dit qu'un principe de lécondité et de perfection est
incontestablement une perfection. Ces propriétés
conviennent parfaitement aux relations divines ;
elles nous rappellent la fécondité du Père et du
Fils. La subsistance relative du Fils a été un prin-
cipe de perfection pour l'iinmanité du Cbrisl. Par
ces motifs, nous concluons que les relations divines
sont de véritables perfections. — Il y a cependant
une diliiculté qui parait embarrassante au premier
abord. Si les relations divines sont de véritables
perfections, il suit de là qu'une personne divine
possède une perfection que les autres ne possèdent
point. Les trois personnes de la Trinité ne sont
donc pas aussi parfaites l'une que l'autre, comme
l'enseignent communément les catécliismes. Nous
pourrions répondre que la relation que possède
une personne divine égale en perfeciion celle dont
il est privé, et que par la niéiiie l'ogilité se trouve
conservée. Pour résoudre la difficulté, nous aimons
mieux éiunieer une proposition que nous démonire-
runs dans quelijuus instants. 11 n'y a aucune diffé-
rence entre l'essence divine et les relaiions di-
vines : or, l'essence divine est commune aux trois
881
TRI
TRI
882
Dieu rst féconde, que la nature divine, sans
cesser d'être une, se communique par le
Père au Fils, par le Père el le Fils au Saint-
persnnnos divines, donc les perfections qui y rési-
dent le sont aussi. — La ri'ponse que nous venons
de donner suppose qu'il n'y a aucune différence
entre IfS relations cl l'essence divine, essayons de
dénioniri't celte proposiiion. Il y a un principe re-
connu de I0U-. les iliéolugiens, el longuement déve-
loppé dans le Trailé des altributs de Dieu, c'est (lue :
dans les choses divines II faut admettie rnnilé lors-
qu'il n'y a pas opposition de relation. Je clicrclie
quelque opposition entre l'essence divine el les le-
laiions divines ; je n'eu vuis aucune. Il y a donc
ninté, et conséiiiieminent pas de différence. — Doit-
on aussi admettre qu'il n'y a pas de distinction entre
les relaiinns ? Les relaiions d'origine pruvent être
iruses en reg:ird di' relaiions opposées; tiilles la pa-
ternité avec la liliaiion, la spiration active avec la
spiration passive ; alnrs il y a disiiuction réelle. S'il
n'y avait aucune dilT('rence outre les relations, il
n'y en aurait pas e:)trci les personnes divines, puis
que les relations sont fondées sur la distinction des
personnes. Si, an contraire, ou vient à considérer
les relations qui ne sont point opposéi'S, telle la
paiernilé mise en regard de la spiration active,
alors il n'y a pas de distinciion réelle. Le concile
de Lair;in, tenu sous Iiin cent 111, a délini qu'il n'y
a pas de quaterniié on Dieu. Or, si la palornilé et la
liliaiion étaient distinctes de la spiration active, il y
aurait quaternité, savoir, la paternité, la filiation, la
spiration active et la spiration passive, puisque le
nombre des personnes est londé sur le nombre des re-
lations distinctes. Donc il n'y a en Dieu aucune distinc-
tion réelle et effective entre ces espèces de relations.
Des inétapliysiciens d'une logique exirêniemcnt
subtile font des objections trop peu imporlanles
pour que nous les examinions.
II. Notions divines. — Le but des nniions divines,
comme nous l'avons remarqué, est de faire con-
naître et distinguer les personnes divines. Pour qu'un
caractère mérite réellement le nom de notion di-
vine, il doit être revélu de certaines condiiions.
Nous allons les énoncer. Il lant 1" qu'il ne soil
point commun aux trois persoiuics divines ; autre-
ment ce ne serait point une note distinctive. Il faut
2° qu'd concerne l'origine d'une personne divine,
car l'origine est le principe disiinctif des personnes
de; la Trinité. Il faut 3" qu'il soit' un titre de
dignité. Un tel titre mérite seul d'èire appliqué
à une personne divine. L'improductivité du Saint-
Esprit ne peut donc être donnée comme une notion
divine. Il faut •4° qu'il désigne une qualité perma-
nente, puisque la persoime divine est stable el lixe
par elle-même. — Do ces conditions requises coinmu-
nénienl par les tliécdigiens, nous pouvons déduire
le nombre des notions divines. Nous en comptons
cinq : l'innascibilité, la paternité, lafdiation, la
spiration active et la spiration passive. Deux motifs
ont engagé les théologiens à admettre des notions
divines ; 1° la nécessité de distinguer les person-
nes ; 2' le besoin d'en déterminer le nombre contre
les hérétiques. Pour atteindre ce double but, il faut
cinq notions divines. Il y en a quatre (;ui sont né-
cessaires pour distingm;r les personnes : la pater-
nité pour distinguer le Père du Fils, la liliaiion pour
distinguer le Fils du Père, la spiration active pour
distinguer le Père et le Fils du Saint-Esprit, et la
spiration passive, pour distinguer le Saint-Esprit
(lu Père et du Fils. 11 laut une cinquième notion
pour mettre le dogme catholique en sûreté < outre
les attaques des hérétiques , c'est l'innascibiliié du
Père. Car, pour ne pas admettre plus de deux pro-
cessions en Dieu, il est nécessaire de déclarer que
l 'me des trois personnes n'a pas été produite. C'est
ce que n'explique pas sutlisainmeiil la paternité.
Esprit, sans aucune division ou diminution
de ses attributs ou de ses pcrfccliciis. Ainsi
le mot Trinité sigiiilic l'unité des trois per-
soiiiios divines, quant à la nature, et leur
distinciion réelle, quant à la personnalité.
Ce mystère est incompréhensible sans doute,
mais il est formellement révélé dans l'Erri-
luru sainte el dans la tradiliou. Nous devons
donc, l-en apporter les preuves;2°voirceque
les hérétiques y opposent; 3° justifier le lan-
gage des Pères de l'K^lise et des, théoloj;iens.
Dans l'article suivant, nous examinonr, si ce
mystère est tiré de la philosophie de Platon.
§ I '. Preuves du dogme de la sainte Trinité.
1° Matlh., c. xxviii, V. 19, Jésus-ChrisI dit à
ses apAtres : Allez enseigner toutes les na-
tions; baptisez-les au nom dit Pi'rc, et du Fils,
et du Saint- Ils prit. Le dessein de notre Sau-
veur ne fut ceitaiiiemenl jamais de faire
bapliser les fidèles en un autre nom que
celui de Dieu, ni do les consacrer à d'autres
êtres qu'à Dieu ; voilà cependant trois [)e!-
sonnes au nom desquelles il veut que le
baptême soit donné : il faut donc que cha-
cune des trois soit véritablement Dieu, sans
qu'il s'ensuive de là qu'il y a trois dieux;
par conséquent, que la nature ou l'essence
divine soit commune à toutes les trois sans
puisqu'un père peut être produit par un autre père.
De là la nécessité d'admettre une cinqinème notion
divine, l'innascibilité, qui nous (ait comprendre que
le Père ne procède de personne.
III. Missions divines. — Eu engendrant une per-
sonne divine, le principe générateur peut avoir eu
le dessein de l'employer à un elïot temporel. C'est
ce qui constitue la mission divine. Elle peut donc
se définir ; la destination à un etl'ei temporel d'une
personne divine par celle île qui elle procède. De
notre dédnilion nous pouvons déduire quelles sont
les personnes de la Trinité qui sont soumises à la
mission. Puisque la procession est nécessaire, le
Père ne peut point y èire soumis. Le Fils doit la
recevoir du Père, et le Saiiu-Esprit du Père et du
Fils. C'est une conséquence de leur proces'-ion.
Nous en trouvons la preuve dans l'Ecriture : Sicut
misit me virens Pater, et ego vivo propler Palrem,
dit Jésns-Clirist {Jonii. vi, 58). Spiiitus sanclus iinem
mitlet Pater in nomine meo, ilie vos docebit omnia
(Juan. XIV, to). Cum veneril ille Paracletus quent ego
mitlam volais a Pâtre, Spirilum veritalis qui n Paire
procedit (Joan. xv).
L'inégalité des personnes semble être une suite
de la proposition que nous venons dénoncer. Mais
pour peu qu'on réfléchisse sur la nature divine, on
comprend bientôt (|u"il n'y a pas d'inégalité. Habert
fait à ce sujet une observation fort judicieuse.
Jamais, dit-il, une personne divine n'est envoyée
sans que l'autre, qui est soumise à la mission, n'ar-
rive en même temps, et ipie le Père ne vienne, à
cause de l'intime union qui existe entre les per-
sonnes divines par la circuinincession. Et de plus, les
cil'els temporels, obji'is de la mission, sont com-
muns à toutes les personnes, puisqu'ils procèdent
de la toute-pinssance. Cependant, à raison de l'es-
pèce des ell'ets temporels, ils sont appropriés à
telle ou telle personne divine. Dins les dons qui
regardent l'intelligence, c'est au Fils; dans ceux qui
concernent la volonté, c'est au Saint-Esprit. On
doit comprendre pourquoi une personne est dite
envoyée plutôt iprinie autre.
Noos fte nous arrêterons pas plus longtemps à
développer une matière fort obscure, et que da
grands théologiens louclient à peine.
aucune division. Aussi les Pères de l'Eglise
et les théologiens observent que Jésus-Glirisl
a dit, au nom, sans se servir du pluriel, afin
de niiirquer l'unité de la nature divine; qu'il
ajoute, du Père, et du Fils, el du Saint-Es-
prit, en répétant la conjonction copulalive,
afin de faire sentir l'cgalilé parfaite de ces
trois personnes distinctes. Ce ne sont donc
pas ici trois dénominations seulement, trois
manières d'envisager une seule et même per-
sonne, trois attributs relatifs à ses dilîé-
renfes opérations , comme le prétendent
quelques sociniens : que signifierait le bap-
tême donné au nom de trois attributs ou
décrois opérations de la Divinité? Il est dit
ailleurs qu'il est donné au nom do Jésus-
Christ; il faut donc que ce divin Sauveur
soit l'une des trois personnes qu'il désigne,
et que les deux autres soient des Etres aussi
réellement subsistants que lui. Voij. Per-
sonne.
On nous objecte que le nom de personne
n'est donné dans l'Ecriture ni au Fils ni au
Saint-Esprit. Mais il n'y est pas non plus
attribué au Père : aucun hérétique n'a ce-
pendant nié que Dieu le Père ne fût une
personne, un Etre subsistant et intelligent.
D'ailleurs, lorsque saint Paul, PInlipp., c. li,
v. 6, dit de Jésus-Christ, Q^^i cum in forma
Dei tsiel, etc., nous soutenons (lu'il faut tra-
duire, qui étant une personne divine, puisque
cela ne peut pas signifier qu'il avait la fi-
gure, l'eslérieur, les apparences de la Divi-
nité. Et lorsque le même apôtre dit, // Cor.,
C. li, v. 10 ; Si j'ai accordé quelque chose, je
l'ai fait dans L4 peusonne de Jésus-Christ,
cela signifie évidemim nt, je l'ai fait de sa
part, par son autorisé, comme le rrprésen-
taut et tenant sa place. Ce ne sont point là
de simples dénominations.
2° Nous lisons dans saint Jean, Episl. 1,
c. v, V. ~ : Il y en a trois qui rendent ténioi-
gnafje dans le ciel; le Père, le Verbe et le
Saint-Espiit , et ces trois sont une unité,
undm; V. 8, et il y en a trois qui rendent té-
moignage sur la terre, l'esprit, l'eau et le
sany, et ces trois sont une même chose. L'es-
prit, i'eau et le sang sont les dons miracu-
leux du Saint-Esprit, le baptême et le mar-
tyre. Si les t.'ois témoins du v. 7 étaient de
même espèce, ils ne rendraient point témoi-
gnage dans le ciel, mais sur la terre, coniniiï
ceux du V. 8. Or, dans le temps auquel l'a-
pôtre parlail, le Père, le Virbe el le Sainl-
Esprit élaient certainement dans le ciel. Nous
savons que l'authenticité du v. 7 est con-
testée , (i(m-seulement par les sociniens,
mais encore par de savants catholiques. 11
ne se trouve point, disent-ils, dans le irès-
grand nombre des anciens manuscrits; il a
donc été ajouté dans les autres par des co-
pistes téméraires. Mais il y a aussi des ma-
nuscrits non moins anciens, dans lesquels
il se Irouye. On conçoit aisément que la
ressemblance des premiers et des derniers
mois du V. 7 avec ceux du v. 8 a pu donner
lien à des copistes peu allentifs de sauter le
septième; mais qui aurait été l'écrivain
assi z hardi pour ajouter au texte de saint
TItl 884
Jean un verset qui n'y était pas? Une preuve
que la différence des manuscrits est venue
d'une omission involontaire et non d'une
infidélité préméditée, est que, dans plusieurs,
le v. 7 est ajouté à la marge, de la propre
main du copiste. En second lieu, dans le
v. 6, l'Apôtre a déjà fait meniion de l'eau,
du sang et de l'esprit qui rendent témoi-
gnage à Jésus-Christ : est-il probable qu'il
ait répété tout de suite la même chose dans
le V. 8, sans aucun intermédiaire? L'ordre
el la clarté du discours exigent absidument
que le v. 7 soit placé entre deux. Enfin ceux
qui soutiennent que le 7' verset est une
fourrure, soiit obligés de soutenir que ces
itots du verset 8, sur la terre, ont encore été
ajoutés au teste, parce qu'ils sont relatifs à
ceux du verset précédent, dans le ciel. C'est
poiisser trop loin la témérité des conjectures.
Ce qu'il y a de certain, c'est qu'au m' siè-
cle, près de cent ans avant le concile de Ni-
cée, TertuUien et saint Cyprien ont cité ces
mots du v. 7, ces trois sont un, le premier,
lib. adv. Prax., c. 2; le second, lib. de Uni-
late Eccl., p. 196. Nous n'avons point de
manuscrits qui datent de si loin. Aussi les
plus habiles criti(|ues, soit catholiques, soit
protestants, soutiennent l'authenticité de ce
passage; dom Calmet les a cités dans une
dissertation sur ce sujet, Bible d'Avignon,
t. XVI, p. 4.62.
On nous demande pourquoi il n'a pas été
allégué par les Pères du iv' siècle, dans leurs
disputes contre les ariens , et dans leurs
traités sur ta Trinité. 1° Saint Hilaire ré-
pond pour' nous que la foi des chrétiens
était suffisamment fondée sur la forme du
baptême, 1. ii de Trinit., n. 1. il ajoute qu'il
ne faut pas blâmer une omission, lorsque
l'on a l'abondance pour choisir, I. vi, n. 41.
2" Contre les ariens il n'était pas question
de prouver la divinité des trois personnes,
mais seulenjent celle du Fils. 3 Ces héré-
tiques, sophistes aussi pointilleux que ceux
d'aujourd'hui, en comparant le v. "7 avec le
V. 8, auraient conclu que les trois personnes
divines n'avaient entre elles qu'une unilé de
témoignage, comme l'esprit, l'eau et le sang.
4" Plusieurs des Pères ont pu avoir des exem-
plaires dans lesquels le v. 7 était omis. Mais
enfin sommes-nous obligés de rendre raison
de tout ce que les Pères ont dit ou n'ont pas
dit? Jamais question de criiique n'a mieux
prouvé que celle-ci la nécessité de nous en
tenir à la Iradilinn , ou à l'enseignemeul
commun et constant de l'Eglise, louchant le
nombre, l'aulhenlicité, l'intégrité des livres
de l'Ecriture sainte et de toutes leurs parties.
3 Le dogme de la sainte Trinité est fondé
sur tous les passages que nous avons cités
pour prouver la divinité du Fils de Dieu et
celle du Saint-Esprit. Voyez ces deux mots.
Saint Paul, // Cor., c. xin, v. 13, salue ainsi
les fidèles : Que la grâce de Noire-Seigneur
Jésus-Chri:it, l'amour de Dieu el la cumniu-
nicatioti du Saint-Esprit soit avec vous tous.
Saint Pierre, Epist. 1, c. ii, v. 1, parle à
ceux qui sont élus, selon ta prescience de
Dieu k Père, pour élre sanctifiés par l'esprit.
885
TRI
TKI
881)
pour lut obéir et pour être lavés par le sang
lie Jésus-Chrisl. Voilà des opéralioiis (jui ne
I cuvent étie allrihu^es qu'à des peisoimes
ou à des élres subsislanls.
Les explications forcées que les sociniens
donnent à tous ces passages, les subtilités
par Ies(|uelles ils en détournent le sens, dé-
niontrent qu'ils sont dans l'erreur; jamais
des inlerprctalions aussi extraordinaires
n'ont pu venir à l'esprit des premiers fidè-
les. Si les npôlres avaient parlé le langage
de ces héréti(|ues, ils auraient tendu à leurs
prosélytes un piège inévitable d'erreur. Ce-
pendant s'il y a une question essentielle au
ehiistianisnie, c'est de savoir s'il y a un
Dieu ou s'il y en a trois. Comment peut-on
soule;iir d'un côié que l'Kcrilure sainte est
«lain- et très-intelligible sur tous les articles
fondamentaux ou néressaires au salut, et de
l'auire, prêter aux écrivains :acrés un style
aussi éiiiguialiquc?
h° La pratique constante de l'Eglise chré-
tienne , depuis les apôtres jusqu'à nous ,
prouve aussi évidemment ((ue l'Ecriture
sainte, la vérité de sa < royance. Il est cer-
tain que dans les trois premiers siècles, à
dater depi'is les apôtres, le culte de lâlrie,
le culte suprême, l'adoration prise en ri-
gueur, a été rendu aux trois personnes de"
la sainte TriniU', et à chacune en particulier;
donc l'on a cru que chacune est véiilable-
nienl Dieu. Nous pourrions le prouver par
les témoignages de saint Justin, de saint
Irénée , d'Alliénagorc , de saint Théophile
il'Antioche, qui tous ont vécu au ir siècle;
mais nos adversaires y ptélëreront peut-être
celui de nos ennemis. Or, il esî constant
que Praxéas et Sabellius ont accusé les or-
thodoxes de tritl)éismo, â cause de cette
adoration, Tertullinn. ad Prax., c. 2, 3 et 13.
L'auteur du dialogue intitulé Philopalris ,
(|ui a écrit sous le règne de Trajan, au coto-
iiicnconient du u siècle, tourne les chré-
tiens en ridicule, au sujet de ce même culte.
« Jure-moi, dit-il, pur le Dieu du ciel, éter-
nel, et souverain Seigneur, par le Fils du
l'ère, par l'Esprit qui procède du Père, un
en Irois, et trois en un ; c'est le vrai Jupiler
cl le vrai Dieu. » U fallait (jue la rroyance
des chrétiens fût déjà bien connue, pour
qu'un païen pût l'exprimer ainsi. Celte fui
était d'ailleurs attestée par la forme du bap-
tême; le 50' canon des apôtres ordonne de
l'administrer par trois immersions, et avec
les [laroles de lésus-Chrisl; c'était, selon les
Pères, une tradition des ajiôtres el un rit
établi pour marquer la distinction des trois
personnes divines. Voi/. les Noies de Bévé-
»i(/je sur ce canon. D^ns la suite on ajouta
la dosologic, le trisagion, le Kyrie répété
Irois fois en l'honneur de chaque per-
sonne , etc., pour inculquer toujours la
même vérité.
•5° Une preuve non moins frappante de la
\ élite du dogme catholique louchant ce
mystère, est le chaos d'erreurs dans lequel
les sociniens se sont plongé-, dès qu'ils l'ont
attaqué; erreuis qui sont li's cnu^équences
Lune de l'autre. Dès ce muuent ils on! été
obligés de nier l'incarnation du Verbe el la
diYinilc de Jésus-Christ, la rédemption du
monde dans le sens prt)pre, les mérites in-
Gnis de ce divin Sauvçur , la satisfaction
qu'il a fiite à la justice divine pour les pé-
chés de tous les hommes; plusieurs ont en-
seigné qu'on ne doit pas Ini rendre le culte
suprême ou l'adoration proprement dite. 11
a fallu nier le péché originel, ou du inoins
sa communication à tous les enfants d'Adam,
le besoin qu'ils avaient d'une rédcnipHpn et
d'une grâce sanclifianle pour être rétablis
dans la justice, la validité du baptême des
enlanls, l'efficacité des sacrements, la né-
cessité d'un secours naturel pour faire des
œuvres méritoires, etc. lin ajoutant à toutes
ces erreurs celles des protestants, les soci-
niens ont réduit leur christianisme à un pur
déisme, el plusieurs n'en sont pas demeurés
là. Voy. SociNiANisMK. Après ce jirogrès d'im-
piélé qui avait été prévu par les théologiens,
les incrédules n'onl-ils pas bnnne grâce de
nous demander à quoi sert le dogme inin-
telligible et incompréhensible de la Trinité?
Il sert à conserver dans sou entier le chris-
tianisme tel i\in\ Jésus-Christ et les apôtres
l'ont prêche, et à prévenii- la chaîne d'er-
reurs que nous venons d'exposer; à sou-
mctlre à la parole de Dieu notre raison et
notre iulelligcnce, hommage le plus pro-
fond cl le plus pur qu'une créature puisse
rertdre à son souverain maître; à nous ins-
pirer la reconnaissance, l'amour, la con-
fiance pour un Dieu dont toute l'essenee est,
pour ainsi dire, appropriée à noire salut
éternel. Il sert enfin à nous faire comprendre
que notre religion n'est pas l'ouvrage des
hommes, puisque l'idée qu'elle nous donne
de 1,1 Divinité n'a jamais pu leur venir iia-
lurellement à l'esprit; aucun d'eux n'était
capable de former un syslètue de eroy.iUce
si bien lié, que l'on ne peut en nier un seul
ailicle sans renverser tous les autres, à
moins que l'on ne veuille se contredire. Il
est démontré que si celui des sociuiens était
vrai, le christianisme, tel que nous le pro-
fessons, serait une religion plus fausse et
plus absurde que le mahoinétisme; (lu'à en
juger par l'événement, la venue de Jésus-
Christ sur la terre y aurait produit plus de
mal que de bien. Voy. Abadie, Traité de ta
divinilé de Jésus-Christ.
§ II. Objections des hétérodoxes. On nous
demande s'il y a de la raison et du bon sens
. à croire ce que nous ne concevons pas; nous
répondons qu'il n'y aurait ni laison ni bon
Siiis à refuser de croire. Nous imitons la
contluite d'un enfant qui, instruit par son
père, croit à ses leçons, quoiiju'il ne les
comprenne pas, parce qu'il compte sur les
connaissances, sur la droiture el sur la ten-
dresse de son père; celle il'un aieugle-né
qjii croit ce qu'on lui dit louchant la lu-
mière el les couleur», auxquelb ■ il ne con-
çoit rien, parce qu'il sent que ceux qui ont
des yeux n'ont aucun intérêt à le tromper,
el que tous ne peuvent pas se réunir pour
lui en imposer; celle d'un voyageur qui,
obligé de maîcher dans un pays inconnu,
887
TRr
rrcnd un guide et se fie à lui, persuada de
l'expérience de cet homme et do sa pro-
bité, ptc. Avons-nous tort do croire à la pa-
role de Dieu, pendant qu'à tout moment
nous sommes forcés de nous en rapporter à
celle des hommes? Il y a lieu d'espérer que
si les incrédules parviennent à bannir de
l'univers la foi divine, du moins ils ne dé-
truiront pas la loi humaine.
Il est fâcheux que les protestants aient
ouvert la porte au socinianisme, dont les
principes conduisent à de si affreuses con-
séquences. On sait que Luther et C:ilvin ont
parlé de la Trinité d'une manière très-peu
respectueuse, et malheureusement leurs sec-
tateurs lieinent souvent à peu près le mémo
Iangan;e. Ils disent que le mot trinité n'est
point dans l'Ecriture sainte, que Théophile
d'Aniioehe est le premier qui s'en soit servi,
que l'Eglise chrétienne lui est très-peu re-
devable de cette invention; que l'usage de
ce terme et de plusieurs autres, inconnus
aux écrivains sacrés, cl auxquels les hom-
tiies n'attachent aucune idée, ou seulement
de fausses, a nui à la charité et à la paix,
sans les rer.dre plus savants, et a occasionné
des hérésies très-pernicieuses. Ce dernier
fait est absolument fiuix : saint Théophile
n'a vécu que sur la fin du ii'^ siècle; dès le
prenier et du lemps des apôtres, Simon le
Magicien, Cérinthe, les gn()sti(iues, avaient
dogmalisé contre le mystère de la Trinité,
contre l'incarnation, contre la divinité do
Jésus-Christ : saint .lean les a réfutés dans
ses lettres et dans son Evangile; ces mys-
tères ne s'accordaient point avec les éons
des valentiniens , avec leurs généalogies,
dont saint Paul a parlé au commencement
du second ; les ébionites, les carpocraiiens,
les basilidiens, les niénandriens, les diffé-
rentes branches de gnostiques, ne croyaient
pas plus à la Trinité ni à l'incarnation que
leurs prédécesseurs; saint Ignace, mort l'an
107, les attaque dans ses lettres ; ïcar sys-
tème, forgé dans l'école d'Alexandrie, était
incompatible avec tous nos mystères. Les
disputes et les hérésies avaient donc com-
mencé longtemps avant l'invention du terme
de trinité; celles de Praséas, de Noët, de
Sabellius, de Paul <îe Saraosale, d'Arius, etc.,
qui sont venues à la suite, n'étaient qu'une
prorogation des premières. D'ailleurs, qu'a
fait sailli Théophile, sinon d'exprimer par
un seul mot ce qui avait été dit par saint
Jean dans le célèbre passngo dont nous
avons prouvé l'aiilhenlicilé? Ce n'est donc
pas ce mol nui a occasionné les disputes et
qui a troublé la pais; c'est le fond et la
substance même du mystère, que les rai-
sonneurs entêtés n'ont jamais pu se résoudre
à croire; il ne sieil guère à ceux qui ont
allumé le feu de crier conlrc rincemlic.
D'aulres disent que, pendant les trois pre-
miers siècles, on n'avait rien prescrit à la
foi des chrétiens sur ce mystère, du moins
sur la manière dont le Père, le Fils, et le
Saint-Esprit sont distingués l'un de l'autre,
ni fixé les expressions dont on devait se
servir; que les docteurs chrétiens avaient
TRI 888
différents sentiments sur ce sujet, Mosheim,
Hist. ecclés., iv' siècle, w partie, c. 5, § 9 ;
Hist. christ., sœc. m, § 31. Nouveau trait
de témérité; dès le temps des apôtres, la foi
des t hrétiens était prescrite par les paroles
de Jésus Clirist, qui sont la forme du bap-
tême, comme s.iint Hilaire l'a remarqué, en
nommant le Père, le Fils, et le Saint-Esprit;
tout fiilèle savait que l'un n'est pas l'autre,
que chacun des trois est Dieu, que cepen-
dant.ce ne sont pas trois dieux : nous n'en
savons pas plus aujourd'hui. Aussitôt que
des raisonneurs voulurent l'enlemlre autre-
ment, ils furent regardés comme hérétiques.
Tous les docteurs chrétiens étaient donc do
même sentiment, lors même que leurs ex-
pressions étaient différentes. Mosheim lui-
même a remarqué que, chez les anciens
Pères, les mots substance, nature, forme,
chose, personne, onl la même signification.
Dissert, sur rhist. ecclés., t. 11, p. 333, 53i.
Ce n'est plus de même aujourd'hui, parce,
que les écjuivoqiies et les sophismes des hé-
rétiques ont forcé les Pères à y mettre de la
distinction. 11 y a donc de l'injustice à juger
de leur sentiment par des expressions qui ne
sont plus conformes au langage actuel de la
théologie.
M sheim a commis une faute encore plus
griève, en disant que les chrétiens d Egypte
pensaient comme Origùne, savoir que le Fils
était à l'égard de Dieu ce que la raison est
dans l'homme, et que le Saint-Esprit n'était
que la force active ou l'énergie divine. 1" Il
aurait fallu citer le passage dans lequel Ori-
gène s'est ainsi exprimé. Les éditeurs de ces
ouvrages ont fait voir qu'il a soutenu que
les personnes sont trois êtres subsistants,
réellement distincts, et non trois actions ou
trois dénominations, Ori(jenian., c. 2, q. 1,
n. i. a"!! est faux que les chrétiens d'Egypte
aient été dans l'opinion que ce critique leur
prête ; il n'en a donné aucune preuve. En
réfutant le seniiment faux d'un auteur mo-
derne, il admet en Dieu une seule substance
absolue, ci lro\s substances relatives; ce n'est
poiîU ainsi que parlent ordinairement les
orthodoxes ;aurail-il trouvé bon que son ad-
versaire le taxât d'hérésie? L'oti a commis
une infinité d'autres injustices à l'égard d'O-
rij^ène.
Beausobre, dans son Hist. du Manich.,
I. lii, c. 8, § 2, dit que les Pères, pour réfu-
ter les ariens, qui accusaient les catholiques
d'admettre trois dieux, soutinrent, 1° que la
nature divine est une dans les trois per-
sonnes, comme la nature humaine est une
dans trois hommes , ce qui n'est qu'une
unité par abstraction, une unité d'espèce ou
de ressemblance, et non une véritable unité;
2° que cette unité est cependant parfaite,
parce que le Père seul est sai\s principe, au
lieu ipie les deux autres tirent leur origine
du l'ère, el en reçoivent la comiimuicaliun
<le tous les attributs de la nature divine, il
cite eu preuve de ce fait Pétau, de Trinit.,
I. iv, c. 9, 10 et 12, el Cudworth, Syst. intel.,
c. IV, § 30, p. 396.
Si ces critiques protestants avaient été de
3SP
TRI
TRI
890
bonne foi, ils auraient avoué co que Pétau n
[irouvé, ibjfl., c. ih ot soq., savoir, 1° que
les tri(>ines Pèrt-s, qu'il a ciU'S nomini'menl,
SI' sonl ensuite expli<iuésplus correctement;
qu'ils ont admis dans la natnrc divine l'u-
uité numérique, la sinf/ularilc el la parfaite
simplicité; 2" qu'ils ont donné do celle unité
deux autres raisons essentielles, savoir la
singularité d'action et la circumincrssion, ou
l'existence intime des trois personnes l'une
dans l'autre, suivant ces paroles de Jésus-
Christ : Je fuis les n'ifvres de >nu7i Père....;
mon Père est en moi et moi en lui [Joan., x,
37, 38). (^omme les purs ariens soutenaient
que le Fils de Dieu est une créature, ils n'a- -
vouaient [;oinl qu'il participe à tous les at-
tributs de la Divinité, surtout à l'éternité du
Père. Il fallait donc établir contre eux que
le Fils et le Saint-Esprit participent aussi
réellement à tous les allrihuls de la nature
divine, que trois honnues participent à tous
les attributs de la nature humaine, c'est par
là que les Pères commençaient; mais co
n'est là, pour ainsi dire, que le premier
degré de l'unité; le second est l'unité d'ori-
gine de la seconde et de la troisième per-
sonne; le troisième est l'unité d'action entre
toutes les trois ; le quatrième est l'exislencc
intime ou la circumincession. Il ne faut donc
pas couper la chaîne du raisonnement des
Pères, pour se donner la satisfaction de les
accuser d'erreur. Au mot Iîmaxation, nous
avons prouvé la f.;u5selé des autres repro-
ches que Heausobrc a faits aux Pères sur ce
même sujet.
Plusieurs censeurs ont affecté de dire que
les Pères, en voulant expli()uer ce mystère,
ont employé des comparaisons, (jui, prises
à la lettre, enseignent des erreurs. .^lais ces
saints docteurs ont eu soin d'avertir qu'au-
cune comparaison tirée des choses créées ne
pouvait repondre à la sublimité de co mys-
tère, ni en donner une idée claire ; c'est donc
aller contre leur inlention de vouloir les
prendre à la lettre. M os h ci m a cité à ce
sujet saint Hilairi', saint Augustin, saint Cy-
rille d'Alexandrie, saint Jean Damascène,
Cosnias Indicopicules, on pourrait en ajou-
ter d'autres; Aoles sur Ctidœurth, p. 920. lin
cela les Pères n'ont fait qu'imiter les apô-
tres. Saint Jean compare Dieu le Fils à la
part)le et à la lumière; saint Paul dit qu'il
est la splendeur de la gloire et la (igure do
la substance i!u Père, etc. Ces comparaisons
ne peuvent ccriaineuient nous donner une
idée claire de la nature du Fils de Dieu.
D'autres enfin ont été sc.indalisés de ce
qu'a dit saint Augustin, de Trinil., lib. v,
c. 9 : « Nous disons une essence, et trois per-
sonnes, comme plusieurs auteurs latins trùs-
respeclables se sont exprimés, ne trouvant
point de manière plus propre à énoncer par
des paroles ce qu'ils entendaient sans parler,
lui effet, puisque le Père n'est pas le Fils,
que le Fils n'est pas le Père, et <|ue le Saint-
Ksprit, qui est aussi appelé un don de Dieu,
n'est ni le Père ni le Fils, ils sont trois sans
iloute. (Vest pour cela qu'il est dit au plu-
riel : Mon Père et moi sommes une même
chose. Mais quand on demande : Qae sont
ces trois ? le langage humain se trouve bien
stérile. On a dit cependant trois personnes,
non pour dire (jnelque chose, ni.iis pour
ne pas demeurer muet. » De là les incré-
dules ont conclu ((ue, suivant saint Augustin,
tout ce que l'on dit de la Trinité ne signifie
rien. — Il ne signifie rien de clair, nous en
convenons; m;iis il exprime quebiue chose
d'obscur, comme les mots lumière, couleur,
miroir, perspective, de, dans la bouche
d'un aveugle-né; il n'e>l pas pour cela blâ-
mable de s'en servir. Si en parlant do la
sainte Trinité, l'on veut concevoir la natuie
et la personne divine, comme l'on conçoit
une nature et une personne humaine, on ne
n.'anijiiera pas de conclure couime les incré-
dules, qu'une seule nature numérique en
trois personnes distinctes est une contradic-
tion. Mais on raisonnera aussi mal qu'un
aveugle-né, qui, en com{ arant la sensation
de la vue avec celle du tact, soutiendrait
qu'une superficie plate telle qu'un miroir et
une perspective ne peut pas produire une
sensation de profondeur. Voy. ÀIystiiRE.
De tous les articles de notre loi, il n'en
est aucun qui ait été attaqué aussi prooip-
tement, avec autant d'opiniâtreté, et par un
aussi grand nombre de sectaires , que la
Trinité; nous l'avons déjà observé. Les dif-
fércnles manières dont ils s'y prirent, l'abus
qu'ils firent de tous les termes de l'Ecriture
et du langage ordinaire, lessophismesqu'ils
accumulèrent, ont forcé les théologiens an-
ciens et modernes à donner des explications,
à fixer le sens de tous les mots, à déter-
miner les expressions desquelles on ne doit
pas s'écarter. Beausobre lui-mîme, tout in-
juste qu'il est à leur égard, convient que les
Pères n'ont pas pu se dispeiiser d'expliquer
en quel sens Jésus-Christ est Fils de Dieu.
Hist. duMunich., I. m, c. (>, § 1. Cependant
les unitaires et leurs partisans ne cessent
de d(!mander, pourquoi vouloir expliquer ce
qui est inexplicable, forger de nouveau mots
qui ne nous donnent aucune Idée claii'e, cl
qui ne servent qu'à multiplier les disputes ?
pourquoi ne pas s'en tenir aux paroles sim-
ples el précises de l'Ecriture sainte'? Parce
que les hérétiques n'ont pas cessé d'en abu-
ser et qu'ils en abusent encore; parce qu'à
l'ombre des expressions de l'Ecriture, ils
trouvent le moyen de croire et d'enseigner
tout ce qui leur plaît. Il serait fort singulier
(ju'ils eussent le privilège d'expliquer l'IÎ-
criture sainte à leur manière, et que l'Kglise
catholique n'eût pas le droit de s'opposer à
leurs explications, et d'en donner de plus
orthodoxes. Voyons donc si celles des théo-
logiens catholiques sont moins solides que
les leurs, et si elles ne sont pas mieux fon-
dées sur l'Ecriture sainte.
§ III. Apologies du langage des Pères de
l'Eglise et des théologiens. Nous disons :
i" qu'il n'y a en Dieu qu'une seule nature,
une seule essence, éiernclle, existante de
soi-même, infinie, etc., puisque l'Ecriture
nous enseigne, comme une vérité capitale,
qu'il n'y a (|u'un Dieu. Il a fallu s'exprimer
8"!
TRI
Tm
89 î
ainsi contre les païens, contre les marcio-
iiilcs cl les manichéens, contre les trithéis-
U'S ; contre tous ceux qui ont reproché aux
catholiques d'adorer trois dieux. On leur a
soutenu que le Père, le Fils et le Saint-Es-
prit ne sont pas trois dieux, parce qu'ils ont
une seule el même nature ou essence numé-
rique, et possèdent tous trois, sans aucune
division, tous les atlrihuts essentiels de la
divinité.
2° Nous appelons le Pèi-e, le Fils et le
Sainl-Espriî , trois personnes, c'est-à-dire
trois êtres individuels , suhsistanl réellement
eu eux-mêmes. Cela était nécessaire pour
réfuter ceux qui ont prétendu autrefois, et
ceux qui prétendent encore, que le Fils et le
Saint-Esprit ne sont que des noms, des opé-
rations, des manières de considérer la Di-
vinité : explications fausses des termes l'e
l'Ecriture, auxquelles il a fallu en opposer
de plus vraies. Chez les auteurs profanes,
personne signifie souvent, aspect, figure, ap-
parence extérieure; mais nousavons fait voir
que saint Paul y a donné un sens tout diffé-
rent, el que les Pères et les théologiens ont
été obligés de l'adopter. Voij. Personne.
3" Ils disent que le Fils tire son orii^ine du
Père par génération, terme consacré dans
l'Ecriture, Acl. , cap. vni, v. 33, et dans
tous les passages où le Fils de Dieu est ap-
pelé Unigeniius, seul engendré. Ils ajoutent
que celte génération ou naissance n'est point
une création, parce que si le Fils élaii une
créature, il ne sérail pas Dieu; q.ie ce n'est
pas non plus une e'i/mnafton dans le sens que
i'eutendaient les philo-ophes : lorsqu'ils
disaient que les esprits sont nés du Père de
toutes choses, ils supposaient ijne celle pro-
duction était un acte libre de la volonté du
Père, au lieu que Dieu le Père a engendré
son Fils par un acte nécessaire de l'entendç'?
ment divin : c'est pour cela qoe le Fils t st
coélcrnel au Père. D'ailleurs les pliilosophes
concevaient l'émanation des esprits comme
un détarheraent ou un partage de la nature
divine : oi-, il est évident que Dieu étant pur
es|irit, sa nature, son essence est indivisilile.
Si donc les Pères de l'Iiglise, pour exprimer
la génération du Fils de Dieu, .se sont servis
des termes émanation, probolo ou protation,
producliiin, etc., ils n'y ont point attaché le
même beus que les philosophes. Voy. Ema-
nation.
11 faut remarquer que plusieurs des Pères
antérieurs au concile de Nicée ont attribué
à Jésus-Christ deux générations ou deux nais-
sances, avant celle qu'il a reçue de la vierge
Mari;j : l'une éternelle, en vertu de laquelle
il est appelé Unigenitus, seul engendré, et
par laquelle il est demeuré dans le sein du
Père; l'autre temporelle et qui a précédé la
création. Uni à une àme spirituelle beaucoup
plus parfaite que tous les autres esprits, le
Verbe est ainsi sorti eu quelque manière du
sein de sou Père , et lui a servi de mi-
nistre et comme d'instrument pour < réer le
monde. C'est sous cette forme que saint P.iul
l'appelle le premier-né de toute créature....,
Uann lequel el par lequel toutes chones visi-
bles et indivisibles ont' été créées [Coloss. i,
15, IG). Les ariens n'admettaient que ccite
seconde naissance du Verlio, et niaient la
première ; les sociniens font encore de
même, mais les Pèies soutenaient l'une et
l'autre. Us appliquaient à la seconde ce que
saint Paul a dit, que Dieu a fait les siècles par
son Fils (Uebr. i, 2), el que les siècles ont été .
arrangés par le Verbe de Dieu; au lieu que
par la première le Verbe est coétornel et
consubstantiel au Père : mais ils pensaient
que saint Jean a parlé de l'une et de l'autre,
lorsqu'il a dit que le Verbe était au commeii-
cemcnl, qu'il était en Dieu, el qu'il était Dieu;
■ensuite f/Me toutes choses ont été faites par
lui (Joan. i, î). C'est faute de cette observa-
tion que le P. Pélau el d'autres ont cru
trouver dans les Pères antérieurs au concile
de Nicée des passages qui ne soiit pas ortho-
doxes. Voyez fiulius, Defens. fiilei Nicœnœ,
secl. 3, c. 5, th. 2. Au mol Verbe, nous
montrerons pourquoi, avant le concile de
Nicée, les Pères ont beaucoup .larlé de la
seconde génération du Verbe, el pourquoi
les Pères postérieurs à ce concile ont prin-
cipalement insisté sur la première.
4° Les Pères el les Ihéologieas enseignent
(|ue le Sainl-Esprit tire sou origine du Père
et du Fils, non par génération, mais par
procession , autre terme tiré de l'Ecriture
sainte, Joan., c. xv, v. 2G. Dans les disputes
contre les ariens il s'agissait principalement
de la divinité du Fils de Dieu; il ne fui pas
beaucoup question du Saint-Esprit; mais,
environ soixante ans après, Macédolîiiis,
patriarche de Constantinople, ayant eu la
témérité de uier la divinité de cette troisième
personne de la sainte Trinité, les Pères fu-
rent obligés de discuter tous les passages de
l'Eiiiture sainte qui concernent ce dogme,
et de réfuter les objections des macédoniens.
Ainsi ces personnages respectables n'ont
élevé aucune question par vaine curiosité,
ou par envie de disputer, mais par nécessité
el selon le besoin actuel de l'Eglise.
5" Pour contenter les raisonneurs, pour
oclairi'ir les subtilités di; leur logique, pour
prévenir l'abus et la confusio:; des termes,
il a fallu établir une diflérence entre la gé-
nération du Verbe et ta procession du Saint-
iîspril; l'on a cru pouvoir le faire jusqu'à
un certain point par une comparaison tirée
de nous-mêmes. On a dit que le l'ère en-
gendre son Fils par un acte d'entendement
ou par voie de connaissance; que le Saint-
Esprit procède du Père el du Fils par amour
de l'un pour l'autre, ou par un acte de vo-
lonté; et l'on s'est encore fondé à cet éj^'ard
sur riicriluie sainle. Dieu, se connaissant
lui même nécessairement el de toute éter-
nité, produit -un terme de celte connaissance,
un lùie égal à lui-ii',êaie, subsistant 1 1 infini
conmie lui, paice (ju'un acte nécessaire et
coéternel à la Divinilé ne peut pas être un
acte passager ni un acle borné. Aussi cet
objet de la connaissance du Pèiecsl appelé
dans l'Ecriture son Virlie, son Fils, sa Sa-
gesse, i'imnije de sa substance ; les livres saints
lui attribuent les opérations de la divinité,
893
TRI
Tni
894
le nomment Dieu, etc. Tout cela caractérise
lum - seulement un acte dn l'cntondemeut
divin, mais un t!lrc subsistant et intelligent.
Le Père voit son Fils, ot le Fils regarde
son PcTe comme son principu ; ils s'aiment
donc nécessairement : or, l'amour est un
acte de la volonté, et il doit avoir un ti rme
aussi réel que l'acte de l'cnlondement; ce
terme est le Saiiil-Fspril, qui proeè<le ainsi
de l'amnur mutuel du l'ère et du Fils. C'est
pour cela que l'Iùriture attribue principale-
ment au Saint-Kspril leseilusions de l'amour
divin ; il est dit que l'amour de Dieu a clé
répandu dans nos cœurs par le Saint-Espril
qui nous a été donné (Rom. v, 5). Je vous
conjure par la charité du Suint-Esprit [Rom,
X V, 30^ !\Iontriins-nous ministres de Dieu dans
le Saint-Esprit dans une ehmilé non feinte
(H Cor.iv, G), cU\ Delàsontnéslestcrmes de
paternilr et de filiation, Ai-spiralion active et
de spiration passive; notions et relations qui
caraciérisent les trois pTsoniK^s et (|ui les
distinfiucnt l'une de l'autre. De là ce prin-
cipe des Ibéologieas, qu'il n'y a point de
distinction dans L s personnes, lorsqu'il n'y
a point d'op[iusilion de relation; qu'ainsi
.eut ce qui concerne l'essence, la nature, les
perfections divines, leur est commun, et
qu'elles y participent également toutes les
trois. Conséqucmment , <|uoii]ue dans VU.-
criture sainte la puissance soil principale-
ment attribuée au Père, la sagesse au Fils,
et la bonté au Saint-Esprit, il ne s'ensuit
piiint que ces attributs n'appartiennent point
également aux trois personnes, puisque ce
ne sont point des attributs relatifs. De là
enlin cet autre principe, que les œuvres de
la sainte Trinité ad extra sont communes
et indivises, que les trois personnes y con-
courent également , qu'il n'en est i)as de
même des opérations ad in/rn, parce qu'elles
sont relatives. Lorsque entre ces personnes
nous distinguons la première, In seconde et
lit troisième, cela ne signifie point que l'une
est plus ancienne ou jilus parfaile que
l'autre, ni que l'une est supérieure à l'autre,
mais que c'est ainsi que nous concevons
leui origine. Les anciens Pères n'ont rien
entendu de plus, lurs(|i\'ils ont admis enire
elles une sulioi diiiaiion, et qu'ils ont dit que
le Père est plus grand que le Fils, ou supé-
rjeur au Fils, comme liullus l'a fait voir,
sect. 'i-, cap. 1 et 2. Ils ont encire emprunté
le langage de saint Paul, qui dit, / Cor.,
e. x\ , V. 28, que Dieu le Fils sera soumis
à son Père: Pliilipp., c. il, v. 8, qu'il s'est
rendu obéissant, etc. S'il s'en suit de là que
les Pères ont enseigné l'erreur, il faut ac-
cuser saint Paul du même crime.
L'expérience n'a que Irop prouvé le dan-
ger des équivoques, et la nécessité de mettre
la plus grande précision dans les termes
doirt on se sert loucliani ce mystère. Au iv''
et au V" siècle, on disputa beaucoup pour
savoir si l'on devait ;ahuel(re en Dieu trois
lijpostases ou une seule; la raison de celte
conteslalioM fut que par hyposlase les uns
entendaient la sulislunce, la nature, l'essen-
ce ; les autres la personne; on ne fut d'accord
que quand on fut convenu d'entendre le
terme dans ce dernier sens; alors on n'bé-
sita plus à reconnaître dans la sainte Tri-
nité une seule nature et trois Injpnstascs.
Voy. ce mot.
C" Enfin, pour exprimer par un seul mol
ce que Jésus-Christ a dit, Joan., c. x, v. 38 ;
Mon Père est en moi. et je suis en lui, tbs
Pères out appelé cette union, Tzept/ûp-net;,
circumincessiou , et irjKÙpli:, inciistence, ou
l'existence intime des trois personnes l'une
dans l'autre, malgré leur liistinction. Saint
Jean a encore exprimé la même chose, lors-
(ju'il a dit, c. i, v. 18 : Le F:ls unique, ou
siiUL ENGENiuiK, qui cst dans le sein du Père,
NOUS l'a fait connaître. Il ne dit point que
ce l'ils « été6;ins le sein du Père, mais qu'il
y est, pour nous apprendre que la substance
de l'un est inséparable de celle de l'autre;
c'est ce que le eoneile de Nicée a exprimé
par le mol consubstanlinl : les ariens vou-
laient y substituer celui de oy.oioymo;, qui
signifiait égal ou semblable cil substance ;
il e4 évident que ce terme ne rendait pas
toute l'énergie des i)aroles de l'Ecriture;
voilà pour(iuoi les Pères persistèrent à re-
tenir celui de ôft.Oa-ioc, cunsuhslantiel, parce
qu'il exiirlme l'unité numérique de la sub-
slan{e du l'ère et du Fils , ou l'identité de
nature. Voy. Consudstantikl. Le terme sub-
stitué par les ariens exprimait évidemment
deux substances ou deux natures ; de là il
s'ensuivait ou qu'il y a deux dieux, ou que
le Fils n'est pas Dieu : ce n'est donc pas
sans raison que les Pèri s le rejetèrent. Ain-
si, eu décidant la divinité du Fils, le concile
de Nicée établissait d'avance la divinité du
Saint-Esprit, parce que la raison est la mê-
me ; les macédoniens ne pouvaient opposer
à celle-ci que les mêmes objections qu'a-
vaieut alléguées les ariens contre la pre-
mière : aussi les Pères, pour réfuter xMacé-
donius, recoururent constamment à la doc-
trine que le concile de Nicée avait professée
contre Arius.
Le Clerc, socinien déguisé, objecte quetous
les nouveaux termes, dont les Pères se sont
servis pour établir leur croyance touchant
la Trinité, sont équivoques, que dans le sens
littéral et commun ils expriment des erreurs,
(jue voulant iiroscrirc des hérésies on en a
créé d'autres. Selon lui , le mot personne
signifie une substance qui a une existence
propre et individuelle; ainsi admettre trois
personnes en Dieu , c'est y admettre trois
existences individuelles ou trois dieux. Au
lieu de corriger l'erreur, on la confirme, en
disant que les trois personnes sont égales
entre elles; rien n'est égal à soi-même,
l'identité de nature exclut toute comparai-
son. r,e concile de Nicée n'a pas parlé plus
correctement en décidant que le Fils est
Dieu de Dieu et < onsubslantiel au l'ère; ces
lerm s ne signifient rien , sinon que ce sont
deux individus de même espèce. La circum-
incession des trois personnes est une autre
énigme, à moins que l'on n'entende par là
leur conscience mutuelle. « Pour nous, dit-il,
« nous reconnaissons une seule tiisence
895
TRI
TRI
89«
divine dans laquelle il y a trois choses
distinguées, sans pouvoir dire en quoi
consiste celle distinction. » Hist. ecclés.,
proleg., sect. 3 , c. 1 , § 11. — Réponse. Le
Clore devait au moins dire ce que c'est que
ces trois choses, si ce sont trois êtres réels
ou des abstractions mélhaphysiques. S'il
avait été de bonne foi , il aurait avoué qu'il
entendait seulement par là, comme les so-
ciniens, trois dénominations relatives aux
opérations de Dieu. C'a été justement pour
prévenir celte erreur de Sabollius, qu'il a
été décidé que le Père, le Fils et le Saint-
Esprit sont trois hypostases, trois êtres réel-
lement subsistants, en un mol, (rois person-
nes. Nous convenons (ju'en pirlant des créa-
lures intelligentes , personne signifie une
substance qui a une existence propre et
individuelle, qu'ainsi trois personnes hu-
maines sont trois hommes. Mais ce mot n'a
pas le même sens lorsqu'il est question de
ia sainte Trinité, puisque la foi nous en-
seigne que les trois personnes subsistent en
unité ou en identité de nature; par cette ex-
plication l'équivoque du mol générique de
personne est absolument dissipée, el telle
est encore la notion du mot consubstantiel;
il n'y a donc plus aucun lieu à l'erreur..
En voulant corriger le langage de l'Eglise,
Le Clerc a-t-il mieux parlé? Il dit que la
circumincession des personnes divines ne
peut signilier que leur conscience mutuelle.
Mais s'il est vrai que l'identité de nature
exclut toute comparaison , elle n'exclut pas
moins tout rapport mutuel, puisque ce mot
dit nécessairemeiil au moins deux personnes.
La conscience d'ailleurs est un sentiment
personnel, incommunicable d'un individu à
un autre, la conscience ne peut donc pas être
mutuelle entre le l'ère , !e Fils et le Saint-
Esprit, si ce ne sonl pas trois personnes et
et si elles ne subsistent pas en identité de
nature. Ce critique en impose grossièrement,
en disant (jue par trois personnes les anciens
entendaient trois substances divines égales
ou inégales; Bullus a démontré la fausseté
de ce fait; le doute dans lequel on fut de
savoir s'il fallait admettre dans la Trinité
trois hypostases ou une seule, prouve encore
le contraire ; les anciens n'ont jamais été
assez stupides pour ne pas voir que trois
substances divines seraient trois dieux; c'est
pour cela que l'on a condamné les Iritbéistes.
Nous convenons encore qu'en (Hspulant
contre les hérétiques, toujours sopiustes de
mauvaise foi, il est impossible de forger des
termes desquels ils ne puissent pas pervertir
le sens. Mais parce que le lang.ige humain est
nécessairement imparfail, (aul-il s'abstenir
de parler de Dieu el d'enseigner ce qu'il a
daigné nous révéler? Les s.ibelliens, les
ariens, les sociniens ont rendu équivoques
les noms de JPrre, de Fils, et de Saint-Esprit,
ils ne les cmploienl que dans un sens abu-
sif; le mot Dieu n'a pas été à couvert «le
leurs attentats, ils souticnnonl (jue Jésus-
Christ n'est pas Dieu dans le môme sens
que le l'ère; ensuite ils nous disent gravement
qu'il faudrait s'en tenir aux termes de l'E-
criture, parce qu'ils se réservent le privilège
de les entendre comme il leur plaît. C'est ce
qui démontre la nécessité de l'autorité de
l'Eglise pour fixer et consacrer le langage
dont on doit se servir pour exprimer les ar-
ticles de noire foi, el pour déterminer le vrai
sens des termes de l'Ecriture.
On nous dit qu'en adoptant le terme
d'oyjùo-to;, et en rejetant celui d'ôpoioûuof,
l'Eglise a troublé l'univers pour un mot, et
même pour une lettre de plus ou de moins.
Ce n'est point le mot qui a causé le bruit,
c'est le dogme exprimé parce mol décisif; ou
plutôt c'eslTopiniâlrelé des hérétiques obsti-
nés à pervertirle dogme par des termes équi-
voques, à l'ombre desquels ils étaient sûrs de
pouvoir introduire leurs erreurs. Encore
une fois, les Pères de l'Eglise ni les théolo-
giens n'ont jamais cherché de gaîlé de cœur
à élever de nouvelles questions , à exciter
de nouvelles disputes touchant les vérités
révélées; mais les hérétiques ont eu celte
fureur dès le temps des apôlres. A peine
ceux-ci furent-ils morts, que des raisonneurs
armés de subtilités philosophiques se sont
appliqués à pervertir le sens des saintes
Ecritures. Les docteurs de l'Eglise, chargés
par les apôtres uiême de conserver sans al-
tération le dépôt sacré de la doctrine de
Jésus-Christ, ont donc été forcés d'opposer
des explications vraies à des interprétations
fausses, des expressions claires et précises
à des termes équivoques et trompeurs, des
raisonnements solides à des arguments cap-
tieux. Il y a de la démence à leur attribuer
les disputes, les erreurs, les schismes, les
fureurs des hérétiques, qu'ils n'ont pas cessé
de déplorer et de combatire. Si dans les bas
siècles les théologiens scolastiques se sont
occupés à des questions inutiles et de pure
curiosité, ils n'ont point imité en cela les
Pères de l'Eglise, et ils ne se sont pas avi-
sés de vouloir ériger leurs opinions en dog-
mes de foi; on ne fait plus aucun cas de
leurs spéculations ni d<! leurs disputes. Mais
comment contenter des tenseurs aussi bi-
zarres que ceux auxquels nous avons affaire?
Les uns blâment les Pères d'avoir voulu ex-
pliquer un mystère essentiellement inexpli-
cable ; les autres reprochent à ceux des trois
premiers siècles de s'être bornés à condam-
ner les erreurs des hérétiques, sans décider
ce qu'il fallait croire touchant Dieu et Jésus-
Christ , sans prescrire les formules et les
expressions par lesquelles il fallait énoncer
le dogme des trois Personnes en Dieu. Par
là, disent-ils, les Pères laissaient aux raison-
neurs la liberté de l'entendre comme il leur
plaisait, de forger et de débiter sans cesse
de nouvelles 0|>inions, Mosheim, Hist. christ.,
sœc. III, §31. Voilà donc tous les Pères dé-
clarés coupables, les uns pour n'avoir pas
prévu et réfuté d'avance toutes les folles
imaginations des hérétiques, les autres pour
les avoir proscrites ou corrigées lorsqu'elles
sonl venues à éclore. Nous présumons en
effet que si Dieu avait donné l'esprit prophé-
tique aux docteurs de l'Eglise, ils auraient
lâché de prévenir le mal avant sa naissiinco
«97
TRI
TRI
898
Mais il n'a pas donné non plus cet esprit
anx réformateurs, puisque leurs oracles ont
donné lieu à vingt sectes dilîérentes.
Vers l'an 520, il s'éleva une contestation
pour savoir si celle proposition : une des
personnes de la Trinilé a souffert, unns de
Trinilate pasuus est. était orthodoxe ou non.
Les fucines de Scylhie, d'autres disent d'E-
{ïyptc, soutenaient celle proposition contre
les nestoriens ; l'onune ceux-ci niaient que
la personne de Jé-us-Ghrist lût unie subslan-
tiellcuient à la Divinité , ils n'avaient garde
d'avouer ((ue Jésus-Ciirisl était une des per-
sonnes de la Trinité. D'autres prétendaient
que les Ihéopascliitos ou palripassiens pou-
vaient abuser de celle proposition pour en-
seigner que la Divinité a souffert ; coiisé-
quenimenl les légats du pape, auxquels les
moines de Scylie s'étaient adressés, jugèrent
que cette manière de parler était une nou-
veauté dangereuse. Ces moines vinrent à
Rome pour consulter le pape Honnisdas lui-
même ; mais, prévenu par un de ses légats
et par d'autres qui traitaient ces moines do
séditieux et de brouillons , peu soumis au
concile de Clialcédoine , et fiiutours de l'eu-
tychianisme, ce pape ne leur donna aucune
décision, et résolut de renvoyer cette que -
tion au patriarche de Constanlinojile. Cela
n'a pas empêché le traducteur de Mosheim
d'alïirmer que Ilormisdas a condamné la
proposition des moines de Scythie, et con-
tirnié l'opinion de leurs adversaires. Comme
le pape Jean 11 cl le v concile général ap-
prouvèrent la proposition des moines, ce
traducteur ajoute que cette contradiction
exposa les décisions de l'oracle papal à la
risée des sages. Uist. ecctés., vr siècle,
ir part., c. 3, ij 12. Mais il est absolument
faux que le pape Hormisdas ait condamné
la proposition des moines; il ne voulut pas
seulement examiner la question; il leur té-
moigna du mécontentcmenl, non ù cause de
leur doctrine, mais à cause de leur conduite,
qui était elTeelivement turbulente et sédi-
tieuse, y^oy. Fleury, Hist. ecclcs,, liv. xsxi,
§ 'i8 et VO. Ces faits sont prouvés parles let-
tres d'Honuisdas et par celles de ses légals.
Au commencement de notre siècle, depuis
l'an 1712 jusqu'en 1720, les disputes sur la
Trinilé se sont renouvelées avec beaucoup
de chaleur; Foi/. Mosheim, Jlist. ecclés.,
xviii' siècle, § 27. Guillaume Wiston, pro-
fesseur de mathémaliques , soutint que le
Fils de Dieu n'a commencé à exister réelle-
ment que quelque temps avant la création
du monde; que le Logos ou la sagesse di-
vine a pris en lui la place de l'âme raison-
nable; que le concile de Nicée n'a point at-
tribué d'autre éternité à Jésus-Christ; enfia
que la doctrine d'Arius était celle de ce di-
vin Maître, celle des apôtres et des premiers
chrétiens. On conçoit qu'il n'a pasétédifli-
cile de réfuter ce système, el de prouver que
l'auteur était un fanatique. Samuel Clarke,
plus limidc, enseigna ijue le i'ère, le Fils et
le Saint-Esprit sont tous les trois strictement
incréés et éternels, que chacun des trois est
Pieu , que ce ne sout cependant pas trois
dicax, parce qu'il y a enire eux une subor-
dinaiion de 7iature et de dérivation. La ques-
tio:i est de savoir si cette subordination
n'emporte pas une inégalité de nature et de
perfections; il y a lieu de croire que le doc-
teur Clarke ne s'est pas sufiisamment expli-
qué là-dessus, puisque le clergé d'Angleterre,
assemblé à ce sujet, n'a point jugé sa doc-
trine orthodoxe; elle ne lui a paru qu'un
palliatif propre à introduire plus aisément
le socinianisme.
Cependant le traducteur de Mosheim blâme
beaucoup cette conduite et la témérité de
ceux qui ont entrepris de réfuter Clarke ; il
prétend qu'il faut se borner, en parlant de
ia Trinité, à la simplicité du langage de
récriture, au lieu de vouloir exprioier ce
mystère dans les termes impropres et ambi-
gus du langage humain. Mais les expres-
sions de l'Ecriture ne sont-elles donc pas un
langage humain? 11 n'en est point duquel
on ait abusé davantage. Si les hérétiques
de tous les siècles avaient voulu s'y tenir,
on n'y aurait rien ajouté; les sociniens ne
s'y bornent pas, puisqu'ils per\ertissent ce
langage sacré par des commentaires absur-
des. La foi au mystère de la Trinité est lel-
lemcnl affaiblie en Angleterre, qu'en 1720,
une dame de ce pays-là, par sou testament,
a fondé huit sermons annuels pour la sou-
tenir ; Âldsheiisi, ibid. Nous espérons qu'une
pareille fondation ne sera jamais nécessaire
dans l'Eglise catholique.
En 1729, un ministre de l'Eglise wallonne
en Hollande enseigna qu'il y a dans le Fils
et le Saint-Esprit deux natures, l'une divine
el infinie, l'aulre finie et dépend.inle, à la-
quelle le Père a donné l'existence avant la
création du moude. Le Fils et le Saint-Es-
pril, dii-il, considérés selon leur nature di-
vine, sont égaux au Père; mais, envisagés
en qualité de deux intelligences finies, ils
sont à cet égard inférieurs au Père el dépen-
danls de lui. Il se llattait de satisfaire par
cette hypothèse à toutes les difficultés. Ou
prétend que le docteur Thomas Hurnet l'a-
vait déjà proposée eu Angleterre en 1720.
:\]oshein) l'a réfutée, Diss. ad Uistor. eccles.
pertinentes, p;ig. WS. Il y oppose, l'que les
paroles de Jesus-Christ, Mallli., c. xxviu,
v. 1'.), au nom du l'ère, el du fils, etc., ne
ne peuvent désigner une nature infinie et
deux natures finies ; qu'il i'n est de même
des trois témoins dont parle saint Jean ,
JEpist. I, c. 5, V. 7. 2° Oue le système en
question ne peut pas s'accorder avec le
mystère de l'Incarnation. 3" Chose remar-
quable, il y oppose le silence de l'antiquité,
pag. bCi. Si ce silence prouve quelque
chose, sans doute le lémuignage positif de
l'antiquité, que nous appelons la tradition,
prouve encore davantage. Ainsi les protes-
tants, qui ne cessent de déclamer contrôla
tradition, sont forcés d'y avoir recours pour
soutenir les articles lesplus essentiels de la
foi chrétienne. Qu'ils viennent encore nous
dire que l'Ecriture sainte est claire sur tous
les points nécessaires au salut, que le vrai
sens en est à la portée des plus ignorants,
899
TRt
TR!
900
qu'il n'est pas besoin d'une aulrc règle pour
savoir ce que nous devons croire. Hicn ne
démoiilre mieux la fausseté de ces maximes
fondamenlales de; la réforme, que ce cliaos
do disputes cl d'ernnjrs toujours renais-
santes depuis dix-sept cents ans, louchant
le vrai sens de la forme du baplèiue prescrite
par Jcsus-Cliris!, par conséquent sur le mys-
tère de ia Sdinte Trinité.
Trinité platonkjle. Un grand nombre de
savants , soit anciens , soit modernes , se sont
persuadés que les païens en général, surtout
les philosophes, ont eu quelque notion du
mystère de la sainte Trinité , et ils ont lâché
de le prouver par un grand appareil d'éru-
dition. Si nous les crojons, Zoroastre el les
mages de la Perse, les Clialdéens, les Egyp-
tiens, qui suivaient la iloclrine d'Orphée;
parmi les philosophes grecs, Pylhagore et
l'arménide, ont enseigné ce dogme, du moiui
d'une manière obscure. Pour expliquer ce
phénomène, on a imaginé que probablement
ces philosophes avaieni puisé celte counais-
£ancc dans les écriis de Moïse , ou qu'ils
avaieni été instruits par quelques docteurs
juifs. Avant de se iivrei' à cMle conjecture,
il aurait élé à propos de montrer dans les
écrits de Moïse quelques passages assez clairs
pour donner à de. païens une idée quelcon-
quedu myslôrede la Jrjnifc, ou l'aire voir que
c'était un article de la croyance commune des
anciens Juifs. Mais, suivant ces mêmes crili-
ijucs, iiersonne n'a enseigné la ï'rmi.e des
personnes en Dieu plus formellement cl
d'une manière plus distincte que Pialon ; s'il
avait vécu plus tard , on croirait qu'il avait
lu l'Evangile. Les philosophes de l'école d'A-
lexandrie, (jui ont été ses disciples et ses
commentateurs , oni parfaitement expliqué
sa doctrine ; elle est Irès-conformo à celle
de l'Ecriture sainte el à celle des Pères des
preu)iers siècles ; Cudworth , dans son Sys-
tème inlellecluel , c. 4 , §36, s'esl appliqué
à le jirouver; il a poussé la lémériié jus-
qu'à dire que ces platoniciens se sont expli-
qués louchant la Trinité d'une manière plus
orthodoxe que les Pères du concile de Nicée ,
ibuL, p. 910.
D'autre pari les socinieus el plusieurs
prolestants accusent les Pères d'avoir élé
trop attachés à la doctrine de Platon et des
platoniciens , de s'en êlre servis maladroile-
minl pour expli juer ce que l'Evangile nous
enseigne louchant les trois personnes di-
vines , d'avoir ainsi déOguré ce mystère, en
voulant pénétrer ce que Dieu n'a pas voulu
nous apprendre. Leurs vains elTurls, disent-
ils , n'ont abjuli qu'à faire naîlre des erreurs
et des disputes interminables; la Trinité,
telle qu'on la croil .lujourd'hii dans l'Eglise
chrélienne, est une invention de Pialon el
doses disciples, aveuglément adoptée par
les Pères , el qui n'a aucun fondement dans
l'Ecriture sainte.
Viendrons-nous à bout de débrouiller ce
chaos d'opinions, el de découvrir la vérité
au milieu de tant de prévonlions?
i" W n'est pas prouvé que les païens eu
gcuérul , ni les anciens personnages dont ou
nous vante les lumières , aient eu aucune
connaissance du mystère de la sainte Tri-
nité ; quelques légères ressemblances que
l'on croil apercevoir entre ce qu'ils ont' dit
et ce que la foi nous enseigne sur ce sujet,
ne suffisent pas pour établir un fait aussi
important. Quand on a lu lout ce qu'ont
rassemblé Steuchus Eugubinus , rfe Perenni
l'hiliisophia, le savant Huet , Qitœst. alnet.,
lib. Il , c,:p 3 , el d'autres, l'on n'esl rien
moins que convaincu. Mosheim, datij ses
Notes sur le système intellectuel de Cudworth,
c. 4 , § 11» el suiv., fait voir en détail que
ceux qui ont cru trouver une trinilé dans
Zoroastre et chez les mages , dans les poé-
sies d'Orphée, dans ia doctrine des Egyp-
tiens el dans celle de Pylhagore , se sont
évidemment trompés. Ils pouvaient donc
s'épargner la peine de deviner par quelle
voie celle connaissance avnil pu se répandre
chez les païens , puisque c'esl un fait ima-
ginaire. Brucker , Hist. crit. philos., 1, 1,
p. 186, 292, 390 ,702, etc., pense de même.
Après avoir bien examiné le système de Pla-
ton , il conclut que c'est un verbiage inin-
telligible et absurde; nous verrons ci-après
qu'il n'a pas tort. 2° Pour savoir ce que Pla-
ton a voulu dire , ces deux critiques ne veu-
lent point que l'on s'en rapporle aux com-
mentaires des platoniciens d'Alexandrie. Il
est constant ijue ces philosophes, qui ont
vécu après !a naissance du chrislianisme ,
qui en étaient ennemis déiiarés, et qui tâ-
chaient de soutenir le paganisme chancelant,
ont (ail leur possible pour mettre une res-
semblance , du moins apparente , entre les
dogmes de Pialon et ceux de l'Evangile , et
qu'ils ont affecté de se servir des mêmes ex-
pressions que les docteurs chrétiens. Leur
dessein était de persuader que Jésus-ChriU
el ses apôtres , que l'on prétendait avoir élé
envoyés de Dieu pour instruire les hommes ,
n'avaient rien enseigné de plus (lue les an-
ciens philosophes; que leurs leçons n'élaient
pas nouvelles ; qu'ainsi ta vérité élail connue
dans le paganisme aussi bien que dans la
religion chrélienne ; qu'il n'était donc pas
nécessaire de renoncer à l'un pour embras-
ser l'autre. Voy. SicLECTiQUEs. Mais ils n'é-
taient pas d'accord entre eux, el leur doc-
trine n'e>l plus celle de Platon; l'un entend
la trinité d'une manière, et l'autre d'une
autre. Cudworth est convenu di: ce fait, c. k;
loui. I, p. 888. Aussi, pour faire par.iître or-
thodoxe la Iriiiité platonique , il s'est princi-
palement attaché aux commentaires de Plo-
tin ; mais Porphyre , Jamblique, Numénius,
Amélius, Chalcidius, etc., ne suivaient pas
le même sentiment , et celui de l'un do ces
philosophes n'avail pas plus d'aulorité que
l'autre. Moshei :i fait voir que la trinité de
Plolin n'est plus celle de l'ialon ni de P, tha-
gitre , encore moins celle des chrétiens,
tbid., p. 904 , n. {().
Pour savoir à quoi s'en tenir, il faut d'a-
bord se rappeler l'extrait que nous avons
donné de la doctrine de Pialon, au mol Pla-
tonisme , § 1, ensuite examiner si celle doc-
trine resseni! le en quelque chose ù ce que
901
TRI
TBI
90'2
l'Evangile nous enseigne louclianl la sainte
trinité ; par \;i nous pourrons juger si les
Pères de l'Eglise en ont emprunté quelque
• chose. Nous chercherons en troisième Ijeu
ce qu'ils ont dit de Platon cl de sa prétendue
trinilé , et s'ils ont suivi rexem|)Ie ou la doc-
trine des nouveaux platoniciens.
§ I". Doctrine de. P/a/«n. Outre l'es Iraitque
nous en avons donné au mot Platonisme,
§ 1 , et que nous avons tiré du Timée , avec
loule la lidclité possible, on allègue encore
la seconde lettre de Platon à Denis : .voici ce
que nous y lisons, pag. 707 , li : « Vous dites
que je ne vous ai pas assez démontré la pre-
mière nature (ou le premier Etre) ; il faut
donc vous en pnrler par énigmes, ;ifin que
si celte lettre tombe entre les mains de quel-
qu'un, il n'y comprenne rien : voici le
vrai. Toutes choses sont autour du roi de
tout, et tout est pour lui , il est la cause de
tout ce qui est. be;iu ; les secondes sont au-
tour du second, et les troisièmes du Iroi-
siî'me. L'esprit humain cherc^he à compren-
Jre la manière dont cela est , en considér.int
ce qui lui est connu ; mais rien ne peut y suf-
fire; il n'y a rien de semblable dans le roi ut
dans ceux dont j'ai parlé,
Platon n'a pas eu tort d'appeler ce ver-
biage une énigme; mais parmi ses interprè-
tes, les uns ont duviiié que par le loi il a en-
tendu Dieu ; par le second, le monile ; par le
troisième, l'âme du monde ; quand cela se-
rait, nous ne serions guère mieux instruits.
D'autres prétendent (\ue le second est l'idée
ou le modèle archétype du m nde; c'est, di-
sent-ils, le Logos, éternelle production de
l'entendement divin. Le troisième est le
monde, que Platon a nomuié le Fils unique
de Dieu, y.o-JoyBvnc ; ils sont aussi bien fondés
que les pre(niers.
Nous ne nous arrêterons point à relever
les absurdités et les inconséquences du sys-
tème de Platon, nous l'avons fait ailleurs ;
nous rccherclicriHis seulement comment on
peut y découvrir utie irini'é (\m ait quelcjuc
ressemblance avec celle que nous croyons.
Nous y voyons d'abonl trois choses éternel-
les ; Dieu esprit (voù,), père du monde; l'idée
ou'K' modèle archélypte suivant lequel Dieu
n fait le monde, et que Platon appelle «n
b^lre anime et éternel ; la manière informe,
qui, selon lui, participe d'une manière inex-
.plicablc à la nature divine et intelligente,
l'.n second lieu, deux choses qui ne sont
point éternelles, mais qui ont commencé d'ê-
tre, savoir, l'âme du monde, que Dieu avait
faite avant le monde, et qui est, dil-il, une
substance mélangée d'esprit cl de matière;
enfin, le monde même. Oi', de quekjue ma-
nière que l'on conçoive ces cinq chosrs, on
ne pourra jamais en tirer une trinilé qui ait
de l'analogie avec le mjstèio que Jésus-
tihrisl a révélé. 1° La preniière personni^ de
ceUc triiiité plaloniijuc es^ Dieu sans doute;
Platon l'appelle le père du inonde, mais il ne
l'a jamais nommé pecc rfe Logos, ni père des
idées étemelles ou du modèle archétype du
monde, le père de la matière. Suivant l'Ëvaii'
gile, au contraire. Dieu e.st le Père du Verbe
éternel, et c'est par ce Verbe que toutes cho-
ses ont été. faites. — 2° Prendrons-nous pour
seconde personne l'idée archétype du monde?
Platon dit que c'est un Etre étemel et animé;
mais ici les avis sont partagés. Plusieurs pla-
toniciens et plusieurs Pères de l'Eglise pré-
tendent que ce philosophe a conçu les idées
éternelles des choses, comme des' êlres sub-
sistants et distingués de l'entendement divin.
Mosheim soutient que c'est une absurdité
de laquelle un aussi be.iu génie que Platon
était incapabl."; que ces idées sont des êtres
purement métaphysiques et inlellecluels ;
que les expressions de Platon sont figurées
et mélaphoriques, Syst. intellec. de Cudworth,
chap. k, § 36, p 85(3, n. (o). Il est vrai que
par logos ce philosophe ne semble point
avoir entendu l'idée arclu'typi' du mondi',
mais la raison, la faculté de penser, de rai-
sonner, de saisir la diÏÏérence des choses cl
d'exprimer ses pensées par la parole: c'est
ainsi qu'il l'explique dans le Thœétète ,
p. 14.1 , E. Dans son style, »»0? est la subs-
tance même de l'esprit; Wyof, ce soni les fa-
cultés et les opérations de cotte substance ;
l'idée en est l'objet, ou ce que l'on voit par
l'esprit. 11 n'a point dit non plus que les
idées soient des hyposiases, des subst.inces,
des êtres réel.>> distingués de renlendemeul
divin; c'est un rêve que lui ont prêté les
nouveaux platoniciens, il n'a xwmiw. Fih de
Dieu, ni 1" Loyos, ni l'idée arcliétype du
momie, ni le monde même; quand il appelle
celui-ci (iojoyevijc, ce mol ne signifie point Fils
unique, mais unir/ue production. Ce n'est
point le Logos, mais le monde qu'il .sppelle
Etre animé, image de Dieu intelligent, second
Dieu, Dieu engendré. — Saint Jean parle bion
différemcnent du Logos ou du Verbe divin.
Au commencement il était en Dieu et il était
Dieu; c'est par lui que loutrs tltoses ont été
fuites, il est te principe de la vie et la lu-
mière qui éclaire tous les hommos; c'est de lui
que Jeun Baptiste n rendu témoignage. Il est
venu parmi les siens, et ils n'o;it pas voulu le
recevoir. Ce Verbe s'est fait chair, il a de-
meure parmi nous, et nous lavons reconnu
pour le Fils unique du Prre, pour l'auteur de
la grâce et de la vérité. Il faut être étrange-
ment prévenu pour trouver dans Platon
celle doctrine el ce langage. — 3° Probable-
ment on ne nous donnera pas, pour seconde
personne de la trinilé platonique, la matière
informe que Platon semble confondre avee
la nécessité, quoiqu'il personnilie celle-ci,
el qu'il dise que la matière participe d'une
manière inexplicable à la nature divine et
iutelligouto. Sera-ce le monde composé de
corps el d'âme'? Malgré les noms pompeux
que Platon lui a donnés, il rccouaaîl que
Dieu la fait dans le temps ou avec le temps,
qu'ainsi l'éternité ne lui convient en aucbn
sens. — 4-° Snivaiii la plupart des platoni-
ciens, c'est l'âme du monde qui est la troi-
sième personne. .Mais Platon dit formelle-
ment que Dieu n'a point fait celte âme après
le corps, m lis aujiaravant; que, soit par sa
naissance, soit par sa force, elle a précédé le
corps; il n'ajoute point qu'elle a elé faite du
903
TRI
TRI
904
toute éternité ; au contraire il décide que l'é-
ternité n'appartient en aucune manière à un
être qui a été fait. Selon lui, elle lient le mi-
lieu entre la substance qui est indivisible et
iiDoiuable et celle qui se divise et change ;
elle participe à la uiilure de l'une et de l'au-
tre. Celte fâme n'est donc pas née de Dieu
par émanation, à moins que l'on no dise
qu'elle est sortie tout à la fois de Dieu et de
la matière.
Cudwortb en a donc imposé, lorsqu'il a
dit que les trois bjpostases ou personnes do
la trinité platonique sont éternelles, incréées
et non faites, et que ces trois sont un seul
Dieu ; Wosheim a solidement réfuté ces deux,
assertions téméraires, c. h, § 36, p.ig. 880,
n. (N), pag. 889etl)0. n. (G). Si Plotin a
composé ainsi sa trinité, ce n'est plus celle
de Platon, mais une imitation fausse et ma-
licieuse de la Trinité chrétienne.
Pour établir une ressemblance apparente
entre rame du monde cl le Saint-Esprit, on
nous fait observer que les Pères de l'Eglise
ont regardé cet esprit divin comme l'âme du
monde, et lui ont altribué les mêmes fonc-
tions que les platoniciens prétuienl à celte
âme imaginaire. Mais il faut remarquer
qu'aucun des Pères antérieurs au concile de
Nicée n'a ainsi parlé; ceux qui sont venus
après ce concile, dans lequel la foi chré-
tienne touchant le mystère de la sainte Tri-
nité avait été fixée, ne risquaient plus d'y
donner atteinle en tenant ce langage : ils
voulaient corriger celui des platoniciens et
non s'y conformer; ils l'ont pris dans l'Ecri-
ture sainte et non ailleurs; nous le verrons
dans un moment. § 2.
Si le chaos d'absurdités que Platon a ras-
semblées peut èlre appelé un système, il suf-
fit de le confronler avec la doctrine chré-
tienne louchant la Trinité, pour se convain-
cre qu'il n'y a aucune ressemblance enlre
l'ua et l'autre, que les Pères de l'Eglise, ins-
truits de ce mjslère par l'Ecriture sainte,
n'ont jamais pu élre tentés de rien emprun-
ter de ce philosophe ténébreux, qui cherchait
la vérité à tâtons, mais qui mau<)uait du
flambeau nécessaire pour la trouver. Son
exemple devrait rabaisser l'orgueil des in-
crédules qui se vantent de connaître la na-
ture divine et l'origine des choses sans avoir
besoin de révéiaiion.
Cependant Platon avait profite des médita-
lions de Thalôs, d'Anaxagore , de Pytha-
gore, de Parménide, de Timée de Locres, etc.
IL n'était pas conleut de leurs hypothèses,
il essaya d'en bâtir une autre, mais avec
une modestie et une timidité qui lui foui
honneur. 11 commence le Timée en recon-
naissant la nécessité d'une assistance divine
pour expliquer l'origine des choses, et il
l'implore; il avertit ses auditeurs qu'ils ne
doivent point attendre de lui des choses cer-
taines, mais seulement des conjectures aussi
probables que celles des autres philosophes;
ce sage début aurait dû rendre les platoni-
ciens moins présomptueux. Que puuvait-il
imaginer de mieux que ce qu'il a dit? Dès
qu'il n'admettait pas la création, non plus
que les anciens, il était forcé de supposer
ou l'éternité du monde, ou l'élernilé de la
matière et une intelligence éternelle qui l'a- -
vait arrangée. Il avait trop d'esprit pour se
persuader que cet arrangement s'était fait
par hasard ou par nécessité; il jugea consé-
quemment que Dieu en était l'auteur. Mais,
ne pouvant concevoir l'opération de Dieu
autrement que celle d'un homme, il imagina
que Dieu, avant d'agir, avait tracé dans son
entendement le plan et le modèle de son ou-
vrage, et qu'il l'avait suivi dans l'exécution;
que ce modèle avait été toujours présent à
l'esprit de l'ouvrier, qu'il contenait en idée
toutes les parties et tout l'arrangement de
l'univers. Ce modèle éternel élait donc ani-
mé et vivant, puisque le monde est tel sui-
vant Platon; mais il l'était en idée seulement
et selon notre manière de concevoir; jamais
sans doute Platon n'a rêvé qu'une idée que
l'homme a formée dans son esprit est un
élre réel ou une substance distinguée de l'es-
prit.
Ce philosophe, frappé du mouvement com-
passé, régulier, constant, qui règne entre
touies les parties de l'univers, a compris
qu'il ne pourrait se conserver s'il n'était
dirigé et soutenu par une ou plusieurs intel-
ligences; cunséquemment il a imaginé une
grande âme répandue dans toute la masse,
que Dieu a divisée ensuite dans toutes ses
parties; comme un pur esprit ne se divise
point, Platon a dit que celle âme était com-
posée de la substance indivisible ou de l'es-
prit, et de celle qui peut être divisée ou de
la matière. Où Dieu a-t-il pris cette âme?
est-elle sortie de lui ou de la matière? Pla-
ton a eu la prudence de ne point le décider;
il n'a pas dit non plus qu'elle est coéternelle
à Dieu; il suppose (|uc Dieu a réfléclii, déli-
béré et réglé son plan avant de rien faire;
encore une fois il a imaginé Dieu agis.sant
à la manière d'un homme; il ne lui attribue
qu'une puissance bornée, puisqu'il dit que
Dieu a rendu son ouvrage conforme au mo-
dèle autant qu'il le pouvait.
§ M. Doctrine des Pères. Il n'était pas pos-
sible à un esprit raisonnable, une fois ins-
truit de la doctrine chr; tienne, de concilier
avec sa croyance aucune des hypothèses de
Platon. L'Ecriture nous enseigne que Dieu
est créateur, qu'il opère par le seul vouloir:
il a dit, et tout a été fait ; ce Irait de lumière
dissipe toutes les lènèures. Dieu n'a eu be-
soin ni de méditation, ni de délibération, ni
de modèle; la créalion de la matière el
celle des espriis s'est laite par une seule pa-
role. Selon l'Evangile, celle parole toute-
puissante, ce Vabc est un Etre subsistant,
une personne coéternelle et consubstan-
lielle au Père, il était en Dieu et il était Dieu.
Le Saint-Esprit est une autre personne qui
non-seulement anime et vivifie loute la na-
ture, mais à laquelle l'Ecriture atlribue tou-
tes les opérations de la grâce. Les cieux, dit
le Psalmisle, ont éié ajl'ermis par ie Vekue de
Dieu, et la force qui les conserve est TiispiuT
ouïe souffle de fa bouche (Ps. sxm', v. 6).
L'esprit du Seigneur, dit le Sage, a remp'i
m
m
TRI
t»OG
toiite lu terre, et parce qu'il contient toutes
choses, il sait parler aux honimes {Sup> i,7).
Au mot TniMTiî, nous avons cilé les autres
pnssages des livres saints qui établissent la
foi (le ce mystère. Tel est le langage qu'ont
répété les l'ères de l'Eglise, et duquel ils ne
se sont jamais départis ; ce n'est certainement
pas celui de Platon.
L'on n'a pas osé dire que les Pères ont ou-
blié CCS leçons divines pour s'attacher uni-
quement à celle du pliilosoplie grec; mais
on a dit qu'imbus de platonisme avant leur
conversion, ils n'y ont pas renoncé en se
faisant chrétiens ; qu'à l'exemple des plato-
niciens d'Alexandrie, ils ont rapproché tant
qu'ils ont pu la doctrine chrétienne touchant
la Trinité, de celle de Platon, alin de dimi-
nuer la répugnance qu'avaient les païens à
croire ce mystère. Il y a dans cette hypo-
thèse du vrai et du faux; il e.<l important de
les démêler. 1° Plotin, principal auteur de la
Irinilé platonique, n'a pu la forger que vers
le milieu du m' siècle; ce fut l'an 2i3 qu'il
entreprit d'aller dans la Perse et dans les In-
des pour achever de s'instruire. Les Pères
apostoliques, ensuite saint Justin , Tatien,
Athémgore , Hermias , saint IrtMiée, saint
Théophile d'Antioche , saint Ilippolyte de
Porto, Clément d'Alexandrie, Origène, Ter-
lullien et d'autres dont nous n'avons plus les
ouvrages, avaient écrit avant cette époque;
ils n'ont pu avoir aitcaos connaissance de
la doctrine de Plotin. Quand on supjKiïerait
(jucAramonius son maître avait déjà fabriqué
une Irinité platonique , fait que l'on ne peut
pas prouver, Clément d'Alexandrie et Ori-
gène seraient encore les deux seuls qui aient
pu la connaître, aucun des autres docteurs
de l'Kglise n'a fréquenté celte école et n'a
pu être imbu du nouveau platonisme. 2° L'on
convient que le motif qui engagea les plato-
niciens d'Alexandrie à travestir la doctrine
de Platon, et à la rapprocher de celle des
docteurs chrétiens, fut la jalousie et l'atta-
chement au paganisme. Effrayés des progrès
rapides de l'Evangile, ils entreprirent de les
arrêter, en faisant voir que Jésus-Christ, les
apôtres et leur disciples n'avaient rien en-
seigne de plus que Platon. Or les principaux
prédicateurs de l'Evangile, pendant tout le
11' siècle, avaient été les Pères mêmes que
nous venons de citer. La fii à la Trinité
était donc bien établie avant que les rai-
sonneurs d'Alexandrie eussent tenté d'y ajus-
ter les opinions de Platon. Ces Pères avaient
converti des juifs cl des païens par des mira-
cles et par des vertus, sans avoir besoin de
philosophie ; ils n'en ont fait usage que
contre ceux qui en étaient entêtés. 3° Pour
réussir dans leur dessein, les nouveaux pla-
toniciens empruntèrent les expressions des
écrivains sacrés et des docteurs de l'Eglise ;
ils sentaient donc qu'elles étaient plus clai-
res et plus correctes que le verbiage inintel-
ligible de Platon. Ils n'ont donc pas déli^uré
la Trinité chrétienne par une tournure pl.ilo-
niqu<', mais ils ont corrigé leur prétendue
trinil*é sur le modèle de la première. En ef-
fet, ils ont souvent fait dire à Platon ce qu'il
DiCT. DE Théol. dogmatique. l\.
n'a jamais dit; savoir, que l'idée arcnetype
du monde est une ()ersonne, que c'est le Lo-
gos et le Fils de Dieu, qu'il est sorti de Dieu
par émanation ou par génération, que l'âme
(lu monde est éternelle, que c'est l'esprit de
Dieu, etc. Rien de tout cela n'est dans Platon ;
mais il fallait tout cela pour forger une trinité
capable d'en imposer aux ipnorants.il serait
fort singulierque les Pères eussent fait le con-
traire, qu'ils eussent voulu expliquerai Tri-
nité chrétienne par des notions platoniques,
pendant que les platoniciens païens déro-
baient le langage des chrétiens pour dissi'
per les ténèbres du système de Platon. Mais
les censeurs des Pères, prévenus jusqu'à l'a-
veuglement, leur reprochent un attentat
plus odieux que n'est celui des ennemis mê-
mes du christianisme, sous prétexte que les
premiers l'ont commis à bonne intention.
Mais à qui croirons-nous, pour savoir ce
que les Pères ont pensé de Platon et de sa
prétendue trinité? sera-ce à des critiques
modernes qui font profession de mépriser
ces respectables personnages, ou aux Pè-
res eux-mêmes? Il nous parait qu'il n'y a
pas à hésiter sur ce choix.
§ III. Sentiments des Pères touchant la doc-
trine de Platon. Déjà nous avons fait voir
dans l'article Tbimté, que les expressions
dont les Pères se sont servis en parlant do
ce mystère sont tirées de l'Ecriture sainte,
et non d'ailleurs; il ne faut pas l'oublier.
Saint Justin, dans son Exhortation aux (jen-
tils, n. 3, 4., 5, 6, etc., s'attache à montrer
en détail que tout ce que Platon a dit de vrai
touchant la nature divine ne venait pas de
lui, qu'il l'avait emprunté de la doctrine de
Moïse répandue eu Egypte, mais qu'<7 l'a-
vait mal entendue, ou qu'il n'avait pas osé
s'expliquer clairement de peur d'éprouver
le même sort que Socrate. Il ajoute que sou-
vent Platon se contredit, et qu'il n'est con-
stant dans aucune de ses opinions; que ce
philosophe na pas appelé Dieu créateur,
mais fâfjricaleur des Dieux, n. 27. 11 fait
sentir la différence qu'il y a entre ces deux
choses. Il conclut qu'il faut apprendre la vé-
rité des prophètes et non des philosophes.
Dans la première Apologie, n. 5!) et CO, il
soutient de nouveau que Platon a pris dans
Moïse ce qu'il a dit dans le Timée touchant
la formation du monde et louchant le Verbe
divin, aussi bien que ce qu'il a dit dans sa
seconde lettre à Denis, au sujet du troisième
ou du Saint-Esprit, ouqu'i/ ne l'a pas compris,
au lieu que, parmi les chrétiens, les plu»
ignorants sont capables d'en instruire les au-
tres. Dans son Dialogue avec Tryphon, n. 8,
il atteste qu'après avoir beaucoup étudié
Platon, il n'a point trouvé de philosophie
qui soit utile et sûre que celle de Jésus-
Christ. Que saint Justin se soit trompé ou
non, en supposant que ce philosophe a eu
connaissance de la doctrine de Moïse, cela
ne fait rien à la question; dés qu'il dit cjne
Platon n'a pas compris ou a mal entendu ce
qu'il empruntait, il résulle toujours que
saint Justin n'a pas été tenté d'adopter au-
cune de ses notions. — Tatien, dans son
29
mi
TRI
Discours aux Grecs, n. 5,- expose la géné-
îalion du Verbe qui a créé toutes choses;
mais il fait profession d'avoir appris cette
doctrine dans des Ecritures plus anciennes
que toutes les sciences des Grecs, et trop di-
vines pour élre comparées à leurs erreurs,
n. 99. — Atliénagore, dans son Apologie des
chrétiens, n. 7, dit que les philosophes n'ont
rien su que par conjectures, p;irre que ce
n'est pas Dieu qui les a instruits, au lieu
que les chrétiens ont reçu leur doctrine des
prophètes inspirés de Dieu ; n. 10, il explique
d'une manière très-orthodoxe ce que noi!S
croyons touchant la Trinité'. Quoiqu'il cite
quelques-unes des vérités que Platon n'a
fait qu'entrevoir, en parli(ulier ce qu'il a dit
dans sa seconde lettre à Denis, il montre le
ridicule de ce philosophe, qui voulait que,
louchant les génies ou les dieux, Ion s'en
rapportât au témoignage des anciens, n. 23.
— Saint Théophile d'Antioche, 1. ii, ad Au-
tohjc, n. k, blâme Platon et les platoniciens
de n'avoir pas admis la création de la ma-
tière; n. 9, il dit que les prophètes inspirés
de Dieu sont les seuls qui aient connu la vé-
rité et qui aient possédé la sagesse; n. 10,
que ce sont eux qui nous ont fait connaître
Dieu et son Verbe qui a créé le monde ;
n. 15, que les trois jours qui ont précédé la
création des astres représentaient la Trinité,
Dieu, son Verbe et sa sagesse; n. 33, qu'au-
cun des prétendus sages, des poètes et des
historiens, n'a pu rien savoir sur l'origine
des choses, parce qu'ils étaient trop moder-
nes. — Hermias, dans la satire qu'il a faite
contre les philosophes, n'épargne pas plus
Platon que les autres, n. 5; il conclut, n. 10,
que toute la philosophie n'est qu'un chaos
de disputes, d'erreurs et de contradictions. —
Saint Irénée, adv. Bœr., 1. ii, c. 14, n. 2
et 3, dit que les gnostiques ont emprunté
leurs erreurs de tous ceux qui ne connais-
sent pas Dieu, et que l'on appelle philoso-
phes, en particulier de Platon, qui admet
trois principes des choses : la matière, le mo-
dèle et Dieu. 11 les réfute non-seulement par
des raisonnements philosophiques, mais par
l'Ecriture sainte. Bullus, dom Le Nourry,
doni Marand, dans sa troisième Dissertation
sur les ouvrages de ce Père, ont prouvé que
sa doctrine louchant la sainle Trinité est
très -orthodoxe; elle ne ressemble en rien
aux erreurs de Platon. — Si on pouvait re-
procher le platonisme à quelques-uns des
anciens Pères, ce serait sans doute à Clé-
ment d'Alexandrie et à Origène; ils avaient
écouté les leçons d'Ammoiiius, chef des éclec-
tiques, qui préférait la doctrine de Platon à
celle de tous les autres philosophes. Sans
vouloir contester ce fait, nous disons qu'il
est assez étonnant que Clément ne nomme
jamais Ammonius dans ses ouvrages et ne
témoigne aucune estime pour un maître si
célèbre. H ne paraît pas non plus qu'il ait
adopté la haute idée que les élecliques avaient
du mérite de Platon. A la vérité dans son Pé-
dagogue, 1.11,0. 1, il dit que Platon, cherchant
la vérité, a fait briller une élimeUe de la phi-
losophie hébraïque, et Strom., 1. 1, c. 1, il
TRt 99Si
l'appelle philosophe instruit par tes Hébreux.
Mais 1. V, c. 13, p. 698, il dit qu'il faut que
tousapprenneut la vérité de Jésus-Christ pour
être sauvés, quand même ils posséderaient
toute la philosephie des Grecs. Ghap. 14,
p. 699, il se propose de montrer les vérités
que les Grecs ont dérobées dans la philoso-
phie des barbares, c'est-à-dire des Hébreux.
Conséquemment il cite les divers passages
de l'Ecriture sainle auxquels il croit que les
philosophes et les poètes Grecs ont f;iit al-
lusion, sans les entendre. Page 710, il dit
que Platon dans une de ses lettres a parlé
clairement du Père et du Fils, et qu'il a tiré,
on ne sait comment, ces notions des Ecritu-
res hébraïques. Après avoir cité ce qu'a dit
Platon dans sa Lettre à Denis, du premier
principe, du second et du troisième, Clément
ajoute : « Pour moi j'entends cela de la
sainte Trinité, je crois que le second est le
Fils qui a fait toutes choses par la volonté
du Père , et que le troisième est le Saint-Es-
prit. » Il finit par dire, p. 730, que les Grecs
no connaissent ni comment Dieu est Sei-
gneur, ni comment il est Père et créateur,
ni Véconomie des vérité!^, à moins qu'ils ne
ks aient apprises de la vérité même.
H est à remarquer 1- que Clément d'A-
lexandrie n'attribue pas à Platon seul des con-
naissances puisées chez les Hébreux, mais
à Pythagore, à Heraclite, à Zenon, etc., et
même aux poètes. 2° H ne prétend point que
tons ces Grecs ont lu les livres des Hébreux,
mais qu'ils ont reçu de ceux-ci par tradition
plusieurs vérités sans les entendre. 3' 11 sou-
tient que, pour en avoir une exacte connais-
sance, il faut les apprendre de Jésus-
Christ ou de ceux qu'il a instruits. 4-°ll ne
fait aucune mention des platoniciens d'A-
lexandrie; il les avait vus naître, il lui con-
venait mieux d'être leur maître que leur
disciple. On voit qu'il avait de Platon la
même opinion que saint Justin, mais que
ni l'un r.i l'autre n'ont pu élre tentés de le
prendre pour guide dans l'explication des
passages de l'Écriture sainte qu'il avait ouï
citer sans les entendre. Cela n'a pas empê-
ché Mosheim d'affirmer que ces docteurs
chrétiens « expliquaient ce que disent nos
livres saints du Père, du Fils et du Saint-Es-
prit, de manière que cela s'accordât avec les
trois natures en Dieu, ou avec les trois hy-
postasesde Platon, de ParméniJect d'autres,»
llist. christ., sœc. ii , § 31. Expression per-
fide, elle donne à entendre que, pour gagner
les philosophes, les Pères travestissaient la
doctrine des livres saints, afin de la faire ca-
drer avec celle des philosophes : c'est une
calomnie. 1° Comment pouvaient-ils en être
tentés en avouant que ces derniers avaient
fait allusion à des paroles de l'Ecriture, sans
les entendre et sans connaître l' économiede ces
vérités ? 2° Il est faux que Platon ni Parmé-
nide aient admis en Dieu trois natures, trois
hypostases ou trois personnes subsistantes;
nous l'avons fait voir. 3° Encore une fois,
il n'était pas nécessaire, pour étonner les
païens, de leur montrer dans Plnton la
même doctrine, le même sens, le niéiue mys»
909
TW
TIH
910
turc que dans l'Ecrilure; il sufCsail de leur
nicllrc sous les jeux des expressiotis à peu
près semblables. Ainsi Moshcirn suppose
que les Pères se sont rendus coupables d'une
inlidéliié, sans besoin, sans justesse, et C'>n-
Iro la réclamation de leur conscience. C'est
pousser trop loin la licence de noircir ces
saints personnages.
Origène témoigne encore moins de pen-
chant pour la doctrine do l'iaton, de Princip.,
lih. 1, c. 3. « Tous ceux, dit-il, qui admettent
en quelque manière une providence, avouent
que Dieu est sans principe, qu'il a créé et
arr.ingé toutes choses, qu'il en est l'auteur
et le t*ère. Mais nous ne sommes pas les
seuls qui lui attribuent un Fils : quoique
cela paraisse étonnant et incroyable à ceux
qui font prol'ossioti de philosophie chez les
Grecs cl chez les barbares, cependant quel-
ques-uns semblent en avoir eu une notion,
lors(|u'ils disent que tout a élé créé par le
A erbc ou par la parole do Dieu. Pour
nous qui croyons à sa doctrine, et qui la
tenons pour cerlaincinenl lévélée , nous
sommes persuadés qu'il est impossible d'ex-
pliquer et de faire connaître aux hommes la
nature sublime et divine du Fils de Dieu,
sans avoir la connaissance de l'Ecriture
sainte, inspirée parle Saint-Esprit, c'est-à-
dire de l'Evangile, de la loi et des prophètes,
comme Jésus-Christ lui-même nous en as-
sure. Quant à l'existence du Saiul-Espril, per-
sonne n'a pu en avoir seulement un soupçon,
si ccn'eslceuxquiontlu la loiel les prophètes,
ou qui font profession de croire en Jésus-
Christ. » On est étonné de ces dernières pa-
roles, quand on se rappelle que Clément
d'Alexap.ilrie et k-s platoniciens croyaient
voir une Trinité dans la lettre de Platon
à Denis; cela prouve que Origène n'était
pas de même sentiment, et qu'il n'accordait
pas à Platon des connaissances plus subli-
mes qu'aux autres pliilosophes païens. Il en
résulie encore qno ce Père n'avait pas con-
tracté dans réole d'Ammonius l'entêtement
des nouveaux platoniciens. On ne voit pas
sur quoi fondé le savant Huet a pu dire que
le platonisme s'enracina tellement dans l'es-
prit d'Origènc, qu'il y étouffa les fruits de
la doctrine chrétienne, Oriy. , 1. 1, c. 1, § 5.
Ce Père atteste lui-même qu'avant de pren-
drc aucune leçon de philosophie, il s'était
livré tout entier à l'étude des livres saintS'
Up., t. I, p. 4.
Tcrtullien, qui vivait dans ce même temps,
n'avait aucune connaissance de ce qu'ensei-
gnait l'école d'Alexandrie. Il soutient que
toutes les hérésies sont l'ouvrage des [>hHo-
sophcs, et il le prouve en détail ; il ne veut
point d'un christianisme stoïcien, platoni-
cien ni dialecticien, de Prœsc. Uœr., c. 7 ;
adv. Marcioa., 1. i, c. 12; I. v, c. 19, etc.
Saint Cyprien, qui regardait Tertullien comme
son maître, ne pensait eùrement pas anlrc-
nicnl q^ue lui.
Voila co ijn'ont dit les Pères des trois pre-
miers siècles, et auiérteurs an concile de Ni-
cée; loin d"_v trouver des n!ar;ues du plalo-
Uîsmc décide qu'on leur reproche, nous n'y
voyons que des preuves du contraire. Dans
ce concile même, et dans les temps posté-
rieurs, Arius fut accusé d'avoir puisé son
hérésie dans Platon, quelques-uns dirent que
Platon avait été moins impie que lui, Sfist.
iiitell. de Cuda-orth, c. V, ^ 36, pag. 875, note
[h). Que cette accusation ait été vraie oa
fausse, peu nous importe ; il s'ensuit ton-
jours que les Pères de Nicée et ceux qui les
ont suivis étaient bien éloignés de chercher
dans Platon les notions de la sainte Trinité.
Cudvvorth les a donc calomniés lorsqu'il a
dit que leur doctrine, et en particulier celle
de suint Athanase, était plus platonicienne
que relie d'Arius, ibid., p. 887; nous avons
démontré la fausseté de ce fait par le texte
même de Platon.
Plus nous lisons les anciens, plus nous
sommes clonnés delà témérité des sociniens
et de leurs fauteurs qui osent accuser les
Pères d'avoir forgé le mystère de la sainte
Trinité sur des notions i)latoniques. L'ont
ils jamais prouvé autrement que par l'Ecri-
ture sainte? Pour faire voir que les païens
et surtout les philosophes, avaient tort de
rejeter ce dogme comme impossible et ab-
surde, il ont montré que Platon avait dit
quelque chose d'à peu près semblable; s'en-
suit-ildelà qu'ilsont pris pourmodèle et pour
règle les notions vagues, obscures et inintel-
ligibles de ce philosophe? L'ont-ils établi
interprète des passages de l'Ecriture sainte,
pendant qu'ils lui reprochent de ne les avoir
pas entendus, lors môme qu'il semble y faire
allusion? C'est leur supposer un degré de
démence dont ils n'étaient certainement
pas capables.
Bcausobre. prétend qu'il y avait déjà des
traces de la Trinité dans la théologie orien-
tale, et que Platon en avait emprunté les
idées que l'on en trouve dans sa philosophie.
Pour toute preuve, il cite ce vers des ora-
cles de Zoroastre . Dans tout le monde brille
la trinité dont t' unité est le principe, iilais il
n'a pas pu ignorer que les prétendus oracles
de Zoroastre sont un ouvrage forgé par les
nouveaux platoniciens, cl qui ne mérite
aucune attention. D'ailleurs il est évident
que, dans ce passage, to «î signifie le nom-
bre de trois, et non une trinité telle que l'oa
s'obstine à la trouver dans Platon.
Il est fâcheux qu'en réfulanl les sociniens,
les protestants aient contribué à nourrir leur
prévention en avouant très-mal à propos que
les Pères ont emprunté plusieurs choses de
Platon et des jdatoniciens, saus pouvoir dire
quelles sont ces choses. .Mosheim qui adonné
dans ce travers, dans ses \otes sur Cudworlli
cl ailleurs, le condamne lui-même, lorsqu'il
estiiuestion des hérésies eldes hérétiques. «Je
Depuis approuver, dit-il, la conduite de ceux
qui recherchent avec trop de subtilité l'ori-
gine des erreurs. Dès qu'ils trouvent la moia-
dre ressemblance entre deux opinions, ils
ne manquent pas de dire : Celle-ci vient de
Platon, cci'.e-!à d'Aristote, cette autre de
Hobbes ou de Descarics. N'y a-ls-il donc pas
'assez lie ci.rri.i,/iion et de déiiicnce dans l'es'
prit humain pour forger des erreurs, en rai
on
TRI
TRI
013
sonnant de travers, sans avoir besoin de
maître ni de modèle ? » Notes sur Cudmorth,
Ibid., p. 876, n. [h). Si celle ccrjsure est juste,
combien ne sont pas plus condamnables
ceux qui, sur la plus légère ressemblance
d'expression, aecusonl les Pères d'avoir pris
telle cbosc dans Plalon ou chez les platoni-
ciens, pendant qu'ils l'ont évidemment pui-
sée dans l'Ecriture sainte et dans la tradition
de l'Eglise? Voy. Emanation, Puilosophie,
Platonisme, § 3 et 4, etc.
Trinité, fêle qui se célèbre dans l'Eglise
romaine le premier dimanche après la Pen-
tecôte, en l'honneur du mystère de la sainte
Trinité.
A proprement parler, tout le culte des
chrétiens consiste dans l'adoration d'un seul
Dieu en trois personnes, Père, Fils, et Saint-
Esprit ; non-seulement toutes les fêles des
mystères se rapportent à cet objet, puisque
toutes les œuvres de la création, de la ré-
demption et de la sanctificaîion des hommes
sont communes aux trois Personnes divines ;
mais les fêtes mêmes des anges et des saints
ne sont instituées que pour, honorer en eux
les dons et les opérations de la grâce divine,
et pour rendre gloire à Dieu de leur sain-
teté et de leur bonheur. Celui qui sanctifie, dit
saint Paul, et ceux qui sont sanctifiés, viennent
tous d'un même principe [Ueb., ii, 11). Il a
été néanmoins très-convenable d'établir une
fête ei un olDce particulier dans lequel on a
rassrmblô tous les passages de l'Ecriture
sainte et les extraits des Pères les plus pro-
pres à confirmer la foi de lEglise touchant
ce mystère et à mettre les ministres de la
religion en état d'instruire solidement les
fidèles sur cet article essentiel du chriHia-
nisme. A la vérité, cette institution est mo-
derne , mais elle n'en est pas moins respec- ^
table. Vers l'an 920, Etienne, évoque de Lié- '_
ge, fit dresser un office de la Trinité qui
s'établit peu à peu dans plusieurs églises ; ]
on en disait la messe dans les jours de fériés
pour lesquels il n'y avait point d'office pro-
pre; en quelques endroit l'on en fil une fêle. .
Alexandre 11, mort l'an 1073, ne voulot ;
pas l'approuver; Alexandre 111, sur la fin
du xu' siècle, déclara encore que l'Eglise ■
romaine ne la reconnaissait point. Polhon,
moine de Prura, en combattit l'usage; d'au- '
très le dés.ipprouvèrent encore au sur siè-
cle. Il craignait que celte tète ne fît oublier
l'observation que nous venons de faire, sa-
voir, que toutes les solennités de l'année
sont consacrées à l'honneur et au culle de
la sainte Trinité. Copendiint le concile d'Ar-
les, tenu l'an 1260, établit celle-ci pour sa
province. On croit que ce fui Jean XXll qui
la fit adopter dans l'Eiçlise de Uonie au xiv°
siècle, et qui la fixa ^iu premier dimanche
après la Pentecôte ; mais cet usage ne fut
p.is suivi partout, puisque l'an li.-5 le car-
dinal Pierre d'Ailly sollicita encore Benoît
XIII reconnu pour lors en France, de le faire
observer, et Gerson dit que de son temps
celle institution était encore toute nou-
velle. I
Il faut remarquer que, pendant le x' siè-
cle et les suivants, l'Europe fui infestée par
plusieurs sectes d'hérétiques qui_ ensei-
gnaient des erreurs touchant le mystère de
la suinte Trinité. Les manichéens déguisés
sous différents noms ne le reconnaissaient
pas, ou l'entendaient très-mal; Roscelin
était trithéisle; Abailard et Gilbert de la
Porrée ne furent pas (dus orthodoxes; la
plupart des sectes fanatiques qui s'élevèrent
pendant le xiv» siècle n'avaient rien de fixe
dans leurs opinions. 11 n'est donc pas éton-
nant que, dans ces temps malheureux, des
évêques et d'autres saints personnages aient
compris la nécessité de confirmer les peu-
ples dans la foi à la sainte Trinité; et comme
ce besoin ne se fit pas également sentir par-
tout, d'autres crurent qu'il y aurait du
danger à en établir la fête; mais elle n'a ja-
mais été plus nécessaire que depuis la nais-
sance du socinianisme. Nous avons vu ailleurs
que des raisons semblables ont donné lieu à
l'institution de la Fêle-Dieu. Voy Baillet,
Hist. des fêtes mobiles; Thomassin, Traité
des fêles, I, ii, c. 18. Les Grecs font l'office
de la sainte Trinité le lundi, lendemain de
la fête de la Pentecôte ; on ignore depuis
quel temps ils sont dans cel usage.
Trinité, nom d'une confrérie ou sociélé
pieuse, établie à Rome par saint Philippe de
Néri, l'an 1548, pour avoir soin des pèlerins
qui viennent de toutes les parties du monde
visiter les tombeaux de saint Pierre et de
sainl Paul. Il y a pour ce sujet un hospice
ou maison dans laquelle on reçoit et on en-
trelient pendant trois jours, non-seulement
les pèlerins, mais encore les pauvres conva-
lescents qui, étant sortis trop tôt de l'hôpi-
tal, pourraient être sujets à des rechutes.
Cet établissement se fit d'abord dans l'église
de 8aint-Sauveur in campa; il ne consistait
que dans quinze personnes, qui tous les pre-
miers dimanches du mois se rassemblaient
dans cette église pour pratiquer les exerci-
ces de piété prescrits par sainl Philippe de
Néri, et y entendre ses exhortations. En 1538,
Paul IV donna à celte pieuse association
l'église de Sainl-Benoîl, et les confrères lui
donnèrent le nom de la Sainte-Trinité. De-
puis ce temps-là on a bâti à côté de cette
église un hôpital très-vaste pour y loger les
pèlerins et les convalescents. L'utilité de cet
établissement l'a rendu irès-considérablc ;
la plupart des nobles de Uome de l'un et de
l'autre sexe se font honneur d'y être asso-
ciés. Comme il fallait un nombre d'ecclésias-
tiques pour desservir cet hospice, pour in-
struire ceux qui y séjournent, et pour leur
administrer les sacrements, l'on y a établi
une congrégation de douze prêtres qui y lo-
gent et qui y vivent en communauté, comme
dans un monastère.
TRiNi'fÉ CRÉÉE. L'on a ainsi nommé la
sainte Famille, composée de sainl Joseph, de
la sainte \ ierge et de rEnfanl Jésus. En
1639, dans la ville de la Rochelle, un cer-
tain nombre de filles vertueuses se rassen)-
blèrenl dans une maison pour travailler à
l'éducation des filles orphelines. Bientôt
après, elles eurent envie d'embrasser la vie
913
TRI
TRI
914
réguliôre et de faire des vœux. On dressa
pour elles dos rèffles et des constiiiilions qui
fiireut imprimées à Paris eu Ifitii-, sous le
litre do Rcfjtes des filles de la Trinité créée,
dites religieuses de la conf;réj;alion de Saint-
Joseph. On ne connaît point d'autre maison
de cet ordre ; mais dans plusieurs villes du
royaume il y a des congrégations de filles,
établies sous un autre titre, pour vaquer à
celle bonne œuvre. Voi/. Ot.puelin.
T1US.\C1\.\MENTA1KËS. Parmi les pro-
testants il s'est trouvé quelques sectaires à
qui l'on a donné ce nom, pnrce qu'ils ad-
mettaient trois sacrements, le baptême, la
cène ou l'eucharistie, et l'absolution, au lieu
que les autres ne reconnaissent que les deux
premiers. Quelques auteurs ont cru ((ue les
anglicans regardaient encore l'ordination
comme un sacrement ; d'autres ont pensé
que c'était la confirmation ; mais ces deux
faits sont contredits par la tonfession de foi
anf/licane, art. 25. Voy. Anglican.
'i'IUSAl'ilON, mol grec, composé de Tpiç,
trois fois, et de iyK>;, saint; c'est une formule
de louange adressée à Dieu, Isaï., c. vi,
V. 3 : Saint, saint, saint est te Seigneur Dieu
des armées ; toute la terre est remplie de sa
gloire. Elle est répétée dans VApoc, c. ir,
V. 8, où nous voyons la liturgie chrétienne
représentée sous l'image de la gloire éter-
nelle. Aussi l'Eglise l'a conservée dans le
saint sacrifice de la messe, et l'a placée
après la préface, immédiatement avant le
canon ; l'on ne peut pas douter qu'elle ne
vienne des apôtres. Les paroles qui suivent :
liéui soit celui qui vient an nom du Seigneur,
salut et gloire lui viennent du ciel, sont ti-
rées de l'Evangile, Mutlli., c. xxi, v. !).
Dans les Constitutions apostoliques elles sont
remplacées par celles-ci : Qu'il soit béni
dans tous les siècles. Amen. Saint Jean ("Ihry-
sostomc les a répétées plus d'une fois de
celle manière. Saint Cyrille de Jérusalem,
après avoir cité les paroles d'Isaïe, ajoute,
Catech. mystag., 5 : « Nous répétons cette
théologie sacrée que les séraphins chantent,
cl qui nous est venue par tradition, afin (]uc
par celle psalmodie céleste nous communi-
quions avec la sublime milice du ciel. »
Saint Ambroise dit qu'on chante le trisagion
en Orient et en Occident pour honorer l'u-
nité et la Irinilé de Dieu, I. iir, de Spir.
sancto, c. 12. Dans la suite on se servit
d'une autre formule conçue en ces termes :
Saint Dieu, saint puissant, saint immortel,
ayez pitié de nous. L'Eglise latine no la
chante qu'une fois l'année, le vendredi saint,
avant l'adoration de la croix, et on la ré-
pète trois fois en grec et en latin ; mais elle
est d'un usage journalier dont l'Eglise grec-
que. Saint Jean Damascèae, Cedrenus, ISal-
samon, le pape Félix 111, Nicéphore el d'au-
tres disent qu'elle fut introduite par saint
Proclus, patriarche de Constantinople, l'an
iifj, sous le règne de Théodose le Jeune, à
l'occasion d'nn horrible tremblement de
lerre q"i arriva pour lors. Ils ajoutent que
le peuple ctiai-'U ce nouveau Trisagioti avec
d'autant plus d'ardeur, qu'il attribuait colle
calamité aux blasphèmes que les hérétiques
de cette ville vomissaient contre le Fils de
Dieu, el (lu'inconlinent après ce fleau cessa.
Le concile de (]halcédoiiie, tenu l'an 451,
l'adopta. Saint Jean Damascène dit que les
orthodoxes s'en servaient pour exprimer
leur foi louchant la sainte Trinité ; que
Dieu saint désignait le Père, Dieu fort le
Fils, Dieu immortel, le Saint-Esprit.
Vers l'an 481, Pierre Gnaphée ou le Fou-
lon, moine usurpateur du siège d'Antioehe,
ennemi déclaré du concile de Chalcédoine,
el protégé par l'empereur Zenon, ordonna
d'ajouier au trisagion ces paroles : Qui avez
été crucifié pour nous, afin d'insinuer que
toule la Trinité avait souffert en Je us-
Clirisl, et d'établir ainsi l'hérésie des théo-
paschites ou patripussiens. Voy. ce mot.
C'était une conséquence de celle d'Euty-
chès, qui soutenait qu'il n'y avait en Jésus-
Christ qu'une seule nature, et ()u'en lui l'hu-
manité eiait absorbée par la divinité : erreur
à laquelle Pierre le Foulon était opiniâtre-
ment attaché. Conséquemment le pape Fé-
lix III el les orthodoses rejetèrent celte addi-
tion, el pour eu corriger le sens, les uns
opinèrent à dire : « Dieu saint. Dieu fort,
Dieu immortel, Jésus-Christ notre Koi qui
avez souffert pour nous, ayez pitié de nous ; »
les autres, à retenir l'ancienne formule, en
ajoutant seulement : sainte Trinité, ayez
pitié de nous. Tous x:es changements causè-
rent des troubles dont les prolestants n'ont
pas manqué de rejeter tout l'o. lieux sur les
calboliques, comme si ces derniers avaient
été obligés d'abjurer leur croyance pour em-
pêcher des hérétiques fougueux d'exciter
des séditions. Voy. Mosheim, Ilisl. eccL,
V siècle, ir part., c. 5, § 19.
Enfin, malgré tous les efforts de Pierre le
Foulon el de ses adhérenls, le trisagion de
saint Proclus est demeuré sans addition, et
il est encore tel dans les liturgies latini-,
grecque, étiiiopienne, cophte, sgriai^ue, moza-
rabique, etc. Voij. Bingham, Oriq. ecclés.,
l. VI, I. XIV, c. 2, § 3 ; Notes du P. Ménnrd,
sur le Sacram. de S. Gréa., p. 10. De là il ré-
sulte que l'Eglise a toujours voulu que ses
prières publiques fussent l'expression de sa
foi.
TRITHÉISME est l'hérésie de ceux qui ont
enseigné qu'il y a non-seulement irois per-
sonnes en Dieu, mais aussi trois essences,
trois substances diviues , par consé |uent
trois dieux. Dès que des raisonuitirs ont
voulu expliquer le mystère de la sainte Tri-
nité, sans consulter la tradition et l'ensei-
gnement (le l'Eglise, lis ont presque tou-
jours donné dans l'un ou l'autre Oes deux
excès : les uns, pour ne p.is paraître suppO'
ser trois dieux, sont tombés dans le sabellia-
nisme; ils ont soutenu qu'il n'y a en Dieu
qu'une personne, savoir, le Père ; que les
deux autres ne sont que deux dénomina-
tions, ou deux différents aspects de la Divi-
nité. Les autres, pour éviter celte erreur,
ciU parlé dt;à trois personnes, comme si c'é-
tûienl trois essences, trois substances ou
Iruis natures distinctes, el seul aiusi devenus
915
TRI
TRI
919
tritnnstes. Ce qu'il y a de singulier, c'est que
cette hérésie a pris naissance parmi les eu-
(ychiens ou monophysites qui n'admettaient
iju'une seule nature en Jésus- Christ. On
prétend que son premier auteur fut Jean
Acusnage, philosophe syrien ; il cul pour
principaux sectateurs Conon , évéque de
Tarse, et Jean Philoponus , grammairien
d'Alexandrie. Comme ces deux derniers se
divisèrent sur d'autres points de doctrine,
on distingua les irithéistes cononites d'avec
\estrithéistes philoponistes. D'autre part,
Damien , évéque d'Alexandrie , distingua
l'essence divine des trois personnes ; il nia
que chacune d'elles, considérée en particu-
lier et abstractivemcnt drs deux autres, fût
Dieu. Il avouait néanmoins qu'il y av;iit en-
tre elles une nature divine ou une divinité
commune, par la participation de laquelle
chaque Personne était Dieu. On ne conçoit
vien à ce verbiage, sinon que Damien con-
cevait la Divinité comme un tout, dont cha-
que personne n'était qu'une partie. Il eut
néanmoins des sectateurs que l'on nomma
damianisles.
Les ariens qui niaient la divinité du Verbe,
et les macédoniens qui ne reconnaissaient
point celle du Saint-Kspril, n'ont pas man-
qué d'accuser de trillicisme les catholiques
qui soutenaient l'une et l'autre. Aujour-
d'hui les unitaires ou sociniens nous font
encore le même rcprociie très-mal à propo=!,
puisque nous soutenons l'identité numéri-
qae de nature ou d'essence dans les trois
personnes divines.
Dans une dispute qu'il y a eu en Angle-
terre sur ce sujet entre le docteur Sherlock
et le docteur Souih, on prétend que celui-
ci est tombé dans le sabellianisme en soute-
nant trop rigoureusement l'unité de la na-
ture divine, et que le premier a donné dans
le trilhéisme en expliquant la tiinité des
personnes d'une manière trop absolue. Le
seul moyen de garder un juste milieu et
d'éviter toute erreur, en pariant de ce mys-
tère incompréhensible , est de s'en tenir
scrupuleusement au langage et aux expres-
sions approuvées par l'Eglise. Fo?/. Trinité.
TROIS CHAPITUKS. Yoy. Nestoriamsme.
TROMPKTTES (fêtes des), solennité des
Hébreux qui se célébrait le premier jour de
la lune du mois tisri ou de septembre, jour
auquel ils commençaient leur année civile,
au lieu que leur année religieuse commen-
çait à la nouvelle lune de nisan ou de mars.
Il est à remarquer que c'était dans l'inter-
valle qui s'écoulait depuis l'c.iuinoxe du
printemps jusqu'à celui de l'automne, que
les Hébreux célébraient presque toutes
leurs fêtes : preuve assez sensible qu'elles
avaient rapport aux travaux deTagriculture,
aussi bien qu'aux événements particuliers
qui y avaient donné lieu. Voy. Fêtes juives
Celle des trompettes leur était ordonnée,
Lcvil., c. sxiii, V. 24, et Num., c. xxix,
V. 1. Le premier jour du sepliime mois, leur
dit Moïse, sera pour tous un jour saint et vé-
nérable; vous vous ahsliendrcz de toute œuvre
servile, et il sera marqué par le son des trom-
pettes. Outre les sacrifices que l'on offrait
à chaque néoménie ou nouvelle lune, il y en
avait d'autres prescrits spécialement pour
ce jour-là. Le dixième de ce même mois
était destiné à la fête des Expiations, et le
quinzième à la fête des Tabernacles, ibid.
Alors on avait fini la récolte de tous les
fruits de la terre ; c'était donc le moment
auquel commençaient les six mois de repos
pendant lesquels on pouvait s'occuper plus
librement des affaires civiles. Faute d'avoir
fait cette remarque, les critiques ont cher-
ché vainement les raisons de celte solen-
nité, et les événements de l'histoire juive,
auxquels elle pouvait faire allusion ; ils n'en
ont point trouvé dans l'Kcrilure sainte, et
leurs conjectures n'aboutissent à rien. Dans
tous les mois de l'année, la néoménie était
annoncée par le son des trompettes ; mais à
celle de septembre ce signal était plus so-
lennel, par la raison que nous avons dite.
Voy. ^ÎÉOMÉNIE.
Il serait inutile de disserter sur les diffé-
rentes espèces de trompettes dont les Hé-
breux se servaient dans les différentes occa-
sions ; les critiques qui se sont livrés à celte
recherche ne nous ont pas beaucoup salis-
faits. Peul-étre auraient-ils mieux réussi,
s'ils avaient connu les différentes espèces do
cors dont se servent les bergers, dans les di-
vers pays du monde, pour appeler et ras-
sembler leurs troupeaux. C'est dans la vie
pastorale qu'il faut chercher l'origine des
usages des anciens Orientaux. Nous ne nous
arrêterons pas non plus à détailler les rites
que les juifs modernes ont ajoutés ou sub-
stitués à ceux de leurs aïeux, ni les imagina-
tions qu'ils ont mêlées aux récils dos livres
saints. Ces nouveaux usages, uniquement
fondés sur les prétendues traditions du Tal-
mud et des rabbins, ne peuvent contribuer
en rien à l'intelligence de l'Ecriture sainte.
11 nous paraît plus nécessaire d'examiner
le sentiment de Spencer, qui prétend que le
son des trompettes aux néoménies, particu-
lièrement à celle de septembre, pour annon-
cer le commencement de l'année civile, est
un rit emprunté des païens, et qu'il était en
usage chez toutes les nations idolâtres dont
les Hébreux étaient environnés ; que touto
la diflérence qu'il y a consiste en ce que les
premiers célébraient ces létes à l'honneur
des fausses divinités, au lieu que Moïse les
consacra au culte du vrai Dieu. Déjà nous
avons réfuté ce système à l'article Loi cébé-
jioMELLE, § 2; mais il est bon d'y insister
encore. 1° itien n'est plus faux qne ce rai-
sonnement : tel rit a été en usage chez les
païens plus anciens que les Israélites, donc
ceux-ci l'ont emprunté d'eux et l'ont prati-
qué par imitation. Nous avons fait voir que
la plupart des usages, soit civils soit reli-
gieux, pervertis par les païens, ont été pra-
tiqués par les patriarches longtemps avant
la naissance du paganisme ; donc il est plus
naturel que Moïse et les Hébreux les aient
reçus des patriarches leurs aïeux, que des
étrangers qu'ils regardaient iiliiiôt comme
des ennemis que _coujmc des Irèrcs. D'ail-
917
TRO
TRO
•018
leurs ces mêmes usages se sont retrouvés
auK deux cxlrémités du uioiule chez des
sauvages isolés et privés de tout coinaitTCC
avec les autres nations ; donc ils ne leur sont
p.is venus par emprunt, mais par un ins-
tinct naturel. Or, rieu n'ciait plus naturel
aux OrienlauK encore uo:iiadcs, qui pas-
saient les nuits à la garde de leurs trou-
peaux, que de voir avec satisfaction le rc-
nouvellenieiit de la lune dont la lumière
leur était si nécessaire, d'annoncer ce phé-
nomène par des démonstrations de joie et
par le son de leurs instruments rustiques.
Jusque-là cette fctc n'avait rien de blâma-
ble, elle était conforme à l'intenlion du
Créateur, Gcn., c. i, v. i'^. Kilo n'est deve-
nue superstitieuse que quand ces mêmes
peuples ont commencé à prendre les astres
pour leurs dieux. Mais les patriarches n'ado-
raient point les astres. Job, c. xxxi, v. 26,
et Moïse avait sévèrement dérendu ce culte
aux Juifs, Deut., c. iv, v. 19; c. xvii, y, 3.
Il n'aurait certainement pas conservé les
néoménies, s'il les avait regardées comme
des fêtes païennes dans l'origine, et comme
des pratiques d'idolâtrie. 2" L'on raisonne
encore plus mal en disant : Moï'^e a pris les
plus grandes précautions pour que les néo-
ménies des Hébreux ne fussent consacrées
qu'an vrai Dieu, et pour en bannir toute
pratique d'idolâtrie et de superstition ; donc
il a imité au fond les fêtes des païens, il
n'en a retranché que les abus. Pour que
celte conséquence fût juste, il faudrait prou-
ver solidement qui; les païens ont célébré
les néoménies avant les adorateurs du vrai
Dieu : voilà ce que Spencer n'a pas fait et
ce qu'il lui élail impossible de faire. U n'a
pas prouvé non plus que du temps de Moï-e
les nations idolâtres annonçaient l 'S néomé-
nies par le son des Irompeltes ; il n'a pu
citer que des auteurs profanes postérieurs
de mille ans au moins à ce législateur :
étaient-ils en état de nous apprendre ce
qui s'est passé, pendant col intervalle, chez
les nations dont ils parlaient ? 3" Nous avons
des témoignages positifs plus anciens pour
faire voir que les Israélites ont observé les
néoménies et les ont annoncées par le son
des trompettes, longtemps avant Moïse. Da-
vid, qui a précédé de plus de cinq cents ans
tous les historirns profanes, dit aux Juils,
Psal. Lxxx, v. U- : Sonnez de la trompette à
la néoménie, à ae (/rand jour de solennité :
c'est un précepte pour Ifrail et une ordon-
nnnceda Dieu de Jacob. Il l'n imposée i) sa
postérité, lorsqa elle entra en Egypte, où elle
entendit une lanf/ue (■u'clle ne connaissait
pas: où son dos fut courbé sous le poids des
fardeaux, où ses bras furent faliç/ués par le
traiail. Nous s ivons que la Vulgiito porte :
lorsqil'ellc est sortie de l'Egypte ; mais nous
traduisons coiiformémenl au texte hébreu,
et la suite du passage exige évidemment ce
sens. Il en résulte que Jacob et sa posté-
rité ont observé les néoménies deux cents
ans avant que la loi en fût portée ou renou-
velée par Moïse. 1^° Spencer soutient que
les Israélites, accablés de travaux eu Egypte,
n'ont pas pu y conserver les mceurs et les
usages de leurs aïeux, et qu'ils ont eu louî
le temps de les oublier. U se trompe. L'E-
criture atteste qu'ils ont conservé en Egypte
la vie pastorale, que c'est pour cela qu'ils
habitaient dans le canton de Gessen, pays
de pâturages, et qu'ils en sortirent avec di>
nombreux troupeaux, Exod., c. xii, v. 38.
Ce peuple, composé de six cent mille hom-
mes faits, ne pouvait être employé tout en-
tier et en même temps aux travaux publics,
mais par bandes qui se succédaient. 11 est
donc certain qu'il conserva dans la terre de
Gessen les usages, les mœurs, le langage
de ses aïeux. D'ailleurs il n'y a aucune
preuve que chez les Egyptiens les néomé-
nies fussent annoncées par le son des trom-
pettes. 5° Ce même critique a encore tort do
dire que chez les Hébreux rassemblés en
corps de nation, il aurait été plus convena-
ble d'annoncer par des affiches le commen-
cement de l'année civile, que par le son des
trompettes ; qu'il faut donc que cela se soit
fait à l'imitation des autres peuples. Fausse
remarque et fausse conséquence. Après la
sortie d'Egypte, les Israélites demeurèrent
dans le désert pendant quarante ans ; ils
contiuuèient à y mener la vie pastorale,
quoiqu'ils campassent les uns près des au-
tres. Ils y conservèrent tout leur bétail ; le
Psalmisie nous apprend que la quantité
n'en diminua point. Ps. cvi, v. 38. Au sortir
du désert, les tribus do iluben et de GaJ,
riches en troupeaux, diiuiandèrcnt de de-
meurer à l'orient du Jourdain, pays do pâ-
turages, Num., c. XXXII, V. 1 ; et, selon les
relations des voyageurs, il est encore tel au-
jourd'hui. En second lieu, les peuples (im
passent à l'état de civilisation ne quittent
pas pour cela leurs anciens usages, à moins
qu'ils n'y soient obli;;és par de grandes rai-
son<, et ils tiennent encore plus fort aux
pratiques de religion qu'aux autres. U y
avait longtemps que les Romains étaient po-
licés, lorqu'ils allaient encore en cérémo-
nie planter un clou au capitole au commen-
cement de l'année : ce vieil usage, qu'ils te-
naient de leurs aïeux, était beaucoup plus
ridicule que calui d'annoncer le commence-
ment de l'année par le son des irompeltes.
Il ne serait pas difficile de montrer que nous
conservons encore des restes des mœurs qui
furent apportées dans nos climats par les
Francs, il y a plus de treize cents ans. En
troisième lieu. Moïse voulait que les Israé-
lites fussent instruits de ce qu'ils devaient
faire, non par des aflichcs, mais par les le-
çons des prêtres et par la lecture de ses lois :
méthode beaucoup plus sûre et plus con-
venable que toute autre.
Pour prendre le véritable esprit des lois
et des coutumes des Hébreux, il ne sert à
rien de les comparer à celles des Grecs, des
Romains et des autres nations qui ont Dguré
dans le monde mille ou douze cents ans après
Moïse ; il faut remonter plus haut , et con-
naître les mœurs , les usages, les habitudes
des peuples nomades, surtout des Orien-
taux ; et le meilleur guide que l'on puisse
919
TUR
TUR
920
suivre dans cette recherche , ce sont les li-
vres mêmes de ce législateur. Mais la plu-
part de nos critiques n'ont pas pris cette
peine ; ils se sont conlentés d'étaler beau-
coup d'érudition profane , de citer Hérodote,
Diodore de Sicile, Manélhon, etc., même des
rabbins , sans faire attention que tous ces
écrivains étaient trop modernes pour être
instruits de ce qui s'est fait dans les pre-
miers âges du monde. G est principalement
par ce défaut que Spencer a péclié dans tout
son ouvrage. Voy. Histoire sainte.
TUONK. Voy. Throne.
TROPIQUES. Saint Athanase , dans sa
Lettre à Serapion, nomme ainsi les héréti-
ques macédoniens, parce qu'ils expliquaient
par des tropes , ou dans un sens fig;uré, les
passages de l'Écriture sainte qui parlent du
Saint-Esprit , afin de prouver que ce n'était
pas une personne , mais une opération di-
vine. Les sociniens font encore de même, et
répètent les interprétations forcées de ces
anciens sectaires. Quelques conlroversistes
catholiques ont aussi donné le nom de tro-
piques ou de tropistes aux sacramentaires
qui expliquent les paroles de l'institution do
l'eucharistie dans un sens figuré. On sait que
le mot grec rponn signifie tournure, changement.
TliOPlTES , hérétiques dont parle saint
Philastre, Hœr. 70, qui soutenaient que par
l'incarnation le Verbe divin avait été changé
en chair ou en honmie, et avait cessé d'être
une personne divine. C'est ainsi qu'ils en-
tendaient les paroles de saint Jean : le Verbe
a été fait chair. Ils ne fiiisaient pas attention,
dit saint Philaslre , que le Verhe divin est
immuable, puisqu'il estDieu et Fils de Dieu;
il ne peut donc pas cesser d'être ce qu'il est-
Lui-même a formé par sa puissance la chair
ou l'humanité dont il s'est revêtu, afin de se
rei\die visible aux hommes, de les instruire,
et d'opérer leur salut. Tertullien avait déjà
réparé celte erreur, Lib. de Curn. Christi,
cap. 10 et seq. Klle fut renouvelée par quel-
ques eulychiens au v' siècle.
THULLUM, Nous avons parlé du concile
in Trullu au mot Constantinople.
* TRUSTÉES. L'Etal élant étranger aux dépenses
du culte aux Etats-Unis d'Amérique, il a !allu créer
pour chaque é{;lise des administrateurs cliarjîés de
pourvoir à ces dépenses et aux besoins des ministres
des cultes. Ces adiiiinistr.iteurs, espèce de fabriciens
ou margiiilliers, se nomment trustées. Henferrnés
d'aliurd dans les limites de ce (pii est purement tem-
porel, ils ont ensuite voulu élever leurs piéientioris
beaucoup plus haut; ils ont voulu nommer les curés.
Les évê(pies ont soutenu avec fermeté i'nn des droits
inaliénahles de leur autorité. Voy. Institutions ca-
«OiMiiuiis, Juridiction.
TUNIQUE. Voy. Habits sacrés.
TURLUPINS. Sectes d'hérétiques ou plutôt
de libertins qui se répandirent en France,
en Allemagne et dans les Pay-Bas, pendant
le xm' el le xiv" siècle. Ils faisaient profes-
sion publique d'impudence ; ils soutenaient
que l'ou ne doit avoir honte de rien de ce
qui est naturel , puisque c'est l'ouvrage de
IJieu ; couse. iueiument ils allaient nus par
les rues, et plusieurs commirent publique-
ment les mêmes impadicités que Von a re-
prochées aux anciens cyniques. Sous le voile
d'une fausse spiritualité, ils séduisirent une
infinité de personnes de l'un et de l'autre
sexe, ils bravèrent les censures et les con-
damnations portées contre eux par plusieurs
conciles, ils osèrent dogmatiser à Paris.
L'an 1373, sous le règne de Charles V, plu-
sieurs furent brûlés dans celte ville avec
leurs livres, entre autres un certain Jean
d'Abantonne qui était leur chef. Déjà l'an
1310, Marguerite Porelta, qui se distinguait
parmi eux , y avait subi le même supplice
avec un de ses confrères. Elle avait fait un
livre dans lequel elle s'efforçait de prouver
que l'âme, lorsqu'elle est absorbée dans l'a-
mour de Dieu, n'est plus soumise à aucune
loi, et qu'elle peut, sans se rendre coupable
d'aucun crime , satisfaire tous les appétits
naturels ; tous regardaient la pudeur el la
modestie comme des marques de corruption
intérieure, comme le caractère d'une âme
assujettie à la domination de l'esprit sensuel
et animal, etc.
Mosheim , dans son Hist. ecclésiast. ,
xin' siècle , 11* part., c. v, §9 et suiv. ;
xiv siècle, II' part., c. v, § 3 et suiv., a
prouvé que ces sectaires fanatiques et odieux
étaient les mêmes que les beygards dont nous
avons parlé sous leur nom ; la doctrine des
uns et des autres était la même , il le fait
voir par des extraits tirés de leurs livres; il
convient, xiit* siècle, ibid.. § 11, note (y),
que les accusations formées contre ces héré-
tiques par les inquisiteurs ne sont point fa-
buleuses ; il ajoute qu'à la vérité plusieurs
ne suivaient i)oint dans la pratique les con-
séquences odieuses de leurs principes, mais
qu'un assez grand nombre, après avoir com-
mencé par la séduction d'une fausse spiri-
tualité, finissaient par le libertinage. Après
tous ces aveux, nous ne concevons pas com-
ment cet historien a pu déclamer avec tant
d'aigreur contre la cruauté et la barbarie
avec laquelle il prétend que ces sectaires ont
été traités, contre les poursuites des papes,
les sentences des inquisiteurs, etc. Fallait-il
donc laisser propager une hérésie aussi per-
nicieuse à la religion el aux mœurs ? 11 est
constant, par les monuments mêmes que
Mosheim a cités, qu'aucun de ces fanatiques
n'a été supplicié pour sa doctrine prccisémenl,
mais que tous l'ont été pour leur conduite
infâme et scandaleuse. D'autres protesl'ints
ont encore poussé plus loin la haine contre
l'Eglise romaine, lorsqu'ils ont soutenu que
tous les héréliques, qui dans le moyen âgese
sont révoltés contre elle, n'étaient répré-
hensibles ni dans leur doctrine ni dans leurs
mœurs , qu'on les a calomniés pour les ren-
dre odieux au public, qu'ils n'ont été coupa-
bles d'aucun autre crime que d'avoir secoué
le joug des lois tyranniques el des supersti-
tions de cette Eglise. Mosheim lui-même n'a
pas pu approuver leur entêtement. Jbid.
Aucun des auteurs qui ont parlé des tur~
lupins n'a pu trouver une élymologie satis-
faisante de ce nom qu'on leur donnait eu
France; ils étaient nommés ailleurs begyards.
92!
TYP
TYP
922
piccards , béguins , frères et sœurs de l'esprit
libre, pauvres frères adamites, elc. Voy. Du
Ciingp, au mot Tubldpini.
TYPASE, ville d'Afrique, devenue célèbre
dans l'Iiistoiie ecclésiastique par un miracle
qui y arriva l'an i8i. Huuéric, roi des Van-
dales, arien décidé, lyran très-cruel, et qui
^tait pour lors maitre des c6tes d'Afrique,
exerça une persécution sani^lante contre les
catholiques qui refusèrent d'abjurer leur foi ;
il poussa la barbarie jusqu'à faire couper la
langue à plusieurs, parce qu'ils persévé-
raient à confesser la divinité de Jésus-Clirist.
Six auteurs contemjiorains rapportent que
ces confesseurs, quoique ainsi mutilés, con-
tinuèrent de parlrr au>-si distinctement et
aussi librement qu'auparavant, qu'ils se re-
tirèrent à Constantinople, où l'empereur Ze-
non et toute sa cour furent témoins de ce pro-
dige. Il est attesté par Mctor, évèque de Vite,
dans son Hist. de lapersérulion des Vandales,
1. v ; par l'empereur Justiiiien , troisième suc-
cesseur de Zenon, dans le code de ses lois,
I. I , lit. 27; par Enée de Gaze, dans son dia-
lo{;ue intitulé Théophrasle ; par Procope ,
dans Vllist. de la guerre des Vandnles , 1. i ,
c. viii ; par le comte Marcellin, et jiar Victor,
cvéque de Tunone, dans leurs chroniques.
De ces six auteurs, quatre se donnent pour
témoins oculaires et déposent de ce qu'ils
ont vu. Leurs témoignages sont rapportés
dans une dissertation publiée sur ce sujet à
Paris, en 176G.
Malgré la répugnance qu'ont les protes-
tants à croire les miracles opérés dans l'E-
glise calhiilique, Abadie, Dodwel, le traduc-
teur de Mosheini, et deux autres Anglais
qu'il cite, reconnaissent que celui-ci est in-
contestable. 11 a cependant été attaqué par
quelques incrédules d'Angleterre. Les uns
ont révoqué en doute l'authenticité des té-
moignages de ceux qui le rapportent ; ils ont
dit que, suivant toute apparence, on n'arra-
cha pas entièrement la langue aux préten-
dus miraculés, qu'il leur en resta une partie
suffisante pour pouvoir j)arler. Ils ont cité
deux exemples tirés des mémoires de l'Aca-
démie des sciences de Paris , où il est fait men-
tion de deux personnes qui n'avaient plus
de langue , et ne laissaient pas de i)arler.
D'autres ont soutenu que le dogme nié par
les ariens n'était pas assez important pour
que Dieu voulût le conOrmer par des mira-
cles ; que pour savoir la vérité, il ne fallait
consulter que l'Ecriture sainte. Ces objec-
tions frivoles ont paru assez fortes à Mos-
heini, pour lui faire conclure qu'il est diffl-
cile de décider si ce fait fut naturel ou mi-
raculeux , Hist. ecclés. , v" siècle, u" part. ,
c- 5, § k, noie [II].
Il résulte senlement de là, qu'en fait de
mirai le aucun témoignage , aucune preuve
ne peut convaincre ceux qui ont quelque
intérêt à les contester, qu'il suffît qu'un seul
incrédule ait hasardé un doate ou une ob-
jection quelconque, pour que tous les autres
■se croient fondés à le nier. Ce procédé e^l-il
'raisonnable ? 1* Si le nombre de six lémuins
tous iuslriiits cl respectables par leur rang,
n'est pas suffisant pour constater un fait his-
torique, nous demandons combien il en fau-
drait pour vaincre le pyrrhonisme de nos ad-
versaires. Ceux que nous alléguons n'ont pas
pu se concerter; les uns ont écrit en Afrique, les
autres à Constantinople, les autres ailleurs :
aucun n'a pu être assez impudent pour citer
un fait fabuleux ou incertain, comme un
événement public, connu de tonte la ville de
Constantinople et de presque tout l'empire.
L'auteur de la dissertation dont nous avons
parlé a discuté l'un après l'autre les témoi-
gnages qu'il rapporte ; il a fait voir qu'au-
cune raison de critique ne peut en affaiblir
l'authenticité, qu'ils sont uniformes sur la
substance du fait, quoiqu'il y ail quelque
variété dans les circonstances ; que la ma-
nière simple et positive dont ces auteurs s'é-
noncent ne laisse aucun doute sur liuir sin-
cérité et sur leur attention à examiner le
fait dont il s'agit. 2* Quatre de ces témoins,
en particulier l'empereur Justinien , disent
qu'ils l'ont vérifié de leurs propres yeux ,
qu'ils ont fait ouvrir la bouche aux mira-
culés, et qu'ils ont vu qu'on leur avait coupé
ou arraché la langue jusqu'à la racine. Ce
n'est donc pas le cas de soupçonner que celle
opération cruelle avait été mal faite, et (lu'il
leur restait encore une partie de l'organe
de la parole. 3° Les deux exemples, tirés des
Mémoires de l'Académie des sciences, et quel-
ques autres que l'on peut citer, ne détrui-
sent point le surnaturel du fait que nous
examinons. 11 a été vérifié que dans la bou-
che de ceux qui parlaient sans langue, il
restait du uioius une légère partie de cet or-
gane, ou qu'il s'y étail formé une excrois-
sance qui en leiiail lieu; l'on avoue encore
qu'ils ne parlaient ni aussi distinctement ni
aussi librement que ceux qui ont une langue,
qu'ils n'étaient parvenus à pouvoir articuler
des sons que par de longs elTorts. Au con-
traire, les miraculés de Typase , inconlinent
après avoir souffert une extirpation entière
et cruelle de la langue, continuèrent do par-
ler comme ils avaient fait auparavant ; nous
soutenons que le fait, revêtu de ces cir-
constances , est évidemment miraculeux, et
qu'il n'est aucun naturaliste sensé qui ose
en disconvenir. 4° Ce n'est ni à nos adver-
saires ni à nous de décider en quels cas ni
pour quelles raisons Dieu doit ou ne doit pas
faire des miracles ; c'est à lui seul d'en ju-
ger, et il est absurde de prétendre qu'il n'en
a du faire que pour convertir des juifs ou
des païens, et non pour confirmer la foi des
fidèles ou pour confondre l'incrédulité de»
hérétiques. U est faux que le dogme nié par
les ariens ne fût pas assez important pour
que Dieu daignât le confirmer par un trait
surnaturel de sa puissance. Aux mois Akia-
NisME et Trinité, nous avons fait voir que
celte vérité est l'article fondamental du chris-
tianisme ; que les sociniens , dès (ju'ils ont
refuse de l'admettre, ont été forcés, par uno
chaîne de conséquences inévitables, d(! ré-
duire leur religion à un pur déisme. Une au-
tre absurdité est de dire que, pour connaître
ia vérité ou la fausseté de ce dogme, il faut
923
TYP
TYP
924
se borner à consiiKer l'Ecrilure sainte, puis-
que c'est sur le sens même de l'Ecrilure que
Jcs ariens, aussi bien que li>s socinions , dis-
);ulaient et disputent encore contre les ca-
llioliques ; il s'agissait donc de savoir lequel
(les deux partis en donnait la véritable in-
terprétation. A la vérité les protestants qui
soutiennent que rEcriture sainte est la seule
règle de notre fui, qu'elle s'exprime claire-
ment sur tous les articles fondamentaux du
christianisme , doivent avoir de la répu-
gnance à convenir que Dieu a fait des mira-
cles pour conQrmer les exp!it;ations des ca-
liioiiques et confondre celle des ariens ; mais
l'obstination des protestants à soutenir un
système faux ne prouve rien contre des faits
solidement établis. 5° On répétera peut-être
l'objection triviale des incrédules contre taas
les miracles ; on dira que si celui de Ti/pase
avait été incontestable, il aurait sans doute
couvcrtï tous les ariens, et qu'il n'en serait
pas resté un seul en Afrique. Uien de plus
faux que ce préjugé. Des hérétiques aussi
brutaux et aussi farouches que les vandales
ne sont touchés d'aucune jjrcuve , d'aucune
raison, d'aucun miracle. Aucun excès d'in-
crédulité no peut plus nous surprendre, de-
puis que nous avons vu les philosophes de
nos jours déclarer formellement que,- quand
ils verraient un miracle, ils ne seraient pas
convaincus, et qu'ils s'en fieraient plutôt à
leur jugement qu'à leurs yeux.
TYPE, signe, symbole, figure, représen-
tation d'une chose : c'est le sens ordinaire
du grec roro,-. Dans l'Ecriture sainte il signi-
fie quelquefois une image, une idole; d'au-
tres fois la figure d'un événement futur; il
exprime aussi, ou un modèle qu'il faut sui-
vre, ou un exemple qui doit nous instruire,
mais qu'il ne faut pas imiter; saint Paul l'a
pris dans ce dernier sens, / Cor., c. x, v. G
et 11. Au mol AMiTYPi;, nous avons donné
les différentes significations de ce dernier.
Quelques auteurs prétendent que tout
l'Ancien Testament a été un tijpe ou une fi-
gure du Nouveau, que les événemonts, les
lois, les cérémonies, aussi bien que les pro-
phéties, avaient pour but de repréenter d'a-
vance les mystères de Jésus-Christ et de son
Eglise. Au mot Figure, nous avons fait voir
le peu de solidité et les inconvénients de ce
système. Ceux qui le soulionnesil ont voulu
se prévaloir de l'exemple des apôtres et dos
évangélistes qui ont souvent appliqué aux
faits du Nouveau Testament des prophéties
qui semblaient avoir pour objet des événe-
ments et des personnages de l'Ancien. Sur
ce sujet le savant MaUonat a fait des ob-
servations très-sages. Quand les ajiôlrcs,
dit-il, remarquent qu'une prophétie de l'An-
cien Testament s'est trouvée accomplie par
un évéiiement qu'ils rapportent, ils ne l'en-
lendcnl pas toujours de la même manière;
cette expression peutê'.re prise dans quatre
sens différents. 1° Cela signifie souvent
qu'une chose s'accomplit exactement et à la
lettre, selon (lu'elle.a été prédite; ainsi quand
saint Ivlailhieu observe, c. i, v. 22 et 2J,que
cette prophétie d'isaïe, c. v". v. i'*, Une
Vierge concevra et enfantera un Fils, etc., a
été accomplie dan-s la vierge Marie, cela doit
s'enieodre d'un accomplissenieut littéral,
parce que cette prédiction ne peut être ap-
pliquée à aucune autre personne. Voy. Em-
manuel. 2" Cela signifie quelquefois qu'une
prédiction, déjà accomplie dans une per-
sonne, se vérifie encore plus exactempnt à
l'égard d'une autre dont la prer.jière était le
type ou la figure. Ainsi ces paroles, / Keg.,
c.-vir, Je lui tiendrai lieu de père, et je le
traiterai comme mon fils, regardaient ùirec-
lement Salomôn ; mais saint Paul les appli-
que à Jésus-Christ, Hehr., c. i, v. 6, parce
qu'elles se vérifient plus parfaitement en lui
qu'à l'égard do Salomon qui était le type ou
la figure du IMessie. De même saint Jean ob-
serve, c. XIX, qu'on ne rompit point les os à
Jésus-Christ sur la croix, pour accomplir ce
qui était dit de l'agneau pascal, Exod.,
V. XII : Vous n'en briserez point les os. Le Iroi-
siômesens a lieu, lorsqu'on appliqueune pro-
phétie à ce qui n'en est ni l'objet immédiat
ni le type, mais à un objet à qui elle cadre
aussi bien que si elle avait été faite pour lui.
Isaïe, par exemple, c. xxix, semble borner
le reproche que Dieu fait aux Juifs, de l'ho-
norer du bout des lèvres, à ceux de sou
temps; mais Jésus-Christ l'adresse à ceux
auxquels i! parlait, parce qu'ils étaient aussi
hypocriles que leurs pères, Matlii., c. xv, v.7
et 8. La quatrième manière dont une prédic-
tion s'accomplit, c'est lorsqu'un événement
prédit, éta:it déjà arrivé en partie, s'achève
entièrement, de manière qu'il n'y a plus rien
à désirer pour son parfait accomplissement.
Dans ce sens Jésus-Christ, après avoir lu
dans la synagogue de Nazareth ces paroles
d'isa'ie, c. lxi, v. 1 : L'esprit de Dieu est sur
moi, parce qu'il m'a donné l'onction du pro-
phète, il m'a envoyé annoncer aux affligés une
heureuse nouvelle, etc., dit à ceux qui l'écou-
taient : Cette Ecriture s'accomplit aujour-
d'hui sous vos yeux (Luc. iv, 17 seq.) ; parce
que le prophète n'avait rempli qu'imparfai-
tement l'objet de sa mission, au lieu que Jé-
sus-Christ était venu le remplir dans toute
la perfection. Voy. Maldonat, in Mattfi.,
c. 2, v. l.*}. — De ces quatre sens divers, le
premier est le seul qui fasse preuve en ri-
gueur contre les Juifs, contre les païens et
contre les incrédules, parce qu'ils ne recon-
naissent l'autorité, ni de Jésus-Chiisl ni des
apôtres ; mais les trois autres servent à coa-
firiner la foi dos chrétiens, qui sont convain-
cus d'ailleurs que ce divin S;uiveur et ses
disciples étaient envoyés et inspirés de Dieu,
aussi bien que les prophètes. C'était aussi
un argument personnel contre les Juifs qui
étaient accoutumés à ces sortes d'applica-
tions de l'Ecriture sainte ; ceux d'aujour-
d'hui ont encore tort de le rejeter, puisque
c'a été la méthode de leurs anciens docteurs
auxquels ils ii'joutont foi, quoique ces der-
niers en aient souvent abusé. Il n'est pres-
que pas une seule explication des prophé-
ties donnée dans l'Evangile, qoi ne soit con-
firmée pir la suffrage dos anciens r.abbins,
Voy. Galatiu, de Arcanii calhol veritatis.
92o
UBl
LBI
£120
C'est (!onc contre toute vérité que quel-
ques incrédules ont prétendu que le thris-
li;uiismc n'est foiulésur aucune» autre preuve
que sur des e\plicutious arhiUaires ou sur
des sens typiques, fi^çurés, alicgoriiiues des
prophéties de l'Aucien Testament. Au mot
l'HoruÉTiE, nous avons fait voir qu'il y a un
très-grand nombre de ces prédictions qui
regardent directement, littéralement cl uni-
quement Jésns-dlirist, et qu'on ne peut les
adapter à d'autres personnages, sans faire
violence à tous les termes. Les protestants
ne sont pas moins blâmables de reprocher
sans cesse aux Pérès de riîglise d'avoir
abusé de l'exemple de Jésus-Christ, des apô-
tres et des évangélistes; d'avoir porté au
dernier excès le ;;oût des alléiiories et des
explications figurées de l'Ecriture sainte :
nous avons justifié ces saints docteurs au
mot ALi.iGORiE. yia'is les figuristes moder-
nes, qui prétendent que c'est la meilleure
manière d'expliquer ces divins livres, ne
peuvent tirer aucun avantage de cet exem-
ple, puisque la plupart des motifs qui ont
déterminé les Pères, ne subsistent plus. Ou-
tre les inconvénients de h ur système, il est
devenu très-suspect depuis que Jansénius a
eu la témérité de dire, tom. III, de Graiia
Christi salvat., 1. m, c. G, p. ItG: « Il est
évident que l'Anrien Testament n'a été
qu'une grande comédie (jui se jouait moins
pour elle-même que |)our le Nouveau Tes-
lamcnl. » Il semble que l'on s'attache au fi-
gurisme, afin de prouver que ce novateur
avait raison.
Tvriî, édil de l'empereur Constant II an
sujet des monoihéliles. Vuy. Monothélisme.
* TYI5ANNIC1DE. Au milieu dos désordres du
moyen âge, dans le mulaisc général souvent l'oinenté
par les grands, on posa celle question : Est-il permis
de mettre à mort sans forme de procès les lijrans du
peuple? L'allirmaiive trouva des dclcnsetirs. Le doc-
teur Jean Pelil souiini celle doctrine dans les chaires
de Paris, eu l-i07. Ce principe, toruiulé ainsi, est
cvidenimcut anarcliii|ue. Il tut condaMinc au concile
de t'uMSIance , eu lilii. Nous avons exiiosé dans
nuire Dlciionuaire de Tliéoloiiie morale la conduiia
que doivent tenir les peuples à l'égard des tyrans.
u
UniQUISTES ou UBIQUITAIRES. On nom-
ma ainsi ceux d'entre les luthériens qui sou-
tenaient que le corps de Jésus-Christ est
présent d.ms l'eucharistie en vertu de sa di-
vinité présente partout, nbique. ils avaient
embrassé ce sentiment, afin de ne pas être
obligés d'admettre la transsubstantiation.
L'ou prétend qu2 Luther le soutint ainsi
pendant deux ans. D'autres ont écrit que le
premier auteur de ce sentiment fut Jean de
Wistphalie, nommé vulgairement iVesIphale,
ministre de Hambourg en 1552, qui se ren-
dit célèbre par ses écrits contre Luther et
contre Calvin ; d'autres disent (jue ce fut
lirenliiis, disciple de Luther, mais qui ne
pensait pas toujours comme son maître, et
qui forgea celte opinion l'an loGO. Il eut
pour sectateurs Flaecius Illyrieus, Osiander
et d'autres. Six de ces docteurs s'assemblè-
rent au monastère de Uerg, l'an 1577, et y
décidèrent le dogme de ['ubiquité du corps
de Jésus-Christ comme un article do foi.
D'autre côté, Rlélancblhon s'.leva contre
cette doctrine dès qu'elle commença de pa-
raître; il soutint que c'était introduire, à
l'exemple des eutychiens, une espèce de
confusion entre les deux niitures de Jésus-
Christ, en attribuant à l'une les propriétés
de l'autre, et il persista jusqu'à la mort dans
celle manière de penser. Les universités de
^Virtemberg et de Leipsick embrassèrent
vainement le parti de Mélanchthon, le nom-
bre des ubitfuisles augmenta, et leur syslèinc
a prévalu pendant longtemps parmi les lu-
thériens. Ceux de Suède, en le soutenant, se
divisèrent encore ; les uns prétendirent que,
pendant la vie mortelle da Sauveur, son
corps était partout, les autres, qu'il n'a eu
ce privilège que deiiuis son ascension. 11 pa-
rait qu'aujourd'hui cotte ■upinioD u'a plus de
partisans parmi les luthériens ; ils se sont
rapproches des calvinistes, et ils pensent
communément que le corps de Jésus-Christ
n'est présent avec le pain que dans la com-
munion et au moment qu'on le reçoit. Nous
ne savons pas s'ils enseignent que" ce corps
est présent en vertu de l'action même de
communier, ou en vertu des paroles de Jé-
sus-Christ, Ceci est mon corps, prononcées
auparavant. Voij. Eucîuristie, § 1. — Il est
assez étonnant que les théologiens, qui s'ef-
forçaient do persuader que l'Ecriture sainte
est claire, intelligible, à la portée de tout le
monde sur les dogmes de loi, n'aient jamais
pu parvenir à s'accorder sur un article aussi
essentiel qu'est celui de l'eucharistie ; qu'a-
près bien des disputes, des systèmes, des
volumes écrits de p;irl et d'autre, la diffé-
rence de croyance ait toujours subsisté et
su'.isiste encore entre les deux principales
sccios protestantes. La première chose qu'il
aurait fallu prouver par l'Ecriture était lo
droit qu'ils s'attribuaient de faire des déci-
sions de foi pendant qu'ils le refusaient à
l'Eglise universelle.
liasnage. Histoire de l'Eglùe , 1. xxvi,
c. 6, § 2, soutient que l'opjniori des ubiqui-
taires est une suite naturelle du dogme de 'a
présence réelle; qu'ainsi l'Eglise romaine ne
peut pas combattre cette opinion avec avan-
tage. En effet, dit-il, si je conçois qu'un
corps qui ne peut être naturellement que
dans un lieu, se trouve cependant en cent
mille endroits où l'on communie et où l'on
g.irde l'eucharistie, je puis croire également
qu'il est partout, parce qu'il n'y a plus de
règle lorsque la n.iture des cliosos est dé-
truite, et qu'il n'y a plus rien de fixe quand
on a recours à des miracles qui détruisetiî
la raijou,
9*7
UNI
UNI
9-28
Si ce criCique avait été moins entôté de ses
préjuges, il aurait compris qne la règle et la
mesure de notre foi est la révélation, que ce
n'est point à nous de i)ous,scr les miracles et
les mystères plus loin que Dieu ne nous les
a révélés. Or, l'ikriture sainte el la tradition
qui sont les organes de la révélation nous
enseignent que le corps de Jésus-Christ est
d;ins l'eucharistie, sans nous dire qu'il est
aussi ailleurs ; donc nous devons borner là
noire foi. (]'en est assez pour réfuter les
ubiquilaires,(\ui ne peuvent fonder leursen-
liment. ni sur l'Ecriture sainte, ni sur la
tradition. Il n'est pas question de savoir où
le corps de Jésus-Christ peut ou ne peut pas
être, mais de savoir où il est. Au reste, rien
de plus faux que le principe sur lequel Bas-
nage s'est fondé. Suivant la narration de
l'Evangile, Jésus-Christ, en ressuscitant, sor-
tit du tombeau sans déranger la pierre qui
en fermait l'entrée, ce fut un ange qui la
renversa, Matlli., c. xxviii, v. 2. Ses disci-
ples ne le virent point auprès de son tom-
beau, et cependant il s'j montra àMarie-
Magileleine, Joan., c. xx, v. ik. Il disparut
aux yeux des deux disciples d'Emmaùs avec
lesquels il venait de manger, Luc, c. xxiv,
V. 31. Le même soir il se trouva au milieu
de ses disciples, quoique les portes fussent
fermées ; ils crurent voir un esprit ; pour les
rassurer, il leur flt toucher son corps, ibicL,
V. 36 ; il répéta ce même prodige en faveur
de saint Thomas, Joan., c. xx, v. 2G. Refu-
serons-nons d'y croire, sous prétexte qu'un
corps ne peut pas nattnellement pénétrer les
autres corps, se trouver dans un lieu sans y
être venu, ni disparaître subitement à tous
les yeux ; que dans tous ces cas la nature
des choses serait détruite? Ce principe de
Basnagenc tend pas à moins qu'à renverser
tous les miracles ; et telle est la conséquence
de tous les arguments que les prolcslants
ont faits contre le mystère de l'eucharistie.
On dirait qu'ils ont eu dessein d'armer les
incrédules contre tous les articles de no-
ire foi.
UNIGENITUS, bulle ou constitution du
pape Clément XI, donnée au mois de sep-
tembre 1713, qui commence par ces mots,
UnigeniCus Dei Filius, et qui condamne cent
une propositions tirées du livre de Pasquier
QuesncI, prêtre de l'Oratoire, intitulé : Le
Nouveini Teslament traduit en français avec
des réflexions morales {i). Ces propositions
(1) Voici un extrait de celle bulle. Le pape pnrle
d'abord de l'averlissemenl donné par le l'ils de Dieu
à son Ki;lise, i de nous leiiir en gante contre les faux
propliètes, qui viennent à nous revèuis de ta peau
des brebis; (par où) il désigne principalement
ces maîtres de mensonges , ces ^édiicteiirs pleins
d'artifices, qui ne font éclater dans leurs discours les
apparences de la plus solide piété, ipie pour insinuer
iinperceptitilenient leurs dogmes dangereux, et que
pour introduire, sous les deliors de la sainteté, des
sectes qui conduisent les liommes à leur perte ; sé-
duisant avec d'autant plus de facilité ceux (pii ne se
délient pas de leurs pernicieuses entreprises, que
comme des loups, qui (irpouillenl leur peau punr se
couvrir de la peau des breliis, ils s'enveliip|)eut, pour
ainsi parler, des maximes de la loi divine, des pré-
se réduisent à cinq ou six ctiefs de doctrine,
qui sont autant d'erreurs, et qui avaient été
déjà condamnées dans les écrits de Baïus et
ceptes des saintes Ecritures, dont ils interprètent
malicieusement les expressions, et de celles même
du Nouveau Te-tameni, qu'ils ont l'adresse de cor-
rompre en diverses manières pour perdre les autres
el pour se perdre eux-mêmes : vrais fds de l'ancien
père du nleu^onge, ils ont appris, par son exemple
et par ses enseignements, qu'il n'est point de voie
plus sûre ni plus prompte pour tromper les âmes, et
pour insinuer le venin des erreurs tes plus criminel-
les, que de couvrir ces erreurs de l'autorité de la
parole de Dieu, i
Le saint Père continue ensmte de cette manière :
I Pénétré de ces divines instructions, aussitôt que
nous eûmes appris, dans la profonde amertume de
notre cœur, qu'un certain livre, imprimé autrefois
en tangue française, et divisé en plusieurs tomes,
soMs ce titre : Le Nouveau Teslament en français, avec
(1rs réflexions morales sur chaque verset, eic. A Paris,
dC'J'J ; aulremenl encore : Abrégé de la murale de l'E-
vangile, des Actes des apôlres, des EpUres de- saint-
Paul, des Epitres canonigues et de rApocalypse, ou
Pensées chrétiennes sur le texte de ces livres sacrés,
etc. ,1 Paris, 1(395 et 1(.'J4 , que ce livre, quoique
nous l'eussions déjà condamné, parce i|u'eu effet les
vérités catholiques y sont confondues avec plusieurs
dogmes (aux et dangereux, passait <lans l'opinion de
beaucoup de personnes pour un livre exempt de
toutes Sortes d'erreurs; qu'on le mettait partout en-
tre les mains des fidèles, et qu'il se répandait de
tous cotés, par les soins affeciés de certains esprits
r. rnuauts, qui fiuit de ooniinuelles tentatives eu fa-
veur des nouveautés ; qu'on l'avait même traduit en
latin, afin que la contagion de ses maximes perni-
cieuses passât, s'il était possible, de nation en nation
et de royaume en royaume ; nous fûmes saisis d'une
très-vive douleur en voyant le troupeau du Seigneur,
qui est commis à nos soins, entraîné dans la voie de
perdilion par des insinuations si séduisantes et si
Irompeusis : ainsi donc, également excités par noire
soliicuude pastorale, par les plaintes réitérées des
personnes qui ont un vrai zèle pour la foi orthodoxe,
surtout par les lettres el les prières d'un grand nombre
de nos vénérables frères les évéques de France, nous
avons pris la résotuiien d'arrêler, par quelques re-
mèdes plus elficaces, le cours d'un mal qui croissait
toujours, et qui pourrait avec le temps produire les
plus funesies effets. Après avoir donné toute notre
application à découvrir la cause d'un mal si pressant,
et après avoir fait sur ce sujet de mûres et de sé-
rieuses réflexions, nous avons enfin reconnu très-
distinctement que le progrès dangereux qu'd a fait,
et (|ui s'augnienie tous les jours, vient prin<:ipale-
ment de ce (|ue le venin de ce livre est Irès-cacbé,
semlibible à un abcès dont la pourriture ne peut
sortir qu'après qu'où y a fait des incisions. En effet,
à la première ouveriure du livre, le lecteur se sent
agréablement attiré par de certaines apparences de
piété. Le style de cet ouvrage est plus doux et plus
ciintanl (pie l'huile; mais les expressions eu sont
comme des traits prêts à partir d'un arc qui n'est
tendu que pour blesser imperceptiblement ceux qui
mit le cuMir droit. Tant du motils nous oni donné
lieu de croire (|ue nous ne pouvions rien faire de
plus à propos ni de plus salutaire, après avoir jusqu'à
présent marqué en général la doctrine artificieuse de
ce livre, (|ue d'en découvrir les erreurs eu détail, et
qne de les mettre plus clairement et plus distincte-
ment devant les yeux de tous les fidèles, par un ex-
trait de plusieurs propositions contenues dans l'ou-
vrage, où nous leur ferons voir l'ivraie dangereuse
séparée du bon grain qui la couvrait. Par ce moyeu
nous dévoilerons et nous mettrons au grand jour,
non-seulement quelques-unes de ces erreurs, ntai»
929 UNI
rie Jansénius. De même que ce dernier n'a-
vait fait son livre intitnié Aufjitslinits, que
pour justifier les scnllmeiils de Baïus.Ques-
iiel fit le sien poor répandre la iloclrine de
.lansénius sons le mas(iue de la piété. En cf-
l'el, l'évêque d'Ypres avait enseigné que l'on
ne résiste jamais à la grAce intérieure; il
avait même taxé de senii-pélagianisme et
d'hérésie le sentiment contraire. Quesnel,
de son côlé, enseigne que In grâce de Dieu
est l'opération de sa toule-|)uissaiico, à la-
quelle rien ne peut résister ; il compare l'ac-
tion de la grâce à celle par laquelle Dieu a
créé le monde, a opéré le mystère de l'in-
carnation , et a ressuscité Jésus - Christ
(Prop. 10 et suiv.). Il en conclut que quand
Dieu veut sauver uneâme, elle est inraillible-
ment sauvée [Prop. 12 et suiv.). De là il
s'ensuit, 1° que quand elle n'est pas sauvée,
c'est que Dieu ne le veut pas ; conséquence
directement cim(raire au mot de saint Paul,
Dieu veut que toua les hommes soient sauvés.
2" Il s'ensuit que si un homme pèche, c'est
qu'il manque de ^^râce ; autre erreu" pro-
scrite dans l'Kcriture sainte et dans saint Au-
gustin. Voi/. (iiucK, § 4. 3° 11 s'ensuit que,
nous on cxpnserons nn grand nombre des plus per-
nicieu»es, soit qu'elles aient été déjà condamnées,
soit qu'elles .lient été inventées depnis peu. •
A la suite du préambule , Clément XI rapporte
!01 propositions extraites du livre de Quesnel, et il
les condamne < comme étant respeclivement fausses,
cnpiicuses, mal sonn.inlcs, capables de blesser les
oreilles pieuses ; scandaleuses, pernicieuses, lénié-
raiics, injurieuses à l'Eglise et à ses usages; outra-
geantes, non-seulement pour elle, mais pour les
puissances séculières; sédiiienses, impies, blnspbé-
maloires, suspectes d'bcrésie, sentant l'Iirrésie, fa-
vorables aux hérétiques, aux hérésies et au schisme;
erronées, approchantes de l'Iiérésie, ei souvent con-
danuK'cs ; enlin, comme hérétiques, et comme re-
nouvelant diverses hérésies, principalement celles
qui sont contenues dans les fameuses propositions de
Jansénius, prises dans le sens auipiel elles ont été
condamnées, i Le saint Père défend en conséquence,
à tous les lidèles, de penser, d'enseigner ou de parler
sur lesdites propositions, autrement qu'il n'est porté
dans sa conslilution, et il veut que « quiconque en-
seignerait, soutiendrait ou mettrait au jour ces pro-
positions, on quelqucs-tmes d'entre elles, soit con-
joiniemenl, soit séparément, ou qui en traiterait
même par manière de dispute, en public ou en
particulier, si ce n'est pent-èire pour les combattre,
encoure ipso (acto, et sans qu'il soit besoin d'autre
déclaration, les censures ecclésiastiques et les autres
peines portées par le droit contre ceux qui (ont de
semblables choses, i
Il déclare en sus qu'il ne prétend < nullement ap-
prouver ce qui est contenu dans le reste du mêuie
livre, d'autant plus, ajoute-l-il, que, dans le cours de
l'examen que nous avons fait, nous y avons reinaripié
plusieurs autres propositions qui ont beaucoup de
ress<-mblance et d'affinité avec celles que nous ve-
nons de condamner, et qui sont toutes remplies des
mêmes erreurs : de plus, nous y en avons trouvé
beaucoup d'autres qui sont propres il entretenir la
désobéissance et la rébellion qu'elles veulent insinuer
insensiblement sous le taux nom de patience chré-
tienne, par l'idie chimérique qu'elles dnnnent aux
lecteurs, d'une persécution qui règne aujourd'hui ;
mais nous avons cru qu'il serait iimlile de rendre
cette constitution plus longue, par luv détail, •'■srti-
culier de ces propositions. >
UNI
9S0
pour pécher oa pour faire nne bonne œu-
vre, pour mériter ou démériter, il n'est pas
nécessaire que l'homme soit libre et exempt
de nécessité, mais qu'il lui suffit d'élro
exempt de contrainte ou de violence, puis-
que, lors(|u'il a la grâce, il lui obéit néces-
sairement, et que (luand il ne l'a pas, il est
dans l'inipossibililé d'agir. C'est la doctrine
conilamnée dans la troisième proposition do
Jansénius.
La raison sur laquelle se fonde Quesnel,
savoir, que la grâce est l'opération loule-
puissanle de Dieu, n'est dans le fond qu'une
ineptie. Car enfin la grâce (jne Adam reçut
de Dieu pour pouvoir persévérer dans l'in-
nocence, n'était pas moins l'opération toute-
puiss.inie de Dieu que cellt! par laquelle
saint Paul fut converti. Dira-t-on qu'il a
fallu que Dieu fil un plus grand eflbri de
puissance pour changer S.iul de persécuteur
en aprttre, qu'il ne l'aurait fallu pour faire
persévérer Adam ? Donc toutes les compa-
raisons desquelles se sert Quesnel pour exal-
ter l'efficacilé de la grâce sont absurdes.
Jansénius avait dit (|u'il y a des justes
auxquels certains cominaudemenfs de Dieu
.sont impossibles, et ((u'ils manquent de la
grâce qui les leur rentlrait possibles, il n'en
soutenait pas moins que dans ce cas-là ces
justes pèchent et sont punissables; c'est la
première proposition de ce docteur. (Jucsnel
va plus loin : il prétend que toute grâce est
refusée aux infidèles, que la loi est lu pre-
mière grâce, que quiconque n'a pas la foi ne
reçoit point de grâce. (Prop. 2G et suiv.). Il
soutientque la grâce était refusée aux Juifs,
et que Dieu leur imposait des préceptes en
les laissant dans l'impuissance de les accont-
plir {Prop. G et 7). Il dit encore que la
grâce est refusée aux pécheurs, que qui-
conque n'est pas en état de grâce est dans
l'impuissance de faire aucune bonne œuvre,
même de prier Dieu, et ne peut faire que du
mal [Prop. 1 , 38 et suiv.). Bien entendu
qu'il sera damné pour ce mal même qu'il lui
était impossible d'éviter sans le secours de
la grâce.
Au mot Grâce:, § 3, nous avons réfuté
celte doctrine impie; nous avons prouvé par
les passages les plus formels de l'iicriture
sainte et tie saint Augustin, que Dieu donne
à tous les hommes sans exceplion les grâ-
ces actuelles dont ils ont besoin pour éviter
le mal et faire le bien, qu'aucun homme
n'en a jamais manqué absolument, quoique
Dieu en donne beaucoup pins aux uns
qu'aux autres. Ceux qui s'obstinent à mé-
connaître cette vérité consolante, se fondent
sur ce que la nature humaine infectée par
le péché d'Adam est nne masse de perdition
et de damnation ; objet éternel de la colère
de Dieu, indigne de loule grâce, incapable
de faire autre chose que du mal. Mais des
chréliens peuvent-ils oublier que Jésus-
Christ, par le bienfait de la rédemption, a ra-
cheté, délivré, sauvé, réparé la nature hu-
maine, qu'il a réconcilié Dieu avec le monde,
et changé, pour ainsi dire, la colère divine
en miséricorde ; que la grâce nous eit dua-
9S1
UNI
UNI
9S2
née en considéralion des mérites de Jésus-
Chrisl el non des nôtres ; qu'elle est par con-
séquent très-gratuite, mais cpendanl dis-
tribuée à tous, non par justice, mais par
bonté pure? Quiconque ne croit pas toutes
ces vérités, ne croit pas en Jésns-Clirisl ré-
dempteur du mouvle.
11 est vrai que Jansénius a taxé de semi-
pélagianismc ceux qui disent que Jésus-
Ciirist est mort pour tous les hoiiuues sans
esceplion, et qu'il a répandu son sang pour
tous : c'est ainsi qu'est couiiiéc sa 5^ propo-
sition coiidanuiée. Aussi Qui-snel , liilèle à
cette (loclrine, se borne à dire que Jésus-
Clirist est mort pour les élus ; il ne veut pas
que loi'.t homme puisse dire comme saint
Paul, Jé'US-Chrisl m'a aimé el s'est livré pnw
mni (Prop. 32 et 33).
Nous avons démontré l'impiété de ces er-
reurs, aux articles Rédempteur, Salut, Sau-
veur, etc. Que^ncl lui-même a été forcé au
moins une fois de la reconnaître, de se con-
tredire et de se con^'amner, comme tous les
hérétiques. Sur ces paroles de saint Paul,
/ Tim., c. Il, V. V : Dieu, noire Sauveur,
veut que tous les hommes soient sauvés et
parviennent à la connaissance de la vérité ; il
dit: Gardons-nous de vouloir borner lagrûce
et la misiricorde de Dieu... La Vérité s'est
incarnée pour tous. Comment donc ne s'est-
elle pas livrée à la mort pour tous? Mais
Quesnil était bien résolu d'esnuiver cette
conséquence. Sur le ch. iv, v. 10 : Nous es-
pérons au Dieu vivant (jui est le Sauveur de
tous les hommes, principalement des fidèles.
11 n'a eu garde de faire sentir l'énergie de ce
passage du saint Paul, qui écrase son sys-
tème. JI Cor., c. V, v. ik , l'Apôtre dit :
L'amour de Jésus-Christ nous presse, consi-
dérant que si un seul est mort pour tous, donc
tous sont morts. On sait avec quelle force
saint Augustin a employé ces paroles pour
prouver contre les pélagiens l'universalité
du péché originel dans tous les hommes ,
par l'universalité de la mort de Jésus-Christ
pour tous les hommes. Mais notre commen-
tateur perfide se contente de dire que Jésus-
Christ nous a racheté la vie à tous; il a bien
compris que nous tous pouvait s'entendre
des chrétiens seuls; c'est ce qu'il voulait.
Saint Jean, Epist. i, c. ii, v. 2, dit que Jé-
sus-Christ est la victime de propitiaiion pour
nos péchés, et non-seulement pour les nôtres,
mais pour ceux de tout le monde. Quesiiel se
borne à dire que Jésus-Christ a pleinement
satisfait pour nous, qu'il plaide notre cause
dans le ciel, qu'il a porté nos péchés sur la
croix. Pourquoi non ceux du monde entier,
comme le dit saint Jean?— Ce docteur sou tient
que l'on ne peut faire aucune bonne œuvre
sans la charité (Prop. kk. et saiv.), et parla
ci'.arité il eniend l'amour de Dieu. Cependant
il est certain que, quand saint Paul a parlé
à peu [irès de même, il s'agissait de l'amour
du prochain ; que quand saint Augustin l'a
répété, il a souvent entendu par charité
toute affection du cœur bonne et louable.
y oij. Chariié. Mais avec des équivoques
on trompe aisément les simples. Il enseigne
que celui qui ne s'absîient du péché que p.ir
crainte, a déjà commis le péché dan.s sou
cœur [Prop. (30 el suiv.) ; doctrine condam-
née par le concile de Trente dans les écrits
de Luther el de Calvin. On voit d'ailleurs
que de tous les systèmes, le plus propre à
étouffer la charité dans tous les cœurs, el à
les glacer de crainte, est celui de (^(uesnel et
de ses adhérents. Fo//. Crainte. Il ne recon-
naît pour membres de l'Eglise que les justes.
{Prop. 72 et suiv.). Saint Augustin a formel-
lement réfuté cette erreur soutenue par les
douatistes, et nous avons répété les aru;u-
meiils de ce saint docteur au mol Eglise,
§ 3. Il prétend que la lecture de l'Ecriture
sainte est nécessaire à tous les fidèles, et
qu'elle ne doit cire interdite à personne ; il
renouvelle à ce sujet les clameurs des pro-
testants {Prop. 80 et suiv.). Celait un expé-
dient pour faire rechercher son livre; ainsi
en ont agi tous les hérélinues ; Terlullien
s'en plaignait déjà au ni" siècle. Mais
de tout temps l'on a vu les fruits que peut
produire celte lecture sur des esprits aviJes
de nouvelles opinions, surtout lorsqu'elle
est préparée par des traducteurs et des com-
mentateurs aussi infidèles (|ue Quesnel et
ses pareils; elle inspire l'indocilité et le fa-
natisme aux femmes et aux ignorants; les
prolestants mêmes ont été forcés plus d'une
fois d'en convenir. Voy. Ecriture siintg,
§ 3, n. 5. Enfin, Quesnel déclame contre les
censures, les excommunicalious, les pour-
suites auxquelles étaient exposés les parti-
sans de sa doctrine , contre les abjurations,
les signatures de formulaires, les serments
que l'on exigeait d'eux; il décide qu'une ex-
communication injuste ne doit point nous
empêcher de faire notre devoir. {Prop. 91 et
suiv.) Mais qui a droit de juger de la justice
ou de l'injustice d'une censure quelconque?
Sont-ce ceux contre lesquels elle est portée,
ou ceux qui ont l'autorité de la prononcer?
On voit bien que Quesnel entend que ce sont
les premiers , el que , selon lui , c'est aux
coupables condamnés qu'il appartient de
juger leurs propres juges. Consêqucmmenl
les qucsncllisîes méprisèrent les excommu-
nications et les interdits portés contre eux
par le pape et par leurs évéques, ils conti-
nuèrent de dogmatiser, de prêcher, de dire
la messe, d'administrer les sacrements, sous
prétexte que c'était leur devoir. Ainsi en
avaient agi les prêtres et les moines apostats
qui se firent huguenots.
La condamnation de Quesnel, non plus
que celle de Jansénius, n'éprouva aucune
contradiction dans la plus grande partie de
l'Eglise catholique. Tous les théologiens non
prévenus sentirent d'abord la fausseté et
l'impiété de la doctrine censurée par la bulle
Unigenitus, et la ressemblance parfaite do
cette doctrine avec celle queinnocent X avait
proscrite en 16.53. Mais en France , où les
cspiils étaient en fermentation el où l'erreur
avait fait de grands progrès, cette bulle ex-
cita beaucoup de troubles. On vit des évé-
ques, des corps ecclésiastiques , des écoles
de théologiï?, appeler de la décision du pape
93Î
UWl
mi
951
iiu futur concile , duquel on i'tait bien sûr
que la convocation ne se ferait point. On ne
négligea aucun moyen pour juslilier la doc-
trine condamnée, on employa jus(|u'à de
faux miracles pour la canoniser. Ce fana-
tisme épidémique a duré jusqu'à nos jours ;
heureusement les accès en sont un peu cal-
més : mais il reste encore des esprits opi-
niâtres qui en ont éié imbus dès l'enfance,
et qui s'obstinent encore à retenir, ou en
tout ou en parlii-, la doctrine de Quesnel, et
à regarder siii\ livre comme un chef-d'œuvre
(le saine Ihéolugie et de piclé.
Combien de reproches n'a-t-on pas faits
contre la bulle Uiiigenltus, pour la rendre
méprisable et odieuse? Il faudrait un volume
entier pour les rajjporter. 1° L'on a dit et
répété cent lois que les propositions con-
damnées dans Jansénius et dans Quesncl
sont la pure doctrine de saint Augustin. Au
y siècle, les prédestinations ; au ix', Go-
lescaic et ses défenseurs; au xvi' Luther
et Calvin , ont aflinné la même chose ;
tes prolestants d'aujourd'hui le soutien-
nent encore ; plusieurs incrédules mo-
dernes ont (lé leurs échos , sans y rien
entendre. Malgré tant de clameurii, ce fait
est absolument faux. D'h;ibiles théologiens
de toutes les naliuns de l'Europe ont démon-
tré le contraire, en écrivant contre les uns
ou contre les autres ; et nous croyons l'avoir
suffisamment prouve nous-mêmes dans di-
vers articles de ce Dictionnaire. Nous ne dis-
convenons pas que l'on ne puisse trouver
dans saint Augustin et dans d'autres Pères
des propositions qui, au premier aspect et
en les détachant du texte, semblent cire les
mêmes que celles de Luther, de Calvin, de
]5aïus , de Jansénius et de Quesnel. Mais
quand on examine dans les Pères ce qui
précède et ce qui suit, ce ([u'ils disent ail-
leurs, les circonstances dans lesquelles ils
parlaient, la doctrine des adversaires qu'ils
attaquaient, les questions qu'il fallait déci-
der, on voit évidemment que ces saints doc-
leurs ne pensaient pas du tout ce que leurs
prétendus interprètes leur font dire. Souvent
ceux-ci tronquent les passages, abusent des
termes équivoques, changent l'état des ques-
tions, etc. En suivant celle méthode, les hé-
rétiques trouvent, même d:ins les livres
saints, toutes les erreurs qu'il leur a plu de
forger ; il n'est pas fort étonnant (jue l'on
réussisse à les trouver aussi dans dts re-
cueils d'ouvrages de dix ou douze volumes
in-folio.— 2° L'on a objecté que la bn!le Uiii-
genilus n'ayant condamné les cent une pro-
positions de Quesncl qu'en bloc, in globo,
elle n'apprend aux fidèles aucune; vérité, et
ne peut pas servir à régler leur f li. Mais les
quesnellisles n'avaient pas eu plus de res-
pect pour la bulle d'Innocent X, qui a ce-
pendant censuré et qualifié chacune des pro-
positions de Jansénius en particulier. Eu
loCIi, Pie y condamna in (jiobo soixante-
seize proposit;ons de liaïus : cciui-ci ni ses
défenseurs ne s'avisèrenl pas pour lors de
soutenir l'insufCsance de la ceasure; ils sa-
vaient que caïc forme est en usage depuis
longtemps dans l'Eglise. Or, il est constani
qu'un grand nonilire des propositions de
Quesnel sont mo! pour mol les mêmes que
celles de Haïus. La liulle Uniç/enilu.i apprend
donc aux fidèles cette vérité générale, (ju'il
n'est aucune des cent une propositions, qui
ne mérite quelqu'une des qualilicalions énon-
cées dans cette bulle, qui ne soit, par consé-
quent, ou impie, ou blasphématoire, ou hé-
rétique, ou fausse, etc.; qu'il n'est donc
permis à personne de les regarder ni de les
soutenir comme vraies, catholiques, ensei-
gnées par saint Augustin, etc. ; que quicon-
que le fait encourt l'excommunication pro-
noncée par le souverain pontife. C'est aux
théologiens instruits sur celle matière,
d'appliquer à chaque proposition particu-
lière la qualification qu'elle mérite. Aucun
fidèle n'a besoin de le savoir en détail, puis-
qu'il ne lui est pas plus permis de soutenir
une proposition scandaleuse ou téméraire,
connue pour telle, qu'une proposition héré-
tique. Le crime serait moindre, si l'on veut,
mais ce serait toujours un crime. - 3" L'on
répèle encore tous les jours que toute l'af-
faire de la condamnation de Baïus, de Jansé-
nius et de (Juesnel n'a été qu'une intrigue
nouée par les jésuites, ennemis déclarés des
aiigustiniens, et qui ont eu ass;'z de crédit à
Rome pour faire enfin proscrire la doctrine
de leurs adversaires. Mais nous n'avons
aucun intérêt à examiner si les sentiments
des jésuites étaient vrais ou f;iux, conformes
ou contraires à ceux de saint Augustin, si
ces religieux ont eu peu ou beaucoup de
pari à une censure prononcée , renouvelée
et confirmée par quatre ou cinq papos con-
sécutifs. Du moins ce ne sont pas les jésuites
qui ont poursuivi les prédeslinaliens au v'
siècle , ni lîolesialc au ix'. Comme leur
société n'a pris naissance que l'an lo'i-O ,
elle n'a pas pu influer b^^aucoup sur la
condamnation de Luther et de Calvin ,
faite par le concile de Trente, l'an ioi-7 :
elle élait Irop f lible dans soii berceau. Or,
peu de temps après la censure portée contre
le livre de Jansénius , le père Deschamps ,
jésuite, démontra une conformité parfaite
entre la doctrine de cet évêque et celle de
Calvin , et l'opposition formelle de cette
même doctrine avec ceile de saint Augustin.
Nous venons de faire voir d'ailleurs que la
doctrine de Quesnel n'est aulrc que celle do
Jansénius ; il n'a donc été besoin ni de bri«
gue, ni de manège, ni de haine de parti pour
la faire condamner. La roule (jue devait
suivre Clémmt XI lui avait été Iracée par
ses prédécesseurs. Mais toutes les fois que
des sectaires se sont vus frappés d'anathèine,
ils n'ont jamais manqué de s'en prendre à
de prétendus ennemis personnels ; c'est ainsi
que Luther et Calvin ont déchargé leur co-
lère sur les théologiens scolastiques.
Si les quesnellisles condamnés s'élaient
bornés à des arguments Ihéologiques, oo
pourrait excuser la leur jusqu'à un certain
point, mais ils eurent recours à des moyens
plus aisés et plus puissants sur l'espril du
peuple. La satire, le ridicule outré, les sar-
955
UNI
UW
9SC
casmes amers, les noms injurieux, furent
mis en usage pour décrier le pape, les évê-
ques, les docteurs et tous les défenseurs de
la bulle, les femmes surtout furent les plus
ardentes à déclamer ; tout Paris semblait
saisi d'un accès de frénésie, et celte maladie
se répandit bientôt dans les provinces ; ja-
mais on n'a mieux vu de quoi l'hérésie est
capable. Les incrédules ont su en profiter
pour rendre odieuse la théologie et le zèle
de religion ; heureusement la nécessité de se
défendie contre eus a tourné toute l'atten-
tion dus théologiens vers cet objet; la doc-
trine deBaïus, de Jansénius et deQuesnel n"a
plus aujourd'hui de défenseurs déclarés que
les protestants ; c'est le tombeau que Dieu
lui avait destiné.
Au mot Jansénisme, nous avons vu de
quelle manière Mosheim a fait l'histoire
de cette dispute Ihéologique; Jlist. ecclés.,
xvii° siècle, sect. 2, \" partie, § 40 et suiv. Il
la continue de même en parlant du livre de
Quesnel et de la bulle Vnigenilus; il suppose
toujours que la doctrine de Baïus, de Jansé-
nius et de Quesnel est cerlainement celle de
saint Augustin, et que la bulle a élélouvrage
des jésuites; eosuiteil peint leurs adversaires
sous les traits les plus bizarres. Après avoir
exalté leurs talents et leurs travaux littérai-
res, il dit, § i6, que quand on examine en
détail leurs principes généraux , les consé-
quenccsqu'ils en tirent, et l'applicationqu'ils
en font dans la pratique, on trouve que leur
pieté a une forte teinte de superstition et de
fanatisme, qu'elle favorise l'enthousiasme
des mystiques, et qu'on leur donne avec
raison le nom de rigoristes. Il tourne en
ridicule les pénitences des solitaires de
Port-lloyal ; il juge qu'autant ils paraissent
grands dans leurs ouvrages, autant ils sem-
blent méprisables dans leur conduite, et il
conclut que la plupart n'avaient pas la tèle
fort saine. Au sujet des prétendus miracles
dont ils ont pris la délènse, il y a tout lieu
de croire, dit-il, qu'il regardaient les frau-
des pieuses comme fpermises, pour établir
une doctrine de la vérité de laquelle ils
étaient persuadés. Pour nous, nous aimons
mieux croire que leur entêtement pour la
doctrine leur a fait regarder comme vrais
et certains des faifs faux, controuvés ou exa-
gérés, et comme miraculeuses des guérisons
opérées par des moyens très-naturels. Ce
faible de l'humanilé est de tous les temps et
de tous les lieux , il est commun aux
croyanis el aux incrédules ; ceux-ci .ajou-
tent fui, sans examen, à tous les faits qui
les favorisent. Les quesnellisles étaient
donc dans l'erreur sur les faits aussi bien
que sur la doctrine ; mais l'erreur, même
opiniâtre, la prévention, le fanatisme, ne
sont pas des fraudes pieuses ; autrement
Mosheim serait lui-même coupable de ce
crime. Si les solitaires du Port-Royal n'a-
vaient donné dans aucun autre excès que
celui delà piété et do l'austérité des mœurs,
nous les excuserions volontiers, mais leur
révolte obstinée contre l'Eglise, leurs em-
iturlemeots contre les pasteur», leurs mali-
gnité à l'égard de tous ceux qui ne pen-
saient pas comme eux, leurs infidélités dans
les citations, etc., sont des vices incompati-
bles avec la vraie piété. Voy. Jansénisme ,
Appel au futur concile, etc.
UNION CHÉTIENNE, communauté de
filles établies à Paris pour travailler à l'in-
struction et à la conversion des personnes do
leur sexe qui ont «iîé élevées dans l'hérésie,
pour recevoir des femmes pauvres et qui
sont sans ressource, pour élever de jeunes
filles dans la pieté et daai l'amour du tra-
vail. Le projet de cette ietlilutiun avait été
formé par madame de Poleillon, fondatrice
des filles de la Providence, il fut exécuté
par M. Le Vachet, prêtre de Romans eu
Dauphiné, en 1661. Ce vertueax prêtre fut
aidé par une sœur Renée de Tordes, qui
avait établi à Metz les filles d(! la Propaga-
tion de la foi ; et par une sœur Anne de
Crosne, qui donna une maison qu'elle avait
à Charonne pour loger celte communauté
naissante. Les filles de l'union chrétienne ,
aussi appelées filles de Saint-Chaumont, re-
çurent en 1662 leurs constitutions qui furent
approuvées en 1668; en 1685 elles ont été
transférées à Paris. Elles ne pratiquent point
d'autres austérités que le jeûne du ven-
dredi ; elles tiennent de petites écoles. Après
deux ans d'épreuve, elles s'engagent, seule-
ment pour un temps, par les trois vœux
ordinaires, et par un vœu particulier d'u-
nion ; elles ont un habillement qui leur est
propre.
Union (la petite), ou le petit Saint-Chau-
mont, est un autre établissement fait par
le même M. Le Vachet, par Mil' de Lamoi-
gnon et par Mil' Mallet, en 1679. 11 est des-
tiné à retirer les filles qui arrivent de
province pour servir à Paris , el pour les
instruire de manière que les daines puissent
trouver parmi elles dti femmes de chambre
et des servantes de bonnes mœurs. Nous
avons connu un vertueux curé de Paris qui
aurait souhaité qu'on pût y loger aussi celles
qui se trouvent sans condition, en attendant
qu'elles pussent se placer, aliii de lessous-
traire ainsi au danger de tomber dans le
libertinage. Nous entrons dans tout ce détail,
afin de montrer combien la charité chrétienne
est attentive et industrieuse ; la philosophie,
avec toute l'humanité prétendue de laquelle
elle fait profession, a-t-elle jamais rien
exécuté, ou même rien tenté de semblable?
Il est évident que ces sortes d'établissements
ne sont sujets à aucun des inconvénients
que nos philosophes se sont plus à révéler
dans la plupart des institutions chrétiennes.
Mais dans notre siècle calculateur, censeur,
réformateur el destructeur, loin de trouver
des moyens et des ressources pour faire le
bien, l'on ne rencontre que des obstacles. Il
y a lieu de penser que, dans les siècles sui-
vants, nos neveux demanderont quel avan-
tage, quel établissement uiile a procuré é
l'humanité le siècle de la philosophie.
"■ UNION llYPOSTATIQUE. Yoy. Incarnation.
UNITAIRES. Voy. sociniens.
957 UNI
f UNITÉ DE DIEU. Voyez Dieu et Poly-
ÏUÉISMË.
Unitk db l'Eglise. Voy. Ecjlise, § 2.
UNIVERS. Voij. MoNDK.
UNIVEHSALISTES. L'on nomme ainsi
painii )cs prolestants ceux qui soutiennent
que Dieu donne des grâces à tous les hommes
pour parvenir au salut ; c'est, dit-on, le sen-
timent nctuel de tous les arminiens, et ils
donnent le nom de particiilaristcs à leurs
adversaires. Pour concevoir la dilTérence
qu'il y a entre les opinions des uns et des
autres, il faut se rappeler qu'en IG)8 et 1G19,
le synode tenu par les cilvinisles à Dor-
drecht ou Dort en Hollande, adopta solen-
nellement le sentiment de Calvin, qui ensei-
gne que Dieu, par un décret éternel et irré-
vocable, a prédestiné ceriains fiommes au
salul, et dévoué les auircs à la damnation,
sans avoir aucun é;;ard à leurs mérites ou
à leurs démérites futur»; qu'en consé(iuence
il donne aux prédestinés des grâces irrésis-
tibles par lesquelles ils parviennent iiéces-
saireaicnl au boniieur éternel, au lieu qu'il
refuse c^s grâces aux réprouvés qui, faute
de ce secours, sont nécessairement damnés.
Ainsi, selon (ialvin, Jésus-Cliri.st n'est mort
et n'a offert à Dieu son sang que pour
les prédestinés. Ce môme synode cond.inina
les arminiens qui rejetaient celle prédesti-
nation et celle réprob.ilion absolue , qui
soutenaient que Jésus-Christ a répandu
son sang pour Ions les hommes et pour cha-
cun d'eux en particulier, qu'en vertu de ce
rachat. Dieu donne à tous, sans exception,
des grâces capables de les conduire au sa-
lut, s'ils sont fidèles à y correspondre. Au
mol Arminiens, nous avons obs'îrvé que les
décrets de Dordrechl furent reçus sans op-
position par les calvinistes de France, d.ins
un synode national tenuàCharenton en 1033.
Comme celle doctrine était horrible et ré-
voltante, que d'ailleurs des décisions en ma-
tière de foi sont une contradiction formelle
avec le principe fondamental de la réforme,
<iui exclut toute aulre règle de foi que l'E-
criture sainte, il se trouva bientôt, même en
France, des théologiens calvinistes qui se-
couèrent le joug de ces décrets impies. Jean
Caméroii, professeur de théologie dans l'a-
Ci'4éniie de Saumur, el Moïse Amyraul, son
successeur, embrassèienl sur la grâce et la
préde:$lination le sentiment des arminiens.
Suivant le récit de iMosheim, Jlist. ecclcs.,
xvir siècle, secl. '2, seconde part., chap. '2,
§ 14., Auiyraut, en 103V, enseigna, « 1° que
Dieu veut le salul de tous les hommes
sans exception; qu'aucun mortel n'est ex-
clu des bienfaits de Jésns-Chrisi par un dé-
cret divin; '2' que personne ne t)eul partici-
per au salut el aux bienlaits de Jésus-Christ,
a moins (|n'il ne croie en lui ; 3" que Dieu
par sa bonté n'oie à aucun homme le pou-
voir el la faculté de croire, mais qu'il n'ac-
corde pas à tous les serours nécessaires
pcor user sagemenl de ce pouvoir; de là
vient qu'un si grand nombre périssent
par leur faute, et non par cflle de Dieu. »
Ou le système d'Amyraul n'est pas lidèle- ■
DiCT. DE TUÉOL. UOliJIATlQUE.iV-
Uni
938
ment exposé, ou ce calviniste s'expliquait
fort mal. 1 ' Il devait dire si entre les bienfaits
■le Ji'sus-Christ il comprenait les grâces
icluelles intérieures el prévenantes, néces-
saires, soit pour croire en Jésus-Christ, soit
pour faire une bonne œuvre quelconque.
S'il admettait cette nécessité, sa prcmièie
proposition n'a rien de répréhensibhi ; s'il ne
i'admetlait pas, il élail pélagien, et Mosheirn
n'a pas tort de dire que la doctrine d'Amy-
raul n'était qu'un pélagianisme déguisé. Eu
parlant de celle hérésie, nous avons f;iit
voir que Pelage n'a jamais admis la nolioa
d'une grâce intérieure et prévenante, qui
consiste dans une illiiminalion surnaturelle
de l'esprit el dans une motion ou impulsion
de la volonté; qu'il soutenait que celte mo-
tion détruirait le libre arbitre. C'e^t ce que
soutiennent encore les arminiens d'aujour-
d'hui. '2- La seconde proposition d'Amyraut
conlirme encore le reproche de Moslicim;
elle aflirme que personne ne peut participer
au salut et aux bienfaits de Jésus-Christ,
sans croire en lui. C'est encore la doctrine
de Pelage; il disait que le libre arbitre est
dans tous les hommes, mais que dans les
chrétiens seuls il est aidé par la grâce. S.
Aug., Ve grniia Chrisli, cap. 31, n. 33.
Gela est incontestable, s'il n'y a point
d'autre grâce que la loi et la connaissan -e
de la doctrine de J;''sus-Chrisl, comme le
soutenait Pelage; mais saint Augustin a
prouvé contre lui ijuc Dieu a donné des
grâces intérieures à des inOdéles qui n'oni
jamais cru en Jésus-Christ, el que le désir
même <le la grâce et de la foi est déjà l'elTel
d'une grâce prévenante. El comme la con-
cession ou le refus de celle grâce ne se fail
certainement qu'en vertu d'un décr( l par
lequel Dieu a résolu ou de la donner ou do
la refuser, il est faux que personne soil
exclu des bienfaits de Jésus-Christ, en vertu
d'un décret divin, comme Amyraul l'aflirnie
dans sa première proposition. 3° La der-
nière y est encore plus opposée. En efi'el,
qu'entend ce théologien par le pouvoir et la
faculté de croire? S'il entend un pouvoir
naturel, c'est encore le pur pélagianisme.
Suivant saint Augustin et selon la vérité, ce
pouvoir est nul, s'il n'est prévenu par la
prédication de la doctrine de Jésus-Christ,
cl par une grâce qui incline la volonté à
croire. Plusieurs milliers d'infidèles n'ont
jamais entendu parler de Jésus-Christ, d'au-
tres auxquiîls il a été prêché n'y ont pas
cru. Us n'ont donc pas reçu de Dieu la grâce
inlérieure el eflicace de la foi, ou le secours
nécessaire pour user saijeincnt de leur
pouvoir. Or, encore une fois, il est impossi-
bleque Dieu accordéon refuse une grâce, soit
extérieure, soit inlérieure, sats l'avoir voulu
el résolu par un décret ; donc il est faux
que les infidèles n'aienl pas été exclus d'un
très-grand bienfait de .lésus-ClirisI en vertu
d'un décret divin. Mais il ne s'ensuit pas
de là qu'ils n'en aient reçu aucun bien-
fait. Ainsi le système d'.\myraul n'est
qu'un tissu d'équivoques et do contradic-
tions.
30
m
UNI
UNI
910
Le tradncleur de Mosheim l'a remarqué
dans une note. Il convient d'ailleurs que la
doctrine de Calvin, louchant la prédestina-
lion absolue, est dure, terrible, fondée sur
les notions les plus indignes de l'Etre su-
prême. « Que fera donc, dit-il, le vrai chré-
tien, pour trouver la consohition qu'aucun
système ne peut lui donner? 11 détournera
S(^s yeux des décrets cachés de Dieu, qui ne
sont destinés ni à régler nos actions ni à
nous consoler Ici-bas; il les Qxera sur la
miséricorde de Dieu manifestée par Jésus-
Christ, sur les promesses de l'Evangile, sur
l'équité du gouvernement actuel de Dieu et
<le son jugement futur. » Ce langage n'est ni
plus juste ni plus solide qne celui d'Amy-
raut. 1° I! s'ensuit que les réformateurs
n'ont été rien moins que de vrais chrétiens,
puisqu'au lieu de détourner les yeux des
fidèles des décrets cachés de Dieu, ils les ont
exposés sous un aspect horrible, capable de
glacer d'effroi les plus hardis. 2° 11 est ab-
surde de supposer que les décrets cachés de
Dieu peuvent être contraires aux desseins
de miséricorde qu'il nous a manifestés par
Jésus-Christ; or, ceux-ci sont évidemment
destinés à nous consoler et à nous encoura-
per ici-bas. 3° Il ne dépend pas de nous de
fixer nos yeux sur les promesses de l'Evan-
gile, sans faire attention à ses menaces et à
ce que saint Paul a dit louchant la prédesti-
nation et la réprobation. V 11 y a de l'igno-
rance ou de la mauvaise foi à supposer qu'il
n'est aucun milieu entre le système pélagien
des arminiens d'Am>raul, etc., et la doctrine
horrible de Calvin. Nous soutenons qu'il y
en a un, c'est le senliinent des théologiens
nitholiques les plus modérés. Fondés sur
l'Ecriture sainte et sur la tradition univer-
selle de l'Eglise , ils enseigni'iil nue Dieu
veut sincèrement le salut de tous les hommes
sans exception, que par ce motif il a établi
Jésus-Ciirist victime de propitialion , par la
foi en son san(j, afin, de démontrer sa justice,
el afin de pardonner les péchés passés {Hom.
m, 25) ; conséquemmcnt, que Jésus-Christ
est mort pour tous les hommes el pour cha-
cun d'eux en particulier, el que Dieu donne
à tous des grâces intérieures de salut, noa
dans la même mesure ou avec la même
jibondance, maissuffisnmmenl pour que tous
ceux qui y correspondent parviennent à la
foi cl au salul. Dieu les distribue à tous, non
en considération de leurs bonnes disposi-
tions naturelles, des bons désirs qu'ils ont
formés, ou des bonnes actions qu'ils ont
faites par les forces naturelles de leur libre
arbitre, mais en vtîrtu des mérites de Jésus-
Christ rédempteur de lous, el victime de
propitialion pour tous, 1 Tim., c. ii, v. 4, 5,
t). (i'cst une erreur grossière de Pelage ,
d'Arminius, d'Amyraut, des protestants, des
jansénistes, etc., de croire qu'aucune grâce
de Jésus-Christ n'est accordée qu'à ceux qui
le connaissent el qui croient en lui ; au mot
Grâce, § 2, et au mot Infidèle, nous avons
prouvé le contraire. A la vérité, nous ne
sommes pas en état de vérifier en délait la
manière dont Dieu met la foi cl le salul à la
portée des Lapons et des Nègres, des Chinois
el des Sauvages, de connaître la quanliié et
la nature des grâces qu'il leur donne; mais
nous n'avons pas plus besoin de le savoir
que de découvrir les ressorts par lesquels
Dieu fait mouvoir cet uuivers, ou de savoir
les motifs de l'inégalité prodigieuse qu'il
met entre les dons naturels qu'il accorde à
ses créatures. Saint Paul, dans son Epître
aux Romains, ne fait pas consister la pré-
destination en ce que Dieu donne beaucoup
de grâces de salut aux uns, pendant qu'il
n'en donne point du (oui aux autres, mais
en ce qu'il accorde aux uns la grâce actuelle
de la foi, sans l'accorder de même aux au-
tres. Nous ne voyons pas en quoi ce décret
de prédestination peut troubler noire repos
et notre conOance en Dieu ; convaincus par
notre propre expérience, et de la miséri-
corde et de la bonté inGnie de Dieu à noire
égard, nous tourmenterons-nous par la folle
curiosité de savoir comment il en agit envers
lous les autres hommes?
En troisième lieu, il y a une remarque
importante à faire sur les progrès de la
présente dispute chez les protestants. En
parlant des décrets de Dordreclit, Mosheim
a observé que quatre provinces de Hollande
refusèrent d'y souscrire, qu'en Angleterre ils
furent rejetés avec mépris, et que, dans les
églises de Brandebourg, de Brème , de Ge-
nève même, l'arminianisme a prévalu; il
ajoute que les cinq articles de doctrine con-
damnés par ce synode sont le sentiment
commun des luthériens el des théologiens
anglicans. Voy. Arminiens. De même , en
pîirlant d'Amyraut, il dit que ses sentiments
furent reçus non-seulement par toutes les
universités huguenotes de France, mais
qu'ils se répandirent à Genève el dans toutes
les églises réformées de l'Europe, par le
moyen des réfugiés français. Comme il a
jugé que ces sentiments sont le pur pélagia-
iwsme, il demeure constant que celle héré-
sie est actuellement la croyance de tous les
calvinistes, et que du prédeslinalianisme
outré de leur premier maître, ils sont tombés
d.ins l'excès opposé. D'autre pari, puisqu'il
avoue que les luthériens et les anglicans sui-
vent les opinions d'Arminius, el qu'après la
condamnation de celui-ci ses partisans ont
poussé son système beaucoup plus loin que
, lui, nous avons droit de conclure que les
protestants en général sont devenus péla-
giens. Mosheim confirme ce soupçon par la
manière dont il a parlé de Pelage et de sa
doctrine. Histoire ecclés., y siècle, ii' part.,
c. 5, § 23etsuiv. Il ne l'a blâmée en aucune
façon. Pour comble de ridicule, les protes-
tants n'ont jamais cessé d'accuser l'Eglise
romaine de pélagianisme. Ce phénomène
théologique est assez curieux; le verrons-
nous arriver parmi ceux de nos théologiens
auxquels on peut justement reprocher le
sentiment des prédestinatieus ?
UNIVERSITE, école ou collège dans lequel
on enseigne toutes les sciences. La première
observation que nous avons à faire sur ce
terme est que la fondation des universités
944
UNI
L'RS
fll2
dans le xir et lexiir siècle, est un monu-
ment aulhenlique du zèle dont les ecclésia-
stiques ont toujours été ;uiiraés pour l'in-
slruclion des jeunes gens, pour la conserva-
tion et le progrès des éludes. Dès l'origine,
les universités onl élé établies sous l'autorilc
des souverains pontifes , aussi bien qui' du
gouvernement , parce que l'on a regardé
celle institution comme un acle de religion,
et l'étude de la religinn comme l'une des
plus imporîaiiles. Les chaires des différentes
facultés furent d'abord remplies par des
clercs ou pir des moines, parce qu'ils étaient
alors les seuls qui eussent conservé du goût
pour les sciences. Voy. Lettiies, Science.
De toutes les itniversiiés de l'Kurope, celle
de Paris est incoiitcslablcmcnt la plus célè-
bre, elle jouit de sa réputation depuis sis
cents ans. Sans vouloir déroger au mérite
des autres facultés, la théologie est celle
qui a fourni le plus grand nombre de savants
'distingués. Si la gloire de cette école paraît
moins brillante aujourd'hui qu'autrefois, ce
n'est pas que les connaissances y soient plus
bornées, les talents plus rares, les profes-
seurs moins habiles qu'autrefois, m lis c'est
que la mullitiidc des honmies iiisiruils ayant
beaucoup augmenté dans tous les étals delà
société, il esl plus diflicile à un savant de se
faire remarquer dans la foule, cl d'effacer
ses coulcmporains, que dans les siècles pré-
cédents, lorsque les sciences étaient moins
cultivées qu'à présent. Ce n'est point à nous
de faire l'histoire de celte école fameuse, ni
de parcourir les divers étals par lesquels
elle a passé ; ce sujet lient plus à la littéra-
ture qu'à la partie dont nous soiimies ciiar-
gés. Mais ((uiconque aura lu ["Histoire de
l'Eglise gallicane, ou VHiituire lillcraire de
la France, vcria (|ue dans tous I s siècles
écoulés depuis son institution, presque tous
les savants qui se sont l'ail un nom dans le
royaume étaient membres ou élèves de l'uni-
versité de Paris.
Les critiques, soit catholiques, soit protes-
tants, qui ont examiné l'état des sciences
parmi nous dans les bis siècles, à commen-
cer depuis le xr, nous paraissent avoir fait
avec trop de rigueur la censure dos défauts
qu'ils ont cru apercevoir dans l'enseigne-
ment public. Eu blâmant les abus, il n'au-
rait pas fiillu perdre de vue le fond des élu-
des et l'ulililé qui en a résulté. Il est con-
gianlque, dans les temps les plus ténébreux,
l'élude de l'Ecriture sainte et de la Ir Jilion,
vraies sources de la théologie, n'a j;i mais élé
interrompue, cl qu'elle s'est ranimée depuis
la fondation des universités. Peut èlre le
commun des étudiants et des ma 1res se
bornait-il à la scoiastiqiie', qui était le
goùl dominant; mais ce n'est pas par le de-
gré de capacité des théologiens du < ummun
qu'il faut juger du mérite des bonmcsdc
génie qui oui reçu en naissant la vocation à
l'étude de celle science. Parmi ceux même
qui étaient chargés de l'enseigner, et forcés
de s'assujettir à la méthode régnante, il y
en a eu plusieurs qui en onl secoue le joug
dauï des ouvrages détachés, qui y onl mou-
tré une capacité et des connaissances supé-
rieures; il n'est aucun siècle dans lequel on
ne puisse en citer. Voij. Scolastique.
Aujourd'hui que les secours pour les
divers genres d'érudition sont multipliés ,
les méthodes abrégées et perfe. liouuées, le
nombre des livres augmenté à l'inliiii, l'on
est étonné de ce qu'il y a si peu d'iiommes
qui se distinguent dans les universités par
des talents éminenls. Disons sans hésiter
qu'il y en aurait davantage, si on le voulait.
Que l'on rétablisse les motifs d'émulation
qui subsistaient dans les siècles précédents,
que les places cl les dignités ecclésiastiques
soient données au mérite, aux. services et
non à la naissance, nous pourrons espérer
de voir renaitre parmi nous des hommes
tels que Pelau, Sirmond, Mabillon, Arnaud
cl Bossuet.
URIM etrHDMMIM. Voy. Oracle.
UUSULINES, religieuses instituées à Bresse
en Lombardic, l'an 1537, par la bienheureuse
Angèle, femme pieuse de cette ville. Ce ne
fut d'abord qu'une congrégation de filles et
do veuves qui se consacraient à l'éducatioa
chrétienne des jeunes personnes de leur
sexe. Paul 111, convaincu de l'utilité de cet
institut, l'approuva, l'an i^kk, sous le nom
de compagnie de Sainte-Ursule. En 1572,
Grégoire XIII l'érigea en ordre religieux,
sous la règle de saint Augustin, à la sollici-
lation de saint Charles Borromée, et obligea
ces GUcs à la clôture. Aux trois vœux de
religion elles en ajoutèrent un quatrième, de
s'occuper à l'inslruction gratuite des enfants
de leur sexe. Leur premier établissement
en France se fit à Aix en Provence , l'an
159i, avec la permission de Clément Vlil.
En 1(308, l'on en fit venir deux filles pour
en former une maison à Paris; elles y furent
fondées en IGll, par Madeleine Lhuillier,
dame de Sainte-Beuve; Paul V approuva cet
établissement l'an 1612, et il fut autorisé
celle année par lettres patentes du roi. La
maison de Paris, rue Saiiit-Jac(iues, a été le
berceau cl le modèle de toutes celles qui
ont élé fondées depuis dans le royaume ou
ailleurs. L'ulililé de cet ordre l'a fait multi-
plier promptement ; il est acluellcmi>nl divisé
en onze provinces, dont celle de Paris con-
licnt quatorze monastères : on en compte
près de trois ccnls en France. — Il paraît
qu'en 1572, lorsque Grégoire XIII fit des
ursulivcs un ordre religieux, quelques-unes
de leurs communautés ne voulurent point
changer de régime, mais demeurer dans le
même état dans lequel elles avaient été
instituées par la bienheureuse Angèle de
Bresse, et qu'il y en eut qui s'établirent
ainsi en Bour^jogue. Ce qu'il y a de certain,
c'est qu'en IGOli la mère Anne de Sainlonge ,
de Dijon, en forma des maisons eu Franche-
Comté, où elles sont encore; elles ne gar-
dent point la clôture, quoiqu'elles vivent
très-retirées, et ne font vœu de stabilité
qu'après un certain nombre d'années; elles
sont vêtues comme l'étaient les veuves dans
celte proyiuce il y a deux cents ans, et cllci
945
usu
usu
Ui
tiennent dos écoles de charilc comme les
ursulines cloîtrées.
USAGES ECCLÉSIASTIQUES ou RELI-
GIEUX. Vciy. Observance.
USUHE (1), intérêt de l'argent prêté. Il
faut consulter le Dictionnaire de Jurispru-
dence pour avoir une notion des dilTérenles
espèces d'usure pratiquées chez les anciens
peuples, afin de prendre le vrai sens des ca-
nons de l'Efnlise qui les ont proscrites, de
concert avec les lois iojpériales.
Nous ne prendrons pas sur nous de déci-
der la question célèbre qui est encore agitée
entre leis théologiens, pour savoir si l'usure
lég/ile ou l'inléiét tiré du prêt de commerce
est légilime, ou si c'est une injustice qui
emporle toujours l'obligation de restituer.
Cette ((Ueslion a été traitée tort hu long par
un jurisconsulte dans l'ancienne Encyclopé-
die. Comme elle lient au droit naturel et à
la polili'iuc aussi bien qu'à ia théologie
morale, et qu'il n'est pas possible de séparer
les arguments Ihéologiques pour ou contre,
d'avec les autres, nous devons laisser à ceux
qui sont chargés de celte p.irlie le soin
d'éclaircir celie importante question. Tout
ce que nous pouvons dire , c'est qu'après
avoir lu plusieurs traités composés sur ce
sujet par des hommes très-instruits , nous
n'avons pas été satisfaits, et qu'aucun des
arguments allégués par ceux qui condamnent
le prêt de commerce, ne nous a paru dé-
monstratif et sans réplique.
1" La plupart des raisons sur lesquelles ils
se fondent nous semblent prouver autant
conire les intérêts d'une rente perpétuelle
que conire ceux que l'on tire d'un prêt pas-
sager dont le terme est D\é. On sait avec
quelle rigueur les casuistes s'élevèrent d'a-
bord contre les contrats de constitution de
rente; lorsque le débiteur remboursait do
son plein gré au bout de vingt ans, il parais-
sait fort injuste que le créancier reçût son
capital entier, et gardât encore une pareille
somme qu'il avait reçue par les intérêts :
cependant personne n'est plus tenté de re-
garder cet accroissement comme usuraire et
illégitime. — 2" Nous ne voyons pas que l'on
puisse tirer beaucoup d'avantage du passage
de l'Evangile. Luc, c. vi, v. 35 : Faites du
bien, et priiez sans en rien espérer. C'est un
précepte de charité sans doute en faveur de
ceux qui sont dans le besoin et qui emprun-
tent pour se soulager; mais ce n'est plus le
cas du négociant qui emprunte une somme
pour en tirer du profil. Si on veut l'entendre
autrement, l'on aura de la peine à concilier
ces paroles avec les suivantes, v. 38 : Don-
nez, et l'un roMs donnero; avec la parabole
des talents, Mncth., c. xxv, v. 27, et Luc,
c. XIX, v. 23; enfin avec la loi du Dcut., c.
xxiii, V. 19 : Vous ne prétenz point à usure
à vos frères , mais aux étrangers. Si toute
usure était un crime , Dieu ne l'aurait pas
plus permise aux Juifs à l'égard des étran-
gers qu'à l'égard de leurs frères. Lorsque
Da»id, Ps. XIV, v. 5, met au rang des justes
(1) Voy. nolre,Diciionnaire de Tliéologie morale.
celui qui ne trompe point son prochain par
de faux serments, qui ne prêle point son
argent à usure, qui ne reçoit point do pré--
senls pour opprimer un innoceni ; par pro-
c//(iinil entend évidemment un Juif. D'autre
part, l'auteur de r£'tc/(;'s(as<!(/ue condamne
ceux qui refusent de payer des intérêts à
leurs créanciers : Plusieurs, di(-il, c. xxix ,
V. 4, ont regardé /'usure comme une vmu-
vaise intention , et ont chagriné ceux qui les
avaient aidés dans leurs besoins. — 2° Les
passages des Pères, que l'on peut citer en
grand nombre, ne paraissent plus applica-
bles au temps présent ni à l'état actuel des
nations. Plusieurs de ces saints docteurs ont
condamné le commerce en général aussi
rigoureusement que l'usure, parce que de
leur temps le commerce no se faisait pas
avec autant de fidélité, de police et d'ordre
qu'aujourd'hui. Barbeyrac s'est emporté
contre eux à ce sujet très-mal à propos. Mais
depuis que le commerce maritime et la
banque sont établis dans toute l'Europe , et
assujettis à des règlements très-multipliés,
l'argent a une valeur qu'il n'avait pas autre-
fois; il est devenu une marchandise et non
un simple signe des valeurs. Si l'on propo-
sait à un riche négociant de lui faire présent
d'une somme de cent écus, ou de lui prêter
vingt mille iivres à intérêt, il préférerait
certainement ce dernier parti. Il est difficile
de compremlre en quoi le prêteur serait in-
juste , lorsqu'il recevrait les intérêts que
l'emprunteur consent à lui payer. Voy. Com-
merce. — 1' L'on convient que l'usure est
légitime dans trois cas : lorsque le prêt ôle
un profit réel au prêteur, lorsqu'il lui porto
du préjudice, lorsque le capital est en dan-
ger; c'est ce que l'on appelle hurum cessans,
damnum, emergens, periculum sortis. Or, vu
l'instabilité des fortunes, les révolutions du
commerce, l'incertitude du véritable état des
affaires de l'emprunteur, il est rare de trou-
ver des cas dans lesquels le capital ne court
aucun danger : les constitutions même de
rente perpéluelle n'en sont pas à l'abri , et
c'est peut-être cette rai.son , prouvée par
l'expérience, qui a réconcilié les théologiens
avec ce contrat. — ^° En malière de justice,
il faut avoir de fortes raisons pour condam-
ner dans le for de la conscience un usage
permis ou toléré par les lois civiles. Comme
elles sont censées avoir été établies pour
l'intérêt général de la société, il ne s'agit
plus de décider une question sur les seuls
principes liu droit naturel de chaque parti-
culier, puisqu'il est impossible que ce droit
ne soit pas restreint en plusieurs cas par
l'intérêt général de la société. Dès que le
législateur civil a l'autorité de mettre des
impôts sur les biens des particuliers, on ne
voit pas pourquoi il n'a pas celle de taxer le
prix des intérêts de l'argent prêté , comme
celui de toute autre marchandise. Si donc
aujourd'hui le législateur décidait que, pour
le maintien du comtnerce national, tout ar-
gent prêté dans le commerce doit porter in-
térêt, qui oserait s'élever contre cette loi et
la déclarer injuste? Il no sert doue à ricu
915
VAC
VAC
916
d'argumenter uniquement sur la jnslicc
cominiifalive, ousur le droit des particuliers
considérés par abstraction iiorsde la société
civile.
Ces considérations nous paraissent assez
graves pour ne pas condamner absolument
el sans réserve le prél de comnierre ; et co
seul exemple suffît pour démontrer l'ineptie
des philosophes qui ont soutenu (jue la loi
naturelle, le droit naturel, i-ont clairs, évi-
dents, sensibles à tout homme qui fait usap;e
de sa rai'.on. Ils demandiTont peut-être
pourquoi l'Kvangile n'a pas formellement
décidé la question. Parce que le divin auteur
de cette loi savait Irès-bien que l'état, les
intérêts, les droits de la société civile, ne
pouvaient pas toujours être les mêmes qu'ils
étaient de sou temps et chez la nation à la-
quelle il parlait. Miis il nous a donné des
préceptes de charité qui peuvent nous gui-
der dans tous les temps et dans tous les
lieux, et qui suppléent à la lumière naturelle
à l'égard des questions même de justice les
plus compliquées et les plus obscures. Sur
celles-ci nous ne voyons d'autre parti à
prendre que celui du doute el de l'incerti-
tude ; nous n'oserions conseiller à personne
le prêt de commerce, puisqu'il est condamné
par des auteurs très-instriiils ; mais s'il était
arrive à un homme d'en faire usage et d'en
lirer des intérêts, nous n'oserions pas non
plus l'obliger à les restituer, nous crain-
drions de commettre nne injustice à soa
égard.
Il ne faut pas oublier que les mêmes dé-
crets des conciles qui ont proscrit Vusure des
laïque-;, l'ont interdite avec encore plus de
sévériié an\ ecrlcsiastiqufs, [luisqu'ils ont
prononcr'î contre ces derniers la peine de dé-
position ou de dégradation, el même d'cx-
cornmunicali >n. I.c trente-sixième ou qua-
rante-troisième canon des apôtres, les con-
ciles de Nicéc, inn. 117; d'Elvire, cnn. 20;
(l'Arles, crj». 12; de Carlli.ige, can. i3\ i\»
Laodicée, can. i, etc., l'imt ainsi siatué. Ces
saintes assemblées, qui oui défendu aux
clercs tout négoce ou cunimerce quelcon-
que, ont dû sévira plus forte raison contre
ceux qui prêtaient à intérêt. A leur égard,
celte manière de s'enrichir sera toujours
odieuse ; nne des vertui auxquelles ils sont
particulièrement obligés, est le désintéres-
sement et la charité. L'Kglise a pourvu à
leur subsistance par les bénéfices ; en en-
trant dans la clôricature, ils ont fait profes-
sion di! prendre le Seiiineur pour leur héri-
tage. C'est donc à eux principalement que
s'adressent ces paroles de J vsus-Christ : Ne
vous amassez point de trésors sur la terre,
mais dans te ciel [Malth. vi, 19, 20 .
* LTILITAIRES. C'est une secie |iroiesianle, née
en Angieierre, (pii prétend i|iie, Dieu n'ayant Ix'soiii
ni de nos iionnnages ni do nus piièics, nmis devons
t(int inppnrier à nous-niéraes, à noire propre utilité
el à celle de la société.
VACHE ROUSSE. Le sacrifice d'une vnche
rousse était ordonné aux Israélites, Niim.,
c. XIX, V. 2, afin de faire de ses cendres une
eau d'expiation destinée à purifier ceux qui
seraient souillés par l'attouchement d'un
mort. On prenait une génisse de couleur
rousse, sans défaut, et qui n'avait point
porté le joug ; on la livrait au grand prêtre
qui l'immolait hors du camp, en présence
(lu peuple. 11 trempait son doigt dans le sang
de cette victime el il en faisait sept fois
l'aspersion contre le devant du tabernacle,
ensuite on brûlait l'animal tout entier. Le
grand prêlrc jetait dans le feu du bois de
tèdre.de l'hysopeclde l'écarlate teinte deux
l'ois. Un homme recneillail les cendres île la
génisse et les portait dans un lieu pur hors
Ou camp, où on les laissait en réserve, afin
que les Israélites pussent en mettre dans
l'eau dont ils devaient se servir pour se pu-
rifier des impuretés légales. Le grand prêlrc
seul avait droit d'offrir ce sacrifice, mais
tout Israélite, pourvu ((u'il fût pur, pouvait
faire l'aspersion de la cendre mêlée avec de
l'eau sur ceux qui avaient besoin de cette
expiation. Il aurait été trop incoiiunode de
venir au temple, ou de recourir aux prêtres
pour eflacer une impureté que la mort des
proches pouvait rendre irès-î'réquente.
Quelques censeurs des cérémonies juives
ont avancé que celle-ci était empruntée des
Egyptiens : ils étaient mal instruits ; Héro-
dote ; au contraire, I. il, c. 41, et Porphyre,
de Abslin., 1. x, c. 27, nous apprennent que
les Egyptiens immol aient des bœufs roux,
mais qu'ils honoraient les vaches comme
consacrées à Isis ; cela est confirmé par le
prophète Osée, c. x, v. 5, qui nous apprend
que les veaux d'or érigés par Jéroboam, et
adorés par le peuple de Samarie, étaient des
génisses. Les cérémonies que les Egyptiens
observaient dans leurs sacrifices, suivant
Hérodote, ibid., c. 38 et 39, n'ont rien de
commun avec celles des Juifs, desquelles
noiis venons de parler. Alanélhon, dans /o-
s'plie, 1. I contra Appion., reproche aux
Juifs de contredire les Er;yptiens dans le
choix des victimes, el Tacite, IJist., 1. v,
c. !i', observe en général ipie les rites judaï-
que^; sont opposés à ceux de toutes les autres
nations. Nous ne concevons pas comment le
savant académicien, qui vient de nous don-
ner la traduction d'Hérodote, a pu adopter
le préjugé de quelques littérateurs moder-
nes, malgré des témoignages anciens aussi
positifs. Celui de Moïse devrait suffire pour
réprimer la témérité des critiques ; avant de
sortir de l'Egypte, il dit à Pharaon, Exod.,
c. VIII, v. 20 : Les sacrifices que nous devons
offrir â notre Dieu seraient une abomination
aux yeux des Egyptiens; si nous nnmoiions
en leur présence les animaux qu'ils honorent,
ils nous lapideraient. Ce législateur avait
donc plutôt dessein de contredire les rites
W7
VAL
VAL
9'i8
égyptiens qae de les imiter. — Sans avoir
besoin tic copier personne, Moïse a pu com-
prendre sans doute que les nionies choses
dont on se sert pour laver it blanciiir les
habits, poavaienl servir de même à la pro-
preté des corps : or, la cendre, l'hysope, les
plantes odoriférantes ont clé employées de
tout temps au premier de ces usages ; il a
jugé avec raison que cette .ittention pour
l'extérieur était un symbole très-convenalile
de la pureté de l'âme que les Juifs devaient
apporter dans le culte divin; et Dieu n'a pas
dédaigné d'approuver celte analogie. Voy.
Purification.
VAL-DES-CHODX, prieuré situé dans le
diocèse île L.ingres, à quatre lieues de Chû-
lillon-sur-Seine, dans une affreuse solilude.
C'est un clief-d'ordre, mais peu considéralde,
et qui est un détachement de celui de Saint-
Benoît : les religieux portent l'habit blanc.
L'opinion la plus probable est qu'il fut fondé
sur la Gn du douzième siècle par on nommé
Gui, religieux de la chartreuse de Lugny.
VAL-DES-ÉCOLIEP,S, nbbayedans le dio-
cèse de Lnngres, près de Chaumont en J'.as-
signy, et autrefois clief-d'ordre d'une con-
grégation de clianoines réguliers sous la rè-
gle de saint Augustin. Vers lan 1-212, Guil-
laume, Kiihard et quelques autres docteurs
de Paris, dégoûtés du monde, se retirèrent
dans cette solilude, avec la permission de
l'évêque diocésain ; ils y furent bientôt sui-
vis d'un grand nombre d'écoliers de la même
université ; de là cet établissement reçut le
nom de Val-des-Ecoliers. !! s'augmenta si
promptemenl que , suivant la chronique
il'Albéric, en moins de vingt ans ils eurent
seize maisons. Saint Louis fonda celle de
Sainte-Catherine à Paris, et d'autres, soit
en France, soit dans les Pays-Bas. Le prieur
général de cette congrégation obtint du pape
Paul 111 la dignité d'abbé pourlui et pour
ses successeurs. Depuis l'an 1653, cet insti-
tut a été uni à la coigrégation des chanoi-
nes réguliers de Sainle - Geneviève. Voy.
Gallia christ., tom. IV. Les Pères dom Mar-
tenne et dom Durand, bénédictins, ont fait
imprimer les premières constitutions de ce
monastère, qui sont également instructives
6, édiGantes. Voyages littéraires, tom. 1,
ï' part.
VALENTINIENS, ancienne secte de gnos-
tiques, née au commencement du second
siècle de l'Eglise, peu de temps après la
mort du dernier des apôtres. Valenlin, chef
de cette hérésie, était originaire d'Egypte;
on croit communément qu'il commença de
dogmatiser l'^ans sa patrie ; mais ayant vou-
lu répandre .es erreurs à Rome, il fui chas-
sé de cette église et se retira dans I île de
Cypre, où il jeta les fondements de sa secte;
de là elle se répandit dans une partie de
l'Europe, de l'Asie et de l'Afrique. Nous
sommes inslruils de ses opinions par les an-
ciens Pères qui les ont réfutées, et par quel-
ques fragniciîls de ses ouvrages ou de ceux;
de sps disciples, qu'ils nous ont conservés.
11 admettait u.u séjour éternel de lumière,
iqu'il nommait pleroma, ou plénitude, duus
lequel habitait la Divinité : il y plaçait une
multitude d'ions, ou d'intelligences immor-
telles, an nombre de trente, les uns mâles,
les autres feau'lK-s ; il les disiribuait en trois
ordres : il les supposait nés les uns des au-
tres, leur donnait des noms et en faisait la
généalogie. Le premier, selon lui, était By-
tlios, la profondeur, qu'il appel.TÎt aussi
Prcpaivr, le premier père ; il lui donnait
pour épouse i'jDîo'ia, l'intelligence, autre-
ment Sigé, le silence ; de leur union étaient
nés l'esprit et la vérité : ceux-ci avaient de
même deux enfants, etc.; Jésus-Chrisl et lo
Saint-Esprit étaient les derniers de ces éons
et n'avaient point eu de postérité. Il serait
inutile de faire un plus long dttait de ces
personnages imaginaires, qui ne pouvaient
avoir pris naissance que dans un cerveau
déréglé. Mais les savants convif nneut que
Valentin n'a pas été le premier auteur de ce
monstrueux système ; que plusieurs chefs
des gnostiques l'avaient enseigné avant lui,
qu'il n'avait fait que l'arranger à sa ma-
nière.
Saint Irénéo, qui a vécu peu do temps
après lui, et qui avait conversé avec plu-
sieurs de ses disciples, s'est attaché à réfuter
celte doctrine dans son ouvrage conlre les
hérésies ; il a fait voir que c'est un lissu de
rêveries, d'absurdités, de contradictions et
d'erreurs grossières, un vrai [ olylhéisme.
Cependant il s'est trouvé dans notre siècle
des crili.iues assez obligeants pour vouloir
réhabiliter la mémoire de Valentin et de ses
pareils; ils ont fait Ions leurs efforts pour
trouver de la raison et du bon sens dans un
chaos de rêveries que les Pères de l'Eglise
ont regardé comme les égarements de quel-
ques esprits en délire. Beausolire en parti-
culier, dans son Hist. dit Maniih., I. m, c. 7,
§ 8, et f. 9, § !» et suiv., a tenté cette entre-
prise ; il soutient que le système de Valen-
lin n'est pas aussi ridicule qu'il le |)araît
d'abord; que c'était une niélhode myslique
et allégorique d'expliquer les attributs et
les opérations de Dieu ; que cet hérétique
les a personniGés suivant la coutume des
philosophes de ce temps-là ; que ce sont les
mêmes idées que celles de Pylhagore et de
Platon, qui pouvaient les avoir empruntées
des Chaldéens. Il prétend que les Pères n'ont
pas pris le vrai sens de ce que disaient les
ralentinicns, et qu'ils ont cherché m.il à pro-
pos à rendre tetie doctrine odieuse.
Mosheim, après l'avoir examinée, n'a pas
été de cet avis : flist. Christ., saec. ii, § 53,
et Hist. eccl., ii° siècl., ir part., c. 5, § 16 et
17, il est convenu que de quelque manière
que Ion envisage cette docliine, l'on no
pourra jamais y montrer une apparence de
bon sens et d'orihodoxie, et que tous ceux
qui y ont travaillé ont perdu leur peine.
Nous pensons de même, el nous n'aurons
pas besoin d'une longue discussion pour le
prouver. 1' C'est en vain que l'on voudrait
prendre les éons de Valentin pour des idées
métaphysiques et abstraites des attributs et
des opérations de la Divinité ; par la ma-
Qière duot U en parlait, par les actions et
949
VAL
VAL
^90
les cnrack^res qu'il leur attribuait, pn voit
évidemment qu'il les donnait pour dés êtres
réellemeiil subsistants ; le nom môme d'éon,
qui signifie un être vivant, intelligent et im-
mortel, en est la preuve : en quel sens peut-
on le donnera des qualités abstraites? Si
l'on excepte li's bramines indiens et les my-
thologues grecs, personne n'a poussé à cet
excès la licence de personnifier tous les
êtres ; Pythagorc ni Platon tic s'en sont ja-
mais avisés. Les vcilentiniens devaient sen-
tir que le style poétique des fiibles n'était
pas fait pour expliquer un système ihéolo-
gique ; il ne pouvait servir qu'à tromper le
peuple et à le rendre polythéiste, comme
ont f.iit les bramines et les poètes. Quand
on s'obstinerait à supposer le contraire, il /
n'y aurait encore ni justesse ni raison dans'
la généalogie des éoiis. Uien de plus bizarre
d'abord que d'appeler Dieu, ou le premier
être, la profondeur, et de lui donner pour
séjour Xa. plénitude ; ce sont deux idées con-
traires. Qu'il suit nommé le premier Pire et
qu'il ait eu pour compagne V intelligence , h.
la bonne heure; mais que cette intelligence
soit en même temps Xa silence, c'est une er-
reur grossière. Dieu, intelligence éternelle,
n'a jamais été sans penser ; il n'a donc ja-
mais été sans Verbe ou sans sa parole inté-
rieure; ce Verbe est éternel comme lui : c'est
pour cela que les plus anciens Pères ont dit
que ce Verbe n'est point émané du silence ,
saint Ignace, Epist. ad Magnes., n. 8, puis-
que, selon saint Jean, il Hait en Dieu, et il
était Dieu. Il n'y a pas plus de bon sens à
faire naitie du premier Père et de l'intelli-
gence l'esprit cl la vérité. Si l'esprit est la
substance intelligente, c'est Dieu lui-même,
ce n'est donc pas son Fils ; si c'est la faculté
de penser, c'est l'intelligence même, l'une
n'est donc pas fille de l'autre ; la vérité n'est
qu'un terme abstrait, il est absurde de lui
donner un père et une mère. Le reste de la
généalogie des éons n'est pas moins ridi-
cule : saint Irénce l'a démontré. — 2" L'af-
fectation de Valentin, de rejeter le sens lit-
téral des passages les plus clairs de l'Evan-
gile, de vouloir tout entendre dans un sens
mystique, allégorique et cabalisti(iue , est
inexcusable. 11 prétendait trouver ses trente
éons dans les trente années que Jésus-Christ
a passées sur la terre, dans les dilTérentcs
heures auxquelles le père de famille envoya
des ouvriers travailler à sa vigne, Matth.,
c. XX, etc. Ces allusions arbitraires et for-
cées caractérisent un fourbe qui, sans croire
au christianisme , voulait persuader aux
chréliei.s qu'il avait puisé sa doctrine dans
leurs livres. Aussi les commentaires de ses
disciples sur l'Evangile de saint Jean, dont
les Pères nous ont donné des fragiiienls,
sont un chaos de rêveries inintelligibles,
uniquement destinées à étonner les igno-
rants.— 3° Il ne pouvait pas nier que sa
doctrine ne fût directement contraire à l'E-
Tangile, comme il était entendu par les chré-
tiens, par conséquent à la croyance univer-
selle des fidèles. Il avait beau soutenir qu'il
l'avait reçue par des instructions secrètes
que Jésus-Christ avait données à quelques-
uns de ses apôtres, et que ceux-ci avaient
confiées à des disciples affidés : si elles de-
vaient être secrètes, il avait tort de les pu-
blier. Par un nouveau trait d'imposture, il
se vantait de les avoir puisées dans un livre
écrit pur saint Matthias, et d'avoir été in-
struit par un certain Théodat, disciple de
Paul. Ce personnage n'était pas plus réel
que le prétendu livre de saint Matthias. Loin
d'avoir eu, conmie les philosophes, une dou-
ble doctrine, l'une pour le peuple, l'autre
pour lies disciples discrets, Jésus -Christ
s'était attaché principalement à instruire le
simple peuple, il avait commandé à ses apô-
tres de prêcher l'Evangile à toute créature,
Marc., c. xvi, v. 15; de publier au grand
jour ce qu'il leur avait dit à l'oreille, Matth.,
c. X, V. 27; il rendait grâces à son Père de
ce (jue la vérité était révélée aux simples et
aux ignorants, pendant qu'elle demeurait
cachée aux sages et aux savants, Luc, c. x,
V. 21. Il avait donc condamné d'avance les
orgueilleuses prétentions des gnostiqucs et
de tous les prétendus illuminés. — 4° Valen-
tin concevait très-m;)l la nature divine : il
n'attribuait au premier Père ni la connais-
sance de toutes choses, ni la toute-puissance,
ni la présence hors du pleroma, ni la provi-
dence universelle, ni le talent de maintenir
la paix et le bon ordre entre les éons qui
composaient sa famille. Suivant le système
des valcntiniens, les éons étaient sujets aux
passions et aux vices de l'humanité, à la ja-
lousie, à la vainc curiosité, à l'ambition, à
l'orgueil, à la révolte contre la volonté de
Dieu. Celui d'entre eux qui avait fabriqué le
monde, l'avait fait à l'insu de Dieu et contre
son gré ; la manière dont Valentin expliquait
la naissance de l'uniyers était d'une absur-
dité pitoyable. H pensait, comme Platon, que
les astres étaient animés, que l'homme a
deux âmes, l'une animale et sensitive, l'au-
tre spirituelle et immortelle; mais il ne disait
point d'où ces âmes étaient venues, si c'était
encore autant de nouveaux éons ; il ne con-
cevait pas mieux que les philosophes païens
la nature des substances spirituelles ; Beau-
sobre avoue lui-même que les valenliniens
ne reconnaissaient aucune substance tout
à fait incorporelle. — b' Suivant ce fabuleux
système, l'èon fabricateur du monde conçut
tant d'orgueil de son ouvrage, qu'il entreprit
de se faire reconnaître pour seul Dieu ; il y
réussit à l'égard des Juifs, en leur envoyant
des prophètes qui leur persuadèrent qu'il
n'y avait point d'autre Dieu que le créateur
du ciel et de la terre. Les autres esprits,
placés dans les astres et dans les dlQerenles
parties de l'univers, suivirent son exemple
et se tirent adorer par les païens. Ainsi la
connaissance du vrai Dieu se perdit entiè-
rement parmi les hommes, et la corruption
des mœurs y devint générale. Couséquem-
ment les valenliniens regardaient l'Ancien
Testament, non comme l'ouvrage de Dieu,
mais comme la production d'un ennemi de
Dieu : erreur (]ue suivirent les marcipnites
et les manichéens. Mais comme il est cerlaia
951
VAL
VAL
952
que, depois la création du monde jusqu'au
temps de Valenlin, il n'y a eu que deux re-
ligions sur la terre, savoir, celle des adora-
teurs du Créateur et celle des païens, qui
rendaient leur culte aux génies ou aux es-
prits moteurs de la nature, il s'ensuit que
pendant quatre mille ans le prétendu vrai
Dieu des valentinicns n'a été connu de per-
sonne, et que dans aucun temps il n'a clé
adoré par aucune créature. Pendant celte
mulliludc de siècles il dormait sans doute
dans le pleroma, sans s'embarrasser de ce
qui se passait sur l;i terre. Pourqui'i en effet
aurait-il pris soin d'un monde qui avait été
f.ibiiqué sans son aveu, ou de la race des
liduimes dont il n'était pas le pèro? et à quel
litre ceux-ci auraient-ils clé intéressés à lui
rendre un culte? Telle est la ridicule notion
que les valentiniens voulaient donner aux
lioiiirnes, de leur j retendu vrai Diiu. — (i-Ce-
poiidanl, après ce long sommeil, Dieu con-
çut enfin le dessein de remédier aux maux
qu'avait causés l'éon formateur du monde ;
il fil naître deux autres éons plus parfaits
que les autres, savoir, le Christ et le Saint-
Esprit, l'our en'oyer le Christ sur la terre,
il y fit païaîlre .lésus sous les apparences
extérieures d'un homme; mais Jésus n'avait
qu'un corps subtil et aérien, qui ne fit que
passer par le sein de Marie, comme l'eau
passe par un canal ; au reste il avait deux
âmes comme les autres hommes, l'une ani-
male, l'autre spirituelle. Lorsqu'il fut bap-
tisé dans le Jourdain, le Christ descendit en
lui sous la forme d'une colombe, et lui coni-
iiiuniqua une vertu surnaturelle par hiquellc
il opéra de." miracles, il enseigna aux hom-
mes que, pour plaire au vrai Dieu et parve-
nir au souverain bonheur, il ne fallait plus
adorer le Dieu des Juifs ni ceux des païens,
mais le Pire, en esprit et en vérité. Par là
Jésus encourut la haine de ces divers éons
ou génies, qui, pour se venger, excitèrent
les Jttifs à le faire mourir. Mais il ne fut
crucil^é et ne mourut qu'en apparence ; re-
vêtu d'un corps subtil et impassible, il ne
pouvait soufirir ni mourir réellement.
Conséqiiemment les valentiniens u'admel-
taient ni la génération éternelle du Verbe,
ni son incarnalion, ni la divinité de Jésus-
Christ, ni la rédemption du genre humain,
dans le sens propre. Ils faisaient seulement
consister celle rédemption en ce que Jésus-
Chiist était venu soustraire les hommes à
l'empire des éon'^, leur avait donné des le-
çons et des exemples de vertu, et leur avait
enseigné le vrai moyen de parvenir au bon-
heur éiernel. INlais s'ils croyaient vériiable-
ment que Jésus-Christ était l'envoyé de
Dieu, ils auraient dû avoir plus de respect
e'. de docilité pour sa parole. Coumie ils at-
tribuaient la formation de la chair de l'Iiom-
nie, non à Dieu, mais au fabricaleur du
monde, ils la regardaient comme une sub-
stance essenlieliemeni mauvaise ; ils n'ad-
miiiaiL-nt point qu'elle dût ressusciter un
jour.
Nous avons déjà remarqué que Valenlin
De fu'. pas le premier auteur de toutes
ces erreurs ; soit avant, soit après lui, elles
furent enseignées par d'autres enthousiastes
qui les arrangèrent chacun selon son goût.
Ou lui donne pour disciples Plolémée, Se-
cundus, Héracléon, Marc, Colarbase, Bar-
desanes, etc. Nous avons parlé de ces per-
sonnages sous les noms des sectes iqu'ils
fondèrent. Les ophiles, les docètes, les sévé-
rions, les apostoliques, les adamiies, les
caïnites, les sélhiens, etc., furent autant de
branches qui sortaient du même tronc; mais
on ne peut marquer avec précision ni la date
de leur naissance, ni le pays dans lequel ils
dogmatisaient, ni la diflérence qu'il y avait
entre leurs opinions. Comment aurait pu
régner l'uniformité entre des fanatiques qui
avaient autant de droit les uns que les au-
tres de forger des erreurs et des fables ?
Saint Irénée les a tous réfutés en prouvant
contre eux l'unité de Dieu, seul créateur et
gouverneur do la matière et du monde, l'ab-
surdilé de la généalogie des éons, la nullilé
des prétendues traditions secrètes opposées
à la tradition publique et constante des égli-
ses fondées par les apôtres, la génération
élernelle du Verbe et son incarnalion, la ré-
demption du monde parJésu5-Chrisl,etc,llne
serait pas nécessaire de répéter lusarguments
dont il s'est servi, si les protestants avaient
été plus équitables. Mais comme plusieurs
soutiennent que, dans celte dispute, les Pè-
res ont souvent mal raisonné, qu'ils ont mal
pris le sens des expressions de leurs adver-
saires, ou qu'ils en ont défigure exprès les
opinions afin de les rendre plus odieuses et
plus aisées à réfuter, il est important de
justifier ces saints docteurs. Nos adversaires
en veulent surtout à saint Irénée, parce que
les principes qu'il a posés ne sont pas moins
forts contre les héréti(iucs modernes que
contre les anciens ; une courte analyse de
son ouvrage ciiolre les hérésies suffira pour
démontrer l'injustice de leur critique.
Dans son i" livre, le saint docteur expose
ce que les valentiniens disaient des éons et
de leur généalogie, les passages de l'Iicri-
ture dont ils abusaient, les diverses bran-
ches dans lesquelles leur secte était parta-
gée, les différentes erreurs que chacune avait
adoptées. Ce qu'il en rapporte est confirmé
par rjément o'Alexanilrie, par ïeriullien,
par Origène, par saint Epiphane, pjr les
extraits qu'ils ont donnés de plusieurs ou-
\rn^es des valentiniens; son récit ne peut
donc pas être suspect.
Dans le second livre, c. 1, il commence
par démontrer que Dieu, étant le premier
Etre ou l'Etre éternel, est nécessairement
seul Dieu, que rien n'a pu borner son es-
sence, sa puissance, sa connaissance, ni ses
autres allributs ; qu'il est absurde de le sup-
poser renfermé dans le pleroma, et de lui
ôter la connaissance de ce qui était au delà ;
qu'il n'y a [las plus de raison d'admettre
deux, trois, ou trente éons, que d'en sup-
poser mille; que leur géuéaloLçie est remplie
de contradictions. Déjà Ton voit que saint
Irénée a très-bien saisi les conséquences de
l'idée d'Elre nécessaire , cxistaol de soi-
955
VAL
môme; conséquences qn'aucnn des anciens
héréiiqui's ni des pliilosophes n'a su aperce-
voir, cl qui sapent par le fonderneni tous
leurs syslèmes. TerluUien les a développés
de même dans son livre contre llcrmogène.
Par esprit de conir.idiclion , Beausobre a
essayé de justifier deux ou trois /irticles de
la généalogie d(is éons, mais il n'a pas tenté
de réfuter les contradictions que saint Iré-
née y a montrées ; il n'a pas attaqué le prin-
cipe fondamental posé par ce saint docteur,
duquel il résulte que s'il y a eu des éons, ou
des êtres subsistants distingués de Dieu , ce
sont des cré;iturcs, et non des êtres néces-
saires et éternels, que Dieu par conséquent
a été le maître de borner leur connaissance,
leur puissance, leur nature , comme il lui a
plu.
Chap. 2, ce Père fait voir que Dieu, dont
la puissance n'a point de bornes, n'a eu be-
soin ni de coopéraleurs, ni d'instrument, ni
de matière préexistante, pour faire le mon-
de, qu'il a tout fait par son Verbe, ou par
son seul vouloir : dixit et facta sunt; qu'il a
ainsi créé les esprits et les corps, les anges,
les hommes et les animaux, initium crealio-
vis (lonaiif!, expression remarquable. 11 ré-
pèle la même chose, c. 9 et 10. Telle a été.
dit-il, c. 9, la cro\anrc du genre humain
fondée sur la Iradilion de notre premier
père, et telle est encore celle de l'Eglise, in-
struite par les apôtres. Il est étonnant que
nos adversaires n'aient jamais daiainé re-
marquer combien cette métaphysique su-
blime des anciens i'ères de l'Eglise est su-
périeure à celle de tous les philosophes ; où
•l'ont-ils prise, sinon dans les livres saints?
et l'on veut que les philosophes aient été
leurs maîtres 1 — Loin d'admettre le système
des émanations , comme les valenliniens,
saint Irénéc le réfute, c. 13, la, 17, sous
toutes les faces sous lesquelles on peut l'en-
visager, parce que Dieu étant un litre sim-
ple, pur esprit, toujours le même, rien n'a
pu cire détaché de sa substance. Osera-t-on
encore nous dire que les anciens Pères n'ont
point eu l'idée de la parfaite spiritualité? ils
l'ont puisée dans le dogme niènie de l;i créa-
lion; l'un n'a jamais pu être conçu sans l'autre.
. Chap. IV, saint Irénéc soutient que les
valentinifins ont emprunte leurs éons et leurs
fables des auteurs crées, des poètes , des
philosophes , particulièrement de Platon et
des slo'icieiis , qu'ils n'ont fait que changer
les noms des personiiagrs, afin de persuader
qu'ils en étaient les inventeurs, et il le mon-
tre en détail. C'est donc fort inutilement que
Beausobre s'est alt;iché à prouver que ce
système n'était autre chose «lu'une théologie
philosophique et un pur platonisme, Ilist.
du Mniiich., t. 11, I. v, c. 1, S 11 et 12; saint
Jrénée l'a vu avant lui et l'a démontré. Or,
Platon n'a pas représenté les esprits, les gé-
nies ou les dieux ((u'il plaçait dans les astres
et ailleurs , comme des êtres abslrnits et
métaphysiques, niais comme dc« personna-
ges réels ; 'dcnc Beausobre est force d'avouer
que les valentiincns ont pensé de même. Au
reste, soit que ces hérétiques aient pris leurs
VAL 054
visions dans Platon, comme le vent Beauso-
bre, soit qu'ils les ai<<nt reçues des philoso-
phes orientaux, comme Brucker et Mosheim
le soutiennent, les arguments ((ue saint Iré-
née fait contre eux n'en sont pas moins so-
lides. Il s'ensuit (oujours que ce Pèr(\ n'a été
rien moins que platonicien , puis(iu'il a cru
attaquer directement le platonisme en réfu-
tant les valentinims.
Chap. 2() et suiv., il fait sentir l'ineptie
des allusions par lesquelles ces hérétiques
voulaient tirer leurs éons et leurs fables de
quelques passages de l'Ecriture sainte ; il
montre le ridicule de leur méthode d'argu-
menter sur la valeur numériqui; des lettres
de l'alphabet, comme les juifs cabalistes ont
fait dans la suite. Chap. 27 et 28, il dit que
l'on doit chercher la vérité dans ce que l'E-
criture sainte a de plus clair, et non dans
des paraboles auxquelles on peut donner
telle explication que l'on veut. 11 s'en faut
donc beaucoup que saint Irénée ait été
aussi prévenu qu'on le prétend en faveur
des explications allégoriques et mystiques
de l'Iîcriturc ; s'il s'en est servi quelquefois,
c'était pour en tirer des leçons de morale, et
non pour appuyer des dogmes, comme fai-
saient les hérétiques.
Dans son iir' livre , le saint docteur s'at-
tache à réfuter le subterfuge des valenli-
niens, qui prétendaient avoir reçu leur doc-
trine de .lésus-Clirist même par des tradi-
tions secrètes, par des instructions qu'il n'a-
vait données qu'à quelques-uns de ses dis-
ciples les plus inielligenis. C'est une absur-
dité, dit-il, c. 1, 2 et 3, de supposer que Jé-
sus-Christ a coiitié sa doctrine à d'autres
qu'aux afiôtres qu'il avait chargés do prê-
cher son Evangile et de fonder des églises :
or, ceux-ci n'ont commencé à prêcher et à
mettre l'Évangile par écrit qu'après avoir
reçu le Saint-Esprit qui devait leur ensei-
gner toute vérité. Il n'est pas moins ridicule
d'imaginer que les apôtres ont confié la doc-
trine de Jésus-Christ à d'autres qu'aux pas-
teurs qu'ils ont établis fiour enseigner et
gouverner les églises après eux. C'est donc
dans la tradition et dans l'enseignement
constant de ces églises , qu'il faut chercher
la vérité; il faudrait eneore y avoir recours
et s'y attacher, (|uand même les apôtres iiC
nous auraient rien laissé par écrit. Or, cette
tradition n'est conservée et annoncée nulle
part avec plus de certitude cl plus d'éclat
que dans l'Eglise romaine , fondée par les
apôtres saint Pierre et saint Paul, et dans la-
quelle la succession des évoques a été con-
stante depuis ces apôtres jusqu'à nous. — Les
protestants, qui ont pris pour principe fon-
damental de leur secte qu'il faut chercher la
vraie doctrine de Jésus-CJhrist dans l'Ecriture
seule, sans avoir aucun égard à la tradition
ou à l'enseignement de l'Eglise ; qui soutien-
nent que celle de Uome a introduit parmi
les chrétiens , dans la suite des siècles , une
infinité de nouveaux tlogmes , ne peuvent
pardonner à saint Irénée d'avoir él.ildi une
règle toute contraire; c'est pour cela qu'ils
ont tant déprimé ses talents et ses écrits.
955
VAL
-VAL
958
Mais leurs clameurs ni leurs reproches ne
donneronl jamais atleinle à la solsdilé des
réflexions el des raisonnements de ce Père.
A quoi servait de citer l'Ecriture seule à des
hérétiques qui pervertissaient le sens de tous
les passages? qui, pour les entendre comme
il leur plaisait , s'attribuaient des lumières
«upérieures à celles de tous les docteurs de
l'Eglise, même à cellesdesapôtres ? S. Ircn.,
ibuL, c. 2, § 2. Comment les confondre, si-
non en démontrant la sagesse et la solidité
du plan que Jésus-Christ avait suivi pour
perpétuer l'enseignement de sa doctrine
dans sou Eglise? Ce plan est toujours le
même depuis dix-sept siècles, et il servira
toujours également à réfuter les hérétiques,
de quelque secte qu'ils soient.
Ch. 5 cl suiv., saint Irénée fait voir que
nos quatre Evangiles, qui sont les seuls au-
thentiques, el les autres écrits des apôlres ,
renferment une doctrine tout opposée à celle
des valentiniens. Ils nous apprennent à con-
naître un seul Dieu, qui a tout créé par son
^'er!)e, un seul Jésus-ChrisI, Fils unique de
Dieu , vrai Dieu et vrai homme , né de la
A'ierge Marie, un seul Saint-Kspril, Dieu et
Seigneur comme le Père et le Fiis. 11 montre
que la même foi , la même doctrine , a été
enseignée par les prophètes de l'Ancien
Testament; d'où il conclut qu'ils ont clé en-
voyés et inspirés par le même Dieu qui a
dans la suite envoyé son Fils unique pour
nous instruire, et non par un esprit ennemi
de Dieu, comme les valentiniens osaient le
dire. Il réfute de temps en temps les objec-
tions de ses adversaires, et les fausses in-
terprétations qu'ils donnaient aux prophé-
ties.
Dans le iv livre, il continue à démontrer
qu'il y a une conformité parfaite entre l'An-
cien Testament et le Nouveau, d'où il ré-
sulte que le même Dieu est également au-
teur de l'un et de l'autre ; il concilie les di-
vers endroits que les hérétiques préten-
daient être opposés ; il réfute les reproches
qu'ils faisaient contrôles saints personnages
de l'ancienne loi , et que les incrédules ré-
pètent encore aujourd'hui. Il se fonde prin-
cipalement sur la conduite de Jésus-Christ ;
ce divin Sauveur a constamment nommé son
Père le Créateur, et il l'a fait connaître aux
hommes comme le seul Dieu , comme lo
même que les patriarches ont adoré, et qui
a inspiré les prophètes, et il a déclaré «lue
leurs oracles ont été accomplis dans sa per-
sonne. Loin de détruire la loi ni les prophè-
tes, il est venu pour en démontrer la vérité;
il a confirmé la loi morale du décalogue
dans tous ses points. Quoique cette discus-
sion soit assez longue , saint Irénée n'y a
point recours à des explications mystiques,
allégoriques ni arbitraires, semblables à
celles des valentiniens , il ne s'appuie que
sur le sens littéral et naturel du texte sa-
cré.
Le v livre est une suite du précédent : ce
Père y continue de prouver par des passa-
ges du Nouveau Testament les divers articles
de notre foi contestés et contredits par les
hérétiques.
Après cette courte analyse, nous ne crai-
gnons plus de demander aux critiques si les
arguments de saint Irénée contre les valen-
tiniens sont frivoles , sans justesse et sans
solidité; si ces hérétiques étaient en état de
les détruire ; si ceux qui se croient aujour-
d'hui plus savants que les Pères sont capa-
bles d'en donner de meilleurs. Ils diront sans
doute que ce petit nombre de vérités est
noyé dans une infinité de choses accessoires.
Soit. Etait-il possible de faire autrement, en
écrivant contre cinq ou six sectes héréti-
ques, qui ne s'accordaient que dans le fond
du système, et qui en variaient les acces-
soires à l'infini? Dans tout son ouvrage, le
saint docteur ne perd jamais de vue ce qu'il
avait à prouver , l'unité de Dieu, son pou-
voir créateur, sa providence générale, tou-
jours sage et bienfaisante dans la dispensa-
tiou des lumières de la révélation, dans l'ou-
vrage de la rédemption et du salut des hom-
mes. — Ils en reviendront peut-être à leur
subterfuge. ordinaire, en disant que ce Père
n'a pas bien compris les opinions des valen~
tiniens. Mais il nous assure lui-même qu'il
avait disputé plus d'une fois avec eux, liv. n,
chap. 17, n. 9. Ces sectaires étaient donc là
pour s'expliquer et pour le contredire, s'il
leur avait attribué faussement quelque er-
reur ; Tertullien , Clément d'Alexandrie ,
saint Epiphane , leur attribuent les mêmes
opinions que saint Irénée. Celui-ci a écrit
dans les Gaules, Tertullien en Afrique, Clé-
ment en Egypte, presque en même temps ;
se sont-ils donné le mot pour en imposer de
mêiiie, ou ont-ils été trompés par la même
illusion ? Clément avait lu les livres de Va-
ientin, puisqu'il les cite, et qu'il rapporte
un long fragment de Théodote, l'un des dis-
ciples de Valentin. Origène a donné plu-
sieurs extraits du commentaire d'Héracléon
sur l'Evangile de saint Jean. Grabe, Spicil.
Hœret., sect. 2. Il aurait été impossible à
saint Irénée d'entrer dans un si grand détail
des opinions différentes des gnostiqucs, s'il
n'avait pas vu leurs écrits.
Tout cela ne persuade point nos adver-
saires. « Je ne saurais croire , dit Beauso-
bre, que A alentin fût assez fou pour imagi-
ner que des passions , qui ne sont que des
modifications d'une substance , fussent des
substances réelles... Je ne croirai jamais
que des philosophes, et de savants philoso-
phes, aient pensé d'une manière si absurde
et si contradictoire. » Ilist. du manich.,
liv. V, ch. 1, § 11. Ce critique était le maître
de croire tout ce qui lui plaisait, et de nom-
mer grands philosophes une troupe d'insen-
sés ; tel était son entêleuieat. Selon lui, les
hérétiques ont étéincapables d'enseigner des
absurdités ; mais il n'est aucun Père de l'E-
glise qui n'ait été capable de leur en attri-
buer, malgré la notoriété publique, soit par
défaut d'intelligence, soit par défaut de bonne
foi. Ce fanatisme de Beausobre ressembla
beaucoup à celui des valentiniens. — Mos-
heim , plus modéré, s'est borné à dire que
937
VAL
VAL
9.')3
les anciens docteurs, trompés par la variété
des noms, oui souvent divisé mal à propos
une secle en plusieurs branches ; que l'on
peut douter s'ils nous ont toujours instruits
9u vrai delà nature et du sens des opinions
dont ils parlent, Hist. ecclés., ii' siècle,
11 part., chap. 5, § 18. Encore une fois , ce
n'est pas lu faute des Pères, si dans uno
troupe de raisonneurs, dont les uns doirma-
tisaient en Asie, les autres en Europe , et
qui tous se prétendaient illuminés, il n'y en
avait pas deux qui pensassent altsolument
de même, ou qui aient persévéré loufçtcmps
dans les mêmes opinions. Les Pères n'ont pu
savoir que ce que disaient ees sectaires dans
leurs écrits et dans les disputes que l'on
avait avec eux; c'est donc à ces derniers
qu'il faut s'en prendre, s'ils ne se sont pas
expliqués aussi clairement (lue le voudraient
les critiques modernes.
On nous demandera encore comment les
V(tlenliniens et les autres gnostiques ont pu
faire des prosélytes, en enseignant des er-
reurs aussi absurdes. Saint Irénéc et Ter-
(ullicn nous l'apprennent; ils peignaient les
pasteurs de l'Eglise comme des i'^norants et
des esprits faillies, incapables d'entendre la
véritable doctrine; ils vantaient les lumières
supérieures des maîtres par lesquels ils pré-
tendaient avoir été instruits ; ils affectaient
d'abord un air mystérieuv, afin d'exciter la
curiosité; ils [iromeitaient de s'expliquer
plus clairement dans la suite; ils faisaient
espérer à leurs prosélytes que bientôt ils en
sauraient plus que les docteurs; ils leur re-
commandaient un secret inviolable, lis ci-
taient au hasard quelques passages de l'E-
criture dont ils tordaient le sens , etc. Ca
manège a été celui de la plupart des héréti-
ques , et il n'a pas mal réussi aux fonda-
teuis du prolestanlisme. Hien n'est plus
inintelligible que les commentaires des va-
lentiniens sur les Evangiles ; plus ils étaient
obscurs, plus ils étaient admirés par les es-
prits superficiels. On en ser;/t moins étonné,
si l'on considérait jusqu'à quel point la phi-
losophie païenne avait aveuglé et perverti
la plupart des esprits.
Nous ne parlerons point Ce la morale des
valenliniens, elle était la même que celle des
autres gnostiques; nous l'aions exposée en
son lieu, et nous en avons f.iit voir les per-
nicieuses conséquences. Saint Irénée nous
assure que plusieurs en enseignaient une
détestable , et l'on ne peut pas douter qu'un
très-grand nombre ne l'aient suivie dans la
pratique. Mais les anciens ne nous appren-
nent point en quoi le culte extérieur de ces
hérétiques était différent de celui des ortho-
doxes. Quoi qu'il en soit, les opinions et la
conduite de ces anciennes sectes nous don-
nent lieu de faire des réflexions plus impor-
tantes que les observations critiques des
protestants ; on doit nous pardonner de les
avoir répétées plus d'une fois. 1° Ces héré-
sies sont aus«i anciennes que le chrisiiu-
nisme , elles remontent au temps des apô-
tres; leurs chefs n'avaient aucun respect
pour les disciples de Jésus-Ciirist, puis-
qu'ils les regardaient comme des ignorants
qui n'avaient aucune teinture de philoso-
[ihie, et qui n'avaient pas su prendre le vrai
sens de la doctrine de leur Maitre. Mais si
ces illuminés refusaient l'intelligence aux
apôtres, ils ne contestaient pas leur bonne
foi , ils ne rejetaient pas leur témoignage
touchant les faits delà naissance, de la pré-
dication, des miracles, de la mon, de la ré-
surrection et de l'ascension de Jésus-Christ.
Ils avouaient que tout cela s'était fait en
apparence; ils ne soutenaient donc pas quo
tout cela était faux , que les apôtres et les
évangôlislcs en avaient imposé, quo l'his-
toire qu'ils en avaient écrite était fabuleuse.
S'il y avait eu quelque preuve ou quelque
témoignage conlraiie , quelque moyen d'at-
tacjuer la narration des évangélisles , ces
sectaires n'auraient pas manqué de s'en pré-
valoir pour riulérèl de leur systiine. Puis-
qu'ils ne l'ont p is fait, il faut que les faits
publiés par les apôtres aient été d'une noto-
riété incontestable. S'ils sont vrais, la divi-
nité du christianisme est démontrée. — 2° 11
s'i'usuit encore que l'authcnticilé de nos
quatre Evangiles était universellement re-
connue , puis(|ue les gnostiques ne niaient
pas qu'ils eussent été écrits par les quatre
auteurs dont ils portent les noms. Saint Iré-
née témoigne que les valenliniens admet-
taient en particulier celui de saint Jean, et
Cela est prouvé par les commentaires d'Hé-
racléon sur cet Evangile. Ils lui donnaient
piobaltlcmeni la préférence , parce qu'il
avait été écrit le dernier de tous, et parce
que saint Jean rapporte plus au long que
les aulres évangéliites les discours du Sau-
veur; mais ils ne prétendaient point que les
trois autres fussent des livres supposés. On
disputait sur le sens de ces livres , chaque
parti [irétendait y trouver sa propre doc-
trine; ce n'élaient donc pas des écrits apo-
cr3phes ou inconnus. Lorsuuo les héréti-
ques osèrent en forger d'autres dans la suite,
les do( leurs chrétiens ne furent pas dupes
de cette imposture. Ils s'en rapportèrent au
témoignage des églises fondées par les apô-
tres, qui avaient reçu d'eux nos Evangiles,
et non d'autres, comme authentiques et ins-
pirés (le Dieu, l'elle est la règle qui a servi
à prouver la canonicité de tous les écrits
de l'Ancien et du Nouveau Teslament. —
3' Lorsque les incrédules ont dit (jue, pen-
dant les trois premiers siècles, le christia-
nisme s'est établi dans les ténèbres, à l'insu
du gouvernement romain et des magistrats,
ils ont montré une profonde ignorance de ce
qui s'est passé pour lors. On disputait sur la
doctrine chrétienne à Rome, en Afrique, en
Egypte et dans toutes les provinces de lO-
rient ; Gelse l'a reproché aux chrétiens, et
tous les monuments de l'histoire ecclésiasti-
que en déposent. Il est impossible que ces
contestations n'aient pas fait du bruit, et
n'aient excité souvent l'altention du gou-
verîiement. Loin d'être scandalisé de ces dé-
bats, nous bénissons la providence de les
avoir permis ; ils démontrent que dès sa nais-
sance le chiistiiiaisoïc u été examiné avec
959
VAL
VAR
960
des ycnx crKiqucs et malins, que l'on en a
discuté 1rs dogmes, la morale, le culte, les
titres et les monuments, que personne n'a
pu l'embrasser par ignorance et sans le bien
connaître. — i" LfS erreurs grossières des
différentes sectes de gnosiiqiies nous mon-
trent les services importants que In philoso-
phie a rendus an genre humain, et les con-
naissances merveilleuses qu'elle a commu-
niquées à ses sectateurs. Par là nous pou-
vons juger si saint Paul a eu tort île la mé-
priser, de l'appeler une fùlie, et d'avertir les
fidèles de s'en défier. Un fait ccriai», c'est
que !e christianisme n'a point eu de plus
grands ennemis que les philosophes ; ils ont
combattu contre celte sainte religion pendant
près de trois cents ans, sans vouloir ouvrir
les yeux à la lumière ; plusieurs de ceux qui
avaient fait semblai't de l'embrasser entre-
prirent de changer la doctrine, et de lui
substituer les rt'ves systématiques dont ils
étaient infatués; quand ils virent que leurs
ruses, leurs sophismes, leurs écrits, n'abou-
tissaient à rien , ils finirent par souffler le
feu de la persécution contre les fidèles. Heu-
reusement quel(iues-uns furent plus sensés
et de meilleure foi ; ils devinrent sincère-
ment chrétiens, ils furent les apologistes et
les prédicateurs de la doctrine de Jésus-
Christ ; ils montrèrent que c'était une phi-
losophie plus sage et plus vraie que celle
qu'avaient enseignée les plus grands génies
du paganisme; tels furent saint Justin, Athé-
nagore, Tatien, Herniias, saint Irénée, saint
Théophile d"Antioche, Origène, Clément d'A-
lexandrie, etc. La plupart des systèmes phi-
lo80|)hi(]uos ne sont connus que par la réfu-
tation qu'ils en ont faite. Aujourd'hui quel-
ques censeurs bizarres leur savent mauvais
gré d'avoir battu les philosophes par leurs
propres armes. — b° L'affectation des pro-
lestants de vouloir justifier tous les héréti-
ques aux dépens des Pères de l'Kglise, dé-
montre que le caractère de l'hérésie est tou-
jours le même; depuis dix-sept siècles il n'a
pas changé. Quand on y regarde de près,
on voit qu'il n'y a pas une très-grande dilTe-
rence entre la conduite des gno^tiques et
celle des protestants. Les premiers, en vrrtu
des lumières supérieuresqu'ils s'attribuaient,
se vantèrent <le mieux entendre et de mieux
expîiquer l'Ecriture sainte que les pasteurs
de l'Eglise catholique; les seconds préten-
dent au même privilège parle secours d'une
grâce du Saint-Esprit, qui ne manijue ja-
mais à aucun particulier de leur secte. Les
valenliniens citaient à l'appui de leurs com-
mentaires une tradition cachée et conservée
parmi un petit nombre d'illuminés; les pro-
testants ont soutenu que dans tous les siè-
cles il y avait eu dans le sein de l'Eglise un
certain nombre de partisans secrets de la
vérité , mais qui n'osaient se déclarer ni
faire profession publique de leur croyance ;
ils ont appelé ensuite à leur secours les ma-
niehéeiis, les albigeois, les vaudiiis, les luis-
.sites, les vicléfiles, révoltés com.c eus con-
tre l'enseignement de l'Eglise lalholiquc.
Les gnostiques liraient vanité de leurs con-
naissances philosophiques, ils préféraient
l'autorité des philosophes à celle des apô-
tres et de leurs disciples; les prétendus ré-
formateurs étalèrent avec faste l'érudition
qu'ils s'étaient acquise par l'étude des lan-
gues, de la critique, de l'histoire, de la belle
littérature ; on les crut supérieurs, même en
fait de théologie , non-seulement au clergé
qui enseignait pour lors, mais aux docteurs
catholiques de tous les siècles. Cependant
l'enseignement public, constant, uniforme
de l'Eglise, a prévalu à tous les efforts des
anciens hérétiques ; vingt sectes plus ré-
centes l'ont vainement attaqué depuis ce
temps-là, il se soutient toujours et persévère
comme au second siècle. Ce phénomène
suffit pour nous faire comprendre où se
trouve la vraie doctrine de Jésus-Christ.
VALÉSIENS, ancienne secte d'hérétiques
dont l'origine et les erreurs sont peu con-
nues ; saint Epiphane, qui en a fait mention,
Hœr. 58, dit qu'il y en avait dans la Pales-
tine, sut le territoire de la ville de Philadel-
phie, au delà du Jourdain. Ils tenaient quel-
ques-unes des opinions des gnostiques, mais
ils avaient aussi d'autres sentiments ditïé-
rents. Ce (jue l'on en sait, c'est qu'ils étaient
tous eunuques, et qu'ils no voulaient point
d'autres hommes dans leur société. S'ils en
recevaient quelques-usis , ils leur interdi-
saient l'usage de la viande, jusqu'à ce qu'ils
se fussent nmlilés; alors ils leur permettaient
toute espèce de nourriture, parce qu'ils les
croyaient dès ce moment à couvert des mou-
vements déréglés de la chair. On a cru aussi
qu'ils mutilaient quelquefois par violence les
étrangers qui passaient chez eux , mais ce
fait n'est guère probable ; les peuples voi-
sins se seraient armés contre eux, et les au-
rait exterminés. Comme saint Epiphane a
pl.icé cette hérésie entre celle des noétiens et
celle des novaliens, l'on présume qu'elle;
existait versl'anaiO; mais elle n'a paspus'éy
tendrebeaucoup,ni subsister longtemps. Tille-
vaoïtl, iilém. pour t'Hist. eccl<'s., 1. 111, p. 262.
VALLOAIBREUSE. L'ordre des religieux
de Vallombreuse est une réforme de celui de
saint Benoît, par saint Jean Gualberl , et
approuvé par le pape Alexandre II, l'an 1070.
Elle a pris son nom d'une vallée fort agréa-
ble de la Toscane, dans le diocèse de Fié-
soli, et éloignée de Florence d'une demi-
jouinée de chemin. Saint Jean Gualberl^
moine de l'abbaye de saint Minial, se relira
dans cette solitude avec quelques ermites*,
il y fonda un monastère , y fit suivre la règle
de saint Benoît dans toule son austérité pri-
mitive , et il y ajouta quelques constitutions,
11 prit avec ses religieux un habit couleur
de cendres ; il leur recommanda beaucoup
la retraite , le silence , la pauvreté ; avant sa
mort , qui arriva l'an 1073 , il eut la conso-
lation de voir douze maisons qui suivaient
son institut. On dit qu'il est le premier qui
ait reçu des frères convers, usage qui fut
bientôt suivi parles autres ordres, mais qui,
dans la suite, a causé des abus.
VARIANTES. On appelle ainsi les différen-
ces de leçon qui se trouvent entre les divers
961
VAR
VAR
963
exemplaires inapriinés ou manuscrits , soit
du texte «le l'Ecriture sainte, soit des ver-
sions. Lorsqu'un livre est Iros-ancien et
qu'il a élé copié uni; infinité de l'ois, il est
impossible qu'il ne se trouve des variétés en-
tre les dillérentcs copies ; l'attention des co-
pistes ne peut jamais être ,issez cv.icle pour
éviter jusqu'aux moindres fautes ; ainsi plus
les copies sont en {;rand nombre, plus il
doit s'y trouver de varianlcs. (k'ia est arrivé
à i'éjjard des autours profanes, aussi bien
qu'à l'égard des écrits des auteurs sacrés. 11
y a même de ces espèces de fautes qui ont
été faites à dessein, mais innocemment,
comme lors(|u'un copiste a cliani;é un nom
de lieu ancien en un nom moderne plus
connu, lors(|u'il a mis dans le texte une
note ou une explication qui était à la marge,
lorsqu'il a cru qu'il y avait une faute d en i-
lure dans l'exemplaire qu'il copiait, et qu'il
a voulu la corrij,'er, etc. Quoiqu'il se soit
trouvé une tsrande multitude de variantes
entre les maiiUï<crits de plusieurs auteurs
grecs ou latins , cela ne nous empêche pas
de nous lier aux éditions dans lesquelles ou
a pris beaucoup de peine pour les corriger ;
au contraire , plus l'on a confronté de ma-
nuscrits , plus l'on a corrigé de fautes, plus
nous sommes certains d'avoir enlin le texte
de l'auteur pur et entier. Nous ne voyons
pas pourquoi certains critiques soupçonneux
ont raisonné dilïéremmeut à l'égard des livres
de l'Ecriture sainte.
Lorsque le docteur Mill , théologien an-
glais, après avoir comparé un grand nombre
d'exemplaires grecs du Nouveau Testament,
eut recueilli toutes les variantes, et les eut
annoncées au nombre de plus de trente
mille , on crut d'abord que l'autlienticilé du
texte en recevrait quelque atteinte , et quel-
ques incrédules triomphèrent d'avance. Niais
lorsqu'elles ont élé imprimées à coté du
texte, l'on a vu que le très-grand nombre
sont minutieuses, indifférentes, ne changent
rien au sens des passages ; que si quelques-
unes varient la signification, c'est sur des ob-
jets très-peu importants, et non sur aucun
des dogmes de foi. On a remarqué que dans
ces cas-là même la leçon conmiiuK! peut être
encore la plus sûre, et que loin de jeier du
doute sur l'aulhenticitè ou sur l'inlegrilé du
texte, ces variétés la prouvent invincible-
ment. H en a élé de même des tariinUes du
texte hébreu, que le docteur Keunicol a pris
soin de recueillir avec toute l'exactitude pos-
sible : il en avait annoncé d'abord de très-
importantes ; depuis qu'elles sont imprimées,
à peine en Irouve-t-on quelques-unes qui
changent notablement le sens, et qui méri-
tent l'attention des théulouiens. Dans le
prospectus de ce travail immense, l'auteur
a fait une observation qui n'est pas à négli-
ger, c'est que plus les manubcrits hébreux
sont anciens, mieux ils s'accordent avec les
ancicimes versions et avec le Nouveau Tes-
tament. Il y a donc tout lieu de présumer
que nous possédons euQn le texte hébreu
dans toute sa pureté, et que la hardiesse
avec laquelle certains critiques oui supposé ^
des fautes, n'est pas un exemple à suivre.
Il y a encore plus de raison de blâmer la
témérité de quelques protestants qui ne man-
quent jamais de soupçonner des rnrrj/ire.s- ,
des additions ou des interpolations dans le
texte des auteurs, lorsqu'il ne s'accorde pas
avec leurs opinions. Si cette méthode était
légitime, nous ne pourrions plus nous fier à
aucun ancien monument ; si elle était ad-
mise dan< les tribunaux, les litres de nos
possessions ne serviraient plus à rien. Quel-
que usage que l'on en fasse, elle ne peut
aboutir qu'a établir le pyrrhonisme histori-
que. VOIJ. ClliTIQUK.
VAlUAl'ION, changement dans la doc-
trine. Tout le monde connaît l'histoire qu'a
faite le savant Bossuet des variations qui
sontarrivécs dans ladoclriiie des prolestants.
Cet ouvrage a été reçu avec applaudissement
parlons les catholiiiues ; il jouit et jouira
toujours parmi nous de la même esiime ,
parce qu'il est solide, et que rien n'y est
avancé sans preuve. On ne peut le lire sans
être frap|ié de l'inconstance que les proles-
tants ont montrée dans leur croyance ; dès
leur origine, on voit que les prétendus ré-
formateurs ont coinmencé par rompre avec
l'Eglise catholique , sans s.ivoir avec certi-
tude si sa doctrine était vraie ou fausse , à
quel sentiment ils devaient s'attacher, ce
qu'il fulldit croire ou ne pas croire. Le seul
principe invarialde chez eux a été qu'il fal-
lait, à quelque prix que ce fût , contredire
l'Eglise romaine.
Les prolestants ont senti toute la force de
celle objection, et la nécessité d'y répondre.
Ils ont cru le faire en s'elTorçant de prouver
que la doctrine des Pères de l'Eglise n'a pas
toujours clé la même ; qu'ils ont changé de
sentiment sur plu'iieurs questions, que sou-
vent ils n'ont pas été de même avis sur cer-
tains points de croyance ou de pratique.
Pour le faire voir, Basnage a composé son
Histoire de l'Enlisé, en deux volumes in-folio;
lieausobre et d'autres onl soutenu la même
chose , et se sont Haltes d'avoir poussé ce fait
jusqu'à la démonstration. ,'\iais cette apologie
n'a pu faire illusion qu'à des esprits super-
Uciels et (|ni onl commencé par perdre de
vue le point de la question. Pour prouver
que les protestants ont \unc dans leur foi,
Uossuet n'a point cité le sentiment de quel-
ques docteurs de leurs différentes sectes ,
mais leurs confei:sioni de foi, les décisions
de leurs synodes. Il ne s'est point altachéà
d<>s queslions qui pouvaient paraître indif-
férentes à la foi, mais à des articles que les
protestants regardaient comme Irès-esseo-
tiels, qui ét.iienl, à leur avis, autant de
motifs sulûsants de se séparer de l'I^glise
romaine, et qui dans la suite ont été par-
mi eux une cause de schisme, de division,
de rupture de toute fraternité. Pour nous
borner à un seul exemple, lorsque les lu-
thériens présentèrent leur confession de foi
à la diète d'Augsbonrg, ou ils croyaient que
la doctriue qui y était contenue était la vraie
doctrine de Jesus-Clirist, ouils ne le croyaient
pas : s'ils ne le croyaient pas , ils couimel^
063
VAS
taient une impostare, en présentant celte
doctrine comme un juste sujet de se séparer
d'avec l'iîglise romaine ; s'ils le croyaient ,
tous tes changements qui ont été faits dans
cette confession de foi ont été autant de
variations dans la foi. On doit dire la même
chose de luus les autres formulaires de
doctrine dressés , soit par les luthériens ,
soit par les calvinistes.
Donc, pour convaincre l'Eglise romaine
d'avoir varié dans sa foi, il fallait alléguer
des décisions contradictoires sur le même
dogme de loi, faites par des conciles géné-
raux ou par des conciles pariiculiers généra-
lement rospeclés par U-s catholiques. Il fal-
lait montrer que les Pères, qui ont eu des
sentiments différents de ceux que l'on suit
aujourd'hui, les ont proposés comme des
dogmes de foi, desquels il n'était pas permis
de s'écarler. 11 fallait faire voir que quand
les Pérès n'ont pas été de même avis, ils
n'ont pas laissé de regarder comme héréti-
ques ceux qui ne pensaient pas comme eux,
qu'ils ont fait schisme avec eus, de peur de
mettre leur salut en danger. Il fallait prou-
ver que des points de doctrine, crus aujour-
d'hui dans l'Eglise catholique comme articles
de foi, sont contraires au sentiment unanime
ou presque unanime des Pères. Aucun des
protestants n'en est venu à bout, aucun n'a
seulement osé l'entreprendre. Cent fois on .
leur a dit que le sentiment particulier de
deux ou trois Pères de l'Eglise n'est ni une
décision, ni une tradition, ni un dogme de
foi, surtout lorsqu'il est contraire à celui
de plusieurs autres docteurs également res-
pectables ; que jamais l'Eglise catholique ne
s'est fait une loi de le suivre ; que, comme
l'a remarqué Vincent de Lérins au cinquième
siècle, une tradition ou un article de foi est
ce qui a été enseigné par le plus grand nom-
bredes Pères, dans tous les lieux et dans tous
les temps : Quod ab oinnibus , quod ubiquc ,
qnod semper : N'importe, comme il est de
l'inlérêl des protestants de supposer le con-
traire, pour tromper les simples, ils n'en
démordront jamais. Voy. TRADiTio>.
Si des confessions de foi dressées par eux
avec tout l'appai eil possible, si des décisions
de synodes auxquelles tous leurs docteurs
sont obligés de souscrire, si des formulaires
do doctrine, passés en foi et commandés
sous des peines afilictives, ne suffisent pas
pour nous apprendre ce qu'ils croient ou ne
croient pas , comment pouvons-nous savoir
s'ils ont une loi ou s'ils n'en ont point ?
VASE. Ce terme, dans l'Ecriture sainte, est
très-général; il désigne des choses fort diffé-
rentes. 1° En parlant du tabernacle et du tem-
ple, il signifie tout ce qui y était renfermé,
soit pour l'ornement, soilpourservirau culte
divin; dans le même sens, /l/an/t.,c.xii,v. 29,
il désigne les meubles d'une maison. 2° Vasa
jisalmi, vasa canlici , sont des instruments de
inusiquede toute espèce. 3°SaintPaul appelle
notre corps un vase : Nous portons la grâce de
Bieudansdes vases fragiles [llCor., iv,7; /
Thess., IV, k). k° Jacob, voulant dire que ses
deux fils, Siméon et Lévi, étaient des guerriers
VAS 964 ]
féroces et injustes, les appelle vasa iniquita-
lis bellantia (Gen. xlix, 5). 5* Dans le ps. vu,
v. l't, des flèches meurtrières sont appelées J
des instruments de mort, rasa morlis. 6° Ce I
même terme désigne une personne de la- 1
quelle Dieu veut se servir comme d'un ins-
trument pour exécuter ses desseins. Act. ,
c. IX, 15, Dieu dit que saint Paul est un vase de
choix, ou plutôt un instrument qu'il a choisi
pour porter son nom chez les nations, etc.
Ce même apôtre appelleuases de miséricorde,
vases de gloire, ceux que Dieu a daigné ap-
peler à la foi, et vases de colère, vasrs d'igno-
minie, ceux qu'il laisse dans l'infidélité, Rom.
c. IX, v. 21 et seq. Si Dieu , dit-il , voulant
montrer sa colère et faire voir sa puissance ,
a souffert avec beaucoup de patience les \&-
sESDEcoLkREpréparéspourlaperdition,elc.,)>
cela ne signifie point que Dieu les a créés
par colère, et qu'il les a préparés exprès pour
les perdre , mais qu'ils se sont déterminés
eux-mêmes à périr. Autrement il ne serait
pas vrai de dire que Dieu les a soufferts avec
beaucoup de patience , afin de montrer sa
puissance. Ce n'est point eu damnant les mé-
chants que Dieu fait paraître sa puissance,
mais en les convertissant et en les sauvant.
Ainsi l'expliquent saint Jean Chrysoslome,
JIomil.i6,in Epist.adRotn.,n. 8,0pp. t. IX,
p. Glt); Origènc, in Epist. ad Rom., 1. vu,
n. ÎG, t. IV, p. 613; S. Basile, Op. tom. Uj
p. 77; S. Augustin, ad Simplic, 1. n,n. 18,
t. VI, col. 99.
VASES SACRÉS. On appelle ainsi les vases
qui servent à consacrer et à renfermer l'eu-
charistie, comme les patènes, les calices, les
ciboires, les pyxides, etc. On ne les emploie
à cet usage qu'après que l'évêque les a bé-
nits et consacrés par des prières et par des
onctions. Cette pratique est ancienne, puis-
qu'elle est prescrite par le sacraraentaire de
saint Grégoire , édit. de Ménard, p. 15'i- et
155. Mais ce pontife n'en est pas l'auteur,
puisqu'il n'a fait que rédiger el copier le sa-
crameiitaire du pape Gélase, écrit au y siè-
cle ; el ce dernier ne s'est pas donné pour
inventeur des prières et des cérémonies qu'il
rassemblait. Saint Célestin , au commence-
ment de ce même siècle, écrivait aux évê-
ques des Gaules que les prières sacerdotales
étaient de tradition apostolique , et qu'elles
étaient uniformes dans toute l'Eglise catho-
lique. — Des vases consacrés à servir à nos
saints mystères ne doivent plus être em-
ployés à des usages profanes ; on ne permet
plus aux laïques de les toucher, ni même
aux simples clercs , sinon du consentement
de l'évêque; mais il en accorde la permis-
sion aux sacristains , et même aux sacri-
stines chez les religieuses. Ainsi l'Eglise té-
moigne son respect pour le corps et le sang
de Jésus - Christ , qu'elle croit réellement
présent sous les symboles eucharistiques.
Les protestants, qui n'ont plus cette foi, met-
tent au môme rang les vases qui servent à
leur cène que les meubles les plus vils ; ils
traitent de superstitions les bénédictions et
les consécrations usitées dans l'Eglise ro-
maine. C'est, disent ils, une absurdité de
965
VAU
VAU
90fl
penser qne des cérémonies peuvent commu-
niquer une espèce de sainielé à un vase, à
un meuble, à un corps quelconque. Au mot
Consécration, nous avons prouvé le con-
traire par des passages formels de l'Ancien
et du Nouveau Testament , et nous avons
fait voir que les protestants, qui ne cessent
de nous renvoyer à l'Ecriture sainte, ne la
consullonl point et n'y ont aucun égarJ.
VAUD(»IS , socle d'hérétiques qui a fait
beaucoup de bruit en France dans le xi!'= et
le xiii' siècle. 11 n'en est peul-ôlrc aucune
dont l'origine ail été plus contestée , qui ait
donné lieu à des récits plus o[)posés et à un
plus grand nombre de calomnies contre l'E-
glise romaine. Mais puis(|ue l'un a tant fait
d'cflorls pour répandre des nuages sur celle
question, nous ne devons rien négliger pour
savoir à quoi nous en tenir.
F-c savant Uossuil, dans son Histoire des
Variations (Ica protestants,], ir, §71 etsuiv.,
nous fait connaSIie les vnuduis, non-seule-
ment par ce qu'on ont dil les auteurs con-
temporains, mais par le témoignage de ceux
qui les ont interrogés, qui ont travaillé à les
instruire, et qui sont quelquefois venus à
bout de les convertir. 11 nous apprend que
ces sectaires, nommés aussi pauvres de Lyon,
léonistes, ensahalcs ou insabalcs, parce qu'ils
portaient des savates ou des sandales , ont
commencé l'an 1160, par un nommé Pierre
Valdo, marchand do Lyon. Il se persuada
que la pauvreté évangélique était absolu-
mentnécessaireau salut, il en donna l'exem-
ple en distribuant tous ses biens aux pau-
vres, et il vint à bout do persuailer son opi-
nion à d'autres ignorants. Us conclurent de
là et publièrent que, puisque les prêtres et
les ministres de l'Eglise ne pratiquaient pas
la pauvreté apostolique, ce n'étaient plus de
vrais ministres de Jésus-Christ; qu'ils n'a-
vaient plus le pouvoir de remellre les pé-
chés, de consacrer le corps de Jésus-Chriit,
ni d'administrer de vrais sacrements; que
tout laïque qui pratiquait la pauvreté volon-
taire avait un pouvoir plus réel et plus lé-
gitime de faire ces fonctions et de prêcher
l'Evangile que les prêtres. Ils soutenaient
encore que, selon l'Evangile, il n'est pas
permis do jurer en justice, ni de poursuivre
la réparation d'un lorl, ni de faire la guerre,
ni de punir de mort les malfaiteurs. Telles
sont les erreurs pour lesquelles les vaudois
furent d'abord condamnés par le papi? Lu-
cius 111, vers l'an 118b ; les auteurs du temps
ne leur en attribuent point d'autres. L'on
convient généralement delà douceur, de
l'innocence, de la pureté dos mœurs de ces
premiers vaudois; c'est ce qui leur attira
d'abord un grand nombre de prosélytes parmi
le peuple, et qui fil faire à leur secte de ra-
pides progrès.
It.'iinérius Sacho, ou Ueinicr, qui avait été
ministre des albigeois, abjura leurs erreurs,
et entra cliez lesdominicains l'an 1230. Dans
le traité qu'il écrivit contre les vaudois, ou-
tre les opinions dont nous venons do parler,
il les accuse encore de rejeter le purgatoire
et la prière pour les morl^, les indulgences,
les fêles et l'invocation des saints, le culte
de la croix, des images et des reliques, le»
cérémonies de l'Eglise, le baplôme des en-
fants, la confirmation, l'estrême-onclion et
le mariage. Ils disaient que, dans l'eucha-
ristie , la transsubstauli;ition ne se faisait
pas dans les mains de celui qui consacrait
indignement, mais dans la bouche de celui
qui la recevait dignement. Ils admettaient
donc la présence réelle et la Iranssubslan-
tialion, lorsque l'eucharistie était consacrée
dignement. Pierre PyTîtilorf, qui écrivit aussi
contre les vaudois vers l'an 1230, parle com-
me Rei nier de leur origine et de leur croyance.
Il ajoute qu'ils rejetaient la messe comme
une institution humaine, et les cérémonies
de l'Eglise, à la réserve des sacrements seuls ;
qu'après un long temps ils se mêlèrent, quoi-
3ue laïques, d'entendre les confessions et do
onner l'absolution ; qu'un d'entre eux crut
faire le cor[is de Noire-Seigneur, et se com-
munia lui-même. Ainsi le fanatisme des vau-
dois, comme celui de toutes les autres sectes,
s'accrut avec le temps, et les conduisit d'er-
reurs en erreurs. Nous verrons ci-après les
causes de ce progrès.
lîasnage, qui a écrit son Histoire de l'E-
glise pour réfuter Bossuet, soutient, I. xxiv,
c. 10, § 2, que le véritable père de ces héré-
tiques est Claude de Turin, qui se sépara de
l'Eglise romaine au ix' siècle, et dont les sec-
tateurs se perpétuèrent dans les vallées du
Piémont jusqu'au xii' ; que c'est probable-
ment ce qui les fit nommer vaudois. Au mot
Claude de Turin, nous avons fait voir que
cet hérétique, disciple de Félix d'Urgel, était
comme lui dans Terreur des adoptiens, et
que son sentiment louchant l'Incarnation
tenait un milieu entre Tarianisme et le nes-
lorianisme , erreur qui fut condamnée au
viir siècle dans trois conciles consécutifs.
S'il avail laissé dos sectateurs dans les vallées
du Piémont, il serait impossible que, depuis
l'an 823 , temps auquel écrivait Claude do
Turin, jusqu'en 1185 , aucun écrivain n'en
eûl parlé ; que pendant 3()0 ans les évêques
de Turin n'eussent rien fait pour purger leur
diocèse des errouis enseignées par ce person-
nage; que le pape Lucius , en condamnant
les vaudois, ne leur eût reproché aucune do
ces fausses opinions. Ainsi, la généalogie de
ces sectaires forgée par Basnage et par d'au-
tres protestants n'a aucune vraisemblance»
Une des principales questions est de sa-
voir si les vaudois niaient, conmie les calvi-
nistes, la présence réelle de Jésus-Christ
dans l'eucharistie, et la transsubstantiation.
Bossuet soutient qu'ils ne rejetaient ni Tune
ni l'autre ; il le prouve par le témoignage
des auteurs qui ont parlé de la croyance de
ces sectaires, et nous avons vu que ni Rei-
nier ni Pylicdorf ne les en accusent point ,
qu'ils supposent plutôt le contrairo. Basnage
néanmoins prétend que les vaudois atta-
quaient ces deux dogmes ; mais il n'a dé-
truit aucune des preuves positives sur les-
quelles Bossuet s est fondé. Il dit en premier
lieu, § 5, que suivant le décret du pape Lu-
cius, les vaudois avaient des seutiments op-
967
VAU
posés à ceux de l'Eglise romaine sur le sa-
crement du corps et du sang de Jésus-Christ,
sur la rémission des péchés , sur le mariage
et sur les autres sacrements. Cela se conçoit
aisément : c'était attaquer en effet la foi de
l'Eglise romaine que d'enseigner qu'un prê-
tre riche et vicieux ne consacrait pas le corps
el le sang de Jésus-Christ, ne remettait pas
les péchés par l'absolution, n'administrait pas
validemcnt U' mariage et les autres sacre-
Dienls. Telle était la prétention dcsvaudois;
mais ils ne niaient pas pour cela que Jésus-
Christ ne fiit présent dans l'eucharistie, lors-
qu'elle était consacrée par un prêtre pauvre
et vertueux, ni qu'un tel ministre ne fût ca-
pable d'opérer validement les autres sacre-
ments. Suivant le témoignage de Ueinier,
ils pensaient que , dans le premier cas , la
transsubsiantialion se faisait dans la bou-
che de celui qui communiait dignement,
lîasnage objecte en second lieu que, suivant
le récit de Pylicdoff et d'autres , ces héréti-
ques rejetaient la messe comme une insti-
tution humaine ; donc ils n'y croyaient pas.
Mais cet historien s'expliqueassezclairement
en disant qu'ils la rejetaient avec les céré-
monies de l'Eglise, à la réserve des sacre-
ments seuls. Ils admettaient donc au moins
la substance des sacremeuls, en particulier
de celui de l'eucharistie, qui consiste dans la
consécration. Luth«r, à sou tour, retrancha
la plupart des cérémonies de la messe, sans
nier cependant le dogme de la préseace
réelle. — Ce critique oppose à son adver-
saire, en troisième lieu, § 18, le récit d'un
inquisiteur , dont on ne suit pas la date, et
deux autres pièces dont l'authenticité est as-
sez douteuse; mais il n'a pu en tirer que dos
conséquences forcées et qui ne prouvent
rien. Enfin il confond les vaudois avec les
albigeois , qui n'admettaient en effet ni la
présence réelle ni la transsubstantiation ;
mais Bossuet a démontré la différence énor-
me qu'il y avait entre les sentiments de ces
deux sectes dans leur origine; on ne peut
donc tireraucuneconséquence de l'uneà l'au-
tre. Voy. Albigeois.
Une autre question est desavoir de quelle
manière les vuudois furent traités dès leur
naissance, liossuet prétend que l'on n'exerça
aucune persécution contre eux. Basnage
soutient le contraire ; il assure que, suivant
la teneur du décret de Lucius 111, ceux qui
ne voudraient pas abjurer leur erreur de-
vaient être remis entre les mains des juges
séculiers , [jour porter la peine due à leur
crime ; mais il avoue que celle sentence ne
fut pas exécutée, parce que les papes avaient
d'autres allaires sur les bras. (Jueiles qu'aient
été les raisons de l'oubli dans lequel on laissa
ces sectaires, le fait n'en est pas moins cer-
tain. Basnage afiirme néanmoins, § 11,15, 18,
que l'an 12.>4- il y avait une persécution dé-
clarée contre eux, qu'ils avaient essuyé des
guerres cl des massacres, qu'il en fut Ue mê-
me en 13'J5, en l't73et eu iWli. Nous avons
cherché vainement des preuves posiiives de
tous ces faits. L'an 12.j't, il n'y eut en France
aucune poursuite contre les hérciiques que
VAU 958
les décrets du concile d'Albi : or, c'était une
répétition de ceux du concile de Toulouse,
tenu en 1229; ces décrets regardaient les
albigeois et non les vaudois. L'an 1393 on
ne fut Ofcupé dans le royaume qu'à trouver .
le moyen de terminer le grand schisme d'Oc-
cident concernant la papauté. En li73, nous
ne voyons aucun vestige de persécution. En
l't87, sous Charles A'ill, le pape envoya Al-
bert de Catanée , archidiacre de Crémone ,
avec des missionnaires, pour travailler à la
conversion des vaudois; mais comme ces ten-
tatives les mettaient toujours en fureur, ils
traitèrent brutalement les missionnaires ,
surtout dans les vallées de Fénestrelles el
de l'Argentier. Le marquis de Salines y fit
marcher des soldats, et il est vrai qu'il y eut
à cette occasion des combats sanglants en-
tre ces troupes et les vaudois, qui se défen-
daient en désespérés. Mais enfin les vaudois
furent obligés de se rendre, de mettre bas
les armes, et d'imidorer la clémence du roi.
Dès ce moment on cessa de sévir contre eux,
Hist. del'Egl. gallic, t. XVII, I. l, an. 14-87.
Mais les hérétiques ont toujours appelé per-
sécutions les tentatives les plus modérées
que l'on a faites pour les instruire.
Comment Basnage a-t-il pu s'obstiner à
confondre les vaudois avec les albigeois?
Ceux-ci étaient de vrais manichéens; Bos-
suet l'a démontré. Suivant Basnage, les vau-
dois étaient des sectateurs de Claude de Tu-
rin; or, cet hérétique n'a jamais professé le
manichéisme. Ce critique a cité, § 2C, le té-
moignage de Cuillaume de Puyiaurens , qui
distinguait trois sectes dilTérentes auprès
d'Albi : les manichéens, les ariens elles vau-
dois; il y a donc de l'entêtement à vouloir
appliquer à l'une ce qui ne peut convenir
qu'aux autres , et c'est mal à propos que
Basnage s'est flatté d'avoir terrassé son ad-
versaire. Aussi Mosheim, qui a examiné cette
question avec de meilleurs yeux que Bas-
nage, et qui a comiiaié tous les auteurs qui
en ont parlé, n'est pas de sou avis. 11 a ex-
posé comme Bossuet l'origine el la croyance
des vaudois, llisl. eec/^s., xu^ siècle, \V part.,
c. 5, § 11 et 12. « Leur objet, dit-il, ne fut
point d'introduire de nouvelles doclrinesdans
l'Eglise , ni de proposer de nouveaux arti-
cles de foi aux chrétiens, mais seulement de
réformer le gouvernement ecclésiastique,
de ramener le clergé et l(! peuple à la sim-
plicité et à la pureté primitive des siècles
apostoliques. » Il expose ensuite leurs sen-
timents de la même manière que Ueinier et
Pylicdorf. 11 dit, § \.i, que les vaudois con-
fiaient le gouvernement de leur église aux
évêques, aux prêtres et au\ diacres, et qu'ils
regardaient ces trois ordres comme établis
par Jésus-Christ; mais ils voulaient que
ceux qui en étaient revêtus ressemblassent
au\ apôtres, qu'ils fussent comme eux non
lettrés, pauvres, sans aucune i»ossession tem-
porelle , et gagnant leur vie par le travail de
leurs mains. Les laïques étaient partagés en
deuv ordres : l'un de chrétiens parfaits, qui
se dépouillaient de tout, étaient mal vêtus
_ cl vivaient ^durement ; l'aulre d'imparfaits
909
VAU
VAU
970
qui vivnient comme le rcsle des hommes,
mais (iiii évitaienl loule espèce de luxe cl de
stipcrlluité, comme ont fait depuis les ana-
baptistes. Au reste, Moslieim n'a pas été as-
sez impudent pour les accuser d'avoir nié la
présence réelle et la transsubstantiation.
Mais il fait uneremarqueossenlielie,cVst que
les vaudoh d'Italie ne pensaient pas de mê-
me que ceux de France et des autres contrées
de l'Europe. Les premiers regardaient l'E-
glise romaine comme la véritable Eglise de
Jésus-Clirist , i]Uoi(iue corrompue et défigu-
rée ; ils admettaient les sept sacrements , ils
regaidaient la possession des biens tempo-
rels comme légitime, ils promettaient de ne
jamais se séparer de celte Eglise , pourvu
qu'on ne les gènâl point dans leur croyance.
Les seconds, plus fanatiques, ne voulaient
rien posséder du tout ; ils soutenaient que
l'Eglise romaine avait apostasie et renoncé
à Jésus-Clirisl, que le Saint-Esprit ne la
gouvernait plus, que c'était la prostituée de
B<ibylone dont il est parlé dans VApoialypse.
Celle distinction que fait Mosheim, qi.i est
confirmée par le témoignage de plusieurs an-
ciens auteurs, et qui a échappé à la plniiart
des liisioriens, nous paraît Irès-importaiiie,
et propre à concilier les contradictions (lui
se trouvent dans les différentes narrations
que l'on a fiiles touchani les vaudois.
Un de nos historiens philosophes, ou plu-
tôt romanciiTs, a fait de cette secte un ta-
bleau d'iinaginalion qu'il a tiré de son propre
fonds et des écrits des calvinistes; et l'on a
eu jirand soin de le copier dans l'ancienne
Encyclopédie, au mol vaudois. Il en attribue
la naissance à l'horreur qu'inspirèrent les
crimes commis dans les croisades, les dis-
sensions des papes et des empen'urs , les
richesses des monastères, l'abus que fai-
saient les évéques de leur puissance tempo-
relle. Cependant ces sectaires n'ont jamais
allègue aucun de ces motifs pour justifier
leurs déclamations contre le clergé. Il y a
lieu de présumer que les tisserands, les cor-
donniers, les manouvriers , les ignorants,
des(|uels était priniipalemenl composée la
secte des vaudois, n'avaient pas une très-
grande connaissame des crimes commis dans
les croisades, et n'étaient pas fort touchés
des dissensions des papes et des empereurs.
Ce n'étaient pas eux non plus qui avaient
beaucoup iriniérét aux abus que pouvaient
comcnetlre les évêques dans l'usage de leur
jiuissance temporelle. Us voulaient que les
pasteurs de l'Eglise fussent [lauvres et non
lettrés , comme étaient les apôtres , qu'ils
travaillassent comme eux de leurs mains,
et qu'ils portassent comme eux des sandales.
Tous ces articles leur paraissaient de la
dernière importance, parce qu'ils les trou-
vaient prescrits par l'Evangile, lilnrc, c. iv,
V. 9, etc. — Une autre méprise grossière de
la part de ce philosophe a été de confondre
les vaudois avec les albigeois ou bons-
hommes. Ceux-ci étaient manichéens, comme
Bossiiel l'a fait voir; les vrais vmdois ue le
furent jamais. Les alliigcais étaient connus
en France depuis l'an 1021, sous le règne
DiCT. DE TllKOL. DOiiMAÏlOUli. IV •
du roi Robert; l'an 114-7, vingt ans avant
que parût Pierre Valdo, saint Bernard était
allé dans nos provinces méridionales pour
lâcher de les instruire et de les convertir;
la simplicité de l'extérieur de ce saint abbé
n'était pas propre à donner une haiite idée
de la richesse des monastères , et il est
prouvé d'ailleurs que les autres mission-
naires de son ordre furent très-exacts à
l'imiter , Hist. de l'Ed. ijallic, tom. X ,
1. XXIX, édit. in-12, p. 258.
On convient en général de la simplicité,
de la douceur, de l'innocence des mœurs des
vuudois, et ce phénomène n'a rien d'éttm-
nant; il se rencontre onlinairenient chez
les peuples qui vivent dans les gorges des
montagnes. Eloignés des villes et de la cor-
ruption qui y règne, occupes à paître les
troupeaux et à cultiver quelques coins de
terre, réduits à la seule société domestique
pendant la saison des neiges, ils ne con-
naissent point d'autres assemblées que celles
de religion ; il no croît point de vin chez
eux, ils vivent de laitage : quelle vapeur
maligne pourrait infecter leurs mœurs ?
Aujourd'hui encore les habitants des Alpes,
soit catholiques soil calvinistes, ressemblent
au portrait que l'on nous fait des vaudois.
Mais ce n'était point là le caractère <les hé-
réiques qui désolaient le Languedoc et les
provinces voisines, au xri' siècle, sous le
nom i\'albigeois. L'an 1117, vingt ans avant
la naissance des vaudois, Pirrre \i' Vénéra-
ble, abbé de Cluni, écrivait aux évéques
d'Embrun, de Die et de tîap : « On a vu par
un crime inouï chez les ciirétiens, rebap-
tiser les peuples, prol'anrr les églises, ren-
verser les autels, brûler les croix, fouetter
les prêtres, empiisonncr les moines, les con-
traindre à prendre des femmes par les
menaces et les tourments, etc. » Fleury,
Hisl. ecclés., 1. Lxix, n. 2k. Gomment notre
philosophe a-t-il pu confondre avec ces fu-
rieux les vauiois dont il nous vante la dou-
ceur et l'innocence? C'est contre les albi-
geois turbulents, séditieux, sanguinaires, et
non contre les vaudois, que le pape Inno-
cent III envoya des inquisiteurs l'an 119S,
el publia une croisade l'an l'208. Elle n'eut
lieu qu'en Languedoc ; les scènes les plus
meurtrières se passèrent à Béziers, à Car-
cassonne, à Lavaur, à Alhi, à Toulouse; il
n'y en eut aucune dans les vallées des Alpes,
soit de la Provence, soit du Dauphiné, où
l'on prétend que les vaudois s'ét.iient reti-
rés. Quand notre historien romani ier dit que,
sur la fin du xii" sièi le, le Languedoc se
trouva rempli de vaudois, el qu'on les pour-
suivit par le fer et le feu, il ne peut en im-
poser qu'aux ignorants crédules. Est-il vrai
que ceux qui restèrent ignorés dans les
vallées incultes (jui sont entre la Provence
el le Dauphiné, del'ricbèreut ces terres sté-
riles ; que, par des travaux incroyables, ils
les rendirent propres au grain el au pâtu-
rage, qu'ils enrichirent leurs seigneurs, etc.?
Pure fable. Les vallées des Alpes, soit du
côté de la France, soit du côté du Piémont,
n'ont jamais été sans habitants; il y en
31
971
VA13
VAU
972
avait lorsque Annibal les traversa : les Alpes
Cottiennes, aujourd'hui le Monl-Cenis, entre
le Dauphiné et le Piémont, étaient appelées
par les Uomains, CoHii rc(/»iMm; elles n'é-
taient donc pas désertes, non plus qu'à pré-
sent. Le terrain de ces vallées a été de tout
temps propre au pâturage lorsque les neiges
sont fondues, et les langues de terre qui s'y
trouvent sont très-fertiles. La population
s'y accroît naturellement, parce que les ha-
bitants ne s'expatrient point, qu'ils sont à
couvert des raviiges de la guerre, que la pu-
reté de l'air en écarte la contagion, et que
ces peuples ont des mœurs. Nous ne pensons
pas que lis vaudoix aient eu le talent de faire
fondre les neiges des Alpes, ni de leur dé-
rober le terrain qu'elles couvrent tous les
ans. Les imaginations de ce philosophe sont
autant de trails d'ignorance.
De toutes ces observations, il résulte que,
pour avoir une juste notion des vaudois, il
faut dis'.inguer les ilifférenles époques de
leur hérésie, cl les différentes contrées dans
lesquelles il s'en est trouvé. Que Pierre
Valdo, ou ses émissaires, aient aisément sé-
duit les habitanls des Alpes, pauvres, igno-
rants, éloignés des églises, des pasteurs et
des secours de religion, cela est naturel.
Que ses erreurs aient passé les monts, aient
été portées jusque dans les vallées du Pié-
mont, cela se conçoit encore. Elles ont dû
demeurer les ménies, tant que ces vaudois
n'ont point eu de commerce avec d'autres
hérétiques. Aussi, l'an 1517, Claude de Seys-
sel, archevêque de Turin, attribuait encore
aux vaudois de sou diocèse la même doctrine
pour laquelle ils avaient été condamnés
l'an 1185, et qui a clé Qdèieuaent esposée
par Bossuel et par Mosheim.
Mais il est à peu près impossible que ceux
de deçà les monts n'y aient pas ajouté bien-
tôt de nouvelles erreurs; ou le comprendra,
si l'on veut faire altenlion à la mullilude
des sectes dont la France était inleslée au
xir siècle. 11 y avait : 1° des albigeois ap-
pelés aussi cntkares ei bons-hommes; c'était
la secte principale: on l'avait vue éclore au
commencement du siècle précédent; 2° des
beggards, qui étaient à peu près de même
date; 3° des pélrobiusiens , disciples de
Pierre et de Henri de Bruys ; 1° des secta-
teurs de Tanquelin ou de Tanquelme , et
d'Arnaud de Bresse; 5^ des capuciali ou en-
capuchonnés; nous avons parlé de ces diffé-
rents sectaires sous leur nom particulier;
6° enfin de ces vaudois dont nous parlons.
On conçoit que ces divers fanatiques, tous
ignorants et de la lie du peuple, n'étaient
pas fort scrupuleux en fait de dogmes, et
fraternisaient aisément les uns avec les au-
tres pour soutenir leur intérêt commun. De
même que , chez les protestants, l'on est
assez chrétien dès que l'on se déclare en-
nemi du pape et de l'Eglise rom;iine ; ainsi,
parmi les sectaires du su" siècle, on pa-
raissait suffisamment orthodoxe, dès que
l'on déclamait contre le gouvernement ec-
ol« siaslique. Nous ne doutons pas qu'un
bon nombre de vaudois ne se soient mêlés
parmi tous ces déclamateurs , n'aient fait
cause commune avec eux, n'aient adopté
une partie de leurs senlimenls. Aussi, l'an
1375, le pape Grégoire X, écrivant aux évo-
ques du Dauphiné pour exciter leur zèle
contre les hérétiques, joint ensemble les pa-
larins, les pauvres de Lyon, les arnaldisles
el les fratricelles. Histoire de l'E(jlise gall.,
tom. XiV, liv. XLi, an. 1375. Nous ne devons
donc pas être surpris de ce que Ueinier et
Pjlicdorf, qui connaissaient mieux les vau-
dois de France que ceux d'Italie, et qui n'ont
écrit qu'un siècle après leur naissance, leur
ont attribué des erreurs qu'ils n'avaient pas
encore dans leur origine. En second lieu, il
ne faut pas s'étonner de ce que les auteurs
du temps n'ont pas toujours su distinguer
ce que chacune de ces sectes avait de parti-
culier, et si plusieurs les ont confondues
sous le nom général ^'albigeois, ou sous
celui de vaudois. 3° 11 a pu se faire que des
vaudois, devenus aussi furieux que les au-
tres hérétiques parmi lesquels ils s'étaient
mêlés, aient été compris dans la proscrip-
tion prononcée contre eux tous, et qu'on les
ait poursuivis tous sans distinciion comme
coupables des mêmes excès. 11 est constant
que ceux que l'on appelait colereaux, rou-
tiers,triarverdins, courriers, mainades,éiaient
des scélérats semblables aux circunceliions
des donatisles, aux brigands nommés ribauds
dans le xnr siècle, et aux anabaptistes
appelés pastoricides en Angleterre. Ils n'a-
vaient horreur d'aucun crime, ils vendaient
leurs bras à quiconque voulait les payer, et
ils étaient sûrs de l'impunité, sous le pré-
texte de religion. C'est pour arrêter leurs
ravages que Innocent III publia une croisade
en 1208. Il y a donc beaucoup de mauvaise
foi de la part des protestants et des incré-
dules, à vouloir persuader que l'on a pour-
suivi les vaudois à feu et à sang, malgré
l'innocence et la douceur de leurs mœurs.
Est-on allé leur faire la guerre dans les
vallées du Piémont, lorsqu'ils ont été pai-
sibles ?
Quand ils auraient été tels en général que
les calvinistes ont affecté de les peindre,
nous ne voyons pas quel avantage il y a
pour eux à tes mettre au nombre de leurs
ancêtres, ni quel relief une pareille secte
peut donner à la leur. Les vaudois étaient
des ignorants, et ils auraient voulu que les
prêtres ne fussent pas plus savants qu'eux.
C'étaient des fanatiques, puisque leur doc-
trine louchant la pauvreté volontaire, les
serments faits en justice el la punition des
malfaiteurs, était destructive de toule so-
ciété. C'étaient des opiniâtres , que trois
cents ans de missions et d'instruction n'ont
pu faire revenir de leurs préjugés. Leur
croyance ressemblait beaucoup plus à celle
des anabaptistes qu'à celle des calvinistes :
puisque ceux-ci n'ont jamais reconnu les
anabaptistes pour leurs frères, il est bien
ridicule de nous donner les vaudois pour
leurs pères. Mais la conduite de ces sec-
taires nous montre les effets qu'a coutume
de produire la lecture de l'Ecriture sainla
973 VAU
sur des ignorants indociles; cllu les rend
faiialiqucs cl incorrigibles : on a vu repa-
raître le m<}rnc pliéuonièiie à la nuissaiice
de la prétendue rélorme en Allemagne, en
France et en Ani^leterrc. Voy. Eciutuhe
SAiNTiî. liasnage a voulu persuader que
l'icrre Valilo était un honinio lettré, qu'il
flvail Iraduil les l'>van^iles et d'autres livres
de l'Ecriture sainte : c'est une fausseté; il
les fit traduire par un prêtre nommé l'Etienne
(l'EvUa, et les fruits de ce travail ne furent
pas heureux.
A la naissance de la prétendue réforme,
les vaiidois apprirent confusément qu'il y
avait en Suisse et en Allemagne des lioinmes
qui déclamaient aussi bien qu'eux contre
les pasteurs catholiques. En io30, ils j en-
voyèrent des députes qui eurent des confé-
rences avec Bucer et avec ()Ecola;!ipade : on
voit par le récit même des historiens pro-
lestants, combien la croyance des vuudois
était pour lors dilTérenlc de celle des calvi-
nistes; Bossuet, ibld.,\. xi, § 117ctsuiv.
Basnage n'a pas osé contester sur ce point.
Mais en 1536, Eavel, ministre de Genève,
vint à bout de leur faire embrasser le cal-
vinisme. La confession de foi qu'ils présen-
tèrent au roi vers l'an 1540, était l'ouvrage
des ministres huguenots qu'ils avaient reçus
chez eux. Us y rejetaient la présence réelle
et la transsubstantiation, le culte de la croix
et des saints, la prière pour les morts, l'ab-
solution sacramentelle ; ils ne reconnais-
saient que deux sacrements, le baptême et
la cène, eti-. Ce n'étaient plus là les senti-
ments de leurs pères. - Malheureusement,
avec cette nouvelle iloctrine, ils adoptèrent
l'esprit séditieux et violent des calvinistes.
Déjà l'an liiJO, après leurs conférences avec
les protestants, ils prirent les armes el se
défendirent contre les poursuites des évo-
ques et du parlement d'Aix, parce qu'on
leur avait fait espérer d'être bientôt sou-
tenus. En 1535, François 1 ' leur accurda
une amnistie, sous condition i|u'ils abjure-
raient leurs erreurs. En 15V2 ou 15i3, ils
s'attroupèrent, prirent les armes, renver-
sèrent des autels, pillèrent des églises, et
commirent d'autres excès. V oy.V Histoire de
l'Acad. des Inscriiit., tom. IX, in-\i, p. 645
el 052. C'est pour ces faits, dont leurs apo-
logistes n'ont eu garde de convenir, que le
parlement d'Aix rendit un arrêt contre eux.
Cependant le cardinal Sadi)lct, évéqne de
Carpeutras , intercéda pour eux auprès de
Fraueois 1", et l'exécution de l'arrêt fut
suspendue. Mais le premier président d'Op-
j)ède, et l'avocat général Guérin, aigrirent
l'cspril du roi, ils lui persuadèrent que seize
mille vaudoii voulaient se saisir de Mar-
seille. I\'ote d'Amelol de la Houssaye, sur
VHisloire du concile de Trente de Fra-Paolo,
llv. II, pag. liU. Conséquentment l'ordre fut
donné de les exterminer; les villages de
Mérindol et de Gabrières furent réduits en
cendres, et près de quatre mille personnes
furent m.issacrér;.
Tous nos écrivains modernes ont déclamé
à l'eiivi contre la rruanté de cette cxécu-
VAU
974
tion ; ils en ont exagéré les circonstances, ils
ne cessent de la citer comme un exemple
des effets que peut produire un zèle de reli-
gion mal réglé. Mais c'est en imposer aux
lecteurs mal instruits, <iue d'attribuer cette
expédition sanglante au zèle de religion,
plutôt qu';'U ressenliment excité par la
conduite séditieuse des vaudois. Deux ma-
gistrats ont eu tort sans doute d'exagérer
leur faute, pendant qu'un évéque demandait
grâce pour les coupables: mais il s'en faut
beaucoup que ces deux hommes aient agi
par zèle de religion. L'avocat général Guérin
fut accusé d'avarice, et d'avoir voulu s'ap-
proprier une partie des biens confisqués, el
le président d'Oppède d'avoir agi |)ar ven-
geance contre plusieurs particuliers. Ce qu'il
y a de certain, c'est que le village d'Oppède,
dont il portait le nom, fut détruit comme les
autres; et que dix ou douze familles catho-
liques de Mérindol furenl enveloppées dans
le massacre général. On les aurait sauvées,
sans doute, si la religion était entrée pour
quelque chose dans celte boucherie.
L'historien prétendu philosophe, dont nous
avons déjà révélé plusieurs inlidéliiés, en a
encore coin mis de no uv elles à ci't te occasion. Il
a voulu persuaderquelacausede l'arrétrendu
contre les vaudois par le parlement de Pro-
vence, fut leur confession de foi de l'an 1540,
et le dessein de punir des hérétiques ob-
stinés, il ne fallait pas oublier leur révolte
de l'an 1535, el l'amnistie que le roi leur
avait accordée : une amnistie suppose des
voies de fait el non des erreurs. Comme
celte grâce portait pour conilition que les
vaudois abjureraient leur doctrine, il dit que
l'on n'abjure guère une religion que l'on a
sucée avec le lait, et à laquelle on sacrifie
tous les biens de ce monde. .Mais ces héréti-
ques n'avaient pas sucé avec le lait la reli-
gion calviniste qu'ils venaient d'embrasser,
et nous ne voyons pas quels biens ils avalent
sacrifiés jusqu'alors. Il dit que ces malheu-
reux n'étaient point disposés à la révolte,
puisqu'ils ne se délenilircnl pas el qu'ils
s'enfuirent de tous côtés en demandant mi-
séricorde. En effet, comment so seraient-ils
défendus en 1545, contre une armée en-
voyée pour les exterminer? Mais en 1543,
les habitants de (Jabrièrcs, village situé dans
le Comiat, aidés par leurs frères de Pro-
vence, avaient repoussé deux fois les trou-
pes du pape jusqu'aux portes d'Avignon et
deCavaillon; le pape avait imploré l'assi-
stance du roi pour réduire ces rebelles, et
François I", par les lettres du 11 décembre
de cette année, avait ordonné au gouverneur
de Provence de prêter main forte an légat ;
il y avait donc eu déjà deux révoltes des
wiudois, l'an 1545, lorsqu'ils furent pour-
suivis à feu et à sang, et la destruction de
Mérindol avait été ordonnée en particulier,
parce que ces sectaires s'y lortiliaienl. En
15^1, ils avaient imploré la protection des
primes luthériens d'.\llemagne, assemblés à
Katisbonnc, et ils en avaient obtenu une
recommandation très-pressante auprès de
François 1 '; ce prince ne pouvait pas voir
978
VAU
VEA
97G
celle démarche de bon œil, Hist. de l'Eglise
gallicane, 1. lui, an. 1541. Eiilin, noire phi-
losophe prélend que l'oxéculion cruelle l'aile
contre les vnudois flt faire de nouveaux pro-
grès au calvinisme, et que le tiers de la
France en embrassa les senlimenls. C'est
une fausseté. Les proférés rapiJps du calvi-
nisme ne commencèrent en France (lue
l'an 1558, sous le régne de Henri II, dix ans
après la mort de François 1"; d'aulrcs rau-
ses plus puissantes y conlril)uèrenl, et il s'en
fallut beaucoup (|u'ilne fût embrassé d'abord
par le tiers du royaume; mais aucune im-
posture ne coule à cet écrivain romancier.
Dans un autre ouvrage, il a forgé des ca-
lomnies encore plus atroces, au sujel de la
rigueur exercée contre les vaudois.
Pour peu que l'on réfléchisse sur la con-
duite de ces scclaires, on voit qu'il n'y eut
rien de constant chez eux qu'une ignorance
grossière et une haine aveugle contre le
clergé catholique ; c'est tout le l'ruil (|ue pro-
duisit parmi cuv la lecture de TEcrilure
sainte qu'ils étaient incaiiables d'entendre.
Très-peu scrupuleux en fait de dogmes, ils
en changèrent toutes les fois (jue leur inté-
rêt p. nui l'exiger, ils se joignirent indiffé-
remment à loules les sectes du xii' et duxMi"
siècle, sans s'embarrasser de ce qu'elles
croyaient ou ne croyaient pas. Souples , ti-
mides , hypocrites , lorsiiu'ils se sentaient
faibles , ils ne cherchaient qu'à se cacher
sons un extérieur catholique; en soutenant
qu'il n'est pas permis de jurer eu justice,
ils n'hésitaient pas de se parjurer pour dis-
simuler leur croyance : en condamnant la
guerre en général , ils prirent les armes
contre leurs souverains : dès qu'on voulut
gêner l'exercice de leur religion , ils eurent
part aux tumultes qu'excitèrent les autres
hérétiques, et ils trempèrent leurs mains
plus d'une fois dans le sang des inquisiteurs
et des missionnaires qui voulurent les in-
struire. Telles ont été de tout temps et telles
seront toujours toutes les sectes hérétiques.
Au reste, c'est ralîectation d'une pauvrelé
fastueuse et cynique des hérétiques du •s.w
et du xiii' siècle, qui a donné lieu à l'insti-
tution des religieux mendiants. Le dessein
des fondateurs fut de prouver aux sectaires
que l'on pouvait pratiquer une pauvreté
humble, laborieuse, austère et vérilalile(nenl
évangélique, sans déclami-r contre leclergé,
et sans se révolter contre l'Eglise. Cela était
déjà (lénioulré par l'exemple d'une congré-
g.ition de viiudois convertis qui s'associèrent
l'an 1207; ils prirent le nom tic pauvres ca-
tholiques, ils continuèrent de vivre comme
auparavant, et ils travaillèrent inutilement
à la conversion des autres vaudois; en 1^56
ils se réunirent aux ermites de saint Au-
gustin; Hélyot, Histoire des ordres monas-
tiques, (édil. de Migne). Saint François , de
son côté, jeta les premiers fondements de
son ordre, l'an 1209. Mais les proteslanls,
toujours bizarres et inconséquents , après
avoir approuvé la pauvreté orgueilleuse et
fanatique dos vnudois, n'ont cessé de décla-
mer conirc la pauvrelé humble et charitable
des religieux catholiques. Voy. Pauvreté
V0L0^TAlRE, Mendiants, etc.
VEAU. Ce terme dans l'Ecriture sainte est
employé en différents sens : 1* il signifie des
ennemis en fureur. Ps. xxi, v. 13 : Circum-
dederunl me vituli multi. 2° Au contraire,
dans Isaïe, ch. ir, v. 7, il désigne des hom-
mes doux et paisibles ; il y est dit que l'ours
et le veaH pailront ensemble, c'est-à-direque
les faiides et les simples ne craindront plus
ceux qui leurs paraissaient redoutables.
3" Le prophète Malacliie,-ch. iv, v. 2, com-
pare un peuple qui est dans la joie à des
veaux qui bondissent dans une prairie. ï^Ps.
L, v. 21 , ce mol exprime les difTérenles
espèces de victimes , imponent super allare
tuum vilulos. Mais dans Osr'e, ch. xiv, v. 3,
vilulos luhioruin , les victimes des lèvres ou
de la bouche signifient des louanges, des
vœux, des actions de grâces; c'est ce que
saint Pierre appelle spirituales hostias, l.
Peir., c. Il, v. 5.
Veau d'or. Idole que les Israélites se firent
faire au pied du mont Sinaï , à laquelle ils
rendirent un culte à l'imiialion de celui du
bœuf Apis , qu'ils avaient vu pralicpjer en
Egy[)te ; l'histoire en est rapportée, Exod.,
c. xxxii : elle démontre la grossièreté de ce
peuple, et son penchant décidé à l'idolâtrie.
Ouaranle jours auparavant , les mêmes Is-
raélites avaient été saisis de frayeur à la vue
de l'appareil terrible avec lequel Dieu leur
avait intimé ses lois, r. xix ; il leur avait sé-
vèrement défendu d'adorc^r d'autres dieux
que lui, c. XX, v. 3. Ils avaient solennelle-
ment promis de lui être soumis el fidèles ;
ils lui avaient immolé des victimes, c. xxiv,
V. 3 el 5 ; parce que Moïse tardait trop long-
temps à leur gré de descendre de la monta-
gne oii Dieu lui donnait ses ordres, ils vou-
lurent avoir un Dieu visible , une idole à
laquelle ils pussent offrir leurs sacrifices.
Dans la fête insensée qu'ils célébrèrent en
son honneur, ils poussèrent l'impiété jus(iu'à
dire : Voilà tes dieux , Israël , qui Vont tiré
du pays de l'Egypte, c. xxxii , v. h. Il n'est
donc pas étonnant que Moïse, indigné de
celte prévarication, ait brisé les tables de la
loi, ait fait fondre el réduire celle idole en
poudre, l'ail fait jeter dans le torrent dont
ce peuple buvait les eaux , ait armé les lé-
vites , et leur ait ordonné de mettre à mort
les [dus coupables. Cet exemple de sévérité
était nécessaire pour intimider les autres el
pour prévenir les rechutes. Environ cinq
cents ans après, leurs descendants ne fur iit
pas moins insensés qu'eux , puis({u'ils ado-
rèrent les veaux d'or que Jéroboam fil faire,
pour déioumer ses sujetsd'aller rendre leur
culte au vrai Dieu dans le temple de Jéru-
salem, JJJ liey., c. XII, v. 28.
Le plus célèbre des incrédules de noire
siècle a voulu prouver que l'histoire de l'a-
doration du veau rf'or n'est ni vraisemblable
ni possible, mais à son ordinaire il en'a
falsifié plusieurs circonstances : aussi lui
a-t-on fait voir que, dans ses réflexions, il
y a presque autant de faussetés et de bévues
que de mots. Réfutation de la Bible expli-
977
VEA
quée, I. VI, ch. G, arl. 7. LetlrM de quelques
Juifs, i"parlio, Icllre o,elc.ll objccle, I"qu'il
a été impossible aux Isracliles île faire faire
un veau d'or diwis lo désert. Il n'y a pas d'ap-
parence dit-il, qu'ils aient eu des fondeurs
d'or, qui ne se trouvent t]uc. dans los gran-
des villes ; il est irnpos'^iblc de jeter nn veau
cl'ur en roule et de le réparer en une nnil; il
aurait fallu au moins trois mois pour ache-
ver un pareil ouvrage. Si ce erilique avait
lu plus ailenlivenient l'histoire ((u'il allaipie,
il aurait vu qu'environ un an après l'ado-
ration ilu venu d'or, il se trouva dans le dé-
sert, cl parmi les Israélites, deux fondeurs
capables d'exéculer en or, en argent, et en
bron/e , tous les ornements et les vases du
tabernacle, fixod., c. x\xi;sans doule ils
avaient appris cet arl en Hgyplc où il élait
déjà connu il praliqué pour lurs. On peut
s'assurer par le témoignage des artistes,
que deux ou trois jours suffisent pour faire
un moule et jeter en Tinte un ouvrage quel-
conque, surloul lorsqu'il n'est pas d'un poids
consiiléralile, et que l'on n'y exige pas une
grande pei fection. L'histoire ne dii point
que le veau d'or ait éti- fait en une nuit , ni
qu'il ait clé réparé au ciseau ou au burin;
elle témoigne au contraire qu'il demeura tel
qu'il avait été tiré du moule, c. x\xii, v. "lï.
Les Israélites voulaii'ut une idole qu'ils pus-
sent transpoiler aisément, et l'on sait qu'en-
core aujourd'hui les nations idolâtres se
contenleiil des figures les plus grossièrement
travaillées.
2° Il n'csl pas concevable, dit notre philo-
sophe, que trois millions de Juifs (|ui ve-
naient (le voir et d'enlendre Dieu lui'mi'me,
au milieu des Irompeiles et îles tonnerres,
voulussent sitôt, et en sa présence même,
qiiilter son service pour celui d'un rcau. —
lieponfe. il est encore plus inconcevable de
voir les anciens pa'i'i'us, et même les philo-
sophes s'obstiner dans l'idolâlrie , malgré
le spectacle de l'univers (]ui leur prêchait
un seul Dieu, et malgré les leçons des doc-
teurs chréiions qui leur prouvaient ciite
»éiité ; de voir encore aujourd'hui des athées
pousser l'aveuglement et l'opiniâlreté plus
loin; de voir enfin des hommes (jui parais-
sent raisonnables, qui, après les plus belles
résolutions faites dans une grande maladie,
se replongent bientôt dans les mêmes désor-
dres qui uni failli de les condure au tombeau;
cependanl tous ces travers de l'esprit et du
cd'ur humain n'en sont pas moins vrais.
3' L'on ne peut pas , continue notre cri-
tique, réiluire l'or en poudre en le jetant au
feu; on ne peut le dissoudre que par des
procédés de chimie dont Moïse n'avait sûre-
ment aucune cou naissance. — /{^po/ise. Quand
il serait nécessaire li'altribuer a .Moïse des
connaissances supérieures en fait de chiiaie,
nous n'hésiterions pas, puisqu'il est dit (|iie
ce législateur avait été instruit des arts el
des sciences de l'Egypte : or, il est incontes-
table que celui doni nous parlons n'étail
pas Inconnu aux Egyptiens. iMais nous n'a-
vons pas besoin de rien supposer par con-
jecture, comme le fait à tout moment le cen-
VEN 978
senr de Vhisloire sainte. Elle dit seulemcnl
que Moïse, après avoir jeté le veau d'or au
feu, le fit briser et moudre jusqu'à le pulvé-
riser , et qu'il fit jeler celte poudre dans
l'eau que buvaient les Israélites, c. xxxii,
V. -20.
'*- Moïse, dit-il enfin, à la télé de la tribu
de Léïi, tue vingt-trois mille hommes de sa
nation, qui sont tous supposés bien armés,
puisqu'ils venaient de combattre les Ama-
lécites; jamais un peuple entier ne s'est
laissé égorger ainsi sans défense. Il observe
d'ailleurs ijue si ce fui él lit vrai, c'aurait
été de la part de Moïse nn Irait de cruauté
'xnauie.^ Réponse. Nous avouons que /a Vtil-
gale porte vinql-lrois tnille hommes; mais il
est évident que celle version est fautive,
puisque le texte hébreu et le sam iritain, les
Septante, la paraphrase chalilaïque, les tra-
ductions d'Aquila, de Symmaqiie et deThéo-
dolion , les versions syriaque et arabe,
niellent seulement environ trois mille hom-
mrs. C'est ainsi que les l'ères, icis que Ter-
lullien, saint Ambroise , Optai , Isidore de
Séville, saint Jérôme et d'autres lisaient
dans l'ancienne Vulgnle latine: preuve évi-
dente que le mol vingt-trois est une faute
de copiste commise dans les siècles posté-
rieurs. Outre qu'il est ridicule de supposer
bien armés des hommes qui se livraienl à la
danse et à la débauche, l'histoire dit formel-
lement que ces idolâtres étaient dépouillés
de leurs habits, Exod., c. xxxii, v. 2o. Nous
soutenons que dans celle exécution il n'y
eut ni injustice ni cruauté. Dieu, par sa loi,
avail liélenilu ri<lolâtrie sous peine de mort,
et les Israélites s'y él.iient soumis; ils ne
pouvaient subsister dans le désert que par
une providence surnaturelle, et Dieu ne la
leur avait promise que sous condition d'o-
béissance; dès qu'ils se révoltaient contre la
loi, Dieu en les abandonnant pouvait les l'aire
tous périr, el il les en menaçait, ibid., v. 10.
Moïse élait donc obligé de faire un exemple
des plus coupables, afin d'intimider les au-
tres, d'obtenir grâce pour eux, el de sauver
ainsi sa nation. Qu'y a-t-il à blâmer dans
celle conduite?
D'autres critiques anciens et modernes ont
dit que Aaron était le plus coupable de tous,
que cepeiuLint il fut épargné , pendant que
trois mille hommes porlèrentla peine de soii
crime; nous avons réfuté ce reproche an
mot Aahon. Aujourd'hui les juifs sont si
persuadés de l'énormité du crime de leurs
pères , qu'ils croient (jue Dieu s'en venge
encore ; ils disent que, dans toutes les cala-
mités qui leur arrivent, il entre au moins
une once de la prévarication du veau d'or;
mais ils oublient que quinzecenis ans après,
leurs pères se sont rendus coupables d'un
forfait beaucoup plus énorme et plus digne de
la vengeance divine, en mettant à morl le
Jlessic. Voy. Jiifs. § 6.
VEILLE. Voi/. ViGiLK.
VENDEURS bu TEMPLE. 11 est rapporté
dans les quatre évangélistes que Jésus étant
entré dans le lemple de Jérusalem, en chassa
les marchands qui y vendaient les animaux
979
VEN
\EN
980
que l'i'n devail offrir en sacrifice , et les
chaiipcur* qui foiiriiivsaienl d(\ \n monnaie
pour les offrandes ; qu'il leur reproc'ia de
faire de la maison de son Père une caverne
de voleurs, Joan., c. u, v. 14, elc. Les incré-
dules, qui se s^uil fail un plan de censurer
toutes les actions du Sauveur, demandent
de quel droit il exerçait cet acte d'autorité.
Les niarchnnils, disent-ils , étaient irrépré-
hensibles ; ils ne se plaçaient dans le temple
que pour l.'i rommodité du public : Jésus,
dans celti' circonst.ince , donna un exemple
lie colère et d'emportement Irès-scandaleux.
Quel()ues-uiis ont ajo\ilé qu'il avait mis l'ar-
gent et les marchandises an pillage.
Nous soutenons que Jésus , après avoir
prouvo sa mission et sa qualité de I^Jessie
piir une multitude de miracles, avait louto
l'autorité de législateur et de prophète sem-
bltible à Moïse , par conséquent le droit de
punir et de répiimer tous les désordres,
lorsqu'il en Irouvait. Or, c'en était un que
la profanation du lemple, dont les changeurs
et les marchands se rendaient coupables, lis
pouvaient se tenir hors du lemple, la com-
modité publique aurait été la même ; en so
plaçant dans l'intérieur pour leur propre
commoilité, ils y causaient un bruit et une
indérence ca[ialiles de troubler la piété de
ceux qui venaient y prier ; et puisque Jésus-
Christ les traita de voleurs , il s'était sûre-
ment aperçu du monopole et de l'usure qu'ils
exerçaient. Les chefs du peuple nel'aui aient
pas souffert , s'ils n'y avaient pas été inté-
ressés pour quelque chose ; le même abus
a régné et règne encore dans tous les pays
du monde ; le Sauveur ne devait pas l'auto-
riser. Mais il est faux que , dans celte cir-
constance, il ait donné aucune mai que d'em-
portement ni (le colère ; de simples exhor-
tations n'auraient produit aucun elTet sur
ces hommes avides , il fallait un châtiment
pour les intiniiiler, et il n'est pas plus vr.ji
qu'il Tiit mis les marchandises au pilkige.
Les principaux Juifs qui étaient présents,
n'osèrent s'opposer à cet acte de sévérité,
parce qu'ils en sentaient la justice et la né-
cessité, ils se bornèrent à demander à Jésus
par quel signe, par quelmir.icle il prouviit
son autorité. Détruisez ce temple , répondit
le Sauveur, et dans trois jours je le relèverai.
Probablement il toucha sou propre corps,
pour faire entendre qu'il parlait de sa ré-
surrection, Jooh., c. Il, V. 19. Mais il ne s'en
tint pas là; un autre évangéliste ajoute que
Jésus, étant entré dans le temple, guérit des
boiteux e! des aveugles; que le peuple s'é-
cria : Hosanna, prospérité au Fils de David,
Jésus fit donc tout ce qu'exigrai(>nt les Juifs,
et cela ne servit qu'à les irriter davantage,
Matlh.,v. XX , V. \k. Quoique les incrédules
aient défiguré loules ces circonstances pour
y jeter du ridicule, ils n'y ont pas réussi.
V ENGKANGI";, peine causée à un olïenseur
|)our la satisfaction personnelle de l'ufferisé.
il ue faut pas confondre , comuie on In fail
assez souvent, la vengeance avec la punition :
punir est le devoir et la fonction d'un homme
revêtu d'autorité, et qui agit pour l'intérêt
public, pour le repos et le bon ordre de la
société; la venr/cance au contraire est exer-
cée par celui qui n'a aucune autorité ; il en
use pour satisfaire sont ressentiment parti-
culier, sans aucun égard à l'intérêt général.
Si les philoso|ihes qui ont disserté sur ce
sujet avaient fait attention à ces deux diffé-
rences, probablement ils auraient évité les
erreurs dans lesquelles ils sont tombés. Il
faut encore distinguer la vengeance d'avec
la défense personnelle : celle-ci a pour but
de nous préserver du mal qu'un ennemi veut
nous faire; la jiremièrc se propose de lui
rendre le mal pour le mal qu'il nous a fait.
Mais si la peine qu'il souffrira ne peut ni
soulager ni réparer celle que nous avons
ressentie, quel motif légitime pouvons-nous
avoir do la lui causer? Uendre calomnie
pour calomnie, injustice pour injustice, crime
pour crime , est-ce un moyen de rien ré-
parer ?
On a enseigné dans l'ancienne Encj/clopé-
die, que « la vengeance est naturelle, qu'il
est permis de repousser une véritable injure,
de se garantir par là des insultes, de main-
tenir ses droits, et de venger les offenses où
les lois n'ont point jiorlé de remède ; (ju'ainsi
la vengeance est une espèce de justice. »
Cette morale fausse et scandaleuse n'est fon-
dée que sur un abus des termes. La ven-
geance est naturelle, si l'on entend qu'elle
est inspirée par la répugnance naturelle que
nous avons de souffrir; mais si l'on veul
dire que c'est un droit ou une loi naturelle,
cela est faux. Qui nous a donné ce droit, ou
imposé celte loi? 11 est permis de repousser
une injure, de nous garantir d'une insulte,
c'est-à-dire de nous en préserver, et de les
prévenir quand nous le pouvons; mais user
de représailles lorsque nous les avons re-
çues, c'est le vrai moyen de nous en attirer
de nouvelles, plutôt que de nous en mettre
à couvert ; cela ne sert qu'à aigrir un enne-
mi et à le rendre encore plus furieux. S'a-
perçoit-ou que les vindicatifs évitent plus
aisément la haine, les injures, les insultes
que les hommes doux et modérés? Il est en-
core faux qu'il soit permis de venger les
offenses auxquelles les lois n'ont point ap-
porté de remède ; la vengeance ne peut être
un remède dans aucun sens, elle ne répare
rien et ne dédommage de rien : elle satisfait
peut-être pour un moment la colère et la
haine, mais où est la nécessité et la permis-
sion de les satisfaire ? Ce n'est point à un
particulier, à un homme agité par le ressen-
timent, de suppléer au défaut des lois, de se
rendre juge dans sa propre cause, de pro-
portionner la peine au délit. On ne voit que
trop souvent exercer des vengeances atroces
pour une injure très-légère , ou pour un
affront imaginaire.
L'auteur de cet article scandaleux n'a pas
assez corrigé son erreur, en avouant qu'au
jugement des sages il est beau de pardon-
ner, que l'on doit de l'indulgence aux fautes
légères, et du mépris à ceux qui nous ont
réellement offensés. La voix des sages ne
fait pas loi, mais Dieu en a fait une qui dé-
981
VEN
VEN
982
fend la vengeance et commande le pardon ;
iion-seuiemcnt cel;i est be lu, mais c'est un
devoir rigoureux. Le mépris pour un enne-
mi peut consoler notre orgueil, mais ce n"est
ni une compensation ni un dédommagement.
L'auteur a raison de comparer les vindica-
tifs aux sorciers, qui, en rendant malheu-
reux les autres , se rendent malheureux
eux-mêmes; mais nous demandons en quel
sens cette méchanceté pcul être naturelle ou
permise, comme il Vu dit d'abord.
PhisieiTs païens ont donné de meilleures
leçons. Il n'y a, dit Juvénal, que les esprits
faibles, petits, méprisables, qui trouvent du
plaisir dans la vengeance :
Miiiuti
Semper et infirmi est aniini exiguique voluptas
Uliio
Sat. 1", V. 18').
Au jugement de Cicéron, il n'y a rien do
plus louable et de plus digne d'une âme
honnête, que d'être incapable de ressenti-
ment, et de conserver la dotici'lir à l'égard
de tout le monde, De Offic, 1. i, c. 25. Il
condamne un homme qui venge les crimes
par des irimes, et les injures par des inju-
res, in Verr., aci. 3. Celait la morale de
Socrate, de Platon, de Pidlarque, etc.
Mais il y a une règle |)lus sûre pour un
chrétien, c'est la loi de Dieu : avant d'être
écrite, elle était déjà gravée dans le cœur
des justes. Jaeob cond.imna sévèrement la
vengeance cruelle ((ue ses fils tirèrent de la
violence faite à leur sirur par les Sichimi-
les, Gen., c. xxxiv, v. .'JO ; il la leur repro-
cha encort" au lit de la mort, c. xlix, v. 5.
Les patriarches remettaient à Dieu la ven-
f/eance des injures qu'ils avaient reçues.
Non-seulement la loi de Moïse défendiiil à
tout Israélite de se venger et de conserver
delà liain.-, ronire son ennemi, Lcrit.,c.\i\,
V. 17 et 18 ; mais elle ordonnait de lui laire
du bien, d^" lui rendre service, de l'iissisler
dans ses besoins, £jod., c. xxiii, v. i et
5 ; Prov., c. xxv, v. 21. etc. Le Fils de Dieu
n'a donc pas imposé une loi nouvelle lors-
qu'il a dit : Aimez vos rniiemis, faites du bien
à ceux qui vous haiss^nl, priez Dieu pow
ceux qui vous perscculcnl et vous calomnimt
(Mjllh, v, h\). Mais il a réfuté les faus-
ses interprétations que les docteurs Juifs
donnaient à la loi ancienne, à la loi natu-
relle imposée à tous les hommes depuis la
cré;ilioH. Ceux t\ui ont regardé le |)réceple
de l'Evangile comme une loi de suréroga-
tion, ou comme un conseil de perfection ,
se sont étrangement trompés ; ceux (|ui ont
osé soutenir que c'est une loi contraire au
droit naturel, ont péclié ciîcor(! plus griève-
ment contre la vérité cl contre les notions
de la justice. Voy. Iînnehi.
Il est permis sans doute par le droit na-
turel de f.iirc punir un ennemi (jui nous a
offensés injuslemeat, parce que l'ordre pu-
blic y est intéressé; mais vouloir nous faire
justice à nous-mêmes, c'est usurper l'auto-
rité des lois, ou plutôt l'autorilc de Dieu
même.
Nous convenons que dans l'Ecriture sainte,
aussi bien que ilans le discours ordinaire ,
les termes de vengeance et de p^tnition sont
souvent confondus ; saint Paul, Itom., c.
XIII, V. '*, dit ijuc le prince est le ministre
de Dieu pour exéruler sa vengeance contre
celui qui l'ait le mal. On dit d'un magistrat
qu'il est chargé do la vengeance publi(iue,
c'est-à-dire de punir les malfaiteurs, mais il
ne liur inflige pas des peines par colère ni
par ressentiment, il le fait p;ir justice et
souventconlresou inclinalion. Au contraire,
un homme qui veut se venger de son enne-
mi, dit i/u'il le punira: de quel droit et par
quelle autorité"? Ce n'est pas sur une équivo-
que on sur un abus des termes qu'il faut éta-
blir des maximes de morale. Do même Dieu,
dans l'Ecriture sainte, est appelé le Dieu
des vengeances. Ps.xci, v. l,il dit : Cesl àmoi
que la VENGEANCE appartient, je l'exercerai
dans le temps, Deut., c xxxii, v. 35 ; Ëccli-,
c. XII, v, k ; Rom., c. xii, v. 19, e(c. Il est
évident (|ue, dans tous ces passages, venger
ne signifie rien autre chose que punir; c'est
le droit inaliénable cl la fonction essentielle
lie la justice divine. Dieu, qui ne peut être
blessé par aucune injure ni éprouver au-
cune passion, dont le bonheur suprême ne
peut croître ni diminuer, ne peut certaine-
ment se plaire à rendre le mal pour le mal;
il pnnit, non pour se contenter soi-même,
mais pour le biin général de l'univers.
Si riiommc jouiss.'iil d'une paix et d'un bien-
être inaltérable , il n'aurait jamais aucun
désir de se venger : le désir est une preuve
de faiblesse. Celui qui veut se venger, dit
l'aulenr de l'Ecclésiasliiiue, éprouvera lui-
rriHmc la VL■NGEA^CI!: du Seigneur, et ses pé-
chés seront mis en reserve. Pardonne: à vo-
tre prochain l'injure qu'il vous a faite, alors
votre prière obtiendra la rémission de vos
fautes. Un homme garde sa colère contre tin
aulre homme, et il demande grâce pour lui-
inéme ; il n'a point de pitié pour son srmbla-
ble, et il ose espérer misiricordi' ; un faible
timas de chair conserve du ressentiment, et il
prie Dieu de lui être propice! Qui voudra
prier avec lui? .Sourenez vous de la mort;
vous n'aurez pliis d'inimitié contre personne
(Eccli. xxviii, I). Cette morale vaut bien
celle des philosophes ; .lésus-Cbrist l'a ré-
duite à deux mois : Pardonnez-nous nos
offenses, comme nous les pardonnons à ceux
(jui nous ont offensés.
On a beau étaler les pompeuses maximes
des sto''ciens, qu'il est d'une âme généreuse,
d'une grande âme de pardoiiner ; qu'en ou-
bliant une injure, elle se lieiid supérieure à
celui qui l'a faite ; (]ue le idaisir de faire
grâce est plus flatteur que celui de se ven-
ger, etc. Donnez donc à tous les hommes
dos âmes nobles, généreuses, sensibles au
pi lisir délicat de faire grâce, ils senlironl alors
la vérité de vos leçons ; mais s'il en est très-
peu de celle trempe, de quoi servir.i votre
morale aux autres? 11 eu faut une cepen-
dant pour tout le monde. Dieu seul a su le
mellrc à portée de tous, en les prenant par
leur propre inlérêt, et eu leur imposant la
983
VEN
VER
984
loi du talion. — De droit naturel, la ven-
geance et les représailles ne sont permises
qu'à une nation offensée par une autre na-
tion, parce qu'il n'y a point do triliunal su-
périeur ni (le juge auquel elle puisse recou-
rir pour obtenir saiisfacton ; parce que
chacune en particulier est chargée de sa
propre conservation, el parce que la crainie
est nialheunnisement le seul frein qui puisse
reteniren paix des voisins ambitieux. Lors-
que le roi prophète demande à Dieu de ven-
ger son peuple des insultes de ses ennemis,
il implore la justice divine, non pour satis-
faire son propre ressentiment, mais pour la
sùrelé el le repos de sa nation : ce désir est
très-légilime. Lorsqu'il semble demander
vengeance conlte ses ennemis personnels ,
nous avons oliservé ailleurs que ce ne sont
ni des sentiments de haine ni des impré-
cations, mais des prédictions. Voy. Impré-
cation.
Les voyageurs ont observé que chez les
peuples simples et non policés la vrngcimce
est impiacaljle, qu'elle paraît aggraver ses
fureurs et sa cruauté à proportion de la
bonté el de la bienfaisance de leur âme
lorsqu' elle est dans son assiette naturelle,
qu'il en e-t ainsi des sauvages de l'Améri-
que, des nouveaux Zélandais, des Indiens
de Madagascar, etc. Ainsi les nations chez
lesquelles la vengeance est censée non-seule-
ment un droit, mais un devoir qui passe
des pères aux enfants , et (|ui perpétue les
haines entre les familles , sont encore à cet
égard dans l'état de barbaiie : on dit que
tels étaient les Corses, avant ciue la crainte
de la justice française n'eût étouffé chez eux
celle frénésie. Mais s'il est encore un royaume
dont les peuples se croient policés , doux ,
instruits, philosophes même, où l'on juge
cependant qu'il esi beau de laver la plus lé-
gère injure dans le sang de l'offenseur, et
qu'il y a du déshonneur à ne pas vouloir
commellre ce crime, comment faut-il quali-
fler celle nation? Voy. Dukl.
il y a néanmoins un cas dans lequel la loi
de Moïse permettait, ordonnait même la
vengeance particulière. Lorsqu'un homme
en avait tué un autre volontairement, par
haine ou par colère , le plus pioche parent
du mort qui succédait à tous ses biens, avait
droil de tuer le meurtrier partout où il le
trouvait , Niim., c. xxxv, v. 19 et 21. 11 était
appelé pour celte raison le rédempteur, du
sang , ou le vengeur du sang. Celte loi , qui
a subsisté et qui subsiste encore chez plu-
sieurs peuples, a eu pour motif de prévenir
les homicides toujours très-communs dans
les sociétés où il n'y a pas une police exacte
et sévère. Un meurtrier volontaire ne pou-
vait guère espérer d'échapper tout à la fois à
la justice publique et à la vengeance des
parents du mort. Longtemps auparavant
Dieu avait déjà dit à Noé et à ses enfants :
Si quelqu'un répand le sang humain, son pro-
pre sang sera versé, parce que l' homme est
fait à l'image de Dieu [Gcn. ix, (5). — Pour
ceux auxquels il était arrivé de tuer un
homme involontairemenl par cas fortuit et
sans dessein prémédité , Dieu avait fait dési-
gner des villes de refuge dans lesquelles ils
pussent se retirer el demeurer en sûreté,
pendant que l'on examinerait s'ils étaient
réellement coupables ou non. Si l'un d'eux,
sortait de cet asile, el qu'il fût rencontré
par le vengeur du sang, celui-ci avait droit
de le mettre à mori. Un meurtrier même in-
volontaire ne récupérait la libi'rlc et la sû-
reté qu'à la mort du grand prêtre, Num.,
e. xxxv, V. 28; Jaune, c. xx, v. 2. Quoique
l'homicide fortuit ne fût pas un crime, mais
un malheur. Dieu \oulait néanmoins que
celui qui en était l'auteur fût puni par une
espèce d'exil. Selon nos lois celui qui se
trouve dans ce cas, et dont l'innocenee est
prouvée, doit cependant obtenir des lettres
de grâce; parce t|u'il est essentiel à la siirelé
et au repos de la société, nue lout honmie
évite jusqu'à la moindre imprudence capa-
ble d'ôler la vie à son prochain.
Quelques auteurs ont ilit que le vengeur
du sang (jui tuait le mrurlrier involontaire
sorti de son asile, n'était point innocent
dans le tribunal de la conscience, devant
Dieu et selon le droit naturel, quoiqu'il fût
à couvert de toute condamnation civile.
Cette décision ne nous paraît pas juste dans
cette circonstance; le vengeur du sang
était censé revêtu de l'autorité publique en
vertu de la loi; ainsi ces paroles : Il sera
sans crime, absque noxa eril , Num., ibid.,
v. 27, doivent être prises à la rigueur; ce
n'étail plus une vengeance , mais une puni-
tion. Le meurtrier involontaire n'aurait pas
dû violer la loi qui lui défendait de sortir de
la ville de refuge avant la mort du grand
piètre.
VÉNIEL fpéché). Voy. Péché.
Vf;i'ltES. Voy. Heurei canoniales.
VÉKACITÉ DK DllîU. Attribut en vertu
duquel Dieu ne peut ni se tromper lui-même,
ni nous tromper lorsqu'il daigne nous parler.
Cette perfection divine nous est connue par
la lumière naturelle et par la révélation.
Moïse dit à Dieu, Exod., c. xxxiv, v. 6 :
Seigneur , souverain maître de toutes choses,
vous êtes miséricordieux, patient, indulgent,
compatissant el vrai, verax. Dieu lui-même
force un faux prophète à lui rendre cet
hommage, Num., c. xxiir, v. 19 : Dieu n'est
point, comme l'homme, capable démentir, ni,
comme un enfant, sujet à changer; quand
donc il a dit une chose, ne la fera-l-il pas?
lorsqu'il a parlé, naccomplira-t-il pas sa
parole? Dieu est vrai, dit snini Paul, mais
tout homme est sujet à tromper {Rom. m, 4).
Celui ci peut avoir une opinion fausse , parce
que son intelligence est très-bornée , et il
peut avoir intérêt d'en imposer à ses sem-
blables : Dieu, dont la science est infinie,
voit toutes choses telles qu'elles sont; il ne
peul donc être sujet à l'erreur ; aucun besoin,
aucun intérêt, aucune passion, ne peut
l'engager à tromper ses créatures : Dieu , dit
le Psalmiste, est fidèle dans toutes ses paroles ,
et saint dans toutes ses oeuvres {Ps. cxliv,
13). etc.
Sur cette perfection divine sont fondées la
983
VER
VER
986
certitude de notre fui, la solidité de notre
espérance, la soumission de noireohéissance;
c'est pour cela <iuc nous dovoiis croire sur
la parole de Dieu les choses mêmes que
nous ne comprenons pas. Dès qu'il nous en-
seigne UHi^ doctrine, elle ne peut pas être
fausse; lorsiiu'il nous fait une promesse, il
ne peut pas manquer de l'accomiilir ; quand
il nous commande une action, ce nu peut pas
être un crime. Aussi la foi, prise dans toute
son étendue, renferme la croyance de tout ce
qu'il nous a révélé, la confiance à ce qu'il
nous promet, l'obéissance à ce qu'il nous
ordonne : lille est la foi justifiante doni saint
Paul a fait de si grands éloges. Par la même
raison , Dieu ne peut pas permettre que ceux,
qu'il a envojés pour nous instruire tombent
dans l'erreur el nous y induisent; ce serait
lui-nu'mi'qni nous tromperait et nous tendrait
un piège inévitable. Celui qui vient du ciel,
dit nutre Sauveur, est fiH-df.«.«!(s de tous
Qtticiinque reçoit son lémoicjniuic atteste par
là inéme que Dieu est vrai [Jonn. m, 31).
Cilui qui croit à ma parole ne croit pas en moi
[seul), mais en celui qui m'a envoyé {Joan.\ii,
44-). Puisque vous croyez <n Dieu, croyez
aussi en moi [Jonn. xiv, 1), e(c. Dès que Dieu
a revêtu un homme de tous les caractères
d'une mission surnalurcHe et divine, nous
devons croire à sa parole comme à celle de
Dieu. Voy. .Miss on.
L'on accuse quelques théologiens scolas-
tiques d'avoir enseigné que Dieu peut men-
tir et tromper, mais ou a mal pris le
sens de leurs expressions, ils ont dit
que Dieu pourrait mentir et trtmiper,
s'il le voulait, mais qu'il ne peut pas le
vouloir , parce qu'il est la sagesse et la
sainteté même. C'est une de ces fausses
subtilités de logique auxquelles les scolasti-
ques se sont trop souvent exercés, et qu'ils
auraient dii éviter pour no pas scandaliser
les faibles. D'autres ont douté si Dieu ne
peut pas mentir et nous tromper pour notre
bii'n, comme le fait quelquefois un père à
l'égard de ses enduits, et un médecin à 1 é-
gard (le ses malades. Il faut qu'ils n'aient
lait attention ni aux passages de l'Ecriture
que nous avons cités, ni aux perfections de
la nature divine. Dieu, dont la puissance et
la sagesse sont infinies, a-l-il besoin d'un
mensonge ou d'une illusion pour nous per-
suader el nous faire vouloir ce qu'il lui |)laît?
Saint Paul ne veut pas que l'on profère un
mensonge aM.n de l'aire éclater davantage la
véracité de Dieu, ni que l'on fasse un mal
alin qu'il en arrive un bien, Rom., c. m, v.
7 el 8; à plus forte raison Dieu en est-il in-
capable. Si un père et un médecin avaient
d'autres moyens de rendre dociles les enfants
et les malades, sans doute ils n'auraient pas
recours au mensonge pour y réussir; mais
Dieu manque -t- il jamais de moyens'? L'E-
criture réprouve celte comparaison, en di-
sant que Dieu n'est pas comme l'homme, ca-
pable de mentir. En le créant, Dieu lui a
inspiré l'auiour de la vérité aussi bien que
celui de la vertu, il lui a fait un devoir de
l'un el de l'autre; il ne peut donc nous don-
ner l'exemple du mensonge, non plus que
l'exemple du crime; jamais il n'y a pour
nous un avantage réel à être trompés. Si
nous avions lieu de foi mer le moindre doute
sur la véracité infaillible de Dieu, nous ne
pourrions plus rien croire de foi divine;
nous craindrions toujours (jiie Dieu ne nous
enseignât une erreur pour quelque dessein
que nous ne connaissons pas. Nous serions
même tentés de nous défier de la lumière
naturelle et de la raison (|u'il nous a don-
nées; le pyrrhonisme absolu serait la seule
vraie philosophie Ainsi les anciens héréti-
ques qui prétendaient que le Fils de Dieu ne
s'éiait pas incarné réellement, mais seule-
ment en apparence; (ju'il n'avait pas eu
une chair réelle, mais fantastique ; que Dieu
avait lait illusion à lous ceux i|ui avaient
cru le voir, l'entendre, le toucher en chair et
en os, cho()uaient les plus pures lumières
du bon sens. (Joanl aux passages de l'Ecri-
ture où il est dit que Dieu trompe, aveugle,
séduit, égare les pécheurs, nous les avons
expliqués plus d'une fois; nous avons fait
voir qu'en les comparant à nos discours les
jilus ordinaires, il n'y reste aucune difficulté.
Voy. Cause, Abandon, AvEUiiLESiENT, En-
durcissement, etc.
* Véracité des lhkes saints. C'est surtout la vé-
racité (|iii donne de l'auiorité à un livre. Aux mots
Evangiles, I'bntateuque, Genèse, etc., nous avons
prouvé la véracité de nos livres saints.
VEUBE DIVIN. Terme consacré dans l'E-
criture sainte et parmi les théologiens pour
signifier la sagesse éternelle, le Fils de Dieu,
la seconde personne de la sainte Trinité,
égale et consubstantielle au Père. Il est à
remarquer que, dans toutes les langues, les
mots qui désignent la parole ont une signi-
fication très-étendue; ainsi en français chose,
qui vient du latin causa et du grec z«Jo-ai,
parler; en latin res. dérivé de fia, je parle,
en grec )oyor, le d^iscours; dans les langues
orientales emer, el deber, la parole, sont les
termes les plus génériques. Ils expriment
non-seulement la voix articulée, mais la
parole intérieure, les opérations de l'esprit,
la pensée, la raison, la volonté, la réflexion,
le dessein, une affaire, une action, etc.,
parce que tout cela se montre au dehors
par la parole, et que rien ne se fait parmi
les hommes sans penser et parler. Comme
nous ne pouvons concevoir ni exprimer les
attributs et les opérations de Dieu que par
analogie avec les nôtres, nous ne devons
pas être surpris de ce ([ue emer et deber dans
le texte hébreu, '/iy,; dans les versions grec-
ques et dans le Nouveau 'festameni, verbum
dans la Vulgate, signifient non-seulement la
sagesse divine el l'acte de l'entendement di-
vin, mais encore l'objel et le terme subsi-
stant de celle o[)éralion.
Les théologiens ont dû former leur lan-
gage, autant qu'il était possible, sur celui de
l'Ecriture sainte, après en avoir comparé les
passages. Conséqucmment ils disent : Dieu,
se connaissant lui-même nécessairement et
de toute éternité, produit un terme ou ua
J87
TER
VER
9S8
objet de cette connaissance, un Etre égal à
lui-même, subsistant et inllni comme lui,
parce qu'un acte nécessaire, continuel et
coéternel à la Divinité, ne peut pus être sem-
blable à un acie passafçer et borné, ni stérile
comme les nôtres. Au'-si cet objet de la con-
naissance de Dieu le Père est appelé dans
l'.lîcriture son Verbe, sa Sagrsse, son Fils,
rimage de sa siibstance, la splendeur de sa
gloire, etc. Les auteurs sacrés lui attribuent
les opérations de la Divinité; ils en parlent
comme d'une personne distincte du Père, ils
le nomment Dieu comme le Père, etc. Les
théologiens nomment génération cet acte de
l'entendement divin par le(iuel Dieu produit
son Verbe, parce que c'est le mot consacré
dans l'Ecriture sainte à l'exprimer; Prov.
c. VIII, V. 26 ; Hebr., c. i, v. 5, etc.
Nous ne devons pas être étonnés non plus
de ce qu'un mystère si supérieur à l'intelli-
gence humaine, que l'on ne peut concevoir
ni expliquer par aucune comparaison, a été
combattu par un aussi grand nombre d'hé-
rétiques. Du temps même de saint Jean, les
cérinthiens et les ébionites, cnsuile les gno-
stiques divisés en différentes sectes, Carpo-
crate, Basilide, Ménandre, Praséas, Noël,
Sabellius, Paul de Samosate, qui tous ont
laissé des disciples; enfin les ariens et leurs
descendants l'attaquèrent de diverses ma-
nières. Dans les deux derniers siècles, les
sociniens et leurs adhérents ont fait tous
leurs efforts pour anéantir ce dogme essen-
tiel et fondamenlal du cbrisiianisiiie. (Quoi-
que dans les articles Fii.s de Dieu et Trinité,
nous ayons déjà traité plusieurs questions
qui ont rapport à celui-ci, mius ne pouvons
nous dispenser d'examiner encore ce qui est
dit du Verbe divin dans l'Ecriture sainte,
dans les oiivrages des Pères, et la manière
dont les hérétiques de notre temps ont tra-
vesti celte doeirine. Nous verrons donc, 1°
si le Verbe divin est une personne subsi-
stante de toute éternité; 2' s'il est Dieu dans
toute l'énergie et la propriété du terme; .'5" si
les Pères des trois premiers siècles ont été
orthodoxes sur ce dogme de f )i; k" si la no-
lion du Aerbe divin est empruntée de Pla-
ton, ou de quelque autre école de philosophie.
§ l". Siiivant l'Ecriture sainte, le Verbe
DIVIN est uni' personne subsistante, et non
une simple dénomination. Getle vérité est
clairement enseignée dans l'Evangile de
saint Jean, c. i. v. I -.Au commencement était
le Verbe; ce Verbe était en Dieu{cn\a\vc Dieu)
et il était Dieu : voilà ce qu'il étnil avec Dieu
et au commencement. Toutes choses ont été
faites pur lui, et rien de tout ce qui est fait
ne l'a été sms lui. lin lui était la vie, et celte
vie était la lumière des hommes; elle luit dans
les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont point com-
jirise.... C'était la vraie lumière qui éclaire
tout homme venant en ce monde. Il était dans
le monde, le monde a été fait par lui, et le
monde ne l'a pas connu; il est venu parmi les
si ns, et ils n'ont pas voulu le receroir... Le
Verbe s'est fait chair, il a demeuré parmi
nous, et nous atons vu sa gloire, la gloire
propre au Fils unique du Père, rempli de
grâce et de vérité... Personne n'a jamais vu
Dieu; le Fils unique, qui est dans le sein du
Père, nous l'a révélé. Tel est le témoignage
que lui a rendu Jean-Baptiste, etc. En cITet,
V. dk, Jean-Baptiste rend témoignage que
Jésus est le Fils de Dieu.
Rien dé plus absurde et de plus impie que
le commentaire par lequel Socin s'est atla-
ché à travestir le sens do tout ce passage
de saint Jean; c'est un exemple remarquable
de la licence avec laquelle les hér;tiques se
jouent de l'Ecriture sainte. Voici sa para-
phrase -.Au commencement de la prcdiealion
de Jean-Baptiste, était le Verbe ou la pa-
role, savoir, Jésus destiné à annoncer aux
hommes la parole et les volontés de Dieu.
Ce Verbe était enDien.i! n'était encore connu
que de Dieu, et il était Dieu par les qualités
divines dont il était duué. Toutes choses qui
concernent le monde spirituel et le salul des
hommes, ont été faites par lui, et rien de ce qui
concerne cette nouvelle création n'a été fait
sans lui. En lui était la vie et la lumière sur-
nalurelle des hommes, il en est !e seul au-
teur ; mais cette lumière luit dans les ténèbres,
peu de personnes la cherchent et veulent la
connaître. Le Verbe a été chair; quoiqu'il
soit appelé Dieu et Fils de Dieu, il a élé ce-
pendant sujet aux faiblesses de l'humanilé,
aux humiliations, aux souffrances, à la mort.
Quand un homme aurait lu cent fois l'E-
vangih», lui viendrait-il à l'espril d'y donner
ce sens? On sait, par les témuignages du se-
cond siècle, rendus cinquante ou soixante
ans tout au plus après la mort de saint Jean,
que cet apôlre écrivit son Evangile pour ré-
futer Cérinlhe et les gno^tiques, qui niaient
non-seulement la divinité de Jésus-Christ,
mais qui soutenaient que le monde n'est pas
l'oîivrage de Dieu ; que c'est la production
d'un esprit très inférieur à Dieu; que le
Verbe ou le Fils de Dieu ne s'est pas
réellement incarné, Iren., adv. Uœr., I. m,
c.ll.n. 1. Si le sens de cet apôlre était tel que
les sociniens le prétendent, ce qu'il dit n'au-
rait servi de rien pour réfuter les héréti-
ques; il les aurait plutôt confirmés dans
leur ericur. ÎSIais entrons dans le détail.
1° il n'est point question dans saint Jean du
commencement de la prédication de l'Evan-;
gile, mais ûa commencement <ic l'univers; ni
delà naissance d;i monde spirituel, mais
de la première création. Le mot de ce! évan-
gélisle est le même (jue relui de .Moïsi; : .Iw
commencement Dieu créa le ciel et la terre.
C'est ainsi que l'a entendu saint Paul, Hebr.,
c. I, V. 10. !1 adresse au Fils de Dieu ces
paroles du Ps. ci, v. 20 : Au commincement.
Seigneur, vous avez fondé la terre, et les deux
sont l'ouvrage de vos mains. Coloss., c. i, v.
16, il dit qu'en Jésus-Christ ont été créées
toutes choses dans le ciel et sur la terre, les
êtres visibles et invisibles... Que tout a été
créé et subsiste en lui et par lui. Cela est con-
firmé par un passage célèbre du livre des
Proi\, c. viii, V. 22, où la Sayesso dit, selon
le leste hébreu : Jéhovah m'avait préparée
pour Commencement de ses voies et pour
principe de ses ouvrages; j'y ai présidé de
989
VER
VER
OM
toute éternité, avant h naimance de la terre,
des abîmes de la mer, des collines, des monta-
gnes, du globe entier, j'étais déjà ni'e, ou en-
gendrée. J'étais présente lorsqu'il réglait l'é-
tendue des cieu.r, gu'il donnait à la mer ses
bornes, et à la terre son é<juiHbre; j'arran-
geais tout avec l\ti ; je témoi'jnais ma joie de
pouvoir hfd)itrr sur la terre et parmi les en-
fants des hommes. Or, selon les livres saints,
le Verbe liii-mèine est la sagesse divine, et
voilà sa naissance éternelle clairement ex-
primée par Salomon. — 2' S;iinl Jean l'a con-
çue de même ; il ilil qu'au commencemnit, ou
au moment de la création , le Verbe était en
Dieu, ou aveu Dieu, et (\u'il était Dieu. Il
était donc avant le temps, puisque le temps
n'a lomniencé qu'à la création : or, ce qui
était avant le temps est éleinel. — 3° Le Verbe
ne signifie point ici la paidle extérieure,
mais ce qui était dans l'enti ndemcnt divin ,
puisqu'// était en Dieu, on avec Kieu ; Jésus-
Clirist n'est donc pas appilé le Verb >, parce
qu'il était destiné à annoncer aux hommes
la parole et les volontés de Dieu ; avant lui
les prophètes et Jean-Baptiste, après lui les
ajiôtrcs et leurs successeurs ont rempli ce
ministère; ils ne sont pas appelés pour cela
les lerbcs oa les paroles de Dieu : cette ex-
pression est inouïe dans l'Iicriture sainte.
Lorsque l'évangéliste ajoute qu'il était avec
T)iru, cela ne peut pas signider qu'il n'était
connu que de Dieu; avant la prédication de
Jcan-Bapliste, Jésus avait élé reconn;-. comme
Messie et comme Sauveur pai- les beigcrs de
Bethléem, à qui des anges l'avaient annoncé
comme tel; parles mages, qui ciaient venus
l'adorer ; par Sirnéon et par la propliétesse
Anne ; Zacliarie et Eiisaiielh lui avaient
rendu leurs hommages lorsqu'il était encore
dans le sein do Marie. V° Le Verbe était Dieu;
c'est aux écrivains sacrés, el non à de ni)u-
Veaux docteurs, que nous devons nous en
rapporter pour savoir en quel sens saint
Paul, Colons., c. Il, V. 9, dit qu'en Jésus-
Christ habite toute la plénitude de la Divi-
nité ; Jlebr., Cl, v. 3, qu'il e-t la splendeur
de la gloire el la figure de la substame de
Dieu ; v. 6, que Dieu a ordonné aux anges
lie l'adurei- ; Pom., c. ix, v. 5, qu'il est par-
dessus tout le Dieu béni dans tous les siè-
cles; /l/)or., c. XIX, v. 13, qu'il est le Verbe
de Dieu , / Joan., c. v, v. 22, qu'il est le
vrai Dieu et la vie éternelle. Quelles que
soient les qualités divines dont une créa-
ture puisse être revêtue , aucun de ces
titres ne peut être vrai à son égard. Nous
connaissons toutes les finesses de grammai-
re, les transposili(ms, les ponctuations ar-
bitraires par lesquelles les sociniens per-
>ertissent le sens de tous ces passages ;
mais qui les a établis arbitres souverain;
du texte des livies saints? les lisent- ils
mieux que les disciples des apôtres? — ,ï" Si
ces paroles : Toutes choses ont été faites par
lui , le monde a été fait par lui, doivent s'en-
tendre du monde spirituel composé des ado-
rateurs du vrai Dieo, il l'st absurde de dire
que le Verbe était dans le monde, et que le
monde ne l'a pas connu. Il ne pouvait être
dans le monde spirituel, avant qu'il ne l'eût
formé lui-même; ce monde n'est composé
que de ceux qui le reconnaissent pour le
Fils de Dieu et (]iii l'adorent en cette qua-
lité. D'ailleurs, nous venons de prouver par
l'Kcrilure qu'il s'agit ici de la première créa-
lion de l'univers. -G" /.e Verbe s'est fait chair,
ou s'est fait liomme. Socin a bien vu que ce
Sens ne s'accordait pas avec son opinion ; il
a traduit, le Verbe a été chair, c'est à-dire
sujet aux humiliations, aux infirmités, aux
souffrances de l'Iiumanilé. ICn premier lieu,
saint Paul l'entend autrement. Roin., c. i,
v. 3, il dit que Jésus-Chi ist, Fils de Dieu, lui
a élé fait de la race de David selon la chair.
En second lieu, dans ([uelques pa^sages de
l'Ancien Testament, la chair si|,'nifii' à la vé-
rité les infirmités humaines, la fragilité de la
vie; mais il n'a le même sens dans aucun
lieu du;Nouveau Testament ; il désigne plu-
tôt les faiblesses humaines dans le sens mo-
ral, les inclinations vicieuses, les penchants
déréglés de la nature. Or, le Verbe incarné
n'y a pas élé sujet ; il a été semblable à
nous, dit saint Paul, par toutes sortes d'é-
preuves, muis à l'exception du péché, Helir.,
c. IV, v. 15. En troisième lieu, l'évangéliste
ajoute incontinent : Et nous avons vn sa
gloire, telle que celle du Fils unique du Père.
Celte gloire ne consistait cortaincmenl pas
dans les linmilialiuns et les souffrances.
Nous suivons exactement la règle que nous
prescrivent nos adversaires, nous expli-
quons l'Ecriture par l'Ecriture; s'ils fai-
saient de même, ils n'eu pervertiraient pas
si souvent le sens.
De toutes cps observations, il résulte (lue,
dans le texte desaint Jean, le Verbe n'est point
une simple dénomination, ni un titre d'hon-
neur, ni une commission que Dieu a donnée
à Jésus-Christ, mais une personne subsi-
stante qui était avec Dieu le Père, qui agis-
sait avec lui en créant le monde, qui exi-
stait par conséquent avant le inonde et de
toute éternité, flelto doctrine de saint Jean
et de saint Paul n'est pas nouvelle ; l'auteur
du livre ilo la Sagesse dit comme eux, que
cette sagesse divine est Véclal de la lumière
éternelle, le miroir pur de la majesté de Dieu,
et l'image de sa bonté {Sap. vu, tîG); il dit, c.
IX. v. 1 : Seigneur miséricordieux, qui avez
tout fuit par votre Verbe, Ihyy, el qui avez
formé l'homme par votre sagesse ; il ajoute,
V. 9, avec Salomon, que cette sagesse était
présente lorsque Dieu faisait le monde.
Da\id ne se borne point à dire que la pa-
role de Dieu (bébr. deber, iir. lo;0,-) a fait les
cienx et l'armée des astres, qu'elle a rassem-
ble les eaux dans les mers, etc. Ps. xxxii,
V. fi; il rejirésente cette parole comme un
messager que Dieu envoie pour exécuter ses
volontés, l's. CM, y. 20; Ps. cxi.vi, v. 18. Dieu
dit par Isaïc, c. i.v, v. 1 i : Ma parole ne revien-
dra point à moi sans effet, elle opérera toutes
les choses pottr lesquelles je l'ai envoyée , etc.
Les sociniens ilironl sans doute que ce
sont là des hébraïsmes, des métaphores, des
expressions hardies, familières aux Orien-
taux; mais les écrivains du Nouveau Tes-
09 1
VER
VER
99Î
laraent n'ont pas dû se servir de prétendues
métaphores pour nous enseigner les articles
fondamentaux de noire foi; c'était le cas de
parler clairement et simplement ; les sim-
ples Odèies ne sont pas obligés d'avoir au-
tant de sagacité que les socinicns, pour dé-
couvrir le sens du langage oriental. Il est
absurde de soutenir d'un côlé que l'Ecriture
est la seule règle de leur foi, et, de l'autre,
que le style en est méiaphorique, lors même
qu'il s'agit des dogmes les plus nécessaires
à savoir.
§ II. Le nom de Dieu est donné au Verbe
divin, non dans un sens impropre et abusif,
mais dans toute la rigueur et la propriété du
termi'. Celte vérité est déjà solidemml prou-
vée, soit par les passages de l'Ecriture que
nous venons de citer, soit par ceux que
nous avons rassemblés an mot Fils oeDieu;
mais l'opiniâtreté de nos adversaires nous
oblige à multiplier les preuves. En premier
lieu, il n'es! pas aisé de cnnccvoir eu quel
sens les socinicns appellent Jésus-Christ
Dieu et Fils de Dieu. 11 est Dieu, iliseut-ils,
parce qu'il règne daus le ciel; mais, selon
saint Jean, il était déjà Dieu avant d'avoir
fuit le monde, avant que le ciel et la terre
fussent existants. Un être qui n'est pas Dieu
par naissance, ne peut pas le devenir. Ils
ne (liront pas qu'il est Dieu, parce qu'il est
créateur, puisqu'ils n'admettent pas la créa-
lion. Suivant leur doctrine , Jésus , Verbe
divin, est Fils de Dieu, parceque Dieu lui a
donné une àme qui est plus parfaite que tous
les esprits inférieurs à Dieu, et parci- qu'il
a formé son corps dans le sein de Marie sans
l'intervention d'aucun homme. Mais Adam
est aussi nonmié fils de Diru , Luc, c. m,
V. 38, pane que Dieu a formé le corps do ce
premier homme de ses propres mains, et
lui a donné une âme faite à son image et à
sa ressemblance. Cependant Jésus-t^lirist
s'est appelé lui-même fils unique de Dieu,
fiovo^EvÀ;, Joan,, c. m, v. 18, etc. Quelle est
donc celle filiation singulière qu'il s'atirihue
et qui ne convient qu'à lui ? 11 faut que l'âme
de Jesus-Christ soit sortie de Dieu ou par
création ou par émanation, ou qu'elle soit
éiernelle comme Dieu : nos adversaires
croient la créalion impossible; les émana-
lions sont absurdes ; Dieu pur esprit, être
simple et immuable, ne peut rien détacher
de sa substance. D'ailleurs une émanation
divine se serait faite nécessairement, donc
de toute éternité : oi' les socinicns prétendent
que l'âme de Jésus-Christ n'a commencé
d'exister qu'avant la créalion du monde; ils
ont bien senti que si elle était coélernelle à
Dieu, elle lui serait consubslanlielle , et un
seul Dieu avec le Père. Enfin saint Jean dit
que le Fils unique , qui est dans le sein du
Père, nous a révélé Dieu, c. i, v. 18; com-
ment peut-il y élre encore . s'il en est sorti
par émanation? Les philosophes qui ont
ainsi conçu la naissance des esprits n'ont
jamais pensé qu'en sortant du sein de Dieu,
ils y étaient cependant restés. Les socinicns
ont b.eau faire , ils n'éviteront jamais les
mystères révélés dans l'Ecriture sainte,
qu'en forgeant d'autres mystères cent foi*
plus inintelligibles. — En second lieu, l'Ecri-
ture attribue au \'erbe divin , au Fils de
Dieu, à Jésus-Christ, non-seulement de.c
qualités divines , mais les attributs de la
Divinité incommunicables à une créature.
1° L'éternité, suivant le passage des Prover-
bes, c. V, v. 22, que nous avons cités. Le
prophète Michée l'a répélé, c. v, v. 2; il pré-
dit qu'il sortira de Bethléem un domioMteur
d'Israël dont la naissance est du commence-
ment et des jours de l'éternité. L'hébreu ho-
lam signifie l'éternité de Dieu , Gen., c. xsi,
v. 23; Ps. Lxxxix, v. 2; Isa., c. xl, v.28, etc.
En parlant du passé, il n'exprime jamais
une durée bornée. Yoy. \a Synopse des cri-
tiques sur ce passage. 2° Le pouvoir créateur,
ou la puissance d'opérer par le seul vou-
loir, suivant le mot de saint Jean, toutes
choses ont été faites par lui, et selon l'ex pres-
sion du Psalmisle, il a dit, et tout a été créé;
c'e>l le caractère essentiel et définilil de la
divinité. 3" L'immensité; nous lisons dans»
saint Jean, c. m, v. 13 : Personne n'est monté
au ciel que celui qui est descendu du ciel,
savoir le Fils de l'homme qui est dans le ciel.
Il était donc tout à la fois dans le ciel et sur
la terre. 4" Le souverain domaine sur toutes
choses ; il dit lui-même, Joan., c. xvi, v. 15,
Tout ce qu'a mon Père est à moi ; c. xvii, v. 2 :
Mon Père, glorifiez voire Fils auquel vous
avez donné la puissance sur toute chair;
v. 10: Tout ce qui estùmoi est à vous, et tout
ce qui est à vous est à moi. S.iinl P.iul nous
assure, Ilebr., ci, v. 2 et 3, que Dieu a
établi son Fils héritier de toutes chosis, et
que ce Fils soutient tout par sa puissance;
c. II, V. 8, que Dieu lui a soumis toutes cho-
ses sans exception; v 10, que toutes choses
sont non-seulement par lui, mais pour lui ;
conséqueminent Jésus-Christ dit dans l'Apo-
calypse, c. XXII , V. 12 : Je suis l'alpha et l'o-
méga, II- premier et le dernier, le principe et
la fin. Dieu lui-même, pour donner aux hom-
mes une idée de sa grandeur et de sa majesté
suprême, a-l-il rien dit de plus fort dans
toute l'Ecriture sainte? En troisième lieu,
si le nom de Dieu n'était donné à Jésus-Christ
que dans un sens impropre et abusif, saint
Paul n'aurait jamais osé dire, Cotoss,, c. ii,
V. 9 , qu'en lui habile corporellement toute
la plénitude de la Divinité; Rom., c. ix, v. ^,
qu'il est par-dessus tout le Dieu béni dans
tous les siècles; ni saint Jean, Epist. I, c. v,
V. 20, qu'il est le vrai Dieu et la vie éiernelie.
Une créature ne peut pas élre le vrai Dieu.
Le Sauveur lui-même n'aurait jamais osé
prétendre au culte suprême , qui n'est dû
qu'à Dieu seul. Or, il a dit, Joan., c. v,
V. 22 : Le Père a donné à son Fils le droit
déjuger, afin que tons honorent le Fils com-
me ils honorent le Père; c. x, v. 30 : Mon Père
et moi nous sommes une même chose. Les
anges disent do lui, .4poc. , c. v, v. 12 : L'a-
'yneau qui a été immolé est digne de recevoir
la puissance, la divinité, lu sagesse, la force,
l'honneur, la gloii e, la bénédiction. Cependant
Dieu a dit dans sa loi : Vous n'aurez point
d'autre Dieu que moi ; je suis le Dieu jaloux.
995
VrîR
VER
9d4
Exod., c. xx; et dans Jsai., c. xui, v. 8;
c. XLviii, V. ll:/e mis le Seigneur, c'est mon
nom. Je Jie donnerai point ma yloire à un
autre. Le Sage soulient (]uc le nom de Dieu
est inccimmuiiicable. Sap. , c. xiv, v. -il.
Nous osons délier les sociniens de concilier
ensemi)Ie tous ces passages dans leur systè-
me. — En quatrième lieu , suivant leur opi-
nion, il faut conclure que Jésus-Christ a
tendu aux Juifs un piège inévitable d'erreur;
et qu'il a fait tout ice qu'il fallait pour les
empêcher de croire en lui. On sait l'horreur
qu'ils avaient du polythéisme depuis leur
retour (le la captivité de Habylone, et ilcpuis
les persécutions qu'ils avaient essuyées de
la part des rois de Syrie , qui voulaient les
forcer à embrasser le paganiMne. S'attribuer
le nom de Dieu parmi eux dans un sens abu-
sif, sans faire voir que cotte denuminatiun
ne déiruisait point l'unité de Dieu, c'était
vouloir jiasser pour un faux prophète et pour
un blasphémateur. Aussi les Juifs voulurent
au moins trois fois lapider Jésus, parce ()u'il
s'égalait à Dieu et se faisait Dieu. Ce fui la
cause pour laquelle il fut condamné à mort
par I.' conseil des Juifs, Maltli., c. xxvi,
V. G3-C(i. C'est encore le principal grief
qu'ils allèguent aujourd'hui pour refuser de
croiri' en lèsus-t^hrist. \'oyi'/ la Confcrenee
du juif Orubio avec Limborcli , le Cliizzouk
Eminunac du juif isaac. etc. — Eu cinquième
lieu, suivant le même système, Jésus-Christ
et les apôtres se sont exposés à confirmer
les païens ilans leur erreur. Un des ailicles
de la croyance païenne était que souvent
certains dieux s'étaient revèlus d'une forme
humaine, et étaient venus habiter parmi les
houiincs ; ils appelaient //t^o;:<'(a/u'es ces vi-
sites ou apparitions des dieux. Nous en
voyous un exemple dans les Acle.i des apô-
tres, c. XIV, v. 10 : les habilanls de Lystru
en Lycaonie , ravis d'admiration par un mi-
racle que saint l'aul venait d'opérer, s'écriè-
rent : Deux dieux sous la forme de deux
hommes sont descendus parmi nous ; ils prirent
saint Barnabe pour Jupitrr, et saint Paul
pour Mercure, parce ijn'il portait la parole,
et ils roulaiini leur offrir un sacrifice. Si
Jlésus-tJuist n'était pas Dieu dans toute l'é-
nergie du terme, les païens à (lui on l'aiinon-
Çiiit comme Dieu ou Fils de Dieu, ont dû le
prendre pour un de ces dieux bienfaisants
qui pren. lient une forme humaine pour venir
converseravec les htmiiues, pour les instruire
et pour les soulager dans leurs [leines. Uien
n'aurait été plus absurde que de leur prêcher
l'unité de Dieu, et de donner en même temps
à Jesus-Christ la qualité do Dieu dans un
sens impropre; les païens n'étaient certaine-
ment pas en état de comprendre ce sens.
(Juand il scr.iit vrai que chez les Juifs le
mot l'ils de Dieu signiliait seulement Messie
ou envoyé de Dieu , il ne pouvait pas être
entendu ainsi parmi les païens. — (i" Eiilin,
toujours dans la même supposition, Jésus-
Christ et les apôtres envoyés pour enseigner
aux hommes la vérité, les oui plongés dans
un chaos d'erreurs. Ils n'ont lait que donner
une nouvelle forme au polythéisme, qu'ap-
prendre à leurs prosélytes à adorer trois
dieux, au lieu de la mullitude de divinités
païennes. Vainement on dira que ce n'est
pas leur faule, si on a mal pris le sens de
leurs paroles; celui que les sociniens y
donnent n'est certainement pas celui qui
vient d'abord à l'esprit. De concert avec les
protestants, ils disent que les disciples im-
médiats des apôtres étaient des hommes sim-
ples, d'un esprit médiocre, qui n'entendaient
riin aux finesses de la grammaire, aux sub-
tilités des philosophes , aux discussions de
la critique. C'est à eux néanmoins que
les apôtres ont donné le soin d'enseigner
aux lidèles la doctrine de Jésus-Gliri-,1; il
fallait donc expliiiuer clairement Ions les
articles de croyance, éviter tous les termes
obscurs ou ambigus et toutes les ex|)ressions
équivoques, afin de reiraneher tout danger
d'erreur. Ola était d'autant plus nécessaire
que, suivant la doctrine de nos adversaires,
les ap('itres ne laissent aux fldèles point
d'autre règle de foi que leurs écrits. Cepen-
dant, si les interprétations des soeiiilens
sont vraies, le Nouveau Testament est le
plus obscur et le plus captieux de tous les
livres. (Jui empêchait saint Jean d'exprimer
sa doetriiie aussi clairement que Socin?il
n'aurait donné lieu à aucun doute ni à au-
cune méprise.
A Dieu ne plaise que nous admettions ja-
mais un système duquel s'ensuivent des coii-
sé(iuences aussi impies; nous ne concevons
pas comment des hommes aussi pénétrants
que les docteurs sociniens peuvent les mé-
connaître.
Ont-i;s donc trouvé dans l'Ecriture sainte
des passages assez clairs et assez décisifs
pour avoir droit de tordre le sens de tous
ceux que nous leur opposons ? Ils en oui
deux ou trois sur lesijuels ils triomphent.
Joan., c. XIV, V. 28, Jésus-Christ dit à ses
apôtres : Mon Père est plus grand que moi.
Comment concilier, disent-ils, ces paroles
avec le dogme de la divinité du Fils et de sa
coégalité avec le Père? — Fort aisément,
lorsque l'on n'est pas piévenu : il sulfit de
lire le passage entier. Jésus dit à ses apôtres
afiligés de et; qu'il allait bientôt les quitter :
Si vous m'aimiez, vous vous réjouiriez de ce
que je vais à mon Père, parce gue mon Père
est plus grand gue moi. liela signifie évidem-
ment, parce que mon Père est dans un état
de gloire, de majesté, de splendeur bien su-
périeur à celui dans lequel je suis sur la
terre. Ainsi l'ont entendu les l'ères de l'E-
glise, lorsque les ariens ne cessaient de ré-
péter ce passage. Voy. saint Hilaire, lib. ix,
de Triait., n. 51, etc. Ce sens est confirmé
par la prière que faisait Jésus-Christ quel-
ques jours avant sa passion. Joan., c. svii,
V. 5 : Revêtez-moi, mon Père, de la gloire que
j'ai eue auprès de vous avant que le monde fût.
Le Sauveur devait désirer sans doute de re-
tourner en prendre possession. Les sociniens
ne sont pas peu embarrasses de dire en quoi
consistait cette gloire dont Jésus-Christ avait
joui auprès de son Père avant la création du
monde. Joan. , c. xx, v. 17, Jésus ressuscité
995 >'ER
dit aux saintes femmes : Je monte vers mon
Père , qui est votre Pire, vers mon Dieu qui
est votre Dieu. Gomment, disent les soci-
niens, le Père peut-il être le Dieu de son
Fils, s'ils sont égaux en nature ? Ils oublient
toujours que Jésus - Glirist était Dieu et
homme, et qu'eu celte dernière qualité il de-
vait penser et parler comme tous les lioin-
mes, sans ((ue cela pût déroger à sa divi-
nité. Pour la même raison saint Paul a dit ,
/ Cor., e. XV, V. 28 : Lorsque toutes choses
auront été soumises nu Fils, il sera lui-même
soumis à celui qui lui a soumis toutes choses ,
afin que Dieu soit tout en tous. Puis<)ue le
Fils de Dieu conserve sou humanité dans le
ciel, el ne cessera jamais d'être homme , ja-
mais à cet égard il no cessera d'être soumis
à son Père. Marc, c. xiii, v. 32, le Sauveur
dit que le jour el l'heure du jugement der-
nier ne sont point connus du Fils, mais
du Père seul. Nous avons satisfait à celte
difficullé au mot Agnoètes, et à quelques
autres au mot Fils de Diiîu.
Dans la conférence de Limborch avec le
juif Orobio, celui-ci soutient que les Juifs
n'ont pas dû reconnaître Jésus pour le
Messie, parce qu'il s'est fait passer pour
Dieu, et qu'il s'est fait rendre les honneurs
de la Divinité, altentat que Dieu avait sévè-
rement di'fendu par sa loi. Comme Limborch
était socinien, il répond que Jésus-Christ ne
s'est jamais dmné pour le Dieu souverain ,
mais pour son envoyé ; que dans le Nouveau
Testament il ne nous est ordonné nulle part
de croire que Jésus est Dieu lui-même, mais
qu'il est le Fils de Dieu, c'est-à-dire le Christ
ou le Messie ; que l'honneur et la gloire qu'on
lui rend ne se terminent pas à lui, mais re-
tournent à son Père. Quant à ce qui regarde,
dit-il , l'union de deux natures en Jèsus-
Cbrisl, c'est une question étrangère à la foi
que nous prescrivent les livres saints, seule
règle de notre croyance ; Arnica collalio, etc.,
p, 389, 5i9, etc. Cette réponse est évidem-
ment fausse; le juif n'aurait pas eu de peine
à lit réfuter ; il aurait dit : Personne n'a i)u
mieux savoir eu quel sens Jésus s'est donné
pour Dieu que ses disciples : or, ils disent
qu'il est au-dessus de tout, le Dieu béni dans
tous les siècles, qu'il est le vrai Dieu et la
vie éternelle, qu'il était Dieu avant que le
monde fût créé, (]ue c'est lui qui a fait le
monde, etc. N'i'st-ce pas là le Dieu souve-
rain? Or, la loi nous défend de reconnaître
un autre Dieu i|ue le Créateur ; il a dit cent
fois : Je suis le seul Dieu , il n'ij en a point
d'autre que moi. 11 nous est donc défendu
d'admettre un Di<'U souverain el un Dieu in-
férieur. 11 est faux que dans vos livres , Fils
de Dieu, Fils du Très-Haut , sigiiilie seule-
ment C/jri'si ou Messie, puisqu'ils y sont joints
avec tous les attributs de la Divinité et qu'ils
appliquent à Jésus des passages i\m dans nos
Ecrilures désignent Jéhorah ou le Dieu sou-
verain. Vous détruisez vos principes, en di-
sant que le culte rendu à Jésus se rapporte
à son Père, vous aai soutenez aux catholi-
ques (jue le culte rendu aux anges et aux
saints ne peut pas se rapporter à Dieu , que
VER
996
tout le culte religieux, rendu à un autre être
qu'à Dieu, esl une profanation et une iilolâ-
trie. Nous voudrions savoir ce que Limborch
aurait pu répliquer.
Le seul moyen solide de réfuter les Juifs
est de leur soutenir que Jésus-Christ n'est
pas un autre Dieu que le Père, que dans les
Paraphrases chaldaïques le nom Jéhovah est
souvent exprimé par le Verbe de Dieu, el re-
présenté comme une personne ; que Dieu s'est
montré plus d'une fois aux patriarches sous
la forme d'un ange, et s'est donné sous cette
forme le nom de Jéhovah; que Dieu a pu se
montrer sous la nature d'un homme aussi
bien que sous celle d'un ange, el qu'il doit
êlre adoré sous toutes les formes dont il dai-
gne se revêtir ; enfin , que les anciens doc-
teurs juifs onl reconnu que le Messie devait
être Dieu lui-même. Yoij. Galatin, de Arcn-
nis, etc., I. m.
§ m. Les pins anciens Pères de l'Eglise ont
enseigné clairement et constamment la divi'
nité du Verbe. Après avoir vu les passages
de l'Ecriture sainte dans les(|uels ce dogme
esl si évidemment établi , il y aurait lieu
d'être fort étonné si les disciples immédiats
des apôtres et leurs successeurs n'avaient
pas été fidèles à le conserver dans rEj,'lise.
Cependant les prolestants, u lis aux suci-
niens par leur intérêt commun de décrédlter
la tradition, soutiennent que le langage des
Pèfi'S qui ont précédé le concile de Nicée,
tenu l'an 32j , n'a été ni uniforme ni tou-
jours orthodoxe ; que, pendant les trois pre-
miers siècles, la doctrine de l'iîglise touchant
les trois personnes de la sainte Trinité n'é-
tait pas fixée, qu'ainsi il élail libre à chacun
d'entendre à sa manière les passages de
l'Ecriture qui regardent ce mystère. Nous
devons néanmoins excepter de ce nombre les
théologiens anglicans : comme ils admettent
communément la tradition des premiers siè-
cles, loin d'ailopler le sentiment des autres
protestants, ils onl Iravaillé avec autant de
zèle que les catholiques à disculper les an-
ciens Pères.
Inutilement nous représentons aux autres
qu'il y a de l'impiété à supposer que Jéius-
Chi'isl, qui avait promis son assistance à
son Eglise jusqu'à la consommation des siè-
cles, qui avait promis à ses apôtres l'esprit
de vérité pour toujours, ut maneat vobiscum
in œternum ( Joan. xiv, 16), a cependant
manqué à sa parole ; qu'immédi.ilemeut
après la mort des apôtres il a laissé son
Eglise dans l'incertitude de savoir s'il est
véritablement Dieu ou non : ils n'en sont pas
touchés. Nous leur disons : Ou la divinilé
du Verbe est clairen)eiit et nellement révé-
lée dans le Nouveau Testament, ou elle ne
l'est pas. Si celle révélation esl claire, for-
melle, expresse, comment les pasteurs de
l'Iîglise qui touchaient de plus près aux apô-
tres, ont-ils pu eu méconnaître le sens? 11
s'agissait d'un dogme que tout chrétien doit
croire et savoir. Si celte révélation est
obscure, équivoque, ambiguë, est-il croya-
ble que Diuu l'ait donnée pour seul gui,de
aux fidèles, comme vous le soutenez ?
997
VER
VER
998
Avant d'examiner si les premiers Pères
ont clè orlhodoxos ou non, il y a quelques
observations à faire. l"Ouanil il sagit d'un
dogme inioniprchensible, tel que I.i géiiéra-
liou du Verbe, le langage humain ne peut
fournir des expressions assez claires ni assez
exactes pour en donner la même notion à
tous les esprits, et pour prévenir toutes les
fausses inlerprelalions ; les écrivains même
inspirés n'cMi ont pas employé de cette es-
pèce, parce qu'il n'y en u point. Quand il a
fallu traduire leurs écrits, l'on n'a pas tou-
jours trouvé lies termes exaclcmenl équiva-
lents et parrailemenl synonymes dans les
différentes langues ; le traducteur du livre
de l'Ecclésiastiiiuc s'en est plaint dans son
prologue. Si donc il était arrivé aux anciens
Pères, qui n'ont pas tous vécu dans le même
pays ni dans le ménu' temps, de ne pas s'ex-
primer de la même manière , il ne faudrait
pas en conclure qu'ils n'ont pas entendu de
même le dogme révèle dans Tiicrilure sainte :
autre chose est d'avoir uni; idée nette dans
l'esprit, et autre chose de la rendre nette-
ment dans la langue dont on est oblige de se
servir. Une preuve que tous les l'èrcs ont
cru la divinité du N'erbe, par conséquent son
éternité, c'est que tous se sont élevés contre
les héré'.iques qui ont \oulu l'attaquer. On
dit qu'il aurait fallu s'en tenir aux terines
de l'Ecriture, et n'y rien ajouter ; les Pères
l'auraient fait sans doute , si les hérétiques
avaient été assez sages pour s'en contenter.
— 2' Pour juger équitablement de la con-
duite et du langage des Pères, il faut suivre
le lil des disputes et des questions qui se
sont élevées de leur temps. Dés la fin du
1"' siècle, les cérinthlens, les valentiniens et
la plupart des gnosliques prétendirent que le
monde n'avait pas été créé par le Dieu su-
prême, mais par un éon ou un esprit infé-
rieur à Dieu et ennemi de Dieu. Pour les ré-
futer, les Pères s'attachèrent à prouver par
l'Ecriture que la création est l'ouvrage du
Verbe de Dieu, sorti en ((uelquc manière du
sein de son Père, pour lui servir de minis-
tre et d'insirumonl dans la production de
toutes choses. Us appliquèrent à celte espèce
de naissance temporelle du \'erb(! quelques
passages qui, pris dans toute leur énergie,
expriment sa génération éterm-lle. On en
conclut très-mal à propos que les Pères n'ad-
mettaient donc pas celle-ci ; il n'en était pas
question pour lors, et il n'était pas néces-
saire de la prouver pour réfuter les héréti-
ques qui dogmatisaionl dans ce temps-là. —
Jl n'en fut plus de même à la naissance de
l'arianismc, au iv' siècle. Arius soutint que
le \ erbe divin n'a commencé à exister qu'im-
médiatement avant la eré.ition du monde ;
qtie c'est une créalure plus parfaite, à la vé-
rité, que les autres, mais (lui n'est ni égale
ni coéternelle à Dieu le Père ; il se prévalut
de la manière dont les docteurs de l'Eglise
des trois premiers siècles avaient parlé de la
naissance du \'erbo destiné à créer le monde.
Il fallut donc alors examiner de plus près
tous les passages de l'Ecriture dans lesquels
il est parlé du Verbe divin, faire voir qu'ils
prouvent non-senlcmenl une génération tem-
porelle antérieure à la création du monde ,
mais une génération éternelle en vertu de la-
quelle le Verbe est coéteruel et consubstau-
tielau Père. Cette observ.ition n'a pas échappé
au savant Leibuitz , plus judicieux et plus
modéré que les autres protestants. « Il sem-
ble, dit-il, que quelques Pères , surtout les
plalonisanis, ont conçu deux filiations du
Messie, avant qu'il soit né de la vierge Marie:
celle qui le f;iit Fils unique, et tant qu'il est
éternel dans la Divinité, et celle qui le rend
ruiné des créatures, par laquelle il a été re-
vêtu d'une nature créée la plus noble de (ou-
ïes, qui le rendait l'instrument de la Divi-
nité dans la production et la direction des
autres natures. Les ariens n'ont gardé que
cette seconde filiation, ils ont oulilié la pre-
mière, et quelques-uns des Pères ont paru
les favoriser en opposant le Fils â l'Eternel ,
en tant {lu'ils considéraient le Fils par rap-
port à cette primugénilure d'entre les créa-
tures, de laquelle saint Paul a parlé, Coloss.,
c. I, V. 13. M;iis ils ne lui refusaient pas pour
cela ce qu'il avait déjà en tant qu(! Fils uni-
çueet consubstanliel an Père. «Delà Leibnitz
conclut avec raison que le concile de Nieée
n'a fait qu'établir par ses décisions une doc-
trine qui était déjà régnante dans l'Eglise;
Esprit lie Leibnitz, t. Il, p. i'J.
Si le P. Petau, le savant Huel , Dupin el
d'autres avaient fait celte réflexion, ils au-
raient parlé avec plus de circonspection des
Pères des trois premiers siècles ; ils ne leur
auraient pas attribué des erreurs auxquelles
ils n'ont jamais pensé ; ils n'auraient pas
fourni aux protestants des armes pour atta-
quer la tradition, et des motifs de se conQr-
mer dans leurs prévenlions contre les Pères
de l'Eglise les plus respectables. Petau, Dogm.
tlieol. , t. II, I. I, lie Trinit., c. S, ï, o, a ras-
semblé des passages de .saint Justin, d'Athé-
nagore, de l'atien, de saint Téophile d'Antio-
che, de saint (]lément le Romain, de Clément
et de Denis d'Alexandrie, d'Origène, de saint
Crégoire Thaumaturge, de 'l'eriullien, de
Lactancc, dans lesquels ces Pères semblent
ne point connaître la génération élernello
du \ erbe, mais seulement sa naissance avant
la création de toutes choses ; conséquem-
ment ils en parlent comme d'une pers >nne
très-inférieure au Père, comme d'une créa-
ture qui lui a servi de ministre pour exécu-
ter tous ses desseins. Cependant Petau a été
forcé de convenir que ces mêmes docteurs de
l'Eglise, dans d'autres endroits de leurs ou-
vrages, ont clairement professé la coélernilé,
la coégalilé et la cousubstantialité du Fils
avec le Père ; HuUus, Defensio jidei Nicœnœ,
ïioss[\c\, d' Avertissemenl aux protcsl. ; doui
Le Nourry, Apparat, ad liihtiotli. l'atrum,
l'ont prouvé encore plus solidement.
Ces saints docteurs se sont-ils donc con-
tredits , ou ont-ils été dans le doute sur le
dogme révélé, et sur le sens des passages de
l'Ecriture qui l'expriment, comme le prétea-
dent les protestants ? Non, mais ils ont parlé
relalivemenl^aux questions qu'ils avaient à
traiter, aux personnes auxquelles ils avaient
999
VER
VER
1000
afTaire, aux circonstances dans lesquelles ils
se trouvaient. 11 est absurde de penser qu'ils
ont nié un dogme, qu'ils en ont doulé, ou
qu'ils ne le connaissaient pas, parce qu'ils
n'en ont pas parlé, lorsque cela n'était pas
nécessaire. On voudrait que tous les anciens
Pères eussent donné une profession de foi
complète de tous les articles de la doctrine
chrétienne, ou plutôt un catéchisme de doc-
trine et de morale, dans lequel toul fût en-
seigné cl expliqué dans le plus grand détail ;
cela nous serait fort comtnode, sans doute,
et si les apôtres eux-mêmes l'avaient (ail ,
cela serait encore mieux ; mais puisqu'ils ne
l'ont pas lait, nous en concluons qu'ils n'ont
pas dû le faire.
Rien de plus simple que la doctrine des
Pères apostoliques louchant le dogme dont
nous parlons. Saint Hurnubé, dans sa lettre,
n. 12, dit que la gloire de Jésus consiste en
ce que toutes choses sont en lui et par lui
(iiu pour lui). Il fait évidi'mnicnt allusion aux
paroles de saint Paul, Coloss., c. i, v. 16, et
Itebr., c. I, v. 3, que nous avons cilées ci-
devant, el qui prouvent la divinilé de Jésus-
Christ; saint Clément de Rome, Epsl. 1, n.
3C, l'appelle comme saint Paul, la splendeur
de la majesté divine; il lui applique, avec l'A-
pôlre, les paroles du Ps. ii, v. 7 : Vous êtes
mon Fils, je vous ai engendré aujourd'hui,
Epist. 2, n. 1 : « Nous devons, dil-il, pen-
ser de Jésus-Christ comme étant Dieu et
juge des vivants et des morts, el ne pas
avoir une idée basse de notre s.ilul. » Saint
Ignaco, Epist. ad Magnes., n. 7 et 8, dit
que Jésus-Christ vieut du Père seul, qu'il
existe en lui seul, et retourne à lui seul,
qu'il est «on Verbe éternel qui n'est pas émané
du silence. Dans les adresses de toutes ses
lettres, il f<:it marcher de pair Jésus-Christ
et Dieu le Père ; il leur rend les mêmes hom-
mages, il leur attribue les mêmes bieulaits.
Saint Polycarpe, son condisciple et son ami,
a gardé le même si) le en écrivant aux
Philippiens ; et dans les actes de son mar-
tyre, l'Eglise de Smynie s'y est conlor-
niée. Saint Ignace est donc le seul qui ait
professé l'élernilé du Verbe ; c'est un trait
lancé de sa part contre les cérinthiens, com-
me Ruilus l'a fait voir. Soupçonnerons-nous
les autres Pères de n'avoir pas pensé de
même, parce qu'ils n'en ont rien dit dans les
lettres de nmrale et d'édification adressées
aux si(nples tidèles?
Dés le commencement du ir siècle, saint
Justin et les Pères postérieurs eurent un ob-
jet dilTérent. 11 fallait faire l'apologie du
christianisme contre les attaques des païens,
et en défendre les dogmes contre les atten-
tais des giiostiques. Mous soutenons que,
dans l'un ni l'autre de ces cas, il n'était ni
nécessaire ni convenable de traiter la ques-
tion de la génération éternelle du Vtrhe.
l''Ce mystère était trop au-dessus de la cou-
ception des païens; ils l'auraient pris de tra-
vers; ils n'était pas aisé de le montrer en
termes exprès et formels dans nos livres
saints ; aujourd'hui encore les sociniens sou-
tiennent qii'il n'y est pas : il aurait fallu.
pour prouver le contraire, une discussion
dans laquelle il ne convenait pas d'entrer
avec les païens. 11 était donc beaucoup mieux
de se borner à leur prouver par nos Ecri-
tures que le Verbe était avant toutes choses
qu'il est li' créateur du monde, par(oii«é-
quenl (|u'il est Dieu ; que ce dogme n'a rien
d'absurde, puisque Platon, en parlant de la
naissance du monde, a supposé un Logos, un
Verbt, une idée ou un modèle arcbéiype de
ce que Dieu voulait faire, et qu'il a suivi
dans l'exécution; en ajoutant néanmoins
que Platon l'a mal conçu, puisi|u'il n'a pas
admis la création et qu'il a supposé la ma-
tière éternelle. Voilà précisément ce que
les Pères ont fait, et il n'éiait pas nécessaire
non plus, en disputant contre les Juifs, de
pousser plus loin les discussions. 2° A l'é-
gard des béréti(iues, nous avons remarqué
qu'ils prétendaient (|ue le forniileur du
momie n'était pas Dieu lui-même, mais un
esprit d'un ordre inférieur, et révolté contre
lui ; la question se réduisait donc à leur
prouver par l'Eiriture que le Créateur était
le Verbe de Dieu, émané du sein de la Divi-
nité avant loutes clioses, qui avait été com-
me le ministre de Dieu el l'exéculeur de ses
desseins. Conséiiuemmenl les Pères oppo-
saient aux héréiiques les passages que nous
avons cilés: Dieu m'a possédé au commence-
ment de ses voifs. Au coiiuiieuccineiit était le
Verbe, toul a été fait par lui. Le Fils de Dieu
est le premier-né de toute créaure, etc., etc.
Si les Pères ont eu tort de ne pas établir
dans cette dispute la génération éternelle du
Verbe, il faudra faire lomber la même faute
sur saint Jean, qui, écrivant son Evangile
pour réfuter Cérinthe, s'est borné à dire : Au
commencement était le Verbe, au lieu de dire:
de toute éterniié était le Verbe. Les Pères
sont-ils blâniables de s'être arrêtés au même
terme que ce saint apôtre? Il faudra con-
damner encore le concile de Nicée, qui , vou-
lant établir contre les ariens la consubslan-
lialilé du Verbe, par conséqiieni sa toéter-
nité avec le Père, s'est contenté de dire qu'il
est né du Père avant tous les siècles, pen-
dant qu'il aurait pu dire qu'il est né de toute
éternité. Nous concluons que si ces termes,
au commencement , avant tous les siècles,
avant que le monde fût, elc, nu signifient point
expressément rélernité, du moins ils la sup-
posent, puisque encore une fois rien n"a pré-
cédé tous les temps ou tous les siècles que
l'éternité. Ainsi l'a conçu saint Ignace, lors-
((u'il a dit que le Fils de Dieu est le Verbe
éternel, qui n'est point émané du silence.
Ce Père ét,iil disciple immédiat de saint Jean;
la doctrine de cet apôire a-l-elle pu avoir
un meilleur interprète? Or, il n'esl pas le
seul qui ait ainsi parlé; Ruilus, Def. fidei
Nicœnœ, sect. 3, c. 2 et 3, a fait voir que la
coéternilé du Verbe avec le Père a élé la
doctrine constante des docteurs de l'Eglise
des trois premiers siècles.
Cela ne satisfait pas encore nos adversai-
res : ils disent que si ces Pères ont admis
l'existence éternelle du Verbe dans le sein
du Père, du moins ils ont cru qu'il n'y était
1001
VER
VER
ilf)2
pasunepersonne,une hypostase.un ôlresub-
sistaiit, mais seulement une idée, une pon-
sci', un acte de l'enleiKlemeiil divin; qu'il
n'a commence d'avoir une existence propre
que quand il est sorti du sein de son l'ère
pour créer le monde. Rien de plus faux que
cette nouvelle imagination. 1° Nous définns
ces critiques téméraires de citer un seul des
Pères qui ail dit formellernenl et en termes
ex-près (]iie le Verbe dans le sein de son
Père n'était pas une personne, une hypo-
slasc, un être subsistant, et qu'il n'y avait
p;is une existence propre. On ne peut leur
attribuer celte erreur que par voie de
conséquence, en ajoutant à ce qu'ils ont dit,
et en prenant les termes dans un sens faux:
métlioile perlide, de laquelle nos adversaires
ne veulent pas que l'on sn serve, même à
l'égard des hérétiques. 2° Ces Pères avaient
lu saint Jean, ils faisaient profession de sui-
vre sailo(lrine, et nous devons leur suppo-
ser assez d'inlelligence pour avoir compris
la force des termes. Or, saint Jean dil qu'au
commencement et avant l'existence du mon-
de, le Verbe élait en Dieu, ou plutôt avec
Dieu, TTfof 0IOV, et qu'il élait Dieu : cela peut-
il se ilire d'une pensée ou d'une idée telle que
celle que nous avons '! Quand tous ces Pères
auraient clé entichés de platonisme, jamais
Platon n'a dit d'une idée qu'elle était Dieu.
Sainl Jean, c. xxvn, v. 5, rapporte ces pa-
roles de Jésus-Christ : Glorijiez-moi, mon
l'ère, de la yloire que j'ai eue avec vous, ou
auprès de vous, ujùà. «-ot, avant que le monde
fut. Si le \'erbe n'était pas un être subsis-
tant dans le sein de son Père, ce langage est
inintelligible. 3° Les Pères des trois premiers
siècles l'ont répété; ils ont dit que le Verbe
était non-seulement en Dieu, mais avec Dieu;
que le Père n'a jamais été sans lui, qu'il
élait comme le conseil du Père. Ils lui ont
appliqué les passages du livre de la Sagesse
que nous avons cités : pour rapporter leurs
paroles, il faudrait copier deux ou trois eha-
pllres de Bullus. 'i- Allons plus loin. Quand
quelques-uns des Pères auraient dil que le
V erbe dans le sein du Père n'elait pas une
personne, il ne s'ensuivrait rien ; dans tou-
tes les langues, ;jer»o/ine signifie aspeil, li-
gure, apparence exléiieure, ce qui paraît
aux yeux : or, il est clair qu'avant la créa-
tion d'.iucun être doué de connaissance, le
Verbe n'élait pas une personne dans ce sens ;
mais y a-l-il aucun des l'éies qui ait dit
qu'avant ce moment le \'erbe n'était pas un
être subsistant ? 5" Puisque les Pères ont en-
vi^agé la création comme une espèce d'éma-
uation, ou plutôt d'apparition du Vei be hors
du sein de son Père, ces saints docteurs ont
pu dire sans erreur qu'avant cet instant le
Père n'était pas Père, cl que le Fils n'elait
pas Fils d'une manière sensible, comme ils
l'ont été depuis. On a pu dire ([ue, d.ins ce
nouvel état, le ^'erl)e était inféri(;ur, subor-
donné, soumis à son Père, qu'il était son
ministre, etc. Mais cela ne pouvait pas êlre,
eu égard à sa génération éternelle, puis-
qu'eu vertu de celle-ci il est consubstantiel
au Père. Il serait absurde ^ue les Pères eus-
DiCT. DE Théol. dogmatique. JV
,<;ent dit tout à la fois que le Verbe n'était
pas un être subsistant, que cependant il
était le ministre de son Père, etc. Ces deux
accusations se détruisent l'une l'autre.
0' Tertullien est le seul (|ui ait dit que Dieu
n'était pas Père avant d'avoir produit son
Fils pour créer le monde; mais il l'a dit
seulement dans le sens que nous venons
d'indiquer, puisqu'il ajoute de même que
Dieu n'était pas le Seigneur avant qu'il y
eût des créatures sur les(|uelles il exerçât
son domaine, el qu'il n'était pas juge avant
qu'il y eût des crimes. Il ne l'était pas d'une
manière sensihle, mais il était tout cela par
essence el de toute éternité. Bullus a fait
voir, par d'aulres passages clairs et formels
de Tertullien, qu'il a enseigné cjuc le Verbe
est éternel comme le Père, (|ue de toute éter-
nité il a été dans le sein du Père, non-seu-
lement comme un attribut métaphysique,
mais comme un être subsistant el une |per-
soniie; que le l'ère n'a jamais été sans lui,
qu'il est Dieu de Dieu, la sagesse, la raison,
le conseil du Père, qu'ainsi le Père n'élait
pas seul, etc., et il le prouve par le livre des
Proverbes que nous avons cité, el par ces
mois de sainl Jean : Il était avec Dieu, et il
élait Dieu. Defens. fidei Nicœiiœ, seet. 3,
c. 10, S 3 et seq. Il est constant d'ailleurs
que Tertullien s'est fait un style et une mé-
thode qui ne sont qu'à lui, ()u'il prend très-
souvent les termes dans un sens fort dilTé-
rcnl de leur signiGcation commune, que par
celle raison même il est très-obscur, .\iais
dès qu'un auieur s'est expliqué plusieurs
fois d'une manière orthodoxe et fondée sur
l'Ecriture sainte, il y a de l'injustice à pren-
dre dans un mauvais sens des expressions
inexactes qui lui sont échappées dans une
dispute sur un sujet très-obscur. Par celte
méthode on prouverait que Tertullien se
contredit dans toutes les pages de ses livres,
qu'il est non-senlcmenl le plus impie de tous
les hérétiques, mais le plus insensé de tous
les raisonneurs. Il n'eu est rien, quoi qu'en
(Usent ses accusateurs, protestants ou autres.
Voy. Tertullien. Mais ces critiques intré-
pides ne veulent écouler ni Bullus, ni Uos-
suel, ni dom Le Nourry ; ces théologiens,
disent-ils, n'ont pas pris le vrai sens des Pè-
res, parce qu'ils ne conn lissent pas le sys-
tème pliilosophi()ue duquel les Pères étaient
iinlius. C'est un dernier reproche qui nous
reste à examiner.
§ IV. Les Pèirs n'ont pris ni dans Platon,
ni dans les nouveaux platoniciens, ni dans
aucune autre éC'de de philosophie, mais dans
l'Ecriture sainte, c qu'ils ont dil du Verbe
divin. On n'a pas elé tort étonné de voir les
sociniens soutenir que les Pères de l'Kglise
des trois premiers siècles avaient [luisé dans
Plaion leur doctrine touchant le Luyos ou le
Verbe divin; la licence de ces hérétiques ne
connut jamais de bornes. .Maison n'a pu voir
sans scandale bs protostanls appuyer ce
même (laradoxe , reprocher consiamgient
aux Pères de l'Ivglise un attachement excei- xo^^^>>
sif à la pliiloso|.hie de Platon; de là aonjry^ ->/^
partis quelques incrédules pour affirmer que ' ^
«003
VER
VER
1UU4
le commencement de l'Evangile de saint
Jean a élé écrit par un philosophe platoni-
cien. Si celle ineptie méritait une réfutation
sérieuse, nous dirions que, suivant cet Evan-
gile même, Jésus-Christ choisit pour ses apô-
tres de simples pécheurs de Galilée; que,
selon les Actes des apôtres, c. iv, v. 13, les
Juifs reconnurent que Pierre et Jean étaient
sans étude et sans lettres ; que les apôtres,
remplis des lumières du Saint-Esprit, n'a-
vaient pas plus besoin des leçons de Platon
que de celles des philosophes chinois.
Sandius et Le Clerc ont cru mieux rencon-
trer, en disant que saint Jean a pu prendre
l'idée du Verbe divin dans le juif Philon,
grand partisan de la philosophie platoni-
cienne. Mais c'est principalement en Egypte
que les ouvrages de Philon étaient répandus,
et il n'y a aucune preuve que saint Jean ait
mis les pieds en Egypte ; il a écrit son Evan-
gile à Ephèse. à cent cinquante lieues au
moins des confins de l'Egypte. 11 aurait été
plus simple d'imaginer que saint Jean a puisé
la notion du Logos chez les Corinthiens,
qu'il s'est proposé de réfuter. Des critiques
aussi habiles auraient dû so souvenir que
l'hébreu deber Jehovah, la parole du Sei-
gneur, est rendu par Aoyoj toO Kupioj dans
plus de cent endroits de la version des Sep-
tante; quedans \ingt de ces passages celte
parole est représentée comme un cire sub-
sistant et agissant, couïmeune pirsonne, un
ange, un envoyé qui exécute les volontés de
Dieu ; il n'a donc pas clé besoin que Philon
ni saint Jean allassent chercher celle idée
dans les écrits de Platon.
Dans les articles Tlatonisme et Trinité
PLATON !t>UE, nous avons réfuté la chimère
du prétendu platonisme des Pères; mais il
faut démontrer encore que l'idée qu'ils ont
eue du Verbe divin ne ressemble pas plus
au Lorjns de Platon que le jour à la nuit.
1° Qu'est-ce que le Logos de Platon ? Déjà
nous nous trouvons arrêtés à ce premier pas.
Suivant plusieurs j)latoniciens, c'est la rai-
son, l'intelligence, la faculté de |ienser,
de raisonner , de saisir la différence des
choses, et d'exprimer ses pensées par la pa-
role; c'est ainsi que Platon l'a expli(]ué
lui-même dans le î"/* ■ /c<p, pag. iH, E. Se-
lon d'autres, c'est l'idée, le plan, le dessein,
le iP'^dèle archétype que Dieu avait dans
l'esprit lors(iu'il a voulu créer le monde, et
qu'il a suivi dans l'exécuiion; et telle est,
dit-on, la notion que Philon le juif en a con-
çue. Les Pères disent au contraire que c'est
la connaissance que Dieu a de soi-ménio et
de tous ses divins attributs, p ir conséquent
de sa puissance infinie, de tout ce qu'il peut
faire et de tout ce qu'il fera pendant toute
la durée des siècles, ou plutôt que c'est le
terme de celle connaissance. Une idée aussi
sublime n'a certainement pas pu venir à l'es-
prit d'aucun philosophe privé des lumières
de la révélation. Si l'on veut comparer ce
que Platon dit du Logos avec ce qui est dit
de la sagesse divine dans les Proverbes, on
verra combien les notions du philosophe
grec sont faibles, basses, obscures, en com-
paraison de celles de l'écrivain sacré. 2° Pla-
ton a-t-il envisagé le Logos comme un être
subsistant et distingué de l'enten Jement di-
vin? Nouvelle dispute entre ses interprètes.
Les nns le prétendent ainsi, parce qu'il a dit
que le modèle archélipe du monde est un
Èlre éternel et animé. Les autres soutien-
nent que c'est une absurdité, de laquelle un
aussi beau génie que Platon était incapable,
qu'il a conçu les idées de Dieu semblables à
celles d'un homme, que ce sont des êtres pu-
rement méliiphysiques et intellectuels. Us
ajoutent que quand le Logos serait l'idée ar-
chétype du monde, il ne serait animé que
raétaphori(]uenient, en tant que ce serait le
modèle d'an être animé. Quoi (ju'il en soit,
Plalon n'attribue à cet être prétendu aucune
aciion; les Pères, au contraire, disent avec
saint Jean que le Verbe divin était avec Dieu,
qu'il était Dieu, qu'il a fait le monde, qu'il
s'est incarné, etc. .3° Plalon n'a jamais dit
que le Logos est le Fils de Dieu ni le Fils
unique; c'est le monde qu'il appelle fiovoy-v/lf,
unique production, seul ouvrage de Dieu. 11
n'a pas dit que Dieu est le père du Logos,
n)ais qu'il est le père du monde; c'est le
monde, et non le Loi/os, qu'il nomme Vimage
des dieux éternels, il n'a point enseigné que
le Logos est sorti du sein du Père, ni qu'il
a été l'ouvrier de ce monde, ni que cet ou-
vrier est la sagesse divine. \ oilà cependant
les expressions que les Pères ont copiées
dans les auteurs sacrés. Il n'y a donc rien
de commun entre leur doctrine et celle de
Platon que le mot Lor/os; mais un moine
prouve rien, il s'agitdu sens. i° Dieu dit : Que
la lumière soit, et la lumière fut. Voilà le
Verbe créateur que les écrivains sacrés ont
révélé, que les Pères ont adoré, et que Pla-
ton n'a pas connu, puisqu'il n'a pas admis la
création et qu'il a supposé la matière éter-
nelle. Remarque décisive qui efl'ace toute
ressemblance enire la philosophie des Pères
et celle de Platon, et de laquelle nous ferons
usagi' dans un moment.
Beausobre, Mosheim, Bruckcr et d'autres,
plus avisés que leurs prédécesseurs , ont
imaginé une nouvelle hypothèse; ils ont
avoué qu'à la vérité les Pères n'ont pas copié
servilement les écrits ni les idées de Platon,
mais qu'ils ont embrassé le système des
nouveaux platoniciens. Pendant les trois
premiers siècles, disent-ils, la plupart des
Pères étudièrent la philosophie dans l'école
d' .Alexandrie : or, le nouveau platonisme
enseigné dans cotte école était un mélange
de la doctrine de Plalon avec celle des
philosophes orii ntaux : les Pères, imbus de
celle nouvelle philosophie, y sont demeurés
constamment attachés , ils se sont servis du
langage des nouveaux platoniciens pour
expliquer les dogmes du christianisme ; ils
ont ainsi altéré la purelé de la doctrine
chrétienne , et ont causé des maux infinis
dans l'Eglise. Ceux qui ont voulu justifier
les Pères y ont mal réussi, parce qu'ils n'ont
pas connu ce nouveau système ni les opi-
nions des Orientaux. Pour étayer cette nou-
velle hypothèse, les criliques protestants ont
m&
VER
VKR
1006
prodigué l'érudition, les recherches , les
conjectures; ils se sont flattés d'avoir onlin
trouvé la clef de toutes les aucienues dis-
putes.
Dans les articles Emanation, Piatonissik,
§ 2 et 3, Tbimté Platonique , § 2 et 3, nous
avons déjà réfuté ce savant rêve; nous avons
f^it voir qu'il n'est fonde sur aucune proovc
positive , et qu'il est contredit par des laits
certains; mais il est bon de rasscinblei' ou
peu de mois ce que nous avons dit. 1" D^'
tous les l'ères accusés do platonisme ancion
ou nouveau, les deux seuls (jui aient cerlai-
nement étudié la pliilosophie d.ins l'école
d'Alexandrii' sont saint (élément et Orij^éne ;
il est très-probable qu'aucuLi des autres n'y
a mis les pieds, el ne s'est informé de ce que
l'on y enseignait. Ces l'éros ciienl Platon
lui-même, jauiuis ils n'ont parlé des Alexan-
drins ni de leurs opinions; s'ils y avaient été
attarhés , ce silence sirait surprenant. Les
écoles de philosopbic d'Athènes ont été fré-
quentées par les chrétiens jusqu'au v' siècle;
saint Basile, saint (îrégoire de Nazianze ,
l'empereur Juli'U, fie, y avaient lait leurs
éludes. A enlendre nos criliques, il semble
qu'Alexandrie ail été pendani trois cents ans
la seule ville où l'on ait pu apprendre la
philosophie; c'est une erreur. 2" Nous som-
mes fondés à révoiiueren doute le prétendu
mélange de la plillosopliie orientale avec
celle de Platon dans celle école , avant l'an
250; puisque c'est en 2i3 (jue Plolin , après
y avoir passé dis ans, alla exprès en Orient,
|jour savoir quelle était la doctrine des
Orienlaux. Or, à celte époque , Clément ni
Origène n'élaiont plus eu ligyplc; le premier
était mort atanl l'an 217, cl le second, qui
mourut l'an 2j8 . avait quille Alexandrie
avant i'iolin. 3' De l'aveu de nos savants
critiques, la base du nouv> au platonisme et
de la philosophie orientale était le système
diS émanations , e! les philosophes ne l'a-
vaient embrassé que parce (ju'ils no voulaient
pas adinellrc la création. Or, de tous les
Pèros que l'on accuse, il n'on est pas un seul
qui n'ait prof 'ssé hautement le dogme de la
créalion, et qui n'ait blâmé les philosophes
qui rclusaienl de le recevoir. Au mol Ema-
nation , nous avons cité les témoignages
exprès de saint Justin, d'Athénagore , de
Théophile d'.\n[ioche , de saint Irénée et
d'Origène ; ou trouvera celui de Tatien à
l'arlicle de ce Père. Comme nous y avons
oublié celui de Clément d'Alexandrie, voici
ce qu'il en dit, Exiiorl. ad Gtnt. n. 4, édit.
de Potier, p. iio : « Combien e-l grande la
puissance de Dieu, dont la volonté seule est
la création du monde! Il a tout l'ail seul,
comme étant seul viai Dieu. P.ir sa simple
volonlé il opère, et rexislence suit son sim-
ple vouloir. » Sirom., c. li, p. G99 : « Les
stoïciens veulent que Dieu pénètre toute la
nature; pour nous, nous disons qu'il en est
le créateur, et qu'il a tout l'ait par sa parole. »
Page 701, il voudrait persuader que Platon a
enseigné que Dieu a fait le monde de rien,
ou de ce qui n'était pas. Pag. 707, « Pytha-
gore, dit-il, Socrale et Platon , eu méditant
sur la fabrique de ce monde, que la main de
Dieu a fait et consirve toujours, oni entendu
sans doute cette sentence de Moïse : Jl a dit,
et lotit a été fait, par laquelle il nous apprend
que l'ouvrage de Dieu est sa -ieulo parole. »
Jhid., I. IV, c. 13, p. Cnk, il attaque ceux
qui disent qu'il \ a un Dieu plus grand et
plus puissant que le Créateur, c'étaient les
gnosliques. « Que celui-ci, dit-il, soit le Père
du Fils , le Créateur e! le Seigneur loul-
puissaul, c'est une vérité que nous traiterons
ailleurs. »
De quel front les critiques protestants
osent-ils accuser les Pères des trois premiers
siècles d'avoir été constamimnl attachés à la
philosophie des nouveaux platoniciens, pen-
dant que tous uni solennellement professé
le dogme opposé au principe fondamental de
cette nouvelle secte de philoso|ihos? Voilà
ce que nous ne concevons pas.
4° Il n'est pas fort certain que les émana-
tions aient été le système commun des Orien-
taux. Bruckcr convient que le premier ei le
principal fondateur de la philosophie des
Clialdéens el des Perses a élé Znroaslre :
or, celui-ci n'enseigne pas foiîoellemeut les
» manatjous. M. Anquciil, qui nous a donné
les ouvrages de ce législateur lélèbre, s'est
attaché à faire voir (|ue Zoroasire admet la
création, (^nand d'antres philosophes orien-
taux auraient soutenu les ém.inations , il
faudrait encore prouver que les Pères de
l'Ejtlise les ont suivis, p.lulôt que de s'atta-
cher au dogme de la créatiim, formellement
enseigné dans l'Iicritiire sainte. Or, ils ont
fait précisément le contraire; non-seulement
ils ont professé ce dogme, mais ils ont prouvé
que c'est le seul vrai , el ils ont blâmé tous
les philosophes qui ne voulaient pas l'ad-
mettre.
Cela n'a pas empêché Mosip'im ni Brucker
de nous peindre Origène et Clément d'A-
lexandrie comme deux sectateurs enthou-
siastes du nouveau platonisme, de leur prê-
ter le système des émanations avec toutes
ses conséquences absurde; , et de bâtir sur
celte base chimérique le préieudu système
philosophique de ces deux Pères. Brucker a
poussé l'eniétenieur jusqu'à dire que le pa-
raphrasle ch<:lléen a reçu des Orienlanx
l'idée du Loçjos, Hist. crii. philos., t. VI, p.
533. Il ne lui restait plus qu'a diie que saint
Jean a emprunté cette idée du paraphraste
chaldéen; qu'ain.vi, en dernière analyse, les
Clialdéens en sont créateurs. La vérité est
que, dans tout ce qui nous reste de la philo-
sophie chaldéenne, il n'est (las plus question
du Logos (lue du mystère de llncarnation ;
qu'il n'est pas même passible d'en avoir une
idée telle que les livres saints nous la don-
nent, sans admettre la création. Ainsi, loule
celle généalogie d'opiiiiuns philosophiques,
forgée par Mosheim el par Brucker, n'a pas
l'ombre de l;i vraisemblance.
Nous soutenons que les Pères de l'Eplise
des trois premiers siècles n'ont jamais admis
qu'une seule éminaiion, ou probole, c'est
civile du Verbe divin , sorti de quehjue ma-
nière du sein de son Père pour créer io
1007
VER
VER
1008
monde; mais, encore une fois, celle émana-
tion n'a rien de commun avec la génération
éiernelle du Verbe, de laquelle les l'ères
n'ont pys parlé aussi fréiiueminenl , parce
que l'on n'en disputait pas pour lors. Quel-
ques-uns même des Pères , en particulier
Tertuilien , ont rejeté le terme de prubole ,
parce qu'ils craignaient qu'on ne l'entendît
dans le même sens que les valenlinicns en-
tendaient l'émanation de leurs éons : ceux-ci
sortaient de Dieu et en demeuraient séparés,
on ne pouvait les envisager que comme une
portion détachée delà substance divine; au
lieu que le Verbe, en se manifestant au
dehors parla création, est demeuré intime-
ment uni à son Père, suivant ces paroles :
Je suis dans mon Père^ et mon Pvre est en moi.
Le Fils unique qui est dans lesein du Père, <'lc.
Les docteurs de l'Eglise ont-ils encore pris le
sens de ces paroles dans le nouveau plato-
nisme ou dans la philosophie orientale?
Nous ne devons donc pas être émus de
quelque ressemblance qui se trouve entre
les expressions de ces Pères et celles des nou-
veaux platoniciens : elle était affectée de la
part de ces derniers. De l'aveu de nos ad-
versaires , ceux-ci étaient des fourbes qui
défiguraient la doctrine de Platon , qui lui
prêtaient des opinions qu'il n'eut jamais,
afin de persuader que ctic doctrine él.iit la
même que celle du christianisme, et que
Platon avait aussi bien connu la vérité que
Jésus-Christ. Quelques-uns poussèrent l'im-
posture jusqu'à prétendre que Platon avait
admis la création , malgré l'évidence du
contraire. Ce ne sont donc pas les Pères qui
ont emprunté le langage des nouveaux pla-
toniciens; ce sont ceux-ci qui ont copié ma-
licieusement celui des Pères. Saint Clément
de Rome, saint Ignace, saint Polycarpe, saint
Justin, Tatien, Athénagore, saint Irénée,
saint Théophile d'Antioche , etc., étaient
plus anciens qu'Ammonius que l'on nous
donne pour auteur du nouveau platonisme.
La supercherie desesdisciples est postérieure
au tenapsauquel Clémenld'Alexandrieel Ori-
gène enseignèrent dans cette école; si elle
avait déjà subsisté de leur temps, tous deux
l'auraient déjà démasquée et confondue. De
même qu'Origène a réfuté Celse toutes les
fois que ce philosophe a voulu comparer la
doctrine de Platon avec celle des auteurs
sacrés, il aurait aussi réfuté Ammonius s'il
avait commis la même infidélité de laqurlle
ses disciples se rendirent coupables dans la
suite. — C'en est une Irès-éviilenle, de la
part des critiques protestants , de cont'ondre
les époques, de supposer sans preuve que la
philosophie des Alexandrins était la même,
sous Clément et sous Oiigène , qu'elle a été
depuis entre les mains de Plolin, de Por-
phyre, de Jamblique, etc., tous païens en-
têtés et fourbes, dont le témoignage ne mé-
rite aucune croyance. Voy. Eclectiques.
VERGE. Dans l'Ecriture sainte ce mot
a différentes significations : il désigne une
branche d'arbre, Gen. c. xxx, v. kl ; un bâ-
ton de voyageur, Luc. , >x ; la houlette
d'un pasteur, Ps. xxii, v. k ; les instruments
dont Dieu se sert pour châtier les hommes,
Ps. Lxxxviii, V. 32. Il signifie un sceptre, qui
est le symbole de l'autorité , Eslh., c. v, v. 2;
un rejeton, le dernier enfant d'une famille,
Jsa'i., c. XI, V. 2; les restes ou les derniers
descindants d'une nation, Ps. Lxxm, v. 2.
Par les circonstances dans lesquelles ce mot
est employé, on en voit aisément le vrai
sens.
VÉRITÉ. Lorsque l'Ecriture sainte se sert
de ce terme à l'égard de Dieu, il signifie non
seulement sa véracité, perfection en vertu
de laquelle Dieu ne peut ni se tromper lui-
même ni induire les hommes en erreur,
mais la fidélité et l'exactitude infaillible avec
laquelle Dieu accomplit ses i)romesses. C'est
dans ce sens qu'elle répèle si souvent que la
miséricorde et la vérité de Dieu sont éter-
nelles, que nous devons y compter pour ce
monde et pour l'autre; ordinairement les
deux attributs sont joints ensemble. Vérité
signifie aussi la justice ; lorsque le Psalmiste
dit à Dieu : Voire loi est la vérité; tous vos
préceptes , toutes vos voies, tous vos juge-
ments sont la vérité, cela veut dire que tous
les commandements de Dieu sont justes et
avaniageux à l'homme, que nous trouvons
notre bonheur à les accomplir. Quand il est
dit, Jonn., c. I, que le Verbe divin est rem-
pli de grâce et de vérité, que la grâce et la
véritéani été a|jportées par Jésus-Christ, cela
ne signifie pas seulement qu'il est venu en-
seigner aux hommes les vérités qu'ils igno-
raient, mais qu'il est venu accomplir toutes
les promesses que Dieu avait faites, et répan-
dre les grâces que les prophètes avaient
annoncées. De même, quand il dit : Je suis
la voie, la vérité, et la vie, cela signifie, c'est
moi qui montre aux hommes le chemin du
salut, qui leur enseigne les vérités qu'ils ont
besoin de connaître, qui leur donne la vie de
l'âme et les conduis à la vie éternelle. En
parlant des hommes, la v^rtic désigne quel-
quefois la fidélité à observer la loi de Dieu,
les actes d'une vertu sincère, surtout de jus-
tice, de charité, de miséricorde, de piété, etc.
Juan., c. m, v. 21 : Celui qui suit la vérité
vient à la lumière, etc.
Lorsqu'il s'agit d'un des livres saints, il
fautdistinguer la véritédes faitsqu'iicontient
d'avec l'authenticilé du livreou de l'Iiisioire.
L'Evangile de saint iMatlhieu, par exemple,
pourrait être vrai dans tout ce qu'il rapporte,
sans être authentique, sans avoir été écrit
par cet apôtre ; il sufiirait qu'il eût été écrit
par un auire témoin bien instruit des actions
et de la doctrine de Jésiis-Clirisl; mais il ne
peut pasêtre authentique sansêtre vr.ii, parce
qu'un témoin tel que cet apôtre n'a pas pu
se tromper sur les faits qu'il rapporte ; il n'a
pu avoir d'ailleurs aucun intérêt d'en impo-
ser; et s'il avait voulu le faire, il ne pou-
vait manquer d'être contredit par d'antres
témoins aussi bien informés que lui. Voy.
Authenticité.
VÉRONIQUE, terme formé de vern icon,
vraie image. C'est la représentation de la
face de Notre-Seigneur, empreinte sur un
linge ou un mouchoir que l'on garde à Saint-
1009
VER
VEK
1010
Pierre de Uonie. Quelques-uns croient que
ce linge est le suaire qui fut mis sur le
visage de Jésus-Christ dans le sépulcre , et
dont il est fait mention Joan., c. xi, v. 7.
D';iu(res se sont piTsuadé, mais sans aucune
preuve, que c'est le mouchoir avec lequel
une sainte femme de Jérusalem essuya le
visage du Sauveur, lorsqu'il allait au Cal-
vaire chargé de sa croix. Cetleopinion popu-
laire a pu venir de ce que les peintres ont
souvent représenté la vvronù/iie, ou la vraie
image, soutenue par les m;iins d'un ango, el
d'autres par les mains d'une femme. Quoi
qu'il en soit, le premier monument dans le-
quel il est parlé de cette image est un
cérémonial dresse l'an 1143 par Benoît, cha-
noine de Saint-Pierre de Home, et dédié au
pape Célesiin II, que le père Mahillon a
piililiédansson M asœnmllaticum,\. II, p.12'2;
mais il en est l'ail mention dans les lettres
ou dans les bulles de plusieurs papes posté-
rieurs. On ne sait pas en quel temps l'ua
a commencé à l'honorer.
H n'est pas nécessaire d'avertir qu'en
rendant un culte à cette image, nous avons
intention d'Iionorer le Sauveur lui-même,
dont elle nous rappelle le souvenir, lien est
de iiiéme decelui (|ue l'on rend à la sainte face
qui se garde dans la cathédrale de Luc(|ues,
aux saints suaires de Turin, de Besançon et
deColognc,el à d'antres représentations sen-.-
blahles. Les messes, les offices, les prières qui
ont été composées à ce sujet, ont pour objet
Jésus-Christ, et nous retracent la mémoire de
ses souffrances; elles n'ont aucun rapport à la
prétendue sainte femme de Jérusalem, nom-
mée Véronii/iie, que l'iiglise n'a jamais re-
connue. M lis il y a eu une sainte religieusede
ce nom à Milan, dans le xv° siècle. \'oy. Vies
des Pères et des Miirti/rs, I. I. p. 221.
VKItSCHDUlSTKS. roy. Hattém srss.
VERSET DE L'ECRITURE SAINTE. Voy.
C0NCOHD\NCE.
VERSION DE L'ÉCRITURE SAINTE. C'est
la traduction du texte dans une autre langue.
De to'jt temps il a été Irès-difficile de don-
ner du lexle hébreu de l'Ancien Testament
une version parfaite, qui ne s'écartât jamais
du sens de l'original, qui rendit exactement
la valeur do tous les termes. Le traducteur
grec du livre de V Ecclésiastique l'a renuirqué
dans son prologue; l'imperfection de la ver-
sion des Septante, faite par les Juifs les plus
instruits qu'il y eût pour lors, confirme cette
observation, et l'on peut en ilonnerplusieurs
raisons. 1* L'hébreu, langue la plus ancienne
dans la(|uelle II y ait des munuinenlii, est une
langue pauvre en comparaison de celles qui
Ont été parlées par des peuples civilisés ,
instruits, exercés dans les sciences el lesarls;
nous l'avons remarqué en son lu;u. Les mé-
taphores y sont donc très-fréquentes ; il n'est
pas toujours aisé de voir si une expression
est simple ou emphatique, s'il faut l'enten-
dre dans le sens littéral ou dans un sens
figuré. i° Lor-que l'on a commence de tra-
duire les livres liebreux, celte langue n'était
plus vivaulc depuis plusieurs siècles, ni
parlée par les Juifs dans son ancienne pu-
reté; il s'y était glissé des termes chaldéens
et syriaques, plusieurs mots pouvaient avoir
changé de signification ; c'est ce qoi est ar-
rivé à toutes les langues, par le mélange des
peuples et par le changement de pronon-
ciation. Il aurait fallu que le traducteur eût
une connaissance parfaite, non-seulement
des deux langues, dont l'une devait être
l'interprète de l'autre, mais encore de la
litîéralure orientale : un tel homme était
difficile à trouver, soit chez les Juifs , soit
elle/ les autres n.ilions. [\ Les livres de Moïse
traitent d'une infinité de maiières différentes
d-î théologie , de géographie , de physique,
d'histoire nalunlle et civile ; il y a des dé-
tails de mœurs, d'arts, de lois, de cérémo-
nies des remarciues sur les nations ^oisines
de la Palestine, des allusions à leurs usages,
des descriptions de lieux qui avaient changé
de f;ice, de peuples qui n'existaient plus, ou
qui étaient devenus méconnaissables. Moïse
avait vu ce qu'il racontait, ou il le tenait
de témoins bien instruits ; il aurait fallu
avoir des connaissances aussi étendues que
les siennes , pour rendre parfaitement ses
idées dans une langue différente. 4° Dans les
siècles dont nous parlons, les sciences n'é-
taient pas aus-i cultivées qu'elles le sont, ni
les sources d'érudition aussi abondantes; on
n'avait pas réduit l'élude des langues en
méthode; on n'avait ni dictionnaire, ni
grammaire, ni concordance; on n'avait pas
comparé les langues ; il étail rare de trou-
ver un honmie qui en eiit appris plusieurs.
Les peuples se connaissaieul moins ; on
faisait moins d'attention aux idées, aux
mœurs, aux opinions des dilTérentes nations.
Les Juifs avaient éprouvé des révolutions
terribles, ils étaient devenus très-dilîérents
de ce qu'ils avalent été sous Moïse, sous les
juges et sous les rois. Saint Jérôme avait
senti la nécessité d'être sur les lieux, de
connaître la Palestine el les environs pour
traduire exactement les livres saints ; il y
donna tous ses soins, il a dû réussir mieux
qu'un autre. Mais il eut besoin des Juifs
pour apprendre l'hébreu ; ses maîtres de
langue n'avaient ni autant de génie ni au-
tant de connaissances que lui : il ne s'est
pas Halle d'avoir atteint le dernier degré de
la perfection, mais il a fait tout ce qu'il était
possible de faire dans son siècle. Les crili-
tiques piolesiants, qui ont all'i^cté de le cen-
surer et de déprimer ses travaux, n'en sa-
vaient pas assez pour les ap|irécier ; ils ont
voulu cacher par des traits d'ingratitude les
obligations qu'ils lui avaient ; sa version est
incontestablement la meilleure de toutes
celles qui onl paru. Voy. Vulgate. Le texte
grec du Nouveau Testament n'est pas non
plus sans difficullés ; c'est un mélange d'hél-
lénismes et d'hébraïsmes, mais ils n'y sont
pas en aussi grand nombre que des littéra-
teurs demi-savants l'ont prétendu. Voy.
Hkllémstique. Le grec et l'hébreu, ou le
bjriaque , tels qu'on les parlait dans la Ju-
dée du temps des apôtres, n'étaient purs ni
l'un ni laulre ; dans leurs écrits, plusieurs
termes grecs n'ont pas exaclement la même
1011
VER
VER
101*
signification que chez les auteurs profanes.
Il faU.iil espiimer des idées qui n'étaient
jamais venues dans l'esprit des hommes
avant Jésus-Chrisl, leur apprendre une doc-
trine et des vérités inconnues jusqu'alors ;
les "p6(res ne pouvaient se servir que des
mots communément usités dans le discours
ordinaire. (^uoîV/Ke je sois , A\i saint Faul ,
ignorant dans les finesses du langage, je ne
le «MIS point dans ta science que j'ensiigne,
et je me suis fait entendre de vous en toutes
choses [Il Cor. xi , G).
Conclurons-nous de ces réflexions que le
texte de l'Ecriture est donc inirileUip;ible,
qu'il est impossible d'en avoir une bonne
Dfrsi'on ? Cela serait vrai, si nous n'avions
point d'autres secours que ce texte. Mais,
en fiiit de dogmes, les Juifs avaient conservé
le sens de leurs livres par tradition; I Eglise
chrétienne est dans un cas encore plus fa-
vorable. Les apôtres ont inslruil les fidèles
de vive voix, aussi bien que par écril; ils
ont formé non-seulement des disciples et
une école, mais des sociétés nombreuses,
qui n'oni jamais cessé de lire leurs éi rits,
et qui, en matière de croyance et de morale,
ont toujours été d'iiccord sur le sens qu il
fallait y donner : ce sens une lois fixé par
la croyance uniforme de i es églises souvent
Irès-cloignées l'une de l'autre, par l'ensei-
gneciienl public qui y régnait, par le témoi-
gnage des Pères qui en étaient les pasteurs,
quelquefois p.ir les décisions des conciles,
par les pratiques du culte qui y étaient rela-
tives, est d'une tout autre certitude que
lorsqu'il est seulement fondé sur l'opininu
des grammairiens et des critiques, à laquelle
les prolestants trouvent bon de s'en rap-
porter. C'est donc à l'Eglise de nous ga-
rantir la fidélité d'une version qu'elle nous
met entre les mains, et d'interdire à ses en-
fants la lecture de celles qui sont capables
de corrompre leur foi. C'est encore à elle de
juger des circonstances d.ms lesquelles elle
doit permettre ou défendre aux simples fi-
dèles l'usage des versions en langue vulgaire.
Jansaisclle n'a interdit à ceux qui eniendent
le latin la lecture de la Vulgate ou de la
version latine u.-itée dans tout l'Occideul;
mais elle a réprouvé les versions faites dans
cette même langue par des écrivains sans
aveu, ou justement suspects d'hétérodoxie.
Elle n'a jamais trouvé mauvais que des fi-
dèles dociles à ses leçons, prêts à recevoir
d'elle l'intelligence de l'Ecriture, la lussent
en langue vulgaire; mais lorsque de faux
docteurs, révoltés contre l'Eglise, ont voulu
infecter ses enfants par des versions dai:s
lesquelles ils avaient glissé le venin de leurs
erreurs, elle a en<plo}é avec raison sou au-
torité pour empêcher cet abus et écarter
tout danger de séduction.
Quelques prolcslanls , quoique très-pré-
venus d'ailleurs contre elle, ont été forcés
d'ajiprouvor sa conduite. Ils sont convenus
que la lecture du Cantique de Salomon, de
plusieurs chapitres du prophète Ezé( hiel, de
plusieurs traits d'histoire trop naïfs soloii
nos mœurs, des Epilres de saint Paul où il
traite de la prédestination et de la grâce,
pouvait être dangereuse à un très-grand
nombre de personnes, et il suffit d'ouvrir les
versions françaises publiées d'abord par les
protestants, pour s'en convaincre. Après la
naissance de la prétendue réforme en An-
gleierre, on fut obligé pend;int un temps
d'ôter au peuple les traductions de l'Ecri-
ture en langue vulgaire, à cause des dis-
putes et du fanatisme auquel cette lecture
avait donné lieu; D. Hume, Hist. de la
Maison de Tudor, Tom. H, pag. 4'26. Ce n'est
pas le seul pays de l'Europe où le même
phénomène soit arrivé. Mosheim a fait une
dissertation pour montrer les excès dans
lesquels sont tombés une infinité di? traduc-
teurs et de commentateurs protestants, sous
prétexte d'expliquer l'Ecriture sainte, Sijn-
taijma Dissert. i\d sancliores disciplinas per-
tinentium, pag. 166. D'autres ont lourné en
ridicule les bibliomanes i\{i\, avec une Bible
à la main, prétendaient prouver tous les
rêves qui leur étaient venus à l'esprit :
quelques-uns enfin sont convenus que la
licence accordée aux ignorants de lire le
texte sacré dans leur langue, avait été un
des principaux pièges dont les réformateurs
s'étaient servis pour réduire le peuple et
l'entraîner dans leur parti : Eptlre dK l{.
Sieele au pape Clément XI, pag. 20 et 21.
Tertullieu avait déjà remarqué le même ar-
tifice chez les hérétiques du m' siècle, De
Prœscript. hœret., c. 15.
Malgré ces faits, toutes les sectes protes-
tantes s'obstinent toujours à soutenir que
l'Ecriture est la seule règle de notie foi;
que tout fidèle doit la lire pour être solide-
ment instruit de la doctrine chrétienne ; que
l'Eglise catholique se rend coupable d'in-
justice et de cruauté, en ne permett;int pas
à tous indistinctement de lire la Bible tra-
duite en langue vulgaire. Y a-t-il du bon
seus dans cette prétention? 1° Conformément
à leur principe, c'est à eux de nous prouver,
par des passages clairs et formels de l'E-
criture, cette obligation prétendue imposée
à tous les fidèles, et la loi qui ordonne aux
pasteurs de leur fournir Its moyens d'y sa-
tisfaire. Souvent on les a défiés d'en citer
aucun, ils ne sont pas venus à bout d'en
trouver, parce qu'il n'y en a point. Nous
verrons que ceux qu'ils allèguent ne disent
point ce qu'ils prétendent, que plusieurs
prouvent le contraire. — 2° Aux mots Rcrti-
TCRK SAINTE ct Thadition, nou8 avons fait
voir que la lecture des livres saints n'est
point le moyen dont les apôtres el leurs suc-
cesseurs se sont servis pour établir le ciiris-
tianisme. 11 y a eu des Eglises fondées et
subsistantes longtemps avant qu'elles pus-
sent avoir aucune partie de l'Ecriture tra-
duite dans leur langue, avant même que
tous les écrits du Nouveau Testament fus-
sent publiés, et il y a eu plusieurs nations
chrétiennes desquelles on ne peut pas prou-
ver qu'elles aient aucune version de ces
livres en langue vulgaire. Sur la (in du
u' siècle , saint Irénéo attestait qu'il y
avait chez les barbares plusieurs églistrt
1013
VÈR
VFR
lOU
qui n'nvaient encore point reçu d'Ecriture,
mais nui conservaient fidèlement la doctrine
chrétienne, et gardaient exactement la tra-
dition qu'elles avaient reçue des apôlres;
au m', Tertullicn ne voulait pas seulement
que l'on admit les hérétiques à prouver leur
doctrine par l'Hcrilure. Avant le v siècle,
nous ne vo}'ons aurun vestige de versions
de la Bil)le, môme du Nouveau Testament
en langue punique ou africaine, en espa-
gnol, en celle, en illj'rien, en scyllte ou en
tarlare, etc. Opendant nous sommes cer-
tains par des (éinoignages pusitlTs qu'au
IV' siècle il y avait dos églises établies chez
ces dilTérentes nations. Dans ces lemps-là
peu de personnes avaient l'usaî^i' des lettres,
les livres étaient rares et cliers; li'S peuples
n'avaient point d'autre moyen d'instruction
que les leçons de leurs pasteurs; ils n'en
étaient pas pour cela moins attachés à leur
croyance, ni moins réglés dans leurs mœurs.
Jésus-Christ avait ordonne de prêcher l'IÎ-
vangile à toutes les nalioiis, ^ailll Paul se
croyait également redevable aux Grecs et
aux barbares ; il leur devait donc procurer
à tous des versions de la Bible dans leur
langue, si cela était nécessaire. Avant de
travailler à la conversion des (Chinois, des
Indiens, des nègres, des Lapons, des sau-
vages de l'Amérique, faut-il corninencer par
leur apprendre a lire, et par leur donner
une version de la liible? — 3° Pour qu'un
chrétien puisse fonder sa croyance sur l'E-
criture seule, il faut qu'il soit assuré qu'un
livre, qu'on lui donne pour sacré et inspiré,
est authentique et non supposé ou interpolé ;
(juc la virsiun qu'il en a est fidèle, et ([u'il
en prend le vrai sens : or, il est impossible
qu'un protestant du connnun soit certain
d'aucune de ces trois choses. Il n'est pas en
état de décider les contestations qui régnent
entre hs dilïérentes sociétés chrétiennes
touchant le nombre îles livres saints; il ne
sait pas si dans quelqu'un de ceux qui sont
rejelés dans sa secte, il n'y a pas des pas-
sages contraires à ceux sur lesquels il se
fonde. 11 ne peut être assuré de la fiilélité de
sa verfion, pendant que plusieurs autres
sectes soutiennent qu'elle est fausse en plu-
sieurs endioits, et il ne saurait la vérilier
sur le texte, qu'il n'entend pas. H peut en-
core moins se convaincre qu'il en prend le
vrai sens, malgré la réclamation des autres
sociétés proleslanles qui l'expliquent aulre-
menl. On peut voir dans les iVères Wallem-
bourg vingt ou tiente exemples de passages,
ou différemment écrits dans le texte, ou
difléremment traduits, ou évidemment al-
térés dans la multitude des Virsions faites en
langues vulgaires par les protestants. Uo
chiélioii du commun ne préfère l'une à
l'autre que parce qu'on le vi ut ainsi dans
la secte dont il est meuibre. Est-ce là un lon-
demenldo fui fort solide? — On nous répond
gravement que toutes ces sociétés s'accor-
dent sur les articles fondamentaux. En pre-
miiT lieu, cela est faux : les sociniens en
nient plusieurs, de l'aveu des protestants;
leurs principes cependant et leurs méthodes
sont les mêmes. En second lit u, un simple
particulier est incapable de distinguer lI de
savoir si un article est fondamental ou non.
En troisième lieu, nous soutenons que toute
vérité révélée de Dieu est fondamentale dans
ce sens, qu'il n'i-st pas permis d'en douter'
ou de la nier dès que la révélation est suf-
fisamment connue. Nous dira-t-on qu'elle ne
l'est pas, puisque l'on en dispute? Dans ce
cas, c'est l'opiniâtreté des hérétiques qui
décide si une vérité est fondamentale ou non.
— 4° Il est constant que dans le fat et dans
la pratique aucun protestant ne fonde sa
croyance sur la seule autorité de l'Ecriture
sainte. Avant de la lire. Il a été prévenu par
les instructions de ses parents, par les caté-
chismes, par les sermons des pasteurs, par
le langage uniforme <le la société dont il est
membre, et il ne voit ([ue la version qui y
est en usage. Ainsi un calviiiisle, un luthé-
rien, un anglican, un anabaptiste, un soci-
nien, sont disposés d'avance à voir dans
l'Ecriture le sens dont ils ont été imbus dès
l'enlunce; leurs préju'^és leur tienncTit lieu
de l'inspiration du Saint-Esprit. Chaque ver-
sion porte l'empreinte de la secte pour la-
quelle elle a été faite. Si un homme s'écar-
tait de cette tradition , il serait regardé
comme hérétique. Ceux qui ont suivi leur
esprit particulier, et qui ont eu assez de ta-
lent pour faire des prosélytes, ont enfanté
cette multitude de sectes fanatiques qui ont
déchiré le sein du protestantisme, et qui font
la honte de la prélendue réforme. Cepen-
dant ils n'ont fait (]u'en suivre le principe
fondamental, savoir : que l'Ecriture seule
est la règle de la foi d'un chrétien, et (ju'il
doit croire tout ce qui lui p naît y être clai-
1 ement révélé. — Nous avons donné ailleurs
plusieurs autres preuves de la fausseté et
des pernicieuses conséquences de cette mé-
thode.
A la fin (lu recueil de leurs confessions de
foi, les protestants ont rassemblé au moins
soixante passages de l'Ecriture pour re-
layer; mais leur choix n'a pas été heureux;
il n'y en a pas un seul i)ui ordonne de s'en
tenir à l'Ecriture seule, c'est cependant ce
qu'il était question de piouver; cl il y en a
plusieurs qui enseignent le contraire. Rom.,
c. X, V. 17, saint Paul dit : la foi vient de
l'ouïe, et l'ouie vient par la parole de Jesus-
Clvisl; mais je dis : Se l'a-t-on pas entendue?
assurément la voir des prédicateurs s'est
police par toute la terre, el leur parole est
allée aux eitréinitcs du monde. S'il élail ques-
tion là de la parole écrite, l'Apôtre aurait
dit : la foi vient de la lecture; mais non, il
est bien certain que dans ce tem|is-là l'E-
criture n'avait pas été portée aux exlré-
niilés du isionde; il y avait au moins la
moilié du Nouveau Testament ((ui n'était
pas encore écrite. Mais les protestants n'y
ont pas regardé de si près. — / Cor., c. iv,
v. G, saint Paul reprend les Corinthiens de
ce qu'ils s'atlaciiaient par (ireférence à l'un
ou à l'autre de leurs docteurs, el il ajoute :
J'ai transporté à cause de vous touies cet
choses à uiu personne et à celle d'.ipollo, afin
1015 VER
tjue vous appreniez par notre exemple à ne
point vous élever l'un (lu-dessus de l'autre
pour autrui et phi» qu'il n'est écrit. De ces
dernières paroles, les protestants concluent
qu'il ne faul pas vouloir en savoir plus que
ce qui est enseigné dans TEcrituie sainte.
Mais il suffi! de lire les chapitres précédents,
pour se convaincre que par ces mots saint
Paul veut désiiiner scpl à huit pa^saces de
l'Ancien Testament qu'il a rites, et qui ten-
dent tous à rabaisser l'orgueil humain. II
n'est point question là de curiosité téméraire
en fait de doctrine, mais de la vanité que
l'on veut tirer du mérite des maîtres par
lesquels on a été inslmit. Si les protestants
fiiisaiciil un peu de réflexion, ils verraient
qu'ils ont péché par le même vice que les
Corinthiens, el que la réfirimande de s;iiiit
Paul tombe diieclcmoul sur eux. L'un s'est
attaché à Luther, l'autre à CariosladI ou à
MéLinchthon, celui-ci à Calvin, celui-là à
Muncer ou à Socin. Ils se sont enorgueillis
de la capacité supérieure de leurs docleurs;
ils ont prclendu que ces hommes nouveaux
en savaient plus que tous les Pères et les
pasteurs de l'iîlglise. — Saint Pierre, Epist. I,
c. m, v. 1.5, dit aux fidèles : Soyez toujours
prêts à satisfaire quiconiiue vous demande
raison de votre espérance, mais avec modestie,
avec respect et en bon)ie conscience. Aulre
leçon très-mal suivie par les protestants.
S.iiiit Pierre ne dil point qu'il faut rendre
raison de notre espérance par l'Ecriture
S!ulc; mais les proleslaots font celte addition
de leur chef. Ue (luoi auraient servi des
preuves tirées de l'Kcriture, contre des gen-
tils qui n'y croyaient pas? Les premiers
cbréliens en avaient de plus convenables,
savoir, h s caractères surnaturels de la mis-
sion divine de Jésus-Christ el des apôtres.
Mais les prolestants ne veulent point de
mission; sans modestie, sans respect pour
ceux qui eu élaient revéïus, ils se sont crus
plus habiles qu'eux, ils ont eu si |)eu de
bonne conscience, qu'ils ont travesti et déû-
guré toute la doctrine caHiolique , pour
avoir un mo\en plus aisé de la réfuter.
Cependant ils triomphent sur deux ou trois
passages, et ils ne cessent de les répéter.
Joan., c. V, V. 39, Jésus-Christ dit aux Juifs :
APPROFONDiS'iEz les Ecrîlurps, pxnsque vous
croyez y trouver la lie éternelle; ce sont elles
gui rendent témoignage de moi. Act. xvn. 11,
il est dit que les principaux Juifs de lîérée,
après avoir écoulé saint Paul, approfondis-
saient lous les jours les Ecritures, pour voir
si ce qu'il leur avait dit était vrai. Donc,
pour savoir si une doctrine est vraie ou
fausse, il faut consulter l'Ecriture, et rien
de plus. Celle conséquence esl-ille juste ?
1° Ces deux passages regardent les docteurs
juifs, les principaux Juifs, et non le peuple;
le texte y est formel. (Zhez les Juifs, non
plus que chez les protestants, le peuple n'é-
tait pas capable d'approfondir les Ecritures.
Jésus-Christ parlait diiïércmmcnt au peuple,
^atth., c. xxm, V. 2 : Les scribes et les pha-
risiens sont assis sur la chaire de Moïse, ob-
tervez donc et fctit$s tout et qu'ils i)oui diront t
vi:r
1016
triais ne suivez pas leur exemple, car ils ne
font pas ce qu'ils disent. 2° Dans l'endroit
cité de saint Jean, le Sauveur en appelle
aussi au témoignage de ses œuvres ou de
ses miracles ; il est évident qu'en les com-
parant avec les prédictions des prophètes,
on devait se convaincre qu'il était vérilable-
nient le Messie ou le Fils de Dieu, c'est la
seule chose dont il s'agissait pour lors : de
la divinité de ses œuvres el de sa mission,
s'ensuivait la vériié de sa doctrine. 3° L'exa-
men des Ecritures ne produisit pas un heu-
reux effet sur les Juifs, il n'aboulil qu'à leur
faire méconnaître Jésus-Christ. A leur lour,
ils disaient à Nicodème : Approfondis lei
Ecritures, et vois qu'un prophète ne vient
point de Galilée (Joan., c. vu, v. 52). k° Les
protestants ont l'ail comme les Juifs, el nous
leur répétons hardimeni la leçon du Sau-
veur : Approfondissez les licritures ; ne vous
contentez pas d'en citer dos passages au ha-
sard ; examinez ce qui précède, ce qui suit,
les circonstances el le sujet dont il est ques-
lion, vous verrez que vous les entendez mai.
Jésus-Christ, disent- ils, a souvent repro-
ché aux Juifs qu'ils négligeaient, qu'ils vio-
laient, qu'ils annulaient la loi de Dieu par
leurs traditions ; cela est vrai, il ne reste plus
qu'à prouver que l'Eglise catholique a fait de
même, que son enseignement constant, public
el uniforme, est une tradition aussi mal fondée
que celle des Juifs. De noire côté nous prou-
vons que, pour pervertir le sens de l'Ecri-
ture el de la loi de Dieu, les proleslanls ne
sont tondes que sur la Iradilion particulière
de leur secte, el qu'ils la suivent plus aveu-
glément que nous ne suivons la tradition
constante et universelle de l'Eglise. Dieu,
conlinuent-ils, avait défendu de rien ajou-
ter à sa loi, ni d'en rien retrancher; nous
en convenons encore. S'ensuil-il de là que
Jésus-Christ, les apôtres, les pasteurs revê-
tus d'une autorllè légitime, n'ont rien pu
ajouter au judaïsme ? C'est ce que préten-
dent les Juils, el c'est une des principales
raisons qu'ils allèguent pour ne pas croire
en Jésus-Christ. Nous avons fait voir ail-
leurs que les proleslanls ont fait de nou-
velles lois de discipline dont ils exigent ri-
goureusement l'observation , qu'ils prati-
quent des usages qui ne sont point comman-
dés dans le Nouveau Testament, et qu'ils eu
omettent d'autres qui semblent y être or-
donnés.
Ils ne raisonnent pas mieux en citant les
passages dans lesquels saint Paul recom-
mande à Tite et à Timoihée l'élude des sain-
tes Ecritures. Tout le monde convient que
c'est un devoir essentiel pour les évêques,
pour les prêtres, pour tous ceux qui sont
chargés d'enseigner ; mais il est ridicule
d'imposer la même obligalion aux simples
fidèles. Vu la quantité de livres d'instruc-
tion, de morale, de piété, dans lesquels le
lexle de l'Ecriture est expliqué et mis à la
portée de tout le monde, aucun chrétien ne
peut avoir absolument besoin de lire ce texle
même. Quand il s'y obstine, on peut lui de-
mander» Cooimë tmal Philippe à t'flunuque
1017
VER
VER
1018
do la reine Candace, Act., c. viii, v. 30 :
Croljez-vous entendre ce que vous lisez ? S'il
est siiu-èrc, il répondra comme ce bon [iro-
sélyte : Comment le pitis-je, si personne ne
me l'expliiinef Les protesianls font aussi
bien que nous dos livres de morale et de
piété, des serinons, des commentaires sur
l'Ecriture; nous pouvons donc li'ur deman-
dera quel litre ils prctendenl mieux expli-
quer la paroiiî de l)ieu que les auteurs in-
spirés, comment osent-ils melire leur propre
parole « la place de celle de Dieu. Puisqu'ils
font ce reproche aux pasteurs catholiques,
c'est à eux d'y satisfaire les premiers. Enfin
il ne sert à rien de répéter les passages dans
lesquels Dieu ordonne aux .luil's de méditer
coulinuellement sa loi, de l'avoir toujours
présente à l'esprit et sous les yeux. Les
Juifs lie pouvaient l'apprendre (lUc dans les
livres de Moïse, ils n'en avaient point d'au-
tre pour lors. Mais leur a-t-il été ordonné
quelque part de lire tous les livres de l'An-
cien 'resiament écrits dans la suite? Il est
élonnaiit que les protestants, qui ont réduit
les vérités de la foi presqu'ù rien, exigent
des (hrétiens tant de lecture pour les ap-
prendre.
Aux mois BiBLB , Guiîcs , Pauapurase ,
Samaiui'ain, Septante, Vulgate, nous avons
parlé des traductions de l'Ecriture faites
dans des langues anciennes ; il nous reste à
donner une courte notice des versions vul-
gaires, ou écrites dans nos langues moder-
nes. Luther est le premier qui ait donné
une version de la Bible eu allemand, laite
sur l'hébreu ; mais plusieurs de ses auiis lui
reprochèrent sou ignorance en l'ait de lan-
gue hébra'ique, et jugèrent sa vrrsion très-
fautive. Munster, Léon de Juda. Casialiou,
Luc et André Osiander, Junius, Tréuiellius,
etc., prétendirent mieux entendre l'hébreu
que Luiher. Cependant il n'est auRune de
leurs versions, soit en latin, soit dans une
autre langue, dans liuiuelle ou n'ait trouvé
de grandes fautes qu'il a fallu corriger dans
la suite ; il en est de même des versions lati-
nes du Nouveau Tcstiimenl composées par
Erasme et par lîèzo. D'ailleurs, si l'on se
persuadait que tous ces prétendus liébraï-
sants n'ont tiré aucun secours des travaux
d'Origène et de saint Jérôme, ni des notes
et des commentaires des doi leurs catholi-
ques, on se tromperait beaucoup. Ils s'en
sont peut-être vantés, ih ont déprimé tant
qu'ils ont pu les ouvrages dont ils profi-
taient; celte charlatanerie des écrivains est
connue de tout temps, les hommes instruits
n'en sont plus les dupes, tlaspard Uleinherg
mit au jour une nouvelle version allemande
pour les calliolii|ues, à Cologne, en 1G30. —
Les Anglais avaient une version de l'Ecri-
ture en anglo-saxon dès le commenceiiient du
VIII' siècle. 11 n'y a guère d'apparence qu'elle
ail été faite sur le grec ni sur l'héiireu ; il
est beaucoup plus probable qu'elle fut faite
sur la Yulgate. Wiclef en lit uni- seconde,
ensuite Tiudal et Cowerdal en 15i(j et lo30.
Depuis ce Iquips-là les Anglais u'oiit pas
cug»é de faire des corrcctious à lu Bible un-
glaise. — La plus ancienne traduction de l'E-
criture en français est celle de Guiars-.des-
Moulins, chanoine en 1204- ; elle fut impri-
mée en 1W8. Raoul de l'resles et plusieurs
anonymes en donnèrent d'autres. Le lan-
ga^-e sans doute en était grossier et barbare,
mais nous ne voyons p<'s qu'elles aient
essuyé aucune censure. Celles qui ont été
faites à la naissance de la rélorfue n'étaient
guère plus élégantes ; la lecture n'en est
plus supportable aujourd'hui. Tel est lin-
convénient attaché ,i toutes les versions en
langue vulgaire, il faut y loucher conti-
nuellement à mesure que le langage reçoit
des changements ; au lieu que la Vitle/nte
.laline est la même depuis plus de douze
cents ans : on n'y a touché que pour corri-
ger les fautes des copistes.— Nous ne voyons
p;is en quoi la version des Psaumes faite par
Marol, et devenue barbare, peut contribuer
chez les calvinistes à l'intelligence des psau-
mes, ni en (|uoi il est utile à la piété de tu-
loyer Dieu en français. — Abraham Usque,
juif portugais, fit sur le texte hébreu une
version espagnole, qui fut imprimée à Fer-
rare en 1553. Elle est à peu près inintelligi-
ble, parce qu'elle répond à l'hébreu mot
pour mot, et qu'elle est écrite en vieux es-
pagnol que l'on ne parlait que dans les sy-
nagogues ; on l'accuse d'ailleurs d'être infi-
dèle.— La première version italienne est de
Nicolas Malhermi, faite sur la ynlg(ite,et
mise au jour eu 14.71. Dans les siècles pré-
cédents, le latin était la langue vulgaire de
l'Italie, il ne s'y est altéré que par le mé-
lange des éi rangers. — Les Danois eurent
une traduction de l'Ecriture dans leur lan-
gue en 15i4 ; ce fut l'ouvrage d'un luthé-
rien nommé Jean Michelsen, bourgmestre
de Mainue, et l'un des moyens dont se servit
Christiern II, pour introduire le luthéra-
nisme dans ses élats. Celle des Suédois lut
faite par Laurent Pétri, archevêque d'Dpsal,
et parut à Holni eu 1G4G. Au mot Bible,
nous avons parlé de la Bible des Russes ou
Mosco\ iles.
Ceux qui veulent connaître à fond tout ce
qui concerne les versions de l'Ecriture peu-
vent consulter le R. Elias Lévita ; saint Epi-
|)hane, de Ponderib. et AJensuris ; les Com-
mentaires de soinl Jérôme; Antoine Carafla,
dans sa Préface de la liible grecque de Home ;
Korlhol, de variis Biblior. edit.; Lambert
Bus, dans les Prolég. de son édition des Sep-
tante. Parmi les Français, le père .Morin,
Exerc. Biblicœ ; Dupin, Biblioth. des au-
teurs ecclés.; Richard Simon, Ilisl. cril. du
Vieux cl du Nouveau Testament ; la Bibtio-
Ihêgue sacrée t]u P. Lelong ; Calmet, Dici. de
la Bible, etc. Chez les Anglais, Ussérius,
Pocoli, Péarsiin, Piideaux, Crabe, Wower,
de (îrœc. et Latin. Biblior. î/ifer/re/. ; Mill.
in I\'ou.Test.; les Proléi/omênes de Wallon,
Hodius, de texliù. Biblior., elc. — A la têie
du X\ III' vol. de Vllistoire de l'Eglise galli-
cane, il y a un discours sur l'usage des sain-
tes Ecritures, dans lequel on fait voir les
pernicieux effets que produisirent au xvi*
siècle les versions en langage Vulgaire^ coûi^
1019
VER
VER
1020
posées par des héréliques ou par des écri-
vains suspects d'hétérodoxie, et la sagesse
des mesures que l'on prit pour lois afin d'ar-
rêter les progrès du fanatisme que la lecture
de ces versions allumait dans tous les esprits.
Les protestants n'affectaient de les répan-
dre, que parce qu'ils voyaient que c'était un
des moyens les plus eificaces pour séduire
les ignorants.
VliRTU. Ce mot, dans sa signiDcalion lit-
lérale, signifie la force ; c'est pour cela que
l'Ecriture, en parlant de Dieu, appelle ver-
tus les actes de la puissance, les miracles.
Saint Paul, Rom., c. i, v. 16, dit que l'Evan-
gile est la vertu de Dieu pour le salut de tout
croyant, parce que Dieu n'a jamais fait écla-
ter davantage sa puissance que tians l'éla-
blissement de l'Evangile. Dans l'homme la
vertu est la force de l'âme ; il faut de la force
pour faire le bien, à cause des passions qui
nous maîtrisent et nous portent continuelle-
ment au mal; toute action louable qui exige
un effort de noire part est un acle de vertu.
Nous avons fait voir ailleurs que s'il n'y
avait pas une loi naturelle qui nous est im-
posée par le Créateur, le mot vertu serait
ville (le sens. Il n'y aurait plus aucun motif
constant et solide qui pût nous engager à
faire le bien malgré l'imjjulsion de nos mau-
vais pcncliauts. Il n'est pas besoin de force
pour faire une action utile à nos semblables
p.ir le motif de noire intérêt présent, ou
d'un avantage temporel cerlainement prévu;
c'est une affaire de calcul et rien de plus.
Les philosophes qui ne veulent point recon-
naître un Dieu législateur, rémunérateur et
vengeur, et p;irlent sans cesse de vertu,
sont ou de mauvais raisonneurs qui ne s'en-
tendent pas eux-uiêines, ou des hypocrites
qui veulent en imposer aux ignorants. N'as-
signer d'autre motif d'être homme de bien
que les avantages qui sont attachés à la
vertu dam cette vie, c'est la dégrader et la
confondre avec l'amour-propre. Il n'en est
pas de même, quand on lui propose les ré-
compenses éti ruelles de l'autre vie, il faut
de la force d'âme pour les préférer aux
avantages de ce t>ionde, passagers et incer-
tains, mais qui tentent la cupidité ; il faut
croire fermement à la parole et aux promes-
ses de Dieu, dont l'accomplissement nous
paraît toujours fort éloigné ; souvent il faut
braver la censure et le mépris de nos sem-
blables, quelquefois les tourments et la
mort. L'homme n'est point dégradé, mais
plutôt ennobli, en aspirant au bonheur pour
lequel Dieu l'a formé : il s'élève ainsi au-
dessus des motifs, des craintes, des faibles-
ses qui dominent les autres hommes.
Ceux qui ont décidé que la vertu doit être
aimée et embrassée pour elle-même, sans
aucun motif de crainte ni d'espérance pour
une autre vie, étaient des diarlatans qui
voulaient nous séduire [lar des mots vides
de sens ; ils supposaient que l'hoinme peut
agir sans motif et sans raison. Jésus Christ
seul a fondé la vertu sur sa vriie base, eu
lui proposant pour motif le désir de plaire à
un Dieu juste, rémunérateur de la vertu et
vengeur du crime. — La seule notion de la
vertu suffit encore pour démontrer l'erreur
des philosophes qui ont prétendu qu'il n'y
a point d'actions vertueuses que celles qui
tendent directement au bien général de la
société et à l'avantage de nos semblables.
Nous avons certainement besoin de force
pour rendre constamment à Dieu le culte
qui lui est dû, surtout lorsque la religion
est méprisée et attaquée par une généra-
lion d'hommes pervers ; nous en avons be-
soin pour résister à l'attrait des voluptés
sensuelles, qui tourneraient enfin à notre
destruction.
Dans l'ancienne Encyclopédie , au mot
Société, l'on a démontré ((ue les vices oppo-
sés, tels que l'ivrognerie, l'incontinence,
l'amour excessif do tous les plaisirs, ten-
dent directement ou indircetement à trou-
bler la société. 11 y a donc des vertus qui re-
gardent directement Dieu, d'autres qui nous
eoncernent imméiliatement nous-mêmes,
indépendamment de celles dont le motif
principal est l'utilité du prochain. Parmi les
premières, il en est qui ont Dieu pour objet
direct et immédiat, et pour motif l'une des
pprf(>ctions divines ; c'est pour cela qu'on
les appelle vertus liiéolugales : telles sont la
fui, l'espéranee et la charité ; toutes les an-
tres sont appelées venus morales. En effet,
par la foi nous croyons en Dieu, parce qu'il
est la vérité même ; par respcrance nous
nous confions en lui, parce qu'il est fidèle
à ses promesses ; par la charité, nous l'ai-
mons, parce qu'il est infiniment bon. L'ob-
jet immédiat de ces trois vertus est donc Dieu
lui-même, et leur motif est l'une des perfec-
tions divines.
Il semble d'abord q ue la religion et l'obéis-
sance soient aussi des vertus théologales ;
mais quand on y regarde de près, on voit
que les théologiens sont bien fondés à les
ranger parmi les vertus morales. En effet, la
religion nous porte à tous les actes, soit in-
térieurs, soit exté; leurs, qui tendent à hono-
rer Dieu, c'est là son objet immédiat ; son
molifest l'honnêteté ou la justice qu'il y a
de lui rendre nos adorations, nos respects,
nos hommages. Elle ne nous engage pas
seulement à honorer Dieu , mais encore
à honorer pour l'amour de lui tous ceux
qu'il a daigné enrkhir d» ses grâces. De
même l'obéissance a pour objet immédiat
toute action intérieure ou exiérieure que
Dieu nous commande, et pour motif la jus-
tice qu'il y a d'être soumis au souverain
maître duquel nous avons tout reçu, et du-
quel nous attendons tout; par là même
nous sentons qu'il est juste d'obéir non-
seulement à Dieu, mais à tous ceux qu'il a
revêtus de son autorité.
On dit que la charité ou l'amour de Dieu
est la reine des vertus, parce qu'elle le»
commande toutes, qu'il n'est aucun acte de
vertu qui ne puisse être fait par le motif de
l'amour rie Dieu, et parce que c'est ce mo-
tif qui donne à toutes nos actions leur mé-
rite et leur perfection. Aussi l'obéissance à
tous les commaudeuients de Dieu est regar-
iUâl
VER
VER
102-2
dée .ivec raison comme l'effet et la preuve
d'uni! charité sincère, suivant cnlte parole
dfi Ji-sus-Clirist : Celui (/td garde mes coni'
mnndewents est celui qui m'aime véritable-
ment iJotin. XIV, V. 13. 21, 24, etc.).
La liste des vertus nioralvs serait foil
!<>ii{;ue; les anciens philosophes les rappor-
l.iiciit à quatre prinripales, que l'on a nom-
mées pour ce sujet vertus cardinales; sa\o\r :
la prudence, la justice, la force et la tempé-
rance ou la mudéralion; ils réduisaient à
ces quaire cliels tous les devoirs de l'homme.
Mais les devoirs du chrétien sont beaucoup
plus étcnilus, rEvan!;ile nous a enseigné des
vertus dont les aiiticns moralistes n'avaient
aucdiie idée, qu'ils rc<;ardaii'nt môme comme
des défauts : l'iiuniilité, le renoncement à
nous-mêmes, l'auiour des enneniis, le d;sir
des souffrances, etc., n'ont jamais été mis
par les philosophes au ran^» des devoirs de
l'humuie. Ils ne connaissai'iil pas les moiifs
surnalurels que la révélation nous propose :
le désir de plaire à Dieu, seul juste estiiiia-
leur de la vertu, de mériter une rcconipense
éternelle, de partirijier aux mérites d'un
Dieu Sauveur, etc. Ils ne sentaient pas la
nécessité d'un secours surnaturel pour nous
ai<ler à prali(iuer le bien. C'est donc avec
raison que saint Augustin, dans ses livres
contre les pélagiens, a déuionlré l'iiuperfec-
lion des vertus enseia;nées et pratiquées p.tr
les philosophes; il a fait voir que la plupart
étaient infectées par le motif de la vainc
gloire, qu'aucune ne se rapportait à Dieu,
ne pouvait par conséquent n.éri er une re-
compense èiernclle. Alais il n'a jamais en-
seigné, quoi qu'en disent certains théolo-
giens, que lotUes les actions des injidiles si^nt
des péchés, et c/tie tnules Us vertus des philo-
Siiplies sont des vices. Cette proposition a été
justement censurée par l'iiglssc. Au con-
traire, ce saint docteur a souvent n pété,
conformément à I Ecriture sainte, que Dieu
a souvent inspiré de bonnes actions aux
païens, et les en a ensuite récompensés p r
des bienfaits temporels. Ex id., c. i, v. 17
et 20; Josué, c. ii, v. 11 e( 12; Ruth, c. i, v.
8; Ezecli.y c. xxix, v. 18 et suiv.; Bstli., c.
XIV, v. 13 ; c. XV, V. 11 ; Esdr., c. i, v. 1 ; c.
VI, V. 22; c. vil. V. 27, etc. Cerlaincmi nt
Dieu ne peut inspirer des péchés à aucun
homme ni l'en récompenser.
Queliiues moralistes modernes ont observé
que les plus sublimes vertus sont négatives,
c'est-à-dire qu'ell.s consistent plutôt à ne
faire jamais de mal à personne, qu'à faire
du bien à tous; que ce sont aussi les plus
ditficiles à pratiquer, parce i|u'elles sont
sans ostentation, et qu'elles ne nous procu-
rent point le plaisir, si doux au cœur de
riiomme, d'en renvoyer un autre content de
nous. Ce sont en effet celles auxquelles on
fait le moins d'atleiilioii d.ins la société. Celte
remarque est confirmée par le portrait que
David a l/acé dun juste ou d'un homnic
vertueux, Ps. siv; c'est celui, dit-il, qui est
sans reproche, qui exerce la justice, qui dit
toujours la vérité, qui ne trompe ni ne ca-
lomnie son prochain, qui n'est ni usurier,
ni parjure, ni oppresseur des innocents, et
qui ne fait de mal à personne. Il faut recon-
naître néanmoins que si ce degré de vertu
est suffisant pour le commun des chrétiens,
Dieu exige queUiuc chose de plus de ceux
qui par état sont obligés de donner bon
exemple, et auxquels il accorde des grâces
plus abondantes.
Parmi les théologiens, saint Thomas est
celui qui a distingué et défini le plus exacle-
ineiit les vertus morales, et qui eu a le mieux
détaillé les devoirs, dans la seconde partie de
sa Somme thcologique; il en a raisonné plus
savamment que tous les anciens philoso-
phes, parce qu'il connaissait la vertu mieux
qu'eux, qu'il eu parlait d'après l'Evangile,
et qu'il eu était lui-même un parfait modèle.
Au mot IWoRALii des philosophes, nous
avons fait voir le ridicule et la mauvaise foi
des incrédules qui nous donnent un pom-
peux recueil de morale tiré des écriis des
anciens sages de toutes les nations, dans le
dessein de nous persuader que ces derniers
ont donné des leçons déferais plus justes,
(ilus solides, plus raisonnables que celles des
auteurs sacrés. Cet artifice peut en imposer
sans doute aux ignorants, mais non à ceux
qui ont lu les ouvrages des anciens tels
qu'ils sont, et qui savent jusqu'à quel point
le bon y est mélangé avec le mauvais. Nous
connaissons tout le méiite de ces prédica-
teurs de morale philosophique, depuis que
quel(iues-uns d'entre eux ont entrepris de
prouver que le vice contribue beaucoup
plus que la vertu au bien de la société et à
la prospérité des empires. Dans le même
article, nous avons répondu à la plupart de
leurs objections contre la morale chrétienne.
— D'autres, après avoir examiné tous les
systèmes de moiale des différentes sectes de
philosophes , ont fait voir ((u'aucun n'est
solide ni raisonné, conséquemment que des
vertus fondées sur une base aussi Iragile ne
sont que des illusions; mais ils sont tombés
dans un excès non moins absurde que les
précédents, ils ont conclu qu'il n'y eut ja-
mais de morale raisonnable que celle d'Epi-
cure, que lui seul a fondé la v(rtu, sur sa
vraie base, en lui donnant pour unique mo-
tif l'intérêt ou l'utilité personnelle. .Mais il y
a près de deux mille ans que tjcéron, Plu-
larque, Us stoïciens et les académiciens ont
démontré la perversité et les pernicieuses
couKé(|uences de cette prétendue morale,
plus convenable à des animaux qu'à des
hommes ; ils ont fait voir qu'elle n'a jamais
produit un seul homme vertueux ni un bon
citoyen. — Enliu. quel(|ues déistes ont été
d'assez bonne foi pour convenir de ce que
nous avons établi; savoir, que les prédica-
teurs de vertu qui n'admettent ni Dieu, ni
loi naturelle, ni une autre vie après celle-ci,
sont des hypocriies et des imposteurs. Nous
pou vous donc nous en tenir à ce dernier aveu.
Sur le sujet que nous traitons, l'on a droit
de reprociier aux protestants une impru-
dence qui n'est guère pardonnable. lU ont
eu grand soin de remarquer que la plupart
des anciens Pères de l'Ëgiise eroyaieai que
1023
VER
VEU
1024
les vertus morales et chrétiennes nous sont
inspirées par de bons anges, au lieu que les
vices et les mauvaises actions sont suggérés
aux hommes par des démons qui les obsè-
dent. Cette opinion, disent les censeurs des
Pères, était une conséquence du platonisme,
au()upl les Pères n'avaient pas renoncé en
se faisant chrétiens. Mosheim, Notes sur
Cudtcorlh, c. k, § 33, n. (r). — Avant de dé-
cider dans quelle source ces Pères avaient
puisé leur sentiment, il aurait fallu exami-
ner s'il n'a aucun fondement dans l'Ecriture
sainte. Or, il y est souvent parlé du minis-
tère des bons anges, de l'assistance qu'ils
donnent aux hommes, et fréquemment ils
se soni rendus visibles pour ce sujet. Ainsi
Abraham, Jacob, Moïse, Josué, le jeune
Tobie, Daniel, etc., ont été instruits, dirigés,
secourus par des anges revêtus d'une forme
humaine, et ils ont compté sur cette assis-
tance, lors même qu'elle n'était pas sensible.
Cette croyance est confirmée par plusieurs
passages du Nouveau Testament. Matt., c.
xviii, V. 10; Joan., c. v, \. 'i ; Act., c. xii,
V. 15 et 23; Hebr.. c. xii, v. 22, etc. C'est
plus qu'il n'en fallait pour persuader les
Pères. Voy. Ange. —Ils n'ont pas été moins
convaincus par lEcrilure des malignes in-
fluences des démons, non-seulement sur les
corps, en les possédant ou en les obsédant,
mais sur les âmes. Luc, c. viii, v. 12, Jésus-
Christ attribue au démon la stérilité de la
parole de Dieu dans uu grand nombre d'au-
diteurs; Jonn., e. viii, v. kk, il rapporte à la
même cause l'incrédulilé des Juifs. H est dit,
Jonn., c. XIII, v. 2, que le diable avait mis
dans le cœur de Judas le dessein de trahir
son maître; // Cor., c. iv, v. k, saint Paul
accuse le dieu de ce siècle d'avoir aveuglé
les païens; Ephes., c. \v, v. 27, il exhorte
les fidèles à ne point donner entrée au dé-
mon; et c. vi,v.l3, à résistera ses embûches.
i Petr., c. v, V. 8, saint Pierre les avertit
que cet ennemi du salut, semblable à un
lion rugissant, tourne autour d'eus pour les
dévorer, etc., etc. Voy. Démon.
L'on dira peut-êtie que ces pass.:ges doi-
vent être pris dans un sens figuré; que les
auteurs sacrés ont été dans l'usage de per-
sonnilier tous les êtres abstraits et métaphy-
siques; qu'ils ont nommé an(jes les vertus et
les inclinations louables des hommes, et dé-
mons les maladies cruelles, les pécliés et les
vices; qu'en cela ils se sont conformés aux
opinions populaires et au langage usité chez
toutes les nations. Au mot Démons, nous
avons réfulé cette explication téméraire,
empruntée des saducéens et des épicuriens;
nous avons fait voir, 1" que Jesus-Cbrist,
qui s'est nommé la vérité par excellence, ni
ses apôtre^, n'ont pu autoriser aucune er-
reur, quelque acrréditée qu'elle lût d'ail-
leurs; 2* que les Pères n'auraient pu donner
ce sens au texte, sans faire violence à la
lettre, et sans contredire des faits doni ils
étaient témoins oculaires.
Ils n'ont donc pas eu besoin de consulter
les philosophes pour savoir ce qu'ils devaient
penser louchant le pouvoir el l'actiou de»
esprits bons ou mauvais. Qaan6 ils en au-
raient été déjà persuadés par la philosophie,
avant d'embrasser le christianisme, il leur
aurait été impossible de renoncer à leur
opinion, en la voyant aussi clairement con-
firmée par l'Ecriture sainte. Mais une preuve
que les Pères ont eu plus de confiance à
cette lumière qu'à celle de la philosophie,
c'est qu'en traitant cette question ils ont cité
les auteurs sacrés , et non les philosophes.
Au lieu de censurer les Pères , les protestants
feraient mieux de suivre leur exemple; mais,
en se vantant de ne s'attacher qu'à la parole
de Dieu , ils nous donnent souvent lieu de
juger qu'ils négligent souvent de la con-
sulter.
VKSPEniE. Voy. Degré.
VÊTUUE ou prise d'habit, cérémonie par
laquelle un jeune homme ou une jeune fille,
après avoir fait ses épreuves dans un monas-
tère, y prend l'habit religieux pour commen-
cer son noviciat. Les prières qui acccompa-
gncnt celte cérémonie sont difterentes dans
les divers ordres ou congrégations religieu-
ses, mais en général elles sont instructives
et édifiantes; elles font souvenir ceux qui
prennent l'habit monastique des obligations
qu'il leur impose, et des vertus par lesquelles
ils doivent l'honorer. Quant aux formalités
nécessaires pour rendre cet acte authenti-
que, elles appartiennent au droit canonique.
VEUVE. En parlant des vierges, nous
verrons que, dès la naissance de l'Église,
plusieurs filles chrétiennes se destinèrent
par une promesse solennelle à garder leur
virginité, et à mener une vie plus régulière
que le commun des fidèles; elles furent re-
gardées par les évêques comme une partie
de leur troupeau, qui exigeait un soin par-
ticulier. On crut aussi que les veuves qui
n'avaient eu qu'un seul mari devaient éire
admises à la même profession, lorsqu'elles
le demandaient, et qu'elles renonçaient à
uu second mariage. Par leur âge, par leur
expérience, par la gravité de leurs mœurs,
ces femmes étaient les plus capables d'In-
struire les personnes de leur sexe, de veiller
sur les vierges, de soigner les pauvres et
les enfants abandonnés, de remplir les
fonctions de diaconesses. Voy. ce mot. Par
ces considérations, elles furent mises, comme
les vierges, sous la tutelle spéciale de l'Eglise.
Ou sait que Moïse, dans ses lois, avait or-
donné avec le plus grand soin de consoler,
de protéger, d'assister les veuves.
Mais on prit beaucoup de précautions
dans le choix que l'on en fit ; saint Paul l'avait
recommandé, / J/m., c. v, v. 3. « Honorez
les veuves qui sont vérilnhlement telles (ou
qui veulent deujeurer dans leur état). Si une
VEUVE a des enfants ou des neveux, qu'elle
s'attache d'abord à gouverner sa famille et à
soulager ses parents, c'est ce qui est le plus
agréable à Diru. Pour celle qui est véritable-
ment VEUVE ef abandonnée, qu'elle espère en
Dieu, qu'elle s'occupe () prier jour et nuit;
celle qui recherche lis plaisirs est plus morte
que vivante. Ordonnez-leur de se rendre irré-
préhensible. N'en choisissez aucune qui n'ait
1025
VIA
VIA
1026
au moins soixante ans, qui n'ait eu qu'un, seul
mnri,quine.ioil connue par ses bonnes œuvres.
Sachez si elle a bien élevé ses enfants , si elle
a exercé l'Iiospilalité, .h elle a lavé les pieds
aux saints , si elle a soutaqé les malheureux,
si elle a pratiqué toute bonne œuvre. Pour les
jeunes veuvks, ne les fréquentez point Si
un fidèle a dis vr.ivus, qu'il pourvoie â leur
subsistance, afin que VEqlisene soit point
surchargée , et qu'il re te assez pour sMlenter
celles qui sont véritablement veuves.
On ne mil donc ;iu rang des vruves adop-
tées par l'Kglise, que celles qui avaient déjà
persévéré dans le veuvage pendant plusieurs
années, et dont la conduite édifiante était
bien reconnue. On n'exigea cependant pas
toujours l'ât;e de soixante ans; souvent on
les admit à la profession du vc uvage à l'âge
de quarante ans, mais non plus tôt, el l'on
ne choisit pour diaconesses que les plus
âgées. Saint Paul voulait qu'elles n'eussent
eu qu'un seul mari; ainsi les bigames élaieni
exclues; vainement les protestants ont cher-
ché à détourner le sens des ijarolesde l'Apôtre.
Il ne paraît pas que l'on ait observé d'abord
pour leur consécration les mêmes cérémonies
que pour celle des vierges, mais cela se fil
dans la suite; Hingham a blâmé celte iiino-
vation très-mal à propos, Oriy. ccclés., I. vu,
C. 'i', § 9, lom 111, p. 111. Ou trouve d/ins le
père Mcnard, p. 173, les prières que faisait
î'évéque dans cette circonstance; ce sont
encore les mêmes dont on se sert à la vêlure
el à la profession des religieuses. L'habit des
vierges et celui des veuves était lo même, et
on le bénissait de la même manière.
Les veuves, dit labbé Fleury, étaient
occupées à visiter el à soulager les malades
et les prisonniers, particulièrement les mar-
tyrs et les confesseurs, à nourrir les pau-
vres, à recevoir et à servir les étrangers, à
enterrer les morts , et généralement à toutes
les œuvres de charité. Toutes les feniuies
chrétiennes en général, veuves ou mariées,
s'y employaient beaucoup, elles ne sortaient
guère de leur maison que pour ces bonnes
œuvres et pour aller à l'église. Les évèques
et les prêtres avaient besoin de beaucou|) de
patience, de discrétion et de chaiilé pour
gouverner louies ces femmes, pour guérir
et pour supporter les défauts communs à
leur sexe, l'inquiétude, les jalousies, les
murmures contre les jjasteurs mêmes, enfin
tous les maux i)ui suivent ordinairement la
faitilcsse du sexe, surtout quand elle est
jointe à la pauvreté, à la maladie ou à quel-
ques autres incouiiuodités. Alœurs des chrét.,
M. 27. \u mot Vierge, nous prouverons que
les unes et les autres faisaient des vœux.
Toutes ces observations, copiées d'après
les monuments ecclésiastiques, nous attes-
tent que dès l'origine une charité sans bornes
a été le caractère dislinclifdu christianisme,
et que c'est ce qui a le plus contribué à le
rendre respectable aux yeux même des
païens.
VIANDE. Moïse avait ordonne aux Juifs
rabslineiicc de plusieurs viandes, il leur
avait défcudu de manger des animaux répu-
tés impurs, de la chair d'un animal mort de
lui-même, de celle d'un animal élouffé sans
quel'on eneût fait coulerle s;ing,de celle d'un
animal qui avait été mordu par quelque béte;
quiconque en avail mangé par mégarde ou
autrement était souillé jusqu'au soir, et
obligé de se purifier. Ils avaient aussi grand
soin d'ôter le nerf de la cuisse des animaux
dont ils voulaient manger , à cause du nerf
de la cuisse de Jacob desséché par un ange,
Gen., c. xxxii, v. ,32; mais celte dernière
abstinence ne leur était pas commandée par
la loi. 11 est certain (|u'il y a des pays dans
les(iuels certains aliments sont pernicieux ,
plusieurs naturalistes ont rem.irqué que h;
sang des animaux el le porc Irais, d.ins
quelques parties de l'Asie, causent des mala«-
dies de la peau à ceux qui s'en nourrissent,
et que chez quelques nations asi.ili(]ues l'on
s'en abstient par police aussi bien que
chez les Juifs. On preleud que la pltca, ma-
ladie cruelle , vient aux Tarlares qui se nour-
rissent de sang et de chair de cheval crue et
corrompue, et qui boivent du lait de jument
aigri; que le mal vénérien a pris naissance
chez les Américains qui avaient mangé de
la chair des animaux tués avec des llèches
empoisonnées. On sait d'ailleurs que le ré-
gime diététique des anciens Egyptiens était
pour le moins aussi sévère que celui des
Juifs; ceux qui l'ont attribué à des motifs
superstitieux étaient fort mal instruits. V oij .
AMiMAUX PUKS ou IMPURS.
A la naissance du christianisme, les apô-
Ires jugèrent à propos d'ordonner aux fidè-
les l'abslinence du sang, des chairs sutTo-
quées et des viandes immolées aux idoles.
Act., c. XV, V. 2S el 20. Jamais les Juifs con-
vertis n'auraiuni consenti à fraterniser avec
des hommes qui auraient usé de ces sortes
d'aliments. Comme cette défense est jointe à
celle de la fornication, lernie qui signifie
quelquefois l'idolâtrie, certains critiques ont
prétendu que toutes ces abstinences étaient
d'une égale nécessité, et que l'on aurait dû
continuer à les observer de même, puisque
les apôtres disent que tout cela est nécessaire.
Mais ces dissertateurs n'ont pas fait ailen-
lion que la loi portée par les apôtres en-
traîna bientôt des inconvénients; pendant
les persécutions, les païens mettaient les
chrétiens à l'éiirenve en leur présentant à
manger des riow/es suffoquées el du boudin,
Teriullien, Apulog., c. 9. L'empereur Julien
fit offrir aux idoles toutes les viandes de la
boucherie, et souiller les fontaines par le
sang des victimes, dans le même dessein.
Voilà pourquoi saint Paul, ijui prévoyait
sans doute cet inconvénient, ne défendit aux
chrétiens des viandes immolées aux idoles,
que dans le cas où cela pourrait scandaliser
leurs frères. J (Jor., c. x, v. 25 el 32.
\"iAM)Es IMMOLÉES. Voy. Idolothytes.
VIATIQUE, provision de vivres pour un
voyage. On appelle ainsi, parmi les catholi-
ques, le sacrement de l'eucharistie adminis-
tré aux milades en danger de mort, a(in de
les disposer au passage de cette vie à l'au-
tre. Jésus-Christ a du, Joan., c. vi, v. 56:
10Î7
VlC
Vie
402?,
Ma chair est véritablement une nourriture,
et mon ^ang un breuvage; v. 59, c'est le pain
qui descend du ciel... quiconque en mangera
vivra éternellement. Lorsqu'on croil ferine-
meiil que le S.iuveur dans eut endroit par-
lait de l'eucharistie, on conçoit aisément
qu'il n'est jamais plus nécessaire de rece-
voir ce sacrement qu'à l'article de la mort,
puisqu'il est pour nous le principe et le
gapje de la vie éternelle.
Comme les protestants soutiennent que les
paroles de Jesus-Christ doivent être prises
dans un sens figuré, que son corjjs et son
sang ne sont point réi'llement dans l'eiicha-
riïlie, que l'on ne les reçoit que par la com-
munion, c'est-à-dire par une action qui soit
commune à plusieurs personnes, ils en ont
conclu que leur réception faite par une
seule n'est pas une communion ; c msé-
quemment ils ont supprimé l'usage di.- por-
ter ce sacrement aux malades. Ainsi, par
une fausse interprétation de l'Ecriture, ils se
sont privés de la plus puissante consolation
qu'un chréiien puisse recevoir à l'article de
la mi)rt. Mais cet usage, si ancien dans l'E-
glise, de recevoir l'eucharistie en viatique,
dépose contre leur croyance. Nous appre-
nons de saint Justin, AiioL I, n. 05, qu'au
ir siècle, lorsqu'on avait consacré l'eucha-
ristie dans les as cmbiérs cliiéliennes, et
que les assistants y avaient participé, les
diacres la portaient aux abs nts, par consé-
quent aux malades, .ous savons par le té-
moignage de Terluliien, 1. ii, ad Uxorem,
c. o, et de saint Gjpricn, Eplsl. 54, ad Cor-
net., I. de Lapsis, p. 181), de Bono patient.,
p. 231, de Sp'Ctnc, p. iiil, qu'au iir siècle
les fiilèli'S, toujours exposés au martyre,
emportaient avec eux l'eucharislie et la con-
servaient, aGnde la prendre en viatif/ue, v[
de puiser dans cet allrai'nl divin les forces
dont ils avaient besoin |)onr confesser Jésus-
Christ dans les tourmenta. L'on était donc
alors bien persuadé que le corps et le sang
de ce divin Sauveur ne sont pas présents
dans ce mystère d'une manière p.iss;igère, et
en vertu de l'aclion d'y parliciper en com-
mun, mais d'une manière permanente, et
qu'une réreplion faite en partieulier dans le
besoin n'est pas moins une communion (|ue
quand on la fait en commun. Or, dans ces
deux siècles, si voisins d's apôtres, on faisait
profession de ne rien changer à leur doc-
trine ni à leurs usages.
Il y a des Pères et des conciles qui ont
nommé viatique trois sacrements que l'on
adminisirail aux mourants pour assurer leur
salul: 1" le baptême, lorsqu'on le donnait à
des catéchumènes qui ne l'avaient pas encore
reçu ; 2" la pénitence, ou rabs)luiion, à l'é-
gard de ceux que l'on réconciliait à l'Eglise
à l'article île la mort ; 3' l'eucharistie, admi-
nislree aux fidèles ou aux pénitents qui
avaient reçu l'absolution; mais l'usage a
prévalu de ne donner le nom de viatique
qu'à ce dernier sacrement. Voy. Eucha-
ristie.
VICAIRE, hoiiime qui tient la place et
remplit les fonctions d'un autre. Les évêques
ont des grands vicaires auxi^uels ils donnent
le pouvoir de faire toutes les fonctions de
leur juridiction, mais non celles qui sont at-
tachées à l'ordre et au caractère épiscopal,
comme d'administrer les sacrements de l'or-
dre et de la conûrmalion, de sacrer les égli-
ses, etc. Les curés ont des vicaires pour les
aider à remplir toutes leurs fonctions. 11 ne
faut pas confondre un vicaire avec un délé-
gué ; celni-ci n'a le pouvoir de faire légiti-
mement que la fonction pour laquelle il est
député nommément, il ne peut pas députer
un autre pour la remplir à sa place. Un vi-
caire n'est pas député à une seule fonction,
mais à toutes choses, ad omnes causas, selon
l'expression des canons ; il peut donc délé-
guer un autre prêtre pour administrer le sa-
crement de mariage, etc. Nous faisons cette
remarque, parce que nous avons vu plus
d'une fois élever sur ce point des doutes mal
fondés.
Vicaire (1) [Droit public, civil et canon, i),
du mot latin vicarius, est celui qui fait les
fondions d'un autre, qtti allerins vices gerit,
ou bien c'est celui qui est établi sous un su-
périeur pour tenir sa place dans certaines
fonctions, et le suppléer en cas d'absence,
maladie nu autre empêchement légitime. Ce
titre fut d'abord usité chez les Komains; on
le donnait an lieutenant du préfet du pré-
toire : on le donna depuis dans les Gaules
aux lieutenants des comtes, et à plusieurs
sortes d'officiers, qui faisaient les fonctions
d'un autre. Aujourd'hui, lorsqu'on parle
à'un vicaire, sans y ajouter d'autre dénomi-
nation, on entend nu prêtre destine à soula-
ger un curé dans ses fonctions. Nous allons
expliquer, sous autant de mots particuliers,
les différentes espèces de vicaires.
Vicaires des abbés, sont ceux que les abbés
titulaires ou commendalaires commettent
pour les aider et suppléer dans leurs fonc-
tions, à l'exemple des vicaires généraux des
évêques. L'ordonnance d'Orléans, art. 5,
porte que les al)bés et curés qui tiennent
plusieurs bénéûces par dispense, ou résilient
en l'un de leurs bénéfices requérant rési-
dence et service actuel, seront excusés de la
résidence en leurs autres bénélices, à la
charge toutefois qu'ils couimettront Djcaî'res,
personnes de suffisance, bonnes vie et mœurs,
à chacun desquels ils nssigneroni telle por-
tion du revenu du bénéfice qui puisse suffire
pour son entrelenement ; autrement celte
ordonnance enjoint à l'archevêque ou évo-
que diocésain d'y pourvoir, et aux juges
royaux d'y tenir la main. Ce n'est pas seule
ment dans le cas d'absence et de non-rési-
dence que les abbés ont des vicaires, ils en
ont aussi pour les aiderdans leurs fondions.
Voy. Abbé.
Vicaire amovible, est celui qui est révoca-
ble ad nulum, à la différence des vicaires
perpétuels; tels sont les vicaires des curés
et ceux des évêques; on les appelle aussi
quelquefois par cette raison vicaires tempo-
rets, parce qu'ils ne sont que pour autant de
(1) .\rticle reproduit d'après l'éiliiioii de Licjjti.
1029
Vie
vie
!0SO
temps qu'il plaît à celui qui les a commis.
Yoy. Vicaire perpétuel el Vicaire tem-
porel.
Vicaires apostoliques, sont des vicaires du
sainl-siépe, qui l'ont les ronctioiis du pape
dans les lîglises ou provinces éloigiiérs, que
le saiiit-père a commises à leurdireclioii. L'é-
tablissement de cessortrs de vicaires est fort
ancien. Àvanfrinstilution de ces vicaires,
les papes envoyaient que^iuefois des légats
dans les provinces éloignées pour voir ce
qui s'y pass.iil contre l.i discipline ecclésias-
tique, et pour leur en faire leur rapport :
mais le pouvoir de ces légats était fort borné;
l'auloriié des légations, qu'on appela vica-
rials apostoliques, était plus étendue. L'é-
vêque de Thessalonique, en qualité de vi-
caire ou de légat du saint-siége, gouvernait
onze provinces; il conlirmait les méiropoli-
lains, assemblait les conciles, et décidait
toutes les affaires difficiles. Le ressort de ce
vicariat fut beaucoup restreint lors jue l'em-
pereur Justinien eut obtenu du pape ^'igile
un vicariat du saint-siéi-'o en faveur de l'é-
véquc d'Acrido, ville .i laquelle il fit porter
son nom: ce vicariat fut entièrement sup-
primé lorsque Léon l'Isauricu eut soumis
tonte rillyrie au patriarche d'Antioclie. Le
pape Symmaque accorda de même à saint
Césaire, arclievéciue d'Arles, la qualité de
vicaire et l'auloriié de la légation sur toutes
les Gaules. Cin(iuanle ans après, le pape
V^igilc donna le même pouvoir à Auxanius
et à.\urélien,tous deux archevêques d'Arlos.
Pelage 1" le conlinua à .Sabandus. Saint
Grégoire le Grand le donna de même à Vir-
gile, évoque d'Arles, sur tous les Etats du
roi Cliildebert, et spécialement le droit de
donner des lettres aux évê(iues qui auraient
un voyage à faire hors <le leur pays, de ju-
gerdes causes difficiles, avec douze évoques,
el de convoquer les évéques de son vicariat.
Les archevêques de Ueims prétendent ([ue
saint Uemi a élé établi vicaire apostolique
sur tous les Etals de ^llovis ; mais ils ne sont
point en possession d'exercer cette fonclion.
Les légats du pape, quelque pouvoir (ju'ils
aient reçu de lui, ne sont toujours regardés
en France que comme des vicaires du pape,
qui ne peuvent rien décider sur certaines af-
faires importantes, sans un pouvoir spécial
exprimé dans les bulles de leur légation.
Yoy. LÉCAT. Le pape donne le litre de cicuire
apostolique aux évéques qu'il envoie dans
les missions orientales, tels que les évéques
français qui sont présentement dans les
royaumes de Tonkin, de la Cochinchine,
Siam et autres, loi/. Mission.
Vicaires chanoiries, sont des semi-prébcn-
dcs ou des bénéficiers institué^ dins cer-
taines églises cathédrales pour chanter les
grandes messes et autres offices : ce qui leur
a l'ait donner le nom de chanoines vicaires,
parce qu'ils faisaient en cela les fonctions
des chanoines. Voy. le Gloss. de Ducange au
mot Vicarius, à l'arlicle Vicarii dicti beneft-
ciarii, etc.
Ficaires des curés, sont des prêtres destinés
à soulager les curés dans leurs ionctiuns. et
à les suppléer en cas d'absence, maladie ou
autre empêchement. La première institution
de ces sortes de l'icdirM est presque aussi
ancienne que celle des curés. L'histoire des
VI et vir siècles de l'Eglise nous apprend que
quand les évêijues appelaient aupiès d'eux
dans la ville épiscopale les curés de la cam-
pagne distingués par leur mérile, pour en
composer le clergé de leur cathédrale , en
ce cas les curés commeltaient eux-mêmes
des Vicoires à ces paroisses dont ils étaient
absents, et cel usage était autorisé par les
conciles. Le second canon du concile de
Mende, tenu vers le milieu du vu' siècle, en
a une disposiiion précise. Le concile de La-
tran, en 1-21S, canon ;12, dit en parlant d'un
curé ainsi appelé dans l'égÙse cathédrale :
idonnim studeal liabere vicarium canonice
inslitutum. Les différentes causes pour les-
quelles on peut établir des vicaire/: dans les
paroisses sont : 1° quand le curé est absent;
l'évéque, en ce cas, est autorisé par le droit
des décrélales à commettre un vicaire. L'or-
donnance d'Orléans confirme celte disposi-
tion. 2" (Juand le curé n'est pas en état de
la desservir, soit à diuse de quelque infir-
mité ou de son insuffisance, le coik ile de
Trente autorise l'évéque à commettre un vi-
caire. 3" Quand la |iaroisse est de si grande
étendue et tellement peuplée qu'un seul prê-
tre ne suffit pas pour l'adminisiration des
sacrements et du service divin; le même
concile de Trente autorise l'évéque à éta-
blir dans ces paroisses le nombre de prê-
tres qui sera nécessaire. C'est aux évéques
qu'il appartient d'instituer de nouveaux vi-
caires dans les lieux où il n'y en a pas, ils
peuvent en établir un ou plusienrs, selon
l'étendue de la paroisse et le nombre des
habitants. Mais pour ce qui est des places
de vicaires déj.i établies, lorsqu'il y en a
une vacante, c'est au curé à se choisir un
t'icaiVc entre les prêtres approuvés par 1 é-
véque. Avant le concile de Trente, les curés
doiinaieut seuls à leurs vicaires la jmidiciion
nécessaire pour administrer le sacrement de
pénitence dans leurs paroisses ; mais cette
discipline est changée, et c'est à l'évéque à
donner aux vicaires les pouvoirs nécessaires
pour prêcher et ionfesser; il peut les limiter
pour le temps et le lieu, et les leur retirer
lorsqu'il le jirge à propos. Opendant le pou-
voir (le piécher ne doit s'entendre que des
sermons proprement dits, el non des in-
structions familières, telles que les piônes,
les instructions familières et les caierhis-
mes. Un curé peut commettre pour ces fonc-
tions tel ecrlésiasli(]ue qu'il juge à propos.
Il peut aussi renvoyer un vicaire qui ne lui
convient pas. La portion con'.;rue des vicai-
res est de i30 liv., lorsqu'ils ne sont pas
fondés. Les vicaires avaient autrefois, dans
certaines coutumes, et notamment dans celle
de Paris, le pouvoir de recevoir les testa-
ments, concurreiniiient avec les curés ; mais
ce pouvoir leur .i élé ôté par la nouvelle or-
donnance des testaments, art. 2â.
Vicaire de l'évéque, est celui qui exerce sa
juridiction; les évéques en ont de deux sur-
)03l
Vie
vie
1032
tes, les uns pour la juridiction volontaire,
qu'on appelle vicaires généraux ou grands
vicaires, et quelquefois aussi des vicaires
forains; les autres pour la juridiction con-
tenlieuse, qu'on appelle officiai. Voij. Vi-
CAlRK FORAIN, Grand Vicaire, Official.
Vicaire- fermier, étail celui auquel un curé
ou autre bénéOcier à charge d'âmes donnait
à ferme un bénéflce qu'il ne pouvait ronser-
ver, el que néanmoins il retenait sous le
nom de ce fermier. Dans le concile qui fut
convoqué à Londres parOllon, cardinal lé-
gat, en 1237, les 1", 8', 9 el 10 décrets eu-
rent pour objet de réprimer deux sortes de
fraudes que l'on avait inventées pour garder
ensemble deux bénéOces à <harge d'âiues.
Celui qui était pourvu d'une cure comme
personne, c'est-à-dire curé en titre, en pre-
nait encore une comme vicaire, de concert
avec la personne à qui il donnait une modi-
que rétribution; ou bien il prenait à ferme
perpétuelle à vil prix le revenu de la cure.
Ces abus étaient devenus si communs, qu'on
n'osa les condamner absolument ; on se
contenta de donnera ferme les doyennés, les
archidiaconés et autres dignités semblables,
les revenus de la juridiction spirituelle et de
l'adminislralion des sacreuients. Quant aux
vicaireries, on défendit d'y admettre per-
sonne qui ne fût prêtre ou en état de l'être
aux premiers Qualre-Temps. Voij. le chapitre
Ne cicrici vel monuchi vices suas, etc., qui esl
un canon du concile de Tours, le canon
Prcpcipimus 21, quœst. 2.
Vicaire forain, est un vicaire d'un évoque
ou autre prélat, qui n'a de pouvoir que pour
gouverner au dehors du cliel-lieu, et quel-
quefois dans une partie seulement du terri-
toire soumis à la juridiction du prélat, comme
\e Grand Vicaire de l'ontoise, qui est un vi-
caire forain de l'archevêque de Houen. Voij.
Vicaire générai,. On entend aussi quelque-
fois par vicaire forain le doyen rural, parce
qu'il esl eu cette partie le vicaire (i>i l'Evêque
pour un certain canton. Voy, Doyen rural.
} icaire général oa Grand Picd/re, esl celui
qui fait les fonctions d'un évoque ou autre
prélat. Les grands vicaires ou vicaires géné-
raux des évéques sonldes prêtres qu'ilseta-
blissenl pour exercer en leur nom leur ju-
ridiction volontaire , et pour les soulager
dans cette partie des fonctions de l'épiscopat.
Il est parl<" dans le sexle des vicaires géné-
raux de l'évêciue, sous le tilre Ue officia vi-
cirii. Buniface Vlll les confund avec les
oiflciaux, comme on fail encore dans plu-
sieurs pays : aussi suppose -t- on dans le
sexle que la juridiction volontaire et la con-
tenlieuse sont réunies en la personne du
vicaire général de l'évêque. Mais eu France
les évéques sont dans l'usage de confier
leur juridiction conlentieuse à des olliciiiux,
et la volontaire à des grands vicaires (1).
Quand la commission du grand vicaire s'é-
(1) Ce droit n'est plus le même : aujourd'hui les
évê(|ues déterniiiient les pouvoirs qu'ils accordent a
leurs vicaires généraux, lia plupart leur délèguent
louie leur autorité.
tend sur tout le diocèse sans restriction, on
l'appelle vicaire général ; mais quand il n'a
reçu de pouvoir que pour gouverner cer-
taines parties du diocèse, on l'appelle vicaire
général forain. L'évêque n'esl pas obligé de
nomtner des grands vicaires , si ce n'esl en
cas d'absence hors de son évêché, ou en cas
de maladie ou autre empêchement légitime,
00 bien à cause de l'éloignemenl de la ville
épiscopale, el enfin s'il y a diversité d'i-
diomes dans différentes parties de son dio-
cèse. La commission de grand vicaire doit
être par écrit , signée de l'Evêque el de deux
témoins, el insinuée au greffe des insinua-
lions ecclésiastiques du diocèse , à peine de
nullité des actes que ferait le grand vicaire.
Pour être grand vicaire, il faut être prêire,
gradué, naturel français ou naturalisé. Les
réguliers peuvent être gfj-anr/.'Ji'(ca«"re»-, pourvu
que ce soit du consentemenl de leur supé-
rieur. L'ordonnance de Blois défend à tous
olOciers des cours souveraines el autres tri-
bunaux d'exercer la fonction de grand vi-
caire. 11 y a néanmoins un cas où révé(|ue
peut el même doit nommer pour son grand
vicaire ad hoc, un cunseiller clerc du par-
lement ; savoir lorsqu'on y fail le procès à
un ecclésiastique , alin que ce vicaire pro-
cède à l'instruction , conjoiniemenl avec le
conseiller laïque qui en esl chargé. L'évêque
ne peut établir de grand vicaire qu'après
avoir obtenu ses bulles , et avoir pris pos-
session; mais il n'est pas nécessaire qu'il
soit déjà sacré. Il esl libre à l'évêque d'éta-
blir un ou plusieurs grands vicaires. Quel-
ques-uns en onl quatre et même plus. L'ar-
chevêque de Lyon en a jusqu'à douze. Les
grands vicaires onl tous concurremment
l'exercice de la juridiction volontaire, comme
délégués de l'éiêque ; il y a cependant cer-
taines affaires imporiantes qu'ils ne peuvent
décider , sans l'autorité de l'évêque ; telles
que la collation des bénéfices, dont ils ne
peuvent disposer, à moins que leurs lettres
n'en coiiliennent un pouvoir spécial. L'évê-
que peut limiter le pouvoir de ses grands
vicaires , et leur interdire la connaissance
de cert.iines afiaires pour lesquelles ils se-
raient nalureilemenl compétents. Le grand
vicaire ne peut pas déléguer quelqu'un pour
exercer sa place. On ne peut pas appeler du
grand vicaire a l'évêque, parce que c'est là
uiôme juridiction ; mais si le grand vicaire
excède son pouvoir ou en a abusé, l'évêque
peut le désavouer : par exemple, si le grand
vicaire à conféré un bénéfice à une personne
indigne, révê(iue peut le conlérer à une au-
tre dans les six mois. Il est libre à l'évêque
de révoquer son grand vicaire quand il le
jugea propos, el sans qu'il soit obligé de
rendre aucune raison ; il faut seuleiuenl que
la révocation soil par écrit el insinuée au
greffe du diocèse , jusque-là les actes faits
par le grand vicaire sont valables à l'égard
de ceux qui les obtiennent; mais le ^ranrf
vicaire doil s'abstenir de toute fonction, dès
que la révocâliou lui esl connue. La juri-
diction du grand vicaire finit aussi par la
morl de l'évêque , ou lorsque l'évêque esl
1055
Vie
VIG
105i
transféré d'un siège à un autre, on lorsqu'il
a donné sa démission cnire les mains du
pape. S'il survient une excommunicaiion,
su'<ppnse nu interdit contre l'évéque, les pou-
voirs du grand vicaire sont suspendus jusqu'à
ce que la rerisurc soit levée.
Vicaire [haut], est un titre que l'on donne
vulgairement aux ecilésinstiques iiui des-
servent, en i|ualité de vicaires |ierpéluels,les
caiiunicrits que certaines églises possèdent
datis une rathédrale, comme à Noire-Dame
de Paris, oii il y a six de ces vicaires perpé-
tuels, ou hauts vicaires.
Vicaire de Jésus-Christ , c'est le litre que
prend le pape , comme successeur de saint
Pierre. Voij. Pape.
Vicaire local, est un f/rand vicaii'e de l'é-
véque , dont le pouvoir n'est pas général
pour tout lo diocèse, mais borné à une par-
tie seulement. Voij. Vicaire forain. On peut
aussi donner la qualité de vicaire local au
vicaire d'un curé, lorsque ce vicaire n'est
attaché par ses roucllons qu'à une porlion
de la paroisse. Voi). Vicaire amovible.
Vicaire tié , est celui qui jouilde celle qua-
lité, comme éliiit atiaché à quelque d'giiité
dont il est revêtu ; tels sont les vicaires de
l'empire, tels sont aussi les prieurs do Saint-
Denis en France et de S.iint-(lermain-(les-
Prés à Paris, lesquels sont grands Vicaires
nés de rarclievêi|uo de Paris , en vertu de
transactions liomulognées au parlement,
l'un pour la ville de S;iiiil-I)enis , l'autre
pour le faubourg de Sainl-tiermain de la
ville de Paris ; l'iinbevéque ne peut les ré-
voqner, tant (lu'ils ont la qu;iliié de prieur
de ces deuK abbiiyes. Loi* ecclésiastiques de
d'Héricourl.
Vicaire perpétuel , c'est celui dont la fonc-
tion n'est point limitée à un certain temps,
mais doit durer loule sa vie ; tels sont
les vicaires nés de certains prélats, les ecclé»
siasli(|ue$ qui desservent un cimunicit pour
que|(|ue abbaye ou autres églises, dans une
cathédrale. Ou donne aussi le titre de vicaires
perpétuels aux curés qui ont au-dessusd'eux
qu Iqu'uii i|ui a le litre et les droits de curé
prinillif. L'établissement des vicaires perpé-
tuels ties curés ptimitifs est fort tiucien; les
lois de l'Ivglise et de l Ktat l'ont souveni con-
Ormé. Avant le concile de Lalran , qui fut
tenu sous Alexandre III, les moiups ;iuxqu(l8
on avait abandonné la légie de la plupart
des paroisses, cessèrent de les desservir en
personne, s'elTorçant d'y mettre des prêtres
; à gage. .'V leur exemple, les autres curés li-
t lulaires donnèrent leurs cures à fernie à des
chapeJains ou vicaires amovible>, comme si
c'eussiiii clé des biens profanes, à la cb;irge
de certaines prestaiions et cootumes an-
nuelles, et de prendre d'eux tous les ans une
nouvelle instilulion. Ces espèces de vicariats
amovibles lurent défendus par le second
concile d'Aix , sous Louis le Débonnane;
par le concile romain , sous lirégoire \'A\;
par celui de Tours, sous .Mexumlre 111; par
par celui de Latran, sous Innocent 111, et par
plusieurs autres papes et conciles , qui or-
donnent que les ficaires choisis pour gou-
DlCT. DE ThÉOI.. DOli.MATIQLE. IV.
verner les paroisses soient perpétuels et ne
puissent être institués et destitués que par
l'cvêque ; ce qui s'entend des vicaires qui
sont nommés aux cures dans lesquelles il
n'y a point d'autres curés qu'un cure pri-
mitif, qui ne dessert point iui-mêiie sa cure.
Le concile de Trente, scss. vu , cli. 7, liisse
à la prudence des évê(jues de nonuncr des
vicaires perpétuels ou des vicaires amovibles
dans les paroisses unies aux chapitr<s ou
monastères; il leur laisse aussi le soin de
fixer la portion congrue de ces vicaires. L'ar-
ticle 2'i- (lu règlement des réguliers veut que
toutes communautés régulières exemples,
qui possèdent des cures, comme cuiés pri-
mitifs, soient tenus d'y souffrir des vicaires
perp'luels , lesquels seront établis en lilre
par les évêques, auxquels vicaires il est dit
qu'il sera assigné une portion c mgrue, telle
que la qualité du bénéfice et le nombre du
peuple le requenont. Les ordoniuinces do
nos rois sont aussi formelles pour rétablisse-
ment des vicaies prpélaels , nolammenl les
déclarations do mois de j^inviec H)8G , celle
de juillei 1()1I0, et l'article 2'i- d(^ l'édildu mois
d'.ivnl l()!)o. Les vicaires prrpéiuels peuvent
prendre en tous actes la qualité de cure si ce
n'est vis-à-vis di curé priiiiil t". Déclaration
dua octobre 1726, art. 2. La nomination des
vicaires amovibles, chapelains et autres pré-
Ires, appartient au vicaire perpétuel, <'l non
au curé primitii. L;i porlion ('nugrue îles vi-
caires perpétuels a souvent vaiié; mais la
valeur en a cté drfinilivemenl fixée par l'é-
dit du mois de mai 17(58, d.iiis lequel le légis-
lateur a étendu sa prévoyance sur cet objet
aux temps les plus reculés. Voy. Curé, Pur-
T. ON CONGRUE.
Vicaire provincial ou local , est le vicaire
d'un évéque ou autre prélat , qui n'est com-
mis par lui que pour un certain canton. Les
curés peuvent aussi avoir des vicaires lo-
caux. Voy. ci-devani, Vicaire local.
Vicaire du sainl-slége, est la même chose
que vicaire apostolique. Voy. Légat et Vi-
caire APOSTOLIQLE.
Vicaire ou secondaire ; c'est un second
prêtre destiné à sou.ager le curé dans ses
fonctions. Voy. Vicaire amovible , Vicaire
DES CURÉS.
i>'oMs- 1 icaire, que l'on appelle aussi ypo-
vicaïre , est un prêtre éialili par le< curés
sous le vicaire, pour l'aider lui et son vicaire
dans ses foncliiins eiiriales. Un cure peut
avo.r pliisirurs sous-vicaires.
Vicaire temporel , est celui ()ui est nommé
pour un temps seulement. Voy. \ icaiheauu-
VIBLK.
VICK. Ce mot dans l'origine signifie dé-
faut, mamiuement ; il »e dit dans le sens phy-
sique et (tans le sens mural. Dans celui ci,
il exprime une iiulinatiou natiiiclie ou une
babiiuile coiiiraclée île faire ce que la lui de
Dieu dél'eiid. De même qu'un ieît<ilu u 'inlire
(le bonnes actions qu'un homme a f.iiles ne
prouve pas qu'il est né vertueux , plusieurs
fautes dans lesquelles il est lomiié ne prou-
vent pas non plus qu'il soit né vicieux ; c'est
l'habitude des unes ou des autres qui décide
33
1035 Vie
de son caractère. Un homme peut être né
avec une forte inclination au vice, et acqué-
rir cependant l'habitude de la vertu pgr sa
persévérance à coniballre son penchant; se-
lon la maxime reçue, l'habitude est une se-
conde nature; alors la vertu est plus méri-
toire que si elle coûtait moins. Quelques
philosophes modernes, très-mauvais mora-
listes, ont soutenu qu'un vice de caractère
ne se corrigeait jamais parfaitement ; ils ont
eu lort : l'exemple de plusieurs saints per-
sonnages prouve qu'avec la grâce do Uicu
et la persévérance à réprimer un mauvais
penchant ou um^ habitude très-forte, par des
actions contraires , l'homme peut vtnir à
bout de se réformer entièrement , la préten-
tion contraire n'est propre qu'à nous ôlerle
courage et à endurcir les pécheurs dans le
vice. Voy. Vertu.
Dans les diverses laniiues , le mot vice est
souvent rendu par celui de péché , quoique
le sous ne soit pas exactement le même.
Péché, dans l'acception la plus conimune,
est une action volontaire, libre, réfléchie, et
coniraire à la loi de Dieu , par conséquent
imputable à celui qui la commet ; uu vice
naturel n'est ni volontaire ni imjiulable,
surtout quand un homme s'attache à le com-
battre et à le corriger. Lorsqu'il a été con-
tracte par habllude ou par des actes réité-
rés, il est libre et volontaire dans sa cause;
mais il peut être devenu assez fort pour di-
minuer beaucoup la liberté de chaque ac-
tion qui en provient. Si l'on avait pris la
peine de distinguer exactement ces deux
choses, on n'auriit pas si souvent abusé des
passages dans lestguels saint Paul nomme
péché la concupiscence, ou le penchant na-
turel au mal avec lequel nous naissons. Ce
penchant est un vice, un très-grand défaut
de noire nature déchue de l'innocence pri-
mitive, par la faute de notre premier père;
mais ce n'est pas un péché proprement dit,
ou une mauvaise qualité libre, imputable et
punissable; saint Paul ne dit rien qui puisse
la faire envisager ainsi.
Saint Augustin a très -bien démêlé cette
équivoque, l. de Perfect. jusliliœ hom., c.21,
n. kh. i< La concupiscence, dil-il, a été ap-
p-alée péché dans un autre sens , parce que
c'est pécher que d'y consentir, et qu'elle est
excitée en nous malgré nous. » Lib. i, Con-
tra duas Episl. Pelag. , c. 13 , n. 27. « La
concupiscence est appelée péché, non parce
que c'est un péché , mais parce qu'elle est
l'effet du péché, à savoir celui d'Adam.» L.
I Betract., c. 13, n. 2. « Lorsque l'Apôtre
dit : Je fuis ce que je ne veux pas, il appelle
cette disposition péché, parce qu'elle est
l'effet et la peine du péché. » il le répète, lib.
de Continent. , c. 3, n. 8 ; l. de Nupl. et
Concept., c. 23, n. 23 : 1. ii. Op. impeif.,
n. 71, elc. Si donc, dans le cours de ses dis-
putes avec les pél;igicns, il semble quelque-
fois envisager la concupiscence connue un
péché habilu: 1, iaipulable et condamnable,
il entend certainement par là un vice , un
léJHUt, une qualité qui n'est ni louable ni
absolument innocente , cumme le prélen-
VIC 108(5
daient les pélag^ens. Dès qu'un auteur s'est
expliqué déjà plusieurs fois d'une manière
nette et précise , c'est une injustice d'argu-
menter sur toutes ses expressions , et de les
prenilre à la rigueur. 11 est d'ailleurs évi-
dent, par le texte même, que saint Paul \'a,
entendu dans le sens que nous lui donpoqs,
et que notre versiqn serait beaucoup plus
claire, si au lieu (Je (rqduire ifta^Tw , parpec-
catwn, ïtom., c. yii, v. 7 el seq. , on l'avait
rendu par vitium; le terme gresc et le latin
ne signifient souvent , dans les divers au-
teurs, qu'un défaut, une imperfection quel-
conque, soit volontaire, soit involontaire, et
il en est *le même du i/ç\Qt péchçr , en fran-
çais.
VlCf IME , créature vivante offprte en sa-
crifice à la Divinité. Ce terme et celui d'hos-
tie, qui a le même sens, sont évidemment
dérivés du latin hoslis viçtus, çnnemi vaincu ;
ils nous font connaître la coutume barbare
des Romains d'immoler à leurs dieux les pri-
sonniers de guerre; elle a duré pqrmi eux,
au moins jusque dans les derniers temps de
lu république. Un général yicto^•ieux à qui
l'on accordait les honneurs du triompl)e
traînait après son char les rois, les généraux,
les chefs des nations vaincues , encbainés
comme ^les criminels, et la cérémonie finis-
sait par les mettre à mort. Cet us^ge cruel,
el qui peint l'atrocité du caractère des llotr
mains, ne subsiste plus que chez les nations
sauvages , et il n'eut jamais lieu chez les
adorateurs du vrai Dieq.
La loi de Moïse ordonnait de choisir (^es
ani(iiqux sans tache et sans défaut pour Içs
olîrir au Seigneur, parce que les hommes
ont coutume de choisir ce qu'ils oi^l de
meilleur pour en faire présent à une per-
sonne qu'ils veulent honorer. C'aurait donc
été un défaut de respect et de reconnaissance
envers Dieu , si on ne lui avait offert que
ce qu'il y avait de plus imparfait çt de moin-
dre prix parmi les animaux. Dieu avait en-
core défendu d'immoler les animaux dont
la chair était malsaine, parce que, dans plu-
sieurs sacrifices , une partie de la vicliïfie
dL'vait élre mangée par les prêtres et pur
ce\ix qui l'oiîraient. 1| est encore Irès-prg-
balile qu'outre cette raison de santé, I\loisi;
avait défendu d'ofTrir certains animaux ,
parcp que c'étaient les victimes que les ido-
lâtres immolaient par préférence à leurs di-
vinités.
Il est dit dans le Nouvçau Teslament , que
Jésus-Chrisl a été noire victime, paice qu'il
s'est offert lui-même en sacrifice à Dieu son
Père , Dour la rédemption du genre hu-
main. De même que les Juifs rachetaient
les premiers-nés de leurs enfants par le
sacrifice d'une liclime, Jésus-Christ nous a
rachetés en se livrant lui-même à la mort,
et en donnant spi^ sang pour le prix de
notre rédemption.
Los incrédules , qui ont le talent de tout
empoisonner, disenl que ce doguie est uni-
quemraent fondé sur la fausse idée dans
laquelle ont été tous les peuples, qu'il fallait
du sang hum lio pour apaiser la colère du
im
vie
VIO
1038
ciel. Ils n'ont pas vu que cest au contraire
la mort de Jésus-Christ pour tous les hom-
mes, qui a détruit pour toujours la funeste
erreur que le ])aganisme avait répandue
chez tous les peuples. En faisant cesser toute
espèce d'effusion du san;; sur les autels du
Seigneur, Jésus-Christ a banni pour jamais
d'une grande partie do l'univers la coutume
tiarbare d'immoler des hommes, et, dans ce
sens, il a encore été le Sauveur d'un très-
grand nomhre de ces mallieurcuscs victimes.
Saint Paul, dans sa Lettre aux Hébreux,
c. IX, nous a donné de ce mystère des idùes
plus vraies et plus dignes de Dieu, il observe
que l'usage a été de confirmer les alliances
par un sacriTice; on attestait ainsi la pré-
sence de la Divinité, puisque l'on n'a jamais
offert do sacrifice qu'à un être que l'on pre-
nait pour un Dieu ; aussi l'Apôtre fait remar-
quer ((ue l'alliance de Dieu avec les Israé-
lites fut cimentée par l'effusion du sang des
victimes, et que sous l'aiicionne loi, celle
elYusiou était le signe et le gage de la ré-
mission des péciiés. De là il conclut qu'il
était convenable que la nouvelle alliance,
bien supérieure à la première, fût aussi con-
firmée par le sang d'une victime plus pré-
cieuse, par la mort du Fils de Dieu même.
Loin de nous donner par là aucune idée de
cruauté de la part de Dieu, il nous fait con-
cevoir l'excès de sa boulé et de sa clémence.
C'est Dieu qui a fait, pour ainsi dire, tous
les frais du Siicrificc ; il a donné aux hom-
mes son Fils unique pour victime et pour
prix de leur rcdemplion. Mais il n'a pas
voulu que cette divine hostie péril pour
toujours, il a ressuscité son Fils trois jours
après sa mort, et l'a mis ainsi on possession
d(; tous les honneurs el de tous les apanages
delà Di^inité;il a fait cesser toute raison
de répandre du sang sur l.'s autels.
D'autre pari, les socinions, en prenant
les termes d'hostie , de victime , de sacrifice ,
de réileiiiption, dans un sens métaphoi i(|ue,
ont renversé toute la théologie de saint
Paul. Si Jésus-Christ s'est immolé pour les
hommes, dans ce sens seulement qu'il est
mort pour conlirmer la vérité de sa docirini",
pour leur donner l'exemple d'une parf.iite
soumission à Dieu, [jour inspirer du cou-
rage aux martyrs, etc., quelle ressemblance
y a-t-il entre l'oltjel et les motifs de celle
mort, et ceux de l'immolation des vic'imisY
Des leçons , des exemples , ne sont ni un
prix, ni un rachat, ni un échange, ni une
ex|iialion. Dans celle liypothèse, saint l'aul
a parlé un langage inintelligible; les juifs
auxquels il l'adressait n'y ont pu rien coai-
p rendre.
Nous savons que les païens, dans les c,i-
lamiiés publiques qu'ils regrirdaiiMit comme
un effet île la colèie du ciel , vouaient aux
dieux une victime d'expintion. L'on cherchait
dans toute la ville ou dans toute la contrée
riiomuie le plus laid , et on le d -stiniiit à
être immolé -, on le donnait en spectacle à
tout le peuple, et on le condui^'ait ainsi an
lieu où il dev.ii; être mis à mort. On lui
mettait à la main uu fromage, uu morceau
de pâte et des Ggues; on le battait sept fois
avec un faisceau de verges fait de certains
arbrisseaux, on le brûlait enfin dans un feu
fait de bois d'arbres sauvages , en pronon-
çant celte formule : Que cette victime expia-
trice soit propiliation pour nous : on lui don-
nait le nom de xj.'Jctfiuc/., purification, ou ex-
piation , et de TzerA-^nya, uTilure , bdlayure,
raclure du monde. Nous ne nous arrêterons
poinl à relever l'absurdité et la démence de
ce sacrifice; mais nous demandons à tous
les incrédules, si l'on peut faire quelque
comparaison entre cette malheureuse victime
et Jésus-t^hrist, qui n'a été mis à mort que
par la jalousie qu'avaient donnée aux Juifs
ses leçons, ses vertus, ses miracles, ses
bienfaits.
Un commentateur protestant a jugé que
saint Paul faisait allusion à cet usage des
païens , / Cor., c. iv, v. 9 et 13, lorsqu'il a
dit : Je pense que Dieu nous a fuit paraître
les derniers des apôtres , comme des hommes
dévoués à la mort, puisque nous sommes don-
nés en spectacle au mnnde, aux anrjes et aux
hommes jusqu'à présent nous sommes
comme tes bcdnyures du monde, Tzspt.-aSipiiaTa,
comme l'ordure rejelée de tous, ■Kzpil^YiJ.c. Si
cette conjecture est juste, un protestant
n'avait pas intérêt del'adopter. Saint Ignace,
près de souffrir le martyre, écrit aux Ephé-
siens, n. 8: « Je serai votre vit-lime d'expia-
tion, 7T£fi//r,fic<, et une purification, /yvr.o-ua,
pour l'Lglise d'Ephèse. i^ Il nous paraît que
ces deux passages rapprochés prouvent que
li's souffrances des saints peuvent nous ser-
vir d'eypiation, du moins par voix d'inter-
cession. Voy. Saints, §t); Sachifices, etc.
VICTOUINS, chanoini-s réguliers de Saint-
Victor, tlont le chef-lieu est l'abliaye de ce
nom, fondée à Paris par Loui> VI, ou le Gros,
l'an 1113. Tout ce que nous savons de cer-
tain de son origine, dit l'anteu.' des liecher-
ches sur Paris, c'est (ju'au commencement
du xir siècle, il y avait dans le même lii'u
une chapelle de Saint-Viclor, uù. l'on conser-
vait des reliques de ce martyr. Guill luine
dct^hainpeaux, archidiacre de Paris, maitre
du fameux Abailard , s'y retira avec quel-
ques-uns de ses disciples et de ses amis, y
prit l'habit avec eux, embrassa la vie de
chanoine régulier. Bientôt leurs vertus et
les talents du chef de celte colonie rendi-
rent leur maison célèbre ; [)lusieurs furent
ajypclés pour former ailleurs des congréga-
tions sur le modèle de celle de Sai[il-V iclor.
Elle a donné à l'Eglise plusieurs hommes
d'un grand mérite, et recomm.indables par
leurs vertus. Hugues et Hichanl de Sainl-
Victor , Pierre Lombard, le poète San-
teuil, etc., étaient de cette maison ; l'an 11^8,
on en lira douze chanoines pour réformer
ceux de Sainte-Geneviève. 11 va dans la bi-
bliothèque, qui devrait être publique, une
histoire des grands hommes de ce mona-
stère, en sept vol. in-fol., composée par le P.
Gourdan, l'un des chanoines. Voy. \'ie des
Pères et des Mar!., t. VI, p. k-29.
^'IE. Dan l'Ecriture sainle, ce moi signi-
fie iion-seulemenl la vie temporelle du corps,
1030
Vie
VIE
lf)40
mais pncore la vie spirituelle de l'âme ; la
vie pass;igère que nous menons sur la lerre,
et la vie éleriielle que nous espérons dans
le ciel. Quelquefois il désigne les vivres, les
moyens de subsistance; ôter nu pauvre sa
vie, c'est le priver d'un secours nécessaire
pour la conserver. Plus souvent il exprime
la santé, la prospérité, la joie el le bonheur,
au lieu que la mort désigne le deuil, l'afllic-
lion, la maladie, la douleur ; citte mi'la-
phore se trouve dans la plupart des langues.
Pour saluer quelqu'un, les Latins disaient
ave, anciennement hâte, vivez ; et salve ou
raie, porlez-vous bien ; les Grecs /aipe, soyez
dans la joie, les Hébreux sckalom leca, la paix
soit avec vous : les chrétiens, convaincus
que Dieu est le seul auteur de la vie ,
de la santé et du bonheur, disent adini,
soyez bien avec Dieu : loutes ces formules
reviennent au même. Quand on crie, vive le
roi, on lui souhaite la santé el la prospé-
rité. Conséquemmenl dans les livres saints,
vivifier se dit fréquemment pour consoler,
guérir, rendre le repos il la joie, nème pour
rétablir une chose ininimée dans si>n pre-
mier élal. Le prophète Habacuc, d.ms sa
prière à Dieu pour le rétablissement des
Juifs, lui dit, V. II : Seigneur, c'est votre ou-
vrage, viviFiEZ-/e (tu iiitliea des temps, faites
revivre leur ancien bonheur. Jiais dans
Ezédiiel, c. xiii, v. 11), où il est dit que les
faux prophèLs tuaient les âmes ([ui n'étaient
pas mortes, et qu'ils vivifiaient celles qui
n'étaient pas vivantes, par les mensonges
qu'ils persuadaient au peuple, cela signilie
qu'ils menaçaient de la mort ceux qui l'au-
raient évitée, en rejetant leurs mensonges,
et qu'ils prometlaient la vie à ceux qui ne
pouvaient manquer de périr en les écou-
lant. Dieu est appelé le Dieu vivant, pour le
distinguer des faux dieux qui n'existaient
pas, et de leurs idoles qui ne vivaient pas.
Une formule de serment, chez les Juifs, était,
le Seigneur est vivant, c'est-à-dire il est vi-
vant et présent pour me punir, si je mens.
La terre des vivants signilie quelquefois la
lerie ou nous vivons, o'auires fois le ciel où
la mort ne |;eul plus avoir lieu. L n'y a point
de vériiable ne. dit saiiil Augustin, qoe celle
où l'on est beunux, où l'on ne cramt ni de
déchoir ni de soulTiir. Les eaux vives sont
des eaux pures rt courantes; iiia;s dans l'E-
vangile, Jt'sus-Llirisl a|.ptlle fontaine d'eau
' vive sa doctrine, qui donne a noro âuie la
vie spirituelle, el iiou> conduit à la vie
étemelle. Dans le niême sens il a dit : Je suis
la voie, la vérité et la vie [Joaii., xii, l'i-j.
Lu traitant l.i (jnestion Ue savoir quel est
le principe de la vie dans lis corps ani-
més, les philosophes modernes ue nous ont
débité que des inepties el des mois qu'ils
n'entendaient pas. Tous imbus de matéria-
lisme, ilsoiiif.iit mil.e tentaiives pour prou-
ver qu'il y a un principe de mouveiuenl el
de vie dans la matière. Mais, en dépit de
toutes les rêveries philosophiques, lous les
hommes sont convaincus par le seutimerit
intérieur, par la conscience, qu'il y a évidem-
ment dans la nature deux substances ; l'une
morte, inerte, passive, que nous nommons
la matière, l'autre active, principe de vie, de
mouvement, de sentiment, de pensée, que
nous appelons Vesprit; le voir dans la ma-
tière, c'est concevoir que la vie peut venir
de la mort ; le mouvement du repos et de l'i-
nertie; la pensée, de ce qui ne pense pas.
Depuis deux mille ans qu'une secte d'insen-
sés y travaille, elle n'a gagné que du mé-
pris ; y en employât-elle encore autant, elle
n'étouffera pas le sens commun.
Meilleur philosophe que lous ces vision-
naires, Moïse a écrit dans un style intriiiiri..
ble à tous les hommes, Gen., c. i, v. 2'i. et
26; c. II, V. 7, Deu ilit : Que la terre pro-
duise des êtres vivants, chacun dans son
genre, les quadrupèdes, les reptiles et lotts
les animaux terrestres selon leur espèce. Il
avait déjà dit la même chose des jil.in-
tes , des poissons el des oiseaux. Dieu
dit ensuite : [•'aisons l'homme à notrv image
et à notre ressemblance, et qu'il préside à
toute créature vivante... Dieu forma donc
l'homme du limon de la terre, il souffla sur
son visage un esprit de vie, l'homme fut un
être animé et vivant. Selon ce même texte, la
repioduction de toutes ces créatures est l'ef-
fet d'une bénédiction que Dieu leur a don-
née, leur fécondil;'' ne peut passer les bor-
nes, ni transgresser les lois qu'il a pres-
crites, aui une ne peut se [lerpétuer que se-
lon'son ginre et son espèce. Le même ordre
est établi pour les végétaux : Dieu y a mis
le germe immortel qui doit en conserver
l'e-péce ; sans ce germe, aucune reproduc-
tion n'est possible; jamais on ne fera sortir
la vie d'une molécule de matière à laquelle
Dieu ne l'a pas donnée. Toutes ces vérités
deviennent encore plus sensibles, lors(|u'il
s'agit de la vie de l'homme. Cette vie est
non-seulement la chiine des mouvements
qu'il reçoit du dehors et desquels il a le sen-
timent ou la conscience , non-seulemeiil la
suite des mouvi'ineiits spontanés qu'il pro-
duit lui-même, mais encore la suite de ses
pensées et de ses vouloirs, desquels il a éga-
lement la conscience et le sentiment. Les
|ihilosoplies qui ont cherché dans la matière
le principe de la vie sensitive ou animale,
ont- prétendu y trouver aussi celui de la
pensée et du vouloir; ou conçoit qu'ils ont
encore moins réussi à l'un qu'à l'aulie.
Vog, Ame.
Vie fuiure. Voy. Immortalité de l'ame
Vie éternelle. \oy. Honhelii.
Vie ues saints. Voy. Saints et Lé-
gende.
VILIL HOMME. Voi/. Homme.
VILUGli, VlKlilNITE. Les Hébreux dési-
gnaient une vierge piir le mol halma, per-
sonne caihée ou voilée et renfermée, parce
que l'usage des Orientaux fut touj mis de
retenir les jeunes tilles dans un appartemeul
séparé, de ne point les laisser sortir sans
être voilées, ni paraître à visage découvert
que devant leurs proches parents. 11 est dil
de Kébecca, qu'elle n'était connue d'aucun
homme, Gen., c. xxiv, v. 10 ; lorsqu'elle
aperçut de loin Isaac, sou futur époux, elle
1041
VIE
VIE
1042
se couvrit d'un Toile , v. 65. Cet usage
élait contrnire à cv\ui de l'Occident où les
filles paraissent en public à visage décou-
vert, ponilant nue les femmes se voilaient;
chez les Romains, nuhere. se voiiiT, signiGait
se marier. Le sévère Terlullien blâmait avec
raison rette couluiiie ; il soulenail que les
vierges devaient éire voilées pluliU nue les
reinines. L. de fdandis Viiginili. — Nous ne
voyons cbez îes Juifs aucun exemi^le de la
profession d'une rirginité perpélui'lli', mais
seulement de la continence des veuves après
la mnrl de leur mari, el on leur en fait un
méii e.Juitiihc st louée de la reiraile, du jeù^
ne, des morlitications qu'elle pratiquait ilans
Sun ïeuvage, c. \ M. v. 5 ; ie pièlrc Ozias et
les anciens ilu pi'U|tle la nonnnent une fi inme
sa nte et cri'yniiiit Dieu, v. 29. Le ^rand
prê're lui dit : Parce (/ne vous avez aimé la
Ci'tnxirte, el ijur vous n'acrz pas pris un se-
cond mari, l.i main du Seifineur vous n for-
tij:ée : vous m sccz liénio éteinellement, c.
'xv.v.'ll. L'!''.v(in;;ile donne à peu piès les
mêmes éloges à la proplielesse Anne, veuve
très-àgée, Luc, c. ii, v. 36. Dans les Acics,
c. XXI, V. S), il est dit (]ue Philippe», l'un des
sept diacres, avait quatre filles viergi-s, qui
prophétisaient, mais il n'est pas certain
qu'elles avaient voué à Dieu leur virginité.
Dès le 11' siècle, rE;{lise chrétienne se
glorifiait d'avoir plusieurs personnes de l'un
el de l'autre sexe qui professaient la conti-
nence, et les apologistes du christianisme le
faisaient remarciuer aux païens. « Parmi
nous, dit saint Justin, Afiol. 1, n. 15, un
grand iiomlire di' personne-, des deux sexes,
âgées de 6t) et 70 ans, qui dès leur enfance
ont été instruites de la doctrine de Jésus-
Clirist , pi rsévèrenl dans la chasielé, el je
m'oblige à en montrer de telles dans toutes
les conditions de la société. » Or, des fidèles
de soixante ans, au temps de saint Justin,
cl qui avaient été élevés dans le christia-
nisme dès l'enfance, ne pouvaient avoir été
instruits que par les apôtres ou par leurs
disciples ininiédials ; el ce Père prétend que
les fidèles ont été délerminés à gariler la
continence par ces paroles de Jésus-Chrisl :
Il y a des hommes qui se sont faits eunuques
pour le royaume des cieux, paroles que nous
exaniincrons ci-après, n. 29 : « Ou nous
nous marions seulemenl pour avoir des en-
fants, ou si nous fuyons le mariage, nous
vivons dans une continence perpétuelle. »
— Athénagore, qui a écrit dans le même
temps, s'exprime de même. Légal, pro Chri-
stian., n. 3 : « Il y a parmi nous un grand
nombre d'hommes cl de femmes qui vivent
dans le. célibat, par l'espérance d'être plus
étroilemenl unis à Dieu, elc... Notre usage
est, ou de demeurer tels que nous sommes
nés, ou de nous contenter d'un seul ma-
riage. " — Hermas, plus ancien, dit dans le
Pasteur, 1. n, mand. '*, n. '* : «. Celui nuise
remarie ne pèche point; mais s'il demeure
seul, il acquiert beaucoup d'honneur auprès
du Seigneur. Gardez la chasteté et la pu-
deur, et vous vivrez pour Dieu. " Sainl Épi-
pbaoe et saint Jérôme nous attestent que
saint Clément le Romain, à la fia de sa se-
conde' lettre, enseignait la virginité. Voyez
les Pères apost., t. I, pag. 189, col. 2.
Nous pourrions citer, au iii° siècle, saint
Clément d'Alexandrie, Terlullien, Origène et
saint C^yprien ; mais les prolestanls ni leurs
copises ne nient poini le fait que nous prou-
vons, savoir que, dès la naissance de l'E-
glise chrétienne, l,i virqinllé y a été singu-
lièrement estimée, recommandée el pratiquée
par un grand nomlire de personnes. Il, sou-
tiennent qu'en cela les premiers chrétiens
se sont trompés, aussi bien que les Pé es qui
les inslruisaienl ; que ce préjugé u'eiaii fondé
sur aucun texte clair el formel de l'Iicrilure
sainte, et qu'il a produii dans lecllri^llanlslne
beaucoup plus de mal que de bien. Déjà, au
mot t^ÉLiHAT, nous avons prouvé le con-
traire : mais comme il s'agissaii seulement
alors de justifier le célibat des ecelésiasiiques
el des religieux. Il nous reste à montrer
non-seulement l'innocence, mais la sainteté
de la virginité parmi les laïqu<^s, à faire voir
que la persuasion dans ianuelle ont été les
premiers cbré'iens, touchant le mérite de
cette vertu, n'était ni un préjugé ni une su-
perstition, mais une croyance solide, fondée
sur les leçons de Jésus-Christ et des apôtres.
1" Le Fils de Dieu a voulu naître d'une
vierge, et il a passé sa vie mortelle dans l'é-
tal de virginilé. De ce qu'il a pris pour mère
une vierge et qu'il est demeuré vierge lui-
même, tous ceux qui ont cru en lui ont ilû
naturellemenl conclure que cet état lui élait
agréable, (]u'il y aurait du mérite à lâ^ her
de l'imiter à cet égard , autant qu'il elait
possible. Ils ont été conlirmés dans celte
pensée par les exhortations de saint Paul :
Soyez mes imilatews comme je le suis de
JésusCItrist. Soyez les imitateurs de Dieu
l Cor. IV, 16; XI, 1 ; Ejihes., v, Ij. Que la
grâce soit avec tous ceux qui aiment Notre-
Seigneur .lésus-Chrisl dans la pureté , ou
dans la chasteté, c. vi, v. 21. Saint Jean,
dans son Evangile, se nomme le disciple
que Je'.sus aimait; au n" siècle de l'Eglise,
on élait persuadé que celle prédilection du
Sauveur venait de te que saint Jean était
vierge el a continué de l'être toute sa vie,
que pour celle même raison Jésus-Christ
mourant lui recommanda sa sainte Mère;
les manichéens mémeis "étaient dans cette
croyance. Beausobre prétend qu'elle n'était
fondée que sur des livres apocryphes ; mais,
dans un temps où plusieurs disciples de cet
apôtre vivaient encore, avait-oii besoin de
consulter des livres apocryphes, pour savoir
en quel étal il avait vécu"? — 2' Notre divin
Mailre dii dans l'Evangile, Mailh., c. v,
V. 8 : Bienheureux les cœurs purs, parce
qu'ils verront Dieu. CeUe pureté de cœur
consiste dans l'exempiion de toute pensée
criminelle, de tout désir impur. Or, nous
demandons qui sont ceux qui peuvent les
écarter plus aisément, ceux qui pensent à
se marier, ou ceux qui y renoncent pour
toujours, et qui se sé|)arenl de tous les ob-
jets capables de les exciter ? Nos adversaires,
par opiniàtrelé , soutiendront sans doute
1043
VIE
VIE
1044
que ce sont les preibiers, tttais ils auront
contre eux le tém"ign;ige de tous les saints
qui, nprès avoir vécu dans l'état du mariage,
ont voulu viVIre darts la continence. Le Sau-
veur ajoute, c. xxii, v. 30, qu'après la résur-
rection il n'y aiira plus dé mariage, que les
ressuscites seront comme les anges de Dieu
dans le ciel; â t-on pU croire qu'il n'y a
aucun mérite à lâcher d'être dans un corps
mortel, ce que.i^ous serons après la résur-
rection ? — 3° Mnttli., c. siv, V. 10, lorsque
Jésbs-Clirist eut défelaré que le mariage est
indissoluble, ses disciples lui dirent : Si tel
est le sort de ChnmVne avec son épouse, il n'est
pas eicpedient de se mmï^r. Jé<us leur ré-
pondit: Tous ûe'c'omprennent pas cette vérité,
il n'y a que ce'àx qui en ont reçu le don....
Car il 1/ a des IiôniÀrs gui se simt faits eunu-
ques A cause du rnynume des deux. Que celui
qui le ^eut le- comprenne. Soit que l'on en-
tende '^■kv le rnijaume d'es deux le bonheur
éternel, où la profession de la doctrine de
Jésbs-Cliriist, cela est égal ; il s'ensuit tou-
jours qu'il y avait déjà de ses disciples qui
avaieht renoncé akl mariage pour se rendre
plus capables d'.mnôncer le royaume des
cieux ou l'Evangile, et que c'était un don
qu'ils avaient reçu de Dieu. EU effet, v, 27,
saint Pierre dit à son maître : Nous ok^ons
tout quitté pour vous suivre, que tioics en re-
vie.ndra-t-il? ...Quiconque, repond le Saliveur,
aura quitté sa famille, son épouse, ses enfmïts,
ses biens, à cause de mon noni, recevra le cen-
tuple et aura la vie éternelle. Si c'était tiU
mérite de quitter pour ce sujet une épouse
et des eiifants, ii'én était-ce pas un de iiiôine
de prendre la résoluliori de n'en point avoir,
et de vivre dans l'état de virginité ? Cepen-
dant les ennemis dé cette vertu préteuileiit
que par elle-même elle est sans aucun mé-
rite, et qil'elle ne coritribdeen rien au salùl.
Ils diront sans doute que c'était un cas pai-
ticulicr pour les apôtres : mais il était le
même pour tous ceux qui devaient comme
euxahnoncer l'EVangilcetremplii-les mêmes
fonctions parmi les ridéles;et c'est prcciséiiient
à leur égard que nô9 ailversaires lilâment le
plus hautement là profession de la virginité
et de la tonlinéiice. Puisque , suivant la
leçon de notre divin Maître, c'est la disposi-
tion la plus avantageuse pour travailler au
salut des autre*, il hous paraît que les sim-
ples fidèles n'Ont pas eu tort de penser qUë
c'était la plus utile potir s'occuper de leur
propre sanclififcalion. Ils n'ont pas oublié
que c'est un ddn de Dieu ; mais ils ont pré-
sumé que Dieu avait daigné le leur accorder,
lorsqu'ils se sont senti une forte incliiialiori
à vivre de celte manière. — 4" La doctrine
de saint Paul est exactement conforme à
celle de Jésus-Christ, I Cor., c. vi, v. 19.
Après avoir détourné les fidèles de tout
commerce illégitime entre les deux sexes, il
leur dit : Ne savez-votis pas qile vos membres
sont le temple du Saint-Esprit qui est en vous
et que vous avez reçu de Dieu, et que voui
n'i'les pas à vous, puisque vous atez été ache-
tés à qrand prix? Cilonfiez et portez Dieu
<ians votre corps, c. vu, v. 1. Quant aux cho-
ses desquelles vous m'avez écrit, il est bon, A
l'homme, de ne toucher aucune femme, v. 7.
Je roudraisque vous fussiez tons comme moi;
mai' chacun a reçu dé Dieu un don çut lui
est propre, l'uii d'Une manière, l'autre d'une
aaire. Or, je dis à ceux qui n»' sont pus ma-
riés et aux veufs qu'W leur est bon de demeu-
rer dm'' cet état, commi- fij suis. S'ils ne sont
pas continents , qu'ils se mnrieïit; il vaut
rnieUx se marier que de brûler d'un feu iu.i^
piïr:... V. 24. Que chacun demeure dans l'état
dans lequel il a été appelé à la foi, mais tou-
jours av c Dicfy, ou félon Dieu. Quant aux
vieiges, je n'ai reçu nUcwi comm mdement du
Seigneiir , mais je leur donne un conseil ,
comme ayant reçu miséricorde du Seigneur
pour lui être fidèle. Je pense dune qu'à cause
de la nécessité prochaine , il est bon à
l'homme d'être dans cet état.... v. 28 : si «ne
vierge se marie, elle ne péchera point; inais
les conjoints éprouveront des peines , H Je
voudrais vous leS épargner. Je dis donc, mes
frères, le temps est cotirt; il ne reste qu'à
ceux qui ont des épouses d'être comme s'ils
n'en avaient point.... v. 32. Or, je veux gue
VOUS soyez Sans inquiétude.... V. 34. Une
femme gui n'est pas mariée, oà une vierge,
pense aux choseS de Dieu, afin d'être sainte
de corps et d'esprit. Celle qui est 'mariée s'oc-
cupe des choses de ce monde et de la manière
de plaire à son mari. Je vous le dia pour votre
bien... et pour vOÛs procurer la facilité de
prier Dieu sans eiiibàrras.... v.37. Celui qui a
résolu'de garder sa fille vierge, fait bien; celui
qui la marie fait bien, et celui gui ne la marie
pus fait mieux ii. 40. Elle Sera plus heu-
reuse, selon niôn avis, si elle demeure ainsi;
ot, je pense que j'ai aussi l'esprit de Dieu.
Ce passage est Ibrig, mais il faut absolu-
ment le lire tout enliél', pour préi'enir et
pour réfuter les fausses Interprétations des
proteslaiils. 1" Chacun a reçu de Dieu un don
qui lui est propre; donc Dieu appelle les ans
à l'état de virginité, lès autres à l'étal du
mariage; les premiers sont-ils moins obligés
ou moins louables que les seconds, d'obéir
à la vocation de Dieu ? L'ApÔlre, Gai., cap. v,
V. 23, met au nombre des dohs dU Saint-Es-
prit noti-seulehiéut la chasteté qUi convient
à tous les états, mais la continence, v. 2o.
Ceux qui sont à JésAs-Christ ont crucifié
teUr chair nvrc se.s vices et ses cotivoitises.
Or, èont-ce les personnes liiariées ou les
vierges, gui sont le plus occupée)! à cruci-
fier les convoitises de la clidir? 2° Lorsque
saint Paul dit qu'il est bon à l'homme de ne
toucher aucune femme, aux célibataires et
aux vcéuls lie demeurer dans ledr état, aiux
vierges d'y persévérer, célrt ne signifié pas
seuleUienl qUé cela est plUs cdtiimdde et plus
avantageux pdur cette vie, comme le préten-
dent les protestants ; saint Paiil en donne
trois autres raisons : la pretfiière, parte que
nos corps sorti le temple dit Saiiit-Espril; la
seconde, pa^cè que, dans l'état de virginité
et de cominence; ori ne pense qu'à plaire à
Dieu, à être saint de totps et d'esprit;
la troisième,' pàil'cè (jtte l'on à plus de li-
berté de prier Dieu. .3° Plusieurs copimeu-
mk VIE
talcurs moilornes , surlotit \vs proli-slants,
Iraduisenl pmpler Instnntcm necessilatem ,
par à cause îles afflictions présmles, c'est-à-
dire à causes <ie^ persécutions auxquelles
les chroticus allaient être exposés. Fausse
iiilerprétalion.S.iiutPaul s'exprime lui-même
en disant, le temps est court; il est donc ici
(juestion de la brièveté :)<> la vii^ et de la ne'-
cessilé prochaine de mourir. C'est pour cela
que l'A|)<5tre, l'phes., c. v, v. 26, exhorte les
fidèles à racheter II temps. D'autres ont ima-
giné que saint Paul parlait de la fin pro-
chaine du monde ; nous avons réfuté ce rêve
ailleurs. Voy. Monde. 4-° llsdiseni qu'il était
mieux à une vierge do deilieurer d^ins cet
étal, et à un père de garder sa fille vierge,
que de la marier, parce (ju'il éiait difiicile
pour lors de lui trouver un époux chrétien,
vu le petit nombre des chrétiens, du temps
de saint Paul. Mais l'Apôtre no parle point
(le cet inconvénient : il est ridicule de vou-
loir deviner ce qir'il n'a pas dit, lorsque ce
qu'il a dit est clair et formel. Il aurait très-
mal pourvu à l'instruclion des iidèles, si les
avis (ju'il b'urdiiiinail n'avaienl été justes et
utiles que pour quelque temps, ot n'avaierrt
pas dû servir jiour tous les siècles. Les Pères
des trois premiers ont entendu comme nous
ces paroles, et les ont apportées en preuve
avant nous. — La cinquième preuve que
nous donnons du mérite de la continence
et de la virginité, sont ces paroles de l'.lpo-
calypse, ch. xiv, v. 4- : Voici ceux qui ne
se sont point souillés nicc/cs femmes, car ils
sont vierges.//* suivent l'agneau partout où
il va ; ils ont clé achetés d'entre les hommes,
comme prémices consacrées à Dieu et à l'a-
gneau. II nous parait que c'était une ambi-
tion trés-louabie de la part des premiers
fidèles, de vouloir être du nombre de ces
prémices consacrées à Dieu età Jésus-Christ,
et de ces bienheureux si élevés dans la
gloire du ciel au-dessus des autres. — Une
sixième preuve de l'excellence de cette vertu,
est le grand nombre de vierges chrétiennes
qui ont souffert le martyre. 11 est constant
que la manière dont vivaient ces saintes
filles, la retraite, réIoiii;rreuient du monde,
la fuite de tous les plaisirs du paganisme, le
jeûne, les mortifications, le travail, la prière,
étaient les meilleures dispositions pour ob-
tenir de Dieu le courage de mourir (lour
Jésus-Christ ; c'était, selon l'expression de
TertuUicn, un apprentissage coiitinircl du
martyre. On sait que les païens ne connais-
saieni point de moyen plus efficace pour en-
gageir ces vierges courageuses à l'apostasie,
que de leur ôter leur pudlciié , et qu'ils ire
cro» aient pouvoir leur faire une menace
plus terrible que celle de leur arracher cette
fleur précieuse. Mais les protestants n'orrl
jamais témoigné beaucoup plus d'estime
pour le martyre que pour la virginité. —
Nous n'insisterons point sur la manière dont
les païens eux-mêmes en ont perrsé. On
voulait chez les Grecs que la prétresse d'A-
pollon fût vierge, et l'on croyait que les si-
bylles l'avaieirl été; les Uomairrs avaieirl
autaul de respect pour les vestales, que Us
W.
IdiG
Péruviens pour les vierges Uu soleiL Mais
les premiers chrétiens n'avaient pas puisé
leur croyance dans une source aussi im-
pure; ils la fondaient sur l'Ecritûi-e siiinlc
et sûr la tradition laissée à l'Eglise par les
apôtres.
algré les preuves que nous en avons ti-
rées, et qui ont été allé;,'uées pai- les Pères
du ir et du irr siècle, nos adversaires n'ont
pas rougi d'appr-ler le zèle et l'estirrre riue
l'on a (oujouis eus pour la contineircé et la
viV^î/iHc, une fausse prévehtion, le plus per-
nicielix de tous les fanalisures, une erreur
c.iusée p ir d'autres erreurs. Elle est venue,
disent-ils, d'une admiration stupidc pour
tout ce qui exige de nous un efl'ort, de l'arii-
biliori de se drstinguer et do recevoir des
honneurs, de la rivalité des sectes rpii divi-
saierrl alors le chlistiarrisme , sUrtoul de
celles nui admettaient deux principes, l'un
bon, l'autre mauvais ; de la mélancolie, du
climat; de l'envie de réfut i- les falisses àr-
crrsattons des païens ; du système de la
préexistence des âmes; mais pr incipaleiiient
de l'opinion des nouve;tu\ plalorricièhs qlli,
d'après les pliiIoso|ilies orientaux , soiile-
niiieiit la nécessité delà continence et des
inortificatioiis pour s'unii" à t)iou.
Mais il est fort singulier que les prertiiefs
chrétiens aient |iréiéré dérouter tes Icçdiis
de tous les rêveurs du l'univers, pllilÔl qde
celles de l'Evangile qui sont si cl.iires et si
persuasives; il ire reslo plus à iros a !ver-
saires qu'à dire que .lésus Christ et saint
Paul ont tiré leur doctrine de toutes les er-
reurs dont on vicpl de nous parler; cepen-
dant il faut avoir la patience de les c xatnincr
en p;rr ticiilier. 1° Il y a bien de rirrdcceiicc
à iiommer admiratioû stupide le sentiment
que toute vertu nous iirspirc. Puisrju'enfin
la vertu en gérréral est la force de l'dine, il
faut un eflort pour la pratiquer et poiir ré-
primer toute passion <iUi S'y oppose. Il ne
fallait pas peu de cour.ige pimr être chrétien
pendant l.s trois premiers siècles, et fJodr
être vei"tucux, lorsque le monde entier était
un cloaque de vices. lUcu, dit saint Paul, II
Tim., c. I, v. 7, ne nous a pas doHn^ un
esprit de timidité, mais d'' force, df bhariié
et d'empire sur nous-mêmes. Saint Pierre ,
Epist. 1, c. v, ^ . 8, exhorte les fidèles à ré-
sister aux tentations du démon, par la force
de leur foi ; v. 10, il leur promet que Dieu
les fortifiera et lès affermira, etc. A-t-on pu
écrire sans rougir, qu'diie religion aussi
douce et aussi compatissante que le christia-
nisme n'a pas pu nous défendre de suivre un
des plus forts penchants de la nature? .\0-
tanl valait-il dire qu'elle n'a pas pil noas
défendre la luxure, parce que c'est un pen-
chant violcrrt dans la plupart des horiichës.
Telle est la morale scatidaleuse de nos ad-
\ersaires. Us rrous accusent de stupidité,
parce qiie nous admirons le courage des
saints : mais il faut être bien plus stupide
pour n'en pas être louché. — 2' Nous ne
voyons pas où pouvait être l'ambition de se
distinguer ou d'ètrë honoré, dans un temps
au({ucl tous les chrétiens fiaient obligés de
1047 VIE
se cacher, se voyaient exposés au mépris et
à la haine publique. La vie ascétique et re-
tirée des vierqes fut celle de presque tous
les premiers chrétiens ; il ne put y avoir de
dislinrlion parmi eux que quand les éjjlises
eurent pris de la eonsislanre. et i|uo les as-
semblées des fidèles eurent aciiuis de l'éclat.
Une de» leçons que les pasteurs répétèrent le
plus souvent aux vierqes. fui de leur recom-
m inder une humilité profonde , et de les
avertir que , sans ce contre-poison de l'or-
gneil, leur vertu ne se soulir'ndr.iit p.is.
Mais les incrédules ont faii au courage des
martyrs le même reproche qu'à celui des
viergi's; il ont di' que les premiers furent prin-
cipalement animés parl'ambiliond'ohtenirles
mêmes honneurs qu'ils voyaient rendre à la
Il émoire de ceux qui étaient morts pour
Jésus-Christ. Vay. Martyr. — 3" Lorsqu'ils
parlent de la rivalité des seclesqni divisaient
le clirisiiiinisme au second siècle , ils ne
montrenl que de l'ignorance. Il est certain
que ces premières sectes fureni celles des
gnosii(|ues et qu'elles fureni bienlôl suivies
de celles des manioniles et des manichéens.
Or, leur principe cummun éiail que la cliair
élait impure par elle même, que ce n'élait
point l'ouvrage du Dieu bon et souver.iin,
mais la production d'un mauvais génie;
qu'il fallai' par conséquent en réprimer et
en comballre tous les penchants : est-il
croyable que les premiers chrétiens aient
voulu favoriser celle erreur p r !a profes-
sion de la riigiinlé, de la continence, des
exercices de la vie ascétique? Loin de donner
dans cet abus, le 4." canon des apôtres [ni.
52], excommiinie tout ecclésias'ique et lout
laïque i|ui s'iibsliendrait du mariage, du
vin et de la \i.im)e par horreur, en haine
de la ciéalion , et non par mortification.
Ainsi l'Eglise garda le sage milieu entre les
deux excès; elle censura également ceux
qui eomlamnaient le mariage, et ceux qui
blâmaient la profession de la virginité, de
la continence et des mortifications. — 4° Sans
cesse on nous parle de la mélancidie qu'in-
spire le cliuial de rEg\pte, de la Palestine
et d'aulres contrées de r.\sie; selon nos ad-
versaires, c'est celle maladie qui a fait n iîlre
tous les usages qui leur déplaisent. Mais le
clirnjt des montagnes de Syrie, où l'hiver
dure six mois , ne doil guère ressembler à
celui de TEg^pte, où les chaleurs sont in-
supportables. On sail d'ailleurs que le goût
pour la coiitim ncc il pour la vie ascétique
s'est répandu dans la Perse, dans l'Asie Mi-
neure , dans rilalie, dans les Gaules, en
Angleterre et dans tout le Nord, à mesure
que le christianisme s'y est établi; ce goût a
donc élé plus fort que lous les climats.
M'importe, i es qu'une fois nos adversaires
ont imaginé une conjecture, quelque fausse
qu'elle soit, ils y persislenl et l'opposent
comme un bou<lier à tous les faits et à tous
les monuments. — u° Nous convenons que
les chréiieiis ont été très- empresses de réfu-
ter les calomnies dos païens qui les accu-
saient de commettre des impudicités dans
leurs assemblées; mais ces reproches inju-
VIE
1018
rieux n'ont étéjiasardés que oans le cours
du 11' et du iif siècle ; ii n'en est pas en-
core question dans les écrils de Celse, qui
n'a cependant omis aucune des plaintes
qu'il a cru pouvoir former contre les chré-
tiens, et alors il s'éiait écoulé un siècle en-
tier depuis que Jésus -Christ et les apô-
tres av;iieni loué la rontinence et la vir-
ginité. Supposons, si l'on veut, que le mo-
tif ilonl nous parlons ail influé sur la cou-
duiie des fidèles du ii' et du m' siècle;
par la même raison il faut y allribuer en-
core la douceur, la charilé, la patience, la
soumission aux puissanees, l.i fidélilé, la
tempérance, la justice, le respect pour l'or-
dre public, et toutes les autres vertus dont
les chrétiens ont fait profession ; en ()uo|
peut-on blâmer ce motil qui leur a élé
proposé et prescrit par les apôtres mêmes ?
1 Petr., c. Il, v. 12 et 15, etc. Plût au ciel
que le même esprit eût régné dans toutes
les secles hiréti(|ues ! il y aurait eu moins
de crimes commis et plus de vertus prali-
(iuèes. (Jue diiaient nos adversaires, si nous
affirmions que ce qu'il y a eu d'hommes
vertueux parmi les prolcslanls ne l'ont élé
que pour taire honneur à leur secte, et pour
réfuter les reproches des catholiques ? —
6° Si ces dissertaleurs, qui devinent les mo-
tifs et les intentions les plus cachées des
hommes, avaient un peu raisonné, ils auraient
dit que les chrétiens ont compris l'utilité de
la virginité, de la continence, des morlifiea-
lions, parce qu'ils croyaient, comme nous
croyons encore, que la nature humaine a
été corrompue par le péché de noire premier
père, et que nous portons en nous un foyer
continuel de péclié; cel.i serait conforme à
la doctrine de saint Paul. Mais il leur a paru
plus beau de recourir au système absurde de
la préexistence des âmes, de supposer que
les chréiiens pensaient, comme quelques hé-
rétiques, que les âmes avaient péché dans
une vie précédente, avant d'être unies à
des cori s. Ainsi, au jugement de nos adver-
saires, les chrétiens ont tiré des conséquen-
ces d'une erreur, qui, dans la suite, a élé
comtamnée par l'Eglise, et qui contredit
l'Iicriiure sainte; et Ils n'ont pas su en tirer
une très-naturelle d'un dogme qui leur était
enseigné par leur religion. — 7 Ont-ils
mieux réussi en disant que le goùl, le pré-
jugé, le fanatisme des premiers chrétiens,
sont venus du système des nouveaux plato-
niciens, qui mêlaient la doctrine de Platon
à celle des philosophes orientaux ? Brucker,
après Mosheiiii, s'est eniêlé de cette opinion,
et n'a rien négligé pour la faire valoir; il
soutient que c'est la clef de toutes les an-
ciennes erreurs qui ont régné, soit chez les
hérétiques, soit dans l'Eglise, Hist. cril. de
la philos., t. III, p. 3G3, etc.
Déjà, aux mots Emanation, Platonisme,
Verbe D.vin, etc., nous avons prouvé la
témérité et la fausseté de celte savante con-
jecture ; nous avons défié ses défenseurs
de proiiuire aucune preuve positive de la
naissance do cette philosophie mélangée en
Egypte avant l'an 250, et il y avait plus
1049
VIE
VIE
1050
d'un siècle que saint Justin, Athénagore et
(l'.iiitres s'i'taient vjinlés d(» la rnulliiiide de
vierges, do réiibataires rcli;i;it'ux cl <l';isrèles
que le christianisme avait produite dans
tous les étais de la société. Quand ou suppo-
sirail que tous les Pérès forées avaient étu-
dié la philosophie dans l'école d'Alexandrie,
ce qui n'e'il p;is probable, prouverait-oii
enciiri' que Hermas, que l'on croit avoir été
fièredu pape Sixte \", et qui a écrit à Uoine ;
que Tertullien et saint Cyprien, qui ont
vécu iMi Afrique, avaient sucé les principes
du nouveau platonisme? Tnus les trois ce-
piMidant ont lait le plus grand. cas d(! 1 1 con-
tinence «t do \a vir(iinili' : saint Jérôme et
saint Epi|)bane attestent que saint Clément
le Honiain pensait de même; il est un peu
difficile de se persuader que tous ces Pères
étaient autant d'élèves de l'école d'Aloxan-
drio; ils n'ont fondé leur doctrine (jue sur
riù'rilure sainte. Nous concluons hirdiment
que l'hypothèse iloiM Mosheim et lirucker se
sont infatués u'ost qu'une pure vision.
Encore une fois, il est absurde d'imaginer
que les premiers chrétiens ont puisé dans
des sources iiil'ertéos d'erreurs un sentiment
évidcuinienl fondé sur l'Ecriture sainte ; et,
quand on soutiendrait qu'ils en ont mal pris
le sens, ce qui n'. st poini, il ne s'ensuivrait
pas encore qu'ils sont allés le chercher
ailleurs. 11 serait inutile de répéter ce que
nous avons déjà représenté plus d'une fois
aux proteslinis, qu'il y a île l'imi iété à pré-
tendre que dès la naissance de l'I'lglise, Dieu
a permis qu'il s'y répandit une erreur qii a
produit les plus grands maux dans tous les
siècles. Vainement Jésus-Christ avait v.iulu
se former une Eylise glorieuse, sans tache,
sans ride, sans défaut, Kphes., c. v, v. 27;
il avilit si mal pris ses mesures, que son
dessein a échoué très-peu de temps après.
11 avait promis à ses disciples que le Saint-
Esprit demeurerait avec eus pour toujours ;
mais à peine le ilernier des apôlres fut-il
mort, que ce divin Esprit a quitté la terre;
il n'est redescendu du ciel que quinze cents
ans iiprès, pour éclairer Luther et Calvin.
Voilà le blasphème sur lequel a éfé fondé
tout l'éditice de la réforme; il a été défendu
par tous les apostats qui. de létal ecclésias-
tique ou religieux, ont passé au protestan-
tisme, et il est encore soutenu par les plus
habiles écrivains de cette religion.
Pour savoir si Is profession de la virfjinilf',
de la continence, de la vie ascétique, était
nn bien ou un mal dans l'Eglise, il faut être
instruit de la manière dont vivaient ceux (|ui
s'y étaient voués; Fleury, Ulcrurs des chret.,
n. 26, eu a fiiit le tahle.in d'après les monu-
ments de l'histoire ecclésiablique. u On comp-
tait pour rien, dit-il, la virginité, si elle
n'était soutenue par la mor'.ilication, le si-
lence, la retraite, la pauvreté, le '.lavail, les
j 'unes, les V( illes, les oraison- continuelles.
On ne tenait pas pour de véritables vierges
celles qui voulaient encore prendre part
aux divertissements du siècle, même les
plus innocents, l'aire de longues conversa-
lions, parler agréablement, affecter le bel
esprit; encore moins celles qoi voulaient
paraître belles, se parer, se parfumer, traî-
ner de longs habits, marcher d'un air affec-
té. Sain' (iyprion recommande continuelle-
ment aux vieri/es chrétiennes de renoncer
aux vains ornements, et à tout ce qui
entretient la boaiiié. Il connaissait combien
les niles sont attachées à ces bagatelles, et
il en savait les pernicieuses conséquences.
Dans les premiers temps, les vierges c .nsa-
crées à Dieu demeuraient la plupart chez
leurs parents, ou vivaient en leur particu-
lier, doux ou trois ensemble, ne sortant
que pour aller à l'Eglise, où elles avaient
leur place séparée ilu reste des femmes.
Si quelqu'une violait sa sainte résolution
pour se marier, on la metlail en pénitence.
Les veuves, qui renonçaient à de secondes
noces, vivaient à peu près comme les vier-
ges. )) \'oy. \ev\e.
Mosheim, llist. ecclés. du iv siècle, n*
partie, chap. 3, § 11 et suiv., n'est pas dis-
convenu de ces laits; il a seulement un peu
chargé le tableau, afin de faire paraître ex-
cessive la ferveur des premiers chrétiens;
mais nous demandons toujours quel mal,
quel désordre, cet excès prétendu a pu pro-
duire dans le christianisme. « Telle a été,
dit-il, l'origine des vœux, des niorlificalions
monastiques, du célibat des prêtres, des pé-
nitences infrui'lueiises et des autres su-
perstitions qui ont terni la beauté et la sim-
plicité du christianisme. » Mais si les vier-
ges et les ascètes n'ont fuit que suivre à la
lettre les leçons, les conseils, les exemples
de Jésus-Christ et des apolres, comme nous
l'avons fait voir ci-devant au mot Ascète,
il s'ensuit déjà que le christianisme si
beau et si siuiplo, forgé par les protestants,
n'est plus que le cadavre ou le squelette que
Jesns-Ghrisl et les apôtres ont établi; et
alors ce ne sont pas les premiers chrétiens
qui ont eu tort, ce sont les protestants. Le
préjugé du moins est en faveur des premiers,
ils étaient plus près de la source que les
dissertateurs du xvr et du xviir siècle.
C.omme nous traitons en particulier des
vœux, des mortilic.ilions, du célibat, des
pénitences, etc., nous renvovons le lecteur
à ces divers articles. — D'autres ont dit que
ceux qui se livrent à la vie ascétique font
consister toute la piété dans les exercices
exiérieurs, au lieu qu'elle consiste dans les
sentiments du cœur : reproche taux et ca-
loiuneux. Il est impossible qu'une personne
persévère longtemps dans les exercices de la
piété, sans eu avoir bientôt les sentiments
dans le (œur; ceux qui ne les auraient pas
seraient proniptement dégoûtés des pra-
tiques extérieures; Ihypotrisie se démas-
<iue toujours par quelque endroit. D'.iulre
part il est impossible de conserv er longtemps
une vraie piété dans le C(rur, sans en faire
aucun exercice extérieur; cette vertu se
prouve par Us actions, au--si bien que la
charité ou l'amour du prochain ; ceux qui
prétendent en avoir les sentiments, sans les
développer jamais .:u dehors, sont des four-
bes. Foi/. Cui.TK. DÉvorioN.
losi VIE viG iom
Bingham ot d'autres protestants ont sou- reiice qu'il y ail, c'est qu'aujourd'hui, le
tenu que, dans les premiers temps, les virr- violemcnt de ce vœu est un empêchement
gef chrétiennes ne faisaient aucun vœu, dirimanl du m.iriagc, et que l'on prrniet aux
qu'elles demeuraient libres de se marier; jeunes personnes de le faire avant l'âge pres-
ils citent en preuves ces jjaroles de saint crit par les anciens canOns. Il est encore
Cyprien, Epist: G2, alias 1, ad Pompoinnm i plus ci rtaiii que les vedvesqui embra-.aaicnt
(I Si par un engagement de fiilélite, ex fi'le, lélat de coniinence, s'y engageaient par un
ces personnes se sont consacrées à Jésus- vœu. Saint I'jiuI le lémoigne évidemiiient.
Christ, qu'elles piTsévèrent en vivant dans I Tim., v. \, \. i\ , im \\ (ii\ : livitez Ls jeunes
la pureté el la cliaslett', sans faire p.irier vcnes. Coimne l'Ili-s ont vécu dnns une eap ce
d'elles, et qu'avec celle force et celte cous- de luxe par les libciuliiés des fidi'les, viles
tance elles allendent ! i récompense de la vndent s" marier, et sont iléjà rnndnmnnhles,
virginité. Si elles ne peuvent ou ne veulent parce qu'elles ont viole leur ptemicr engai/e-
pas persévérer, il est mieux pour elles de nient, piiiiiAM fidem. Ce terme ne [}eui ère
se marier que de tomber daris le feu par entendu que d'une promesse solennelle de
ieurs pé<hés. » La question est de prendre continence qu'elles avaient f.iite, pour élre
le vrai sens de ce passage. 1° Nous soute- mises au rang des veuves nounies par lig-
nons que par fuies, saint Cyprien cnliud glisc. Nous nous servirons de ce passage
un engagement, une promesse, un vœu, pour répondre aux déclamations des prn-
comme saint Paul dont nous citerons dans lestants contre les vœux en général. Voij.
un moment les paroles, puisqu'il ajoute : Voeu.
Chrhto se dedicavernnt, et qu'il regarde H y avait une cérémonie établie pour la
l'infidélité d'une vierge comme un adultère consécration des vierges. Dans l'Occident ,
commis contre Jésus-Gbrist, tbid. Cela est elles mettaient leur léle sur l'autel pour
confirmé par plusieurs expressions de Ter- l'offrir à Dieu, et portaient toute leur vie des
tullien, qui appelle les vierges, les épouses cheveux longs, avec un habil très-modeste
dit Seigneur, consacrées au siècle futur, et et sans aucune parure. En Egypte et en
qui ont mis «n sceau à leur chair, etc. Syrie, elles se faisaient couper leurs che-
2° Lorsque saint Cyprien dit : Il est mieux vetix en présence d'un prêtre, et cet usage
pour elles de se marier, il entend, avant de a été aussi adopté par les Occidentaux dans
faire profession de virginité, et non après, la suite, soit parce que saint Paul, 1 Cor.,
comme le prétendent les protestants; C'est c. xi, v. 6, a représenté la chevelure comme
encore la doctrine de saint Paul, que nous le principal ornement des femmes, et que
avons vue ci-devant. Nous prouvons ce sens les vierges voulaient renoncer à tout orne-
par la discipline établie peu de temps après ment, soit parce que sous le règne des bar-
saint Cyprien. Le concile d'Ancyre, tenu bares une longue chevelure était le signe de
l'an 313, can. 19, décide que toutes Celles la liberté, et que les vierges faisaient le sa-
qui violeront leur profession de virginité, crifice de la leur peur se donner à Dieu.
seront soumises, comme les bigames, a un an Vierge (La sainte). Voy. Marie.
pu deux il'( xcommunication. Celui de Va- VKilLANCiî, héréiique du iv siècle de
ience en Dauphiné, de l'année 374, veut l'Eglise. 11 était Gaulois, né dans la capi-
qu'à celles qui s'étaient vouées à Dieu, et laie du pays de Comminges, appelée autre-
qui se sont ensuite mariées, l'on diffère la f"is Lugilunum Convenarum , aujourd'hui
pénitence jusqu'à ce qu'elles aient pleine- Saint-15erlrand-di'-(]omminges. Il fil pen-
ment satisfait à Dieu. Si elles n'avaient danl sa jeunesse qucl(|ues progrès dans
point fait de vœu, il aurait été injuste de l''s lettres humaines, mais il ne paraît pas
leur inni;;er une peine. Ces mêmes cri- qu'il eût beaucoup étudié l'Ecriture sainte ni
tiques alièi;uent mal à propos une loi des 1^ tradition de l'Eglise ; il s'acquit néan-
empereurs Léoii et Majorien, qui était moins moins l'estime de saint Sulpice-Sévère et de
sévère ; elle porte : « On ne doit point juger saint Paulin de Noie. A3ant fait un voyage
sflcri/e'g'e celle qui fera voir, par le désir d'un dans la l'alesline pour visiler les saints
mariage honnête, qu'auparavant elle n'a pas lieux, il fut recouimamlé à saint Jérôme par
voulu ou n'a pas pu accomplir sa promesse, saint Paulin. Il eut malheureusement l'im-
puisque, selon les règles et la doctrine chré- prudence de se mêler lians la dispute qu'a-
tienne, il est mieux de se marier que do vail pour lors saint Jérôme avec Jean de
violer pab un feu impui" la profession de Jérusalem et Uuffin qui l'accusaient d'ori-
cliasleté. » liingiiam observe lui même qu'il génisme, et de prendre le parti de ces der-
était question là des t'jfr^e* qui avaient été niers. Connue il riconnut sa faute quebiue
forcées par leurs parents à prendre le voile, temps après, le saint vieillard la lui paidon-
desquelles par conséquent le vœu était nul na, el écrivit en sa faveur à saint Paulin, à
de plein droit. Mais aurait-on pu eu regarder son retour dans les Gaules. A peine y fut-il
aucune comme sacrilège, si elle n'avait pas arrivé, qu'il renouvela ses accusations con-
tait de vœu ? Orig. ccclés., I. vu. c. 4-, ^ 1 et Ire saint Jérôme, el il répandit contre lui des
suiv. Il n'est donc pas vrai que la discipline libelles pour le diffamer. Le saint docteur,
actuelle de l'Egli-e roinaine, à l'égard des averti de ce Irait d'ingratitude et de mali-
vlerges, soit fort différente de ce (|u'elle était gnité, en réprimanda l'aulcur par une lel-
autrefois. De tout temps le vœu de virginité tre sévère el sur un ton de mépris. Bientôt
et de continence a été censé nul, lorsqu'il n'a 1 igilance, qui étail prêtre pour lors, com-
pas été volontaire et libre; la seule diffé- mença de dogmatiser par l'ambition de faire
1053 VIG v'IG 1054
du bruil ; nol!S ne connaissons ses erreurs laquelle aucun purliculicr n'eul jamais droit
que par la réfutalion que saint Jérôme en a de s'élever. Mais puisque Harbeyrac voulait
f.iilf. Il blâmait le culte religieux rendu aux attaquer direct' ment saint Jérôme, il ne
martyrs et à leurs relinues, comme un acte fallait pas tomber dans le même défaut
d'idolâtrie ; il traitait de fourberie, ou de qu'il lui reproche ; ce l'ère avait de très-
prestiges du démon, les miracles .-jui se fai- justes sujets de mécontentement contre liiji-
saient à leur tombeau; il condamnait les lanci;, son censeur n'en a point eu d'au're
veilles que l'on y célébrait, l'usage d'y alla- que le préjugé lanalique de sa secte contre
nier des cierges et des lampes pendant le les Pères de l'Kglise.
jour ; il niait que les saints pussent inter- Dans plusieurs endroits de ce Diction-
céder pour nous et que Dieu écoulât leurs naire, nous avons fait voir que les diviTs
prièies. 11 déclamait contre les jeûnes, con- articles de cro\anre et de pratique, blâmés
Ire le célibat des clercs, contre la vie mo- et condamnés par Vi</il(incc et par les pro-
nastique, contre la pauvreté volontaire, con- testants, loin d'èlre contr, lires à l'Eciitiire
tre les aumônes que l'on envoyait à Jérusa- sainte, sont fondés au contraire sur des
lem ; il ne loulait pas que l'on chantât aile- passages clairs et formels de ce livie ilivin ;
luid, hors le temps de Pâques. que ce ne sont point îles snier^tilions in-
(Jui'l(|ucs évoques furent accusés de s'é- venlées au iv siècle, comme ils osent l'af-
tre laissé séiluire par ce novateur, quoiqu'il Armer, mais des sentiments et des usages
ne soutint ses sentiments que par des décla- aussi anciens que le rhrisiianisme, et aolo-
mations et des sarcasmes ; mais il ne parait risés par les apôtres mêmes. — On trouvera
avtiir eu pour sectateurs que quelques ec- une très-bonne notice de la conduite et des
clésiasliques déréglés ipti se lassaient du erreurs de Vigilaitte, dans VHist. littér. de
célibat. L'inondation des barbares, i]ui arriva la France, loine II, |). 37. Vpyez encore
dans ce temps-là dans les (iaules, produisit Viiist. de l'Jùj. qnUic., tomel, I. m, an 403;
d'autres malheurs plus capables d'occuper 'i'illemonl, Fleury, l'Iuquit, etc.
tous les esprits que les égareuienis d'un sec- VIGILK ou VElLLli (lermcde calendrier
taire. On sait d'ailleurs que \ iijilance se re- ecclesiastii)ue, qui signifie le jour qui pré-
tira dans le diocèse de Barcelone, et y fut cède une fêle). L'origine de cette dénomina-
chargé du soin d'une Eglise ; de là on pré- tiou n'est pas dilïicile à découvrir. Dè-i que
sume que la réfutation de ses écrits, faite le christianisme eut fiit des progrès , il
par saint Jérôme, le fit rentrer en lui-mcme, exciia la haine des juifs et <les païens ; ils
et arrêta les progrès de sa doctrine. se firent un point de religion de le détruire,
l^omme les protestants l'ont embrassée ils persécutèrent ceux (jni en faisaient pro-
dans nos derniers siècles, ils ont fait de fession. Les chrétiens forent doiic obligés
Vii/ilnnce. un de leurs héros ; c'était, disent- de cacher leur culte, de ne s'assembler que
ils, un homme distingué par son savoir et la nuit, ou dans des lieux inconnus à leurs
par son éloquence, un ecclésiastique animé ennemis. Celle conduite même donna lieu à
du louable esprit de la rélorinalion , un des calomnies, on leur reprocha ces asseni-
lionime de bien qui aurait voulu déraciner Idées nocturnes, on les accusa d'y lommel-
les abus, les erreurs, ia fausse pieté, par tre des crimes, on les appela par dérision
lesquels la multitude ignorante et crédule luiiion ténébreuse, et (jui fuyait le grand
se laissait séduire ; mais les partisans de la jour, etc. Minut. Félix, c. 8; Pliii., Epist.
superstition se trouvèrent plus forts que ad Trajan., Terlull., Apolog., c. 2, etc. A
lui, ils arrêtèrent les ellVls de son zèle, ils celte raison tb' nécessité se joignirent des
le forcèrent au silence et le iiiii enl au molil's de religion ; dès l'origine, la fête de
rang des hérétiques. D'autre part ils oui Pâques fui la principale des solennités chré-
peinl saint Jérôme comme un docteur fou- tiennes; les fidèles pissaienl ia iiuil du
gueux et fanatique, animé lar le seul motif samedi au dimanche à célébrer les saints
d'un ressentiment personnel, qui iraiia son mystères et à y participer, à chanter des
adversaire avec un cmporiemenl scanda- psaumes, à écouler des lectures et des in-
leux, qui ne lui opposa que des invectives , sliuclions pieuses, eldeuieuraieiil assemblés
qui travestit ses opinions pour les rendre jusqu'au lever du soleil, qui el;iil l"heur<' de
odieuses, qui ne pul le couiballre pai' l'E- la résurrection de Jésus Clirisl. Peu à peu
crilure sainte ni par aucun argiimeni solide, celle manière de célébrer les veilles s'èlen-
Barbeyrac surtout a vomi conlre ce saint dit aux autres fêtes des mystères et même
docteur un torrcnl de bile. I iiiité de la mo- aux anniversaires des martyrs. On y joignit
raie des Pères, c. lo, § Iti et 'A$. - Il ser.iit le jeûne, comme à la fêle de Pâques, et tout
à souhaiter s.iiis doute que saint JérôiiKî le monde convient (lue telle a été aussi 1 o-
eût écrit conirt; Yifjilancc avec moins de rigiiie des offices de la nuil. De là enfin est
chaleur, et que sou ouvr.ige eût elé plus ne l'usage de commencer le jour ccclésiisli-
m. dite, mais il nous apprend qu'il fut oblige que depuis les vêpres ou le soir, jusciii'au
(le le faire dans une seule nuit ; et, comme lendemain à pareille iieure, au lieu que le
son adversaire n'avaU attaqué les usages de jour civil ne commence ((u'à minuit ; et on
l'Kglise que par des traits de satire et par a nommé vigile ou veille tout le jour qui
un Ion de mépris, le saint doc'.eur ne crut |jrécède une solennité, pendant lequel on
pas qu'il mériiât une réponse plus sérieuse; observe l'abstinence et le jeûne,
il se contenta de lui opposer la pratique . On ne peut pas disconvenir que celle pra-
constaute et universelle de l'Lglise, conlre iique ue fût Irès-pieusc el très-édifianle.
«0S5
VIG
VIG
1056
puisqu'elle était destinée à rappeler aux
fidèles le souvenir des mystères de notre
rédemplion, à leur inspirer une tendre re-
connaissance envers Jésus-Chiisl qui a dai-
gné l<"s opérer, et à renouveler Li mémoire
des persoculions et des rombiils par lesijuels
notre sainte religion s'est étatilie. Il s'y mêla
sans doute quelque abus dans la suite, lors-
que 1rs mœurs des eluét'ens se furent relâ-
chées ; quelqurs personnes [)ieiises, surtout
des femmes, s'avisèrent de pratiquer par dé-
votion des veilles part culières, de passer la
nuit à prier duns les cimetières ; le concile
d RIvire en Espagne, tenu vers l'an 300, dé-
fendit cet abus, can. 35: « Nous défendons
« aux femmes de passer la nuit dans les ci-
ce Dietières, pnrce que souvent elles rommet-
« tent des crimes sous prélex'e de prier. »
Aussi un concile d'Auxerre, de l'an 578,
can. 3, défend de célébrer les veilles ailleurs
que dans les églises. AcI. concil Harduini,
t. Il], pag. 4-43. — Sur la fin du iv siècle,
l'hérétique Vigilance blâma hautement les
veilles qui se faisaient an tombeau des mar-
tyrs, parce qu'il n'approuvait ni le culte
rendu aux martyrs, ni le lespect que l'on
av;iil pour leurs reliques ; il soutint que ces
veilles él.iient une occasion de débauche et
qu'il s'y commettait des désordres. S.iint Jé-
rôme prit la défense de tous ces usages et
écrivit contre Vigilance. 11 prouva la sainlelé
des veilles par l'exemple de David qui se le-
vait au milieu de la nuit pour louer Dieu,
ps. cxviii, V. 62; par l'exemple de Jésus-
Christ même qui passait souvent la nuit à
prier, Luc, c. vi, v. 12; par le reproche
qu'il fit à ses apôtres de ce qu'ils ne pou-
vaient pas veiller pendant une heure avec
lui, Mollit., c. xxvi, V.40; par la conduite
des ai ôlres et des premiers fidèles, Act.,
c. XII, V. 12 ; c. XVI, V. 23; par les leçons et les
exemples de saint Paul, // Cor., c. vi, v. 5;
c. XI, V. 27, etc. Au sujet des désordres qui
pouvaient en arriver, il dit que l'on abuse
de tout, et que l'usage de ce qui est bon ne
doit pas être aboli pour cela.
Comme les protestants ont retranché du
christianisme tout ce ijui les incommodait,
l'abstinence , le jeûne , les veilbs, etc., et
qu'ils ont adopté la doctrine de Vigilance,
ils ont entrepris de réfuter saint Jérôme.
Uarheyrac surtout, Traité de la Monde des
Pères, c. 15, § 21, a éerit sur ce sujet avec
toute la hauteur et le mépris que ses pareils
ont coutume d'affecter à l'égard des docteurs
de l'Kglise. Il ne répond rien iiux paroles
de David, il dii que Jésus-Christ recommande
la vigilance, non du corps, mais de l'âme,
c'est une fausse'é : les passages que nous
avons cités, et l'exemple du Sauveur, dé-
montrent qu'il recommandait l'une et l'au-
tre ; il eu est de même des leçons et de la
con'uite des apôtres. Siiint Faul , dil-il,
prêche seulement l'assiluité à la prièie, cela
est encore faux ; il y joint le jeûne et les
veilles, il exhoiie les fidèles à prier la nuit
aussi bien que pendant le jour. — Les pro-
phètes et les apôtres, continue Beausobre,
oui veillé, ou pour des exercices particuliers
de dévotion, ou par nécessité. Nous soute-
nons que les veilles étaient pai'^elles-mêmes
un exercice particulier de dévotion ; elles
n'avaient pas lieu tous les jour-s, mais sen-
lenient au jour anniversaire de la mori des
m.iriv's <'t aux fêtes principales des mystè-
res Voy. M ARTvnF, IAklîques, Vigilance, etc.
Ce n'esl donc point saint Jérôme qui abuse
}iorril)lement de l'Rcriiure sainte, c'est plu-
tôt sou censeur qui en pervertit le sens ; il
a peine à retenir son indignation, nou>. re-
tiendrons la nôtre, quoiqu'elle serait beau-
coup mieux fondée.
11 ne s'ensuit pas de là, dil-il, qu'il est bon
que les hommes et les femmes aillent en
troupe veiller au lombenu d'un martyr, au
h;isard de mille infamies, dont on a une ex-
périence cerliiine. >ons niois celle expé-
rience prétendue, et nous allons voir (|u'elle
est Iles- mal prouvée. On nous cite d'abord
le trente-erniiuième canon du concile d'El-
vire, que nous venons de rapporter ; qu'a-
t-il (iéfeuilu? Les veî/Zes. particulières et ar-
bilraires de quelques femmes qui allaient
passer la nuit dans les cimetières sous pré-
texte de dévotion. Mais il y a de la mauvaise
foi à confondre ces veilles de caprice avec
les veilles solennelles qui se faisaient au
tombeau des martyrs par les fidèles assem-
blés pour y célébrer les sainis mystères, y
prier et y louer Dieu. Ce n'est certainement
pas de ces dernières que le concile a voulu
parler. Beausobre n'a pas été plus sincère
lorsqu'il a voulu prouver, par le même ca-
non, que les femmes avaient été bannies de
ces assemblées nocturnes; II i^t. du Munich.,
I. Il, I. IX, c. 4, p. (iC7. C'est ainsi i]ue les
protestants travestissent les monuments de
l'histoire ecclésiastique. — Ils allèguent , en
second lieu, ce passage de Tirtullien, ad
l'xorem, I. ii, cap. 4- : « 0"el mari souflrirait
patiemment dans les assemlilées nocturnes,
où l'on est obligé quelquefois de se irouver,
qu'on lui ôlàt sa femme de son côté? Lequel
enfin ne craindrait pas île voir, à la fêle de
Pâques, sa femme passer la nuit hors de sou
logis? » Mais ils savent bien que Terlullien
parlait d'un mari païen qui aurait épousé
une femme chrétienne ; or, ce mari n'.iurait
pas pu savoir où allait son épouse, lors-
qu'elle le quittait pendant la nuit pour as-
sister à une vtille, soit à Pâques, soit dans
un autre temps ; il clait donc naturel qu'il
en eûl de l'inquiétude. 11 est coiislaiil que
Tertullien a écrit ses deux livres à sa femme
pour la détourner, s'il venait à mourir, d'é-
pou-er un païen ; mais nos censeurs mali-
cieux font semblant de croire qu'il parlait
d'un mari chréiien qui ne voulait pas ac-
compagner son épouse à une veille, ou qui,
s'y trouvant avec elle, ne voulait pas qu'elle
quiilât son côté. Si Tertullien avait soup-
çonné le moindre danger dans ces assem-
blées nocturnes, lui qui était si sévère, il
n'aurait pas dit que l'on pouvait être ohlii/é
de s'i/ Irouver ; il aurait tonné conire cet
usage. — Ils piétendenl, en imisième lieu,
que saint Jérôme lui-même est convenu que
dans ces veilles il se commettait souvent des
10S7
«ÎG
VIG
i058
crimes ; il dit : « La faute et l'égarement des
jeunes ^ens et des femmes débauchéi's, que
l'un reiicoiilre suuvonl pendant la nuit, ne
ddivenl pas être imputés aux hommes reli-
gieux ; et parce que, la vetlte de Pâques, le
iDéme désordre arrive ordinairemenl, 1,'. re-
li;;i<)n ne doit recevoir aucun préjudice du
libertinage d'un f)etil nombre de débauchés
qui sans ces veilles peuvent également pé-
cher, ou chez eux, ou dans d'autres mai-
sons. » Aduersus Vigilnnl., Op. t. IV, col.
285. S'ensuit-il de là que ces veilles four-
nissaient aux libertins des deux sexes une
occitsion de plus pour pécher, comme le
soulieiii Barbeyiac? Le même saint Jéiôme
défend à une jeune vierge d';iller à l'église
sans sa mère el de s'écarter d'elle dans les
veilles et les assemblées noeturm-s, /ipist.
ad Lœtam, ihid., cd. 39't. Cela se fait en-
core aujourd'hui, lors()ue les mères sont vé-
ritablement chrétiennes ; mais il est ridicule
d'alléguer, pour preuve d'un désordre, les
précautions niémes que l'on prend pour
qu'il n'arrive point. — On cite, en quatrième
lieu, une lettre écrite par saint Augustin
vers l'an 392, dans laquelle il se plaint de ce
qu'en Afrique on se permet les festins et
l'ivrognerie, non-seulement dans les fêles
des mariyrs. mais tous les jours, et à leur
honneur. Episl. -li, n. .3 et h. Dans celle
lettie même saint Angusiin témoigne que ce
désordre n'a pas lieu il:ins llt.ilie ni dans les
autres liglises au delà de la mer, qu'il n'y a
jamais régné, ou qu'il a été réiormé par les
soins et la vigilance des évèi|ues. Cioil-on
que quant il n'y aurait jamais eu de fêtes
des martyrs, les Africains en auraient été
moins adonnés aux débauches de la table?
Une preuve que ce même vice n'avait pas
régné pendant les quatre premiers siècles,
du moins hors de l'Afriiue, c'est qu'aucun
des Pères qui ont parlé des veilles ne l'a re-
proche aux chrétiens.
Par un nou\eau trait de prévention, Bar-
bey rac prétend que ce fut pour anêler ce
désordre que l'on ordonna le jeûne pour les
t)e»7/es des fêtes ; c'est une fausse imagina-
lion : le J! ijne a fait partie essentielle des
veilles depuis l'origine. Les prolestants ne
peuvent en disconvenir, puisqu'ils ont ob-
servé que les veilles des martyrs et des au-
tres fêles furent instituées sur le modèle de
celle de Pâques; or, on jeûnait certainement
ce jour- là. Dans Minuiius Félix, e. 8,
l'accusateur de-, chri'liens leur reproche eu
même temps les assemblées nocturnes et les
jeûnes solennels ; l'auteur du dialogue in i-
lule Pliiluprttris l'a imié. Est-il croyable
d'aillenrs que les premiers chrétiens (jui
jeûnaient régulièrement deux fois par se-
maine, el que TcrliilUen appelle des hommes
desséchés pur Ir jeûne, ne l'jiient pas prati-
qué pour se préparer à la célébration d'une
fêle"? Saint Paul, // Cor., c. vi, v.5,j>inl le
jeûne avec les veilles. C'est de cette circm-
Staiice mé.ne que naquit l'abus dont se plai-
gnent les protestants, et qu'ils exagèrent
très-mal à propos, il était naturel que les
CdiMes qui avaient jeûné la veille et qui
avaient passé a nuit en prières, fissent un
repas en rentrant chez eux ; et comme
c'était un jour de fête, on y mettait un peu
peu plus d'appareil que les autres jours.
Ceux qui étaient naturellement intempé-
rants s'y livièrenl à des excès ; voilà ce que
déplorait saint Augustin ; mais il ne s'ensuit
pas de ses plaintes que le très-grand nombre
des chrétiens étaient coupables de ce désor-
dre ; il faut en revenir à la maxime de saint
Jérôme , que le vice d'un petit nombre
ne doit point porter préjudice à la reli-
gion.
Qu'aurait pu répli<iuer Harbeyrar, si on
lui avait soutenu que le jeûne solennel ob-
servé par les protestants deux fois l'année
est une momerie et un abus ? 11 est constant
que, dans ces jours, les jeunes personnes
vont au prêche plus parées qu'à l'onlinaire;
qu'avant d'y aller, plusieurs se munissent
d'un déjeuner gras et se remettent à table au
retour : nous avons été té'iioin oculaire de
ce fait, et lorsque nous en avons témoigné
notre éionuement, on nous a dit que, selon
l'Evangile, ce n'est point ce qui entre dans
la bombe de l'homme (|ui souille son âme.
C'est ainsi qu'en abusant de l'Eeriture sainte
les protestants juslillent tous les autres abus.
Lorsque saint Jéiôme répond à Vigilance
que l'usage de ce qui est bon ne doit pas
être aboli à cause des abus : « Fort bien, ré-
plique notre censeur ; mais il faut que la
chose dont il s'agit soit véritablement bonne
et d'une nécessite indispensable. » Qu'il nous
prouve donc que les prétendus jeûnes lie sa
secte sont meilleurs en eux-mêmes et d'une
nécessité plus indispensable que les veilles
des chrétiens du v' siècle. Enfin il s'obstine,
auvfii bien que Beausobre, à soutenir que
ces veilles étaient une imitation de celles des
païens, une pratique venue du paganisme,
et qui naturellement devait y comluire. Il a
cilé en preuve Arnobe, contra Uentes, I. v,
et cet auteur n'en dit pas un mot. Nous voilà
donc réduits à croire que Jésus-Christ et ses
apôtres copiaient les païens lorsqu'ils pas-
saient les nuits à veiller et à prier, ou que
les premiers chrétiens se sont proposé de
suivre plutôt l'exemple des païens que celui
de Jésus-Christ et des apôtres. Il est du
moins bien certain ((ue, dans les veilles de
Bacchus, de Gérés et de \ éiius, leurs adora-
teurs ne passaient pas la nuit à jeûner, à
prier et à lire des livies saints, et (|ue les
occupations des chrétiens pendant les veilles
ne ressemblaient guère à celles de leurs
ennemis et île leurs persécuieurs. Nous se-
rions mieux fondes à dire que ce sont nos
censeurs qui imitent la conituile des païens,
qui répèlent leurs calomnies contre les pre-
miers tidèles, qui poussent même la mali-
gnité plus loin ()ue Cécilius dans Minulius
Félix, que Oise, Porpiijre el Julien dans
leurs écrits contre notre religicm , et qui
fournissent sans cesse aux incrédules des
armes contre elle ; mais cela ne les touche
point : Barbeyrac, après toutes les inepties
de sa diatribe, s'est llatté d'avoir confondu
saint Jérôme. Voy- rhomassiu, Traité du
1059
VFN
VIN
1060
Jeûne, i" partie, chap. 18; ii" partie, c. 14.
VK.II-ES DES MOKTS. L'on nomme ainsi
les matines el les laudes de roffice des morts,
qui! l'on chante, ou aux obsèques d'un dc-
luiil, ou ;iu service que l'on fait pour lui.
Par un statut dressé l'an 1215 pour l'univor-
silé de Paris, on voit que ces vigiles se clian-
taient pour lors pendant la nuit. Tbuinas-
sin, ibid.
VINCENT de Lérins, Gaulois de naissance
et moine du célèbre monasièrc de Lérins
près de Marseille, mourut l'an 450, on
ignore à quel âge. Il composa, l'an kâk,
trois ans après le concile général d'Ephèse,
un très-bon ouvrage intitulé : Traclatus Pe-
reyrini, pro calholicœ fidei antiquilale, etc.
11 est plus connu sous le nom de Cominoni-
tiirium, ou avertissement contre les héréti-
ques ; H prouve que la règle de la vraie foi
est d'abord l'Ecriture sainte, et que le sens
de ce livre divin doit êlre déterminé el fixé
par la tradition de l'Eglise; ainsi la vraie
doctrine de Jésus-Christ est ce qui a été cru,
enseigné el professé dans tous les temps,
dans tous les lieux el p;ir tous les fidèles,
quod uliique, quod SPinper, qnod (ib omnibus;
pour la connaître, il faut s'attacher à l'an-
tiquité, à l'universalité, à l'uniformité de
l'enseignement el de la croyance : in omni-
bus sequamur anliquilaUm , iiniversitatem,
consensionem. La meilleure èdilion de ce
traité est celle qu'a donnée Baluze.
Ue tout temps on a reconnu le mérite de
cet ouvrage, plusieurs protestants en sont
convenus, quoique intéresses par système à
le contredire. Wosheim, llisl. ecdés., v siè-
cle, IV part., c. 2, § 11, avoue que Vincent
de Lérins s'est acquis une répuiation im-
mortelle par son pelit, mais excellent traité
contre les secles. Cave, Uéeves el d'autres
Anglais en ont parlé de même, maisd'auires
criiiques n'ont pas été aussi équitables. Le
traducteur de Mosh im soutient que ee livre
ne mérite p;is les éloges qne l'on en a faits :
j(! n'y vois, dil-il, qu'une vénération aveugle
pour les anciennes opinions, préjugé funeste
aux progrès de la vérité, et le dessein de
prouver qu'il fan! s'en rapp^irter à la iradi-
lioii pour fixer le sens de l'Ecriture. Tel a
été en efl'.'t le dessein de l'auteur, el il a
prouvé celle vérité par des raisons aux-
quelles les prolestants n'onl encore pu rien
opposer de solide. Voy. Tb41)Ition. La mé-
thode contraire a laquelle ils se tiennent,
loin de favoriser les jirogrès de la vérité, n'a
produit parmi eux que des erreurs ; témoin
la multilude de celles qui sont nées chez
eux, el qui les a divisés en une infinité de
secles.
Uasnage, Hisl. de l'Eglise, 1. xx, c. 6, § 7,
a poussé beaucoup plus loin la prévention
contre ce mèinu ouvrage ; il prétend que
Vincent n'a fait son Commonitoire que pour
établir le semi-pèlagianisine duquel il était
imbu ; les preuves qu'il en donne sont, 1° que
c'était pour lors l erreur dominante dans le
monaslère de Lérins, où Vincent était moi-
ne; 2" qu'il est l'auteur des objections con-
tre la doctrine de sainl Augustin, auxquelles
saint Prosper a répondu dans son livre in-
titulé : Responsio ad objecliones Vicentianas.
3 Le sentiment des semi-pélagiens était que
l'homme peut désirer, chercher, demander
la grâce, par ses propres forces ; or, cela se
trouve en mêmes termes dans le Commom-
toire, c. 37, oiî Vincent tourne en ridiculb
ceux qui soutiennent qu'il y a uni; grâce
personnelle que l'on peut avoir sans frap-
per, sans la chercher et sans la demander.
4° H en appelait à l'antiquité comme tous les
scmi-pélagiens, el il traitait comme eux de
nouveauté la doctrine de saint Augustin.
5° En f.'iisant semblant de louer la lettre du
pape Géleslin aux évêques des Gaules, il en
travestit le sens pour le tourner en sa fa-
veur. ()° Plusieurs auteurs catholiques et sa-
vants sont convenus du semi-pélagianisme
de Vincent et l'ont prouvé.
Il n'est pas difficile de faire voir que tou-
tes ces accusations sont ou des faussetés ou
des soupçons sans fondement. En premier
lieu, Cassien, que l'on regarde comme le
premier auteur du semi-pélagianisme, était
abbé de Saint-Victor de Marseille , el non
moine de Lérins; ['"auste do Riez, aulre dé-
fenseur de la môme erreur, n'a écrit sur la
grâce (|ue plus de vingt ans a[irès la mort
de Vincent. Uist. litt. de la France, t. Il,
pag. 591. Cassien ni Fauste n'onl pas caehé
leurs senlimenls; pourquoi Vincent aurait-ii
dissimulé les siens? 11 parle toul autrement
que ces deux personnages, nous le verrons
ci-après ; donc il ne pensait pas de même.
Cent fois les prolestants ont répété que,
pour accuser un auteur d'hérésie, il faut
avoir des preuves formelles et positives ; où
sont celles que l'on produit contre Vincent?
Des conjectures malicieuses, des interpréta-
tions forcées, des suppositions hasardées, ne
sont pas des preuves. — En second lieu, ceux
qui attribuent les objections de Vincent à
celui de Lérins, ne sont fondés que sur la
ressemblance du nom, préjugé frivole, el ils
pèchent en cela contre toute vraisemblance.
Si saint Prosper aiait eu les mêmes soup-
çons qu'eux, il aurait certainement ménagé
davantage ses expressions. 11 dit, dans sa
prélaco, que les auteurs de ces objections
n'agissent que par envie de nuire, qu'ils
forgent des meusoUgcs et des blasphèmes,
qu'ils les débilent en public el en particu-
lier, qu'ils en dressent une liste diabolique,
qu'ils les font valoir afin d'exciter la haine
contre lui, que les inventeurs de ces calom-
nies doivent êlre punis. Il n'aurait pis con-
venu à un laïque, tel que saint Prosper, de
traiter ainsi Vincent de Lérins, prêtre et
moine respectable par ses talents el par ses
vertus. D'aulre part, si l^incenl s'élail senti
atiaqué persounellemcnl par ces invectives,
il n'aurait pas parlé avec tant de modéra-
tion des accusateurs des semi-pélagiens, en
faisant menlion de l,i lettre que le papeCé-
leslin éci ivit aux évêques des Gaules, à la
prière de Prosper el d'Hilaire. Enfin, il était
trop équitable pour travestir la doctrine de
saint Augustin d'une manière aussi indigne
que l'a l'ait l'auteur des objections. - Eu
1061
VIN
VIN
lOCî
troisième lieu, il est faux que l'erreur des
semi-pélagiens se trouve en propres termes
dans \e Cominoniloire de Vincent. Voici ses
paroles (c. 37, ni. 26) : » F^es lii'réti((ues osent
pronieltre et enseigner que dans leur Eglisi;,
c'est-à-dire dans le convenlicule de leur so-
clt'lé, il y a une grâce de Dieu abondante,
spécialo et personnelle, à laquelle, sans tra-
vail, sans élude, sans application, sans la
demander, sans la chercher, sans frapper,
tous leurs adhérents participent de telle ma-
nière que, portés par les anges, ils ne peu-
vent ni broncher ni cire scandalisés. » Il
faut avoir perdu toute pudeur pour suppo-
ser, 1" que Vincent a osé, dans ce passage,
traiter d'hérétiques saint Augustin et ses dis-
ciples, nommer conventicule l'Eglise catho-
lique, les appeler disciples du diable, faux
apôtres, faux proiilules, faux maiire.i, etc.,
cap. seq. ; 2° ((u'il a été assez insensé pour
les accuser d'admettre une grâce spéciale
donnée à tous, sans la chercher et sans la
demander, pendant que la plupart d'entre
eux ont soutenu expressément (lue la grâce
n'est pas donnée à tous. 3" Il est évident que
Vincent ne parle point ici de la gràee ac-
luelle, nécessaire à tous pour faire une
bonne œuvre, même pour former de bous
désirs; mais d'une grâce spéciale accordée
à tous les hérétiques pour ne pas tomber
dans l'erreur. Ils protnellaient, comme les
protestants, à leurs prosélytes, une inspira-
tion particulière du Saint-Esprit, pour ne se
tromper jamais dans l'intelligence de l'Ecri-
ture sainte. Vincent la tourne en riili u!e
avec raison ; nos prétendus illuminés ne
peuvent le lui pardonner, k" Common., cap.
2'i-, il demande : « Avant le profane Pelage,
qui présuma jamais assez des forces du libre
arbitre pour penser que, dans toutes les bon-
nes choses et dans tous ses actes, la grâce de
Dieu n'était pas nécessaire? » Soutiendra-
t-on (lue les désirs de la toi, de la conver-
sion, lie la juslificalion, etc., ne sont pas de
bonnes choses? — En quatrième lieu, les
semi-pstagiens avaient tort de citer pour
eux ranli()uité ; il est prouvé ((u'avant* saint
Augustin les anciens i'ères avaient enseigné
conuue lui que toute grâce est gratuite ; il
en a cité plusieurs Df douo persiv., cap. 19
et 20, n. iS-ol. I i'kcc»< de Lérins ne pou-
vaii pas l'ignorer; aussi n'ai-ii jamais eu
la léiiiérilé de taxer de uouve.iulé cette doc-
trine ancienne. Mais de ce que les seuii-pé-
lagiens allégu lient fausM'ineni l'antiquité
eu leur faveur, il ne s'ensuit p;is i|ue Vin-
cent ail mal prouvé la nécessité d'y recourir
en matière de foi. — En cin luième lieu, c'est
une nouvelle imposture d aflirmer qu'il a
tourné en ridicule la lettre de Célestin aux
évèques des tjaules, ei qu'il en a travesti le
sens ; il en a parlé au contraire avec le res-
pect convenable , Commonil., c. 32 et ,33.
Après avoir cité les exe.uples récents de
saint Cyrille d'.Vlesandrie et du pape Sixte,
il dit : « Le saint pape Gelesiin a pensé el a
parlé de même. Dans la lettre qu'il a écrite
aux évèques des Gaules, pour les reprendie
de ce qu'ils laissaient éclore des nouveautés
profanes, il conclut que In nouveauté cesse
donc d'attaquer l'antiquité. » Or, par ce»
nouveautés profanes, saint Célestin enten-
dait évidemment les erreurs des semi-péla-
giens. « Quiconque, ajoute Vincent, résiste
à ces décrets catholiques et apostoliques,
insulte à la mémoire de saint Célestin el de
saint Cyrille. » De quel fronl peut-on sup-
poser que ce langage était une dérision,
que, suivant l'opinion de Vincent, la nou-
veauté était la doctrine de saint Augustin,
qu'il a espéré de la persuader à ses lecteurs,
el qu'il méprisait intérieurement ces décrets,
en feignant de les respecter? — Enfin nous
n'ignorons pas que les partisans outrés de
cette doctrine, el qui souvent la déligurent,
ont taxé de semi-pélagianisme tous ceux qui
no l'ont pas entendue comme eux. Mais le
cardinal Noris, Vossius, Frasscn, Lupus,
Thomassin, Alexandre, It. Simon, etc., ne
sont pas des noms assez imposants pour
nous subjuguer, lorsque nous avons sous
les yeux des preuves positives de la témé-
rité de leurs soupçons. Ils ont suivi l'exem-
ple de Calvin el de ses disciples, de .laiisé-
nius et de ses adhérents ; ce n'étaient pas
là lies modèles à iiniier. Pierre Pitbou, Ua-
luze, Strumélius, i^apebrock, le savant Maf-
fei el d'autres, ont vengé la mémoire de
Vincent de Lérins.
Basnage réiiond que le sentiment de ces
derniers ne prouve rien ; qu'ils étaient in-
téressés à justitier Vincent parce qu'il est
honoré comme sainl, parce qu'il a soutenu
le principe de l'Eglise romaine touchant la
nécessité de la tradition, parce qu'ils ont
voulu étayer leur propre seuii-pélagianisine
par le suffrage de cel auteur, au lieu que
ses accusateurs oui eu le courage de résis-
ler à ces trois motifs d'intérêt.
Conclusion di'inede tout ce qui a précé lé.
Basnage a donc igi'oré queCassien, premier
défenseur du seini-[)élagianisme, est cepeu-
d.inl honoré d'un culte religieux à Sainl-
Viclor de .Marsi ille, eu vertu d'un décret du
pape Urbain V. L'erreur d'un prisonnage
irès-vertueux d'ailleurs ne peut porter au-
cun piéjiidice à sa sainteté, à moins que
celle erreur n'ait été condamnée par l'Lglise
et (|u'il n'y ail adhéré malgré \i coiid.nniia-
lion : or, celle des seni-pél igiens n'.i été
proscriie qU'- l'iiii 52) par n- ii cmiile d'O-
range, près de Ci-nl ans après la mort de
Cassien el de Y incent. Nous coinenons néan-
moins que si le dessein dé ce de: nier avait
élé tel (lue ses accu^aleul■s le représentent,
ce serait un fourbe dig le d'analliéme ; a
Dieu ne plaise que nous ayons jamais ce
soupçon. 2" Quand Vincent se serait trompé
sur le fait de l'anliiiuité ou de la nouveauté
du sciiii' pélagianisMie, les principes qu'il a
posés sur la nécessité de l.i tradition n'en
Seraient ni moins vrais ni moins solides
Quoique 'rerlullieu soil tombé dans de gran-
des cireurs, nous ne l'aison-, pas moins de
cas pour cela de on Traité des Prescriptions
contre les Itéré tiques ; si--^ principes sont les
mêmes pour le fond que ceuv de Vincent
de Lérins. Les protestants eux-mènies n'ont
1065
VIS
VIS
1061
pas cessé de regarder Luther et Calvin com-
nie de irès-grands hommes, quoiqu'ils con-
ïiennenl que ni l'un ni l'autre n'onl été
exempts d'erreurs. 3° Nous ne somnu's pas
étonnés de ce que Basnage .iccuse de semi-
péhigianisnie tous les apologistes de Vincent
de Lérins, puisque les protestants en accu-
sent tous les catholiques sans exception,
malgré la condamnation que le concile de
Trenie a faite de cette hérésie ; Sess. 6, de
Justif., c. 5 et 6, et can. 3. Nous sommes
seulement lâchés de ce que ce même criti-
que semble accuser aussi les détracteurs de
la foi de Vincent, d'avoir trahi k's véritables
intérêts de l'Eglije caiholique ; mais ce n'est
point à nous de les disculper. Dans un autre
endroit, Basnage a directement attaqué les
principes établis par Vincent dans son cdhi-
moniloire ; nous avons réfuté ses arguments
au mot Tradition, à la (in.
VIOLKNCK. Vuy. Persécution.
VlRtilNlTÈ. Voy. Vierge.
VISIBILITÉ DE L'ÉGLISE. Voy. Eglise ,
§^'
VISION BÉATIFK^UE. Leslhéologiensdis-
tinguenl trois manières de voir ou de con-
naîire Dieu ; la première, qu'ils appellent vi-
sion cdisiraclive, est de connaître la nature
et les perfections de Dieu par la considéra-
tion de ses ouvra(;es ; les attributs inrisibles
de Dieu, dit >aiiit Paul, sont vus et conçus de-
puis la création du, monde , par ce qu'il a /'ait
(Rum., I, 20j. C'est la seule manière dont
nous puissions voir et coiinaiire Dieu dans
cette vie. IVIais nous le cunuaissons encore
mieux par ce qu'il a fait dans l'ordre de la
grâce, et qu'il nous a révélé, que par ce
qu'il a lait dans l'ordre de la nature. La se-
conde manière est de voir Dieu immédiate-
ment et en lui-môme; ou la nomme vision
intuitive ou béatilique ; c'est celle dont les
bienheureux jouissent dans le cil. Saint
Paul nous en a encore donné l'idée lorsqu'il
a dit , y Cor., c. XIII, v.1-2: Nous voyons à
présent comme dans un miroir et d'une ma-
nière obscure ; mais ulors ( après cette vie)
nous verrons face à face. A présent je ne con-
nais qu'en partie, mais alurs /e connaîtrai
comme je suis connu. Jésus-Chiist lui-même
dit, Jilaith., c. xviîi, v. 10 : Les ani/es voient
continuellement lu face de mon Père qui est
dans le ciel. La troisième, que l'on appelle
vision compréhtnsice, ne convient qu'à Dieu
iutiiii daiiii sa nature et dans tous ses attri-
buts ; lui seul peut se voir et se coniiaitre
tel i|u'il est. H n'y a nièuie aueune preuve
que Dieu ait jamuls accordé à aucun homme
dans cette vie la vision inluiliveiXe. lui-même ;
Moïse, Elle, saint Paul, plusieurs [irophètes,
ont eu des ravissements et des extases, dans
lesquels il est dit qu'ils ont vu Dieu; mais
celii signilie seulement qu'ils ont vu de la
majesté divine des figures et des symboles
pins angustes, plus éclatants, plus admira-
bles que ceux sous lesquels il s'est montré
aux autres hommes. Voy. Science ue Jé-
sus-Christ.
C'est une erreur assez commune, et déjà
fort ancienne parmi les Arméniens et les
Grecs schismatiques, de croire que les justes
et les saints sortis de ce monde ne jouiront
de la vision intuitive de Dieu qu'après la ré-
surrection générale et le jugement dernier,
qu'en attendani ils jouissent du repos dans
l'attente de leur parfait bonheur. Celle opi-
nion fut condamnée dans le coneile de Flo-
rence tenu l'an li39. Il y fut décidé que les
âmes des justes, à qui il ne reste aucun pé-
ché à expier .jouissent de la vision béati/ique
immédiatement après leur mort. Voi/. Bon-
HEi R étermel. Get'e déci^ion a été confirmée
par le concile de Trenie. — La même ques-
tion avait été agitée avee beauc 'Up d'éclat
en France au xiv' siècle. Le pape Jean XXII,
Français de nation , et qui siégeait à Avi-
gnon, pencha pour la croyance des Grecs ,
parce qu'elle lui parut l'uiKlee sur plusieurs
passages des anciens Pères; il l'avançi mê-
me dans quelques sermons , et il témoigna
désirer que cela lût regardé du moins com-
me une opinion problém.itique ; mais il
ne décida jamais rien sur cette matière en
qualité de souverain pontife, il ne rendit au-
cun déeret à ce sujei, il réiracta même aux
approches de la mort ce qu'il avait pu dire
ou penser de peu exact sur cette question.
Tous ces fjiils suni solideuient prouvés dans
Vllistiiire de l'Eylise gallicane, loin. XIII,
l.xxxviii, anii. 1333 et 1334, parles mé-
moires du temps ei par les pièce» originales
de la dispute.
Miis les protestants, toujours obstinés à
caloinnirr les papes, soutiennent en» ore que
Jean XXII, par sa doctrme, encouru' la cen-
sure de presque toute l'Kglise c >tliolii|ue,
que son opinion fut comlamnéii unanime-
ment par tous les théologiens de Paris, l'an
1333; que si, près de mourir, il se rétracta,
ce fut sans renoncer entièrement à son opi-
nion; que s'il se soumit au jugement de l'E-
glise, il n'y fut porté que par la crainte de
passer pour hérélique après sa morl , Mos-
heim, Uist. ecctés., xiv' siècle, ii' part., c. 2,
§ 9. Calvin a même osé l'accuser d'avoir nié
rimiiiort.tlitè de l'âme.
Pour détruire toutes ces imputations , il
suffit d'alléguer deux ou trois faiis incoiiio-
stables. 1" Il est constant que, depuis le 28
décembre 1333, jus. ju'aii 2 jiinvier 133i, ce
pape tint à Avignon un consistoire, dans le-
quel il protesta solennelleiueiil (|ue « sur la
question du délai de li v sion béaijique, il
n'avait jaiiiaii parlé que par foriiie d<' con-
versation, non avec volonté de rien déiinir,
et qu'on lui ferait plaisir de lui faire part
des autorités favorables au sentiment con-
traire; que, du reste, s'il lui était cclia|ipe
quelque chose mal à piopos , il était prêt à
le révoquer. » Le leiidem.iin , 3 janvier, il
dicia la même déclaralioii par-ile\ant des
notaires, il n'avait pas encore reçu pourlors
le deerei des docteurs de P.nis. 2' Dans l'as-
sembiee de ces docteur>, tenue à Vincenues,
deviini le roi et plusieurs preiats, sur la fin
de décembre 1333, ils décidèrent unanime-
ment la croyance catholique telle que nous
la suivons encore aujourd'hui. Cette décision
fut confirmée dans une seconde assemblée
lOOS VIS TIS 4066
ie;;iie aux Malhurins à Paris, !« 26 décem- fudirs. Dans VAporalijpse, Diou fitconrtaiiri!
bro, et coiicliée par pcril , siijnéo ensuite el à saint Je.iii des vérités cachées et des ré-
scellée le 2 janvier I33'i-. Les dixleurs, après volulions (|ui devaient arriver dans la suite,
avoir protesté de leur respect et de leur at- Ci-rlains critiques <»iil pensé que i'Iiisluire
lacliemeiil au pape , disent :« qu'ils ont ail- de l;i lenlalion de .lésus-(]lirist au désert
pris par des ténioij;nages iligiies de foi que ra[i()ortée par s;iinl /l/rtii/ufi. c. iv, v. 1, s'est
tiuit ce que le saint Père a dit sui' la question plut(>t passée en i isio7i pendant le sommeil
(irésenle, n'a été ni par forme d'assertion ni qu'en fait et en réalilé. et que l'Evangéliste
d'opinion, iii.iis seulement en forme de n;ir- l'a .linsi enleudii , lorsqu'il a dit que Jésus
i'.ilion.» Ils en écrivirent au pape lui-même fut conduit au désert par Vespril, pour être
dans les mêmes termes, en le priant de con- tenté p;ir le démon. Mais cette oiiinion ne
lirmer pir son autorité leur sentiment, eoiii- s'accorde pas avec le texte île rEv,in"ile'
me étant celui de tout le iieuple chéticn. ce n'est ni en sonj^e ni en vision ipie Jésus-
3" La déclaratiiin que doina Jean XXII, le Christ jeûna pendant quarante jours, qu'il
•i décembre suivant , lorsqu'il se sentit près eut faim, que les an^;es vinrent le servir, etc.
de mourir, ou pluiôl sa piolession de foi Ca's crili(|ues ont i ru que le démon avait
«lu'il fit en présence des c.irdinaux, est en- transporté Jésus- Christ dans les airs, pour
tiérement conforme à celle des docteurs de le placer sur une montagne et sur le som-
Paris , et conçue diins les termes les plus met du temple, mais ils n'ont pas pris le seus
clairs; il y a non-seulement de la témérité, du texte s;icré. Voy. Tentation.
mais de la malignité à supposer ()u'i'l|e ne « Nous connaissons, dit Origène, 1. i, con-
fut pas sincère, quece pape ne renoue. 1 point <rii Cef.v., n. '*ti , plusieurs hommes qui ont
entièrement à son opinion , qu'il n'agit (|iie embrassé li> christianisme comme malgré
par crainte de passer pour héréiique après eux; l'esp'it de Dieu les frappait par des li-
sa mort. Bencit XII, sou -uccesseur, el té- siuns ou par des songes, el cha igeait telle—
Dioin oculaire de ses dernières volontés, lui ment leur ceur, qii';iu Heu de détester com-
reiidil plus de justice, en les publiant dans me auparavant la religion chrétienne, ils
une bulle datée du 1" mars 133.). Les c.iloin- formaient le dessein de mourir pour elle,
nies répandues contre lui , soit en France , Nous en avons plusieurs exemples dont nous
soit en Allemagne, par les partisans de avons été lèmoin oculaire, mais que les in-
Louis de Uavière , son ennemi, ou par les cred.iles regarderaient comme des imnoslu-
fratncelles, sectaires révoltés c outre lui, ne res , et tourneraient en ridicule si nous les
prouvent rien et ne méritent aucune ai- rapportio-is. Au reste, nous attestons Dieu
tention. Enfin, quand il serait vrai que ce qui voit le fond des consciences, que nous
pape tenait à une opinion fausse, et qu'il ne n'avons aucune envie de forger des fables
l'a rétractée que par la eraii le de scamlaliser lour confirmer la vérité de la doctrine de
l'Eglise, il serait à souhaiter que tous les Jésus-Clirisl. »
héiésiarques il Ions les sectaires eussent Mais nous avons à parler principalement
fait comme lui, il n'y aurait jamais eu de des lisionn proiihéii'.jues. Or, on ne peut pas
schismes, et les maux qu'ils ont causés n'au- d.aiter que les dons miraculeux du Saint-
raieiit pas eu lieu. Esprit, el sorloiit ci lui de prophétie, n'aient
Vision piiophétique, dans les livres saints été communs parmi les chréùens du temps
et chez tous les écrivains e. elésiasliques, si- des apôtres ; saint Paul le témoigne, / Cor.,
gnifie une révélaiion qi.i vient de Dieu, à <-• su, v. 8 et seq. Il règle l'usage que les
laquelle rimaginal on ni aucune cause na- fidèles doivent f.iire de ces dons divers , il
turelle n'a pu avoir de, part, soit qu'un pies ril les précautions nécessaires pour que
homme l'ait reçue en songe, soit aulremeiii. ces grâces ne leur inspirent point d'orgueil
Ainsi la connaissance que Dieu donnait à et ne causent aucune division parmi eux
ses prophètes des é^énemcnls futurs est ap- e. mm et xiv. La question est de savoir si
pelée vision, parce que Dieu leur avait f.iil Dieu a continue la même assistance à son
voir l'atenir, et c'est ce litre que plusieurs Eglise dans les siècles suivants, el pendant
ont mis à leurs prophéties. Mais loute tt.siun combien de temps elle a 'liire.
n'est pas prophélii|ue ; Dieu a souvent ré- Dodwel , dans sa quatrième Disseriation ■
vêlé à ses saints des choses passées ou pré- sur suint Cijpiien, s'est attaché a prouver
sentes, desquelles ils u'eiaient [las iic^truils, que les level.ilions prophet.qucs n'ont pas
ou des vérités qu'ils no pouvaient pas nalu- ce>sé dins le clirisiiaiiisme à la inoit des
rcllemeiit connaître, et il leur a commandé apôres, mais qu'elles y ont duré jiiS(|u'au
des actions auxquelles ils ne se seraient pas temps de C insianiiii el à la (laix qu'il doima
portés d'enx-mèiiies. Ainsi Dieu lit révéler à sou Eglise; mais que depuis celle époque
par un ange à saint Joseph, pemlanl son soin- il n'y en a plus de vesliges, parce que ce
111.^11, la purolé de Marie , la conception de secours devient moins nécessaire qu'aupa-
Jesuseiielle par l'opération du Saini-Espril, r<iv<tiil à la prop.igalion de l'Evangile. Il le
la rédemption prochaine du monde par ce prouve par I exemple d'IIermas , dont le li-
diviii eul'ant; il lui fil commander de même vre luiitule te Pasteur est rempli de visions
de le transporter eu Egypte avec sa mère , prophétiques; mais la plupart des aueurs
pour le soustraire à la cruauté d'derode, el proleslauls les regardent comme les rève-
eusuite de revenir dans la Judée. Nous ne sa- ries d'un fanatique. V oy. Hekmas. Saint Clé
vous pas si, lorsque saint Paul fut ravi au ment de Uome, dans sa première lettre aui
iroisième ciel , il y apprit des événemenls CortnikieHs,\i. W,dil : «Qu'un homme ail la
UlCT. BE Tli^UL. OOGMATlyUE. IV. 3i|.
lOGX VIS VIS , 10,0?.
foi, qu il soit doué de connaissance, qu'il vra^îes, pI çn ont donné des cxIrAKs. Us dii-
juge (lesdiscours avec sagesse, qu'il soit pur moillrèrenl la différence essenliCltè ({.u'il y
en loules choses; plus il paraît grand, plus avilit entre les vraies révélations corlirsintii-
il doit être humble. » Dodwel soulieiit que qiiées aux fidèles, et 1- s fausses visions dont
par la fui il faut entendre celle qui opère des se vant.iient les héiéiiqiics.
niiracles , que la connaissance est l'inlelli- Au iir siècle, Dodwel ne veut pas citer
gcnce des mystères, que \ejui]en:ciH (h s dis- TerluUieii , parce qu'il se laissa séduire par
cours- cslle discerncuient des esprits, coinnie les moiilanistes ; mais il avait écrit son Apo-
l'a expliqué saint Paul, J Cor., c. xiii, v. 2, loyétit/iie avant d'avoir embrassé l.urs er-
autanl de dons surnaliirels desquels il ne reurs; or, il dit, c. 23 et ailleurs, que les
voulait pas que les lidèlcs conçussent di l'or- cliréliens |)ar leurs exorcismes forçaient les
gueil. u 'inons à < imfesser , p.ir la bouehe des pos-
Saint Ignace, dans sa lettre aux Phlladel- sédés, qu'ils n'étaient pas des dieux , liiais
phieiis, n. 7, s'exprime ainsi : « J'allestc ce- do mauvais esprits, et à rendre ainsi témoi-
lui ponr lequel je suis enchaîné, que je n'ai gu.ige à la crovance des chrétiens. Il ajoute
()oinl connu ces choses de inui-méme, niais qiie cette espèce de révélation ne pouvait
que c'est l'iîsprit qui me les a révélées et qui. pas être slispecte aux [Kifens. Au reste, Do.l-
m'a dit : Ne faites rien sans Vécêque. » l)ans Wel allègue avec ci nfinnee l'aoïeur des Ac~
la lellre circulaire que l'Eglise de Stnynie les du inarlijre des saintes Perpétue et Féli-
écrivit au sujet du martyre de saint l'oly- cil'', qui a ècil l'an 202, qui rjipporte leurs
carpe, il est dit, il. 5 et 9, qde ce s.iint mar- visiom piuphéiiques, et qili, loin de favoriser
tyr eut une vision |ien(laut son sommeil, ijui les montani-iles,, secnble argumenter cnnlre
lui fit comprendre qu'il serait brûlé vif, et eux. l'eu de temps après , Origène , contre
qu'en entrant dans le stade on entendit une Celse, I. i , n. k\i, témoignait ((ue , de son
voix du ciel iiui lui dit : Co.'fror/c, Po/î/cnr/jg, temps, il restait encore chez les chréiiens
sois constant. Ewièhc , Hisl. ecclés. , I. m, des signes évidents des dons du Saint-Esprit,
c. 37, rapjiorte <iue , dans ce même temps , qi'iis ehassaient les déinons. qu'ils giiéris-
Quadratus cl les filles de Philippe élaieul salent les m, iladies, qu'ils prédisaient lesévé-
doués du don de prophétie, et que les prédi- nemculs futurs, par la volonté du Veibe divin,
cateurs de l'Evangile avaient celui (l'opé;er îl dit e!i avoir vu plusieurs exemples, et il
des miracle'-. — Siint Justin , Diol. cun prend Dieu à léiuoin de 11 vériîe de son ré-
Triph., n. 52 el 82, lait observer que depuis cil. Il cîi parle enrore, l.vii, n. 8. Saint De-
là venue de Jésiis-CInist il n'y a plus de ois d'Alexjindrie, son condisciiile , dans une
prophète chez les .Inifs et que l'esprit pro- de ses lettres rapportée par Knsèbe , Hist.
phéliiiue a éié cominuni;iné aux chréiiens. ecclés., \. y\, cap. 40, proteste devant Dieu
Siint liénèe , fo«(ra //(cr., lib. ii , c. 32 («/. (ju'il n'a fui (lendant la persécnlion c!c
47), n. ?|., atteste que de son temps, Dieu ré- Dèce, que p,ir line inspiration et un ordre
pand.iit sur les fidèles, a<ec abondance, les exprès de Dieu. t)n peut trouver au moins
dons du Saint-Esprit; ()iie les uns chassaient dit exemples semblables dans saint Cypnen.
les démons, ou étaient doués de l'esprit p;o- 11 sufiil di; ciier sa lettre neuvième ( a^
phélique; que les autres giiérissai'nt les ÎO ) ad Cteriim.u Dieu, dit - il , ne cesse
malades ou ressuscitaient les mor;s. o On de nous réprimander le jour et la nuit. Inilé-
ne peut pas compter, dit-il, le noj.ibre des pemlamnienl des viiuns nocturnes, des en-
grâces que l'Eglise répand tous les jnurs au ianls même, dans l'innocence de l'âge, ont
nom de Jésiis-i]lirist , pour l'avant.ige de des extases en plein jour, dans lesquelles ils
loules les nations. » Il ajoute que ces divers voient, enleudenl et déclarent le» choses
prodiges contribuaient beaucoup à couver- dont Dieu veut lious iiverlir et nous in*.iriiire.
tir les gentils. V ous saurez tout lorsque je serai de retour,
Tous CCS monuments regardent la Gn du par la grâce de Dieu qui m'a commande de
'r et le comiiienrement du n° siècle. Les m'éloigner. » Ce saint niarlyr fut averti de
écrivains téméraires qui ont avancé que de- même, avant la persécution qui recommença
puis les .ipAlres il n'y avait point eu parmi sous Gallus el Volusien, el il fut convaincu
les chréti.ns d'antres visions proplutiques de sa propre mort prochaine. Dieu en agis-
ijiie celles de îtlontin et de ses ilisciples , s;iit ainsi, afin de préparer les fidèles aux
n'ont pas consulté les dates. Cet hérésiarque épreuves auxquelles ils allaient bientôt é^re
n'a paru que vers le milieu du ,i^ siècle , et exposés; et la publicité que l'on donniil
plusieurs des témoignages que nous venons d-'aborJ à loijtes ces révélations, leur uni-
de citer concernent des personn.'rges qui iint formité et l'événement qui s'ensuivait, con-
vécu longtemps avant lui. Ces sectaires ne ciiuraient à démontrer que l'illusion ni l'Iin-
tireiit que s'altribuer une parie des dons po lure n'y avaient aucune part. On .ippor-
miiaculeux qu'ils voyaient ré(i;indiis parmi lait d'ailleurs les plus grandes précautions
les fidèles. Mais à peine eurent-ils publié pour n'y pas cire trompe ; saint Paul les
liMirs prétentions et leurs erreurs, qu'ils av.-iit prescriles, / 6'or., c. xii et seq. 1° L'e.n
furent réfutés p;ir des écrivains eeelésiasii- ne faisait alleiition aux «isi'ons prophéliijues
ques. De ce nombre furent Méiton, Miliiade, que (juand elles venaient de la part des per-
Sérapion , év é(iue d'Antioche , Apollonius , soiin-s dont les mœurs, la piété et les autres
Aslérius Urbanos, Apollinaire d'Hiéraples , vertus étaient connues d'ailleurs, (;t qUi
Caïus, prêtre de Home, etc. ; Eu^èbe et Plio- avaient tous les caractères sous lesquels
lius nous ont conservé les titres de leurs ou- !;ai:il !' i .w irt désiL'ué la charité, ibid.,
10G9 VIS
c. XIII, V. 4. 2° Comme les (idirles doués du
11. éini> esprit étaient on assez grand nombre,
si l'un d'entre eux avait avauré une révéla-
lion faosse ou doulcusi-, il aurait été con-
vaincu d'erreur par' eeux qui avaient reçu
de Dieu le disc-erneiiii'iit des esprits, c. xii,
V. 10. 3" L'on ne recevait comme vraies pro-
phéties (|ue celles qui annonçaient des évé-
nements ( onlin>;eiits et dépcadanls du libre
aihitre des hommes; lorsqu'il y avait de
l'obscurité, elles pouvaient être expli<)uécs
I ar ceux qui avaient le don de les interpré-
ter, c. \iv, v. 29, 011 l'on attendait que l'évé-
nement en eût conlirmé la vérité, 'i-" (lelles
qui ne pouvaient servir à l'édificatida de
ri']<;lisc, mais seulement à satisfaire une
Vaine curiosité, no furent juiiiais censées
êlre des révélations divines, c. xiv, v. 3.
S" L'on rejeta toujours celles qui avaient
pour auteurs des hérétiques , parce qu'elles
manquaient des caractères exijçés par saint
Paul, et parée que Jésus-Christ, qui a pro-
mis le Saint-Esprit à son lî;;lisc, ne peut pas
l'aecoriler aux sociétés révoltées contre elle.
Dien, dit ce même apôtre, n'est pan Is Dieu de
la dissension, miis de la pnir, c. xiv, v. 33.
6" L'on voulait qtie toute prédiction eût été
prononcée de sang-lriiid, et non dans les
accès d'une espèce de fureur, comme les
prétemlus oracles des païens ; saint Paul a
dit que l'esprit îles prophètes leur est sou-
mis, V. 32 ; il voulait que tout se fît avec
ordre el décerice, v. 'i-'l.
Dodwela donc raison de conclure que des
visions prophétiques , revêtues de tous les
signes doirt nous venons de parler, ne peu-
vent donner prise au mépris ni aux railleries
des incrédules. Mais il n'a consulté que les
préjuj^es du protestantisme, lors()u'il a déci-
dé que ce don du Saint- lis prit n'a subsisté
dans l'Eg ise chrétienne que jusqu'au temps
de Coiisiaulirt ; et qu'il n'y en a plus de ves-
liijes depuis celte époque. Il suppose fausse-
ment qu'Kusèbe l'insinue ainsi, Hist. ccdés.,
1. vil, c. 32. Si, en exposant les talents et les
vertus des saints évèques de son temps, il
n'a rien dit de leurs révélations ni de leurs
miracles, ce silence ne proive rien, il n'a
rien dit non plus de la plupart des faits qui!
nous avons cités dans les deux siècles pré-
cédents. Il est encore faux que les docteurs
du IV' siècle aient été étonnés de cette
prétendue cessation de l'esprit prophétique,
et (lu'ils en aient recherché les raisons ;
Dodwel, ijui l'al'lirme ainsi dans sa Dissert.,
§ 22, n'en donne aucune preuve; c'est à
nous d'en apporter du contraire. 1' ;\u mot
Mi!»\c.t.E, § 'i., nous avons fait voir qu'il
s'en est opéré dans rivalise au i\' siècle ,
;iu v el dans les suivants; pourquoi n'y
aurait-il eu plus de révélations? L'un de
ces dons ne vient pas moins du Saint-Esprit
que l'autre. De même que Jésus-Christ n'a
mis aucune restriction eu promettant le pre-
mier à ceux qui croiraient en lui, Marc, c.
XVI, V. 17; Joan., c. xiv, v. 12; il n'en a
point mis non plus à la promesse de l'esprit
de vérité, Joan., c. xvi, v. i'i; il la promis
au coalraire pour toujours, m œtcrnum,
VIS
1070
c. XIV, V. IG. Si l'un de ces dons élail capable
de contribuer beaucoup à la conversion des
païens, comment prouverat-nn <)ue l'autre
n'y servait de rien ? 2 Puisqu'il faut des faits
et des lémoignaRes, Tlieotloret, llisl. eiclés.,
I. III, c. 23 el 2'»., rapporte que la mr)rt de
l'empereur Julieu fut annoncée [lositivemeiit
par des chrétiens, plusieurs jours avant que
l'on pût en recevoir la nouvelle. La révélation
faite à saint Ambroise des reliques des saints
martyrs Gervais el Pruiais , elles mirai les
qui se (ireni à cette occasion, soiil attestes
p.ir saint Aiifîusiiii, témiin oculaire, el par
d'autres. Les prédictions et les mir.icles de
sailli .Martin ont élééirits par Sulpice Sévère,
qui avait été son di riple, et qui en aval vu
de ses yeux la plupart. L'éleclion des saints
évëques de ce même siè' le a été souvent (aile
en vertu (l'une révélation divine, et pli;S!eiirs
ont prédit distinclem. ni le jour el l'heure de
leur mort. Nous savons que les proleslanls
les plus hardis ont traité de fables, de frau-
des pieuses , d'impostures et de fourl.eries
tout ce qui s'est fait dans ce {;eiire au iv
et au v siècle, mais ils n'ont pas res-
pecté davantage ce qui est arrivé an ii*
et au III". Dodwel et les anglicans ne
peuvent faire aucun reprochi- contre les
témoins postérieurs, qui n'ait élé allégué
par les luthériens, par les calvinistes, par
les sociniens, contre les Pères de l'Eglise les
plus anciens. C'est doue aux anglicans do
nous apprendre pourquoi les mêmes règles
de critique ne doivent pas avoir lieu a l'égard
des uns el des autres. Aussi c'est ici un des
points sur lesquels ils sonl accusés par les
autres protestants de ne pas raisonner con-
séquemmeul. 3" Il est constant qu'an iv° siècle
et même au v% il restait encore beaucoup de
païens à convertir dans les Gaules, que les
vertus et les miracles de saint Martin et
d'aiiires saints évéqiies y ont iiifiiiiiuent cm-
tribiié. Les Anglo-Saxons ne reçurent la loi
cbretiene.e qu'au vr, el les autres peuples du
Nord encore plus lard. De quel droil peut-on
supposer que Dieu a opéré ces cou vers. ous
par des moyens lout dilTérents île ceux donl
il s'est servi au coaimeneeuient du ciiristia-
nisme'? Il n'est pas moins certain que, parmi
ceux qui y ont travaillé, il y a eu des hommes
qui onl imité le désintéressement, la pau-
vreté, le courage el la constance des apôtres;
sur (|uoi famlé souliendra-t-on que Dieu n'a
pas coopéré à leur zèle, comme il a fait à
celui des premiers prédicateurs de l'Evan-
gile, par des moyens suriialurels"? Ce zèle a
produit les mêmes effets, donc il a eu les
mêmes causes. Ces saiiils hommes otit obéi
au coinmaiidemeul de .lésus-Christ , ils ont
compté sur ses pioniessos. ils se sont sacri-
liés pour lui et pour le salut de leurs frères ;
ceux qui les accusent des vices les plus
odieux, manquent tout à la fois aux règles
de la saine critique, et à la reconnaissance
qu'ils doivent à Dieu pour la conversion do
leurs aïeux. Voy. Missions.
Dans tous les siècles, il a pu y avoir trop
de crédulité d'une part el un faux zèle de
l'autre ; mais il en a été de métue du lemps
«on VIS
des apAtres , puisque saint Jean ordonnait
aux fidèles de ne pas croire à loul ospiit,
mais de rnelire les espriis à l'épieuve, pour
savoir s'ils sonl de Diou, / Jo u\., c. iv, v. 1,
el que sainl Paul prescrivait des précau-
tions pour n'y pas êlro Irouipé. Plusii-urs
incrédules lournaienl en ridicule les révé-
lations dont parlait saint Cypriin. S'ensuit-
jl de là que l)i 'U n est l'auteur d'aucuae ré-
vélation ni d'aucun miracle? (^e n'est donc
pas selon les Intérêts de système qu'il faut
en juger, mais selon les règles de sagesse el
de circonspection prescrites par les apôtres.
Pour nous i\\\\ n'avons ni doux poids ni deux
mesures, nous croyons que le bras du Sei-
gneur n'est pas raccourci, qu'il a toujours
voulu la conversion des peuples, et qu'il n'a
pas cessé d'y coopérer; qu'il ne vei le pas
moins sur son Eglise dans un siècle que
dans un autre; qu'un auteur digne île foi i|ui
atli'sle un fait suni iturel doit ère cru, dans
quelque pays el dans q jelque siècle qu'il ait
vé u.
11 est impossible que, pendant un espace
de dis-sepl cents ans, il n'y ait p.is eu une
iniinité de personnes qui ont cru faussement
avoir eu <les visions profité, iques. ou avoir
reçu des révélations. Souvent on ne s'est pas
donné la peine de les examiner, parce que
ces faits n'avaient aucune relation avec le
dogme, ni auiunc iulliience sur la doctrine
de l'Eglise; ainsi le laps des temps leur a
donné un certain crédit. Les protestants ont
eu grand soin de les recueillir, d'en contes-
ter l'authenticité, et surtout d'y jeter du ri-
dicule. Ils en ont conclu ((ue les dogmes et
les usages de l'Eglise catholique qui leur
déplaisent n'ont été fondés que sur des fables
et des impostures. C'est comme si l'on di-
sait : de tout temps il y a eu de faux mon-
n lyenrs el de la fausse monnaie ; donc 11
faut bannir du commerce toute espèce de
monnaie.
Vision na Constantin. Voy. Constantin.
VISlTA'llON, fête célébrée dans l'Eglise
romaine en méoioire de la visite que la
sainte Vierge rendit à sa cousine Elisabeth.
Il est dit dans l'Evangile, Luc, c. i, v. 30,
que l'ange Gabriel, en annonçant à Marie
le mystère de l'incarnation, lui apfirit que
sainte Elisabeth, sa cousine, qui jusqu'alors
avait été stéiile, était grosse de six mois;
que Marie s'empressa d'aller voir cette pa-
rente qui demeurait avec Zacharie son mari,
Jans une des villes de la tribu de Juda. Il
paraît que c'était à Hébron, ville située à
vinn'l-tinq ou trente lieues de Na/aretb. Ou
présume que la sainte Vierge partit le 2{]
mars, et arriva le 30 à Hébioii. Elisabeth
lient pas plutôt enleniu sa voix, qu'elle
sentit son enfant tressaillir dans sou >ein :
^lle lui dit : Vous éles bénie entre loules les
lenunes, el le [mil de los enlraitles est b^ni.
Ce fut alors que Marie pi ononça le cantique
sublime qui commence par Matinifical , et
que l'Eglise répète tous les jours dans l'of-
fice divin. Après avoir demeuré environ trois
mois t liez sa cousine, elle retourna à Na-
zareth ; peu importe de savoir si elle partit
ViS
1072
avant ou après ,es couches d'Riisabeth. Il
est bon de remarquer que ces deux sainles
personnes ont montré dans celte circons-
tancf des connaissanres el des lumières
qu'elles ne pouvaient naturellement avoir.
Il est dit qu'Elisabeth fut remplie du Saint-
Esprit, elle s'écria : D'où me vient cette fa-
veur, que la mère de mon Seigneur vienne à
moi ? L'enfant que je porte vint de tressaillir
de joie. Vous éles heureuse d'avoir cru, parce
que tout Cf qui vous a élé dit par le Seigneur
s'accomplira. Ain-i Elisahel'i sut par révéla-
tion tout ce qui' l'ange du Seigneur avait dit
à Marie, et comprit le mystère de l'incariia-
tioii. Elle ajoute que le mouvement de son
enfant a été un tressaillement rfe joi'e ; ce
ne fut donc pas un mouvement naturel. On
en conclut que .lean-lîaplisle, dans le sein de
sa mère, fut éclairé d'une lumière divine, el
fut sanctifié par la présence du Verhe in-
carné dans le sein de Marie. La sainte Vierge
de Sun côté loue le Seigni'ur dans le style le
plus sublime des prophètes, et montre l'hu-
miiiti' la plus profonde; elle rappelle le sou-
venir des grau les choses que Uieu a faites
en faveur de son peuple, et reconnaît en elle
l'accomplissement des promesses qu'il avait
faites à Abraham et à sa postérité.
Les commentateurs protestants paraissent
peu touchés de touies ces circonstances; ils
semblent n'y rien voir de surnaturel ; on est
scandalisé en lisant les remarques toutes
profines de Beausobre sur ce chapitre do
sainl Luc ; il y affecte de comparer plusieurs
expressions de la sainte Vierge avec celles
des auteurs païens.
Quant à l'institution de la fêle, le premier
qui ait pensé à l'établir est saint Bonaven-
ture, général de l'ordre de Saint-François ;
il en lit un décret dans un chapitre général
tenu à Pise, l'ai'. 1263, pour toutes l.s ég'ises
de sou ordre. Dans le siècle suivant, le pape
Urbain étemlit cette fête à toute l'Eglise ; sa
bulle, qui est de l'an 13V9, ne fut publiée
que l'année suivante par Boniface IX sou
successi'ur. En lk3\, le concile de Bàle l'or-
donna de même pour toute l'Eglise et eu
fixa le jour au '•?. juillet. Quoique cette insti-
tution ne soit pas ancienne, elle est très-
conl'orme à l'esprit du christianisme, qui est
de uoiis rappeler souvent en mémoire les
principales circonstances des mysières de
notre rédemption. La sainte Vierge «'Ile-
même nous en adonné l'exemple, puisqu'elle
célèbre dans son cantique les bienfaits que
Dieu avait accordés à son peuple, mais qui
ne sont |ias d'un aussi grand prix que ceux
dont il nous a comblés par rincarnution de
son Fils.
Visitation (religieuse de la), ordre fondé
l'an 161ii, à Annecy eu Savoie, par sainl
François de Sales, et par sainte Jeanne-
Françoise Frémiot, baronne de Chantai. Ce
ne fut dans son origine tju'une congrégatiou
de fiilis et de veuves destinées a visiter, à
consoler et à soulager les malades el les
pauvres, et qui prenaient pour modèle la
sainte Vierge dans la visite qu'elle Ht à sa
cousine; elles ne firent d'abord que des
1075
voc
voc
«074
vœux simples. Mais par le cnnsei! du car-
dinal (le MarqaeinonI, archevêque de Lyon,
sainl François de Sales consenlil, conirc son
pieinJer dessein, à ériger ccUe fongrcj;atinn
en ordre religieux, afin de lui donner plus
de solidité. Il est principaloincnl drstiné au\
personnes d'un leuipéraiiicnt faible, et ijui
ne pouiraient p.is souieiiir un réj^iine aus-
lùre. Il Y en a trois nijiisons à Paris. Ordi-
naircnieut ces religieuses prennent de jeunes
personnes en pension, pour les élever dans
la crainte di' Dieu et les fornier à la piélé.
Cal inslilut a été confirmé par l'aiil V.
VOCATION; ce terme, dans le nouveau
Testament, signifie ordinairement le bieul'ail
que Dieu a daigné accorder aux Juil's et ;iux
(lent ils en les appelant à cioire en Jésus-
Ciirist , par la prcdic alion de l'Evangile.
Sailli Paul nomme constamment les fidèles,
les bieu-aiinés de Dieu, appelés à la sainte-
lé : dilectis Dei, vocaiis snnctis, Rom., c. i,
V. 7, eic. Saint Pierre, Epis!. I, e. i, v. 10.
les exiioite à rendre certaine, par de bonnes
œuvres, leur vocation et le choix que Dieu
a lait d eux. En second lieu, vocation dési-
gne aussi la deslinaiion d'un homme à un
ministère particulier; ainsi saint Paul se dit
appelé à l'apostolat, vocatus upostolus, Uom.,
C. I, V. 1. Il décide que personne ne doit
s'attribuer l'honneur du pontificat , s'il n'y
est appelé de Dieu, coniine Aarcm, Flebr., c.
V, V. k. En troisième lieu, il exprime l'elni,
dans lequel élail un homme lorsqu'il a été
appelé à la foi. Voyez votre vog\to\, dii
l'Afiôtre, / Cor., c, i, v. 2o, il nij a parmi
vous ni beauciiup de satjes ou de savants, ni
beaucoup d'iiommes puissants, ni un ifriind
nombre de nobles ; et c. vu, v. '20: Que chacun
demeure dans la vocation, ou dans l'etal de
vie dans lei/uel il a été appel'; à la fi, cir-
concis ou iucirconci^, libre un esclave, mnrié
ou célibataire. .Mais il y a quel<|ues passages
de saint Paul dans lesquels le mol de vuca-
tion merile une attention particulière. Rom.,
C. viii, V. 28. il dii ; Nous savons que tout
conlriliue au bien de ceux qui aiment Dieu,
secunduin propositum. Car ceux (/u'il a pré-
vus, il les a aussi prédestinés à devenir con-
formes à l'imuije de son Fils... Ceux qu'il a
prédestinés, il les a aussi appelés ; ceux qu'il
a appelés, il les a rendus jusies, il les a attssi
glorifies. Il est question de savoir ce que
saint Paul entend par vocation selon le des-
sein de Dieu, ou ce que signifie propositum
dans le siyleile cetapôire. Rom., c. iv, v. 5,
il dit : Au fidèle qui croit en celui qui justifie
l'impie, sa foi est réputée à justice , selim le
dessein de la qrûce de Dieu; c. ix , v. 11,
après avoir parle de Jacob el d Esaù, il ob-
serve qu'a\aiii leur naissain c, et avant qu'ils
eussent fait ni bien ni mal, il fut dit, non en
vertu de leurs œuvris, mois d'une vocation (/i-
i'iHf,raîni.' sera le serviteur du cMiei, afin que
le dessein de Dieu fût (.ccompli stl .n son
choix. Ephe'i., c. i, v. a : Dieu nous a pré-
destinés à être adoptés pour ses enfants ,
par Jésus-Chrisi et pour lui, selon le des-
sein de sa volonté : saint Paul le répèle ,
itfid., V. IJ Enfin, // Tim., c. i, v. 9 : Dieu
nous a délivrés et nous a appelés par sa vo-
cation sainte, non selon nos œuvres, mais se-
lon son (iessi'in et sa grdce qu'il nous a donnée
en Jé>nis Christ avant la révolution des temps.
Dans Ions ces pass iges le dessein de Dieu
est exprimé par propositum. Après les avo:r
comparés, il nous paraît évident que par ce
terme saint Paul a entendu le dessein que
Dieu a eu en appelant à la loi ceux qu'il lui
a plu, non à cau>e de leurs mérites | résents
ou futurs, mais par un choix tiès-libre et
très-gratuit, dessein el choix (jui sont une
vraie prédestination, puisque Dieu n'exécute
rien dans le temps, sans l'avoir résolu de
toute éleriiité. Aussi saint Augustin, liv. ii,
contra duas episl. Pelay., cap. 9, n. 22, a
cite ces mêmes passages, el les a ainsi ex-
pliqués contre les pélagiens , qui enten-
daient par propositum, non le dessein gra-
tuit el iiiiséi icordieiix de Dieu, mais le bon
dessein ou les bonnes dispusiiiuns de l'hom-
me. Le saint docteur dii à ce sujet : « Ce.s
gens-là igiiorenl ((ue quand il est parlé do
ceux ()ui ont éié appelés selon le dessein, il
e,>! question, non du d. ssein de l'homme,
mais de celui de Dieu, par lequel il a élu
avant la création du monde ceux qu'il a
prévus el prédesiinés à être conformes à
l'image de son Eils. Car tous ceux qui ont
été appelés ne l'ont pas été selon le dessein,
p iisqii'il y a beaucoup d'appelés et p'.u d'é-
lus ; ceux là onl donc été appelés selon l»
dessein, (;ui onl cté élus avant la création
du monde. « Les partisans de la prédesti-
nation absolue ont trouvé bon de supposer
((ue, par les élus, saint Augustin a eniendu
les bieubeureux, et par le dessiinde Dieu, la
prédesiinaiion à la gloire éternelle. Il n'eu
est rien. 1' Il s'agissait seulement dans cet
endroil de prouver contre les pelagieus que
la prédestination à la grâce ei à la loi est
purement gratuite, indépendante de tout
mérite et de toute bonne disposition de la
pari de l'homme, jamais il n'y a eu aucuno
dispute entre saint Augustin et les pélagiens
touchant la pré lesti.iation à la gloire éter-
nelle ; si donc le saint docteur semble con-
fondre quelquefois ces deux prédestinations,
cela ne peut pas obscurcir le vrai sens des
paroles de saint Paul. 2" Il estéiident que,
dans tous les passages cités , l'apôtre s'est
uni({uemeut proposé de prouver que la giàce
de 11 loi accordée, soit aux Juifs, soit aux
gentils, n'a pas été la récompense de leurs
œuvres ni de leurs vertus, mais une grâce,
un don gratuit de la miséricorde de Dieu.
A quel propos saint Augustin aurait-il dé-
tourné ce sens? 3" Lorsque saint Paul et
saint Augustin disent que les fidèles sont
piédesliiiés de Dieu à être conformes à l'i-
mage de son Fils, il ne s'agit pas d'une con-
foruiité dans la gloire éiemelle , mais dans
la -sainteté et la vertu. 1 Cor., c. xv, v. 49,
l'Apo.re dit : De même que nous avons porté
l'image de l'hoiiimc lerr- sire , portons aussi
l'image de l'honm^e céleste. Il Cor., c. m, v.
18, après avoir parle de l'aveuglement des
Juifs, il ajoute : Pour nous qui voyons lu ^___^
gloire du Seigneur à découvert, nous somm&Wç'^^ U^J^
j
1075
VOEU
VŒU
1076
transformés en son image, et nous allons de
clarté en chirté, comme éclairés par l'esprit
de Dieu. Coloss., c. iii, v. 10 : Bevi'lez-voiis
de l'homme nouveau qui devient tel pnr la
connaissance, selon l'imaqe de celui qui l'a
crée'. Cf n'psi point là iinr conformilé ilans
ia floire. 4° Enfin, lorsque saint Augustin
dit que tous n'ont pas olé appolés selon le
dessein de Dieu, il onlend évidemment que
tons n'iint pas corri'spondu à ce dessein; et
qu'en rilanl le mi^l hraucoup d'appelés, mais
peu d':'lus, il a entendu comme l'Eviinpile et
comme saint Paul , que peu de personnes
ont cvirresprinda à leur vocation à la foi ,
puisque saint Paul nomme constamment les
fidèles, les élus de Dieu. Voyez Prédesti-
nation.
L'on convient généralement que, pour
embrasser l'étal ecclésiastique ou l'état re-
ligieux, il faut y être a pelé par une voca-
tion spéciale dé Dieu. Comme ces deux élats
imposent de- devitirs particuliers e( souvi nt
pénibles à ceux qui y sont engagés , on ne
peut espérer de Ips remplir à tni>in-> que l'on
ne reroive de Dieu les grâces nécessaires, et
il y aurait de la témérité à les attendre , si
l'on avait disposé de soi-même contre In vo-
lonté de Dieu. Sans doute il ne révèle point
à chaque particulier le so^t qu'il lui destine,
mais il y a des signes par lesquels on peut
juger prudemment que l'on est anpe'é A tel
étal plntAt qu'à tel autre. Une inclination
constante et longtemps éprouvée à s'y cin-
sacrer, un goût décidé pour les pratiques et
les devoirs qu'il impose, un Ions; exercice
des vertus qu'il esige, un délachement ab-
solu de tout intérêt et de tout motif tempo-
rel, V'ilà desmariiue< non équivoques d'une
vocation solide. C'est pour s'e i assurer
qu'ont été établis les divers ordres de la
cléricalnre et' les sér, inaires pour l'état ec-
clésiastique, les épreuves et le noviciat pour
l'étal relii'ieux. Ceux qui ont de la peine à
s'y soumetire doivent se défier l>eaucoup de
leur vocaliiin. et craindre que les engage-
ment- qu'ils formeront ne soient pour eux
une source de nial'ieurs pour ce monde et
pour l'autre. Ces considérations nous font
comprendre la grièveté du crime des parents
qui veulent forcer la vocation de leurs en-
f.iiils, et de ceux que séduisent ces derniers
et leur pe suadent faussement que tel et it
leur convient, qui leur en représentent les
avantages, sans leur en exposer les devoirs
et les inconvénients, c!c. Mais, par la vigi-
lance et les précautions qu'apportent les
pasteurs dans l'examen des sujets, le mal-
iieur des fausses vocntions est beaucoup
plus rare qu'on ne le croit communément
dans le monde.
VOI'D, promesse que l'on fait à Dieu
d'une chose que l'on croit lui être agréable,
ol a laquelle on n'est pas obligé d'ailleurs.
C'est ce (|u'enlendenl les théologiens, lors-
qu'ils disent que le vœu est promissio de me-
li';ri hono. Promettre à Dieu d'accomplir tel
conuiiasiJemeut qu'il nous fait , ou d'éviter
telle chose qu'il nous défend , ce n'est pas
un vœu, parce que nous y sommes obligés
d'ailleurs par sa loi.
Est il permis et louable de faire des va>iix,
et lorsiju'on in a fait est-on obligé de les
accomplir? Cela ne peut être mis en ques-
tioi. que parreux qui ne veulent pas avouer
qu'il y a de bonnes œuvres de surérog.ilion,
que Jésus-Clirist nous a donné des conseils
de perfection , et qu'il y a du mérite à les
pratiquer. C'est une erreur des protestants ,
que nous avons réf'itée ailleurs. Voi/.OV.v-
VREs, CoNSRU.s liVANGÉLiQiES. Quaud le bon
sens ne suffirait pas pour nous persuader le
contr;iirc, l'histoire sainte nous en con-
vaincrait. En effet, Dieu n'a pas dédaigné les
Dœua; que lui ont faits les patriarches ; Ja-
cob promet à Dieu de lui offrir la dîme de
tous les biens que sa providence daignera
lui accorder, et ce vœu est agréé de Dieu,
Gen., c. xxvMi, v. 22; c. xx\i, v. 1.3. Ai' si
en avait agi Abraham, en donnant à Melchi-
sédech la dîme des dépouilles qu'il avait
reprises sur les rois qq'il avait \ain(us,
c. XIV, V. 20. David fait vœu de bâtir un tem-
ple au Seigneur, et Dieu lui promet que cela
sera exécuté par s^n Gis. II liefj,, c. vu, v.
13; Ps. cxxxr, v. 2, Les principaux Israé-
lites s'obligent à contribuer aux frais de cet
édifice, et ils accompli^se^t leur v(eu, I Pa-
rai., c. XXIX, V. 9.
Les livres de iloïse contiennent piusienrs
lois louchant les différents vœux que l'on
pouvait faire, touchant l'obligation et la ma-
nière de les accomplir. Nous voyons, Levit.,
c. xxvii, V. 1, qu'un homme ou une femme
libre pouvait se vouer au servi' e du Sei-
gneur dans son tabernacle, qu'un père pou-
Tail y consacrer un de ses enfants ou un
esclave. Dans la suite on nomma ces der-
niers nnthinéens, donnés à Dieu. Voy. ce
mot. S'ils n'accomplissaient pas ce vceu, ils
devaient ôt(-e rachetés par un prix ((ue la loi
avail flxé. Nous lisons er.core, Num., c. vi,
V. 1, qu'un homme ou une femme pouvait
faire le vœu du nazaréal poqr un temps ou
pour toujours, et que ce vœu les obligeait à
ceriaines abstinences : il est dit, v. 8, qu'un
nazaréen est consacré à Dieu, Sanclus Do^
mino ; Samson , Samuel, Jcao-BapUsle, en
sont des exein|)les. Voq. Nazakéat, Kécua-
BiTEs. Nous avons parlé de la (iile de Je()lilé
en son lieu, Voy. Jeputé, L'obligation d'ac-
complir les vœux est cl aireuiei.l établie,
Dent., c. xxiu, v, 21 ; Job, c. xxii, v. 27;
Ps. Lxv, V, 13 ; ticcl., c. v, v. 3, etc.
Quoique les protestants aient beaucoup
déclamé contre les vœux en général, les
commentateurs anglais de la Bible de Chais,
dans leurs notes sur le Lévitique et sur les
Nombres, ont très-bien expliqué la nature
des vœux dont il y est parlé ; ils en ont re-
connu la sai.itclé et l'oliligaiion de les ac-
complir. Cependant quelques incrédules ont
prétendu ((u'un vœu comliiionnel , tel que
celqi de Jricob, est indécent ; c'est, diseul-
ils, une espèce de marché fait avec la Drvi-
nilé, par lequel l'homme semble lui imposer
des lois et lui prescrire des conditions : con»
duite intéressée et uiercenairu que Dieu ne
1077
VŒU
VOEL
1078
peut pas npprouver. Fausse décision. Lors-
que J col) (lit : Si le Seigneur (Jaignir me prc-
li'ger. vie ramener snin et snuf, et lu'aci order
ses bienfaits,- je lui donnerai la Uime de tout
ce (jue je posscderni. Ce n'csl ni un marché
ni une iii;ir(]ue d'.iinbilion, mais une pro-
messe (le reconnaissiince ; J.icob se prescrit
à liM-niêiiie, et non à Dieu, une lui à lii-
qu'lle il n ifiail pas tenu d'ailleurs. S'il n'a-
v;iil reçu de Dieu aucun bien lemporrl, il
n'auruii pas pu lui en pn^er lu dime ; si
Anne, mi^re de Samuel, n'av.iil pas obtenu
«le Dieu un (ils en ci)nséi|uence do son tiœii,
elle n'auraii pas été dans le cas de le consa-
crer au Seipiieur; si les compagnons rie .lo-
uas n'avaienl pas é(é sauvés du u-iuCiage ,
ils n'auraient p.isélédans robli'jation d'ac-
complir les rceux qu'ils avaicnl l'ai s au fort
de la lem()ète, Joan., ci, v. Kî. Puisiiu'il
est louable de témoigner à Dieis de ta re-
connaissance, il est louable aussi de le lui
proinct'.re.
Puisqu'il a plu au Seigneur d'agréer ics
vaut- des hommes sous la loi de nalure et
sous celle de Moïse, y a-t-il des raisons de
croire i|u'il n'en veut plus S'ius celle de l'Ii-
vangili'?Cc serait à ceux qui les blâment de
le prouver. Ou ne peut pas les envi-ager
comme des pr.'.li^iufs de la loi céiémoiiielle,
puisi|u'ils sotit plus anciens qui^ celte loi, et
que -les apôtri'S mêmes en ont l'ail. Postérieu-
rement au concile de Jérusalem, dans le-
quel il avait été décidé (]ue les cérémonies
mosaïques ne servaient plus île rien au sa-
lut, Aci., c. XV, sain! l'aul (il encore le vœu
du naz.iréal, et l'accomplit à .lérusalem, c.
XVIII, V. 18; c. XXI, V. 16. .\u mot ('f:LinAT,
nous avons cité ce qu'a dit Jésus-Christ de
ceux qui l'ont embrassé ;jo«r le roijnnme
des deux; qu'ils l'aient fait (lar un tœti ou
par une réso'ulion ferme et irrévocable, cela
est égal. Puisque Jésus-Clirist a donné des
conseils de perfertion, et qu'il y a du niériie
à les pratiquer, il y en a aussi à les promet-
tre p.iruu vœu, et c'est à quoi engagent les
vœux sideniu'ls de religion.
Ceux qui soutiennent le contraire ont pré-
tendu que ces vivux ont été inconnus dans
ri'^glise jusiju'au iv" siècle, que c'est saint
Basile qui les y a introduits, ou du moins
qui en a parlé le premier. Ils sont dans l'er-
reur: 1° saint Paul, / Tim., c. v, v. Il et 12,
parlant des jeunes veuves (jni veulent se
reiuarier, dit qu'f//es ont violé leur premier
eng Kjeinenl : primum fi'Iem irriiain fecerunt.
Ni>us soutenons que cela doit s'ente/idre
d'un vœu ou d'une promesse solennelle que
Ces femmes avaient fait de vivre dans la con-
tinence; ainsi l'entendent les interprèles ca-
tholiques et les protestants les plus sensés.
On ne peut pas prouver que les filles d'un
certain âge ne fussent pas admises dès lors à
faire de même; saint Ignaci- les met de pair,
Kpisi. nd Smijrn., n. 13. 2' .Vu m' siècle,
Terlullien appelle les vierges, i s épouses du
Seigneur, des personnes consacrées au siècle
futur, et i|oi ont mis un sceau à leur chair ;
il (ail mention expresse du vœu de conti-
nence, de Virgin, velandis, c. 11. Sainl Gy-
prien, Epist, 01 («/. 4) ad Pompon., par-
l.int des vierges, dit : « Si par un eun-a"e-
ment de fidélité, ex fide, elles se soni consa-
crées <i Jésus-Clirist, qu'elles persévèrent en
vivant dans la pureié et la chasteté. » (1 re-
garde rinfilélilé d'une vierge ciumiic un
adultère commis contre Jésus-Chri>t. Cela
suppose une promesse ou nu vœu qu'elles
ont fait. 3" Le concile d'Ancyre, tenu l'an
313, avant répiscojial de sainl Hasile, décide,
cnn. 1!), que toutes celles qui violeront leur
profession de virginité, seront soumises
comme les bigames à un on deux ans d'ev-
coiiimnnicalion ; celui de \ aleuce en Dau-
phiné, l'an 37V, veut qu'on leur diffère la
pénitence jus(iu';'i ce ou'elles aient pleine-
ment salisf.iit à Dieu. 11 n'aurail pas été juste
de leur inlliger une peine, si elles n'avaipiit
pas l'ail un vœu. Cette discipline fut confir-
mée par le concile général de Clialcéiloine,
et par plusieurs autres tenus en Occident ;
elle était donc la même chez les Crées et
chez les Latins. Aussi la prati(iue des vœux
monasliqucs a persévéré conslamment et
dure encore citez les nesloriens , chez les
eulychiens ou jacobites, chez les maronites
syriens et chez les Grecs schismaliques.
Si les prélenlus réformateurs avaient élé
mieux instruits, ils n'auraient pas dé. lamé
avec tant d'indécence contre les vœux en
gén 'i-al, surtout contre les vœux solennels
de religion, ils auraient res|iecté les monas-
lères, et ils n'auraient pas fourni aux incré-
dules les invectives que es derniers ne ces-
sent de répéter. Ils disent que c'est altenlpr
aux droits de Dieu, de nous priver de la li-
berté naturelle (|u'il nous a donnée; ((u'il y
a de la lémériléà nous imposer nous-mêmes
une obligation perpéiuelle , sans savoir si
nous aurons la force cl la constance de la
rernpiir. Ordinairement les vœux sont uit
clï(!i de la légèreté de la jeunesse, d'un accès
de mé ancolie pass igore, de la séducijon ou
du despotisme des parents, et sont prc-que
toujours suivis d'un repentir amer; loin
délie utiles à la société, ils la privent des
services que i^ourraieut lui rendre des per-
sonnes de l'un et de l'autre sexequise vouent
à la clôture et à riuutili:é. Folle censure
s'il eu lu; jamais; déjà nous en avo;is dé^
montré l'absurdité aux mois Cklib-vt, Moine,
KiiLiG.EiisE ; mais nous ne devons pas nous
lasser di; répondre A des reproches toujours
renaissants et varié> eu cent manières, t^leux
qui les font devraient commencer par prou-
ver que l'honiuie est né avec une libcrié na-
turelle illimitée, que c'est un bien pour lui,
par coii'iéiiuenl que tou'e loi quelconiue est
un attentat contre ce don de la nature. .Nous
soutenons au contraire qu'une lelle liberté
serait pour lui à tous égards le plus grand
de tous les maux. Comme la plupart de nos
semblables sont nés avec plus de penchant
au vice qu'à la vertu, le plus grand avan-
tage pour eux et pour la société sérail qu'ils
fussent enchiinés d'abord; Dieu l'a ainsi dé-
cidé, eu di-aut qu'il est hou à l'homme de
porter le joug des l'enfance, Thrcn,, c. m,
V. 27. Tel est devenu méchaul et dépravé,
1079
VŒO
VOEU
im
qui aurait été Irès-vertueux s'il avait vécu
sous l'empire d'une loi qui eûl écarté de lui
les teiitaiions du vice, linfm, si l;i lilierlé
est un don si précieux, il t';itil laisser à cha-
cun la liberté de fhoisir tel étal, et d'em-
brasser lel g;eiire de vie qu'il lui plaî'.
Puisqufi la religion a le pouvoir de nous
faire ainicr les lois qui nous smii imposées
parles hoinines, pourquoi ne réussirail-i'lle
pas à nous lairc chérir ci'l'es (lup loiis nous
sommes prescrites par un choix libre et i é-
fléchi ? JcsusCbrisl dit: Cliaif/cz-vous de
mon joug, il est doux, et mon lanieau est lé-
gfr; vous y trouverez le repos de vos âmes
(Miilth. XI, '29). Ceux qui se senienl appelés
par u e inclination conslanie à se cl)arger
du jou}{ des coiijpils é?angeliques, peuvent-
ils se défii-r di' celle parole du Sauveur?
Quand il serait vrai qu'un granil nombre
s'en r ■penlinl dans la suite, il s'ensuivrait
senleniesil qu'ils sont naturellement incons-
tants et qu'ils n'auraient pas élé plus heu-
reux dans 1. Il autre éiat. La plupart de ceux
qui se si>nt ei'gaoés dans le mai ia;;e s'en re-
pentent de iiiême ;de la nos philosophes ont
CoPciii que le divorce devrait être permis ;
ils ont aussi mal raisonné sur un de ces su-
jets (joe sur l'aiilie. Il n e-.t ceriaiiieu'eot
pas d'' l'iutérèl <le la socié'é de fivor.ser l'in-
constance humaine, il n'v aurait plus rien
de solide ni de stable dans la vie civile. On
voit Ions les jours lies hommes aussi en-
nu)és de leur lilierté que les autres le sont
de leur engagement, mais ce ne sont pas
ceux qii rendent le plus de services au pu-
blie. Au reste nous avons déjà ol.servé plus
d'une lois ((iie celle prétendue mullilude de
personnes dégoûtées de leur élat, repeinan-
tes et malheureuses dans les cloîtres, sont
une fausse iihagination des incrédules.
On ne doit pas être surpris de voir des
écrivains sans religion condamner loul ce
qui se fait par religion; mais il y a lieu de
s'étonner, lorsque l'on en trouve qui se
donnent pour ciirétiens, et qui déclament
contre les vœux d'une manièri' plus scan-
da eiise que les incrédules mêmes. C'est ce
qu'a f il l'aiileur de l'ouvrage intitulé : Les
Inconvénients du célibat des prêtres, c. 16.
Il a compilé toutes les objections cies pro-
te^tanls, il n'y a rien ajouté que des absur-
dités et des ( ontrnuiclions. Il dit d'abord qu'il
est juste et louable de vouer à Dieu une par-
tie de ce qui noui appartient, mais que cela
est supeiflii, parce que Dieu n'en a pas be-
soin, et que cela ne tourne qu'au profit de
ses minisires. Il ne nous est pas donné de
concevoir en quel sens des ofirandes super-
flues peuvent êlre justes et louables. (Juoiijue
Dieu n'ait besoin de rien, il avait cependant
ordonné des offrandes dans l'Ancien Tesla-
iTient, et Jésus-Christ les a louées dans l'K-
vanuile, Mallh., c. v, v. 24; Luc, c. xxi,
V. Set 4, etc. J ui dit au Seigneur: Vous
êtes mon Dieu, vous rt'avez pas besoin de mes
biens. C'était le langage de ï):[\\i\, psaume \\,
V. 2. Personne néanmoins ne fit jamais au
Seij^iieur de plus riches olîrandes que ce roi ;
Saluuion sou fils s'exprimait de même, cl
n'en suivit pas moins son exemp.e. Du moins
les holocaustes ne tournaient point au profit
des prèlres, puisque toute la uclimc était
consumée par le feu ; nous ne voyons pas
non [ilus en quoi ils ont profilé des dons
de David et de Salomon. Voy. Offrande.
— Noire critique prétend que le nazarcal
n'obligeait à rien de gên;mt ; il se trompe.
Dans les climals chauds une longue cheve-
lure est iniommode; les Orientaux se s-ont
toujours rasé la lêie, ils le font encore au-
jourd'hui. L'abstinence des liqueurs fortes
leur est plus difficile qu'à nous; les maho-
niétans, à qui leur loi en interdit ^u^age, y
suppléent |iar le moyen de l'opium. Il e«l
proliahle d'ailleurs que les nazaréens étaient
encore assujettis à d'autres observances dont
l'Ecriture n'a point parlé. Voy. Nazaréat.
— Il y a, continue le même censeur, des
vœux illégitimes, il y en a de téméraires ;
notre volonté est trop inconstante pour sup-
porter des chaînes éternelles. Nous répon-
dons qu'il y a aussi des mariages illégiiimes,
el un Irès-grand iionibre sont léi;iéraires :
ils sont cependant indissolubles, dès qu'ils ne
sont pas nuls. Encore une fois, l'on ne peut
(las faire une seule objection contre les vœux
perpétuels, qui ne puisse se tourner coiiire
l'indissolui ililé du mariage. Un vœu témé-
raire peut être commué, quelquefois on peut
en êlre dispensé ; on permet souvent à un
n-ligieux mécontent de son ordre, de passer
dans un autre, etc. Les personnes mariées
n'ont pas les mêmes ressouices, parce que
l'intérêt de la société s'y oppose. — Pour
fixer, dit-il, notre inconstance, c'est un mau-
vais moyen d'asservir le corps, en laissant
les désirs libres, et de mettre nos penchants
en contradiction avec nos devoirs : s'il avait
réfléchi avant d'écrire, il aurait compris que
le vœu de chasteté, par exemple, ne laisse
pas plus libres les désirs de l'inconlinence,
que le mariage ne laisse libres les désirs de
l'adultère, el que tout désir réHéclii d'une
chose illégitime est criminel par lui-même;
il auraii senti que toute la loi qui nous gène
met en contradiillon nos devoirs avec nos
penchants, et que pour laisser un libre
cours à noire inconstance, il faudrait sup-
primer tous les engagements et toutes les
lois. Nous convenons (|ue tout homme né
avec un penchant violent à riinpudicilé agi-
rait léniéralremenl en taisant le vœu de clias-
lelé, iiwiis il ne s'ensuit rien : tous les hom-
mes ne sont pas dans ce cas ; il en est un
plus grand nombre pour qui la continence
n'a rien de pénible. — Selon lui, tous le*
vœux possibles ne peuvent pas faire éclore
une nouvelle vertu ; les règles monastiques
ne comniandenl que des puérilités, ne ten-
dent qu'à exercer le despotisme des chefs, et
à fatiguer inutilement la patience de ceux
qui obéissent. On croit entendre parler un
déiste qui soutient que toutes les lois posi-
tives ne peiiveni pas nous prescrire une seule
virtu qui ne soii déjà commandée par la loi
naturelle, que tout le reste m conlribu' en rien
à la perfection de l'homme ni du citoyen. Il
n'est pas Liesuiu de créer des vertus nouvelles,
1081 VŒU VŒl mi
mais do pratiquer Ips anciennes; or, la chas- mieux, dit saint Paul, se marier, que de
tetô, la pauvreté volontaire, l'obéissance, la brûler. » Nous soutenons que l'on peut et
piété , la charité fralernelle , hi moriifica- que l'on doit promettre de n'avoir jamais de
lion, etc., sont des vrrtiis , nous l'avons désirs voloniaires, réfléchis el délibérés,
prouvé en son lieu. (Te-it une .ibsurdilé p.ircc qu'ils sont criinini'ls; qu>> les désirs
d'iiiiaf;inpr qu'un supérieur de religieux ne indélibérés, involontaires, el aux(|ucls on
commande à ses inférieurs que pour le résiste, ne sont pas des pèches, mais des
plaisir (l'exercer son despotisme et de l'ali- épreuves pour la vertu. Saint Paul ne com-
giier leur patience; on le fer;iil bieniôl re- mande ni ne conseille le mariage à ceux qui
pentir de cet abus de son aulorilé. P;ir dé- oui des désirs, mais à ceux qui ne sont p;is
cence ou par honte, l'auteur ;iurait dû continents, quoil si mm se anilinenl, nul) nt
s'abstenir de répéicr les invectives des in- (/ Cor. vu, 9). Ainsi par brûler saint Paul
crédulis, d'écrire que I(î vwh d'uliéissance n'entend pas avoir des désirs iuvoiontiiires,
est une renonciation à l'usage de la raison, ni.iis y lonscntir el y snccomber. Cetie falsl-
qni lait d'un être raisonnable une brute et ficalion du texte de l'Apôlre est un vol que
un auiomale. Ceux qui ont fait ce vœu pour- l'auteur a fait aux prolesianls. Il ne sert à
ront répondre qu'ils ont plus île raison el de rien de rappeler les crimes do quelques
bon sens que ceux qui leuc insultent, puis- vierges inlidèles à le ir vku, dont saint Jé-
que ceux-ei ne foui que déraisonner. <Jue rôiue a fait mention dans sa dix-huilième
sii;ni(ie en effet celle phrase : « Le rœn de lettre A Euslochium ; il n'a pa<^ rapporté de
pauvreté est illusoire, puisqu'il conduit à ne méoie loules les turpitudes des filles non
manquer de rien : l'indigence et la mendi- mariées et des femmes adultères, la liste en
ciié sont une lentaiion plus dnigereuse que auriiil été trop longue. Les vierges peu
les richesses ? » Nous ne concevons pas chastes ne snni pas lomliées dans l'inconli-
cumnienl ceux ()ui ne inan(|ueut de rien sont nence parce qu'elles avaient fait des vœux,
néanmoins dans l'indigence. L'auieur n'a elles y seraient tombées encore plus aisé-
pas vu (|u'il lançait un sarcasme contre nieni, si elles n'en avaient point lait, il est
Jésus-Cbi isl même. Ce divin M.iilre envoyant absurde d'atlriliuer un crime aux précautions
ses disciples prêcher l'Evangile, leur défend mêmes que l'on avait prises pour s'en pré-
de porter iivec eux de l'argent ni des provi- server. Si l'on veut y réfléchir, on verra
siens, Mdllh., c. x, v. 9 ; il leur demande qu'une personne qui a fait vœu de chasielé
ensuite : Loisque je vous ni envoi/és, avez- n'esl obligée à rien de plus ((ue celle qui est
vous manqué de rien ? Ils lui répondent : Sun, réduite à vivre dans le monde sans pouvoir
Seigneur. Luc, c. xxu, v. 33. S'ensuil-il d(! se marier.
là que le commandement de Jésus-Christ L'âge auquel les lois ecclésiastiqnes el
était illusoire! Aux mois I'alvbkté el Mi'.n- civiles permeiienl les vœux, est assez mûr
DiANT, muis avons justifié ceux qui inillent pour que les jeunes gens puissent savoir à
la conduite des apôtres. quoi ils s'engageul et de quoi ils sont ca-
Oserons-nous relever ce qu'a dit ce crili- pables ; le lemps des épreuves et du novi-
que licencieux contre le vœu de chasteté? ciat est assez long pour connaître par ex-
a 11 n'est pas permis, dit-il, de vouer ce qui périenc*- les obli^aiions, les peines, les in-
n'est pas en notre puissance; or, l'Kcrilure convénien's de l'élat religieux. En considé-
nous assure que la continence esl un don de rani les communautés dans lesquelles on ne
Dieu : il y a de la lemérilé à juger ()U il nous fail que des rœux siiuples, nous ne voyons
l'a donnée ou (|u'il nous la donnera, et à pas ()u'il en sorte un plus gr.ind nombre de
vouloir l'y forcer. » Morale scandaleuse, sujets qu'il n'en sort du noviciat des monas-
Toule autre verlu esl aussi un don de Dieu, léres où l'on f.iil des vœux perpétuels. 11
conclurons-nous qu'aucune n'est en iu)!re n'est donc pas vrai que ces derniers soient
puissance '/ Les disciples du Sauveur lui des cachots dans lesquels gémissent le re-
iiieiil cette objection touchant la pauvreté ; pentir, le regrel , le desespoir. En général ,
il leur répondit -.Cela est impossible selon plus les communautés observent une clAlu.e
les hommes, mais cela est possible à Dieu sévère et inviolable , plus elles sont régii-
[Matih. XIX, V. •JG). Il nous assure que nous lières, paisibles et heureuses; quand il y
obtiendrons de son Père tout ce que nous lui arrive du desordre, il a toujours pour pre-
demanderons avec conlîance, c. vviii, v.ll) ; mière cause la fréquentation des sécu-
c. XXI, v. 20 : il n'en a pas excepté la chas- liers.
télé. Ce n'est dune pas une lémériie que de On ne cesse de répéter que les vœux mn-
compter sur cette promesse, el il est alisurde nasiiqiies enlèvent à la société une infinité
de supposer que prier avec confiance el de sujets qui pourraient lui être ulil.'s.
persévérance, c'est vouloir forcer Dieu. Je- Nous soutenons au contraire que I du de
sus-Christ nous exhorte a celle espèce d'ini- les lui enlever, ces vœux lui ;issureiil des
poriuiiit(^ qui semble vouloir taire violence services qu' ne pourraient pas lui être ren-
à Dieu, Luc, c. XI, v, 8, elc. Lorsque saint dus aulreiiieni d'une manière aussi ellicacc.
Paul cuiiifiiandail la chasielé à tous les fidè- 'Irouverait-on beaucoup de personnes qui
les, il supposiiil sans doute qu'elle était en voulussent se consacrer au service des hô-
hnr pi'uvoir, (|u'ils pouvaieiii du moins l'ob- pitaux , au soul.igemenl des naïades pau-
leuir de Dieu par leurs prières. — «Peul-on, vres ou incurables, au soin des (U'piielins et
conllnue notre disseï t lieiir, pron):'tlre de des enfants ahanâonnes, à rinsliucttun des
n'avoir jamais de désirs? .'^i ou les a, il vaut ignorants, et à d'autres œuvres de charité
1083
VOI
vol
1081
auxquelles le clergé séculier ne peut pas
sulfirc, s'il n'y en avait pas un grand nom-
bre des deux sexes qui le font par vœu et
par motif de religion? Sans les voeux, i\''cun
des éta' lissenn'nls destinés à secourir l'hu-
m.inilé souffrante, ne sérail ni stable ni so-
lide. Nous ajou(ons cncoie que les ordres
mêmes qui g.irdenl la clôture n'ont j;!niais
été plus nécessaires qu'aujourd'hui. Dans
un siècle coi rompu par le luxe, par la li-
cence lies mœurs et par l'irréligion , dans
lequel les revers de fortune sont Iréq^ionts,
les mariages diflitiles et souvent malheu-
reux, il laut des asili'S où puissent se reti-
rer ceux qui n'ont rien à espérer dans le
inonde , ou la vertu pauvre et méprisée
puisse se cacher et trouver le repos, où la
simplicité des mœurs fasse prescription
contre la perversité publinue, et servi' d'a-
pologir à riivangile. En dépit des clameurs
de nos politiques incrédules, ces saintes re-
traites , presque aussi anciennes que le
cbrislianisme , subsisteront autant que lui.
Ce qui regarde la validiié on la nullité des
dispenses, l'interprétation ou la commuta-
tion des vœux, csi plus du ressort des cano-
nistes que des théologiens.
Voeux du Baptême. On appelle ainsi les
promesses que fait un catéchumène, lors-
qu'avant d'être bapiisé il renonce à S;it.'in,
à ses pompes et à ses œuvres. Ce prélimi-
naire a été prescrit dans la rigueur pour les
adultes qui lenonçaieiii à l'idolâtrie ou au
culte des démons pour embrasser le chris-
tianisme. Lorsqu'on b;iptise un enfant, c'est
le parrain et la marraine qui font ces pro-
messes au nom du baptisé, alors elles ne
regardent point le passé, mais l'avenir.
Parmi les hérétiques des derniers -iècles,
les uns avaient enseigné que les lœtix du
bapléme annulaient Ions les autres l'tfua:; les
antres, que les voeux du bapiisé m; l'obli-
geaient pis à obseiver toute la loi chré-
lieniie, mais seulement à croire en Jésus-
Christ; le concile de Trente a condamné les
uns et les autres, sess. 7, de Bapt. can. 7
61 9.
Les Ihéologiens appellent aui-si vœu du
hnptéme , la volonté ou le désir de recevoir
ce sacrement, lorsqu'on ne peut pas le re-
cevoir en elTet ; dans co sens, ils liisenl que
le b.iplème e»t absolunienl nécessaire, vel in
re vel in voto, pour êire sauvé. Vuy. Uap-
T&ME. D.ins le discours ordinaire, vœu si-
gnifie souvent (léxir ou prière.
VOIlî ou CHlîMIN , se prend souvent dans
l'Ecriture sainte dans un sens Cguré. En-
trer dans la voie de toute la terre , c'est
mourir; la voie des nations, sont les usages
et la religion : mais, lorsque Jésns-Chrisl
dit à ses di^ciples, Mattli., c. x, v. ^ : IS'allez
point dans la voie des n-alions, cela signiiie,
n'allez point prêcher l'Evangile aux païens;
le moment n'en était pas encore arrivé.
Voie se prend encore pour la conduite : il
est dit, Prov., c. vi, v. G : Que le paresseux
nille à la fourmi, et iju'il considère lis voies
de cet animal. Les voies de Dieu sont ses
lois, ses volontés, ses desseins, la conduite
de sa Providence. Ps. en, v. 7, etc. hos voie»
de la paix , de la justice , de la vérité , sont
les moyens qui y conduisent. Ce mol dési-
gne aussi une profession , une secte , une
religion; Act.,c. ix, v.2, Saul deniar.da des
Icllres pour le grand prêtre , afin que s'il
trouvait des gens do la secte chrétienne,
/(u/ms viœ, il les menât liés à Jérusalem. La
voie large est une conduite relâchée qui
conduit à la perdition; la voie étroite, une
vie vertueuse et régulière qui mène au sa-
lut.
VOILE , pièce de crêpe ou d'étoffe légère
qui couvri" !a tête et une partie du visage.
L'usaije d'avoir la tète couverte dans les
temples n'a point été le même chez les dif-
férenls peuples, mène |iarmi les adorateurs
du vrai Dieu : mais la coutume la plus gé-
nérale chez les anciens a été que les sacri-
Ocateurs exerçassent leurs fonctions avec
la tête couverte d'un pan de leur robe, afin
qu'ils fussent moins distraits, et qu'ils ne
pussent porter leurs regards ni à droite ni
à gauche. Cornélius a Lapide cl d'autres ont
observé que , chez les Juifs, les prêtres ne
priaient et ne sacrifiaient point à tête ilécou-
veite dans le tabernacle ni ilans le temple,
mais qu'ils la convraicnt d'une liare <iui
était un ornement. Quant aux usages mo-
deriies, le savant Assémani rapporte iiue le
patriarche des nestoriens officie la tête cou-
verte, que celui d'Alexandrie fait de même,
ainsi que .les moines de saint Antoine, les co-
phtcs, lesAbys>ins et les Syriens maronites.
Cela n'est point étonnant chez les Orientaux
qui ne se découvrent jamais la tête. En Occi-
dent, où c'est une marque de respect de se
découvrir en présence d'une personne que
l'on vi'ui honorer, il a paru plus décent que
les prêtres fissent leurs fonCiioDS la tête dé-
couverte.
A l'égard du con>mun des fidèles, saint
Paul a décidé que les hommes doivent prier
à visage d, couvert, et il *eut que les léunnes
soient voilées dans les temples, / Cor., c. xi,
V. 10. En AIrique, du temps de Tertnliien,
les femmes allaient à l'église voilées; ou per-
mit aux filles d'y païaîire sans voile: ce pri-
vilège lesfiatla, mais Terlullien soutint <|ue
c'était un abus, et fit à ce sujet son livre de
Yirginibus velamii^i. Ceux qui en pren-iient
la défense prétendaient que cet honneur était
dû à la virginité; qu'il caractérisait la sain-
teté des vierges ; qu'étant remar(|uabliS d.ins
le temple du Seigneur, elles invitaient les
autres à imiter leur exemple. Tertuliieu ne
goûtait point ces raisons : où il y a de la
gloire, di(-il, il y a de la vanité, de rinteiél,
de la contrainte, de la faiblesse; or la virgi-
nité contrainte est la source île tous les cri-
mes. Clément d'Alexan irie é;nit d'avis que
les filles doivent porter un voile dans l'église
aussi bien que les femmes, afin de ne pas
scandaliser les justes. Il y a encore des pro-
vinces en France où les filles ne vont à l'é-
glise qu'avec un voile blanc, et les femmes
avec un voile noir.
Parmi nous, prendre le voile c'est se faire
relit^ieuse, parce que c'est une marciue di?-
!o:?5
VOL
VOL
lose
tiocUve de cet état, et cet usage est ancien,
il liateau moins de la fin du iv siècle. Dans
VJIisloire de l'Académie des Inscriptions,
loin. V, i'n-12, p. 173, il y a un iiiémoire
dans lequel il est prouvé que la réception du
toile n'éiait j.iniais séparée de la profession
rcligieusi' ; qu'aucune tille n'en élail revêiue
qu'au moment où elle prononçait ses vœux,
el (jue c'était l'évoque qui faisait cette cérc-
niunie. — L'âge aii(|uel les filles éiaient ad-
mises à prendre le voile a varié dans les dif-
férents siècles, ^■ers l'an IIOI», saint Hugues,
aiilié 'le i;iuni, reconiniandanl à ses succes-
seurs l'abhavede iMartijjny qu'il avait fondée
pour des religieuses, les cxliorleà n'y rece-
voir aurun sujet avant i'àac de vingt ans.
Deux cents ans après, sous Philippe 1;' Long,
l'on cite une charte de l'an 1317, paria-
quelle il paraît qu.' l'on donnait (|ueIquefois
le voile à de jeunes per.sonnts de l'âge do
huit ans, mais elle» ne recevaient pas la bé-
nédiction solcnnelh' qui était censée les at-
tacher pour toujours à la vie religieuse; le
voile n'était donc pas p(>ur elles un engage-
ment irrévocable. De ménie aujourd'hui la
céréuioiiio île la vélureel le loile hlanc, que
l'on «iuuno aux novices, n'est pas un lien
pour elles; c'est par la profession ou p,;r
l'émission solennelle dos vœux qu'elles s'en-
gagent pour toujours. Voi/. Oulats.
\(»iLii nu 'I'empli;. Il y avait dans le tetn-
ple de .lerusaleiu un voile d'élolïe précieuse,
suspendu à deux rolonnes, qui séparait le
sanctuaire ou te saint des suints, dans lequel
était l'aiih.'. d'ailiauce, d'avec le reste de
l'enceinte iioniniée le stiini; il était ainsi en-
tre l'arche et l'autel sur lequel on brûlait
les parfums. C'est ce lùile qui se fi'udit du
haut en bas, au moment de la mort de Jé-
sus-t]lirisl, MiilJi. c. 27, v, 51. Olle (irci>n-
slance a paru reniar(|nalile aux Pères de l'IÎ-
};lise; Dieu, disent-ils, léinoignait ainsi (lue
le temple tie Jérusalem u'élail plus le sanc-
tuaire dans lequel il voulait habiter désor-
mais, cl «pie cet édifice serait bientôt détruit;
que le cull(! qu'il y avait reçu jusqu'alors
allait faire place à un eulle plus pur el plus
agréable à ses yeux; saint .leaii Chrysos.,
Humil. de Cvemc'.. et Cruce, n. 2, op., i, 11,
p. 40i ; saint Léon, sernt. -2 el 8, de Pnss.
J)omini, etc. Jésns-ChrisI lui-mémi- l'avait
ainsi annoncé à la Samaritaine, Joan., c. iv,
V. 21.
Dans les églises chrétiennes on a fait
usage de dilTereules espèces de voiles. Ou
appelait ainsi le lapis dont on couvrait l'au-
tel hors du temps de ta célébiatiou des saints
mystères, et celui que l'on meliail sur les
reli(iues dis saints. Entre le chœur el la nel,
il y avait un voile étendu pendan' l'ofiice
divin, el les diacres rouvraient après la pré-
face, lorsque le préire commençait le canon
delà messe. On conserve encore aujourd'hui
dans plusieurs églises ces anciens usanos.
Voy. les Itfinarques du Père Ménuril sur le
Sitrruiiientitire de saint Gréqoire, p. 203.
VOIX HAUTE ou BASSK dans l'office di-
vin. Voy. SECaÈTiîS.
VoL; c'ist l'atlion d'enlever le bienU'au-
Iriii, soit par violence, soit en secret ou par
surprise. Le premier cxeuipli' de ce crime
dont il soit parlé dans l'Eci iture est le vol
que fil Uachel des idoles de son père, et
nous voyons (jue dès ce lemps-là il élail jugé
digne de mort; Gen., c. xxxi, v. 1!) et 32
Celui-ci élail d'.uil.int plus condamnable,
qu'il parait avoir été fait par un piincipe d'i-
dolâtrie, el quL? Uachel se mil à couvert du
châtiment par un mensonge. L'Ecriiure
sainte ne dissin)ule aucune faute des per-
sonnages ilont elle parle, afin de nous con-
vaincre que Dieu, dans tous les temps, a usé
de miséricorde et d'indulgence envers les
hommes.
Mais a-t-il commandé un vol aux Israé-
lites, en leur ordonnant de demander aux
Egyptiens îles vases d'or et d'argent, el de les
emporter avec eux en sortant de l'Egypte?
Exod., c. XI, V. 2; c. XII, v. 35. Les incré-
dules l'assurent ainsi, el ils en concluent que
les Israélites étaient comme les Arabes, une
nation île voleurs el de brigands. Nous sou-
tenons que ce ne fut pas nu vol, mais une
juste compensation ; qu'il n'y eut de la part
des Hébieiix ni suiprise ni violence ; que
quand il y en aurait eu, l'on ne pourrait pas
encore les accuser d'injuslice. C'étail injus-
tement, et contre le droit des gens, que les
Egyptiens avaient réiluit les Isr.iéliles en es-
clavage, qu'ils les avaient conilamnés aux
travaux publics, sans leur accorder aucun
salaire, el qu'.ls avaient voulu mettre à mort
tous leurs enfants mâles : ceux-ci étaient
donc en droit de les traiter comme des en.5
neinis s'ils avaient élé les plus forts. Cepeu-
danl ils se bornèrent à profiter de la cons-
ternation dans laiiuelle étaieni les li;^;3pliuus
par la moi l de leurs prenner.s-nès, et a leur
demander un dédouimagiNucat qu'ils n'o-
saient pas refuser, dans la crainte dépérir
de même. C'est la réponse de Pliilon, de Vita
Mos'.s, p. G2i- ; de saint Ircnée, <\dv. Hœr.,
1. IV, c. 30; de 'l'ertiillien, «(/)'. /l7((rtio;i., I. ir,
c. 20, el I. iv ; de saint Augustin, I. lxxxiii,
quœst., q. 3a; contra Fansl., I. xxn, c. 72,
etc. Ainsi en jugeait l'auteur du livre de la
Sagesse, lorsqu'il a dit que Dieu reudil aux
justes la récompense de leurs travaux, c. x,
V. 17.
On se trompe encore quand on cite Jephté
comme l'exemple d'un chef de voleurs, ijui
parvint à se mettre à la lêle de sa nation.
Chez les anciens peuples, la profession des
aventuriers braves, qui faisaienl des excur-
sions chez les ei iiemis el s'enrichissaient de
leur butin, n'.ivail rien de déshonorant; les
anciens philosophes grecs l'envisageaient
comme une espèce de chasse, parce qu'ils re-
ganlaienl Ls étrangers comme des ennemis
avec lesquels on élail toujours en giieire.
David en agit ainsi lors(|iril ,ul oliii^é i4e fuir
la persécution deSatil; / lO-y., c. xxvu, v. 8.
Les Israélites furent souvent exposés à ces
irruptions subites de leurs voiisjiis; IV fin/j.,
c. XIII, V. 20, etc. C'était un fléau, s,ins dou-
te, mais il ne faut pas raisonner îles mceurs
des peupk'S anciens, sur celles qui régnent
*0$7
VOF,
TOL
{0S8
aujourd'hui chez les peuples policés, surtout
chez les nations chrétiennes.
VOLCANS. Les incréliiles du dernier siècle
avaient luit, ronire l'aniiiiniié attril>iiée»ii inonde par
Mm'se, nue nbjcclion tirée de-- voirans. Ils disnient qne
l'éïKprnie qnanl lé (!■• hve déposée au pieil dn Vé-
suve, de 1 Eina, elr., prouvait qne ces volcans avalent
vomi des nialè es enflaniinées il y a plus de six mille
ans. Les louilles qui oui éié Faites, la découverte de
l'oiupéia, OUI été une réponse sans réplique. Il n'y a
pas lieux mille ans que celle ville était florissante.
Donc aiiiiaravani le sol qui reiivirnnnalt et qui était
ciiliivé n'etsit pas couvert de laves.
VOLONTÉ, VOLONTAIRE. Le mol Vo-
lonté signifie tout à la fois la faculté ni l'ac-
lion de vouloir; ce double sens a toujours
élé el sera toujours la source ii'une infinité
de sophismes el d'erreurs ; si on veut les évi-
ter, il faut nécessaiieinenl disiingucr en
nous différentes espèces d'aclions. 1° Les ac-
tes forcés par une violence exlérieure : tel
sérail l'homicide commis par un homme au-
quel un plus lorl que lui aurait conduit le
bras, el lui aur;iil fail plonger son épée dans
le sein du morl; il csl clair que celle action
ne peut élre allribuéeà relui quia soulTert
la violence, mais à celui qui l'a faile. 2" Les
actions purement spontanées qui viennent
de nous, mais sans connaissance, comme sont
les mouveiiienls d'un homme plongé dans le
sommeil ou dans le délire; on les altribue
plutôt au mécanisme animal qu'à la volonié.
3" Les actes volonluires sonl ceux qui parlent
d'un principe intérieur ou de noiis-mêines,
avec connaissance de ce que nous faisons:
tel est le vouloir ou le désir dr manger dans
la faim, de dormir dans la lassitude, de l'uir
dans la peur; nnus agissons ainsi, parce que
nous savons (lue ce sont des moyens de
nous délivrer du mal qut> nous éprouvons-
Acquiescer à une vérité évidente, aimer no-
ire bien en général, sont des ailes v lon-
taires et non libres, ils ne sonl ni loualtles
ni dignes de récompense. 4° Enfin les acies
libres sonl ceux que nius faisons avec at-
tention el réilexion, par choix et par un mo-
tif, avec un vrai pouvoir de résister à ce
Dioiif cl de faire le contraire Si un homme
éprouvoit une faim ou un désir de mani;er
tellement violeni qu'il ne lût plus le maître
d'y lésister, il ne serait pas libie de manger
ou de s'en abslenir; il agirait moins par
un niolif réiléclii que par une impulsion ma-
chinale; ou n hésiterait pas de diie qu'il l'a
fail involontairi nient, quoique cette action
\inl de sa volonté. C'est donc un étrange
abus des termes de confondre une action
simpli-menl volontaire avec une action libre.
La volonté, considérée comme lacuUé, est
certainement active el agis-anle par elle-mê-
uie; nous en sommes convaincus par le sen-
timent intérieur qui est la plus invincible du
toutes les preuves. Ce n esl donc [las le pou-
voir de recevoir d'ailleurs des inclinaiioiis,
des délermiiialiuns, des vouloirs, comme le
prétendent les malerialisles, mais la puis-
sance de les produir-e; le sentiment intérieur
nous fait distinguer très-clairement les cas
daus lesquels nous agissons, d'avec ceux
dans lesquels nous sommes purement passifs*
Non-seulemenl nous sentons que cette fa-
culté est art ve, cause efficiente el propre-
ment dite de nos vouloirs, mais nous som-
mes témoins à nous-mêmes qu'elle est libre,
maîtresse de son choix el rie ses détermina-
tions dans tous ses actes réfléchis el délibé-
rés : nous l'avons prouvé au mot Liberté.
Celle véiilé de conscience ne peni être atta-
quée que par des sophismes de métaphysi-
que, qui, dans un esprit sensé, ne prévau-
dront jamais au sentiment intérieur. A la
vérité la volonté n'agit point sans motif ou
sans raison d'agir, mais aucun motif n'en-
traîne celle faculté, de manière qu'elle ne
puisse y résister par un autre motif. Ce serait
une absurdité d'envisager un motif, qui n'est
qu'une idée ou une réflexion, comme la cause
(ihysiqne de nos vouloirs, et de lui attribuer
l'acliviié plutôt qu'à la facullé qui agit sans
cesse eu nous, et donl la conscience nous
rend témoignage à chaque instant, il esl en-
cure évidentque notre volonlénc peut pasétre
contrainte, forcée ou violentée par aucune
cause extérieure. On peut nous forcer de dire
ou de faire ce que nous ne voulons pas, mais
aucune puissance humaine ne peut nous
contraindre à vouloir. Les menaces, la crain-
te, les tourments, les supplices, ne peuvent
niellro dans notre âme une pensée, une
croyance, un vouloir que nous n'avons pas,
tous ces mobiles n'ont de prise que sur nos
aillons extérieures ; au milieu de> plus cruel-
les tortures, la faculté de vouloir ou de ne
pas vouloir demeure invincible: on l'a vu
dans les marlyrs. Ceux qui prétendent que
nns vouloirs sont libres, dés qu'ils ne sont
pas contraints ou forcés, disent une absur-
dité, pui^qu'ils ne peuvent jamais l'être.
Dieu seul peut donc agir immédiatement
sur notre volonté, non en lui faisant vio-
lence, |)uisque cela esl absurde, mais en
nous d nnant des idées que nous n'avions
pa<, des motifs auxquels nous ne pensions
pas, une force qui nous manquait, un alliait
que nous ne sentions pas auparavant; telle
est rinlluence de la grâce, ("est dans ce sens
que Dieu opère en nous nos volontés ou nos
vouloirs el les bonnes actions qui s'ensui-
vent : ces actions sont donc tout à la fois
l'ouvrage de Dieu el le nôtre. Imaginer (|ue
sous l'impulsion de la grâce notre volonté
esl purement passive, c'est supposer que
Dieu défait en nous ce qu'il a fail en
nous créant, et que la grâce détruit la nature.
Lorsqu'il esl dit dans l'Kcriture sainte (iiie
Dieu tient le lœurde l'homme dans sa main,
qu'il le tourne comme il lui plaît; qu'il
change le cœur; qu'il y met un dessein ou
une volonté: qu'il crée en nous un nouvel
esprit et un nouveau cœur; qu'il opère eu
nous le vouloir et l'action, etc. , ce sont des
expressions qu'il ne faut pas prendre dans
la dernière rigueur; cela signifie seulement
que Dieu qui connaît l'esprit el le cœur de
l'homme mieux que l'hornine lui-même, peut
lui suggérer des motifs assez puissants pour
déterminer son esprit, el l'aider par des grâces
auxquelles sa t;o/ori^^ne résistera pas, quoique
1089
VOL
cependant son csprilcl son cœur sedétermi-
n(!iitliè"libn'n)enl. Neililon pas d'un Imminc
(|iii a pris beaucoup il'ascendanl el d'empire
sur un anire, iju'il lui iail lalre tuul ce i|ii'il
vrut ? cependant il ne peut a;;ir sur lui que
par persuasion, par des conseils, des sollici-
tations, des t'xecnples, elr. Le laii(;a^e hu-
niiiiii ne penl fournir des expr 'ssions pro-
pres à expii(iiier parfailemeni les opérations
de Dieu, non plus que celles de noire âme.
On dit d'un lioiuuie ()ui agit contre son mcli-
nalion, ()u'il se fuit violence; peut-on pren-
dre ce lerine à la rigueur?
Ce qu'a dit saint Augnsti» n'en est pas
moins vr.ii, savoir, que Dieu est plus maître
de nos volontés que nous-mêmes. En elTel ,
nous ne som ncs pas les maiires de nous
donner des idées, des senlimeiits, des incli-
nalioiiii, des motifs que nous n'avons pas ;
Dieu peut nous en donner qu.ind il lui plail,
mais il le l'ail sans déroger à l'aclivilé de do-
tre àme ni à sa liberté.
Il est étonnant que le concile de Trente
ait été obligé de déeidr celle vérité contre
les prolesiants, sess. 6, de Justif. , cun. k :
« Si quelqu'un dit que le libre arbitre de
riiomme, mû et excité de Dieu, n'opère rien
en obéissant a celte motion el à celle voca-
tion de Dieu ((u'il ne peut y résisler s'il
le veut ; qu'il n'agit pas plus qu'un être ina-
nimé, et qu'il demeure purement passif;
qu'il soit aiiatbcme. » Saiiu Augustin avait
di'jà parle comme ce concile, serin. i:i, in
PsaL, c. ;J, n. 3 : « Dieu opère tellemeni en
nous, que nous opérons aussi. » Serin, loi,
c. 11 , n. 11 : i< \'ous agissez , et vous èies
mené ou poussé {agcris) L'esprit de Dieu
qui vous pousse aide à votre ac<ion. » Lib. i
Reiract., cap. 23, n. 3 : « Croire et vouloir est
de Dieu qui prépare la volonlé, il est aussi
de nous, puisque cela ne se fait p.is sans que
nous voulions, etc. » (Jn doit donc eutciulre
de même ce que saint l'aul a dit de la con-
cupiscence, Rom., c. Vit, V. 8 : Je suis le maî-
tre de vouloir, mois je ne sais comment ac-
complir le bien, cor je ne fais pus le bien que
je veux, oiais le mal que je ne veux pus. Or si
je fais ce que je ne veux pas. ce n'est plus moi
qui le fais, mais le péché (ou le vicej qui est
en moi. Quand je veux faire le bien, je trouve
une loi qui me porte nu mal. Je me plais à
la loi de Dieu selon l'homme intérieur, mais
je vois une autre loi dans mes membres qui
combat contre ta loi de mon esprit, et qui me
lient captif sous la loi du péché ,ou du vicej
»a( est dans mes membres J'obéis donc ù
la loi du péché selon la ch :ir. Il est évident
1° que la concupiscence, c'est-à-dire l'incli-
nation au mil el la dillicu.le de l'aire le bien,
•ist appelée péché el mal, c'esl-à-dire vice ou
défaut, parce qu elle porte au peclie el qu'elle
\ientdu pécbé d'origine, comme l'explique
s jinl Augustin; -2 que ce vire est en nousmal-
g.-é nous, qu'ainsi il ne nous est pas imput.ible
ù peclie, mais que quand nous y consc nions
et que nous nuus y laissons eniiaîuer. nous
le voulons, nous agissons, el nous péclions.
l'.'est encore l'explication de sain! Augustin,
L. de Pcr/ect. justitiœ, Uom., c. 1 1, n 28. Il
VOL 1090
l'a prouvé par les paroles mêmes de saint
Paul : Si je fais ce que je ne veux pas, ce n'est
plus mai t/ui le fais, etc. 3" Que quaid nous
éprouvons les niouvenienis indéiibérés de la
concupiscence, nous sommes purement pas-
sifs, que notre volimié n'y a de pari que
quand nous y conseillons, (|u'aiusi C(!s mou-
veinenls sonl plulôl involontaires que vol n-
laires. Direqu'ils sonl vol ntaires parceqii'ils
soûl venus de la volonté d'Adam, c'est jourr
sur une é^inivoque el sur uue fausseté ; lois-
qu'Adam (lécba, il ne sav.iit pas seuleuient
ce que c'éiait que la concupiscence, il ne
l'avail jamais ressentie ; celle peine qu'il en-
courut ne lui était donc |)as volontaire.
Aussi avons-nous deja observe que les
Pères de l'iiglise, el même saint Augustin,
u'oni ap|ielc volonUnre (|ne ce qui esl libre,
el qu'ils ont c niendu par volun é. la liberté :
tel a été l'usage des écrivains sacrés, el nous
le suivons encore dans nos discours oïdi-
iiaires. En elïet, peul-on no iimer proprement
volonlaiie ce <|iii se passe en nous maigre
nous, el lofsquenuiis so i.n)es uiiins actifs
que passifs ? Dans ses livres do Libre Arbitre,
saint Augustin a traité celle malirre en gr.md
plii osoplie et en profond tliéolog en. Liv. i,
c. 12, n. 26, il dit : «Qu'y a-t-il de (dus vo-
lontaire que la volonté même i' » L. ii, c. 4
n. 4- : « il n'y aurait ni bonne ni mauvaise
action, si elle ne se faisait par voionié ; les
peines et les récompenses seraient inj isies,
si l'bomme n'avait pas une volonté liure. »
C. 20, n. 54 : « Le pecbé esl un déf.iul , il est
en notre pouvoir, puisqu'il est voloitmre; il
ne seia pas, si nous le voulons. » Coiisé-
quemment il oppose à l'idée Je. volonté la na-
ture el la nécessiié. L. m, c. 1, u. 1 : « Il n'y
a plus de faute, dit-il, où dominent la nature
el la nécessité. » N. 3 : « Si le inouvemeju par
lequel la volonté se porte d un (ole ou d'un
autre n'ètail pas volontaire, et en notre pou-
voir, l'homuie ne serait plus digne de louange
ni de blâme. » C. 3, n. 7 : « Ce n est point
par l'o/on/e que nous vieillissons el que nous
mourons. » N. 8 : « Rien n'est en notre pou-
voir que ce qui est quand nous le voulons.
Ainsi notre volonté ne serait plus une vo-
lonté, si elle n'était en noire pouvoir, mais
puisqu'elle y est, elle nous ( st libre. » C. Iti,
n.4t): «Personne n'est (orcé au pèche par sa
nature ou par celle d'un autre, et personne
n ■ pèche en soulîrani ou en éprouvant ce
qu'il ne veut p.is. » CM. 17, n. 4i) : « Ou ne
peut juslemenl imputer le péché qu'à celui
qui pèche, par conséquent i|u'â ceiui qui le
veut. » Ch. 18. n. iiU ; « (Quelle que soil la
cause d'une volonté, on lui cède sans pèche,
si l'on ne veut pas y résisler ; car qui pèche
en ce qu'il ne peut pas éviter? Or on pèche,
donc on peut l'eviiei. » L. De duobus Ani-
mab., c. 10, n. 14 : « il n'y a de pèche que
dans la volonté. » C. U, "n. 13 : « Il n'y a
point de volonté où il n'y a point de liberié;
personne n'esi digne de blâme ni de puni-
lion pour n'avoir p.is fui ce qui n'esl pas en
son pouvoir C'est la voix générale du
genre humain. » C. 12, n. 17 : « Dire que
les âmes pèchent saii.s volonté, c'est
1091
VOL
fïinnde folie ; regarder comme coupable de
porlié celui qui n'a pas f;iit ce qu'il ne pou-
vait pas f.iire, est un Irail d'injustice et de
démi'ncp. Ainsi, quoi que fassent les Ames,
si elles le font par nature et non par volonté,
c'est-à-dire si elles n'onl pas le mouvement
libre de faire et de ne pas faire, si enfin elles
n'onl aucun pouvoir de s'abstenir de leur
action, nous ne pouvons reconnaître en elles
aucun péclic. » L. de Vcra Hcliq. , c:ip. 14-,
n. 17 : « Le péché est un mal Irllement vo-
lontaire, iiu'il ne serait plus péché, s'il n'était
pas volontaire ; cela est si évident «ju'il n'est
contesté ni par le petit nombre des sjivants,
ni par la multitude des isinorants. Donc ou il
faut nier qu'il se coniiuelie aucun péclié,
ou il faut avouer qu'il se commet par vo-
lonté S.iiis cola il ne faudrait plus répri-
mander ni avertir personne ; et alors l.i loi
chrétienne et toute morale religii u>e serait
nécessairement détruite. Ou pèche donc par
volonté : et puisqu'il est cert.iiu que l'on pè-
che, on ne peut pas douter que les âmes
n'aient un libre arbitre. Dieu a jugé (|u'il
était mieux qu'il tût servi librement, et cela ne
pourrait absolument se faire, si on ne le ser-
vait pas par volonté, mais par nccrssilé. »
Telle est la doctrine que saint Augusiin a
soutenue constainnient , pendant près de
vingt ans qu'il n'a cessé d'écrire contre les
niauichéens. Mais d'un côté les soeiiiiens,
pour décrier ce l'ère; de l'autre les protes-
tants rigides, pour détruire la croyance du
libre arbitre ; quelques théologiens i)rélen-
dus citholiques , pour exalter la puissanee
de la grâce, posent en fait que s;iiul Augiis-
tiu a changé de sentiment dans lasuiie; qu'en
disputant contre les pélagiens il a contredit
et renversé les principes qu'il avait élab.is
contrt! les manichéens ; que l'on ne peut pui-
ser ses vrais sentiments que dans ses der-
niers ouvrages.
Si ces divers raisonneurs se bornaient à
dire que, dans ses écrits contre les pélagiens,
le saint docteur ne s'est pas toujours expli-
qué aussi nellemeut que dans ceux qu'il a
faits contre les manichéens ; qu'il lui est
échappé, dans la chaleur de la dispute, des
expressions qui semblent contraires à ses
anciens principes, nous en conviendrions ai-
sénienl. Mais su^iposer qu'il a totaleineiil
changé do système, qu'il est tombé d'un ex-
cès dans un autre, ou sans s'en apercevoir,
ou de priipos délibéré et sans en avertir ses
lecteurs, c'est une aicusalion trop injurieuse
à un Père de l'Iiglise aussi respectable. Déjà
nous l'avons rél'utieau mot Saint Augustin,
mais noU'i ne pouvons apporter trop de soin
à la deiruir.'.
1" L'on ne nous persuadera jamais que ce
Père a embrassé sur la fin de sa vie une doc-
trine que vingt ans auparavant il avait c;>u-
damnée comme fausse, Injuste, absurde, dis-
tructive de ta loi chrétienne et de toute mo-
rale religieuse, et à laquelle il avait opposé
des principes dictés par le sens commun ;
((ue, pour disputer avec plus d'avantage con-
tre les pélagiens , il a donné gain de cause
aux maaichéens, et qu'il a renversé la plu-
^OJ. [092
part des arguments qu'il avait faits contre
eux. Jam;-is le pélagianisme n'aurait pu
l'aire à l'Eglise autant de mal que lui en a
fait le manichéisme ; à peine la première de
ces hérésies survécut elle à saint Augu«titt :
la seconde a séduit une infinité de personnes
et a duré jusqu'au xiv siècle, malgré les im-
piétés qu'elle enseignait.
2° Il y avait au moins dix ans que ce Père
écrivait contre les pélagien';, lorsqu'il réfuta
un manichéen par son ouvrage conlra Ad-
versar. legis et prophelarnm : loin d'> désa-
vouer ou d'y rétracter aucun des pririrrpes
qu'il avait établis contre ces hérétiiiucs,
il y renvoie ses lecteurs à la fin du ii* li»re,
san.'î les avertir que ses premiers é'rils ren-
fermaient dos paradoxes on des erreurs, ou
qu'il n'était plus dans les mêmes sentimenis.
C'aurait été cependant le cas de les en pié-
venir, s'il avait craint d'être accusé d'in-
coiislanco et de contradiction.
3° H y a plus : deux ans avant sa mort , le
saint docteur écrivit ses deux li\r 'S des Ré-
tractations dans lesquels il passa en revue
ses ouvrages contre les u) inichéens, en par-
ticulier les trois lle^qu!■ls nous avo.is tiré les
passages que nous avons cités; il y rap- crie
ces mêmes passages. Voyons s'il les a rétrac-
tés. Dans le troisième livre do Libre Artiitre,
c. 18, n. 50, il avait dit : Qui pèche en ce qu'il
ne peut jias éviter ? elc. V «y. ci-devant. Dans
les Rétract., 1. i, c. 9, n. 5, il fait observer
qu'il avait ajouté, num. 51 : « Cependant il
y a ili s choses faites par ignorance que
l'on désapprouve ei qu'il faut corriger; il y
eu a de laites par nécessité, <iue l'on doit dé-
sapprouver , comiue lorsque l'on voudrait
faire le bien, sans le pouvoir. Mais ce sont
des suites de la condamnation du genre hu-
main ; » et il cite saint Paul. Voilà dune
dans riiomme deux vices, deux défauts que
l'on doit dés ;pprouver et qu'il faut corriger,
l'igiior;ince eu s'instruisant, la concupiscence
en y résistant , improbanda , corrigcnda.
Saint Augustin ne dit point que ces défauts
sont volontaires, que ce sont des péchés, des
fautes condamnables et punissables. Il dit le
contraire; il ajoute, ibid., n. 6, que quand
l'ignorance cl la diflicuUé de faire le bien
seraient la nature primitive de l'homme, il
n'y aurait pas lieu de blâmer, mais plutôt
do lou rDieu. Serait-ce un sujet de louange,
s'il nous avait créés avec des défauts répré-
hensibles et dignes de châtiment ? L. de duab,
Aniinnb., c. 10, n. li, il avait dit qu'il n'y
a de péché que dans la volonté, etc. Dans les
Réiracl., !. i, c. 13, n. 2, les pélagiens, dit-il,
peuvent s'autoriser de ces paroles pour nier
le péché originel dans les enfants : mais ce
péché a été certainement dans la volonté
d'Adam. Saint P.iul appelle la concupiscence
un péché, p.irce (ju'elle vient du péché et
qu'elle eu est la peine, et elle est dans la vo-
lonté, quand on y consent. 11 répète la même
chose, n. 3. L. De vera Itclit/.. c. IV, n. 17,
nous avons lu que le péché est tellement un
mal volontaire , qu'il ne serait plus péché
s'il n'était pwsvolonlaire, e\c.Ov, l.i, Relruct.,
c. 13, u. 3, Saint Augustin soutient que
i093
VOL
VOL
1004
celle définition est juste, 1° parce qu'il ne
s'fisil p.is là ilu pécl)6 qui est Munsi l,i peine
d'un iiécliô ; 2" par<e que lelui (|ui est v.iiiicu,
p;ir la coiiciipi'^ceiicc, y consent par sa vo-
loiiti;, et 'lUi- celui ijui airii par ignorance,
anil cr'piMnl Mil par sa vulonlé : 3" parce que
ce n'est point une absuniilé d'appeler lo
péclié originel valnulaire, puisqu'il est venu
de la voloulé d'Adatn. Soit : mais si ce n'est
pas une absurdité, c'est du moins un alius
du mot volantaiie. Or ce n'est point sur un
pareil ahiis, employé seulement pour l'irnier
la liouclie aux pélaijioiis, qu'il faut ju'j;er
des senlinienls do saint Augustin ; (e n'est
pas assez pour lui prêter un syslèn>e qu'il a
jugé absurde, injuste, destructif du clnislia-
iiisme et de toute religion. Les principes
qu'il avait |)Osés sur la nature du péel»é et
de la liberlé dans l'homme, principes «liclés
par le sens commun, et confirmés par notre
propre conscience , n'eu demeurent pas
moins dans leur entier.
Si les pélasii'us, qui ne voulaient pas re-
connaitre dans les enfants d'Adam un péché
originel, y avaient ailniis un vice originel,
un déf.iui l'hysique moial, non volontaire,
mais liéréditaire, une dégradation et une dé-
pravation de la natuie (elle que Dieu l'avait
créée dans Adam, saint Augustin ne leur
aurait cert.'iinetuent |)as fait une diriiiHiUé
sur le terme de péché, toute la dispute aurait
été linie. Il est constant que dans l'i'criiure
sainte ce terme ne signilie pas seulement un
péché proprement dil, mais un vice, un dé-
faut naturel ou accidinlel, soit physique,
soit moral, lîccli., c. m, v. IG, peccala ina-
tris, désigne les infirmités d'une mère vieille
et caduiiue. Daniel., c. vm, v. 13, appelle
peccattim desolatiuuis, le Irisle état de Jéru-
salem et du temple. Juan., c. ix, v. 31, les
Juifs disent à l'avcugle-né, guéri par Jesus-
Clirist : In pecculis natas es t'ilus, lu es né
rempli de viees et <le défauts; Rom., c. vin,
V. (), saint Paul demande si l.i loi est un pé-
ché ? c'est-à-dire si elle est défectueuse, vi-
cieuse ou pernicieuse et cause du oéclié, elc.
Vûij. PÉcuii.
1° L'on a grand soin de nous faire obser-
ver ((ue l'Eglise a solennellement approuvé
la doctrine que saint Augustin a soutenue
contre les pélagiens. Mais si cette doctrine
est une palinodie, si elle est contraire à celle
que ce Père a étaldie contre les manichéens,
l'Eglise a ilù condamner aussi solennelle-
nient celt(^ dernière ; autiement elle a laissé
entre les mains de ses enfants le pour et le
contre, par conséquent un |iiége inévit ible
d'erreur. Or que l'on nous montre la censure
qu'elle a portée contre les livres de ce saint
diicteur qui attaquent les erreurs des mani-
chéens. Ceux qui, dans tous les siècles, ont
loué ses ouvr;iges, n'eu ont excepté aueun.
5" Ce serait bien gratuitement et -ans au-
cune utilité que ce Pore aurait abandonné
ses anciens p! incipes pour réfuter les péla-
giens; cela n'était pas nécessaire. De quoi
servait à Pelage d'aigumentcr sur la notion
du péché en gésiéral donnée par siint Au-
gustin, pour nier le péché originel ? Le saint
docicur avait défini le péché actuel et per-
sonnel, au lieu qu'il -'agissait d'un péelié ou
d un vice h.ibituel et héréditaire; la défini-
tion (le l'un ne peut pas convenir à l'autre.
Toute la dilfii ullé porl;iit donc sur le double
sers du mot péché. Pelage n' ivançaii pas
davantage en insistant sur la notion du libre
arbitre, tel que le concevait saint Augustin.
Ce Père entenilail pac là le pouvoir de ebo -
sir entre le l;ien et le mai'? Pclagi; voulait
que le lût un pi-neli ml eg;il, une espèce d'é-
quilibre de la volonté entre l'un et l'autre,
une (gale facilite de se jiorter à l'on ou à
l'autre inlifféremmenl. D'où il concluait (]ue
si la giâee imprimait à la volonté un mou-
vement vers le bien, elle détruirait le libre
arbitre. Saint Augustin soutint avec raison
que cet équilibre prétendu n'avait existé que
dans Adam, que le libre arbitre ainsi entendu
n'avait plus lieu dans ses desccndanls, puis-
que la concupiscence les poi te au mal et non
an bien, qu'ainsi une grâce intérieure et pré-
venante est nécessair'' pour conire-balaiicer
ce mauvais penciianl, et rétablir ainsi le libre
arbitre tel que Pelage le concevait. Celui-ci
ne raisonnait donc que sur une idée fausse,
contraire à ce que rKcritiire sainte nous
enseigne touchant la rorrupiion de l'homme.
Le saint docteur n'en soutint pas moins
que le libre arbitre, ou le pouvoir de choisir
le bien ou le mal, demeurait toujours dans
rhomiiie, puisqu'il n'est entraîné nôcessaiie-
ment ni par la grâce ni par la concupis-
cence, et qu'il a le pouvoir de résister à
l'une ou à l'autre; il demeura donc cons-
tamment attaché au principe qu'il avait posé
contre les inanii héens ; savoir, qu'il n'y a
plus do lohnlé u\ de liberlé où la nature et
la néeessilé dominent, etc. Aujourd'hui de
prétendus disciples de ce Pén- enseignent
que, suivant son système, la volonté, placée
comme une balance entre le bien et le mal,
est entraînée lanlôl vers l'un par une grâce
irrésistible, tantôt vers l'autre par une con-
cupiscence insurmontable; et ils osent ap-
peler cette alternative de nécessité, le libre
arbitre. On a beau dire qu'ils ne nient pas
pour iela l'activité de la lolunté, qu'ils ne
prétendent p.is faire de nous de purs auto-
mates, qu'ils n'en soutiennent pas moins que
nous sommes responsables de nos ac-
tions, etc., un esprit sensé ne se paie point
de contradictions; détruire d'une main ce
que l'on établit de l'autre, heurter de front
toutes les notions du bon sens, accumuler
des sophismes pour attribuer des aiisurilités
à saint Augustin, ce n'est plus le procédé
d'un théologien catholique, mais d'un héré-
tique opiniâtre.
Volonté de Dieu. Comme nous ne pou-
vons concevoir la nature et les opérations
de Dieu que par an.ilogie a>ec celles des
créatures intelligentes, nous sommes obligés
de distinguer, dans cet être infiniment sim-
ple, l'e tcn iement d'avec la volonté, et de
lui altriboer des vouloirs semblables aux
nôtres. Quoique cette volonté soit en Dieu,
conioie son entendement, un acte très-sim-
ple, cependant, pour aider à notre manière
,095 \0L VOL lOSê
de concevoir, nous sommes encore fnrcés de qu'il donne à tou'; des moyens d'y parvonir,
dislinem^r en Uieu dl(îér^•nt(•s espèces do m.iis absiraciion faile du bon et du muivais
viilonlés ou de vouloirs, relalivemeni aux usage que chaque parliculicr fera de ci's
différents nbjets, el celte dislinclmn est né- moyens. La vulonlé connéiiueUe csl celle tjui
cpssaire pour concilier un grand nombre de concerne ^on nbjcl revêtu de toutes ses <ir-
passa^cs, soit de l'EiTiltire sainte, soit des (onstances tant générales qne parlicnlières;
Pères de l'Kglise. 1° Li-s théologiens dislin- on la n<inime aussi volonté de juflici': ainsi
guent en D.eu la volonté <le signe el la va- qu()ii|U" Dieu veuille en général que tous
lonlé de bon plaisir :i\s entendent par la les hommes soient sau\és, lorsqu'il voit que
première tout signe extérieur qui semble tels on tels individus ahuseroiil des moycn<
nous annoncer queDieu veut tel évinemenl, de salut et y rési^lerOlll, il veut par juslico
quoiqu'il nele veuille pasloujours;cessigne5 les réprouve el les damner. — 3 L'on dis-
sont le commandemeiil, la défense, la per- lingue enore en Dieu une volonté absolue
mission, le conseil et l'opération; ils sont et une volonté condiliimnelle; la première
renfermés dans ce vers technique : ne dépend d'aucune condition et n'en ren-
Pra:c\pUeivroliibet,vmwnu,co,mda,tmr,.ei. f'Tme aucune, elle a lieu dans toutes les
Il y en a des exemples dans l'Ecriture c|'»s«s q"e Dieu fait seul, sans le secours
sainic. Ainsi D.eu conm.ande au patriarche «^ ^'"cune volonté homa.no : telle a ete la
Abraham d'imm.der son fils Isaac; cepen- colonie de Dieu de créer le monde de don-
danl D.eu ne voulait pas qu Isaac f..t .mo.olé "«■■ a I hmnme un l.bre arbitre el telles an-
en elïet, puisqu'il empêcha Abraham de con- 1res faculKs, etc La seconde renferme une
so.nmer ce sacrifice, ^e«., c. xx.i; il voo- condition; ainsi Dwu veut s.uver tous les
lait seuleinct qu'Ahra'.am donnât ceUe h.mn. s, sous cond.iion qu . s le voudron
preuve d'obéissance. Lorsque le démon pro- eux-mêmes, c esl-a-d.re qu ils coopéreront
José daller tromper le roi A, hah par la l'brement a la grâce qu. leur sera donnée,
bouche des faux prophètes. Dieu lui répond: et qu .,s observeront an.s. les com.na.ide-
Ya et fais ( III tieg. xxn, 22 ) ; cela n'ex- '"«"l'^, de Dnu. Celte volonlr est dans le fond
prime qu'une simpe permission. Il en était ", "'«'"e que la volonté antecedenie.- 4-'
de même, lorsque Jésus-Ctu ist dit à Judas : ^ ou appelle volonté efficace en D.eu cel e
Faites ce que vous voulez faire [Joan., xiii, q"' a toujours son effe , c est le cas de la
27) : le Sauveur n'avait certainement pas le '^"'«"'« absolue ; el volonté nief/icace celle
dessein ni la volonié de confirmer ce traître «l"', .<;^' pr'vee de son effet par la résistance
dans son crime. 11 conseille à un jeune de 1 homme ; c , si ce qu. arrive souvent a la
homme de vendre ses biens et de le suivre, «^«'««'^ cond.tioiinelle.
Malih., c. XIX, v.;U;il ne prétendait pas Encore une fois les théologiens ont été
l'y obliger absolum 'ni. Moïse dit à Dieu, forcés de faire toutes ces distinctions pour
Exod, c. V, \.-li: Pourquoi avez-vous af- accorder ensemble plusieurs passages de
fligé ce pf ((/')/(■? L'intention de Dieu n'était l'Ecriture , et pour entendre le langage des
pas de rendre le sort de son peuple plus Pères d.' l'Eglise. Dans un endroit de ses
malheureux, eu demandant sa délivrance à lettres, saint Paul dit que Dieu peut saover
Pfiaraon. mais c'e>t ce qui était ainvé, etc. tous les hommes , et il dit ailleurs que Dieu
— 2° La volonté de bon plaisir esl celle que fait miséricorde à qui il veut, et qu'il endur-
Dieu a vérilablemenl, et en vertu (le 1 iquelle cit qui .1 lui plaît; dans l'un il demande :
il agit; ainsi Dieu veut que nous fassions le Qui résiste à la volonié de Dieu? dans l'aulro
bien piisqu'il .lous le commande, qu'il nous il accuse les joiis d'y résister; conmient
excite à le faire par sa grâce, qu'il nous ré- concilier tout cela ?
compense quand nous le faisons, et qu'il Pour expliquer saint Paul, saint August.n,
nous punit lorsque nous ne le faisons pas : I. de Spir. et Litl., c. 33 , n. 58, dit : « Dieu
aucun de ces signes n'est équivoque. Cepen- veut que lous les hom.nes soient sauvés el
daiit Bayle et d'autres soutiennent (jue c'est paivien.ient à la connaissance de la vérilé,
une absurdité d'ailn.eltre en Dieu des vulon- mais sans leur ôter le libre arbilre, selon le
lés opposées, ou des événemenis. contraires bon ou le mauvais usage duquel ils seio.it
à sa volonié. La volonié de siijne, dis(!.it ils, jugés avec justice. Aussi les infidèles, en
supposerait un Dieu fourbe et iiie.iteur, u.ie refusant de croire à l'Evangile, résislent à la
simple perinissiou de sa part serait ridicule; volonié de Dieu ; mais Us ne la siirmunleiit
à l'cgard de Dieu, permettre cl vouloir posi- point, puisqu'ils se privent du somerain
tivement, c'est la même chose, etc. Itép. au bien, et qu'ils éprouveroni da.is les supplices
Prov., I.' part., c. yb ; O/'^ww., lom. III, pag. la puissance de celui dont ils ont méprisé
820 et suiv.; Enlret. de Maxime, W pari., les dons el la miséricorde.» Encliir. ad Lnu-
c. 2tj, lom. IV, p. 82. Nous démonirerons reul., c. lOi). « Quant à ce qui regarde les
ci-après la fausseté de lous ces principes.— pécheurs, ils ont fait ce que Dieu ne vou-
La volonté de bon plaisir se divise en volonté lait pas; quant à la toute-puissance de Dieu,
anlécéuenle et volonté conséquente: par !a ils n'en sont pas venus à bout : par cela
première on e.ilend celle qui lonsidère un inê.ne qu'ils oui agi contre sa volonté, elle a
objet en lui-même et en général, aiistractioii été accomplie à leur égard.... ainsi ce qui se
faite des circonstances particulières el per- lait contre si vabinté ne se lait pas sans
sonnelles ; on l'appelle aussi volonié de elle.» Lib. de Corrept. de Grat., c. l't,
bonté et de miséricorde. Ainsi Dieu veut en n. kl : « Lorsque Dieu veut sauver, aucune
général le salut de lous les hommes, puis- volonté humaine ne lui résiste; car le vou-
1097
VOL
VOL
1098
loir et le non vouloir sont de M\c manière
au pouvoir de l'homme, qu'il n'cmp^'clie pas
)a volonté de Dieu, cl ne surmonli' point sa
puissance : ainsi Dieu fail ce qu'il veut de
ceux même qui font ce qu'il n(î veut pas. »
Ce Pure conclut, linchir., cap. 9a et 90, que
rien ne se fait à moins que Dieu ne le veuille,
ou en le perinettanl , ou en le faisant lui-
même, et que l'un ou l'autre lui est égale-
jmenl aise. Si , dans ces divers endroits , la
rolunlé de Dieu était prise dans le même sens,
ce serait un tissu de contradictions; mais
relativement au salul de l'homme, il faut
dislinjjuer en Dieu au moins quatre volontés.
1° La volonlé créatrice, législative et abso-
lue, par laquelle Dieu a voulu et veut que
l'hoinnie soil libre d'obéir ou de résister à
la loi , de faire le bien ou le mal ; qu'il soil
récompensé quand il faille bien, et puni
quand il fait le mal; aucun pouvoir humain
ne peut résister à cette volonté. 2° La volonté
d'affection générale et paternelle par la-
quelle Dieu, en considération de la rédemp-
tion et des mérites de Jésus-Christ , veut
sauver tous les hommes , leur donner et
donne en efl'et à tous des moyens de salut,
non des moyens égaux et en même quantité,
mais plus ou moins, selon qu'il lui plait,
de manière qu'ils puissent parvenir au sa-
lut, s'ils usent de ces moyens. Que l'on
nomme cette volonté antécédente, condition-
nelle, providence morale, etc., cela est égal,
pourvu que l'on convienne qu'elle est réelle,
sincère et prouvée par les effets. 3° La vo-
lonlé de choix, de prédilection, de préférence,
de prédestination , par laquelle Dieu veut
plus efficacement sauver certaines personnes
que d'autres, et conséquemmenl leur donne
des grâces efficaces qui les conduisent in-
failliblement au salut. A cette volonté l'Iiom-
mc ne résiste jamais, quoiqu'il ail le pouvoir
d'y résister, k-" La simple permission, par la-
quelle Dieu laisse l'homme user de son libre
arbilreel résistera la grtice, quoiqu'il pourrait
l'en empêcher ; il serait absurde que Dieu,
ayantvoulucréerl'hommelibre, ne voulût pas
qu'il fit usage de sa liberté. L'une de ces vo-
lontés dont nous parlons n'est jamais opposée
à l'autre; aucune ne déroge à la toute-puis-
sance de Dieu ni à la liberté de l'homme.
Lorsque le pécheur résiste à la grâce, se
rend coupable, encourt la damnation, il ne
résiste ni à la première de ces volontés , ni à
la troisième, ni à la quatrième , mais il ré-
siste cerlainement à la seconde. Il y aurait
de l'absurdité à supposer que, quand Dieu
donne à l'homme la grâce, il ne veut pas
que l'homme y corresponde, et que quand
celui-ci y résiste, c'est que Dieu n'a pas
voulu qu il y consentît; il l'a permis et non
voulu positivement. Saint Paul ni saint
Augustin ne l'ont jamais entendu autrement.
Ce qu ils ont dit l'un et l'autre devient
clair et se concilie très-bien par les distinc-
tions que nous avons failes; et si l'on avait
toujours commencé par là, on aurait pré-
venu un grand nombre de disputes. Saint
Paul dit que Dieu veut que tous les hommes
soient sauvés et parviennent à la connais-
DiCT. DE Théol. dogmatique. IV.
sance delà vérité, parce que Jésns-Christ
s'est livré pour la rédemption de tous, / Tint.,
c. II, V. 4. Puisque c'est Dieu lui-même qui
nous a donné cette précieuse victime, parce
qu'il a aimé le monde, Joan., c. m, v. 16,
la sincérité de celle volonté ne peut pas être
mieux prouvée. Mais celte volonlé générale
ne déroge en rien à la volonté particulière
par laquelle Dieu veut accorder la grâce
efficace de la foi à un certain nombre d'hom-
mes, pendant qu'il en laisse d'autres dans
l'endurcissement et dans l'infidélité; c'est
dans ce sens qu'il fait miséricorde à qui il
veut, Rom., c. ix, v. 15 et 18. Mais cette
miséricorde particulière ne porte aucune
atteinte à la miséricorde générale par la-
quelle il accorde à tous des moyens de salut
par lesquels ils pourraient parvenir à la
grâce de la foi , s'ils n'y résistaient pas. Ce
que Dieu donne de plus à l'un ne diminue
en rien la mesure de ce qu'il réserve à l'au-
tre. Personne sans doute ne résiste à celle vo-
lonté dechoixet de prédilectionquesaint Paul
appelle miséricorde; car qui peut empêcher
Dieu de faire plus de bien à lel homme ou à
tel peuple , qu'à tel autre, ou qui a droit de
contester avec Dieu? ibid., v. 20. C'est comme
si l'on disputait à un potier la liberté de faire
un vase plus beau ou plus précieux qu'un
autre, v. 21. Celui qui reçoit plus de grâces
n'a donc aucun sujet de s'enorgueillir, et
celui qui en reçoit moins n'a aucun sujet
de se plaindre, parce que Dieu lui en accorde
toujours assez pour qu'il soit inexcusable
quand il pèche. Saint Paul donne pour exem-
ple de cette conduite de Dieu le choix qu'il
a fait de la postérité de Jacob, par préférence
à celle d'tsaù, pour en faire son peuple,
il)., V. 11. C'est la prédestination à la grâce.
Aucun homme ne résiste non plus aux grâ-
ces de choix, aux grâces efficaces que Dieu
donne à qui il lui plaît, quoique tout homme
ait un vrai pouvoir d'y résister, parce qu'en
les donnant Dieu pré» oit avec une certitude
infaillible que l'homme n'y résistera pas.
Mais, selon saint Paul, les incrédules résis-
taient à la volonté que Dieu a de les sauver
et aux grâces qu'il leur donne , suivant ces
paroles d'Isaïe, c. lxv, v. 2 : J'ai étendu
tout le jour les bras vers un peuple incrédule
et qui me résiste {Rom. x, 21). Saint Augus-
tin n'a rien dit de plus que saint Paul , on
doit donc l'entendre de même.
Mais certains théologiens s'y opposent; ce
Père, disent-ils , n'a point admis cette volonlé
d'alTeclion générale, celle prétendue volonté
antécédente, conditionnelle, etc., de sauver
tous les hommes, que l'on suppose en Dieu
et en vertu de laquelle Dieu donne la grâce
à tous les hommes. Lorsque les pélagiens
lui oui objecté le passage de saint Paul,
Dieu veut que tous les hommes soient sauvés,
etc., il l'd expliqué. Cela signifie, dit-il , que
Dieu veut en sauver quelques-uns de toutes
les nations, de toutes les conditions , de tous
les siècles, ou qu'aucun homme n'est sauvé
qu'autant que Di.-u le veut, i'pi.V. 217 ad
Vital. ,c. tj, n. 19 ; L.de CorrepLeiGrut ,c. ik,
n. 44; Enchir. ad Laurent., c. 103, etc. Il a
3â
tem
VOL
VOL
110»
regardé la volonté L^énérale et conditionnelle
comme une ilclion des pélagicns, el il l'a
réfutée de toutes ses forces. Nous répoTidons
que l'on ne prendra jamais le vrni sens de
saint Augustin, si l'on ne commence par
savoir ce qu'enseignaient les pélagiens. Par
les paroles de saint Paul , ils entendaient
que Dieu veut sauver tous les hommes égale-
ment et indifféremment , sans aucune prédi-
lection pour les uns plutôt que pour les au-
tres ; ils rejelaient toute i)o/onîé de choix et
depréilestlnation; les scmi-pélagiens faisaient
dfe nième; Epist.S. Prosp. ad August., n. k;
Carm. de Ingratis, cap. 8; S. Fulgenl., 1. de
l'ncarn. et Grat., c. 29; Fausle de Riez, I. 1,
de lib. Arb.y cap. 17. Ils en concluaient que
Dieu offre donc la grâce également à tous,
et qu'il la donne en effet à tous ceux qui s'y
disposent par leur libre arbitre, et qui n'y
mettent point d'obstacle. Saint Augustin,
Episl. in ad Vital., c. 6, n. 19; I. de Grat.
Christi, c. 31, n. 33 et 3i; 1. iv, Contra Jii-
lmn.,c. 8; Epist. Pelagii ad Innocent. I ,e{c.
On sait d'ailleurs quelles grâces admettaient
les pélagiens, la loi de Jésus-Christ, sa doc-
trine, ses exemples, ses promesses, et la
rémission des péchés ou la jusiification;
jamais ils n'ont admis de grâce actuelle inté-
rieure, saint Augustin le leur a encore re-
proché dans son dernier ouvrage. Voici donc
comme ifs raisonnaient : Selon saint Paul,
Dieu veut snxtver tous les hommes; donc il a
donné à tous d'es forces naturelles, suffi-
santes pour se disposer au salut ; donc il
accorde les grâces ou les moyens de salut ,
tels que l'a conn.iissance de Jésus-Christ , de
sa loi , de sa doctrine, la rémission des pé-
chés et la justification, à tous ceux qui s'y
disposent par le bon usage de leur libre ar-
bitre, ou du ujoins qui n'y mettent point
d'obstacle. Saint Augustin rejette avec rai-
son la volonté générale de Dieu ainsi enlen-
due, parce qu'elle exclut la prédestination
des élus enseignée par saint Paul. Il soutient,
1° que la vo/on<e elficace d'accorder la foi et
la justification n'a lieu qu'à l'égard de ceux
qae Dieu y a prédestinés, par conséquent
d'un certain nombre d'hommes de toutes les
Ballons, d'e toutes les conditions et de tous
les siècles; el cela est exactement vrai. 2° Il
le prouve dans son livre de la Prédestination
des saints, et ailleurs, par l'exemple d'un
grand nombre d'enfants auxquels Dieu n'ac-
corde ni le baptême ni la justification, quoi-
qu'ils soient incapables d'y mettre obstacle
ni de s'y disposer. Il en conclut que la
volonté de Dieu, telle que la concevaient les
pélagiens, n'est ni générale, ni indifférente,
Bi égale en faveur de tons : cela est encore
évident. 3' Comme les pcFagfens entendaient
par volonté conditionnelle la volonté de don-
ner à tous la foi et la justification , s'ils s'y
disposent par leurs forces natarelles et s'ils
n'y mettent pas obstacle, saint Augustin
rejiMIe encore celle prétendue condition ; il
soutient que la vocation à la foi et à la jiis-
lilicalion est un choix gratuit de Dieu imté-
pendant de toute disposition et de tout mérite
aalurel de l'hoûauje ; c'est un dogme ca-
tholique , et que nous professons encore.
H y a donc deux manières de concevoir la
volonté conditionnelle, l'une fausse et er-
ronée , l'autre vraie et orthodoxe; la pre-
mière consiste à dire, comme les pcLigiens eî
les semi-pélagiens , que Dieu veut sauver
tous les hommes s'ils le veulent, c'est-à-dire
s'ils préviennent la grâce, s'ils la désirent,
s'ils s'y disposent par leurs forces naturelles;
voilà ce que saint Augustin a réfuté. L'autre,
par s'ils le veulent, entend, s'ils correspon-
dent à la grâce qui les prévient toujours , et
qui leur est accordée gratuitement en consi-
dération de la rédemption et des mérites de
Jésus-Christ. C'est ce que saint Augustin a
constamment soutenu et enseigné. Voy.
Grâce, | 3. Ceux qui confondent malicieuse-
ment ces deux sens ou ces deux espèces de
volontés conditionnelles , et qui soutiennent
que l'une et l'autre sont contraires à la doc-
trine de saint Augustin , sont des imposteurs.
Le saint docteur pose pour principe,
1° que la grâce pélagienne, c'est-à-dire la
connaissance de la loi et de la doctrine de
Jésus-Christ, la rémission des péchés, ou la
justification, n'est pas accordée à tous, et il
le prouve par l'exemple des enfants dont les
uns reçoivent la grâce du baptême, pendant
que les autres en sont privés; qu'ainsi la
volonté de Dieu de donner cette grâce n'est
pas générale et indifférente à Tégard de tous;
2' que Dieu la donne par un décret de pré-
destination très-libre et trôs^graluit , et non
en considération des mérites ou des bonnes
dispositions do ceux qui la reçoivent, puis-
que les enfants sont également incapables de
s'y disposer et d'y nvettre obstacle. Nous le
soutenons de même. S'ensuit-il de là que
Dieu ne donne pas à tous les adultes des
grâces a'ctuelles intérieures purement gra-
tuites, qui préviennent toutes les bonnes
di'spositions de la volonté et qui les produi-
sent, qui sont plus ou moins prochaines ,
puissantes et abondantes, selon qu'il plaît à
Dieu, mais qui de prés ou de loin peuvent
l«s conduire au saliU? Si Dieu le fait,
comme nous l'avons prouvé au mot Grâce,
§ 3, il est exactement vrai qu'en Dieu la vo
lônté dé sauver fous les hommes est générale,
puisqu'elle n'excepte personne; qu'elle est
sincèi^e, pui'squ'elle donne des moyens;
qu'elle est antécédente , ou antérieure à la
prévisiort- dta bon ou du mauvais usage que
l'homme fera de la grâce; qu'elle est condi-
tionnelle, puisque si l'homme résiste à ta
grâce, il ne sera pas sauvé. Nier cette volonté
et ces grâces , c'est soutenir que Dieu ne veut
pas que le saint soit possible à tous, qu'il
n'est pas le père et le bienfaiteur de tous;
que Jésus-Christ n'a pas mérité el obtenu
des grâces pour tous, qu'il n'est pas le Sau-
veur et le Rédempteur de tous. Attribuer
cette doctrine à saint Augustin , c'est suppo-
ser qu'au fieu de réfuter complélement les
pélagiens, il a favorisé une de leurs erreurs;
Jamais ces hérétiques n'on! voulu reconnai-
\tc la nécessité ni l'existence d-e la grâce in-
térieure; ils étaient donc bien éloignés de
prétendre que Dieu la donne à tons.
^m
VOL
VOL
1102
Faule d'avoir fait (outes ces oliseivations,
les liiéologiciis c.Uliuliiiiies d'un côté, les
héréliqin'S do l'autre, se .sont p.iilagi'S sur
ja inaiiiùrc d'eiilendro cl d'expliquer la vo-
xonlé générale de Dieu du sauver tous les
hommes. Parmi les premiers, quelques-uns,
connue Hii;;,iu'S du Saiiil-\'iclor , Uoberl l'ul-
lus , etc., disi'iU que la votunlé de Diru de
sauver tous h's lioinmes ii'csl qu'une volonté
de i-ii^iie, |i:irce qu'ils n'adinellenl en Uieu
de volonté vr.iie el réelle que celle (lui est
cfficaio ou ((ui s'ac.'oiii jiiit ; or , disout-ils , la
volonté lie l.uiiiolle nous parlons ne s'acci)ni-
plit pas , puisqu'un Irès-j^riiuii no.iil)re d'iioni-
mes ne sont pas sauves : cependant ils re-
Connaissenl qu'eii vertu de celle volonté.
Dieu doiiue à tous les lioiniiies des moyens
sul'lisants pour se sauver. Mais c'est abu.-er
des termes, d'appeler volonté de Si'yne.v, on
seulement .ippareulu, celle qui produit deux
très-grands elîels : le premier, de donner à
tous dc> ni' yens sullisants pour se sauver;
lo second, île sauver en etïet un très gran(i
nombre d'hommes. Cela ne s'accorde pas
d'ailleurs avec la raison que donne saint
Paul de Citle volonté de Dteu , qui est que
Jésus-Clirist s'est livre pour la rédempCiun
de tous. Il est bien plus simple de nommer
celle volonté coi<dUionnetle, puisqu'elle ren-
ferme une condilidu ; mais elle n'en est pas
pour cela moins réelle ni moins sincère. —
D'autres, comme saint Bonavenlure et Scol,
disent que celte volonté est en elïet vraie,
réelle el de l)on plaisir, mais qu'elle n'a
pour objet que les moyens ou les grâces qui
précèdent le salut, el non le salut lui-même,
c'est pour cola qu'ils l'appellent volonté an-
léeédenlc. 11 ne reste pJus qu'à nous faire
comprendre comment Dieu , (jui veut les
moyens ne veut pas la tin : suiv.int notre
Hianjère ordinaire de concevoir, un être in-
telligent veut les moyens pour la tin, et la
Un avant les moyens. — Sylvius , Éstius,
Bannes el d'autres prétendent que la volonté
donl nous parlons n'est pas proprement et
formellement en Dieu , mais seulement vir-
(iieliement el éminemment, parce que Dieu,
source inlinie de boute el de miséricorde,
offre à tous les honiuies des moyens géné-
raux el sulfisanls de salut. Nous soutenons
que non-seulemenl Dieu offre ces moyens,
mais qn'il les donne ; el comme Dieu veut
réellement, proprement et formellement toul
co qu'il l'ail, sans doute il veut les donner:
el il ne le vou^lrait p is , s'il ne voulait pas
réellement et l'oruiellemenl la fin pour la-
quelle il les donne. Le verbiage de Sylvius,
elc, ne peut servir qu'à obscurcir le lan-
gage clair, net el très-iulelliuible de l'Ecri-
ture sainte. — Vasqnez et queli|ues autres
distinguent entre les adultes el les enlànls;
îl prétend que Dieu veut réellement el sin-
cèrement, mais condilionnellemeut, le salut
des adultes, el qu'en conséquence il donne
à tous les moyens d'y parvenir; mais (ju'o?)
ne peut pas dire la rneme chose des enfants
morts dans le sein de leur mère, et auxquels
on n'a pas pu conférer le baptême. iSossuet'
semble avoir adopté ce scntimeiil. Défense
de la Tradit. et des SS. Pères , 1. ix, g. 22,
t. Il, ïn-12, p. 213. Quand on considère que
les enfants morts sans baptême dans les di-
vers pays du monde, sont au moins le quart
du genre humain, il est bien dur d'exclure
de la miséricorde de Dieu et do la rédemp-
tion générale une partie si considérable de
notre espèce, malgré la généralité des ter-
mes dont se servent sur ce sujet les écrivains
sacrés. .\ la vérité nous ne voyons pas com-
menl se vérilie à leur égard la volonté de
Oiciitie sauver tous les hommes , ni l'uni-
Nersalité de la grâce de la rédemption ; mais
nous lie la voyons guère mieux à l'égard
des peuples barbares el sauvages, qui n'ont
jamais ouï parler de .lésus-Cbrisl. Faut-il
pour cela contredire l'iicriture sainte ou y
donner des explications forcées, et s'égarer
dans des systèmes iiiinielligibles? Ce n'est
pas là le seul mystère de la conduite surna-
turelle de la l'roviilence. Aussi le très-grand
nombre des théologiens modernes n'hésitent
pas de soulenir que Dieu veut d'une volonté
accidentelle, réelle, sincère el formelle, mais
conditionnelle, lo salut de tous les hommes,
sans excepter les réprouvés ni les enfants
morts sans baptême ; (|ue Jésus-Christ est
mort pour tous , el ((ue tous ont part plus
ou moins au bienfait de la rédemplir)n, quoi-
que nous ne puissions dire en détail en
quelle manière el jusqu'à quel point tous y
participent. Ils conviennent cependant que
Dieu veut d'untî volonté conséquente le sa-
lut des seuls élus ; qu'à leur égard Dieu a
eu une volonté de prédilection en consé-
quence de Uniuelle il leur adonnédes moyens
plus puissants et des grâces plus efficaces
qu'aux autres. C'est la doctrine du concile
de Trente qui a djl, Sess. o, cap. .3 : « Quoi-
que Jesus-Christ soit mort pour tous , tous
néanmoins ne reçoivent pas lo bienfait do
sa mort, » (jui est le salut. C'est aussi celle
de saint Paul qui enseigne , / Tim. , c. iv,
V. 10, que Dieu est le Sauveur de tous, prin-
cipalement des jidèlrs.
Parmi les hétérodoxes, nous avons vu que
les pélagiens et les semi-pélagiens admet-
taient en Dieu une volonté égale et indilTé-
rente de sauver tous les honnnes, sans dis-
tinction il sans aucune prédilection pour
les uns plutùl que pour les autres; ils reje-
taient par conséquent toute prédestination:
les sociniens sont dans le même sentiment.
Les prédesliualicns donnèrent dans l'excès
opposé ; ils prétenilireiil que Dieu ne vou-
lait réellement sauver que les prédestines;
que Jésus-Christ n'était mort que pour eux ;
(jue Dieu, par un décret aniécédentel absolu,
avait destiné tous les autres à la damnation :
Calvin a enseigné cette même erreur avec
toute l'opiniâtreté possible , Jansènius n'a
fait que de la pallier. Tous ont prétendu
(jue c'était le sentiment de saint Augustin;
n)ais nous avons f.iil voir que c'est une ca-
lomnie, que Ions ont donné un sens fauxet
erroné ans passages qu'ils ont tirés de ce-
célèbre Père de l'Eglise. , .
Après avoir lu ses divers oovragcs arec
toute l'aUcalion el la droiture possibles, il/
liOS
VOL
VOL
1101
nous a pani que si les théologiens avaient
examiné de plus près les différentes bran-
ches de l'hérésie des pélagiens , ils auraient
mieux pris le sens des expressions du saint
docteur, et qu'ils auraient moins embarrassé
la queslion que nous traitons. 11 ne nous
Teste qu'à répondre aux sophismes par les-
quels IJayle et les incrédules ses disciples
ont altiiqué la manière dont nous concevons
les dilTérenlos t)o/ont(^» de Dieu. Ils disent
que nous supposons en Dieu des volontés
opposées; c'est une fausseté. Nous avons
fait voir qu'il n'y a aucune opposition entre
ces deux choses; savoir, que Dieu veuille
sincèrement le salut de l'homme, et lui donne
en conséquence les moyens d'y parvenir;
que cependant il lui laisse le pouvoir de ré-
sister à ces moyens et d'en abuser , parce
qu'il veut que l'homme demeure libre, et
que son obéissance soit méritoire. La ré-
plique de Hayle est que Dieu , sans nuire à
la liberté de l'homme, peut le conduire in-
fiiilliblenipnt nu salut par une suite de grâ-
ces efficaces. Dieu le peut sans doute , mais
s'il le faisait, il n'y aurait plus de différence
entre ce que nous ferions par l'impulsion de
la grâce, et ce que nous faisons par instinct;
or les elTets de l'instinct ne sont pas libres.
Le seul signe que nous ayons pour distin-
guer la nccessilé d'avec la contingence ou la
liberté, est que la première est toujours uni-
forme, et (jue la seconde est variable. Nous
défions B;iyle et tous les autres philosophes
de nous indiquer une autre différence entre
l'une et l'autre.
il prétend que la volonté de Dieu de sau-
ver n'est pas sincère. Un roi, dit-il, un ma-
gistrat, un législateur, ne sont pas censés
vouloir l'observation des lois, à moins qu'ils
ne fassent tout ce qu ils peuvent pour en pré-
venir et en etnpêciier l'infraction ; donc nous
devons juger de même à l'égard de Dieu;
nous avons démontré dix fois l'absurdité de
cotte comparaison. Un roi , un législateur,
etc. , sonl des agents bornés , il n'y a donc
aucun inconvénient à exiger d'eux qu'ils
fassent tout ce qu'ils peuvent pour venir à
bout (l'un dessein, et pour prouver la siocé-
rité de leur volonté; à l'égard de Dieu cela
est absurde, puisque Dieu est l'infini et que
son pouvoir est sans bornes. C'est le même
sophisme (lue Bayle n"a cessé do répéier
pour prouver que Dieu n'est pas bon à l'é-
gard (le ses créatures , puisqu'il ne leur fait
pas tout le bien qu'il peut. Voy. Bonté de
Dieu, Mai., etc.
Lorsqu'il dit qu il est absurde d'admettre
des événements contraires à la volonté de
Dieu, il joue sur la même équivoque et re-
tombe dans le même inconvénient. Bien ne
peut . se faire contre la volonté absolue de
Dieu, puisque par sa puissance infinie il
peut disposer des événements comme il lui
plait; mais relativement au salutdel'homme,
la véritable absurdité est de vouloir que
Dieu l'opère par une volonté absolue, pen-
dant qu'il veut que l'homme y coopère li-
brement : c'est alors qu'il y aurait en Dieu
deux volontés op[)osées et contr.tdicloires.
II n'est pas vrai non plus qu'à l'égard de
Dieu, vouloir et permettre soient la même
chose. Dieu veut sincèrement et positive-
ment que l'homme fasse le bien , puisqu'il
le lui commande, qu'il lui en donne les for-
ces par la grâce, qu'il le récompense pour
l'avoir fait, qu'il le menace et le punit lors-
qu'il fait le mal : une volonté sincère ne peut
être prouvée par des ell'ets plus positifs.
Dieu cependant permet que l'homme fasse
le mal, c'est-à-dire qu'il ne l'empêche pas,
et qu'il n'use pas de son pouvoir absolu
pour l'en préserver. Gela ne signifie point
qu'il lui en donne la permission positive , la
licence ou le congé; alors il ne pourrait le
punir avec justice; c'est encore une équi-
voque du mot permettre , par laquelle il ne
faut pas se laisser tromper. Voy. Permis-
sion, Salut , etc. Enfin , Il est faux que ce
qui s'appelle volonté de signe su[)pose un
Dieu trompeur et menteur : ce ne fut jamais
un mensonge de mettre la vertu et la sou-
mission de l'homme à l'épreuve. Lorsque
Dieu commanda à Abraham d'immoler son
fils, il sav.iit déjà sans doute que ce pa-
triarche se mettrait en devoir d'obéir , et
c'est ce que Dieu voulait en effet ;mais Abra-
hiim, loin de craindre (jue Dieu ne le trom-
pât, crut fermement queDieu lui ayant donné
ce fils par un miracle , en ferait plutôt un
second pour le ressusciter, que de manquer à
ses promesses ; c'est le témoignage que lui
rend saint Paul, Hebr.,c,. ii, v. 19. 11 en est
de même des autres exemples d'une volonté
désigne, que nous avons cités dans l'Kcri-
ture sainte. Voy. Epreuve, Tentation.
L'on nous saura peut-être mauvais gré
d'avoir répété dans le présent article une
bonne partie de ce que nous avons déjà dit
aux mots Grâce, Rédemption, Salut, etc. ;
mais le dogme catholique dont il est ici
question est si imporiaut, si nécessaire pour
exciter en nous la confiance en Dieu, la
reconnaissance envers Jésus-Christ, le cou-
rage dans la pratique de la vertu, l'espé-
rance même nécessaire pour sortir de l'état
du péché, que l'on ne saurait le prouver et
l'inculquer avec trop de soin ; et puisque
ceMaiiis théologiens ne cessent de l'attaquer
de toutes manières, nous ne devons pas nous
lasser de le défendre.
♦ VOLdNTÉS DE JÉSUS-CIIUIST. Voy. Mono-
TllÉLITES.
VOLUPTÉ. Épicure faisait consister le
souverain bonheur de l'homme dans la fo-
lupté. Nous n'entrerons pas dans la ques-
lion de savoir s'il entendait sous ce nom les
plaisirs sensuels , plutôt que l'heureuse
tranquillilé d'une âme vertueuse ; la plus
grande grâce que l'on puisse lui faire
est de supposer qu'il n'excluait de l'idée du
bonlieur aucune espèce de contentement et
de bien-être. Comme il n'admettait point
d'autre vie que celle-ci, il ne pouvait guère
embrasser un autre système ; aussi les phi-
losophes qui ont suivi l'une de ces opinions,
n'ont jamais manqué d'adopter 1 autre ; elles
se tiennent nécessairement.
ilOS
VOL
VUL
1106
JésQS-Cbrist, venu pour révéler aux hom-
mes la vie à venir et l'immorlalilé, Il Tim.,
c. I, V. 10, leur apprend que le souverain
bonheur de l'homme consiste clans la vertu,
parce qu'elle seule peut le rendre dipne du
bonheur éternel. Ainsi la vie présenle n'é-
laiil qu'une préparation et une ( priune de
vertu pour la vii- à venir, ce n'est pas ici-
bas qu'il faut clien-lier le bonheur. Consé-
quemnient Jésus-Christ nomme heureux
ceux qui ont l'esprit et le cœur détaches des
richesses : ceux qui prali(iuent la douceur ,
la miséricorde, la pureté do cœur; i|ui pro-
turent la paix ; qui souffrent paliemrneiil la
persécution des méchants et les aflliclions
que Dieu nous envoie, Matlli., c. v, v. .'i. Il
condamne donc la volupté, parce qu'elle
énerve l'homme et le rend incapable de
vertu ; il prédit le malheur à ceux qui se
flallent d'être heureux par la possession
des richesses, par les plaisirs des sens ,
par les éloges et les applaudissements des
hommes, qui font semblant d'être vertueux
aOn d'être admirés, Luc, c. vi, v. âV ; c. xi,
V. 4-2. Tout cela se suit ; l'une de ces leçons
est la conséquence de l'autre
Les épicuriens, dont le nombre sera tou-
jours très-grand dans le inonde, ne peuvent
goûler celte morale, ils cherchent même à
la rendre odieuse. Il est impossible, disent-
ils, qu'un Dieu bon ait mis au monde des
créatures pour les rendre malheureuses,
qu'il leur ait donné li; besoin du plaisir et
leur en ait interdit l'usage, qu'il leur fasse
acheter le boiih(>ur éternel par des priva-
tions et des soulTrances continuelles. Ainsi,
suivant leur opinion, un Dieu bon devait
attacher le bonheur à l'animalité plutôt
qu'à la vertu : aux plaisirs des sens, que
l'homme partage avec les animaux, plutôt
3u'à la force de l'âme, qui l'élève au-dessus
es brutes. Dans ce cas, Dieu a eu tort de
donner une âme aux hommes, il ne devait
créer que des êtres purement sensitifs ; la
raison, l'intelligence, le sens moral qu'il leur
a donnés, sont les plus pernicieux de tous
les dons. Ces philosophes sublimes nous
permettront de penser autrement ; de juger
qu'un Dieu, tel qu'ils le voudraient, ne sé-
rail pas un être bon, mais un ouvrier insensé
et méchant. Au défaut de la raison (]u'ils
n'écoutent point, ils devraient du oioins con-
sulter l'expérience : elle date d environ six
mille ans. Peut-on citer dans l'univers un
homme qui ait trouvé dans la volupté le
bonheur qu'il cherchait ? Salomon, (|ui ne
s'en était refusé aucune, atteste iiu'il n'y
a trouvé que vanité et afiliclion d'esprit.
Ecoles., c. 2, V. 11 : nous doutons ({u'aucun
épicurien ait pu s'en procurer autant que
lui. D'autre part, y a-t-il jamais eu un hom-
me qui se soit repenti d'avoir été vertueux,
ou qui, après avoir passé d'une vie volup-
tueuse à une vie cbrélienne, ait regrette son
premier état et ses anciennes lialiitudcs ?
Enfin, il n'est pas vrai que Dieu nous ait
interdit l'usage des plaisirs raisonnables et
innocents : il n'en défend que l'excès et l'a-
bus : il ne veut pas que nous y cherchioas
notre bonheur, parce qu'il n'y en a pas, et
parce que nous serions toujours en danger
d'y perdre la vertu.
L'homme n'est pas le maître d'avoir du
plaisir quand il le veut, mais il ne tient qu'à
lui d'être vertueux quand il lui plaît : de
l'aveu de tous ceux qui en ont fait l'expé-
rience, la satisfaction constante que nous
procure la vertu vaut mieux à tous égards
que l'ivresse passagère dans laquelle nous
plonge la volupté. La vertu ne paraît triste
et contraire au plaisir que quand on ne l'a
jamais pratiquée : l'eriKi, disait un roi sage,
venez éprouver combien le Seiijneur est doux,
combien est heureux l'homme qui espère en
lui {Ps. Lin, 9). Jésus-Christ répète aux
hommes celte invilaiion : Venez à moi, vous
tous qui êtes chargés et fatigues, je vous
soulagerai. Prenez mon joug, apprenez de
moi à cire doux et humbles de cœur, vous
trouverez le repos de voi âmes ; mon joug est
doux et mon fardeau est léger [Matlh., xi,
28). Vouloir être heureux dans ce monde
par la volupté, et heureux dans l'autre par
la vertu, sont deux désirs contradictoires.
Vo\l. 1>LAISIRS.
VOYAC.EUR. Ce terme se dit des fidèles
qui vivent sur la terre, par opposition aux
saints (jui jouissent du bonheur éternel. La
vie de ce monde est comparée à un voyage
ou à un pèlerinage dont la félicité élornelle
est le terme : c'est l'idée qu'en donnait déjà
le patriarche Jacob, Gen., c. xlvii, v. 9. Les
saints regardent le ciel comme leur vérita-
ble patrie, et toutes leurs actions comme au-
tant de pas qui les y conduisent.
(Quelques philosophes incrédules, attentifs
à saisir toujours le sens le plus odieux d'un
terme, ont dit que cette manière d'envisager
la vie présente est pernicieuse, et qu'elle
nous détache des devoirs de la vie sociale et
civile, et nous rend indilTérents à l'égard de
nos semblables ; c'est une erreur réfutée par
l'expérience. Il est très-permis à un voya-
geur de s'arranger dans une auberge ;
quelque court que doive être le séjour qu'il
se propose d'y faire, il ne se croira pas dis-
pensé des devoirs de l'humanité envers ceux
qui y logent avec lui ; il ne s'avisera pas de
les inquiéter ni de leur refuser ses services,
sous prétexte qu'il doit les quitter le lende-
main. Les épicuriens, qui n'envisageaient
que la vie |)résente, n'ont certainement pas
été aussi bons citoyens que les stoïciens ()ui
appelaient aussi cette vie un voyage; sans
avoir consulté nos livres saints, ils ont sou-
vent reproché aux sectateurs d'Epicure leur
inutilité et leur indifférence pour les devoirs
de la vie civile. Un chrétien est persuadé au
contraire qu'il ne peut mépriser les devoirs
de la vie présente, et aucune loi ne les a
jamais prescrits avec autant d'exactitude
que l'Evangile.
VOYELLES. Voy. Hébreu, Langue hé-
braïque.
VULGATE, version latine des livres saints,
de laquelle on se sert dans l'Eglise catholi-
que. On ne doute point dans cette Eglise
que, dès la Gu du i" siècle OU âU comuicu-
•M?
VUL
VUL
1108
cément du ii*, avant même la mort du der-
nier des apôtres ou immédiatement après, il
n'y ait eu en l;i(in une version de l'Ancien
et ilu Nouveau Testament, à l'iisa^ie des fi-
d(Mes qui n'enlendaienl pas 1p grec. Puisque,
selon le lémoijîna^e de saint Justin, ^4/70/. 1,
n. G7, on lisait dans les assemblées chrétien-
nes les écrits des proi^èles et les ménvoires
des apôtres, on ne peut pas douter que, dès
l'origine, le même usasse n'aii éié observé à
Rome et dans les autres Kglises d'Ii;ilie, où
le grec n'était pas la langue vulgaire; il fal-
lut donc une traduction laline pour mettre
ceMe lecture à portée du peuple. Mais on ne
sait pas (jui eu a été l'auteur, ni en quoi
lemps précisément elle a été faite; on sait
seulement que, (lour l'Ancien Testament,
elle a été prise sur le grec des Septante, et
non sur l'original hébreu. On l'a nomniée
iialiqiie, itala vêtus, parce (ju'elle avait cours
principalement en Italie, et Yulgala, version
coniiiiune. — Comme celte rro.ance des
théologiens catholiques nes'acconie pas avec
Ic.sjsième des proteslants, ceux-ci l'ont atta-
quée (ie toutes leurs forces ; ils soutiennent
que, dans le çrand nombre de versions la-
tines de l'Ecriture ()ni se firent dans les pre-
miers siècles de l'Eglise, il n'j- en eut aucune
qui fût plus respectée el plus suivie que les
autres; que comme toul particulier avait la
liberté de traduire le texte sacré, selon qu'il
J'eniendail, chaque église était aussi maî-
tresse de choisir et de suivre telle version
qu'il lui plaisait, et qu'il n'y eut jauiais d'u-
■niformité sur ce point. C'est ainsi qu'ils ont
cherché à justifier la multitude et la variéié
de .leurs versions, et la liberté avec laquelle
ils en useul.
Pour savoir ce qu'il en faut penser, nous
capporlerons, 1" les preuves de l'autiquité et
de l'aulorilé de la VuUjale; 2° nous répou-
•jlrons aux objections des prolestants; 3° nous
;ex,poserons ce qu'a fait saint Jérôme pour
•mettre cette version dans l'élat où elle est
aujourd'hui; h" nous examinerons le décret
du concile de Trente qui l'a déclarée au-
Ibenliquc ; 5" nous dirons deux mots des cor-
rections el lies éililions que l'on en a faiies.
§ 1. Preui'cs de l'antk/tiité et de l'autorité
de la Vvlgate. Les critiques proleslanls ne
se sont p;is donné la peiiie de les rapporter
ni de les réfuter; nous agirons de meilleure
•foi avec eux. 1 .Mal-ré la multituile des
versions -.'recques de l'Ancien Testament,
savoir, celles d'Aqnila, de Th odotion, de
Symmaque, et deux autres que Oi igène avait
rassemblées dans ses Octaplen, celle des Sep-
tante a été coiislamment suivie dans les Egli-
ses grecques, ces versions nouvelles ne lui
ou t rien fait perdre de son crédit ni de son
.autorité; les protestants ont reproché plus
d'une fois celte prévcniion aux Pères de l'E-
glise. Voy. Skptante. C'est pour cela que la
version des Septante a été nommée xohn,
commune, par saiut Jérôme, Epist. ad Su-
niam et Frele/nm, Oper. tom. Il , i" part.,
col. C27, et sur le. lw chap. d'Isa'i'e, il l'ap-
pelle ediiioncm loto orbe vulgalam, tom. III,
col. 492. Donc, quaud il y aurait eu dès l'o-
rigine plusieurs versions latines de l'Ecri-
ture, cela n'empêche point qu'il n'y en ait
eu une plus commune, plus respectée, plus
généralement suivie que les autres dans les
Eglises latines ; et c'est pimr cela que saint
Jérôme l'appelle Vulgntam editinnemjadnam
editionem, laiinus inlcri>res. Inlinus transla-
tor, ib.,col. GSi-, 662, 603; Comment. inEpist
ad Galat., cap. v, op. tom. IV, i" part., col
306 ; in Episi. a'I Ephes., cap m, eol. 233, etc.
El saint Augustin, itala interiirelatiu, l. u, de
Ductrina christ., c. 15, n. 22 ; latinus inter-
pros, 1. 1 Retracl., c. 7, n. 3. Ces expressions
desi;;nent évidemment une version plus cou-
nue, plus populaire, plus communément sui-
vie (|ue toute autre. S'il y en avait eu plu-
sieurs également usitées, on n'aurait pas pu
deviner de laquelle saint Jérôme et saint
Augustin pail.iient ; ces deux Pères eux-
mêmes ne se seraient pas entendus dans les
lettres qu'ils se sont écrites à ce sujet. —
2° Saint Jérôme, exhorté par le pape l)a-
mase à donner une nouvelle édition latine
du Nouveau Testament, conformément au
texte grec, lui objecte le danger que l'on
court à réformer une version à laquelle
tout le monde est habitué, les réclamations
et les censures auxquelles un nouveau tra-
(lueleur est exposé. Jl.iis si les différentes
Eglises avaient élé accoutumées à différen-
tes versi'ins, s'il n'y avait eu entre elles au-
cune uniformité, rien de plus mal fondé que
les craintes de saint Jérôme. J)e quel droit
lui aurait-on refusé au v' siècle le privilège
dont vingt autours avaient joui pendant
Irois cents ans, de traduire l'Ecriture sainte
comme ils l'entendaient ? Cependant l'évc-
ncment prouva que ce Père n'avait pas tort;
il nous apprend avec quelle aigreur ou dé-
clama contre lui, parce qu'il avait osé don-
ner sur le texte hébreu une version latine de
l'Ancien Testament, qui s'écartait en plu-
sieurs choses do celle des Seplante. Il nous
a conservé les inve(tives de Rufin, qui l'ac-
cusait à ce sujet de blasphème et de sacri-
lège. Apolog. cont'd lin fin., 1. m, op. t. IV,
col. k'ik, kïG. Il est bien étonnant que pour
se défendre il n'ait jamais allégué la variété
des versions suivies [lar les différentes Egli-
ses latines. Saint Augustin lui écrivit que,
dans une église d'Afrique, où l'on avait lu sa
nouvelle version, le peuple s'était muliné,
parce que dans la prophétie de Jouas, c. iv,
V. 6, on lisait hedera, au lieu de cucurbita,
Epist. 71 ad Hieron., c. 3, n. 3; Epist. 82,
c. 3, n. 33. Et l'on veut nous persuader que
ces Eglises africaines, qui se cabraient pour
le changement d'un seul mot très-indiffé-
rent, se permettaient les unes aux autres
l'usage habituel de telle version qui leur
plaisait davantage. — 3" Dans toute la lettre
de saint Jérôme à Sunia et à Frelcla, on
voit jusqu'où il porte le respect pour la Vul
gale latine des ps.iumcs; malgré la multitude
des fautes qu'il y montre, il veut que l'on
continue à la chanter dans les églises, parce
que ces fautes ne sont pas assez importantes
pour exiger la réforme d'un usage si an-
cien. En eflet, aucune ne donne atteinte an
1109
VUI.
VUL
ÎIIO
dogme cl ne peiil iiiiluirc 1(^ peuple en er-
reur. Le saint docteui' ajout*! tjue ses cor-
rections sont failcs pour Ic^ savants, et non
pour le peuple. N'est-ce donc i\»'ii la (in du
IV ■ sièelc (jii'a couwnenié dans rivalise latine
cet attacluMiienl opiniâtre du peuple à la
î'u/^a<e? Il semble au contraire que les Kgli-
ses jalouses de leur libirté devaient courir
au-devant d'une nouvelle version, coinine
ont fait les proieslanls au xiii' siècle; mais
dans les premiers siècles cette préienilue li-
berté aurait passé i<our une impiélé. — 4" En
effet, dès la lin du ir, Tertnllien témoigne
dans ses ouvrages qu'il y avait une version
latine des licrilures, universellement reçue
dans toutes les lîglises catholiques. Pe Prœ-
scripi., cap. 17, il reproche aux hérétiques
leur audace à l'égard des Ecritures. « Telle
hérésie, dit-il, ne reçoit point certaines Kcri-
tures; si elle en admet, elle ne les laisse
point entières; par dos additions et des re-
tranchements elle les change selon qu'il
convient à son système ; si elle les conserve
telles (|u'elles sont, elle en pervertit le sens
par des interprétations arbitraires; or il est
également contraire à la véi ité de corrom-
pre le sens ou le texte. » C. 19 et 20, il sou-
tient que l'on ne peut trouver ailleurs ((uc
dans l'Kglise citholique la vérité des Ecritu-
res , leur véritable interprélalion el les
vraies traditions chréliennes. De quel front
auraii-il ainsi parlé s'il y avait eu dans
cette Eglise variété de versions, d'interpré-
tations et de traditions ? Il aurait été aisé-
ment confondu par les hérétiques. — S" Parmi
un grand nomlue de traducteurs lalins, tel
que les protestants le supposent, comment
ne s'en est-il pas trouvé quelques-uns qui
aient mieux réussi que les autres, qui aient
réuni le plus grand nombre des suffrages, et
qui se soient fait un nom |iar l'excellence de
leurs versions?Avani saint Jérôme iln'y ena
pas eu un seul duijuel les éciivain'S ecclésias-
tiques aient f lii uk iilion ; saint .\ugustin, qai
n'en parle qu'en général, parait faire très-
peu de cas de leurs productions ; nous le
verrons en ciiaiit ses paroles. Parmi tant de
sectaires qui ont trouble l'ijglise latine,
comme les monlanistes, les manichéens, les
novaliens, les donalistes, les ariens, etc., et
qui ont laiit déclamé contre elle, comment
ne s'en est-il rencontré aucun qui lui ail re-
proché l'incertitude que devait produire dans
sa foi et dans sa doctrine la variété des ver-
sions de la Bible dont elle se servait? Voilà
diHi\ phénomènes bien sin„'uliers. — (>" Gela
e>t d'autant plus incroyable, que nous avons
vu arriver preciséuu ni le contraire chez les
protestants. La variété des versions de l'E-
criture sainte, la liberté de l'enlendre el de
i expliquer comme ch.icun le ju^e à propos,
a produit parmi eux celle mulitude de sec-
tes (|ui se détestent, et qui souvent se sont
tourmentées les unes les autres, sans qu'au-
cune conférence, aucune discussion amia-
ble des passages de 1 Ecriture sainte ait ja-
iii.iis pu les reconcilier. Nous n'hésitons pas
ù'allirmer que, si la mémo cause avaii existé
daus l'Eglise latine pendant trois siècles,
elle y aurait produit le mè ne effet. Or, rici
de semblable n'y est arrivé. Quoique les
Eglises de l'Italie, de l'Afrique, de l'Espa-
gne, des Ijaules, etc., aient été souvent trou-
bl(?es par îles novateurs, elles sont restées
réunies dans la profession de la même foi,
dans la (idèlité à suivre la même règle, dans
rattachement à un même centre d'unité, et
elles l'ont ainsi attesté par le nom de cathn-
tiques, auquel elles n'ont jamais renoncé
Aussi ont-elles persévéré dans leur attache-
ment à l'ancienne YuUjate, comme noos le
verrons ci-après.
Le Clerc, qui a senti celte vérité, a cher-
ché i\ l'esquiver. Il dit que les dissensions
qui subsistent aujourd'hui eiilrii les sectes
prolestantes, ne viennent point de la diffé-
rence des versions dont elles se servent,
mais des divers sens qu'elles donnent aux
mêmes paroles. Aninmdv., in EpiH.Tl snncli
Ang., § 4-, Défaite frivole. La différence des
versions ne coiisiste-t-elle donc pas dans la
différence du sens que l'on donne aux mê-
mes paroles? Ce critique avoue la vérité en
affectant de la nier. On peut voir dans les
frères de Wallembourg. de Iintrum. pro~
biindw fidii, iiT part., sect. 2 et seq., jusqu'à
<)uel point les protestants ont corrompu le
dogme par rinfiilelilé de leurs versions.
il est à présent question de voir si les écri-
vains catholiques ont rêvé lorsqu'ils ont cru
q-ue celle première version a été faite princi-
palement à Rome, que de là elle s'est lora-
muni(|uée aux autres Eglises latines, dont
celle de Itome a été l.i mère el la maîtresse.
Pour savoir à quoi nous en tenir, nous ne
ferons pas beaucoup de cas du témoignage
de Itufin, qui, dans sa seconde invec'ive
contre saint Jérôme, t. IV, ii" part. , col. 4'r6,
soulienl que c'est saint Pierre quia donné à
l'Eglise romaine les livres dont elle se sert.
Quoique instruit, ce critique était téméraire
et parlait par humeur; les proleslaiits no
l'ont loué que parce qu'il était ennemi dé-
claré de saint Jérôme ; il nous faut d'autres
preuves.
Suivant l'opinion commune, aloptée même
par plusieurs habiles protr stauls , saint
Pierre était à Rome l'an 15, il y écrivit sa
première épître aux fidèles de l'Asie Mineu-
re, el saint Marc > composa sou l'>angile
conformément à la prédica(io;i lie cet apô-
tre. L'an 58, saint Paul envoya de Corinthe
sa Lettre aur lioiuniiis ; il vint Itii-inèmc à
Uoiue l'an 61, et y demeura de«x ans ; là it
écrivit ses Lettres ù Philémon, nue l'hilip-
piens, aux Colossiens, aux Hrhretcv, et Irin
03 saint Luc fit dans cette même vilb' les .4c-
tes dea apôtres. Enfin l'an 6G, >ainl Paul, em^
prisoune à Rome avec saint Pierre, adressa
sa lettre aux Epliésiens, et sa seconds à ï't-
mothée. Plus ou moins d'exactitude dans ces
d.iles ne fait rien à la vérité des événements,
dès qu'ils sont prouvés d'ailleurs. Eusébe,
Jlist. ecclcs., I. ir, c. 13, et les notes. Voilà
donc une bonne partie des écrits du Nou-
veau Teslament qui ont pu el qui ont dû
être connus à Rome avant '.'an 67, époque
du martyre de saint Pierre el do saiiil Paul*
fin
VUL
VUL
MVl
pourquoi n'y auraient-ils pas été traduits
en laiin dès ce lemps-là même? Si les pro-
testants supposent que ces deux apôtres,
que saint Marc, saint Luc et les autres com-
pagnons de salut Paul, ne se sont donné
aucun soin pour mettre la lecture de leurs
écrits à la portée des simples fidèles, Bas-
nage, Le Clerc, Mosheim, etc., ont tort d'af-
flrmer en général que les apôtres el les pre-
miers pasteurs de l'Eglise ont eu grand soin
de mettre d'abord les Ecritures à la main de
leurs prosélytes, de les faire traduire dans
toutes les langues, d'en recommander la
lecture, etc.; que c'est un des moyens qui
ont le plus contribué à l'établissement du
christianisme; il ne faut pas détruire d'une
main ce que l'on bâlil de l'autre. Mais nous
n'avons pas besoin de leur avis pour former
le nôtre. Saint Paul, // Cor., c. xii, v. '28, et
c. XIV, V. 26, suppose que le don des lan-
gues et celui de les interpréter étaient com-
muns dans l'Eglise ; il veut, v. '27, que quand
un fidèle parle dans une langue étrangère,
un autre lui serve d'interprète : cet ordre
sans doute n'était pas moins nécessaire à
Rome qu'ailleurs, pour les écrits que pour
les discours de vive voix. Nous présumons
encore que tout chrétien a été empressé de
lire les écrits des apôlres, et que cette lec-
ture leur a inspiré le désir de connaître les
livres de l'Ancien Testament qui y sont sou-
vent cités. Nous en concluons que la ver-
sion latine des uns et des autres a été en-
treprise de bonne heure, et continuée suc-
cessivement par divers auteurs. Nous soute-
nons encore que cette version une fois trans-
mise aux Eglises latines, à mesure qu'elles
se sont formées, y a joui de la même auto-
rité que celle des Septante parmi les (irecs,
et qu'aucune société chrétienne n'a été ten-
tée d'en changer; cela sera prouvé parce
que nous dirons ci-après. 11 est constant
d'ailleurs que l'Eglise de Rome a toujours
eu plus de relation qu'aucune autre avec
toutes les Eglises du monde ; saint Irénée
lui a rendu ce témoignage avant la fin du
ir siècle, adv. IJœres., 1. m, c. 3, n. 2 ; elle
a donc pu avoir plus promptement qu'au-
cune autre un recueil complet et une tra-
duction des livres saints. Si les protestants
n'en conviennent pas, c'est par pure opiniâ-
treté; écoutons néanmoins leurs objections.
§ II. Réponses aux objections des proles-
tants. Mosheim, Ilisl. christ., sœc. ii , § 6,
note, p. 224. et suiv., cite saint Jérôme qui,
dans sa préf. sur les Evangiles, dit qu'il y
avait une différence infinie entre les diverses
interprétations de l'Ecriture sainfe, et que
l'on trouvait presque autant de versions que
de copies. Mais le saint docteur s'explique :
« Pourquoi ne pas corriger, dit-il, sur l'o-
riginal grec, ce qui a été mal rendu par de
mauvais interprètes, plus mal corrigé par
des ignorants présomptueux , ajouté ou
changé par des copistes négligents ? » Voilà
trois causes qui pouvaient suffire pour faire
envisager les divers exemplaires d'une même
version comme autant d'interprétations difl'é-
rentes. 11 en était de même des fautes énor-
mes des manuscrits de la Yulgate moderne,
avant l'invention de l'imprimerie, et de la
version des Septante, avant que Origène, Lu-
cien, Hésychiiis , Eusèbe et saint Jérôme
n'eussent apporté le plus griiiul soin à eo
corriger les différentes copies. Wallon, Pro-
leg. 9, n. 21. Aussi saint Jérôme ajoute, en
pariant de sa nouvelle version des Evangi-
les : « Pour qu'elle ne s'écartât pas trop de
la manière ordinaire de lire en latin, a lec-
lionis latinœ consueludine, nous avons telle-
ment retenu notre plume, que nous n'avons
corrigé que les choses qui semblaient chan-
ger le sens, et que nous avons laissé le reste
comme il était. » Lectionis latinœ consue~
tudo ne signifie certainement pas plusieurs
versions laites en différents temps et par
divers auteurs. Saint Auu'usiin, dans sa Let-
tre 71 à saint Jérôme, c. 4, n. 5, s'exprime de
même sur l'énorme variété des exemplaires
de l'Ecriture, in diversis codicibus, et il ne
s'ensuit rien de plus.
Deuxième objection. Plusieurs Eglises d'I-
talie, comme celles de Milan et de Havenne,
ont usé de plusieurs versions différentes,
avant et après celle de saint Jérôme; aucun
savant ne peut en disconvenir. — Réponse. Si
par versions différentes on entend dilTérents
exemplaires plus ou moins corrects de l'an-
cienne Yulgate, nous en convenons avec
saint Jérôme et saint Augustin, et cela ne
pouvait pas être autrement, si l'on veut par-
ler de différentes traductions faites par dif-
férents auteurs, et conclure de là que c'était
une liberté dont ces Eglises étaient en pos-
session ; nous le nions absolument, parce
que le contraire est prouvé. Nous avouons
encore que quand la nouvelle version de
saint Jérôme parut, plusieurs Eglises ne
voulurent pas l'adopter, et conservèrent
daiis l'office divin l'ancienne Vulgale, par
respect pour son antiquité ; c'est ce qui dé-
montre la vérité de noire sentiment et la
fausseté de celui des protestants. Mais ils ne
pYouveront jamais que, depuis celte époque,
il y eut encore en Occident d'autres ver-
sions que ces deux-là, suivies dans aucune
église quelconque.
Troisième objection. Entre les quatre
exemplaires de la version italique des Evjin-
giles, |iubliés à llome en 1749 par le Père
Blanchini, il y a, quoi qu'en dise l'éditeur,
des différences qui ne peuvent pas élre de
simples variantes de copistes : ce sont doue
des interprétations diverses du texte, don-
nées par différents traducteurs. — Réponse.
Jusqu'à ce que l'on nous ail montré ces dif-
férences essentielles, nous nous en rappor-
terons plutôt au sentiment de l'éditeur qu'à
l'opinion des critiques prolestants, toujours
portés par l'intérêt de système à juger de
travers. En général c'est une fausse règle
de critique de décider que les diverses le-
çons des manuscrits ne peuvent pas venir
uniquement de l'ignorance, de l'inallcnlion
ou de la témérité des copistes, qui osaient
corriger ce qu'ils n'entendaient pas, coiunie
l'a remarqué saint Jérôme. Dans combien
d'occasions le changmienl, l'addition ou l'o-
1113
VUL
VOL
1114
mission d'une syllabe ou d'une seule ledre
ne peuvent-ils pas altérer absolument le
sens d'un passage et présenler l'erreur au
lieu de la vérité ? Mour en élre convaincu,
il suffit d'avoir corrigé «luelquefois les épreu-
ves d'un imprimeur. Quelles fautes énormes
n'a-t-ou pas trouvées dms plusieurs ma-
nuscrits des auteurs profanes 1 Encore une
fois, Origène, Uom. 15 in Jerem., num. 5;
Hom. 10, n. 10 ; et saint Jérôme, Pncfut. in
lib, Paralip., ont rcniariiué, entre les divers
exemplaires du grec des Septante, dos diffé-
rences pour le moins aussi considérables
que celles qui se trouvaient dans les copies
delà VulgaCe latine; il ne s'ensuit pas do
là que les premiers venaient de diflércnts
traducteurs , el (lue les Eglises gr<'cqufS
avaient adopté dilïérenies versions. Lorsque
les Pères ont attriliuc à la malice des Juifs
les dilTérences essc'iilielles qu'il y a entre le
texte hébreu et la version des Septante, les
critiques prolestants se sont élevés contre
cette accusaliun; ils ont soutenu que tout
cela |iouvail venir uniquement du peu de
.«;oin et d'habileté des copistes; à présent
nous les voyons raisonner différemment,
parce que leur intérêt a changé.
Quatrième objection. Les diverses parties
du Nouveau Testament n'ont pu être ras-
semblées avant le commencement du ii*
siècle ; il a dune été impossible d'en faire,
avant cette épo(|ue, une traduction latine.
— Réponse. Une traduction coiii|ilète et en-
tière, cela est clair; mais pourquoi n'au-
rait-on pas traduit ces dilTcrenies parties à
mesure qu'elles jiaraissaient el que l'on en
acquérait la connaissance ? Personne n'a osé
afûrmer que cette traduction a été faite par
un même auteur, ni en fixer précisément la
date; c'est assez pour nous d'avoir montré
qu'il n'a été nulle part plus aise (lu'à Uome
de rassembler lous ces écrits et de les tra-
duire; il a suffi de lire seulement l'Evangile
de saint Jlallbieu , pour avoir envie de
mettre en latin l'Ancien Testament «les Sep-
tante. Ici nous répétons encore que les pro-
testants oublient ce qu'ils ont éccit touchant
l'empressement des premiers prédicateurs de
l'Evangile, de faire lire l'Ecriture sainte aux
fidèles, et touchant la nécessité des Bibles
en langue vulgaire ; mais ils n'ont jamais
£té constants dans aucune assertion.
Cinquième objection. 'siûnV Augusîin, lib.ii,
de DucC. christ., cap. 11, n. Iti, dit : n Un
peut compter le nombre de ceux qui ont
traduit les Ecritures d'hébreu en grec, mais
les interprètes latins sont innombrables.
Dans les premiers temps de la loi, luul écri-
vain à qui le texte grec tombait entre les
mains et qui croyait enleniire les deux
langues, en entreprit la traduction. » Ibid.,
cap. 13, n. 22 : « Parmi ces différentes
interprétations, l'on doit préférer l'i/d/i'/ite;
elle est la plus liitéiale el la plus claire pour
le sens. » Vainement, dit .Moslieim, veui-on
tirer avantage de ces dernières paroles;
1" elles signifient seulement que parmi les
différentes versions latines dont on se servait
en Afrique, il y eu avait une que l'on uom-
mail italique, soit parce qu'on l'avait reçue
d'ilalie, soit parce que l'auleur était italien,
soit parce que plusieurs églises d'Italie s'en
servaient ; tout cela est incertain ; 2" ce nom
même témoigne que ce n'étail pas celle de
Uome, autrement saint Augustin l'aurait ap-
pelée la version romaine: Û" puisque ce Père
souhaite (ju'on la préfère, on ne la préferait
donc pas encore aux autres ; si elle avail été
d'un usage commun, il aurait dit, notre ver-
sion, la version vulgaire, lu version publi-
que ; h° de ce qu'il la regardait comme la
meilleure , il ni; s'ensuit pas (|u'ellc le fût,
puisqu'il n'était jias en état de la comparer
avec le grec, n'a>anl point appris celle lan-
gue. — Réponse. Il n'est pas question de sa-
voir si en Afrique ou ailleurs il y avilit plu-
sieurs versions lalines faites par différents
auteurs, mais si elles étaient d'usage dans
les Eglises ; .Mosheim le suppose sans preuve,
saint Augustin ne le dit point, et nous avons
prouvé le contraire. Ce critique reconnaît
lui-même que le passage en question est une
exagération, et ((u'il ne" faut pas le prendre
à la letire. Croirons-nous que, dés le com-
raencenient du a' siècle, il y a eu dans l'E-
glise un grand nonihre d'hommes assez cou-
rageux pour entreprendre une version com-
plète de l'Ecriture sainte de grec en laiin?
Chez les tirées il > avait au moins six ver-
sions de l'Ancien Teslamenl bien connues,
puisque Origène les avait rassemblées dans
ses Oclaples; cela ne diminua point ratta-
chement (les l{glises grecques pour celle des
Septante. Donc il en a été de même dans les
Eglises latines à l'égard de l'ancienne Yul-
fjate. 11 y a de l'enlélement à soutenir que
iliila interpretntio n'est pas la même chose
que lalinus interpres, comme saint Augustin
l'appelle ailleurs. Peu imiiorte qu'il l'ail
nommée ainsi, plutôt que romuinr, nfriciiine,
vulgaire, etc., dès ((u'il est certain que les
églises n'en suivaient point d'autr<" dans
l'usage ; lorsqu'il dit ((u'elle est préférable,
c'est un signe d'approliaiinn donné à l'usage
établi, et non un désir de ce qui n'élait [as
enc<ire. Puis(]uc samt Au.;ustin, lipisl. 71
ail llieron., cap. 'i-, n. (>, témoigne à saint
Jérôme qu'il a confronle sa nouvelle Ira-
duclion latine du Nouveau Testament avec
le texte grec, nous ne voyons pas pourquoi
il n'a pas pu faire la même chose à l'égard
des Se|)tante ; il a pu du moins consulter
ceux qui eniendaiiul le i^iec. mieux que lui,
el s'en liera leur Icmoignage. Uairs ses dis-
putes contre les manichéens, les ariens, les
donatistes , les pêlagiens, il n'a jamais été
question de la différence des versions de la
Bible ; il n'en est p;is de même de nos disputes
contre les protestants.
Où était donc le bon sens ordinaire do
Alosheim, lorsqu'il a tourné en ridicule les
soins que se sont donnés d(; savants catholi-
ques, tels que Nobiliiis, le P Morin, don»
Marlianay, doin Sabalier, le P. filancliini et
d'autres, pour rechercher et rasseinïiler les
restes de l'ancienne Vulyate , telle ((u'elli'.-
était avant saint Jérôme, el pour en donner
une édition complète ? 11 devait savoir que
îMftS
VUL
VUL
Ht6
tou« les monuments anciens sont précieux à
riîplise cjilholique, purcc qu'elle y découvre
,101'jours de nouvelles preuves de la vérité de
s.-i loi et de la fausseté de celle dos protes-
tants.
Sixième objection. En considérant les dif-
férenies manières dont saint Cyprien cite
l'Ecriiure sainle, on voit qu'il avaii sous
1rs yeux dilTércnles versions, et qu'il suivait
taniôl l'unr e( taniôl l'autre. C'est l'oliscrva-
lion de Basn.ip;e, Jlisl. île l'Eglise, I. ix, c. 1
et '2. — Héponse. On voit plutôt qii'il n'en co-
piait aucune, qu'il citait l'Ecriiure d,' mé-
moire, et qu'il faisait moins d'attention à la
lettre qu'au sens. Les autres Pères latins
ont souvent fait de même, et les Pères ijrecs
n'en oui pas agi autrement à l'égard de la
version des Septante; c'est un fait reconnu
par tous les savants.
Septième objection. Saint Grégoire le
Grand (|ui vivait à la fin du vr siècle, dans
sa Lettre sur le livre de Job, déclare qu'il se
sert tantôt de l'ancienne version, et tantôt
de la nouvelle, et que tel est encore l'usage
de l'Eglise de l<ome ; il en a été de même de
plusieurs autres Eglises jus(iu'au ix° ou au
\' siècle, preuve évidente que toutes les
Eglises ont joui ius(iu'alors de laplusgrande
liberté sur le choix des versions do l'Ecri-
ture sainte. — Réponse. Il aurait été de la
bonne foi d'avouer aussi que saint Grégoire,
dans SCS Morales sur Job, 1. xx , c. 23, re-
connaît que la nouvelle version de saint
Jérôme étail généralement plus fidèle et plus
claire que l'ancienne Vulgale ; ainsi en ju-
gèrent tous les savants : aussi plusieurs
églises l'adoplèrenl sans hésiter ; nous le
verrons ci-après. D'autres conservèrent l'u-
sage de l'ancienne, et on ne leur en fit pas
un crime ; les papes ne s'y opposèrent point,
saint Jérôme ne s'en plaignit point, nous
avons vu au contraire qu'il le trouva bon,
surtout à l'égard des psaumes; aucun con-
cile ne statua rien sur ce sujet. Mais cet at-
tachement constant de plusieurs églises à
l'ancienne Vulgale prouve -t-il qu'avant celte
époque ces églises n'avaient aucune prédi-
lection pour cette version, qu'ici l'on en sui-
vait une et là une autre? Encore une fois, il
est absurde d'imaginer que les églises d'Oc-
cident, libres jusqu'alors de choisir tille tra-
duction qu'elles voulaient, se sont attachées
tout à coup à l'ancieune Vulyate, préféra-
bleoient à une version nouvelle que l'on as-
surait cependant être meilleure que l'an-
cienne, (iela ne s'est jamais vu; mais de
même que l'amour de la nouveauté est le
caractère dislinctif de l'hérésie, la constance
el l'attachement à l'antiquité, même dans les
choses indifférenles, fut toujours le signe
indubitable de la véritable Eglise.
§ 111. Travaux (le saint Jérôme sur VEcri-
luie sainte. Il est beaucoup plus nécessaire
de les bien distinguer que d'en fixer préci-
sément la date. 1' Ce Père, convaincu de
l'impc^rfection de la version grecqutï des
Septante, par conséquent de la Vulf/ulr la-
ILue prise sur celle-là, en entreprit une nou-
velle sur le texte hébreu, après avoir beau-
coup étudié celte langue., et rassemblé des
exemidairesà grands Irais, ainsi (ju'il le ra-
conte lui-même. 2' Comme le grec des Sep-
tante était beaucoup plus coi rect dans les
Jlcxuptes crOrigène que partout ailleurs, il
fit une nouvelle version latine des Septant»
sur ce grec ainsi corrigé , Prœfal. in lib.
l'ainlip. Saint Augustin l'y avait exhorte ,
Episi. 71, c. i, n. (3. 3 Sur le Nouveau Tes-
tament , après avoir confronté plusieurs
exemplaires, afin d'y choisir la meilleure
leçon, il en composa une nouvelle traduc-
tion latine, à la sollicitation du jiape Da-
mase. .Mais il aiteste qu'il ne s'écarta de
l'ancienne Vtilyate que dans les choses qui
semblaient changer le sens, P rce fat. in Evang.
Oiie l'on appelle ce travail une nouvelle ver-
sion, ou une simple correction, cela ne fait
rien à la chose.
Comme l'opinion générale était que les
Septante avaient été inspirés de Dieu,
comme d'ailleurs les différentes Eglises la-
tines étaient accoutumées et très^attachées
à l'ancienne Vulgale, la nouvelle version de
saint Jérôme, prise sur le texte hébreu, es-
suya d'abord des censures atnères ; on accusa
l'auteur d'avoir préféré les visions des Juifs
aux lumières surnaturelles des Septante;
mais il trouva bientôt un plus grand nom-
bre d'approbateurs, en particulier les sou-
verains pontifes ; saint Augustin, qui avait
conunencé par désapprouver son dessein,
finit par applaudir à son ouvrage. Plusieurs
Eglises adoptèrent la nouvelle version, par-
liculièroment celle des Gaules; plusieurs sa-
vants, même chez les Grecs, en firent l'é-
loge. Cependant , pour tâcher de contenter
tout le monde, le saint docteur fit encore
une troisième traduction de l'Ecriture, dans
laquelle il se rapprocha tant qu'il put des
S< plante, par conséquent de l'ancienne Vul-
gale. C'est celte dernière version ainsi re-
touchée qui a été adoptée peu à peu par
toutes les Eglises de l'occident, et nommée
pour ce sujet la Vulgale moderne. Voyez les
J'rolég. de la Bibliolh. sacrée dcsaint Jérôme,
Op. t. 1. L'on y a conservé la prophétie de
Bôruch, la Sagesse , rEcclésiasti(|ue , les
deux livres des Macliabées, el surtout les
Psaumes, tels ([u'ils étaient dans l'ancienne
Vulgale. Nous avons vu que saint Jérôme
fut lui-même de cet avis, afin d'épargner au
peuple le désagrément d'entendre chanter
les psaumes d'une autre manière que celle à
laquelle il était accoutumé dès l'enfance; on
y a seulement fait quelques corrcciions ab-
solument nécessaires, (letle conduite fait
certainement honneur à la sagesse des pas-
teurs et au désintéressement de saint Jé-
rôme; elle démontre (|ue ce saint vieillard,
qui a mérité aussi justement que Origène U
nom d'Adamiintius ou d'infatigable, ne Ira-
vailbiit ni pour sa réputation ni parambitioa
de faire la loi à personne, qu'il n'avait point
d'antre but que la purelé de la foi, la per-
fe(^iion de la piété, l'édification des fidèles et
la gloire de l'Eglise. La manière d'agir bien
différente de tous les novateurs prouve cvi-
1117
VUL
VUL
JH8
demment qu'ils étaient animés par des mo-
tifs (le toute autre espèce.
(^ola n'a pas cinpôclié plusieurs critiques
nicdcincs de s'atlacher à ilé|iriiiior taut
qu'ils oui pu le mérite des IravauiL de ce
saiul ducieur ; si on les en croit, il n'avait
p.is une connaissance assez parlaitc de l'hé-
breu pour être en état d'eu donner une
bonne trailuction. Ils ont apporté en preuve
un {{rami nombre d'élyinolof^ies de mots lié-
brcux qu'il a données, et qui leur p;irai$sent
fausses. Mais le savant éditeur des ouvraj^es
de ce Pérc a fait voir que ces censeurs, en
l'accusant d'i[;norani;e, n'oni réussi qu'à dé-
montrer la l(Mir. Proleg. l) in II toni., n. 3,
et eut. 'iiUl. Ce iiu'il y a de certain, c'est c|ue
Jiaint .I6r6ine semble .ivoir saisi la vraie clef
des élymologies liél>i;aïques, en ciierchant le
sens des uiols composes dans les racines
monosyllabes, Si tous Icshébraïsants avaient
fiiil de niéiue, ils ne se seraient peut-être
pas (rompes si souvent. Ajoutons que, pour
donner une bonne version, il n'a mnnqué
d'aucun des secours que nous avons, et qu'il
en a eu plusieurs que nous n'avons plus. II
avaii sous les yeux les six versions grecques
rassemblées et comparées dans les Octaples
d'Origène, et une septième publiée par le
martyr Lucien; il est dirPicile de croire
qu'entre sept traducteurs aucun n'avait
trouvé le vrai sens du texte. Outre l'hébreu,
sain! Jérôme avait appris le cbaUléen, le sy-
riaque et l'égyptien ; il ne peut pas avoir vécu
si lon;;lemps dans la Palestine, sans avoir
eu quelques notions de la langue arabe, et il
savait parf^iitement le grec; il était donc,
pour ainsi dire, une polyglotte vivante. 11 a
été à portée de comparer la prononciation
des juifs de son temps à celle que Origène
avait imprimée dans ses Oclaples par des
lettres grecques. Il avait vu l'I.'gyple, et il
parcourut la l'alesline pour voir la situation
et la distance des lieux dont il est parlé dans
le lexte sacré. Y a-t-il aujourd'hui un lié-
braïsant qui puisse se flutier d'être aussi
bien instruit? A la vérité il n'y avait pour
lors ni grammaires ni dictionnaires hébriiï-
ques; mais ceux-ci ne sont que le résultat
d<s observations de ci us qui avaient appris
l'hébreu sans ce secours; c'est saint Jérôme
qui a donné le premier modèle d'un dic-
tionnaire de mots hébreux. Il y a donc au-
tant d'ingratitude que de témérité de la part
des critiques, qui ne lui savent aucun gré de
ce qu'il a fait pour leur ouvrir la carrière ;
le mépris que se sont attiré ceux qui l'ont
attaque pendant sa vie, devrait rendre plus
circonspecis ses détracteurs modernes.
§ IV. Décret du concile de Trente touchant
la Vulgale. Il estconçu en ces termes, sess.'*:
« Le saint concile, considérant qu'il peutèlre
très-utile à l'Lglisc de Dieu de savoir quelle
esl, parmi toutes les éditions des livres sa-
crés qui ont cours, celle que l'on doit re-
garder comme aulhentiqne , ordonne et dé-
clare que, dans les leçons publi(|iies, les
disputes, les sermons et les inlerpretalions,
l'on doit tenir pour authentique l'édition
ancienne alvulgaie, approuvée daosJ'Eglise
par l'usage de (ant de siècles, de manière
que personne n'ait l'audace ou la présomp-
tion de la rejeter, sous quelque prétexte que
ce soit. »
Rien de plus faux ni do plus malicieux
que la manière dont les protestants ont tra-
vesti le sens de ce décret : voici ce qu'en n
dit Mosheim, Ilisl. ecclés., \\i siècle, secl
;i, I" pari., c. I , iî 2o : u Le pontife romai.i
mit autant d'obsiacles qu'il pui à la connais-
sance et à l'exiicle interprétation des livres
-saints, qui lui purtaiiMit tant de préjudice
Il fiil permis aux dispuleurs de faire les ré
llexioiis les plus injurieuses à la dignité d'i
texte sacré, d'en mettre l'antorilé au-des-
sous de celle du .pape et de l.i tradition. Kn-
.siiite, p.ir un décret du coneile de Trente,
l'ancieniu' version latine ou Viilqate, quoi-
que remplie de faules grossières, écrite
dans un style b.irbare, el d'une obscurité
impénéirable en plusieurs endroils, lut dé-
clarée mUlientit(ue, c'esl-à-dire fidèle, par-
faite, exacte, irrépréhensible et à l'abri de
tonte censure. On voit assez combien celle
d.'claratioii était propre à dérober au peuple
le vrai si ns du lexte sacré. »
Disons plutôt que l'on voit assez combien
ces reproches sont fans et absurdes. 1" Si
c'est une réllexion injurieuse à la dignité du
texte s.icré, de soutenir que souvent il n'est
pas assez clair pour éire eut ndu par le com-
mun des fidèles, qu'il leur faut des explica-
tions, les prolestants (larlagent ce crime
avec nous; depuis deux cents ans ils n'ont
P'is cessé d'en donner des versions, des com-
mentaires, des interprétations , contraires
en plusieurs choses les unes aux autres. Ce
sont eux plutôt i|ui insultent à la parole de
Dieu en appelant texte sacré leurs versions
erronées, captieuses et contradictoires, lis
soutiennent qu'après soixante ans d'étude
saint Jérôme n'a pas bien entendu le lesli-
sacré, mais que chez eux les ignorants et les
femmes l'entendent à la simple lecture de
leur Bible. 2° Jamais un théologien catiioli-
-que n'a mis l'auloi ité du lexte sacré au-des-
sous de celle du pape el de la traditioit ; tous
ont toujours fonde ces deux dernières sur
l'auloriié même du texte sacré; nos adver-
saires ne peuvent pas l'ignorer. Mais nous
les avons souvent déliés et nous les défions
encore de prouver solidement l'autorité di-
vine du texte sacré autrement que par la Ira-
dilion, c'est-à-dire par la croyance cons-
lanle de l'Iîglise juive et de l'Église chré-
tienne : nous leur avons démontré que hors
de là ils donnent dans le fanatisme de l'in-
spiration particulière, roy. licKiTLUK sainte.
Tradition. 3 11 est faux qu'une version aa-
thentique soit une version parfaite, exacte
et sans faute à tous égards; autlienti(/ue, se-
lon l'énergie du terme, en grec, en l.ilin et
en français, signifie faisant autorité. Le con-
cile même l'explique ainsi, on défendant de
la rejeter sous aucun prétexte. On sait que,
dans les disputes entre les catholiques et les
protestants, ceux-ci rejetaienl <ivec di'daiii
l'autorité de la Vuhjute, ils y opposaient
leurs propres raisous, et tordaient à leur
1119
VUL
VUL
11S0
gré le sens des passades; c'est celle aodace
que le concile de Trente a voulu réprimer.
]\i,iis ces docteurs si hautains avaienl-ils plus
de droil de réprouver notre version que
nous n'en avions de mépriser les leurs? La
Vulgate était consacrée par le respect cons-
tant de dix siècles entiers, comme l'observe
le concile ; les leurs ne faisaient que d'é-
ciore, et il en paraissait tous les jours de
nouvelles; à qui éiail-ce de décider quelles
étaient les meilleures? Le sens ((ue Mosheim
a donné au mol authentique est si évidem-
ment f;iux, que son traducteur anglais l'a
réfuté dans une noie, t. IV, p. 216. '♦" Il au-
rait fallu montrer eu quoi l'authenticité dé-
clarée d'une version est capable de cacher
au peuple le vrai sens du texte sacré. Si
cela est, la version de Luther a dû opérer
cet effet tout comme la Vulgate; car enfin
ce réformiileur soutenait que sa version al-
lemande était la plus fidèle et la meilleure
de toutes : il voulait qu'elle fit autorité dans
sa secte; il n'y en aurait pas souffert une
autre s'il en avait été le maître. Il lu décla-
rait donc authentique , tout comme le concile
de Trente autorisait la Vulyate; et Calvin fil
de même à son tour : aujourd'hui leurs sec-
laleurs trouvent mauvais que le concile de
Trente se soit altribué autant d'autorité
qu'eux. 5" Ce concile, disent-ils, a donné
par son décret plus d'autorité à la Vulgate
qu'aux originaux sur lesquels elle a été
faite, afin de détourner tout le monde de lire
les originaux. Nouvelle imposture, contre-
dite par les termes mêmes de ce décret. 11
décide qu'elle est, parmi loule^i les éditions des
livres sucrés qui ont cours, celle que l'on doit
regarder comme authentiqtte. Ces éditions,
qui avaient cours, étaient-elles les originaux?
Aux mots Hébreu et Hébkaïsant , nous
avons fuit voir qu'avant la naissance de la
prétendue réforme l'étude des ancieunes
langues était très-cultivée en Europe, que
les conciles, les papes, les souverains,
n'avaient rien négligé pour ranimer ce genre
d'érudition; que les protestants se sont van-
tés très-mal à propos de l'avoir (ait renaî-
tre ; que ce ne sont point eux qui nous oui
donné ni les premières polyglotles, ni les
premières concordances, ni les livres les plus
nécessaires en ce genre. La polyglotte de
Ximénès, imprimée trente ans avant l'ouver-
ture du concile de Trente, y a-t-elle été con-
damnée, ou les catholiques y ont-ils été
exhortés à ne la jamais lire? Depuis cette
époque, l'étude des originaux de l'iiicrilure,
loin de se ralentir parmi nous, a repris une
nouvelle vigueur, a reçu de nouveaux en-
couragements de la part des souverains pon-
tifes; il suffit de savoir ce que Cléinent XI a
fait en ce genre, pour être ludigné de la ca-
lomnie des protestants. Le cardinal Bellar-
min a prouvé dans une disseriaiion, que, par
le décret du concile de Trente, il est absolu-
ment décidé que la Vulgate ne renferme au-
' cune erreur touchant la foi ni les mœurs,
iju'elle doit être conservée dans l'usage pu-
blic des églises et des écoles, comme dans
les siècles prccédeuts ; il ne s'eusuit pas de
là, dit-il, qu'elle ait plus d'autorité que les
originaux, ni qu'elle soit exemple de fau-
tes. Bellarmin cite à ce sujet le témoignage
des théologiens les plus célèbres, dont plu-
sieurs avaient assisté au concile, et donne îl
encore d'autres raisons. Il a même rassemblé \
plusieurs passages qui sont plus clairs <luns
les textes originaux que dans la Vuli/aie, et
qui ont été corrigés depuis dans cette ver-
sion; aucun pape ni aucun théologienne
l'en a blâmé. Immédiatement après la clôture
du concile, Payva d'Andrailu, dorleur por- a
lugais qui y avait assisté, soutint la même |
chose contre Chemnitius : à quoi sert de ré- "
péter aujourd'hui des plaintes auxquelles on
a satisfait il y a deux cents ans? Voy. Bible
d'Avignon, t. I, p. 131. 6° Il est faux qiio la
Vulgate soit aussi défectueu$;e que Mosheita
le prétend; d'autres protestants plus judi-
cieux l'ont estimée comme elle le mérite.
Hèze en a parlé avec modération; Louis de
Dieu, Grolius, Drusius, Paul Fagius, Mill,
Welton, Louis Cappel, etc., ont fait profes-
sion de la respecter; plusieurs ont avoué
que c'est la meilleure de toutes les versions.
C'est le témoignage qu'en rendit l'université
d'Oxford, lorsqu'en 1675 elle donna une nou-
velle édition du texte grec du Nouveau Tes-
tament. Mais Mosheim avait plus étudié l'his-
toire ecclésiastique que la critique sacrée;
il aurait dû se souvenir du mépris avec le-
quel la plupart des réformateurs reçurent
la version allemande de l'Ecriture, faite
par Luther; plusieurs lui reprochèrent son
ignorance en fait d'hébreu. 7° Mais, dis'-nt
nos adversaires, puisque la Vulgate avait
besoin d'être corrigée, le concile de Trente
aurait dû attendre qu'elle le fût, avant de
la déclarer authentique. C'est comme si
l'on disait qu'avant d'approuver un livre, il
faut attendre qu'on en ait fait Verrala. Parmi
les fautes que l'on a corrigées dans la Vul-
gate, sous Sixte V et sous Clément VIII, il
n'en est aucune qui ait pu intéresser la foi
ni les mœurs ; donc elles n'ont pas dû em-
pêcher le concile de décider que celte ver-
sion était exempte d erreur, tant sur la foi
que sur les mœurs ; conséquemroent qu'elle
était aulhenlique ou faisant autorité. Avant
de mettre à la main des fidèles de nouvelles
versions, avant de les leur donner comme
parole de Dieu, les novateurs n'ont pas at-
tendu qu'elles fussent exemptes de fautes,
puisque l'on n'a pas cessé d'y en corriger
depuis qu'elles ont paru. Mais tout était
permis à ces nouveaux inspirés, rien n'élaii
innocent de la part des pasteurs calboliques.
8" Le concile défendit encore à tout inter-
prète de l'Ecriture de lui donner, en mutière
de toi et de mœurs, un sens contraire à
celui que lient l'Eglise, ni un sens opposé
au seniinient unanime des saints Pères. Loi
dure, dit Mosheim, procédé inique el tgran-
nique, ajoute son traducteur. Nous disons
au contraire, loi juste, sage, raisonnée, in-
dispensable dans l'Eglise catholique : nous
allons le prouver. En premier lieu, le con-
cile commence par déclarer qu'il reçoit avec
le même respect et la même piélé tous les
1121
VUL
VUL
il2î
livres de l'Ancien et du Nouveau Testament,
et les Iradttions concernant la foi ol les
mœurs, qui sont venues de la bouche de
Jésus-(jlirist ou des apôtres, et qui ont été
conservées jusqu'à nous dans l'Eglise catho-
lique. Or par quoi canal nous sont venues
ces traditions, sinon par l'organi- des P(Vcs
qui ont été do tout temps les |);isteui's et li's
'docteurs do l'Kglise? Uoiic la règle de I.»
tradition une fois admise, le concile ne pou-
vait se dispenser de détendre d'intorprcler
IT'lcriture sainte dans un sens contraire à la
tradition ou au sentiment unanime des Pè-
res. Il ne faut pas oublier que cotte même
règle est ce qui dislingue essentielletnenl le
catholicisme d'avoc le protestantisme; ainsi
la loi établie par le concile n'est autre chose
que la loi du cilholicisme. Ko//. Catho-
LiyiE, etc. Kn second lieu, cette même loi
avait été déjà portée plus de mille ans au-
paravant par le vi' concile général; ce n'a
donc pas été un nouveau joug imposé aux
catholiques. Mais considérons la bizarrerie
des protestants : cent fois ils nous ont re-
proché de secouer le joug de l'Ecriture
sainte, pour nous on tenir uniquement à la
tradition; ils sont convaincus d'imposture
par le décret du concile de Trente, qui non-
seulement professe son respect pour les li-
vres sacrés, mais qui nous ordonne de les
interpréter selon la tradition, et non selon
notre opinion particulière. Si cotte loi pa-
rait dure aux protestants, ça donc été pour
se mettre plus à leur aise qu'ils ont pris
pour seule règle de foi l'Ecriture sainte, bien
convaincus qu'elle no les incommoderait ja-
mais, tant qu'ils seraient les maîtres de
l'entendre comme il leur plait. En troisième
lieu, par représailles, nous avons reproché
plus d'une lois à nos adversaires de suivre
dans la praticjue la même règle que nous,
en affectant de la blâmer. Un luthérien, un
anglican, un calviniste , un sociuien , n'est
réputé orthodoxe dans sa secte qu'autant
qu'il entend l'Ecriture dans le sens con)mu-
nément reçu dans cette société; s'il fait pro-
fession publique de l'inlerpréler autrement,
c'est un faux frère, un faux docteur, un in-
digne pasteur, etc., on lui dit anatlième :
témoin le synode do Donlrecht, les confé-
rences entre les luthériens ol les cahiuisles,
entre ceux-ci et les sociniens, etc.
Ce n'est pas tout : le concile de Trente
ajoute que c'est à l'Eglise de juger du vrai
sens et de l'inlerpréialion des Ecritures;
autre conséquence nécessaire du principe
qu'il avait établi. >losheim travestit encore
celle décision; il dit que le concile assura à
l'Eglise seule, ou à son chef, le pontife ro-
main, le droit de juger du vrai sens de l'E-
criture. Ce trait no peut pas venir d'igno-
rance; tout le monde sait que, par V Eglise,
la société enlière des catholiques a toujours
entendu, non le chef ni les membres seuls,
mais les membres unis à leurs chefs, et le
pasteur uni au troupeau. N'impoito, Mos-
heim était sûr d'avance que plus une ca-
lomnio contre nous est noire et absurde,
mieux elle est accueillie chez les prolestants.
Enfin, pour comble de malignité, il affirme
que l'Eglise romaine continua de soutenir
plus ou moins ouvorlemoni que les livres
sacrés n'ont pas été faits pour la peuple,
mais pour les docteurs, et qu'elle ordonna
d'enipêchor, paiiout où l'on pourrait , le
peuple de la lire. A'aincmenI nous exigerions
t)ue l'on nous produise une bulle de queli|ue
pape, un décret de concile particulier, un
m.indonient d'évéquo, un statut synodal, au
moins la décision d'un théologien dr marque,
où il soit question de celte ordonnance; on
ne nous répondra rien, et les protestants
conlinueronl d'ajouter foi à l'imposteur
Mosheim. Il avoue néanmoins , dans une
noie, qu'en France et dans quehjues autres
pays les la'i'i)ues lisent l'Ecriture sainte sans
aucune réclamation ; mais c'est , dit-il ,
maluré les partisans du pape. Y a-t-il donc
en France ou ailleurs un catholique qui ne
soit pas partisan du pape? On ne concevrait
rien à ce trait de satire, si l'on ne savait
d'ailleurs que Mosheim en voulait à la cons-
titution UnigeniCus. Quesnel, animé du même
esprit que les protestants, pour répandre
parmi le peuple les erreurs délayées de ses
réflexions morales sur le Nouveau Testa-
ment, y enseigna que la lecture de l'Ecrilure
sainte est non-seulement utile, mais néces-
saire en tout temps, en tout lieu, à toute
personne; que l'obscurité de ce saint livre
n'est point, pour les la'i'ques. une raison de
se dispenser do le lire, que c'est une obliga-
tion de le faire, surtout les jours de diman-
ches; que les pasteurs n'ont aucun pouvoir
de leur interdire la lecture du Nouveau Tes-
tament, parce que ce serait une espèce d'ex-
communication , etc. Prop. 79-85. Clé-
ment XI condamne ces propositions parce
qu'elles sont fausses. Il est faux, en effet,
que la leclure des versions de l'Ecriture
sainte soit nécessaire en tout temps, puis-
qu'il y a eu des temps de vertige dans les-
quels cette lecture était dangereuse et per-
nicieuse à des esprits avides d'erreur et
ivres de fanatisme; aussi a-t-clle été dé-
fendue en Angleterre à la naissance de la
réforme, comme elle l'a été en France à cer-
taines personnes à la naissance du jinsé-
niscne. Mosheim lui-même a cité plusieurs
exemples des mauvais cITels (jue cotte lec-
ture a produits dans certains temps. Kien
n'est donc plus injuste que la censure qu'il
fait ici de la sage conduite des pasteurs ca-
tholiques.
§ y. Des diffe'rentes rdilions et corrections
de la Vulgate. Nous en avons parlé au mol
Bibles latines; mais nous nous sommes
trompé en disant qu'il ne reste point de li-
vres entiers de l'ancienne Vulgnle ou ver-
sion latine italique, que les Psaumes, le
livre de la Sagesse et l'Ecclésiastique, puis-
qu'il reste encore les deux livres des Ma-
chabées : nous ignorions d'ailleurs les faits
suivants. En 1710, dom Martiana> publia de
cette même versmn les livres de Job, de Ju-
dith, et l'Evangile de saint Matthieu ; en
17i8, le Père Hlanchini , de l'Oratoire de
saint Philippe de Néry, mit au jour à Kome
HÎ5
WIC
WIG
1124
•lualre exemplaires des quaire Evangiles;
Luc de Bruges, rnorl on 1619, a témoigne
( u'il avait vu dans l'abbaye de Malmédy, au
diocèse de Liège, un manuscrit conlenant
toutes les épîlres de saint Paul; enfin le
P. Buriel, jésuite, il y a quelques années,
annonça qu'il avait découvert à Tolède deux
iiianus'crils golhiques de l'ancienne Yulgale.
Il y a donc lieu d'espérer qu'en rassemblant
cl en comparant tous ces monuments, l'on
pourra donner dans la suite une Bible la-
tine complète telle qu'elle était en nsage
pendant les quatre premiers siècles de l'E-
glise. Cet ouvrage est 1res à soubailer ; la
conformité de tant de manuscrits découverts
dans les diverses contrées de l'Europe achè-
vera de démontrer la fausseté du sentiment
dos proleslants, qui soutiennent que dans
ces temps anciens il n'y avait aucune ver-
sion généralement adoptée, et que les dilTé-
rentes églises avaient la liberté de choisir
celle qui leur plaisait davantage.
w
* WALKÉRISTES. Le rêve de certains esprits
est de rsmener le clirisli;inisnie priiiutif. Les wal-
kérisies, secie prolestaiile, se propciseiit ce linl. Ils
n'atlmeileiil pas de sacerdoce , ils confient l'ailini-
nisliatioii de leur église aux anciens. Ils ne liap-
liseiil piiinl, parcK (pie saint Paul du dans son E[iilre
aux Lpliésieiis ipi'il sullil de bien élever ses-eiilaiil-i,
el (pi'iliissure (pi'il n'a point baplisé. Ils se réunissent
le preiniei jour de la semaine en inéinnire de la ré-
surrecliwj, fent lin repas de cliariié el offrent le pain
elle vin. Les sexes sont séparés dans les assemblées
relis;ii'usesqiii se lerinineiiipar Te baiser de paix. Dés
lS(i61es walkéiisies forinaienl déjà iilusieurs-assiocia-
lidiis a Kubliii, à Londres, etc. Walker, l'undes lon-
daiciirs de la socle, lui duima son nom.
WICLEFITES, sectes d'hérétiques, qui prit
naissance eu Angleterre dans le xiv° siècle;
elle eut pour auleur Jean Wiclef, professeur
dans l'université d'Oxford, et curé de Lutter-
Avorlh, dans le diocèse de Lincoln.
Durant les divisions qui arrivèrent l'an
13tJ0 d.iiis cette université, entre les moines
mendianis et les prêlres séculiers , Wiclef
prit la défense des privilèges de ses confrè-
res ; mais ayant été obligé de céder à l'au-
torité du pape el des évêques qui protégeaient
les moines, il résolut de s'en venger. Dans
ce dessein, il avança plusieurs propositions
conlraires au droit qu'ont les ecclésiastiques
de posséder des biens temporels, d'exercer
une juridiclion sur les laïques, et de porter
les censures ; par là il gagna l'alTection des
chefs du gouvernement , dont l'autorité se
trouvait souvent gênée par celle du clergé,
et la faveur des grands qui , ayant usurpé
les biens de l'Eglise , méprisaient les cen-
sures portées contre eux. Pour punir Wi-
clef de cette conduile , Simon Langham,
archevêque de Gantorbéry, lui ôla, en 13G7,
la place qu'il avait dans l'université , et la
donna à un moine ; le pape Urbain V ap-
prouva ce procédé de l'archevêque. Wiclef
irrité ne garda plus de mesures, il attaqua
plus vivement qu'il n'avait encore fait le
souverain pontife, les évoques, le clergé en
général et les moines. La vieillesse et la ca-
ducité d'Edouard III, jointes à la minorité de
lUchard II , turent des circonstances fiivo-
rables pour dogmatiser iinpuncmeiit ; Wiclef
en profita. 11 enseigna ouverlement que l'E-
glise romaine n'esi point le chef des autres
Eglises; que les évoques n'ont aucune su-
périorilé sur les prélrcs; que, sciwu ia loi
de Dieu, le clergé ni les moines ne peuvent
posséder aucun bien temporel; que, lors-
qu'ils vivent mal, ils perdent tous leurs pou-
voirs s[iirituels ; que les princes et les sei-
gneurs sont obligés de les dépouiller de ce
qu'ils possèdent, qu'on ne doit point souffrir
qu'ils agissent par voie de justice el d'auto-
rilé contre des chrétiens, parce que ce droit
n'.ppariieut qu'aux princes et aux magis-
trats. Ce novateur, en soutenant de pareilles
maximes, était bien sûr de ne pas manquer
de protecteurs. En effel, l'an 1377, (Irégoire
XI, inlormé de ces laits, écrivit à Simon de
Sudbury , archevêque de Ganlorbéry , elà
ses collèp;ues , de procéder juridi(]uenient
contre Wiclef. Ils assemblèrent un concile
à Londres, auquel il fut cité; il y comparut
accompagné du duc de Lancastre , régent du
royaume, et de plusieurs autres seigneurs.
Par des subtilités scolasliques, des distinc-
tions , des explications , des restrictions et
d'autres palliatifs, il réussit à faire paraître
sa doctrine tolérable. Les évêiiues, intimidés
par la présence et par les menaces des sei-
gneurs, n'osèrent pousser plus loin la pro-
cédure ni prononcer une sentence : Wiclef
eu sortit sans essuyer une censure. Cette
impunité l'enhardit ; il sema bientôt de nou-
velles erreurs. H attaqua les cérémonies du
culte reçu dans les églises , les ordres reli-
gieux, les vœux iiiunastiques , le culte des
saints, la liberté de l'homme , les décisions
des conciles, l'autorité des Pères de l'Eglise,
etc. Grégoire XI, ayant condamné di'i-neuf
propositions de ce novateur, qui lui avaient
été déférées, les adressa avec la censure aux
évêques d'Angleterre. Us tinrent à ce s^ljet
un concile à Lambeth, auquel Wiclef se pré-
senta escorté cl armé comme la première fois,
et en sortit de même ; il osa même envoyer
à Urbain VI, successeur de (irogoire XI,
les propositions condamnées, et olîrit d'en
soutenir l'orthodoxie. Le schisme qui sur-
vint entre deux prétendants à la papauté
suspendit pendant plusieurs années la pour-
suite de cette alïaire , el donna le temps à
Wiclef d'augmenter le nombre de ses par-
tisans,qui était déjà Irès-considérable. Mais,
en 1382 , tiuillanuie de ("ourtenay , arche-
vêque de Gantorbéry, assembla un troisième
concile à' Londres contre Wiclef : on y con-
damna vingt-trois, d'autres disent vingt-
il2â
WIC
WIC
il26
quairc de ses propositions ; savoir , dix
cutmne héréliques , el quatorze comme er-
ronées, contraires aux ilocisionset à la pra-
tique lie ritglise. Les premières attaquaient
l'eucharistie , la présence réelle de Jésus-
Christ dans ce sacrement , le sacrifice de la
messe, la nécessité de la confession ; les se-
condes, l'excommunication, le droit de prc-
chor la parole de Dieu, les dîmes , les priè-
res pour les morts , la vie religieuse , et
d'autres pratiques de riîglise. Le roi Uidiard
soutint par son autoiilé les décisions de ce
concile; il commanda à l'université d'Oxford
de retrancher de son corps Jean Wiclef et
tous ses disciples; elle ohéit. Quelques au-
teurs ont écrit que ce roi bannit Wiolef et
le fit sortir du royaume : cela n'est |)as pro-
l)ahle, puis()u'en 1387, cin(| ans seulemenl
aprôssa condamnation, cet hérésiarque mou-
rut dans sa cure de Lulterworth, après cire
tombé en paralysie deux ans auparavant.
D'autres ont douté s'il se rétracta dans le
concile de Londres ; s'il ne l'avait pas fait,
Itichard 11, déterminé à extirper ses erreurs,
n'aurait pas soull'ert qu'il demeurât en An-
gleterre, encore moins (ju'il retournât dans
sa cure après sa condamnation. Nous avoue-
rons, si l'on veut, que sarélraetation ne fut
pa* fort sincère, puisqu'on mourant il laissa
divers écrits infertés de ses erreurs. On cite
de lui une version de toute l'Ecriture sainte
en ani;lai«; de gros volumes inlilulés de la
Vcrilc ; un troisième, sous le nom daTiiulo-
oue : un quatiièiiie, des dialogues en quatre
livres, qui ont élé imprimés à Leipsicii et à.
Francfort eu 175.5; il en est encore d'autres
qui n'ont point été puliliés; mais aucun de
Ces ouvrai^es n'a pu mériter à l'auteur la
réputation d'un sivant théologien ni d'un
bon écrivain ; le docteur \ idel'ort , qui fut
charge de le réfuter l'an l'JiJG, en savait plus
que lui el écrivait beaucoup mieux. Dans
cette même année, ou, scion d'aulres, en
1410, Thomas d'Aruii tel , primat d'.Vii};le-
tern-, fil de nouveau coud<im.n<:r les erreurs
de Wiclef dans un concile de Londres , et
comme la plupart avaientétéa'ioptées et sou-
tenues de nouveau par Jean Uus, en lïloiie
concile de Constamie, sess. S, proscrivit loule
la doctrine de ces deux sectaires, rassem-
blée en quaranti'-cin(| articles, et iloidouna
que le corps de Wiclef fût exhumé et brûlé.
Comme il a plu aux protestants de mettre
ces deux personnages au nombre des pa-
triarches de la réformi', ils ont fait tout ce
qu'ils ont pu pourpallier les torts de Wiclef,
pour contredire ce qui en e:,t ra|iporté par
les écrivains calholi(jues, cl pour révoquer
en doute les plus grossières des erreurs qu'on
lui attribue; mais ils ne renverseront jamais
je précis qu'en a donné le célèbre Bossuet,
Hist. des Variai., l. xi, n. 153; ill'a tiré des
ouvrages de Wiclef, surtout de son Trinr-
logue. En voici les principaux chefs. «Tout
arrive par uécessiié: lous les péeliés qui se
ciiinnieitenl dans le monde sont nécessaires
et inévitables. Dieu ne pouvait pas empé< her
le ijeché du premier homme, ni le pardon
wt SOUS la SiUiiifaclion cU Jésus-Christ ; Dhea,
à la vérité, pouvait faire autrement, s'il eût
voulu, mais il ne pouvait vouloir autrement.
Rien n'est possible à Dieu que ce qui arrive
actuellement; Dieu ne peut rien produireen
lui ni hors de lui, qu'il ne le produise néces-
sairement ; sa puissance n'est infinie qu'à
cause (|u'il n'y a pas une plus grande puis-
sance que la sienne. Do n)éme qu'il ne peut
refuser l'èlrcàtoutce qui peut l'avoir, aussi
ne peut-il rien anéantir. 11 ne laisse pas néan-
moins d'être libre, sans cesser d'agir néces-
sairement. La liberté que l'on nomme de
cuntradicChn est un terme erroné , inventé
par les docteurs ; et la pensée que nous
avons qui! nous sommes libres est une per-
péiuelle illusion. Dieu a tout déterminé; c'est
de là qu'il arrive qu'il y a des prédestinés et
des réprouvés ; mais Dieu nécessite les uns
elles autres à tout ce qu'ils font, el il ne
peut sauver que ceux qui sont actuellement
sauvés.» Wiclef avouait que les méchants
peuvent prendre occasion de celte doctrine
pour commelire de grands crimes , et que
s'ils le peu veni, ils le font. « Mais, ajoutait-il,
si l'on n'a pas de meilleures raisons à
me dire que celles dont on se sert, je demeu-
rerai confirmé dans mon sentiment sans en
dire mot. » L'on voit ici toute l'impiélé d'un
blasphémateur et toule la scélératesse d'un
athée. Wiclef y ajoutait l'hypocrisie des vau-
dois : il disait comme eux , que l'elTel des
sacrements dépendait de la vertu et des mé-
rites de ceux qui les administraient , que
ceux ijui n'imitaient pas Jésus-Christ ne pou-
vaient pas élre revêtus de sa puissance; que
les laïques de bonnes mœurs étaieni plus
dignes d'administrer les sacrements que les
pi êtres, etc. Mais en quoi peuvent consister
la vertu, la sainteté, le mérite, si tout est la
conséquence d'une lalalité imni^jabJe par
laquelle Dieu même est entraiiié '! C'est ainsi
que de tout temps les partisans delà fata'ilé
se sont plonges dans un chaos de contradic-
tions, et ont cru les pallier en abusant de
tous le^ termes.
En condamnant Wiclef, le concile de Cons-
tance lui attribue d'autres impiétés desquel-
les les protestants ne veulent pas convenir;
mais il ne s'ensuit rien contre la justice de
celte censure. Ou ces erreurs se trouvaient
dans d'autres livres de cet hérésiarque, ou
c'étaient de nouvelles absurdités que les loi-
lards et les uicléfttes ajoutaient à celles de
leur maître.
\^jilà néanmoins le personnage duquel
Basnage a entrepris de f lire rajiologie con-
tre Bo^suel, liv. XXIV, c. 11. Sa grande am-
bition est de prouver i\ue la doctrine de Wi-
clefel de ses disciples était parfaitement con-
forme à celle que les prolestanis ont em-
br.issée au xvi'' siècle ; qu'ainsi ce théolo-
gien est un des principaux témoins de la
vérité, qui a cunlriliué à nouer la chaine de
tradition qui lie le protestantisme aux prin-
cipales sectes qui ont (ait du bruit dans l'iv
gii-c : il se fâche de ce que Bossuet a osé
révoquer en doute cetiu iuiporlanle vérité.
Le dogme de la fatalité at>solue , dogme
destructif de toute religion , de loulc morale
1127
WIC
WIC
1128
et de (ouïe vertu, était un arlicle fâcheux;
Basnage s'en est tiré leslemenl, en avouant
que la manière donl Wicicfa voulu accorder
la liberté de riiomme avec la présence et le
rcincours de Dieu , l'a jelé dans de grands
embarras, mais que bien d'autres que lui
ont été arrêtés par la profondt-ur et l'obscu-
riié de cette question : trait de mauvaise foi
palpable. Wiclel'a si peu pensé à concilier
la liberté de l'homme avec le concours de
Dieu , qu'il n'a pas plus reconnu de liberté
eu Dieu que dans l'homme. S'il a senti l'obs-
curiléde cette qucsiion, de quoi s'est-il avisé
de la décider par une .ibsuniité, en disant
que ce qui se fait librement se fait nécessai-
rement; qu'ainsi la nécessité et la liberté
c'est la même nliosi? Basnage prétend que
les disciples de Wiclef ont sagement évité cet
écueil ; ils ont donc éié plus sages que Cal-
vin, qui s'y est brisé de nouveau avec ses
décrets absolus de prédesiioalion , dont la
plupart de ses sectateurs rougissent aujour-
d'hui. Ce même critique soutient que ce n'est
pas u!ie impiéié dans la doctrine de Wiclef
d'avoir enseigné que « Dieu n'a pu empê-
cher le péché du premier homme, ni le par-
donner sans la satisfaction de Jésus-Christ,
et qu'il a été impossible que le Fils de Dieu
ne s'incarnât pas. » La plus saine théologie,
dit-il, enseigne qu'il était nécessaire que Jé-
sus-Christ mourut, afin que nos crimes fus-
sent expiés : nouveau traii de mauvaise foi.
La saine théologie a toujours enseigné qu'à
supposer que Dieu voulût exiger une satis-
faction du péché égale à l'offense , il fallait
le sang d'un Dieu pour l'expier; mais elle
n'a jamais nié que Dieu n'ait pu pardonner
le péché par pure miséricorde. Cela est
prouvé par l'Ecriture, qui dit que Dieu a
tellement aimé le monde, qu'il lui a donné
son Fils unique; s'il l'a itonné par amour ,
ce n'a pas été par nécessité : le prophète
Isaïe, parlant du Messie , dit qu'il s'est of-
fert parce qu'il l'a voulu, etc. Une troisième
infidélité de Basnage est do soutenir que Vi-
clef, loin d'avancer que Dieu ne pouvait em-
pêcher le péché (lu premier homme, a dit ,
en termes exprès , que Dieu pouvait con-
server Adam dans l'état d'innocence, s'il l'a-
vail voulu; il ne fallait pas supprimer ce
qu'ajoute Wiclef, (\ue Dieu n'a pas pu le vou-
loir. C'est ainsi qu'en accumulant les su-
percheries Basnage a réfuié Bossuel.
Peu nous importe que Wiclef ail rejeté,
comme les protestants, l'autorité de la tra-
dition, la présence réi'lle, le culte des saints
et des imges, la confession, etc.; nous pou-
vons leur abandonner sans regret la succes-
sion des vaudois, des loll irds, des unclé/iles,
des hussites, etc., qu'ils sont si empresses de
recueillir. Une successiond'erreurs, de haine
contre l'Eglise, de séditions et de fureurs
sanguinaiies, n'excitera jamais l'ambition
d'une société véritablement chrétienne.
Pour leur assurer encore davantage ces
litres d'antiquité et de noblesse, nous con-
sentons à comparer la conduite de Wiclef à
celle de Luther : la ressemblance est frap-
pante. 1° Ce dernier fut engagé à dogmati-
ser par une dispute de jalousie entre les
aiigustins ses frères et les dominicains, au
sujet des indulgences; Wiclef y fut entrainé
par ressentiment contre les moines men-
diants qui lui avaient fait perdre sa place,
contre le pape et contre les évéques qui les
soutenaient. Ces motifs étaient aussi apos-
toliques l'un que l'autre. Mais aujourd'hui
l'on peint ces deux prédicants comme des
hommes enflammés du plus pur zèle de la
gloire de Dieu, et qui, après avoir senti la
nécessité absolue d'une réforme dans l'E-
glise, ont conçu le généreux dessein d'y em-
ployer toutes leurs forces. — 2° Luthern'at-
taqua d'abord que les abus qui se commet-
taient dans la concession et la distribution
des indulgences ; mais de ces abus vrais ou
prétendus, il passa bientôt à la substance
même de la chose, à la nature de la péni-
tence, de la jusliQcation, etc. ; de même ,
Wiclef, au commencement, parut n'en vou-
loir qu'à l'excès des richesses et de l'auto-
rité temporelle du clergé, et à l'abus qu'il en
faisait; mais il ne tarda pas d'aller plus loin,
de mer le fond même du droit, de l'autorité
spirituelle et de la hiérarchie. Les extraits
qui furent dressés de sa doctrine en 1377 ,
1381, 1387, 1396, en 1415, enchérissent les
uns sur les autres, et contiennent enfln des
impiétés révoltantes; en fait d'erreurs , la
témérité et l'opiniâtreté vont toujours en
augmentant, et les disciples ne manquent
jamais de surpasser leur maître. De là nous
concluons que ces deux prétendus réforma-
teurs , lorsqu'ils ont commencé à dogmati-
ser, ne voyaient ni l'un ni l'autre le terme
auquel ils prétendaient aboutir, ni les consé-
quences auxquelles leurs principps allaient
bientôt les conduire. Il s'en fallait donc
beaucoup que ce fussent des esprits justes
ni de profonds théologiens. — 3" A peine
Luther eut-il commencé de prêcher sa doc-
trine, que le peuple d'Allemagne, soulevé
par ses maximes séditieuses, prit les armes,
et mit des provinces entières à feu et à sang.
La même chose était arrivée en Angleterre,
l'an 1381 ; les habitants des villages, excités
par Jean Bail ou Vallée, disciple de Wiclef,
s'attroupèrent au nombre de deux cent mille,
entrèrent à Londres, massacrèrent Simon de
Sudbury ,archevêquedeCantorbéry,legrand
prieur de Rhodes, et un seigneur nommé Ko-
berl Haies; ils forcèrent euGn le roi à ca-
pituler avec eus. Ils recommencèrent a se
révolter sous le règne de Henri V, l'an 14.14.
Basnage a beau dire que la cause de ces tu-
multes ne fut point la religion ni la croyance,
mais le mécontentement du peuple opprimé
par les seigneurs ; on en a dit autant de la
guerre des luthériens et de celle des anabap-
tistes. Mais le peuple n'était pas mécontent,
il ne se croyait pas opprimé avant que les
maximes erronées de Wiclef et de Luther
n'eussent échaulTé les esprits, et ne leur eus-
sent fait envisager toute autorité spirituelle
et temporelle comme une tyrannie. Jésus-
Christ avait envoyé ses apôtres comme des
brebis au milieu des loups, les hommes dont
nous parlons ont été des loups au milieu
H29
XER
XEB
lise
des brebis ; par leurs hurlements ils n'ont
coss^ de les exciter à la révolle contre leurs
pasteurs spirituels et temporels. — 4° De
ini'mc que Luther lut cntloclriué par les li-
vres lie Jean Hus, ce'ul-ci l'avait été parles
écrits do Wiclof, et et dernier ne fit d'abord
que renouveler les aneicnnes clameurs d'un
reste de vaudois (|ui si bsistaient em-ore en
Angleterre sous le nom de lollàrds. Si nous
voulions en croire les i^ rotestants, Widcf,
Jean Hus, Luther, étaient trois grands gé-
nies qui, à force d'éluilicr cl d'approfondir
récriture sainte, y ont dc'ouvert que l'E-
glise catholique était corrom.iue dans sa foi,
dans sou culte, d.ms sa discipline, et qu'il
fallait créer un aulre Eglise, '.a vérité est
que ces trois illuminés n'ont eu Vautre ins-
piration que des fiassions mal réglées, d'au-
tre mission que la fougue de leui caractère,
d'autre règle de foi que de contred re l'Eglise
romaine.
Le comble de la malignité, de la part ries
protestants, est de vouloir faire retomber
sur cette Eglise tout l'odieux des scènes san-
glantes auxquelles l'hérésie a donné lieu.
Ils déplorent la multitude des wiciéfites ou
des lollàrds qui furent suppliciés en Angle-
terre pour cette cause ; comme si l'erreur,
disent-ils, était un crime qui méritât la sé-
vérité des lois. Nous avons déjà répondu
plus d'une fois que des erreurs sur des dog-
mes purement spéculatifs peuvent quelque-
fois n'intéresser en rien la société civile ;
mais que des erreurs eu fait de morale et de
droit public, qui tendent à dépouiller de
leurs biens des possesseurs légitimes, à ren-
verser une jurisprudence établie depuis plu-
sieurs siècles, à exciter au pillage et au
meurtre une multitude toujours avide de bu-
tin, ne sont plus d''s erreurs sans consé-
quence, ninis de vrais attentats contre l'or-
dre public. Or telle était la doctrine de Wi-
clef. Une preuve qu'elle fut principalement
envisagée sous ce rapport, c'est qu'il n'y avait
encore eu aucun lollard, ni aucun wicléfitc
puni de peines afiliclives avant l'expédition
sanguinaire à laquelle ils se livrèrent l'an
1381. Quoiqu'il y eût près de vingt ans que
Jean Vallée prêchât le wiclépstne dans les
campagnes, il n'avait essuyé que quelques
mois de prison: mais lorsque l'on vil l'effel
terrible que ses discours séditieux avaient
])roduit, il fut condamné, comme coupable
de haute trahison, à être pendu, et il le fut
en elTi't ;ivec quehiues-nns do ses complice^.
{",e ne lut poiiil en vertu d'une sentence ec-
clésinvtiquc, mais d'une procédure crimi-
nelle f.iile par ordre du roi. Wiclefqui vi-
vait encore, quoique premier auteur du mal,
ne fut point inquiété depuis sa condamna-
lion prononcée l'an 1382.
De quel front Basnage a-t-il donc osé
écrire queH'Eglise romaine altérée de sang
ne se borna point à des dénnitions de con-
ciles contre les wiciéfites , qu'ils imitèrent
la piété de leur maître, qu'ils confirmèrent
la vérité de leur doctrine par la pureté de
leur vie, qu'ils souffrirent avec constance
des supplices redoublés, qu'ils sacrifièrent
leur vie à l'amour de la vérité, etc.? Est-ce
donc assez pour être martyr de se révolter
contre l'Eglise '? Oui, selon les protestants ;
ils pensent que ce crime efface tous les au-
tres: ils oui placé au nombre des témoins
de la vérité tous les malfaiteurs de leur
secte mis à mort pour des pillages , des
meurtres, des incendies, des cruautés de
toute espèce exercées contre les catholiques.
Nous avons prouvé en son lieu que les albi-
geois, les vaudois, les hussites, les protes-
tants, n'ont jamais été suppliciés pour des
erreurs ou des arguments théologiques, mais
pour des attentats commis contre l'ordre
de la société ; il en a été de même des wicié-
fites.
Mosheim, plus judicieux sur ce sujet que
Basnage, convient que la doctrine de Wiclef
n'était point exempte d'erreur, ni sa vie
de reproche. Il pense à la vérité que les
changements que ce novateur voulait intro-
duire dans la religion, étaient, à plusieurs
égards, sages, utiles et salutaires; Histoire
ecclés., XIV' siècle, ri' partie, c. 2, S 19. Il
se trompe; vouloir dépouiller le clergé de
ses biens, n'était rien moins qu'un projet
sage, il ne pouvait être exécuté sans bruit,
et peut-être sans effusion de sang. Tous les
laïques soudoyés par le clergé, et qui tiraient
de lui leur subsistance, s'y seraient certai-
nement o|)posés ; toutes les fois que ce corps
a été dépouillé, le peuple n'y a pas g.igné une
obole, et il comprend très-bien qu'il y a
plus à gagner pour lui avec les ecclésiasti-
ques qu'avec les seigneurs laïques. Les au-
tres changements ne pouvaient être ni utiles
ni salutaires; nous en sommes convaincus
parl'elTet qu'ils ont produit chez les protes-
tants. D'ailleurs quand ils léseraient, était-
ce ;'i de simples particuliers sans caractère et
sans autorité légitime de réformer l'Eglise ?
Les presbytériens, les puritains, les indé-
pendants et d'autres sectes sont dans les
mêmes sentiments que Wiclef sur la hiérar-
chie ecclésiastique et sur le pouvoir des sou-
verains; mais les anglicans, non plus que
les luthériens, ne jugent point que leur ré-
gime soit sage, utile ni charitable. C'est donc
uniijuement l'intérêt du système et la res-
semblance des principes qui ont engagé
Basnage à prendre si chaudement la défense
des u'idéfiles.
X
XÉNODOOUE. Yoy. Hôpital.
XF;R0PHAGIE , régime de ceux qui vi-
vent d'aliments secs; c'est la manière déjeu-
ner la plu» rigoureuse, mais qui s'observait
DlCX. DE ÏHÉOL. DOGMATIQUE. IV.
assez souvent pendant les premiers siècles
de l'Eglise. Ce nom vient du grec ^n^of, sec,
et >ày'.), je mange. Ceux qui pratiquaient la
xérophayie ne mangeaient que du pain avec
36
IISl
ZAC
ZAC
552
du sel, et ne buvaient que de l'eau. C'était la
iii.Miière de vivre la plus ordinaire des ana-
« iiorètes ou des solitaires de la Thébaïde.
Plusieurs chrétiens fervents observaient ce
jeune sévère pendant les six jours de la se-
maine sainte, mais par dévotion, et non par
obligation. Saint Epiphane, Èxposit. fid.,
r. 22, nous apprend que c'était un usage
assez ordinaire parmi le peuple, et que plu-
sieurs s'abstenaient de toute nourriture pen-
dant dus jours, 'l'ertullien, dans son livre
de l'Abstinence, observe que l'Eglise recom-
mandait la a'f^rop/iaj/î'e comme une pratique
utile dans les temps de perséculion ; elle dis-
posait les corps à soulïrir les tourmcnis avec
constance. Mais aussi l'Ejjlise condamna les
montanistes qui voulaient faire do la xéro-
pliagie une loi pour tout le inonde, qui pré-
tendaient qu'il fiillail l'observer pendant
plusieurs intervalles du carême, et qui
av lient établi parmi eux plusieurs carêmes
par an. On leur représenta ((u'il y av lil
plus de jactance et de vanité dans leur cdii-
duite que de vraie piété ; qu'il ne !eur appar-
tenait pas tl^ l'aire des lois de disciplino à
leur gré, que ehaqui' fidèle était le maître
d'observer la a;^ro/jAai7«e pendant toute l'an-
née s'il le jugeait à propos, mais que per-
sonne ne devait être obligé à faire quelque
chose de plus que ce qui avait été ordonné
et observé par les apôtres.
Philon dit que les esséniens et les théra-
peutes pratiquaient aussi des xérophagies en
certains jours, n'ajoutant au pain et à l'eau
que du sel et de l'hysope. On prétend que
chez les païens mêmes ks athièifès suivaient
le même régime de temps en temps, et qu'ils
le regardaient comme le plus propre à leur
conserver la santé et les forces. — Les jeû-
nes et les abstinences des Orientaux, soit
anciens, soit modernes, nous paraîtraient
incroyables, si nous n'étions pas instruits
par des témoins dignes de foi du régime ha-
bituel qu'ils sont forcés de garder à cause
de la chaleur du climat. En général la
viande et tous les aliments succulmls y sont
dangereux; le peuple y est accoutumé à vi-
vre de pain et de fruits, ou de légumes;
avec une poignée de riz, un Indien peut vi-
vre vingt-quatre heures. Mais il faut avouer
aussi que, dans nos climats septentrionaux,
à force de sensualité et sous prélCKle de be-
soin, nous avons poussé à l'excès la mol-
lesse et l'impuissance de pratiquer aucune
espèce de mortification. Cette impuissance
au reste est purement imaginaire ; on peut
s'en convaincre par les ai)slinences forcées
auxquelles sont souvent réduits les pauvres,
par le défaut absolu de ressources. Non-seu-
lement ils demeurent plusieurs jours sans
manger, mais à la fin de cette cruelle absti-
nence ils n'ont pour toute nourriluie flU.'u'i
pain grossier et insiiiide , plus propre à
exciter le dégoût que l'appéiit. Voy. Jeune.
XYLOPHORIE. Voy. Natuinéens
YEUX. Voy. OEiL.
YON (saint). Voi/. Ecoles chrétiennes.
YVES DE CHARtUES. i:oy. Ivks.
YVRESSii, ou IVRESSE. Ce mot dans l'K-
criture sainte ne signifie pas toujours l'étal
d'un homme qui a bu avec excès, mais d'un
hoinme qui a bu jusqu'à la satiété et la gaieté
dans nn repas d'amis; Geii., c. xi.iii , v. 3'*,
il est dit que les frères de Joseph s'enivrèrent
avec lui la seconde fois (;u' ils le virent eu
Egypte; et cela signifie seulement qu'ils fu-
rent léjjalés splendidement à sa table. Une
sentence du livre des Prov. , c. ii, v. 25 , est
que celui qui enivre sera enivré, c'est-à-dire
que l'homme libéral sera libéralement ré-
compensé. Il y en a un autre, Dcut. , c. xxix,
V. 19, qui dit que l'homme enivré détruira
celui qui a soif; cela signifie que le riche
accablera le pauvre. Lorsque saint Paul dit
aux Corinthiens, Epist. I , c. ii, v. 21, dan;!
vos repas l'un a faim et l'autre est ivre, il
enti^nd (jue l'un a manqué d'aliments , pen-
dant ((ue l'autre a été pleinement rassasié.
Dans le style dos Hébreux, enivrerquelqu'un,
c'est le combler do biens. Pu. xxxv, v. 9,
David dit à Dieu, en parlant des justes: Ils
seront enivrh de l'abondance de votre maison,
et vous les abreuverez d'un torrent de délices.
Mais quand saint Paul dit aux Ëphésiens,
c. V, v. 18 : Ne vous enivres point par l'excès
du rin, l'on comprend qu'il est auestion là
de l'ivresse proprement dite.
ZABIENS. Voy. Sabaïsme.
ZACHAKIE. Parmi plusieurs personnages
de ce nom , desquels il est parlé dans l'E-
criture sainte, il en est quatre qu'il faut dis-
tinguer. Le premier est un prêtre , fils di*
pontileJoîada , que le roi Juas fit lapider
parle peuple dans !e parvisdu ti'rnple; crime
d'autant plus odieux, que ce roi était rede-
vable delà vie et du trône à Joïada, Il Parai.,
c. xxiy, V. 20 et seq. Le second est l'avant-
dernier des douze petits prophètes ; il dit
lui-même qu'il était fils de Barachie,et petiW
fils d'Addo , Zach. , c. i, v. 1; l'histoire ne
nous apprend rien de sa mort. Le troisième
est le prêtre Zacharie, père de saint Jean-
Baptiste, dont il est parlé dans l'Evangile,
Luc, c. 1, V. 5. Enfin Josèphe, dans son/i/s-
toire de la guerre des Juifs, l. iv, c. 19 ,faii
mention d'un quatrième Zacharie , fils de
Baruch, qui pendant le siège de Jérusalena
fut tué par la faction des zélés. Il est ques-
tion de savoir quel est celui de ces quatra
«35
ZAC
ZAC
1134
que Jésns-Christ voulait désigner , lorsqu'il
dit fiux scribes et aux pharisiens , Matth.,
c. \xin, V. 34 : Je vais vous envoyer des pro'
phi'tes, des sages et des docteurs; vous met-
trez tes uns à mort et vous les crucifieres,
vous flagellerez les autres dans vos synaifo-
gues, et vous les poursuivrez de ville envitle,
de façon que vous ferez retomber sur vous
tout le saug innocent qui a été répandu sur
la terre, depuis le sangdu juste Abel, jusqu'à
celui ds Zachtirie, fils de Barachie, que vous
avez tué eulre le temple et l'autel.
Les censeurs (le l'Evangile, juifs ou in-
crédules, ont argumenté contre ce passage;
ils ont dit : Jésus-Christ ne peut pas avoir
désigné par là le prêtre Zacharie, mis à mort
par l'ordre de Joas, puisqu'il n'élait pas fils
de Barachic , mais de Joïada. D'ailleurs il
est certain par l'histoire que, depuis la mon
de ce prêtre, les Juifs oni encore ôlé la vie
à plusieurs autres prophètes ; ce n'élait
donc pas le dernier duiiuel le sang devait
retomber sur eux. II ne peut pus être ques-
tion non plus du prophète Za-charie, (ils de
Bararhie, dont nous avons les prédictions,
puisqu'il n'est dit nulle part qu'il ait péri
par une mort violente. Kncore moins s'agit-il
du père de saint Jean-Baplislo ; on ne peut
assurer en aucune manière qu'il était lils
de Barachie, ni qu'il fut mis à mort par les
Juifs. 11 faut que saint .Matihieu ail voulu
désigner le quatrième Zacharie , fils de Ba-
ruch, mis à mort par les zélés pendant le
siège de Jérusalem. D'où il s'ensuit que son
Evangile n'a été écrit qu'après celte époque,
et que saint iMaitliieu commet un anachro-
nisme, en supposant que Jésus-Christ a dé-
signé comme passé un événement qui n'est
arrivé que trente ans après. Saint Luc a
commis laméme faute, c. u, v. ol. En sicond
lieu , c'aurait été une injustice de faire re-
tomber surles Juifs contemporains deJésas-
Chrisl le châtiment de tout le sang innocent
npandu par leurs pères depuis le commen-
cement du monde. Ce'.e vengeance aurait
été contraire à la loi du Dealer. . c. xxiv,
V. 16, qui porte: Les pères ne seront point
mis à mort pour les enfants , »i! les enfants
pour les pères; chacun mourra pour sonpro-
pre péché. Aussi , lorsque les Juifs captifs à
Babylone prétendirent que Dieu les punis-
sait dcsfautesdo leurs pères, Jérémic.c. xxxi,
V. 29, et Ezéchiel, c. xvni, v. 2. leur sou-
tinrent qu'ils étaient punis pour leurs propres
crimes, et non pour ceux de leurs aïeux. En
troisième lieu, dans ce même chap. xxiii de
saint Matthieu, v. 29, et dans le chap. ii de
saint Luc, v. W, le Sauveur semble raison-
ner fort mal ; il dit : Malheur à vous, scribes
et pharisiens hypocrites, qui bâtissez des tom-
beaux aux prophètes, qui ornez les monuments
des justes, cl qui dites : Si nous avions vécu
du temps de nos pères, nous n'aurions pas
conspiré avec eux pour répandre le sang des
prophètes. Vous rendez témoignage contre
vous-mêmes que vaus êtes le< enfants de ceux
qui ont mis à mort les prophètes : ainsi rem-
plissez la mesure de vos pcres. Etait-ce donc
uu trait d'hypocrisie oa de méchanceté, de
bâtir ou dH>rner les tombeaax des pro-
phètes?
Réponse. Pour satisfaire atonies ces diffi-
cultés, il faut entrer d:ins quelques di'<ci)s->
sioiis. 1° Nous soutenons que le Zaeharie
dont Jésus-Christ a lait ntention est le pro-
phète même de ce nom, fils de Barachie, et
dont nous avons les écrits : les caractères
par lesquels il est désigné ne peuvent ron-
vcnir à aucun des trois autres. 1° Le nom
de leurs pères n'est pas le Miéme. 2' L» fils
de Joïada, ni le père de Jean-Baptiste , ni le
Gis de Baruch , n'étaient pas prophètes,
puisque le Sauveur dit, v. 37: « Jérusalem,
« qui mets à mort les prophètes , etc. »
Saint Etienne, Act., c. vu, v. ri-l , demande
aux Juifs : Quel est le prophète que vos pères
n'aient pas persécuté? Ils ont tué ceux qui
leur précisaient l'avènement du Juste. Or, Za-
charie est un de ceux qui ont annoncé le
plus clairement l'avènement du Messie.
3° Le nis de Joïada fat tué dans le temple;
il n'est pas dit en qnel lieu tes Juifs mi-
rent à mort le fils de Baruch ; pour Za-
charie, fils de Barachie , il fut lue entre
le temple et l'autel. Pour s'en convaincre, il
faut savoir que le temple fut rebâti et achevé
la sixième année du règne de Darius, el
que Zacharie prophétisait pemlant la qua-
trième. Or Josèphe, Anliq., liv. xi, c. 4,
nous apprend qu'avant de commencer l'édi-
fice du temple, les Juifs dressèrent un autel
pour y offrir des sacrifices.: il y avait donc
entre cet autel et le temple un espace dans
lequel Zacharie fut mis à mort, selon le
récit de notre Sauveur ; cette circonstance
n'a pu avoir lieu que pour lui. i" Il est très-
probable que ce qui irrita les Juifs contre
lui fut la terrible prophétie qu'il leur fit,
cap. XI. Le silence que les historiens ont
gardé sur ce sujet ne prouve rien; Jésus-
Christ n'aurait pas avancé ce fait, s'il n'a-
vait pas été bien avéré. 2» La prédiction du
Sauveur ne renferme aucune injustice. Au
lieu de lire dans saint. Matthieu, c. xxni, v. 35,
de façon que tout le sang juste retombera sur
toi«.v,etc., le texte grec peut très-bien signi-
fier, d- fa':on que tout le sani/ juste viendra,
ou ne cessir . de couler jusf/u'à vous. De même,
dans saint Luc, cap. xi, vers. 50, où notre
version porte, de manière que lesang des pro-
phètes sera demandé el redemindé à cette gé-
nération, le grec semble plutôt signifier de
manière que le sang des prophètes sera re-
cherché et répandu par cette génération. U
est donc ici question du crime, et non de la
vengeance. Celle explication est très bien
prouvée dans les Réponses critiques aux ob-
jections des incrédules, I. IV, p. 213, etc.
.Mais prenons, si l'on veut, ces deux passages
dans le sens que l'on y donne ordinaire-
ment ; les paroles de Jésus-Chrisl signifieroat
seulement que la génération présente se
rendra coupable du même crime que ses
aïeux, qu'elle méritera le même châlimeot,
el qu'elle le subira ; l'un et l'autre a été vé-
rifié par l'événemcat. Il ue s'ensuit pas de
là que les Juifs aient porté la peine du sang
répandu par leurs pères. 3° Ce n'est point
1135
ZEL
ZEL
1156
Jésus-Chrisl qui raisonne mal, mais ce sont
les incrédules qui l'entendent mal. Le crime
des scribes et des pharisiens ne consistait
pointa bâtir des tombeaux aux j)rophcles,
mais à imiter l'incrédulité, ropiniâtrelé, la
méchanceté deceux qui les avaient mis à
mort, efà prétendre néanmoins qu'ils n'au-
raient point eu de part à ce meurtre, s'ils
avaient vécu dans ce temps-là. En effet, li'S
Juifs, loin de croire en Jésus-Christ, pour-
suivaient avec acharnement sa mort ; déjà
plusieurs fois ils avaient voulu le lapider :
ils ne cessaient de lui tendre des pièges, de
lui faire des demandes captieuses, etc. Jésus-
Christ le leur reproche dans les deux chapi-
tres mêmes que nous examinons. Ils prou-
vaient donc par leur conduite qu'ils étaient
les enfants et les imitateurs de ceux qui
avaient tué les prophètes, qu'ils combleraient
bientôt la mesure de leurs pères, en mettant
à mort le Messie et ses apôtres. Par consé-
quent c'était de leur part une hypocrisie
de bâtir des tombeaux aux prophètes, afin
de persuader qu'ils avaient horreur du
meurtre de ces saints hommes , et qu'ils
étaient incapables d'en faire autant. Si ce
sens paraît embarrassé dans la version la-
tine, il est beaucoup plus clair dans le texte
grec, surtout en vérifiant la ponctuation.
Bep. cril., ihid., p. 195 et 234.
La prophétie de Zacharie est renfermée en
quatorze chapitres; son principal objet est
d'encourager les Juifs à la reconstruction du
temple, et de leur promettre par la suite les
bienfaits de Dieu les plus abondants. Comme
le prophète les annonce en termes pompeux
et sous des emblèmes magnifiques, les juifs
en abusent, ils prennent tout.à la lettre, et
soutiennent que tout cela s'accomplira sous
le règne du Messie qu'ils attendent, puisque
les événements n'y ont pas exactement ré-
pondu après le retour do la captivité de Ba-
bylone. Mais Dieu ne fera certainement pas
des miracles absurdes , pour contenter la
folle ambition des Juifs. Saint Jérôme, dans
la préface de son Commentaire sw Zacharie,
convient que c'est le plus obscur des douze
petits prophètes. — Quant à Zacliarie, père
de saint Jean-Bapliste, nous nous bornons à
dire que le cantique dont il est l'auteur,
Luc, c. I, V. 68, est vraiment sublime, plein
d'énergie et de sentiment.
ZÉLATEURS ou ZÉLÉS. C'est ainsi que
l'on nomma certains juifs qui causèrent
beaucou[) de tumullejdans la Judée, vers
l'an C() de notre ère, quatre ou cinq ans
avant la prise de Jérusalem parles Romains.
Ils se donnèrent eux-mêmes ce nom, à cause
du zèle excessif et mal entendu qu'ils té-
moignaient pour la liberté de leur patrie.
On leur donna aussi celui de sicnires ou
d'assassins, à cause des meurtres fréquents
dont ils se rendirent coupables ; ils se
croyaient en droit d'exterminer quiconque
ne voulait pas imiter leur fanatisme. Quel-
ques auteurs ont pensé que c'étaient les
mêmes sectaires qui sont nomramés héro-
diem dans l'Evangile, Mallh.,c. xxii, v. 16,
et Marc > c. xii, v. L3, mais celte conjecture
n'd aucune probabilité. Aux approches du
siège de Jérusalem, les zélateurs se retirè-
rent dans cette ville, et ils y exercèrent des
cruautés inouïes : Josèphe l'historien en a
fait le détail.
ZÈLE. Ce mot se prend en plusieurs sens
dans l'Ecriture sainte; il signifie souvent
l'indignation et la colère; ps. i.xxviii, v. 5,
David dit à Dieu : Votre co/èrc (zelus) s'allu-
mera comme un feu. Num., c. xxv, v. 13,
Phinées se sentit animé de zèle contre les
impii's qui violaient la loi du Seigneur. Il
désigne aussi la jalousie ; Act., c. xiii, v. 15,
il est dit que les Juifs furent remplis de zèle
ou de jalousie, Ps. xxxvi, v. 1, nous li-
sons : Ne soyez point rival des méchants, ni
jaloux de la prospérité des pécheurs. Prov.,
c. VI, v. 33, la jalousie du mari n'épargne
point l'adullèrodans sa vengeance. Sap. c. i,
V. 10, l'oreille jalouse entend tout. Dieu s'est
nommé le Dieu jaloux (le/oics). Foi/. Jalousie.
Dans le prophète Ezéchiel, c. viii, v. 3 et 5,
l'idole du zèle peut signifier ou la statue de
Baal, ou celle d'Adonis, ou toute autre idole
quelconque, dont le culte excite l'indigna-
tion de Dieu. Dans quelques endroits cepen-
dant il exprime une forte affection, un atta-
chement violent à quelqu'un ou à quelque
chose. Ps. i.xviii, V. 10, David dit à Dieu :
Le zèle de votre maison m'a dévoré. Le pro-
phète Elle. III Uerj., c. six, v. 10 et 14 :
J'ai été transporté de zèle pour le Seigneur
des armées. Zachar., c. i, v. 13 : J'ai életrans-
porté de zèle pour Sion et pour Jérusalem,
C'est dans ce derniersens que nous appelons
zèle de religion l'attachement que nous avons
pour le culte de Dieu qui nous parait le plus
vrai, le désir que nous témoignons de l'é-
tendre et d'y amener nos semblables , le
chagrin que nous ressentons lorsqu'il est
méconnu, méprisé et attaqué par les incré-
dules. Il est évident qu'un homme ne peut
être véritablement religieux sans être zélé,
puisque le;:e/e n'est dans le fond qu'une ar-
dente charité. Est-il possible d'aimer sin-
cèrement Dieu, d'être reconnaissant de la
grâce qu'il nous a faite en serévélantà nous,
sans désirer que tous nos semblables jouis-
sent du même bonheur? C'est le sentiment
que Jésus-Christ a voulu nous inspirer lors-
qu'il nous a enseigné à dire tous les jours à
Dieu dans notre prière : Que votre nom soit
sanctifié, que votre royaume arrive, que votre
volonté se fasse sur la terre comme dans le
ciel. Ce désir ne serait pas sincère, si nous
n'étions pas résolus d'y contribuer de toutes
nos forces. Il dit, Luc, c. xii, v. 49 : Je
suis venu apporter un feu sur la terre, et que
veux-je, sinon qu'il s'allume ? Ce feu était
certainement le zèle pour la gloire de son
Père et pour le salut des hommes, et il l'a
|)oussé jusqu'à répandre son sang, afin de
procurer l'un et l'autre. Personne, dit-il, ne
peut aimer davantage ses amis, que de donner
sa propre vie pour eux[Joan. xv, 13).
Quels effets ce sentiment sublime n'a-t-il
pas opérés dans le monde ? Douze apôtres
faibles, ignorants, timides, mais enflammés
de zèle pour la gloire de leur maître, se sont
1157
ZEL
ZEL
1158
partagé l'anivers, ont porté son nom et sa
doclriiie d'un bout à l'aulrc. 11 lei(|r avait
dit : Unseifjnez toutes les nations ; ils l'ont
entrepris et ils en sont venus à bout. Dans
l'espace d'un demi-siècle les fondements de
l'Kglise ont été posés, et dès ce moment
rien n'a pu les ébranler. Après avoir con-
tinué leurs travaux jusqu'à la mort, les
apôtres ont laissé par succession à d'autres
leur zèle, leur courage, leur mission ; Jésus-
Christ, qui leur avait promis d'être avec eux
jusqu'à la fin des siècles, n'a point man(|ué
à sa parole; le fi'U qu'il avait allumé n'est
pas éteint, le foyer en subsiste toujours dans
son Eglise, et sert à la distinguer de toutes
les sociétés formées sans l'aveu de ce divin
Sauveur. De. siècle en siècle le zèle n'a rien
perdu de son activité, les missionnaires in-
trépides n'ont été rebutés ni par la barbarie
des peuples, ni par la dislance des lieux, ni
par la différence des climats ni par les dan-
gers de la uur, ni par les bizarreries du
langage; ils ont également bravé les glaces
du nord et des chaleurs du midi, l'orgueil
des nations civilisées et la stupidité des sau-
vages. Ces derniers, ans-.! malheureux que
corrompus, et plus semblables à des brutes
qu'à des hommes, une fois instruits, ont
presque changé de nature: la société, la po-
lice, les lois, la culture, l'industrie, les arts,
l'abondance, ont succédé parmi eux à la vie
purement animale ; en leur procurant un
état plus heureux sur la terre, TEvangile
leur a encore donné l'i'spérance d'un bon-
heur éternel après leur mort. Ce ne sont ni
des philosophes, ni des conquérants, mais
des missionnaires zélés, qui ont apprivoisé
successivement les Maures , les Libyens ,
les Ethiopiens, les Arabes, les Perses et les
Parthes, les Scythes et les Sarniates, les
Danois et les iNurmands, les Pietés et les
Bretons, les (îermaius et les Gaulois. Ce n'est
point la philosophie, mais l'Evangile qui a
dompté la férocité des Huns et des V'anda-
les, des Goths et des Bourguignons, des
Lombards et des Francs. Le zi'le a élé plus
hardi que l'ambition des conquérants, que
l'avidité des négociants, que la curiosité et
l'inquiétude naturelle des peuples; et si les
missionnaires n'avaient pas commencé par
diriger la route des navigateurs, la moilié
du globe serait peut-être encore inconnue
aux philosophes.
Mais quel déluge de crimes, de désordres,
de malheurs le christianisme n'a-t-il pas fait
disparaître partout où il a pénétré?, Le meur-
tre des enfants nés ou près de naître, l'usage
de les exposer oudeles vendre, de destiner les
garçons à l'esclavage et les filles à la prosti-
tution, l'habitude de se jouer de la vie des
esclaves, de les laisser mourir de faim, lors-
qu'ils étaient vieux ou malades; les provin-
ces dépeuplées pour multiplier ces victimes
du luxe public, l'impudicitè la plus efl'rénée,
les combats de gladiateurs, etc. On frémit
en lisant le tableau des mœurs païennes ;
notre religion les a changées, et il n'en res-
terait plus de vestiges, si elle était mieux
connue et pratiquée. Mais uous ne nous
souvenons plus de ce qu'étaient nos pères
avant d'être chrétiens. Le laps des siècles,
l'habitude du bien-être, une ignorance alîec-
lée, une philosophie perfide, nous ont readus
ingrats et injustes.
Non-seulement les incrédules n'avouent
point que le zèle de religion soit une vertu ;
ils soutiennent que c'est un vice odieux, et
l'un des plus grands fléaux du «enre hu-
main. « Tant de passions disent-ils, se ca-
chent sous ce masque, il est la source de tant
de maux, qu'il serait à souhaiter qu'on ne
l'eût pas mis au rang des vertus chrétien-
nes. Pour une fois qu'il peut être louable,
on le trouvera ctnl fois criminel, puisqu'il
opère avec une égale violence dans les reli-
gions vraies et dans les religions fausses. »
Quelques-uns néanmoins ont daigné conve-
nir qu'un zèle doux, charitable, patient,
compatissant, tel que celui de Jésus-Christ
et des apôtres, serait une vertu, mais, sui-
vant leur avis, il n'en est plus de tel dans
le monde : les prétendus ceV^ji, conduits par
l'orgueil, par l'ambition de ilominer sur les
esprits et d'exercer l'empire de l'opinion,
s'irrilent delà moindre contradiction; ils
regardent conmic un impie quiconque ne
pense pas comme eux ; à leurs yeux toute
erreur est un crime , toute résislance à
leurs volontés est un attentai. Il ne tien-
drait pas à eux d'exterminer dans un seul
jour tous les mécréants. Le mensonge, l'im-
poslure, la calomnie, l'injustice, la cruauté,
leur semblent permis dès qu'il est question
de la cause de Dieu; il n'est aucun crime
que le zèle de religion ne sanclilie.
tletle inveelive et trop violente pour être
juste; en voulant peindre leurs adversaires,
les incrédules se sont représentés eux-mê-
mes; ils prouvent que le zèle anli-religieux
est plus redoutable que le sèti- lic religion :
pour peu que nous comparions les causes,
les symptômes, les effets de ces deux mala-
dies, nous en serons convaincus. I" Un chré-
tien zélé n'a pas tort de croire qu'il est du
bien général de la société que la pureté de
la foi et des mœurs y soit maintenue, que
toute erreur et toute impiélé en soient ban-
nies. Lorsqu'il tâche d'y contribuer, et qu'il
désire que tout mécréant soit mis hors d'é-
tat de nuire, son intention est certainement
louable, puisqu'elle n'a pour but que la con-
servation du bien que le christianisme a
produit dans le monde. S'il entre dans ses
sentiments de l'humeur, de la haine, de la
colère, de la malignité, s'il emploie des
moyens illégitimes pour nuire à quelqu'un,
il est coupable, sans doute ; s'il croit que la
pureté du motif peut les sanelilier, il est
dans l'erreur. Une des maximes du christia-
nisme est qu'iï ne fuiU pas faire du mal, afin
qu'il en urrive du bien, Hom., c. m, v. 8.
Àlais lorsqu'une armée de prétendus jthilo-
sophes à conjuré la ruine du christianisme,
a forge des milliers de volumes remplis d'in-
vectives, de calomnies, d'impostures contre
cette religion sainte et contre ses sectateurs,
a prêché le déisme, l'athéisme, le matéria-
lisme et le pyrrhonisme, quel motif louable
? 539 tEL
a-t-elle pu nvoir? quel effet salutaire at-clle
pu cspérrr? Ce zèle infernal ne pouvait
aboutir qu'à replonger les naiions dans l'i-
gnorance, dans la corruption, dans l'abru-
lissement, d'où le christianisme les a tirées.
Cela est démontré par l'exemple decellesqui,
pour avoir renoncé à cette religion, sont re-
tombées dans la barbarie. Il est bien ah-
snrde de louer en apparence le z'Ie de Jé-
sus-Christ et des apôtres, et de tr.ivailler à
détruire tout le bien qu'il a produit. —
2° Les moyens dont les incrédules se sont
servis pnur établir, s'ils l'avaient pu, l'irré-
ligion dans l'Europe entière, sont-ils plus
honnêtes et plus légitimes que ceux qu'ils
reprochent aux croyants animés d'un faux
zèle? Cent fois nous les avons convaincus
de mensonge, d'imposture, de faussi's ci-
(alions, de Causses traductions, de calom-
nies forgées contre les personnages les plus
resiectables de tous les siècles; ils ont
employé les invectives les plus fongneuses
pour allumer le fanatisme antichrétien dans
l'espril du peuple, ils se sont érigés en
prophètes , en annonçant la chule pro-
chaine de l'empire de Jèsus-Christ; quel-
ques-uns ont poussé la démence jusqu'à
exhorter les sujets à se ré\olter contre les
souverains, et les esclaves à égorger leurs
maîtres. Avant eux , les predicants du
XVI' viccle s'étaient servis des mêmes cr-
tnes pour faire embrasser l'hérésie; si ceux
!ie nos jours n'ont pas poussé comme les sec-
taires ie aè/e jusqu'à égorger leurs ennemis,
c'a éti' plulot par impuissance que par mo-
dération. L'on sait qne le plus célèbie de
leurs chefs avait fait pendre en effigie ceux
qai avaient érrit conire lui ; nous ne som-
Hies que trop bien fondés à juger que, s'il
en avait eu le ])Ouvoir, il aurait substitué la
réalité à la représentation. — 3' Noas ne
savons pas si leur zèle est allé jusqu'à sanc-
tifler tous ces i>\cè,s à leurs jeux ; toujours
ont-ils osé soutenir qne leurs motifs étaient
louables, leurs procédés irrépréhensibles,
leurs fureurs légitimes; que loin d'être di-
gues de châtiments ils méritaient des statues.
Est-ce à de pareils hommes qu'il convient
de prêch r la douceur, la charité, la tolé-
rance, cl de reprocher des crimes au zèle de
religion? Il faut, disent-ils, honorer la Divi-
nité, et ne jamais songer à la venger. Si
cela signifie qu'il faut permettre à tout in-
crédule (le blasphémer impunément contre
Dieu, et d'insulter ainsi à tous ceux qui l'u-
dorciit, nous demandons d'abord quel avan-
tage il en pciil revenir au genre humain ;
mais expliquons les termes. A proprement
parler, la Divinité ne peut être ni outragée
ni vengée; essentiellement hcu.ouse et in-
dépendante, souveraine maStiesso de toutes
les créatures, inaccessible à tout besoin et à
toute passion humaine, elle ne peut riea
perdre de son étal ni rien acquérir; elle com-
mande aux honimi s de la respecter, (^e l'a-
dorer, do lui être soumis, non pour soirpro-
pte bien, mais pour le leur. 11 est démontré
qu'aucune société ne peut subsister sans re-
ligion; quiconque attaque celle-ci, sape
ZEL
ftiô
donc, autant qu'il est en lui, le fondement de
la société. Lorsqu'on le punit de ses blas-
.phèmes, on venge la société et non la Divi-
nité; elle saura, quand elle le voudra, se
venger comme il lui convient.
On a beau multiplier les sophismes pour
pallier les effets de l'impiéié : tout homme
qui croit en Dieu et qui aime sa religion se
sentira toujours blessé par les invectives, les
sarcasmes, les insultes lancées contre les
objets qu'il révère. Un honnête citoyen ne
sonlTrira jamais patiemment que l'on noir-
cisse ou que l'on méprise sa nation, sa pa-
trie, ses lois, ses mœurs, ses usages; com-
ment serait-il indifférent à l'égard de sa reli-
gion qui est la pr<^mière de toutes les lois, et
la base sur laquelle elles reposent ? On com-
mence par nous outrager, et l'on prêche la
tolérance; c'est comme si un voleur prêcliail le
désintéressement à l'hamme ((u'il a déjio.uillé :
la dérision est trop forte. Que les incrédules
gardent le siLnce, nous n'irons pas nous in-
former de ce qu'ils croient on ne croient pas;
mais ils veulent inquiéter et provoquer tout
le monde, et n'être inquiétés par personne.
Tant de passions, disent-ils encore, se
cachent sous le masque du zèle; soit. Elles
ne se cachent pas moins sous le masque du
bien public, de l'intérêt social, <ii', patrio-
tisme, du salut de l'Etal, du droit et de l'é-
quité, etc. Sous ce déguisement perfide se
sont cachés tous les ambitieux, les séditieux
et les brouillons de l'univers, les incrédules
s'en servent eux-mêmes pour pallier l'or-
gueil, la jalousie, l'envie de dominer, (j ui
les agitent, et il ne s'ensuit rien. — Ce zèle,
disent-ils enfin, agit de même dans toutes
les religions, soit vraies, soit fausses. Qu'im-
porIc?Tous les sentiments naturels de l'hu-
manité se retrouvent aussi les mêmes chez
toutes les nations policées ou barbares,
éclairées ou stupides, heureusement ou mal-
heureusement situéns sur le globe. Miiis
puisque le zèle pour une religion fausse est
réellement un faux ;è/e, c'est à ses sectateurs
qu'il faudrait aller prêcher la tolérance , et
non à ceux qui suivent une religion vraie.
L'on nous objecte les guerres de religion;
mais à cet article nous avons fait voir que
nos adversaires raisonnent aussi mal sur ce
point que sur tous les autres. Non contents
de ces déclamations vagues, ils ont cité des
faits; voyons s'ils sont assez graves pour
mériter tant de clameurs. Théodoret , //is/.
ecciés. 1. V, c. liO, rapporte qu'un évêque de
Suze , dans la Perse, nommé Abdns , ou
plutôt Abdaci, fit détruire un temple du feu,
l'an 414; que le roi, informé de ce fait par
les n)ages , exhorta d'abord cet évcquo à
rebâtir le temple ; que, sur le refus obstiné
de celui-ci , le roi le fit mourir, qu'il fil raser
toutes les églises des chrétiens, qu'il suscita
contre eus une persécution qui dura trente
ans, et dans laquelle il périt un nombre in-
fini do chrétiens, rhéodoret convient que
Abdas eut tort de détruire ce temple ou py-
rée, mais il soutient que cet évêque eut
raison d'aimer mieux mourir que de le réta-
blir; autant vaudrait-il adorer le feu que.de
lia
ZEL
ZOD
1143
lui bâtir un temple. Bayle, Barbeyrac, de
Jaucourt et d'autres ont insisté à i'envi sur
ce trait d'histoire , soit pour montrer les ex-
cès auxquels le zèle de religion est capable
de se porter, soit pour relever la fausse nio-
ralo d'un Père de l'Église, qui a cru que le
zc/e suffisait pour légitimer une action in-
juste, telle que le refus de réparer le dom-
mage que l'on a causé. La brièveté du
récit de Tlu'odorel nous fait assez voir qu'il
était mal informé de la nature et des cir-
constances du fait ; s'il avait été mieux
instruit, il aurait motivé tout autrement sou
avis. Assémani , liihlioth. orient., toin. I ,
p. 183 , et lom. III , p. 371 , nous apprend ,
sur le témoignage des historiens orientaux,
que ce ne fui point Ahdas qui Ht détruire ce
pyrée des Perses, que ce fut un prêtre de son
clergé, sous prétexte que cet édifice, contigu
à l'église (les chrétiens, les incommodait
dans le service di\in. La question est donc
de savoir si i'évéque devait être responsable
de l'action d'un de ses prêtres, et en réparer
le dommage. Nous présumons qu'il ne le
devait pas ; que s'il l'avait fait, dans les cir-
constances où il se trouvait, les mages nii-
raient malicieusement représcnlé sa con-
duite comme une apostasie, et qjie c'est ce
que Théodorel a voulu f;iire enlctulrc. Assé-
mani soutient encore qu'il est faux que cotte
persécution , qui arriva sur la fin du rtgne
d'Isdegerde, ait duré longtemps; elle fut
promptement assoupie. Elle recommença
sous le règne de Varane son successeur, non
pour punir aucun délit des chrétiens, mais
parce que la guerre se ralluma entre les Ro-
mains et les Perses. Dans cette circonstance
les mages ne manquaient jamais de peindre
au roi les chrétiens comme des sujets sus-
pects, livrés aux Uomains par inclinalion, et
dont il fallait se délier : telle fut toujours la
vraie causedes pcrsécutionsqu'ils essuyèrent
de la part des rois de Perse. Cela est si vrai
que, quand les ncstoriens et les eutychiens
eurent été bannis par les empereurs, ils fu-
rent accueillis par les Perses, parce qu'on
les regarda comme des ennemis de l'empire.
Aussi Mosheim, mieux instruit de ces faiis
que les autres protestants , n'a pas déclamé
avec autant d'indécence qn'eux contre la
conduite d'Abdas.
Karbeyrac a cité en second lieu l'exemple
de Marc d'.\rcthuse, qui , sous le règne de
Julien, refusa de reliâtir un temple de païens
qu'il avait fait démolir sous le règne de
Constance. Comme cet évcque y avait été
autorise par l'empereur, avant de le con-
damner, il faut faire vnir que Julien avait
plus de droit de faire rebâtir ce lempie (jne
Constance n'en avait eu de le faire liémollr.
Julien fat d'autant plus criminel d abamion-
ficr Marc à la fureur des païens d'Aréihuse,
que cet évèque lui avait sauvé la vie dans
son enfance. Quand ces sortes de faits se-
raient cent fois plus graves et en plus grand
nombre, serait-ce assez pour prouver qu.> le
zèle de religion est une des passions les plus
fatales an genre humain ? Comparez, décla-
tualeurs impudents, comparez ces délits de
quelques particunérs , avec les neureux ef-
fets que le zèle des chrétiens a opérés dans
le monile entier, qui subsistent encore de-
puis dix-sept cents ans, et dont vous jouissez
vous-mêmes : comparez l'étal actuel des na-
tions chrétiennes avec celui des peuples
infidèles qui n'ont pas voulu recevoir l'É-
vangile ou qui y ont renoncé ; comparez
enlin trois cents ans de persécutions cruelles,
pendant lesquelles les chrétiens se sont
laissé égorger paisiblement, avec ces instants
d'un faux zèle dont un très-pelit nombre ont
été saisis , et osez encore exagérer les maux
qu'ils ont produits. Mais les incrédules ne
sont pas assez raisonnables pour faire au-
cune comparaison : ils ne cesseront jamais
de répéter les mêmes invectives; heureuse-
ment elles se réfutent par elles-mêmes; ils
n'oseraient pas se les |)ermelire, si le zèle
de religion était en général aussi fougueux
qu'ils le prétendent.
• ZODIAQUES. — Pcndnnt l'expédition de Cnna-
pariK en Egypte, les savants qui l'avaient accom-
pagné dans sa grande expédition iroiivèreiil plu-
sieurs îodia(iiii's qui excitèrent vivement l'atlenlion.
On en trouva deux à Esneli, l'un du plus grand, et
l'autre du plus petit de ses temples. Ces deux zo-
diaques, avec le zodiaque reeiangulaiic de Dende-
rali, soiil les seuls (pii niérilent une atienlion par-
ticulière ; le planisplière circulaire devra partager
le sort du Zndiaipie peint dans le même leniple. On
n'eut pas pluiot publié des gravures de ces monu-
meals, que l'hànope, et particulièrement la France,
turent inondées de mémoires et de dissertations (|ui
en discniaient l'aniiiiuité. Il fut généralement posé
en principe qu'ils repré'eiilaiont l'état du ciel à l'é-
pncpie où ils avaient été formés, et (ai les édifices
qu'ils ornaient avaient été élevés. Quelques savanis
y apercev:iienl le point où les colures des solstices
coupaient l'écliplique à celle épnqne , el , avec liur-
ckhardi, atirihiiaient au grand zodiaque d'Esneli l'ef-
frayante antiquité de sept mille, el à celui de Den-
derah, celle de quatre mille ans; mais Oupuis, en
partant des mêmes prémisses, restreignait à trois
mille cinri cent Miixaniedeus celle de ce dernier (a).
D'antres préiendircnl qu'ils représenlaienl l'eiat
du ciel au coinniencemeiit de la période sotliique, et,
comme sir W. Drummond, assignaient a criui de
Denderaji treize cent vingt-deux (ft), et à celui du
grand lenipled'Esneli, deux mille huit cents ans avant
noue ère (c). Une trois ème clause cnlin y vil le
lever liéliaqne de Sirins à une époque donnée, et
conclut, avec Fiairier, (jue les zodia(|ues d'Esneh da-
taient de deux mille ciiii] cents, et celui do Den-
deralide deux mille ans avant .lésus Christ (</) ; ou
bien, avec Nnnet, que le dernier était de denx mille
cinq cenis, el le plus grand des deux premiers, de
quatre mille six cents ans aniériciir à cette ère (e). Je
n'ai pas besoin de vons fitigner plus longtemps par
l'éniMiiéralion de pareils systèmes. I^a même bas'j
conduisit les divers philosophes qui s'en occupè-
rent à des co!iclu~ic)iis oppnsees; ei c'est ainsi que
l'ei reiir se trahit elle-inênie par la variété caraclé-
ristiipic de ses couluors.
Dès te début de W discussion, il y eut une classe
d'investigateurs qui osèrent proposer d'examiner,
non plus d'après les principes astronomiques, mais
(n) Voyez Cuvier.
b) Mimmire sur l'anliquilé des Zodiaques de Deiideralt
cKVE^uU. I oiel., 18il, p. IH.
(C) Ibid., p. aO.
(il) VuMzGin.ïuianl, p. 919.
(e) IU;herclies iiouveUcf de Voliii'y, ni' partie. Paris,
1814, p. 030.
1143
ZOD
ZOD
IIU
d'après des principes arcliéologiqnes, l'alarnianle
antiquité accordée à ces curieux monuments; de ce
nombre furent le vénérable et savant nmnsignor
Testa, et le fameux antiquaire Visconii (a). Le der-
nier remarqua, en particulier, que le temple de Den-
derali, quoique d'arcliitecture égypiieime, portait
des marques caractérisliquesqui nepouvaient remon-
ter au delà des l'l<ilémées, et que des inscriptions
jïrecques, qui s'y irouvaient, avaient trait à un des
Césars, qui, à son avis, devait être Aiigiisieou Ti-
bère. Ce raisonnement cependant resta sans crédit
pendant vingt ans, et les explicaiions astronomiques
furent seules admises. M. Bankes, durant son voyage
en Egypte, lit de cetie intéressante recherche l'objet
d'une iirofiind.' attention; ei, dans une lettre à M.
David Baillie, il li;i fit part des raisons qui le fon-
daient à croire que ces temples ne remontaient pas
à une plus haute antiquité que les règnes d'Adiien et
d'Anloniii le Pieux (/<). H remarqua que, tandis que
Jes chapiieaux des plus anciennes colonnes de Thèhes
De se composaient que d'une simple campanille,
snppnriée par un fût polygone ou cannelé, ceux
d't.sneh et de Denderah sont laborieusemenl enri-
chis de feuillages et de fruits. Bien plus, les hiéro-
glyphes qu'on voit sur les colonnes ne sont cer tai-
iienienlpas égyptiens, puisque M. Bankes y a trouvé
une inscripiioii indiquant qii'ils y avaient été tracés
sous le règne d'Anlonin (c). Cependant les argu-
ments arcbéologiiiues en faveur de la construction
moderne de ces tnonunienis ont reçu, de la plume
de M. Leiroiine, leur entier développement. Ce sa-
vant érudit a puisé, dans les publications et les rap-
ports des voyageurs, tous les renseignements néces-
saires sur l'architecture de ces temples, et a ex-
pliqué les inscriptions qu'ils portaient encore. MM.
ihiyot et Gau lui fournirent des particularités inté-
ressantes sur le premier sujet, l'architecture. Entre
autres laits, ils démontrèrent, d'après le style et les
couleurs employées, que le portique du petit temple
d'Ësneb, où le Zodiaque est peint, est de même date
que le temple lui-même. Or une inscription, la même
prohableinent dont parle M. Bankes, lut copiée par
ces artistes sur une colonne du temple. Cette ins-
cription porte que deux Egyptiens lirent exécuter
ces peinluics la dixième année du règne d'Anlonin,
la centquarante-sepliiiiie apièsJésus-Chnst (d). Telle
est donc la date du petit zodiaque d'Esneh, auquel
on avait assigné une anli(|uiié de deux à trois mille
ans avant l'ère chrétienne! Le temple de Denderali
a partagé le même sort : une inscriplion grecque qui
se trouve sur son portique, et à laquelle on n'avait
pas fait allention, déclare qu'il était dédié au salut
de Tibère (e). Tandis que M. Letronne était ainsi
occupé à examiner les inscriptions grecques dont
étaient chargés ces prétendus restes de la plus haute
antiquité, M. Champollion mettait la dernière niain
à son alphabet hiéroglyphique, et il conlirma bientôt
par ses recherches les conclusions de son ami. Il lut
aussi sur le parvis du temple de Denderah la lé-
gende hiéroglyphique de Tibère (/'). Sur le plani-
sphère circulaire de ce même temple, il déchiUVa
lés lettres ATKPTP, ou bien, en suppléant les voyel-
les, AïTOKPATûP, titre que prenait Néron sur ses
médailles égypiiennes (g),
il ne reste plus que le Zodiaque du grand temple
(«) Testa , Soprti due Zodùici riovellaniente scoperti nell
EgiUo. Rome, 1802. — Visconli, dans l'Hérndole de Lar-
cher, vol. H, p. S67 et seqq.
(6) Mémoire de sir W. Drimimond, p. 56.
(f) Ibiil., p. 57. — Il s'agit ici, je pense, du temple
siiué au nord d'Êsrieh , connu sous le nom de Petit
Temple.
(rf) Recherches pour servir à ihisloire de l'Egypte pen-
duui la domination des Grecs el des Romains. Pans, 1823 ,
p. 45R.
(el IbiU., p. 180.
if) Leurc à M. Lelroime, à la fin de ses Obseriialions, etc.
(g) Leltre à M. Dticier, p. 23 ; Letronne, p. 3S.
d'Esneh, et M. Champollion a fait aussi bon marche
de son antiquité et de celle du temple sur lequel il
était peint. Lors de son séjour à Naples, en août 1826,
sir William Gell lin conununiqua des dessins exacts
du Zodiaque d'Esneh, tracés par MM. Wilkinson et
Cooper, et il découvrit que ce monument avait été
érigé, non comme l'auraient conjecturé les astrono-
mes, sous le régEie de quelque Pharaon égyptien, por-
tant un nom barbare, mais sous l'empereur romain
Commode (a). Déjà il avait prouvé que les sculptures
de ce temple avaient été exécutées sous le règne de
Claude {b}.
Ce fut donc avec justice que le ministre de l'inté-
rieur, le vicomte de la Rochefoucauld, dans une lettre
adressée au roi de France et datée du 15 mai 1826,
attribua à M. Champidliun le mérite d'avoir, dans
l'opinion de tout esprit impartial, décidé le point en
litige. « Le suiïrage public, dil-il, des hommes les
plus distingués de l'Europe a sanctionné des résultats
dont l'application a déjà été très-utile pour découvrir
la vérilé en histoire, et pour aOérniir les saines doc-
trines littéraires. Car Voire Majesté n'a pas oublié
que les découvertes de M. Cluimpollion ont démon-
tré péreniptoireuient que le Zodiaque de Denderah,
qui semblait alaïuier la croyance publique, est une
œuvre qui remonte seulement au temps où les Ko-
mains possédèrent l'Egypte, i
On ne devait pas cependant se flatter que la rési-
stance des ennemis du christianisme céderait entiè-
rement devant ces vigoureuses altaqiies. Trop de
science avait été dépensée à soutenir des théories soi-
gneuseuient élaborées ; on avait exposé avec tiop de
confiance des systèmes favoris, pour que ceux qui
en avaient été les auteurs y renonçassent sans peine,
et en certains cas sans résistance!
Difficile est lougum subito deponere amorem.
(Catdlle, Carm.LXwi, 15.)
Il était bien démontré, de l'aveu même de nos ad ■
vcrsaires, que les temples, et par conséquent les
Zodiaques qui y étaient conienus, étaient mudernes ;
mais ces derniers devaient avoir élé copiés sur d'au-
tres d'ancienne date. Ainsi le plan original du Zo-
diaque circulaire de Denderah devait avoir élé formé sept
siècles au moins avant notre ère. Tels furent les moyens
de défense mis en asant par feu sir William L»jum-
moiid, dans son dernier ouvrage (i) ; mais quand il
l'écrivit, il ne pouvait encore avoir eu conaissance
de la savante dissertation publiée quelques mois au-
paravant, dans laquelle M. Letroime a perlé le der-
nier coup à son système, ainsi qu'à tout autre sys-
tème qui aurait pour bui de défendre l'absurde
antiquité des Zodiaques (d).
L'intrépide voyageur Cailliaud, à son retour d'E-
gypte, apporta, entre autres rareiés, une momie dé-
couverte à Thèhes, el remarquable par plusieurs
particularités. Les deux plus importantes étaient une
légende grecque bien détériorée, et un zodiai|ue qui
avait une exacte ressemblance avec celui de Den-
derah (e). Dans la dissertation doni je viens de par-
ler, M. Letronne entreprend d'expliquer ces deux
points, et (le les faire concorder avec les représen-
tations zodiacales des temples égyptiens. 11 établit
l'inscription avec un bonheur qui doit satisfaire le
critique le plus pointilleux , et reconnaît que la
momie est celle de Péiéménon, fils de Suter et
de Cléopàire, qui mourut à l'âge de vingt et un ans,
(û) Bulletin univers, ut supra.
(b) Lelroniie.
((•) Origines ou Remarques sur foriginc de pluttems
empires, vol. Il, p 2:27. Loud., 182S.
(d) Ubservations critiques et archéutogiques sur l'objet
des eprésentations zodiacales. i'3vii,ii>jTS 1824. L'éplire
dWicaloire de sir \V. Urummoiid est datée du 17 septem-
bre 1812.
(e| Voyage à Mérué au fleuve Blanc, etc., Paris, 182.Î,
in-tol., vol. 11, pi. 71.
{145
ZOD
ZOD
«Uf
quatre mois , vingt-deux Jours , la dix-neuvième
aiÉiice de Trajan , le Imilièine joui' île payiii ,
ou ie 2 juin de l'an IIG de l'ère actuelle (a). Le zo-
diaque qui se trouve à l'intérieur de la niche de celte
momie, ressemble, comme je l'ai déjà dit, à celui de
Denderali; il est, comme lui, supporté par une ligure
monstrueuse de fcmine qui a les bras étendus, et il
présente les signes du zodiaipie sur deux handes pa-
rallèles inoiuaiitel descendant précisément dans le
niêiue ordre, et dans un nyU: de dessin tout pareil.
On y découvre même la vaclie re|iosant dans nn
bateau, (|ui est l'cmlilèine d'Isis ou Sirius. Un peut
donc affirmer que l'identiic des deux représeniatioiis
zodiacales est pleinement établie. Mais le petit zo-
diai|ue offre une particularité : le signe du Capri-
corne ne se trouve pas dans l'ordre des autres signes;
il est placé sur la tète de la figure, dans nu lieu à
part, d'où il seud)le dominer (b). L'exisleuce même
d'un zudia(|ue sur la niche d'une momie doit l'aire
naitre l'idée qu'il a rapport à la personin' em-
baumée ; en d'autres icrmes, que c'est un ïodiaqne
aslroioijique, et non un /.odiaiiue aslroiiomiqne. Dans
ce cas, on peut supposer (|ue le signe, détaché et
mis à pan, repri'S(;nte le signe sons lequel cette per-
somie était née, et dont, par coriséqiienl, devait dé-
pendre sa destinée pour tout le cours de sa vie. II
est lacile de vérifier cetie hypothèse. Nous avons
l'âge exact de Péléménon, ainsi que la date de sa
mort; en calculant d'après cela, nous trouvims qu'il
était né le l'i de janvier de l'an 95 de l'ère chré-
tienne. Ce jour-là, le soleil se trouvait à peu prés
aux deux tiers du Capricorne.
Si au lien du signe nous préférons la constellation,
la conclusinii sera la même : car en calculant d'a-
près la taille do Delambre, selon la précession an-
nuelle, nous trouvons i|u'à l'époque en (|iiesli(in,
toute la coÊislellation était comprise dans le signe, et
que, le 12 de janvier, le soleil se trouvait au sei-
zième degré environ de cette constellalioii (c).
M ne peut dune nous resler aui un doute que le
zodiaque ne lût l'expression d'un thème natal ; et l'a-
nalogie nous conduirait au même résultat par rap-
port à celui de Dendirali, quand même la présence
des décuiis, reconnus par Visconti et expliqués par
Champolliiin, (|ui a lu aussi bien qu'eux les noms qui
leur sont donnés dans Julius Firmicus, ne nous au-
toriserait pas déjà à le considérer comme astrologique.
M. Letronne, cependant, ne se contente pas de
cette conclusion gi'iiérale, mais il entre dans un examen
approfondi de l'astrologie des anciens. Cette sciL-nce,
qui est née en i^gyptc, a passé en Grèce et à Home,
puis elle est revenue dans sa mère patrie, ennoblie et
consacrée par le patronage des Césars (d). Au mo-
ment précis où ces fameux Zodiaques lurent traces,
cette science, s'il est permis de l'appeler ainsi, avait
atteint son zénilh, et planait au-dessus de son sol
natal. Manilins et Veiilus Valens composèrent des
Iraiiés sur cette prétendue science : l'un sous le
règued'Auguste.et i'aulre sous celui de Marc-Aurèle;
mais les nombreuses médailles astrologiques d'E-
gypte sous Trajan, Adrien et Anlonin, sont des preu-
ves irrécusables de la vogue dont elle jouissait alors
dans ce pays (e). Celait aussi le temps des sectes
astrologiques, des gnosliques, des opbites et des
basilidiens, dont les Abruxas, qui représenlaieut di-
verses combinaisons astrologiques, ont été pris sé-
rieusement par quelques-uns de ceux qui ont entre-
pris d'expliquer les Zodiaques, pour des munuinenls
aniérieurs de trois mille huit cent soixante-trois ans
à l'ère cliréliennc (/'). Ce concours de preuves, les
dates modernes et pres(|ue contemporaines de tous
(a) l'ag. 50.
(6) iiiid., p. 49.
(c) Pag. g-., SA.
(rf) Pag. m, 8(j.
«) Pag. 80, 92.
(/■) Itiid., p. 70.
les Zodiaques, le caractère incontestablement astro-
logique de l'un d'eux, les décans tracés sur un autre,
et, par-dessus tout, l'inlluence des idées astrologi-
i|ues à l'époque même à la(|uelle ont été faits tous les
Zodiaques existant en Egypte, ne nous laissent plus
aucun lien de douter que toutes ces représentations
zodiacales ne soient simplement des restes de la
science occulte, et n'expriment que des sujets géné-
lliliaques (a). Quelle perte de talents, de temps et
d'érudition la vérité n'at-clle pas à déplorer, en re-
traçant l'histoire de cette mémorable controverse!
Sur (|uel éclatant amas de systèmes ruinés Terreur
n'a-t-elle pas à gémir ! Systèmes oii tout était brillant,
tout imposant, tout aninii' de conliance ; mais uù
tout en n)émi; teni|is était creux, fragile et sans con-
sistance! 11 s'est, il est vrai, trouvé des cas où l'on a
vu le génie et le savoir d'un antiquaire devenir le
jouet d'une fraude plaisanie ou maligne ; ou en a
vu, comme Scriblerus, rendre à de la rouille mo-
derne le respect et l'hommage réservés à celle de
l'antiquité (if ); mais jamais auparavant le monde
n'avait vu dans aucun cas un esprit de vertiiie s'em-
parer si complètement d'un aussi grand numlirc
d'hommes de science et de talent, qu'ils aient attri-
bué des siècles sans nombre d'existence à des mo-
numents comparativement modernes, et (|ue, sans
se laisser effrayer par la chute de tant de systèmes,
« Ils lultent encore dans la môme arène oii ils ont vu leurs
compagnons toinber devant eux, comme les feuilles
d'uu même arbre. >
(Cuild-Hahold, chant iv, 9 t.)
Jamais, en effet, l'erreur ne s'est monirée plus par-
faiiement semlilable à l'hydre de la fable. Chaque
tète était coupée dès qu'elle apparaissail, mais il
s'en élevait aussitôt une nouvelle à sa place, égale-
ment hardie, el disant de (frandes choses. Cette guerre
violente a continué pendant plus de vingt ans ; mais
comme les préjugés se sont peu à peu dissipés, et
que la vériiable science a pris de nouvelles forces,
les facultés vitales du monstre ont perdu de leur vi-
gueur, et les blessures qu'il a reçues lui ont été plus
fatales. Depuis longtemps il a rendu le dernier sou-
pir, les derniers efforts de ses mortelles atta(|ues
ont cessé; et, n'existant plus que dans les annales
de l'histoire, il ne peut pas plus aujourd'hui inspirer
de terreur aux plus simples et aux plus timides, que
le squelette décharné, ou que les dépouilles bien
conservées de quelque monstre du désert, dans le
cabinet des curieux. Toutefois il y a du plaisir à voir
le catalogue des noms illustres qui n'ont pas courbe
le genou devant cette idole favorite, et je ne ferais
que leur rendre jusiice en les citant. L!n écrivain,
dans un journal anglais, longtemps après les der-
nières reclierches dont j'ai rendu compte, a en la
hardiesse d'avancer, que < sur le coniinent (et il
parle de la France en particulier), l'antiquilé des
zodiaques de Denderah a été considérée comme suf-
fisamment éiablie pour prouver que les Egyptiens
étaient un peuple savant cl iniiié aux sciences long-
leiiips avant l'époque île laquelle notre croyance l'ail
daier la création de l'homme; i tandis (|n'en Angle-
leiTe cette opinion non-seulement était rejetée» mais
le contraire même avait été démonlré pour la pre-
mière fuis par M. lientley (c). Par un procédé lo-
gi(|ue, malheureuseiiK'nl trop commun dans les pa-
ges de ce journal, l'écrivain attribue la cause de ce
piiénumène à la religion des deux pays. « La fu-
neste influence du papisme, dit-il, pousse le philo-
sophe qui cherche la venté à rejeter loule révélation
comme une fourberie inventée par les prêtres; tau-
(n) Ibid., p. lO:;, 108
(6) Voyez les Curiosités de Littérature de d'Israéli,
2'sér. 2' édit. J.oiiil., 18:24, vol. III, p. 49 et suiv. Mais
aux exemples cités par d'Israéli on pourrait en ajouter
beaucoup d'autres également curieux.
{c) Briùih crilic., avril 1826, p. 157
H47
ZWI
ZWI
H48
dis que, dans noire pays libre, i'encourngement
donné à un plein et libre examen des preuves du
clirisiianisme en a fnit sentir loule la force aux rai-
sonneurs doués de sagacité (n). t Tout ceci a été
écrit deux ans après que le dernier ouvrage «le Le-
tronne eut mis fin au dél)at soulevé à l'occasion des
zodiaques. Si dune ce critique avait été moins em-
porté p:ir le désir de lancer îles traits contre le catho-
licisme, dans le temps même qu'il comlialtait l'im-
piélé, reimemicommim, il n'aurait pas mampic assii-
rémeni de se rappeler les noms, non-senleineni de
Letronue et dr Cliampollion, m:iis encore de Lalande,
de Vicnnli, de Paravey, de Delambœ, de Testa, de
Biot, de Sainl-Marlin, de llalma et de Cuvier, qui
tous ont assigpié à ces monuments une date moderne.
Or tontes les fois qu'il est question, non de nom-
bres, mais de science astronomique , des noms tels
que ceux de Lalande, diî Debimbie et de Biot peu-
vent assurément en contre-baliincer plusieurs autres,
et venger les savants français de l'odieuse incul-
pation si injustement lancée contre eux.
♦ ZOROASTUE. Voy. Perses.
ZWINGLIIÎNS, secte de proteslants, ainsi
nommés de Ulric ou Huldriz - Zwingle ,
leur chef, suisse de nation, né à Zurich.
Après avoir pris le bonnet de docteur à Bâie
en 1303, el s'élre ensuite distingué par ses
talents pour la prédication, il fut pourvu
d'une cure dans le canton de Glaris, et en -
suite de la principale cure de la ville de
Zurich. Dans le môme temps, ou à peu près,
que Luther commença de répandre ses er-
reurs en Allemagne , Zwingle enseigna les
mêmes opinions contre les indulgences, con-
tre le purgatoire , l'intercession et l'invoca-
tion des saints, In sacrifice de la messe, le
jeûne, le célibat des prêtres, de, sans lou-
cher néanmoins au culte extérieur.
C'est une question eiilre les luthériens et
les calvinistes, de savoir si c'est Luther ou
Zwingl'^ qui conçut le premier le iirojet de
la réi'ormalion. Comme cette disput" nous
intéresse fort peu , il nous suffit d'observer
que, comme Luther avait pris ses opinioits
dans les livres de Wiclef et des hnssilcs, il
n'est pas étonnant que Zwingle ait puisé les
siennes dans la même source el se soil fon-
dé sur les mêmes arguments. Oue l'un ait
commencé à les publier l'an 15i6 et l'autre
l'an 1317, cela n'iniporte en rien à la v. ri(é
ou à la fausseté de leur doctrine. Une afi'ec-
talion puérile des prolestants esl de vouloir
persuader que cette troupe de piélendus ré-
formateurs, qui parurent tout à coup dans
les différentes contrées de l'Europe au xv '
siècle, étaient ou autant d'inspirés que Uicu
avait illuminés, ou autant de génies siip.'-
rieurs, qui, par une élude profonde et con-
stante de l'Ecriture sainte, aperçurent à peu
près dans le mêuie temps les erreurs, Icsahus,
les désordres dans lesquels l'Eglise rom sine
était tombée, liais pour peu que l'on possède
l'histoire des xii", xiii", xiv cl xv*' siècles, on
sait que, pendant cet intervalle, l'Europe n'a-
vait pas cessé d'être infestée par des sectaires
qui, tantôt sur un article, tantôt sur l'aulre,
avaient employé contre l'Eglise catholique
les mêmes objections, les mêmes abus que
(a) Brilisli eritic, avril 18^6, p. 136 et seq.
l'Ecriture sainte, et les mêmes calomnies
Les prétendus réformateurs ne firent que
les rassembler, et formèrent leurs systèmes
de ces pièces rapportées. Le témoignage
seul des prolestants suffit pour nous en con-
vaincre. Afin de prouver que leur doctrine
n'est pas nouvelle, ils se donnent pour an-
cêtres les albigeois, les vaudois, les lollards,
les wicléQles, les hussiles, etc. De quel front
veulent-ils, d'aulre pari, nous peindre leurs
fondateurs comme des esprits sublimes qui,
par lears propres lumières, ont découvert
toute vérité dans l'Ecriture sainte, et n'ont
point eu d'autres maîtres que la puroie de
Dieu? Dans la réalité, c'étaient de simples
copistes el de purs plagiaires. On ne peut
voir sans indignaliou les écrivains proles-
lanls prodiguer le nom de grands hommes
à une foule d'aventuriers dont la pluf.art
n'étaient que des prêtres ou des moines
apostats, qui avaient secoué le joug de toute
règle pour être impunément libertins.
Si du moins ils s'étaient accordés , on
pourrai! être dupe de leurs prétentions ;
mais à peine eurenl-ils rassemblé quelques
prosélytes, que chacun d'eux voulut faire
bande à part. Quoique Zwingle convînt en
plusieurs points avec Luther, ils étaient ce-
pendant opposés sur deux ou trois articles
principaux de doctrine. Luther était prédes-
tinaleur rigide, il donnait tout à la grâce
dans l'affaire du salut, il niait le libre arbi-
tre de l'homme. Zwingle, au contraire, sem-
blait adopter l'erreur des pélagiens, tout ac-
corder au libre arbitre el aux forces de la
nature ; il prétendait que Caloti , Socrale,
Scipion, Sénèque, Hercule même et Thésée,
et les autres héros ou sages du paganisme,
avaient gagné le ciel par leurs vertus mora-
les, l'asnage néanmoins a voulu le justifier|:
il prétend que, selon la doctrine formelle de
Zwingle, personne ne peut aller à Dieu que
jjar Jésus-Chiist, et que la grâce justifiante
est absolument nécessaire. Il pensait donc
que les philosophes pouvaient avoir eu quel-
que connaissance de Jésus-Christ, comme
Melchisédech, les mages et d'autres justes
qui étaient hors de l'ancienne alliance;
qu'ils pouvaient donc avoir eu une grâce
intérieure pour produire les excellents pré-
ceptes de morale qu'ils ont enseignés. En
. cela, continue Basnage , Zwingle pensait
comme saint .lustin, saint Clément d'Alexan-
drie et saint Jean Chrysoslome. Histoire de
l'Eglise, I. xxv, c. V, §9.
Il y a dans celle apologie deux infidélités
grossières. 1° Pour éviter le pélagianisme,
ce n'est pas assez d'admettre la nécessite
d'une lumière inlcricure pour obtenir le sa-
lut, il faut encore confesser la nécessité
d'une motion surnaturelle dans la volonté,
qui l'excite à faire le bien et à correspondre
aux lumières de l'entendement. C'est ce que
saint Augustin a soutenu contre les péla-
giens, et ce que l'Eglise a décidé. Zwingle
a-t-il pu sans impiété soutenir que des
païens, morts dans la profession de l'idolâ-
trie, om reçu le mouvement du Saint-Esprit
et ont eu la grâce justifiante? 2 Plusieurs
1149
IVfl
Z,WI
1130
Pères oui pensé, à la véri(é, que Socrate et
quelques autres païens ont eu quelque ctin-
naissancedu Verbe divin, qui est la raison
souveraine, et qu'ils ont été en quelque »m-
iiière chrélieiis à cet é|^ard ; mais ils n'ont
jamais rêvé, comme Zwiugle, que colle cou-
naissance a sufli pour les conduire au salut,
qu'ils eut eu la grâce justifiante et qu'ils
sont placés dans le ciel. S'il en était besoin,
nous citerions aisément leurs paroles, et
Ion y verrait que Basnage a voulu eu impo-
ser au\ lecteurs peu instruits.
Le second article sur lequel Zwingle
n'était pas d'accord avec Luther, était l'Eu-
charistie. Le premier prétendait que, dans
ce sacrement , le pain et le vin n'etai.nt
qu'une figure ou une simple représentation
du corps et du sang de Jésus-Clii ist ; au lieu
que Luther admeitait la présence réelle,
quoiqu'il rejetât la transsubstantiation. Zwin-
gle disait que le sens figuré de ces paroles,
ceci est mon corps, lui avait été révélé par
un génie blanc ou noir ; il conOruiait cette
explication par ces autres paroles, l'af/neau
est la pdqtie, dans lesquelles le verbe est
équivaut à signi/ie. H paraît que le génie
blanc ou noir de Zwingle n'était pas un
grand docteur; le vrai sens n'est point que
l'agneau est le signe ou la représentation de
la pâque, ou du passage, niais qu'il est la
victime de la pàque, ou du passage du Sei-
gneur ; le texte même l'explique ainsi, /iorof/.,
c. XII, V. 27. D'ailleurs la circonstance dans
laquelle Jésus-Chiist prononça ces paroles,
ceci est mon corps, exclut évidemment le
sens figuré. Vuy. Luchaiustik.
Vainement, l'an lo29, Luther et Mélanch-
Ihon d'un côlé, OEcolampade et Zwingle de
l'autre, s'assemblèrent à Marpourg alin de
conférer sur leurs opinion^ et de tàilicr de
se rapprocher; ils ne purent convenir de
rien, ils se séparèrent sans avoir rien con-
clu, et fort mécontents l'un de l'autre. La
rupture entière cuire les deux |>arlis se lit
en 15ii et dure encDçc ; loutes les Icnlalives
que l'on a faiies depuis pour les réconcilier
n'ont abouli à rien. Cet esprit de discorde
«e ressemble guère à celui des apôtres. Au-
cun de ces envoyés de Jésus-Christ n'adressé
un symbole pariiculior de croyance, n'a
établi un culte extérieur différent de celui
des autres, ni un plan particulier de gou-
verni-menl, n'a fait schisme avec ses collè-
gues ; ce que saint Paul avait prescrit a été
observé dans louies les Eglises apostoliques.
Il reprit vivement les Corinlhiciis d'une lé-
gère dispute survenue entre eus ; il voulait
que tous ne fussent (lu'un coeur et qu'une
âme, / Cor.yC. i, v. 10. Dieu, dit-il, n'est pas
le Dieu de la dissension, mais de la paix,
comme je l'enseigne dans toutes les hglises des
saints, cap. xiv, v. ',i:i. Le roijaume de Dieu
cuiisisle dans la paix et la joie du Saint-Es-
prit; reclierclions donc tout ce qui contribue
(1 la paix Itom. \:\, 17). Dieu a donné A son
Eglise des pasteurs et des docteurs... afin que
nous parvnions tous à l'unité de la fui... et
que nous ne soyons pas flottants et emportés
à tout vent de doctrine comme des enfants
yEphes. IV, 11). L'Apôtre met au rang des
œuvres de la chair les haines, les disputes,
les jalousies, les emportements, les dissen-
sions, les .^ect.'.s, (Jalat., c. v, v. 19 et 20, etc.
D'où l'on doit conclure que les fondateurs
do la réforme n'ont été rien moins que des
docteurs et des pasteurs donnés de Dieu, et
qu'en eux la chair agissait beaucoup plus
que l'esprit. En effet, parmi eux, c'était à
qui l'emporterait sur ses collègues, ferait
prévaloir ses opinions, se formerait le parti
le plus nombreux, prescrirait le plus impé-
rieusL'mi-nt ce qu'il fallait croire, pratiquer
ou rejeter. Lorsqu'il ne pouvait pas dominer
par la persuasion, il faisait tout régler par
l'autorité des magistrats. Telle fut eu parti-
culier la conduite de Zwingle; Calvin fit do
même, pendant que Luther s'appuyait de la
protection des princes de l'empire. Les pré-
tondues Eglises qu'ils formèrent ressem-
blaient moins à des sociétés de saints qu'à
des synagogues de Satan.
11 en arriva précisément ce que saint Paul
voulait éviter; tous se laissèrent emporter à
tout vent do doctrine, le hasard seul décida
de celle qui serait enfin suivie. En Allema-
gne, Luther avait enseigné d'abord des dé-
crets absolus de prédestination et l'anéan-
lissemeat du libre arbitre de rhomiiie;
Zwingle professait en Suisse la doctrine
toute contraire ; le premier tenait pour le
sens littéral de ces paroles, ceci est mon
corps, le second pour le sens figuré; Luther
et . lélanchthon. auraient voulu conserver
quelques cérémonies, Zwingle et Calvin
n'en souffrirent aucune, ils décidèrent que
loutes étaient supirstilieuses. Après la mort
de Luther, Mélanchihon et d'aulres adouci-
rent sa doctrine touchaal le libre arbitre et
la prédestination, ils admirent la coopéra-
tion de la volonté de l'h imme avec la grâce;
bientôt les décrets absolus cessèrent d'être
enseignés parmi les luthériens. Au contraire,
après la mort de Zwingle, Calvin professa
C's décrets d'une manière encore plus révol-
laule que Luther. Les zwingliens , après
avoir d'abord lémoignè de l'horreur |)uur
celle doctrine, l'embrassèrent à la (in ; elle
a dominé dans les églises réformées de la
Suisse presque jusqu'à nos jours , puis-
qu'elles .idoptèrent généralement des décrets
du synode de Dordrecht. Enfin, le socinia-
nisme qui s'y est glissé y a remis eu hon-
neur le pélagiaai>me de Zwiugle. — Il no
sert à rien de dire que ces variations, ces
incertitudes, ces dispulcs sur la doctrine,
ne roulaient point sur des articles fonda-
mentaux. En premier lieu, saint Paul n'a
point distingué cnlre les articles île foi, lors-
qu'il a exigé. entre les fidèles l'unité de la foi,
et qu'il a condamné sans exception les dis-
putes, les dissensions et les sectes. En se-
cond lieu, nous soutenons que les décrets
absolus de prèdestiuation enseignés par Cal-
vin, sont une erreur fondamentale ; il s'en-
suit de ces décrets que Dieu est directement
et formellemeul la cause du péché, qu il y
pousse positivement les hommes, dans le
dessein de les damner ensuite : blasphéma
IISI
ZWI
ZWI
HSÏ
horrible s'il en fut jamais. On a beau nier
celte conséquence, elle saute aux yeux; une
erreur ne s'efface point par des coiitradic-
lions. En troisième lieu, les calvinistes n'ont
pas cessé de répéter que la croyance des ca-
tholiques touchant l'Eucharistie est une er-
reur fondamentale, qu'elle les entraîne dans
l'idolâtrie, que cet article seul a été un juste
sujet de schisme et de séparation d'avec l'E-
glise romaine. D'autre part ils ont soutenu
constamment avec les luthériens, que si
l'on admet la présence réelle, on est forcé
d'admettre aussi la transsubstantiation et
toutes les conséquences qu'en tirent les ca-
tholiques. Cependant les calvinistes auraient
consenti à tolérer cette erreur prétendue
chez les luthériens, si ceux-ci avaient voulu
fraterniser avec eux, tant il y a d'inconsé-
quence dansileur système et dans leur con-
duite.
Quelques auteurs ont écrit que, de tous
les prolestants, les zwingliens ont été les
plus tolérants, puisqu'ils se sont unis avec
les calvinistes à Genève, et avec les luthé-
riens en Pologne, l'an 1577. Rien n'est moins
juste que cette observation. 11 est d'abord
certain que ces sectaires n'ont pas reçu de
leur fondateur l'esprit de tolérance. Lorsque
Zwingle commença de dogmatiser, il ne tou-
cha pas au culte extérieur; mais quelques
années après, lorsqu'il se sentit assez fort,
il eut avec les catholiques, en présence du
sénat de Zurich, une conférence qui fut sui-
vie d un édit par lequel on retrancha une
partie des cérémonies de l'Eglise ; on détrui-
sit ensuite les images, enfin l'on abolit la
messe, et l'exercice de la religion catholique
fut absolument proscrit. Ainsi, avant de sa-
voir quelle doctrine on suivrait parmi les
zwinfjUens , l'on commençait par détruire
l'ancienne religion.
Mosheim, quoique admirateur de Zwingle,
avoue dans son Hist. de la Réformalion,
sect. 2, c. 2, § 12, que ce novateur employa
plus d'une fois des moyens violents contre
ceux qui résistaient à sa doctrine ; que dans
les matières ecclésiastiques il attribua aux
magistrats une autorité tout à fait incompa-
tible avec l'essence et le génie de la religion.
Cela n'empêche pas Mosheim de l'appeler
un grand homme, de dire que ses inlenlions
étaient droites et ses desseins louables. Où
est donc la droiture d'intention d'un sectaire
qui s'attribue dans son parti plus d'autorité
que n'en eut jamais chez les catholiques le
souverain pontife ni aucun pasteur ; qui dé-
cide despoliquement de la croyance, du culte
religieux et de la discipline; qui donne toute
la puissance ecclésiaslique au magistrat ci-
vil, parce qu'il est sûr de la diriger à son
gré ; qui emploie la violence pour faire
adopter ses opinions, et qui meurt les armes
à la main en bataille rangée contre les ca-
tholiques? Si c'est là un apôtre envoyé du
ciel, que l'on nous dise comment sont faits
les émissaires de l'enfer. Malheureusement
Calvin se conduisit de même à Genève, et
Luther à Wirtemherg. Les traités d'union
entre les zwingliens et les luthériens n'ont
été ni solides ni de longue durée; ils n'ont
subsisté qu'autant que l'a exigé l'intérêt po-
litique des deux partis. Nous avoMs parlé
plus d'une fois d-es moyens violents que plu-
sieurs princes luthériens ont employés pour
bannir de leurs états les sacramenlaires cl
leur doctrine. Pierre Martyr, zwinglien dé-
claré, appelé en Angleterre par le duc de
Sommerset, sous le règne d'Edouard VI, ne
sut pas établir la paix entre les divers par-
tisans de la réformalion : ses disciples, nom-
més aujourd'hui presbilériens, puritains,
non conformistes, ne sont pas moins ennemis
des anglicans que des catholiques. Que l'on
dise tout ce que l'on voudra pour excuser
cet esprit de division inséparable du protes-
tantisme, il ne fera jamais honneur à au-
cune des sectes qui en font profession. ^
FIN DU TOME QUATRIEME ET DERNIER.
TABLE DES MATIÈRES.
Nota. Les arlicles précédés d'un astérisque * sont nouveaux; ceux où il y a des inlercaialions ou des noies
sont précédés de cliilîres (lui indiquent le nombre des inlercaialions ou dos notes. Ceux qui sont précédés
de (a) sont reproduiis d'après l'édilion de Liège.
i\
( I ) 0".''l<''>". •'
yuuliliiations (le proposi-
tions, 11»
Ouarante-Heures, 19
(Jiiarlo-décimans. Voi/. Pà-
(jues.
Quasimodo, 19
Ouatre-Temps, 1',»
yuesnellisnie. Foi/. Unigi;-
NITLS.
Ouiéllsme,
Ouiuisexte (Concile de), 2t Résiineition
Repas d arilé. Toy. Aga-
pes.
Ue|)3s du mort, 130
llépons. Voii. Heures cano-
niales.
Réprol)alion, 140
Iti'iirouvps. r. Damnation.
llriniiliJtiDii. Vmj. Divorce.
Itésuloiico, 142
Rési;;iialion, U^
Hfsinctioiis mentales. Voij.
Mensonge
Résnmpte, 14'i
R
Rïban-Maor, i-i
Rabbin, 2Fi
Baea, 26
• Races humaines, 26
Rachat des premiers-nés.
i'oti. Aillé.
Kachàl du genre humain.
roi;. Rédemption.
(a) Rachat de l'auiel, 40
Raillerie, 40
(2) Raison, 42
Raison (Culte de la). Vofi-
VHe de la Raison.
Rameaux, 53
Ralional ou Pectoral. Foi/-
Oracle.
' Rationalisme, 'H
' Ravmonil Lulle, GO
• Réalistes, 61
Rebaptisants, 61
Récliabites, Co
Récognilions. Foi). Clémeni
(saint), pape
Récollets, 6j
Réconciliation. Voy. Ré-
demption.
Reconnaissance, 66
(1) Rédempteur, 67
BédEBQï»»i i"-»» captifs. Foy.
Merci.
Réformateur, Réforme,
Réforme de religieux,
Reloge (Mlles de),
• Réyale,
Régénération,
Réjjionnaire,
Règle de foi. Foi/. Foi
Rè^le monastique.
Reine de Saba. Foi/. Saba.
Relaps, 94
Relation, 94 Saccophores,
Religieux. Foy. Moines. Sachets,
Religieuses, 94 "
h) Religion, 98
Religion ju laïque. Foy. Ju-
daïsme.
Religion clirétieiine. Foy.
Clinsliaiiisnie.
Religion (Fuisse), US
' Religiosité. Voy. Roman-
lisnie.
(1) Reliques, 116
Réini^siun 126
Renimcn, li6
Remontrants. F. Arminiens.
Reniph.in, 126
Renégat. Foy. Apostat,
ii:;
l)HésurrectiondeJ.-C. 149
(j) Résuriection générale,
16-
Rélractation,
Rêve. Foi/. Songe.
(1) Révélation,
■ Révélation primitive,
' Révélation mosaïque. Foy.
Loi Tnosaï(|tie.
■ Révélaiinii chrétienne.
^■()l/. Clirislianisiiie.
* Révoliili ,ns (les) et VK-
gllse, 189
Rliétorieus, 192
Richard de S.-Viclor, 192
Riilie, Richesse, 192
Ri;<iir;snie, 194
Hiie. l'oi/. Cérémonie.
Rituel, ■ 198
' Hobn:im, 193
Rogalions, 196
Rogaiistes. Foy. Donalisles.
(IHtoi, 197
Rois (I ivres de.s), 210
Romains (Kpltre aux), 211
'Rouiantisme religieux, 214
Rome(fc;"lisede), 217
Rosaire, 220
* Roskolniks, 222
Riiyannie des cieux, 222
liuljrique,
Ru
169
176
188
224
(!) Itiissie(Fglisede), 224
Rulh (Livre
230
Sabaïsme,
Salihat,
Sabbalaire'î,
Saliliati<|ue,
Sabclliens,
.Sac,
Renoncement,
Réordinaiion,
' Réparateur,
Réparation. Toy.
lion.
Repas,
233
239
241
241
243
247
247
247
Sacerdoce. Foy. Prêtres.
Saciens, 247
Sacramenlaire, 247
Sacramentaires, 24S
Sacre, Sacré, 249
(1) Sacrement, 2.1)0
Sailli-Sacrement. Voy. Eu-
charistie.
Saint-Sacrement (Fête du).
Foy. FAte-Dieu.
Sacriiicaleur. Voy. Prêtrise.
Saorilice, 264
Saciiiiés. Foi/. I.apses.
Sacrilège 291
Saddiicéens, , 292
127 .Sagarelliens, 294
128 Sagesse, 294
129 (I) Saints, Sainteté, 298
Restitu- Saints des saints. Foy. Sanc-
tuaire.
138 • Sainteté de l'Eglise, ôlb
339
342
344
34ri
347
3r;6
571
57.">
378
• Saint-Simonismc,
Salomon,
Salvieu,
(I) Salut, Sauveur,
Salut,
Salutation Angélique
.Samaritain,
Samaritain (Texte).
Samiisalieus,
Sanipséens,
(1) Saiiisiin,
Saiiinel,
Saiiotiiication. Voy. Saint
Sanctilicationdeslètes. Foi/.
Fêtes.
Sanction des lois, 351
Sanctuaire, 352
Sancius. Voy. Trisagion.
Sang, Sîjô
S inguinaires. Foi/. Anabap-
tistes.
Sapienliaox (Livres), XHi
Sara. Voy. Abraham.
Sarabaités,
Satan,
Satisfaction,
Satisfaction sacramenlelle ,
362
Saturniens,
Saiil,
Sauvage,
Sauveur. Voy. Saliil
Sauveur (Congrégation de
Notre), 3t<l
Sauveur iSaiut-), ô8l
Sauveur (ordre de S.-), 581
Scandale, .582
Scapnlaire, .î83
Scéuopégie. F. Tabernacle.
(I ) Sceplicisme, 583
' Schplling, 588
(t) Scliisinalique, Schisme,
392
Schisme d'Angleterre. Toy.
Anglelerre.
Schisme des Grecs. F. Grec.
Schisme d'Occident, 406
Scholténiens,
Science de Dieu,
Si-iences humaines,
Science de J.-C,
■Scieni-e secrète,
Scolasllque. F. Théologi
Scotisies 418
Scribe, 419
Secret de la confession.
Foy. Confession.
Seiret des mystères, 422
Secte. F. Scijisme, Hérésie.
Secundiens. F. Valentinieiis.
Sagaréliens. V. Apostoliques.
Seigneur, 428
Sein, 429
Séleuciens. Foy. Hermogé-
nieiis.
Semaine, 429
Semaines de Daniel. Voy.
Daniel.
Semaine sainte, 430
Semi-ariens. Voy. Ariens.
Seniiduliles. I oy. Barsa-
nieos.
Semi-pélagianisme, 431
■ Sens commun, 439
Sept, 443
Septante, 446
Sépulcraux, 45.')
Sépulcre. Foy. Tombeau.
Sépulcre (Saiut), 433
317 Septu.igésime, 455
318 Sépuliiire. Voy. Funérailles.
3^1 'Sépulture ecclésiastique,
522 458
333 Séraphin. Voy. Anges.
333 Serment, loy. Jurement.
335 Sermon Fo|/. Prédicaleur.
Sermon de Jésus-Clirist sur
la nionlagiie. Foy. Morale
chrétieiiue.
(I) Serpent, 43»
Serpeiil d'airain, 4.')9
Servéïi.tes, 461
Service divin, 465
Servîtes, 466
Serviieursdesmalades. Voy.
(!lercs réguliers.
Servitude, 466
Séthiens, 467
Sévériens, 468
Sesagésime. Foy. Seplua-
gésinie.
Sexte. Voy. Heures cano-
niales.
336 Sib.vlles, 469
338 Siège, Kvêché. V. Evêqne.
Siège (Saint-). Foy. Lglise
romaine. •
Signe de la croix. F. Croix.
Signilicatifs, 476
Silveslreri ou Silvestrins ,
470
Sidoine .Apollinaire, 476
Simon (Saint), 476
Simonie, 476
Simoniens, i'D
Simplicité, 482
Simulacre. Foy. Paganisme.
Sinai, 483
Sindon. Foy. Suaire.
Sinistres Voy. Sabbatiens.
4117
411
416
416
.Socialisme,
Société,
* Sociétés secrètes,
Sociniens,
Soccolanls,
Soilome, Sodomie,
Solennel,
481
485
489
489
499
500
5Ul
408 Solitaire. Foy. Anachorète,
Solilaires, ' 302
Somasques, 503
Songe, 502
Sophimie, 506
Sorlionne, .307
Sorbeiiique. Voy. Degré ,
D'ici eu r.
Sorcellerie, Sorcier, ,308
Son, 511
Sorls (Fêtes des) chez les
Juifs. Voil. Estlier.
Sortilège. Foy. Sorcellerie.
S'Uiinance, 516
Soiillrances de Jésus-Christ.
Foi/. Passion.
Souillures. Foy. Impuretés
légales.
Sous diaconat, 518
Sous-inlroduits.F. Agapéle.
Spectacle, 320
Spinosisme, 524
Spiralion. Foy. Trinité.
Spiritualité. Voy. Esprit.
Spirituel, 329
Stancariens. V. Luthériens.
Station, 530
Staurolàtres. Voy. Chazin-
zariens.
Stercoranistes, 'Jî?
• Stéïénisies, 53»*
H55
Sligmate'- S"6
* Sloiiili'S, Sô6
* Strauss, bï7
Sljlile, 348
Suaire, Sb2
Piililapsaires, 633
Sulisiance, 5H5
Sutislaiiliaires, ^^%
Succession des pasteurs, KSo
Succession inJélinie des
èlres, S60
gutlisanle (Grùce). F. Urîice.
(2) Suicide, SBô
Sulpice Sévère, 570
* Pupprnaluralisme, 570
Siiper^lillon, 570
Supplices (les martyrs. Voy.
. MarlNTS.
Supraia'psaires. Voy. Infra-
lapsaires.
Surérogaliori. F. OKuvres.
(1) Sui'ualur.-l, 578
Surplis. Voy. Habits sacrés.
Suspense, 580
{il) Suspense, 5S7
Suzanne. Voy. Baniel.
Symbole, 502
Sjmma(iue. Voy. Seplanle
et Version.
Synagogue, 598
SynuxarioB, filil
Synaxi', COI
Syncelle, 601
Svncrétisles, 602
Syiidc'ri'se, 608
Syncrtjistes 'MH
(0) Syiiudo, 61.3
bynousia^les. F07. Agolli-
narisles.
Syriaques, Syriens, Cli
T
Tabernacle, 613
Tabernacles (Pèles des), 618
Tabernacle, Gl9
Table de la loi. Voy. Loi.
Table des pains de propusi-
lion. Voy. Pain.
Tableau. Voy. Images.
Tabnrites. F y. Ilussiles
Tacodrugiies.' Voy. Monla-
nis;c<.
Talinud, 619
Tanchelin, Tankelin, Tan-
quelme. 620
Targum. Voy. Paraphrases
ohaldaîques.
Tariares, 621
Talien, 6i6
Témoignage, 651
Témoin, 63-5
Tempérance, 633
* Tempérance (Société de),
636
Temi.le, 636
Temple de Salomon, 648
Temple des chrétiens. Voy.
Eglises.
Temple des païens, 6bi
Templiers, 653
Temporel. Voy. Bénéfices.
Temporel des rois F. Roi.
Tenii^ 66i
Tétiilirés, 661
Ténèbres de la semaine
saiule, 663
TcMilalion, 663
TciiLilive. Voy. Degré.
'J crmiuistes, 660
Terre, 669
(1) Terre sainte, 669
TerluUien, 683
Testament, 691
Testament des douze pa-
triarches, 7,03
TABLE DES MATIERES.
Tête, 704
Tétradites, 703
Tétragammation.F.Jehovah.
Télraodion, 70b
Télraples. Foi^. Héxaples.
Texte de l'Ecriture sainte,
715
Texte, 711
Textuaires, 712
Thaumaturge, 71:2
Théandrique, 712
Thaboriles. Voy. Hussites.
Thartac. Voy. Samaritains.
Théanihropiè, 713
Théatins, 716
Théatines, 717
Théisme, 717
Théocatagnosles, 7-21
Théocratie, 722
Théodore de Mopsuesie ,
723
Tbéodoret, 726
Théodotiens, 729
Théodotion, 731
(«) Théologal, 731
(1) Théologale (Vertu), 733
(1) Théologie, 731
Théologie mysiique, 743
* Théologiens (De l'autorité
dos), 732
Théopaschites. Voy. Pairi-
passien^.
Théophanies, 752
* Théophilantropie, 753
Théophile (Saint), 753
Thérapeutes, 754
Théraphim, IS-i
Thessaloniciens, 7'i9
Thomas (Saii.i), 764
Thomas d'Aquiii (S.), 703
Thomas liecqnel (S.), 767
Thomas de Villeneuve
(Saint), 770
Thomisme, Thomistes, 770
Thrôue ou Trône, 773
Trône épiscopal, 774
Thuriléraire, 774
Thuriliés(!r/i!(rî/!Ca(!). Voy.
Lapses.
Tiare, 774
Tierce. Voy. Heures cano-
niales.
Tiercelin, Tierceline. Voy.
Franciscain, Frauciscaiiié.
Tierciaire, 775
Timothée, 773
Tmiolhiens, 776
Tite, 776
Tnétopsychîqiies, 776
ïobie, 776
Tolérance, Intolérance, 778
Tombeau, Sépulcre, 797
Tonsure, 800
(a) Tonsure, 802
Torrent, 803
Toussaint, 804
Toute-puissance. Foy. Puis-
sance.
Traditeurs, 803
(2) Tradition, 806
Traducieiis, 846
Traduction.* Voy. Version.
Trait(de la nie.-se), 847
Transliguralion (de J.-C ),
847
(a) (1) Translation, 8iS
Transiatifindeireliques d'un
saint, 853
Transmigration, 860
Transsubstantiation. Voy.
Eucharistie, § 2.
Trappe, 860
Travail. T'oy. Oisiveté.
* Trembleurs, 862
Trente (Coucile de), 862
Tré|iassés. Foi/. Morts.
* Trésor îles satisfactions de
Jésus-Christ, 874
Trêve de Dieu ou du Sei-
gneur 875
Tribu, 876
Triniiaires, 877
Trinilaires (Ordre des), 877
(1) Trinité, 879
Trinilé(FêtedelaSte), 911
Trinité (Confrérie de la),
912
Trinité créée (Filles de la),
912
Trinisacramentaires, 913
Trilh'isme, 914
Trois Chapitres. Voy. Nes-
torianisnie.
Tron)petles (Fête des), 916
Trône. Voy. Thrône.
Tropiquesj 910
Tropites, 919
Trnllum. Voy. Constanti-
nople.
* Trustées, 919
Tunique. Voy. Habits s.i-
crés.
Turhipins, 919
Typase, 921
Type, 923
Type (E.lit), 926
* Tyranuicide, 926
0
Ubiquis'.es ou Ubiquitaires ,
923
(1) Uniqenitus, 927
Union chrétienne, 936
* Union hypostatique. Voij.
Incarnation.
Union (La petite), 936
Unitaires. Voy. Socinieiis.
Unité de Dieii. Voy. Dieu
et INilythfisme.
Unité d(UEglise. Voy. Egli-
se, §2.
Univers. Voy. Monde,
l'niiersalistes, 937
Université, 9i0
Urini et Thummim. Voy.
Oracle.
Ursulines, 942
Usages ecclésiastiques ou
religieux. Vou. .Obser-
vance.
Usure, 943
* Utilitaires, 946
V
Vache rousse, 94'a
Val-dcs-Chonx, 947
Val-des-Ecoliers, 917
Valeniiniens, 947
Valésiens, 9''0
Vallombreuse, 900
Variantes, 960
Vaiiation, 962
Vase, 963
Vases sacrés, 964
Vaiidois, 963
Veau, 976
Veau d'or, 976
Veille. Voy. Vigile.
Vendeurs du temple, 978
Vengeance, 979
^éni^;l (Péché). Foi;. Péché.
Vêpres. Voy. Heures cano-
niales.
Véracité de Dieu, 984
* Véracité des livres saints ,
986
Verbe divin, 986
Verge, 1007
Vérité, 1008
Véronique, 1008
Verschorisieb. Voy. Hatte-
niistes.
Verset de l'Ecriture sainte.
Voy. Concordance.
Version de l'Ecriture sainte,
1009
Vertu, 1019
Vespérie. Voy. Degré.
Vélure, 1024
Veuve, 1021
Viande, 1035
Viandes immolées. Voy.
Idolothytes.
Viilique, 1026
Vicaire, 1027
(a) Vicaire, 1028
Vice, 10.34
Victime, 1056
Victorins, 1038
Vie, I1108
Vie fcrtOTe. /jj. îrtww^a-
lité de rame.
Vie éternelle. F. Bonheur.
Vie des saints. Voy. Saints
et Légende.
Vieil homme. Voy. Homme.
Vierge, Virginité, 1010
Vierg.'(laSte). F.Marie.
Vifihini'e, 1032
Vigile ou Veille, 1031
Vigiles des iMorts, 1059
Vincent de Lérins, 1051»
Violence. F. Persécutions.
Virginité. Voy. Vierge.
Visibilité de 'l'iilglise. Toy.
E-lisp, § .3.
Vision liéatiGque, 1063
Vision prophétique, 1063
Vision de Conslantiu. Voy.
Constantin.
Visitation (Fête de la), 1071
Visitation (Ordre de la) ,
1072
Vocation, 1073
Vœu, 1073
Vœux du baptême, 1083
Voie ou Chemin, 1083
Voile, 1084
Voix haute ou basse. Voy.
Secrètes.
Vol, 1085
* Volcans, 1087
Volonié, Volontaire, 1087
Volonté de Dieu, 1094
* Volontés de Jésus-Christ.
Voy. Monothéliles.
Voluptés, 1104
Voyageur, 1106
Voyelles. Voy. Hébreu ,
Langue hébraïque.
Vulgate. 1106
w
* Walkéristes, 1123
Wicléfites, 1125
X
Xénodoque. Voy. Hôpit.il. ?
Xérophagie, 1129
Y
Yeux. Voy. OEil.
Yon (Saint). Voy. Ecoles
chrétiennes.
Yves de Chartres. Fog. Ives
Yvresse. Foy. Ivresse.
z
Zabiens. Foy. Sabaïsme.
Zicharie, 1131
Zélateurs ou Zélés, 1135
Zèle, 1136
* Zodi.iqiies, 1142
' Zoroastre. Foy. Perses.
Zvvingliens, 1147
FIN DE LA TABLE 'DES M.\TIERES.
TABLE ANALYTIQUE ET METHODIQUE
POUn DIRIGER LliS LECTEURS
DANS L'ÉTUDE DE LA THEOLOGIE.
ÉTUDE PRÉLIMINAIRE, OU INTRODUCTION A LA TIIÉOLOiilE.
THEOLOGIE, professeur de
théologie, iV.
Th(^ologle pOMlive, id.
Tli(5olOKie si'liolasiùnie ,
Piorre Lombard, id.
Tht'ologle morale, id.
Théologie spéculaiive, id.
Ttiéologie m.vslique , lao-
gage typique, id.
Tvi'p, irf.
Tiiéolo^ie polémique , con-
troverse, élyinoloKie,!.
Doutes religieux. If. ■
Disputes religieuses, id.
Préjugés religieux, III.
Variation de doctriue, IV.
Expérience, II.
Examen de la religion, II.
(a) Théologal, IV.
* Fai'ultés de théologie, IV.
* Théologiens (de l'autorité
dos), IV.
* Conclusion Ihéologique, I.
* Notes de propositions, III.
'Hérétique (proposition),
* Impie (proposition), id.
' Condamnation des écrils,!.
DOCTRIME, il.
Boctrlue chrétienne, id.
ÏHÉOLOGIl-: GÉNÉRALE.
* Progrès (doctrine du), III.
Certitude morale. I.
Crédibilité morale, id.
Dénionalration, II.
Kvidenoe, iU.
Objections, III.
Iiicrovalile, II.
Droit divin positif, ni.
Articles fondamentaux, II.
Dogmes, id.
Dogmatiser, id.
D()gniatii|iiPf, faits dogma-
ti<|ues, id.
Institulion divine, id.
Mol:ipti,\siiiue, 111.
Opinion, iù.
Dillérence de religion, IV.
Abus en fail dr religion, I.
REi.ir.iON, preuves, IV.
Religion nalDielle, id.
liciigioiL judaïque , judaïs-
me, II.
* Sous commun, IV .
Descaries, II.
' Croyances (progrès des), I.
Révélation , lectures de
Boyle, IV.
Religion cUrétienne, chris-
< lianisme, I.
Lieux théologiques, III.
Naturel, siirii;ilurel, III.
Antécédent, consécpient, 1.
I'"uturs coudilionnels, 11.
Fin, id.
Fraude-s pieuses, id.
Pnibabili.sme, III.
Rigorisnia, IV.
Esprit particulier, II.
Droits généraux.
Daoïi, II.
Droit naturel, id.
Droit des gens, id.
' liioit divin politique, id.
' Tyr.uiiiiciile, IV.
* Egaliié naturelle, II.
* Ilémocraiie, id.
* Propriété (droit de), III.
* Femmes ( commimauté
des), II.
Société civile, pacte social,
I ontral social, III.
Inégalilé des hommes, II.
Législateur, IU.
■Sanction des lois, IV.
Gouvernement , écoQomie
politique, II.
Roi, prince, IV.
Temporel des rois, id.
Liberté POLITIQDE, III.
Liberté de peuser, id.
I.il'crté do conscience, III.
.Iiiridiclion, magistrat, ia.
Patrie, III.
Autorité, puissance pater-
ueile, politique, ecclésias-
iiijiie, I.
Pensées, III.
Livres, id.
Livres défendus, liberté de
la presse, iU.
Conscience, I.
COVJIEBCE, id.
Arts, id.
Sciences humaines, IV.
Belles- Lettres, III.
Galdée, II.
PuiLiisopniE, m.
Anthropophages, I.
Sauvages, IV.
liarbaros, I.
Nègres , traite des nègres,
III.
Esclaves, esclavage. li.
Serviluil^, IV.
Alfranchis, I.
* A>"NÉE , année astronomi-
cine, année civile, calen-
aner républicain, décadi,
II.
PREMIÈRE PARTIE DE LA THÉOLOGIE.
1" DIVISION.
Religion chréiicnne , son
objel.
DIEU, II.
Divinité, id.
Essence de Dieu, id.
A TTRinoTS DE Dieu, I.
Dieu Père, 111.
Paternité de Dieu, id.
Dieu parlait, perl'eclioa, id.
Cause première, I.
Cause linale, id.
Préexistant, III.
Aséilé, I.
Créateur, ul.
Conservateur, id.
Absolu, id.
Sa provideuce, III.
Sa boulé, bon, I,
Sa miséricorde, sa clémence,
sa compassion, 111.
* Sa longaoiiuité, id.
Ses promesses, id.
Ses bienfaits, I.
Sa patience, III.
Ses menaces, id.
Sa jii-itice, punition, cbàti-
nients de Dieu, id.
Son pardon, id.
* Liberté de Dieu, id.
Ses décrets , \olonle de
Dieu, prédestination, id.
Sa coiidigiiité, l.
Son éternité, IL
* Prédestinés, III.
Sa gloire, il.
Dieu immatériel, IL
Immense, id.
Eternel, id.
I^nniuab'le, id.
Impassible, II.
Impeccable, id.
Incnnipréhcnsible, id.
lulaillilde, i(t.
Intelligent, id,
Iiilini, id.
Sa sagesse, IV.
Sa science, id.
Sa prescience, sa prévision
future, m.
Sa simplicité, IV.
Sa toute-puissance , puis-
sance, 111.
Sa véracité, IV.
Sa vérité, id.
Sa voliiiilé, id.
Sa coiiiprélieusiiin, I.
Parli;ilité en Dieu , accep-
tion de iiersi.naes, Ul.
Choix de Dieu, 1.
Gouveriieiuent de Dieu ,
théocratie, IV.
Permbsioa de Dieu, III.
Notions en Dieu, id,
Eufants de Dieu, id.
VliRTDS TUl OLOOALES, IV.
Foi, accord de la raison et
de la toi, analvse de la
foi. II.
Profession de foi, ill.
Foi explicite, II.
Croyance, I.
Espérance, II.
Contiance en Dieu, I.
Charilé théologale, id.
Adoration, id.
Théopsie, IV.
£)i/i(*mis de Dieu.
RELIGIONS FAUSSES, IV-
Liberté d'Iudifférence, III
Esprits forts, incrédules, II.
Scepticisme , Pvrrhouieos,
IV.
Livres contre la religiou ,
III.
M;iléria!isme, id.
' Absolu des nouveaux phi-
losophes, I.
Athée, atuèisme, I.
Fat:ilisme, 11.
Destinée, destin, id,
Fonuii, fortune, hasard, id.
Esprit particulier, id.
Théisme, IV.
Déis.UE. II.
PoLVTiiÉisMc , paganisme ,
païen, III.
Tliéanlhropie, IV
Anthropologie, I.
.4iilhropoputbis, id.
Mystères du paganisme, III.
Fables du paganisme, II.
Siiiinlacres des païens, IV.
Temples des païens, id.
Apothéose,
Idolâtrie, II.
Aslres, armée du ciel, I.
Sabaïsnie, IV.
Religion des Parsis Guè-
bres, III.
■ liaskirs, I.
• B daks, id.
' Bouddha, bouddhisme, id.
• Brahma, brahnianisiue, id.
' Cxinfutzéens, id.
• C.ôie dOr, id.
' Malgaches, Ul.
• Odin, id.
' Obiris, id-
' Perses (relig. des), iU.
' Zoioastre, IV.
* Edda, IL
" Falashas, id.
' Roskolnikes, IV.
* Kalmouks, id.
' Diinkers ou Tunkers, U.
Panlliéisme, spiiiosisme, III
et IV.
* Aiiios, I.
Optimisme, III.
Faiiatis.me, u.
Désespotr, id.
Endurcissement, id.
Ap;ithie, I.
* Philosophie orientale, m.
* Clinslianisme rationnel, I.
* Physiologie, psychologie.
Ul.
* MyUie, id.
* Phréuologieoucrauologie,
crauioscopie, id
' l'Iiilalétlies, id.
' Phalaiislérieiis, id.
ll« DIVISION.
Religion , ses mustères el ses
dogmes.
ARTICLES DE FOI, L
Mystères, Ul.
Trinité , Dieu le Père, re-
latiou , ciL'cumiocessiua ,
IV.
Trinité créée, id.
Trinité [ilatoiii ;u^, id.
Trois lémoin^, id.
Personnes ea Dieu^ UJt^
I Hat ion, id.
Mssioii, id.
Spiratioii, IV.
Oiélernité, I.
Egalité, c 'egaliié, M.
l'ilsde Dieu, id.
Le Saint-Ksprit, procession
de.l'Esprit-Saint, II.
Paraclet , avocat , avocate,
ni.
Opération du Saint-Esprit,
id.
Dons dn Saint-Esprit, II.
Pécliés contre le" Saint-Es-
. prit, irrémissiljles, III.
Incarnation, Dei virilis, II.
^ésus-Christ, divinité de Jé-
sus-Clirisl, III.
Verbe divin, IV.
Sauvenr, saint, id.
Génération du Verbe, II.
CoDsnbstanlialitédu Verbe,
consiibslantiel, I.
* Libertés de Jésus-Clirist,
III.
Humanité du Verbe, II.
Union hypostatique, hypos-
ts'^e. Il et IV.
Emanation, II.
Idées Ihéandriques, IV.
Communication d'idiomes, I
et II.
'Entendement de Jésus -
(".hrist, II.
* Volontés de Jésus-Christ,
IV.
' Tré.sor des satisfactions de
Jésus-Clirist, id.
' Justice originelle, III.
* Sn|iernaturalisme, IV.
liÉDEMPTiON, réconciliation,
rachat du genre humain,
nalure réparée, id.
Verbe passible, id,
l'ropiiiilion, III.
* Iti'paraleur, IV.
SOBSTANCES SPIRITCELLES, id.
Esprit, immatérialisme, im-
matériel, II.
Anges , principautés , ar-
clianges, séraphins, trô-
nes, chérubins, domina-
tions, hiérarchie des au-
ges, chœurs des anges. I.
Anges gardiens, III.
* .4ngc gardien, I.
Mauvais anges, I.
Démous, II.
Diables, id.
An angélique, I.
* Liberté, III.
* Libené des anges, id.
Ame, immortalité, I.
Transmigration des âmes,
métempsycose, IV.
Homme, humanité, II.
Femme, id.
Liberté de l'homme, 111.
Vie, viviller, IV.
Fin lieruière de l'homme,!!.
La mon, III.
Fin du monde, jngemenl,!f/.
Pur:;aioire, peines purilian-
les, id.
Ilépiobation, IV.
Enfer, feu de l'enfer, dam,
damnaiion , peines éler-
nellps. 11.
* Liberté des damnés, III.
* Bonheur, 1.
l'ara Jis, bonheur élernel,III.
■ Liberté des bienheureux ,
III.
Vision béalilîque, IV.
Vision intuitive, il.
Vie éternelle, IV.
Fidèles, II.
Bienheureux, I.
Béatihcation des saints, id.
Canonisation des saints, id.
Invocation, intercession des
saints. 11.
Communion de loi, oomniu-
nion des saints, I.
TABLE ANALYTIQUE ET METHODIQUE.
HI- DIVISION.
Sacrements et secours de ta
Religion chrétienne.
SACREMENTS EN GÉNÉ-
RAL, ellicacilé des sacre-
ments, formes sacramen-
telles, opus operalum en
matière de sacrements ,
IV.
Application des mérites de
Jésus-Christ, III.
Régénération spirituelle, IV.
Caractère indélébile de trois
sacrements, 1.
Matière des sacrements, III.
Ministre des sacrements
îrf
Sacrements déprécatifs, II.
Cérémonie des sacrements,
1
Sacramenlaire, !V.
Baptême, I.
Annoliue, id.
Péché originel, état de na-
ture tombée, III.
Imputation du péché d'A-
dam, II.
Enfants punis des péchés
des pères, H.
Parathèse, 111.
Catéchèse, I.
Catéchisme, id.
Catéchumènes, id.
Scrutin des catéchumènes,
IV.
Huile des calhécumènes,!!.
Vœux du baptême, IV.
Fonts baptismaux, II.
Baptistères, 1.
Pœdobaptisme, ou baptême
des enfants, id.
Immersion baptismale, II.
Ondoiement, III.
.Clirême, myron, I.
Chrémeau, id.
Nom de baptême, III.
Parrains et marraines, id.
Filleuls et liUeules, II.
Adoption, I.
Enfants de Dieu par adop-
tion, II.
Cliniques ou baptisés pen-
dant la maladie, grabat
res, 1.
Néophytes, III.
Lamprophores, id.
Illuniinés, 11.
CONPmMATlON, I.
pénitence, III.
Componction, I.
Syndérèse, IV.
Conversion, I.
Contrition, id.
Contrition parfaite , amour
de Dieu, id.
Alirilion, I.
Atiriiionnaires, id.
Crainte de Dieu, crainte fi-
liale, id.
Bon propos, IV.
Fuite des occasions, II.
Confession auriculaire, 1.
Exomologèse, II.
Secret de la confession, IV.
Directeur de conscience, 1.
Confesseurs, id.
Cas de conscience, id.
Casuisles, id.
Censure, id.
Irrégularité, 11.
Suspense, IV.
Excommunication, II.
Sali.slaclioil, IV.
Satisfaction par les mérites
de Jrsns-Christ, id.
Péuiten^'e .satistacloire, id.
Pi;niienre [Ubliipie, pleu-
rants et prosternés, 111
Canons pénitentiaux, I.
Bonnes œuvres, IV.
OEuvres satisfactoires, IV.
Attlictions, adversité, I.
Austérité, mortilication, III.
Jeûne, III.
Abstinence, I.
Abstême, id.
Cilice,.sac, IV.
Flagellation, II.
Aumône, I.
Absoute, id.
Absolution, id.
Justification sacramentelle ,
III.
Indulgence, IL
Jubdé, st.tion du jubilé, id.
Aveuglemenl s[iirituel, I.
Endurcissement du cœur .
11.
Impénitence finale, id.
EUCUABISTIE, PRÉSENCE RÉEL-
LE, espèces ou accidents
• eucharistiques, II.
Holocaustes, id.
Victime, IV.
Hostie„oblation, oblalœ, IL
Partie de l'hostie, IV.
Sacrifice de la messe, IH.
Consécration, I.
Transsubstantiation, IV.
Communion sacramentelle,
Communion sous les deux
espèces, IL
Communion pascale, id.
Communion fréquente, id.
Communion laïque, id.
Communion pérégrine, id.
\i3iique, IV.
Communion spirituelle, I.
Extrème-Onction, il
Huile des malades, id.
Ordre, IIL
Ordinand, id.
Ordination , réordination ,
id.
Consécration, I.
Mariage , empêchement au
mariage , alEnité, consan-
guinité, m.
Dispenses, IL
Fiançailles, id.
' Indissolubilité du mariage,
id.
(n) limpècliements, id.
Grâce, lumière, id.
Assistance de Dieu. I.
Concours de Dieu, id.
Libre arbitre, III.
Liberté chrétienne, id.
Volonté, volontaire,. IV.
Cnaciif, coaction. II.
Prédétermination, IIL
Prémotion, id.
Mérite, démérite de l'hom-
me, id.
Délertaiion victorieuse, IL
Grâce aciuelle, I.
Già -e prévenante, IL
Grâce concomitante, I.
Grâce ellicace, el'Gcacité, II.
Grâce luamissible, td.
Justice inhVente, III.
Grâce intérieure. 11.
Grâce opérante, III.
Grâce nécessitante, id.
Grâce sufiisanie, IV.
Molinisme, III.
Congruisnie, congniité, I.
IV' DIVISION.
Monde de ta religion chré-
tienne; vertus qu'elle en-
seiqne.
VEItiUS, IV.
Vertus morale^, id.
Lois, loi orale, IIL
1)60
Lois civiles, III.
Lois divines, (rf.
Décalogu e, commandements
dp Dieu, connnandemeuts
de l'Eglise, II.
* Promnlgalioii, II.I.
(a) Décrétales, 11.
* Peines canoniques, IIL
Raison, IV.
Bonté morale, I.
Approbation de la conscien-
ce, I.
Scrupules, IV.
Acte, action, I
Devoirs, II.
* Perfectibilité chrétienne .
III.
Vertus cardinales, I.
DévDtion, di'vot, IL
Méditation, m.
Sagesse de 1 homme, IV.
Reconnaissance des bien-
faits de Dieu, id.
Résignation i ^ volonté de
Dieu, id.
Piété, III
Contemplation, I.
Abnégaiiim, renoncemâiit à
soi-même, I.
Zèle de la religion (.\bdas1.
IV.
■ Abdas, I.
Prudence, III.
Sainteté, IV.
Simplicité chrétienne, id.
Résignation dans les souf-
frances, soullrances, id.
Vœux, id.
Virginité, id.
Obéi.ssance, III
Humilité, IL
Persévérance, IIL
■ Tempérance, IV.
Amour du prochain, chariléy
prochain, I.
Jiisiice, IIL
Humanité, IL
Amitié, I.
Ke.siilution, réparation, IV,
Hospitalité, hôpital, 11.
Aumône, colbcte, 1.
l'jilanls. II.
Fils et lilles, id.
Enfants trouvés, id.
Iducaiion, id.
Tempérance, IV.
Forcr^, H.
Ab|uration, I.
('ONSEILS ÉVANCÉLIQDES, M.
OEuvres de surérogation
III.
Célibat, continence, I.
Chasieté, id.
' Mysticisme, III.
* Extase, IL
Vices et péchés qu'elle con
danine.
Affections morales, IIL
Allèciions mondaines, id.
Passons humaines, III.
C.oiicupisceuce, H.
Tentai» n,, IV.
Vires, id.
Oinies, II.
réelles, coulpe, III.
Défauts, imperfections, IL
Désirs, id.
Dessein, intention, li.
Bien et mal moral, 1.
Ignorance , péchés d'isjno-
rance, 11.
Ollènse, III.
Oc :asioii , cause d'offense,
id.
PÉCHÉS mortels, id.
Péchés véniels, IV.
Péchés d'omission, III.
H6(
Péolif^s involontaires, IV.
Péchés caimtaux, J.
Orgueil, III.
Gloire Imiiiaino, II.
Ambillon, 1.
Amom ■•propre, id.
Flalterie, II.
Envie, iU.
Jalousie, III.
Avarice, I.
Kicliesses, liiens de ce mon-
de, IV.
Jen, passina du jeu, IU
Gourriiaudise, 11.
Luxure, III
Joie mondaine, IV.
Plaisirs du monde, III.
Colère, I.
Oisiveld, oisifs, III.
Apostasie, apostat, I.
René^'at, IV.
Iriipiéii', irréligion, II.
Iiirri'iiuiité, incrédules, id.
Iiilidélaé, iulidèles, id.
Erreur, II.
Folie, id.
Simonie, IV.
Sacrilège, id.
Mélancolie reh'Kieusc, III.
Snperslilion, Iv.
Pacle avec le démon, III.
Théurxie, IV.
Energdmènes, II.
Nécromancie, évocation des
morts, III.
Sorcellerie, sorciers, sorti-
lèges, IV.
Magie, niagicions, carac-
tères raagi(|\ii's, III.
' Magnéllsnie, IU.
Arl notoire, 1.
Art de saint Paul, id.
Phylactères, IU.
Ligaiures, id.
Onèirocritie , rêves , son-
ges, id.
Ordalie, épreuves supersti-
tieuses, pain coDjuié, id.
Ch;trnies, I.
Malélices, III.
Enchantements, II.
Abjuration, I.
Conjuration, id.
Devin, divination, aruspiccs,
augures. II.
Présages, IU.
Amuleiies, I.
Apparitions, ut.
Sorts des saints, sorts virgi-
liens, IV.
Astrologie imliciaire, I.
1.MPRÉCATI0N, II.
Jurement, IU.
Sermeni, IV.
Parjure, III.
M:iJédiclion, id.
Klasphème, I.
Blasphémer, id.
Blasphémateur, id.
Blasphématoire, i(/.
IllIlÉVÉnENCC DANS LES LIXVX
SAINTS, U.
Bigoterie. I.
ll.Vpocrisie, II.
Sl'lClDE, IV.
Parricide, III.
Infanticide, 11.
Homicide, id.
Haine, II.
Vengeance, IV.
Défense de soi-nième, U.
Armes, I.
Gherre, II.
Guerres de religion, id.
Esprit de domination, id.
Despotisme, id.
Intolérance, id.
Eimcwi, étranger, id.
T.VBLE AN.V.LYT[QUE ET .MÉTHODIQUE.
Glaillatours, II.
Duel, id.
I.MPtîllICITÉ, id.
Impureté, id.
Volupté, IV.
Obscénité, III.
Mquivoiiues, 11.
Romans, IV.
Luxe, IU.
Mascarades, III.
Danses, II.
Spectacles, IV.
Fornication, II.
Concubinage, I.
Polygamie, IU.
Bigamie, I.
Adultère, id.
Répudiation, divorce, II.
Incestt», id.
So lomie, IV.
Vol. IV.
l'surc, irf.
Procès, III.
TÉ.MOmS, FAUX TÉMOIO.NACE,
IV.
Méchanceté, III.
Mensonge, restriction men-
tale, ,d.
Calomnie, I.
Mnlisance. III.
liaillerle, IV.
Scaiiilale, id.
I-IBl ILIS DIFPAJIATOmES, II.
Etat, profession, id.
V DIVISION.
Preuves de tu religion chré-
tienne.
ÉCRITUllE SAINTE.
Prolégomènes, IV.
Ecriture sainte, règle de
foi, analogie, citaiion de
l'Kcriiure sainte, U.
I ivres saints, III.
Dépt'itde la toi, II.
Parole de Dieu, IU.
Inspiration des livres sam.„,
II.
Leçons, texte de rEcrilure
sainte, III.
Canon des livres sacrés, 1.
Livres canoniques, III.
Livres authentiques, id.
Livres deutéro-canoniques,
II.
Auteurs ecclésiastiiiues, I.
Ecrivains sacrés, II.
Interprétation des livres
saints, U.
* Herniéneutique sacrée, id.
Chronologie sacrée, f.
Géographie sacrée, II
Hisloire sainte, id.
Sens lies Ecrilures, IV.
Sens littéral, id.
Senslignré, U.
Sens mystique, III.
* Intégritédes livressacrés,
U.
' Véracité des livres saints,
III.
* Lecture de l'Ecriture sain-
te, id.
Bible. I.
Biblique, id.
Biblistcs, id.
Variantes, IV.
Concordance, versets, ponc-
tuation, chapitres de la
Bible, I.
Interprètes, II.
Traduction générale, IV.
Version de l'Ecriture sainte,
letlV.
Bibles polyglottes, IIL
Bible oclaple, id.
He.xapl.>s d'Origène, II.
Bible hébraique, I.
H('breux, caractère hébrai-
i|ue, II.
Hf'^braisme, idiotisme, id.
L,ingue hébraïque, voyelles
I en langue hébraïque, id.
Hél raïsaiits, irf.
■ lAntilogic, I.
Roésie des Hébreux, III.
T»>xtuaires juils, IV.
Tà'xte samaritain, id.
Paraphrases clialdaïqucSjid.
Ve^r.iion des Septante, Syiii-
BiKique, Théodotion, l'y-
«,lion, IV.
Bib/e grecque, I.
Ver(<ioiis grecques, II.
HeUénisnie , hellénistique,
hellénistes, id.
Bibles orientales, I.
l'hali^éennes, id.
Syriatpies, id
Cophies, id.
Ethio|ii('niies, id.
Arméniennes, id.
Persanes, irf.
Moscovites, irf.
Bible latine, irf.
Vulg3te,JV.
Bible en Uiiigue vulgaire, I.
Commentaires, chaîne, çom-
nienialeurs, irf.
* Archéologie, id.
■ Ancien Testament.
Alliancp., I.
Ociatl'uque, III.
Heptateuque, U.
Pentaieiiriue, UI.
Genèse, U.
" Cosniiigonie, I.
* Géologie, U.
* Firuiameni, II.
* Chaos, I.
* Astri'nomie, I.
' Zodiaques, IV.
* Denderali, II.
* Esiié, id.
' OEuvre des six jours, 111,
* Chaleur du globe, I.
* Longévité, ni.
"Génératiousspontanées, U.
* Ethnographie, U.
I Lingujsiique, UI.
"Révélation primitive, IV.
* Volcans, id.
' Races humaines, IV.
* Humaine (unité de l'es-
pèce), U.
* Islande, id.
' Minéralogie, IU.
Création du monde; palin-
génésie, I.
Antiquité du monde, III.
Monde, physique du monde,
cosmogonie, cosmol'ogie,
id.
Hexauiéroii, ouvrages des
six jours, semaines de la
création. 11.
Ciel,lirmainenl,empyrée,id.
Terre, IV.
Ténèbres, id.
Lumière, III,
Soleil, IV.
Animaux, brutes, I.
Adam , protoplasie , Eve,
état d'innocence , chute
d'Adam, I.
Paradis terrestre . Eden,
jardin d'Kden, UI.
Nalure, état de pure na-
ture, id.
.\rbre de la scieuce, I.
Arbre de vie, lit
Serpent tentateur, lY
Abel.I.
Cain, id.
lléuuch, II.
DiCT. DE ThÉOL. DOGMATIQIE IV.
liGS
Patriarches, III.
Loi naturelle, III.
Loi' traditionuelle, id.
péanis. II.
Aniédiluvicns, I.
Déluge universel, cataractes
du déluge, U.
Noé, III.
Arche de Noé, I
Arc-in-ciel, id.
Cham, I.
Noachides, III.
Tour de Itabel, langues,
confusion des langues, !.
Dispersion des peuples, H.
Peuple de Dieu, III.
Abraham, Sara, Mauibré, I.
Pain d'Abraham, III.
Palestine, terre promise,
lamine, IV.
Egyptiens, U
Hiéroglyphes, IH.
Lotli, ul.
Frères, U.
Sodome, IV.
Mer Morte, Asphalte, IH.
Ammonites, I.
Moabites, UI.
Chaldéens, I.
Clianaiiéens, irf.
Entants d'Abraham, Génite,
II.
Tenlaiion d'Abraham, IV.
Circoncision, prépin'e, 1.
Abra,siiivantedeUébecca,I.
Jacob, Esaii, Ul.
Juda, lils de Jacub, id.
Joseph, irf.
Songe de Josepu, « .
Voyageur, id.
EXODB, U.
■ Révélation mosaïque, IV.
Moïse, 111.
Aaron , Coré , Dathan et
Abiroii, I.
Jéhovah, Adonai, Tetra-
grammaton, III.
Plaie d'Egypte, HI.
Prodige, irf.
Pâiiue juive, Phase, IV.
Agneau pascal, I.
Aillé, droit d'aînesse, rachat
des aînés, irf.
Mer Rouge, Ul.
Israélites dans le désert, U.
Nuit hébraïque, III.
Nuée, colonne de nuée, id.
Tribus d'Israël, IV.
Manne du désert, Ul.
Tabernacle d'alliance, IV.
Mont Sinaï, id.
Tables de la loi, H.
Loi férémonielle, Obser
vaiice légale, id.
Arche d'alliance, I.
Pontifes, princes des prê-
tres, III.
Parvis des prêtres, irf.
Ephod, rational, pecloral,
oracle, tiare, U et IU.
Pains de proposition, III.
Chandeliers du temple, t.
Sanctuaire, IV.
Saint des saints, id.
Mer d'airain, III.
Huile d'onction, H.
Sabbat jnil, IV.
Année sabbatique, id.
Hostie pacilique, U.
Veau, IV.
Veau d'or, id.
' Lieux saints, IU.
Levitiql'e , cérémonies m-
uAÏQUES, id.
Feu, irf.
Stigmates, IV.
Sang, irf.
Miel, III.
1163
Viandes immolées, Idolo-
thyles, ir.
Viclimes, IV.
Expiation judaïque, 11.
Bouc émissaire, Azazel, I.
Souillures, impureté légale,
II.
Mort , funéroilles des Hé-
breux, m.
Cadavres, I.
Animaux purs et impurs, I.
Fêle des prémices des
fruits, III.
Moissons, id.
Gerbes, II.
Fêle des trompelles, IV.
Frtes des tabeinacles, id.
Fêles des pardons, III.
Jubilé des Juifs, iii.
NoMBnES, III.
Lévites, id.
Eau de jalousie, jalousie. II.
Loi judiciaire, III.
Lapidation, id.
Vache rousse, IV.
Serpent d'airain, id.
Balaam, I.
Béelphégor, id.
Villes de refuge, IV.
Néoniénie, III.
Dectéronohe, II.
Jugement de zèle, TH.
Mézuzoïh, id.
Bélial, I.
Orphelins, III.
Prostitution, iil.
Eunuque, II.
JOSUÊ, GAnAOMTES, II.
Guerres juives, id.
Jourdain, m.
Jéricho, id.
Dénombrement , énuméra-
tion, II.
Nalhinéens, III.
X,ylophorie, IV.
Remmon, fausse divinité, id.
Pierres de Josué, III.
-Tdges, Gabaa, II.
Baal, I.
Baaliles, id.
Asiaroth, Astatté, id.
Aod, id.
Gédéon, IL
Jephté, III.
Cliauios, I.
Samsou, IV.
Lévite, II.
KuTu, IV.
Les quatre livres des Rois,
Id.
Samuel, id.
Idole de Uagon, II.
Economie religieuse, id.
Saiil, IV.
Oint, onction des rois par les
prophètes, III.
Agag, Amalécites, I.
David, H.
Ob, Python, Pythonisse,IV.
Nathan,. iri.
Ahias, Achias, I.
Abiathar, AchiDiélech, id.
Salomon, IV.
Temple de Jérusalem, id.
Voile du temple de Jérusa-
li m, id.
* Rol)oam, IV.
Elle, H.
Mont-Carmel, I.
Hauts lieux, II.
Elisée, enfants dévorés par
les ours, id.
Naaman, III.
Josaplial, id.
Musach, id.
Nergal, id.
Nohestan, id.
Captivité de Babylone, l.
TABLE ANALYTIQUE ET METHODIQUE.
ADllOChuS, I.
Pabalipomènes, Chroniqdes,
III.
Astarothites, I.
Néoméiile, III.
Zacharie, IV.
Esdras, IL
Néhémie.m.
Tobie, IV.
Sépulture, tombeau, id.
Asmodée, I.
Judith, Sac, III.
EsTnEB , Purim, Phurim,
Fête des sorts, II.
Job, III,
Béhémoth, I.
Léviiuban, III.
Uésurreciion, résurrection
générale, IV.
Psaumes de David, id.
Nécinloth, III.
' Aigle, I.
Livre des Proveiides, IV.
EcCLÉSIASTE, II.
Cantkjue des Caniiqhks, T.
Livre de la Sagesse, Pana-
rète, IV".
* Choléra-Morbus, I.
KCCLÉSIASTIOUE, IL
PnOPHÈTES, III.
Mission de Prophètes, id.
Visions prophétiques, IV.
Prophétie, accomplisse-
ment des prophéties, III.
Isaïe, II.
Horloge d'Achaz, id.
Jérémie, III.
Lamentations de Jérémie,
id.
Les Rédiabites, IV.
Baruch, I.
Repas du mort, IV.
Ezéchiel, II.
Gog et Magog, id.
Pygmées, ill.
Daniel, Siisanne, II.
Eulants dans la fournaise,
Sidrach, Misach et Abde-
n.igo, id.
Narbuchodonosor, III.
Maozim, id.
Monarchies de Paniel, id.
Semaines de Daniel, IV.
Petits Propuètës, id.
Osée, III.
Joël, id.
Ani09, I.
Abdias, iil.
Jouas, III.
Michée, id.
Nahum, id.
Habacuc, IL
Sophonie, IV.
Aggée, I.
ZaclKirie, IV.
Malacbie, III.
Faux prophètes, iU.
Machab£es, id.
Bahim, id.
Scénopégie, IV.
* Alexandre le Grand, L
Scclcs juives.
SECTES JlJIVES, IV.
Jdiis, m.
Massorèies, id.
Assidéens, I.
Caraites, id.
Dosiihéens, H.
Samaritains, Adramélecb,
Azima, Thartac, IV.
Héliognosliques, IL
Sébuséens, IV.
Masboihéeus, III.
Hémérobaplistes "
Galiléens, id.
Saducéens, IV.
Scribes, id.
Pharisiens, IH.
Hérodiens, II.
Zélateurs, IV.
Esséuiens, II.
Thérapeutes, IV.
Rabbins, id.
Gil.tïUl, II.
Cabùle, Gématrie, I.
Talmud, Gémare, Misna, IV.
Synagogue, id.
Oratoire des Hébreux^ III.
Cozri, livre juif, 'I.
Deutérose, II.
No'mbre de sent chez les
Juifs, IV.
Urim et Thummim, id.
Gaon, Guéonim, IL
Kéry, Kétib, III.
Kijoun, id.
Késilah, id.
Machasor, id.
Médraschim, id.
Mégillolh, id.
Ibum, 11.
L'ulSTORfEN JOSÈPHE, id.
Crilique sacrée.
CRITIQUE, I.
Phili)lo!ïie sacrée, III.
Allégorie, 1.
Proverbes, III.
Abaissement, I.
Abandon, id.
Abîme, id.
Ablulion, id.
Doclrine évangélique, II.
Abomination, I.
Analhéme, id.
Anciens, id.
Bénédiction, id.
Coupe de bénéificlion, id.
Chair, id.
Clef, id.
Climat, id.
Cœur, id.
Commencement, id.
Cordeau, id.
Feu, II.
Génuficxion, id.
Huile, id.
Jour, III.
Jugement, id.
Juste, id.
Nouveau, id.
Observer, id.
Odeur, id.
Ombre, id.
Oreille, id.
Os, id.
Pai.x, id.
Patience, id.
Parents, id.
Pécheurs, id.
Pieds, id.
Premier, id.
Profanation, id.
Pur, Pureté, id
Temps, IV.
Tète, ill.
Téraphim, id.
Torrent, id.
Vase, id.
Verge, id.
OEil,Yeux,nL
Ivresse, IV.
Zèle, id.
Nouveau Teslamtnl.
EVANGILE , HISTOIRE
EVANGELIQUE, H.
* Révélation chrétienne, IV.
Evanuélistes, id.
S. Mauhieu, UI.
S. Marc, id.
S. Luc, id.i
S. Jean, id.
Harmoiiie , concordes des
Evangiles, I.
-^
toniexte oes Evangiles, I,
Paraboles, III.
Morale philosophique, id.
Morale'évangélique, id. •
Téuèl)res évangéliqnes, IV.
lîvangiles a|>ocryphes, II.
— des E^'vptiens, Jd.
ProlévauKile de saint Jac-
ques, IV.
Actes de Pilale, Pilate, III.
Oracles S.YbiUins, IV.
Iclilvs, 11.
Jî^sus-Cbrist, Sauvedb, Sa-
• LUT, jd.
Sa nature divine et hii-
maine, id.
Sa mission., III.
Ses avènements, I.
Loi de grâce, III.
Divinité (lu Verbe, U.
Jlessie, III.
MvniE, MiiBE DE DiBO, la
Sle Vierge, Notte-Uame,
ill.
Nalivilédela SI e Vicrge.id.
Assomption de la Sainte
Vierge, I.
Zacliarie , |.àfe de ■saint
.lean-Ga|iliiite.,iiy.
Annojicialion de lA Sainte
Vierge, I.
Visitation de la Sainte
Vierge, IV.
M.agni(icat„JU.
Généalogie de,J.-C., ,11.
Génération 4e J.-C'id.
Saint Joseph, id.
Nais-sanoe dd Sauveur, III.
Bethléem, I.
Crèche duSauveor, L
Circoncision, id.
Nom de Jésus, III.
Emmanuel, IL
* Hluile miraculeuse, id.
Mages, III.
Vocation des Gentils, IV
Massacre des InnoceulS, H.
Peiithèse, l'nrilication, Pré-
sentation au temple, III.
Nazaréens, id.
Jean-Baptiste, id
Le royaume des cieux, IV.
Tentation dans le désert, îd.
Satan, IV.
Voie du Seigneur, id.
DérollatioLi de saint Jean-
Baptiste, II.
Noces de Caua,eaacliangée
en vin, I.
Parauymphe,amide l'époux,
III.
Métrète, mesure, id.
Disciples de J.-C, IL
Temple, IV.
Vendeurs chassés du tem-
ple, id.
Nicodème, III.
Obsession, possession du dé-
mon, démoniaques, Uada-
réniens, id.
Béelzéhub, I.
Capharnaum, id.
Miracles, III.
Thaumaturge, IV.
Guérison des malades, H.
Sermon sur la montagne,
IV.
Raca, id.
Géhenne, !..
Mammona, III.
IMiiison Oominic.,Pff<cr,W.
Publicains, id.
Pisi'iric i)rolialique, id.
MuUi|Iicalion des paius.id.
Chaiianeeniie, I.
Renoncement à soi-même,
IV.
Translignration, id.
HGS
Femme adiilière, I.
Sein (J'Abraliam, IV.
3ui;oin(Mit dernier, IIÏ.
Elus, 11.
Résurreclion de Lazare, III.
Marie-Mailelciue, id.
Hosaiina,rr.
/.:iclKiric, lils delîaiiidi, lY.
l''imii(M' inaiidil, II.
(Iliaire do Miiise, I,
Parascève, III.
Ciiiie, I.
Cénaile, id.
LaviiiHMil lies pieds, III.
Judas Ucaricilp, id.
Passiiiii, suull'iMuces de Jé-
• s«s-riirisi.!(/.
Agoiilp dfi Josus-Christ, I.
San;; di' .lésus-t'.lirisl, IV.
Calii (. de J ésus-Cluisl, I.
("orlian, id.
Giil/utlia, Calvaire, iU.
r,roi.\, i(/.
Vérouiiiue, IV.
(Irucllienicut, I.
Heure à laquelle J.-C. fut
mis eu croix, IF.
' Mon do Jésus-Christ, III.
TABLE ANALYTIQUE El ÎBÈTHODIQUE.
Eclipse, UMu"'bres à la mort
de Jt'.sus-Chrisl, II.
Voile du Teui|)le, IV.
Lnubes, III.
.Sindoii, suaire, IV.
."^aini Sépulcre, id.
Uésurrccliou do Jésus-
Ciirist, id.
Les trois Maries, IH.
Apparition do Jo.sus..Cbrist
aprt'3 sa résurrection, I.
Ascension de J.-C; id.
Actes des .H'Ûires, I.
Apùtres, id.
Doi irine aiiosloli(|Uo, id.
S. Pierre, Céplias, id.
S. Jac(|ues le Majeur, III.
S. l'iiilipp ■, id.
S.Barlheleniv, I.
S. Tlioinas, IV.
S. Jaciui's le Mineur, III.
S. Tliadée, .S. Judo, id.
S. .^iinon, IV.
Mission des apiMrcs, III.
Canons des apôtres,'!.
Symliole desapfilrcs, IV. '
Dispersion des apôtres, II.
S. Matthias, 111.
I'l-.NTEi;l5lE (lllBériRNNE, IH.
Prosélytes, id.
liuLISË DE ]ÉltU$.lLB.M, n.
Iteriiphaii, IV.
Auanie et Saphire, I.
Communauté de biens, id.
Veuves, IV
Vierges, id
Diacre, II.
Pruto-iuirlyr.H. Etienne, IV.
Conversion de S. l'aul, III.
Nations, id.
' Jérusalem (deslr. de), id.
CuilKrIENS, Chiusti.vsismk, I,
Jlai)iis des chrétiens, II.
lîei.as des chrétiens, IV.
liepas do charité, Ag;ipes, I.
M(euis des chrétiens, lll.
Chrétiens jntlaîsanis, I.
Jiglised'Antioclie, id.
S. V.KVL, III.
Kpitres de S. l'anl, H.
Aux lîomains, IV.
.'lux Curiulhiens, I.
Aux lialate.s, II.
Aux Cphésieiis, id. •■
Aux Fhilippiens, III.
Aux Colossiens, I.
14160
Aux ThessaloDiciens, IV.
ATiinolhée, id.
A Tlie, id
A Philémou, III.
Aux Hébreux, II.
Vieil hounnc, id.
Illapse, Kxtase.id.
Mur.in-Alha, III.
Voile, IV.
H liser de paix, 111.
Pédago^'ne, id.
Miuniurc,id.
Viiiimes, IV.
Méilialour entre Dieu ot
riiumnie, lll.
Ki'itnE DE S. Pierre, id
Dyscole, II.
EriTHcs DE S. Jean, 111.
Antéchrist, I.
iLi'iTni: DK S. jAcyDES, IU.
l^i'iTnB DE 9. JHde, id
Apocalypse, I.
Aliaddon, id.
Michel, III.
Alpha et Oméga, I.
'J'nADlTIONS,TnAI>lII0M OBALE,
IV.
* Inscriptions, II.
SECONDE PARTIE DE LA THÉOLOGI
L'ÉGLISE CATHOLIQUE.
r« DIVISION.
Piopagnlioa île l'Eqlise ca-
EGLISE, II.
■EuMse triomphante, id.
'EKlise sunll'ianle, îd.
' ICfîlise militante, id.
' Uévolutions (les) cl l'E-
L-lise.lV.
CnUISTIANIS.ME, I.
Clirrtieuté, id.
lli>rou\E, II.
Ilistoiro ecclésiastique, id.
Cui|ierenr, éditsdcs empe-
reurs, 1.
Pbrsécutcubs, III.
Persécution, violence, oon-
ir.iinte, id.
Mart^rc, supplices, id.
Martyrs, id.
Coulesseurs, I.
l'raditenrs, IV.
Eglise d'Asie, I.
Eglisk d'Abarie, id.
Eglise DE Si rie, IV.
Cliréliens Orientaux, III.
Chrétiens Maronites, id.
Ei-.LISEnE Ho.ME, IV.
E!,'lise L:itinc, 11.
ScliismcIV.
Schisme d'Occident, id. ■
Papesse Jeanne, III.
Eglise Urecoi'e, U.
Schisme des Crées, IV.
Parailéliqup, lII.
P;ip:iS gr.'cs, id.
Xéroplia'.;ie, IV.
S.vnaxarion, id
'l'elraodion, id
I.aosynacle, II.
l.cclicaires, III.
Macarisme, id.
Menée, Ménologe, etc., id.
Ilorologion, 11.
l'Morilége, Anthologe, I.
Alphaliel, id.
Méiaiioéa, III.
Ilafriosiilère, II.'
IIo:i = --ns, id:
lh>li"iiiiie, id.
MiMmele. id.
îvnaxe, IV.
Dfpiyques, II.
Eucologo, III.
l'erm ntaires. id.
Eullianasio, id.
Colyhes, I.
Copiate, id.
Chérnhiqup, id.
Antityiie, id.
Aniocéphales, id.
Eglise de PcnsE, lll.
— d'Ethiupib, Arissins, II.
— «'Alexandrie, 1.
Lettres pascales, III.
Eglise gallicane, II.
Pèlerinage, id.
Croisade, saint sépulcre, IV.
Massacre de la Saiiit-Bar-
Ihélcmy, I.
Eglise «'.Verique, id.
Typase, IV.
Conveisiiin des .\hicains, I.
Inlerveiilion dans l'Eglise
d'Alrique. II.
Iconoilnli', iconol;\tre, id.
l.éf;ion rulminaiiie, III.
Lé^idii iliéSétniie, id.
Consl:nilin, II.
Vision de Constantin, IV.
Lahai'um, III.
L'empereur Julien, id.
Euslathiens catliolii|ues, II.
Eglise d'Egïpti:, id.
Cliréliens rophles, L
Ei:lise d'I'"spag>e, II.
liilesmo/arahes, III.
EgLI E o'ANGLKTFnRF, I.
Suini '1 hoiiias Deopiet, IV.
Schisme d'An_leterre, id.
Eglise d'.\llesiacni:, 1.
Trêve de Dieu, IV.
Intérim de Charles V, II.
Confession dAu;,'sbonrg, I.
Cenluriatcurs de Magde-
bourg, id.
Eglise do Nobd, III.
Eglhe de Moscovie, Russie,
IV.
Eglise de Sdède, Goths, U.
Eglise de Poixigne, lll.
Eglise de 'I'artarie, IV.
Eglise DE Mingkélie, IIL
Eglise dfs Indes, il.
Br.imes indiens, Uramines,I.
Missi ms étrangères, Para-
guay, m.
Eglisejlu Japon, III.
E(jlise"ile la Chine, I.
Chréiioijs malaliares, III.
Biles uialaliares, id.
Eglise D'.'VMÉRlgUE, I.
Démarcation, II.
Il« DIVISION.
GovxernemeM cl ministres
de t'Kfilise catholique.
EGLISE MILITANTE, iiulé-
fectihilitéde rEs;lise , 11.
* Sainteté de l'Eglise, IV.
* Aposlolicité, I.
* Perpétuité de l'Eglise, III.
■ GouVernementde l'Eglise,
II.
* Controverses (Juge des), 1.
' Infaillibilité (dépositaires),
Notes de l'Eghse, III.
Catholicité de l'Eglise ca-
tholique, I.
n^-lise Jiif;iillib!e,ll.
Inldillihilistes, id.
L>' papel. ibère, lll.
Orllioiloxie de l'Eglise, id.
Immunités de l'Eglise, II.
Juridiction spirituelle, III.
EccLKsiASTiQiiES, id.
Discipline ecclésiasiiqoe, U.
Conciles, actes des conciles,
décrets, caiioni des con-
ciles, 1.
Conciles o'cnméniques, IH.
Concile de Xicce, id.
1' de Conslantinople, I.
D'Epljése, II.
De Ch:ilcédoine, I.
Il' de (Ainslanlinople, id.
Aflaiie des 5 Chapitres, id.
iir de Constaaiinople, id.
■•Assemlilées religieuses, I.
De Xioce, IIL
IV de Conslantinople, I.
Les qiuilre conciles géné-
raux de Latran, III.
Les deux conciles généraux
de Lyon, id.
De Coi i.sta lice, I.
De Bàlo, id.
De Elorence, II.
De Trente, IV.
Concile in ï rtillo, id.
Concile Quinisexte, IV.
Droit Cauoiiiipie, II.
Lctires canoniques, III.
Clémentines, I.
(a) Conciles nationaux, I.
(a) Synode, IV.
Pape, papai;té, chef do l'E-
glise, 111.
Saint-siége, Eglise de Home,
chaire de S. Pierre, IV.
Primauté du pape, IU.
Tiare, IV.
' Anneau du pêcheur,!.
* Ceiiire d'niiilé, id.
* Indéledibilll ', II.
* Déel.ir.ilii'ii du clergé de
France, id.
' Infaillibilité du pape, id.
* Cathedra (e.r), l!
* Causes m^ieiires, id.
•Honiface VIII, 1.
■ Grégoire VU, H.
* Ilonorius, II.
■ Dogmatiques (faits), H.
(a) Collège de cardinaux, I.
Aiitii^apes, id.
Succession des uasluurs ,
1\.
Palriarches, 111.
Collège de cardinsiiv, 1.
Couslitut. apostoliques, id.
Décrétiiles, II.
Bulle, bref, I.
Bulle in Ctcna Domiiii, id.
Appel au fut i.r concile, id.
Appelant, id.
Clerc. Clergé, id.
Pontifical romain, IH.
Pasteurs des Eglises, id
' Ministère, llf.
' Ii)si|;ulion des ministres
de la religion, 11.
' Circonscription diocésain»
et paroissiale, 1.
la) Translation, IV.
EvÈQCEs, cpiscopat, U.
Coévé oue, I. »
Chorévèque, iiL
Mécroiomie, lîl.
(a) Primai, id.
■ .Méiropole, id.
Evèqiies régioiinair«»,IV. ]
Chaire épiscopale, L
Crosse, i'
1167
Mitre, IH.
Croix pectorale, I.
Eleclion des évêriUPs, II.
Siège, évêclié, diocèse, id.
BésideiiCH, des évoques, IV.
Introoisalioiules évêques,H.
(a) Arclievi^que, I.
(a) Arclievêché, Jd.
' Appel comme d'abus, id.
Pallium épisropal, III.
Proloirône grec, irôiie épis-
copal, IV.
Cathédrale, I.
CoIlL-giale, id.
Chanoines, id.
Ctiapiiie en corps, id.
Abbé, abbaye, id.
Ofljcianl, célébrant, id.
Prédicateur, lieux, oratoi-
res, III.
Sermons, dominicale, para-
nèse, II.
Pénitencier, III.
C'apiscol, I.
Apocrisiaire, id.
Kcnnome, II.
Eccléslarqne, id.
Paroisse, III.
Presbytère, irf.
Casnel des curés, Iinnonires
des ministres de l'Eirlise.
I.
(h) Archidiacre, id.
(il) Archiprêtre, id.
(a) Cure, curé, id.
' Aumôniers, ik.
(«) Vicaire, IV.
(n) Ecolàlre, II.
(a) Chefcier, I.
(a) Déliniteur, II.
Vicaires, IV.
Prêlre, préirise, sacerdoce,
saci ificatenrs, III.
Imposition des mains, kei-
roionie, II.
Couronne dos prêtres, IV.
Ucnélices, biens ecclésiasti-
ques, 1.
Diaconat, H.
Diaconique, id.
Diacre, id.
Diaconesse, id.
Sous-diacre, I\.
Epistolier, II.
Ordres mineurs, III.
Portier, id.
Mansionnaires, id.
Acolyte, I.
Exorciste, II.
Exorcisme, id.
Lecteur, III.
Thuriféraire, IV.
Porte-croix, III.
Lampadaire, id.
Illuminés, II.
Syncelle, prolosyncelle,TV.
(«) Tonsure, IV.
• Liberté des Eglises, III.
' Liberté de l'Église galli-
cane, id.
' Articles organiques, I.
(n) Pragmatique sanction,
III.
Université, chancelier d'd-
. mver'ité, iv.
Ecole, II.
Ecoles.de théologie, f.nculté
de théologie, bachelier,
id.
Sorboniie, IV.
Acte sorbonique, id.
Chaire théologiqup, I.
Professeur de théol., III.
Paranymiihe, irf.
Gradué, II.
Licencié, licence, III.
Degré théologique, U.
Tentative théologique, IV.
TABLE ANALYTIQUE JET |METHODIQUE.
ACle en théologie, IV.
Aniique, I.
Résumpte, IV.
Vespérie iliéologique, id.
Majeure et mineure tliéo-
lotriqiie, III.
Censure des livres, I.
Inquisiteur , inquisition ,
S.-oUice, auto-da-fé, II.
(n) Excoraniunioalion, id.
(a) Susprnse. IV.
■ Séimiture ecdéslast., id.
(a) Kachat de l'autel, id.
' Kégale, id.
Conà-rcgation des Ililes, I.
Laïcide, m.
Ill« DIVISION. -
Culte et Lilnrqie de l'Eglise
cMlioliqiie.
CULTE DKDULIE.I.
* Culte de, Jésus-Christ, îd.
* Culte des saints, id.
Culte d'hyperdulie. II.
Culte de latrie, jd.
Culte public, pompe du
culte, I.
Férié, 'jour de férié, II.
Fêtes, id.
Pries mobiles, id.
Canon pascal, III.
Pétes solennelles, II.
Sanctilication des fêtes, id.
Vigiles, veille, IV.
Octaves, III.
Dimanche, II.
Ouatre-Temps, IV.
Aveni, I.
Nofd, IIL
Circoncision, I.
Epiphanie, 'Théophanie, II.
Purification de la Vierge,
Présent.ition, Penthèse,
la Chandeleur, I.
Se|>tu3gésime, Azote, IV.
Apocréas , Sepluagéslme
chez les Grecs, I.
Sexagésime, IV.
yuinquagésime, id.
Mercredi des Cendres, I.
Carême, id.
Dim.inche des Rameaux,
Palmes, IV. .
Semaine sainte, ténèbres,
id.
Pâque, phase, id.
Agneau pascal, azyme, I.
Temps pascal, III.
Ouasimodo, IV.
Rogations, id.
Ascension,!.
Pentecôte, III.
Trinité, IV.
FêieduSiinl-Sacrement.id.
Transfiguration, id.
" Corps de Jésus-Christ, î.
' Cœur (dévotion au sacré),
id.
* Culte de la Sie Vierge, Jd.
Fêle de la croix. Invention,
Exaltation de la croix, I.
Fête du nom de Marie, III.
Concept iou immaculée, Pa-
nacraute, I.
Visitation, IV.
Compassion de la Vierge, I.
La fêle de tous les saints, IV.
Coinniémoration des morts,
fête, mfines des morts, I.
Vigiles des morts, IV.
Fuuérailtcs, obsèques, pom-
pe funèbre, convoi, cime-
tière, embaumement, II.
Catacombes, I.
Dédicace, encémcs, consé-
cration des églises, II.
Encolpe, brandeinn, reli-
ques. cli;\sses. IV.
Translation des reliques.IV.
Prières des 40 heures, id.
Fête de l'ane, II.
Fête DES fous, id.
Eglises matérielles , tem-
ple, ornera. <l'église, ià.
Basiliques, I.
Absis, id.
Chieiir d'église, id.
Sanctuaire, IV.
Chapelle, chapelain, I.
Nef d'église, III.
Nil he, id.
Autel, table de l'autel, tom-
beau, I.
Crucifix, id.
Tabernacle, IV.
Prothèse grec, III.
Bénédiction des cloches de
l'église, I.
— des drapeaux, II.
Eau, libation, eau bénite, id.
Parfums, encens, id.
Cierge, luminaire, cierge
pascal, I.
Vases sacrés, IV.
Ciboire, I.
Calice, id.
Disque, patène, III.
Habit clérical, II.
Habits sacrés, ornements
pontificaux, sacerdolaux,
aube, férule, chape, dal-
matiipie, chasuble, mani-
pule, élole, surplis, H.
Aumusse, 1.
Linges sacrés, pale, lavabo,
autimense, 111.
Offrande, pain bénit, pain
azyme, id.
Bannière, I.
Gonfanou, gonfalon, II.
CÉRÉ.M0NIES religieuses, I.
Rite, cérémonie, id.
Rite ambrosien, id.
Liturgie, grecque, III.
llitiiel, IV.
Rubriques, id.
l'iières publiques, heures
canoniales, matines, lau-
des, prime, tierce, sexte,
none, etc., II.
Service divin, I-V.
Olllce divin, bréviaire, diur-
nal, occurrence dans le
bréviaire, lil.
Chant d'église, I.
Musique d'église, III.
Chant grégorien. II.
Psalmodie, psalniiste, psau-
mes, III.
Doxologie, II.
Hymne, id.
Martyrologe, IH.
INécrologe.td.
Messe, id.
Missel, îd.
Signe de la croix, I.
Introït, II.
Kjiiie eleison, Gloria in ex-
celsis, etc., id.
Sanclus, Trisagion, IV.
(^aiion de la messe, 1.
Invocation dans la messe, II.
Elévation de l'hostie, id.
Ayniis Dei, biiser de paix,
osculwn pncis, I.
Voix haute et voix basse
pendant la messe, IV.
Messe des présauctiliés, III.
Saints, iieuvaines, 111 et IV.
Salutation angélique, IV.
Rosaire, chapelet, palonô-
tre, id.
' Ampoiilo (saintf).
Oraison, 111.
Oraison iiioiitale, id.
Oraison secrète, IV
1168
Oraison Jaculatoire, II.
JV« DIVISION.
Ennemis de l'Eqiise railio-
iique.
IMPOSTEUIIS, H.
Séducteurs, IV.
Novateurs, III.
Hérésiarque, U.
Hérésie, id.
Secte, IV.
Hérétique, II.
Héréticité, id.
Erroné, id.
Hérétique négatifs, ia.
— latitudinaires, id.
— relaps, IV.
Renégat, apostat, I.
Confession, symbole des hé-
rétiques, I.
Conciliabules, synodes des
hérétiques, id.
Contradiction des héréti-
ques, id.
Hétérodoxie, II.
Rétractation deshérétinues,
IV.
* Hyménée, II.
Antitrinitaires, I.
* Farcinistes, id.
Catabaplistes, I.
Simoniens, IV.
Ebionites, II.
Cérinihiens, I.
Nicola'ùes, III.
Ménahdriens, id.
Apollonius de Tyaoe, I.
Angélitcs, id.
Borhorites, id.
Cléobiens_, I.
Barules, id.
Docètes, II. '
Entichitps, td.
Eleruals, id. ■
Païens lapses , mittentes
sacrifiés, lliurifiés, III.
Messaliens, id.
Nyclages, id.
Sabhataires, IV. •
Tétiadiles, id.
Le philosophe Cei.se, I.
Basilidiens, id.
Saturniens, IV
Gnostiques, IL
Orientaux lévitiques, III.
* Aristotéliens, I.
ChILLIASTES, mlLLÉNAlRES, II.
Carpocratiens , harpocra-
lieiis, id.
Adainites, I.
Marcionites, III.
Cerdoniens, I.
Valentiniens, éons, secun-
diens, IV.
Théodotiens, id.
Colarbasiens,!.
Ouarto-déciuians, protopa-
schites, IV.
Bardesanistes, 1.
Abstinents, id.
Tatien, IV.
Luciaiiisles, III.
Apelli'iens, I.
Opiiit. s, 111.
MoHTANiSTF.s , pé|iusiens ,
phrygiens, calapliry;;ii'ns,
artnlyriles , quiniiluMis,
pi'HalorincliitPS, laliori-
les, priscillialiisme, pris-
ciihens, III.
Caintics, I.
Séthiens, IV.
Praxéens. III.
Ptolêniaîtes, id
Alogiens, I.
Théo|iaschiles , patripas-
siens, III.
Apolacliques, î. '
1169
Gnosimaf|iies, II.
Floiiiiicns, iil.
Barliéliols, I.
Elcésaïles, II.
EncialUes , liydropa-
rasies, iil.
Héracléopites, II.
].il)oll.nii|ue's, III.'
Heiihiiililes , her-
iiii(MiS II.
MarcosifiLS, III.
SaiiipsL'oiis, IV.
ï ropiles, id.
Sévériens, id.
Nazaréens, III.
Heliaptisaiits, IV.
Heniiogéiiiens II.
SC'loiioiciis, IV.
Noi^lieiis, m.
Valésiens, eunuques,
IV.
Sabellipris, id.
Kovalii'iis, III.
Sani(isall(Mis, paulinla-
iik les , abrahaniis-
les,IV.
Manichéisme , dualis-
me, ilithéisme, pau-
liciens , sacuuplio-
res, poplloaliis, eon-
solatinii maiiicliéeii-
iie, III.
Hiéraciles, II.
Aliélieiis, I.
Autltacles, irf.
Bracliiles, id.
Caïaiiisies nionopliy-
siles, id.
Enllioiisiasles, il.
Elh.ycopiosioptes, id.
Euoliilfs, id.
Meldiisi'ilOcii'u.s, III.
Sépulcraux . IV.
Méiikii-iis, III.
■ Arli'monlles, I.
DoNATisTEs, péiiliens,
claudiaiiislcs, ro-
{.{allstes, II.
.^BIANISME, ariens, sc-
ml , demi - ariens,
ariens (ousubsian-
tiateurs , liétérou-
slens, liomoousiens,
1.
Colluihiens, id.
Eunomlens, II.
Eusébiens , Macrosli-
«hc, id.
Auciieiis, I.
l'Iioliiiiens, III.
Aériens, érieils, I.
Macédoniens , pneu-
matom:iques, tropi-
ques, III.
Apolliu irisles, I.
Diiiiœrllcs, II.
llelvidiens, antidico-
mariaiiites, I.
Cnllyridions, II.
Joviiiiauisies, III.
• Ibas, 11.
V.GILANCE, IV.
1 USÈUE DE CÉSAKÉE, II.
Eudosieiis, id.
l'orphyriens, III.
Circoiicellions, I.
l'RISCILLIANlSME, III.
Tsalyriens, IV.
Uliéluriens, id.
l'atemiens, III.
\nlliroponiorphitcs ,
sacciens, I.
Auoméens, aéliens.îV/.
Ai-'uiii tes, id.
Euiloxieiis, II
lionosiaques, I.
Eiiiiuiniu - Eupsy -
chiens, II.
TABLE ANALYTroUE ET MÉTIIOniOUl!:-
Iloniinicoles, II. . .loacliiniites, II. r.aïcophaics anglais ,
Ithaciens, irf. Orbil)arieus, III. , III.
.Sabbataires, sinistres, Aposlolniues , dûici- Trisacramentaires.IV.
lùislalliiens, II.
II,\|isisiariens, id.
l.ncir'Tiens, III.
M;iMiiilainstes, id.
M:nvrlli.Mis. „l.
M.I:iii^;isinoiiues, !(/.
Id.
nisles, I.
Passafjers, III.
Aiiianri, I.
Condoriiiauls d'.\lle-
inaj;ne, id.
Flaj;ellaHtsd'U.die,II.
Capnuiali , encapu-
chonnés, I.
SaKarelliens, ségarel-
liens, apostoliques,
IV.
Cœlicoles, I.
SemI - PÉLAGIANISMÈ
MaSSlLIENS, IV.
Nestoriexs, THÉooonE Turlupins, id
de Mopsueste.cliré- l'e.^'gards, I
lif'iis de Saint-Tho-
mas, III.
EOTicniENS , limo-
lliiens , eaïanites ,
nionopliysiles, lié-
iioli<iues. II.
Mandaïtes, chrétiens
de Saint-Jean, III.
Melchitescalholinui'S,
id.
Pacili(]ups, id.
Agnniiistiqiies, I.
iKniiiaiiisiic's, II.
Hésitants, id.
Infra , sub , supra
lapsairns, id.
Traduciens calholi -
ques, IV.
Parsaniens , g.idanai-
tes, semi-duliies, I.
MoMiiHKMTES, ivpede
Zéijoii, Ixlhéje, III.
'i'riihéi-nic, IV.
l'riitociisles. id.
Arméniens, I.
Camoljardiles, id.
Jarobil.s, III.
l'.lirisldlyles, I.
C.'iiKiiiitos, id.
Is(ii hristes, II.
Ilélii ites, id.
l'orniplicoles, I.
MAnO.MKTlS.ME , AlCO-
n.iN, III.
Aifynnicns, I.
Kicètes, III.
l'asiuureanx, III.
tlotercanx, I.
Knsabatés, II.
WlCLIllTES, IV.
l.uliards, III.
llésyehasles, palami'
trs, id.
• Uéalistcs, IV.
■ Kominaux, III.
' Hayinond Lulle, IV,
* Jean de Poilli, III.
FiÈies picards. II.
Adesseiiaiies, I.
Danseur.s, II. ___ _.,
Eréres blancs, prus- Faind'isles, irf.
siens, m. Holliiiuiiisies, id.
Aucien.s hernhutes , Adrianisies, I.
nioràvos, id. A-iii:i(j.jicns, id.
Jean Uns, Jkbô.me de I^uianl^nle, id.
l'uAGUE , hussites , HesliusiiMis, II.
frères bohémiens, Anisdorliens, I.
orébites tliaborites, Antnioniiuns, id.
II. liorrélisles, (ri.
Frères blancs d'Italie, ArrUabonaires, id.
11. Ariiiontique, id.
CaiixtinsdcBohème.I. Socniieu?, trinitaires.
l'asloricides, III.
Hiiigis, id.
Pajonistes, id.
Majorisles, id. .
Syncréiistcs, IV.
Synerffistes, id.
Al)éeéd:iires, I.
l';U.'liers, III.
Adiapliorisles, anti-
iliaphoristes, I.
A11MINIAMS.MK , armi-
nii'iis, reinonlranls,
(■(lUtre-rL-nionlranls,
synode de Dor-
d'reeht, I.
Goniarisles, II.
Chercheurs hollan-
dais, I.
Coniaristes, id.
Dissidents polonais. II.
Illuminés d'Espagne,
id.
Internaux, id.
Dayidicpies , dayidis-
les , géorgiens, II.
Energiques, énergis-
tes, II.
Opiniouisics, III
Baiallots, I.
Hommes d'intelligen-
ce. II.
' Al)raliamites,
LuTiiEii, luthéranisme,
stancaneiis , snb-
stantiaires, carlosta-
diens, impanaleurs,
iiiip;inalioii, IletlII.
■ ino-
Cliaziiiz irions, stauro- Réformateurs, IV
hHres, I.
Parheriiiéneutes, III.
Elliiiophroncs, 11.
l.anipetiens, III.
'I liéocala^'iiostes, IV.
A^iioMNcliles, I.
Ii;o.\oi;la.steS, II.
Adopliens , Elipand,
Félix d'L'rgel, I.
Alhanai.s, id.
lrononia(|ues, id.
Bagudlicns, td.
Claude de Turin, id.
Gotesralc, II.
Siercoraiiistes, IV.
liaaiiites, I.
Asiasions. «/.
l'M:irins, III.
l'.MlIN.; lUINS, I.
Mctaiic rpliiles, III.
Umplialuphjsiques ,
id.
Cathares , catliaris-
Ics, I.
lîoiigimiiles, id.
PéiroLrusiens, III.
Tanchilin, IV.
(jiibert de la l'orrée,
porrélains, III.
Eoiiicns, II.
Ileiir.ciens, id.
ALiiir.Kois, I.
> ALliOlS , ItCKCAinES,
IV.
Arnakiisles, I.
Univcrsalisles, id.
Prulestanls, !(/.
Huguenots, II.
Particularistes, III.
L'iiiiiuislcs, IV.
Sacraiiienlaires, signi-
hcalils, IV.
Islébiens, 11.
Lulhéi iens invisibles,
III.
Cohtessionis'es, I.
Mélaiiclitlioiiiens, phi-
lippistcs, III.
ZwiiiKlicns, IV.
' Articles fondamen-
taux, I.
Anaiiaitistes, Iierhu-
Ics, fiircsmoraves,
gatirli'liles, anal)ap-
lisles libres, san-
guinaires , inonas-
lériens , nu-pieds
spirituels, I.
Anli-lu!liériens, id.
Osiaiidrieiis, III.
Calvin , iussacramen-
TAix, terniinistes, I.
Servélislcs, IV.
Collégiens, I.
CiiiiiniiiDicants, id.
Culte anglican, ordi-
nation des Anglais ,
épiscopaux, presby-
tériens, puritains,
disscntcrs, etc., id.
prus-
niiitaiies, IV
Brounisles. II.
Homincs de la S
narchic, id.
Meniiouiios, III.
■ .4priiies(Kaux),
Jansénisme , FoRsiu
LAIRE, 11.
Préailainitcs, IH.
Molinosisiiie, id.
yuiétisnie , inaction ,
IV.
■ Momiors, III.
■ Tieiiihleurs, IV.
Ilouritriioui^les, I.
Piélistes, III.
Quakers, IV.
Calixtiiislniliériens, I.
Kaltéiiiisies, verscho-
ristcs, 11.
Mauil'eslaires
siens. II.
Coccéieiis, I.
Erasiicns, II.
Cainéroniens, I.
Labadisles, III.
" Anticoncordalaires ,
I.
' Eglise (Petite), II.
' luvonimunicaiils,iri.
'Achaiuolh(Sophie),l.
■ Blanehard, id.
' Stévénisles, IV.
* Nouv. sectaires, id.
' Coiisliliitioii civile
dn clcr;;(-, I.
* Coiistilniionnelle(E-
Rlise), id.
' Libres penscurs,III.
' Ijiticisine, I.
* Haiioualisiiie, IV.
* Kantisme, III.
* Exégèse (nouvelle),
exétjètcsaileniands
11.
* Schel.ing, IV.
M 70
' Ilermésianisiiie, II
Uégélianisnie, id.
* Piiséysiiie, III.
■ Clirislu .vncium, I.
* lllniiiinisme. II.
' Illuminés uvignoii
liais, id.
' Eglise évang('liqi:e,
id.
' Tliéopliilanthrophie,
IV.
Strauss, id.
' Klisabelh , rcino
(rAiigletcrie, 11.
'Bibliques (Sociétés),
* Romantisme reli-
gieux , IV.
* Beligiosilé, id.
* Missions protestan-
tes, III.
* l lililaires, IV.
' Juifs chrétiens, 111.
* Sociétés secrètes ,
IV.
* Socialisme, IV.
* Saint-Simonisme, id.
' Francs-Maçons, II.
* Fouriérisme, \d.
' Béate de Cueiiza, I.
* Carboiiari, id.
* Coiigrégaiionalistes
nrtliO(lo\es,iri.
* Marlinisles, III.
* Mutilés de Russie,
m.
(a) Catholiques (Nou-
yelle»), 1.
* Eglise catholique
française. II.
* Miséricorde ( OEii-
vrede la), 111.
* Darliysuie, II.
* Ju laisine réformé ,
111.
* Fialinisles, II.
* Hopkinsians, id.
* Boliéiiiicns, I.
',\\all,ér,sn.s, IV.
* Trustées, id.
Nécessité ( Doctrine
delà), m.
* Néc.'.ssariens, l'rf.
OCUSN-ILLISMI:. liDLI.E
Uiii(i<nilns, IV.
Coiivuisioiiiiairi's, |.
Nouveau >. heriilmles,
III.
Méthodistes anglais ,
'.''■
MÉTHODISTES, CONVER-
TISSECBS I-BANCAIS ,
III.
V' DIVISION.
Dcfi'iiseiirs de i'I'.ifUie
culliolique pnr leurs
éiTÎf.S.
HEHMAS , Taslcur
d'Heiina», II.
Abgare d'iidesse, I.
Abdias de Babylone,
td.
AOTECnS , É RIVAINÏ
tCCLÉSlASTKlCKS, id.
Bihiiollicqiie des aii-
tcius ecclésiasti-
(pies, iri.
Docteurs , Pères de
rKKlise, II.
lloaiélie, id.
Science secrète des
l'ères, IV.
Dél'ei seurs des Egli-
ses, IL
Platonisme des ibe-
>mns cunÉTiE.NS ,
philosophie orienta-
le, édcclinues III
*t71
S. Clément, p»pe, ne-
cogiiUioiis du S.
Clùinem, I.
S. fguace li'Aruioche,
11.
Denis l'Aréopagile ,
aréopagites, iU.
Justin, id.
Apologie de S. Justin,
IIOj,'ésippe, II.
AlliéïKigore, I.
Heniiias, lU
Théophile, IV.
Iréiiéo, II.
ïcrtullien, IV.
Apologélique (Je Ter-
tiillien,Prescripliou,
Onoaichiies, I.
Clément d'Alesanv
ilrie, id.
Miniiihis Félix, HI.
Hippolyte, H.
Origène, III.
Tétraples d'Orleène,
IV.
Grégoire de Néocésa-
rée, II.
Cyprien, I.
Ariiobe, id.
I.actance, 111.
Jacfjue^de Nisibe, id.
Alhaiiase, I.
Hilairede Poitiers, H.
l'aiien, 111.
Cyrille de Jérusalem,
l'iihrem, II.
lîasile, 1.
Grégoire de NaïiaiHe,
II.
Antipodes, I.
Kpipliane, II.
Ainbrolse, I.
l'hilasire, III.
Grégoire de Nysse, II.
Jérôiue , III.
Théophile d'Alexan-
drie, IV.
Jean Chrysoslome, I.
Joaniiites, disciples de
•leau Clirvsostome ,
III.
Astérius, id.
Augustin , id.
Augustinianism*, id.
Maxime, IIL
Paulin, )•(/.
Sulpice-Sévère, IV.
(vrille d'.41e.\anJrie,
I.
riiéodorel, IV.
Kucher, 11.
Sidoine Apollinaire ,
IV.
Cassien, I.
\ inconldeLérins.lV.
Isidore de l'éluse, II.
Pierre Clirvsologue ,
III.
I.éon, pape, id.
Ililaired Arles, II.
l'rosper, III.
S^dvien, IV.
C.ésairc d'Arles, I.
I''ulgcnce de Huspe,
II.
Boëce, I.
Grégoirode Tours, II.
Grégoire, pape, id.
Isliloio deSévdle, IV.
I.eVénérableBède, I.
Jean Daniascèue, II.
TABLE ANALYTIQUE ET MÉTHODIQUE.
Alciiin,«
Agohard, id.
Rabaii-Maur, IV.
l'ascUase Itadbert, III.
Ilincmar, 11.
Odnii ,1e Cluny, lU.
Fnllicrt de Chartres,
II.
Oddoa, III. •
Pierre Daraien, id.
LanIVanc, id.
Auselme, I.
Art de saint Anselme,
id.
OKcuménius, III.
Ivesde Chartres, II.
Panoplie, III.
liernard, I.
Abailard, id.
Huguies^de Saint-Vie-
t(ir, H.
Kichard de Saint-Vic-
tor, IV.
Tliontas d'Aquin, iel.
Thomistes, id.
Scolistes, id.
lionaventure, I.
Jean Gerson, II.
Saint Antonio, I.
Lis Uollakdistes, id.
IlAolOCRAPHE-i, II.
Vies des saints, IV.
Légende, III.
Légenilaires, id.
EGLISE, ses défen.
sciirspnrtenrsverlns.
AGAPKTES , SOUS-
liSTKODUITE.S, I.
RelEGIF.UX , MOINES,
étal monasti(nie ,
gyrovagnes , sara-
baïtes, IIL
Religieuses , nones ,
clûlure des religieu-
ses, IV.
Ordres religieux, reli-
gieux meudianls ,
III.
Fondateur d'ordre ,
Ibndalions, II.
Institut, règle nionas-
liqne, id.
Novice, noviciat, III.
Vocation religieuse ,
IV.
Véture, prise d'habit,
voile, id.
Vœux iiionastitiues ,
obéissance, profes-
sion religieuse, id.
Pauvreté religieuse,
m.
Observance, usages ,
roulunies religieu-
ses, id.
{il} Archimandrite, I.
Couvent, monastère,
cloître, cellule, I.
Laure, 11.
Proseuche , oratoire,
id.
Coiilpe monastique, I.
Discipline des moines,
11.
Mol tiiieatiou des moi-
nes, III.
Uabils monastiques,
(Oule, II.
Malorte, III.
Mélote, id.
Scapulaires, IV.
Ilél"rmes religieuses,
id.
Anachorètes, I.
Solitaires, IV.
Cénobites, I.
Ermites saint Paul
Ermite^ II.
Acœmètes, I.
Stylites, IV.
Ascètes, I,
Ilégumèoe, II.
Frères convers, frères
lais, id.
Oblal, lil.
Obdbks jiilit.mreS , id.
Co.MMU.NAUTÉS ECCLÉ-
SlASTIOnES, I.
Congkégatioks de phé-
TRES, de religieux,
de piété, id.
Ecole de Chabité ,
S.iint-Yon, IL
HôrrL-DiED, xénodo-
qup, id.
Hospitaliers, Uospita-
lières, id.
Dames de charité, id.
Confrérie, cONtHÈRE,
id.
Pliroulistes, III.
Parabol mts, id.
Ordre de Saint -Ba-
sile, I.
Caloj ers grecs, id.
Panagie grecque, III.
Chanoines de Saint-
Jean-de-Laiian,2d.
BÉNÉDICTINS, I.
Gentil-donnés d'Italie,
II.
Ordre de Cluny, I.
Chanoines du Mont-
Corbulo, id.
Canialdules , ermites
de Camaldoli, id.
Valloinbreuse, IV.
Chartreux, I.
A'al-des-Clioux, IV.
Filles-Dieu , Font-
Evr3ud,II.
Victoiins, IV.
Temjjliers, id.
Préniontrés, III.
La Trappe , réforme
de la Trappe, IV.
Chanoines réguliers ,
Génovéfains, IL
Cilbtrtins, id.
Croisiers d'Italie, Croi-
siers de Bohême, I.
Ponliies, ill.
Grandmontains, II.
Matiiurius, 'Irinitai-
res, IV.
Religieuses triailai-
res, f'd.
Pauvres catholiques,
111.
Val-des-Ecoliers, IV.
Dominicains , Frères
Prêcheurs , Jaco-
bins, II.
Dominicaines, id.
Les Clairettes, 1.
Pères d ■ la Merci ,
Uédemplion des
captifs, III.
Franciscains, Conven-
tuels, Colletants, IL
Cordon de Saint-Fran-
çois, I.
Stigmates de Saint-
Fran,,:ois, IV
Cordeliers, I.
Porlioucule.IIl.
Franciscaines, IL
Tiercelaiiis, T'ierceli-
nes, Tierciaires, IV.
Béguins, Béguines, I.
Annouciade , Annon-
ciadede Itome, An-
' iionciade de Bour-
ges, id.
Silvestrins, IV.
Chartreuses, I.
Servîtes, IV.
Manlellale-!, IIL
Fralricelles, IL
Cordelières, Urbanis-
tes, L
Augustins , Petits-
Pères, Ermites de
Saint-.iiigiistin, I.
Frères Sachets ,
Sœurs Saclieltes, IV.
ErmitesdeS.-Paul,II.
Ilaudriettes, id.
Gulllelinites, id.
Bons-Hommes, I.
Religieux du Corps de
Jésus, I.
Olivétains, III.
Pénitentes dé la Mag-
delaine, id.
Ordre de Saint Sau-
veur, IV.
Jésuates, IIL
Jéronymites, ermites
de St -Jérôme, id,
Chanoines de Saint-
Georges d'AIga.II.
Apostolins, I.
Frères et Clercs de la
vie commune, II.
Congrégation de St-
Sauveur, IV.
Col latines , Oblates,
III.
Chanoines de Saint-
Marc, id.
Cellite,s, l.
Pauvres \oloulaires,
IIL
Minimes, id.
Récollets, IV.
Frères Consorts, L
Sœurs de la Faille, IL
Congrégat. delN.-D. L
Frères, Soeurs de la
Charité, If.
Clercs réguliers, Ser-
viteurs des mala-
des, r.
Théatins, IV.
Coloriles, I.
Ursulines, IV.
Jésuites, compagnie
de Jésus, Ht.
Somasques, IV.
Observantins, III.
Pauvres de la Mère de
Dieu, id.
Dimesses, IL
Théalines, IV.
* Agréda (Marie), I.
* Propagation de la foi
(OKuvre de la), IIL
(a) C'ingrégàtions, I.
(f() Confrérie, id.
' Constitutions monas-
liques, iit.
la) Cloitre, id.
(!;hapitre, assemblée
de chanoines ou de
religieux, id.
(a) Augustins ( cha-
noines ), id.
(a) Augustins ( reli-
tn2
gieni,, >.
(a) Augustins (réCot-
més), id.
(n) Barnabites, id.
[a] lîeruardins, id.
(a) lieriiardines, id.
(a) Capucins, id.
(a) Carmes, id.
(«) Carmes-Déchans-
sés, id.
' Carmélites, id.
(a) Calvaire (congré-
gation du), id.
(a) Célestins, id.
[a) Claire (religieuses
de Sainte-), iU.
(a) Clairettes, id.
" Clémeulins, id.
* Cœur ( institut dil-
Sarré-), iii'.
' C'-Pur (congrégation
du Sacré-), id.
(«) Croix ( Filles de
la), id.
* Maristes, III
* Méchitaristes, id.
* Passionistes, id.
" Oblats de Marie im-
maculée, id
Feuillans, IL
Confrérie de la Tri-
nité, IV.
Clercs mineurs, III.
Feuillanlines, II.
Ermites de Saint-
Jean-Bapiistede la
Pénitence, id.
Chanoines de Saint-
Colomban, I.
Picpus, Pères de Na-
zareth, IV.
Religieuses de la Vi-
sitation, id.
Congrégation de l'O-
ratoire, IIL
Doctrinaires, Il
Jésuilesses, III.
Clercs réguliers des
Ecoles pies, II.
Lazaristes, III.
Bénédiclines, I.
Ordre de la l'réseu-
tatiou, m.
Calvaire, 1.
Pénilenis, IIL
Religieuses du Re-
fuge, IV.
Congrégation deN.-S.,
id.
Barihélemites, I.
Eudites, II.
Frères des Ecoles
Chrétiennes, Igno-
ranlins, id.
Filles de l'Enfance, id.
Josépliites, Crélenis-
tes, sœurs de Saint-
Joseph, III.
Religieuses de la Tri-
nité créée, IV.
Hospitalières de St-
Thomas-de -Ville-
neuve, id
Pénitentes d'Orviete,
III.
Filles de l'Union Chré
tienne, IV.
Miramioncs, III.
Betliléémites, I.
Chanceladins, I.
* Archiconfrérie du
Saint-Cœur de Ma-
rie, I.
FIN DE LA TABLE ANALYTIQUE.
z^:^.
.CI